AJ PAR ET Be: * veu Fe 2 “ 101 WA | ne d We 1 a UE “y wi Rn D . M AUUUMUUEEE “ ne w {| is AM de nu dd He en PA VUS NNUES VA Ve UL Lu po Fa Mu ou, A \ (MY Ü \ CUVE ALU due AU VV \ MU EVE L VEN UV ] ot AY TV AW SI IL Me AS Wu N au ns ! # NA À 1 AUX HRt ui Ë 4° ie rt ‘À | U ÿL PEN “ee a “ee VV UN A so à CU 4 ) DAY 2 UV VCUISÈEN AJ AL AM os fs \ | LM OS | re EMA ME AVOE HREEC EN AN Ji Ù VU me | ELEC ces : MMUUP UE VEN et UN M EUE NUANE UT AN jh ant She NUE NÉ V ù vi MU UE UE VUE PARU UUE a se je UVUUE JM SAEUUUY ; A5 ERA) UE Êe VÙ ; JEU x AU MMUE 35 GÉSER EU VUE J 19° mi NC Je VEN Vu RUE CU VON -| j°1 RE NME EAN NN 4 é | LA A al CPE SEEC KNEU TPE “ PAUSE VEPEENTE MY Va POSE LA AU Des (r1 : pen + Le : à 1 2 D. : e ON e , : No : : FA . . | N ve + l : NE ou n : L LA a La LL M à À Le . » L n ni : Le : » L L L æ É : = LE È . L PRE 1 CE ll L È : L N «* dl « C4 e ‘nt LT | pe ar Lu. ” LL : L D Ds ya | . | : : | / | a | NPA L à 4 : : A IA AE" MN LOT. di ap sl L a . … LA : L | ne dd ? : LL Do," L LE a = L -. n Ju . Le : re 1 DS | . : . L L a L ” | … mn : e! : à [N : , a " LE 2 6 : . . EE ne nt : r ar A P Le . : eu > h h . L : \ FU LE 16 + 0 Er AC: _ L , L L L CE | L , A L 1 }. L L D € \ | : ) Coe PVC EU é + . : " | . ne | h FL At 2 - er 21: LL U ! \s CA he M L L Fe. ( : : : L# Le L | | L a LL L | L | L | | L &: : L ra - L : | : an : 0 - . eo L | _ | | 2 = DEC à | . nn : + 2: : . L L e À a 1 "4 | . . . L : CN. LL D CR LE L CS à | ) FT RE eur “* ’ = Don eL (à TS HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. OS ENER ES EE CMOLN. D, | # HISTOIRE NATURELLE DAPPS/ HO S SON 5: PAR LE CITOYEN/LA CEPÉDE, Membre du Sénat, et de l’Institut national de France; l’un des Professeurs du Muséum d'Histoire naturelle; membre de l'Institut national de la République Cisalpine; de la société d’Arragon; de celle des Curieux de la Nature, de Berlin; des sociétés d'Histoire naturelle, des Pharmaciens, Philotechnique, et Philomatique, de Paris; de celle d'Agriculture d'Agen; de la société des Sciences et Arts de Montauban; du Lycée d'Alençon, etc, TOME SECO:N D. À PARTS", CHEZ PLASSAN,IMPRIMEUR-LIBRAIRE, Rue du Cimetière André-des-Arces, N° 10, L’AN VIIIDE LA RÉPUBLIQUE. AC de EI TE { nl RUAU TIENNE AAA Dur à (7 ANNEE Û dope AT4N PAG » SH à À 1 F UE arf UE d FRION ere AREA Ne RUE # RAA AR Me NES LR re GRAVE à )' ul Dati en EPA NT) ne ne HAE PTE 1 (ex NY h ! LCR ASIA HAN ro us LUS a AUS ui 5 A PORTE DAS AC RE TION De 1S CGONMEINES’ DA NISNCGEMVO LUME: AVERTISSEMENT, et explication de quelques planches, page ix. TaABLEAU des 57 premiers genres des poissons osseux, xiij. Discours sur la durée des espèces, page xxi]. | TasLEAuU des espèces du genre des diodons, page 1. Diodon atinga, 3. Diodon tacheté, 13. Diodon plumier, ro. Diodon orbe, 16. Diodon holocanthe, 1re. Diodon mole, 20. T'agLeAU des espèces du genre des sphéroides, 22. Sphéroïde tubereulé, 23. TagLEau des espèces du genre des syngnathes, 25. L 1 Syngnathe trompette, 27. gnathe deux-piquans , 42. Syngnathe aiguille, syngnathe Syngnathe barbe, et syngnathe tuyau, et syngnathe pipe, 39. ophidion, 48. Syngnathe hippocampe, et syn- TaBLEAU des espèces du genre des cycloptères, 50. Cycloptère lompe, 52. denté, et cycloptère ventru, 62. Cycloptere épineux, 59. Cycloptère bimaculé, 67. Cycloptire menu , 60. Cycloptére spatule, 68. Cycloptere double-épine , 6r. Cycloptère liparis, et cycloptère Cycloptére gélatineux , cycloptère rayé , 69. TOME LI. A il TA NB: ENT TaBLeaAu des espèces du genre des lépadogastères, 72. Lépadogastère gouan, 73 TABLEAU des espèces du genre des macrorhinques, 75. Macrorhinque argenté, 76. TABLEAU des espèces du genre des pégases, 77. Pégase dragon, 78. Pégase spatule, 85. Pégase volant, 83. Tagreau des espèces du genre des centrisques, 87. Centrisque cuirassé , 88. Centrisque bécasse, 95. Centrisque sumpit , 93< ADDITION aux articles des pétromyzons, des raies, et des squales, 98. SUPPLÉMENT au tableau du genre des pétromyzons, 90. Pétromyzon rouge , 100. Pétromyzon sucet, 107. SUrPLÉMENT au tableau du genre des raies, 104. Raie tuberculée, 106. Raie fabronienne, 117. Raie églantier, 109. Raie banksienne , 115. SUPFLÉMENT au tableau du genre des squales, 119. Squale pointillé, 120. Supplément à l’article du squale renard, 123. SUPPLÉMENT à l’article du syngnathe tuyau, 126. PIOYF S:S'O NS OSSE U X. TaBLrEaAUu des espèces du genre des cécilies, 134. Cécilie brandérienne , 135. TaABLEAU des espèces du genre des monoptères, 138. Monoptere javanoïs, 130. D'E S% "AR TI CL ES: ñ; TABLE AU des espèces du genre des leptocéphales TA Leptocéphale morrisien, 143. TagLEeaAU des espèces du genre des gymnotes, 145. Gymnote électrique, 146. Gymnote carape, symnote fieras- Gymnote putaol, 176. fer, et gymnote long-museau, Gymnote blanc, 177. 178. TABLEAU des espèces du genre des trichiures, 18r. Trichiure lepture, 182. Trichiure électrique , 188. TagLeaAu des espèces du genre des notoptères, 189. Notoptère kapirat, 190. Notoptère écailleux , 193. Tage AU des espèces du genre des ophisures, 105. Ophisure ophis, 196. Ophisure serpent , 198. TagLrau des espèces du genre des triures, 200. Triure bougainvillien , 2or. TaBLEeaAU des espèces du genre des aptéronotes, 208. Aptéronote passan, 209. TAgLEAU des espèces du genre des régalecs, 214. Régalec glesne, 215. Régalec lancéolé, 210. TagLEeaAu des espèces du genre des Les 220. Odontognathe aiguillonné, 221.- TagLeaù des espèces du genre des murènes, 225. Muréne anguille, 226. myre , 265. Murène tachetée, et murène Murene congre, 268. TaBLrEeau des espèces du genre des ammodytes, 273. Ammodyte appât, 274. IV TA UBCRRE TAgLe AU des espèces du genre des ophidies, 278. Ophidie barbu, ophidie imberbe , et ophidie unernak, 279. TABLE AU des espèces du genre des macrognathes, 283. Macrognathe aiguillonné, 284. Macrognathe armé, 286. TasLEAU des espèces du genre des xiphias, 288. Xiphias espadon, 289. Xiphias épée, 296. TABLEaAUu des espèces du genre des anarhiques, 299. Auarhique loup , 300. Anarhique karrak, et anarhique panthérin, 309. TasLEau des espèces du genre des coméphores, 312. Coméphore baïkal, 313. TaBLEAU des espèces du genre des stromatées, 313. Stromatée fiatole, 316. Stromatée paru, 319. TaBLeaAU des espèces du genre des rhombes, 32r. Rhombe alépidote , 322.: TaBLEeAU des espèces du genre des murénoïdes, 324. . . æ La Murénoïde sujef, 325. TagLeau des espèces du genre des callionymes, 327. Callionyme lyre, 329. japonois , 337. Callionyme dragonneau, 335. Callionyme pointillé, 340». Callionyme flèche, et callionyme ” TABLEaAU des espèces du genre des calliomores, 343. Calliomore indien, 344. TaBLraAu des espèces du genre des uranoscopes, 346. Uranoscope rat, 347. Uranoscope houttuyn, 352. « 22 è* DAESS Trachine vive, 354. Gade morue , 369. Gade æglefin, 397. Gade bib, 403. Gade saïda, et gade blennioïde , 405. Gade callarias, gade tacaud, et gade capelan , 409. Gade colin, gade poilack, et gade Batrachoïde tau, 452. Blennie lievre , 46r. Blennie phycis, 465. Blenaie méditerranéen , 467. Blennie gattorugine, 468, Blennie sourcilleux , 479. Blennie cornu , blennie tentaculé, bleunie sujéfien, et blennie fas- CÉ , 473: Blennie coquillade , 477. Blennie sauteur, 479. Oligopode vélifère , 5r2. Kurte blochien, 517. A RTIC LES. TABLEAU des espèces du genre des trachines, 353. Trachine osbeck, 364. TABLE AU des espèces du genre des gades, 365. sey ; 416. Gade merlan, 424. Gade molve, et gade danois, 432, Gade lote, 435. Gade mustelie, et gade cimbre, 44r Gade merlus , 446, Gade brosme, 450. TABLE AU des espèces du genre des batrachoïdes, 45r. Batrachoïde blennioïde, 455. TABLE AU des espèces du genre des blennies, 457. Blennie pinaru, 483. Elennie gadoïde , blennie belette , et blennie tridactyle , 484. Blennie pholys, 489. Blennie bosquien, 493. Blennie ovovivipare , 496. Blennie gunnel , 503. Blennie pointillé , 506, Blennie garamit, blennie lum- pève, et blennie torsk, 508. TABLE AU des espèces du genre des oligopodes, 511. TABLEAU des espèces du genre des kurtes, 516. 5] AA TEE TaBLEAU des espèces du genre des lépidopes, 519. Lépidope gouanien, 529, TaBLraAu des espèces du genre des hiatules, 522. Hiatule gardénienne, 523. TABLEAU des espèces du genre des cépoles, 525. Cépole tænia, 526. Cépole trachyptère , 531. Cépole serpentiforme , 529. TagLeau des espèces du genre des tænioïdes, 532, Tænioide hermannien , 533. TagLrau des espèces du genre des gobies, 535. Gobie pectinirostre , 39. Gobie bleu, 56o. Gobie boddaert, 543. Gobie plumier, 562. Gobie lancéolé, 545. Gobie éléotre, et gobie nébuleux , Gobie aphye, 547. bG4. Gobie paganel, sobie ensanglanté, Gobie awaou, 566. et gobie noir brun, 549. Gobie noir, 568. | Gobie boulerot, 552. Gobie lagocéphale, gobie menu, Gobie bose, 555. et gobie cyprinoïde, b7o. Gobie arabique, et gobie jozo, b57. Gobie schlosser, 573. TaBLeAU des espèces du genre des gobioïdes, 576. Gobioïde anguilliforme , 577. Gobioïde broussonnet, b8o. Gobicide smyrnéen, 579. Gobioïide queue noire, 582. TagLEaAU des espèces du genre des gobiomores, 583. Gobiomore gronovien, 564. Gobiomore dormeur , 589. Gobiomore taiboa, 587. Gobiomore koelreuter , bgo. TagLEau des espèces du genre des gobiomoroïides , 592. Gobiomoroïde pison, 593. DATES AIR TINGT E S- vi) TaBLEAU des espèces du genre des gobiésoces, 595. Gobiésoce testar, 96. TaBLEeAU des espèces du genre des scombres, 508. Scombre commerson , 600. Scombre thon, 605, Seombre guare, 604. À DA ETN AAAAEUEN COEUR EN bl, HENTU Va mé sf \l CHU fn \ AG M 6 ao NE qi pr” Uk LAN Un &S ROUTE CT TANT ta LL ve Hi ju ONE TS SE MUEUN "F, ET ENS RP EI EIC ANT ON DE