^^;^^*î^ # IW^ =JJ HARVARD UNIVERSITY. pj LIBRARY MUSEUM OF COMPARATIVE ZOOLOGY MAR 27 1923 1^.'^^ HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. TOME SECOND. n HISTOIPvE NATUPlELLE DES P O I S S Ô i^ S , PAR LE CITOYEN LA CEPÈDE, Membre du Sénat, et de l'Institut national de France ; l'un des Professeurs du Muséum d'Histoire naturelle; membre de l'Institut national de la République Cisalpine; de la société d'Arragon; de celle des Curieux de la Nature, de Berlin; des sociétés d'Histoire naturelle, des Pharmaciens, Philotechnique, et Philomatique, de Paris ; de celle d'Aiçriculture d'Agen ; de la société des Sciences et Arts de Montauban; du Ljcée d'Alençon, etc. TOME SECOND. A PARIS, CHEZ P L A S S A N, I M P R I M E U R-L I B R A I R E, Rue du Cimetière André- des-J^rcs , K» lo. L'AN VIII DE LA I^I^I'UELIQUE. S ÏPM».toMaB.oi0oï.H=.H0<>l. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. Avertissement, et exjilication de quelques planches, page ix. Tableau des Ô7 premiers genres des poissons osseux, xiij. Discours sur la durée des espèces, page xxiij. Tableau des espèces du genre des diodons , /;^^e i. Diodon atinga , 3. Diodon tacheté, i3. Diodon plumier, 10. Diodon orbe, 16. Diodon holocantlie , ii. Diodon mole, 20. Tableau des espèces du genre des sphéroïdes, 22. Sphéroïde tubercule, 28. Tableau des espèces du genre des syngnathes, ^5. Syngnathe trompette, 27. gnathe deux-piquans , 42. Syngnathe aiguille, syngnathe Syngnathe barbe, et syngnathe tuyau, et syngnathe pipe, 89. ophidion, 48. Syngnathe hippocampe, et syn- Tableau des espèces du genre des cycloptères, 5o. Cycloptère lonipe , 52. denté, et cycloptère ventru, 62. Cycloplere épineux , Sg. Cycloptère bimaculé, 67. Cycloptère menu, 60. Cycloptère spatule , 68. Cycloptère double-épine , 6r. Cycloptère liparis, et cycloptère Cycloptère gélatineux , cycloptère rayé , 69. T O M E 1 1. - A \\ TABLE Tableau des espèces du genre des lépadogastëi es , 72. Lépadogastère gouan , 78. Tableau des espèces du genre des macrorhinques , y5. Macrorliinque argenté, 76. Tableau des espèces du genre des pégases, 77. Pégase dragon , 78. Pégase spatule , 85. Pégase volant , 83. Tableau des espèces du genre des centrisques, 87. Centrisq4ie cuirassé , 88. Centrisque bécasse , gS. Cent risque sumpit , g3. Addition aux articles des pétrorajzons, des raies, et des squales, 98. Supplément au tableau du genre des pétromjzons, 99. Pétromyzon rouge, 100. - Pétroniyzon sucet , ici. Supplément au tableau du genre des raies, 104. Raie tuherculée, 106. Raie fabronienne, lu. Raie églantier, 109. Raie banksienne , ii5. Supplément au tableau du genre des squales, 119. Squale pointillé, 120. Supplément à l'article du squale renard, 128. Supplément à l'article du syngnathe tuvau , 1 26. POISSONS OSSEUX, Tableau des espèces du genre des cécilies, 184. Céclllc brandcrienne , i35. Tableau des espèces du genre des monoptères, i38. Monoptcre javnnois, 139. DES A R T I C L L' S. "J Tableau des espèces du genre des Icptocephales , 142. Leptoc^phale inonisîen , 143. Tableau des esi)èccs du genre des gymnotes , 145. Gymnote decirique , 146. Gymnote carape , gymnote fieras- Gymnote putaol, 176. fer, et gymnote long-museau , Gymnote blanc, 177. i?^- Tableau des espèces du genre des trichiures, i8r. Trichiure lepture , 182. Tilchiure électrique , 18B. Ta B L E A u des espèces du genre des notoptères, 189. Notoptère kapîrat, igo. Notoptère écailleux , igS. Tableau des esi)èces du genre des ophisures, içô. Ophisure ophis, 196. Opbîsure serpent , 198. Tableau des espèces du genre des triures, iioo. Triure bougainvîHIen , 201. Tableau des espèces du genre des aptéronotcs, 208. Aptéronote passan, 2C9. Tableau des espèces du genre des régalées, 214. Régalée glesne, 2i5. Régalée lancéolé, 21g, Tableau des e^)èces du genre des odontognathes, 220. Odontognathe aiguillonné, 221. Tableau des espèces du genre / ^^ carène latérale ni de petite nageoire au-devant de celle de l'anus; un très- grand nombre de petits barbillons à la mâ- choire inférieure. /Le corps alongé et serpentiforme; deux na- geoires dorsales, la seconde séparée de jb. BOSTRYCHE. ^ celle de la queue; deux barbillons à la mâ- choire supérieure ; les yeux assez grands et sans voile. 'Le corps alongé et serpentiforme; une seule nageoire dorsale ; celle de la queue séparée 77. BOSTRYCHOÏD E.<^ de celle du dos; deux barbillons à la mâ- choire supérieure; les yeux assez grands et sans voile. HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. DISCOURS SUR LA DUREE DES ESPECES. La Nature comprend l'espace , le temps , et la matière. L'espace et le temps sont deux immensités sans bor- nes , deux infinis que l'imagination la plus élevée ne peut entrevoir, parce qu'ils ne lui présentent ni com- mencement ni Hn. La matière les soumet à lempire ^xlv DISCOURS de rintelligence. Elle a une forme ) elle circonscrit donc l'espace. Elle se raeut ; elle limite donc le temps. La pensée mesure Tétendue ; l'attention compte les intervalles de la durée , et la science commence. Mais si la matière en mouvement nous apprend à connoître le temps , que la durée nous dévoile la suite des mouvemens de la matière j qu'elle nous révèle ses changemens; qu'elle nous montre sur-tout les modifi- cations successives de la matière organisée , vivante , animée et sensible; qu'elle en éclaire les admirables métamorphoses 3 que le passé nous serve à compléter l'idée du présent. Tel étoit le noble objet de la méditation des sages, dans ces contrées fameuses dont le nom seul réveille tant de brillans souvenirs , dans cette Grèce poétique , l'heureuse patrie de l'imagination , du talent et du génie. Lorsque Tautomne n'exerçoit plus qu'une douce influence , que des zéphjrs légers balançoient seuls une atmosphère qui n'étoit plus embrasée par les feux dévorans du midi , et que les fleurs tardives n'embel- lissoientque pour peu de temps la verdure qui bientôt devoit aussi cesser de revêtir la terre, ils alloient, sur le ' sommet d'un promontoire écarté , jouir du calme de la solitude , du charme de la contemplation , et de l'heu- reuse et cependant mélancolique puissance d'une saison encore belle , près de la fin de son règne enchanteur. Le soleil étoit déjà descendu dans l'onde 3 ses rayons s U R L A D U R K K O F, S E S P IC CES. XXV ne cloroicnt plus que le sommet des moulngnes ; le jour alloit finir; les vagues de la mer, mollement agi- tées , venoient expirer doucement sur la rive ; les dépouilles des forêts, paisiblement entraînées par un souille pres(|ue insensible , tomboient silencieusement sur le sable du rivage : au milieu d'une rêverie tou- chante et religieuse, Timage d'un grand homme que Ton avoit perdu , le souvenir d'un ami que l'on avoit chéri , vivifioient le sentiment, animoient la pensée, échauffoient l'imagination ; et la raison elle-même, cédant à ces inspirations célestes , se plongeoit dans le passé, et remontoit vers l'origine des êtres. Quelles lumières ils puisoient dans ces considéra- tions sublimes î Quelles hautes conceptions peut nous donner une vue même rapide des grands objets qui enchaînoient leurs réflexions et charmoient leurs esprits! A leur exemple , étendons nos regards sur le temps qui s'avance , aussi-bien que sur le temps qui fuit. Sachons voir ce qui sera , dans ce qui a été ; et par une pensée hardie , créons, pour ainsi dire , l'avenir, eu portant le passé au-delà du point où nous sommes. Dans cette admirable et immense suite d'événemens , quelle considération générale nous frc-qipe la prenu'êre? Les êtres commencent, s'accroissent, décroissent et finissent. L'augmentation et la diminution de leur masse , de leurs formes , de leurs qualités, composent seules leur durée particulière. Elles se succèdent sans TOME il. D XXVJ DISCOURS intervalle. Autant la Nature est constante dans ses lois, autant elle est variable dans les effets qui en découlent. L'instabilité est de l'essence de la durée particulière des êtres 5 et le néant en est le terme , comme il en a été le principe. Le néant ! C'est donc à cet abjme qu'aboutissent et ce que nos sens nous découvrent dans le présent , et ce qne la mémoire nous montre dans le passé , et ce que la pensée nous indique dans l'avenir. Tout s'efface , tout s'évanouit. Et ces dons si recherchés , la santé , la beauté , la force ; et ces produits de l'industrie humaine, dont se composent les richesses, la supériorité , la puis- sance 5 et ces chefs-d'œuvre de Fart , qne l'admiration reconnoissante a, pour ainsi dire , divinisés ; et ces mo- numens superbes que le génie a voulu élever contre les efforts des siècles sur l'Asie , l'Afrique et l'Europe éton- nées ; et ces pjramides que nous nommons antiques , parce que nous ignorons combien de millions de géné- rations ont disparu depuis que leur hauteur rivalise avec celle des montagues ; et ces résultats du besoin ou de la prévojance du philosophe , les lois qui consti- tuent les peuples, les institutions qui les protègent, les usages qui les régissent , les mœurs qui les défen- dent, la langue qui les distingue ; et les nations elles- mêmes se répandant au-dessus des vastes ruines des' empires écroulés les uns sur les autres ; et les ouvrages en apparence si durables de la Nature , les forêts touf- fues , les Andes sourcilleuses; les fleuves rapides , les SUR LA DURÉE DES ESPECE S. XXvij isles nombreuses, les continens , les mers, bien plus près de cesser d'être que la gloire du grand homme qui les illustre ; et cette gloire elle-même ) et le théâtre de toute renommée , le globe que nous habitons ; et les sphères qui se meuvent dans les espaces célestes ; et les soleils qui resplendissent dans l'immensité ; tout passe , tout disparoît , tout cesse d'exister. Mais tout s'etface par des nuances variées comme les différens êtres ; tout tombe dans le goufl^re de la non- existence , mais par des degrés très-inégaux j et les divers êtres ne s'j engloutissent qu'après des durées inégales. Ce sont ces durées particulières , si diversifiées et par leur étendue et par leur graduation , que Ton doit chercher à connoître. Qu'il est important d'essayer d'en déterminer les époques î Consacrons donc maintenant nos efforts à nous former quelque idée de celle des espèces qui vivent sur le globe. Quelle lumière plus propre à nous montrer leurs véritables traits , que celle que nous pourrions faire briller en traçant leurs annales î Mais pour que nos tentatives puissent engager les amis de la science à conquérir cette belle partie de l'em- pire de la Nature , non seulement n'étendons d'abord nos recherches que vers la durée des espèces qui ont reçu le sentiment avec la vie, mais ne considérons en quelque sorte aujourd'hui que celle des espèces d'ani- XXvilj DISCOURS maux pour lesquelles nous sommes aidés parle plus grand nombre de monumens de^posés par le 1emj)S dnns les premières couches de la terre , et faciles à découvrir, à décrire et à comparer. Que Tobjet principal de notre examen soit donc , dans ce moment , la durée de quelques unes des espèces dont nous avons entrepris d'écrire l'histoire : en rap- prochant les uns des autres les résultats de nos efforts particuliers , en découvrant les ressemblances de ces résultats , en tenant compte de leurs différences , en réunissant les produits de ces diverses comparaisons, en soumettant ces produits généraux à de nouveaux rapprochemens, et en parcourant ainsi successivement dilférens ordres d'idées, nous tâcherons de parvenir à quehpies points de vue élevés d'où nous pourrons indi- quer, avec un peu de précision, les diflerentes routes qui conduisent aux divers côtés du grand objet dont nous allons essajer de contempler une des faces. Le temps nous échappe plus facilement encore que l'espace. L'optique nous a soumis l'univers : nous ne pouvons saisir le temps qu'en réunissant par la pensée les traces de ses produits et de ses ravages , en décou- vrant l'ordre dans lequel ils se sont succédés, en comp- tant les mouvemens semblables par lesquels ou pendant lesquels ils ont été opérés. * Mais pour emplojer avec plus d'avantage ce mojen de le conquérir , méditons un instant sur les deux grandes idées dont se compose notre sujet, durée des SUR LA DURÉE DES ESPECES. Xxix espèces ; tachons de ne pas laisser de voile au-devant de ces deux objets de notre réflexion ; déterminons avec précision notre pensée ; et d'abord distinguons avec soin la cliirvc de /'espèce d'avec celle des individus que l'espèce renferme. C'est un beau point de vue que celui d'où l'on com- pareroit la rapidité des dégradations d'une espèce (pii s'avance vers la fin de son existence , avec la brièveté des instans qui séparent la naissance des individus, du ternie de leur vie. Nous le recommandons , ce nouveau point de vue , à l'attention des naturalistes. En effet , ni les raisonnemens d'une théorie éclairée , ni les con- séquences de l'examen des monumens , ne laissent encore entrevoir aucun rapport nécessaire entre la longueur de la vie des individus et la permanence de l'espèce. Les générations des individus paroisscf^t pou- voir être moissonnées avec plus ou moins de vitesse , sans que l'espèce ait reçu plus ou moins de force pour résister aux causes qui l'altèrent, aux puissances qui l'entraînent vers le dernier moment de sa durée. Un individu cesse de vivre quand ses organes perdent leurs formes , leurs qualités , ou leurs liaisons ; une espèce cesse d'exister, lorscjue l'effet de ses modifications suc- cessives fait évanouir ses attributs distinctifs : mais les formes et les propriétés dont l'ensemble constitue la vie d'un individu , peuvent être détruites ou séparées dans cet être considéré comme isolé , sans que les causes qui les désunissent ou les anéantissent, agissent sur ^XX D T s C O U R s les antres individus , qui dès-lors prolongent l'espèce jusqu'au moment où ils sont frappés à leur tour. D'ailleurs ces mêmes causes peuvent diminuer l'inten- sité de ces qualités et altérer les efitts de ces formes, sans les modifier dans ce qui compose l'essence de l'espèce ; et ces modifications qui dénaturent l'espèce, peuvent aussi se succéder, sans que les organes cessent de jouer avec assez de liberté et de force pour con- server le feu de la vie des individus. Quels sont donc les caractères distinctifs des espèces? ou pour mieux dire, (ju est-ce (ju une espèce? Tous ceux qui cultivent la science de la Nature , emploient à chaque instant ce mot espèce , comme une expression très-précise. Ils disent que tel animal appar- tient à telle espèce , ou qu'il en est une variété pas- sagère ou constante , ou qu'il ne peut pas en faire partie ] cependant combien peu de naturalistes ont une notion distincte du sens qu'ils attachent à ce mot, même lorsqu'ils ont donné des règles pour parvenir à l'appliquer! Quehpjes auteurs l'ont défini ; mais si on déterminoit \cs> limites des espèces d'après leurs prin- cipes, combien ne réuniroit-on pas d'êtres plus diflerens les uns des autres que ceux que l'on tien droit séparés î Que la lumière du métaphysicien conduise donc ici l'ami de la Nature. Les individus composent l'espèce ; les es]:)èces , le genre ; les genres , l'ordre ; les ordres , la classe ; les ^•lasses , le règne ; les règnes , la Nature. SUR LA D LMl É K DES ESPECES. XXXJ Nous aurons ù\h un grand pas vers la détermination de ce mot espèce , si nous indiquons les difiérences qui se trouvent entre les rapports des individus avec l'espèce , et ceux des espèces avec le genre. Tous les individus d'une espèce peuvent se ressem- bler dans toutes leurs parties , et de manière qu'on ne puisse les distinguer les uns des antres qu'en lea vojant à la fois ; les espèces d'un genre doivent difFérer les unes des autres par un trait assez marqué pour que chacune de ces espèces , considérée même séparément , ne puisse être confondue avec une des autres dans aucune circonstance. L'idée de l'individu amène nécessairement l'idée de l'espèce : on ne peut pas concevoir l'un sans l'autre. Une espèce existeroit donc , quoiqu'elle ne présentât qu'un seul individu , et quand bien même on la suppo- seroit seule. On ne peut imaginer un genre avec une seule espèce , qu'autant qu'on le fait contraster avec un autre genre. On doit donc rapporter à la même espèce deux individus qui se ressemblent en tout. Mais lorsque deux individus présentent des diflTérences qui les distinguent, d'après quel principe faudra-t-il se diriger pour les comprendre ou ne pas les renfermer dans la même espèce ? De quelle nature doivent être ces dissem- blances offertes par deux êtres organisés , du même âge et du même sexe , pour qu'on les considère comme de deux espèces différentes ? Quel doit être le nombre de XXxij DISCOURS ces différences? Quelle doit être la constance de ces signes distinctifs? on pour mieux dire , quelles doivent être la combinaison ou la compensation de la nature , du nombre et de la permanence de ces marques carac- téristiques? Kn un mot , de quelle manière en doit- on tracer Téchelle? Et lorsque cette mesure générale aura été graduée , par combien de degrés faudra-t-il que deux êtres soient séparés , pour n'être pas regardés comme de la même espèce ? Il j a long-temps que nous avons tàclié de faire sen- tir la nécessité de la solution de ces problèmes. Plu- sieurs habiles naturalistes partagent maintenant notre opinion à ce sujet. Nous pouvons donc concevoir l'es- pérance de voir réaliser le grand travail que nous desi- rons à cet égard. Les principes généraux , fondés sur l'observation, dirigeront la composition et la graduation de l'échelle que nous proposons , et dont il faudra peut-être autant de modifications qu'il y a de grandes classes d êtres organisés. Mais , nous sommes obligés de l'avouer , la détermination du nombre de degrés qui constituera la diversité d'e.spèce , ne pourra être constante et régu- lière qu'autant qu'elle sera reffet d'une sorte de con- vention entre ceux qui cultivent la science. Et pour- quoi ne pas proclamer une vérité importante ? Il en est de l'espèce comme du genre , de l'ordre et de la classe ; elle n'est au fond qu'une abstraction de l'esprit, qu'une idée collective , nécessaire pour concevoir , SUR LA DURÉE DES ESPECES. XXxiij pour comparer , pour coniioître , pour instruire. La Nature n'a créé que des êtres qui se ressemblent , et des êtres qui diti'èrent. Si nous ne voulif)ns inscrire dans une espèce que les individus qui se ressemblent en tout , nous pourrions dire que l'espèce existe véritable- ment dans la Nature et par la Nature. Mais les produits de la même portée ou de la même ponte sont évi- demment de la même espèce ; et cependant combien de différences au moins superficielles ne présentent-ils pas très-fréquemment ! Dès l'instant (jue nous sommes obb'gés d'appliquer ce mot espèce à des individus qui ne se ressemblent pas dans toutes leurs parties , nous ne nous arrêtons à un nombre de dissemblances plu- tôt qua lin autre, que par une vue de l'esprit fondée sur des ])robabih*tés plus ou rnoins grandes j nous sommes dirigés par des observations comparées plus ou moins convenablement : mais nous ne trouvons dans la Nature aucune base de notre choix, solide, immuable, indépendante de toute volonté arbitraire. En attendant que les naturalistes aient établi sur la détermination de l'espèce la convention la plus raison- nable , nous suivrons cette sorte de définition vague, ce résultat tacite d'une longue habitude d'observer , ce tact particulier , fruit de nombreuses expériences , qui a guidé jusqu'ici les naturalistes les plus recomman- dables par la variété de leurs connoissances et la recti- tude de leur esprit. Et afin que cet emploi forcé d'une méthode imparfaite à quelques égards ne puisse jeter T O M E 1 1. E XXxiv DISCOURS aucune défaveur sur les conséquences que nous allons présenter, nous restreindrons toujours dans des limites si étroites l'étendue de l'espèce, qu'aucune manière plus parfaite de la considérer ne pourra à l'avenir nous obliger à rapprocher davantage ces bornes , ni par consécjuent à nous faire regarder comme appartenant à deux espèces distinctes , deux individus que nous aurons considérés comme faisant piuMie de la même- Une espèce peut s'éteindre de deux manières. Elle peut périr toute entière , et dans un temps très-court , lorsqu'une catastrophe violente bouleverse la portion de la surface du globe sur laquelle elle vivoit , et que l'étendue ainsi que la rapidité du mou- vement qui soulève , renverse , transporte , brise et écrase, ne permettent à aucun individu d'échapper à la destruction. Ces phénomènes funestes sont des événe- mens que l'on peut considérer relativement à la durée ordinaire des individus , et même des espèces, comme extraordinaires dans leurs eHèts , et irréguliers dans leurs époques. Nous ne devons donc pas nous servir de la comparaison de leurs résultats pour tâcher de par- courir la route que nous nous'soriimes tracée. Mais indépendamment de ces grands coups que la Nature frappe rarement et avec éclat, une espèce dis- paroît par une longue suite de nuances insensibles et d'altérations successives. Trois causes principales peu- vent l'entraîner ainsi de dési^radation en dégradation. Premièrement, les organes qu'elle présente , peuvent \ SUR L A D U R É !•: DES E S P E: C E S. XXXV perdre de leur figure , de leur volume , de leur sou- plesse , de leur élasticité, de leur irritabilité, au point de ne pouvoir plus produire , transmettre ou faciliter les mouvemens nécessaires à Fexistence. Secondement , Tactivité de ces mêmes organes peut s'accroître à un si haut degré , (jue tous les ressorts tendus avec trop de Force, ou mis en jeu avec trop de ra|)idité , et ne pouvant pas résister à une action trop vive ni à des efïorts trop fréquens , soient dérangés , déformés et brisés. Troisièmement, l'espèce peut subir un si grand nom- bre de modifications dans ses formes et dans ses qualités, que , sans rien ])erdre de son aptitude au mouvement vital , elle se trouve, par sa dernière conformation et par ses dernières propriétés , plus éloignée de son premier état que d'une espèce étrangère : elle est alors méta- morphosée en une espèce nouvelle. Les élémens dont elle est composée dans sa seconde manière d'être , sont de même nature qu'auparavant 5 mais leur combinaison a changé : c'est véritablement une seconde espèce qui succède à l'ancienne ; une nouvelle époque commence: la première durée a cessé pour être remplacée par une autre; et il faut compter les instaus d'une seconde exis- tence. Maintenant si nous voulons savoir dans quel ordre s opèrent ces diminutions, ces accroissemens , ces chcîngemens de la conformation de l'espèce, de ses pro- priétés, de ses attributs, si nous voulons chercher quelle ÎXXVJ DISCOURS est la série naturelle de ces altérations , et recon- noître la succession dans laquelle ces dégradations paroissent le plus liées les unes aux autres , nous trouverons que Tespèce descend vers la fin de sa durée par nne échelle composée de douze degrés principaux» Nous verrons au premier de ces degrés les modi- fications qu'éprouvent les tégumens dans leur con- texture et dans les ramifications des vaisseaux qui les arrosent, au point d'influer sur la faculté de réfléchir ou d'absorber la lumière , et de changer par conséquent le ton ou la disposition des couleurs. Ces modifications peuvent être plus grandes ; et alors les tégumens variant, non seulement dans les nuances dont ils sont peints , mais encense dans leur natin^e , offrent le second degré de la dégénération de l'espèce. Le changement de la grandeur et celui des propor- tions offertes par les dimensions, constituent le troi- sième et le quatrième degré de l'échelle. Au cinquième degré nous plaçons les altérations des formes extérieures j au sixième , celles des organes intérieurs ; et nous trouvons au septième l'affoiblisse- nient ou l'exaltation de la sensibilité dans les êtres qui en sont doués. Nous y découvrons par conséquent toutes les nuances de perfection ou d'hébêtation que peuvent montrer le tact et le goût, ces deux sens néces- saires à tout être animé ; et nous y voyons de plus toutes les variétés qui résultent de la présence ou de l'absence de l'odorat , de la vue et de l'ouïe , et de SUR LA DURÉE DES ESPÈCKS. XXXV ij toutes les diversite^s d'intensité que peuvent offrir ces trois sens moins essentiels à l'existence de l'animal. Les (jualiiés (jui proviennent de ces grandeurs, de ces dimensions , de ces formes , de ces combinaisons de sens plus ou moins actifs et plus ou moins nom- breux, appartiennent au huitième degré; la force e( la puissance (pie ces qualités font naître, constituent par leurs variations le neuvième cKgré de l'échelle des altérations que nous voulons étudier; et lorsque l'espèce parcourt, pour ainsi dire, le dixième, le onzième et le douzième degré de sa durée, elle oflVe des modifica- tions successives d'abord dans ses habitudes , ensuite dans les mœurs, qui se composent de l'influence des habitudes les unes sur les autres, et enfin dans l'éten- due et la nature de son séjour sur le globe. Lorsque les causes qui produisent cette série natu- relle de pas faits par l'espèce vers sa disparition, agis- sent dans un ordre différent de celui (ju'elles obser- vent ordinairement, elles dérangent la succession que nous venons d'exposer : les changemens subis par fes- pèce sont les mêmes ; mais les époques où ils se mani- festent, ne sont plus coordonnées de la même manière. La dépendance mutuelle de ces épo(pies est encore plus troublée, lorsque l'Art se joint à la Nature pour altérer une espèce et en abréger la durée. L'Art, en effet, dont un des caractères distinctifs est d'avoir un but limité , pendant que la Nature a tou- jours des points de vue iunnenses , franchit tout iatcr- sxxviij T) I s C O U R ^ valle inutile au succès particulier qu'il désire , et auquel il sacrifie tout autre avantage. Il est , pour ainsi dire, de l'essence de l'Art, de tjranniser par des efforts vio- lens les êtres que la Nature régit par des forces insen- sibles : et l'on s'en convaincra d'autant plus qu'on rélié- chira avec quelque constance sur les différences que nous allons faire remarquer entre la manière dont la Nature fait succéder une espèce à une autre , et les moyens que l'Art emploie pour altérer celle sur laquelle il agit ; ce (|u'il appelle la perfectionner , et ce qui ne consiste cependant qu'à la rendre plus propre à satis- faire ses besoins. Lorsque la Nature crée dans les espèces , des rouages trop compliqués qui s'arrêtent , ou trop simples qui se dérangent 5 des ressorts trop foibles qui se débandent, ou trop tendus qui se rompent ; des organes extérieurs ,trop disproportionnés par leur nombre , leur division ou leur étendue , aux fonctions qu'ils doivent remplir; des muscles trop inertes , ou trop irritables ; des nerfs trop peu sensibles , ou trop faciles à émouvoir ; des sens soustraits par leur place et par leurs dimensions à une assez grande quantité d'impressions , ou trop exposés par leur épanouissement à des ébranlemens violens et frécjuemment répétés ; et enfin , des mouvemens trop lents ou trop rapides; elle agit par des forces foiblement graduées , par des ojiérations très-prolongées , par des ichaiigemens insensibles. L'Art , au contraire , lorsqu'il parvient à faire naître SUR LA DURÉE DES ESPECES. XXxix des altérations analogues, les produit avec rapidité, et par une suite d actions très-clislinctes et peu nom- breuses. La Nature étend son pouvoir sur tous les individus ; elle les modifie en méuie temps et de la même manière; elle change véritablement Fcspcce. L'Art, ne pouvant soumettre à ses procédés qu'une partie de ces individus , donne le jour h une espèce nouvelle , sans détruire l'ancienne : il n'altère pas , à proprement parler, l'espèce; il la double. Il ne dispose pas , comme la Nature, de l'inllucnce du climat. Il ne détermine ni les élémens du fluide dans lequel l'espèce est destinée à vivre , ni sa densité ' , ni sa profondeur "", ni la chaleur dont les rajons solaires ou les émanations terrestres peuvent le pénétrer , ni son humidité ou sa sécheresse ; en un mot, aucune des qualités qui, augmentant ou diminuant l'analogie de ce fluide avec les organes de la respiration , le rendent plus ou moins propre à donner aux sucs nourriciers le mouvement vivifiant et réparateur \ ' Tout égal d'ailleurs, un fluide reçoit et perd la clialeiir avec d'autant plus de facilité que sa densité est moindre. - Le savant et habile physicien baron de Humboltz a trouvé que l'eau de la mtr a, sur tous les bas-fonds, une température plus froide de deux, trois ou quatre degrés, qu'au-dessus des profondeurs voisines. Cette obser- vation est consignée dans une lettre adressée par ce célèbre voyageur, de Caraccas en Amérique, à mon confrère Lalande, et que cet astronome a bien voulu me communiquer. ^ Nous avons déjà montré, dans le premier Discours et dans plusieurs xl DISCOURS Lorsque la Nature fixe le séjour d'une espèce auprès d'un aliment particulier, la quantité que les individus en consomment, n'est déterminée que par les besoins qu'ils éprouvent. L'Art, en altérant les individus par la nourriture V contraint leur appétit , les soumet à des privations , ou les force à s'assimiler une trop grande quantité de substances alimentaires. La Nature ne commande que la qualité de ces mêmes alimens ; l'Art en ordonne jusqu'à la masse. Ce n'est qu'à des époques incertaines et éloignées , et par TefFet de circonstances que le hasard seul paroît réunir, que la Nature rapproche des êtres qui, remar- quables par un commencement d'altération dans leur couleur, dans leurs formes ou dans leurs qualités, se perpétuent par des générations , dans la suite des- articles parllculiers de Cf Ue Histoire , comment un fluide très-chaud , tres- sée, ou composé de tel ou tel priiicij>e , pouvoit donner la mort aux animaux forcés de le respirer par un organe peu approprié, et par conséquent com- ment, lorsque l'action de ce fluide n'étoit pas encore aussi funeste, elle pou- voit cependant altérer les facultés, diminuer les forces, vicier les formes des individus, modifier l'espèce, en changer les caractères, en abréger la durée. Au reste, nous sommes bien aises de faire remarquer que l'opinion que nous avons émise en appliquant ces principes à la mort des poissons retenus hors de l'eau, est conforme aux idées de physique adoptées dans la Grèce et dans l'Asie mineu e dès le temps d'Homère , et recueillies dans l'un des deux immortels ouvrages de ce beau génie Ce père de la poésie européenne compare en effet, dans le vingt-deuxième livre de son Of^yssée, les poursuî- vans de Pénélope, défaits par Ulysse, à des poissons entassés sur un sable aride, regrettant les ondes qu'ils viennent de quitter, et palpitant par î'eflet de la chaleur ti de la Sichcreist^ de Vair^ qui bientôt leur ôtenl la vie. s i" ]i L A D u r. L !•: I) K s E fi r L c E s. xîj quelles ces tral pensées, les découvertes sont impérissables, ainsi que la renommée des hommes de génie auxquels on les doitj mais les ouvrages mêmes de ces hommes fameux passent presque tous, et sont remplacés par d'autres , à moins que le sfj le qui les a tracés, et qui appartient à l'art, ne les sauve de cette destinée et ne leur donne l'immortalité. Les animaux qui ressemblent le plus à l'homme, les mammifères, les oiseaux, les quadrupèdes ovipares et les scrpens , ne seront pas non plus les sujets des ré- flexions par lesquelles nous terminerons ce Discours: * Il faut faire une exception rela.tivemcnt aux arts, tt-ls que la pcinkue, la musique, etc., dout les proc(5dcs , en se perfectionnant cJiaque jour, TDultiplicnt les moyens d'exécution, et par conséquent le nombre des créations possibles. 11 est d'ailleurs évident que cette détermination de limites n'a point lieu pour les arts , lorsqu'en appliquant leur puissance à de nouveaux objets en combinant leurs produits, et en leur donnant, pour ainsi dire, par ces opérations, la nature des sciences, le génie les rend propres à exprimer im plus grand nombre de sentimens, à peindre des svjels plus variés ou plus nombreux, à présenter de plus vastes tableaux , à touclier par con- séquent avec plus de force , et à faire naître des impressions plus durables. Voyez ce que nous avons dit , à cet égard , dans \îx Po-Jtlqve de la musique^ imprimée en 1785, -slsWj DISCOURS nous préférerons d'appliquer les idées que nous venons d'émettre , à ceux qui , dans la progression de simplicité des êtres , suivent ces animaux , lesquels , de même que riiomme, respirent par des poumons. En nous arrêtant aux poissons pour les considérations qu'il nous reste à présenter , nous attacherons notre attention à des animaux dont non seulement cet ouvrage est destiné à flaire connoître Fiiistoire, mais encore qui vivent dans un fluide ]^>articulier, où ils sont exposés à moins de circons- tances perturbatrices , de variations subites et funestes , d accidens extraordinaires, et qui d'ailleurs, par une suite de la nature de leur séjour, de la date de leur origine, de la contexture solide et résistante du plus grand nombre de leurs parties, et de la propriété qu'ont ces mêmes portions de se conserver dans le sein de la terre au moins pendant un temps assez long pour j former une empreinte durable, ont dû laisser, et ont laissé en efi'et, des monumens de leur existence passée, bien plus nombreux et bien plus facilesàreconnoître, que'presque toutes les autres 'classes des êtres vivans et sensibles. Nous avons compté douze modifications principales ])ar lesquelles luie es])èce peut passer de dégradation en dégradation, jusqu'à la perte totale de ses caractères distinciifs, de son essence, et par conséquent de l'exis^ tence proprement. dite. Parcourons ces modifications. Nous avons chaque jour sous les yeux des exemples u espèces de poissons qui , ti'ansportées dans des eaux SUR LA DURÉE DES ESPECES. xlijC plus troubles on plus claires, plus lentes on plus rn- pides , plus chaudes on plus froides, non seulement se montrent avec des couleurs nouvelles, mais éprouvant encore des changemens j^lus marqués dans leurs tégu- niens , baignées, attacpiées et pénétrées par un fluide diH'érent de celui qui les arrosoit , présentent des écailles, des verrues, des tubercules, des aiguillons très-peu semblables par leur figure, lenr dureté , leur nombre ou leur position, à ceux dont ils étoient revêtus. Il est évident que ces modifications produites dans le même temps et dans un lieu différent, ont pu et dû naître dans un temps difîérent et dans le même lieu , et contribuer par conséquent, dans la suite des siècles , à diminuer la durée de l'espèce, aussi-bien qu'à res- treindre les limites de son habitation lors d'une époque déterminée. Si l'on rappelle ce cjue nous avons dit dans les ar- ticles particuliers du requin et du scjualc roussette , sur la grandeur de ces espèces à une époque un peu re- culée , on les verra nous offrir deux exemples bien frappans de la cinquième modification qu'une espèce peut subir, c'est-à-dire, de la diminution de grandeur qu'elle peut éprouver. En effet, on doit en conclure que les requins dont on a conservé des restes, et dont nous avons mesuré des dents trouvées dans le sein de la terre, l'enqiortoient sur les requins actuels par leur grandeur proprement dite , c'est-à-dire , par leur masse , par l'ensemble de leurs dimensions , dans le rapport dp TOME II, G / ] DISCOURS 343 à 2,^], Leur grandeur a donc été réduite au dou-- zième au moins de son état primitif. Une réduction plus frappante encore a été opérée dans l'espèce de la roussette, puisque nous avons donné les mojens de voir que des dents de ce squale , découvertes dans des couches plus ou moins profondes du gl()l>e , dévoient avoir appartenu à des individus d'un volume dix-neuf cent cinquante-trois fois plus grand que celui des rous- settes qui infestent maintenant les rivages de l'Europe. Et relativement à ces deux exemples des altérations dans les dimensions que peuvent offrir les espèces d'animaux, nous avons deux considérations à proposer. .Premièrement, la diminution subie par la roussette a été à proportion 166 fois plus grande que celle du requin, et cependant, au point où cette dégradation a commencé, le volume du requin n'étoit pas trois fois plus considérable que celui de la roussette. Il est à présumer que si, à cette époque , il avoit été six ou liuit fois supérieur, la modification imposée à la rous- sette auroit été plus grande encore , proportionnelle- ment à celle du requin. En général, on ne sauroit faire trop d'attention à un principe très-important, que nous ne cesserons de rappeler : les forces de la Nature, celles qui détruisent comme celles qui pro- duisent, celles qui troublent comme celles qui main- tiennent, agissent très-souvent, et tout égal d'ailleurs, en raison des surfaces, soit extérieures, soit intérieures, des corps qu'elles attaquent ou régissent; mais tout le s V R LA DURÉE DES ESPECES. ïj monde sait que plus les corps sont petits , et plus à proportion leurs surfaces sont étendues. Il ne faut donc pas être étonné de voir les grands volumes op- poser une résistance bien plus longue proportionnel- lement que celle des petits , aux causes qui tendent à restreindre leurs dimensions dans des limites pins rap- prochées. Secondement, il est curieux d'observer que les deux espèces qui ont perdu , l'une les onze douzièmes, et l'autre une portion bien plus étonnante encore de ses dimensions primitives, sont des espèces itiarines, et par conséquent ont dû être exposées à un nombre de causes altérantes d'autant moins grand , que la température et la nature des eaux des fleuves Sont bien plus variables que celles de l'océan, et que, s'il faut admettre les conjectures les plus généralement adop- tées, toutes les espèces de poissons ajant commencé par appartenir à la mer, les fluviatiles ont été expo- sées à une sorte de crise assez forte et à des changemens très-marqués, lorsqu'elles ont abandonné les eaux salées pour aller séjourner au milieu des eaux douces. Les exemples des proportions changées et des formes altérées, soustraites ou introduites dans une espèce, à mesure qu'elle se dégrade et s'avance vers le terme de sa durée, peuvent être saisis avec facilité dans les di- verses empreintes (pi 'ont laissées des individus de dif- férens genres, enfouis par des catastrophes subites. 11 n'en est pas de même de la sixième et de la sep- tième modification générale : des hasards très-rares îij DISCOURS peuvent seuls conserver des iiulividus dans un tel état d'intégrité , ou de destruction commencée et de dissection naturelle , qu'on puisse reconuoîlre la forine de leurs organes intérieurs , et celle des parties de leur corps dans lesquelles résidoient les sens dont ils a voient été doués. Il est encore plus difficile dé remonter à la connois- sance des qualités , de la force , des habitudes , des mœurs qui distinguoient une espèce à une époque plus ou moins enfoncée dans les âges écoulés. (>es propriétés ne sont que des résultats dont l'existence peut sans doute être l'objet de conjectures plus ou moins vraisemblables ^ inspirées par l'inspection des formes qui les ont produits , mais sur la nature des- quels nous n'avons cependant de notions précises que lorsque des observateurs habiles ont recueilli ces notions et les ont transmises avec fidélité. La détermination des eiKlroits dans lesquels habitoit ime espèce dans les temps anciens , est au contraire plus facile que celle de toutes les modifications dont nous venons de parler. Les traces que <:\qs individus laissent de leur existence , doivent être distinctes jusqu'à un certain degré^ pour qu'on puisse , en les exa- minant, reconnoître dans leurs détails les dimensions et les formes de ces individus ; mais un très-foible vestige suffit pour constater la place où ils ont péri , et par conséquent celle où ils avoient vécu. Cette douzième modification des espèces , cette limi- s tJ R T. A D U R 11 E DES ESPECES. 1 i i j talion de leur scjoiir à telle ou telle porlion de la surface de la terre , peut èlre lice avec une ou ])lu- sieurs des autres altérations dont nous avons tâché d'ex- poser l'ordre ; et elle pent en être indépendante. Il en résulte premièrement des espèces altérées dans leurs qualités, dans leurs formes ou dans leurs dimensions , et reléguées dans telle ou telle contrée ; secondement des espèces modifiées trop peu profondément dans leur conformation, pour que leurs propriétés aient éprouvé un chanoem^nt sensible , non altérées même dans leurs formes ou dans leurs dimensions, et cependant confi- nées sous tel ou tel climat ; et troisièmement , des espèces dégradées dans leurs qualités , ou seulement dans leurs formes , mais habitant encore dans les mêmes parties du globe qu'avant le temps où leur métamor- phose n'avoit pas commencé. Nous avons assez parlé de ces dernières. Quant aux autres espèces , combien ne pourrions- nous pas en citer! Ici les exemj^les nous environnent. Le seul mont volcanique de Bolca , auprès de Vérone , a déjà montré sur ses couches entr'ouvertes , des frag- mens très-bien conservés et très-reconnoissables d'une ou deux raies, de deux gobies , et de plusieurs autres poissons qui ne vivent aujourd'hui que dans les mers de l'Asie, de l'Afrique , ou de l'Amérique méridionale, dont plusieurs traits sont altérés , el: qui cependant offrent les caractères qui constituoient leur espèce lorscjiie , réunis en troupes nombreuses vers le fond liv DISCOURS de la mer Adriatique , une grande catastrophe les surprit au milieu de leurs courses, de leurs poursuites, de leurs combats , et, leur donnant la mort la plus prompte , les ensevelit au-dessous de produits volca- niques , de substances préservatrices, et de matières propres à les garantir des effets de l'humidité ou de tout autre principe corrupteur *. De plus , parmi les espèces qui n'ont subi , au moins en apparence , aucune modification dans leurs formes, ni dans leurs proportions, ni dans leur grandeur, ni dans le''urs tégumens , nous comptons une fistulaire du Japon ou de l'Amérique équatoriale , enfouie sous des couches schisteuses du centre de l'Europe ; un pégase de l'Inde , deux ou trois chétodons de l'Inde ou du Brésil, et des individus de plus de trente autres espèces de l'Asie , de l'Afrique , ou des rivages les plus chauds de l'Amérique , saisis entre les lits solidifiés de ce même mont Bolca , si digne d'attirer notre attention. Nous venons de porter rapidement nos regards , * Nous avons dit plus d'une fois que M. le comte de Gazola a commencé de donner au public un grand ouvrage sur les poissons pétrifiés, conservés ou empreints dans les couches du mont Bolca. Si ce savant recoramandable, auquel je suis heureux de pouvoir témoigner souvent mon estime, ne leriuine pas son importante entreprise , je tâcherai d'arranger mes travaux de manière à le suppléer en partie , en publiant la figure , la description et la comparaison des poissons fossiles, ou des empreintes de poissons, trouvés dans ce même mont Bolca, recueillis à Vérone avec un soin très- éclairé, apportés au Muséum d'histoire naturelle de Paris, et formant aujourd'hui une des parties les plus précieuses de l'immense et riche collec- tion de la république françoise. SUR LA DURÉE DES ESPECES. Iv premièrement , .sur les espèces ahcrées dans leurs organes , et repoussées loin du séjour qu'elles avoient autrefois préféré ; secondement , sur les espèces non altérées , mais reléguées; troisièmement, sur les espèces altérées , et non confinées dans une portion du globe difïérente de celle qu'elles avoient occupée : il nous reste à considérer un instant celles qui n'ont été ni dégradées , ni chassées de leur ancienne patrie , dont nous trouvons des individus , ou des fragmens, ou des empreintes trè^-reconnoissables, au-dessous des mêmes couches terrestres que l'une des dernières catastrophes du globe a étendues au-dessus des espèces que nous avons déjà indicjuées , et qui, par conséquent, ont résisté avec plus de facilité que ces dernières , aux diverses causes qui modifient les espèces et en préci- pitent la durée. Contentons-nous cependant, pour ne pas entrer dans des discussions particulières que les bornes de ce Dis- cours nous interdisent, et sur lesquelles nous revien- drons un jour , de jeter les jeux sur deux de ces en- droits remarquables du globe qui ont fourni h l'étude du naturaliste les empreintes les plus nettes ou les restes les mieux conservés d'un grand nombre d'espèces de poissons. Ne citons que les environs du Bolca Véro- nois , et ceux d'^^ningen auprès du lac de Constance *. * Voyez ce que le célèbre Saussure a écrit au sujet de la carrière d'/E- ningen , et des poissons dont l'iniérieur de cotte carrière renlerine les restes ou les ina/'gesj on trouvera la description qu'en donne cet habile ] v5 DISCOURS Nous trouvons dans les carrières d^^ningen ou de Bolca le pétromjzon pricka , le squale requin , la murène anguille, le scombre thon, le caranx trachure, le cotte chabot, la trigle malarmat , la trigle milan, le pleuronecte carrelet, le cobite loche , le cobite bar- botte , le salmone fario , l'ésoce brochet , Tésoce bélone , la clupée alose , la chipée hareng , le cjprin carpe , le cjprin goujon , le cjprin tanche , et douze autres cjprins , l'hamburge , le céphale , le vaudoîs, la dobule , le grîslagine , le spirlin, le bouvier, Fable , la brème , le véron , le roux et le nez. Tous ces poissons vivent encore dans les diverses mers européennes qui entourent , pour ainsi dire , et le lac de Constance et le territoire vénitien ; et la com- paraison la plus exacte ne feroit remarquer entre les individus que Ton pêcheroit dans ces mers euro- péennes , et ceux qui sont encore gisans sous les cou- ches d\^ningen ou du Bolca , aucune différence plus grande que celles qui séparent souvent des produits de la même ponte. I ■ ■ Il I - Il ____^_^_^_— — ^_^.^.^„^ naturaliste, au paragraphe i533 du tome III de son Voyage dan.-; les Alpes. Le nom de ce grand géologue rappelle à mon ame affligée les travaux , la oloire et les malheurs de son illustre ami , de son savant émule , mon collègue Dolomieii , qui , depuis dix-huit mois , luîte avec une constance héroïque contre une aflVeuse captivité, que n'ont pu faire cesser encore les pressantes réclamations de no(re patrie qu'il honore, de notre gouver- nement qui l'estime, de plusieurs puissances étrangères qui partagent pour lui l'intérêt des François, du roi d'Espagne, qui manifeste ses sentimens à cet égard de la manière la plus digne de la nation qu'il gouverne , et d'un si grand norahre de ceux qui , en Europe , chérissent et font vénérer J'antique loyauté , les vertus et les grands talens. SUR LA DURÉE DES ESPECES. Ivij La limite de toutes les altérations que nous venons de décrire , est Fanéantisseinent de Tespèce. Pendant que nous avons sous les jeux un si grand nombre de poissons qui ont résisté aux causes pertur- batrices de leurs formes, de leurs qualités et de leurs habitudes , n'avons-nous pas aussi à considérer des exemples de leurs extrêmes , c'est-à-dire , d'espèces qui , par une suite de dégradations , se sont entièrement éteintes ? Il paroi t qu'on peut citer quelques unes de ces espèces perdues. Les vojageurs , les naturalistes , les pécheurs , ne retrouvent, du moins dans aucune mer , ni dans aucune rivière, ni dans aucun lac, quelques poissons dont le corps presque tout entier a frappé les regards des observateurs qui ont examiné avec attention les pierres extraites des environs du Bolca , oii d'autres contrées du globe. Il semble qu'on doit particulièrement indiquer deux espèces décrites par le savant Gazola, dans le bel ouvrage qu'il a commencé de publier sur les poissons pétrifiés du Véronois , et dont nous avons déjà eu occasion de faire mention. Ces deux espèces sont , premièrement , celle qu'il nomme uranoscope râteau f uranoscopus rastrum ) , et seconde- ment, celle qu'il désigne par la dénomination de hurle porte-voile ( kurlus vellferj. Après les avoir examinées avec beaucoup de soin , j'ai même cru qu'elles difïe- roient assez des espèces connues et actuellement vivantes, pour qu'on ne dût les l'apporter à aucun de T O M E I I. ïï Iviij DISCOURS leurs genres ; et eu conséquence ce ralcaii et ce pone" voile ne sont à mes jeux ni un véritable Liranoscopc ^ ni un véritable hurle. Je ne balancerois pas non plus à regarder comme une espèce éteinte , celles de quelques autres animaux conservés dans l'intérieur des pièces de la collection ichthjolitbologicjue de Vérone , qui ont été adressées au Muséum d'bistoire naturelle de France , et notam- ment un chétodon (à filament dorsal, double et très- long ) dont j'ai vu plusieurs exemplaires conservés d'une manière très-curieuse. Cependant ce n'est qu'avec une grande réserve que nous devons dire qu'une espèce a terminé sa durée: nous ne connoissons pas assez la suriace du globe , ni les mers qui l'environnent , pour prononcer formelle- ment qu'on ne trouvera dans aucune eau douce, ni dans aucun parage , des analogues très-ressemblans des individus fossiles que nous n'avons pu encore inscrire dans aucune espèce décrite et vivante. En ellet , il nous reste à découvrir d'immenses contrées situées à des distances plus ou moins grandes de la ligne , dans l'un et l'autre béoiisphère , et notam- ment l'intérieur de la Nouvelle-Hollande et delà terre de Diémen , celui de la Nouvelle-Guinée et de la Louisiade , le vaste plateau du milieu de l'Afrique, comj)ris entre le tropique du capricorne et le dixième degré de latitude boréale , et cette longue bande qui s'étend dans la partie occidentale de l'Amérique septen- SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. lî.X irionale, au nord du Nouveau -Mexicjiic , commence près du quarantième degré de latitude, s'avance pen- dant un grand nombre de degrés vers le nord , et règne sur une largeur de plus de soixante-dix myria- mètres entre la lisière encore très-peu connue qui touche le rivage de la mer , et cette chaîne de montagnes très- clevées , nommées maintenant stony moiinlains , dont nous avions conjecturé l'existence, la position , la direc- tion et la hauteur ' , et qui vont depuis Cattana Howes , où le vojageur anglois M. Fidler est parvenu en 1792, jus(pi'au bord occidental de l'embouchure dans rOcéan glacial arctique , de la rivière vue par M. Kensie le 12 juillet 1789 '. Mais n'avons-nous pas encore à reconnoître presque toute la côte occidentale et une partie de la cote du nord de la Nouvelle-Hollande , plusieurs rivages du nord -est de l'Asie et des isles qui en sont voisines , presque tous les points de la côte orientale et de la côte occidentale de l'Afrique depuis une distance assez petite du cap de Bonne-Espérance jusqu'auprès de la ' Dans un mémoire sur les parties du globe encore inconnues , que je lus dans la séance publique de la société pliilofechnique , le 20 floréal de la roéme année, et que mon célèbre collègue, le citoyen Fourcroy , voulut bien lire quelques jours après dans une séance publique du Lycée républi- cain de Paris, - Consultez une carte très-intéressante d'une grande partie de l'Amé- rique septentrionale, présentée à la compagnie angloioC d'Hudson par M. Arro^Ysmith , et dont la guerre nous a empêchés d'avoir connoissance avant l'année dernière. Ix DISCOURS ligne ëquinoxiale , et par conséquent dans une étendue de plus de sept cents mjriamètr( s ? Combien de fleuves , combien de lacs , combien de parages inconnus! Combien ces habitations qui se sont jusqu'à présent dérobées à nos recherches , peuvent renfermer d'espèces plus ou moins analogues à celles dont des individus vivans , ou des restes fossiles, ont été l'objet de nos descriptions! Cependant élevons-nous encore plus haut au-dessus des objets que nous venons de contempler. Avons-nous quelque mojen de juger de Tancien- iieté de ces modifications dont nous venons d'examiner les caractères et d'indiquer la succession ? Ne pou- vons-nous pas du moins déterminer quelques époques pendant lesquelles subsistoiei^it encore ou existoient déjà une ou plusieurs de ces modifications? L'espèce humaine , trop récente sur le globe , n'a pas pu observer les durées des diverses nuances de ces altérations , et compter pendant le cours de ces durées le nombre des périodes lunaires ou solaires qui se sont succédées. Mais la Nature n'a-t-elle pas gravé sur le globe quelques ères auxquelles nous pourrions au moins rapporter une partie de ces manières d'être des espèces? Nous ne mesurerons pas le temps par le retour d'un cprps céleste au même point du ciel , mais par ces bou- leversemens terribles qui ont agi sur notre planète plus ou moins profondément. ' Nous n'appliquerons pas l'existence des dégradations SUR LA DURÉE DES ESPECES. î\j des espèces à des temps réguliers et dclerminés comme les années ou les siècles ; mais nous verrons leur con-- cordance avec des événemens dont on connoît déjà les relations des épocpics, en attendant qu'on ait dévoilé leur ancienneté absolue. Ici le flambeau de la géologie nous aide à répandre quelque clarté au milieu de la nuit des temps. Elle nous montre comment, en pénétrant dans les- couches du globe , et en examinant l'essence ainsi que le gisement des minéraux qui les composent , nous pouvons savoir si nous avons sous les jeux des monu- niens de l'une ou de l'autre des trois époques que Ton doit distinguer dans la suite des catastrophes les moins anciennes de notre terre , les seules qu'il nous soit permis de reconnoître de loin. La moins récente de ces révolutions est le dernier bouleversement général que notre globe a éprouvé, ef^ qui a laissé de profondes empreintes sur runiversalilé de la surface de la terre. Après cette catastrophe universelle , il faut placer dans l'ordre des temps les bouleversemens moins éten- dus, qui n'ont répandu leurs ravages que sur une grande partie du globe. L'on ne peut pas, dans l'état actuel des connoissances humaines , déterminer les rapports des dates de ces événemens particuliers; on ne peut que les attacher tous h la seconde époque , sans leur assigner à chacun une place fixée avec précision sur la route du temps. ''-■'- DISCOURS A ia troisième époque, nous mettons les boiilever- semeiîs circonscrits comme les seconds , et qui de plus présentent les caractères distinctifs de Faction terrible et destructive des volcans, des feux souterrains, des foudres et des ébranlemens électriques de l'intérieur du globe. Maintenant si nous voulons appliquer un moment CCS principes , nous reconnoîtrons que nous ne pou- vons encore rapporter à une de ces époques qu'un petit nombre des modifications par lesquelles les es- pèces tombent, de dégradation en dégradation, jusqu'à la non-existence. Nous pouvons dire que le temps où , par exemple, le genre des squales présentoit une grandeur si supé- rieure à celle des squales observés de nos jours , et où le volume de l'une de leurs espèces l'emportoit près de deux mille fois sur le volume qu'elle offre maintenant, appartient à la seconde des époques que nous venons d'indiquer, et a touché celui où le globe a éprouvé le dernier des bouleversemens non universels et non vol- caniques qui aient altéré sa surface auprès de la chaîne des Pyrénées , dont les environs nous ont montré les restes de ces grandes espèces marines, si réduites main- tenant dans leurs dimensions. Nous pouvons assurer également que , lors des con- vulsions de la terre , des éruptions volcaniques, des vastes incendies et des orages souterrains , dont les efiets redoutables se montrent encore si facilement à SUR LA D U R É P: DES ESPACES. l\iij des jeux exercés et attentifs , auprès de Venise et de l'extrémité de la mer Adriati(|iie , plusieurs espèces , dont les flancs du mont Bolca recèlent les empreintes ou la dépouille , u'avoient pas éprouvé les dégrada- tions dont nous pouvons compter toutes les nuances, ou n'avoient pas encore été reléguées dans les mers chaudes de TAsie , de l'Afrique ou de l'Amérifpie mé- ridionale, ou se montroient déjà avec tous les traits qu'elles présentent, ainsi que dans les contrées qu'elles habitent aujourd'hui; et enfin, que celles que l'onseroifc tenté de considérer comme éteintes, et que du moins on n'a encore retrouvées dans aucun fleuve, dans aucun lac , dans aucune mer, figuroient encore dans l'ensemble des êtres sortis des mains de la puissance créatrice. Lorsque la science aura étendu son domaine , que de nouveaux observateurs auront parcouru dans tous les sens les terres et les mers, que le génie aura con- quis le monde, qu'il aura découvert, compté, décrit et comparé et les êtres qui vivent et les fragmens de ceux dont il ne reste que des dépouilles , qu'il con- noîtra et ce qui est et une partie de ce qui a été , qu'au milieu des monts escarpés , sur les rivages de l'Océan , dans le fond des mines et des cavernes souterraines, il interrogera la Nature au nom du Temps , et le Temps au nom de la Nature , quelles comparaisons fécondes ne naîtront pas de toutes parts ! quels admirables résul- tats î quelles vérités sublimes ! quels immenses tableaux ; Ixiv DISCOURS quel nouveau jour se lèvera sur l'état primitif des espèces, sur les rapports qui les lioient dans ces âges si éloignés du nôtre, sur leur nombre plus petit à cette époque antique, sur leurs grandeurs plus rapprochées, sur leurs traits plus différens , sur leurs habitudes plus dissemblables, sur leurs alliances plus difficiles, sur leurs durées plus longues! O heureuse postérité! à combien de jouissances n'es -tu pas réservée, si les passions funestes , l'ambition délirante , la vile cupi- dité, le dédain de la gloire , l'ignorance présomptueuse, ^t la fausse science, plus redoutable encore, n'en- chaînent tes nobles destinées ! HISTOIRE HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. TREIZIÈME GENRE. LES DIODONS. Les mâchoires osseuses , avancées , et chacune d'une seule pièce. ESPECES. I. Le diodon atinga. a. Le diodon plumier. 2. Le diodon holocanthe. 4. Le diodon tacheté. < TOME II. caractères. Le corps alongé; des piquans très-vapproclié» les uns des autres; la nageoire de la queue, arrondie. Le corps alongé; point de piquans sur les côtés de !a tête, qui est plus grosse que la partie antérieure du corps; la nageoire de la queue, arrondie. Le corps alongé; des piquans très-rapprocliés les uns des autres; la nageoire de la queue, fourchue. 'Le corps un peu alongé; des piquans très- rapprochés les uns de^? autres, et deux ou trois fois plus longs sur le dos que sur le ventre; la nageoire de la queue, arrondie; trois grandes taches de chaque côté du corps , une tache eu forme de croissant sur la nuque. 1 2 HISTOIRE NATURELLE. ESPÈCES. CARACTÈRES. 5. Le diodon orbe. (^^ "^^'P' «P^é'-'^l"^, ou presque sphérique; (_ des piquans forts, courts, et clalr-semés. 6. Le diodon mole. fTrès-coni primé ; demi-ovale j comme tron- (, que par derrière. LE DIODON ATINGA Les diodons ont de très-grands rapports, dans leur conformation et dans leurs habitudes, avec les tétro- dons et les ovoïdes : mais ils en difTèrent par la forme de leurs mâchoires osseuses, dont chacune ne présente qu'une pièce; et de là vient le nom qu'on leur a donné, et qui désigne qu'ils n'ont que deux dents, l'une en haut , et l'autre en bas. Ils en diffèrent encore par la nature de leurs piquans beaucoup plus longs, beau- * Nous devons prévenir qu'en rapportant aux difierentes espèces de poissons que nous décrivons dans cet ouvrage , le te\te on la figure publiés par différens auteurs, nous n'entendons, en aucune manière, adopter l'opinion de ces écrivains relativement à l'application qu'ils ont pu i'aire de telle ou telle description ou de telle ou telle planche qu'ils ont citées, à l'animal dont ils se sont occupés. Cet avertissement nous a paru sur-tout nécessaire au commencement de l'histoire des diodons. Diodon afinga. Linné ^ édition de Gmelin. Diodon atinga. Bloch, fil. i 25. 'De\iTi.-^iiui% couxie-é^me, BonnaterrOi planches de l'Encyclopédie mê' ihodiquejpl. Kj^Jig. 60. Hérisson de mer. Diodon supernè fuscus, maculis lentîcularibus, nigris «ndique inspersus , ventre albo immaculato. Coinmersouj vianuscrils déjà cités. Deux-dents longue-épine. Daiibenton^ Encyclopédie méthodique. Brown ^Jamaic. p. 466, n. 4. Seb. Mus. 3, pi. %6^fig. I et 2'j et pi. 24,/'^. 10, Guamajacu atinga. Murcgrav. Brusil. pi. 168. WilLughby, Ichthyol. pi. I,5',I,6',etIj 7. JonstOHy iab. 3, fig, 1 j et tab. 3g, fg. 3. 4 HISTOIRE NATURELLE coup plus gros, beaucoup plus forts, que ceux des tétrodons les mieux armés. Ces piquans sont d'ail- leurs très-mobiles, et répandus sur toute la surface de la plupart des diodons. Cette dissémination, ce nombre, cette mobilité, cette grandeur, ont fait re- garder, avec raison, les diodons comme les ana- logues des porc-épics et des hérissons , dans la classe^ des poissons. La diversité de couleurs que montrent fréquemment ces aiguillons, a dû contribuer encore à ce rapprochement; et comme on a pu en faire un presque semblable entre les cartilagineux que nous examinons, et les vers que Ton a nommés oursins^ on doit considérer la famille des diodons comme for- mant un des principaux liens qui réunissent et attachent ensemble la classe des quadrupèdes à mamelles, celle àeii poissons, et celle des vers. Ce genre remarquable ne renferme qu'un petit nombre d'espèces: mais le plus grand nombre des natu- ralistes en ont mal saisi les caractères distinctifs; et comme d'ailleurs elles sont presque toutes très-variables dans plusieurs points de leur conformation extérieure, une grande confusion a régné dans la détermination de ces espèces, dont on a très-souvent trop étendu ou resserré le nombre ; et le même désordre s'est trouvé dans l'application que plusieurs auteurs ont faite aux espèces qu'ils avoient admises, des noms donnés aux diodons , ou des descriptions de ces animaux déjà publiées. Ce n'est que parce que nous avons été à portée DES POISSONS. O de comparer de ces cartilagineux de dilférens âges , de dillérens sexes, de dillércns p^-ivs , et pris à des époques de lannée très-éloignées l'une de Fautrc, ([ue nous avons pu parvenir à fixer le nombre des espèces de diodons connues jusqu'à présent, à reconnoître leurs formes distinctives et invariables, et à composer la table méthodique qui précède cet article. L'atinga a le corps très-alongé j chaque narine n a qu'une ouverture placée dans une sorte de petit tube; les jeux sont assez près du museau; l'anus en est, au contraire, à une assez grande distance, et par consé- quent la queue proprement dite est très- courte. Les nageoires du dos et de l'anus se ressemblent beaucoup, sont petites, et placées au dessus l'une de l'autre; celle de la queue est arrondie *. Les piquans mobiles dont l'atinga peut se hérisser, sont très-forts, très-longs, creux vers leur racine, variés de blanc et de noir , et divisés à leur base en trois pointes qui s'écartent, s'étendent, et vont s'attacher au dessous des tégumens de l'animal. Ils sont revêtus d'une membrane plus ou moins déliée, qui n'est qu'une continuation de la peau du diodon. Cette membrane s'élève autour de l'aiguillon, jusqu'au dessus de l'extré- mité de ce piquant, ou jusqu'à une distance plus ou * A la nageoire du clos i5 ou i6 rayons, aux nageoires pectorales 24 ou 20 à ccllf de l'anus i5 ou 16 à celle de la queue 9 6 HISTOIRE NATURELLE moins grande de la pointe de ce dard , qui le plus^ souvent perce cette membrane et paroît à découvert. L'atinga est l)riui ou bleuâtre sur le dos, et blanc sur le ventre; ses nageoires sont quelquefois jaunes dans le milieu de leur surface; et ces mêmes nageoires, ainsi que toute la partie supérieure du poisson, sont semées de petites taches lenticulaires et noires, que l'on voit fréquemment répandues aussi sur le dessous de l'atinga. Ce cartilagineux vit au milieu des mers de l'Inde et de l'Amérique, voisines des tropiques, ainsi que dans les environs du cap de Bonne-Espérance. Il s'j nourrit de petits poissons, de cancres, et d'animaux à coquille, dont il brise aisément l'enveloppe dure par le mojen de ses fortes mâchoires. Il ne s'éloigne guère des côtes ; et quoiqu'il ne parvienne qu'à la longueur de quinze pouces ou d'un pied et demi, il sait si bien, lorsqu'on l'attaque, se retourner en différens sens, exécuter des mouvemens rapides, s'agiter, se couvrir de ses armes, en présenter la pointe, qu'il est très-diflRcile et même dangereux de le prendre. Aussi le poursuit-on d'autant moins que sa chair est dure et peu savoureuse. C'est principalement dans les momens où l'on veut le saisir, qu'il gonfle sa partie inférieure. Il a la faculté de l'enfler comme les tétrodons et les ovoïdes , quoique cependant il paroisse ne pouvoir pas donner à cette portion de son corps un aussi grand degré d'extension. Il augmente ainsi son voliime pour donner plus de DES POISSONS. 7 force à sa résistance, ou pour s'élever et nager avec plus cle facilité ; il se grossit et se tuméfie particuliè- rement, lorsqu'après lavoir saisi, on cherche à le tenir un moment suspendu par sa nageoire dorsale: mais, quehjue cause qui le contraigne à se boursou- fler, il détend souvent tout d'un coup sa partie infé- rieure, et, faisant alors sortir avec rapidité par l'ou- verture de sa bouche, par celle de ses branchies, ou par son anus , le fluide contenu dans son intérieur, il produit un bruissement semblable à celui que font entendre les balistes, les ostracions et les tétrodons. La vessie natatoire de l'atinga est très-grande, ainsi que celle des tétrodons; et, d après la nature de la membrane qui la compose, il paroît que, préparée comme celle de l'acipensère huso, elle donneroit une colle supérieure par sa bonté à celle que l'on pourroit obtenir de la vésicule aérienne d'un très-grand nombre d'autres espèces de poissons. L'estomac du diodon que nous décrivons n'est com- posé que d'une membrane assez mince; mais il est garni de beaucoup d'appendices, qui, comme autant de petites poches ou d'intestins ouverts uniquement ])ar un bout, peuvent ou augmenter la quantité des sucs digestifs, ou contribuer à l'élaboration, à la perfection, à l'activité de ces sucs , ou prolonger la durée de l'ac- tion de ces liquides sur les alimens , en retardant le passage des substances nutritives dans la partie des intestins la plus voisine de l'anus. 8 HISTOIRE NATURELLE Ces aliiiiens , quelque dure que soit leur natiiré ^ peuvent arriver à Festomac , d'autant plus broyés et par conséquent susceptibles de subir Faction des liqueurs digestives, qu'indépendamment des mâchoires osseuses qui tiennent lieu à Fanimal de deux dents très-larges et très -fortes, Fatinga a deux véritables dents molaires très-grandes , relativement à l'étendue de la cavité de la bouche, à peine convexes, et sillon- nées transversalement. L'une occupe presque tout le palais; et l'autre, qui ne cède que très-peu en grandeur à la première, revêt la partie opposée de la gueule, dans Fendroit le plus voisin du devant de la mâchoire inférieure. Lorsqu'on a mangé de Fatinga , non seulement on peut éprouver des accidens graves, si on a laissé dans rintérieur de cet animal quelques restes des alimens qu'il préfère, et qui peuvent être très mal-sains pour Fhommej mais encore, suivant Pison, la vésicule du fiel de ce cartilagineux contient un poison si actif, que si elle crève quand on vide Fanimal, ou qu'où l'oublie dans le corps du poisson, elle produit sur ceux qui mangent de Fatinga, les effets les plus funestes; les sens s'émoussent , la langue devient immobile , les membres se roidissent ; et à moins qu'on ne soit jiromptement secouru , une sueur froide ne précède la mort que de quelques instans. Au reste, si la vésicule du fiel, ou quelque autre portion intérieure du corps de Fatinga, contient un DES POISSONS. 9 venin dangereux, il ne peut point faire perdre la vie, en parvenant jusqu'au sang des personnes blessées par ce cartilagineux, et en y arrivant par le niojen des longs j)i(]uans dont la surface du poisson est hérissée, ainsi (pie (piel(|ues vojageurs Tpnt redouté. Ces piquans ne sout point creux juscpi'à leur extrémité ; leur cavité ne présente à l'extérieur aucun orifice par lequel le poison pût être versé jusques dans la plaie; et l'on ne découvre aucune communication entre l'intérieur de ces aiguillons, et quelcpie vésicule propre à contenir et à répandre un suc délétère. TOME ir. LE DIODON PLUMIER Il étoit convenable de désigner ce cartilagineux par le nom du naturaliste auquel nous devons la figure de cette belle espèce de diodon, que Ton trouve dans la zone torride, auprès des côtes orientales de l'Amérique. Ce poisson, que l'on voit aussi auprès des rivages de plusieurs isles américaines, a beaucoup de ressem- blance avec Tatinga; mais il en diffère par plusieurs caractères. Premièrement, il est souvent plus alongé, sa longueur totale étant presque toujours quatre fois aussi étendue que sa hauteur. Secondement, il présente un étranglement très-marqué à l'endroit où la tête est attachée au corps, et par conséquent entre les jeux et les nageoires pectorales. Troisièmement, il n'j a pas de piquans sur les côtés de la tête, au dessous, ni sur le devant de cette partie; et au-delà de la nageoire dorsale, la queue est également dénuée d'aiguillons. Le diodon plumier est bleuâtre avec des taches blanches, presque rondes, assez petites, et très-nom- breuses V ' Ovbis piscis aculeatus major. P'innier, dessins sur vélin déjà cités. Orbls aciileatus, inaculis albis notatus, apiicl insulas americanas vulgo •poisson armé. Plumier, dessins déposés dans le cabinet des estampes de la bibliothèque nationale, 2 A la nageoire du dos 7 rayons, à chaque nageoire pectorale 9 à celle de l'anus 6 ou 7 à celle de la queue, qui est arrondie, 9 ou 10 LE DIODON IIOLOCANTHE \ Le trait le plus constant et le pins sensible par leqncl la conformation extérieure de l'holocanthe difïere de celle de l'atinga, est la forme de la nageoire de la queue. Cette nageoire, au lieu d'être arrondie comme dans Tatinga, est échancrée, et par conséquent fourchue ou un peu en croissant, dans riioiocanthe. L'ensemble de la tête, du corps et de la queue, est aussi, au moins le plus souvent, moins alongé dans l'holocanthe que dans l'atinga; le dos est pins convexe, et les piquans sont quelquefois plus longs'' : mais d'ailleurs toutes les formes sont presque semblables; les nuances et la dis- tribution des couleurs ne le sont pas moins; et Fou remarque les mêmes habitudes dans les deux espèces. Comme l'atinga, l'holocanthe se livre à divers mou- vemens três-violens et très -rapides lorsqu'il se sent ' Diodon liysdix, gnaïa. Bloch, pi. 126. Le deux-dents longue-épine. Boniialerrej planches de V Encyclopédie méihndi'juc , pi. 19, /r^"-. 61- ^ Diodon atinga liolocanthus. Linné , édition de Gmelin. Osdacion oblongus holocanllius, aculeis longissinus terclironulbus, ia capite imprimls et iii colJo. yîrledl, gen. 60, sjn. 86. • On trouve souvent à la nageoire du dos 14 rayons, aux pfclorales 21 à celle de l'anus 17 à celle de la queue 10 12 HISTOIRE NATURELLE. saisi, et particulièrement lorsqu'il est pris au hameçon. Il se gonfle et se comprime , redresse et couche ses dards , s'élève et s'abaisse avec vitesse , pour se débar- rasser du crochet qui le retient. Ses piquans étant quelcpiefois pkis longs et plus forts que ceux de Fatinga, ses eflbrts multipliés pour s'échapper et se défendre sont plus redoutés que ceux de cet autre diodon ; et, bien loin d'oser le prendre au milieu de l'eau et lors- qu'il jouit encore de toute sa force, on n'ose approcher sa main de son corps jeté et gisant sur le rivage, qu'au moment où sa puissance afïbiblie et sa vie près de s'éteindre rendent ses mouveraens à peine sensibles, et ses armes presque nulles. Au reste, se nourrissant des mêmes animaux que l'atinga, il fréquente les cotes ainsi que ce cartilagi= lieux , et ainsi que la plupart des poissons qui vivent de crabes et d'animaux à coquille. On le trouve dans les mêmes mers que celles où l'on pêche l'atinga. LE DIODON TACHETÉ CoMMERSON a laissé dans ses manuscrits la description de cette espèce de cartilagineux, au sujet de laquelle aucun naturaliste n'a encore rien publié , que Ton a trouvée auprès des côtes de la Nouvelle-Cjthère, et à laquelle les navigateurs qui l'ont vue, ont donné le nom de crapaud marin, et de hérisson de mer, A mesure qu'on s'éloigne de l'atinga , en continuant cependant d'observer les diodons dans l'ordre suivant lequel nous les avons placés, on voit Falongement du corps dimi- nuer dans les espèces que l'on examine, et la sphéri- cité presque parfaite succéder enfin à une très-grande différence entre la longueur et les autres dimensions de l'animal. Les holocanthes sont, en effet, moins alongés en général que le tacheté; le tacheté paroît l'être moins que l'holocanthe; des variétés de l'orbe se rapprochent encore davantage de la forme globuleuse, que l'on retrouve presque dans toute son intégrité , lorsqu'on a sous les jeux d'autres individus de cette dernière espèce. Indépendamment de sa forme moins alongée , le tacheté est séparé de l'atinga et de l'holocanthe par Diodoii muricatum , brunneum , spinis albis , niaculis dorsalibus quinque niajusculis nigris, occipital! maximâ seniilimatri. Commerson ^ Dianuscrits déjà cités. 14 HISTOIRE NATURELLE la disposition de ses couleurs. Il est brun par-dessus, et blanchâtre par -dessous; il présente sur sa nuque une très-grande tache en forme de croissant, un peu festonnée, et dont les pointes sont tournées vers les jeux. On en voit de chaque coté du corps une autre un peu ovale, située au dessus delà nageoire pectorale, et deux autres transversales , dont la première est au dessous de l'œil, et la seconde entre l'œil et la nageoire j)ec(orale; le dessous du museau est comme entouré d'une tache nuageuse; et enfin on en trouve une pr(S(jue ronde au dessus du dos, autour de la nageoire dorsaie. Au reste, ces différentes taches sont d'un noir plus ou moins foncé. Toutes les nageoires sont d'un jaune verdâtre *. Les piquans sont blancs, et montrent leurs pointes au dessus de gaines très-brunes. Ces mômes aiguillons, mobiles à la volonté de l'ani- mal, ainsi que ceux de presque tous les autres diodons, sont très-longs sur le dos, mais deux ou trois fois plus courts sur le ventre. Les narines, situées entre les jeux et l'extrémité du museau , ont les bords de leurs ouvertures relevés de manière à représenter une verrue. Les jeux sont voilés par vme continuation transpa- * A la na^f'olre du dos 14 rayons. aux nageoires pectorales 24 à celle de l'amis 14 à celle de la queue 9 DES POISSONS. l5 rente du tégument le plus extérieur de l'animal; ce- pendant ils sont gros et très-saillans. L'ouverture branchiale a la forme d'un segment de cercle , et est placée verticalement. On ne compte de chaque côté que trois branchies. La nageoire de la queue est arrondie 3 ce qui rap- proche vui peu le tacheté de Fatinga, mais l'éloigné de riiolocanthe. LE DIODON ORBE*. Ce nom d'orbe désigne la forme presque entièrement sphériqiie que présente ce cartilagineux. Il ressemble d'autant plus à une boule, sur-tout lorsqu'il s'est tumé- fié, que ses nageoires sont très-courtes, et que son museau étant très-peu avancé , aucune grande pro- éminence n'altère la rondeur de son ensemble. Les piquans dont sa surface est hérissée, sont très-forts; * Deiix-dents hérisson. Boiuiuierrsj lilanches de V Encyclopédie métho" dique, ])L ic)^fig. 62. DIodon orbicularis, orbe hérisson. Blochj, pi. 127. Deux-dents courte-épine. Danhenton^ Encyclopédie yuéthodicjue. Diodon hystrix. Linné, édition de Gmelin. Ostracioii bidens sphœricus, aculeis undique densls triquetris. Artedij gen. 59, syn. 86. Seb. Mus. 3, tab. 2'^.,fig. 3. Poisson rond et piquant. Orbis echinatus , orbis muricatus. Rondelet, première partie, liv. i5, chap, 3. TVillughhy , Ichthyol. tab. T, ^-^fig. ()', et T, ^tfg. l et 2. Guamajacu, guara, piquitingua, araguagua, camuri. Marcgrav. Bras, ■p. i58. Ikan doerian , terpandjang , doerl, doeri-nja. Valentyn. Ind.'àj p. 458, 11. 357. Poisson armé. Dutertre, Antill. 2 , p. 20g. Diodon hystrix reticulatus, B. Linné, édition de Gmelin. Osiracion subrotundus, aculeis undique brevibus triquetris raris. Artedi, gen. 59, •s;)'''. 86. Diodon snbsphcericus aculeatus , aculeis ventralibus singulis macula flavicente notatis, prœter maculas quinque nigi'as. Conitncrson, manuscrits déjà cités. HISTOIRE NATURELLE. ïy mais ils sont plus courts, et plus clair-scmés h propor- tion du volume du poisson, que ceux de lalin^^a, de riiolocanthe , et du tacheté. Ils paroissent d'ailleurs retenus sous la peau par des racines à trois pointes, plus étendues et plus dures; ils ressemblent davantage à un cône, ou plutôt à une sorte de pyramide trian- gulaire, dont les faces seroient plus ou moins marquées; ils peuvent faire des blessures plus larges; ils sont moins fragiles ; ils donnent à Fanitiial des mojens de défense plus capables de résister à une longue attaque; et voilà pourquoi l'orbe a été nommé par excellence, et au milieu des autres diodons , le poisson armé. C'est sous ce nom que sa dépouille a été conservée pendant si long-temps, suspendue à la voûte de presque tous les muséum d'histoire naturelle, et même dans un grand nombre de cabinets de physique, de laboratoires de pharmacie, et de magasins de drogues étrangères. Commerson, qui a vu ce poisson en vie dans la mer voisine de Rio-Janeiro , a très-bien décrit les couleurs de cet animal 3 et c'est d'après lui que nous allons les faire connoître. L'orbe est d'un gris livide sur toute sa surface; mais ce fond est varié par des taches de formes et de nuances différentes. Premièrement, des gouttes blanchâtres sont répandues sur tout le dos; seconde- ment, quatre taches plus grandes, noires, et presque arrondies, sont situées, une auprès de chaque nageoire pectorale, et une sur chacjue côté du corps; troisième- ment, une cinquième tache également noire, mais très- TOME 11. 3 î8 HISTOIRE NATURELLE échancrée, paroît auprès de la nageoire caudale; qua- trièmement, un croissant noirâtre est au dessous de chaque œil; et cinquièmement, la base de chacun des aiguiilons placés sur le centre est d'un jaune plus ou moins pâle. Au reste, on remarque souvent des variétés dans la forme du corps de l'orbe, et dans celle de ses aiguillons. Ces piquans sont quelquefois, par exemple, taillés, pour ainsi dire, à pans plus sensibles , et attachés par des racines plus fortes et plus divisées. D'un autre côté, la sphéricité de l'animal se change en une sorte d'ovoïde^ ou de petit cône, qui le rapproche du tacheté, ou de l'holocanthe, ou de l'atinga, sur-tout lorsque ces der- niers, ajant accidentelhment leur partie inférieure très-gonflée, s'éloignent davantc'ge de la figure alongée, et sont plus près de la rondeur d'une boule. Mais les atingas, les holocanlhes et les tachetés les plus voisins de la forme globuleuse seront toujours séparés de l'orbe dont la sphéricité sera la moins parfaite, par la conformation des piquans de ce dernier, plus courts, plus forts, plus clair-semés, mieux enracinés, et plus comprimés latéralement et sur plusieurs faces, que ceux des autres diodons *. L'orbe a, comme d'autres cartilagineux de sa famille^ * A la nageoire du dos 14 rayons, aux nageoires pectorales 23 à celle de l'anus 12 à celle de la (jueue , qui est arrondie , 10 DES POISSONS. tg deux deiifs molaires presque plates, très-étendues en surface, et situées lune au palais, et l'autre en bas vers le bout du museau. Sa chair est un aliment plus ou moins dangereux , au moins dans certaines circons- tances, comme celle de l'atinga et d'autres diodons. C'est principalement dans lorbe que l'on avoit cru voir de véritables poumons en même temps que des branchies; et c'est cette observation qui avoit parti- culièrement engagé Linné à séparer les cartilagineux des poissons proprement dits , et à les considérer comme appartenant à la classe que ce grand natura- liste a désignée par le nom d'amphibies *. Voyez Je Discours sur la nature des poissons. LE DIODON MOLE*. Ce cTiodon , que le savant naturaliste Pallas a fait connoître , a beaucoup de ressemblance avec le tétro- don lune par le grand aplatissement de son corps, qui est très-comprimé par les côtés, et par la forme demi-ovale qu'il présente, lorsqu'on regarde une de ses faces latérales. Mais ces deux poissons appartiennent à deux familles différentes ; il est donc très-aisé de les distinguer l'un de l'autre ; d'ailleurs le diodon mole, au lieu de parvenir aux dimensions très-étendues de la lune, n'a encore été vu que de la longueur de quelques pouces ; et l'on n'a encore comparé la gran- deur de l'espèce de disque qu'offre le corps de ce car- tilagineux, qu'à celle de la paume de la main. Le sommet de la tête du mole est creusé en petit canal dont les deux bouts sont garnis d'une petite pointe; le museau est saillant; la grande dent qui compose la partie antérieure de chaque mâchoire, -est plutôt cartilagineuse qu'osseuse. Le dos est armé de deux piquans et de trois tubercules j on voit aussi deux aiguillons auprès de la gorge, et d'autres piquans sur les cotés du corps ou sur la carène formée parle dessous * Diodon mola. Linné, édition de Gmelin. Pallas, Spicil. zoolog. 8, p. 89, hih. ^^fig. 7. KœlieuleTj iioi). Connu. Pclropol. io,p. 440, tab.C. HISTOIRE NATURELLE. 2.1 de ranimai. La partie postérieure du mole paroît comme tronquée. On compte quatorze rajons à chacune de ses nageoires pectorales. On le trouve dans les mers voisines des tropiques, ainsi que les autres espèces de diodons, qui habitent, au reste, non seidement dans les eaux salées qui baignent l'ancien continent , mais dans celles qui avoisinent les rivages du nouveau. QUATORZIÈME GENRE. LES SPHÉROÏDES. JPoint de nageoires du dos , de la queue , ni de tanus; quatre dents au moins à la mâchoire supérieure, ESPÈCE. CARACTÈRES, ^ , .. , rUn grand nombre de petits tubercules sur la Le sphéroïde tueerculeJ ° , . , I plus grande partie du corps. Fli,.Tacf.2 Kl '^S Sec tc;;c,' -j8cêo|?cccccc J. /A-..v«,' /',-/ J SPHÉROÏDE Tiiherculé 2 PKTlWMYZOJVRouçe o.PETROjyYZCW Sucel . LE SPHÉROÏDE TUBERCULE Le naturaliste Plumier a laissé parmi les dessins ori- ginaux que Ton doit à son zèle éclairé , et qui sont déposés dans le cabinet des estampes de la bibliothèque nationale, la figure de ce cartilagineux, que je n'ai pu inscrire, d'après sa forme extérieure , dans aucun des genres de poissons déjà connus. Il a beaucoup de rap- ports avec l'ovoïde fascéj mais il en diflfère, ainsi qu'on va le voir, par plusieurs traits essentiels. Il est presque entièrement sphérique, et voilà pourquoi, le nom gé- nérique de sphéroïde m'a paru lui convenir. Sa forme globuleuse n'est altérée que par deux saillies très- marquées, dans chacune des(juelles un des deux jeux est placé. Les deux narines, très-rajoprochées, sont situées entre les jeux et l'ouverture de la bouche, dans l'inté- rieur de laquelle on voit au moins quatre dents atta- chées à la mâchoire supérieure , et deux à la mâchoire d'en bas. Une portion assez considérable des environs de la bouche n'est recouverte (jue d'une peau lisse; mais tout le reste de la surface du corps est parsemé d'un très-grand nombre de petits tubercules qui m'ont suggéré le nom spécifique de ce cartilagineux. L'animal * Orbis minlmus non aculeatus. Plumier ^ dessins déposés dans le cabinet des estampes de la bibliothccjiie nationale. â4 HISTOIRE NATURELLE. ne présente aucun aiguillon; il n'a que deux nageoires: ce sont deux nageoires pectorales assez étendues, et dont chacune est soutenue par six ou sept rajons. Il est à présumer que c'est dans la mer qui baigne les côtes orientales de la partie de l'Amérique comprise entre les tropiques, que Ton trouve ce tubercule, dont les habitudes doivent ressembler beaucoup à celles de l'ovoïde fascé. QUINZIEME GENRE. LES SYNGNATHES. Uoiivciliirc delà bouche trcs-pclllc, et placée à T extrémité cïiin luuseaiL très-long et presque cylindr'ujue ; pouit de dents } les ouvertures des branchies sur la nuque. PREMIER SOUS-GENRE. Une nageoire de la queue, des nageoires pectorales, et une nageoire de ïanus. ESPECES. CARACTERES. 