O, t?tc tter*da m , CA^z. uZehi ter HISTOIRE NATURELLE ET MORALE ILES ANTILLES DE L'AMERIQUE, Enrichie d'ungrandnomhre de helles Figures en taille douce, qui repre/éntent au naturelles Places y &r ks %arete^lesplu4 conjlderables quij/Jont décrites. Avec un Vocabulaire Caraïbe. DERNIERE EDITION. Reveue & augmentée far V Autheur d'm Récit de l'Eftat prefent des célèbres Colonies de la Virginie ^de Marie- Land, de la Caroline, du, nouveau Duché d' York tde Penn-Sylvaniaté* de la nouvelle An- gleterre,fîtuées dans l' Amérique feptentrionale,& qui relè- vent de la Couronne du Roy de la grand' Bretagne, Tire fidèlement des mémoires des habit ans des mêmes Colonies , en faveur de ceus% qui auroyent le dejfein de s'y transporter pur s* y établir* A ROTTERDAM, Chez REINIER LEERS, M. D C. LXXXI. MONSIEUR MONSIEUR DE BEVEREN GOUVERNEUR D E L'ILE DE TABAGO, Tour les Hauts & <î>uiffans Seigneurs les EJlats Généraux des TroYtnces Vnks du Tàis-bûs. O N S I E U R, Ayant efté convié de revoir l'Hi* (loire Naturelle & Morale des Iles Antilles de l'Amérique , & d'en procurer une Edition nouvelle,qui fut enrichie de plufieurs Defcrip- tions , ôc de quelques figures ôç a 3 éclair- EPISTRE. ëclaîrciflèmens, qu'on defiroit en la précédente: j'ay creu que je ne pou- vois rechercher une protection plus avantageufe à toutes ces additions, qu'en leurfaifant voirie jour à la fa- veur de vôtre Nom, qui eft autant célèbre dans cette partie du nou- veau Monde, dont ce Livre traite, qu'il eft illuftre & de bonne odeur au milieu de nous. Mais bien que je fois perfuadé,que ce petit Ouvra- ge doive recevoir un ornement Se u n éclat tou tparticulier de la liberté que je prens, & que je confefle hau- tement, qu'il a befoin de cet apu y, pour paroitre aus yeux d'un fiecle tres-éclairé , & qui a fujet d'exami- ner plus feveremen t que par le pafle, les EPISTRE. les pièces de cette nature qu'on luy prefènte : ilfautneantmoinsqueje vousavouë, Monsieur, que ce n'efl point tant fbn propre intereft, qui m'oblige à vous Pofrir , que le defir qui me preflè,de donner au pu- blic quelques preuves de la grande eftime que ie fais de vos eminentes vertus, & fîngulierement de vôtre p:eté, de de ce zèle que vous avez pour Favancement delà gloire de Dieu , dans cette aimable Colonie, qui recueille avec ioye les dous Fruits de vôtre fage conduite , dépuis que la providence vous y a appelle, il eft vray , M o n s i e u r , que n'ayaut pas le bien d'eftre connu de vous , iayfuietd'aprehender,que d'abord vous EPISTRE. vous ne foyez furpris de mon pro- cédé : mais fi vous me permet- tez de le iuftifîer, ic vous diray s'il vous plaît , qu'en vifitant durant mes voyages la plupart des Iles de T Amérique, ôc trouvant celle de Tabago entièrement deferte , bien qu'elle me parut richement pour- veue , de tous les avantages natu- rels , qu'on eut pu defirer pour re- cevoir des Habitans : ie fouhaitois dés lors , que quelque perfonne d'autorité , prit la refolution de la faire cultiver comme elle le meri- toit : de forte, qu'ayant en fuite en- tendu , que Mefsieurs Lampfins y avoient fait porter à leurs frais & dans leurs propres vaifTeaus , plu- fieurs .E.itrcn re; fieurs braves hommes, pour y éta- blir une nouvelle Peuplade , (bus là Commifsion & les favorables aufpices des Hauts & Puiffans Seig- neurs les Eftats GenerâUs des Pro- vinces Unies duPaïs bas, & qu'ils vous avoient présenté à leurs Hau- tes Puiiïances , pour y comman- der en leur Nom : je bénis Dieu de tout mon cœur de ce genereus deflein, &de 1 excellent choix-que ces Seigneurs avoient fait de]v^W qu'en plufieurs fujets ikontprjs le blanc pour le "noir , hr que faute d'aVoir mÙknkmpm, mbïenretem ta chofes , ils ne nous les raportentpéts dans leur naïveyerité : quoy qu'au resle leur intention ne fktpm de mus tromper. Mais au contraire Sesl un grand avantage , quand de tels Ouvrages font comfio- fe\par des Jouteurs , ou l'on peut reconnoiÛre tom enferme ces trois conditions , d'eflre desintereffe^, de ne point faire jeu de la Vérité, nom rien faurhns prendre F elogc^ fans faire un trait de Vanité. Nom ofons nom promettre que le titre cTHiftoire Naturelle & Morale , que nom mettons fur le front de cet Ouvrage , nejêmblera ni trop fajluem ni trop Vafle, à tem qui daigneront le confronter avec le corps de la pièce' jfu moins ayons nom tafche de proportionner la grandeur de l'édifi- ce, à la magnificence du portail Ce riesl pas que nom nom Vantions icy lavoir compris dans ce Livre , tout ce que ton pourroit écrire fur lefujet des Antilles . On trouver oit affe^ de matière pour en amplifier de beaucoup l'HiHoire Naturelle , a ce que lefrontifiice du Livre fait ejperer am LeSleurs , O* que fi chaque partie du Nouveau Monde , étoit examinée aufii particulièrement par les Historiens , t ^Ancien enferoit miem informé^ qu'il n9 a ejlé jufqu'à prejènt. Nom aVons ejlé oblige^ à toucher en quelques endroits, des jùjets déjà traite^ par d'illujires Ecrivains 7 p* Iean de Laet y nom en duffent détourner : Veu due par ces aides nous facilitons l'intelligence des matières y (& nom diVertiffons nos Le£iem*sy en même tems que nom embé* lijfons &r nom nom garderons bien de les défendre y quand on nous les au- ra montre^ fâchant ajfe^qtieUe eïl la foibleffe , £T de lame- moire humam a me nihil ahenum puto- Ceîl à dire de fe 'Convenir qu ils font fujets àfe méprendre , Z? à Je tromper comme toute autre perfonne. Çujtu lieu donc de reprendre feVerement &r avec rigueur, ce qu'ils naprouVe- rontpM dans notre HiBoire , ils nom en avertirent doucement ÏT en charité : CJT nom y déférerons autant que la raifon nous le pourra perfûader. Jinftbien loin de nous en plaindre , nous kuren aurons de l3 obligation y & vous rendre mille grâces , de ce que vous vous eftesfi avantageufe* mentfouvenu de moy. le vous envoyé en échange le Plan de cet* te LMaifon que vous avez de f ré. l'y ây ajoute celui du payfage de notre île , qui ne vous de s agréer a pas: & quoy que l'ahfence de LMonfieur <^uber de UMidelbourg , maye un peu mis en peine par qui vous faire tenir ces petites curiofitez , j'ay creu que Ciïtonfieur Kerke , marchand de Fief ingue Jer oit connu de vous y ijr quits'aquiteroit volontiers de cette commifion dont je le char^ ge par le Capitaine ^Antoine d^^drmoyfe. le voudrons estre af- fe? hem 'eus , pour vous témoigner en une ocafion de plus d* impor* tance , ma gratitude de tant d* autres obligations que je vous ay j Vous pouvez bien croire , ^Monfieur , quej: le feray tom d jours u ' LETTRES. jours avec joye dans toutes celles qui s'ofriront , & que je fuis de tout mon cœur. MONSIEUR. De Saint Chnftoflele 10 Decemb. 16^8.. Vôtre tres-humble Serviteur. Le Chevalier de Poincî. Copie d'une autre Lettre que le même Seigneur nous adref- f a , en nous envoyant encore un autre Crayon de Ta Maifori. MONSIEUR. Ï'Ay receu la lettre que vous avez, fris la feint de m écrire lefixie- me du mois de Mars dernier , & je fuis bien aife que vous ayez» agrée les Tableau* de ma Maifon ejr de notre île. Voflre Livre eïi rempli de remarques tres-docJes , ejr que nous Ayons toujours part envos afeclions , de même qd en vous hono- rans tre s. parfaitement ^ nous faifons des prières k Dieu pourvu ire profiterai é » & pour l'heureus fucc&s de vos louables entrepri- fes. Ce B auffia fa finie protection , que je vous recommande en particulier , comme Liant de tout mon cœur. MONSIEUR De la Palme en l'Améri- que Septentrionale le 14 Juin 1659. Votre tres-humble & très- obeïlTant Serviteur. De Val Croissant, Copie d'une Lettre queMonfieurEdbuard Graeves , Doreur en droit , & l'un des Chefs ôc Directeurs des Familles- étrangères qui font parmi les Apalachites , nous à envoye'e furie fujet de cette Hiftoire, avec la Relation fort ample de tout l'état de ce Païs-là , & les crayons de la montagne d'Olaimy, delà Vil le de Melilot, & delà Plante fenfitive/, MONSIEUR Bien que nous vivions dans lune des plus reculées Colonies de- l^^Amerique Septentrionale, ejr que nous foyons prefque pri- vez de tout commerce avec le refie des hommes , qui font prof ef- fion L E T TRES. fi on de rechercher les belles chofes & de leur donner le frix quel- les méritent : nous avons neantmoins efié affez heurem , que de recevoir un Exemplaire de l'excellente Histoire Naturelle & Mora- le des îles Antilles , que vom avez, donnée au public. Et parce que vous avez eu la bonté de vous fouvenir de nous , & de nous nom- mer avec honneur en plufieur s endroits de votre Livre , érmême d'y inférer h dejfein une belle érjudicieufe digrefiion , qui ne traite que de nom , je crois efire oblige de vous en rendre de tres-afec- tueufes actions de grâces , ejr de vous ajfurer comme je fais , que nous avons l'eu avec un contentement extraordinaire , cette Re- lation très -fidèle ér très-exacte, que vous ave? compofée de ce petit Etat, fur les mémoires qwefeïi Mr- Brifiok vous avoit envoyez. j^jmfiuhaiterio s , Monfieur , que ce docte Perfonnage, qui w laijfé parmi ?iom une fi douce odeur défis vertus- rfut encore en vie pour s*aquiter de la promeffe quilvom avoit donnée, d'informer encore plus amplement l'Europe , de tout ce quily h de plus rare & de plus confiderable dans ce Pais & dans les Provinces voifines* Car comme il avoit une très-exact e connoiffance de toutes ces cho~ fis y & it ne grâce incomparable a s* en exprimer de vive voix & par écrit , // eut efiéfans doute aufiifoignem détenir fa parole avec honneur , qu il avoit efti facile & obligeant a la donner* UHais afin que dans cette perte qui nous es~t extrêmement fenfi- ble , vom ne f oyez pas entièrement frufiré de cette douce attente, & delrefperance quevous en avez fait concevoir au public : nom vous prions Monfieur de recevoir le Cayer qui acompagne les pre~ fientes, ou vous trouverez les Crayons de la célèbre montagne d'O» laimy , de notre Ville de Melilot, & de la Pirate fenfitive , Avec un récit véritable de notre petite Colonie , & de tout ce dont nous avons creu vous devoir informer , pour efire ajouta fi vous le jugez- convenable > h la deuziime Edition de votre Hifioire. Nous avons aufii efiime t Monfieur , que vous ne trouveriez, point mauvais, que nom joignifiions~ aufii h ces mémoires que nous- confions à vôtre prudence , le jugement que nous avons pris la li- berté de faire de tout vôtre digne Ouvrage , & h prière que nous vous faifons de le recevoir , c omme le fient iment gênerai de tout ce quily a d honnêtes gens , dans cette partie du nouveau Monde. De vray 3 Monfieur , nom croirions commettre une haute injurie e fi nous enufions autrement, é* fi nous ne confi fiions avec cette fran**- d à dufe LETTRES. chife & fimeriû dons nom faifons profefiion: que vous avez, grandement oblige le public , en lui donnant une pièce des plus acomplies en ce genre' d'écrire, qui ayent encore veu le jour , & que nous ne doutons point qu'elle ne foit dans l'aprobation universelle de tous ceus qui aiment les îles , & qu'en fuite , vous rien rece- viez, une grande louange . cMavs agréez s il vous plait , Monfieur , que nom prenions la liberté de vous dire, que d'abord nous nom femmes un peu étonnez, de ce que vous ne vous étiez donné autrement à connaître dans l'exemplaire qui eïtparvenujufqucs h nous , que fous certaines let- tres > qui ri ont jamais efté de mauvais augure. Nous ri avons garde de chercher quelques myficres , qu'une ingenïeufefubtilité pour- voit facilement trouver dans ces Caractères , ni de pénétrer dans les raifons qui vous ont obligé d'en ufer de U forte , mais nom nous fommes perfuadezque fi votre modefiie , par une indufirie fem- blable h celle de cet excellent Peintre de l'antiquité , a voulu en- frunter ce voile : vom étiez auffi par un fu ce es tout pareil, fort bien reconnu à la délie ateffe de vos traits , am vives couleurs de votre fille , & par cette raviffante Symmetrie que vôtre pinceau a, donnée h toutes les parties de cet excellent Ouvrage. Sans vom traiter avec des termes de flaterie, qui font bannis par un arrefl irrévocable, &fans aucune efperance derapel, de toute U jurif diction de cette République : de qui pouvoit-on atendre des deferiptions fi riches & fi naïves , de tout ce qu'il y a déplus mer- veilleus dans ces îles , ou lesplm renommées T^jtions de l'Europe ont pouffé comme h l'envi des Colonies , que de celui qui les a. foigneufement vifitées ? Et quipouvoit nom en donner l'Hiftoire avec plus deperfeclion : qu une perfonne exempte de toutes les par- tialité z ejr de tom les préjugez ou intérêts , qui infectent la plâ- plart des Ecrivains dufiecle : & qui s'efi étudiée de confiderer les chofes dans leur propre forme, fans que l envie, Ujaloufie , ou quel- que autre pafion maligne , ayent tant feit peu altéré leurvrayeejr naturelle beauté ? Soit que vom parliez des miracles de la nature, ou des mœurs des Barbares , ou de la police des habit ans étrangers : vous le faites avec tant de grâce , d'exactitude , ck de dextérité ' , que nom ■pouvons dire, que h curiofitélaplm avide & lapl'Minfatuble, s'en treuvefatis faite, Mais }ce qui donne plus de poids h notre admira- tion LETTRES. tion-ycefl que vous avez tiré toutes ces rareté? de vôtre riche fonds ayant le premier pénètre dans cesfecrets, ér traité de ces matières-. Bien que le fujet que vo'is maniez (oit fiouvent a ffezflerile ejr langui '(fiant , voire même quelquefois Jauv âge & obfcur , vous le poliffez par la douceur de vos exprefiions , vous f éclairez de vos belles. lumières , vous U fàsenez par la force de vos raifonnemens, vous l'animez par la vigueur de vos penfiees , vous l'enrichiffez de tant d'agréables paraleles & de judicteufes o positions, ejr vous le revêtez de tant de precieus ornement , qu'on y trouve par tout un. dous aymant , drdes chaînes invisibles, qui lient les 'cœurs , ejj* atirent les afieclions de tous ceus qui le confiderent. ilefi vray, que votre modefiie, dans la préface qualifie toutes ces beautés , ces grâces , & ces riches ob fer vat ions , des bordures de fleurs, de fruits, & d ' oifeaus , qui ne font point del'ejfence mais de l'ornement duTableau : Mais quant #> nous, nous les p-rtferons tou- jours comme une ravijfiante broderie , qui rehaujfe la valeur de U mature, ouf vous nous permettez de nom exprimer encore plus ri- chement, comme autant de perles, de diamans, de rubis , & d'autres pierres precieufes que voué y avez femées , pour donner à tout le corps de cette Hifioire , tout l'éclat & toute la pompe , qu on pour- toit defirerpourfon acomplijfement. VoiU , Monfieury ce que nous Avions à dire en gros de votre travail, MaUy s'il nom eft encore permis de le conftderer en détail \ trou- vez bon y Monfieur , que nom vous déclarions franchement , que nous avons icy quelques-uns de vos amis qui vous ont co?mu aus îles , quifeperfuadent, quefansypenfer, vous avez fait un grand tort aus pais que vous décrivez , parce que vous les reprefientez avec tant de naïveté dans leur beauté naturelle i qu'ils aprehendent, quiln'y ait déformais perfonne qui forme le deffein de vifiterces lieus. pour U quels autrefois Von ne craignait point d'entreprendre de fi longs & defiperilleus voyages , puifiqu on peut h prefient fi aifié- ment contempler tout cequtly a déplus beau & déplus rare , fans for tir du lieu défit demeure r & mémefians quiter h cabinet • Mais nous ne vous cèlerons pas aufit, qu'il y en a d'autres^ en beaucoup plus grand nombre, qui raifonnent tout autrement , ejr qui s' Ren- dent que votre procédé aura un fiuccés tout contraire au jugement des premiers. D'autant qu'ils croyent que vous dépeignez ces con- trées fi belles éfiraviffantes , que Us lies fortunées qui fini tant van* LETTRES. vantées dans les fables , n'en étant que des idées fort gr opères & de le? ers crayons : l'on prendra volontiers lagenereuferefolution de les aller voir , four conférer les excellentes copies que vous leur avez, mifes en main , avec les Origmaus , & ainfi contenter U veue , de ce que vous dites efire , comme il l'efien éfety acom- pagxéde tant de charmes réels y & de véritables délices. Et de vrai , Monfieur , qui eft celui qui en lifant vos do cl es écrits , n aurait envie de voir ces belles plaines de quelques îles que vous reprefentez, couvertes de tant de trefors de la nature : & de confidererenprefehce, la hauteur prodigieufe de ces montagnes, qui pour nous fervir de vos termes , font couronnées d'une infinité d'arbres vrecieus , ejr revêtues d'une verdure étemelle ? Jgui ne fer oit épris de la beauté de tant de profondes vallées çjr d'agréables collines , qui en divertifant ces aimables payfage s , y forment des perJpLffives Jï divertijfantes , que l' œil ne peut foufrir qu avec re- gret y d' ejlre tant foit peu diverti de la contemplation de tous ces aimables objets £ Sur tout qui eïl-cexqui après avoir leu ce que vous dites de ce magyiifique Valais de CMonfieur le Gouverneur Gene- ral de votre Nation , lequel vous décrivez, d une architecture (i acomplie, arrofé de tant de claires fontaines , ombragé de tant de bou precieus ejr de bonne odeur , afforti de tout ce que l'artifice & la nature ont de plus raviffant , & même pour v eu de tant de douceurs , quelles pourr oient faire tarir les fources de îamertu- ' ne fait en fuite tranfportè d'un ardent defir de voir le glorieus me affemblage de tant de raretez ér de tant de merveilles , qui lui ttoyent autrefois inconnues ? il faudroit au fit eftre privé de l'une des plus douces payions, quiflatent ordinairement le cœur des hommes , fi après avoir lett votre Hifioire l'on ne defnoit de voir , non plus dans les livres^ ou dans les cabinets des curieus ; mais au lieu même de leur origi- ne', tant de fortes de bét es a quatre pieds , de reptiles & d' infectes, & particulièrement ces incomparables Oifeaus que vous reprefen- tez> dans leur pompe , couverts d'un plumage diver fi fié de tant de vives ejr inaltérables couleurs , qu 'elles femblent- avoir épuifé tout ce quily a de plus brillant dr de plus lummeus dans U naturey pour faire ce fuperbe mélange ? L'on envoyé bien à l'Europe quel- ques dépouilles de ces légers habitans de l'air : mais outre qu'étans morts , ils perdent beaucoup de leur luftre & de leur grâce : vous les L.ITTU' S. les avez fi pur fait ement bien d'écrits en votre ttifioire, que wom nous perfmdons aifiément , que ce us qui la lifent fouh citeraient fort volontiers , £ avoir quelque participation de leur agilité y pour fie tranfforter dam ces aimables contrées , afin de les y Voir avec tout ce vif éclat , ejr tout te riche émail dont ils font par e^. Et fur tout pour y confiderer ce Diamant animé, ou cette Efio île volante, cet admirable Colibry , qui pour perpétuer fa race > fait un nid d* un fi mer veille us artifice, quilcB h craindre que l'x^fra* bie heur eu fe ri 'oublie déformais celui de fon Phœnix , pour célé- brer celui-cy. Pour ne rien dire de ce petit Cncuyos, que vous revêtez de tant de gloire ejr de lumière , qu'il fait évanouir les plue épaiffes ténèbres de la nuit : ces LMonfires de la mer & de la terre , ces \_Amfibies qui font marcher devant cm la terreur ejrl'épouvan* tement , étans couverts de vos termes , ont une certaine grâce, qui amoindrit de beaucoup l'horreur qu'on avoit conceuè de leurs €orps écaillez, ou heriffe? de poil , dr de toutes les prodigieufes défenfes dont leurs gueules font armées. La mer même cette wexo* table , qui ne refpetle aucune autres loix que celles que fin Créa- teur lui a impofees , y nourrit tant de poijfons diferens , ejrrecek dans f on vafie fein tant d 'ambre , tant de perles > tant deceral, & tant d'autres riches productions que vous décrivez , que défor- mais , l'on fie refoudra facilement a fe confier À fin inconfiance* pour avoir quelque part a tous fies trefirs. Vous n'exaltez, pas neantmoins ces heureufes contrées jufqu à un tel point , que vous n'en découvriez les défauts , ejr- n'en déclariez les incommoditez , mais aumemetems que vomen don- nez, laconnoiffance , vous fournirez par une charitable induftrie, les remèdes qui font propres pour repouffer les éfets de leur ma- lignité. Et il n'y a rien de tout ce qui peut choquer le repos des Habitans de ce nouveau Monde , h quoy vous nepourvoiyez , ni venin auquel vous ?iopofie7 l'antidote , ni d'afiigeant que vous nefiuUgiez : de forte que les nouveaus venus en lifknt vos écrits y trouvent non feulement le moyen depaffer leur vie avec douceur dans ces agréables retraites , ejr les fier et s de reufiir dans tous les nobles & profitables employ s que vous leur propofez : mais encore les aydes dont ilfautufir, çjr le régime de vivre qu ils doivent garder, pour y confier ver leur fiante toujours vigoureufe , contre e les I H fi L E T T R E S. les injures desfaifonsjes mauvaifes qualitez de quelques fruitée* les outrages des reptiles & des injetles ; tellement qu'en moins: à' une heure , ils y aprenent plus de remèdes am mam qui les y peu- vent acueillir , qu'une facheufe expérience ne leur en auroit pâ tnfeigner , dans la révolution d'unjiecte entier, Vom avez.fi p«>rs /TVT\ /*«.»*^ /TOT T\ /"> OtN Êbîi35ï«^(.^iï0^^i^ .^6ïS£^^f3^;ïaiïg£^eïOi© ^ffaspipi^&fâC^Spsp &aGaU9KgKÏS HISTOIRE NATURELLE & MORALE DES ILES ANTILLES D E L'AME RI Q U E* LIVRE PREMIER Comprenant THiftoire Naturelle. CHAPITRE PREMIER. De lafituation des Antilles en général : de la Température de V Air \ De la nature du Pais $ & des Peuples qui y habitent, Ntre le Continent de PAmerique Merî« dionale , & la partie Orientale de l'Ile de Saint £ JeanPorto-Rico, il y a plusieurs Iles , qui ont ' la figure d'un arc , & qui font difpofécs en tel te forte, qu'elles font une ligne oblique au travers de l' Océan. Elles font communément appellées, les Lentilles de l'Amé- rique. Que fi l'on demande la raifon de ce nom là , il eft à croire , qu'elles ont été ainfi nommées , parce qu'elles font comme une barrière au devant des grandes Iles, qui font ap- pelles, les lies de l'Amérique. Et ainfi il faudroit écrire , & prononcer proprement Antilles , ce mot étant compofé de A cclu| ■ 2 Histoire Naturelle, Chap.i celuy d'Ile, & de la particule Gréque dm9 qui fignifié à l'op- fofite. N eantmoins l'ufage a obtenu , que Ton écrive & que l'on prononce K_Antilles. On les nomme aufli, les lies Camées ou Cannibales , du nom des Peuples qui autrefois les pofle-» doient toutes , & quelques uns les appellent aujourduy , îles C amer cane s % Christ gelé Colomb, fut le premier qui les décou- vrit,. fous le règne de Ferdinand & Ifabelle,. RoysdeCaûillc & de Léon, l'an mille quatre cens quatre-vints douze. On enconte en tout yint-huitprinçjpales , qui font fous fa Zone Torride , à prendre dépuis l'onzième degré de l'Equa- teur, jufques au dix-neuviéme , en tirant vers le Nord Quel- ques uns, comme Linfcot en fon Hirloire de l'Amérique, pre- nant le nom d'Antilles en une fignification plus générale, le donnent ausquatre grandes lies, /' Efpagnok , ou Saint Do~ minguet Cube, Iamaique, dr Porto- Rico, aufii bien qu'a ces Vint- huit. L'air de toutes ces Iles efr fort tempéré , & afics fain, quand on. y eft acoûtumé. La Pefïe y étoit autrefois in- connue de même qu'en la Chine, & en quelques autres iieus de l'Orient: Mais il y a quelques années , que la plu- part de ces lies furent affligées de fièvres malignes , que les Médecins renoienr pour conragieufes. Ce mauvais air, y avoit été apporté par des Navires qui venoknt de la coite* d'Afrique : Mais aujourduy , on n'entend plus parler de fem- blables maladies. Les chaleurs >r n'y font pas plus grandes qu'en France ans mois de Juillet & d'Août: Et par le foin delà Divine Pro- vidence, entre les huit & neuf heures du matin , il fc levé un petit vent d'Orient, qui dure fou vent jufques fur les quatre heuresdufoir, & qui rarrraichit l'air, & rend la chaleur plus fuportable. Jofef Acofta dit, qu'aus grandes llesdel'Ame^ rique, on ne fent ce rarTraichiffement que vers femidy. Et c'eft ainfi que prefque fous toute Te ncein te de la Zone Tor- ride, Je fage Maître du Monde, a ordonné des vens frais, & réguliers , pour tempérer les ardeurs du Soleil. Il ne fait jamais de froid aus Antilles. Au (fi la glace n'y cft point connue, ce feroit un prodige que d'y en voir * Et Clrap. i des Iles Antilles. $ Et jamais en ces bords de verdure embellis l'Hyver ne fe montra , quen la neige des lys. Mais les nuits y font extrêmement fraîches, & fi l'on demeure découvert pendant cetems-là , on eft fujetis'enrumer , & à gagner de grands & dangereus maus d'eftomac: Et on à re- marqué, quetousceusquis'expofentànudàcettc delicieufe fraicheur, s'ils ne font faifîs de maus d'eftomac , du moins ils deviennent pâles, jaunâtres, ckboufîs, & perdent enpeu detems , tout ce qu'ils avoient de couleur vive & vermeille. Il cft vray , que d'autres attribuent ces effets , a la nourriture de la Cajfave, que l'on mange ordinairement en ces lies au lieu de pain , & qui peut eftre , a quelque qualité contraire à Ja conftitution naturelle des Habitans de nos climats. On éprouve la même température durant la nuit , au Pérou , & dans les Maldives. Et ceus qui ont fait le voyage de jerufalem, & de tous les pais chauds, rapportent, qu'autant que les cha- leurs y font grandes pendant le jour , autant les nuits y font froides. Ce qui arrive, à caufe des grandes vapeurs que le So- leil élevé fur le jour, & qui venant à fe condenferlanuit, &à tomber en rofée, raffraichiQent l'air merveilleufement. L'Equinoxe , dure en ces Lies prés de la moitié de Tannée, & le relie du tems, les plus grands jours font de quatorze heures , & les plus courtes nuits de dix. Et c'eft ainfi que la Divine fagefle, a donné aus terres qui font plus expoféesaus ardens rayons du Soleil , des nuits fort longues & fort humi- des , pour reparer & remettre en vigueur , ce que cet aftre û voifin, y a flétry & defféché durant le jour. On n'y peut point divifer l'année en quatre égales & diver- fes parties , comme nous le faifons en l'Europe. Mais les pluyes, qui y font fort fréquentes dépuis le mois d'Auril, jufques à celuy de Novembre, & les grandes fécherefles qui dominent le refte du tems , font la feule différence, qu'on peut remarquer entre les faifons. Que fi on demande, comment on doit appeller ces deus diverfes Conftitutions & Températures de l'air > C'eft en cet endroit où les opinions fe trouvent fort partagées. Les uns veulent, que de même que les jours n'y ont prefque point de ces heures qu'on nomme Crepu/c^ley qui tiennent lemi- A z lieu J I I ^ Histoire Natuih^e, Chap.i lieu entre le jour & la nuit, qu'au (fi il n* y ait : point de Prin~ tems ni d'Automne, qui faffent la liaifqn de l'Eté ,. & d'une efpece dJHy ver qu'ils y admettent. Les autres maintiennent au contraire, qu'il n'y a aucune jufteraifon , qui puifle obli- ger, à faire porter le nom d' Hy ver à Tune de ces faifons: à eau- fe que la terre n'y eft jamais couverte de glace, ni de neige,, qui font les triftes productions de THy ver, mais toujours revêtue dune agréable verdure, & prefque en tout tems couronnée de fleurs & de fruits, quoy qu'en une différente mefure. D'où ils concluent que le Printems , l'Eté , & l'Au- tomne , y partagent l'année en trois diverfes & égales por- tions, encore qu'on ne les puitTe pas difeerner fi ayfémenr,, qu'en pîufieurs autres endroits du monde. Mais le fentiment des Peuples , qui ont formé des Colonies en ces Iles, ne s'accorde pas avec cette divifion, parce qu'ils prenentletems des pluyes pour -l'Hiver, & celuy desféche- refles, qui eft beau, riant & ferein , pour l'Eté. Il eft vraf qn'Acofta au Chapitre troizieme, du deuzieme Livre de fon Hiftoire , querelle les Efpagnols qui parlent de la forte7.& qui prenentpour Hy ver ces mois pluvieus. Ilfoutientque letems fec & ferein, eft le vray Hyverdans toute la Zone Torride, par ce qu'alors le Soleil e& le plus éloigné decette Région ; 6c qu'au contraire , la faifon des pluyes & des brouïllars , y doit eftre nommée l'Eté, à.caufe de la proximité de cet Aftre. Mais bien qu'à parler proprement & à la rigueur, il fefaluticy ran- ger au fentiment d'Acofta, neantmoins puis que non feule- ment les Efpagnols, mais tant d'autres Nations, fontaceou* tiiméesà tenir un autre langage , il nous fera bien permis d'u~ fer de leurs termes, en une chofe de fi petite importance. Au refte , quelque pl-uvieufe que puifle eftre la faifon dans les Antilles, ceus qui y ont demeuré pîufieurs années alîiircnr, qu'il ne fe paffe prefque aucun jour , que le Soleil ne s'y faffe voir. Et c'eft ce que Ton dit au Ai de l'I le de Rhodes: Acaufc dequoy toute l'antiquité la dédiée au Soleil , croyant qu'il en avoit un foin particulier. Le fins & reflus de la Mer , eft réglé en ces pais comme ans coftes deErance:. mais il ne monte que trois ou quatre pieds au plus., La Chap. i d e s l e s Antilles & La plus grand* partie de ces Iles, eft couverte de beausboi5, quieftant verds en toute faifon , font une agréable perfpe£ti- ve , & reprefentent un Eté' perpétuel. La terre y eft en plufieurs lieus aufîi belle , auffi riche , & aufil capable de produire qu'en aucun endroit du Monde. En effet toutes celles de ces lies qui font cultivées, donnent en abondance, dequoy vivre aus Habitans qui y demeurent: En quoy elles fontbiendirferentes.de ces pais de Ja nouvelle France , où les pauvres fauvages ont tant de peine à trouver leur nourriture , que leurs enfans en fortant le matin de leurs Cabannes, & eus au milieu delà campagne où ils font leur chafle , ont accoutume' de crier à haute voix , Venez Tatou* > venez Caftors , me%ê% Orignacs -r appellant ainfi au fecours de leur neceffité , ces animaus , qui ne fe prefentent pas à eus fi fouvent, qu'ils en auroient befoin. Ces mêmes lies habitées , font pourvëues de bonnes four* ces d'eau douce , de fontaines , de lacs , de mifleaus , de puits ou de cifternes ; & quelques unes d'entre elles ont aufli de belles rivières , qui arrofent la terre fort agréablement. Il y a même en plufieurs lieus des eaus minérales , dont on ufe avec heureus fuccés pour laguerifonde divers maus. Le foui- fre , fe tire en plufieurs endroits du fein des montagnes , & les paillettes luifantes & argentées que lestorrens& les rivières charrient parmy le fable & l'écume de leurs eaus, au tems de leurs débordemens, fout des Indices certains qu'il s'y forme du Criftaî, & qullyaaum" des mines de ces precieusmetaus, qui font tant recherchez de la plupart des hommes. Les eaus courantes , qui méritent de porter le nom de Ri- vières n'y tariflent jamais dans les plus grandes féchereiTes , ôc font fort fécondes en poiflbns, qui font pour la plupart, di£- ferens de ceus qui fe voient en Europe: Mais il s'en trouve en telle abondance aus cofles de laMer , que les Habitans ne. s'amufent pas fou vent à pefcher dans les rivières. La Vigne vient fort bien en ces Iles, & outre une efpece de vigne fauvage, qui croift naturellement parmy les bois» & qui porte de beaus & gros raifins , l'on voit en toutes celles qui font habitées, de belles treilles , & même en quelques en- droits des Vignes cultivées comme en France, qui porteur A 3 dsus: ,v I 6 Histoire Naturelle, Chap* i dcus fois l'année , & quelquefois plus fouvent , félon la taille & la culture qu'on leur donne , ayant égard à la Lune & à la faifon convenable. Le raifin en eft fort bon , mais le vin que l'on en tire n'eft pas de garde , & ne fe conferve que peu de jours $ c'eftpourquoy on nes'amufepas à en faire. Quant au Blé, qui vient en la neuve Efpagne auffi bien qu'en lieu du monde , il croift feulement en herbe aus Antil- les, & ne peut fervir qu'à faire de la faucc verte, àcaufeque le froment veut eftrc hyverné, & que la terre eftant trop graiïe en ce païs , elle poufle tant d'herbe au commencement, qu'il ne refte pas aOés de force à la racine, pourpafierau tuyau, & former un épy. Mais, s'yonavoiteflayé d'y femer de l'Or- ge, dufeigle, & d'autres grains qui veulent le chaud , il eft croyable , qu'ils y croiftroient en perfedion. 11 eft vray , que quand tous ces grains y pourroient venir en maturité, les Ha- bitans, qui ont prefque fans peine le ^Manioc , les Patates , le <-Mays , «Scdiverfes autres efpeces de racines & de légumes, ne voudroient pas prendre le foin qu'il faut pour les cultiver. Tous les vivres naturels de ces Iles font légers & de facile digeftion. Dieu l'ayant ainfi permis, à caufe que le pais étant chaud , on n'y doit pas tant charger fon eftomac , que dans les contrées froides. De la vient , qu'on confejlle aus nouveaus venus , de manger peu & fouvent , pour fe bien porter. Lçs vivres, n'y font pas aufîi beaucoup de fang , ce qui eft caufe que les Chirurgiens y faignentfort peu. Pour ce qui regarde les Habitans de ces Iles. Elles font peu. plées de quatre Nations différentes : Dont la première qui en eft Originaire, & qui les poflede de tems immémorial , eft cel- le des Caraïbes , ou Cannibales , déquels nous entreprenons de parler au long au deuziéme Livre de cette Hiftoire. Les autres trois font, les François , les Anglois , & les Hollandois. Ces Nations étrangères, nefe font établies en ce Pais, que dépuis l'An mille fïx cens vint-cinq. Et dépuis ce tems, elles s'y font tellement accrues, que la Françoife & l'Angloife nommé- ment, y font aujourduy un très-grand peuple: Comme il fe verra plus particulièrement dans la fuite de cette Hiftoire. CHA- I: Chap. 2 des Iles Antilles. CHAPITRE SECOND. De chacune des Antilles en particulier. POurobferver quelque ordre , en la defcription que nous ferons de chacune des Antilles en particulier, nous les diftribuerons toutes en trois dattes : dont la pre- mière comprendra les lies qui approchent plus du midy, & qui font les plus voifinesdelaligne. La féconde, celles qui s'e'tendent plus vers le Nord -y & la dernière , celles qu'on nomme ordinairement les Iles de deiïbus lèvent, qui font au couchant de l'Ile de Saint Chriftofle , la plus renomme'e de toutes les Antilles. ARTICLE I. Bt Vile de Tabago , ou de U Ttyuveiïe Oiïalcre. LA première, & la plus Méridionale de toutes les Ile» Antilles, que nous avons propofé de décrire au premier Livre de cette Hiftoire , eft celle qui a efté connue jufqu'à prefent dans toutes les Cartes Geografiques , fous le nom de Tabago , & qui de'puis trente ans ou environ , a auiE efté apele'ela 2{oitvelleO'ûalere, ou bien Wdchre félon i'ortografe des Flamans. Elle eft diftante de l'Equateur en tirant vers le Nord, d'onze degrez & fe'ze fcrupules. Son circuit eft du moins de trente lieues , & fon e'tenduë d'onze en longueur, fur la largeur de quatre , & de quelque peu moins aus extre* mite's. Cette Ile , n'eft point herifiee de montagnes fourcilleufes & inaccefïibles , ni inonde'e de marécages , ou couverte de bois inpenetrables comme quelq-ucs autres des Antilles , qui font encore pofledées par les Caraïbes. Mais en quelques en* drois elle eft releve'e en collines fort agréables , puis apre's feftre abaiffe'e en des vaMe'es extremementdivertiflantes , elle s élargit en des plaines tres-fertiles , qui font reve'tuès de Ce^ dres, de Palmes, d'AcajQm% d'Akoumas, & de toutes- fortes d'excellens Arbres dune hauteur 6c d'une groifeur demefu* s Histoire Naturelle, Chap. % récs , quifaifans par tout de mervcillcufcs perfpe&ives , fem- blent avoir efté plantez à deffein , de fe promener fous leurs branches, ou d*y prendre le plaifirde la chafle , fans aucun enpefchement. Quant aus qualités de fon Terroir, il eft en quelques lieus léger & fablonneus , en d'autres il eftparfemé de gravier , & de petis caiilous, ailleurs il paroit gras & noirâtre: & ceus qui l'ont vifité dans toute fon étendue, dépuis fes plaines jufqu'au fommet de fes côtaus , raportent conftanment , que par tout il eft très* propre à eftre cultivé: Mais les Arbres qui îuy font en tout tems une riche guirlande , font fans contredit fon plus precieus ornement. Les uns font chargez de bons fruits , qui peuvent contribuer beaucoup au rafraichiflement & au foûtien de la vie des hommes : & les autres ne fervent pas feulement à l'ornement des montagnes & au divertifle- mentdelaveuë, maisauflïà la charpente, à la menuyferie, à la teinture & à la médecine: lafolidité, la bonne odeur, ladifercnte couleur, & les vertus fecrettes de leur bois, de leurs fruits , & de leurs feuilles les rendant, très- propres à tous ces ufages. Outre tous ces beaus Arbres , qui font aufïi communs à la plupart des autres lies du voifinage, il en croift plufieursen celle-ci , qui lui font particuliers, & qui la rendent recom- rnendabie : tels que font en premier lieu , ceus qu'on y a trou- vez depuis peu , qui portent des fruits qui ne font, en rien dife- rens, quant à la forme extérieure, des Noix Mufcades qui nous viennent desIndes Orientales, & qui font pareillement couverts de Macis , c'efx à dire d'une petite feuille ou pellicule aromatique, qui eft entre la Nois & la rude écorce qui confer- ve & envelope tout le fruit. Mais quant au relie , cette forte de Mufcades, eft d'une faveur plus piquante que celle qui vient du levant, & d'une odeur fi foible qu'elle fe pafle aifément. Il éft neantmoins à efperer,que fi l'on prenoit le foin de déchar- ger les arbres qui les portent, des branches mortes oufuper- fluës qui les étoufent , & les empefchent de recevoir pleine- ment les rayons du Soleil, elles viendraient en plus grande perfe&ion, & feroient d'un goût plus agréable, & d'une odeur plus douce & plus coudante. ii Chap. 2 des Iles Antilles. •$» Il y croit auffi prefque par tout des autres Arbres , que les habitans ont apellez Millepieds, Fromagiers, Boit de Canette; & de Copal, dont nous ferons iey les defcriptions, à caufe qu'ils font entièrement inconnus, ou fort rares aus autres lies. Le Millcpieds , eft ainfi nommé , parce qu'il eft foûtenu d'un nombre prefque infini de greffes racines , qui font forme'es de fes propres branches, incontinent qu'elles touchent la terre, tellement qu'a la fin , fon tronc devient d'une groffeur pro- digieufe. Ses feuilles , font un peu plus larges que celles du Laurier. 11 produit un fruit de la groffeur d'une figue, qui eft fort recherche' des Perroquets. Ce fruit eft devancé d'une fleur blanche, fous laquelle on trouve ordinairement une cer- taine gomme jaune , qui a la vertu de guérir toutes fortes de dertres & de feus volages, qui viennent à la face ou aus mains. Ceft auffi dans les branches creufes de cet Arbre , que les Abeilles de cette Ile, font le plus fouvent leur cire & leur miel* Le Boti de Cane/le que les Floridiens apeilent Pamme , & nos François Sajfafrœ* , eft l'un des plus beaus & des plus ex- ceilens Arbres, quife voyent en tout ce nouveau Mondes II croit fort droit , & fon tronc s'eleve jufqu'à vint-cinq 011 trente pieds de hauteur, avant que de pouffer fes branches. Ses feuilles font aprochantes en figure, en couleur, & en odeur à celles du Laurier. Son bois eft rougeâtre & de bonne fenteur , folide , uni & très-propre à faire toutes fortes de ri- ches ouvrages de menuiferie: mais dans cette Ile, l'on ne s'en fert à prefent qu'a bâtir des maifons. Sesbranches font (i toufues , qu'il ne peut rien croitre deTous, qu'une perire her-> be courte , qui compofe en tout tems un beau tapis vert, pour le divertiffement de ceus qui veulent jouïr de la delicieufe fraicheur qu'elles prefentent , à même tems qu'elles recréent également la veuë & l'odorat, par la verdure perpétuelle de leurs feuilles, & la fouëue odenr qu'elles exhalent. Ces Arbres, portent des graines femblables à celles du poy- vre rond, ôc bien qu'elles foient un peu fortes, les Perro- quets y trouvent leurs délices : C'eft auffi fur leurs branches qu'ils font ordinairement leur ramage inportun, & où ilsfe tiennent en toute affurance fans pouvoir eftre aperceus , à caufe que leurs plumes font de même couleur que les feuilles B d£ H JO HlSTOIR! Nattjriue, Chap. 2 de ces Arbres furléquels ils feplaifent. Leurs e'corees aro- matiques font recherchées de tous ceus qui font travaillez de defluxions froides , & leur decodion eft employée heureufe- ment aus douleurs de reins procédantes de froid , comme au fli à la guerifon de la colique , à la dificulté de refpirer , & à dé- charger la poitrine des humeurs gluantes qui l'oprefient, com- me auifi à chafter les vens & toutes les obftruftions des parties bafles. Et cette même écorce étant féchée à l'ombre , donne encore une faveur fi agréable aus viandes qui en font aflaifon- nées , qu'a caufe qu'elle eft aprochante de celle delà Canelle, l'on a apellé les Arbres qui en font couverts, de ce même nom. Le Copal> dont nous parlerons en divers endrois de cette Hiftoire, eft un Arbre d'une belle montre , lequel étant percé en fon tronc ou en fes plus grofles branches jette un baume de tres-douce odeur , qui a la vertu de guérir en fort peu de tems toutes fortes de coupures , & de faire refoudre ou fupurer les tumeurs, qui fe font amaftees en quelque partie que ce foit du corps des hommes. L'écorce de cet Arbre eft rousâtre, ôc demêmeque le Caper , il perd fes feuilles durant les grandes chaleurs , contre la nature de tous les autres , qui parent la terre de ces contrées, & qui conferventen tout tems leur agréable verdure. Le Fromagier, eft: un Arbre qui vient dans cette Ile d'une groffeur tout a fait extraordinaire , & d'une figure bien dife- renre de celle des autres de même nom , qui fe treuvent ail- leurs, comme nous le dirons en fon lieu. IL eft ravinant pou* ïe bel ombrage qu'il donne , & pour le fruit merveilleus qu'il produit. 11 eonfifteen une grofle filique ligneufe, laquelle eft de la grofieur d'un œuf de Poule , &de la longueur d'un demipied. Lorsque cette rude envelope eft meure, le foleil la fait ouvrir à moitié, & le vent l'ayant fait tomber, on trouve quelle eft remplie d'un fin coton ou duvet , lequel étant extrêmement dous, & délié comme de la foye, feroit très-propre à faire quelques beaus ouvrages. Cet Arbre a fans doute receu le nom qu'il porte , à caufe que fon bois qui eft revêtu par dehors d'une écorce grisâtre , eft fi mo- îafie , qu'on le peut couper auffi aifément que du fro- mage. Ceus Chap.a des Iles Antilles. u Ccus qui ont eu lacurioflté de pénétrer dans les bois d'hau- te fûtaye qui couronnent cette Terre, yontaulli rencontré un nombre bien confiderable de ces Arbres , qui portent le fruit de Cacas , dont les Efpagnols fe fervent en la composi- tion de ces pains tant prifezparmi-eus, déquels ils font cet excellent bruvage , qui eft connu par tout fous le nom de Ci- coUte. Ils y ontaufli remarqué une fort grande quantité de ceus qu'on apclle de Fuftok , dont le bois qui eft jaune eft employé avec heureus fuccés à la teinture : & une infinité d'autres qui font en eftime , ou bien à caufe qu'ils font char- gez de ce precieus vermillon que les Indiens nomment Rou- ta* , ou d'autant qu'il diftile de leurs troncs des gommes & des raifines de bonne odeur , en aCTez grande abondance pour en tirer du profit. Les Orangers, les Citronniers aigres & dous, les Grenadiers, les Figuiers, les Goyaviers , les CMo- mins % les BAmniers , & les PApAyers , y portent aufli des fruits autant beausôc délicats , qu'en aucun autre endroit des An- tilles. Tous les vivres qui fervent à la nourriture ordinaire des Habitans de ces pais chauds, croiffent aufli dans cette Ile en leurperfe&ion, ôcavec une telle facilité que fans beaucoup de travail, ony recueille du Ris, dugros Mil, des Pois & & des Rivières qui l'arroufent, font encore couverts d'Aigrettes , de Pion- geons , de Canarts, & de plufieurs autres fortes de beaus Oifeaus, qui fe nourriffent depetis Poiflbns, ou de quel- ques infectes qui fîbtent fur les eaus. Et le Continent qui n'en eft pas beaucoup éloigné, la remplit au fli d'une infinité d'au* très, qui ne pafîent point jufqu'aus Iles plus reculées. Quel- ques-uns font parez d'une feule livrée: mais les autres ont le corps émaillé de tant de belles & de vives couleurs , que foitque l'on confidere l'agréable bigarrure de leur plumage, ou, la merveilleufe induftrie avec laquelle ils font leurs nids,, ou l'agilité incomparable dont ils fendent l'air, ils fournif- fent un trcs-ample fu jet de célébrer le Seigneur , qui a garé uV magnifiquement tant de légères créatures. La Mer qui lave inceffanment les bords de cette Terre , eflf abondante en toutes fortes d'exeellens Poiflbns. Les grofTe& Tortues , durant le calme & le profond filence de la nuit, for- cera pas centaines de ce vaftefeiade l'Océan oàelksfefonfe jouées Chap. 2 des les Antilles. î3 >ouées pendant le jour, pour cacher leurs oeufs a la faveur de la nuit, dans le fable mollet qui eft fur fes rivages. Les Ca- ret* , qui font couverts de cette forte d'écaillés precieufes donton faità prefenttantdebeaus ouvragesqui enrichiffent les cabinets des curieus , s'y viennent auffi rendre par trou- pes, pour y terrir enleurfaifon : la nature leur ayant donné cet inftind, qu'ils y trouveront des lieus commodes, pour ymettrecndépoft, l'unique efperance de la confervation de leurefpece. Au couchant & au nord de cette Ile, y a des havres & des mouillages tres-feurs & tres-commodes pour toutes fortes de navires. Mais ce qui eft de plus merveilleus , & d'un fingulier avantage pouryatirer& conferver le commerce , c'eftque fesHabitans ont reconnu par une douce expérience, qu'elle n'eftpointfujetteàces éfroyables tempeftes, queleslnfulai- resapellent Ouragans, qui font ailleurs tant de ravages. Nous ne rechercherons point curieufement, comment il fe peut fai- re, que toutes les autres terres desx\ntillesétansexpofées(ï fouventàcetteuniverfclleconfpiration des vens, celle- ci feu- le en foit exempte, & jouïfle d'un calme parfait , pendant que tout le voifinage eft dans laconfunon qui acompagne ordi- nairement ce defordre : Mais en raportant cet éfet extraordi- naire à Dieu feul qui en eft le véritable Auteur , & lui donnant toute la gloire de cette illuftre merveille , nous dirons en ad- mirant ce rare privilège, que fon adorable providence a voulu de'ployer en faveur de cette lie, que ces vens Ci légers & fï ibrts,qui bouleverfent les maifons,& defolent les campagnes, fortent du fonds de fes inepuifables trefors , & que n'ayans .point d'autre force que celle qu'il leur in fpire, ils ne fouflentr que là, où fa très- fage ordonnance les adrefle. Cette Ile, de même que quelques autres des Antilles , a cn^ core cet avantage tres-confiderable, qu'elle ne nourrit aucune befte qui ait du venin. Il eft vray qu'on rencontre quelque- fois parmi (es forets le moins fréquentées , de. monftrueus ferpens de douze à quinze pieds de long, Mais > outre qu'ils prenent la fuite à la rencontre des nommes ,. & qu'on n'a pas encore ouï dire, qu'ils leur ayent fait aucun mal,- lors que les Nègres, qui font ces ferviteurs perpétuels des Habi- le 3, tm& w :m 14 Histoire N a tu relie, Chap.2 tans de ce nouveau Monde , les trouvent à leur avantage , ils lestuentpourferepaiftrede leur chair, laquelle ils difent eftrc au(ïî délicate & favoureufe à leur goût, que celle des meilleurs poifibns. Ils confervent auiïi les dépouilles de ces épouvan- tables Reptiles , pour en accommoder les curieus qui en font état, à caufedes écailles de diferente couleur dont elles font ^maillées avec une fi admirable variété , & un mélange (i fuperbe , qu'il n'y a aucune tapûTerie qui leur foit compa- rable. Nous pouvons mettre aufli entre les faveurs que le ciel a répandues libéralement fur cette lie, qu'a peine y en a t'il aucune dans tout le vaftefein de l'Océan de l'Amérique, qui a proportion de fon étendue, ait tant de Rivières & de Fon- taines d'eau vive, que celle-cy. Les anciens habitans n'en avoyent autrefois remarqué que dixhuit : mais ceus qui y fontàprefent en content beaucoup d'avantage, dont la plu- part après avoir fcrpentéôc rafraîchi les plaines & les vallées, ont allez de force & de rapidité , pour rouler leurs eaus juC ques-â la mer. Il y a même quelques unes de ces agréables Rivières , qui en faifant leur cours ordinaire , & rencon- trant en quelques endrois des pentes , ou des rochers plus •eminens que le refte du terrain, y précipitent leurs eaus avec tant d'inpetuofité, qu'elles feroient capables de faire tour- ner avec une facilité nonpareillc , les roues des Moulins à fucre , ou des machines à fier le bois , qu'on y voudroit dreffer. Il y a encore dans cette île, plusieurs belles & grandes Prai- ries, qui font couvertes d'une herbe tres-propre à nourrir & à engraiffer le bétail , & qui après la fàifon des pluyes font émaillées d'une infinité de petites fkurs de diferentes figures, qui recréent merveilîeufemcnt la veuë : mais les arbres & les plantes de cette terre en portent défi raviflantes, & d'une fi douce odeur, qu'on ne s'arrête pas fouvent à confiderer toutes ces menues productions des prairies , bien qu'il foit confiant , que les plus curieus y trouveroient la riche matière de leurs fpcculations. Nous décrirons au Chapitre onzième de cette Hiftoire Na- turelle, les fleurs qui font communes à toutes ces lies , mais d'autant Cbap. a des Iles Antilles. 15 d'autant que celle-ci produit une forte de Lys qui n'eft point connue ailleurs , nous la reprefenterons en cet endroit avec le plus de naïveté qu'il nous fera pofïiblc. La Plante qui porte cette fleur myfterieufe , ne rampe point fur la terre où elle pourroit eftre foulée aus pieds des pafians, mais ellecroift fur le tronc ou fur les plus grofîes branches de quelques uns de ces arbres precieus dont cette lie eft avantageufement pa- rée , & ayant un fi riche foûticn , elle s'élève par toufes & par bouquets, comme le Muguet ou le Lys des vallées. Cette in- comparable fleur qui n'a pas plus d'étendue que celle du Nar- cyfle, rcprefente fi parfaitement un Lys en broderie d'argent, qu'il femble que la nature ait déployé tout ce qu'elle a déplus rare dans fes trefors, pour la produire dans cette lie, avec toute la grâce & les atraits que les mains les plus adroites des brodeursôt des orfèvres luy fauroient donner , pour lafaire paroître avec toute cette pompe & tout cet éclat , qui L'a ren- due digne d'enrichir la couronne & la pourpre des plus augu- ftes Rois du Monde. Bien que cette place entre toutes les autres Antilles , foit la plus avancée vers la ? Ligne Equino&iale, & par confequent la plus expofée aus ardeurs du Soleil ,. l'Air y eft neantmoins extrêmement agréable & tempéré. lr eft bien vray qu'acau- fe de certaines incommoditez qui acueillirent les premiers hommes qu'on y avoit portez pour la défricher , les en- vieus de cet etablifiement fe fervirent d'une fi trifte oca- fion, pour en dire des chofesdifamatoires, comme fi cet- te terre eut dévoré fes habkans , & n'eut pas efté digue d'eftre cultivée. Mais ces maladies qui. pour, lors lui étoient communes avec toutes les Iles qu'on découvre nouvellement , font à prefent entièrement evanoùyes,, & par la bénédiction du Seigneur , l'on y jouît dune fan- té aufll ferme , & d'une conftitution de corps & d'«- fprit autant vigoureufe >, qu'en aucune autre des An- tilles. Cette Terre de même que les voifines étoit autrefois peu- plée de Carafes, qui y avoient plufieurs beaus & grands Vil- lages : mais il y a prés d'un fieele qu'ils furent contrains de l'abandonner , ôedafe retirer à, l'Ile de Saint Vincent , pour f& iï $ «fe ■ tf I ïô Histoire Naturelle» Chap. 2 fe mettre à couvert des furprifes fort fréquentes & des rudes affauts, qui leur y étoient livrez parles ^Aro'ùigues , leurs anciens & irréconciliables ennemis du Continent. Cette Ile étant ainfi deferte par la retraite des Caraïbes, & apartenant de droit aus premiers qui l'ocuperoient , fa beauté, fa fertilité' , & fa fituation fort avantageuse, convièrent il y a environ trente ans, une Compagnie de Bourgeois de la Ville de Fleflingue d'y faire porter deus cens hommes , à deflein d'y jetter les premières fondemens d'une Colonie, à laquelle ils donnèrent des lors le nom de la 2S(ouve//e Oiïalcre , qui eft celui de la plus célèbre & de la plus peuplée de toutes les Iles qui composent la Province de Zelande , en laquelle leur Vil- le a toujours tenu un rang tres-confiderable : mais les Indiens du voifinage s'étans liguez avec les Efpagnols de l'Ile de la Trinité résolurent de venir fondre d'un commun acord fur ces nouveaus venuz , avant qu'ils euflent le loifir de mettre en bonne defenfe le Fort qu'ils avoient commencé de bâtir, & que le fecours qui leur avoit efté promis fut arrivé. Ce funefte deflein , reuflit à ces barbares ainfi qu'ils l'a- Voient projette: tellement, qu'après avoir taillé en pièces tous ceus qui eurent le courage de s'opoferàleur defeente, démoli la forterefife , & faitplufieurs prifonniers de guerre : ceus qui furent aflez heureuspouréchaperlemaflacreou la captivité, aprehendans un traitement pareil à celui de leurs Compagnons , furent d'avis de fe retirer ailleurs. Dépuis cette déroute, cette Ile fut prés de vint années fans avoir aucuns habitans qui y fuflent fermement arrêtez: mais en Tan mille fix cens cinquante quatre, Meilleurs Adrien & Corneille Lampfins, refolurent de faire peupler de nouveau cette belle Ile, fous les favorables aufpices des Hauts &Puif- fans Seigneurs les Etats Generaus des Provinces Unies du Pais-bas : Et depuis onze ans que ces deus genereus Frères, ont formé & heureufement exécuté ce grand deflein, ils y ont fait pafler à leurs frais <5c dans leurs propres vaiffeaus, un nombre tres-confiderable de braves hommes , qui travail- lent inceflanment à la défricher, & à relever glorieufement les ruines de l'ancienne Colonie que leurs compatriotes y avoient autrefois dreflee. Mon- Chap,a des II es àntules. ij Monfieur Adrien Lampfins eft Directeur de la Compagnie des Indes Orientales à la Chambre de Midelbourgj & Mon- fieur Corneille Lampfins , fon frère , qui eft decedé dépuis peu au grand regret de tous ceus qui l'ont connu , e'toit ancien Bourguemaiftre & Senateurdcla Villede Fleflîngue, & Deputé-perpetueldela Province de Zelande, à l'Affem- bléedes Hauts & Puiflans Seigneurs IcsEftatsGeneraus des Provinces Unies. Outre ces grandes charges & eminentes dignitez , déquel- les ce Seigneur étoit revêtu de fon vivant , & dont il s'eft aquité avec beaucoup de louange, l'onremarquoiten fa per- sonne une integritéincorruptible, un dous& facile accès , & un grand zeie à conferver & à acroître la gloire & la réputa- tion de fa patrie, & à entretenir les Provinces confédérées, dans l'étroite correfpondance , & la parfaite amitié de Puif- fances Souveraine^, qui font dans leur ancienne alliance. D'où vint que le Roy tres-Chreftien à prefent heureufemene régnant, voulant reconnoiftre les mérites de cedigne Séna- teur, & les bons fervices qu'il avoit rendus à fa Majefté, en plufieursocafions importantes , de fon propre mouvement, certaine fcience , pleine puififance & autorité Royale , le créa & déclara Baron, voulant qu'il fut réputé cenfé Ôc apellé BARON DE TABAGO, & que tel il fe pûrnom- mer & apeler tant en jugement que dehors : & qu'il jouit de cette dignité titre & prééminence, pleinement paifiblement & perpétuellement , luy , fes hoirs , fucceffeurs & ayans caufe tant malles que femelles , en tels & pareils droits de noblefle, autoritez, prérogatives , privilèges , & prééminen- ces , en fait de guerre aflemblées de Nobles & autres , com- me en jouïiïent, nfent, & ontacouftumé d'en jouir les autres Barons du Royaume de France, Et que déformais lui & fa pofterité , puiûent porter les armes efeartelées , ayant fur le tout un Efcuflbn chargé de fleurs de Lys fans nombre," & ornée d'une couronne perle'e , ainfi qu'elles font icy cm- praintes. £ ■■ ■ Et y \% Histoire Naturelle, Chap. a •A ■ m m 'ftmm ''.:< m if- i - Et pour le gratifier encore d'avantage fa MajeftéJui donna te ceint militaire , & le fît C HE V A L I ER DE L'A- COLADE, Comme il apertpliis amplement par fes Let- tres données à Saint Germain en l'Aye, aumoisd'Aouft,dc Tan de grâce mille fix cens foixantedeus, léquelles font fignées de fa main Royale , & feellées du grand feau en cire verte y 6c Chap. % des les Antilles. i$ en fuite vérifiées & enregiftrées au Parlement de Paris , ouï &c àceconfentant le Procureur General de fa Majefté, fuivant l' Arreft de vérification , en date du vinteinquiéme May , mil- le fix cens foixante trois. D'autant que cette Ile , eft au rang des lies ^Antilles , & du nombre de celles qu'on nomme au fli les lies Caraïbes, & qu'en cette qualité, elle eft comprife dans la concefïion que la Com- pagnie des Indes Occidentales a obtenuëdes Hauts & PuifTans Seigneurs les Eftats Generaus des Provinces Unies , dés le commencement qu'elle fut érigée, M. M. Lampfins ont apuyé rctablifiement qu'ils y ont fait, de l'Octroy des Directeurs commis des chambres refpe&ives de cette même Compagnie, reprefentans l'Afîemblée des dixneuf: ainfi qu'il paroit par l'Extrait de leurs refolutions, en date du cinquième du mois de May , de l'année mille fix cens cinquante cinq. L'unedes conditions de cet O&roy, portant expreflTementB que celui qui feroit nommé pour commander à cette Colonie naifiante , feroit agréé & confirmé en cette charge par les mê- mes Hauts & PuifTans Seigneurs les Eftats Generaus, M. M. Lampfins leur preftnterent Monfieur Hubert de Beveren : 8c leurs Hautes Puiffances étant deuëment informées delà sene- rofité , de l'expérience , de la fidélité , & de toutes les autres belles qualitez dont ce Gentil-homme eft richement pourveu, & qui le rendent très-capable de cet employ , le munirent de leur ample Commiflïon, le deuziéme du mois de Septem- bre en la même année mille fix cens cinquante cinq : en vertu de laquelle, il eft entré en poficfïïon de ce Gouvernement, au grand contentement de tous les Habitansdel'lie, qui ont tout lujet de fe louer de fa ttes-fage conduite, & de tous les grands foins qu'il aporte pour procurer le bien & la gloire de leur Colonie , & l'entretenir dans le repos &■ la tranquilité dont elle jouit. Il faut avouer, que cette Ile meritoitbien d'avoir des Habi- tans : car outre ce que nous avons déjà dit, de la bonté de l'air qu'on y refpire, de l'incomparable fertilité de fon ter* roir, de la beauté raviflante des arbres qui le revêtent, Ôtdu criftal coulant des rivières & des fontaines qui l'arroufent, 4es excellens vivres qui y croifTent , du miel & du fucre qui y C 2 difti- m if: m so Histoire Naturelle» Chap.* diftilent , des precieufes marchandifes qui s'y recueillent , de la pefche & de la chafle qui y font abondantes , de la feureté ôc commodité de fes ports & de fts rades, & de tous les autres avantages qui la rendent recommendable : étant voifine du Continent de l'Amérique méridionale, elle eft très-propre pour y entretenir un bon commerce avec les François,, les An- glois , & les Efpagnols qui y ont des Colonies , comme aufïi avec les t^froùagues- * Les Calibis , les Caraïbes r & plufieurs autres nations Indiennes, qui ont leurs Villages fur le bords de la grande Rivière d'Orwaque, & le long de la code de la mer. Pour afiurer ce commerce , & mettre cette place en éta£ de ne point redouter les courfes des fauvages , ou les furprifes de quelque autre ennemi, M. M, Lampfins y ont fait bâtir trois Forterefles, qui font à prefent en tres^bonne défenfe , & furnfanmentpourveuéde canons, & de toutes les autres mu- nitions de guerre & provisions de bouche , qui font neceflai- res pour afermir le repos des habitans, contenir les brouil- lons dans le devoir , & donner de la terreur aus envieus de la gloire de cette Colonie. La plus confiderable de cesFortereC fes , & où Monfieurle Gouverneur fait (a demeure ordinaire, cft connue fous le nom de Lampfinbergue , pour ladiflinguer des deus autres , qui font communément apelées faBevercn* & de Bellevifte. La première eft bâtie fur une agréable colline -r laquelle eS: éievée de cinquante pieds ou environ, au defus du terrain que l'on nomme Lampjîn-Baye , & où l'on a aufïi jette les fonde* rnens d'une Ville , qui porte Le nom des Seigneurs de l'Ile , Ôc. qui eft déjà enrichie d'une belle & grande rue , en, laquelle on voit l'Eglife , plufieurs agréables maifons couvertes de tuiles, & acompagnées de Magazins , fort amples. & fondement bat- tis , & de quelques autres ornemens publics & particuliers, qui font tous d'une belle monftre au dehors , & tres-commo- des au dedans. Cette Forterefie confifte en quatre battions, fur chacun déquels , il y aunebaterie de plufieurs grofTes pier ces de canons, qui defendans la Ville & la Campagne voifîne* peuvent foudroyer tous les vaifleaus qui auroieni l'afluraa- ee de mouiller àectte Baye , ou de porter des hommes à terre, feus en a voirobtenu la permifuon. Ces quatre baftions enfer- ment Chap. 2 des Iles Antilles. 21 ment dans leur enceinte le corps de garde , l'arfcnaî muni de toutes fortes de bonnes armes, la mai (on de Monfieur le Gou- verneur, & les apartemens des Officiers & des foldats de la garnifon qui y eft entretenue. L'autre Fort qui eft appelle de Beveren , eft flanqué fur un rocher, lequel étant inaccefiible de quelque côté qu'on le vueille aborder, eft encore baigné de la mer & d'une rivière d'eau douce , qui lui font un large & profond fofle, en forme de demye lune. L a fituation de cette place eft fi avantageufe, que félon le jugement de tous ceus qui s'entendent aus fortifi- cations, l'on pourroit avec peu de frais, la mettre en état d'ar- rêter une puiflante armée: parce qu'outre qu'elle nreft com- mandée d'aucune montagne ouemineneequifoitauvoifina- ge, le roc fur lequel ce Fort eft bâti, ne peut eftreniminé ni fapé, à caufe de fa dureté naturelle, & des eaus qui l'en- tourent. Joint que pour y entrer, il faut traverfer la rivière, & monter par un petit fentier pratiqué dans la mafife du rocher, & qui eft fi étroit, qu'il n'y peur pafler qu'un homme de front* tellement que les foldats qui le gardent, n'ont pas beaucoup de peine à défendre cette avenue , & d'en empefeher l'accès* 11 eft anfîi pourveu de plufieurs- grofies pièces d'artillerie de quinze à dixhuit livres de baies , qui tiennent la rade & tout le Quartier voifin en feureté. Tout joignant cette Place, il y a une langue de terre qui forme une prefqu'lle , fur laquel- le on a deuein de bâtir encore une autre Ville ,, fous le nom de la T^ouvelle Flûfiingut* Le troiûéme Fort , qu'on apelîe de Belfevifî'e , neconiïfte qu'en une redoute , qui eft conftruite entre deus Pointes, dont Tune eft nommée de Coron , & l'autre de Sable. L'on a* édifié dépuis peu cette petite Forterefie, âdeflein d'empefeher les Indiens de faire quelques irruptions dans l'ileparces eiv ckois-là. Car bien-que M. M. Lampfins défirent que leurs fujets entretiennent une bonne intelligence avec ces Barba- res, afindeies.aprivoifer&de les atireràlaconnoiiTance de Dieu , par toutes les voyes de douceur & de charité Chre- ftienne , û eft-ce qu'ils ne veulent pas qu'ils defeendent à ter- re , fans en avoir demandé & obtenu la licence de Monfièvur le Gouverneur» C â fou£- m %i Histoiu Naturelle, Chap. % Pour ce qui eft de l'état prefent de cette Colonie, les der- niers mémoires qui en font venus nous aprenent, qu'il y a déjà environ douze cens Habitans , qui s'ocupent tous à cul- tiver le Tabac ou le Gingembre, ou le Coton, ou l'Indigo, oucesprecicus Rofeaus dont on fait le Sucre , & qu'ils ont déjafix beaus Moulins pour brifer ces Cannes & en exprimer le Suc. Il eft aufli confiant que les Navires qui en font re- tournez dépuis peu, ont déchargé à Fiefïmgue dans lesma- gazins de M. M. Lampfins, une quantité bien notable de toutes ces fortes de marchandifes , qui étoient du crû & de la fafibnde cette lie : léquellcs aufti au raportdes experts ont elle jugées autant excellentes & aufti bien conditionées qu'aucunes autres de même efpece ,' quijufqu'à prefent font venues de l'Amérique. Il eft àcroire , que la bonté & la fertilité du terroir de cette Ile, contribue beaucoup ans louables qualitez &à toute la perfection de ces marchandifes: mais il en faut aufti donner la gloire & la louange , à la diligence & à la d'exterité des Habitans de cette !<{om)dle o'ùdcre , qui étans d'un naturel Vigilant & laborieus au poflible, font aufti fort foigneus de ne rien oublier de tout ce qui eft capable de mettre dans l'efti- me leur aimable Colonie, & de lui aquerir &conferverun bon renom parmi les marchands. Quant au Gouvernement de cette lie, la juftice & la police y font adminiftrées avec toute l'équité, la douceur & la mode* ration que Ton fauroit defirer , par un fageConfeil auquel Monfieur le Gouverneur prefide. Ce Sénat eft compofé d'un Bourguemaiftre de cinq Êfchevins & des principaus Officiers de la milice, qui terminent promtement & fans beaucoup de remifes fuivant les bonnes loix , & les anciennes coutumes des Provinces confédérées , tous les diferens qui peuvent fur- venir entre les Habitans. Les Eglifes de l'une & de l'autre langue que le Seigneur y a recueillies, c'eft à dire tant la Flamande que la Valonne, font auftr conduites par le miniftere des Pafteurs des Anciens & des Diacres, de même que celles des Provinces Unies aufquellcs elles font aftbciées, fous la direction d'une même Difcipline Eelefiaftique , & l'Infpe&ion de leurs Synodes. Enfin Chap. 2 des Iles Antilles. %%■ Enfin , pour ce qui concerne la Police, Ton ne foufre point de pareflèusnide bouches inutilesdans cette petite Republi- que, non plus qu'en celle des Abeilles: mais comme l'oyfi- veté qui eft ia roiïillure des corps & des efprits , en eft bannie par un Arreft irrévocable , aufii le dous & profitable employ de l'agriculture, & tous les louables exercices qui fervent à l'entretien du commerce,y font receus & pratiquez avec hon- neur, de même que parmi les plus genereufes Nations , dont l'hiftoire eft parvenue jufques à nous. ARTICLE IL De l'île de U Grenade. CEtteïle , qui eft fi tuée fur la hauteur de douze degrez,~ & feize fcrupules au deçà de la Ligne , commence pro- prement ie demy cercle des Antilles. On lu y donne (et lieues de longueur , fur une largeur inégale, elle s'étend Nord ôc Sud en forme de CrohTant. Les François s'y font placez il y & environ fix ans. ils eurent à leur arrivée beaucoup à dé- mefler avec le Caraïbes, qui leur en contefterent quelques mois par la force des armes ,. lapaifible pofiefKon. Mais enfin* Monfieur du Parquet Gouverneur pour le Roy de l'Ile de la Martinique * qui a voit entrepris à fes frais cet étabiUTemenr^ ks obligea, à luy laiûer la terre libre ,,par la confideration de leurs propres Interefts , fondez principalement fur le grand avantage qu'ils reeevr oient du voifinage des François, qui ksaffifterorent en tous leurs befoins. La-Terre, y efl très- propre à produire toute forte devi? vres du pais ,. des Cannes de Sucre , du Gingembre & d'excel- lent Tabac. Elle jouyt d'un air bien faim Elle eft pourveiïe de plufieurs fources d?eau douce , & de bons mouillages pour? ks Navires. Il y aauftiune infinité debeaus Arbres, dont ks uns portent des fruits delicieus à manger, & les autres Ibnt propres à bâtir des maifons. La pefche eft bonne en toute lacoftc, &les Habitans fe peuvent étendre tant pour la pefche , que pour la chaflfe , en trois ou quatre petis Ilets^ <$u on nommé ks Gremdim, qui font au Nord^Eft de cette: &eim 24 Histoire Naturelle, Chap.a terre. Monfieur le Comte, Capitaine de la Martinique, à efté le premier Gouverneur de cette Ile. Monfieur de la Vaumeniere , luy a fuccedé en cette charge. 11 a fous fa conduite plus de trois cens hommes bien aguerris, quipour^ la plupart ont déjà demeuré en d'autres lies, & qui s'enten- dent parfaitement à faire cultiver la terre, & à manier les armes, pour repoufler au befoin les efforts des fauvages, & de tous ceus qui voudroient troubler le repos dont ils jouyfifent , en cette aimable demeure. Monfieur le Comte de Seryllac , ayant entendu le récit avantageus qu'on faifoit à Paris & ailleurs, de la bonté & beautéde cette lie, là fait acheter dépuis peu de Monfieur du Parquet. Ce qui donne tout fujet d'cfperer, que dans peu de tems cette Colonie, qui eft tombée en de fi bonnes mains, fera confiderable pour le nombre de fes Habitans , & pour la quantité des Marchandifes qu'elle fournira. ARTICLE I IL De l'île de Bekia. t CEtte Terre, eft diftante de la ligne de douze dégrez & vint-cinq fcrupules. Elle a dix ou douze lieues de circuir, & elle feroit aues fertile , Ci elle étoit cultivée. Il y a un fort bon Havre pour les Navires, qui y peuvent eftre à l'abry de tous vens : mais à caufe qu'elle eft dépourveuë d'eau douce, elle eft peu fréquentée , fi ce n'eft de quelques Caraïbes de faint Vincent , qui y vont quelquefois faire la pefche , ou cultiver de petis jardins qu'ils ont ça & là , pour leur diver- tiflement. ARTICLE IV. De l'île de Saint Vincent. CEtte Ile, eft la plus peuplée de toutes celles quepoiîe- dent les Caraïbes; Elle eft fur la hauteur de feize dé- grez au Noii de la Ligne. Ceux qui ont ve u l'Ile de Ferro, qui Chap.S' peî Iles Antilles. a* qui eft Tune des Canaries, difent que cellecy eft de même figure. Elle peut avoir huit lieues de long&fix de large. La terre eft relevée de plufieurs hautes montagnes , au pied defquelles fe voyent des plaines , . qui feroyenc fort fertiles fi elles étoient cultivées. Les Caraïbes y ont quantité de beaus Villages , où ils vivent delicieufement , & dans un pro~ fond repos. Et bien qu'ils feient toujours dans la méfiance des Etrangers , ôc qu'ils fe tiennent fur leur garde quand il en arrive à leur rade, ils ne leur refufent pas neantmoins du pain du pais , qui eft la Cafiave , de l'eau , des fruits , & d'au- tres vivres qui croiiTcnt en leur terre , s'ils en ont befoin : pourveu qu'en échange, ils leur donnent des couteaus, des ferpes, des coignées, ou quelques autres ferremens , dont ils font état. A caufe que cette place s entre toutes celles que les Caraï- bes pofledentaus Antilles, eft laplusvoifine du continent, ok habitent les Aroiiagues leurs irréconciliables ennemis, ils y aflignent ordinairement , le rendez-vous gênerai de leurs troupes , lors qu'Us ont formé le dclTein de les ataquer. Ceft aufli de cette lie , que font fortis les plus vaillans hommes, qui à diverfes reprifes, ont fait des defeentes & des ravages dans les Colonies des François & des Angiois , comme nous le dirons enfonlieu. A R T I C L E V. De l'île âe la Barboudt. L'Ile que nos François appellent îa Barhoude , &les Aïi* glois Barbadey eft (huée entre le treizième & le quator- zième degré, au Nord de l'Equateur, à l'Orient de Sainte Aloufieôc de Saint Vincent. Les Angiois, qui y ont mené des l'an mil fix cens vint fét la Colonie qui l'habite encore à prefent, luy donnent environ vint-cinq lieues de tour. Elle eft d'une figure plus longue que large. Il n'y a qu'un feul ruilTeau en cette Ile , qui mérite de porter le nom de Rivière : Mais la terre y étant préfque par tout platte & unie , elle a en plufieurs endroits des Etangs , & des refervoirs d'eau douce, D ^ I s& Histoire Naturelle, Ctaap.î qui fuppléent audefaut des fontaines & des rivières* La> plu- part des maifons , ontauiîîdesCidernes, & des puits, qui ne tarifient jamais. Du commencement qu'on cultiva cette terre, on tenoit qu'elle ne promettoit pas beaucoup : Mais l'expérience a vé- rifié le contraire , & elle s'eft trouvée fi propre à produiredu Tabac, du Gingembre, du Cotton , & particulierémentdes Cannes de fucre, qu'après l'Ile de Saint Chriltofle , elle erl la plus fréquentée des Marchands , & la plus peuplée de tou- tes les Antilles. Des l'an mil fix cens quarante fix , on y con- toit environ vint mille Habitans , fans comprendre les Efcla- ves nègres , que l'on tenoit monter à un nombre beaucoup plus grand. Il y a plufieurs places en cette Ile , qui portent à bon droiû le nom de Villes : parce-qu'on y voit plufieurs belles, lon- gues & larges rues, qui font bordées d'un grand nombre de beaus édifices , où les principaus Officiers «5c Habitans de cette célèbre Colonie font leur demeure : Mais a confiderer toute cette île en gros, on la prendroitpour une feule gran- de Ville , à caufe que les maifons ne font-pas fort éloignées les unes des autres : Qu'il y en a auili beaucoup de bien bâties, à lafaflbn de celles d'Angleterre : que les boutiques & les magazins y font fournis de toutes fortes de Marchan- difes: qnfon y tient des foires & des marchez : Et que toute nie , à limitation des grandes Villes , efidivifée en plufieurs 3?arroi{fes , qui ont chacune une belle Eglife , où les Pafteurs qui y font en grand nombre, font le fervice Divin. I ous les plus confiderables Habitansde cette lie, y font fer- mement établis , & s'y trouvent fi bien , qu'il arrive rarement qu'ils la quittent, pour aHeren une autre. Cequin'eft pas étonnant, puifqu'e lie leur fournit en abondance tous lesmeii. leurs rafraichirTemens qui peuvent eftre tranfportez de l'Euro- pe , & une infinité de douceurs que ce nouveau Monde pro- duit. Nous aprenons auiïl, que cette Colonie s'efl tellement a^ crue, que ne pouvant plus contenir fans enpreuement le grand sombre de fes Habitans , elle a eux obligée pour fe mettre plus au lafge, de paufTer une. nouvelle J?eupiadedaas le Continent de Chap.2 T>ES iLrÊS ANTILLES. 2? de l'Amérique Méridionale , laquelle s'acroift de jour à autre, à la décharge , & au plus grand ayantage de celle-cy, dont elle relevé. Cette lie eft renommée par tout, à caufe de la grande abondance d'excellent lucre , qu'on en tire depuis plufieurs années, lleft vray , qu'il n'eft pas fi blanc que celuy qui vient d'ailleurs, mais il eft plus eftimé des RafÏÏneurs, par ce qu'il a le grain plus beau, «Se qu'il foiilonne davantage, quand on le purifie. ARTICLE VL De file de Sainte Lucie. LEs François appellent communément cette Iïe S tinte K^Aloufie , elle eft fituée fur le treizième degré' & quaran- te fcrupules au deçà delà ligne. Elle n'eftoit par cy devant fréquentée que par un petit nombre d'Indiens , qui s'y plai- foient à caufe de la pefche qui y eft abondante. Mais les François de la Martinique, font venus dépuis peu leur tenir compagnie. Il y a deus hautes montagnes en cette lie, qui font extrêmement roides. On les apperçoit de fort loin , <5c on les nomme ordinairement , les Pitons de Suinte ^Aloufie^ Au pied de ces montagnes 5 il y a de belles & agréables vallées, qui font couvertes de grands arbres , & arrofées de fontaines. On tient que l'air y eft bon , & que la terre y fera fertile, quand elle fera un peu plus découverte, qu'elle n'eft àprefent. Monfieur de RofTelan , a étably cette Colonie Françoifer fous les ordres de Monfieur du Parquet , qui l'avoit choify pour y eft refon Lieutenant: & étant decedé en l'exercice de cette charge de laquelle il s'aquittoit dignement, Moniieur le Breton Parifien a efté mis en fa place. D % aff HlSTOÎBE NAtURBltB, Chapi ARTICLE VU- i I>£ /*7/^ flPd la Martinique. LEs Indiens, appelîoient cette île tMaàmim% mais les . Efpagnols luy ont donné le nom qu'elle porte à prefent. Elle eft fur la hauteur de quatorze degrez & trente fcrupules au deçà de la ligne. C'eft une belle & grande terre , qui a en- viron feize lieues en longueur, fur une largeur inégale , & quarante cinq.de circuit. C'eft au jourduy l'une des plus célè- bres, «Se des plus peuplées des lies Antilles. Les François, & les Indiens occupent cette terre , &yonfc vécu long tenis enfemble en fort bonne intelligence. Mon- fieur du Parquet , neveu de feii Monfieur Dcfnambuc , qui donna le commencement aus Colonies Françoifes qui font répandues en ces Antilles, comme nous le dirons cy après, en eft Gouverneur pour le Roy , & dépuis quelques, années il en aaquis laSeigneurie. C'eft la plus rompue* des Antilles \. c'eft à dire la plus rem- plie de montagnes, qui font fort hautes, & entre-coupées de rochers inaccefïlbles. Ce qu'il y a de bonne terre, eft com- p.ofé en partie de Mornes, qui font des eminences prefque mondes , ainlî nommées au pais : de côtaus qui font parfaite- ment beaus, (on les appelle Côtiens au langage des Iles: ) Et de quelques plaines ou valons, qui font extrêmement agréables. Les montagnes , font tout à fait inhabitables , «5c fervent de repaire au beftes fauvages, aus ferpens, & aus couleu- vres, qui y font en fort grand nombre. Ces montagnes font couvertes de beaus bois , d'ont les arbres , furpaflent de beau- coup & engrofleur , & en hauteur les nôtres de France; & produifent des fruits ,. & des graines , d'ont les fangliers ôcles, oiféaus- fe repaiftent. Pour ce qui eft des Mornes Se des côtaus, la plupart font habitables , & d'un bon terroir , mais fort pénible à cultiver : Car on en voit qui font fi hauts &fi droits, qu'à peine y peut on travailler fans danger , ou du moins , fans eftre obligé à fe tenir Chap. % des Iles Antilles. 29 tenir d'une main à quelque louche de Tabac, ou à quelque branche d'arbre, afin de travailler de l'autre. Le Tabac qui. croift dans ces lieus élevez, eft toujours meilleur, Sr plus eftimé, que celuy qui croift es vallées , & en des fonds, qui ne font pas de fi prés favorifez. de l'aimable prefence du Soleil. Car le Tabac qui fe cueille en ces en- droits, eft toujours plein détaches jaunâtres, comme s'il étoit brûlé , & n'eft ni de bon goût , ni de bonne garde. Ces lieus étoufés fontauiîi fortmal-fains , ceus qui y travaillent, deviennent de mauvaife couleur, & les nouveaus venus, qui ne font pas acoûtumez à cet air, y gagnent plutôt qu'ailleurs le mal d'eftomac, qui eft fi commun en ceslles. Comme il y a deus fortes de Nations différentes en cette terre, aufli eft elle partagée entre l'une & l'autre, c'eft à dire entre les Indiens habitans naturels du pais , &les François, qui jetterent les fondemens de cette Colonie au moys de Juillet de l'an mil lîx cens trente cinq, fous lafage conduite deMonfieut Defnambuc , qui les fit paner dej'lle de- Saint Chriftofle , les mit,en la: paifîble poflefîion de cette terre , & après les avoir munis, de tout/Ce qui étoit necelTaire pour leur fubfiftence, ôc pour leur feuretjé , leur laifla Monfieur du Pont, pour commander en qualité de fon Lieutenant. La partie de l'Ile , qui, eft habitée par les Indiens , eft toute comprife en un quartier , qui fe nomme ,1a Çabes-terre , fans autre diftin&ion. Pour ce qui eft du pais occupé par les François, & que l'on nomme Baffe-terre y il eft divifé en cinq quartiers , qui font la Café du Pilote, la Café Capot, le Carbet , le Fort Saint Pierre., &.le Prcfcheur. Enchacun de ces quartiers il y a une Eglife, ou du moinstine Chapelle , un Corps de garde* & une place d'Armes , autour de laquelle on a bâty plufieurs beaus & grands Magazins, pour ferrer les Marchandifes qui viennent de dehors, & celles qui fe font dans l' ile. Le quartier de la Café du Pilote r eft ainfi appelle, àeaiifc d'un Capitaine fauvage, qui y demeuroit autrefois , & qui te- noit à gloire de porter ce nom de Pilote, que nos François ï-uyav oient donné. 11 étoit grand amy de Monfieur du Par- quet, &c' étoit luy quiravertiilbit continuellement, de tous I 5o Histoire Naturelle, Châp.2 les d'efleins, que cens de fa Nation formoient alors con- tre nous. Au quartier de la Café Capot, il y a une Fort belle Savan- te , ( on appelle ainfi aus lies les prairies & les lieus de pâtu- rage) laquelle eft bornée d'un coité d'une rivière, nommée la Rivière Capot, & de l'autre, de plufieurs belles habitations. Le quartier du Carbet, a retenu ce nom, des Caraïbes, qui avoient autrefois en cette place l'un de leurs pins grands Villages, & une belle Cazequ'ils appelloient Le Carbet , nom, qui eft encoreàprefent commun à tous les lieus, où ils font leurs aflemblées . Monfieur le Gouverneur, a honoré un fort long tems cet agréable quartier de fa demeure, laquelle il "faifoit en une maifon qui eft bâtie de briques , guéres loin de la rade, près de la place d'armes , en un beau vallon , qui eft arrofé d'une afles grofle rivière , qui tombe des montagnes. Les Indiens qui n'avoient point encore veii de bâtiment de pa- reiileflgure, ni de matière fifolide, le confideroient au com- mencement, avec un profond étonnement, & après avoir efiayé avec la force de leurs épaules, s'ils le pourroient ébran- ler, ils étoient contrains d'avouer, que fi toutes les maifons étoient bâties de la forte , cette tempefte qu'on nomme Ouragan, nelcs pourroit endommager. Cette maifon , eft entourée de pkillèurs beaus jardins , qui font bordez d'arbres fruitiers, &embellysde toutes les raré- îez, &curiofitez du pais. Monfieur le Gouverneur a quit- té cette demeuredepuis environ deus ans , à caufe qu'il ne fe portoit pas bien en ce quartier où elle eft fituée, &ena fait prefent aus Jefuites, comme au (fi de plufieurs belles habita- tions qui en dépendent , & d'un grand nombre d'Efclaves nè- gres, qui les cultivent. Le Fort Saint Pierre, eft le quartier où demeure prefente* ment Monfieur le Gouverneur. 11 y a une Fort bonne bat- terie de plufieurs grottes pièces de Canon , partie de fonte verte , & partie de fer. Ce Fort commande fur toute la rade. A un jet de pierre du logement de Monfieur le Gouverneur, eft la belle Maifon des Jefuites, fituée fur le bord d'une agréable Rivière, que l'on appelle pour cette raifon, la Rivière des lefiitcs. Ce rare édifice, qui pourroit en unbefoin fervir de *-n Chap.2 des Iles Antilles. 51 de Citadelle , eft bâty fblidement de pierres de taille ôc de bri- ques, d'une ftru&ure qui contente l'œil. Les avenues en font fort belles- & aus environs on voit de beaus jardins , 6c & des vergers remplis de tout ce que les lies produifent de plus delicieus, & de plufieurs plantes, herbages, fleurs & fruits qu'on y a apportez de France. 11 y a même un plan de Vignes, qui porte de bons raifins ,. enaffes grande abondance , pour en faire du vin. Le quartier du Prefcheur, contient un plat pais fort con- fiderable pour fon étendue j & plufieurs hautes montagnes, à la pente déquelies on voit un grand nombre de belles habita^ tions, qui font de bon rapport. Entre la Cabes-terre & la Baffe-terre , il y a un cul-de-fac, où il fe trouve beaucoup dehors propre à monter le Tabac, On y va prendre aufli des rofeaus , qui fervent à palhîader les Cafés, & du Mahot franc, dont lécorce fert à plufieurs ufages de la ménagerie; La plupart des maifons de cette île, font de charpente, fort commodes , & d'une montre agréable, Les plus confide* râbles font bâties fur ces eminences, queles Habitans appel* lent Mornes. Cette iltuationavantageufe, contribue beau- coup à lafantéde ceusquiy demeurent, car ils y refpirent un air plus épuré que ceiuy des vallées; Et elle relevé merveil* leufementlabeaute.de tous ces agréables édifices,, leur four- nilTant une. perfpedive fort divertuTante . La meilleure rade de cette Ile, eft entre le tarbet., & le Eort Saint Pierre. Elle eft beaucoup plus alfurée que celle des lies voifines , étant à-demy entourée de. montagnes affes hautes , pourla mettre à couvert des vens , &< y tenir les yaif- feaus enfeureté; Entre la. Café du Pilote , & ce fein qu'on nomme ordinal rement leCul*de~fec des -.-Salines ,, il y a un rocher une demye lieue avant en mer , que l'on appelle le Diamant ■•, àeaufe de fa iigure , qui fert de retraite à une infinité d'Oifeaus ,. & entre autres aus Ramiers , qui y font leurs nids; L'accès en eft dif- iîcile: maison ne lauTc pas.de le vifiter quelquesfoisenpaf- fant , pendant le tems que le. petits des Ramiers, forit bons-à manger. l€ I m 'Mi ji Histoire Nature île, Chap.a Le Crénage, eft fitué du même codé que ce Diamant j c'eft unlieuenformedeCul-de-fac, ou defein, où l'on mené les Navires pour les r'arfraichir , & pour les reparer en les tour- nant fur le cofté, jufques à ce que la quille apparoifle à de- couvert. La mer y eft toujours calme : mais ce lieu n'eft pas en bon air , & les matelots y font ordinairement pris de fiè- vres, qui pourtant ne font pas fort dangereufes, puis qu'elles quittent leplusfouventen changeant de lieu. Outre les Torrens, qui au tems des pluyes coulent avec impetuofité parmy toutes les ravines de cette lie, on y conte jufqu'à neuf ou dix rivières confîdcrables , qui ne tarilfent jamais. Elles prenent leurs fources,à la pente, ouaupieddes plus -hautes montagnes, d'où elles roulent leurs eaus entre les Vallons ; & après avoir arrofé la terre , elles fe déchangent en îa mer. Leur voifinage eft fouvent incommode & dange- reuz , à caufe que lors qu'elles fe débordent , elles déracinent les arbres , fappent les rochers , & defolent les champs & les jardins , entraînant bien fouvent dans les précipices j les mai- fons qui font en la plaine, & toutee qui s'oppofeà cette ex- traordinaire rapidité' de leur cours. C'eft auiiicëqui a con- vié la plupart des Habitans de cette Colonie, de choifir leurs demeures au fommet de ces petites montagnes , ou à la pente de ces eminences , dont leur Jle eft richement couronnée: car elles les parent contre ces inondations. Mais ce qui eft de plus confiderable en cette terre, eft la multitude des Habitans qui la pôftedent,' 3c la cultivent, qu'on dit eftre à prefent de neuf ou dix mille perfonnes , fans y comprendre les Indiens, & les Efclaves nègres , qui lont prefque en auf] grand nombre. Là douceur du Gouverne- ment , & îa fuuation avantageufe de cette lie, contribuent beaucoup à l'entretien p*£) â^l'accroiiïement de cette grande affluancede Peuple. Car préfque tous les Pilotes des Navires François & Holiandois qui voyagent en l'Amérique, ajuftent le cours de leur navigation en telle forte, qu'ils la puhTent reconnoitre, & aborder avant toutes les autres, qui ne font pas fi bien fur leur route: & fi-foft qu'ils ont jette l'ancre à la rade de cette terre, pour y prendre les refraichifiemens qui leur font neceftaires , i)s y fom defeendre leurs paiïagers , s'ils ne Cîhap, 2 des Îles Antiliej. Il" ne font cxprcfiement obligez de les conduire encore plus loin . Il eft même arrive' fouvent, que des familles entières , qui etoient /orties de France, en intention de paiTer en d'autres lies, qui font au delà de cclle-cy, & qui ne luy cèdent en rien, ni en bonté' d'air , ni en fertilité' de terroir , e'tans fatigue' es & ennuyées de la mer, s'y font arrêtées, pour nepoints'expo- fer de nouveau, à tant de dangers , de dégoûts , & d'autres incommoditez , qui accompagnent infeparablement , ces longs & pénibles voyages. Parmy cettegrande multitude de peuple, qui compofe cette Colonie,ilyaplufieursperfonnes démérite, & de condition qui après avoir fignalé leur valeur, dans les arme'es de France, ont choify cette aimable retraitte, pour eftre le lieu de leur re- pos, après leurs honorables fatigues. Monfieur de Gourfolas, Lieutenant General de Monfieur le Gouverneur, s'y eft rendu recommandable entre tous j fa fage conduite, fon affabilité', & ion humeur obligeante, luy ont aquis les affe&ions de tous les Habitans de l'Ile, & les refpe&s de tous les étrangers qui y abordent. Monfieur le Comte, <5r Monfieur de L'Oubiere, y font con-fiderez entre les principaus Officiers. Monfieur du Coudre , y a exerce un fort longt ems la charge de Juge Civil & Criminel, avec beaucoup d'approbation. Au commencement de Ja description de cette Ile , nous avons dit à deffein, que les François & les Indiens , y ont vécu long tems enfemble en banne intelligence : Car nous apprenons des mémoires , qui nous ont elle envoyez dépuis peu , touchant l'Etat de cette Ile, qu'il y-a environ quatre ans, que les Caraïbes font en guerre ouverte avec les nôtres ; que depuis ce tems-là , ces Barbares ont fait plufieurs ravages en nos quartiers 5 & que ni les hautes montagnes, ni la profon- deur des précipices , ni l'horreur des vafles & affreutes foli- tudes, qu'on avoir tenues jufques alors pour un mur impéné- trable, quifeparoit les terres des deus Nations, ne les ont pu empefeherde venir fondre fur nos gens , & de porter jufques au milieu de quelques-unes de leurs habitations , le feu, le maflacre, la defolation , & tout ce que l'efprit de vengeance leur à pu di&er de plus cruel , pour contenter leur rage, Se pour aflfouvir la brutalité de leur paillon, £, Oa ■ A,i ^ Histoire Naturelle, Cap. 2 On parle diverfement des fujets de cette rupture. Les uns l'attribuent au déplaifir que quelques Caraïbes ont conceu* de ce que Monfieur du Parquet, a établi contre leur gré, des Colonies Francoifes aus lies de la. Grenade, & de -Sainte Aloufîc , ou de ce qu'on ne leur a pas acompli la promeûe qui leur avoit efté faite > en s'emparant de ces places, de leur don- ner en compenfation, des marchandifes, qui leur feroyent les plus agréables, jufqu'à la concurrence, de la valeur de deus mille francs, ou environ. Les autres difent, qu'ils ont efté incitez à prendre les armes, pourvenger la mort de quel- ques uns de leur Nation, Habitans de l'Ile de Saint Vinrent,, qu'ils tiennent eftreperiz, après avoir beû de l'eau de vie e m- poifonnée, qui leur avoit efté apportée de la Martinique. Incontinent que cette guerre fut déclarée, & que les Ca- raïbes eurent fait par furprife, félon leur coutume, quelques dégâts en l'un de nos quartiers : eeus qui font envieus delà gloire de nos Colonies, & de leur progrez ■& afrermiflement dans ce nouveau Monde, faifoient courir le bruit, que nos gens ne pourroyent jamais domter ces Barbares^ que ceus de cette même Nation qui habitent à la Dominique* &à Saint Vincent, avoient ébranlé tous leurs alliez du Continent, pour nous faire la guerre à forces unies j que pour faciliter ce deflein, ôcgroûlrleurparty, ils avoient même traitté de paix avec les Arovagués leurs anciens ennemis j & qu'ils avoyent engagé (î avant tous ces Sauvages en leur querelle , qu'ils étoient refoius de fe jetter d'un commun effort fur nous , Ôc de nous accabler de leur multitude. L'On ne fait pas au vray, fi cette ligue générale dont on nous menaçoità efté projettée : maisil eft confiant qu'elle n'a point paru] & qu'après les premières courfes » que les Ca- raïbes de la Martinique firent fur nos terres avec quelque avantage, ils ont dépuis fi mal reuflydans leurs entreprifes,<5c ils ont efté fi fouvent pour fuivis & repouflèz de^s nôtres , avec perte de leurs principaus Chefs, qu'ils ont efté contrains de- puis deus ans ou environ d'abandonner leurs Villages, & leurs Jardins à leur diferetion , ôc de fe r'enfermer dans l'epaiiTeur des bois , & parmy des montagnes 6c des rochers qui font préfque inaccetïïbles. De forte que ceus qui connoitîent la valeur, Chap. I des Iles Antilles. p$ valeur, l'expérience , & le bon ordre de nos François qui ha- bitent cette lie , font entièrement perfuadez, que fi ces Bar- bares , ont encore l'aiïurance defortirdeieurs tanières , pour -expérimenter le fort des armes , & pour fecoûer cette pro- fonde confternation en laquelle ils vivent , ils feront con- trains par neceflité , ou de leur quitter l'entière poffeffion de cette terre , ou d'accepter toutes les conditions fous lesquel- les ils voudront traitter de paix avec eus , & renouvelle!* l'an« tienne alliance, qu'ils ont trop légèrement rompue. Dépuis la première édition de cette Hiftoire, nous avons efté pleneracnt informez de l'e'tat auquel eft à prefent cette floriflante Colonie, & de l'heureus fucces des guerres quelle a eus avec les Caraïbes : Mais à caufe que cet Article eft déjà aflez diffus, & que cette matière apartient proprement à l' Hi- ftoire Morale , nous la remettrons avec toutes fes circonftan- ces, au Chapitre vintiéme de nôtre fécond Livre, auquel nous traitons des guerres des Caraïbes. CHAPITRE TROISIEME. Des Iles JnïtUts qui s* étendent y ers le Kord. TOutes les lies dont nous ferons la defcrïption en ce Chapitre, étans fitue'es plus au Nord que les précé- dentes 5 jouiflent par confequent d'une température un peu plus douce. Elles font auffi plus frequente'es que celles dcTabago, delà Grenade, & de Sainte Aloufie $ à caufe que les Navires qui fe font rafraichis à la Marciniquc , & qui def- cendentà Saint Chriftorle , les peuvent vifiter les unes après les autres , fans fe détourner de leur route. ARTICLE De Vile de U Dominique. I CEtte Ile , eft fur la hauteur de quinze degrez Se trente fcrupules. On Feftimê avoir en longueur environ tréze lieues, & en fa plus grande largeur un peu moins. Elle a en E 2 ton K' 3 6 H I S T © I R Ë N A TURELLE,, Châp. | ion centre plufieurs hautes montagnes, qui* entourent un fonds inacceffible , où l'on voit du haut de certains rochers, une infinité de Reptiles, d'une grofTeur & d'une longueur effroyable. Les Caraïbes, qui habitent cette lleen grand nombre , ont: fort long-tems entretenu , ceus qui les alloient vifiter , dw conte qu'ils faifoient , d'un gros 3c monftrueus ferpent , qui avoir Ton repaire en ce fonds. Ils difoient qu'il portoit fur fa telle une pierre éclatante comme une Efcarboucle, d'un prix inéfHmable. Qu'il voiloit- pour l'ordinaire ce riche orne- ment, d'âne petite peau mouvante, comme la paupière qui couvre l'œil : mais que quand il alloit boire, ou qu'il fe jo ilote au milieu de ce profond abyfmc , il lemontroit à découvert-, & que pour lors les rochers, & touteequiétoit à l'enrour, recevoir un mervcilleus éclat du feu, qui fortoit de cette precieufe couronne. Le Cacique de cette Ile , ctoît autrefois des plus confide-~ rez entre les autres de la même Nation. Et quand toutes leurs troupes marchoient en bataille, contre les Aroiiagues leurs ennemis du Continent, celuy-cy avait la conduite de l'avantgarde, & étoitfignalé par quelque marque particuliè- re , qu'il avoit fur fon corps. Et encore à prefent , il tient un rang de Prince parmy ces Barbares, qui ont même tant de re- fpcd& de vénération pour luy , qu'ils le portent fouvent fut leurs épaules^ dans une forme de braucart, lors qu'il veut honorer de fa prefence leurs feftins , ôc leurs, autres, aften-i- blées folemnielles. Quand il paffede Navires François prés de cette île , on voit auiTi- tôt plufieurs canots, en chacun déquels il y a -trois? ou quatre Indiens au plus , qui viennent convier les Capitai- nes de ces Vailïeaus , d'aller moiiiller aus bonncs.rades qu'ils montrent : Ou du moins , ils prefentent des fruits de leur ter- re, qu'ils ont apportez, & après avoir fait prefent de quel- ques uns des plus beaus aus Capitaines , & aus autres Offi- ciers, ils offrent ce qui leur refte, en échange de quelques iiaaicçcms^de quelques grains de criltal , ou d'autres menues bagatelles qui leur font agréables. . Gens Chap. 3 des Iles ântiiles. 37 Ccus qui ont une connoiffance particulière de cette belle île, nous afifurent, qu'elle eft l'une des meilleures, & des plus dignes d'eftre cultivées de toutes les Antilles, à caufe des excellentes vallées, & des plaines de grande étendue , qui font au pied des agréables montagnes , qui luy font une fuper- be couronne, & parce qu'elle eft rafraîchie plus qu'aucune autre, de plufieurs grandes fources, qui y forment des ruik feaus <5t des rivières , qui font merveilleusement commodes. On tient aufft, qu'il y a des perfonnes de qualité , qui ont deflein d'obliger bien tôt les Caraïbes , à recevoir des com- pagnons du dous repos 3c de la tranquilité qu'ils y reipkent,. ARTICLE I L De l'île de LMarigdante. ON l'a met ordinairement fur la hauteur de quinze de- grez & quarante fcrupules. C'eft une terre affez plattc & remplie de bois, quitémoignent qu'elle ne feroit pas infé- conde, fi elleétoit cultivée. Elle a toujours été fréquentée des Indiens, tant pour la pefche, que pour l'entretien de quel- ques petis jardinages qu'ils y ont. Les derniers avis , qui npus font venus des Antilles , por- tent, que Monfieur D'Hoùel, Gouverneur de la Gardeloupe, a nouvellement fait peupler cette lie , & qu'il y afait bâtir un Fort, pour réprimer quelques Indiens , qui vouloient s'oppofer à ce deffein, , & qui y avoient tué vint hommes, qu'il y avoir envoyez par avance, pour découvrir peu à peu la terre: 6c qu'à caufe de cet accident , il y en a fait p aller en- virons trois cens ,. qui fe retiroient la nuit en un grand vahTeau qu'ils avoient à la rade , juiques à ce que la fortification fut en defenfe. Les Caraïbes de la'Dominique, pour entretenir/ l'amitié qu'ils- ont avec les Habitans font leurs plus proches voifins, difent qu'ils font innocensde-i ce maflacre , & en ont fait exçufe à Monfieur d'Houe 1 , l'im— jmtantà ceus de.leur Nation, qui habitent aus autres lies.. ~E i AR'T'Î- ir m 38 Histoire Naturelle, Ch-sp.j ARTICLE II L Des îles des Saintes , & des Oifeam, ENtre la Dominique, & la Gardeloupe, il y a trois ou qua- tre petites Iles , fort proches les unes des autres , qu'on nomme ordinairement les Saintes. Elles font fur la même hauteur que CMarigalante , au couchant de laquelle elles font fituées, & jufques à prefent , elles font defertes & inhabitées. l'Ile ans Oifeaus , eft encore plus occidentale que les Sain- tes. On la range fur la hauteur de quinze degrez, & quarante cinq fcrupules. Elle eft ainfînomméeàcaufede la multitude d'Oifeaus, qui y font leurs nids jufques fur le fable , & au bord de la mer. Ils font pour la plupart fort faeilcsà prendre à la main, par ce que ne voyant pas fouvent des hommes , ils n'en ont nulle crainte. Cette terre eft fort baffe, & à peine la peut-on appeacevoit, que l'on n'en foit bien prés. ARTICLE IV. De l'Ile de la Vefiderade. ELle eft ainfinomme'e, par ce que chriUofle Colomb , la découvrit la première de toutes les Antilles, enfon fé- cond voyage de rAmerique. Et comme la première terre de ce Nouveau Monde , fut appellée par luy, San Salvador, au lieu qu'elle fe nommoit auparavant Guanahani , qui eft une desLucayes, fur la hauteur de vint-cinq degrez & quelques fcrupules 5 ainfi, il nomma celle-cy la Defirée , à caufe de l'ac- complifTement de fon fouhait. Elle eft éloignée de dix lieues de la Gardeloupe, en tirant vers le Nord-Eft: & de la ligne, de feize degrez, & dix fcrupules. 11 y a aflez de bonne terre en cette Ile , pour y dreffer plusieurs belles habitations : c'eft pourquoy on efpere , quelle ne fera pas long-tems, fans eftre peuplée. ARTI. Chap. 3 des Iles Antilles. ARTICLE V, De l'ite de la Gardeloupe. CEtte île , eft la plus grande , & l'une des plus belles, de toutes celles que les François pofledent aus Antilles. Elle étoit cy devant appellée par les Indiens Camcueirai mais les Efpagnols iuy ont donné le nom qu'elle porte à prefent. Les uns la mettent preeifément au feiziéme degré , & les au- tres y ajouftent feize fcrupules. Elle a environ foixante lieues de circonférence, fur neuf ou dix de largeur aus endroits ou la terre s'étend d'avantage. Elle eft divifée en deus parties par un petit bras de mer, quifepare la Grand' terre, d'avec celle qu'on nomme proprement la Gardeloupe. La partie plus Oricntalcdecelle-cy, eft appellée, Caûes-Terre, & celle qui eft au Couchant , Bajfe-Terre. Ce qu'on nomme la Grand' Terre, a deus Salines, où l'eau de la mer fe forme en fei , comme en plufieurs autres lies, par la feule force du Soleil, fans aucun autre artifice. - La partie qui eft habitée , eft rele v ée en plufieurs endroits^ & particulièrement en fon centre, de plufieurs hautes mon- tagnes, dont les unes font herilîées de rochers pelés & afFreus, quiféleventdu fein de plufieurs effroyables précipices, qui les entourent ^ & les autres , font couvertes de beaus arbres* qui leur compofent en tout tems une guirlande agréable. Il y a au pied de ces montagnes, plufieurs plaines de grande étendue, qui font rafraîchies par un grand nombre de belles rivières , qui convioient autrefois les flottes qui venoient d'Efpagne^ d'y venir puifer les eaus , qui leur étoientnecef- faires , pour continuer leurs voyages. Quelques unes de ces rivières , enfe débordant, roulent des bâtons enfoufrez , qui ont pafTé par les mines de foulfre , qui font dans une mon- tagne des plus renommées de l'Ile, qui vomit continuelle- ment de la fumée, & à laquelle on a donné pour ce fu jet, le nom de Soulfiiere. Il yaauffi des fontaines d'eau bouillante^ que l'expérience a fait trouver fort propres à guérir l'hydro- pifie , & toutes les maladies qui proviennent de caufe froide. m ■40 Histoire Naturelle, Chap.j 31 y a deus grands feins de mer , entre ces deus terres , d'où les Habitans de l'Ile qui fe plaifent à la perche , peuvent tirer en toute faifon des Tortues , & plufieurs autres excellens poiiïbns. Cette terre commença d'eftre habitée par les François, en Tan mil (ïx cens trente cinq. Meilleurs du Pleffis , Ôc de L'Olive, y eurent les premiers commandemens avec égale autorité. Mais le premier étant mort lefeptiéme mois après fon arrivée, .& Monfieur de l'Olive étant devenu inhabile au gouvernement, par la perte qu'il fit de la veuë, les Seigneurs de la Compagnie des lies de l'Amérique , prirent à cœur de foûtenir cette Colonie naiflante, qui étoit extrêmement de- folée, & de la pourvoird'un chef doué décourage, d'expé- rience, & de toutes les qualité*., qui font requifes en un homme de commandement, A cet effet ils jetterent lesyeus fur Monfieur Auber l'un des Capitaines de l'Ile de S.Chri- ftofle, qui étoit pour lors à Paris. Le tems à amplement vé- rifié, que ces Meilleurs ne pouvoient pas faire unmeilleur choiz : Car cette Colonie doit fa confervation , & tout le bon état auquel elle a été dépuis , à la prudence , & à la fage conduittedecedigne Gouverneur, qui fignalafon entréeen cette charge, par la paix qu'il fît avec les Caraïbes, & par plu- fieurs bons ordres qu'il établit, pour le foulagement des Habi- tans, & pour rendre nie plus recommendable: comme nous le déduirons au Chapitre troifiéme, du fécond Livre de cette Hiftoire. Monfieur d'Hoiiel eft aujourduy Seigneur & Gouverneur de cette Ile : & depuis qu'il y a été étably, elle a pris encore une toute autre face, qu'elle n'avoit auparavant, carelles'eli accrue en nombre d'Habitans,quiyontbâty plufieurs belles maifons, ôcyontattiré un fi grand commerce, qu'elle efta prefent l'une des plus confiderables, &des plus florilTantes des Antilles. O y voit de belles plaines, fur icfquelies on fait palTer la charrue pour l'abourer la terre j ce qui nefe pratique point aus autres Iles: Apres quoy le Ris , le Mays, le Manioc dont on fait la Caffaue , les Patates , ■& même leGingembre, & les Cannes de fucre, viennent le mieux du monde. ; LCS Ckap. 3 des Iles Antilles, M Les Jacobins Reformez, pofTedent une partie de la meil- leure terre de cette Ile , fur laquelle ils ont fait piufieurs belles Habitations, qui font d'un bon rapport. Elles doivent le bon état auquel elles font, aus foins incomparables du P. Raymond Breton , qui les a confervdes à (on Ordre, parmy plu fleurs difficultez. La partie de l'Ile qu'on nomme la baffe terre , eft enrichie d'une petite Ville, qui s'acroift tous les jours. Elleadéja piu- fieurs rues , qui font bordées d'un grand nombre de beaus édifices de charpente, qui font pour la plupart à deus étages, & d'une urudure commode, &^greableàla veuë. Elle eft auffi embellie de l'Eglife Parroifliale , des Maifons des Jefui- res, & des Carmes, que Monfieur le Gouverneur y a appel* lez dépuis peu ; & de piufieurs amples Magazins, qui font necefîairespourlafubfiftencede cette aimable Colonie. Monfieur le Gouverneur, fait fa demeure en un Château, qui n'eft pas fort éloigné de la Ville. îl eft bâty bien folidc- ment, à quatre faces. Les coins font munis déperons, Se de redoutes de mafionnerie d'une telle épaifieur , quelle peut foûtenir la pefanteur de piufieurs pièces de Canon de fonte verte , qui y font pofées en batterie. Un peu au delà de ce Château, il y a une fort haute montagne, qui le pourroit in- commoder: mais Monfieur le Gouverneur, qui n'oublie rien de tout ce qui peut contribuer à. l'ornement & à la feu- reté de fon Ile , y a fait monter du Canon • & afin qu'un en- nemy ne fe puifle emparer de cette place , il y a fait une efpéce de Citadelle, qui eft en tout temspourveuë de vivres, & de munitions de guerre. Ily a aufii fait bâtir des logémens , qui font capables de tenir à couvert les Soldats qui la gardent , & de fervir au befoin de retraite afïuréeaus Habitans. La Ca- bes-Terre, aaufliunFort, qui eft bien confiderable. Il eft baty en un lieu qu'on nommoit autrefois la Café au borgne. Il contient tout ce quartier-là en alTurance. On l'appelle le Fort de Sainte OMarie. Meffieurs les Neveus de Mon- fieur d'Houel, ayans contribué de leurs biens à i'afermif» fement delà Colonie de cette lie, en font auffi Seigneurs en partie, & leur Jurifdiaion s'étend, fur ce quanierdela Cabes-terre, qui leur eft échu en partage. £ Plu* m *i Histoire Natuull^ Cha^j Piufieursperfonnes de condition , fe font retirées en cette île, & y ont fait dréflerun grand nombre de Moulins à fucre. Monfieur de Boifleret , y eft Lieutenant General de Monfieur le Gouverneur. Monfieur Hynfelin , Monfieur du Blanc, MonfieurdeMé, Monfieur des Prez, & Monfieur Poftel, y font eftimez entre les principaus Officiers r & les plus hono- rables Habitans. Monfieur d'Aucourt, perfonnage d'un rare favoir, & d'une converfation fort douce , y exerce la char- ge de Lieutenant Civil & Criminel, avec beaucoup da louange:.. ARTICLE V L De Vile D' <^4nûgoa+ ê CEtte Ile, eft fur la hauteur de feize degrés & quarante* fcrupules, entrela Barbade & la Defirée, fa longueur eft de fix ou feptlieuës , fur une largeur inégale. Elle eft de difficile accès aus navires, à caufe des rochers qui l'environ- nent. L'on tenoit cy-devanf , qu'elle étoit inhabitable , par ce qu'on croyoit qu'il n'y avoit point d'eau douce-, mais les- Anglais , qui s'y font placez , y en ont trouvé, & yont encore creufé des puits,& des cifternes, qui fuppléeroientà ce défaut. Cette Ile eft abondante en poiûbns , en gibier, & en toute forte de bétail domeftique* Elle eft- habitée pat fét ou huit cens hommes , & il y a comme en toutes *les autres , qui font entre les mains de cette Nation, de bons &de favans Pa- Jteurs^ qui ont un grand foin des troupeaus ,. qui leur font commis. ARTICLE VIL De llle de CM ont -ferrât.. LE$ Efpagnols , ont donné à cette Ile le nom qu'elle por- te^ à caufe de quelque reftemblance qu'il y a, entre une montagne qui y eft> & celle de Mont- ferrât ,. qui eft- prés de Barce- Chap. 3 des lus Antilles, 41 Barcellonnc, & ce nom luy eft demeuré jufques à prcfent. Elle eft fur la hauteur de dix-fét degrez de latitude fepten- trionale. Elle a trois lieues de long , & préfque autant de large, de forte qu'elle paroit d'une figure ronde. La terre y eft tres-fertile. Les Anglois la pofledent & y font fort bien lo- gez. On tient qu'il y a environ fix cens hommes, Cequieftde plus confiderable en cette lie, eft une belle Eglife, d'une agréable ftructure , que Monficur le Gouver- neur «Scies H abitans y ont fait bâtir: la chaire, les bancs, & tout l'ornement du dedans , font de menuiferie , de bois du pais, qui eu precieus, & de bonne odeur. ARTICLE VIIL Des îles de la Barbdde & de Redonde* L'Ile , que les François nomment Barbade , & les Anglois Barboude , eft fur la hauteur de dix-fét degrez & trente fcrupules. C\:ft une terre baffe, longue d'environ cinq lieues, fituée au Nord- Eft de M ont- ferrât. Les Anglois , y ont une Colonie de trois à quatre cens hommes, & y trouvent de- quoy fubfifter commodément. Elleàceey de fâcheus «5c de commun avec les Iles d" A ntigoa, & deMon-ferrat, que les Caraïbes de la Dominique & d'ailleurs, y font fou vent de grands ravages. L'inimitié que ces Barbares ont conceuë con- tre la Nation Angloife eft fi grande, qu'ils ne s'écoule préfque aucuns année , qu'ils ne fafient une ou deus defeentes à la fa- veurdelanuit, en quelcunedes lies qu'elle poflede : & pour lors , s'ils ne font promtément découvers & vivement re- pouffez , ils maflacrent tous les hommes qu'ils rencontrent^ ils pilent les maifons & les brûlent , & s'ils peuvent fe faifir de quelques femmesou de leurs enfans , ils les font prifonniers de guerre, & les enlèvent en leurs terres, avec tout le butin qui leur agrée. lile qu'on appelle Redonde ou Rotonde, à caufe de fa figu- re, eft fur lahauteur de dix-fét degrez & dix fcrupules. Elle eft petite, & ne paroit de loin que comme une grofte tour : & félon une certaine face, on diroit que ceferoit un grand F z Navire, I ■ 44- Histoire Naturelle, Chap. } Navire , qui eft fous la voile. On la peut facilement aborder de toutes parts, à caufe que la mer qui l'entoure eft profon- de , & fans rochers ou écueils r qui puiffent mettre en danger les Navires» A R T I C. L E IX, 3 e l'île de TSljeves.,. C'Eft une petite terre , qui eft fituée fur la hauteur du. dix* fettiéme degré & dixneuf fcrupules vers le Nord; Elle n'a qu'environ fix lieues de.tour,,& dans fon milieu , une feule montagne qui eft fort haute, & couverte de grands bois juf- ques au fommct. Les habitations font, tout à l'entour délai montagne , à commencer dépuis le bord de la mer, jufquesà ce qu'on arrive au plus haut, ou l'on peut commodément monter. Gn fait aifément & par eau.& par terre , tout le cir- cuit de cette lie. Il y a plufienrs fourcesd'eatpdouce ,.. dont quelques-unes font aflez fortes , pour, porter leurs eaus juf- ques à la mer. 11 y a même unefontaine , dont les eaus font chaudes & minérales. On a fait des bains tout proche de ia fource, ^qui font fréquentez avec heureus fuccés , pour la guerifon des mêmes maladies , qui demandent l'ufage des eaus de Bourbon. Les Angîois qui s y font établis en l'an mil fix cens vint- huit, habitent cette île au nombre d'environ trois milles hom- mes , qui y fubfiftent honorablement parie trafic qu'ils y font de Sucre, de Gingembre, &. de Tabac. Cette lie, eft des mieus policées de toutes les Antilles. La> Juftices'y adminiftre avec.grande fagefle , par un Confeil , qui eft compofé des plus notables , ôcde plus anciens Habitans de. îa:Golonie. Les juremens , les larcins, ryvrognerie, lapaiU lardife, & tontes fortes de diiTolutions & de defordres,, yfont? punis feverément. L'an mil fix cens quarante neuf, Mon^ Ijeur Lake y commandoit . Depuis Dieu l'aappellé a foy. Il, étoit homme craignant Dieu-» &favant 5 qui gouvernoit avec: grande prudence ,, & grande douceur, li Chap. 4 des- lus Antilles» 45. 11 y a trois Eglifes , qui font amplement bâties -7 mais en rccompenfe elles font commodément difpofées pour y faire le Divin feryice. Pour la feureté des vahTeaus qui font à la rade,. & pour empefcher la defcente que pourroit faire un Ennemy , on y a bàty un Fort , où il y a plufieuus groffes pie- ces de Canon , qui commandent fur la mer. Il tient aufli en aflurance les Magazins publics, dans lefquels on décharge toutes les xMarchandifes qjui viennent de dehors , & qui font necefiaires pour la fubfîftence des Habitans. Et c'eft delà, qu'elles font puis après diftribuées à tous les particuliers qui en ont befoin , pourveu que ceus qui ont cette commiflion, les jugent capables de les payer au jour nommé , & auprixr queMonfiear le Gouverneur & MeÛîeurs du Confeil y ont mis, félon leur prudence, & équité. Ce qui rend encore cette lie recommandabîe, eft qu'elle n'eu feparée que par un petit bras de mer, de celle de SainP Chriliofle, la plus belle & la plus renommée de toutes les An- tilies ,. dont elle eft la Capitale. Décrivant donc affez briève- ment la plupart des autres Iles, il eft jufte de nous étendre un- peu davantage fur cellecy. Et c'eft pourquoy nous en ferons an Chapitre à part,, comme le fujet le mérite bien. C H APURE QJU ATRIEM B* T)e l'Ile de Saint Qmjlofle en particulier »~ L'Ile de Saint chriïîofle\ fut atnîî appellée par chriftofle? Colomb, quMa voyant fi agréable, voulut qu'elle por- tait fou nomi A quoy il futaufil convié par la figure* d'une des montagnes qui font en cette lie , laquelle porte fur* facroupe , comme fur l'une de fes épaules uneautre plus peti- te monraigne5 de même que Ton peint Saint Chriftofle; com- me un Géant , qui porte nôtre Seigneur fur les fiennes, en for-- me d'un petit enfant. L'Ile efifur- la hauteur de dix-fét degrezj & vint cinq Scrupules. C'eft lefiege des Gouverneurs Generaus des François' ôc des Anglois, quiponedent la plus grand'-pan des Antilles fi E & M-o n- v\f. m 4M Ai I I ■ i m 46 Histoire Naturelle, Chap.4. Monsieur le Chevalier de Poincy, Baillif & Grand-Croix de l'Ordre de Saint Jean de Jerufaiem , Com- mandeur d'Oyfemont& de Couleurs , & Chef d'Efcadre des Vaifleausdu Roy en Bretagne , Gentil-homme de fort an- cienne Maifon , qui porte le nom de Poincy, exercetres- dignement cette charge pour fa Majefté , depuis environ dix- neuf ans. Et l'on trouve en fa perfonne, toute la prudence, toute la valeur, toute l'expérience & en un mot toutes les hau- tes qualitez, qui font neceifaires pour achever un grand Ca- pitaine. C'eftaus foins & à lafagefîe de ce brave Seigneur, que l'on doit aujourduy le bon Etat de cette Ile : Car l'ayant trouvée comme un defert, il Ta enrichie deplufieurs beaus édifices: Il la remplie de toutes les chofes necelfaires à la vie: Il y a attire' une grande multitude de perfonnes de toute con- dition, qui y viventdoucément&en repos. & il y a formé la plus noble & la plus ample Colonie, que nôtre Nation ait eue jufqu'àprefent, hors des limites de la France. Il main- tient cette Colonie par de bonnes lois politiques, & militai- res. 11 rend une fidèle juftice à tousceusde fon gouverne- ment , ayant éftably pour cet effet un Confeil de gens de con- fideration. Jl prend un foin charitable des pauvres, âcs ma- lades & des orfelins : En gênerai il foulage & aide au befoin tous les habitans de l'Ile , fubfiftant de les propres biens , par fon bon ordre, <3c par fon ©économie, fans eftre à charge à perfonne. Il traitte fpiendidement les Etrangers qui le vien- nent vifiter , & fait un accueil favorable à tous ceus qui abor- dent en fon Ile. Sa maifon eft conduite avec un ordre qu'on nefauroit aftezprifer. Dans la paix même, on y voit faire les exercices de la guerre: Et en tous teins , elle eft une école de civilité , & de toutes fortes de vertus. 11 fait obferver exacte- ment la difeipline militaire, pour tenir l'Ile en defenfe, donner de la terreur à l'ennemy , «Se prêter au befoin fecoursaus al- liez Il eft l'Arbitre de tous les diîferens^qui furviennent en- tre les Nations voifines , & par fa fage conduite , il demeure toûours en parfaite intelligence avec les Anglois, les con- viant par fes rares vertus, à l'honorer , & à déférer à fesfen- timens. Il peut mettre fur pied en un inftant plufieurs Com- pagnies de Cavalerie &: environ huit à neuf mille hommes de pied,- Chap.4 DES IlEs AnTîUES,' 47 pied ,. Enfin il a eu foin détendre le nom François en pîufieurs lies, ou il a étably des Colonies qui fontaprefent florirTan- tes : Il à aufïi envoie en la terre ferme de l'Amérique, en un endroit appelle Capde2{ordy des hommes qui entretiennent un commerce avec les Indiens , <5c qui peuvent donner le fon- dèrent à une ample Peuplade , parce que ce lieu là , ouvre l'entrée d'un grand & bon Pais. IlétoitimpofTjbledepafler plus outre , fans arrêter quelque tems nos yeux fur un fi digne General. Pourfuivons maintenant la defeription de Saint Chriftofle. L'Ile a environ vint-cinq lieues de tour. La terre en étant légère, & fablonneufe , eft très-propre à produire toutes for- tes des fruits du pais , & pîufieurs deceus qui croirTent en Eu- rope. Elle eft releve'e au milieu r par de très- hautes monta- gnes, d'où coulent pîufieurs ruiffeaus, qui s'enflent quelque- fois fi promtément , par les pluies qui tombent fur les mon- tagnes, fans qu'on l'apperçoine à la pente , ni ans plaines $. que l'on eft fouvent furpxis de ces torrens , qui débordent tout à coup. Toute l'Ile eft divifée en quatre Cantons r dont il y en a deus, qui font tenus par les François, & les autres , par les Anglois: mais en telle forte que l'on ne peut traverferd'un quartier à l'autre, fans paiTerfur les terres de l'une ou de-l'au- tre Nation. Les Anglois , ont en leur partage plus de petites rivières que les François : Mais en recompenfe, ceux-cy ont plus de plat-païs, & dé terres propres à eftre cultivées. Les Anglois font aufîlen plus grand nombre que les nôtres : mais ils n'ont point de fi fortes places de defenfe, & ne font pas fi bien armez. Les François ont quatre Forts , munis de quantité de Canons , quiportent loin en mer, d'ont celui qui eflà la pointe de fable , à des fortifications régulières comme une Citadelle. Le plus confiderable après celui-là , eft à la rade, ou au mouillage qu'on appelle delà Baffe-terre. Il y a jour & nuit en l'un & en l'autre, des Compagnies de Soldats qui font bonne garde. Pour contenir auffi les quartiers en feurete, & prévenir les defordres , qui pourraient furvenir entre deus peuples differens , chaque Nation tient au s ave- nues de fes quartiers, un corps de garde, qui fe renouvelle par 48 Histoire Naturelle, Chap. 4. chacun jour. Les Anglois , ont auffi de leur codé deus places fortes, l'une qui commande fur la grand'-radc, & l'autre -fur une autre defcente, qui eft joignant la pointe de fable. Cette Ile , eftpourveiïe d'une belle Saline, qui eft fur le/ bord de la mer, dans un fein , que les habitans appellent ordi- nairement Cul-de-fac. Guéres loin de-ià, il y a une pointe déterre, quis'avancefipresdcriledcNieves , que le traiet de mer qui fepare ces deus places , n'a qu'un petit quart de lieue, de forte qu'il s'eft trouvé des hommes, qui l'ont autre- fois pafle à la nage. On tient , qu'il y à une Mine d'argent à Saint Chriftofle : mais, comme les falines, les bois, les rades, & les Mines font communes aus deus Nations , perfonne ne fe met en peine d'y regarder. Joint qu'il faut une grande puiflance, & un prodi- gieus nombre d'Efclaves pour une telle entreprife. La vraie Mine d'argent de cette Ile, c'eft le Sucre. On fait aifément par terre, le tour de toute cette Ile : mais on ne peut traverfer le milieu , à caufe de plusieurs grandes & hautes montagnes , qui enferment en leur feind'etFroyablcs précipices, & des fources d'eaus chaudes. Et même on y trouve du foulfre , qui a donné le nom de Soulfriere , à l'une de ces montagnes. Depuis le pied des montagnes , en pre- nant la Circonferance au dehors, route la terre de cette Ile s'étend par une pente douce jufques au bordde la mer , d'une largeur inégale , félon que les montagnes pouffent plus où moins avant leurs racines , du collé de la mer 5 où que la mer s'avance, & referre la terre contre les montagnes. Toute l'étendue debonne terre qui eft cultivée, jufques àla pente trop roide des montagnes, eft divifée préfque par tout5en plu- sieurs étages , par leVnilieu defquels paffent de beaus cV larges chemins tirez en droite ligne, autant que les lieus le peu- vent permettre. La première de ces lignes de communica- tion , commence environ cent pas au defïus du bord de la mer: l'autre trois ou quatre cens pas plus haut, & ainfi en montant jufques au troiziénie ou quatrième étage, d'où l'on voit les habitations de défous , qui forment un afpcd fort agréable. Chaque étage , qui fait c jmrne une ceinture ou plus gran- de Chap.4 des Iles An tic les? 49 de ou plas'pctitc à fentour des montagnes , félon qu'il en cfl ou plus ou moins éloigné, a auffi Tes fentiets , qui comme au- tant de rues traverfantes , donnent le libre accez à ccus qui font ou plus haut ou plus bas: Et cela avec une fi belle fy m. metrie, que lors que l'on fait par mer le tour de l'Ile, il nya rien de plusagrcable, que de voir cette divertiflante verdure de tant d'arbres qui bordent les chemins , & qui font au s lizie- res, & font les feparations de chaque habitation. La v eue rie fe peut laûer de confiderer cette terre. Si elle fe porte cri haut, elle fe trouve terminée , par ces hautes montagnes, qui font couronnées d'une verdure éternelle , & revêtues de bois precieus. Si elle fe refléchit plus bas , elle apperçoit les ]ar« dins, qui prenant leur naiflance dés le lieu où les 'montagnes fontaccefliblcs , s'étendent de là par une douce & molle des- cente, jufques au bord de la mer. Le beau vert naiiïant du Tabac planté au cordeau, le Jaune pâle des Cannes de Sucre qui font en maturité, & le vert brun du Gingembre & des Patates , font un païfage fi diverfiflé, & un émail fi charmant, qu'on ne peut, fans faire un effort fur fon inclination , retirer la veuë de deflus. Ce qui recrée encore d'avantage les yeux, elt qu'au milieu de chaque habitation ou Jardin , on remarque plusieurs belles mailons, de différente ftrudure. Celles nom* mément qui font couvertes de tuile rouge ou plombée , don- nent un grand lultre à cette aimable perfpe&ive : Et par ce que l'Ile va toujours en montant , l'étage inférieur ne de- robe pas la veîie de celui qui cft plus avant en la terre 5 mats enuninitant on voit tous ces beaus compammens, tous ces chemins qui font comme autant d'allées de vergers ; toutes ces bordures de différentes fortes d'arbres* tous ces jardins plantez à la ligne de diverfes cfpéceS de fruits-, & tous ces jolis édifices, qui ne font diftansleplusfouvent que de cent pas , ou environ , les uns des autres : Et en un mot , tant d'a- greables objets fe prefentent aus yeux en même rems, que l'on ne fait à quoy s'arrêter. . 11 cft neccflaire f pour la plus grande commodité des habi- tans, & lafacilitédeleursempioys , que leurs maifons foient feparées les unes des autres, & placées au milieu de la terre qu'ils cultivent ; Mais, les François, outre leurs demeures qui G font 5# Hisîoue NiTUUi le, Chap 4. font afcfi écartées ,- oat encore bât y en leur quartier de la baffe terre, une agréable ville , qui s augmante tous les jours, ôe dont les édifices font de brique & de charpente. Elle eft prés de la rade où lesvaiffeaûs ont coutume de mouiller. T ous les pins honorables Habitans de l'Ile, & les Marchands étrangers^ y ont leurs -Magasins. On y trouve chez les Marchands François & Hollandois, qui font là leur refidence , d'excellent vin, de l'eau de vie , de la bière, toutes fortes détoffes de foye&de laine, qui font propres pour levais, & généralement tous les -rafraichifie- mens qui ne croifient point enl'ile, & qui font nccelTaires pour l'entretien des habitans. L'on à de tout à un prix raifon- nabley en échange des Marchandées qui croitfent en cette terre. C'eftcn ce même lieu, où demeurent les artifans, qui s'occupent en divers métiers , qui font utiles pour maintenir le commerce , & la focieté civile. Qny voit de plus, un. Audi- toire pour rendre la |uftice , & une belle Egiife qui peuteon- tenir une fortnombreule afTembldc. Tout cet édifice eft de charpente élevée fur une baze de pierre détaille. Au lieu de vitres & de feneftres, il n'yaquedes baluftres tournez. Le comble du couvert eft à trois failles , pour ne point don- ner tant de prife au vent , Ôc la couverture eft de tuile rouge. Les Gapucins , ont eu quelques années la conduite de cet- te Egiife, & li charge des âmes parmy les François de l'Ile: mais en l'an mil fix cent quarante fix, ils furent difpenfez de cet employ du commun avis des habitans , qui les congédiè- rent civilement, & rcçeurent en leur place , les Jcfuites Bt les Carmes , qui y ont à prefent ; par les foins & la libéralité de Monfieur le General & des Habitans, de belles Maifons i 6c de bonnes habitations, qui font cultivées par un grand nom- bre d'efclaves qui leur appartiennent , & qui leur fourniQent dequoy fubfifter honorablement. Le P. Henry du Vivier à cité le premier Supérieur delà Maifon des Jefuites. Sa dou- ceur, & fon aimable converfation , luy ont aquislecœur de îo j '< c -us de noftrc Nation qui demeurent en cette île. NUAifiêutf le General , a auiîi fait bâtir un bel Hôpital en un lieu Ion Ùàik , où les malaies qui n'ont pas le moiende fc fa*>re guérir Cb*p.4 J> £ s ï de s MwsM'im* t.i.H -s* guérir en leurs maifons , (ont fervis . l#B nourris, & vifitez des Jvledecins «Se des chirurgiens jufqu a leur convalefccnce. Les Etrangers , qui tombent malades dans l'Ile y font auflLreceus Il a encore mis ordre , que les Qrfelms foient placez en des njai.fons honorables, où ils font irtft'ruits & .nourris àfes frâîzp Entre les beaus , grands, & folides édifices que les François & les Anglois ont bâty , en plufieurs endroits de cette lie , le Château de Ivlonfieur le General de Poincy excelle fans contredit, & furpalfc de beaucoup tous les autres 5 c'eft pour- quoy nous en ferons une deferipiron particulière. 11 eft placé eu un.lieiU frais & fain , fur la pente d'une très- haute montagne couverte de grands arbres , qui par leur ver- dure perpétuelle , luy donnent une raviffante perfpe&ive. Il eft éloigné du bord de la mer, d'une bien petite lieue de France. L'on trouve au chemin qui y conduit , & qui monte infeniiblement , les agréables maiions de quelques-uns des principaus Officiers & Habitans de l'Ile: & dés qu'on à co- ftoyé une petite eminence qui le couvre , en venant de la balte terre , on y eft conduit par une droite & large allée ,' bordée pour les claires fources d'eaus qui la raffraichifienr , les bcaus Jardins qui l'entourent, les droites & fpacieufes avenues qui ycoaduifeat, les commodités desdivers offices qui i'accom« pagnent , & pour tous les autres riches ornemens qui l'embel- liftent : Mais au Ai pour eftre fortifiée de redoutes, & munie de grofles pièces de Canon de fonte verte, 5c d'un Arfcnal, oti toutes fortes d'armes, & de provifions de poudre , de méfche, & de balles, fc trouvent en abondance. Ce ne feroit pas même affez pour l&perfe&ionde ce magni- fique Hoftel, qu'il eut tous ces rares avantages de la natu- re & de l'art y que nous venons de décrire , i\ après tout cela il croit iltué en un lieu defert r aride , & infruftueus , & qu'il faiuft mandier d'ailleurs que de la terre qui l'environne , les moyens neceflàires pour fon entretenément. Aufti n'a-til point ce défaut, <5c labeaute s'y trouve jointe avec l'utiliiéj parunmerveiikusafFembkge. Car de fes feneftres , on voit dans la bafleeourt, trois machincs^ou moulins propres à. brifer les Cannes de Sucre, qui apportent à leur maitfre un profit,, & un revenu aHuré,, & qui va du. pair avec celuy des plus no- bles Se meilleures Seigneuries de France. Quanta la matière pour entretenir les- moulins, alfavoir les Cannes de Sucre» elle fe recueille des chams qui font aus environs, «Se qui les* produifent à : merveille. Plus de trois cens Nègres-, qui apparu tiennent à Monfieur le General r cultivent ces terres, & (ont: employez au fer vke de ces Mou lins r & à la fabrication, de: diverfesî autres Marchandifes , que cette lie produit heu- reufement, comme nous le dirons au fecond Livre decet* te.Hiftoue. Tout fe fait en cet te maifon, & en fes dépendances , fans G % conm* vm fî;- MA: M 54 Hi'stot'Rï Naturelle, Chap.4 confufion , & fans cmpréffemcnt. Ce grand nombre d'Efcla- ves Nègres eft ii bien policé, conduit & reg!