QUELQUES PLANCHES. Burrow, D'AUBENTON, et MONTBELLIARD, méditoient chaque jour de nombreux travaux, lorsque je publiai le premier des volumes qu’ils m’avoient chargé d’ajouter à leurs immortelles productions. Bientôt Montbelliard nous fut enlevé; et peu de temps après, Buflon ayant terminé sa glorieuse carrière, le second de mes volumes ne parut qu'au milieu des témoignages de ma douleur et des hommages de tous les sentimens que j'avois voués à mon second père. Daubenton vivoit encore, et pour la science, et pour ses amis. Un coup imprévu vient de le frapper au milieu des trophées civiques et littéraires élevés en son honneur. Resté seul de cette réunion fameuse à laquelle l'indulgence et l'amitié avoient bien voulu m’associer, que ne puis-je graver sur un monument plus durable que le nouvel ouvrage que je présente au public : AU FONDATEUR DE L’ANATOMIE COMPARÉE, AU PROPAGATEUR DE L'HISTOIRE NATURELLE ET DE LA PHYSIQUE VÉGÉTALE, AU BIENFAITEUR DES CAMPAGNES, A L'HOMME JUSTE, L’AMI CONSTANT, LE VÉRITABLE SAGE, A L’ILLUSTRE COMPAGNON DE BUFFON, B'ÉD'ANURB FE NUDIO Nr, PAR LA VÉNÉRATION, L’'AMITIÉ FIDÈLE, ET LA TENDRE RECONNOISSANCE. TOME II E X . NIVARE DRE SNS MEME LC IANQTE LE premier volume de l'Histoire naturelle des poissons renferme la description de cent trente-six espèces, dont vingt- huit n’avoient encore été indiquées dans aucun ouvrage, et que nous avons réparties dans treize genres, dont trois n’avoient pas encore été formés. Ce nouveau volume contient cependant l'histoire ou la notice d'an plus grand nombre d'espèces. Il comprend l'exposition des caractères de cent soixante-seize espèces, dont vingt-six sont encore inconnues des naturalistes, et qui sont distribuées dans quarante - huit genres, dont vingt-trois sont proposés pour la première fois aux amis des sciences physiques. Le troisieme volume offrira des articles relatifs à un plus grand nombre d'espèces encore. Et en effet, plus nous irons en avant, plus nous pourrons renvoyer à des principes déja établis, à des tableaux déja présentés, à des détails déja exposés, et par con- séquent donner de la briéveté aux descriptions particulières. Le style y gagnera nécessairement de la clarté et de la force; et le peu de longueur de presque tous les articles laissant à notre disposition beaucoup plus de place que le nombre de ces mêmes articles ne nous en demandera, nous pourrons, avec plus de facilité, chercher à diminuer la sécheresse des considérations trop particulières, par l'introduction de nouvelles vues générales, par un développement convenable de l'histoire de quelques espèces remarquables, et par la publication de discours relatifs à des sujets importans, comme, par exemple, la distribution des espèces de poissons sur le globe, l’art de la pêche, lédu- cation et l’acclimatation des poissons, les produits du mélange de leurs espèces, les avantages que les arts retirent et ceux qu'ils pourroient obtenir de la multiplication et de l'amélioration de ces animaux, etc. C’est en grande partie par une suite de fa différence du nombre des espèces qui seront décrites dans le troisième volume, AUMAD ABUS: SE MAENNIT, x} et du nombre de celles dont nous traitons dans celui-ci, que nous joindrons quatre-vingts planches , ou environ , au texte de ce troisième volume, pendant qu'il n’y en a que vingt dans celui que nous soumettons aujourd’hui au jugement du public. Au reste, nous avons déja publié dans le premier volume la figure de plusieurs espèces décrites dans le second. Ces poissons sont : Le diodon atinga, représenté pl. 25, fig. 3 du premier volume. Le diodon plumier, 3 @) Le diodon orbe, 24 3 Le lépadogastère gouan, 23 3 et 4. Le centrisque cuirassé, 19 2 Le centrisque bécasse, 19 3 Le régalec lancéolé, 22 3, sous le nom d’o- phidie chinoise. PLANCHE V du second volume. La fig. 3 représente /a raie fabronienne, vue par-dessous ; et la 7. 4, la tête de la méme raie, vue par côté. PLANCHE XVIII du second volume. La fig. 1 a été copiée d’après un dessin de gobiomore koelreuter, trouvé parmi les manuscrits de Commerson. \ € v2 ; . vi LA. n hrs 4 LA k 2 à L 4 Lns So (1e * EH PET" or ol 4 ie L EME CRE Len Je RL PE NAN ERT ai DUAPENA RE 1er VITE POP LT) : = DR Eee ya ges Ut US ET Len LA + = "Y" iv | PE = D | 27 0 ver. 1 be A ea BLUE DE MU DES 57 PREMIERS GENRES DES POISSONS OSSEU X. CLASSE ND'ES : PO ES SO N'S: Le sang rouge; des vertèbres; des branchies au lieu de Pourons. SEC O.N'DE:.-S O0 US-CLASSE. POISSONS OSSEU X. Les parties solides de l'intérieur du corps, osseuses. PREMIERE DEVISION DEMDANSECONDE SOUS-CLASSE:; ou CINQUIÈME DIVISION DE L'A-CLASSE DES POISSONS. Un opercu/e branchial, et une membrane branchiale. SIV TA NB TUE UVAUIU DIX-SEPTIÈME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, o'uN PREMIER ORDRE DE LA PREMIÈRE DIVISION DES OSSEUX. POLSSONSAAPODES. Point de nageoires inférieures entre le museau et l'anus. Genres. Point de nageoires, l’ouverture des branchies 21: WCGÉCRLIE. sous le cou. 22, MONOPTÈRE. les ouvertures des narines placées entre les yeux. Point de nageoires pectorales ni caudaless 23. LEPTOCÉPHALE. Pouverture des branchies , située en partie Le d’autre nageoïre que celle de la queue ; au-dessous de la tête. Des nageoires pectorales et de l’anus; point 24 GYMNOTE. re : de nageoires du dos ni de la queue. ueue trèés-alongés, tres-comprimés , et en 2b:OWIVR IC HI UR'E. À Det L LR forme de lame; les opercules des branchies Point de nageoire caudale; le corps et la placés trés-près des yeux. Des nageoires pectorales , de l'anus et du dos; 26. NOTOPTÈRE. point de nageoire caudale ; le corps très- court. queue cylindriques et très-alongés relati- 27. OPHISURE.- vement à Jeur diamètre; la tête petite; les narines tubulées ; la nageoire dorsale et É de nageoire caudale; le corps et la culle de l’anus très-longues et très-basses. DEL /S GLEN RES: XV La nageoire de la queue très-courte; celle du dos et celle de l’anus étendues jusqu’au- 28. TRIURE. dessus et au-dessous de celle de la queue ; le museau avancé en forme de tube ; une Genres, seule dent à chaque mâchoire. 29. APTÉRONOTE. di ne nageoire de la queue ; point de nageoire du dos; les mâchoires non extensibles. Des nageoires pectorales, du dos, et de la queue ; point de nageoire de lanus, ni de 30 RÉGALEGC. série d’aiguillons à la place de cette der- nière nageoire ; le corps et la queue trés- N alongés. Une lame longue, large , recourbée , dente- PA NE RAA APR NE lée,, placée de chaque côté de la mâchoire supérieure, et entrainee par tous les mou- vemens de la mâchoire de dessous. Des nageoires pectorales , dorsale, caudale, à et de l’anus ; les narines tubulées ; les yeux 92. MURÈNE. UT voilés par une membrane; le corps ser- pentiforme et visqueux. Une nageoire de l’anus ; celle de la queue sé- . parée de la nageoire de l'anus et de celle du dos; la tête comprimée et plus étroite 33. AMMODYTE. < 3 que le corps; la lèvre supérieure double ; la mâchoire inférieure étroite et pointue ; le corps très-alongé. leuses; le corps et la:queue comprimés en forme de lame, et garnis de petites écailles ; 34 OPHIDIE. : s Ja membrane des branchies très -Jarge ; les nageoires du dos , de la queueet de l’anus, réunies. i tête couverte de grandes pièces écail- La mâchoire supérieure très-avancée et en forme de trompe; le corps et la queue 35. MACROGNATHE. comprimés comme une lame ; les nageoires du dosiet de l'anus distinctes de celle de Ja queue, XV] TAB PE VE AU: Cure La mâchoire supérieure prolongée en forme AN LR ER EU | de lame ou d’épée, et d’une longueur au moins égale au tiers de la longueur totale de l'animal. Le museau arrondi; plus de cinq dents co- 37. ANARHIQUE. | niques; des dents molaires en haut et en bas ; une longue nageoire dorsale. Le corps alongé et comprimé; la téte et l'ouverture de la bouche très-grandes ; le "+ ù museau large et déprimé; les dents très- 98. COMÉPHORE. è ë < petites ; deux nageoires dorsales ; plusieurs rayons de la seconde, garnis de longs fila- À mens. 39 STROMATÉE. Le corps très-comprimé et ovale. Le corps très - comprimé et assez court; chaque côté de l’animal représentant une 40. RHOMBE. sorte de rhombe; des aiguillons ou rayons non articulés aux nageoires du dos ou de: % Janus. D'1 XK=ÉU TEEN E VO DRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, ot DEUXIEME ORDRE DE LA PREMIÈRE DIVISION DES OSSEUX. PO LS SO'N:S: TU GU L'AIR ES. Des nageoires situées sous la gorge. Genre. ‘ Un seul rayon à chacune des nageoires jugu- ! ; laires; trois rayons à la membrane des Te : ! È Re RO De branchies ; le corps alongé, comprimé , et en forme de lame. Genres. 42/ICALLIQNYME. 43. CALLIOMORE. 44 URANOSCOPE. 