1. Le SYNGN. TROMPETTE. Le Corps à six pans. 2. Le SYNGN. AIGUILLE. Le corps à sept pans. SECOND SOUS-GENRE. TJne nageoire de la queue; des nageoires pectorales', point de nageoire de tanus. ESPÈCE. CARACTÈRES. 3. Le SYNGNATHE TUYAU. Le corps à sept pans. TROISIÈME SOUS-GENRE. Une nageoire de la queue; point de nageoires pectorales , ni de nageoire de l'anus. ESPECE. CARACTÈRES. S . la r queue. .4. Le SYNGNATHE PIPE. /^renfe rayons . la nageoire du dos; cînci à t celle de la queue. TOME II. 2.6 HISTOIRE NATURELLE, QUATRIÈME SOU S-G E N R E. Point de nageoire de la queue; des nageoires pectorales; une nageoire de Vanus. ESPÈCES. CARACTÈRES. ^ T ,, „ , „ ^ fCina excroissances barbues et cartilagineuses 5. Le SYNG. HIPPOCAMPE. •{ ^ , |_^ au dessus de la tête. 6. Le syngnathe ^^^y^-U^^^T^^\ç^^,^^^^,j,^\^ m^. PIQUANS. t CINQUIÈME SOUS-GENRE. Foint de nageoire de la queue; des nageoires pectorales; point de nageoire (/e tamis. ESPÈCE. CARACTÈRES. 7. Le SYNGNATHE BARBE. Le corps à six pans. SIXIÈME sou S-G E N R E. Point de nageoire de la queue, de nageoires pectorales, ni de nageoire de Tanus. ESPÈCE, CARACTÈRES. {Le corps très-délié; trente-quatre rayons à la oageoiirc du dos. \ LE SYNGNATHE TROMPETTE *. De toutes les manières dont les poissons viennent au jour, il n'en est point de plus digne d'attention que celle que l'on observe dans la famille des syngnathes, de ces cartilagineux très-alongés , dont les nageoires sont très-petites, et qui par ces deux traits ressemblent beaucoup aux serpens les plus déliés. En effet, non seu- lement les femelles des sjngnathes ne déposent pas leurs œufs, comme celles du plus grand nombre de poissons, * Gagnole, dans plusieurs départemens inévidionaux. Syngnathus typlile. Linné , édition de Gnielin. Cheval marin trompette. Dauhenlon, Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre , planches de V Encyclopédie méthodique. Fauna suec. 877. Syngnathus corpore meclio hexagono, caudâ pinnatâ. Art. gen, r, syn. i, spec. 3. Blochjpl. 91, fig. I. Klein, viibs.pisc. 4, /?. 42, «.2. * Pîscis septimus. Salvian. Aquat.p. 63. ^Typhle marina. Bell. Aquat.p. 448. Trompette, aiguille d'Aristote. Rondelet, première partie, liç.^^chap. 4. TVilhighby, Ichlhy. p. i58. Biij. pisc. p. 46. Gc'siier, Aquat.p. 9; icon. anim. p. 92. Sea adder. Borluse^ Cornw. p. 267. Shorter pipe-flsh. Pennant, Erit. Zoolng. 3, p. 108, n. 2, tah. (^,fîg. 2. Syngnathus pinnis caudae, ani, pectoralibusque, radiatis, corpore hexa- gono. Commerson, manuscrits déjà cités. 28 HISTOIRE NATURELLE sur des bancs de sable, sur des rochers, sur des côtes plus ou moins favorables au développement des fœtus; non seulement elles ne les abandonnent point sur des rivages : mais on diroit que, modèles de la véritable tendresse maternelle, elles consentent à perdre la vie pour la donner aux petits êtres qui leur devront leur existence. On croiroit même qu'elles s'exposent à périr au milieu de douleurs cruelles, pour sauver les jeunes produits de leur propre substance. Jamais l'imagination poétique, qui a voulu quelquefois élever l'instinct des animaux, animer leur sensibilité, ennoblir leurs affec- tions, embellir leurs qualités, et les rapprocher de celles de l'homme , autant qu'une philosophie trop sévère et trop prompte dans ses jugemens a cherché à les dégrader et à les repousser loin d'elle, n'a pu être si facilement séduite lorsqu'elle a erré au milieu des divers grouppes d'animaux dont nous avons entrepris d'écrire l'histoire, et même de tous ceux que l'on a placés, avec raison, plus près de l'homme, ce fils privilégié de la nature, qu'elle ne l'auroit été par le tableau des âoins des syn- gnathes mères, et de toutes les circonstances qui accompagnent le développement de leurs foibles em- brjons: jamais elle ne se seroit plue à parer de plus de charmes les résultats de l'organisation des êtres vivans et sensibles. E( combien de fois les sjngnathes mères n'auroient-elles pas été célébrées dans ces ou- vrages charmans, heureux fruits d'une invention bril- lante et d'un sentiment touchant, que la sagesse reçoit DES POISSONS.' i29 des mains de la poésie pour le bonheur du monde, si le génie qui préside aux sciences natirrellcs avoit plutôt révélé à celui des beaux arts le secret des phénomènes dérobés à presque tous les jeux , et par les eaux des mers dans lesquelles ils s'opèrent, et par la petitesse des êtres qui les produisent! Mais au travers de ces voiles précieux et transparens dont l'imagination du poète les auroit enveloppés, qu'avn^oit vu le physicien? Que peut remarquer dans la reproduction des syngnathes, l'observateur le plus froid et le plus exact? Quels sont ces faits à la vue desquels la poésie auroit bientôt allumé son flambeau? Oublions les douces images qu'elle auroit fait naître, et ne nous occupons que des devoirs d'un historien fidèle. On a pensé que les syngnathes étoîent hermaphro- dites : un savant naturaliste, le jirofesseur Pallas, l'a écrit *; et ses soupçons à ce sujet ont été fondés sur ce que dans tous les individus de ce genre qu'il a dissé- qués, il a trouvé des ovaires et des œufs. Peut-être dans cette famille, ainsi que dans plusieurs autres de la classe des poissons , le nombre des femelles l'cni- porte-t-il de beaucoup sur celui des mâles. Mais, quoi qu'il en soit, les observations d'autres habiles physiciens, et particulièrement celles d'Artedi , qui a vu des syn- gnathes mâles, ne permettent pas de regarder comme Pallas , Spicileg. zoologie. 8, p. 33. 3o HISTOIRE NATURELLE hermaphrodites- les cartilagineux dont nous traitons dans cet article ; et nous sommes dispensés d'admettre une exception qui auroit été unique non seulement parmi les poissons, mais même parmi tous les animaux à sang rouge. Les jeunes syngnathes sortent des œufs dans lesquels ils ont été renfermés , pendant que ces mêmes œufs sont encore attachés au corps de la femelle. L'intérieur de ces petites enveloppes a donc dû être fécondé avant leur séparation du corps de la mère. Il en est donc des sjngnadies comme des raies et des squales : le mâle est obh'gé de chercher sa femelle, de s'en approcher, de demeurer auprès d'elle au moins pendant quelques niomens, de faire arriver jusqu'à elle sa liqueur sémi- nale. Il y a donc un véritable accouplement du mâle et de la femelle dans la famille que nous examinons; et la force qui les entraîne l'un vers l'autre est d'autant plus remarquable, qu'elle peut faire supposer l'existence d'une sorte d'affection mutuelle , très-passagère à la vérité, mais cependant assez vive, et que ce sentiment, quelque peu durable qu'il soit, doit influer beaucoup sur les habitudes de l'animal , et par conséquent sur l'instinct qui est le résultat de ces habitudes. Lorsque la liqueur séminale du mâle est parvenue jusqu'aux œufs de la femelle, ils reçoivent de ce fluide vivifiant une action analogue à celle que l'on voit dans tous les œufs fécondés, soit dans le ventre, soit hors du corps des mères, à quelque espèce d'animal DES POISSONS. 3ï qu'il faille dailleiirs les rapporter. L'œuf, imprégné de la liqueur du mâle, s'anime, se développe, grossit; et le jeune embryon croît, prend des forces, et se nourrit de la matière alimentaire renfermée avec lui dans sa petite coque. Cependant le nombre des œufs que con- tiennent les ovaires est beaucoup plus grand, à propor- tion de leur volume, et de la capacité du ventre qui les renferme, dans les sjngnathes que dans les raies ou dans les squales. Lorsque ces œufs ont acquis un certain degré de développement , ils sont trop pressés dans l'espace qu'ils occupent , ils eu compriment trop les parois sensibles et élastiques, pour n'être pas repoussés hors de fintérieur du ventre, avant le moment où les fœtus doivent éclore. Mais ce n'est pas seulement alors par l'anus qu'ils s'échappent : ils sortent par une fente longitudinale qui se fait dans le corps, ou, pour mieux dire, dans la queue de la femelle, auprès de l'anus, et entre cette ouverture et la nageoire caudale. Cette fente non seulement sépare des parties molles de la femelle , mais encore elle désunit des pièces un peu dures et solides. Ces pièces sont plusieurs portions de l'enveloppe presque osseuse dans laquelle les sjn- gnathes sont engagés en entier. Ces poissons sont, en effet, revêtus d'une longue cuirasse qui s'étend depuis la tête jus(|u'à l'extrémité de la queue. Cette cuirasse est composée d'un très-grand nombre d'anneaux placés à la suite l'un de l'autre, et dont chacun est articulé avec celui qui le précède et celui qui le suit. Ces 32 HISTOIRE NATURELLE anneaux ne sont pas circulaires, mais à plusieurs côtés; et; comme les faces analogues de ces anneaux se cor- respondent (fun bout à l'autre de Fanimal, Fensemble de la cuirasse, ou, pour mieux dire, du très -long étui qu'ils forment, ressemble h un prisme à plusieurs pans. Le nombre de ces pans varie suivant les espèces, ainsi que celui des anneaux qui recouvrent le corps et la queue proprement dite. En même temps que la sorte de gaine qui renferme le poisson présente plusieurs faces disposées dans le sens de la longueur du sjngnathe , elle doit offrir aussi, aux endroits où ces pans se touchent, des arêtes, ou lignes saillantes et longitudinales, en nombre égal à celui des cotés longitudinaux de cet étui prisma- tique. Une de ces arêtes est placée, au moins le plus souvent, au milieu de la partie inférieure du corps et de la queue, dont elle parcourt la longueur. C est une portion de cette arête qui, au-delà de l'anus , se change en fente alongée , pour laisser passer les œufs; cette fente se prolonge plus ou moins suivant les individus, et suivant l'effort occasionné par le nombre des œufs , soit vers le bout de la queue, soit vers l'autre extré- mité du syngnathe. Cependant les deux pans les plus inférieurs du four- reau prismatique non seulement se séparent à l'endroit de cette fente , mais ils s'enfoncent, vers l'inférieur du corps de l'animal, dans le bord longitudinal qui touche la fente, et se relèvent dans l'autre, de manière qu'au DES POISSONS. 3c3 lieu d'une arête saillante , on voit un petit canal qui s'étend souvent vers la (ê(e et vers le bout de la cjueue du syngnathe, bien au-delà de la place où la division a lieu. En effet, une dépression semblable à celle que nous exposons s'opère alors au-delà de la fente , tant vers le bout de la queue (pie vers la tète, quoique les deux pans longitudinaux les plus inférieurs n'y soient pas dé- tachés l'un de l'autre, et qu'ils s'inclinent uniquement l'un sur l'autre, d'une manière très-différente de celle qu'ils présentoient avant la production de la séparation. Lorsqu'une arête saillante ne règne pas longitudi- iialement dans le milieu de la partie inférieure u/on LE SYNGNATHE AIGUILLE-, LE SYNGNATHE TUYAU % ET LE SYNGNATHE PIPE K L'aiguille habite, comme la trompette, dans FOcéaii septentrional; elle présente la même conformation, ■ ■ - ' Syngnathiis SiCns. Linné ^ édition de Gmelin. Syngnathus corpore medio heptagono, caudâ pinnatâ. Artedi, gen, i , syn, 2 , sj)ec. 2. Bloch, -pi. Ç)\^fig. 2. Solenostomus à capite ad caudam heptagonus. Klein j miss, pisc, 4, p. 24, 7i.3. Tyyhle. Gesner, ^ijuat. p. 1026. Aciis Aristolelis. Aldrot^. pisc. p. io5. Tf^illughbj j Ichthjol. p. iSc^, iab. 7, ^S^fig, r. Raj. pisc. p. 46, ;;. 2. Seenadel, sacknadel. VTulff, Ichihy.horuss.p. "^o. Cheval marin aiguille. Daubenton, encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre y planches de l'Encyclopédie méthodique, ' Syngnathus pelagicus. Linné^ édition de Gmelin, Cheval marin luyau de plume. Dauhenton, Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre, planches de V Encyclopédie méthodique. Syngnathus pelagicus. Osb. It. io5. 2^ota. La figure 4 de la planche CIX de Bloch , que l'on a rapportée au syngnathe tuyau , représente une variété du syngnathe aiguille. 2 Syngnathus sequoreus. Linné, édition de Gmelin. Cheval marin pipe. Daubenion , Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterrej planches de l' Encyclopédie méthodique. 40 HISTOIP. E NATURELLE excepté dans le nombre des faces de sa cuirasse, qui ofîVe sept pans longitudinaux autour de son corps proprement dit, tandis qu'on n'en compte que six sur le fourreau analogue de la trompette. Elle parvient d'ailleurs à une grandeur plus considérable; elle a quelquefois trois pied§ de longj et Ton voit, sur pres- que toute sa surface , des taches et des bandes trans- versales alternativement brunes et rougeâtres.*Son anus est un peu plus rapprocha de la ièie que celui de la trompette, et l'on a écrit que la femelle donnoit le jour à soixante-dix peiils*. Le syngnalhe tujau a autour de son corps une longue enveloppe à sept pans, comme l'aiguille 3 mais il s'é- loigne de la trompette plus que ce dernier poisson: il n'a point de nageoire de l'anus. On le trouve dans des mers bien éloignées l'une de l'autre : on le voit, en effet, dans la mer (>aspienne, dans celle qui baigne les rivages de la Caroline, et dans celle dont les flots agités par les tempêtes battent si fré(juemment le cap de Bonne-Espérance et les côtes africaines voisines de ce cap. On l'observe souvent au milieu des lucus ; il est d'un jaune foncé , plus clair sur les nagecnres * A la membrane des branchies du syngnathe aiguille 2 rayons. à chaque nageoire pectorale 14 à celle du dos 36 • à celle de l'anus 6 À celle de la queue 10 DES POISSONS. 4T du dos et de la queue , et relevé par de petites bandes transversales brunes '. La forme de la trompette se dégrade encore plus dans le sjngnatbe pipe que dans les ^deux autres car- tilagineux de la même famille , décrits dans cet article. La pipe n'est pas seulement dénuée de nageoire de fanus; elle n'a pas même de nageoires pectorales *. ' I] y a à la nageoire du dos du syngnathe tuyau 3i rayons. aux nageoires pectorales 14 à celle de la queue 10 à la cuirasse qui recouvre le corps 18 anneaux. à celle qui revêt la queue 82 Il paroît qu'on a compté vingt-cinq anneaux dans une variété de cette espèce , vue auprès de la Caroline. ' A la nageoire dorsale du syngnathe pipe 3o rayons, à celle de la queue 5 TOME H. LE SYNGNATHE HIPPOCAMPE ^ E T LE SYNGNATHE DEUX-PIQU ANS % \)[JEL contraste que celui des deux images rappelées par ce mot hippocampe, qui désigne en même temps ' Cavallo marino, en Italie. Syngnathus hippocampus. Linné , édition de Gmelin. Brunn. ^nsc. Massil. n. 19. Mull,-prodrom.Zool.danic. 7î. 827. Syngnathus corpore quadiangulo, pinnâ caudae csixens, Artedij gen, i^ syn. 1. JBlochjjd. JO(), yîg-. 3. Cheval marin, hippocampe. Dauhenton, Encyclopédie métliodique. Ici. Bonnaterrej -planches de l'Encyclopédie méthodique, Gronov. Zooph, n. 170. Brown. Jamaic. ^.441, n. i. Crayracion corpore circiimflexo, etc. Klein^ miss. pisc. 3, p. 28, 77.32. JElian. Uh. i^y c. 14. Cheval marin. Rondelet ^ des Insectes et Zoophytesj chap. g. Gesnei-j Aquat, p. 414. TVilliighhy, Ichth.p. 167, tab, J, ^.'S^fig. 3 et 4. "Raj, pisc- p. 45, 46, n. l , 4. Hippocampus sequivoca. ^/^70P. yw/sc. ;d. 716. Cheval marin. Bellon, Aquat. p. 444. Geel zeepaardje. Valent. Mus. p. 338, n, i3o. Syngnathus hippocampus, le cheval marin. Appendix du Voyage à la nouvelle Galles méridionale ^ par Jean J'Vhile, premier chirurgien de Vex- pédition commandée par le capitaine Philipp. — pi, So^fig, 2. Syngnathus hippocampus. Commersorij manuscrits déjà cités. * Syngnathus telragonus. Linnéj édition de Gmelin. Thunbergj Act. soc. physiogr. lund. i, 4, ;n 3oi, 77. 3o, tah. ^tfig. i et 2. Syngnathus hiaculeatiis, épine double. Bloch, pi. 121 .,fig. x et 2. Cheval marin, épine double. Bonnaterre, planches de VEncycl, méthod. HISTOIRE NATURELLE. 48 et un cheval et une chenille ! Quel éloignement dans Tensemble des êtres vivans et sensibles sépare ces deux animaux, dont on a voulu voir les traits réunis dans rhip]:)Ocainpe, et dont on s'est efForcé de combiner ensemble les deux idées pour en former l'idée com- posée du sjngnathe que nous décrivons! L'imagination, qui, au lieu de calculer avec patience les véritables rapports des objets, se plaît tant à se laisser séduire par de vaines apparences, et à se laisser entraîner vers les rapprochemens les plus bizarres , les ressemblances les plus trompeuses et les résultats les plus merveil- leux, a dû d'autant plus jouir en s'abandonnant pleine- ment au sens de ce mot hippocampe , que, par l'adoption la plus entière de cette expression, elle a exercé, pour ainsi dire , en même temps , une triple puissance. Reconnoître, en quelque manière, un cheval dans un petit cartilagineux, voir dans le même moment une chenille dans un poisson , et lier ensemble et dans un même être une chenille et un cheval , ont été trois opérations simultanées, trois espèces de petits miracles compris dans un seul acte, trois signes de pouvoir devenus inséparables, dans lesquels 1 unagination s'est complue sans réserve, parce qu'elle ne trouve de véri- table attrait que dans ce qui lui permet de s'attribuer une sorte de force créatrice : et voilà pourquoi cette dénomination d'hippocampe a été très-anciennement adoptée ; et voiLà pourquoi, lors même qu'elle n'a rap- pelé qu'une erreur bien reconnue , elle a conservé 44 HISTOIRE NATURELLE assez de charmes secrets pour être généralement maintenue par les naturalistes. Quelles sont cependant ces légères apparences qui ont introduit ce mot hippo- campe, et d'abord quels sont les traits de la conlorma- tion extérieure du sjngnathe dont nous nous occu- pons, qui ont réveillé l'idée du cheval, à Tinstant où on a vu ce cartilagineux? Une tête un peu grosse; la partie antérieure du corps, plus étroite que la tête et le corps proprement dit j ce même corps plus gros que la queue, ([ui se recourbe; une nageoire dorsale dans laquelle on a trouvé de la ressemblance avec une selle; et de petits filamens qui, garnissant l'extrémité de tubercules placés sur la tète et le devant du corps, ont paru former une petite crinière : tels sont les rap- ports éloignés qui ont fait penser au cheval ceux qui ont examiné urr hippocampe, pendant que ces mêmes filamens, ainsi que les anneaux qui revêtent ce carti- lagineux, comme ils recouvrent les autres sjngnathes , l'ont fait rapporter aux chenilles à anneaux hérissés de bouquets de poil. Mais , en écartant ces deux idées trop étrangères de chenille et de cheval, déterminons ce qui diflérencie l'hippocampe d'avec les autres poissons de sa famille. Il parvient ordinairement à la longueur de trois ou quatre décimètres, ou d'environ un pied. Ses jeux sont gros, argentés et brillans. Les anneaux qui l'enveloppent sont à s( pt pans sur le corps, et à quatre pans sur la queue: chacun de ces pans, qui quelquefois sont très-ipeu. DES POISSONS. 45 sensibles, est ordinairement indiqué par un tubercule garni le plus souvent d'une petite houppe de filamens déliés. Ces tubercules sont communément plus gros au dessus de la tête , et l'on en voit particulièrement cinq d'assez grands au dessus des jeux. On compte treize anneaux à l'étui qui enveloppe le corps, et de trente-cinq à trente-huit à celui (jui renferme la queue, laquelle est armée, de chacjue côté, de trois aiguillons, de deux en haut et d'un en bas. Au reste, ce nombre d'anneaux varie beaucoup, au moins suivant les mers dans lesquelles on trouve 1 hippocampe. Les couleurs de ce poisson sont aussi très-su je! tes à varier, suivant les pajs et même suivant les individus. Il est ou d'un livide plombé, ou brun, ou noirâtre, ou verdâtre; et (juelque nuance qu'il présente , il est quel- quefois orné de petites raies ou de petits points blancs ou noirs *. ,Les branchies de Thippocampe ont été mal vues par un grand nombre de naturalistes; et leur petitesse peut avoir aisément induit en erreur sur leur forme. Mais je me suis assuré par plusieurs observations, qu'elles étoient frangées sur* deux bords, et semblables,. * Il y a à Ja membrane des branchies 2 rayons. à chacune des nageoires pectora'es g (On en a compté 18, parce que chaque rayon se divise en deux, presque dès son origine.) à relie delà queue de 16 à 20 à celle de l'anus 4 46 HISTOIRE NATURELLE à très-peu près, à celles que nous avons examinées dans plusieurs autres sjngnathes , et que nous avons décrites dans Farticle de la trompette. La vésicule aérienne est assez grande; le canal in- testinal est presque sans sinuosités. La bouche de Thippocarape étant d'ailleurs conformée comme celle des autres cartilagineux de son genre, il vit, ainsi que ces derniers, de petits vers marins, de larves, d'insectes aquatiques, d'œufs de poissons peu développés. On le trouve dans presque toutes les mers , dans l'Océan , dans la Méditerranée, dans la mer des Indes. Pendant qu'il est en vie , son corps est alongé comme celui des autres sjngnathes : mais lorsqu'il est mort, et sur-tout lorsqu'il commence à se dessécher, sa queue se replie en plusieurs sens , sa tête et la partie antérieure de son corps se recourbent; et c'est dans cet état de déformation qu'on le voit dans les cabinets, et qu'il a été le plus comparé au cheval. On a attribué à l'hippocampe un grand nombre de propriétés médicinales, et d'autres facultés utiles ou funestes, combinées d'une manière plus ou moins absurde : et comment n'auroit-on pas cherché à douer des vertus les plus merveilleuses et des qualités les plus bizarres, un être dans lequel on s'est -obstiné , pendant tant de temps, à réunir par la pensée un poisson, lin cheval et luie chenille? Le sjngnathe deux-piquans habite dans la mer des Indes. 11 est yarié de jaune et de brun. Les anneaux DES POISSONS. 47 qui composent sa longue cuirasse, ne présentent chacun que quatre pans; et au dessus des jeux on voit âeu\ aiguillons courbés en arrière *. * A la membrane des branchies 2 rayons, à chaque nageoire pectorale 21 à celle du dos 84 à celle de l'anus 4 sur le corps 17 anneaux, sur la queue 45 LE SYNGNATHE BARBE % E T LE SYNGNATHE OPHIDION % Non seulement le barbe n'a point de nageoire caudale; mais encore il n'a pas de nageoire de l'anus. Aussi le voit-on placé dans un cinquième sous-genre sur le tableau méthodique de la famille que nous décrivons. ' Syngnallîus barbarus. Linné, édition de Gmelin. Cheval marin sexangulaire. Daiibenlonj Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre, planches de l' Encyclopédie méthodique» *Sea-adder, sur quelques côtes d'Angleterre, Hav-hol , en Suède, Syngnalhus ophidion. Linné , édition de Gmelin. \ Fauna suec, 2y5. Otto, schrift. der Berlin, naturf.fr. 3, p. 486. Syngnathus teres, pinnis pectoralibus caudœque carens. Artedi^ gen, I , syn . 2 , spec. 3. Gronov. Mus. 1 , 71. 2. JBloch, pi. 91, fg. 3. Mlein, miss, pisc. 4 , /7. 26, n. i5, tab, 5 ^fg- 4. Tf^illughbyf Ichthyolog. p. 160. Raj. pisc. p. 47. Sajori. Kœmpfer, Japon, i , /?. i55. Little pipe-fish. 5/77. Zoolog. 3, p. 109, n. 3, pi. ()-)fig. 3. Cheval marin serpent. Daubcnton, Encyclopédie vxéthodique, ïd. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. HISTOIRE NATURELLE. 49 Son corps est d'ailleurs à six pans longitudinaux '. L'opliidion est encore plus dénué de nageoires : il n'en a pas de pectorales; il n'en montre qu'une qui est située sur le dos ', et qui est assez peu élevée.' De tous Içs sjngnathes il est celui (pii ressemble le plus à un serpent, et voilà pourquoi le nom dCopJildlon lui a été donné, le mot grec ophis désignant un serj^ent. Nous avons cru d'autant plus devoir lui conserver celte dénomination , que son corps est plus menu et plus délié à proportion que celui des autres cartilagineux de son genre. Il parvient quelquefois à la longueur de deux pieds, ou de plus de sept décimètres. Son museau est moins alongé que celui de la trompette. Cet ani- mal est verdàtre avec des bandes transversales et quatre raies longitudinales, plus ou moins interrompues, d'un très-beau bleu. Il habite dans l'Océan septentrional. ' A chaque nageoire pectorale du barbe 22 rayons, à celle du dos 43 • A la membrane des branchies de l'ophldlou 2 rayons à \a nageoire dorsale 84 TOME 11. QUINZIÈME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, ou TROISIÈME ORDRE DELA QUATRIÈME DIVISION DES CARTILAGINEUX. Poissons ihoracins, ou qui ont une ou deux nageoires situées sous le corps, au dessous ou presque au dessous des nageoires pectorales. SEIZIEME GENRE. LES GYCLOPTÈRES. Des dents aiguës aux mâchoires; les nageoires pectorales simples; les nageoires inférieures réunies en Jorme de disque. PREMIER SOUS-GENRE. Les nageoires du dos, de la queue, et de l'anus, séparées tune de l'autre, ESPÈCE. CARACTÈRES. i.Le cyCLOPTiRE LOMi'E.I^^ ^"'P' 8^*""' '^^ pJ"sieurs rangs de tulev^ (^ cules très- durs. HISTOIRE NATURELLE. 5l ESÏÈCES. CARACTÈRES. 2. Le CYCLOPT. épineux. /^^ petites épines sur le corps; des rayons (^ distincts à la première nageoire du dos. 3. Le cycloptère menu. Trois tubercules sur le museau. 4. Le cycl. double-épine.(L^ derrière de la tête garni , de chaque côté , (. d'une épine. 5. Le CYCL. GÉLATINEUX.(^^' "''Seoires pectorales très-larges; l'ou- |_ verture delà bouche, tournée vers le haut. f L'ouverture de la bouche , presque égale a la largeur de la tête; les dents fortes, co- I niques, et distribuées en nombre très- ine- t gai, des deux côtés des deux mâchoires. 7, Le CYCLOPT. VENTRU. (^^ ^^"^''^ très-gonflé par une double et très- t grande vessie urinaire. (Les nageoires pectorales situées vers le der- o. Le CYCLOPT. BiMACULE., rjère de la tête, une tache noire surcliaque V côté du corps. 9. Le CYCLOPT. SPATULE. Le museau en forme de spatule. SECOND SOU S -GENRE. Les nageoires du dos, de la queue, et de l'anus, réunies» ESPÈCES CARACTÈRES. 10. Le CYCLOPT. LIPARIS. Sept rayons à la membrane des branchies. T X > jUn seul rayon à la membrane des branchies: 11. Le CYCLOPTERE RAYÉ. •( , . '' , . ,. , ' l. des raies longituainales. LE CYCLOPTÊRE LOMPE*. Que ceux dont la douce sensibilité recherche avec tant d nilérèt, et trouve avec tant de plaisir, les images d'affections touchantes que présentent quelques êtres heureux au milieu de l'immense ensemble des produits de la création , sur lesquels la nature a si inégalement répandu le souffle de la vie et le feu du sentiment, écoutent un instant ce que plusieurs naturalistes ont raconté du poisson dont nous écrivons l'histoire. Qu'ils sachent que parmi ces innombrables habitans des mers. * Lièvre de mer. Lump , ou sea-owl, en Angleterre. Cock-padd, en Ecosse. HafF-podde , en Irlande. Snottolff, dans la Belgique. Stenbeit, en DanemarcTi. Sjurygg-fisk, en Suède. Ror.gkiegse, en Norwège. Cyclopterus liimpus. Linnéj édition de Gmeliu, Mus. ad.fr. i, p. 5j. Taun. suec. 320. Jt. Scan. i88. Mull. prndrnm. Zoolng. danic. p. 89, n. 2?,. Bouclier lompe. Bauhenlon^ Encyclopédie méthodique. Id. Bounalrire, pLmches de V Encyclopédie méthodique. Gronof. Mus. i, 127; 2^ooph. 197. Bloc h, pf. 90. Okcoûon. Klein^ miss. pisc. 4,/». 49, /;. t, 2, 3, tab. 14,/^ 3. Tom n ,î l'mj . r. . Deseve Del i.CYCLOPTERE Lompe. Z.LEPT OCÉPHALK Monswn . 3. MURENE Myre . HISTOIRE NATURELLE. 53 qui ne cèdent qua un besoin du moment, qu'à un ^ppcti( grossier, qu'à une jouissance aussi peu partagée que fugitive , qui ne connoissent ni mère, ni compagne, ni petits, on a écrit qu'il se trouvoit un animal favo- risé, (|ui, par un penchant irrésistible, préféroit une femelle à toutes les autres, s'attachoit à elle, la suivoit dans ses courses, faidoit dans ses recherches, la secou- roit dans ses dangers, en recevoit des soins aussi em- pressés que ceux qu'il lui donnoit, facilitoit sa ponte par une sorte de jeux amoureux et de frottemens mé- nagés; ne perdoit pas sa tendresse avec la laite desti- née à féconder les œufs, mais étendoit le sentiment durable qui l'aninioit jusques aux petits êtres prêts à TVillughhjj Icluhjolog. p. 208, iab. N, il. Raj. pisc. p. 77. Lump-fish. Vennant , Brit. Zoolog. 3, p. io3, n. i. Set'l-nase, haff-pacldc. J'J ii^ff, Iclilli. borussens. p. 24. C\clopteriis. jiricdi , geii. 62, sj-ii. 87, Ootracion rotundo-oblongus , tubeitulis uiiinque, pinnâ clorsl lono-îj- simâ. /Irtedi, gen. Sg, syn. 86. Orbis britannici sive Oceani species. Gesner, Cerinan. fol, 85* Lumpus Angloruni. Cesner, parai, p. 20, v. 1284. Aldrovand. l. 3, c. 68, p. 47g. Suetolt , et bufolf. Rondelet , première partie ,liv. i5, chnp. 2, Jonst. L I, ///. I, c. 3, a. 3, punct. 12, ;;. 42, tab. iSyJig. i. Charlelon, p. i3l. Schelham, Anat. xiphî. p. 20, Lepus marinus nostras, orbis species. Sc1ionei'\ p. 41. Merrety Pin. 186. Dale, Ilist. of. Hart\ p. iio. Orbis rana? rictii. Cliis. Exot. lib. 6, cap. 25. Cyclopterus lumpus. Ascagne^ quatrième cahier j pi. 84. 54 HISTOIRE NATURELLE éclore; gardoit avec celle qu'il avoit choisie, les fruits de leur union ; les défendoit avec un courage que la mère éprouvoit aussi, et déplojoit même avec plus de succès , comme plus grande et plus forte, et après les avoir préservés de la dent cruelle de leurs ennemis jusqu'au temps où, déjà un peu développés, ils pou- voient au moins se dérober à la mort par la fuite; attendoit, toujours constant et toujours attentif, au- près de sa compagne , qu'un nouveau printemps leur redonnât de nouveaux plaisirs. Que ce tableau fasse o-oûter au moins un moment de bonheur aux âmes pures et tendres. Mais pourquoi cette satisfaction tou- jours si rare doit-elle être pour eux aussi courte que le récit qui l'aura fait naître? Pourquoi l'austère vérité ordonne-t-elle à l'historien de ne pas laisser subsister une illusion heureuse? Amour sans partage , tendresse toujours vive, fidélité conjugale, dévouement sans bornes aux objets de son affection , pourquoi la pein- ture attendrissante des doux effets que vous produisez , n'a-t-elle été placée au milieu des mers que par un cœur aimant et une imagination riante? Pourquoi faut- il réduire ces habitudes durables que l'on s'est plu à voir dans l'espèce entière du lompe , et qui seroient pour l'homme une leçon sans cesse renouvelée de vertus et de félicité, à quelques faits isolés, à quelques qualités individuelles et passagères, aux produits d'un instinct un peu plus étendu, combinés avec les résultats de ^circonstances locales, ou d'autres causes fortuites? DES POISSONS. 65 Mais, après que la rigoureuse exactitude du natura- liste aura éloigné du lompe, des attributs que lui avoit accordés une erreur honorable pour ses auteurs, le nom de ce cartilagineux rappellera néanmoins encore une supposition toujours chère h ceux qui ne sont pas insensibles ; il aura une sorte de charme secret qui naîtra de ce souvenir, et n'attirera pas peu l'attention de Tesprit même le plus désabusé. Vojons donc quelles sont les formes et les habitudes réelles du lompe. Sa tête est courte, mais son front est large. On ne Voit qu'un orifice à chaque narine, et ce trou est placé très-près de l'ouverture de sa bouche, qui est très- grande. La langue a beaucoup d épaisseur et assez de mobilité; le gosier est garni, ainsi que les mâchoires^ d'un grand nombre de dents aiguës. Le long du corps et de la tète régnent ordinaire- ment sept rangs de gros tubercules, disposés de ma- nière que Ton en comj)(e trois sur chacpje cô(é, et qu'un septième occupe l'espèce de carène longitudinale foraiée par la partie la plus élevée du corps et de la queue. Ces tubercules, varient non seulement dans le nombre de rangées qu'ils composent, mais encore dans leur conformation, les uns étant aplatis, d'autres arrondis, d'autres terminés par un aiguillon, et ces différentes figures étant même quelquel'ois placées sur le même individu. Les deux nageoires inférieures sont arrondies dans 56 HISTOIRE NATURELLE leur contour, et réunies de manière à représenter, lorsqu'elles sont bien déplojées, une sorte de bouclier, ou, pour mieux dire , de disque; et c'est cette réunion, ainsi que cette forme, qui, se retrouvTtnt dans toutes les espèces de la même famille, et constituant un des principaux caractères distinctifs de ce genre, ont fait adopter ce nom de cychptèrc, qui désigne cette dis^ position de nageoires en cercle, ou plutôt en disque plus ou moins régulier. Le lompe a deux nageoires dorsales : mais la plus antérieure n'est soutenue par aucun rayon ; et étant principalement composée de membranes , de tissu cellidaire, et d'une sorte de graisse , elle a reçu le nom àiadipeiise. Ses cartilages sont verdâtres. Son organe de l'ouïe a paru plus parfait que celui d'un grand nombre d'autres poissons, et plus propre à faire éprouver des sensations délicates; on a vu, dans le fond de ses yeux, des ramifications de nerfs plus distinctes; ses nageoires inférieures^ réunies en disque, ont été considérées comme un siège particulier du toucher, et une sorte de main assez étendue; sa peau aa'est revêtue que d'écaillés peu sensibles; et enfin nous venons de voir que sa langue présente une surface assez grande et assez molle , et qu'elle est assez mo- bile pour s'appliquer facilement et par plusieurs points à plusieurs corps savoureux. Voilà donc bien des raisons pour que l'instinct du DES POISSONS. 57 îompe soit plus élevé que celui de plusieurs autres cartilagineux, ainsi qu'on la observé 5 et cette petite supériorité des résultats de l'organisation du Iompe a dû servir à propager l'erreur qui l'a supposé attaché à sa femelle par un sentiment aussi constant que tendre. Il est très-rare qu'il parvienne à une longueur d un mètre, ou d'environ trois pieds; mais son corps est, à proportion de cette dimension, et très-large et très- haut. Sa couleur varie avec son âge j le plus souvent il est noirâtre sur le dos, blanchâtre sur les côtés, orangé sur le ventre : les rajons de presque toutes les na- geoires sont d'un jaune qui tire sur le rouge; celle de l'anus et la seconde du dos sont d'ailleurs grises avec des taches presque noires. On rencontre ce poisson dans un grand nombre de mers; c'est néanmoins dans l'Océan septentrional qu'on le voit le plus fréquemment. Il y est très-fécond, et sa femelle y dépose ses œufs à jjeu près vers le temps où l'été y commence. Il s'j tient souvent attaché au fond de la mer, et aux rochers , sous les saillies desquels il se place pour éviter plus facilement ses ennemis, pour trouver une plus grande quantité des vers marins qu'il recherche, ou pour surprendre avec plus d'avantage les petits poissons dont il se nourrit. C'est par le mojen de ses nageoires inférieures, réunies en forme de disque, qu'il se cratn- TOME II. 8 58 HISTOIRE NATURELLE. ponne, pour ainsi dire , contre les rocs, les bancs , et le fond des mers; et il sj colle en quelque sorte d'autant plus fortement, que son corps est enduit beaucoup plus que celui de plusieurs autres cartilagineux, d'une hu- meur visqueuse, assez abondante sur-tout auprès des lèvres, et que quelques auteurs ont en conséquence comparée à de la bave. Cette liqueur gluante étant répandue sur tous les cjcloptères, et tous ces animaux ajant d'ailleurs leurs nageoires inférieures conformées et rapprochées comme celles du lompe, ils présentent nue habitude analogue à celle que nous remarquons dans le poisson que nous décrivons. On doit avoir observé plusieurs fois deux lompes placés ainsi très-près l'un de l'autre, et long-temp& immobiles sur les rochers ou le sable des mers. On le& aura supjiosés mâle et femelle; on aura pris leur voisi- nage et leur re])os pour felièt d'une affection mutuelle; et on ne se sera ])as cru foiblement autorisé à leur accorder cette longue fidélité et ces attentions durables que Ton s'est plu à représenter sous des couleurs si gracieuses. Au reste, le suc huileux qui s'épanche sur la surface du lompe, ])énètre aussi très-profondément dans l'in- térieur de ce poisson ; et voilà pourquoi sa chair, quoi" que mangeable, est muqueuse, molle, et peu agréablev LE CYCLOPTÈRE EPINEUX '. Ce poisson diffère du lompe, en ce qu'il a le dos et les côtés recouverts d écailles inégales en grandeur, disposées sans ordre, et dont chacune est garnie, dans son milieu, d'un piquant assez long. La première na- geoire du dos est d'ailleurs soutenue par six rajons *. L'épineux est noirâtre par-dessus, et blanc par-dessous. On voit à son palais deux tubercules dentelés. On le trouve dans les mers du Nord. ' Olh. Fabriciusj Fauna groenlandicay p. 184. Bouclier épineux. Bonnaterre^ planches de V Encyclopédie méthodique, • A la seconde nageoire du dos 11 rayons. à chaque nageoire pectorale 28 à chaque nageoire inférieure 6 à celle de l'anus 10 à celle de la queue 10 LE CYCLOPTÈRE MENU Trois fubercule«>sont placés sur le museau d^ cet animal. Un long aiguillon tient lieu de première na- geoire dorsale \ L'on voit de plus, auprès de l'ouverture de chaque branchie, deux tubercules blancs, dont le premier est arn>é de deux épines, et dont le second est moins saillant et hérissé d'aspérités. Les lèvres sont doubles; le contour du palais est garni, ainsi que les mâchoires , de très-petites dents. L'Océan atlantique €st rhabitation ordinaire 4e cette espèce de Gj^cloptère, dont un inch'vicki observé par le professeur Pallas n'a- voit qu'un pouce de longueur. ' Fal/iis, Spicil. zoolog. 'J.jp. 12, tab. 2j/îg. 7, g. Cyclopterus rniniitus. Linné j édition de Gmelin. Bouclier menu. Bonnaterre , planches de V Encyclopédie méthodique^ ^ A la membrane des branchies 4 rayons, à la première nageoire dorsale j i à la seconde 8 à chaque nageoire pecforale 16 à chaque nageoire inférieure 7 à celle de la queue, qui est arrondie, 10 LE CYCLOPTÈRE DOUBLE-EPINE'. Les individus de cette espèce, qui paroît réduite à des dimensions presque aussi petites que celles du cjcloptère menu , ne présentent pas de tubercules sur leur surface; mais le derrière de leur iète est armé, de chaque côté, d'un double aiguillon. Les nageoires inférieures du cjcloptère double-épine ont d'ailleurs une forme particulière à ce cartilagineux. Elles sont réunies : mais chacune de ces nageoires offre deux portions assez distinctes j la portion antérieure est soutenue par quatre rajons, et l'autre en contient un nombre extrêmement considérable '. Ce cjcloptère vit dans les Indes. ^ Cyclopterus nudus. Linné, édi/i>?i de Gmelin. Jilies. ad. fr. i, /'. 67, tal). zq^^fig. i. Bouclier sans tubercules. D^nibenlon, Encyclopédie viélhodiqiie, Id. BonnaterrCj planches de l'Encyclopédie méthodique. ? A la membrane des branchies r rayon, à la nageoire dorsale 6 rayons, à chaque nageoire pectorale 21 à chaque nageoire inférieure 100 à celle de la queue 10 LE CYCLOPTÈRE GÉLATINEUX ^ LE CYCLOPTÈRE DENTÉ % ET LE CYCLOPTÈRE VENTRU'. C'est au professeur Pallas que nous devons la pre^ mière de.scription de ces trois cjcloptères. Le premier ne pouvoit pas être mieux désigné que par le nom de gélatineux, que nous lui avons conservé. En effet, sa peau est molle, dénuée d'écaillés facilement visibles, gluante , et abondamment enduite d'une humeur vis- queuse, qui découle particulièrement par vingt-quatre orifices, dont deux sont placés entre chaque narine et l'ouverture de la bouche, et dont dix autres régnent depuis chaque commissure des lèvres jusques vers l'opercule branchial qui correspond à cette commis- * Pallas, Spicileg. zoologie. 7, p. 19, lab. 3, fig. i, 6. Cyclopterus gelatiuosus. Linné , édition de Gnielin. Bouclier gélatineux. Bonnaterre , filancJies de l'Encyclopédie méthodique^ * Pallas, Spicileg. zoologie. 7, p. 6, tah. i, fig. i, 4. Cyclopterus dentex. Linné, édition de Gmelin. Bouclier denté. Bonnaterre ^ planches de V Encyclopédie méthodique, 3 Pallas, Spicileg. zoologie. 7, p, i5, tab. 1-,fig' i, 3. Cyclopterus vcntricosus. Linné, édition de Gmelin. Bouclier ventru. Bonnaterre^ planches de V Encyclopédie méthodique^ HISTOIRE NATURELLE. 63 sure; les lèvres sont doubles, épaisses, charnues, et l'intérieure est aisément étendue en avant, et retirée en arrière par l'animal; les opercules des branchies sont mollasses; les nageoires pectorales qui sont très- larges , les inférieures qui sont trcs-j)etites , la dorsale et celle de l'anus qui sont très-longues et vont jusqu'à celle de la queue , sont fiasques et soutenues par des rayons très-mous; l'ensemble du corps du ])oisson est pénétré d'une si grande quantité de matière huileuse, qu'il présente une assez grande transparence ; et tous ses muscles sont d'ailleurs si peu fermes, que, même dans l'état du plus grand repos du cjcloptère, et quel- que temps après sa mort, ils sont soumis à cette sorte de tremblement que tout le monde connoît, et qui appartient à la gelée animale récente. Aussi la chair de ce cartilagineux est-elle très-mauvaise à manger; et dans les pajs voisins du Kamtschatka, auprès des- quels on pèche ce cycloptère, et où on est accoutumé à ne nourrir les chiens que de restes de poisson, ces animaux même, cju o i qu'a fïa mes, ont-ils le dégoût le plus insurmontable pour toutes les portions du géla- tineux. Ce cj'cloptère parvient ordinairement à la longueur d'un demi-mètre, ou d'environ un pied et demi; son corps est un peu alongé, et va en diminuant de grosseur vers la queue; l'ouverture de sa bouche est tournée vers le haut; sa langue est si petite, cju'on peut à peine la distinguer. Un blanc mêlé de rose compose sa cou-- 64 HISTOIRE NATURELLE leur générale ; les opercules sont d'un pourpre foncé, et les nageoires du dos et de l'anus, d'un violet presque noir *. Le denté est ainsi nommé à cause de la force de ses dents, de leur forme, et de leur distribution irrégu- lière et remarqviable. Elles sont coni(|ues et inégales: on en compte à la mâchoire supérieure , quatre à droite, et trois à gauche; et la mâchoire inférieure en présente sept à gaviche, trois à droite, et dix dans le milieu. La peau qui le revêt est un peu dure, maigre, sans aiguillons, tubercules ni écailles aisément visibles, rougeâtre sur la partie supérieure du corps, et blan- châtre sur l'inférieure. La tête est aplatie par-dessus et par-dessous, très-grande, beaucoup plus large que le corps ; et cependant le diamètre transversal de l'ou- verture de la bouche en égale la largeur. Les lèvres sont épaisses, doubles, et garnies, sur leur surface intérieure, de caroncules charnues et très-molles. Les opercules des branchies sont durs et étendus. On voit enfin auprès de l'anus du mâle une prolongation charnue, creuse, percée par le bout, que nous remarr querons dans plusieurs autres espèces de poissons, et * A chaque membrane branchiale du cycloptère gélatineux 7 rayons, à la nageoire dorsale 5i à chaque nageoire pectorale 3o à celle de l'anus 46 if. celle de la queue 6 DES l*OTSSONS. 65 qnî sert à répandre sur les œufs la liqueur destinée à les féconder '. Le denté a le ventre assez gros; mais le cjcloptère ventru a cette partie bien plus étendue encore. Elle est, dans ce dernier cartilagineux, très-proéminente, ainsi que son nom l'indique; et elle est maintenue dans cet état de très-grand gonflement par une vessie uri- naîre double et très-volumineuse. L'ouverture de la bouche, qui est très-large et placée à la partie supé- rieure de la tête, laisse voir à chaque mâchoire un grand nombre de petites dents recourbées , inégales en longueur, et distribuées sans ordre. Les opercules des branchies sont attachés, dans presque tout leur con- tour, aux bords de l'ouverture qu'ils doivent fermer, La peau dont l'animal est revêtu, est d'ailleurs enduite d'une mucosité épaisse; toutes les portions de ce cj- cloptère sont un peu flasques ; et une couleur olivâtre règne sur presque tout le dessus de ce poisson \ * A la membrane des branchies du denté z rayons. à la nageoire dorsale 8 à chaque nageoire pectorale 23 à chaque nageoire inférieure ^ à celle de l'anus 6 à celle de la queue, qui est arrondie, lo ' A la membrane des branchies du ventru 4rayon6. à la nageoire dorsale lo à chaque nageoire pectorale 2p à chaque nageoire inférieure 6 à celle de l'anus g à celle de la queue lo Cette dernière est terminée par une ligne piesque droite. TOME II. 9 66 HISTOIRE NATURELLE. Le ventru vit, ainsi que le gélatineux, dont il partage jusqu'à un certain point la mollesse, dans la mer qui sépare du Kamtschatka le nord de l'Amérique : on n'y a pas encore observé le denté; on na encore vu ce dernier animal que dans les eaux salées qui baignent les rivages de l'Amérique méridionale. Au reste, le denté est quelquefois long de près d'un mètre, tandis que le ventru ne parvient guère qu'à la longueur de trois décimètres, ou d'environ un pied. LE CYCLOPTÈRE BIMACULÉ *. On rencontre auprès des côtes d'Angleterre ce carti- lagineux , sur lequel on n'apperçoit aucun tubercule ni aucune écaille , non plus que sur les trois c^^cloptères que nous venons de décrire dans l'article précédent. La iète de ce poisson , qui n'a présenté jusqu'à pré- sent que de petites dimensions, est aplatie par-dessus et plus large que le corps. Les nageoires pectorales sont attachées presque sur la nuque; et au-delà de chacune de ces nageoires, on voit sur le côté une tache noire et arrondie. La tête et le dos sont d'ailleurs d'un rouge tendre , relevé par la couleur des nageoires qui sont d'un très-beau blanc. Pennant a le premier fait connoître ce joli cjcloptère, dont la nageoire caudale est terminée par une ligne droite. * Pennant y Zoolog. britanniq. 3 , suppl. p, 897. Bouclier à ^eux taches. Bonnaterrej planches de l'Encyclopédie métho* fiique. LE CYCLOPTÈRE SPATULE*. Ce poisson est dénué d'écaiiles facilement visibles ; ainsi que presque tous les cartilagineux de sa famille. Sa couleur est d'un rouge foncé ; et ce qui le distingue des autres cjcloptères, c'est que son museau aplati ^ très-long , et élargi à son extrémité , a la forme d'une spatule. * Borlase^ Histoire naturelle de Cornouaillesy j>l. 25,/%". 28. Bouclier pourpré. Bonnaterre^ planches de l'Encjclopédie mélhodiqu^» LE CYCLOPtËRE LIPARIS \ E T LE CYCLOPTËRE RAYÉ*. Ces deux cycloptères ont beaucoup de rapports Fun avec l'autre* Tous les deux se rencontrent dans ces mers septentrionales qui paroissent être l'habitation de choix de presque toutes les espèces de leur genre connues jusqu'à présent. Ils semblent même affec- tionner tous les deux les portions de ces mers les plus voisines du pôle et les plus exposées à la rigueur du * C yclopterus liparis. Linné, édition de Gmelin, Cyclopterus liparis, barbu. Bloch, -pi. i^^^fiir, 3. BoiiclitT liparis. Daubenton , Encyclopédie méthodique» Id. Bonnuterrey planches de l* Encyclopédie nié{hodique, Gronov. Mus. 2, 157. Act. helvetic, 4, p. 265, tah. zS. .Art. Eaarlem. i ., p. 58i, tuù. ()., fig. 3 et 4. Kœlreuler, nov. Comment, petropol. 9, p. 6, tab. Q-,fig. 5 et 6, Brit. '/oolog. 3, p. io5, «. 2, TVillughbjj Ivhthyol. app. p. 17, tab. Hj 6,jîg. i, Baj pisc. p. 74, ??, 24. Borlase, Cortiw.f. 28 et 2g. ? Lrpechin, nov. Comment, petropol. ig, ;,. Szè, iab.^.,fig. 2 et %, Cyclopterus lineatus. Linné, édition de Gmelin. Bouclier rayé. Bonnatetre], planches de l'Encyclopédie méthodique. 70 HISTOIRE NATURELLE froid. On voit le liparis auprès de presque toutes les côtes de la mer Glaciale jusques vers le Kamtschatka, et souvent dans les embouchures des fleuves qui y roulent leurs glaces et leurs eaux; et c'est particuliè- rement dans la mer Blanche que Ton a observé le rayé. Ces deux cartilagineux ont la nageoire du dos et celle de l'anus longues et réunies avec celle de la queue; et leur surface ne présente aucune écaille que l'on puisse facilement appercevoir. D'ailleurs le liparis, qui a ordinairement un demi-mètre, ou environ un pied et demi , de longueur, montre une ligne latérale très- sensible et placée vers le milieu de la hauteur du corps. Son museau est un peu arrondi, sa tête large et aplatie, l'ouverture de sa bouche assez grande, sa lèvre d'en haut garnie de deu.\ courts barbillons, sa mâchoire supérieure un peu plus avancée que l'inférieure, et hérissée, comme cette dernière, de dents petites et aigués, sa chair grasse et muqueuse, sa peau lâche et enduite d'une viscosité épaisse*. Brun sur le dos, jaune sur les cotés et sur la tête, blanc par-dessous, et quel- quefois varié par de petites raies et par des points bruns, il a les nageoires brunes, excepté les inférieures, qui * A la membrane des branchies du liparis 7 rayons, à la nageoii'C dorsale 41 à chaque nageoire pectorale 84 à chaque nageoire inférieure 6 à celle de l'anus 33 h celle de la queue , qui est arrondie , 10 jy E s POISSONS. 71 sont bleucUres. Il se nourrit d'insectes aquatiques, de vers marins, de jeunes poissons, et répand ou féconde ses œufs snr la fin de l'hiver ou au commencement du printemps. Le rajé est couleur de marron avec des bandes lon- gitudinales blanchâtres, dont les unes sont droites, et les autres ondées; ses lèvres sont recouvertes d'une peau épaisse, garnie de papilles du coté de l'intérieur de la bouche* son dos est comme relevé en bosse; et l'espèce de bouclier formé par les nageoires inférieures est entourée de papilles rougeâtres *. * La nageoire de la queue du rayé est terminée en pointe. DIX^SEPTIÈME GENRE. LES L É P A D 0 G A S T È R E S. Les nageoires pectorales doubles; les nageoires inférieures réunies en forme de disque^ ESPÈCE. CARACTÈRES. {Deux barbillons entre les narines et les yeux; cinq rayons à U membrane des branchies. LE LÉPADOGASTERE GOUAN La famille des lépadogastères a beaucoup de traits de ressemblance avec celle des cjcloptères; elle est liée particulièrement avec cette dernière par la forme et par la réunion des nageoires inférieures : mais nous avons cru devoir la comprendre dans un genre diffé- rent, à cause du caractère remarquable qu'elle pré- sente , et qui consiste dans le nombre des nageoires pectorales. Ces dernières nageoires sont, en eltet, au nombre de deux de chaque coté sur les lépadogastères, au lieu qu'on n'en compte que deux en tout sur les cjcloptères et sur presque tous les autres poissons déjà décrits. Nous n'avons encore pu inscrire dans le genre dont nous nous occupons, qu'une seule espèce, dont nous devons la corinoissance au professeur Gouan. Cet habile naturaliste lui a donné le nom de Icpadogastcrc, à cause de la conformation de ses nageoires inférieures, qui, réunies ensemble, offrent fimage d'une sorte de conque. Mais comme nous avons adopté cette même dénomination pour désigner le genre de ce poisson , nous avons dû donner à cet animal un autre nom qui indiquât son espèce, et nous n'avons pas cru pouvoir * Gouan, Hisloiie des poissons, p. io6. Bouclier porte-écuelle. Bonnaterre, planches de V Encyclopédie niéllio- idiqiie, TOME II. lO 74 HISTOIRE NATURELLE. choisir une appellation plus convenable que celle qui retracera au souvenir des ichthjologistes le nom du savant professeur qui a décrit le premier et très-exac- tement ce cartilagineux. Le lëpadogastère gouan n'a le corps revêtu d'aucune écaille que l'on puisse appercevoir facilement; mais il est couvert de petits tubercules bruns. Son museau est pointu , sa tête plus large que le tronc , sa mâchoire supérieure plus avancée que l'inférieure. Deux appen- dices ou fîlamens déliés s'élèvent entre les narines et les jeux ; et l'on voit, dans l'intérieur de la bouche, des dents de deux sortes : les unes sont mousses et comme granuleuses, et les autres aiguës, divisées en deux lobes, et recourbées en arrière. Chaque côté du corps pré- sente deux nageoires pectorales, dont l'antérieure est placée un peu plus bas que la postérieure. Celle du dos est opposée à celle de l'anus j la caudale est arron- die *. Il y a sur la tête trois taches brunes en forme de croissant, et sur le corps une tache ovale parsemée de points blancs. L'individu observé par le citojen Gouan avoit un peu plus de trois décimètres de longueur, et avoit été pêchç dans la Méditerranée. * A la membrane des branchies 5 rayons. à la nao:Poire dorsale ii à chaque nageoire inférieure 4 à celle de l'anus 9 SEIZIEME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU QUATRIÈME ORDRE DE LA QUATRIÈME DIVISION DES CARTILAGINEUX. Poissons abdominaux, ou qui ont une ou deux na2:eoires situées sous l' abdomen. D I X-II UITIÈME GENRE. LES MACRORHINQUES. Le museau alongé; des dents aux mâchoires; de petites écailles sur le corps, ESPÈCE. CARACTÈRES. Le macrorhinque argenté. Un seul rayon à chaque nageoire ventrale. LE xMACRORHINQUE ARGENTÉ Cette espèce de poisson décrite par Osbeck lors de son vojage à la Chine, lie par un assez grand nombre de rapports les sjngnatlies avec les pégases. Elle ne peut cependant appartenir à aucune de ces deux fa- milles , et nous avons dû la placer dans un genre particulier, auquel nous avons donné le nom de ma- crorhinqiie, pour désigner la forme du museau des animaux que nous j avons inscrits. Le macrorhinque argenté, la seule espèce que nous ajons encore com- prise dans ce genre ^ a, en effet , le museau non seule- ment pointu, mais très-long. Les deux mâchoires sont d'ailleurs garnies de dents 3 on en compte plus de trente à la mâchoire supérieure, et celles de la mâchoire in- férieure sont moins larges et pointues. La nageoire du dos s'étend depuis la tète juscpies à la queue; celles de la poitrine sont très-près de la téte^ chacune des ven- trales ne présente qu'un seul rayon ; et le corps de ce cartilagineux, qui est très-alongé, est, déplus, couvert d'écaillés argentées. Ce poisson vit dans la mer. * Oshecl, Voyage à la Chine , p. 107. Syngnathe argenté, Boiinalerre, -planches de V Encyclopédie méthodique^ D I X - N E U V I £ M E GENRE. LES PÉGASES. Le museau îrès-alongè ; des dents aux mâchoires; le corps couvert de grandes plaques et cuirassé. ESl'ÈCES. CARACTÈRES. 1. Le Pégase dragon. (^' "'"'^^" *''^'"P^" '^P^''^*^' ^^ ^^"^ ^^"*^- 1^ lures; Jes nageoires pectorales très-grandes. T v; O-^ museau aplati et dentelé; les nageoires 2. Le pégase volant. J ^ ' "«gcuires j pectorales très-grandes. ^Le museau en forme de spatule, et sans 3. Le PÉGASE spatule. \ dentelures; les nageoires pectorales peu y grandes. LE PÉGASE DRAGON*. Presque tous les pégases ont leurs nageoires pecto- rales conformées et étendues de manière à les soutenir aisément et pendant un temps assez long, non seule- ment dans le sein des eaux, mais encore au milieu de lair de l'atiiiosphère, qu'elles frappent avec force. Ce sont en quelque sorte des poissons ailés , que Ton a bientôt voulu regarder comme les représentans des animaux terrestres qui possèdent également la faculté de s'élever au dessus de la surface du glube. Une ima- gination riante les a particulièrement comparés à ce coursier fameux que l'antique mjthologie plaça sur la double colline; elle leur en a donné le nom à jamais célèbre. Le souvenir de suppositions plus merveilleuses, d'images plus frappantes, de formes plus extraordi- naires, de pouvoirs plus terribles, a vu, d'un autre coté, dans l'espèce de ces animaux que l'on a connue la première, un portrait un peu ressemblant, quoique composé dans de très-petites proportions, de cet être * Pegasus draconls. Linné ^ édition de Gmelin. Pt'O'asi'S draconis, dragon de luer. Btoch, f.L locj^fg. l et ï. Pégase dragon. Daubenton^ Eticjclopédie niélhodique. Id. Eonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Gronov. Zoophyl. 356, tab. jz ^fig. 2 et 3. Naja lavet jang kitsjil , klein zeedraakje. Valent, Ind, 3 , p. 428, tab. zji. {^eba. Mus. 3, tab. 'àA^^fig. 4. HISTOIRE NATURELLE. 79 fabuleux, qui, enfanté par le génie des premiers chantres des nations, adopté par Tignorance, divinisé par la crainte, a traversé tous les âges et tous les peuples, toujours variant sa figure fantastique, toujours accrois- sant sa vaine grandeur, toujours ajoutant à sa puis- sance idéale, et vivra à jamais dans les productions immortelles de la céleste poésie. Ah! sans doute, ils sont bien légers, ces rapports que Ton a voulu indiquer entre de foibles poissons volans découverts au milieu de rOcéan des grandes Indes, et l'énorme dragon dont la peinture présentée par une main habile a si sou- vent efFrajé Fenfance, charmé la jeunesse, et intéressé lage mûr, et ce cheval ailé consacré au dieu des vers par les premiers poètes reconnoissans. Mais quelle erreur pourroit ici alarmer le naturaliste philosophe ? Laissons subsister des noms sur le sens desquels per- sonne ne peut se méprendre , et qui seront comme le signe heureux d'une nouvelle alliance entre les austères scrutateurs des lois de la nature, et les peintres su- blimes de ses admirables ouvrages. Qu'en parcourant l'immense ensemble des êtres innombrables que nous cherchons a faire connoître, les imaginations vives, les cœurs sensibles des poètes ne se croient pas étrangers parmi nous. Qu'ils trouvent au moins des noms hospi- taliers qui leur rappellent et leurs inventions hardies, et leurs allégories ingénieuses, et leurs tableaux en- chanteurs, et leurs illusions douces; et que, retenus par cet attrait puissant au milieu de nos conceptions 8o HISTOIRE ISTATURELLE sévères, ils augmentent le charme de nos contempla- tions en les animant par leur feu créateur. Comme tous les animaux de sa famille, le pégase dragon ne parvient guère qu'à un décimètre de lon- gueur : il est donc bien éloigné d'avoir dans l'étendue de ses dimensions quelque trait de ressemblance avec les êtres poétiques dont il réunit les noms. Mais tout son corps est couvert de pièces inégales en étendue , assez grandes , dures , écailleuses , et par conséquent analogues à celles que l'on a supposées sur le corps des dragons; elles sont presque carrées sur le milieu du dos, triangulaires sur les côtés; et, indépendamment de cette cuirasse, la queue, qui est longue, étroite, et très-distincte du corps, est renfermée dans un étui composé de huit ou neuf anneaux écailleux. Ces an- neaux, placés à la suite l'un de l'autre, et articulés ensemble, ont beaucoup de rapports avec ceux qui entourent et la queue et le corps des sjngnathes; com- primés de même par-dessus, par-dessous, et par les côtés, ils offrent ordinairement quatre faces, et coni* posent par leur réunion un prisme à quatre pans. Au dessous du museau, qui est très-alongé, un peu conique et échancré de chaque côté, on voit l'ouver- ture de la bouche située à peu près comme celle des squales et des acipensères, et qui, de même que celle de ces derniers cartilagineux, a des bords que l'animal peut un peu retirer et alonger à volonté. Les mâchoires sont garnies de très-petites dents : les j eux sont gros DES POISSONS. 8ï saillans, très-mobiles, et placés sur les faces latérales de la tête; l'iris est jaune : Topercule des branchies est rajonné. De chaque coté du corps s'avance une prolongation recouverte d'écaillés, et à l'extrémité de laquelle est attachée la nageoire pectorale. Cette nageoire est grande, arrondie, et peut être d'autant plus aisément déplojée, qu'une portion assez considérable de mem- brane sépare chaque rajon, et que tous les rajons simples et non articulés partent d'un centre, ou d'une base très-étroite. Aussi le pégase dragon peut-il, quand il veut, éviter plus sûrement la dent de son ennemi, s'élancer au dessus de la surlace de l'eau, et ne retom- ber qu'après avoir parcouru un espace assez long. On apperçoit sur la partie inférieure du corps, qui est très-large , une petite éminence longitudinale , à laquelle tiennent les nageoires ventrales, dont chacune ne consiste que dans une sorte de rajon très-long, très- délié, très-mou et très-flexible. La nageoire dorsale est située sur la queue; elle est très-petite, ainsi que la caudale et celle de l'anus, au dessus de laquelle elle est placée *. * A la nageoire dorsale 4 rayons, à chaque nageoire pectorale 9 ou 10 à chaque nageoire ventrale i à celle de l'anus 5 à celle de la queue 8 Cette dernière est arrondie. T O M E 1 1 . 11 8:2 HISTOIRE NATURELLE. Au reste, le pégase dragon est conimiinément bleuâtre, et le dessus de son corps est garni de tubercules rajon- iiés et bruns. 11 vit de petits vers marins, d'œufs de poisson, et des débris de substances organisées qu'il trouve dans la terre grasse du fond des mers. LE PÉGASE VOLANT*. Nous avons trouvé dans les manuscrits de Comniersoii une description très-étendue et très-bien faite de ce pégase, dont on n'a jusqu'à présent indiqué que quel- ques traits, et dont on ne connoît que très -impar- faitement la forme; et c'est d'après le travail de ce laborieux naturaliste, que nous allons marquer les différences qui séparent du dragon ce cartilagineux. Le museau est très-alongé, aplati, arrondi et un peu élargi à son extrémité. La face inférieure de ce museau présente un petit canal longitudinal, ainsi que des stries disposées en rajons; et la face supérieure, qui montre un sillon semblable, a ses bords relevés et dentelés. Sur la tête et derrière les jeux, on voit une fossette rlîomboïdale; et derrière le crâne on apperçoit deux cavités profondes et presque pentagones. Les derniers anneaux de la queue sont garnis d'une petite pointe dans chacun de levn^s angles antérieurs et postérieurs. * Pegasus volans. lAiiné , édition de Gmelin. Pégase volant. Dauhentmi ^ Encyclopédie méthodique. Id Bonnalerrc , -filanchcs de V Encyclopédie nu'lhodique. Pegasus rostro ensiformi utrinque serrato, caudcc arliculis duodecina» CoJHTnersonj inanuscrits déjà cités. 84 HISTOIRE NATURELLE. On compte communément douze rajons à chacune des nageoires pectorales , qui sont arrondies , très- étendues, et très-propres à donner à l'animal une fa- culté de s'élancer dans l'air assez grande pour justifier l'épi thète de volant, qui lui a été assignée. Chaque nageoire ventrale est composée d'un ou deux rajons très-déliés, très-longs, et très-mobiles *. Le volant habite, comme les autres pégases, dans les mers de Flnde^ mais il paroît qu'on le voit assez rare- ment aux environs de l'Isle de France, où Commerson n'a pu observer qu'un individu desséché de cette espèce, individu qui lui avoit été donné par l'officier général Boulocq. * A la nageoire dorsale 5 rayons, à celle de l'anus 5 à celle de la queue, qui est arrondie, 8 LE PÉGASE SPATULE *. Ce poisson diffère des deux pégases que nous venons de décrire, par la forme de la queue, dont la partie antérieure est aussi grosse que la partie postérieure du corps proprement dit. Le corps est d'ailleurs moins large à proportion de la longueur de l'animal; le mu- seau, très-alongé, aplati, élargi et arrondi à son ex- trémité, de manière à représenter une spatule, n'est point dentelé sur les côtés ; et les nageoires pectorales, beaucoup plus petites que celles des autres pégases, ne paroissent pas pouvoir donner au cartilagineux dont nous nous occupons , le pouvoir de s'élancer au dessus de la surface des eaux. Les anneaux écailleux qui recouvrent la queue sont plus nombreux que sur les autres poissons de la même famille j on en compte quelquefois une douzaine : le prisme, ou plutôt la pjramide qu'ils composent, est à quatre faces, dont l'inférieure est plus large que les trois autres; l'anneau le ])lus éloigné de la tète est armé de deux petites pointes. * Pegasus natans. Linné j édition de Gmelin. Gronov. yooph. Sôy. Pégase nageur. Btocli,-pL i^i^fi^r. 3^ ^. Pégase spatule. Daiibenton, Encyclopédie méthodique. Id. BoiinaieTre, planches de l'Encjclopédie méthodique. 86 HISTOIRE NATURELLE. Le pégase spatule est d'un jaune foncé par-dessus, et d'un blanc assez pur par-dessous. Ses nageoires pectorales sont violettes; les autres sont brunes'. Cet animal n'a été vu vivant que dans les mers des grandes Indes; et cependant parmi les poissons pétri- fiés que Ton trouve dans le mont Bolca près de Vérone, on distingue très-facilement des restes de ce pégase'. ' A la nageoire dorsale S rayons, à chaque nageoire pectorale 9 à chaque nageoire inférieure i à celle de l'anus 5 à celle de la queue, qui est arrondie, 8 - Pegasus natans, rostro elongato spatulseformi, corpore oblongo, tetra- gono. Ichthjolithologie de Vérone j "par une société de jjliysiciensj seconde partie j pi. 5 , Jîg: 3. VINGTIÈME GENRE. LES C E N T R I S Q U E S. Le museau très-alongé; les mdclioires sans dents; le corps Irès-cofiiprinic; les nageoires ventrales réunies. ESPÈCES. CARACTÈRES. (Une cuirasse placée sur le dos , et aussi loneue Le CENTRISQUE CUIRASSE. J , , , . I que le corps et Ja queue reunis. Le centrisque sumpit. /^'"^ ^"^^"^^'^ P^^"^" '"' ^' ''°' ' '^ 1'^"' '°"'*^ I que je corps et la queue réunis. Le centrisque bécasse. Le dos garni de petites écailles. LE CENTRISQUE CUIRASSÉ Nous avons vu les ostracions, dont la tête, le corps, et une partie de la queue, sont entourés d'une croûte solide et préservatrice, représenter, au milieu de la nombreuse classe des poissons , la tribu remarquable des tortues, quune carapace et un plastron très-durs environnent aussi dune enveloppe presque impéné- trable. Mais parmi ces tortues, et particulièrement parmi celles qui, plus rapprochées des poissons, passent la plus grande partie de leur vie au milieu des eaux salées, il en est qui n'ont reçu que des moyens de défense moins complets : la tortue luth, par exemple, qui habite dans la mer Méditerranée, n'est à l'abri que sous une carapace; elle est dénuée de plastron; elle n'a qu'une sorte de cuirasse placée sur son dos. Elle a aussi son analogue parmi les poissons; et c'est la famille des centrisques , et sur-tout le centrisque cuirassé, qui, * Centriscus scutatus. Linné , édilinn de Gmelin, Id. bécasse bouclier. IHoch, pL \22t^Jig. 2. Cendlsque cuirassé. Duiihenton , Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaitrre, plaiiches de i' Encyciopédie mélhodiqiie. Cronm. Mus. 2, p. 18, n. lyr , tab. q^fg. 3; Zooph. p. 129, «. 896. AniphisiUn. Klein, miss. pisc. 4, p. 28, /au. d^fig. 6. Seb. Mus, 3 , /). 107, tab. ?t:^^fig. 5. Ikan pisan, mesvisch. Fuient, fnd. 3, p. 420, n. 2^3, j7g. 248, 254. Ikan peixe. lluysclij Theutr. an. p. 5, tab. 'if/ig. 7. DES POISSONS. 89 comme la tortue liUli, a sur son dos une longue cui- rasse, terminée, du côté de la queue, par une pointe aiguë, laquelle a fait donner à tout le genre le nom de ccnltisquc ou à'aiguil/onné. Si les centrisques sont, à quelques égards, une sorte de portrait de la tortue luth , ils n'en sont cependant qu'une image bien dimi- nuée. Quelle différence de grandeur, en effet, entre une tortue qui parvient à plus de deux mètres de lon- gueur, et des centrisques qui le plus souvent ne sont longs que de deux décimètres î Tant la nature , cette cause puissante de toute existence, cette source féconde: de toute beauté, ne cesse de varier par tous les degrés de la grandeur, aussi-bien que par toutes les nuances des formes , ces admirables copies par les- quelles elle multiplie avec tant de profusion, et sur la surface sèche du globe, et au milieu des eaux, les modèles remarquables sur lesquels on seroit tenté de croire qu'elle s'est plue à répandre d'une manière plus particulière le feu de la vie et le principe de la repro- duction. D'ailleurs la cuirasse longue et pointue qui revêt; le dos des centrisques , au lieu de s'étendre presque horizontalement sur un corps aplati comme dans les tortues, se plie dans le sens de sa longueur, au dessus des animaux que nous allons décrire, pour descendre sur les deux côtés d'un corps très -comprimé. Cette forme est sur- tout très -marquée dans le centrisque cuirassé. Ce dernier cartilagineux est , en eHet , si TOME II. 12 go HISTOIRE NATURELLE aplati par les côtés, qu'il ressemble quelquefois à une lame longue et large. La cuirasse qui le couvre est composée de pièces écailleuses très- lisses, attachées ensemble , unies de si près, que Ton ne peut quelquefois les distinguer que très-difEcilement lune de l'autre,' et si transparentes, que Ton apperçoit très-aisément la lumière au travers du dos de l'animal. Au reste, cette sorte de demi-transparence appartient, d'une manière plus ou moins sensible , à presque toutes les parties du corps du centrisque cuirassé. La couverture solide qui garantit sa partie supé- rieure, est terminée, du côté de la nageoire de la queue, par une pointe très-alongée , qui dépasse de beau- coup le bout de cette nageoire caudale; et cette espèce d'aiguillon se divise en deux parties d'égale longueur, dont celle de dessus emboîte à demi l'inférieure , et peut être un peu soulevée au dessus de cette dernière. Au dessous de ce piquant, et à un grand éloigne-, ment du corps proprement dit , est la première nageoire dorsale, qui le plus souvent ne renferme que trois i*ajons , et dont la membrane est communément atta- chée à ce même piquant, lequel alors peut être considéré comme un rajon de plus de cette première nageoirei dorsale. Le museau est très-alongé; il est d'ailleurs fait en forme de tube; et c'est à l'extrémité de ce long tujau qu'est placée Touverture de la bouche. Cet orifice est très-étroit ; mais quelquefois, et sur-tout après la mort DES poissons; 9î de l'aiiîmal , la membrane qui réunit les deux longues mâcJioires dont le tube est composé , se déchire et s'oblitère; les deux mâchoires se séparent presque jus- qu'au dessous du siège de l'odorat; l'ouverture de la bouche devient très-grande, et la mâchoire supérieure se divise longitudinalement en deux ou trois pièces qui sont comme les élémens du tujau formé par le museau. La planche sur laquelle on pourra voir la figure du centrisque cuirassé , représente l'effet de cet accident. L'ouverture des narines est double ; celle des bran- chies est grande et curviligne , l'opercule lisse et trans- parent. Chaque coté du corps est garni de dix ou onze pièces écailleuses , minces, et placées transversalement. Elles sont relevées dans leur milieu par une arête horizon- tale ; et la suite de toutes les arêtes qui aboutissent l'une à l'autre, forme une ligne latérale assez saillante. Ces lames sont un peu arrondies dans leur partie infé- rieure, et réunies avec les lames du côté opposé par une portion membraneuse , très-mince, qui fait paroître le dessous du corps très-carené. Les nageoires pectorales sont un peu éloignées des branchies ; les ventrales sont réunies , et de plus si petites et si déliées , que souvent elles échappent à l'œil, ou sont détachées, par divers accidens, du corps de l'animal. La seconde dorsale, et celle de l'anus, sont très -près de celle de la queue dont la colonne 92 HISTOIRE NATURELLE. vertébrale est détournée de sa direction, et fléchie, pour ainsi dire, en en-bas, par la partie postérieure de la cuirasse qui la recouvre *. Les différentes formes remarquables que nous venons de décrire , attirent d'ailleurs l'attention par la beauté et la richesse des couleurs qu'elles présentent : le dos est d'un brun doré brillant, quoique foncé 3 les côtés sont argentés et jaunes ; le dessous du corps est rouge avec des raies transversales blanches ; et presque toutes les nageoires sont jaunâtres. Le poisson qui montre cet éclatant assortiment de plusieurs nuances, vit, comme les pégases, de petits vers marins, et des débris de corps organisés qu'il peut trouver dans la vase; mais bien loin de jouir, ainsi que les pégases , de la faculté de s'élancer avec force au dessus de la surface de Feau , il est réduit, par la peti- tesse de ses nageoires et la roideur d'une grande partie de son corps, à n'exécuter que des mouvemens peu rapides. Il habite dans les mers de l'Inde, ainsi que l'espèce dont nous allons parler. * A la première nageoire du dos 3 rayons, à la seconde il à chaque nageoire pectorale ir à la ventrale 5 a celle de l'anus iS à celle de la cjueue, qui est rectiligne, 12 LE CENTRISQUE SUMPIT '. Ce poisson est très -petit; il ne parvient ordinaire- ment qu'à la longueur de cinq ou six centimètres : sa parure est élégante ; l'éclat de l'argent brille sur les cotés de son corps , et se change sur sa partie supé- rieure en une sorte de couleur d'or un peu pâle, que relèvent quelques raies de différentes couleui's et placées obliquement. On ne voit sur son dos qu'une cuirasse assez courte , en comparaison de celle qui garantit l'espèce de centrisque que nous avons déjà décrite ; et c'est parce que cette arme défensive ne s'étend pas jusqu'à l'extrémité de la queue, que Pallas, au(|uel nous devons la connoissance de cet animal, l'a désigné par Tépithète à\irmé à la légère. Cette armure moins étendue lui donne d'ailleurs des mouvemens plus libres, qui s'allient fort bien avec l'agrément des couleurs dont il est peint. Au reste, cette couverture se termine en pointe, et se réunit, pour ainsi dire, à une sorte de piquant couché en arrière , un peu mo- bile, très-aigu, dentelé, creusé par-dessous, et placé * Centrîscus sumpit. Centriscus velitaris. Linné, édit, de Gmelin. Fallas, Spicif. zoolng. 8 , p. 36, tab. \^fig. 8. Centrisque sumpit. Daubenton, Encyclopédie mêlJiodique. là, Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. 94 HISTOIRE NATURELLE. au dessus d'un second aiguillon que le poisson cache à volonté dans une fossette longitudinale. A la suite de ces pointes , que Ton peut considérer comme une première nageoire dorsale , d'autant plus qu'elles sont réunies par une membrane, on voit la seconde nageoire du dos, dans laquelle on compte douze rajons*. Une petite raie saillante s'étend de chaque côté, depuis le bout du museau jusqu'à l'œili; et un petit aiguillon recourbé vers l'anus est placé au devant de cette dernière ouverture. * A la membrane des branchies il y a 3 rayons. à chaque nageoire pectorale i3 à chaque nageoire ventrale 4 à celle de l'anus ao k «elle d« la queue za LE CENTRISQUE BÉCASSE*. Cet animal, que l'on voit quelquefois dans le marché de Rome , et dans ceux des pays voisins , n'est pas tout- à-fait aussi petit que le sunipit : il présente ordinaire- ment une longueur de plus d'un décimètre , et se distingue facilement de plusieurs autres poissons avec lesquels on l'apporte, par sa couleur qui est d'un rouge * Centriscus scolopax. Trorabetta, sur la côte de Gênes* Soffietta , aux environs de Rome. Eleplias. Centrisque bécasse, Dauhenton, Encyclopédie métlioâiqiie, Id. Bonniterre, planches de VEncyclopédie méthodique, Centriscus scolopax. Lin né ^ édit. de C?nelin. Bécasse , scolopax, ascalopax. Rondelet, Histoire des poissons, liv. i5 , cTiap. 4. Centriscus squamosus. 5/oc/ij p/. i22^fig. i, Gronov. Zooph. p. 128, n. SgS. Me erschnepf, Jonston, lib. i , ///. r , cap. i , «. 4 , tah. I , n. g. Solenostomus rostre trientem totius piscis aequante. i5r/e/«^ miss.pisc. 4, •p. 24, n. I. Gesner, Aquat. p. 838, icon. anim, p. Il , thierb.p. 4. Scolopax , Aldrov. pisc.p. 298. Willughbj, Ichlhy.p. 160, tab. 1, zS^fg. 2, Tiumpet, or bellows fish. Baj.pisc, p, 5o, Churleton , Onom. p. i23. Balistes aculeis duobus, loco pinnarura ventraliui», solitario intrà anuin, "Àirtedij gen, 5^ , sjn, 8a, 96 HISTOIRE NATURELLE tendre et agréable. Les pièces qui composent la cou- verture supérieure du cuirassé et du sumpit, sont remplacées sur le centrisque bécasse par des écailles dures, pointues, et placées les unes au-dessus des autres ; mais on voit un piquant à l'extrémité du dos de ce cartilagineux, comme sur celui des poissons de son genre qui sont déjà connus. Cet aiguillon très- fort, dentelé des deux côtés, et mobile de manière à pouvoir être couché dans une fossette, est le premier rajon de la nageoire dorsale antérieure, dans laquelle on compte quatre rajons en tout; la seconde nageoire dorsale est composée de dix^sept rajons*. L'extrémité du long museau du poisson que nous décrivons , est un peu relevée, et présente l'ouverture de la bouche, que l'animal peut fermer à volonté par le mojen d'un opercule attaché au bout de la mâchoire inférieure. C'est la grande prolongation de ce museau , et la forme assez ténue de cette sorte de tujau , qui ont fait com- parer le cartilagineux dont nous nous occupons, tantôt à une bécasse, et tantôt à l'un des quadrupèdes les plus éloignés de ce poisson par les divers traits de leur conformation , ainsi que par l'énormité de leur taille , à l'éléphant , dont le nez s'étend cependant eu * A la membrane des branchies 3 rayons, à chaque nageoire pectorale in à chaque nageoire inférieure 5 à celle de l'anus jg À celle de la queue , qui est arrondie, 9 DES POISSONS. 97 une trompe bien différente, dans son organisation, du museau d'un centrisque. La fîgvu'e de ce même museau a fait aussi donner le nom de soumet à la bécasse, dont on s'est beaucoup occupé, parce que ce poisson a une chair délicate. Le premier rajon des nageoires pecto- rales de ce centrisque est très-long, les nageoires infé^ rieures sont très-petites 3 et l'animal peut les cacher aisément dans un sillon osseux. TOME IT. i3 ADDITION AUX ARTICLES DES PÉTROMYZONS, DES RAIES, JET DES SQUALES; Nous crojons ne devoir pas terminer l'histoire des poissons cartilagineux , sans faire connoitre deux espèces de pétromjzons, quatre espèces de raies et une espèce de squale, dont nous n'avons reçu des dessins ou des individus que depuis le commencement de Tim- pression de cet ouvrage. Ces sept espèces sont le pétro- mjzon rouge, le pétromjzon sucet, la raie tuberculée, la raie églantier, la raie fabronienne , la raie bank- sienne, et le squale pointillé. Au reste, elles serozit inscrites à leur véritable place dans le tableau général des cartilagineux et des osseux, (|ue Ton trouvera à la fin de cette Histoire naturelle des poissons. SUPPLÉMENT AU TABLEAU DU GENRE DES PÉTROMYZONS. ESPÈCES. 5. PÉTROMYZON ROUGE. ^Pe/ro?77jzoji ruber.) f). PÉTROMYZON SUCET. (P^irofiJjzoJi sanguisuga.) CARACTÈRES. Les yeux très-petits ; la partie de l'animal dans laquelle les branchies sont situées, plus grosse que le corps proprement dit; les nageoires du dos très-basses ; celle de la queue, lancéolée; la couleur générale, d'un rouge de sang, ou d'un rouge de brique. L'ouverture de la bouche, très-grande» et plus large que la tête; un grand nombre de dents petites et couleur d'orange; neuf dents doubles auprès du gosier. LE PÉTROMYZON ROUGE *. JN o US donnons ce nom à un pëtromjzon dont le savant et zéJé naturaliste le citojen Noël, de Rouen, a bien voulu nous envoyer un dessin colorié. Ce poisson se trouve dans la Seine, et est connu des pêcheurs sous le nom de scpt-ail rouge à cause de sa couleur, ou ^aveugle à cause de l'extrême petitesse de ses jeux. On se représentera aisément l'ensemble de ce cartilagi- neux, qui a beaucoup de rapports avec le lamprojon, si nous ajoutons à ce que nous venons de dire de cet animal, dans le supplément au tableau des pétromj- zons , que l'ouverture de la bouche du rouge est beaucoup plus petite que le diamètre de la partie du poisson dans laquelle les branchies sont renfermées ; que la surface supérieure de la tête, du corps et de la queue, offre une nuance plus foncée que les côtés, et qîie des teintes sanguinolentes se font particulièrement remarquer auprès des ouvertures des organes de la respiration. * Petromyzon ruber. LE PÉTROMYZON SUCET C'est encore au citojen Noël que nous devons la description de ce pétromjzon , que les pêcheurs de plusieurs endroits situes bur les rivages de la Seine inférieure ont nommé siiccC 11 se rapproche beau- coup du lamprojon , ainsi (jue le rouge; mais il ditlère de ces deux poissons, et de tous les autres pétromj- zons déjà connus, par des traits très-distincts. Sa longueur ordinaire est de deux décimètres. Son corps est cjlincUique ; les deux nageoires dor- sales sont basses, un peu adipeuses, et la seconde s'étend presque jusqu'à celle de la queue. La tète est large ; les jeux sont situés assez loin de l'extrémité du museau, plus grands à proportion que ceux du lamproj^on, et recouverts par une continuation de la peau de la tète; l'iris est d'une couleur uniforme voisine de celle de l'or ou de celle de l'argent. Le citojen Noël , dans la descrip(;ion qu'il a bien voulu me faire parvenir, dit qu'il n'a pas vu d'évent sur la nuque du sucet. Je suis persuadé que ce pétro- mjzon n'est pas privé de cet orifice particulier , et que la petitesse de cette ouverture a empêché le citojen ^ Petromyzon sanguisuga. ? Lettre du citojen No'él au citojen Lacepèdej du mois de prairial, an j. 102 HISTOIRE NATURELLE Noël de la distinguer, malgré l'habileté avec laquelle ce naturaliste observe les poissons. Mais si le sucet ne présente réellement pas d'évent , il faudra retrancher la présence de l'organe auquel on a donné ce nom , des caractères génériques des pétromjzons, diviser la famille de ces cartilagineux en deux sous-genres, placer dans le premier de ces grouppes les pétromjzons qui ont un évent ; composer le second , de ceux qui nen auroîent pas; inscrire, par consécjuent, dans le pre- mier sons-genre, la lamproie, la pricka, le lamprojon, le planer, le rouge, et réserver le sucet pour le second sous-genre. Au reste, l'ouverture de la bouche du sucet est plus étendue que la tête n'est large ; et des muscles assez forts rendent les lèvres extensibles et rétractiles. Dans l'intérieur de la bouche , on voit un grand nombre de dents petites, de couleur d'orange, et placées dans des cellules charnues. Neuf de ces dents qui entourent circulairement l'entrée de Fœsophage , sont doubles. La langue est blanchâtre, et garnie de petites dents ; et au devant de ce dernier organe , on apperçoit un os demi-circulaire , d'une teinte orangée, et hérissé de neuf pointes. La forme de cet os , et la présence de neuf dents doubles autour du gosier, sufïiroient seules pour dis- tinguer le sucet de la lamproie, de la pricka, du lara- projon , du planer et du rouge. Les pêcheurs de Quevill^ , commune auprès de DES POISSONS. Io3 laquelle le sucet a été particulièrement observé , disent tous (|u'ou ne voit ce poisson (jue dans les saisons où Ton pèciie les dupées aloses. Soit qijie ce cartilagineux liabile sur les hauts-fonds voisins de lembouchure de la Seine, soit qu'il s'abandonne, pour ainsi dire, à Taction des marées, et (ju'il remonte dans la rivière, comme les lamproies ^ ce sont les aloses qu'il recherche et qu'il poursuit. Lorsqu'il peut atteindre une de ces dupées, il s'attache à l'endroit de son ventre dont les tégumens sont le plus tendres, et par conséquent h la portion la plus voisine des œufs ou de la laite : se cramponnant, pour ainsi dire, avec ses dents et ses lèvres, il se nourrit de la mcme manière que les vers auxquels on a donné le nom de sann-sucs: il suce le san»- du poisson avec avidité; et il préfère tdlement cet ali- ment à tout autre , que son canal intestinal est presque toujours rempli d'une quantité de sang considérable, dans laquelle ou ne dislingue aucune autre substance nutritive. Les pêcheurs croient avoir observé que lorsque les sucets, dont l'habitude que nous venons d'exposer a facilement indiqué le nom, attaquent des saumons, au lieu de s'attacher à des aloses , ils ne peuvent pas se procurer tout le sang qui leur est nécessaire, parce qu'ils percent assez difîicilement la peau des saumons; et ils montrent alors par leur maigreur la sorte de disette qu'ils éprouvent. SUPPLÉMENT AU TABLEAU DU GENRE DES RAIES. TROISIÈME SOUS-GENRE; Les dents obtuses ; des aiguillons sur le corps ou sur la queue* ESPÈCES ïi. La raie tuberculee.) ^ ,_ . , , . \ sur [^Raja tiiberculata.) I , . aa. La raie églantier. ^Raja eglanteria.) C A R a ctères. Cinq tubercules blancs, émaillés et très-durs, r le dos; et cinq autres tubercules sem- blés sur la queue. Une rnngée longitudinale de petits aiguillons sur le dos, qui d'ailleurs est parsemé d'é- pines encore plus courtes ; plus de trois rangs longitudinaux de piquans recourbés, sur la queue. JEspêces dont la forme des dents n est pas encore connue, et cjui nont point d aiguillons» ESPÈCE. 24. La raie fabronienne. ( Raja fabroniana, ) C A R A CTÈRES. 