é , que chacun fe rend à l'exercice & à l'employ qui luy cil aifignépar le Maitre des ouvrages , fans s'ingérer dans les offices &, dans les occupa- tions des autres. Outre cette forte de gens qui font nez à la fervrtude , Mon- fieur le General a environ cent Domeftique François de Nation, qui font gagez pour le fervice de fa maifon, dont la plupart font de dïverfes profeftions , & de divers métiers ne- ceffaircsealafocieté Civile, fur tous lesquels , l'intcndant-dé lama Ton , auneinfpe&ion particulière. Monfieur le General, a encore les Gardes de fa perfonne, qui raccompagnent lors qu'il eft neceffaire , fous la conduite d'un Capit une , plutôt pour reprefenter la Ma^eftédu Roy, de qui il a l'honneur d eftrc Lieutenant , que par aucun be- foin' qu'il en ait, eft ânt aimé, & chery de tous les François, & révéré des ttrangers. A l'exemple de Monfieur le General , plufieurs Nobles Se honorables Familles , qui font venues de France, eftant atti- rées parla douceur de fon Gouvernement , fe font ferme- ment établies dans cette lie , & y ont baty de belles & agréa- bles maifons. Les plus remarquables font cellesde Meilleurs dePoincy, deTréval, ôcdeBcnevent, qui font trois braves Gentils-hommes, Neveus, de Monfieur le General : lcpre- J mier defquels, eft Gouverneur particulier de Saint Chriftofie, fous Monf-eur fon Oncle, & les deus autres, font Capitaines de leurs quartiers. Feii Monfieur Giraud , entre fes antres Maifons, en avoir suffi fait bâtir une presde THoftel de Monsieur le General* & une autre a Câyônne , qui font des plus accomplies. Ce perfonnage7qui etoit de grand mérite , & qui par fa fage con- duite, s'étoir acquis l'amitié de tous les Habitans des l'es, portoit la qualité de Sergent de bataille de Saint Chriftorle, & autres Ilesdedefibusle vent , c eft a-dire, dcS. Martin, de Saint Barteiemy & de Sainte Croix, qui (ont au Couchant de S. Chriftorle. Entre les maifons coniiderables parmy nos François , on doit encore mettre celle de Monfieur Auber , qui a efté.& au culte relU 1 m & * i 56 Histoire Naturelle, Chap. 4. religieus, que tous les Fidèles fout obligez de luy ren- dre. / CHAPITRE CINQJUIEME. Des Iles de dejfous le Vent, TOuteS les Iles , qui font au Couchant de celle de Saint Chriftofle , font ordinairement appellées , les îles de dejfous le vent : par ce que le vent qui fouffie prcfque toujours aus Antilles, eft un vent d'Orient , qui participe quelquefois un peu du Nord, & que ce n'eft que bien rare- ment un vent du Couchant, ou du Midy. On en conte en tout neuf principales , defquelles nous traitterons en ce Cha- pitre, feion Tordre à peu prez qu'elles tiennent en la Carte. ARTICLE II De l'île de Saint Euftache. CEttc Ile eft au Nord-Oueft de Saint Chriftofle, fur la hauteur dedix-fét degrez, & quarante minutes. Elle cil petite, & ne peut avoir en tout, qu'environ cinq lieues de tour. Ce n'eft à proprement parler qu'une montagne, qui s'é- leve au milieu de l'Océan, en forme de pain de Sucre : qui eft la même figure que reprefente le mont de Tabor , & le Pic de Tenerife ; finon que ce dernier, eft incomparablement plus haut. Elle relevé de la Souveraineté de Meilleurs les Etats Gene- raus des Provinces Unies, qui en ont concédé la Seigneurie, & la propreté foncière , à Monfieur Van Rée , & à les AlTo- ciez Honorables Marchands de EknlnguesenZelande, qui y ont étably une Colonie, compofée d'environ feize cens hommes , qui y font proprement accommodez , fous le dous Gouvernement de la Nation Hollandoife. Cette Ile, eft la plus forte d'afï:ére de toutes les Antilles: car il n'y a qu'une bonne defonre, qui peut eftre facilement défendue, & où pju d'hommes pourvoient arrêter une armée entière. •Chap. 5 des Iles Antilles. 57 entière. Outre cette fortification naturelle, on y abâtyurj bon Fort , qui commande fur la meilleure rade , & bien avant en mer, par la portée de fon Canon. Les Babitans font tous commodément logez , & propre- ment meublez, à l'imitation de leurs compatriotes d'Hollan- de. Il n'y a plus que le haut de la montagne, qui fok couvert «de bois : tout le tour elt défriché. Et Ton nefauroit croire >qu'àpéne, la grande quantité de Tabac, qu'on en a tiré autre- fois, & qu'on en tire encore journellement. Bien-qué , le fommet de la montagne de cette Ile , paroilTe fort pointu , il eft neantmoins creus , & a en fon centre un fonds ailez varie , pour entretenir quantité de Sauvagine, qui fe plaît dans cette profonde retraitte. Les Habitons, font foigneus de nourrir fur leurs terres, toutes fortes de volail- les, & même des Pouxceaus , & des Lapins , qui y foirîonnent à merveille. Il n'y a point de Fontaines en cette Ile 5 mais il y a prefen- tement fort peu de maifons , qui n'ayent une bonne Citerne* pour fuppléerà ce manquemem. Il y a au AI des Magazins, ii bien fournis de toutes leschofes, qui font necelîaires à la vie , & à l'entretien des Habitans, qu'ils en ont fouvent afîez, pour en faire part à leurs voifms. Quant aus perfonnes qui compofent cette Colonie , iî y a plufieurs familles honorables , qui y vivent Chrétienne- ment & fans reproche, & qui n'ont jamais été flétries des crimes , que quelques-uns leur impofent. Ceus quiontvéciE parmy ces gens-là , y ont remarqué un grand ordre , ôc beaucoup moins de dérèglement, qu'en diverfes autres lies. Il y a aufli une belle Eglife , qui eft gouvernée par un Pa- yeur Hollandois. Monficur deGraaf, qui eft à prefent Pa~ fteur de l'Eglife de Trévers, en l'Ile d' Oualcre , en a eu autre- fois la conduite. 11 yprefchoit en un même jour , & en une même chaire , en François , & en Flamand j pour édifier les Habitansde Tune & de l'autre langue, qui demeurent en cette Ile. Monfieur de Mey célèbre Prédicateur de l'Eglife de Midelbourg , qui entre autre écrits , a donné au public un ■do&e & curieus commentaire, furleslieus les plus difficiles des cinq livres de Moyfe, où il eft traittédes cfcofes naturelles, H fucceda 5s Histoire N a tu b. e l l e> Chap. s fucceda à Monfieur de Graaf, & dépuis qu'il a été rappelle pour fervir en fon Pais, Meneurs les Diredeurs de cette Colonie, ont toujours cfté fort foigneus de demander au Synode de leur Province , de bons & de fidèles ouvriers pour eftre employez , en cette petite portion de la vigne du Seigneur, ARTICLE IL ;i Ve l'île de Saint Bartelemy. L'Ile de Saint Bartelemy , cft au Nord-Eft de Saint Chri^ ftofle, fur le dixféttiéme degré. Elle a peu de terre pro- pre à eftre cultivée , bien qu'elle foit d'un afTez grand circuit. MonfieurleBailiydePoincy, Gouverneur General desFran- çois , l'a fait habiter à fes dépens , il y a environ quinze ans.. L'on y trouve plufîeurs beaus arbres fort eftimez , une in- finité d'oifeaus de divenes efpeces, & de la pierre très-pro- pre à faire de la chauz , qu'on y va quérir des autres lies. Elle eftde difficile accez pour les grands Navires 5. à eau- fe quelle eft entourée de plufîeurs rochers. Ceus qui fe plaifent à h Solitude , n'en s'auroient ckfirer une plus accomplie,- ARTICLE 1 1 L De tlle de Sab&. m ELle eft fituée au Nord- Oueft de Saint Euftache, Cm ïm hauteur du dixféttiéme degré , & trente-cinq fcrupulcs. Oncroiroit à la voir de loin, que ce ne feroit qu'une roche: Mais la Colonie de Saint Euftache» qui y afait paflerdes hom- mes pour la cultiver, y a trouvé une agréable vallée, &aflez de bonne terre pour employer plufîeurs familles , qui vi- vent contentes, en cette aimable retraitte. Il n'y a point de mouillage à la cofte, que pour des chaloupes. La pefche y efl abondante^ Et les foins que Monfieur Le Gouverneur de Saint Euûache, Chap. 5 des Iles Antilles. 59 Euftachc, a pris jufqu'àprefcnt de cette Peupla de, font que les refraichiflemens neceflaires n'y manquent point. ARTICLE IV. De l'Ile de Sùnt CMartto. CEttc île , eft fur la hauteur de dixhuit degrez & feizf fcrupules. Elle a environ fét lieues de long , <5r quatre de large. Il y a de belles Salines , qui avoient oblige l'Efpa* gnol a y bâtir un Fort , où il entretenoit une Garnifon , pour s'en conlèrver la propriété. Mais il y a environ neuf ans, qu'il démolit le Fort & abandonna l'Ile. Ce qui ayant efté apperceu par Monfieur de B^iyter , qui commandoit l'un des grands Navires , que Menteurs Lampfius envoyent d'ordinaire en l'Amérique, & qui pour lors coftoyoit cette lie de Saint Martin , il fut à Saint Euftache lever des hommes , qu'il y amena pour l'habiter, & en prendre poITeluon , au nom de Meilleurs les Eitats Generaus , des Provinces Unies. La nouvelle de la fortie des Elpagnols de cette terre , étant venue au même tems à la connoiflance de Monfieur le General des François, il equippa promtement un Navire, & y mit un nombre de braves hommes , pour relever le-droit & les pretenfions de nôtre Nation, qui avoit poflfedé cette lie avant rufurpation de l'Efpagnol. Depuis les François, & les Hollandois, ont partagé cette terre à l'amiable, & ils y vivent enfemble , en fort bonne intelligence. Les Salines , font au quartier des Hollandois : mais les François en ont l'ufage libre. Monfieur le General , établit pour fon Lieutenant en cette place Monfieur de la Tour. Etaprefent , c'eft Monfieur de Saint Amant qui y comman- de. Il a fous foy environ trois cens hommes, qui cultivent la terre , & font tous les devoirs pofiibles , pour la mettre en réputation. Les Hollandois, y font en aufli grand nombre que les François. Meilleurs Lampfius , & Monfieur vanRée, font les principaus Seigneurs , & Directeurs de cette Colonie. Us ont en leur quartier de belles Habitations, de grands Ma» H éo Histoire Naturelle, Chap.?, gazins , & un nombre bien confiderable de Nègres , qui leur font fervitcurs perpétuels. Il n'y a point d'eau douce en cette Ile, que celle, qui au îems des pluies eft recueillie en des citernes, qui y fontaflez communes. Il y a plufieurs Ilets à l'entour de cette terre, qui font tres-commodes , pour les menus divertifiemens des Habitans II y a aufli des Etangs d'eau falée , qui s'avancent Sien avant entre les terres , où. l'on pefche une infinité de bons -potûons , particulièrement des Tortues de mer. On î rouve dans les bois, des Porceaus fauvages , des Ramiers, des Tourtes , & des Perroquets fans nombre. On y voit plu- fleurs arbres , qui diftilent diverfes fortes de gomme : mais le Tabac qui y croift, étant plus eftimé que eeluy des autres Iles 5 c'efl: ce qui rendfon commerce plus; confiderable. Les François & les Hollandois, ont leurs Eglifes-particti^ lieres, es quartiers de leur ]urifdi&ion. MonGeurdes Camps, qui a eue' le premier Pa&eur de l'Eglife Hollandoife , y fut en- voyé en cette qualité' par le Synode des Eglifes Vallonnés des . Provinces Unies, quia cette Colonie fous foninfpcûton fpil rituelle, & étant decedé en l'exercice; de cette charge, les premiers Vaifleaus qui doivent partir pour ce païs-là, y en doi- vent porter un autre , quiaeftéchoifipour fon fuccefTeur, & qui y doit prefcherje Saint Euangiie du Seigneur,en l'une & ea* l'autre langue, ARTICLE Wl, De. l'île de V Anguille* , ELle porte ce nom,àcaufe de fa figure: carc'eft une ter- refortlongue, & forte'rroite, qui s'étend en ferpentant: prés de l'Ile de Saint Martin , d'où on l'âpperçoit à découvert. Il ne s'y trouve aucune montagne, Ja terre , y eft par tout plat- te & unie. Al'endroit où elle a plus de largeur, il y a un étang, autour duquel , quelques familles Angloifes fe font placées depuis fét ou huitans , & où elles cultivent du Tabac, qui eft fort prifé de cens qui fe connoiflenrà cette Marchandife. On. met cette. Ile fur la hauteur de dixhuit degrez 3c vint fcrupules, au deçà de la ligne. ARTI^ Chap. i des Iles Antil le s» 61 ARTICLE VI. Des. Ile* de Sombrero t d'^inegnde, & des Vierges** LA première de ces trois Iles , cft fituée au milieu dès Bancs, quibordent le Canal par ou pafîent lesNavires* qui veulent retourner en Europe. Elleeft fur ledixhuitiéme degré, & trente fcrupules. Les Efpagnols, l'ont nommée Sombrero , à caufe qu'elle à la figure d'un chapeau. Elle eft inhabitée. , uf&egade, qui eft fous le même degré que Sombrero , cft auffi deferte, & de dangereus abord. Les Vierges grades & petites, comprenent plufieurs Iles qui font marquées en la carte fous ce nom. On en conte en tout douze ou treize. Elle s'étendent au Levant de l'Ile de Saint Jean de Porto-Rico y fur la hauteur de dixhuit degrez au Nord de la ligne. Entre ces lies ; ilyadcfortbonsmoiiil- ' lages, pour mettre en feureté plufieurs flottes. Les Efpagnols ksvifitentfouventpourlapefche, qui y eft abondante. Il y a auffi, une infinité debeaus Oifeaus de mer & de terre. Mais il y a fi peu de bon terroir, qu'après l'avoir effayé,& vifité en tou~ tcfon étendue, on a trouvé, qu'il ne meritoit pas d'avoir des Habitans* A R TIC LE VIL- De l'île de Sainte Croix. % A dërnkre de toutes les Antilles,. qui font aadefFoas- «^du Vent, eft celle, qui porte le beau nom de Sainte Croix. Elle eft fur la hauteur de dixhuit dégtez & quel- quesfcrupules. Les Caraïbes , qui en furent chafTez^par les Efpagnols, la .nommoieht. *^fy-aj* Elle étoit fort eûimée par- myeus • àcaufeque c'étoit la première lie quecette^Nation avoit occupée aus Antilles , en venant du Nord chercher une habitation commode , pour jetter les fondements de leurs Colonies „ comme, nous le reprefenterons particulière- H- 3:, ment éz Histoire Naturelle, Chap. 6 ment au fécond Livre de cette Hiftoirc , au Chapitre de leur Origine. La terre de cette Ile, rend avec beaucoup d'ufure, tout ce qu'on y feme. On y voit de beiles & fpacieufes plaines de terre noire & facile d labourer. Il y a aufîi plufieurs arbres fort beaus , & precieus , qui font propres à la teinture, & à la ménuiferie. L'airy eftbon5 maisleseaus n'y font pas beau- coup faines, fi on les boit incontinent quelles ont efté pui- fées. Pourleurôterlamauvaifequalitéqu'eiles-ont, on les iaifîe repofer quelque tems en des vaifieaus de terre , ce qui les rend bonnes, & qui donne fujetde croire, qu'elles ne font mauvaifes, qu'à caufe de leur limon, comme celles du Nil. Cette Ile, cft maintenant en la poffeflïon des François , qui en ont relevé' glorieufement le débris. .Apres les divers changémens de Maitres , qui y étoient furvenus en peu d'an- nées , comme nous le dirons au Chapitre deuziémedu fécond Livre de cette Hiftoire. Monfieur le General des François, qui la fait peupler àfesfrais, luy a donné un nouveau luftre, qui fait naître Tefperancc d'une ample Colonie. Elle peut avoir neuf ou dix lieues de long, & prcfque au- tant, en fa plus grande largeur. Les montagnes n'y font point fihautes, ni fi preflees les unes contre les autres, que l'on ne puiffe monter au deffus , & qu'il n'y refte beaucoup de bonne terre, propre pour employer plufieurs milliers d'hommes. CHAPITRE SIXIEME T>es Jrbres qui croijfent en ces Iles , dont on peut man- ger le fruit. ENtre les Arbres , qui fe trouvent en ces Iles , les uns portent de bons fruits qui aident à la nourriture des Habitans, les autres font propres à faire des bâtimens, ou bien ils fervent à la ménuiferie , ou à la teinture. Il y en a aufïl , qui font employez avec heureus fuccés en la Médecine, & quelques autres qui recréent feulement l'odorat par leur fenteur Chap. 6 des Iles Antilles, ft fenteur agréable, «5c laveiïe par la beauté' de leur feuillage, qui ne fle'rrit jamais. Deceusqui portent des fruits bons à. manger, & qui fc voyent en l'Europe , on n'y rencontre que les Orangers , les Grenadiers, les Citroniers , & les Limoniers, dont la grofteur, & la bonté , furpaffe celle des mêmes efpdces qui croiffent ailleurs. ARTICLE I. Des Orangers t Grenadiers, & Citroniers, QUantaus Oranges , il y en a de deux fortes aus Antilles $ elles font toutefois de même figure, & on ne les peut difcerner que par le goût. Les unes font douces, & les autres aigres , les unes & les autres extrêmement délicates $ les aigres aportent une grande commodité au ménage, car on s'en fertau lieu de verjus & de vinaigre, mais les douces excel- lent en bonté. 11 eft vray que quelques un nomment les Oranges de la Chine , Les Reynes des Oranges , & de vrais mufeats fous la figure & la couleur d'Oranges. Mais quel- que eftimeque l'on falTe de l'agréable douceur de ces Ghi- noifes , il y en a qui préfèrent le goût excellent & relevé de celles de l'Amérique. Les Grenadiers croifiènt aufft en perfection en toutes ces Iles , & y portent des fruits beaus à voir «3c agréables au goût. Ces Arbriflfeaus fervent en plufieurs endroits de Palifade aus courts , & aus avenues des maifons , & de bordure ans jardins. . Pous les Citrons , il y en a de trois efpéces différentes en grofleur, que l'on ne nomme pas pourtant toutes Citrons* La première forte, qui eft la plus belle & la plus grofle, eft ap» pellée Lime. Elle n'eft guère bonne qu'à confire, n'ayant préf- que point de jus, mais étant confite elle eft excellente. La fé- conde efpéce eft le Limon, delà même grolTeur que les Ci- trons qui nous font apportez d'Efpagne : mais il a peu de jus à proportion de fa grorteur. L®peti£ Citron quifaitlatroizié- me efpéce eft le meilleur & le glus cftirné* 11 n'a qu'une ten~ H 64. Histoire Naturelle, Chap. 6 dre pellicule, & eft tout plein de fuc extrêmement aigre, qui donne bon goûtaus viandes, &fert à aiïaifoner piufieurs ra- goûts. Il eft particulier à l'Amérique. Quelques curieus, ont aufïï en leurs jardins des Citrons parfaitement dous, tant en leur ecorce qu'en leur fuc, qui ne cèdent ni en gro fleur , ni en faveur à ceus quictoifïent en Portugal. Ils ont aufli des Fi- guiers delà même efpece que ceus qui croifîent en la France & ailleurs , & qui ont cecy de particulier , que prefque toute l'année, ils font chargez de fruits qui meuriffent à merveille, dans ces païs chauds. Les Anglois de l'Ile «de la Vermude -9 en font une boiffon fort faine & extrêmement agréable au goût, qui leur tient lieu de vin , laquelle eftant gardée , devient aufïï forte que le vin d'Efpagne. ARTICLE IL Du Goyavier, POur commencer par les Fruitiers , on fait état du Goya- vier, qui approche de la forme d'un Laurier, horsmis que fes feuilles font plus molles , d'un vert plus clair & qu'el- les fonteottonnées par deffous. L'écorce de cet Arbre eft fort déliée & unie. Il pouffe piufieurs rejettons de fa racine , qui font à la fin, fi on ne les arrache , un bois épais fur toute la bonne terre voifine. Ses branches qui font afles toufuës , font chargées deus fois l'an de petites'fkurs blanches , qui font fui- vies de piufieurs pommes vertes, qui deviennent jaunes & de bonne odeur , lors qu'elles font meures. Ce fruit, qui fe nom- me Goyave , eft orné au defTus d'un petit bouquet en forme de couronne , & au dedans , fa chair eft blanche ou rouge, remplie de petis pépins comme eft la Grenade, Ce qui fait que les Hollandois l'appellent Grenade douce. Il eft de la groffeur d'une pomme de Rénette, & il meurit en une nuit. - Sa qualité eft, de referrer le ventre eftant mangé vert: dont aufïï piufieurs s'en fervent contre le flus de fang 5 Mais étant mangé meur, il a un effet tout contraire. A R T I- M Chap.6 DES 1 1 E S A N 1 1 L L E s. A R T I C L Du Papayer, LE Papayer , eft un Arbre qui croift fans branches , de h hauteur de quinze à vint pieds , gros à proportion^ crens & fpongieus au dedans , d'où vient qu'on l'employé à con- duire partout où l'on veut, les ruilTeaus des fontaines. 11 y enadedeusfortes, l'une qui fe voit communément dans tou- tes les Iles. Ses feuilles font divifees en trois pointe-s , à pea pre's comme la feuille du Figuier , elles (ont attachées a de lon« guesqueiïes, qui font groûes comme le pouce, &creufesaii dedans: filles fortent de la cime de l'Arbre, d'oùeilant re- courbe'cs , elles couvrent plufieurs fruits ronds de la grofieur d'une poyre de Coin, quicroilTent à rentom du tronc, au- quel ils demeurent attachez. 6$ Ht'-STQ-ll* SatïUILI». Chap.* L'autre efpéee de Papayer» fe trouve particulièrement en l'Ile de Sainte Croix. Elle eft plus belle & plus chargée de fuëilles que l'autre. Mais ce qui' la fait eftimerd'avanrage, c'eftfon fruit qui eft de la grotte ut d'un Melon, & delà figu- re d'une mamoiclle, d'où vient que les Portugais l'ont nom» me C^Umao. Ces Arbres, ont cecy de particulier, qu'ils donnent de nouveaus fruits chaque mois de l'année. La fleur de l'une &c de l'autre efpéee eft debonne odeur, de approchante de celle du Jafmin. Mais on met entre les regales des lies le fruit de la dernière , à caufe que quand il eft arrive' à fa perfe&ion, il a une chair ferme, qui fe couppe par tranches comme le Melon, & qui eft d'un goût delicieus. Son Ecorce,cft d'un Jaune méfié de quelques lignes vertes , & au dedans il eft remply d'une in- finité de petis grains ronds gluans & mollafles , d'un goût pic- quanr , & qui fent l'épice. Ce fruit fortifie l'eftomac, & aide àladigeftion. Quelques uns le mangent , comme il vient de l'Arbre $ mais les délicats le. préparent avec duSucrc, &en; fonfc O Chap.6 0ÊS l£E$ ÀSTUtls»" font une forte de Marmelade , qui eft fort agréable à la veue, & deiieieufe au goût, lors notamment que la douceur natu- relle de ce fruit, eft relevée par quelques épiceries qu'ils y mettent, Oubienils le conflflenttout entier, oucoupé & feché par quartiers , en forme d'écorces de Citrons. ARTICLE IV. Vu LMomin , & des Cachimas. E dtomw, eft un Arbre qui croift de la grofféur "■d'un *-» Pommier, & porte un gros fruit de même nomqueluy. îi eft vray que les infulaires l'appellent ordinairement Corafoi^ àcaufe que ia graine de ceus qui fevoyentparmy eus, à efté V 3, appor- ri.T.m m H i m TOI re SaïChhie, Chap. 6 apportée de Corafol,qui eft une Ile tenue dépuis unlongtems par les Hollandois, qui y ont un bon fort, & une ample Colo- nie, qui s'eft étendue en plufieurs autres lies voifines de celle là. Ce fruit rcfïemble à un petit Cocombre , qui n'eft point nxeur. 11 a la peau toujours verte, & émailléc de plufteurspetiit compartimens, en forme décailîes. Si on le cueille en fà matu- rité il eft blanc au dedans comme de la Crème, & d'une dou- ceur relevée par une petite aigreur , qui luy donne une pointe fort agréable. Ce fruit, eft raffraichiffant au potTibk, & deli- cieus au goût. Il porte fa femence au milieu, qui eft delagrof- feur, & de lafigure d^me Fève extrêmement polie, &dela couleur d'une pierre de touche, fur laquelle onauroittout fraichèment éprouvé une pièce ct'or^ car elle paroit ©maillée de petites veines d'orées. Nous Çhap. 0 pis Ui$ Antilles. 4$ Nous joignons les Cachimas avec le CHomin à caufe que ces Arbres, portent aufli des fruits , qui ont le goût & la blancheur de la Crème, & que leur femence qui croift au milieu , eft prefque d'une même figure & folidité. Mais il y a deus fortes de Cachimas , l'une qui eft fauvage &herifiee dépines, eft chargée d'un fruit de la groffeur d'une pomme médiocre , quia la peau relevée par boflettes , & qui demeure tousjours verte & dure. Et quant à l'autre, qu'on appelle or- dinairement le Cachimas franc y c'eft un Arbre quiàl'écorce affez polie, & qui dans la faifon,p refente un fruit beaucoup plus gros que le premier,, qui étant parvenu à fa maturité eft dune couleur vermeille, & dont la fubftance qui eft cachée fous cette peau , eft blanche au poflàble , & d'une tres-douce faveur. Ces Arbres croiffentafiez hauts , & font couverts de feuilles aprochantes à celles des Chatagniers* Ceus qui man- gent rarement de ces fruits^ ont remarqué, qu'ils ont la vertui d 'exciter l'apctit , & de purifier l'eftomac des humeurs gluan* tes , qui y étoyent atachées , ce qui fait , qu'ils les ont cm cûime; A R T î C L E $L J)u Itmipa. E lumpa qu Genipa, qui eft le même Arbre que.Ies.Bre* ** filiens nomment Ia&?pala t & les Portugais l£mpapotç.tp'$. de la grofleur d'un Châtaignier ^ fes rameaus fe recourbent près de terre , & font un ombrage agréable , fes feuilles font longues comme celles du Noyer. 11 porte des fleurs pareil- les à celles du Narcifle , qui font de bonne odeur. Son bois eft folide, de couleur de gris de perle. Les Habita ns. des lies couppent les troncs de ces Arbres quand ils font encore Jeu- nes , pour faire des afuts de fufils & de moufquets -9 parce que ce bois étant mis facilement en œuvre, peut eftre pply en perfedion. Chaque mois il fe reveft de quelques feuilles nouvelles. Il porte des pommes qui étant meures, femblent eftre cuites au four , elles font de la grofleur d'une,pomme de Rambour, En tombant de TArbreelles font un bruit pareil 1 & à-ceiuy. 70 Histoire Natcreêêe, Chap.# ■ à celuy d'une arme à feu: Ce qui vient, de ce que certains vens ou efprits , qui font contenus en de petites pellicules qui couvrent la femence, e'tans excitez par la cheute, fe font ou- verture avec violence. D'où il y a raifon de fe perfuader, que c'eft le même fruit , qu'en la nouvelle Efpagne les Indiens ap- pellent d'un nom fort barbare , Jouant la lazin. Si on mange de ces pommes de Junipa, fans ôter cette peti- te peau qui eft au dedans, elles teferrent le ventre d'une étran- ge faflbn. Ce fruit eft recherché des chaflèurSjàcaulequ'e'tant aigrelet il étanche lafoif, & fortifie le cœur de ceu s qui font fatiguez du chemin. Sonfuc, teint en violet fort brun, encore qu'il foit clair comme eau de roche , & quand on en veut mettre jufques à deus fois fur la même place du corps que Ton veut teindre , la féconde teinture paroit noire. Les Indiens s'en fervent pour fe fortifier le corps , & le rendre plus fou- pie, avant que d'aller à la guerre. Ils croient aufîi , que cette couleur les rend plus terribles à leurs ennemis. La teinture de ce fruit ne le peut effacer avec le favon: mais au bout de neuf ou dix jours, elled'ifparoit d'elle même. Au tems que ce fruit tombe , les pourecaus qui en mangent , ont la chair & la graille Chap,6; OES II 55 ANTJLl|Xr ?\- gratè'e entièrement violette, comme l'expérience le témoig- ne. II en eft de même de la ch aîr des perroquets , & des au» txes oifeaus, lç>rs qu'ils s'en nourriffènt. Aureftç, on peut faire avec ces pommes un breuvage afles agréable, mais qui n'eft gueres en ufage, que parmy les Indiens , & les ChafleurSj qui n'ont point de demeure arrêtée. ART I C L E VI. Du Raijlmer, LE Raiftnier que les Caraïbes nomment Ouliem , croifî: de moyenne hauteur & rampe prefque par terre au bord delà mer : Mais dans une bonne terre il devient haut, com- me un des plus beaus Arbres des Forets. Il a les feuilles ron- 1% Histoire Naturelle, Chap. 6 meurs • pour de gros Raifins violets : Ma*s au lieu de pépins, chaque grain a fous une rendre pellicule , & fous forrpeu de fubftance aigrette, raffraichiflante , & d'affez bon goût, un n'oyau dur comme celuy des prunes. ARTICLE VIL * De l*<^fcajàu. IL y a trois fortes d'Arbres qui portent le nom D'^feœju Courbary* E Courbary, croift d'ordinaire plus haut, plus touffu, 8c *** plus gros , quele Monhain. Il porte un fruit , dont la co*- que eft fort dure à caiTer; & qui a environ quatre doigts de long, deus de large & un dépais. Dans la coque il a deus ou trois noyaus, couverts d'une chair fort pâteufe, qui eft jaune comm? du Safran. Le goût n'en eft pas mauvais: maison n'en peut faire d'excès, que l'eftomac n'en foit extrêmement chargé & que la gorge n'en foit empefehée. Les Sauvages, en cas de neceffité en font une forte de bruyage, qui n'efc pas désagréable étant bien préparé, c'eït à dire lors qu'il a & s bien 1\ r» ■ I pi *è, 7d H 1 S T O ï R E NaÏOH LU » Chàp. 6 bienboiïilly avec l'eau. Son bois eft folide , de couleur tirant fur le rouge. l'Arbre étant vieil rend de la gomme , qui s'en* durcir au Soleil , & qui demeure toujours claire , transparen- te comme l'ambre jaune , & de bonne odeur. Quelques In- diens en forment des boutons de diverfe figure, dont ils font des Bracelets , des Colliers & des pendans d'oreille y qui font heaus, luifans, & de bonne fenteur. ARTICLE XL Vu Figuier d'Inde, O N voit en îa plupart de ces Iles, un gros Arbre, que Tes Européens ont nommé Figuir d'Inde , à caufe qu'il porte un petit fruit fans noyau , qui a la figure, & le goût appro- chant des figues de France, D'ailleurs Une refîemble de rien à nos Figuiers y car outre que la feuille eft de différente fi- gure, & beaucoup plus étroite, il croift en des lieus , fi déme- surément gros,,qu'il s'en rencontre qu'à peine plufieurs hom- mes pourraient embraiTcr, parce que le tronc, qui le plus fou- vent n'eft pas uny en fa circonférence, pouffe à fes coftez* de- puis laraeine jufques à l'endroit oùles branches prenent leur naififance, certaines areftes , ou faillies, qui s'avancent jufques à 4 ou 5 pieds ans environs , & qui formentpar ce moyen de profondes cannelures , enfoncées comme des niches. Ces- faillies , qui font de la même fubftance qui font capables de porter cinquante hommes. 11 ponlîe plufieurs branches, qui font fort toufuës , à caufe de la multitude de feuilles d'ont elles font chargées, l'ombrage de cet arbre eft/ort agréable: Et même quelques uns tiennent, qu'il contribue à la famé de ceus qui fe repofent deffbus. 11 y a deus fortes d'^Acajou , qui ne font differens qu'en la hauteur de leur tronc, & enlacouleurdeleurbois. Ccluy qui eftlepluseftimé, a le bois rouge, léger, de bonne fenteur, & fort facile â eftre mis en œuvre. On a remarqué par expé- rience, que le ver ne l'endommage point} qu'il ne le pourrit po.nt dans l'eau, quand il a été coupé en bonne Lune 5 Et que Chap. 7 des Iles Antilles. %y> que les coffres & les aumoircs qui font faites de ces bois , don- nent une bonne odeur aus habits , & qu'ils les contregardent de toutes les vermines, qui s'engendrent, oufegliflentaifé- ment dans les coffres qui font faits d'une autre matière. Ces proprietez font caufe que quelques-uns ont creiï, que cet arbre e'toir une efpece de Cèdre. On en fait aufîi de l'Efcente, pour couvrir les maifons. Les Capitaines de Navires, qui tra- fiquent aus Antilles, apportent fouvent des planches de ce bois ^.ui font Ci longues & fi larges,qu'il n'en faut qu'une,pour faire unebelle & grande table. L'autre forte d'<^fcajw, eftde pareille figure quant au de- lors, que celuy que nous venons de décrire; mais il necroift gasdu tout fi haut, & quand onalevé récorce&faubel, on trouve que le bois eft blanc. Il eftaunl fort facile à mettre en ; œuvre , quand il eft fraîchement couppé f mais fi on le laifle a i'air , il -fe durcit en telle forte , qu'on a bien de la pe'ne à s'en fervir. Les Habitans des Iles* ne l'employent qu'à faute d'au- tre, à caufe qu'il eïl fu jet aus vers, & qu'il fe pourrit en peu, de tems. Si on fait des incitions au tronede ces arbres , ils lettentunejrrande abondance dégomme, quipourroit avok. quelque bon ufage , fi on en avoit fait l'eflay . A R T I C L E IL De V AcomMé CEt Arbre, eft bien au flj gros & auffi haut que l'Acajou, &; n'eftpas moins prifé des Archite&es , &des Mcnuyfiers. Ses feuilles font polies, & affes longues. Il porteun fruit de- la groffeur d'une prune , qui étant venu en fa maturité, eft :dc~ couleur jaune, & beau à voir, mais il eit trop amer pour eftre recherché des hommes. Les R amiers s'en engraiftent? an une faifon de l'année , & pendant ce tems là , leur chair eft de même goût, que lefruit qu'ils ont mangé. Il a i'écoree cendrée & raboteufe , le bois pefant & ayfe à polir, & félon- ies lieus où il croift ,- fon cœur eft rouge , ou jaunâtre , on tirant furie violet. Si on ouvre l'e'corce , il en fort une liqueur lakeufe3. qui fe durcit es forme ds.Gomm©, . ~m* x n %$ Histoire Naturelle, Chap. 7 ARTICLE III. Du Bois de Rofe, IL faut avouer, que fi les Habitans des Antilles, avoientdef- fein de s'y établir fermement , ils y pourroient trouver, non feulement les chofes qui font necefiaires à l'entretien de la vie , mais encote les délices & les curiofitez , tant pour ce qui concerne la nourriture, & le vêtement , que pour ce qui re- garde la ftru&ure de leurs maifons , & leur embellifîement in- térieur. Mais les douces penfées du retour au pais de leur naiffanec, que la plu-part confervent en leurs coeurs , leur font négliger, tous les rares avantages que ces lies leur pre- fentent, &parTer légèrement, par defîus la riche abondance des choies precieufes qu elles prôduiflent, fans en tirer aucun profit. Car pour ne rien dire prefentèment , de la grande fa- cilité qu'ils ont de faire des étoffes, du Cottonquiycroift, de nourrir en leurs parcs toutes fortes de volailes, & de bétail domeilique, qui y foiffonne autant qu'en lieu du monde 5 ils pourroient fans doute, recevoir beaucoup démolumens , de plusieurs bois precieus , qui feroient de grand ufage non feu- lement pourlcs loger , & les meubler commodément: mais aulTi pour en faire du Commerce avec l'Europe. Les de- feriptions que nous ferons de quelques uns de ces rares Ar- bres, tant au refte de ce Chapitre qu'au fuivant, juftifleront cette propofition. Le Bois de Rofe, étant propre non feulement à la charpen- te, mais auffià la Menuyfcrie,doit tenir le premier rang. Cet arbre creift d'une hauteur bien proportionnée à fa groffeurj Son tronc cft ordinairement fi droit, que c'eft l'un des plus agréables ornémens des forefls des Antilles ; 11 eft couvert de plufieurs belles branches , qui font accompagnées de feuilles molles, velues d'un cofté, & longues à peu près comme celles du Noyer En la faifon des pluyes il porte des fleurs blan- ches, de bonne odeur, qui croiflent par bouquets, & qui re- lèvent merveilîeufément la grâce naturellede cet arbre. Ces û eurs font fuivies d'une petite graine noirâtre Si polie. L'ë- corce Çhap.7 , DU I i e s A $ T u u s; %p corce de fon tronc , eft d'un gris blanc. Son bois eft au dedans de couleur de feuille morte, & quand le Rabot ôc le Poli f* foiront parle par deiïus , on y remarque plusieurs veines de différentes couleurs , qui font comme des ondes , qui luy don- nent un éclat marbré, Ôc un Luftre niervcilleus. Mais, la dou- ce odeur qu'il exhale , lors qu'on le mer en -œuvre , & qu'on le manie eft , ce qui le faitprifer d'avantage , & qui luy donne lebcaunom qu'il porte : Quelques-uns, ont mêmeeftimé que cette douce lenteur, qui eft encore plus agréable que cçilc de la Rôle, luy devoit donner le nom de bois de Cypre , & par effet ils le font palier fous ce titre, en quelques-unes des Antilles. Cet arbre , croift dans toutes les Iles de même faC- fon, quant à la figure extérieure} mais fon bois eft marbre de diverfes couleurs, félon la différence des terroirs, ou il a ,$>ris fa naiflance. ART I C L E I V, Du Boù D'Inde* C Et Arbre prccieus&de bonne fenteur, fe trouve en fi grande abondance dans l'Ile de Sainte Croix , &enph> fieurs autres, qu'il y en a des foreftsprefque toutes entières. Il va du pair avec le Bois de Rofe, mais il croift beaucoup plus gros & plus haut, lors qu'il rencontre une bonne terre. Son tronc prend de profondes racines , & s'ëleve fort droit. Son écorce eft déliée , douce & unie par tout , fa couleur eft d'un gris vif & argenté, & en quelques endroits elle tire fur le jaune, ce qui fait remarquer cet Arbre entre tous les au- tres. Il fleurit une fois l'an, autemsdes pluyes, & pour lors/ il renouvelle une (partie de fon feuillage. Son bois cfî très* folide, ôepefant au poillble, d'où vient. qu'il fou ffre d'eftre poly, & que quelques fauvages en font leurs maffu es. Apres qu'on a levé un aubel vermeil, qui eft fous l'écorce : on apper- çoitlecœurdel/aibrequi eft extrêmement dur, & d'une cou^ leur violette, laquelle le fait beaucoup cftimer des ctirieus . La bonne odeur de cet Arbre , reGde particulièrement en fçs feuilles, Elles font de pareille figure, que celles du M Goya- 9<> Histoire Naturel! e, Chap.fr Goyavier, & quand on les manie elles parfument les mains d'une lenteur plus douce, que celle du Laurier. Elles don- nent à la viande & aus fauces un goût fi relevé , qu'on l'attri- bueroit plutôt à une compofition de plufieurs fortes d'épice- ries, qu'à une fimplc feuille. On s'en fertauiïi dans les bains, que les Médecins ordonnent pour fortifier les nerfs foulez» &pour deiTeicher l'enflure, qui refte ans jambes de ceus* qui ont cfté travaillez de fièvres malignes. A'-R T I C L E m r il De flifieurs BgU Rouges qui font propres h bâtir 9 & des Bois de fer. OUtre l'A cajou, dont nous avons parlé au commence- ment de ce Chapitre, il y a encore en ces îles plufieurs beaus arbres , qui ont le bois rouge , folide, & pefant , qui re- flfte aus vers , & à la pourriture. Ils font tous très-propres à bâtir des maifons , & à faire de beaus ouvrages de Me- nuyferie. Mais on fait particulièrement état % du Bois de fer, qui porte ce nom, àcaufequ'ilfurpaiTeenfolidité, pefanteur, & dureté, tous cens que nous avons d'écrits jufquts à prefent. Cet Ar- bre, qui doit eft remis entre les plus hauts , & les mieus pro- portionnez des Antilles r eu: revêtu de beaucoup de branches, 11 ponede petites feuilles, qui aboutiflent en pointe , & font divifées prés delà queik. Il fleurit deus fois t année, allavoir aus mois de Mars & de Septembre. Ses fleurs, qui font de: couleur de violette , font fuivies d'un petit fruit, delagrof- f cur d'une Cerize qui devient noir étant meur , & cil: fort re- cerché des Gifeaus. L'écorce du tronc eft brune. Le Bois efl d'un rouge bien vif, lors qu'il eu nouvellement coupé * mais il fe ternit étant misa l'air , & perd beaucoup de fon lu» lire. Le coeurde l'Arbre eft d'un rouge fort obfcur , comme le bois de Brefii, ôc d'une telle dureté , que l'on doit avoir des coignées bien trenchantes, & qui foyent à l'épreuve, pour le pouvoir abbatre: Mais fon bois étant beau, folide, facileà polir , & plus incorruptible que le Cèdre & le Cyprès , il re- coud Chap.7 des Iles Antilles. $9 compenfe abondamment par toutes ces bonnes qualkez , La pêne qu'ildonne, avant qu'on s'en puiflefervir. Il y a encore un autre Arbre qui porte le même nom de Bois de fer , mais il n'eft pas comparable au précèdent. Il ne forte que de petites feuilles, & quand il fleurit il eft chargé i'unc infinité de Bouquets, qui s'élèvent fur toutes fes bran- ches, comme autant de pannaches , qui les parent fort avant a- geufement. 11 eft d'une belle hauteur ^ 6c il a l'aubei 'jaune ou •blanc , félon les lieus ou il croift. Tout le bois de cet arbre, horsmis le cœur quieft fort petit, fort dur,& tirant fur le ncir, eft fujet aus vers , ce qui fait qia'oxi ne le met pas volontiers en œuvre, fi ce n eft à faute d'autre. ARTICLE VI. De plu peurs ^Arbres dont le Bois eft propre h la Teinture. ENtre les Arbres qui croiiïent aus Antilles , ilyenapiu- fieurs qui fervent à la Teinture. Les plus eftimez , & les plus connus, font, le Bois de Brefil, le Bois jaune, l'Ebéne ver- te, & le R ou cou. Le Bois de Brefil, eft ainfi nommé , àcaufe que le premier qui a efté veii en Europe , avoitefté apporté de la Province du Brefil , ou il croift en plus grande abondance, qu'en aucun autre endroit de l'Amérique. Cet arbre eft rare ans Antilles, & on n'en trouve qu'en celles , qui font le plus heriiTées de rochers fecs & arides. Son tronc n'eft pas droit comme ce- luy des autres arbres 5 mais il eft tortu, raboteus , &pieinde nœuds a peu prés comme l'Epine blanche. Lors qu'il eft chargé de fleurs il exhale une douce fenteur, qui fortifie le Cerveau. Son bois eft recherché des Tourneurs; maisfoii principal ufage, eft en la Teinture* L'Ile de Sainte Croix , eft renommée parmy toutes les au- tres, pour avoir une infinité d'Arbres rares &precieus. On fait particulièrement état d'un, qui s'ékve fort haut & dont le bois qui eft parfaitement jaune, fert à la Teinture. Lorsque les Angiois tenoient cette lie , ils en envoyoient beaucoup M z en 9 2 H £ S T O I R E K A T XX R. E LIE, Châp; .7 en leur pais. On le nomme Bois ÎAunt , à caufe de fa coi> leur, ou bien de Fujlok, ainfi que nous l'avons dit en la de- fcriprion de ille de Tabago ,. en Laquelle cet Arbre eft auûifort commun. L'ebeneYertc , cft ordinairement employéeà faire plusieurs cxcellèns ouvrages de Menuyferie , par ce qu'elle prend aifc- ment la couleur, & le iuftre de îavraye £ béne ?■ mais Ton meil- leur ufage eft en. la Teinture, laquelle elle rend d'un beau vert naiffant. L'arbre qui porte ce bois, eft fort touffu, à caufe-que fa racine pouffe une grande quantité de rejettons , qui l'empe- fchent de croiftrc fi liant & fi gros qu'il feroit , fi fa force étoit ranuifée en un feul tronc. Ses feuilles font polies, & d'un beau vert. Sousl'écorce, il a environ deus pouces d'aubel blanc, & le refte du bois jufquesaucœtir, eft d'un vertfi obfcur, qu'il approche du noir; mais quand on le polit, on découvre cer- taines y dues jaunes, qui le font par oiftre marbré. il 1 1 ei 1 vil Du Roucouv. m «A C'EiT le même Arbre que les Brafiliens nomment Vrucut Il ne croift pas-plus haut qu'un petit Oranger. Ses feuil- les qui font pointues par l'un des bouts, ont la figure d'un cœur. Il porte des fleurs blanches méfiées d' Incarnat ; Elles font compofées de cinq feuilles, qui ont la forme d'une Etoile^ êc la largeur d'une Rofe. Elles croiffent par bouquets , ans extrémité z des branches, Ces fleurs font fuivies de petites fr- liques , qui referrent plufieurs grains de la groffeurd- un petit pois, qui érans parvenus à maturité, font couverts d'un ver=- milion le plus vif, & le plus éclatant , qu'on s'auroit defirer ^ Cette riche Teinture, qui eft enfermée en cette écofle , eft (1 mollette, & fi gluante , qu'elle s'attache aus doigts , aufïi-tôt qu'on la-touche; Pour avoir cette precieufe couleur, ons'écoue dana un vaiifeau de terre les grains fus lefquels elle eft attachée, on Ver.e demis de leau tiède , dans laquelle on les lave, jufques à ce qu'ils ayent quitté leur vermillon. Et puis quand on à laif- Chap. 7 dés Iles Antille s. $$ fé rcpofcr cette eau , on fait feicher à l'ombre le marc , ou la lie épaifie qui fe trouve au fonds du vaifieau , & l'on en forme des Tablettes , ou de petites boules , qui font fort efti- mées des Peintres, & des Teinturiers, lors qu'elles font pu- res , & fans aucun mélange , comme font celles que nous ve- nons de décrire, L e bois* de cet Arbre , fe brife facilement j- il eft très-propre pour entretenir le feu, & s'il eft entièrement éteinr& qu'on en frotte quelque tems deus pièces l'une contre l'autre , elles jettent des étincelles comme feroitun fufil , qui allument le Cotton, ou toute autre matière fufceptible de feu , queTon à mife auprez pour les recevoir. Son écorce fert à faire des' cordes qui font de durée. Sa racine donne un bon goût aus viandes, & quand on enmet dans les fauces , elle leurxommu- nique la couleur, & l'odeur du Safran. Les Caraïbes, ont de ces Arbres en tous leurs Jardins, ils les entretiennent foigneufement & les pnfent beaucoup $ à eau- Ml, fe mm il 94 Histoire Naturelle, Chap.s Te qulls en tirent ce beau vermillon dont ils te rougiflent le corps. Ils s'en fervent auffi a peindre , & à donner du luftre ans plus belles vaiifelies de leur petit ménage. On pourroit auffi mettre au rang des Arbres qui font pro- pres à iâ Teinture , la plupart de cens quidiftiient des gom- mes: car ceus qui ont eflé curieus d'en faire l'eflay , ont re- marqué, qu'eftant meflees dans la Teinture , elles relèvent les couleurs les plus fombresôc les moins claires, par un cer- tain éclat, & un fort beau luftre, qu'elles leur donnent. CHAPITRE HUITIEME UJh r '' Des jîrhres qui font utiles à la médecine ; Et de quelques autres dont les Habitans des .Antilles peuvent tirer de grands avantages. Dîeu ayant ordonné à tous les Peuples les bornes de leur habitation, n'a l'aiiTé aucune contrée dépourveue de moyens neceffaires , pour y faire fubfifter commo- dément les hommes, qu'il y a placez 5 ôr pour étaler devant leurs yeus, les richefles infinies de fon adorable Providence, il adonné à la terre la vertu de produire , non feulement les vi- vres qui font neceflaires pour leur nourriture 5 mais encore divers antidotes, pour les munir contre les infirmifez, dont ils peuvent être acuëiilis , & plufieurs remèdes fouverains, pour les en délivrer, lorsqu'ils y font tombez. Pour ne rien dire des autres endroits du monde, les Antilles, pofîedent fans contredit tous ces rares avantages , en un degré fort confîde- rable: Car elles ne fourniffent pas fimpîementà leurs Habi- tans une agréable variété de fruits, de racines, d'herbages , de légumes , 'de gibier, de poiiTons, .& d'autres délices pour cou- vrir leurs tables- mais elles leur prefentent encore un grand nombre d'excellens remèdes, pour les guérir de leurs mala- dies. C'eft ce que leLecleur judicieus pourra facilement re- marquer en lafuittede cette Hiftoire Naturelle , & particu- lière- Chap. 8 des Iles Antilles. 95 lierement en ce Chapitre, ou nous décrirons les Arbres qui font d'un grand ufage en la Médecine. ARTICLE I. Vu Cafîier ou Camfîcier. CEt Arbre croift delagrofleur, & prefque de la même fi- gure qu'un Pefcher , Tes feuilles font longuettes & étroi- tes: Elles tombent une fois l'an pendant les fécherefles-, & quand la faifon des pluy es retourne, ilenpoulîe de nouvelles. Elles font précédées de plu (leurs beaus bouquets de -fleurs jaunes , auquelles fuccedent de longs tuyaus , ou de longues filiques, qui viennent de la grofleur d unpoulce , ou environs & font quelquefois d'un pied ôc demy, oudedeuspiedsde long. il; 0 Histoire Naturelle, Chap..» long. Elles contiennent au dedans , comme en autant de pe- tites cellules, cette drogue Medecinalcfi connue des Apoti- caircs, que l'on appelle Café. Nos François nomment l'Ar- bre Cafter, ou Camfiaer , & les Caraïbes iMéh Mâh. Tarrdis que le fruit groffit & s'allonge, il cft toujours vert ,- mais quand il a pris fa confiftancc , il devient en meuriflant, brun, ou violet , & demeure ainfi fufpendu à fes branches. Quand ce fruit cft meur ôl kc , & que les Arbres qui le portent font agitez de grands vens, on entend de fort loin le bruit, qui eft excité par la colHGonde ces dures & longues filiques, les unes contre les autres. Cela donne Téfpouvante ausOifeaus, qui n'en ofent approcher 5 & pour les hommes qui ne favent pas la caufe de ce fon confus, s'ils ne voyait les Arbres mêmes émeus , & choquans leurs branches & leurs fruits, ils s'imaginent qu'ils ne font pas loin du bord de la mer, de laquelle ils croyent entendre l'agitation : ou bien ilsfeperfuadcnt, que c'en: le Chamaillis de plusieurs foldats, qui font aus mains. C'eft la remarque de tous ceus qui ont vifité le fein , ou comme on le nomme ordinairement le Cul-de-fac, de Me de Saint Domingue, où l'on voit des plai- nes entières, &defort longue étendue, qui ne font cou ver- tes d'aucuns autres Arbres. C'eft aufïi de-là, félon toute ap- parence, qu'on a apporté la femence de ceus qui croiflent aus Antilles. Au refte ces bâtons de Caffc , qui viennent^ de l'Amérique, font plus pleins & plus pelants, que ceus qu'on apporte du Levant, & la drogue qui eft dedans , a tous les mêmes effets. Les fleurs du Cailler étant confites enfucre, purgentbe- nignement, non feulement le ventre , mais auiH la veflie. Les bâtons du Caflier lors qu'ils font confits verts , ont aufïi la même propriété. Mais la poulpe étant extraite du fruit meur, fait une opération plus prompte, & beaucoup plus louable. Pluficurs des Habitans du Pais fe trouvent bien d'en ufer chaque mois , un peu avant le repas : & ils ont remarqué, quecedous Médicament leur conferve merveil- leufcmcntkur bonne conftitution. AKTI. €hap,£ des lin Antilles. ARTICLE II. 9T ™ Des Ifjis de ^Médecine. LiV Ttyis de ^Médecine qui font fi communes en toutes ces Iles,crouTentfur un petit Arbre, d'onton fait le plus fou- vent les feparations des Jardins & des habitations. Si l'on n'empefchefa jufte croiflance, il monte à la hauteur d'un fi- guier ordinaire, duquel il a aufïl la figure, fon boiseft fort tendre & moëlleus, il produit plusieurs branches qui ram- pent confufément à l'entour du tronc. Elles font chargeas de feuilles aflez longues , vertes & mollafles , qui font rondes par le bas, & fe terminent en trois pointes. Le bois & les feuilles de cet Arbre , diftiïcnt un fuclaiteus, qm tache le linge: Même il n'y à pas de plaifir de s'en appro- cher en tems de pluie , parce que les gouttes d'eau qui tom- bent de deffus fes feuilles, ont un tout : pareil effet que le fuc; il porte plufieurs fleuri jaunes compofées de cinq feuilles N qui i>;.i-, • -$r$ Histoire Naturelle, Chap. s qui ont la figure d'une étoile, quand elles font épanoiiyes. Les fleurs venant à tomber , quelques unes font fuivies de petites* nois , qui font vertes au commencement, puis elles devien- nent jaunes, & enfin noires, & un peu ouvertes lors quelles font meures 3 Chaque Nois, referre trois ou quatre noyaus en autant de diftin&es cellules, quiont l'écorce noirâtre de la grofieurSc de la figure d'une Fève. L'écorce étant levée, on trouve dans chacun , un pignon blanc , d'une fubftance huileufe , qui eft enveloppé & my-party d'une déliée pelli- cule. Ces pignons ont un goût aftez agréable,, qui eft appro- chant de celuy des Noifettes : Mais, s'y ion n'obferve quel- que règle en les mangeant, ils excitent un étrange devoyément par haut & par bas , particulièrement , s'y on ava4ie la petite peau qui les enveloppe , & celle qui les fepare par la moytie. Pour tempérer leur force , & pour en ufer avec un heureus fhccés , on les purge de ces peaus , & on les fait pafler légère- ment fur les charbons , puis étant battus , on en prent quatre ou cinq:, qu'on méfie dans un peu de vin , pour leur fervir de véhicule & de correctif. Les rameaus de cet Arbre étant couppés ôc mis en terre, prenent facilement racine. Les Portugais tirent de l'huile des pignons, qui eft eftimée en la ménagerie ,.. & qui peut aufli avoir fon lieu en la Médecine. ARTICLE Ut Du lois de CAneïïè-. ?.*■■» L'Arbre, qui porte cette efpece de Canelle, qui eft fi com- mune en toutes les lies, peut tenir place entre ceus qui1 fervent à la Médecine, puifque fon écorce aromatique eft re- cherchée de tous ceus qui font travaillez d'affections froides,. & employée pour décharger l'eftomac, des humeurs gluantes & pituiteufes quil'opprellent. La bonne odeur, & la verdu- re perpétuelle de ce bel Arbre, ôntperfuadé à quelques uns- que c'étoit une forte de Laurier y Mais- il croift beaucoup plus haut , fon tronc eft auiîi plus gros , fes branches font plus, éren* Chap.l Dis II i s Antiliï s. m «Étendues , & fes feuilles , qui ne font pas du tout fi longues, font de beaucoup plus douces, & d'un Vert plus gay. Son écorce , qui eu cachée fous une peau cendrée eft plus épaifle, & d'une couleur plus blanche, que la Canelle qui vient du le- vant* Elle eft auffi d'un goût plus acre & plus mordicant > Mais étantféchéeà l'ombre, elle donne une faveur tresagrea- bleaus viandes. Outre tous ces Arbres precicus que nous venons de décri- te, les Iles deTabago, de la Barbade, & de Sainte Croix, font eftimées entre toutes les autres, pour avoir plufieurs bois que l'ufage a rendus recommendables en la Médecine. Car on y trouve du Sandale, duGayac, & même du Safafras , qui font afiçz connus , fans qu'il foit befoin d'en faire des de- feriptions particulières. ARTICLE ï V. Bu Cottonnier IL y a encore plufieurs autres Arbres , afifez communs par toutes les Antilles, dont les Habitans peuvent tirer de grandes commodité z. Le Cottonnier , 0,11e les Sauvages ap- pellent LManoidott- Akecha , doit tenir le premier rang , corn* me étant le plus utile. Il croift de la hauteur d'un Pefcher : Il a l'écorce brune , les feuilles petites , divifées en trois. Il porteune fleur de la grandeur cTuneRofe , qui eftfoutenne par le bas, fus trois petites feuilles verras, & piquantes, qui î'enferrenr. Cette fleur eft compofée de cinq feuilles , qui font d'un jaune doré, elles ont en leur fonds de petites lignes de couleur de pourpre, & un bouton jaune, qui eft entoure de petis filamens de même couleur. Les fleurs font fuivies d'un fruit , de figure ovale , qui eft de la gtofieur d'une petite nois avec fa coque. Quand il eft parvenu à fa maturité , il eft tout noir par dehors , & il s'entrouve en trois endroits > qui font voir la blancheur du Cotton, qu'il referre fous cette rude couverture. On trouve dans chaque fruit , fét petites fèves, qui font la femence de l'Arbre. : ' l|l ïoo Histoue Naturelle, Chap.a Il y a une autre efpéce de Cottonnier, qui rampe fur la terre , comme la vigne destituée d'appuis : c eft celle-cy , qui produit le Cotton le plus fin & le plus eftimé. On fait de l'un & de l'autre des toiles, & pluficurs petites étoffes , qui font d'un grand ufage en la ménagerie, ART I C L E V. Du Savonnier, IL y a dens fortes d'Arbres, dont les Infulairesfe fervent au Jieu de Savon, l'un a cette qualité en fon fruit , qui croift par grappes, rond, jaunâtre, & de la groflfeur d'une petite pru* ne, quiaaufli un noyau noir & dur, qui fe peut polir. On le nomme communément Pomme de Savon. L'autre, acette vertu en fa racine , qui eft blanche & mollafle. L'un & l'au- tre rend l'eau blanche & écumeufe,, comme feroit le Savon même 5, Mais fi on ufoit du premier trop fouvent, il brûle* roit le linge. L'on appelle ces Arbres Savonniers , à eau fe de: ia propriété qu'ils ont de blanchir. A R T I C L E VI Du ParetuvkK9 C'Efi Arbre , ne fe pîait qu'aus marécages, & aus bords de la mer. Il a la feuille verte, épailTe, & allez longue. Ses branches qui fe recourbent contre terre, ne l'ont pas Ci toft touchée, qu'elles prennent des racines, &pouiTent un autre Arbre, qui entrelalîe ordinairement fà tige& fesbranchesiî prés à prés , &i à. tant de réplis, avec tout cequ'il peut join- dre , que ces Arbres gagnent & occupent en peu detems, tout ce qu'il trouvent de bonne terre, qui eft : par ce moyen ren- due fi difficile à défricher, que Ton n'en petit attendre aucun profit, C eft fous ces Arbres , que lés Sangliers, ^autres bê- les Sauvages tiennent leur fort. Ils fervent amlt1 eh quelq des Imam Chap.8 des Iles Antilles. ioî îleus de rempart aus Habitans des îles, qui font aifurez que perfonne ne les furprendra de ce cofté là. Ils font encore tresutilts , en ce que n'y ayant point de Chefue en ces lies, Ifcu'r éeorce eft propre à tanner les cuirs. ARTICLE Vîî. Du Cakbafôcr» ■ ■ IL ne faut pas oublier le Çalebaper, qui fournit la plus gran- de partie des petits meubles'du ménage des Indiens , & des Habitans étrangers , qui font leur demeure en ces Iles. C'eft un Arbre , qui croift de la hauteur, delà groueur, & de là forme d?un gros Pommier. Ses branches font ordinairement fort touffues. Ses feuilles qui font longuettes , étroites, & rondes pat le bout, font attachées par bouquets aus bran-* iea Histoire Naturelli, Chap.* ,i ,* ches , & en quelques endroits du tronc. Il porte des fleurs 5c des fruits prefque tous les mois de l'année. Les fleurs font d"un gris mefle de vert, & chargé de petites taches noires, & quelquefois violettes. Elles font fuivics de certaines pom- mes, dont à peine en peut-on trouver deus, qui foient de pa- reille grofleur, & de même figure. Et comme un potier, fait paroitre Tadrefle de fa main, en faifant fur une même roiïe, & d'une même maûe déterre , desvaifleaus d'une for- me & d'une capacité différente: Ainfi la nature montre icy fon induftriemerveilleufe, en tirant d'un feul Arbre , des fruits divers en leur forme , & en leur groiTeur , encore qu'ils foient tous attachez à une même branche , & produitsd 'une même fubftance. Ces fruits ont cecy de commun , qu'ils ont tous une écorec dure, ligneufe , d'une épaifleur & d'une folidité requifepour s'en pouvoir fervir au lieu de bouteilles , de bailins, décou- pes, Ghap. 8 t> B S ÎLES ÀHTIHIJ, *©^ pes , de plats , décuelles , & de tous les autres petis vauTeaus, qui font neceflàires au ménage. Ils font remplis d'une cer* taine poulpe , laquelle étant bien bien meure , devient violet- te, de blanche qu'elle étoit auparavant. On trouve parmy cette fubftance , certains petis grains plats , & durs qui font la femence de l'Arbre. Les Chaifeurs des Iles , fe fervent de ce fruit pour étancher leurfoif au befoin, & ils difentqu'ilale goût de vin cuit: mais qu'il referre un peu trop le ventre. Les Indiens polûTent l'écorcc, & rémaillent fi agréablement avec du Roucou , de l'Indigo , & plufieurs autres belles cou- leurs , que les plus délicats peuvent manger «5c boire fans dé- goût, dans les vaiiïelles qu'ils en forment 11 y a auiïi des Curieus,quineles eftiment pas indignes, détenir place entre les raretez de leurs cabinets. A R T I CL E VI IL Du zMàhot. IL y a deus fortes d'Arbres qu?on appelle ^Mahop, aflavoir le Màhot franc, & le Màhotàherhe* Le premier eft le plus re- cherché, parce qu'il eft plus fort. Il ne devient pas fort grandi mais il produit plufieurs branches , qui rampent contre terre. L'écorcc en eft fort épaifle, & fort aifée à lever de defTus l'Ar- bre. On en fait de longues éguillettes, qui font plus fortes1 que les cordes- de Teil , d'ont on fe fert en plufieurs endroits* On l'employé ordinairement à monter les rouîeaus du Ta* bac , & à attacher plufieurs chofes, qui font neceflàires au mé- nage. Pour ce qui eft du Mahot d?herbe, on s'en fert au défaut du premier ; mais il pourrit facilement, & n'égale en rien Tau* tre pour la force. Enfin il y a dans ces Iles plufieurs autres Arbres r qui ne fir voyent point en ^Europe, donrles uns recréent feulement laveuë, tels que font, celuy qu'on appelle Mappou , & plu* (leurs fortes de Bois Epine us : Et les autres contentent lodo* rar par leur bonne fenteur: ou même ont des qualirez veni- meufes » comme VXArbre hiteus. Céluy dont la racine étant broyée, & jettéc dans les rivières, cnyuse les Fdiflbns : 1$ Manst* io+ Histoire Naturelle, Chap.* Muncenilier , lequel nous décrirons en fon lieu, & une infinité d'autres, qui ont tous le bois blanc, mol «Se de nul ufage, & qui n'ont encore point de nom parmy nos François. CHAPITRE NEUVIEME, Des Jrbriffeam du fats ; qui portent des fruits , ou qui pouf fini d:s racines 5 qui font propres à la nourriture des HabitanS) ou qui ferment à d'autres uftges. Dieu ayant fait de la terre un feul Elément , la feparéc endiverfés Contrées , achacunedefquellcsil adonné quelque avantage & quelque commodité, qui ne Te trouve point aus autres, afin que dans cette agréable variété, fa providence fe puiffe tant p! us dtfrinttément reconnoître , & admirer. Mais, il faut avouer , qu'en la diftributien que cette Divine SagelTe a faitdefes biens, les Antilles ont eiïe fort ri- chement partagées : Car pour nous arrêter fixement à la ma- tière que nous traitions , non feulement le grands Arbres, que nous avons décrits ans Chapitres precedens, contribuent au logement, à la nourriture, au vêtement , à la confexvâtion de la fanté , & à plufieurs autres dous accommodémens des hom- mes qui y habitent , mais il y croift encore plufieurs Arbrif- feaus, qui pouffent des racines, ou qui portent des fruits qui fervent aus mêmes ufages , comme il le pourra remarquer par laleduredecc Chapitre, Vx A K T I CLE Du OWânyoc. L LEsHabitansdes Iles , fe fervent au lieu de blé delà raci- ne d'un Arbriffeau , qui fe nomme Mtnyoc , & que les Toupinambous appellent Manyot , & d'autres Mandtoque, de laquelle on fait un pain allez délicat , que 1 on appelle Caffave. Cette racine eft li féconde, qu'un arpent de terre qui en fera planté, Chap.^ des Iles Antilles. ï©$ plante , nourrira plus de perfonnes , que n'en pourroient faire fix, quiferoientenfemencez du meilleur froment. Elle jette unboistortu, de la hauteur de cinq à fix pieds , qui eft très- facile à rompre & remply de petis nœuds. Sa feuille eft étroi- te & longuette. Au bout de neuf mois , la racine eft en fa ma- turité'. On dit même qu'au Brefil , iineïuy faut que trois ou quatre mois, pourcroiftre groiTe ou comme la cuiue. Si la terre n'eft point trop humide, la racine s'y peut conferver trois ans, fans fc corrompre: fi bien qu'il ne faut point de grenier pour la ferrer, car on la tire de la terre, àmefure qu'on en a befoin. Pour faire venir cette racine , il faut prendre de ce bois, & le couper par bâtons, de la longueur d'un pie' ou environ. Puis faire des foffes dans le jardin avecunehouë, &fourrer trois de ces bâtons en triangle dans h terre que l'on à tirée de ces foftes , & dont on a fait un petit monceau relevé. On O appelle ■ îo6 Histoire Naturelle, Chap. 9 appelle cela planter h U fojfe. Mais il y a une autre forte de planter le Manioc , que l'on nomme planter au Piquer, qui eft plus pronte & plus ayfée , mais qui ne produit pas de Manioc fi beau, ni fieftimé. Cela ne conilfte , qu'à faire un trou en terre avec un piquet & à y planter tout droit le bois de Ma- nioc. Mais il faut prendre garde en le plantant, de ne pas mettre les noeuds en bas , parce que les bâtons ne pouffe- roientpoint. Les Indiens n'y font point d'autre faflbn : mais pour l'avoir en faifon, ils ob fervent le decours delà Lune , <3c que la terre foit un peu humectée. Il y a plufieurs fortes de ces Arbritfeaus , qui ne font diffè- re ns , qu'en la couleur de l'écorce de leur bois, & de leur ra- cine. Ceus qui ont l'écorce, grife , ou blanche, ou verte, font un pain de bon goût, & ils croilfent en peu de tems : mais les racines qu'ils produifent ne font pas de fi bonne gar- de, ocelles ne foifonnent point tant, que celles du Manyoc rouge ou violet, qui eft le plus commun, leplus eftimé , & le plus profitable en la ménagerie. Le fuc de cette racine, eft froid comme celuy la ciguë ; & c eft un poifon fi puiiïant, que les pauvres Indiens des grandes lies , étans perfécutezà feu & à fangpar les Efpagnols , & voulans éviter une mort plus cruelle , fe fervoient de ce venin, pour fe faire mourir eus mêmes. On voit encore au jourduy en nie de Saint Domingue, un lieu nommé la Caverne des Indiens , où fe trouvent les oflemensde plus de quatre cens perfonnes, qui s'y donnèrent la mort avec ce poifon , pour échaper des mains des Efpagnols. Mais, au bout de vintqua- tre heures, que ce fuc fi venimeus pour toutes fortes d'ani- maus , eft tiré de fa racine , il perd fa qualité maligne & dangereufe. ARTICLE II. Du Ricimts, on Palma Cbrijfi. IL y a dans les /Antilles , une infinité de ces ArbrifTeaus que l'on nomme ValmuChrtfti , ou Ricinm. Et ils croitfcnt fi hauts , & fi gros en quelques lieus , qu'on les prendroit pour une Chap.9 des Iles Antilles, 107 une efpcce différente de ceus que Ton voit en Europe. Les Ne'gres en amaffent la graine & en expriment l'huile, de la- quelle ils fe fervent pour frotter leurs cheveus , & fe garentir de la vermine. Les qualite's que luy donnent Galien&Dios- coride, répondent bien à l'ufage qu'en tirent ces Barbares. La feuille de cet Arbrifleau eft auffi fouverainc , pour la.gueri- fonde quelques ulcères, parce qu elle eft fortattra&ive. ARTICLE III. Vts Bananiers, ejr Figuiers IL croift en toutes ces Iles deus fortes d'Arbriflfeaus, ou plu- tôt de gros Rofeausfpongieusau dedans, qui viennent vo*= ■iontiers en terre grafTe , près des ruififeaus , ou dans les vallées, qui font à l'abry des vens. Gn î Bananiers , ou fîmes & figuiers , Gn les nomme ordinairement ou Pommiers de Paradis» O % Ces 1 1 1 | 1 1 1 I jos Histoire Naturelle, Chap. 9 Ces deus efpeces d'Arbrifteaus ont cecy de commun entre eus , 1 . Qu'ils cronîent de pareille hauteur, ailavoir de douze ou de quinze pieds hors de terre: 2. Que leurs tiges qui font vertes, luifantes,fpongieufes & remplyes de beaucoup d'eau, fortent d'un gros oignon en forme d'une poite , quieitmuny de plufieurs petites racines blanches, qui le lient avec la terre : 3. Qu'ils pouffent proche leur pie' desrejettons, qui produ> fent des fruits au bout de Tan : 4. Que quand on a coupe une des tiges pour avoir le fruit, la plus avancée fuccede en la place, &ainftTArbrifteaufe perpétue, & fe multiplie , telle- ment, qu'il occupe avec le temps , tout autant de bonne terre qu'il en rencontre: 5. Que la fubftance de l'un &de l'autre eftmollafie, qui fe refout en eau, laquelle étant claire au pof- fible, a ncantmoins la qualitéde teindre le linge, ôc les étoifes blanches en couleur brune. 6. Que leurs. fruits font au fora- met de chaque tige , en forme de grofles grappes , ou de gros bouquets . 7. Et que leurs feuilles, qui font grandes d'environ une aulne & un quart , & larges de dixhuit pouces, peuvent fervir de nappes & de ferviettes, & étant feches, tenir lieu de matelas & délits, pour coucher mollement. Ces deus Arbriflfeausfont encore femblablescncecy, que de quelque fens que Ton coupe leur fruit , lors qu'il eft en ma- turité','la chair qui eu blanche comme nége , reprefente en fon milieu la nVure d'un Crucifix: cela paroix particulière- ment quand on le coupe par rouelles délicates. C'eft pour- quoy lesEfpagnols croiroient faire un crime, d'y mettre le couteau, & fe feandalifent fort , de le voir trancher autrement qu'avec les dens. Mais le Bananier a cecy de particulier : 1 . Son fruit eft long de douze à tréze pouces , un peu recourbe' vers l'extrémité, gros à peu pre's comme le bras $ au lieu que celuy du Figunr eft de lamoitieplus petit, de la longueur de fi-x pouces. 2. Le Bananier , ne produit en fon bouquet que vinteinq ou trente Bananes pour le plus, qui ne font point trop fcrre'cs les unes auprès des autres; Mais le Figuier , a quelquefois jufques a cent ou ilx vint figues ; qui (ont tellement unies <5c preftees les unes contre les autres , qu'on a de la peine à les en déta- cher. 3. Les Bananes ont la chair ferme 6c folide, propre à eftrc Chap. 9 bis- Iles Antilles. ï»<> eftre cuite, ou fous la cendre, ou au pot avec Ja viande, ou confite, &féchéeaufour, ou au Soleil, pour eftre gardée plus facilement. Mais la Figue, ayant une fubftance mol-la- ce , ne peut fervir à tous ces ufages. Pour avoir ces fruits , on coupe par le pie les Arbres , qui ne portent qu'une feule fois en leur vie , &onfoutien avec une fourche la grolTe grappe , de peur qu'elle ne fe froifle en tombant. Mais on n'y met pas volontiers la ferpe, que quand on apperçoit , qu'il y a quelques uns des fruits de chaque bou- quet , qui ont la peau jaune ; Car c'eft un (igné de maturité ; & lors étant portez à la maifon, ceus qui étoient encore verts meuriffent fucceflivement, & l'on a chaque jour du fruit nouveau. La Grappe, qui eft nommée Régime par nos François, eil ordinairement la charge d'un homme: & quelquesfois il la faut mettre fur un levier, &la porter à deus furies épaules, comme la grappe de raifin , que les Efpions rapportèrent de la terre de Canaan. Quelques uns, ont trouvé ce fruit fi beau & fi délicat, qu'ils fe font imaginez que cétceluydu Paradis terreftre, dont Dieu avoit défendu à Adam & à Eve de man- ger. Aufly ils le nomment Figuier D'<^fdam , ou Pommier de. Paradis. La feuille de ces Rofeaus, fe trouvant de la gran- deur que nous avons dit , étoit du moins bien propre , à cou- vrir la nudité de nos premiers parens. Et pour ce qui regarde la figure du Crucifix, que le fruit reprefente.au dedans lors qu'il eft coupé, cela peut fournie une ample matière de pro- fondes fpeculations., à ceus qui fe plaifent à fpiritualifer les fecrets de la Nature. Il y en a qui.difent ,.. que la .figure d'une Croix eft aufïi mar- quée dans lafemence de l'herbe que l'on nomme Rué. La pe- tite Gentiane on Grmiata , a les feuilles difpofées en forme de* Croix fur fa tige : & il faut avouer , que la nature comme en fe jouant , s'eft plue à reprefenter de cette forte diverfes figu- res, dans les plantes & dans les rieurs. Ainfiilyenaqui fe rapportent à Informe des chevens , d'autres à celle des y eus, des oreilles, du nez, ducœur, de la langue, des mains Ôcâa quelques autres parties du corps. Et ainii ilyaencoredivcr- fepbntes fameufes, qui femblent reprefenter plufieurs au— O k îïesj- no Histoire Naturelle, Chap.$ très chofes, comme des Aigles, des Abeilles, des ferpens, des pattes de chat, des creftes de coq , des oreilles d'Ours, des bois de cerf, des flèches , & femblables ; dont par fois même à caufe de cette reflemblance , ces plantes-là, portent le nom. Nous ne les fpecirlons pas icy , parce que tous les Livres en font pleins. ARTICLE IV. Du Bois de Cor al. TLyaencoreenplufieurs Iles, un petit Arbrifteau, qui porte ■* une graine rouge comme du Coral. Elle croift par bouquets à l'extrémité de fes branches, qui en reçoivent un grand ladre. Mais ces petits grains , ont une petite marque noire à l'un des bouts, qui les défigure, & leur fait perdre leur prix , félon l'advis de quelques uns. Les autres difent tout au contraire, que cette bigarrure de couleurs, ne les rend que plus agréa- bles. On s'en fert à faire des Brafielets. ARTICLE V. l\H\ Bu Iafmin & au Bois de Chandelle. Es ArbrhTeaus, que nos François ont nomme Iafmin , & J"-' Bois de chandelle , doivent eftre mis entre ceus, qui font confiderables en ces Iles. Car le premier porte une petite fleur blanche , qui parfume tout la circonférence de fa bonne odeur j &c'eft ce qui luy a acquis le nom qu'il porte. Et quant à l'autre, il exhalé une fi agréable & fi douce fenteur, lors qu'on brûle fon bois fec , il elt auiîl fi fufceptible de feu , & il rend une flamme fi claire, à caufe d'une certaine gomme aro- matique dont il eftlmbu, que c'eftavecraifon qu'il cft re- cerchédes Habitans pour l'ufage<5c l'entretien de leurs feus, & pour leur tenir lieu de chandelle , & de flambeau pendant la nuit. CHA- Chap. io de $ lus Antilles, 1 1 ï CHAPITRE DIXIEME. Des fiantes , Herbages y tr (Racines de la tem des .Antilles. APres avoir reprefenté dans les Chapitres precedens, les Arbres & les Arbriffeaus , dont la terre des An- tilles eft richement couverte : ii nous faut mainte* nant entrer en la confideration , de pliifieurs rares Plantes, Herbes , & Racines dont elle eft aulïi tres-abondamment pourveuë. ARTICLE ï, De trois fortes de Pyntan; : A Plante, que nos François appellent Pymm ouPoyure f^ de l'Amérique, eft la même que les naturels du pais nom- ment L^fxt ou Carive. Elle croift touffue , comme un petit buiffon fans épines. Sa tige, eft couverte d'une peau cendrée, , elle porte plusieurs petis rameaus, qui font chargez d'une multitude de feuilles longuettes , dentelées , & de couleur de. vert naiffant. 11 y en a de trois fortes qui ne font en rien diffé- rentes , qu'en la figure de récofle , ou du fruit qu'elles por- tent. L'une ne produit qu'un petit boutton rouge, longuet: comme un clou de Girofle, qui a au dedans une femence déliée, beaucoup pluschaude que les épices , qui viennent du Levant, & préfquecauftique, qui communique facilement cette qualité picquante, à tout ce àquoy on l'employé. L'autre Efpéce , a une écoffe beaucoup plus groife, & plus longue , qui devient parfaitement vermeille étant meure , 8c (i l'on s'en fert ans fauices , elle les jaunit comme feroit le Safran. La Troiziéme , a encore une écoffe plus grofîe , qui eft affez ëpaiffe, rouge comme du plus vif Coial , & qui n'eft pas éga- lement - us Histoire Naturelle, Chap.io lement unie. La graine qui n'eft point fi acre, ni fi épicée que celle des autres , eft fufpenduë au milieu. C'eft l'un des plus bcaus fruits , que Ion s'auroit voir , lors qu'il eft meur. On en a apporté de la graine en France Se ailleurs , quieft venue . . - ■ m en perfe&ion. Mais le fruit ne vient pas du tout fi gros, qu'en l'Amérique On fe fert de cette écoffe , & de la graine qui eft dedans, au lieu de poyure, parce que ce fruit donne un goût relevé, qui approche de celuy de cette épicc. Les effets neant- moins n'en font pas fi louables; Car après qu'il à un peu pi- qué la langue, & enflammé le palais par fon acrimonie, au lieu de fortifier , & déchauffer la poitrine , il l'affoiblit , &y caufe des froideurs * Ou plutoft , félon le fentiment des Mé- decins , il ne l'échauffé que trop , & il l'affoiblit par fa vertu cauftique, n'y caufant de froideur que par accident, entant qu'il ditTipe l'humide radical, qui eft le (iegede la chaleur. Cet pourquoy on remarque dans les Iles, que ccus qui s'en fer- r vent Chap, ip des Iles Antille s. 113 vent ordinairement en leur manger, font fujets à desmaus d'eftomaç, & à contrader une couleur jaune. ARTICLE IL Du Tabac. LA plante de Tabac, ainû* appelle à caufe de l'Ile de Tahagô, où félon l'opinion de quelques uns , elle a efté première- ment découverte par les Efpagnols, cft auffi nommé TÇico- /À***, du nom de Monfieur Tricot Médecin, qui la mit le pre- mier en ufage en l'Europe, & qui l'envoya de Portugal en France.^ On laqualifle encore Herbe à la Reyne, parce qu'étant apportéede l'Amérique, elle fut prefentéea la Reine d'Efpà- gne, comme une plante rare, & de merveiîleufe vertu. Les Efpagnols, luy donnent de plus le nom £ Herbe Sainte , pour les excellens effets que l'expérience leurc-n a faitfentir \ com- me témoigne Garcilaffo , au 25 Chapit. du 2 Livre de fon commentaire Royal des Yncas du Pérou. Enfin on l'appelle Petun, bien que Jean de Lery s'en mette fort en colère, fou- tenant que la plante qu'il a veuëauRrefil, & que les Taupi- nambous nomment Petun , eft tout a fait différente de noftrc Taoac. Les Caraïbes, le nomment en leur langue naturelle TOuly. On ne connoiffoit autrefois dans les Iles d'autres Plantes de Tabac , que celles que les Habitans nomment or- dinairement Tabac vert, & Tabac a la langue, à caufe de la fi- gure de fa feuille : Mais dépuisqu'ony à apporte' de la terre ferme, de la femence de celles qu'on appelle Tabac de Ferme, & Tabac des ^A 'madone 's , on les a auiïi divifées en ces qua- tre fortes. Les deus premières font déplus grand rapport: Mais les deus autres font plus emmées , à caufe de leur bon- ne odeur. Toutes ces fortes des plantes de Tabac, croiffent aus îles, de la hauteur d'un homme & d'avantage , lors qu'on n'empêche point leur croiffanec, en coupant fefommetde leurs tiges. Elles portent quantité de feuilles vertes longues , veluës°par deflbus , & que l'on diroit eftre huilées, lors qu'on lesmanie. Celles qui croiffeut au bas de la plante, font plus larges ôc plus ■ P ion- Il ^. J14 Histoire Naturelle. Chap.io longues, comme tirant plus de nourriture de l'humeur de la racine. Elles pouffent au fommet de petits rameaus, qui por- tent une fleur en forme de petite clochette , laquelle ell d'un violet clair. Et quand cette fleur eft féche, il fe forme un petit bouton en la place , dans lequel eft contenue la femence , qui eft de couleur brune & extrêmement déliée» Quelquefois on trouve fous les feuilles, & fous les bran- ches de cette Plante , des nids de ces petis oifeaus que l'on ap- pelle Colibris , & que nous décrirons en leur lieu. ARTICLE De L'indigo. III. A matière d'ont on fait cette Teinture violette qu'on appelle Indigo , fetire d'une Plante, qui ne s'éleve hors r Kl de terre, qu'un peu plus de dens pieds & demy. Elle a là feuille petite , d'un vert naiflant , qui tire fur le jaune quand elle Chap. 10 pes Iles Antîhes.: ï i 5 elle eft meure. Sa iteur eft rougeâtre. Elle vient de graine, que l'on feme par filions en droite ligne. Son odeur eft fort désagréable, au contraire de cette efpece d'Indigo que l'on -trouve en Madagascar , qui porte de petites fleurs d'un pour- pre meilé de blanc, qui s'enteat bon. ART I G LE IV* Du Gingembre* ENtre toutes les Epiceries du levant, qu'on à eflayé de faire croiftre en l' Amérique, il ny en a aucune qui ait reuiîîquele Gingembre , qui y vient en abondance , & en fa perfection. Ceft la racine d'une Plante, qui ne s'élève pas beaucoup hors de terre, qui a les feuilles Vertes & longuette^ comme celles des rofeaus , & des cannes de fucre» Sa Racine* n6 Histoire Naturelle, Chap. m fe répand non en profondeur , mais en largeur , & cft c ouche'e entre deus terres, connue une main, qui a plufieurs doigts e'tendusaus environs. D'où vient aufti qu'on l'appelle Patte, entre les habitans des lies. Cette plante fe peut provignerde femence , ou comme il fe pratique plus ordinairement, de cer- teincs petites racines, qui croilTent comme filets, autour de la vieille tige & des plus grofies racines, tout ainfi qu'aus Cher- vis. Elle croift facilement en toutes les Antilles & particulier ment à S. Chriftofle. Aufli , depuis que le Tabac eft devenu àfi vil prix, plufieurs Habitans de cette lie, ont fait trafic de. Gingembre, avec un heureux fuccés. I ARTICLE Des Patates. «48 LA Patate, que quelques uns appellent Batate, eftunera* cine qui eft prefque de la figure des Trufes des jardins,que l'on nomme Toup'mambotis ou ^Artichaut d'Inde , mais d'un goût beaucoup plus relevé, & d'une qualité' beaucoup meil- leure pour la fanté. Nous prendrons icy occafion de dire en panant par forme dedigreffion, que ces Toupmambcm , quifontaujourduynon feulement fort commun en ces quartiers, mais fort vils & fort méprifez , & qui ne font guéres que la viande des pauvres gens y omette' autrefois entre les plus rares délices. Caraus- fuperbesfeftins , qui fe firent à Paris par les Princes, à quel- ques AmbaOadeurs en l'an mil fix cens feize, on en fervit comme d'un mets precieus & exquis. Retournons à noftre Patate. Elle croit en perfection dans une terre légère, moyene- ment humide, & un peu l'aboure'e. Elle poufle quantité' de feuilles moilaffes, d'un vert fort brun, qui ont une figure ap- prochante de celles des Epinars. Elles fortent de plufieurs pampres qui rampent fur terre , & qui remplifient inconti- nent au long & au large toute la Circonférence ; Et fi la rerre eft bien préparée , ces pampres forment en peu de tems diverfes. racines,, par le moyen de certains fibres ou filamens bian» Chap.io des Iles Antilles, 117 blanchâtres, qui fe pouffent de deffous les nœuds , & qui s'in- fmuent facilement en la terre. Elle porte une fleur, de la cou- leur à peu-prés qu'eft la racine , & en forme de clochette , au défaut de laquelle fe forme la. graine. Mais ordinairement,, pour provigner ce fruit , on prend feulement de ces pampres qui s'éparpillent par tout comme nous avons dit, & on les couche dans une terre labourée, où au boutdedeus ou trois mois ils ont produit leur racine: Laquelle a-aufli cette vertu, qu'étant coupée par rouelles & mife en terre y elle produit fa racine & fa feuille, comme fi elle avoit fafemence, en chacune. defes moindres parties , de même quelesNaturaliftesl'atri- buent à la graine de. la Coriandre & à celIedel'Armoife, de laquelle ils difcntdeplus, qu'elle renaift même de fa cendre. Ces Racines font de couleur différente , & dans un même champ onen tirera quelquefois de-blanches , qui font les plus communes, de violettes , de rouges, comme les Bette s- raves, «l£|at!nes>.& demarbrées, Ellesfont toutes d'ungoûtexeeU B 1, %%p,u lis Histoire Naturelle. Chap.id -lent. Car pourveu qu'elles ne foient point remplies d'eau, & -qu'elles foient crciïes en un terroir moyennement humide & fec, qui participe de l'un & de l'autre, elles ont legoûtdes Châtaignes, & ibnt d'une meilleure nourriture que la Caflaue, qui defieche le corps j Car elles ne font pas fi arides. Aufll, plufleurs Anglois fe fervent de ces racines , au lieu de pain ôc de Caflaue, & les font cuire pour cet effet fous la cendre, ou fur les charbons. Car étant ainfi préparées , elles font de meil- leur goût, ôc elles perdent cette qualité venteufe, qu'ont la pluspart déracines. Mais pour l'ordinaire, on les fait cuire dans un grand pot de fer , au fond duquel on met tant foit peu d'eau : Puis on étouppe foigneufement avec un linge l'orifice du couvercle , afin qu'elles cuifent par cette chaleur étouffée. Etc'eftlà le mets plus ordinaire des ferviteurs& des Efclaves du Pais , qui les mangent ainfi fortant du pot , avec une fauce compofée de Pyman , & defuc d'Orange , que nos François appellent Pymantade. Il faut avouer, que fi cette racine n'étoit pas fi com- mune , elle feroit beaucoup plus prifée. Les hfpagnols 1* mettent entre leurs délices, & ils l'aprétent avec du beurre, du fucre, delà mufeade, ou delà Canelle. Les autres la re- duifent en bouillie, & y ajoutant force graiflfe, & du poyurc ou du Gingembre, trouvent que c'eft un excellent manger. Mais la plupart des Habirans des lies n'y font pas tant de façon : Quelques uns auflfi cueillent la tendre extrémité des pampres, & après les avoir fait bouillir, ils les mangent enfa- îade, en forme d'Afperge, ou d'Houblon. ARTICLE VI. De l'ananas. L'^Anmas , eft tenu pour le fruit le plus delicieus, non feulement deces lies, mais de toute l'Amérique. H eft au(fifi beau «5c d'une odeur fi douce , qu'on diroit que la na- ture ait déploie en fa faveur, tout ce qu'elle referroit de plus rare, 6c de plus precieus en fes trefors. Il croift fur une tige haute d'un bon pied, qui eft reve'tuc d'en* Chap. ro d ï, s lus A n t i 1 1 g s, xig ii m' 120 Histoire Naturelle, Chap.io d'environ quinze ou feize feuilles , qui font delà longueur de celles des Cardes , de la largeur de la paume de la main, & de la fleure de celles de l'Aloes. Elles font pointues par le bout, de même que celles duGlayeul, un peucavées par le milieu , & armées des deus côtés de petites épines, qui font fort pointues. Le fruit qui croift entre ces feuilles, & qui eft élevé fu t cet- te tige, eft quelquefois de la groffeur d'un Melon. Sa forme eft à peu près femblable à une pomme de Pin. Sonécorce, qui eft relevée de petits compartimens en forme décailles, d'un vert pâle, bordé d'incarnat, couchez fur un fonds jaune, eft chargée en-dehors, de pluûcurs petites fleurs, qui félon les di- vers afpefts du Soleil, fe revêtent d'autant de différentes cou- leurs, qu'on en remarque en l'arc en Ciel. Ces fleurs tom- bent en parrie , à mefure que le fruit mourir. Mais ce qui luy donneplusdeluftre, & ce quiluy a acquis le titre de Roy en- tre les fruits, e eft qu'il eft couronné d'un gros bouquet, tiûli de fleurs & de plufieurs feuilles , folides & dentelées , qui font d'un rouge vif & luifant, & quiluy donnent une merveilleufe grâce. j ( Lâchait, ou la poulpe quieft contenue fous l'ecorec, eft un peu fibreufej mais elle fe refout toute en lue dans la bou- che. Elle a un goût fi relevé , & qui luy eft û particulier , que ceusqui l'ont voulu parfaitement décrire, ne pouvans le faire fous une feule comparaifon, ont emprunté tout ce qui fe trou- ve de plus délicat , en l'Auberge , en la fraile, au Mufcat, & en la Rénette, & après avoir dit tout cela, ils ont efté contrains deconfefler, qu'elle a encore un certain goût particulier, qui ne fe peut pas aifément exprimer. La vertu, ouïe germe, par lequel ce fruit fe peut perpé- tuer, ne confifte pas en la racine, ou en une petite graine roufte , qui fe rencontre fouvent en fa poulpe : Mais en cette guirlande dont il eft couvert. Car fi-tôt qu'elle eft mife en ter- re, elle prend racine, elle pouffe des feuilles, & au bout de Tan elle produit un fruit nouveau. On voit fouvent de ces fruits, qui font chargez de trois de ces bouquets, qui ont tous la ver- tu de conferver leur efpece. Mais chaque tige, ne porte du fruit qu'une feule fois. Chap. 10 des'Iles.Antillu m 11 y en a de trois ou quatre fortes , que les habitans des Iles ontdimnguésouparla couleur, ou par lafigure', ou paria faveur , alla voir l' K_Anana* blanc, le Pointu , & ceiuy qu'ils ap- pellent laRénetc. Ce dernier çft plus cftimc que tesdeus au- tres, àcaufequequandilcft bien meur, il poffede pour le goût toutes ces rares qualitez que nous avons dites \ IL a auffi une odeur plus agréable que les autres, & il a^ace moins les dens. Les Indiens naturels du Pais, & nos François qui demeu- rent aus lies, compofem de ce fruit un très, excellent bruva- gc, qui approche fort delà M-alvoifie, quand il cft gardé quel- que tems. On en fait aufli une confiture liquide , laquelle e(l X une des plus belles, & des plus délicates , de toutes celles que l'on apporte des Indes. On coupe aumTécorce endeus, & on la confit à fec avec une partie des feuilles les plus déliées, puis après on là rejoint propremcntfelon l'art, & on l'encroûte d'une glace fucre'e, qui conferve parfaitement la figure du fruit & de fes feuilles, & qui fait voir en ces heureufes con- trées, nonobftant les chaleurs de la zone torride, une douce image des triftes productions de l'by ver. On a mangé aifés long tems de ce fruit, fans remarqueras rares ufages qu'il a dans la Médecine ; Maisàprefent , l'expé- rience a fait connoiftre, que fon fuc a une vertu admirable pour recréer les efprits , & relever le cœurabbaru5 on l'em- ployé auûl heureufement, pour fortifier l'eftomac , chatteries dégoûts, & rétablir l'appétit. 11 foulage auffimerveilleufe- menteeus, qui. font affligez de la gravelle, oudefuppreûlon d'Urine, & même il détruit la force du poiibn. Au défaut de ee fruit, fa racine produit les mêmes effets. L'eau que Ton en tire par i'Alanbic , fait une opération plus promte & plus puiiTante • mais à caufe qu'elle ef* trop Corrofive , & qu'elle ofFenfe la bouche, le palais & les vaiflèàusùretaires , il en faut ufer en bien petite quantité, & par l'avis d'un favant Médecin, qui s'aura donner un correctif, à cette acrimonie, q_ ART I. i2* Histoire Naturelle, Châp. ic • ARTICLE VII. Des C Anne s de Sucre. LE Rofeau , qui par fon Suc delicieus fournit la matien dont on compofe le Sucre , porte les feuilles femblable: aus autres rofeaus, que l'on voit aus marais & au bord de: e'tangs 5 mais elles font un peu plus longues , & un peu plu: trenchantes. Car fi on ne les empoigne avec adrefle, elle: coupent les mains comme un rafoir. On le nomme Canne d< Sucre, & il croiftde la hauteur de cinq à fix pieds, & de H groiïeurdedeuspouces en circonférence. Il eftdiviiéparplu- fi eurs nœuds* qui font ordinairement éloignez de quatre ou cinq pouces les uns des autres. Et d'autant plus quecettedi- fiance eft grande , d'autant plus aumMes Cannes font eftiméc! eftre plus propres, à faire le Sucre. La tige, poulie comme unbuiflbn de longues feuilles vertci & touffues, du milieu defquelles s'éleve la canne, quieûauf fi chargée en fon fommet de pluficurs feuilles pointues, & d'un panache dans lequel fe forme la femence. Elle eft en- tièrement remplie d'une moelle blanche- & fucculante , de laquelle on exprime cette douce liqueur, dont fe forme le Sucre. Elle vient en perfection dans une terre grade , légère, & moyennement humide. On la plante en des filions, qu'on fait en égale diftance avec 1a houe, ou avec la charrue, & qui font profons d'un demy pied. On y couche des Cannes qui font meures, on les couvre déterre, & peu de tems après , chaque nœud forme une racine, ôepoufte fa feuille & la tige, qui pro- duit une nouvelle Canne. Si toft qu'elle fort de terre , il faut eftre fott foigueuz de farder tout aus environs, afin que les méchantes herbes ne la fuftbquent : Mais dez qu'une fois elle a couvert la terre, cllefc conferved'eile même comme un bois taillis , & elle peut durer pluficurs années , fans eftre renouvcllcc, pourveu que le fonds foit bon, & que le ver ne la corrompe , car en ce cas , le meilleur eft d'arracher au plùroft tome. ia.plantc, ce de la faire toute.nouvcllc. Encore Chap. xi des Ins. Antilles-, |l| Encore que les Cannes foient meures au bout de neuf ou dix mois , elles feconfervent bonnes fut lepieddeus ans , ce quelquefois trois ans entiers , après quoy , elles de'periflcnt. Mais le plus feur & le meilleur eft , de les couper tous les ans, prez déterre, & au défaut du dernier nœud. Lors que ces Cannes font en leur maturité', & que l'on maTchc fur les chams , on trouve ce dous rarïraichifiement , & on en fuce avec plaifir le jus , qui eft excellent, ayant le même goûtquelefucre. Mais fi l'on en prend trop, on (émet en dan- ger d'un cours de ventre, & c'eft dequoyil faut avertir les nou- veaus venuzj car ceus qui font naturahfezdans lepaïs, n'y font pas fifu jets. ï 1 y a encoreen quelques unes de ces îles, de ces belles & precieufes Cannes, qu'on porte à la main par ornement, & qui font naturellement , marbre'es & emaille'es de diverfes figures. Le bord des Etangs, & tous les endroits mareca- geus, fontauiTipourveusdegros Rofeaus fort hauts & fort droits, dont les Habitans font ordinairement les parois & les feparations de leurs mailbns , & les lattes de leurs cou vers. Les Indiens fe fervent aufti du fommet «de ces rofeaus , pour faire lâplûpart de leurs fle'ches. CHAPITRE UNZIEME. Qz quelques autres rares produFlions de la tene des .An tilles y fer de plufieurs fortes de Légumes & 4e Fleurs qui y croijfenU NOus avons de'ja reprefenté au Chapitre précèdent, plufieurs Plantes, Herbages & Racines qui croifTent aus Antilles , & qui font confiderables en leurs feuil- les, en leurs fruits» & en leurs merveilieufes proprietez. Mais, d'autant que cette matière eft extrêmement féconde & agréable , nous fommes perfuadez, que le lecteur curieus au^ ra pour agréable , de voir encore fous un titre particulier , v>n grand nombre de rares Productions de cette terre, qui font pour la plupart inconnues en l'Europe. Qj> ARTI- 124 Histoire Naturelle» Chap. i; ARTICLE I. Des Raquettes. CE que nos François appellent Raquettes , à caufe de là fi- gure de Tes feuilles ; Eft un gros buiflbn épincus , qu: rampe fur la terre, ne pouvant s'élever guère haut , parce que fa tige, qui n'eft autre chofe qu'une feuille qui s'eftgroflie pat fucceïTion de tems , ne monte qu'environ demy pied hors de terre. Et quoy qu'elle foitafiezgrofte elle ne paroit point, & on ne la peut appercevoir qu'en fouievant les feuilles vertes, lourdes groflieres & épaiftesd'un pouce , qui l'entourent, & qui font attachées les unes aus autres. Elles font arme'cs d'ai- guillons extrêmement perçans & déliez ; Et fur quelques unes de ces feuilles longues âtheriftees-, ileroift unfruitde la groffeur d'une Prune Datte, quiaaufii furfapeau plufieurs menues <3c déliées épines, qui percent vivement les doits de ceusquile veulent cueillir. Quand il eft meur il eft ronge de- dans & dehors comme le vermilon. Les Chafleurs des lies le trouvent fort délicat ôc fort.rafraichiftant. Mais il a cette propriete^qu'il teint l'urine en couleur de fang, aufll toft apres qu'on en a mangé, de forte que ceus qui ne favent pas cefe- cret , craignent de s'eftre rompu une veine. Et il s'en eft trouvé qui aians apperçeu ce changement , dont ils igno- raient la caufe, fe font mis au lit, &ontcr'eucftre dangereu- fement malades. On dit, qu'il y a au Pérou une efpece de Pru- nes , qui produit le même effet. Et quelques unsafiurent l'a- voir aufli remarque', après avoir mangé de la gelée degrof- eilles rouges. Ceus quiontdécri le Tunal , qui eft fi prifé à caufe de la precieufe teinture décarlatte qu'il nourrit fur fes feuilles, le ionr tout pareil à la plante, d'ont nous venons de parler, hors- mis, qu'ils ne luy donnent point de fruit. Quelques autres, l'ont mile au rang des Chardons qui portent des figues, à caufe que le fruit en a la figure , & que quand il eft ouvert au, Heu de noyau, il n'a que des petits grains , tout pareils à ceus, de la figue. U Chap-. 1 1 des Iles Antilles. i *$ Il yen a encore d'une autre efpece, dont le fruit e(l blanc, «5c d'un goût beaucoup plus dous, & plus favoureus que le rou- ge, dont nous venons de parler. Et même il s'en trouve une autre, qui eft fans doute une efpece de %und, fur laquelle on a veudes vermiffeaus , femblables en couleur à un rubis : qui, teignent en très-belle & tres-vive écarlate le linge, ou le drap fur lequel on les écrafe. ART1CL E IL Vu Cierge. LE Cierge , qui eft ainiï nommé par nos François , à caufe de fa forme, eft appelle' par les Caraïbes Akoulerou. C'eft aufli une efpece de gros Chardon, qui croift comme un gros buiflbn touffu, & herifle de toutes parts dépines extrême- ment pointues & déliées. Il pouffe en fbn milieu neuf on dix tiges fans branches ni feuilles, qui font hautes de neuf m dix pieds , droites & canelées comme de gros Cierges. Elles font auffi munies de poignantes épines, comme d'aiguilles fines , & perçantes au poSible , qui ne permettent pas , qu'on le puuTe toucher de quelque.cofté que ce fort. L'éeorce & le dedans font affes molaffes & fpongieus. Chaque Cierge porte en une faifon de l'année, entre les rayes canelées de fa tige,, des fleurs jaunes ou violettes, aufquelles fuccede un fruif en formede groffe figue-, qui eft bon à manger , & afles délicat. Les oifeaus en font fort frians y mais ils ne les peuvent béque- ter qu'en volant, parce que les aiguillons qui le eonfervent de toutes parts , ne leur fouffrent pas de s'arrefter fur ce buiflbn ^ «furfes tiges. Mais les Indiens en détachent le fruit, aveade- J etites perches fendues par le bout. . ARTICLE III. De fl&Jîeurs fortes- de Lienes* IL y. a plutleurs cfpéces de bois rampans par terre, & qirf s'attachent ans Arbres, & empefehent fouvent de courir iisbcilcmentparies forets. , Les Habitans des lies les nomment. Q^J Lienesi S26 Histoire Naturelle, Chap.u Lienes. Les unes font en forme de gros Cable de Navire. Les autres portent des fleurs de diverfes couleurs. Et même il s'en voit qui font chargées de grolTes fihques tannées, longues d'un bon pied, larges de quatre ou cinq pouces & dures com- me l'écorce du chef ne, dans lcfquelles font contenu s ces fruits curieus qu'on appelle Châtaignes de mer , qui ont la figure d'un cœur, & dont on fe fert fouvent après qu'on lesavuidez de leur poulpe, pourconferver du Tabac pulverifé , ou quelque autre poudre de bonne fenteur. Ce que les Habitans des I les appellent Pommes de Lienes , eft un fruit qui croift fur une forte de Vime , qui s'attache aus gros Arbres , comme le Lierre. Il eft de la grolTeur d'une baie de jeu de paume, & cou- vert d'une coque dure , & d'une peau verte , qui contient au dedans une fubftance, laquelle eftant meure a la figure, & le goût de Grofeilles* ARTICLE IV. Des Herbes toujours vives, ■ ON trouve dans ces Antilles plufieurs cfpéces d'Herbes toujours vives, dontles unes crouTent fur le tronc des vieus Arbres, comme le Guy fur le Chefne : les autres croiflent en terre & fur des Rochers. Elles ont tant d'hu- midité naturelle , que bien quelles foient arrachées , & fufpenduës la racine en haut , au milieu des chambres , où on les conferve par ornement , & pour recréer la veue' , elles ne quittent point leur verdure. ARTICLE V. Des Plantes fenfible s. IL y a à Tabago une efpece d'Herbe toujours vive, qui d'abondant eft fenfible. Elle croift haut d'un pied & demy, ou environ: la tige eft entourée d'une grande multitude de feuilles longues d'un bon pied, larges de trois doits , dente- lées à peu prés comme celle de la rougere, aus extrémités de couleur verte entremêlée de petites tâches brune & rou- ges. Ghap.ir des îles Antilles. ï*7 ges. En la faifon des fruits , il croift du milieu de cette plante une. fleur ronde, compofée de plufieurs feuilles, qui font rangées en même ordre que celles du Soucy. Mais elles font d'un, violet clair, & ont affes bonne odeur efent maniées. La nature de cette Plante eft telle , que fi quelcun arrache de* fes feuilles , ou s'il les touche feulement, toute larPiante fe flétrit , & lahTe tomber fes autres feuilles contre terre , com- me fi on l'avoit foulée aus pieds. Et félon le nombre des feuilles que L'on en a arrachées y elle demeure plus ou moins de temps à fe redrefîer. Il en croift une femblable à Madagascar que les habitans appellent Haefi-vel, c'eftadire Herbe ayant vie. Maiscen'eft pas la même efpece, qui fe voit à Paris au jardin du Ro}V car elle a la feuille beaucoup plus petite, & qui n'eft ni ta* chetée ni dentelée: Et qui plus eft, elle ne produit point de fleurs. Outre que fes feuilles eftant touchées, fe reflerrent en dedans par quelque forte de contraction, Au lieu que celle que nous décrivons , laifle tomber les fîennes à terre en dehors* 0o. n$ Hhtoue Naturelle, Chap. 1 1 On voit encore une autre efpcce de Plante vive & fenfiblc, en plufieurs autres lies. Elle creift quelquefois de la hauteur d'un ArbruTeau. Elle eft revêtue de beaucoup de petites branches qui font chargées en tout tems d'une infinité de feuilles longuettes & étroites , qui font émaillées enlafâifon des piuyes.de certaines menues rieurs dorées, qui réfcmblent à de petites étoiles. Mais ce qui fait que cette Plante eft cfti- mée i'unedes plus rares & des plus rrrerveillcufcs du monde, eft qu'auffi-tot qu'on la veut empoigner , elle retire fes feuil- les , & les recoquille fous fes petis rameaus , comme s'y elles étoient flétries , puis elle les épanouît de nouveau, quand on retire la main & qu'on s'en éloigne. Il y en à , qui nomment cette Plante l'Herbe ch/ifie^ parce qu'elle ne s'auroit îourTrir qu'on la touche, fans s'en offencer. Ceus qui ont pafle par l'ifthme depuis Nombre de Diosjuf- ques à Panama , racontent qu'il y a des bois entiers, d'un Ar- bre nommé Senfittfy auquel fi toft que l'on touche , les bran- ches & le feuilles s'élèvent avec grand bruit, & font enfem- ble lafigure d'un Globe. On voyoit a Paris, au jardin du Roy il y à quelques an<. nées, un ArbruTeau fenhtif, eftimé de grand prix. Mais quelcun s'eftant avifé de donner l'invention de le mettre au fonds d'un puits , pour le conferver contre le froid, & les rigueurs de l'hy ver, il y mourut miferablement , au grand re- gret des Curieus, ARTICLE VI. De plufieurs fortes de Vois. LA terre y produit par tout des légumes, tels que font les pois oc les fèves , de plufieurs fortes: Les Sauvages An- tillois les appellent en gênerai Manconti. Pour les Pois, ils (ont prefque tous de même cfpeceque ceus qui croilTen^en l'Europe , excepté ceus que Ton cueille fur un petit Arbrifleau , qui eft de la hauteur du Gcncft & a les feuilles petites, vertes , & étroites. 11 porte des Pois dans des goufleSj ou filïqucs , qui font attaches à fes branches. Ils font Ghap, u dis lus 'Antui es* l$# font vcrrs <5c plus petis que les ordinaires , d'un goût relevé &fi faciles à cuire, qu'il ne leur faut qu'un bouillon. On les nomme auslies, Poisd'CJagole, parce que la fcmcncc, en cil venue de ce pais la, comme il eft à croire. ïl y en à d'une autre forte, que Ton nomme Pois, mais qui ncantmoins ont la figure de Fèves. Ils font a(Tes petis. Et de cetteefpeceilyenadeblans,dcnoirs, de rouges , ou tannés, qui font tous excellais, & qui viennent à maturité es Fèves, & Fafeoles. ENrrelcs Fèves & Fafeoles , il en croift aus Antilles de plufieurs efpéces,qu'on ne voit point en France. Les plus -communes font des blanches , à qui les premiers Habitans ont donné un nom mal honnefte, à caufedelcur figure. Elles produifent leur fruit , qui eft bon à manger, fix femaines après ' avoir efté plantées. Les autres font diverfifîées de plufieurs belles & différentes couleurs, comme celles que l'on nomme Fèves de Rome, eu de Lombardie. Mais les plusconfiderables pour leur rareté, fontcelles qu on nomme Fèves defét ans , parce qu'une même tige por- te fet ans entiers fans felaiïer, & s'étend fur les Arbres, furies rochers & par tout ou elle peut atteindre. Et ce qui eft mer* veilleus , c eft qu'en tout tems il y a du fruit en fleur , du fruit en vert , & du fruit en maturité. De forte qu'on y peut ad« mirer : r Leprintems & l* ^Automne en un même rameau. On dit lamêmechofe, d'un certain Arbre. d'Egipte nommé Figuier de F araon, ou l'on voit toujours du fruit meur du fruit prcftàmcurir, & du fruit nauTant. Les Orangers ont m temblablc avantage. & ■ÀRTI- iso Histoire Naturelle» Chap. 1 1 ARTICLE VIII. Des Plantes & herbes qui peuvent avoir leur ufaçe en U Médecine ou au ménage. QUant aus plantes, qui peu vent avoir leur ufage en la Mé- decine. Il y en a plufieurs en ces lies, defquelles les pro- priétés ne font pas encore bien connues, & quelques autres qui fe trouvent aufîi ailleurs. Telles que font, Izfcolopandre, uneefpece d'^Aloes, & plufieurs fortes de Capillaires, llyen a aufli quelques unes, dont on a déjà fait l'expérience, & qui font recognuës pour eftre douées de grandes vertus, entre lefquelles les plus prifées font, le Ionc defenteur, le Edifier* ôc l'Herbe aus flèches. Lejoncdefenteur, eft tout femblablc aus autres joncs qui croulent auprès des étangs & des rivières 5 mais il pouffe une racine ronde de la groffeur d'une noifette , qui rend une odeur fort douce comme celle de l'Iris, & qui étant féchéeà l'om- bre, & réduite en poudre, a une merveilleufe vertu pour aider les femmes qui font en travail d'enfant, fi on leur en donne une petite prife. LeBalifier, croift de différente groffeur & hauteur félon les terroirs où il fe trouve, il fe plait particulièrement dans des Iicus humides. Ses feuilles font 6 grandes & fi larges, que les Caraïbes en couvrent au befoin, leurs petites cabanes. Elles font aufll employées pour adoucir les inflammations des playes , & pour faire des bains à ceus qui ont des nerfs foulés, ou quelque autre débilité. Sa fleur, qui croift comme une pan. nache ,. qui eft compofée de plufieurs petites coupes jaunes ou rouges, eft fuivic de boutons, qui font remplis d'un grand nombre de grains gros comme des pois, qui font fi polis &fi éurs qu'on en peut faire des Chapelets. L'Herbe aus flèches, eft uneefpece d'herbe trifte, car pen- dant le jour fes fleurs font toujours fermées , & durant la nuit elles fontepanoiiyes. Ses feuilles qui font d'un beau vert, font longues de ux ou let pouces, & larges de trois. Saiacine étant. pilée Chap.ix DIS ÎLES An^uibs» »|| >pilée , a la vertu déteindre tout le venin des flèches enpoifon- nées, étant .appliquée fur la piaye, le plus p-romtcaient qu'il •eft po (fiole. La plupart des Herbes potagères que nous avons en France* croiflent aufli en ces Iles. 11 eft vray qu'il y en a quelques unes, comme font les Chous& les Oignons, qui ne portent point de graine. On n'en manque pas toutefois pour cela; Car quant aus Chous, lors qu'ils font en maturité, ils pn> duifent plufieurs rejetions, que Pon transplante, & qui en pouffent d'autres, qui deviennent aufli gros & aufli beaus, que s'ils venoient de graine. Et pour ce qui eft des Oignons , le; Navires y en apportent quantité , qui produifent beaucoup de vert, dont on le fert ordinairement dans le potage , Scd&m les pois. 11 -y a aufli beaucoup de Melons communs, dont lagrairo a eftéportée de ces quartiers- Mais a eaufe de la chaleur di païs , ils meurifîent là plus facilement, ont la chair plus ferme & de meilleur goût , & font d'une plus fovëue odeur. Et a qui eft l'excellence, eft que l'on ena, en toutes les faifens dt l'année. A K T I € L E IX. Des Ctfdons d'em. IL croift en ces païslà , une autre efpece de Melons, qui font communs en Italie $ Mais qui font fans comparaifon meilleurs enEgypte , & au levant. 11 en croift aufli en quel- ques endroits de France , mais il ne valent tien. On les nomme* ^Melons d'eatt, parce qu'ils font remplis d'une eau fucrée, qui entrclafle leur chair, qui eft pour l'ordinaire^ vermeille, & rouge comme du fang aus environs du coeur, où font contenus les grains de leur femence , qui font aufli de même couleur, & quelquesfois noirs. Leur écorce de- meure toujours verte & fans odeur, de forte que c'eft à la tige, plutoft qu'au fruit, qu'il faut difeerner leur maturité* Es croisent fouvent plu s gros que latefte, d'une forme ron* il 2 de js* Histoire Naturelle, Chap.n de ou en Ovâtci On les- mange fans fel , & bien que Ton en mange en quantité , ils ne nuifent point à l'eftomac : Mais en ces païs-là qui font chauds , ils raffraichiffent beaucoup, <5c provoquent l'appétit. On y cultive encore duCZfdySy qu'on nomme autrement Blé d'Efpagne , ou de Turquie , de toutes fortes dé Mil , des Concombres , des Citrouilles , des Bettes raves & d'autres RjcÏ~ nés , qui font toutes extrêmement bonnes & favoureufes, ARTICLE X. Des Lys des ^Antilles.. ET parce qu'il y en à qnîpourroient outre touteeh, de- mander des fleurs. 11 yencroift aufli de tres-bellcs , & de très-bonne odeur. Entre autres il s'y voit une cfpecc de Lys Chap. IX E> £ s lus ÀNTïUU.. è$| Z;/ ^tef/ d'une mervcilleufe fenteur : Car ils ont une odeur pareille à celle du Jafmin , mais fi pénétrante , qu'il n'en faut qu'une rieur , pour parfumer une chambre. L'Oignon & 1&- feuille font femblables à celles des Lys de France, mais la fleur a fes feuilles éparpillées & divifées par petis lambeaus , com- me fi elles avoient cfté découpées par plaifîr, avec des ciztaus. 11 y a encore d'autres Lys , qui font du tout point pareils à nos Lys jaunes, ou orangers. ARTICLE XL De Vett s fortes de fleurs de h Tafian. ON voit aus Antilles une Plante tres-renommee pour la^ beauté de fes feuilles , la douce odeur de fes rieurs , & la bonté de fon fruit. Les Efpagnols l'appellent Grenadile , les Hollandois Rhmg Appel y & nos François h fleur de U Paf- fion , à caufe qu'elle porte cette rare fleur , en laquelle on re~ marque avec admiration , une partie des inftrumens de la paf- fion de notre Seigneur, qui y font reprefentez. 11 eft vra/, que quelques curieus qui l'ont confiderée attentivement^ avouent , qu'ils y ont bien reconnu quelque reflemblance de la couronne, dépines, des foiiets, des clous, du marteau, &de la Colomne : mais ils ajoutent au ft% que la plupart de ces cho- fes y font figurées, à peu prés en la même façon, que les Vier- ges, les Lions , &les Oursle font par les Conftellations ceie- fteSj. tellement, que pour trouver toutes ces enfeignes de la paffiondans ces fleurs-là, ils difent après Acofta au 27 Chapi^ tredu Livre quatrième de fon Hiitoire, qu'il eft befoin de quel- que pieté, qui en fafîe croire une partie. 11 y en a de plufieurs fortes , quront toutes cecy de G©m- mun : que s'y elles ne rencontrent quelque arbre pour l'em- brafler, &fefoutenir , elles rampent fur la terre, comme fait le lierre: que. leurs fleurs s'èpanoviflent après le lever du Soleil, & fe referment avant qu'il fe couche $ S£ qu'elles produifent un fruit délicat & raffraichiflant au poflîble. M ais- les feuilles, les fleurs, & les fruits de quelques-unes,fonr fi dif- férons en leur forme extérieure , qu'il ne fe faut pas s'étonner R h d$ 134 HlSTOIlB NàTUREIIE, Châ?,» flfè m r Chap. U DES lUS À N T I l l I $> 135 de ce que les Auteurs qui onrtraittc de cette Plante, & qui ont cru, qu'il n'y en avoit qu'une feule efpece, ne fe font pas accordez , dans les descriptions qu'ils nous en ont données. Les Habitans du Brefîl en content jufques à fét fortes : mais aus Antilles, l'on n'en connoît que les deus , dont nous avons- icy fait mettre les figures. L'une a les feuilles aflez larges,. qui font partagées en cinq fleurons , dont celuy du milieu eft rond par le haut, &les quatre autres fe terminent en pointe. Sa fleur étant épanoiïye , eirplus ample qu'une rofe. Elle eft enferrée prés du pied , dans trois petites feuilles vertes 5 fon corps eft compofé de plufieurs autres belles feuilles, dont les unes font d'un bleu celefte , quieft parfemé de petites pointes* rouges , quiont la figure d'une couronne , & les autres font de couleur de. pourpre. Toute cette belle fleur eft entourée d'une infinité de menus filamens ondez, qui font comme les rayons de ce petit Soleil entre les rieurs 5 ils font émaillez de blanc, de rouge, de bleu, d'incarnat ,,& de plufieurs autres vives couleurs, qui leur donnent une merveilleufe grâce. L'autre forte, aaufiiiesfeuillesdivifées en cinqparties com- me la première: mais fa fleur, qui a la figure d'une petite coupe, bordée par le haut de petits filets blancs & rouges, n'eft point fi étendue 5 le dedans eft orne'de feuilles blanches, qui fe terminent en pointe. Ces deus efpéces de rieur delà Paftion , pouffent de leur cœur une petite Colomne ronde, qui a fur fon chapiteau un bouton chargé de trois grains , qui ont la forme de clous: cette colomne eft accompagnée de cinqfilets blancs , qui fupportent depetites languettes jaunes,, femblables a celles qu'on voit dans lacouppe des Lys - & c'eft ce qu'on dit reprefenter les cinqplayes de nôtre Seigneur. Ces fleurs, qui fontd?une douce odeur, venant a tomber, le bouton qui eft fur la colomne fe groifit tellement , qu'il s'en forme un beau fruit jaune, poly, & delà guoffeur d'une pomme médiocre. Son écorce eft aufîiépaifie que celle d'u- ne Grenade , & elle eft remplie d'un lue delicieus au goût, parmy lequel , ily a un grand nombre de pepinsnoirs à durs au poflible. On ordonne ce fruit, comme un fouverain raf- fraichiiîement, àceus qui ont la fièvre,, & l'expérience a faitt Gcnnoitre,qu'iiamnefinguliere vertu pour réveiller Fâppetit, re&reer. u6 Histoire Naturelle, Chap. 1 1 recréer les efprits vitaus, & réprimer les ardeurs de l'efto- mac 5 Les Habitans du Brcfil entretiennent foigneufe- ment cette Plante, de laquelle ils fe fervent comme d'un fingulier ornement pour couvrir les berceaus & les cabi- nets de leurs jardins, car Tes feuilles & fes fleurs leurfour- nifTent un agréable ombrage $ & ils compofent avec le fruit un fyrop cordial , qui eft fort eftimé parmy eus , à caufe qu'outre les proprietezque nous avons déjà dites, il a encore cette qualité bien remarquable, de ne laitier aucun dégoût, à ceus qui ont accoutumé d'en ufer. L'écorce de ce fruit Se fes fleurs étans confites, produifent tous les mêmes effets que le fuc ARTICLE XII, De l'Herbe de Mttfi. IL y a auflî une Herbe, que Ton nomme Herbe de Mufc. Elle porte fa tige afles haut , qùon a trouvé en ces lies. AVant que les Efpagnols& les Portugais eufTenedrcf- fé des Colonies en l'Amérique , on n'y voyoit né Chevaus, ni Bœufs, ni Vaches , ni Moutons, ni Bre- bis, ni Chèvres, ni Pourceaus, ni Chiens. Mais pour faciliter leurs navigations , & raffraichir leurs vaiflfeaus dans le befoin, ils jetterent de tous ces animaus en divers lieus de ce nouveau Monde; où ils ont tellement multiplié, qu'a prefent ils y font plus communs, qu'en aucun endroit de l'Europe. Outre ce Bétail étranger , il a eu de tout tems dans les An- tilles quelques Beftes à quatre pieds, telles que font, ïopaf fum , le lavaris, le Tatou, ÏAgouty, & le Rat m»f^uét dont nous ferons les deferiptions en ce Chapitre. ARTICLE I. De ÏOpaJfîtm. L'0paffum% qui eft le même animal que les Brefiliens nom- ment Carigueya, eft de la grofTeur d'un Cochon de fix fe'- maines. 11 a lemuféau pointu, la mâchoire d'enbas plus cour- te que celle dedeflus, comme le pourceau: les oreilles, lon- gues, larges & droites, & la queue longue , pele'e par le bout, & recourbe'e. Il eft couvert fur le dos dunpoilnoirentre- méié degris, & fous le ventre & fous le col, il eft jaunâtre. Il a des ongles extrêmement pointus, avec lefquels il grimpe lé- gèrement fur les arbres. 11 fe nourrit d'oifeaus , & il fait la chafle aus poules comme le Renard , mais au défaut de proye, il fe nourrit de fruits. Ce qui eft de particulier en cet Animal , eft, que par une fingularité bien remarquable , il a une bourie de fa peau mê- me repliée fous le ventre, dans laquelle il porte fes petis, lef- S quels *£ ns histoire Naturelle, Chap.i* quels il lafche fur terre quand il veut , en déterrant cette bourfe naturelle. Puis quand il veut pafier outre, il l'a r'ou- vre, & les petis rentrent dedans, & il les porte ainil par tout. La femelle les allaitte fans les pofer à terre j car fes mam- mellcs font cachées dans cette bourfe , qui eft en dedans cou- verte d'un poil beaucoup plus mollet , que celui qui paroit en dehors. La femelle produit ordinairement fix petis. Mais le malle, qui a auffi un pareil lac naturel fous le ventre , les porte àfontour, pour foulager la femelle, quoy qu'il ne les puifle pas ai!aittcr. Ces Animaus font communs dans la Virginie, & dans la Nouvelle Efpagne. LaEaleine, n'ayant pas receu'de la nature la commodité d'un tel fac, al'induftrie, à ce que dit riloftrate , de cacher fes petis dans fa gueule. Et la Belette aime tant fes petis, que crainant qu'on ne les luy dérobe, elle les prend auffi dans fa gueule , & ks remue de lieu en autre. ARTICLE Ifc Du lavaris, IL y a auffi en quelques unes de ces Iles , comme a 7* W une efpece de Pourceaus fauvages , qui fc voient pareille- ment au Brefil, & en ^caragua. Ils font préfque en tout fem- blables aus fanghers de nos forefts. Mais ils ont peu de lard es oreilles courtes, prefque point de queue, & importent leur nombril fur le dos. On en voit de tout noirs, & d'autres qui ont quelques tâches blanches. Leur grongnément, eft auffi beaucoup plus effroyable, que celuy des Pourceaus do- rnethques. Onles nomme lavaris. Cette venaifon eft d'affez bon goût : Mais elle eft difficile à prendre, à caufe que ce Sanglier ayant un event fur le dos, par lequel il refaire & ra- fraîchit fespoulmons, il eft prefque infatigable à la courfe, friil cft contraint de s'arrêter, & qu'il foit pourfuivy des Chiens il eft arme dedefenfes fi pointues & fi trenchantes, qu il déchire tout ceus qui ont l'affurance de l'approcher. ARTI- Chap. 12 d e s ï 1 t s Antilles, 139 ARTICLE III. Du Tatou. LEs Tatous, qui fe trouvent au (fi à Tabago , font armes d'une dure écaille , de laquelle ils fe couvrent & fe pa- tent oooime d'une cuirafîe. Il ont la telle d'un Cochon , le mufeaudemême avec quoy ils fouillent la terre, ils ontaufîl en chaque patte, cinq ongles fort pointus , dont ils fe fervent pour renverfer promtément la terre , & découvrir les raci- nes, dont ils s'engraiflent pendant la nuit. On tient que leur chair eft délicate à manger, & qu'ils ont un petit offeletà la queue, qui guérit la furdité. L'on a expérimenté qu'il fou- lage le bourdonnement , & qu'il appaife la douleur d'oreille, le biffant dedans enveloppé dans du cotton. Il y enaquifont gros comme des Renards , mais cens qui font à Tabago, font beaucoup pluspetis. Quand ces Animaus font pourfuivis, & quand ils prenent leur repos , ce qu'ils font ordinairement durant le jour , ils fe mettent en forme de boule, &ilsramaffentfî bien leurs pieds, leur tèfte , & leurs oreilles fous leurs écailles dures & folides, qu'il ny a aucune partie de leur corps , qui ne foit à couvert fous cette curaiTe naturelle , qui eft à l'épreuve des armes des chafieurs & des dens des chien* $ & s'ils font prés de quelque précipice , ils fe laifTent rouler du haut en bas, fans creinte de fe faire mal. ■ L'Infcot recite qu'aus Indes Orientales , en la Rivière de Goa, fut pris un Monftre Marin , tout couvert d'écaillés , dures à l'égal du fer $ & qui lors qu'on le touchok, fe rctiroit ainli en une pelotte. ARTICLE I Y, De V <^AgQîity, L'Jgouty , eft de couleur brune tirant fur le noir. Il a îc poil rude , clair , & une petite quelle fans poil. Iladeu-s dens en la mâchoire den haut , & autant en celle d'en-bas. S. a "■ ." • . ■ 11 Ho Histoire Naturelle. Chapka 11 tient fon manger en Tes deus pattes de devant , comme l'Efcurieu. Il jette un cry comme s'il difoit diflinctement Co'uyé. On le pourfuit avec les chiens , parce que fa chair, quoy qu'elle fente un peu le fauvagin, eft eftimée de plu- fieurs, autant que celle du Lapin. Quand ileftehafle, il fe fauve dans le creus des Arbres, d'où on le fait fortir avec la fumée, après qu'il a crié étrangement. Si on le prend jeune, ils'aprivoifeaifément, & lors qu'on le met en colère, le poil de defïus fon dos s'heriffe , & il frappe la terre de fes pattes de derrière, comme font les lapins. Il eft aufïi de même groffeur. Mais fes oreilles font courtes & rondes , & fes dens font tren- chantes comme un rafoir. . §>£ ARTICLE Des Rats CWufqués-: LEs Rats Mufqués , que nos François appellent Piloris, font le plus fouvent leur retraitte dans les trous de la ter- re, comme les Lapins , aufllils font prefquedelamême grof- feur , mais pour la figure, ils n'ont rien de différent de celle des gros Rats qu'on voit ailleurs, finon quelaplufpart , ont le poil du ventre blanc comme les Glirons, &celuy durefte du corps, noir outanné. Ils exhalent une odeur Mufquée, qui abbat le cœur , & parfume fi fort l'endroit de leur retraitte, qu'il eft fort aifé de le difeernex. La Terre ferme de l'Amérique, nourrit plufieursbeftes à. quatre pieds, qui ne fe trouvent en aucune de ces lies* CBA- Chip. î 3 des Iles Antilus< 14s des .Rats Mu/que s H* Histoire Nature île, Chap.'ï? *C Ilv,' CHAPITRE TREIZIEME. Des (Reptiles quife yoyent en ces Iles. A Près avoir représenté au Chapitre précèdent, les Be- ttes à quatre pieds, qui fefont trouvées ausAntilcs, lors que les Colonies étrangères s'y font établies : nous devons à prefenttraitter des Reptiles, quiy fontauffi en grande abondance : car ces animausqui font natu ellenient ennemis du froid , le multiplient merveilleufement dansées pays chauds: Joint que les grands bois , & les rochers de ces lies , contribuent beaucoup à leur production, car ils leurs fervent de rctraitte affûtée. ARTICLE I. T>e frlujîeurs efpeces de Serpens ejr de Couleuvres. ILy a fort peu de Bettes venimeufes dans les Antilles. Ilcfl: vray qu'il y a beaucoup de Serpens &de Couleuvres de dif- férente couleur & figure. Il s'en voit de neuf a dix pieds de long, & delà groffeur du bras & de lacuiûe. On y a même une fois tué une de ces Couleuvres, qui avoit dans fort ventre une Poule entière avec la plume , & plus d'une douzaine d'oeufs, ayant furpris la poule comme ellecouvoit. 11 s'en eft trouvé une autre, quiavbit engloutyun chat. D'où l'on peut aifément juger, de la groffeur de ces Beftes. Mais quelques prodigieufes qu'elles foient, elles n'ont au- cun venin en la plupart de ce Terres. Et même plufieurs ha- bitans, enayansfur la couverture de leurs maifons, qui eft fait le plus fou vent des feuilles de Palme , ou de Cannes de Sucre 5 ils ne les en chaffent pas, à caufe qu'elles dénichent & dévorent tousles Rats. Mais il faut tout dire, cllesfontauftl la guerre ans Poulets. On a encore remarqué, que quelques unes ont l'adrcffe de garder une poule lors qu'elle couve, fans luy faire aucun mal pendant ce tcms-là : Mais û toft que Chap. 1 3 des I e e s Antilles 143 quelesceufs font e'clos , elles mangent les petispounlns , ôc du moins fufYoquent la poule, s'y elles ne font pas allez p'uif- fantes pour l'engloutir. Il y en a d'autres qui font parfaitement belles & agréables à voir: car elles font entièrement verres, horsmis fous le ventre, qu'elles font d'un gris blanc. Elles font longues, d'u- ne aulne & demye,. ôc quelquefois de deus : Mais elles font fort delie'es à proportion, n'eftant pour le plus, que de la grof- feurdupoulce. Elles ne vivent que de grenouilles, qu'elles épient pre's des ruifleaus , oud'oifeaus, qu'elles guettent fur les Arbres, ôc dans leurs nids, lors qu'elles y peuvent attein- dre. Ainfi cette efpece de Couleuvre eft noble par deflus les autres : Car elle ne vit quedepe'fehe& dechalTe. Quelques Habitans, qui font acoûtumez à voir toutes ces fortes de Couleuvres, les manient fans crainte, & lesportenten kur fein. Ceus qui ont voiagé en Afie & en Afrique , diferit qu'ils y ont trouve' quelque chofe de femblable. Car ils rappor- tent qu'en la grande Tartane, il y a des montagnes , où fe HOtirriiTent des Serpens d'une gronèur prodigieufê , mais nullement venimcùs, & tresbons à manger : Et qu'au Royau- me de Syr, ils ont veu de ces BéfteS , : fe jouétavec des enfans, qui leur donnoient un morceau de pain. On ditauffî, que dans les Provinces des Antes , au Royaume du Pérou , il y a d'effroyables Couleuvres , longues de vinteinq à trente pieds, qui ne font mal à-perfonne. ( Quant aus lies de la ^Martinique , ôc àèStitif* \^4lou(ie\ il n'en eft pas de même qu'aus autres Antilles 5 ^-Gâr il y en h qui ne font point dangereufes, & d'au très qui le font beau- coup. Celles qui ne le font pas , font plusgrolles , & plus longues que les autres. C'eft pourquoy cçtis qui ne les connoifient pas, en ont plus de peur, que de celles qui font véritablement à", craindre. Neantmoins elles ne font aucun mal : au contraire, dez qu'elles aperçoivent une perfonne, , elles s'enfuyent avec diligence. Ce qui eft caufe qu'on les appelle CQurereJfes. Elles ont aufti des taches noires & blan- ches fur le dos , qui fervent à les faire reconiioitre plus aifemeiit* *c 144. Histoire Naturelle, Chap.i* Les Couleuvres dangereufes , font de deus fortes. Les unes font grifes fur le dos& fort veloutées. Les autres font toutes jaunes, ou roufles & effroyables avoir, à caufe de cet- te couleur, bien qu'elles ne (oient pas plus dangereufes, & peuteftre encore moins , que les premières. Les unes & les autres ayment fort les Rats , aufll bien que celles qui n'ont point de venin 5 Et lors qu'il y en a beaucoup en une café, c'eft. merveille s'il ny a aufll des Couleuvres. Elles font de dif- férente grofleur & longueur, & l'on tient que les plus courtes, font celles qui font le plus à craindre. Elles ont la tefte platte & large, la gueule extrêmement fendue, & arme'e de huit dens, & quelquefois dedix ; dont les unes font crochues com- me un croiflant, & tellement pointues, qu'il eftimpoflible de s'imaginer rien déplus. Et comme elles font toutes creu- fes , c'eft par ce petit canal quelles font couler fubtilcment leur venin , qui eft renfermé dans de petites bourfes, ausdeus coftés de leur gueule, à l'endroit precifement où répondent les racines de leurs dens. Elles ne mâchent jamais les alimens dont elles fe nourrirent : mais les avalent tout entiers, après les avoir prenez & aplatis , s'ils font trop gros. Quelques uns difent , que fi elles employoient leurs dens à les mâcher, elles s'empoifonnéroient elles mêmes, & que pour obvier à cela, elles couvrent leurs dens de leurs gencives , lors qu'elles pré- sent leur nourriture. Ces Animaus font fi venimeus dan6 ces deus Iles , que quand ils ont piqué , s'y l'on n'a recours promtément, à quel- que puiflant remède, la bleflurefe rend incurable, en moins de deus heures. Ils ont cecy de bon , qu'ils ne vous mordent jamais, pourveu que vous ne les touchies pas, ni rien fur quoy ils fe repofenr. ARTICLE IL De leç ATS, IL y a pluficurs fortes de Leztrs dans ces Iles. Les plus gros & les plus confidcrables , font ceus que quelques In- diens ont nommé iguxnas , les Brcfilicns Sencmbi , & nos Ca- raïbes £3?|»HO , 0 E S 1 1 t S AU T I ILE Si Ï45 xïibzs,0uay4mae*> Quand ils ont pris leur jufte confidence îlsont environ cinq pieds de longueur, à mefurer depuis Û tefte,, jufques à l'extrémité de la queue, qui eft bien aufll lon- gue que le refte du corps : Et pour leur groQcur elle peut eftre d un ,pied en circonférence. Selon les divers terroirs ■ouilsie noutriiïent, ils ont aum la peau de différente couleur Et c eft peuteftre pour ccfujcr, que les Portugais les ont nom- mes Caméléons, cVfe font perfuadez que s'en eftoit une efpece , En quelques lies , les femelles font couvertes d'un beau vert' qui eft marqueté de blanc & de noir ,-& tes mâles font gris- En d'autres ils font noirs, & les femelles font d'un o-rfs clair rayé de noir & de vert, il y a même des lieus , où les maies & les femelles ont toutes les petites écailles de leur peau fi éclatantes, &fi chamarrées, qu'on diroit à les voir de loùi qu ils foient couverts d'une riche toile d'or , ou d'argent. 11$ ontlurle dos des épines en forme de crête, qu'ils dteflent& couchent quand ils veulent , & qui vont toujours en amoin- dnflant depuis la tefte jufque au bout de la queue. Ils font .portez fur quatre pieds,*qui ont chacun cinq griites , qui font munies d'ongles fort pointus, lis font fort légers à lacourfe & ils grimpent des miens fur les arbres, Mais , fort qu'ils aiment de confiderer les hommes , ou qu'ils foient d'un nam- rcl ftupide , Se peu apprehenfif , quand ils font apperceus du chaHeur, ils attendent patienment le coup de flèche ,* ou de fufii fans branler. Et même , ils fouffrent qu on leur mette au col un las coulant, qui eft attache au bout delà perche , donc on lefertafles fouvent , pour les tirer de deflus les Arbres où ils repofoient. Quand ils font en colère, ils enflent un grand gouer, qui leur pend fous le col& qui les rend épouvanta- blés ils ont auûi la gueule fort fendue, la langue épaule, ôc quelques dents allez pointues. Ils ne démordent pas aife- ment, ce qu'ils ont une fors ferré": mais ils n'ont point de venin. r ■ Les Femelles, ont des œufs qui font de la groffeur de-cens des Ramiers, mais.ils ont la coque molle. Elles les pofenc ailes profond dans le fable , qui eft au bord de h mer f & les aiflent couver au Soleil, d'où eft venu que quelques Auteurs les ont mis entre les anirmus arntibieV Lés Sauvages ont T A apnns «'>? iqfr Histoire Naturelle, Chap. i* aprins aus Européens le moyen de prendre ces Lézards , & la hardieiTe de les manger à leur exemple. Ils font tres-dificiles à ruer. De forte qu'à quelques uns,l'on a donné jufques à trois coups de fufil , & emporté une partie des entrailles, fans qu'ils fuflent abatus. Cependant, en leur mettant un petit bois dans le nez, ou une épingle entre lesdeusyeus, yaiant là un petit trou, où l'épingle entre aifément , on les fait mou- rir aulTi-tôt. Les Caraïbes, font fort adroits à les prendre avec un laqs coulant, qu'ils leur pafTentfubtilement fur le cou, ou bien les ajant attrapés à la courfe, ils les faififTent d'une main par la queue, laquelle étant fort longue $ donne une belle prife : & avant qu'ils fe puitTent retourner pour les mordre, ils les prenent fur le chinonducol: Et puis ils leur tournent lespattesfurledos, ils les lient ,. & les confervent ainfi envie plus de quinze jours, fans leur donner à manger. Leur chair eft blanche ,. & en des endroi: s couverte de graiiTe. Ceus qui en ufent,,la.trouvent fort délicate, lors nommément qu'on a relevé un certain goût fade qu'elle a naturellement, par de bonnes épices & quelque fauce piquante. On ne confcille pas neantmoins d'en manger fouvent, àcaufe qu'elle défechc trop le corps , & lui fait perdre tout fon embon-point. Les œufs font fans glaire, & n'ont au dedans que du jaune, qui rend le potageauffi excellent, que nos œufs de poule. Outre ces gros Lezars, on en voit en ces lies de quatre au- tres fortes qui font de beaucoup pluspetis. Nos François les nomment \^inolis> Roquet s t UMaboujats, & Gobe-mouches. Al TICLE III. Des ^AnolUi LTLs^sfnolis, font fort communs en toutes les habitations. 