45. TRACHINE 46. GADE. 47 BATRACHOIÏDE. TOME Il. — | | | SUUGIE N RIT 'S. XVI) La tête plus grosse que le corps ; les ouver- tures branchiales sur la nuque; les nageoires jugulaires très-éloignées l’une de Pautre; le corps et la queue garnis d’écailles à peine visibles. La tête plus grosse que le corps; les ouver- tures branchiales placées sur les côtés de l'animal; les nageoires jugulaires très- éloignées l’une de Pautre; le corps et la queue garnis d’écailles à peine visibles. La tête déprimée, et plus grosse que le corps ; les yeux sur la partie supérieure de la tête, et très rapprochés ; la mâchoire inférieure beaucoup plus avancée que la supérieure ; l'ensemble formé par le corps et Ja queue, presque conique , et revêtu d’écailles tres-faciles à distinguer ; chique opercule branchial composé d’une seule pièce, ct garni d’une membrane ciliée. La tête comprimée, et garnie de tubercules ou d’aiguillons ; une ou plusieurs pièces de chaque opercule , dentelées ; le corps et la queue alongés, comprimés, et couverts de petites écailles; l'anus situé très-près des nageoires pectorales. a tête comprimée ; les yeux peu rapprochés Pun de l’autre, et placés sur les côtés de la tête ; le corps alongé , peu comprimé, et revêtu de petites écailles ; les opercules composés de plusieurs pièces, et bordés d’une membrane non cilice. La tête très-déprimée et tres-large ; Pouver- ture de la bouche très-grande ; un ou plu- sieurs barbillons attachés autour ou au- dessous de la mâchoire inférieure, C XV] TAB LE AU Genres. Le corps et la queue alongés et comprimés; 48. BLENNIE. deux rayons au moins , et quatre rayons au plus, à chacune des naocoires jugrilaires, Une seule nageoire dorsale; cette nageoire du dos commençant au dessus de la tête, 49. OLIGOPODE, et s'étendant jusqu’à la nageoire caudale, ou à peu près; un seul rayon à chaque nageoire jugulaire. Le corps très-eomprimé, et carené par-des- sus ainsi que par-dessous ; le corps élevé, bo. KURTE. { DIS OR IUNT DISTANT ETNNEETS DABCN EU VIE ME ORDRE DIE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, ou TROISIÈME ORDRE DE LA PREMIÈRE DIVISION DES OSSÆEU x. POS S O:UNS TUE OR AICTUIN:S: Des nageoires inférieures placées sous la poitrine ef au- dessous des pectorales. Geures. Le corps tres-alongé et comprimé en forme Br, LÉPIDOPE. de lame; un seul rayon aux nageoires tho- #= racines et à celle de lPanus: 52, HT ANTAUIDIE, Point de nageoire de Panus. Une nageoire de lanus ; plus d’un rayon à chaque nageoire thoracine; le corps et la (Sa O2 C'ÉP'O LES queue très-alongés et comprimés en forme | de lame; le veitre à peu près de Ja longueur de la tête ; Les écailles très-petites. ES GENRES. > xIX Une nageaire de l’anus ; les nageoires pec- Genres. {orales en forme de disque, et composées d’un grand nombre de rayons ; le corps et 54 TÆNIOÏDE. la queue très-alongés et comprimés en forme de lame; le ventre à peu près de la longueur de la tête; les écailles très petites; les yeux à peine TE point de nageoire caudale. E Ir re deux nageoires thoracines réunies l’une à Lis à l’autre ; deux nageoires dorsales. F deux nageoires thoracines réunies l’une à PME CRT OË DE autre ; une $eule nageoire dorsale ; la tête petite; les opercules attachés Re une grande partie de leur contour. Les deux nageoires thoracines non réunies l’une à l’autre; deux nageoires dorsales ; la 57. GOBIOMORE. tête petite ; les yeux rapprochés ; les oper- cules attachés dans une grande partie de leur contour. É deux nageoires thoracines non réunies lune à Pautre ; une seule nagcoire dorsale ; 98. GOBIOMOROIÏDE. la tête petite; les yeux rapprochés; les opercules attachés dans une grande partie de leur contour. ie deux nageoires thoracines non réunies l'une à Er bes une seule nageoire dor- ; sale ; cette nageoire courte et RAT au- 59} GOBIÉSOCE. dessus de l’extrémité de la queue, très- près de la nageoïre caudale ; la tête très- gosse , et plus large que le corps. | Deux nageoires dorsales; une ou plusieurs petites nageoires au-dessus et au-dessous de la queue; les côtés de la queue care- nés , où une petite nageoire composée de deux aïguillons réunis par une membrane, 60. SCOMBRE. | au-devant de la nageoire de l’anus. XX : di Gcurcs. 61. SCOMBÉROIDE, 62. C'AMR AMNIX. 63 TRACHINOTE. | ‘ Le. CN aid 65. CÆSIO. | AB ITYANU De petites nageoires au-dessus et au-dessous de la queue; une seule nageoire dorsa!e ; plusieurs aïguillons au-devant de la na- geoire du dos. Deux nageoires dorsales; point de petites nageoires au-dessus ni au-dessous de ja queue ; les côtés de la queue relevés lon- gitudinalement. en carène, ou une petite nageoire composée de deux aiguillons et d’une membrane ; au-devant de la nageoire de l’aous. Deux nageoires dorsales ; point de petites nageoires au-dessus ni au-dessous de la queue ; les côtés de la queue relevés lonui- tudinalement en caiene, ou une petite nagcoire composée de deux aïguillons et d’une membrane, au devant de la nagcoire de l’anus; des aiguillons cachés sous la peau, au-devant des nageoires doïsales, Jne seule nageoire dorsale; point de petites nageoires au-dessus ni au-dessous de la queue; les côtés de la queue relevés lon- gitudinalement en carène, où une petite nageoire composée de deux aïguillons et d’une membrane, au-devant de la nageoire de l’anus, ou la nagcoire dorsale très- prolongée vers celle de la queue; la lèvre supérieure trés-pen extensible, ou non extensible ; point d’aiguillons isolés au- devant ce la nageoire du dos. Une seule nageoire dorsale ; point de petites nageoires au-dessus ni au-dessous de la queue; les côtés de la queue relevés lon- gitudinalement en carène, où une petite nageoire composée de deux aiguillons et d’une membrane , au-deyant de la na- DES GENRES. XX} geoire de l’anus, ou la nagcoire dorsalé Genres : très-prolongée vers celle de la queue; la 65. CÆSIO. lèvre supéricure tres-extensible ; point d’ai- guillons isolés au-devant de la nageoire du dos. Une seule nageoire dorsale; point de petite nageoire au-dessus ni au-dessous de la uene ; point de çarène latérale à la queue, 66 CÆSIOMORE. Ne : ni de petite nageoïire au-devaut de celle de Janus; des aiguillons isolés au-devant de la nageoiïre du dos. le corps comprimé et très-alongé; le pre- mier ou Je second rayon de chacune des nageoires thoracines une où deux fois plus 67. CORIS. alongé que les autres; point d’écailles sem- blables à celles du dos sur les opercules ni sur la tête, dont la couverture amel- leuse et d’une seule pièce représente une sorte de casque. Le museau alongé en forme de clou ou de 68, GcoMPHOSE, masse ; la tête et les opercules dénués d’écailles semblables à celles du dos. Ë protubérance en forme de corne, ou de grosse loupe , sur le nez; deux plaques 69. NASON. ou boucliers de chaque côté de l’extrémité de la queue ; le corps et la queue recouverts d’une peau rude et comme chagrinée. de la nageoire caudale; une bosse sur la 7o. KIPHOSE. nuque ; des écailles semblables à celles du dos sur la totalité ou une grande partie des opercules, qui ne sont pas dentelés. Cinq ou six rayons à chaque nageoire tho- Jr OSPHRONÈME. racine; le premier de ces rayons aiguil- lonné , et le second terminé par un filament és -lono tres long, Le dos très-élevé au-dessus d’une ligne tirée depuis le bout du museau jusqu’au milieu | tête grosse et plus élevée que le corps; XXI] T'ANB'L EAU 8 GENRES. Genres. Un nr rayon, beaucoup plus long que le 72 TRICHOPODE. corps, à chacune des n agcoires eee une seule nageoire dorsale. [02 seul rayon très-court et à peine visible 732 UMIOIN\0,D'A CT YILIE: à chaque nageoire thoracine; une seule nageoire dorsale. Une seule nageoire dorsale; point d’aiguil- Jons isolés au-devant de la nageoïre du dos, m4 PLECTORHINQUE. de carène latérale ni de petite nageoire au-devant de celle de l’anus; les levres plissées et contournées; une ou plusieurs lames de l’opercule branchial, dentelées. Une seule nageoire dorsale; point d’aiguil- lons isolés au-devant de la nageoire du dos, ‘de carène latérale ni de petite nageoire 5. POGONIAS. au-devant de celle de lanus; un très- 3 grand nombre de petits barbillons à la mâ- choire inférieure. /Le corps alongé et serpentiforme; deux na- geoires dorsales, la seconde séparée de 7h BOSTRYCHE. celle de la queue; deux barbillons à la mä- choire supérieure ; les yeux assez grands et sans voile. Le corps alongé et serpentiforme; une seule nageoire dorsale ; celle de Ia quene séparée 77° BOSTRYCHOIÏID J de celle du dos; deux barbillons à la mä- | choire supérieure; les yeux assez grands et sans voile, 3 HISTOIRE NATURELLE D'E SVP OTSS OLN'S. DITS COURS SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. LA Nature comprend l’espace, le temps, et la matière. L'espace et le temps sont deux immensités sans bor- nes, deux infinis que l'imagination la plus élevée ne peut entrevoir, parce qu'ils ne lui présentent ni com- mencement ni fin. La matière les soumet à l'empire XIV D'AS CRONUTRS de l'intelligence. Elle a une forme ; elle circonscrit donc l’espace. Elle se meut ; elle limite donc le temps. La pensée mesure l'étendue ; l'attention compte les intervalles de la durée, et la science commence. Mais si la matière én mouvement nous apprend à connoître le temps, que la durée nous dévoile la suite des mouvemens de la matière ; qu'eile nous révèle ses changemens ; qu’elle nous-montre sur-tout les modifi- cations successives de la matière organisée , vivante, animée et sensible ; qu'elle en éclaïre les admirables métamorphoses ; que le passé nous serve à compléter l'idée du présent. Tel étoit le noble objet de la méditation des sages, dans ces contrées fameuses dont le nom seul réveille tant de brillans souvenirs, dans cette Grèce poétique, l'heureuse patrie de l'imagination , du talent et du génie. Lorsque l'automne n'exercoit plus qu'une douce influence , que des zéphyrs légers balancoient seuls une atmosphère qui n'étoit plus embrasée par les feux dévorans du midi, et que les fleurs tardives n'embel- lissoient que pour peu de temps la verdure qui bientôt devoit aussi cessér de revêtir la terre, ils alloient, sur le sommet d’un promontoire écarté, jouir du calme de la solitude, du charme de la contemplation, et de l'heu- reuse et cependant mélancolique puissance d’une saison encore belle, près de la fin de son règne enchanteur. Le soleil étoit déja descendu dans l'onde ; ses rayons SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. XXY ne doroient plus que le sommet des montagnes ; le jour alloit finir ; les vagues de la mer, mollement agi- tées, venoient