'Deux grands appendices sur le devant de la tête; chaque nageoire pectorale aussi longue que le corps proprement dit, très- étroite, et occupant par sa base la portion du côté de l'animal comprise entre la iètQ I et le milieu du corps. H T s T 0 I R E ESPÈC £. a5. La raie banksienne. ( Raju bunksiaiia. ) NATURELLE. ic5 CARACTÈRES. Devix appendices sur le devant de la téfe; point de nageoire sur le dos, ni au bout de la queue j chaque nageoire pectorale plus longue que le corps proprement dit, très-étroite , et à peu près également éloi- gnée, dans son axe longitudinal et dans sa pointe , de la tête et de la queue ; les yeur placés sur la partie supérieure de la tête. TOME ii; M LA RAIE TUBERCULÉE Ckt animal a les dents très-obtuses; il présente d'ail- leurs des tubercules pointus, ou aiguillons très-forts, sur le corps et sur la queue: il doit donc être compris dans le troisième sous -genre que nous avons établi dans le genre des raies, et dont les caractères distinc- tifs consistent dans la forme obtuse des dents , et dans la présence d'aiguillons plus ou moins nombreux sur la queue ou sur le corps. Le bout du museau de ce cartilagineux est pointu; L'ensemble formé par le corps proprement dit et par les nageoires pectorales, présente un rhombe assez régulier. La queue est longue et déliée : elle est d'ail- leurs armée d'un aiguillon très-long, dentelé de deux côtés, et dont les petites dents, semblables à celles d'une scie, sont de plus tournées yers la base de ce piquant. La tuberculée n a aucune nageoire sur le dos ; le dessus de la plus grande partie de sa queue nen. montre pas non plus : cependant, comme, dans l'indi- vidu que j'ai e.u sous les jeux, l'extrémité de cette portion de l'animal avoit été détruite par un accident, il se pourroit que l'espèce que nous décrivons eût une ? Raja tuberculata. Toni. 2 . ri4]'a<, loo. h\\v --C; :ify,: %d ■ - ,' ']. ' ''^'p' aÙ «.'e ^' pi^l^''r,'/yÇ^;T^A-.^-r-^. ?^^ :> J>eseoeJ)el. I!,t,iiu' .'t'dlii l.KATE Tuhercul/'e l.RAIE Ec,lml,er ô . SQUALE PoinUlU: ■'"/' HISTOIRE NATURELLE. I07 petite nageoire supérieure vers le bout de la queue. L'animal ne présente que dix aiguillons, indépen- damment de celui qui est dentelé 3 ces protubérances sont des tubercules plus ou moins pointus, assez gros, très-courts, très-durs, très-blancs, et comme émaillés* Cinq de ces tubercules sont très-rapprochés, et forment sur le dos une rangée longitudinale; les autres sont placés sur la queue , plus près du dos que du grand aiguillon dentelé, et à des distances inégales les uns des autres. Pour peu qu'on Jette les jeux sur le tableau du genre des raies, que nous avons publié, on verra que celle dont nous décrivons les formes, a beaucoup de rap- ports, par son aiguillon dentelé et par sa queue déliée,' avec la raie aigle, la pastenaque , la Ijmme, et que, d'un autre côté, elle se rapproche , par ses tubercules; de la raie sephen, dont j'ai découvert que la dépouille étoit apportée en France sous le nom àç peau de requin, pour j servir à fabriquer le plus beau galuchat, celui qui est à grains très -gros et très-aplatis. C'est donc entre la lymme et la seplien qu'il faut placer la raie que nous venons de faire connoître; et le caractère spécifique qui la sépare tant de l'aigle , de la paste- naque et de la Ijmme, que de la sephen, et de toutes les raies inscrites dans le troisième sous-genre, est le nombre des tubercules émaillés et très-durs, dont j'ai tiré le nom que je lui ai donné. Je n'ai pu juger de la couleur de d^iiç^ espèce, à cause I08 HISTOIRE NATURELLE. de l'état de dessèchement dans lequel étoit rindividu que j'ai vu , et qui a voit à peu près quatre décimètres de longueur. Elle vit dans les mers voisines de Cajenue ^ et l'individu que j'ai examiné, m'a été envoyé par le citojeu Lebloiid. RAIE ÉGLANTIER Le citoyen Bosc, connu depuis long-temps par îa variété de ses connoissances en histoire naturelle, par son zèle infatigable pour le progrès des sciences , et par sa manière habile et fidèle d'observer et de décrire, a eu l'attention de me faire parvenir, de l'Amérique septentrionale , des dessins et des descriptions de j)lu- sieurs poissons encore inconnus des naturalistes. Il a bien voulu me faire témoigner en même temps par notre confrère commun , le professeur Alexandre Bro- gniard , le désir de voir ce travail publié dans Y Histoire des poissons. J'ai accepté avec empressement l'offre agréable et utile du citojen Bosc. Je ferai donc usage, dans ce volume et dans le suivant , des descriptions qu'il m'a envoyées , ainsi que des dessins qu'il a faits lui-même, et qui ont été gravés avec soin sous mes yeux; et la raie églantier est un de ces poissons dont le public devra la connoissance à ce savant naturaliste. Le corps de la raie églantier présente à peu près L'i forme d'un rhomboïde dont toutes les parties sail- lantes seroient émoussées; il est parsemé d'épines trèj»- * Raja eglanteria. Eaja eglanteria. — Raja dentibus obfiisîs, corpore iliombeo, acuieato,. aculeis minulis, caudâ bipînnalâ, spinis nunieiosis muricatâ, — Habitat ia juari Américain alluente. Bosc, manuscj-iis cominuiiicjués^ l 10 HISTOIRE NATURELLE. courtes, souvent même peu sensibles, excepté sur le milieu du dos, où l'on voit une rangée longitudinale de petits aiguillons qui ont deux ou trois centimètres de longueur. Les veux sont saillans; l'iris est blanc; le museau obtus; la langue courte, large, lisse; la forme des dents plus ou moins arrondie; la queue presque aussi longue que le corps, et garnie de plusieurs rangs longitudi- naux d'épines recourbées de différentes grandeurs, €t dont les plus longues forment les trois rangées du milieu et des côtés. A l'extrémité de cette queue est une petite nageoire, auprès de laquelle on voit, sur la face supérieure de cette même partie de l'animal , une autre nageoire que l'on doit nommer dorsale, d'après tout ce que nous avons déjà dit, quoiqu'elle ne soit pas placée sur le corps proprement dit de la raie églantier. On compte cinq rajons à chaque nageoire ventrale. La raie que nous décrivons est d'une couleur bru- nâtre en dessus , et blanche en dessous. Elle est assez commune dans la baie de Charles-tow^n : elle j par- vient à un demi-mètre de largeur. D'après les traits de conformation que nous venons d'exposer, on ne sera pas étonné que , sur notre tableau méthodique, nous placions la raie églantier entre la raie tuberculée et la raie bouclée. FlS.Luj m. JWevi' Vfl J.etl.liAm Fabronu'nne.7>. RAllL 3anksienne . /i. . M OIVODA CTYLE Falc^fh'me LA RAIE FABRONIENNlî La raîe mo])nlar et la raie manatia ne sont pas les seules qui parviennent à une grandeur, pour ainsi dire, gigantesque : nous connoissous maintenant deux autres raies (pii présentent aussi de très -grandes dimensions , et qui d'ailleurs se rapprochent de la manatia et de la mobular par plusieurs traits de leur conformation , et particulièrement par un caractère dont on ne retrouve pas d'analogue sur les autres cartilagineux du même genre, (^es deux autres raies sont la fabronienne et la banksienne. Nous allons les faire connoitre successivement. Ln individu de la pre- mière de ces deux espèces a été pris dans la partie de la mer Méditerranée voisine de Livourne , et on le conserve maintenant dans le muséum de Florence. Nous en devons un dessin et une courte description à riiabile naturaliste et ingénieux phjsicien Fabroni , lun de ceux qui dirigent ce beau muséum de Toscane, ainsi qu'un des savans envojés à Paris par les gouvernemens étrangers pour j travailler, avec l'Institut national, à la fixation définitive des nouveaux poids et mesures de la république françoise ; et voilà pourquoi nous avons * Raja fabruDÎana. Raja vacca , aux eni>irons de Lii>ourne, t î 2 H r S 1^ O î Pv E NATURELLE cru devoir dooiier à cette espèce de cartilagineux le nom de raie fah rouie nue , qui e?iprimera notre recon- noissance. L'individu qui fait partie de la collection de Florence, a quatre mètres, ou environ, d'envergure, cest-à-dire, depuis la pointe d'une nageoire pectorale jusqu'à celle de l'autre nageoire latérale. L'espace com- pris entre le bout du museau et l'origine de la queue est à peu près de deux mètres. L'envergure est donc plus que double de la longueur du corps proprement dit , tandis que ces deux dimensions sont égales dans la mobular*, celle de toutes les raies avec laquelle on pourroit être le plus tenté de confondre la fabronienne. Chaque nageoire pectorale est d'ailleurs très-étroite, et la base du triangle que présente sa surface, au lieu de s'étendre depuis la tête jusqu'au commencement de Ja queue, ainsi que sur la mobular, ne s'étend que jusque vers le milieu de la longueur du corps. Le bord antérieur de chaque nageoire latérale est d'ailleurs convexe, et le bord postérieur concave ; ce qui est diffé- rent de ce qu'on voit dans la mobular, où le bord de devant et le bord de derrière de la nageoire pectorale présentent l'un et l'autre une convexité auprès du corps, et une concavité auprès de la pointe de la nageoire: Lorsqu'on regarde la fabronienne par -dessous, on apperçoit deux nageoires ventrales et deux portions de * On lit dans l'article de la mobular, que la face antérieure de chaque nageoire pectorale a six pieds de longueur: c'est une faute typographique} il faut lire ]nas de trois pieds. DES POISSONS. I 1 3 la nageoire de l'anus; lorsque la mobular est également vue par-dessous, les nageoires ventrales cachent une portion des nageoires pectorales, et on ne distingue pas de nageoire de Fanus. La queue ajant été tronquée, par un accident parti- culier, dans l'individu de la collection de Toscane, nous ne pouvons rien dire sur la forme de cette partie dans la raie fabronienne. Mais ce qui mérite particulièrement l'attention des iiaturalistes , c'est que le devant de la tête de la fabro- nienne est garni, comme le devant de la tête de la mobular et de la manatia , de deux appendices longs , étroits et mobiles, qui prennent naissance auprès des orbites des 3 eux, et que l'on a comparés à des cornes. Chacun de ces appendices a quarante-cinq centimètres, ou environ, de longueur, à compter de l'orbite, et par conséquent à peu près le quart de la longueur du corps et de la tête considérés ensemble ; il est donc beaucoup plus court, à proportion des autres parties de l'animal, que les appendices de la mobular, lesquels ont de longueur près du tiers de celle de la tête et du corps réunis. D'après le dessin qui m'a été remis , et une note écrite sur ce même dessin, les deux appendices de la fabro- nienne sont deux espèces à'ailero/is ou de nageoires , composés de plusieurs portions cartilagineuses réunies par des membranes ou d'autres parties molles , orga- nisés de manière à pouvoir se déplojer comme uu TOME II. i5 114 HISTOIRE NATURELLE. éventail, et servant à l'animal non seulement à tâter devant lui, mais encore à approcher sa nourriture de, sa bouche. Voilà donc dans la mobular, dans la manatia , et dans la fabronienne , une conformation particulière que nous allons retrouver dans la banksienne ,* mais que nous ne connoissons dans aucune autre espèce de poisson, un organe particulier du toucher, un instru- ment remarquable d'appréhension , une sorte de main propre à saisir les objets avec plus ou moins de facilité; et cette faculté extraordinaire attribuée à ces appen- dices si dignes par-là de l'observation des physiolo- gistes , est une nouvelle preuve de l'instinct supérieur qui, tout égal d'ailleurs , nous a paru devoir appartenir aux raies qui offrent ces protubérances. Au reste , la grandeur de la raie que nous décri- vons, et la ressemblance vague des cornes des rumi- ïians , avec de grandes portions saillantes placées sur la tête, alongées , un peu cylindriques, et souvent conjtournées , ont fait donner à la fabronienne le nom de raie vache par plu3ieurs pêcheurs des cotes de la Toscane. LA RAIE BANKSIENNE*. Le célèbre naturaliste Fabroni ajant adressé au che- valier Banks , président de la société de Londres , une lettre relative à la raie que nous venons de décrire , cet illustre savant lui fit parvenir, avec sa réponse, une notice et un dessin d'une autre grande raie remar- quable comme la mobular, la manatia et la fabro- nienne , par de longs appendices placés sur le devant !de la tête. Fabroni a bien voulu mettre à ma disposi- tion ce dessin et cette notice ; et en m'en servant pour le complément de l'histoire des cartilagineux, je me suis empressé de distinguer cette raie par le nom de hanksicnne , afin de donner un témoignage public de la gratitude qu'ont inspirée à tous les amis de l'huma- nité , les progrès que le respectable président de la société de Londres a fait faire aux sciences naturelles, et les marques d'estime qu'il n'a cessé de donner, dans toutes les circonstances, à ceux de mes compatriotes qui se sont dévoués comme lui au perfectionnement des connoissances humaines. La banksienne n'a point de nageoire sur le dos, ni au bout de la queue ; cette conformation la sépare de la mobular et de la manatia. Elle en est aussi séparée * Raja banksiana. Il6 HISTOIRE NATURELLE par d'autres caractères. Chaque nageoire pectorale 9 plus longue que le corps proprement dit , est plus étroite encore dans la plus grande partie de son éten- due et relativement aux différentes dimensions des autres parties de l'animal , que les nageoires pectorales de la fabronienne 3 elle représente un triangle isoscèle, dont la base repose sur un des côtés du corps à une distance a peu près égale de la tête et de la queue , et dont le sommet est aussi à peu près également éloigné de la queue et de la tête. Les jeux , au lieu d'être situés sur les côtés de la tête, comme dans la fabronienne, lamanatia et la mobular, sont placés sur la surface supérieure de cette partie de la raie. On voit trois taches longues, étroites, longitu- dinales 5 inégales et irrégulières , derrière les jeux 5 trois autres semblables auprès de l'origine de la queue, et deux autres également semblables auprès de la base de chaque nageoire pectorale. Le chevalier Banks dit dans sa note manuscrite, que le dessin de l'animal lui est parvenu des Indes orien- tales, que les marins donnent à cette raie le nom de diable de mer, et qu'elle parvient à un volume si con- sidérable, qu'un individu de la même espèce, pris sur les côtes de la Barbade , n'a pu être tiré à terre que par le mojen de sept paires de bœufs. C'est la réunion d'une grandeur peu commune , d une force analogue , et d'une tête en apparence cornue, qui aura fait nommer la banjisienne diabh de mer, aussi-bien que ia mobular. DES POISSONS. 117 Au reste, il paroît (jiic la manatia et la banksieniie ii'out encore été observées que dans les mers chaudes de rancien ou du nouveau continent , pendant qu'on a péché la mobular et la fabronienne près des rivages septentrionaux de la mer Méditerranée. Dans le dessin envojé par le chevalier Banks , on voit un barbillon, ou très-long filament, à l'extrémité de chacun des appendices de la tête ; on a même repré- senté un petit poisson embarrassé et retenu par la raie au milieu de plusieurs contours de l'un de ces filamens. Mais Banks pense que ces barbillons déliés n'ont jamais existé que dans la tête du dessinateur. Nous partageons d'autant plus l'opinion de ce savant, que le dessin qu'il a envojé au phjsicien Fabroni n'a pas été fait sur l'ani- mal tiré à terre et observé avec facilité , mais sur ce poisson nageant encore auprès de la surface delà mer; et voilà pourquoi nous avons désiré qu'on retranchât ces filamens dans la copie de ce dessin que nous avons fait faire ; voilà pourquoi encore nous n'avons choisi , pour désigner cette espèce , que des caractères sur lesquels il est impossible à un œil un peu attentif de se méprendre même au travers d'une couche d'eau assez épaisse, et sur-tout quand il s'agit d'un poisson en quelque sorte gigantesque. Quoi qu'il en soit, si ôqs observations exactes infirment ce que l'on doit être porté à conclure de l'inspection du dessin transmis par Banks à Fabroni, il sera très-aisé, d'après ce que nous avons dit au sujet de la mobular, de la manatia et de la fabronienne. Il8 HISTOIRE NATURELLE. d'indiquer les véritables traits distinctifs de la grande raie à appendices, dont on a fait parvenir au président de la société de Londres un dessin fait dans les Indes orientales, ou de la rapporter à la fabronienne, ou à la manatia, ou à la mobular. s U P P L É M E N T AU TABLEAU DU GENRE DES SQUALES. PREMIER SOU S- GENRE. Une nageoire de Tamis, sans agents. ESPECE. 3. Le squale pointillé. ( Squalus punctulatus.) CARACTÈRES. "De petits points blancs sous le corps et sous la queue; la couleur de la partie inférieure de l'animal plus foncée que celle delà partie i. supéiieure. LE SQUALE POINTILLÉ C'est le citoyen Leblond, vojagenr naturaliste, qui nous a fait parvenir de l'Amérique méridionale un individu de cette espèce. Ce squale pointillé habite, comme la raie tuberculée, les mers voisines de la Guiane. Ce cartilagineux a une nageoire de l'anus, et n'a point d'évents. Il appartient donc au premier sous- genre des squales; et il est aisé de voir par ce que nous allons dire de sa forme extérieure, combien il diffère des espèces déjà comprises dans ce sous-genre , où il faudra le placer entre le squale très«grand et le squale glauque. Sa tête est déprimée, et très-arrondie par-devant; ses dents sont conformées comme celles du squale roussette ; on voit de chaque coté cinq ouvertures branchiales; les nageoires pectorales sont assez grandes, et la partie antérieure de leur base est presque aussi avancée vers le museau que la troisième ouverture des branchies. Les nageoires ventrales sont séparées Tune de l'autre ; la première nageoire dorsale est placée au- dessus des ventrales, la seconde plus près de la tète que celle de l'anus, et le lobe inférieur de la caudale, très-échancré. * Squalus punctulatus. HISTOIRE NATURELLE. I2l On voit lui roux viniforme sur le dessus du corps et de la queue; et la partie inférieure de l'animal présente un fauve plus foncé, parsemé de petits points blancs, qui nous ont indique le nom que nous avons cru devoir préférer pour ce cartilagineux. Au reste, nous devons prévenir que de chaque coté de la tête, et auprès de l'endroit où un évent auroit pu avoir une ouverture , nous avons apperçu une dépres- sion presque imperceptible , qui , malgré un examen attentif, ne nous a montré aucun orifice , mais que l'on voudroit peut-être considérer comme l'extrémité d'un évent proprement dit. Nous ne crojons pas que l'on dût adopter cette opinion, dont nous ne pouvons? pas cependant démontrer le peu de fondement , parce que le citoyen Leblond n'a envojé au Muséum national d'histoire naturelle qu'une simple dépouille d'un squale pointillé. Mais quand bien même le cartilagi- neux que nous venons de décrire , auroit des évents ; et qu'il fallût le transporter, si je puis m'exprimer ainsi , du premier sous-genre dans le second , il n'en appartiendroit pas moins à une espèce encore incon- nue aux naturalistes. Il faudroit l'inscrire après le squale isabelle, avec lequel il auroit des rapports d'au- tant plus grands , que la première nageoire dorsale de l'isabelle s'élève , comme celle du pointillé , au- dessus des ventrales. Il différeroit néanmoins de ce même poisson, en ce que les ouvertures des évents de l'isabelle sont très - grandes , pendant que celles du TOME II. 16 12.2 HISTOIRE NATURELLE. pointillé seroient au moins très- petites. D'ailleurs l'isabelle a une ligne latérale très-sensible. Il présente sur la partie inférieure du corps et de la queue une couleur beaucoup plus claire que celle du dos, tandis que, par une disposition de nuances très -rare sur les animaux , et particulièrement sur les poissons , la cou- leur de la partie inférieure de la queue et du corps du pointillé est plus foncée que la teinte des parties supérieures de ce dernier squale. Il n'a point de petites taches sur le ventre, comme le pointillé 3 il en montre de plus ou moins grandes sur le dos, où la couleur du pointillé est au contraire très -uniforme 5 et enfin on. la'a vu jusqu'à présent l'isabelle que dans quelques portions de la mer Pacifique» SUPPLÉMENT A L'ARTICLE DU SQUALE RENARD. Il nous paroît utile , pour faire bien connoître cette espèce très-remarquable de squale, de donner ici l'ex- trait d'une notice que nous avons reçue du citojen Noël deRouen.Cetobservateur, dont les naturalistes estiment depuis long-temps le zèle éclairé et la sévère exacti- tude, a pu décrire, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, un très-grand individu mâle de cette espèce, qui avoit échoué à Dieppe sur le sable, le premier frimaire de l'an 8 de l'ère françoise. La longueur totale de cet énorme poisson étoit de 484 centimètres , ou quinze pieds; et sa circonférence dans l'endroit le plus gros du corps, de 162 centimètres, ou cinq pieds. Un gris nuancé de bleuâtre distinguoit la partie supérieure de l'animal , de l'inférieure qui étoit blanchâtre. La iète étoit noirâtre; la langue arrondie, grasse , ferme; l'œil très-mobile dans son orbite, et dénué non seulement de membrane clignotante , mais encore de voile formé par une continuation de la peau. Deux lobes compo- sbient la nageoire caudale: le supérieur avoit 284 cen- timètres de longueur, et 32 centimètres de hauteur, 1^4 HISTOIRE NATURELLE ainsi que 8 centimètres d'épaisseur , à l'endroit où il se séparoit du lobe de dessous. Le cœur, composé d'une oreillette et d'un ventricule, présentoit la forme d'un triangle alongé^ les cinq bran- chies de chaque coté étoient longues , attachées à sepfe cartilages très-forts , et d'un rouge foncé après la mort de l'animaL Un œsophage très-extensible précédoit l'estomac, sur la tunique intérieure duquel on vojoit de petits glo- bules blanchâtres. La figure du foie, qui ofFroit deux lobes, ressembloit un peu à celle d'une fourche , ou d'un Y grec. Le diaphragme étoit triangulaire , et chacun des «deux reins noirâtre. Les vaisseaux spermatiques régnoient le long de la région de l'épine du dos; on appercevoit les testicules dans le fond de l'abdomen; et des deux lobes qui formoient la laite, le droit a voit i3 décimètres de longueur, sur 3 décimètres de largeur, et pesoit i3 kilogrammes ; et le gauche , qui pesoit 9 kilogrammes ^ étoit long de 108 centimètres.. Dimensions de plusieurs parties du squale renard ^ décrit par le citoyen Noël, cemiinèN Depuis le bout du museau jusqu'à l'ouverture de la bouche, 1 1 jusqu'à l'œil, la jusqu'à la partie antérieure de la nageoire dorsale, 118' jusqu'à l'une des deux pectorales , 64 I f DES POISSONS. 125 ccmimtt, De la partie postérieure de l'une des pectorales, à ki ven- trale correspondante, G'j De la partie postérieure de l'une des ventrales, à Torigine du lobe inférieur de la première nageoire caudale, 53 Largeur de l'ouverture de la bouche, 20 Diamètre de l'œil, 5 Longueur de l'ouverture des narines. Hauteur de la première nageoire dorsale , 3^ Longueur de chacune des deux nageoires pectorales, yii Longueur de la nageoire de l'anus, 7 Longueur du lobe inférieur de la nageoire caudale, 21 Longueur du cœur, 18 Largeur du cœur, 10 Longueur de l'œsophage , ^7 Longueur de l'estomac, 76 Largeur de l'estomac, 18 Longueur du grand lobe du foie. Sa Longueur du j)etit lobe du foie , 2,4 Longueur de la vésicule du fiel, 16 Largeur de la vésicule du fiel^, 8 Longueur de la rate, So Largeur de la rate, 3 Longueur du rectum, 100 Longueur de l'un des reins, 100 Largeur de chacun des testicules , mesuré à sa base , 3i SUPPLEMENT A L' A R T I C L E DU SYNGNATHE TUYAU. Nous avons vu que le syngnathe tujau habitoit dans des mers très-éloignées l'une de l'autre , et particuliè- rement dans la Caspienne , auprès des rivages de la Caroline, et dans les environs du cap de Bonne-Espé- rance. Nous avons reçu du citojen Noël de Rouen , plusieurs individus de cette même espèce de sjngnathe, qui avoient été péchés auprès de Fembouchure de la Seine. «Les tujaux, nous écrit cet estimable observa- « teiir , sont pêches sur les fonds du Tôt, de Quille- ce beuf, de Berville , deGrestain». On les prend avec des guide aux , sorte de filet dont nous parlerons à l'ar- ticle du gade colin. Le citojen Noël les a nommés aiguillettes , ou petites aiguilles, parce qu'ils ne par- viennent guère , près des côtes de la Manche , qu'à la longueur de deux décimètres. Le corps de ces poissons représente une sorte de prisme à sept faces; mais les trois pans supérieurs se réunissent auprès de la nageoire dorsale, et les deux inférieurs auprès de l'anus, de manière que la queue proprement dite n'offre que HISTOIRE N A T U II E L L E. ï 27 quatre faces longitudinales. La couleur de ces cartila- gineux est d'un gris piile, verdatre dans leur partie supérieure , et d'un blanc sale dans leur partie infé- rieure. Le citojen Noël a vu dans l'œsophage d*un de ces animaux une très- petite chevrette, (pii , malgré son peu de volume, en remplissoit toute la capacité, et n'avoit pu être introduite par l'ouverture de la bouche qu'après de très -grands efforts. Il a trouvé aussi dans chacune de deux femelles qu'il a disséquées, une quarantaine d'œufs assez gros , relativement aux dimensions de l'animal. :a POISSONS OSSEUX. Lorsque nous avons, par la pensée, réuni autour de nous les diverses espèces de poissons qui peuplent les mers ou les eaux douces du globe , lorsque nous les avons contraintes, pour ainsi dire, à se distribuer en difFérens grouppes, suivant l'ordre des rapports qui les distinguent , nous les avons vues se séparer en deux immenses tribus. D'un côté ont paru les poissons carti- lagineux; de l'autre, les osseux. Nous nous sommes occupés des premiers; examinons avec soin les seconds. Nous avons assez indiqué les différences qui les séparent; exposons donc, au moins rapidement, les ressemblances qui les rapprochent. Elles sont grandes, en effet, ces ressemblances qui les lient. Les formes extérieures, les organes intérieurs, les armes pour attaquer, les bou- cliers pour se défendre, la puissance pour nager, l'ap- pareil pour le vol, et jusqu'à cette faculté invisible et terrible de faire éprouver à de grandes distances des commotions violentes et soudaines, tous ces attributs que nous avons remarqués dans les cartilagineux , nous allons les retrouver dans les osseux. Nous pouvons, par exemple , opposer aux pétromjzons et aux. gas- trobranches , les cécilies , les murènes , les ophis ; aux raies , les pleuronectes ; aux squales , les ésoccs ; aux acipeusères , les loricaires ; aux sjnguathes , les HISTOIRE NATURELLE. 129 fîstulr.ires; aux pc'gases , les triglcs et les exocets; aux torpilles et au tétro(!oii électriciue, le gjmnote et le silure , également électriques ou engourdissans. A la vérité, les diverses conforinatioiis des cartilagineux ne se remontrent dans les osseux qu'altérées , accrues , diminuées, ou du moins différemment combinées ; mais elles reparoissent avec un assez grand nombre de leurs premiers traits , pour qu'on les reconnoisse sans peine- Elles annoncent toujours l'identité de leur origine; elles attestent l'unité du modèle d'après lequel ]a Nature a façonné toutes les espèces de poissons qu'elle a répan- dues au milieu des eaux. Et que ce tjpe de la vitalité et de l'animalité de ces innombrables animaux est digne de l'attention des philosophes ! Il n'appartient pas, en effet, exclusivement à la grande classe dont nous cherchons à dévoiler les propriétés: son influence irrésistible embrasse tous les êtres qui ont reçu la sensibilité. Bien plus, son image est empreinte sur tous les produits de la matière organisée. La Nature n'a, pour ainsi dire, créé sur notre globe qu'un seul être vivant, dont elle a ensuite multiplié des copies plus ou moins modifiées. Sur la planète que nous habitons, avec la matière brute que nous foulons aux pieds , au milieu de l'atmosphère qui nous environne , à la distance où nous sommes placés des difiérens corps célestes qui circulent dans l'espace, et sous l'empire de cette loi qui commande à tous les corps et les fait sans cesse graviter les uns vers les autres , il uy avoit TOME H. 17 l3o HISTOIRE NATURELLE peut-être qu'un mojen unique de départir aux agré- gations de la matière la force organique, c'e.st-à-dire, le mouvement de la yie et la chaleur du sentiment. Mais comme cette cause première présente une quantité infinie de degrés de force et de développement, et que par conséquent elle a donné naissance à un nombre incalculable de résultats produits par les diflerentes combinaisons de cette série immense de degrés , la Nature a pu être aussi admirable par la variété des détails qu'elle a créés, que par la sublime simplicité du plan unique auquel elle s'est asservie. C'est ainsi qu'en parcourant le vaste ensemble des êtres qui s'élèvent au-dessus de la matière brute, nous voyons une diver- sité , pour ainsi dire, sans bornes, de grandeurs, de formes et d'organes, devenir, par une suite de toutes les combinaisons qui ont pu être réalisées, le principe et le résultat d'une intussusception de substances très- divisées, de l'élaboration de ces substances dans des •vaisseaux particuliers, de leur réunion dans des canaux plus ou moins étendus, de leur mélange pour former un liquide nutritif. C'est ainsi qu'elle est la cause et l'effet de l'action de ce liquide , qui , présenté dansua état de division plus ou moins grand aux divers Huides que renferment l'air de l'atmosphère, ou feau des rivières et des mers, se combine avec celui de ces fluides vers lequel son essence lui donne la tendance la plus forte, en reçoit des qualités nouvelles, parcourt toutes les parties susceptibles d'accroissement ou de conser- DES POISSONS. l3l vatloii, maintient dans les fibres Firritabilité à laquelle il doit son mouvement, devient souvent, en termi- nant sa course plus ou moins longue et plus ou moins sinueuse, une nouvelle substance plus active encore, donne par cette métamorphose ' à l'être organisé le pouvoir de sentir, ajoute à la faculté d'être mu celle de se mouvoir, convertit une sujétion passive en une volonté efficace , et complète ainsi la vie et l'animalité. Nous venons de voir que les mêmes formes exté- rieures et intérieures se présentent dans les poissons cartilagineux et dans les poissons osseux : les résultats de la conformation prise dans toute son étendue doivent donc être à peu près les mêmes dans ces deux sous- classes remarquables. Et voilà pourquoi les osseux nous offriront des habitudes analogues à celles que nous avons déjà considérées en traitant des cartilagineux , non seulement dans la manière de venir à la lumière , mais dans celle de combattre , de fuir, de se cacher , de se mettre en embuscade, de se nourrir, de rechercher les eaux les plus salutaires, la température la plus convenable , les abris les plus sûrs. Voilà pourquoi encore nous verrons dans les osseux, comme dans les cartilagineux, l'instinct se dégrader à mesure que des formes très -déliées et un corps très-alongé seront remplacés par des proportions moins propres à une grande variété de mouvemens , et sur -tout par un aplatissement très -marqué. Nous verrons même ce décroissement de l'intelligence conservatrice, dont nous iSâ HISTOIRE NATURELLE avons déjà parlé *, se montrer avec bien plus de régu- larité dans les poissons osseux que dans les cartilagi- neux, parce qu'il nj est pas contre-balancé, comme dans plusieurs de ces derniers, par des organes parti- culiers propres à rendre à l'instinct plus de vivacité que ne peuvent lui en ôter les autres portions de Tor- ganisation. En continuant de considérer dans tout leur ensemble les osseux et les cartilagineux , nous remarquerons que les premiers comprennent un bien plus grand nombre d'espèces rapprochées de nos demeures par leurs habi- tations, de nos besoins par leur utilité, de nos plaisirs par leurs habitudes. C'est principalement leur histoire qui , entraînant facilement la pensée hors des limites et des lieux et des temps, rappelle à notre esprit, ou, pour mieux dire, à notre cœur attendri, et les ruis- seaux, et les lacs, et les fleuves, et les jeux innocens de Fenfance, et les jojeux amusemens d'une jeunesse aimante sur les bords verdojans de ces eaux roman- licjues. On ébranle vivement l'imagination en peignant l'immense Océan qui soulève majestueusement ses ondes , et les flots tumultueux mugissant sous la vio- lence des tempêtes , et les énormes habitans des mers resplendissans au milieu de l'éclatante lumière de la zone torride , ou luttant avec force contre les énormes montagnes de glace des contrées polaires : mais on * Discours sur la nature des poissons. DES POISSONS. l33 émeut profondément Tame en Jni retraçant la sur- face Iranquille (Fini lac i\u[ rcilcchit la clarté mé- lancolique (le la lune , ou le murmure léger d'une rivière paisible qui serpente au milieu de bocages sombres, ou les mouvemens agiles, les courses rapides, et , pour ainsi dire , les évolutions variées de poissons argentés , qui , en se jouant au milieu d'un ruisseau limpide , troublent seuls le silence et la paix d'une rive ombragée et solitaire. Les premiers tableaux sont pour le génie ; les seconds appartiennent à la touchante sensibilité. aaabaBMMaair' SECONDE SOUS-CLASSE. POISSONS OSSEUX. Les parties solides de T intérieur du corps , osseuses; PREMIÈRE DIVISION. Poissons qui ont un opercule et une membrane des branchies. DIX- SEPTIEME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, o u PREMIER ORDRE DE LA PREMIÈRE DIVISION DES OSSEUX. Poissons apodes, ou qui n ont pas de nageoires inférieures entre le museau et Vanus. VINGT-UNIÈME GENRE. LES CÉCILIES. Point de nageoires , V ouverture des branchies sous le cou, ESPÈCE. CARACTÈRES. ILecorpsanguilliforine; le museau très-pointu; les dents aiguës ; huit petits trous sur le de- vant de la tête, sept sur le sommet de cette même partie , sept sur l'occiput. LA CÉCILIE BRANDÉRIENNE *. Nous avons dû nous déterminer d autant plus aisé- ment à placer les cécilies dans un genre différent de toutes les autres familles de poissons osseux, et parti- culièrement des murènes, parmi lesquelles elles ont été inscrites, qu'elles présentent un caractère distinctif des plus remarquables : elles n'ont absolument aucune sorte de nageoire; et ce défaut constant est d'autant plus digne d'attention, que pendant long-temps on a regardé la présence de plusieurs nageoires , ou au moins d'une de ces parties, comme une marque carac- téristique de la classe des poissons. Cette absence totale de ces organes extérieurs de mouvement sufïiroit même pour séparer les cécilies de tous les poissons cartilagineux, puisqu'elle n'a encore été observée sur aucun de ces derniers animaux, ainsi qu'on a pu s'en convaincre en lisant leur histoire. D'ailleurs on n'a pas encore découvert un organe de la vue dans les cécilies relies en paroissent entièrement privées ; et par cette cécité , elles s'éloignent non seulement de pres(jue tous les poissons, mais même de presque tous les ani- maux vertébrés et à sang rouge, parmi lesquels on ne * Cu'cllia branderiana. Murtena Ccfca. Linné, édition de Gindîu. Murène aveugle. L o n nul erre ^ plandies de VEiicjclopédie méihodi^]!.e. ï36 histoirenAturelle connoît encore qu'un mammifère nommé typhle , et le genre des cartilagineux nommés î^astrobranc lies, qui aient paru complètement aveugles. C'est donc avec les gastrobranches qu'il faut particulièrement comparer les cècilies. D'autres rapports que celui de la privation de la vue , les lient d'assez près. Les ouvertures des branchies sont placées sous le corps, dans ces deux genres; mais dans les gastrobranches elles sont situées sous le ventre, pendant que dans les cècilies on les voit sur la partie inférieure du cou. Ces deux familles ont le corps très-alongé, cjlindrique, serpentiforme , souple comme celui des murènes, enduit d'une humeur abondante; et on distingue aisément sur la tète des cècilies les principales ouvertures par lesquelles se répand cette viscosité. Dans la seule espèce de ce genre décrite jusqu'à présent, on remarque aisément huit pores ou petits trous sur le devant de la tête , sept au sommet de cette même partie, et sept autres sur l'occiput : ces vingt-deux orifices sont certainement les extrémités des vaisseaux destinés à porter à la sur- face du corps la liqueur onctueuse propre à la ramollir et à la lubrifier. Cette même espèce dont Linné a dû la première connoissance à Brander, et que nous avons cru devoir en conséquence nommer la brandcrienne , a les mâchoires très-avancées , et garnies de dents très- aiguës j c'est au-dessous de son museau, qui est très- pointu , que l'on voit de chaque côté , au bout d'un très-petit tube, l'ouverture des narines; et de plus^ DES POISSONS. 187 Taniis est plus près de la tête que de rextrémité de la queue. Cette cécilie vit dans les eaux de la Méditer- ranée , auprès des côtes de la Barbarie , où elle a été observée par Brander. Nous n'avons pas vu cette espèce. Nous soupçonnons qu'elle n'a ni opercule ni membrane des branchies. Si notre conjecture à cet égard étoit fondée , il faudroit ôter les cécilies de la place que nous leur avons donnée dans le tableau général, et les transporter de la tête du premier ordre de la première division des osseux, au premier rang du premier ordre de la quatrième division de ces mêmes osseux. TOME II. 18 yiNGT-DEUXIÈME GENRE. LES MONOPTÈRES. 'Point d* autre nageoire que celle de la queue ; les ou^er^ tures des narines placées entre les yeux. ESPÈCE. ' CARACTÈRES. Le monoptère JAVANOis.r£e corps plus long que la queue, et dénu# { Monopterusjamnensis.) \ d'écailles facilement visibles. LE MONOPTÈRE JAVANOIS*. Ce poisson n'est pas entièrement privé de nageoires, comme la cécilie brandérienne; niais il n'en a qu'à la queue , et même l'extrémité de cette partie est une sorte de pointe assez déliée, autour de laquelle on napperçoit qu'à peine la nageoire caudale. C'est de ce caractère que nous avons tiré le nom àe monoptère , ou de poisson d une seule nageoire, que nous avons donné au genre non encore connu des naturalistes , dans lequel nous avons inscrit le javanois; et cette dénomination de javanois indique le pajs qu'habite l'espèce dont nous allons décrire rapidement les formes. Cette espèce se trouve en effet dans le détroit de la Sonde, auprès des côtes de l'isle de Java : elle j a été vue par Commerson, auquel nous devons d'être instruits de son existence, et qui a laissé dans ses manuscrits des observations très-détaillées au sujet des formes et des dimensions de cet animal, qu'il avoit rapporté au genre des anguilles ou des congres, parce qu'il n'a voit pas fait attention au caractère tiré du nombre des * Monopterus javanensis. Conger sive anguilla, desuper è livîdo nîgTÎcans, subteriùs ferruginea, candâ pinnatâ, apice subnudiiisculo peracuto, naribusin oculorum interca- pedine. Manuscrits de Commerson, cinquième cahier de descriptions zoo- logiques j 1768. 1JJ.O HISTOIRE NATURELLE nageoires. Elle j est très -bonne à manger, et si nombreuse en individus, qne chaque jour les naturels du pa^s apportoient une très-grande quantité de ces monoptères javanois au vaisseau sur lequel étoit Commerson. Son goût doit ressembler beaucoup à celui âes murènes, dont elle a en très-grande partie la con- formation et particulièrement le corps serpentiforme , visqueux, et dénué decailles facilement visibles. La tète est épaisse, comprimée, bombée cependant vers l'occiput, et terminée en devant par un museau arrondi. L'ouverture de la bouche est assez grande: la mâchoire supérieure n'avance guère au-delà de l'inférieure ; elles sont toutes les deux garnies de délits courtes et serrées comme celles d'une lime ; et une rangée de dents semblables est placée dans l'intérieur de la gueule , tout autour du palais. La base de la langue, qui est cartilagineuse et creusée par -dessous en gouttière, présente deux tubercules blanchâtres. Les ouvertures des narines ne sont pas placées au haut d'un petit tube; on ne les voit pas au-devant des jeux, comme sur le plus grand nombre de poissons, mais au-dessus de ces mêmes organes. L'opercule des branchies, mol- lasse et flasque, paroît comme une duplicature de la peau; la membrane branchiale n'est soutenue que par trois rajons, que l'on ne distingue qu'en disséquant cette même membrane : les branchies ne sont qu'au nombre de trois dé chaque côté ; les os qui les sou- tiennent sont très-peu courbés, et ne montrent, dans DES POISSONS. 141 leur cote concave, aucune sorte de denticulc ni cFas- périté. Si la nageoire caudale renferme des rajons, ils sont imperceptibles, tant que cette nageoire n'est pas altérée ; et comme la queue est très-comprimée, cette dernière partie ressemble assez à une lame d'épée à deux tranchans. La ligne latérale , plus rapprochée du dos que du ventre , s'étend depuis les branchies jusqu'à l'extrémité de cette même queue; elle est presque de la couleur de l'or. Le dos est d'un brun livide et noirâtre; les côtés présentent la même nuance , avec de petites bandes transversales couleur de fer : cette dernière teinte s'étend sur tout le ventre , qui est sans tache. La longueur des monoptères javanois est ordinairement de près de sept décimètres; leur circonférence, dans l'endroit le plus gros de leur corps, d'un décimètre; et leur poids, de plus d'un hectogramme. VINGT-TROISIEME GENRE. LES LEPTOCÉPHALES. Point de nageoires pectorales ni caudales ; V ouverture des branchies, située en partie au-dessous de la tête, ESPÈCE. CARACTÈRES. T , |Le corps frès-alongé et comprimé î les na- Le LEPTOCEP. MORRISIEN.I .^ , , ^, , > , , , 7 / . . si geoires du dos et de lanus, tres-loneues et ( Leptocepnalt mornsiaîius. ) 1 , , . I tres-etroites. LE LEPTOCÉPHALE MORRISIEN *. Cette espèce est la seule que Ton connoisse dans le genre des leptocéphales. Elle n'est point entièrement privée de nageoires, comme les céciliesj elle n'est pas réduite à une seule nageoire, comme les monoptères: mais elle n'a point de nageoire de la queue, ni même de nageoires pectorales 3 elle ne présente qu'une na- geoire dorsale et une nageoire de l'anus , toutes les deux très-longues, mais très - étroites , et dont l'une garnit presque toute la partie supérieure de l'animal , pendant que l'autre s'étend depuis l'anus jusque vers l'extrémité de la queue. Le morrisien se rapproche encore des cécilies par la position des ouvertures branchiales, qui sont situées en partie au-dessous de la tête. Son corps n'est cependant pas cylindrique comme celui des cécilies ; il est très-comprimé laté- ralement; et comme ses tégumens extérieurs sont minces, mous et souples, ils indiquent par leurs plis le nombre et la place des difierentes petites parties * Leptocephalus morrisîanus. Leplocephalus Movrisil. Linné, éâîlion de Gmelin, Gronov. Zooph. n. 409 , tab, i?)jfig. 3. JB;77. y-oolog. 3, p. 125. Petite (été, hameçon de mer. Bonnaterre, planches de VEncyclvpcdie Tnéthodiiju&y 144 HISTOIRE NATURELLE. musculaires qui composent les grands muscles du dos, des côtés, et du dessous du corps. Ces plis ou ce& sillons sont transversaux, mais inclinés et trois fois coudés , de telle sorte qu'ils forment un double rang longitudinal d'espèces de chevrons brisés , dont le som- met est tourné vers la queue. Ces deux rangées sont situées l'une au-dessus et l'autre au-dessous de la ligne latérale, qui est droite, et qui règne d'un bout a l'autre du corps et de la queue, à ime distance à peu près égale du bord supérieur et du bord inférieur du pois^ son; et chacun des chevrons brisés de la rangée d'euf haut rencontre, le long de cette ligne latérale, un de ceux de la rangée d'en-bas, en formant avec ce dernier un angle presque droit. La tête est très-petite , et comprimée comme le corps, de manière que l'ensemble du poisson ressemblant assez à une lame mince, il n'est pas surprenant que l'animal ait une dejni-transparence très-remarquable. Les jeux sont gros ; les dents qui garnissent les deux mâchoires, \ très-petites. Les individus les plus grands n'ont guère plus de douze centimètres de longueur. Ou trouve les leptocéphales dont nous nous occupons, auprès de la (Cote de lîolyheacl, et d'autres rivages de la Grande^ Bretagne; et on leur a donné le nom qu'ils portent, à cause du savant Anglois Morris, qui Içs a observé^ avec soin. VINGT-QUATRIÈME GENRE. LES GYMNOTES. Des nageoires pectorales et de Pani/s; point de nageoires du dos ni de la queue. PREMIER SOUS-GENRE. La mâchoire inférieure plus avancée: ESPÈCES. CARACTERES. - , i-La tête parsemée de petites ouvertures ; la ï. Le GYMN. ELECTRIQUE.! T . „ ,\^ i » • »- i> ,„ , . \ < nageoire de l'anus s'etendant jusqu a 1 ex- ( Lryinnotiis cLectricus. ) \ l trémité de la queue. 2. Le GYMNOTE PUTAOL.fLa iéie petite; la queue courte; des ralesi ( Gymnotiis jiutaol. ) ^ transversales. 3. Le GYMNOTE BLANC. /Deux lobcs à la lèvre supérieure; la couleur {^Gjmnotus albiis.) (_ blanche. SECOND SOUS-GENRE; La mâchoire supérieure plus avancée. ESPÈCES. CARACTÈRES. 4. Le GYMNOTE CARAPE.jLa nageoire de l'anus étendue presque jus- {Gjmiiotus carapo.) \ qu'à l'extrémité de la queue. Une saillie sur le dos; la nageoire de l'anus ne s'étendant pas jusqu'à l'extrémité de la queue. Le museau tvès-alongé; la nageoire de l'anus ne s'étendant pas jusqu'à l'extrémité de la queue. TOME II. 19 5. Le GYMNOTE FIERASFER. ( Gjmnotiis fierasfer.) 6. Le GYMN. LONG-MUSEAU. ( Gjmiiotus longirostratus.) LE GYMNOTE ÉLECTRIQUE Il est bien peu d'animaux que le phjsicien doive observer avec plus d'attention que le gjmnote auquel on a donné jusqu'à présent le nom ^électrique. L'ex- plication des effets remarquables qu'il produit dans un grand nombre de circonstances, se lie nécessairement avec la solution de plusieurs questions des plus impor- tantes pour le progrès de la phjsiologie et de la phjsique proprement dite. Tâchons donc, en rapprochant quel- ques vérités éparses , de jeter un nouveau jour sur ce sujet: mais pour suivre avec exactitude le plan que nous nous sommes tracé, et pour ordonner nos idées de la * Gymnotus electrlcus. Siddervis, en hollandois» Zitter fisch , zitter aal , et tiill fîsch, en allemand, Gymnotus electricus. Z-m/ze, écfiV/oAi de Gmelin. Gymnote anguille électrique. Baubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre , planches de V Eticjclopédie méthodique. Blochy pi. i56. Gronoi>. Zooph. 169, tab. 2>^fig. r. Jlct. UeUet. 4, p. 27, tab. 3,^g. i et 3. J. B. Leroy ,Jou7-nal de physique 3 etc. vol. 8, jy. 33r. Anguille trenibleuse, anguille torpille de Cayenne. Valmont-Bomare^ Dictionnaire d'histoire naturelle . Siddervis. J. Tsic.Séb. Allamaridj Act. Haarl. 2 , p. 372. Frantz vander Loltj Act. Haarl. 6 , 2, /;. 87. Gymnotus. MuschenbroecTi^ introd.i ., p. 290. Electrical eel. Hutitevj Trans. philos. 65^ ij pi. g. Tûin . 2 ■ J'I.h ]\t,,.j4.(> Ifeseoe Bel- f' Tardieu. Sca/p J. GYJMKOTE FAech'i(ji(e. 2 . OriUSCRE O^'/ns. 5. ^IFTFAWNOTK Fassan ^. HISTOIRE NATURELLE. î 47 manière la plus convena])le, commençons par exposer les caractères véritablement distinctii's du genre auquel ap]:)artient le poisson dont nous allons écrire l'iiistoire. Lescécilies ne présentent aucune sorte de nageoires; les monoptères n'en ont qu'une, qui est située à l'extré- mité de la queue; on n'en voit que sur le dos, et auprès de l'anus, des leptocépbales. Les trois genres d'osseux que nous venons de considérer, sont donc dénués de nageoires pectorales. En jetant les jeux sur les gym- notes, nous appercevons ces nageoires latérales pour la première fois, depuis que nous avons passé à la considération de la seconde sous-classe de poissons. Les gymnotes n'ont cependant pas autant de différentes sortes de nageoires que le plus grand nombre des Bajouj Journal de physique j janv. i']']^f et Histoire de Cayenne^ t. 2f p. 287. Schilling, Dia/ri/je de morho jaws, Traject. lyyoj 8, p. 023 ^-i Act. acad» Berol. ad an. 1770, p. 68. Scba, Mus. 3 , p. 108 , tab. 84 , fig. 6. Poisson trerableur, ou torpille. Gumilla, Orenoq. 3, p. i36. Toorpedo , Qic. Descript. Zurinam. Leewardj 1718,7?. 194. Meer-ael, id est, anguilla marina NieuhofB. Rai. Sjnops. piscp, 149, w. 4. Blumenbach , Hanbuch der naturgesch. p. 268. Behn, Description de VOrénoque. TVilliamson, Trans. philos, t. 65 , p. 94* Torpédo of Surinam. W. Brjantj Trans. of the Americ. society , vol. 2, p. 166. Numb fisli, or torporific eel. H. Collins Flagg, ibid. vol 2 , p. 170. B.. Maria de Termeyer, Sielta di opuscolij t. ^ j p. 824. Carde/i, Trans. philos, t. 65, p, 102. 148 HISTOIRE NATURELLE autres poissons osseux qu'il nous reste à examiner. En effet, ils n'en ont ni sur le dos, ni au bout de la queue; et c'est ce dénuement, cette espèce de nudité de leur dos, qui leur a fait donner le nom qu'ils portent, et qui vient du mot grec yvf^volog, dos uiid. L'ensemble du corps et de la queue des gymnotes est, comme dans les poissons osseux que nous avons déjà fait connoître, très-alongé, presque cylindrique, et serpentiforme. Les jeux sont voilés par une mem- brane qui n'est qu'une continuation du tégument le plus extérieur de la tête. Les opercules des bran- chies sont très -grands; on compte ordinairement cinq rayons à la membrane branchiale. Le corps proprement dit est très-court, souvent un peu com- primé, et quelquefois terminé par-dessous en forme de carène : l'anus est par conséquent très -près de la tête. Et comme cependant, ainsi que nous venons de le dire , l'ensemble de l'animal , dans le genre des gymnotes , forme une sorte de long cylindre , on voit facilement que la queue proprement dite de tous ces poissons doit être extrêmement longue relativement aux autres parties du corps. Le dessous de cette portion est ordinairement garni, presque dans la totalité de sa lon- gueur, d'une nageoire d'autant plus remarquable, que ï3on seulement elle s'étend sur une ligne très-étendue, mais qu'elle offre même une largeur assez considérable. De plus , les muscles dans lesquels s'insèrent les ailerons osseux auxquels sont attachés les nombreux rayons qui DES POISSONS. 149 ^ la composent, et les autres muscles très-multiplies qui sont destinés à mouvoir ces rajons , sont conformés et disposés de manière qu'ils représentent comme une seconde nageoire de lanus, placée entre la véritable et la queue très -prolongée du poisson, ou, pour mieux dire, qu'ils paroissent augmenter de beaucoup, et sou- vent même du double , la largeur de la nageoire de l'anus. Tels sont les traits généraux de tous les vrais gym-^ notes : quelles sont les formes qui distinguent celui que l'on a nommé électrique? Cette épithète à' électrique a déjà été donnée à cinq poissons d'espèces très- difi'é rentes : à deux cartilagi- neux et à trois osseux; à la raie torpille , ainsi qu a un tétrodon dont nous avons déjà parlé ; à un tricliiure , à un silure, et au gjmnote que nous décrivons. Mais c'est celui dont nous nous occupons dans cet article, qui a le plus frappé Fimagination du vulgaire, excité l'ad- miration des vojageurs, et étonné le phjsicien. Quelle a dû être en effet la surprise des premiers observateurs lorsqu'ils ont vu un poisson en apparence assez foible assez semblable, d'après le premier coup d'ceil, à une anguille ou à un congre, arrêter soudain, et malo-ré d'assez grandes distances, la poursuite de son ennemi ou la fuite de sa proie , suspendre à l'instant tous les mouvemens de sa victime, la domter par un pouvoir aussi invisible qu'irrésistible, l'immoler avec la rapidité de féclair au travers d'un très-large intervalle, les l5o HISTOIRE NATURELLE frapper eux-mêmes comme par enchantement, les engourdir, et les enchaîner, pour ainsi dire, dans le moment où ils se crojoient garantis, par Téloignement, de tout danger et même de toute atteinte! Le merveil- leux a disparu même pour les jeux les moins éclairés, mais l'intérêt s'est accru et l'attention a redoublé, lors- qu'on a rapproché de ces effets remarquables les phé- nomènes de l'électricité, que chaque jour l'on étudioit avec plus de succès. Peut-être cependant croira-t-on, en lisant la suite de cette histoire, que cette puissance invisible et soudaine du gjmnote ne peut être consi- dérée que comme une modification de cette force redoutable et en même temps si féconde , qui brille dans l'éclair , retentit dans le tonnerre , renverse ; détruit, disperse dans les foudres, et qui, moins res- serrée dans ses canaux , moins précipitée dans ses mouvemens, plus douce dans son action, se répand sur tous les points des êtres organisés, en pénètre toute la profondeur, en parcourt toutes les sinuosités, en vivifie tous les élémens. Peut-être faudroit-il, en*^suivant ce principe et pour éviter toute erreur, ne donner, avec quelques naturalistes, au poisson que nous examinons; que le nom de gymnote engourdissant ^ de gymnote tor^ porlfiquc, qui désigne un fait bien prouvé et indépen- dant de toute théorie. Néanmoins, comme la puissance qu'il exerce devra être rapportée dans toutes les hypo- thèses à une espèce d'électricité -, comme ce mot é/ec- trlcUé peut être pris pour un mot générique, commun DES POISSONS. I 5 I a plusieurs forces plus ou moins voisines et plus ou moins analogues ; comme les phénomènes les plus imposans de Félectricité proprement dite sont tous produits par le gymnote qui fait l'objet de cet article, et enfin comme le plus grand nombre de pbjsiciens lui ont donné depuis long-temps cette épithète iVélcc^ trique, nous avons cru devoir, avec ces derniers savans, la préférer à toute autre dénomination. Mais avant de montrer en détail ces différens cfTets^ de les comparer, et d'indiquer quelques unes des causes auxquelles il faut les rapporter, achevons le portrait du gjmnote électrique : vojons quelles formes parti- culières lui ont été départies, comment et par quels organes il naît, croît, se meut, vojage, et se muliiplie au milieu des grands fleuves qui arrosent les bords orientaux de l'Amérique méridionale , de ces contrées ardentes et humides, où le feu de l'atmosphère et l'eau des mers et des rivières se disputent l'empire, où tous les élémens de la reproduction ont été prodigués, où une surabondance de force vitale fait naître les végétaux et les animaux vénéneux, où, si je puis employer cette expression , les excès de la Nature , indépendamment de ceux de l'homme, sacrifient chaque jour tant d'individus aux espèces ; où tous les degrés du développement, entassés, pour ainsi dire, les uns contre les autres, produisent nécessairement toutes les nuances du dépérissement ; où des arbres immenses étendent leurs branches innombrables , pressées , l52 HISTOIRE NATURELLE garnies des fleurs les plus suaves, et chargées d'essaîms d'oiseaux resplendissans des couleurs de l'iris, au-dessus de savanes noyées, ou d'une vase impure que par- courent de très-grands quadrupèdes ovipares, et que sillonnent d'énormes serpens aux écailles dorées; où les eaux douces et salées montrent des légions de pois- sons dont les rajons du soleil réfléchis avec vivacité changent, en quelque sorte, les lames luisantes en dia- mans , en saphirs, en rubis; où l'air, la terre, les mers, et les êtres vivans, et les corps inanimés , tout attire les regards du peintre , enflamme rimaginatiou du poète, élève le génie du philosophe. C'est, en effet, auprès de Surinam qu'habite le gjm- note électrique ; et il paroît même qu'on n'a encore observé de véritable gjmnote que dans l'Amérique méridionale , dans quelques parties de l'Afrique occi- dentale , et dans la Méditerranée , ainsi que nous le ferons remarquer de nouveau en traitant des noto- j^tères. Le gjmnote électrique parvient ordinairement jus- qu'à la longueur d'un mètre un ou deux décimètres; et la circonférence de son corps , dans l'endroit le plus gros, est alors de trois à quatre décimètres: il a donc onze ou douze fois plus de longueur que de largeur. Sa tète est percée de petits trous ou pores très-sensibles, qui sont les orifices des vaisseaux destinés à répandre sur sa surface une liqueur visqueuse ; des ouvertures plus petites, mais analogues, sont disséminées en très- DES POISSONS. l53 igrand nombre sur son corps et sur sa (jucue : il n'est donc pas surprenant qu'il soit enduit d'une matière gluante très- abondante. Sa peau ne présente d'ail- leurs aucune écaille facilement visible. Son museau est arrondi; sa mâchoire inférieure est plus avancée que la supérieure, ainsi qu'on a pu le voir sur le tableau du genre des gjmnotes; ses dents sont nombreuses et acérées ; et on voit des verrues sur son palais , ainsi qre sur sa langue qui est large. Les nageoires pectorales sont très-petites et ovales ; celle de l'anus s'étend jusqu'à l'extrémité de la queue, dont le bout, au lieu de se terminer en pointe, paroît comme tronqué. La couleur de l'animal est noirâtre, et relevée par quelques raies étroites et longitudinales d'une nuance plus foncée. Quoique la cavité du ventre s'étende au - deVa de l'endroit où est située l'ouverture de l'anus , elle est cependant assez courte relativement aux principales dimensions du poisson; mais les effets de cette brièveté sont compensés par les replis du canal intestinal , qui se recourbe plusieurs fois. Je n'ai pas encore pu me procurer des observations bien sûres et bien précises sur la manière dont le gjmnote électrique vient à la lumière : il paroit cepen- dant qu'au moins le plus souvent la femelle pond ses œufs, et qu'ils n'éclosent pas dans le ventre de la mère, comme ceux de la torpille , de plusieurs autres TOME II. 20 1 54 HISTOIRE NATURELLE cartilagineux, et même de quelques individus de l'es- pèce de Fanguille et d'autres osseux , avec lesquels te gymnote que nous examinons a de très-grands rapports. On ignore également le temps qui est nécessaire à ce même gjmnote pour parvenir à son entier dévelop- pement : mais comme il n'a pas fallu une aussi longue suite d'observations pour s'assurer de la manière dont il exécute ses difFérens mouvemens , on connoit bien les divers phénomènes relatifs à sa natation ; phéno- mènes qu'il étoit d'ailleurs aisé d'annoncer d'avance, d'après vuie inspection attentive de sa conformation extérieure et intérieure. Nous avons déjà fait voir* que la queue des poissons etoit le principal instrument de leur natation. Plus cette partie est étendue, et plus, tout égal d'ailleurs, le poisson doit se mouvoir avec facilité. Mais le gjmnote ^ électrique, ainsi que les autres osseux de son genre, a luie queue beaucoup plus longue que l'ensemble de la tête et du corps proprement dit; la hauteur de cette partie est assez considérable j cette hauteur est aug- mentée par la nageoire de l'anus , qui en garnit la partie inférieure: l'animal a donc à sa disposition une rame beaucoup plus longue et beaucoup plus haute à proportion que celle de presque tous les autres poissons ; cette rame peut donc agir à la fois sur de grandes lames d'eau. Les muscles destinés à la mouvoir * Discours sic?- la nature des jwissonsr / DES POISSONS. l55 sont très-pnissans ; le gjninote la remue avec une agilité très -remarquable : les deux élémens de la force, la masse et la vitesse , sont donc ici réunis ; et en effet , l'animal nage avec vigueur et rapidité. Comme tous les poissons très-alongés, plus ou moins cjlindri(]ues, et dont le corps est entretenu dans une grande souplesse par une viscosité copieuse et souvent renouvelée , il agit successivement sur leau qui Fenvi- ronne par diverses portions de son corps ou de sa queue, qu'il met en mouvement les unes après les autres, dans l'ordre de leur moindre éloignement de la têtej il ondule; il partage son action en plusieurs actions particulières , dont il combine les degrés de force et les directions de la manière la plus convenable pour vaincre les obstacles et parvenir à son but; il commence à recourber les parties antérieures de sa queue, lorsqu'il veut aller en avant; il contourne, au contraire, avant toutes les autres, les parties posté- rieures de cette même queue, lorsqu'il désire d'aller en arrière* 3 et, ainsi que nous l'expliquerons un peu plus en détail en traitant de l'anguille , il se meut de la même manière que les serpens qui rampent sur la terre; il nage comme eux; il serpente véritablement au milieu des eaux. On a cru pendant quelque temps, et même quelques naturalistes très-habiles ont publié, que le gjmnote * Garden , à l" endroit déjà cité. lS6 HISTOIRE NATURELLE électrique n'avoit pas de vessie aérienne ou natatoire. On a pu être induit en erreur par la position de cette ,vessie dans l'électrique , position sur laquelle nous allons revenir eu décrivant l'organe torporifîque de cet animal. Mais, quoi qu'il en soit de la cause de cette erreur, cette vessie est entourée de plusieurs rameaux de vaisseaux sanguins que Hunter a fait connoître , et qui partent de la grande artère qui passe au-dessous de l'épine dorsale du poisson; et il nous paroit utile de faire observer que cette disposition de vaisseaux san- guins favorise l'opinion du savant naturaliste Fischer ^ bibliothécaire de l'école centrale de Majence , qui , dans un ouvrage très -intéressant sur la respiration des poissons , a montré comment il seroit possible que la vessie aérienne de ces animaux servît non seulement à faciliter leur natation , mais encore à suppléer à leur respiration et à maintenir leur sang dans l'état le plus propre à conserver leur vie. Il ne manque donc rien au gjmnote électrique de ce qui peut donner des mouvemens prompts et long-temps soutenus ; et comme parmi les causes de la rapidité avec laquelle il nage , nous avons compté la facilité avec laquelle il peut se plier en différens sens, et par conséquent appliquer des parties plus ou moins grandes de son corps aux divers objets qu'il rencontre, il doit îoiiir d'un toucher plus délicat et présenter un ins- tinct plus relevé que ceux d'un très-grand nombre de poissons. \ DES POISSONS. 107 Cette intelligence particulière lui fait distinguer aisément les niojens d'atteindre les animaux marins dont il fait sa nourriture , et ceux dont il doit éviter l'approche dangereuse. La vitesse de sa natation le transporte dans des temps très - courts auprès de sa proie , ou loin de ses ennemis; et lorsqu'il n'a plus qu'à immoler des victimes dont il s'est assez approché , ou à repousser ceux des poissons supérieurs en force auxquels il n'a point échappé par la fuite, il déploie la puissance redoutable qui lui a été accordée, il met en jeu sa vertu engourdissante , il frappe à grands coups, et répand autour de lui la mort ou la stupeur. Cette qualité torporificpie du gjmnote électrique décou- vert, dit-on, auprès de Cajenne , par Van-Berhcl* , a été observée dans le même paj's , par le naturaliste Richer, dès 1671. Mais ce n'est que quatre-vingts ans, ou environ, après cette époque, que ce même gjm- note a été de nouveau examiné avec attention par La Condamine, Ingram, Gravesand, Allamand, Muschen- broeck, Gronou , Vander-Lott, Fermin, Bankroft,et d'autres habiles physiciens qui l'ont vu dans l'Amérique méridionale, ou l'ont fait apporter avec soin en Europe. Ce n'est que vers 1778 que Williamson à Philadelphie, Garden dans la Caroline, Walsh, Pringle, Magellan, etc. à Londres, ont apperçu les phénomènes les plus propres à dévoiler le principe de la force torporifîque de ce * Sammliiîig seltener iind merhyurdiger reisc geschichieuj vol, I, Mcm- Tningen, 1789 5 p. 220, l58 HISTOIRE NATURELLE poisson. L'organe particulier dans lequel réside cette vertu, et que Hunier a si bien décrit, n'a été connu qu'à peu près dans le même temps, pendant que l'organe électrique de la torpille a été vu par Stenon dès avant 1673, et peut-être vers la même année par Lorenzini. Et l'on ne doit pas être étonné de cette différence entre un ^-jmnote que l'on n'a rencontré , en quelque sorte, que dans une partie de l'Amérique méridionale ou de l'A- frique, et une raie qui ha])ite sur les côtes de la mer d'Europe. D'un autre côté, le gjmnote torporifique n'ajant été fréquemment observé que depuis le com- mencement de l'époque brillante de la pliysique mo- clerne, il n'a point été l'objet d'autant de théories plus ou moins ingénieuses, et cependant plus ou moins dé- nuées de preuves, que la torpille. On n'a eu, dans le fond , qu'une même manière de considérer la nature des divers phénomènes présentés par le gjmnote : on les a rapportés ou h l'électricité proprement dite, ou à une force dérivée de cette puissance. Et comment des phy- siciens instruits des effets de l'électricité n'auroient-ils pas été entraînés à ne voir que des faits analogues dans les produits du pouvoir du gjmnote engourdis- sant? Lorsqu'on touche cet animal avec une seule main, on n'éprouve pas de commotion , ou on n'en ressent qu'une extrêmement foible ; mais la secousse est très -forte lorsqu'on applique les deux mains sur le poisson, et qu'elles sont séparées l'une de l'autre par une distance DES POISSONS. 169 assez grande. Na-t-on pas ici une image de ce qui se passe lorsqu'on cherche à recevoir un coup électrique par le niojen d'un plateau de verre garni convenable- ment de plaqites métalh'ques, et connu sous le nom de cancan jidiniiianl? Si on n'approche qu'une main et qu'on ne touche qu'une surface, à peine est-on frappe; mais on reçoit vuie commotion violente si on empUjie les deux mains, et si en s'appliquant aux deux surfaces, elles les déchargent à la fois. Comme dans les expériences électriques , le coup reçu par le mojen des deux mains a pu être assez fort pour donner aux deux bras une paraljsie de plusieurs années *. Les métaux, l'eau, les corps mouillés, et toutes les autres substances conductrices de l'électricité, trans- mettent la vertu engourdissante du gjmnote; et voilà pourquoi on est frappé au milieu des fleuves, quoi- qu'on soit encore à une assez grande distance de l'ani- mal ; et voilà pourquoi encore les petits poissons, pour lesquels cette secousse est beaucoup plus dangereuse , éprouvent une commotion dont ils meurent à l'instant, quoiqu'ils soient éloignés de plus de cinq mètres de l'animal torporilîque. Ainsi qu'avec l'électricité , l'espèce d'arc de cercle que forment les deux mains et que parcourt la force engourdissante, peut être très-agrandi , sans que la Henri CollinsFlagg, à V endroit déjà cité. l6o HISTOIRE NATURELLE commotion soit sensiblement diminuée; et vingt-sept personnes se tenant par la main et composant une chaîne dont les deux bouts aboutissoient à deux points de la surface du gjmnote, séparés par un assez grand intervalle, ont ressenti, pour ainsi dire, à la fois, une secousse très-vive. Les différens observateurs, ou les diverses substances facilement perméables à l'électri- cité, qui sont comme les anneaux de cette chaîne,' peuvent même être éloignés l'un de l'autre de près d'un décimètre, sans que cette interruption apparente dans la route préparée arrête la vertu torporifique qui en parcourt également tous les points. Mais pour que le gj-mnote jouisse de tout son pou- voir, il faut souvent qu'il se soit, pour ainsi dire, progressivement animé. Ordinairement les premières commotions qu'il fait éprouver, ne sont pas les plus fortes; elles deviennent plus vives à mesure qu'il s'éver- .tue, s'agite, s'irrite; elles sont terribles lorsque, si je puis employer les expressions de plusieurs observa- teurs , il est livré à une sorte de rage. Quand il a ainsi frappé à coups redoublés autour de lui, il s'écoule fréquemment un intervalle assez marqué avant qu'il ne fasse ressentir de secousse, soit qu'il ait besoin de donner quelques momens de repos à des organes qui viennent d'être violemment exercés , ou soit qu'il emploie ce temps plus ou moins court à ramasser dans ces mêmes organes une nouvelle quantité d'un liuide foudrojant ou torporifique. DES POISSONS. lut Cependant il paroît qu'il pent produire non seule- ment une commotion, mais même plusieurs secousses successives, quoiqu'il soit plongé dans Teau dun vase isolé , c'est-à-dire, d'un vase entouré de matières qui ne laissent passer dans l'intérieur de ce récipient aucune quantité de fluide propre à remplacer celle qu'on pourroit supposer dissipée dans l'acte qui frappe et engourdit. Quoi qu'il en soit, on a assuré qu'en serrant forte- ment le gjmnote par le dos, on lui otoit le libre exer- cice de ses organes extérieurs, et on suspendoit les effets de la vertu dite électricjue qu'il possède. Ce fait est bien plus d'accord avec les résultats du plus grand nombre d'expériences faites sur le gjmnote , que l'opi- nion d'un savant phjsicien qui a écrit que l'aimant attiroit ce poisson, et que par son contact cette subs- tance lui culevoit sa propriété torporifique. Mais, s'il est vrai que des nègres sont parvenus à manier et à retenir impunément hors de l'eau le gjmnote élec- trique, on pourroit croire, avec plusieurs naturalistes, qu'ils emploient, pour se délivrer ainsi d'une commo- tion dangereuse, des morceaux de bois qui, parleur nature, ne peuvent pas transmettre la vertu électrique ou engourdissante, qu'ils évitent tout contact immédiat avec l'animal, et qu'ils ne le touchent que par l'inter- médiaire de ces bois non conducteurs de l'électricité. Au reste , le gymnote torporifique présente un autre phénomène bien digne d'attention, que nous tâcherons TOME II. iil l62 HISTOIRE NATURELLE d'expliquer avant la fin de cet article, et qui ne sur- prendra pas les phjsiciens instruits des belles expé- riences relatives aux divers mouvemens musculaires que l'on peut exciter dans les animaux pendant leur vie ou après leur mort, et que l'on a nommées galça- n'ujues , à cause de leur premier auteur, le citojeii Galvani. Il est arrivé plusieurs fois * qu'après la mort du gjmnotCj il étoit encore, pendant quelque temps, impossible de le toucher sans éprouver de secousse. Mais nous avons à exposer encore de plus grands rapports entre les effets de l'électricité et ceux de la vertu du gjmnote engourdissant. Le premier de ces rapports très-remarquables est l'analogie des instru- mens dont on se sert dans les laboratoires de physique pour obtenir de fortes commotions électriques, avec les organes particuliers que le gjmnote emploie pour faire naître des ébranlemens plus ou moins violens. Voici en quoi consistent ces organes, que Hunter a très-bien décrits. L'animal renferme quatre organes torporifiques , deux grands et deux petits. L'ensemble de qç:?> quatre organes est si étendu , qu'il compose environ la moitié des parties musculeuses et des autres parties molles du gjmnote , et peut être le tiers de la totalité du poisson; Chacun des deux grands organes engourdissans occupe un des cotés du gjmnote , depuis l'abdomen * Vo3?ez Henri CoUins Fiagg, à l'endroit que nous ayons déjà indiqué» DES POISSONS. i63 Jusqu'à rextrcmité de la queue ; et comme nous avons déjà vu que cet abdomen étoit très-court, et qu'on pourroit croire, au premier coup d'œil, que ranimai n'a qu'une tête et une queue très-prolongée , on peut juger aisément de la longueur très-considérable de ces deux grands organes. Ils se terminent vers le bout de la queue comme par un point; et ils sont assez larges pour n'être séparés l'un de l'autre que vers le haut par les muscles dorsaux, vers le milieu du corps par la vessie natatoire , et vers le bas par une cloison parti- culière avec laquelle ils s'unissent intimement, pendant qu'ils sont attachés par une membrane cellulaire, lâche, mais très-forte, aux autres parties qu'ils touchent. De chaque côté du gjmnote, un petit organe torpo- rifique , situé au-dessous du grand, commence et finit à peu près aux mêmes points que ce dernier, se ter- mine de même par une sorte de pointe , présente par conséquent la figure d'un long triangle, ovi , pour mieux dire, d'une longue pyramide triangulaire, et s'élargit néanmoins un peu vers le milieu de la queue. Entre le petit organe de droite et le petit organe de gauche, s'étendent longitudinalement les muscles sous- caudaux, et la longue série à' ailerons ou soutiens osseuîi des rajons très-nombreux de la nageoire de l'anus. Ces deux petits organes sont d'ailleurs séparés des deux grands organes supérieurs par une membrane longitudinale et presque horizontale, qui s'attache d'un côté à la cloison verticale par laquelle les deux grands 164 HISTOIRE NATURELLE organes sont écartés l'un de l'autre dans leur partie inférieure , et qui tient, par le coté opposé, à la peau de l'animal. De plus, cette disposition générale est telle, que lorsqu'on enlève la peau de l'une des faces latérales de la queue du gjninote , on voit facilement le grand organe, tandis que, pour appercevoir le petit qui est au-dessous, il faut ôter les muscles latéraux qui accom^ pagnent la longue nageoire de l'anus. Mais quelle est la composition intérieure de cliacun de ces quatre organes grands ou petits? L'intérieur de chacun de ces instrumens, en quelque* sorte électriques , présente un grand nombre de sépa- rations horizontales , coupées presque à angles droits par d'autres séparations à peu près verticales. Les premières séparations sont non seulement hori- zontales , mais situées dans le sens de la longueur du poisson, et parallèles les unes aux autres. Leur largeur est égale à celle de l'organe, et par conséquent, dans beaucoup d'endroits , à la moitié de la largeur de l'ani- mal , ou environ. Elles ont des longueurs inégales,^ Les plus voisines du bord supérieur sont aussi longues ou presque aussi longues que l'organe; les inférieures se terminent plus près de leur origine • et l'organe finit, vers l'extrémité de la queue, par un bout trop aminci pour qu'on puisse voir s'il j est encore composé de plus d'une de ces séparations longitudinales. Ces membranes horizontales sont éloignées l'une de DES POISSONS. l65 Taiitre, du côté de la peau, par un intervalle qui est ordinairement de près d'un millimètre ; du côté de l'intérieur du corps, on les voit plus rapprochées, et même, dans plusieurs points, réunies deux à deux; et elles sont comme onduleuses dans les petits organes. Hunter en a compté trente-quatre dans un des deux grands organes d'un gjmnote de sept décimètres, ou à peu près, de longueur, et quatorze dans un des petits organes du même individu. Les séparations verticales qui coupent à angles droits les membranes longitudinales, sont membraneuses, unies, minces, et si serrées Tune contre l'autre, qu'elles paroissent se toucher. Hunter en a vu environ deux cent quarante dans une longueur de vingt-cinq milli- mètres, ou à peu près. C'est avec ce quadruple et très-grand appareil dans lequel les surfaces ont été multipliées avec tant de profusion, que legjmnote parvient à donner des ébran- lemens violens, et à produire le phénomène qui établit le second des deux principaux rapports par lesquels sa vertu engourdissante se rapproche de la force élec- trique. Ce phénomène consiste dans des étincelles entièrement semblables h celles que l'on doit à l'élec- tricité. On les voit, comme dans un grand nombre d'ex- périences électriques proprement dites, paroître dans les petits intervalles qui séparent les diverses portions de la chaîne le long de laquelle on fait circuler la force engourdissante. Ces étincelles ont été vues pour la l66 HISTOIRE NATURELLE première fois à Londres par Walsh, Pringle et Magel- lan. Il a suffi à Walsh , pour les obtenir , de composer une partie de la chaîne destinée à être parcourue par la force torporifîque , de deux lames de métal, isolées sur un carreau de verre, et assez rapprochées pour ne laisser entre elles qu'un très-petit intervalle; et on a distingué avec facilité ces lueurs , lorsque fensemble de l'appareil s'est trouvé placé dans une chambre entiè- rement dénuée de toute autre lumière. On obtient une lueur semblable, lorsqu'on substitue une grande tor- pille à un gymnote électrique, ainsi que l'a appris Galvani dans un mémoire que nous avons déjà cité*; mais elle est plus foible que le petit éclair dû à la puis- sance du gjmnote, et l'on doit presque toujours avoir besoin d'un microscope dirigé vers le petit intervalle dans lequel on l'attend, pour la distinguer sans erreur. Au reste , pour voir bien nettement comment le gjmnote électrique donne naissance et à de petites étincelles et à de vives commotions, formons -nous de ces organes engourdissaus la véritable idée que nous devons en avoir. On peut supposer qu'un grand assemblage de mem- branes horizontales ou verticales est un composé de substances presque aussi peu capables de transmettre la force électrique que le verre et les autres matières auxquelles on a donné le nom à'idloélectriques , ou de * Discours sur la nature des -poissons. DES POISSONS. 167 non conductrices , et dont on se sert pour former ces vases fondrojans appelés bouteilles de Leyde , ou ces carreaux aussi fulminans, dont nous avons déjà parlé plus d'une fois. H faut considérer les quatre organes du gjmnote comme nous avons considéré les deux organes de la torpille : il faut Voir dans ces instrumens une suite nombreuse de petits carreaux de la nature des carreaux foudrojans, une batterie composée d'une quantité extrêmement considérable de pièces en quel- que sorte électriques. Et comme la force d'une batterie de cette sorte doit s'évaluer par l'étendue plus ou moins grande de la surface des carreaux ou des vases qui la forment , j'ai calculé quelle pourroit être la grandeur d'un ensemble que l'on supposeroit produit par les surfaces réunies de toutes les membranes verti- cales et horizontales que renferment les quatre organes torporifîques d'un gjmnote long de treize décimètres, en ne comptant cependant pour chaque membrane que la surface d'un des grands côtés de cette cloison : j'ai trouvé que cet ensemble présenteroit une étendue au moins de treize mètres carrés , c'est-à-dire, à très-peu près , de cent vingt-trois pieds également carrés. Si l'on se rappelle maintenant que nous avons cru expliquer d'une manière très-satisfaisante la puissance de faire éprouver de fortes commotions qu'a reçue la torpille, en montrant que les surfaces des diverses portions de ses deux organes électriques pouvoient égaler par leur réunion cinquante - huit pieds carres , et si l'on se l68 HISTOIRE NATURELLE souvient en même temps des effets terribles que pro- duisent dans nos laboratoires des carreaux de verre dont la surface n'est que de quelques pieds, on ne sera pas étonné qu'un animal qui renferme dans son inté- rieur et peut employer à volonté un instrument élec- trique de cent vingt -trois pieds carrés de surface, puisse frapper des coups tels que ceux que nous avons déjà décrits *. Pour rendre plus sensible l'analogie qui existe entre un carreau fulminant et les organes torporifîques du gjmnote , il faut faire voir comment cette grande sur- face de treize mètres carrés peut être clectrisée par le frottement , de la même manière qu'un carreau foudrojant ou magique. Nous avons déjà fait remar- quer que le gjmnote nage principalement par une suite des ondulations successives et promptes qu'il im- prime à sa queue , c'est-à-dire , à cette longue partie de son corps qui renferme ses quatre organes. Sa nata- tion ordinaire , ses mouvemens extraordinaires , ses courses rapides , ses agitations , l'espèce d'irritation à laquelle il peut se livrer, toutes ces causes doivent produire sur les surfaces des membranes horizontales et verticales un frottement suffisant pour j accumuler * Nous croyons devoir faire observer ici que dans l'article de la torpille, il s'est glissé deux fautes d'impression. A la dernière ligne de la page loa tlu premier volume in-4°, au lieu de cent décimètres , il faut \\xt trois cents ; et à la troisième ligne de la page suivante, au lieu de quatorze j il faut lire quarante. DES POISSONS. 