1 ls font delà grolTeur & de la longueur des Lezars qu'on voit en France : Mais ils ont la telle plus longuette , la peau jaunâtre & fur le dos, ils ont des lignes rayées de bleii, de vert & de gris, qui prenent depuis le délais delà tefte , jufques-au. bout de la queue. Ils font leur retraitte dans les trous de lai terre, & c'eft de-là que pendant la nuit ils font un bruit beau- coup Chap. ij T> E s 1 1 ï * A N * l L L Es» ## coup plus pénétrant, & plus inportun que ccluy des Cygales, Le jour ils font en perpétuelle adion , • & ils ne font que roder aus en virons des Cafés, pour chercher dequoy fe nourir. ARTICLE IV TUS Rùqmti. LEs Roquets font plus petis que les i^inolis. Ils ont ta peau de Couleur de feuille morte , qui eft marquée de petis points jaunes, ou noirâtres. Ils font portez fur quatre pieds, dont ceus de devant font afiès hauts. Ils ont les y eus étince- lans&vifs au poflîble. Ils tiennent toujours la tefte élevée en l'air , & ils font fi difpos , qu'ils fautelent fans ceffe , comme des oifeaus , lors qu'ils ne veulent pas fè fervir de leurs aides. Leur queue eft tellement retroufiee fur le dos, qu'elle fait comme un cercle & demy. Ils prenent plaifir à voir les hom- mes , & s'ils s'arrêtent au lieu ou ils font, ils leur jettent à chaque fois des oeillades. Quand ils font un peu pourfuivis, ils ouvrent la gueule, & tirent la langue comme de petits c-hiensdechaûe. ARTICLE V. Des LMaboujas. Es Maboujas font de différente couleur. Ceus qui Te tien» A-'nent dans les arbres pourris , & aus lieus marécageus, comme auflidans les profondes & étroites vallées où le Soleil ne pénètre pa? , font noirs & hideus tout ce qui fe peut 3 6c c'eft fans doute ce qui a donné occafion de les appeller du même nom, que les Sauvages ont impoféau Diable. Ils ne font gros pour l'ordinaire , qu'un peu plus que le pouce, fiir fix ou fét de longueur. Ils ont tous la peau comme huilée, ARTL H* Histoire Naturelli, Çha£.i* : ARTICLE VL Des Gobe»mouches% «Jf CEus que nos François nomment Gobe-mouches à caufêdc leur exercice le plus ordinaire , & les Caraïbes Oulleon- ma, font les plus petisdetous les Reptiles qui font en ces Iles. Ils onr la figure de ceus que les Latins nomment Ste/liones; 11 y en a qui femblent elhe couverts de brocatelde fin or , ou d'argent , d'autres qui font de vert doré , & de diverfes autres ravivantes couleurs, lis font fi familiers , qu'ils entrent hardi- ment dans les chambres , où ils ne font aucun mal: mais au» contraire les purgent de mouches , & de pareille vermine Ce qu'ils font avec une. telle d'exterité & agilité', queleSTu- fes des chafleurs ne font pas à prifer , en comparaifon de cel- les de cette petite Befte. Car elle fe tapit , & fe met comme, en fentinelle fur quelque planche , fur la table , onfur quel- ques autres meubles , qui foyent plus élevés que le pavé, où eiic efpere. que quelque mouche fe viendra po fer. Etap- percevant fa proye, elle la fuit par tout de l'œil , & ne la-quiu îe point de veuë, faifant de la tefte autant de différentes po- ftures , que la mouche change de places. L'ondiroit quelque- fois, qu'elle fe lance à demy corps en l'air. Et fe tenant fur fes pieds de devant, haletant après fon gibier, elle entr'ouve fa petite gueule affez fendue , comme fi déjà elle le devoroit 6c Fengloutiflbit par efperance. Au refte, bien que l'on mené du bruit en la chambre, 5c que l'on s'approche d'elle , elle eft-fi attentive à fa chaffe, qu'elle n'abandonne point fon porte $ & ayant enfin trouvé fon avantage , elle s'élance fi droit fur fa proye, qu'il arrive rarement qu'elle lui échappe. C'eltun divcrtiiTemcnt bien innocent, que de confiderer l'attention, que ces petites Beftes apportent, à chercher leur vie. De plus elles font il privées qu'elles montent fur la table quand on mange 5 & fi elles apperçoivent quelque mouche, elles la vont prendre jufques fur les afiietes de ccus qui man- gent , & même fur les mains ôc fur les habits. Elles font d'ail- leurs fi polies Se fi nettes, qu'elles ne donnentpointd'averfton ni Chap.i-.r- des Iles Antilles. 145- ni de dégoût , pour avoir paffé fur quelque viande. Pendant la nuit, elles tiennent leur partie en cette mufique que font les Anolis , & les autres petis Lezars. £t pour fe perpétuer; elles font de petis œufs gros cqrmie des pois , qu'elles cou- vrent d'un peu de terre,, les laiflant couver au SoleiL Si toft qu'on les tue , ce qui eft fort aifé , à caufe de l'attention qu'el- les apportent àleur chaffe, elles perdent incontinent tout leur luftre : l'or & l'azur , & tout l'éclat de leur peau fe ternit , ôc devient pâle & livide. Si quelqu'un de ces petis Reptiles que nous venons de dé- crire , devoit eftre tenu pour une efpece de Caméléon ,.fe de- vrait eftre ce dernier* à caufe qu'il prend volontiers la cou- leur, de tout ce: furquoy il fait & refidence plus ordinaire. Car ceus qu'on voit à l'entour des jeunes Palmes, font entiè- rement verts comme les feuilles de cet arbre. Ceus qui cou- rent fur les orangers, font jaunes comme leur fruit 5 Etmêmc il s'en eft trouvé , qui pour avoir efté familiers dans une chambre, où, il yavoit un-tour de lit de taffetas changeant, produisirent une: infinité de petis , qui a voient tout le corps- émaillédediverfes couleurs, toutes femblables à l'ornement: du lieu où ils av oient accès. On pourroit. peuteftre attribuer: cet effet, à la force de leur petite imagination : roaisnouslaif- fons cette fpeculation aus curieus. A & T I C L E VIL Des Brochets de terre,, \ IL y a encore en pîufieurs de ces îles des Brochets de terre,. qui ontl'cntiere figure, lapeau, & la hure de nos Brochets de Rivière. Mais au lieu de nageoires , ils ont quatre piedss qui font fi foibles,.qu'ils fc traînent fur la terre en rampant, &• en ferpentant comme le* Couleuvres, ©u pour demeurer en> nôtre comparaifon , comme des Brochets, qui font hors do leau. Les plus grands , ne peuvent avoir que quinze pouces* delong, fur une groffeurpjroportionée.. Leur peau, eft cou- verte de. petites écailles, qui font extrêmement iuifantes, 150 Histoire Naturelle, Chap. 1 j & de Couleur de gris argenté. Quelques curieus , en ont de petis en leurs Cabinets , qu'on leur a fait paner pour des Sale- mandres. Pendant la nuit, ils fontijin bruit effroyable dedeflbus les rochers, & du fonds des cavernes où ils fe tiennent. Lefon qu'ils rendent eft beaucoup plus fort, &plusdefagreable que celuy des Grenouilles & des Crapaus , & il fe change & fc diverfîrle , fuivant la variété des lieus , où ils font cachez. Ils ne fe montrent préfque point, qu'à l'entrée de la nuit ,' & quand on en rencontre de jour , leur mouvement , qui eft tel que nous avons dit, donne de la frayeur. ARTICLE VIII. Des Scorpions & Aune Autre efpece de dtngereus Reptiles. IL y a aufli des Scorpions , qui ont la même forme, que ccu$ qu'on voit en France : mais ils n'ont pas un venin fi dan- gereus, ils font jaunes, gris, ou bruns, félon les differens terroirs où ils fe trouvent. En fouillant dans les lieus marécageus pour y faire des Puits , ou des refervoirs d'eau , on trouve iouvent une forte dcLezars hideus au pofïible. Ils font delà longueur de fix pouces ou environ. La peau de leur dos eft noire, & parfeméc de petites écailles grifes, qui femblent cftre huilées, tant elles font luifantes. Ils ontledéiïbus du ventre écaillé comme le dos : mais la peau qui le couvre , eft d'un jaune pâle. Leur tefte eft petite & pointue. Leur gueule qui eft aflez fendue, eft armée de plufieurs dens , qui font extrêmement trenchan- tes. Ils ont deus petis ycus, mais ils ne peuvent fupporter la lumière du jour, caraufli-tôt qu'on les a tirez de la terre, ils tachent incontinent de faire un trou avec leurs pattes, qui ont chacune cinq ongles durs & crochus, avec quoy ils fe font ouverture de même que les Taupes, pour pénétrer par tout où ils veulent. Ils font un grand ravage dans les jardins , ron- geant les racines des Arbres à des Plantes. Leur morfure, eft aufli autant venimeufe, que celle du plus dangercus Serpent. CHA« Chap.xi des Ii.es A^tii,LIsJk Gros Jàtzart no urne Iguanes m Hj^ror^E Naturelle, Chap.14 CHAPITRE QUATORZIEME. Des Infeftes pi font communs ans Antilles. NOn feulement les cieus , & ks autres plus vaftes & plus relevez corps de la nature, racontent la gloire du Dieu fort : mais même les plus petites «Scies plus ravalées de fes produ&ions , donnent aufïï à connoitre l'ou- vrage de fes mains , & fournuTentà tousceus qui les confiè- rent avec attention, une riche & abondante matière, pour exalter la puuTance , de fa Majefté Souveraine. C'eft pour- quoy nous croyons, que ceus qui feplaifent à méditer les fc- crets de la nature , & de contempler les merveilles de Dieu, qui a tiré de fes inépuifablestrefors, tant de riches ornemens, de proprietez occultes, & de rares beautez, pour en revêtir les moindres de fes créatures : auront pour agréable, que nous donnions ce Chapitre, à la considération de quelques Infeftes, qui fe voyent communément aus Antilles , & qui font tous revêtus de quelques qualitez particulières, comme d'autant de rayons de gloire, qui foutiennent & relèvent avec éclat, ieurfoiblefle & leur baflefle naturelle. ARTICLE I. Des Soldats } ejr des Limaçons, ENtre les Infe&es , qui font en abondance en ces pais chauds, ily a uneefpeced'Efcargots, ou de Limaçons, que les François appellent Soldats , parce qu'ils n'ont point de coquilles qui leur foyent propres & particulières , & qu'ils ne les forment pas de leur propre bave , comme le Limaçon commun: mais, que fi toft qu'ils font produits de quelque matière corrumpuë , ou autrement, ils ont cet inftind, pour mettre la foiblcfiTe de leur petit corps à couvert des injures de l'air, & de l'atteinte des autres Belles , de chercher unemai- fon étrangère, êc de s'emparer de tel coquillage qu'ils trou- vent Chap. 14 des Iles Antilles. 15 j vent leur eftre propre, dans lequelils s'aju(tent& accommo- dent, comme les Soldats qui n'ont point de demeure arrêtée : mais quifont toujours leur maifon de celle d'autruy., félon la rencontre & la neceflité. On les voit plus ordinairement en des coques de Burgms, qui font de gros Limaçons de mer, qu'ils rencontrent à la co^ ile, à laquelle ils font pouflez, quand le poiffon qui en étoit le premier hofle,eft mort. Mais, on trouve aufïi de ces petis Sol- dats, en toutes fortes d'autres coquillages, même en des co- ques de noisde Liénes, &on en a veus quelques uns , qui s'é* toient fourrez dans des pieds de grottes Crabes mortes, ils ont encore cette induftrie , qu'a mefure qu'ils groïïificnt , ils changent de coquille, félon la proportion de leur corps, & en prennent une plusample, dans laquelle ils entrent quittant la première. De fortequ^on en voit de différentes faffons & figu- res, félon la diverfitédes coquillages qu'ils empruntent 11 y à apparence que c'eft de ces Soldats que Pline parie fous le nomd'une efpecede petite E'creviflfe, à qui il attribue le mê~ me. Ils ont «toutJecorps fort tendre, horsmis la telle & 4es pattes. Ils ont pour pied & pourdéfenfe, un gros mordant, femblable au pied d'un gros Cancre , duquel ils ferment l'en- trée de leur coquille, & parent tout leur corps. 11 eft dentelé au dedans, & il ferre fi fonce qu'il peut attraper, qu'il ne démord point, fans emporter la pièce. Cétinfefte, va plus vifte que le Limaçon commun, & nefalitpointdefabave, l'endroit où £1 pane. Quand on prend ce Soldat il s'en fafche , & Fait du bruit. Pour luy faire rendre la maifon qu'il a prife , on en approche le feu: &auffi tôt il fort de la place. Sionlihiyprefcntepour y rentrer , il s'y remet par le derrière. Quand il s'en rencon- tre pluOeurs, qui veulent quitter en même tems leur vieille maifon , & s'emparer d'une nouvelle , qui leur agrée à tous : c'eft alors qu'il entrent en une grande conteftation, & qu'après s'eftre opinatrez au combat, & avoir joué de leurs mordans, les plus faibles font enfin contrains de céder au vi&orieus, qui fe faifit aufli tôt de la coquille , de laquelle il jouit en paix, comme d'une precieufeconquefte. Quelques uns deshabitans en mangent , comme on fait en V quel- 1)4 Histoire Naturelle, Chap.i* quelques endroits les Efcargots : Mais ils font plus propres à la Médecine, qu'à la nourriture. Car étans ôtez de leur coquille, & mis au Soleil , ils rendent une huyle, qui eft fort profitable à la guerifon des goûtes froides , & qui s'employc auflï heureufemenr , pour amollir les duretez, & lescallus du corps. Il y a encore deus fortes de petis Lim/fçons , qui font fort beaus. Les uns font plats comme les bonnets de Bafques , <5c de couleur brune. Les autres font pointus , & tournez en forme de vis de preiïbir, ils font auffi rayez de petites ban- des rouges y jaunes & violettes , qui les font eftimer des Curieus. ARTICLE IT. m. Des Mouches Lumineufes, ON voit en ces îles, plufieurscfpccesdegrofics Mouches- de différentes figures ôc couleurs, Mais il faut donner le premier lieu, à celles que les François appellent Mouches Lumineufes, que quelques Sauvages nomment Cucuyos , & les Caraïbes Coyeuyou , d'un nom approchant. Cette Mouche n'eu point recommcndable pour fa beauté', ou pour fa figure, qui na rien d'extraordinaire: mais feulement pour fa quali- té lumineufe. Elle cftde couleur brune, & delà groiïcur d'un Hanneton. Elle a deus ailes fortes & dures, fous lefquelles font deus-ailcrons fort déliez , qui ne parohTent que quand ellevole. Et c'eftaulTi pour lors que l'on remarque, qu'elle a fous ces ailerons, tmeclartépareilleàcclle d'unechandelle, qui illumine toute la circonférence. Outre, qu'elle a auflîfcs deusyeusfi lumineus, qu'il n'y a point de ténèbres , partout où elle vole pendant la nuit , qui eft auifi le vraye rems, qu'elle fe monitre en fon luftre. Elle ne fait nul bruit en volant, & ne vit que de fleurs, qu'elle va cueillir fur les arbres. Sion la ferre entre les doits, elle eft i\ polie & (i gliflante , qu'avec les petis cirons qu'elle frit pour fe mettre en liberté, elle échappe infcrilïblcmenr, fcft fait ouverture. Sion la tient captive, elle referre tome la Chap. 14 des Iles Antil ti s^ Ifi là lumière qu'elle a fous fes ailerons, &n'éclaire que de fes yeus, & encore bien foiblement, au prix du jour qu'elle donne étant en liberté. Elle n'a aucun aiguillon , ni aucun mordant pour fa défenfe. Les Indiens, font bien aifes d*en avoir en leurs maifons , pour les e'clairerau lieu de lampes. Et d'elles mêmes, elles entrent la nuit dans les chambres, qui ne font pas bienclofes. 11 y a de certains Versluifans en ces Iles, qui volent comme des Mouches. Toute l'Italie & tous les autres pais du Le* iafrt en fontaufli remplis. Lefameus Auteur de Moyfe fauve en fait mention dans la préface de fon ouvrage. Et fur la fin du Poème , cetilluftre Poète en parle ainfî, dans là deferiptioo qu'il nous donne d'une nuit : Les heures tenebreufes Crnoient le firmament de lumières nombreufes On découvrait la Lune ér de- feus Animez* Et les champs & les airs étoyent dejafemez, Ces miracles volans , ces ^Jéfires delà terre ' J$ui de leurs rayons d'or font aus ombres la guerre, Ces trefirs ou reluit la divine fplendeur Faif oient déjà briller leurs flammes fans ardeur : Et déjà quelques uns enguifê d'efcarboucles , Du beau poil de CMarïe av oient paré les Boucles : ' ' ■'■'. Mais, quelques Lumineus que puiffent être ces petis Aftres de l'Orient, toujours ne font ils que comme une petite étin- celle , au prix du grand feu , que jettent ces flambeaus volans de rAmerique. Car non feulement , on peut à la faveur de leur clarté' , voir fon chemin pendant la nuit : mais à l'aide de cette lumière , on e'erit facilement, & on lit fans peine le p lits menu cara&ere. Un HiftorienEfpagnol récite, que les Indiens de l'Ile de Saint Domingue , fefervoient de ces peti- tes Mouches attachées à leurs mains & à leurs pieds , comme dé chandelles, pour aller la nuit à la chaffe. Onditauffij que quelques autres Indiens expriment la liqueur l'umineufe, que ces Mouches ont en leurs yeus & fous les ailes , & qu'ils s'en frotte'nt le vifage & la poitrine en leurs re'jouifianees V s noclut- 8%A \$6 H ht Cri tel Naturel le, Chap; t+ no&urncs : Ce qui les fait paroitre au milieu des ténèbres* comme s'ils étoient couverts de flamme , & comme des fpec* très afifreus, ausyeus de ceus qui les regardent. On prend aifément ces CHouchts durant la^nuit; Et pour cet effet , il faut feulement remuer en l'air un tifon>allumc. Car incontinent que celles qui fortent du bois à> l'entrée de la nuit , apperçoivent ce feu, croyant que ce foit de leurs com- pagnes , elles volent droit au lieu où leur paroit cette lumiè- re , & on les abbat avec le chapeau , ou bien fc venant jetter d'elles mêmes contre le tifon., elles tombent étourdies a terre. Ce fera fans douteicy une choie divertiflante de rappor- ter ce que Monfieur du Montel Gentil-homme François, perfonnage aufiï fincereôc aufli digne de Foy qu'il eft Do&c & Curicus , &àla genereufe libéralité duquel nous devons beaucoup de belles & rares-remarques qui enrichhTcnt cette Hiftoire , a nouvellement écrite fur ce fujet à l'un defes amis. ,, Voicy donc ce qu'il en dit. Etant en L'Ile HifpaniolaouSaint „ Domingue , je me fuisfouvent arrêté à l'entrccdela nuit ,,au devant des petites caoanes, que nous y avions dreflees ,, pour y pafler quelques jours , en attendant que notre Na- >, vire fut reparé: Je me fuis dis- je fouvent arrêté,, à confi- ,, derer l'air éclairé.en pluficurs endrois , de ces petites étoiles- », errantes. Mais fur tout , c'étoit unechofedes plus belles „ à voir, lors qu'elles s'approchoient des grands arbres, qui „ portent une efpccedcFigues, & qui étoyent joignant nos ,, huttes. Car elles faifoient mille tours, tantoftaus environs, „tanroft parmy les branches de ces arbres toufus., qui ca- ,, choient pour un tems la -lumière de ces petisaftres, «Scies „ faifoient tomber cnéclypfe: & au même tems nous ren- voient cette lumière , &desrayonsentrecoupcz aurravers ,,des feuilles, La clarté venoit à nos yeus tantoft: obliquc- „ment, & tantoft en droite ligne, «5c perpendiculairement. „ Puis ces Mouches éclattantes fe d'cvcloppant de l'obfcurita „ de ces arbres, & s'approchantde nous, nous les voyions fur , , les Orangers voiiïns, qu'ils mettoient tout en feu, nous ren- ^ dant la veiïc de leurs beaus fruits clorez , que la nuit nous }>. avoir ravie , émaillant leurs fleurs , & donnant un coloris fl »vif *\i.*± Cfiap. 14 des Iles An t i l l e s. 15^ « vif à leurs feuilles, que leur vert naturellement agréable, „ redoubloit encore & rehaufibit notablement fon luftrc , par H cette riche enluminure. Je fouhaitois alors l'induftrie des M Peintres, pour pouvoir repeefenter une nuit éclairée de tant ,, de feus , & un paifage fi plâifant & fi lumineus. Ne trouvez f>pas mauvais, que je m'àrreftc fi long temsàTHiftoire d'une „ Mouche > pujfquedu Bartas luy a autrefois donne place en- Mtre les Oifeaus, au cinquième jour de fa première fémainc, „& en a parlé magnifiquement en ces termes. , , Veja ï ardent. Cucuyes es Efpagnes nouvelles ; ,, /^rf* de m feus au front, &dem feus fous les 4Îes n Vaiguiuè du brodeur au rais de ces flambeau* ,, Souvent d'un lit royal chamarre les ride aus : ,, 1^4 m rais de ces brandons , durant la \ mit plus mirèf t , L 'ingénie m , tourneur* polit en rond l'y voire x ! , <^ ces rais l'ufirier re conte fon trefory , , ls4 ces rais, l' écrivain conduit fi plume d*w> , , S'y l'on avoit un vafé de fin criftaf, 1 & que Von mit cinq Sk-' (>fix de ces belles Mouches dedans >il n'y a point de doute „ que Ta clarté qu elles rendroient ; ] pourrôit produire tous , , les admirables effets , qui font ïcy d'écrits par cet excellent , , Poète , 'M fourniroit un flambeau vivant & rncompaf ablc. , , Màisaû rlbfré dés que ces Mouches jfont mortes î elles ne rc- „ luifent plusi Toute leur lumière s'éteint avec leur vie; G'eft làragreable récit de noftre digne Gentil-homme* ARTICLE III. rrïDibéfilf iiïrlDtroDa: ' ... of< .n iM : Des Falanges. POùr venir ans autres efpéçes dé grofîes (Mouches qùife voient aus Antilles, & que quelques uns nomment Fa* Gf//g*r ; ouf ?e les Cuç uyos , il y en à qui font de beaucoup plus jroffes , ôc d'une étrange figure. 11 s'en trouve , qui ont deus trompes, pareilles à celle de FElefant : L'une recourbée en kaut , ôl l'autre -en bas» Quelques autres ont trois cornes, V jâ une m H***M*J ^WnÀLE, Chapiî une halflant 38 dos, & les denS autres de la telle. Le refte c corps âiilïl'bienqireies cornes , 'eft noif & luyfant comme :c jayet. Il y. en à qui ont une grande corne longue de qu'atj S' otied ,- -idçttfaiïb.n d'iinbccde Bec'cartc , iirfcc par derfus < ouyerteti'nii poilfolet'p af deïTous, laquelle leur fort du âd &s*avance tout droit fur la telle, au haut de laquelle il y a ei core une autre tôrneilemblable-à- etf l , deus ailerons , quiétoient plus Reliez qneAde la toile de foye 7, & rouges comme êcarlâW jelivè cnTIÏe de Sainte Crois >, entre les mains d'un Anglois <%, j'en couchai a l'heure mêm >,la defeription fur mes râ^leYtês.)Vfecroiois au commence ,, ment qu'elle e'toix artificielle, à cau'fe de cet incarnadin (i yii ,, & de ce filet d'argent • mais l'ayant manie'c , je reconnus qu ,, la nature étant fans doute en les plus gaves humeurs , s'ctol i, divertie à parer fi richement, cette petite Reine' .'entre le „ Infectes. , AUTI Ghap. 14 DE S ; ï l t s Antilles. I59 A R. T I C L E Des ^Milîepeds^ 1 IV, - CEt Infe&e eft ainfi nommé , à caufe de la multitude pref- que innombrable de fes pied$>: qui heriflent tout le def- fousdefon corps, & qui luy fervent pour ramper fur la terre, ivec une vitefîe incroiable, lors notamment qu'il fc fent pourfuivy. Il a de longueur fix pouces, ou environ. Le delfus de fon corps eft tout couvert d'écaillés tannées , qui font fort dures, & emboittées les unes dans les autres 9 Com- me les tuiles. d'un toit : mais ce qui eft de dangereus en cet animal , eft , -.qu'il a des mordans en fa tefte & en fa queue* dont il pince fi vivement , & glifîe un G mauvais venin en la partie qu'il a blefîee 5 que Tefpace de vint^quatre heures^ ôc quelquefois plus long tems, on y reflent une douleur fors aiguë. A R T I CL E Des i^raignées. V. il o ?ii ON voit en pîufîeurs des Antilles , de grofles i^fuignées^ que quelques uns ont mifes an rang des Falanges , à eau- fe de leur figure monftrueufe , & de leur groflèurfi extraordi- naire, que quand leurs pattes font étendues, elles ont plus de circonférence,: que la paume de la main n'a de largeur. Tout leur corps cft compofé de deus parties , dont l'une ep platte, & l'autre d'une figure ronde , quiaboutiten pointe,; comme un œuf de pigeon. Elles ont toutes , un trou fur le dos j. qui cft comme leur nombril: Léut gu eulc ne peut pas facilement eftre difeernée , à caufe qu'elle eft'préfque tOnrt couverte fous un poil d'un gris blanc , qui eft quelquefois en- tremêle de rouge. Elle eft armée départ & d'autre , de deus eiochets fort pointu s, qui font d'une matière folide r .& d'un noirfipolyôc (Uaifant , -que les.Curieus les enchalfcnt enor,. pour s'en fervir;,au lieu de. Curédens , qui font fort cftime^: dfe: Mï ieo Histoire Naturelle, Clup.14 de tous ccus , quiconnoilïent la vertu qu'ils ont, de preferver de douleur, Ôc de toute corruption, les parties qui en font frottées. Quand ces Araignées font devenues vieilles, elles font couvertes par tout d'un duvet noirâtre , qui eft aufli dous , & aufli prcfleVque du velours. Leur corps, eft fupporté par dix pieds , qui font velus par les cotez , -& hcrûTcz en dcTous de petites pointes , qui leur fervent pour s'accrocher plus aifé- mentpartout, où elles veulent grimper. Tous ces piedsfor- tentde la partie de devant: Ils ont chacun quatre jointures, & par le bout , ils font munis d'une corne noire & dure , qui cftdiviféeen deus, comme une petite fourche. Elles quittent tous les ans leur vieille peau , comme les ferpens , & les deus crochets qui leur fervent de dens & de defetafe 5 ceus qui rencontrent ces precieufes dépoùil- les , y peuvent remarquer la figure entière de leur corps, telle que *nous l'avons fait dépeindre à la fin de ce Chapitre. Leurs yeus fontfipetis, & fi enfoncez, qu'ils ne paroiflent que comme deuspetis points. Elles fc nourrilTent de mou- ches , & de femblablcs vermines , & on a remarqué qu'en quelques endroits, elles filent des toiles qui font fi fortes, que lespetis oifeaus qui s'y embarraûent,ont bien de la pêne de s'en développer. On dit le même des Araignées, qui fe trou- vent communémeut dans les Iles Vermucles , qui font habi- tées par les Anglois $ il ctfauffi fort probable, quelles font d'une même cfpece. ARTICLE VI. Du Tigre volant. ON a donné à cet Infc&e, le nom de Tigre voUnt , à caufe qu'il eft marqueté par tout fon corps, de taches de diver- ses couleurs , de même que le Tigre. 11 eft de la grolfeur d'un Ccrfvolanr. Sa tefte eft pointue, & embellie de deus gros yeux, qui fontaulïî verts, & aufli brillans qu'une Emerau- dc. Sa gueule eft armée de deus crocs durs , & pointus au pofllblc, avec lcfquels il tient fa proye, pendant qu'il en tire le Chap. 14 DES I ies ; Antu h E % 16 1 le fuç. Tout fon corps eft revêtu d'une croûte dure & bru- ne , quilui fert comme de cuiraffc. Ses ailes , qui font aulïi d'une matière folide, couvrent quatre ailerons , qui font aufïi déliez que de la toile de foye. Ha fix pattes, qui ont chacune trois jointures , & qui fout heriflecs de pluOeurs petites poin- tes. Durant le jour, il s'occupe continuellement à la c lia (Te d'autres Infedes , & pendant la nuit , il fe perche fur les ar~ bres , d'où il fait un bruit tout pareil au chaiu des Ci- gales. ARTICLE VIL Des vieilles , & de quelques autres Infeftes. LEs ^Abeilles, qu'on voit ans Antilles ne font pas de beau- coup différentes de celles, qui fe trouvent en l'Améri- que Méridionale : mais les unes & les autres , font plus peti- tes que celles de l'Europe. Il y en a qui font grifes , & d'au- tres, qui font brunes , ou bleues: ces dernières font plus de cire & de meilleur miel. Elles fe retirent toutes, dans les fen- tes des rochers, ou dans le creus des arbres. Leur cire eft mol- le, & d'une couleur fi noire , qu'il n'y a aucun artifice, qui foit capable de la blanchir : mais en recompenfe , leur miel eft beaucoup plus blanc , plus dousôc plus clair, que celuy que nous avons en ces contrées. On les peut manier fans aucun danger , parce qu'elles font prefque toutes dépourveiies d'eguillons. On trouve encore dans ces lies , plusieurs Cerfs volons , & nne infinité de Sauterelles, & de Papiltgns, qui font beaus à merveille. 11 s'y voit aufïï & fur la terre , & en l'air divers Infedes fort importuns &dangereus , qui travaillent grande- ment les Habitans: mais, nous parlerons de ces incommodi- tez, & de quelques autres, dans les deus derniers Chapitres de ce premier Livre. X CHA* I6i Histoiri Naturelle, Chap.i* ,w- f Glup.î5 des Iles Antilles. i6| CHAPITRE QUINZIEME. Des Oifeaus les plus confiderables des Antilles. TOuteslcs œuvrcsde Dieu font magnifiques , il les a toutes faites avec fagefTe , la terre eft pleine de fes biens: mais il faut avouer, qu'entre toutes les Créa- tures, qui n'ont rien au deflus delà vie fenfitive; iesQifeaus publient plus hautement qu'aucunes autres , les inépuifables richeffes de fa bonté & de fa providence: Et qu'ils nous con- vient , par la douce harmonie de leur chant , par l'activité de leur vol , par les vives couleurs & par toute la pompe de leur plumage, de louer & glorifier cette Majefté Souveraine , qui les fi avantageufement parez , & embellis de tant de rares per- fections. C'eft auili pour nous animera ces facrez devoirs, qu'après avoir traitté des Arbres, des Plantes, des Herbages, des Belles à quatre pieds, des Reptiles & des Infe&es, dont la terre des Antilles eft couverte, nousdécrironsence Cha- pitre tous les plus rares Oifeaus, qui peuplent l'air de ces aimables Contrées, & qui enrichilîent la verdure éternelle, de tant d'Arbres precieus , dont elles font couronnées. ART I C L E I, Des Frégates. DEs qu'on approche de ces Iles , plufieurs Oifeaus qui fréquentent la mer, viennent à la rencontre des Navires, comme s'ils étoieiit envoiez, pour les réconnoitre. Si toft que les nouveaus pafiagers les apperçoivent, ils fe perfuadent qu'ils verront incontinent la terre : Mais il ne ie faut pas flatter de cette efperance , jufques à ce qu'on les voie venir par troupes. Car il y en à une efpece , qui s'écarte fouvent en pleine Mer, de plus de deus cens lieues loin de terre. Nos François les nomment Frégates , àcaufedelafermetë & de la légende de leur vol, Ces Oifeaus ont bien autant de X 2 chair 164 Histoire Naturelle, Chap.15 chair qu'un Canart ; mais ils ont les ailes beaucoup plus grandes, aufii ils fendent V air,avec une telle vitefîe & rapidité, qu'en peu- de temps, on les a perdu de veuë. Ils ont le plumage différent : car les uns font entièrement noirs*. & les autres font tout gris, à la referve du ventre & des ailes , qui font mê- lées de quelques plumes blanches. Ils font fort bons pef- cheurs, car quand ils apperçoivent un poiiTon à fleur d'eau, ils ne manquent pas comme en fe jouant, de l'enlever, &d'en faire curée. Ils ont fur tout une adreffe mcrveilleufe, à fe fai- firdespoiffons volansj car 11 toft qu'ils voyent, que cette dé- licate proye fait héritier les eaus, & qu'elle s'en va eftre con- trainte de prendre l'eïïbr, pour éviter les cruelles pourfuites de fes ennemis de mer. Ils fe placent fi bien du code' où ils doivent faire leur faillie, que dez qu'ils fortent de l'eau, ils les reçoivent en leur bec, ou en leur ferres : Ainfi ces inno- cens& infortunés poiflbns , pour éviter lesdens d'un ennemy, tombent fouvent entre les griffes d'un autre, qui ne leur fait pas une meilleure composition. Les rochers qui font en mer, & les petites lies inhabitées fervent de retraitte à ces Oifeaus. C'elt auffi en ces lieus de- ferts, où ils font leurs nids. Leur chair n'ett point tant pri- fée : mais on recueille fort foigneufement leur graille» à caufe qu'on a expérimenté, qu'elle eit trespropre , pourlaguérifon ou du moins le foulagement , de la Paralylie, & de toutes for- tes de gouttes froides. ARTICLE IL Des Fauves. L Es Oifeaus, que nos François appellent Fauves , à caufe.- de la couleur de leur dos, font blancs fous le ventre. Ils font de la groflèur d'une poule d'eau ; mais ils font ordinai- rement fi maigres , qu'il ny a que leurs plumes qui les falle va- loir. Ils ont les pieds comme les Cannes, & le bec pointu, comme les beccafles. Ils vivent depetisPoiiTons, de même que les Frégates , mais ils font les plus ftupides de tous les iDifeaus de mer 6c de terre , qui font aus Antilles 5 , car foit qu'ils t Chap. 15 d es Iles Antilles,' 165 qu'ils fe lafient facilement de voler , ou qu'ils prenent les Na* vires pour des rochers flottans $ auûl tôt qu'ils en apper- çoiventquelcun, fur tout fi la nuit approche, ils viennent incontinent fe pofer deflus : Et ils font fi étourdis qu'ils fe laificnt prendre fans peine. ARTICLE TI !.. Des aigrettes & de plufîeurs autres Oifeaus de CMer & de Rivière. ON voit auiïî prés de ces lies , & quelquefois bien loin en Mer, des Oifeaus parfaitement blancs, qui ont lebecÔc les pieds rouges comme du Coral ; Ils font un peu plus gros que les Corneilles. On tient que c'eft.une efpéce £^Aignttet à caufe qu'ils ont une queue qui eft compofée de deus plumes longues & precieufes , qui les fait difeerner entre tous les au- tres Oifeaus, qui fréquentent la Mer, Entre les Oifeaus de Rivières & d'étangs : Il y a des Pluviers* dcsPlongeons, des Poules d'eau, des Cannars , des Oyes Sauva* ges 5 une efpece de petites Cannes , qui font blanches comme la neige par tout le corps , & ont le bec & les pieds tout noirs, &des Aigrettes, d'une blancheur du tout admirable, qui font de la grofleur d'un Pigeon, & qui ont le bec femblable à celuy de laBecafife,.& vivent de poiflon, aimant les fables & les ro- chers. Elles font particulièrement recherchées , à caufe de ce precieus bouquet, de plumes fines & déliées comme de la foye, dont elles font parées , & qui leur donne une grâce toute particulière. Mais parce que tous ces Oifeaus de Mer & de Rivière , font communs ailleurs , il n'eft pas befoin de les décrire. 1 ARTICLE IV;. Bu Grand Gofien L y 3l encore un gros Oifeau en toutes ces Iles , qui ne vît quedepoùfon. lleftdela grofîeur d'une grofle Canne, & X - as d'nn x66 Histoire Naturelle, Chap. 1 5 d'un plumage cendré & hideus à voir. 11 a le bec long & plat, Ja telle groiTe, les yeus petis & enfoncez, & un col allez court, fous lequel pend un Gofier,(i demefurement amplcôc vafte, qu'il peut contenir un grand feau d'eau. C'cft pour- quoy nos gens l'appellent Grand Gofier. Ces Oifeaus, fe trou- vent ordinairement fur les arbres, qui font au bord de la mer, où ils fe tiennent en embufeade pour épier leur proye. Car fi toft qu'ils voient quelque poilïbn à fleur d'eau , ôc à leur avan- tage, ils fe lancent deflus & l'enlèvent. Ils font Ci goulus, qu'ils avallcnt d'aiïez gros poifl'ons tout d'un coup, & puis ils re- tournent à leur fentinelle. Ils font aufiifi attentifs à leur pé- fche, que ne detournans point la veue de deflus la mer, d'où ils attendent leur proye^ on les peut facilement tirer de la terre, fans qu'ils fe donnent garde du coup. Ils font foncrcarts & mélancoliques, comme il convient à leur employ. Leurs yeus font fi vifs & Ci perçans , qu'ils découvrent les Poifibns bien loin en Mer, & plus d'Une brafle de profondeur: mais ils attendent <^ue le poifibn foit préfque à fleur d'eau, pour fc ruer deflus ; leur chair n'eft point bonneà manger. ARTICLE V. De Poules d'eau. LEs Iles, qu'on nomme les Vierges , font recommenda- bles entre toutes les Antilles, pour avoir une infinité de beaus & de rares Oifeaus de mer & de terre. Car outre tous cens dont nous venons de parler, qui y font en abondance, on y voit une efpece de petites Poules d'eau , qui ont un plu- mage ravilTant. Elles ne font pas plus grottes qu'un pigeon : mais elles ont le bec plus long de beaucoup , de couleur jau- ne , & les cuifles plus hautes, qui de même que les pieds, font d'un rouge fort vif. Les plumes du dos & des ailes , & de la queue, font d'un Incarnat luifant , entre-méléde vert <5t de noir, qui fert comme de fons , pour relever ces éclatantes cou- leurs. Le deffous des ailes & du ventre, cft d'un jaune doré. Leur col 6c leur poitrine, font enrichis d'une agréable mé- lange, de tout autant de vives couleurs, qu'il y cnàen tout leur Chap. 15 des Iles Antilles* t$j leur corps: & leur tefte qui eft menue, & en laquelle font enchaflez deus petis yeus brillans , eft couronnée d'une huppe tifluë de plufieurs petites plumes, qui font auffi émaillées de diverfes belles couleurs. ARTICLE VI. Des Flammans. LEs étangs , & les lieus marécageus , qui ne font pas fou- vent fréquentez, nourriffentde beaus & grands Oifeaus, quiontlecorpsdelagroffeur des Oyes fauvages, & de la fi- gure de ceus , que les Hollandois nomment LepeUer , à caufe de la forme de leur bee, qui eft recourbé en faiïbn d'une :iïeilliere. Car ils ont le bec tout pareil, le col fort long, & Les jambes & les cuiffes fi hautes , que le refte de leur corps eft dcvé de terre de deus bons pieds ou environ. Mais ils diffé- rent en couleur, d'autant qu'ils ont le plumage blanc quand> ils font jeunes 5 puis après à mefure qu'ils eroiflent , il devient ie couleur de Rofe, & enfin quand ils font âgez , il efttout incarnat. Il y a apparence que c'eft à caufe de cette couleur» ^ue nos François les ont nommés Flammans. 11 fe trouve de :es mêmes Oifeaus, prés de Montpélier, qui ont feulement le lefibus des ailes & du corps incarnat, & ledeflusnoir. Ils'en /oit auffi aus lies , qui ont les ailes mêlées de quelques plumes- hanches- & noireSi On ne les rencontre rarement qu'en troupe, & ils ont loiiye fc l'odorat fi fubtils ; qu'ils éventent de loin les chafleurs,, k les armes à feu. Pour éviter auffi toutes furprifes , ils fe >ofent volontiers en des lieus découverts, -& au milieu des- narécages , d'où ils peuvent appercevoit de loin leurs enne— nis , & il y en a toujours un de la bande , qui fait le guet, pcn- lant que les autres fouillent en l'eau , pour chercher leur lourriture: Et auffi toft qu'il entend le moindre bruit, ou ju'il apperçoit un homme, il prend leffor , & il jette un crî3J \uï fert de fignal aus autres pour le fuivre. Quand les chal- eurs , qui fréquentent l'Ile de S. Domingue, veulent abattre le ces Oifeaus, qui y font fort communs, ils fe mettent auc deifousv i6S Histoire Naturelle, Chap. 1 5 deflbus du vent, afin que l'odeurdela poudre ne leur Toit fi facile'mentporte'e , puis ils fe couvrent d'un cuir de Bœuf, <3c marchent fur leurs mains , pour contrefaire cette befte, juf- ques à ce qu'ils foient arrivez en un lieu , d'où ils puiffent corn- modemenr tirer leur coup: & par cette ru fe, ces Oifeausqui font acoutumez de voir des Bœufs fauvages , qui defcendent des montagnes, pour venir aus abreuvoirs , font faits la proie des chafieurs. Ils font gras & ont la chair afiez délicate. On conferve leur peau, qui eft couverte d'un mol duvet , pour eftrc employe'e aus mêmes ufages, que celles du Cygne & du Vautour. ARTICLE VIL De l'Hirondelle de l'Amérique. IL y a quelques anne'es , qu'il fut aporté de ces lies , à un cu- rieus de la Rochelle, un Oifeau de la grofleur d'une Hiron- delle, & tout femblable , excepté que les deus grandes plu- mes de la queue, étoient un peu plus courtes, ôcquefonbec étoit crochu , comme ecluy d'un Perroquet , & fes pieds com- me «eus d'une Canne, le tout parfaitement noir , fi ce n'eft le Chap. 15 des II es Antilles. 169 le défions du ventre, qu'il avoir blanc comme celuy des Hi- rondelles- enfin il leur reifembloit fi fort, horsniis cette pe- tire différence, que nous ne le faurions mieus nommer qii 'Hirondelle d '^Amérique. Nous luy avons à defléin donné place après les Oifeaus de Mer ôc de Rivière, à caufe que la forme de fes pieds donne affezàconnoittre qu'il vit dans les eaùs. Et parce qu'il eft fi rare, qu'aucun Auteur n'en a jamais parle' que nous fâchions, nous en donnons icy la figure fidè- lement tirée fur l'original, renvoyans celles des autres Oi- feaus plus remarquables, que nous avons déjà décrits, ou que nous allons décrire , à la fin de ce Chapitre. . ARTICLE VIIÎ. De f lit/leurs Oifeaus déterre. OUtrc tous ces Oifeaus de Mer, de Rivières, & d'étangs ; on trouve en ces lies une tresgrande abondance de Fer- dris , de Tourtes , de Corneilles , & de Ramiers , qui mènent un étrange bruit dans les bois. Ou y voit trois fortes de Poules, les unes font Poules communes , femblables à celles de ces quartiers; les autres font de celles que nous nommons Pou- les d* Inde ; Et celles de la troifiéme forte , font une efpece de Paifans, que les François d l'imitation des Efpagnols, appellent Poules Pintades , par ce qu'elles font comme peintes de cou* leurs blanches , & de petis points , qui font comme autant d yeus , fur un fonds obfcur. 11 y a aufii plufieurs CWerles , Grives> Ortolans & Gros-becst préfque tout femblables aus nôtres de même nom. Quant .aus autres Oifeaus , qui font particuliers aus forefts des Antilles , il y en à de tant de fortes , & qui font fi riche- ment, &fipompeufemcnt couverts: qu'il faut avouer que s'ils cèdent à cens de l'Europe pour le chant : Ils les fur- pafTent de beaucoup en beauté de plumage. Les deferiptions que nous allons faire , de quelques uns des plus confide- rables, confirmeront fuffifaaiment la vérité de cette propo- Êxicn. r r Y Nous i70 Histoire Naturelle, Chap.15 Nous commencerons par les Perroquets , qui félon leur différente groffeur font diitinguez en trois efpeces. Les plus grands font nommes i^Arras , Canidés ou Cantvés > les moin-- dres Perroquets communs , &lepluspetis Pemqucs. ARTICLE IX. Des <^4rras. LEs Lu4fft& font des Oifeaus beaus par excellence , delà groffeur d'un Paifan : mais quant à la figure du corps ; ils fontferablablcs aus Perroquets, ils ont tous la telle affés o-rof- fe, les yeus vifs & allures, le bec crochu, & une longue queue, qui eft compolec de belles plumes, qui font de diverfes cou- leurs, félon la différence des Iles, où ils ont pris leur naiffanec. On en voit qui ont la telle, ledeflusducol , & ledosdebleti celeite tabizé, le ventre & ledellbusdu col& des ailes, de jaune pâle , & la queue entièrement rouge. 11 y ena d'autres, qui ont préfque tout le corps de couleur de feu , horsmis qu'ils ont en leurs ailes, quelques plumes , qui font jaunes, azurées & rouges. 11 s'en trouve encore qui ont tout le plu- mage mefiéderouge, deblanc, de bleu, de vert & de noir, c'eft à dire de cinq belles & vives couleurs, qui font un très- agréable émail. Us volent ordinairement par troupes. On ju- geront à leur pofture qu'ils font fort hardis & referas: car ils ne s'étonnent point du bruit des armes à feu, & files premier coup ne les a bleffez, ils attendent fans bouger du lieu où ils font, une deuziéme charge: mais il y en a plufieurs, qui at- tribuent cette aflurance, àleurftupiditc naturelle, plutôt qu'a leur courage. On lesapprivoifeaffezaifément : ontleurap- pjendauiii a prononcer quelques paroles, mais ils on pour la plupart, la langue trop épaule, pour fe pouvoir faire enten- dre, auflï bien que les Canidés , & les pluspetis Perroquets. Ils font G ennemis du froid, qu'on à bien de la peine à leur faire paflerlamer. ARTI- ^Chap. i$ des Iles Akthles. ARTICLE X. iffl Des Canidés. ij ON eftime beaucoup les Canidés qui font de même grof- fèurquelesprecedens, mais d'un plumage encore plus -ravuTant. Témoin celuy que Monfieur du Montel qui a fait plusieurs voyages en l'Amérique, & quiafoigneufément vi« fité toutes les lies, aveu en celle de Coraçao, & dont il nous „donne cette exa&e relation. 11 meritoit, dit il, de tenir „ rang entre les plus beaus Oifeaus du monde. Je le confide- , , ray de fi prez, & le maniay fi fouvent étant en ce lieu là, que „ j'en ay encore les idées toutes fraîches. Il avoir tout le plu- ,, mage fous le ventre, fous les ailes & fous le col de cou- pleur d'aurore tabizée: Le defius du dos, ôc de la moitié y, des ailes d'un bleu celefte, & vifaupofiible. La queue «5c „ les grandes plumes des ailes, etoient entremêlées d'un in- „earnadin éclatant à merveilles, diverfifié d'un bleu comme , , le deffus du dos , d'un vert naiflant , ôc d'un noir luifant, qui f,rehâuifoit&faifoitparoître avec plus déclat, l'orôc l'azur „ de l'autre plumage. Mais ce qui étoit le plus beau , étoit fa „ tefte , couverte d'un petit duvet de couleur de t\ofe , mar- „ quetédevert, de jaune, ôc de bleu mourant, qui s' étendoit „ en ondes jufqucs au dos. Ses paupières étoient blanches, „ & la prunelle de fes yeux jaune & rouge , comme un rubis „ dans un chaton d'orv ïlavoitfurlatefte , comme une roque „ de plumes d'un rouge vermeil , e'tincelantcommc un char- ,, bon allumé, qui eftoit bordée de plufieurs autres plumes ,, plus petites^ de couleur de gris de perle. „ Que s'il étoit merveiileus pour cette riche parure , il n'é- „ toit pas moins à prifer pour fa douceur ,; Car bien qu'il eut -,, le bec crochu, ôc que lès-ongles^ ou ferres de- fes pieds, d'ont „ il fe fervoit comme de mains , tenantfon manger- , & le t>or- „ tant au bec , fuffentfi perçants & fi fortes ..qu'il eut'pti çm- ,, porter la pièce, detout ce qu'il empoignoit : neantrrjoins ,, il étoit fi privé,qu'il joiioitavec les petis enTans, faris les bief- fer : Et quand onde prévoit \, il reûerroit fiMe#fesL0ngles, Y z ■ ..-que I ij% Histoire Naturelle, Chap. tj >,que l'on n'enfentoit aucunement les pointes. Il l'échoie ,, comme un petit chien, avec (a langue courte & épaifle, ceus „ qui l'amadoùoient, & luy donnoient quelque friandife, joigr „noit fatefteàleur joues, pour les baifer&carefler, Se té* 1 „moignant par mille fouplefTes fa reconnoifiance , il felaif- „ foit mettre en telle pofture qu'on vouloit , & prenoit plaifir ,, à fe divertir de la forte , & à faire pafler le tems à fes amis. ,, Mais autant qu'il étoit dous & traittable, à ceus qui luy fat- >y foient du bien 5 autant étoit il mauvais & irréconciliable, ,,à ceus qui l'avoientoffenfé, &il les favoit fort bien difeer- ^ner entre les autres, pour leur donner quelques atteintes „ de fon bec & de fes ongles , s'il les trou voit à fon avantage. ,, AureiieilparloitHoliandois , Efpagnol , & Indien j Et „ en ce dernier langage il chantoit des airs comme un Indien ,, même. Il contrefaifoit auflTi toutes fortes de volailles, <5c „ d'autres animaus domeftiques, 11 nommoit fes amis par „ nom & par furnom, accouroità eus, & voloitfureus, fi toft ,, qu'il les apperçevoit, notamment quand ilavoit faim, Que „ s'ils avoient efté abfens , & qu'il ne les eut veus de long ,, tems, il faifoit paroître la joie qu'il avoit de leur retour , par „ des cris déjouhTance. Quand ilavoit bien folâtré & joué, ,, & que l'on et oit ennuyé de fes carefles , il fe retiroit au faite ,, du couvert de la caze de fon nourriflier, qui étoit un.Cava*- ,, lier de la même Ile: Et delà ilparloit, chantoit, & faifoit ,, mille fingeries , fe mirant en fon plumage qu'il agençoitSc ,,paroit, nettoyoit & poliflbit avec fon bec. On n 'avoit ,, point de peine à le nourrir. Car non feulement le pain ,,dont on ufeencette lie, mais tous les fruits eV toutes les „ racines qui y croiflênt , luy étoient agréables. Et quand on „ luy en avoit donné plus qu'il n'en avoir befoin , il cachoit „ foigneûfement le refte, fous les feuilles delà couverture de ,, la caze, & y avoit recours dans la neceflité : Enfin, jen'ay „ jamais veu d'oifeau plus beau ni plus aimable. 11 étoit digne „ d'être prefenté au Roy , fi on euft pu le pafler en France, C'efl-la, ce qu'en rapporte ce noble & véritable Témoin , qui ajoute , qu'il avoit été apporté des Antilles à Monfieur Ro- denborck , qui étoit alors Gouverneur du Fort , & de la Co- -tonieHoilandoife,quieftcnrile de Çaxacao. ARTI- Chap. 15 dis Iles Antilles. 17% ARTICLE XI. Des Perroquets. ON voit prefque par toutes les Antilles des Perroquets, que les Indiens habitans du pais appellent en leur langue Kouléhuec , & qui vont par troupes comme les E tourneaus. Les chafleurs les mettent au rang du gibier, & ne croient pas perdre leur poudre ni leur peine de les mettre bas. Car ils font auffi bons & auffi gras , que le meilleur poulet : fur tout quand ils font jeunes , & pendant le tems des graines , & des fruits de plusieurs Arbres , dont ils fe nourrUTent. Ils font de différente grofleur & de différent plumage , félon la différence des lies. De forte que les anciens habitans favent reconnoître le lieu ou ils font nez , à leur taille & à leur plume. 11 y en à d'une admirable forte , en Tune des lies qu'on ap- pelle Vierges. Ils ne font pas plus gros que l'Oifeau que les Latins nomment Hupupa, & ils ont prefque la même figure» Mais ils font d'un plumage chamarré d'une fi grande variété de couleurs , qu'ils recréent mervcillcufement la veuë , & ce qui cft le principal , ils apprenent parfaitement bien à parler , Ôc contrefont tout ce qu'ils entendent. A R T I CL E XI L Des perriques. L Es plus petis Perroquets^ ne font pas plus gros qu'un Merle, il s'en trouve même qui n'ont pas plus de corps qu'un Faffereau. On les nomme Perriques. Elles font cou- vertes d'un plumage » qui eft entièrement vert , horsinisquc fous le ventre & aus bords dès ailes & delà queue , il tire fur le jaune. Elles apprenent au (fi à parier & à firHer. M ais elles retiennent toujours quelque peu du fauvagin. Ce qui fait qu'elles pincent bien fort, quand elles ne font pas en bonne humeur. Et fi elles peuvent avoir la liberté, elles gagnent les bois* où elles meurent de faim. Car ayant eue nourries î74 Histoire Naturelle, Chap. i< de jeunefie en la cage , où elles trouvoient leur nourriture préparée, elles ne favent pas choifir les Arbres, furléquelsi y a des graines qui leur font propres. ARTICLE XI il. Vu Trembla. IL y à en quelques lies , particulièrement à la Gardeloupc un petit Oifeau que Ton nomme Tremblo, parce qu'il trem- ble fans cefle principalement des ailes qu'il entr'ouve. Il cfl de la groffeur d'une caille , & fon plumage eft d'un gris un peu plus obfcur, que celuy de l' Alouette. A R T I C L E XIV. jD» Pajfereau de l'Amérique. L Es Iles de Tabago & de la Barboudc, comme e'tant Ici plus Méridionales des Antilles , ont beaucoup de rare! Oifeaus, qui ne Te voient pas en celles, qui font plus au nord. I! s'y en rencontre entre autres un » qui n'eu pas plus gros qu'un Paiïereau, & qui a un plumage ravifTant : Car il a la tefte , k col, & le dos, d'urvrouge Ci vif & fl éclatant , que lors qu'on le tient ferré en la main , & qu'on ne fait paroiftre que le col, ou le dos , on le prendroit même de fort prez , pour un char- bon allumé. Il a le deflbus des ailes & du ventre d'un bleu celefte , & les plumes des ailes <3c de la queue , d'un rouge ob- fcur, marqueté de petis points blancs, difpofez en égale di- ftance , qui ont la figure de la prunelle de fon œiî. Il a aulï le bec, & le ramage , d'unPaffèreaii; & pour cefujeton l'a nommé à bon droit , Pajfereau de l'Amérique. ■ ARTL Ghap. 15 des Iles Antilles» »7T A R T I G L E XV. De l'Mgle D1 Or moquer IL pa(Te aufli fouvent delà terre ferme, à ces mêmes lies, une forte de gros Oifeau , qui doit tenir le premier rang entre les Oifeaus dcProye, qui font aus Antilles. Les pre- miers habitans de Tabago, le nommèrent, \_Aigle D' 'orinoque, àcaufe qu'il eft de la groiTeur ôc de la figure dune Aigle, Se qu'on tient que c'et Gifeau, qui n'eft que paflager en cette lie, fe voit communément en cette partie de l'Amérique Méri- dionale , qui eft arrofée de la grande Rivière d'Orinoque. Tout fon plumage eft d'un gris clair , marqueté de taches noires , horsmis que les extrémités de fes ailes & defa queue, font bordées de jaune. 11 a les yeus vifs & perçants. Les aîles fort longues , le vol roide & promt , veu la pefanteur de fon corps. Ils fe repaift d'autres Oifeaus , fur léquels il fond avec furie, & après les avoir atterrez ■> il les déchire en pièces , '8$; les avale. 11 a neantmoins tant de generofité , qu'il n'attaque jamais ceus, qui font foibles & fans defenfe. Mars feulement; lesArras, les Perroquets , & tous les autres qui font armez ■: comme lui, de becs forts & crochus \ & dégriffés pointues. On a même remarqué , qu'il ne fe rué point fur fon gibier* tandis qu'il eft à terre, ou qu'il eft pofé fur quelque branche: mais qu'il attend qu'il ait pris l'euar, pour le combattre en l'aie, ayee un pareil avantage. . A R T I CLE XVL Du LMmsfenp- LE LMànsfeny , eft aufE une efpece dé petite Aigîeyqui vit aufïï de Proye, mais il n*a pas tant de cœur, que celle dont nous venons de parler, car il ne fait la guerre qu'aus Ramiers, aus Tourtes, aus poulets, & aus autres petis Oifeaus ? quine lui peuvent reufecr. Il 176 Histoire Naturelle, Chap. 1 5 Il y a encore dans ces lies une infinité d'autres Oifcausdc toutes fortes d'eTpeces , & dont la plupart n'ont point de noms. if/' ARTICLE XVII. Du Colihry. POur couronner dignement l'Hiftoire des Oifeaus denos Antilles, nous finirons par l'admirable Colibry , admirable pour fa beauté, pour fa petitefle, pour fa bonne odeur, & pour fa faflbn de vivre. Car étant le plus petit de tous les Oifeaus qui fe voient, il vérifie gloricufement le dire de Pline, que Wjtura nufquam mugis quant in minimis tôt a esi. Il fe trouve de ces Oifeaus, dont le corps eft fi petit , qu'ils ne font guéres plus gros qu'un Hanneton. Il y en a, qui ont le plumage fi beau, que le col les ailes &Ie dos reprefentent la diverfité de F arc-en-ciel , queles Anciensont appelle Iris, & fi ile de l'ad- miration. L'on en voit encore, qui ont fous le col un rouge fi vif, que de loin, on croiroit que ce feroit une efcarboucle. Le ventre & le delfous des ailes eft d'un jaune doré5 les cuilTcs d^un vert d'Emeraude $ ks pieds & le bec noirs comme ébe- nepolie; cklesdeuspetisyeus, fontdeus diamans enchaflez en une ovale de couleur d'acier bruny. La tefte eft d'un vert naiffant qui lui donne tant d'éclat qu'elle paroit comme d'o- rée. Le mafle, eftenrichy d'une petite Hupe en forme d'ai- grette , qui eftcompoféede toutes les différentes couleurs, quiemaillentce petit corps, le miracle entre les Oifeaus , & l'une des plus rares productions de la nature. Il abaifle & Jevc quand il lui plait cette petite crefte de plumes, dont l'Au- teur de la nature l'a Ci richement couronné. Tout ion plu- mage eft auffi plus beau, & plus éclatant, queceluyde la femelle. Que fi cet Oifeau eft mcrvcillcus en fa taille , & en fon plu- mage j il n'eft pas moins digne d'admiration en l'activité de fon vol ,' qui eft fi vite & Ci précipité, qu'à proportion, les plus gros Oifeaus, ne fendent point l'air avec tant de force , & ne font pas un bruit fi refo.inant , que celuy qu'excite cet aima- ble Cîiap. 15 DES T L t S A N T I L L 1 Si 17? ble petit Colibry,par le battement de fes ailes •. Câf ondi'rok quecefoitun petit tourbillon émeueni'air, «Se quififflc'aus oreilles. Et parce qu'il Te plaità voler prés de cens qui paf- fent , il furprend quelquefois fi inopinément , que bien fou- vent il donne une fubite, & innocente frayeur, à ceus qui l'entendent plûtoft qu'ils ne le voient. Il ne vit que derofée, laquelle il fucce fur les fleurs des arbres avec fa langue , qui eft beaucoup plus longue que le bec, & qui eft creufe comme un petit chalumeau , de h grof- feur d'une menue aiguille. On ne le voit que fort rarement fur terre, ni même perché fur les arbres : mais fufpendu en l'air auprès de l'arbre, où il prend fa nourriture, llfe foutient ainfi par un dous battement d'ailes, & en même temsil tire larofée, quifeconfervele pluslong-tems , au fbnddes fleurs à demy épanouies. C'eft en cette pofture, qiwly adupîaifir à le confiderer. Car e'panovïffant (a petire hupe , on diroit qu'il ait fur la tefte, une couronne de rubis & de toutes fortes de pierres precieuiés. Et le Soleil rehauflant toutes les riches enluminures de fon plumage, il jette un éclat fi brillant, qu'on lepourroit prendre , pour unerofede pierrerie animée & vo- lante en l'air. Aus lieus où il y à plufieurs Cottonniers , on Voit ordinairement quantité de Colibris. Bien que fon plumage perde beaucoup de fa grâce quand il eft mort , fi eft ce qu'il eft encore fi beau , que l'on a veu des Dames en porter par curiofité pour pendans d'oreilles. Ce que plufieurs ont trouvé leur; eftre mieus feant , que tous les autres. Ce merveilleus Oifeau , n'a pas feulement la couleur extra- ordinairement agréable : mais il y ena d'une forte , qui aptes* avoir recrée laveuë, réjouit encore & contente l'odorat par fa fovèue odeur, qui eft auffi douce , ^ue celle de Fambreac du mufe les plus fins, 11 bâtit le plus fpu vent fon nid , fous une petite branche cle quelque Oranger ou Cottonnier, ^commeil eft propor- tioné à la petitcfTe de fon corps , il le cache fi bien parmy les feûilles,& le met fi induftrieufement ài'abty des injures de Fair, qu'il eft préfque imperceptible. H eft auffi , fi' bon architecte, que pour n'eftre point expofé aus vens du levant & du Nord, Z qui i7» Histoire Naturelle, Chap. 15 qui foufflent d'ordinaire en ces païs-la, il le place aumidy. 11 le compofe au dehors de petis filets dune Plante que Ton nomme Pite, & dont nos Indiens font leurs cordes. Ces petis filamens, font déliez comme des cheveus , mais beau- coup plus forts. 11 les lie & les entortille avec fon bec fi ferrement, à l'entour de la petite branche fourchue, qu'ilà choifie pour y perpétuer fonefpece: que ce nid étant ainfi parmy les feuilles, & fufpcndu fous la branche, fe trouve comme nous avons dit & hors de la veuë , & hors de tout péril. L'ayanr rendu folide & remparé au dehors par ces fila- mens, & par quelques brins décorées & de menues herbes, entrelacez les uns dans les autres avec un merveilleus artifi- ce , il le pare au dedans du plus fincotton , & d'un duvet de petites plumes , plus molles que la foye la plus déliée. La fe- melle, ne fait communément que deus œufs, qui Vont en ovale, & de la groffeur d'un pois, ou fi vous voulés d'une perle de conte. Nôtre brave voiageur, ne fc taira pas fur cette matière elle eft trop digne de fes obfervationscurieufes. Voicydonc ce qu'il en écrit entr'autres chofes à fonamy.en Ces relations „ familières. On trouve par fois des nids de Colïbry , fous „ les branches de quelques unes de ces plantes de tabac qu'on „lailTe croître aufïl haut qu'elles peuvent, pour en avoir la „ graine. Je me fouviens , qu'un de nos Nègres m'en montra „ un, qui etoit ainfi fort proprement attaché fous une de Ces „ branches. Même comme j'étois à Saint- Chriflone à la „ pointe des Palmiftes ,. un Anglois m'enfit voir un autre, qui „tenoital'undesrofeaus, qui foutenoit la couverture de fa „ cafe à Tabac, comme ont parle aus lies, J'ay veuaufilun »,dc ces nids avec les œufs, qui étoit encore attaché à la „ branche , qui avoit efté coupée pour l'ornement- du cabi- „nctduncuneus, lequel avoit de plus encore le mafle & la „ temelie fecs, 5c confervez en leur entier; Et c'eft là où je „confideray attentivement & le nid & Toifcau. Et après „ avoir admiré l'œuvre de Dieu en cette petite créature ïc „dis étant toutravy àla veuédecenid, qui étoit de la G-rof. „ fc.ur d une nois , & £»e Chap. 15 d«s ïtfcs Antilles. Ï7§ Jî>ue la matière ou la figure Se fa/fe icy confiderer Mien ne fe doit- ac comparer \^i cette jxquifi ^Architecture Vne folide dureté S'y mcjle avec la beauté Par un fingulier artifice : Car un bec efl tout V tnfirument ^ui donne a ce rare édifice, Son plus preciem ornement. Au reftc , il fe voit de ces Oifeaus prefqec en toutes les An- tilles, mais félon ladiverfité des îles ils différent & de grof- feur & de plumage. Les plus beaus 5 & les plus petis de tous? fc trouvent en l'Ile d' ' Aruba^ qui relevé de la Colonie Hollan- doife , qui eft à CorAçao. On pourroit peuteftre defîrer icy , que nous parlaflîons du chant de cet Oifeau, & qu'après avoir rav y la veue, ôc fatisfait merveilleufement l'odorat , il contenraft encore l'ouïe par l'harmonie de fon chant. Quelques uns difent qu'en effet il y en a d'une cfpece , qui chante en quelque fai- fondel année. Mais il y a grande apparence, que ce qu'on appelle le chant du Coiibry, n'eftautre chofe, qu'un petit cry femblable à celuy de la Cygalc, qui eft toujours d'un même ton. Mais quand il ne chanteroit pas , il poflede fans cela , aflez d'autres rares avantages de la nature , pour tenir rang entre les plus beaus , & les plus exceliens Oifeaus. Ceus qui ont demeuré au Brefil , nous rapportent con- damnent , qu'il y a un petit Oifeau nomme Gonambuch , oijfonsvolans.: J>ui courus dans les flots par des monjlres avides, Et mettant leur refuge en leurs ailes timides K^iufein du fin vogueurpleuv oient de tous cotez» , Etjoncohient letillac de leurs corps argent ez,. ARTICLE IL Va Perroquets de Mer. IL y a aufïï en ces quartiers là des Pojflbns, quïontl'écaiiïe comme la Carpe, mais de couleur verte comme la plume d'un Perroquet: d'où vient auffi que nos François les nom- ment Perroquets de Mer. 11 ont les yeusbeausSc fort étinec- lans, les prunelles claires comme du Criftal, qui font entou- rées d'un cercle argenté , qui eft enfermé dans un autre , qui eft d'un vert d'émeraude comme les écailles de leur dos , car celles de deiïbus le ventre, fontd'un vert jaunâtre. Ils n'ont point de dents , mais , ils ont les mâchoires d'enhaut & d'en- basd'unosfolide, quieft extrêmement fort, de même cou- leur que leur écailles, & diviféparpetiscompartimens beaus \ voir, lis vivent de Poiffons à Coquille, ôc en cet avec ces du- A a res 186 Histoire Naturelle, Chap.ia rcs mâchoires, qu'ils brifent comme entre deus meules, les Huîtres les Moules , & les autres coquillages , afin de fe repaî- tre de leur chair. Ils font excellens à manger, & fi gros, qu'il s'en voit qui pcfentplusde vint livres. A R T I C L E III. De la Dorade. LA Dorade, que quelques uns nomment Brame de C^fer , y eft encore commune. Elle a ce" nom de Dorade , parce que dans l'eau fa tefte paroit d'un vert doré, & tout lereftede Ton corps jaune comme or, & azuré comme le ciel ferain. Elle fe plaît ifuivre les Navires, mais elle nage d'une telle vitefTe, qu'il faut eure bien adroit, pour la pouvoir atteindre avec l&paffe ou foine , quifontdesinfrrumens, aveclefquels les Matelots ont de coutume de prendre les gros Poifibns aulTi il s'en voit peu, qui ait une plus grande difpofîtion natu- relle à fendre les flots que celuy-ci ; car il a le devant de la refte fait en pointe, le dos herilTé depines qui s'étendent juf- ques à la queue qui eft fourchue, deus nageoires^au. défaut de la tefte,& autant fous le ventre, les écailles petites, & tout le corps d'une figure plus large que grofle5- Ce qui luy donne un merveilleus empire dans les eaus. 11 s'en trouve, qui ont environ cinq pieds de longueur. Pinfieurs eftiment queleui chair qui eft un peu féchc, eft aufïi agréable au goût que celle de la Truitte où du Saiilmoa^pourvcoquefon aridirc foiteorrigée, par quelque bonne fauce. Lors que les Portu- gais voient que ces Dorades fuivent leur Navire , ils fe met- tent fur le beaupré', avec une ligne à la main , au bout de la- quelle il y a feulement unmorceaude linge blanc au haut de l'hameçon, fans autre apas. I ART! Chap. i* des Iles ânîil l e s. îf| ARTICLE IV. De la Boiïiïe: IL y a un autre Poifibn, qui fuit ordinairement les Navires. On le nomme Bonite. ' Il éft gros & fort charnu, & de la lon- gueur de deus pieds ou environ. Sa peau paroit d'un vert fortobfcur, & blanche fous le ventre. Il n'a point d'écaillés fi ce n'eft aus deus coftes , où il en a deus rangs de fort petites., qui font couchées fur une ligne jaunâtre, qui s'étend de part & d'autre, à commencer depuis la tefte jufqucs à la que tic qui eft fourchue. Il fe prend aveede gros hameçons , que l'on jette aus environs du Navire. Tout en avançant che- min , & fans caller les voiles on fait cette pefche. Ce Poiftbn eft goulu comme la Morue, & fè prend avec toute forte d'a- morces, même avec les t ripai lies des Coiffons , qui ont eft. é eventrez. On le rencontre plus fouvent en pleine mer, qu'es coftes. Il eft bon étant mange' frais $ mais il eft encore plus délicat , lors qu'il a demeuré un peu dans le fel , & dans le poivre, avant que de le faire cuire. Plufietfrs tiennent , que ; PoilTon eft le même, que celuy que nous appelions Thw% & qui eft commun en toutes les coftes de la. Mer Médi- terranée, A R T I CLE V, De l'Eguïte de CMvr. L'Bguille , eft un Poifîbn fans^écailles , qui croift de la lon- gueur de quatre pieds ou environ. Il a la tefte en poin- te, longue d'un bon pied, les yeus gros & luifans qui font bordez de rouge. La peau de fbn doseftrayéede lignes de bleu & de vert , & celle de deflbus fon ventre , eft d'un blanc meflé de rouge. Il a huit Nageoires, qui tirent fur le jaune, Se une queiie fort pointue, qui a peufeftre donné l'occafion de Iny donner le nom qu'il porte, de même que la figure Aa 2 de m Histoire Naturelle, Chap. is de fa tefte, a convié les Hollandois de l'appeller , Tabac-Pype> c'eft adiré Pipe à Tabac. ARTICLE VI. De plu/ieurs autres Poijfons de la CMer & des Rivières. Lïs Cotes de ces Iles ont aufïidcs Carangues des Mulets qui entrent quelquefois en l'eau douce , «Se fe pefchent dans les Rivières , des Poijfons déroche qui font rouges , &de diverfes autres couleurs, <5c fe prennent auprès des Rochers ; Des pègres ou diables de Mer , qui font de gros Poiffons qui ont l'écaillé noire , mais qui ont la chair blanche & bonne au poflîble , & une infinité' d'autres Poilïbns , qui font pour la pluspart differens de cens qui fe voient en Europe , & qui n'ont encore point de nomsparmy nous. Pour ce qui eft des Rivières j elles fourniflcnrnnc grande abondance de bons PohTons ausHabitans des Antilles, ôc s'il eft permis de comparer les petites chofes aus grandes, elles ne cèdent point à proportion de leur étendue en fécondité', à la Mer. Il eft vray qu'elles ne produifent point de Brochets, de Carpes, ni de femblables Portions , quifont communs en cesquartiers-cy: mais il y en a grande quantité d'autres , qui ne font connus que des Indiens, & dont quelques uns ap- prochent de la figure des nôtres. CHA* Châp. 16 pti hE5 Anuttis* xz9 j^otlbott. a^cRvcAe (X>oraJÎ QAnàre naiLSon. oc roche î?o Histoire Naturelle, Chap. 1 7 CHAPITRE DIX SEPTIEME. T>es Moniïres Marins oui fe trouvent en ces quartiers. C Eus qui ontdécry l'Hiftoirc des Poiiïbns , ont mis au rang des Baleines, tous ceus qui font d'une gro(Teur ex- traordinaire, de même, qu'ils ont compris (bus le Titre des Monftres, tous ceus là qui ont une figure hideufe, ou qui vivans de proye font des ravages dans les eaus , comme les Lions, les Ours, les Tigres, & les autres beftes farouches en font fur la terre. Nous devons parler dans ce Chapirre des uns & des autres, c'eft à dire de tous ceus qui font d'une grof- feur prodigieufe, ou qui font erTroyabïes pour leur forme hideufe à voir , & redoutables à caufe de leurs défences. Et ainfi, nous defeendrons pour un peu de tems, dans les abyfmes de cette grande & fpacieufe xNler , où comme dit le Saint Roy qui acompofé les Sacrez Cantiques d'Ifra'ël , il y a des Repti- les fans nombre , de petites beftes avec des grandes , & après y avoir contemplé les œuvres du Seigneur, nous en remonte- rons incontinent , pour célébrer fa bénignité & fes merveilles envers les fils des hommes. ARTICLE De l'Efpadott. ENtre les Monflres Marins , on remarque particulière- ment celuy que nos François nomment Efpado», à caufe qu'il a au bout de fa mâchoire d'enhaut une defenfe de la lar- geur d'un grand Coutelas, qui a des dens dures «Se pointues des deus codés. Il y a deces Poiiïbns , qui ont ccsdefcnfcs longues de cinq pieds, larges de fix pouces par le bas, & mu- nies de vintfet dens blanches & folides en chaque rang , & le corps gros à proportion. Ils ont tous la-teftc plate 6c hideufe, delà figure d'un eccur, ils ont prés des veus deus fouspiraus, par où ils rejc.cnt l'eau qu'ils ont avallée. Ils n'ont point d'ccaiU T. Chap. x-7 des Iles Antilles. 191 d'ecailles, mais ils font couverts d'une peau grifefurledos, & blanche fous le ventre , qui eft raboteufe comme une lime! llsontfétnageol-res, deus à chaque cofté, deus autres fur le dos , & puis celle qui leur fert de queue. Quelques uns les appellent Poijfonsksde, ou Empereurs, àcaufe qu'ils font la guerre à la Baleine , & bien fouvent la bleffentàmort. ARTICLE II. Des CWarfoùins. LEs LMorfoùws , font des Pourceau* 'de Mer \ qui vont en grande troupe, & le jouent fur la Mer, faifant des bonds^ & fuivant tous une même route. Ils s'approchent volon- tiers aûez prés des Navires f Et ceus qui font adroits à les harponner, en accrochent fouvent. La chair en eft afiez noirâ- tre. Les plus gros, n'ont qu'un pouce ou deus de lard; Ils ont le mufeau pointu , la queue fort large, la peau grisâtre , & un troufurlatefte, paroùilsrefpirent & jettent l'eau. Us ron- flent préfque comme les Porceaus de terre. Ils ont le fang chaud, & les Inteftins femblables à ceus du Pourceau, ôc font prefque de même goût : mais leur chair eft de difficile digeftion. 11 y a une autre efpecede Marfoïdns, qui ont le groin rond & mouflu comme une boule. Et à caufe de la refîemblance de leur tefte avec le rroedes Moines. Quelques uns les appela- ient , 7 eft es de Moine, & Moines de Mer. .ARTICLE II I; Du Requiem, E Requiem, eft une efpece de Chien ou de Loup de Mer,. •■-'le plus goulu de tous les Poiflbns, & le plus avide de chair humaine. Il eft extrêmement à craindre, quand on fc baigne. Une vit quedeproye, & ilfuitfouventles Navires^ pourfe repaître des immondices que l'on jette en Mer. Ces monftres paroiflent de couleur jaune dans l#eau. Il y en a qui font. ici Histoire Natuxeue, Chap. 17 font d'une grandeur & d'une grofieur deméfuréc, & qui font capables, de couper tout net un homme en deus. Leur peau cft rude, & l'on en fait des limes douces, propres à polir le bois. Us ont la telle plate, & n'ont pas l'ouverture de leur gueule tout au devant de leur mufeau, mais deflbus. Ce qui fait, que pour prendre leurproyc, il faut qu'ils fe retournent le ventre pref- que en haut. Ils ont les dents trenchantes fort aiguës & fort larges, qui font dentelées tout autour , comme les dents d'une feie. 11 y en a tels , qui en ont trois & quatre rangs en chaque mâchoire. Ces dents font cachées dans les gencives $ mais ils ne les font que trop paroitre quand ils veulent. Ces cruels Dogues Mmns , font Icplusfouventefcortezde deus ou trois petis PohTons, & quelquefois d'avactage qui le précèdent avec une telle viteife & un mouvement fi mefuré, qu'ils s*avancent & s'arreftent plus ou moins, félon qu'ils ap- perçoiventque les Requiéms s'avancent ou s'arreftent. Quel- ques uns les nomment Rambos , <3c Pelgriwes. Mais nos Ma- telots les appellent les Pilotes du Requiem . par ce qu'il fcmble que ces petis Poiflbns le conduifent. Us n'ont qu'un bon pied ou environ de longueur, & ils fontgros à proportion. M ais au refte, ils ont l'écaillé parfemée de tant de belles & vives cou- leurs , que l'on diroit, qu'ils foient entourez de chaines de per- les, de corail, d'émeraude, & d'autres pierreries. On ne s'au- roit fe laflerde les confiderer en l'eau. C'eftainfique la Baleine ne marche jamais, qu'elle n'ait devant elle un petit Poiflbn, fembhble au Goujon de Mer, qui s'appelle pour cela la Guide. La Baleine le fuit, fe lailfant mener & tourner aufïi facilement, que le timon fait tourner le Navire, & en recompenfc auflî, au lieu que toute autre chofe, qui entre dans l'horrible Caos de la gueule dece Mon- (Ire, eft incontinent perdu & englouty, ccpetit PoilTon s'y retire en toute feureté, & y dort. Et pendant fon fommeil la Baleine ne bouge, mais auflitoft qu'il fort elle fe met à le fuivre fanscefle. Et fi de fortune elle s'écarte de luy, elle va errant ça & la, fe froiftant louvcnt contre les rochers , com* me un vaifleau qui n'a point de gouvernail. Ce que Plutar- que témoigne qu'il a veu en l'Ile d'Anticyre. 11 y a une pa- reille focicté, crftre le petit Oifeau qu'on nommé le Roytelct & €hap. \y des Ile s A n y i l l e s. r 93 & le Crododyle. Et cette Coquille qu'on appelle la ■Nacré,, vit ainiiauiïi avec lepinnothere, qui eft un petit animal de h forte d'un Cancre. C'eft ce que recite Michel de Montagne, au fécond Livre de Tes Elfais, Chapitre \z. Au refte la chair du Requiem n'eft point bonne , ôc Von n'en mange qu'en necefïité. On tient toutefois que quand ils font jeunes , ils ne font pas mauvais.. Les curieus , recueillent fbigneufement la Cervelle qui fe trouve dans la tefte des viens, & après l'avoir fait sécher, ilslaconfervent , & ilsdi- fent qu'elle eft très-utile à ceus, qui font travaillez delà pier* re9 oudelagravelle. Quelques NatioAs , appellent ce Monftre liburon ôc Tube- ron. Mais les François <5c les Portugais luy donnent ordinaire- ment ce nom de Requiem , c'eft à dire Repos , peuteûre par ce qu'il à accoutumé de paroître,.lors queletemseft ferain ôc tranquille, comme font auiïi les Tortues : ou plutôt, parce qu'il envoyé promtément au repos , ceus qu'il peut attraper $ qui eft l'opinion la plus commune entre nos gens, qui l'appel- lent de ce nom. Son foye étant bouilly, rend une grande quantité d'huyle , qui eft très-propre pour entretenir les lam- pes , ôc fa peau , eft utile aus Menuyfiers , pour polir leu* ouvrage. ARTICLE IV. De la Remore. OUtreces Pilotes /dont nous avons parlé; les Requiems^ font bien fou vent accompagnez d'une autre forte de Petis Poiflbns , que les Hollandois appellent Suyger , par ce qu'ils s'attachent fous fe ventre des Requiems , comme s'ils les vouloientfucçer. Nos François tiennent , que c eft une efpece de Remore , ôc ils leur ont donné ce nom , à caufe qu'ils fe collent contre les Navires, comme s'ils vouloient arrêter leur cours. Ils crohîent environ de deus pieds de long, Se d'une grofteur proportionée. Ils n'ont point d'écaillés , mais ils font couverts par tout , d'une peau cendrée, qui eft gluante comme celles des Anguilles. Ils ont la Mâchoire Bb de 1.1 S9* Histoire Naturelle, Chap. 15 de deiîus, un peu plus courte que celle de deflbus , au lieu d< dens, ils ont de petites eminences, qui font allez fortes pou: brifer ce qu'ils veulent avaller. Leurs yeus font fort petis, d< couleur jaune. Ils ont des Nageoires & des Empennures comme les autres PoiiTons de Mer, mais ce qu'ils ont de par- ticulier , e(t , qu'ils ont la teûe relevée d'une certaine pieo faite en ovale, qui leur fert de couronne. Elleeft plâtre, & rayée par defïus de plusieurs lignes, qui la rendent heriiïée C'eftaufli par cet endroit , que ces PoifTons s'attachent fi fer mementaus Isavires ôc aus Requiems, qu'il faut fou vent le tuer, avant que de les pouvoir feparer. Gn en mange, mai c'eft au défaut d'autres PoifTons, qui font plus delicas. ARTICLE V. Du Lamantin. ENtre lesMonftres Marins, qui font bons à manger, S que Ion referve en provision , comme on fait en Europe le Saumon & la Morue, on fait fur tout état aus lies du La- mantin félon nos François , ou lamantin & Manaty félon le' Efpagnols. ^ C'eft un Monftre, qui croift avec l'âge d'une grandeur fi étrange, qu'on enaveuqui avoient envkon dix- huit pieds de long, & fét de groffeur au milieu du corps Sa teûe a quelque reiïemblance à celle d'une Vache, d'où vient que quelques uns l'appellent VachedeCMcr. llade petis yeus, & la peau épaiflede couleur brune, ridée en quelques endroits cVparfemée de quelques petis poils. Eftant feiche elles'endurcitde telle forte, qu'elle peut fervir de rondaché impénétrable aus tléches des Indiens. Aufîi , queloues Sau- vages s'en fervent pour parer les traits de leurs ennemis, lors qu'ils vont au combat.^ Il n'a point de Nageoires, mais en leur placc,ilafousleventrcdeuspctis pieds, qui ont chacun quatre doits fort foiblcs, pour pouvoir fupporter le fais d'un corps fi lourd & Ci pefant : Et il n'eft ponrveu d'aucuneautre dctenle. Ce Poifton vit d'herbe, qui croift auprès des Ro- ches , & fur les balles qui ne font couvertes que d'une brafie ou environ, d'eau de. Mer. Les femelles mettent leur fruit hors, Chap. 17 b i s I il s A n T i I l E s* >^5 hors , à la fafîbn des Vaches , Ôc ont deus tétines avec lequel- les elles allaitent leurs petis. Elles en font deus à chaque por- tée , qui ne les abandonnent point, jufques à ce qu'ils n'ayent plus befoin de Tait t & qu'ils puiifent brouter l'herbe comme leurs mères. Entre tous les Poiffons , il n'y en a aucun qui ait tant de bonne chair, que le Lamantin. Car il n'en faut fouvent que deus ou trois , pour faire la charge d'un grand Canot , & cette chair eft femblable à celle d'un animal terreftre, courte , ver- meille , appetilTante, & entre-mefiée de graillé, qui étant fon«- due' nefe rancit jamais. Lors qu'elle a elle deus ou trois Jours dans le fel , elle eft meilleure pour la fanté , que quand on la mange toute fraiche. On trouve plus fouvent xes Poiffons, à l'embouchure des Rivières d'eau douce, qu'en pleine Mer. Lescurieus , font grand état de certaines pierres qu'on trouve en leur telle, à caufe qu'elles ont la vertu à ce qu'ils difenr, eftant réduites en poudre, de purger les reins de gravelle, & de brifer même la pierre qui y f croit formée. Mais, à caufe que ce remède eft violent , on ne confeille à perfonne d'en ufer , fans l'avis d'un fage & bien expérimenté Médecin. ARTICLE VI. Des Bdeines et autres ^Monfires de qui font munis d'ongles allez piquans. Leur peau eft rude & herhTée par tout , comme celle du Requiem , horsmis fous le ventre. Elle eft d'un rouge obfcur, & marquetée de taches noires, qui font comme des ondes. Leur chair, n'eft point bonne à manger. On les peut écorcher aifément , & après avoir remply la peau de cottou, ou de feuilles s'éches , on luy donne place entre les raretez des cabinets ; Mais elle perd beaucoup de fon luftre, lors que le Poiflon eft mort. JlK TI.CLE VIII. . De la Becune. ENtre les Monftres goulus & avides de chair humaine, qui fe trouvent aux coftes de ces lies, la Becune eft l'un des plus redoutables. C'eft un Poiflon , qui eftde la figure d'un Brochet, qui croift de fét à huid pieds en longueur „& d'une grolTeur proportionée. Il vitdeproye, & il fe lance de furie, comme un chien carnaflier, furies hommes qu'il apperçoit en l'eau. Outre qu'il emporte lapiecede tout ce qu'il peut at- traper, fes dents onttant de venin, que leur moindre morfu* re , devient mortelle, fi on n'a recours au même inftant à quel- que puifîant remède , pour rabattre &, divertir la force de ce poifon. B-b-s AK.TI* Histoire Naturelle, Chap. 17 ARTICLE IX. De la Beccaffe de Mer. IL y a encore une autre forte de Becunes que nos François ont nommée Beccaffe de Mer, à caufe de la figure de fon bec, qui eft piefque pareil à celuy d'une Beccaffe, excepté, que la partie d'enhaut, eft plus longue de beaucoup , que celle d'enbas, ôc que ce Poiflbn, remue l'une & l'autre mâchoire, avec une é°ale facilite7. On en voit de fi gros & de fi longs, qu'on peutmefu- rer 4 bons pieds entre queue & tefte , & 12 pouces en la lar- geur de chaque cofté, qui répond aus ouïes. Sa tefte a préfque la forme de celle d'un Pourceau, mais elle eft éclairée de deus gros yeux, qui font extrêmement luyfans. Il a la queue divifée en deus , & des nageoires aus coftes '& au deflbus du ventre, & une empennure haute & relevée par degrez , comme une cré- fte,qui commence au fommet de la tefte,& s'étend tout le long du dos , jufques prés de la queue. Outre le bec long & folide qui le fait remarquer entre tous les Poiflbns, il a encore deus efpeces de cornes dures , noires , & longues d'un pied & de- my, qui pendent au deflbus de fon gofier, & qui luy font par- ticulières , il les peut cacher aifément dans une enfonçure qui eft fous fon ventre , & qui leur fçrtde gaine. H n'a point dé- cailles: mais il eft couvert d'une peau rude, qui eft noirâtre furie dos , grife ans coftez , & blanche fous le ventre. On en peut manger fans péril, encore que fa chair ne foit pas fi déli- cate, que celle de plufieurs autres Poiflbns. ARTICLE X. De l'Herijfon de Mer. X'HcriJfon de Mer qui fe trouve aufli en ces côtes , porte à bon droit ce nom là. 11 eft rond comme une boule, & tout revêtu dépincs fort piquantes, qui le rendent redoutable. D'autres le nomment Poifjon armé. Quand les pefchcurs en prennent, ils les font fécher pour les envoyer aus curieus, qui les pendent par rareté en leurs cabinets. CHA- Chap. i? des Iles Antilles. *W 209 Histoub Naturelle, Chap.xs f*5 CHAPITRE DIXHUITIEMEf Defeription particulière d'une Licorne de Mer , qui s 'échoua k la rade de l'Ile de la Tortue en l'an 1 644, ^ec m récit curieus > par forme de comparaison & de digrefiion agréa- bley touchant plufteurs belles i? rare s corne s qu'on a appor- tée s depuis peu du détroit de Dayis \<&àela qualité de la ter- re j qui fe rencontre quelquefois en ces quartiers. Il s'en échoua en l'an 1644 une prodigieufe au rivage de l'Ile de la Tortue, voifinede l'Ile Hifpaniola , ou Saint Domingue. Monficur du Monte! , en ayant une connoiflanceexade comme Témoin oculaire , nous en donne cette curieufe defeription. Cette „ Licorne, dit il, pourfuivoit une Carangue , qui eft un „ Poiflbn médiocre, avec une telle impetuofité , quenes'ap- ,, percevant pas quelle avoitbefoin de plus grande eau qu'el- ,, le pour nager, elle fc trouva la moitié du corps à fec, fur ,, un grand banc de fable, d'où elle ne put regagner la grande „eau , & ou les habitans de l'Ile rallommerenr. Elle avoit „ environ dixhuit pieds de long, étant de la grofleur d'une „ Barrique au fort du corps. Elle avoit fix grandes nageoi- ,, res , de la faflbn du bout des rames de galère , dont deus „ étoient placées au défaut des ouyes , & les quatre autres à ,, côté du ventre en égale diftance: elles étoient d'un rouge ,, vermeil. Tout le deiïus de fon corps , étoit couvert de ,, grandes écailles de la largeur d'une pièce de cinquante huit ,, iols , léquellcs étoient d'un bleu , qui paroiflbit comme par- „feméde paillettes d'argent. Auprès du col fes écailles ,, étoient plus ferrées, & de couleur brune, ce qui luyfaifoit „ comme un collier. Les écailles fous le ventre étoient jau- ,,nes: Chap. I* DES .7 LE S A N T IL LE Si 2ÔÎ à,ncs: la queue fourchue: la tefte un peu plus -girofle que „ celle d'un Cheval, & presque de la même figure 5 Elle étoit „ couverte d'une peau dure & brune : ..& comme la Licorne de #, terre, a une corne au front , cette Licorne de mer, en avoit ,, auiïi une parfaitement belle au devant de la tefte ,, longue de „ neuf pieds & demy. Elle étoit entièrement droite , & depuis ,,lefrontoùelleprenoitfanaiflànce, elle alloir toujours en di- minuant jufques à l'autre bout, qui étoit fi pointu, qu'étant ..poufîee avec force, elle pouvoit percer les matières les „ plus folides. Le gros bout , qui tenoiravec la tefte , avoir „feize pouces de circonférence , & dés-là jufques aus deus ,, tiers de la longueur de cette merveilleufe corne , il étoit en „ forme d'une vis depreflbir, ou pour mieusdire, faftbnné „ en ondes , comme une colomne torfe , horsmis que les*ei> „ fonçurcs alloient toujours en amoindri/Tant, jufques à ce „ qu'elles fuflent remplies & terminées par un agréable adou- „chTement, qui finiffoit deus pouces au deiïus du quatrième „pied. Toute cette partie bafle étoit encroûtée d'un cuii- „ Cendré, qui étoiteouvert par tout d'un petit poil mollet, „& court comme du velours de couleur de feuilles morte 9 „ mais au deflbus , elle étoit blanche comme yvoire. . Quant „à l'autre partie qui paroiflbit toute nue , elle étoit naturel- „lementpolie, d'un noir luifant, marqueté de quelques me- „nus filets blancs & jaunes, & d'une foiidité telle, qu'à peine ,, une bonne lime en pouvoit elle faire fortir quelque menue „ poudre. Elle n'avoir point d'oreilles élevées , mais deus », grandes ouïes comme les autres Poiflbns. Ses yeus étoient ii.de jlagroflèur d'un œuf de poule. La prunelle, qui étoit „ d'un bleii celefle emaillé de jaune, étoit entourée d'un cer-.. „cle vermeil, qui étoit fuivy d'un autre fort clair, & luyfant „ comme criftal. Sa bouche étoit allez fendue & garnie de ,plufieursdens,dontcellesdedevantétoicntpointuës& tren- „ chantes au pollible, Scellés de derrière tant de l'une que „de l'autre mâchoire , larges & relevées par petites bofles. ,, pie avoit une langue d'une longueur & épaifieur propor- ,tionées qui étoit couverte d'une peau rude & vermeille. „ Au refte,ce Poiflbnprodigieus avoit encore fur fa tefte, une ,efpéce de couronne rehauflee par dèflUs le relie du cuir, Ce de p\' *xfe Histoire Naturelle, Chap.is ,, de deus pouces ou environ, & faite en ovale , de laquelle l, les extrémités aboutiflbient en pointe : Plus de trois cens '',perfonnes de cette lle-là, mangèrent defachair en abon- „ dance , & la trouvèrent extrêmement délicate. Elle étoit ,', entrelardée d'une graiffe blanche , & étant cuite, elle fe „ levoit par écailles, comme la morue fraiche : mais elle avoit „ un goût beaucoup plus favoureus. ,, Ceus quiavoient veu.ee rare Poiûbn en vie , & qui tuy »,avoient rompu l'échiné à grans coups de leviers , difoienî> „ qu'il avoit fait de prodigieus efforts, pour les percer avec fa ,' corne, laquelle il manioit & tournoit de toutes parts avec ,, une dextérité & une vitefle incomparable, & que s'il eut » eu afles d'eau pour fefoutenir& pour nager tant foit peu, il ^lèsent tous enfilez. Quand on l'eut eventré , on reconnut „ aifément qu'il fe nourriiToit deproye * car on trouva en fes ,, boyaus, beaucoup décailles de Poiiïbns» j., Les rares dépouilles de ce merveilleus animal , & fur tout ,., fa terre , & la riche corne qui y étoit attachée, ontdcmeuré „pres de deus ans fufpenduës au corps de garde de l'Ile, juf- ,,qucs à ce que-Monlieur le Vaffeur qui en étoit Gouver- ,, neur ,. voulant gratifier Monfieur des Trancarts , Gentil- „ homme de Saintonge , quil'étoit venu voir , luy fit prêtent- ,,de cette corne. Mais quelque peu après m'étant embar- „ que dans, un vaifleau de Fleilingue avec le Gentil- homme,. ^ qui avoir cette precieufe rareté en unelonguccaitie , notre ,, vaiffeau febrifa prés de l'Ile de la ravale , qui e(t l'une des- ,, Açores. De forte que nous filmes perte de toutes nos har- >y des & de toutes nos Marchandifes. Et ce Gentil-homme rc- „ gretta fur tout fa caille. Jufques icy font les paroles de notre aimable Voyageur; On trouve en la mer du Nord , une autre efpecede Licor* nés, qui font fouventpouOeespar les glaces, aus codes d'iflan- de. Elle font d'une longueur & dune grofleur li prodigieu- se, que la plupart des Auteurs qui en ont eferi , les mettent au rang des Baleines. Elles ne font point couvertes décailles, comme celle dont nous venons de donner la delcription y mais d'une peau noire & dure comme le Lamantin. Elles- n'ont que deus nageoires aus cotkz, & une grande & large- ai peu. Chap. is des Iles Antilles, %oi cnpennure fur le dos .laquelle ejanf plus étroite au milieu, fait comme une double crefte, qui s'e'ieve en une forme très-propre, pour fendre commodé'ment les eaus. Elles ont trois trous en forme de foupiraus , à la naiiTance de leur dos, par où elles vomiitent en haut toute l'eau fuperfluë qu'elles ont avalle'e , de même que les Baleines. Leur telle fe termine en pointe, & au cofte' gauche de la mâchoire d'enhaut, elle cil munie d'une corne blanche par tout, comme la dent d'un jeune Elefant, qui s'avance quelquefois de la longueur de quinze à feize pieds hors de la tefte. Cette corne eft torfe en quelques endrois , & raye'e par tout de petites lignes de cou- leur de gris de Perle , léqueiles ne font pas feulement en la fuperflcie : mais qui pénètrent au dedans delà maiTe, qui eft creufe jufques au tiers, & par tout auffi folide, qu'un os le plus dur. Quelques uns, veulent que cette prominence, foitpîûtoft une dent qu'une Corne , à caufe qu'elle ne fort pas du front comme celle dont nous venons de parler, ni dudeiTusde k terre , comme celles des Taureaus & des Béliers h mais de la mâchoire d'enhaut dans laquelle le bout eft enchafte , comme font les dens en leurs propres calTettes. Ceus qui font de ce fentinent ajoutent, qu'il ne fe faut pas e'tonner fices Poif- fons n'ont qu'n ne de ces longues dens, veuquela matière la- quelle en pouvoit produire d'autres , s?eft entièrement epui- fe'e pour former cellecy, qui eft d'une longueur & d'une grof- feur fi prodigieufe, qu'elle fuffîroit bien pour en faire une centaine, Or foit que cette pefante & merveilleufe défenfe d'ont ces monftrueus Poiflbns font armez, foit appellée dent ou Corne: il eft confiant qu'ils s'en fervent, pour combattre contre les Baleines , & pour brifer les glaces du Nord , dans lequelles ils fe trouvent bien fouvent enveloppez 5 d'où Vient qu'onen à veu quelquefois, qui pour avoir fait de vio- lens efforts , pour fe de'meiler du milieu de ces montagnes glace'es , avoyent non feulement emoufle la pointe de cette lance naturelle 5 mais même îVoyenr brife'e .& fracafiee en deus. Nous avons fait mettre en une même planche les fi- gures de la Licorne laquelle s'echoûa en l'Ile de la Tortue, ôc Ce 2 d'une Il 204. Histoire Naturelle, Chap. i & d'une de celles du Nord, afin que l'on puhTe plus facilement difcerner la grande différence qui eft entre cesdeusefpeces. m ^ An même rems , que nous tirions denoftre cabinet certc Hiftoire pour la donner au public , un Navire d&FliiTingiK commandé par Nicolas Tunes , dans lequel Monfieur Lamp- fius , les Sieurs Biens, Sandras , & d'autres Marchands de ls même Ville croient interelTez, étant heureufement retourné du d'étroit de Davis , en a rapporté entre autres rarétez, pla- ideurs excellentes dépouilles de ces Licornes de la mer du Nord, dont nous venons de parler. Et d'autant que la rela- tion qu'on nous a envoyée touchant cevoiage, peut donner de grandes lumières à la matière que nous traittons , nous evoyor s que le Le&cur curieus trouvera bon, que nous le fer- vions de cette nouveauté par forme dedigreflion, qui fera ac- « com- Chap. 17 des Iles Antilles. 205 rompagnée de la même fidélité , avec laquelle elle nous a ;fté communiquée. Le Capitaine de qui nous tenons ce récit, étant party de ielande fur la fin du Printems de Tan 1656. en intention de lécouvrir quelque nouveau commerce es terres du Nord, irriva fur la fin du mois de Juin dans le Détroit de Davis , d'où feint entré dans une rivière qui commence au foixantequa- :riéme degré & dix minutes de la ligne en tirant vers le Nord, I fit voile jufques au feptante deuzieme , fous lequel la terre que nous allons décrire eft fîtuée. Dez que les Habitans du Pais qui étoient à la pefche eurent ipperçeu le Navire, ils le vinrent recognoitre avec leurs pé- ris efquifs, qui ne font faits que pour porter une feule per- sonne , les premiers qui s'étoient mis en ce dévoir , en attirè- rent tant d'autres aprez eux , qu'ils compofèrent en peu de tems unefeorte de foixanteôc dix de cespetis vaifTeaus, qui n'abandonnèrent point ce Navire étranger, jufques à ce qu'il eut mouillé à la meilleure rade, oùilsluy témoignèrent par leurs acclamations , & par tous les fignes de bienveùillance, qu'on peut attendre d'une Nation fi peu civilizée, la joye ex- traordinaire qu'ils avoyent, de fon heureufe arrivée. Ces pé- ris vaifTeaus font fi admirables , foit qu'ils foyent eonfiderez en leurmatiere, foit qu'on ait égard à la mcrveilleufe induûrie dont ils font faffonnez , ou à lad'exterité incomparable avec laquelle ils font conduits , qu'ils méritent bien , de tenir le premier rang , dans les deferrptions que cette agréable digref- fion nous fournira. lis font compofez depetis bois déliez, déquels la plupart ibnt fendus en deus comme des cercles. Ces bois font atta- chez les uns avec les autres, avec de fortes cordes qui font fai- tes de boyaus de Poiffons , qui les tiennent en arreft , & leur donnent lafigure qu'ils doivent avoir ^ pour être propres aus ufages aufquels ils font deftinez. Ils font couverts en dehors de peau de Chiens de mer, qui font fi proprement coufu es par enfemble, & fi foigneufement enduites nt une largeur à chaque bout en forme de palette , & afin qu'elles puifient coupper plus aifément les flots , & qu'elles byent de plus grande durée, ils les enrichiuent d'un os blanc* ^ui couvre les extremitez du bois , ils en garniflent auffi les )ordsdespa!lettes, & ilsyattachent cet ornement avec des zhevilles de corne, qui leur fervent au lieu de clous. Le milieu ie ces rames cftembelly d'os, ou de corne precieufe, de mè- ne que les bouts , & c'eft par là qu'ils les tiennent afin qu'elles ie leur coulent des mains. Aurefte, ils manient ces doubles rames avec tant de dextérité & de vitefle , que leurs petis vaif- [èaus devancent aifément les Navires , qui ont déployé tou^ leurs voiles, & qui. ont le vent & la marée favorables. Ils font (i aflurez dans cet petis efquifs, & ils ont une fi grande adrefTe â les conduire, qu'ils leur font faire mille -caracoles;, pourdonner du divertiflement à ceus qui les regardent. Ils' s'éfcriment aufli quelquefois contre les ondes , avec tant d© force & d'agilité , qu'ils les- font écumer comme fi elles' étoicnt agitées d'une rude tempcfte y & pour lors, on les pren- droit plutôt pour des Monftres marins qui s'entrechoquent, que pour des hommes : Et même, pour montrer qu'ils ne re- doutent point les dangers , & qu'ils font en bonne intelligence avec cet élément qui les nourrit & les careffe , ils font le mou- linet, fe plongeans & roulans en la mer, par trois fois confecu- tives, de forte qu'ils peuvent paffer pour de vrais Amfibies. Quand ils-ont deffein , de faire quelques voiages plus longs que les ordinaires , où quand ils appréhendent , deftre jettes bien avant en pleine mer par quelque tempefte, ils portent dans levuidede leur vaiffeau , une veffie pleine d'eau douce, pour étaneber leur foif , & du Poiîïon feché au Soleil ou à* la gelée3 font encore fortalaigres & fortrobuftes. En leur converfation ordinaire , ils paroiflfent d'une hu- meur gaye, hardie & courageufe. Ils aiment les étrangers qui les vont vifuer, à caufe qu'ils leurs portent des aiguilles, des Chap. 18 des Iles Antilles. %i i des hameçons , des couteaus , des ferpes , des coignées , & tous les autres ferremens qui leur font propres, ôc dont ils font une fi grande eftime qu'ils les achètent au prix de leurs propres habits, & de tout ce qu'ils ont de plus prccicus : mais ils font fi grands ennemis de toute nouveauté, en ce qui concerne leurs vétemens & leur nourriture » qu'il ferait bien difficile, de leur faire recevoir aucun changement, ni en l'un ni en l'autre. Encore qu'ils foyent l'une des plus pau- vres, & des plus Barbares nations que le Soleil éclaire , ils fe croyent tres-heurcus , Ôc les mieus partagez du monde-. Et ils ont fi bonne opinion de leur manière de vivre , que les civilitez de tous les autres Peuples, panent auprès d'eux pour des avions mal-feantes , fauvages , & ridicules au pofnble. Cette haute cflime laquelle ils ont conceuë de leur con- dition , ne contribue pas peu à cette fatisfadion , & à ce con- tentement d'efprit qu'on lit fur leur vifagc$ Joint, qu'ils ne s'entretiennent pas dans la vanité de plusieurs defleins, qui pourroient troubler leur tranquillité: Ils ne feaventee que c'efi. de tous ces fbucis rongeans , & de ces chagrins inpor- tuns, dont le defir déréglé des richelTes tourmente la plupart des autres hommes. La commodité des beaus .& fomptueus bâtimens, la gloire du fiecle, les délices des feftins, lacon- noilTance des belles chofes, & tout cequenouseftimonsla douceur & le repos de la vie , n'ayant point encore pénétré jufques à eus, ils ne font aufli travaillez d'aucune penfée de les poffeder, qui pourroit interrompre le dous repos dont ils joùuTent : mais tous leurs defleins font terminez à ac- querk fans beaucoup d'emprefiement , les chofes qui font precifément necelTaires pour leur vêtement, ôc pour leur nourriture. Leurs exercices les plus ordinaires/ont la pefche & la chaf- -fc: & encore qu'ils n'ayent point d'armes à feu, ni de filets, Tingenieufe neceiîité , leur a fuggeré des autres industries toutes particulières, pour y pouvoir réunir. Ils mangent tou» tes les viandes dont ils fe nourriiTent, fans les faire cuire , & fans autre fauce, que celle que leur franc appétit leur fournit. Ils le rient de ceus qui font cuire le poiffon ou la venaifon, Dd a car. .* ai» Histoire Naturelle, Chap. is car ils tiennent, que le feu confomme leur faveur naturelle, ôc tout ce qui les rend plus agréables à leur goût. Encore qu'ils n'ayent point befoin de feu , pour cuire leur viandes , ils en louent neantmoins grandement l'ufa- ge , & leurs cavernes n'en font jamais dépourveues durant l'hyver ; tant pour éclairer & adoucir par fa lumière, la noir- ccur & l'effroy de cette longue nuit , qui règne en leur con- trée; que pour tempérer par fon aimable chaleur, la froi- dure qui les tient aftiegez de toutes parts. Mais quand ils pren- nent leur repos , ou qu'ils font contrains de fortir de leurs grottes , ils fe munilïent d'une certaine fourrure , laquelle par un excellent trait de la Divine Providence, a la vertu de les garantir parfaitement, contre toutes les injures du froid, quand ils feroyent couchez au milieu des néges. Les habits des hommes confiftent en une Chemife , un haut de chauffe, une Cafaque& des bottines. La. Chemife ne bat que jufques au deilbusdes reins. Elle a un Capuchon qui couvre la telle & le col. Elle eft faite de velTies de gros PoifTons, qui fonteouppées par bandes d'une égale largeur, & fort proprement coufues par enfemble. Elle n'a point d'ouverture à la poitrine comme les nôtres 5. mais afin qu'elle ne fe déchire en la vêtant, les bouts des manches, la tétiereJ & le détTous, font bordez d'un cuir noir fort délié : félon la figure laquelle nous avons fait mettre en ce lieu. Leurs autres Habits, & même leuri. bottines , font auilide pièces r 'apportées comme leurs chemi(cs : mais ils font d'une- matière beaucoup plus forte, aflavoirdc peausde Cerf, ou de Chien de mer , parfaitement bien préparées , & garnies de leur poil. Ceiuy du Sauvage duquel nous avons fait mettra icy le pourtrait tiré au naif fur l'original, étoit de peau de deus couleurs, les bandes étoyent couppées d'une même largeur, & difpofées en unli bel ordre , qu'une bande, blanche , étoit coufuë entre deus brunes , par une agréable aflcmblags. Lz poil qui paroiflbit en dehors, étoit au ili poly , & au (h dous que du velours, & il étoit fi bien couché , & les diverfes pièces fe rapportoient G parfaitement les unes aus autres, qu'on eut jugé au dehors, que tout l'habit avoit efté taillé d'une feule peau. Pour ce quiconcerne maintenant la forme de la cafaque Chip, i* des Iles Antilles» %i$ cafaque 5c de tout l'ornement extérieur du Sauvage qui cm étoit paré : le Graveur les a reprefentez G naifuément en cette taille douce , que ce feroit uiuravail inutilcd'en vouloir faire une plus ampledefcription. Ces Sauvages qui habitent ce détroit , ne fartent jamais en campagne , fans avoir fur l'épaule un carquois remply de flèches , & l'arc ou la lance en la main. Quant ans flèches ils en ont de plufieurs fortes. Les unes font propres pour tuer les Lièvres, les Renards, lesOifeaus, 6c toute forte de menu Gibier: & les autres ne-fontdefîinées, que pour abbatre les Cerfs, les Helans ; les Ours, & les autres grofles beftes. Cel- les-îà , n'ont qu'environ deus ou trois pieds de longueur, (les, ils ont encore diverfes eCpeces de Javelots , léquels ils fçavent lancer avec, une dextérité non pareille , fur les gros & nonftrueus PoiiTons qu'ils vont chercher en pleine mer. Et ifin que ceus qu'ils ont bleffez avec cette forte de d'ards, ne. fe puiiTent couler au fonds derl'eau &frulîrer leur attente, ils lient au gros bout une courroye de cuir de Cerf, longue de vint-cinq ou trente braflfes ,, & ils attachent au bout de cette courroye, ou de cette ligne de cuir, une veiïle enflée , la- quelle retournant toujours au délTus de l'eau, leur marque l'endroit où eu le PoilTon, lequel ils attirent à. eus., ou> bien ils te conduifent aifément à terre, après qu'il s'eft bien débatu k qu'il .a epuifé fes forces. Le. jeunes femmes portent un habit, .qui neft pasdebeauV soup différent de celuy des hommes : mais les vieilles, fécon- dent le plus fouvent,4es dépouilles de certains gros Gifeaus, ^ui ont le plumage blanc; & ; noir ,, Se. qui font fort communs n6 Histoire Naturelle, Chap.il en cette terre. Elles ont l'adrcflc de les écorcher fi propre ment , que la plume demeure attachée à la peau. Ces habit ne leur battent que jufqu'au gras de la jambe. Elles ion ceintes d'une courroyc de cuir, à laquelle au lieu de clefs , elle attachent plufieurs olTeiets , qui font pointus comme de poinçons, & de même longueur que des aiguilles de tefte Elles ne portent ni bracelets, ni colliers, ni pendans d'oreil les: mais pourtour ornement, elles fe font une) taillade e chaque joue, & elles remplilTent la cicatrice, d'une certain couleur noire, qui félon leur opinion, les fait paroitre beau coup plus agréables. Pendant que les hommes fe divertilTent à la chafie , ou à 1 pefche, elles 's'occupent à coudre des habits, & à faire de rentes, des paniers, & tous les petis meubles, qui fontnecci faires au ménage. Elles prennent aufli un grand foin ûti tis Enfans ,' & fi elles font obligées de changer de deme. de fuivre leurs Maris en quelque voyage, elles les portent o: les conduifent par tout où elles vont, & pour les d&fcoaayi par le chemin, & les appaifer lors qu'ils cnenr, elles oi:c de pc tis Tambours , qui font couverts de velTies de Poilïons , fu léquels elles s:avent faire de fi bons accords , que ceus de Tambours de Bafque , ne font pas plus dous, ni plus agreablei Elles lers Tonnent aufli , pour donner l'épouvante , «5c fait prendre la fuite aus Ours , & aus autres Belles farrouches, qi viennent fouvent roder prés des cavernes, ou ces Sauvage fe retirent avec leurs familles durant l'hyvcr^ ou à l'cntoi; des tentcsfousléquelles ils logent pendant l'été. Nous avor fait mettre en ce lieu,le pourtrait d'une de ces femmes vêtue d plumes, duquel on pourra inferer la grâce quelcs autres peu vent avoir. Encore que ces pauvres Barbares n'ayent pas beaucoup d police, ilsont'neantmoinscntrc-cux des Roytelcrs & desCî pitainesqui les gouvernent, & qui prefident. à toutes leui aflernblees. Ils élèvent à ces dignitez ceus qui font les miei faits de corps, les meilleurs chaiTeurs, & les plus vaillan Ils font couverts de plus belles peaus, & de plus prccicu$ fourrures que leurs fujets, & pour marque de leurgrandcii ils portenume en eigne , en forme derozede broderie, t quel Chap, t$ i © g s 1X3 M .Asti kfr&&% . quelle eft coufuè au devant de leur cafaqûe, & lors qu'ils marchent, ils font toujours efcortez de plufieurs jeunes hom- mes, qui font armez d'arcs & de flèches, & qui exécutent fide^ lement tons leurs commandemens. Il n^ont point ilnduArie de bâtir des màifoils$ mais du* rant l'été, ils demeurent à la campagne fous des tentes de cuir^ k'quelks ils portent avec eus , pour les drefTer en tous les en- £ e -droits tW ai* Histoire Naturelle, Chap. is droits où ils trouvent bon de camper : & pendant l'hyvei ils habitent dans des cavernes , qui font faites naturellemeni dans les montagnes, ou qu'ils y ont creufécs par artifice. Ils ne fement , ni ne recueillent aucuns grains de la terre, pour l'entretien de leur vie. Ils n'ont point aufli d'arbres, ou de plantes qui leur portent des fruits , qui foyent bon* à man- ger, horsmis quelque peu de fraifes , & d'une efpece de Pramboifes : mais ils nefubnftent, comme nous l'avons déjà .infinué , que de leur chaiTe ôcdelcurpefclie. L'eau toute pu- re cû leur boifibn ordinaire, & pour leur plus delicieufe re- gale , ils boiv ent le fang des chiens de mer , & celuy des Cerfs, & des autres animaus de terre qu'ils ont abbatus, ou qu'ils ont fait tomber dans les pièges, qu'ils leur fçaventdrelïer, avec un mcrveillcus artifice. L'Hyver , étant lî long. & fi rigoureusen cette contrée où ils habitent, il cil imp.oiîible qu'ils nelbufTrent beaucoup de dizette durant cette trille conftitution de l'année, notam- ment pendant cette affreufe nuit qud Les enveloppe deus mois entiers ^ mais outre qu'au befoin ils fupportent aifément la faim, ils ont tant de prévoyance y qu'ils font fécher en elle le furplus de leur pefche & de leurchafle, cV le mettent en referve , avec toute la graille , & le fuif , qu'ils ont pu ramaf- fer, pour la provifion de cette fâcheufe & ennuyeufefaifon, On dit même, qu'ils font fi adroits à faire la chalTe à la fa- veur de la Lune, que durant les plus épaifies ténèbres qui les couvrent , ils font rarement dipourveus de viandes fraîches. Us n'ont pas la curiofité de voir d'autre pais que celuy de leur naiflancej & s'il arrive que quelque rudetempefte , ou quelque autre rencontre, les ait pouffez en quelque terre étrangère , ils foûpirent perpétuellement après leur chère patrie, & ils ne fe donnent point de repos , jufquesà ce qu'on les y ait rétablis: que û l'on refufe, ou qu'on diifere trop à leur accorder cette grâce, ils eflayent de s'y rendre au péril de leur vie, à la faveur de leurs petis vaifleaus , dansléqucis ils s'expofent à tous les périls de la Mer , fans autre guide que celle des Etoiles, dont ils ont allez de connoillancc, pouf ieglcr leur navigation fur leur cours. L< Chap.is des Iles Antilles» ±i^ Le langage dont ils fe fervent , n'a rien de commun avec celuy de tous les autres peuples de la terre. Nous en avons un petit Vocabulaire : mais de peur de groiTir un peu trop cette digreftion , nous le referverons parmy nos mémoires, jui'ques à ce qu'un fécond voyage qu'on projet- te pour ce d'étroit, nous en ait donné de plus claires lu- mières. On n'a pas encore pu bien remarquer, qu'elle forte de re- ligion eft en ufage parmy ces pauvres Barbares : mais par ce qu'ils regardent fouvent le Soleil , & qu'ils le montrent avec admiration , en élevant leurs mains en haut, on a inféré de-là, qu'ils le tenoient pour leur Dieu. , , Le Navire qui nous a fourny cette Relation, retourna de ce d'Etroit de Davis chargé de plufieurs bonnes Marchandifes, déquelles nous mettrons icy la Lifte, pour montrer que le froid qui règne en cette contrée n'eu pas fi rigoureus, qu'il j ait gelé toute forte de commerce. 1. Neuf cens peaus de Chiens de mer, longues pour la plupart de fet à huit pieds , marquetées , & ondées de noir, derous, de jaune , de tanné, & de plufieurs autres couleurs, qui relevoyent leur prix , par deflus celles qu'on voit commul nemjnr en Hollande. 2. Plufieurs riches peaus de Cerfs, d'Helans , d'Ours, deRenards , de Lièvres, & de Lapins, dont la plus grand- part étoit parfaitement blanche, 3. Un grand nombre de precieufes fourrures , dediver- fes Bettes à quatre pieds , qui font toutes particulières à cette région , & qui n'ont encore point de nom parmy nous. 4. Plufieurs Pacquets décodes de Baleine, d'une longueur extraordinaire. 5- Des Habits complets des Habirans du pais, dont les ns étoientde peaus, & les autres de dépouilles d'oifeaus , & de ia figure que nous les avons reprefentez. 6. Plufieurs de leurs Chemifes, faites de veffies de Poif- fons, fort proprement coufuës, de leurs bonets:, gants, ôc bottines, de leurs carquois , fié hes , arcs, & autres armes dont ils fe fervent, comme auffi plufieurs de leurs tentes, de E e 2 leue *2& Histoim Naturelle, Chap. n Leurs facs , de leurs paniers & autres -pctis mcubies , dont ils ufent çn leur ménage. 7. Un grand nombre de ces petis vaiflTeaus de mer, qui font faits pour porterunfeul homme. Un grand Battcau long de quarante cinq pieds, qui pouvoit porter commodément cinquante perfonncs. 8. Mais ce qui étoit de plus rare & de plus precicus, c'e'toit une quantité bien confiderable de ces dens, ou cor- nes de ces Poiflbns qu'on appelle Licornes de mer, qui font eftime'cs les plus grandes, les plus belles , & le mieux pro- portionnées, de toutes celles , qu'on avoit veuès julques à prefent. On en a envoyé quelques unes à Paris , & en d'autres en- droits de l'Europe, qui y ont eue bien reccués: mais il y a: grande apparence qu'elles feront encore plus prifées , quand on aura laconnoiflance, des admirables vertus qu'elles ont en la Médecine. Car bien-que leur beauté , & leur rareté', leur doivent faire tenir le premier rang entre les plus pre- cieufes rieheftes des plus curicus cabinets: plufieurs célè- bres Médecins & Apoticairesde Dannemark , & d'Arllemaig- ne, qui en ont fait les effays endiverfes rencontres, témoig- nent conftamment, qu'elles chaflent le venin , & qu'elles ont toutes les mêmes proprietez, qu'on attribue communé- ment à la Corne de la Licorne déterre. En voila afles , & peuteftreque trop au goût de quelques-uns , pour unefim* pie. digreiïion. GIA- Chap. 19 des Iles Antilles, 2235 CHAPITRE DIXNEUV1EME. Tes Toijfons couverts de croûtes dures , au lieu de peau & dk ailles : de plujieurs rares Coquillages : images des corps les plus confîderables qui ornent les cieus, ou qui volent parmy les airs , ou qui embeliflent laterrç : d'où' vient qu'on y trouve, comme nous le verrons en ce Chapitre, des. Etoiles , des Cornets, des Trompettes P des Porcelaines, E.&-' 3b des- "1 fi sas Histoire Naturelle, Chap. 19 des Arbres , des Pommes , des Châtaignes , & toutes les plus ravivantes curiofitez , qui font prifées parmy les hommes. Or pour commencer par les Poiflbns, qui font couverts de croûtes dures &fohdes au lieu décailles, ou de peau. 11 y en a plufieurs efpeccs en la Mer, «5c aus Kiviercs des Antilles. On fait particulièrement état, des Homars, des araignées, \ ARTI- Chap. i£ des Iles Antilles, %z& ARTICLE lit Des Cancres. L'Es Cancres ordinaires des Antilles, font de la même for- me que ceus qu'on pefche es coftes de France. H y en a de différente grofleur, mais ceus qui font les plus rares , font ceus qui vivent de proye. Ils font affez communs en la plu- part des Iles, fur tout aus Vierges. Ils fe tienent fous les tronc des arbres du rivage de la mer: & à l'exemple de ces Grenouilles qu'on appelle Pefcheufes , ils épient de leur fort les Huîtres & les Moules, pour en faire curée, & ils s'y pre- nait par cette rnfe merveilleufe. C'efl qu'ils ont reconnu que leurs mordans & leurs défenfts , n'ont pas affez de force pour rompre les coquillages qui couvrent ces Poiflons déli- cats. De forte, qu'ayans aufîl remarqué qu'ils ouvrent plu- Ceurs fois lcjour leurs écailles, pour prendre le frais , ils en épient foigneufément le tems , & s'étans garnis d'un petit caillou rond , qu'ils ont choifi dans le gravier , ils te tiennent preft en L'une de leurs tenailles, & s'aprochans de THuitre, ou de la Moule, le lailTent tomber avec tant d'adreffe dans fa> coquille entr' ouverte, que ne fe pouvant plus refermer, le Poifion demeure la proye de ces fins chafTeurs. Quant aus Coquilles que l'on trouve en ces Iles, dans les ances où la mer les pouffe, elles font en grand nombre, & de plufieurs fortes. Voicy les plus recherchées & les plus eonfiderables, ARTICLE IV. Du Burgau. LEBurgait, quia la figure d'un Limaçon , étant dénué de la première croûte qui le reveft en dehors , prefente une Coquille argentée , & entrelacée de taches d'un noir luifant, d'un vert gay, & d'une grifaille fi parfaite & fi lufrrée, qu'aucun émailleur, n'ea s'auroit aprocher avec tout fon artifice. Si tpâ r'T zxi? Histoire Naturelle, Chap. u que le Poiflbn , qui a l'honneur de loger fous ce precicus cou- vert, en a quitté lapofTefiïon , on voit d'abord une entre'* magnifique , encroute'e de perles : & en fuitte plufieurs riche! appartenons , fi clairs, fi polis, & émaillezpar tout d'un ar- gentfivif, qu'il ne fe peut tien voir de plus beau, en matière de Coquillage. ARTICLE V. Du Cafquc; LE Cafque , qui eft de différente groflfeur, à proportion des telles de tant dePoifionsqui en font revêtus , eft ainfi nommé à caufe de fafigure. Il eft double pardedans&fui les bords, qui font épais , plats , & defïtelez , d'un fatin incar- nat, extrêmement luifant. Et par le dehors, il eftfanonné d'une agréable ruftique, relevée de plufieurs petites bofics, qui font entrelacées de mille compartimens , fur léquels on voit ondoyer un pannache, dediverfes rares couleurs. ARTICLE VI. TH4 Lambis. LE Lambis , a peutr-eftre reçcu ce nom, à caufe que le Poif- fon qui le faitmouvoir , a la figure d'une grotte langue, qui lèche cette humeur gluante , qui s'atache fur les rochers que la mer baigne de fes flots. C'eft un des plus gros Coquil- lages qui fe voient. 11 eft retroufle par l'un de les bords, comme pour faire mieusparoitre , la belle couleur pou rprinc qui l'enrichit au dedans. Mais , il faut avouer que fa mafl< étant a(Tez groffiere , & heriflee par deiïus de plufieurs boite: rudes (Se pointues, Juy fermeroit la portedes cabinets , fi l'an tifice en luy enlevant fa première robe, ne découvroit 1; bigarrure & la politefle de lécaillc marquetée, qu'il porte fou cet hubit de campagne. Le Poiiibn , qui loge fous les caver ncs de cette petite roche mouvante , eft ii gros, qu'il en fau peu pour remplir un plat. 11 peut être admis fur les table de Chap. 19 des Iles A n t i l le s» %V$ des délicats, pourveu qu'il foit bien cuit, & encore mieus poyuré, pour corriger fonindigeûuon. Etpourproflterdefa •dépouille, étant calcinée & méfiée avec du fable de rivière, on en compofe un ciment , qui refifie à la pluie & à toutes les injures du tems. Ce lambis auffi , s'entonnant comme un Corde chaûe , & s'entendant de fort loin , quelques Habitans des lies s'en fervent , pour apeller leurs gensaus repas. Et les Indiens de l'Amérique Septentrionale, l'ayans réduit en chaus, & méfié avec une certaine terre minérale, qu'ils tirent des montagnes, en forment ces beaus pavez de leurs cabanes, dont Jious parlerons en ion lieu. A R T I CLE VIL Des Porcelaines, LEs Porcelaines y doivent être rangées entre les plus rares productions de l'Océan : foit que l'on confidere cette agréable politefle, dont elles font iiilees & au dehors & aà dedans $ foit que l'on fafie réflexion , fur tant de différentes & de vives couleurs, dont elles font revêtues. Elles replient leur bord dentelé, & le roulent en dedans, & bien qu'elles foient plus ou moins luârées, elles font toutes d'une même figure ovale, entrebâillantes au milieu, & recoquillées pat le bec. Mais il s'en trouve , qui font fort différentes en grof~ fèur& en couleur. Les plus ordinaires, font d'un jaune doré, marqueté de pe- îites.taches blanches ou rouges, ÔcTondiroit de loin que ce font des marques de perles, ou de grains de coral. On en voit aufli de bleuâtres, détoilées, de grisâtres, de cryitalines , & de couleur d'Agate, qui ont toutes un œil fort attrayant. Mais celles qui font les plus eilimées des curieus, font de coraline incarnate au dehors, & argentées au dedans : ou bien elles font parées d'un beau bleu celefte au dedans, & d'un, riche porfirc au dehors, rayéez de petis filets d'orez. On prife aulïï avec raifon , celles qui font par deflus d'un vert lui* fant comme émeraude, & emperlées dans l'intérieur, au bord, & en leurs canelures. L'on mer aulïïdans ce même rang , cel» £f te âz6 Histoire Naturelle, Chap.ij les qui font fur le dos d'un noir luifant comme j'ayct, & quan aurefte, émaillées d'un bleu mourant, entrelacé de petite; veines de pourpre. Enfin, il y en à qui font chamarrées de tant de vives cou» leurs , qu'il fcmble que lare- en-ciel, air imprimé fur ces péri tes créatures, un racourcyde Tes plus ravifiantesbeaatez : II 3 enaulîi une infinité d'autres , qui font diverfihéesde tant d( chifres°rotefques, qu'il eftà croire que la nature étoii en fa plus gaye humeur, quand elle s'eftmife à produire ce< merveilles, Mais le mal eft , que la mer qui les poiTede comme Tes pluj precicus joyaus,nes'endelTaifit pas volontiers, & femblenc lesdonner qu'àcontre cœur. CarfLles vensnelametroycni quelquefois en colère , & qu'en fecoùant fes entrailles, ils ne foùilloyent jufques au. fonds de fes tréfors , pour les enlevei par force, elle jouïroit toute feule de ces richefTes ôc de ces beautés, fans nous en faire jamais départ. Les curieus pour enrehauffer le luftre , les placent félon leur rang , & leur prix , dans de différentes cafletes doublées de velours vert , ou de quelque autre riche étoffie. Et a limi- îation.desFleuriftes, qui qualifient leurs Tulipes & leur Oeil- lets, des noms des Cefarsôc des plus illuftr.es Héros j ils leuï font porteries titres des Empereurs & des Princes. ARTICLE Vit L Des Cornets de LMer.. ON voit encore aus Antilles, de deus fortes de ces gros Coquillages y que l'on appelle Cornets de Mer, qui font tournez par le bout en forme de vis. Les uns font blancs comme de l'yvoirc, & ne cèdent en rien à fon luftre. Les au- tres font enrichis par dedans d'un gris de perle , extrêmement Juifanr, & par dehors dé plufieurs belles & vives couleurs, qui fe terminent quelquefois en écailles , ou fe répandent en forme d'ondes, qui fe ooufl'ent & qui flottent les unes fur les autres, depuis le boni de la. large ouverture dedetftis, juf- ques.à lapointe entortillée où elles meurent. Si l'on perce ces Cor* Cha-p. 19 des Iles Antilles.' îzif Cornets par le petit bout, on en fait une cfpéce d'infiniment demufique, quirend un fon aigu & pénétrant, & qui étant pouffé parlesdiverfess'inuofitésdece Coquillage, fe fait en* tendre de loin , comme feroitceluy d'un clairon. Mais , il y à du fccret.,à compaflcrle foufle qu'il faut, pou ries faire jouer. La mer , auiïi bien que les Archite&es , fe plait à produire des ouvrages de diverfe ordonnance. Quelquefois elle en fait à la ruftique, qui font tout nuds , & ont fort peu d'ornemens ? Puis elle en fait de compofez par un mélange des ordres , qui viennent au fecours les uns des autres, avec tant de mignardife &dedelicatefie, qu'il n'y a rien de plus agréable à l'œil. Cela fe remarque en une infinité' de Coquilles , qui font diverfifiées décent mille grotefques. Onypeut remarque r des laqs en- trcnoiïez, des efpéces de fruitages , des faillies hors d'œ livre, des culs de lampe, des pointesde diamant , des goûtes pendan= tes,deseguilles, des clochers, des pyramides, de'scolomnes, des fufées, des chapiteaus , des moulures & une infinité d'au* très fantaifics, & d'autres morefques, qui donnent fujet d'en- tretien & d'admiration auscurieus. Comme en effet, l'on 'ne s'auroit jamais afles admirer par ces échantillons , la mcrveil- leufe diverfité, de tant de riches ouvrages , que les eaus refet« vent dans leurs ptofons cabinets. ARTICLE IX, De la Nacre de perle: LEs Coquilles ne donnent pas feulement un divertiffe- ment agréable , qui porte les hommes , par la considéra- tion de ces petis, mais admirables ouvrages delà nature, à bénir celuy qui en cil l'Auteur. Mais après avoir contenté les yeus, elles fournirent aufïi dequoy fatisfaire le goût, & dequoyaccroiftreles tréfors. Car les Huîtres & les OHoules fervent aus délices destables : & /' Ecaille Nacrée ou la TÇjcre de perle, eft groOe de la Perle , qui enrichit les couronnes des Rois. 11 eft vray que ces Perles ne fe trouvent qu'en femenec aus Antilles, & que c'eft l'Ile de la Marguerite, & îà cofte Mé- ridionale de T Amérique, qui ont le bonheur de les recueillie Ff z entie- arz* Histoire Naturelle, Chap. i entièrement formels. Mais fi les Antilles ne voyent point c precieus germe fe durcir en groffes Perles , ces riches Co quilles, ne les biffent pas pourtant fans quelque avantage Car elles leur offrent pour nourriture le corps qu'elle enferment, & les deus parties de leur écaille argentée four nifiènt chacune une cuëillier, qui peut paroitre avec "cela fur la table. 11 efl malaifédedire, fi la rofée qui tombe aus Antilles n'eft pas affés féconde pour faire que les M ères Perles, ypro duifent leurs fruits en perfection : Ou fi après avoir reçc cette femence des cieus , ellesauortcnt, & n'ont pas afies'd force naturelle pour la retenir. Mais fans rechercher d qu'elle part vient le défaut , il eft afifuré qu'elles ont une auf forte inclination à fe délivrer de l'oprobrc de la ftcriiité , qu celles qu'on péfcheaus coftesde la Marguerite. Car fi on i veut donner la curiofité d'épier leurs lecrettes amours , d deflus les rochers au pied déquels elles iéplaifent, on aper ceura qu'au lever de l'Aurore, elles s'élancent plufieurs foi fur la furface de l'eau, comme pour faire hommage au Sole] levant: Puis toutà coup, on verra qu'elles ouvrent leur fein & qu'elles s'épanoviffent fur ce lit mollet, pour attendre le premiers rayons de ce bel aftre. Que fi elles font ailes heu reufes, pour recevoir quelques goûtes de la rofée, qu'il rai diflillerdes cieus à fon lever, elles referment promtémen leurs écailles nacrées , de peur que quelque goûte d'eau faléd ne vienne à corromprece germe celefie. Et puis elles fe re plongent alégrement au fonds de leur couche*. Un Auteur nommé Fragofus , eftime que les Perles s'en gendrent dans la chair de l'Huitre , comme la pierre dan: quelques animaus , d'une humeur crade & vifqueufe, qui refh de l'aliment. Quelques Dodes Médecins , qui font aufl] dan Jemêmefentiment, appuyent cette opinion , fur ccquejofc à Cofta, Ecrivain fort croiable pofe pour confiant, aflavoir que les Efclaves qui pcfchent les Perles, plongent par foi ;ufques à douze b rafles dans la mer , pour chercher les Hui très , qui d'ordinaire font attachées aus rochers : qu'ils le arra.hcnt de-la , & reviennent fur l'eau en étant chargez d'où Us couciuent que du moins on ne peut pas dire , que ce Huitres £hap. ï9 des Iles Antil l e s. '&àfr Huitres-là, qui font attachées aus rochers, hument la rofée, & que par là fe faiTe la génération des Perles. Mais fans entrer en conteftation avec ces Meilleurs , & fans rejeter absolument leur opinion, laquelle a fes fonde- mens : On peut dire que le récit tres-veritable d'Àcoftarou- enant lapefche des Perles , ne fait du tout rien , contre leïen- ttment communément reçeu de leur génération : Car il Te peut faire, que les mères Perles qui ont conçeu de la rofée , fe s'entant chargées de ce precieus fruit, n'ayent plus d'incli- nation de fe faire voir fur la furface des eaus • & qu'étant con- tenes du trefor qu'elles poffedent, elles s'attachent pour lors fixement aus rochers , d'où puis après, elles font arra^ chées avec violence. ARTICLE X. De fin/leurs autres fortes de Ccquillages, CEusqùi au milieu des Villes^ les plus fréquentées , veu- lent contrefaire des deferts, des rochers, & des iblitudes': ou qui dans les plaines de leurs jardins, veulent élever des montagnes dans lequelles ils creufent des grottes» qu'ils en* croutent de toutes les plus curieufes dépouilles de la mer, & de la terre, trouveroyenr en laplûpartdeces iles , dequéy* contenter leurinclination. Mais il feroitil à craindre , que- l'abondance & ladiverfité, métant en peine leur ehoiz, ne leur en causât du mépris, Car pour parler de quelques-unesp on y voit une multitude innombrable de Trompes de mer „ d'Escargots, & de petis yignels , argentins, étoilez? fanguins, verdâtres , rayez d'incarnat , moucherez de mille forces de couleurs, qui lés font éclater parmy le fable, comme autant de pierres precieufes. Le Soleil rehaufle merveilleufement1 îeurluftre. Et lors qu'après quelque rude tempefte , la mer a- enrichy la furface de ces rivages, de tous ces petis bnllans5 l'œil en demeuré tellement éblou^ , que Ton êil obligé d'a- vouer, que la nature' fait relaite avec majefté fa puuTance , <5c: montre ce qu elle fait faire , en révérant de tant de riches oinemens,& de tant de belles lumières, èsmenues créatures^.. iso- Histoire Naturelle, Chap. i$ Nos Infulaires, ramafient quelquefois par divertiflemeni ces péris joùers de la mer , & en ayanr perce' le bour, ils les en- filent, pour en faire des bracelets ôc des cordons: Mais la plupart des Indiens de l'Amérique Septentrionale, les ont en une bien plus haute efhme. Car ils s'en fervent pour leut trafic & pour leur menu commerce , comme nous faifbns parmy nous, de l'or & de l'argent monnoyé: & ceux là, qui en ont le plus grand nombre, font eftimez les plus riches. Les Coquilles qui fervent à cette ufage, font de médiocre grolTeur , d'une folidité & d'un luflre extraordinaire. Et pour eftre de mife en certains endroits, elles doivent avoir été marquées par des Officiers deftinez à cela , qui y don- nent le prix & le cours, en y gravant de certains petis ca- ractères. ARTICLE XL Coquillage couvert de JS^otes de UMu/ïque; IL y a un Coquillage fort confiderable , queMonfieur du Montel croit que l'on peut trouver en quelcune des Antil- les, bien qu'il n'en aitveu qu'aCoraço. Il eft d'une figure un peu différente des Porcelaines, c;eft à dire un peu plus ramaiTé. On le nommé CWuJical, par ce qu'il porte fur le dos, des lignes noirâtres pleines de notes, qui ont une efpece de clé pour les mettre en chant, de forte que l'on diroit qu'il ne manque que la lettre, à cette tablature naturelle. Ce curieus Gentil-homme raportc, qu'il en a veu qui avoient cinq lig- nes, une clé & des notes, qui formoient un acord parfair. Quelcun y avoit ajouté la lettre , que la nature avoit oubliée, & la faifoit chanter en forme de trio , donc l'air étoit fort agréable. Les beaus efprits , pourroient faire la deflus mille belles confiderations. Ils diroient entr'aimes chofes, que fi félon l'opinion de Pythagore, les cieus ont leur hatmonie, dont les dous accords ne peuvent être entendus à caufe du bruit que l'on fait fur la terre, que files airs retentillent de la mé- lodie Çhap. 19 DES I L E S A N T II LE Si 2$i lodic d'une infinité d'oifeaussqui y tienent leur partie, & que fi les hommes ont inventé une Mufiqueà leur mode, qui char- me les coeurs par les oreilles : aufïi la mer, qui n'eft pas tou- jours agitée, a dans Ton empire des Muficiens , qui chantent d'une faflbn qui leur eft particulière , les louanges du Souve- rain. Les Poètes adjouteroient, que ces Tablatures natu- relles, font celles que les Syrenesavoient en mains dans leurs plus meïodieus concerts : & qu'étant aperçeiïes de quelque œilqui vint troubler leur pafletems , elles les laifierent tom- ber dans les eaus , qui dépuis les ont toujours foigneufement confervées. Mais-laiflant ces conceptions , & leurs fembla- bles , à ceus à qui elles apartienent ,. fuivons le fil de noftre Hiâoirc. A R. T I G L 1 X I i K Des Piertes ans yeux* ENcore qu'on trouve de ces Pierres bien avant en Gref- fe , auflfi bien qu'an bord de la mer : neantmoins puifque la plus commune opinion les tient pour une production des eaus , nous leur donnerons placeen-ce lieu. Qn en voit qui fo t au ffi larges qu'un Lyard $ mais les plus petites font les plus eftiméesv A les confiderer au Soleil , on croiroit que ce feroit de ces perles qu'on nommé Baroques, qui auroyent efté couppées en deus , tant elles font cîaires r. transparentes5 & polies. Il y en a quelques- unes, qui ont de petites, veines rouges ou violettes , qui leur donnent un fort agréable éclat, félon les divers afjpe&s qu'on les regarde. Elles portent tou- tes,, la-- figure d'un Limaçon gravée fur, le cofté qui câ plat. Quand on les met fous la paupière , elles fe; roulent autour de la prunelle de l'oeil; & l'on dit, qu'elles omla vertu de la forti- fier, de redaircir, & de faire fortir promptément les fétus, qui y feroyent tombez, C'eft pourquoy on ksaappcllécs d'un mm, qui monftre leur propriété.. MKTl tu Histoire Naturelle, Chap.i ^** Jiuficat ^PcrccUtnt 'MrvîTigettz marine Chap. 19 des Iles Antilles. 