expirer doucement sur la rive ; les dépouilles des forêts, paisiblement entraînées par un souflle presque insensible , tomboient silencieusement sur le sable du rivage : au milieu d'une rèverie tou- chante et religieuse, l'image d'un grand homme que l'on avoit perdu , le souvenir d’un ami que l’on avoit chéri, vivifioient le sentiment, animoient la pensée, échauffoient l'imagination ; et la raison elle-même, cédant à ces inspirations célestes, se plongeoit dans le passé, et remontoit vers l'origine des êtres. Quelles lumières ils puisoient dans ces considéra- tions sublimes! Quelles hautes conceptions peut nous donner une vue même rapide des grands objets qui enchaînoiïent leurs réflexions et charmoient leurs esprits! A leur exemple , étendons nos regards sur le temps qui s’avance , aussi-bien que sur le temps qui fuit. Sachons voir ce qui sera , dans ce qui a été ; et par une pensée hardie, créons, pour ainsi dire, l'avenir, en portant le passé au-delà du point où nous sommes. Dans cette admirable et immense suite d'événemens, quelle considération générale nous frappe la première? Les êtres commencent, s'accroissent, décroissent et finissent. L'augmentation et la diminution de leur masse , de leurs formes , de leurs qualités, composent seules leur durée particulière. Elles se succèdent sans TOME II. D XXY) DS ICHOULR 'S intervalle. Autant la Nature est constante dans ses lois, autant elle est variable dans les effets qui en découlent. L'instabilité est de l'essence de la durée particulière des êtres ; et le néant en est le terme, comme ilen a été le principe. Le néant ! C'est donc à cet abyme qu'aboutissent et ce que nos sens nous découvrent dans le présent, et ce que la mémoire nous montre dans le passé , et ce que la pensée nous indique dans l'avenir. Tout s'efface, tout s'évanouit. Et ces dons si recherchés , la santé, la beauté, la force ; et ces produits de l’industrie humaine, dont se composent les richesses, la supériorité, la puis- sance ; et ces chefs-d'œuvre de l'art, que l'admiration reconnoissante a, pour ainsi dire , divinisés ; et ces mo- numens superbes que le génie a voulu élever contre les eflorts des siècles sur l'Asie, l'Afrique et l'Europe éton- nées ; et ces pyramides que nous nommons antiques , parce que nous ignorons combien de millions de géné- rations ont disparu depuis que leur hauteur rivalise avec celle des montagnes ; et ces résultats du besoin ou de la prévoyance du philosophe , les lois qui consti- tuent les peuples, les institutions qui les protégent, les usages qui les régissent , les mœurs qui les défen- dent , la langue qui les distingue ; et les nations elles- mêmes se répandant au-dessus des vastes ruines des empires écroulés les uns sur les autres ; et les ouvrages en apparence si durables de la Nature, les forêts touf- fues , les Andes sourcilleuses , les Heuves rapides, les SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. XXWi isles nombreuses, les continens , les mers, bien plus près de cesser d’être que la gloire du grand homme qui les illustre ; et cette gloire elle-même ; et le théâtre de toute renommée , le globe que nous habitons ; et les sphères qui se meuvent dans les espaces célestes ; et les soleils qui resplendissent dans l’immensité ; tout passe , tout disparoiît , tout cesse d'exister. Mais tout s'eHface par des nuances variées comme les différens êtres ; tout tombe dans le gouffre de la non- existence, mais par des degrés très-inégaux; et les divers êtres ne s'y engloutissent qu'après des durées inégales. Ce sont ces durées particulières , si diversifiées et par leur étendue et par leur graduation , que l’on doit chercher à connoitre. Qu'il est important d'essayer d'en déterminer les époques ! : Consacrons donc maintenant nos efforts à nous former quelque idée de celle des espèces qui vivent sur le globe. Quelle lumière plus propre à nous montrer leurs véritables traits , que celle que nous pourrions faire briller en traçant leurs annales ! Mais pour que nos tentatives puissent engager les amis de la science à conquérir tette belle partie de l'em- pire de la Nature, non seulement n’étendons d’abord nos recherches que vers la durée des espèces qui ont recu le sentiment avec la vie, mais ne considérons en quelque sorte aujourd'hui que celle des espèces d'ani- 'o XxVii} D ISSFCHONU- RES maux pour lesquelles nous sommes aidés .par le plus grand nombre de monumens déposés par le temps dans les premières couches de la terre, et faciles à découvrir , à décrire et à comparer. Que l’objet principal de notre examen soit donc, dans ce moment, la durée de quelques unes des espèces dont nous avons entrepris d'écrire l’histoire : en rap- prochant les uns des autres les résultats de nos efforts particuliers , en découvrant les ressemblances de ces résultats, en tenant compte de leurs différences , en réunissant les produits de ces diverses comparaisons, en soumettant ces produits généraux à de nouveaux rapprochemens, et en parcourant ainsi successivement différens ordres d'idées, nous tâcherons de parvenir à quelques points de vue élevés d'où nous pourrons indi- quer, avec un peu de précision, les différentes routes qui conduisent aux divers côtés du grand objet dont nous allons essayer de contempler une des faces. Le temps nous échappe plus facilement encore que l'espace. L'optique nous a soumis l'univers : nous ne pouvons saisir le temps qu'en réunissant par la pensée les traces de ses produits et de ses ravages , en décou- vrant l’ordre dans lequel ils se sont succédés , en comp- tant les mouvemens semblables par lesquels ou pendant lesquels ils ont été opérés. Mais pour employer avec plus d'avantage ce moyen de le conquérir, méditons un instant sur les deux grandes idées dont se compose notre sujet, durée des # SUR LA.DURÉE DES ESPÈCES. XxIX espèces ; tächons de ne pas laisser de voile au-devant de ces deux objets de notre réflexion ; déterminons avec précision notre pensée ; et d'abord distinguons avec soin la durée de l'espèce d'avec celle des individus que l'espèce renferme. C'est un beau point de vue que celui d’où l’on com- pareroit la rapidité des dégradations d'une espèce qui s'avance vers la fin de son existence , avec la briéveté des instans qui séparent la naissance des individus, du terme de leur vie. Nous le recommandons , ce nouveau point de vue, à l'attention des naturalistes. En effet, ni les raisonnemens d’une théorie éclairée , ni les con- séquences de Fexamen des monumens , ne laissent encore entrevoir aucun rapport nécessaire entre la longueur de la vie des individus et la permanence de l’espèce. Les générations des individus paroissent pou- voir être moissonnées avec plus ou moins de vitesse, sans que l'espèce ait reçu plus ou moins de force pour résister aux causes qui l'altèrent, aux puissances qui l'entraînent vers le dernier moment de sa durée. Un individu cesse de vivre quand ses organes perdent leurs formes , leurs qualités , ou leurs liaisons ; une espèce cesse d'exister, lorsque l'effet de ses modifications suc- cessives fait évanouir ses attributs distinctifs : mais les formes et les propriétés dont l’ensemble constitue la vie d’un individu, peuvent être détruites ou séparées dans cet être considéré comme isolé , sans que les causes qui les désunissent ou les anéantissent, agissent sur XXX DT SIG MOAU Rs les autres individus, qui dès-lors prolongent l'espèce jusqu'au moment où ils sont frappés à leur tour. D'ailleurs ces mêmes causes peuvent diminuer l'inten- sité de ces qualités et altérer les effets de ces formes, sans les modifier dans ce qui compose l'essence de l'espèce ; et ces modifications qui dénaturent l'espèce, peuvent aussi se succéder, sans que les organes cessent de jouer avec assez de liberté et de force pour con- server le feu de la vie des individus. Quels sont donc les caractères distinctifs des espèces ? ou pour mieux dire, qu'est-ce qu'une espèce ? Tous ceux qui cultivent la science de la Nature, emploient à chaque instant ce motespéce , comme une expression très-précise. Ils disent que tel animal appar- tient à telle espèce , ou qu'il en est une variété pas- sagère ou constante, ou qu'il ne peut pas en faire partie ; cependant combien peu de naturalistes ont une notion distincte du sens qu'ils attachent à ce mot, même lorsqu'ils’ont donné des règles pour parvenir à l'appliquer ! Quelques auteurs l'ont défini ; mais si on déterminoit les limites des espèces d’après leurs prin- cipes, combien ne réuniroit-on pas d'êtres plus diflérens les uns des autres que ceux que l’on tiendroit séparés ! Que la lumière du métaphysicien conduise done ici l'ami de la Nature. Les individus composent l'espèce ; les espèces , le genre ; les genres, l’ordre ; les ordres, la classe ; les classes, le règne ; les règnes, la Nature. SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. XXX) Nous aurons fait un grand pas vers la détermination de ce mot espèce, si nous indiquons les différences qui se trouvent entre les rapports des individus avec l'espèce, et ceux des espèces avec le genre. Tous les individus d’une espèce peuvent se ressem- bler dans toutes leurs parties, et de manière qu'on ne puisse les distinguer les uns des autres qu'en les voyant à la fois ; les espèces d’un genre doivent différer les unes des autres par un trait assez marqué pour que chacune de ces espèces, considérée même séparément , ne puisse être confondue avec une des autres dans aucune circonstance. L'idée de l'individu amène nécessairement l’idée de l'espèce : on ne peut pas concevoir l’un sans l’autre. Une espèce existeroit donc, quoiqu'elle ne