169 truii côté, et raréfier de l'autre, ou du moins pour y exciter, réveiller, accroître ou diminuer le fluide uni([ue ou les deux fluides auxquels on a rapporté les phénomènes électriques et tous les effets analogues -, et comme par une suite de la division de l'organe engourdissant du gjmnote en deux grands et en deux petits , et de la sous-division de ces quatre organes en membranes horizontales et verticales , les communica- tions peuvent n'être pas toujours très-faciles ni très- promptes entre les diverses parties de ce grand ins- trument, on peut croire que le rétablissement du fluide ou des fluides dont nous venons de parler, dans leur premier état, ne se fait souvent que successi- vement dans plusieurs portions des quatre organes. Les organes ne se déchargent donc que par des coups successifs; et voilà pourquoi, indépendamment d'autre raison , un gjmnote placé dans un vase isolé peut continuer, pendant quelque temps, de donner des corn-" motions j et de plus , voilà pourquoi il peut rester dans les organes d'un gjmnote qui vient de mourir, assez de parties chargées pour qu'on en reçoive un certain nombre de secousses plus ou moins vives *. * Un des meilleurs moyens de parvenir à ia véritable théorie des effets produits par le gymnote engourdissant et par les autres poissons torpori- ficjues , est d'avoir recours aux belles expériences électriques et aux idées très-ingénieuses dont on trouvera l'exposition dans une lettre qui m'a été adressée par le citoyen Aidini , de l'Institut national de Bologne , et que cet habile physicien a publiée dans cette ville, il y a environ un an (en 1797 v.si.), TU ME II. 22 170 HISTOIRE NATURELLE Et ces fluides, quels qu'ils soient, d'où peut -on présumer qu'ils tirent leur origine? ou, pour éviter le plus possible toute lijpothèse, quelle est la source plus ou moins immédiate de cette force électrique, ou pres- que électrique, départie aux quatre organes dont nous venons d'exposer la structure? Cette source est dans les nerfs, qui, dans le gymnote -engourdissant, ont des dimensions et une distribution x|u'il est utile d'examiner rapidement. Premièrement , les nerfs qui partent de la moelle épinière , sont plus larges que dans les poissons d'une grandeur égale, et plus que cela ne paroît nécessaire pour l'entretien de la vie du gymnote. Secondement, Hunter a fait connoître un nerf remar- quable qui, dans plusieurs poissons, s'étend depuis le cerveau jusqu'auprès de l'extrémité de la queue en donnant naissance à plusieurs ramifications, passe, à peu près, à une égale distance de l'épine et de la peau du dos dans la murène anguille, et se trouve immé- diatement au-dessous de la peau dans le gade morue. Ce nerf est plus large, tout égal d'ailleurs, et s'ap- proche de l'épine dorsale dans le gymnote électrique, beaucoup plus que dans plusieurs autres poissons. Troisièmement , des deux côtés de chaque vertèbre du gymnote torporifique, part un nerf qui donne des ramifications aux muscles du dos. Ce nerf se répand entre ces muscles dorsaux et l'épine^ il envoie de petites branches jusqu'à la surface extérieure du grand organe DES POISSONS 1J{ cbns lequel pénètrent plusieurs de ces rameaux, et sur lequel ces rameaux déliés se distribuent en passant entre cet organe et la peau du coté de l'animal, il continue cependant sa route, d'abord entre les muscles dorsaux et la vessie natatoire, et ensuite entre cette même vessie natatoire et l'organe électrique. Là il se divise en nouvelles branches. Ces branches vont vers la cloison verticale que nous avons déjà indiquée, et qui est située entre les deux grands organes électriques. Elles s'j séparent en branches plus petites qui se dirigent vers les ailerons et les muscles de la nageoire de l'anus, et se perdent , après avoir répandu des rami- fications dans cette même nageoire, dans ses muscles, dans le petit organe et dans le grand organe élec- trique. Les rameaux qui entrent dans les organes électriques sont, à la vérité, très-petits; mais cependant ils le sont moins que ceux de toute autre partie du système sen- sitif. Tels sont les canaux qui font circuler dans les quatre instrumens du gymnote le principe de la force en- gourdissante ; et ces canaux le reçoivent eux-mêmes du cerveau, d'où tous les nerfs émanent. Et comment en effet ne pas considérer dans le gjmnote , ainsi que dans les autres poissons engourdissans , le cerveau comme la première source de la vertu particulière qui les distingue, lorsque nous savons , par les expériences d'un habile phjsicien , que la soustraction du cerveau 172 HISTOIRE NATURELLE d'une torpille anéantit l'électricité ou la force torporî- fique de ce cartilagineux, lors même qu'il paroit encore aussi plein de vie qu'avant d'avoir subi cette opéra- tion , pendant qu'en arrachant le cœur de cette raie , on ne la prive pas , avant un temps plus ou moins long, de la faculté de faire éprouver des commotions et des tremblemens ' ? Au reste, ne perdons jamais de vue que si nous ne Yoj'ons pas de mammifère, de cétacée, d'oiseau, de qua- drupède ovipare , ni de serpent, doué de cette faculté électrique ou engourdissante , que Ton a déjà bien constatée au moins dans deux poissons cartilagineux et dans trois poissons osseux, c'est parce qu'il faut, pour donner naissance à cette faculté , et l'abondance d'un fluide ou iVun principe quelconque que les nerfs paroissent posséder et fournir , et un ou plusieurs instrumens organisés de manière à présenter une très- grande surface, capables par conséquent d'agir avec efficacité sur des Huides voisins % et composés d'ailleurs d'une substance peu conductrice d'électricité, telle par exemple que des matières visqueuses, huileuses et résineuses. Or, de tous les animaux qui ont un sang ' Mrmoircs de Gah'aui, Bologne, 1797. = J'ai publié en 1781 , que l'on devoit déduire l'explication du plus grand nombre de phénomènes électriques, de l'accroissement que produit dans l'afEiiité que les corps exercent sur les fluides qui les environnent, la divi- sion de ces mêmes corps en plusieurs parties, et par conséquent l'augmen- lation de leur surface. I) K s P O î S S O N S. I 7'\ rouge et des vertèbres, aucun, tout égal d'ctilleurs, ne présente, comme les poissons, \ine cjuantité plus ou moins grande d'huile et de liqueurs gluantes et vis- queuses. On remarque sur-(out d.?ns le gjmnote engourdis- sant, une très-grande abondonce de cette matière huileuse, de cette substance non conductrice, ainsi que nous l'avons déjà observé. Otle onctuosité est très-sensible, même sur la membrane qui sépare de chaque côté le grand organe du petit ; et voilà pour- quoi, indépendamment de l'étendue de la surface de ses organes torporifiques, bien supérieure à celle des organes analogues de la torpille , il paroît posséder mie plus grande vertu électrique que cette dernière. D'ailleurs il habite un climat plus chaud que celui de cette raie, et par conséquent dans lequel toutes les combinaisons et toutes les décompositions intérieures peuvent s'opérer avec plus de vitesse et de facilité : et de plus, quelle dilierence entre la fréquence et l'agilité des évolutions du gjmnote, et la nature ainsi que le nombre des mouvemens ordinaires de la torpille! Mais si les poissons sont organisés d'une manière plus favorable que les autres animaux à vertèbres et à sang rouge, relativement à la puissance d'ébranler et d'engourdir, étant doués d'une très-grande irritabilité, ils doivent être aussi beaucoup plus sensibles à tous les effets électriques, beaucoup plus soumis au pouvoir des animaux torporifiques , et par conséquent plus 174 n l s V O î 11 E NATURELLE exposés à devenir la victime du gjmnote de Surinam *. Cette considération peut servira expliquer pourquoi certaines personnes, et particulièrement les femmes qui ont luie fièvre nerveuse, peuvent toucher un gjmnote électrique sans ressentir de secousse ; et ces faits cu- rieux rapportés par le savant et infatigable Frédéric- Alexandre Humboltz , s'accordent avec ceux qui ont été observés dans la Caroline méridionale par Henri Collins Flagg. D'après ce dernier phjsicien, on ne peut pas douter que plusieurs Nègres, plusieurs Indiens, et d'autres personnes , ne puissent arrêter le cours de la vertu électrique ou engourdissante du gjmnote de Surinam , et interrompre une chaîne préparée pour son passage ; et cette interruption a été produite spé- cialement par une femme que l'auteur connoissoiè depuis long-temps , et qui avoit la maladie à laquelle plusieurs médecins donnent le nom dejici^re hcctUjuc, C'est en étudiant les ouvrages de Galvani, de Hum- boltz , et des autres observateurs qui s'occupent de travaux analogues à ceux de ces deux pliysiciens, qu'on pourra parvenir à avoir une idée plus précise des ressemblances et des différences qui existent entre la vertu engourdissante du gjmnote, ainsi que des autres poissons appelés électriques, et l'électricité proprement * C'est par une raison semblable que lorsqu'une torpille ne donne plus de commotion sensible, on obtient des signes de la vertu qui lui reste encore, en soumettant à son action une grenouille préparée comme pour les expé- riences galvaniques. Voyez les Mémoires de Galvani, déjà cités. DES POISSONS. iy.3 dite. Mais pourquoi faut-il qu'en terminant cet article, j'apprenne que les sciences viennent de perdre l'un de ces savans justement célèbres , le citoyen Galvani , pen- dant que HumboUz, commençant une longue suite de vojages lointains, utiles et dangereux, nous force de mêler l'expression de la crainte que le sentiment ins- pire, à celle des grandes espérances que donnent ses lumières, et de la reconnoissance que ion doit à so^ zèle toujours croissant î LE GYMNOTE PUTAOL'. Ce gymnote ressemble beaucoup à rélectiîque^ indé- pendamment d'autres traits de conformité , il a de même la mâchoire inférieure plus avancée que la supé- rieure. Sa tête est petite, sa queue courte, sa couleur jaunâtre, avec des raies transversales , souvent ondées, et brunes , ou rousses , ou blanches. 11 vit dans les eaux du Brésil*. * Gymnotus putaol. Gymnotus l'asciatus. Linné, édition de Gmelin. Gymnote \i\iiao\. Bonnaterre , -planches de l'Encyclopédie mélhodiqxie, PallaSj Spicilegia zoolog. 7, /). 35. Seba, Mus, 3, tab. "èi^/ig. i et 2. Carapo. 2. Marcg, Bras. p. 120, — PisOj Ind, p. 72. Kurz schwanz. Bloch, pi. ^o'j^^fig. i. - Ou compte à chaque nageoire pectorale i3 rayons, et à celle de l'anus 198 LE GYMNOTE BLANC'. Ce gymnote a la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure; il appartient donc au premier sous- genre , comme l'électrique et le putaol. Il en diflere par sa couleur, qui est ordinairement d'un blanc pres- que sans tache, par les proportions de quelques parties dé son corps, particulièrement par le rapport de sou diamètre à sa longueur , et par une espèce de lobe que l'on voit de chaque côté de la lèvre supérieure, auprès de la commissure des lèvres. Ce poisson se trouve à Surinam et dans les environs, comme l'électrique % ' Gymnotus albus. Id. Linné, édition de Gmelin. Seba, Mus. 3 ^ pi. 7)2^ fig. 3. PaUaSf Spicil. zoolog. 7, p. 36. * Il y a à chaque nageoire pectorale i3 rayons, et à celle de l'anus 180 TOME II. 23 LE GYMNOTE CARAFE^ LE GYMNOTE FIERASFER% ET LE GYMNOTE LONG-MUSEAUX Nous crojons pouvoir réunir dans cet article la des- cription de trois poissons qui , indépendamment des ' Gymnotus carapo. Id. LùtJtéj édition de Gmelin. Gymnote carape. Daubentorij Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterrej planches de l'Encyclo-pédie méthodique» Gï-onov. Zoo-ph. i68. Mus. i j p. 2g, 7i. 72. Gymnotus. Arledi, gen. 25 , syn. 48. Amœnit. acad. Lugd. Bâtai', 1749» p. 600^ tah, iJ^fig. 6. • Mus. ad. Fr. i , p. 76. Carapo Brasiliensibus. Marcgr. Bras, l, 4, c. 14, p. 170. — FisOg Bist, naCni . -2 l'I y l'a.riSz. 2TRTanimi:Ze^iure.2 OnONTOGJSr^THT: ^I.a.ullonne . 3. KUllTK Bl.nlu.n J. HISTOIRE NATURELLE. l83 liers du leptiire, et vojons , si je puis emplojcr cette expression , cette bande argentine et vivante se dé- rouler, pour ainsi dire, s'agiter, se plier, s'étendre, se raccourcir, s'avancer en difï'érens sens, décrire avec rapidité mille courbes enlacées les unes dans les autres, monter, descendre, s'élancer, et s'échapper enfin avec la vitesse d'une flèche, ou plutôt, en quelque sorte, avec celle de l'éclair. La tête du lepture est étroite, alongée, et comprimée comme son corps et sa queue. L'ouverture de sa bouche est grande. Ses dents sont mobiles , au moins en très- grand nombre ; et ce caractère que nous avons vu dans les squales , et par conséquent dans les plus féroces des cartilagineux, observons d'avance que nous le remarquerons dans la plupart des osseux qui se font distinguer par leur voracité. Indépendamment de cette mobilité qui donne à l'animal la faculté de présenter ses crochets sous l'angle le plus convenable^ et de retenir sa proie avec plus de facilité , plusieurs des dents des mâchoires du lepture, et particulièrement celles qui avoisinent le bout du museau , sont longues et recourbées vers leur pointe; les autres sont courtes et aiguës. On n'en voit pas sur la langue , ni sur le palais; mais on en apperçoit de très-petites sur deux €S placés vers le gosier. Les jeux sont grands, très -rapprochés du sommet de la tête , et remarquables par un iris doré et bordé de blanc autour de la prunelle. 184 HISTOIRE NATURELLE L*opercule , composé d'une seule lame , et membra- neux dans une partie de son contour, ferme une large ouverture branchiale*. Une ligne latérale couleur d'or s'étend sans sinuosités depuis cet opercule jusqu'à l'ex* ti'émité de la queue. L'anus est assez près de la tête. Les nageoires pectorales sont très-petites et ne ren- ferment que onze rajons ; mais la nageoire dorsale en comprend ordinairement cent dix-sept, et règne depuis la nuque jusqu'à une très-petite distance du bout de la queue. On ne voit pas de véritable nageoire de l'anus : à la place qu'occuperoit cette nageoire , on trouve seule- ment de cent à cent vingt, et le plus souvent cent dix aiguillons très-courts , assez éloignés les uns des autres , dont la première moitié , ou à peu près , est recourbée vers la queue , et dont la seconde moitié est fléchie vers la tète, La queue du lepture , presque toujours très^déliée et terminée par une sorte de prolongation assez sem- blable à un fil ou à un cheveu , a fait donner à ce poisson le nom de lepture, qui signifie petite queue , ainsi que celui de trichiure , qui veut dire queue en cheveu, et que l'on a étendu, comme nom générique, à toute la petite famille dont nous nous occupons; Cependant, comme cette queue très -longue est en même temps assez comprimée pour avoir été comparée * • * On compte sept rayons à la membrane des brancliies. DES POISSONS. i85 à une lame, comme le corps et la tête présentent une conformation semblable, et que tous les muscles de l'animal paroissent doués d'une énergie très-soutenue, on supposera sans peine dans le lepture une mobilité rare, une natation très-rapide, une grande souplesse dans les mouvemens , pour peu que l'on rappelle ce que nous avons déjà exposé plus d une fois sur la cause de la natation célère des poissons *. Et en effet , les yojageurs s'accordent à attribuer au lepture une agilité singulière et une vélocité extraordinaire. S'agita nt presque sans cesse par de nombreuses sinuosités, ondu- lant en différens sens, serpentant aussi facilement que tout autre habitant des eaux, il s'élève, s'abaisse, arrive et disparoît avec une promptitude dont à peine on peut se former une idée. Frappant violemment l'eau par ses deux grandes surfaces latérales, il peut se donner assez de force pour s'élancer au-dessus de la surface des fleuves et des lacs ; et comme il est couvert par-tout de très- * La colleclion du Muséum renferme une variété du lepture, qu'il est aisé de distinguer par la forme du bout de la queue. Cette partie, au lieu de se terminer par une prolongation filamenteuse, paroît comme tronquée assez loin de sa véritable extrémité; elle présente, à l'endroit où elle finit, une ligne droite et verticale. Et quoique nous ayons vu deux individus avec cette conformation particulière , nous ne savons pas si au lieu d'une variété plus ou moins constante , nous n'avons pas eu uniquement sous les yeux deux produits d'accidcns semblables ou analogues, deux résultats d'une sorte d'amputation extraordinaire, dont on trouve plusieurs exemples parmi les animaux à sang froid, qu'ils peuvent subir sans en périr, et qui, pour les deux individus dont nous parlons, auroit emporté la portion la plus déliéa àe leur queue, TOME II. 24 l86 HISTOIRE NATURELLE petites écailles blanches et éclatantes , et , si je pm'g parler ainsi , d'une sorte de poussière d'argent que relève l'or de ses iris et de ses lignes latérales , il brille et dans le sein des ondes, et au milieu de l'air, particu- lièrement lorsque , cédant à sa voracité qui est très- grande , animé par une affection puissante, ajoutant par l'effet de ses mouvemcns à la vivacité de ses couleurs, et déplojant sa riche parure sous un ciel enflammé, il jaillit de dessus les eaux, et, poursuivant sa proie avec plus d'ardeur que de précautions, saute jusque dans les barques et au milieu des pêcheurs. Cette bande d'argent si décorée, si élastique, si vive y si agile, a quelquefois plus d'un mètre de longueur. Le lepture vit au milieu de l'eau douce. On le trouve, comme plusieurs gjmnotes , dans l'Amérique méridio- nale. Il n'est pas étranger néanmoins aux contrées orientales de l'ancien continent : il se trouVe dans la Chine ; et nous avons vu une image très -fidèle de ce poisson dans un recueil de peintures chinoises données par la république batave à la république françoise , déposées maintenant dans le Muséum national d'histoire naturelle , et dont nous avons déjà parlé dans cet ouvrage. Au reste , la beauté et la vivacité du lepture sont si propres à plaire aux jeux , à parer une retraite , à charmer des loisirs , qu'il n'est pas surprenant que les Chinois l'aient remarqué , observé , dessiné ; et vrai- semblablement ce peuple, qui a su tirer un si grand parti DES POISSONS. 187 des poissons pour ses plaisirs, pour son commerce, pour sa nourriture, ne se sera pas contenté de multi- plier les portraits de celte espèce; il aura voulu aussi en répandre les individus dans ses nombreuses eaux, dans ses larges rivières^ dans ses lacs enchanteurs. LE TRICHIURE ÉLECTRIQUE On a reconnu dans ce tricliiure une faculté analogue à celle de la torpille et du gjmnote torporifîque. Mais comme, en découvrant ses effets, on n'a observé aucun phénomène particulier propre à jeter un nouveau jour sur cette puissance que nous avons long-temps consi- dérée en traitant du gjmnote engourdissant et de la torpille, nous crojons devoir nous contenter de dire que le tricliiure électrique est séparé du lepture , non seulement par la conformation de ses mâchoires , qui sont toutes les deux également avancées , mais encore par la forme de ses dents , toutes extrêmement petites. D'ailleurs le bout de la queue n'est pas aussi aigu que dans le lepture. De plus, au lieu de présenter l'or et l'argent qui décorent ce dernier poisson , il n'offre que des couleurs ternes; il est brun et tacheté. S'il a été doué de la puissance , il est donc bien éloigné d'avoir reçu l'éclat de la beauté. C'est dans les mers de l'Inde qu'il exerce le pouvoir qui lui a été départi. * Trichiurus electrlcus. PalUe-en-cul, fyar quelques naturalistes et voyageurs. Trlcliiurus electricus. Linné, édition de Gmelin, Anguilla Indica. TVillughbj, Jppend, lab. "iyfig* 3. Raj. Fisc. -p. 171. . Nieuh. Jt, Ind. 2, -p. 270, VINGT-SIXIÈME GENRE. LES iVOTOPTÈRES. Des nageoires pectorales , de Vamis et du dos ; point de nageoire caudale ; le corps très-court. ESPECES CARACTÈRES. 1. Le notopt. kapirat. ( NotoplL'Tus kcipirat. ) 2. Le notopt. écailleux. f La nageoire du dos très-longue; le corps cou- ( Notopterus squumosus, ] l vert de petites écailles arrondies. '/La nageoire du dos très-courte. LE NOTOPTÊRE KAPIRAT *. Les deux poissons dont nous allons donner la des- cription, ont été jusqu'à présent confondus avec les gymnotes : mais la précision que nous crojons devoir introduire dans la distribution des objets de notre étude , et les principes sur lesquels la classification des animaux nous a paru devoir être fondée, ne nous ont pas permis de laisser réunis des poissons dont les uns n'ont reçu le nom de gymnotes que parce que leur dosï est entièrement dénué de nageoires, et d'autres osseux qui au contraire ont une nageoire dorsale plus ou moins étendue. Nous avons donné à l'ensemble de ces derniers le nom générique de jiotoptère, dont plusieurs naturalistes se sont servis jusqu'à présent pour dési- gner le kapirat , la première espèce de ce grouppe , et qui , venant de deux inots grecs, dont l'un signifie dos, et l'autre aile ou nageoire , indique la présence d'une nageoire dorsale. Les noms de ces deux genres très- voisins annoncent donc la véritable différence qui les * Notopterus kapirat. Ikan pengay, dans Vlnde. Gyranotus notopterus. Linné ^ édition de Gmelin. Gytnnotus kapirat. Bonnaterre, planches de VEncyclo-pédiô métJiodique^ Pengay, seu kapirat. Renard ^ Poiss. i, p. i6, ;/. 90. Tima marina, scu hip|niris, Boniiusj Ind, c. iS , ;j. 78. HISTOIRE K A T U II E L L E. ï 9 I sépare; on pourroit même, à la rigueur , dire la seule difïérence générique bien sensible et bien constante qui les écarte l'un de l'autre. Le kapirat sur-tout scroit aisément assimilé en tout, ou presque en tout, à un gjmnote , si on le privoit de la nageoire qu'il a sur le dos. Ce poisson qui fait le sujet de cet article, se trouve dans la mer voisine d'Amboine. 11 ne parvient ordi- nairement qu'à la longueur de deux ou trois déci- mètres. Son museau est court et arrondi; on apperçoit une petite ouverture, ou un pore très-sensible, au- dessus de ses jeux qui sont grands. La mâchoire supé- rieure est garnie de dents égales et très-peu serrées ; la mâchoire inférieure en présente sur son bord exté- rieur de plus grandes et de plus éloignées encore les unes des autres ; et de plus, on voit sur le bord inté- rieur de cette même mâchoire d'en-bas , ainsi que sur celui du palais , une série de dents très-petites. L'oper- cule des branchies est garni d'écaillés et membraneux dans son contoiu'. La gorge et l'anus sont très - rap- prochés. L'étendue de la nageoire de l'anus *, et la forme très-alongée de la queue, sont assez remar- quables pour avoir fait donner au kapirat, par Bontius , * A la membrane des branchies 6 rayons, à la nageoire du dos 7 à chacune des nageoires pectorales i3 à la nageoire de l'anus 116 ÏQ2 HISTOIRE NATURELLE, le nom àliippurls , qui veut dire (jueue de cheçah YJt enfin ce notoptère brille des couleurs de l'or et de l'argent qui sont répandues sur les très-petites écaille» dont sa peau est revêtue. C=t: LE NOTOPTÈRE ËCAILLEUX *. Comme nous n*avous pas vu ce poisson, nous ne pouvons que présumer qu'il ne présente pas de véri- table nageoire caudale. Si le bout de sa queue étoit cependant garni d'une nageoire distincte et véritable- ment propre à cette extrémité , il faudroit le séparer des notoptères, et le comprendre dans un genre parti- culier. Mais si au contraire , et comme nous le pen- sons , il n'a point de nageoire que l'on doive appeler caudale , il offre tous les caractères que nous avons assignés au genre des notoptères , et il doit être ins- crit à la suite du kapirat. Il diffère néanmoins de ce dernier animal , non seulement parce que sa nageoire dorsale , au lieu d'être courte et de ne renfermer que sept rajons , en comprend un très -grand nombre et s'étend presque depuis la nuque jusqu'à la queue , mais encore parce qu'il est revêtu , même sur la tête , d'écaillés assez grandes et presque toujours arrondies, qui nous ont suggéré son nom spécifique. On voit au-devant de chacune de ses narines un petit barbillon qui paroît comme tronqué. Il j a sur la tête plusieurs pores très-visibles, et cinq très-petits enfoncemens. Les dents sont acérées; et fenîre-deux * Nolopteius squamosus. Gymnolus Ailalicus. Li/i/u'j édiliun de Gmelin, 'lOME 11. 25 194 HISTOIRE NATURELLE. des branches de la mâchoire supérieure en est garni, Lah'gne latérale est droite, excepté au-dessus de l'anus, où elle se fléchit vers le bas. La couleur de lecailleux est obscure, avec des bandes transversales brunes. Il devient ordinairement un peu plus grand que le kapirat, et il habite, comme ce dernier poisson, dans les mers de l'Asie *. Tous les vrais gjmnotes connus Jusqu'à présent vivent donc dans les eaux de l'Amérique méridionale, ou de l'Afrique occidentale , excepté le fierasfer, que l'on a péché dans la Méditerranée , pendant qu'on ne trouve que dans les mers de l'Asie les notoptères déjà découverts. * A la membrane des branchies , 5 rayons. VINGT-SEPTIEME GENRE. LES OP III SUR ES. Point de nageoire caudale ; le corps et la queue cylin^ driques et très-alongés relativement à leur diamètre; la tête petite; les narines tabulées; la nageoire dorsale et celles de V anus y très^longues et très-basses. ESPÈCES. CARACTÈRES. I. L'OPHISUREOPHIS. /t^ , , /^ ; . ,. X lUe grandes taches rondes OU ovales. \upnisians opius.) l ° a. L'OPHISURE SERPENT. r„ • . , , /^„7 . X 1 Point de taches , ou de tres-petites taches. {Opnisurus serpe ns.) l 7 v « x L'OPHISURE OPHIS*. Ceux qui auront un peu réfléchi aux difFërens prin- cipes qui nous dirigent dans nos distributions métho- diques, ne seront pas surpris que nous séparions les deux espèces suivantes du genre des murènes , dans lequel elles ont été inscrites jusqu'à présent. En effet, elles en diffèrent par fabsence d'une nageoire caudale. On leur a depuis long- temps donné le nom de scr- pcns marins ; et comme un des grands rapports qui les lient avec les véritables serpens, consiste dans la forme déliée du bout de leur queue , dénué de nageoire , ainsi que l'extrémité de la queue des vrais reptiles, nous avons cru devoir donner au grouppe qu'elles vont composer, le nom d'op/ilsure , qui veut dire (jueiie de serpent, La première de ces deux espèces est celle à laquelle j^ai conservé le nom particulier à'ophis, qui, en grec ^ signifie serpent. Son ensemble a beaucoup de confor- * Ophisuriis ophis^ !Murecna opliis. Linné ^ édition de Gmelïn, Murène serpent taché. Daubsuton, encyclopédie méthodique^ Id. Bonnatcrre, jilanclies de l'Encyclopédie méthodique. Muiaena teres, giacilis, maculosa, etc. Artedi, gen. 24, syn, 41^ IBloch 3 -pi. 154. Serpens marinus maculosus. Lister ^ Appcnd. p. j^.. Ri>j. p.3'j. HISTOIRE NATURELLE. 1 97 mite avec celui des vérilables reptiles; et sa manière de se mouvoir sinueuse, vive et rapide , rapproche ses habitudes de celles de ces derniers animaux. Il se con- tourne d'ailleurs avec facilité; il se roule et déroulé; et ces évolutions sont d'autant plus agréables a voir, que ses proportions sont très-sveltes, et ses couleurs gracieuses. Le plus souvent son diamètre le plus grand n'est que la trentième ou même la quarantième partie de sa longueur totale, qui s'étend quelquefois au-delà de plus d'un mètre j et sa petite tête , son corps , sa queue, ainsi que sa longue et très-bassa^nageoire dor- sale , présentent sur un fond blanc , ou blanchâtre , plusieurs rangs longitudinaux de taches rondes ou ovales , qui , par leur nuance foncée et leur demi-régu- larité , contrastent très-bien avec la teinte du fond. On voit des dents recourbées , non seulement le long des mâchoires, mais encore au palais. L'ophis habite dans les mers européennes *. * A la membrane des branchies 10 rayons, à chacune des nageoires pectorales 10 à la nageoire du dos 186 à celle de i'anus 79 L'OPHISURE SERPENT Cette seconde espèce d'ophisure est plus grande que la première : elle parvient fréquemment à la longueur de près de deux mètres. Elle habite non seulement dans les eaux salées voisines de la campagne de Rome , mais encore dans plusieurs autres parties de la mer Médi- terranée. Elle j a été nommée plus souvent que presque tous les autres poissons , serpent jnarin, et elle j a été connue d'Aristote , qui la distinguoit par le même nom de serpent marin , de serpent de mer. Ses habitudes res- semblent beaucoup à celles de l'ophis : ses mouvemens sont aussi agiles, ses inflexions aussi multipliées, ^ç^s circonvolutions aussi faciles, sa natation aussi rapide, * Opliisurus serpens. Mursena serpens. Linné ^ édition de Gmelin. Murène serpent sans tache. Danbentoiiy Encyclopédie méthodique, ïd. Bonnaterre , planches de l' encyclopédie méthodique, Muraena exacte teres , eic, Ar te dijgen. 24, syn. 41. Oijpis â'aAaTT/of, Arist. lih. 2 , cap, 14; et lib. 9, cap. 87. Serpens mavînus. Salv.foL Sy, a.adiconem^ et fol. 58, a. Serpent marin. Rondelet ^ première partie j liv. 14, chap. 6. Gesnerj p. 862 , 864 , loSy, et {germ.) fol. 47, b. Aldrov. lib. 3, cap, 24, /;. 846. Jonston, lih. i, lit. i, cap, 2, a. 5, />. 16, tab. 4 -^fig, 5, Charlet. Onom.p. i55. J'ViUughhy,p.ïO'], Raj. p. 36. Serpent marin. Valmont-Bomarej Dictionnaire d* histoire naturelle ^ HISTOIRE NATURELLE. I99 et ses courses ou ses jeux plus propres encore à charmer les jeux de ceux qui sont à portée de l'observer, parce qu'elle oflVe des dimensions plus grandes , sans cesser d'avoir des proportions aussi sveltes. On ne voit pas sur son corps les taches rondes ou ovales qui distinguent l'ophis. Elle est jaunâtre sur le dos, blanchâtre sur sa partie inférieure; et sa nageoire dorsale ainsi que celle de l'anus sont lisérées de noir. On compte dix rajons à la membrane des branchies, et seize à chacune des nageoires pectorales. VINGT-HUITIÈME GENRE. LES TRI U RE S. La nageoire de la cjneiie très-courte • celle du dos et celle de l'anus étendues jusqu au- dessus et au-dessous de celle de la queue • le museau avancé en forme de tube ^ une seule dent à chaque mâchoire^ ESPÈCE. CARACTÈRES. IUne valvule en forme de croissant, et fermant, à la volonté de l'animal , la partie de l'ou- verture des branchies laissée libre par la membrane brancliiale qui est attachée à la tête ou au corps dans presque tout sott contour. ,s= LE TRIURE BOUGAINVILLIEN *. Nous venons d'écrire riiistoire des poissons apodes renfermés dans la première division des osseux , et qui sont dénués de nageoire caudale : examinons mainte- nant ceux du même ordre qui en sont pourvus; et com- mençons par ceux qui n'en ajant qu'une assez courte, lient, par une nuance intermédiaire, les premiers avec les seconds. Plaçons ici, en conséquence, ce que nous avons à dire d'un poisson du premier ordre des osseux, dont les manuscrits du savant Commerson nous ont présenté la description , qui n'a été encore observé par aucun autre naturaliste , et que nous avons dû inscrire dans un genre particulier. Nous avons déjà donné le nom de commerson à une lophie ; donnons au poisson que nous allons décrire, le nom de notre fameux navigateur et mon respectable confrère Bougainville, avec lequel Commerson voja- geoit dans la mer du Sud , lorsqu'il eut occasion d'exa- miner le triure dont nous allons parler. Ce fut entre le 26 et le 27^ degré de latitude australe; * Triurus bougaînvillianus. Tricaud, on bâcha de mer; triurus, vel triplurus, vel Iricaudus bidens, rictu fistulari, pinnis ventralibiis careos , caudâ subfimbriatà, abortivâ, pinnis dorsi et ani huic adjectitUs succedaneiscjue. Commerson j munuscritf déjà cités. TOME II. 26 202 HISTOIRE NATURELLE et près du io3 ou du 104^ degré de longitude, qu'un hasard mit Comraerson à inême de voir cette espèce très- digne d'attention par ses formes extérieures On venoit de prendre plusieurs poissons du genre des scombres. Commerson les ajant promptement dissé- qués, trouva dans l'estomac d'un seul de ces animaux cinq triures très-entiers, et que la force digestive du scombre n'avoit encore altérés en aucune manière. Leur forme extraordinaire frappa , dit Commerson, les gens de l'équipage, qui s'écrièrent tous qu'ils n'avoient jamais vu de semblables poissons. Quant à lui, il crut bientôt après avoir retiré ces cinq triures de l'estomac du scombre, en voir plusieurs de la même espèce se jouer sur la surface de la mer. 11 étoit alors dans le mois de février de 1768 ('p. sl). Quoi qu'il en soit, voici quels sont les traits de cette espèce d'osseux apode , dont les individus examinés par le très-exact et très- éclairé Commerson avoient à peu près la grandeur et l'aspect d'un hareng ordinaire. La couleur du triure bougainvillien est d'un brun rougeatre qui se change en argenté sous la tête , et en incarnat, ou plutôt en vineux blanchâtre, sur les côtés , -ainsi que sur la partie inférieure du corps et de la queue , et qui est relevé par une tache d'un blanc très-éclatant derrière la base des nageoires pectorales. L'ensemble du corps et de la queue est comprimé, et alongé de manière que la longueur totale de l'animal, sa plus grande hauteur et sa plus grande largeur, sont DES POISSONS. So3 dans le même rapport que 71 , 18 et 10. Ce même ensemble est d'ailleurs entièrement dénué de picjuans, et revêtu d écailles si petites et si enfoncées , pour ainsi dire, dans la peau à laquelle elles sont attachées , qu'à la première inspection , on pourroit croire l'animal entièrement sans écailles. La tête, qui est comprimée comme le corps, et qui de plus est un peu aplatie par-dessus, se termine par un museau très - prolongé fait en forme de tube assez étroit, et dont l'extrémité présente pour toute ouver- ture de la bouche, un orifice rond, et que l'animal ne peut pas fermer. Dans le fond de cette sorte de tujau sont les deux mâchoires osseuses , composées chacune d'une seule dent incisive et triangulaire. On n'apperçoit pas d'autres dents ni sur le palais, ni sur la langue, qui est très- courte , cartilagineuse, et cependant un peu charnue dans son bout antérieur, lequel est arrondi. Les ouvertures des narines sont très-petites et placées plus près des orbites que de l'extrémité du museau. Les jeux sont assez grands, peu convexes, dépourvus de ce voile membraneux que nous avons fait remarquer sur ceux des gjmnotes , des ophisures, et d'autres pois- sons; et l'iris brille des couleurs de l'or et de l'argent. C'est au-dessous de la peau qu'est placé chaque opercule branchial , qui d'ailleurs est composé d'une lame osseuse , longue , et en forme de faux. La mem- brane branchiale renferme cinq ra^ ons un peu aplatis 2.04- HISTOIRE NATURELLE et courbés, qu'on ne peut cependant appercevoir qu'à l'aide de la dissection. Cette membrane est attachée à la tête ou au corps dans presque tout son contour, de manière qu'elle ne laisse pour toute ouverture des branchies qu'un très-petit orifice situé dans le point le plus éloigné du museau. Nous avons vu une confor- mation analogue en traitant des sjngnathes ; nous la retrouverons sur les callionjmes et sur quelques autres poissons : mais ce qui la rend sur-tout très - remar- quable dans le triure que nous faisons connoître, c'est qu'elle offre un trait de plus dont nous ne connoissons pas d'exemple dans la classe entière des poissons^ et voilà pourquoi nous en avons tiré le caractère distinc- tif du bougainvillien. Cette particularité consiste dans une valvule en forme de croissant, charnue, mollasse, et qui, attachée au bord antérieur de l'orifice branchial , le ferme à la volonté de l'animal, en se rabattant sur le côtépostérieur.Le triure bougainvillien est donc de tous les poissons connus celui qui a reçu l'appareil le plus compliqué pour empêcher l'eau d'entrer dans la cavité branchiale, ou de sortir de cette cavité en passant par l'ouverture des branchies; il a un opercule, une mem- brane et une valvule; et la réunion, dans cet animal , de ces trois mojens d'arrêter l'entrée ou la sortie de l'eau , est d'autant plus digne d'attention, que, d'après les expressions de Commerson , il paroît que ce triure lie peut pas fermer à sa volonté l'orifice placé à l'extré- mité du long tube formé par son museau , et que ce DES POISSONS. 2.0D tube peut servir de passage à l'eau pour entrer par la bouche dans la véritable cavité branchiale , ou pour en sortir. Mais nous avons assez parlé des organes du triure relatifs à la respiration. On ne voit pas de ligne latérale bien sensible. Le bas du ventre se termine en carène aiguë dans presque toute sa longueur 3 et l'anus, qui est situé à l'extrémité de l'abdomen , consiste dans une ouverture un pçxi alongée. Les nageoires pectorales sont petites , délicates , transparentes, paroissent presque triangulaires lors- qu'elles sont déplojées , et renferment douze ou treize rajons. La nageoire de l'anus, composée de quinze rajons mous, ou environ, se dirige en arrière; et sa pointe aiguë s'étend presque aussi loin que le bord postérieur de la nageoire de la queue , dont elle représente un supplément, et paroît même former une partie. La nageoire dorsale ne se montre pas moins comme une auxiliaire de la nageoire de la queue. Formée d'un égal nombre de rajons que celle de Tanus, partant d'un point plus éloigné de la tète, et ajant un tiers de lon- gueur de plus , elle s'étend en arrière non seulement presque autant que la nageoire caudale , mais encore plus loin que cette dernière. Et comme les deux nageoires dorsale et de l'anus touchent d'ailleurs la nageoire de la c|ueue, cette nageoire caudale semble ^ 2o6 HISTOIRE NATURELLE au premier coup d'œil , être composée de trois parties bien distinctes; on croit voir trois queues à l'animal; et de là viennent les dénominations de triiinis, de tri^ plunis, de tricaud, c'est-à-dire , d'animal à trois queues, de bâcha de la mer, etc. emplojées par Commerson, et dont nous avons conservé le nom générique de triurus, îriure. Au reste , la nageoire caudale proprement dite est si courte, que, quoique composée d'une vingtaine de rajons, elle ressemble beaucoup plus à lebauche d'un organe qu'aune partie entièrement formée. Elle paroît frangée, parce que les rajons qu'elle renferme sont mous, articulés, et très-divisés vers leur extrémité. Le triure bougainvillien n'auroit donc pas vraisem- blablement une grande force pour nager au milieu des eaux de la mer, si la nature et le peu de surface de sa véritable nageoire caudale n'étoient compensés par la forme, la position et la direction de la nageoire du dos et de celle de l'anus , mais nous pensons , avec Commerson, que, par le secours de ces deux nageoires accessoires, le triuredoit se mouvoir avec facilité, et s'élancer avec vitesse dans le sein des mers qu'il habite. Telle est l'image que nous pouvons former du triure bougainvillien, en réunissant les traits précieux trans- mis par (vommerson. Quant à l'organisation intérieure de ce poisson, voici ce qu'en a écrit notre voyageur. Le foie est d'un rouge très-pâle, parsemé de points DES POISSONS. 007 sanguins , et composé de deux lobes convexes, inégaux, et dont le droit est le plus grand. Le canal intestinal est étroit, diminue insensible- ment de grosseur depuis le pjlore , se recourbe et se replie sur sa direction quatre ou cinq fois. Commerson n'a trouvé qu'une matière liquide et blancliâtre dans l'estomac, qui est petit, et placé trans- versalement. Le cœur est presque triangulaire, d'un rouge pale, avec une oreillette très-rouge. Commerson n'a pas vu de vésicule natatoire 3 mais il ne sait pas si son scalpel ne l'a pas détruite. Le poids du plus grand des triures bougainviliiens examinés parce naturaliste , étoit, à très-peu près, de i32 grammes. VINGT-NEUVIÈME GENRE. LES APTÉRONOTES, Une nageoire de la queue -^ point de nageoire du dos; les mâchoires non extensibles. ESPÈCE. CARACTÈRES. L'aptéronote passan. f Un long filament charnu , placé au-dessus de {^Apteronotus passan.) l la partie supérieure de la queuct L'APTÊRONOTE PASSAN *. Le nom à\ipiéronote, qui veut dire sans nageoire sur le dos, désigne la même conformation que celui de gyfJi- note, (jui signifie clos niid. Et en effet, le passan , comme les gjmnotes, n'a pas de nageoire dorsale ; mais nous avons dû le séparer de ces derniers, parce qu'indé- pendamment d'autres grandes différences , il a une nageoire caudale, dont ils ne présentent aucun linéa- ment. Nous l'avons donc inscrit dans un genre parti- culier, auquel cependant nous avons été bien aises de donner un nom qui, en faisant éviter toute équivoque, rappelât ses rapports, et, pour ainsi dire, sa parenté avec la famille des gjmnotes. Le passan a le museau très -obtus- la tête dénuée d'écaillés sensibles, et parsemée de très-petits trous destinés à répandre une humeur visqueuse; l'ouverture de la bouche étendue jusqu'au-delà des jeux, qui sont voilés par une membrane comme ceux des gjmnotes; les orifices des narines à une distance à peu près égale des jeux et du bout du museau ; et les deux mâchoires * Apteronotus passan. Gymnote passan. Daubentorif Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, Gymnotus albifrons. Linné, édition de Gmelin. Pallas, Spicil. zoolog. 7, p. 35, tub. d-ifig» i. TOME II. 27 SIO HISTOIRE NATURELLE festonnées de manière que la mâchoire supérieure pré- sente une portion saillante à son extrémité , ainsi que quatre autres parties avancées, deux d'un côté et deux de l'autre , et que la mâchoire inférieure oppose un enfoncement à chaque saillie et une saillie à chaque enfoncement de la mâchoire d'en-haut , dans laquelle d'ailleurs elle s'emboîte. Les opercules des branchieç sont attachés dans la plus grande partie de leur contour, et les ouvertures branchiales un peu en demi-cercle. Par une conformation bien rare, et bien remarquable même à côté de celles qu'offrent les apodes de la pre- mière division des osseux et particulièrement les gjm- notes, l'anus est si près de la tête, qu'il est situé dans le petit espace anguleux qui sépare les deux membranes branchiales, et très-près du point où elles se réu- nissent. Derrière l'anus, on voit un orifice que l'on croit destiné à la sortie de la laite , ou des œufs. Mais nous allons décrire une conformation plus sin- gulière encore. Vers le milieu de la partie supérieure de l'animal comprise entre la tête et la nageoire caudale ^ com- mence une sorte de filament , ou de lanière charnue très -longue et très -déliée. Le savant naturaliste du Nord , le célèbre Pallas , auquel on doit un si grand uombre de découvertes en histoire naturelle , a le premier fait attention à cette espèce de lanière. En vojant que ce long filament convexe par -dessus et DES POISSONS. S I l comme excave par -dessous rej^ondoit à une sorte de canal longitudinal dont les dimensions paroîssoient se rapporter exactement à celles du filament, il fut d abord tenté de croire que l'on avoit entaillé le dos de l'animal, et qu'on en avoit détaché une lanière, au point qu'elle ne fût retenue que par son extrémité an- térieure. Il s'apperçut cependant bientôt que la con- formation qu'il avoit sous ses jeux, étoit naturelle : mais Tétat d'altération dans lequel étoit apparemment le passan de la collection de l'académie de Pétersbourg, empêcha ce savant professeur de connoître dans tous ses détails la véritable conformation du filament ; et comme depuis la description publiée par ce natura- liste on n'a pas cru devoir chercher à ajouter à ce qu'il a écrit, la vraie forme de cette portion du passan n'est pas encore connue de ceux qui cultivent les sciences naturelles. La voici telle que j'ai pu la voir sur un individu très- bien conservé qui faisoit partie de la collection donnée à la France par la république batave; et la figure que j'ai fait dessiner et graver en donnera une idée très-nette. Cette lanière charnue est en effet convexe par- dessus , concave par-dessous , attachée par son gros bout vers le milieu du dos de l'aptéronote, et répon- dant à un canal dont les dimensions diminuent à me- sure qu'elle devient plus déliée, ainsi que Fa très-bien dit le professeur Pallas ; mais ce que ce naturaliste n'a pas été à même de voir, et ce qui est plus extraordi- 2 I i2 HISTOIRE NATURELLE iiaire , c'est que ce filament est attaché aussi , par son bout lé plus menu, très-près de l'origine de la nageoire de la queue. Lorsqu'on le soulève, on le yoit retenu par ses deux bouts, formant une espèce d'arc dont la queue de l'animal est la corde ; et de plus on apperçoit très- distinctement une douzaine de petits fils qui vont du canal longitudinal à cette lanière , la retiennent comme par autant de liens , sont inclinés vers la na- geoire caudale, et se couchent dans le canal longitu- dinal, lorsqu'on laisse retomber le grand filament dans la longue gouttière qu'il remplit alors en entier. C'est de la présence de cette lanière que nous avons tiré le caractère spécifique du passan. La nageoire de l'anus commençant très-près de cette dernière ouverture, s'étend presque depuis la gorge jusqu'à la base de la nageoire caudale; elle comprend de 147 à i52 rajons *. Le corps et la queue sont couverts d'écaillés petites et arrondies. L'animal est de deux couleurs , d'un noir plus ou moins foncé , et d'un blanc éclatant. Ce blanc de neige s'étend sur le museau ; il règne ensuite en forme de bande étroite depuis le devant de la tête jusqu'à la partie postérieure de la queue , qui est blanche ainsi que la nageoire caudale , et la dernière partie de celle * A chacune des nageoires pectorales, de i5 à 16 rayons- à celle de la (jueue, de 20 à 24 DES POISSONS. 2.i'3 de l'anus. Ccst cette portion très-blanche de la nageoire de l'anus, dont l'image a été oubliée par quelques uns de ceux qui ont représenté le passan ; et voilà pourquoi on lui a attribué une nageoire de l'anus beaucoup plus courte que celle qu'il a réellement. Cet aptéronote parvient quelquefois jusqu'à la lon- gueur de quatre décimètres. On le trouve dans les environs de Surinam. TRENTIEME GENRE. LES RÉGALECS. Des nageoires pectorales , du dos , et de la queue ; point de nageoire de l'anus, ni de série d'aiguillons à la place de cette dernière nageoire j le corps et la queue très-alongés, ESPÈCES. CARACTÈRES. (Un long filament auprès de chaque nageoire pectorale ; une nageoire dorsale régnant ( Regalecus glesne, ) j depuis la nuque jusqu'à la nageoire de la l. queue, avec laquelle elle est réunie. T , , , rLa naseoire de la queue lancéolée ; les oper- 2. Le regalec lancéolé.) ^ ^ ' ^ , / _, , , , . i cuies composés seulement de deux ou troig ( RegaLeciis lunceolatus.) 1 . ■^ ^ pièces. LE RÉGALEC CLES NE*. Plus on fait de progrès clans l'étncle des corps orga- nisés, et plus on est convaincu de cette vérité impor- tante, cpie toutes les formes compatibles avec la con- servation des espèces, non seulement existent, mais encore sont combinées les unes avec les autres de toutes les manières qui peuvent se concilier avec la durée de ces mêmes espèces. L'histoire des poissons apodes de la première division des osseux nous fournit un exemple remarquable de cette variété de combinaisons. Dans les dix-neuf genres de cet ordre , les diverses nageoires du dos, de la poitrine, de Fanus, et de la queue, montrent en effet par leur présence, ou par leur absence , un assez 2:rand nombre de modes difTérens. Les cécilies sont absolument sans nageoires ; les monoptères n'en ont qu'une qui est placée au bout de la queue j on en voit deux sur les leptocépbales , dont le dos est garni d'une de ces deux nageoires , pendant que l'autre est située entre leur queue et leur anus j les trichiures n'en ont que sur le dos et des deux côtés de la poitrine; les *■ Regalecus glesne. Sikl konge , sild tulst , en Norvège. Regalecus glesne. Ascagne, figures enluminées criiistoîre naturelle j ca7t> 2, jj, 5, -pi. II. Muller, Zoologiœ T)anicœ prodromus. Régalée glesne. èonnaterTe, planches de VEncjclopédie méthodique. 2.1 G MISTOIRE NATURELLE gjmnotes , qui en ont de pectorales et une de l'anus , en sont dénués sur le dos et à l'extrémité de la queue; les notoptères et les opliisures en déploient uniquement sur le dos , au-delà de l'anus , et des deux côtés de la partie antérieure de leur corps ; les triures ne réunissent sux nageoires du dos , de la poitrine et de l'anus, que des rudimens d'une nageoire de la queue 3 on apper- çoit une nageoire caudale , deux pectorales et une nageoire de l'anus sur les aptéronotes , mais leur dos est sans nageoire ; les quatre sortes de nageoires ont été données aux odontognathes , aux murènes, aux ammodjtes , aux ophidies , aux macrognathes , aux xiphias , aux anarhiques , aux coméphores , aux stro- matées, aux rhombesj et enfin les régalées ont reçu une nageoire du dos, une nageoire de la queue, et deux pectorales , sans aucune apparence de nageoire de l'anus. Cette absence d'une nageoire anale suffiroit seule pour séparer le genre des régalées de tous les autres genres de son ordre, excepté de celui des cécilies, de celui des monoptères, et de celui des trichiures; mais comme les trichiures ont une série d'aiguillons à la place de la nageoire anale , que les monoptères n'ont qu'une seule nageoire, et que les cécilies n'en ont pas du tout, on peut dire que cet entier dénuement de nageoire de l'anus distingue véritablement les régalées de tous les apodes inscrits dans la première division des poissons osseux , et avec lesquels on pourroit les con- fondre. DES POISSONS. £217 Le naturaliste Ascaniiis est le premier auteur qui ait fait mention du régalée. On n'a eompté jusqu'à présent dans ce genre, qu'une espèce que Ton nomme gicsiic, et qui habite auprès des cotes de Norvège. Le régalée glesne a d'assez grands rapports avec les tri- chiures et les ophisures. Le corps et la queue sont très-alongés et comprimés , les mâchoires armées de dents nomlireuses , les opercules composés de cinq ou six pièces , les membranes branchiales soutenues par cinq ou six rajons , les nageoires pectorales très- petites. Au-dessous de chacune de ces deux dernières nageoires, on voit un filament renflé par le bout, et dont la longueur est égale ordinairement au tiers de celle de l'animal. On compte, en quelque sorte, deux nageoires dorsales : la première, qui cependant est une série de piquans plutôt qu'une véritable nageoire, commence dès le sommet de la tête , et est composée de huit aiguillons ; la seconde s'étend depuis la nuque jusqu'à la nageoire caudale , avec laquelle elle se réunit et se confend. Tout le corps du poisson est argenté, semé de petits points noirs disposés en raies longitudinales , et varié dans ses nuances par trois bandes brunes placées transversalement sur la partie postérieure de la queue. Comme on le rencontre souvent, ainsi que la chi- mère arctique , au milieu des innombrables légions de harengs , qu'il est argenté comme ces derniers animaux, qu'il a l'air de les conduire, et qu'il parvient à des TOME II. ^S 2l8 HISTOIRE NATURELLE. dimensions assez considérables , on l'a nommé , ainsi que la chimère du Nord , roi des harengs; et c'est ce que désigne le nom générique de régalée , qui lui a été conservé. LE RÉGALEC LANCEOLE*. Nous plaçons dans le même genre que le glesne , une espèce de poisson dont nous avons vu une figure coloriée, exécutée avec beaucoup de soin, et parmi les dessins chinois cédés par la Hollande à la France , et desquels nous avons déjà parlé plusieurs fois. Nous avons donné à ce régalée, dont les naturalistes d'Europe n'ont encore publié aucune description , le nom spécifique de lancéolé , parce que la nageoire qui termine sa queue a la forme d'un fer de lance. Cet animal est dénué d'une nageoire de l'anus comme le glesne : il a , comme ce dernier osseux , deux na- geoires dorsales , très-basses et très-rapprochées; mais ces deux nageoires sont, en quelque sorte, triangu- laires : la première n'est point composée d'aiguillons détachés , et la seconde ne se confond pas avec l'anale comme sur le glesne. Chacun des opercules n'est com- posé que de deux ou trois pièces, tandis qu'on en compte cinq ou six dans chaque opercule du régalée de Norvège. Le lancéolé a d'ailleurs le corps très-alongé et serpentiforme, comme le régalée d'Europe; mais ce poisson chinois, au lieu d'être argenté, est d'une cou- leur d'or mêlée de brun. * Regalecus lanceolatus. Ce régalée est représenté sous le nom ^''ophiâie chinoise, dans la planche vingt- deuxième du premier volume de cette Histoire des poissons. TRENTE-UNIEME GENRE. LESODONTOGNATHES. Une lame longue , large, recourbée, dentelée , placée de chaque coté de la mâchoire supérieure , et entraînée par tous les mouvemens de la mâchoire de dessous* ESPÈCE* CARACTÈRES^. IHuit aiguillons recourbés, situés sur la poi- trine ; vingt-huit autres aiguillons disposés sur deux rangs longitudinaux , et placés sur le veatre,. I L'ODONTOGNATHE AIGUILLONNÉ *, Parmi plusieurs poissons que le citoyen Lebloud nous a fait parvenir assez récemment de Cajenne, s'est trouvé celui que j'ai cru devoir nommer odontogjiathe aiguil/onné. Non seulement cet osseux n'a encore été décrit par aucun naturaliste, mais il ne peut être placé dans aucun des genres admis jusqu'à présent par ceux qui cultivent l'histoire naturelle. Sa tête, son corps et sa queue sont très-comprimés. Mais ce qui doit le faire observer avec le plus d'attention, c'est le mécanisme particulier que présentent ses mâchoires , et dont on ne trouve d'exemple dans aucun poisson connu. Mon- trons en quoi consiste ce mécanisme. La mâchoire inférieure, plus longue que la supé- rieure, est très-relevée contre cette dernière, lorsque l'animal a sa bouche entièrement fermée; elle est même si redressée dans cette position, qu'elle paroît presque verticale. Elle s'abaisse, en quelque sorte, comme um pont-levis, lorsque le poisson ouvre sa bouche j et on s'apperçoit facilement alors qu'elle forme ime espèce de petite nacelle écailleuse, très -transparente y sillon- née par-dessous, et finement dentelée sur ses bords. Cette mâchoire de dessous entraîne en avant, lors- * Odontoctiathus mucronatus. 222 HISTOIRE NATURELLE quelle s'abaisse, deux pièces très-longues, ou, pour mieux dire, deux lames très-plates, irrégulières, de substance écailleuse , un peu recourbées à leur bout postérieur, plus larges à leur origine qu'à leur autre extrémité, dentelées sur leur bord antérieur, et atta- chées l'une d'un côté, l'autre de l'autre, à la partie la plus saillante de la mâchoire supérieure. Lorsque ces deux lames ont obéi le plus possible au mouvement en en-bas de la mâchoire inférieure, elles se trouvent avancées de manière que leurs extrémités dépassent la verticale que l'on peut supposer tirée du bout du museau vers le plan horizontal sur lequel le poisson repose. C'est au milieu de ces deux pièces que l'on voit alors la mâchoire inférieure abaissée et étendue en avant; et dans cette attitude, le contour de la bouche est formé par cette mêm.e mâchoire de dessous, et par les deux lames dentelées qui sont devenues comme les deux côtés de la mâchoire supérieure. Tant que la bouche reste ouverte, les lames dépassent par le bas la mâchoire inférieure; mais lorsque celle-ci remonte pour s'appliquer de nouveau contre la mâ- choire supérieure et fermer la bouche , chacune des deux pièces se couche contre un des opercules , et paroît n'en être que le bord antérieur dentelé. C'est des dentelures que nous venons d'indiquer en montrant le singulier mécanisme des mâchoires de l'aiguillonné, que nous avons tiré le nom générique de cet animal, odonio^nathe signifiant par vui seul mot, DES POISSONS. 2.^3 ■ ainsi qne cela est nécessaire pour la dénomination d'un genre , à mâchoires dentelées. Au milieu de ces mâchoires organisées d'une ma- nière si particulière, on voit une langue pointue et assez libre dans ses mouvemens. Les opercules, compo- sés de plusieurs pièces, sont très-transparens dans leur partie postérieure, écailleux et très-argentés dans leur partie antérieure. La membrane des branchies, qui est soutenue par cinq rajons, est aussi argentée par-dessus; et il n'est pas inutile de faire observer à ceux qui auront encore présentes à leur esprit les idées que notre pre- mier Discours renferme sur les couleurs des poissons, que dans un très-grand nombre d'osseux qui vivent aux environs de la Guiane et d'autres contrées équatoriales de l'Amérique , la membrane branchiale est plus ou inoins couverte de ces écailles très -petites et très- éclatantes qui argentent les diverses parties sur les- quelles elles sont répandues. La poitrine, terminée vers le bas en carène aiguë,' présente sur cette sorte d'arcte huit aiguillons recour- bés. On distingue de plus, au travers des tégumens et de chacjue côté du corps, quatorze cotes peu courbées, dont chacune est terminée par un aiguillon saillant à l'extérieur, et se réunit, pour former le dessous du ventre, à celle qui lui est analogue dans le côté du corps opposé à celui auquel elle appartient. Il résulte de cet arrangement, que la carène du ventre est garnie de "vingt-huit ai_jUillons disposés sur deux rangs longitu- 2 24 HISTOIRE NATURELLE. dinauxj et c'est de cette double rangée que vient le nom spécifique à' aiguillonné, par lequel nous avons cru devoir distinguer le poisson osseux que nous décrivons. La nageoire de l'anus est très -longue, et s'étend presque jusqu'à la base de celle de la queue , qui est fourchue *. Celle du dos est placée sur la queue proprement dite , vers les trois quarts de la longueur totale de l'animal; mais elle est très-petite. D'après l'état dans lequel nous avons vu l'individu envojé au Muséum national d'histoire naturelle par le cîtoj en Leblond , et conservé déjà depuis quelque temps dans de l'alcool afFoibli , nous pouvons seu- lement conjecturer que l'odontognathe aiguillonné présente , sur presque tout son corps, le vif éclat de l'argent. Nous le présumons d'autant plus, que cet ani- mal a reçu dans les environs de Cajenne , suivant le citojen Leblond , le nom vulgaire de sardine , nom donné depuis long -temps à une clupée argentée sur une grande partie de son corps , et qui d'ailleurs n'a aucune ressemblance extérieure bien frappante avec l'aiguillonné. Comme la sardine , l'odontognathe dont nous parlons, est bon à manger, et vit dans l'eau salée. Il parvient à la longueur de trois décimètres. * A chacune des nageoires pectorales 12 rayons, à la nageoire du dos 6 ou 7 à celle de l'anys Ço là celle de la ^ueue 19 TPvENTE-DEUXIEME GENRE. LES MURÈNES. Des nageoires pectorales, dorsale, caudale y et de Vanus; les narines tabulées; les yeux voilés par une ineni- brane-j le corps serpentifornie et riscjueux^ ESPÈCES, CARACTÈRES. ILa mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure ; cent rayons , ou environ , à la nageoire de l'anus 5 le dessus du corps et de la queue sans tache. ILa mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure: trente-six rayons, ou environ , 1 .11, Il 1 à la nageoire de 1 anus: la couleur verdâtre ; de petites taclies noiresj une grande tache de cliaque côté et auprès de la tête. ILe museau un peu pointu; deux petits appen- dices un peu cylindriques à la lèvre supé- rieure; la nageoire du dos toute cendrée, ou blanche et lisérée de noir. 4. La MURÈNE CONGRE. rDeux appendices un peu cylindriques à la (Murcena conger.) 1 lèvre supérieure 3 la ligne latérale blanche. TOME H.' 29 LA MURÈNE ANGUILLE* Il est peu d'animanx dont on doive se i-etracer l'image avec autant de plaisir que celle de la murène anguille. Elle peut être offerte, cette image gracieuse, et à Fenfance folâtre , que la variété des évolutions amuse , et à la vive jeunesse, que la rapidité des mou- vemens enflamme, et à la beauté, que la grâce, la - — » - * Mursena anguilla. Margaignon (anguille mâle) , dans plusieurs départemens méridionaux de France. Fine ( anguille femelle ) , ihid. Paglietane, dans plusieurs contrées d'Italie^ Gavonclii , ibid^ Mu si ni , ibid. Miglioiamentî , lorsqu'elle j>èse six Tiilo grammes ; auprès des lacs ou marais de >'onunachio , d^Orbitello, etc. en Italie» Capitoui, lorsqu'elle a le même poids; ibid, Rucche, l rsque son poids est de deux kilogrammes; ibid. Anu^uiMacci, lorsque son poids n'e.^t que d'un kilogramme et demi; ihiû, Presciatii, lorsqu'elle es£ très-petite; ibid. Ahl , en allemande Al , en suédois^ Eel , en anglois. Muraena anguilla. Linné j édition de Gmelin^ Murène anguille. Dauhenton, tlncyclopédie mélliodiqite^ Id. Bonnaterre , planches de V Encyclopédie mé-hodique. Muraena unicolor, etc. Artedi, spec. db^gen. 24, sjn. 39>- Cron. Mus. i,p. 16, ». 46 ; Zouph. p. 40, n. 06, Eel, 6r/'. Zoolog, 3, p, 142, n. 12. BLochj pi, 73. HISTOIRE NATURELLE. Sfîy souplesse, la légèreté, intéressent et séduisent, et à la sensibilité, que les aflections douces et constantes touchent si profondément, et h la philosophie mcmc, qui se plaît à contempler et le principe et l'effet d'un instinct supérieur. Nous l'avons déjà vu, cet instinct supérieur, dans l'énorme et terrible requin : mais il y étoitle ministre d'une voracité insatiable, d'une cruauté sanguinaire , d'une force dévastatrice. Nous avons trouvé dans les poissons électriques une puissance, pour ainsi dire, magique; mais ils n'ont pas eu la beauté en partage. Nous avons eu à représenter des formes remarquables ; presque toujours leurs couleurs Anguille. Falinont-Bomarej Dictionnaire d'hisloire naturelle. H' iyx'i^^!. Homer. Iliad. lih. 21. Id. Arlst. lih. 2 , cap. 1 3 , 1 5, ï 7 j to. 4 , cap. 8 , 1 1 ; lib.B, cap. 5 j lil?. C , ^ap. i3 , t6 ; et lib. 8 , cap. 2. 1(1. Athen. lib. 7. Id. yElian. lib. 14, cap. 8. Id. Oppian.. JJal. lib. i. Anguîlla. VarrOy lib. 4. Id. Plin. lib. 9, cap. 21, 22, B\'^et lib. 82, cap. 2, Id. Cuba, lib. 3, cap, 1, fol. 71, a, Id. Bellon, Id. Rondelet, seconde partie, Des poissons de rivière, chap. 20. Id. SaU'ian. fol. 64, a, 66, etc. Id. Gesner, p. 40; et gerni.fol. 177, b. Id. Schonec. p, 14. Id. Aldroi>. lib. 4, cap. 14 , p. 544. Id. Jonston, lib. 2, ///. 2, cap. 4 , ;;. 114, tah. 24 ,/^. 7. Id. Charlet. p. i53. Id. TVillughby , p. log. Id. liaj. p. 37. Id. Laurent. Roberg. Pisc, Upsal, p, 4, O^S HISTOIRE NATURELLE étoient ternes et obscures. Des nuances éclatantes ont frappé nos regards ; rarement elles ont é(é vmies avec des proportions agréables ; plus rarement encore elles ont servi de parure à un être d'un instinct élevé. Et cette sorte d'intelligence , ce mélange de l'éclat des métaux, et des couleurs de l'arc céleste, cette rare con- formation de toutes les parties qui forment un même tout et qu'un heureux accord a rassemblées , quand les avons-nous yus départis avec des habitudes, pour ainsi dire , sociales , des affections douces , et des jouissances, en quelque sorte, sentimentales? C'est cette réunion si digne d'intérêt, que nous allons cepen- dant montrer dans l'anguille. Et lorsque nous aurons compris sous un seul point de vue sa forme déliée, ses proportions sveltes , ses couleurs élégantes , ses flexions gracieuses , ses circonvolutions faciles , ses élans rapides, sa natation soutenue, ses mouvemens semblables à ceux du serpent, son industrie, son ins- tinct, son affection pour sa compagne , son espèce de sociabilité , et les avantages que l'homme en retire chac|ue jour, on ne sera pas surpris que les Grecques et les Romaines les plus fameuses par leurs charmes aient donné sa forme à un de leurs ornemens les plus recherchés, et que l'on doive en reconnoître les traits, de même que ceux des murénophis, sur de riches bra- celets antiques , peut-être aussi souvent que ceux des couleuvres venimeuses dont on a voulu pendant long- temps retrouver exclusivement l'image dans ces objets DES POISSONS. Sl'lij de luxe et de parure; on ne sera pas même étonné que ce peuple ancien et célèbre qui adoroit tous les objets dans lesquels il vojoit quelque empreinte de la beauté, de la bonté, de la prévoyance, du pouvoir ou du cour- roux célestes, et qui se prosternoit devant les ibis et les crocodiles, eût aussi accordé les honneurs divins à l'animal que nous examinons. C'est ainsi que nous avons vu Ténorme serpent devin obliger, par Teflroi , des nations encore peu civilisées des deux continens , à courber une tête tremblante devant sa force redou- table , que l'ignorance et la terreur avoient divinisée ; et c'est ainsi encore que par reflet d'une mythologie plus excusable sans doute, mais bien plus surprenante, car , fille cette fois de la reconnoissance et non pas de la crainte, elle consacroit futilité et non pas la puissance, les premiers habitans de fisle Saint-Do- mingue, de même que les Troglodjtes dont Pline a parlé dans son Histoire naturelle, vénéroient leur dieu sous la forme d'une tortue *. On ne s'attcndoit peut-être pas à trouver dans l'an- guille tant de droits à l'attention. Quel est néanmoins celui qui n'a pas vu cet animal? Quel est celui qui ne croit pas être bien instruit de ce qui concerne un * Le citoyen François (de Neufchâteaii), membre de l'Institut national , ro'écrivoit le i6 germinal de l'an 6, pendant qu'il étoit encore membre du Directoire exécutif, et dans une lettre savante et philasophiqne : a J'ai vu « à Saint Domingue des vases qui servoient dans les cérf^monies des premiers ce habitans de l'isle. Ces vases, composés d'une sorte de lave grossièrement «taillée , figurent des tortues, » 2.3o HISTOIRE NATURELLE poisson que l'on pêche sur tant de rivages , que l'on trouve sur tant de tables frugales ou somptueuses, dont le nom est si souvent prononcé , et dont la facilité à s'échapper des mains qui le retiennent avec trop de force , est devenue un objet de proverbe pour le sens borné du vulgaire, aussi-bien que pour la prudence éclairée du sage? Mais , depuis Aristote jusqu'à nous , les naturalist s , les Apicius, les savans , les ignorans, les têtes fortes^ les esprits foibles , se sont occupés de l'anguille 5 et voilà pourquoi elle a été le sujet de tant d'erreurs séduisantes, de préjugés ridicules , de contes puériles, au milieu desquels très -peu d'observateurs ont distingué les formes et les habitudes propres à inspirer ainsi qu'à satisfaire une curiosité raisonnable. Tâchons de démêler le vrai d'avec le faux ; repré- sentons l'anguille telle qu'elle est. Ses nageoires pectorales sont assez petites , et ses autres nageoires assez étroites, pour qu'on puisse la confondre de loin avec un véritable serpent : elle a de même le corps très-alongé et presque cylindrique. Sa tête est menue, le museau un peu pointu, et la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure. L'ouverture de chaque narine est placée au bout d'un très-petit tube qui s'élève au-dessus de la partie supé- rieure de la tête ; et une prolongation des tégumens les plus extérieurs s'étend en forme de membrane au- dessus des jeux, et les couvre d'un voile demi-trans- parent, comme celui que nous avons observé sur Igs DES POISSONS. £ 3 f jeux (les gymnotes, des ophisnres et des npte'ronoles. Les lèvres sont garnies d'un grand nombre de petits orifices par lesquels se répand une liqueur onctueuse; ime rangée de petites ouvertures analogues compose, de chaque côté de l'animal, la ligne que Ton a nommée laicraîe; et c'est ainsi (pie l'anguille est perpétuellement iirrosée de cette substance (jui la rend si vis([ueuse. Sa peau est, sur tous les points de son corps, endin'le de celte humeur gluante qui la fait paroître comme ver- nie. Elle est pénétrée de cette sorte d'huile cjui rend ses mouvemens très-souples; et Ton voit déjà pourquoi elle glisse si facilement au milieu des mains inexpéri- mentées (pu, la serrant avec trop de force, augmentent le jeu de ses muscles , facilitent ses efforts , et, ne pou- vant la saisir par aucune aspérité, la sentent couler et s'échapper comme lui fluide*. A la vérité, cette même peau est garnie d'écaillés dont on se sert même, dans plusieurs pajs du Nord, pour donner une sorte d'éclat argentin au ciment dont on enduit les édifices :mais ces écailles sont si petites, que plusieurs physiciens en ont nié l'existence; et elles sont attachées de manière (jue le toucher le plus délicat ne les fait pas reconnoître sur l'animal vivant, et que même un œil perçant ne les découvre que lors(j[ue l'anguille est morte, et la peau * Le mot miirœna, qui vient du mot grec ^Jpjn, lequel signifie couler y i'échapj}erj désigne cette faculté de l'anguille et des autres poissons de son genre» 2.32 HISTOIRE înÂTURELLE assez desséchée pour que les petites lames écailleuses se séparent facilement. On apperçoit plusieurs rangs de petites dents , non seulement aux deux mâchoires, à la partie antérieure du palais, et sur deux os situés au-dessus du gosier, mais encore sur deux autres os un peu plus longs et placés à l'origine des branchies. L'ouverture de ces branchies est petite , très-voisine de la nageoire pectorale , verticale, étroite, et un peu eu croissant. On a de la peine à distinguer les dix rajons que con- tient communément la membrane destinée à fermer cette ouverture ; et les cpiatre branchies de chaque côté sont garnies de vaisseaux sanguins dans leur partie convexe, et dénuées de toute apopliyse et de tout tuber- cule dans leur partie concave. Les nageoires du dos et de l'anus sont si basses, que la première s'élève à peine au-dessus du dos d'un soixan- tième de la longueur totale. Elles sont d'ailleurs réunies à celle de la queue, de manière qu'on a bien de la peine à déterminer la fin de l'une et le commencement de l'autre; et on peut les considérer comme une bande très-étroite qui commence sur le dos à une certaine 'distance de la tête , s'étend jusqu'au bout de la queue, entoure cette extrémité , j forme une pointe assez aiguë, revient au-dessous de l'animal jusqu'à l'anus, et présente toujours assez peu de hauteur pour laisser subsister les plus grands rapports entre le corps du §erpent et celui de l'anguille. DES POISSONS. £i33 L'épaisseur de la partie membraneuse de ces trois nageoires réunies, fait quon ne compte que très-diffi- cilement les petils rajons qu'elles renferment, et ([ui sont ordinairement au nombre de plus de mille, depuis le commencement de la nageoire dorsale jusqu'au bout de la queue. Les couleurs que Tanguille présente sont toujours .agréables, mais elles varient assez fréquemment; et il paroit que leurs nuances dépendent beaucoup de l'âge de l'animal*, et de la qualité de l'eau au milieu de laquelle il \'it. Lorsque cette eau est limoneuse , le dessus dn corps de la murène que nous décrivons est d'un beau noir, et le dessous d'un jaune plus ou moins clair. Mais si l'eau est pure et limpide , si elle coule sur un fond de sable, les teintes qu'offre Fanguille sont plus vives et plus riantes : sa partie supérieure est d'un verd nuancé, quelquefois même rayé d'un brun qui lé fait ressortir 5 et le blanc du lait, ou la couleur de l'ar- gent, brillent sur la partie inférieure du poisson. D'ail- leurs la nageoire de l'anus est communément lisérée de blanc, et celle du dos, de rouge. Le blanc, le rouge et le verd, ces couleurs que la Nature sait marier avec tant de grâce et fondre les unes dans les autres par des nuances si douces , composent donc ftine des parures élégantes que l'espèce de fanguille a reçues, et * Voyage de Spallanzani dans les deux Sicilts ^ traduction du savant et élégant éctivain le citoyen Toscan , bibliothécaire du Muséum national d'histoire naturelle. TOME II. 3o S34 HISTOIRE NATURELLE celle qu'elle déploie lorsqu'elle passe sa vie au milieu d'une eau claire, vive et pure. Au reste, les couleurs de l'anguille paroissent quel- quefois d'autant plus variées par les difFérens reflets rapides et successifs de la lumière plus ou moins intense qui parvient jusqu'aux diverses parties de l'ani- mal , que les mouvemens très-prompts et très-multipliés de cette murène peuvent faire changer à chaque ins- tant l'aspect de ces mêmes portions colorées. Cette agilité est secondée par la nature de la charpente osseuse du corps et de la queue de l'animal. Ses ver- tèbres un peu comprimées et par conséquent un peu étroites à proportion de leur longueur, pliantes et petites, peuvent se prêter aux diverses circonvolutions qu'elle a besoin d'exécuter. A ces vertèbres, qui com- munément sont au nombre de cent seize, sont attachées des côtes très-courtes, retenues par une adhérence très- légère aux apophjses des vertèbres, et très -propres à favoriser les sinuosités nécessaires à la natation de la murène. De plus, les muscles sont soutenus et fortifiés dans leur action par une quantité très-considérable de; petits os disséminés entre leurs divers faisceaux , et connus sous le nom d'arêtes proprement dites , ou de petîLcs arches. Ces os intermusculaires, que l'on ne voit dans aucune autre classe d'animaux que dans celle des poissons, et qui n'appartiennent même qu'à un certain nombre de poissons osseux, sont d'autant plus grands qu'ils sont placés plus près de la tête; et ceux qui DES POISSON S. !235 occn]")ent la partie antérieure de l'animal, sont commu- nément divisés en deux petites branches. Un instinct relevé ajoute aussi à la fréquence des mouvemens ; et nous avons déjà indiqué * que lan- guille, ainsi que les autres poissons osseux et serpen- tiformes , avoit le cerveau plus étendu, plus alongé, composé de lobes moins inégaux, plus développés et plus nombreux , que le cerveau de la plupart des pois- sons dont il nous reste à parler, et particulièrement de ceux qui ont le corps très-aplat i , comme les pleuro- nectes. Le cœur est quadrangulaire; l'aorte grande; le foie rougeâtre , divisé en deux lobes, dont le gauche est le plus volumineux ; la vésicule du fiel séparée du foie comme dans plusieurs espèces de serpens ; la rate alon- gée et triangulaire; la vessie natatoire très -grande, attachée à l'épine, et garnie par- devant d'un long conduit à gaz; le canal intestinal dénué de ces appen- dices que l'on remarque auprès du pylore de plusieurs espèces de poissons, et presque sans sinuosités, ce qui indique la force des sucs digestifs de l'anguille, et en général l'activité de ses humeurs et l'intensité de son principe vital. Les murènes anguilles parviennent à une grandeur très-considérable : il n'est pas très-rare d'en trouver en Angleterre, ainsi qu'en Italie, du poids de huit à dix * Discours sur la nature des poissons. 236 HISTOIRE NATURELLE kilogramines. Dans l'Albanie, on en a vu dont on a comparé la grosseur à celle de la cuisse d'un homme ; et des observateurs très-dignes de foi ont assuré que , dans des lacs de la Prusse, on en avoit pècbé qui étoient longues de trois à quatre mètres. On a même écrit que le Gange en avoit nourri de plus de dix mètres de longueur^ mais ce ne peut être qu'une erreur, et l'on aura vraisemblablement donné le noni à^ajiguille à quelque grand serpent, à quelque boa devin que l'on aura apperçu de loin, nageant au-dessus de la surface du grand fleuve de l'Inde. Quoi qu'il en soit, la croissance de fanguille se fait très-ientement ; et nous avons sur la durée de son développement quelques expériences précises et cu- rieuses qui m'ont été communiquées par un très-bon observateur, le citojen Septfontaines , auquel j'ai eu plusieurs fois, en écrivant cette Histoire naturelle, l'occasion de témoigner ma juste reconnoissance. Au mois de juin 1779 (^'. 5/.), ce naturaliste mit soixante anguilles dans un réservoir; elles avoient alors environ dix -neuf centimètres. Au mois de septembre 1783, leur longueur n'étoit que de quarante à qua- rante-trois centimètres; au mois d'octobre 1786, cette même longueur n'étoit que de cinquante -un centi- mètres; et enfin,^eu juillet 1788, ces anguilles n'étoient longues qvie de cinquante-cinq centimètres au plus. Elles ne s'étoient donc alongées eu neuf ans que de vingt-six centimètres. D E s P O I s s O N s. 1:07 Avec de l'agilité, de la souplesse, de la furce daus les muscles, de la grandeur dans les dimensions, il est facile à la murène que nous examinons, de parcourir ÔGs espaces étendus, de surmonter plusieurs obstacles, de faire de grands vojages, de remonter contre des courans rapides*. Aussi va- t -elle- périodicjucment , tantôt des lacs ou des rivages voisins de .la source des rivières vers les embouchures des lieuves , et tantôt de la mer vers les sources ou les lacs. Mais, dans ces migra- tions régulières , elle suit quelcjuelois un ordre difi'érent de celui qu'observent la plupart des poissons voya- geurs. Elle obéit aux mêmes lois; elle est régie de même par les causes dont nous avons tciché d'indiquer la nature dans notre premier Discours : mais tel est l'en^ semble de ses organes extérieurs et de ceux que sou intérieur renferme, que la température des eaux, la qualité desalimens, la tranquillité ou le tumulte des rivages, la pureté du fluide , exercent, dans certaines circonstances, sur ce poisson vif et sensible ,uue action très -différente de celle qu'ils font éprouver au plus grand nombre dea autres poissons non sédentaires. Lorsque le printemps commence de régner , ces derniers remontent des embouchures des fleuves vere les points les plus élevés des rivières ; quelques anguilles, au con- traire , s'abandonnant alors au cours des eaux, vont * Voyage de .Spallanzaiii dans Les deux Siciles^ traduit par le citoyen Toscan, vol. VI, page 143. 52 38 H I s T O I Pv E NATURELLE des lacs dans les fleuves qui en sortent , et des fleuves vers les côtes maritimes. Dans quelques contrées, et particulièrement auprès des lagunes de Venise, les anguilles remontent , dans le printemps , ou à peu près , de la mer Adriatique vers les lacs et les marais, et notamment vers ceux de Commachio , que la pêche des anguilles a rendus célèbres. Elles j arrivent par le Pô , quoique très^ jeunes; mais elles n'en sortent pendant l'automne pour retourner vers les rivages de la mer , que lorsqu'elles ont acquis un assez grand développement, et qu'elles sont devenues presque adultes *. La tendance à l'imi- tation , cette cause puissante de plusieurs actions très- remarquables des animaux, et la sorte de prudence qui paroît diriger quelques unes des habitudes des an- guilles , les déterminent à préférer la nuit au jour pour ces migrations de la mer dans les lacs, et pour ces retours des lacs dans la mer. Celles qui vont, vers la fin de la belle saison, des marais de Commachio dans la mer de Venise, choisissent même pour leur vojage les nuits les plus obscures , et sur-tout celles dont les ténèbres sont épaissies par la présence de nuages orageux. Une clarté plus ou moins vive, la lumière de la lune, des feux allumés sur le rivage, suffisent souvent pour les arrêter dans leur natation vers les côtes marines. Mais * Voyage de SpaUauzani dans les deux Siciles, traduit par le citoyen Toscan, vol. VI, page 143. DES POISSONS. 2o9 lorsque ces lueurs qu'elles redoutent ne suspendent pas leurs mouvemens, elles sont poussées vers la mer par un instinct si fort, ou , pour mieux dire , par une cause si énergique, qu'elles s'engagent entre des rangées de roseaux que les pêcheurs disposent au fond de l'eau pour les conduire à leur gré, et que, parvenant sans résistance et par le mojen de ces tranchées aux en- ceintes dans lesquelles on a voulu les attirer, elles s'entassent dans ces espèces de petits parcs , au point de surmonter la surface de l'eau , au lieu de chercher à revenir dans l'habitation qu'elles viennent de quit- ter *. Pendant cette longue course, ainsi que pendant le retour des environs de la mer vers les eaux douces élevées, les anguilles se nourrissent, aussi-bien que pendant qu'elles sont stationnaires, d'insectes, de vers, d'œufs et de petites espèces de poissons. Elles attaquent quelquefois des animaux un peu plus gros. Le citoyen Septfontaines en a vu une de quatre -vingt -quatre centimètres présenter un nouveau rapport avec les serpens , en se jetant sur deux jeunes canards éclos de la veille , et en les avalant assez facilement pour qu'on pût les retirer presque entiers de ses intestins. Dans certaines circonstances, elles se contentent de la chair de presque tous les animaux morts qu'elles rencontrent au- milieu des eaux; mais elles causent souvent de grands * Voyage de Spallanzani dans les deitxSiciles^ vol. VI, pages 148 et \5o. 2^0 HISTOIRE NATURELLE ravages dans les rivières. Le citoyen Noël nous écrit que dans la basse Seine elles détruisent beaucoup deperlans, de dupées feintes, et de brèmes. Ce n'est pas cependant sans danger qu'elles recher- chent l'aliment qui leur convient le inieux : malgré leu.r souplesse, leur vivacité , la vitesse de leur fuite,' elles ont des ennemis auxquels il leur est très-difficile d'échapper. Les loutres , plusieurs oiseaux d'eau , et les grands oiseaux de rivage, tels que les grues, les hérons et les cigognes, les pèchent avec habileté et les retiennent avec adresse ; les hérons sur-tout ont dans la dentelure d'un de leurs ongles , des espèces de cro- chets qu'ils enfoncent dans le corps de l'anguille, et qui rendent inutiles tous les efforts qu'elle fait pour glisser au milieu de leurs doigts. Les poissons qui par- viennent à une longueur un peu considérable, et, par exemple, le brochet et l'acipensère esturgeon, en font aussi leur proie -, et comme les esturgeons l'avalent toute entière et souvent sans la blesser, il arrive que, déliée, visqueuse et flexible, elle parcourt toutes les sinuosités de leur canal intestinal, sort par leur anus, et se dérobe, par une prompte natation , à une nou- velle poursuite. Il n'est presque personne qui n'ait vu un lombric avalé par des canards sortir de même des intestins de cet oiseau , dont il avoit suivi tous les replis j et cependant c'est le fait que nous venons d'ex- poser, qui a donné lieu à un conte absurde accrédité pendant long-temps , à l'oj^inion de quelques obser- DES POISSONS. f>4î vateurs très-peu instruits de Forganisatioa intérieure des animaux, et qui ont dit que l'anguille entroit ainsi volontairement dans le corps de l'esturgeon , pour aller y chercher des œufs dont elle aimoit beaucoup à se iiourrir. Mais voici un trait très-remarquable dans l'histoire d'un poisson , et qui a été vu trop de fois pour qu'on puisse en douter. L'anguille , pour laquelle les petits vers des prés, et même quelques végétaux, comme, par exemple , les pois nouvellement semés , sont un aliment peut-être plus agréable encore que des œufs ou des poissons, sort de l'eau pour se procurer ce genre de nourriture. Elle rampe sur le rivage par un méca- nisme semblable à celui qui la fait nager au milieu des fleuves ; elle s'éloigne de l'eau à des distances assez considérables , exécutant avec son corps serpentiforme tous les mouvemens qui donnent aux couleuvres la faculté de s'avancer ou de reculer; et après avoir fouillé dans la terre avec son museau pointu , pour se saisir des pois ou des petits vers, elle regagne en serpentant le lac ou la rivière dont elle étoit sortie , et vers lequel elle tend avec assez de vitesse , lorsque le terrain ne lui oppose pas trop d'obstacles, c'est-à-dire, de trop grandes inégalités. Au reste, pendant que la conformation de son corps et de sa queue lui permet de se mouvoir sur la terre sèche, l'organisation de ses branchies lui donne la faculté ;i{|urs les mieux prou- vées, aux résultats les plus sûrs des recherches anato- micjues sur les poissons et particulièrement sur l'an- guille ; et cependant combien , depuis deux mille ans, ils ont été altérés et dénaturés par ime iroj) grande confiance dans des observations prcci])itées et mal faites, qui ont séduit les plus beaux génies, prrmi les- quels nous comiptonsnon seulement Fline, mais même Aristote! Lorsque les anguilles mettent bas leurs ])etits, communément elles reposent sur la vase du fond des eaux ; c'est au milieu de cette terre ou de ce sable hu-^ mecté qu'on voit frétiller les murènes qui viennent de paroître à la lumière: Aristote a pensé que leur géné- ration étoit due à cette fange '. Les mères vont quelque- fois frotter leur ventre contre des rochers ou d'autres corps durs, pour se débarrasser plus facilement des petits déjà éclos dans leur intérieur; Pline a écrit que par ce frottement elles faisoient jaillir des fragmens de leur corps, qui s'animoient, et que telle étoit la seule origine des jeunes murènes dont nous exposons la véri- table manière de naître'. D'autres anciens auteuis ont placé cette même origine dans les chairs corrompues des cadavres des chevaux ou d'autres animaux jetés dans l'eau , cadavres autour desquels doivent souvent fourmiller de très -jeunes anguilles forcées de s'en ' Arist. Histoire des animaux, Uy. 6, chap, i6. * Pline, liv. 9 , chap. 5l. 2.5G HISTOIRE NATURELLE nourrir par le défaut de tout autre aliment placé à leur portée. A des époques bien plus rapprochées de nous, Helmont a cru que les anguilles venoient de la rosée du mois de mai ; et Leuwenhoeck a pris la peine de montrer la cause de cette errei:", en faisant voir que dans cette belle partie du printejnps , lorsque Tatmo- sphère est tranquille, et que le calme règne sur l'eau, la portion de ce fluide la plus chaude est la plus voisine de la surface , et que c'est cette couche plus échauffée, plus vivifiante, et plus analogue à leur état de foi- blesse, que les jeunes anguilles peuvent alors préférer. Schwenckfeld , de Breslaw en Silésie, a fait naître les murènes anguilles des branchies du cjprin bordelière; Schoneveld, de Kiel dans le Holstein, a voulu qu'elles vinssent à la lumière sur la peau des gades morues, ou des salmones éperlans. Ils ont pris l'un et l'autre pour de très -petites murènes anguilles, des gordius , des sangsues , ou d'autres vers qui s'attachent à la peau ou aux branchies de plusieurs poissons. Eller, Charleton; Fahlberg, Gesner, Birckholtz, ont connu, au contraire, la véritable manière dont se reproduit l'espèce que nous décrivons. Plusieurs observateurs des temps récens sont tombés, à la vérité, dans une erreur combattue même par Aristote, en prenant les vers qu'ils vojoient dans les intestins des anguilles qu'ils disséquoient, pour des fœtus de ces animaux. Leuwenhoeck a eu tort de cher- cher les œufs de ces poissons dans leur vessie urinaire, et Vallisnieri dans leur vessie natatoire: mais Muller, et n E s POISSONS. 2S7 peut-être Mondini, ont vu les ovaires ainsi que les œufs de la femelle; et la laite du mâle a été également reconnue. D'après toutes ces considérations, on doit éprouver lui assez grand étonnement , et ce vif intérêt qu'ins- pirent les recherches et les doutes d'un des plus habiles et des plus célèbres physiciens , lorsqu'on lit dans le ^Koyage de Spallanzani* , que des millions d'anguilles ont été pêchées dans les marais, les lacs ou les fleuves de l'Italie et de la Sicile, sans qu'on ait vu dans leur intérieur ni œufs ni fœtus. Ce savant observateur explique ce phénomène, en disant que les anguilles ne multiplient que dans la mer; et voilà pourquoi , conti- ïiue-t-il, on n'en trouve pas, suivant Senebier, dans le lac de Genève, jusqu'auquel la chute du Rhône ne leur permet pas de remonter , tandis qu'on en pêche dans le lac de Neufchâtel, qui communique avec la mer par le Rhin et le lac de Brenna. Il invite , en coiîséquence ; les naturalistes à faire de nouvelles recherches sur les anguilles qu'ils rencontreront au milieu des eaux salées, et de la mer proprement dite , dans le temps du frai de ces animaux, c'est-à-dire, vers le milieu de l'auj tomne , ou le commencement de l'hiver. Les œufs de l'anguille éclosant presque toujours dans^ 1^ ventre de la mère, j doivent être fécondés : il est donc nécessaire qu'il j ait dans cette espèce un véritable ,* Pages 167, 177, 181. 