2,3 y ARTICLE XIII. Des Pommes de mer. ON. rencontre en l'Ile de Saint Martin, des Pommes de mer y heriflees d'aiguillons perçans , qui fortent d'une peau brune: mais quand le Poiffon qui les roule eft mort, elles quittent toutes ces épines & toutes ces défenecs , qui leur font désormais inutiles : & laifiantaum* , cette croûte cendrée qui. les envelopoit, elles font montre de la blancheur- de leurs coques, qui font entre-lacées detantdecompartimens&de petites finuofitez, que l'aiguille du plus adroit brodeur, fe trouveroit bien empéfehée fi elle les vouloit imiter. 11 femble que ces Pommes , pourroient mieus être apellées , de petis Hertjfons de mer , ou des Châtaignes de mer : Car étant envie elles font & de la figure, & de la couleur» d'un petit Heriffbn, qui Te forme en boule & qui s'arme de tous fes traits , pour fe rendre imprenable à fon ennemy. Ou bien, elles font fem- biables à ces grolfes & rudes envelopes, armées dépines, qui couvrent la Châtaigne, quand elle eft fur l'Arbre. A R T I C L F XIV. "Des Etoiles de CMer* AConfiderer de prés r toutes les raretez qui fe trouvent en la mer , on diroit que le Ciel ne veuille rien pofieder de beau, qu'il, n'en imprime une reflemblance en la mer, com- me en fon miroir. C'eft pourquoy , l'on y voit des Etoiles qui ont cinq pointes , ou cinq rayons , tirant fur le jaune:, Tout ce beau compofé, n'a qu'un -bon. pied de Diamètre: Son épaifleur eftd'un pouce , fa peau eft afîez dure , & rele- vée par de petites bofies , qui luy donnent meilleure grâce. Si ces Etoiles de mer cèdent en grandeur & en lumière à celles des Cieus,elles les furpafient.en ce qu'elles font animées, ■& en ce que leur mouvement n'eft point forcé , & qu'elles ne fons goint fixes ni attachées en une place. Car le Poiffon * à qui ce G f£ richi £34- H i s t o u î Naturelle, Chap. 1 9 riche domicile étoile ett écheu en partage, Te promené com- me il veut dans l'azur des eaus pendant le calme ; Maisaufli- tôt qu'il prévoit quelque crage, de crainte d'être poufie fur la terre, qui n'eft pas digne de poffeder les Aftres 5 il jette deus petites ancres de fon corps , avec léquelles il s'accroche fi fermement contre les rochers, que toutes les agitations des ondes irritées, ne l'en peuvent détacher. Sa vie eft entretenue par le moyen de la nourriture qu'il prend , par une petite ou- verture, qui luy fert de bouche, & qui eft juftement au centre de Ton corps. Les curieus, tirent ces Etoiles de leur Ciel hu- mide, & après les avoir fechées au Soleil, ils en parent leurs Cabinets, ARTICLE XV. Des ^Arbres de Mer, L Es bancs des Rochers, qui font couverts d'eau, ne peu- vent foufrir la fterilité, & nonobftant la falure qui les baigne inceflamment , ils féforcent de produire parmy l'herbe qui les reveft , des Arbres qui font incontinent glacez d'un Salpêtre , qui les rend blancs aupoflible. Quelques uns les prenent pour une efpecedeCoral. Onenarrache detoutes figures , & de fi bien fauonnés , que l'œil ne fe peut lafler, d'en confiderer les grotefques. ARTICLE XVI. Des Panntches de Mer, IL y a aufïidcs Pannaches, qui font par manière de dire com- me les bordures de ce grand Jardin liquide , qui n'a jamais befoin d'être arrofé. Elles font tiiîucs fort délicatement, en forme d'un riche point-coupé. Et félon la qualité des Ro- chers où elles ont leur racine, elles font aulïi de différentes couleurs. 11 feroit feulement à defirer, qu'elles eufient un peu plus de folidité , pourfouftnr le voyage des lies , en ces quartiers. CHA- Histoire Naturelle, Chap. 26 CHAPITRE VINTIEME. T>e l* jfmlre gris $ De fin Origine <& des marques de celuy qui eiï bony eft particulièrement renfermée , er certaines glandules qui font aus Emondoires , qu'il a fous les cuiffes, & qui eftant arrachées confervent encore long-tenu cette odeur, Ileftàcroire, que Dieu leura donné cette len- teur, afin que l'homme & les autres animaus , aufqueis c< monftre camacier fait une cruelle guerre , puifient àl'odeui difeerner le lieu où il fc cache , & s'en donner garde. Cens qui vivent en la Mer, ne fenrent point le Mufc , mai; ies-nns& les autres font cxtremcmeîuàcraindre.quand on f< baigne ,. ou qu'on eft contraint de parïer quelque rivière à \i nage. Cet horrible Monftre., a.une rufe pour faire cru :éc de: Eœufi €hap. 21 0. e s >• I l e s A n n ttï^ 2^ Boeufs <5ç des Vaches. Ç'eft , qu'il fe me racrsàguÊts *us en- droits des étangs, ou des Rivières d'eau douce, où ces animaus ont coutume d'aller boire. Et quand il en apperçoit quelcun âfon avantage, il ferme les yeusàdemy, &fe laine comme emporter au fil de Feau, reffemblant ainfi à une greffe pièce de bois pourry qui flotte. Par ce moyen s'étânt approché peu a peu de la pauvre bette qui boit, & qui ne fe donne pas garde de Luy, la prenant en trahifon, il s'élance tout à coup, cYlafaifif- fantprontément par les babines , ilfatire d'une telle furie âli fons de l'eau, qu'il ne la quitte point, qu'ellene foit noyée, & puis il en fait fon repas. Il n'attrape pas feulement les belles, mais auffi les hommes par cette rufe. Témoin ce que recite Vincent le Blanc, du ferviteur d'un Conful d'Alexandrie, qui Voulant prendre une de ces beftes cruelles , qu'il eftimoit eftre une pièce de bois, fut emporté par elle au fonds de Teau, fans qu'il ait jamais paru dépuis. Mais , ils ne contrefont point au milieu des rofeaus où ils fe tiennent cachez , les plaintes & les gemiflemens des hommes comme cens du Nil ? pour atirer H h à dans 3uMr Histoire Natuheljle, Chap.sx dansleurs pièges tes pauvres pafians, qui touchez decompafc fions fc détournent de Leur chemin i, pour aller au fëcours de cespretendus afligez. Le pais de l'Amérique, ne produit pas auilides lchnettmons-y .qui étans les ennemis irréconciliables decemcnftre, ont auilile courage & lad'exterité.dèluy.dé. chirer les entrailles, . . On voit fur tout abondance de ces- Monftrueus Crc^dileS] ans Iles qui pou* ce fujet ont efte nommées les lies du-Cay* man , & qui ne font frequente'es qu'au tems que l'on va tour- ner la Tortue: Car à caufe qu'après que l'on a prislameil leure chair de la Tortue , on laiffelerefte a l'abandon , ce Crocodiles viennent à troupe pendant la nuit, fe repaitre de inteflins & des Carcalïes qu'on a laiflez fur le fable. De forti que ceus qui font en garde pour tourner la Tortue, font obli gez de porter de gros leviers de bois , pour fe parer contrece Cayemans , qu'ils affomment le plus fouvent , après qu'ils leu ont rompu ledos avec ces leviers. Ces Animaus ont une graifle blanche, d*ont autrefois la Médecins fe fervoient pour refoudre les fluxions-, qui procc, doient d'humeur froide 5 parce qu'elle eft chaude, & qu'elle eft compoféc de parties fubtiles. Et par la même raifon, on ei frottoit les makdes dans l'accès de la fièvre , pour leurpro voquer la fueur. Pline recite mille autres proprietez qui f rencontrent au Crocodile, pour la guerifon des maladies uelques uns, recerchent foigneufement certaines petite: pierres en forme d oflelcts qu'il a en fa telle , & les aiant redui^ tesen poudre, ils en ufentpourchaifer lagravelle desreins On dit aufli que les dens plus pointues de cet Animal , qui fon à cofté.de chaque mâchoire, font paiTcr la douleur des dens , S les empefehent de pourrir- pourveu qu'on ait foin de les frot ter tous les jours avec ces dens Canines. Ainfi la teftc.des Dra gons, &desCrapaus, renferment des Pierres d'une merveil leufe vertu, contre plufieurs maus. Et ainfi ces cruels Re quiems que nous avons décrits cydeflus, fourniflent un re medecontrela.pierre & lagravelle. Le fage Auteur de la na ture aiant voulu, que nous reccullions quelque utilité' , de: chofes mêmes les plus contraires. Le Çhap.2i des Iles An.tilies.i- 24 5n LesChinois , favent prendre & apprivoiferees Crvcodites, à ce que difent les Hiftpriens. Et. quand ils les ont nourris quelque tems chez eus , «3c baen engraiflez , ils les tuent & les mangent* Mais les Européens qui en ont goûté , difent, que cette chair bien que blanche & délicate, n'eit pas agréable,, garce qu'elle eft fade, & douçâtre & par trop mufquèe. ARTICLE I h Des Tortues Franches. ON prend en ces Iles plufieurs fortes de Tortues de terre, 'de mer i &d'eaudouce, qui font de différentes figures; Les Caraïbes les nomment toutes Catallou, mais quand ils parlent de celles de terre, ils ajoutent le mot de 7\(jnum , qui fignifie la terreen leur langage $ ou celuy de Tona , c'efïà dire de rivière, ou d'eau* Les Tortues de mer , fe divifent ordinairement par les In— fulaires en Tortue Franche ,.. en celle qu'ils nomment Caomnne-i & en Caret. Elles font presque toutes d'une même figure j Mais il n'y a que la chair de la première efpece, qui foit bonne àmanger , fi ce n'eft en necefllté, & à faute d'autre chofe : de même, qu'il n'y a que lécaillede la dernière, qui foit de prix; Les Tortue s -Franche s &les Cao'ùannes :-, font le plus fouvenî d'une grolTeur fi demefurëe , que la feule écaille dedeflus a environ quatrepieds & demy de longueur , & quatre de large» Dequoy il ne fe faut pas étonner, veu qu'en l'Ile Maurics oa en rencontre, qui peuvent marcher portant quatre hommes: Qu'Elian recite, que les habitans de l'Ile Taprobane , en cou- vroient leurs maifons :. Et qu'au rapport de Diodore de Si- cile, certains peuples des Indes Orientales , s'en fervent com-^ me de petis Bateaus , fur léqueis ils paiïent un d'étroit jde mer> qui les fepare de la rerre ferme. Ces Animaus Ainfîbies, ne* viennent gueres à terre que pour pofer leurs œufs: Ils choififient pour cet effet un fable. fort dous , & fort délié, qui foit fur le bord de la mer , en ua endroit peu fréquenté, Ôc où ils puiflent avoir un facile accès. H:'ft-|B L'«« M& Histoire Naturelle, Chap. ax Les Infulaires , qui vont en certain tems de l'année aus Iles du Cayeman, pour faire provifion de la chair des Tortues qui y terrifient en nombre innombrable , difent, quelles y abordentde plus de cent lieues loin, pourypofer leurs oeufs, à caufe de la facilité du rivage qui eft bas , & par tout couvert d'un fable molet. Le terriffage des Tortues commence à la fin du mois d Avril, & il dure jufqucs à celuy de Septembre» & c'eft alors que l'on en peut prendre en abondance , ce qui fe fait en cette forte. A l'entrée de la nuit , on met des hommes à terre , qui fe tenant fans faire de bruit fur la rade , guettent les Tortues lors quelles fortent delamerpour venir pofer leurs œufs dans le fable. Et quand ils apperçoivent qu'elles font un peu éloig- nées du bord de la mer, & qu'avec leurs pattes elles font au fable un trou profond d'un pied & demy, & quelquefois d'avantage pour y pofer leurs ceufs; pendant qu'elles font occupées à fe vuider dans ce trou , ces hommes qui les épient les furprenant, les tournent fur le dos; &cftant en cette po- ûurc, Chap. 2i des Iles Antilles 247 fttirc , elles ne peuvent plus fe retourner, & demeurent ainfê jufques au lendemain , qu'on les va quérir dans les chaloupes pour les apporter au Navire. Lors quelles font ainfi renver- fées fur le dos , on les voit pleurer , & on leur entend jettcr des foupirs. Tout le monde fait , que le Cerf pleure, lors qu'il eft réduit ans abois. Et c'eft une chofc presque incroiablc, de cris & des gemirTemens, que pouffent les- Crocodiles du fleuve du Nil , & des l'armes qu'ils répandent fevoians pris. Les Matelots des Navires qui vont en ces Iles âuCdyeman% pour faire leur charge de Tortues , en peuvent facilement tourner chaque foir , en moins de trois heures , quarante ou cinquante-, dont la moindre pefe cent cinquante livres , & les ordinaires deus cens livres , & il y en atelle , qui a deus grands feaus d'œufs dans le ventre. Ces œufs font ronds, de la grof- feur d'une baie de jeu de paume: lis ontde la glaire & un moyeu f comme les œufs de poule , mais la coque n'en eft pas- ferme , mais mollaffe comme fi c'étoit du parchemin mouillé. On en fait des fricaffées, & des amelettes qui font affés bon- nes y mais elles font plus féeries & plus arides, que celles qu'on fait avec des œufs dé poule. Une feule Tortue a tant de chair , qu'elle eft capable de nourrir foixante hommes par pur. Quand^ on les veut manger , on leur cerne l'écarlle du ventre, que leslnfuiaires appellent le plkftron âedeffom , qui- eft uni a celuy de de (fus par de certains cartilages, qui font aifés à couper Tout le jour, les Matelots font occupés à mettreenpieces-& à faler les Tortues, qu'ils ont prifes la nuit. Lapluspart its Navires qui vont en ces lies du Cayeman, après - avoir fait leur charge, c'eft à dire après fix femainesou fj|ss mois de demeure, s'en retournent aus Antilles, où ils ven- dent cette Tortue falée , pour la nourriture du commun peu* pie & des Efclaves. Mais les Tortues qui peuvent échapper la prifé, après avôitr pondu leurs œufs à deus ou trois reprifes , s'en retournent au iieu d ou: elles eftoient venues. Les œufs qu'elles ont cou* verts de terre fur le rivage de lamer, étans écîos au bout de- ux femaines par l'ardeur du Soleil, & nonpar leur regard, - comme Pline & quelques anciens fe font imaginez autrefois; " aufti tôt que les petites Tortuësxant briie la< Coque, qui les te- noiff 24* Histoire Naturelle, Chap.21 noitenvelopée:, elles percent le fable, &fortent de ce tom- beau qui leur a donné naiflance , pour fe rendre droit à la mer auprès de leurs mères , par un inftin£t qu'elles ont reçeu de la nature. Lachair de cette efpéce de Tortue, eft aufïî délicate que le meilleur veau , pourveu qu'elle foit fraiche , & qu'elle foit feulement gardée du jour au lendemain. Elle eft entremeftée degraifle, qui eft d'un jaune verdâtreeftant cuite. Elle eft de facile digeftion, & fort faine 5 d'où vient, que quand. il y a des malades, s'ils ne peuvent fe guérir aus autres lies, on les fait pafleraus lies des. du Cayeman-, dans les Navires , qui en vont faire la provifion. Et le plus fouvent , ayans efté rafrai- chis& purgez par cette viande, ils retournent en bonnefanté. Lagraifiedecette forte de Tortue , rend une huile qui eft jau- ne, & propre à frire ce que l'on veut, lors qu'elle eft fraiche, ïtant vielle, elle fert aus lampes. ARTICLE I î I. Des Tortues qu'on Appelle Caoùannes. LA Tortue qu'on nommé Caoùanne, eft de même figure que la précédente , horsmis qu'elle a latefteunpeu plus grofle; Elle fe met en defenfe lors qu'on la veut approcher pour la tourner: mais fa chair étant noire , fillafeufe, 6c de mauvais goût, elle n'eft point eftimée qu'à faute d'autre: l'huile qu'on en tire n'eft auffi propre, que pour entretenu les lampes. ARTICLE IV. Des Tortues qu'on appelle Carets. QUant à la troifiéme efpéce de Tortue demer, nos Fran- çois la nomment Caret. Elle diffère des deus autres ei grofl'eur, étant de beaucoup plus petite, & en ce qu'elle n pofe pas fes oeufs dans le fable 5 mais dans le gravier , qui cl méfié de petis caillons. La chair n'en cil point agréable , mai le Chap. 21 des Iles Antilles. 24:9 les œufs fon plus délicats , que ceus des autres efpéccs. Elle feroit autant négligée que la Caoùarmc* n'étoit que font écaille £>recieufe,lafaitfoigneufement rechercher. Elle eft compofec -de quinze feuilles tant grandes que petites , dont dix font plates 5 quatre un peu recourbées, ôc celle qui couvre le col, eft faite en triangle cave, comme un petit bouclier. La dépouille d'un Caret ordinaire, pefe trois ou quatre livres: maison en rencontre quelquefois, qui ont lécaille fi epaifle, & les feuilles fi longues , & fi larges, qu'elles pefent toutes en- femble, environ fix ou fét livres. C'eft de cette écaille de Caret, qu'on faitàprefenttantde beaus peignes, tant de belles coupes , de riches boettes, de caflettes , de petis Buffets , & tant d'autres excellens ouvra- ges , qui font eftimez de grand prix. On en enrichit auflï les meubles des chambres , les bordures des miroirs , & des ta- bleaus, & pour leur plus noble ufage, on en couvre les petis livres de dévotion , qu'on veut porter en la poche. Pour avoir cette precieufé écaille, il faut mettre un peu de feu de'- fous le plaftron de delTus, fur lequel les feuilles font attachées ; car fi tôt qu'elles fentent le chaud, on les enlevé fans peine, avec la pointe du couteau. Quelques uns afîurent , que cette efpece de Tortue cû tel- lement vigoureufe, que fon écaille lui étant ôtée, ilenre- naift bien tôt une autre , s'y on la remet incontinent en la mer. L'abondance du Caret , fe trouve en la Peninfuie de Jucatan , ôc en plufieurs petites lies , qui font dans le golfe d'Hondures. Ce qui fait voir, que le bon Pirard étoit mai informé, lors qu'au Chapitre deuxième, de fon traittè des animaus &des fruits des Indes Orientales, il a dit que cette forte de Tortue, nefevoyoit qu'aus Maldives & ausFihp- pines. On tient que l'huile de Caret , a la propriété de guérir tou- tes fortes de gouttes , qui proviennent de caufes froides On s'en fert auffi avec heureus fuccés, pour fortifier les nerfs , <5c pour appaifer. les douleurs des reins, &*totues les fluxions froides. li 1RTI a->cr Histoire Naturelle, Chap. 2 1 ARTICLE V. De la fajfon qu'on pefche les Tortues , & tous les autres gros Poiffons des Antilles. LEs Tortues de mer , ne fe prennent pas feulement fur le fable, en la manière que nous avons décrite cy deflus-: mais aufli par le moyen dnn infiniment que ion nomme Varre. C'eft une perche de la longueur d'une demye pique, au bout de laquelle, on fiche un clou pointu par les deus bouts , qui eft carré par le milieu , & de ia groûeur du petit doigt. On l'enfonce jufques à moytie dans le bout de la var- re,.où il entre fans force. Quelques-uns, font des entaillures du collé qu'il fort, afin qu'il tienne plus fort,, lors qu'on la lancé dans lécaille de la Tortue. Voicy comme les pefcheurs font , pour darder cette Varre. La nuit lorsqu'il fait clair de Lune, & que la mer eft tran- quille, le maitrepefeheur , qu'ils appellent Varreur , s'érant mis en un petit efquif, qu'ils nomment Canot , avec deus au- tres hommes, l'un qui cft à l'aviron, pour le remuerd'ùn ôc d'autre cofté avec tant devitefte&de d'exterité, qu'il avance autant & avec beaucoup moins de bruit , que s'il étoit poulie à force de rames. Et l'autre eft au milieu du canot , où il tient la Ligne, qui eft attachée au clou, en état de pouvoir aifé- ment & promptement filer, lors que le Faneur aura -.frappe la Tortue. En cet equippage, ils vont (ans faire aucun bruit, où ils ôfperent d'en trouver : & quand le Varrcur, qui fe tient tout droit fur le devant du Canot enapperçoit quelcune à la lueur de la mer, laquelle elle fait écumer en fortant par intervalles;, il montre du bout de fa Varre, qui doit fervir de compas à celuy qui gouverne le petit vailkau , l'endroit où il faut qu'il le conduife , & s'étant approché tout doucement de la Tortue, il luylanceavccroidcur, cette varre fur ledos. Le- clou pénètre l'écaillé, & perce bien avant dans la chair, 6: le bois revient fur l'eau. Auftj tôt qu'elle fe fent blcilec clic fe iQuleà fonds avec le clou, qui demeure engagé en ion écail- le. Chap, 21 des l£E$ Antilles le. £t d'autant plus qu'elle fe remue & s'agite, fïkî 'elle s'enferre. Enfin après s'être bien débatuë, fes forces luy man- quant, à caufe du fang qu'elle a perdu, elle fe laiiîc prendre aifement,, & on la tire fans pêne à bord du Canot, ou à terre. ■ : On prend en cette même forte le Lamantin, & .plu fleuri autres gros Poiflbns : mais au lieu d'un clou , on met au bout de la varre un harpon , ou un javelot de fer, quieft fait en forme de celuy d'une lance bien perçante. A code' de ce fer, il ya un trou , auquel eft palîée une corde , laquelle eft aufTi entortillée à l'entour de la perche, en telle forte, que quand le Varreur l'a Tancée de toute fa force fur le Poiffon , la corde coule facilement, pour luy donner la liberté de fe démener dans l'eau :' & après qu'il a epuifé toutes fes forces, & qu'il eft réduit à l'extrémité, s'y on ne le petit embarquer dans le Canot , on le tire facilement fur le bord de la mer , où 1 on le divife par quartiers. ARTICLE VI. Des Tortues de ferre , & WÊ-èw âeitce. LEs Tortues de Terre , fe trouvent en quelques lies prés des Rivières d'eau douce , qui font les moins fu jettes' aus débordemens , ou dans les étangs & dans les marécages , qui font bien éloignés de la mer. Elles font couvertes de tous cotez, d'une dure & folide croûte, qui ne fe levé point par écailles , comme celles des Tortues de mer, & qui eft fi épaif- fe par tout, qu'elle (ert d'un fort (i affiiré à l'animal qui y fait fa demeure , que quand les roues d'un chariot pafferoyent par deffus, elleneferoitpasbrifée. Mais ce qui eft de plusmer- veilleus, eft, qu'il ne peut jamais eftre à l'étroit dans cette mai- fon mouvante : car elle s'élargit à mefure que le corps de fonhofte, prend de nouveaus accroiffemens. Le couvert de defius , eft en quelques unes de la longueur d'un pied & de- my. Il eft d'une figure ovale , creufé comme un bouclier , ôc enrichy par deffus deplufieurs rayes, qui font arrangées en differens parquets , qui paroiffent un peu relevez, & qui for- I i 2 meut *5* Histoire Naturelle, Chap.n ment plufieurs petis compartimens d'une parfaite fymmetrie: Tous ces entrelacemens font couchez fur un fond noir, qui cft émaillé en plufieurs endroits, de blanc & de jaune. Cette efpece de Tortue, a la tefte forthideufe, car elle cft femblable à celle d'un ferpent. Elle n'a point de dens mais feulement des m'achoires , qui font d'un os aflfez fort, pour brifer ce qu'elle veut avaller. Elle cft fupportée dï quatre pieds , qui font bien foibles, pour foutenir la pefanteui de fon corps, auflî elle ne fe confie pas en leur légèreté, pou fe fauve r , & gagner quelque retraitte , lors qu'elle eft pour- fuivye: mais fi elle n'eit furie bord des Rivières ou des étangs, dansléquels elle fepuiffe précipiter 5 elle ne recherche aucur autre abry, ni aucun autre avantage , que le toict.de fa propre maifon, fous lequel de même que l'Herifibn, & l'Armadille, elle retire promptément & feurément fa tefte, fes pieds & fi queue, auflî tôt qu'elle craintle moindre danger. _ La Femelle, pofe des œufs de la grofieur. de ceux d'ur pigeon : mais un plus longuets. Elle les cache dans le fable, & les confie au Soleil, pour les couver & les faire éclorei Bien que quelques-uns tiennent , que la chair de ces Tortues de terre foit de difficile digeftion , ceus qui en ont goûté , a rangent entre les viandes les plus exquifes , & les plus delica- tes de toute l'Amérique : Et les Médecins du païsyconfeilicni à ceus, qui font menacez d'Hidropifie,d'cn uferfouvent,poui leur guerifon. Ils ont auflT reconnu par l'expérience qu'ils en ont faite, que leur fang étant féché & réduit en poudre-, attire le venin des vipères , & des Scorpions., en l'appliquant furlaplaye. Il eft au fil confiant, que la cendre de leur écaille méfiée avec le blanc d'un œuf, guérit lescrevafies qui fur- viennent aux mammelles des femmes qui allaitent • & que s'y on s'en poudre la tefte , elle, eragefchc les chevens de tomber.. CKÀ- Chap. 22 &es Iles Antilles. 2-5* CHAPITRE VINT-DEUSIEME. Contenant les defcriptions particulières de plufîeurs fortes de Crabes , qui Je trouvent communément fur la terre des Antilles. IL fe trouve par toutes ces Iles, des Crabes ou Cancres, qui font uneefpéce d'Ecreviffes Amfibies, & fort bonnes à manger, au lieu que celles du Brefil font defagreables, parce qu'elles fentent la racine de Genévre. Auili les Indiens- Infulaires eftiment beaucoup les leurs, & en font leur mets le plus ordinaire.. Elles font toutes d'une figure ovale, ayant la queue retrouffée fous le ventre. Leur corps , qui eft tout couvert d'une coque affez dure , eft fupporté fur plufîeurs pieds, qui font tous Heriffez de petites pointes* qui fervent à les faire grimper plus aifément , où elles ont envie d'attein- dre. Les deus de devant font fort gros : l'un notamment , eft plus gros que l'autre. Nos François , appellent ces deus pat- tes de devant, des iMordanSj parce qu'avec icelles elles pin- cent & ferrent vivement ce qu'elles attrapent. La partie de devant qui eft un peu plus large & plus relevée que l'autre^ pouffe en dehors deus yeux, qui font folides, transparens & de différente couleur. Leur gueule, eft armée de deus petites dens blanches , qui font difpofées de chaque cofté, en forme de tenailles trenchantes, dont elles couppent les feuilles, les fruits, & les racines des arbrçs, qui, leur fervent de nour*- riture, A R T I C L F F. Des Crabes qu W nommé Taurlourom IL y en a de trois fortes ,, qui différent en grofleur & en coup- leur. Les plus petites , font celles que l'on appelle conwm- nément Tourlourom. Elles ont lacoque rouge marquée, d'u- ne, tache noire 5 elles font affez agréables au goût;, mais a- I, i % caufe 254- Histoire Naturelle, Chap.2^ caufe qu'il y a beaucoup à éplucher, & peu à prendre, & qu'on tient aufïi, qu'elles provoquent la dilTenterie, elles ne font re- cherche'es que dans la neceflitc. ARTICLE IL Des Crabes blanches. LEs autres font toutes blanches, & fe tiennent aus pieds des arbres au bord de la mer, en des trous quelles font enterre, & où elles fe retirent comme les Lapins en leurs clapiers. Elles font les plus grofles de toutes , & il s'en voit telles, qui ont en l'une de leurs pattes, la grofleur d'un œuf, de chair aufli délicate , que celle des Ecrevifies de rivière. Elles fe montrent rare'mentde jour: mais pendant la nuit, elles fortent en bandes de leurs tanières, pour aller manger fous les arbes. & c'en: aufli en ce tems là, qu'on les va prendre à la lanterne , ouausflambeaus. Elles feplaifent particulière- ment, fous les Paretuviers, & fous les autres arbres qui font au bord de la mer ; & dans les endroits les plus mare'cageus: Quand on fouille dans la terre , ou dans le fable pour les chercher en leurs retraittes, on les trouve toujours à moitié corps dans l'eau , de même que la plupart des autres ani- maus Amfibies. ARTICLE III. Des Crabes peintes. MAis celles de la troifie'mcefpece, laquelle tient le mi- lieu entre les deus autres, dont nous venons de parler, font les plus belles , les plus mervcillcufcs, & les plus prife'es de toutes. Elles ont bien la même figure que les précéden- tes j mais félon les diverfes lies , <5t les dirïerens terroir où elles fe nourriuent , elles font peintes de tant de cou- leurs, qui font toutes fi belles & fi vives, qu'il n'y a rien de plusdivertiflant, que de les voir en plein jour roder fous les arbres, où elles cherchent leur nourriture. Les unes, ont tout le Chap. 22 des Iles Antilles» 25 5. e corps de couleur violette pannaché de blanc: Les antres, Sont d'un beau jaune, qui c(t chamarré de plufieurs petites Lignes grisâtres & pourprines , qui commencent à la gueule, Se qui s'éparpillent fur le dos. Il y en à même quelques unes, aui fur un fond tanné , font rayées de rouge , de jaune, & de ?ert , qui leur donne un coloris le plus riche ôc le mieus meflé, |u'on fe pourroit figurer. On diroità les voir de loin, que outes ces agréables couleurs, dont elles font naturellement îmaillées , nefoient pas encores féches , tant elles font lui-- Suites-, ou qu'on les ait tout fraichément chargées de vernis, >our leur donner plusde luftre. Ces Crabes peintes , ne font pas comme les blanches , qui lofent pas fe montrer de jour. Car on les rencontre fur tout ic matin & le foir , & après les pluyes fous les Arbres, où elles égaient par troupes. Elles fe lailTent aufll appprocher d'affez ^rés y niais , incontinent qu'on faitmine de les vouloir arrê- ter avec une baguette , car il feroit trop perilleus d'y empîoier les mains 5 elles font leur retraitte., fans tourner le dos à cens jui les pourfuivent , & en fe reculant de cofté, elles montrent l£ursdens,& ptefentant leurs defenfes ouvertes, qui font ces ieus tenailles ou mordans ,. quelles ont en leurs pieds , elles s'en parent tout le corps , & les font choquer de tems en teins l'une contre l'autre , pour donner de la terreur à leurs enne- mis j & en cette pofture, elles gaignent leur fort, qui eft ordi- nairement fous la racine, ou dans le creus de quelque arbre pourri, ou dans les fentes des rochers. Ces Crabes, ont cet inftincl: naturel , d'aller tous les ans environ le mois de May , en la faifon des pluyes au bord de la mer fe l'aver , & fécouër leurs œufs pour perpétuer leur sfpéce. Ce qu'elles font en cette forte : Elles défendent des montagnes en fi grande troupe, que les chemins & les bois en font tout-couverts : Et elles ont cette addrefîe merveii- leufe, de prendre leur route vers la partiede l'Ile, où il y à des ances de fable , & des décentes* d'où elles peuvent com- modément aborder la mer. Les Habitans, en font alors fort incommodez, parce qu'el- les remplirent leurs jardins , & qu'avec leurs mordans , elles eoupentles pois,. & les jeunes plantes de Tabac, On dïroïc sMoSàç l*,-if £56 Histoire Naturelle, Chap.22 à voir l'ordre qu'elles gardent en cette defeente, que ceferoit une armée qui marche en bataille. Elles ne rompent jamais leurs rangs. Et quoy qu'elles rencontrenten chemin, mai- fons, montagnes, rochers, ou autres obilacles, elles s'éforcent de monter deflus, afin d'aller toujours conitammcnt en ligne droite. Elles font alte déusfoisle jour, pendant la plus gran- dechaleur, tant peur repaître , quepour ferepoferunpcu; Mais elles font plus de chemin de nuit que de jour, jufquesà ce qu'enfin, elles foient arrivées au bord de la mer. Lorsqu'elles font ce voyage , elles font grades & bonnes à manger; les mâles étans pleins de chair , & les femelles remplies d'oeufs. Auûi en ce tems-là , on en à provision à fa porte. Et quelquefois, elles entrent même dans les maifons, quand les palilTades ne font pas bien jointes, & qu'elles trou- vent ouverture. Le bruit qu'elles font durant la nuit, eft plus grand que celuy des rats, & cmpefche de dormir. Quand elles font au bord de la mer, après s'eftre un peu repofées, 6c avoir confideré' la mer, comme la nourrice de leurs petis, elles s'ai:prothentcïe fi prés, qu'elles puiflent eftre baignées , à trois ou quatre reprifes , des petites ondes qui flottent fur le fable ; puis s'étant retirées es bois , ou es pleines voifincs pour fcdelafler, les femelles retournent une féconde fois à la mer, & s étant un peu lavées, elles ouvrent leurqueùe, laquelle eft ordinairement ferrée fous le ventre , & elles fecoùent dansl'eau, les petis œufs qui y étoient attachez. Puiss'étant encore i'avées, elles fe retirent avec le même ordre, qu'elles étoient venues. Les plus fortes regagnent incontinent les montagnes, cha- cune au quartier d'où elle étoit partie, & par le même che- min où elle avoit parle. Mais elles font alors , c'eft à dire , à leur retour , pour la plupart Ci foibles , & (i maigres • qu'elles font contraintes, de s'arrêter es premières campagnes qu'el- les recontrent , pour fe refaire , ôc reprendre leur pre- mière vigueur, avant que de grimper au fommet des mon- tagnes. Quant ans oeufs qu'elles ont ainfi confiez à la mer, après avoir elle rcpouiïez furie fable mo'et, oc échaufez quelque temps par les rayons du Soleil, ils viennent enfin à s'eclorre, ce à Chap. 22 i> e s Iles Antults. a^jl & à produire de petites Crabes , qu'on voit par millions de la largeur d'un liard gagner les buifîbns voifins, jufques à ce qu'étant fortes , elles puifient fe rendre aus montagnes au- près de leurs mères. Ce qui eft de plus confiderable en ces Crabes , eft qu'une fois l'an , affavoir, après qu'elles font retournées du voiage de la mer , elles fe cachent toutes en terre , durant quelques fix Semaines : de forte qu'il n'en paroit aucune. Pendant ce teins-là, elles changent de peau, ou d'écaillé, & fe renouvel- lent entièrement. Elles pouffent alors de la terre fi propre- ment à l'entrée de leurs tanières , que l'on n'en appercoit pas l'ouverture. Ce qu'elles font pour ne point prendre d'aire Car quand elles pofent ainfi leur vieille robe, tout leur corps eft comme à nud, n'étant couvert que d'une pellicule ten- dre, & délicate , laquelle s'épaiftit & fe durcit peu à peu en croûte ; fuivant là folidité de celle qu'elles ont quittées. Monfieurdu Monte! rapporte, qu'ilafaitcreuferàdeflcin en deslieus , où il y avoit apparence qu'il y en eut de cachées. Et enayantrencontréenerTet, qu'il trouva qu'elles étoyent comme enveloppées dans des feuilles d'arbres, qui fans doute, leurfervoientde nourriture & de nid, durant cette retraite: mais elles e'toicnrfilanguifianrcs & fi incapables de fupporter l'air vif, qu'elles fembioient à demy mortes, quoy que d'ail- leurs elles fufîenr graQes,& tres-delicates à manger. Les Habi- tans des Iles les nomment pour lors Crabes Bourfieres , & les eftiment beaucoup. Tout auprès d'elles, il voyoit leur vieille dépouille, c'eft à dire, leur coque qui paroiflbit au ffi entière, que fi l'animal eut encore été dedans. Et ce qui eft merveil- leus , c'eft qu'à peine , quoy qu'il y employait de fort bons yeus, pou voit il reconnoître d'ouverture, ou de fente, par où le corps de la befte fuft forty , & fe fut dégagé de cette pri- fon. Neantmoins, après y avoir pris garde bien exactement, il remarquent en ces dépouilles , une petite feparation du cofté de là queue , par où les Crabes s'étoient d'éve- loppées. La manière plus ordinaire de les 'apprêter , eft toute la même que celle des Eerevifics en France : Mais ceus qui font ics plus délicats , & qui veulent emploiec le tems qui ck K k requis *5A Histoire Naturelle, Chap. 2* requis, pour les rendre de meilleur goût , prennent la pêne après les avoir fait bouillir , déplucher tout ce qu'il y a de bon dans les pattes , & de tirer une certaine iubftancehuilcu- ie, qui eft dans le corps, laquelle on nomme Taumaly , & de fricafler tout cela avec les œufs des femelles , y mêlant un bien peu de poyure du pais, & du fuc d'oranges. 11 faut avouer que ce ragoût , eft l'un des plus excellens , que Ton ferve aus Antilles. Aus Terres-, où il y à plusieurs Arbres de Mancenilles , les Crabes qui repairent deflbus, ou qui ufent de ce fruit, ont une qualité venimeufe. De forte que ceus qui en mangent, en foni dangereufement malades. Mais aus autres endroits elles foni fort faines , & tiennent lieu de délices , comme les Ecre villes en .Europe, Ceus qui font foigneus de conferver leur famé; les ouvrent auparavant que d'en manger , & fi le dedans du corps eft noir, ils tiennent qu'elles font darigereufes , & nom garde d'en ufer, CHAPITRE VINT-TROISIEME. Des Tonnerres ; des Trembleniens de terre : ui V entend fins frayeur , ri a pas de la confiance' LMais il a de l'impiété.. il faut donc , que cens qui défirent d'enre fans a'p'prchenfion; . au milieu de ces defordres , & de ces émotions de la mer & de1 l'air , ayent recours à des retraittes plus alTurées, & que pour cet effet, ils entrent dans le fàn&uaire de Dieu , qu'ils fe logent àr l'ombre du toutpniiTant , & qu'ils prennent le Seigneur pour leur retraite & pour leur fortererTe. 11 faut qu'ils embraffent avec une foy vive, ce grand & precieus faim qu'il a déploie en fonfllsbienaimé, qui nous a délivré de toutes nos frayeurs par' iefangdefa Croix, qui a fait noftre paix, & qui feulpeutap- paifer les craintes & les orages de nos confeiences , & donner, un vrai repos à nos âmes, d'autant que* Celuy , qui du treshaut implore l'afiijfance Et dont l'efipoir plein de confiance T^at tend fin ficours que deluy ', Quelque péril qui le menace Se peut promettre fins audace Tf avoir en fia faveur un immobile appuy. Il faut qu'ils- confiderent pendant cette tempeflè , que efeffi Dku qni tire les vens de fes t refais , & qu'ils ne faufilent que 264. Histoire Naturelle, Chap. 23 par Ton ordre : Que ces effroiables Tourbillons , ces Ton- nerres grondans , ces noires obfcurirez, qui voilent la face de 3a terre, & toutes ces puilTantes agitations qui la fecouënt: ne font que des grolïieres idées, de ce jour épouvantable du Seigneur, auquel les Cieux paieront rapidement & eftant mis en feu feront diflbuts , & les clemens étans embraféz fe fon- dront, 6c la terre & les œuvres qui font en elle, feront brûlées. Ils doivent particulièrement recourir à Dieu de tout leur cœur, & le prier qu'en contemplation des mérites infinis de fon Saint Fils Jefus, illuyplaifed'eftre appaifé envers fes fer- viteurs, & qu'il daigne avoir pitié de fa terre. Ils fc doivent fou venir, quefon courroux ne dure qu'un moment : mais que fabienvueillance dure route une vie. Que le pleur loge chés nous aufoir, & qu'au matin il y a voixdéjouiiïance. Enfin ils doivent eftre fermement perfuadez , que celuy qui aconté leurs cheveus , a aufifi conté leurs jours ; Qu'il ne les aban- donnera point au befoin, mais qu'il les commettra à la char- ge de fes Anges de lumière, pour les contregarder parmy ces afFreufes ténèbres , afin que nulle playe n'approche de leur tabernacle. Mais , pour avoir au befoin toutes ces douces penfées , & pour efïre munys au jour de la calamité , d'une fi fainte con- fiance. 11 faut qu'en bien faifant , ils recommandent par cha- cun jour leurs âmes au fouverain Créateur de toutes chofes; Qu'ils s'étudient de cheminer en Sainteté & juftice devant luy, durant toute leur vie • Qu'ils lavent leurs mains en innocence , & qu'ils purifient leurs cœurs , par la roy en fes precieufes promettes 5 étans afiurez , qu'il tient les vens, & toutes les autres créatures en bride par fa puiliance , qu'il n'y en à aucune, qui fe puific mouvoir ians fa permifTion , qu'il fait fervir à fa gloire les Feus, les Tonnerres, lesTempeftes, & les Tremblcmcns de terre, & qu'il les dirige au bien & au falutdefes enfans. CHA- Chap. 24 des ItEs Antilles» ^6$ CHAPITRE VINT-QUATPvIEME, De quelques autres incommodités du pats } & des remèdes qu'on y peut aporter. OUtre les Tremblemcns de terre , les Tonnerres, Se les Ouragans , qui fecoiient & defolent fouvent la terre des Antilles, comme nous venons de le repre- fenter : il y a encore quelques autres incommoditez , qui font bien inportuncs , encore qu'elles ne foyent point tantâ craindre que les précédentes. Nous leur avons, refervé ce dernier Chapitre du premier Livre de cette Hiftoire , ou, pour témoigner la grande paillon que nous avons d'eftre allez heureus pour contribuer quelque chofe au foulagément, &à l'entière fatisfa&ion des aimables Colonies de ce nouveau monde: nous propoferons les remèdes, que l'expérience des anciens Habitans , & le jugement de plusieurs célèbres Méde- cins , ont trouvé eftre les plus propres , & les plus cflicacieus, pour les munir contre leurs dangereus effets. ARTICLE L N Des CtïouHiques , à* des CMaringoim . Ous donnerons le premier lieu , à certains petis Mou- cherons appeliez t-Mouïtiques , que l'on fent plutôt qu'on ne les voit, tant ils font petis 5 Mais dans lafoiblélfe de leur corps, ils ont un aiguillon 11 piquant, & venimeus, que leur piquure caufe une demangéaifon tellement impor- tune , qu'en s'écorchant quelquefois la peau à force de fe grat- ter, lableiîure dégénère en un ulcère d'angereus , il Ton n'y aporre du remède. Il s'en trouve d'une autre efpece , qui font plus gros , & qui font un bruit, pareil à celuy que font les Moucherons, qui en France fe trouvent proche les étangs, & les lieus maré- cageus. Ou les nommé UMaringoins. Usprcduifcatle même L 1 effet M 266 Histoire Naturelle, Chap. z< effet que les Moufliques, étant armez d'un petit trait, qui perc les habits, & même les lits branians , dansicquclson repofe Mais ils ont cecy de particulier , qu'ils ne lancent jamais leu petit éguillon , qu'ils n'ayent auparavant déclaré la guerre, 6 fonné la charge avec leur petite trompette, quidonnefouven plus de peur, que leur piquure ne fait de mal. Pour s'exempter de ces deus fortes de petites Beftes, on a d< coutume de placer la Maifon, en un lieu un peu haut élevé , d< luy donner air de tous coltez, & de coupper tous les arbres qu empefehent le vent d'Orient , qui fouffle presque ordinaire ment en ces lies, & quichalTe au loin ces malins & importun ennemis. Ceus aufli qui ont des logis bien fermez , & des lit biens clos , n'en font point tant incommodez. Mais, (î l'on en eft travaillé f on n'a qu'à faire fumer du Ta bac en la chambre, ou de faire un feu, qui rende beaucoup d< fumée 5 car par ccsmoiens,on met en fuite ces petis perturba teurs du repos des hommes. Que s'ils ont piqué, & qu'on de< (ire de faire palTer bien-tôt la demangéaifon , & attirer tout 1< venin, qu'ils ont glifle: il faut feulement mouiller l'endroit d< vinaigre, ou de jus de petit Citron. ARTICLE II. Des Guefpes , dr des Scorpions. LEs Guefpes , & les Scorpions , font communs en h piûpari des Antilles. Ces vermines font de même figure, & au Q] dangereufes , que celles des mêmes cfpéccs que l'on voit ci beaucoup d'endroits de l'Europe. Les piquurcsdes Guefpc. font foulagées par le jus de la feuille de iaRuev& entiercmen guéries, par une fomentation du fouverain remède contre toutes fortes de venins, qui eft difpenfé fous le nom célèbre D'orvietan. Etceliesdcs Scorpions, trouvent leur remède er la befre même , qu'il faut écraler delîus, & à fon défaut, il faul recourir à l'huile qu'on appelle de Scorpio?i , qui doit cflrc commune par tout, oùilfc trouve de ces infectes. A.R T I Chap. 24 DES I L ES A ■ N T l L 1 E S» Jijj ARTICLE II I. Des Arbres de Mancenille. EN la plupart de ces Iles, croiflent certains Arbres nom- més Mancenilliers , beausà voir, qui portent des feuilles emblables à celles des Pommiers fauvages, & un fruit que .'on appelle Mamenille , tout pareil a une Pomme d'Apis, car 1 eftpannaché de rouge , beau à merveille, & d'une odeur î agréable, que l'on feroit incontinent invité à en goûter, 1 l'on n'étoit averty de fa qualité dangereufc. Car bien qu'il foit dous à la bouche , il eft C\ funefte , que fi Ton en man~ ^eoit, il cnvoyeroit dormir , non pour vint-quatre heures, :omme une certaine femence du Pérou , ôc une Herbe de l'orient, de laquelle Linfcot parle amplement ;; mais pour n'en réveiller jamais. Tellement que c'clt bien pis , que ces Amandes d'un fruit de la Mexique , qui fentcnt le mufc, nais qui après eftre mangées, laiffènt un goût de pourriture. Et bien pis encore, que ces belles pommes de Sodome, qui étant ouvertes, neprefentent que de la fuye, & de la pouf» 1ère. Car s'y vous avez le dépïaifir d'y eftre trompé, du moins cen'eftpas au danger de voftre vie. Mais ces Pom- mes venimeufes, fe peuvent comparer à la noix Indienne, qui croift en Java. Elle reflcmble à une noix de Galle, Ôc d'abord qu'on la mange, elle à un goût d'Avelaine, mais puis après, elle donne des angoiffes mortelles, & c'eft un poifon tres-dangereus. Il fe trouve auffi dans l'Afrique, un Arbre nommé Cofcoma, qui eft chargé de Pommes mortelles. L'Arbre des Maldives nommé K^tmbot* , porte un fruit , qui n'eftpas moins trompeur, & moins perniciens. Et le Ter- roir de Tripoly en Syrie, produit certains gros Abricots , qui fontfortbeaus à l'œil , & fort favoureus au goût5 Mais les qualitez en font fou vent mortelles , ou du moins, elles eaufent de longues & fâcheufes maladies, à cens qui en mangent. 11 croift des CManccnilles , fur le bord de h mer & des riviè- res , & fi le fruit tombe en l'eau , les poi fions qui en marié L I s s'eâtl *e>& Histoire Naturelle, Chap. 24 gent, ne manquent jamais d'en mourir $ & encore qu'il demeure long rems dans l'eau, il n'y pourrit point} mais il fe couvre d'un falpêtre, qui luy donn^ une croûte folidc, comme s'il étoit pctrcfic. Dans les lies, où cet Atbrccroill en abondance, les Couleuvres y font venimeufesj Parce que quelques uns croient , qu'elles fucent quelquefois de fon fruit. Les Crabes mêmes, qui font leur repaire fous ces Arbres y en contractent une qualité dangereuie , comme nous l'avons dit en fon lieu : & plufieurs ont été' mala- des pour en avoirmangé. D'où vient, qu'au tems quece! fruits eftans fort meurs tombent à terre, on confeille à tou< ceus qui font foigneus de leurfanté, des'abûenirdemangei des Crabes. Ni les Couleuvres, ni les Crabes, ne vivent pas abfolu- ment de Pommes de Mancenilles. Mais quand elles foni leur repaire fous cet Arbre, elles en tirent l'infection , & plu! encore quand elles fucent le venin de fon fruir. Il fe peui faire neantmoins , que ce qui eft mortel, à quelques animaus, ne le foit pas à tous : £t même que ces Infectes , qui mangeni fouventdecepoifon, le changent en leur nourriture , par U coutume & la continuation: Comme l'on dit de Mitnddte Ainfi ils peuvent infecter ceus qui enmangent , n'en rece- vant quant a eus, aucun dommage. Sous l'écorce du tronc, & des branches de-ces Arbres , cfl contenue une certaine eau gluante, & blanche comme du lait, extrêmement maligne & dangereufr. Comme il y a plu- fieurs Mancenilliers fur les chemins, fi fans y prendre garde, vous froifiez en paflant quelcune de ces branches , ce lait, ou plûtoft ce venin, en fort & reiaillit fur vous: s'il tombe fui voftrechemiie , il y fait une vilaine tache , qui paroit comme une brûlure. Si c'en" fur la chair nue, & qu'on ne lave pron- tëment l'endroit quiaefté touché , il s'y forme aufli tôt dc« cnleuvres & des ampoules. Mais ce quieft le plus à crain- dre, c'eftpour les yeux: Car li par malheur , unegoutted< cette eau cauftique & venimeufe tombe defllis, il s'y fer; une horrible inflammation , & vous en perdez la veut neuf jours durant 5 au bout déquels vous recevrés di ibulagemenr. L; Chap. 24. des Iles Antilles. 269 La rofée , ou la pluye, après avoir demeuré quelque tems fur les feuilles des Manceniliers , produifent le même effet , êc 1 elles tombent fur la peau, elles l'écorchent , comme feroic de l'eau forte. Ce qui ne vaut guerés mieus * que les gouttes de pluye de deffous la ligne , qui font tellement contagieu fesy 1 ce qu'affurent cens qui lesontfenties, que s'y elles tombent fur les mains , fur le vifagè , ou fur quelque autre endroit du corps, qui foit à découvert; il s'y élevé aufïîtotdesveflies & des ampoules avec douleur, Ôc même fi l'on ne change promptement d'habits, on voit bientoft fon corps tout cou- vert de pullules, fans parler des vers qui s'engendrent dans les habits. L'ombre de cet Arbre nuit aus hommes , & fi l'on repofe defîbus , tout le corps enfle d'une étrange fafîbn. Pline 6c Plurarque font mention , d'un Arbie d' Arcadie , aulïi dange- reux que celuy-cy : Et ceus qui ont voyagé aus Indes Orien- tales , rapportent, qu'il s'y trouve une Herbe nommée Sapony, quidonne la mort à ceux qui couchent deffus. Mais ce qui augmente les mauvaife squalités du ManceniHier^ eft, que même h viandecuite au feu de fon bois, contracte quelque chofe de malin, qui brûle la bouche & le goficr. Les Sauvages Antillpis , connoifîans fort bien la nature de ces Mancenilles , font entrer & le l'ait de l'arbre , & la rofée qui en tombe, &le fuedu fruit en la- compofition du venin, dont ils ont accoutumé démpoifonner leurs flèches. Pour guérir en peu de tems l'enflure & les Puftules , qui fe forment au corps , après avoir dormy par mégarde à l'ombre de ces Arbres , ou après qu'on a été arroféde la pluye , ou de la rofée qui tombe de deûus leurs branches , & même de ce ifait, qui eft fous- leurs écorces , itfaut recourir promrement àr une efpeced'Efcargots, dont nous avons parlé cydeifus , fous lenomde Soldats ■,, & il en faut tirer une certaine eau claire,, qui eft contenue dans leur coquille, & l'appliquer fur la partie ortenféc ; ce remède , rabat incontinent le venin de cette brû- lante liqueur, & met la perfonne hors de danger. L'huile,, qui eft tirée fans feu de ce même efeargot, a aufîî le même, effet, que s'il eft arrivé à quelcun, de manger du fruit de ces Arbres venimeus ? il faudra qu'il ufe des mêmes renedes Ll â «wï 27° Histoire Naturelle, Chap.24. que nous prefcrirons cy après , pour chaiïer le venin des Ser. pens, & tous les autres poifons. ARTICLE IV. Des Pous de bois. IL y a aufli une efpece de fourmis , ou de vermiflfeaus , qui ont une petite tache noire fur la tefte , & le reftc du corps tout blanc. Ils s'engendrent de boispourry, & c'eit pour ce fujet , que nos François les nomment Potisdebovs. Ils ont le corps plus molafle , que nos Fourmis ordinaires , & néant- moins leur dent eft fi acérée, qu'Us rongent le bois, Scs'infi- nuent dans les coffres, qui font placez prés de terre : & en moins de deus jours , par ce qu'ils fe fuivent à la pifte , fi l'on n'eft foigneus de les tuer, il y en entre fi grande quantité, qu'ils percent mangent & détruifent, le linge, les habits, les papiers, & tout ce qui eft dedans : Ils mangent même & rongent telle- ment les maitréfles fourches , qui foutiennent les cabanes communes , qu'ils les font enfin tomber à terre, fi Ton n'y ap- porte du remède. Onempefche ces bettes là de s'engendrer, Ci on ne lailfe pointde bois à terre en batiftant la maifon. Car ils s'engen- drent de bois corrompu ôepourry : fi on brûle le bout de tous les bois qu'on plante en terre : fi incontinent que l'on en re- marque quelques uns , on jette de l'eau chaude dans les trous, qu'ils peuvent avoir faits : fi on fufpend les coffres en l'air avec des cordes, comme on eft obligé de faire en divers endroits de l'Inde Orientale, afin qu'ils ne touchent point la terre, & fi on aYoin de nettoyer fouvent les chambres, &dc ne rien laitier contre terre. On a encore remarqué, que pour leurcoupper chemin , il ne faut que frotter le lieu par où ils paflent, de l'huile de cette efpece de Palma-Chrifti , dont les Nègres fc frottent la tefte , pour le garentir de la vermine. L'huile de Lamantin, à auftî le même effet, & fi Ton en verfe fur leur ci- tadelle, qui eft une fourmillierc cbmpoïée de leurbaue , la- quelle ils arrachent autour des fourches, qui foutiennent les' cafés, ils Tuban. ion hènt incontinent. ART! Chap. 24 des Iles Antïu e $t 1?ï ARTICLE V. Des Ravets. LEs Rivets font encore dangereus. Il y en à de deus for» tes. Les plus gros font environ comme des Hannetons, & de même couleur: les autres font plus petis de la moitié. Les uns & les autres rodent principalement pendant la nuit, & fe gîilient dans les coffres , s'ils ne font bien fermez , s'alif- fent tout ce qu'ils trouvent, & font afles de de'gaftj mais nonpastant, nifipromtement, que les Pousdebois-y On les appelle Ravets, par ce qu'ils rongent comme les Rats tout ce qu'ils peuvent attraper. C'cft fans doute la même efpéce, que JeandeLery nomme travers, félon le langage des BrefiV liens. Cette vermine, en veut particulièrement aus livres & à leur couverture. Les pous de bois n'en font pas moins, lors qu'ils y peuvent mettre la dent. Mais ils ont cela de bon' qu'ils refpeaent les lettres, & qu'ils fe contentent de ronger la marge des livres, & d'y faire des cizelures profondes. Car, foit que l'ancre ne foit pas à leur goût, ou pour quelques au- tre caufe, ils ne mangent l'impreiïïon, qu'en une extrême fa- mine , & à faute de toute autre chofe. Nous pourrions faire voir des livres qui portent leur livrée , & les marques de leurs dens. Mais ils font frians de linge, par delTus toute autre, chofe: Et quand ils peuvent entrer en un coffre, ^prépa- rent en une nuit plus d'ouvrage, que les plus habiles couturiè- res, n'en pourroient r'entraire en un mois. Quant aus Ravets , encore qu'ils ne foient pas fi habiles en befongne , ils népargnent rien , linon les étoffes de foye & de cotton. Celuy notanment, qui n'eft pas mis en œuvre, n'eft pas félon leur appétit. Et fi l'on tient les coffres fufpendus en l'air, & qu'onen entoure les cordes, qui les foutiennent : aufll tot qu'ils font parvenus à ce cotton , qui embaraffe leurs pé- ris pieds, ils tâchent des'endémeûer, & ils prennent inconti- nent une autre route. Cens qui ont des maifons de brique, 011 ie pierre, ne craignent point les Powdebois: mais avec tous leurs foins, ils ont bien de kpeiue. de s'exempter des courfes^ &-du. ■ M tfi Histoire Naturelle, Chap.24 & du de'gaft des Ravets. On a neantmoins reconnuparex- pcricnce , qu'ils font ennemis des bonnes odeurs , & qu'ils ni le fourrent pas volontiers dans les coffres , qui font faits d« Cèdre , & de ces excellens bois de lenteur , qui font com- muns en toutes les lies. Au Caire , on met les pieds des Ca- binets dans des vaifleaus pleins d'eau , pour empefeher Ici fourmis d'y monter. Ce fecret qui eft bien aifé , produiroii fans doute le même effet aus Antilles , pour fe munir contn les Pons de bois & les Ravets, dont nous venons de parler & même contre les fourmis , qui y font aufft extrcme'mem inportuns. ARTICLE Vî, Des chiques, CE qu'il y a de plus à craindre en toutes ces Iles, font de certains petis cirons , qui s'engendrent dans la poudre, dans les cendres du foyer , ôt en d'autres immondices. On lei nomme ordinairement chiques. Ils Ce fourrent le plus fou- vent ans pieds , & fous les ongles des orteils , mais s'y on le; laiffe paifer outre , & qu'on ne les tire de bonne heure , il: gaignent toutes les autres parties du corps. Au commence' ment , ils ne caufent qu'une petite demangeaifon : Mais Ion qu'ils ont perce' la peau , ils excitent une inflammation d 1; partie, quieftinfedée, & de petis qu'ils y étoient entrez, ili déviennent en peu de tems de la grolfeur d'un pois , & pro« duifent une multitude de Lentes , capables d'en engendre d'autres. Et en fuite , il fe fait louvent des ulcères aus liens d'où on les à tirez. Les Sauvages, à ce que racontent ccus qui ont converfi parmyeus, ont une certaine gomme , de laquelle ayant frotti leurs pieds , parriculiercmenr fous les ongles , ils ne peuven cftrc incommodez de cette vermine. Mais, on confeillc ceus qui n'ont pas la connoiffance de ce fecret, de fe fair regarder aux pieds, par ceus qui s'entendent à découvrir , £ à tirer ces dangçrcufes petites beftjs, incontinent que Yo font la moindre demangeaifon 5 à quoy les Indiens font foi adroits Çhâp. 24 des Iles Antilles. 47* adroits, &fortheureus. ÏI faut que ceus qui tirent ces chiques, prennent bien garde à ne pas crever la poche , où ils font en- closj autrement il ne manque jamais de demeurerquelques uns de leurs petis œufs, dont il s'engendre infailliblement d'au- tres Chiques. On croit auiîi, que le Roucou dont les Caraïbes fe fervent pour fe rendre plus beaus, plus fouples , &plusagi- lesà la courfe, à la vertu de chafTer toutes ces vermines. Ceft aufïï un bon remède , d'arrofer fouvent la chambre d'eau faléc- De n'aller point nuds pieds ^ déporter des bas de Chamois: & de fe tenir nettement. Car, il n'y a d'ordi- naire que ceus qui fe négligent, & qui fe tiennent fale'ment, qui en foyent fenfiblement attaquez. Ces facheus Cirons, font les mêmes que les Brefiliens appellent Tons , & quelque autres Indiens TS[jgœs. Ceus qui ont des Ulcères , qui leur font caufe'z par les cfc ques, lors qu'ils n'ont pas efté tirez ni ailes items , ni ailes adroitement, font nommez UHalmgres au ftile du païs. Ces ulcères viennent aufli fouventefois ; après quelque petite ecorchurc , qui femble d'abord n'eftre que fort peu de chofe. Mais après on eft tout étonné, que cela devient grand com- me le creusde la main $ & alors vous avez beau y, donner or- dre : Car il faut que l'ulcère prenne fon cours. Il y en a même qui pour eftre plus petis, ne laiflentpasd'eftrc tres-di- ficiies à guérir Ces ulcères font de deus fortes. L'une eft ronde , & l'autre inégale. L'ulcère rond eft beaucoup plus difficile à guérir que l'autre, parce qu'il a des bords de chair morte qui viennent toutàl'entour, «5c qui empirent le mal. Car tant que cette chair morte & baveufey eft, l'ulcère ne peut guérir. Ceftpourquoy , l'ors qu'on penfe la playe , il faut toujours couper jufqu'au vif cette chair morte, ce qui fait de cruelles douleurs. Entre les remèdes pour la guerifon de ces ulcères , on ufe de vert de gris, de l'eau forte , de l'efîence de vitriol , & d'Alum brûlé, qui mangent la chair morte de la playe. On fefertaum* pour le même effet, du jus du peit Citron qui eft extraordinairément aigre. Et lorsque la playe eft fale, il la rend belle & nette. Ileftvray, qu'a caufe de la grande dou- leur que l'on fent , lors que Ton en frote la playe , on a plutôt Mm recours ■ a?* Histoire Naturelle, Chap. 24 recours à d'autres remèdes : mais auiïi l'on ne guérit pas fi tôr. On fait encore un onguent avec du Miel commun , uq peu de fort vinaigre, & de poudre de vert de gris , quieftfou- verain pour guérir en peu de tems les ulcères. Et pour les pre« venir, on confeille de ne point négliger la moindre bleiïurei ou égratinure,quifurvient en quelque partie du corps que ce foit , particulièrement a 11e pieds , ou ans jambes , mais d'y ap- pliquer quelque emp âxre,qiii anirelefeu , qui pourrait eftrc en la playe , & au défaut de tour a-utre remède , d'y mettre dit moins des feuilles de Tabac. Et '^efefervirdejns de citron, & de vinaigre r pour faire pafler lademangeaifon , qui demeure après que les Mouftiques, ou les Maringoins ont piqué , plu* tôt que d'y emploier les ongles.. ARTICLE VIT. Remèdes contre la morfure des Serpens oudre. Quant au regimede vivre, qu'il faut tenir durant lufagede :e remède 5 11 faut éviter tous les alimens , qui, échaufent & milentk fang , ou qui engendrent l'humeur mélancolique. Mm 2 Et !„_ trb Histoire Naturelle, Chap. 24 Et il fe faut abftcnir entièrement de la purgarion & de la faignée, de peur d'attirer le venin de dehors au dedans : fi c< neft que le mal eut gagné les parties nobles: Auquel cas i faudroit purger aQes copieulement, & ufer de bains, & d< chofes capables d'ouvrir les pores, & de provoquer la Tueur. Que fi on eftoit réduit à telle extrémité , qu'on ne pût rc couvrer aucun des Antidotes que nous venons de décrire : El voicy encore un , qui eft fort commun & tresfacile à pradi quer. 11 faut que celuy qui a efté mordu d'un animal venimeus mangepromtément une écorce de Citron tout frais 5 car ell< a la vertu de munir le cœur contre le venin. S'il eft pofllblc i faut lier la partie offenfée le plus ferré que l'on peut , au deflu de la-morfure. 11 la faut en fuirte fcanfier, & y appliquer fou vent de la falive d'un homme, qui foit à .Jciin , & fi on peu avoir la belle , qui a fait le mal, il luy faut couper larefte , & L broyer , jufques à ce qu'elle foit réduite en forme d'onguent qu'il faut appliquer tout chaud fur la playe. C'eft leremcd ordinaire , dont fe fervent les Habitans naturels du Brefil pour fe garantir de la violence du venin de ce dangereuse monûrueus Serpent , qu'ils appellent en leur langue Boïcini ninga, & que les Efpagnols nomment CafeaveL Les derniers mémoires qui nous ont efté envoiez de 1 Martinique, portent que quelques Honorables Familles qi font venues dépuis peuduBrefil avec leurs ferviteurs Nègre; pour demeurer en cette lie, ont donné aus Habitans la cor nouTance de plusieurs herbes & racines, qui croilfentaus An tilles aufTi bien qu'au Brefil , & qui ont une vertu fotiverain pour éteindre la force du venin de toute forte de Serpens , i des flèches envenimées. On fe peut fervir des mêmes remèdes que nous avons di crits cydeflus , pour fe prémunir contre le venin de la Bea ne, & de tous les autres poilTonsdangereus, quifetrouvei *n la mer. Ils peuvent aufti cftre employez avec heurcus fin «ces, pour empefeher les pernicieus effets du Suc de Manio del'arbe de. Mancenille , & de la piqûre des Guéfpcs , d> -Scorpions, & de tous les autres lnfedes venimeus. AàÏLT rL'J ■ Chap.24 DES ItlS ANTÎttES»' '$77 ARTICLE VIII. De l*Ecume de mer. C Eus qui pcfchent ou qui fe baignent en la mer, font quel- quefois accueillis d'une certaine écume qui flotte au gré du vent , comme une petite veftie de couleur de pourpre , de différente figure, & agréable à voir : Mais à quelque partie du corps qu'elle s'attache , elle y caufe en un inftant, une très- fcnlible douleur, qui eft brûlante , & piquante au poflible. Le remède le plus prompt qu'on peut apporter pour appaifer «être cuifante douleur , eft, d'oindre la partie otfencéc avec de rhuiiede noixd'Acaïou , mêlée avec un peu de bonne eau dç vie : car une chaleur en fait pafîer une autre. A R T I C L E I X; Des Rats qtti font communs en ces lier. DE puis qu'il fréquente aus Antilles, un fi grand nombre de Navires, & qu'il arrive afTezfouvent, quepiufieurs* s'échouent à la rade de ces lies, où ils pourriflent de vieii- lefle: les Rats \ quiétoiént autrefois inconnus- aus Caraïbes j ont gagné la terre , & ils s'y font teliemenrmultipliez , qu'en quelques endroits, ils font grand dommage aus Patates , aus Pois, aus Fèves , & particulièrement au Maison gros Blé, qu 'on nommé Bléde Turquie. Et n'étoit que les Couleuvres* les detruifent , & les vont chercher bien avant dans les trous de la terre & des rochers où ils fe fourrent, & même dans les «ouverts des maifons , qui font compofez de feuilles de Pal- mes , ou de Canne de fucre , on aurott fans doute de la peine h Gonfervcr des vivres. Il eft vray , qu'à prefent ily ades Chats en ces Iles , qui ne les épargnent pas. On amêmedrefle des chiens à leu rfaire la guerre , & cVft un platfir devoir comme ils font fubtils à les ©venter, & adroits â^leur donner là chaffe, &.àlestueri. Mm m €@ttr y^ 27* Hist.'Natur; des Îles Antil. Chap.2, Cette incommodité n'eft pas particulière aus Antilles. E c'eft bien pis au Pérou , carGarcilaflb en Ton Commentait Royal nous témoigne , que ces vilains animaus y étans e nombre préi'queinfiny, y t'ont par rois de grands dégâts, rava géant les lieus par où ils paiTent , defolant les champs , £ rongeant les fonts jufques aus boutgeons , & à la racine de Ar--;es. Les Habitansdes Iles, fe fervent encore d'une inventioi qu'ilsnomment Balan, pour empefeher que les Rats ne man gentleur catfaue , <5c leurs aurres provisions. Ce Balan, cl une efpece declaye ronde , ou quarréecompofée de plufieur Lâons, fur léquels il ont coutume d'arranger la cafiaue.apré qu'elle a efté féchée au Soleil. Elle cfl attachée au haut de 1 café avec une liene 5 où une corde, qui tient le Balan fufpendi en l'air. Et afin que les R ats ne fepuiiîent pas couler le lon< de la corde , & descendre fur le Balan , ils font paffer lacordi par une calebafle bien polie , qui. demeure furpenduè au mi lieu , de forte que les R ats étans parvenus jufques à cet en droit-là, netrouvanspointdeprife^qui arrefter leurs pieds & app rehenda nsMc mouvement de la Calebafle , ils n'ont pa: laiïurance de palier outre. Sa.a> ce petit fecret , les Habitant auroientde la peine à eonfereer leurs vivres. Voila comme lelagc Auteur le la Nature, a voulu parut admirablecontrcpoids , qui balance toutes les perfections d< l'univers, que les Pais qui o:k quelques avantages par deflu les autres, foient à l'oppoiite fujerïs a des incommodités , qu ne fe rencontrent point ailleurs : Ht comme fa Divine Provi dence, qui pourvoit pui'ianment aus befoms de tes créatures,, mis l'Antidote auprès du venin, le remède joignant le mal, & ; même ouvert devant l'h >mme, les inépuifable trefors de 1 grâce, &delanarurc, pour le prémunir contre les injures d l'air, les outrages des faifous , la violence des poifons , .& d tout ce que la terreà produit de plus dangereus, dépuis quel le à elle envenimée par le premier péché. Fin d/ip\micr Livre de l'Histoire . des Antilles. HISTOIRE NATURELLE E T MORALE D E S LES ANTILLES D E V A MEB.IQUE- LIVRE SECOND. Comprenant L'HISTOIRE MORALE. « m*i r.r O T " ■' 3. j a ;i o z a JJITVîA ! -S U P î -Ci . y i T :: A ■' S ;: ^ • " a i * 2«i p.^i^iï^i.^upKpo^t.ïa.'pt^^QSspiïS^ ^jpi^pyâiyo^ uyaipc^spsr^ ffst^^t^^ HISTOIRE NATURELLE ET MORALE DES ILES ANTILLES DE L'AMERIQUE. LIVRE SECOND. Comprenant PHiftoire Morale* CHAPITRE PREMIER. De ÎEtahliffement des Habit ans Etrangers dans les Iles de Saint Chriftofle , de Nieyes , de la Gardeloupe^ de la Martinique ? <& autres Iles Antilles* Prés avoir achevé; tout ceqtiipouvoitenredc l'Hiftoire Naturelle des Antilles , il faut venirà l'Hiftoire , que nous appelions Morale, & trai~ ter dorefenavant en toute la fuite de ce Livre, des Habitans de ces Iles , dont nous avons déjà fait quelque mention, félon qu'il eftvenu à propos, en la defeription que nous avons donnée au Livre précèdent, de chacune de ces Iles en particulier» Nous parlerons premie- N n terne ne *feb Histoire Morale, Chap. i rement des Etrangers ,. ou des Européens , autant qu'il fera necelïaire à nôtre deflèin. Et puis nous defcendrons, à une ample 3c particulière confideration des indiens , Habitans na« turels du Pais , dont le lu jet peu connu , demande une dedu. £tiondcplu3 longue haleine, Se une r eche relie plus exacte & pluscuruu'e. Les Efpagnols , fe fondans fur la Donation du Pape Ale- xandre fziéme, & fur quelques autres raifons apparentes, prétendent que le droit de naviger en l'Amérique, & d'y éta- blir des Colonies , (bit au Continent foitaus , les , leur appar- tient privativement à tous autres. Mais outre que la vanité de cette arrogante prefomption , fe découvre allez d'elle me- me, 6c que ce feroit interrompre le fil de nôtre Hiftoire , que de nous arrêter icy à une telle controverfe, leDoc1:e& cu- rieus Bergeron , a fi exactement traitté cette queftion, &fi clairementmontrérabfurditédecettecliimere , en Ton Traita té 'des Navigations , que ce feroit pêne perdue' de s'y étendre davantage, & d'y vouloir apporter denouveaus éclaircilfc- mens. Aulïi tous les Rois 6c Princes Chrétiens, ont tou- jours conteftéau Roy d'Efpagne , ce prétendu droit qu'il s'at- tribue. Et ils ne l'ont pas feulement combattu par paroles & par écrits: mais encore parles effets , ayant envoyé de tems en tems des flottes en l'Amérique , pour y faire des Peuplades, (Se fe mettre en poiTeflion de plufieurs terres de ce nouveau* Monde i où particulièrement fe font fignalcz les François, les. Angîois. & les Hollandois. Mais les plus renommées de tontes les Colonies que ces irois Nations poffedent en Amérique , & celles qui font les plus fréquentées des Marchands , comme étant les plus avan- tageufespourlegommerce, ce font celles des Antilles. Les François 6c les Anglois , comme on le peut remarquer au pre- mierL ivre de cette Hiftoire, y font les pins avancez : & ont en partage les plus grandes, les plus riches, & les plus peuplée* de toutes ces Iles. lieftanlTi conftant , que ces Nations en leur établilTemenr, n'onr pas fuivy les cruelles ôc Barbares Maximes des Efpag- no fe, & n'ont pas impitoyablement extermine comme eus, lci>reijpLs originaires du pais. Car li elles les ont trouvez dans Chap. i des' Iles Antilles. l$i dans les terres qu'elles pofledent , elles les y ont confervez pour la plupart, & ont contradé alliance avec eus. 11 eft bien vray, que les Caraibes ont dépuis un long tems de grands dif- ferens avec les Anglois: mais l'origine de leurs querelles Vient de quelques lu jets de mécontentement, qu'ils ont re- ceus de quelques particuliers de cette Nation , qui en corps à defapprouvé lear procède' : & en toute rencontres , a té- moigné qu'elle defiroit, qu'ils fufîent rraittez avec la même humanité, modération, & douceur Chrétienne, d'oncles amples & florilTantes Colonies de la Virgine & de la Neuve Angleterre , qui relèvent de fa Jurifdidion , ont ufé jufques à prefent, à l'endroit des Habitans naturels de l'Amérique Sep- tentrionale, oùelles font établies: aveeléquels elles entre- tiennent une fi fainte , & fi parfaite eorrefpondcnce, qu'elle leur a facilité les moyens, delesinttruireaveçun heureusiuc- cés , es myfteres de la Religion Chrétienne, & de fonder un grand nombre de belles £glifes, au milieu de ces pauvres Peuples. . Surtout, il eft tres-averé , que lors que les François fe font établis à la Martinique, àlaGardeloupe, & à la Grenade, ils font fait par l'agréement des Caciques , & des principaus d'entre les Caraïbes, qui ont défavovéceus-des leurs , -qui ont voulu aller au contraire- & qui ont employé leurs forces & leurs bons avis pour reprimer leurs defleins, & faire entrer les nôtres en lapaifible pofTemon , de ce qu'ils leur avoyent auparavant accorde. Ce qui juftifie , que nous nefommes pas coupables des mêmes violences que les Efpagnols , & que nôtre procédé en l'établiîTement de nos Colonies aus lies, n'apaseftéfemblableauleur. Que s'y on nous objede que nous les avons chaffez de Saint Chriftofle , & de la Gar- Icloupe , «3c qu'encore à prefent, nous avons guerre avec ceus ie la Martinique. Nous répondons , que lors que nous avons peuplé ces lies, nous n'avions autre bLit,que l'édification 5c rinftru&ion de ces pauvres Barbares, & que fi contre nôtre première intention , nous avons été obligez d'ufer de feve- rité à l'endroit de quelques uns, & de les traitter comme en- aemis, ils ont attiré ce malheur fur eus, en violant les pre** aiiers, les facrées ioixde l'aliance qu'ils avoyent contractée Nn 2 avec m 2S4 Histoire Morale, Chap. avec nous, & en prenant des confeils fanguinaircs , quieul fent étouffé nos Colonies dans leur berceau, s'ils n'euiTen elté découverts. Les Colonies Françoifes & Angloifes ont eu leur con mencement en même tems, c'eft à dire en l'an mil fix cer. vint-cinq. Monfieur Desnambuc, Gentil-homme Fran çois , de l'Ancienne Maifon de Vauderop, . & Capitaine er tretenu par fa. Majefté en la mer du Ponant, & Monfiei Waerna-er,. Gen'il-homme Anglois (lequel nos Frar çoisnommoyent Monfieur Oiiarnard, pour faciliter la pre nontiation du double W ,. que nôtre langue ignore) ont e un même jour pris potteiTion de l'Ile de Saint Chriftoflc , a nomdes Rois de France , & de la Grand' Bretagne leurs Ma; très ,- pour avoir un lieu de retraite alïurée , 6c une bonne n de pour les Navires de l'une 6c de l'autre Nation , qui h( quentoient en l'Amérique. Cette lie , ayant tous les rare avantages que nous avons amplement déduits au Chapitt qui en contient la defeription , étoit fort vifitéc des Eipnc nols, qui y prenoient fou vent leurs rafraichiffemens, en a font 6c en retournant de leurs longs voyages. Ils y laiffoici auflî quelquefois leurs malades, qui étoienttraittez par le 'Indiens Caraïbes, avec léquels ils avoientfaitlapaixacetr condition Ces Meiïîeurs donc confiderant , que s'ils polTedoient cett terre , ils incommoderoient l'Efpagnol leur ennemy con mun en l'Amérique , 6c qu'ils auroient unç bonne & feur demeure , pour jetter les fondemens des Colonies , qu'ils! propofoient de drelTer en ces lies , ils s'en rendirent maitres 6c y laiiîerent des hommes pour la garder.- Mais avant qu d'en partir, craignant que les Indiens ne fomentailent quel que feexette intelligence avec les Efpagnols , ou qu'en leu abfence, ils n'executaiTcnt la refolution, que certains Sorciers qui font en haute cftime parmy ce Peuple , leur avoient fai prendre dépuis peu ,. de mettre à mort tous les Etrangers, qi étoient en leur terre j ils fe défirent en une nuit de tous le plus factieus de cette Nation 5 6c peu après ils contraignircr îousles autres qui s'étoient cantonnez 6c misen defcnt'e,ài retirer ailleurs, 6c à le ut lailfer la place libre. Apre ■fet. Chap. i des Iles Antilles, 285 Apres quoy , Monfieur Defnambuc s'en retourna en Fran- ce, & Monfieur Oùarnard en Angleterre, où leur conquefte, 8c tout leur procédé furent agréez des Rois 5 & la permiffion Leur ayant été donnée d'y faire paffer des hommes, ils y re- tournèrent en bonne compagnie , en qualité de Gouver- neurs,. & de Lieutenanspour les. Roisde France , & de la- Grand* Bretagne» leurs Maitres. Mais avant que Monfieur Defnambuc vint cultiver & pourfuivre fa conquefte , il creut que pour avoir un puiffanfc appuy en France, qui prit Intereften la confervation de cette Ile , fous-la Souveraineté du Roy , & pour affûter & avancer ainfi fes deffeins , il feroit bien , de dreffer une Compagnie de perfonnes d'autorité , quieuffent la dire&ion& la Seigneurie de cette Ile, & des autres qu'il pourroit conquérir & fou- mettre àTobeiffance du Roy: à condition, que cette Com- pagnie eut foin, & prit à cœur d'y faire paffer des hommes pour conferver la terre, & 1& cultiver : d^y envoyer des Ec- clefiaftiques , ôc de pourvoir à leur entretenement : d'y faire bâtir des Forts pour la feureté des Habitans , & de les munir de Canons, de poudre, de boulets, de moufquets, de mcfche & de balles : en un mot d'y entretenir un bon arfenal , pour avoir toujours en main, déquoy faire tefte à l'ennemy. Cette Compagnie ou Société, fut établie au moys d'Oc- tobre de l'an mil (ix cens vint-fix, tant pour l'Ile de Saint Chriftofle, que pour les adjacentes, & fut approuvée parle Roy: & dépuis elle fut confirmée 6c favorifée de nouvelles concédions, & de tres-beaus Privilèges obtenus de fa Majeftév le huitième de Mars mil fix cens quarante deuspour toutes les lies de l'Amérique y fituées dépuis le dixième ,. jufques au,; trentième degré au deçà de l'Equateur. Monfieur Defnambuc, ayant ainfi mis ordre à fes affaires en, France, retourna à Saint Chriftofle avec trois cens hommes^, que les Seigneurs de la Compagnie nouvellement érigée avoient levez , pour jetter- lesfondemens de cette Colonie m i_L amena aufïi. plufieurs braves Volontaires, qui tenoient à; gloire de fuivre un fi célèbre Avanturier, & de prendre part dans fes honorables fatigues , fous l'efperance , de recueillir, auffienfon tems, le fruit de fes conqueftes. Ils arrivèrent tous. S-n- 3- â^Sate *** Histoire Morale, Chap. i à Saint Chriftofte au commencement du Printems de l'année mil fix cens vint-fét: «Se bien qu'ils eulTent beaucoup fouf fert durant leur voyage, & qu'ils fuflent malades pour la plu. part ou afFoiblis, ilsnefe iaifTerent point abbatrcàces rude! épreuves : mais le fouvenans , que les belles entreprifes foni toujours accompagnées de grandes diflicultez , & que les rofes ne recueillent que parmy les épines, ils commencèrent dés-lorsà mettre la main à l'œuvre, & ayans appris dans peu de jours de ceus qu'ils avoient trouvé dans l'Ile, tout l'ordre qu'il faut tenir pour défricher les bois , drefler les habita- tions, cultiver la terre, planterles vivres & le Tabac, ôtpoui faire tous les devoirs, qui font requis dans les nouveaus éta- bliflemens, ils fécondèrent lesgenereus deflcinsdeleur Ca- pitaine, qui les animoit puifTanment par fesparoles, & pat fon bon exemple. Les partages de l'Ile entre les deus Nations, avoient été promettez avant ce voyage : mais ils furent conclus & arrêtez folennellement , le treizième du moisd e May en la même an- née. Car afin qu'un chacun put travailler avec afiurance fur fon propre fonds, & que les nôtres n'euiTent rien a démefler avec les Anglois: Montieur Oùarnard étant auiTi retourné d'Angleterre , quelque tems avant Monfieur Defnambuc, ou il s'étoit auûî appuyé d'une Compagnie, qui prenoit la protection de Ls entreprifes : ils diviferent entre eus toute la terre de l'Ile , & y polerent les limites , telles qu'elles fc voient encore au jourduy, à condition toutefois, que la chaOc & lapefche fcroieiu par tout libres aus Habitans des deus Nations, & que les Salines , les bois de prix , qui font propres à la teinture , ou à la menuyferie , les rades , & les mines dc- meureroient au (11 communes. Ils convinrent encore de cer- tains articles , qui furent agréez & arrêtez de part & d'autre, pour entretenir une bonne conefpondance, prévenir toutes jaloufîes , & éviter tous les lujetsdedifpurcs & de contesta- tions , quijpeuventaifémcnt naiftre , entre des Penplesdedif- ferentes humeurs. Ils rirent aulfi enfemble une liçue dc- ienfive, pour s'entre fecourir aubefoin, & fe prefter main forte, pour repouner l'ennemy commun, & quiconque voudroit troubler lapaix 6c le repos , dont ils cfpcroient de jouir « >hap. i des Iles Antilles» 287 aiïir par enfemble , en cette aimable terre , qui leur étoit cheuëen partage. Après ces chofes; les cieus Gouverneurs travaillèrent à envy , à l'àffermiffement & à l'ornement de leur Colonie, dais il faut avouer, que les Anglois eurent de trégrands vantages par deffus les François , pour faciliter & conduire à hef leurs deffeins. Car outre que cette Nation-là , qui eft ée au fein de la Mer , fupporte plus facilement que nous, les- uigues des voyages de long cours, & quelle s'entend mieux faire de nouvelles Peuplades : La Compagnie qur fut eta- lie à Londres , pour la diredion de celle de Saint Chriftofle, ourveut fi genereufement à ce qu'elle fut affifteedesfa naif' tnce , d'hommes ,. & de vivres , qui etoient necefiaires pour :ur fubfiftence , jufques à ce que la terre leur en eut produit, g elle eut tant de foins, quedetems entemselle futrafrai- hie de nouveau fecours , & de toures les chofes dont elle ouvoit avoir befoin dans ces commencemens , qu'elle pro- )eroit & s'avançoit à veuë d'ceil , pendant que la nôtre , qui toitdépourveuëde toutes ces afliftances, ne faifoit que lan- uir , & même fe fut facilement écoulée , fi rarTcdion qu'elle voit pour Ton chef, Sclahaute eftime quelle avoit conceuë e fa valeur, ne l'euflent entretenue à fa dévotion, & liée :es-ëtroitementà fon fervice. Pendant donc que nôtre Colonie fouffroit toutesces foi- lefles , & qu'elle ne fubfiftoit que par fon courage 5- celle des mglois profitant de fes forces, en pouffa une nouvelle dans- Ile de Nicvcs , qui n'eft feparée de Saint Chriftofle, quepar n petit bras de mer, comme nous l'avons dit en fon lieu, 4ais fi ce petit nombre auquel nos gens etoient réduits, ne m permettoit pas de faire de pareils progrès, Monfieur- )efnambuc, s'étudioiten recompenfe de les affermir,. & de ■s policer par plndeurs beaus Reglemens, dont nous couche- ans icy quelques uns des principaus articles, afin que Ja- îemoire en foit précieusement confervëe, pour intui- tion delà pofteriré.. En premier lieu , par ce que parla paix & la concorde , les lus petites chofes s'accroiffent , ôç que la divifion fait écou- &» . & évanouir les plus grandes : Il vouloit que tous les Wabi- »'l ■ 2S8 Histoire Morale, Chap. 1 Habitans de l'Ile, qui reconnoiiToient fon autorité , confer- vafiententre-eus une tres-parfaite union, laquelle il leur re- commandoit en toutes occurrences, comme lacolomnedc leur petit Eftat , & le facré Canal d'où toutes fortes de bene- dictions du Ciel & de la Terre , découleraient abondanmeni fur eus. Et d'autant qu'il eu impoiTible , que dans la conver- fation mutuelle Une furvienne beaucoup de chofes , qui fe- roient capables d'altérer fouvent cette aimable correfpon- dance , s'il n'y étoit promptément pourveu : il defiroit que femblables difFerens fufîbnt au plûtoft terminez avec dou- ceur, & même avant le coucher du Soleil, s'il étoit pof- fible. Il leur ordonnoit d'eftre Loyaus , ronds, & finceresdans toutes leurs affaires 5 d'eftre courtois & fecourables envers leurs voifins , & de tenir aufti religieufementla parole qu'ils avoient donnée , que s'y elle eut elté redige'e par écrit , & re- ceuë par devant des Notaires. Afin que le travail trop alfidu de leurs habitations , ne leur fit oublier le métier de la guerre , ou que leur courage ne fc ramollit dans le profond repos , & qu'au befoin ilsfçeufient manier les armes & s'en fervir avec d'exterité , il vouloit qu'ils en fi rient fouvent les exercices, qu'ils s'y faffonnaflent félon les règles de la difeipline militaire, & bien qu'ils fiflent tous profefiion de cultiver la terre , qu'ils euffent la grâce & l'air genereus des Soldats , & qu'ils en portaient en tous tems les marques & les livrées , ne fortant jamais de leur quartiers fans armes à feu, ou du moinsfans avoir l'épée. Que s'il les formoit en cette forte , afin qu'ans occafions ils fiflent paroître leur valeur, «5c leur courage à l'endroit des ennemis 5 II les obligeoit d'ailleurs , d'eftre dons & humains les uns envers les autres 5 Et il ne pouveitfouffrir, que les plus forts foulaflcnt les plus foibics. C'cft pourquoy il fil cette belle ordonnance, laquelle cft encore en vigueur dan! tontes ces lies , aflavoir , que les maitres ne pourroient enga« ger leurs ferviteurs que pour trois ans , durant léqucls il: feroyent tenus de les traitteravec toute modération e d'hoftilité de quelques Navires Anglois qui étoyent à l'ancre prés de l'Ile de Nieves, puis elle vint mouiller à la rade de Saint Chriftofle , à la portée du Canon de Chap.i des Iles Antilles. 29 ï de la Baffe-Terre, où Moniteur de Rofley commandait. Les forts des deus Colonies, n'étoyent pas encore en état pour foùtenir un fiege, ils étoyent dépourveus de vivres, toutes les munitions de poudre & de baies , qui fe trouvoyent dans l'Ile , ne pou voient pas faire des grands effets , & quand les deus Nations euffent uny toutes leurs forces, elles n'euf- fentpaspu refifter à' une G redoutable armée: mais leur cou- rage fuppleoit à tous ces défauts 5 car afin, que Pennemy n'eue pas fujet defe glorifier d'eftre venu à bout de fes deûeins, fans quelque oppofition $ MonOeur Defnambuc , détacha du quartier de la Cabes-terre où il commençoit defe fortifier, tous fes meilleurs foldats, pour aller au fécoursde celuyqui étoit menacé, & les Anglois, y firent paffer quatre de leurs meilleures Compagnies. Auffitôtque ces troupes furent arrivées au rendez-vous, elles s'employèrent d'un commun accord avec les Habitans du quartier, à fe retrancher le long de la coûte, pour repouf- fer vigoureufementl'ennemy&luy contenter la defeente, ôc fans doute , elles luy euffent bien donné de la pêne, Ci elle euf- fent elle bien commandées, & que cette première ardeur n'eut cfté ralentie, par la frayeur qui faifit tellement le cœur de Moniteur de Rofîèy, qu'il l'eut laiûe mettre pied à terre , <3c venir aus approches fans aucune refiftanec, fi un jeune Gen- til-homme Neveu de Monfîeur Defnambuc, frère aifné de Moniteur du Parquet, quieft a prefent Seigneur & Gouver- neur de la Martinique, n'eut obtenu la liberté de paffer tes retranchemens , 6c de donner fur la première Compagnie des ennemis qui parut fur le fable. Il fut foutemi de quelques Vo- lontaires, qui voulurent avoir part à fa gloire, mais, il les ievança tous de beaucoup encourage & en refolution 5 car il attaqua avec tant de vigueur ceLuyquiconduifoit la trou- pe , qu'il le tua & plufieurs autres des plus vaillans de fa Com- pagnie, qui eurent l'affurance de vouloir éprouver fa valeur } nais étant abandonné de cens qui Favoicnt fuivy en cefte nefiée, il fut tellement invefty de la multitude, qui venoit tondre fur luy,, qu'enfin il fut abbatu& emporté dans l'un des lavires des ennemys, où après tous les devoirs qu'on fit pour c guérir de fes bleflîires , il mourut au grand regret de l'un & Oo 2 de 29i Histoire Morale, Chap. i de l'autre party , quiavoit été témoin de fa generofité , & qui ne pouvoit fe lafier de luy donner tous les plusbeaus éloges, que fa vertu avoit mérités. Durant ce choc, qui devoit eftre foutenu unpeuplus vi* goureufement des nôtres , le General de la Flotte, fit détacher en unmêmetems , de tous les Naviresde grandes Chaloupes remplies de Soldats bien armez , qui dépendirent en fort bon ordre, & couvrirent la rade. C'eft ce qui redoublal'épou- vantement de Monfieur de Rofley, qui de peur d'eftre op- primé de cette multitude, fut d'avis de cédera la force, & de faire une honorable retraite, avant que les nôtres fa fient in- vertis & envelopés de tous coftez. Cette refolution prife tu- multuairement, fût fort malreceuëde tous ceusqui étoyent jalous de la gloire denoftre Nation , & qui eufient defiré'que lennemy , eut acheté un peu plus chèrement le degaft de leur Colonie : mais les fuffrages que l'épouvantement fuçgerotf en cette fatale conjoncture ayans prévalu, il fat arrêté qua l'indantmême, onprendroitlechemindela Cabes-tcrre , <5c que là.onaviferoit plus amplement , à tout ce qui feroit jugé neceflaire, pour le falut commun. L'Efpagnoi , voyant que nos gens abandonnoyent leur Port, &leur rctranchemens, fans avoir fait beaucoup de rc- fiftance, crut que cette retraite n'étoit qu'une feinte, qui croit ménagée à defïein , de l'attirer dans quelque embufeade, qu'on luy avoit drefîee dans les bois. Ce foubçon , qui étoit appuyé fur quelques apparences , le retint de uourfuivre fa victoire, & l'arrêta au quartier de la Bafie-tcrre, jufques à ce qu'il eut apris au vray l'état de toute l'Ile, & qu'il eut pour- veu , à tout ce qu'il trouveroit eftre le plus expédient, pour exécuter promptement & fidellemcnt , tous les points de fa £om million. Pendant que Tenneiriyprenoitainfifesmefurcs, pourcon- duirc à chef fes defleins, fans fe mettre en danger : Monficui Defnambucfurpris d'un fi fubit changement, ôcd'unfuccés fiincfperé, tâchoit.de rafliirer les fiens, & de les encourager à porter conftamment cette difgrace: leur remontrant quel- le n étoit pas irrémédiable : que l'enncmy ne s'opiniatreroit pas à demeurer dans l'Ile, jufqucs à ce qu'il en eut entière- ment Chap. i des Iles Antilles. 293 ment chafle les Habitans : qu'il avoit des affaires de plus grand poids , qui l'appelloyent ailleurs: qu'il ne s'engage- roi t pas facilement dans les forets, qu'il luy faudroit traverfer ie neceffité, pour venir à fon Quartier: qu'ils pouvoyent s'y mettre en bonne defenfe , pour foutenir fes efforts , & luy faire marquer de fon fang cette invafion , s'il entreprenoit de paffer outre ; & qu'en ce cas , il y avoit même en chemin des endroits fi forts de nature , que peu d'hommes ie pourroyent arrêter , & le contraindre de retourner fur fes brifées. Ces avis étoient tres-judicieus : mais la terreur avoit tellement préoccupé les efprits, & la confternation étoitft générale , qu'ils ne furent point pefez félon leur mérite. L'af- faire étant donc mife en délibération, la conclufion fur, qu'on abandonneroit l'Ile,. & que la- Colonie fe transporteroit en quelque autre , qui ne donnerait point tant d'ombrages à L'Efpagnol", & qui feroit plus écartée de la route ordinaire de & Flotte. Moniteur Defnambuc, qui prevoyoit que quelque couleur qu'on put donner à cette refolution , elle feroit no- tée de quelque lâcheté, qui- flétriroit l'opinion qu'on avoit j.uftement conceuë de la valeur des François , & étouferoit en un inftant ces grandes efperances , qu'on avoit eues de leur Colonie, ne pût point eftre perfuadé d'y donner fon ap- probation. Neantmoins , encore qu'il fut d'un fentiment tout contraire, pour ne point abandonner dans cette trille rencontre, ceus qu'il avoit amenez de fî loin ,, &avec qui il avoit pafle tant de mers , &- effuyé tant de périls ; il s'accom- moda a leur humeur, & s'embarqua avec eus dans quelques navires qui fe trouvèrent à la rade ; & ainfî. pour éviter un- plus grand defordre , en fe furmontant foy même, il témoigna- qu'il oublioit genereufement 9: le peu d'eftime qu'ils faifoyenfc de fes remontrances. Les Quartiers des Anglois ,. étoient aufïidans'un grand des- ordre, ils avoyent apris que l'ennemy étoit maître de toute la Baffe-terre: qu'il ruinoit la For trèfle des François, après en- avoir enlevé le Canon : qu'il avoit déjà brûlé toutes les cafés,. & fait le dégaft des habitations du quartier, Ilseroioyent à/ chaque moment, qu'il venoit fondre fur eus avee toutes les forces, & dans cette apprehenfion les uns eflaioyent de fe. Qlq, i> fau— î9+ Histoire Morale, Chap. fauver par mer, ou de fe retirer fur les montagnes, pendar que les autres , qui étoyent un peu plus courageus, turent d'à vis d'envoyer des Députez àDomFederic, pour le prier d vouloir entendre à quelque accommodement : mais pou toute reponfe, ils receurent un commandement expré^defot tir promtement de l'Ile, ou qu'autrement ils feroyent traitte; avec toute la rigueur , dont les armes permettent d'uler ; l'endroit de ceus , qui s'emparent contre tout droit, dubici qui ne leur apartient pas.. Pour faciliter ce départ que DomFcderic leur ordonnoit On leur rendit félon fes ordres les Navires, que fa Flotte avoi pris devant l'Ile deNieves, & il voulut qu'ils s'yembarquaf fent fans aucun delay, & qu'en fa prefence ils fifïent voil< Vers l'Angletere. Et parce que ces vaifleaus ne pouvoicm pas contenir une II grande multitude, il permit à tousceu; quin'y purent pas avoir place,dedemeurerdans l'Ile, jufques î ce qu'il fe prefentâtune occafion favorable , pourfuyvre leur: compagnons. Apres cette expédition , Dom Federicrit le- ver l'ancre à Ces Navires pour continuer leur voyage: mai! incontinent que les Angloisqui étoyent reftez curent perdt de veuë cette flotte, ils commencèrent à fe rallier , & à formel une confiante refolution, de relever courageufementlesnii- nés de leur Colonie. Pendant que ces chofes fe pafibyent à Saint Chriftofle , les François qui en étoyent fortis au commencement de cette déroute, avoyenttant enduré fur mer, à caufe du manque- ment de vivres & des vens contraires , qu'ils avoyent été con- trains de rélâcher aux Iles de Saint Martin & de Montfcrrat, après avoir vifité enpaflant celle d'Antigoa. Ils enflent bien fouhaitté de fe pouvoir établir en quelcune de ces terres: mais elles ne leur fembloyent que des arïreus déferts , en com- paraifon de celle qu'ils avoyent quittée. Sa douce idée rc- pafloitinceflamment devant leurs ycus , ils 1 aregrettoient à chaque moment, & l'aimable fouvenir de cet agréable fejour, où la Providence Divine les r'appelloit, par des voyes qui leur étoient inconnues, leur fit naiftre le defir de s'informer de l'état auquel l'Efpagnol l'avoit l'aiffé , puis-qu'iis en étoyent fi voiiim>. Pour contenter cette louable curiofité,- ils *hap. i des- .Iles Antilles. &%$ ls y firent pafler l'un de leurs Navires , qui leur rapporta à Ton ctour, que la Flotte ennemie s'étoit entièrement retirée, &' [Ue les Anglois qui y étoient reftez , travailioyent courageu- :ment à rebâtir leurs cafés , à planter des vivres & à reparer eursdefolations. Cette agréable nouvelle, refufcitaen un inftant toutes les fperances de nos François, & releva glorieufement le cou- Êge des plusabbatus : de forte qu'il ne fallut pas employer eaucoup d'artifice , pour les animer au retour, & pour leur erfuader defe rendre en toute diligence en Cette delicieufe erre , qui pofiedoit déjà leurs cœurs & toutes leurs plus ten~ res affections. Auiïi-toft qu'ils y furent arrivez, chacun reprit fonpofle ç retourna fur fa place , en bonne intention de s'y affermir, I d'en relever promtement le débris : Mais la famine qui les u'onnoit, eut fans doute interrompu le cours de tous ces eaus deffeins, & ils fuffent fuccombez fous le faiz des pe- ins travaus qu'il leur falloit entreprendre en un même rems, our rebâtir leurs maifons, & planter des vivres , fi dans ces xtremitez fi preiïantes, Dieu ne leur eut fufeité le fecours e quelques Navires des Provinces Unies, qui les vinrent vi- iter à la-bonne heure, & ayant reconnu leur trifte état , les ffifterent genereufementde vivres , d'habits , & de toutes les hofes qui leur étoient neceffaires dans ce grand abandonné- aent ou ils fe trouvoient réduits : & même pour leur faire ïfaveur toute entière , ils fe contentèrent de leur fimple pa- oie, pour affurance de toutes ces avances. Nos gens, s'étans tirez doucement à l'ayde de ce fecours, lors du mauvais pas où ils fe voioyent accrochez, dezl'en- réede leur rétablrflement , travaillèrent en fuite avec tant l'ardeur en leurs habitations , que Dieu beniflant l'œuvre de eurs mains , la terre leur produifit des vivres , & du Tabac en i grande abondance , qu'ils contentèrent avec honneur leurs ;haritables Créanciers, & en peu de tems ils fe trouvèrent >eaucoup mieus accommodez , qu'ils n'éroient avant leur de- oute. Mais il leur falloit encore des hommes pour appuyer eurs entreprifes , & entretenir le commerce, qui conimen- mi i.s'établir parmy eus. Bour remédiée à ce befoin ,.. M on- Cicm ■ 296 Histoire Morale, Chap. : fieurDefnambuc, quivoyoit fa confiance couronnée d'uni heureus fuccés , ne trouva point de plus feur , ni de plus dou expédient, que de permettre aus principaus Habitans de 1 Colonie d'aller en France, pour en lever, & les y amener leurs propres fraiz. Cefage confeil ayant eftéfuivy, l'Ile f peupla en peu d'années de plufieurs braves hommes , qui 1 mirent en réputation, La Colonie Angloife , répara auffi en peu de tcms , toute les brèches que le ravage de l'Efpagnol luy avoit faites. E la Compagnie de Londres qui s'étoit chargée de fa direction ne fe laflant point de luy envoyer des hommes & des raffrai chiflemens, les deus quartiers qu'elle occupoit dans l'Ile d< Saint Chriftofle, fe trouvèrent fi étroits pour contenir une i grande multitude, qu'outre l'Ile de Nieves qu'elle avoit peu plée avant la déroute, elle eut affés de force pour pouffer ei moins de 4 ans des nouvelle Peuplades dans Celles de la Bar boude , de Montferrat , d'Antigoa , & de la Barbade , qui s'' font merveilleufement accrues , &fe font rendues fameufe par le trafic des riches Marchandées qu'elles fournilTent, ô par le nombre de leurs habitans, comme il fe peut voir, par le deferiptions particulières que nous avons données de ces lies au commencement du premier Livre de cette Hiftoire. Pour ce qui eft des Colonies Hollandoifes aus Antilles, elle ne content leur établiffement qu'aprez celles des François & des Anglois. Et ce n'eft pas l'Etat qui a fourny aus frais, mai des Compagnies particulières de Marchands ,' qui ontdefiré pour faciliter le commerce qu'ils ont en toutes les lies, que le François & les Anglois occupent, d'avoir des places de retrait te affurée pour ratfraichir leur Navires. La plus ancienne d ces Colonies , qui relèvent de la Souveraineté de Meilleur les Etats Generaus des Provinces Unies , eft celle de Saint Eu Hache. Elle fut établie environ le mémetems, que Monfieu Oiiarnard forma ccllede Montfen il , c'eftà dire en l'an 1632 Elle eft confiderable, pour eftreenune place très forte de na turej pour le nombre & la qualité de Ils Habitans : pour l'a bondance du bon Tabac qu'elle a produit jufques à prêtent : t pour plufieurs antres r.i.res a\ antages, dont nous avons déj parlé, au Chapitre cinquième du Livreprcced^nr. Mon Chap. i des Iles Antilles. 197 Monfieur Defnambuc, n'avoit pas moinsdeFaiTionnide generofité que les autres Nations pour étendre fa Colonie : mais n'ayant pas efté fecouru comme il eût elle requis dans ces commencemens, & Tes defîeins ayans efté fouventéfois traverfez de plufieurs facheufes rencontres, il eut ce déplai- |r, devoir plufieurs belles Iles occupées par d'autres, avant qu'il fut en état d'y prendre part, & de pouffer fa conquefie hors des limites de Saint Chriftofle. Il avoit dépuis unions tems jette les yeus fur l'Ile de la Gardeloupe , comme étant l'unedes plus belles & des plus grandes de toutes les Antilles, mais au même inftant qu'il fe difpofoit pour y envoyer des hommesjil fut prévenu par Monfieur de V Olive, l'un des princi- paus habitans de fa Colonie, qui pendant un voyage qu'il avoit fait en France pour fes affaires particulières , s'arlbcia avec Monfieur du Pleffis , & quelques Marchands de Dieppe pour y établir une Colonie, fous la commiffion des Seigneurs delà Compagnie des lies de 1' Amérique. Ces deus Gentils-hommes, étans établis Gouverneurs de ta Gardeloupe avec égale autorité , y arrivèrent le vint- tuiitiéme de juin , mil fix cens trente cinq, avec une Compag- nie de cinq cens hommes , qui furent accueillis dez leur an ï* /ëe de la famine , & de diverfes maladies , qui en enlevèrent plufieurs. On tient, que le premier de ces maus leur furvint, jour s'eftre placez d'abord en des endroits , où la terre étoit apius ingrate ôclaplus mal-propre au labourage, qui fût en outei'Ik; ôepouravoir entrepris trop légèrement laguerre :ontre les Caraïbes Originaires du lieu, qui leur eufïent pu burnir en toute abondance la plupart des vivres , qui étoient îecelTaires pour leur fiibfiftenee dans ces commencemens, ufques à ce que la terre leur en eût produit. Les mala- iies fuivirentles mauvaifes nourritures , que la faim les con- raignoit de prendre, à faute déchoies meilleures: à quoy on >eut aufliajoufter, que la terre n'étantpas encore défrichée, air y étoit facilement corrompu. Monfieur duPleffis, voyant les malheurs quidejouren Dur fondoient fur cette nouvelle Colonie, & ayant tout ajet d'en appréhender encore de plus grands à l'avenir, en onceut un tel déplaifir, qu'il mourut dans le fêrticmc mois P P après jr$z Histoire Morale, Chap. i après fou arrivée. Il fut regretté de tous les François, Ôc même des Indiens , qui avoyent toujours témoigné beau- coup de déférence à fesfentimens, & damour & de l'efpect pour fa perfonne. 11 étoit doué d'une grande prudence , & d'une humeur fi affable & 6 obligeante , qu'il attiroit les coeurs de tous ceus qui traitoient avec luy. Après ledecésde Monfieur du Plefïis, Monfieur de l'Oli- ve s'empara de tout le Gouvernement, .& comme il étoit au- tant remuant, que fon Collègue avoit efté dous & modéré, il défera tant ausconfei'sviolens de quelques brouillons, qui l'obfedoient continuellement j qu'il fit bientôt après entre- prendre , cette guerre funefte contre les Caraïbes , qui penfa ruiner cette Colonie, naiffante. H eft vray , qu'il les prête d'abord fi vivement, qu'il les obligea de luy quitter l'entière poffefïîon de la Gardeioupe. Mais d'autant, que pour venir à bout de ce deflein qu'il avoit formé déz fon arrivée, il fe fouil- la de plufieurs cruautez , que les Barbares n'eufient pas vou- lu exercer à l'endroit deleurs plus grands ennemis, il .flétrit tellement fa gloire & fa réputation , qu'il ny avoit que des gens de fang , & des desefpércz , qui aprouvailent fa conduite. Les Caraïbes , que Monfieur de l'Olive avoit chaHfez decettelle, feretirerent en celle de la Dominique. Ceus de la même Nation qui la poiTedent les receurent fort volon- tiers, & pour leur témoigner, qu'ils étoient fenlîblemenl touchez de leurdifgrace, ils leur prefenterent de le joindre avec eus , pour venger par les armes l'injure qui leuravoit efté faite, cette offre étoit trop avantageufe, pour élire refufée. Leurs forces étant donc ainfi unies , ils firent plufreurs defeen- tes à la Gardeioupe , & s'opiniâtrerent tellement à harce- ler les nôtres , par les fréquentes incurlïons quils failbient fui eus, qu'ils étoient contrains d'abandonner la culture du Ta- bac , & même des vivres qui étoient neceftaires peur leur f ub- fiftcncc, afin d'élire toujours fous les armes, pour reponf- fer les efforts, prévenir les rufes , & éventer les deffeins de ces ennemis, qu'ils av oient attirés fur eus par leur in. prudence. Cctti Chap. i des Iles Antilles. %^ Cette cruelle guerre, qui dura environ quatre années, re- duifit cette Colonie en un fi déplorable état, qu'elle croit dé- criée partout, & à caufe qu'elle avoit fi fouvent les Caraïbes fur le bras , on la croyoit à la veille de fa ruine , mais comme elle étoit réduite à ces extremitez , Monfieur de l'Olive per- dit la veuë, & Meflieurs de la Compagnie y envoyèrent Monfieur Auber pour Gouverneur, qui remédia à tous ces desordres , appaifa tous les troubles , & y apporta cette bonne paix, quiy attira puis après le commerce, & l'abondance de toutes chofes , comme nous le dirons au Chapitre treizième de cette Hiftoire Morale. Inconrinent que Monfieur Dcfnambuc eut fçeu , que la Gardeloupe étoit habitée, il refolut, de ne pas différer davan- tage à fcplaccr dans quelcune des meilleures lies, qui croient encore a ion choix , & de peur d'eftre encore une fois fup- planté, fe voyant affiftéd'aifez bon nombre devaillans hom- mes, & pourveu de toutes les munitions de guerre , & de bouche, qui font neceffaires en ces entreprifes~ il alla luy mê- me prendre pofleffion de l'Ile de la Martinique, en laquelle il mit rxmrfon Lieutenant Monfieur du Pont, & pour pre- mier Capitaine, Monfieur de la Vallée. Puis mourant à 6aint Chriftofle, ildonna par (on teftament tous les biens , & tous les droits , qu'il avoit à la Martinique , laquelle il avoit fait peupler à fesfraiz, à Monfieur du Parquet fon Neveu, qui en eu encoreà prefent Seigneur & Gouverneur, comme nous l'avons déjà dit. Ce Gentil-homme étoit vaillant, digne de commander, accoftable, familier à tous, & doué d'une grande adreffe à fe faire aimer & obéir tout enfemble. Les Anglois mêmes e refpectoient & le craignoient également, On recite de luy , que ces Anglois , ayansoutrepaffé tantfoit peu les limi- tes, qui par un commun accord, avoyent eue pofées entre les deus Nations, il alla avec bien peu de fes gens au quartier des Anglois, & parla au Gouverneur, qui l'attendoit avec une groffe Compagnie de Soldats : Mais il fe comporta avec tant de courage & de refolution, mit en avant de fi bonnes rai- fons, &fit de fi puiffantes menaces de venir à bout par la for- ce, de ce qu'il ne pour r oit obtenir par la douceur , que le Pp 2 Goa- X $oe Histoire Morale, Chap. z Gouverneur Anglois.luy accorda ce qu'il demandoit. Cette rencontre, prouve combien il étoit jalous de conferver les droits de fa Nation. Dépuis ces deus Gouverneurs furent toujours bons amys. CHAPITRE DEUXIEME. T)e ÏEjïahlijfement des François dans les Iles de Saint (Bartetemj , de Saint Martin ? <& de Sainte Croix. A Prés le decés de Monfieur Defnambuc , duquel la mémoire eft en bénédiction dans les Iles, Monfieur du Halde, qui étoit fon Lieutenant au Gouverne- ment, fur fait Gouverneur en chef par Meflieurs de la Com- pagnie des Antilles. Mais comme peu de tems après il fe fût retiré en France, Monfieur le Cardinal de Richelieu, premier Miniftre d'Etat, duquel la prévoyance s'étendoit ans liens les plus éloignez, jugea quec'étoit une chofe digne de fes /oins, deprendreàcœurlaconfervation, & l'accroifiemcnt de cet- te Colonie en l'Amérique, & que de là, la gloire du nom François, & les armes viftorieufes de nôtre invincible Mo* Barque, pourroient s'étendre par tout ce nouveau Monde, commeelles éclatoient magnifiquement enceluy-cy. 11 de- firapour cet effet que les lies fuflent pourveuës d'un Gou- verneur, qui pût féconder & exécuter fes genereus defleins. Et après avoir cherché par tout, un Seigneur capable de cet employ, & doûéde la conduite , delà fagefle , delà gencro- fité , . & de l'expérience neceflaire à une fi grande charge : En un mot, qui eut tous les avantages de l'une & de l'autre No- blette , pour reprefenter dignement la Majefté du nom Fran- çois en un pais fi éloigné, fon Eminence n'en trouva point qui eût toutes ces rares qualitcz , en un plus haut deeré, que MONSIEUR LE CHEVALIER DE LONV1L- LIERS POINCY, BAJLLY ET GRAND CKOlX DE LORDRE DE s. JEAN DE JERUSALEM. Go nu Chap. 2 des Iles Antilles. 501 Commandeur d'Oyfemont , & de Couleurs & chef d'Efca- kc des Va'oTeaus de fa Majefté en Bretagne , Gentil-homme le fort ancienne Maifon , qui porte le nom de P o 1 n c y , & lont l'aifné fait fa demeure en Tune de fes terres , proche la Ville de Mcaus. Monfieur le Cardinal, prefenta cet excellent Gentil-homme ai Roy Louis treizième deglorieufe mémoire , qui louant k approuvant ce bon choix, rinveftit de la charge de Gou- verneur, & Lieutenant General pour fa Majefté aus Iles de' 'Amérique. Dequoy, lettres luy furent expédiées au mois le Septembre , de l'an mil fix cens trente huit. Cette qualité, î'avoit pas efté donné à ceus qui l'avoient précède. L'an mil fix cens trente neuf, Monfieur leBaillydePoin- :y , étant partyavec tout fon train de laradede Dieppe vers e my-]anvier , arriva un mois après aus Antilles , & fut receu >remierement à la Martinique, par les Habitans en armes. Puis il alla à la Gardeloupe , & à Saint Chriftofle, recevant Dar tout le ferment de fidélité. Sur tout fa réception fut t rés- ille en l'Ile de Saint ChriftofLe. Il fut falué à fon arrivée lu Canon de nôtre Fort, & de celuy de tous les Naviresr rous les Habitans François étant fous les armes , le receurent m qualité de General, avec un applaudiftement univerfel,. :omme déjà auparavant ils avoient fait des feus dejoye, «Se endu grâces à Dieu , fur les premières nouvelles qu'ils ivoienteuës, de fa nomination à cette chargé , &ii fut con- luit à l'Eglife accompagné de fes Gentils-hommes, «Se de fes gardes pour y chanter le TeDeum. Si tôt qu'il fut entré en poiïeiTion , l'île prit une nouvelle ace, & l'on vit en peu de tems un notable changement de- lien en mieus. Ainfi il ne répondit pas feulement aus gran- les attentes que fa Majefté, & Monfieur le Cardinal avoient onceuës de fon Gouvernement: mais il les furpafia de beauc- oup. D'abord il fît bâtir des Eglifes en divers quartiers de 'Ile. Il prit foin que les Preftres fuiTent bien logez & entre- enuz, afin qu'ils puflent vacquer à leurscharges fans diver- iflémenr. Sa Juftice parait au bel ordre qu'il établit , pour k? endre bonne,, briéve, & gratuite , par un Confeii compofé- es plus fa^es & des plus entendus d'entre les Officiers de. pp 3» m^ 3oa Histoire Morale, Chap. : l'Ile. Sa Vigilance corrigea tous les désordres, qui c glif fent facilement parmy des personnes recueillies dedivers en- droits, & compofées de différentes humeurs. Sa Prudence qui n'eft jamais furprife, & qui eft toujours accompagner d'une clarté, & d'une fage prévoyance, en l'occurrence fou- daine des affaires les plus épineufes , le fit admirer égaiemen: & de ceus qu'il gouvernoit , & de fes Voifins. La Grandcui defonefprit, qui luyfit furmonter toutes lesdifficultcz qui trouva en l'accompliffement de fesdefleins, le rendit redouta' ble aus brouillons. Son Affabilité , fon facile accès , & le bor accueil qu'il faifoit aus étrangers , attira le commerce & l'a- bondance dans fon Ile. Sa Bonté & fa Libéralité, luy aquii à jufte titre les cœurs & les affections des François, hnfin , fj Generofité éprouvée en plufieurs rencontres, tant en France, aus emplois très-honorables qu'il a eus dans lesarmées de U Majefté, qu'en l'Amérique , dépuis qu'il y commande , enls confervation , ou amplification , & en laconquefte de tantd< places conilderables , donna dés Tors de la terreur à l'Efpag- nol, qui jufquesàprefentnaofé traverferfes belles & glo- rieufes entreprifes. Monfieur le General, ayant établi dans l'Ile de S. Chri- flofle, tout le bon ordre qui étoit neceilairepour entretcnii les Habitans en une bonne concorde, pour y attirer toute! fortes de biens & y faire fleurir le trafic: & l'ayant rendue h plus belle & la plus illuftre de toutes les. Antilles , comme nous l'avones reprefenté au Chapitre 4 du premier Livre de cette Hiftoire , étendit puis après la Colonie Françoifc dans les lies de Saint Bartelemy, de Saint Martin , & de Sainte Croix , déquelles nous avons fait la defeription en fon lieu, mais il nous refte encore quelques circonftances bien con- ilderables, touchant laconquefte de l'Ile de Sainte Croix, lé- quelles nous ajourerons en cet endroit. Cette Ile, à eu plufieurs maîtres en bien peu de tems, & durant plufieurs années, les Anglois & les Hollandois oni conrefré cnfcmble à qui elle feroit. Enfin , ils l'avoient par- tagée entre eus : Mais en l'an mil fix cens quarante neuf, le; Anglois ayans remarqué, que les Hollandois croient en petii nombre, les obligèrent à lcurlaiffer tome la place. Toutéfoé Chap.2 des Iles Antilles. 303 ls ne jouyrentpasiong tems de leur ufurpation. Car bien ôt après , les Efpagnols de l'Ile de Porto Rico y rirent une kfeente, brûlèrent les maifons, tuèrent ceus qu'ils trouve- •ent fous les armés , & firent transporter les autres , avec leurs èmmes, Ôt leur bagage , en l' lie de la Barboude. Apres qu'ils eurent ainfî dépeuplé cette Ile , comme ils Soient fur le point de remonter dans leurs vailïeaus, pour l'en retourner en leur terre , voicy arriver un navire des lies le Saint Euftache & de Saint Martin , qui étoit chargé d'hom- nes, léquels ayant apris la déroute des Anglois, dans la :reance que rbfpagnoi s'étoit déjà retiré , venoient relever es droits, & les prétentions que la Nation Hollandoife avoit m cette Ile: mais la partie étant inégale , veuqueles Efpag- lois étoient dix contre un , ils furent contrains de compofer. Le deflein des Efpagnols, qui leur avoient promis bon quar- tier, & qui les ténoient prifonniers , étoit de les mènera Por- :o-Rico à leur Gouverneur , qui félon l'hurleur Efpagnole, se leur eut peut eftre pas fait un trop bon party. Lors donc qu'ils meditoient leur retour avec ces prifon-- tiiers , qui étoient venus d'eux mêmes fe jet ter entre leurs snains : deus navires François chargez de Soldats , de vivres, 5c de toutes fortes de munitions de guerre abordèrent en L'île, étant envoyez de la part de Monfienr de Poincy leur General, pour chailerl'Efpagnol de cette terre, & la-conque- (1er pour le Roy. Ce fecours, vint bien à propos pour la dé- livrance des Hollandois : Car les Efpagnols ayant veu nos gens , qui defeendoient alégrement Ôt en bon ordre, ôt qui d!abord , formèrent fur terre un gros de vaillans hommes bien armez , ôt en difpofkion de combattre , ils lâchèrent incontinent leurs prifonniers , ôt après quelque pourparlers les François leur firent commandement de vuider à Tinftant de l'Ile , ôt de r'entrer dans leurs vaifleaus , à faute dequoy, ils les chargeroient.comme ennemis , tels qu'ils étoient , ôt ne leur donneroient aucun quartier. A quoy ils aimèrent mieus obéir, que d'expérimenter la valeur des nôtres, ôt le fort des armes, quoy ils fuflent en plus grand nombre. Monfieur le General, reconnoiffant félon fon exquife pru- dence, l'importance de cette lie., qui peut faciliter d'autres 0 ■ con=- V 304 Histoire Morale, Chap.j conqucftcs, encore plus gloricufcs, jugea qu'il falloir acconv pagner de fi heureus commencemens, d'un grand loin pour la conferver, 6c la munir d'un nombre confiderable de vaillan: hommes, & fur rout d'un chefgenereus & expérimenté, poui y commander en fon nom. PourcetetTer , ily envoya Mon. fleur Auger Major de L'Ile de Saint Chriftofle, qui avoit exer- ce' cette charge avec grande approbation par plufieurs années, & le revêtit de la qualité de Gouverneur de cette lie. 11 mou- rut en l'exercice de cette charge, au grand regret de tous les habitans, après avoir mis l'Ile en bon ordre j redrefle Tes rui- nes, & donne les commencemens à un Fort, qu'il avoit luy même deiïîné, pour la feureté des vaifleaus,qui viendroienr cy après àla rade; & pour faire perdre aus Efpagnols, toute en- vie d'y defeendre à l'avenir, pour y fairedes ravages. Lacon- queftede cette Ile fut faite, en la fatïbn que nous venons de di- re en Tan 1650. Si cette Colonie, doit fes commencemens à la generofité de Monfleur le General, qui ne laide écouler aucune occafion ca- pable d'amplifier la gloire & le nom de la Nation Françoife,el- ie luy eft aufli redevable de fa confeivation, & de fon accroiffe- ment. Car il a eu foin d'y faire pafler des hommes, & d'y en- voyer des vivres, jufques à ce que la terre en eut produi't, & tous les raffraichifïemens necefïaires en de nouveaus établifle- mens , & notamment les munitions de guerre qu'il faut en une place, quieft fi voiflne de l'ennemy , êc qu'il a enlevée devant fesyeus, & fous fa main. Pour faciliter ce delTcin, il a eu long tems en mer «n de fes navires commandé par le Capitaine Alancel, duquel la vertu, la fidélité, le courage, &l'adrefle,oné efté éprouvées en pluficurs rencontres fighalées. Il faifoitle voyage ordinaire de S. Chriftofle à Sainte Croix, pourypor- ter tout ce qui pouvoit faire befoin, a cette nouvelle Colonie. Les Hollandois, avoient édifié furuncagreableeminencc de cette lie, une belle Fglife bâtie en forme de Croix. Si les Efpagnols refpe&ant ce figue facre', qui étoit furie clocher, n ont pas ruiné cet édifice: nos François doivent cette mai- fbn d'oraifon à la pieté & au zeie d'une Compagnie de Mar- chandsde la ville de Fieilingue , qui fit premièrement habiter cette lie, fous la comimlîioa de Meilleurs lcs£tats. Le Chap. 2 des Iles Antilles. 305 Le Roy à prefent régnant , étant informé de toute la gloire queMonfieurdePoincy a aquis, & qu'il acquiert journelle- ment à notre Nation , ôc combien fa prefence eftnecefTairç en l'Amérique, a confirmé de nouveau ce Genereus Cheva- lier en la charge de fon Gouverneur <5c Lieutenant General en ces quartiers là , ôc la Reyne pendant fa Régence, a haute- ment lotie fes dignes a&ions, ôc fa fidélité au fer vice duRoy. EnTaniôsi Monfieur le General , traitta fous le bon plai- •Qt du Roy: avec la Compagnie dont nous avons parlé, ôc l'ayant rembourfée de tous les frais qu'elle avoit faits pour l'établiflement de cette Colonie, a aquis de ces Mef- lieursquicompofènt cette Compagnie, la Seigneurie & pro- priété foncière des Iles de Saint Chriftofle , de Saint Barteie- my, de Saint Martin, de Sainte Croix , & des adjacentes, ôc cela au nom ôc au profit de fon ordre de Malte , qui par ce moyen eft accreu de l'une des plus belles, des plus riches^ ôc des plus honorables Seigneuries dont il jouifïé, fous la Souveraineté de fa Majefté Tres-Chreftienne. Et dépuis le •Roy a tait don abfolu de toutes ces lies, à i'Ordrede Malte* à la feule referve de la Souveraineté, 6c de l'hommage d'une Couronne d'or de redevance , à chaque mutation de Roy , de la valeur de mil efeus, comme il paroit parles lettres paten- tes de fa Majefté, du mois de Mars 1653. LOUIS PARLA GRACE DE DIEU ROY DE FRAN CE ET DE NAVARRE: A tous prefens ôç avenir Salut. L'ordre de Saint |ean de Jerufalem, s'eft monftré fi utile à PEglife par fes fervices ôc fa continuelle refiflance; ans entreprifes des Mahometans , ennemis de la Foy» dont les-viâoires fréquentes qu'il a remportées fur eus , en tant de combats, font des marques certaines , efquels grand nombre dt Chevaliers ont efpanché leurfang, Ôc prodigué leur vie pour le falut commun, & lesHofpitaus, ont efté fî dignement ôc charitablement adminiftrez pariceluy, depuis fon Inftitution , qu'il feroit utile qu'il eut fon (iege non feule- ment en l'Ile de Malte , mais aufïi en d'autres & plufieurs en- droits, afin que ce fuflent autant de Hâtions, fortereffes «5c remparts pour la Chrétienté , ôc d'azilies aus Eidelcs. Ces Qjl Coa- %oô Histoire Morale, Chap. 2 Confiderations , & Faffc&ion que les Rois nos predeceffeurs* & nous à leur exemple avons toujours portée audit Ordre, nous ont fait favorablement entendre aux fupplications qui nous ont eux faites de la part de noftre très-cher Coufinle Grand Maiftre dudit Ordre de Saint ]ean de Jerufalem, parno- ftrcarac& féal Confeiller en nos Confeils Chevalier & Bailly d'iceluy , & Ambailadeur de noftre dit Coufin le Grand Mai- ftre prés noftre perfonne, le Sieur de Souvré : Que le Sieur Bailly de Poincy Grand Croix dudit Ordre, après plufieurs- beaus employs en France , auroit efté envoyé par le feu Roy noftre tres-honoré Seigneur & Pcre, fon Gouverneur & Lieu- tenant General es lies de Saint Criftophe, & autres Iles de l'Amérique peu connues pour lors, lcfqucllcs depuis fous fa conduitefont habitées de grandnombre de François, en quoy ledit Sieur Bailly de Poincy n'auroit rien efpargné pour y main- tenir noftre authoritc, l'éclat & la dignité du nom François : Mefmes auroit fait baûir plufieurs forts à fesdefpens , & fc fe- roit auiTi formé un revenu corifiderable par acquisitions qu'il a faites dans lefdites lies, ayant employé pour cet effet, lere- yenu de plufieurs années de deus des plus belles Commande» ries dudit Ordre, defquelles il jouiflbit en France, lefquels Domaines, par droit de peculapartiennent à fon Ordre, auquel d'abondant ledit Sieur Bailly de Poincy, comme bon Reli- gieus en a donné toutes les feuretez neceflfaires. En forte que noftre-dit Coufin le Grand Maiftre & ledit Ordre, s'en peu- vent dire dés à prefent le vray propriétaire , fans attendre qu'ils 3uy reviennent après le decés par droit de dépouille^ quoy no- ftre-dit Coufinle Grand Maiftre a defiré joindre la propriété entière defdites Iles de Saint Chriftophc , par Facqufiirion d'icclles , pour laquelle noftre dit Coufin a envoyé fes ordres- & pouvoir audit Sieui de Souvré , afin de traiter avec cens de la Compagnie defdites Iles fous noftre bon plailîr, & fous FéCperance que nous aurions ledit traité agréable, & que nous y joindrions en outre , ce qui nous apartient cfdircs lies , afin de pouvoir par noftre-dit Coufin & fon Ordre , y former uq ctabli:ïement pour le fervice & ladefenfe de la Chreftienté, ôepour la converfion des Sauvages ila Religion Catholique. A ces causls, 6c après avoir, fait voir en noftre Confcil les Le* Chap. z des Iles Antille s. 307 Lettres de Conceftîon par nous cy devant faites à ladite Com- pagnie des Iles de l'Amérique du mois de Mars 1642. L'acte de délibération de l'afTemblée de ladite Compagnie de l' Amé- rique, pour laceffion, vente & aliénation de t»outce qu'ils pour- royent prétendre en icelles fous nôtre bon plaifir , aus charges & conditions portées par le refultat du 2 May 1651. Letrairé fait par ledit Sieur de Souvré' avec ceus de ladite Compagnie, le 24 defdits mois Scan , attachez fous le contre-féel de no (Ire Chancellerie. De l'avis de nome-dit Confcil , oùeftoycntla Reyne noftre tres-honorée Dame & M ère , noftre très-cher Erere le Duc d'Anjou , plufieurs Princes, Ducs, Pairs & Officiers de noftre Couronne, & autres grands & notables Perfonnages de nôtre Royaume^ Nous denrans favorable- ment traiter noftre Coufin le Grand Maiûre & fon Ordre, & tefmoigner à toutela Chrétienté i'eftime quenous enfaifons, & que comme Fils aimé de l'Eglife, nous ne laillbnsefchaper aucune occafion pour le bien & l'augmentation de la Religion Chrétienne, & par ce moyen inviter les autres Princes Chré- tiens de faire le femblable , & de contribuer de leur part ainfi que nous faifons, à la manutention & propagation delà Foy» àc noftre grâce fpeciale, certaine feience , plaine piîiflànce & aurhorité Royale, Avons loûé,agrée, ratifié, louons, agréons, ratifions & confirmons par ces prefentes fignées de noftre main,laconceftioncy devant faite à ladite Compagnie des lies de l'Amérique du mois de Mars 1642. Enfcmble ledit Con- tract du 24 May 165 1. Portant l'aliénation vente & ceffion des droitsde ladite Compagnie dans les Iles de l'Amérique , â eus concédées, au profit de noftre-dk Coufin le Grand Mai- ftre .& dudit Ordre de Saint Jean dejerufalera. Et ad jouftant aus concevions faites par cy devant, avons de nouveau donné & octroyé à noftre-d'it Coufin & à fon Ordre , donnons & oftroyons par cesdites prefentes ladite lie de Saint Chrilto- phe, & autres en gênerai en dépendantes, conformément an- dit Contraft du 24 May avec tontes leurs confiftances, à la referve des lies contenues & fpecifiées aus Conrrads de Ven- te des 4 Septembre 1649. & 27 Septembre 1650. Pourladite IledebaintChriftophe, & autres Iles de l'Amérique, en gc- neral^àla referve cydeilus,çftre tenues par noftic-dit Coufin 0,3 a le }o5 Histoire Moral e , Chap. 2 le Grand Maiftre & Ton Ordre en plain Domaine , Seigneurie directe , & utile propriété incommutable. Enfemble les pla- ces & forts eftans en icelles, droit de Patronage Laïque de tous bénéfices & dignités Ecclcfiaftiques , qui l'ont ou pour- ront cftre cy après fondées, & qui nous peut de prefentou pourroit apartenir. , avec tous droits Royaus, & pouvoir de remettre & commuer les peines, créer , inftituer , Ôcdeftituer Officiers & Miniftres dejuftice , & Jurifdidion tant volontai- res que contentieufes , pour palier tous actes , jugertoutes matières tant civiles que criminelles en première inftance , & par appel en dernier rciïbrt, & en tous cas, le tout à perpé- tuité en plain fief, & amorty , & fous tel titre , & y faire tels établuTemens que bon luy femblerà, à la feule referve de la Souveraineté, qui confiite en l'hommage d'une Couronne d'or de redevance à chaque mutation de Roy , de la valcui de mil efeus , qui fera prefentée par l'AmbafTadeur dudit Or- dre vers cette Couronne , ou par tout autre Officier d'icc- luyenfonabfence, àla charge que noftredit Coufin le Grand Maiftre , & l'Ordre , ne pourront mettre lcfdites Iles horî de leur main, n'y y donner commandement à autres qu'aus Chevaliers des Langues Françoifes nos fujets , fans nous le faire feavoir, & pris fur ce noltre contentement. Si don- nons en mandement à nos amez & feaus Confeillcrs les Gens tenans noltre Cour de Parlement de Paris, Chambre des nos Comptes, & autres nos Officiers qu'il apartiendra» que ces prefentes ils faflent enregiftrer , & du contenu en icel- les faire jouir noltre- dit Coufin le Grand Maiftre & ledit Ordre plainement, paifiblement & perpétuellement, fans fournir qu'il luy fon fait , mis ni donné aucun trouble ni empefehement au contraire. Et d'autant que des prefentes Ton peut avoir befoin en même tems en plulieurs liens. Nous voulons qu'aus Copies deuement collationées , foy foit ad- jouit éc comme à l'Oriçinal des prefentes. CAR TEL EST NOSTRE PLAISIR. Et afin que ce foie chofe confiance pour toujours , Nous avons fait mettre noftre Seel à ces prefentes , iauf en autres chofes noltre droit , ôc l'autruy en toutes. Donne à Paris au mois de Mars» Chap. £ des Iles Antilles. 309 Vlars, l'an de grâce 1655. Et de noflre Règne le dixié- me. Signé LOUIS Et fur le Reply , parle Roy de Lomenie. Vifa Mole». Et feellée du grand fceàu de cire verte fur lacs de foye Apres que Monfieur le General de Poincy, cutafermy la Seigneurie de l'Ile de Saint Chriftofle entre les mains defon Qrdre de Malte , ôc procuré foigneufement la gloire & la profperité des Colonies Françoifes de l'Amérique, ildeceda paifiblement à Saint Chriftofle, l'onzième du mois d'Auril de ;'an mil fix cens foixante , au grand regret de tous les Habi- tansdes Iles, parmyle'quels la mémoire de feseminentes ver- tus fera toujours precieule & en finguliere vénération. Le Roy, confiderant félon ion exquife fagefle, que la charge qui étoit vacante parle decés de cedigne Seigneur, étoit de très-grande importance , en a pourveu Monfieur le Cheva*. Her de Sales, qui porte en fes Titres. Charles de Sales , Che- valier de l'Ordre de S. Jean d;e]eiufalem , Adminiftrateurde la Seigneurie de Saint Chriftofle, & Chef de la Nation Fran- çoife eftably de fa Majeitépour fon Eminence de Malte. Monfieur du Parquet Gouverneur de la Martinique, à uiffiaqtùs de la même Compagnie la Seigneurie des lies de ta Martinique, de la Grenade, & de Sainte Aloufie. Mon- fieur d'Hoùel Gouverneur de la Gardeloupe, afait lamêms ^hofe pour les îles de la Gardeloupe de Marigalante, de la Dé- grade, & des Saintes. Ces deus dernières ne font pas encore peuplées. Mais il a demandé par avance la Seigneurie de tes terres , afin que d'autres ne s'en puiflent civilement em- parer. Car il faut favoir, que la Compagnie des {les de l'A- aierique, laquelle eft maintenant abolie, avoit obtenu du R.oy, toutes les Antilles habitées , & à habiter par fucceffion ie teins. De forte que ces Meilleurs, qui ont traîné, avec îette Compagnie, ont fait mettre dans leur o&roy, des Iles Ip'ils n'ont pas encore habitées $., mais qui font en leur voi- OS; 3- (mage* 3'îo Histoire Morale, Chap. (inage, & àlcurbienfcancc : ôc incontinent qu'ils auront atTé d'hommes en leurs autres lies , ils en feront palier en celles là fi ceneftqueles Anglois , ou les Hollandoiss'en emparaffer auparavant. Car c'eft une régie générale, qu'une Terre qi eft fans habitans, eft: au premier occupant. £t l'Octroy d Roy, ou de la Compagnie, nefert, que pour parer ces Mel iieurs contre quelcun de nôtre Nation, qui pourroit couri fur leurs delTeins. Ainfi toutes ces lies que les François tiennent aujourdu en l'Amérique , relèvent entièrement du Roy pour la Souve raineté, & de Meilleurs les Chevaliers de Malte , du Parquet & d'Hoiiel, pour la Seigneurie, fans plus reconnoitre laCom pagnie , qui a cédé en leur faveur tous fes droits , 6c touteb fe prétentions. Quant à la fuite des Gouverneurs Anglois de l'Ile de Sain Chriftofle. Monfieur Oùarnard étant mort après avoir glo rieufement étably fa Nation dans les Antilles , & avoir peupl< en pan culier l'Ile de Saint Chriftofle , de douze à treize milli Anglois : Monfieur Riche y qui étoit premier Capitaine d( l'Ile fut étably en cette charge, & celuy-cy pareillement cran decedé, Monneur Euret fut pourveuduGoavcrnement,qu l'adm niftre encore auiourduy, avec la capacité 6c l'approba- tion finguhere, que nous avons déjà reprefentée, en parlant d< l'Ile de Saint Chriftofle. Au refte lors que les Nations étrangères arrivèrent en ce; Iles, elles fe logèrent au commencement à peu préscomnit les Habitans naturels du pais, fousdepetis couverts, 6c dan; de (impies huttes , ôc cabannes, faites du bois même qu'ils cou- poient far le lieu, en défrichant la terre. On voit encore dans les Colonies naiflantes, pluiieurs de ces foiblcs édifices qui ne font foutentis que par quatre ou (ix fourches, plantée* en terre, &c qui pour murailles ne font entourez 6c pallifa- dczquederofeaus , 6c pour toit, n'ont que des feuilles de pal- mes , de cannes de lucre, ou dequelqu'autrc herbe. Mai en toutes les autres Iles, où ces Nations font mieus établies on voit à prefent pluficurs beaus édifices de charpente , de pierre 6c de brique , qui font faits en la marne forme, que cens de leur pais j excepté , que pour l'ordinaire ils n'ont qu'ur Ch*p. * des Iles Antilles. 