présentât qu'un seul individu , et quand bien même on la suppo- seroit seule, On ne peut imaginer un genre avec une seule espèce , qu'autant qu'on le fait contraster avec un autre genre. On doit donc rapporter à la mème espèce deux individus qui se ressemblent en tout. Mais lorsque deux individus présentent des différences qui les distinguent, d'après quel principe faudra-t-il se diriger pour les comprendre ou ne pas les renfermer dans la mème espèce ? De quelle nature doivent être ces dissem- blances offertes par deux êtres organisés , du même âge et du même sexe, pour qu'on les considère comme de deux espèces différentes ? Quel doit être le nombre de XXI] D: 1/SVONOTUUR)'S ces différences ? Quelle doit être la constance de ces signes distinctifs? ou pour mieux dire, quelles doivent être la combinaison ou la compensation de la nature, du nombre et de la permanence de ces marques carac- téristiques ? En un mot, de quelle manière en doit-on tracer l'échelle ? Et lorsque cette mesure générale aura été graduée , par combien de degrés faudra-t-il que deux êtres soient séparés , pour nêtre pas regardés comme de la mème espèce ? H y a long-temps que nous avons tâché de faire sen- tir la nécessité de la solution de ces problèmes. Plu- sieurs habiles naturalistes partagent maintenant notre opinion à ce sujet. Nous pouvons donc concevoir l’es- pérance de voir réaliser le grand travail que nous desi- ‘rons à cet égard. Les principes généraux, fondés sur l'observation, dirigeront la composition et la graduation de l'échelle que nous proposons, et dont il faudra peut-être autant de modifications qu'il y a de grandes classes d'êtres organisés. Mais, nous sommes obligés de l'avouer , la détermination du nombre de degrés qui constituera la diversité d'espèce, ne pourra être constante et régu- lière qu'autant qu'elle sera l'effet d'une sorte de con- vention entre ceux qui cultivent la science. Et pour- quoi ne pas proclamer une vérité importante? Il en est de l'espèce comme du genre , de l'ordre et de la classe ; elle n'est au fond qu'une abstraction de l'esprit, qu'une idée collective , nécessaire pour concevoir, SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. XKxi) pour comparer, pour connoître, pour instruire. La Nature n’a créé que des êtres qui se ressemblent , et des êtres qui diffèrent. Si nous ne voulions inscrire dans une espèce que les individus qui se ressemblent en tout , nous pourrions dire que l'espèce existe véritable- ment dans la Nature et par la Nature. Mais les produits de la mème portée ou de la même ponte sont évi- demment de la même espèce ; et cependant combien de différences au moins superficielles ne présentent-ils pas très-fréquemment !Dès l'instant que nous sommes obligés d'appliquer ce mot espece à des individus qui ne se ressemblent pas dans toutes leurs parties , nous ne nous arrètons à un nombre de dissemblances plu- tôt qu'a un autre, que par une vue de ane fondée sur des probabilités plus où moins grandes ; nous sommes dirigés par des observations comparées plus ou moins convenablement : mais nous ne trouvons dans la Nature aucune base de notre choix, solide ; immuable, indépendante de toute volonté arbitraire. En attendant que les naturalistes aient établi sur la détermination de l'espèce la convention la plus raison- nable , nous suivrons cette sorte de définition vague, ce résultat tacite d’une longue habitude d'observer , ce tact particulier, fruit de nombreuses expériences , qui a guidé jusqu'ici les naturalistes les plus recomman- dables par la variété de leurs connoissances et la recti- tude de leur esprit. Et afin que cet emploi forcé d’une méthode imparfaite à quelques égards ne puisse jeter TOME 11 E AXXIY D MS ICHOLUURES aucune défaveur sur les conséquences que nous allons, présenter, nous restreindrons toujours dans des limites si étroites l'étendue de l'espèce, qu'aucune manière plus parfaite de la considérer ne pourra à l'avenir nous obliger à rapprocher davantage ces bornes , ni par conséquent à nous faire regarder comme appartenant à deux espèces distinctes , deux individus que nous aurons considérés comme faisant partie de la même. Une espèce peut s’éteindre de deux manières. Elle peut périr toute entière , et dans un temps: très-court , lorsqu'une catastrophe violente bouleverse la portion de la surface du globe sur laquelle elle vivoit , et que l'étendue ainsi que la rapidité du mou- vement qui soulève, renverse , transporte , brise et écrase , ne permettent à aucun individu d'échapper à la destruction. Ces phénomènes funestes sont des événe-. mens que l'en peut considérer relativement à la durée ordinaire des individus ,,et même des espèces, comme extraordinaires dans leurs eflets , et irréguliers dans leurs époques. Nous ne devons donc pas nous servir de la comparaison de leurs résultats pour tâcher de par- courir la route que nous nous sommes tracée: Mais indépendamment de ces grands coups que la Nature frappe rarement et avec ‘éclat, une espèce dis- paroît par une longue suite de nuances insensibles et d'altérations successives. Trois causes principales peu- vent lentraîner ainsi de dégradation en dégradation. Premièrement, les organes qu’elle présente, peuvent SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. XXXY perdre de leur figure , -de leur volume, de leur sou- plesse, de leur élasticité, de leur irritabilité, au point de ne pouvoir plus produire , transmettre ou faciliter les mouvemens nécessaires à l'existence. Secondement, l’activité de ces mêmes organes peut s'accroître à un si haut degré, que tous les ressorts tendus avec trop de force, ou mis en jeu avec trop de rapidité , et ne pouvant pas résister à une action trop vive ni à des eflorts trop fréquens , soient dérangés, déformés et brisés. Troisièmement, l'espèce peut subir un si grand nom- bre de modifications dans ses formes et dans ses qualités, que, sans rien perdre de son aptitude au mouvement vital , elle se trouve, par sa dernière conformation et par ses dernières propriétés, plus éloignée de son premier état que d'une espèce étrangère : elle est alors méta- _morphosée en une espèce nouvelle. Les élémens dont elle est composée dans sa seconde manière d’être, sont de même nature qu'auparavant ; mais leur combinaison a changé : c'est véritablement une seconde espèce qui succède à l’ancienne ; une nouvelle époque commence: la première durée a cessé pour être remplacée par une autre; et il faut compter les instans d'une seconde exis- tence. Maintenant si nous voulons savoir dans quel ordre s'opèrent ces diminutions , ces accroissemens , ces changemens de la conformation de l'espèce, de ses pro- priétés, de ses attributs, si nous voulons chercher quelle XXXF) D'HSYGTO UTR-S est la série naturelle de ces altérations , et recon- noître la succession dans laquelle ces dégradations paroissent le plus liées les unes aux autres, nous trouverons que l'espèce descend vers la fin de sa durée par une échelle composée de douze degrés principaux. Nous verrons au premier de ces degrés les modi- fications qu'éprouvent les tégumens dans leur con- texture et dans les ramifications des vaisseaux qui les arrosent, au point d'influer sur la faculté de réfléchir ou d'absorber la lumière , et de changer par conséquent le ton ou la disposition des couleurs. Ces modifications peuvent être plus grandes ; et alors les tégumens variant, non seulement dans les nuances dont ils sont peints, mais encore dans leur nature, offrent le second degré de la dégénération de l'espèce. Le changement de la grandeur et celui des propor- tions oflertes par les dimensions, constituent le troi- sième et le quatrième degré de l'échelle: Au cinquième degré nous placçons les altérations des formes extérieures ; au sixième, celles des organes intérieurs ; et nous trouvons au septième l'afoiblisse- ment ou l'exaltation de la sensibilité dans les êtres qui en sont doués. Nous y découvrons par conséquent toutes les nuances de perfection ou d'hébêtation que peuvent montrer le tact et le goût, ces deux sens néces- saires à tout être animé ; et nous y voyons de plus toutes les variétés qui résultent de la présence ou de Fabsence de l’odorat , de la vue et de l’ouie, et de SUR LA DURÉE DES) ESPÈCES. XXXVi) toutes les diversités d'intensité que peuvent offrir ces trois sens moins essentiels à l'existence de l’animal. Les qualités qui proviennent de ces grandeurs , de ces dimensions , de ces formes, de ces combinaisons de sens plus ou moins actifs et plus ou moins nom- breux, appartiennent au huitième degré ; la force et la puissance que ces qualités font naître, constituent par leurs variations le neuvième degré de l'échelle des altérations que nous voulons étudier; et lorsque l'espèce parcourt, pour ainsi dire, le dixième , le onzième et le douzième degré de sa durée, elle offre des modifica- tions successives d’abord dans ses habitudes , ensuite dans les mœurs, qui se composent de l'influence des habitudes les unes sur les autres, et enfin dans l’éten- due et la nature de son séjour sur le globe. Lorsque les causes qui produisent cette série natu- relle de pas faits par l'espèce vers sa disparition, agis- sent dans un ordre différent de celui qu'elles obser- vent ordinairement, elles dérangent la succession que nous venons d'exposer : les changemens subis par l’es- pèce sont les mêmes ; mais les époques où ils se mani- festent, ne sont plus coordonnées de la même manière. La dépendance mutuelle de ces époques est encore plus troublée, lorsque l'Art se joint à la Nature pour altérer une espèce et en abréger la durée. L'Art, en effet, dont