10 ME II. 33 2.58 HISTOIRE NATURELLE accouplement du mâle avec la femelle, comme danâ celles des raies , des squales, des sjngnathes, des blen- nîes et des silures 5 ce qui confirme ce que nous avons déjà dit de la nature de ses affections. Et comme la conformation des murènes est semblable en beaucoup de points à celle des serpens, l'accouplement desserpens et celui des murènes doivent avoir lieu, à peu près, de la même manière. Rondelet a vu, en effet, le mâle et la femelle entrelacés dans le moment de leur réunion la plus intime, comme deux couleuvres le sont dans des circonstances analogues 5 et ce fait a été observé depuis par plusieurs naturalistes. Dans Fanguille, comme dans tous les autres poissons qui éclosent dans le ventre de leur mère, les œufs ren- fermés dans Tintérieur de la femelle sont beaucoup plus volumineux que ceux qui sont pondus par les espèces de poissons auxquelles on n'a pas donné le nom de T^ii^ipares ou de vipères : le nombre de ces œufs doit donc être beaucoup plus petit dans les premiers que dans les seconds; et c'est ce qui a été reconnu plus d'une fois. L'anguille est féconde au moins dès sa douzième année. Le citojen Septfontaines a trouvé des petits bien formés dans le ventre d'une femelle qui n'avoit encore que trente-cinq centimètres de longueur, et qui , par conséquent, pouvoit n'être âgée que de douze ans. Cette espèce croissant au moins jusqu'à sa quatre- vingt-quatorzième année, chaque individu femelle peut DES POISSONS. 209 produire pendant un intervalle de quatre-vingt-deux ans; et ceci sert h expliquer la grande quantité d'an- guilles que l'on rencontre dans les eaux qui leur con- viennent. Cependant , comme le nombre des petits qu'elles peuvent mettre au jour chaque année est très-limité , et que , d'un autre coté , les accidens , les maladies , l'activité des pêcheurs , et la voracité des grands poissons, des lovitres, et des oiseaux d'eau, en détruisent fréquemment une multitude , on ne peut se rendre raison de leur multiplication qu'en leur attri- buant une vie et même un temps de fécondité beaucoup plus longs qu'un siècle, et beaucoup plus analogues à la nature des poissons, ainsi qu'à la longévité qui en est la suite. Au reste, il paroît que dans certaines contrées, et dans quelques circonstances , il arrive aux œufs de l'anguille ce qui survient quelquefois à ceux des raies; des squales, des blennies, des silures , etc.; c'est que la femelle s'en débarrasse avant que les petits ne soient éclos ; et l'on peut le conclure des expressions em- plojées par quelques naturalistes en traitant de cette murène, et notamment par Redi dans son ouvrage des animaux vivans dans les animaux vivans. Tous les climats peuvent convenir à l'anguille : on la pêche dans des contrées très-chaudes, à la Jamaïque, dans d'autres portions de l'Amérique voisines des tropiques , dans les Indes orientales ; elle n'est point étrangère aux régions glacées , à l'Islande , au Groeu- S6o HISTOIRE NATURELLE land; et on la trouve clans toutes les contrées tempé- rées, depuis la Chine, où elle a été figurée très-exacte- ment pour Fintéressante suite de dessins donnés par la Hollande à la France et déposés dans le Muséum d'histoire naturelle, jusqu'aux côtes occidentales de la république et à ses départemens méridionaux, dans lesquels les murènes de cette espèce deviennent très- belles et très-bonnes, particulièrement celles qui vivent dans le bassin si célébré de la poétique fontaine de yaucluse \ Dans des temps plus reculés et antérieurs aux der- îîières catastrophes que le globe a éprouvées, ces mêmes murènes ont dû être aussi très-répandues en Europe, ou du moins très-multipliées dans un grand nombre de contrées , puisqu'on reconnoît leurs restes, ou leur em- preinte , dans presque tous les amas de poissons pétri- fiés ou fossiles que les naturalistes ont été à portée d'examiner, et sur-tout dans celui que l'on a découvert à T^ningen, auprès du lac de Constance, et dont une notice a été envojée dans le temps par le célèbre Lavater à fillustre Saussure \ Nous ne devons pas cesser de nous occuper de l'an- guille sans faire mention de quelques murènes que nous considérerons comme de simples variétés de cette — ' Note communiquée vers 1788 par l'evéque cl'Uzès, ami très-zélé et très-éclairé des sciences naturelles. ' Voyage dans les Alpes j par Horace-Bénédict de Saussure, vol. IV, çarag. i533. DES POISSONS. 26 I espèce, jusqu'au moment où de nouveaux faits nous les feront regarder comme constituant des espèces particulières. Ces variétés sont au nombre de cinq: deux ditterent par leur couleur de Tanguille com- mune; les autres trois en sont distinguées par leur forme. Nous devons la connoissance de la première k Spallanzani; et la notice des autres nous a été envojée par le citojen Noël de Rouen , que nous avons si souvent; le plaisir de citer. Premièrement, celle de ces variétés qui a été indi- quée par Spallanzani , se trouve dans les marais de Chiozza auprès de Venise. Elle est jaune sous le ventre, constamment plus petite que l'anguille ordinaire ; et ses habitudes ont cela de remarquable, qu'elle ne quitte pas périodiquement ses marais , comme l'espèce com- mune, pour aller, vers la fin de la saison des chaleurs, passer un temps plus ou moins long dans la mer. Elle porte un nom particulier: on la nomme acerine. Secondement, des pécheurs de la Seine disent avoir remarqué que les premières anguilles qu'ils prennent sont plus blanches que celles qui sont pêchées plus tard. Selon d'autres , de même que les anguilles sont communément plus rouges sur les fonds de roche, et deviennent en peu de jours d'une teinte plus foncée lorsqu'on les a mises dans des réservoirs , elles sont plus blanches sur des fonds de sable. Mais, indépen- damment de ces nuances plus ou moins constantes que présentent les anguilles communes , ou observe 2.62 HISTOIRE NATURELLE dans la Seine une anguille qui vient de la mer lorsque les marées sont fortes, et qui remonte dans la rivière en même temps que les merlans. Sa tête est un peu menue. Elle est d'ailleurs très-belle et communément assez grosse. On la prend quelquefois avec la seine*; mais le plus souvent on la pêche avec une ligne dont les appâts sont des éperlans et d'autres petits poissons. Troisièmement, \q pimperneau est, suivant plusieurs pécheurs , une autre anguille de la Seine , qui a la tête menue comme l'anguille blanche, mais qui de plus l'a très-alongée, et dont la couleur est brune. Quatrièmement , une autre anguille de la même rivière est nommée guiscau. Elle a la tête plus courte et un peu plus large que l'anguille commune. Le gui- seau a d'ailleurs le corps plus court; son œil est plus gros , sa chair plus ferme , sa graisse plus délicate. Sa couleur varie du noir au brun , au gris sale , au rous- sâtre. On le prend depuis le Hoc jusqu'à Villequier , et rarement au-dessus. Le citoyen Noël pense que le bon goût de sa chair est dû à la nourriture substantielle et douce qu'il trouve sur les bancs de l'embouchure de la Seine , ou au grand nombre de jeunes et petits poissons qui pullulent sur les fonds voisins de la mer: Il croit aussi que cette murène a beaucoup de rapports, » — , ^ * Voyez, à l'article de la raie bouclée ^ la desciiption du filet appelé ^eine» DES POISSONS. 2.G0 par la délicatesse de sa chair , avec l'anguille que l'on pèche dans l'Eure, et que Ton désigne j)ar le nom de ôreteau. Les troupes de guiseaux sont quehjuefois de- trillées f suivant l'expression des pêcheurs, c'est-à-dire qu'ils ne sont , dans certaines circonstances , mêlés avec aucune autre murène ; et d'autres fois on pèche, dans le même temps , des quantités presque égales d'an- guilles communes et de guiseaux. Un pêcheur de Vil- lequier a dit au citoyen Noél qu'il avoit pris, un jour, d'un seul coup de filet, cinq cents guiseaux, au pied du château d'Orcheb. Cinquièmement, Vaugidlle chien a\£i tête plus longue que la commune, comme le pimperneau, et plus large, comme le guiseau. Cette partie du corps est d'ailleurs aplatie. Ses jeux sont gros. Ses dimensions sont assez grandes ; mais son ensemble est peu agréable à la vue, et sa chair est filamenteuse. On dit qu'elle a des barbillons à la bouche. Je n'ai pas été à même de vérifier l'existence de ces barbillons, qui peut-être ne sont que les petits tubes à l'extrémité desquels sont placés les orifices des narines. \J anguille chien est très-goulue; et de là vient le nom qu'on lui a donné. Elle dévore les petits poissons qu'elle peut saisir dans les nasses, déchire les filets, ronge même les fils de fer des lignes. Lorsqu'elle est prise à l'hameçon , on remarque qu'elle a avalé l'haini de manière à le faire parvenir jusqu'à l'œsophage, tandis que les anguilles ordinaires ne sont retenues avec l'ha- meçon que par la partie antérieure de leur palais. On S64 HISTOIRE NATURELLE. la pêche avec plus de facilité vers le commencement de l'automne j elle paroît se plaire beaucoup sur les fonds qui sont au-dessus de Candeleu. Dans l'automne de l'an 6 de l'ère françoise, une troupe d'anguilles chiens remonta jusqu'au passage du Croisset : ellej resta trois ou quatre jours; et ny trouvant pas apparemment une nourriture suffisante ou convenable, elle redescendit vers la mer. LA MURÈNE TACHETÉE', ET LA ]M U R È N E M Y R E «. FoRSK AEL a VU daiis l'Arabie la murène tachetée, et en a publié le premier la description. Cette murène a la mâ- choire inférieure plus avancée que la supérieure, comme l'anguille, avec laquelle elle a d'ailleurs beaucoup de ressemblance ; mais elle en diffère par une callosité placée entre les jeux , par le nombre des rajons de ses nageoires ainsi que de sa membrane branchiale % ' Muraena maculata. Miiraena guttata. Litméj édition de Gmeliii. ForsJiael, Faun. Arab. p. 22 ^ n. i. Murène ponctuée. Bonnalerre, planches de V Encyclopédie méthodique, ^ Muraena myrus. Mura-na niyrus. Linné, édition de Gmelin. Murène niyre. Dauhenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Serpens marinus alter, caudù compressa. Willughby , p. 108, Haj.p. 36. Muraena rostre acuto, liturîs albîdis varîo , etc. Artedi, gcn. 24, syn. 40. 3 A la membrane brancliiale de la murène tachetée, 6 rayons. à la nageoire du dos 4.3 à chacune des pectorales g, ou à peu près, à la nageoire de l'anus 36 à celle de la queue jo TOME il. 34 ^66 HISTOIRE NATURELLE et par la disposition de ses couleurs. Elle est d'un verd de mer, relevé par un grand nombre de taches noires; et une tache plus grande est placée auprès de la tête , de chaque côté du corps. La mjre habite dans une mer très-voisine des contrées dans lesquelles on a pêche la tachetée : on la trouve dans la Méditerranée. Son museau est un peu pointu ; les bords des mâchoires et le milieu du palais sont garnis de deux ou trois rangées de petites dents presque égales ; deux appendices très-courts et un peu cylindriques sont placés sur la lèvre supérieure \ Plusieurs raies blan- châtres , les unes longitudinales et les autres transver- sales i régnent sur la partie supérieure de la tête. La nageoire du dos, celle de la queue, et celle de l'anus, qui sont réunies , présentent une belle couleur blanche et un liséré d'un noir foncé. Telles sont du moins les couleurs que l'on remttrque sur le plus grand nombre de mjres : mais Forskael a fait connoître une murène qu'il regarde comme une variété de l'espèce que nous décrivons , et qui est d'un gris cendré sur toute sa sur- face ', On a soupçonné que cette variété contenoit dans sa tête un poison plus ou moins actif. Pour peu qu'on se souvienne de ce que nous avons dit au sujet des qua- lités vénéneuses des poissons, on verra sans peine de * A la membrane des branchies de la murène myre, lo rayons, à chacune de ses nageoires pectorales ï6 • Forskael, Fauii. Anib.p, 22, n. 2. DES POISSONS. 267 quelle nature devront être les observations dont cette variété sera l'objet, pour que Topinion des naturalistes soit fixée sur la faculté malfaisante attribuée à ces mu- rènes mjrcs d'une couleur cendrée. Au reste, si l'exis- tence d'un véritable poison dans quelque vaisseau de la tête de cette variété est bien constatée , il faudra, san^ hésiter , la considérer comme une espècç diflérente de toutes les n:^urènes déjà conuues. LA MURÈNE CONGRE*. LECoiigre abeauconpde rapports avec ranguille: mais il en diffère parles proportions de ses diverses parties ; par la plus grande longueur des petits appendices cjlin- *■ Muisena conger. Anguille de mer. Filât , aupiès des cotes méridionales de France. . Conger eel , en Angleterre. Bronco, dans -plusieurs contrées de V Italie. Murrena conter. Linné j édition de Gnielin. Murène congre. JDaubentont Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre j planches de l'Encyclopédie méthodique. Blochj pi. i55. 'o KoVypa?. -Arist. lih. T, cap. 5 ; lih. 2, cap. l3, i5, 17J lih. 3, cap. 10 \ lib.ùy cap. 17; lib. 8, cap. 12, t3, i5j et lib. 9, cap. 2. jltyy^cii. Athen. lib. j^p. %^^. Oppian. H al. lib. i, p- 5 et 20. Conger. Plin. lib. 9, cap. 16, 20. Cub. lib. 3, cap. 22,/. 76 b. P. Jov. cap. 3o, p. 102. Bellon. TVotfoJtj lib. 8, c. r66,f. 148^. Congre. Rondelet j première partie ^ Uv. 14 > chap. I. Conger. Sahian.fol. 66, b; C'j, a^ b. Gesner, p. 290. Jonston, l. I, ///. I, c. 2, art. 6, /ai. ^1 fig. '] , Thaum.p. 411. Congrus. Aldrov. lib. 3, c^/;. 25, p, 349. Ciiarleton^ p, I25. TVillughby,p.ïii. Raj. p. 37. Congre, «inguille de mer. Valmoni^Bomare^ Dict.d'hist.natitrelle. HISTOIRE NATURELLE. 269 clriqiies placés sur le museau , et que Ton a nommés hai-*' hillojis'j par le diamètre de ses jeux, qui sont plus gros^ par la nuance noire que présente presque toujours le bord supérieur de sa nageoire dorsale ; par la place de cette nageoire , ordinairement plus rapprochée de la tête • par la manière dont se montre aux jeux la ligne latérale composée d'une longue série de points blancs ; par sa couleur, qui sur sa partie supérieure est blanche, ou cendrée, ou noire, suivant les j)lages qu'il fré- quente, qui sur sa partie inférieure est blanche, et qui d'ailleurs offre fréquemment des teintes vertes sur la tête, des teintes bleues sur le dos , et des teintes jaunes sous le corps ainsi que sous la queue; par ses dimen- sions supérieures à celles de l'anguille, puisqu'il n'est pas très-rare de lui voir de trente à quarante décimètres de longueur, avec une circonférence de près de cinq décimètres , et que, suivant Gesner , il peut parvenir à une longueur de près de six mètres; et enfin par la nature de son habitation , qu'il choisit presque tou- jours au milieu des eaux salées. On le trouve dans toutes les grandes mers de l'ancien et du nouveau continent; il est très-répandu sur -tout dans l'Océan . d'Europe , sur les côtes d'Angleterre et de France , dans la Méditerranée , où il a été très-recherché des anciens, et dans la Propontide , oii il l'a été dans (\ç^ temps moins reculés *. Ses œufs sont enveloppés d'une matière graisseuse très-abondante. * Bellou , Ik, I, cluip, 64. SyO HISTOIRE NATURELLE Il est très-vorace ; et comme il est grand et fort, il peut se procurer aisément l'aliment qui lui est né*- cessaire. La recherche à laquelle le besoin et la faim le re'- duisent , est d'ailleurs d'autant moins pénible , qu'il vit presque toujours auprès de l'embouchure des grands fleuves, où il se tient comme en embuscade pour faire sa proie et des poissons qui descendent des rivières dans la mer , et de ceux qui remontent de la mer dans les ri- vières. Il se jette avec vitesse sur ces animaux; il les empêche de s'échapper , en s'entortillant autour d'eux,' comme un serpent autour de sa victime; il les renferme, pour ainsi dire , dans un filet, et c'est de là que vient le nom dejilat (filet) qu'on lui a donné dans plusieurs départemens méridionaux de France. C'est aussi de cette manière qu'il attaque et retient dans ses contours sinueux les poulpes ou sépies, ainsi que les crabes qu'il rencontre dépouillés de leur têt. Mais s'il est dangereux pour un grand nombre d'habitans de la mer, il est exposé à beaucoup d'ennemis : l'homme le poursuit avec ardeur dans les pajs où sa chair est estimée ; les très- grands poissons le dévorent ; la langouste le combat avec avantage; et les murénophis, qui sont les murènes des anciens, le pressent avec une force supérieure. En vain, lorsqu'il se défend contre ces derniers animaux, emploie-t-il la faculté qu'il a reçue de s'attacher forte- ment avec sa queue qu'il replie ; en vain oppose-t-il par- là une plus grande résistance à la murénophis qui veut DES POISSONS. sy I Tentraîncr : ses clïor(sson( bientôt siinnoiitës; et cette partie de son corps, dont il voudroit le plus se servir pour diminuer son infériorité dans une lutte trop iné- gale , est d'ailleurs dévorée , souvent dès la première approche, par la murénophis. On a pris souvent âes congres ainsi mutilés, et portant l'empreinte des dents acérées de leur ennemie. Au reste , on assure que la queue du congre se reproduit quelquefois ; ce qui seroit une nouvelle preuve de ce que nous avons dit de la vitalité des poissons ;, dans notre premier Discours. Redi a trouvé dans plusieurs parties de l'intérieur de congres qu'il a disséqués, et, par exemple, sur la tunique externe de l'estomac , le foie , les muscles du ventre, la tunique extérieure des ovaires , et entre les deux tu- niques de la vessie urinaire , des hjdatides à vessie blanche , de la grossevir d'une plume de coq, et de la longueur de vingt-cinq à trente centimètres *. Sur plusieurs côtes de FOcéan européen, on prend les congres par le moyen de plusieurs Jignes longues chacune de cent trente ou cent quarante mètres, char- gées , à une de leurs extrémités , d'un plomb assez pe- sant pour n'être pas soulevé par l'action de l'eau sur la ligne, et garnies de vingt-cinq ou trente piles ou cordes, au bout de chacune desquelles sont un haim et un appât. * A la membrane des brancliies lo rayons. à chacune des nageoires pectorales Î9 aux trois nageoires réunies du dos, de la queue et de l'anus, plus de 3co 2 7^ HISTOIRE NATURELLE. Lorsqu'on veut faire sécher des cougres pour les envojer à des distances assez grandes des rivages sur lesquels on les pêche , on les ouvre par-dessous, depuis la tête jusque vers l'extrémité de la queue 3 on fait des entailles dans les chairs trop épaisses ; on les tient ouverts par le mojen d'un bâton qui va d'une extrémité à l'autre de l'animal ; on les suspend à l'air; et lorsqu'ils sont bien secs, on les rassemble ordinairement par paquets dont chacun pèse dix mjriagrammes, ou en-. viron. TRENTE-TROISIÈiME GENRE. LES AMMODYTES. Une nageoire de Vanus; celle de la queue séparée de la nageoire de Vanus et de celle du dos; la tête comprimée et plus étroite que le corps ; la lèvre supérieure double; la vuichoire inférieure étroite et pointue; h corps très^ alo7igé, ESPÈCE, CARACTÈRE, L' AMMODYTE Al'PAT. f- . . , / . 7 , „. . X iJ-a nageoire de la queue fourchue. ^ylminodjtcs alliciens.) t * TOME II. 35 L'AMMODYTE APPAT*. O N n'a encore inscrit que cette espèce. dans le genre de lammodjte : elle a beaucoup de rapports avec l'anguille, ainsi qu'on a pu en juger par la seule énonciation des caractères distinctifs de son genre; et comme elle a d'ail- leurs l'habitude de s'enfoncer dans le sable des mers, elle a été appelée anguille de sable en Suède, en Danemarck, ea Angleterre, en Allemagne, en France, et a reçu le nom générique à'ammodyte , lequel désigne un animal qui plonge, pour ainsi dire, dans le sable. Sa tête comprimée, plus étroite que le corps , et pointue par-devant , est l'instrument qu'elle emploie pour creuser la vase molle. * Ammodytes alliciens. Siil , en Norvège. Sandspiring , en Allemagne. Sand-eel, launce, en Angleterre. Grig, dans son jeune âge , en Angleterre, liançon , sur plusieurs côtes de France. Tobis , en Suède et en Danemarck. Ammodytes tobianus. Linné, édition de Gmelin. Ammodyte appât de vase. Dauhenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnatene, planches de V Encyclopédie méthodique, Ammodytes. Artedij gen, i 6 , spec. 35 , syn. 2g. Crono\>. Zooph. p. ii3, n, 104 j Mus. 1 ,/?. i3, «. 35» Faun. Suecic. 3o2. It. Scan. 141. li. OeL 87. J'l.S.raq.274 1. u4Mi\U)DYTE J^^àt.2. OFHIDIE Barbu . 3 . AL4 CRO GXATllK ./,,j,„fIo,i„e HISTOIRE NATURELLE. ^J 5 et pénétrer dans le sable des rivages jusqu'à la pro- fondeur de deux décimètres ou environ. Elle s'enterre ainsi par une habitude semblable à l'une de celles que nous avons remarquées dans l'anguille, à laquelle nous venons de dire qu'elle ressemble par tant de traits; et deux causes la portent à se cacher dans cet asjle souter- rain : non seulement elle cherche dans le sable les dra- gonneauxetles autres vers dont elle aime à se nourrir, mais encore elle tâche de se dérober dans cette retraite à la dent de plusieurs poissons voraces, et particulière- ment des scombres , qui la préfèrent à toute autre proie. De petits cétacées même en font souvent leur aliment de choix ; et on a vu des dauphins poursuivre Fammodjte jusque dans le limon du rivage, retourner le sable avec leur museau, et j fouiller assez avant pour déter- Mus. Adol. Frid. i , p. yS. Bloch,pL "jS^fig. 2. Piscîs sandilz dictus. Sahian. Aqum. p. 6g, bj et 70, b. Sandilz Anglorura. Aldrov, Fisc. p. 262, 254. Sandilz. Jonston, Fisc. p. go, tab. 21 ^fig. i. Sandels or launce. Raj. Fisc. p. 38, n. i65, tab. i i^ftg. 12. Sand-launce. Brit. Zoolog. 3, p. i56, n. 65 , pi. 2S. Tobis , saiidaal. Fisch. naturg. hicjl.p. 114. Anguille de sable. Valmoiit-bomare^ Dictionnaire d'histoire naturelle. Tobianus. Schonev. p. 76. Ammoca'tus, exoca^tiis mariniis, ammodytes. Gesiier^germ.fol. 3q, Ammodytes Gesneri. TVUlughby ^p. ii3. Ammodytes Anglorum vçx\x%.Jago [in Ruj. Sjn.)^p. i65. Angiiilla de arena. Charl.p. 146. Ammodytes tobianus. Aicagne, pi, i. fiyô HISTOIRE NATURELLE rer et saisir le foible poisson. Ce goût très-marqné des scombres et d'autres grands osseux pour cet animodjte le fait employer comme appât dans plusieurs pèches; et voilà d'où vient le nom spécifique que nous lui avons conservé. C'est vers le printemps que la femelle dépose ses œufs très-près de la cote. Mais nous avons assez parlé des habitudes de cette espèce : voj ons rapidement ses principales formes. Sa mâchoire inférieure est plus avancée que la su- périeure ; deux os hérissés de petites dents sont placés auprès du gosier ; la langue est alongée , libre en grande partie , et lisse; Forifice de chaque narine est double ; les jeux ne sont pas voilés par une peau demi- transparente, comme ceux de l'anguille. La membrane des branchies est soutenue par sept rajons * ; l'ouver- ture qu'elle ferme est très-grande; et les deux branchies antérieures sont garnies, dans leur concavité , d'un seul rang d'apophyses , tandis que les deux autres en pré- sentent deux rangées. On voit de chaque côté du corps trois lignes latérales ; mais au moins une de ces trois lignes paroît n'indiquer que la séparation des muscles. Les écailles qui recouvrent l'ammodjte appât sont très- petites; la nageoire dorsale est assez haute, ets'étend * A la nageoire du dos 60 rayons, à chaque nageoire pectorale 12 à la nageoire de l'anus 28 à celle de la c[ueue ï6 DES POISSONS. 277 presque depuis la tête jusqu'à une très-petite distance de Textrémité de la queue, dont l'ouverture de l'anus est plus près que de la tète. Le foie ne paroît pas divisé en lobes; un cœcum ou grand appendice est placé auprès du pjlore ; le canal intestinal est grêle , long et contourné, et la surface du péritoine parsemée de points noirs. On compte ordinairement soixante-trois vertèbres avec lesquelles les cotes sont légèrement articulées- ce qui donne à l'animal la facilité de se plier en difîerens sens , et même de se rouler en spirale , comme une cou- leuvre. Les intervalles des muscles présentent de petites arêtes qui sont un peu appuj ées contre l'épine du dos. La chair est peu délicate. La couleur générale de l'ammodjte appât est d'un bleu argentin , plus clair sur la partie inférieure du poisson que sur la supérieure. On voit des raies blanches et bleuâtres placées alternativement sur l'abdomen; et une tache brune se fait remarquer auprès de l'anus. TRENTE-QUATRIÈME GENRE. LESOPHIDIES. La tête couverte de grandes pièces écailîeuses; le corps et la queue comprimés en forme de laine, et garnis de petites écailles; la membrane des branchies très -large ^ les nageoires du dos, de la queue et de Vanus, réunies» PREMIER SOUS-GENRE. Des barbillons auy) mâchoires, ESPÈCE. CARACTÈRES. {Quatre barbillons à la mâchoire inférieure : la Al- ^ • 1 ^ i'- mâchoire supérieure plus avancée que lin- féneure. SECOND SOUS-GENRE. 'Foint de barbillons aux mâchoires. ESPÈCES, CARACTÈRES. HIDIE IMBER {Ophidium imberbe.) 2. L'o P H I D I E I M B E R B E. 1 j^^ nageoire de la queue un peu arrondie. 'Une ou plusieurs cannelures longitudinales au- 3. L'OPHIDIE UNERNAK. J dessus du museau ; la nageoire de la queue [Ophidium iinernak.) j pointue; la mâchoire inférieure un peu plus avancée que la supérieure. L'OPHIDIE BARBUE L'OPHIDIE imberbe; ET L'OPHIDIE UNERNÂK3. C'est au milieu des eaux salées qu'on rencontre les ophidies. Le barbu habite particulièrement dans la mer Rouge et dans la Méditerranée, dont il fréquente même a . . ' I — . — . — . ^ Ophidlum barbatum. Donzelle, suj- les côles françoises de la Méditerranée, Ophidium barbatum. />i/2//(?'j édition de Gmelin, Brousson7ietj Act. cniglic, 71 , i , /?. 486, tab, 23. Donzelle barbue. Daubenton , Encjrclopédie méthodique. 1(1. Bonnalerre , -planches de V Encyclopédie méthodique. Ophid. maxillâ inferiore cirris c[usii\.\or. Artedi, geu. 25, sjn. 42. Ophidion pisciculus congro sitoilis. Pliu. lit. 82 , cap. g. Ophidion, donzelle. Rondelet, première partie jlii. i3, chap. 2. Grillus vulgaris, aselli species. Bellon^ jiquat. p. 182. Ophidion Plinii. Gesner^ p. 91, 104. Id. Aldrov. liu. 3 , cap. 26 , p. 353- ïd. Jonst. lib. i , ///. \ , cap. 2 , a, 6, tah. 5, y. 2. Ophidion Plinii et Rondeletii. TVillugliby^lchiliyoLp. iiz^tab. G, 'Ji/ig. 6. ïd. Ruj. p. 38. Blochjpl. iSc^^fig. I. Enchelyopus barbatus. Klein, miss. pisc. 4, ;;. 52 , n. 4. Ophidium maxillâ inferiore breviore , etc. Briinn. Pisc.Massil.p. i5, n. i5. ^ Ophidium imberbe. ÎS'iigiiogen, sur plusieurs rii^ages de V Europe septentrionale. Ophidium imberbe. Linné, édition de Gmelin. ' Donzelle imberbe. Daubenton, Encyclopédie méthodique. 28o HISTOIRE Ts* A T U R E L L E les rivages septentrionaux. 11 a beaucoup de ressem- blance , ainsi que les autres espèces de son genre, ^vec les murènes et les ammodjtes : mais la réunion des nageoires du dos , de la queue et de l'anus , suffiroit pour qu'on ne confondit pas les ophidies avec les am- niodjtes ; et les traits génériques que nous venons d'exposer à la tête du tabiesn méthodique du genre que lîous décrivons , séparent ce même genre de celui des murènes. Pour achever de donner une Idée nette de la conformation du barbu, nous pouvons nous contenter d'ajouter aux caractères génériques, sous-génériques et spécifiques, que nous avons tracés dans cette table mé- thodique des ophidies , que le barbu a les jeux voilés par une membrane demi- transparente , comme les gymnotes, les murènes, et d'autres poissons; que sa lèvre supérieure est double et épaisse; que l'on voit de Id. Bonnaterre, planches de V Encjclopêdie méthodique. Opliidion cirris carens. Ariedi, gen. 2^,sjn. 42. Ophidion flavum , vel opliidiur» imberbe. Ro/idelefj première partie^ îiv. i3, chap. 2. " Id. TVillughhj, p. Il3, Id. Raj. p. 3g. Id. Schonev. p. 53. Ophidion. ScJielhavvner, Anat. xiph. p. 23 ,24, Faun. Suecic. 3ig. Brit. Zoolog. ap'p. t. 98. Enclielyopus flavus imberbis. Klein ^ pisc. miss, ^j P- 55, n. 5. ' Ophidium unernàk. Ot. Fabricii Faun. Groenland, p. 141, 77. 9g. Ophidium viride. Linné, édition de Gvielin, DonzelJe uaeroali, Bonnaterre, planches de VEnrjclopédie méthodique. DES POISSONS. 2.S1 petites dents à ses mâchoires , sur son palais , auprès de son gosier; que sa langue" est étroite , courte et lisse; que sa membrane branchiale présente sept rajons ' 3 que sa ligne latérale est droite , et que lanus est plus près de la tête que du bout de la queue. Quant à ses couleurs , en voici l'ordre et les nuances. Le corps et la queue sont d'un argenté mêlé de teintes couleur de chair, relevé sur le dos par du bleuâtre, et varié par un grand nombre de petites taches. La ligne latérale est brune ; les nageoires pectorales sont éga- lement brunes , mais avec un liséré gris ; et celles du dos, de l'anus et de la queue, sont ordinairement blanches et bordées de noir. Cet ophidion a la chair délicate, aussi-bien que Fim- berbe.Ce dernier, qui n'a pas de barbillons, ainsi qu'on peut le voir sur le tableau méthodique de son genre , et comme son nom l'indique , est d'une couleur jaune. On le trouve non seulement dans la Méditerranée , où on le pêche particulièrement auprès des cotes méridionales de France, mais encore dans l'Océan d'Europe, et même auprès de rivages très-septentrionaux '. * A la nageoire du dos du baibu, 124 rayons. à chacune des pectorales 20 à celle de l'anus ii5 * A la nageoire du dos de l'imberbe, 79 rayons. à chacune des pectorales 11 à celle de l'anus 41 il celle de la queue 18 TOME II. 36 2.82, HISTOIRE NATURELLE, C'est vers ces mêmes plages boréales , et jusque dans la mer du Groenland, qu'habite Funernak dont on doit la connoissance au naturaliste Othon Fabricius. Sa cou- leur n'est ni argentée comme celle du barbu , ni jaune comme celle de l'imberbe, mais d'un beau verd que l'on voit régner sur toutes les parties de son corps, excepté sur les nageoires du dos , de l'anus , de la queue, et îe dessous du ventre, qui sont blancs. Ses mâchoires sont sans barbillons , comme celles de l'imberbe; sa tête est large; ses jeux sont gros; l'ouverture de sa bouche est très-grande *. Il est très-bon à manger comme les autres ophidies : mais comme il passe une grande partie de sa vie dans la haute mer, on le rencontre plus rarement. Il parvient aux dimensions de plusieurs gades, avec lesquels on l'a souvent comparé, et par conséquent de- vient plus grand que le barbu, dont la longueur n'est ordinairement que de trois à quatre décimètres. * A chacune des nageoires pectorales de l'unernak, lo ou ii rayons. TRENTE-CINQUIÈME GENRE. LES MACROGNATIIES. La mâchoire supérieure très-avancée et en forme de trompe; le corps et la queue comprimés comme une lame; les nageoires du dos et de Vanus distinctes de celle de la queue. ESPÈCES. CARACTÈRES. ï.Le Macr. AicuiLLONNÉ.jQuatorze aiguillons au-devant de la nageoire ;.] l du {^lacrognaihiis aculeatiis.) i du dos i. Le macrogn. armé. rTren(e-< {Mucrognathus armaius.) l geoire du dos. 2. Le macrogn. armé. rTrente-trois aiguillons au-devant delà na- 'inalus.) l LE MACROGNATHE AIGUILLONNÉ Ce nom générique de macrognathe , qui signifie longue mâchoire , désigne le très-grand alongement de la mâ- choire supérieure de l'espèce que nous allons décrire, et que nous avons cru devoir séparer des ophidies, non seulement à cause de sa conformation qui est très-dif- férente de celle de ces derniers osseux , mais encore à cause de ses habitudes. En effet, les ophidies se tiennent au milieu des eaux salées , et l'aiguillonné habite dans les eaux douces : il j vit des petits vers et des débris de corps organisés qu'il trouve dans la vase du fond des lacs ou des rivières. Sa mâchoire supérieure lui donne beaucoup de facilité pour fouiller dans la terre humec- tée , et j chercher sa nourriture : elle est un peu pointue, et extrêmement prolongée, aussi a-t-elle été comparée à une sorte de trompe. Le docteur Bloch, qui a examiné et décrit avec beau- coup de soin un individu de cette espèce , n'a vu de dents nia cette mâchoire supérieure, ni à l'inférieure. * Macrognalhus acuîeatus. Opbidium aculeatuna. Linné ^ édition de Gmelin. Bloch J pi. iSc) , ^g. 2. Donzelle trompe. Bonnaterre^ -planches de l'Encyclopédie méthodiqus^ WiUughby y Ichlhyol. append. tah. lo^fg. i. Pentophthalmos. Baj. Vise. p. 109, "• 19. ifieuhofj Ind. 2, p, 228 yjig. l. HISTOIRE NATURELLE. ^83 ni au palais, ni au gosier; ce qui s'accorde avec la nature molle (les petits animaux sans défense, ou des parcelles végétales ou animales que recherche l'aiguillonné. L'o- percule des branchies n'est composé que d'une lame. Au- devant de la nageoire du dos, on voit une rangée longi- tudinale de quatorze aiguillons recourbés, et séparés l'un de l'autre j et deux autres aiguillons semblables sont placés entre la nageoii'e de l'anus et l'ouverture du même nom , qui est plus loin de la tête que du bout de la queue*. D'ailleurs les couleurs de l'animal sont agréables ; sa partie supérieure est rougeâtre , et l'inférieure argen- tée. Les nageoires pectorales sont brunes à leur base, €t violettes dans le reste de leur surface. Celle du dos est rougeâtre variée de brun, et remarquable par deux taches rondes , noires, bordées de blanchâtre , et sem- blables aune prunelle entourée de son iris. La nageoire de l'anus est rougeâtre avec un liséré noir ; et un bleu nuancé de noir règne sur la nageoire de la queue, qui est un peu arrondie. La chair de Taiguillonné est très-bonne h manger. On le pêche dans les grandes Indes. Il parvient ordinai- rement à la longueur de seize à vingt-un centimètres. * A la membrane des branchies i6 rayons. à la nageoire du dos 5i a cliacuiie des nageoires pectorales i6 à celle de l'anus 53 à celle de la queue 14 LE MACROGNATHE ARMÉ*. Nous avons trouvé un individu de cette espèce encore inconnue aux naturalistes, dans une collection de pois- sons desséchés cédés par la Hollande à la France avec nn grand nomÎ3re d'autres objets précieux d'histoire na- turelle. Elle diffère de l'armé par plusieurs traits de sa conformation et par sa grandeur: l'individu que nous avons décrit étoit long de près de trente-six centimètres, tandis que l'aiguillonné n'en a communément qu'une vingtaine de longueur totale. La mâchoire supérieure est façonnée en trompe : mais elle n'est pas aussi prolongée que dans l'aiguillonné ; elle ne dépasse l'inférieure que de la moitié de sa longueur. Les deux mâchoires sont garnies de plusieurs rangs de très-petites dents, et l'ai- guillonné n'en a ni aux mâchoires , ni au gosier, ni au pa- lais. On voit un piquant auprès de chaque œil de l'armé, et trois piquans à chacun de ses opercules. Au lieu de quatorze rajons recourbés , on en compte trente -trois au-devant de la nageoire du dos, et chacun de ces aiguillons disposés en série longitudinale est renfermé en partie dans une sorte de gaine. Les nageoires du dos et de l'anus ne sont pas séparées par un grand inter- valle de celle de la queue , comme dans l'aiguillonné ; * Macrognathus armatus. H I S T O I II E K A T U H ELLE. V^ïjJ mais elles la touchent immédiatement, et n'en sont distin J STIWMATIŒ l'am LE XIPHIAS ESPADON VoiCT un de ces géans de la mer, de ces émules de plusieurs cétacées dont ils ont reçu le nom , de ces * Xipbîas gladlus. Sward fisk , en Suède. Sword fish , en Angleterre, Pesce spado, eti Italie. Emperador, ibid. Xipliîas gladius. Linné j édition de Gi^ielbi. Glaive espadon. Daiibentonj Encyclopédie inéthodique, Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, Siçixç. Aristot. lib. 2 , cap. i3 , i5j et libj 8 , cap, ig. Id. Athen. lib. 7, p. 814. Id. /Elian, lib. g, cap. 40, p. 548 ; et lib. 14 , cap. 28. Id. Oppian. lib. i , p. 8 ; et lib. 2^ p. 48. Xiphias, seu gladius. Plin. lib. 9, cap. i5 j et lib. 32, cap, 2 et ir« JVoltoiij lib. 8 , cap. 189 , fol. 167, b. Empereur. Rondelet j première partie j liv, 8, chap, 14. Zifius, par plusieurs anciens auteurs. Xipliias, id est gladius piscis. Gesner^p. 1049» Xiphias, seu gladius. Jb7Z5/07z, lib. i , tit. I , cap. 2, a. 3, tah, ^^fig, i, Xipliias piscis, Latiuis gladius. J^illughbj , p.iCi, Id. Raj.p. 52. Gladius, velx\^}\idi&, Schonev. p. 35. Gladius. Cuba» lib. 3 , cap. 89, fol, 80, a, Salv.fol. 126 J ad ico77emj et 127. Gladius. Aldroi>. lib. 3j cap, 2j , p. 382. Blochj pi. 76. Xiphias. Kleinjmiss.pisc. 4, p. 17, 72. 1,2,4, '<^^- "^ffS' 2 > ^' fab. z^fg.i, Empereur. Valmont-Bomare , Dictionnaire d'histoire naturelle, Schelhamerj Anat. xiphii piscis. Hamb, 1707. B^rlhol. cent. 2 , c. 16. TOME II. 3/ QgO HISTOIRE TTATURELLE dominateurs deFOcéan qui réunissent une grande force k des dimensions très-étendues. Au premier aspect, le xipbias espadon nous rappelle les grands acipensères , ou plutôt les énormes squales et même le terrible requin. Il est l'analogue de ces derniers; il tient parmi les osseux une place semblable a celle que les squales occupent parmi les cartilagineux; il a reçu comme eux une grande taille , des muscles vigoureux , un corp& acrile une arme redoutable, un courage intrépide, tous Ù attributs de la puissance; et cependant tels sont les résultats de la différence de ses armes à celles du requni et des autres squales, qu'abusant bien moins de son pouvoir, il ne porte pas sans cesse autour de lui, comme ces derniers , le carnage et la dévastation. Lorsqu il mesure ses forces contre les grands habitans des eaux, ce sont plutôt des ennemis dangereux pour lui qu'il re- pousse, que des victimes qu'il poursuit. Il se contente souvent, pour sa nourriture, d'algues et d'autres plantes- marines ; et bien loin d'attaquer et de chercher a dévo- rer les animaux de son espèce, il se plaît avec eux; il aime sur-tout à suivre sa femelle , lors même qu'il n o< béit pas à ce besoin passager , mais impérieux, que ne peut vaincre la plus horrible férocité. Il paroît donc avoir et des habitudes douces et des affections vives. On t)eut lui supposer une assez grande sensibilité; et si l'on doit comparer le requin au tigre , le xiphias peut être considéré comme l'analogue du lion. Mais les effets de son organisation ne sont pas seuls DES POISSONS. 2.gi remarquables j sa forme est aussi très-digne d'attention. Sa tète sur-tout frappe par sa conformation singulière. Les deux os de la mâchoire supérieure se prolongent en avant , se réunissent , et s'étendent de manière que leur longueur égale à peu près le tiers de la longueur totale de l'animal. Dans cette prolongation, leur matière s'or- ganise de manière à présenter un grand nombre de petits cjlindres, ou plutôt de petits tubes longitudinaux: ils forment une lame étroite et plate, qui s'amincit et se rétrécit de plus en plus jusqu'à son extrémité, et dont les bords sont tranchans comme ceux d'un espadon ou d'unsabre antique. Trois sillons longitudinaux régnent sur la surface supérieure de cette longue lame , au bout de laquelle parvient celui du milieu ; et l'on apperçoit tui sillon semblable sur la face inférieure de cette même prolongation. Une extension de l'os frontal triangulaire, pointue et très-alongée , concourt à la formation de la face supérieure de la lame, en s'étendant entre les deux os maxillaires , au moins jusque vers le tiers de la lon- gueur de cette arme j et sur la face inférieure de cette lame osseuse , on voit une extension analogue et éga- lement triangulaire des os palatins s'avancer entre les deux os maxillaires , mais moins loin que l'extension pointue de l'os frontal. Ce sabre à deux tranchans est d'ailleurs revêtu d'une peau légèrement chagrinée. La mâchoire inférieure est pointue par-devant ; et sa longueur égalant le tiers de la longueur de la lame tubulée , c'est-à-dire , le neuvième delà longueur totale ^9^ HISTOIRE NATURELLE de l'animal, il n'est pas surprenant que l'ouverture de la bouche soit grande ; ses deux bords sont garnis d'un nombre considérable de petits tubercules très-durs, ou plutôt de petites dents tournées vers le gosier, auprès duquel sont quelques os hérissés de pointes. La langue est forte et libre dans ses mouvemens. Les jeux sont saillans,et l'iris est verdâtre. L'espadon a d'ailleurs le corps et la queue très-alon- gés. L'orifice des branchies est grand , et son opercule composé de deux pièces; sept ou huit rajons soutiennent la membrane branchiale. Les nageoires sont en forme de faux, excepté celle de la queue, qui est en croissant *> Une membrane adipeuse placée au-dessous d'une peau mince , couvre tout le poisson. La ligne latérale est pointillce de noir : cette même couleur règne sur le dos de l'animal, dont la partie infé- rieure est blanche. Les nageoires pectorales sont jau- nâtres; celle du dos est brune, et toutes les autres pré- sentent un gris cendré. L'espadon habite dans un grand nombre de mers. On le trouve dans l'Océan d'Europe, dans la Méditerranée, et jusque dans les mers australes. On le rencontre aussi entre l'Afrique et l'Amérique : mais y dans ces derniers parages, sa nageoire du dos paroit être constamment * A la nageoire du clos 42 rayons. à chacune des pectorales 17 à celle de l'ïinus 18 à cejle de la queue 26 DES POISSONS. 298 plus grande et tachetée ; et c'est aux espadons, qui, par les dimensions et les couleurs de leur nageoire dorsale , composent une variété plus ou moins durable , que l'on doit, cerne semble, rapporter le nom brasilien degue^ biica *. Les xiphias espadons ont des muscles très-puissans : leur intérieur renferme de plus une grande vessie nata- toire; ils nagent avec vitesse ; ils peuvent atteindre avec facilité de très-grands habitans de la mer. Parvenus quelquefois à la longueur de plus de sept mètres, frap- pant leurs ennemis avec un glaive pointu et tranchant de plus de deux mètres, ils mettent en fuite, ou com- battent avec avantage, les jeunes et les petits cétacées ,' dontles tégumens sont aisément traversés par leur arme osseuse, qu'ils poussent avec violence, qu'ils précipitent avec rapidité, et dont ils accroissent la puissance de toute celle de leur masse et de leur vitesse. On a écrit que dans les mers dont les côtes sont peuplées d'énormes crocodiles , ils savoientse placer avec agilité au-dessous de ces animaux cuirassés, et leur percer le ventre avec adresse à l'endroit où les écailles sont le moins épaisses et le moins fortement attachées. On pourroit même, à la rigueur, croire , avec Pline, que lorsque leur ardeur est exaltée , que leur instinct est troublé , ou qu'ils sont le jouet de vagues furieuses qui les roulentet les lancent, ils se jettent avec tant de force contre les bords des * Voyez Marcgraye, BrasiU lib, 4 , caj). i5, jy. 171. 294 HISTOIRE NATURELLE embarcations , que leur arme se brise , et que la pointe de leur glaive pénètre dans l'épaisseur du bord , et y demeure attachée, comme on j a vu quelquefois égale- ment implantés des fragmens de l'arme dentelée du squale scie , ou de la dure défense du narval. Malgré cette vitesse , cette vigueur , cette adresse ; cette agilité, ces armes, ce pouvoir , l'espadon se con- tente souvent, ainsi que nous venons de le dire, d'une nourriture purement végétale. 11 n'a pas de grandes dents incisives ni laniaires ) et les rapports de l'abon- dance et de la nature de ses sucs digestifs avec la lon- gueur et la forme de son canal intestinal, sont tels, qu'il préfère fréquemment aux poissons qu'il pourroit saisir , des algues et d'autres plantes marines : aussi sa chair est-elle assez communément bonne à manger, et même très-agréable au goût ) aussi lorsque la présence d'un ennemi dangereux ne le contraint pas à faire usage de sa puissance , a-t-il des habitudes assez douces. On ne le rencontre presque jamais seul : lorsqu'il vojage , c'est quelquefois avec un compagnon , et presque toujours avec une compagne; et cette association par paires prouve d'autant plus que les espadons sont susceptibles d'affection les uns pour les autres , qu'on ne doit pas supposer qu'ils sont réunis pour atteindre la même proie ou éviter le même ennemi, ainsi qu'on peut le croire de l'assemblage désordonné d'un très- o-rand nombre d'animaux. Un sentiment différent de la faim ou de la crainte peut seul , en produisant une I DES POISSONS. S 95 sorte de choix, faire naître et conserver cet arrangement deux à deux ; et de plus leur sensibilité doit ê(re consi- dérée comme assez vive , puisque la femelle ne donne pas le jour à des petits tout formés, que par conséquent il n'y a pas d'accouplement dans cette espèce, que cette même femelle ne va déposer ses œufs vers les rivages de l'Océan que lors de la fin du printemps ou le commen- cement de l'été, et que cependant le mâle suit fidèle- ment sa compagne dans toutes les saisons de l'année. La saveur agréable et la qualité très-nourrissante de la chair de l'espadon font que dans plusieurs contrées on le pêche avec soin. Souvent la recherche qu'on fait de cet animal, est d'autant plus infructueuse, qu'avec son long sabre il déchire et met en mille pièces les filets par le mojen desquels on a voulu le saisir. Mais d'autres fois , et dans certains temps de l'année , des insectes aquatiques s'attachent à sa peau au-dessous de ses na- geoires pectorales, ou dans d'autres endroits d'où il ne peut les faire tomber, malgré tous ses efforts ; et quoi- qu'il se frotte contre les algues , le sable ou les rochers, ils se cramponnent avec obstination, et le font souf- frir si vivement, qu'agité , furieux, en délire comme le lion et les autres grands animaux terrestres sur lcs(|uels se précipite la mouche du désert, il va au-devant du plus grand des dangers , se jette au milieu des filets , s'élance sur le rivage , ou s'élève au-dessus de la surface de l'eau , et retombe jusque dans les barques des pêcheurs. LE XIPHIAS ÊPÉE*. La description de cette espèce na encore été publiée par aucun naturaliste. Nous n'avons vu de ce poisson que la partie antérieure de la tête: mais comme c'est dans cette portion du corps que sont placés les carac- tères distinctifs des xiphias , nous avons pu rapporter l'épéek ce genre; et comme d'ailleurs cette même partie antérieure ne nous a pas seulement présenté les formes particulières h la famille dont nous nous occupons, mais nous a montré de plus des traits remarquables et très- différens de ceux de l'espadon, nous avons dû séparer de cette dernière espèce l'animal auquel avoit appar- tenu cette portion, et nous avons donné le nom d'épée à ce xiphias encore inconnu. Voici les grandes différences qui distinguent l'épée de l'espadon, et qui suffiroient seules pour empêcher de les réunir , quand bien même le corps et la queue de l'épée seroient entièrement semblables à la queue et au corps de l'espadon. Dans ce dernier animal , la prolongation est plate : elle est convexe dans l'épée. L'arme de l'espadon est aiguë sur ses bords comme un sabre à deux tranchans ; celle de l'épée est très- » I ■ 1 1 I' -Il ■ — »— — 'I II —^— ^ * Xiphias ensis. HISTOIRE NATURELLE. S 97 arroudie le long de ses côtés , et par conséquent n'est point propre à tailler ou couper. La lame de l'espadon est très-mince : la défense dé l'épée est presque aussi épaisse , ou , ce qui est ici la môme chose, presque aussi haute que large. On voit trois sillons longitudinaux sur la face supé- rieure du sabre de l'espadon , et un sillon également longitudinal sur la face inférieure de ce même sabre: on n'apperçoit de sillon sur aucune des surfaces de la prolongation osseuse de l'épée. Une extension de l'os frontal, pointue et triangulaire, ^'avance an milieu des os maxillaires supérieurs de l'es- padon , jusqu'au-delà de sa mâchoire inférieure : une extension analogue n'est presque pas sensible dans l'épée. Une seconde extension pointue et triangulaire, appar- tenant aux os intermaxillaires , se prolonge dans l'es- padon sur la face inférieure de l'arme, mais ne va pas jusqu'au-dessus du bout de la mâchoire inférieure: dans l'épée elle dépasse de beaucoup cette dernière extrémité. La peau qui couvre la lame de l'espadon est légère- ment chagrinée : celle qui revêt la défense de l'épée pré- sente des grains bien plus gros ; et sous les os maxillaires, à l'endroit qui répond à la mâchoire inférieure , les tu- bercules de cette peau se changent, pour ainsi dire, en petites dents recourbées vers le gosier. yoilà donc sept différences qui ne permettent pas de TOME II. 38 2^8 HISTOIRE NATURELLE. rapporter à la même espèce l'espadon et l'épëe. 11 peut d'ailleurs résulter de cette diversité dans la forme des armes, une variété assez grande dans les habitudes, une espèce ajant reçu un glaive qui tranche et coupe, et l'autre espèce une épée qui perce et déchire. Au reste , la portion de la tête d'un xiphias épe'e ^ qui nous a montré la conformation que nous venons d'exposer, fait partie de la collection du Muséum jnational d'histoire naturelle. TRENTE-SEPTIÈME GENRE. LES ANARHIQUES. Xc museau arrondi-, plus de cinq dents coniques à chaque mâchoire^ des dents nwlaires en haut et en bas-, une longue nageoire dorsale. ESPÈCES CARACTÈRES. I. L'anarhique loup. /Quatre os maxillaires à chaque raâchoirej les {^Anarhichas ti/pus.) (. dents osseuses et très-dures. s.L'anarhique KARRAK.jHuit dents Cartilagineuses et très- aiguës à la {^Anarhichas karraJi.) (_ partie antérieure de chaque mâclioire. o T'»^T»T,« •«.n.Tr^TT^,,.^- (I-^s lèvres doubles: la nageoire de la queue à. L ANARH. PANTHERIN.l i i , , ,. , , . .{un peu lancéolée; des taches rondes et i /Inarniclias pantlierinns, ) 1 , [^ brunes sur le corps et la queue. L'ANARHIQUE LOUP*. VJE poisson peut figurer avec avantage à coté du xiphias, et par sa force, et par sa grandeur. Il parvient quelque- fois , au moins dans les luers très-profondes , jusqu'à la longueur de cinq mètres j et s'il n'est point armé d'un glaive comme l'espadon et l'épée , s'il ne paroît pas se mouvoir au milieu des ondes avec autant d'agilité que ces derniers animaux, il a reçu des dents redoutsbles et par leur nombre , et par leur forme , et par leur du- * Anarhiclias lupus. Sea-wolf , 671 yjngleicrre. Anarihiclias lupus. Linué^ édition de Gmelin. Loup-mailn crapaudine. Daubenton, Encyclopédie méthodique, Id. Bonnalcrre, planches de VEncyclopédle méthodique. Lupus marinus nostras. .S(;//07/^('. /;. 45. Lupus marinus Sc'noneveldii. Jonston, iah. /i^'j^fig. 2. Lupus marinus nostras et Schoneveldii. JVilhtghby ^ p. i3oj lab. Il j 3, fig. T. Lupus marinus. Raj.pisc. 40. Anarhichas scansor. G esner {gerin.) fol. 63, a, Anarhichas. Artedif geu. 23 , sjn. 38. Gronoi'. Mus. i , p. 16, n. 445 Zooph. p. i3i , ". 4°°' Anarrlrichas lupus non maculatus. Minier^ Prodrom.Zoolog, Dan. p. 40, ij. 332. Ot. Fabric.Faun. Groenland, p. i38, n. 7. B loch y pi. 74. Lalargus. Klein j miss. pisc. 4 , p. 16. Ravenons. JSrit. Zoolog. 3 , p. iSj, tah. 24. Sea-wolf. Olear. Mus, 53, tab, 27, fig. 2. I^oup marin , lupus marinus piscis. Valntonl-Bomarej Dictionnaire d''hiiLoire naturelle^ HISTOIRE NATURELLE. 3o I reié; il présente même des mojens plus puissans de des- truction que le xiphins, et il mige avec assez de vitesse pour atteindre facilement sa proie. Son organisation intérieure lui donne d'ailleurs une très-grande voracité. Féroce comme les squales , terrible pour la plupart des liabitans des mers, vrai loup de FOcéan, il porte le ra- vage parmi le plus grand nombre de poissons , comme la bête sauvage dont il a reçu le nom , parmi les trou- peaux sans défense ; et bien loin d'offrir ces maixpics d'une affection douce , cette durée dans rattachement, ces traits d'une sorte de sociabilité que nous avons vus dans le xipliias, il montre, par l'usage constant qu'il fait de ses armes , tous les signes de la cruauté , et justifie le nom de /rwisseiir qui lui a été donné dans presque toutes les contrées et par divers observateurs. Son corps et ,sa queue sont alongés et comprimés: aussi nage-t-il en serpentant comme les trîchiures , ou plutôt comme les murènes et le plus grand nombre de poissons de l'ordre que nous examinons ; et c'est vraisemblablement parce que les diverses ondulations de son corps et de sa queue lui permettent quelquefois, et pendant quelques mo- mcns , de ramper comme l'anguille , et de s'avancer le long des rivages, qu'il a été appelé ^77/;7/;c7//' par quelques naturalistes. Sa peau est forte , épaisse, gluante, ainsi que celle de l'anguille ; ce qui lui donne la facilité de s'échapper comme cette murène , lorsqu'on veut le sai- sir; et les petites écailles dont ce tégument est revêtu , sont attachées à cette peau visqueuse, ou cachées sous 4t c302 HISTOIRE NATURELLE î'épiderme , de manière qu'on ne peut pas aisément les? distinguer. La tête de Tanarhique que nous décrivons, est grosse, le museau arrondi, le front un peu élevé , l'ouverture de la bouche très-grande ; les lèvres sont membraneuses, mais fortes , et les mâchoires d'autant plus puissantes , que chacune de ces deux parties de la tête est compo- sée, de chaque côté, de deux os bien distincts , grands, durs , solides , réunis par des cartilages, et s'arcboutant mutuellement. C'est au-devant de ces doubles mâ- choires , qu'on voit , tant en haut qu'en bas , au moins ^ix dents coniques propres à couper ou plutôt à déchi- rer , divergentes, et cependant ressemblant un peu, par leur forme , leur volume et leur position, à celles du loup et de plusieurs autres quadrupèdes carnassiers. On voit d'ailleurs cinq rangs de dents molaires supérieures, plus ou moins irrégulières , plus ou moins convexes , €t trois rangs de molaires inférieures semblables. La langue est courte , lisse , et un peu arrondie à son , extrémité. Les j'eux sont ovales. Il résulte donc de l'ensemble de toutes ces formes c^uQ présente la tête de l'anarhique loup, que lorsque la gueule est ouverte , cette même tête a beaucoup de rap- ports avec celle de quelques quadrupèdes , et particu- lièrement de plusieurs phoques ; et voilà donc cet anarhique rapproché des mammifères carnassiers, non seulement par ses habitudes, mais encore par la nature de ses armes et par ses organes extérieurs les plu$ remarquables. DES POISSONS. 3o3 Au reste, comment le loup ne seroit-il pns compris parmi Jes dévastateurs de l'Océan? Il montre ces dcn(s terribles avec lesquelles une proie est si facilement saisie, retenue, déchirée ou écrasée : et de plus, ses intestins étant très-courts , ne doit-il pas avoir des sucs digestifs d'une grande activité, et qui, par l'action, qu'ils exercent sur ce canal intestinal, ainsi que sur son estomac , dans les momens où ils ne contiennent pas une nourriture copieuse , lui font éprouver vivement le tourment de la faim ^ et le forcent à poursuivre avec ardeur , et souvent à immoler avec une sorte de rage, de nombreuses victimes? Quelques dents de moins, ou plutôt quelques décimètres de plus dans la longueur du canal intestinal , auroient rendu ses ha- bitudes assez douces. Mais les animaux n'ont pas , comme Thomme , cette raison céleste, cette intelligence supérieure qui rap- pelle , embrasse ou prévoit tous les instans et tous les lieux, qui combat avec succès la puissance de la na- ture par la force du génie, et, compensant le moral par le pliysique, et le physique par le moral , accroît ou diminue à son gré Finliuence de l'habitude , et donne à la volonté l'indépendance et l'empire. L'anarhique loup , condamné donc, jDar sa conforma- tion et par la qualité de ses habitudes , à rechercher presque sans cesse un nouvel aliment , est non seu- lement féroce , mais très-vorace : il se jette goulûment 5ur ce qui peut appaiser ses appétits violens. Il dévore 3o4 HISTOIRE NATURELLE non seulement des poissons , mais des crabes et des coqnilîages3 il les avalemêmeavec tant de précipitation, que souvent de grosfragmens de dépouilles d'animaux testacées, et des coquilles entières, parviennent jusque dans son estomac , quoiqu'il eût pu les concasser et les brojer avec ses nombreuses molaires. Ces coquilles entières et ces fragmens ne sont cependant pas digérés ou dissous par ses sucs digestifs, quelqu'actives que soint ces humeurs , pendant le peu de séjour qu'ils font dans un canal intestinal très-court , et dont le loup est pressé de les chasser , pour les remplacer par des substances nouvelles propres à appaiser sa faim sans cesse renaissante. D'ailleurs l'estomac de cet ana- rhique n'a pas la force nécessaire pour les réduire, par la trituration , en très-petites parties : mais ce poisson s'en débarrasse presque toujours avec beaucoup de fa- cilité , parce que l'ouverture de son anus est très-con- sidérable et susceptible d'une assez grande extension. C'est dans l'Océan septentrional que se trouve le loup. On ne le voit ordinairement en Europe qu'à des latitudes un peu élevées ; on l'a reconnu à Botanj-baj sur la côte orientale de la Nouvelle-Hollande * : mais il se tient communément pendant une grande partie de l'année à des distances considérables de toute terre et dans les profondeurs des mers; il ne se montre pas * Voyage de Tenchj capitaine de la Charlotte , à la haie Botanic^iu, en 1787 ( y. «^ ) DES POISSONS. 3o5 pendant Thiver près des rivages septentrionaux de FEurope et de l'Amérique ; et c'est à la fin du printemps qne sa femelle dépose ordinairement ses œufs sur les plantes marines qui croissent auprès des côtes. Il s'élance avec impétuosité; et malgré cette rapidité au moins momentanée, plusieurs naturalistes ont écrit que sa natation paroît lente quand on la compare à celle des xiphias : sa force est néanmoins très-grande , et ses dimensions sont favorables à des mouvemens ra- pides. Ne pourroit-on pas dire que les muscles de sa tête, qui serre , déchire ou écrase avec tant de facilité , sont beaucoup plus énergiques que ceux de sa queue , tandis que , dans les xiphias , les'muscles de la queue sont plus puissans que ceux de la tête, armée sans doute d'un glaive redoutable, mais dénuée de dents , et qui ne con- casse ni ne brise. Nous devons d'autant plus le pré- sumer, que la natation, dont les vrais principes accé- lérateurs sont dans la queue , n'est ordinairement sou- mise à aucune cause retardatrice très-marquée , qui ne réside dans une partie antérieure de l'animal trop pe- sante ou trop étendue en avant. N'avons-nous pas vu que la prolongation de la tête des xiphias égale en lon- gueur le tiers de l'ensemble du poisson? et de quel pouvoir ne doivent pas être doués les muscles caudaux de ces animaux, pour leur imprimer, malgré la résis- tance de leur partie antérieure , la vitesse dont on les voit jouir? Ne pourroit-on pas d'ailleurs ajouter que quand TOME II. 39 3o6 HISTOIRE NATURELLE bien même la nature , la forme, le volume et la position des muscles caudaux leur donneroient à proportion la même force dans le loup et dans les xiphias, cet anarhique devroit s'avancer, tout égal d'ailleurs , avec moins de rapidité que ces derniers , parce que sa tête assez grosse , arrondie et relevée , doit fendre l'eau de la mer avec moins de facilité c]ue le glaive mince et étroit des xiphias? Quoi qu'il en soit de la force de la queue du loup , celle de sa tête est si considérable , et ses dents sont si puissantes , qu'on ne le pèche dans beaucoup d'endroits qu'avec des précautions particulières. Dans la mer d'O- kotsk , auprès du Kamtschatka , vers le cinquante-troi- sième degré de latitude , on cherche à prendre le loup avec des seines ou filets faits de lanières de cuir , et par conséquent plus propres à résister à ses eflbrts. Dans ce même Kamtschatka , le célèbre vojageur Steller a TU un individu de cette espèce que Ton venoit de pê- cher, irrité de ses blessures et de sa captivité, saisir avec fureur et briser comme un verre une sorte da coutelas avec lequel on vouloit achever de le tuer, et mordre avec rage des bâtons et des morceaux de bois dont on se servoit pour le frapper» Au reste , on va avec d'autant plus de constance à la poursuite du loup, qu'il peut fournir une grande quan- tité d'aliment , et que sa chair , suivant Ascague , est , dans certaines circonstances , aussi bonne que celle de l'anguille. Les habitans du Groenland le pèchent aussi DES POISSONS. Soy pour sa peau , qui leur sert à faire des bourses et quel- ques autres ustensiles. Le loup a été nommé crapaudine , parce qu'on a re- gardé comme provenant de cet animal , de petits corps fossiles, connus depuis long-temps sous le nom de biijo- nitcs ou de crapaudlncs. Ces bufonites ont reçu la dé- nomination qu'on leur a donnée dès les premiers mo- mens où l'on s'en est occupé , à cause de l'origine qu'on leur a dès-lors attribuée. On a supposé que ces petits corps étoient des pierres sorties de la tête d'un crapaud, en latin bufo. Ils sont d'une forme plus ou moins con- vexe d'un côté, planes ou concaves de l'autre, d'une figure quelquefois régulière et quelquefois irrégulière, et communément gris ou bruns, ou roux, ou d'un rouge noirâtre. Par une suite de la fausse opinion qu'on avoit adoptée sur leur nature, on les a considérés pen- dant quelque temps comme des pierres fines du second ordre : mais lorsque l'histoire naturelle a eu fait de plus grands progrès , on s'est bientôt apperçu que ces pré- tendues pierres fines nVtoient que des dents de poisson pétrifiées , et presque toujours des molaires. Les uns les ont regardées comme des dents d'anarhique, d'autres comme des dents du spare dorade , d'autres comme des dents de poissons osseux différeus de la dorade et de l'anarhique. Ils ont tous eu raison , en ce sens qu'on doit rapporter ces fossiles à plusieurs espèces de pois- sons , très-peu semblables l'une à l'autre; et telle a été l'opinion de Wallérius. La plus grande partie de ces 3o8 HISTOIRE NATURELLE. dents nous ont paru néanmoins avoir appartenu à des dorades ou à des anarhiques. Au reste , il est très-aisé de séparer parmi ces fossiles les dents molaires du loup d-avec celles du spare dorade : les dernières ont une régularité et une convexité que l'on ne voit pas dans les premières. Mais pour être de quelque utilité aux géologues, et leur donner des bases certaines d'après lesquelles ils puissent lire sur les corps pétrifiés et fos- siles quelques points de l'histoire des anciennes révo- lutions du globe, nous tâcherons de montrer, dans notre Discours sur les parties solides des poissons , les véri- tables caractères des dents d'un assez grand nombre d'espèces de ces animaux. Le loup est d'un noir cendré par-dessus , et d'un blanc plus ou moins pur par- dessous; ce qui lui donne un jiouveau rapport extérieur avec plusieurs cétacées. Mais peut-être ne doit- on regarder que comme une variété de cette espèce, l'anarhique que Von a désigné par le nom de si/ié ' , qui présente en efïèt des stries irrégulières , presque transversales , et brunes, et qui a été pêclîé auprès des rivages de la Grande-Bretagne '. ^ Anaihiclias strigosus. Linuéj édition de Gmeliii, 'Bvii. Znolog. 3 j Jï. 65, p. ng. * A la membrane des branchies du loup, 6 rayons, - à la nageoire dorsale y^ à chacune des nageoires pectorales 20 à celle de l'anus 46 à celle de la queue 16 On a compté, à chacune des pectorales de l'anarhique strié, 18 rayons, et à celle de la queue du même animal , i3 L'ANARHIQUE KARRAK', ET L'ANARHIQUE PANTIIÉRIN\ Ces deux espèces habitent dans l'Océan septentrional - la première dans la mer du Groenland , et la seconde dans la mer Glaciale. Elles ont d'ailleurs beaucoup de rapports l'une avec l'autre. Le karrak a les yeux très-gros et rapprochés du som- met de la tête, qui a , dit-on, quelque ressemblance vague avec celle d'un chien. L'ouverture de sa bouche" est grande ; les deux mâchoires présentent de chaciue côté trois dents aiguës et inégales ] et dans l'intervalle^ qui sépare par-devant ces deux triolets, on compte deux autres dents plus petites. ' Anarhichas Icarrak. Anarhiclias minor. Linné , édilion de Ginelln. Loup marin karrak. Bonnaterre , -planclies de l'Encyclopédie méthodique^ Ol. Fahrlc. Faun. Groenland, p. iSg, //. gSô. Anarhiclias niinor. Millier :, Prodrom. Zooïog. Bart, Olafs. Islaiid. p. 692, /■ 42, * Anarhiclias pantlicrinus. Kusatsclika , i , /'. 271 , tab. 6, \ OlO HISTOIRE NATURELLE La nageoire dorsale s'étend depuis le cou jusqu'à une très-petite distance de la nageoire de la queue *. Lekarrak est ordinairement d'un gris noirâtre, et ne parvient pas à des dimensions aussi considérables que le loup. Peut-être le panthérin est-il communément encore moins grand que le karrak; peut-être a-t-on eu raison décrire que sa longueur ordinaire n'est que d'environ un mètre. On lui a donné le nom que j'ai cru devoir lui conserver , parce que sur un fond plus ou moins jaunâtre, et par conséquent d'une teinte assez sem- blable à la couleur de la panthère, il présente, sur pres- que toute sa surface, des taches rondes et brunes. Sa tête est un peu sphérique ; ses lèvres sont doubles? Au travers de la large ouverture de sa gueule , on ap- perçoit aisément, de chaque côté de la mâchoire supé- rieure, deux rangs de dents coniques et plus ou moins recourbées , et deux rangées de dents molaires. Entre les quatre rangs de dents coniques , on voit quatre autres dents placées longitudinalement ; et entre les quatre rangées de dents molaires , paroît sur le palais une série longitudinale de sept dents très-fortes , et dont les deux premières sont ordinairement séparées des autres. La mâchoire inférieure est armée, de chaque * A la nageoire dorsale du karrak , 70 rayons. à chacune des pectorales 20 à celle de l'anus 44 à celle de la queue 21 DES POISSONS. 3r2 côté, de deux rangs de dents molaires, et de deux ou trois rangées de dents coniques. Les jeux sont grands et assez éloignés l'un de l'autre. La nageoire du dos , qui ne commence qu'à une cer- taine distance de la nuque, touche celle delà queue • et ces deux derniers caractères sufïiroient peur séparer le panthérin du karrak , dont la nageoire caudale est un peu éloignée de celle du dos , et dont les jeux sont rapprochés sur le sommet de la tête. Deux lames com- posent chaque opercule branchial ; on ne voit pas de ligue latérale. Les nageoires pectorales sont arrondies comme celles du loup ; la nageoire de la queue est uiï peu Lancéolée *. Au reste, suivant Fauteur russe Zoview, qui a fait connoître le panthérin, on ne mange guère en Russie de cet anarhique , quoiqu'on j vante la bonté de sa chair. ; * A la membrane branchiale du panthérin, 7 rayons, à la nageoire dorsale 67 à chacune des pectorales 20 à celle de l'anus 44 à celle de la queue ao TRENTE-HUITIÈME GENRE. LES COMÉPHORES. Le corps aJongé et comprimé; la tête et l'ouverture de la bouche très- grande s; le museau large et déprimé; les dents très -petites 'y deux nageoires dorsales; plusieurs rayons de la seconde, garnis de longs Jilamens, ESPÈCE, CARACTÈRE. ;Le coméphore baïkal. jLes nageoires pectorales, de la longueur delà [CotJiephoriis baïkalensis.) (. moitié du corps. LE COMÉPHORE BAÏKAL*. G E poisson a déjà été décrit sous le nom de caUlonyme; mais il manque de nageoires inférieures placées au^ devant de l'anus. Dès-lors il ne peut être inscrit ni dans le gem-e ni même dans l'ordre des vrais callionjmes, qui sont des jugulaires ) il doit être comjiris parmi les apodes; et les caractères remarquables qui le dis- tinguent, exigent qu'on le place , parmi ces derniers , dans un genre particulier. Le célèbre professeur Pallas l'a fait connoître. 11 Ta découvert dans le Baïkal , ce lac fameux de l'Asie russe , et si voisin du territoire chinois. Le coméphore que nous décrivons se lient pendant l'hiver dans les en- droits de ce lac où les eaux sont le plus profondes; et ce n'est que pendant l'été qu'il s'approche des rivages en troupes nombreuses. Comme plusieurs autres apodes de la première division des osseux , il a le corps alongé, comprimé , et enduit d'une matière huileuse très-abon- dante. La tête est grande , aplatie par-dessus et par les cotés , garnie de deux tubercules auprès des tempes ; le museau large ; la bouche très-ouverte ) la mâchoire '■ I m I ■ n I 'Il * Comeplaorus baïkalensîs. Pallas j II. 3, ]y. 707, n. 4g. Callionyme baïkal. Bonnaterre , planches de l'Encyclopédie mélhodiqu?^ Calllonymus baikalensis. Linné , édition de Ginelin. TOME II. 40 3l4 HISTOIRE NATURELLE. inférieure plus avancée que la supérieure , et hérissée comme cette dernière, excepté àson sommet, de dents très-petites , crochues et aiguës ; la membrane bran- chiale très-lâche , et soutenue par des rajons très-éloi- gnés l'un de l'autre ; et la ligne latérale assez rappro- chée du dos. La première nageoire dorsale est peu étendue : mais quinze rajons au moins de la seconde sont terminés par de longs filamens semblables à des cheveux y et cette conformation nous a suggéré le nom générique de porte- cheveux (coméphore), que nous avons donné au baïkal. Les nageoires pectorales sont si prolongées, qu'elles égalent en longueur la moitié de l'animal j pour peu qu'elles eussent plus de surface , qu'elles fussent plus facilement extensibles, et que le baikal pût les ngiter avec plus de vitesse , ce poisson pourroit non seulement nager avec rapidité , mais s'élever et parcourir un arc de cercle considérable au-dessus de la surface des eaux, comme quelques pégases , les trigles , les exocets, etc. V La nageoire de la queue est fourchue*. ^ Discours sur la nature des poissons. * A la membrane des branchies 6 rayons* à la première nageoire du dos 8 à la seconde 28 à chacune des nageoires pectorales i3 à celle de l'anus 82 à celle de la queue i3v TRENTE-NEUVIÈME GENRE. LES STROMATÉES. Le corps très-comprimé et ovale* ESPÈCES. CARACTÈRES. I. Le stromat. FiATOLE.jDes dents au palais j deux lignes latérales de {Siromateus fîatola.) (_ chaque côté 5 plusieurs bandes transversales. - , rPoint de dents au palais; une seule ligne laté- z. Le stromatee paru. I , , , - , , , ,„, V < raie de chaque coté : point de bandes trans- IStromateus paru.) ] , * ^ ^ I versales. LE STROMATÉE FIATOLE*. Tous les apodes de la première division des osseux que nous avons déjà examinés, ont le corps plus ou moins alongé , cylindrique et serpentiforme. Dans les stromatées , les proportions générales sont bien diffé- rentes: Tanimai est très-comprimé parles côtés, et les deux surfaces latérales que produit cette compression, sont assez hautes, relativement à leur longueur , pour représenter un ovale plus ou moins régulier. Cette con- * Stromateus fiatola. Lisette, sur quelques rivages de la mer Adriatique»- Lampuga, dans quelques contrées de P Italie. Stromateus fiatola. Linné, édition de Gmelin. Stromate fiatole. Daubenton , Encyclopédie méthodique, Id. BonnaterrCj planches de l'Encyclopédie inélhodique,. Stromateus. Jrtedi^ gen. it),syn. 33. Fiatole , et stromatée. Rondelet j première partie , liv. 8 , chap. 20,. Trouclaou. Rondelet j première partie, liv. 8, chap. 19. (Nous verrons tlans la suite de cet ouvrage , que le stromatée décrit dans Rondelet , pre~ inière partie, liv. 5, chap. 24, et le stromateus d'Athénée, liv. j^p. 322, rapporté par Artedi à l'espèce que nous examinons, non seulement n'ap- partiennent pas à cette espèce ni au genre que nous décrivons, mais même re doivent pas être compris dans l'ordre des apodes de la première division des osseux.) Fiatola Rom» dicta. Jonst. lih, i , ///. 3, cap. i ^ a. i3 , tah. ig, n. 8. . Fiatola Romae dicta. Gesner, p. 926 , et {germ.)fol. 3i. Willug^ibyt Ichthyol.p. i56. J?fl;. p. 5o. Fiatole, Fa/mo^U'-Bowiar^j Dictionnaire d'histoire naturelle^ HISTOIRE NATURELLE. Si'/ formation unique parmi les apodes que nous décrivons , suflitpour empêcher de confondre les stromatées avec les autres genres de son ordre. Parmi ces stromatées , l'espèce la plus anciennement connue est celle que l'on uo\r\mQ Jialolc , et que l'on trouve dans la mer Méditerranée ainsi que dans la mer Kouge. Ses couleurs sont agréables et brillantes; et leur éclat frappe d'autant plus les jeux, qu'elles sont répandues sur les larges surfaces latérales dont nous venons de parler. Ordinairement ce beau poisson est bleu dans sa partie supérieure , et blanc dans sa partie inférieure 9- avec du rouge autour des lèvres; et ces trois couleurs, que leurs nuances et leurs reflets marient et fondent les unes dans les autres, plaisent d'autant plus sur la fîatole, qu'elles sont relevées par des raies transversales étroites, mais nombreuses, et commu- nément dorées, qui s'étendent en zigzag sur chacun des côtés de l'animal. La bouche est petite; les mâchoires et le palais sont garnis de dents; la langue est large et lisse ; chaque côté du corps présente deux lignes latérales, l'une courbe , et l'autre presque droite ; la nageoire de la queue est très-fourchue*; et si on cherche, par le moyen de la dissection , à connoître les formes intérieures de- * A la nageoire dorsale 46 rayons. à chacune des nageoires pectorales 25 à celle de l'anus 34, ■fO 018 HISTOIRE NATURELLE. la fiatole , on trouve un estomac rendu en quelque sorte double par un étranglement , et un très-grand nombre d'appendices ou de petits tubes intestinaux ouverts seulement par un bout et placés auprès du pjlore. LE STRO MATÉE PARU Cette espèce n'est pas peinte de couleurs aussi variées quela fiatole, mais elle resplendit de l'éclat de l'or et de l'argent ; l'or brille sur sa partie supérieure , et le dessous de ce poisson réfléchit une teinte argentée très-vive. Elle habite dans l'Amérique méridionale et dans les grandes Indes , particulièrement auprès de Tranquebar ; et sa chair est blanche , tendre et exquise. Sa langue est large , lisse, et assez libre dans ses mouvemens ; ses mâchoires sont hérissées de dents petites et aiguës : mais on n'en voit pas sur le palais , comme dans la fiatole, et quelques osselets arrondis paroissent aux environs du gosier. L'ouverture des branchies est très-grande ; l'oper- cule composé d'une seule lame bordée d'une mem- brane. Une seule ligne latérale assez large et argentée règne de chaque côté de l'animal. Les écailles du paru sont petites , minces , et tombent facilement. Cet osseux * Stiomatcus paru. Stromateus paru. Linnéj édition de Cmctin. Stromaleus unicolor. Linné, douzième édition. Stromateus striis carens. Bloch,]tl. i6o. Stromate paru. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id, Bonnaterre , planches de l'Encyclopédie méthodique. Pampus. Sloan. Jamaïc.z , p, 281 , tah. 25o, fig. 4, Eampus. B.aj- pisc 5i. 32 0 HISTOIRE NATURELLE. ne présente jamais que de petites dimensions, non plus que la fiatole : aussi ne se nourrit- il que de vers marins , et de poissons très-jeunes et très-foibles '. On trouve dans les eaux du Chili un stromatée décrit par Molina % dont le dos , au lieu d'être doré, ^st d'un bleu céleste , et qui ne parvient guère qu'à la longueur de; deux ou trois décimètres. Nous pensons, avec le professeur Gmelin , que ce stromatée, qui ne paroît différer du paru que par la couleur du dos , n'est peut-être qu'une variété de celte dernière espèce, . ' A la membrane des branchies ? rayons, à la nageoire du dos 5o à chacune des pectorales 24 à celle de l'anus 4* à celle de la queue , qui est tres-fourciiue , 18 ' Mo lin. Bisf. nat. Chil. p. 19g, ". 8. Stromateus cumarca. hinné, édition de Gmelin, Stromate cumarca. Bonnaterre , planches de V Encyclopédie méthodique,, QUARANTIÈME GENRE, LES RIIOMBES. XuC corps très-comprimé et assez court; choque coté de l'animal représentant une sorte de rhombe; des aiguil- lons ou rayons non articulés aux nageoires du dos ou de lanus, -ESPÈCE. CARACTÈRES. T , ' TLe corps dénu(î d'écaillés facilement visibles: Le rhombe alepidote. i , . , ' /„7 , i ■ 1 . \ < les nageoires du dos et de l'auus, en forme I de raux. TOME II. 41 LE RHOMBE ALÉPIDOTE*. C E poisson , que le docteur Garden avoit eiivojé de îa Caroline à Linné, et que l'illustre naturaliste de Suède a fait connoître aux amis des sciences , a été inscrit jusqu'à présent dans le genre des chétodons : mais in- dépendamment de plusieurs autres traits qui le séparent de ces derniers osseux, l'absence de nageoires inférieures placées au-devant de l'anus, non seulement l'écarté du genre des chétodons, mais oblige à ne pas le placer dans le même ordre que ces ihoracins , et à le comprendre dans celui des apodes dont nous nous occupons. Nous l'j avons mis à la suite des stromatées, avec lesquels la très-grande compression , la hauteur et la brièveté de l'ensemble formé par son corps et par sa queue, lui donnent beaucoup de rapports. Il en diffère cependant par plusieurs caractères, et notamment par la figure rhomboidale des faces latérales, qui sont ovales dans les stromatées , et par la nature de plusieurs rajons de la nageoire du dos ou de celle de l'anus, dans lesquelles on ne remarque aucune articulation, et qui sont de véri- tables aiguillons. * Rhombus alepidotus. Chaclodon alepidotus. Linné, édition de Gnit-lin. Cbélodon niid. Dauhenton, Encyclopédie mélhodique. îd. Bonnaterrcj -planches de V Encyclopédie méthodiijue. / HISTOIRE NATURELLE. 3^3 Ln peau de ralépidote ne présente d'ailleurs aucune écaille facilement visible; et cette sorte de nudité qui lui a fait attribuer le nom de mid ^ ainsi que celui que j'ai cru devoir lui conserver, empécheroit seule de le confondre avec les stromatées , et lui donne une nou- velle ressemblance avec les cécilies, les gjinnotes, les murènes, et plusieurs autres apodes de la première division des osseux. Ses mâchoires ne présentent qu'un seul rang de dents ; on voit sur chaque côté de l'animal deux lignes latérales, dont la supérieure suit le contour du dos , et dont l'inférieure est droite, et paroit indiquer les inter- valles des muscles. Les nageoires du dos et de l'anus sont placées au-dessus l'une de l'autre, et offrent la forme d'une faux 3 celle de la queue est fourchue*. Le rhombe alépidote est bleuâtre dans sa partie supé- rieure. Nous ignorons si on le trouve dans quelque autre contrée que la Caroline. * 6 rayons à la membrane branchiale. 3 aigniUons et 48 rayons articulés à la nageoire dorsale. 24 rayons à chaque nageoire pectorale. 3 aiguillons et 44 rayons articulés à la nageoire de l'anus, ^3 rayons à la nageoire de la queue. D I X - II U I T I E M E ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, ou SECOND ORDRE DE LA PREMIÈRE DIVISION DES OSSEUX. Poissons jugulaires, ou (jiii ont des nageoires situées sous la (rortre. C5 O Q U A R A N T E-U N I E M E GENRE. LES MURÉNOIDES, Un seul rayon à chacune des nageoires jugulaires; trois rayons à la membrane des hrancJiies; le corps alongé-, comprimé et en Jbrme de lame. ESPÈCE- CARACTÈ RE, Ee murénoïde STJJEP.r];^çgj„âchoires également avancées.- (Murœnoides sujef.) \ LE MURÉNOIDE SU JE F Ce poisson a été inscrit parmi les blennies : mais il nous a paru en être séparé par de grandes différences. De plus , ses caractères ne permettent de le placer dans aucun autre genre des Jugulaires. Nous nous sommes donc vus obligés de le comprendre dans un genre par-- ticulier ; et comme les deux nageoires qu'il a sous la gorge sont très-petites, composées d'un seul rajon , et quelquefois dilHciles àappercevoir , nous l'avons mis à la tête des jugulaires, qu'il lie avec les apodes par cette forme de nageoires inférieures. Il a d'ailleurs des rap- ports très-nombreux avec les murènes et les tricliiures. Son corps est alongé , aplati latéralement, et fait en forme de lame d'épée, ainsi que celui des trichiures j et les écailles qui le revêtent sont aussi difficiles à distin- guer que celles des murènes et particulièrement de' l'anguille. Un double rang de dents garnit les deux mâchoires. La tête présente quelquefois de petits tu- bercules : le dessus de cette partie est triangulaire et un peu convexe. Trois rajons soutiennent seuls la raem-- brane des branchies. L'ouverture de l'anus est située à peu près vers le milieu de la longueur du corps. La * Muraenoïdes siijef. Sujef, Ait. acad. Pctvopol. 1779 , 2 , ;n iqS , tah. 6 jfig. r. iElennius ravirsenoïdes. Linné ^ édition de Gmelin.- 3^6 HISTOIRE NATURELLE, couleur de Fanimal est d'un gris cendré qui s eclaircît et se change en blanchâtre sur la tête et sur le ventre. Ce muréncyide est ordinairement long de deux déci- mètres 5 et nous lui avons donné le nom de sujcf, afin de consacrer la reconnoissance que Ton doit au savant qui Ta fait connoître. ■•■■■■■«««••'■•■■X QUARANTE-DEUXIÈME GENRE. LES CALLIONYMES, La tête plus grosse que le corps; les ouvertures branchiales sur la nuque j les nageoires jugulaires très-éloignées l'une de l'autre; le corps et la queue garnis d'écaillés à peine visibles. PREMIER SOUS-GENRE. Les yeux très-rapprocliés Vun de Vautre, ESPÈCES. CARACTÈRES. ILe premier rayon de la première nageoire dorsale, de la longueur du corps et de la queue ; l'ouverture de la bouche très- grande j la nageoire de la queue arrondie. iLes rayons de la première nageoire du dos beaucoup plus courts que le corps et la queue ; l'ouverture de la bouche très- grande 3 la nageoire de la queue arrondie. f Trois rayons à la membrane des branchies ^ l'ouverture de la bouche petite j la na- geoue de la queue arrondie, !Le premier rayon de la première nageoire dorsale terminé par deux filamens j la na- geoire de la queue fourchue. HISTOIRE NATURELLE. SECOND SOUS-GENRE. £,es yeux très-peu rapprochés Van de t autre» ESPÈCE. -CARACTÈRES. 5. Le CALLiON. POINTILLÉ. /L'ouverture de la bouche très -petite) la '■A (Caliionjmfis punctulatus.) \ nageoire de la queue arrondie. Tom . 2. Fl.io.Faa "Szq Jfeseve Del ■ 1. C^iLLIONYMR Zure.2 . GADR Morue O ■ Ct^^K MnsL-Ue ■ LXf LE CALLIONYME LYRE'. C^Lr.ro^r>fE ', zné; quelles images agréables, quels souvenirs touchans rappellent ces deux noms! Beauté ' Callion}mus Jyra. iavandiére , sur queh^ucs cô les françaises de V Océan LaJI.onymus lyra. Linné, édition de Gmelin Calhonyme Jacert. Dauhenton^ Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encjclopédie méthodiaue Faun. Suec. 804. Sironi. Son dm. Uranoscopus, ossiculo primo, etc. Crono.. .Vus. r , „ 6 - ' B loch, pi. 1-6 r. ;. 93 7^.' 14 """'' '"" '"""' '""' '°"^'"^"" ""'''''' ^^'■-- Vise. 5, Lyra harvicensis. Pcti.. Gazoph. i , ;,. r , „. x , ..^. ., , ^.. ^ ii^xocati te.tiura genus. Scba, Mus. 3, ^u^. 2o,fig. n. Id. Bcllon, Aquat.p, zzX Yellow gu.-„ard. 7>.on, ^.,. Angl, .4, „. ,^3, r749,/o- r. Dracunculus. G.... ^.;„,,. ^. go 5 Icon. aninu p. 84 Coa,,s p.nnâ secundâ dorsi albâ. Artedi, gen. 49 , sjn. 77. l<-\. ^Udroi-: pisc. p. 2.62. Id. ,Ao/;5/. ;;/6X'. yO. 91 , tab. 21 ,fig. 4. Id. VT'illughhy, IcJuhjol. iub. //. 6,/^.3. Lacert. Rondelet, prcnùhre partie, lu-, to , ' chap. ir. Ge..eons dragoned. P.... ^,,, z„,,,^.. 3 ,, ^ ^^ _D.n.oet, . sour.s de .e. Ouhamel. Traité des péches^econde partie cinquième section, chap. S, an. 2. ^ '^ onue paiiic^ • Callionyme vient du grec , et sîgnifîe beau nom. TOMK II. 42 33o HISTOIRE NATURELLE céleste , art enchanteur de la musique , toi qui charmes les jeux , et toi qui émeus si profondément les cœurs sensibles, ces deux noms ingénieusement cnssortis renou- vellent, pour ainsi dire , en la retraçant à la mémoire ,. votre douce mais irrésistible puissance. Vous que la plus aimable des mjthologies fit naître du sein des flots azurés ou sur des rives fortunées, qui près des poétiques rivages de la Grèce héroïque formâtes une alliance si heureuse, confondîtes vos mjrtes avec vos lauriers, et échangeâtes vos couronnes , que vos images riantes embellissent à jamais les tableaux des peintres de la nature: béni soit celui qui, par deux noms adroitement rapprochés, associa vos emblèmes comme vos deux pouvoirs magiques avoient été réunis , et qui ne voulut pas qu'un des plus beaux habitans d'une mer témoin de votre double origine pût exposer aux regards du natu- raliste attentif ses couleurs brillantes, ni l'espèce de Ijre qui paroît s'élever sur son dos, sans ramener l'imagination séduite et vers le dieu des arts , et vers la divinité qui les anime et dont le berceau fut placé sur les ondes î Non , nous ne voudrons pas séparer deux noms dont l'union est d'ailleurs consacrée par le génie; nous ne ferons pas de vains efforts pour empêcher les amis de la science de l'être aussi des grâces; nous ne croirons pas qu'une sévérité inutile doive repousser avec austérité des sentimens consolateurs ; et si nous devons chercher à dissiper les nuages que l'ignorance et l'erreur ont rassemblés devant la Nature , à déchirer ces voiles T> E s POISSONS. 