3 i r étage, ou deus au plus, afin qu'ils puiflerit plus facilement refifter aus vens, qui fouffient quelquefois avec beaucoup d'irapetuofité en ces quartiers là. Nous avons affez parle' de ces édifices, dans l'occafion qui s'en eft prefentée , lorsque nous avons décrit chacune des Antilles en particulier. Mais nou s ajouterons feulement icy , que fur tout , les An- glois qui habitent ces Iles, font pour la plupart commodé- ment logez, & proprement ajuflez en leur ménage, parce qu'ils s'arrêtent dans les Colonies, ôclcsembellificnt, corn- me fi c'étoit le lieu de leur naiiïance. Ils font aufly p'réfque tous mariez, ce qui fait, qu'ils travaillent mieus à s'accommo- der, que ceus qui mènent une vie de garçon , comme font plu- sieurs entre les François. Nous avions d dïein pour la clôture de ce Chapitre , de coucher icy tout le procédé que tint Monfieur Auber , pour faire la paix avec les Caraïbes : lors qu'il vint prendre pof- feflion du Gouvernement de la Gardeloupe : mais à caufe que le difeours en eft un peu long, & qu'il peut donner de grandes lumières, pour connoitre le naturel de ces Indiens, dont nous avons à traîner en ce deuziëme Livre, nousavons creu qu'il n'en fa! loit rien retrancher, & qu'il meritok bien de remplir un Chapitre tout particulier. CHAPITRE TROISIEME. ÏÏefaferrniJfement de la Colonie Francoife de la Gardeloupe y par la paix > qui fui faite avec les Caraïbes de h Dominique y en l'an 1 640. LEs premiers d'entre les François qui occupèrent l'Ile de la Gardeloupe, y abordèrent en l'an 1615. par les Ordres d'une Compagnie de Marchands delà ville de Dieppe, qui fous l'autorité de la Compagnie Générale des les de l'Amérique établie à Paris , y envoyèrent les Sieurs du^ Liems& de L'Olive, pour y commander en leur nom. Mais epremierétammortgeudemoisaprà fon établiûement , & 3ii Histoire Morale, Chap. ; Vautre par la perte de fa veu*è, & par Tes maladies continuelles étant rendu inhabile à gouverner une Colonie naiflante, corn me nous l'avons déjà reprefenté dans les Chapitres précèdent Monfieurdc Poincy , pourveut dignement à coût ce qui étd neceflaire pour l'entretien des nôtres en cette lie , laquell auroiteftéabandonne'e, fans les grands foins qu'il prit, dV ci voyer des troupes auxiliaires fous la conduite de Monfieur d la Vernade, & de Monfieur de Saboiïilly, pour s'oppofe aus defleins des Caraïbes, qui leur en conrcftoicntpuiù'u ment la polïenion ; de forte, que fi cette Colonie ne doit pa fon premier établilTement à Monfieur le General de Poinq elle luy eft redevable au moins de faconfervation , & de ( fubliftence. Il approuva auïïi & confirma au nom du Roy, 1 nomination que la Compagnie des lies avoir faite de Mon fieur Auber , pour eftre Gouverneur de cette lie. Ce nouveau Gouverneur, prêta ferment de fidélité' entr les mains de Monfieur le General le 2ed'0&obre 164.0 Mais avant que de defccndreàSaint Chriftorle, le navire qi l'avoit parlé de France en Amérique, ayant mouille prés d la Dominique, plulieurs Sauvages qui avoient reconnu d loin le navire, &jugé par les figues de bien- vucillanccqu'o leurdonnoit, qu'ils n'avoient point d'ennemis dans ce vail feau, prirent l'alfurance d'y entrer. Par bonheur, ceus qff rétoient venu reconnoître; étoien-t les premiers Capitaine de l'Ile. Monfieur Auber fc refolut de profiter de cctrcoc caûon, jugeant qu'elle étoit très -favorable , pour r'entrer c alliance avec ce peuple , qui avoit été é farouche , & présqi: entièrement aliéné des François, par les violences ô: les R gueurs de Monfieur de l'Olive, l'un de les predéceiTeurs e la charge, & parla mauvaife conduite de ceus qui commaj doient le fecours que Monfieur le General avoit envoyé nosgens qui ëtoienc en cette Ile. Et parce qu'il (avoit, qi cens de cette Nation felailient facilement gagner parcaielT & par petis prefens, il n'oublia rien de tout ce qui pouve .contribuer à l'avancement de fon delfein. 11 leurflt donefavoir qu'il venoit de France, & qu'il étc envoie pour commander en l'Ile de la Ga:deloupe : Qu avoit apris avec regret , les difeiens qu'ils avoient eus avec 1 Frai Chap. ? des Iles Antilles. 313 François dépuis quelques années : Qu'il venoit avec intention de les terminée a l'amiable 5 Et qu'il voulait élire leur bon Compère, & leur bon voifin ,& vivre avec eus commeavoit fait feu Monfieur du Pleflis leur bon amy. Il faifoit entremet 1er cet entretien, de force verres d'eau de vie, -qu'il leur faifoit prefenter. Ces Sauvages , voyant une réception fi franche , & fi cor- diale; après avoir parlé entre eus en leur langage de guerre, qui n'eft entendu que des Anciens Chefs de leurs entreprifes, k refolurent d'accepter l'cfre qui leur étoit faite , & de re- nouer lancienne amitié , en renonçant à tout ce qui pourroit entretenir cette guerre fanglante, qui avoit tant incommodé les deus partis. Mais avant que de rien promettre ils deman- dèrent à Monfieur Auber , (i Monfieur de l'Olive , Monfieur Sabouily, &tous ceus quiavoient fuivy leurs violences, forti- roient de l'Ile. Et luy leur ayant réfpondu , qu'il les y obli- geroit, ils dirent que cela étoit neceiïaire , & qu'autrement ils feroient toujours fâchez contre les François , par ce que difoient ils, P 'olive & Sabouly point bons pour Caraïbes, Ce font leurs mots. La deflus, Monfieur Auber les ayant afiurezque celademeureroitarrefte , & que pour luy il leurferoit bon, s'ils vouloient auiTi eftre bons : ce qu'ils promirent , il leur fit faire grand' chère, & les r 'envoya avec des préfèns , & bien fatisfaits. De la rade de la Dominique, Monfieur Auber alla a. la Gardeloupe, pour y pofer fon Equipage ; & de là à Saint Chriftorle, pour y rendre fes devoirs à Monfieur le General, qui futjoyeus du bon chois que la Compagnie des îles avoit fait de fa perfonne , & le confirma en fa charge au nom du Roy, après qu'il eut prêté le ferment de fidélité. 11 partit bien tôt après de Saint Chriftofle , pour fe rendre en fon Gouvernement : où étant arrivé il fut reçeu avec joye par tous les nabi-tans, qui l'av oient en une haute eftime pour fon expérience, en tout ce qui pouvoir fervir à l'avancement des Colonies nahTantes , & par ce. qu'ils étoient perfuadez qu'il étoit remply d'une prudence fmguliere , pour remédier ans desordres parlez , d'une generofité -capable de refifter aus difficultés prefentes , & d'entreprendre ce qui ferolt necelfaire R r pour $*4 Histoire Morale, Chap. ) pour le bien 5c le repos de l'Ile, & d'une douceur & afabilité qui l'avoient rendu recommandable à tous cens de Sainâ Chriftofle, léquels aulli l'avoient reconnu pour un de leurs meilleurs Capitaines. Sa commiflion fut leuc & publiée à lateftedes Compagnies de l'Ile , par deus Dimanches confe- cutifs, qui furent le 25 Novembre & le fécond de Décem- bre, de l'an 164.0. La guerre , qui s'étoit allumée entre les Sauvages & ceus de noitre' Nation, par le mauvais confeil de quelques efpnrs remuans, & par la facilité du Gouverneur précèdent, qui leur avoir préré l'oreille • Et les divifions, les défiances, & les partialités , que ces brouillons avoient fufeitées entre les principausde l'Ile, l'avoient rendue la plus défolée de toutes les Colonies de l'Amérique. La difété des vivres , en avoit réduit plusieurs à des extrémités fi grandes , que la vie leu* étoitennuyeufe, & la mort fouhaitable. L'aprchenlion en laquelle ils étoient continuellement détre furprispar les Sau- vages, lesobligeoitàfe tenir incetTamment fous les armes, & à lailTer leurs jardins & leurs habitations en friche : Et le rude & infuportable traitement, qu'ils recevoient de quelques officiers qui abufoient de leur autorité, les avoit tous réduits à la veilled'une ruine inévitable. Mais, dépuis que Monfieur Aubereût efté reconnu pour leur Gouverneur, par l'acclamation unanime de tous les ha- bitans, & qu'il leur eût donné les nouvelles de la paix, qu'il avoit conclue avec les Sauvages leurs voifins , laquelle il efpc- xoit de voir bien tôt ratifiée, par toutes les afliiranccs qu'on pouroitatendre d'une Nation fi peu civilifée qu'eft celle des Caraïbes: les perturbateurs du repos public s'écartèrent , & les gens de bien fe virent en feureté, fous la fage conduite de ce digne Gouverneur , qui n oublioir rien de tout ce qui pouvoit contribuer à remétre l'Ile en bon ordre. De forte, que cette lie prit en un inftant une nouvelle fa- ce : La juftice commença à y refleurir, la bonne union & le travail des habitans y rapella l'abondance, la paix & le com- merce , qui s'en étoient retirez : Et la pieté du chef, con- via, tous les menbres de cette Colonie, à bien vivre à fon exemple, Qtio] Chap.5 des Ile s Antilles. $ t$ Quoy qu'il eût traité de paix avec les Sauvages, il fut neancmoins .d'avis, crainte de furprife , que les habitans fe tinueat toujours fur leurs gardes. Acétéfet, il ordonna des fentinelles en tous les liens où les Caraïbes pourroient le plus facilement aborder, fans eftre découverts: 11 changea, les corps-degarde, & les plaça en des lieus plus avantageas 5 & reprima par fon autorité , cens qui vouloient ruiner les premiers fondemens qu'il avoit jettez d'une ferme paix , <5c d'une étroite alliance avec ces ennemis reconciliez , les obli- geant par fes défenfes exprefles , de ce'flèr tous ades d'hoftili^ té, afin de ne pas troubler par leurs animofuez particulières, cette confédération fi neceffairc , pour le bien gênerai de tous les habitans. Les Iles fubfiftant par le commerce, Monfieur Auber re- connut , qu'il n'y avpit rien qui les décretitât plus que les mauvaifes Marehandifes que Ton y fait ; Et par ce que le Tabac éroit la feule , qui avoit Cours en ce tems-là à la Gar- deloupe; ayant aprisquepluficurs endébitoient , quin'étoit pas de mife, ce qui auroit décrié l'Ile envers les Etrangers, qui n'y auroient plus envoie leurs navires , il établit des per- sonnes-intelligentes en Tabac, qui le vifitoient foigneufe- ment, & qui jettoient dans la mer celuy qui fe trouvoit ou pourry, ou défe&ucus, en quelcunedcs qualités qu'il doit avoir pour eftre parfait. Cebonordre, & dans la milice, & dans la police , rendit .cette Ile Floriflante en peu de tems : Et fâ renommée y atira plufieurs Marchands , & convia un grand nombre d'honnêtes familles, à y venir prendre leur demeure, & à s'y établir. Pour revenir maintenant à nos Sauvages > qui avoient vi~ fité Monfieur Auber en fon navire , & qui avoient traité de paix aveeluy, fous les conditions que nous avons dites , ils ne furent pas plutôt retournez en leur terre, où ils étoient attendus avec impatience, ! fur ce qu'ils avoient demeuré un peu long temsau navire, qui étoit à leur rade, qu'ils publiè- rent par toute l'Ile, l'amiable acùeil qu'ils avoient reçeu. Ils ne pouvoient afles prifer le bon traitement, que le Gôuverneut nouvellement venu de France leur avoit fait. Les beaus prév- iens qu'il leur avoit donnez , confirmoient autentiquemént fa Rï 2 bonté :.■ 3i6 Histoire Morale, Chap. $ bonté & fa libéralité. Et ils ajoutoient , que leurs ermemys l'OHve & Sabouly devant fortir de la Gardeloupe , ils avoient fait la paix avec ce brave Compère, quilesavoit fi bien re- ccus, qu'il étoit digne de leur alliance. Que pour neluy don- ner aucun fujet de défiance , il faloit désormais s'abftenir des courfes, qu'ils avoient coutume de faire eu la terre de la Gardeloupe , dépuis qu'ils étoient en guerre. Et que lors qu'ils s'auraient que ce nouveau Gouverneur feroit ferme- ment étably, ils iroient le vifiter avec des prefens, & confir- mer folenneilement cette paix , qui leur feroit fi profitable à l'avenir. Les Caraïbes, qui avoient perdu plufieurs de leurs hommes, dans les combats qu'ils avoient eus contre les Fran- çois, & qui fe lafibient d'avoir à faire à des ennemis fi adroits & fi courageus, furent bien aifes.de l'heureufe rencontre qu'àvoient fait quelques uns de leurs principaus Capitaines.. De forte qu'ils approuvèrent, ce qu'ils avoient arrêté avec Monfieur. Auber , & aquiefeerent à tout ce qui leur éroit propofé , pour entretenir & pour afermir d'orefenavant cette paix.. Prés de cinq mois s'écoulèrent , pendant ïefquelfc les Sau* vages tinrent ponctuellement la promefle qu'ils avoient faite à Monfieur Auber , de ne plusinquiérer les François. Apres quoy :, s'étaut perfuadez que ce tems-là luydevoit avoiriury pour s'accommoderait Gardeloupe, y mettre les ordres nc- ceflaires , & informer les habitans de l'aliance qu'ils avoient contractée enfemble à la rade de la Dominique , ilsfc rcfolu- rent de luy envoyer une dépuration folemnelle , pour confir- mer la paix , & luy fouhaitter toute profperité en forv Gou- vernement. Il y avoitde l'empreflement parmvces Sauvages, à qui auroit l'honneur d'une Commiflfion de fi grande im- portance ,. & de laquelle ils ne doutoient aucunement qu'ils ne rcceuiTent des avantages finguliers. Ils feréfolurentdonc, pour contenter les plus apparens d'entr'eus , qui étoient com- pétiteurs en cette ambafiade , d'en établir Chefs deus de leurs plus anciens ,, & de. leurs plus renommez. Capitaines : & de donner à chacun une efeorte considérable , compofée de le'« lire de leurs plus braves Officiers 6c foldats. Et afin qu'il iV.y eut point de jaloufic entre les Capitaines , ils trouvèrent bon Chap. 3 des Iles Antilles. 317 bon de les faire partir en deus différentes Piraugues, chacun avec fa fuite , 6c avec cet ordre , que l'un devanceroit l'autre d'un jour. Le premier de ces Ambafladeurs, fe nommoit le Capitaine i^imichon^ fort confideréparmy eus , qui fut accompagné de trente des plus leftes & des plus adroits de la Dominique, Monfieur Auber dit , qu'il n'a point veu dépuis de Sauvages plus beaus , ni de plus agiles. Ces Sauvages donc fe confiant en la parole qu'il leur avoir donnée à leur rade , abordèrent àlaGardeloupe . Et aufn toftqu'ils eurent apris de celuy qui commandoit au corps de garde, que Monfieur Auber étoit en l'Ile & qu'il y étoit en bonne fanté , ils descendirent har- diment à terre ôc demandèrent à le voir, ayant laifle cepea- dant quelques uns des moins confiderables de leur troupe, pour garder la Piraugue. Pendant qu'on aloit donner avisa Monfieur le Gouverneur de l'arrivée de ces Députez de la Dominique, le Capitaine Amichon, qui devoir porter la pa- role , luy envoya deusdes plus gaiUarsdefafuite, chargez des plus beaus fruitsde leur terre , qu'ils avoient aportez pour luy en faire prefent. Monfieur Auber fin fort joyeus de leur arrivée. Et ayant incontinent commandé à ceusdefamaifon , ôç àtoutle quar- tier, de ne leur donner aucune ©ccafion d'aprehender quelque mauvais traitement, il prit lapeine d'aller luy même au de- vant d'eus , avec un vifage qui témoignoitalTés qu'ils étoient les biens venus. Une faut pas fe mettre icy beaucoup en pei* ne, pour coucher la harangue &lescomplimens, que le Ca* pitaine Amichon luyfit en cette première rencontre. Il avoit été l'undeceus qui avoient veu Monfieur Auber en fon na- vire à fon arrivée de France, & il n'eut point de peine à le reconnaître. D'abord il luy fit entendre , qu'il venoit pont confirmer ce qu'ils avoient refolu enfemble à la rade de la Dominique, touchant une bonne paix: & que tous les Ca-« raïbes de fa terre le fouhaitoient auflu Monfieur Auber, avec cetre affabilité & cette grâce particulière qu'il a ppurgagnet les cœurs de ceus; qui traitent avec luy,, leur donna fur le champ afies clairement à entendre , & par fon interprète .., «5c par fa contenance., qu'il garderait toujours de fa» part une, K.r &»■ wû&qm* *■** Histoire Morale, Chap. union inviolable, pourveu qu'ils n'y contrevinflent pas l premiers. Apres, il les fit entrer en fa maifon : Eiparccqu1 favoit que la bonne chère étoit le meilleur feau qu'il pût apc fer à ce traite de paix, il leur fit au Ai tôt prefenter de l'eau < vie, &fervirdetoutcequife trouvoitdeplusapétiiïantdaj l'Ile. En fuite il courona le feftin , par des prefens qu'il Ici rit de toutes fortes de curiofitez5qui font le plus cftimées paru cette Nation. Et afin que tousles Députez eufïènt part à bonne chère & aus liberalitez de Monfieur ie Gouverneu ceus qui avoient été traitez furent prendre la place de ceus qi étoient demeurez à la garde 4e la Piraugue, qui eurent au( à leur tour, tout fujetdefelouërdu bon accueil qui leur fi fait, & des prefens qui leur furent diftribuez de même qu'ai premiers. Le Capitaine Amichon n'oublia pas , félon la cor tumc dont ils ufent envers leurs amis, de prendre le nome Monfieur Auber, & de luy donner le lien. Après qu'ils eurent tous été comblez des biens & des civi lirez de Monfieur le Gouverneur, ils retournèrent fort joyei en leur Piçaugue , & firent voile du côte de leur lie. Ils trou Verent à un certain rendez-vous dont ils éroient convenu avant que de partir delà Dominique, l'autre Piraugue , qi étoit chargée du fécond Chef de la dépuration , nommé ] Capitaine Baron , avec fa fuite. Et comme ce fécond Capi taine eût apris du premier , tout l'agréable aciieil & toute ] bonne chère que Monfieur Auber avoir faite à luy & à fc gens, il fe rendit le lendemain à la Gardeloupe. Ce Baro avoit été l'un des meilleurs amis de Monfieur du Plcflis , qi étoit mort Gouverneur de la Gardeloupe, en égale autorit avec M onfieur de l'Olive fon Collègue, lequel après la moi de Monfieur du Pleilis, avoit fait imprudemment la guerr aus Sauvages. Ce Capitaine donc , qui avoit vifité diverfes fois feu Mon fieur du Pleflis, & qui confervoit un fouvenir particulier d l'amitié qu'il luy avoit portée , étant perluadé de la generofit des François , mit d'abord pied à terre avec fa Compagnie, i fut conduit au logis de Monfieur Auber, qui leur fit toute 1 même réception qu'il avoit faite aus premiers. Et mêm quandil eat apris que ce Capitaine étoit lcCompcrc de fc Mon 2hap. 3 des Iles Antilles. 319 Monfieur du Pleftis , c'eft à dire l'un de Tes confidens .& de es meilleurs amis , il le traita avec plus de témoignages d'a- edionque lesautres, & lia une amitié particulière avec luy» ecevant Ton nom & luy donnant le fien. Ainfi ces nouveaus îôtcs , fe retirèrent encore plus farisfaits que les premiers, ôq if omirent de continuer leurs vifites à l'avenir. Mais les uns le les autres firent raport en tous leurs Carbets, de la civilité k du bon acûeil du nouveauGouverneur. Le Capitaine Baron, qui s'étoit fi bien trouvé defapre- niere vifite , ne tarda guère fans avoir envie d'en faire une econde. Et ce fut en celle-cy que Monfieur Auber luy. fit roir un des fils de feu Monfieur du Pleffis , auquel ce Capi- aine fit mille careiïes, en mémoire de fon Père , qu'il appei- oit fon bon Compère , & l'amy de fa Nation. En éfet , ce jentil-homme avoir aquis l'afedion des ces Barbares , qui ;efpe&oient fes mérites , & les belles qualitez qu'il avoit pour :ommander. Apres cette vifite, & plufieurs autres que les Caraïbes fai- oient prefque tous les jours, Monfieur Auber voulut eftre liïuré d'eus par otages., qu'ils tiendroient ferme l'alliance. Il s'adrelTa pour cet éfet au Capitaine Baron , avec lequel il ivoit contracté une amitié plus étroite qu'avec les autres, Se qui l'appelloit fon Compère , comme ayant fuccedé à l'al- liance qui avoit autrefois été entre Monfieur du Pleiïis & luy: Monfieur Auber demanda donc un jour à ce Capitaine, s'il ne trouvoit pas raifonnable que pour s'aflu-rer de ceus de fa Nation, il leurdemandat quelques uns de leurs enfans en otage. Cet homme qui avoit le raifonnement beaucoup meilleur, & le jugement beaucoup plus vif que l'ordinaire des Sauvages , répondit aufii-tôt , qu'il faloit faire la condi- tion égale: & que s'ils donnoient de leurs enfans au.s Fran- çois, il étoit jufte aufli que les François leur en donnaffent des leurs. 11 prefenta fur l'heure à Monfieur Auber, quelques uns de fes enfans qui l'avoient accompagné : Et Monfieur Auber prenant Toccafion, & acceptant l'offre, choifit entt'eus tous un jeune garçon, qui avoit un air plus agréable, une façon plus atrayante, en un mot je ne fayquoy de plus aima- ble que fes autre* Frexes, Le Père accorda fon fils,. & le fils donnai Î2.0 Histoire Morale, Chap. donna fon confentcment à demeurer avec Monficur Auber fans aucune répugnance. Ce qui eft bien confidcrable par my des Sauvages, il s'apclloit Iamalaboùy. Dés ce jour-1 Monfieur Auber le traita comme (on fils, & ne lenommo; point autrement. Aufli le jeune garçon, dcfoncôré, Tac pelloit fon Père. Il ne paroilïbit point contraint dans fes ha bits , lors qu'il fut habillé : & il n'eut pas beaucoup de pein à s'acoutumer à nôtre faffon de vivre. Le Capitaine Baro demandoit de fa part, eu échange de fon fils, un des fils d Mademoifele Auber , qui avoit été mariée en premières Ne ces à feu Monfieur du Pleills , & qui l' étoit en fécondes Monfieur Auber. Mais Monfieur Auber ayant reprefenté ce Capitaine, que le Jeune du Pleifis étoit d'une nature tro délicate pour pouvoir fuporter la faflbn de vivre des Carai bes, il le fit confentir à accepter en otage, au lieu de luy,'l'il de l'es ferviteurs qui s'ofroit volontaire-mentale fuivre. C jeune homme qui étoit d'une forte complexion , demeiu quelques mois avec ces Sauvages , qui le traitoient avec béai coup de douceur. Mais foitquelc changement d'air, ou ] changement de nourriture , eût altéré fa bonne difpolition , tomba malade quelque tems après. Ce que le Capitaine Ba ron ayant aperceu , & craignant que s'il mouroit entre leui mains, il n'en reçeut du reproche, il leramenaàMonfiei Auber avec grand foin, fans luy demander une autre perfor ne en fa place, difant, quepourôtage il ne vonloit que lapa rôle de ion Compère. Il eft vray qu'il folicira fon filsàrc tourner: mais il ne put l'y induire, le garçon difant , qu'il i trouvoit beaucoup" mieus avec Monlieur Auber , qu'ave fon Père. Le Capitaine Baron , ayant lailïé à la Gardelonpe un ; precieus gage, prenoit fou vent occafionde vifiter Monficu Auber , & par même moyen de voir fon fils : Et fefentar infiniment redevable à Monfieur Auber de tant de bier qu'il recevoit de luy , & fingulierement de rafettionfitendi qu'il portoit à fon fils, lequel il avoit en otage , il chercha le occafions de luy en témoigner quelques rcconnoillana 11 s'avifa donc, de luy déclarer que durant les guerres qu ceus de fa Nation avoient eues contre les François comman de Chap. -3 des Iles Antilles. 3*ï dcz par Monfieur de l'Olive , il avoit fait fon prifonnier de guerre un jeune homme François , à qui il avoit donné la vie, par ce qu'il avoit été autrefois au fervice de Monfieur du Pleiïisfon Compère: Et qu'il y avoit prés de trois ans qu'il letenoit dans une honnête liberté', bien qu'ayant été pris les armes en main,& dans la chaleur du combat, il eut pu le faire mourir. Mais qu'il n'avoit pas voulu ufer de rigueur , en con- fideration de l'ancienne amitié, qu'il avoit eue autrefois avec Monfieur du Pleiïis , à la fuite duquel il fe fouvenoit d'avoir peu ce François. Monfieur Auber, ayant compaffion de ce pauvre jeune homme , pria le Capitaine Baron de le luy vou- loir ramener. Ce qu'il luy accorda volontiers : & peu de jours' après il fatisfit à fa promerTe 5 & celuy qui avoit été délivré par ce moyen , a demeuré dépuis à la Gardeloupc, Fortlong-tems, Ce gencreus Capitaine , ne fe contentant pas d'avoir ainïï obligé Monfieur Auber , & relâché à fa considération fon prifonnier, luy donna avis , qu'un autre Capitaine delà Do» ninique avoit encore un François en fa maifon , aufii prifon- lier de guerre, & s'offrit de s'employer auprès dece Capi- :aine, pour le faire mettre en liberté. Ce qu'il exécuta avec ine fidélité & une affection nonpareille , ramenant peu de ours après cet autre prifonnier , qui fe nommoit le An lardm. Ce jeune homme ayant beaucoup d'efprit , avoit gaigné les >onnes grâces, non feulement du Capitaine dont il était le prifonnier , mais de tous les Caraïbes , qui luy portoieni.au- ant d'afe&ion , que s'il eût été de leur Nation même. Et il ivoit la mémoire fi heureufe, qu'il avoit aprisleur langue en >erfedtion. Monfieur Auber, ne pouvant foufrir que le Capitaine Ba- on l'emportât fur luy en bons offices, & en témoignages d'a- edion , outre les prefens qu'il luy faifoit tous les jours, & l'a- nitié fincere qu'il luy montroit en particulier, voulut aufii )bliger toute fa Nation. Ce fut lors que ce Capitaine devoir ;ller en guerre, contre les Aroiiagues qui habitent en l'Ile de a Trinité , & que pour ce deflein, il eut fait un armement ex- raordinaire. Car ce brave Sauvage, étant venu dire adieu à Monfieur Auber avant que de partir pom- cette expédition» $f Mofl- yiTr Histoire Morale, Chap. i Monficur Auber luy donna pour mettre dans Tes troupes un de Tes ferviteurs domeftiques , qui étoit Ton giboyeur, nommé Des Serifiers , qui louhaitoit depuis long-rems de fe trouver aus combats de ces Sauvages : lit il le pourveut de bonnes armes à feu , & de toute la munition neceiVaire pour s'en bien fervir. Le Capitaine Baron fur ravy de cette faveur , & l'ayant acceptée avec joye , la fit fonner bien haut parmy ceus de U Nation. Ce volontaire, fuivit de grand cœur ce Capitaine: & s'étant embarqué il fut au combat contre les Aroùagucs de l'Ile de la Trinité, avec une puiiTante armée de Sauvages de toutes les lies Antilles 5 En cette rencontre il fit tout ce qu'on pouvoit atendre d'un vaillant Soldat : & comme il étoit très- bon fufelier, il tua & blelîatant d'Aroùagues, qui n'étoknt pas acoutumez à s'entirl'éfet des armes à feu, qu'enfin ils Tâchèrent le pied , & s'étant retirez dans les- montagnes, bif- fèrent le champ de bataille aus Caraïbes victoriens. Dépuis, Seriiïiers paflbit parmy ceus de cette Nation pour un grand Capitaine , & ils ne pouvoienr afîes admirer la bonté de Mon- sieur Auber, qui s'étoit volontairement privé du feevice qu'il pouvoit atendre de ce jeune homme, pour le prêtera leurs troupes. Nous avons d'original toutes ces particularitcz. & Monfieur Auber luy même en eft garent. Pendant tout le tems que Monfieur Auber à gouverne l'ilede la Gardeloupe , la paix qu'il avoit faite avec les Caraï- bes à été inviolablement entretenue de part & d'autre , ai grand profit des deus Nations. Car les Sauvages par cei accord avoient moyen de traiter avec les François, decoig nées, de ferpes, decouteaus, & de plufieurs autres outils & marchandifes qui leur étoient necciTaires : Et les François iccevoient d'eus en échange , desPorceaus, des Lézars, de TortuësdeMer, & une infinité d'autres poiiïons, & d'au très rafraichiflemens , qui leur aportoientun fingulier avan- tage. De forte, que les Caraïbes étoient comme les Pour voyeurs des François , qui travailloient cependant en leur habitations avec ailiduitê & feureté. CHA Chap. 4 des Iles Antilles. *s$ CHAPITRE QUATRIEME. 2)# Trrf^r t? des Occupations des Habitans Etrangers du Tais: ac, au Sucre, au Gingembre, à l'Indigo, & au Cotton. Au commencement, tous les habitans étrangers des An- illes s'adonnoient à la feule culture du Tabac, qui les rai- bit fubfifter honorablement. Mais depuis que la grande tbondance qu'on en a fait en a ravallé le prix , ils ont planté n plufieurs endroits des Cannes de Sucre , du Gingembre , & le. l'indigo : Et Dieu a tellement beny leurs derïeins, que eft une merveille devoir avec quel fuccés , toutes ces mar- :handi(és croiffent en la plu-part de ces lies. Et dautant que >lufieurs qui les voient en l'Europe , ne favent pas là façon $C 2 <|ue 324 Histoire Morale. Chap.4 que l'on apporte à les préparer, il fera à propos pourcon- tenter leur curiofité, de parler icy de chacune : & nous y join- drons un mordu manimentdu Cotton. 11 cftvray, que ces matières ont efté déjà traittèes par di- vers Auteurs. Mais outre que noftreHiûoircferoit incom- plette & defeclueufe fi nous les paillons fous filence, nous pouvons dire icy premièrement avec fincerite , que tout le difeours que nous- en allons-faire n'eft pas une copie , ou une imitation de quelque autre , mais un véritable original , tiré au naturel avec tout le foin,. & toute la fidélité pollibie. De forte, que fi nous difons les mêmes ebofes, que d'autres ont dites avant nous : l'on ne doit pas eftre marry de voir icy la confirmation d'une vérité qui vient de fi loin , & dont on ne fauroit avoir trop d'aiïurance. Et fi ce font des chofes con- traires^ elles pourront fervir à faire voir la faulïeté de celles qui leur font oppofées : ou du moins elles prouveront qu'en tous liens on ne fuit pas fi exactement une même métode en la préparation de ces marchandifes ,. qu'il ne s'y remarque fouvent quelque petit changement. Déplus, nous efoerons auffi, que quelques uns trouveront peuteftre dans les descrip- tions fuivanres , quelque exactitude 6c quelque clarté, qui ne leur déplaira pas , & que même ils y rencontreront quelque chofe de nouveau, qui n'a pas encore elle remarqué ni pro- duit par les auteurs. Apres tout, nous fupplions ceus qui croiront ne rien trouver dans ce Chapitre, ni dans le fuivant qu'ils ne fâchent, & qui puifleon lesinltruire , ou les diver- tir , de palier outre, fans biâmer nôtre diligence , 6c notre peu ne, & de permettre que nous écrivions cecypour d'autres, qui pourront en recevoir de l'inftrudion, o.u dudivertiûe- ment. Pour avoir de beau & bon Tabac , on prépare première- ment en faifon propre des couches en divers endroits des jar- dins, qui (oient à l'abry desvens. On jette defius la'graine qui a été. recueillie des riges de l'année précédente ; que l'on à laiÛc. croiftre &• meurir pour fervir à cet ulagc. On méfie de la cendre avec la graine quand on la feme, afin qu'elle ne tombe pas trop épais en de certains licus. Quand d le, commence à lever , on ia couv te ibignculemcnt de fciiili Ici Ghap. 4 des Iles A n t il l es. $:z$ les de Palmifte épineus , ou de branches d'Oranger ou de Ci* trouier , pour la garantir des ardeurs du Soleil , du froid de la nuit, & du degafr que les volailles domeftiquesôt les Oifeaus y pourroient faire. Pendant que la plante croift , & devient en état d'être trans- plantée , on prépare la place neceiïaire pour la recevoir. Si l'habitation eft nouvellement établie , il faut avoir long tems auparavant abattu le bois, & brûlé lesbranches fur la terre & fur les fouches pour les faire mourir. Que s'il y en refte en- core , il faut tirer ans lizieres tout ce qui n'a pas été brûlé, afin que la place foit libre. Il eft vray, qu'il n'eft pas befoin de labourer la terre ni de la renverfer& remuer profondement» mais il en faut feulement arracher toutes les méchantes her* bes , & la nétoyerfi foigneufemerrt qu'irin'y refte ni bois, ni écorce , ni feuille, ni le moindre-brin d'herbe., Pour cet effet onfeferrde Houëes larges & tranchantes , qui pèlent & écor- chentiafurfacedelarerre ,. & au befoin extirpent la racine des herbes, que l*on craint devoir pulluler de nouveau. Après qu'on a préparé la terre en cetteforte, on la par- tage &'divife en plufieurs filions, éloignez de deus ou trois pieds l'un de f autre en égale diftance. On fe fert pour cela des grands cordeaus , qui font marquez de deus en deus pieds, on environ, avec une petite pièce- -dc.drap de couleur, qui y efteoufue. Et puis on fiche de petis bois pointus, en tous les lieus de la terre, où ces marques répondent ; Afin que quand le teins de transplanter le jeune Tabac arrive, qui eft celuy: auquel Dieu envoyé une bonne pluye, on n'ait rienâ faire- qu'à planter , fans s'amufer à former les compartimens dt jardin. La plante de Tabac, eft en état d'être levée de deflus W couche , quand elle a quatre ou cinq feuilles afTez fortes &■ épaules, de la largeur de la paume de la main. Car alors s'il, arrive que la terre foit arrofée d'une agréable pluye, tous. ceus qui font foigneus d'avoir deoeau Tabac en la première faifon , ne craignent .point de fe mouiller , pourveu qu'ils en. mettent beaucoup en terre. On voit tous les bons ménagers, en un agréable emprelfement dans leurs jardins , les -uns s'occupent à choifir & à tirer la plante de deiTus les couches > S.f 3r àL m JV 320 Histoire Morale, Chap.4 & à l'arranger endcs paniers : les autres la portent à ceus qu la doivent planter en tous les lieus, qui ont éteauparavan marquez au cordeau, comme nous avons dit. Ceus quiont la charge de planter , font un trou avec ur bois pointu , à chaque endroit marqué , où ils mettent la ra- cine du Tabac : puis ils ramaftcnt & preiïent tout autour h terre,, en telle forte neantmoins que l'oeil de la plante ne ibù point couvert. Ils font ainfi le long de chaque rangée. Puis fis en recommencent une autre. Après qu'ils ont finy ce't exer- cice, la première fois que les voiïins fe rencontrent, leur en- tretien leplus ordinaire, eftde s'informer les uns des autres, combien ils ont mis de milliersde plantes enterre^ 6c fur cela chacun fonde l'efperance de fa future récolte. La plante étant mife en terre ; ce qui fe fait ordinairement à diverfes reprifes , à caufe que la pluye ne vient pas allez âbondammant pour le faire tout à coup , ou bien parce que la terre n:eft pas préparée à même tems, ou qu'on n'a pas allez de plantes, on ne la laifle pas à l'abandon. Ce n'eft encore que le commencement du travail 6c des foins qu'il y faut ap- porter. Carilfautétrefoigneusdelavifiter fouvent : 6c aufll toft qu'on a remarqué qu'elle a pris racine, il faut prendre garde que les vers , les chenilles , 6c autres médians infe&es qui fourmillent en ces païs-là , ne la rongent 6c ne Tempe- fchentdecroiftre. Il faut en fuite, du moins de mois en mois, arracher les mauvaifes herbes qui la pourroient étouffer, farder diligem- ment toute la terre , 6c porter les herbes qu'on a enlevées , à laliziere, ou bien loin du jardin : car fi on les lailToit en la place d'où, elle ont été tirées, la moindre pluye leur feroit prendre de nouvelles racines , 6c elles fe rcleveroient bien- toft. L'herbe la plus importune , 6c que l'on a le plus de pei- ne à bannir des jardins, c'eft le Pourpier, qui ne croift en Fran- ce que par les foins des Jardiniers. On continue cet exercice, jurques â ce .que la plante du Tabac ait couvert toute la terre voifine , 6c que fou ombre empefche toutes les autres herbes nuifiblesde fe pouvoir élever. Cela fait, en n'a pas encore de repos , parce qu'à mefure que la plante le iuulïc 6c s'élargit, il faut luy retrancher les fcliillcs Chap.4- des Iles Antilles. n/ 'eùillesfuperflues, arracher celles qui font fe'chcs, pourries, xi viciées, & la rejettonner, comme on parle, c'eft à dire •monder les petis remettons, quil'empêcheroient de venir en ^erfeclron, en tirant le fuc des plus grandes feuilles. Enfin }ùand la Tige eft creuë d'une hauteur convenable, il faut ^arrêter en coupant le fommet de chaque plante, hormis ie celles -qu'on veut conferver pour en avoir la graine. Après •outes ces façons , la plante demeure quelques femaines à mûrir: pendant quoy elle donne quelque trêve au foinaûV iu qu'on en aprisjufques alors. Mais fi l'on ne travaille autour d'elle , il luy faut préparer la place propre pour la mettre à couvert quand elle fera meu- re. On doit prendre garde que la grange où elle doit être médiocrement féchée , foit bien couverte , & fermée de tous coftez • qu'elle foit fournie de plufieurs perches propres pour la pouvoir fufpendre ; qu'on ait bonne provifion de certaines écorces déliées que l'on tire d'un arbre appelle ' CMahot , pour attacher chaque plante fur les perches j- & que la place pour tordre le Tabac quand il fera fec, foit en bon ordre. Pendant que Ton fait tous ces préparatifs , fi les feuilles dit Tabac quittent un peu de leur première verdure , qu'elles commencent à fe recourber vers la terre plus qu'à l'ordi- naire, & que lodeur en devienne un peu plus forte, c'eft figue que la plante eft en maturité. Et alors il faut en un beau jour, après que la rofée eft tombée de deflus , la couper à un pouce prés de terre, & la laifler fur la place jufquesau foir, la re- tournant une fois ou deus, afin que le Soleil derTéche une partie de fon humidité. Sur le foir on la porte a pleines braf- fées fous le couvert. On l'attache par le bas de la tige ans perches, en telle forte que les feuilles panchent contrebas. H ne faut pas aufïi, qu'elles foient par trop preftees les unes contre les autres, de crainte qu'elles ne fe poumfîenr, ou qu'elles ne puuTent fécher faute d'air. Cette première coupe du Tabac étant achevée, onvifîte fouventlesplantesquiféchent, tandis que les autres que l'on a encore laiffées fur le pied meuriflent. Et lors qu'on apper- çoit qu'elles font en état d'être torfes , (nos gens des Iles di- fent torquées) aeft a dire qu'elles ne font ni trop, féches, car elles *2* Histoire Morale, Chap. 4. elles ne pourvoient fouffrir le manimentdela roue : niaulli trop humides, car elles pourriroient en peu de tems: on les détache des perches , on les arrange à un bout de la grange, <5c on dépouille chaque tige de toutes fes feuilles en cette force. On met premièrement à part les plus longues & les plus larges feuilles , & on arrache la greffe code qui cft au milieu de chacune : les habitans appellent cela éjamber. Les peti- tes feuilles font mifes au (11 de coflé , pour être employées au dedans de la corde du Tabac 5 & les grandes leur fervent de couvertures & des robes. Ces feuilles ainlldifpofées , font arrangées fur des planches ou des tables , à collé de celuy qui les doit tordre , & faire la corde, telle qu'on la voit fur les rou*- leaus que l'on envoyé par deçà. llyade rinduflrieà tordre le Tabac: & ceusquilcfavent faire avec diligence & dextérité, font fort eflimez, & gagnent beaucoup plus, que ceus qui travaillent à la terre. Il faut qu'ils ayent la main & le bras extrêmement fouples & adroits, pour faire tourner le rouet avec la vitefle & la propor- tion necefïairc, pour rendre la filure de même groiîeur par tour. C'eft au (fi une adrefTe particulière en fait de Tabac, de fa- Voir bien difpofer, arranger , & monter , comme parlent lesmaitres, un rouleau fur les ballons, qui doivent tous être d'une certaine grofl'eur & longueur, pour éviter la trom- perie. Quand le Tabac eft ainfi monté , on le porte au Magazin, cVonle couvre dé feuilles de Bananier ou d'autres , de peut qu'il ne s'évente , & afin qu'il prenne une belleeouleur. Ce- luy qui a la coupe grade, noiraflre , & luifante, & l'odeui agréable & forte , & qui brûle facilement étant mis à la pipe, ell eilimé le meilleur. Nous avons dit, que la plante de Tabac feconppoit entre deusterres, & nes'arrachoit pas : Ccqui fefaità dcllein, afir quelaracine puitîc rcpouiler. Eten effet elle produit une fé- conde plante , mais qui ne devient pas (i forte ni fi belle qui la première Le Tabac que l'on en fait , n'ellpas auilî fi pré- cieus , ni de fi bonne garde. On le nommé , Tabac de njettof ou de la féconde coupe , ou levée. Quelques uns tirent d'un< mêni< Chap. 4 des' Iles Antilles» 329 même Touche, jufques au troifiéme rejetton. Et c'eft ce qui décredite le Tabac, qiu vient de quelques Iles, Puifqiie nous nous fommes tant étendus fur la manufactu- re du Tabac , il ne faut pas oublier ce qui fe pratique par quel- ques Curieus, pour le rendre même plus excellent que celuy qu'on nommé de Verine, de bonne garde, & d'une odeur qui fortifie le cerveau. Apres qu'on a misa parties plantes de la première couppe, & pendant qu'elles féchentàlaperche, on amafle toutes les feuilles de rebut , les petits rejettons , com- me aufti les filamens qu'on tire du milieu des feuilles , qui ont été déjà émondées, qu'on appelle communément .jambes de tabac. Et après les avoirpilées en un mortier, on met tout cela dans un fac, que l'on porte fous la preffe pour en expri- mer le fuc , lequel on fait puis après bouillir fur un feu médio- cre , jufques à ce qu'il foit réduit en confiftance de fyrop. Puis après il faut mêler en cette décoction un peu de Copal, quieftune gomme aromatique, qui a la vertu de fortifier le cerveau , laquelle coule d'un arbre de même nom, qui eu: commun en la terre ferme de l'Amérique, & aus lies du Golfe d'Hondures. Après qu'on a verfé cette drogue en la composition, il la faut bien remuer , afin que fa bonne odeur , & les autres qua- litez, fe communiquent & fe répandent partout. Puis il la faut retirer du feu , & quand elle ell refroidie , la mettre dans un vaiffeauprésduTordeur de Tabac: & il faut qu'à chaque poignée. de feuilles qu'il met en œuvre, il mouille fa main dans cette liqueur, cV qu'iU'euuye fur les feuilles. Cet arti- ice, a un effet admirable pour rendre le T abac , & de bonne ^arde , & d'une vertu qui iuy dorme un pris extraordi- naire. Le Tabac ainfi compofé , doit être tordu gros du moins :omme le pouce, &misenfuitte enpetisjouleaus de la pe- ranteur de dix livres au plus, puis envoyé en desTonneaus du en des Paniers faits à deflein, pour le mieus conferver. Quelques habitans des lies ayans effayé ce fecret , ont fait papier leur Marchandée pour vray Tabac de Verine, & l'ont débitée au même prix. Tt Cm» , 3îo Histoire Moral e, Chap.4 Ceus qui s'imaginent que le Tabac croift fans peine , & que l'on en trouve , par manière de dire, les rouleaus attachez aus arbres de l'Amérique , d'où il ne faut que les fecouër poui lesramatTer en fuire lors qu'ils font tombez : Ou qui du moins fe perfuadent , qu'il ne faut pas beaucoup de falfon ni de peine pour les remettre en.lcur perfection , feront defabufez , s'ils jettent les yeus fur cette relation de la culture & de la prépara- tion du Tabac, Et nous pouvons ajouter, que s'ils avoieni veu eus-mêmes, les pauvres ferviteurs & les Efclaves qui tra- vaillent à ce pénible ouvrage, expofez la plus grande partie du jour aus ardeurs du Soleil, & occupez plusdelamoitié-dch nuit, à le mettre en l'état auquel on l'envoyé en l'Europe , fan; doute, ils eftimeroient davantage, & tiendroient pourpre cieule cette herbe, qui eft détrempée par la lueur de tant de miferables créatures. lln'eft pas befoin d'ajouter icy, ce que les Médecins écri- vent des merveilleus effets du Tabac , veu que cela eft pro- prement de leur fait, & qu'il fe trouve affez amplement dan: leurs livreSj Nous dirons feulement qu'il faut bien que fe: vertus foient grandes , puis qu'il a fon cours par tout le Mon de s & que prefque toutes les Nations de la i erre, tant le: civilifees que les Barbares , luy ont fait une réception favora. ble , & en ont confeillé l'ufage. Que (i quelques Princes l'om interdit en leurs Etats , de crainte que l'argent de leurs fujets qui leur eft rare & precieus , ne s'en aille en fumée , & ne s'e coule de leurs mains, pour une chofe qui n'eft p.is neceffair< à l'entretien de la vie, il n'y a toutefois perfonne, qui ne Un doive permettre au moins, de tenir place entre les Drogue: & les remèdes de la Médecine. Les délicats & les curieus , parmy les Peuples qui habiten des contrées chaudes , letcmperentavecdelaSaugc, du Ro< marin, &desfenteurs qui luy donnent une odeur tort agréa ble : Et après l'avoir réduit en poudre, ils l'attirent par le! narines. Les Nations qui habitent des pais froids, n'en in- terdifent pas l'ufage aus perfonnes de condition : & c'eft me. me une peifc&ion , & une galantiete entre les Dames de ce: païs-Ià, de favoir tenir de bonne grâce une pipe, le tuyau d< laquelle cil décorai ou d'ambre, 6c la telle d'argent ou d'or 6 y Chap. 5 D £ S I L B S A N T I L L E S. 3 ? î & de rendre la fumée de cette herbe, fans faire aucune grima- ce , & la pouffer hors de la boucheà diverfes reprifes , qui font paroiftre autant de petites vapeurs , dont la couleur brune, rehauffe la blancheur de leur teint. La composition que nous ivons d'écrite pour rendre Je Tabac de bonne odeur , fera 3ien receuë , fans doute , parmy ces perfonnes , qui trouvent rant d'agréement 6c de delicateffe en cette fumée. Au refte, on ne fauroit dire la quantité deTabacqui fe ire tous les ans de la feule Ile de Saint ChrinVofle : & c'eft înechofemerveilleufeque de voir le nombre de Navires de France, d'Angleterre, de Hollande, & particulièrement de Zelande , qui y viennent en traitte , fans qu'aucun s'en retour» ne à vuide. Auflî le commerce que cette dernière Province i toujours entretenu en cette lie & aus lies voifines , a fait de riches c de l'Indigo, ce deffein a efté fuivy d'une telle benedidion, lue c'eft une merveille de voir, quels en ont e(lé les heu- eus fuccés, Tt 11 ■ Si 41* Histoire Morale, Chap. j Si la plante de la Canne de Sucre à efté connue à l'Anti- quité, du moins l'invention d'en faire le Sucre eft nouvelle. Les Anciens l'ont ignorée, au (11 bien que le Séné, la Cafle, l'Ambre-gris, le Mufc , laCivette, & le Benjoin. Ils nefc fervoientde ce precieus rofeau qu'en bruvageôc en Méde- cine. Et nous pouvons oppofer toutes ces chofes , avec beaucoup d'avantage, auify bien que nos Horloges, nôtre Boulïble, & nôtre art de naviger, nos Lunettes d'approche, nôtre Imprimerie r nôtre Artillerie , & pluficurs autres belles inventions de ces derniers ficelés, à leur teinture du vrajf Pourpre, à leur verre malléable, aus- fubtiles Machines de leur Archimede , & à quelques autres fcmblables. Ayant donné au livre précèdent, ladefcriptiondela Canne de Sucre , il ne nous relte qu'à représenter la manière , dorw on s'en fert pour faire le Sucre. En décrivant la magnifique maifon de Monfieur le Genc; raldePoincy, nous avons dit que fa baiïe cour eft enrichie d< trois Machines ou Moulins propres à brifer les Cannes de "Sucre. La Fabrique de ces Moulins eft de bois plus folide plus élégante , plus induftriciife , mieus ordonnée , <3cphi! commode -, que celle des Moulins qu'on voit à Madère Se ai Brefil. Un'eftpasà craindré"icy , comme en ces lieus-là,qu< le feu gagne les chaudières bouillantes, & allume un déplo- rable embrafement, qui caufe fouvent la mort de cens qu travaillent aus- environs. Car on voit bouillir ces Chaud res,fansappercevoir le feu , qui s'allume, s'attire , & s'entre tient par le dehors, dans les fourneaus, qui font fi bien ci- mentez, que ni la flamme, ni la-fumée n'cmpefchc aucune- ment ceus qui font occupez à ce travail , d'y vaquer fan crainte d'aucun péril y & fans en recevoir d'incommo dite. Outre cestrois Moulinsque Monfimr le General à devan fon Logis de la grande montagne , il en a fait faire trois s Cayonne, qui eft un des quartiers tenus par noftre Natioi en la même Ile: l'undéqucls, au lieu que tous les autres fon tournez par des bœufs, ou par deschevaus , eft conduit pa la cheute d'un gros ruuTeau d'eau vive, qui étant ramallei dans un grand refervoir , & de-là tombant fur une gran d * Chap.5 des Iles Antilles. 333 de roue à feaus, fait mouvoir toute la Machine. A l'exemple de Monfieur le General, les principaus Of- ficiers & H abitans de l'Ile de S. Chriftone, ont auffifaitedf- fier des Moulins à Sucre. De forte qu'en cette feule lie , on conte aujourd'huy beaucoup plus grand nombre de ces Ma- chines, que les Portugais n'en ont bâty jufques à prefent à: Madère; Les principaus après cens de Monfieur leGeneral, fe voyent aus habitations de MefTieurs de Lônviiliers , de Treval, & de Benévent. Et après ceus là Monfieur Giraud en a trois en divers quartiers de l'Ile, ou il a de belles & de grandes habitations, Monfieur de la&ofiere, Monfieut Au- ber, Meilleurs l'Efperance , de Beaupré, de la Fontaine-Paris, & de la Koche , qui font tous Capitaines dans la même lie, en, ont pareillement fait baftir» comme autïy Meifieurs Bon-., homme, de Bonne Mere^ de la Montagne, BeUeteite , & Guillou , qui font des principaus & des plus confiderables Ha- bitans. Les Anglois , en ontauffiplufieurs en leurs quartiers» qui font parfaitement bien faits. Quand ces Cannes de Sucre font meures, on îescouppe entre deus terres , au deiïus du premier nœud qui eft fans Suc, cYaprés leur avoir ôté le Commet , & les avoir purgées de cer- taines petites feuilles , longues & extrêmement déliées , qui les environnent, on en fait des faifleaus, que l'on porte au Moulin , pour y être prêtiez & écrafez , entre deus rouleaus garnis de bandes d'acier, qui fe meuvent l'un fur l'autre, à rnefureque la Machine eft ébranlée, par l'impreiTi on qu'elle ïeçoit d'une grande roue , qui la fait tourner. ' Le Suc qui en découle , eft reçeu dans un grand bafïin oli refervoir , d'où il fe répand par de longs canaus dans les vaif- feaus , qui font deftinez pour le faire bouillir. Dans les gran- des Sucreries ,. il y a du moins fix Chaudières, dont il y en atrois 'fort grandes , qui fontde cuivre rouge. & de la largeur & pro- fondeur de celles des Teinturiers , & qui fervent à purifier le Suc qu'on doit faire bouillir à petit feu , en y méfiant de rems- en tems, d'une certaine leflive extrêmement forte , qui. Lu y fait: poutTer en haut toutes les immondices, qu'on enlevé avec une- grande écumoire de cuivre. Après que ceSuc eft bien puri- fié dans ces trois chaudières, par oîiilpalTe alternativement X t. 3. ®^ 111 1 334 Histoire Morale, Qup. 5 on le coule par un drap, & en fuitte on le verfe dans trois autres chaudières de métal, quiibnt fort epaifles, allez amples & profondes d'un bon pied&demy 5 c'eftdans ccschaudie-> 1 es ou ce Suc reçoit fa dernière. cuiibn , car on luy donne alors un fenplus vif» on le remué incellamment , & quand il élevé fes bouillons un peu trop haut , & qu'on craint qu'il ne ré- pande hors de ces chaudières, onrabaiiïcfa ferveur en jettant dedans tin peu d'huile d'olive, ou de beurre, & à mefurc qu'ii s'epaime, on le verfe en la dernière de cçs chaudières , d'où quand il commence à feftgcr,iLel\ mis dans des formes de bois ou de terre , puis il eft porté en des galleiies, ou on le blanchit avec une efpece de terre graiTe , détrempée avec de l'eau, qu'on érenddefïus, puis on o-uvre le petit trou, qui ell au dé- fous de chaque forme 5 afin quetoutcequire.ned'immodices dans le lucre,coule dans u n canal,qui le porte dans un vaificaù. qui eft préparé à cet uiage. La première écume qu'on enlevé des grandes chaudières, ne peutfervir qu'au bé.ail, mais l'autre eft propre pour faire Je bruvagedes ferviteurs & desElclaves. Le Suc qui eft tiré delà Canne ne peut durer qu'un jour, & fi dans ce tems-la U n'efteuit, il s'aigrit & fc change en vinaigre. Il faut autfi ap- porter un grand foin, à laver fouvent le refervoir quiconferye le fuc qui°eft exprimé, & lescanauspar où il patte, car s'ils avoient contradé de l'aigreur , le fuc ne fe pourroit réduire en fucre. On gateroit auflfi tout l'ouvrage , fi dans les trois gran- des chaudières qui doivent eftre arro'ées deleifivç, on y jet- toit du beurre ou de l'huile d'olive , ou fi dans les trois petites où le fuefe forme enfyrop & en grain, par la force du feu & par lagitation continuelle qui s'en fait avec une pallettc, on verfoit tant foit peu de lellî ve. Sur tout il faut bien pren- dre garde, de ne point laiûer tomber de fuc de Curondans les chaudières : car celaempefcheroit ablblument le fucre de fe former. Plufieurs habitans qui n'ont pas le moyen d'avoir tant de chaudières , & de ces grandes machines pour brifer leurs Can- nes , ont des petis Moulins qui font faits comme des. prefibirs, qui font conduits pardeus ou trois hommes , ou par un fcul cheval, 6c avec une ou deus chaudières, ils purifient le (uc quia Chap.5 des Iles Antilles. 335 ju ils ont exprimé, le reduifent en confiftance de fyrop s & en ibnt de bon fucre, fans autre artifice. Le plus grand fecret pour faire de bon Sucre, confifteàle avoir blanchir;, Ceus qui ont la conduite des Sucreries de Monfieurle General le favent en perfeaion , mais ils ne le xmimuniquent pas volontiers. De ce que defîusou recueil-. e quel eft l'avantage & le profit fingulier qui revient aus labitans de cette lie , par le moyen de cette douce & pre- •ieufe marchandife : Et quel contentement reçoivent nos rrançois, de voit croître en leur terre , & fi grande abondan- :e &*avec fi grande facilité , ce qu'ils n'avoient aupara- vant que par les mains des étrangers, & à grand prix d'ar^ rent. Cette abondance deSucre , leur a donné envie de confire me infinité d'excellens fruits , qui croiflent en cette Ile ; tels que font les Oranges, les Limons, les Citrons , & autres; nais ils rcuûlflen dur tout au Gingembre, dont nous parlerons ncontinent , & en l'admirable confiture qu'ils font du fruit de ^Ananas, & des fleurs d'Oranges & de Citrons. Quant à la préparation du Gingembre, lors que la racine eft meure , on la tire de terre. Puis" on la fait lécher en des lieus fecs & aërez : la remuant fouvent de peur qu'elle ne fe cor- rompe. Les uns fe contentent de i'expofer au Soleil pour la fe'cher : mais les autres jettent encore par deffus de la chaux vive , réduite en poudre , pour attirer plus facilement l'humi- dité. Cette racine, qui tient unrangconilderableparmyles éfpiceries , fe transporte par tout le monde ; mais elle eft par- ticulièrement recherchéeauspaïs froids. Nos François , la< tirent par fois de terre avant quelle (bit meure, & laconfifTent entière avec tant d'artifice, quelle de- vient rouge & transparente comme un verre. Le Gingembre confit que l'on envoyé du Brefil , &du Levantveft ordinaire- ment fec, plein de fiiamens, &trop piquant pour eftremangé- avec plaifir. Mais celuy qu'on prépare àSaint Chriftofte , n'a point du tout de fibres , & il eft fi bien confit, qu'il n'y demeu- re rien qui refifte fous ladent,quandonen veut ufer. Il a une propriété finguliere pour fortifier la poitrine qu and elle eft affoiblie , pat un amas d'humeurs froides, ©clair*- 1 36 Histoire Morale, Chap. 5 éclaireirlavoix, adoucit l'haléne, rendre bonne couleur au Vifage, cuire lescruditez de l'cftoma;, ayder a ladigeftion, rappeller Tapeur , & confumer les eaus & la pituite , qui ren- dent le corps languifiant. Et même on tient, qu'il conferve, & fortifie merveillcufcment la mémoire , en diftlpant les humeurs froides , ou la pituite du cerveau. On réduit auflî cette racine en patte , de laquelle on compofe une conferve, ou une Opiate qui a les mêmes effets. Venons à l'indigo. La plante étant coupée, eft mife en petis faifieans , qu'on laifle pourrir dans des cuves de pierre ou de bois, pleines d'eau claire , furlaquelleon verfe de l'huile, qui félon fa nature , fumage Ôc occupe toute la fuperficie.^ On charge de pierre les failïeaus, afin qu'ils demeurent fous l'eau, & au bout de trois ou quatre jours que l'eau a boiiilly , par la feule vertu de la plante, fans qu'on l'ait approchée du feu, la feuille étant pourrie, & dififoute par cette chaleur naturelle qui eft en la tige ; on remue avec de gros & forts bâtons toute la matière qui eft danslescuves, pour iny faire rendre toute fa fubftance , & après qu'elle eft repoiée , on tire de la cuve le bois de la tige qui ne s'eft pas pourry . Puis, on remue encore parplufieurs fois > ce qui refte. dans la cuve 5 cV après qu'on la laifle ralToir , on tire par un robinet l'eau claire qui fumage: Et la lie, ou le marc qui demeure au fonds de la cuve, eft mis fur des formes , où on le laiflfc fécher au Soleil. Ce marc, eft la Teinture qui eft tant cftimée, & qui porte le nom d'Indigo. Quelques uns , expriment en des preiïoirs les faifleaus de la plante pourrie, pour luy faire rendre tout fonfuc: Mais par ce que ce font les feuilles de l'herbe , qui compofent cette marchandife, ceusquila veulent rendre de plus grandprix, fecontentcntd'avoirlemarcqui demeure après la corruption de ces feuilles, & qui fc trouve après l'agitation, au fonds de la cuve. Le lieu où l'on prépare cette riche couleur de pour- pre violette, s'appelle , Jndigoictie. Les François des Antilles , ont demeuré un fort long tems avant que défaire trafic de cet te marchandife, à caufe que la plante dont on la compofe, étant de foy-même ai forte odeur , exhale une puanteur infupoutable , quand elle eft pour- Chap. 5 Dis Iles A n t i i u s. 3 37 pourrie: Mais dépuis que le Tabac à efté d un prix fort bas, & qu'en quelques endroits , la terre ne s'eft plus trouvée pro- pre , pour en produire de beau comme cy devant, ils fe font adonnez a la culture de l'Indigo, dont ils tirent à prefent un grand profit. Enfin pour ce qui eft du Cotton , nos François ne s'occu - pent pas beaucoup à l'amaiTer, encore qu'ils ayent plufieurs arbres qui le produifent aus lizieres de leurs habitations. Ce qui toutefois eft fort peu déchoie, au pris de ce que Tondit d'un certain quartier , d'une Province de la Chine* Car Tri- gaut au Chapitre dixhuitiéme du Livre cinquième de fon Hiftoire, rapporte qu'il y croift tant de Cotton , que pour le mettre en oeuvre, il s'y conte jufquesàdeus cens mille tik ferans. Les Anglois de laBarboude , font grand trafic de cette mar- chandife, comme auiïi ceus qui demeuroient cy devant en Tïle de Sainte Croix. 11 n'y a pas grand artifice à mettre le Cotton en état: carilnefaut que tirer du bouton entr'ouvert cette matière, qui fe pouffe au dehors préfque d'elle même. Et par ce qu'elle eft méfiée des grains de la femence de l'ar- bre , qui font en forme de petites fèves , liées avec le Cotton, au milieu duquel ils ont pris naiflance , on a de petites ma- rines , qui font compofées avec tel artifice , qu'au mouve- ment d'une roue qui les fait jouer, le Cotton tout net tombe d'un côté, & la graine de l'autre. Apres quoy, on entafïe le Cotton en des lacs avec violence , afin qu'il occupe moins de place. Ce (ont là les principales occupations , qui entretien- nent le commerce des Iles , & dont les Habitans font leur trafic ordinaire. I Vv ■C-HA- ■■ Î3 * Histoire M 01 ale» Chap.$ CHAPITRE SIXIEME. 2)f 5" Emplois les plia honorables des Habitans Etrangers des Antilles : de leurs Efc laves , ien armez, & fouvent on leur fait faire la reveuë , & les exer- :ices de guerre, même dans la paix la plus profonde , fi bien qu'en tout tems ils font prêts, au premier coup de tambour, ^our fe rendre au lieu deOgné parleurs Capitaines. En l'Ile ie Saint Chriftofle, outre douze Compagnies de gens de pied, .1 y a aufli des Compagnies de Cavalerie, comme nous en ivonsfait mention cydetTus. Et par ce que toutes les perfonnes de condition honorable, qui font en allez grand nombre en ces lies , ont des ferviteurs 5c des Efclaves, qui travaillent à tous les ouvrages que nous ivonsfpecifiez, & qu-'en France on ne fefert point d'Efclaves, l'y ayant en toute l'Europe que les Efpagnols & les Portugais, }ui en aillent acheter au païs de leur nahTanee, Angole ou Cap ^ert , & Guinée : il fera bon que nous endifionsicy quelque :hofe. Mais premièrement, nous parlerons des ferviteurs à oûage, & qui ne font que pour un tems. Les François, que l'on mené de France en Amérique pour èrvir ? font ordinairement des a&es obligatoires à leurs Mai- V V s très, s 340 Histoire Morale, Chap. 6 très, par devant des Notaires: Par lefquels ades ils s'obli- gent de les fervir trois ans, moyenant un nombre de livres de Tabac qui leur (onr acordées pendant ce tems-là. A caufe de ces trois ans de fervice où ils font engagez, on les appelle Communément des Trente-Jix mois , au langage des lies. H y en a qui s'imaginent, que pour nes'eu're pas obligez par écrit à leurs Maîtres dés la France , ils en font moins engagez lors qu'ils font rendus dans les lies. Mais ils fe trompent fort erj cela. Car lors qu'ils fe produifent devant un Gouverneur, pour fe plaindre de ce qu'on les a embarquez parforce, ou pour repréfenter qu'ils ne fe font pas obligez par écrit , on les condamne à fervir trois ans, celuy qui a payé leur palïages , ou tel autre qu'il plaira à leur Maitre. Si le Maitre n'a promis pour falaire à fon ferviteur que l'ordinaire des lies, il n'efl obligea luy donner pendant tous ces trois ans , que trois cens livres de Tabac ; Ce quin'eft pas grand chofepours'entrc- tenirde linge & d'habits. Car ce Maitre ne luy fournit chofe quelconque pour fon entretien, que la fimple nourriture, Mais celuy qui dés la France promet de donner plus de trois cens livres de Tabac à celuy qui entre à fon fervice , cft oblige aies luy fournir exadement, luy en eult-il promis mille. Cet pourquoy il eft avantageus à ces pauvres engagez , de ne s'en pas aller aus Iles , fans bien faire leur marché , avant que dt s'embarquer. Quant aus Efcîaves ou Serviteurs perpétuels dont on fe fert dans les Antilles, ils font originaires d'Afrique ; 6c on les amène du Cap de Vert, du Royaume d'Angolc, «5c d'autres ports de mer qui font en la côte de cette partie du Monde. C'elt-là qu'on les acheté, de même que l'on feroit des belles de fervice. Les uns font contrains de fe vendre & de fe réduire à une fervitude perpétuelle , eus & leurs enfans, pour éviter h faim. Car aus années de la fterilité , laquelle arrive allez fou- lent quand les fautcrclles , qui comme des nuées inondent ffc pais, ont brouté tout le fruit de la terre, la nccetVité les prefic tellement, qu'il n'y a forte de rigueur , où ils ne fe fou- mettent volontiers , pourveu qu'ils ayentdcquoy s'émpcfchci de. mourir. En ces occafions lamentables , le Perc vend fes en fan! Chap. 6 des Iles Antilles» ?4i enfans pour du pain, & les enfans quittent Père & Mcre fans regret. Les autres font vendus, ayans été faits prifonniers de guerre par quelque Roytelet , car c'eftla coutume des Princes de ces quartiers-là, défaire fouvent des courfes dans les Etats de leurs voifins , pour prendre des prifonniers, qu'ils vendent lus Portugais & ans autres Nations , qui vont faire avec eus zét étrange & barbare trafic. On leur donne en échange , du fer qu'ils prifent à l'égal de l'or, du vin , de l'eau de vie , ou quelques menues hardes. Ils captivent aUfli bien les femmes que les hommes, & les vendent pefle-meQe , à plus- haut bu à. moindrepris , félon qu'ils font jeunes oit vieus , robuftes ou foibles, bien ou mal proportionnez de leur corps. Ceus qui les amènent aus Iles, les revendent derechef quinze ou feize Cens livres de tabac ? chaque tefte. Si ces pauvres Efclaves tombent entre les mains d'un bon Maitre , qui ne les traitte pas avec trop grande rigueur, ils préfèrent leur fervitude à leur première liberté: & s'ils font mariez, ils multiplient à merveilles dans les pais chauds. Ils font tous noirs, & ceus qui ont le teint d'un noir plus lui- fant, font eftimez les plus beaus. Lapluspartontlenez un peu plat , & de grones lèvres : ce qui pafie aufli pour beauté entre eus. On tient même qu'en leur pais, les fages femmes leur applatiflent ainfi le nez tout exprés à leur naiflance. Ils ont tous les cheveus fi frifez, qu'à peine fe peuvent ils fervir de peignes ï mais ils ufent de l'huile de cet arbriiTeau que l'on nomme PalmaChriffi-, pour empefeher la vermine. Ils font forts & robuftes au poflible, mais fi timides & fi peu adroits à manier les armes, qu'on les domte facilement. Leur naturel eft (ufceptible de toutes imprefifions- & les premières qui leur font données parmy les Chreuiens , après qu'ils ont renoncé à leurs fuperftitions & à leurs idolâtries, ils les gardent eonftamment. En quoy , ils font dirïerensdes in- diens de l'Amérique , qui font changeaus comme des Ca- méléons. Entre les François habirans des Antilles , il y a de. cesNégresqui jeûnent exadement le Carefme , & tous les autres jours de jeûne qui leur font ordonnez, nonobftant &urs travaus ordinaires & continuels. Yv % M 342 Histoire Morale, Chap. 6 Ils font ordinairement orgueilleus & fupcrbes : Et au lieu que les Indiens veulent être traittez avec douceur , & qu'ils fe laiûent mourir de triftelTc, fi on les rudoyé tant (bit peu j ceus-cyau contraire, doivent être rangez à leur devoir par les menaces & par les coups. Car fi on fe familiarité un peu trop avec eus, incontinent ils en abufent. Mais , fi on les châtie avec modération quand ils ont failly i ils en devien- nent meilleurs,plus fouples, & plus obehTans , & fe louent de leurs maitres. Si aufïl on ufe de rigueur exceflive en leur en- droit, ils prennent la fuite , & fefauventdans les montagnes, où ils mènent , comme de pauvres beftes, une vie malheureu- fe & fauvage, & on les appelle alors Nègres effarons , c'eftà dire Sauvages : Ou bien ils s'étranglent par defefpoir. 11 faut donc garder en leur conduite un milieu , entre l'extrême fe- verité & la trop grande Indulgence, fi on les veuteonferver en leur devoir, & en tirer un bon fervice. Ils s'aiment paflionemcnt entre eus , & bien qu'ils foyent nez en pais difFerens , & quelquefois ennemis les uns des au- tres , ils s'entrefupportent & s'entr'aident au befoin , comme s'ils étoyent tous frères. Et quand leurs maitres leur donnent la liberté de fe recréer , ils fe vifitent réciproquement , & paf- fent les nuits entières en jeus , en danfes , & en autres pafle- tems & réjouilTances , & même en petis feftins , chacun d'eus épargnant ce qu'il peut, pour contribuer au repas commun. Ils feplaifentàlamufique, & aus inftrumcns qui peuvent rendre quelque fon agréable & faire uneefpéce d'harmonie, laquelle ils accompagnent de leurs vois. Autrefois ils avoient à Saint Chriftofle un certain rendez-vous au milieu des bois, où ils s'aflembloient tous les Dimanches, &tous les autres jours de fefte, apre's le fervice de TEglifc, pour donner quel- que relafche à leurs corps. Ils paiïoyent-là quelquefois le refte du jour , ôclanuit iùivante, en danfes, 6c en entretiens agréables , fansprejudicede l'ouvrage ordinaire de leurs mai- tres. Mêmeonremarquoit , qu'après qu'ils s' e'toyent diver- tis de cette forte, ils travailloient de beaucoup meilleur cou- rage, fans témoigner aucune l'attitude, & mieus que s'ils cul ièntrepofc en leurs cabanes tout le long /le la nuit. Alaispai ce que , pour entretenir ces réjouifiances publiques , ils déro^ boieni Chap. 6 des Iles Antilles. $43= Soient fouvcnt les volailles & les fruits des voifins , 5c quel- quefois de leurs maîtres, l'exquife fagefTede MonfieurleGe- aerai, qui n'eftime pas les moindres chofes , indignes de fes oins, leur a interdit ces affemblées no&urnes : & à prefent 'ils fe veulent divertir, ils le font feulement en leurvoifina- 5e , avec la permifïionde leurs maîtres , qui leur accordent volontiers cette honnefte liberté'. Aurefte,. celuyqui a une douzaine de ces Efclaves, peut •treeftime riche. Car outre que ces gens-là cultivent Ôc en- Tetiennent tous les vivres neeeflaires pour la fubfiftance de eurs maîtres, & pour la leur: e'tant bien conduits ils font >eaucoup de marchandife de Tabac, de Sucre, de Gingem- >re, & d'Indigo, qui apportent un grand profit. Et leur fér- oce e'tant perpétuel , leur nombre s'accroift de rems en tems, >ar les enfans qui.leur naiflent -r lefquels pour tout héritage iiccedentà la fervitude Ôc à la fujettion de leurs parens. Tous les Habitans étrangers , qui ont leur demeure en ces les, fe gouvernent félon les Lois ôc les coutumes de leurs >aïs. Parmy les François de Saint Chaiftofle, la Juftice s'admi- îiflre par un Confeil compofe des principaus Officiers de a Milice de l'Ile, auquel Monfieur le General Préfide. Et ien qu'il y ait des maifons propres ôc deftine'es à cette action* omme cette Chambre du Confeil, que nous avons de'- riteen fonlieu, neantmoins ce Confeil s'affemble par fois, :lon que le tems ôc les affaires le peuvent requérir, ôc que donfieur le General le trouve le plus à propos pour fa corn- vodite'; fous une efpe'ce de grand Figuier, qui eft delà grof- br du plus gros Orme^, proche le Corps-de-garde de la Baf* Merre , & tout joignant la Rade, C 'eften ce Confeil , que fans uferde tant de formalités que o.n a inventées pour rendre les Procès immortels , tous lès irrerens qui peuvent furvenir entre les Habitans , font vui- ez à l'amiable, ôc terminez le plus fbuvent à Fa première :ance , fans qu'il coûte rien aus parties,, finon ce que celle ui eft trouvée avoir tort , doit: payer , fuivant la-coutu- ie , aa profit des pauvres ,. & de l'entretien de- l'Eglife, : pour. la. fatisfac^ion de la partie qui eftoit: ihterefiee» 344- Histoire Morale» Chap.7 Ce Confeil condamne aufli à mort en dernier reffort. Les Gouverneurs des autres lies, rendent auiïi la lufticc, chacun en Ton Gouvernement. De forte, qu'il ne faut pas te perfuader qu'on vive en ces païs-là , fans ordre & fans régie, comme plufieurs fe l'imaginent. Et c'eft une merveille , de ce qu'y ayant là des perfonnes ramalïées de tant de divers païs, & qui font d'humeurs fi différentes, ledefordrene s'y foit pas glilTé , & qu'on les puiffe contenir dans le devoir & la fujetion des Lois. Voila pour ce qui regarde les Habitans Etrangers des Antilles. / CHAPITRE SETTIEME. De V origine $es Caraïbes, Habitans Naturels du fais. L Ordre que nous nous fommes propofè , demande que nous parlions déformais, des Indiens Habitans Natu- rels des Antilles. Et il n'eft paft befoin d'agiter îcy cette grande & difficile queuion, comment la race des homme! s'eft répandue en l'Amérique , & d'où elle eft venue en a Nouveau Monde. De grands performages ont traitté cette matière avec tant de fuffifance, d'exactitude , & de foliditc que ce feroit une chofe ennuyeufe & fuperflue d'en entre- tenir prefentement les Le&eurs. Joint, que f H iitoire de l'O- rigine de nos Sauvages Antillois, ne requiert pas que nou en prenions le commencement fi haut , ni fi loin. Les Anciens & naturels Habitans des Antilles, font ccu que l'on a nommez Cannibales, ^fntropofagcs , ou Mangeur d'hommes: & que la plupart des Auteurs qui en ont écril appellent Caribcs : Mais leur nom primtif & originaire, t qui a plus de gravité, cftceluyde Caraïbe , comme ils le pro noncenteus-mêmes , aulïi bien que cens de leur Nation, qi fc trouvent en la terre ferme de l'Amérique: foit au cont nent Septcnr-rioiwl , foit au Méridional. Et par ce que c'e AUl Chap. 7 des Iles Antilles. 34*. aufil l'appellation la plusfcomuiune , en la bouche de nos-: François Habitans de ces Iles , & qu'elle eft fuivie par les der- niers Écrivains , nous l'em^loyerons plutôt que l'autre , en la fuitte de cette Hiftoire. Quelques uns eftiment que.ce.nom.de Caraïbes n'eft pas naturel ans Sauvages Antillais 5 mais-qu'il leur a été impofé par les Efpagnols , comme à pluiieurs Sauvages du Continent Méridional qui le portent: demêmequeceluydc G alibis , ou de Calibites , à leurs alliez Habitans du même Continent, Ceus qui font de cette opinion , difent que les Efpagnols ont bienpiidonner à ces Peuples ce nomdeCaraibes:, veu qu'ils ont parcouru tons les quartiers de l'Amérique Méridionale, & qu'ayant fait les premières Cartes, -ils ont marqué ces Na- tions-là fous ce nom, qui leur eft demeuré dépuis. Pour preuve de cela, ils aléguent , que les Caraïbes ne fe nomment jamais ainfientr'eus, finon lors qu'ils fontyvres , & qu'ayant la tefte pleine de vin, ils fautent & fe réjouiifent , d-ifant en leur Baragotn , iMoy bonne- Caraïbe.. Que hors de là , ils fe fer- ment feulement de ce mot lors qu'ils font parmy les Etran- gers , & que dans leur négoce , & leur communication avec eus , ils fe veulent donnera cohnoitre à eus , fâchant bien que ce nom leur eft connu. Mais quentr'eus ils s'appellent tou- jours,-au (fi bien que font ceus de leur Nation de la Terre fer- oie , & les Calibites , Calinago , qui eft le nom des Hommes $ I Callifomn, qui eft celuy des Femmes. Et qu'ils fe nomment zncove Oubaobonon, c'eftàdire, -Habit ans, des îles , ou Infu- Laires: de même qu'ils appellent ceus du Continent, Balo'ûé- \onont c'eftàdire, Habitans déterre ferme. \ ■ Avec tout cela neantmoins , il n'y a guère d'aparence que e nom de Caraïbe fok venu des Efpagnols , & que nos ïnfu- aires ne lavent porté que dépuis qu'ils .ont été connus d'eus 3 Premièrement, parce qu'avant que les Efpagnols ni les Portu- gais euflent pénétré au Brefil , il s'y trouvoit de certains hom- mes plus fubtils & plus ingenieus que les autres, que les Bré- siliens nommoient Caraïbes , am.fi que Jean de Lery l'a remar- qué dans fon Hiftoire. Secondement il eft confiant , qu:il y a ies Sauvages qui portent le nom de Caraïbes , en des quartiers Ju Continent de l'Amérique Méridionale, où les Efpagnols Xx h ont 1 ~**v $#& Histoire Morale. Chap. 7 n'ont jamais eu de commerce. Car? non feulement ceus de la Nation de nos Infulaires , qui habitent le long de ces codes de l'Amérique Méridionale, & qui font voifins des Collo- nies Hollandoifes de Cayenne & de Berb'ue y mais ceus en- core qui demeurent bien avant dans ce Continent Méridio- nal, audeflus du fault des plus célèbres rivières , s'apellene eus mêmes Caraïbes. De plus, nous verrons dans la funte de ce Chapitre, qu'il y a au Continent Septentrional une Nation puilfante, compofée en grande partie de certaines Familles, qui Ce glorifient encore à prêtent , d'eltre Caraïbes, & d'en avoir reçeu le nom, long-tems avant que l'Amérique ait et^ découverte. Apre's-, quand même les Efpagnols auroient voulu impofer ce nom à toutes ces Nations , comment pour* Toit on prouver qu'elles Teuflent voulu accepter de la. main de gens inconnus & ennemis : Or il eft certain que non feu- lement tout, ces peuples , s'apellent eus- mêmes Caraïbes* mais que de plus, ils fe glorifient & tirent avantage de ce nom* comme Monfieur du Montel l'a ouï de leur bouche plu* fieurs fois : fe plairoient ils à faire trofée d'un nom qu'ils auroient reçeu de leurs ennemis > Que fi , comme nous le verrons tântoft , les anceftres de nos Sauvages Infulaires, ont reçeu des Apalachites le nom de Caraïbes , au lieu de celuy de Cofachkes qu'ils portoient auparavant i ils le prirent de per- fonnes amies & confédérées , & même comme un éloge d'honneur > Enfin, ce n'eft pas feulement dans l'y vreffe, 9 dans la débauche, que nos Indiens Antillois fe nomment Caraïbes , niais âulïi , lors qu'Us font fobres & de fang froid; Que s'ils fe nomment entr'eus Calinago , ils peuvent bien avoik plufieursnoms diferens, fans que pour cela il s'enfuive, que les Europe'ens leur en ajent donne quelcun de ceus là. Pout ce qui eft du nom d'Oubao-bonon , fa lignification montre alTezj qu'il ne leur eft pas particulier , & qu'il fe peut apliquer à tous les Infulaires généralement : Et s'ils fe fervent plutôt do nom de Caraïbes , que d'un autre nom , en parlant ans Etran- gers,c'eft pareequ'ils faventen efret,que ce nom leur eft plus connu : Mais cela n'emporte pas, qu'ils l'ayent reçeu des Efpagnols , il feroit fans doute plus probable de dire, que les Efpagnols l'ayant apris d'eus, l'auroicnt en fuite communi- qué •Cfotp,? PIS ÏIÊ'S ÂtNTlLLES. 34*7 -que aus a$tflie$ Européens. Mais au fonds , il n'importe guère ce que l'on en croye : Et chacun en peut avoir quel fentiment il luy plaira. Nous ne faifons que propofer ce qui nous femble p lu s vray - femblaMe. Quant à l'Origine des Caraïbes Infulaires , ceus qui en ont parlé jufques icy , ont eu fi peu de lumière pour fe conduire dans cette obfcure antiquité , qu'à vray dire ils n'y ont marché qu a tâtons. Quelques uns s'imaginent qu'ils (ont venus des Juifs , fe fondant entre autres chofes , fur ce que les parentes des Caraïbes leur font naturellement aquifes pour femmes, & qu'une partie d'eus, ne mangent point de Pourceau, ni de Tortue. Maisc'eft prendre la chofe infiniment loin , & fur de trop foibles conjectures. 11 y en a , qui les font dériver du faavre de Caribana , & qui prétendent qu'ils en font iffus. Mais cette opinion n'eft fondée que fur la feule rencontre des mots de Caribana & de Caribes , fans aucun autre fonde-» ment. D'autres difent par une (Impie conje&ure , queces Sauva- ges font Originaires des grandes lies, & qu'il nyapas bien long tems qu'ils habitent les Antilles, n'étant que des réfu- giez , des reftes , & des parcelles de débris , en un mot des .réchappez des horribles malTacres que firent les Efpagnols, lors qu'ils s'emparèrent de Saint Domingue, Cube, Jamaï- que, 6c Porto-Rico, Mais la vérité de THiftoire nous té- moigne, que dés le commencement de la découverte de l'Amérique , les Antilles étoient occupées & peuplées par les Caraïbes. Etqued'abord , ils furent furpris & mal-traittez par les Efpagnols. Mais que puis après les Efpagnols étant vivement repouflèz , & reffentans beaucoup d'ineommodi- tez de cette guerre , rirent une efpece d'acord avec quelques uns d'entr'eus : comme nous le verrons plus particulière- ment au Chapitre de leur Guerres. Ajouftezàcda, que les Indiens deCoraço, qui font fans contreditde ces véritables rechapez , & qui ont encore parmy eus des perfonnes vivan- tes , qui demeuroient au port, dit a prefent de l'île h Vache , en l'île Hifpaniola , quand les premiers Efpagnols y abordèrent, n'ont aucun mot de la langue Caraïbe en la leur, ni aucune faiTon de faire, d'où l'on puifle recueillir qu'ils ayentjamai XX 2 . Ci 34* Histoire Morale, Chap.7 eu de communication avec les Caraïbes. Outre que cens des grandes lies , qui pouvoient prendre la fuite pour éviter la tyrannie des Efpagnols , avoient bien meilleur conte de fe re- tirer aus terres qui éroient au dellbus d'eus, & où les vens ré- guliers les portoient, que de remonter contre le vent, &ain(i retarder leur fuite, s'expofer à mille périls de la mer, & al- longer leur voyage de vint fois autant. Car c'eit merveille quand des vaiueaus tels que font les leurs, peuvent gagnet contre le vent une lieue en un jour. Et il arrive le plus fou- vent à de bien grands vakTeaus qui veulent remonter, qu'ils reculent plus en trois heures qu'ils n'avoient avance' en fix jours. Nous favons de bons Pilotes, qui ont mis trois mois àremonterducW-^-J^, de Saint Dominguc , àSaintChri- ftonej au lieu que pourdefeendre de Saint ChriiïofleàSaint Domingue > il ne faut d'ordinaire que quatre ou cinq jours au plus» Quant au fentiment que les Caraïbes eus mêmes ont de leur propre origine, ignorans les monumens de l'antiquité', autant que peu curieus de l'avenir , ils.croyent la plupart eftre venus des Calibites ou Galibis , leurs alliez & grans amis , Habitans de l'Amérique Méridionale, & voifins des Arouagues , ou Aloùagues . en cette contrée , ou en cette Pro- vince, qui fe nommé commune'ment Guyana, ou Cofte Sat*. l'âge. Et ceus qui adhèrent à cette opinion , fe fondent fut laconformitddelangage, de Religion, & de mœurs, qui fc trouve entre les Caraïbes Infulaires 3c les Calibites : Bien qu'au refte, cette reiTemblance puifle venir en partie de l'al- liance & de l'amitié particulière qu'ils ont entt'eus-, en partie duvoifinage des Caraïbes du Continent Méridional, &dc ces Calibites., & enpartie d'autres caufes que nous reprefen- terons cy-aprés. Mais ces pauvres Sauvages Infulaires , ne s'accordent pas entr'eus,dans le récit particulier qu'ils font de leur extraction, & de la caufe qui les a portez dans les Iles , & ils ne peu- vent dire le tems. Voicy ce que ceus de Saint Vincent, & quelques autres, en ont recité àMonncurdu Montel, & qu'i nous a fait voir dans fes Mémoires curieus. Tous les Ca- raïbes étoient autrefois auin'ctis aus Aroiiagues & obeif- foieitf Chap. 7 des Iles Antilles. 3*9 foient à leur Prince. Mais une partie d'entr'eus ne pouvant plus fuporter ce joug-là, fe rebellèrent. Et afin de pouvoir vivre en repos, éloignez de leurs ennemis, ils fe retirèrent aus Antilles, qui étoient alors inhabitées , & abordèrent pre- mièrement en Mé de Tabago , qui eft l'une des plus proches du Continent. Dépuis les autres Calibites fecouërent au Ai la domination des Arouagues , mais fetrouvans allez forts, ou n'ayans pas la même inclination que les précedens , ils demeu- rèrent en leur pais : Et ils s'y font toujours confervez jufqu a prefent, qu'ils y vivent encore libres, mais ennemis des Aroua- gues-, ayant un Capitaine General de leur propre Nation, qui leur commande, ils font auili demeurez jufqu 'à cette heure confederez Ôc Singuliers amys des Caraïbes. C'cft fur ce récit là même que l'on fonde, ôcparcedétail que Ton explique le nom de Caraïbes, comme s'ilfjgnifioit Rebclks , toit qu'il ait efté impofp à nos Antillois par " yitoïmues , foit que ces Peuples l'ayent pris eus mêmes, pour leur iervir d'une eipece de trofée , tirant gloire de leur noble foule vement , & de leur genereufe R ebellion , qui les a mis en paix & en liberté. Mais il ne faut autre chofe pour mon- trer que Caraïbe ne veut pasxlire Rebelle , comme le pofe entr** autres un certain Journal d'un Hollandois , finon qu'il y a plufieurs Colonies en divers endroits de la terre ferme de PAmerique , foit au Septentrion , foit au Midy, que perfonne ne prétend, & ne peut prétendre, avoir jamais efté fous la puiîTance des Arouagues , & qui cependant portent ce nom de Caraïbes. Que s'il y en a-d'entr eus qui fe foyent rebellez contre d'autres Souverains ,, s'étans dépuis réconciliez avec eus , & vivant encore aujourduy au milieu d'eus , fous ce nom de Caraïbes , ainfi que nous le verrons plus particulière- ment tantoft, il ny a nulle apparence, qu'il exprime des Re~ belles , puifque ce leur feroit une flétriffure.,, & une.ma.rque dinfamie. Mais, cens qui ont converfé long-tems avec les Sauvages de la Dominique, reportent que ceus de cette lie eftiment quêteurs Anceftres font fortis de la Terre ferme., d'entre les Caltbites , pour faire la guerre à une Nation £ \\^fyoùagucs. qui habit oit les lies , laquelle ils détruifirent entièrement , à la Xx, 5.: refc* 3 50 Histoire Morale, Chap.; refervc de leurs femmes , qu'ils prirent pour eus , ayant par c< moyen repeuplé les Iles. Ce qui fait, qu'encore aujourdu; les femmes des Caraïbes Infulaires , ont un langage difteren de celuy des hommes en plulieurs chofes , & conforme cr quelque chofes à celuy des Aroùagues du Continent. Cclu) qui étoit le Chef de cette entreprife, donnoit les Iles conqui- fes à fes confidens. Et celuy qui avoit eu en fonpartagela Dominique , fedifoit OAhcutou-timam^ c'eilà dire Roy , & fe faifoit porter fur les épaules de ceus que les infulaires nom- ment Labouyou* c'eftàdireferviteurs. Il y a fi peu de certitude , & tant d'inconftance en toutes Ces narrations , & en d'autres iemblablcs que ces pauvres ignorans peuvent faire fur ce lujet, que félon l'avis des plus fages , il n'y a guère d'aparence d'y aribir aucun fondement. En effet , ces Sauvages eus mêmes, n'en parlent qu'a i'avantu*- re , & comme des gens qui reciteroient des longes : tant ils ont été peu foigneus de la tradition de leur origine : Et ils fe contredirent & fe réfutent les uns les autres , par la diferen- ce de leurs récits. Nous verrons neantmoins à la fin de ce ■Chapitre , ce qui pour fembler probablement , leur avoir donné ocafion à la plupart, de croire qu'iis font venus des Calibites. Dans tous ces divers fentimens , que nous avons raportez ou des Efcrits ou des difeours de plufieurs, il y a cecy de louable , que cens qui les mettent en avant , fuivent les con- noifïances qu'ils ont, & qu'ils font leurs efforts pour eclaircir & pour déveloper des veritez anciennes & inconnues. Mais comme la Relation que nous allons donner de l'Origine des Caraïbes Infulaires, eiïMa plus ample la plus particulière, la pluscurieufe, & la mieus circonftantiéc, qui air paru ju (qu'à prefent, auffi la tenons nous pour la plus véritable, & la plus certaine, laiflant. toutefois à la liberté du Lecteur judicieus, de fuivre tel fentiment qu'il jugera le plus raifonable. Au refte, comme nous devons rendre à chacun la louange qui luy apartient, le public fera redevable de ces particularitez &de ces lumières, à l'obligeante communication que nous en a donnée Monfieur BttHok, Gentil-homme Anglois, l'un des plus curieus hommes du Monde, 6c qui entre les aunes riches con- ;hap.7 des Iles Antilles. b$i onnoiffances , parle en perfection la langue des Virginiens ;des Floridiensj Ayant veu dans fes beaus voyages toutes s lies , ôc une grande partie de l'Amérique Septentrionale. ,'eft par ce moyen, qu'il a appris exactement fur le lieu même, ont nous allons faire mention , & pardesperfonnes intelli- entes , & qui luy ont parle' avec certitude, FHiftoire fuivante s l'Origine de nos Sauvages, dont il garentira toujours la erité , lors qu'il en fera befoin. Les Caraïbes, font Originaires de l'Amérique Septentrio- aie , de la Terre que l'on appelle maintenant la Floride. Ils mt venus habiter les lies , après eftre fortis du milieu des Apalachites^ entre léquels ils ont demeuré long-tems. Et ils ont laifle de leurs gens , qui portent encore aujourduy le om de Caraïbes. Mais leur première origine eft des Coft- hitesy qui changèrent feulement de nom, & furent appeliez- 'araïbesy en la terre des Apdachites, comme nous Talions voir icontinent. Les ^Apalachites font une Nation puhTante & genereufe,, [ui fubfilte encore à prefent en la même contrée de la Florin e. Ils habitent un, beau & grand pais nommé ^fpalachey ont ils ont reçeu leur nom : & qui commence fur lahau- eurdetrente-rrois degrez & vint-cinq fcrupules , du Norè fe la Ligne Equinodiale, & s'étend jufqu'autrente-feptiéme. le Peuple, communique à la mer du grand Golfe de la Mexi- que , oude la Neuve Efpagne , par le moyen d'une Rivière jui prenant fa Tource des Montagnes K^Apdates , au pied dé- telles ils habitent, après avoir arrofé plufieurs belles cam* magnes , fe vient en fin rendre en la Mer , près des lies de 24- obago. Les Efpagnols ont nommée cette Rivière, Rio de L Spirtm Santo. M ais les Apalachites luy confervent fon an- cien nom iïR'itanachi, qui Ggnifie en leur langue , Belle é1 ïgreable. Bu collé du Levant , ils font feparez de toutes les mtres Nations, par de hautes & longues montagnes , qui Font couvertes de nége en leur fommet la plus grande partie de l'année, ce quiles fepare de la :. Virginie. Des autres coftez tts confinent avec plufieurs petis Peuples , qui leur font tous amis &, confédérée €es 3 5 s Histoire Morale, Chap.7 Ces Apalachites, fc glorifient d'avoir pouficdes Colonies bien avant dans la Mexique. Et ils montrent encore à prê- tent un grand chemin par terre, par lequel ils difent que leurs troupes parlèrent pour s'y rendre. Les Habitai» du paib Ici nommèrent à leur arrivée iLumci, quifignifie CMontaonars : car ils eftoient plus robuftes 6c plus genereus qu'eus. \h fc placèrent en un quartier pareil à celuy de leur naiffance , firué au pied des montagnes, en une terre fertile ; Où ilsbarireni une Ville de même forme & figure que celle dont ils eftoient fortis, laquelle ils occupent encore aujourduy. Ils s'y (ont tellement unis par mariages, & par d'autres liens de p aix qu'ils ne font plus qu'un Peuple avec eus. Et on ne les pour- roit difeerner . s'ils n'avoient retenu plulieurs mors de leur langue originaire , qui eft la feule différence que l'on y re- marque. Apres que les Apalachites eurent fait cette peuplade, les Cofachites qui demeuroient plus au Nord de l'Amérique enunpaismerécageus&préfque fterile, & qui avoicr.t vécu jufques la en bonne intelligence avec eus, lâchante qu'ils étoient alors déniiez de leurs meilleurs & plus vaillans hom- mes, prirentloccatîoniqui leur étoit favorable, pour enrre- prendre fur ces Apalachites leurs voifms , & les chaiîer de leurs demeures , ou du moins partager avec eux la terre où ilshabitoient , apre's qu'ils s'en feroient rendus mairres. Ce deiTein, ayant ère' ménage'- fort adroitement entre les Chefs des Cofachircs , ils le publièrent puis après par tous leurs vil- lages , ôclefirenrapprouveràtous les Chefs de ramilles , qui au lieu de cultiver & d'enfemencer la terre de May s , au com- mencement du Printcms , comme ils avoient accoutumé de faire chaque année, préparèrent leurs arcs , leurs flèches , & leurs maifues : & après avoir mis le feu en leurs villages, & s'être munis du peu de provifions qu'ils avoient de reitc de l'hy ver pafle , ils fe mirent en campagne avec leurs femmes & leurs enfans, & tout le petit bagage qu'ils avoient, dans la re- folution de mourir ou devainerc, puis qu'ils ne.pouvoicnt plus rebroufler chemin , & retourner en un lieu qu'ils avoient détruit & dépouillé de toutes fortes de commodnez. In Cfoap.7 des Iles Antilles. s 53 En cet équipage, ils arrivèrent bien toit fur les frontières de leurs voifins. Les Apalachites, qui ne penfoient à rien moins, qu'à avoir un ennemy fur les bras , e'toient alors occu- pez à planter leur CWays-, & les racines qui fervent à leur nourriture ordinaire. Ceus qui demeurent auprès du grand Lac, qu'ils nomment en leur langue Theomi , ayant apper- ceu cefte puiflante armée qui venoit fondre fur eux , fe retirè- rent incontinent aus montagnes voifines, & laiiferent leurs villages, & leur beftail , à la difcretion del'ennemy; Puis ils furent de là au travers des bois , porter la nouvelle de cette irruption, aus villes qui font dans les vallées , entre les premiè- res montagnes, où refidoit le Paracoufe, qui eft le Roy du pais, avec toutes les forces les plus confiderables de fon -Etat. Sur cette nouvelle fi furprenante , ce Prince , pen- dant qu'il fe préparait à aller à la rencontre de l'ennemy , fit gagner , par ceus qui fe trouvèrent le plu-toft prêts à cette ex- pédition , les avenues des montagnes, &mitdesembufcades en divers endroits des grandes forêts., qui font entre le grand Lac & les montagnes , & par lefquelies il faut pafier pour en- trer en une belle & fpacieufe vallée, qui a plusdefoixante lieues de long, & environ dix de large; où font les demeu^ res des principaus du pais , & les villes les plus confiderables de l'Etat. Pendant que les Cofachites s'amufoientau pillage des mai- fons, qu'ils avoient trouvées prés du grand Lac, les Apalachi- tes eurent moyen de fe préparer à les recevoir. Mais eus, au lieu de prendre les routes & les chemins ordinaires qui con- duifoient au pfat pais , qui eft entre les montagnes comme nous avansTdit, après avoir laifîe les femmes & les enfans prés du grand Lac, avec quelques trouppes qu'ils détachè- rent de leur armée pour les garder , étant guidez par quelques Apalachites qu'ils avoient fur-pris pefchant-au grand Lac, furent au travers des bois , des montagnes, & des précipices, où, les Chamois n'auroient pu marcher qu'a grand5 peine , fe rendre tout au cœur & au centre dupais , en une Province appellée des ^Ammites, Ils furprkent fans refiftance les premières places , qu'ils trouvèrent gardées feulement par les femmes, par les enfans , & par quelques vieillards qui. Y y n'a- ;àiïm- 4tï £54- Histoire Morale, Chap. 7 n'avoientpûfuivreleRoy , lequel avec Ton peuple, étoit allé attendre l'Ennemy, aus defeentes ordinaires qui conduifent au pais. Les Cofachites , voyans que leur deflèin avoit fi bien reuf- fy, & qu'il y avoit grande apparence qu'en peudetems ils fc rendroient maitresde toutlepaïs , puis que leur commence- ment avoit été fi heureus , pouffèrent incontinent leurs con- queftes plus outre; & ayant des villes de retraitte,où ils avoient laifie de bons hommes en garnifon , ils furent au devant du Roy d'Apalache , en intention de le combattre, oudumoins, de l'obligera leur laitier la paifible jouïflance d'une partie du pais. L' Apalachite , fut extrêmement furpris quand il apprit que l'ennemy qu'il attendoit aus frontières & aus avenues acouftumées dupais s'étoit déjà emparé d'une Province qui étoit au centre de fes Etats , & qu'il avoit laide garnifon dans les villes & autres places conhderables. Neantmoins, comme il étoit magnanime &courageus, il voulut elTayer fi le fort des armes luy feroit auffi favorable, qu'il croyoit fa caufe bonne & jufte. 11 defeendit donc avec les fiens des montagnes où il s'étoit campé: & après avoir anime fes gens au combat, il attaqua brufquement l'avant-garde des Cofa- chites, qui étoit venu reconnoître fa contenance. Lors que départ & d'autre ils eurent confumé toutes leurs flèches, ils vinrent aus mains ; & ayant pris leurs maiïuës, il fe fit un grand carnage des deus armées, jufques à ce que la nuit les ayant feparez , les Cofachites remarquèrent qu'ils avoieni perdu beaucoup des leurs en cette rencontre, & trouvèrent qu'ils avoient à combattre un peuple plus vaillant, qu'ils ne s'étoient imaginé : ck par confequent qu'ils feroient mieu< de traitter avec luy a l'amiable, que de hazacder encorunc Fois leurs troupes en un pais étranger. Ils refolurent donc d'envoyer dés le matin des AmbalTa- deurs au Roy des Apalachites , pour luy prefenter des con- ditions de paix , & pour en cas de refus (dilïimulant la perte qu'ils avoient faite au dernier combat) luy déclarer la guer- re , & lefommer defe tenir pretl: à l'inftant , pour recevoir leur attaque, qui /éroitbien plus rude que celle qu'il avoit expérimentée le jour précèdent , que leurs forces étoient alors Chap. 7 des îles Antilles, $#j alors toutes unies. Le Paracoufîis d'Apaiache ayant ouï ces Ambalfadeurs , demanda la journée pour advifer fur leur propofition de paix. Et en fuite, leur ayant auiïi demandé les articles & conventions fous lefquellesils vouloient rrait- ter avec luy, en cas qu'il inclinait à une paix, ils luy dirent qu'ils avoient quitte' leur terre en intention de fe placer, ou par amitié , ou par force , en ce bon & gras pais qu'il poffe- doit : ht que s'il agréoit le premier de ces moyens, ils de- mandoient de faire un même Peuple avec les Apalachites, i'habiter en leur terre, & de la cultiver; &ain(î de remplir les places vuides de ceus d'entr eus qui s'étoient débandez de puis peu , pour aller au loin planter une nouvelle Co- lonie. L'Apalachite, a(Tembla fon Gonfeil fur ces proportions^ & en ayant fait l'ouverture, il reprefenta que l'armée des Co= facilites leur empefehoit le fecours, qu'ils pourroient avoir ies autres Provinces, qui îfavoient pas été preftes pour venk ivec eus à cette guerre. Que par même moyen le partage des livres leur étoit entièrement fermé. Que l'ennçmy étoit .naître de la Campagne 5 & que fans coup ferir, il étoit entré tn l'une des meilleures Provinces de tout l'Etat, où ils ctoit aify des places de l.i plus grande importance. Et que bien }u'en la journée précédente, il eut remarqué la fidélité & la ;enero(ité incomparable des fiens , à attaquer & à combattre eursennemys, fur lefquels ils avoient remporte de tres-no* :ables avantages , toutefois cet heureus fuccés avoir éré icheté par la perte de fes plus vaillans Capitaines & de fes neilleurs Soldats- Parconfequent , qu'il falloit avifer à cons- erver le réfte du Royaume, en épargnant ce qu'il y avoit jncore d'hommes d* élite. Et puifque les ennemis propo- sent d'abord des conditions de paix , ce feroit fagement fait l'y entendre , fi cela fe pouvoit faire fans préjudice de leur gloire , & de la grande renommée qu'ils s'étoient aquife ju£- lues alors. Qu'au relie , la terre qui étoit deferte en plufieurs :ndroits , par la tranfmigration d'une partie de leurs habi- ans , étoit afTez grande & alTez fertile , pour les nourrit ous. y y a Tous 356 Histoire Morale, Ghap.7 Tous les Chefs des Apalachites ayant ouï la propofitiort de leur Roy, & jugeant que ce n'etoit pas la timidité, quil'o- bligeoit à panchcr du cofté d'un accommodement avec les Cofachites , veu que le jour précèdent il s'étoit trouvé au plus fort de la méfiée : mais que c'eftoit le feul defir qu'il avoit de ne les pas expofcr témérairement, & de conferver fon peuple lequel étoit déjà en proye à l'ennemy, qui occupoit une des plus notifiantes Provinces. Ayant aulli eu advis par quel- ques coureurs, qui s:étoient rendus en l'armée du Roy par des voyes détournées, & qui venoient des Villes , où les Cofa- chites avoient leurs garnifons, qu'ils traittoient avec grande douceur & grand refpeâ: les femmes & les vieillards, qu'ils y; avoient trouvez $ ils fouscrivirent unanimement au fenti- mens du Prince , & répondirent qu'il faloit entendre à un bon accord , & faire en forte que les conditions en fuirent les plus avantageufes , que la conjoindure préfente de leurs affaires le pouvoit permettre. Et après avoir confirmé cette refolu- tion par leur Ha ha, quieft la marque de l'applaudifiement & de la ratification qu'ils ont coutume de donner à leurs déli- bérations , ils la fignifierent ans AmbafTadeurs des Cofachites, qui l'attendoient avec impatience. Cette nouvelle eftant apportée au campdes Cofachites , ils îa receurent avecque joye, comme eftant conforme à la fin qu'ils s'eftoient propofée, en entreprenant la guerre, 6c en quittant leur pais. Ils députèrent donc fur le champ des pnn- cipaus d'entr'eus, pour convenir avec les Apalachites, des moyens de cette paix, &.pour en parler tous lcs.articlcs. Ces Députez, eftant arrivez au lieu où le Prince d'Apalache les attendoit, avec les plus confiderables de fa Cour, aflisfurun iiege plus relevé que les autres , . & couvert de riche fourrure, ils furent receus courtoifement. Et ayant pris feanec, le R oy leur fit prefenter à boire d'un certain bruvage nommé Cafime, dans une coupe dont félon la coutume il goûta le premier. Tous ccus du Confeil en burent en fuite : Et puis on entra de part & d'autre en traitté d'accord, à ces conditions. Que les Cofachites, habiteroientpefle-mefledans les villes & les bourgs des Apalachites. Qiuls feroient en toutes ob.ofcs eftimez & tenus comme les Naturels du pais. Qu'ils Chap.7. des lus Antilles. 357 jouyroient entièrement des mefmes franchifes. Qu'ils fc" roient fujets au Roy comme les autres. Qu'ils embralïeroient la Religion & les coutumes du païs. Ou que s'ils aimoierit mieus , les Apalachites leur quitteroient la belle & grande Province d'i^fwana, pour la pofleder en propre & en parti- culier, fuivant les limites quiyferoient pofées . à condition tcuréfois,qu'ils reconnoitroienf le Roy d'Apalache pour Sou- verain■-, & qu'à l'avenir ils luy en feroient tous les ans les hom- mages raifonnables. Cet accord fut ainfî arrefté réciproquement , & fuivy d'ac- clamations mutuelles. Et peude tems après que les Députez dès Cofachites eurent rendu conte de leur hegotiation à leur Chef & à fon Confeil, & qu'ils eurent prefenté le chois quf leur eftoït donné , ou de métier leurs demeures avec les A pa-* lachites, ou de pofleder eus feuls & en propre la Province où ils eftoient entrez, ils acceptèrent d'un commun confen- tement, la propriété de cette Province d'^Amana , de laquelle le Roy d'Apalache les mit luy même en paifiblepoflefïion. Les femmes , les enfans & les vieillards , qui y étoient demeurez1 pendant que lès hommes capables d'aller à la^guerre', avoient fuivy leur Prince, furent transportez dans les autres Provin- ces-, où le Roy leur affigna une demeure arreftée, pour eus & pour tous les vaillans hommes de cette même Province, qui" s'eftoient expofez pour repoufîer l'ennemy, & pour conferver l'Etat. Après quoy, les deus partis poferent les armes : Et les" Cofachites furent quérir leurs femmes , leurs enfans , leur bétail, leur bagage, & les Soldats qu'ils avoient laiflez prés : m grand Lac de Theomi : Et fe réjouirent tous enfemble- dans les Villes de leur demeure, pour le beau Païs qu'ils- avoient conquis , ainfî qu'ilsl'avoient auparavant projette. Les Apalachites, nommèrent depuis ce t'ems-là C a- raïbes, ces nouveaus hoftes qtiileurétoient arrivez in» opinement & contre leur attente , pour reparer la brèche- qui avoit efté faite, parla peuplade de leurs gens en une autre-' Contrée de l'Amérique. Ce mot de Caraïbes lignifie en leur langue, des Gens ajoutez, , oxxfurvenmjkbitement & hl'fmpro°>~ vifte, des Etrangers , ou des Hommes forts & vaillans j Comme " pour dire qu'un Peuple genereus , qu'ils n'attendoient pasy, \m*& m 3 5$ Histoire Morale, Chap.7 leur cAoit furvcnu, & leur avoitefte' ajouté. Et ce nom de- meurai ces nouveaus venus , au lieu de ccluyde Cofachites t qui n'a efte' conferve' que par quelques foiblcs & chérives fa- milles , qui eftoient plus au Nord de la Floride , & qui apre's la fortic des vrais Cofachites, s'emparèrent de leurs Terres, & encore à prêtent, veulent, pafierfousle nom deceus qui les ontpre'cedezenlapolTelïion decepaïs. Pendant que d'autre cotte' ces vrais Cofachites furent reconnus fous le nom de Caraïbes , en la Province d'Amana. Et c'eft auffi fous ce nom quedorefenavant nous parlerons d'eus, & des Colonies qu'ils ont faites depuis ce tems-là. Ces deus Nations s'étant ainfi unies pour terminer leurs difterens, & finir une cruelle guerre qui les euft pu ruiner toutes deus, vécurent en fuite plufieursanne'es en bonne cor- refpondance l'une avec l'autre. Mais après que les Caraïbes fe furent acrus en grand nombre en cette terre qu'ils avoient aquife par leurs armes , ils ne voulurent poiut embrafler la Religion des Apalachites qui adoroient le Soleil, comme nous dirons cy apre's, ni fe trouver à leur Cérémonies , au Temple qu'ils avoient en la Province de Bémarin, où e'toit la Cour, ni enfin tendre au Roy les hommages qui luy eftoient deus,pour la Province qu'ils av oient occupe'e,fuivant leurpromefTe & leur Traitté. Ce manquement de parole de la part des Caraïbes, & ce't afte de felonnie , fut lefujet de plusieurs guerres fanglantes, qui furvinrent puis apre's entre ces deus Nations. Les Ca- raïbes , étoient inveftis de tous coftez de leurs adverfaires, qui les reflerroicnt de telle forte , qu'ils ne pouvoient aucunement s'e'largïr. Et les Apalachites, avoient au cœur de leur Etat un cruel & irréconciliable Ennemy, qui les tenoit perpétuel- lement en alarme, & les obligeoit à eftre toujours fous les armes. Pendant quoy ces deus peuples, tantoft vaincus <5c tantoft vicloneus, félon que le fort de la guerre cft jour- nalier & cafuel , menoientunetrifte vie : Etfouvent, pour n'avoir pu cultiver laterre, ou pour avoir fait lede'gaftdans les champs les uns des autres , un peu avant la récolte, ils eftoient réduits à une extrême famine , qui faifoit mourir plus de gens entre eus que l'e'pe'e. Ils Chap.7 des Iles A n t i l l e s. 359 Ils paflferent plus d'un fiecle encesconteftations& en cet- te guerre. Pendant laquelle les Caraïbes qui avoient pour Chef & pour Roy de leur Nation un de leurs plus vaillans Capitaines qu'ils nx>mmoient Regazim, accrurent leur Etat d'u- ne autre Province qui leur eiloit voifine du cofté du Midy, 5c qui s'appelle ^Matique^ laquelle perçant les montagnes par une ouverture , qui reçoit un torrent defeendant des mê- mes montagnes , s'étend puis après au Couchant, jufqu'à la Rivière qui prenant fa fource au grand Lac, après avoir for- mé plufieurs lies , Ôcarrofé plufieurs Provinces, fevarendre sa fin dans l'Océan. C'eft cette célèbre Rivière que nos François ont appellée deMay/7 & que les Apalachites nom- ment Bafainim quifignifie en leur langue, Rivière de licieufè7 ou abondante en poijfons. Les Caraïbes ayant ainfi étendu leurs limites , & écarté leurs ennemis , firent pour quelques innées uneefpece de trêve avec les Apalachites, qui eftant fatiguez de tant de guerres , & mattez par la perte d'une Pro- vince confiderable , entendirent volontiers de leur part à cet- te celîation d'armes , & de tous actes d'hoftîlité. Mais ces Apalachites ? qui féchoient de regret de voir leur Etat écorné d'une célèbre Province, profitant de Foccafion fa* durable de cette tréve,tinrent plufieurs fois des confeils fecrets comment ils pourroient emporter de plus grands avantages furies Caraïbes, qu'ils n avoient fait jufque.s alors. Et après avoir reconnu par leurs triftes expériences, qu'ils n'avoient pas beaucoup avancé leurs affaires en attaquant leurs enne--- mis à découvert & à main armée , ils fe refoiurent de les fup- plantcr parfinefle-, & à cet effet, de chercher tous les moyens de les divifer entre eus , & deles engager infenfiblcment en une guerre civile 6c inteftine. Ce confeil eftant reçeu & ap- prouvé généralement de tous : leurs Preftres , qui font parmy eus en grande eftime , & qui ont vois en leurs Affemblées les plus importantes, leur en fournirent bien toftles expediens, & leur en fuggererent les moyens, qui furent tels. Ils avoient remarqué , que ces gens qui les eftoient venti fttrp.rendre en leur propre Terre, eftoient fans Religion , et fans connoiffance d'aucune Divinité, à laquelle ils rendiflent quelque fer vice public-, & qu'ils craignoient feulement un Efprit '>;»' 3 6o Histoire Morale, Chap.^ Efprit malin , qu'ils nommoicnt CMabouya, àcaufc qu'il le tourmenroit quelquefois : mais que cependant ils ne luy fai foient nul hommage. Et c'eft pourquoy dés les premières an nées de leur arrivée , pendant lcfquelles ils avoient vécu ei bonne intelligence avec eus, ils les avoient voulu induire i reconnoître à leur exemple le Soleilpour le Souverain Gou verneur du Monde, & à l'adorer comme Dieu. Ces exhor rations & ces enfeignemens avoient fait de fortes imprefïions dans les efprits des principaus d'entre les Caraïbes. De forn qu'ayant reçeu les premiers principes de cette Religion, pen dant les années que leur mutuelle correfpondanceeut lieu beaucoup quittoiént la Province d'^mana, en laquelle il demeuroient , pour aller en cdle de Bé.narin , la Capital* des Apalachires, d'où ils montoient en la montagne, d'oLï mi y fur laquelle les Apalachites font leurs offrandes folcn nelles. Et à leur imitation, ils avoient participé à ces Cere monies & à ce Service. Ces Preftres, que les Apalac ites n< m mcMlaoùaSy qui veut dire, Hommes d.e Dieu , lavoientquj les femences de Religion ne s'étoutfent pas fi facilemen dans les cœurs des Hommes , & qu'encore que les lon- gues guerres qu'ils avoient eues avec les Caraïbes , er eullent empefché l'exercice, il leur feroit aifé de ralluma les étincelles de cette connoifîance , qui eftoient cachées fou: la cendre. La trêve «ScceiTationdetotisaûcs d'hoflilité, qui avoir djl arreftée entre les deus Nations, en prefentoit une occafion favorable. C'eft-pourquoy les Preftres du Soleil s'aviferent avec l'agrémentdu Roy , de faire publier parmy les Caraïbes, qu'au commencement du mois de Mars , qu'ils nomment Tiamm en leur langue , ils feroient un fervice folcnncl à l'honneur du Soleil en la haute montagne , & que ce fervice feroit fuivy de jeus, defeftins, & de prefens, que le Roy donne- roit libéralement ausafliftans. Cette Cérémonie n'eftoit pa< nouvelle parmy les Apalachites- les Caraïbes ne pouvoieni foupçonner aucune fraude, ni avoir aucune crainte de fur- prife. Car ils avoient cette coutume fort ancienne parmy eus , de faire des prières extraordinaires au Soleil , au com- mencement de ce mois de JSjarim, qui cil précifement le tenu Châp.7 D ï S ÎLES AnTI X L E S. *£* tcms qu'ils ont feméleur -UWays. Ils font ce Service, pour de* mander au Soleil qu'il veuille faire germer, croiftre, &meu« tir , ce qu'ils ont confié à fes foins. Et ils pratiquent la même chofe, à la fin de May; auquel tcms ils ont fait la première moifibn , pour lu y rendre grâces des fruits qu'ils croyent avoir receus de fa main. D'ailleurs, les Caraïbes favoient que durant ces feftes les Apalachites pendoient au croc les jrcs & les flèches $ que ce feroit un grand crime parmy eus de porter des armes en leur Temple , & d'y émouvoir la moin- iredifpute; & qu'en ces jours-là, les plus grands ennemis fe reconcilioient & dépofoient toute leur inimitié'. Ils ne dou- aient au fil nullement, que la foy publique , & la promeffe fo- ennellement faite, ne fuft inviolablement gardée. Dans cette affurance, ilsfcdifpofentàpaffer à Bémarin an. :ems affigné : & pour contribuer de leur part à la réjouïflan- :e publique, ils fe parent le plus avantageufement qu'il leur ;ft poifible. Et bien que des lors ils euffent coutume de s'ha- )iller fort à la légère, & de montrer leur corps prefque à nudr outefois,pour s'accomoder aus faffons de faire de leurs voifins ju'ils alloient vifiter,ils mettent en œuvre toutes les fourrures, es peaus peintes, & les étoffes qu'ils avoient, pour fe faire des tabits. Ils n'oublient point auffi de peindre d'un rouge écla- ant leur vifage , leurs mains , & toutes les nuditez qui pon- roient paroitre : Et ils fe couronnent de leurs plus riches ;uirlandes, tiffuës de plumes différentes des plus beaus oifeaus u païs. Les femmes, voulant de leur cofté prendre part à cette olennité , font tout ce qu'elles peuvent pour fe rendre agrea- les. Les chaînes de Coquillage de diverfes couleurs, les pen- ans d'oreilles , & les hauts bonets enrichis de pierres luifan^ es& precieufes, que les torrens charrient avec eus des plus autes montagnes, leur donnoient un luftre extraordinaire, in cet équipage les Caraïbes , partie parcuriofité , partie par anité de fe faire voir, ôc quelques-uns par un mouvement e Religion, entreprenent ce pèlerinage: Et pour ne point onner d'ombrage à ceus qui les avoient fi amiablement con- iez , ils quittent arcs , flèches , & maffues , au dernier village e leur jurifdi&ion, & entrent en la Province de Bémarin trec une fimple baguette , en chantant ôc enfantant, com- Zz me % m, 36a Histoire Morale» Chap.7 me ils font tous d'une humeur extrêmement gaye , Se enjouée. D'autre part les Apalachires les atendoient en bonne dé- votion: & fuivant l'ordre qu'ils en avoient reçeu de leur Roy , qui fe nommoit TcltUbin, la race duquel commande encore à prefent parmy ce peuple , ils recourent courtoife- ment tous ccus qui vinrent au Sacrifice. Dés l'entrée même des Caraïbes en leur Province, ils leur firent un accueil auiïi cordial , que s'ils eullent eux leurs frères , & qu'il n'y euft ja- mais eu de différent entre eus: Ils les régalèrent & feftiuerent tout le long du chemin, & les efeorterent jufquesàlaVillc Royale qu'ils appellent encore maintenant CWeldotv c'eft à dire la Ville du Confeil , parce que c'eft la demeure du Roy & de fa Cour. Les Chefs des Caraïbes, furent traittezfplcndi- dément au Palais Royal, & ceus du commun chés les Hab:« tans delà ville, qui n'épargnèrent rien, de ce qui pouvoil contribuer à la fatisfaction & à la rejouiflance de leur* hoftes. Le jour dédié au Sacrifice du Soleil, le Roy des Apalachi tes avec fa Cour , qui eftoit notablement accreuë par l'arrivé des Caraïbes , & d'un grand nombre d'habitans des autre: Provinces , quieftoient venus à lafefte , monta de grand ma tin fur le fommet de la montagne d'Olaïmi , qui n'eft cloignéi que d'une petite lieue de la ville. Ce Prince, félon la coutu me du pais , eftoit porté dans une chaize fur les épaules d quatre grand hommes, efeortez de quatre autres de mém hauteur, pour prendre la place quand les premiers feroien las. Il eftoit précède de plufieurs joueurs de flûte & d'autre inftrumens de mufique. En cette pompe il arriva au lieu de ftiné à ces aflemblées. Et quand là Cérémonie fut achevée M fit une plus grande largeûe d'habillemcns & de fourrure qu'il n'avoit accouftumé de faire en de pareilles rencontres Sur tout , il eftendit fa libéralité à l'endroit des principau d'entre les Caraïbes: & à fon imitation les plus aifez de fo: peuple diftribuërent aufii des prefens à tous ceus de cett Nation, qui avoient honoré de leur prefence leur Sacrifie Solennel. ~De forte qu'il n'y eut aucun des Caraïbes,^ qui n retournait content & paré de quelque livrée. Apres qu'il furcr Châp. 7 DES IlES ÂNTIUE S. 1 1 | furent defcendus de la montagne, on les accueillit encore, & on les traitta, avec toute forte de témoignages de bonne volonté, en toutes les Maifons des Apalachites, au milieu defquels ils avoient à repaflfer , pour retourner en leur quar- tier. En fin, pour les inciter à une féconde vifite, on leur pro* teftade la part du Roy &defes Officiers, qu'ils feroient tou- jours reçeus avec nne égale affe&ion , s'ils deliroient de fe trouver quatre fois Tan avec eus , ans mêmes Céré- monies. Les Caraïbes eftant de retour en leur Province , ne pou- voient alfez louer la bonne réception qu'on leur avoir faite. Ceus qui avoient gardé le logis , eftans ravis de voiries riches prefens que leurs concitoyens avoient rapporté de leur voya- ge, prenoient dés-lors la refolutionde faire le même pèleri- nage , à la première fefte. Et le jour qui y eftoit deftiné eftant écheu , il y a voit un fi grand empreflfemenr parmyeus à y aller, que fi leur Cacique n'y euft mis ordre, la Province euft cfté dépourveuëd'habitans. Les Apalachites continuèrent aufli leur accueil & leurs liberalitez : & iiyavoit une émulation entre eus, àquirendroitplus de devoirs aus Caraïbes» Leurs Preftres , qui favoient à quo'y devoit enfin aboutir toute cette rufe, ne leur recommandoient rien tant que la continuation de ces bons onices , qu'ils difoient eftte fort agréables au Soleil. Trois années s'écoulèrent en ces vifites : au bout deC- quelles les Apalachites qui s'eftoieut épuifez en liberalitez à 'endroit de leurs voifins, voyans qu'ils avoient puhTanment »agné leurs affedions , &que la plus part eftoient tellement ielezau Service du Soleil , que rien neferoit capable de leur faire perdre à l'avenir, les profonds fentimens qu'ils avoient :onçeus de fa Divinité, fe refblurent , eftant incitez à cela par eurs Preftres, à l'avis defquels le Roy& tout le Peuple dé- èroient beaucoup , de prendre l'occafion delà trêve qui îftoit expirée , pour déclarer de nouveau la guerre aus Ca- raïbes, & leur interdire l'accès de leurs cérémonies, s'ils ne rouloient faire comme eus, une profeftion ouverte de tenir e Soleil pour Dieu , & s'aquitter de la promèflè qu'ils leur ivoient autrefois faite de reconnoître le Roy d'Apalache ZZ 2 pOU£ ■ 364 Histoire Morale, Chap.7 pour leur Souverain , & de luy faire hommage de la Provin- ce d'^Amana, en laquelle ils habitoient , comme la tenant de luy. Les Caraïbes furent divifez fur cette propofition. Car tous ccus qui étoient portez pour l'adoration du Soleil, fu- rentd'avisde contenter les Apalachites, difant que quand ils n'yferoient pas obligez par leur parole , ils y feraient tenus, pour ne fe point priver du libre exercice de la Religion du Soleil, en afllftant aus facrifices , qu'ils ne pourroienr à prê- tent abandonner qu'à grand regret. Le Cacique , «5c la plu- part des plus confiderables entre les C araïbes , difoient, au contraire, qu'ils ne vouloient point flétrir leur réputation; & la gloire de toutes les victoires précédentes , par une paix honteufe, qui fous prétexte de Religion, les rendroit fujets des Apalachites. Qu'ils étoient nez libres, 6c qu'en cette qualité, ils dtoient fortis du pais de leur naillance , & s'eftoient pouflez en une meilleure terre par la valeur de leurs armcs; Qu'il falloir défendre pour toujours cette precieufe liberté^ & la cimenter de leur propre fang, s'il en étoitbefoin. Qu'ils e'toient les mêmes, qui avoient autrefois contraint les Apala- chites à leur quitter en propriété la plus confiderablc de leurs Provinces, qui étoit le centre & comme l'œil de leur Etat. Qu'ils n'avoient rien diminué de cette generofité: Et que tant s'en faut, que cette valeur fuft éteinte 5 qu'au contrai- re ils avoient accru depuis peu leur jurifdicfron, d'une belle & grand étendue de pais , qui les mettoit au large , & leur dom noit jour au delà des montagnes , qui les reierroient aupara. vant. Qu'ayant ainfi écarté tout cequipouvoits'oppofer à leurs deffeins , ce leur feroit une lâcheté infupportable, de quitter, fur un (impie prétexte de Religion , & pour la feule curiofité de fe trouvera quelques facrifiecs, la polie iTi on de ce qu'ils avoient aquis, avec tant de peine & tant de fan<* : Er fin , ques'ilsdefiroient d'adorer le Soleil, illuifoitaulîi favo- jrablcment en leurs Provinces , qu'en celles des Apalachites Qu'il. les regardoit tout les jours d'un œil aufli gracicus, qu'aucun autre endroit du monde. Et que s'il s'agiflbit d< luy confacrer une montagne & une grotte, on en pourroii trouver parmy celles qui fcparokiu leur Etat , d'avec le ^ranc Chap. 7 des Iles Antilles. 3^5 grand Lac , d'aulïi hautes & d'auifi propres à ces myfteres> qu'étoit ceile d'olaïmt. Ceus qui defendoient le Service du Soleil , & qui foute- noient qu'il ne faloit pas s'engager en une nouvelle guerre, en refufant des conditions qui leur étoieht aufïi avantageu- ses qu'aus Apalachites, repliquoient , que puis qu'ils avoient o-outé depuis quelques années la douceur de la paix, & qu'ils avoient expérimenté en tant de rencontres la bonté,la candeur, & la generofitë de leurs voifins , if n'y avoit point d'apparen- ce de fe jetter en de nouveaus troubles , qu'il étoit fi facile d'éviter , & même fans perte de la réputation qu'ils s'étoient aquife. Que la reconnoiflance que les Apalachites deman- doient pour la Province qu'ils occupoient , pourroit être d'une telle nature & de fi petite confequence , que leur hon- neur n'en feroit en rien diminué, ni leur autorité blefiee. Que pourcequitouchoit le Service & les facrifices du Soleil , ils n'avoient point de Preftres qui fuflentinftruits en cette fcien- ce , & qui en feufient les Cérémonies. Qu'il feroit à craindre, que s'ils vouloient entreprendre d'imiter les lao'ùas des Apa- lachites, ils n 'attiraient par les fautes qu'ils yferoient, l'in- dignation de la Divinité qu'ils voudroient fervir -, au lieu de gagner fa faveur. Que même ils avoient appris , qu'il ne fe trou voit nulle montagne en tout lepaïs, dont ils avoient eonnoirfancequi fuft regardée du Soleil d' un afpectfi agréa- ble &fidous, que celle d'olaimï : ni qui euft comme, elle un Temple cave dans: le roc d'une façon fi merveilleufe , que tout l'artifice des hommes , ne pourroit jamais atteindre à cet- te perfection $ & qu'auffi, c'étoit un ouvrage des rayons de la* Divinité qui y étoit adorée. Que quand on trouverait une montagne & une caverne qui approchait de celle-là, ce qu'ils croyoientneantmoins être impoflïble, les oifeaus mefiagers du Soleil n'y feraient pas leur demeure. Et que la fontaine confaerée à fon honneur , laquelle produifoit des effets ad-- mirables& des guerifons inouïes , ne s'y rencontrerait pas; Et par confequent qu'ils s'êxpoferoient à larifée des Apala- chites, qui auraient toujours fujet de fe glorifier d'une innV nité de prérogatives de leur Temple & de leur Servicean» cien, par defilis- ce nouveau qu'ils ptetendoient d'établir. . 366 Histoire Morale, Chap. 5 Ce party, concluent de tout cela, qu'il falloir faire une bonm paix , & affilier à l'avenir aus mêmes Cérémonies , qu'il: avoient fréquentées pendant la trêve. Maisceus qui s'eftoient arreftez à des fentimens contrai res, ne peurent aucunement être fléchis par toutes cesconli derations, ni divertis delà refoiution qu'ils avoient prife d( ne reconnaître jamais les Apalachitcs pour Souverains, & d< ne pas perdre leur liberté, fous l'ombre d'une Religion & d'une adoration que leurs pères avoient ignorée. De forte qu'enfin cette contrariété d'avis donna le commencement 3 deus fadions qui fe formèrent parmy les Caraïbes , comme les Preftres des Apalachites l'avoientpréveu. Et parce qu'ih étoient divifez en leur Confeil, ils ne peurent rendre nnc refponfe aflurée & uniforme , furies propofitions de guerre ou de paix qui leur étoient faites. Mais chaque party fe for- tiflantdejour en jour, celuy qui concluoit en faveur de l'al- liance avec les Apalachites & de l'adoration du Soleil, s'ac- creut tellement, qu'il fevidenétat d'obliger l'autre à fe fou- mettre à fon opinion, ou bien à abandonner la Province.^ Ce feroit un récit tropennuyeus , de vouloiricy d'écrire tous les maus que cette guerre civile apporta aus Caraïbes, qui fe déchiroient les uns les autres, jufqu'à ce qu'enfin, aprésplufieurscombats, les Apalachites s'étant joints aveele party qui leur étoit favorable, ils contraignirent l'autre, à prendre la fuite & à vuider des Provinces d'<^fr»ana & de LMaùaue , pour aller chercher au loin quelque demeure aflurée. Les Caraïbes viftorieus, ayant ainfichafle par le fecours des Apalachites ceus qui troubloient leur paix & leur re- pos , munirent puiiïammcnt leurs frontiers, & poferent aus avenues les plus vaillans & les plus genereusde leurs corps, pour ofter à jamais aus exilez toute efpcrance & toute pre- tention de retour. Puis ils contractèrent une tresferme al- liance avec les Apalachites , fe foumettantà leurs Lois , cm- bradant leur Religion , & ne failant plus qu'un Peuple avec eus. Ce qui dure encore à prefent : Mais non pas toutefois en telle forte, que ces Caraïbes ne retiennent leur anciec nom, comme nous l'avons déjà remarqué au commence meni - Chap. 7 des îles Antilles. 367 ncnt de ce Chapitre , & beaucoup de mots qui leur font lommuns avec les Habitansdes Antilles: tels que font entre ine infinité d'autres les termes de Cakonnes pour dire les mê- mes curiofitez qu'on referve par rareté', de Bouttou, pour ignifier une mafiuë de bois pefant, de Taumaly, pour exprimer in ragouft : de Banare\ pour dire un Amy familier/ d'Etoutou^ jour dénoter un Ennemy. Ils nomment aufll un arc Allouba^ les flèches Alhumi: un Etang Taonabo : lefprit Malin Mabonya* kl'amc de l'homme Akamboué, qui font les propres termes lefquelles tes Caraïbes Infulaires fe fervent encore à pre- ent, pour fignifier les mêmes chofes. Quant aus Caraïbes déchaiTez de leur terre, par ceus de eur propre Nation, & jettez hors des limites de leur ancien- ie demeure & de toutes leurs conquêtes, après avoir rodé >-résdc la rivière qui prend fa fource au grand Lac , & avoir îiTayé en vain , de s'accommoder avec les Peuples qui habi- tent l'un & l'autre bord , ils refolurent de fe faire paflage au travers de leur terre, ou par amitié ou par force, & de pouf- fer du moins, les reftes de leur condition malheureufe , en quelque pais defert, où ils pulTent fe perpétuer, & relever en toutefeureté, les ruines de leur Etat. Dans cette refolution as pénètrent jufqtics au bord de la mer, où ayant rencon- tré des Peuples qui prirent compaiïïon de leur mifere , ils hy- cernèrent auprès d'eus, & palferent en grande difette cette trifte faifon de Tannée. Et comme ils faifoyent des regrets continuels , pour la perte qu'ils avoient faite d'un pais fi dous & fi fertile que le leur, & qu'ils voyoient qu'ils ne fe pour- roient jamais habituer avec joye, en celuv où leur malheur les avoir reléguez, voicy arriver à la cofte, au commence- ment du pnntems, deus petis vaiiTeaus qui venoient des îles Lucayes, & qui avoient efté pouffez par les vens à la rade, où nos Caraïbes avoient paiTé leur hyver. Il y avoir en ces deus vaiiTeaus, qu'ils nomment Cmos. où Pirmguei , environ treize ou quatorze habitans de Cigateo , qui eit l'une des lies Lucayes, kfquels ayant mis pied à terre, racontèrent ans Ha- bitans naturels de cette cône, comment ils avoient efte jet- tez par la tempefte entre leurs bras. Et ils dirent entre autres chofes, des merveilles des Iles où ils demeutoient, ajoutait, qu'il- i 'û ,.,„'.! 