un des caractères distinctifs est d'avoir un but limité, pendant que la Nature a tou- Jours des points de vue immenses, franchit tout inter- KXX VII] D | LKS| CO) U RL;:S valle inutile au succès particulier qu'il desire , et auquel il sacrifie tout autre avantage. IL est, pour ainsi dire, de l'essence de l'Art, de tyranniser par des efforts vio- lens les êtres que la Nature régit par des forces insen- sibles : et l'on s’en convaincra d'autant plus qu'on réfilé- chira avec quelque constance sur les différences que nous allons faire remarquer entre la manière dont la Nature fait succéder une espèce à une autre, et les moyens que l'Art emploie pour altérer celle sur laquelle il agit; ce qu'il appelle la perfectionner, et ce qui ne consiste cependant qu'à la rendre plus propre à satis- faire ses besoins. Lorsque la Nature crée dans les espèces, des rouages trop compliqués qui s'arrêtent, ou trop simples qui se dérangent ; des ressorts trop foibles qui se débandent, ou trop tendus qui se rompent ; des organes extérieurs trop disproportionnés par leur nombre, leur division ; ou leur étendue , aux fonctions qu'ils doivent remplir; des muscles trop inertes, ou trop irritables ; des nerfs trop peu sensibles , ou trop faciles à émouvoir ; des sens soustraits par leur place et par leurs dimensions à une assez grande quantité d'impressions ou trop exposés par leur épanouissement à des ébranlemens violens et fréquemment répétés ; et enfin, des mouvemens trop lents ou trop rapides; elle agit par des forces foiblement graduées , par des opérations très-prolongées , par des changemens insensibles. L'Art, au contraire, lorsqu'il parvient à faire naître SUR LALDURÉE DESNESPÉ GES: LUxmIx des altérations analogues , les produit avec rapidité, et par une suite d'actions très-distinctes et peu nom- breuses. La Nature étend son pouvoir sur tous les individus ; elle les modifie en même temps et de la même manière; elle change véritablement l'espèce. L'Art, ne pouvant soumettre à ses procédés qu'une partie de ces individus , donne le jour à une espèce nouvelle, sans détruire l'ancienne : il n’altère pas, à proprement parler, l'espèce ; il la double. Il ne dispose pas, comme la Nature, de l'influence du climat. Il ne détermine ni les élémens du fluide dans lequel l'espèce est destinée à vivre ; ni sa densité”, nisa profondeur *, ni la chaleur dont les rayons solaires ou les émanations terrestres peuvent le pénétrer, ni son humidité ou sa sécheresse ; en un mot, aucune des qualités qui, augmentant ou diminuant l’analogie de ce fluide avec les organes de la respiration, le rendent plus ou moins propre à donner aux sues nourriciers le mouvement vivifiant et réparateur ?. : Tout égal d’ailleurs, un fluide recoit et perd la chaleur avec d’autant plus de facilité que sa densité est moindre. : Le savant et habile physicien baron de Humboltz a trouvé que l’eau de la mer a, sur tous les bas-fonds, une température plus froide de deux, trois ou quatre degrés, qu’au-dessus des profondeurs voisines. Cette obser- vation est consignée dans une lettre adressée par ce célèbre voyageur, de Caraccas en Amérique, à mon confrère Lalande, et que cet astronome à bien voulu.me communiquer, | "Nous ayons déja montré, dans le premier Discours et dans plusieurs xl Dh SAGLO UARIS Lorsque la Nature fixe le séjour d'une espèce auprès d'un aliment particulier, la quantité que les individus en consomment, n'est déterminée que par les besoins qu'ils éprouvent. L'Art, en altérant les individus par la nourriture ; contraint leur appétit, les soumet à des privations , où les force à s’assimiler une trop grande quantité de substances alimentaires. La Nature ne commande que la qualité de ces mêmes alimens ; l'Art en ordonne jusqu'à la masse. Ce n'est qu'à des époques incertaines et éloignées, et par l'effet de circonstances que le hasard seul paroît réunir, que la Nature rapproche des êtres qui, remar- qu: bles par un commencement d'altération dans leur couleur, dans leurs formes ou dans leurs qualités, se perpétuent par des générations, dans la suite des- aiticles particuliers de cette Histoire, comment un fluide très-chaud , très- sec, ou composé de tel ou tel principe, pouvoit donner la mort aux animaux forcés de le respirer par un organe peu approprié, et par conséquent com- ment, lorsque l’action de ce fluide n’étoit pas encore aussi funeste , elle pou- voit cependant altérer les facultés, diminuer les forces, vicier les formes des individus, modifier l’espèce, en changer les caractères, en abréger la durée. Âu reste, noussommes bien aises de faire remarquer que l’opinion que nous avons émise en appliquant ces principes à la mort des poissons retenus hors de l’eau, est conforme aux idées de physique adoptées dans la Grèce et dans l’Asie mineure dès le temps d’Homère , et recueillies dans l’un des deux immortels ouvrages de ce beau génie. Ce père de Ja poésie européenne compare en effet, dans le vingt-deuxième livre de son Odyssée, les poursui- vans de Pénélope, défaits par Ulysse, à des poissons entassés sur un sable aride, regrettant les ondes qu’ils viennent de quitter, et palpitant par effet de la chaleur et de la sécheresse de l’aër, qui bientôt leur ôtent la vie SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. xl) quelles ces traits particuliers , que de nouveaux ha- sards maintiennent, fortifient et accroissent, peuvent constituer une espèce nouvelle. La réunion des individus dans lesquels on appercoit les premiers linéamens de la nouvelle espèce que l'on desire de voir paroître, leur reproduction forcée, et le rapprochement des produits de leur mélange , qui offrent le plus nettement les caractères de cette mème espèce, sont au contraire un moyen puissant, prompt et assuré, que l’Art emploie fréquemment pour altérer les espèces , et par conséquent pour en diminuer la durée. La Nature change ou détruit les espèces en multi- pliant au-delà des premières proportions d'autres es- pèces prépondérantes, en propageant, par exemple, l'espèce humaine, qui donne la mort aux êtres qu'elle redoute et ne peut asservir, et relègue du moins dans le fond des déserts, dans les profondeurs des forêts ou dans les abymes des mers, les animaux dangereux qu’elle ne peut ni enchaîner ni immoler. L'Art seconde sans doute cet acte terrible de la Na- ture, en armant la main de l'homme de traits plus meurtriers ou de rets plus inévitables : mais d'ailleurs il attire, au lieu de repousser; il séduit, au lieu d'ef- frayer ; il trompe, au lieu de combattre ; il hâte par la ruse les effets d'une force qui n'acquerroit toute sa supériorité que par une longue suite de générations trop lentes à son gré; il s'adresse aux besoins des es- pèces sur lesquelles il veut régner; il achète leur indé- TOME 11, F xl} D HS CUDAU RS pendance en satisfaisant leurs appétits ; il affecte leur sensibilité ; il en fait des voisins constans, ou des coha- bitans assidus, ou des serviteurs affectionnés et volon- taires, ou des esclaves contraints et retenus par des fers ; et dans tous les degrés de son empire, il modifie avec promptitude les formes par l'aliment, et les qua- lités par limitation , par l'attachement ou par la crainte. Mais pour mieux juger de tous les objets que nous venons d'exposer, pour mieux déterminer les chan- gemens dans les qualités qui entraînent des modifica- tions dans les habitudes, pour mieux reconnoître les variétés successives que peuvent présenter les formes, pour mieux voir la dépendance mutuelle des formes, des qualités et des mœurs, il faut considérer avec soin la nature de l'influence des diverses conformations. Premièrement, il faut rechercher si la nouvelle con- formation que l’on reconnoit, peut accroître ou dimi- nuer d'une manière un peu remarquable les facultés de l'animal ; si elle peut modifier sensiblement ses instrumens , ses armes, sa vitesse, ses vaisseaux, ses sues digestifs, ses alimens, sa respiration, sa sensibi- lité, etc. Par exemple, un de nos plus habiles anato- mistes modernes, mon confrère le citoyen Cuvier, a démontré qu'il existoit entre les éléphans d'Asie, ceux d'Afrique, et ceux dont les ossemens fossiles ont été entassés en tant d'endroits de l'Asie ou de l'Europe bo- réale, des différences de conformation assez grandes pour qu'ils doivent être considérés comme appartenant SUR LANDUMRÉE DESVESPECES: xl} à trois espèces distinctes ; et cependant des naturalistes ne pourroient pas se servir de cette belle observation pour contester à des géologues la ressemblance des habi- tudes et des besoins de l'éléphant d'Asie avec ceux que devoit offrir l'éléphant de Sibérie , puisque ce mème éléphant d'Asie et l'éléphant d'Afrique présentent les mêmes facultés et les mêmes mœurs , quoique leurs formes soient pour le moins aussi dissemblables que celles des éléphans asiatiques et des éléphans sibériens. Secondement, une forme particulière qui donne à un être une faculté nouvelle, doit être soigneusement distinguée d'une forme qui retrancheroit au contraire une ancienne faculté. La première peut n'interrompre aucune habitude ; la seconde altère nécessairement la manière de vivre de l'animal. On sera convaincu de cette vérité, si l'on réfléchit que, par exemple, la conformation qui doueroit une espèce du pouvoir de nager, ne la confineroit pas au milieu des eaux, tandis que celle qui la priveroit de cette faculté, lui interdiroit un grand nombre de ses actes antérieurs, Ajoutons à cette considération importante, que la mème conformation qui accroît une qualité essentielle dans certaines circonstances, peut l’affoiblir dans d’autres ; et pour préférer