33 ï ridicules et surchargés d'oniemens étrangers dont la main mal-adroite d'un mauvais goût froidement imita- teur a entouré le sanctuaire de cette Nature si admi- rable et si féconde , nous n'oublierons pas que nous ne . pouvons la connoître telle qu'elle est, qu'en ne blessant aucun de ses attraits. Nous dirons donc toujours caÏÏlonyme lyre. Mais voj'ons ce qui a mérité au poisson que nous allons exa- miner, l'espèce de consécration qu'on en a faite , lors- qu'on lui a donné la dénomination remarquable que nous lui conservons. Nous avons sous les jeux Tun des premiers poissons jugulaires que nous avons cru devoir placer sur notre tableau ; et déjà nous pouvons voir des traits très-pro- noncés de ces formes qui attireront souvent notre atten- tion , lorsque nous décrirons les osseux tlioracins et les osseux abdominaux. Mais à des j^roportions particulières dans la tète, à des nageoires élevées ou prolongées, à des piquans plus ou moins nombreux, les callionjmes, €t sur-tout la Ijre , réunissent un corps et une q'^eue •encore un peu serpent i formes , et une peau dénuée d'écaillés facilement visibles, lis montrent un grand nombre de titres de parenté avec les apodes que nous venons d'étudier. Et si de ce coup d'oeil général nous passons à des considérations plus précises, nous trouverons que la tète est plus large (jue le cor[)s , très-peu convexe par- dessus , et plus aplatie encore par-dessous. Les jeux 232 HISTOIRE NATURELLE sont très-rapprochés run de l'autre. On a écrit qu'ils étoient garnis d'une membrane clignotante : mais nous nous sommes assurés que ce qu'on a pris pour une telle membrane , n'est qu'une saillie du tégument le plus extérieur de la tète , laquelle se prolonge un peu au-dessus de chaque œil , ainsi qu'on a pu l'observer sur le plus grand nombre de raies et de squales. L'ouverture de la bouche est très-grande ; les lèvres sont épaisses , les mâchoires hérissées de plusieurs pe- tites dents , et les mouvemens de la langue assez libres. On voit à l'extrémité des os maxillaires lui aiguillon divisé en branches dont le nombre paroît varier. L'opercule branchial n'est composé que d'une seule lame : mais il est attaché, ainsi que la membrane bran- chiale , à la tête ou au corps de l'animal, dans une si grande partie de sa circonférence , qu'il ne reste d'autre ouverture pour la sortie ou pour l'introduction de l'eau, qu'une très-petite fente placée de chaque coté au-dessus de la nuque , et qui , par ses dimensions , sa position et sa figure, ressemble beaucoup à un évent. L'ouverture de l'anus est beaucoup plus près de la tête que de la nageoire de la queue. La ligne latérale est droite. Sur le dos s'élèvent deux nageoires : la plus voisiiye de la tête est composée de quatre ou de cinq et même quelquefois de septrajons. Le premier est si alongé et dépasse la membrane en s'étendant à une si grande hauteur, que sa longueur égale l'intervalle qui sépare DES POISSONS. 333 In iinqne du bout de la queue. Les trois ou quatre qui viennent ensuite sont beaucoup moins longs , et décroissent dans une telle proportion, que le plus sou- vent ils paroissent être entre eux et avec le premier dans les mêmes rapports que des cordes d un instrument destinées à donner, par les seules difl'érences de leur lon- gueur, les tons ///, ut octave, sol, ut double octave, et ////, c est-à-dire, l'accord le plus parfait de tous ceux que la musique admet. Au-delà, deux autres rajons plus courts encore se montrent quelquefois et paroissent représenter des cordes destinées à faire entendre des sons plus élevés que le mi-, et voilà donc une sorte de ]jre à cordes harmoniquement proportionnées , qu'on a cru , pour ainsi dire , trouver sur le dos du callionjme dont nous parlons ; et comment dès-lors se seroit-oii refusé à l'appeller /)7e ou porte-lyre* ? Les autres nageoires , et particulièrement celle de l'anus et la seconde du dos, qui se prolongent vers l'extrémité de la queue en bandelette membraneuse , ont une assez grande étendue, et forment de larges sur- faces sur lesquelles les belles nuances de la Ijre peuvent, en se déplojant, justifier son uom de calllo/iyine. Les * A !a membrane des branchies 6 ray à la premièie nsgeoire dorsale , de 4^7 à la seconde nageoire du dos lo à cliacune des pectorales i8 à cliacune des nageoires jugulaires 6 à celle de l'anus lo à celle de la q^ueue , cjui est arrondie , g on S'. f HISTOIRE NATURELLE. tons de couleur qui doiiiineiit au milieu de ces nuances , sont le jaune, le bleu, le blanc, et le brun, qui les encadre , pour ainsi dire. Le jaune règne sur les côtés du dos, sur la partie su- périeure des deux nageoires dorsales , et sur toutes les autres nageoires, excepté celle de l'anus. Le bleu paroît avec des teintes plus ou moins foncées sur cette nap-eoîre de l'anus , sur les deux nageoires dorsales où il forme des raies souvent ondées , sur les côtés où il est distribué en taches irrégulières. Le blanc occupe la partie inférieure de l'animal. Ces nuances, dont l'éclat , la variété et l'harmonie distinguent le callioujme lyre , sont une nouvelle preuve des rapports que nous avons indiqués dans notre Discours sur la nature des poissons , entre les couleurs de ces animaux et la nature de leurs alimens : nous avons vu que très-fréquemment les poissons les plus richement colorés étoient ceux qui se nourrissoient de mollusques ou de vers. La Ijre a reçu une parure magnifique, et communément elle recherche des our- sins et des astéries. Au reste, ce callionj^me ne parvient guère qu'à la longueur de quatre ou cinq décimètres : on le trouve non seulement dans la Méditerranée , mais encore dans d'autres mers australes ou septentrionales; et on dit que, dans presque tous les climats qu'il habite sa chair est blanche et agréable au goût. LE CALLIONYME DRAGONNEAU'. Ce callionvme habite les mêmes mers que la lyre} avec laquelle il a de très-grands rapports; il n'en diffère même d'une manière très-sensible que par la brièveté et les proportions des rajons qui soutiennent la première nageoire dorsale , par le nombre des rajons des autres nageoires % par la forme de la ligne latérale qu'on a souvent de la peine h distinguer, et par les nuances et la disposition de ses couleurs. Beaucoup moins brillantes que celles de la Ijre , ces teintes sont brunes sur la tète et le dos, argentées avec des taches sur la.partie inférieure de l'animal; et ces tons simples ^ Callionyraus dracunculus. Callionyme dragonneau. Dauhenion ^ Encyclopédie méthodique, Id. Boimaierre , planches de P Encyclopédie méthodique, Callionynnis dracunculus. Linné j édition de Gnielin. Minier, Zoolog. Dan. tab. 20. Uranoscopus ossiculo primo pinnce dorsaîis priniœ uiiciali. Gro720t'. ilas, I, n. 63. JBlochj 1)1. 162 , fig. 2. Sordid dragoned. Pcnnantj Brit. Zoolng. 3 , p, 167, tab. 27.- ' A la première nageoire dorsale 4 rayons, à la seconde nageoire du dos 10 à chacune des pectorales 19 à chacune des jugulaires 6 à celle de l'anus 9 à celle de la quewe 10 335 HISTOIRE NATURELLE. -et très -peu éclatons ne sont relevés communément que par un peu de verdâtre que Ton voit sur les na- geoires de la poitrine et de l'anus, du verdâtre mêlé à du jaune qui distingue les nageoires jugulaires, et du jaune qui s'étend par raies sur la seconde nageoire dorsale, ainsi que sur celle de la queue. D'ailleurs la chair du dragonneau est, comme celle àe la Ijre, blanche et d'un goût agréable. Il n'est donc pas surprenant que quelques naturalistes, et particu- lièrement le professeur Gmelin , aient soupçonné que ces deux callionjmes pourroient bien être de la même espèce, mais d'un sexe différent. Nous n'avons pas pu nous procurer assez de renseignemens précis pour nous assurer de l'opinion que l'on doit avoir relative- ment à la conjecture de ces savans ; et dans le doute, nous nous sommes conformés à l'usage du plus grand nombre des auteurs qui ont écrit sur l'ichthjologie, en séparant de la Ijre le caliionjme dragonneau, qu'il sera, au reste, aisé de retrancher de notre tabiea^ii méthodique. I LE CALLIONYME FLÈCHE', E T LE CALLIONYME JAPONOIS^ 'Ces deux espèces appartiennent, comme la Ijre et le dragonneau, au premier sous-genre des caliionjmes; c'est-à-dire, elles ont les jeux très-rapprochcs l'un de l'autre. L'illustre Pallas a fait connoître la première, et le savant Houttujn la seconde. La flèche décrite par le naturaliste de Pétergbourg avoit à peine un décimètre de longueur. L'espèce à laquelle apparten^oit cet individu , vit dans la mer qui entoure Fisle d'Amboine; elle est, dans sa partie supé- rieure, d'un brun mêlé de taches irrégulières et nua- geuses d'un gris blanchâtre, qui règne en s'éclaircissant ' ' " . I .■ I II .1 , ! ».. j^ ' Callionymus sagîtta. Callionjmus sagitta. Linné, édition de Gmeliu. Pallas, Spicileg. zoolog.^ , p. zg^ tab. 4 ^ fig. 4 et 5. Callionyme flèche. Daubenton, Eiicjclopéde méthodicjue, Id. Bonnaterre, planches de V 'Encyclopédie méthodique. * Callionymus japonicus. Callionymus japonicus. Linné, édition de Gmelin^. Houttityn, Act. HaaTlern. 20, 2, p. 3i3, ;/. i. Callionyme du Japon. Bonnaterre, planches de VEncyclopédie méiho- dique. TOME II. 43 338 HISTOIRE NATURELLE 5iir la partie inférieure. Des taches ou des points bruns paroissent sur le haut de la nageoire caudale et sur les nageoires jugulaires; une bande très-noire se montre sur la partie postérieure de la première nageoire dor- sale; et la seconde du dos, ainsi que les pectorales, sont très-transparentes , et variées de brun et de blanc '*'. Voici, d'ailleurs, les principaux caractères par lesquels la flèche est séparée de la lyre. L'ouverture de la bouche est très-petite; les lèvres sont minces et étroites; les opercules des branchies sont mous, et composés, au moins, de deux lames, dont la première se termine par une longue pointe , et présente , dans son bord postérieur, une dentelure très-sensible; on ne voit que trois rajons à la membrane branchiale ; la première nageoire du dos et celle de l'anus sont très -basses, ou, ce qui est la même chose, forment une bande très- étroite. Le nom de calliojiyme japonoîs indique qu'il vit dans des mers assez voisines de celles dans lesquelles on trouve la flèche. Il parvient à la longueur de trois déci- mètres , ou environ. 11 présente diflerentes nuances. Sa première nageoire dorsale montre une tache noire , * A la membrane des branchies 3 rayons, à ]a première dorsale 4 à la seconde 9 à cliacime des pectorales 11 à chacune des Jugulaires 5 à la nageoire de l'anus 8 à celle de la queue 10 DES POISSONS. 339 ronde, et entourée de manière à représenter l'iris d'un œil j les rajons de cette même nageoire sont noirs , et le premier de ces rajons se termine par deux filamcns assez longs , ce qui forme un caractère extrêmement rare dans les divers genres de poissons. La seconde na- geoire du dos est blanchâtre ; les nageoires pectorales sont arrondies , les jugulaires très-grandes ; et celle de la queue est très-alongée et fourchue *. * A la première nageoire dorsale 4 rayons, à la seconde 10 à chacune des pectorales ij à chacune des jugulaires 5 à celle de l'anus ,8 à celle de la queue 9 LE CALLIONYME POINTILLÉ*. v>E poisson, qui appartient au second sous-genre ries callionjmes , et qui, par conséquent, a les jeux rus mus.) l 2. L'URANOSC. HOl/TTUYN.f T , . .,, .,, , . < Le dos garni d écailles épineuses^ {Uraiioscopas houtUtjii.) l Il.Jl.raq.S/f.? Tom.2. ]}eJeve Vel j. (TRANOSCXWE Rai 2 . TRACmm ru>e. 5 . SCORVRJSfE Double jUann^m L'URANOSCOPE RAT*. Les noms de caUloiiyme et de trachine donnés à cet animal, annoncent les ressemblances qu'il présente avec les vrais callionjmes, et avec le genre dont nous * Uianoscopus mus, Tapecon , sur les côtes de plusieurs clépariemens méridionaux de France* Raspecoii , ibid. Mcsoro, dans quelques contrées de V Italie. Pesce prête , ihid. Rascassa bianca, ibid. Bocca in capo , ibid. Uranôscopus scaber. Lùinéj édition de Gmelin. Uianoscope rat. Daubentouj Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre , planches de l'Encyclopédie méthodique, Koû rives et des bancs couverts de crabes ou de moules qu'elles se rassemblent; et elles déposent souvent DES POISSONS. 079 leurs œufs sur des fonds rudes au milieu des rochers. Ce temps du frai qui entraîne les morues vers les rivages, est très-variable , suivant les contrées qu'elles habitent , et l'époque à laquelle le printemps ou l'été commence à régner dans ces mêmes contrées. Com- munément c'est vers le mois de pluviôse que ce frai a lieu auprès de la Norvège, du Danemarck , de l'An- gleterre , de l'Ecosse, etc. : mais comme l'isle de Terre- Neuve appartient à l'Amérique septentrionale , et par conséquent h un continent beaucoup plus froid que l'ancien, l'époque de la ponte et de la fécondation des œufs y est reculée jusqu'en germinal. Il est évident, d'après tout ce que nous venons de dire, que cette époque du frai est celle que l'on a dii choisir pour celle de la pêche. Ily a donc eu diversité de temps pour cette grande opération de la recherche des morues, selon le lieu où on a désiré de les prei\dre ; et de plus , il J a eu différence dans les mojens de par- venir à les saisir , suivant les nations qui se sont occu- pées de leur poursuite : mais depuis plusieurs siècles les peuples industrieux et marins de l'Europe ont senti l'importance de la pêche des morues, et s'j sont livrés avec ardeur. Dès le quatorzième siècle , les Anglois et les habitans d'Amsterdam ont entrepris cette pêche , pour laquelle les Isîandois , les Norvégiens , les Fran- çois et les Espagnols ont rivalisé avec eux plus ou moins heureusement; et vers le commencement du seizième, les François ont envojé sur le grand banc de Terre- 38o HISTOIRE NATURELLE Neuve les premiers vaisseaux destinés à en rapporter des morues. Puisse cet exemple mémorable n'être pas perdu pour les descendans de ces François î et lorsque la grande nation verra luire le jour fortuné où l'oli- vier de la paix balancera sa tête sacrée, au milieu des lauriers de la victoire et des palmes éclatantes du génie , au-dessus des innombrables monumens élevés à sa gloire, qu'elle n'oublie pas que son zèle éclairé pour les entreprises relatives aux pêches importantes , sera toujours suivi de l'accroissement le plus rapide de ses subsistances , de son commerce , de son industrie^ de sa population, de sa marine, de sa puissance, de son bonheur ! Dans la première des deux grandes surfaces où l'on rencontre des troupes très-nombreuses de morues , et par conséquent dans celle où l'on s'est livré plus an- ciennement à leur recherche , on n'a pas toujours em- ployé les mojens les plus p'ropres à atteindre le but que l'on auroit dû se proposer. Il a été un temps , par exemple, où sur les côtes de Norvège on s'étoit servi de filets composés de manière à détruire une si grande quantité de jeunes morues, et h dépeupler si vite les plages qu'elles avoient affectionnées, que, par une suite de ce sacrifice mal-entendu de l'avenir au présent, un bateau monté de quatre hommes ne rapportoit plus que six ou sept cents de ces poissons', de tel endroit où il en auroit pris , quelques années auparavant, près de- six mille. DES POISSONS. 38 i Mais rien n'a été négligé pour les poches faites, dans I-es dix-septième et dix-huitième siècles , aux environs^ de l'isle de Terre-Neuve. Premièrement, on a recherché avec le plus grand soin les temps les plus favorables : c'est d'après les résultats des observations faites à ce sujet , que , vers ces parages , il est très-rare qu'on continue la poursuite des morues^ après le mois de prairial, époque à laquelle les gades dont nous écrivons l'histoire, s'éloignent à de grandes distances de ces plages , pour chercher une nourriture plus abondante , ou éviter la dent meurtrière des squales et d'autres habitans des mers redoutables par l^ur férocité. Les morues reparoissent auprès des côtes dans le mois de vendémiaire , ou aux environs de ce mois : mais dans cette saison , qui touche d'un côté à l'équinoxe de l'automne , et de l'autre aux frimas de l'hiver, et d'ailleurs auprès de l'Amérique septentrio- aiale, où les froids sont plus rigoureux et se font sentir plutôt que sous le même degré de la partie boréale de l'ancien continent, lei> tempêtes et même les glaces peuvent rendre très-souvent la pêche trop incertaine et trop dangereuse , pour qu'on se détermine à s'j livrer de nouveau, sans attendre le printemps suivant. En second lieu , les préparatifs de cette importante et lointaine recherche des morues qui se montrent auprès de Terre-Neuve , ont été faits, depuis un très- grand nombre d'années, avec une prévovance très- attentive. C'est dans ces opérations préliminaires qu'on' SSsi HISTOIRE NATURELLE a suivi avec une exactitude remarquable le principe de diviser le travail pour le rendre plus prompt et plus voisin de la perfection que Ton désire ; et ce sont les Anglois qui ont donné à cet égard l'exemple à l'Europe connnercante* La force des cordes ou lignes, la nature des hameçons, les dimensions des bâtimens, tous ces objets ont été déterminés avec précision. Les lignes ont eu depuis un jusqu'à deux centimètres , ou à peu près , de circonfé- rence, et quelquefois cent quarante-cinq mètres de lon- gueur: elles ont été faites d'un très-bon chanvre, et com- posées de fils très-fins, et cependant très-forts, afin que les morues ne fussent pas trop efFrajées , et que les pêcheurs pussent sentir aisément l'agitation du poisson pris, relever avec facilité les cordes et les retirer sans les rompre. Le bout de ces lignes a été garni d'un plomb qui a eu la forme d'une poire ou d'un cylindre , a pesé deux ou trois kilogrammes selon la grosseur de ces cordes , et a soutenu une empile longue de quatre à cinq mètres*. Communément les vaisseaux emplojés pour la pêche des morues ont été de cent cinquante tonneaux au plus, et de trente hommes d'équipage. On a emporté des vivres pour deux , trois et jusqu'à huit mois , selon la longueur du temps que l'on a cru devoir consacrer au * Nous avons vu , dans l'article de la raie bouclée ^ que l'empile est un fil de chanvre, de crin, ou de métal, auquel le haim ou hameçon est attaché. DES POISSONS. e383 voyage. On n'a pas manqué de se pourvoir de bois pour aider le dessèchement des morues, de sel pour les con- server , de tonnes et de petits barils pour j renfermer les différentes parties de ces animaux déjà préparées» Des bateaux particuliers ont été destinés à aller pécher , même au loin , les mollusques et les poissons propres à faire des appâts , tels que des sépies , des harengs, des éperlans, des trigles, des maquereaux j des capelans , e(c. On se sert de ces poissons quelquefois lorsqu'ils sont salés , d'autres fois lorsqu'ils n'ont pas été imprégnés de sel. On en emploie souvent avec avantage de digérés à demi. On remplace avec succès ces poissons corrom- pus , par des fragmens d'écrevisse ou d'autres crabes , du lard et de la viande gâtée. Les morues sont même si imprudemment goulues, qu'on les trompe aussi en ne leur présentant que du plomb ou de l'étain façonné en poisson , et des morceaux de drap rouge semblables par la couleur à de la chair ensanglantée • et si Ton a besoin d'avoir recours aux appâts les plus puissans , on attache aux hameçons le cœur de quelque oiseru d'eau , ou même une jeune morue encore saignante ; caria voracité des gades que nous décrivons est telle, que, dans les momens où la faim les aiguillonne, ils ne sont retenus que par une force supérieure à la leur, et n'épargnent pas leur propre espèce. Lorsque les précautions convenables n'ont pas été oubliées, que l'on n'est contrarié ni par de gros temps 384 HISTOIRE NATURELLE ni par des circonstances extraordinaires , et qu'on a bien choisi le rivage ou le banc , quatre hommes suf- fisent pour prendre par jour cinq ou six cents morues* L'usage le plus généralement suivi sur le grand banc, est que chaque pêcheur établi dans un baril dont les bords sont garnis d'un bourrelet de paille, laisse plus ou moins filer sa ligne , en raison de la profondeur de Teau, de la force du courant,, de la vitesse de la dérive, et fasse suivre à cette corde les mouvemens du vaisseau, en la traînant sur le fond contre lequel elle est retenue par le poids de plomb dont elle est lestée. Néanmoins d autres marins halent ou retirent de temps en temps leur ligne de quelques mètres, et la laissent ensuite retomber tout-à-coup , pour empêcher les morues de flairer les appâts et de les éviter , et pour leur faire plus d'illusion par les divers tournoiemens de ces mêmes appâts, qui dès-lors ont plus de rapports avec leur proie ordinaire. Les morues devant être consommées à des distances immenses du lieu où on les pêche , on a été obligé cl'emplojer divers mojens propres à garantir de toute altération leur chair et plusieurs autres de leurs par- ties. Ces mojens se réduisent à les faire saler ou sécher. Ces opérations sont souvent exécutées par les pêcheurs, sur les vaisseaux qui les ont amenés j et on imagine bien, sur-tout d'après ce que nous avons déjà dit, qu'afîn de ne rien perdre de la durée ni des objets du vojage , on a établi sur ces bâtimens le plus grand ordre DES POISSONS. 385 dans la disposition du local, dans la succession des pro- cédés, et dans la distribution des travaux entre plusieurs personnes dont chacune n'est jamais chargée que des mêmes détails. Les mêmes arrangeniens ont lieu sur la cote, mais avec de bien plus grands avantages, lorsque les marins occupés de la pêche des morues ont à terre , comme les Anglois, des établissemens plus ou moins com- modes, et dans lesquels on est garanti des effets nui- sibles que peuvent produire les vicissitudes de Tat- mosphère. Mais soit à terre , soit sur les vaisseaux , on com- mence ordinairement toutes les préparations de la morue par détacher la langue et couper la tête de l'animal. Lorsqu'ensuite on veut saler ce gade , on l'ouvre dans sa partie inférieure ; on met à part le foie ; et si c'est une femelle qu'on a prise, on ôte les œufs de l'intérieur du poisson : on habille ensuite la morue, c'est-à-dire, en termes de pêcheur, on achève de l'ouvrir depuis la gorge jusqu'à l'anus , que les marins nomment /zoz/zZ'/z/, et on sépare des muscles , dans cette étendue, la colonne vertébrale, ce qu'on nomme désos^^ ser la morue. Pour mettre les gades dont nous nous occupons , dans leur premier sel, on remplit, le plus qu'on peut, l'in- térieur de leur corps de sel marin , ou muriate de soude; on en frotte leur peau ; on les range par lits dans un endroit particulier de l'établissement construit Tu ME II. 49 386 HISTOIRE NATURELLE à terre , ou de Fentre-pont ou encore de la cale dn bâtiment, si elles sont préparées sur un vaisseau , et oii place une couche de sel au-dessus de chaque lit. Les morues restent ainsi en piles pendant un , deux ou plusieurs jours , et quelquefois aussi entassées sur une sorte de gril , jusqu'à ce qu'elles aient jeté leur sang et leur eau 3 puis on les change de place , et on les sale à demeure , en les arrangeant une seconde fois par lits, entre lesquels on étend de nouvelles couches de sel. Lorsqu'en habillant les morues , on se contente de les ouvrir depuis la gorge jusqu'à l'anus, ainsi que nous venons de le dire , elles conservent une forme arron- die du côté de la queue, et on les nomme morues rondes: mais le plus grand nombre des marins occupés de la pêche de Terre-Neuve remplacent cette opération par la suivante, sur-tout lorsqu'ils salent de grands indi- vidus. Ils ouvrent la morue dans toute sa longueur, enlèvent la colonne vertébrale toute entière , habillent le poisson à plat; et la morue ainsi habillée se nomme vionie plate. Si au lieu de saler les gades morues , on veut les faire sécher , on emploie tous les procédés que nous avons exposés , jusqu'à celui par lequel elles reçoivent leur premier sel. On les lave alors , et on les étend une à une sur la grève ou sur des rochers *, la chair en haut , de * Le non» allemand de Idipfihch (poisson de rocher), que l'on donne aux morues sèches , vient de la nature du terrain sur lequel elles sont souveaS: desséchées. DES POISSONS. 887 manière qu'elles ne se touchent pas ; quelques heures après on les retourne. On recommence ces opérations pendant plusieurs jours , avec cette différence , qu'au lieu d'arranger les morues une à une , on les met par piles, dont on accroît successivement la hauteur, de telle sorte que, le sixième jour, ces paquets sont de cent cinquante., ou deux cents, et même quelquefois de cinq cents mjriagrammes. On empile de nouveau les morues à plusieurs reprises , mais à des intervalles de temps beaucoup plus grands , et qui croissent succes- sivement ; et le nombre ainsi que la durée de ces reprises sont proportionnés à la nature du vent, à la sécheresse de l'air , à la chaleur de l'atmosphère, à la force du soleil. Le plus souvent , avant chacune de ces reprises , on étend les morues une à une , et pendant quelques heures. On désigne les divers empilemens , en disant que les morues sont à leur premier , à leur second , à leur troisième soleil , suivant qu'on les met en tas pour la première , la seconde ou la troisième fois ; et com- munément les morues reçoivent dix soleils , avant d'être entièrement séchées. Lorsque l'on craint la pluie , on les porte sur des tas de pierre placés dans des cabanes , ou pour mieux dire , sous des hangars qui n'arrêtent point l'action des courans d'air. Quelques peuples du nord de l'Europe emploient, pour préparer ces poissons , quelques procédés , dont 388 HISTOIRE NATURELLE un des plus connus consiste à dessécher ces gades sarts sel, en les suspendant au-dessus d'un fourneau, ou en les exposant aux vents qui régnent dans leurs con- trées pendant le printemps. Les morues acquièrent par cette opération une dureté égale à celle du boi&, d'où leur est venu le nom de stock-Jish ( poisson en bâton); dénomination qui, selon quelques auteurs, dérive aussi de l'usage où l'on est, avant d'apprêter du stock-fish pour le manger , de le rendre plus tendre en le battant sur un billot. Les commerçans appellent , dans plusieurs pajs ; morue blanche , celle qui a été salée , mais séchée promptement, et sur laquelle le sel a laissé une sorte de croûte blanchâtre. La morue noire, pinnée ou bruniée , est celle qui, par un dessèchement plus lent , a éprouvé un commencement de décomposition , de telle sorte qu'une partie de sa graisse, se portant à la surface, et s'j combinant avec le sel , y a produit une espèce de poussière grise ou brune , répandue par taches. On donne aussi le nom de morue verte à la morue salée, de merluche à la morue sèche, et de cabillaud à la morue préparée et arrangée dans des barils du poids de dix à quinze mjriagrammes , et dont wnç, douzaine s'appelle un leth , dans plusieurs ports sep- tentrionaux d'Europe. Mais d'ailleurs , un grand nombre de places de com- merce ont eu , ou ont encore , ditférentes manières de désigner les morues distribuées en assortimens , DES POISSONS. 389 d'cTprès les divers degrés de leurs dimensions ou de leur bonté. A Nantes, par exemple , on appeloit grandes munies , les morues salées qui étoient assez longues pour que cent de ces poissons pesassent qua- rante-cinq mjriagrammes 5 morues moyennes , celles dont le cent ne pesoit que trente njyriagrammes ; raguets , ou petites morues, celles de l'assortiment sui- vant ; et rebuts, lingues, ou très-petites morues, celles d'un assortiment plus inférieur encore. Sur quelques côtes de la Manche , le nom de morue gafffi indiquoit les très-grandes morues 3 cinq autres assortimens inférieurs étoient indiqués par les déno- minations de morue marehande , de morue trie , de raguet ou lingue , de morue valide ou patelet , et de morue 'viciée , appellation qui appartenoit en effet à la plus mauvaise qualité. Dans ce même port de Nantes dont nous venons de parler, les morues sèches étoient, divisées en sept assortimens, dont les noms étoient, suivant l'ordre de la supériorité des tins sur les autres , morue pi^ée , morue grise , grand marchand , moyen marchand , petit marchand ou fouriUon , grand rebut et petit rebut. A Bordeaux, à Bajonne , et dans pkisieurs ports de l'Espagne occidentale, on ne distinguoit que trois assor- timens de morue, le marchand, le moyen et le rebut. Au reste , les muscles des morues ne sont pas les seules portions de ces poissons dont on fasse un grand usage ; il n'est presque aucune de leurs parties 3go HISTOIRE NATURELLE qui ne puisse servir à la nourriture de Thomme , ou des animaux. Leur langue fraîche et même salée est un morceau délicat ', et voilà pourquoi on la coupe avec soin , dès le commencement de la préparation de ces poissons. Les branchies de la morue peuvent être employées avec avantage comme appât , dans la pêche que l'on fait de ce gade. Son foie peut être mangé avec plaisir : mais d'ail- leurs il est très-grand relativement au volume de l'animal , comme celui de presque tous les poissons ; et on en retire une huile plus utile dans beaucoup de circonstances que celle des baleines , laquelle cepen- dant est très-recherchée dans le commerce. Elle con- serve bien plus long-temps que ce dernier fluide , la souplesse des cuirs qui en ont été pénétrés ; et lors- qu'elle a été clarifiée , elle répand , en brûlant , une bien moindre quantité de vapeurs. On obtient avec la vessie natatoire de la morue une colle qui ne le cède guère à celle de l'acipensère huso , que Ton fait venir de Russie dans un si grand nombre de contrées de l'Europe *. Pour la réduire ainsi en colle , on la prépare à peu près de la même manière que celle du huso ; on la détache avec atten- tion de la colonne vertébrale , on en sépare toutes les parties étrangères, on en ôte la première peau , * Voyez , dans cette Histoire , l'article de Vacipensère huso. DES POISSONS. 891 on la met dans île Teau de chaux pour achever de la dégraisser, ou la lave, on la rauioilit , ou la pétrit, ou la façonne , on la fait sécher avec soin ; on suit enfin tous les procédés que nous avons indi(jués dans Fhistoire du huso : et si des circonstances de temps et de lieu ne permettent pas aux pêcheurs, comme, par exemple, à ceux de Terre-Neuve, de s'occuper de tous ces détails immédiatement après la prise de la morue, on mange la vessie natatoire, dont le goût n'est pas désagréable , ou bien on la sale ; on la trans- ' porte ainsi imprégnée de muriate de soude à des dis- tances plus ou moins grandes j on la conserve plus ou moins long-temps 5 et lorsqu'on veut en faire usage, il suilit presque toujours de la faire dessaler et ramollir, pour la rendre susceptible de se prêter aux mômes opérations que lorsqu'elle est fraîche. La tète des morues nourrit les pêcheurs de ces gades et leurs familles. En Norvège , on la donne aux vaches j et on y a éprouvé C|ue mêlée avec des plantes marines , elle augmente la (quantité du lait de ces animaux, et doit être préférée, pour leur aliment, à la paille et au foin. Les vertèbres, les côtes et les autres os ou arêtes des gades morues, ne sont pas non plus inutiles: ils servent à nourrir le bétail des Islandois. On en donne à ces chiens de Kamtschatka que l'on attelle aux traî- neaux destinés à glisser sur la glace, dans cette partie septentrionale de l'Asie ; et dans d'autres contrées 39^ HISTOIRE NATURELLE boréales, ils sont assez imprégnés de substance hui- leuse pour être emjilovés à faire du feu, sur -tout lorsqu'ils ont été séchés au point convenable. On ne néglige même pas les intestins de la morue, nue Ton a nommés dans plusieurs endroits, noues, ou nos-, et enfin on prépare avec soin, et on conserve pour la table , les œufs de ce gade, auxquels on a donné la dénomination de rognes, ou de rm'es. Tels sont les procédés et les fruits de ces pêches im- portantes et fameuses, qui ont emplojé dans la même année jusqu'à vingt mille matelots d'une seule nation *. On aura remarqué sans doute que nous n'avons parlé que des pêcheries établies dans l'hémisphère boréal ,' soit auprès des côtes de l'ancien continent, soit auprès de celles du nouveau. A mesure que l'on connoîtra mieux la nature des rivages des isles, ou des continens particuliers de Fhémisphère austral, et particulièrement de ceux de l'Amérique méridionale, tant du côté de l'orient que du côté de l'occident, il est à présumer que l'on découvrira des plages où la température de la mer, la profondeur des eaux, la nature du fond, l'abondance des petits poissons^ l'absence d'animaux dano-ereux, et la rareté de tempêtes très-violentes et de très-grands bouleversemens de l'Océan, ont appelé, nourrissent et multiplient l'espèce de la morue, que certains peuples pourroient aller j pêcher avec moins * La nation ano,loise. DES POISSONS. 890 de peine et ])lijs de succès que sur les rives boréales de riiémisphère arctique. De nouveaux pajs proiiteroient ainsi d\ui des plus grands bienfaits de la Nature ; et l'espèce de la morue, qui alimente une si grande quantité d'hommes et d'animaux en Islande , en Norvège , en Suède , en Russie, et dans d'autres régions asiatiques ou euro- péennes, pourroit d'autant plus suffire aussi aux besoins des habitans des rives antarctiques , qu'elle est très- remarquable par sa fécondité. L'on est étonné du nombre prodigieux d'oeufs que portent les poissons femelles • aucune de ces femelles n'a cependant été favorisée à cet égard comme celle de la morue. Ascagne parle d'un individu de cette dernière espèce, qui avoit treize décimètres de longueur, et pesoit vingt- cinq kilogrammes; l'ovaire de ce gade en pesoit sept, et renfermoit neuf millions d'œufs. On en a compté neuf millions trois cent quarante- quatre mille dans une autre morue. Quelle immense quantité de moj ens de reproduction ! Si le plus grand nombre de ces œufs n'étoient ni privés de la laite fécondante du ivÂde , ni détruits par divers accidens , ni dévorés par différens animaux, on voit aisément combien peu d'années il fau droit pour que l'espèce de la morue eût , pour ainsi dire, comblé le vaste bassin des mers. Quelqu'agréables au goût que l'on puisse rendre les diverses préparations de la morue sécliée , ou de la morue salée, on a toujours préféré , avec raison, de la TOME 11. 5o 394 HISTOIRE NATURELLE jiianger fraîche. Pour jouir de ce dernier avantage sur j)lusieurs côtes de l'Europe, et particulièrement sur celles d'Angleterre et de France, on ne s'est pas con- tenté d'j pêcher les morues que l'on j voit de temps en temps ; mais afin d'être plus sûr d'en avoir de plus grandes à sa disposition , on est parvenu à v apporter en vie un assez grand nombre de celles que l'on avoit prises sur les bancs de Terre-Neuve : on les a placées , pour cet objet, dans de grands vases fermés, mais attachés aux vaisseaux , plongés dans la mer, et percés de manière que l'eau salée pût aisément parvenir dans leur intérieur. Des pêcheurs anglois ont ajouté à cette précaution un procédé dont nous avons déjà parlé dans notre premier Discours: ils ont adroitement fait parvenir une aiguille jusqu'à la vessie natatoire de la morue , et l'ont percée, afin que l'animal, ne pouvant plus se servir de ce mojen d'ascension, demeurât plus long-temps au fond du vase , et fût moins exposé aux divers accidens funestes à la vie des poissons. Au reste, il est convenable d'observer ici que d ans quelques gades , Monro n'a pas pu trouver la commu- nication de la vessie natatoire avec l'estomac ou quel- que autre partie du canal intestinal, mais qu'il a vu autour de cette vessie un organe rougeâtre composé d'un très-grand nombre de membranes pliées et exten- sibles , et qu'il le croit propre à la sécrétion de l'air ou des gaz de la vessie ; sécrétion qui auroit beaucoup de rapports, selon ce célèbre naturaliste anglois, avec celle DES POISSONS. 895 qui a lieu pour les vésicules à gaz ou acrienues des couleur brillante, parce qu'elle se nourrit de jeunes > écrevisses de mer : mais les écrevisses de mer sont , 'j dans l'eau , d'une couleur noirâtre ; elles ne devien- nent rouges qu'après avoir été cuites. La morue rouge n'est qu'une variété de l'espèce commune : je suis disposé à croire que la couleur rouge qui la distingue , lui est communiquée par les algues et les mousses marines qui couvrent les rochers sur lesquels on la pêche , puisque ces mousses sont de couleur rouge j je le crois d'autant plus volontiers, que les baies de l'isle de Man ont aussi une variété de iiiules et dç goumeaux, dont la couleur est rouge... Cette morue rouge est très-estimée pour l'usage de la table. » LE GADE ^GLEFIN*. Ce gade a beaucoup de rapports avec la morue; sa chair s'enlève facilement par feuillets, ainsi que celle de ce dernier animal, et de presque tous les autres poissons du même genre. On le trouve, comme la * Gadus a-glcfiiuis» • Kallior, en Suède, Kallic , ibid. Kaljor, ibid, Kollia , ibid, Koli , en Daneniarcli. Haddock, en Angleterre. Eglefins, par quelques auteurs français.- Egrefin , idem. Gadus aeglefinus. Limiéj, édition de Gnielin, Gade ânon. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Gadus doiso trlpteiyglo , orecirrato, corpore albicaute, etc. ^r/ediy gen. 20, syn. 36, spec. 64. iEglefinus. Bellon , Âquat. p. 127. ^grefînus. Id. Tertiri ascUoiuiu species, a?glefinus. GesncTj Aquat. p. 86, 100, et {germ.)foL 40, ^7. Tertia asellorum species Rondeletii , ascllus major. Aldrov. lih. 3, cap, i, ■p, 282. Asellus minor. Schonev. ;>. 18. TVillughljy ,p. 170, tah. L, membr. i , //. 2, Haj, p. 55 , 7!, 7. Faun. Suecic, p. 3o6. Miill, Prodrom, Zoolog. I)anic. p, 42 , n. 848. 'SoS HISTOIRE NATURELLE morue, dansFOcéau septentrional; mais il ne parvient communément qnà la longueur de quatre ou cinq décimètres. Il voyage par grandes troupes qui couvrent quelquefois un espace de plusieurs mjriares carrés. Et ce qu'il ne faut pas négliger de faire observer, on assure qu'il ne va jamais dans la Baltique, et que par consé- cjuent il ne passe point par le StmcL On ne peut pas dire cependant qu'il redoute le voisinage des terres ; car, chaque année, il s'approche, vers les mois de plu- viôse et ventôse , des rivages septentrionaux de l'Europe pour la ponte ou la fécondation de ses œufs. S'il survient de grandes tempêtes pendant son séjour auprès des côtes, il s'éloigne de la surface des eaux, et cherche dans le sable du fond de la mer, ou au milieu des plantes marines qui tapissent ce sable, un asyle contre les violentes agitations des flots. Lorsque les ondes sont calmées, il sort de sa retraite soumarine , et reparoît encore tout couvert ou d'algues ou de limon. Gadus kolja. If. Scan. di5. It. VFgoth. 178. Blochj pi. 62. Gadus dorso tripterygîo, maxlllâ InFerîore brevîore llne^Jaterali alrâ , etc. Gronov. Mus. i , p. 21 , /z. 69 j Zooph. p. 99, n. 821. Callarias barbatus ex terreo albicans, etc. Klein, Miss. pisc. 5 , p. 6 ^ ji. 2. Cailarias asellus minor Jonst. de Piscih.p. i , lah. i , fig. i. Scliell fisch. Aiiders. Tsland. p. jc). Hadock. Pennant, Brlt. Zoolog. 3 , ;'. 17g. Ej!;refin. "Rondelet, première partie, liv. 9, chap. 10, édition de Lyon , i558. É",lefin. T'ahnonL-Bomare , Dictionnaire d'histoire naturelle. DES POISSONS. 399 Un assez grand nombre d'oeglefins restent même auprès des terres pendant Thiver, ou s'avancent, pen- dant cette saison, vers les rivages auprès desquels ils trouvent plus aisément que dans les grandes eaux, la nourriture qui leur convient. Le citojen Noël m'écrit que depuis 1766 les pêcheurs anglois des côtes d'York ont été frappés de Texactitude avec laquelle ces gades se sont montrés dans les eaux côtièrcs, vers le 20 fri- maire (10 décembre). L'étendue du banc (pi 'ils forment alors, est d'environ trois milles en largeur, à compter de la côte, et de quatre-vingts milles en longueur, depuis Flamhoroifgh - head jusqu'à l'embouchure de la Fine, au-dessous de JSevcasLle. L'espace marin occupé par ces poissons est si bien connu des pêcheurs, qu'ils ne jettent leurs lignes que dans ce même espace , hors de la circonférence duquel ils ne trouveroient pas d'spglefin, et ne pêcheroient le plus souvent, à la place , que des squales attirés par cet immense banc de gades, doutées cartilagineux sont très-avides. Lorsque la surface de la mer est gelée auprès des rivages, les pêcheurs profitent des fentes ou crevasses que la glace peut présenter dans un nombre d'endroits plus ou moins considérable de la croule solide de l'Océan , pour prendre facilement une plus grande quantité de ces poissons. Ces gades ont, en effet, l'ha- bitude de se rassembler dans les intervalles qui séparent les différentes portions de glaces , non pas , comme on l'a cru, pour j respirer l'air très-froid de l'atmosphère, 400 HISTOIRE NATURELLE mais pour se trouver dans la couche cl'eau la plus élevée, par conséquent dans la plus tempérée, et dans celle où doivent se réunir plusieurs des petits animaux dont ils aiment à se nourrir. Si les pêcheurs de ces côtes voisines du cercle polaire ne rencontrent pas à leur portée , des fentes naturelles et suffisantes dans la surface de l'Océan durcie par le froid, ils cassent la glace et produisent, dans l'enve- loppe qu'elle forme, les anfractuosités qui leur con- viennent. C'est aussi autour de ces vides naturels ou artificiels qu'on voit des phoques chercher à dévorer des eeglefins pendant la saison rigoureuse. Mais ces gades peuvent être la proie de beaucoup d'autres ennemis. Les grandes morues les poursuivent^ et suivant Anderson , que nous avons déjà cité , la pèche des seglefins , que Ton fait auprès de l'embouchure de l'Elbe, a donné le mojen d'observer, d'une manière très-particulière, combien la morue est vorace, et avec quelle promptitude elle digère ses aimiens. Dans ces parages, les pêcheurs d'seglefins laissent leurs hame-^ çons sous l'eau pendant une marée, c'est-à-dire, pen- dant six heures. Si un seglefîn est pris dès le commen- cement de ces six heures, et qu'une morue se jette ensuite sur ce poisson, on trouve en retirant la ligne, au changement de la marée, que r?eg]efîn est déjà digéré : la morue est à la place de ce gade, arrêtée par le hameçon; et ce fait mérite d'autant plus quelque DES POISSONS. 4.0 ï attention, qu'il paroît prouver que c'est particulière- ment dans lestomac et dans les sucs gastriques qui arrosent ce viscère, que réside cette grande faculté si souvent remarquée dans les morues , de décomposer avec rapidité les substances alimentaires. Si, au con- traii-e, la morue n'a cherché à dévorer Fœglefin que peu de temps avant l'expiration des six heures, elle s'opiniâtre tellement à ne pas s'en séparer, qu'elle se laisse enlever en l'air avec sa proie. L'segl e fi n , quoique petit, est aussi goulu et aussi destructeur que la morue , au moins h proportion de ses forces. Il se nourrit non seulement de serpules, de mollusques , de crabes , mais encore de poissons plus foibles que lui , et particulièrement de harengs. Les pêcheurs anglois nomment liaddock-meat, c'est-à-dire, mets de haddock ou a'glefin, les vers qui pendant l'hiver lui servent d'aliment, sur-tout lorsqu'il ne rencontre ni harengs, ni ceufs de poisson. Il a cependant l'oviverture de la bouche un peu plus petite que celle des animaux de son genre ; un barbillon pend à l'extrémité de sa mâchoire inférieure, qui est plus courte que celle de dessus. Ses jeux sont grands; ses écailles petites, arrondies, plus fortement attachées que celles de la morue. La première nageoire du dos est triangulaire : elle est d'ailleurs bleuâtre, ainsi que les autres nageoires 5 la ligne latérale voisine du dos est noire, ou tachetée de noir; l'iris a l'éclat de l'argent ; et cette môme couleur blanchâtre ou TOME II. 5i ^02 HISTOIRE NATURELLE. argentée règne sur le corps et sur la queue , excepté leur partie supérieure, qui est plus ou moins brunâtre*; La qualité cle la chair des aeglefîns varie suivant les parages où on les trouve, leur âge, leur sexe, et les époques de l'année où on les pêche : mais on en a vu assez fréquemment dont la chair étoit blanche, ferme, très-agréable au goût, et très-facile à faire cuire. En floréal , et dans les mois suivans , celle des segleiîns de moyenne grandeur est quelquefois d'autant plus déli- cate, que le frai de ces gades a lieu en hiver, et que par conséquent ils ont eu le temps de réparer leurs forces, de recouvrer leur santé, et de reprendre leur graisse. * A !a première nageoire dorsale i6 rayons, à la seconde 20 à la troisibivie 19 à chacune des pectorales 19 à chacune des JLfgulaires 6 à la première de l'anus sa à la seconde 21 à celle de la queue, qui est fourchue , 27 LE GADE BIB'. De même que rccglefîn , le gade bib habite dans l'Océan d'Europe. Sa longueur ordinaire est de trois ou quatre décimètres. L'ouverture de sa bouche est petite, sa mâchoire inférieure garnie d'un barbillon, son anus plus rapproché de la tête que de rextrémité -de la queue, sa seconde nageoire dorsale très-longue, et le premier rajon de chacune des nageoires jugu- laires, terminé par un filament \ Ses écailles sont très- ' Gadus bib. Bib , 67/7- les côtes d'' Angleterre. Blincls , ihid, Gadus luscus. Linné, édition de Gmelin, Mus. Ad. Frid. 2 , p. 60. Gadus..,. ossiculo pinnarum ventralium , primo, in selara longana pro- ducto. Arledi, gen. 21 , syn. 35. Asellus fuscus. Raj. Pisc. p. 64. TVillughhy j Ichlhyol. p. 169. Gade bibe. Daubcnton, Encycloprdie méthodique. Id. Bonnalerre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Bib. Brii. y oolog. 3 , p. 149 , fciù. 60. * A !a première nageoire dorsale i3 rayonSt à la seconde 28 à la troisième 10 à chacune des pectorales 11 à chacune des jugulaires 6 à la première de l'anus 3i à la seconde 18 à celle de la queue , qui est fourchue ,17 404 HISTOIRE NATURELLE adhérentes à la pean , et plus grandes à proportion de son volume que celles même de la morue. Sa partie supérieure est jaunâtre ou couleur d'olive , et sa partie inférieure argentée. Sa chair est exquise. Ses jeux sont voilés par une membrane, comme ceu^ des autres gsclesj on a même cru que le bib pouvoit, à volonté, enfler cette pellicule diaphane, et former ainsi une sorte de poche au-dessus de chacun ou d'un seul de ses organes de la vue. N'auroit-on pas pris les suites de quelque accident pour Feffet régulier d'une faculté particulière attribuée à l'animal? Quoi qu'il en soit^ c'est de cette propriété vraie ou fausse c|ue viennent le nom de borgne et celui à\i<^^eugle, donnés au gade dont nous parlons. LE G A D E S A I D A ; ET LE GADE BLENNIOÏDE\ Ces deux gades ont la nageoire de la queue fourchue. Le premier a été découvert par le savant Lepecbin, et le second par le célèbre Pallas. Le saida a les deux mâchoires armées de dents aiguës et crochues; deux rangées de dents garnissent le palais, et l'on voit auprès du gosier deux os lenticulaires hérissés de petites dents. La mâchoire inférieure est plus avancée que la supérieure , tandis que , dans la morue , Fseglcfin et le bib , celle de dessus est plus longue que celle de dessous. Chaque opercule bran- chial présente trois lames, l'une triangulaire et garnie de deux aiguillons, l'autre elliptique, et la dernière figurée en croissant. La ligne latérale est droite et voisine du dos. Les nageoires dorsales et celles de ' Gadus saida. Lepechïj} j Noç. Comment. PctropoUt. 18 , ;;. 5^12. Gadus saida. Linné, édition de Gmcli/i. Gade saida. Bonnaterre, planches de l^ Encyclopédie inéthodiijue. ^ Gadus blennioïdes. Faillis j Spicileg. zoolog. 8, p. 47, lab. 5, fig. 2. (t Gadus blennioïdes. Linné, édition de Gmelin. Gade bJennoïde. Bonnaterrej planches de V Encyclopédie méthodique. 4o6 HISTOIRE NATURELLE l'anus sont triangulaires*. Le quatrième rajon de la troisième dorsale, le cinquième de la première de Tanus , et le second des jugulaires, sont terminés par un long H la ment. Une couleur obscure règne sur la partie supérieure <3e Tanima], qui d'ailleurs est parsemée de points noi- râtres distribués irrégulièrement. Des points de la même nuance relèvent l'éclat argentin des opercules j les côtés du poisson sont bleuâtres. Sa partie inférieure est blanche; et le sommet de sa tête, très-noir. Le saida ne dépasse guère en longueur deux ou trois décimètres. Sa chair est peu succulente , mais cependant très-fréquemment mangeable. Il habite la mer Blanche au nord de l'Europe. Dans une autre mer également intérieure, mais bien éloignée des contrées hjperboréennes , se trouve le •blennioïde. Ce dernier gade vit, en effet, dans la Méditerranée : mais comme il n'a presque jamais plus de trois décimètres de longueur, et qu'il n'est pas d'un goût très-exquis , il n'est pas surprenant qu'il ait été dans tous les temps très-peu recherché des pêcheurs , * A la première nageoire du dos du saida, de lo à ii rayons, à la seconde, de i6 à 17 à la troisième 20 à chacune des pectorales 16 à chacune des jugulaires 6 à la première nageoire de l'anus 18 à la seconde 20 ,k celle de la (jueue, de 24 à 26 DES P O 1 S S O x\ ^. 407 et qu'il ait échappé aux observateurs de Tancienne Grèce , h ceux de l'ancienne Rome , et même aux natu- ralistes modernes , jusqu'à Pallas , qui en a le premier publié la description , ainsi que nous venons de le dire *. 11 a beaucoup de rapports avec le merlan , et peut avoir été souvent confondu avec ce dernier poisson. Ses écailles sont petites :1a couleur de la partie supé- rieure de son corps et de sa queue est argentée j toutes les autres portions de la surface de l'animal sont d'un blanc d'argent, excepté les nageoires, sur lesquelles on voit des teintes jaunâtres ou dorées. Les lèvres sont doubles et charnues ; les dents très- petites et inégales ; la ligne latérale est courbée vers la tête. Le premier rajon de chacune des nageoires jugulaires est divisé en deux ; et comme il est plus long que les autres rajons , il paroît,>au premier coup d'œii, composer toute la nageoire : dès-lors on croit ne devoir compter que deux rajons dans chacune des Jugulaires du gade que nous décrivons , et de là vient * A la membrane branchiale du blennloïtle, 6 rayons, à la première nageoire dorsale, de lo à ii à la seconde 17 à la troisième 16 à chacune des pectorales 19 à chacime des jugulaires 5 à la première de l'anus 27 à la seconde 19 à celle de la queue 27 40 8 HISTOIRE NATURELLE. la dénomination de blennioïde, qui lui a été donnée, parce que la plupart des bien nies n'ont que deux rajons à chacune des nageoires que l'on voit sous leur '^orge. LE GADE CALLARIAS^ LEGADETACAUD-, ET LE GADE CAPELAN'. J-je callarias habite non seulement dans la partie de rOcéan qui baigne les côtes de l'Europe boréale, mais encore dans la Baltique. Il se tient fréquemment h. ' Gadus callarias. Sraa torsk , e/i Su')de. Graes torsk , en Danemarck» Dorsch , -par les Allemands. Cod, en Angleterre, Cod fislî , ibid. Gadus callarias. Linné , édition de Gmelin. Gade narvaga. Daiihenton, encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre , planches de VEnajclopédie méthodique, Fuun. Sue aie. Soy. Blochj pi. 63. Gadus, dorso tripterygîo , ore cirroso, colore vario, etc. Arlcdijgen, 20, spec. 63 , syn. 35. Asellus varius , ve/striatus. Schonev. p. ig. TVillughhy , p. 172, tab. L, memb. i ^ fig. r, Raj. p. 64, n. 5. Asellus varius. Jonston, tab. ^d^fig. 7. Roberg. Dissert, de pisc. Upsal. p. 14. Gadus callarias, torsk. Ascagne, pi. 4, Gronov. Mus. i , ;?. 21 , n. 58; Zooph. p. 9g, n. 3ig, Gadus balthicus , torsk. It. Oel. 87. TOiME 11. Si 4to histothe naturelle 1 embouchure àes grands fleuves , dans le lit desquels il remonte même quelquefois avec l'eau salée. Il est rare qu'il ait plus de trois décimètres de longueur, et qu'il pèse plus d'un kilogramme. Il se nourrit de vers marins, de crabes , de petits mollusques, de jeunes poissons : sa chair est tendre et d'un goût très- agréable ; quelquefois elle est très-blanche ; d'autres . i85 , «. 77, t. 3o. 412 HISTOIRE NATURELLE tortues en font leur nourriture , et Ton n a point observé que clans aucune circonstance le callarias préférât , pour son aliment , des végétaux aux substances animales. Le nombre , la forme et la distribution ainsi que la disposition de ses dents , empêchent de le présumer» Sa mâchoire supérieure est , en efîet , garnie de plu- sieurs rangs de dents aiguës : on n'en voit quelque- fois qu'un rang à la mâchoire de dessous , mais ri j en a au palais ; et de plus , l'ouverture de la bouche est très-grande. Les écailles qui recouvrent le callarias, sont petites, minces et molles : la ligne latérale est large, et voisine du dosj elle est d'ailleurs tachetée , et voici la nuance des couleurs des autres parties de l'animal. La tête est grise avec des taches brunes ; l'iris jaunâtre ; la partie supérieure de l'animal , grise et tachetée de brun comme la tête ; la partie inférieure est blanche , et l'on remarque un ton plus ou moins brunâtre svir toutes les nageoires*. Mais ce qu'il faut observer, et ce qui a fait donner au gade dont nous parlons , le nom de rariable , c'est qu'il est de ces teintes du callarias qui varient avec Fâge , ou avec les saisons. Les nageoires , et même le dessous de l'animal, sont quehjuefois rou- geâtres; le ventre n'est pas toujours sans petites taches; celles du corps et de la queue des callarias encore jeunes sont souvent dorées , au lieu d'être brunes; et * On a compté clans un callarias , 53 vertèbres et 18 côtes. DES POISSONS. 410 pendant rhi\cr on voit les laclies ])riina(rcs de la tetc accjuérir, sur presque Ions les indivfdns de l'espèce qne nous décrivons, une couleur d'un beau noir '. Le tacaud est remarquable par la hauteur de sou c )r|)s , qui égale à j)eu près le tiers de sa longueur totale ; les lèvres renferment des portions cartilagi- nauses ; la mâchoire inférieure présente neuf ou dix points de chaque côté; les jeux sont grands et saillans, les ouvertures branchiales étendues , les écailles petites et fortement attachées ; l'anus est voisin de la gorge , et la ligne latérale se fléchit vers le bas au-dessous de la seconde nageoire dorsale \ L'iris est argenté ou couleur de citron ; le dos d'un verdâtre foncé ; les côtés sont d'un blanc rougeàtre ; ' A la première nageoire dorsale du callarias , i5 rayons, à la seconde i 6 à la troisième 18 à chacune des pecf orales 37 à chienne des jugulaires 6 à la première de l'anus 18 à la seconde ly à celle de la queue 26 ^ A la première nageoire dorsale du tacaud, i3 rayons, à la seconde iq à la troisième 18 à chacune des pectorales 18 à chacune des jugulaires 6 à la première de l'anus 25 à la seconde 17 à celle de la queue 3o 414 HISTOIRE NATURELLE la nageoire de la queue est également d'un rouge pâle ; toutes les autres sont olivâtres et bordées de noir j une tache noire paroît souvent à la base des pectorales , et une teinte très-foncée fait aisément distinguer la ligne latérale. Le tacaud parvient à une longueur de cinq ou six décimètres : il s'approche des rivages au moins pen- dant la saison de la ponte ; il s j tient dans le sable , ou au milieu de très-hauts fucus , à des profondeurs quelquefois très-considérables au-dessous de la surface de la mer. Il vit de crabes , de saumons , de blennies. Sa chair est blanche et bonne à manger, mais sou- vent un peu molle et sèche. On le trouve dansfOcéan de FEurope septentrionale. Le capelan vit dans les mêmes mers que le tacaud et le callarias ; mais il habite aussi dans la Méditer- ranée. Il en parcourt les eaux en troLq)es extrêmement nombreuses ; il en occupe pendant Thiver les pro- fondeurs , et vers le printemps il sy rapproche des rivages, pour déposer ou féconder ses œufs au milieu des graviers , des galets , ou des fucus. Il est très- petit , et surpasse à peine deux décimètres en longueur. On voit au bout de sa mâchoire inférieure , comme à rcxlréiiîité de celle du callarias et du tacaud , un assez long filament. La ligne latérale est droite; le ventre très-carené , c'est-à-dire, terminé longitudinale- ment en en- bas par une arcle presque aiguë ; fanus placé à peu près à une égale distance de la tête et de DES POISSONS. 41 5 rexh'émité de la queue. Sou dos est d'uu Jaune bru- nâtre, et tout le reste de son corps d'uue coulrur d'ar- gent j)lus ou moins parsemée de points noirâtres; l'intérieur de son abdomen est noir. 11 se nourrit de crabes , d'animaux à coquille , et d'autres petits habi- tans de la mer. Les pêcheurs le recherchent peu pour la bonté de sa chair : mais il est la proie des grands poissons; il est même fréquemment dévoré par plu- sieurs espèces de gades ; et c'est parce qu'on a vu sou- vent des morues , des aiglefins et des callarias, suivre avec constance des bandes de capelans qui pouvoient leur fournir une nourriture copieuse et facile à saisir, qu'on a donné à ces derniers gades le nom de con- duc Leurs des callarias , des œglefins et des morues *. .* A la première nageoire dorsale du capelan, 12 rayons. à la seconde lo à la troisième \n à chacune des pectorales j± à chacune des jugulaires 6 à la première de l'anus 27 à la seconde 17 à celle de la queue 3 8 LE GADE COLIN^ LE GADE POLLACK', ETLEGADESEY3. Ces trois poissons appartiennent au second sous- genre des gades : ils ont trois nageoires dorsales , et leurs mâchoires sont dénuées de barbillons ; plusieurs ressemblances frappantes rapprochent d'ailleurs ces ' Gadus colinus. Colefisli ) dans plusieurs fjarties septentrionales de V Angleterre, Raw pollack , dans plusieurs parties méridionales de l'Angleterre, Gadus carbonaïuis. Linné, édition de Gmelin. Gade colia. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. BoimateiTCj planches de l' Encyclopédie méthodique. Gadus dorso tripterygîo, imberbis, maxillâ inferiore longiore, lineâ laterall reclâ. Artedij gen. 20, sjn. 84. Blochj pi. 66. Callarias imberbis, capite et dorso, carbonis instar, nigricantibus. Klein j Miss. pisc. 5 ^ p. S ^ 7t. 2, Piscis colfish Anglorum. Bellon^ Aquat. p. i33. Colfisb Anglorum, Gesnevj Aquat.p. 89 [germ. ) fol. 41 , a. Icon. anim. P- 79- Asellus niger carbonarius. Schoncv, p. rg. Asellus niger, seu carbonarius. Charlet. p. 121. Asellus niger. AIdrow /. 3 , c. 7, p. 28)» Asellus niger, sive mollis nigricans. fVillughhy , p. 168, tab. L^vi.i^ 71: 3. Raj. p. 54, n. 3. Conlfish. Brit, Zoolog. 3 , p. i52, n, n. HISTOIRE NATURELLE. 417 trois espèces. Vojons ce qui les sépare ; et commen- çons par décrire le colin. - Gadiis pollaclilus. A wliiling pollack, en Angleterre. Lyr, dans plusieurs contrccs du Nord. Lyr blek , dans plusieurs parties de la Suéde. Lerblt'king, ibid. Gadus pollaclilus. Linné , édition de Gmelin, Gade lieu. Daubenlon, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie ?néthodiqiie, Faun. Suecic. p. 3 12. Miill. Prodroni. Zoolog. Banic. p. 42 , n. 353. Gadus lyiblek. Tt. JVgoth. p. 177. Gadus dorso tripterygio , imberbis, maxillâ inferlore longiore , Ilncâ laterali curva. Jrtedi, gen. 20, syn. 35. Asellus wliiting pollachius. Willughby, p. 167. Raj. p. 53 , «. 2. Gadus pollaclilus. Ascagne, cah. 3 ^pl, 20. Gronoi'. Mus. i , //. 57. Bloch, pi. 68. Gelbes kohlmaul. JValbaum , Schr. der Berl. naturf, 4 , p. 147. Pollack. Brit. Zoolog. 3 j p. i54 , /?. 8. ^ Gadus sey. ^ l'dge d'un an, mort , sîtr plusieurs côtes boréales de l'Europe. A l'âge de deux ans, palle, ibid. A. l'dge de trois ans j treœrin , ibid. A l'âge de quatre ans ^ sey ou graasey, ibid. Dans la vieillesse , ufs, ibid. Gadus virens. Linné, édition de GnieUn. Gade sey. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l' Encyclopédie méthodique, Faun. Suecic. p. Sog. Miill- Prodrom. Zoolog. Danic. p. ^3 , n. 3S^, Gronoi'. Ad. UpsaJ. 1742 , p. yo. Gadus virens, et sey. Ascagne ^ cah, 3, /;/. 21. TOME 11. 5Z 4l8 HISTOIRE NATURELLE Il ne faut pas confondre ce poisson avec des indi- vidus de l'espèce de la morue que des pêcheurs partis de plusieurs ports occidentaux de France ont souvent appelés colins , parce qu'ils les avoient pris dans une saison trop avancée pour qu'on pût les faire sécher. Le vrai colin a ordinairement près d'un mètre de longueur ; sa tète est étroite , l'ouverture de sa bouche petite, son museau pointu; ses écailles sont ovales, et ses nageoires jugulaires très-peu étendues*. On l'a nommé poisson charbon ou charbonnier , à cause de ses couleurs. En effet , la teinte olivâtre qu'il présente dans sa jeunesse, se change en noir lorsqu'il est adulie j les nageoires sont entièrement noires , excepté celle de la queue, qui n'est que brune, et les deux premières dorsales, ainsi que les pectorales, dont la base est un peu olivâtre ; une tache noire très-mar- quée est placée au-dessous de chaque nageoire pecto- rale ; la bouche est même noire dans son intérieur ; et ces nuances , si voisines de celles du charbon , paroissent d'autant plus foncées, que la ligne latérale est blanche, que les opercules brillent de l'éclat defargent^, * A la première nageoire dorsale du colin, 14 rayons, à la seconde 19 à la troisième 20 à chacune des pectorales 21 à chacune des Jugulaires 6^ à la preniif-re de l'anus aS à la seconde 20 à celle de la queue aôs DES POISSONS. 419 et que la langue a aussi la blancheur de ce métal. On trouve le colin non seulement dans FOcéan d'Europe , mais encore dans la mer Pacifiqvie. Dès les mois de pluviôse et de ventôse , il s'approche des côtes d'Angleterre pour j déposer ou féconder des œufs qui ont la couleur et la petitesse des grains de millet , et desquels sortent , au bout de quelques mois , de petits poissons que l'on dit assez bons dans leur jeunesse. On le pêche non seulement avec des haims , mais encore avec difï'érentes sortes de filets , tels que des verveux ' , des guideaux " , des demi-folles ^ , des tré- niaux ^ , etc. ' Le ven-eux, ou vermierj est un filet en forme de manche, et à l'entrée duquel on ajoute un second filet intérieur, nommé goulet, terminé en pointe , ouvert dans son extrémité de manière à laisser pénétrer le pois- son dans le premier filet, mais propre d'ailleurs à l'empêcher d'en sortir. * Le guidcaii est aussi un filet en forme de manche : il va en diminuant •depuis son embouchure Jusqu'à son extrémité. Ou peut le tendre sur un châssis qui en maintient l'embouchure ouverte. Le plus souvent cependant on se contente d'enfoncer dans le sable , à la basse mer, des piquets sur lesquels on attache deux traverses, l'une en haut et l'autre en bas; ce qui produit, à peu près, le même effet qu'un cliâssis. Pour que le poisson soit entraîné dans la manche, on oppose au courant l'embouchure du guideau; mais la force de l'eau, qui en parcourt toute la longueur, comprime tellement les poissons qui s'y renferment, que les gros y sont tués, et les petits réduits ea une espèce de bouillie. Les piquets sur lesquels on tend le guideau, portent le nom fS'élaliers. Quelquefois ils sont longs de près de trois mètres; d'autres fois ils ne s'élèvent que de dix ou douze décimètres , et alors le guideau est beaucoup plus petit. De là sont venues les expressions de guideau à hauts étaliers , et de guideau à bas étaliers. ^ Nous avons placé une courte description de la demi-folle , dans l'ar- ticle de la raie bouclée. * Le tréinail est un filet composé de trois nappes, dont deux , qui sont 420 HISTOIRE NATURELLE Lorsque la morue est abondante près des c6(es da Nord , on j recherche très-peu les colins j mais lors- qu'on y pêche un petit nombre de morues , on y sale les colins , qu'il est assez difficile de distinguer de ces dernières après cette préparation. Le pollack a , comme le colin , la nageoire de la queue fourchue , et la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure ; mais la ligne latérale est droite dans le colin , et courbe dans le pollack *. Ce dernier poisson habite, comme le colin , dans les mers septentrionales de l'Europe : il se plaît dans les parages où la tempête soulève violemment les flots. Il vojage par troupes extrêmement nombreuses , cherche moins les asjles profonds , paroît plus fréquemment à la surface de l'Océan que la plupart des autres gades , et sait cepen- dant aller chercher dans le sable des rivages l'ammo- ^yiQ appât, dont il aime à se nourrir. Sa longueur ordinaire est de cinq décimètres. Sa couleur, qui est de fil.fort et à grandes mailles , se nomment hamaux, et dont la troisième, qui flotte entre les deux autres, est d'un fil fin, à petites mailles, et s'appelle toile , ou fliie. * A la membrane des branchies du pollack, 7 rayons, à la première nageoire dorsale i3 à la seconde 18 à la troisième 19 à chacune des pectorales 19 à chacune des jugulaires 6 à la première de l'anus 28 à la seconde 19 à celle de la queue 42^ DES POISSONS. 42 I d'un brun iioinUre sur le dos , seclaircit sur les cotés , y devient argentée, et se change, sur la partie inférieure de laninial , en blanc pointillé de brun ; l'iris , d'ail- leurs , est jaune , avec des points noirs ; chaque écaille est petite , mince , ovale , et lisérée de jaune 3 les na- geoires pectorales sont jaunâtres, les jugulaires cou- leur dor , et celles de l'anus olivâtres et pointillées de noir. On prend, toute l'année, des pollacks sur plusieurs des rivages occidentaux de France ; on y en trouve souvent de pris dans les divers filets préparés pour la pêche d'autres espèces de poissons : mais, de plus, il y a sur ces cotes des endroits où vers le printemps il est très-recherché. On s'est servi pendant long-temps pour le prendre , de petits bateaux portant une ou deux voiles carrées , et montés de six ou huit hommes. On jetoit à la mer des lignes dont chacune étoit garnie d'un liai m amorcé avec une sardine , ou avec un mor- ceau de peau d'anguille. Comme le bateau qvii étoit sous voile, voguoit rapidement, et que les pêcheurs secouoient continuellement leurs haims , les pollacks , qui sont voraces , prenoient l'appât pour un petit pois- son qui fujoit , se jetoient sur cette fausse proie et restoient accrochés à l'hameçon. Le sej ressemble beaucoup aupollack; il a même été confondu pendant long-temps avec ce dernier gade: mais il en diffère par plusieurs caractères, et princi- palement par les dimensions de ses mâchoires , qui A22 HISTOIRE NATURELLE sont tontes les deux également avancées , trait de con- formation qui le sépare aussi de l'espèce du colin ; sa ligne latérale est droite , et la couleur de sa partie supérieure est verdàtre *. Les sejs sont très-nombreux pendant toute l'année sur les côtes de Norvège. Ils y sont l'objet d'un com- merce assez étendu ; et voilà pourquoi ils j ont été observés assez fréquemment et avec assez de soin pour qu'on leur ait donné , selon leur âge , les cinq noms différens que nous avons rapportés dans la troi- sième note de cet article , et pour que l'on ait su que communément ils avoient cent trente-cinq millimètres au bout d'un an , quatre cent trente-trois millimètres à la fin de la troisième année , et six cent quarante- neuf millimètres après la quatrième. Pendant l'été, ils j recherchent beaucoup une variété de hareng nommée biisîing ; et on les j a souvent pèches avec un filet fait en forme de nappe carrée, interrompu dans son milieu par une sorte de sac ou d'enfoncement, et attaché par les coins à quatre cordes qui aboutissent à autant de bateaux. Ce filet n'est * A la première nageoire du dos du sey, i3 rayons, à la seconde 20 a la troisième 19 à chacune des pectorales 17 à chacune des jugulaires 6 à la première de l'anus 24 à la seconde 20 à celle de la queue , qui est fourchue , 40 DES POISSONS. 4^3 point garni (Xq JIotLcs , ni de Icsl : le poids du fd dont il est formé , et des cordes qui le bordent , sii/Iit pour le maintenir. Qu-md les pécheurs croient avoir pris une quantité suffisante de sejs , ils se rapprochent du fîlet , et en retirent, avec un manet * , les poissons qui sont au fond du sac placé au milieu de la nappe. * Voyez , pour la description du manet^ l'article de la trachine n\e. LE GADE MERLAN*. De toutes les espèces de gades , le merlan est celle dont le nom et la forme extérieure sont le mieux connus dans une grande partie de l'Europe, et particulièrement * Gadiis œerlangus. Hwilling , en Suède et en DanemarcTi, "Whiting, en Angleterre. Gadus mei'langus. Linné , édition de Gmelin. Gade merlan. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterrej -planches de V Encyclopédie méthodique, Faun. Suecic. 3io. Gadus lioîlling. //. Scan, 826 , tab. 2 ^ fig. 2. Id. It. JVgoth. 176. Gadus dorso tripterygîo , ore imberbi, . .*. . maxillâ superîore longiore. Artedi, gen. ig , syn. 84 , spec. 62. Secunda asellorum species, raerlangus. Gesner, Aquat. p. 65 , et germ, fol. 40 , 2. Asellus candidus pi'Imus. ScJionev.p. 17. Asellus minor alter. Aldrov. Uh. 8, cap. 3, p. 287. Asellus minor et Ta.oi\\?,.Charlfton,p. 121. Asellus mollis. Jnnston, Fisc. tab. 2 ^fig. 8. Asellus mollis major, seu albûs. WiUughby,p. 170, tab. L ^ m. i .,fîg. 5. B.aj, p. SS .^ n. 8. Molenaer. Gronoç. Mus, i , yo. 20, /?. 55 ; Zooph.p. 98, n. 3i6. Blochj pi, 65. Callarias imberbis, argentei splendoris , etc. Klein j Miss, pisc.5 , p. 8, n. 8 , tab. 3 ,fîg. 2. JMcrlan. Rondelet, première partie, Uv. 9, chap. 9, édit. de Lyon^ i558. Whiting. Brit. Zoolog. 3, ;?. i55 , //. 9. Merlan. Valmont-Bomare j Dictionnaire d'histoige naturelle. HISTOIRE NATURELLE. 4^5 dans la plupart des départemcns septentrionaux de France. La morue même n j est pas un objet aussi fa- milier, à tous égards, que le poisson dont il est (juestiou dans cet article 3 on Vy nomme souvent, on la sert sur toutes les tables, et cependant sa véritable figure j est; ignorée clans les endroits éloignés des rivages de la mer, parce qu'elle n j parvient pres(|ue jamais que préparée, salée, ou séchée , altérée, déformée, et souvent tron- quée. Lq merlan , au contraire , est transporté entier dans ces mêmes endroits ; et la grande consommation qu'on en a faite, l'a mis si souvent sous les jeux, et l'a fait examiner si fréquemment, qu'il a frappé l'imagi- nation des personnes même les moins instruites , et que ses attributs, principalement sa couleur, sont de- venus i\es sujets de proverbes vulgaires. Les nuances qu'il présente sont en effet très -brillantes : presque tout son corps resplendit de la blancheur de l'argent; et l'éclat de cette couleur est relevé , au lieu d'être afïôibli , par l'olivâtre cpii règne quelquefois sur le dos , par la teinte noirâtre qui distingue les nageoires pecto- rales ainsi (jue celle de la queue , et par une tache noire que l'on voit sur quelques individus , à l'oiigine de ces mêmes pectorales. Tout le monde sait d'ailleurs que le corps du merlan estalongé, et revêtu d'écaiiles petites, minces et ar- rondies j que ses nageoires dorsales sont au nombre de trois; cpi'il n'a pas de barbillons; cpie sa mâchoii'e supérieure est plus avancée que rinférieure. Il nous TOi\iE II. 54 4^6 HISTOIRE NATURELLE suffira d'ajouter, relativement à ses formes extérieures^ que cette même mâchoire d'en-haut est armée de plu- sieurs rangs de dents, dont les antérieures sont les plua longues; qu'on n'en voit qu'une rangée à la mâchoire ^ d'en-bas, qui d'ailleurs montre de chaque coté neuf ou dix points ou très-petits enfoncemens; que Ton apperçoit sur le palais deux os triangulaires, et auj^rès du gosier quatre os arrondis ou alopgés, lesquels sont tous les six hérissés de petites dents ou aspérités 3 eè enfin que la ligne latérale est presque droite *. Si nous jetons maintenant un coup d'œil sur Tinté- rieur du merlan , nous verrons que ce poisson a cin- quante-quatre vertèbres Nous en avons compté cent seize dans l'anguille; mais aussi, quekju'alongé que soit le merlan , il présente une forme bien éloignée de celle que montre le corps très-délié des murènes. Le cœur a la figure d'un cjurdrilatère , avec des angles très-obtus. L'oreillette est grande, ainsi que l'aorte. L'estomac est alongé, assez large, un peu recourbé vers le ])jlore , autour duquel un très-grand nombre * A la membrane des branchies 7 rayons, à la première dorsale 16 à la seconde . 18 à la troisième 19 à chacune des pectorales 20 à cliacune des juguhiires 6 à la première de l'anus 3o à la seconde 20 à celle de la cpeue 3e DES POISSONS. 427 cFrippendices in(es(inaiix, on de petits ca'cuni, forment une sorte de couronne. Le canal intestinal jjroprenienC dit est pres(|ue de la longueur de l'animal; il se réflé- chit vers le diaphragme , va de nouveau vers la queue , se recourbe du coié de Tœsophage, et tend ensuite directement vers Tanus, où il parvient très-élargi. Le foie, dont la couleur est blanchâtre, se divise ea deux lobes principaux : le droit est court et étroit; le second très-long et répandu dans une très-grande partie de l'abdomen. La vésicule du fiel communique par un canal avec le foie, et ])ar un canal plus grand, avec le tube intestinal auprès des appendices. Un viscère triangulaire et analogue à la rate est situé au-dessous de l'estomac. Les reins, d'une couleur sanguinolente, et étendus le long de l'épine du dos, se déchargent dans une vessie urinaire double, voisine de l'anus , e^, que l'on a souvent trouvée remplie d'une eau claire. La vessie natatoire est visqueuse, longue, simple, atta compté dans cette espèce plusieurs variétés remar- quables et constantes. Nous pouvons en donner un 43o HISTOIRE NATURELLE exemple , en rapportant une observation très-întéres-^ santé qni nous a été transmise au sujet des merlans que l'on trouve sur les côtes du département de la Seine- Inférieure , par un naiuraliste habile et très -zélé, le citojcn Noël, de Rouen, que j'ai déjà eu occasion de citer dans cet ouvrage. Cet ichthjologiste m'a écrit * qu'on appercevoit une assez grande dili'érence entre les merlans (|ue l'on prend sur les fonds voisins d'Yport et des Dalles, près de Fé- camp, et ceux que Ton pêche depuis la pointe de l'AiHj" jusqu'au Tréport et au-delà. Les merlans d'Yj)ort et des Dalles sont plus courts ; leur ventre est plus large, leur tête plus grosse, leur museau n^oins aigu 3 la ligne que décrit leur dos, légèrement courbée en dedans, au lieu d être droite ; la couleur des parties voisines du museau et de la nageoire de la queue, plus bru- nâtre ; la chair plus ferme , plus agréable et plus recherchée. Le citojen Noël pense, avec raison, qu'on doit attri- buer cette diversité dans les qualités de la chair, ainsi que dans les nuances et les formes extérieures, à la nature des fonds au-dessus desquels les merlans ha- bitent, et par conséquent à celle des alimens qu'ils trouvent à leur portée. Auprès d'Yport et de Lécamp, les fonds sont presque tous de roche, tandis c|ue ceux des eaux de TAiHj, de Dicp])e et de Trépcn^t, sout * Lt'llre du citoyen Noël au ciiojcii Lacepcde , du 21 brumaire au 7. DES POISSONS. 4,3 î presque tous de vase ou de gravier. En général , Je citojen Noël pense que Je merlan est plus petit et pJus déJicat sur Jes bas-fonds très-voisins des rivages, que sur Jes bancs que Ton trouve à de grandes distances des cùtea. LE GADEMOLVE^ ET LE G A D E D A N O I S % De fous les gades, la raolve est celui qui parvient à la longueur la plus considérable, sur-tout relativement à ses autres dimensions, et particulièrement à sa largeur: * Gadus niolva» Lânga , en Suède. Lenge , en Allemagne, Liing , en Angleterre. Gadus mol va. Linné, édition de Gmeliv. Gade lingue. Uaiihenton, 'Encyclopédie mélhndique. Id. Bonnaterre , -planches de V Encyclopédie méthodique. Gadus dorso dipterygio , oie ciirato , maxillâ superiore longiore. Arledlj geu. 22 , syn. 36. Mol va major. ChaHet. p. I2t. Aseijits longus. Schonev. p. i8. Asejlus longus. IVillughby., p. 17^, tah. Lj m. 2, «. 2. "Raj. p. 56. Taxai. Siiecic. 3 12. Midi. Prodroni. 7 oolog. Danic. p. 41 , n. 343. Gadus longa. //. TT'goth. 177. 'Eloch, pi. 6g. / Enchelyopus. Klein, Miss, pisc, 4, p. 58, n. 16. Bellon, Aquat. p. l35. G'esver, Âqnat.p. ^5; Jcon anim.p. 78. Ling. Brit. Zoolog. 3 , /;. 160 , n. i3. ^ Gadus danicus. Midi, Zoolog. Danic. Vrodrovi. p. 42. Gadc danois. Ijonnatcrre 3 planches de l' Encyclopédie méthodique» 7'/ u r.n/.i~:L. Co(fiie( Seulp. l.BATRACHOIDi: Tau . 2 . BLENNIt: Cumm-/ . o . BLENNLE FomlilL' DES POISSONS. 433 elle surpasse souvent celle de vingt-(ju£Urc décimètres ; et voilà pourquoi elle a éié nommée, dans un grand nombre de contrées et par plusieurs auteurs, h gacle hmg. Elle habite à peu près dans les mêmes mers que la morue. Elle se trouve abondamment, comme ce gade, autour de la Grande-Bretagne , auprès des côtes de l'Irlande, entre les Hébrides, vers le comté d'York. On la pêche de la même manière, on lui donne les mêmes préparations; et comme cette espèce présente un grand volume, et d'ailleurs est douée d'une grande fécondité, elle est, après la morue et le hareng, un des poissons les plus précieux pour le commerce et les plus utiles à l'industrie. Dans les mers qui baignent la Grande-Bretagne , elle jouit principalement de toutes ses qualités, depuis le milieu de pluviôse jusque vers la lin de floréal , c'est-à- dire, dans la saison qui précède son frai , lequel a lieu dans ces mêmes mers aux approches du solstice. Elle aime à déposer ses œufs le long des marais que l'on y voit à l'embouchure des rivières. Elle se nourrit de crabes, de jeunes ou petits pois- sons , notamment de pleuronectes plies. Sa chair contient une huile douce, facile à obtenir par le mojen d'un feu modéré , et plus abondante que celle que peuvent donner la morue ou les autres gades. Sa couleur est brune par- dessus, blanchâtre par- dessous , verdâtre sur les cotés. La nageoire de l'anus ^st d'un gris de cendre; les autres sont noires et TOME n. 55 4^4 HISTOIRE NATURELLE. bordées de blanc : on voit de plus une tache noire an sommet de chacune des dorsales *. Les écailles sont alongées , petites, fortement atta- chées ; la tète est grande , le museau un peu arrondi , la Iringiie étroite et pointue. \ Le gade danois n'est pas dénué de barbillons, non plus que la moh^e : comme la molve , il n'a que deux na- geoires sur le dos , et appartient par ce double carac- tère au troisième sous-genre des gades. Sa mâchoire inférieure est plus avancée que la supérieure, ce qui le sépare de la molve ; et sa nageoire de fanus ren- ferme jusqu'à soixante-dix raj'ons, ce qui le distingue de toutes les espèces comprises dans le sous-genre où nous l'avons; fnscrit, et même de tous les gades connus jusqu'à présent. On en doit la première description au savant Millier, auteur du Prodrome de la Zoologie danoise. * A la membrane des 'nrat)chies de Ja molve, 7 ravons. à la première nageoire dorsale i5 à !a se-^onde 63 à chacune des pectorales ig à chacLuie des jugulaires 6- à celle de l'anus Sg k celle de la q^ueue, qui est arrondie, 38 LE GADE LOTE*. IjA lo(e mérite une attention particulière des natura- listes. Elle présente tous les caractères génériques qui appartiennent aux gades ; elle doit être inscrite dans le même genre que ces poissons; elle j a toujours été * G ad us Iota. Motelle , dans quelques départemens de France. Bai botte, ihid. Barbot, et buibot, en Angleterre, Eel pout , ibid. Putael, dans la Belgique ^ ou France septenirionale^ Alraupe, en Allemagne. Oli iippe , ibid. Triisch , ibid. Trelsclicn , ibid» Kiitten , ibid. Aalquabbe, en DanemarcTi. Franske giedder, ibid. Lake , en Suéde et en Norvège. Nalim , en Russie. Gadus Iota. Linné , édition de G nie Un, Gade lotte. Daubenlon, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de V Encyclopédie méthodique, Gadus Iota. Ascagne, cah. 3,5, pi. 28. Lote. Valmont-Bomare 3 Dictionnaire d'histoire naturelle-, Faun. Suecic. 3i5. Miill. Prodrom. Zoolog. Danic. p. 41 , n. 848. Koelreuter, Noi'. Comm. Peirnp. ig, /7. 424. Meidinger, Icon. piscium Austral, t. 8. Bloch, pi. 70. Gadus dorso dipterygio, orecirrato, maxillU a?qualibus. Artedij gcn. 22, sjn. 38. 436 HISTOIRE NATURELLE comprise : elle fait véritablement partie de leur famille ; et cependant, par un de ces exemples qui prouvent combien les êtres animés sont liés par d'innombrables chaînes de rapports, elle s'écarte des gades par des dif- férences très-frappantes dans les formes, dans les facul- tés , dans les habitudes, clans les goûts, et ne s'éloigne ainsi de ses congénères que pour se rapprocher non seulement des blennies, qui par leur nature touchent aux gades de très-près, mais encore de plusieurs apodes osseux, particulièrement des murènes, et notamment des anguilles. Comme ces derniers apodes, la lote a le corps très- alongé et serpentiforme. On voit sur son dos deux na- geoires dorsales, mais très-basses et très-longues, ainsi Silurus cirro unico in mento. Arledi, spec. 107. Lote. Rondelet , deuxième -partie , des poissons des lacsj chap. 18. Barbote. Id. ibid. chap. ig. Aldroi>. lib. 5 , cap. 46 , fol. 648. Lota , et mustella fluviatilis. Willughby , p. \%S. Hajuj p. 67. Lota Gallis dicta. Gesnej-j p. 5()g. IjOlaGaWoYum. Jonsf on, lia. 3 , ///. 3 , cap. 11 , p, 168, faù. 29,7%. 10. Strinsia, sive botatrissa. Bellon, Aquat.p, 3o2. Claiia fluviatlUs. Id. ibid. p. 304. Borbotba. Citb. lib. 3 , cap. 12 ^/ig. 72, E.. Borboclia. Mugni ( Olai ), lib. 20 , cap, 20. Bottalvia, et triseus. Salvian. fol. 2i3, a , ad iconem, et B,. Alropa. Hildegard. lib. i , part. 4 , ca)}. 25. Gronov. Mus. i , p. 21 , n. 61 ; Zooph. p. 97, n. 3i3. Encbelyopus subcinereus, etc. Klein, Miss. pisc. 4, /'. 57, n. i3 , tab. ï5 jjig. 2. Baibot; Brit. Zoolog. 3 , ;'. i63, n. 14. DES POISSON S. 487 que celle de Taniis; elles ressemblent à celles (jiii gar- nissent le clos et la queue des murènes. Les écailles qui la recouvrent sont plus facilement visibles que celles de ces mêmes murènes; mais elles sont très-minces, molles, très-petites, quelquefois séparées les unes des autres; et la peau à laquelle elles sont attachées, esk enduite d'une humeur visqueuse très - abondante , comme celle de l'anguille : aussi échappe-t-elle faci- lement, de même que ce dernier poisson, à la main de ceux qui la serrent avec trop de force et veulent 'la retenir avec trop peu d'adresse; elle glisse entre leurs doigts, parce qu'elle est perpétuellement arrosée d'une liqueur gluante ; et elle se dérobe encore à ses enne- mis , parce que son corps , très-alongé et très-mobile, se contourne avec promptitude en différens sens , et imite si parfaitement toutes les positions et tous les mouvemens d'un reptile , qu'elle a reçu plusieurs noms donnes depuis long -temps aux animaux qui rampent. La lote est, de plus, d\uie couleur assez semblable à celle de plusieurs murènes, ou de quelques muré- nophis. Elle est variée, dans sa partie supérieure *, * Sa ligne latérale est droite. Oh compte à sa première nageoire dorsale 14 rayons, à la seconde 68 à chacune des pectorales 20 à chacune des jugulaires (, à celle de l'anus 67 à celle de la c^ueue , qui est arrondie , 36- 438 HISTOIRE NATURELLE de jaune et de brun ; et le blanc règne sur sa partie inférieui^e. Au lieu d'habiter dans les profondeurs de FOcéaii ou près des rivages de la mer, comme la plupart des osseux apodes ou jugulaires, et particulièrement comme tous les autres gades connus jusqu'à présent, elle passe 5a vie dans les lacs, dans les rivières, au milieu de Teau douce , à de très-grandes distances de TOcéan ; et ce nouveau rapport avec Tanguille n'est pas peu remar- quable. On la trouve dans un très-grand nombre de contrées,' non seulement en Europe et dans les pajs les plus sep- tentrionaux de cette partie du monde, mais encore dans l'Asie boréale et dans les Indes. Elle préfère, le plus souvent, les eaux les plus claires; et afin qu'indépendamment de sa légèreté , les ani- maux dont elle fait sa proie puissent plus difficilement se soustraire à sa poursuite , elle s j cache dans des creux ou $ous des pierres ; elle cherche à attirer ses petites victimes par l'agitation du barbillon ou des barbillons qui garnissent le bout de sa mâchoire inférieure , et qui ressemblent à de petits vers : elle j demeure pa- tiemment en embuscade , ouvrant presque toujours sa bouche, qui est assez grande, et dont les mâ- choires, hérissées de sept rangées de dents aiguës, peuvent aisément' retenir les insectes aquatiques et les jeunes poissons dont elle se nourrit *. * Il y a auprès du pylore, 89 ou 40 appendices intestinaux. DES POISSONS. 