3 6S Histoire Morale, Chap.7 qu'il y en avoit encore plufieurs au deflus d'eus , en tirant vers l'orient & au midy , qui étoient defertes & inhabitées , & que l'on eiUnioit meilleures , que celles-là même, dont ils leur tai- foient un fi grand récit. Que quant à eus , ils ne demandoient aus habitans du pais qu'un peu d'eau & de vivres , pour pou- voir repaiVer dans leur Terre, dont ils tenoient n'être éloignez que de quatre ou cinq journées pour le plus. Les Caraïbes, qui étoient en peine de chercher quelque nouvelle demeure , & qui s'ennuyoient beaucoup de n'avoir point de lieu feur & arrefté , qui les mift à couvert de tant de maus qu'ils fouffroient en une vie errante & vgabonde, ayans ouï dire tant de bien de ces lies , que l'on aiïuroit être voifines des Lucayes , fe refolurent de profiter de loccafion de ces guides, qui leur avoint été fufeitez par un bonheur extraordinaire , de les fuivre lors qu'ils s'en retourneroient, & après qu'ils feroient arrivez en leur terre, de fe placer dans les autres Iles defertes , dont ils leur avoient ouï faire un récit ï\ avantageus. Ils eftimoient que l'exécution de cette entreprifemettroit fin à toutes leurs miferes. Mais ils y rencontroient un grand obftacle, qui d'abord leurfembloit infurmontable, aiTavoir ie manquement de vahTeauspourpaffer la mer, & les porter où ils defiroient aller. Ils fe propofoient bien pour remé- diera ce défaut, de mettre à bas des arbres, & decreufer le tronc avec du feu , comme faifoient les autres Nations , & celle-là .même au milieu de laquelle ils vivoient. Mais cet •expédient, demandok un long-tems pour en venir à bout: pendant quoy,ceus qu'ils efperoient avoir pour conducteurs, mediteroientfans doute leur retraite. Et par confequent ils jugèrent que le plus court feroit , de chercher des vaifieaus tout prefts. Pour cet effet , ils fe difpofercnt à enlever à la fa- veur de la nuit, tous ceus que les Nations des rades voifines, & du long des rivières, qui fe venoient rendre à la mer, avoient de préparez en leurs ports, & en état de voguer. Le jour donc étant arrivé du partement des Lucaïquoù, qui leur dé- voient fervir de guides, nos Caraïbes, qui s'étoient munis auparavant des provifions neceu" aires, s'afiémblereit , le plus feercttement qu'il leur fut poflïble , le long des rivières & des Chap.7 des Iles Antilles. $^9 des havres, &s'étant emparez de tous les Canos ouvaifieaus, qu'ils rencontrèrent, fe joingnirentaus Lucaïquois , avec les- quels, fans avoir pris congé de leurs hottes , ils firent voile vers les Iles Lucayes. Le vent ayant été favorable à ces fugitifs ,. ils arrivèrent enpeudejours à Cigateo , où ils furent reçeus fort humaine- ment par les habitans, qui après leur avoir fourny les refrai- chiûeaiensneceflTaires, les conduifirent jufques aus dernières de leurs Iles , & de-là leur donnèrent encore une efeorte, pour les mener à la première des lies defertes , dont ils leur avoient parlé , laquelle ils nommèrent i^fyay & qu'à prefent on appelle Sainte Croix. Ils cottoyerent en faifant ce chemin l'Ile de Boriquen y diteaujourd'huy Porto-Ricco , qui étoit ha- bitée par une Nation puifiante. Ce fut donc en cette Ile d'^sfyay, que nos Caraïbes jetterent les premiers fondemens de leur Colonie, Ôcoùjouiûant d'un dous repos , qui leur fit bien-tôt oublier toutes leurs traverfes palTées , ils fe multipliè- rent tellement, que dans peu d'années ils furent contrains de s'étendre en toutes les autres Iles Antilles. Et quelques fie* :les après, ayant occupé toutes les Iles habitables , ils fe pouf- fèrent jufqu'au Continent de l'Amérique Méridionale, ou ils ont encore aujourduy plusieurs grandes & nombreuses Colonies , «dans lefqueiles ils fe font tellement affermis , que 3ien que les Taos , Sappayos , Paragotù , Arouàcœs , ou Aro'ùa- rues , qui demeurent en l'Ile de la Trinité & es Provinces le l'ortnoque , les ayent fouvent voulu chalTer de leurs lemeures , & qu'ils leur ayent livré de fanglantes guer- es , ils y fubfiftent en un état floriffant , & entretiennent une i bonne correfpondance & une C\ parfaite amitié avec nos Caraïbes Infulaires , que çcus-cy , vont une fois ou deus l'an- îée à leur fecours, fe liguant tous er.femble avec les Cali- ites leurs amis & confederez , pour faire la guerre aus ^AYo'ùagites leurs ennemis communs, & aus autres Nations lui leur font contraires. Au refte , nous voulons bien croire, que la plupart des Caraïbes Infulaires fe difent defeendus des Calibites leurs Confederez. Car ces Caraïbes étans moins puhTans que es Calibites, lors qu'ils arrivèrent en la Terre ferme parmy Aaa euss Ww \w> $70 Histoire Morale, Chap. 7 eus, & s'étant dépuis alliez avec eus par mariages & pat in- térêts communs, ils n'ont fait qu'un peuple, qui s'eft mutuel- lement communiqué le langage & les coutumes particuliè- res. Ce qui fait, qu'une grande partie des Caraïbes, oublicus de leur Origine , fe font aeroire qu'Us font defeendus des Ca- libres. £t il cft à prefumer, que dépuis un tems immémo- rial, que leurs prcdeceiTeurs font paffez du Nord dans les lies , ils n'ont eu aucune connoifiance de leur terre natale, qui les ayant comme vomis hors de fa bouche , 6c jettez hors de fon fêin , les traittant comme des rebelles, ne fut pas re- grettée de ces pauvres fugitifs, jufques au point;d'en confer* ver precieufement la mémoire. Au contraire il eftcroyable^ que pour bannir de leur efprit, le fouveniudesmaus qu'ils y avoient fouferts, ils en efTaçoient les triftes idées, autant qu'il leurètoitpofïible, & qu'ils étoient bien aifes de fegloriùec d?une autre Origine. Ilpourroit bieneftre aufli, que lors que les Caraïbes entrèrent dans les Iles, en venant du Septen- trion , elles n'étoient pas tellement defertes, qu'il ny eut çà & là quelques familles, qui pouvoienty cure paflees de l'Ile Hifpaniola ou de Porto-Rico , lefquelles ils défirent à la refer- ve des femmes , qui pouvoient fervir à l'acroiflcment de leur Colonie. Veu nommément, qu'il y a toute aparence de croire que ces Caraïbes étant exilez du milieu des Apalachites, & contrains par le fort des armes, de quitter la place au vido- lieus, plufieurs de leurs femmes étoient demeurées parmy ces Apalachites, & les autres de leur Nation, qui s'étoient unis avec eus. Et de là pourroit eftre venue, la différence du langa- ge des hommes & des femmes Caraïbes. Mais , pour reprefenter plus particulièrement ces Colonies de Caraïbes au Continent Méridional de l'Amérique, premiè- rement, les Mémoires de cens qui (ont entrez dans la célèbre rivicrede ÏOrenoque, diftantede la Ligne vers le Nord, de huit degrez& cinquante fcrupules , difent, que fort loin au dedans dupais, il y habite des Caraïbes, qui peuvent aifément y être pallez de l'Ile de Tabago , celle de toutes les Antilles qui eft la plus proche de ce Continent. Les Relations des Hollandois nous apprennent auflî, qu'a- vancant plus outre vers l'Equateur, on trouve à fept degrez de cctt( Chap. 7 des Iles Antilles. ffa cette Ligne 5 la grande & fameufe rivière c£ Effequehe , au bord de laquelle font premièrement les Arouagues , & en fuite les Caraïbes , qui ont guerre continuelle avec eus , & qui fe tiennent ausdeflus des fauts de cette Rivière, qui tom- be avec impetuofité des montagnes. Et de là ces Caraïbes s'étendent jufques à la fource de la même Rivière , & font en grand nombre, tenant une vafte étendue de pais. Les même Voyageurs nous recitent, qu'à fix degrez de la Ligne, on trouve la rivière de Sarname ou Suriname , dans la- quelle entre une autre rivière appellée ikouteca , le long de laquelle il y aaufll plufieurs villages de Caraïbes. Il y a de plus un grand Peuple de cette Nation, lequel ha- bite un pais qui pénètre bien avant en la terre ferme. & qui aboutit à la côte, fous lecinquiéme & le fîxiéme degré an Nord de l'Equateur, s'étendant le long d'une belle & grande rivière, qu'on nommé CMaroùyne, diftante feulement de dix- huit lieues de celle de Sarname, laquelle depuis fa fource, tra- verfe plus de deus cens lieues depaïsj où font plufieurs villa- ges de Caraïbes, qui élifent comme les Infulaires, les plus vaillants d'entre eus pour leurs Caciques, ôc qui font dune ftature un peu plus haute que ces Antiilois , ne différant gue- res d'eus 9 finon que quelques uns couvrent d'un drapeau leurs parties naturelles , plutôt par parure que par pudeur, ou par honte. Ceus donc qui ont voyagé en ces Contrées , difent que depuis l'embouchure de cette nv-iere de iMaroiïyne , la- quelle eft à cinq degrez & quarante cinq fcrupules de la Ligne vers le Nord , jufques à fa fource , il y a vint journées de chemin: & que dans toute cette étendue, les Caraïbes ont leurs villages, pareils à ceus des Infulaires. Nous recueillons encore des Voyages des mêmes Hollan- dois, que les habitans de-ce Continent , parmy lefquels ferpen- te la rivière de Cayerme; font Caraïbes de Nation. Enfin, ces Caraïbes, ont pûpaflerau travers des terres de ces Contrés, jufqa'au Brcfil. Car ceus qui y ont voyagé af- furent, que parmy les Provinces qui font le long des côtes de la Mer du Sud , il s'y trouve des gens qui portent le nom de Caraïbes , & qu'étant d'un naturel plus hardy & plus entre* prenant, pkisrufé ôc plus fubtil, que les autres Indiens du Aaa z -Brcfil, ittirl 37* Histoire Morale, Chap.7- Brefil, ils font en telle eftimc parmyeus, qu'ils les tiennent pour être douez d'un favoir plus relevé que les autres. D'où vient, qu'ils défèrent beaucoup à leurs avis, & les prient de préfider à toutes leurs feftes & réjouïflances , lefquclles ils ne célèbrent guercs, qu'il n'y ait quelcun de ces Caraïbes, qui pour cet effet vont rôdant çà& la par les villages , où ils font receus de tous avec joye, feitins, & carefles ; comme Jean de Lery l'a remarqué. Que s'il étoit befoin de confirmer que ces Caraïbes, ré- pandus en tant delieus de la terre ferme de l'Amérique Méri- dionale , fontde la même Nation que les Infulaires, on pour- roit icy mettre en avant, ce qui nous eft conftamment rappor- té par les deus Colonies Hollandoifes qui font en ces coftes* aiïavoir celle de Cayenne & celle de Berbice, l'une & l'autre voifinesdes Caraïbes du Continent, pour faire voir le rap- port & la reflemblance qu'il y a en plufieurs chofe5, de leur naturel, de leurs mœurs , & de leurs coutumes, à celles des Indiens Antiliois. que nous décrirons cy après. Mais il eft tems de finir ce Chapitre , qui fans cela même, fembiera peut être trop long. 11 a été impoflïble de ledivifer, à caufede l'uniformité & de l'enchainure de la matière : Et la nature du fujet que nous traittions, ne nous à pas permis d'en abréger le difeours. Nous ferons même obligez d'ajouter encore un mot, fur laqueftionquelacuriofité de quelcun le pourroit obliger de faire, combien de tems il y a, que les Caraïbes font paflez de la. Floride dans les lies. Et c'eft dequoyl'on ne peut avoir de connoifîance afiurée. Car ces Nations n ont pour la plus- part , d'autres annales que leur mémoire. Mais parce que ces gens-là vivent pour l'ordinaire, plus.de fix-vints ans, on ne doit pas trouver étrange, files chofes qui fefontpaflees parmyeus, fe perpétuent jufques à trois ou quatre gênera* tions. Et pour confirmation dececy , on voit plufieurs hom- mes & plufieurs femmes entre ce peuple , qui racontent la venue des Efpagnols en l'Amérique , comme fi elle étoit d'hyer. De forte, que le fouvenir de la fortie des Caraïbes hors de la Floride , ôc des guerres qu'ils y ont eues , étant en- core frais à.preient parmy les Apalachites , ccus qui les ont Chap. & des Iles Antille s. 3 7* ont ouï difcourir, conjecturent qu'il y peut avoir cinq à (îx cens ans, ou environ, que ces chofes là font avenues. Que fî l'on demande pourquoy s'e'tant accrus fipuifiamment dans les lies , ils ne fe font pas mis en devoir de repaffer en la Flo- ride , pour fe venger des Apalachites, & de ceus de leur Na- tion quiles en avoient chaffez ; on peut répondre , première- ment. Que la difficulté de la navigation , qui eft fort aifée cfes Antilles enlaFloride: mais fort perilleufe de la Floride aux Antilles, les vens étant ordinairement contraires, leur en a peut eftre fait perdre l'envie. Secondement r Que lès îles ayant un air plus chaud, & une terre auiTi bonne , & apparem- ment plus propreà leur naturel, que celle de la Floride , ils ont creu que ceus qui les en avoient chaflez , leur avoient , fans y penfer , procuré le plus grand bien qu'ils pouvoient defirer f & leur avoient fait trouver, contre leur deflein, un repos allure dans leur exil. CHAPITRE HUITIEME. IjïigreRion contenant un Abrège de l'HiHoire Naturelle lus de grâce à leurs fourrures. Il n'y a aucun animal farrouefee lans le plat pais , parce que les Indiens qui habitent aus mon- tagnes, etans parfaitement bons chalTeurs, leur font iucef*> fanment la guerre , & les repouflent au loin dans les folitudes nhabitables *. tellement que les troupeaus de brebis, de va- :hes, & de chèvres, qu on y a arriériez-, paillent parniy les prez en toute affurance , fans qu'il y ait perfonne qui les garde. Mais dans les grandes forets , & au fond des deferts plus éloig- nez du commerce des hommes, il y a des Ours, des Tigres, ies Léopards , une efpece de Lions plus craintifs , & moins cruels que cens de l'Afrique , & plufieurs autres fortes de be- ftes farrouches , qui vivent'de proye. On y rencontre auffi plufieurs monitrueus & dangereus Reptiles. 'QuantausOifeatts, il y a prefque par tout des coqs-d'inde, des poules pintades , qu'on peut à bon droit nommer les fai- fans dupais, des perdris , des ramiers , des tourterelles , des oifeaus de proye , des aigles-, des oyes fauvages , des cygnes, des cannes r des aigrettes,, des paffereaus blancs, des Tonat- zulis, des Paracoufiis, des Flotiens , que nous décrirons en l'article fuivant , & une infinité d'autres , qui ont un pluma- ge merveilleus, & beaucoup différent de celui des mêmes efpeces, dont nous avons parié en traitant des Antilles. Les Perroquets n'y font point frequens, à caufe qu'ils ne peuvent ^ Bbb pas f¥* Histoire Morale, Chap.s pas fouffrir le froid. Mais les Indiens, qui demeurent aus con- trées plus méridionales, yenaportentaffez, pour-contcnter lacuriofitédeshabitans, quifedivertiflentà lesaprivoifer, & à leur aprendre à parler, comme on le fait ailleurs. Les i^Apalachites^ n'ont aucune connoilTance des Poiftbns de la mer, à caufe qu'ilsfont éloignez delà cofte, defétou huit journées pour le moins: mais ils en pefchent une grande quantité dans les rivières & dans les Lacs , qui font fort nour- riiïans, d'un excellent goût, & d'une figure bien aprochante de celle de nos carpes, de nos perches , de nos barbeaus, 5c de nos brochets. Ils y prenent aulLi des anguilles , des Ecre- vifles, des Crabes, & même des Loutres , qui ont la peau parfaitement noire & luifante , & des Caftores, dont ils font de- riches bonets, & de belles & precieufes fourrures. ARTICLE IL De plufieurs rares finguUriteT, qui fe trouvent dm s. Us Provinces des ^sîpalachtfes. LA plupart des productions de la terre & des eaus , que nous avons fpecifiées en.'l'article précèdent, font commu- nes à toutes les Provinces des Apalachites : mais les fingulari- îés, que nous allons décrire en celui-cy , ne fe rencontrent qu'en quelques endroits particuliers , bien qu'elles foyenc connues parmi tous les habitans des autres , à caufe de la grande communication qu'ils ont par enfemble, comme étans menbres d'un même état. La Province de Bemarm, eft fertile en une efpecede raci- nes fort excellentes, que les Originaires apellent Onaely. Elles font pour la plupart un peu plus grolîes qu'une noix, & d'une forme prcfquc ronde. La peau qui les couvre eft fort déliée, & d'une couleur vermeille, mais la fubftance qu'elle envelope cftd'un gris blanc, partagé de veines violettes. Ces racines font liées les unes aus autres, par certains petis fîlamcns, dé- quels elles tirent auflï leur nourriture. Etant cuites fous la cendre, ou bouillies en l'eau, elles ont un goût agréable nines de s'engendrer dans leurs fourrures. Ils les nomment Kojmelak en leur langue, c'eft à dire , les Racines de bonne adeiir. Il croift parmy les buiffons de la Province d'Amana, une Plante en forme de chardons, à larges feuilles, qui font he- ■iflees d'un codé de plufieurs épines. Les habitans du pais l'a- >ellent Hydeitokt , d'un terme qui figniflé , la Plante bien mie. Elle pouffe untige, qui eu ordinairement chargé une bis Tan , dedeus ou trois teftes , qui grofifTent comme celles les Artichaus , ôc qui font couronnées d'une fleur de couleur Colette, laquelle eftdivifée en plufieurspctites feuilles lon- guettes ôc étroites, comme celles du Soucy. Cette fleur étant ombée , & la chaleur ayant meury la telle qu'elle couvrokv :e gros bouton s'ouvre en divers endroits , & fait voir par fes entes , une efpece de cotton extrêmement dous •& délié dont l eft rempli. Cette forte de cotton ou de duvet, aunluftre éclatant & vermeil comme celuy des rofes fraifchement épa- louïes : mais ce qui relevé fon prix , c'eft qu'il conferve cette >ivé couleur bien qu'il foit expofé au Soleil , ôc que les vents :n faiTènt leur jouet. Les étrangers , & même plufieurs èé$. Bbb % origk il ■ .0 3.30 Histoire Morale, Chap. î originaires à leur imitation , le recueillent lors qu'il eft meur, pour en garnir des matelats, des lits, & des couifins, qui font beaucoup prifez parmy eus à caufe de leur molleflfc , & qu'il* n'échaufent point les reins , comme ceus qui font faits de plume?, ou de laine, oudecotton. Dans les montagnes de la Province fii^fchalaque , qui cor> fineàlafeigneuriedes Cofaates , il y a une plante fenfitive, qui eft l'incomparable entre toutes celles , qui méritent de porter ce nom. Les habitans du païs l'apellent par excellence , Amo* z>uli, qui vaut autant à dire, que U fleur vivante. Elle n'a point d'autre graine que fa racine, qui a la figure d'un gros oignon de lys, d'où elle pouffe un b. union fort toufu, com- pofédeplufieurs feuilles longues & étroites , qui font fén> blablesàcellesduglayeul, horsmis quelles font heriflees de tous côtés, de certaines petites pointes extrement piquantes, qui leur fervent de défenfe. Du milieu de cet amas de feuilles, qui font d'un beau verdd'émcraudes , qui recrée merveilleu- fementlaveuë, il s'eleve un tuyau de la groffeur d'un pouce, qui durant le printems , jufques au commencement des plus ardentes chaleurs de l'efté, eft chargé d'une feule fleur , agréa* bleàlaveuë, & de bonne fenteur,* laquelle étant épanouye, eft un peu plus large , que les plus grandes Peonnes.^ Ses feuil- les qui font de la couleur de pourpre , font parfemées de plu» fleurs points jaunes, qui paroiffent comme autant de petites étoiles: & pour le dernier trait de fa beauté , elle pouffe de fon fein , une forme de clochette , émaillée de tout autant de couleurs, qu'on en admire en Tare en ciel : & au milieu de cette coupe , on voit un petit fruit vermeil au pofllblc, delà grolTeur d'une cerifefans noyau, qui eft fort délicat au goût,, ce qui fait que les Oifeaus en font fort friands. Mais ce qui eft de plus merveilleus en cette belle Fleur , M qui luy a aquis le nom qu'elle porte , c'eft , qu'elle fe tourne toujours du cofté du Soleil , qu'elle fe ferme lors qu'il fe couche , & s'épanouit quand il feleve, & que pour un furcroift de merveille , elle ne peut fouffrir d'eftre touchée de la main , ni en fes feuilles, ni en fa fleur , & particulièrement en fon fruit , qui eft com- me le petit coeur de ce rare compofé , que toutes fes feuilles, qui.font armées d'épines, comme nous l'avons reprefenté, qui ne Ghap. 8 des Iles Antilles. 381 ne Te recoquillent comme par de certains réibrts fecrets & naturels, pour enveloper la main , & remettre en état de re- pouffer la-violence. Mais après ce foible& inutile éfort, qui n'eft bon qu'a enlacer de petis oifeaus , qui ont l'affurance de s'en aprocher,. & non pas affezde force pour rompre ces nV kts, cette admirable fleur, fe flétrit en un inftant avec fes feuilles, fans reprendre jamais fa première vigueur. De for- te, qu'un léger atouchement eft capable, de faire perdre en un moment, non feulement toute la grâce & tout le luftre, mais encore la vie à ce petit miracle de la nature. M1', de Grae- ves, de qui nous tenons cette naifuedefcription , de même que le crayon de cette plante incomparable, que nous avons fait tirer au racourcy, dans le Payfagede la ville de ^MéMot, & de la montagne d'olaimy , pour enrichir cette féconde édi- tion de nôtre Hiftoire , nous affure , qu'on a effayé à plufieurs fois de tranfplanter fon oignon dans des jardins particuliers, & qu'on a même aporté du lieu ou ellecroift, autant de terre qu'il falloit pour l'entretenir : mais qu'après tous ces foins & toutes ces précautions, au lieu de pouffer le tige il s'eû pourri. Ge qui fait croire, que cette merveilleufe Plante , quinefe plaift qu'ans montagnes & dans les lieus les plus éloignez du commerce des hommes , ne peut eftre élevée en un antre air, qu'en celuy où elle apris fanaiflanee , ni arrachée de fon pro- pre terroir, fans qu'elle perde la vie. Les Provinces de Bem&rin & de le jaune & d'incarnat. Son dos ,. & les groftes plumes de fes lies & de fa queue, font d'un jaune doré, partagé de noir; '<. de couleur de feu , par un mélange en forme d'écaiiles, qui >nt une tres-acorjaplie proportion. Ses Jambes font orangées, ï la corne de fon bec, & l'extrémité de fes ferres , font de cou- far brune , tirant fur le violet. Le port , & le corfage de cet )ifeau , montrent aftezqu'il a quelque fentiment de gloire, ôc u'il fait tenir fon-rang , parmy les autres , pour fe voir revêtu étant de vives couleurs, & fi avantageufement paré. De me qu'il faut avouer, que c eft avec raifon que les Apalachi- :s , luy ont déféré lacouronne , & le titre de Roy, entre tous ;s autres Oifeaus, qui fe voyent dans leurs Provinces'. Le grand Lac, qui eft connu parmy eus, fous le nom de 'homij &celuy qui eft dans lâ-vallde de ~ Ber/ajkaoM,> ont au (Bx glu-; '$84 Histoire Morale, Chap.t plufieurs rares Oifcaus , tels que fondes Flammans & les Ai- grettes, que nous avons déjà décrits au premier Livre de cette Hiftoire. Mais celuy qui mérite d'eftre particulièrement con- fideré , entre ceus qui hantent les rivières & les marais , eft ce- Juy, que les Originaires du pais nomment Flotïen , il eft de la grofieur d'une Aigrette, & d'une forme toute pareille. Ses ailes, fon dos, & les plumes de fa queue, font chamarrée! comme par écailles , de gris, de blanc, &de noir, & bor- dées d'un petit filet rouge. Sa telle, eft couverte de petites plumes noires & luifantes , qui luy font comme une toque ; & quant au refte de fon plumage , il eft parfaitement blanc. I prépare au printems fon nid dans les rofeaus, de même que le< Poules d'eau. Il le couvre pardeTus avec unefinguliere inj duftrie , ne laiftant qu'une petite ouverture du cofté du m'idy, par laquelle ilpeut entrer & fortir. Il le garnit par dedans d'un( fine moufle , & dediverfes petites plumes , qu'il va recueillii ça&làparmylesbuiffions, où il a coutume d'en trouver : & après avoir ainfi préparé & agencé fon lit mollet , il y pofe fei oeufs, & y écloft fes petis, pour perpétuer fon efpecc. Parmy les Cofacites , qui font les bons voilins & alliez de! Apalachites, il y a dans les plus hautes montagnes de leur Pro vince , une Caverne merveilleufe, en laquelle les eaus ont faf fonné, toutes les grotefques & les raretez les plus exquifes, qu< la curiofité la plus dificile à contenter , s auroit defirer pour foi diverufifement. L'on y admire particulièrement un certain en droit , où les eaus tombant en partie fur une pierre dure au pof lible , & diftilant auffi goûtes après goûtes de différente grof feur , dans un baffin qu'elles ont formé , font unemufique i acomplie, qu'a peine y à-til aucune harmonie, qui luy foi préférable. On trouve auffi parmy les montagnes des Provinces d< Schama, & de Meraco , du Criftal de roche , <5c quelque Pierres rouges , & éclatantes , qui ont un feu allez brillant pour pafTer pour une efpece de R ubis. 11 y a auffi des mines d< cuivre, mais elles ne font pas encore découvertes. Ce qu confirme cette opinion, eft, qu'on y rencontre du fable doré qui a un fi grand luftre , qu'on le prendroit pour du tres-fin or quand les torrens qui le charrient des montagnes à la plaine , 1< laiflcn Chap. 8 0 e s ïiEs Antilles. 3 8 § •iaifient finie bord des rivières paraiy le fable $ nuis, les Or- fèvres l'ayant voulu mettre à l'épreuve , il s'eft prefque entiè- rement évaporé au feu , & même ce peu quieft rcfté dans le creufet, nepeutpaffer, que pour du plus fin Cuivre. Pour la clôture, de toutes les raretez & ïîngularitez qui fe trouvent parmy les Apalachites , il ne faut pas oublier de faire ladefcription, de la célèbre Vallée de Berfej/kœott , de laquelle nous avons déjà dit quelque chofe. Car c'eft l'une des plus agréables , & des plus propres à recevoir des Habitans , qui fe trouvent non feulement en la Floride, mais encore en toute f Amérique Septentrionale, foit qu'on ait égard à la fertilité de fon terroir , aus claires fources qui l'arroufent, aus exccl- lens arbres qui la revêtent fi magnifiquement , & fur tout aus Cèdres tres-precieus , qui luy ont aquis le nom qu'elle porte, de Vallée des Cèdres , quieft l'interprétation du terme, dont les Originaires fe fervent, pour la diftinguer d'avec les autres \ ou que l'on veuille confiderer , la chafie & la pefche , qui s'y peuvent faite fort avantageufement, ou la facilité de la fort!» fier avec peu de frais, & la rendre du rang des places que Ton diteftreinprenables. Cette Vallée, eft fituée en un airfort tempéré , entre les trente-quatre & trente-cinquième degrez au deçà deiaiigne, & prefque au centre des renommées montagnes d' ^patates, qui i'entourans d« touscoftez, ne luylaiflént qu'une petite ouverture, laquelle après plufieurs finuofitez fort étroites, fevient enfin rendre dans la Province de CMatiques , qui s'é- tend comme nous l'avons déjà dit , & dans la plaine & dans les neuves montagnes. Elle eft couverte prefque par tout de beaus arbres de CapneAont la plupart dcsFioridiens font ce breuva- ge fi excellent & fifain, quieft tant prifé parmy eus. Ilyaauffi ies Chefnes d'une groffeur & d'une hauteur extraordinaire, lui portent des glands fi clous, qu'ils font autant prifez que les Châtaignes : & un fi grand nombre de cette efpece de Cèdres Jrecieus dont nous avons parlé cy de'fus , qu'ils ont donné à :ette vallée le beau nom qu'elle porte. Tons ces beaus Ar- bres, y font rangez par les fages mains de ia nature , en une liftance fi bien proportionée , qu'on diroit qu'ils y ayent elle >lantez à deflein , d'allerpar tout à cheval, ôcfans aucun em- >efchement. Ccc Cette- li 3S6 Histoire Morale, Chap. 1 Cette agréable Vallée, a environ neuf lieues de long, ; prendre du Nord au Sud, fur une largeur inégale. Car ei quelques endroits , elle s'étend jufques à trois lieues, & au plusétroits, elle en adu moins une & demye. Elle eft arrou fée par tout de pluficurs petis ruitfeaus d'eau vive, qui de 1 pente des montagnes , où ils prenent leurs lburccs, fe viennen rendre dans une belle Rivière, qui commence au pied de 1 plus haute montagne du cofté du Nord , & après avoir fer pente cette Vallée en falongueur , vient enfin fe perdre dan un grand Lac, qu'elle forme au Sud, qui a environ deu lieues détour. Ce Lac, acecy demerveillens , qu'étant entouré de toute parts, d'une chaîne continuede hautes & fourcilleufes men tagnes, qui luy font par tout un rampart inpenctrable , ex cepte du feulcoftë , par où la Rivière s'y décharge : fon baflji paroitneantmoinsentout tems également rempli 5 bien qui ia Rivière qui le forme, foit fouvent demefurément enflée & quelestorrens , qui roulent leurs eaus de toutes les mon tagnes voinnes , s'y précipitent avec impetuofité , lors que le neiges fe fondent, & durant les grandes pluyes du printem: & de l'automne. Cette égale conftitution des eaus de ce Lac qui fe contiennent toûjoursdans leur lit, faiteroire avecrai fon, àtousceus qui voyent cette merveille, que dans les ra cines de ces hautes montagnes , qui le bornent prefque de ton tes parts , il y a des abyfmes , & des concavitez (i profonde: & fi vaftes , qu'elles font capables d'engloutir toutes ces eaus qui fans doute après avoir traverfé ces conduits foufterrains vont faire leur fortie , en quelque autre endroit de ce nouveai Monde. La Rivière qui compofe ce Lac , faifant fon cours depuis f; fource, & rencontrant en trois endroits difTerens, quelque petites eminencesde terre armées de rochers, fedivife en deu branches , & fe reunit autant de fois en un même canal : & ainfi , elle forme en fon fein trois petites Iles , extrememen belles , qui font aulTi enrichies de Cèdres 6c d'autres arbres qui leur confervent un ombrage perpétuel. Elle e(l aum abon- dante en Ecrevilles, & en plufieurs fortes d'excellens Poif fons. Le Lac en nourrit aulîi une infinité , qui en une faifoi d< Chap. & des- Iles A n t 1 1 i î s. $ty. de l'année montent jufques-à la fourcede la Rivière, puis redefcendent dans le vaftefcin d'où ilseitoyentfortis , s'ils ne tombent dans les nallés des Pefcheurs , qui leur drefientpour lors des pièges. On trouve aufii fur le rivage du Lac, & en divers endroits du bord de la Rivière, des Loutres & des Ca^- ftors, qui font fort cftimez non tant pour leur chair, qu'à caufe de leurs precieufes dépouilles. On rencontre auffi parmy les montagnes , qui font une fi forte ceinture de murailles naturelles à cette Vallée , une çfpece de Chamois , ou de petites Chèvres Sauvages , qui fe coulent quelquefois par les précipices & les fentes des rochers dans la plaine 5 maisauffi toft qu'elles aperçoivent des hom- mes , elles regaignent les montagnes avec une agilité incom- parable. Les Apalachitcsles nomment ^Akoueyas , elles ont la telle fort petite, à proportion du refle du corps $ le col droit & élevé , les yeus gros & vifs, le poil blanc & allez long, pour, pouvoir eftre filé. Leurs cornes font fort petites , & recour* bées fous les oreilles. Leurs pieds font partagez en quatre on» gles , dont il yen a trois fur le devant, & le quatrième , qui eft plus large & plus gros que les autres, tourne en arrière. Ces Chèvres font fi légères à la courfc, & lors qu'elles font pour- fuivies, elles s'élancent avec tant de roideur & deviteffede rocher en rocher, qu'elles femblentplutoft voler que courir. Cesanimaus, ont aufii une fi grande chaleur naturelle, que par tout où ils fe couchent , durant même les plus glandes froidures de l'hyver, la glace & la neige y font incontinent fondues. C'eft aufli à cet indice , que les ChaiTeurs recon- noiffentleurgirle, & qu'ils prenentoccafion de leur y tendre des lacets. Leur chair, efi très-bonne, courte & la plus & ques , qui leur bâtent jufques-aus genous , & qui ont des m an* ches qui ne palTent point le coude. Cens des autres Provinces , qui font fituées au pied des montagnes à'^fdates r. alloyent autrefois nuds dépuis le nombril en haut , durant tant L'efié : & en hiver, ilsportoient des manteausde peaus , enrichis de fourrures, mais aujourduy, ils font en toute faifon honeftement couverts. Car pendant les chaleurs ils ont de&habits fort legers5qui font faits de cottonou de laine , que les femmes favent filer , pour en compofer ea fuite fur des métiers , plufieurs fortes de petites étofes bigar- rées de diverfes couleurs , qui font de durée , Ôc-agreables à la venë. Mais durant l'hiver , qui eft fouveat allez rude , ils C&g, 3 font '$W$ik : 390 Histoire Morale, Chap.s font tous habilez de diverfes peaus , qu'ils favcnt aprefter auttl proprement, que les plus experts peletiers de l'Europe. Us laiiïcnt à quelques unes , le poil ou la laine , qui leur fervent de fourrure j & ils panent les autres & les lailTent unies des deuscôtez, afin d'y peindre des fleurs , ou quelques figures, léquelles ils relèvent avec des couleurs fi vives, & fi bienapli- quées, qu'elles paroiffent de loin, comme de l'a broderie bien exquife. Ils ont au (fi apris des étrangers qui font parmi-eus, à tanneries peaus de bœufs & de cerfs, pour en faire des fou- liers&desbotines. Les hommes mariez , portent des bonets de peaus de Lou- très, parfaitementnoires&iuifantes. lis les font aflez hauts, 6c leur laifiènt un bord largede trois pouces ou environ , qui aboutit en pointe par devant, & l'un des cotez eft enrichi d'un bouquet de plumes d'aigrettes , ou de quelque autre oi- feaus, quifonteneftimeparmieus. Les Femmes, fe couvrent suffi la telle , avec des coefïes qui font bordées de quelque ri- che fourrure grife ou noire , mais les jeunes hommes & les fil- les , n'ont en tout tems aucun autre ornement de telle, que leurs propres cheveus, cordelez & treiïez curieufement, corn- me nous l'avons reprefenté cy defus. Ceus du commun, n ont pour tout habilement, qu'une Cafaque à courtes manches, fur un petitechemifette de cha- mois , qui leur defeend jufques aus genous. Cette Cafaque qui leur couvre le gras de la jambe, eft liée fur les reins avec une ceinture de cuir, qui eft ornée en divers endroits d'un ou- vrage, qui femble eftre fait à l'aiguille.. Mais les Chefs de fa- mille portent encore par défus , une forte de manteau fans col- let, qui ne tombe par devant, que fur le nombril $ bien que par derrière, il pende prcfques jufques à terre. L'habit des femmes de la même condition , eft fort àprochant de celuy des hommes , horsmis que leurs robes couvrent la cheville du pied, & que leur manteau, qui eft entièrement fermé par de- vant , a deus ouvertures aus cotez , par où elles panent les bras. LeParacomTc, les Gouverneurs des Provinces, les Capi- taines. & généralement tous les Officiers, qui fréquentent la cour de XMtlikt , font habilez beaucoup plus richement 3c plus Chap.s des lus Antilles. 3^1 plus curieufement que le commun. Car au lieu que ceus-cy font couver rs fur la peau d'une chemifette de chamois, ceus- la , qui ont à prefent la connoifîance & l'ufagc destoiies de cotton & de lin , fe fervent de chemifes fort amples , dont les bords des collets & des manches, font brodez de foye de di- verfes couleurs : & quant à leurs robes , elles font enjolivées en eue, deplufieurs liftons en forme de paffemens, & en hi- ver, de fort exquifesôc rares fourrures, qui les enrichiffenr, & qui paroiffcnt comme par divers étages. Ils fe ceignent au fil d'une ceinture de foye, ou de quelque autre riche dtofe : ôc lorsqu'ils veulenrparoiitre en leur plusgrande pompe, & avec leurs habits de cérémonie , ils fe chargent par défus tout cela, de cette forte de Long manteau,dont nous avons déjà parle : ou s'ils ne veulent point eitre tant embaralfez •■• ils fe parent feule- Èaent d'une elpece de cafaque à larges manches, qui eft ou- verte par devant, afin défaire voir leurs autres.- habits^ & fur tout, une lame d'argent ou de fin cuivre , de la largeur de 1&< pauniede la main, qu'ils portent fur leur poitrine, comme une marque de leur noblefle , ou fi vous voulez comme le collier de leur ordre. Ils font auflï fort curieus d'avoir des Toques de grand prixy foit que l'on confidere les belles peaus & les riches fourrures dont elles font faites , ou qu'on ait égard aus plumes , & aus riches cordons qui les embeliffent. Ils n'ont pas encore l'ufage des bas de chauffe, nides gants: mais ils portent des botines, & des fouliers , qui leur tiennent le pied ferré , & qui peuvent parler pour bien faits , en un pais , où les arts ne font encore qu'en leur naiffance. Les Iaoms, qui font les Sacrificateurs du Soleil , & lés Médecins de ce peuple , font anïîl difeernez par des vétemens* qui leur font particuliers : & bien que la matière & la forme, en foit ridicule & grotefque au poftlble, ils croyent néant- moins, qu'il n'y a rien qui foit plus feant à la gravité de leur profetfion , ni qui foit plus capable-de leur atirer le refpeâ: ôc- l'admiration des autres ordres. Ces habits confiftent en une longue robe , qui eft faite de peaus dediverfes beftes fauvages, - coupées par bandes de largeur inégale , dont les poils de difTe- rentes couleurs , reptefencent au dehors un afreus me lange; m 3 9* Histoire Morale, Chap.s Ce Peliflbn , qui leur bat jufqu'au dé fous du gras de la jambe, eft ferré par le milieu , avec une ceinture de cuir de cerf , à la- quelle ils attachent trois ou quatre efcarcelles , qui font ordi- nairement remplies de plufieurs fortes d'herbes , aufquelles ils atribuent de grandes vertus pour la guerifon de diverfes mala- dies, aufquelles ils font fujets. Par défus cette robe, ils por- tent au lieu de manteau , la dépouille toute entière, d'un L ion, ou d'un Tigre, ou d'un Léopard, dont la tefte & les pâtes qui font féches , leur pandent fur l'eftomac , & aus deus cotez. Ils ont les oreilles percées , & au lieu de pendans de quelques pierres precieufes , ils y atachent certains petisoifeaus noirs, qui font endurcis à la fumée. Soit que ce foit par fu perdition, ou par coutume, ils ont en tout tems les pieds nuds , mais leur tefte eft couverte 'd'un bonet fort haut qui aboutit en pointe, & qui eft compofé de peaus avec leur poil marquetées de dife- rentes couleurs, & les plus hideufes qu'ils peuvent rencon- trer. Enfin, leurs bras qui font nuds jufqucs au coude, font marquez de plufieurs caractères, & autres figures qui leur font faites au tems de leur promotion à ces charges , par les Surintendens de leur religion , qui après les avoir delignccs fur la chair de leurs difciples, y font des piqûres jufquesaq fang , lequel ils étanchent à l'inftant en jettant fur la playe la cendre d'une certaine écorce d'arbre, qui laifleàla cicatrice une couleur brune, qui ne s'éface jamais. Les femmes des Gouverneurs & des Officiers, font plus richement parées que les autres de moindre condition. Leurs robes montent par degrez & font enrichies de broderie à leur mode, ou de riches fourrures fuyvant la faifon ; de même que celles des hommes de qualité. Mais au lieu de Cafaques , el- les portent desmantelines, qui les couvrent jufqu'aus genoufy «5c qui ont des ouvertures aus cotez , par où elles palTent les bras. Lors qu'elles font conviées de fe trouver en quelque aflémblée folemnclle, ou à quelque feftin, elles aioûtent à leurcoeffure ordinaire , un voile de quelque légère étofc.qui flote fur leurs habits. Elles peignent auiii leurs joues de ver- millon , & atachent à leurs oreilles des pendans de criftal , ou de quelque autre matière qui ait de l'éclat , & pour le Jcrniec , de leurs ornemens, elles fe chargent le col , de chaînes & de coliers, Chap. s dis Iles Antilles. 39$ coliers, d'ambre, ou décorai, ou de quelques pierres vertes ou rouges qui ont duluftre. Car pour les perles, les éme- raudes & les diamans , que quelques uns ont mis entre les tre- fors de ce peuple, il eft très- confiant, qu'ils leur ont donné beaucoup plus de richefies fur le papier, qu'ils n'en ont dans leurs cotres, ARTICLE IV. De r Origine des i^fpalachites ejr de leur Langage, LEs <^Apalachites , fe tiennent des plus anciens Peuples de tout ce nouveau monde : & bien qu'ils ne fe vantent pas comme les Arcadiens d'eftre nez devant la Lune, & d'avoir efté produits immédiatement de la terre, ils fe glorifient neantmoins , d'avoir poffedé dépuis plufieurs générations, le pais qu'ils habitent. Mais d'autant qu'ils n'ont point d'autres Annales, que la traditive qu'ils ont receuë de leurs predecef- feurs , ils ne fauroient dire precifement , combien il y a de fie» clcs qu'ils font en cette terre, ni d'où ils y font venus. De for- te, quetout ceque l'on peut recueillir de plus vray fembiable de leurs difeours fur ce fujet , c'eft , qu'ils y ont eue poulTez de cette partie de l'Afie , qui eft à prefent ocupée par une nation de Tartares, qui n'eu: feparée de l'Amérique Septen- trionale, que par ce petit d'étroit que l'on apelle d'An} an. Les plus éclairez dans la connoiffance de l'origine des Ha- bitans de ce nouveau monde, & les plus judicieus entre les Anglois de la Virginie & de la neuve x\ngleterre , confirment ce (entiment touchant la vraye fource de ces Peuples , & Ta- puyent en premier lieu , fur ce que les Américains , ont le teint, tous les traits du vifage, la pofture du corps, les che- veus,, & particulièrement les yeus entièrement raportans à cens des plus rudes entre les Tartares , qui habitent les con- trées de l'Afie, que l'on tient eftre les plus voifines de l'Amé- rique, Ils fondent aufti leur opinion, fur ceque les Améri- cains font dans l'ignorance groftîere des lettres & des arts , ôc au milieu des plus épahTes ténèbres de l'idolâtrie , de même que ces peuples barbares de l'Afie. Ils confirment enfin leur juge- Ddd ment» 3** Histoire Morale, Chap. § ment , fur ce que ceus qui ont confideré atentivement les mœurs, le langage, la police, & la religion des uns & des autres, yont remarque défi grands râpons, & unefi grande conformité en plufieurs chofes tres-conlidcrables , qu'ils ne tiennent pas feulement pour probable, mais pour tres-con- flant que les Américains font deice^dus des T artares. Mais, nous laiiions volontiers cette difputc qui eil aflfez délicate, ôc nous nous contentons de reprefenrer les opinionsdes autres fur ce fujet, fans prétendre de le décider, veu notamment que nous aprenons avec joyc, que des perlonnes tres-doctes des Colonies Angloifes , travaillent prefentement à éclaircic fur les lieus une matière fi confufe, & qui fourre encore tant de dificultez , bien qu'elle ait efte maniée par tant de bon- nes plumes. Pour ce qui eft maintenant de leur langage, les iïx Pro- vinces qui reconnoiflent le Paracouffe d'Apalache pourleui fouverain, enteadent la langue de celle de Bemartx & de la ville de ^Melilot , où jufqu'à prefent il a fait fa demeure plus arrêtée: mais, elles ont chacune une dialc&e particulière, qui fait que le langage des uns , diffère en quelque chofe de ecluy des autres. Les Provinces â'^Amma. & de étatiques , où fc trouvent encore plufieurs familles de Caraïbes y onr auili rete- nu jufqu'à maintenant , beaucoup de mots de l'ancien idiome de cette Nation là, qui ju (liftent plénementcc que nous avons pofé , aiTavoir , qu'aians un même nom , & beaucoup d? ter- mes qui leur font communs avec les anciens hnbitansdes An- tilles, ils ont au (li une même origine 5 comme nous l'avons reprefentéau Chapitre précèdent. Les Capitaines, les Chefs de familles , & tous ceus qui font profeffion de quelque civilité , ou qui afpircnt d'élire em- ployez au confeil , & au maniement des afaircs de la derniera importance de leur petit état , fe fervent d'un langage plus or- né, & plus fleuri que celuy du vulgaire. Leurs exprefilons font preciles , & leurs périodes aflez courtes. Ils ont aulli de bcausmots, qui font très-propres, pour exprimer leurs pen- fées. Ils font aufli fort riches en comparaisons fort naifucs, qui donnent une grâce merveilleufe, & de grandes lumières à leurs difeours. Et tous les étrangers qui vivent avec eus «Se qui Chajp. S des Iles Antilles. r& qui entendent leur langue , leur rendent ce témoignage, qu'ils n'ont ni la fterilité de quelques autres peuples de l'Amé- rique, qui n'ont point de termes particuliers, pour exprimer beaucoup de chofes, qui font de Tufage ordinaire de la focieté civile 5 ni l'abondance. & la fuperfluité de quelques autres : mais une netteté fans artifice, qui eft animée d'un certain feu, & d'une agréable cadence , qui n'a rien de rude ni de choquant en la prononciation , ou qui n'ait fon poids & la force par- ticulière. Nous aurions icy ajouté pour la clôture de cet Article , um petit cflay de cette langue, pour en donner quelque goût aus curieus. Mais, outre que la prononciation des Originaires lui donne la meilleure partie de la douceur & de la grâce , que nos caractères & nôtre ortographe , ne lui peuvent point conferver : l'un de Meilleurs les Directeurs delà Colonie de laPalme, travaillant actuellement, à faire voir la conformité & le grand raport, qu'il y a entre la plupart des Langues des Peuples de l'Amérique, & celle des Tartares , & de quel- ques Arabes de l'Afie, nous luy laiffons tres-volontiers , cette tâche toute entière. ARTICLE V. m Hllll^l T>es Villes , & des Villages des ^MfaUchites , de leurs maifins & de leurs meubles. LEs places que les Apalachitcs honorent du nom de Vil* les, font certains Villages ou hameaus un peu plus peuplés que les autres qui au lieu de murailles de pierres ou de briques, font fermez par dehors , de grades pièces de bois pointues & brûlées par le bout , qui eft fiché profondément en terre 5 ou qui au lieu de ces palifades qui peuvent eftre facilement brû- lées , font entourez d'hayes vives , tiffaés & entrelaffées d'épi» nés fort piquantes , qui ont ordinairement trois ou quatre pieds d'épailTeur, & qui font plantées au pied du terrain qui les apuye , & qui panche en talus au dedans la place , a laquel- le il fert de rampart affez large, pour la pouvoir défendre de défus. En chaque Ville, il n'y a pour l'ordinaire que deus D d d 2 portes 396 Histoire Morale, Chap. s portes a-flez étroites, qui fe ferment avec des pièces de bois, que l'on coule de défus une efpece de petis boulevards , ou de tourelles de gazons, qui font élevées de part & d'autre de ces entrées pour y poler les fentinelles, & pour pouvoir commander de- là fur les avenues. Chaque Province, n'a que trois ou quatre Villes pour le plus, qui ont leurs Gouverneurs particuliers , qui y font leur demeure ordinaire , & qui com- mandent à rous les Capitaines des Villages veilins, qui font de leur réfort, félon le partage, queleParacouiTcd'Apalache à trouvé bon d'en faire, pour éviter les querelles, qui naif- foyent fouvent entre les Gouverneurs & les autres Officiers qui relèvent de luy , fur l'étendue des limites de leur Ju- rifdiclion^ Les Villages des Apalachites , font fans contredit plus agréables que leurs Villes : à caufe que les habitations ou mai. fons , y font beaucoup plus fpacieufes & plus aérées , bien que quant au refte , elles ne foyent pas de beaucoup diferentes. Car elles font toutes bâties avec une mer v ei Lieu te fi mp licite; aflavoir de pièces de bois plantées en terre , & jointes les unes ausautres, fans eftre rabotées ni enclavées par quelque folide aflemblage, félon l'ordre de nos bâtimens de charpenterie. Ou bien , elles font faites de perches , dont on a levé l'écorce, qui fontarangéesen forme de claves, ou de galandage , le- quel eft enduit & encroûté de part & d'autre , avec de laterre grade, qui en remplitfi parfaitement tous les trous , & toutes les crevaffes, que le vent ni le froid ne peuvent pénétrer au travers. Ces légers édifices , font tous d'une figure plus longue que large , qui fe termine en ovale aus deus extrémités , qui font toujours tournées au Nord & au midi , afin que les vens les plus impetueus,quifouflentregulierementde ces codez- la, ayent moins de prife fur elles. C'eft auÛidanslc mêmedef- fein , de les parer contre les grandes fécoufles des vens, qu'ils les font i\ baflfes, que la naiflance de leurs toits, n'eu élevée déterre, que de cinq à fix pieds pour le plus. Ces Cou- verts , qui n'ont de pente qu'autant qu'il en faut pour faire écouler la pluye , font pour la plupart tiflus de rofeaus , ou de joncs liez en petis faiiïeaus «5c ferrez 11 prés les uns des au- tres, Chap. 8 des Iles Antilles. $97 trcs, qu'ils fuportent plus long tems la pluye & le vent fans en eftre endommagez , que ceus qui font de tuiles ou d'ar- doize: fur tout s'ils font enduits d'un certain maftic, quieft compofé de gomme d'arbres , & d'un certain fable mcflcz en- femble, qui a la vertu de les conferver entiers par plufieurs années. Dans l'intérieur de ces maifons baffes & fimples , il n'y a rien de plus beau ni de plus confiderable, que le pavé des chambres. Car bien qu'il ne foit fait que de coquillages calcinez , & d'une forte de fable doré qu'ils tirent des montagnes , dont ils font un ciment ; il a tant d'éclat lors qu'il eft bien fec , qu'il femble eftre parfemé de paillettes dor , & avec le tems , il devient fi folide & fi poli , qu'on le prendrait pour une efpece de mar- bre. » Ces Maifons, qui font fort longues à proportion de leur largeur, font toutes partagées en plufieurs petites chambres un peu obfcures , aufquelles on entre par une allée fort étroite, qui les fepare, par une forte de tapifferie faite d'é- corces d'arbres , ou de feuilles de palmes, & tifluë en for- me de compartimens de diverfes couleurs* Les Chambres des principaus du pais , font tendues tout autour de peaus de Cerfs ou de Chamoys , qui font diverfifïées par une agréa- ble mélange de couleurs aifez vives , dont ils les favent teindre. Il y a même des hommes parmy eus, qui font aflez adroits , pour faire des tapis avec le duvet & des plumes de divers oifeaus , lefquelles ils arrangent avec tant d'induftrie & de proportion , qu'à pêne y a t-it aucune étofe de foye r qui foit plus agréable à la veuë. Leurs lits, ne font point fermez ni entourez de rideaus comme la plupart des nôtres. Deus ou trois planches* élevées fur quatre piquets qui font fichez en terre , enr font le châlit & le foûtien , fur lequel ceus du commun» étendent des facs remplis de £011 gère , & des couvertures de peaus d'Ours , qui ont la propriété de ne foufrir aucu- ne vermine. Ils tiennent , de même que les anciens £coflois-r que ces lits qui ne font que de fimples feuilles de fougère , font Ddd % prefe.- 39$ Histoire Moral Et Chap.$ préférables à cens de plumes: àcaufequecette plante, a une vertu fecrette pour deiatïer le corps , & reparer Tes forces épuiféespar lachaffe, ou par quelque autre violent exercice. Mais les perfonnes qui veulent coucher un peu plus molle- ment , remplirent leurs lits de ce duvet, qui croifi fur ia Plante que nous avons d'écrite cy defus fous le nom à! Hydsitokt. Ils les parent auffi durant les chaleurs de peaus de chamoys, ou d'autres belles fauves , lefqueiles ils favent préparer & teindre de (1 vives couleurs , qu'on les prendroit de loin pour des plus riches tapis de Turquie. Ces Couvertures d'elle, (ont d'ail- leurs Ci proprement couiuës , qu'encore qu'elles foyent faites de plufieurs pièces raportees à pêne en peut-on difeemer les jointures : mais en hiver les Gouverneurs & les Chefs des fa- milles les plus confiderables , couvrent leur lits d- fourrures démarres, oudecaftors, ou de renards blancs, qui font tou- tes fi bien palTées . qu'il ne s'y engendre aucune ordure : de forte , que fans eftre beaucoup chargez , ils font parfaitement bien munis contre la rigueur du froid. Ils n'ontnibufets, nicofres, ni tables , ni aucuns autres meubles precieus pour l'ornement de leurs chambres : leurs lits , & quelques Couffins , leur tiennent lieu de chaifes & de bancs: & un tapis de cuir étendu fur le pavé, autour duquel ils fe rangenten rond, lors qu'ils veulent prendreleur repas, leur fert de table, de napes & de ferviettes. Ils tranchent toutes leurs viandes en petis morceaus, avant que de les prefenter pour eftre mangées , & bien qu'ils n'ayent point l'ufagc des fourchettes, ils fe fervent de cueillieres , <5cde certains poin- çons d'os ou de bois,& ilsenprenenr leurs morceaus avec tant de dextérité , qu'il arrive fort rarement, qu'ils répandent quoy que ce foit fur leurs habits. Le vaiQelled'ont ils ufent en leur ménage , cil déterre, ou de fruits d'arbres qui ont une écorce ligneufe, laquelle ils la- vent polir & encroûter par dedans, d'un certain lac de dite- rente couleur, qui ne s'efa ce jamais , bien qu'il lbitfouvcnl lavé aveede l'eau chaude : & quant au dehors, il eft émaillc de rieurs & de diverses grotefqucs , quiencheriflfent leur prix, félon qu'elles font faites d'une meilleure main, ou qu'elles font mieus enjolivées. Les CJhap. 8 des Iles Antilles. 399 Les pois , les feve's , le ris , lesmays , les lentilles , 6c fem- jhbles légumes font les mets les plus ordinaires qui leur font èrvis, & il arrive rarement, qu'on leur prefentedeus fortes Je viande en un même repas. Avant que les Etrangers enflent jenetre' jufques-à eus , ils ne mangeoyent aucune chaire d'oi- èaus ni de bettes à quatre pieds , & bien qu'ils riiTent la chaiTe, :e n'e'toit quepar divertilîement , & pour netoyer le pais d'ani- naus farrouchcs. Il y amêmeencoreàprefent plufieursân* :iennes familles parmyeus , qui ne fauroyent eftre induites à; nanger du poilToa, ni d'aucuneautre chofe, qui ait eu vie fen- itivej tellement, que fans faire profeiTion d'eftre des difciples lePythagore , ils obfervent exactement ce point defa rigou- ■eufedifcipline. Bien-que la Vigne croiiTe naturellement en leur terre, Se îjue les raifins y viennent à maturité , ils ne font point de vin-; nais l'eau pure , eft leur boilTon la plus ordinaire. Ils ne bacif- ênt auffi aucune de leurs demeures , qu'aus endrois où il y a les fources , qui ne tariiTent jamais. 11 cftrvray que dans leurs fettins , ils le fervent d'une forte de bière fort agréable Si âourrhfante , qui eft faite de LMays j & qu'ils ont l'adrelTe de :ompofer de l'hydromel parfaitement bon, le miel qu'ils t'w pent des fentes des rochers & du creus des vieus arbres , leur in fournivtant la matière en toute abondance: mais ni l'un ni l'aurre de ces buivages , non plus que celuy de la Cafîine, qui £ft myfterieus & medecînal , ne font point d'un ufage commun parmy ce peuple. Diverfes bonnes racines qui croiffent dans leurs terres, leur fervent en la place du pain. Ils font auffi des galettes afc fezdelicatesavecdu CMays , que les femmes reduifent en fa* fine à forcedebras, en moulant ce grain entre deuspierresj dont l'une eft plate & l'autre ronde & longue. Ce qui-ne peut eftre (ans un grand travail , & une longueur qui lafferoit la pa*- tience de toutes autres pcrfonnes. CcuS d'entre eus qui ufent^ à prefentde ehair & depoiiïon » les font rôtir, à caufe qu'ils eftiment , que l'eau leur ofteroit leur meilleure & plus agréai ble faveur. Ils ont, à ce qu'ils difent, l'ufage du fel de'puîs un tems immémorial , mais au lieu qu'autrefois ils n'en avoyent point qu'avec 4°° Histoire Morale, Chap. s qu'avec beaucoup de pênes , & par l'entremife des autres peuples qui demeurent le long de la coftcdelamer, ils ont dépuis peu découvert une fontaine falée , au pied de Tune de leurs montagnes, qui fera capable de leur en fournir de fort blanc & de tres-pur avec une facilité nonpareillc , puis qu'il ne leurmanquepoint de bois pour le cuire , & qu'ils ont trou- vé le fecretde le mettre en petis pains, ainfi qu'ils l'ont déjà éprouvé avec un heureus fuccés. ARTICLE VI. Des mœurs des ^rffaUchites. LEs Apalachites ont une certaine (implicite naturejle, qui paroit en plufieurs rencontres, aufquellesils font faifis d'étonneraent, pour ne pouvoir point comprendre la vraie caufe, de ce qui leur en fournit le fujet. De même que les au- tres nations barbares, qui n'ont pas encore l'ufage des caractè- res , ils étoyent autrefois extrêmement furpris lors qu'ils voioyent écrire, & fur tout, quand ils remarquoyent par leur propre expérience , qu'a Tayde de ces petites figures formées furlepapier, les Européens qui vivent avec eus, donnoyent àconnoiflreàleursamisabfens, l'état de leurs afaires ,^& leurs plusfecrettes penfées. Us admiroyent aulïî les livres, les ar- mes à feu, les montres fonantes, lesquadrans, les cartes de geografie , les globes celeftes & terreftres , les fpheres , & toutes les curiofitez d'émail, de miniature, & d'orfèvrerie, que les étrangers leur aportoyent: mais à prefent que toutes ces chofes leur font allez familières , ils ceiïcnt d'avoir de l'admiration pour elles , bien qu'ils les ayent en fi grande efti- me, qu'ils n'épargnent point ce qu'ils ont de plusprecieus pour en avoir la polTcflion. Us ont une Aftrologie à leur mode , par laquelle ils prédi- rent à peu prés,, les pluyes , les féchereûes, les orages, & les changemens du tems , auparavant qu'ils arrivent : mais ils ne peuvent fe perfuader que la mer & la terre ne falTenten- femble qu'un fcul globe , qui eft ferme & fufpcndu au milieu de la vaux étendue de l'air , qui l'envclopc également de tous cotez, Chap.s des Iles Antilles. 40 1 cotez > n'ayant aucun autre foûtien , que la puhTantc main du Divin Ouvrier qui l'a faite à la louange de fa gloire. Car au contraire, ils eroyent , qu'encore que la fupcrfkiede larerre foitraboteufe & relevée en montagnes, eiie eu plate par dé- fous, étant apuyée fur une baze ferme & immobile, qui leur eft inconnue. Ils tiennent aufli, que les Cieus font d'une matière fonde & tranfparente , & que le Soleil la Lune & les étoiles., font des corps celeftes, incorruptibles & animez , qui s'é- gayent inceflament & fans lelafîer,fur ces beaus lambris azuréz d'où ils éclairent le monde. Ils ne peuvent voir de longues barbes, fans en témoigner un étonnement extraordinaire , parce qu'ils ne puvent corn» prendre , à ce qu'ils difent , que des perfonnes douées de rai- fon , puiffent foufrir à leurs mentons & en leurs joues , ces cxcremensfuperflus& cette charge inutile, qui fuyvant leur fentiment, ne peut eftre bienfeante, qu'aus cheures , & aus boucs. Ils s'émerveilloyentauïïî au commencement de ce que les étrangers qui ont la veuëfoible , ou débilitée par la vieil- lefîe, ou par quelque accident, fc fervent de lunettes pour la foulager. Parce que parmy-eus, l'on voit communément des Vieillards qui aprochent, ou même qui ont paffé la centième- année de leur âge, fans qu'ils puiffent remarquer aucune foi- bleflè , ou le moindre racourciiTcmentde leur veuë. Le grand foin qu'ils ont d'éviter la fumée , & tout ce qui peut ofenfet: les yeus, contribue beaucoup à la vigoureufe conftitution, Se à la conservation de ce fens , car cens quionteonverfepar» my eus ont remarqué, qu'ils n'aprochent point du feu, (i ce ii'eft dans des rencontres extraordinaires , fc fervant pour échaufer leurs chambres durant l'hyver, d'une forte de PoéleSj qui font faits de terre cuite , & qui font fi bien difpofez en cer- tains endrois de leurs demeures , que toutes les places en font cchaufées , fans que ceus qui font dans les chambres aufquel- les ils répondent , foyent tant foit peu incommodez de la flamme ou de la fumée du feu , qui y eft mis & attizépar de- hors. llsontneantmoins , une fînguîiere vénération pour le feu, comme étant, félon leur ancienne créance., la viveimage du Soleil qu'ils adorent. D'où vient que s'ils introduifent qucU E e e que s 7 402- Histoire Morale Chap. 8 ■ ques étrangers dans leurs cuifines , ou à l'cnbouchure des fournaifes qui échaufent leurs Poêles , ils ne peuvent foufrir, qu'ils crachent ou qu'Us jettent quelque inmondice fur le bra- zier , d'autant qu'ils croyent que l'injure qu'on fait à l'image, réiaillit fur -l'original, & que c'eft une irrévérence & une in* gratitude infuportable, d'avoir fi peu de refpe£l, ôederecon? noiftance , pour un élément fi pur , & fi neceftaire à l'entretien de la vie. Ils conferventfoigneufement en leurs mémoires, comme en autant de fidèles regiftres , les genereufes actions de leurs anceftres , & les plus mémorables exploits de leurs R oilelers, pour en faire le récit aus jours de leurs rejouïfiances publiques. Ils font particulièrement une commemotation foleimelle de l'un de leurs plus illuftres Paracoujfe. , qu'ils nomment Ultayr- dok , d'autant qu'ils tiennent que c'eft lui , qui étendit & afer- mit les limites de leur état, avec tant de gloire &d'heureus fuccés, que durant fon règne, les Sauvages nbfoyent pas feulement aprocher de leurs frontières pour y faire le dégaft, ouy enlever des prifonniers, comme ils le faifoyent aupara- vant. Ils ajoutent, que ce fut même Prince, qui les obligea par la force de fes raifons , & par fon exemple , à former des communautez fixes & arrêtées en un lieu ,.& à munir leurs Villages de pieuz & d'hayes vives, pour refifter plus facile- ment aus ataques de leurs ennemis, & éviter leurs furprifes. Ils célèbrent aufii dans leurs chanfons , l'un de leurs Uouas, qui eft connu parmy eus , fous le nom de Karakatry , & qui a mérité cet honneur, pour avoi* inftitué le fervicedu Soleil, & leur avoir enfeigné la façon de cultiver la terre, de faire la chafieduCerf, & de tendre des pièges aus beftes farrouches> qui defoloyent autrefois leurs Provinces. Ils ont aflez de foin & de prévoyance , pour fe procurer les chofes qui font abfolument neceflaires pour leur nourriture, & pour leurs vétemens , comme aufii pour bâtir leurs cabanes, & fe mettre à couvert des injures de l'air: mais ils n'amafient point de provifions pour plufieurs années, & tant s'en faut qu'ils fe travaillent en aucune façon pour amafler des richefles, ou des délices , & des magnifiques maifons , qu'ils fe rient or- dinairement entre-cus, des vaincs follicitudes , & de tous les cnpref- SCh'àp. % D %S Î&È-S A :n T I IL X E S. ^oï| -enpreffemens des étrangers , qui recherchent fouvcn* av-ec ardeur toutes ces chofes iiiperrlûès. Us font prefque tous , d'un naturel obligeant & grandement aimable , & parce qu'ils ne fe fouvienent point , d'avoir receu aucun déplaifir des étrangers, dépuis que les premiers Efpâg- nolsqui les vifiterent fous la conduite d'HemandohSoto , ra~ vagerent leur pais , & contraignirent leur Roy, d'abandonner fa ville capitale à leur diferetiompour fe retirer au fotnmet des montagnes voifines, ils ne favent à prefent qu'elles careffes ils doivent faire, à ceus. des autres nations , quiles vont vi(î- feer , & dans ces rencontres , ils ne fe laflènt point, de leue rendre toutes fortes de bons ofices, & de témoignages d'a- mitie. D'au tant , qu'ils n'ont pas encore la connoifTance d'une in» finité de delicatefles , qui font en ufage parmy les peuples mieus civilifez, ils paroiflent affez fobres , dans leurs repas ordinaires : mais au rems de leurs feftins folemnels , & de leurs Téjouïirances publiques , ils fe licencient à plufieurs excès, qui témoignent affez, que toute la frugalité qu'ils obfervenc au boire & au manger, dans leurs maifons particulières , ne leur eft di&ée que par l'inpuiflance en laquelle ils font, d'avoir •commodément les vivres qui font requis pour continuer en de pareilles débauches , ou de ce qu'ils ne veulent pas acheter des xagouts, &desfnandizes, au détriment de ce profond repos our y faire le dégaft par tout , où ils ne trouvent point de re^ fiance, ne traifnantaucunautre bagage avec eus, que leurs rmes , & quelques chetives tentes faites de peaus ou d'écol- es d'arbres, fous léquelles ils fe mettent à couvert durant i nuit. Depuis cetems-la, les Apalachites ont maintenu leur pe- ite Republique en bonne union , fous la conduite d'un Chef c premier Capitaine , qui faifoit autrefois fa -demeure à Apa*- iche, & maintenant à CMelilot , qui eft la capitale de leur Itat. En chaque Province il y a un Paracouffe , & en chaque Aile un Gouverneur , qui font établis par celuy d'Apalache, auquel ils relèvent. Il y a auul d'autres Ofikiers inférieurs, |ui font nommez par les Chefs de familles , qui ont eu de tout ems, le droit de les inftaleren ces charges. Enfin il n'y a fi •etit Village parmy eus , qui n'ait fon Capitaine , qui représ- ente la puifîance fuperieure. Le procédé de leur jufiice, eft fort court, parce qu'ils n'ob- ervent aucunes des formalitez , qui font en ufage parmy nous, h matière de procès , ni aucun des artifices , que la chicane a nventez , pour les rendre immortels. Les Capitaines a (Ti fiez les Oflkiers qui compofent leur confeil, rendent la jufiice leus fois le mois , afiavoir au premier croifîant , & au plein de a Lune, touchant tous les menus diferens, qui furviennent Entre les familles. Mais lors qu'il s'agit d' une afaire de grande mportance, ils ont recours au Gouverneur delà Ville ou au Varuouffe de la Province, qui la terminent en dernier réfort. Et s'il arrive, que les Paracoujfts des Provinces , ou les Gou- verneurs des Villes, ayentdesdémeîezparenfemble, ou avec eursfujets, le Paracoujfe d'Apalache , quirefide ordinaire- lient à iMdilot , en prend eonnoiffance en qualité de Souve* m 4°& Histoire Morale, Chap. s rain , Se les apainrc par l'avis de Ton Sénat , qui l'acompagnc par tout, où il lui phit de fe tranfporter. Ilsdifent, qu'ils ont toujours puni de mort, les traiftres. les Incendaires , les homicides, & lesfentinelles qu'ils treu- vent endormies , foit de jour Toit de nuit. Tousceus qui font convaincus d'avoir commis quelcunde ces crimes , foui liez à un arbre, & percez de flèches, ou aiïbmmezàcoups demalTue. Mais quant ans larrons, ils ne leur donnent poini d'autres chatimens, que la honte & le reproche qu'ils leur font de leur faute , dans toutes les Compagnies, où ils ont l'aiïurance de comparoiftre. Ce qui leur eft une punition G £en(ible, que la plupart de ceus qui ont dérobe' , pour éviter cette honte , fe retirent dans les deferts , où ils mènent une vie fauvage, ou ils s'alTocicnt aus Housïawms ou avec les Elamyns , pour continuer inpuncment dans leurs briganda- ges, & ne vivre déformais que de proye, àlafaflbnde ces barbares. Ils font prefque tous leurs petis commerces par. échange de marchandifes, & ace défaut, ou lors qu'ils font obligez de donner du retour ,, ils fe fervent de même que leurs voiîins, de certains petis grains noirs ou blancs, qui leur tiennent lieu de monoye d'or ou d'argent, ou de quelque autre métal : avec cette diference , qu'un feul de ces grains noirs, vautautani que vint de ceus qui font blancs. Les Indiens qui ont leurs Villages auprès de la mer, font cette efpecc de monoye , avec l'extrémité de certains coquillages qu'ils eftiment precieus , & après les avoir percez, ôc leur avoir donné, la forme & le coin qu'ils doivent avoir, pour élire de mile 5 ils en compo- fentdes chaines, déquelles ils fe chargent quand ils vculcni paroiflre avec plus de pompe, comme étans les principale! richefies, & les plus grands trefors , dont ils ayent la con- noiflance. Cette légère monnoye a fou cours, nou feulemeni entre les Originaires de l'Amérique Septentrionale, mais en- core entre les Anglois , cycles Hollandois, qui y ont établi d< célèbres Colonies. Les Apalachitcs, trafiquent aufl] avec des grains de Cora & de Criflal , & même avec cette cfpecc d'ambre , dont non: avons déjà parlé, 6c quelquefois avec des pierres vertes 01 rou Chap. S D £ S I L ES A ^ T IL t E S. 400 rouges , que les torrens charrient des montagnes , aufqiielles ils favent donner des figures diferentes, qui rehaufîent leur éclat, & encherifient leur prix. Avant qu'ils euffeht lacon- noiiïance des étrangers, ils n'avoyent point l'ufage des aulnes, nides poids, ni desmefures : mais àprefent, ils reconnoif- fent^par expérience , que tout cela cft neceflaire , pour facili- ter le commerce , & pour éviter les fraudes. Tous les biens inmeubles , font communs -parmyce Peu» pie : de forte qu'excepté leurs maifons , & les petis jardins qui les accompagnent , ils n'ont aucuns champs , ni prez , ni bois, ni autres héritages, qui leur apartiennent en propre: mais , ils cultivent toutes leurs terres en commun, & au tems qu'il faut faire le labourage, ou les femailies , ou les moiffons, les Capitaines <5c les autres Officiers, conduifent au travail cousceus de leurs Compagnies, à qui l'âge & la fanté don- nent affez de vigueur , pour s'Ocuper à tous ces laborieus exercices. Ils vont tous à ce travail commun, fans enpreflement , «Se d'un franc courage , comme à un divertifiement bien agréa- Die 5 «5c dans ces rencontres ., ils gardent leurs rangs , <5c inar- :hent en ordre de bataille , avec leurs trouffes remplies de flé- :hes, «& l'arcàlamain: afin que s'ils étoyent affaiilis de leurs :nnemis, comme il leur e(t arrivé aflez fouvent ., ils foyent rouvez en état de les repoufièr vigoureufement. Durant ces împloysqui regardent le public , les Chefs ont le foin de les" afrâichirde tems en tems avec quelque bon bruvage, <5c leurs émmes ne manquent pas des leur apréter de viandes beaucoup neilleures, que celles dont ils fe nourrifTentàrordinairè. Ils efervent tout le provenu de leurs champs en des greniers pn- •lics, qui font bâtis au milieu de chaque Ville ou Village, eau plein de la Lune, «5c à tous les renouveaus, cèusqui ont commis pour en faire la distribution, en donnent à chaque" amille , autant qu'il en faut pour fon entretien , ayant égard u nombre plus gtand, ou plus petit des perfonnes , dont et- :eftcompofée. Fff AKTI- ;:v Chap. t y 410 Histoire Morale, ARTICLE IX. Des Guerres des ^palachites. LEs Apalachites , jouïffènt entre eus d'une profonde paix» de'puis un fort long tems$ mais au dehors , ils ont pour ennemis irréconciliables, les Habitansde la Province de 74- goùetta, que quelques-uns apellent Carlites , & les Elamym & HouHumyns , qui font ces peuples cruels & fauvages au pof. fible, dont nous avons de'ja parlé, qui n'ayans aucune de- meure arrêt e'e, courent d'un lieu à l'autre avec une viteftein- croiable, pour y faire les ravages , les maffacres, &tous les defordres, aufquels ils font incitez par leur humeur barbare & fanguinaire. Ces mauvais voifms, obligent les Apalachi- tes à fe tenir toujours fur leurs gardes , & à pofer de jour & de nuit des fentinelles aus avenues de leurs terres, pourdécou* vrir leurs defieins, prévenir leurs furprifes, & s'opofer ans irruptions de ces nations, qui leur font également formida- bles. Leurs armes , font l'arc & la flefche , la maflue , la fronde, dcuneefpecede zagaye, ou de grand javelot , qu'ils lancent avec la main, quand ils ont e/puife/ toutes les fle'ches de leur carquois. Ils fe muniffent aufà lorsqu'ils vont à la guerre , de certains grand boucliers de figure ovale , qui font faits de. joncs cordelez & poillezavecun tel artifice, que bien qu'ils ne foyent couverts que d'un fimple cuir, & qu'ils foyent grandement légers , ils font neantmoins impénétrables à tous les dards de leurs ennemis. Ceus d'entre ce Peuple qui habi- tent aus montagnes, font particulièrement renommez pour leur adrefleàtirer de l'arc. Car l'exercice affidu de lachaffe dont ils font profcfiion , les a rendus (i habiles à le manier, que le Paracoujfe gênerai, qui en a toujours à fa fuite, n'a point de plus grand divenuTcmcnt , que de les faire tirer au blanc, pour emporter quelque prix, qu'il donne à celuy qui l'ateint en moins de coups , ou qui abat avec plus de dextérité, une couronne, ou un bouquet, qu'il fait atacher au plus haut d'un arbre. Ils Chap. 8 dbs Iles Àn-tiues, 4ïl Ils ne combatent point pour étendre leurs limites, ou pour le butin, comme piufieurs autres peuples; car ils s'eftimçnt fi bien partagez en terres , ôc ils vivent fi contensdans leur condition, qu'ils ne fouhaitent rien du tout, au delà de ce qu'ils poiTedent. Mais comme ils ne font animez à ia gUCrre, quepour conferver la gloire que leurs predecefîeurs leur ont laiïfée en héritage, ou pour repoufler la violence, & tirer vengeance des torts, qu'ils croyent leur avoir effé faits ^ fi leurs voifins fe veulent emparer ," de la moindre partie du pais qu'ils ocupent dépuis un tems immémorial , ils n'oublient rien pour reprimer promptement & courageufement les ufur- pations des uns , '& la violence des autres $ ôc pour fe main- tenir en la paifible pofîêffion du p aïs où ils font nez, ôc des places , qu'ils ont aquifes & confervees par leur valeur. Quand leurs troupes marchent contre i'ennemy, aucun d'eus n'oferoitquiter fon rang ou s'écarter de la Compagnie, fans la licence exprelTedu Capitaine , fous pêne d'eftre dégra- dé, ou percé de flèches. Ils gardent un profond filence en faifant leur route, parce qu'ils ne conduifent point de fem- mes ni d'enfans , comme les Ekmins & les HouHamms \ qui les trainent partout avec le refte de leurpetit bagage. Mais lors qu'ils ont reconnu leurs ennemis, ils les in veuillent ôc leur donnent l'aiTautavcc tant de furie , & des cris fi effroya- bles , qu'ils font capables de faire tomber les armes des mains* & de porter la terreur ôc i'épouvantement, ans cœurs des plus ilTurez. Ils ont tant de generofité , qu'ils n'ont point voulu apren- ïrc le fecret d'empoifonner leurs flèches: & lors qu'ils ont ^agnélavi&oire, & qu'ils fe font rendus maitresdu champ 3e bataille, ils n'exercent aucune inhumanité fur les corps de :eus qui font morts au combat, mais après s'eftre allures de :ous leurs prifonniers de guerre , & leur avoir coupé la che- velure , ils la portent en triomfc au bout de leurs zagayes , ôc i toft qu'ils font retournez de ces expéditions , ils l'atachcnt à a porte de leurs cabanes, comme un precieus trofée. Ils ufent encore dans ces rencontres d'une telle modération» îu'encore qu'ils foyent dans la chaleur du combat, ils pardon- lent avec une generofité qui n'a rien de barbare, à tousceus £ f f z qui liH m ■'«■. . M, '■ 4i2 Histoire Morale, Ghap. a qui 4emandans quartier, pofent les armes à leurs pieds, com- me auni aus femmes & aus enfans de leurs ennemis , «Se fe contentent de les mener à leurs Villes , où ils les entretiennent dans une honefte liberté , avec autant de douceur & de foins que leurs propres domeftiques. Enfin au retour de leurs guer- res , ils font de grands feftins , & paflfent plufieurs jours en danfes, en jeus & en d'autres rejoiùflaiices , durant léquelles ils exaltent avec excès leur propre valeur , & les faits les plus mémorables de leurs predecefleurs. ARTICLE X. De la Religion ancienne des ^A^xtachites. LEs Apalachites , adoroient le Soleil , de même que la plupart des plus célèbres peuples de l'Amérique , & avoient des Prêtres ou Sacnficateurs.qu'ilsnommoient/^//^, qui étoiéntfort fuperilicicus, à lui faire rendre le fervice qu'ils avoient inventé à Ion honneur. Ils avroient au (fi de nobles fentimens, pour cette prétendue divinité : car ils çroioyend que fes rayons avoient la vertu de donner le mouvement «5c la vie, à toutes les créatures qui en font douées : qu'ils remet- toient en parfaite fanté , toute forte de malades , & rendoient fécondes les landes & les moritagnes les plus fterilcs5 que le monde ne fubfiftoit. que par les bénignes influences de ce Roy des aftres , & qu'ayant une feule fois, retardé de vint* quatre heures fa courfe ordinaire, les eaus du grand Lac, qu'ils apellent Thcomi, s'étoient tellement débordées, qu'el- les avoient couvert les plus hautes montagnes qui les entou^ rent , à la referve du fommetde celle d'olaimy , qui futpre fervé de cette inondation générale , à caufe du Temple qui ) étoit confacré à fa gloire 5 de forte , que tant les hommes qiu les bétes, qui purent gagner cet azile , y furent confervéei en vie pour repeupler la terre. Ils ajoutent encore , à ces foibles idées , qui leur font rc- ftées du Déluge univcrfel , que la parole de Dieu nous en- feigne, que ce grand Flambeau retournant de cette éclypfc avoit par fa prefenec, renvoyé les eaus dans leurs abifmcs, & déchargé la terre de toutes les vapeurs 6c malignes qualités qu €hap.S dis. Iles Antilles. 41 3- qui avoient plongé le monde dans cette épouvantable confu- fionj & que depuis ce tems-là , leurs predecefteurs , par un trcs-jufte mouvement de reconnoilfance , fe ientirent obligez de L'adorer & de l'avoiier pour leur Dieu. Ils tenoientaufli pour confiant , que le Soleil s'étoit bâri lui-même le Temple, qui eft dans la montagne d'Olaïmy -, & que les Oifeaus qu'ils nomment Tonat&ulis , quife plaifent parmi les bois de cette agréable retraite , étoyent Tes courtifans , & les muficiens qui chantent fans ceffe Tes louanges. Le fervice que les Apalachites rendoient au Soleil , étoit de le faluër à Ton lever, & de chanter quelques Hymnes à Ton hon- neur. Ils lui faifoient auffi le même hommage tous lesfoirs, lefupliantde retourner bien toft , pour les éclairer de fa lumiè- re. Mais outre ce fervice journalier, que chacun lui pouvoir prefenter à la porte de fon logis , ils en avoient encore d'autres plus folennels, qui confiftoient en des Sacrifices de louanges & d'a&ionsde grâces acompagnées de parfums, qu'ils avoient acoûtumé de luiofrir quatre fois l'an,fur la montagne d'olaimy^ avec une grande pôpe,& un concours gênerai de tous les Habi- tans de leurs fix Provincesa& même de ceus des états voifins,qui font dans leur alliance, comme nous le reprefenterons en fuite. Cette montagne d'olaiwy , eft fans contredit, l'une des plus belles & des plus ravinantes de toutes celles, qui font en cc: nouveau Monde. Elle eft fituée en la Province de Bemarin , & elle commence à une petite lieue de la ville royale de -tÀèçïUpt^* fafigureeft parfaitement ronde , & d'une pente fi roide, que pour en faciliter l'accès v on a efté contraint de tailler tout au tour , un chemin affez' large , pour monter trois hommes de front , qui dure environ deus lieues & demye , en tournoyant continuellement , jufques à ce que l'on fait parvenu au defus. Ce chemin, qui eft entretenu ans frais communs de laProvin-- ce, eft orné en divers endroits , & dans unediftance égale , de ' beausrepofoirs gagnez dans le roc,en forme de grandes niches, pour la commodité des voyageurs: «& tout le circuit de la mon- tagne dépuis le pied, jufqu'à deus cens pas du coupedu , eft re^- vetu de beaus atbres de Cedres,de Pins, de Palmes, de Cyprès, de Cafinettk de plusieurs autres fortes, qui rendent des réfmeSj, &-des drogues aromatiques, d'une tres.fouëue odeur. m '■.M 41* Histoire Morale, Oup. g Le fommct de cette incomparable montagne , s'e'tend ea une large plaine parfaitement unie, qui a environ une licuë détour, & qui eft ombragée en divers end rois , de petis bou- quets des mêmes arbres qui font à la pente , bien qu'ils ne fbyent pas d'une pareille hauteur , àcaufeque les grands venj qui les agitent, lesempefchent decroiftre : Mais ce qui eft ex- pofé au plein jour,eft couvert par tout d'un riche tapis d'herbes aflez courtes, qui font émaillécs d'une infinité de petites fleurs, & d'une efpece de Thym & de Mariolaine , qui recréent tel- lement la vcuë , & exhalent une fi agréable fenteur, que l'oeil & l'odorat, y rencontrent également leurs délices. Bien que cette montagne, levé fa telle beaucoup plus haut que les autres du voifinage aufquelles elle commande , &c qu'elle foit du rang de celles à qui les Poètes attnbueroienc d'avoir de fecrettes intelligences avec la moyenne région de l'air: elle a encore ces precieus avantages, qu'elle eft rarc- menteouvertedeneigesdurant l'hiver, & que pour étancher en efté la foif des Voyageurs , elle eft rafraichie d'un agréable étang, qui conferve en toute faifonfescaus claires & enjouées, dans un large baftin, qui s'eft trouvé directement placé, au milieu de ce fkurifTant terrein, qui lui fert de couronne. Le lieu qui leur fervoit de Temple , eft une belle & fpa- cieufe Caverne , qui s'eft rencontrée naturellement taillée à l'orient de cette montagne. Son ouverture eft vafte , large, & bien proportionée comme l'entrée de quelque fuperbe palais j & bien que l'artifice n'ait rien du tout contribué à fa per- fection , l'on diroit toutefois à la voir de loin , que quelque architecte bien expert, ait voulu déployer en cerarefrontifpi- ce, toutes les plus exquifesrichetîes de fon art, & tous les plus dousagréemens, quefoninduftrieluiapû fuggerer, pour le rendre acompli. Ce beau Portail , que le Soleil efclairc de fes premiers rayons auiïi-toft qu'il fe levé, eft pofé fur une belle & ample plateforme, qui femble n'avoir efté gagnée dans la mafteduroc, qu'adefiein de fervir d'un aimable parvis , à ce Temple magnifique. Le dedans de cette Grotte mervcillcufc eft fait en ovale, d'une longueur de deus cens pieds ou environ, fur une lar- geur tres-convcnable, pour entretenir la jufte proportion de fa Chap. * des Iles A n t i l l i s. 4:1 f fa figure. La voûte, qui paroit auiïi n'avoir efté falïonnéc dans le fommet de cette montagne , par aucunes autres mains que par celles de la nature , fe haufle doucement depuis le bas en forme de demi cercle , jufques-à la hauteur d'environ ûx vints pieds , où elle fe termine. L'on voit tout au milieu de cette voûte, une allez grande ouverture , laquelle perçant jufqu'au defus du terrain de la même montagne , enpruntc de là, tout le beau jour qui l'efclaire. Cette efpece de grande lanterne, eft entourée au dehors, de groffes pierres qui font Liées <5c enclavées les unes avec les autres avec beaucoup d'in- duftrie, en forme de bord révélé de trois pieds hors déterre, pour éviter les cheutes : Ôc c'eft juftement au défous de ce* rafte fouspirail, que répond l'autel de ce Temple, qui ne confifte qu'en une table de pierre fans artifice , foutenuë d'un gros pivot, qui l'élevé au defus du pavé. Tout l'intérieur de cette fabrique naturelle , eft encroûté d'une forte de falpétre , qu'on prendroit pour du coral blanc, qui s'eft durci dans la fuite du tems, & formé en plufieurs gro- tefquesôc figures différentes qui le diverfifient, & luidonnent an merveilleus éclat. Le pavé, qui eft aiuTi d'une feulepierre, (ans fentes ni erevaûes , de même que la voûte & les parois $ eûfipoli&figliflant, que pour marcher defus fans péril, on eft eontraint de le couvrir de fable. Tout au fonds de ce Tem- ple, & à l'opofite de rentrée, on aperçoit un balfin , qui eft rempli en tout tems d'une eau tres-claire , qui y tombe d'une petite fource, qui cÊ prefque inpcrceptible , de mê- me que Ton ne peut difcerner qu'a grand pêne les fentes Ôc les fecrets conduits du rocherpar où elle fe décharge. Enfin, te plus grand ornement de tout ce Temple fi renommé parmi ce Peuple, Conlifte en la parfaite blancheur, qui éclate de t'un à l'autre bout , & en une tres-acomplie proportion de tou- tes fes parties. Les Sacrifices, que les Àpalachites avoyent acoûtumé de faire au Soleil, ne confiftoyent point, en l'élévation d'une peau de cerf au defus d'un arbre, remplie des plus excellent fruits du paï's, & couronnée de fleurs & d'herbes de bonne ©deur, comme il fe pratique parmi quelques autres nations de laFloride , ni en rëfufion du fang humain 5 ou en Fimmo* ktion 'mm '.-'■■ 4*6 Histoire Morale,' Chap.s lation de quelques bêtes , comme ceus que les Mexicains ofroientà leur Idoles. Car ils croioient que ce grand luminai- re , qu'ils reveroient comme leur Dieu , donnant la vie à tou- tes les créatures qui en jouïflent , n'agréeroit pas un culte, qui en priveroït quelques-unes du plus precieus de Tes dons. Mais au lieu de toutes ceschofes, ils luyofroyent tant feulement de l'encens & d'autres parfums , qu'ils faifoyent brûler en chantant & exaltant fa gloire & fes perfections , & des habits ou quelques autres prefens , qu'ils mettoyent entre les mains des lao'ùas , pour eftre donnez aus pauvres, quiafiftoyentà ces cérémonies. Ces Sacrifices de louanges & de reconnoiflance, fecele- broyent en la manière que nous allons d'écrire. La veille de chaque fefte , les Sacrificateurs montoyent fur la montagne, oùilsavoient auparavant faitdrefler des tentes, ou quelques petites cabanes, pour s'y préparera Tadion folemnelle qu'ils y dévoient faire le lendemain , & le peuple qui y abordoit de toutes parts, s'y rendoit du moins avant le jour. Ledéfusde la montagne & le chemin qui yconduifoit, étoyent,éclaircz durant toute cette nuict-là , de plufieurs grands feus qu'on al- lumoit en divers endrois, pour réjouir & guider furement ceus qui s'y tranfportoient pour adorer. Pendant la cérémo- nie , le peuple demeuroit fur la montagne, mais nuls au- tres que les Sacrificateurs , n'ofoyent aprocher de laGrote qui leur fervoit de Temple. Les riches qui avoyent aporté des robes , ou quelques autres prefens pour cftre donnez aus pau- vres, les confioyent aus lao'ùa>s , qui les fufpendoient à des perches qui étoient à chaque cofté du portail, où toutes ces çhofes demeuroyent jufqu'à la fin du fervice, qu'ils en fait foientladiftribution, fuivant l'intention des Donateurs. Dés que le Soleil commençoit à paroiftre, les Sacrificateurs qui étoient au devant du Temple , commençoient de chanter à fon honneur des Himnes & des Cantiques en l'adorant & fc profternant les genous en terre à plufieurs reptiles : puis ils alloient en bon ordre chacun félon fon rang , jetter dans le brazicr qui étoit entretenu devant le portail , quelques grains d'encens & d'autres parfums , dont le peuple les avoit abon- damment pourveus. En Chap^ s d es Iles A u t 1 1 1 es; 417 En fuite de cette cérémonie, l'un des Sacrificateurs ver* foit du miel dans une pierre creufée à cet ufage , laquelle étoit au devant de la plate forme , & répandant aus environs plu» fieurs poignées de CWays à demy brifé & dépouillé de fon écorce , & quelques autres petites femences , que les To- nAtz,uliâ mangent volontiers. Ces Oifeaus , qui fuyvant leur fuperftition étoyent dédiez au Soleil , étoyent fi acoûtumez à trouver de pareilles douceurs en cette place-la, qu'ils ne man- qnoient jamais d'y voler en troupe, incontinent que FarTern- blée s'étoit retirée. Pendant que les Iao'ùas étoient ocupez à brûler le parfum, & à chanter les louanges du Soleil, tous ceus qui étoient fur la montagne s'enclinoient par plufieurs fois jufques en terre pour luy faire hommage , & après des jeus, des danfes , & quelques autres divertiflemens aufquels ils s'ocupoient, croyans de luy rendre un fervice agréable , ils mangeoient avec ceus de leurs familles , & avec les pauvres & les étrangers qui étoient venusà cette fefte , les provifions qu'ils avoient apor- tées , pour fervir à ce feftin folemnel. Ces exercices de rejouïtTance publique , plûtoft que de dé- votion , continuoyent jufques environ le midy. Car lors que ce tems aprochoit, les Sacrificateurs quittans la porte du Tem- ple, & entourans la Table de pierre qui étoit au milieu, redou- bloient leurs chançons & leurs cris d'alegreiïe, & auffi-toft que le Soleil doroit de (es rayons le bord de l'ouverture , fous laquelle cet autel étoitdreffé, ils jettoient avecprofufionôc fans aucune referve , dans le brazier qui y avoit efté foigneu- fement entretenudés le matin , tout ce qui leur reftoit de dro- gues aromatiques , afin que la fumée eut afiez de force pour, monter parce foûpirail, comme une nuée de fouëue odeur, & fe faire voir & fentir à ceus qui étoient fur la montagne. Apres que les Iao'ùas avoiént emploie tous leurs parfums félon la coutume , ils fe retiroient à la porte du Temple , à la referve de fix de leur corps , qui étoient choifis par fort, pour demeurer auprès de l'autel, & donner au nom de leurs Pro- vinces la liberté à fix Tonat&ulis , qu'ils avoyent aportez & confervez en des cages , pour fervir à cette cérémonie. Ces Oifeaus , qui étoient rêverez parmy ce peuple comme les <3 g g chaa- 41* Histoire Morale, Chap. * chantres & les meflagers du Soleil , ainfi que nous l'avons déjà dit, ayans fait le tour du Temple, & trcuvans l'entrée ocu- pée par les Sacrificateurs , qui la fermoient entièrement avec des branches d'arbres qu'ils tenoient entre leurs mains, e'toient enfin contrains de prendre leur vol par l'ouverture du milieu du Temple, & après avoir fait quelques tours par defus l'af- femble'c , qui étoit fur la montagne , & qui les acompagnoit de grands cris d'éjouifiancc, ils gagnoient les bois avec une viteûe incroiable. Incontinent que ces mifterieus Oifeaus avoient donne ce congé, & que les Pèlerins les avoyent perdus de veuë, ils defeendoient de la montagne en allez bon ordre , portans en leurs mains des rameaus de palmes, ou d'autres arbres ver- doyans , & quand ils étoyent parvenus au parvis du Temple, les Sacrificateurs les y faifoient entrer avec un profond lilcncc, & fans enpretiement , pour laver leurs viftges & leurs mains, dans le baiïin de cette fontaine inefpuifabie , quieft tout au fonds. Ce quêtant fait, ils fe retiroient avec beaucoup de re- fpett , par la même porte, qui dans ces occurrences étodrdivi- fée en deus, par une feparation, qui y étoit mife àdellein d'évi- ter le defordre. Les pauvres, dont les Sacrificateurs avoient la lifte , de- meuroient au parvis du Temple les derniers de tous , pour y recevoir les robes & les autres prefens, qui leur e'toient defti- nez , & après s'en eftre revêtus & chargez, ilsprenoicnt le chemin des antres , & laceremonie étoit terminée. Aujourduy, que la plus confiderable partie du peuple qui habite les Provinces de Bemarin & de Viatique , a embralVé le Chriftianifme, & que le Paracoujfe de CMeldot a receu le Batefmc , cette montagne d'olaimy & 1cm Temple , ne font plus fréquentez que par curiofité , ce Prince ayant défendu fort étroitement, à tous fes fujets des autres Provinces qui font encore idolâtres , & principalement aus Iaouas d' y monter, pour y faire aucune de leurs anciennes fupeiftitions. L'on dit autîi, qu'encore qu'il ne les contraigne en aucune façon de fc faire Chrétiens , qu'ila refolu par l'avis de fon confeil , pour retirer les peuples de leur idolâtrie , défaire murer l'entrée de ce Temple, & de faux rompre en divers endrois le chemin allez Chap.s 3Ês lits Antilles. 4.10 affcz étroit, qui conduit au défus de cette montagne , aftn qu'elle foit inaccefliblë, Ces Peuples ont toujours ercu àcequ ils difcnt , l'immor- talité de l'ame , mais ils avaient niêilë tant de fables parmi cette vérité, qu'elle en étoit prefque toute étoufée. Ils .tenaient âufil, que leurs predecefieurs qui avoient bien vécu , Ôc qui avoient fervi religieufemcnt le Soleil, ôc donné à Ton hon- neur des aumônes aus pauvres, étoyenttranfportezauCiel après leur mort, & qu'en ce bien-tieureus fejour, ils étoient changez en étoiles j & au contraire, que cens qui avoient mené une vie méchante «5c déréglée , étoyent portez entre les précipices des hautes montagnes du nord , où parmi les neiges & les glaces , & au milieu des Lions , des Ours des Tigres Ôc des autres beftes farrouches, ils foufroientdesmiferes éxtre- mes, & de continuelles frayeurs. ARTICLE XL Comment les ^Apalachites ont eu connoijfànce de fa Religion chrétienne. LA connoiflance de la R eligion Chrétienne ; eft parvenue aus Apalachites par divers degrés. Car pouf prendre la chofedés fa fource , il y a un peu piusd'un Piecle , que les pre- mières femences du Chriftianifrne , furent jçtrees en la Floride par une Colonie Françoife, cdmpofeedepluiieurs perfonnes de condition, qui y fut conduite Ôc établie par le Capitaine Èihauld, fous les aufpices du Roy Charles neufvicme. Ct digne Commandeur muni de la commîffion de fon Souve- rain, y fit bâtir d'abord une fortereiFe, laquelle il nomma Caroline , du nom du Roy fon maître. Il impofa auffi, aus caps, aus ports, & aus rivières, les noms qui leur font de- meurez jufques à prefent, léqucls étans françois, juftifîent amplement que cette nation-là , y a autrefois commandé , Ôc qu'elle a efté la première qui en a fait la découverte, à deffeirs. d'y former une Colonie. De forte, qu'on trouve le long dé cette cofte Icport Royal , le cap François , les Rivières de Seine, de Loire, de durent e} de Garonne, des Dauphins, ôc de SomWie. G g g a Mais, 1 42o Histoire Morale, Chap. $ Mais, ce qui cft le plus digne de remarque, & qui fait d'a- vantage à nôtre propos, cft,que par ce premier embarquement, qui fut fait pour la Floride; ilypafiadeus favansôc religicus Personnages , qui de's leur arrive'e en cette belle terre, prirent à coeur de gagner par toutes fortes de bons offices, les af- fections des Habitans du pais , & d'aprendre leur langue , afin de leur pouvoir donner quelque connoiflance de Dieu , & des facrezmifteresdefon Euangile. Les mémoires, que le Capi- taine Ribauld à laiffez fur ce fujet, raportent , que le Roy Saturiova , qui commandoit le quartier , où les François s'e'- toient. e'tablis , receut fort humainement ces Hommes de Dieu , & qu'e'tantravidcladouceurde leur converfation, & & delà faintete' de leur vie , il commanda à tous fes fujets ,.de les avoir en une. linguliere eftime , & de ne pointtroublcr leurs ueligieus defïeins. De forte que le refpect que ce pauvre Peu^ pie leur portoit, & la fidélité & le zele qu'ils emploioyent pour avancer leur converfîon, donnoient de's lors de très- grandes efperances, que l'œuvre du Seigneur profpereroit en- tre leurs mains , & que cette petite portion de fa Vigne, e'tant fbigneufementcultive'e , produiroit avec le tems, plufieuts bons & precieus fruits , à la louange de L\ grâce. Cesheureuscommencemcns, & ces agréables prémices de 3a prédication de l'Euangile de nôtre Seigneur Jefus , en la Floride, furent en fuite foûtcnuës & acruës par les foins de Monfieur l'Admirai de Coligny, qui donna commiflion à Mon- sieur de Lmâoniere d'y conduire un renfort bien confidcrablc deSoldats, &de toutes fortes d'artifans , qui y arrivèrent en l'an mille cinq cens foixante quatre; mais, à peinecesnou- veausvenusavoient pris l'air de la terre, quel'Efpagnol , qui pretcndque toute l'Amérique lui apartient , print l'ocafion des defordres qui e'toient pour lors en France , pour traverfer lesgenereusdefleinsdes Directeurs de cette Colonie naiflante, & rétoufer dans fon berceau. Pour cet effet, il y envoya Pierre CMekndez, avec fix grands navires , remplis d'hommes & de munitions de guerre, qui vinrent fondre fur elle le dix- ncufvie'me de Septembre, de l'an mil cinq cens foixante cinq. Monfieur de Lnudonicre% 6c le Capitaine RibauU, quiavoit ençore.amené tout fraichement un petit fecours à cette Colo* nie,. Chap, s DBs Iles Antilles. 421 nie , reconnoiffans félon leur prudence , & leur grande expe^ rienceen fait de guerre, que leur Place n'étoit pas en état de foûtenir un fiege , & que leurs forces étoient entièrement in- égales pour repouffer l'agreflèui, refolurent, par l'avis & le eonfentement exprés de tous les Officiers , de capituler & de fe rendre , fous les conditions les plus honorables que les af- fiegez ontcoûtume de demander. Pierre CMelandez,, leur acor- da la plupart des articles qu'ils avoient propofez 5 mais, aufli-toft qu'il fut entré dans la ForterelTe , & qu'il fe fur ren- du maiftre du corps de garde, il fauiTa la foy qu'il avoir don- née, & en violant le droit des Gens, fit cruellement mafia* crer non feulement les Soldats , mais même les femmes & les enfans qu'il y trouva; Le Capitaine Ribauld t fut envelopé dans ce mafiacre^ Monfieurde Laudoniere échapa heureufement, enfefauvant au travers des Marais, dans des vanTeaus nouvellement arri- vez de France , qui par bonheur étoient à la rade à deus lieues, de-là , en un fein qui étant couvert d'un cap fort haut, les avoit dérobez à la veuë des Efpagnols; Quelques autres Habi- tans,qui dés l'arrivée de l'ennemi,ayans preveu le periieminent quiles menaçoit , s'étoyent retirez de bonne heure dam les bois, gagnèrent à la faveur de lanuit, le village de Saturiova. leur bon amy, qui haïflant PEfpagnot les tint fous fa pro- te&ion , & leur fournit des vivres pour fubfifter honeftement jufques à l'an mil cinq cens foixante fét, que le Capitaine do Gourgues % étant defeendu à la Floride avec trois bons navires équipez à fes propres frais , & chargez de plufieurs braves hommes, & de toute forte de munitions de guerre, punit feverement la cruanté des Efpagnols. Car ce vaillant Capi" taine, ayant refoiu de tirer vengeance de l'injure qui avoir" ; efté faite à fa Nation , s'étant rendu maiftre de la même For- terelTe nommée la Caroline à l'aide des forces du Roy Satu- riova, qui vint en perfonne à l'afiaut gênerai , qui fut livré à la pointe du jour , fit paffêr au fil de l'épée tous les Efpagnoîs qu'il trouva non feulement dans cette place-là, qu'ils avoient' bien munie & reparée dépuis leur ufurpation , mais encore dans deusautres Forts , qu'ils avoient aufli bâti le longde cette cafter léquelsil brûla Ôc démolit , comme Ton le peut voir *4W 4zz Hi5TOUE Morale, Chap. s tout au long, au Chapitre douzième du Livre quatrième de ladefeription des Indes Occidentales du Sieur Jean de Laet. Les mémoires que le Capitaine de Gourgucs fit imprimer touchant Ton expédition en la Floride , pour fervir d'Apolo- gie à fon procède' qui n'étoir pas aprouvé à la Cour , nous aprenent , qu'un François nomme Pierre du Bre\ qui etoit l'un de ceus qui s'étoient réfugiez auprès du Roy Saturiova, pour éviter la cruauté des Efpagnols , lui raconta entre autres chofes, qu'il ne réchapade cemafîacre que dix hommes , du nombre déquels il étoit; Qujils trouvèrent tous une retraite âflurée dans les états de ce Prince, qui ne demein oit pas beau- coup loin de leur defolée Colonie: Que trois de ces rëcha-' pez, y moururent quelques mois après cette grande déroute : Quedefétqui reftoient il y en cutfix, qui furent tellement charmez du récit avantageus , que les fujets de Satnriovâ leur faifoient par chacun jour, des grands rrefors du Roy LMayra, delà puiffance d'un autre, qui fe nommoit Mâift qui commandoit à quarante Seigneurs , & particulièrement delagenerofité, &de la fage conduite du ParacouJJcd'^fpa. lâche, qui gouvernoit plufieurs belles & grandes Provinces, quiétoîentfituëcs au pied des montagnes 3 & quis'étendoient bien avant dans plufieurs agréables vallées qu'elles renfer- moient, qu'ils prièrent Saturioud qui les avoit recueillis fi cordialement, de leur vouloir donner des guides, qui les puffent conduire furémentjufquesaus frontières du Royaume de ce dernier, de qui ils av oient ouï dire ranr de merveilles, & nommément qu'il aimoit les étrangers , & que fes fujets écoient les miens policez de toute l'Amérique Septentrionale : Que Saïuriovœ voulant ajouter cette nouvelle faveur, à tou- tes les autres dont il avoir d-ëja-ufé envers eus , leur donna une bonne cfcortccompofée de l'élire de fes fujets , pour les me- nerauprésde tous fes Alliez , & même jufqu'au domaine du Hoy d'Apalache , s'ils dcf. roient de le vifiter. Nous recueillons encore , de la Relation dufuccés de ce voyage, que ces François entreprirent pour contenter leut curioïité, & employer utilement le teins c-ue leur di'gracc lcurfournifibir, qu'après qu'ils eurent vifiré k_s!tborcy fils de Saturiova , & la plupart des autres Princes fes bons voifins & alliez, Chap. S des Iles Antilles. 425 alliez, qui avoient leurs Seigneuries, le long d'une belle ôc agréable rivière , qu'ils apellent Seloy , il leur falut paiTer des rivières afifez larges & profondes , fur des branches d'arbres liées enfemble, traverfer des marais, grimper des montagnes, pénétrer des forets tres-épaiflès , où ils rencontrèrent plu» fleurs beftes farrouches , & cheminer prefque toû Jours par les égarées , pour éviter la rencontre des fujets de Timœgoa , qui avoit guerre contre Saturioua: Qu'avant que d'arriver fur les terres du Paracouffe d '\_Apakche , ils furent fouvent ataquez par des troupes de ces Sauvages , qui rodent inceûanment pat ces vaftes f olitudes : Que deus de leurs Guides furent tuez dans ces rencontres , & plufienrs autres dangereusement blefiez : Que les fujets de Timagoa ayant efpié & découvert leur mar- che, les avoient fuivis quelque tems , & que ne les ayant put ateindre, ils leur avoient drefie. des embufehes , pour tâchée de les y faire tomber à leur retour : Qu'enfin après avoir efîuyé une infinité de périls , ôc enduré fouvent beaucoup de faim ôc defoif, ils étoient parvenus à la Province de ^Matique, qui qui eft de la Souveraineté d' Apaiache : Que le Gouverneur de la ville tf^Ako'ùeka , qui eft la capitale de cette coiHrée4à\ Les fit conduire vers le Parakoùjfê, qui pour lors étoit venu vifiter la province dy\_s4mana : Que ce Prince leur fit un favo* rable acueïl , & leur témoigna tant d'amitié , qu'ils prirent la refolution , de renvoyer leurs Guides en leur pais, & de s'a*» fermir au milieu des Apalachites, puis qu'ils les trouvoien-fc m toutes chofes , tels qu'on les leur avoir décrits. ' Le fbuvenir des dangers que ces av&nturiers avoyent cou- rus, avant que de fe pouvoir rendre à M atiques , la vive âpre» Sienfion qu'ils avoient des dificultés qui leur étoient inevita* 3.1cs au retour , le peu d'efperance qu'il y avoir que les Fran- çois pritTent envie de faire un nouvel embarquement, pour •élever les ruines de leur Colonie : la beauté & la fertilité du ms , où la providence divine les avoit amenez , Ôc la dou* ;eur des meurs des Habitans, jointe à plufieurs autres confide- !ations de leurs propres intérêts, les convioitpuiiTanmentà i'arréter à ce bon deffein qu'ils avoient formé ; mais les Guides lue SâturiotiA leur avoit donnez, y faifoient de fi grandes ^pofitions & re&iontroient avec tant de chaleur ,, que -fers- eUSy, &ÀU " 424- Histoire Morale, Chap.s eus , ils n'oferoient point fe prefenter devant leur Seigneur, qui les avoit confiez à leurs foins , que pour compofer ce dife- rent, & les mettre à couvert du reproche qu'ils aprehendoient, lors qu'ils feroient retournez en leur terre; ils obtinrent que deusdeces François retourneroient avec eus auprès de Sa- turioua, pour y eftre témoins de toute la fidélité qu'ils avoient aportée , pour exécuter lacommifTion qu'ils avoient reccue de fa part. Cette même Relation.ajoûte, que ces quatre Voyageurs, qui s'armèrent volontairement au milieu des Apalachites, etansbieninftruits en la voye de Dieu, leur laifierent quel- que connoiflance de fa Majefté Souveraine , & du vray fervice qui luy doit eftre rendu en efprit & en vérité félon fa parole. Et les familles étrangères qui dépuis ce tems-là, ont pénétré dans ces Provinces , & qui s'y font afermies , écrivent , que lesHabitansde celle de Bemarw, ont encore à prefent la mé- moire fraîche de ces François , & que c'eft d'eus, qu'ils ont apris & confervé plufieurs termes de la langue Françoife , tels que font; Dieu* laTerre, Ami, le Soleil, la Lune, le Paradis , l Enfer , ouy , non , & plufieurs autres mots , qui font com- muns parmi ces Peuples , & qui font employez par eus , pour exprimer le même, qu'ils fignifient entre nous. Après la mort de ces quatre François , qui furent regrettez de tous les Apalachites, horsmis des Sacrificateurs du Soleil, qui leur portoient une haine irréconciliable , à caufe qu'ils détournoient le Peuple de l'idolâtrie , & le portoient à la con- noiiTance du vray Dieu vivant qui a crée le Soleil , & toutes les chofes qu'il éclaire : les Provinces qui font dans les vallées des montagnes d'^fpalates , & qui pour lors n'avoient receu qu'un bien foible rayon de la lumière celeite, fuflent facile- ment retombées dans les plus epaifles ténèbres de leur ancien- ne fuperftition , fi Dieu par un trait Singulier de fa providence rie leur eut envoyé quelques famillesd'Angleterre &d'Hirlan- de , qui à leur arrivée ralumerent ce petit feu , qui étoit caché fous la cendre, Ces Familles , ainfi que nous l'avons tirédes Relations, que Jes Habitans de la Colonie de la Palme nous ont envoyées, avoient efté contraintes de quiter la Virginie en l'an mil fix cent Chstp.s des lus Antîlles* 425 cens vint & un , à caufe des horribles maffacres que les Barba- res Originaires dupais , y faifoient pour lors, de tous les étran- gers qu'ils rencontroient, & elles s'étoient embarquées à def- fein de fe retirer à la neuve Angleterre : mais les vens leur ayans efté contraires , elles furent pouflees à la code de la Flo- ride, où le manquement de vivres les obligea de defeendre, & de s'arrêter fur le bord de la rivière de Seloy , & c'eft de là qu'elles paflerent en la Province de CMatique & puis en celles d' \-Amma & de Bemarin , fous la conduite d'une Compagnie d'Apalachites , cjui étoient defeendus à la cofte de la mer, pour y prendre leur provifion de fel, comme ils avoient acou- tumé de le faire en ce tems*là. C'eft dans ces belles Provinces , que ces Familles étrangè- res fe font acrues & fortifiées, y ayant attiré dépuis quinze ou feize ans la plupart des Indiens Habitans des lies de Roatam, delà Monaque & d'Outtia, qui font au Golfe d'Hondures, & un nombre aflfez confiderable de perfonnes de toutes fortes de qualitez & dediferentes nations,qui vivoient aus Lucayes prés du détroit fi célèbre de Bahama , & particulièrement quelques favans & zelez Eclefiaftiques , quife font fervis d'une retraite fi douce & fi favorable , pour s'employer ferieufement & fans diftra&ion à leur propre falut : & pour eftendre en fuite les li- mites du pur & ancien Chnftianifme , parmi ces pauvres Peu- ples , fi Dieu leur en donnoit les moyens. Nous aprenons auffi , par les derniers mémoires qui nous font venus de ces quartiers-la , que Dieu beniflant les louables intentions des Chefs & Directeurs de ces Familles étrangères qui fe font affociées dans ce religieus deflein , &- les incompa- rables foins de leurs Prédicateurs & Catechiftes, le Parakoujfe d'Apalache , s'eft fait inftruire par eus en la Religion Chré- tienne, qu'en fuite il a reçeu le Barème, & qu'afonexemple plufieurs de fes Officiers , & des principaus Chefs des familles de Bemarin ÔLjï<^fmand, & fur tout de la Ville de Melilot, ont aufti embrafle le Chriftianifme , avec beaucoup deconnoif- fance & d'ardeur : qu'outre les Pafteurs ordinaires qui ont la conduite des Eglifes formées, ils onr encore établi une fainte Compagnie d'Envoyez , ou de Miffronaires Euangeliques, qui comme leurs Coadiuteurs en l'œuvre de la prédication de Hhh la m* *2?6 Histoire Morale» Chap.& la parole de Dieu, travaillent avec une afliduité & une fidélité nonpareilles , à l'inltrudion de ce Peuple, & à recueillir des Eglifes en divers endrois de ce nouveau Monde, fous l'apro- bation& la direction des infpe&eurs &. Pafteurs ordinaires.de qui ils tiennent leur vocation extérieure, a ce facré mmiftere, & leur envoy particulier en cette belle moilTon du Seigneur : Que pour reuiïir en une fi fainte entreprife , ils ont première- ment apris en perfection la langue la plus connue desFlori- diens , & qui a le plus de cours parmi ces peuples j & qu'en fuite, ils ontdrefledes Efcoles en tous les lieus, où Dieu x aflemblé des Fidèles par leur prédication , afin que les grands. &lcpetisr ypuiflent eftre informez des facrezmifteresdela. Religion Chrétienne, & élevez en la vraye pieté par les in- structions familières du Carechifme, au même tems qu'on leur enfeigne à lire & à écrire. Ces mêmes mémoires ajoutent , qu'encore que le Para- kouffe d' Apalache ait receu le Batéme, & qu'il témoigne avoir beaucoup d'afection pour les étrangers dont Dieu s'eft fervi pour lui procurer ce bonheur y il eft neantmoins entré dépuis peu en quelque ombrage contre eus , & que dans i'aprehen- (ion que quelques uns de Ion Confeil luy ont fait concevoir,., que s'il leurfoufroit de s'acroiftre d'avantage, ils pourroienc avec le tems s'emparer de tout le gouvernement de l'état, il les apremierement difperfez en diverfes Villes & Villages de fes Provinces, afin qu'a l'avenir, ils ne foienr pas capables de faire en aucun lieu un corps aiTez confidcrable pour fomen- ter quelque party : & qu'en fuite il a ordonné , que tous ceus qui retrouvent à prefent dans fes pais, y pourront demeurer paisiblement, & y jouir de tous les mêmes droits & avanta- ges que fes fujets naturels , pourveu qu'ils n'entretiennent au- cune inrelligence au dehors , au préjudice de la tranquilité pu- blique : mais que l'entrée en fera déformais entièrement fer- inéei à tous les autres étrangers, qui auroient deflfein de s'y ve- nir établir. Ceus qui favent la nature de ce païs-là , difentque lesApa- lachites n'ont aucune jufteraifon de craindre, que les Euro- péens prenent jamais l'envie d'ufurper leurs Terres: Car ou- tre qu'il faudrok une allez puiifante armée pour exécuter une pareille Chap.S 0 es i i es Antilie s» 44^ pareille entreprife , & que les familles qui s'y font arrêtées de leur confeniement , ne font au milieu de ce grand Peuple, aucun corps confiderable , qui punie fubfifter de foy mê- me : ce pais étant fi recule' du refte du monde , & entièrement dépourveud'or, d'argent, de pierres precieufes, & de tou- tes les riches marchandifes,qui atirent & entretiennent le com- merce , il eft confiant, qu'il ne fera jamais recherché, ni en- vié avec beaucoup de paillon, des peuples de^l'Europe , qui ne pouffent des Colonies, que là où il yaefperance défaire du profit par le moyen du trafic. Joint , que quand ces Provin- ces auroient les racines de l'or, & les fou rces des perles , il n'y a point d'aparence, qu'on put trouver beaucoup de perfon- nés en l'Europe , qui vouluffent fe refoudre à paffertant de mers , pour aller finir leurs jours dans une Terre , qui eft éloignée prés de cent lieues de tous ports de mer, qui n'a auffi aucune rivière navigable , qui s'y vienne rendre pour faciliter le commerce,qui ne peut auffi efperer d'eftre rafraifehie de tant dedouceurs, qui font fubfifter avec honneur les autres Colo- nies de X Amérique , & pour le dire en un mot, qui ne peut promettre à fes Habitans, que ce qui eft precifement necef- îaire , pour le vivre & le vêtement. ARTICLE XII. Des mariages des ^Apalachites , de l* éducation de leurs en* fans , ejr des maladies aufqmlles ils font fujets , & des remèdes dont ils fe fervent. Bien que les Apalachites ne fe glorifient pas d eftre defeerï- dus des anciennes Tribus d'ifraëlj ils ont neantmoins ce- cy de commun avec elles , qu'ils ne prenent point de femmes hors de leurs familles , & fi quelques-uns d'entre eus en ufent autrement, ils s'expofent au mépris & au rebut de toute leur parenté 5 & outre, que de femblables mariages font facile- ment difouts , les enfans qui en naiffent, font incapables d'eftre Capitaines ou Chefs de familles , d'autant qu'ils font tenus parmi eus, au même rang que des bâtards. Hhli % Les 42* Histoire Morale, Chap. s Les jeunes hommes ne font pas beaucoup de cérémonies ni de recherches pour avoir des filles en mariage : parce que les parens de part & d'autre , ont fouvent convenu de tout cela par enfemble , lors que leurs enfans étoient encore fort jeunes: & les enfans font en ce point fi refpe&ucus envers leurs parens , & défèrent tellement à de pareils acords , qu'il n'y a point d'exemple parmi eus , d'aucuns qui ayent defavoué ce qu'ils ont traité en de pareilles rencontres. Ils peuvent e'poufer de leurs parentes, dans tous les degrez qui font au deTous de leurs feeurs. Ils ont toujours pris la liberté d'a- voir autant de femmes qu'ils en peuvent commodément en- tretenir : mais il n'y aquelapremiere, qui leur a efté donnée parleurs parens^ qui foit réputée pour légitime , & dont les enfans puilTent eftre avancez aus charges , & préférez à tous ceus qui nailTentdtis autres. Ils donnent pour l'ordinaire à leurs enfans mâles , les noms de leurs ennemis qu'ils ont furmonté, ou de leurs Villages qu'ilsont brûlez , ou même de leurs prifonniers de guerre qui font morts à leur fervice. Quant à leurs filles, ils les nomment de mêmes noms que leurs mères ou grand'meres ou aïeules qui font decedées, ayant toujours égard , qu'il n'y en ait au- cune dans leur famille qui foit encore en vie, qui porte le même nom : & au défaut des noms de cetie nature , ils en forgent d'autres félon leur caprice, aufquels, fi onles endoit croire , il y a beaucoup de mylteres cachez. Les femmes, élèvent tous leurs enfans jufqu'à Page de douze ans ou environ , mais quand les garçons font parvenus à ce terme , elles les confient entièrement aus foins & à la conduite de leurs maris, qui fe chargent dés-lors, de leur, éducation, les conduifant avec eus à la chalTe , àlapefche, au labourage, & à tous les autres exercices , dont ils tachent de les rendre capables. IlslesfalTonnent aulïiàtircr de l'arc & à lancer la zagaye de bonne grâce, & à f e parer de leurs bou- cliers contre les coups de flèches , & ils les mènent à la guer- re , quand ils font parvenus en âge d'en pouvoir fuporter la fatigue. Ils ont tous beaucoup d'amitié ponr leurs enfans, mais ils ne leur en donnent point tant de preuves extérieures que plu- Chap. S des Iles Antilies. 429 jplufieurs autres nations , qui font confifter l'amour qu'ils ont pour eus, en une infinité de carefles , & qui Tevaporent en mignardifes, dont les enfansabuzent le plus fouvent. Etbien que cette conduite des Apalachites, fembleun peu trop pan- cher du cofté de la feverité , Ion remarque toutefois par expé- rience , qu'elle n'abat point le courage à leurs enfans , & qu'elle n'éroufe en aucune fafïbn le feu & la vivacité qui eft re- quife , pour entreprendre quelque chofe de genereus. L'on ne voit aucun d'entre eus qui foit travaillé de la pierre, oudelagravelle , ni même des goûtes: ce qu'onatribuëàla fobrieté qu'ils gardent au boire & au manger, & aus exerci- ces aû*ez laborieus aufquels ils s'ocupent tous les jours de leur vie, comme aufîi à l'ufage fréquent de la Caffine, quieftune forte de bru vage fort eftimé parmi eus , qui eft compofé de la feuille de cet Arbre demême nom , dont nous avons déjà par- lé en plusieurs endroits. Car ils tiennent qu'il a la vertu , de faire rendre quantité de ferofitez parles conduits naturels , & de chaffer toutes les humeurs gluantes, qui leur pourroient caufer des obftru&ions. Mais ils font fort fu jets r lors notan- ment qu'ils deviennent viens , à de grandes douleurs de teftei à des foibleffes d'eftomac, &àdes demangeaifons , qui leur excitent des puftules par tout le corps, qurdegenerent four vent en des ulcères malins, qui deviennent incurables. Us n'ont point d'autres Médecins que leurs Iao'ùœs, qui méfient beaucoup de fuperftitions parmi les remèdes qu'il* prcfcriventàleurs malades. lis fe ferventau lieu de lancettes & de rafoirs , de certaines dens de poifîbns extrêmement arguës & trenchantes , d'ont ils font des incifions allez pro- fondes, fur les parties douloureufes de cens qui fe mettent entre leurs mains. Ils n'efïuyent point le fang-, qui coule des playes qu'ils ont fartes : mais après l'avoir fucé , ils le rendent promptement à terre. Les efearcelles qu'ils portent ataehées à leurs ceintures , font toujours garnies de diverfes fortes de graiffes , & de plusieurs feuilles , d'herbes , lefquelles iteaplv quent en forme d'emplâtres, fur les parties mal aâeclées de- leurs patiens. jls provoquent anffi des vomilTemens ■& des- fueurs, avec une poudre compofée de l'écorce d'une, forte: d'àrbrirTcau , & d'une efpece de coquillage calciné, qui ont; Hhh % ïm. tëm-i m* % $,$& .Histoire M o t a t «£ • Chap. g la vertu de produire ces éfets. Mais ces remèdes font fi vio lens, que les Européens qui ont eus laflurance d'en ufer, en ont efté dangercufement malades. Quand tous ces remèdes ordinaires n'avancent point la gue- rifon des malades , les laouas leurs prescrivent des bains > des fomentations , l'ufagedcs eaus minérales qui font au pied de la montagne d'Otaimy, & enfin , apre's avoir épuifé tous leurs fecrets, ils les font expofer au lever du Soleil , à la porte de leurs cabanes , dans la créance que les dous rayons de cet Aftre, feront plus puiflans pour leur rendre la fanté, que toutes leurs autres ordonnances. C'cft pourquoy, dans ces occurrences ils conjurent cette prétendue divinité, de vou- loir déployer fa vertu vivifiante en faveur de ceus qui lui dé- couvrans leurs maus, n'attendent leur guerifon , quedefes bénignes influences. Ces Médecins , qui font auflî Sacrificateurs du Soleil, com- me nous l'avons reprefenté, font fort eûimez parmi les Apa- lachites, car outre qu'ils acompagnent cette double profef- fion , de gravite , de modeftie , & d'une abftinence de toute forte de délices, & même de l'ufage des créatures, qui ont eues la vie fenfitive : ils ne peuvent point cftre promeus à ces charges , qui les obligent à mener une vie beaucoup plus reti- rée que celledu commun , qu'ils n'ayent faitl'aprentiÛagede toutes leurs fuperftitions au milieu des forets , & des plus afreufes fôlitudes, fous la conduitedes Chefs de leur Secte, qui durant trois ans entiers les exercent & les faflbnnent par plufieurs rudes épreuves, à tous les myfteres de leur profane difcipline. C'eft aufli durant ce tems-là , qu'ils ont à ce qu'ils racontent , d'étranges valions , & la communication fami- lière de certains cfprits folets , qui leur aparoiflans en diverfes figures , fe jouent de la fimplicité de ces miferables abufez, quiontl'adreiTe& la vanité , défaire pafler leurs rêveries, & les illufions de ces Anges de ténèbres qui les feduifent , pour des révélations divines, & des infpirations qui leur font en- voyées du Ciel. ARTI- Chap. * i>es Iles Antilles» ARTICLE XIII. 4M De rage ordinaire des ^ApaUchites 3 de leur mort , & ■ de leurs enterremens. LÈs Apaîachites , font prefque tous de fort longue vie, car il s'en voit communément qui paflent les cent ans , & en- core à prefent il s'en trouve plufieurs , qui ont atteint le cent Cinquantième. Ce qui ne doit point eftre tenu pour une nou- veauté' , ou pour une merveille extraordinaire ; puifque nous tifons au Chapitre dixième du livre quatrième de la De- fcription des Indes Occidentales , du Sieur de Laët, que Mr. de Laudoniere vifitant la cofie de la Floride, y vid un Roitelet, amy de ce Satttriova, dont nous avons tant parlé dans les articles preeedens , qui avoir plus de cent cinquante ans , & qui pouvoit conter de fes fils & petis fils , jufqu a I& cinquième génération; Ils embaument avec un artifice tout particulier , les corps Je leurs parens & amis décédez: car après en avoir tiré tous les inteâins, léquels ils ènfevefilTent au même lieu, où la îefte du corps doit eftremis à la fin de leur deuil , ils les plon- gent dans un baume precieus qu'ils refervent à cet ufage. Cette compofition eft faite de plufieurs fortes de gommes- iftringentes , & de quelques drogues aromatiques y qui ont avenu dedeiTéchèr les corps, & les preferver de corruption : k il eft confiant, qu'après qu'ils ont demeuré trois mois ou environ dans ce baume , ils en peuvent eftre tirez , fans qu'il ! aparoilTe aucune altération , & fanscrainte qu'ils fe corrom- pent à l'avenir. En fuite de cet embaumement, ils les revêtent le leurs plus precieu fes fourrures , & après les avoir enfermez: ians des cofres de cèdres, & confervez dans leurs maifons *'efpacc de douze lunes entières, ils les enterrent dans la fo* 'eft la plus voifine de leurs demeures , au pied de quelque ac* >re, avec beaucoup de pleurs & de lamentations. Il n'y a pas grande différence entre les enterremens du fïm± >le peuple & ceus des Capitaines , ou des Chefs de famille i: mis- ils obfervent quelque choie de particulier aus funérailles* dm m 43 1 Histoire Morale, Chap. % de leurs Parakoujfcs : Car après qu'ils les ont enbaumez avec tous les foins poffibles , ôc.qu'ils les ont couverts de leurs plus beaus habits, & parez de leurs chaînes & de leurs Colliers de cérémonies, ils les gardent trois années entières dans des Cofresdeboisprecieus, au milieu de la chambre où ils font décédez. Ce terme e'tant expire', ils les portent avec be u- coup de pompe au tombeau , que les héritiers du défunt oik faitereufer, à la pante de la montagne d ' olaimy , où depuis un tems immémorial, ils ont acoûtuméd'enfevelir leur Sou- verains: & fi toft qu'ils ont pofd les corps dans la grote, ils ferment l'ouverture avec de grofies pierres, qu'ils couvrent d'un grand amas de gazons de terre. Les Capitaines , & tous les autres Officiers & Chefs de fa- mille, qui ont affûté à ces derniers devoirs, après avoir jette beaucoup de cris & pleuré le défunt , attachent aus arbres voi- fins leurs arcs & leurs carquois pleins de flèches , leurs mafluës & leurs boucliers. Et les plus proches parens du défunt, plantent auprès de la caverne où ils ont mis le corps , un Cè- dre, ou quelque autre forte d'arbres precieus, qu'ils y entre- tiennent avec tous les foins qui font requis pour empefchei qu'il ne meure : & s'il arrive qui foit renverfé par les vens, ou qu'il vienne à fécher, ou à dépérir par quelque autre accident : ils ne manquent jamais d'en fubftituer un autre en la place, pour perpétuer entant qu'il eft en eus, la memoite du défunt parcefigne vifible. Pour témoigner leur deuil, & faire paroiftre la grande triftefTe qu'ils ont conceu'é de la mort de leurs parens, ils cou- pent une partie descheveusdeleur telle: mais lors que leur Prince eft decedé, ils les rafent entièrement, & ne les laiiTent point recroiftre , jufques-à ce qu'ils ayent porté fon corps au fepulcre, en la façon que nous venons de décrire. Pour véri- fier que les Cérémonies que les Apalachitcs obfervcntà em- baumer les corps de leurs parens , & à les conferver quelque temsdansdes cofres, avant que leur rendre les derniers de- voirs, neleureftninouvellc,niparriculiere5 le Sieurde Laét au Chapitre troifiéme du livre quatrième de fon Hiftoire déjà citée , raporte que les Soldats qui acompagnoyent Pamphilt 7{erveH4 , en fes expéditions du nouveau monde ^ fous la corn- Chap. S des Iles- Amt'iuîs, 41 j comtniffion de l'Empereur Chartes cinquième R.Qy,d'Efpagnç* quiluiavoitacordé le gouvernement de toutes les terres qu'il pourroit découvrir, dépuis la Rivière des Palm&£ * jufqu'aus derniers confins de la Floride, e'tansdéYcendusà la plus pro* chaine code du pais que nous décrivons , trouvèrent dans les cabanes que ces pauvres barbares avoyent abandonnées, in-; continent qu'ils eurent aperceu ces étrangers , qui étoyent rnunis d'armes à feu & montez à l'avantage : quatre grands Cofresdeborsprecieus, ouilyavoit pour touttrefor, des corps morts couverts de peaus de beftes fauvages. Ce que nous avons dit jufques~à prefent , des mariages des Apalachites , de leurs Médecins & de leurs Funérailles , ne. doit eftre entendu, que de ceus qui font encore dans l'idolâtrie. Car ceus que Dieu a honorez de fa pfecieufe connoifiance, 6c apeliezde leurs anciennes ténèbres J à la merveilleufe lumière de fon Euangile de grâce, ont leurs mariages réglez, dans les degrés permis par la Loy , &; fe 'tiennent arrêtez indiîfolu- blement à une feule femme. Ils ne fe fervent.point aufïi dans leurs maladies , des remèdes fùperfticieus des laoiïas.> mais après l'invocation du nom du Sauveur , qui eft le vray Soleil de juftice qui Comme dit l'Ecriture, porte la fanté dans fes ailes c'eftàdire en fes rayons, ils ufent de quelques (impies , que l'expérience leur aenfeigrié eftre très-propres à la guerifon de leurs maladies. Ils confient auffî à la terre , les corps de leurs frères en toute (implicite gravité , ■■& modeftie Chrétienne, dans l'efperance de la bien-heureufe refurredion , félon la pratique de l'Eglife primitive $ fuivans en cela, & en toutes autres chofes qui concernent le fervice divin , Tordre de leur Liturgie particuiierejaquelle eft entièrement tirée de la parole de Dieu,& fort aprochantede celle de l'Eglife d'Angleterre. Voilà la Digreflîon curieuCé , dont la recherche de lorigî- ne des Caraïbes nous a fourni le fujet & la matière,. Nous fou- haitons pour la clôture , que cette nouvelle Relation, qui eft bearcoup plus ample & plus exa&e , que celle que nous avions inférée en la première édition de cette Hiftoire agrée à ceus qui prendront la pêne de la lire, & qu'ils ayent la bonté de fuporter les défauts de nos expreffions quife font bien fou vent trouvées contraintes, entachant de rendre fidèlement & clai- l i i renient 43+ Histoire Morale, Chap. s rement en nôtre langue,le contenu aux mémoires qui nous ont efté confiez de divers endroits, & en langue difterenre, fur cet- te riche matiare. Au refte , ces Meilleurs qui converfent encore à prefent avec ce Peuple, ou qui demeurent dans le voifinage, nous ayans honorez de.toutesces excellentes & judicieufes remar- ques , que nous tenons de leur libéralité, comme il apert par leurs lettres, qui paroiflent au commencement de cet Ouvra- oc , feront toujours les irréprochables témoins, de la fidélité que nous nous fommes étudiez de garder, en les donnant au public, & les répondans de la vérité de tout ce que nous avons avancé après eus, en maniant ce digne fujet. 11 feroir à délirer qu'a l'exemple de ces genereus Habitans de la Floride, les autres Colonies de l'Amérique Septentrionale, nous informaflent aufTi à leur tour , de ce qu'elles ont de plus confiderable dans les pais où elles font-établies; car nous apre- nons qu'en la neuve Angleterre, qui fans contredit, eft la plus peuplée, & la plus fleuriflante de toutcs.il y a une infinité de ra>- retez, qui font tres-dignesd'eftre communiquées à notre Eu- rope: qu'il y a plusieurs belles & grandes places fort renômées, qui peuvent porter le nom de Villes: qu'il y a par tout de Eco- les aufquelles les enfans des Indiens font nourris & élevez en la vraye pieté , & en la connoifiance des lettres , avec ccus de la Colonie : qu'il y a même une Académie fort célèbre en l'u.- nede leurs villes , laquelle eft compofée entre autres , de plu- ficurs Do&eurs & ProfeiTcurs en Théologie , quienfeignent publiquement & gratuitement cette divine fcicncc, à tous ceus qui ont un faint defir de confacrer leur vie & leurs études , au fervice des Eglifes que le Seigneur a recueillies dans cette par- tie de nouveau Monde: «Se que leurs faints labeurs, y font en- core à prefent acompagnez de tant d'heureus fuccés , & de (1 grandes bénédictions du Ciel , que leur dernier Synode Natio- nal, droit compofé de plus de cent Pafteurs, qui y comparurent au nom de leurs Troupcaus, & qui y rendirent des folcmncllcs actions de grâces au Seigneur, de ce que de jour en jour, ilou- vroitlecccur de ces pauvres barbares, au milieu déquels fa provider.ee les a appeliez, pour entendre à l'Euangilc qui leur eft prefché, 6c en y croyant avoir part à fon alliance de grâce. CHA- Chap. 9 dis Iles Antilles. 4» CHAPITRE NEUVIEME. Vu Corps des Caraïbes , jourduy en eus un notable changement, de ce qu'ils e'toient autrefois. Ce qui eft arrivé , & en partie de ce que nous Eu- ropéens les ont déniaifez , & en partie anflï , car il le faut avouer à nôtre honte , de ce qu'ils les ont corrompus. Et fur ccfujet , Monfieur du kiontel nous rapporte en fes mémoires, que deus bons vieillards Caraïbes, avccléquelsilaconverfé familièrement, luydifoient iouvent en leur entretien. ,, Nos gens font devenus prefque comme vous, depuis ,, qu'ils vous ont veus : Et nous avons de la peine à nous ,,reconnoître nous-mêmes, tant nousfommes differens de ,,ce que nous étions autrefois. Aulîi notre Nation eftime^ ,, qu'àcaufe dece changement, les Ouragans font plusfre- ,, quens qu'ils n'étoient par cy-devant : & que ^Maboyn^ ,, (c'eft à dire , l'efpnt mdt») nous a mis fous la puiffance des ,, François, des Anglois, & des Efpaguols , qui nous ont „chaflezde la plupart de nos meilleures terres. 1 1 1. Ils peuvent avoir des talions de faire différentes , fé- lon la diverfité des lies , bien qu'ils foient un même Peupler comme nous le voyons dans la diversité des coutumes d'ua mêmeRoyaume, félon les quartiers, «5c les Provinces. De forte que par exemple, ceus qui ont le plus converié à la Do- minique r'apporteront des opinions, des coutumes,. & de* cérémonies des Caraïbes, qui .feront récitées diversement par des perfonnes qui les auront fréquentez ailleurs. Et néant- moins les uns & les autres feront une relation fidèle. I V. Comme dans le Continent de l'Amérique , les Cara'i, besquihabitenrbien avant dans la Terre, & qui voyent rare- ment les étrangers r retiennent beaucoup plus leurs anciennes, moeurs, & leur ancienne faffon de vivre > queceus quihabi- tans prés des Colonies Hollandoiles de Cayenne & de Bcrbi- ce, ont un commerce ordinaire avec les Chrétiens. Anfll en- tre nos Caraïbes Infulaires, ceus qui ont moins de communi- cation avec les Européens, tels que font ceus de Saint Vin- cent , font plus exacts obfervateurs de leurs vieilles habitudes, que ne le font par exemple , ou ceus de la Martinique, ou ceus de la Dominique, qui nous hantent davantage. V. C'eit pourquoy (i ceus qui ne les ont veus qu'en ces derniers lieus, ou qui ont appris de leurs nouvelles par des perfon- Chap.9 des Iles Antilles» 4î7 perfonnes qui ne les avoient pratiquez qu'en ces lieus Jà> trouvent dans la fuite de nôtre Hiftoire diverfes chofes qui ne s'accordent pas bien avec celles dont ils ont la connoiiTance, ils ne s'en étonneront pas s'il leur plaît, vcu que la plupart de nos mémoires, ont efté faits fur les Caraïbes de S. Vin- cent. VI. Enfin les Lecleurs feront avertis, que nous allons dé- crire pour la plupart les anciennes mœurs, & les anciennes coutumes de ces Caraïbes, afin que perfonne ne trouve étrange fi dans ce qu'ils pratiquent aujourduy, il y a quelque chofe qui ne s'y rapporte pas. Ces avertiffemens étant donnez, rien ne nous empefche de commencer ce que nous avons en- trepris, pour fatisfaire au titre de ce Chapitre. La plupart des Peuples que nous appelions Sauvages & Barbares, ont quelque chofe de hideus, 6c difforme, ou de defe£tueus,foiten leur vifage foitaurefle de leur corps : com- me les Hiftonens nous le rapportent des Maldivois, desHabi- tans du Détroit de Magellan & de plufieurs autres qu'il n'efë pas béfôin de nommer. Mais les Caraïbes font gens bien-faits , & proportionez de leur corps , affez agréables , la mine riante, de moyenne taille, larges d'épaules & déhanches , & prefque tous en affez bon* point, & plus robuftes que les François. Ils ont le vifage rond & ample , & pour la plupart les joues marquées de deus peti- tes fouettes dans le milieu. Leur bouche efl: médiocrement fendue, 5c leurs dents font parfaitement blanches & ferrées, 11 eft vray qu'ils ont le teint naturellement olivâtre , & que cette couleur s'étend même fur le bîa.nc de leurs yeus , léquels Hsont noirs , un peu petis, aufll bien que les Chinois & les- Tartares , mais fort penetrans. Ils ont auiïi le front & le aezr aplatis r mais par artifice, & non pas naturellement. Car leurs mères les leur preffent à leur naiffance, & continuelle- ment pendant tout le tems qu'elles les allaitent, (Imaginant qu'il y aencela.de la beauté & de la perfection, car fans cela ils auroient- le nez bien formé, & le front élevé comme nous. Ils ont les pieds larges & épatez, parce qu'ils vont nus-pieds : mais au reftefi endurcis, qu'ils font à toute épreuve, & dans ks bois & fur ks rochers, î iï s Hntrs* De Lery Chjp.