de citer les faits les plus analogues à l'objet général de cet ouvrage , ne verroit-on pas ai- sément que les espèces aquatiques peuvent recevoir d'une tête alongée, d’un museau pointu, d'un appen- dice antérieur très - délié, en un mot d'un avant de xliv D T!S IG OV RS très-peu de résistance, une natation plus rapide, lors- que l'animal ne s'en sert qu'au milieu de lacs paisibles, de fleuves peu impétueux, de mers peu agitées, mais que cette même conformation, en surchargeant leur partie antérieure, en gênant leurs mouvemens, en éloignant du centre de leurs forces te bout du levier qui doit contre-balancer l'action des flots, peut dimi- nuer beaucoup la célérité de leur poursuite, ainsi que la promptitude de leurs évolutions, au milieu de l'Océan bouleversé par la tempête ? Fâchons maintenant d'éclaircir ce que nous venons de dire, en particularisant nos idées, en appliquant quelques uns des principes que nous avons posés, en réalisant quelques unes des vues que nous avons pro- posées. L'espèce humaine, ce grand et premier objet des recherches les plus importantes , ne doit cependant pas être dans ce moment celui de notre examen particulier. L'homme a créé l’art par son intelligence ; et bravant avec succès, par le secours de son industrie, presque toutes les attaques de la Nature, contre-balançcant sa puissance, combattant avec avantage le froid, le chaud, l'humidité, la sécheresse, tous ses agens les plus puis- sans, parvenu à se garantir des impressions physiques, en même temps qu'il s'est livré aux sensations morales, il a gagné autant de stabilité dans les attributs des êtres vivans et animés, que de mobilité dans ceux qui font uaiître le sentiment, l'imagination et la pensée. SUR LA DURÉE DES ESPÉCES. xlv D'ailleurs, que savons-nous de lhistoire de cette espèce privilégiée? Avons-nous découvert dans le sein de la terre quelques restes échappés aux ravages des siècles reculés, et qui puissent nous instruire de son état primitif"? La Nature nous a-t-elle laissé quelques monumens qui nous révèlent les formes et les qualités qui distinguoient cette espèce supérieure dans les temps voisins de son origine? A-t-elle transmis elle-même quelques documens de ces âges antiques témoins de sa première existence? A-telle pu élever quelque colonne milliaire sur la route du temps, avant que plusieurs siècles n’eussent déja donné à son intelligence tout son développement, à ses attributs toute leur supériorité, à son pouvoir {toute sa prééminence ? Si nous jetons les yeux sur l’une ou l’autre des trois races principales que nous avons cru devoir admettre dans l'espèce humaine*, que dirons-nous d’abord des modifications successives de la race nègre, de cette race africaine dont nous connoissons à peine les traits actuels, les facultés, le génie, les habitudes, le séjour ? Parlerons-nous de cette race mongole qui occupe, de- puis le commencement des temps historiques, la plus oo * Consultez particulièrement à ce sujet un Mémoire très-judicieux et trés-important que le savant Fortis vient de publier dans le Journe! de physique de floréal an 8. ? J'ai exposé mes idées sur le nombre et les caractères distirctifs des différentes races et variétés de l’espece humaine, dans lé Discours d’ouver- ture du cours de zoologie que j'ai donné en l’an 6. Ce Discours a été imprimé chez le citoyen Plassan. SV D 4 $C OYU R:$ belle et la plus étendue partie de l'Asie, mais qui, depuis des milliers d'années , constante dans ses affec- tions, persévérante dans ses idées, immuable dans ses lois, dans son culte, dans ses sciences, dans ses arts, dans ses mœurs, ne nous montre l'espèce humaine que comme stationnaire, et, ne nous présentant aucun chan- sement actuel, ne nous laisse soupconner aucune mo- dification passée ? Si nous considérions énfin la race arabe ou euro- péenne, celle que nous pouvons le mieux connoître, parce qu'elle a le plus exercé ses facultés, cultivé son talent, développé son génie, entrepris de travaux, transmis de pensées, tracé de récits, effacé les distances des temps et des lieux par l'emploi des signes de la pa- role ou de l'expression du sentiment, parce qu'elle nous entoure de tous les côtés, parce que nous en fai- sons partie, quelle différence spécifique trouvons-nous, par exemple, entre les Grecs des siècles héroïques et les Européens modernes ? L'homme d'aujourd'hui pos- sède plus de connoissances que l'homme de ces siècles fameux : mais il raisonne comme celui des premiers jours de la Grèce ; mais il sent comme l'homme du temps d'Homère; et voilà pourquoi aucun poète ne surpassera jamais Homère, et voilà pourquoi aucun statuaire ne l'emportera sur l'auteur de l'Apollon Pythien, pendant que le trésor des sciences recevant à chaque instant des faits nouveaux, il n'est point de savant du jour qui re puisse être plus instruit que le Newton de la veille; SUR LA DURÉE DES ÉSPÈCES. xlvi} et voilà pourquoi encore les progrès des arts pouvant être renfermés dans des limites déterminées comme les combinaisons des sentimens *, les chefs-d’œuvre qu'ils produisent peuvent parvenir à la postérité avec la gloire de leurs auteurs, pendant que, les progrès des sciences devant être sans limites, comme les combinaisons des faits et des pensées, les découvertes sont impérissables, ainsi que la renommée des hommes de génie auxquels on les doit; mais les ouvrages mêmes de ces hommes fameux passent presque tous, et sont remplacés par d’autres, à moins que le style qui les a tracés, et qui appartient à l’art, ne les sauve de cette destinée et ne leur donne l’immortalité. Les animaux qui ressemblent le plus à l’homme, les mammifères, les oiseaux, les quadrupèdes-ovipares et les serpens, ne seront pas non plus les sujets des ré- flexions par lesquelles nous terminerons ce Discours: * Il faut faire une exception relativement aux arts, tels que la peinture, la musique, etc., dont les procédés, en se perfectionnant chaque jour, multiplient les moyens d’exécution, et par conséquent le nombre des créations possibles. I est d’ailleurs évident que cette détermination de limites n’a point Fieu pour les arts, lorsqu’en appliquant leur puissance à de nouveaux objets, en combinant leurs produits , et en Jeur donnant, pour ainsi dire, par ces opérations, la nature des sciences, le génie les rend propres à exprimer un plus grand nombre de sentimens, à peindre des sujets plus variés ou plus nombreux, à présenter de plus vastes tableaux , à toucher par con- séquent avec plus de force , et à faire naître des impressions plus durables. Voyez ce que nous avons dit, à cet égard, dans la Poétique de le mwsi É a x que, imprimée en 1765. xlvii] D'INBNC ONULRNS nous préférerons d'appliquer les idées que nous venons d'émettre, à ceux qui, dans la progression de simplicité des êtres , suivent ces animaux , lesquels , de même que l'homme, respirent par des poumons. En nous arrêtant aux poissons pour les considérations qu'il nous reste à présenter, nous attacherons notre attention à des animaux dont non seulement cet ouvrage est destiné à faire connoître l'histoire, mais encore qui vivent dans un fluide particulier, où ils sont exposés à moins de circons- tances perturbatrices, de variations subites et funestes, d’accidens extraordinaires, et qui d'ailleurs, par une suite de la nature de leur séjour, de la date de leur origine, de la contexture solide et résistante du plus grand nombre de leurs parties, et de la propriété qu'ont ces mêmes portions de se conserver dans le sein de la terre au moins pendant un temps assez long pour y former une empreinte durable, ont dû laisser, et ont laissé en effet, des monumens de leur existence passée, bien plus nombreux etbien plus faciles areconnoître, que presque toutes les autres classes des êtres vivans et sensibles. Nous avons compté douze modifications principales par lesquelles une espèce peut passer de dégradation en dégradation, jusqu'à la perte totale de ses caractères distinctüfs, de son essence, et par conséquent de l’exis- tence proprement dite. Parcourons ces modifications. ‘ Nous avons chaque jour sous.les yeux des exemples d'espèces de poissons qui, transportées dans des eaux SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. xlix plus troubles ou plus claires, plus lentes ou plus ra- pides, plus chaudes ou plus froides, non seulement se montrent avec des couleurs nouvelles, mais éprouvant encore des changemens plus marqués dans leurs tégu- mens, baignées, attaquées et pénétrées par un fluide différent de celui qui les arrosoit, présentent des écailles, des verrues, des tubercules, des aiguillons très-peu semblables par leur figure, leur dureté, leur nombre ou leur position, à ceux dont ils étoient revêtus. Il est évident que ces modifications produites dans Le même temps et dans un lieu différent, ont pu et dû naitre dans un temps diflérent et dans le même lieu, et contribuer par conséquent, dans la suite des siècles, à diminuer la durée de l'espèce, aussi-bien qu'à res- treindre les limites de son habitation lors d’une époque déterminée. Si l’on rappelle ce que nous avons dit dans les ar- ticles particuliers du requin et du squale roussette, sur la grandeur de ces espèces à une époque un peu re- culée, on les verra nous offrir deux exemples bien frappans de la cinquième modification qu'une espèce peut subir, c'est-à-dire, de la diminution de grandeur qu'elle peut éprouver. En effet, on doit en conclure que les requins dont on a conservé des restes, et dont nous avons mesuré des dents trouvées dans le sein de la terre, l'emportoient sur les requins actuels par leur grandeur proprement