439 On a écrit que, clans quelques circonstances, la lote ëtoit vipère y c'est-à-dire que les œufs de cette espèce de gade éclosoient quelquefois dans le ventre nitme de la mère, et par conséquent avant d'avoir été pondus. Cette manière de venir à la lumière n'a été observée dans les poissons osseux que lorsque ces animaux ont réuni un corps alongé, délié et serpentiforme, à wï\Q' grande abondance d'humeur visqueuse, comme la lote. Au reste, elle supposeroit dans ce gade un véritable accouplement du mâle et de la femelle, et lui don- neroit une nouvelle conformité avec l'anguille , les blennies et les silures. La lote croît beaucoup plus vile que plusieurs autres osseux 5 elle parvient jusqu'à la longueur d'un mètre, et le citojen Valmont-Bomare en a vu une qu*on avoit ap[)ortée du Danube à Chantilly, et qui étoit longue de plus de douze décimètres. Sa chair est blanche, agréable an goût, facile à cuire; son foie, qui est très-volumineux, est regardé comme lui mets délicat. Sa vessie natatoire est très -grande, souvent égale en longueur a.u tiers de la longueur to- tale de l'animal, un peu rétrécie dans son milieu, ter- minée par deux prolongations dans sa partie antérieure, formée d'une membrane qvii n'est qu'une continuation du péritoine, attachée par conséquent à l'épine du dos, de manière.à ne pouvoir pas en être séparée entière, et employée dans quelques pavs à faire de la colle, comme la vessie à gaz de racipcnscre huso. 440 HISTOIRE NATURELLE. Ses œufs sont presque toujours, comme ceux du bro- chet et du barbeau , difficiles h digérer, plus ou moins malfaisans ; et, par un dernier rapport avec Fanguille et la plupart des autres poissons serpentiformes , elle ne perd que difficilement la vie. LE G A D E M U S T E L L E ', E T LE GADE CIj\IBRE\ L A niiistelle a beaucoup de ressemblance avec la lote par l'alôngement de son corps , la petitesse de ses écailles, et l'humeur visqueuse dont elle est imprégnée: ' Gadus mustella. Galea, sur plusieurs côtes d'Italie, Pesce moro, ibid, Donzellina , ibid. Sorge marina, ibid. Gouderopsaro, sur plusieurs rivages de la Grèce. Whistle fisli, en Angleterre. Krullquappen, auprès de Hambourg j et dans quelques autres contrées septentrionales. Gadus mustella , gadus tricîrratus (2, et gadus russicus y. Linné ^ édition de G me lin. Gade mustelle. Daubenton , 'Encyclopédie méthodique. ^ \d. Bonnuterre, planches de V Encyclopédie méthodique, Gade la brune. Id. ibid. Bloch, pi. i65. Mustelle. Vabnont-Bomare 3 Dictionnaire d'histoire naturelle. Mitll. Prodrom. Zoolng. Danic. p. 42, /.'. 845. Gadus dorso dipterygîo, cirvis uiaxillae superioris quatuor; inferiovis, uno. Mus. Ad. Fr i. Gadus dorso dipterygîo, sulco ad pinnam dorai primam , ore cirralo. Artedij gen. 22, sjn, ùj. TOME II. 56 44^ HISTOIRE NATURELLE mais elle n'habite pas , comme ce poisson, au milieu de Teau douce ; elle vit dans FOcéan atlantique et dans la Méditerranée. Elle j parvient jusqu'à la longueur de six décimètres. Elle s'y nourrit de cancres et d'ani- maux à coquille ; et pendant qu'elle est jeune, petite et foible , elle devient souvent la proie de grands pois- sons, particulièrement de quelques gades et de plu- sieurs scombres. Le temps de la ponte et de la fécon- dation des œufs de cette espèce est quelquefois retardé jusque dans l'automne , ou se renouvelle dans cette saison. La mustelleest blanche par-dessous , d'un brun jaunâtre par-dessus , avec des taches noires , et d'un Galt-a Venetorum , seii asellonim altera»species. Bel/on. Id. mustella vulgarls, et mustella marina lertia. Gesner^ p. 89, 90 et io3, {gerin.) fol. 41, B^ et 42, A. Mustclle vulgaire. Rondelet, jsremihre j)artie , liv. 9, chap. 14. Id. Aldrov. llb. 3 , cap. 8 , fol. 290. TVilliigh bjj p. 121. Raj. p. 67, n. ï, Mustela. Jonston, lib. i , til. l, cap. J, Aj 2, fab. 1,^^.4. Mustela altéra. SchoTiei', p. 4g. Mustela marina ttrtia. Gron. Zoaph. n. 814 J Mus. i,/». 21 , n.n\ Act. Ups. 1742, p. 98 , iab. 3. Spotted whistle fîsh , et brow whistle fish. Brit. Zoolog. 3 ,/'. 164, ??. i5 , et i65, n. 16. Enchelyopus cirris tribus, altero è raento, etc. Klein ^ Miss. pisc. 4, ■p. 57, n. 14. TF'albanni, Schrif der Berl. natiirf. ges. 5. =■ Gadus cimbrius. Gadus cimbrius. Linné , édition de Gmelîn. Gade cimbre. Bonnaterrc, planches de V Encyclopédie métliodique. DES POISSONS. 443 «*argenté violet sur la tète. Les nageoires pcctoraks et jugulaires sont rougeâtres; les aufres sont brunes avec des taches alongces , excepté la nageoire de la queue, dont les taches sont rondes. L'on trouve cependant plusieurs individus sur -lesquels la nuance et la figure de ces diverses taches est constamment différente , et même d'autres individus qui n'en présentent aucune. îl est aussi des mustelles qui ont quatre barbillons h la mâchoire supérieure , d'autres qui n'j en montrent que deux , d'autres encore qui ïiy en ont aucun ; et ces diversités dans la forme , plus ou moins transmissibles par la génération, ajant été comparées, par plusieurs naturalistes , avec les variétés de couleurs que l'on peut remarquer dans l'espèce que nous examinons, ils ont cru devoir diviser les mustelles en trois espèces, la première distinguée par quatre barbillons placés à une distance plus ou moins petite des narines , la seconde par deux barbillons situés à peu près de même, et la troisième par l'absence de tout barbillon à la mâchoire supérieure. Mais après avoir cherché à peser les témoignages , et à comparer les raisons de cette multiplication d'espèces , nous avons préféré l'opinion du savant professeur Gmelin ; et nous ne considérons l'absence ou le nombre des barbillons de la mâchoire d'en haut , ainsi que l'es dissemblances dans les teintes, que comme des signes de variétés plus ou moins per- manentes dans l'espèce de la raustelle. Au reste, cegade a toujours un barbillon attaché vers 444 HISTOIRE NATURELLE rextrémité de la mâchoire inférieure , soit que la mâ- choire supérieure en soit dénuée, ou en montre deux , ou en présente quatre. De plus , la langue est étroite et assez libre dans ses mouvemens. La ligne latérale se courbe vers les nageoires pectorales , et s'étend en- suite directement jusqu'à la queue. Mais ce qu'il ne faut pas passer sous silence , c'est que la première nageoire dorsale est composée de rajons si petits et si courts, qu'il est très-difEcile de les compter exactement , et qu'ils disparoissent presque en entier dans une sorte de sillon ou de rainure longitudinale. Un seul de ces rajons , le premier ou le second , est très-alongé , s'élève par conséquent beaucoup au-dessus des autres ; et c'est cette longueur ainsi que l'excessive brièveté des autres, qui ont fait dire à plusieurs naturalistes que la première dorsale de la musteile ne comprenoit qu'un raj on *. La première nageoire du dos est conformée de la même manière dans le gade cimbre , qui ressemble beaucoup à la musteile : néanmoins on trouve dans cette même partie un des caractères distinctifs de l'espèce * 5 rayons k la membrane branchiale de la musteile. I rayon très-alongé et plusieurs rayons très -courts à la premièreL nageoire dorsale. 56 rayons à la seconde. • i8 à chacune des pectorales. 6 à chacune des jugulaires. 46 à celle de l'anus, ap à celle de la queue. DES POISSONS. 44a du cinibrc. En efTet, le ravoii ([iii seul est très-alongé, se lerQiine dans ce gade par deux filamens placés l'un à droite et l'autre à gauche, et disposés horizontale- ment comme les branches de la lettre T '. De plus , on compte sur les mâchoires de la mustelle cinq, ou trois, ou un seul barbillon. Il j en a quatre sur celles du cimbre : deux de ces derniers filamens partent des environs des narines ; le troisième pend de la lèvre supérieure 3 et le quatrième , de la lèvre infé- rieure. Le cimbre habite dans l'Océan atlantique, et parti- culièrement dans une partie de la mer qui baigne les rivages de la Suède. Il a été découvert et très-bien décrit par M. de Strussenfeld \ ' I rayon lios-alongé et plusieurs ra)ons très-courts à la première nageoire dorsale du gade cimbre, 48 rayons à la seconde. 16 à chacune des pectorales, 7 à chacune des jugulaires, , 42 à celle de l'anus, 25 à celle de la queue. * Mémoires de l'académie de SiocWiolm, tome XXXIII , page 46. LE GADE MERLUS*. Ce poisson vit dans la Méditerranée ainsi que dans l'Océan septentrional ; et voilà pourquoi il a pu être connu d'Aristote , de Pline , et des autres naturalistes de la Grèce ou de Rome , qui , en efï'et , ont traité de ce gade dans leurs ouvrages. Il y parvient jusqu'à la grandeur de huit ou dix décimètres. Il est très-vo- race : il poursuit, par exemple, avec acharnement, les * Gadus meiluclus. Merliizo , en Italie. Asello, ibid. Asino , ibid. Nasello, ibid. Hake , en Angleterre, Gadus merluciiis. Linné, édition de Gmelin. Bloclîy pi. 154. Gade grand merlus. Daubenton, Encyclopédie méthodique., Id. Bonnaterre y planches de l' Encyclopédie méthodique. L,e grand merlus. Duhamel , Traité des pêches, seconde partie^ sect. i , ehap. I , pi. 24. Merlu ) et merluche. V almont-Boraare , Dictionnaire d'histoire naturelle. JVlus. Ad, Frid. 2 , /?. 60. Faun, Suecic. 814. Forsk. Faun. Arabie, f. 19. Gronov. Zooph.p. 897, n. 3i5. Nlûll. Prodrom. Zoolog. Danic.p. 41, n. 842., Ot. Fabrlc. Faun, Groenland, p. 148, Oadus dorso dipterygio, maxillâ iuferiore longiore. Artedi, gen, 22 j ^yn. 36. X^ysing. Strom. Sondin. Z<^5. HISTOIRE ]^ A T U R E L L K. 447 scombres et les dupées 5 cependant , connne il trouve assez facilement de quoi se nourrir, il n'est pas, au moins fréquemment , obligé de se jeter sur des animaux de sa famille. Il ne redoute pas l'approche de son semblable. Il va par troupes très-nombreuses; et par conséquent il est l'objet d'une pèche très-abondante et peu pénible. Sa chair est blanche et lamelleuse ; et dans les endroits où l'on prend une grande quantité d'individus de cette espèce , on les sale ou on les sèche , comme on pré- pare les morues, les sejs et d'autres gades, pour pou- voir les envoj er au loin. Les merlus sont ainsi recher- chés dans un grand nombre de parages : mais dans Asellus primus, siée merlucius. Raj. p. 56. Asellus primus Rondeletiî, sive merlucius. ^^l'Uug/iby, p. ly^, tah. L> m. 2 y n. I, "ov5f. Arist. lib. 8, cap. j5', et lib. 9 , cap. 87. "Ovof , ^a^cf. Atlien. lih. y, p. 3i5. ©aA«TT■ 5 j et lih. z , p. 5g. Asellus. F lin. Hist. mundi j lih. g, cap, 16 et \']. Asellus. Ovid. V, i3î. Varro , lih. 4, De lingua latina» Jov. cap. 20 j p. 87. Merlus. KoTidclctp première partie y liv. g, cliap. 8. Salvian.fol. 78. Merluccius , asellus, et primùm de merlucio. Gtsjier, p, 84,97; Tcon. anini. p. 76 \et (^genti. ) fol. 3c) , B. Merluccius. Bellon^ Aquat. p. 128. Asellus aller, etc. Aldrov. lih. 3, cap. 2, p. 286, Asellus fuscus. Charlet. p. 122. Hake. Brit. Zoohg. 3 ,/». i56, n. 10. JùJiston, De piscibus f p. 7, tab. i^^fg. 3. 448 HISTOIRE NATURELLE d'autres portions de la mer où ils ne peuvent pas se procurer les mêmes alimens , il arrive que leurs mus- cles deviennent gluans et de mauvais goût ; ce fait étoit connu dès le temps de Galien. Au reste , le foie du merlus est presque toujours un mojrceau très- délicat. Ce poisson est alongé, revêtu de petites écailles, blanc par-dessotis , d'un gris plus ou moins blanchâtre par-des- sus ; et c'est à cause de ces couleurs comparées souvent à celles de l'âne, qu'il a été nommé à/ion par Aristote, Oppien , Athénée, Elien , Pline, et d'autres auteurs anciens et modernes. Le mot (ïà/ion est même devenu , pour plusieurs naturalistes , un mot générique qu'ils ont appliqué à plusieurs espèces de gades. La tête du merlus est comprimée et déprimée ; l'ou- verture de sa 'bouche , grande ; sa ligne latérale plus voisine du dos que du bas-ventre, et garnie , auprès de la tête , de petites verrues dont le nombre varie depuis cinq jusqu'à neuf ou dix : des dents inégales, aiguës, et dont plusieurs sont crochues , garnisseut les mâ- choires, le palais et le gosier*. * A la membrane des branchies 7 rayons, à la première nageoire du dos 10 à la seconde Sg à chacune des pectorales 12 à chacune des jugulaires 7 à celle de l'anus 87 ;à celle de la queue 2p DES POISSONS. 449 J'ai trouvé dans les papiers de Commerson une courte description d'un gade à deux nageoires, sans barbillons , et dont tous les autres caractères con- viennent au merlus. Commerson l'a vu dans les mers australes ; ce qui confirme mes conjectures sur la pos- sibilité d'établir dans plusieurs parages de Fhémisphère méridional, des pêches abondantes de morues et d au- tres gadcs. Le merlus est si abondant dans la baie de Galloiray , sur la côte occidentale de l'Irlande , que cette baie est nommée, dans quelques anciennes cartes , la baie des hakes 3 nom donné par les Anglois aux merlus. TOME lî. ^7 LE GADE BROS ME'. Nous avons maintenant sous les jeux le cinquième sous-genre clesgades. Les caractères qui le distinguent, sont un ou plusieurs barbillons, avec une seule nageoire dorsale. On ne peut encore rapporter qu'une espèce à ce sous-genre ; et cette espèce est le brosme. Ce gade préfère les mers qui arrosent le Groenland , ou FEurope septentrionale. Il a la nageoire de la queue en forme de fer de lance , et quelquefois une longueur de près d'un mètre. La couleur de son dos est d\ui brun foncé; ses nageoires et sa partie inférieure sont d'une teinte plus claire ; on voit sur ses cotés des taches transversales \ ' Gadus brosme. Gadus brosme. Âscagne , Icon. rcrum iiatural. tah. 17. Mii/L Prodrom. Zoolog. IJanic. p. 41 , «. 841. Brosme. Vontoppid. Norveg. 2, p. 178. Strom. sondm. I , p. 272 , tab. I ,J^". ig. Kaila. Olafs. Island. p. 358, lab 27. Gadus brosme. Linné, édition de Qinelin. Gade brosme. Bonnalerre , planches de l' Encyclopédie nictTiodicue. - A la nageoire du dos du brosme, 100 rayons, à chacune des pectorales 20 à chacune des jugulaires 5 à celle de l'anus 60 à celle de la queue 3o QUARANTE-SEPTIÈME GENRE. LES B ATR ACIIOÏDES. La te te très - déprimée et très - large ^ T ouverture de la bouche très -grande y un ou plusieurs barbillons atta- chés autour ou au-dessous de la uuîchoire inférieure. ESPÈCES. CARACTÈRES. T .. (Un grand nombre de filamens à la mficboire ï. Le BATRACHOIDE TAU. î , ^ . ..... ,„,.., . < inférieure; trois aiguillons à la première {BaU-achoides tau.) \ • , i , , [ nageoire dorsale et a .chaque opercule. IUn ou plusieurs barbillons au-dessous de la mâcboire d'en - bas ; les deux premiers rayons de cbaque nageoire jugulaire, ter- minés par un long filament. LE BATRACHOIDE TAU*. Nous avons séparé le tau des gades, et le blennioïde des blennies,non seulement parce que ces poissons n'ont pas tous les traits caractéristiques des genres dans lesquels onles avoit inscrits en plaçant le dernier parmi les bien- nies et le premier parmi les gades , mais encore parce que des formes très-frappantes les distinguent de toutes les espèces que peuvent embrasser ces mêmes genres , au moins lorsqu'on a le soin nécessaire de n'établir ces cadres que d'après les principes réguliers auxquels nous tâchons toujours de nous conformer. Nous avons cîe plus rapproché l'un de l'autre le tau et le blennioïde, parce qu'ils ont ensemble beaucoup de rapports ; nous les avons compris dans un genre particulier ^ et nous avons donné à ce genre le nom de hatrachoide , qui désigne la ressemblance vague qu'ont ces animaux avec une gre- nouille , en grec Ç>ocT^ctxo<; , et qui rappelle d'ailleurs les dénominations de grenouiller et de raninus , appli- quées par Linné, Daubenton, et plusieurs autres célèbres naturalistes , au blennioïde. * Batrachoïdes tau. Expausançon. BlocJi, pi. G\f fig. 2 et 3. Gadus tau. Linné , édition de Gmelin. Gade tau. Bonnaterrc , plancJits de l'Encycloyélie méthodiqiie. H I s T O I II E N A r U R E L L E. 40Ô Le (au habite dans l'Océan atlantique , comine pres- que tous lesgades, dans le genre desquels on avoit cru devoir le faire entrer ; mais on Vj a péché à des lati- tudes beaucoup plus rapprochées de l'équateur que celles où Ton a rencontré la pkq-jart de ces poissons. On l'a vu vers les côtes de la Caroline , où il a été observé par le docteur Garden, et d'où il a été envojé enEurape. Ses formes et ses couleurs , qui sont très-remarqua- bles , ont été fort bien décrites par le célèbre ichthjo- loeiste et mon savant confrère le docteur Bloch. o Il est revêtu d'écaillés molles, petites, minces, rondes, brunes , bordées de blanc, et arrosées par une muco- sité très-abondante, comme celles de la lote et de la mustelle. Le dos et les nageoires sont tachetés de blanc , ou d'autres nuances. La tète est grande et large ; le museau très-arrondi. Les jeux , placés vers le sommet de cette partie et très- rapprochés l'un de l'autre, sont gros , saillans , bril- lans par l'éclat de l'or que présente l'iris , et entourés d'un double rang de petites verrues. Entre ces organes de la vue et la nuque , s'étend transversalement une fossette et une bande plus ou moins irrégulière, de couleur jaune , sur les deux bouts de laquelle on peut observer quelquefois une tache ronde et très-foncée. Les dents sont aiguës. Il uy en a que deux rangées de chaque côté de la mâchoire inférieure ; mais la mâ- choire d'en-haut , qui est beaucoup plus courte , en montre un plus grand nombre de rangs. Vuq double 404 HISTOIRE NATURELLE. série de ces ruèmes dents hérisse chaque côté du palais. Plusieurs barbillons sont placés sur les côtés de la mâclioire supérieure ; nn grand nombre d'autres iila- mens sont attachés à la mâchoire d'en-bas, et disposés à peu près en portion de cercle. Chaque opercule , coînposé de deux lames , est de plus armé de trois aiguillons. Le tau a deux nageoires dorsales ; la première est soutenue par trois rajons très-forts et non articulés. Celle de la queue est arrondie. Le tau a été nommé ainsi , à cause de la ressem- blance de la bande jaune et transversale qu'il a auprès de la nuque, avec la traverse d'un T grec , ou tau *, Le dessin qui représente ce poisson , et que nous avons fait graver , en donne une idée très-exacte. * A la membrane branchiale du tan , 6 rayojas. à la première dorsale 3 à la seconde ^3 à cliacune des pectorales 20 à chacune des jugulaires 6 à celle de l'anus i3 à celle de la queue 12 LE BATRACI-IOIDE BLENNIOJDE '. Ce batrachoïde a un ou plusieurs barbillons au-dessous de la mâchoire inférieure. Les deux premiers rajons de chacune de ses nageoires jugulaires sont beaucoup plus longs cpie les autres j ce qui , au premier coup d'œil , pourroit faire croire qu'il n'en a que deux dans chacune de ces nageoires, comme la plupart des blen- nies, dans le genre descpicls on l'a souvent place, et ce qui m'a engagé à lui donner le nom spécifique de hlcnnio'idc. On le trouve dans les lacs de la Suède, où il paroît qu'il est redouté de tous les poissons moins forts que lui, qui s'écartent le plus qu'ils peuvent, des endroits qu'il fréquente. Quoiqu'il tienne, pour ainsi dire, le milieu entre les gades et les blennies, il n'est pas bon à manger '. ' Batrachûïdes blennioïdes. Blennius raainus. Linné , édition de Gmelin. T^aun. Suecic. 3i6. Blenne grenouiller. Dcuh nfon , Encyclopédie mcthcdique. Ici. Bonnatcrrc , plancht^s de l'Encyclopédie mUhodiqne. JVlull. Prodrom. Zoolog, Danic, n. 3^q. Strom. Sondm. I , />. 35g. - A la membrane branchiale 7 rayons, à la nageoire dorsale 66 à chacune des nageoires pectorales 22 à chacune des jugulaires 6 à celle de l'anus 60 à celle de la queue 3o. HISTOIRE NATURELLE. Cest avec toute raison , ce me semble , que le pro- fesseur Gmeliii regarde comme une simple variété de cette espèce qu'il rapporte au genre des blennies , un poisson de FOcéan septentrional , dont voici une très- courte description *. Il est d'un brun très-foncé. Ses nageoires sont noires -et charnues ; son iris est jaune ; une mucosité abon- dante , semblable à celle dont le tau est imprégné , hu- mecte ses écailles , qui sont petites. Sa tête , très-aplatie , ^st plus large que son corps ; l'ouverture de sa bouche très-grande ; chaque mâchoire armée d'un double rang de dents acérées et wugedtrcs, suivant plusieurs obser- vateurs; la langue épaisse, musculeuse, arrondie par- devant j le premier rajon de chaque nageoire jugulaire terminé par une sorte de fil délié ; et le second rajon des mêmes nageoires prolongé par un appendice ana- logue , mais ordinairement une fois plus Jong que ce filament. *" Gmelin , éclit. de Linné , article du blennius raninus. MûLl. Zoolog. Danic, p. i5, tab. 46. JJansk. Vidcnsk. Svlsk, Skrift, 1.2 , p. -291. QUARANTE-HUITIÈME GENRE. LES BLENNIES. Le corps et la queue ahmgàs et comprimés; deux rayons au moins, et quatre rayons ad plus, à chacune des nageoires jugulaires. PREMIER SOUS-GENRE. Beux nageoires sur le dos; des f lumens ou appendices sur la tête, ^^^^^^^' CARACTÈRES. I, Le blennie lièvre. (^° appendice non palmé au-dessus de chaque {Blennius lepus.) ] *^''^ î ""^ grande taclie œlUée sur la pre- \ mière nageoire du dos. .. Le BLENT.IE PHTcis. fUn appendice auprès de chaque narine j ua ( Blenmus phycis.) \ barbillon à la lèvre inférieure. SECOND SOUS- GENRE. Une seule nageoire dorsale; des f lumens ou appendices sur la tête, ^'^^^^S- CARACTÈRES. 3. Le b. MEDITERRANEEN. rDeux barbillons à la mâchoire supérieure , et {Blennius mediterrancus.) \ un à l'inférieure. 4. Le bl. GATTORUGINE. j^" '"^PP^^tlice palmé auprès de chaque œil , et [Blennius gatiorugina.) j ^^^^ ^Ppendices setublables auprès de la l nuque. TOME n. j^ 458 HISTOIEE NATURELLE ESPÈCES. CARACTÈRES. 5. Le EL. SOURCILLEUX. [Un appendice palmé au dessus de chaque œl] 5 {^Bleiinius siipcrcUiobWy.) \ la ligne latérale courbe. 6. Le elennie cornu. jUn appendice non palmé au-dessus de chaque {^Bicnnins cornutus.) l œil. 7. Le blenn. tentacule, p" appendice non palmé au-dessus de chaque ( leniiius teniaculatus.) \ ^^' 5 «^'"^ ^^^""^^ œWXét sur la nageoire du ( dos. 8. Le elennie sujÉFIen. P" très-petit appendice non palmé au-dessus I T31 . ■ c N /de chaque œil; la liane latérale courbe ; la [^-hLennius suje/ianus.) \ . . , y nageoire du dos réunie à celle de la queue.. 9. Le elennie fascé. jDeux appendices non palmés entre les yeux ;. {Blennius fascialus.) \_ quatre ou cinq bandes transversales. 10. Le blen. coquillade. {^Blennius coquillacL) Un appendice cutané et transversal. iUn appendice cartilagineux et longitudinal ; les nageoires pectorales presque aussi lon- gués que le corps proprement dit ; deux; rayons seulement a chacune des nageoires Jugulaires, T (Un appendice filamenteux et longitudinal i 12. Le elennie pinaru. I . ^ . . ,n, . . V ■< trois rayons à chacune des na<2;eoires juo-u- { Blennius jnnaru.) I i • d / d (^ laires. TROISIÈME SOUS-GENRE. Deux nageoires dorsales; point de barbillons ni d'appen- dices sur la tête, espèce. caractères. IL~n filament au-dessous de l'extrémité anté- rieure delà mâchoire d'en-bas; deux rayons seulement à chacune des nageoires jugur- lalres* DES ESPÈCES. 14. Le blennie belette. [Blennius musielu.) i5. Le elen. tridactyle. (B/ennius tric/i POISSONS. 409 CARACTÈRES, f Point de filament à la mâchoire inCéiieine ^ trois rayons à la première nageoire du dos; deux rayons seulement à chacune des na- gioires jugulaires. |Un filament au-dessous de rextr^mité an(é- IDACTYLE. } . . . „ . , -v rieure de la mâchoire inlérjeure : trois ac/jiua.) I , .... l, rayons a chacune des nageoires jugulaires. QUATRIEME SOU S-G E N R E. U/ie seule nageoire dorsale; point de barbillons , ni d'appendices sur la tête. ESPÈCES. 16. Le BLENNIE PHOLIS. ( Blenilius pholis.) 17. Le blennie bosquien. [Blennius bosquianus.) 18. Le BL. OVOVIVIPARE. [^Blennius ovouiviparus.) 19. Le BLENNIE GUNNEL. [^Blennius gunnelliis.) CAHACTÈRES. Les ouvertures des narines , tuberculeuses et frangées ; la ligne latérale courbe. La mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure ; l'ouverture de l'anus à une distance à peu près égale de la gorge et de la nageoire caudale ; la nageoire de Panus réunie à celle de la queue, et composée environ de 18 rayons. Les ouvertures des narines, tuberculeuses, mais non frangées ; la ligne latérale droite ; la nageoire de l'anus réunie à celle de la queue, et composée de plus de 60 rayons. Le corps très-aiongé; les nageoires du dos, de la queue et de l'anus, distinctes l'une de l'autre ; celle du dos Irès-longue et très- basse; neuf ou dix taches rondes, i)hicées chacune à demi sur la base de la nageoire dorsale, et à demi sur le dos du blennie. 46' HISTOIRE ESPÈCES, N A T U R E L L £. 20. Le blenn. pointillé. {^Blenniiis punctulatiis.) 21. Le blennie garamit. {Blcniiius garamit.) 22. Le blennie lumpène. [Bleimiiis lumpenus.) 23. Le blennie torsk. {Blcnnius iorsk) CARACTERES. 'Les nageoires jugulaires presque aussi lon- gues que les pectorales; une grande quan= tité de points autour des yeux, sur la nuque, et sur les opercules. Quelques dents placées vers le bout du mu- seau, plus crochues et plus longues que les autres. Des taches transversales ; trois rayons à chaque nageoire jugulaire. Un barbillon à la mâchoire inférieure; les nageoires jugulaires charnues et divisées chacune en quatre lobes. LE BLENNIE LIÈVRE L'homme d'état ne considérera pas avec autant d'in- térêt lc\s blennies que les gades ; il ne les verra pas aussi' nombreux , aussi grands , aussi bons à manger , aussi: * Blenniii<: lepus. Lebre de mare, dans plusieurs dt'parf:emens méridionaux de Franc a Mesoro , dans quelques contrées d'Italie. Butterfly fish ^ en À/iglt-tcrre. Blenniiis ocellarîs. /'//ZA*:^, édition de G/ru lin. Bleniie lièvre. Dauh: nton , Encyclopédie mi'thodiqite. Id. Bonnat rrr , planches de l'Encyclopédie méthodique. Bloch } p'- 1 65 , fig. T . Lièvre marin vulgaire. J^alniont-Borîiarc , Dictionnaire d'histoire natu-- relie. JMus. /Id. Frid. 2 , />. 62. Cctti. Pl^c. Sard, p. 112. Srun??. Fisc. Massi/. p. i5, 77. 35. Blennius.... macula magnâ in pinna dorsî. -Artedi ^ gcn, 26, syn. 4.^. B^Eiwç. Oppian. Ih. i , jol. 108 , 35 , éd. Lippii, Blennius. Plin. lib. 32, cap.ç^. Blennus. Salvian, fol. 218. Sillon^ Âquat. p . 210. Grsncr {îscrm.) fol, 3 ^ a; et Aqiiat. p. 126 y 1475 Icon. animal. p. r Blennus Bellonii , meliùs depictus. Aldrov. lib. 2 , cap. 28,/». 2i-'~ TVillughhy, p. -i^i^tab. H, Z^fg. 2. Raj. p. 72 , 77. l3. Blennus pinniceps. Khin y Mi-^s. pisc. 5 ^ p. 3r , tï. l. Scorpioidcs, Rond» let ^ première partie , liv. 6, chap. 20. Lièvre marin du vulgaire. Id. ihid. Jonst. Fisc. p. jS j tab. J<)f/'g' S,- 45£i HISTOIRE NATURELLE salubres, aussi recherchés que ces derniers, faire naître^ comme ces mêmes gades , des légions de pêcheurs, les attirer aux extrémités de l'Océan , les contraindre h bra- ver les tempêtes , les glaces , les brumes, et les changer bientôt en navigateurs intrépides , en ouvriers indus- trieu?À , en marins habiles et expérimentés : mais le phy- sicien étudiera avec curiosité tous les détails des habi- tudes des blennies; il voudra les suivre dans lesdifférens climats qu'ils habitent; il désirera de connoître toutes les manières dont ils viennent à la lumière , se déve- loppent , croissent, attaquent leur proie ou l'attendent en embuscade , se dérobent à leurs ennemis par la ruse ou leur échappent par leur agilité. Nous ne décri- rons cependant d'une manière étendue que les forines et les mœurs des espèces remarquables par ces mêmes mœurs ou par ces mêmes formes ; nous n'engagerons à jeter qu'un coup d'œil sur les autres. Où il n'j a que peu dedifierencesà noter, et, ce qui est la même chose, peu de rapports à saisir, avec des objets déjà bien observés , il ne faut qu'un petit nombre de considé- rations pour parvenir à voir clairement le sujet de son examen. - à Le blennie lièvre est une de ces espèces sur lesquelles 1 nous appellerons pendant peu de temps l'attention des naturalistes. Il se trouve dans la Méditerranée ; sa lon- gueur ordinaire est de d'eux décimètres. Ses écailles sont très-petites , enduites d'une humeur visqueuse ; .let c'est de cette liqueur gluante dont sa surface est DES POISSONS. 463 arrosée^ que vient le nom de hlcnn'uis en latin , et de blennie ou de hlciinc en François , qui lui a été donné ainsi qu'aux autres poissons de son genre tous plus ou moins imprégnés d'une substance oléagineuse , le mot Ç>x&vvoç en grec signifiant mucoùté. Sa couleur générale est verdatre, avec des bandes transversales et irrégulières d'une nuance de verd plus voisine de celle de l'olive ; ce verdâtre est, sur plusieurs individus , remplacé par du bleu , particulièrement sur le dos. La première nageoire dorsale est ou bleue comme le dos, ou olivâtre avec de petites taches bleues et des points blancs \ et indépendamment de ces points et de ces petites gouttes bleues , elle est ornée d'une tache grande , ronde , noire , ou d'un bleu très-foncé , entourée d'un liséré blanc , imitant une prunelle en- tourée de son iris , représentant vaguement un œil ; et voilà pourquoi le blennie lièvre a été appelé ccil/c ; et voilà pourquoi aussi il a été nommé poisson papillon (^butterJlyJisJi enanglois). Sa tête est grosse ; ses jeux sont saillans ; son iris brille de l'éclat de l'or. L'ouverture de sa bouche est grande ; ses mâchoires , toutes les deux également avancées , sont armées d'un seul rang de dents étroites et très-rapprochées. Un appendice s'élève au-dessus de chaque œil; la forme de ces appendices, qui ressem- blent un peu à deux petites oreilles redressées , réunie avec la conformation générale du museau , avant fait trouver par des marins peu difficiles plusieurs rapports 464 HISTOIRE NATURELLE. entre la tête du lièvre et celle du blennie que nous décrivons , ils ont proclamé ce dernier lièvre marin , et d'habiles naturalistes ont cru ne devoir pas rejeter cette expression. La langue est large et courte. Il nj a qu'une pièce à chaque opercule branchial ; Fanus est plus près de la tête que de la nageoire caudale, et la ligne latérale plus voisine du dos que du ventre. On compte sur ce blennie deux nageoires dorsales \ mais ordinairement elles sont si rapprochées l'une de l'autre , que souvent on a cru n'en voir qu'une seule '. Pour ajouter au parallèle entre le poisson dont nous traitons et le vrai lièvre de nos champs , on a dit que sa chair étoit bonne à manger. Elle n'est pas , en effet, désagréable au goût ; mais on y attache peu de prix. Au reste, c'est à cet animal qu'il faut appliquer ce que Pline rapporte de la vertu que l'on attribuoit de son temps aux cendres des blennies, pour la guérison ou le soulagement des maux causés par la présence d'un calcul dans la vessie \. 1 ^ ' A la première nageoire du dos 11 rayons. à la seconde i5 à chacune des pectorales 12 à chacune des jugulaires 2 à celle de l'anus 16 à celle de la queue ^ quî est arrondie, 11 •'*' Chap. déjà cité dans cet article. LE BLENNIE PIIYCIS*. Ce poisson est un des plus grands blennies : il parvient quelquefois jusqu'à la longueur de cinq ou six déci- mètres. Un petit aj)pendice s'élève au-dessus de l'ou- verture de chaque narine ; et sa mâchoire inférieure est garnie d'un barbillon. Ce dernier filament, ses deux nageoires dorsales et son volume, le font ressembler beaucoup à un gade ; mais la forme de ses nageoires jugulaires , qui ne présentent que deux rajons , le place et le retient parmi les vrais blennies. Les couleurs du phjcis sont sujettes avarier, suivant les saisons. Dans le printemps, il a la tête d'un rouge plus ou moins foncé; presque toujours son dos est d'un * Blennius pliycis. Mole , dans quelques départemens méridionaux: de France, Molere , en Espagne. Phico, en Italie. Blennius pbycis. Linné, édition de Gmelin, Blenne mole. Daubenton, Encyclopédie méthodique. ïd. Bonna terre f planches de l'Encyclopédie méthodique. Phycîs. Artedi , gen. 84, syn. m. La moule. Ronde, 'et , première partie , liv. 6, chap, 10. Gtsner, Aquat. p. yiB. yf^illughhy y Ichthyol, p. 2o5. Tinca marina. Raj. Fisc. p. jS , et p. 164, /l 8. Lesser hake. Brit. Zoolog. 3 , p. i58 , «. ii. Lest hake. Ibid. p. 160 , n. 12, TU AIE 11. 59 '466 HISTOIRE NATURELLE. brnn plus ou moins noirâtre; ses nageoires pectorales sont ronges, et un cercle noir entoure son anus \ On trouve ce blennie dans la Méditerranée '. ' Quinze appendices intestinaux sont disposés autour du pylore. ' A la membrane branchiale 7 rayons. à la première dorsale 10 à la seconde 6r à chacune des pectorales 1 5 à chacune des Jugulaires 2 à celle de l'anus By à celle de la queue , qui est arrondie , 20 LE BLENNIE MÉDITERRANÉEN Cette espèce a été jusqu'à présent comprise parmi les gades sous le nom de méditerranéen ou de inonoptère: mais elle n'a que deux rajons à chacune de ses nageoires jugulciires, et dès lors nous avons dû l'inscrire parmi les bleniiies. Nous Vy avons placée dans le second sous- genre, parce (qu'elle a des barbillons sur la tête, et que son dos n'est garni que d'une seule nageoire. Elle tire son nom de la mer qu'elle habite. Elle vit dans les mêmes eaux salées que le gade capelan , le gade mustelle et le gade merlus , avec lesquels elle a beau- coup de rapports. Indépendamment des deux lilamens situés sur sa mâchoire d'en-haut, il j en a un attaché à la mâchoire inférieure \ , ' Blennius mediterraneus. Gadus mediterraneus. Linné , édition de Gmelin. Mus. yid. Frid. 2 , /». 60. Gade monoptère. Daxtbenton , Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre j planches de l'Encyclopédie méthodique. ^ A la nageoire du dos 54 rayons, à chacune des pectorales i5 à cliaciine des jugulaires % à celle de l'anus 44 LE BLENNIE GATTORUGINE'. Le gattorngîne habite dans FOcéan atlantique et dans la Méditerranée. Il n'a guère plus de deux décimètres de longueur : aussi ne se nourrit-il que de petits vers marins, de petits crustacées, et de très-jeunes poissons. Sa chair est assez agréable au goût. Ses couleurs ne dé- plaisent pas. On voit sur sa partie supérieure des raies brunes, avec des taches, dont les unes sont d'une nuance claire, et les autres d'une teinte foncée. Les nageoires sont jaunâtres. Il n'j en a qu'une sur le dos dont les premiers rajons sont aiguillonnés \ et les derniers trës- ' Bleniiius gattorugina. Blennius gattorugina. Linné , édition de Gmelin. Blenne osXioxw^xnç. Daubent on ^ Encyclopédie métîiodiqiig. Id. Bonnaterre , plancJics de l'Encyclopédie méthodique. Mus. Ad. Frid. i , p. 68 ; et 2 ,p. 6r. Blennius pînaulis duabus ad oculos , pinnâ ani ossiculonim 20. Artedi , gen. 26 , sy7i. 44. Blennius pinnis supercillorum palmatîs , eic ^ Brimn, Fisc. Massil. p. 2y, n, 87. Blennius capite crîstato ex radio inermi, etc. Gronoç. Zooph.p, 76, n, 264. Tf^illughhy , IchthyoL p. \l)%^tab. H , 2 , fig, 2. B.aj. Fisc. 72 , n. 14. Gattorugine. Brif. Zoolog, 3 , p. 168 . n. 2. * 16 rayons non articulés , et 14 articulés à la nngeoire dorsale. 14 à chacune des pectorales. 2 à chacune des jugulaires. 28 à celle de l'anus. ' i3 à celle de la queue. i HISTOIRE NATURELLE. 469 longs. La tête est petite ; les jeux sont saillans et très- rapproches du sommet de la tôle j l'iris est rongeâtre. Deux appendices palmés paroissent auprès de Torgane de la vue , et deux autres semblables sur la niKpie. Les mâchoires, également avancées l'une et l'autre, sont garnies d'un rang de dents aiguës, déliées, blanches et flexibles. La langue est courte; le palais lisse ; l'oper- cule branchial, composé d'une seule lame; l'anus assez voisin de la gorge, et la ligne latérale droite ainsi que rapprochée du dos. LE BLENNIE SOURCILLEUX-. Les mers de riiide sont le séjour habituel de ce blennîe. Comme presque tous les poissons des contrées équato- riales , il a des couleurs agréables et vives : un jaune plus ou moins foncé, plus ou moins voisin du brillant de l'or, ou de l'éclat de l'argent, et relevé par de belles taclies rouges, règne sur tout son corps '. 11 se nourrit de jeunes crabes et de petits animaux à coquille 3 et clès-lors nous ne devons pas être surpris, d'après ce que nous avons déjà indiqué plusieurs fois , que ce sour- cilleux présente des nuances riches et bien contrastées. •Plusieurs causes se réunissent pour produire sur ses ' Blenr.ius superclliosus. Id. Linné, édition de Gmelin. Blenne sourciller. Daubanton ^ Encyclopédie méthodique. 1(1. Bonnaterrc y planchas de l'Encyclopédie méthodique. Blennîiîs pinniilis oculuilbus brevissimis palœatis, etc. Amœnitat. acad» ï ,/7. 817. Gronov. Mus. 2, n. 172, tab. S^Jig. Sj Zooph. p. 75, n. 258. Bl'>ch,pl. 168. Blennlus varius, etc. Seb. Mus. 3 , tab. 3o ,j%. 3. Indinnisclier gotlorugina. 6" t'/'V.77z. F-egcl. S^tab. 72. * A la nageoire du dos 44 rayons. à chacune des pectorales 14 à cliaciuie des Jugulaires 2 à celle de l'anus 28 è- celle de la c^ueue 13 rr I s r o 1 ii e n à t u r e l l e. . 47 i fégi7mciis ces teintes distinguées : la clialeur du climat qu'il habite, l'abondance de la lumière qui inonde la surface des mers dans lesquelles il vit, et la nature de l'aliment qu'il préfère , et qui nous a paru être un des principes de la brillante coloration des poissons. Mais quoique ce blennie, exposé aux rajons du soleil, puisse paroître quelquefois j)ar• 3i6. ' Blennius tentaculatus. Blennius tentaculai is. Linné , édition de Gmelin. Blennius radio supra oculos simplici, pînnâ dorsall Integra, anticè unîo- Culalâ. Bninn. Fisc, Massil. p. 26, /.'. 36. Blenne nébuleuse. Bonnaterre , planches de l* Encyclopédie méthodique, ^ Blennius sujefianus. Blennius simus. Linné , édition de Cni'lin. Sujefy Act. Petropolit. lyyg , 2 , /7. 198 , tah. 6 , Jtg. 2 j 4, •* Blennius fasciatus. Id. Linné , édition de Gmelin, Bloch, pi. \()2^j2g. I, Blenne perce-pierre. Bonnaterre^ planches de P Encyclopédie méthodique. TOME II. 60 474 HISTOIRE NATURELLE devant ainsi que sur les cotés de la tête;, une dent plus longue que les autres, de chaque côté de la mâchoire inférieure; une peau visqueuse, parsemée de points ou de petites taches roussâtres : il vit dans les mers de rinde , et a été décrit, pour la première fois, par l'im- mortel Linné *. Le tentacule , que l'on pêche dans la Méditerranée, ressemble beaucoup au cornu; il est alongé, visqueux, orné d'un appendice non palmé au-dessus de chaque œil, coloré par points ou par petites taches très-nom- breuses. Mais indépendamment que ces points sont d'une teinte très-brune , on voit sur la nageoire dor- sale une grande tache ronde qui imite un œil, ou, pour mieux dire, une prunelle entourée de son iris. De plus, îe dessous de la tête montre trois ou quatre bandes transversales et blanches; l'iris est argenté avec des points rouges ; des bandes blanches et brunes s'étendent sur la nageoire de l'anus ; les dents sont très-peu iné- gales; et enfin, en passant sous silence d'autres dissem- blances moins faciles à saisir avec précision, le tenta- cule paroît différer du cornu par sa taille, ne parvenaiit guère qu'à une longueur moindre d'un décimètre. Au reste, peut-être, malgré ce que nous venons d'exposer, * A la nageoire dorsale du blennie cornu, 84 rayons, à cliacune des pectorales i5 à chacune des jugulaires 2 à celle de l'anus 26 à celle de la queue la DES POISSONS. 4^5 'et rautorité de plusieurs grands naturalistes, ne fau^ droit- il regarder le tentacule que comme une variété du cornu, produite par la diflérence des eaux de la Méditerranée à celles des mers de l'Inde. Quoi qu'il eu soit, c'est Bru nniscli qui a fait connoître le tentacule, en décrivant les poissons des environs de Marseille '. Le sujéfîen a un appendice non palmé au-dessus de chaque œil, comme le cornu et le tentacule; mais cet appendice est très-petit. Nous lui avons donné le nom de sujijlcn, parce que le naturaliste Sujef en a publié la description. Il parvient à la longueur de plus d'un décimètre. Son corps est menu ; l'ouverture de sa bouche placée au-dessous du museau ; chacune de ses mâchoires garnie d'une rangée de dents très-courtes, égales et très-serrées j son opercule branchial composé de deux pièces 5 sa nageoire dorsale précédée d'une pe- tite élévation ou loupe graisseuse, et réunie à celle de la queue, qui est arrondie ^ Les mers de l'Inde, qui sont l'habitation ordinaire * A la nageoire du dos du tentacule, 34 rayous. à chacune des pectorales 14 à chacune des jugulaires 2 à celle de l'anus 2S à celle de la queue ii •A la nageoire dorsale dublenoie sujéfîen , 27 rayons. à chacune des pectorales i5 à chacune des jugulaires a à celle de l'anus in à celle de la queue iS '476 HISTOIRE NATURELLE. du cornu, nourrissent aussi le fascé. Ce dernier blennlè est enduit d'une mucosité très-gluante. Sa partie supé- rieure est d'un bleu tiraut sur le brun, sa partie infé- rieure jaunâtre: quatre ou cinq bandes brunes et trans- versales relèvent ce fond ; les intervalles qui séparent ces fasces , sont rajés de brunâtre; d'autres bandes ou des taches brunes paroissent sur plusieurs nageoires; celle de la queue , qui d'ailleurs est arrondie, montre une couleur grise *. Deux appendices non palmés s'élèvent entre les jeux; la tête , brune par-dessus et jaunâtre par-dessous , est sssez petite; l'ouverture branchiale très-grande; celle de l'anus un peu rapprochée de la gorge , et la ligne latérale peu éloignée du dos. * A la nageoire du dos du fàscé , 29 rayons, à chacune des pectorales i3 à chacune des Jugulaires 3 à celle de l'anus 19 à, celle de la queue, qui est arrondie, ii: LE BLENNIE COQUILLADE On pêche ce poisson dans l'Océan d'Europe, ainsi que* dans la Méditerranée. Il n'a pas ordinairement deux déci- mètres de longueur. Sur sa tète paroît un appendice cu- tané, transversal , un peu mobile, et auquel on a donné le nom de crcte. Il habite parmi les rochers des rivages. Il échappe facilement à la main de ceux (pii veulent le- retenir, parce que son corps est délié et très-muqueux.. Sa partie supérieure QSt brune et mouchetée, sa partie^ * Blennius coqiiillad. Blenne coquillade. Daubenton y Encyclopédie inéthodique. Ici. Bortnatcrre, planches de l'Kncyclojyédie méthodique, Blennius galerila. Linné , édition de Gmelin. Blennius cristâ capitis transversâ , cutacea. Artedi , gon, 27, !^yn, 44, Coquillade. Rondelet, première partie f lip. 6, cha Alanda crisfata. Id, Galerita. Id. ibid. Aldroiand. lib. i, cap. aS , p, 114» Jonstun. tab. 17,7%- 3. Char le t. p. j'd'J. Galerita. Raj, p. 78. Alauda cristata, J/Ve galerita. Gesner, p. 17, 20, (gcrm.) fol. 4, a. Tf'illughby j Ichthyolog. p. 184. Adonis. Bdlon , Aquat. 21g. Grested blenny. Brit. Zoolog. 3, /?• 167. Strorn. Son dm. 822. Blennus galerita. Ascagne , pL 19. Brosme toiipée. Id. ibid. 4y8 HISTOIRE TTATURELLE. inférieure d'un verd foncé et noirâtre. On a comparé à une émeraude la couleur et Téclat de sa vésicule du fîel. Sa chair est molle *. Il vit assez long-temps hors de l'eau, parce que, dit Rondelet, l'ouverture de ses branchies est fort petite j ce qui s'accorde avec les idées que nous avons exposées dans noire premier Discours, sur les causes de la mortalité des poissons au milieu de l'air de l'atmosphère. D'ailleurs on peut se sou- venir que nous avons placé parmi ceux de ces animaux qui vivent avec plus de facilité hors de l'eau , les osseux et les cartilagineux qui sont pénétrés d'une plus grande quantité de matières huileuses propres à donner aux membranes la souplesse convenable. * A la nageoire du dos 60 rayons, à chacune des pectorales 10 à chacune des jugulaires 2 à celle de l'anus 36 à celle de la queue 16 LE BLE N NIE SAUTEUR Nous avons trouvé une description très-détaillée et très- bien faite de ce blennie dans les manuscrits de" Coniriierson , que Bufl'on nous a confiés dans le temps, en nous invitant à continuer son immortel ouvrage. On n'a encore rien publié relativement à ce poisson , que le savant Commerson avoit cru devoir inscrire dans un genre particulier, et nommer Va/ucfue sauteur. Mais il nous a paru impossible de ne pas le comprendre parmi les blennies, dont il a tous les caractères géné- raux, et avec lesquels Tliabile vovageur qui Ta observé le premier, a trouvé lui-même qu'il offroit les plus grands rapports. Nous osons méuje penser que si Com- merson avoit été à portée de comparer autant d'es- pèces de blennies que nous, les caractères génériques qu'il auroit adoptés pour ces osseux auroient été tels , c|u'il auroit renfermé son sauteur dans leur grouppe. Nous avons donc remplacé la dénomination d'a/iû/ue sauteur par celle de blennie sauteur , et réuni dans le * Blenniiis salions. Alticus saltalorius, pinnâ spurîù in capltis verlice: sc-u pinniJâ \or\i- gitudinali ponè oculos cai tilagineâ ; seu altieus desiihor, occipite cristato, ore circulari deorsum palulo. Commerson ^ manuscrits déjà cités. 480 HISTOIRE NATURELLE cadre que nous mettons sous les jeux de nos lecteurs, ce que présentent de plus remarquable les formes et les habitudes de ce poisson. Ce blennie a été découvert auprès des rivages , et particulièrement des récifs de la Nouvelle-Bretagne, dans la mer du Sud. Il j a été observé en juillet 1768 [vieux st\lc), lors du célèbre vojage de notre con- frère Bougainville. Commerson Vy a vu se montrer par centaines. Il est très-petit, puisque sa longueur totale n'est ordinairement que de soixante -six milli- mètres , sa plus grande largeur de cinq , et sa plus grande hauteur de huit. 11 s'élance avec agilité , glisse avec vitesse, ou , pour mieux dire, et pour me servir de l'expression de Com- merson, vole sur la surface des eaux salées ; il préfère les rochers les plus exposés à être battus par les vagues agitées, et là, bondissant, sautant, resautant, allant, revenant avec rapidité , il se dérobe en un clin d'œil à l'ennemi qui se crojoit près de le saisir, et qui ne peut ie prendre que très-difîîcilement. Il a reçu un instrument très-propre à lui donner cette grande mobilité. Ses nageoires pectorales ont une sur- face très-étendue, relativement à son volume; elles représentent une sorte de disque lorsqu'elles sont dé- ployées j et leur longueur, de douze millimètres, fait que, lorsqu'elles sont couchées le long du corps, elles atteignent à très -peu près jusqu'à l'anus. Ce rapport DES POISSONS. 481 de forme avec des pégases, des scorpènes, des trigles, des exocets, et d'autres poissons volans, devoit lui en donner aussi un d'habitude avec ces mêmes animaux, et le douer de la faculté de s élancer avec plus ou moins de force. La couleur du blennie sauteur est d'un brun rajé de noir, qui se change souvent en bleu clair rajé ou non rajé , après la mort du poisson. On a pu juger aisément, d'après les dimensions que nous avons rapportées , de la forme très-alongée du sauteur; mais de plus, il est assez comprimé par les côtés pour ressembler un peu à une lame. La mâchoire supérieure étant plus longue que l'infé- rieure , l'ouverture de la bouche se trouve placée au- dessous du museau. Les jeux sont situés très-près du sommet de la tète , gros, ronds , saillans, brillans par leur iris, qui a la cou- leur et l'éclat de l'or; et auprès de ces organes, on voit sur l'occiput une crête ou un appendice ferme, cartila- gineux, non composé de rajons, parsemé de points, long de quatre millimètres ou environ, arrondi dans son contour, et élevé non pas transversalement, comme celui de la^coquillade, mais longitudinalemcnt. Deux lames composent chaque opercule branchial. La peau du sauteur est enduite d'une mucosité très- onctueuse. Commerson dit qu'on n'apperçoit pas d'autre ligue latérale que celle qui indique fintervalle longitudinal TCME II. 61 48^ HISTOIRE NATURELLE. qui règne de chaque côté entre les muscles dorsaux et les muscles latéraux *. * 5 rayons , au moins, à la membrane des branchies. 35 articulés , à la nageoire du dos, i3 à chacune des pectorales. a mous, et filiformes, à chacune des jugulaires. 26 à celle de l'anus. 10 à celle de la queue , qui tst lancéolée. LE BLENNIE PINARU-. Le pinaru ressemble beaucoup au bleu nie sauteur. Il habite, comme ce dernier poisson, dans les mers voi- sines de la ligne. Un appendice longitudinal s'élève entre ses jeux, de même qu'entre ceux du sauteur; mais cette sorte de crête est composée de petits filamens de cou- leur noire. De plus, le sauteur, ainsi que le plus grand nombre de blennies, n'a que deux rajons à chacune de ses nageoires jugulaires ; et le pinaru a ses nageoires jugulaires soutenues par trois rajons '. La ligne latérale de ce dernier osseux est d'ailleurs courbe vers la têle, et droite dans le reste de sa lon- gueur. On le trouve dans les deux Indes. ' Blennius pinaru, Blennius cristatus. Linné , édition de Gmelin. Blenne pinaru. Dauhentun y Encyclopédie méthodique. Id. BonnatcTr^ y planches de l'Encyclopédie méthodique. Gronov. Mus. i , «. yS. Pinaru. P\aj. Pi.\c. p. y3. • A la membrane branchiale 5 rayons. à la nageoire du dos 26 à chacune des pectorales 14 à chacune des jugulaires 3 à celle de l'anus 16 à celle de la queue, qui est arrondie, 11 LE BLENNIE GADOIDE^, LE BLENNIE BELETTES ET LE BLENNIE T R I D A C T Y L E 3. < Ces trois poissons appartiennent an troisième sons- genre des blennies : ils ont deux nageoires sur le dos ; et on ne voit pas de barbillons ni d'appendices sur la partie supérieure de leur tête. Le gadoïde a été découvert par Brunnich. Ce natu- raliste la considéré comme tenant le milieu entre les gades et les blennies ; et c'est pour désigner cette po- sition dans l'ensemble des êtres vivans , que je lui ai donné le nom de gadoide. Il a été compris parmi les gades par- plusieurs célèbres naturalistes : mais la ' Blenniiis gadoïcîes. JBiunn. Pisc. Massil. p. 24, n. 84. Gadus albidus. Linné^ édition de Gmelin, Gade à deux doigts. Bonnaterre y planches de P Encyclopédie méthodique. " Blennius mustela. Blennius luustelaris. Linné , édition de Gmelin. Blennius pinnâ dorsali anteriore triradiatâ. Mus. Ad. Frid. 1 ^p. 69. Blennius pinnâ dorsi anteriore triradiatâ., posleriore 40. Ibid. Blenne belette. Davhenton , Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre f planshcs de l'Encyclopédie: méthodique, 2 Blennius tvidactylus. Tiifuicaled. Pennant, Zoolog. Brit. tom. 3, p. 19Ô. Gade trident. Bonnatcrrc, planches de l'Emyclopédie méthodique.- HISTOIRE NATURELLE. 485 nécessité de f'unncr les difTérens genres d'animaux con- formément au ])lus grand nombre de rapports qu'il nous est possible d'entrevoir, et de les indiquer par des traits précis et faciles à distinguer, nous a forcés d'exiger pour les deux familles des blennies et des gades , des caractères d'après lesquels nous avons dû placer le gadoïde parmi les blennies» Ce poisson habite dans la Méditerranée. Il est mou , étroit, légèrement comprimé. Sa longuevir, analogue à celle de la plupart des blennies, ne s'étend guère au- delà de deux décimètres. Sa mâchoire inférieure est plus courte que la supérieure, marquée de chaque côté de sept ou huit points ou petits enfoncemens , et gar- nie, au-dessous de son bout antérieur, d'un filament souvent très-long. On voit deux aiguillons sur la nuque; la ligne latérale est droite. L'animal est blanchâtre, avec la tête rougeâtre. Des teintes noires régnent sur le haut de la première na- geoire dorsale , sur les bords et plusieurs autres por- tions de la seconde nageoire du dos, sur une partie de celle de l'anus , et sur celle de la queue *. * A la membrane brancliiale du blcnnie gadoïde , 7 rayons, à la première nageoire dorsale 10 à la seconde 56 à chacune des pectorales ir à cliaciine des jugulaires 2 à celle de l'anus 53 à celle de la- queue t6 486 HISTOIRE NATURELLE Il est aisé de séparer de cette espèce de bleiinie celle à laquelle nous conservons le nom de belette. En effet, ce dernier poisson n'a point de filament au-dessous du museau, et on ne compte que trois rajons à sa première nageoire dorsale *. Il a été découvert dans rinde. Le tridactjle a été considéré jusqu'à présent comme im £;acle ; il a sur-tout beaucoup de ressemblance avec le gade mustelle et le cimbre. Il a , de même que ces derniers animaux , la première nageoire dorsale radiée presque en entier dans une sorte de sillon longitudinal , et composée de rajons qui tous , excepté un , sont extrêmement courts et difficiles à distinguer les uns des autres. Mais chacune de ses nageoires jugulaires n'est soutenue que par trois rayons; et cela seul auroit dû nous engager à le rap- porter aux blennies plutôt qu'aux gades. Les nageoires juo"ulaircs, ou thoracines, ajant été comparées, aussi- bien que les abdominales , aux pieds de derrière des quadrupèdes, les rajons de ces organes de mouvement ent été assimilés à des doigts ; et c'est ce qui a déter- miné à donner au blennie que nous examinons, le nom * A la première nageoire dorsale du blennie belette, 3 rayons. à la seconde 48 à chacune des pectorales 17 à chacune des jugulaires 2 à celle de l'anus 29 à celle de la queue i3 DES POISSONS. 487 Spécifique (le tiidactyle ^ ou à trois i/oi^is. D'ailleurs, dans cet osseux, les trois rajons de chaque nageoire jugulaire né sont pas réunis par une membrane à leur extrémité, et cède séparation vers un de leurs bouls les fait paroître encore plus analogues aux doigts des quadrupèdes. La tête du tridactjle est un peu aplatie. Ses mâchoires sont garnies de dents recourbées : celle d'en-bas pré- sente un long barbillon au-dessous de son extrémité antérieure. On voit au-dessus de chaque nageoire pectorale une rangée longitudinale de tubercules, qui sont, en quel- que sorte, le commencement de la ligne latérale. Cette dernière ligne se fléchit très-près de son origine, forme un angle obtus , descend obliquement, et se coude de nouveau pour tendre directement vers la nageoire de la queue *. La couleur de la partie supérieure de Tanimal est d'un brun foncé ; les plis des lèvres , et les bords de * 5 rayons à la membrane des branchies du blennie tridacfyle. I rayon très-alongé et plusieurs autres rayons très-courts à la pre- mière nageoire dorsale. 45 rayons à la seconde. 14 à chacune des pectorales. 3 à cliacune des jugulaires. 20 à celle de l'anus. * 16 à celle de la queue. ^ 488 HISTOIRE NATURELLE. }a membrane branchiale, sont d'un blanc très-ëclatant. Ce blennie habite dans les mers qui entourent la Grande-Bretagne ; le savant auteur de la Zoologie .hiiiannique l'a fait connoître aux naturalistes. LE BLE N NIE PlIOLIS*. Les blcnnies dont il nous reste h traiter, forment le quatrième sons-genre de la famille que nous consi- dérons : ils n'ont ni barbillons ni appendices sur la * Blennius pholis. Baveuse, sur plusieurs côtes méridionales de France. Galeetto , auprès de Livourne. Mulgranuo , auprès des rivages de Cornouailles en Angleterre, Bulcard , ibid, Blennius pholis. Linné f édition de Gmelin^ Blenne baveuse. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Ici. Bonnaterrc f planches de l'Encyclopédie méthodique, Mus. Ad. Frid. 2 , /?. 62. Blennius maxillâ superiore longiore^ capite sumrao acuminato. Artedip gen. 27 , syn. 40 et 116. *&'?.iç. A ris t. lib. g , cap. 3j. Aldrovand. lib. j , caj}. 26, p. 114 f^ 116. Gesner, p. 18 el 714; et (germ.)fol. 4, a, et 5, oÀ Jonston, lib. i , til. 2 , cap. 2 ., a. i , tab. 17, n. 45 et tab. iQ^Ji". 2. Charlct, Onom. ion. VFillughhy , Ichthyol. /?. i33 . Mus. 2 , n. 175 ; Zooph, 76, n. 2'jq\. Bl ch, pi. 7T ,j%. 2. Smooth blenny. Brit. Zoolog. 3, p. 169, n. 3, TOME II. 62 49^ HISTOIRE NATURELLE tête, et leur dos ne présente qu'une seule nageoire; Le premier de ces poissons dont nous allons parler, est le pholis. Cet osseux a l'ouverture de la boviche grande, les lèvres épaisses, la mâchoire supérieure plus avancée que l'inférieure, et garnie, ainsi que cette der- nière, de dents aiguës, fortes et serrées. Les ouvertures des narines sont placées au bout d'un petit tube frangé. La langue est lisse, le palais rude, l'œil grand , l'iris rougeâtre , la lignelatérale courbe, et l'anus plus proche de la gorge que de la nageoire caudale *. La couleur du pliolis est olivâtre avec de petites taches dont les unes sont blanches , et les autres d'une teinte foncée. Ce blennie vit dans l'Océan et dans la Méditerranée. Il s'y tient auprès des rivages, souvent vers les embou- chures des fleuves ; il s'j plaît au milieu des algues ; il y nage avec agilité ; il dérobe aisément à ses ennemis son corps enduit d'une humeur ou bave très-abondante et très-vis(pieuse , qui lui a fait donner un de ses noms; et (juoi(ju'il n'ait que deux décimètres de longueur, il se d' bat avec courage contre ceux qui l'attaquent , les mord avec obstination , et défend de toutes ses forces * A la membrane des branchies 7 rayons, à la nageoire du clos 28 à cbacune des pectorales 14 à chacune des jugulaires 2 à celle de l'anus iq à. celle de la queue 10. DES V O I S S O N S. 4g î une vie qu'il ne perd cFailleyrs (jiie dinicilemenl. Il n'aime pas seulement à se cacher au-dessous des plantes marijies , mais encore dans la vase ; il sj en- fonce comme dans un asjle, ou sj place connue dans une embuscade. Use retire aussi très-souventnJans des trous de rocher , y pénètre fort avant , et de là vient le nom de percc-pirrre qu'on a donné à prescpie tous les blennies, mais qu'on lui a particulièrement r.pj)liqué. Il se nourrit de très -jeunes poissons , de très -petits crabes , ou d'œufs de leurs espèces ; il recherche aussi les animaux à coquille et principalement les bivalves, sur lesquels la faim et sa grande hardiesse le portent quelquefois à se jeter sans précaution à finstant où il voit leurs battans entr'ouverts : mais il peut devenir la victime de sa témérité, être saisi entre les deux battans refermés avec force sur lui , et c'est ainsi que fut pris comme dans un piège , un petit poisson que nous crojons devoir rapporter à l'espèce du blennie pholis, qui fut trouvé dans une huître au moment où l'on en écarta les deux valves , qui devoit y être renfermé depuis long-temps, puisque l'huître avoit été apportée à un très-grand nombre de mjriamètres delà mer , et que découvrit ainsi , il j a plus de vingt ans , dans une sorte d'habitation très-extraordinaire , mon com- patriote et mon ancien ami le citoyen Saint-Amans, professeur d'histoire naturelle dans l'école centrale du département de Lot-et-Garonne , connu depuis long- 49^ HISTOIRE NATURELLE. temps du public par plusieurs ouvrages très-intéres- sans, ainsi que par d'utiles et courageux voyages dans les hautes Pyrénées *. "^ Y o^ezle Journal de physique , du mois d'octobre 1778» Toin .2 . ]n.i3.?aje-4.^Z. ifiiHlIIlHIII//// w Pi\!evtr Del. r Ta r, -h fil '>W I.BJ.KNNIE 3o.ujti,en . Z.PLKCTORlinVCjUK Chelvdonoule . o. rous ont suggéré le nom spécifique de ce blennie. L'ouverture de la bouche est étroite ; les lèvres sont épaisses; les dents aiguës et serrées; les jeux ronds et très-gros; les écailles très -facilement visibles; les nageoires pectorales ovales et très-grandes; les jugu- laires composées chacune de deux rayons mous, ou fila- mens, presque aussi longs que les pectorales. La ligne latérale se courbe au-dessus de ces mêmes pectorales^ descend comme pour les environner, et tend ensuite directement vers la queue. La nageoire du dos, cjui commence à la nuque, et va toucher la nageoire cau- dale, est basse; les rajons en sont garnis de petits fila- mens, et tous à peu près de la même longueur, excepté les huit derniers, dont sh sont plus longs et deux plus * Blennius pimctu'atiîs. HISTOIRE NATURELLE. 5o7 courts que les autres. La nageoire de l'anus est séparée de la caudale, qui est arrondie *. Un grand nombre de petites taches irrégulières et nuageuses sont répan- dues sur le pointillé. * A la nageoire du cl{>s 47 rayons, à cliacune des pectorales 17 à chacune des jugulaires 2 à celle de l'anus 29 à celle de la queue i3 fcHM^p^ii^Mtei******^ I lin I LE BLENNIE GARAMIT', LE BLENNIE LUMPÈNE ET LE BLENNIE T O R S K ^. r IjE garamit a été placé parmi- les gades : mais il a été- regardé parForskael , qui Fa découvert, comme devant tenir le milieu entre les gades et les blennies; et les ca- ractères qu'il présente nous ont forcés aie comprendre parmi ces derniers poissons. Ses dents sont inégales ; on en voit de placées vers le bout du museau, qui sont ^ Blenniiis garamit. Gadus salarias. Forsk. Faun. Arab. Gadus garamit. Id. ib.'d. Gadc garamit. BonnaierrCy planches de l'Encyclopédie méthodiquei ^ Blennius lumpenus. Id. Linné i c ition de Gnielin. Variété du blenne vivipare. Daubenton , Encyclopédie métliodique-. Bîcnne liimpène. tionnatcire , planches de PEiicyclopcdie méthodique, IvluiL Prodrom. Zoolog. Danic. p. ix. Blennius cirris sub gula pinniformibus quasi bifidis, etc. Artedi, syn, 40. Tangbrosme. Strovi. Sondni. r, p, 3i5, n 4. Ot. Fabric. Faun. Grosnl. p. l5i, n. log. ^ Blennius torsk. Strom, Sondm. i ■, p- 272. Pejiiiant , Zoolug. Bric. 3, p. 2o3, n. 8g. Gade torsk. Bonnatcrre , planches de l'Encyclopédie méthodiiileuro- nectes , ou voleroit renversé sur sa droite ou sur sa gauche; suppositions que l'on ne peut pas admettre dans un osseux conformé comme le vëlifère. Les grandes nageoires dorsale et anale de cet oligopode lui servent donc principalement, au moins le plus souvent, à tour- ner avec plus de facilité , à fendre l'eau avec moins d'obstacles, particulièrement, en montant ainsi qu'en descendant, à se balancer avec plus d'aisance, et à se servir de quelques courans latéraux avec plus d'avan- tages ; et, de plus, il peut, en étendant vers le bas sa nageoire de l'anus, et en pliant celle du dos, faire descendre son centre de gravité au-dessous de son centre de figure, se lester, pour ainsi dire, par cette manœuvre, et accroître sa stabilité. Au reste, le grand DES POISSONS. 5l5 . 5. Atherj. lib. 7, p. 825. Flambo. Rondtlef^j première -partie, livre ir, cliap. iC» Seconde espèce de taenia. Id. ibid. chap. 17. Tœnia. Gesner, p. 988 , et {germ.) fol. 56 , a,' Icon. anim. p. 404. Taenia Rondelet, et taenia altéra Rondelet. Aldrov. lib. 3, cap. 3o , p» 369 et 870. Jonst.p. 23, tab. 6,/tsj. i et 2. Churlet. Ononi. p. 126. Taenia prima Rondeletii. Raj. p. 89. Tœnia, ichthyopolis ronaanis cepole dicta. Tf^illughby, Ichtlyol. p. 116. Taenia altéra Rondeletii. Id. ibid. p. 118. Ruban de nier. Valinont-Boniare, Dictionnaire d'histoire naturelle. Flambf'aii. Id. ibid. Enclielyopus (otus pallidè rubens , in imo ventre albescens , etc. Klein , Miis. pisc. 14, p. 57, 71. 10. Nota. Nous croyo.is devoir prévenir nos lecteurs que lorsque nous citons , HISTOIRE NATURELLE. 627 hamlelelte , flamme ylanie , épce y montrent en qiielcjuc sorte à l'instant son corps très-alongé , très-aplati par les côtés , très-souple , très-mobile , se roulant avec facilité autour d'un cjlindre , frappant l'eau avec viva- cité , s'agitant avec vitesse, s'échappant comme l'éclair, faisant briller avec la rapidité de la flamme les teintes rouges (|u'anime l'éclat argentin d'un gr^nd nombre de ses écailles, disparoissant et reparoissant au milieu des eaux comme un l'eu léger, ou cédant à tous les mouvemens des flots , de la même manière que les flammes ou banderoles qui voltigent sur les sommets des mâts les plus élevés , obéi.ssent à tous les courans de l'atmosphère. Les ondulations par lesquelles ce cé- pole exécute et manifeste ses divers mouvemens , sont d'autant plus sensibles , qu'il parvient à une longueur très-considérable relativement à sa hauteur , et sur- tout à sa largeur: il n'est large que d'un très-petit nom- bre de millimètres, et il a souvent plus d'un mètre de longueur. Le rouge dont il resplendit, colore toutes ses nageoires.Cette teinte se marie d'ailleurs à l'argent dont il est, pour ainsi dire, revêtu, tantôt par des nuances insensiblement fondues les unes dans les autres, tantôt dans les HilTérens articles de cette Histoire, les ouvrages dans lesquels les auteurs qui nous ont précédés , ont traité des mêmes poissons que nous, et les dessins qu'ils ont donnés de ces animaux , nous n'entendons garantir en rien rtxactilude de leurs descriptions, ni celle des figures qu'ils ont publiées; notie but est seulement d'indiquer que leurs planches ou leurs observations se 1 apportent à telle ou telle des espèces dont nous nous sommes occupés. 5^8 HISTOIRE NATURELLE. par des taches très-vives ; et remarquons que la nourri- ture ordinaire de ce poisson si richement décoré con- siste en crabes et en animaux à coquille. Sa tête est un peu large ; son museau arrondi ; sa mâchoire supérieure garnie d'une rangée et sa mâcJioire inférieure de deux rangées de dents aiguës et peu ser- rées les unes contre les autres ; la langue petite , large et rude ; l'espace qui sépare les jeux , très-étroit ; l'ou- verture branchiale assez grande ; l'opercule composé d'une seule lame , et la place qui est entre cet opercule et le museau , percée de plusieurs pores ; la ligne laté- rale droite ; la nageoire dorsale très-longue , de même que celle de l'anus; et la caudale pointue*. Le corps du tœnia est si comprimé et par conséquent si étroit, ses tégumens sont si minces , et toutes ses parties si pénétrées d'une substance oléagineuse et visqueuse , que lorsqu'on le regarde contre le jour , il paroît très-transparent , et qu'on apperçoit très-facile- ment une grande portion de son intérieur. Cette con- formation et cette abondance d'une matière huileuse n'annoncent pas une saveur très -agréable dans les muscles de ce cépole ; et en effet on le recherche peu. Il habile dans la Méditerranée, et j préfère, dit-on, le voisinage des côtes vaseuses. '^' A ia membrane des brcintliies 6 rayons. à la naj^eo'ue du dos 66 à chacune des pectorales i5 à chacune f,ift>e J'el I.TŒNIOIDE J7c^n>nw,uc',i . 2 .nOSTRYCHE Chuwu ô . BO&TRYCHOWE lEilU' '- LE T^NIOIDE HERMANNIEN*. Ce poisson, que nous avons dû inscrire dans un genre particulier , n'a encore été décrit dans aucun ouvrage d'histoire naturelle. Nous lui donnons un nom géné- rique qui désigne sa forme très-alongée , semblable à celle d'un ruban ou d'une banderole , et très-voisine de celle des cépoles qui ont été appelés tœnia. Nous le distinguons par l'épithète àlicnnannien , pour donner au savant Hermann de Strasbourg une nouvelle preuve de Festime des naturalistes , et de leur reconnoissance envers nn professeur habile qui concourt chaque jour au progrès des sciences et particulièrement de l'ichthyo- logie. Ce taenioïde , dont les habitudes doivent ressembler beaucoup à celles des cépoles, puisqu'il se rapproche de ces osseux par le plus grand nombre de points de sa conformation , et qui doit sur-tout partager leur agi- lité, leur vitesse , leurs ondulations, leurs évolutions rapides, en diffère cependant par plusieurs traits re- marquables. Premièrement , ses jeux sont si petits, qu'on ne peut les distinguer qu'avec beaucoup de peine , et qu'après les avoir cherchés souvent pendant long-temps, on ne * Teenloïdes Herraanuii. 534 HISTOIRE NATURELLE. les apperçoit que comme deux petits points noIr$ ; ce qui lui donne un rapport assez important avec les cécilies. Secondement, il n'a point de nageoire caudale ; et sa queue se termine , comme celle des tricliiures , par une pointe très-déliée, près de l'extrémité de laquelle ou voit encore s'étendre la longue et très-basse nageoire dorsale qui part très-près de la tête , et tire son origine de la partie du dos correspondante à l'anus. Troisièmement , la nageoire anale est très-courte. Nous devons ajouter que la tête de l'hermannien est comme taillée à facettes, dont la figure que nous avons fait graver, montre la forme, les dimensions et la place. La peau de l'animal , dénuée d'écaillés facilement visibles , laisse reconnoître la position des principaux muscles latéraux ; on voit des points noirs sur les pec- torales , ainsi que sur la nageoire de l'anus , et des raies blanchâtres sur la tête ; les barbillons , situés auprès de fonverture de la bouche , sont très-courts , et un peu inégaux en longueur. i vs CINQUANTE-CINQUIÈME GENRE. LES GOBIES. Les deux nageoires iJioracines réunies Tnne à Vautrc) deux nageoires dorsales. PREMIER SOUS-GENRE. Les nageoires pectorales attachées immédiatement au corps de TanimaL ESPECES. i.Le gob. pectinirostre. ( Gobius pectinirostris. ) 2. Le gobie boddaert. {Gobius boddaert.) 3. Le gobie lancéolé. {GobiiLS lanceolaCns.) 4. Le gobie aphye. {Gobius apfiya,) CARACTÈRES. 'Vingt-six rayons à la seconde nageoire du dos; douze aux tlioracincs; presque toutes les dents de la mâchoire inférieure, placées l horizontalement. 'Vingt-cinq rayons à la seconde nageoire du dos; trente - quatre aux tlioracincs ; les rayons de la première nageoire du dos, fila- menteux; le troisième de cette nageoire dorsale très-long. 'Dix-huit rayons à la seconde nageoire du dos; onze aux thoracines; la queue très-longue et terminée par une nageoire dont la forme ressemble à celle d'un fer de lance. Dix-sept rayons à la seconde nageoire du dos; douze aux thoracines ; les yeux très-rappro- cliés l'un de l'autre; des biuides brunes sur les nageoires du dos et de l'anus. 636 HISTOIRE NATURELLE 5. Le gobik paoanei.. {Gob/us paganellus,) 6. Le gob. ensanglanté, {Gobius cruentatus .) rj. Le gobie noir-brun. Gobius nigro-fusciis). 8. Le gobie boulerot. {Gobius boulerot.) 9. Le gobie bosc. {fiohius bosc.) 10. liE GOBIE ARABIQUE. {Gv î'ii/s ara bleus .) lï. Le gobie jozo. {G obius jozo.) CAEAGTÈRES. 'Dix-sept rayons h la leeende nagtQÎre du desj dot-ize aux thoracinesj la première dorsale bordée de jaune 5 la seconde et l'anale pour- . prées à leur base. 'Seize rayons à la seconde nageoire du dos ; douze aux thoracines; les rayons des na- geoires du dos, plus élevés que la mem- brane ; la bouche , la gorge , les oper- cules et les nageoires , tachetés de rouge. rSeize rayons à la seconde nageoire dorsale ; ! douze aux thoracines ; le corps et la queue \ bruns j les nageoires noires. 'Quatorze rayons à la seconde nageoire dor- sale ; dix à chacune des thoracines ; un giand [ nombre de taches brunes et blanches. /Quatorze rayons à la seconde nageoire du dos; liuit à chacune des thoracines; les quatre premiers rayons de la première dor- sale terminés par un filament; le corps et la queue gris et pointillés de brun ; sept I bandes transversales d'une couleur blan- V cliâtre. 'Quatorze rayons à la seconde nageoire du dos; douze aux thoracines ; les cinq derniers rayons de la première dorsale , deux fois plus élevés que la membrane , et terminés par un filament rouge. 'Quatorze r:!yons à la seconde nageoire du dos; douze aux thoracines ; les rayons de la première dorsale , plus élevés que la membrane, et terminés par un filament; les ihoraciius bleues. DES E 5 ï> K C E s. T 2 . Le g o b I e bleu. (^Gobins cœru/cus.) i3. Le gobie vlumier. {Gvbius plutuicr.) 14. Le gobie éléotRe. {Gobius eleotris) jS. Le gobie nébuleux. {Gobius ntbulosus.) 16. Le gobie awaou {Gobius awaou.) 17. Le gobie Nom. {Gobius niger.) 18. Le gob. lagocéphale. {Gobius lagocephalus.) 19. Le gobie menu. (^Gobius /ninutus,) ÏOME 11. POISSONS. &S7 CARACTf.RES. Douze rayons k la seconde nageoire du dos et aux thoracines ; îe dernier rayon de îa seconde nageoire du dos, deux Ibis plus Jong que les autres; le corps bleu ; la na- geoire de la queue, rouge et bordée de noir. IDouxe rayons à la seconde nageoire du dos ; six à chacune des thoracines ; la mâchoire supérieure plus avancée que l'inférieure j point de taclie œillée sur la première dor- sale. Onze rayons à la seconde nageoire du dos ; donze aux thoracines 5 pois- son a été très-bien décrit par le naturaliste Brunnich '. Le nom du noir-brun indique ses couleurs distinctives. Il n'offre que deux teintas principales ; il est brun^ et toutes ses nageoires sont noires. Ses formes resseuiblent beaucoup à celles de Fensanglanté , et par conséquent à celles du paganel. Il habite les mêmes mers xpiieices deux gobies ; et c'est au savant cité dans la phrase pré- cédente c]ue Ton en doit la connoissance, Il n'a guère qu'un décimètre de longueur \ ,' A ]a membrane branchiale 5 idyons. à la première nageoire du dos G à la seconde i6 à cnaciine des pectorales 39 aux thoraclnes 12 à celle de l'anus l5 à celle de la queue i5 ''A la première nageoire du dos 6 rayons. à la seconde 16 à chacune des pectorales 19 aux thoracines I 2 à celle de l'anus 10 à celle de la qeuue 17 LE GOBIE BOULEROT*. Le boulerot a été nommé goble o\\ goujon noir, parce nue sur son dos de couleur cendrée ou blanchâtre s'éten- dent des bandes transversales très-brunes , et que d'ail- leurs il est parsemé de taches dont quelques unes sont blanches ou jaunes , mais dont le plus grand nombre * Goblus boulerot. Boulereau. Go, dans plusieurs contrées dd V Italie. Goget , ihîd. Zolero , ibid. Sea-guflgeon , en Angleterre, Rock-fîsh. Ibid. Goble boulereau. Daub.enton, Encyclopédie méthodique. Id, Bonnaterre y planches de l' Encyclopédie méthodique. Gobius niger. T inné ^ édition de Gmelin. Mus. Ad. Frid. I , /7. 74 ; e^ 2 , p. 64. Nlûll. Prodrom. Zoolog. Danic. p. 44, 7i. 864. Gobius è nigricante varius, etc. Artedi , gni. 28, syn. 46. Kwêiof. Aristot. lib. 2, cap. 175 lib. 6, cap. i3 j lib. 8, cap. 2j l3j 195 et lih. g , cap. 2 , 37. Jd. AElian. lib. 2, cap. 5o. Athen. lib. 7, c. 3g. Oppian. lib. l ., p. "]'■) d lib. 2 , /;. 46. _, Gobio. Plia. lib. g , cap. 5^. Columell. lib. 8, cap. 17. Juvenal. Satyr. 11,4. Gobio marinus. Salvian.foL 214, b. HISTOIRE NATURELLE. 553 est ordinaircuient d'un noir plus ou moins foncé. On voit des teintes jaunâtres sur sa partie inférieure et ^ur ses opercules. Sa longueur est communément de deux décimètres. Ses deux mâchoires, aussi avancées Tune que Fautre , sont armées chacune de deux rangs de petites dents; sa langue est un peu mobile; ses écailles sont dures. Ses nageoires thoracines *, colorées et réunies de manière à présenter à certains jeux une ressemblance vague avec une sorte de barbe noire , lui ont fait donner le nom de houe, en grec rpxyoç. Derrière l'anus , paroît un petit appendice analogue à celui que Gobio marinus niger. Bcllon y Aquat. p. 233. Gesner , p. 3g3 , 3g5 , 469 , et {germ.) fol, G , b. Boulerot noir. Rondelet, premiàre partie y liv, 6, cliap, 17, Aldrovand. lih. i , cap, 20 , p. 97. TVillughhy, p. 206. Goblus marinus niger, Kaj. p. 76. Gobius, t't/ gobio niger. Schonev. p, 36. Gobius , gôbio , et cobio marinus. Charlet, i35. Apocryptes cantonensis. Osbeck , It. i3i. B loch y pi. 38 ffiS' 1,2,5. Eleotris capite plagioplateo , maxillis œqualibus, etc. Gronov. Mus. 2, p. 17, n. 170 5 Zooph. p. 82 , 71. 280. Gobio branchiarum operculis et ventre flayicautibus. Klein ^ Miss. pisc. 5, p. 27, n. I. Gobius. Scbay Mus. 3, tab. 29. * A la première nageoire du dos 6 rayons. à la seconde 14 à chacune des pectorales 18 à chacune des tlioracines 10 à celle de l'anus 12 àcelle de la queue 14 TOME II. yo 554 HISTOIRE NATURELLE. nous avons remarqué ou que nous remarquerons dans un grand nombre d'espèces de ^obies. Sa nageoire caudale est arrondie, et quelquefois cet instrument de natation et toutes les antres nageoires sont bleus. Le boulerot se trouve non seulement dans l'Océan atlantique boréal, mais encore dans plusieurs mers de l'Asie. Vers le temps du frai , il se rapproche des rivages et des embouchures des fleuves. Il vit aussi dans les étangs vaseux (jui reçoivent l'eau salée de la mer ; et lorsqu'on Vy pêche, il n'est pas rare de le trouver dans le filet, couvert d'une boue noire qui n'a pas peu con- tribué à lui faire appli(|uer le nom de g(j//jon noir. Sa chair n'est pas désagréable au goût : cependant Juvénal et Martial nous apprennent que sous les premiers em- pereurs de Rome , et dans le temps du plus grand luxe de cette ca[)ita!e du monde, il ne paroissoit guère sur la table du riche et de Fliomme somptueux. Toni .2 . ri.xO.Faq.^M. I J Jfe-ffPe.Pel. __ 1. CrOBIE 3 ose. Z . POGONIÀS Fa.n-e ■ 3. Kyxfe:^ l'eccfftication des Planche.^ du 3. loi- | LE GOBIE BOSC'. Mon confrère le citojcn Bosc a bien voulu me com- muniquer Ja description de ce poisson , qu'il a vu dans la baie de Charles-toAvn de l'Amérique septentrionale. Ce gobie a la tête plus large que le corps ; les deux mâchoires également avancées ; les dents très-petites ; les jeux proéminens; les orifices des narines saillans; l'opercule branchial terminé en angle j et les quatre premiers rajons de la première nageoire dorsale, pro- longés chacun par un filament délié. Il paroît sans écailles. Sa couleur générale est grise et pointillée de brun. Sept bandes transversales, irré- gulières, et d'une nuance plus pâle que le gris dont nous venons de parler, régnent sur les cotés, et s'étendent sur les nageoires du dos, qui d'ailleurs sont brunes, comme les autres nageoires'. On ne distingue pas de ligne latérale. ' Gobius bosc. Gobius alepidoptus , corpove nudo , gviseo, fasciis septem pallidis. Bosc, manuscrit déjà cité. ? A la première nageoire dorsale 7 rayons, à la seconde 14 à chacune des pectorales 18 aux ihoracines 8 à celle de l'anus 10 à celle de la queue , qui est lancéolée ,18 556 HISTOIRE NATURELLE. Le gobie bosc ne paroîfc parvenir qu'à de très-petites dimensions : l'individu décrit par mon savant confrère avoit cinquante-quatre millimètres de long, et treize millimètres de large. On ne mange point de ce gobie* LE GOBIE ARABIQUE', ET LE GOBIE JOZOV FoRSKAEL a découvert rarabî([ue clans la contrée de l'Asie indiquée par cette épitliète. Les cinq premiers rajons de la première nageoire du dos do ce gobie sont ^ Goblus arabicus.- Id. Linné y édition de Gmeîin. Forsk. Faun. Arab. p. 28 , n. 5. Goble , goujon arabe. Bonnatene , planc/ics de l' Encyclopédie mêthodîquem • ^ Goblus Jozo. Goblus albescens. Gobius flavescens. - Gobius iozo. Linnéf édition de Gnielin, Gobie, goujon blanc. Dauhenton, Encyclopédie méthodique. 1(1. liumiu terre i planches de l'Encyclopédie méthodique. Mus. Ad. Frid. 2-, p. 65. JVIûll. Prodrom. Zoolog, Danic. p. 4^, n. 365. Gobius.... ossiculis pinnœ dorsalis supra membranam assurgentibus. Artedi y gen. zg^syn. ^'j. Koù^tos hiVKOç. 4ristot, lib. g, cap, Sj. Kw€/9? AevKOTîpof. Athen. lib. y, p. 809. Boulerot blanc. RcndeLt , première partie , U.\ 6, cliap. 18. (La figure est extrêmement défectueuse.) Goujon blanc. Id. ibid. Gobius albiis. Gesner , Aquat. /?. 896 ; et (^germ.) fol. 6, b. Gobius albus Jkoxy^çl^i'ù. Aldrovand. lib. i, cap. 20 , p. cj'j. s 58 HISTOIRE NATURELLE deux fois plus longs que la membrane de cette nageoire n'est haute. Il n'est que de la longueur du petit doigt de la main; mais sa parure est très-agréable. L'extré- mité des rajons dont nous venons de parler, est rouge : la couleur générale de l'animal est d'un brun verdâtre, relevé et diversifié par un grand nombre de points bleus et de taches violettes , dont plusieurs se réunissent les unes aux autres, et qui paroissent principalement sur toutes les nageoires. On devine aisément leffet doux et gracieux que produit ce mélange de rouge, de verd , de bleu et de violet, d'autant mieux fondus les uns dans les autres, que plusieurs reflets en multiplient les nuances*. La peau de l'arabique est molle, et recouverte de petites écailles fortement attachées. La nageoire de sa queue est pointue. Nous plaçons dans cet article ce que nous avons à Gobius tertlus, jozo Ronia? , Salviani , f'orfe gobius albus Rondelftii. Willughhy , IchthyoL p. 207, JV. 12 , «. 4. Raj. p, 76 , «• 2. 3ozo. Sa/v/an. fol. 2i3 , a. ad iconem. Gobius albescens. Gronov. Mus. 2 , p. 28 , 7/. 176 ; Zooph. p. 81 , n. 275, Blocht pi. 107,/^. 3. Gobio radiis in anterlore clorsi pinna , supra membranas connectente* altlùs assLivgentlbus. KL in, Mise. piac. 5, p. 27 , 'ï- 3. * A la première nageoire dorsale 6 rayons, à la seconde 14 à chacufie des pectorales 16 aux thoracincs 12 à celle de l'anus i3 ù celle de la cjueiie 17 l) V. s P O I s s G N S. 559 dire du jozo, parce (ju'il i\ beaucoup de rap])oiis avec le gobie dont nous venons de parler. Presque tous les rajons de sa jiremière nageoire dorsale sont plus élevés que la membrane. Sa tête est comprimée ; ses dcus. mâchoires sont également avancées ; sa ligne latérale S'étend, sans s'élever ni s'abaisser, à une distnnce à peu près cigale de son d;)S et de son ventre. Cède ligne est d'ailleurs noirâtre. L'animal est, en général, blanc ou blanchâtre, avec du brun dnns sa j^artie supérieure; ses nageoires thoracines sont bleues. On le trouve non seulement dans la Méditerranée , mais dans l'Océan atlantique boréal : il j vit auprès des rivages de l'Eu- rope, y dépose ses œufs dans les endroits dont le fond est sablonneux ; et quoique sa longueur ordinaire ne soit que de deux décimètres, il se nourrit, dit-on, de crabes et de poissons , à la vérité très- jeunes et très- petits. Sa chair, peu agréable au goût, ne l'expose ])ns à être très-recherché par les pécheurs 5 mais il est fré- quemment la proie de grands poissons, et notamment; de plusieurs gades*. * A la première nageoire dorsale 6 rayons. à la seconde 14 à chacune des pectorales 16 aux thoracines 12 à celle de l'anus H à celle de la queue 16 LE GOBIE BLEU*. Cette espèce est encore inconnue des naturalistes: elle a été décrite par Conimerson. Sa couleur est i^e- înarquable : elle est d'un bleu très-beau , un peu plus clair sur la partie inférieure de l'animal que sur la supérieure; cet azur règne sur toutes les parties du poisson , excepté sur la nageoire de la queue , qui est rouge, avec une bordure noire j et comme ce gobie a tout au plus un décimètre ou à peu près de longueur, on croiroit, lorsqu'il nage au milieu d'une eau cahne , limpide, et très-éclairée par les rajons du soleil, voir flotter un canon de saphir terminé par une escarboucle. Il habite dans la mer qui baigne l'Afrique orientale, à l'embouchure des fleuves de l'isle de la Réunion, où la petitesse de ses dimensions, que nous venons d'in- diquer, fait que les Nègres même dédaignent de s'en nourrir, et ne s'en servent que comme d'appât pour prendre de plus grands poissons. Le bleu a le museau obtus , la mâchoire inférieure garnie de dents aiguës et moins menues que celles de la supérieure; les jeux ronds, saillans, et plus éloignés l'un de l'autre que sur beaucoup d'autres gobies ; la * Goblus cspiuleus. Gobîo caeruleus, caudâ riibva , nigro circumscriptâ. Commcrson^ ma- nuscrits déjà cités. HISTOIRE NATURELLE. 56 ï première nageoire du dos , triangulaire , et composée de rajons qui se prolongent par des filamens au-dessus de la membrane 3 la seconde nageoire dorsale terminée par un rajon deux fois plus long que les autres j l'anus à une distance presque égale de la gorge et de la na- geoire caudale, qui est arrondie *; et les écailles petites et rudes. * A la membrane des branchies 4 rayons, à la première nageoire du dos 6 à la seconde 13 à cliacune des pectorales 20 aux ihoracines 12 à celle de l'anus 12 à celle de la queue 14 TOME II. 7^ LE GOBIE PLUMIER'. Le docteur Bloch a décrit ce gobie d'après des pein- tures sur vélin dues aux soins du vojageur Plumier. Le Muséum national d'histoire naturelle possède des peintures analogues , dues également au zèle éclairé de ce dernier naturaliste. Nous avons trouvé parmi ces peintures du Muséum l'image du poisson nommé, avec raison , gobie plumier, et nous avons cru devoir la faire graver. Cet animal, qui habite dans les Antilles , est alongé, mais charnu, très-fécond, d'une saveur agréable, et susceptible de recevoir promptement la cuisson conve- nable. Les écailles dont il est revêtu sont petites, et peintes de très-riches couleurs. Sa partie supérieure brille d'un jaune foncé ou de l'éclat de l'or; ses côtés sont d'un jaune clair; sa partie inférieure est blanche; et toutes les nageoires' sont d'un beau jaune, relevé ' Gobîus plumier. Gobius Plumieri. Linné y édition de Gmelin. Bloch , ol 178, fig. 3. Gobie céplvale. finn.saterre y planches de l'Encyclopédie métliodique^ ? A la première nageoire du dos 6 rayons. à la seconde 12 à chacune des pectorales 12 à chacune des tlioracines 6 à celle de l'anus 10 à celle de la queue 14 HISTOIRE NATURELLE. 