%. Voyage deBrc- gnfon Hifl. de U Chine Uv. i. thap. 8. Carci- Uv. 8. 438 Histoire Morale, Chap. 9 Entre ccus du pais on ne voit ni borgne, niaveugle, ni boiteus, ni bofiu, ni chauve, ou qui ait de nature aucune dif- formité, comme on le témoigne au fil des Brefiucns, des Flori- diens, & de la plupart des Peuples de l'Amérique. Au lieu queceusquife {ont promenez dans le grand Caire, rappor- tent que parmy les rués on voit force borgnes , 3c force aveu- gles , ces infirmitez étant fi fréquentes, & fi populaires en ce païs-là, que de dix hommes, il y en a toujours cinq ou fix qui en font atteints. Mais s'il y en a quelques uns entre les Ca- raïbes qui foient difformes , ou perclus de quelque menbre, cela leur eu furvenu dans les rencontres , & dans les combats qu'ils ont eus avec leurs ennemis, &cesdifformitez ou ces flétriiTures, étant autant de preuves de leur valeur , font cfti- mécs parmy eus de bonne grâce, & giorieufes: bien loin de les mettre en danger d'citre aûommez , ou jettez en une fon- drière par leurs compatriotes , comme ces pauvres enfans qui parmy le Peuple deGuyana, & chez les Lacedemoniensdu tems, de Lycurgue, venoient du ventre de leurs meres im- parfaits & difformes. Il fe voit même de belles filles & de belles femmes entre les Sauvageftes Caraïbes. Témoin Ma- damoifellede RoOelan, femme de Montieur le Gouverneur de Sainte Aloufie. Tous les Caraïbes ont les cheveus noirs , comme les Chi- nois, qui pour cela font par fois nommez, le Peuple aiu che- , vem noirs. Ces cheveus des Caraïbes, ne font pas fnfezcom- ' me ceus des Mores, mais tout droits & fort longs comme ceusdes Maldivois. Et leurs femmes donnent toutes à cette couleur noire, le premier rang de la beauté pour la cheve- lure Onditaufîï, que les Indiennes du Pérou , ont tant de paillon pour les cheveus noirs, que pour donner à leur che- velure cette couleur, quand elle y manque; elles fe donnent des peines & des tourmens incroyables. Au contraire, en Efpagne plufieurs Dames pour fe teindre les cheveus de cou- leur d'or, les parfument de foufre, les trampent dans de l'eau forte, & les expofent au Soleil en plein midy, durant les plus violentes chaleurs de la Canicule. Et en Italie cette couleur de cheveus cftauui fort affe&écj témoin ce que dit un Poète au fu jet des Courtifanncs Romaines. Oque Chap.* des Iles Antilles. 439 O que ces Guenuches coiffées K^ivec leur poil fauve far art , ejrc. Les Caraïbes font fort foigneus de fe peigner, & eftiment" cela fort honnefte. Ils huilent leurs cheveus, & ont une in- vention pour les faire croître. Les femmes peignent ordi- nairement leurs maris & leurs enfans. Hommes & femmes trefient leurs cheveus par derrière, & les font aboutir en une petite corne , qu'ils fe mettent au milieu de la refte. Aus deus coftez ils les lailfent en mouftaches, félon la liberté naturelle. Les femmes divifent leurs cheveus en forte , qu'ils leur tom- bent des deus coftezde la telle 5 Et les hommes feparent les leurs en l'autre fens, c'eft à dire qu'ils les tirent fur le devant & fur le derrière de la tefte. Ce qui les oblige à en couper de defTus le front, parce qu'autrement ils leur tomberoient fur les yeus. Ce qu'ils faifoient autrefois avec de certaines her- bes tranchantes, avant-que d'avoir l'ufage de nos cizeaus. Outre ce qu'ils ont accoutumé d'en couper, lors qu'ils font en deuil. Au lieu qu'en Madagafcar les hommes ne coupent rien du tout leurs cheveus. Mais les femmes fe rafent entiè- rement. Ce qui eft tout à fait contraire à la coutume des Peuples, parmy léquels vivoit i'Apoftre Saint Paul. On n'apperçoit point du tout de barbe aus Caraïbes, s'il kur en vient ils l'arrachent , comme font les Brefihens , les Cumanois , & certains Peuples fumets de l'empire des Tarta* res, qui portent toujours un fer à la main, dont ils s'arra- chent tout les poils de- barbe qui leur croiffent de nouveau. Au refte, Tonne voit guère les Caraïbes en cette peine , Ôc ion croit qu'ils ont un fecret, pour empêcher- le poil de reve- nir, quand une fois il eft arraché ;. Invention qui euftefté fort commode aus anciens Romains. Car on tient qu'ils n'ont prefque point donné à leur barbe la permiffioo de croitre, que dépuis le tems de Y Empereur Adrien , qui le premier laif- fa croitre la (ienne. Jufques là , il étoit fi honorable parmy eus de ne porter point de barbe, que les efclaves n einTent ofé faire rafer la leur : Et même cela- étoit défendu à- tome perfonne aceufée de crime , comme pour mettre fur eus une marque d'infamie , jufqu'a ce qu'ils- euffenc efteabfous», ainfi quelerapporte: Aule-GelLe. Tout au contraire de ce qui fe Xj!** Carpm Berger 7 on* •r^M Tout cecy tFl rap- fërre par divers Htflo- rtens qutl fe- toit trop long de citer. 440 Histoire Morale, Chap. 9 pratique fous la domination du Grand Seigneur, qui fait ra- fer la barbe par ignominie. Ce qui arriva l'an 16 5 2 au Con- ful François d'Alexandrie, aceufé d'avoir mal-verfé en fa char- ge , & de qui la barbe étoit naturellement (î bien frifée, <5c d'une couleur blonde fi belle, que quelques Turcs luy ca voulurent donner une fomme d'argent bien confiderable, pour la garder par rareté'. Mais il aima mieus l'apporter en France. Les Caraïbes s'étonnent de voir nos Européens nourrir leur barbe, & trouvent que c'eft une grande difformité d'en avoir , comme c'eft en eus une belle perfection de n'en avoir point. Mais ils ne font pas les feuls des Sauvages , qui foient fantafques en matière de bienfcance & de beauté. Toutes les Nations Barbares, & même quelques civilisées, ont fur cela des goûts & des fentimens particuliers. Par exemple, on met pour beauté entre les Maldivois . d'avoir tout le corps velu , ce qui feroit parmy nous la beauté d'un Ours , & non pas celle d'un homme. Entre les Mexicains , d'avoir le front petit & pleinde poil. Entre les japonnois, de n'avoir gueres de cheveus: ce qui les oblige à les arracher (oigneufement, & à n'en laitier qu'un toupet au fommet de lateue. Entre les femmes Tartares , d'eftre fort camufes, Mais pour rele- ver les attraits de leur nez, elles le frottent d'un onguent fort noir. Entre les Guinois , d'avoir de grans ongles & le nez plat. C'eft pourquoy ils l'aplatiiTeiTt & l'enfoncent avec le pouce à leurs enfans , dés qu'ils vicnmmr au monde , comme font auftî les Brefiliens. Entre ccus de la Province de Cufco au Pérou , & quelques Indiens Orientaus , comme entre les Catecutiens & les Malabarcs , d'avoir les oreilles. extrême- ment grandes , & pendantes jufqucs fur les épaules. Aulîl quelques uns d'entr'eus, fe les font venir relies par artifice. Entre les Ethiopiens, d'avoir de grofies lèvres, & le teint noir & poly comme jayet. Entre les Nègres de Mofambi- que, d'avoir les dens extrêmement pointues: & ilsufcntdc la lime pourles rendre telles. Entre les Maldivois, de les avoir rouges, & pour cet éfet, ils mâchent continuellement du Petel. Entre les |aoonois & les Cumanois de les avoir noi- res ; aufïi les noircillént ils exprès. Entre ces derniers en- core, Chap. 9 J> E>S I £ E s An t i,u es. 44.1 cote, d'avoir le vtfage long, les joués maigres, & les jambes grofles par excès: Et- c'eft pour cela qu'ils preflent la telle de leurs enfans entre deus couffins à leur naiflance, &qu'auffi- bien que les Habitans de la Rivière d'Eire^uebe, ils fe tiennent ks jambes étroitement liées par le haut, & à -la cheville du pied , afin de les faire enfler. Entre quelques Péruviens, d'a- voir le vifage incifé & déchiqueté, comme à coups de lan- cettes , «Se d'avoir la telle platte «5c contrefaite , large de front, & fort étroite dépuis le front, jufqu'au chignon du cou. Et c'eft pour fe la rendre .de cette belle forme, qu'ils tenoient la tefte de leurs enfans preflee entre deuspetisais, dés le mo- ment de leur naiflance , jufqu'à l'aage de quatre ou cinq ans. Enfin entre quelques Orientaus , & quelques Africains , c'eft une grande perfedion aus femmes , d'avoir des mammellesà renverfer pardefius l'épaule. Et entre les Chinoifes, la prin- cipale beauté eft, d'avoir le pied exceffivement petit &gretle. Et e'eft pour cet eifet , que dés leur enfance on le leur ferre fi étroitement, qu'elles en font tout eftropiées , & qu'a peine fe peuvent elles foûtenir. Il feroit bien mal-aifé de décrire une beauté, furies opinions différentes de tous ces Peuples, Retournons aus Caraïbes. Ils vont nus entièrement, hommes & femmes, comme plufieurs autres Mations. Et fi quelcun d'eus vouloir cacher fes parties naturelles, il feroit moqué de tous les autres. Quel- que fréquentation que les Chrétiens ayent eue avec eus, i{ Leuraefté jufques à prefent impoffible de leur perfuader de fe couvrir. Que fi quelquefois en venant voir les Chrétiens, ou traitteravec eus , ils fe couvrent pour leur complaire, prenant unechemife, des calleflbns, un chapeau, & les ha- bits qu'ils leur ont donnez, aufll toft qu'ils font de retour chez eus , ils fe dépouillent , & mettent tous ces habits-là dans leurs Cabinets en parade. Pour échange de cette com- plaiflance des Caraïbes , quelques uns de nos François, étant allez au milieu d'eus, n'ont fait point de difficulté de fe dé- pouiller entièrement à leur exemple. Cette nudité règne au long & au large fous la zone Torride comme chacun fait. Quand on reproche aus Brefiiiens leur nudité, ils difent que nous venons nus au monde , & que c'eft folie de cacher Kkk le . ■ ■ U Blam 3. par. ijr\4 des Hol- En fort Livre des mœurs des an- tiens AÏ~ Umans. 44a Histoire Moule, Chap* le corps qui nous a eftè donné par la nature. Ceus du Roy- aume de Bennin en Afrique , font louables , de fe couvrir au moins lors qu'ils le marient, ou même plutoft , fi leur Roy le veut premettte. Les femmes des lies Lucayes , dévoyent aufli participer à cette louange , car elles avoyent accoutu- me'de fe couvrir, lorsqu'elles étoient en état d'être mariées, & folemnifoient cette action avec beaucoup de réjouùTance. Mais aujourd'huy cette coutume n'a plus de lieu: car cette pauvre Nation a été entièrement détruite par les Efpagnols, ou enlevée pour travailler aus mines, &iln'ya plus en tou- tes les lies qui portent ce nom, aucuns habitans naturels, mais feulement quelque peu d'Anglois, que l'on y a transportez, de l'Ile de la Vermoude. Venons aus ornemens de nos Sauvages. Ils changent leur couleur naturelle , par une couleur rouge qu'ils appliquent furleur corps. Car demeurant auprès des Ri- vières & des Fontaines , la première choie qu'ils font tous les matins, c'eft de s'aller laver tout le corps. Etc'eftce quepra- tiquoient les anciens AHemans comme Tacite le témoigne. Auiîi-toft que les Caraïbes font lavez ils retournent à la maifon , & fe féclicnt auprès d'un petit feu. Etant féchez, leur femme, ou quelcun de leur domeftiques , prend une Calebafle remplie d'une certaine peinture rouge , qu'ils ap- pellent Roucour du nom de l'arbre qui la produit , & lequel nous avons reprefenté en ion lieu. On leur frotte tout le corps, & même auffi le vifagede cette couleur, qui cftdé- meflée avec de f huile. Pour appliquer cette peinture ils fe fervent d'une éponge au lieu de pinceau , & ils nomment cet- te a&ion-là, fe Roucoùer. Et pour paroitre plus galans, ils fe font fou vent des cercles noirs à l'entour desyeus, aveedi* jus de pommes de Junipa. Cette peinture rouge, leurfert d'ornement & de couver- ture tout cnfcmble. ~Car outre la beauté qu'ils y trouvent* ilsdifent que cela les rend plus fouplcs&plus agiles, com- me de vray , les anciens Atletes fe frottoient d'huile , pour le même effet. De plus ils difent, qu'en fe Roucoiiant ainfi ^ il* fegarcntillent du froid delà nuit & des pluyes , dcspiquûres des Moufquites & des Maringoins-, 6c de l'ardeur du Soleil, qui — Chap. 9 des Iles Antilles. 44$ qui autrement leur cauferoit des é!euvres& des ulcères à la peau. Cette onëtion endurcit leur peau , mais au Ai elle la rend luifante, douce, & polie , comme le fa vent tous ccus qui les ont veus & touchez. La plupart des Sauvages fe peignent & s'ajuftent ainfi le corps bizarrement , mais non pas dé même couleur, ni de même façon. Car il y en a quife rougiftentlecorps, auiïi £>*k#»° bien que les Antillois Caraïbes, comme ceus du Cap de Lopes %#f_ Gonfalves: Mais les autres y employent d'autres couleurs, rkmen commele noir, le blanc, la couleur de châtaigne, le Zinzolin, f** f'* le bleu, le jaune, & femblables. Quelquesuns n'en mettent qu'une: D'autres fe peignent de plufieurs enfemble , & y re« prefenrent diverfes figures. Quelques autres fans s'appli- quer de couleur, fe frottent avec de l'huile de palmes. 11 y en à qui fe font huiler de baume , & faupoudrer tout le corps d'une menue poudre d'or. Et d'autres enfin s'oignent le corps d'une colle gluante, & fouinent fur cela du duvet de divers oifeaus : ou bien ils fe couvrent d'une patte gommée , & odoriférante, & y collent des plus belles fleurs quicroiflent en leur pais. 11 y aàchoifir dans toutes ces modes, & ceferoit un plaiîîr, que de voir tous ces pantalons danfer enfemble. On y pourroit joindre , pour rendre la troupe plus complerte, *p*& ces Pèlerins Turcs , qui portent ordinairement de longues J^ ' robes, faitesd'unmillion de pièces de toutes couleurs. Au refte , la mode de fe peindre le corps eft bien ancienne : Et entre autres monumens de cette antiquité, Pline ôc He- ïtim rodien nous recitent que certains «Peuples de la Grand Bre- L'v' tu- taigne, nayant l'ufage d'aucun vêtement , fe peignoient le ffi corp de diverfes couleurs , '& y reprefentoient même des enla *<* figures d'animaus : d'où ils furent nommes Pttfes ou Peints. dee ^^ Mais entre tous les Sauvages quife peignent aujourd'huy le corps , les Caraïbes ont l'avantage de fe parer, d'une couleur, que les Anciens ont fort honorée fur toutes les autres. Car on dit que les Gots ufoient de Cinnabrepour fe rougir le vi- fage. Et les premiers Romains au rapport de Pline fe peig- noient le corps de CMinwm le jour de leur Triomfe. Il nous Liv- *fc apprend que Camille en ufa de la forte. Et il ajoute , que les * **' '': jours de Êefte on enliiminoit ainfi le vifage de la ftatuë de Kkk 2 leur 444 Histoire Morale, Chap. ^ leur Jupiter : Et qu'autrefois les Ethiopiens faifoient fi grand e'tat de cette couleur vermeille , quelcuts ptincipaus Seig- neurs fe l'appliquoient fur tout le corps , & que leurs Dieus mêmes la portoient en leurs fimulacres. Nos Caraïbes, fe contentent pour l'ordinaire de cette peinture rouge , qui leur fert de chemife, d'habit, de manteau & de Juftaucorps. Mais en leurs jours folcmnels & de ré- jouilîance , ils ajoutent à leur rouge diverfes autres couleurs, dont ils Ce bigarrent le vifage & tout le corps. Mais ce n'eftpas de peinture feulement qu'ils ufent pour fe parer. Ils ornent lefommetde leur tefte , d'un petit cha- peau tiiïu de plumes d'oifeaus de différentes couleurs , ou d'un bouquet de plumes d'aigrette, ou de quelque autre oifeau. Ils portent aulu quelquefois une couronne de plumes, qui leur couvre toute la tefte. Ainfi voit on parmy eus, force te- ftes couronnées, bien qu'on n'y voye point de Rois. Encore les prendroit-on plutoft pour des Rois à leur couronnes de plumes, que l'on ne recennoitroit pour Prince, le Seigneur du Golfe d'Antongil, qui n'a pour fon feeptre & pour mar- que de fa dignité Royale, qu'une grande ferpe de Jardinier qu'il porte toujours avec lu y. Les femmes Maldivoifes, fe font à chaque oreille un dou- zaine de trous, où elles atachent de petis clous dorez, & quel- quefois des perles & des pierres precieufes. Les Dames de Madagafcar & duBrefil, fe font un grand trou a palier le pou- ce, au tendron de l'oreille, où elles fourrent des pendans de bois&d'os. Et les Péruviens fous le règne des Rois Yncas, avoientacoutuméde fe faire aus oreilles un trou d'une gran- deur incroyable , où ils attachoient des lacets longs d'un quart d'aune, qui foutenoient des pendans d'or, d'une largeur de- mefure'e. Mais nos Caraïbes, ne veulent qu'un petit trou à l'Européenne , au mol de l'oreille , ou ils mettent des arreftes decertainspoifibnsfort polies, des pièces d'écaillé de Caret, & de'puis que les Chrétiens font venus vers eus , des boucles d'or, d'argent, ou de leton, où ils attachent de beaus pendans d'oreilles, ils font ravis d'en avoir de cens que leur apportent nos gens , & favent fort biendiftinguer , & chérir fur tous les autres, ceus qui font de prix, ils font particulièrement ctat de Chap.9 des Iles Antilles. 44$ deceusquifontde Criftal, d'Ambre, deCoral, ou de quel- que autre riche matière, pourveu que la boucle, &toutl'en- richifiément foit d'or. Quelquefois on leur ena voulu don- ner, qui n'étoyent que de cuivre doré, & leur faire accroire qu'ils étoient d'or : mais ils les ont rejettez en difant , qu'on les vouloir tromper, & que ce n'etoit que de l'or de chau- dière. Et pour en fairel'épreuve, ils ont accoutume' de mettre la pièce en leur bouche. Bien au contraire de ceus de Ma- dagafcar , qui lors que les Hoilandois qui y navigerent en l'an mil cinq, cens quatre-vints quinze , leur offrirent une cuillier. d'argent, la mirent entre leurs dens, & Tentant qu'elle e'toit dure, la refuferent demandant une cueillier d'e'tain. Et Ton peut affez juger quel état ils faifoient de l'étain , puis qu'ils prefenterent une fille, en échange d'une cuillier de ce métal.. Hérodote nous recite, qu'autrefois parmy les Ethiopiens, le Lm*y> cuivre étoit plus eftime' que l'or, dont Tufage e'toit vil à un tel point , que L'on y lioit les criminels avec des chaines d'or. Les Caraïbes , fe percent auffi quelquefois les leures,. pour y faire palfer une efpece de petit poinçon , qui efl fait d'un os, ou d'une arreûe de poiffon. Ils ouvrent même l'entredeus de leurs narines , pour y attacher une bague , un grain de cri* fiai, ou quelque femblable gentileiTe. Le col,. & les bras de- nos Caraïbes ont auflfi leurs ornements ; Car ils y mettent des Colliers & des Bracelets, .d'ambre, de ralTade, de coral, ou de quelque autre matière qui ait du luftre. Les hommeSy portent les bracelets au gros du bras proche l'épaule: Mais les femmes en entourent leurs poignets , de même que celles, de ces contre'es. Ils parent encore leurs jambes de chaines deraflade, au lieu de jarretières. Ceus d'entr'eus qui n ont; poins de communication avec les Européens , portent ordi- nairement pendus à leurcoî,des flrrlets d'os de leurs ennemis,. » & de grandes chaines qui font compofe'es de densd'Agouty,, de Tigres , de Chats Sauvages , ou de petis Coquillages per.^ cez & liez par enfemble, avec une cordelette de rincotton^ teinte en rouge ou en violet. Et quand ils fe veulent mettre; fur leur bonne mine, ils ajoutent à tout eelades Bonets , dès» Bxac-elets- qu'ils lient fous les criailles , des écharpes ?J & dès & Mit % ccir>- *f;iv:,'fe 44$ Histoire Morale, Chap.9 ceintures de plumes, fort induftrieufement tiflues par un agréable affemblage, léquelles ils laiiïcnt flotter fur leurs épaules , ou pendre dépuis le nombril, jufques au milieu de leurs cuifies. Mais les plus confiderables de tous leursornemens, font, de certaines grandes médailles de fin cuivre extrêmement poly, fans aucune grauvre, qui ont la figure d'un croifiànt, & font enchalTées en quelque bois folideôc precieus. Ils les nomment Caracolti en leur langue j Elles font de différente grandeur, car ils en ont défi petites , qu'ils les attachent à leurs oreilles en forme de pendans, & d'autres qui font environ de la lar- geur de la paume delà main , léquelles ils portent pendues au col, d'où elles battent fur leur poitrine, llsont cesCaracolis en grande eftime , tant par ce que leur matière , qui ne con- tra&e jamais de roùillure, eft éclatante comme l'or: qu'à caufe que c'eft le butin le plus rare & le plus prifé , qu'ils rem- portent de courfes qu'ils font tous les ans , dans les terres des Arouàgues leurs ennemis: Et que c'eft la livrée, ou le col- lier qui diftingue les Capitaines & leur enfans , d'entre les hommes du commun. Ceus-là auftî qui ont de ces joyaus en font un tel cas, qu'en mourant ils ne lailTent autre héritage à leurs enfans, ou à leurs plus intimes amis : Et il y en a tel par- my eus,qui garde encore un Caracolis de fon Grand Pere.dont il ne fe pare qu'aus plus grandes rejouilïances. Les femmes , fe peignent tout le corps & s'ajuftent prefque comme les hommes, horsmis quelques petites différences que nous avons déjà remarquées , & qu'elles ne mettent point de couronnes deflfus leurs teftes. Elles ont aufli cecy de particulier, qu'elles portent desdemyebottines , qui neleut defeendent que jufques à la cheville du pied. Cette efpece de chaufïure eft fort proprement travaillée, & terminée par le haut & par le bas d'une petite rotonde tiflue de jonc & de cotton, qui leur ferre le gras de la jambe, & le fait patoitre plus remply. CHA- Chap. io des Iles Antilles. 447 CHAPITRE DIXIEME. ^marques Jur la langue des Caraïbes, NOus avons defleinde donner à lafin de cette Hiftoire pour la fatisfa&ion des eurieus un aflfez ample Voca- bulaire du langage des Caraïbes. C'eft pourquoy nous nous contenterons de faire en ce Chapitre les Remarques principales, qui en pourront faire cônnoître la grâce , la dou- ceur & les proprietez. i . Les Caraïbes ont un Langage ancien & naturel, & qui leur eft tout particulier, comme chaque Nation a le fien. 2. Mais outre cela , ils en ont formé un autre , qui eft bâ- tard & méfié de piulieurs mots étrangers , parle commerce qu'ilsont eu avec les Européens. Sur tout ils ont emprunte beaucoup de mots des Efpagnols , par ce cjue ce fout les pre- miers Chrétiens qu'ils ayent abordez. 3 . Ils fe fervent tou jours.entr'eus , de Leur Langage ancien & naturel. 4. Mais lors qu'ils eonverfent , ou qu'ils négocient avec- que les Chrétiens, ilsemployent leur Langage corrompu. 5. Outre cela ils ont un fort plaifant baragoin, lors qu'ils veulent entreprendre de parler en quelque Langue étrangère. Comme lo r s qu'i ls d i fen t , Compère Gouverneur j emp 1 oy aoe ce mot de Compère généralement envers tous cens, qui font leurs amis où leurs a liiez. Àinfi ils dkoient tout franchemen r3 s'il s'en ptefentoit occafion, Compère Roy . C'eft atifli un de leurs complimens de dire à nos François , avec un vifage rianr, \^Ahfitoy bon pour Caraïbe , moybon pour France : Et lors qu'ils veulent fe louer de nos gens , & témoigner qu'ils e n font fors Satisfaits , Ciïïouche bon France pour Caraïbe. Ainfi difent ils rncore iMaboya mouche fâche contre Caraïbe , tors qu'il tonne du qu'ils fait un Ouragan*. Et, CMoy mouche Lunes -, pour ignifier qu'ils font fort âgez. lis ont aufïi fort fouvent ces pa~ rôles en la bouche , lors qu'ils reconnouTent que nos gens, feulent abufer de leur (implicite* Camper ey,toy trompe Caraée:* WM M 44* Histoire Morale, Chap.9 Et on les entend dire fouvent lors qu'Us font en belle humeur, CMoy bonne Caraïbe. 6. Au rcftc,bien que les Caraïbes de toutes les Iles s'enten- dent tous universellement entr'eus,ce n'eft pas à dire pourtant, qu'il ne fc trouve en quelque une, quelque dialecte différent de celuy d'une autre. 7. Le P. n'eft guère en ufage en leur Langue : Mais hors de cela on n'y remarque aucun défaut de lettres , comme en la Langue du japon, duBrefil, & de Canada , qui fe trouve dans ladifette d'F. L. R. Ouencelledu Pérou , quimanque deB. D. F. G.I. Jota, & X. au rapport des Hiftoriens. s. Leur Langage eft extrêmement dous, & fe prononce prefque tout des lèvres, quelque peu des dents, & prefque point du goder. Car bien que les mots que nous en donnerons cy-aprés , femblent rudes fur le papier , ncantmoins lors qu'ils les prononcent, ils y font des élifions de certaines let- tres , & y donnent un certain air qui rend leur difeours fort agréable. Ce qui oblige Monfieur du Montel à leur rendre „ ce témoignage, je prenois dit-il, grand plaifir à le.$ écouter, ,, lors que j'étois parmy eus, & jenepouvois alTez admirer „ la grâce, la fluidité, & la douceur de leur prononciation, ,, qu'ils accompagnent d'ordinaire d'un petit foûris, qui a „ beaucoup d'agréement. 9. Ils ont la prononciation plus douce que les Caraïbes du Continent : Mais d'ailleuts ils ne différent qu'en dia* lede. 10. D'unfeulmot, félon qu'il eft diverfement prononcé, ils lignifient plufieurs chofes différentes. Par exemple, le mot d ' ^An han lignifie i.Quy , 2. le ne faypœs, 3 .Tien ou Pren^ félon la prononciation qu'on luy donne. 11. Pour nous, nous ne pouvons prononcer cette Langue avecque toute la grâce, & toute la douceur qui luy eft natu- relle j à moins que de l'avoir apprife dés le bas âge. 12. Ils s'écoutent patiemment les uns les autres, 6c ne s'in- terrompent point dans leurs difeours : Mais ils ont accoutu- mé de poufier un petit ton de vois, au bout de trois ou quatre périodes de celuy qui parle, pour témoigner la fatisfa&ion qu'ils ont de l'oùir. 1 3 . Quel- Chap. ïo des Iles A n t i l l e S. 449 13. Quelque avantage que nous ayons fur eus, ou pour les facultez naturelles de l'cfprk, ou pour la douceur de la prononciation, qui nous devroit augmenter la facilité de pro- noncer leur Langue, neantmoins ils aprénent plus facile- ment la nôtre , que nous n'aprenons la leur , comme il fe re- conncjit par l'expérience. 14. Nos François ont remarqué , qu'ils ont grande aver^ fion pour la Langue Angloife, jufqu a ne pouvoir fourTrir qu'on la parle devant eus , par ce qu'ils leur font ennemis. Que s'il fe voit dans leur langage corrompu plufieurs mots tirez de l'EfpagnoL, qui eftauflileur ennemy, c'efl qu'ils le» ont a pris, durant le tems qu'ils avoient communication avec cette Nation-là , & quelle ne les avoit pas encore mal- traitez, 15. Ils font fort foignetas, de ne point communiquer leur langue, de crainte que les fecrets de leurs guerres ne.foienc découverts. Ceus même d'entr'eus qui fe font faits Chré- tiens , ne veulent pas révéler le fonds de cette Langue , dans Ja créance qu'ils ont , que cela pourvoit prejudicier à leur Nation, 1 16. Voicy quelques unes des propriétez les plus particu- lières à leur Langue. Et premièrement, les hommes ont beaucoup d'expreûlons qui leur font propres , que ies fem- mes entendent bien , mais qu'elles ne prononcent jamais: Et les femmes ont auiTi des mots 6c des frafés, dont les hom- mes n'ulênt point, à moins que de fe faire moquer. De là vient > qu'en une bonne partie de leur entretien , on dirpit que les femmes ont un autre langage que ies. hommes^ comme on le pourra reconnoitre en notre Vocabulaire, par .ladifterencedesfaiTonsde parler dont. les hommes & les fem- mes fe fervent , pour exprimer une même chofe. Les Sauva* ges de la Dominique , difent que cela procède de ce que lors que les Caraïbes vinrent habiter les Iles, elles étoient occu- pées par une Nation d'(Arouâgues , qu'ils détruifirent entie- .rement, à la referve des femmes qu'ils épouferent, pour peu- pler le pais. De forte que ces femmes- là ayant confervé leur Langue, l'enfeignerent à leurs filles, & les acoutumerenr à parler comme elles, Ce qui s'étant pratiqué jufques à prefent LU par l'ï ,: l gP' 'yfatŒi 4$o Histoire Morale, Chap. 10 parles Mères envers les tilles ? ce Langage eft ai .Ti demeuré différent de celuy des hommes en plufieurs chofes. Mais les garçons , bien qu'Us entendent le parier de leurs Mères & de leurs feeurs, fuivent neantmoins leurs Pères & leurs frères , & fe falTonnent à leur Langage, dés l'âge de cinq ou fix ans. Pour confirmer ce que nous avons recité fur l'origine de cette différence de Langage, on allègue qu'il y a quelque conformi- té entre la langue des Arouàguesdela Terre Ferme, & celle des femmes Caraïbes. Mais il eft à remarquer que les Caraï- bes du Continent, hommes & femmes , parlent un même lan- gage , nayant point corrompu leur langue naturelle, par des mariages avec des femmes étrangères. 17. Les vieillars , ont plulieurs termes qui leur font afire- dez, «5c plufieurs faffons de parler particulières, qui n'ont point d'ufage en la bouche des jeunes gens. 18. Les Caraïbes, ont auiîi un certain langage , dont ils fe fervent feulement entr'eus , lors qu'ils prenent des rc (aimions de guerre. C'eft un baragoin fort difficile. Les femmes & les filles n'ont aucune connoifiance de ce langage myftericus, ni même les jeunes hommes , jufques à ce qu'ils ayent donné des preuves de leur generofité, & du zélé qu'ils ont, pour la querelle commune de leur Nation contre leurs ennemis. C'eft afin que leurs delïeins. ne foient pas découvers avant le tems. 19. Pourfairc leurs cas, leurs perfonnes, leurs mec u fs, & leurs genres , ils n'ont point de particules feparées comme nous: mais ils allongent leurs mots de quelques fyllabes ou de quelques lettres, au commencement ou à la fin, & ils en changent quelques unes. Ainfi difent ils à l'impératif , Bayou- baka , marche: mais à l'indicatif , 2(jyoubakayem , je marche. Et de même Babmaka, danfe 7{abinakayem , je danfe. Ce qui a du rapport, avec la falïbn dont fe forment les Ver- bes Ebreus. 20. Les noms indéfinis & abfolus, font peu enufage par- my eus ; fur tout les noms des parties du corps : mais ils font prefquc toujours rclrreints à une première , à une féconde, ou à une troifïéme perfonne. 2i. La première perfonne fe marque ordinairement par une Chap. 10 D E 5 I £ E S A NjT I L L É S. 45 r une N. au commencement du m-otv T^ichic , maftefte. La féconde par un B.Bùktc, tatefte. Et latroifie'meparune L. Lichk , fa tefte. 22. Le genre neutre & abfolu eft exprime' par un T. Jïchic , la tefte: Mais cela eft peuenufage. 23 . Ils ont des noms differens < pour parler aus perfonnes mêmes, & d'autres pour parler d'elles. Ainfi difent ils Éaba, mon Père: en parlant à luy: Et roumain, en parlant de luy» Bibï ma Mère, en parlant à elle, & Ichanum , en parlant d'elle. Ce qui avec la différence du langage des hommes & des fem- mes, des jeunes Ôcdesvieus, de l'entretien ordinaire , & dès confeils de guerre, doit fans doute multiplier beaucoup les mots de leur langue. 24. Leurs noms propres, ont fouvent de lafignifkation, & font pris dediverfes rencontres, comme nous le verrons plus particulièrement au Chapitre de la NaùTance & de l'édu- c ion de leurs enfans. 25. Ils ne nomment jamais le nom d'une perfonne, en fa prefence : Ou bien par refped ils ne le nomment qu'à demy. 26. Ils ne difent jamais le nom entier ni d'un homme, ni d'une femme: mais bien celuy des enfans : Ainfï ils diront, le Père ou la Mère d'un tel : Ou bien ils diront le nom à moi- tié , comme par exemple, Mala , au lieu de dire Mala Kaali ; ôc Hiba pour Hibdomon. 27. Les Oncles & les Tantes, tout autant qu'il y a dans la ligne collatérale, font nommez Pères & Mères par leurs Neveus. Ainfi l'Oncle eft il appelle Baba, c'eftàdire Père, Mais quand ils veulent lignifier expreflement le vray & propre Perey ils ajoutent par fois un autre mot, en difant Baba tinnaca. 28. Suivant cela, tous les Confins s'appellent aufll Frères, & toutes les Coufines Sœurs, 29. Mais de CoufinàCoufine, le Coufin appelle fa Cou- fine, Youeïlteri, c'eftàdire proprement, ma femelle, ou mon accordée, parce que naturellement entr'eus , leurs Coufines, leur font aquifes pour femmes. 30. Ils nomment les mois des Lunes \ ôc les années des Foufiinièrcs* LU a 31. Ce rn* M mm mm 452 Histoire Morale, Chap.ro" 31. Ce font icy enfuite , quelques traits de la naïveté <3c de Te'legance de leur langage. Nous ne ferons pour la plu- part que marquer ce que leurs mots fignifient , fans exprimer les mots mêmes, pour ne les pas mettre deus fois fans neceffi- te , parce que nous les donnerons cy-deflbus en nôtre Vo- cabulaire. 3 2. Pour fignifier qu'une chofe eft perdue , ouqu'elle eft rompue, ils difent ordinairement qu'elle eft morte. S y. Ils nomment un Capucin Père ^Aioupa : Et le mot JC^Aïoupd fignifie en leur langue un Couvert ou un Appenty, De forte que c'eft comme s'ils difoient, que c'eft un homme où il y a de quoy fe mettre à couvert, à caufe de fon grand Co- puce. Ils le nomment auili par raillerie, une Guenon, ou une Barbue, à caufe de fa longue Barbe. 34. Un Chre'tien, un homme de CWer-, à caufe que tel Chre'tiens font venus vers eus en des navires. 35. Un Lieutenant, La trace d'un Capitaine, ou CequipiU roit après luy. 36. M on Gendre , Ce tuy qui me fait de petits enfans-* Mon Cadet, Ma moitié. Ma Femme , CMon cœur. Un Garçon , Vn petit s mafie. Un Fille , Vne petite femelle. Les Efpagnols & les Anglois , Ennemis contrefaits^ Etôutounoubi, parce qu'ils font vêtus, enlesoppofantà leurs Ennemis qui font nuds , & qu'ils nomment fimplemens Etôutou, c'eft à dire Ennemis. 42. Un Fol , Celuy qui ne voit goutte , ou qui n'a point dt- lumière, 43. La paupière, la couverture détail. 44. Les cils , le poil de l'œil. 45. La prunelle, lenoyaude l'œil. 46. Lalévre, le bord de la bouche. Le menton , lefoutien des dens. Le col , lefoutien de la te /le. Le bras & une aile s'expriment par un même mot. Le pouls ïamedeUmain. Les Aliemans font à peu pre's 37. 38. 40. 4L 47. 4*. 49. S©. Chap. lo des Iles Antilles. 4$3 prés une composition femblable, lorsqu'ils appellent un G and , lefoulier delamain. 5 r. Les doits, les pet is ou les enfans de la main. 52. Le pouce, le Père des doits 7 ou ce qui leur eff oppo/e. C'cft juftement r«»Zk«e des Grecs. 53. Les Jointures , chofe ajoutée % ils nomment encore ainfî une pièce mife fur un habit, $4. LavetTie, le vaijfe au de l'urine^ 55. Le jarret , ce qui tire la jambe. $ 6 . La plante du pied , le dedans du pied. 57. Les orteils, lespetis, ou les en/ans du pied. 58. Dix , tom les doits de la main. 59. Vint, tous les doits de i mains 7 é* tous Us orteils des- pieds. 60. 61. 62. 63. 64. Un Piftolet , petite arquebufe. » Un Chandelier , ce qui tient quelque chofe. Des épines , le poil de l arbre , ou les y eus de l'arbre. L'arc-en-ciel, la plume ou lepannache de Dieu. Le bruit du tonnerre , Trtrguetennu 65. Cette langue, a an fïi dans fon abondance & dans fe naïveté, quelques défauts qui luy font particuliers $ dont tou- tefois il y en a quelques uns, quiluy doivent moins tourner à blâme qu'à louange, 66. Les Caraïbes ont en leur langue naturelle peu de noms d'injure ôc de moquerie; Et ce qu'ils difent ordinaire- ment de plus ofrenfif en leurs railleries, eft , Tu nespasbon, ou Tu es adroit comme une Tortue-, ■- 67. Ils ne favent pas non plus , les noms de plufieurs vices. Mais les Chrétiens neleurcnaprenent que trop* Ainfi l'on admire au langage de Canada , qu'il n'y a point de mot qui réponde à ctlvxy- àc pecbh Mais il faut tout dire; M n'y en a- point aufli qui exprime la vertu. : 6$. Ils n'ont point de noms pour exprimer Vhyver7 h: glace ) la grefie , m la neige, carilsnefaventcequec'eft. 69. Ils ne peuvent exprimer, ce qui ne tombe point fous îesfens : excepté qu'ils nomment quelques efprits & bons & mauvais : Mais hors de là ils n'ont point de mot pour figni- iïer les autres chofes fpirituelles , comme l'entendement, fa. L IL h memoi^ "M ■ 454 Histoire Morale, Chip. îo mémoire à la volonté. Quant à Famé , ils l'expriment par le mot de cœur. 70. Ils n'ont point auffi les noms des Vert m , des Sciences, des ^yirts t de suite tiers, nidcplufieursdenos armes 5c de nos outils , (i ce n'eft ce qu'ils en peuvent avoir appris, depuis leur commerce avec les Chrétiens. 71. Ils ne favent nommer que quatre couleurs, auxquel- les ils rapportent toutes les autres: le blanc , le noir t le jaune, & le rouge. 72. Ils ne peuvent exprimer un plus grand nombre , que vint: Et encore l'expriment ils plaifamment, étant obligez comme nous avons dit, à montrer tous le doits de leurs mains , & tous les orteils de leurs pieds. 73- Lors qu'ils veulent fignifier un grand nombre, où leur conte ne peut atteindre , ou bien. ils montrent leurs che- veus , ou le fable de la mer: Ou bien ils répètent plufieurs fois le mot de mouche , qui fignifie beaucoup 5 Comme lors qu'ils difent en leurbaragoin , CMoy mouche , mouche Lunes % pour faire entendre qu'ils font fort âgez. 74. Enfin, ils n'ont point de comparatifs ni de fuperlatifs. Mais au défaut décela, lors qu'ils veulent comparer les cho- fesentr'elles , & qu'ils en veulent élever une au deflus de tou- tes les autres , ils expriment leur fentiment par unedémon- ftration allez naïve & allez plaifante. Ainfi , quand ils ont deûein de reprefenter ce qu'ils penfent des Nations Euro- péenes dont ils ont la connoiflance , ils difent de l'Efpagnol «Se del'Anglois, qu'ils ne font point du tout bons: DuHollan- dois, qu'il eft bon comme la main , ou comme unecoudéej Et du François , qu'il eft comme les deus bras , qu'ils éten- dent en même tems, pour en montrer la grandeur. Auili eft: ce la Nation Chrétienne, qu'ils aiment fur toutes les autres 5 ParticuÏÏerement ceus des François qui ont été à la guerre avec eus. Car à ceus-là, ils fontpart de tout leur butin. Et toutes les fois qu'ils retournent de la guerre , bien que ces gens- là n'ayent pas été de la partie , ils ne laiuent pas de leur envoyer de leurs dépouilles. CHA- Chap.n des Iles Antilles. 455 CHAPITRE ONZIEME. T>u Naturel des Caraïbes , & même-, ils les ont veufouvent éclater en des occafions , où les plus gais d'entre nous faifoient à peine un fouris. Leurs entretiens entre eus , font ordinairement de leur chafle , de leur pefche, de leur jardinage , ou de quelques an- tres fn jets fort innocens^ Et lors qu'ils font en la compagnie des étrangers , ils ne fe fâchent jamais des rifees qui fe font en leur prefence , & ne les prenent pas , comme fi l'on avoit def- fein de fe moquer d'eus. Toutefois, au lieu que les Sori- quois. Nation de la Nouvelle France, fe nomment eus mê- mes , Sauvages , ne fâchant ce que cela fignifie , ces peuples s'offencentfort,. fi on leur donne ce nom-là, quand on. leur parle. Car ils entendent ce mot , & difent qu'il n'appartient quaus beftes des bois. Ils ne veulent pas non plus être nom~ mez Cannibales , bien qu'ils mangent la chair de leurs enne~ mis ^ Ce qu'ilsfont pour aflbuvir leur rage & leur vengeance, & non pour aucun goût qu'ils y trouvent plus delicieus , que dans les autres viandes dont ilsfc nourriflent : Maison leur fait grand plaifir de les appeller Caraïbes , parce que c^eft un 45^ Histoire Morale» Chap.n nom qui leur femble glorieus, marquant leur courage & leur generofité. Car en effet ce ne font pas feulement les Apala- chitesdu milieu déquels ils font venus , qui par ce mot ligni- fient un belliqueus , un vaillant homme , doué d'une force <5c d'une dextérité particulière au fait des armes. Les Arouâ- guesmême, leurs Capitaus ennemis , ayant fouvent expéri- menté leur valeur , entendent par là, lamêmechofe, bien qu'ils expriment auiïï par ce mot , un Cruel , àcaufedesmaus que les Caraïbes leur ont fait fentir. Tant y a que nos fauva- ges Antillois aiment fi fort ce nom-là, qu'ils difent perpétuel- lement a nos gens , Toy François , moy Caraïbe. Leur naturel, au relie, eftdous& bénin ; Et ils font fi en- nemis de la feverité , que fi les Nations qui les tiennent pour £fcJaves, comme font les Anglois", qui par rufe en ont enlevé plufieursdeslieusdeleurnaiffance, les traittent avec rigueur, ils en meurent fouvent de regret. Mais par la douceur on gagne tout fur eus ; tout au contraire des N égres , qui veu- lent être menez avec rudeffe, autrement ils deviennent info- lens, parefieus, & infidèles. Ils nous reprochent ordinairement nôtre avarice, & le foin déréglé que nous avons d'amaffer des biens pour nous & pour nos enfans , puifque la terre eft fi capable de donner la nourriture à tous les hommes , pourveu qu'ils veuillent prendre tant foit peu de peine à la cultiver. Aulfi quant à eus, ils font entièrement libres du foucy des chofes qui appar- tiennent à la vie, & incomparablement plus gras& plusdif- pos que nous ne fommes. En un mot , ils vivent fans ambi- tion, fans chagrin, fans inquiétude, n'ayant aucun defird'a- querir des honneurs, nid'amafTcr des richefles : méprifant l'or & largent , comme les anciens Laccdcmonicns , & com- me les Péruviens, & fe contentant également, & de ce que la nature les a fait être , & de ce que leur terre fournit pour leur entretien. Que s'ils vontàlachafleou à la pêche, ou qu'ils abbatent des arbres pour faire un jardin , ou pour fc bdtir des maifons , qui font des occupations fort innocentes, & fort convenables à la nature de l'homme, ils font tout cela fans cmprcflcmcnt , par manière de divertiflement & de récréa- tion, & comme en fe jouant. Chap.n des Iles Antilles. 45? Sur tout, ils s'étonnent quand ils voyent que nous efti- nions tant l'or, veu que nous avons le verre & le Criital, qui» félon leur jugement, font plus beaus , &par confequentplus a prifer. Etàcepropos, Benzoni, Hiftorien Milanois, nous recite en fon Hiftoire du Nouveau Monde, que les Indiens deteftant l'avarice demefurée des Efpagnols qui les fubju- „guerent, prenoient une pièce d'or , & difoient. Voicy le ,, Dieu des Chrétiens 5 Pourcecy ils viennent de Caftille en ,, nôtre pais , pour cecy ils nous ont rendus efclaves, nous „ont bannis de nos demeures, & ont commis des chofes ,, horribles contre nous: pour cecy ils Te font la guerre en* „tr'eus: pour cecyils fe tuent les uns les autres : pourcecy „ils font toujours en inquiétude, ils querellent, ils d'éro- ,,bent,ilsmaudifient,ilsblasfement: En fin, pourcecy il n'y „ a ni vilenie, ni méchanceté où ils ne reportent. Pour nos Caraïbes, quand ils voyent les Chrétiens trilles 5c plein d'ennuy, ils ont acoutumédeleuren faire doucement, ,, la guerre en leur difant, Compère (carc'eft un mot qu'ils ont appris , & dont ils fe fervent ordinairement pour té- moigner leur bonne volonté, comme leurs femmes aulfî appellent nos Européenes, Commères, pour une marque „ d'amitié) tu es bien miferabled'expofer ta perfonneàde Ci „ longs & defidangereus voyages, & de te laiffer ronger à „tantdefourcis& de craintes. La paillon d'avoir des biens ,, te fait endurer toutes ces peines, & te donne tous ces fâ- ,,cheus foins: Et tu n'es pas moins en inquiétude pour les „ bien que tu as déjà aquis , que pour ceus que tu recherches ,, encore. Tu appréhendes continuellement que quelcun ne „ te vole en ton pais ou fur mer , ou que tes marchandifes ne ,, faffent naufrage, & ne foient englouties dans les eaus. Ainii „ tu vieillis en peu de tems , tes cheveus en blanchiffent , ton „ front s'en ride, mille incommoditez travaillent ton corps, „ mille chagrins te minent le cœur, & tu cours à grand' hafte >,vers le tombeau. Que n'es-tu content des biens que ton „païs te produit? Que ne méprifes tu les richefles comme nous > Et à ce fu jet , eft remarquable le difcours de quelques Brefiliens à Vincent le Blanc, Ces richeffes, difoient-ils, ï-t*t. «que vous autres Chrétiens pourfuivez à perte d'haleine rhap' l. Et s'emportent elles ,, avec que vous au tombeau ? Ils tenoient à peu près le mê- C*^.i). medifcoursàjeande Lery, comme il le rapporte en Ton Hi- ftoirc. Les Caraïbes , favent aulTi fort bien <5c fort emfatiquement reprocher aus Européens, comme une injufticc mamfeftc, ,, l'ufurpation de leur Terre natale. Tu m'as charte , dit ce i, pauvre peuple , de Saint Chriftofle , de Niéves , de Mont- f, ferrât, de Saint Martin , d'Antigoa , delaGardeloupe.de ,,la Barboude, de Saint Euftache, &c. qui ne t'apparte- „ noient pas, & où tu ne pouvois légitimement prétendre. ,, Et tu me menaces encore tous les jours de m'oiter ce peu ,, de pais qui me refte. Que deviendra le miferable Caraïbe > ,,Faudrat-il qu'il aille habiter la mer avec les poiflbns? Ta ,, terre eft, fans doute, bien mauvaife, puis-que tu la quittes „pour venir prendre la mienne : Ou tu as bien de la malice, >, de venir ainfi de gayeté de cœur me perfecuter. Cette plainte n'a pas un air trop Sauvage. Lycurgue ne permettoit pas à fes citoyens de voyager, craignant qu'ils ne priffenr des mœurs étrangères. Mais nos Sauvages auroient bien befoin de grand voyages, pour fe dé* barbarifer, s'il eft permis de parler ainfi. Et cependant, ils ne font pas feulement exems de cette convoitife invariable, qui fait entreprendre de fi grans & fi perilleus voyages aus Chrétiens , & traverfer témérairement tant de terres & tant de mers: mais ils n'ont même nulle curiofité de voir les au- tres contrées du monde, aimant leur pais plus que tous ceus qu'on leur veudroit propofer. Et comme ils cftiment que nous ne devrions pas être plus curieus, ni moins amateurs du nôtre , ils s'étonnent fort de nos voyages. En quoy . cer- tes , ils ont l'honneur de rellémbler à Socratc, à qui Platon rend ce témoignage, qu'il éroit moins forty d'Athènes pour voyager, que les boiteus & les aveugles: & qu'il ne délira jamais de voir d'autres villes , ni de vivre fous d'autres loixj N'étant pas en ce point , non plus queces Caraïbes, de l'opi- nion des Perfes,quidifcnt en commun proverbe, qucceluy qui n'a point voyagé par le monde, refcmble à un Ours. Les Crito». Chap.n des lus A H T I U E 5, 459 Les Antillois ne font pas feulement fans aucun de fi r de voyager 5 ils ne veulent pas même fouffrir que l'on cnmene perfonne des leurs en une terre étrangère, fi ce n'en: que l'on promette exprefiement, de le ramener bien-toft. Mais s'il arrive par malheur qu'il meure en chemin , il ne faut pas faire état de retourner jamais parmy eus- car ils vous pren- nent en une haine mortelle, & il n'y a point de reconciliation à efperer. Mais s'ils n'ont point de curiofité pour les chofes qui font éloignées, ils en ont beaucoup pour celles qui font proche d'eus, jufqueslàquefionouvre un coffre en leur prefence, il leur faut montrer tout ce qui eft dedans , ou bien ils fe tien- droient desobligez. Que s'ils agréent quelque chofe de ce qu'ils y voyent , encore qu'il ne foit que de très-petite valeur» ils donneront ce quils ont de plus beau &de plus précieus pour l'avoir, afin de contenter ainfi leur inclination. Pour le trafic, il eft vray que lorsqu'ils ont parTéFenvie de ce dont ils ont traitté » & qu'ils ont reçeu en échange , ils s'en dediroient volontiers. Mais le fecret pour leur faire tenir leur marché , eft de leur dire qu'un marchand doit eftre ferme en fa parole. Quand on les piqueainfi d'honneur, & qu'oui leur reproche qu'ils n'ont pas plus de confiance que des en- fans, ils ont honte de leur légèreté. Le larcin eft tenu pour un grand crime parmy eus* En quoy véritablement ils fe montrent plus raifonnables que Lyeur- gue, qui nourriflbit en ce vice les enfans de Lacedemone, ?ïma^ comme en une occupation fort louable, pourveu qu'on s'en iute*u aquitaft finement & avec fouplefle. Mais comme les Caraj- I«JL bes haiflent naturellement ce péché, aufîi nefcvoit-Upoint &1**- au milieu d'eus 5 ce qui eft aflçz rare chez les autres Sauvages : Car la plupart font larrons- Et de là vient que quelques une.s Letite& de leurs Iles en portent le nom. ***** Pour les Caraïbes , comme ils ne font point enclins de leur *om°' nature à dérober, ils vivent fans défiance les uns des autres. Tellement que leurs maifons & leur héritages font à l'aban- don, fans portes nf clôtures, comme les Hiftoriens le té- r«?^* moignent des grans Tartares. Que fi on leur dérobe la ron, ni aucun autre d'entr'eus, ne la touchèrent jamais. Ce qui eft fans doute, une grande retenue pour de telles gens. De Lery Linfcot & Ss- mtdtk Mt\ 46i Histoire Morale, Chap. 11 Il eft vray , qu'une partie d'eus ont dégénéré de cette clia- ftcté, & de plufieursautresvertus.de leurs anccltres. Maisil eft certain aulli , que les Européens par leur pernicieus exerru pies , & par le mauvais traitement dont ils ont ufé envers eus, les trompant vilainement, taufiant lachemeit en toute ren- contre la foy promife, pillant & bruflant impitoyablement leurs maifons & leurs villages , & violant indiguement leurs femmes ôcleurs filles, leur ont appris, à la perpétuelle infa- mie du nom Chrétien , ladiflimulation , lemenfonge, latra. hifon , la perfidie , la luxure, & plufieurs autres vices, qui leur étoientprefque inconnus, avant qu'ils eiuTent eucommerce avec eu?» Au refte , ces Sauvages , tout Sauvages qu'ils font, ont de la civilité & de la courtoifie au delà de ce qu'on pourroitfima* giner endes Sauvages j Ge n'eft pas fans doute , qu'il n'y ait quelques Caraïbesforr déraisonnables & fort abbrutis. Mais au moins ponr la plupart, témoignent ils du jugement & de la docilité en beaucoup de rencontres, & ceus qui les ont pra- tiquez un long tems, ont remarqué en plufieurs divers traits d3honefteté& de reconnoifîance , d'amitié & de generofité. Mais nous en-parlerôns plus particulièrement au Chapitre de la réception qu'ils font aus étrangers , qui leur vont rendre vifite. Ils ont aufïï la propriété en fi grande recommandât ioa (chofebien extraordinaire encore entre les Sauvages) & ont Ci grande horreur des ordures , que fi Ton en avoit fait en leurs jardins où font plantez leur Manioc Scieurs Patates, ils les abandonneroient aufll toft, & ne voudroienr plus fe fervir des vivres qui y feroient. Nous verrons plus amplement leur propreté & fur ce fujet & fur quelques autres, aus Cha* pitres de leurs Habitations & de leurs Repas. CHA- Chap. 12 des CHAPITRE DOUZIEME. De la JimpUcitè naturelle des Caraïbes. L'Admiration étant fille de l'ignorance , on ne doit pas trouver étrange, que les Caraïbes , qui ont fi peu de lu- mière & de connohTance de toutes les belles chofès, que l'étude & l'expérience ont rendues familières parmy les Nations civilifécs, foyent faifis ou de quelque puiftance fuperieu- te, iieftmellé de tant d'extravagances, & enveloppé de (î profondes ténèbres, que l'on -ne peut dire que ces pauvres* <;toi ' " * m 47^ Histoire Morale, Chap. i $ gens ayent connoiffance de Dieu. En effet 9 les Divinitez qu'ils reconnoiffent , & auquelles ils rendent quelque hom- mage , font autant de Démons , qui les feduifent , & qui les tiennent enchainez fous leur damnable fervitude. Bien que quantàeusneantmoins , ils les distinguent d'avec les Efprits malins. Ils n'ont aucuns Temples ni Autels , qui foyent particuliè- rement dédiez, à ces prétendues Divinitez qu'ils reconnoif- fent, ils nefont auiïi aucun Sacrifice à leur honneur de cho- fe qui ait eu vie 5 Mais ils leur font feulement des offrandes de Caftaue, & des primices de leurs fruits»* Surtout, quand ils croycnt avoir efte' guéris par eus de quelque maladie, ils font un vin, ou un feftin à leur honneur, & pourreconnoif- fance, ils leur offrent de la Caflaue&du Ouïcou. Toutes ces offrandes font nommées par eus <^€n&cri. Leurs maifons étant faites en ovale, & le toit allant jufqu'à terre, ils met- tent à l'un de bouts de la café leurs offrandes, dans des vaif- feaus,felonla nature de la chofe, fur un oufurplufieurs Es Iles Antilles; 477 tent aufli en cela , la coutume de leurs Confrères, comme nous l'avons déjà reprefenté cy deflus. Mais c'eft une chofe aiïurée; & que tous ces Sauvages reconnoiflent tous les jours eus-mêmes par expérience , que le Malin n'a pas le pouvoir de les maltraitter , en la Com- Pa çnie d'aucun des Chrétiens. Aufli , dans les Iles où les Chrétiens font méfiez avec eus , ces malheureus étant perfe- cutez par ce maudit adverfaire, fefau vent à toute bride dans les plus prochaines maifons des Chrétiens , où ils trouvent un azile & une retraitteaflùrée , contre les violentes attaques de ce furieus agrefleur. C'eft aufli une vérité confiante , & dont l'expérience jour- nalière fait foy dans toute l'Amérique, que le Saint Sacre- ment du Batême étant conféré à ces Sauvages , le Diable ne les b^t & ne les outrage plus tout le refte de leur vie. 11 fembleroit après cela , que ces gens dévroient fouhaitter avec palTion d'embraffer leChriftianifme, pourfe tirer une bonne fois des griffes de ce Lyon rugiflanr. Et de vray , dans les momens qu'ils en fentent les cruelles pointes en leur chair , ils fe fouhaittent Chrétiens , & promettent de le de- venir. Mais auffi-toft que la douleur eft pafTée, ils fe mo- quent de la Religion Chrétienne & de fon Batême. La mê- D*'LVV me brutalité fe trouve parmy le peuple du Brefil. thap i%4 Oot £ %* e£J\° III m 47* HisTOt-RE Morale, Chap.14 CHAPITRE QUATORZIEME. Continuation de ce quon peut appeller Religion parmj les Caraïbes ; de quelques unes de leurs Traditions : & dufenùment qu'ils ont de l'immorta- lité de l'ame. NOus avons veu dans le Chapitre précèdent, com- ment les Efprits de ténèbres , épouvantent durant la nuit par des fpe&res hideus, & des reprefentations effroyables les mifcrables Caraïbes, & comment pour les en- tretenir dans leur erreur, & dans une crainte fcrvile de leur -prétendu pouvoir , ils les chargent de coups s'ils n'acquief- centprontément à leurs malignes fuggeftions , & qu'ils char- ment leurs fenspar desillufions, & des imaginations étran- ges, feignant d'avoir l'autorité de leur révéler les chofes fu- tures, de les guérir chc leurs maladies, de les venger de leurs ennemis, & de les délivrer de tous les périls où ils fe rencon- trent. Apres cela fe faut il étonner, (i ces Barbares qui n'ont point fçeu difeerner ni reconnoitre l'honneur que Dieu leur avoit fait, de fe révélera eus en tant de belles créatures, qu'il a mifes devant leurs yeus pour les conduire à la lumière de leurs enfeignemens , ont efté livrez en un fens reprouvé , s'ils font encore à prefent deflituez de toute intelligence pour ap- percevoir le vray chemin de vie , & s'ils font demeurez fans cfperance & fans Dieu au monde. Mous avons auffi reprefenté, que quelque effort qu'ils ayent fait, pour étoufertouslcsfentimensdela Divine Juftî- cc, & de fon droit, en leurs confcicnces 5 ils n'ont ncantmoins pii faire en forte, qu'il ne leur foitrefté quelque étincelledc cette connoifianec, qui les reveille, 6c leur donne de tems en tems t de diverfes craintes & apprchenfions d'une main van- gereffe de leurs crimes , mais au lieu d'élever les yeus au Ciel pour en implorer le fecours, & fléchir par confiance & par amandement de vie , la Majefté Souveraine du vray Dieu qu'ils Chap.14 des lus Antilles. 47^ qu'ils ont offen fé, ils defcendent jufqucs au profond des en- fers , pour en évoquer les Démons par les facrileges fuperfti- tions de leur Magiciens , qui après leur avoir rendu ces fune- fles offices , les engagent par ces infâmes liens , en la déplora- ble fervitude de ces cruels tyrans. Ces fureurs , transportent ces pauvres Barbares jufques-là, que pour avoir quelque faveur de ces ennemis de tout bien,' & apprivoiferces tygres , ils leur rendent plufieurs menus fer- vices. Car ils ne leur confacrent pas feulement les prémices de leurs fruits : Mais ils leur dreflent auffiles plus honorables tables de leurs feftins j ils les couvrent de leurs viandes les plus délicates , & de leurs bruvages les plus délicieuse ils les çonfultent en leurs affaires de plus grande importance , & fe gouvernent par leurs funeftes avis ; ils attendent en leurs maladies , la fentence de leur vie ou de leur mort de ces déte- ctables oracles , qu'ils leur rendent par Pentremife de ces mar~ moufets de Cotton, dans lefquelsils enveiopent les os ver- moulus de quelque malheureus cadaure, qu'ils ont tiré de fort fepulcre j Et pour détourner de deffus eus la pefanteurde leurs coups , & divertir leur rage , ils font fumer à leur hon- neur par le miniftere des Soyez, des feuilles de Tabac j ils peio-, nentaufli quelquefois leurs hydeufes figures, au lieu le plus eonfiderable de leurs petis vaifieaus qu'ils appellent Pyr et 4S4. Histoire Morale, Chap. 14 C'eft tout ce que porte la Tradition Caraïbe , & l'on pou- voit bien la coucher icy toute entière, veu que c'eft la feule qui fe conte entre ce Peuple ignorant, quine Te met point en peinedefavoirlenom, & la qualité de cet aimable & celefte Bienfaiteur, qui les a tant obligez, ni de luy rendre aucune reconnoiflfance , & aucun honneur. Les Payens étoient bien plus curieus d'honorer leurCerés, dont ils diloient tenir le froment, & l'invention d'en faire du pain. Et les Péruviens, quoy qu'ils ne connurent pas le grand Pachacamac , c'eft à di- re ecluy qu'ils tenoient pour Pâme de l'univers , & leSouve- Uffo i.z. rain Auteur de leur vie & de tous leurs biens, ne laiftbient thAf.1. pag £c l'adorer enleurcœur avec beaucoup de refpect & de vénération , & de luy rendre extérieurement par leurs geftes & par leurs paroles, de grans temoignages.de foumilhon & d'humilité', comme au Dieu Inconnu. Les Caraïbes , croyent qu'ils ont autant cTames chacun d'eus, comme ils fentent en leurs corps de battemens d'artè- res, outre celuy du cœur. Or de toutes ces âmes la principa- le , àcequ'ilsdifent,cftaucœur, & après la mort elle s'en v* au Ciel avec fon Iche'm, ou ion chemim, c'eft à dire avec fon Dieu, qui l'y mené pour y vivre en la compagnie des autres Dieus. Et ils s'imaginent , qu'elle vit de la même vie que Phomme vit icy bas. C'eft pourquoy ils tuent encore au- jourd'huydesefclaves fur la tombe des morts, quand ils en peuvent attraper qui fuftent au fervice du défunt , pour l'allée fervir en l'autre monde. Car il faut favoir furcefujet, qu'ils ne penfent pas que lame foit tellement immatérielle, qu'elle foit invifible : Mais ils difent , qu'elle eft fubtile & déliée com- me un corps épuré : Et ils n'ont qu'un même mot, pour lignifier le cœur & Pâme. Quant à leurs autres âmes, qui ne font point dans le cœur, ils croyent que les unes vont après la mort faire leur demeure fur le bord de la mer, & que ce font elles qui font tourner ksvaiiTcaus. Ils les appellent Oumc'kou. Les autres à ce qu'ils eftiment, vontdcmeurer danslesbois, & dans les forets, ÔC ils les nomment des Ulïaboyas. Bien que la plupart de ce pauvre Peuple croyc l'immorta- lité de Pâme, comme nous venons de le dire: ils parlent fi con- Chap.14 dés Iles Antilles. 4*5 confufément & avec tant d'incertitude , de l'état de leur amè feparée du corps , qu'on auroit plutôt fait de dire qu'ils l'ig- norent entièrement , que de rapporter leurs "rêveries. Les uns tiennent , que les plus vaillans de leur NationYont portez après leur mort en des Iles fortunées, où ils ont toutes cho- fes à fonhait, & que les Aroiuigues y font leurs Efclaves. Qu'ils n'agent fans laflitude en de grans & larges fleuves , & qu'ils vivent delicieufement, & parlent heureufement le tems en danfes en jeus & en feftins , enuneterre qui produit en abondance toutes fortes de bons fruits fans eftre cultivée. Et au contraire, ils tiennent, queceus qui ont efté lâches & craintifs d'aller à la guerre"contre leurs ennemis, vont fervir après leur mort les Arouagues , qui habitent despaïsdeferts &fteriles, qui font au de-là des montagnes. Mais les autres, qui font les plus brutaus, ne fe mettent point en peine de leur étatapreslamort : ilsnyfongent ni n'en parlent jamais. Que fi on les interroge la delfus , ils ne favent que répondre , & fe moquent des demandes qu'on leur fait. Ils ont neantmoins tous eu autrefois quelque créance de l'immortalité des âmes 5 mais groffiere & bien ofeure , ce qui fe peut recueillir de cérémonies de leurs enterremens, ôt des prières qu'ils font aus morts de vouloir retourner en vie, comme nous le reprefenterons plus amplement au dernier Chapitre de cette Hiftoire: & de ce que les plus polis d'en- tr'eus, vivent encore à prefent en cette perfuafion , qu'après leurs trépas ils iront au Ciel, où ils difent que leurs devanciers font déjà arrivez : mais ils ne s'informent Jamais du chemin qu'il faut tenir, pour parvenir à ce bien-heureus fejour. Aufîi quand leurs Boyez , qui contrefont les Médecins , defefpe- rent de les pouvoir guérir de leurs maladies , & que les Dia- bles leur ont prédit par leur bouche, qu'il ny a plus de vie à attendre pour eus 5 ils ajoutent pour les confoler, que leurs Dicus les veulent conduire au Ciel avec eus, où ils feront pour toujours à leur aife, fans crainte de maladie. La créance des Calecutiens fur cet article , vaut encore moins que celle de nos Caraïbes , & c'eft une extravagante dïp% inmortalité que leur Metempfîcofe : car ils croyent que rard p. leur ame au fortir de leur corps , fe va loger en celuy d'un \y™* % J?sy/tge m PP 3 BufRe, r«yez> Carct- lafft l. x. t'h.tp. 7. iian de 4S6 Hutoué Morale, Chap. 14 Buffle , ou de quelque autre Befte. Les Brdiliens font icy plusraifonnables: carilseftimcnt qucles âmes desméchans, vont après la mort avec le Diable, qui les bat & les tourmen- te: mais que les âmes des bons vont danfer & faire grand chère en de belles plaines, au delà des montagnes. Etc'cft une chofe plaifante & pitoyable toutenfemble , que la plu- De Lety part des Sauvages Américains, mettent dans la danfe leur l'on- *f, i*. veraine félicité de l'autre vie. La reiurre&ion des corps, eft parmy les Caraïbes une pure rêverie 5 leur Théologie eft trop obfcure , pour les éclairer d'une fi belle lumière. On admirera fans doute , dans les pau- vres Virginiens , un petit rayon qui s'y trouve de cette vérité facrée, veuquee'et une matière, où les anciens Payens non plus que nos Caraïbes , n'ont veu goutte. 11 en apparoit aufli AatiT ^ue,cîlie étincelle chez les Indiens du Pérou , àeequedifent la plupart des Auteurs. Au refte, bien que les Caraïbes ayentflpeude connoif- fance& de crainte de Dieu, comme nous l'avons reprefenté, ilsnelainent pas de redouter merveilleufement fa voix, c'eft à dire le Tonnerre: Cette épouvantable voix qui gronde dans les nuées, qui jette des éclats de flammes de feu, qui ébranle les fondemens des montagnes, ôcqui fait trembler les Nerons & les Caligules même. Nos Sauvages donc auiî]- tot qu'ils appercoivent les approches de la tempefte , qui ac- compagne ordinairement cette voix, gagnent prontement leurs petites maifons, fe rangent en leur cuiiine , & le mettent fur leurs petis fieges auprès du feu, cachant leur vifage & les Moluquois les imitent dans ces lamentations, & dans ces frayeurs , lois qu'il arrive une JEclipfe. Ileftbien vray^ que dépuis que les Caraïbes ont eu la com- munication familière des Chrétiens , il s'en trouve quelques- uns, qui témoignent en apparence aflez de confiance & de refolution pour ne point craindre le Tonnerre. Car on en a veu , qui ne faifoient que rire lors qu'il éclattoit le plus forte- ment, & qui en contrefaifoientlë bruit, dïfant par manière de chant, & de raillerie, un mot que l'on a peine à écrire, êc dont le fon revient à peu prés à ces lettres Trtrquetenm. Mais il eft auffi très- confiant , qu'ils font une grande violence à leur inclination naturelle, quand ils feignent de n'avoir point peur du Tonnerre, & que ce n'eft qu'une pure vanité, qui les pouf^ fe à contrefaire cette afîurance , pour perfuader à eeus qui le* voyent, qu'en cesoccurrences , ils n'ont pas moins de gene- rofité que le Chrétiens. Car quelques-uns des nos H abitans de la Martinique , qui les ont furpris dans leur Quartier lors; qu'il tonnoit & qu'il éclairoit , difent , qu'ils ont trouvé, mê- me les plus refolus d'entr'eus, qui trembloient de frayeur dans leurs pauvres Cabanes. Or ce trouble & ces épouvantemens qu'ils fontparoitre à; l'ouïe de cette voixceleftc, ne font ils pas un erret tout vifi- ble , du fentiment d'une infinie de fouveraine puiflànce , im- primé par la; nature dans Fefprit de tous les hommes, & une preuve bien iliunre, que bien que ces miferables s'éforcent de tout leur pouvoir, à émoufler les aiguillons de leur confeien- ce, ils nefauroientneantmoinslesbrifer tellement, qu'ils ne les piquent & les tourmentent malgré qu'ils en ayent. Et ce- la ne peut il pas bien vérifier le beau mot de Ciceron, que bous avons mis à lateftedu Chapitre précèdent l Veuqueiï tous les hommes ne reconnoiffent pas de bouche cette &&ht nité, au moins ils en font convaincus en eusmêmes, passiner fecrette. mais invincible main, qui d'un ongle de diamant, écriir 4&s Histoire Morale, Chap.15 écrit cette première de toutes les ventez dans leurs cœurs. De forte, que pour conclure, nous dirons avec ce grand homme , dont les paroles finiront excellenment ce diicours, comme elles l'ont commencé , Qu^il eft né , & comme gravé Uu Li- vre fe- cnddc ^ans |'efprit de tout ies hommes, qu'il y a une Divinité. t'e des DtCHS. 1 CHAPITRE QUINZIEME Cdrci- laffo en fo» Corn- mentAtre Royal. liv. 1. c.\i.Ç$ 1.6. eu. L Des Habitations i? de Ménage des Caraïbes. Es Hiftoriens recitent , qu'autrefois une partie des An- ciens Habitans du Pérou, vivoient épars fur les mon- tagnes & par les plaines , comme des belles Sauvages, fans avoir ni villes , ni maifons. Que d'autres fe retiroient en des cavernes & en des lieus écartez & folitaires : & d'autres dans des fofles, & dans les creus des gros arbres. Mais l'état des Caraïbes d'aujourd'huy, fe trouve bien éloigné de cette manière de vivre fi Sauvage & fi brutale. 11 eft vray, que nous n'aurons pas beaucoup de peine à décrire leurs logemensj car ilsn'yfontgueresdefaffon: Et il ne leur faut qu'un arbre & une ferpe, pour leur bâtir un logis. Ils ont leurs demeures proche les unes des autres , & dif- pofées en forme de village. Et pour la plupart ils recherchent pour leurs logemens, la lituation de quelque petite montagne, afin de refpirer un meilleur air, & de fe garantir de ces moucherons, que nous avons nommez Moufquites & Marin- goins , qui font grandement importuns & dont la piquure eft dangereufe, ans Liais où les vens ne foufflent pas. C'eft la même raifon qui oblige les Floridiens, de delà la Baye de Carlos & des Tortugucs , à fe loger en partie à l'entrée delà mer, en des Huttes bâties fur pilotis. Les Antillois ne s'é- loignent guère aulfi des fontaines , des ruilleaus , & des riviè- res, parce que, comme nous l'avonsdit , ils ontacoutuméde fe laver le matin tout le corps, avant que de fe rougii\ Et c'eft- pou ro, uoy ils recherchent autant qu'il leur eft poiiiblc. sçttc nature pour leurs petis ediiiccs. Par- Chap. 15 des Iles Antilles. 489 Parmy-nous & parmy plufieurs autres Nations, les Archi- tectes retravaillent à faire des édifices fi puilTans & fifuper- bes, qtî'il femble qu'ils entreprenentde braver les fiédes,<5c de faire difputer la durée de leurs ouvrages, avec celle du Monde. Les Chinois , dans la nouvelle fréquentation qu'ont Triiatii eue les Chre'tiens avec eus, en ont témoigné grand éronne- mLtre ment, & nous ont taxé de beaucoup de vanité. Pour eus, ils de la nemefurentladuréedè leurs édifices, qu'à celle de la brièveté c,ht"&' de leur vie. Mais nos Sauvages Antillois diminuent encore ° ^'4* beaucoup de cette durée, & ils édifient de telle forte, qu'il leur, fautfouvent édifier en leur vie. Leur petites Cafés font faites en ovale, de pièces de bois plantées en terre , furléquelles ils élèvent un couvert de feuilles de Palmes, ou de Cannes de Sucre , ou de quelque herbes , qu'ils favent fi bien agen- cer & fi proprement joindre les unes fur les autres , que fous ce couvert, qui bat jufqu'à terre, ils s'y trouvent à l'épreuve des pluyes& des injures du tems. Etcetoit, tout foible qu'il femble , duré bien trois ou quatre ans fans fe rompre , pour- veu qu'il n'y vienne point d'Ouragan. Pline dit que certains vU*. Peuples du Septentrion fe fervoient aufli de rofeaus pour la l-l6x-i*'* couverture de leurs maifons 5 &: encore au jourd'huy, l'on en voit plufieurs maifons couvertes dans les Païs-bas, & en quel- ques lieus champeftres de la France. Les Caraïbes , em- ployentaufïidepetis rofeaus entre- laflfez, pour faire des paiif- » fades, qui tiennent lieu de murailles à leurs logis. Sous cha- que couvert, ils font autant defeparations qu'ils veulent de chambres. Une fimple natte fait chez eus l'office de nos portes , de nos verrous, & de nos ferrures. Leur plancher d'en haut eft le toit même, & celuy d'en bas n'efl: que de terre battue. Mais ils ont un tel foin de le tenir propre, qu'ils le balayenr toutes les fois ; qu'ilsy apperçoivent la moindre or- dure. Ce qui n'a lieu que dans leurs eafeSrparticulieres : Car ordinairementJeur Carbet , ou leur maifon publique, où ils font leurs réjouïfianees , eft fort fale. De forte que fouvent la place eft pleine de Chiques. 1; I Outre .un petit corps de logis où ils- prenent leur repos, & OÙ ils reçoivent leurs amis, chaque famille confiderabie a Q^q enco- 490 Histoire Morale, Chip. 1 5 encore deus petis couverts. Dans l'un, ils font leur cuifine & ils le fervent de l'autre comme d'un magafin , où ils confer- vent leurs arcs, leurs flèches, & leurs boutous, qui font des Maffuësdeboispefant & poly , dont ils fe fervent en guerre au lieu d'épe'e, lorsqu'ils ont ufé toutes leurs fle'ches. Ils y tiennent encore leurs outils, leurs paniers , leurs lifts de refer- ve, toutes les bagatelles, & tous les petis. ornemens dont ils fe fervent en leurs réjouifianecs publiques & aus jours de pa- rade. Ils nomment toutes ces babiolesdes Caconnes. Pour tous meubles , nos-Sauvages, n'ont quedeslifts-bran- lans, qu'ils apppellent ^Amacs , qui font de grandes couver- tures de cotton, fort indu ftrieufement tiiTuës, qu'iis.fronctnt par les bouts, pour joindre enfembleles deus coins de la lar- geur. Puis ilsattachent ces ^Amacs par ces deus bouts fron- cez , aus principaus piliers de leur édifice. Cens qui n'ont point de lift de cotton , fe fervent d'un autre lift, que l'on appelle Cabane. Ce font plufieurs bàtofts tiiïiisde longôc de travers, fur lefquelson met quantité' de feuilles de Balifier, ou de Bananier. Cette Cabane eft fufpendue & foutenue par les quatre coins, avec de grofles cordes de Mahot. Ils ont' outre cela de petis fieges, toutd'une pièce , faitsd'un boisde couleur rouge ou jaune, poly comme du marbre. Et l'on voit auiïichez-eus de petites tables, qui ont quatre piliers de bois , & qui fonttiflues de feuilles de cette efpece de Palme qui fe nomme Latanier. Leurvaiflelle, & leur batterie de cuifine eft toute de terre, comme celles des Maldivois : ou de certains fruits femblablcs à nos courges , mais qui ont l'écorce plus épaific & plus dure, taillez & compofez de diverfes figures, <5c qui font polis & peints aufli délicatement qu'il fe peut. Cela leur tient lieu de plats, d'écuelles , de baflins,d'airiettes , de coupes , & de vaiffeaus à boire. Ils nomment Cois ou Coûts, toute cette vaif- felle faite de,fruits : Et c'etle même nom , que les Brefiliens donnent à la leur , faite de femblable matière. Ils fe fervent deleurvaifelle de terre, comme nous nous fervons de nos marmites 6c de nos chauderons de France. Ils en ont entre autres d'une faflbn, qu'ils appellent Canary. On voit de ces Canaris qui (ont fort grands, & d'autres qui font fort petis. Les Ce va. Chap. 1 5 b ES 1 1 e s Ain t i x l e s. «^9 1 Les petis ne fervent qu'à faire des ragoûts, que l'on appelle . Taumalis^ Mais les grands font employez à faire le bruvage, g™& *& qu'ils nomment Ouï cou. Les Caraïbes de la Martinique, ao- -^f"^ r r 1 • * des eepfs portent fort iouvent de ces petis O^râ au quartier des Fran- & des cois, qui leur donnent en échange quelques Cacones , c'eft-à ****$** dire quelques petiques babioles qui leur pîaifent. Nos gens £'ï. font état de ces petis vaificaus, parce qu'ils ne fecalTent pas 7ouvel. Wranc. Voyez* Kftbrt- ques & ' Carpot. ^Butbe- des Ha. yet>& Berge- ron. Vincent U £Unc, '(S G air. HÏaffo. CHAPITRE SEIZIEME. Des (ftepas ordinaires des Caraïbes. LA plupart des peuples Sauvages & Barbares, font gou- lus & fales en leurs repas. Les Brefiliens mangent & boivent & par excès, & fort falement, à toutes heu- res, & fe lèvent même la nuit pour cet exercice. Les Cana- diens font gourmans jufqu'à crever, & ne fe peuvent même réfoudre à laitier perdre l'écume du pot. Jamais on ne les voit laver, ni leurs mains , ni leurs viandes. Ils ne fayent non plus ce que c'eft que de s'elïuyer en mangeant, & ils n'ont point d'autres fervietes que leurs cheveus & le poil de leurs chiens, ou la première chofe qu'ils rencontrent. Les grands Tartaresen font de même. Ils ne lavent jamais leurs écuei- les, ni leurs marmites qu'avec le potage même , & commet- tent d'autres vilenies, qui feroient trop horribles à reciter. Les petis Tartares ne leur cèdent guère enfaleté , & engour- mandife, humant leur bouillon avec lecreusdelamain, qui leur fert de cuillier pour en prendre : Et mangeant la chair des chevaus morts , fans fe donner la peine de la faire cuire autrement, qu'en la lahTant une heure oudeus, entre la felle & le dos de leurs chevaus. Ainfi . pour fortir de ces vilains exemples , les Guinois , ceus du Cap de bonne Efperance, & certains autres Sauvages , dévorent la chair crue & puante, avec poil & plumes, tripes & boyaus, comme pourroient faire des chiens. Mais il faut donner aus Caraïbes la louange d'être fobres , & propres en leurs repas ordinaires , auflî bien que ceus du Continent, encore que quelques unsd'entr'eus ne méritent pas cet éloge , comme il n'y a point de règle fi générale qui n'ait fon exception. Monficur du Montcl , dig- ne & fidèle témoin , rend ce témoignage de fobrieté & de propreté à ceus qu'ils a veus à Saint Vincent , & ailleurs; Mais ils ne font pas tous fi retenus ni fi propres. Et ceus qui les ont veus, entr'autres, à la Dominique, ne leur don- nent pas cette qualité. Ce Au U- Chap.16 des Iles Antilles. 497 Ce peuple, mange fouventenfemble en la maifon publi- que, commenousle verrons plus particulièrement cyaprés, ou pour fe divertir & faire la débauche , ou même pour s'en- tretenir de la guerre & des affaires du commun, comme au- trefois les Lacedemoniens. Les femmes , comme en quel- ques autres païs des Barbares, ne mangent point que leurs maris n'ayent pris leur repas, & ils n'ont point d'heure re- liée pour cet exercice. Leur eftomac eft leur Horloge. Ils endurent fi patiemment la faim , que s'ils retournent de la pe- fche, ils auront la patience de faire roftir le poififon à petit feu, fur un gril de bois de la hauteur de deus pieds ou environ, fous lequel ils allument un feu fi petit , qu'il faut quelquefois une journée, pour cuire le poifîbn comme ils le défirent. 11 y a de nos François qui en ayant mangé de leur façon, l'ont trouvé de fort bon goût, &cuitenperfe&ion. Ilsobfervent généralement en toutes les viandes qu'ils préparent, de les faire ainfi cuire fort lentement & à petit feu. Ils mangent d'ordinaire affisfur depetis fiegesj & chacun d'eus a fa petite table à part , qu'ils nomment Ulfatouteu, *"e ud"es comme Tacite témoigne qu'il fepratiquoit chez les anciens M*un Allemans, & comme l'on dit qu'il fe fait encore aujourd'huy desAn- dans le Japon. Parfois auiïi ils mangent à terre, accroupis \smiUJ, fur leurs genous ,J& en rond les uns auprès des autres. Pour Lmfat, nappes, ils n'ont point de linge comme nous , ni de peaus th*t' £ Et qui ne fait qu'en Efpagne il fe mange force A mon s t Après tout, que Ton compare le vivre de nos Caraïbes avec celuy des Canadiens • qui outre l'écume, dont nous avons dit qu'ifs Enté- mangent , boivent d'ordinaire de vilaine & fale graine, & pre- moiz»a~ ferent la chair de l'Oursà toute autre viande: Avec celuy des ^uiZt habitans de File de fort-aventure, l'une des Canaries, qui JZ*L mangent du fuif en abondance : Avec celuy des Tartares, desPerfes,des Chinois, des Huancas, Nation du Pérou , & des Ne'gres d' Angole , qui vivent communément de chair de Cheval.de Chameau, de Mulet,de Loup, de Renard, d'Afne, de Chien , & du fang de ces Animaus en bruvage : Avec ce- luy des Indiens de l'Orient, qui trouvent la chair de Chauve- fouris auffi delicieufe que celle de la Perdrix : Avec celuy des BrefiliensquifenonrriiîentdeCrapaus, de Rats, & de Vers: Ou enfin, avec celuy des Tapuyes, & de quelques autres Barbares, qui mangent des cheveusd'e'coupez fort menu , <5c méfiez avec du miel Sauvage, Ôc qui faupoudrent leurs vian- des de la cendre des corps brûlez de leurs parens, & la paîtrif- fent avec de la farine 5 Ce quicaufe de l'horreur feulement à le reprefenter: Que Ton faite, dis- je, une comparaifon de tous ces infâmes ragoûts avec ceus de la Nation Caraïbe; Et Ton trouvera , que dans fon manger ordinaire , elle n'a rien de barbare. Il ne faut pourtant pas diflfimuler , que quelques uns de nos François raportent, qu'ils ont veu parfois les Caraïbes manger des pous& des chiques qulls avoientpris* Comme on le dit des Mexicains Ôc des Cumanois: Mais ils n'en font pas un ordinaire, & cela eft particulier à quelques- uns d'eus, joint qu'ils ne le font pas pour aucun goût qu'ils trouvent en ces vermines : mais feulement pour fe venger & rendre la pareille, à ce qui leur à fait du mal. Aurefte, l'horreur que les Caraïbes avoient autrefois etc manger du Pourceau, de la Tortue, & du Lamantin, pour les plaifantes raifons que nous avons allegue'es cy defilis, alloit jufqu'à tel point , que fi quelcun des nôtres leur en avoit fait manger, par furprife , & qu'ils vinflfenrpuisapre'sàle favoir» ils s'en vengeoient apurement toft ou tard. Te'moin ce qui arî- va à une perfonne de marque d'entre nos François. Ce per~ fon âge M ■M ' i 504 Histoire Morale, Chap.16 fonage recevant vifite du Cacique, ou Capitaine des Sauva- ges de l'Ile où iiétoit, le traitta par raillerie de Lamantin de- guife' en fafibn d'achis, le Cacique, dans la défiance oùiiétoit de ce qui luy arriva, pria le Gentil-homme de ne le point tromper. Et fur l'alïurance qui luy en fut donne'e, il ne fit point de difficulté de manger. Le difner étant achevé nôtre Gentil-homme découvrit la fourbe au Cacique & à fa com- pagnie, pour avoir le plaifir de leurs difcours&de leurs gri- maces. Mais ils eurent affez de pouvoir fur eus-même , pour diffimuler leur dépit. Et le Cacique fe contenta de dire en riant, Heb'ien Compère nous rien mourrons pas. Quelque tems après , le Gentil-homme luy fut rendre la vifite. 11 le reçeut avec toute forte de civilité, 6c luy fit grand chère. Mais il avoit donné ordre àfesgens, de mettre dans toutes les fauf- fes de la graifle d'Arouâgue , dont les principaus Indiens ont toujours provifion chez eus. Après que cet infâme repas fut finy, le Cacique plein de joye, demanda au Gentil- homme & à fa troupe , s'ils fe trouvoient bien de fon traittemenr. Eus s'en louant fort, & luy en faifant des remercimens, il leur apprit fa malice, dont la plupart eurent tant de crève- cœur , & tant de bondififemens & de dévoyemens d'eftomac, qu'ils en furent grandement malades. Mais l'Indien fe mo- quant d'eus difoit, qu'il avoit fa revanche Ceus qui ont fréquenté dépuis peu les Caraïbes de la Do- minique & delà -Martinique, difentqu'àprefent , ils ne font pour la plupart aucune difficulté de manger du Lamantin , de la Tortue , du Pourceau , & même de toutes les autres vian- des qui font en ufageparmy nous , & qu'ils fe rient de cette fimplicité , qui les obligeoit de s'en abftenir , crainte de parti- ciper à la nature ôcausqualitez de ces Animaus. Ils ont au (fi beaucoup relâché de cette grande feverité, dont ils ufoient à l'endroit de leurs femmes. Car elles ne vont plus que rarement quérir la pefche de leur mary. Et quand ils ont été à la pefche , le mary & la femme mangent enfemble. IUcs vont aufii plusfouvent au Carbet , pour participer au feftin & à larejouïflance publique, qu'elles ne faifoient avant que leurs marys euflent eus la communication familière des étrangers. CHA- Chap, i7 des Ix.es Antilles. 50$ CHAPITRE DIXSETTIEME. Va Occupations <& des Vivertiffêmens des Car ailes . ALexandre le grand eftimoit que le travail eftoit une chofe vrayment royale. Et l'on voit encore ajour- d'huy dans* le Serrail d'Andrinople des outils, dont Amurat fe fervoit pour faire des flèches , qu'il envoyoit à des principaus de fa Porte. Les Péruviens méritent aufli fur ce fujet là, beaucoup de louange. Caries Roysdu Pérou avoient fait dcsLoys & érably des juges particuliers contre les Fai- neans& les Vagabonds. }ufqucs-là, qu'il falloit quclesenfans decinqanss'employaflfent à quelque travail qui fuit confor- me à leur âge : Et ils n'efpargnoient pas même les aveugles, les boiteus , & les muets. Les occupant à diverfes çhofes, où Ton pouvoit travailler de la main. Mais il s'eft trouvé des Peuples fi lâches , que de tenir l'Oifiveté pour une chofe fort belle & fort honorable. Et les Hiftoriens des Indes Occi- dentales nous parlent de certains ftupides & brutaus Indiens de la Nouvelle Efpagne & du Brefil, qui ronflent tout le long du jour en leurs cabanes, pendant que leurs femmes leur vont chercher des racines pour manger. Nos Caraïbes, ne reflemblent pas à ces Faineans. Car on les voit travailler & prendre plaifir à diverfes fortes d'exerci- ces. Les principaus & ceus qui leur font les plus ordinaires* font la chafle & la pefche , où ils employent une bonne partie de leur tems, mais particulièrement à la pefche. On ne les Voir gueres fortir de leurs maifons fans arc & fans flèches. Et ils font admirablement adroits à s'en fervir, s'habituântà ce't exercice , comme les Turcs, des leur plus tendre jeunefîe. Ce qui fait qu'avec le tems , ils fe rendent fi habiles & fi alTu- rez à tirer de l'Arc, que de cent pas ils mettroient dans un quart d'e'cu, fans jamais y manquer. Etmêmeens'enfuyant ils favent tirer adroitement fur leurs ennemis , comme fai- foient autrefois les Parthes. Il y avoit encore plus de fujet d'admirer ces gauchers Benjamitesqui frondoient à unche- Teu, & n:y falloient point. S f f Lors Plut, en la vie de ce Prin- ce. Koyage de det Hayes au Le- vant, Com- mentaire Royal de Garci- lajfoj.s. en. (3 U. c.^. Herodete Itv. f. De Lae$ en fon H*jioire de VA- mtrif. W*ye*t fur tout lean de Lery, thtff. il 'Joftph s4coJia liv. 3. c. 15. £? F) a m Ti. -*rd. 1 pitrt. (hitp. i. 506 Histoire Morale, Chap. 17 Lors que les Caraïbes Torrent pour la chafle ou pour la pefche, ils ne mènent pas avec eus leurs femmes , comme certains Brésiliens qui les font toujours marcher devant eus, tant ils font jalous : Mais quand ils ont pris quelque chofe, ils lelailTentfurle lieu , & les femmes étoyent autrefois obli- geas à l'aller chercher, & à l'apporter au logis, comme nous l'avons déjà touché. On dit que les Canadiens en font tout de même. 11 n'y a point chez les Antillois, non plus que parmy tous les autres Indiens Occidentaus , de diftin&ion de qualité' pour ta chatTe : & l'exercice en eft aufli libre au plus petit d'en- tr'eus, qu'au plus grand. Comme en leursrepas particuliers, ilsnefe fervent d'au, cune chair, s'ils n'ont des Etrangers à leur table, auflinevont ils pour l'ordinaire qu'à la chafle de Lézards. Et s'ils font quelque autre chafle , c'eft en des occafions extraordinaires, lorsqu'ils veulent traitterqu'elques- uns de leurs amis d'entre nos Européens: où bien lors qu'ils les vont voir, & qu'ils veulent tirer d'eus quelque marchandise en échange. Ils font merveillcufement fubtils , à pécher à l'hameçon & à tirer le poiflbn avec la flèche. Et l'on ne fauroit aiTez ad- mirer leur patience en cet exercice. Car ils y demeureroient quelquefois undemy jour tout entier fans fe lafler. Et lors qu'après avoir guetté long-tems le poiflbn , ils viennent enfin à en appercevoir quelque gros & puiflant , qui foitàleurgré & bien à leur main, ils tirent deflùs avec la flèche, de même quelcsBrefiliens. Et comme ils font excellemment bons na- geurs, ils fejettent à l'inftanteus-mêmes à corps perdu après lafléchc, pour fe faifir de leur proye. Mais outre l'hameçon & la flèche avec quoy ils prennent le poiflbn , ils favent auflî heureufement plonger auprès des rochers, & le tirer des , cavernes où il eft caché ; femblables en cela aus Floridiens, qui n'attendant pas que le poiflbn vienne à fe montrer , le vont chercher jufqu'au fond de l'eau, & l'y aflbmmcntà coups de maiïuë; Si bien qu'on les voit remonter tenant d'une main labefle. & de l'autre la maflue. C'eft une chofe commune entre les Sauvages , que d'eftre ainfi grands nageurs ; Et l'on allure nommément des Brefiliens, desMaldivois, de quel- ques 50? qu'ils Chap. 1.7 des Iles Antilles. ques Péruviens, & des habitansdes Iles des Larrons peuvent paner pour anfibies. Que fi les autres inventions pour la pefche viennent à manquer à nos Caraïbes, ils ont recours à un certain bois lequel ils battent, rayantcoupéenmorceaus. Puis ils le jet- tent dans les e'tangs , ou dans les lieus où la mer eft coye. Et c'eit comme une momie ibuveraine, avec quoy ils prennent dupoifïbn tant qu'ils veulent. Mais ils ont cette prudence, de ne fe point fervir de ce dernier artifice, quedansla neceffi- té, pour ne pas faire un trop grand dégaft. Apre's la chaiTe & la pe'che, ils s'adonnent à plufieurs me- nus ouvrages , comme à faire des licts de cotton , fore bien tiflus, & qu'ils nomment ^Amacs. Les femmesfilent le cot- ton fur le genou, & ne fe fervent pour i'ordinaireni de fufeau, ni de quenouille. Mais il y en a à la Martinique , qui en onc appris l'ufage de quelques Franeoifes. Elles le favent aulïï parfaitement bien retordre : Mais dans quelques Iles les hommes font la tilîure du lift. Ils font outre cela, des pa- niers de joncs & d'herbes, de diverfes couleurs; desfie'ges de .bois poîy, qui font tout d'unepie'ce, de petites tables, qu'ils appellent Matoutou, tilTuës de feuilles de Latanier, des tamis nommez Hibichets , des Catolis , qui font de certaines hottes, plufieurs fortes de vafes , & de vahTeaus , propres à fervir à boire & à manger , qui font polis peints & enjolivez de mille grotefquesÔc enluminures agréables à la veuë. Us font aufll quelques petis ornemens , comme les ceintures , les chap^ peaus & les Couronnes de plumes , dont ils fe parent les jours de leurs feftes& de leurs rejouïiTance publiques. Et les fem- mes font pour elles des demy-botines, ou des demy-chaufTes de cotton. Mais fur tout, ils s'appliquent avec foin à façon- ner & à polir leurs armes, c'eft à dire leurs arcs , leurs fle'ches, & leurs boutous ou mafîuës, qui fe font de bois dur & poly, & qui par le manche, (ont curieufement ornez de bois& d'os de diverfes couleurs. Us ne font pas moins foigneus de travailler à leurs Ptrau* gués , ou vailïeaus de mer , & à tout leur appareil de paix & de guerre. Ils les font d'un feul gros arbre , qu'ils creufent , ra- bottent , & polilTent avec une dextérité nonpareiile. Les Sff a eran- I Muveet e'eft à dire re- kaujféet. De Lery skap. 13. *?4tCf- iajjo en J'en Com- mentaire kbt.ll. 50s Histoire Morale, Chap. 17 grandes Piraugues font par fois huvées , comme on parle , par haut, toutàl'entour, fur tout auderrierc, de quelques plan- ches ajoutées. Quelquesfois il y peignent leur CMaboya. Par fois des Sauvages , ou des grotefques. Ces chalouppcs portent fouvent jufqu'à cinquante hommes, avec leurs mu- nitionsdeguetre. Avant qu'ils eufient communication avec les Chrétiens, qui leur ont fourny toutes fortes de coignées, & d'autresoutils de charpenterie & de menuyferie, ils avoient mille peines à venir à bout de faire leurs vaiûeaus. Car ils étoient obligez , comme les Virginiens 6c quelques autres Sauvages, à mettre le feu an pied des arbres > & à les environ- ner de moufle mouillée un peu au defiiis du pied, pour empe- fcher le feu de monter: Et ainfi ils minoient l'arbre peu à peu. .Apres, ils fe fervoient pour tailler le bois, de certaines pierres dures, aiguifées.par le bout, avec lefqucllesilcou- poient & creufoient leurs Piraugues. Mais c'étoit avec une longueur de temsfi pénible & fiennuyeufe , qu'ils reconnoif- fentaujourd'huy l'obligation qu'ils nous ont , de les en avoir délivrez, & s'eftiment heureus de la facilité qu'ils ont dpre- fent en leurs ouvrages, parle moyen deferremens dont ils fontpourveus. Ainii les Péruviens, tenaient pour un u* grand bonheur ces outils que leur avoient apporté les Européens, que l'ufage des cifeaus s'érant introduitdans le Pérou par le moyen des Efpagirols , il y eut un Indien de qualité , qui n'en pouvant afiez louer l'invention, difoit à Tun d'eus, que quand lesEfpagnols n'auroient fait autre chofe que leur ap- porter des rafoirs, des cifeaus , des peignes, <9t des miroirs, cela pouvoit fufflre pour les obligera leur donner libérale- ment, tout ce qu'ils avoient d'or & d'argent. Les Caraïbes, s'employent aulli à faire des pots de terre de toutes fortes , qu'ils favent cuire en des fourneaus comme nos potiers. Et avec cette même terre , ils forment des pla- tines, fur léquellcs ils font cuire la Caflave. L'adrefifequ'ilsontàtouscespetis exercices que nous ve- nons de décrire , témoigne allez qu'ils apprendroient aifé- mentpluficurs métiers de nos artifans, fi on leur endonnoit la connoilTance. Ils fe plaifent fur tout à manier les outils des charpentiers & des menuyfiers : Et fans avoir appris com- Chap. 17 des Iles Antilles^ 509 comme il s'en faut fervir , ils en favent faire pluficurs ouvra- ges, depuis que nos gens lesenonr acommodez. De quoy donc vrayfemblablement ne feroient ils point capables , s'ils étoient inftruits & exercez par de bons maiftres , & qu'ils flf- fent leuraprentiflage fous eus. Gomme ils aiment fort les divertuTemens 5c la récréa- tion, aufll recherchent ils avec pafïion tout ce qui peut les entretenir en bonne humeur, & chaflèr la mélancolie. Pour cet effet , ils fe plaifent à nourrir & àapprivoifer grand nom- bre de Perroquets & de petites Perriques , ouArrats, auf- quels ils aprennent à parler. . Pour fe divertir , ils font aufîî pîufieurs inftrumens de Mu(î- que, fionlespeutappeller ainfi, furlefquels ils formentdes accords. Comme entr'autres fur de certains Tambours faits d'un arbre creus , fur léquels ils étendent une peau d'un feul coftê , à la façon des Tambours de Bafque. On peut joindre à cet exemple une forme d'Orgues , qu'ils compofent avec des Callebaiïes , fur le'quelles ils pofent une corde faite d'un fil de rofeau, que l'on nomme Pite. Et cette corde étant tou- chée rend un fon qui leur agrée fort. Le concert de beau- coup d'autres Sauvages, ne vaut pas mieusque le leur, & n'eft pas moins pitoyable & moins difeordant à V oreille des. François. Ordinairement auffi , le matin à leur lever ils fe mettent à jouer de la flûte» Ils en ont de diverfes fortes, aulK bien polies que les nôtres : quelques unes faites des os de leurs ennemis. Etpluiîeursd'entr'eus , en favent jouer avec autant de grâce que l'on pourroit s'imaginer pour des Sauva- ges , bien qu'en cela ils n'approchent pas des François. Pen- dant qu'ils jouent ainfi de la flûte, les femmes appreftent le déjeuner. Ils paffent encore le tems à chanter quelquesairs , qui onfc des refreins affez agréables. Et avec ces chanfons en la bou- che , ils fe divertiflent quelquefois un demy jour , afïîs fur de petis fiéges, avoir rôtir leurpoifibn. Ils mettent aum" des pois ou de menus caillons, comme les Virginiens, en des. ca* îebafles , par le milieu defquelles ils font pafîer un ballon ^ qui leur-fert de manche. Et puis ils les font fonner en les re- muant. C'eft ainfi qu'en ces quartiers les femmes appaifenu Sff % & }io Histoire Morale, Chap. 17 & divcrtiflcnt les cnfans avec des jouets & des fonnettes. La plupart des chanfons des Caraïbes, qui font -fort fréquen- tes en leur bouche , font des railleries fanglantes de leurs en- nemis. Les autres font fur des oifeaus, ou fur des poillons, ou fur des femmes , Bc le plus communément fur quelque ba* dinerie. £ c il y en a beaucoup qui n'ont ni rime ni raifon. Souvent auiïî nos Sauvages Antillois , joingnentla danfeà leur Mulique : Mais cette danfe eit auffi belle & auiîi bien réglée, que leur Mulique a de douceur & de juftefle. On voit une bonne partie de peuples Barbaress'adonnerà cet exercice, avec une pafïion démefureY, comme pour exemple les Bré- siliens, qui auraportde Jean de Lery, danfent jour & nuit. Et nous avons déjà dit , qu'il y enabeaucou-p, qui font même confifter en danfes, leur imaginaire félicité de l'autre vie. Mais les Caraibes , ufent particulièrement de danfes dans leurs feftins Solennels, en leur Carbet ou maifon publique. Ces feftins fe font avccccrordrc. Quelques jours avant coté réjouïflance publique, le Capitaine en averti: toutes les mai- fons, afin que chacun ait à fe trouver au Carbet, au jour aflig- né. Cependant, les femmes font une forte de boilîbn de CatTaue rôtie, &mieus prepatéequeccllcdontilsfe fervent à l'ordinaire. Et comme ils augmentent la dofe des ingre- diens de cette boiflbn, elle a aufll plus de force , «5c elle eit ca- pable d'enyvrer auffi facilement que le vin. Les hommes de leur cofté vont à la pefche, où à la chafle des Lézards. Car pour les autres viandes , nous avons déjà dit qu'ils n'en préparent point pour leur table, s'ils n'ont des étrangers à traitter. Au jour nommé , hommes <5: femmes fe peignent le corps de diverfes couleurs & de diverfes figures , &. fe parent de leurs couronnes de plumes, de leurs plus belles chaînes, & de leurs plus beaus pendans d'oreilles , colliers, bracelets, & autresornemens. Les plus galans fe frottent le corps d'une certaine gomme, & foufflent deflus du duvet de divers oi- feaus. Enfin , ils fe mettent tous fur leur bonne mine , & s'ef- forcent deparoitre le plus qu'ils peuvent en cette folcnnité. Equippezdc la forte, & femirans en leurs plumes, ils vien- nent à l'aflcmblée Les femmes y apportent le bruvage Ôc les m,v lies ont préparez , 6c font extrêmement foig- neulcs Châp.i7 des Iles Antilles. 'v 511 neufes qu'il n'y manque rien, qui'puirTe contribuer à la ré- jpuïlfance* Nos Caraïbes employent tout ce jour, & la meil- leure partie de la nuit à faire bonne chère, àdanfer, à s'en- tretenir, & à rire. Et dans cette débauche , ils boi venr beau- coup plus qu'à l'ordinaire : c'eltà dire en un mot, qu'ils s'en- yvrent : Les femmes même te font par galanterie. Lors qu'ils peuvent trouver du vin & de l'eau de vie, pour méfier dans cette fefte , ils ne s'y e'pargnent pas non plus, & s'en donnent au cœur joye. Si bien que ce que nous avons dit de leur fo- brieté ordinaire , n'a point de lieu dans ces rencontres , non plus que lors qu'ils fe préparent à aller à la guerre , ou qu'ils en retournent. Quoy qu'au fonds ils n'aillent pas jufqu'à Tek'- té des Brésiliens, qui dans leur réjouïflance, boivent deus ou trois jours entiers fans cefier , & dans leur y v relie, fe plon- gent en toutes fortes de vices, Leuryvrognerie & leurs débauches font fréquentes. Car ils en font. 1. Pour tenir leurs confeils de guerre. 2. Lors qu'ils retournent de leurs expéditions, foit qu'ils y ayent reufli ou non. 3 • Pour la naïlTance de leurs premiers enfans mafles. 4. Quand on coupe les cheveus à leurs enfans. 5 . Quand ils font en âge d'aller à la guerre : 6. Pourabatre un jardin fe* Ion leur ftile , c'eft à dire, pour couper des bois , découvrir & défricher la terre, «Se la préparer pour un jardin : 7. Quand ils trainent à la mer un Vaifleau neuf. 8. Et quand ils ont été guéris de quelque maladie. Ils nomment ces Aflemblée^ Qu'icou, & dépuis qu'ils ont converfé avec les François, vin. Mais à l'oppofite auûi, tant leur humeur eft en cela bizarre & contraire à foy même, ils font de grands & de ridicules j-eufneurs. Et 1 . ils jeufnent lors qu'ils entrent en adolefcenee. 2. Quand on les fait Capitaines. 3 . A la mort de leurs Pères, ou de leurs Mères. 4. A la mort du Mary , ou de la Femme. 5. Lors qu'ils ont tué un Arouâgue: jeufne qui leur tournée grand honneur. CIA? Si* Histoire Morale, Chap. i % CHAP ITRE DIXHUITIEME. Vu Traittement que les Caraïbes font à cens qui les "Vont Yijittr* C'Eft icy où nos Caraïbes montent en matière de civi- lité pour des Sauvages. Car ils reçoivent avec toute forte de Courtoifie & de témoignages d'affedion, les Etrangers qui abordent en leurs lies, pour leur y rendre vifite. Ils ont des Sentinelles furie bord de la mer, dans la plu- part des lies qu'ils polîedent tous feuls. Ces Sentinelles font place'es fur les montagnes , ou furies eminences qui décou- vrent loin en mer, & elles font pofées en telle forte , qu'elles ont la veuë fur leslieusoùil y a un bon mouillage pour les Navires , & une facile defeente pour les hommes. Si toft que ces gens apperçoivent un Navire, ou uneChalouppe venir à eus , ils en donnent avis à ceus des leurs qui leur font les plus proches. Et en moins de rien , vous voyez parêtre plusieurs petisCanosouvailïeaus, dans chacundefquelsiln'yaauplus que trois hommes , qui font députez pour venir reconnoitre. qui vous êtes, & qui vous crient de loin, que vous ayez à le déclarer. Car ils ne fc fient pas au pavillon, parce que fouvent ils y ont été trompez : & ils reconnoiflenr à la voix fi l'oneft François, Efpagnol , Anglois , ou Hollandois. Sur tout on dit qu'ils reconnoiflent les Anglois. On allure que les Bré- siliens & les Péruviens ont l'odorat fi fubtil, qu'au flair ils difeernentun François, d'avec un Efpagnol. Quand les Caraïbes ne font pas bien affurez qui l'on cft, & qu'on defeend à eus les armes à la main , & en pouure de leur malfaire , ils fe mettent en défenfe , le faifilTcntdes avenues les plus étroites de leurs terres, mettent des embufeades dans les bois, & fans qu'ils foientapperecus, fuivent de l'oeil leurs ennemis , fe reculant par les voyes égarées , jufqu'à ce qu'ils ayent trouve leur avantage , & qu'ils ayentuny toutes leurs forces. Et alors, iis décochent une grelle de flèches fur ces enne- Chap.iS des Iles Antilles. 513 ennemis. Puis ils les environnent, viennent aus mains , & les alTomment avec leurs mafluës. Ils font en quelques unes des Iles un gros , qui eft par fois de quinze cens hommes, ôc davantage, à ce qu'il paroift5 car on ne peut pas favoir apure- ment leur nombre, veuqu'eus-mêmes ne fâchant pas conter, n'en ont pas la connoiflance. Que s'ils fe fentent preflez de leursennemis, ils fe cachent facilement , &fegliiTentparmy les buifibns héritiez d'épines extreme'ment piquantes , fe cou- lant adroitement pas deflbus : Ou bien ils grimpent des ro- chers inacceffibles à tous autres 5 Ou s'ils font voifins de la mer, ils fe jettent dedans, & plongent: puis vontfortir à cent, voireàdeuscenspasloindu lieu où vous aviez la veuë.» Et en fuitte , ils fe rallient enfemble aus rendez- vous qui leur font connus , & viennent de nouveau à la charge , lors qu'on y penfe le moins , & que l'on croit les avoir mis en dé- route. Mais quand ils reconnouTcnt que ceus qui abordent font de leur amis, qui les viennent vifiter, comme fi ce font des François ou des Hollandois, après leur avoir crié qu'ils font les très-bien venus, ils vont en partie à la nage au devaut d'eus , entrent dans leur vaitfeau, & lors qu'il approche de terre, s'offrent à les porter à bord fur leurs épaules , pour té- moigner leur affection dés l'entrée. Cependant, le Capitaine luymême, ou fon Lieutenant , vous attend furie rivage. Et lorsque vous mettez pied à terre, ils vous reçoit au noni de toute l'Ile , & vous fait compliment fur vôtre arrivée. Vous etesaufli-toft conduits en bonne compagnie au Carbet, qui eft lamaifonde Ville, où les habitans de l'Ile, chacun félon l'âge & félon le fexe de leurs nouveaus hofl es , viennent faire la bien-venuë. Le vieillard complimente & careffe le vieil- lard: le jeune homme & la jeune fille , font le même envers leurs femblablesj & dans le vifage de toute la troupe , on peut lire clairement, la fatisfadion qu'ils ont de vous voir. Mais le premier difeours qu'ils vous tiennent, en vous abordant, eft de vous demander vôtre nom, &.puis, ils vous difent le leur. Et pour témoignage de grande affeaion, & d'a- mitié inviolable , ils fe nomment eus-mêmes du nom de leurs haltes. Mais ils veulent pour la perfection de la cérémonie 5 T 1 1 que I 514 Histoire Morale, Chap.ig que celuy qu'ils reçoivent fe qualifie auflï de leur nom. Ainii ils font un échange de noms $ Et ils ont la mémoire fi heu- reufe à retenir les noms de leurs amis & compères, qu'au bout de dix ans ils s'en fouviendront fans aucune équivoque, & reciteront quelque circonftance de ce qui s'eft paûe de confiderable en leur dernière entreveuë. Que fi on leur a fait prefent de quelque chofe , ils ne manqueront pas de lera- mentevoir, pour témoigner leur reconnonTànce. £t fi la cho- fe eft encore en être, ils la montreront à celuy qui la leur avoit auparavant donnée. Après tousces complimens de Sauvages , qu'ils vous ont faits d'abord, ils vous prefentent des li&s fufpendus , qui font fort nets & fort blancs, & qu'ils tiennent en referve pour de pareilles rencontres. Ils vous prient de vous y repofer, «Se en fuite ils vous apportent des fruits $ & pendant que les uns pourvoyent au feftin, les autres fe tiennent auprès de vous, pour vous entretenir , obfervant toujours le rapport de l'âge & du fexe. Cet accueil, fera trouvé fans doute , bien plus raifonnable que celuy des Caraïbes du Continent Méridional , qui reçoi- vent leurs hoftes d'une façon fortbizarre, & qui ellfembla- ble à celle que pratiquent les Canadiens. Car le Cacique de ces Caraïbes conduit en la maifon publique, fans parler au- cunement , celuy qui les vient voir ^ puis , on luy prefente un fiege& du Tabac, & on le laiflTe ainfi quelque tems fans luy dire mot , jufques à ce qu'il fe foit repofé , & même qu'il ait achevé de humer fon Tabac. Alors le Cacique approche & luy demande s'il eft venu > L'autre répondant qu'ouy , il fe fiedprés de luy, & l'entretient. Puis après ceus du com- mun viennent, luy demandant en la même forte , s'il eft venu > Et luy ayant prefenté à manger, ils s'entretiennent auftl fort agréablement. Or il eft bien vray , que nos Caraïbes Inful ai- res pratiquent dans lareception de leurs hoftes , envers ceus de leur Nation qui font étrangers de leurs lies, la même cho- fe que les Caraïbes du continent: Mais quand ils reçoivent des François, & d'autres Européens, qui ne favent pas garder lefilcnccfi long-rems, ils parlentà eus, & les entretiennent d'abord , comme nous avons dit , s'acommpdant à leur hu- meur, Chap.is des Iles Antilles. 51$ rneur, & contrevenant, pour leur complaire, aus règles de leurs propres cérémonies. Mais, le feftin qu'ils leur veulent faire eft : déformais prépa- ré. Voyons donc comme ils s'y gouvernent. Ils donnent à chacun fà petite table, & fes mets à part , comme les Chinois. Les uns apportent des Lézards rôtis , Les autres des Crabes fricalTées : quelques uns des légumes : & d autres des fruits ; & ainfi du refte. Pendant le repas , ils vous entretiennent, & vous fervent avec un foin merveilleus. On ne leur fauroit faire plus de plaifir , que de bien boire & de bien manger , & ils ne cefiTent de vous en conjurer fort amiablement, de vous verferàboire, & de prendre garde fi chaque tabler eft bien fournie. Il ne faut rien biffer dans le vaiiTeau en buvant, fi vous ne voulez les me'contenter. Que fi vous ne pouvez manger toute la Caffave qu'ils vous ont donnée, il faut pren- dre le refte fur vous, & l'emporter; autrement, vous les def- obligeriez. Ainfi les Turcs, quand ils fe trouvent aus tables de leurs amis, ont acoutumé de remplir leurs mouchoirs, & quelquefois les manches de leurs robes , de morceaus de vian- de & de pain, qu'ils emportent chez eus. Et parmy les grands Tartares, quand un convié ne peut'achever toute la viande "qui luy a été prefentée , il faut qu'il donne le refte à fon valet, pour le luy garder, ou bien qu'il l'emporte luy même en fon efcarcelle, où il ferre au (fi les os, quand il n'a pas eu letems de les bien ronger , afin de les achever après , tout à fonaife. Mais parmy les Chinois, quand le convié s'en retourne chez luy , les ferviteurs du conviant portent avec luy, les mets qui font reftez fur la table. Après le repas , les Caraïbes vous mènent promener en leurs maifons particulières, -Ôc en leurs jardins, vous mon- trent leurs armes, leurs cutiofitez , & leurs babioles , & vous font prefent de fruits, ou de quelques menus ouvragés de leur façon. Que fi l'on a envie de demeurer quelque tems avec eus* ils le tiennent à faveur & en font ravis, & jamais ils ne ceffent de vous faire bon vifage, ni ne diminuent leur bon traite- ment. Mais fi l'on fe veut retirer , ils témoignent de la trïf- tefle de vôtre départ, & demandent fi vous avez été mal- Ttt a traittez, Trigstat qtetus > liv. 4. Voyage de i<«- bruquis tn Tdr*> t' Ju Li- vre des Jvlacrs des An- tiens M- Umans. 516 Histoire Morale, Chap. 1$ traittcz , pour vous en allerfitoft. Avec cetrifte vifagc ils vous reconduifent en grande troupe jufque au bord de la mer, & même vous portent dans la chalouppe , fi vous le vou- lez fouffrir. Et dans cet adieu , vous recevez encore de leur main des prefens de fruits, qu'ils vous prêtent fort d'accep- ter , difant à ceus qui les veulent refufer, Compère, fi tu ne* as pas beJQin pour toy -même , tules donneras a tes matelots. Ils appellent ainlï, tous les fetviteurs & domeftiques de ceus à qui ils parlent. Ce mot de CMatelot , eft commun aulTi entre les François habitans des lies , pour fignificr un Aflbcié. Et lors que deus habitans ont acheté, ou défriché une habitation enfemblc , on dit qu'ils fe font enwatelotez*. Onditque les Brc(llicns& les Canadiens, font auiïi quelques prefens en de pareilles ren- contres. Et Tacite nous rapporte, que les anciens Allemans régaloient de leurs liberalitez les étrangers qui les alloicntvi- fiter: Mais qu'ils demandoient réciproquement aufli quelque chofedeleurpart : Enceftc occafion , les Caraïbes fc mon- trent plus genereus : Car ils donnent fans rien demander. Mais ce feroitune incivilité, d'aller voir ces bonnes gens & de recevoir leurs courtoifies , fans leur faire aufll prefent de quelque chofe. C'eft pourquoy les étrangers qui les vont voir, ont toujours quelques grains de RafladcoudeCryftal, quelques hameçons, éguilles , épingles , oupetiscouteaus, & autres menues bagatelles. Et à la fin du repas ils mettent fur la petite table , fur laquelle ils ont mangé , quelques unes de ceschofes. Ceus qui ont préparé lefeftin, s'en tiennent re- compenfez au centuple , & en témoignent une grande fatis- fa&ion, & une reconnohTance nompareille. Jufques icy, nous avons repretenté le bon accueil & IV greable traittement, que les Caraïbes ont fait autrefois à quelques uns de leurs amis , ou Compères comme ils parlent, de la Nation Françoife, & Hollandoife, qui les ont vifitez. Mais ils ufent d'autres Cérémonies en la réception des Etrangers de leur même Nation, ou de leurs Confederez, qui arrivent dans leurs lies. Il y a en chaque Carbet un Sauva- ge, qui a la Commiiïion de recevoir les pafïans , ôcquis'ap- pelle TQoiïakaiti. S'ils font du commun , il leur prefente des fiéges,. Chap. is des Iles Antilles. 517 fiéges , &dece qu'il à de propre à manger, & fur tout une Caflave pliée en double , qui lignifie qu'ils mangent ce qu'ils pourront, mais qu'il laiflent lerefte. Si ceus qui les vont voir , ou qui panent par occafion , leur font plus confiderables , comme parens, où Capitaines, ils leur peignent les cheveus & en entrant & en fortant , ils pen- dent des lits & les invitent à fe repofer , en leur difant , En Bou'eha , voila ton lia:. Ils leur prefentent aufll des CMatou- tou, , qui font de petites tables tifluës de jonc, ou de feuilles de Palme oudeLatanier, comme nous Tavons de' ja dit , furie* quelles ils pofent des viandes & des Caffaves non pliées en deus , mais étendues. Les femmes les mettent à leurs pieds : JEt les hommes fe prefentant tout debout , font la civilité , & montrent ce qui a été apporté, en difant 9 Enyènbali , voila ton manger. Apres les femmes apportent des calebafles plei- nes de Ouïcou y & leur font boire à même. Puis les ayant po- fées devant eus contre terre , le mary qui eft derrière elles, fait encore civilité, en difant Enbâtoni, voila ton bruvage. Et l'autre répond à ces deus complimens Yao , c'eft à dire» Bien, ou grand mercy. La Caftave dépliée veut dire, Mange ton foui, & emporte lerefte. A quoy ils ne manquent. Quand ils ont bien difné fans eftre interrompus de perfonne, chacun, les vient faluer Tun après l'autre , en luy difant Hale^tibou\ e'eft à dire fois le bien venu. Mais les femmes ne fe meflent pas beaucoup dans cette cérémonie. Pour eus, quand il« s'en veulent aller , ils vont dire adieu à tous en particulier: Ce qu'ils expriment par le mot de Hukhm^ en leur fad* gage. ■ %ki 9 CBA- r*1^. il >■<"' 5I3 Histoire Morale, Chap.19 CHAPITRE DIXNEUVIEME. T>e ce qui tient lieu de (Police che\ les Caraïbes. IL y a en chaque Ile des Antilles habitées par les Caraïbes, plufieurs fortes de Capitaines, u Capitaine de Carbet, ou de Village, qu'ils nomment Tiouboutottli hauthe. C'eft quand un homme a une famille nombreufe , & qu'il fe retire à lécart des autres avec elle, & bâtit des cafes pour la loger, & un Carbet où elle s'aflemble quelquefois toute, pour fe réjouir, ou bien pour traitter des affaires qui touchent leur Communauté'. Il eft donc à caufe de cela, nommé Capitaine -de Famille, Ou demaifons. 2. Capitainede Piraugue, c'eft à dire, ôucéluy à qui appartient le vaifleau , ouceluy qui y commande quand on va en guerre , & ils font nommez Tiouboutouli Cmaoa. 3. Entre ceusqui commandent chaque vaiffeàu^n particulier , ils ont encore un Amiral ou un Gene- ral de mer, qni commande à toute la Flotte. Ils le nomment T^halenc. Enfin ils ont le grand Capitaine, qu'ils appellent Ouboutou, & au plurier Oubotitounum. C'eft le même que les EfpagnolS nomment Cacique , comme quelques autres In- diens, & quelquefois auffi nos Sauvages par imitation. 11 eft toute fa vie, dépuis qu'il cftéleu à cette charge, le General de leur armlées , & on luy fait toujours grand honneur. Il con- voque les afifemblées du Carbet, foit pour les rejouiflances publiques, foit pour les délibérations delà guerre. Et il mar- che toujours accompagné de toute fa maifon, & d'3utres gens qui luy veulent faire honneur. Ceus qui ont le plus de fuite, font les plus confiderez. Si quelcun ne luy porte pas le refpcd qu'il luy doit, il a droit de lever la main fur luy pour le frapper. Il n'y enaquedeusau plus dans une lie, comme à la Dominique. Ordinairement ils font aulîl les Amiraus quand la Flotte marche. Ou bien c'eft quelque jeune hom- me qui prétend à la charge, ck quife veut fignaler en cette occalion. On Chap.iç des Iles Antilles. 519 On parvient à cette charge par ele&ion. Et on ne peut être éleu que l'on nait tué plufieurs Arouâgues , ou pour le moins un Chef. Les fils ne fuccedent pas plutôt queles ad- tres à la charge de leurs Pères, s'ils n'en font dignes. Quand le Grand Capitaine parle, chacun fait filence. Et quand il en- tre au Carbet , chacun fc retire pour luy faireplace. Il a anlft toujours la première , & la meilleure part du feftin. Le Lieu- tenant de ce Capitaine fe nomme en Sauvage , Ouhoutou mdi arui, c'eft à dire proprement la trace du Capitaine, ou ce qui paroit après luy. ; Aucun de ces Chefs ne commande à toute laNation , & n'a d'empire fur les autres Capitaines. Mais quand les Ca- raïbes vont à la guerre, ils choifiiTentderousles Capitaines, un General d'Armée, qui fait la première attaque : Et la Cam- pagne étant finie, il n'a nulle autorité que dans fon lie. Il eft bien vray, ques'ilagenereufement réiiiîy dans fon entreprife^ il eft toujours fort confideré dans toutes les lies. Mais au- trefois , avant que le commerce que les Caraïbes ont avec les étrangers euft altéré la plus grand' part de leur ancienne po- lice , il y avoit bien du myftere , & bien des conditions, pour obtenir ce degré d'honneur. Il falloit premièrement, que celuy qu'on élevoit à cette Dignité, euft fait plufieurs campagnes à la guerre, & qu'an feu de toute Hle dont il devoit être éleû Capitaine* il s'y fuft porté courageufement & vaillammant. Après cela, il luy e'toit neceflaire d'être fi agile & fi léger à la courfe , qu'il fur- montaft en cet exercice tous les compétiteurs qui s'y prefeo- toientavecqueluy. Entroifiémelieu, le prétendant au Ge~ neralat de l'Ile , devoit emporter l'avantage à nager & à plonger, fur tous les autres afpirans. Pour la quatrième con- dition , il falloit qu'il portait un fardeau d'une telle pefanteur* que tous ceusqui briguoient avecque luy, n'en puflent fou- tenir le poids. Enfin , il étoit obligé à donner de grandes preuves de fa confiance. Car on luy déchiquetoit cruelle- ment les épaules & les mammellesavec une dent d'ftgouty; Même fes plus grands amis , luy faifoient de tres-vives & pro-i fondes incifions en divers endroits du corps. Et le miferable qui vouloit obtenir cette charge,devoit endurer tout cela, fans faire s El Vincent U Blanc, 3- part. chap. 7. Voyage* deMo- fttet, l.i. De Lery chap. 14. $20 Histoire Morale, Chap.i* faire parêtrc le moindre figne derefentiment & de douleur. Au contraire, il faloit qu'il montrait un vifage fatisfait <5c riant , comme s'il eût été le plus content & le plus aife du monde. On ne s'étonnera pas tant que ces Barbares fouf- friffent un traittement fi cruel , pour aquerirquelque dignité, lors qu'on fe reprefentera que les Turcs ne fe montrent quelquefois pas moins cruels envers eus-mémes , par une pure galanterie , & comme pour un fimple dtvcrtiiîemenr. Témoin ce que Busbequiusnous rapporte au quatrième li- vre de Tes Ambafiades > Ce quiferoit trop longà reciter en cet endroit. Pour revenir aus Antillois , cette ancienne cérémonie qu'ils obfervoientenl'éleëtion de leurs Chefs, femblerafans doute , comme ellei'eft en effet, étrange & Sauvage. Mais il fe trouve parmy d'autres Nations quelque chofe dcfembla- ble. Car au Royaume de Chili, on élit pour Souverain Ca- pitaine, celuyqui peut porter le plus long-tems un gros ar- bre fur fese'paules. Au pais de mapaco, vers la grande Ri- vière des Amazones, pour être fait Capitaine , il faut endu- rer , fans crier, fans faire la grimace 5 ni branler, neuf furieus coups de houflîne de chaque Capitaine, à trois diverfes fois. Mais ce n'eft pas tour. Il faut encore foufltrir d'être dans un lict de cotton au deiïus d'un feu de feuilles vertes , qui ne rend que de la fumée épaifle, laquelle montant en haut incom- mode beaucoup, comme l'ont peut penfer, lemiferablequi eft U sot que de s'y expofer. Etileft obligé à demeurer là, jufqu'à être évanoui & à demy-mort. C'eft avoir une mer- Veilleufe envie d'être Capitaine. Autrefois même , parmy les Perfes, ondemandoit à ceus qui vouloient être admis dans la confrérie du Soleil , des preuves de leur confiance , en qua- trevints fortes de tourmens. Les Brésiliens, fans y faire tant de façon, élifent pour leur General, celuy qui a le plus pris , & le plus tué d'ennemis. Et à prêtent auiîl, en quelques unes des Antilles, les Caraïbes fe rient eus-mémes de leurs an- ciennes cérémonies , en l'élection de leur Capitaine. Et par- ce qu'ils ont remarqué que leurs voifins tiennent pour ridi- cules ces façons de faire, ils fe contentent de choifir pour Chef ecluy qui s'étant porté vaillammam dans les guerres, con- Chap. 19 des Iles Antilles. 5 m contre leurs ennemis, s'eft aquis la réputation de brave & decourageus. Dés que le Cacique eft reçeu dans la charge , il fe voit ex- trêmement honoré de tous. On ne paroift devant luy qu'avec un grand refped. Et jamais perfonne ne parle , s'il ne l'inter- roge, ou ne le luy commande. Que s'il arrive à quelcun de ne pouvoir tenir fa langue , on entend les autres luy crier à l'heu- re même , CaUU Bocca , qu'ils ont apris de l'Efpagnol Mais ce n'eft pas tout que de fe taire en la prefence de leur Chef. Ils font tous fort attentifs à fon difeours, le regardent quand il parle, & pour témoigner, qu'ils approuvent ce qu'il dit , ils ont acoutumé de faire un foûris, acompagné d'un certain Hun-hun. Ces marques d'honneur n'ont rien du tout de Sauvage, & qui ne foit reçeu prefque par tout l'univers. Mais les Mal- divois ont une façon d'honorer bien particulière : Car com- me ils eftiment une a&ion de mépris de paflfer derrière une perfonne, aiuTi pour luy témoigner une grande déférence, ils prennent leur partage devant fes yeus , & fe baiflant le corps, difent en parlant , 2Vjr vous déplaife. Les yuncas , peu- pies de l'empire du Pérou, pour témoigner le refped qu'ils portoient à leur Dieu, entroient dans fon Temple à recu- lons , & en fortoient tout de même ; Tout au contraire de ce que nous pratiquons dans nos vifites & dans nos civilitez ordinaires. Les Turcs, eftiment la main gauche la plus hono- rable parmy les gens de guerre: les Javanscroyent qu'on ne fe peut foumettre & avilir davantage qu'en fe couvrant la tefte : Ce qui ne fe raporte pas mal à ce que Saint Paul dit de l'homme qui faitoraifon, ouquiprofetifeayantîa tefte cou- verte. Les Japonois tiennent pour une grande incivilité , de recevoir étant debout ceus que l'on veut honorer. Ils s'af- fayent, & déchauflent leur fouliers lorsqu'ils veulent faire honneur à quelcun. Au Royaume de Gagoen Afrique, tous lesfujets parlent à genousauRoy, ayant en leurs mains un vafe plein de fable , qu'ils fe jettent fur la tefte. Les Nègres du pais d' Angole fe couvrent auftî de terre, quand ils rencon- trent leur Prince , comme pour témoigner qu'ils ne font de- vant luy que poudre & cendre. Les Maronites du Mont V v v Liban P/card, Linfcot} Garct- lafjo, des Éayes, & au- tres. 1 Cor. iif m m :;.' ;.;' $22 Histoire Morale, Chap.i* Liban rencontrant en face leur Patriarche , fe profternent à fes pieds pour les baifer. Mais luy les relevant auffi-tor, leur prefente la main , laquelle ils iailïlTent à deus mains , <5c l'ayant baifée , la portent fur leur telle. Maisccusdu détroit de Sunda ont une coutume tout à fait étrange. C'eft que pour faire honneur à leurs Supérieurs, ils leur prennent en main le pied gauche, & leur frottent doucement la jambe de- puis le pied jufqu'au genou v Et en fuite, ils leur frottent de même le vifage jufques par defTus la telle. Jugez fi cette action-là feroit eftimée fort refpectuëufe en ces quartiers. Tout cela montre que l'honneur mondain , qu'el qu'il puiffe être ,. hors la vertu, ne confifte au fonds, que dans l'opinion & dans, la coutume, qui différent, & quibienfouvent fe cho- quent, félon la diverfité & la contrariété du caprice des Nations. Pour revenir au Capitaine de nos Caraïbes,, fon offkeeu: de prendre les refolutions pour le tems de la guerre , d'en or- donner les préparatifs, & d'y aller à la tefte de fes Compagnies. C'eft aufîi luy qui convoque les aflemblées de fon lie , & qui commande les réparations du Carbet , quicfl la mai fon où l'on s'aiTemble pour prendre les refolutions fur toutes les af- faires publiques. Enfin, c'eft luy qui dans les occafions , ré- pond au nom de toute l'Ile , & qui preferit les jours de diver- tiflement & de rejouïilànce: dont nous avons déjà parlé. Lajuftice, chez les Caraïbes, n'elt point exercée par le Capitaine, ni par aucun Magiftrat : Mais tout de mêmeque parmy les Toupnambous , celuy qui fe tient oriente entr'eus, tire de fon adverfaire telle fatisfa&ion que bon luy fcmble, félon que la paflion le luy dic~îe , & que fa force le luy per- met. Le public ne s'interefTe point d'ans la recherche des cri- mes. Que fi quelcun d'eus fouffre un tort ou un affront , fans s'en venger, il eft m'eprifé de tous les autres, & tenu pour un lâche, & pour un homme fans honneur. Mais , comme nous avons dit ailleurs , leurs divifions & leurs querelles font fort rares. Un Frère venge fon Ercre & fa Soeur, un Mary fa Femme, unPcrcfcscnfans, les enfans leur Perc. Ainfituez, ils font bien Chap.r^ des Iles Antilles. $zt bien tuez , par ce que ça été pour tirer raifon. Pour pré- venir cela, fi un Sauvage de quelque Ile a tue' un autre Sau- vage , crainte d'eftre tue' en revanche par les parens du mort, il fe fauve dans une autre Ile, & s'y habitue. Ceus qu'ils croyent Sorciers , ne la font pas longue parmy eus , quoy que bien fouvent, il y ait plus d'imagination que de vérité. Si les Caraïbes foubçonnentquelcun de leur avoir déro- be' quelque chofe, ils tafchent de l'attraper, & de luy faire des taillades , ou de couteau ou de dent d'Agouty , fur les épaules, pour marque de fon crime & de leur vengeance. Ces dcns d'Agouty , font en plufieurs occafions chez les Caraïbes , l'office de nos rafoirs. Et en effet elle ne font guè- re moins tranchantes & moins affilées. Ainfi les anciens Pé- ruviens & les Canariens n'ayant pas encore l'invention de nos ferremens , fe fervoient de certaines pierres à feu , com- me de cifeaus, de lancettes, & de rafoirs. Le mary, ne fouffre point que fa femme viole impuné- ment la foy conjugale: mais il s'en fait luy-même la jufti- ce, comme nous le dirons plus particulièrement au Chapi- tre des Mariages. Mais ils ne fa vent ce que c'eft que de ■&**- punir publiquement, & par forme de juftice. Et ils n'ont JJJJ* pas même de mot en leur langue, pour fignifier lujlhe ou 7L. lugement. * Vvv % CHA* 524 Histoire Morale, Chap.20 CHAPITRE VINTIEME. Des Guerres des Caraïbes. i Ltvre 1. Livre 3. des propos de table, qtteft. z. Trtgattd liv.i.c.-/. C'Eft ordinairement dans leurs fcftins publics , que les Caraïbes prennent leurs refolutions de faire la guerre. Ce qui n'eft pas particulier à leur Nation : car les Bre- filiens & les Canadiens en font de même. Et afin qu'on ne penfe pas qu'il ne fe trouve rien de tel que chez les Sauvages, Hérodote & Strabon nous témoignent , qu'autrefois les Per- (cs confultoient de leurs affaires les plus importantes dans leurs banquets , & lors qu'ils avoient la tefte pleine de vin. Et non feulement les Perfes: mais plufieurs Nations Gré- questenoient leurs Confeils à table, fi nous en croyons Plu- tarque. Ce que font encore aujourd'huy les Chinois , au rapport des Hiftoriens. Mais pour venir au détail des Confeils de guerre de nos Caraïbes, quand ils commencent à avoir le cerveau échauffé de leur boiffon, une Vieille entre dans leur aîfemblée avec une mine dolente & un maintien trifte, & les larmes aus ycus, demande audience. Ce qui luyeftant facilemect accordé, à caufe du refpeâ: & de la révérence que l'on porte à fon âge : d'une vois plantive & entre coupée de foupirs, elle reprcfen- te les dommages que toute la Nation a receus des A rouàgues, leurs anciens & capitaus ennemis. Et après avoir fait un dé- nombrement des plus grandes cruautez, qu'ils ont autrefois exercées contre les Caraïbes, &des vaillans hommes qu'ils ont tuez ou pris captifs dans les batailles , qui fe font données entr'eus, elle defeenden particulier, à c'eus qui de fraiche datte ont eux faits prifonniers , maflacrez, & mangez , dans les dernières rencontres $ Et enfin, elle conclud , quecefe- rdit à leur Nation une lâcheté honteufe & infupportablc, s'ils fie prenoient la vengeance de tous ces maus , imitant la genc- rofité de leurs PredecclTeurs , braves Caraïbes, qui n'ont iicn eu en plus grande recommandation , que de tirer raifon de in- jures qu'ils avoient receués : Et qui après avoir fecoiié le joug que Chap.20 des Iles Antilles. 525 que les Tyrans leurvouloient impofer pouraflfervir leur an- cienne liberté, ont porté tant de fois leurs armes vi&orieu- fes dans les terres de leurs ennemis, qu'ils ont pourfuivis avec la flèche ôc le feu jufques fur leurs plus hautes montag- nes, les ayant contraints de fe retirer dans le creus le plus profond des Abymes , dans les ouvertures des rochers , ôc dans l'horreur des Forets les plus épaifles: avec tant d'heu- reus fuccés, que même à prefent , ils n'oferoient plus paroi- tre fur les coftes de leurs Mers, & ne fauroient trouver de demeure (î écartée, où ils fepuiffent tenir à couvert contre les attaques des Caraïbes ; la frayeur & répouvantement les ayant faifis après de fi grandes victoires. Qu'il faut donc courageufement pour fuivre cette pointe , & ne fe point relâcher, que cette race ennemie ne foit tout à fait exter- minée. Autfi-toft que le difeours de la vieille eftfîny, le Capitaine harangue fur le même fujet, pour émouvoir davantage les Efprits : après quoy, on voit toute l'afiemblée applaudir una- nimement à fa proposition, & donner toutes fortes de fignes qu'ils reconnoiflent la juftice de la caufe. Et dés ce moment» eftant animez par les paroles qu'ils viennent d'entendre, ils ne refpirent plus que le fang & le carnage. Le Capitaine, jugeant bien parl'applaudiiïementde toute l'aflemblée, ôc par fes geftes& fa contenance , qu'elle concludàla guerre, bien qu'elle ne le difepas par (es paroles, il en fait , à l'heure mê- me l'ordonnance , ôc limite le tems de l'entreprife par quel- ques-unes de leurs façons de conter, comme nous l'avons dé- crit dans le Chapitre de leur (implicite naturelle. Il faut re- marquer icy, qu'ils prennent ces refolutions fanglantes eftant yvres- ôc après que le Diaole les a tourmentez pour les j porter, comme nous l'avons touché cy deflus. Dés le lendemain de cette aflemblée, on ne voit 6c on n'en- tend en tous les quartiers de l'Ile, que les préparatifs à laguer- re. Les uns poliffent leurs arcs : les autres mettent en état leurs maftues: les autres préparent , aiguifent , & enveni- ment leurs flèches: les autres, enfin, dreftènt ôc agencent leurs Piraugues. Les femmes de leur cofté , travaillent à difpofer 6c à amaûer les vivres neceflaires pour l'armée, Vvv 3 lî •f;; '*■?■• '■ <5 2« Histoire Morale, Chap. 20 Et au jour préfix chacun fe trouve fans manquer au bord de la mer, avec tout fon équipage, pour l'embarquement. Ilsfefoumiflfent tous d'un bon arc, & d'un gros troufieau de flèches qui font faites d'un certain petit rofeau poly, armé d'un fer par le bout, ou d'un os de queue de raye , dentelé <3c extrêmement piquant. C'en: aufiî de cela que les flèches des Brefiliens font armées. Mais les Caraïbes ajoutent aus leurs, pour les rendre plus redoutables, un poifon fouverainement mortel, compoféde jus de Mancenilles , & d'autres venins, la moindre égratignure qu'elles font , eft une blelTurc mortelle. 11 a efté jufquescy impoiîîble, de tirer d'eus le fecret decette composition. Ils portent auffi chacun cette épée de bois qu'ils nomment Boutou, ou pour mieus dire, cette maflue puilTante, qui leur tient lieu d'épée , & dont ils s'efcrjmentà merveilles. Ce font-là toutes leurs armes: car ils ne fe cou- Deiery vrentpoint deRondaches, comme les Taupinambous $ mais thap. i4. leurs corps demeurent tout à nud. Apres le foin de leurs armes, ils prennent celuyde leurs munitions de bouche , & portent en leurs vaifleaus, de la Caf- fave,dupoiflbn rofty, des fruits , & particulierementdes Ba- nanes , qui fe gardent long-tems , & de la farine de Manioc. Les Icaques dans leur guerre ne fe donnent pas cette peine. Et ce qu'ils pratiquent en ce point, leur eft tout particulier, & mérite que Ton en parle. Car ils fe palTent de fi peu de cho- ie pour leur nourriture, & fe plaifent fi fort à vivre de cer- taines prunes, qui croiflent en abondance en leurs quartiers, & dont ils portent même le nom d'Icaques, que quand ils vont à la guerre , on ne les voit jamais porter de provifion de bou- che avec eus. De ury nos Sauvages Antillois, auffi bien que ceus du Brefil , me- ^*14' nent d la guerre quelques femmes avec eus, pour faire leur cuifine & pour garder leurs Piraugues ou vauTcaus de mer, quand ils ont fait leur defeente. Us attachent fermement à ces Piraugues leurs armes & leurs munitions de bouche. De forte que fi le vaifleau vient à renverfer , ce qui arrive aflfez fouvent, ils le remettent fur fonafliette, fans rien perdre de &*p. 13. ce qui eft dedans. Et dans ces rencontres , cftant fi bons na- geurs que nous les avons reprefentez , ils ne fe trouvent point Chap. 20 des Iles Antilles. S 2 7 point en peine de leurs perfonrtes; & ils fe font quelquefois moquez des Chreftiens , qui fe rencontrant prés d'eus en ces occafions , fe mettoient en devoir de les fccourir. C'eft aintî que les Toupinambous fe noient un jour de nos François , en une fcmblable aventure , comme le recite Jean de Lery, Les Ch^.ix,. voiles des vaiffeaus des Caraïbes font de toile de cotton, ou d'une efpece de natte tifliië avec des feuilles de Palme. Ils favent admirablement bien ramer avec de certains petis avi- rons, qu'ils poufient d'une vitelTe nonpareille. Ils mènent aufli quelques Canots, qui font leurs plus petis vaifleaus, pour accompagner leurs Piraugues. Leur coutume eft de marcher dllc en Ile pour s'y raffrai- ehir , &ils ont à cet effet des jardins, en celles là même qui font defe rtes& inhabitées. Ils defeendent aulfi dans les Iles de leur Nation, pour joindre à leurs troupes, en chemin fai- fant , tous ceus qui font en état de les accompagner. Et ainiî ils grofïîflent leur armée, & avec cet équipage , iisfe vont rendre fans bruit, fur les Frontières. Lors qu'ils marchent le long des coftes ,. & que le foir eft venu , ils mettent leur vaiffeau fur le fable , & font en une de- mye heure leur logement fous quelque arbre , avec des feuil- les de Balifier ou de Latanicr, qu'ils attachent enfemble fur des gaules, ou fur des rofeaus , foutenus par quelques four- ches plantées en terre, & pour fervir de fondement à ce petit couvert, & pour fufpendre leurs lits. Ils appellent ces loge- mens faits à la halte , ^Aioupa. Le Legiflateur de Lacedemoneavoit défendu, entre au- pbtw*- très chofes, de faire fouvent la guerre contre mêmes enne- l*eeni* mis, de peur de les aguerrir. Mais les Caraïbes ne fui vent pas T%JL ces maximes, & n'appréhendent pas un pareil inconvénient. g»*° Car ils font toujours la guerre à la même Nation. Leur an- ciens «5c irréconciliables ennemis , ce font les Aroïïâcas^ Aro'ùa- ques , ou ^Arc'ùagueï , qui eft le nom qu'on leur donne le plu& communément dans les Iles , bien que quant aus Caraïbes,, ils les appellent K^Aloùagues 1 léquels demeurent en cette par- tie de l'Amérique Méridionale, qui eft connue dans les Cartes- fous le nom de Province de Guyana ou Guayana, guère loin des bords des rivières , qui defeendent de cette PTovince.poiu* fe. W AYYtAïl Ç3Quin, te Curfe Injitn. Itv. 9. GdYCt- h/fo i S- 52S Histoire Morale, Chap. 20 fe rendre en la mer. Le fujet de l'inimitié immortelle de nos Caraïbes Infulaires contres ces Peuples, a efté déjà touché au Chapitre de l'Origine des Caraïbes, alTavoir, que ces Aroûagues ont cruellement perfecuté les Caraïbes du Con- tinent leurs voifins, Confrères de nos Infulaires, & de la même Nation qu'eus. Et qu'ils leur ont livré continuelle- ment des guerres fanglantes pour les exterminer, ou, tout au moins, pour les chaiTerde leurs demeures. Ce font donc ces Arouàgues, que nos Antillois vont chercher en leur païs or- dinairement une fois ou deus par an, pour en tirer toute la vengeance que leur fureur eft capable de leur di&er. Et il faut remarquer que de leur codé, les Aroûagues ne vont jamais attaquer les Caraïbes Infulaires dans leurs lies, dépuis qu'ils fe font retirez de celle de Tabago, qui étoit la plus voifi- ne de leur Terre , mais qu'ils fe tiennent fur la fimple défen- sive j Au lieu qu'ils font aflurez de voir plus fouvent chez eus nos Sauvages, qu'ils n'auroient à fouhaiter, bien que de la der- nière des Antilles qui eft Sainte Croix, en côtoyant , comme ils ont coutume de faire, toutes les autres lies, dans léquei- les ils ont des jardins ou des Colonies, jufqucsaus terres de Aroûagues, il y ait environ trois cens lieues de chemin, La grande generofité du grand Alexandre le portoit à di- re , qu'il ne falloit pas dérobber la victoire: Mais Filippe, d'une autre humeur que fon fils, eftimoit qu'il n'y avoit ja- mais de honte à vaincre , de quelque failbn que ce puftefire. Nos Caraïbes , avec la plupart des Amcriquains, fe trouvent dans le même fermaient. Car ils font toutes leurs guerres par furprife, & ne tiennent pas à deshonneur de s'y fervir de la faveur des ténèbres. Bien au contraire des Icaques , qui s'e- fiimeroient flétris en leur réputation, fi lorsqu'ils arrivent dans les terres de leurs ennemis , ils ne les envoyoient avertir de leur venue & fommer de fe mettre fous les armes pour les recevoir. Les Arraucains qui font voifins du gouvernement de Chili, Peuple bclliqueus , & que l'Efpagnol n'a pu domter jufquesicy, en ayant efle même fouvent vaincu , font encore bien davantage. Car quand ils veulent combatre cet ennemy, ils luy font dénoncer la guerre par des Héraus & luy en- „voyent d;rç, JNous tuons trouver dans tant de Lunes: „Ticn Cnap.20 des 1 1 es Antilles. 529 ,, Tien toy preft. Et àinfiles Yncas, Rois du Pérou, n'entre- prenoient aucune guerre, qu'auparavant ils n'en avertiffcnt leurs ennemis , & ne la leur declaraffent par deus ou trois fois. Ge qui fera voir, en paOant, quéLefcarbot s'eft trompe dans fon Hiftoire de la Nouvelle France , lors qu'il a dit que tous les Indiens Occidentaus univerfeilement, font leurs ser- res par furprife. Les Caraïbes ont cette imagination , que la guerre qu'ils çommenceroient ouvertement ne leur reùfîiroit pas. De forte qu'après avoir fait leur defeente chez les Arouagués, s'ils font découverts, avant que de donner le premier choc, ou qu'un chien, parmaniere de dire, ait abbaye contr'eus, tenant cela pour mauvais augure, ils remontent tour froidement dans leurs vaiffeaus, & retournent en leurs lies, remettant la partie à une autre fois. , jfl Mais s'ils ne font point apperceus, ils donnent vivement fur leurs ennemis, & les vont chercher en leurs Cabanes. Que s'ils ne les peuvent pas aifément aborder, «Se qu'ils les trouvent trop bien retranchez 5c fortifiez dans quelques maifons mu- nies de bonnes paliffades, d'où iJs décochent leurs flèches avec avantage: ils ont acoutumé de les contraindre d'enfortir, en y jettant le feu avec leurs flèches, au bout déquelles ils atta- chent du cottdn allumé. £r ces flèches eftant pouffées fur les toits, qui ne font que d'herbes, oude feuilles de Palme, les enflamment auffi-toft. Ainfi les Aroûagues font obligez de fortirde leurs tanières, & de rendre combat en pléne cam- pagne 5 ou bien de prendre la fuite, Ci leur courage ne leur permet pas défaire telle ans ennemis. Quand nos Sauvages les ont dé cette forte attirez ap champ de bataille, ils tirent premièrement contr'eus toutes leurs flèches. Et après avoir ej?uifé leurs Carquois,] ils ont recours au Boutou, & font d'érrariges effets avec cette épé de bois, ou plutoft avec- cette mafluë: Ils ne font que fauteler en combattant, pour donnermoins deloifir à Fennemyde les mirer. Les armesà feu , parriculierement les canons , qui font tant de bruit & tant d'effet, fur tout lors qu'ils font chargez de clous, de chai- ne.s, & d'autres ferrailles , -leur ontabbatule courage , quand ils ont affaire avec nous , & leur font appréhender l'approche Xxx de I de rèU- monti.i. Paluda- uhs chez. Ltnfcot, ehap. 76. &h»- cent le Bldnc. Ltnfctt CT de Latt. 4toBa & le Uune. 530 Histoire Morale, Chap.20 de nos navires & de nos forts. Mais bien qu'ils ne prenent pas d'Opium, pour ofter lé fentiment, avant que d'aller au combat, comme les Turcs & les Indiens Orientaus de Cana- nor: & qu'ils ne fe nourrifient pas deTygres ni de Lions, pour fe rendre plus courageus , comme le Peuple du Royau- me de NarGngue vêts Malabar, toutefois quand ils com- battent armes égales contre les Aroùagues , & qu'ils ont commencé la bataille , principalement s'ils font animez par quelque heureus fuccés , ils font hardis comme des Lions , Ôc rien n'en capable de leur faire lâcher le pied: maisils veulent vaincre ou mourir. Ainti en faifoient les Sauvages belli- queus du païs de Cartagene eftans attaquez par les Efpagnols. Car ils fe precipitoient au combat de telle furie,* hommes & femmes, qu'une de leurs filles, coucha plufieurs Efpagnols fut la place avant que d'être tuée. On dit auffi que les Mexicains & les Canadiens fe font plutoft tailler en pièces, que de fe lauTer prendre au combat. Si les Antillois peuvent avoir en vie quelcun de leurs. ennemis , ils lelient & l'enménent captif en leurs lies. Que I quelcun de leurs gens tombe mort ou blette dans le champ 4e bataille, ce leur lerokun reproche erernel& infupportable, de le laiffer au pouvoir de l'ennemy. Et c'eft-pourquoy ils fe jettent de furie au milieu des puis grands dangers, ôc tefte-baiffée percent d'un commun effort, tout cequi leur fait refiftance , pour enlever les corps de leurs camarades , & les- ayant arrachez par force d'entre les mains des ennemis , les porter en leurs vaiCTeaus. Après que la bataille eft finie, nos Sauvages fe retirent au bord de la mer, ou dans quelque lie voifine. Et s'ils ont re- ceu quelque notable perte par la mort de quelques uns de leurs Chefs, ou de leurs plus vaillans foldats , ils font retentir l'air d'hurleraensSc de errs épouvantables, avant que de re- monter en leurs vauTeaus: Et méfiant une infinité de larmes au fang de leurs morts , ils les couchent pitoyablement en leurs Piraugues, & les accompagnent de leurs regrets & de leurs foupirs jufques aus premières dclcurs terres. Que s'ils ont culaviftoire, ilsne s'amufentpas à couper lestcftes de leurs ennemis tuez , à les porter en trofée , & à dcpoiiil- Chap. 20 des 1 1 e s Antilles. 5$ t dépouiller ces pauvres corps deleurpeau, pour la faire fervir d'étendart à leurs triomfcs , comme font les Canadiens : & comme le pratiquoient autrefois les Scythes , fur le rémoig^ nage d'Hérodote, & même nos vieus Gaulois, G. nous en zh.± croyons Tite Live. Les Caraïbes fe contentent de jetter '**• IOi des cris de joye fur les corps des Aroùagues , & de faire éclat- ter fur leurs rivages des tons d'alégreffe, comme pour inful- terà cette terre ennemie , avant que de la quitter. Mais apre's qu'ils ont répandu fur ce pais étranger une partie de leurs chanfons triomfales , ils remontent en diligence dans leurs vahTeaus , pour porter le refte dans le fein de leur patrie. Et ilsenmenent biengarottez les pauvres Aroiiagues qu'ils ont pris en vie, pour en faire chez eus la curée, que le Chapitre fuivant vareprefenter. Le but qu'ils ont en cette guerre , n'eft pas de fe rendre tnaitres d'un nouveau paï's, ou de fe charger des dépouilles de leurs ennemis : Mais ils ne fe propofent que la feule gloire de les vaincre & d'en triomfer, & le plaifir d'aflbuvir fureus la vengeance qu'ils refpirent, des torts qu'ils en ont reçeus. Nos Caraïbes n'ont, après les Aroiiagues, qu'ils nom- ment fimplement Etodtou , c'eft à dire Ennemis , aucuns plus grands ennemis que les Anglois, qu'ils appellent EtotttQtt 2{oubi) c'eft à dire Ennemis contrefaits , à caufe qu'ils font vê- tus. Cette inimitié a pris fon origine de ce que les Anglois, fous le pavillon des autres Nations , ayant attiré plulleurs des Caraïbes dans leurs vahTeaus, où au commencement ils les avoient amadouez ôc alléchez par mille careffes & petis pre- fens, & fur tout avec de l'eau de vie, qu'ils ayment extrême- ment : lors qu'ils virent que leur vaiiTcau étoit remply de ces pauvres gens, qui ne penfoientàrien moins qu'à une pareil- le perfidie, ils levèrent l'ancre, & portèrent les Caraïbes, hommes , femmes ; & enfans, en leurs terres, où jufqu a pré- sent ils les tiennent efc laves. On dit qu'à limitation des Efpagnols, ils ont fait ce lâche trait en plufieurs Iles. C'eft ce qui eft caufe qu'ils haïffent à mort les Anglois, & qu'ils ne peuvent feulement ouïr parler leur langue. Jufqueslàmême, que fi un François fefert de quelques termes Anglois en fon difeours , il atire fur foy leur inimitié. Aufiiï à leur tour, ôc Ixx a par 5J2 Histoire Morale, Chap.20 par droit de rcprefailks, ils ont fait fouvent des defcentes dans les lies de Momferrat, d'Antigoa, & en d'autres qui font oc- cupées par les Anglois. Et après avoir brûlé quelques mai- ions , & pillé quelques meubles , ils ont enlevé des hommes, des femmes, ôtdescnfans, qu'ils ont conduit à la Dominique & à Saint Vincent. Mais on n'apprend point qu'ils en ayent mangé aucun. Ils refervent cette cruauté pour les Aroiia- gues. Et même avant que les Caraïbes fuffent en guerre avec les Habitans de la Martinique , quand les Parens ou amis des Anglois qui avoyent été enmenezprifonniers de guerre par ces Caraïbes, employoient rinterceiïion & l'entremife des François, ils étoyent aifément élargis, & remis entre les mains des François, , quidonnoient en échange aus Caraïbes, quel- ques unes de ces bagatelles dont ils font cas ^ ou une coignée & quelque femblable outil qui leur eftnece flaire. On a mê- me recou de leurs mains des Aroiiagues deftinez à être man- gez , en leur prefentant aufïï en échange quelques unes de ces chofes. Us ont encore à prefent en l'Ile de Saint Vincent, des garçons & des filles de la Nation Angloife, qui pour avoir été enlevez fort jeunesyOnt oublié tout à fait leurs pacens , & ne voudroient pas même retourner avec eus, tant ils font façonnez à l'humeur des Caraïbes, qui les traittent auffide leur part fort doucement, comme s'ils étoient de leur Nation. Aujourd'huy, on ne les reconnoift qu'auscheveus qui font blons , au lieu que les Caraïbes les ont tous univerfelle- ment noirs. Quant aus Efpagnols , au commencement de la découver- te de l' Amérique , les Caraïbes qui pofledoient toutes les An- tilles furent rudement traittez par eus. Ils les perfecutoient avec le fer & le feu, & les pourfuivoient parmy les bois, com- me des belles fauves , pour les emmenercaptifs travailler aus mines. Ce qui contraignit ce peuple, qui eft vaillant & ge- nereus, àrepoulTerla violence, Scàdreflcr auQl des embû- ches à leurs ennemis -y Et même à les aflaillir à guerre ouver- te en leurs vaiiïeaus qui étoient à leurs rades, lcquels ils abor- doient fans crainte des armes à feu, & au travers des épées & des piques. Ce qui leur réùflîtà diverfes fois , fi avantageu- sement , qu'ils fe rendirent maîtres de pluficurs Navires ri- che- Chap;ao des Iles Antilles. 533 chement chargez, faifant main- baffe par tour, enlevant tout le butin, & puis brûlamles vaifleaus. 11 efî vray qu'ils pardon- noient ans enclaves Nègres qu'ils y rencontroient , & qu'ils lesconduyfoientàterre, pour les faire travailler en leursha- bitations. Et c'eft de là que font venus Jes Nègres qu'ils ont à prefent en l'Ile de Saint Vincent, & en quelques autres. Les Efpagnols ayant reffenty ces pertes, & voyantqu'ils avoient à faire à forte partie , & que quand ils auroient ruiné cette Nation, il ne leur en reviendroit aucun avantage : conr fiderant auffi que les Iles qu'ils habitoient éroient neceflaires à leurs vaifleaus qui vendent d'un long voyage , pour y pren- dre des rafFraichiffemens , de l'eau, du bois, &mêmedes vi- vres, aubefoin, &pourylaiflerdans la necefîité les malades qui étoienten leur Flotte, ils fe refolurent de traitter plus humainement les Caraïbes : & après avoir donné la liberté à quelques uns de ceus qu'ils tenoient captifs, «Se les avoir ama- douez & renvoyez en leurs terres aveeprefens, ilsfefervi- rent de leur entremife pour traitter une forme de paix avec ce Peuple, laquelle ayant été acceptée de quelques Iles> ils y jetterentles pourceaus qu'ils avoient amenez de l'Euro- pe : & depuis, ils y laiifoient en parlant les malades qu'ils avoient en leurs Navires , pour les reprendre au retour étanç guéris. Mais les Caraïbes de Saint Vincent, & cens qui de- meuroient à la Dominique, ne voulurent point confentir à cet accord, & ont confervé toujours jufqu'à prefent , leù-r a verfion contre les Efpagnols, & le defir de fe venger d'eus. Aurefte, pource qui eft particulièrement de leurs guerres défenfives,ils ont appris par la hantife& la fréquentation des Chrétiens , & par les démêliez qu'ils ont eu avec eus en di- verfes rencontres, à tenir leurs rangs , à fe camper en des lieusavantageus, àfeGabionner, & à fe fervir d'une forte retranchemens à leur imitation. Nos François le reconnu- rent & l'éprouvèrent ces dernières années, en la prife de l'Ile de la Grenade. Ils s'étoient imaginez, que les Caraïbes ne feroient nulle refifi ance : Mais ils les trouvèrent en défente, pour leur empêcher la defeente , & leur contefter lademeurc ■cn cette terre % Car outre qu'ils leur firent eiluyer la grefie X x x 3, d'une 5H Histoire Morale, Chap.20 d'une infinité de flèches, & qu'ayant mis des barricades aus avenues, ils s'oppoferent courageufement à leur débarque- ment, & les efcarmoucherent par plufieurs fois: quand ils virent que les nôtres, nonobftant leur refiftance ne faifoient point volte-face , mais qu'ils les repouflbient vertement dans les bois, ils fe rallièrent fur une éminence laquelle ils avoicnt fortifiée. Et comme elle étoit efcarpée de tous cotez , hors- mis d'un feul qui avoit une fpacieufe avenue, ils avoient cou- pédes arbres , du tronc defquels ils avoient compofé de longs rouleaus, qui étant attachez & retenus fort légèrement au plus haut de la montagne, pouvoient être roulez le long de la pante, & pouffez avec force & violence contre les nôtres, s'ils euflent voulu aller à l'aflaut. Ils firent aufli , à plufieurs reprifes, des forties de ce fort-là fur nos gens , qui étoient oc- cupez à enbaftirun, où ils puffent attendre en feureté le fe- cours qui leur devoit être envoyé delà Martinique : Et ils les tinrent inveftis quelques jours ; Pendant léquels ils avoient faitdescreusen terre, où ils étoient à couvert du mou fouet des François: Et de là, montrant feulement la relie , ilsdéco- choient des flèches contre ceus qui avoient l'afiurancc de fortir du retranchement. Ils pouffèrent même , à la faveur de la nuit, un pot remply de braife ardente, fur laquelle ils avoient jette une poigne de grains dePyman, en la Cabane que les François avoient dretfée des leur arrivée en l'Ile, afin de les étouffer, s'ils eulTent pu , pa*lafiiméedangereufe& la vapeur étourdilTante du Pyman. Mais leur mfe fut décou- verte : Et quelque tems après , le fccours étant fur venu aus nôtres, les Caraïbes traitterent avec eus , & leur laifTerent la libre pofTeiTion de cette terre. Cet accord , ne fut pas univerfcllement aprouvé des Chefs de cette inconftante Nation. Ceus de l'Ile de S. Vincent pro- tefterent les premiers à rencontre , & pour témoigner hau- tement leur defaveu , ils éclatèrent quelque tems après en une rupture ouverte , qui donna le commencement à une nouvel- le guerre, laquelle à duré dépuis le treziémede Juillet , de l'année mille fix cens cinquante quatre qu'elle fut déclarée, jufqu'a l'entrée de l'an mille lix cens foixame & un, c'eft à dire fée ans ou environ. Il Chap. 10 DES ILES ANTILLES. 535 11 eftvray que les Caraïbes, pour donner quelque couleur de juftice aus maflacres aus embrazemens & à routes les au- tres violences qu'ils commirent en fuite dans l'He de Sainte Aloufie , & en divers quartiers de celle de la Martinique allc- guoient entre leurs autres prétextes , que parle Traite' de paix qu'ils avoyent fait avec Mr- du Parquet 5 avant que de lui laif- ferla paifible jouïfiance de la Grenade, il s'étoit obligé de leur donner en compenfation , la valeur de trois mille florins, qui ieurferoient contez en marchandâmes qui leur feroient les plus agréables , entre toutes celles qui ont cours dans le pais : & que cette condition n'ayant point efté acomplie, ils avoyent eu droit d'en rechercher la fatisfaâdon les armes à la main, & de fe venger eus mêmes de tant d'autres injures qu'ils prêter*- doient avoir receu des François de la Martinique. ^ Cette longue guerre, qui fut accompagnée de divers fuc- cés , félon que les armes font journalières 5 fut enfin termi- née un peu après la mort de Mr- du Parquet r par la prudence & la valeur de Mr* deGourfolas , lequel il avoit faitrecon- noiftre de fon vivant , pour fon Lieutenant General. M*- de L'Aubicre, l'un des plus vaillans ôedes phis renommez Capi- taines de la même Ile de la Martinique , s'aquit auiïi beaucoup^ de gloire dans les grands & perilleus employs où il fut engagé, fuivant les ordres de Mr« deGourfolas fon digne frère , pouc prévenir les mauvais deffeins de ces Barbares , réprimer leur courfes , s'emparer de leurs retranchemens , & les obliger à quitter entièrement cette belle terre , pour fe réfugier au* Iles de S. Vincent & de la Dominique,qui font les feules places qui leur reftent à prefent de toutes les Antilles qu'ils ont au- trefois occupées. On tient , qu'il y a encore quelques familles de Caraïbes à la Martinique : mais outre qu'ils font leur demeure parmi les; François, & qu on ne leur permet plus d'avoir des Villages particuliers & d y faire des anembléesj. on les efclaire main- tenant de fi prés, qu'ils ne peuvent entretenir aucune intelli- gence ni fomenter aucun parti avec ceus de leur Nation qui: demeurent ailleurs, fans eÔre découverts. L'un des principaus OfKeiers delà Martinique , nous a^err* voyé de fa gra.ee , une fort ample, & très- exa&e Relation de tout ■ i*. 53^ Histoire Morale, Chap.ii tout ce qui s'eft pafle de plus mémorable durant cette guerre : mais parce que ce Chapitre eft déjà aOTez eftendu, & que ce ré- cit groffiroit nôtre ouvrage au delà de ce que nous avons pro- pofé , nous le referverons pour un autre Traité , auquel nous luy trouverons fa placc,ll le Seigneur nous continue la vie : & nous dirons feulement par avance , que les Habitans de cette Ile célèbre, font redevables de cedous repos, & de cette profonde tranquilite dont ils jouïflent à prefent, à la fage conduite, & au courage de Mr« de Gourfolas, & de Mr« de TAubiere fon frère : puifque Dieu s'eft fervi de leur zelc & de leur generofité, pour domter les Sauvages & confcrver à la. France l'une des plus illuftres & des plus peuplées Colonies qu 'elle ait dans tout ce nouveau Monde. CHAPITRE VINT-ET-UNIEME. Du Traitement que les Caraïbes font à leurs pri« fermiers de Guerre* NOus allons tremper nôtre plume danslefang & faire un Tableau qui donnera de l'horreur. 1! n'y paroiftra que de l'inhumanité, de la barbarie & de la rage. On verra des créatures raifonnables y dévorer cruellement leurs femblables , & fe remplir de leur chair & de leur fang , apre's avoir dépouillé la nature humaine, & revêtu celle des plus fanguinaires Ôc des plus furieufes belles. Chofe que les Payens même, au milieu de leurs ténèbres", ont autrefois trou- vée fi pleine d'exécration , qu'ils ont feint que le Soleil s'éroit retiré, pour ne point éclairer de tels repas. Lors que les Cannibales , ou ^Antropofages , c'cft à dire CMangeurs d'hommes : car c'cft icy proprement qu'il les faut appeller de ccnom, qui leur eft commun avecceluyde Ca- raïbes: lors dis-je, qu'ils ramènent quelque prifonnicr de guerred'entreles Aroiïagucs, il appartient de droit à celuy qui s'en eft faify dans le combat , ou qui l'a pris à la courfe. De forte qu'étant arrivé en fon lie, il le garde en fa maifon , & afin Chap.'2i des Iles Antilles. 53? dansunAmac, qu'il fufpend prcfqueaufaiftedefa café, & après l'avoir fait jeufner quatre ou cinq jours, il le produit en un jour de débauche folemnelle, pourfervir devi&ime pu- blique , à la haine immortelle des fes Compatriotes contre cette Nation. S'il y a de leurs ennemis morts fur la place , ils les man- gent fur le lieu même. Ils ne deftinent qu a l'efclavage les filles & les femmes prifes en guerre. Ils ne mangent point les enfans de leurs prifonnieres, moins encore les enfans qu'ils ont eus d'elles : mais ils les élèvent avec leurs autres enfans. Ils ont goûté autrefois de toutes les Nations qui les fréquentent, ôedifent que les François font les plusdelicats, & les Efpagnols les plus durs» Maintenant ils ne mangent plus de Chrétiens. Ils s'abftiennent aufTi de plufïeurscruautez, qu'ils avoyent acoutumé de faire, avant que de tuer leurs ennemis : Car au lieu qu'aprefent ilsfe contentent de les aflbmmer d'un coup de maffùë, & en fuitte de les mettre en quartiers, & de les faire rôtir & de les dévorer : ils leur faifoyent autrefois fouffrir beaucoup de tourmens, avant que de leur donner le^oup mor- tel. Voîcy donc une partie des inhumanitez qu'ils exerçoient en ces funeftes rencontres , comme eus-mêmelesont racon- tées à ceus qui ont eu la curiofité de s'en informer fur les liens, & qui les ont apprifes de leur bouche. Leprifonnier de guerre, qui avoiteftéfimalheureusque de tomber entre leurs mains , & qui n'ignoroit pas qu'il ne fut deftiné à recevoir tout le plus cruel traitement, que la rage leur pourroitfuggerer, s'armoit de confiance, & pour témoigner la generofité du peuple Aroiiague, marchoit de luy mêmealaigrementau lieu du fuplice , fans fe faire lier ni traifner , & fe prefentoit avec un vifage riant & afîuré au mi- lieu de raffemble'e, qu'ilfavoit ne refpirer autre chofe que fa mort. . A peine avoit il apperceu ces gens qui témoignoient tant de joye , voyant approcher celuy qui devoiteftre le mets de leur abominable feftin , que fans attendre leurs difeours, & leurs Cinglantes moqueries, il les prevenoit en ces termes. Jefay r, fort bien le deifein, pour lequel vous m'appeliez en ce lieu. Yyy „]e $îl Histoire Morale, Chap. 21 ,, ]e ne doute nullement que vous n'ayez envie de vous raf- ,,fà(ierde mon fang : & que vous ne brûliez d'impatience de ,, faire curée de mon corps. Mais vous n'avez pas fujet de ,, vous glorifier de me voir en cet état , ni moy de m'en affli-» ,, ger. Mes Compatriotes ont fait fouffrir à vos piedecef- ,,feurs beaucoup plus de maus que vous ne faunez en in- ,, venter prefentement contre moy. Et j'ay moy même avec ,,eus, bourrelé maflàcré, mangé de vos gens, de vos amis, de ,, vos pères. Outre que j'ay des parens, qui ne manqueront ,,pasdefe venger avec avantage fur vous, & fur vos enfans, „du traitement le plus inhumain que vous méditiez contre „ moy. Ouy , tout ce que la cruauté la plus ingenieufe vous ,, pourra di&er de tourmens pour m'ofterlavie, n'eft rien en „ comparaifondesfupplices , que ma Nation genereufe vous „ prépare pour échange. Employez donc fans feindre, & i, fans plus tarder, tout ce que vous avez de plus cruel, & de „plusfenfible, & croyez que je le meptife, & que je m'en », moque. A quoy fe rapporte fort bien cette bravade fan- ^nta* olante&eni°uee3quife lit d'unprifonnier Brefilien., preftà ™°Uva. »» être dévoré par fes ennemis* Venez tous hardiment leirt shAf. 3©. „ difoit-il , & vous alfcmblez pour difner de inoy. Car vous ,, mangerezquant & quant vos Pères Ôc vos Ayculs , qui ont „ fervy d'aliment & de nourriture à mon corps. Ces mufcle% ,, cette chair & ces veines , ce font les vôtres, pauvres fous ,, que vous êtes. Vous ne reconuoiflez pas que lafubitance ,, des menbres de vos anceftres s'y tient encore. Savourez ,, les bien , vous y trouverez le goût de vôtre propre chair. Revenons à nos Aroiïagues. Son cœurn'étoit pas feulement fur le bord de fes lèvres 5 il fe montroit aulli dans les effets qui fuivoient fa bravade. Car après que la Compagnie avoir enduré quelque tems , fes ficres menaces , & fes défis arrogans fans le toucher : un de lai troupe luy venoit brûler les coftez avec untifon flambant. L'autre luy faifoit des taillades vives & profondes , qui penc- îroient jufquesaus os, furies épaules, & partout le corps • Et ils jettoient dans fes douloureufes playes, cette épicerie piquante, que les Antillois nomment Pyman. D'autres fedi- y ertifibient à percer de flèches le pauvre patient : Et chacun travail- Chap.2î oïs Iies Antilles. $*$ travaillait avec plaifir à le tourmenter. Mais luy fouffroic avec le même vifage, & fans te'moigner le moindre fentiment -de douleur. Apres qu'ils s'étoyent ainfi jouez bien lon^ tems de ce miferable , enfin , s'ennuyant de ces infultes qui ne cefToient point , & de fa confiance, qui paroifïbit toujours «gale, l'un d'eus s'approchant l'aiTommoit d'un furieus coup demafFuë, qu'il luy dechargeoit fur la tefie. Voila le traite- ment que nos Cannibales faifoyent autrefois à leurs prifon- sniers de guerre : mais à prefent ils fe contentent de les aflbm- mer, ainfi que nous lavons de'ja reprefenté. Si toft que ce malheureus eft renverfé mort fur la place* les jeunes gens prennent le corps, & l'ayant lavé le mettent en pièces ; puis ils en font bouillir une partie , 6c rôtir l'au- tre fur des grilles de bois deftine'es à cet ufage. Quand, ce deteftable mets eft cuit & affaifonné , comme le defire leur in- fâme gofier, ils le divifent en autant de parts qu'ils font de perfonnes : Et affouvifTant avec avidité leur barbarie , ils le dévorent cruellement, & s'en repaient pleins de joye : ne croyant pas qu'il fe puilTe faire au monde de repas II deli- cieus. Les femmes , lèchent même les bâtons où la graiffe de l'Arouague a coulé. Ce qui ne vient pas tant de l'agrément, tga. Effats de Montag- ne liv.i. 554 Histoire Morale, Chap.23 cun choify pour leur donner un nouveau nom, auquel ils di- fent après qu'ils ont bien beu , Tttnléey atec , c'eft à dire , le . 1 o. LEs Caraïbes efhnt de leur nature d'un tres-bon tem- pérament , ôc pailant leur vie avec douceur & repos d'efprit, fans chagrin & fans inquiétude $ joint aufll la fobrieté ordinaire dont ils ufent en la conduite de leur vie, ce n'eft pas de merveille s'ils font exemts d'une infinité' d'in- commoditez& de maladies, qui travaillent d'autres Nations, & s'ils arrivent beaucoup plus tard au tombeau , que la plus grande partie des autres Peuples. Le bon air dont ilsjouif- fent , contribué encore à leur fanté & à la longueur de leurs jours. On ne trouve guère parmy-eus des ces âges abrégez, dont il fe voit fi grand nombre parmy-nous*. mais s'ils ne meurent de mort violente, ils meurent fort vieusprefque tous. Leur vieillefleeft extrêmement vigoureufe : & à quatre- vints dix ans les hommes engendrent encore. Il s'en voit grand nom- bre d'entr'eus, qui ont plus de cent ans,& qui n'ont pas un poil blanc. Jean de Lery, digne d'eftre creu , nous allure qu'il n'avoit appcrçeu prefque point de cheveus blancs en la telle des Taupinambous de pareil âge. D'autres Hiftoriens nous afiurent, que les femmes de ces Sauvages-là, gardent leur fé- condité jufques à quatre- vints ans. Et les François ont con- nu au pais de Canada un Sauvage , qui avoit encore les che- veus noirs, & meilleure veuë qu'eus tous, bien qu'il fuft à l'âge de cent ans. La vie ordinaire de nos Caraïbes eft de cent cinquante ans , & quelquefois plus. Car bien qu'ils ne fâchent pas con- ter leurs années, on ne laide pas d'cnrccucillir le nombre par les marques qu'ils en donnent. Et entr'autres, ils avoient encore il y a peu de tems au milieu d'eus , des perfonnes vi- vantes Chap. 24 des Iles Antilles. 559 vantes, qui fe fouvenoient d'avoir veu les premiers Efpagnols quiavoient aborde' en l'Amérique. D'où l'on conclud, qu'ils dévoient eftre âgez de cent-foixante ans au moins. Et en ef- fet , ce font des gens qui peuvent pafler pour l'ombre d'un corps, & qui n'ont prefqueplus que le cœur en vie, eflant couchez dans un lit , immobiles & décharnez comme des fquelettes. Ils ont, toutefois, encore delà fanté. Etilparoic bien que leur langue, non plus que leur cœur, n'efl pas mor- te , & que leur raifon refpire encore. Car non feulement ils parlent avec facilite' , mais la mémoire & le jugement accom- pagnent leurs paroles. Cette mort fi reculée qui fe voit chez les Caraïbes , ne doit £i.vre ^ pas fembler étrange, ni eftre prife pour un fantôme. Carpour liv. 4. laifier maintenant les grands âges des premiers fiecles &ceus tha!>-17" dont les Ctefias, les Herodotes ■& les Plines font mention, 07*48. les Hiftoriens modernes nous fourniflent affez d'exemples Relation pour confirmer cette vérité. Et entr'autres les Hollandois fes,B^ ■ r / . . , _, landais. qui ont trafique ans Moluques nous afiurent , que la vie en ce 1. part. païs-ià eft bornée d'ordinaire à cent trente ans. Vincent le <%-M° Blanc dit qu'en Sumatra, en Java, & ans Iles voifines, elle va %%£ jufqua cent quarante, comme elle fair aufîi chez les Cana- UbUmï diens. Et qu'au Royaume de Cafuby, elle atteint la cent ein- *• tarf' quantième année. François Pirard, & quelques autres, nous i.^4° témoignent que les Brefiliens ne vivent pas moins , & qu'ils thap.%6. vont jufqu a cent foixante ans, '& au delà même. Et dans f'r«Ç la Floride & en Jucatan, il s'êft trouvé des hommes qui paf- foient cet âge-là. En effet, on recite que les François, au ****ii* voyage de Laudoniere en la Floride, en 1564, Virent- là un S£*r- vieillard, qui fedifoit âgé de trois cens ans, & Père de cinq Ut, & Générations. Et en fin au rapport de Mafée, un Bengalois en de Laen Orient l'an 1557» & vantoit d'avoir trois cens trente-cinq ^tZ! ans. Après tout cela, la longueur de jours de nos Caraïbes h des ne fauroit paffer pour un prodige, ni une chofe incroyable. &*&g+: Afclepiade, au rapport de Plutarque , eftimoit quegcne- lZ'.u, ralement les habitans des païs froids vivoient plus que cens A»U%r des régions chaudes, parce, difoit-il , que le froid retient au ^®/^s dedans la chaleur naturelle, & ferre les pores pour la garder, fflfâjt* m lieu que cette chaleur fe diiïipe facilement dans les cli- *^ip« mats eron ah Tras* tê des 560 Histoire Morale» Chap.24. mots ou les pores font élargis & ouverts par la chaleur du Soleil. Mais l'expérience des Caraïbes, & de tant d'autres Peuples de la Zone torride qui vivent d'ordinaire un fi grand âge, pendant que nos Européens fontveus communément mourir jeunes, eft contraire à ce raifonnement naturel. Lors qu'il arrive , comme il ne fe peut autrement , que nos Caraïbes font attaquez de quelque mal, ils ont la connoiflan- ce de quantité d'herbes , de fruits, déracines, d'huyles & de gommes, par l'ayde déquellcs ils retournent bien-ton en con- valefcence, G le maln'eftpas incurable. Ils ont encore un fecret alTuré pour guérir la morfure des Couleuvres, pour- veu qu'elles n'ayent point percé la veine. Car alors il n'y a point de remède. C'eft le jus d'une herbe qu'ils appliquent fur la playe, & dans vint quatre heures ils font infaillible* ment guéris. Le mauvais alimem de Crabes & d'autres Infectes, dont ils fe nourrilTent ordinairement , eft caufe qu'ils font prefque tous fujetsà unefâcheufe maladie qu'ils nomment Pyans en leur langue, comme les François à la petire vérole. Quand ceusqui font entachez de cette fale maladie, mangent de la Tortue franche , ou du Lamantin , ou du Caret , qui eft une autre efpece de Tortue , ils font incontinent après tous bou- tonnez , parce que ces viandes font fortir ce mal en dehors. Ils ont auflîfouvent de girofles Apoftumes, des clous, & des charbons en divers endroits du corps. Pour guérir ces maus quiproviennent la plupart de la mauvaife nourriture dont ils ufent; Ils ont une écorce d'arbre appellée chipiou , amere comme fuye , laquelle ils font tremper dans de l'eau , & ayant râpé dans cette infufion le fonds d'un certain gros Coquilla- ge qu'on nomme Lambys , ils avalent cette Médecine. Ils preffent aufli quelquefois , l'écorce fraîchement levée de quelques arbres de CMiby , ou d'autres Vîmes qui rampent fur la terre, ou qui s'acrochent aus arbres , & boivent lejus qu'ils en ont exprimé: mais ils ne fe fervent pas volontiers de ce remède, que quand les arbres font en leur plus gran- de fève. Outrcces Médecines, avec lesquelles ils purgent les mau- vaifes humeurs du dedans 3 ils appliquent encore au dehors cer- Cliap. 24 des Iles Antilles. j$ t certains onguents, & linimens, qui ont une vertu très- particuliere pour nettoyer toutes les pullules qui reftent or- dinairement fur le corps de ceus qui font travaillez des Pyans, Ils compofent ces remèdes avec de la cendre de rofeaus brû- lez, laquelle ils démefient avec de l'eau, qu'ils recueillent des feuilles de la tige du Balifier. Ils ufent aufîi pour le même deflein,du jus du fruit de Itmipa , & ils appliquent furies bou- tons le marc de ce même fruit , à caufe qu'il à la vertu d'at- tirer tout le pus des playes , & de refermer les lèvres des ulcères. Ils n'ont point l'ufage de la faignée par l'ouver- ture de la veine , mais ils ufent de fearifications fur la partie douloureufe, en l'égratinant avec une dentd'Agou- ty , & la faifant quelque peu foigner. Et afin de diminuer rétonnement que pourroit caufer ce que nous avons déjà reprefenté ailleurs , de tant d'incifions que ces Barbares fc font pour divers fujets, & qui donneroient lieu de fe figurer en leurs perfonnes des corps toujours fangians , & couverts de playes, il faut favoir qu'ils ont auflfi des fecrets& des re- mèdes infaillibles pour fe guérir prontement , & pour fermer leurs bleflures , & confoiiderfi nettement leurs playes , qu'à peine peut on remarquer fur leurs corps , la moindre ci« catrice. Ils fe fervent aufïide bains artificiels , & provoquent les fueurs par une efpece de poêle où ils enferment le patient, qui reçoit par ce remède fon entière guerifon. Les Soriquois font auiîi fuer leurs malades : mais quelquefois ils leshume- cleat de leur haleine. Et pour la cure des playes, eus & les Flo- ridiens en fuccent le fang , comme les anciens Médecins le pratiquoient , quand quelcunav oit été mordu d'une bette ve- oimeufe, faifans préparer pour cela celuy qui en faifoit l'office. On dit aulfî que nos Caraïbes, lors qu'ils ont été piqués d'un ferpent dangereus, fe font fuccer laplayepar leurs femmes, après quelles ont pris un bruvage , quia la vertu de rabatre la force du venin. Les Taupinambous fuccent même les parties «naïades , bien qu'il n'y aie point de playe. Ce qui fe fait auffi quelquefois en la Floride. Et les Turcs, lors qu'il leur furvient quelque défludion, & quelque douleur, ou à la t: fie ou fur quelque autre partie du corps, brûlent la partie quifouffre, B b b b Qu^ei- de Laet* De Leïy chap 10. Ltnfcaft fhap. 1. de yîlU- m 562 Histoire Morale, Chap.24 Quelques uns des Peuples Barbares , ont de bien plus étranges remèdes dans leurs maladies , comme il fe peut voie chez les Historiens. Ainfi on dit que les indiens de Mechoa- cham & de Tabafco en la nouvelle Efpagne , pour fe guérir de la fièvre , fe jettent tous nuds dans la rivière penfant y noyer cette maladie. En quoy pour l'ordinaire ils reùiilTent fortmal Une action à peu prés femblable s'éilveuë chez les Caraïbes. Car xMonfieur du Montcl y trouva un jour un vieillard, qui fe l'avoit la telle à une fontaine extrêmement froide. Et luy en ayant demandé la caufe, le bon homme luy „ répondit : Compère , c'eft pour me guérir : car je fuis timotiche c'eftàdire beaucoup enrhumé. Le Gentil-homme ne le put empefeher d'en rire : mais plutôt il en eut pitié, croyant qu'il y en avoit allez pour perdre lepauvre vieillard. Et cependant contre toutes les régies de notre Médecine, cet étrange remède luy fuccedaheureufement. Car nôtre Gen- til-homme le rencontra le lendemain, gaillard & difpos , $c délivré tout à fait de fon rhume. Et le Sauvage ne manqua pas de s'en vanter , & de railler nôtre François , de fa vaine pitié du jour précèdent. Les Caraïbes font extrêmement jalousde leurs fecrets en la Médecine, fur tout leurs femmes qui font fort intelligen- tes en toutes ces cures : & pour quoy que ce puft élire, ils n'ont encore voulu communiquer aus Chrétiens les remèdes fouverains qu'ils ont contre la blelîure des flèches enpoifon- nées. Mais ils ne refufent pas de les vifiter & de les traiter quand ils ont befoin de leurfecours: au contraire ils s'y por- tent alégrement, & de tres-franche volonté. Ainfiunper- fonnage de qualité d'entre nos François ayant été mordu dangereufementparunferpent , en a été heureufementgue- Ϋ1S7 ry Par lcurra°yen- E° quoy certes ils font bien difTcrens de Und. (3 ces brutaus de Guinois & de Sumatrans, qui n'ont aucune devm- compaQion de leurs propres malades, les abondonnant com- iîlae. me ^e pauvres belles. Mais l'ancien Peuple de la Province j. part, de Babylone , prenoit un intereft fi particulier dans toutes les 'b?'T ma^'cs» que ^es malades y étoient mis en place publique, liv.u & chacun leur dévoit enfeigner le remède, dont il avoit fait l'expérience fur luy-même. Ceus qui ont fait voyage à Canv &t\at'ton Chap.24 des Iles Antilles» $$j Cambaya, difent, qu'ilyamêmeunHofpital pour traiter les ry*g> oifeaus malades. desDrac, Quand les remèdes ordinaires dont fe fervent nos Caraï- *" *""" bes en leur neceflité , n'ont pas eu un tel fuccés qu'ils s'é- toyent promis , pour lors ils ont recours à leurs Boyez, c'eft à dire à leurs Magiciens , qui contrefont aufli les Médecins : & les ayant conviez de les venir vifiter , ils les confultent fur l'e- venément de leurs maladies. Cesmalheureusfuppots del'E~ fprit malin , fe font aquis par leurs enchantemens , un tel cré- dit parmy ces pauvres abufez , qu'ils font reputez comme les arbitres de la vie & de la mort , & tellement redoutez à caufe de leurs fortileges , & de la vangeanee qu'ils tirent de ceus qui lesmépnfent, qu'il n'y a aucun de ce miferable Peuple, qui ne tienne à gloire de rendre une déférence & une obeïflaace aveugle, à tous leurs avis. Pour ce quieftdes Cérémonies qu'ils obfervent en ces ren- contres, nous les avons déjà touchées en partie au Chapitre de leur Religion. 11 faut avant toutes autres chofes, que la café en laquelle le Boyé doit entrer foit bien nettement pre* parée : que la petite table qu'ils nomment Utoatoutou, foit chargée de ï'Anakri $out CWaboya, c'eft à dire d'une offrande de Caflave & d'Ouycou pour l'Efprit malin : & même des prémices de leurs jardins, fi c'eft la faifon des fruits. Il faut aufli qu'il y ait à l'un des bouts de la café,- autant de petisfie*. ges , qu'il fe doit trouver de perfonnes à cette deteftable action, Après ces préparatifs , le Boyé, qui ne fait jamais cette oeuvre de ténèbres que pendant la nuit , ayant fait foio-neufe- ment éteindre tout le feu de la Café & des environs* entre dans cette obfcurité, & ayant trouvé fa place à l'ayde de la foible lueurd'un bout de Tabac allumé qu'il tient en fa main- il prononce d'abord quelques paroles Barbares : il frappe en fuit- te de fon pied gauche la terre à plufieurs reprifes , & ayant mis en fa bouche le bout de Tabac qu'il portoit en fa main, il fauf- ile cinq ou fi x fois en haut la fumée qui en fort, puis froiflant entre fes main le bout de Tabac , il i'eparpilie en l'air. Et alors le Diable qu'il a évoqué par ces fingeries , ébranlant d'une fu» rieufefecoutTelefaiftedelaCafe, ou excitant quelque autre Bbbb a bruit îr. •' M 'lui Mit an,. J,3.<.38. L'tvi 4. thajf. 11. Hlt*»y l + . f.l. .364 Histoire Morali, Chap.24 bruit épouvantable, comparoitauflfi-tôt, & répond diftire- ctement à toutes les demandes , qui luy font faites par le Boyé. Sile Diable aflfure, que la maladie de celuy pour lequel il eft confulté* n'eft pas mortelle : pour lors le Boyé «Scie Fantô- me qui l'accompagne, s'approchent du malade pour l'af- furer qu'il fera bien-tôt guery : & pour l'entretenir dans cette efperance, ils touchent doucement les parties les plus douloureufes de fon corps , & les ayant un peu prelTées, ils feignent d'en faire (ortir des épines , des os bnlez , des éclats de bois & de pierre , quiétoyent, à ce qui difentcesmalheu- reus Médecins , la caufe de (on mal. Ils humectent auffi quel- quefois de leur haleine la partie débile, & l'ayant fuccée à plufieurs reprifes , ils perfuadent au patient, qu'ils ont parce moyen attiré tout le venin qui étoiten fon corps, & qui le tenoit en langueur : En fin, pour la clôture de tour cet abomi- nable myftere, ils frottent tour le corps du malade avec le fuc du fruit de Iunipa , qui le teint d'un brun fort obfcur „ qui eft Gomme la marque & le feau de fa guerifon. Celuy qui croit d'avoir été guery par un fi darrmable moyen , a coutume de faire en reconnoiflance un grande fe- ftin, auquel le Boyé tient le premier rang entre les conviez. Il ne doit pasaufli oublier Ï^Anâkri pour le Diable, qui ne manque pas de s'y trouver. Mais fi le Boyé a reciieilly de la communication qu'il a eu avec fon Démon , que la maladie eft à la mort , il fe contente de confoler le malade, en luy dr- fant , que fon Dieu , ou pour mieus dire fon Diable familier, ayant pitié de luy, le veut enmcnercn fa Compagnie, pour eftre délivré de toutes fes infirmités. Certains Peuples, ne pouvans fupparter l'ennuy & les in- commoditez d'une trop caduque vicilleffe, avoient acoutumé de chaffer avec un verre de Ciguë, leurame qui croupiiïoic trop long tems à leur gré , dans leur miferable corps. Erquel- quesautresau rapport de Pline, étant las de vivre, feprecipi- toient en la mer. Mais en d'autres pais , les enfans natten- doient pas que leurs Pères étant parvenus à un grand âge, fillent cette exécution. Car on dit que par une Loy publi- que, ils en dtoient les parricides ôcles bourreaus» Elle Soleil écuire Chap. 24 des Iles Antilles. $65 éclaire encore aujourd'huy dans quelques Provinces de la Floride, des maudites créatures, qui par une efpece de reli- gion & de pieté , aflbmment leurs Pères parvenus à la cadu- cité , comme des perfonnes inutiles en ce monde , & qui font à charge à cus-mêmes. Mais quelque avancée que pnifle efîre la vieillefle chez nos Caraïbes, lesenfans nes'ennuyent pas de voir leur Pères & leurs Mères en cet état. Ilefîvray, que quelques Caraï- bes ont autrefois avancé la mort de leurs parcns, & ont tué leurs Pères & leurs Mères, croyant faire une bonne œuvre, &leur rendre un office charitable , en les délivrant de beau- coup d'incommodirez & d'ennuis, que traine après foy la vieillefle. Un vieus Capitaine que nos François nommoient le P/Atftf, feglonfioit d'avoir rendu ce deteftable fervice , à plufieurs de fes ancêtres. Mais premièrement r les Caraïbes ne pratiqnoient cette inhumanité , qu'envers ceus qui le defî- roient ainfi , pour être délivrez des miferesde cette vie: & ce n'étoit, que pour aquiefcer aus prières inftantes de ceus qui étoient las de vivre ,. qu'ils en ufoient de la forte. Déplus, cette Barbarie n'a jamais été univerfellcment reçeuë parmy eus : & lesplus fages l'ont d prefent endeteftation , & entre- tiennent leurs Pères & leurs Mères jnfques au dernier pério- de de leur vie, avec tous les foins , & tous les témoignages d'amitié , d'honneur & derefped, que Ton pourroif attendre d'une nation ,. qiii n'a point d'autre lumière pour fe conduire que celle d'une nature corrompue. Ils fuportent patiemment leurs défauts & les chagrins de leur vieillefle : ne fe laflent point de les fervir, & le plus qu'il leur eft pofllble, fe tiennent: prés d'eui pour les divertir, comme nos François Font-veu en quelques unes de leurs Iles. Ce qulne mérite pas une petite louange, fi l'on confidere que cela fe fait chez des Barbares., Que (i quelques uns d'entr'eus n'honorent pas ainfileurs Pè- res & leurs Mères , ils ont dégénère de la. vertu de leurs Ancêtres. „ . Htndèm Mais quand après tous leurs foins & toutes leurs peines, t*v+& Ms viennent à perdre queîcun de. leurs proches ou de leurs *'Jfa ™* amis, ils font de grands cris & de grandes lamentations fur à'xpom» £amorr5 Bien au contraire des anciens Traces, &desHabi~ n^Lu Bbbb i tans z^artte. 566 Histoire Morale, Chap.24 rans des Iles fortunées , qui enfeveliffoient leurs morts avec joye , danfes & chanfons , comme des perfonnes délivrées des miferes delà vie humaine. Après que les Caraïbes ont arro- fé le corps mort de leurs l'armes , ils le lavent, lerougiflenr, luy frottent la tefte d'huile, luy peignent les cheveus , luy plient les jambes contre lescuiltes, les coudes entre les jam- bes, & ils courbent le vifage fur les mains , de forte que tout le corps eft à peu prés en la même pofture, que l'enfant eft dans le ventre de fa Mère, & ils l'envelopcnt dans un lift neuf, attendant qu'ils le mettent en terre. 11 s'eft trouvé des Nations qui donnoient les rivières ans corps morts , pour fepulture ordinaire , comme quelques royàgt Ethiopiens. D'autres les jettoient aus oifeaus & aus chiens, ie?™ï comme les Pannes, les Hircaniens & leurs femblables aufll honneftes gens que Diogene le Cynique. Quelques autres Peuples un peu moins infenfez, les couvroient d'un mon- ceau de pierres. On dit que quelques Africains les mettent en des vahTeaus de terre: &que d'autres les logent dans du verre. Heraclite , qui tenoit le feu pour le principe de toutes chofes, vouloit qu'on brulaft les corps, afin qu'ils rctournaf- fent à leur origine. Et cette coutume obfervéepar les Ro- mains durant plufieurs Siècles, fe pratique encore aujour- d'huychezdivers Peuples del'Orient. Mais Cyrus difoit en mourant, qu'il n'y avoit rien de plus heureus , qued'eftreau feindela terre, la Mère commune de tous les humains. Les premiers Romains étoientde cette opinion: car ils enrerroient leurs morts. Et c'eft auiïi de tant de pratiques différentes fur ce fujet, celle que l'on trouve en ufage chez les Caraïbes. Ils ne font pas leurs folTes félon nôtre mode , mais femblables à celles des Turcs, des Brcfiliens, & des Canadiens 5 c'eft à dire delà profondeur de quatre ou cinq pieds , ou environ de figure ronde, de la forme d'un tonneau : Et au bas ils mettent un petit liège , fur lequel les parens & les amis du défunt af- féent le corps, le taillant en la même pofture qu'il luy ont donné incontinent après fa mort. Ils font ordinairement la fofie dans la café du défunt, ou s'ils l'enterrent ailleurs, ils font toujours un petit couvert fur l'endroit où le corps doit repofer , & après l'avoir dévalé dans cette 'Xenofon tn fa Cyrope- die.l.Z. hv. 7. cba]>. 54. Chap. 24 des îles Antilles. 567 cette fofle, & l'avoir cnvelopé de Ton Amac, ils font un grand feu à lentour, & tous les plus anciens tant hommes que femmes s'acroupiffent fur leurs genous. Les hommes fe placent derrière les femmes, & detemsen temsils leur paf- fent la main fur les bras pour les inciter à pleurer. Puis en chantant & pleurant ils difent tous d'une vois piteufe & la- „mentable. Hé pourquoy es tu mort* Tuavoistant de bon ,, Manioc, de bonnes Patates, de bonnes Bananes, de bons „ Ananas. Tu étois aimé dans ta Famille , & l'on avoit tant „de foin de ta peribnnc. Hé pourqupy donc es tu mon > „ Pourquoy es tu mort ? Si c'eft un homme ils ajoutent. Tu „ étoisfi vaillant & fi génereus. Tu as renverfé tant d'ennen „ miSj tu t'es fignalé en tant de combats : Tu nous as fait », manger tant d'Arouâgues: Hélas! qui nous défendra „ maintenant contre les Arouâgues l Hé pourquoy donc es „ tu mort > Pourquoy es tu mort. Et ils recommencent plu- fieurs fois la même chanfon. Les Toupinambous font à peu prés les mêmes lamenta- tions fur les Tombeaus de leurs morts. Ileftmort, difent &* &&. rt ils , ce bon chaffeur, & excellent pefcheur, ce vaillant guer- **4?"5* „rier , ce brave mangeur de prisonniers ,* ce grand aflbm- „meur de Portugais, & de Margaiats, ce génereus defenfeur w de notre pais. Il eftmort. Et ils répètent fouvent le mê- me refrène Les Guinois demandent aufïî à leurs morts , ce *«*•*£ qui lesaobligez à mourir, &leur frottent le vifage avec un 222f! bouchon de paille pour les réveiller. Et Busbequius, dans iwi la R dation de fes Ambafîades en Turquie recite , que paflant par un bourg de la Servie, nomme Yagodena, il entendit des femmes & des filles qui lamentant auprès d'un mort , luy di- foient dans leurs chants funèbres , comme s'il eut efté capa- ,, ble de les entendre. Qu'avons nous mérité & qu'avons 3, nous manqué de faire pour ton fervice, & pour ta confo- „ lation t Quel fujetde mécontentement as tu jamais eu con- *, tre nous , qui t'ait obligé de nous quiter , & de nous laiffer ,, ainfi miferabies & defolées ? Ce qui fe rapporte en partie aus plaintes funèbres de nos Caraïbes. Le Vacarme , & les Hurlemens des Toupinambous & des» Yisginiensenïèmblabies occafions, dure ordinairement un. Plutdr- quctnla vte de Lycur- AtoftAy de Lerjft Paul le feune, François Çauche, Thomas tltcole, che^Ber- gcron, Carps*t O Tri- gant. rAcoHa HtHotre de U Chtne, de Laes, Garalaf, T/rard, Ttnfcot &d-JH. tyes. 56X Histoire Morale. Chap. 24. mois. Les Peuples d'Fgipte , faifoient durer leurs larmes foixante&dix jours. Er quelques Floridiensemployent des vieilles pour pleurer le mort fix mois entiers. Mais Lycur- gue , avoit limité le deuil à onze jours , & c'eft à peu prés le tems que prenoient autrefois nos Caraïbes, pour pleurer le défunt , avant que de le couvrir de terre. Car durant l'efpace de dix jours, ou environ, deus fois chaque jour les parens, & même les plus inti< nés amys venoient vifiter le mort à fafolTe. Et ils aportoienttoujoursà boire & à manger à ce mort, Iuy ,,difant à chaque fois. Hé pourquoyes tu mort ? Pourquoy ,,ne veus tu pas retourner en vie ? Ne dis pas au moins „quc nous t'ayons refufé dequoy vivre. Car nous t'appor- „ tons à boire , & à manger. Et après qu'ils luy avoient fait cette belle exhortation, comme s'il l'eut dû entendre, ils luy laiflbient fur le bord delafofie les viandes & le bruvage, juf- ques à l'autre vifite, qu'ils les poulToient fur fa tefte, puis qu'il ne daignoit pas avancer fa main pour en prendre. Les Péruviens, les Brefiliens, les Canadiens, les Mada- gafearois, les Canariens , lesTartates , les Chinois , accom- pagnent auffi de quelques mets, les tombeaus où ils enter- rent leurs proches. Et fans aller fi loin , ne fe fait il pas quel- que chofe de femblable parmy nous > Car on iert durant quelques jours, les effigies de nos Roys & de nos Princes nou- vellement morts , & on leur prefente à boire & à manger, comme fi elles étoient vivantes: même jufqu'à faire devant elles, l'eiTay des viandes & du bruvage. LesCaraïbesdequelqueslles, pofentencoreàprefent des viandes prés de la folle du mort : mais ils ne le lailïent pas un fi long tems qu'ils faifoient autrefois , fans le couvrir de terre. Car après que la chanfon funèbre eft finie, & que les femmes ont épuifé toutes leurs larmes , l'un des amis du défunt luy met une planche fur la tefte, & les autres pouilent peu à peu la terre avec les mains & remploient la folle. On brûle après cela, tout ce qui aparcenoit au mort. Ils tuent au 01 quelquefois des Efclaves pour accompagner les Mânes de leurs morts , & les aller icrvircn l'autre monde. Mais ces pauvres miferablcs, gagnent au pied quand leur maiftre meurt, &.ic fauvent en quelque autre lie. On con- çoit Chap.2* des Iles -Antilles. $6? çoitùne jufte horreur, au récit de ces inhumaines & Barba- res funérailles , qui font arrofe'es du fang des Efclaves , & de diverfes autres perfonnes : & qui expofent en veuë de pau- vres femmes égorge'cs, brûlées, & enterrées toutes vives, pour aller en l'autre monde tenir compagnie à leurs maris, comme il s'en trouve des exemples chez diverfes Nations. Mais nos Caraïbes fe contentent en ces rencontres , de tuer les Efclaves du défunt, s'ils les peuvent atraper. Il e'toit défendu aus Lacedemoniens de rien enterrer avec les morts : mais le contraire s'eft pratique' , 4. Celafignifie en général tout cequifert de couverture. Mes os, T^Jbo. Celafignifie au fil un tendron. Les Caraïbes ne diftinguent point les veines d'avec les nerfs ; & ils les expriment par le mot de lSj.llagra , qui fignifîe, mes nerfs ou mes veines: comme Lillagra fes nerfs ou fes veines. Ils ap- pellent encore ainfi les ra- cines des arbres. Mon fan g , H. TQtta. F.iVi- moinalcu. Mon poil, mes cheveus,^///- bouri. Matefte, Nicheuc ke± Mesyeus, Nâkou. Ma prunelle , T&kou-euke. C'eft à dire proprement, Le noyau de mon œil. Mapaupie're, Nakou-ora. C'eft à dire, La peau de mon œil. Mon fourcil , Nicbikouchi. Proprement, Pièce d'œil. Mes cils, Nakou-ïou. Propre- ment, le poil de l 'œil. Mon front, Nérébé. Mon vifagc, Nie hibou. Mon nez, Nichiri: Ma bouche, IÇjàumai M a lé v re , Nioumarou. Ma dent, Nari. Ma dent macheliére, Nackeu~ ke. Mes gencives, NÀri-aregrik* proprement, ce ftti eji contre: mes dents. Mon oreille, Narikaë. mes temples, ISjuboyoubou. mes joués, 2S[uigné. ma langue, Ntnigné. mon menton, Nariona. ma mammclle, 2{ourï. ma poitrine, Narokou. mon épaule, t^V^'. mon bras, narreuna. Il fignifîe- aulTi une aile. mon coude, neugueumeuke. mes mains, noucabo^ mes doits, noucaho-raùn, com- me fi vous défiez , lespetis, ou les enfans de ma main. mon pouce, noucabo-iteignun^ Proprement , ce qui eft op- pofé aus doits* Le pouls, Loucabo anichi, c'eû à dire proprement , ïamede la main. mon ongle, noubara. moneftomac, nafiicbirokou. mon cœur, H. niouanni F. nânichi. Ce mot fignific aufll, moname. mon poulmon , noara. mon foye, noubana. mes entrailles, noulakaë. Cel* figni- VOCABULAI fîgnifîe auffî le ventre, mé s r e in s , nanaganL mon cofté, nauba. La ratte, eouemata. La veffie, ïchikouhu akae. mon nombril, narioma. Les parties naturelles de l'ho- me, H. Taloukoulï , F. iv> huera. Les parties naturelles de la femme, Touloukow. mon derrière , nârioma-rokou. ma fefle , niatta. macuhTe, nebouïh mon genou , nagagirik* mon jarret, nichaoua-chaouà. ma jzmbc, nournJL n\à gvévc 9 nouma^aboulougou. ma jointure , napataragoune, c'efî à dire, une chofe ajoutée. Ce qu'ils appliquent aufîi à une pie'ce que L'on met fur un habit, ma cheville du pied, noumour- gouti. mon pied, nougautï. mon talon , nougouti-ona, mes orteils , nougouti-raim. C'eft à dire proprement, les petisdupied* La plante demonpiecï, mu- gauti-rokou, proprement, le dedans du pied. Comme ils ne difent prefque jamais Tes noms inde'finis, fur tout des parties du corps^ mais qu'ils les reftreignent à 1 une des trois perfonnes, ie Caraïbe. $73 nous Les avons misicy à la première. Qui les voudra mettre aus autres , n'aura qu'à changer la première lettre à chaque mot : com- me on le peut apprendre dit Chapitre du Langage. II. PARENTÉ. Alliance. M On parent, H. 2vjW- moulikou. F '. l^itomke,. Mon mariage, Touelletelu Mon mary* Niraiti. Mon Père. En parlant à îuyr H.&V.Baba. En parlant de luy, H. ToumUn r. F. noukouchiiit mon grand Père, H.ltdwou- lau, F. nargoutL Mon Oncle paternel. On IV pelle Père, .Baba. Etpour fignifier le vray & propre Père, quand enlèvent di- ftinguer expreflement , o^ fait quelquefois cette addi- tion, Babatinnaka. L'oncle maternel , H. Tao, Fî K^ikktobou. mon fils,. H.. Imâkou^ Imoulmi Xamomri7 F. lS(jrâheu. mon petit fils, Hibali. Lors- qu'il n'y en aqu'un. Mais lors qu'il y en a plufieurs,. SVjbâgnem. * Cccc %, Moos If m 574- Vocabulaire Mon frcre aîné, H. Hanbin, F. XJjboukayem. Mon -cadet» H. Ouàriôiïè , & /£/r/. C'eft à dire propre- ment, mamoitté , ï.Namou- lèem, Mon beau-frere , & mon Coufin de me're , H. ibâ- mouï , F. WjkeUri. Le Coufin non marié à la Coufine, Tapai aganum. Mon Ncvc[i,Tanantigane. Mon gendre, Hibàli moukou. C'eft à dire ,qui fait des pet i s en fans. Ma femme, Yi.Tenénery. Les femmes difent , Liant, fa femme. Ma Me're, en parlantà elle, H. & F. Bibi, c'eft aufli une ex- clamation. En parlant d'elle; H.lchanitm. F. IStjnkouchourou. MaBelle-me're du fécond lit, T^oukoHchourotiteni. Ma Belle-mére dont j'ay e'poufé la fille , Imenouti. Ma grand'me're, H.Innouti. F. TS^aguette. La tante maternelle s'apelle Mère , Bibi. La paternelle, T^aheupouli. Ma fille , H. l^ananti, F. Ni- raheu. Ma Sœur, Nitou. L'ai ne' e , bibi-Ou'à?ièu'àn. La cadette, TamoulcloH.t. Bru, belle fille, & Nièce A7- C ARAÏBÉ. haché. Ma Coufine, H. Touë/léri, c'eft à dire , CMa femelle , ou mt, promifeh parce que naturel- ment elles font deuës pour femmes à leurs coufins. Les femmes difent Touëllou. Les enfans des deus fre'res, s'apellent frères & faut s : les enfans des deus ibeurs, tout de même. IIL CONDITIONS & ÇJJ ALITEZ, J N homme, ou un mafle, ^ H. OitekeB : au pluriel, Ou'ékliem, F. Eyéri : au plu- riel, Eyérium. Une femme, ou une femelle, U.Ou'ëlle;2LM pluriel, F. Ouliem Iriârou : au pluriel, Innoyum. Un enfant, Niankeïli. Un garçon, CMoutike. Une fille , Niankcï ou. Un petit garçon, Ouëkelliraeu, Proprement, Vn petit mafle. Une petite fille, Ouëlle raeu, Proprement , Vne petite fe- melle. Un vieillard , Ouà'iali. Un Pérc de famille , Tioubou- touli authe. Un vcuf& une veuve, Moin- cba. Un camarade, binaré. Un VOCABULAI Un amy, H. ibaou'dnale, F. Ni- tignon. Unennemy, H.Etdvtau, !.. Un ennemy contrefait , Etdu- tounoubi. AinQ nomment ils tous cens de leurs enne- mis qui font vêtus. Sauvage ,. CMaron. Les Ca- raïbes ne donnent ce nom qu'aus animaus & au s fruits Sauvages, Habitant , bonon. Infulaire , ou Habitant d'une Ile , Oubao-bonon. Mabitanr de la terre ferme, balom-bonon. Homme de Mer, balanaglë. C'eft ainfi qu'ils appellent les Chrétiens , parce qu'ils viennent de fi loin par mer en leurpaïs. Général d'armée navale j] ou Amiral, Nhalénè. Capitaine de vaifleau, 27/W* boutmli canaou'à. Grand Capitaine , ou Géné- ral, Ouboutou J au pluriel, Oiiboutoumim. [Lieutenant , Tiouboutoumali aricii C'eft à dire propre- ment , la trace du Capitaine, ou ce qui paroit après luy. Soldat, ou guerrier, Netou- kouïti, Sentinelle, Efpion, ^rikouti, Ndbara. Mon prifonnier de guerre, re Caraïbe. 5*75 Niauïtouli , Niou'èmakali. Celuy qui a la charge de re- cevoir les hôtes , Nioua- kaiti. Mon ferviteur à gage, tel que le Chrétiens en ont , Na- bouyott. Serviteur efclave, Tamon. Unchaflèur Ekerouti. Gras, Tiboulèli. Maigre, 7ouMit Grand, LMauehïpêéU. Gzos9Oubouto&ti. Petit, Nianti, Raett. Chétif, Ptkenine. Enlangagc bâtard. Haut,/j20#£& Bzs,0&aboutk Profond, QuMti, AntanUtk L arge, Taboubéreti. Long, Mauchinagouth Rond, Chiririti. Quarré, Batagoutk Beau, Bouitouti, \ Laid, 3$janti iehibou,- Mol, Nîouloutk " Dur, Téletu Sec, Ouarrbu, Ouârrouti. Humide, Kouch4kouàU: Le chaud & le froid font ex-** primez au titre ix# Blanc, CAtiutp. Noir, oûliti. Jaune, Houèretu Rouge, Bvnatu Ils ne favent nommer queces* quatre couleurs-là, & ils y rapportent toutes lesautres. 1 !• 576 Vocabulaire Caraïbe. Larron, Toualouti. Inceftueus , Kakouyottkouatiti, Adultère, Oulimateti. Paillard, Huéreti. Querelleus , Otdibimekoali , Koauaïti. Traitre, Nirobouteïti. Mauvais, Oulikati, TQanou'an- ù. Bon, Iroponti. Sage, Kanichicoti. Adroit, OWanigat* Fol , Leuleuti ao , ou, Talouati ao. C'eft à dire proprement, Jgajs n a point de lumière. Vaillant, Ballinumpti. Poltron , Abaouâtï. Joyeus , Aouerekoualiouanu T rifle, Imouëmeti. Yvre, Nitimaïnti. Riche, Katakobaitî. Pauvre, Matakobaïti. Piquant, chouchoutL Mort,2{eketali. IV. ACTIONS. & j Passio ns. IL fe fie en luy , Moingatteti lonê. Atten moy, Iacaba, Noubara. Efpere, attcn, ^Alliré. Efpere en luy, Emenicbiraba. Efperance, E mente h ira. Mon efperance , Nemenichi TAC té. Ma crainte, Ninonnoubouli, Ma joye, H. Naoueregon , F. Ntoudnni. Ma tnftcffc, Nitikaboue. Il eftné, Emeïgnouali. Sois le bien venu , Halea tibou. J'ay faim, Lamanatina. j'ayfoif, Nacrabatina. Donne moy à manger, ou, donne moy du pain, H. Terebali ùm boman , F. Nou- boute'ùm boman. Donne moy à boire, Natoni boman. Mange, à l'impératif, Baika. Manger, à l'infinitif , ce qui eft peu en ufage, ^Aika. Je mange, Naikiem. Boy, Ko ttr àb a. fe bois, Natiemt Natakayem. efuis e'chaufte de boire , iV4- charoudtina. Vien icy, Hac-yeté. Va t'en, bayottboukaa. Parle, i^friangaba. Je parle, J^anangayem. Tay toy, CAianiba. Aflieds toy, Niourouba. Couche toy par terre , Raoig- naba. Lève toy, Aganekaba. Tien toy debout, Raramaba: Regarde, Arikaba. Ecoute, Akambaba'é. Flaire, Irmichaba. Goutes-en, Aochabac. Touche le, Kowou'àba'è. \ Maixhe, bayoubaka. VOCABU LAI Je marche, Nayoubakayem, Promené toy, BabÀchiaka. Cours, Hehemba. Danfe, babénaka. Je danfe, Ndbmakayem. Saute, Choubakou'âba. Je vay fauter , choubakoua mabott. Ry, bétrraka. Je ris, ou j e me réjouis , Nmou- èrikoyem. Pleure, ^fyakouhba. Dors, btronk*. Réveille toy, Akakotou'dba. Veille , i^sfromankaba. Travail, H. Touàtegmdi. F. NoumanikU. Repos, Nemervoni, Combat Tibouikenoumdi. Guerre, H. Nawkoa, F. Ni- huftoukouli. Paix, Niu'émboulouli. Il eft défait, Niouellemaintj. H eft vaincu, Enèpâli. Refpire , i^fouraba banichi. Cela veut dire proprement, Rdffratcby ton cœur. Souffle, Phoubaé. Crache, Chouëba. Toufle, Hymba* Mouche toy , Naïnraba. Excrémenter, Houmoura. Lave toy, chibaba. Arrofe , Tonbaboubara. Vabaigner, Akaobouka. Je nage, Napouloukayem. Il nage bien, Ktpouloukatiti. 11 a été noyé', Chddadi. re Caraïbe, 577 11 a été étouffé, NiarahualL Ouvre, Tdaba. Ferme, Taba. Cherche, Aloukab*. Trouve, ibikouàbàë. Vole, Hamambti, Tu tombes , bitikeroyen. Perds le, Aboulekouabaë, Ven le, Kebecikctabaë. Acheté, Amouliakaba. Il traitte ou trafique , bteuÂ* nemeti. Va à la chalTe, Ekrekabouka. Macha(Te,iV##Yr». Il tire bien de l'arc, Kachien* ratiti, boukatitt. Il tire bien de l'arquebufe, Katouratiti. Va pçfcher du poiiïbn, Tik*» bouka authe. Je pefche, Natiakayem. Ma pefche, Natiakani. Il eft arrive' au port, Abonni» kaali. Je chante en l'Eglife , NdU- Ukayem. Je chante une chanfon , 2(j- romankayem. Il eft amoureus d'elle , il la carefTe, Ichoatoatitao. Baife-moy, chouba nioumou- lougou. Je veus eftre nommé : nom- me moy, TetikUeyatek. Il l'aime , Kinchinti loné, Ti~ bomnati. Il le hait , Yerekati lone. Querelle, Liouëlébouli. Dddd Yvrog- 57$ VOCABULAIR Yvrognerie, Liuetimali. Trappe, fouette, Baikoaba, Fouet, AbaichagU. Bats-le, k^pparabae. Egratigne, Kiomba. Tue le, Chiouïbaë. Il fe porte bien, ^touattienli. Il eft malade, Nanégaeîi. jyjinnëtcïti. Maladie, ^dnek. Je m'a deforcclé, Naraliatina. Je me vengeray, Nibaniboui- batina. Vengeance, Nayombanabouli. Il Ta mordu, Kerrélialo. Il eft blefie , Niboukabouati. W vit encore , H. Noulouke'ili, F, Kakékeïli. La vie, Lakâkechoni. 11 eft mort, H.Aou&li, Niko- tamainâli, F. Hilaali. La mort, Lalouène. Enterre \c-y ce qui ne fc dit pas feulement de l'homme, mais en général de tout ce que l'on met en terre, com- me d'une plante, Bonambaé. Enterremenr, Tonamouli. V. MENAGE. & Trafic. UN Village, Authe. Une maifon publique, Karbet. Une maifon, H. Toubana: Caraïbe. F. Touhonoko. Unappenty, un couvert, ou un auvent, Àioupa. Un Jardin, cftfoj'»*. Mon jardin, H.Imaînalit F. Nichait. FolTe à manioc, Tomonak. Le toict , Touba.no. ora. Pro- prement , Couverture de maifon ou de café. Muraille ou palifladc, KW- rara. Plancher. Ils n'en ont point. Planche, iboutou. Porte, Bina. Fenêtre , Toullepen , propre- ment, un trou. Lia , H. Amak & Akat , F. Tfejtèrà. Table, Toula. Pot defer, ou marmite, toura'é. Pot de terre, Taumahakaë , ÔC Canary. Chandelier, ou ce qui tient quel- VOCABU LAI quelque chofe, Taketaklê. Chandelle, lampe, flambeau, Touli, c'eft dufandalqui rend une gomme. Mouchette, Tachackoutaglé. Hameçon, Keou'è. Aiguilles, ^Akoucha. Epingle, K^Alopholer. Coffre, Arka. Hotte, Alaouata, Catoli. Tamis , pour pafler la farine du Manioc, & pour couler le Ouïcou, Hibichet. Fine farine de Manioc, Mou- chache. Viande, chair Tikeric. Du rot y, Aribelet, Achérouti. Une fauftç,Taomali9 ou Tau- lin hachis, 7S(jtara, (mali Un feftin, 2(âtonit Laupaii, Eletoak. Du poifon, H. Tiboukoulou, F. Tibaukoura, Marchandife, Eberitina. Marchand , Baouanemoukou. Pirauguc , ou grand vaifleau de Sauvages, Canaoua. Petit vaifleau de Sauvages, que nous appelions Canot, CouliaU. Navire, Kanahire. Cela vient fans doute de notre mot François. Corde, ibitarrou. Cable, Kaboya. C'eftunmot qui fent le baragoin & qu'ils ont formé, fans doute, de- puis qu'ils ont fréquenté R fi Caraïbe, çf$ avec les étrangers ; comme quelques uns des fuivans. Ancre, Tic hibani & Ankourou* Couteau, Couchique. {te, Cifeaus, Chirachi. Beaucoup, totts les doits de la main. Vint , Chonnoucabo raim. Chonnougouci raim , c'eft à d'vîcjous les doits de la main. & tom les orteils des pieds i Ils ne favent pas contée; plus avant. Voila ton lid, bou'èkra. Voila ton manger, Enyw* bali. Voila ton bruvage , en batonL Grand mercy , Tao% Guy, ^Anhan. Non, Otiâ. Demain, Alouka. Bon jour, CMaboue\ Adieu, Huichan. VI. ORNEMENT & Armes. BAbioles ou bagatelles en gênerai, Cacones. Couronne, Tiamatabonu Bague, Toukâbouri. Collier, Eneka, Mon collier, Tenekali. Bracelet, Nodrnari. Dddd 2 Pefl* $80 VoCABULAIR Pendant d'oreille , 2Yjv> kaela. Ceinture , leconti , ou 2\{j- ranvary. Brodequin, Tichepoulou. Peigne de France , baina. C'eft nôtre mot en Bara- goin. Peigne de rofeaus, boulera. Mouchoir, 2{aïnraglé; Miroir, Chibouchi. Epée, Echoubâra. Arquebufe , moufquet , Ra- kabouchou. Piftolet , Rakâbouchou raeu. Proprement , petite arque- bufe, on petit moufquet. Canon, Kaloon. Pique, Halebarde,ito/^<£. La pointe , H. Lichibau, > F. Laboulougou. Le milieu, Lirana^ Le bout, 7/904. Un arc, H. Oullaba, P. chbna- la. Ces deus mots figni- fient au Ai un ^Arbre. La corde de l'arc, fbitarrou. Des fle'ches, ^Alouani ybou- leoudy Hippé. Maflu'ë d'armes , dont les Sauvages fe fervent dans leurs combats au lieu d'é- péc, bouttott. g Caraïbe. VII. ANIMAUS; de terre, d'eau, et d'air. CHien, ^Anly; Chienne, Ouelle ' anly. Proprement , femelle de chien. Pourceau , bouirokou. Ils le nomment quelquefois auf- fi, Coincoin. Guenon , ou barbue , Alou*- ta. Tortue , Catallou r & en Ba- ragoin , Tortille. G fos lézard, Ouâyamaka, c'eft k même que d'autres In» diens appellent Igana*. Petit lézard, ouGobemou^ che , Qulleouma. Rat , Karattoni. Chat, CMéchou. Soldat ou efeargot, Makete. Fourmis, Hague. Araigne'e, Koulaelé. Serpent , Hé hué. Couleuv re, Couloubcra. De l'Efagnol. Scorpion, Akourot*. Poiflbn, ^iuthe. Et en lan- gage corrompu, Visket. Coquillage, Vignotage. Ils difent le poilîbn,& ils ajou- tent, Ora-y Comme qui di- roit, h coque , on la couver- ture dupoijfon. AinG, Ouat- tabo- VûC A BULAI taboui oray c'eft ce que nous apellons communément un kambti. Moufquite , ou efpece de moucheron, ^Aëtera. Autre efpece de mouche- rons , nommez communé- ment Manngoins , & con- nus fous ce nom-là, CMal'ù Kalâbala. Qui ont les pieds blancs. Mouche, Huërê-huëré. Mouche luifante , Cogouyott, celafe rapporte au Cocuyos d'autres Indiens. Oifeau, 'ïonoulm. Coq-d'Inde, OuekelB pikaka. Poule d'Inde, Ouëllcpïkaka. Poule commune, Kayoti> Canne, Kanarott. Oifon, IrirU. Perroquet, Kouléhuec. Pigeon, Ouakoukoua* Tourte , Oulleowl Perdrix, OuMami. Plume, Toubanna. C'eft aufïi une feuille. Aile, ou bras, Tarreunh Bec, ou bouche, Tiouma. Pied ou patte, Tougouti* VIII. ARBRES & PLANTES* A Rbte,Huëhue. Plante, Nimntdk. e Caraïbe. 5 S 1 Fleur, Illehuë. Fruit, ou graine, T'un. Feuille , Toubanna. C'eft auflî une plume. Branche, TouribourL Epine , feion , Huëhuè you. Proprement, le poil de ï ar- bre, ou, Huihué akou : com- me fi vous difiez , Les y eus de l'arbre. Une Foreft, ^Arab&u. Figues, Backoukm. Ils nomment les Oranges & les Citrons comme nous, parce que ces fruits leur font venus de l'Europe. Ca(Tier,ou Caniflcier, Mali* malt. Cotton, ^Manouloti. Cottonier, Aionoulou akecba* Raifinier, Ouliem. Raquette, fruit ainfi nommé par les François, Batta. Gros chardon , nommé Tor- che ou Cierge, Akoulerott* Tabac, Touli. Melon, &*/*/<*. Pois ou fève, ^Manconti, Canne, ourofeau, en géné- ral, Mamboulou., Tikaikek* Canne de Sucre, Caniche. Jus de Cannes , ou vin de Cannes, ^anichira. Sucre, chottere. C'eft notre mot même, en Baragoin. Une herbe, KaUo. Racine à manger , Torvlé. Dddd 3 IX.Cho Ils ne 5*2 VoCABULAIR IX. C HOSES E L E- mentairés & inanimées. LE Ciel, & une Nuee,0#- békoH. Nuage blanc, ^Allirou. Nuage noir, Ou'âllion. Brouillart, Kemerei. Etoille, Ou'dloukoumâ. Soleil, H.Huyeyouy¥.Kachi. Lune, H. TQnum , cequifig- nifie aufïi la terre, F. Kati. Journée, Lihuyeouli. Clarté & refplendeur, Lai- loukone. Lumière, Laguenani. Nuit, ^irtiboh. Ténèbres, bourreli. Il eft jour, Haloukaali. Il eft nuit, boureok^ali. Air, T^aouâragU. Vent, bebeité, il fignifîe aufli l'air quelquefois. Eeu, Ouittou. Cendre, ballifii. T\uyc,Konoboui. GreQe, glace, neige. ies connoiflent pas. Hyver, leur eft inconnu tout de même. YxéyLiromouli. Le froid, Lamoyenli. Le chaud, Loubacha. Le beau-tems, Icromonméélï. ils l'appellent auffidunom de l'Eté. Il fait beau-tems , Hueoumeti. Il fait mauvais-tes, Tehcumcti. Tonnerre, qh&Iqu tuyoulou* e Caraïbe. Le bruit du tonnerre, 7>/r- guetenni. Tempefte , Touàllou, b oint ara Ourogan : qui eft le nom le plus commun. Arc-en-ciel , ^Alamoulou, ou 7b«/o«w;comme qui diroit, plume, ou pannache de Dieu. Une montagne, Ouebo. Une vallée, Taralironne. Le montant, Tagregum, Une plaine, Liromonobou. Eau, rivière, Tâna. Et2Ln°yTaonaba. Source, fmttiinr[ TiimiUunj Puits, Chiekati. Ruifléau, Tipouliri. Mer, H. BaUnna, F. Balaouâ. TcncyH.Nonum. Cela ligni- fie au (Il la Lune, F. Monà* Excrément, itika. Sable, Saccao. Chemin, Ema. Pierre, Tébou. Rocher, Emet ait, llej Oubao. Terre ferme , ou Continent, balouè. Du bois, Huchuê ', il fignific auffi un t^sfrbre. Du fer, Crâbou. De l'or & de l'argent, boulât. t. De l'airin, Tialapirou. Du letton, Kaouanam. Un trou, Toullepen, cela ligni- fie au (11 une fenêtre. Une rade, beya, c'eft le mot de baye un peu changé. X. Cho- X. CHOSES SPIRI tuelles, ou de Religion. L'Ame eft exprimée par le même mot qui fignirlele cœur. Voyez au titre des parties du corps humain. Un Efprk , H. ^kambou'é, F. Opoyem ' Ces noms font generaus. C'eft pourquoy ils s'appliquent patfois à l'Efpritde l'homme. Mais ils font donnez en particu- lier aus bons efpritsj.au moins que les Caraïbes efti- ment tels, & qui leur tien- nent lieu de Dieus. Bon efprit , qu'ils tiennent pour une Divinité, & dont chacun d'eus a le fienpour fon Dieu en particulier, eft . auiTî nomme' , le hein t qui eft le mot des hommes $ & Chem'ùn, qui eft céhiy des femmes, & dont le pluriel eft Chemignumi De forte que ces mots répondent à Vocabulaire Caraïbe. 5S3 celuy de Dieu, & des picm. Mon bon efprit , ou , mon Dieu, H. Icheïrikou, F. 2Çf- chemérakou. Efprit malin,ou Diable. Hom- mes & femmes l'appellent, Maboyt, comme pronon- cent tous nos François : Mais les .Caraïbes pronon- cent icy le B. un peu à l'Al- lemande , comme fi nous écrivions, Afopoya, Ils donnent aulfi le nom de Mdboya à de certains cham- | pignons, & à de certaines plantes de mauvaife odeur. Le Diable ou l'efprit malin eft icy: Sauvons nous crain- te de luy, Maboya Kayeu-eu; Katmaloari. Ils ont accou- tumé de dire cela,lors qu'ils fentet une mauvaife odeur. Offrandes qu'ils font aus faus Dieus , ou aus Démons, ^Anacri, Invocation., prière , cérémo- nie , adoration. Ils ne fa- vent ce que c:e& I F I N. . TABLI m TABLE DES CHAPITRES & DES ARTICLES, Du premier Livre de cette Hiftoire des Antilles. D CHAPITRE PREMIER. E lu fit nation des ^Antilles en gêner d : de la Tempé- rature de latr\ de la nature du pais & des Peuples qui y habitent. pag l CHAPITRE IL De chacune des Antilles en particulier. pag 7 Article premier, de Y Ile de Tabago. 7 Article fécond, de l'Ile de là Grenade. 23 Article troifiéme, de l'Ile de Bekia. 24 Article quatrième, de l'Ile de Saint rincent. 24 Article cinquième, de l'Ile de laBarboude. 25 Articlefixiéme,derilede Sainte Lucie. 27 Article fettiéme, de l'Ile de laCMartinique. 28 CHAPITRE III. Des Iles Antilles qui s*étendent vers le ?{ord. pa Article premier, de l'Ile de U Dominique. Article fécond, de l'Ile de Marigalante. Article troifiéme, des lies des Saintes & des Oifiaus. Article quatrième, de l'Ile de la Defirade. Article cinquième, de l'Ile de la Gardeloupe. Article fixiéme, de l'Ile £<^Antigoa. Article fettiéme, de l' lie de CM ont -ferrât. Article huitième, de l'Ile de la Barbade , 6c de laRedonde. Article neufiéme, del'Ilede ?{jcves. ;.35 35 37 3» 3S 39 42 42 43 44 CHA- T A L E. CHAPITRE IV. De l'Ile de Saint chrijlofe en particulier. p ag. 45 C H A P I T R E V. Des îles de dejfous le Vent. pag, $6 Article premier de l'Ile de Saint Euftache^ pag, '56 Article fécond, de V Ile de JW»* Bartelemy. 5 S Article troifie'me, de l'Ile de Saba. 5 8 Article quatrième, de l'Ile de Saint CMartin. 5 9 Article cinquie'me, de l'Ile de l'Anguille. 60 Article fixie'me, des lies de Sômbrere, d'Jnegœde é* des Fier* ges. 61 Article f e ttie'me, de V Ile de Sainte Croix. 6 1 CHAPITRE VI. Des arbres qui croiffent en ces îles dont on peut manger le fruit. pag. 6 2 Article premier, Des Orangers, Grenadiers t & Citronkrs. 6 î Article fécond, Du Goyavjer. 64 Article ttoiGéaic, Du Papayer. 6$ Article quatrie'me, Du LMomin* 6 7 Article cinquième, Du Iumpa. 6$ Article fixie'me, Du Raifinier. 7 1 Article fettiéme, De T acajou. 72 Article huitième, Des prunes d' Icaque. 74 Article neufiéme, Des Prunes de CMonbain* -• 75 Article dixième, Du Courbary. 75 Article onzième. Du Figuier d'Inde. 76 Article douzième, Du Cormier. 77 Article treizie'me, Du Palmifte Epinem. 77 Article quat orzie'me, Du Palmifte franc. 7 S Article qumzie'me, Du Latanier. S 1 Article feizie'me. Du Cocos. 8 2 Article dix fettie'me, Du Cacao. % 4 Bet* CHA- I 1 f t I CHAPITRE VIL Des K^Arbires qui font propres a bâtir : où qui fervent à la Lûfe* wyferie : ou h la Teinture. pag 8 6 Article premier, De deus fortes d'Acajou» 8 6 Article fécond, De V 4c ornas. 87 Article troifième, Dubois de Rofe. 8.8 Article quatrième, Du boii d\/ndef 8 9 Article cinquième s De plufieurs bois rouges qui font propres k bâtir, ér de s bots de fer, 90 Article-fixième, De plufieurs arbres dont le bois efl propre a la Teinture, 9 1 Article fettième, Du Roucou. 94 CHAPITRE VIlî. Des ^Arbres qui font utiles à la^Medecine. Et de quelques au* très dont les Habit ans des Antilles peuvent tirer de grands, avantages, 94. Article premier, Du Cafïerou Canificier4 9-5 Article fécond, Des T^oisde JMedecine^ 97 Article troifième, Du bois de Canelle. 98 Article quatrième, Du Cottonnier. 99 Article cinquième, Du Savonnier*. Ioo Article CixiémctDu Paretuvier^ iqo Article fcuiémc, Du.Calebafîier. 101 Article huitième, DuCMahot. 10 s tv CHAPITRE IX. Des i^sfrbriffeaus du pris qui portent des fruits , ou qui pouffent des racmes qui font propres k la nourriture des Habitans , ou qui fer vent \à d'autres ufàges. pag. 104 Article premier, Du Manioc. 104. Article fecond, Du Ricinus ou Palma chriHii. 106 Ar tklc t r oifième, Des Ba»aniers & Figuiers , 107 Arti- TABLE. Article quatrième, Du bois de Coral. 1 i o Ariicle cinquième, Du Iafmin & du bois de chandelle. 1 1 o CHAPITRE X. Des Plantes t Herbages, ejr Racines de la terres de Antilles. 1 1 1 Article premier, De trois forte de Pyman. 1 1 1 Article fécond, Du Tabac. 1 1 j Article troilièmc, De l'Indigo. 1 1 4 Article quatrième, Du Gingembre. 115 Article cinquième, Des Patates. 1 16 Article fixie'me, Del Ananas. 1 18 Article fettiéme, Des Cannes de Sucre. izz CHAPITRE XL De quelques autres rares frodutfions de la terre des ^AntiSes \ & de plufieur s fortes de légumes , ejr de Fleur s qui y croïf- fent* pag. 123 Article premier, Des Raquettes: 1 24 Article fécond, Du Cierge. 1 2.5 . Article troisième, De plufieur s forte de Lignes. 1 2 5 Article quatrième, Des Herbes toujours vives. 1 26 Article cinquième, Des plantes /e?/fibles. 126 Artkl e fixiéme, De plufieur s fortes de Pois. 128 Article fettiéme, Des Fèves & Fafeoles. 1 29 Article huitième, Des Plantes dr Herbes qui peuvent avoir leur ffige en la Médecine ou au ménage. 1 30 Article neu fi ëme, Des CWelons d'eau. 131 Article dixième, Des Lys des Antilles. 1 3 2 Article o n ziéme, De deus fortes de Fleurs de la Papon. 1 3 3 Article douzième, Del' Herbe de Mufc. 136 CHAPITRE XII. D* cinq fortes de befies k quatre pieds, qu on a trouve dans ces Iles. psg. 137 Artîcle premier, De Popajfum. 1 3 7 Article fécond, Du Javaris. 1 3 s Ecee % Airî- I ■ TABLE. Aïtîcte troifiéme, Du Tatou. Article quatrième, Del'Agouty, Article cinquième, Des Rats m uj que 'z, CHAPITRE XIII, Des Reptiles qui fe voyçnt en ces îles. i*9> 13S> 14* pag. 142 Article premier, De plufieurs ejpeces de Serpens & de Cou- leuvres, jj^z Article fécond, Des Lézard j 44. Article troifie'me, Des -^fnolù. \ 4.6 Article quatrième, Des Roquets. 14.7 Article cinquième, Des CWabouias. 14.7 Article fixiéme, Des Goubes CMoucher. 148- Articie fettiéme, Des Brochets de terre. i^q, Article huitième, Des Scorpions & d'une autre effce ce de d ange- rem Reptiles* jj0 CHAPITRE XI Des Infectes qui font communs aus -^Antilles. Article premier, Des Soldats & des 'Limaçon s,. Article fécond, Df/ Mouches Luminçufes. Article troifie'me, Des Falanges. Article quatrième, Des UUi/lepieds. Article cinquième, Des Araignées. Arriclefixième, Du Tigre volant. p^g.152 15S 15 4- 157 359 159. 160 Article fettiéme, Des Abeilles & de quelques autres Infectes. 1 6 1 CHAPITRE XV. Des Oifcaut les plus confiderables des Antilles. pag. 163 Article premier, Des Frégates. 163 Article fécond, Des Fauves. 1 64. Article troifiéme , Des Aigrettes dr de plujieurs~autr.es Oifeaiu de Mer dr de Rivière. je 5 article quatrième, Du Grand Go fier. 165 Article cinquième, Des Foules d'eau.. \ 66 A«i- T A S L E. Article fixiëme, Des Flammans: I:g7 Article fettiëme, De l'Hirondelle de V Amériques. \ 6% Article huitième, Deplufieurs Oifeaus de Terre. 169 Article neufiëme, Des ^4rras. j ?Q Article dixième, Des Canidés, l ~ r Article o n ziëme, Des Perroquets. ï 73 Article douzième, Des Perriques. ' j7i Article trdzie'me, Du Tremblo. ! 7^ Article quatorzième, Du Paffereau de F Amérique 174. Article quinzième , De l'Aigle d'orinoque^j. 175 Article feizième,D#c^^/^. 175 Article dixfettiëme, Du Coltbrjr. 176, CHAPITRE XVI. 7>es Poifonsde la Mer, & des Rivières des Antilles. pag, 1 83 Article premier, Des Poiffons volans. 1 g $ article fécond, Des Perroquets de Mer. 185 article troifième, De la Dorade. * 186 article quatrième, De la Bonite. j § 7 article cinquième, De l'Aiguille de Mer. 1 %f article fixiëme, De plufieurs autres poijjons de la Mer & de? Rivières. v%% CHAPITRE XVII Des Monjfes Marins qui fi trouvent en tes quartiers. pag. 1 90* article premier, De l'Ejpadon. ! %Q article fécond, DesUMarfouïns* 1 91 article troifième, Du Requiem. j ^ article quatrième, D* la Remore. 3 ^ article cinquième, Du Lamantin. ! 9+ article fixiéme, Des Baleines & autres- Monjlre s dexMer. 1 93 article fettiéme, Des* Diables de CMer. j $§,, article huitième, De la Becune. ! 9f? article neufiëme, De la Becafe de Mer; 1 gji article dixième, De l'HeriJfon de Me*. j 9$ Eeec & C&À*- TABLE. CHAPITRE XVIII. Dtfcription particulière d'une Licorne de CMer , qui s'èchou* h la rade de l'île de la Tortue en l'an 1644. K^ivec un récit curieus far forme de comparai/on ejr de digrefiott agréable , touchant plufieurs belles & rares cornes , qu'on a apportées depuis peu du d'étroit de Davis : & de la qualité de la Terre , & des CMçeurs des Peuples , qui y habitent, pag. *qo CHAPITRE XIX. Des Poijfons couverts de Croûtes Dures , au lieu de Peau . à* d'écaillés : de plufieur.s rares Coquillages: ejr de quelques autres belles productions de la LM&r , qui Je trouvent aus eoftes des Antilles. pag .221 article premier, Des Homars. 211 article fécond, Del 'Araignée de mer. tiz article troifiéme, Des Cancres. 223 article quatrième, Du Burgat*. 223 article cinquième, Du Cafquc. 2 24. article ûxiéme, Du Lambis. 224 article fettiéme, Des Porcelaines. 225 article huitième, Des Cornets de Mer. 226 article neufième, Des T^acres de Perles. 2iy article dixième , De plu/leurs autres fortes de Coquilla- ges. 229 article on z i éme , D'un Coquillage couvert de notes de mu- fique. 230 article douzième, Des Pierres aus yeux. 231 article treizième, Des Pommes de CMer. 233 article quatorzième, Des Etoiles de CMer. \ 23 $ arti. TABLE. article quinzième, Des arbres de UMer. article feiziéme. Des Pannaches de <*Mer.. Yi CHAPITRE XX. De V^Ambre^grU : de fin Origine & des marques de celuy qui es~i bon&fans mélange. p ag , 2 3 6 CHAPITRE XXI. Dje quelques ^Animaus K^imfibtes qui font communs en ces lies. pag.24.-1 article premier, DuCroc&dillé. 241 article fécond, Des Tortues, franches. 245 article troifiéme, Des Tortues qu*on appelle Caouànnes.. 24$ article quatrième, Des Tortues qu on appelle Carets. 248 article cinquième, De la fajfon qu* onpefche les Tortues , &tou$ les autres gros Potffons des ^Antilles. 2.50 article fixiéme, Des Tortues de terre & d 'eau douce v 2 5 1 C H A P LT RE XX IL Contenant les deferiptions particulières de plûfieurs fortes de Crabes qutfe trouvent communément fur la terre des An- tilles pag. 2.5 3 articlepremier, Dés Crabes quon nomme Tourleurou, . 25 3 article fécond, Des Crabes blanches. 254 aruclejtroifiéme, Des Crabes peintes. z$ 4* €E:A TABLE. CHAPITRE XXIII. Des Tonnerres : des Tremblemens de Terre j & des Tempe fies qui arrivent fouvent en ces îles. pag. 2 $ 8 article premier, Des Tonnerres. 2 3 9 article fécond, Des Tremblemens de Terre. 259 article troifie'me , D'une Tempefie que les Infulaires appellent Ouragan 259 CHAPITRE XXIV. De quelques autres incommodités du pais , & des remèdes quon y peut apporter. pag. 265 article premier, Des Mouftiques, ejrdes Maringoins. article fécond, Des Guefpes & des Scorpions. article troifie'me, Des C^rbres de CWancenillc. article quatrième, Des Pous de bois. article cinquième, Des Ravets. article fixiéme, Des chiques. article fettiéme , Remèdes contre la morfure des Serpens vent- meus , & contre les autres poifons tant de U terre que de h mer des ^Antilles. 274. article huitième, De V Ecume de mer. 277 article neufiéme, Des Rats qui font commun en ces lies: 277 265 266 267 270 271 272 TABLE TABLE Des Chapitres du fécond Livre de cette Hiftoire. CHAPITRE PREMIER, E VEtablijfement des Habitans Etrangers dans les îles de Saint Chriftoflc* dérives, de la Gardelotipe , de la Mar* unique^ & autres îles Antilles. pag. 2 * 1 CHAPITRE II. Dt l'Etablipment des François dans les îles de Saint Bartelemy, de Saint iMminy <£• de Sainte Croix. 3 0 q CHAPITRE I IL De Vaffermiffement de la Colonie Franc oife de la Gardeloupe , par la paix qui fut faite avec les Caraïbes delà Dominique , en tan 1 640. 31I CHAPITRE IV. Vu Trafic & des occupations des Habitans Etrangers du pais • Et premièrement de la culture & de la préparation du Tab*C' 3*3 CHAPITRE V. De la manière défaire le Sucre, & de préparer le GinZembre> l Indigo & le Cotton. 311 CHAPITRE VI. Des Emplois les plus honorables des Habit ans Etrangers des An- tilles ; de leurs Efilaves, & de leur Gouvernement. 3 3 g CHAPITRE VII. De l'Origine des Caraïbes Habitans naturels du F ah. 344. ■ Ffff CHA- Table. CHAPITRE V II L Digrefion contenant un Abrégé de F Hiftoire Naturelle à* Morale du Pais des Apalachites. pag. 373 Article premier , De l'étendue ejr de la nature du Pats des Apala- chites . 3 74 Article fécond , De plufieurs rares fngularitez, , qui fe trouvent dans les Provinces des Apalachites. 3 7 8 Article troifième , Du Corps des Apalachites , & de leurs Véu*- mens. 3 S S Article quatrième , De l 'Origine des Apalachites & de leur lan* g*ge- 393 Article cinquième , Des Villes , ejr des Villages des Apalachites , de leurs maifons & de leurs meubles 3 9 5 Article fixième , Des mœurs des Apalachites. 400 Article fettième, Des Ocupations.ordinaires des Apalachites. 404 Article huitième , Delà Police des Apalachites. „ 406 Article neufième , Des Guerres des Apalachites, 410 Article dixième, De la Religion ancienne des Apalachites. 412 Article onzième , Comment les Apalachites ont euconnoijfance de la Religion ChreHienne. 419 Article douzième, Des ^Mariages des apalachites , de l'édu- cation de leurs enfans , & des maladies ausquelles ils font fujets , ejr des remèdes dont ils fe fervent. 427 Article treizième , De l'âge des Apalachites ., de leur mort, dr de leurs enterremens. 4M CHAPITRE IX. Du Corps des Caraïbes & de leurs Ornement CHAPITRE X. Remarques fur la langue des Caraïbes, CHAPITRE XL Du Naturel des Caraïbes , & de leurs moturs. 43 5- 447 45 5 CHA- A B L E. CHAPITRE XII. De la /implicite naturelle des Caraïbes* ■ pag.461 CHAPITRE XIII. De ce qu*on peut nommer Religion parmy les Caraïbes» 46 $ CHAPITRE XIV. Continuation de ce qu'on peut appeller Religion parmy les Caraï* bes : de quelques unes de leurs Traditions : & du fentiment quils ont de l y immort alite de lame. 47 S C H APITRE XV. Bes Habituions ejr du UWénage des Caraïbes. 48$ CHAPITRE XVI; Des Repas, ordinaires des Caraïbes. 496 CHAPITRE XVII. Des Occupations ejr des Divertiffemem des Caraïbes. 505: CHAPITRE XVIII. Du Traittement que les Caraïbes font à cem qui les vont vifi~ ter. 5M* C H A PI T RE XIX. De et qui tient lieu de Police chez* les Caraïbes. C H APIT R E XX. Det Guerres des Caraïbes. C HA P I T R E XXI. Du Traittement que Us. Caraïbes font h leurs prifonniers de 51S 5^4* guêtre. 5|6- CHA- ï Table,' CHAPITRE XXII. Des LM triages des Caraïbes. 54+ CHAPITRE XXIII. De la 7S(jiJfance & de l'Education des Enfans des Caraïbes . 550 CHAPITRE XXIV. Ve t Age ordinaire des Caraïbes, de leurs maladies , des Remèdes dont ils fe fervent pour recouvrer la fanti , de leur mort , & de leurs funérailles, 5 5 % Fin de la Table des Chapitres de cette Hiftoire. RECIT D E LEST A PRESENT DES CELEBRES COLONIES De laVirginie9 de Marie- Land, de la Caroline, du nouveau Duché d'Tork, de Penn-Sylvania, & de la nouvelle Angleterre, fituées dans L' Amérique fèptentrionale , entre les trente deuxième & quarante fixiéme degrés de l'élévation du Pôle du 2{ordt & établies fous les aufpices , & l'autorité fouveraine du Roy de la grand* Bretagne, Tiré fidèlement des mémoires des habit ans des mêmes Colonies, en faveur de ceus> qui auroyent le dejfein de s'y transporter & de s'y établir. A ROTTERDAM, Chea RE I NIER LE ERS, M. D C. LXXXI. AVERTISSEMENT- Touchant les additions qu'on a fait à la dernière Edition del'HiftoiredesIsles Antilles de LJ AMERIQUE. Autant qu'en quelques endroits de notre Hi- tfioire naturelle & morale des Lies de l'Ane- )\rique, nous ayons eu affe^fouVent occa/ïon, de faire une mention honorable de plufieurs belles Colonies que lu nation /fnglni/ê a formées dans le continent de l'Amérique Septentrionale , des perfonnes confî- derables nous ont témoigne 7 qu étans fatis faites de l'ejlat des Lies dont nous leur ayons donné la defeription 3 comme au/si du commerce quony fait <ùr des vivres que la terre y produit pour lafuhfiflance de [es habit ans : tls fouhaiter oient encore d'efïre pleinement informe^ delà conflitutionpre fente de ces grandes &r de toutes les Colo- nies Mgloifes qui y font établies , & même il leur four- de L'amer iqjie Sb?tentrïonal£. h fournit des délices, avec autant de profufion & de facilité, qu'aucune Province de l'Europe le pourroit faire aux fiensj & apres tous ces avantages qu'il a communs avec le monde ancien , il fe peut glorifier qu'il fe pouroit paffer des autres pays , & que pour entretenir le commerce il les furpaflfe tous, par le nombre,la fureté & la capacité de fes beaux havres,&en ce qu'il peut fournir en abondance à ceux de dehors du bled, dubifeuit , toutes fortes de légumes , de la bière, du beurre, du fromage , des chairs falées de bœuf & de bufle , & du poifibnfec, pour la provision des navires : il produit aufli du tabac , de la poix , dugodran , des mats de navires & des planches , des peaux de cerfs , d'ours, de caftors & de loutres, & même des dépouilles precieufes de Renards noirs» demar- tes,dc Belettes, & d'hermines dont on fait des riches fourrures qui font tant recherche'cs & prifées par tout le monde. Les mines de fer,de plomb & d'allun , qui fe découvrent fouvent en plufieurs lieus, peuvent encore contribuer à y fomenter le trafic , qui aporte l'opulence dans les republiques , &y excite rinduftriedes habitans. CHAPITRE SECOND. t)es Colonies de kVirgmie^ de Marie-Land qui s'y font trouvés établis , y ont auftides Eglifes , & de fidèles miniftres, quiprefehent en leur langue, & leur adminiftrent les faints Sacremens fuivant l'inftitution & l'ordonnance du Seigneur. 11 eft aufli confiant , que les Anglois félon leur grande pie- té, ouvriront volontiers la porte de toutes ces vaftes Provin- ces qu'ils poiîedent dans l'Amérique Septentrionale , à tous les Proteftansqui voudront s'y tranfporter ; ôç qu'il n'y a dans tout le monde aucun Pays qui foit plus propre que celuy- là , pour y établir fermement un nombre confiderable de belles Colonies , outre celles qui y font déjà formées, qui publient hautement , que les cordeaus leur font écheus en des lieus plaifans, qu'un très bel héritage leur eft avenu, & qu'ils y peuvent mener une vie paiiible, & tranquile , l'air y étant fort faih , les faifons tempérées , la terre facile à défricher , & d'un très-grand rap'ort, & fur tout puifque fa Vajefté Bri- tannique, a eu pour agréable, d'envoyer dans ces pais là d'iiluftres Gouverneurs, qui s'étudient de les rendre flonGans, parle nombre d'honneftes gens que leur genereufe civilité y attire, .& par les grands foins qu'ils prenent , à ce que laju- ftice , la police , & tout ce qui concerne le bon ordre, y foit fermement établi, &obfervé exactement, & que les Fron- tières ioyent bien munies & fortifiées pour refifter aux enne- mis qui voudroyent troubler leur repos, ou du cofté de la mer, ou de ceiuy de la terre. «î CHAPITRE dU ATRIEME. T>e la Colonie de (Penn Syhanie. Ous avons parlé jufques àprefent,de quelques célèbres Colonies qui font établies depuis plusieurs années ; mais C 2 main- I 20 De La Colonie de Pënn-Silvan ie. maintenant, nous vous allons entretenir delà conflit ution d'une autre , qui n'eft érigée, que dépuis le quatrième du mois * de Mars de la prefente année 168 i. Elle eftfituée entre le qua- rantième degré de latitude du Pôle du Nord, jufqu'au qua- rante troifiéme : elle a au Nord & à l'orient , la nouvelle York,& al'occident& au midy, la Colonie de Marie-Land. Le Roy, par une munificence digne de fa Majefté, a acordé toute cette grande étendue de bonnes terres, du continent de l'Amérique Septentrionale, avec toutes les Itles qui en dé- pendent, à Monfieur le Chevalier Guillaume Penn & à fes fuc- celTeurs, en titre de Province Seigneuriale , 6c la nommée Fenn Sylvanie , en considération de ce gentilhomme à qui fa Majefté la donnée, à condition qu'elle relèvera à perpétuité de fa Couronne , les Senekezjes Mîn- gas , dr les Sikonefie, qui parlent tous un même langage, bien que la prononciation ne foit pas uniforme parmi eux. Les étrangers qui s'y font étudiez , & qui la favent en perfection, difent qu'elle eft facile à apprendre, & affez riche en mots propres pour exprimer tout ce qui eft venu à leur connoif- îance. Il y a fort peu d'anciens habitans de ces Colonies , qui n'en entendent afïez pour les entretenir, <5r pour faire quel- que commerce avec eus aux occafions. Ils font prefque tous d'une ftature affez haute , & an deiTus delà médiocre. Ils ont les membres affez bien proportion- nez , le vifage large , le nez un peu camus, les cheveux noirs & luifans , à caufe de la graiffe d'ours , dont ils les oignent pour fe garantir de la vermine, de même qu'ils en frottent tout I 24 Voisinage de la Nouvelle York. tout leur corps, pour être plus ibuples & plusrobuftes. Ils font tous d'un teint bazané, obtiennent à gloire de n'avoir point de barbe, ni aucun poil en tout leur corps , l'arrachant foigneufement lors qu'il commence à paroître. Ils ont pour la plupart les yeux chaffieux, ce qui fans doute, leur eft cau- fé par la grande fumée qu'ils fouffrent dans leurs cabanes , qui n'ont point de cheminée, mais feulement un trou au dclTus du couvert , fous lequel ils allument leur feu, qui n'eftant or- dinairement attifé que de bois verd, coupé le même jour, fait une fumée fi epailïe, qu'il n'cnfaudroit point d'autre, pour contraindre les bleraux de fortir de leurs tanières. Ils font couverts de quelques peaux de Cerfs, de Caftors, d'Ours, ou de plumes d'oifeaux, coufuës à leur mode & ap- propriées en forme de cafaque. Mais ceux qui font les plus apparens , & qui trafiquent avec les Colonies, ont des draps, dent ils s'envelopent tout le corps. 11 y en a même quelques uns qui ont des robes de drap bigarré, de bleu, de jaune, de verd, & de rouge , ou de quelque autre couleur qui leur agrée, & fur cette robe ils fe chargent encore d'une longue couver- ture de drap rouge en forme de manteau, dont ils fe croyent parfaitement bien parez. Les femmes feplaifent d'avoir plufieurs chaînes de ratfa- de, dont elles fe chargent lorsqu'elles fe veulent mettre fur leur bonne mine, aus jours de feftin & de rejouiffance ; mais ce qui eft ridicule , c'eft qu'elles fe peignent le vifage de même que les hommes de différentes couleurs , «Se que les uns & les autres y forment d'étranges figures , & cela trois ou quatre fois le jour, fi l'envie leur en prend. Ce changement de maf- que eft caufequ'onabiendela peine à les pouvoir reconnoî- tre , & qu'employant de l'huile de mauvaife odeur , pour dê- meslerles couleurs & tout le fard dont ils encroûtent leurs vifages, ilsfentent fi mauvais, qu'on appréhende de les ap- procher, & encor plus de manger avec eux. Les autres In- diens qui habitent plus avant dans le continent , n'ont pas la coutume de s'oindre de graiiïe d'ours, nide fe peindre com- me ceux cy, ce qui fait qu'on les voit plus volontiers, & qu'on prend plus de plaifir de traiter avec eux. Ces Dans le Voisinage de la Nouvell York. 2s Ces nations les plus voifines des Colonies qui s'enfa- rinent& barbouillent le vifage^Gommc nous venons de le reprefenter, ne compofent pas un trop grand peuple, car on tient qu'ils ne vont pas au delà de cinq ou fix mille , de forte qu'on les pouroit aifément chafler au loin, fi les habitans des Colonies qui leur ont promis protection & fidélité, n'étoient religieux obfervateurs de leur parole , aimant mieux les ame- ner à la connoifiance de l'Evangile avec douceur, en fupor- tant leur brutalité a qu'en les y contraignant par la force : & c'eft à cela que s'étudient particulièrement les Pafteurs & les Catechiftes que la Providence a pouffez dans ce nouveau monde, pour yfervirles Colonies & y recueillir des Eglifes fous l'envoy & la bénédiction des Evêques d'Angleterre , & des autres fuperieurs Ecclefiaftiques, de qui ils tiennent leur mifîion. Leurs armes font l'arc, la flèche & la maffuë; les princi- paux chefs fe favent auffi fervir de nos épées, de nos halle- bardes, Ôc mêmes de nos armes à feu , lors qu'ils en peuvent recouvrer. Les CMmcaus dr les SuneHes qui font les plus forts en hommes, fontfouvent en guerre pour de petits dirTerens qu'ils ont entr' eux, & pour tirer vengeance de quelques in- jures qu'ils croyent avoir receuës les uns des autres 5 fans qu'on les puiffe faire joindre pour les terminer à l'amiable , & faire entr'eux une paix qui foit de durée. Ils vivent de Mahys que leurs femmes plantent & cultivent, & dont elles font des galettes, ou de la bouillie après L'avoir réduit en grofie farine entre deux pierres, qui leur fervent de Moulins. Ils ajoutent à cette forte de pain , le poiffon & la venaifon , qu'ils prennent à la pèche ou à la chaûe , à quoy tous les hommes font fort entendus , pendant que leurs fem- mes ont foin de toutes les autres chofes qui concernent le ménage. Il y en a quelques uns, qui ont leur demeure arrêtée, fous quelques pauvres ôr miferables cabanes qui font couvertes de peaux ou de nattes, & fi peu élevées déterre, qu'a peine s'y peuvent ils tenir debout ; mais la plupart font errans & va- gabondsoù leur inclination les porte, & où ils croyent trou- Z> ver ■ t$ Des Indiens qji i Habitent Ter meilleure chafiTe , laquelle venant à manquer, ils ont re- cours à quelque petits )ardins qu'ils ont en divers endroits écartez, d'où ils tirent des racines, des pois des fèves, du mays, Ov quelques autres légumes, dont ils font leuts regales. Pour tous meubles, ils n'ont ordinairement qu'un chaude- ron, unecoignée, quelques plats de bois, des cueillieres fai- tes d'e'eorccs d'arbres , ckuncoûteau. ils couchent tous fur des nattes qu'ils jettent fur la terre , fans oreiller , ni aucune autre couverture , que celle qui leur fert d'habit durant le jour, & quand ils décampent d'un lieu, pour fetranfporrer ailleurs, ce qu'ils font, au mandement de leurs Chefs ou Cafliques, qui recueillent fur ce fu jet les avis des Pères de fa- mille ,* les femmes fe chargent des petits enfans , de leurs ten- tes & de leurs meubles , pendant que les hommes qui condui- fent l'avant garde & l'arriere-garde de leurs troupes , font équipez à la légère, n'etans empêchez que de leurs armes ordinaires, afin de pouvoir refifter à leurs ennemis s'ils ve- noientàleur rencontre, & s'ils avoient l'afleurance de tra- verfer leur marche. Ils font d'un naturel aflez doux, & d'une humeur prefque toujours enjouée 5 ils font auflî extrêmement parefleux, ce quiefteaufe, que bien qu'ils ayentune bonne terre qui leur donneroit des vivres en abondance, fi elle étoit foigneufe- ment cultivée, ils fe voyent fouvent réduits à une extrême neceflîté. Ils ont quelque forme de police parmi eux 5 mais ils ne pu- nuTcnt de mort aucun crime que l'adultère & l'homicide : le larcin pafie parmi eux pour adrefle & dextérité' , pourveu qu'ils ne foyent point furpris fur le fait, & qu'on ne fe puifle apercevoir de leur rufe 5 ilsont toutesfois cecy de bon, qu'ils ne dérobent rien dans les maifons où Ion a coutume de les recevoir, quand même ils trouveroient les coffres ouverts , & qu'il n'y auroit perfonne pour les empêcher d'y fouiller, d'autant qu'ils repurent à une lâcheré infupportable, de violer lesloix del'hofpitalité, & de dérober qu'oy que ce foit , à ceux qui fe font fiez à leur conduite , où qui ne font pas pre- fens , pour fe donner garde de leurs mains. Leurs Dans le Voisinage de la Nouvelle York. 27 Leurs ménages ne foqt pas fermes , car ils répudient leurs femmes pour de légères fautes , & en prennent d'autres. La plupart en ont plufieurs qui s'empreflent à l'envy à gagner l'affection de leurs maris, fans témoigner aucune jaloufie. Elles ont un merveilleux foin de bien nourir leurs enfans. Avant qu'ils puiffent marcher, elles les portent par tout ou elles vont pendus à leur cous , & attachez fur une petite plan- che, ces petites créatures font tellement acoutuaiéesà être couchées fur le dos, & à changer d'air, qu'elles ont le der- rière de la tête tout applati , «Se le corps fî endurci au froid & au chaud , qu'on ne les entend prefque jamais fe plaindre ou crier. Ils aiment lâchait des ours plus que toutes les autres fortes de viande, calots qu'ils en ont tué, ils invitent tout leur voifinage a chvenir manger, & après cefeftin, ilsdan- cent & fautent de toute leur force, aufon des chanfons qu'ils ont apprifes dez leur jeuneûe, & pour la Clôture de ces re- jouiflances publiques, ils fument du tabac, qui efl: en très gran- de eftime parmi eux. Ils entretiennent le commerce avec les habitans des Colo- nies voUines au moyen des peaux de Caftors, de Loutres , de Cerfs , de Renards , de Chats fauvages, de Rats mufquez , d'Ours & d'£curieux,ouavec delà venaifonde Cerf, &au défaut de tout cela, ils vendent encore des paniers , des nattes & des cabas qui font faits fort artiftement , & on leur donne en échange des haches , des couteaux , ou quelques autres ferremens, commeauffideschauderons,dudrap,des cafaques ou des robes, & s'ils n'ont befoin d'aucune de ces marchan- difes.on les paye de la monnoye courante parmi eux , laquel- le ils nomment ZetTtmt 3 quiconfifte dans une forte de co- rail longuet & percé, dont ils font des chaînes , desquelles ilsfe parent le col, la tête & les bras. Il y en a de noirs, dont quatre valent un fou, & des blancs, dont il en faut huit pour faire la valeur de la même pièce , cette forte de mon- noye, <\uï a cours parmi tous les Indiens de l'Amérique Sep- tentrionale , eft faite d'un coquillage qui ne fe treuve à ce qu'ils difent, qu'en quelques endroits fort reculez du lieu de leurs demeures, V z Quant 2S Des Indiens qjui Habitent Quant à leur religion, ils croyentqu'ily aune Souveraine puiflance parfaitement bonne qui refidepardeflus tous les cieux , & quinefemefle pas desafairesdecebasmonde, & qu'il y en a auffi une autre , qui prefide fur la terre , & qui di- fpenec félon qu'elle veut , tous les maux qui arrivent aux hommes , tellement que pour en e'rre délivrez il faut l'appai- fer par quelques facriflces & cérémonies, que les Intendans de leurs fnperititions leur enfeignent. Ils tiennent qu'il y a des magiciens & des forciers , qui font les fupots de cette faufle divinité qu'ils appréhendent , & s'ils foupeonnent quel- ques uns d'être tels, ils le font mourir, dans la créance qu'ils rendent en ce faifant, un grand fervice à leur Etat. Ils n'ont aucune connoififance delà Création du monde ni du déluge, ni de la dernière fin ou du fouverain bien de l'hom- me 5 mais ils font feulement perfuadez que leurs âmes font immortelles, & qu'après qu'elles font feparées de leur corps, elles vont dans un pays, ou elles jouiflent de toutes for- tes de délices en la compagnie de leurs parens & de leurs amis. Ils font d'auffi longue vie, que les plus robuftes entre les Européens , ils font fujetsà quelques maladies, qui leur font particulières, maisRs-onf auffi la connoiffance de quelques racines &deplufieurs (impies dont ils ufent dans ces occa- ïions , avec affez de bon fuccez. Ils n'ont point d'autres mé- decins que les Intendents de leur fuperftitions , qui parmi les applications des chofes naturelles, ajoutent des paroles qui donnent affez à connoitre , qu'ils ont des intelligences fe- cre'tes avec ces Efprits malins, qui feduifent ce miferable peu- ple par une infinitéde preftiges qui les e'blouiflenr. Ils enterrent leurs morts dans une fofle faite en rond $ dans laquelle ils devaient le corps , & l'ayant pofé fur de petites branches d'arbres , comme s'il étoit aflis , ils mettent auprès de lui , une coignée , un couteau , & pendent à fon col quel- ques unes de ces chaines, qui font compofees de ces grains, dont ils fe fervent au lieu de monnoye. Ils munifient le corps de toutes ces chofes, afin qu'il s'en puiffe fervir au lieu ou il doit aller, fidavanuueilenavoitbefoin, & après beaucoup de La Nouvelle Angleterre. 29 de pleurs & d'hurlemens, ils remplirent de terre cette foffe, fur laquelle ils mettent quelques pierres, pourconfervec la mémoire du défunt. CHAPITRE SIXIEME. Des Colonies de h Nouvelle jfngleterre. LA Nouvelle Angleterre, qui s'étend depuis le Canada jufques à la nouvelle Colonie de PennSilvanie , enfer- me dans Ton fein quatre belles Colonies les plus peuplées de toutes celles que les Anglois ont formées dans ce vafte continent de l'Amérique Septentrionale; Car fans contredit elles pofledent en un degré fort eminent, un air fortfainSc tempéré, des terres fertiles au poflîble , & très-faciles à défricher, des ports & des havres tresHeurs & tres-amples, pour y mettre un grand nombre de navires à couvert des vents & tempétes,& toutes les autres belles qualitez qui font requifes aux lieux, où l'on defire de pouffer des peuplades de l'Europe , avec un heureux fuccez. Cette partie du Nouveau Monde, aencoreschezfoy en une mefure tres-abondante, tout ce qui eft neceflaire pour le vivre & le vêtement, pour bâtirdesmaifons & pour entretenir le commerce avec ceux du dehors. Cet heureux climat ne fut habité par les Anglois qu'un peu après le decezdelaReineElizabet, au commencement du Règne du Roy Jaques, & la première Colonie qu'ils y drefierent, fut établie au lieu qu'on nomme àprefentla nou- velle Plymouth 5 mais elle demeura long temps fans faire beaucoup de progrez, jufques à ce que plufieursperfonnes de qualité tant de la Noblefle que d'entre les Marchands, pri- rent refolution de s'y tranfporter,& d'y conduire un nombre fort confiderable de laboureurs , & de toutes fortes de bons artifans qui fe joignirent à eux, & quiaveclapermifliondu Roy, jetterent les premiers fondemens de ces belles Colo- nies qui font connues fous le nom delà nouvelle Angleterre. D 3 £n~ 5o DeLaNouvbLle Environ huit ans après leur premier établiffement , ils obtinrent des lettres patentes de fa Majefté , par lesquel- les il leur éroit permis d'etiger une nouvelle R epublique fous fon autorité Souveraine, qui auroit le pouvoir de fe gouver- ner par fes propres loix , dechoifirfes Magiftrats, 5cd'y fer- vir Dieu félon la pureté & félon la (implicite de l'Evangile. lied vray que jufcjues à l'année mil fix cent trente quatre , le nombre des habitans ne s'étoit pas beaucoup acreu, mais du- rant trois ans confecutifs, une multitude fi confiderabledc perfonnes de toutes Portes de conditions, s'alla joindre aux premiers habitans, qu'on peut dire que ce fut feulement alors, que cette Republique naitfante, futmonta genereufement les difficultez qui fe rencontrent en des etabiuTemens de cette nature. La nouvelle Angleterre eft compofée de quatre Colonies , la plus Ancienne eft celle qu'on nomme la nouvelle Ply m outh% qui contient piufieurs petites villes & bourgades : la deuxiè- me eft celle quia la ville célèbre de Bofton pour fa Capitale , d'où vient qu'elle eft fouvent apelle'e la Republique de Bofton , mais avec plus de raifon la Colonie de LMaJfachufeth.z caufe du Golfe de la mer qui eft ainfy appelle' des Indiens , & auquel fe viennent rendre les belles rivières de la Caroline & de Pafta- tacq , qui font fes limites. La troifie'me s'appelle Connertekat , à caufe du fleuve principal qui l'arroufe: & la quatrième eft nommée TSfj'top or t : mais, bien que cette dernière (oit con- fédérée avec les trois autres, elle ne jouit pas des mêmes im- munitez & privilèges, qui ont e'tez accordez aux trois autres par les Rois d'Angleterre. 11 faut au ffi remarquer,que les Anglois qui fe font habituez dans cette partie du nouveau Monde , n'en ont point chatte les originaires par force, mais qu'ils s'y font établisde leur contentement, & que bien que la plupart de ces terres e'tant alors defertes fuflent dévolues au premier occupant, qui au- roit la force 3e les cultiver , & de s'y maintenir, les premiers fondateurs de ces Colonies, n'uferent point de ce droit qu'on appelle des Gens , dont plufieurs colorent leurs ufurpations .' mais avant que d'en prendre l'actuelle pofleflion , ils les ache- tèrent A H G L Ê T E R R H. 51 terent de ceux qui s'en difoiént les propriétaires, & leur ea payèrent le prix , dont ils é-'oyent tombez d'acord,en la mon- noyé qui a cours parmy tous les peuples de T Amérique Sep- tentrionale. Il eftauffi confiant, qu'avant la venue des Angloïsdansce pais où la divine providence les appclloit, laPefteyavoit fait de fi grand ravages , qu'il y avoir tel Prince , qui fe glorifioit auparavant de commander à plus de cent mille hommes Tes fu jets , qui à peine en pouvoit alors conter une centaine , qui fût capable de porter les armes. Dieu, par un jugement inferu- table mais tres-jufte, ayant puni de ce fléau ces idolâtres, & nettoyé leur contrée, qui avoitefté fouillée par leurs fuper- ftitions, avant que d'y introduire des Chrétiens, qui y ont formé les belles Colonies qu'on y voit à prefent. Les quatre faifons de Tannée, y font réglées comme dans l'Europe. l'Hyver y dure un peu plus que dans les autres Colonies dont nous avons parlé , & qui font au midy ou au couchant de celles cy. La terre y eft couverte de neiges dez le mois de Décembre jufques àceluyde Mars. Mais durant cette faifon, qui eft ailleurs fi tnfte,& acompagnée de broiïil- lars, la neige y eft toujours fi folide, ôr l'air fi ferein, qu'on peut aller à la chatte , à la pefche , & fe divertir à la campagne & dans les bois, avec autant de facilité, que durant le prin- tems. On a trouvé dans cette terre, des mines de plomb, c'eft à dire des pierres qui étant mifes dans des fourne3iis fe reduifent en plomb. Il y a auflï du fer minerai en abondance, dont les habitans peuvent forger toutes fortes d'outils necelTaires pour le labourage. & pour le ménage. On y découvre encore tous les jours , des herbes , des gommes , des racines & divers autres fimples , qui ont des qualités très-propres à guérir di- verfes maladies. On anure même,que dépuis quelques années* on y a treuvé des eaus médicinales , qui ont la même vertu, que celles de Pougm en France , & de Spa en Allemagne. Tous les oifeaus qui font communs dans les aunes Colo- nies, fe voyent auflîencelles-cy ; mais les naturels du pars, font une eftime toute particulière d'un des plus petitjs qu'ils nom» I li Des Colonies de la nomment Sachim en leur langue, ceft à dire le Prince, ouïe Roytelet, d'autant qu'ils ont remarqué , que tous les autres, & même ceux qui vivent de proye % lui défèrent & lerefpe- dent , n'ofans fondre fur lui, comme ils le font ordinairement fur tous les autres. Onytreuve encore une befte à quatre pieds, que les In» dîens nomment CMoJfe , elle eftde la grandeur d'un Taureau- fes cornes & fa tefte font aprochantes de celles d'un Daim , fa chair eft d'un affez bon goût , mais fa peau, qui eft auffi épaifie que celle d un buffle, eft fort prifée de tous ceux qui fe plai- fent d'à voir des habits qui refift ent à la froidure 6c à la chaleur, & qui foyent de durée. On y voit au Ai un animal beaucoup plus petit, que les Anglois appellent , chat mufqué, à caufe qu'il exhale une odeur auffi douce , que la Civette. Quelques-uns le pren- nent pour une efpece de Caftor , & le rangent entre les Am- phibies , qui vivent dans les eaus & fur h terre. La ville de Bofton eft la plus confiderable de toutes celles, qui compofent les quatre Colonies delà nouvelle Angleter- re. Elle a des rues affez larges, de belles maifons,& fort com- modes félon le pays , on y voit aufii plulieurs Temples, la maifon de ville, & quelques autres édifices publics, qui font bâtis folidement. Ilyadéjalong-temps,qu'ontenoit que cet- te feule place avoit plus de dix mille habitans, qui "s'occupent àlamarchandife, â l'agriculture, àlachaffe, àlapefche, & à tout ce qui en dépend. Tous les artilansqui exercent des métiers, qui peuvent fervirà l'entretien de la focicté civile, font bien receus parmy eux : mais ils ne peuvent fouffrir ceux qui n'ont point de profefTionhonefte& légitime pour éviter loyfîveté , ou qui nés ëmployent qu'à des choies, qui ne fer- vent qu'à entretenir la vanité & le luxe, ou à corrompre les bonnes meurs, & lafimplicitc de la religion Chrétienne. Quant à leur créance, ils font tous une ouverte profeûion du vray & ancien Chriftianifme à l'exemple de l'Eglife An- glicane leur mère , & des autres Colonies de leur nation , qui font éparfes en divers endroits des lflcs & du continent de T Amérique. 11 cil vray qu'ils différent en quelques points qui cou- Nouvelle Angleterre. U concernent la police & le gouvernement de leurs affemblées , mais ils conviennent avec tous les autres proteftans de l'Eu- rope, dans tous les articles eflenciels & fondamentaus de la pure doctrine , & du culte de la religion Chrétienne. Car étans perfuadez , de la plénitude & de la perfe&iondes Ecri- tures divinement infpirées , & que toutes les chofes qu'il faut croire & qu'il faut faire pour eftre fauvez , y font contenues ou qu'elles s'en tirent par des confequences évidentes & ne- ceffaires , ils ne s'apuyent que fur le témoignage de Dieu, fur l'autorité' Souveraine <5c indépendante de (a Parole, qui eft claire, folide, & fuffifante pour les inftruire 6c les rendre fa- gesàfalutparlafoyqui eft en Jefus Chrift, en renonçant à toutes les traditions , qui ne fe raportent point , à cette feule règle de leur foy & de leurs meurs. Avant que les Indiens fe fufîent fbûlevez contre eux, on y contoit environ deux cent Eglifes,compoféesde Pafteurs , de Docteurs, d'Anciens, de Diacres, & d'un nombre tres-confî- derable de fidèles de toutes fortes de condition. Mais tant s'en faut que le notion de ces peuples , qui a efté bientôt reprimée , y ait aponé aucune diminution , nous aprenons qu'elles font acruës, &qu'ilyenaplufieurs, qui font fer vies par deux ou trois Miniftres , qui fontle fèrvicedivin, &qui prefehent avec beaucoup de zèle le Dimanche , & quelques autres jours de chaque fémaine. Ils fantifient, demême qu'en l'ancienne Angleterre le jour du repos , avec une dévotion exemplaire, en affiliant avec ré- vérence à toutes les prières , les prédications, & à tous les au* très facrés exercices, qu'on pratique dans les aîTemblées du matin & du foir. Et après qu'elles font finies , ils lifent dans leurs maifons la Parole de Dieu , ils méditent & répètent ce que leurs prédicateurs leur ont annoncé ce jour-là, des chofes magnifiques de Dieu, & en fuite ils s'adonnent à la prière, au chant des Pfeaumes,& à toutes fortes de bonnes oeuvres, mais particulièrement à la vifite des malades & des affligez, en s'ab- ftenant de toutes les œuvres non necefiaires, & même des penfées qui pourroyent les divertir de la fantification de ce faint jour. E lents \\ 34. Des Colonies de la Leurs Pafteurs adminiftrentlesfaints Sacremens du Batê- me & de TEuchariftie avec une grande révérence , & dans toute la (implicite, & l'intégrité que le Seigneur Jefus les a inftituez , & que Tes faints & bienheureus Apôtres, & l'Egli- fe primitive les ont célébrez, dans les premiers & les plus pursfieclesdu Chriftianifmc.-mais d'autant qu'ils font periua- dez que la religion Chrétienne érant riche en Tes myftcres &tres-fimpleenfonfervice, nedoit rien avoir de commun avec les traditions des hommes tant excellons qu'ils ayent efte, ils ont renoncé , de même que tous les autres Prore» ftans d'Angleterre, & de toute l'Europe à routes \es céré- monies qu'ils ont inventées fous quelque prétexte que ce foit , au préjudice ou àl'alteration de la vérité &de la (implicite en laquelle ils ont efté inftituez & confacrez, parle Chef &le confommateur de la foy , nôftre Seigneur (efus Chrift. La chariré Chrétienne , eft aulïl pratiqué: foigneufement dans ces Colonies, de forte qu'on n'y voit point de mendi- ans de porte en porte ; Les Diacres ayant un foin tres-par- ticulier de fubvenir à la neceflité des pauvres , par les contri- butions volontaires qu'ils reçoivent des membres de l'Eglife àl'ilîuë du divin fervice , & par les colle&es qui fe font de tems en tems , avec la permiûlon du Magiftrat, poureftre employées à ce faint ufage. Ils obfervent auiïi fort fouvent , des jours de jeûnes 5c d'a&ions de grâces, <5c fî le fujet concerne les quatre Colo- nies , les Magiftrats à la requifition des Pafteurs , les ordon- nent dans leurs jurifdi&ions refpe&ives, & les habitans s'aqui- tent dune manière religieufe & tres-edificative, de tous les facrez exercices, qui font convenables à ces humiliations ex- traordinaires. Ils avouent d'un confentement unanime , que les Syno- des font neceflaires pour condamner les herefies , pour remé- dier aux abus , pour maintenir les Eglifes en union , & pour conferver entre elles un bon ordre , & une mutuelle cor- refpondance. C'eftaufïïdans cette veuë , qu'avec la permif- fîondcs Magiftrats, on y a célébré trois Synodes , compofez de Pafteurs, de Doreurs, & démembres conliderable* des Igli- Nouvelle Angleterre. 35 Eglifes qui les avoyent députez pour y comparoiftre en leurs noms. Lesenfans, étans la pépinière de l'Eglife, ils prenent un grand foin de leur éducation , car ils leur donnent avec le laid, parieur exemple, ôc par leurs inftrudions domefti- ques, laconnoiffance, la crainte & l'amour du vray Dieu leur créateur, & leur Père celefte: & dez qu'ils font capables de fréquenter les écoles, ils les confient à la direction de bons maîtres aprouvez par le Magiftrat & par l'Eglife du lieu , qui les élèvent en la vraye pieté, ôcdans la pratique des bonnes meurs, comme aufïï dans iesfcienees, aufquelles ils font trouvez les plus propres, C'eft encore à cet effet , qu'il n'y a fi petite bourgade de ces Colonies , qui n'ait une école de- ftinée à cet ufage 5 ce qui eft caufe, qu'il n'y a aucune perfon- nequiyfoitnée, qui ne fâche du moins lire & écrire , & qui n'ayeefté informée dés fon enfance, des vrais principes delà religion Chrétienne. Dans toutes les villes , & dans tous les autres lieus qui font tant foit peu considérables parmy ces Colonies, il y a encore d'autres écoles publiques, qui font pourveùes de maîtres fa« vans dans les langues des dodes , & qui inftruifent les jeunes gens qu'on deftine aux études , jufques-à ce qu'ils foyent ju- gez capables, d'eftre envoyez à l'école illuftre de la 2Yj>«W- le Cambrige , oùiiyaplufieurs célèbres Profeffeurs , qui en- seignent la Philofophie ôc la Théologie , avec une grande érudition , ôc par une methodeclaire , judicieufe & très-pro- pre à rendre leurs auditeurs, bien inftruits dans la Théologie pofitive , dans les controverfes 5c dans h morale , fans les embaralfer dans des queftions épineufes & curieufes , qui ne fervent de rien à l'avancement du règne de Dieu. Le premier fondateur de cette petite Académie , fut un gentilhomme Anglois , qui donna une fomme très- confidera- ble , pour la doter, pour la bâtir, ôc pour l'enrichir d'une aflfez belle Biblioteque. Cet illuftre Seigneur, dont la mé- moire eft en benedidion dans ces Colonies, fe nommoit Har- vard , d'où vient qu'on appelle bien fouvent cette école qu'il a fondée , le Collège Harvardin. A Ton imitation , on en a en- £ 2 core 36 De» Colonies de l A core établi un autre beaucoup plus petit , qui eft deftiné pour les jeunes Indiens, quiy font élevez dans l'efperance que par la grâce du Seigneur , ils feront un jour capables, d'eftre employez au faint minifterc de la Prédication de l'Evangi- le , pour travailler à la converfion de ceux de leur nation, qui n'ont aucune connoiflance du vray Dieu, nidufervicequi luy doit eftre rendu, comme au fouverain Createurdu ciel & de la terre,& de toutes les chofes qui y font. C'eft auflî dans cette veuë, que ces jeunes Indiens font feparez de demeure, d'avec les autres écudians en Théologie, afin qu'ils n'oublient point leur langue maternelle, par la trop grande converfation qu'ils auroyent avec les Anglois. Ces Colonies de la Nouvelle Angleterre, ont eu & ont encore à prefent , plufieurs Pafteurs & Do&eurs , qui font renommez pour leurs écrits, mais fur tout pour avoir travaillé avec un grand zèle, & une exaftitude incomparable à la ver- fion de toute la fainte Bible en la langue des Indiens, qui font ravis de voir une lumière fi éclatante, qui difîipe leurs ténè- bres, & d'entendre la voix de ce grand Dieu Vivant & vray, qui parle & qui fe révèle à eux dans fes Ecritures du vieus &du Nouveau Teftament.Cet Ouvrage excellent,qui eft di- gne de l'admiration & de l'imitation de tous ceux qui défirent de s'employer avec des heureus fuccés, à la converfion des infidèles & des barbares, entre lequels la providence lésa ap- pelez, aeftéreçeu, non feulement des Indiens, qui habi- tent dans le voifinagedes Colonies Angloifes, mais encore de plufieurs autres qui demeurent bien avant dans les terres, & qui entendent aflez de la même langue , pour tirer du profit de cette verfion, lors qu'elle leur eftleuë par leurs Catechi- ftes, qui en ontauffi l'intelligence, comme nous l'aprenons d'une relation , qui nous a elle autrefois envoyée par les Di- refteurs de la Colonie de la Palme , voifins du paysd'A- chalaque & des terres des cofacites & des Apalachitcs. Dans ces quatre Colonies dont la nouvelle Angleterre eft compofee, les Magiftrats font éleus tous les ans par les fuf- frages du peuple, & après qu'ils ont prefté le ferment de fide- delite , entre les mains de ceux qui ont exercé ces charges l'an- Nouvelle Angleterre» $7 Tannée precedente.ils entrent en pofleflion de cette Magiftra- ture, félon la teneur des privilèges que le Roy leur a acordez. Il n'y a que les Chefs de famille, qui donnent leurs voix dans ces élections, léquellesfe font dans un tres-bel ordre, & fans confufion après l'invocation du nom de Dieu. Ils n'établiflent aufli aucun dans ces emplois honorables , qui n'ait bon témoignage d'éftre vertueus, craignant Dieu, & qui n'haifie tellement le gain deshonefte , qu'il ne puifle eftre corrompu par des prefens. Il faut aufli qu'il ait l'âge, la gravi- té, lefçavoir, la prudence, l'expérience & toutes les autres qualitez qui font requifes en ceux, qui font appeliez pour maintenir la juftice , & tout le bon ordre , qui eft faintement établi dans la police , pour le repos & la tranquilité des habi- tans, qui étansfeparez par tant de mers dèslieus deleurnaif- fance , & ne pouvant pas avoir recours à leur Souverain Prin- ce , dans toutes les occurrences, fe font volontairement fou- mis à leur conduite , conformément à leurs privilèges. Chaque Colonie a fa Cour de juftice dans la capitale de fonreffort, à laquelle on peut appeller des fentences