563 très-souvent par nue bordure noire sur celles de La queue et de la poitrine. Quelques autres nuances font quelquefois ressortir sur diverses parties du corps les teintes que nous venons d'indiquer. La tête est grande 5 le bord des lèvres charnu ; Fou- verture branchiale étendue ; l'opercule composé d'une seule lame ; la mâchoire supérieure beaucoup plus avancée que l'inférieure ; la ligne latérale droite j la nageoire caudale arrondie; et l'anus situé vers le milieu de la longueur du corps. LE GOBIE ÉLÊOTRE ET LE GOBIE NÉBULEUX % Les eaux de la Chine nourrissent Téléotre , dont la couleur générale est blanchâtre , la seconde nageoire du dos aussi élevée que la première, et celle delà qu;rue arrondie. Le corps est couvert d'éeailles larges , arron- dies et lisses 3 et l'on voit vine tache violette sur le dos , auprès des opercules ^ ^ Gobius eleotris. Jd, Limé , éditi07i de GimUn. Gobie éléotre. .Dj.nhe iton , Encyclopédie mêtliodique. Id. jjùiiiiatcrre ^ planches de l'Encyclupâdie viéthodique, Li'f:e-s!-r, Chin. 28. Gobivis chinensis. Osh( ck , Tt. 260. Trachi.us... pinnis ventralibiis coadunafis. Amœni!-. academ> r,/?. 3iT. Gobl'js albeseens , pinnis ulrisque dorsalibus ailitudine sequalibus. Gron. Zovfh. 276. '^ Gobius nebulosus. Id. Linné y édition de GnieJin. Forskael , Favn. Arah.p, 24, n, 6. GobÏP nébuleux. Inonratcie , plunclu s de l'Encyclopédie méûiodiquct 2 A la membrane des branchies del'élcolre, 5 rayons. à la pifMiiirre nageoire du dos 6 à la seconde II à c'naciine des pectorales 20 aux thoracines 12 à Cflic de i'iinus 10 à celle de la queue i5 HISTOIRE NATURELLE. 565 Le néliuîi ux a clé découvert en Arphie par le Danois Forska'el. A peine sa longueur égale-t-cile un décimètre. Ses écailles sont grandes, rudes, et en losange. La na- geoire de la queue est arrondie j et voici la distribution des couleurs dont ce gobie est peint *. Sa partie inférieure est d'un blanc sans fâche; la supérieure est l^lanchâtre , avec des taches brunes, irrégulières et comme nuageuses, que l'on voit aussi sur la base des nageoires pectorales , lesquelles sont d'ailleurs d'un verd de mer, et sur les dorsales , ainsi que sur la nageoire de la queue. Cette dernière , les dorsales et l'anale, sont transparentes; l'anale est, de plus, bordée de noir j les thoracines présentent une teinte brunâtre ; et un filament noir et très-long ter- mine le second rajon de la première nageoire du dos. * A la membrane brancliiale du nébuleux, 7 rayonSt à la premièie nageoire du dos 6 àla seconde ir à cliacune des pectorales 18 aux thoracines 12 à celle de l'anus ir à celle de la queue 14 LE GOBIE AWAOU'. C'est dans les ruisseaux d'eau douce qui arrosent la fameuse isle de Taïti , au milieu du grand Océan équi- noxial % que l'on a découvert ce gobie. Mon confrère l'habile ichthjologiste Broussonnet Fa vu dans la collec- tion du célèbre Banks, et en a publié une belle figure et une très-bonne description. Cet awaou a le corps comprimé et alongéj des écailles ciliées ou frangées; la tête petite et un peu creusée en gouttière par-dessus ; la mâchoire d en-haut plus avancée que l'inférieure, et hérissée de dents inégales; la mâchoire d'en -bas garnie de dents plus petites ; plusieurs autres dents menues, aiguës, et pressées clans le fond de la gueule au-dessus et au-dessous du gosier; la ligne latérale droite ; et l'anus situé vers le milieu de la longueur de l'animal, et suivi d'un appendice conique. Nous n'a- vons plus qu'à faire connoître les couleurs de ce gobie. Son ventre est d'un verd de mer; des teintes obscures •■.^■■■•■— ■^"^^■^^■" ' ' """-""^ ' Gobius awaou. Broussonncty Ichthyol. dec. i j n. 2 y tab. 2. Gobius ocellaris. Linné ^ édition de Gmclin. Gobie awaou. Bonnaterre , planches de l'Encyclopédie méthodique. * Nous employons avec empressement les dénominations de l'excellente et nouvelle nomenclature hydrographique, présentée, le 22 floréal an 7, à l'Institut de France, par mon savant et respectable confrère le citoyea Fleurieu. HISTOIRE NATURELLE. 667 et nuageuses, noires et olivâtres , sont répandues sur son dos j une nuance verdafre distingue les nageoires de la queue et de l'anus ; des bantles de ia même cou- leur et d'autres bandes brunes se montrent quekiuel'ois sur leurs rajons et sur ceux de la seconde nageoire du dos; les pectorales et les thoracines sont noirâtres; et au milieu de toutes ces teintes sombres, on remarque aisément une tache noire, assez grande, œillée, et placée près du bord postérieur de la première dor- sale *. * A la nieiiibrane des brancliies 5 ra}ons. à la piemière nageoire du dos 6 à la seconde du dos ir à chacune des pectorales 16 à chacune des tlioracioes 6 à celle de l'anus il à celle de la queue, qui est très-arrondie, 22 LE GOBIE NOIR*. Ce gobie, dont nous avons vu la description dans îe^ manuscrits de Commerson , que Bufïbn nous a remis il y a plus de douze ans, est à peu près de la taille d'un grand nombre de poissons de son genre. Sa longueur n'e'gale pas deux décimètres , et sa largeur est de trois ou quatre centimètres. Il présente sur toutes les parties de son corps une couleur noire , que quelques reflets bleuâtres ou verdâtres ne font paroître que plus fon- cée, et qui ne s'éclaircit un peu et ne tend vers une teinte blanchâtre, ou plutôt livide, que sur une por- tion de son ventre. Les écailles qui le revêtent sont très- petites, mais relevées par une arête longitudinale; sa tête paroît comme gonflée des deux côtés. Sa mâchoire svipérieure , susceptible de mouvemens d'extension et de contraction , dépasse et embrasse l'inférieure : on les croiroit toutes les deux garnies de petits grains plutôt que de véritables dents. La langue est courte, et atta- chée dans presque tout son contour. L'intervalle qui sépare les jeux l'un de l'autre, est à peine égal au dia- mètre de l'un de ces organes. Commerson a remarqué avec attention deux tubercules placés à la base de la * Gobius niger. Gobio totiis niger, radiispinnœ dorsiprioris sex , posteriore remotîssimo, v'illo notablli ad anum. Alanuscrits de Commcrsoiif déjà citcs% HISTOIRE NATURELLE. 669 membrane branchiale , et qu'on ne pouvoit voir qu'en soulevant l'opercule. 11 a vu aussi au-delà de l'ouverture de l'anus, laquelle est à une distance presque égale de la gorge et de la nageoire de la queue , un appendice semblable à celui que nous avons indi(jué en décrivant plusieurs autres gobies, et qu'il a comparé à un bar- billon ou petit filament '. Le gobie noir habite dans la portion du grand Océan nommée, par notre confrère YieuvÏQU, grand golfe des Indes'. Il s'j tient à l'embouchure des petites rivières qui se déchargent dans la mer : il préfère celles dont le fond est vaseux. Sa chair est d'une saveur très-agréable, et d'ailleurs d'une qualité si saine, qu'on ne balance pas à la donner pour nourriture aux convalescens et aux malades que l'on ne réduit pas h. une diète rigoureuse. ^ A la membrane des branchies 4 rayous. à la première nageoire du dos 6 à la seconde II à chacune des pectorajcs i5 aux thoracines 10 à celle de l'anus ir a celle de la queue, qui est un peu arrondie, i5 t Nouvelle Nornenc'ature Jiydiographique^ dc'j.a citée. TOME IL n. 17, tah. 1 .,fig. 5. Gobie cyprinoide. Bonnaterre , planches de rEncyclopédie méthodique. HISTOIRE NATURELLE. 5^1 ïiérissé de dents menues et très-serrées ; ies 3'eux , très- rapprochés l'un de l'autre, sont recouverts par une continuation de l'épiderme. On voit un appendice alongé et arrondi, au-delà de Fanus , qui est aussi loin • de la gorge que de la nageoire de la queue ; cette der- nière est arrondie : l'on ne distingue pas de ligne laté- rale ; et la couleur générale de ce gobie, lequel est ordinairement de la longueur d'un doigt, est composée de gris, de brun et de noir\ Le menu , qui ressemble beaucoup à l'aphyc , a la tète un peu déprimée ; sa langue est grande ; ses deux nageoires dorsales sont un peu éloignées l'une de l'autre ; «a nageoire caudale est rectiligne; et ses teintes, aussi peu brillantes que celles du lagocéphale , consistent dans une couleur générale blanchâtre, dans des taches couleur de fer disséminées sur sa partie supérieure, et dans de petites raies de la même nuance, ou à peu près , répandues sur les nageoires de la queue et du dos ^ On trouve dans les eaux de l'isle d'Amboine le cjpri- : A la membrane des branchies du lagocépliale, 3 rayons. à la première nageoire du dos 6 à la seconde II ^ à chacune des pectorales i5 à chacune des thoracines 4 à celle de l'anus 10 à celle de la queue 12 * A la première nageoire du dos du menu, 6 rayons. à la seconde II à celle de l'anus -II 5'J2 HISTOIRE NATURELLE. noïde , que l'on a ainsi nommé à cause du rapport extérieur que ses écailles grandes et un peu frangées lui donnent avec les cjprins , quoiqu'il ressemble pent- être beaucoup plus aux spares. Le professeur Pallas en a publié le premier une très -bonne description. La partie supérieure de ce cjprinoïde est grise, et l'infé- rieure blanchâtre. Ses dimensions sont à peu près sem- blables à celles du menu. Il a la tête un peu plus large que le corps , et recouverte d'une peau traversée par plusieurs lignes très-déliées qui, forment une sorte de réseau ; on voit entre les deux jeux une crête noirâtre ^ triangulaire et longitudinale, que l'on prendroit pour ime première nageoire dorsale très-basse ; au-delà de l'anus , ou apperçoit aisément un appendice alongé ^ arrondi par le bout,, et que l'animal peut coucher, à, volonté , dans une fossette *. * 6 rayons à la première nageoire du clos. lo à la seconde. 18 à chacune des pectorales, xa aux ihoraclnes. I rayon simple et g articulés, à celle de l'anijs.. î5 rayons à celle de la queue , qui est arrondie. LE GOBIE SCHLOSSER C'est au célèbre Pallas que Ton doit la description de cette espèce, dont un individu lui avoit été envojé par le savant Scblosser, avec des notes relatives aux habi- tudes de ce poisson; et le nom de ce gobie rappelle les services rendus aux sciences naturelles par Tami de Tillustre Pallas. Ce poisson est ordinairement long de deux ou trois décimètres. Sa tête est couverte d'un grand nombre d'écaillés , alongée , et cependant plus large que le corps. Les lèvres sont épaisses, charnues, et hérissées y à l'intérieur, de petites aspérités : la supérieure est double. Les dents sont grandes , inégales , recourbées y aiguës, et distribuées irrégulièrement. Les yeux présentent une position remarquable : ih sont très-rapprochés l'un de l'autre, situés au-dessus du sommet de la tête, et contenus dans des orbites très -relevées, mais disposées de telle sorte que les * Goblus Schlosseri. Cabos. , T allas , Spicil. zoolog. 8 ^ p. 3 , fab. i y fg. 1,2, 3,4- Gobius barbarus. Linné. Gobius Sclilosseri, Linné, édition de Gmelin. Goble scblosser. Dauh en ton y Encyclopédie méthodique, Id. Boiinatcrie^ planches de l'Encyclopédie méthodique. 574 HISTOIRE NATURELLE cornées sont tournées , Tune vers la droite, et l'autre vei^ la gauche. Les écailles qui revêtent le corps et la queue, sont assez grandes, rondes, et un peu molles. On ne dis- tingue pas facilement les lignes latérales. La couleur générale de Tanimal est d un brun noirâtre sur le dos, et d'une teinte plus claire sur le ventre *. Les nageoires pectorales du schlosser sont , comme l'indiquent les caractères du second sous-genre , atta- chées à des prolongations charnues , que l'on a com- parées à des bras , et qui servent à l'animal , non seule- ment h remuer ces nageoires par le moyen d'un levier plus long, à les agiter dès lors avec plus Je force et de vitesse, à nager avec plus de rapidité au milieu des eaux fangeuses qu'il habite, mais encore à se traîner un peu sur la vase^des rivages, contre laquelle il ap- puie successivement ses deux extrémités antérieures , en présentant très en petit, et cependant avec quelque ressemblance , les mouvemens auxquels les phoques et les lamantins ont recours pour parcourir très-lentement les côtes maritimes. C'est par le mojen de ces sortesi de bras que le schlos- * A la membrane des branchies 3 rayons, à la première nageoire du dos 8 à la seconde. i3 à chacune des pectorales i6 aux thoracines 12 à celle de l'anus 12 à celle de la queue 19 D E S P O I S S o :< S. 5^5 ser, pouvant, ou se glisser sur des rivages fangeux, ou s'enfoncer dans Teau bourbeuse , échappe avec plus de facilite à ses ennemis , et poursuit avec plus da- vantage les foibles habitans des eaux , et particuliè- rement les cancres, dont il aime à faire sa proie. Cette espèce doit être féconde et agréable au goût, auprès des côtes de la Chine , où on la pèche , ainsi que dans d'autres contrées orientales , puisqu'elle sert à la nourriture des Chinois qui habitent à une distance plus ou moins grande des rivages j et voilà pourquoi elle a été nommée par les Hollandois des grandes^ Indes , poisson chinois i^cJiineescJie ^issc/i). y CINQUANTE-SIXIÈME GENRE. LES GOBIOÏDES. Les deux nageoires tJioracines réunies Tune à Vautre; une seule nageoire dorsale -j la tête petite 'j les opercules attachés dans une grande partie de leur contour. E S''P È C E s. CARACTÈRES. 1. Le g. anguilliFORME. jCinquante-deux rayons à la nageoire du dosj {Gobioïdes anguilliformis,) l toutes les nageoires rouges. T , (Quarante-trois rayons à la nageoire du dos; 2. Le gob. smyrneen. I , , , , , , . , i, i /le bord des machoues compose cl une lame (Gobiiïdes smynicnsis.) \ ^, , \ ^ . \ osseuse, et dénuée de dents. ^Vingt-trois rayons à la nageoire du dos j le o T^ „^„ „„^„^ „^,^^ I corps et la queue très-along^s et compvi- 3. Le gob. broussonnet. I i m t,^ j //-> f -j 73 .-s \ niés: des dents aux mâchoires; les na- i^Ltobioides Broussonnetii.) | ' ' geoires du dos et de l'anus très-rapprochées de ia caudale , qui est pointue. 4. Le gob. queue noire, fy ^ ^ < La queue noire. {Gobicïdes melanurus.) l LE GOBIOÏDE ANGUILLIFORME *. C'est dans les contrées orientales, et notamment dans l'archipel de l'Inde, h la (>hine, ou dans les isles du grand Océan équatorial, que l'on trouve le plus grand nombre de gobies. Les mêmes parties du globe sont aussi celles dans lesquelles on a observé le plus grand nombre de gobioïdes. L'anguilliforme a été vu parti- culièrement dans les eaux de la Chine. Comme tous les autres gobioïdes, il ressemble beau- coup aux poissons auxquels nous donnons exclusivement le nom degohic; et voilà pourquoi nous avons cru devoir distinguer par la dénomination de gohiu'ide, qui signifie en forme de gobie, le genre dont il fait partie, et qui a été confondu pendant long-temps dans celui des gobies proprement dits. Il diffère néanmoins de ces derniers, de même que tous les osseux de son genre, en ce qu'il n'a qu'une seule nageoire dorsale, pendant que les go- bies en présentent deux. Il a d'ailleurs, ainsi que son nom l'indique, de grands rapports avec la murène an- guille , par la longueur de la nageoire du dos et de celle de l'anus, qui s'étendent presque jusqu'à celle de * Gobioïdes anguilliforniîs. Gobius anguillaiis. Linné , édition de Ginelin. Goujon anguillaid. Danbentaji, Encyclopédie uicthodique, Id. Bonnaterre y planches de l'Encyclopédie méthodi<2ue. TOME 11. yZ 5yS HISTOIRE NATURELLE. la queue, par la petitesse des nageoires pectorales, qui, de plus, sont arrondies, et sur-tout par la viscosité de sa peau, qui, étant imprégnée d'une matière huileuse très-abondante, est à demi transparente. La mâchoire inférieure de ranguiiiiforme est garnie de petites dents , comme la supérieure ; et toutes ses nageoires sont d'une couleur rouge assez vive *. * A la nageoire dorsale 52 rayons. à chacune des pectorales 12 aux fhoracines 10 à celle de l'anus 48 à celle de la queue 12 LE GOBIOIDE SMYRNÊEN'. Ce poisson a la tête grosse et parsemée de pores très- sensibles; dès -lors sa peau doit être arrosée d'une humeur visqueuse assez abondante. Une lame osseuse, placée le long de cliaqne mâchoire, tient lieu de véritables dents : on n'a du moins observé aucune dent joroprement dite dans la bouche de ce gobioïde. Les nageoires pectorales sont très-larges, et les por- tions de celles du dos sont d'autant plus élevées qu'elles sont plus voisines de celle de la queue \ ' Gobius smyrnensis. ]SFoi>. Comment. Petropolit, g , tah. g ^J^ff- 5. Goujon smyrnéen. Bonjiaterre , planches de V Encyclopédie métliodique. * A la membrane des brancliies 7 rayons, à la nageoire du dos 48 à chacune des pectorales 33 à celle de l'anus 2g à celle de la queue 12 LE GOBIOIDE BROUSSONNET". Nous dédions cette espèce de gobioïde à notre savant confrère le citojen Broussonnet ; et nous cherchons airisi à lui exprimer notre reconnoissance pour les services qu'il a rendus à l'histoire naturelle, et pour ceux qu'il rend chaque jour à cette belle science dans l'Afrique septentrionale, et particulièrement dans les états de Maroc , qu'il parcourt avec un zèle bien (h'gne d'éloges. Ce gobioïde, qui n'est pas encore connu des natura- listes, a les mâchoires gainies de très- petites dents. Ses na2;eoires thoracines sont assez longues, et réunies de maiîière à former une sorte d'entonnoir j^rofond ; les pectorales sont petiies et arrondies 3 la dorsale et celle de l'anus s'étendent jusqu'à celle de la queue, qui a la forme d'un fer de lance : elles sont assez hautes, et cependant l'extrémité des rajons qui les composent, dépabse la membrane qu'ils soutiennent % Le corps e^t extrêmement alongé , très-bas , très- comprmiéj et la peau qui le recouvre, est assez trans- ' Gob'oïdes Broussonnetiî,. ? A la nageoire du dos 28 rayons» à chacune des nai;eoiros ihoracines y à chacune des pectorales 17 à celle de l'anus 17 à celle de la queue iê> JhlJl ■ Z J'i.jrPa„.r.So 1 GOBIOIDE Brou^sonnet. 2. SCORPENE ff omble .7. SCORPENE Volante ^ HISTOIRE NATURELLE. 58 £ parente pour laisser distinguer le nombi^e et la posi- tion des principaux muscles. Un individu de cette belle espèce faisoit partie de la collection que la Hollande a donnée à la nation Iran- çoise ; el c'est ce même individu dont nous ayons cru devoir faire graver la figure. LE GOBIOiDE QUEUE NOIRE CJest au citoyen Broiissonnet qne nous devons la con- noissance de ce gobioïde , qu'il a décrit sous le nom de gable à queue noire , dont la queue est en efïet d'une couleur noire plus ou moins foncée, mais que nous séparons des gobies proprement dits , parce qu'il n'a qu'une nageoire sur le dos. . Il I ■ I ■ ■ 1 1 1 1 - f - f ' * Gobioïdes melanurus. Sroussonnet ^ Ichthyol. dcc. i. :Gobius melanuros. Linné ^ édition de Gmelin, CINQUANTE-SEPTIÈME GENRE. LES G O B I O ]M O R E S. Les deux nageoires iJioracines non réunies Tune à Faulre; deux nageoires dorsales; la tête petite ; les yeux rap- prochés; les opercules attacJiés dans une grande partie de leur contour. PREMIER SOUS-GENRE. Les nageoires pectorales attachées immédiatement au corps de ranimai. ESPÈCES. CARACTÈRES. I.. Le gob. gronovien. F'^"^" ''•''y^"' '^ ^" ^^^°"^'^ "^^^^•'•^ ^" ^^^^î {Gobiomoru. Gronovii.) \ ^'" ''^^'^ thoracines ; celle de la queue four- (^ chue. 2. LEGOBroMûRETAiBOA.]^'"§* '"^y°"' ^ la seconde nageoire du dos; ,r^L- , L \ \ douze aux tlioracines ; sixà Jd preriiièie dor- [^ sale; celle de la queue , arrondie, j IOnze rayons à la seconde nageoire du dos; huit à chacune des pectorales, ainsi qu'à celle de l'anus; la nageoire de la queue, très-arrondie. SECOND SOU S-G E N R E. Chacune des nageoires pectorales attachée à une prolon- gation charnue. ESPÈCE. CARACTÈRES. 4. Le GOB. KOELREUTER. jTreize rayons à la seconde nageoire du dos; {Goùioinorus Koclreuteii.) \ douze aux tjioracincs. LE GOBIOMORE GRONOVIEN*. Î^ES gobiomores ont élé confondus jusqu'à présent avec les gobies , et par conséquent avec les gobioïdes. Je les en ai séparés pour répandre plus de clarté dans la répartition des espèces thoracines , pour nie con- former davantage aux yéritables principes que l'on doit suivre dans toute distribution méthodique des ani- maux, et afin de rapprocher davantage Tordre dans lequel nous présentons les poissons que nous avons examinés, de celui que la Nature leur a imposé. Les gobiomores sont en effet séparés des gobies et des gobioïdes par la position de leurs nageoires infé- rieures ou thoracines , qui ne sont pas réunies , mais très -distinctes et plus ou moins éloignées lune de l'autre. Ils s'écartent d'ailleurs des gobioïdes par le nombre de leurs nageoires dorsales : ils en présentent deux; et les gobioïdes n'en ont qu'une. Ils sont cependant très-voisins des gobies, avec les- quels ils ont de grandes ressemblances ; et c'est cette sorte d'affinité ou de parenté que j'ai désignée par le * Gobiomorus Gronovii. Gobi us Gronovii. Linné j édition de Gmclin. Gionov. Zooph. p. 82 n. 278. Cesteus argenteus, etc. Klein , Miss. fisc. 5 , />. 24 , /i. 3. Mugil americanus. Raj. Fisc. p. 85, n. 9. Haider. Marcgrac. Brasii, lib. 4, cap. 6, p. i53. HISTOIRE NATURELLE. 385 nom générique àQ gobioinore, voisin ou allié des gobics , que je leur in donné. J'ai cru devoir établir deux sous-genres dans le genre des gobiomores, d'après les mêmes raisons et les mêmes caractères que dans le genre des gobies. J'ai placé dans le premier de ces deux sous-genres les gobiomores dont les nageoires pectorales tiennent immédiatement au corps proprement dit de l'animal, et j'ai inscrit dans le second ceux dont les nageoires pectorales sont atta- chées à des prolongations charnues. Dans le premier sous-genre se présente d'abord le gobiomore gronovien *. Ce poisson , dont on doit la connoissance à Gronou , habite au milieu de la zone torride, dans les mers qui baignent le nouveau continent. 11 a quelques rapports avec un scombre. Ses écailles sont très-petites; mais, excepté celles du dos, qui sont noires, elles présentent une couleur d'argent assez éclatante. Des taches noires sont répandues sur les côtés de l'animal. La ièiQ , au lieu dctre garnie d'écaillés semblables à celles du dos, est recouverte de grandes lames écailleuses. Les jeux 5ont grands et moins rapprochés que sur la pliq^art des gobies ou des gobioïdes. L'ouverture de la bouche * A la membrane des bran cl lies 5 rayons. à ]a première nageoire du dos lo à la seconde 3o à chacune des nageoires pectorales 24 aux tlioracines 10 TOME II. 74 586 HISTOIRE NATURELLE. est petite. Des dents égales garnissent le palais et les deux mâchoires. La langue est lisse, menue et arrondie. La ligne latérale suit la courbure du dos. L'anus est situé vers le milieu de la longueur totale du poisson. Les nageoires tlioracines sont très-grandes, et celle de la c|ueue est fourchue. LE GOBIOMORE TAIBOA*. C'est auprès du rivage hospitalier de la plus célèbre- des isles fortunées qui élèvent leurs collines ombragées et fertiles au milieu des flots agités de l'immense Océan ^quatorial , c'est auprès des bords enchanteurs de la belle isle d'Otahiti, que l'on a découvert le taiJ)oa, l'un des poissons les plus sveltes dans leurs proportions, les plus agiles dans leurs mouvemens, les plus agréables par la douceur de leurs teintes , les plus richement parés par la variété de leurs nuances, parmi tous ceux qui composent la famille des gobiomores, et les genres qui Favoisinent. Nous en devons la première description au citojcn Broussonnet, qui en a vu des individus dans la collec- tion du célèbre président de la société de Londres. Le corps du taiboa est comprimé et très-alongé; les écailles qui le recouvrent, sont presque carrées et un peu crénelées. La tête est comprimée , et cependant plus large que le corps. La mâchoire inférieure n'est pas tout-à-feit aussi avancée que la supérieure ; les dents qui garnissent Tune et l'autre, sont inégales. La * Gobiomorus taiboa. Broussonnet:, IchthyoL dec. r , «. i , tah. i. Gobîus strigatus. Linné y édition de Gnielin, Goujon taiboa. Bonnatcrre , planclies de l'Encyclopédie méthodique. 588 HISTOIRE NATURELLE. langue est lisse, ainsi que le palais 3 le gosier hérissé de dents aiguës, menues et recourbées en arrière 3 la pre- mière nageoire du dos, composée de rajons très-longs ainsi que très-élevés ; et la nageoire de la queue, large et arrondie *. Jetons les jeux maintenant sur les couleurs vi^es ou gracieuses que présente le taiboa. Son dos est d'un verd tirant sur le bleu , et sa partie inférieure blanchâtre; sa tête montre une belle coiJeur jaune plus ou moins mêlée de verd ; et ces nuances sont relevées par des raies et des points que Ton voit sur la tête, par d'autres raies d'un brun plus ou moins foncé qui régnent auprès des nageoires pectorales , et par des taches rougeâtres situées de chaque côté du corps ou de la queue. De plus , les nageoires du- dos , de l'anus et de la queue , offrent un verd mêlé de quelques teintes de rouge ou de jaune, et qui fait très-bien ressortir des raies rouges droites ou courbées qui les parcourent, ainsi que plusieurs rajons qui les soutiennent, et dont la couleur est également d'un rouge vif et agréable. * A la membrane des branchies 6 rayoaSt à la première nageoire dorsale 6 à la seconde nageoire du dos 20 à cliacnne des pectorales 20 aux thoracines 12 à celle de l'anus 19 à cc41e de la queue 22 LE GOBIOxMORE DORMEUR*. Les naturnlistes n'ont encore publié aucune descrip- tion de ce gobioniore, qui vit dans les eaux douces, et particulièrement dans les marais de l'Amérique méri- dionale : nous en devons la connoissance à Plumier; et nous en avons trouvé une figure dans les dessins de ce savant vojageur. La mâchoire inférieure de ce poisson est plus avancée que la supérieure; la nageoire de la queue est très-arrondie : le nombre des rajons de ses nageoires empêche d'ailleurs de le confondre avec les autres gobiomores. On l'a nommé le donneur, sans doute à cause du peu de vivacité ou du peu de fréquence de ses mouvemens. * Gobiomorus dormitor. Cephalus paliislris. Dessins et manuscrits de Plumier ^ déposés à la Biblic- îhrque natinnale. Asellus palustris. Id. ihid. LE GOBIOMORE KOELREUTER*. Le nom de cette espèce est un témoignage de gra- titude envers un savant très-distingué , le naturaliste Koelreuter, qui vit maintenant dans ce pajs de Bade, auquel les vertus touchantes de ceux qui le gouvernent, €t leur zèle très -éclairé pour le progrès des connois- sances , ainsi que pour l'accroissement du bonheur de leurs semblables, ont donné un éclat bien doux aux jeux des amis de l'humanité. Ce gobiomore , dont les tégumens sont mous et recouvrent une graisse assez épaisse , est d'un gris blanchâtre. Ses jeux sont très-rapprochés , et placés sur le sommet de la tête ; ce qui lui donne un grand rapport avec le gobie schlosser , auquel il ressemble encore par la position de ses nageoires pectorales, qui sont attachées au bout d'une prolongation charnue très- large auprès du corps proprement dit ; et c'est à cause de ce dernier trait que nous l'avons inscrit dans un sous-genre particulier, de même que le gobie schlosser. Les lèvres sont doubles et charnues ; les dents iné- gales et coniques : la mâchoire supérieure en présente * Gobiomovus Koelreuteri. Koelreuter, Nov» Conini. PetropoUt. S, p. 421. Goblus Koelreuteri. Linné, édition de Gmelin. Goujon koelreuter. Bonnaterre j planches du l'EncycîcpSdie méthodique. HISTOIRE NATURELLE. 5gi de chaque coté une beaucoup plus grande que les autres. La ligne latérale paroît comme comprimée; l'anus est situé vers le milieu de la longueur totale du poisson y et la nageoire de la queue est un peu lancéolée. La première nageoire dorsale est brune et bordée de noir : on distingue une raie longitudinale et noi- râtre sur la seconde, qui est jaunâtre et fort trans- parente *■. On voit au-delà et très-près de Tanus du gobiomore koeireuter, ainsi que sur plusieurs gobies, et même sur des poissons de genres très-difl'érens , un petit aj)pendice conique, (|ue l'on a novumé péditnciile «e- ?iita/, qui sert en effet à la reproduction de l'animal, et sur l'usage duquel nous présenterons quelques dé- tails dans la suite de cette Histoire, avec plus d'avan- tage que dans l'article particulier que nous écrivons. * A la membrane des brancliies 2 rayons, à la première nageoire dorsale 12 à la seconde i3 à chacune des pectorales i3 aux thoracines 12 à celle de l'anus 11 il celle de la fjueue i3 CINQUANTE-HUITIÈME GENRE. LES GOBIOMOROÏDES. Les deux nageoires tlioracines non réunies Tune à Vautre; une seule nageoire dorsale; la tête petite; les yeux rapprochés; les opercules attachés dans une grande partie de leur contour, ESPÈCE. CARACTÈRES. rOuarante-cinq rayons à la nageoire du dos; Le GOBlOMOROlDE PISON.l^ • ^ , i .1 • 1 a 1 • ^ SIX a chacune des thoracines; la mâchoire (Gobiomoroïdes piso.) 1 . p. • 1 , 1 , • '^ I inréneure plus avancée que Ja supérieure. LE GOBIOMOROÏDE PISON*. Les gobies ont deux nageoires dorsales ; les gobîoïdcs n'en ont qu'une , et voilà pourquoi nous avons séparé ces derniers poissons des gobies, en indicjuant cepen- dant , par le nom générique que nous leur avons donné , les grands rapports qui les lient aux gobies. Nous écar- tons également des gobioniores, dont le dos est garni de deux nageoires, les gobiomoroïdes, qui n'offrent sur le dos qu'un seul instrument de natation ; et néanmoins nous marquons , par le nom générique de ces gobio- moroïdes , les ressemblances très-frappantes qui déter- minent leur place à la suite des gobiomores. Le pison a la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure; sa tête est d'ailleurs aplatie ; on le trouve dans l'Amérique méridionale. En examinant dans une collection de poissons dessé- chés , donnée par la Hollande à la France , un gobio- moroïde pison, nous nous sommes assurés que les deux mâchoires sont garnies de plusieurs rangées de dents fortes et aiguës. L'inférieure a de plus un rang de dents * Gobiomoroïdes piso. Pison. Ind. lib. 3, p. 72. Auaore pixuma. RciJ. P/'sc. p. 80 , n. i. Eleotris capite plagioplateo , etc. Grojiow Mus. 2, p. 16 y n, 168; Zoopk. p. 83 , n. 279. Gobius Pisonis. Linné , édition de Gmelin, TOME II. 75 S94 HISTOIRE NATURELLE. plus fortes , plus grandes , plus recourbées , et plus éloignées les unes des autres , que celles de la mâchoire supérieure. La tête est comprimée aussi-bien que déprimée , et garnie d'écailles presque semblables par leur grandeur à celles qui revêtent le dos. La nageoire de la queue est arrondie *. Le nom de cette espèce rappelle Touvrage publié par Pison sur rAméri([ue australe, et dans lequel ce médecin a parlé de ce gobiomoroïdc. * A la nageoire du dos 45 rayons. à chacune des pectorales 17 à chacune des thoracincs 6 à celle de l'anus 28 à celle de la queue la CINQUANTE-NEUVIÈME GENRE. LES COBIÉSOCES. JLes deux nageoires tJioraciiies non réunies Tune cl Vautre-^ une seule nageoire dorsale; cette nageoire très-courte et placée au-dessus de V extrémité de la queue, très-prés de la nageoire caudale) la tête très-grosse, et plus large que le corps. ESPÈCE. CARACTÈRES. Le gobiésoce testar. jLes lèvres doubles et très-exlensiblesj la na- [G ohiesox cephalus .) \ gcoire de la cjueue , arrondie. •^ LE GOBIÉSOCE TESTAR*. C'est à Pkimier que Ton devra la figure cle ce poisson encore incontiu des iicsturalistes , et que nous avons regardé comme devant appartenir à un genre nouveau. Celle que nous avons fait graver , et que nous publions dans cet ouvrage, a été copiée d'après vm dessin de ce célèbre vojageur. Le ies/ûrhahlie Feau douce : on l'a observé dans les fleuves de l'Amérique méridionale. Le nom vulgaire de testar , qui lui a été donné, suivant Plumier , par ceux qui l'ont vu dans les rivières du nou- veau monde , indique les dimensions de sa tète, qui est trës-grosse, et plus large que le corps ; elle est d'ailleurs arrondie par-devant , et un peu déprimée dans sa partie supérieure. Les jeux sont (rès-rapprocliés Tun de l'au- tre j les lèvres doubles et extensibles. On apperçoit une légère concavité sur la nuque , et l'on remarque sur le dos un enfoncement semblable ; le ventre est très-sail- lant, très-gros, distingué, par sa proéminence, du dessous de la queue^ Il n'j a qu'une nageoire dorsale; et cette nageoire, qui est très-courte , est placée au-des- sus de l'extrémité de la queue , fort près delà caudale. Nous verrons une conformation très-analogue dans les * Gobit'sox cephalus. Cephakis fluviatilis major, vufgà teslar. D^ssuis et manuscrits de PUnnur,. iéposcs à la Bibliothèque natlonaU, Hun 2 P/.icf'urSoh". 1. GOBIÉSOCE Tesfar 2 SCOMBÉIWIDE Jaufeur.O. SCORPENK flumwr HISTOIRE NATURELLE. 697 ësoces ; et comme d'ci illeurs le teslar a beaucoup de iTipporCs avec les gobics , nous avons cru devoir former sa dénominal ion généricpie de la réunion du nom de gobie avec celui (ïcsoce, et nous l'avons appelé ^oZ'/c^oce testa r, La nageoire de l'anus, plus voisine encore que la dor- sale , de celle de la queue, est cependant située en très- grande partie au-dessous de cette même dorsale : la cau- dale est donc très-près de la dorsale et de la nageoire de l'anus ; elle est, de plus , très-étendue et fort arrondie *. La couleur générale de l'animal est d'un roux plus foncé sur le dos que sur la partie inférieure du poisson , et sur lequel on ne distingue ni raies , ni bandes, ni taches proprement dites. Au milieu de ce fond presque doré, au moins sur certains individus, les jeux, dont l'iris est d'un beau bleu , paroissent comme deux saphirs. * A la nageoire du clos 8 ravons. à chacune des pectorales 11 à chactme des thoracines 5 à celle de l'anus 4 ou 5 à la caudale 11 SOIXANTIÈME GENRE. LES SCOMBRES. Deux nageoires dorsales- une ou plusieurs petites na^ geoires au-dessus et au-dessous de la queue y les cotés de la queue carénés, ou une petite nageoire composée de deux aiguillons réunis par une membrane, au-devant de la nageoire de V anus. ESPECES. I. Le scomb. commerson. {Scoinher commerstin.) z. Le scombre guare. (Scomber gua.a.) 3. Le scombre thon. (^Scomber thynnus.') 4. Le scombre germon. {Scomber germon.) CARACTER ES. Le corps très-alongé; dix petites nageoires très-séparées l'une de l'autre , au-dessus et au-dessous de la queue ; la première na- geoire du dos lono;ue et très -basse; la seconde courte, échancrée , et presque semblable à celle de l'anus; la ligne laté- rale dénuée de petites plaques. Dix petites nageoires au-dessus et au-dessous de la queue ; la ligne latérale garnie de [ petites plaques. 'Huit ou neuf petites nageoires au-dessus et au-dessous de la queue ; les nageoires pec- torales n'atteignant pas jusqu'à l'anus, et se terminant au-dessous de la première dorsale. Huit ou neuf petites nageoires au-dessus et au-dessous de la queue ; les nageoires pec- torales assez longues pour dépasser l'auus. HISTOIRE NATURELLE. isr Èc ES. s 99 5. Le SCOMBRE THAZARD. (Scu/nbcr thazard.) 6. Le scombre bonite. {Scoinber pclamiJcs.) 7. Le scombre alatunga. [^Scumbcr alatunga.^ 0. Le scombre chinois. {Scumber sinensis.) «j. Le scomb. maquereau. (Scomber scouibius.) G A R A C T KR E S. Huit OU neuf petites nageoires au-dessus, et sept au-dessous de la queue; les peclorales à peine de la longueur des tlioracines; les côtés et la partie inlerieure de ranimai sans tache. V Huit petites nageoires au-dessus, et sept au- dessous de la queue; les p( ctorales attei- gnant à peine à la moitié de l'espace com- pris entre leur base et l'ouverture de î'auns ; quatre raies longitudinales et noires sur le ventre. [Sept petites nageoires au-dessus et au-dessous de la queue ; les pt ctorales très-longues. 'Sept petites nageoires au-dessus et au-des- sous de la queue; les pectorales courtes; la ligne latérale saillante, descendant au-tlelà des nageoires pectorales, et sinueuse dans tout son cours; point de raies longitudi- nales. Cinq petites nageoires au-dessus et au-dessous de la queue; douze rayons à chaque nageoire du dos. 10. Le SCOMBRE JAPONOis. f^'^^ P^^'^^^ nageoires au-dessus et au-descc-s {Scovib.r japonicus.) \ '^'^ ^^ ^1^'*^"^ 5 '^"it rayons à chaque nageoire (^ dorsale. Cinq petites nageoires au-dessus et au-dessous ' de la queue ; la partie supérieure de l'ani- mal , couleur d'or. TI. Le SCOMBRE DORÉ. (^StO/nbcr aurci.s.) T2. Le SCOMBRE albacore. fDeux aiéles couvertes d'une peau brillante, {JSconiber albacoru^.) \ au-dessus de chaque opercule. LE SCOMBRE COMMERSON Le genre des scombres est un de ceux qui doivent le plus intéresser la curiosité des naturalistes, parleurs courses rapides , leurs longs vojc^ges , leuns chasses, leurs combats , et plusieurs autres habitudes. Nous tâcherons de faire connoître ces phénomènes remarqua- bles, en traitant en particulier du thon , de la bonite et du maquereau, dont les mœurs ont été fréquemment observées : mais nous allons commencer par nous occu- per du scombre commerson et du gunre , afin de mettre dans l'exposition des formes et des actes principaux des poissons que nous allons considérer , cet ordre sans lequel on ne peut ni distinguer convenablement les objets , ni les comparer avec fruit , ni les graver dans sa mémoire , ni les retrouver facilement pour de nouveaux examens. C'est aussi pour établir d'une manière plus générale cet ordre, sans lequel , d'ailleurs, le stjle n'au- roit ni clarté , ni force , ni chaleur , et de plus pour nous conformer sans cesse aux principes de distribution méthodique qui nous ont paru devoir diriger les études des naturalistes, que nous avons circonscrit avec pré- cision le genre des scombres. Nous en avons séparé plu- sieurs poissons qu'on y avoit compris , et dont nous *Scomber commerson. HISTOIRE NATURELLE, 6or avons cru devoir même former plusieurs genres difïV- rens , et nous n'avons présenté comme véritables scojii- hres , comme semblables par les caractères génériques aux maquereaux , aux bonites , aux thons , et par consé- quent aux poissons reconnus depuis long-temps pour des scombres proprement dits, que les thoracins qui ont , ainsi que les thons , les maquereaux et les bonites, deux Ucngcoires dorsales , et en outre une série de nageoires très-petites , mais distinctes , placée entre la seconde nageoire du dos et la nageoire de la queue , et une seconde rangée d'autres nageoires analogues , située entre cette même nageoire de la queue et celle de l'anus. On a nommé ces nageoires si peu étendues, et si nombreuses , de fausses nageoires ; mais cette expression est impropre , puisqu'elles ont les caractères d'un véritable instrument de natation , qu'elles sont composées de rajons soutenus par une membrane , et qu'elles ne diffèrent que par leur figure et par leurs dimensions , des pectorales, des thoracines , etc. Le nombre de ces petites nageoires variant suivant les espèces , c'est d'après ce nombre que nous avons déter- miné le rang des divers poissons inscrits sur le tableau du genre. Nous avons présenté les premiers ceux qui ont le plus de ces nageoires additionnelles; et voilà pourquoi nous commençons par décrire une espèce de cette famille, que les naturalistes ne connoissent pas encore , dont nous avons trouvé la figure dans les ma- nuscrits de Commerson , et à laquelle nous avons cru TOME IJ. 76 6o2 HISTOIRE NATURELLE devoir donner le nom de cet illustre vojageur , q^ii a enrichi la science, de tant d'observations précieuses. Ce scombre offre dix nageoires supplémentaires , non seulement très-distinctes , mais très-séparées l'une de l'autre , dans l'intervalle qui sépare la caudale de la seconde nageoire du dos ; et dix autres nageoires con- formées et disposées ^de même régnent au-dessous de la queue. Ces nageoires sont composées chacune de quatre ou cinq petits rajons réunis par une membrane légère , rapprochés à leur base , et divergens à leur sommet. Le corps et la queue de fanimal sont d'ailleurs extrê- mement alongés, ainsi que les mâchoires , qui sont aussi avancées l'une que l'autre, et garnies toutes les deux d'un rang de dents fortes, aigués et très-distinctes. Le museau est pointu ; l'œil gros ; chaque opercule composé de deux lames arrondies dans leur contour postérieur; la première dorsale longue , et très-basse sur-tout à me- sure qu'elle s'avance vers la queue ; la seconde dorsale échancrée par -derrière , très-courte , et semblable à celle de l'anus ; la caudale très-échancrée en forme de croissant ; la ligne latérale ondulée d'une manière peu commune , et fléchie par des sinuosités d'autant plus sensibles qu'elles sont plus près de l'extrémité de la ([ueue ; et la couleur générale du scombre , argentée , foncée sur le dos , et variée sur les côtés j^ar des taches nombreuses et irrégulières. Nous n'avons besoin pour terminer le portrait du DES POISSONS. 6o3 commersùn , que 0]';! jouter (jiie les thoracincs sont triangulaires comme les pectorales , mais beaucoup plus petites que ces dernières *. * 18 rayons à la première nagco're du clos. 5 ou 6 À chacune des tlioracines. LE SCOMBRE GUARE". C'est dans l'Amérique méridionale que Ton a observé le guare. Il a , comme le commerson, dix petites nageoires au-dessus ainsi qu'au-dessous de la queue. Mais indépen- damment d'autres différences, sa ligne latérale est gar- nie de petites plaques plus ou moins dures , et presque osseuses ; et l'on voit au-devant de sa nageoire de l'anus une petite nageoire composée d'une membrane et de deux rajons ; ou pour mieux dire , le guare présente deux nageoires anales , tandis que le scombre com- iiierson n'en montre qu'une ^ ' Scomber guara. Scomber cordyla. Linné y édition de Gmelin. Scombcfi guare. Dauhenton^ Encyclapédie méthodique. Id. Bonnaterre , planches de l'Encyclopédie méthodique. Scomber lineâ laterali curvâ, tabellis osseis lorlcatâ. Gronov. Act. UpsaL iy5o, p. 36. Scomber compressas , latus , etc. Gronov. Zooph. 807. Guara tereba. Marcgrav. Brasil. 172. Tiacburus brasiliensis. Raj. Fisc. 98. * A la première nageoire du dos 7 rayons, à la seconde 9 à chacune des pectorales i5 à cliacune des ihoracines 6 à la première de l'anus 2 à la seconde 14 à celle de la queue ao LE SCOMBRE THON*. L'imagination s^élève à une bien grande hauteur; et les jouissances de l'esprit deviennent bien vives, * Scomber tbynnus. Ton , sur quelques rivages de France. Athon , dans quelques départemens méridionaux* ^oun, auprès de Murseille. Tonno , sur les côtes de la Ligurie* Tunny fisli , en Angleterre. Spanisli mackrell , ibid, Orcynus. Albacore , dans quelques contrées d'Europe, Talling talling, aux Maldives. Scomber tbynnus. Linné ^ édition de Gmelin, Scoœbre tbon. Daubentony Encyclopédie méthodique, Id. Bonjiaterre y planches de l'Encyclopédie méthodique, NI'ùll- Prodrom. p. 47, n. 3g6. Scomber pinnulis suprà Infràque octo. Brunn. Fisc. Massil. p. no, n. 86. Scomber albicans, seu albecor. Osb, It. 60. ( Il est inutile d'observer que ces noms (Talbicor^ ou d^albecor ^ albacor j albacore^ ont été donnés, par plusieurs voyageurs et par quelques naturalistes , à différentes espèces de scombres , ainsi que nous aurons de nouvelles occasions de le Taire remar- quer. ) Scomber pinnulis octo seu novera in extrerao dorso , sulco ad pinnas ventrales. Artcdi, g^^' 3l , syn . 4g. o' S^i/vvof Ariistot. lib. 2 , cap, i3 ; lié, 4 , cap. 10 ; Ub. 5 , cap. g , 10 et ij^ lib, 6, cap. 17; lib. 8, cap. 2 , 12 , i3 , l5 , 19 e^3t3 ; et lib. g, cap. 2. Id. Mlian. Lib. g , cap. 42 , p. 649 ; lib. i5, cap, i3, 16 , 27 ; et lib, i5, cap. 3,5 et d, Id. Alhen. lib. 7, p. 3oi, 3o2 , 3o3 , 3ig. Id. Oppian. liai. lib. 2,/?. 48. • 6o6 HISTOIRE NATURELLE toutes les fois que l'étude des productions de la Na-» ture conduit à une contemplation plus attentive de la vaste étendue des mers. L'antique Océan nous com- mande l'admiration et une sorte de recueillement reli- o-ieux , lorsque ses eaux paisibles n'offrent à nos jeux Tliunnus. Ovid^.Hal. v. 98. Id. Caz. Arist, Id. Aldrovand. lih. 3 , cap. 18 , p. 3l3. Id. Jonston , Ub. i , lit. i , cap. 2 , a. I , tah. 3 , fig. 2. Thunnus, sive thynnus. Bellon. Id. Gesner, p. 967, 967, 1148, et {gerni.) fol. 58 , 3. P\.aj. p- 5'j. Thunnus , vel orcynus. Sc/ionev. p. 75. Thynnus. P/in. Ub. g, cap. i5 j et Ub, 3z , cap. n^ Solin. Po/yhist. cap. 18 , 11. Cuba, Ub, 3 , ca-p. 96 y fol. 92 , b, P. Jov. C. 6 , /'. 52. Wottoiiy Ub, 8, cap. iB6,,fol. i63,ô. Scomber dentibus planLs lanceolatis, maxîUâ superiore aciUâ Zœ/f. Epi', t. Scomber, pinnulis utrinque novem, dorso dipterygio , etc. Gronov. Z'^opli- 3o5. Bloch y pJ. 55. Thynnus pinnulis superiorlbus novem , inferlorîbus octo. Brown^Jamaic. 45 1. CorettaalbaPisonis. JVHU'glby, Ichthyol. tab. M^ 5 yfig. r. Thynnus, seu tliunnus Bellonii. Id. p. 176, Guara pucu. Marcgrav. Brasil. p, 178. Pisn y Indic. p. 5(). Thon, oikj)nos, grand thon. Rondelet, part, i , Ih. 8, cîiap. 12. Pelamis pinnà dorsali sccundà rubio aut flavo colore infecCâ , etc. JSr/^-iW, 'Miss. pisc. 5, />. 12, n. 3. Gros thon, vrai thon. Duhamel , Traité des pèches y part, 2.^ t. 3, sect. 7, chap, 2 , art. i , p. 190, pi- 5* DES POISSONS. 607 qu'une immense plaine liquide. Le spectacle de ses ondes bouleversées par la tempête, et de ses ahjmes entr'ouverts au pied des montagnes écumantes formées par ses flots amoncelés , nous pénètre de ce sentiment profond qu'inspire une grande et terrible catastrophe. Et quel ravissement n'éprouve-t-on pas \ lorsque ce même Océan, ne présentant plus ni Funifornuté du calme, ni les horreurs des orages conjurés , mollement agité par des vents doux et légers , et resplendissant de tous les feux de l'astre du jour, nous montre toutes les scènes variées des courses , des jeux , des combats et des amours des êtres vivans qu'il renferme dans son sein î Ce sont principalement les poissons auxquels on adonné le nom d-e pélagicfues , qui animent ainsi par leurs mouvemens rapides et multipliés la mer qui les nourrit. On les distingue par cette dénomination, parce qu'ils se tiennent pendant une grande partie de l'année à une grande distance des rivages. Et parmi ces habitans ÛQS parties de l'Océan les plus éloignées des côtes , on doit sur-tout remarquer les thons dont nous écrivons l'histoire. Les divers attributs qu'ils ont reçus de la Nature, leur donnent une grande prééminence sur le plus grand nombre des autres poissons. C'est presque toujours à la surface des eaux qu'ils se livrent au repos , ou qu'ils s'abandonnent à l'action des diverses causes qui peuvent les déterminer à se mouvoir. On les voit, réunis en troupes très-nombreuses , bondir avec agilité , s "élancer 6o8 HISTOIRE NATURELLE avec force, cingler avec la vélocité d'une flèche. La vivacité avec laquelle ils échappent, pour ainsi dire,, à l'œil de l'observateur , est principalement produite par une queue très-longue, et qui, frappant l'onde salée par une face très-étendue, ainsi que par une nageoire très-large , est animée par df^s muscles vigoureux et soutenue de chaque coté par un cartilage qui accroît l'énergie de ces muscles puissans*» Lorsque dans certaines saisons , et particulièrement dans celle de la ponte et de la fécondation des œufs , une nécessité impérieuse les amène vers quelque plage, ils serrent leurs rangs nombreux , ils se pressent les uns contre les autres ; et les plus forts ou les plus audacieux précédant leurs compagnons à des distances détermi- nées par les degrés de leur vigueur et de leur courage , pendant que des nuances différentes composent une sorte d'arrière-garde plus ou moins prolongée ^ des individus les plus foibles et les plus timides , on ne doit pas être surpris que la légion forme une sorte de grand parallélogramme animé , que l'on apperçoit naviguant sur la mer , ou qui , nageant au milieu des flots qui le couvrent encore et le dérobent à la vue , s'annonce cependant de loin par le bruit des ondes rapidemeut refoulées devant ces rapides vojageurs. Des échos ont quelquefois répété cette espèce de bruissement, ovi de * Voyez , dans le Discours sur la nature des poissons ) ce que nous- avons dit de la ziatatioa de ces animaux. DES r o I S S o :; S. 609 murmure lointain , (|ui se propageant alors de rocher -en rocher, et multiplié de rivage en rivage , a ressem- blé il ce retentissement sourd , mais imposant , cpii , au milieu du calme sinistre des journées brûlantes de ïélé, annonce Tapproche des nuées orageuses. ]\la]gré leur multitude , leur grandeur, leur force et leur vitesse , ces élémens des succès dans l'attaque ou dans la défense , un bruit soudain a souvent suspendu une tribu vojageuse de thons au milieu de sa course: on les a vus troublés , arrêtés et dispersés par une vive décharge d'artillerie, ou par un coup de tonnerre subit. Le sens de l'ouïe n'est même pas , dans ces animaux , le seul que des impressions inattendues ou extraordinaires plongent dans une sorte de terreur : un obje^ d'une forme ou d'une couleur singulière sufîît pour ébranler l'organe de leur vue , de manière à les eflrajer , et à interrompre leurs habitudes les plus constantes. Ces derniers effets ont été remarqués par plusieurs voja- geurs modernes , et n'avoient pas échappe aux naviga- teurs anciens. Pline rapporte , par exemple , que, dans le printemps , les thons passoient en troupes composées d'un grand nombre d'individus, de la Méditerranée, dans le Pont-Euxin , ou mer Noire ; que dans le bosphore de Thrace , qui réunit la Propontide à l'Euxin , et dans le détroit même qui sépare l'Europe de l'Asie, un rocher d une blancheur éblouissante et d'une grande hauteur s'élevoit auprès de Chalcédoine sur le rivage asiatique; que l'éclat de cette l'oclie frappant subitement TOME II. 77 6lO HISTOIRE NATURELLE les légions de thons , les effrajoit au point de les con- traindre h se précipiter vers le cap de B) zance , opposé à la rive de Chalcédoine; que cette direction forcée dans le vojage de ces scombres en rendoit la pêche trcs- abondante auprès de ce cap de Bjzance , et presque nulle dans les environs des plages opposées ; et que c'est à cause de ce concours des thons auprès de ce promon- toire , qu'on lui avoit donné le nom de xp'^^oy-^l-^? ^ o^ de Corne cïor , ou de corne d' abondance *. Ces scombres sont cependant très-courageux dans la plupart des circonstances de leur vie. Un seul phé- nomène le prouveroit ; c'est Tétendue et la durée des courses qu'ils entrepreiinent. Pour en connoître nette- ment la nature , il faut rappeler la distinction que nous avons faite en traitant des poissons en général, entre leurs vojages périodiques et réguliers, et ceux qui ne présentent aucune régularité, ni dans les cir- constances de temps , ni dans celles de lieu. Les migra- tions régulières et périodiques des thons sont celles aux- quelles ils s'abandonnent, lorsqu'à l'approche de chaque printemps, ou dans une saison plus chaude , suivant le climat qu'ils habitent ^ ils s'avancent vers la tempéra- ture, l'aliment, l'eau, l'abri, la plage qui conviennent le mieux au besoin ([ui les presse^ pourj déposer leurs œufs, ou pour les arroser de leur liqueur vivifiante, * C'est pour rappeler ce même concours, que les médailles de Bjzauce présentent l'image du thon. DES POISSONS. 6 ï r on lorsqii'après s'être débarrassés d'un fluide trop stinui- lant , ou d'un poids trop incoinmocle , et avoir repris des forces nouvelles^ dans le repos et l'abondance , ils quit- tent les côtes de l'Océan avec les beaux jours, regngncMit la haute mer , et rentrent dans les profonds asjles (ju'elle leur offre. Leurs vojages irréguliers sont ceux qu'ils entreprennent à des époques dénuées de tout carac- tère de périodicité , qui sont déterminés p£ir la nécessité d'échapper à un danger apparent ou réel, de fuir un ennemi , de poursuivre une proie , d'appaiser une faim cruelle , et qui , ne se ressemblant ni par l'espace par- couru , ni par la vitesse emplojée à le franchir , ni par la direction des mouvemens , sont aussi variables et aussi variés que les causes qui les font naître. Dans leurs vojages réguliers, ils ne vont pas communément chercher bien loin , ni par de grands détours , la rive qui leur est nécessaire , ou la retraite pélagienne qui rem- place cette rive , pendant le règne des hivers. Mais dans leurs migrations irrégulières , ils parviennent souvent à de très-grandes distances ; ils traversent avec facilité dans ces circonstances , non seulement des golfes et des mers intérieures, mais même l'anticjue Océan. Un intervalle de plusieurs centaines de lieues ne les arrête pas ; et malgré leur mobilité naturelle , fidèles à la cause qui a déterminé leur départ , ils continuent avec cons- tance leur course lointaine. Nous lisons dans l'intéres- sante relation rédigée et publiée par le général Milet- 6 12 HISTOIRE NATURELLE I\îiireau , du vojage Je notre célèbre et infortuné navi- gateur la Pérouse ', que des scombres à la vérité de l'espèce appelée bonite , mais bien moins favorisés que les thons , relativement à la faculté de nager avec vitesse et avec constance , suivirent les bâtimens commandés ]:!ar cet illustre vojageur , depuis les environs de Fisle de Pâque , jusqu'à fisle Mov'ce , l'une des isles Sand- wich. La troupe de ces scombres , ou le banc de ces pois- sons , pour emplojer l'expression de nos marins , fit quinze cents lieues à la suite de nos frégates : plusieurs de ces animaux , blessés par les foè nés , ou trulenis , des matelots françois , portoient sur le dos une sorte de sign; lemeut qu'il étoit impossible de ne pas distinguer; et l'on reconnoissoit chaque jour les mêmes poissons qu'on avoit vus la veille '. Quelque longue que puisse être la durée de cette puissance qui les maîtrise , plusieurs marins allant d'Europe en Amérique , ou revenant d'Amérique en Europe , ont vu des thons accompagner pendant plus de quarante jours les vaisseaux auprès desquels ils trouvoient avec facilité une partie de l'aliment qu'ils aiment 3 et cette avidité pour les diverses substances nutritives que Ton peut jeter d'un navire dans la mer, ' Voyage de la Pcrousey rédigé par Milet-Mureaii, in-4'', tome II, p. 129. =* Voyez ce que nous avons écrit sur la vitesse des poissons, dans notre Discours préliminaire sur la nature de ces animaux. DES POISSONS. 6 I 3 nVst pas le seul lien qui les retienne pendant un très- grand nombre de jours auprès des bâtimens. L'atten- tif Commcrson a observé une autre cause de leur assi- duité auprès de certains vaisseaux , au milieu des mers chaudes de l'Asie, de l'Afrique et de l'Américjue , (pi'il a parcourues. 11 a écrit , dans ses manuscrits , cpie dans ces mers dont la surface est inondée des rayons d'un soleil brûlant, les thons, ainsi que plusieurs autres pois- sons , ne peuvent se livrer , auprès de cette même sur- face des eaux, aux diiî'érens mouvemens qui leur sont nécessaires , sans être éblouis par une lumière trop vive, ou fatigués par une chaleur trop ardente: ils cherchent alors le voisinage des rivages escarpés , des rochers avancés , des promontoires élevés , de tout ce qui peut les dérober pendant leurs jeux et leurs évolutions aux feux de l'astre du jour. Une escadre est pour eux comme une forêt flot tante qui leur prête son ombre protectrice : les vaisseaux , les mâts , les voiles , les antennes , sont un abri d'autant plus heureux pour les scombres , que , perpétuellement mobile, il les suit, pour ainsi dire, sur le vaste Océan , s'avance avec une vitesse assez égale à celle de ces poissons agiles , favorise toutes leurs ma- nœuvres , ne retarde en quelque sorte aucun de leurs mouvemens ; et voilà pourquoi , suivant Commerson , dans la zone torride , et vers le temps des plus grandes chaleurs, les~ thons qui accompagnent les bâtimens, se rangent , avec une attention facile h remarquer . du 6l4 HISl^OîRii NATURELLE côté des vaisseaux qui n'est pas exposé aux i-ajons du soieil *. Au reste , cette habitude de chercher l'oiribre des navires peut avoir quelque rapport avec celle de sus- pendre leurs courses pendant les brumes , qui leur est attribuée par quelques vojageurs. Ils interrompent leurs vojages pour plusieurs mois , aux approches cki froid ; et dés le temps de Pline , on disoit qu'ils hiver- noient dans l'endroit où la mauvaise saison les surpre- noit. Ou prétend que, pendant cette saison rigoureuse , ils préfèrent ])our leur habitation les fonds limoneux. Ils s'j nourrissent de poissons, ou d'autres animaux de la mer plus foibles qu'eux; ils se jettent particulière- ment sur les exocets et sur les dupées ; les petits scom- bres deviennent aussi leur proie ; ils n'épargnent pas même les jeunes animaux de leur espèce ; et comme ils sont très-goulus, et, d'ailleurs, tourmentés dans cer- taines circonstances par une faim qui ne leur permet pas d'attendre les alimens les plus analogues à leur organisation, ils avalent souvent avec avidité, dans ces retraites vaseuses et d'hiver, aussi-bien que dans les autres portions de la mer qu'ils fréquentent , des frag- mens de diverses espèces d'algues. Ils ont besoin d'une assez grande quantité de nour- riture , parce qu'ils présentent communément des * Nous parlerons encore de ccUc observation de Commerson, dans l'article du se ombre gcnnon. DES POISSONS. 6 l 5 dimeiisioiis coiisklérables. Pline et les autres auteurs anciens qui ont écrit sur .les thons , Us oiit ranges joarmi les poissons les plus remarquables par leur volume. Le naturaliste romain dit ([u'on en avoit vu du poids de quinze talens *, et dont la nageoire de la queue avoit de largeur, ou, pour mieux dire , de hauteur, deux coudées et un palme. Les observateurs modernes ont mesuré et pesé des thons de trois cent vingt-cinq centimètres de longueur, et du poids de cinquante- einq ou soixante kilogrammes ; et cependant ces pois- sons , ainsi que tous ceux qui n'éclosent pas dans le ventre de leur mère, proviennent d'œufs très-petits: on a comparé la grosseur de ceux du thon à celle des graines de pavot. Le corp.s de ce scombre est très-alongé , et semblable à une sorte de fuseau très-étendu. La tète est petite ; l'œil gros ; l'ouverture de la bouche très-large ; la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure , et garnie, comme cette dernière , de dents aiguës ; la langue courte et lisse; forifice branchial très-grand; Lopercule composé de deux pièces ; le tronc épais , et * Ce poids de quinze talens a.'hlbut' à un tliou nous paroît bien supérieur à celui qu'ont du présenter les gros poissons de l'espèce que nous décrivons. En effet, le talent des Roaialns, leur c:'nivm--]TQndiiini^ étoit égal , selon Paucton [Métrologie ^ /?. 761 ) , à 68 -'^'V livres de France, poids de marc, et le petit talent d'Egypte , d'Arabie, etc. égaloit 4,5 -f^- ou -^livres de France. Un thon auroit donc pesé au moins 670 livres; ce qui ne nous semble pas admissible. 616 HISTOIRE NATURELLE n couvert , ainsi que la queue , d'écailies petites, minces et foiblcment attachées. Les petites nageoires du dessus et du dessous de la queue sont communénient au nombre de huit*. Quelques observateurs en ont compté neuf dans la partie supérieure et dans la partie infé- rieure de cette portion de l'animal; et d'après ce der- nier nombre , on pourroit être tenté de croire que l'on peut quelquefois confondre l'espèce du thon avec celle du germon , dont la queue olîre aussi par-dessus et par-dessous huit petites nageoires : mais la proportion des dimensions des pectorales avec la longueur totale du sccmbre, suffira pour séparer avec facilité les germons des poiesons que nous tâchons de bien faire connoitre. Dt^ns les germons , ces pectorales sV(endent Jusqu'au - delà de Torifice de l'anus ; et dans les .thons , elles ne sont jamais assez grandes pour j par- venir ; elles s'e terminent à peu près au-dessous de l'endroit du dos où finit la première dorsale. La nageoire de la queue est figurée en croissant : nous avons fait remarquer son étendue dès le commen- cement de cet article. Nous avons eu occasion , dans une autre portion de A la première nageoire dorsale \o rayons. à la seconde 12 à chacune des pectorales 22 à chacune des ihoracincs 6 ^i celle de l'anus i3 À celle de la queue 25 DES POISSONS. 617 cet ouvrage *, de parler de ces petits os auxquels on a particulièrement donné le nom d* are les , qui placés entre les muscles ajoutent à leur force , que l'on n'ap- perçoit pas dans toutes les espèces de poissons, mais que Ion n'a observés juscp'à présent que dans ces habitans des eaux. Ces arêtes sont simples ou four- chues. Nous avons dit de plus, que, dans certaines espèces de poissons , elles aboutissoient à l'épine du dos , quoiqu'elles ne fissent pas véritablement partie de la charpente osseuse proprement dite. Nous avons ajouté que , dans d'autres espèces , non seulement ces arêtes n'étoient pas liées avec la grande charpente osseuse , mais qu'elles en étoient séparées par différens intervalles. Les scombres , et par conséquent les thons , doivent être comptés parmi ces dernières espèces. Telles sont les particularités de la conformation extérieure et intérieure du thon , que nous avons cru convenable d'indiquer. Les couleurs qui le distin- guent ne sont pas très-variées, mais agréables et bril- lantes : les côtés et le dessous de l'animaî présentent l'éclat de l'argent; le dessus a la nuance de l'acier poli j l'iris est argenté, et sa circonférence dorée; toutes les nageoires sont jaunes ou jaunâtres, excepté la première du dos , les thoracines et la caudale , dont le ton est d'un gris plus ou moins foncé. Les anciens donnoient différens noms aux scombres * JJiscours sur la nature des poissons, TOME II. 78 6l8 HISTOIRE NATURELLE qui sont l'objet de cet article , suivant 1 âge , et par conséquent le degré de développement de ces animaux. Pline rapporte qu'on nommoit conlyles les thons très- jeunes qui, venant d'éclore dans la mer Noire, repas- soient, pendant l'automne, dans FHellespont et dans la Méditerranée, à la suite des légions nombreuses des auteurs de leurs jours. Arrivés dans la Méditerranée , ils j portoient le nom de pcïamidcs pendant les pre- miers mois de leur croissance ; et ce n'étoit qu'après un an que la dénomination de thon leur éloit appliquée. Nous avons cru d'autant plus utile de faire mention ici de cet antique usage des Grecs ou Romains , que ces expressions de cordyle et de pélamide ont été suc- cessivement employées par plusieurs auteurs anciens et modernes dans des sens très-divers ; qu'elles servent maintenant à désigner deux espèces de scombres, le guare et la bonite, très-différentes du véritable thon; et qu'on ne sauroit prendre trop de soins pour éviter la confusion, qui n'a régné que trop long-temps dans l'étude de l'histoire naturelle. Des animaux marins très-grands et très-puissans, tels que des squales et des xiphias, sont pour les thons des ennemis dangereux , contre les armes desquels leur nombre et leur réunion ne peuvent pas toujours les défendre. Mais indépendamment de ces adversaires remarquables par leur force ou par leurs dimensions, le thon expire quelquefois victime d'un être bien petit et bien foible en apparence , mais qui, par les piquures DES POISSONS. 619 qu'il lui fait et les tourmens qu'il lui cause, l'agite, l'irrite, le rend furieux, à peu près de la même manière que le terrible insecte ailé qui règne dans les déserts brûlans de l'Afrique , est le fléau le plus funeste des panthères, des tigres et des lions. PJine savoit qu'un ani- mal dont il compare le volume à celui d'une araignée, et la figure à celle du scorpion , s'attacboit au thon , se plaçoit auprès ou au-dessous de l'une de ses nageoires pectorales , s'y cramponnoit avec force , le piquoit de son aiguillon, et lui causoit une douleur si vive, que le scombre, livré à une sorte de délire, et ne pouvant, malgré tous ses efl'orts , ni immoler ni fuir son ennemi , ni appaiser sa souffrance cruelle, bondissoit avec vio- lence au-dessus de la surface des eaux , la parcouroit avec rapidité , s'agitoit en tout sens , et ne résistant plus à son état affreux , ne connoissant plus d'autre danger que la durée de son angoisse, excédé, égaré, transporté par une sorte de rage , s'élançoit sur le rivage ou sur le pont d'un vaisseau, où bientôt il trouvoit dans la mort la fin de son tourment *. C'est parce qu'on a bien observé dans les thons cette aiécessité funeste de succomber sous les ennemis que nous venons d'indiquer, l'habitude du succès cojUre d'autres animaux moins puissans , le besoin d'une grande quantité de nourriture , la voracité qui les précipite sur des alimens de différente nature, leur * Rondelet a fait repiéscnter sur la figure du thon qu'il a publiée , le petit animal dont Pliue a parlé. 62.0 HISTOIRE NATURELLE courage habituel, l'audace qu'ils montrent clans cer- tains dangers, la frajeiir que leur inspirent cependant quelques objets , la périodicité d'une partie de leurs courses , l'irrégularité de plusieurs de leurs vojages et pour les temps et pour les lieux, la durée de leurs mi- grations, et la facilité de traverser d'immenses portions de la mer, qu'on a très-bien choisi les époques , les endroits et les mojens les plus propres à procurer une pêche abondante des scombres qui nous occupent dans ce moment. En effet, on peut dire, en général, qu'on trouve le thon dans presque toutes les mers chaudes ou tempé- rées de l'Europe, de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amé- rique; mais on ne rencontre pas un égal nombre d'in- dividus de cette espèce dans toutes les saisons, ni dans toutes les portions des mers qu'ils fréquentent. Depuis les siècles les plus reculés de ceux dont l'histoire nous a transmis le souvenir, on a choisi certaines plages et certaines époques de l'année pour la recherche des thons. Pline dit qu'on ne péchoit ces scombres dans l'Hellespont , la Propontide et le Pont-Euxin, que de- puis le commencement du printemps jusque vers la fin de l'automne. Du temps de Rondelet, c'est-à-dire, vers le milieu du seizième siècle, c'étoit au printemps, en automne , et cjuelquefois pendant l'été , qu'on prenoit une grande quantité de thons près des cotes d'Espagne, et particulièrement vers le détroit de Gibraltar*. On * On a cjuclquefois pris un assez grautl nombre de thons auprès de Conil, DES POISSONS. 621 s'occupe de la pèche de ces animaux i^uv plusieurs rivages de France et d'Espagne voisins de l'extrémité occidentale de la chaîne des Pjrénées, depuis les pre- miers jours de floréal jusqu'en brumaire; et on regarde comme assez assuré sur les autres parties du territoire François qui sont baignées par TOcéan, que l'arrivée des maquereaux annonce celle des thons, qui les pour- suivent pour les dévorer. Ces derniers scombres montrent en effet une si grande avidité pour les maquereaux, qu'il suffit, pour les attirer dans un piège, de leur présenter un leurre qui eu imite grossièrement la forme. Ils se jettent avec la même voracité sur plusieurs autres poissons, et par- ticulièrement sur les sardines ; et voilà pourquoi une image même très-imparfaite d'un de ces derniers ani- maux est, entre les mains des marins, lui appât qui en- traîne les thons avec facilité. On s'est servi de ce mojen avec beaucoup d'avantage dans plusieurs parages , et principalement auprès de Bajonne, où un bateau allant à la voile traînoit des lignes dont les haims étoient recouverts d'un morceau de linge, ou d'un petit sac de toile en forme de sardine, et ramenoit ordinairement plus de cent cinquante thons. Mais ce n'est pas toujours une vaine apparence que village voisin de Cadix, pour qu'on ait, écrit que la pêche de ces animaux donnoit au duc de Médina Sldonia un revenu de 80,000 ducats. V(i\ez les / ef^ns sur la Grèce de feu mon confrère le citoyen Guys, tome ï, p. 898 , trois ij me édition. 62 2 HISTOIRE NATURELLE 1 on présente à ces scombres pour les prendre à la ligne : de petits poissons réels , ou des portions de poissons assez grands , sont souvent employés pour garnir les liaims. On proportionne d'ailleurs la grandeur de ces haims, ainsi que la grosseur des cordes ou des lignes, aux dimensions et à la force des thons que l'on s'attend à rencontrer; et de plus, en se servant de ces haims et de ces lignes , on cherche à prendre ces animaux de di- verses manières, suivant les difïerentes circonstances dans lesquelles on se trouve : on les prend au doigt \ à la canne % nu IlhourcL % au grand couple ^. ' On nomme néchd au doigt celle qui se fait avec une ligne simple noa suspendue à une perche. * On dit que l'on péclie à la canne ^ ou à la cannette ^ lorsqu'on se sert d'une canne, ou perche déliée, aubout de laquelle on a empilé un haim y c'est-à-dire, attaché la ligne, etc. 3 Le libouret ç&i un instrument composé d'une corde ou ligne principale, à l'extrémité de laquelle est suspendu un poids de plomb. La corde passe au travers d'un morceali de bois d'une certaine longueur, nommé ùvalttte. Ce morceau de bois est percé dans un de ses bouts , de manière à pouvoir tourner librement autour de la corde. Cette avalette est d'ailleurs mainte- nue à une petite distance du plomb, par deux nœuds que l'on fait à la corde l'un au-dessous et l'autre au-dessus de ce morceau de bois. Au bout de l'avalette, opposé à celui que la corde traverse, on attache une lio;ne garnie de plusieurs ( mpifes ou petites lignes * qui portent des Ji.iims , et oui sont de diuerentes longueurs, pour ne point s'embarrasser les unes dans les autres. Cet instrument sert communément pour les pèches séden- taires , le poids de plomb portant toujours sur le fond de la mer ou des rivières. ^ Un couple est un Kl de fer un peu couibé , dont chaque bout porte * Voyez, dans i'artitle de la raie bouclce, la dcHiiitiou d'uue empile. DES POISSONS. 6ii3 Mais parlons rapidement de procédés j)lLi.s compli- qués dont se composent les pèches des scombres-thons faites de concert par un grand nombre de marins. Exposons d'abord celle qui a lieu avec des thonnaircs • nous nous occuperons un instant, ensuite, de celle pour laquelle on construit des madragues. On donne le nom de thonnaire ou tonnalre à une en- ceinte de filets que l'on forme promptement dans la mer pour arrêter les thons au moment de leur passage. On a eu pendant long-temps recours à ce genre d'in- dustrie auprès de Collioure, où on le pratiquoit, et où peut-être on le pratique encore, chaque année, depuis le mois de prairial juscju'au commencement de celui de vendémiaire. Pour favoriser la prise des thons , les habitans de Collioure enlretenoient , pendant la belle saison , deux hommes expérimentés qui , du haut de deux promontoires , observoient l'arrivée de ces scombres vers la côte. Dès qu'ils appercevoient de loin ces poissons qui s'avançoient par bandes de deux ou trois mille , ils en avertissoient les pêcheurs en dé- ployant un pavillon , par le mojen duquel ils indi- quoient de plus l'endroit où ces animaux alloient aborder. A la vue de ce pavillon , de grands cris cle joie se faisoient entendre , et annonçoient l'approche d'une pèche dont les résultats importans étoient tou- une pilt; ou ■ ïiifile ^ ou petite Ji^^ne garnie cle hairas , et qui est suspendu par le milieu à une ligne principale assez longue, et tenue par des pécheurs dont la barque va à la voile. 624 HISTOIRE NATURELLE jours attendus avec une grande impatience. Les habi- tans couroient alors vers le port , où les patrons des bâtimens pêcheurs s'empressoient de prendre les filets nécessaires , et de faire entrer dans leurs bateaux autant de personnes que ces embarcations pouvoient en contenir, afin de ne pas manquer d'aides dans les grandes manœuvres qu'ils alloient entreprendre. Quand tous les bateaux étoient arrivés à l'endroit où les thons étoient réunis, on jetoit à l'eau des pièces de filets, lestées etjlottées, et on en formoit une enceinte demi -circulaire, dont la concavité étoit tournée vers le rivage , et dont l'intérieur étoit appelé jardin. Les thons renfermés dans ce jardin s'agitoient entre la rive et les filets , et étoient si effrajés par la vue seule des barrières qui les avoient subitement environnés, qu'ils osoient à peine s'en approcher à la distance de six ou sept mètres. Cependant, à mesure que ces scombres s'avançoient vers la plage, on resserroit l'enceinte, ou plutôt on en formoit une nouvelle intérieure et concentrique à la première , avec des filets qu'on avoit tenus en réserve. Ou laissoit une ouverture à cette seconde enceinte jus- qu'à ce que tous les thons eussent passé dans l'espace, qu'elle embrassoit; et en continuant de diminuer ainsi, par des clôtures successives, et toujours d'un plus petit diamètre , Fétendue dans laquelle les poissons étoient renfermés , on parvenoit à les retenir sur un fond re- couvert uniquement par quatre brasses d'eau : alors on DES POISSONS. 62 D ystoll dans ce ])arc maritime un grand boulier', espèce de sci/ic, dont le milieu est garni crunc manche. Les thons , après avoir tourné autour de ce filet, dont les ailes sont courbes, s'enfonçoient dans la poche ou manche: on amenoit, à force de bras, le boulier sur le rivage ; on [)renoit les petits poissons avec la main , les gros avec des crochets ; on les chargeoit sur les bateaux pêcheurs , et on les transportoit au port de (À)lh'oure. Une seule pêche produisoit quelcpieTois plus de quinze mille mvriagrammes de thons; et pendant un printemps dont on a conservé avec soin le souvenir, on prit dans une seule journée seize mille thons, dont chacun pe- soit de dix à quinze kilogrammes. Il est des parages dans la Méditerranée où Ton se "^ On appelle boulier^ sur la côte voisine de Narbonne, et sur plusieurs autres côtes de îa Méditerranée , un filet semblable à Wiirsaugve *j et formé de deux bras qui aboutissent à une manche. Son ensemble est coinposé de plusieurs pièces dont les mailles sont de différentes grandeurs. Pour faire les bras, on assemble, premièrement , douze pièces, dites at'as^ dont les mailles sont de cinq centimètres en carré; secondement , quatorze pièces, dites de dcaa: doigts, dont les mailles ont trente-sept millimètres en carré; et troisièmement , dix pièces de ponsal ^ pousaux , pouc. aiix\ dont les mailles ont près de deux centimètres d'ouverture. Tout cet assemblage a depuis cent vingt jusqu'à cent quatre-vingts brasses de longueur. Quant au corps de la mendie, qu'on nomme aussi bourse , ou ci,np , il est composé de six pièces, dites de quinze-vingis , dont chaque maille a douze milli- inetres d'ouverture , et secondement , de huit pièces appelées de bi\.ssadc , dont les mailles sont à peu près de huit millimètres. * ^issaiigiie, ou essaiigue, sorle de seîne ou de filet en nappe, eu usage dans la Rlcdilcrra- Ei'c , et cjui a, au milieu de sa largeur, uue esplce de sac ou de poche. TOME 11. 79 GsiG HISTOIRE NATURELLE sert, pour prendre des thons, d'un filet auquel on a donné le nom de scomhrière , de comhrière , de coiiran^ tille, qu'on abandonne aux courans , et qui va, pour ainsi dire, au-devant de ces scorabres , lesquels s'en- gagent et s'embarrassent dans ses mailles. Mais hâtons- nous de parier du mojen le plus puissant de s'emparer d'une grande quantité de ces animaux si recherchés ; occupons- nous d'une dv^^s pêches les plus iuiportantes de celles qui ont lieu dans la mer; jetons les jeux sur la pêche pour laquelle on emploie la madrague. Nous en avons déjà dit un mot en traitant de la raie mobular • tâi-hons de la mieux décrire. On a donné le nom de madrague * à un grand parc qui reste construit dans la mer, au lieu d'être établi pour chaque pêche, comme lesthonnalres. Ceparc forme une vaste er.ceinte distribuée en plusieurs chambres , dont les noms varient suivant les pays: les cloisons qui forment ces chambres, sont soutenues par des flottes de liège, étendues par un lest de pierres, et mainte- nues par des cordes dont une extrémité est attachée à la tête du filet, et l'autre amarrée à une ancre. Comme les iiiadragues sont destinées à arrêter les grandes troupes de thons, au moment où elles a[)an- donnent les rivages pour voguer en pleine mer, on établit entre la rive et la grande enceinte une de ces * Le mot de m drasiue ,o\i de mandraguc ^ doit avoir été employé par des Marseillois descendus des Phocéens, à cause du mot grec aKi-^fa ,, mandra qui signifie jjarc^ enclus ^ enceinte. ]) f- s POISSON S. 627 longues allées que Ton ajipelle chasses : les thons suivent cette allée, arrivent à la madrague, passent de chambre en chambre , parcourent quehiuefois , de comparti- ment en compartiment, une longueur de plus de mille brasses, et parviennent enfin à la dernière chambre, que Ton nomme cJiaiiibrc de la mort , ou coi pou, ou corpoii. Pour forcer ces scombres à se rassembler dans ce corpoiL qui doit leur être si funeste, on les pousse et les presse, pour ainsi dire, par un filet long de plus de vingt brasses *, que l'on tient tendu derrière ces poissons par le mojen de deux bateaux, dont cha- cun soutient un des angles supérieurs du filet, et que Ton fait avancer vers la chambre de la mort. Lorsque les poissons sont ramassés dans ce corpou , plu^ieurs barques chargées de pécheurs s'en approclient \ on soulève les filets qui composent cette enceinte parti- culière, on fait monter les scombres très -près de la surface de l'eau , on les saisit avec la main, ou on les enlève avec des crocs. La curiosité attire souvent un grand nombre de spec- tateurs autour de la madrague ; on j accourt comme à une {hi^\ on rassemble autour de soi tout ce qui peut augmenter la vivacité du plaisir; on s'entoure d'instru- mens de musique : et quelles sensations fortes et variées ne font pas en effet éprouver Fimmensité de la mer, la pureté de Tair, la douceur de la te-mpérature, Icclat * On nomme ce filet eni^arre-. 6f28 HISTOIRE NATURELLE cron soleil vivifiant que les flots mollement ngités réfléchissent et multiplient, la fraîcheur des zéphyrs, le concours des bâtim.ens légers, l'agilité des marins, l'adresse des pêcheurs, le courage de ceux qui com- battent contre d'énormes animaux rendus plus dan- gereux par leur rage désespérée , les clans rapides de l'impatience, les cris de la joie, les acclamations de la surprise, le son harmonieux des cors, le retentissement des rivages, le triomphe des vainqueurs, les applau- dissemens de la multitude ravie ! Mais nous, qui écrivons dans le calme d'une retraite silencieuse l'histoire de la Nature , n'abandonnons point notre raison au charme d'un spectacle enchan- teur ; osons, au milieu des transports de la joie, faire entendre la voix sévère de la philosophie; et si les lois conservatrices de l'espèce humaine nous commandent ces sacrifices sans cesse renouvelés de milliers de vic- times, n'oublions jamais que ces victimes sont des êtres sensibles ; ne cédons à la dure nécessité que ce qu'il nous est impossible de lui ravir ^ n'augmentons pas par des séductions (|ue des jouissances plus douces peuvent si facilement remplacer, le penchant encore trop dan- gereux qui nous entraîne vers une des passions les plus hideuses , vers une cruelle insensibilité ; eflaçons , s'il est possible, du cœur de l'homme cette empreinte en- core trop profonde de la féroce barbarie dont il a eu tant de peine à secouer le joug; enchaînons cet instinct sauvage qui le porte encore à ne voir la conservation DES POISSONS. 629 de sou existence que dans la destruction- que les lu- mières de la civilisation réclairont sur sa véritable fé- licité ; que ses regards avides ne cherchent jamais les horreurs de la guerre au milieu di' hi paix des plaisirs, les agitations de la sou [France à côté du calme du bon- heur, la rage de la douleur auprès du délire de la joie; qu'il cesse d avoir besoin de ces contrastes horribles ; et que la tendre pitié ne soit jamais contrainte de s'é- loigner, en gémissant, de la pompe de ses fêtes. Au reste, il n'est pas surprenant que, depuis un grand nombre de siècles, on ait cherché et emplojé un grand nombre de procédés pour la pêche des thons: ces scombres, en procurant un aliment très-abondant, donnent une nourriture très-agréable. On a comparé le goût de la chair de ces poissons à celui des acipen- sères esturgeons, et par consé(juent à celui du veau. Ils engraissent avec facilité ; et l'on a écrit * qu'il se ramassoit quelquefois une si grande quantité de subs- tance adipeuse dans la partie inférieure de leur cor})s, que les tégumens de leur ventre en étoient tendus au point d'être aisément déchirés par de légers frottemens. Ces poissons avoient une grande valeur chez les Grecs et chez les autres anciens habitans des rives de la Mé- diterranée, de la Propontide , de la mer Noire; et voilà pourquoi , dès une époque bien reculée, ils avoient été * Voyez Vfinpj llv, g, clinp. i5. Plusieurs auteurs inodernes , et particu- lièrement Pvondelet , ont rapporté le même fait. 63o HISTOIRE NATURELLE observés avec assez de soin pour que leurs habitudes fussent bien connues. Les Romains ont attaché parti- culièrement un grand prix à ces scoinbres , sur-tout îorsqu'asservis sous leurs empereurs , ils ont voulu remplacer par les jouissances du luxe les plaisirs de la gloire et de la liberté; et comme nous ne crojons ])as inutile aux progrès de la morale et de l'économie ])ublique, d'indiquer à ceux qui cultivent ces sciences si importantes, toutes les particularilés de ce goût si marqué que nous avons observé dans les anciens pour les alimens tirés des poissons , nous ne passerons pas $ous silence les petits détails que Pline nous a transmis sur la préférence que les Romains de son temps don- noient à telle ou telle portion des scombres auxquels cet article est consacré. Us estimoient beaucoup la tête et le dessous du ventre ; ils recherchoient aussi le des- sous de la poitrine , qu'ils regardoient cependant comme difficile à digérer, sur-tout quand il n'étoit pas très-frais; ils ne faisoient presque aucun cas des morceaux voisins de la nageoire caudale , parce qu'ils ne les trouvoient pas assez gras; et ce qu'ils préféroient à plusieurs autres alimens, étoit la portion la plus proche du gosier ou de l'oesophage. Ces mêmes Romains savoient fort bien con- server les thons, en les coupant par morceaux, et en les renfermant dans des vases remplis de sel; et ils don- noient à cette préparation le nom de méhindrje (mc- landrya^, à cause de sa ressemblance avec des copeaux un peu noircis de chêne , ou d'autres arbres. Les mo- DES POISSONS. 63 t Jernes ont emplojé le inèiiie procédé. RonHelet dit que SCS contemporains conpoient les thons qu'ils vouloient garder, par tranches ou darnes^ et qu'on donnoit à ces darnes imbibées de sel le nom de ihoniiiiiv ou de laicii- te/la, parce qu'on en apportoit beaucoup de Tarente. Très-souvent, au lieu de se contenter de saler les thons par des mojens à peu près semblables à ceux (pie nous avons exposés en traitant du gade morue, on les ma- rine après les avoir coupés par tronçons , et eu les préparant avec de Fhuile et du sel. On renferme les thons marines dans des barils; et on distingue avec beaucoup de soin ceux c[ui contiennent la chair du ventre, préférée aujourd'hui par les Européens comme autrefois par les Romains, et nommée panse de thon , de ceux dans lesquels on a mis la chair du dos, que Ton appelle dos de ilion ^ ou simplement thonnl/ie* , Coiume les thons sont ordinairement très-gras, il se détache de ces poissons, lorsqu'on les lave et qu'on les presse pour les saler, une huile communément assez abondante, qui surnage promptement, que l'on ramasse avec facilité , et qui est employée par les tanneurs. 11 est des mers dans lesquelles ces scombrcs se nour- rissent de mollusques assez malfaisans pour faire * Les anciens faisoienl saler les intestins du thon , ainsi que les ccufs de ce sconibre , qui servent encore de nos jours, sur plusieurs côtes, et par- ticulièrement sur celles de la Grèce, à faire une sorte de pot/targue. Con- sultez principalement , à ce sujet, .'/«.'«- Gc/l'(\, liv. lo, c/iap, 20. 63^ HISTOIRE NATURELLE. éprouver des accideiis graves à ceux qui mangent de ces poissons sans avoir pris la précaution de les faire vider avec soin, et même pour contracter dans, des j^ortions de leur corps réparées pendant long- temps par des substances vénéneuses, des qualités très -funestes *; tant il semble (jue s_ur toutes ses productions, comme dans tous ses phénomènes, la Nature préservatrice ait voulu placer un emblème de la prudence tutéiaire , en nous montrant sans cesse l'aspic sous les fleurs, et Tépine sur la tige de la rose. * Consultez , au sujet des poissons vénéneux , le Discours sur la nature ■de CCS animaux. FIN DU T O ISI E S E C O N D- DE L' 1 M P R 1 M E R 1 E DE P L A S S A N. -■(f, .«^^ m ^;flBU^-' V ^-^. •^-•1^^