dite, c'est-à-dire, par leur massé, par l'ensemble de leurs dimensions, dans le rapport de TOME LI G Î Dr FES ClOLUMR S 343 à 27. Leur grandeur a donc été réduite au dou- zième au moins de son état primitif. Une réduction plus frappante encore a été opérée dans l'espèce de la roussette, puisque nous avons donné les moyens de voir que des dents de ce squale, découvertes dans des couches plus ou moins profondes du globe, devoient avoir appartenu à des individus d’un volume dix-neuf cent cinquante-trois fois plus grand que celui des rous- settes qui infestent maintenant les rivages de l'Europe. Et relativement à ces deux exemples des altérations dans les dimensions que peuvent offrir les espèces. d'animaux, nous avons deux considérations à proposer. Premièrement, la diminution subie par la roussette a été à proportion 166 fois plus grande que celle du requin, et cependant, au point où cette dégradation a commencé, le volume äu requin n'étoit pas trois fois plus considérable que celui de la roussette. IL est à. présumer que si, à cette époque , il avoit été six ou huit fois supérieur, la modification imposée à la rous- sette auroit été plus grande encore, proportionnelle- ment à celle du requin. En général, on ne sauroit faire trop d'attention à un principe très-important, que nous ne cesserons de rappeler : les forces de la Nature, celles qui détruisent comme celles qui pro- duisent, celles qui troublent comme celles qui main- tiennent, agissent très-souvent, et tout égal d’ailleurs, en raison des surfaces, soit extérieures, soit intérieures, des corps qu'elles attaquent ou régissent; mais tout le SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. l) monde sait que plus les corps sont petits, et plus à proportion leurs surfaces sont étendues, Il ne faut donc pas être étonné de voir les grands volumes op- poser une résistance bien plus longue proportionnel- lement que celle des petits, aux causes qui tendent à restreindre leurs dimensions dans des limites plus rap- prochées. Secondement, il est curieux d'observer que les deux espèces qui ont perdu, l'une les onze douzièmes, et l’autre une portion bien plus étonnante encore de ses dimensions primitives, sont des espèces marines, et par conséquent ont dû être exposées à un nombre de causes altérantes d'autant moins grand, que la température et la nature des eaux des fleuves sont bien plus variables que celles de l'océan, et que, s'il faut admettre les conjectures les plus généralement adop- tées, toutes les espèces de poissons ayant commencé par appartenir à la mer, les fluviatiles ont été expo- sées à une sorte de crise assez forte et à des changemens très-marqués, lorsqu'elles ont abandonné les eaux salées pour aller séjourner au milieu des eaux douces. Les exemples des proportions changées et des formes altérées, soustraites ou introduites dans une espèce, à _mesure qu'elle se dégrade et s’avance vers le terme de sa durée, peuvent être saisis avec facilité dans les di- verses empreintes qu'ont laissées des individus de dif- férens genres, enfouis par des catastrophes subites. Il n'en est pas de même de la sixième et de la sep- tième modification générale : des hasards très-rares Hj D 1 SC. OVUIR S peuvent seuls Conserver des individus dans un tel état d'intégrité, ou de destruction commencée et de dissection naturelle, qu'on puisse reconnoître la forme de leurs organes intérieurs , et celle des parties de leur corps dans lesquelles résidoient les sens dont ils avoient été doués. Il est encore plus difficile de remonter à la connois- sance des qualités, de la force, des habitudes , des mœurs qui distinguoient une espèce à une époque plus ou moins enfoncée dans les âges écoulés. Ces propriétés ne sont que des résultats dont existence peut sans doute être l'objet de conjectures plus ou moins vraisemblables , inspirées par l'inspection des formes qui les ont produits, mais sur la nature des- quels nous n'avons cependant de notions précises que lorsque des observateurs habiles ont recueilli ces notions et les ont transmises avec fidélité. La détermination des endroits dans lesquels habitoit une espèce dans les temps anciens , est au contraire plus facile que celle de toutes les modifications dont nous venons de parler. Les traces que des individus laissent de leur existence , doivent être distinctes jusqu'à un certain degré, pour qu'on puisse, en les exa- minant, reconnoitre dans leurs détails les dimensions et les formes de ces individus ; mais un très-foible vestige suffit pour constater la place où ils ont péri, et par conséquent celle où ils avoient vécu. Cette douzième modification des espèces , cette limi- SURULAMDURLE DES ÉSPEÉCES. hi tation de leur séjour à telle ou telle portion de la surface de la terre , peut être liée avec une ou plu- sieurs des autres altérations dont nous avons tâché d’ex- poser l’ordre ; et elle peut en être indépendante, Il en résulte premièrement des espèces altérées dans leurs qualités, dans leurs formes ou dans leurs dimensions, et reléguées dans telle ou telle contrée ; secondement des espèces modifiées trop peu profondément dans leur conformation , pour que leurs propriétés aient éprouvé un changement sensible , non altérées même dans leurs formes ou dans leurs dimensions , et cependant confi- nées sous tel ou tel climat ; et troisièmement , des espèces dégradées dans leurs qualités, ou seulement dans leurs formes, mais habitant encore dans les mêmes parties du globe qu'avant le temps où leur métamor- phose n’avoit pas commencé. Nous avons assez parlé de ces dernières. Quant aux autres espèces, combien 1 pourrions- nous pas en citer! Ici les exemples nous environnent. Le seul mont volcanique de Bolca , auprès de Vérone, a déja montré sur ses couches entr'ouvertes , des frag- mens très-bien conservés et très-reconnoissables d'une ou deux raies, de deux gobies, et de plusieurs autres poissons qui ne vivent aujourd'hui que dans les mers de l'Asie, de l'Afrique , ou de l'Amérique méridiovale, dont plusieurs traits sont altérés , et qui cependant offrent les caractères qui constituoient leur espèce ; lorsque , réunis en troupes nombreuses vers le fond iv D. 1/5 $C/O\UCRTS de la mer Adriatique , une grande catastrophe les surprit au milieu de leurs courses, de leurs poursuites, de leurs combats , et, leur donnant la mort la plus prompte , les ensevelit au-dessous de produits volca- niques , de substances préservatrices, et de matières propres à les garantir des effets de l'humidité ou de tout autre principe corrupteur de De plus , parmi les espèces qui n'ont subi, au moins en apparence, aucune modification dans leurs formes, ni dans leurs proportions, ni dans leur grandeur, ni dans leurs tégumens , nous comptons une fistulaire du Japon ou de l'Amérique équatoriale , enfouie sous des couches schisteuses du centre de l'Europe ; un pégase de l'Inde, deux ou trois chétodons de l'Inde ou du Brésil, et des individus de plus de trente autres espèces de l'Asie, de l'Afrique, ou des rivages les blus chauds de l'Amérique , saisis entre les lits solidifiés de ce même mont 2olca, si digne d'attirer notre attention. Nous venons de porter rapidement nos regards, * Nous avons dit plus d’une fois que M. le comte de Gazola a commencé de donner au public un grand ouvrage sur les poissons pétrifiés, conservés ou empreints dans les couches du mont Bolca. Si ce sayant recommandable, auquel je suis heureux de pouvoir témoigner souvent mon estime, ne termine p& son importante entreprise, je tâcherai d’arranger mes travaux de manière à le suppléer en partie, en publiant la figure , la description et la comparaison des poissons fossiles, ou des empreintes de poissons, trouvés dans ce même mont Bolca, recueillis à Vérone avec un soin très- éclairé, apportés au Muséum d’histôire naturelle de Paris, et formant aujourd’hui une des parties les plus précieuses de l’immense et riche collec- ; tion de la république francoise. ————— SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. lv premièrement , sur les espèces altérées dans leurs organes , et repoussées loin du séjour qu'elles avoient autrefois préféré ; secondement , sur les espèces non altérées, mais reléguées ; troisiènrement, sur les espèces altérées , et non confinées dans une portion du globe différente de celle qu'elles avoient occupée : il nous reste à considérer un instant celles qui n'ont été ni dégradées , ni chassées de leur ancienne patrie, dent nous trouvons des individus, ou des fragmens, ou des empreintes très-reconnoissables, au-dessous des mèmes couches terrestres que l’une des dernières catastrophes du globe a étendues au-dessus des espèces que nous avons déja indiquées, et qui, par conséquent, ont résisté avec plus de facilité que ces dernières , aux diverses causes qui modifient les espèces et en préci- pitent la durée. Contentons-nous cependant, pour ne pas entrer dans des discussions particulières que les bornes de ce Dis- cours nous interdisent , et sur lesquelles nous revien- drons un jour , de jeter les yeux sur deux de ces en- droits remarquables du globe qui ont fourni à l'étude du naturaliste les empreintes les plus nettes ou les restes les mieux conservés d'un grand nombre d'espèces de poissons. Ne citons que les environs du Bolca Véro- nois , et ceux d’Æningen auprès du lac de Constance *. * Voyez ce que le célèbre Saussure a écrit au sujet de la carrière d’Æ- mingen, et des poissons dont l’intérieur de cette carrière renferme les restes ou. les images ; on trouvera la description qu’en donne cet habile Is} D 1,5 C\O/UIRS Nous trouvons dans les carrières d'AÆningen ou de Bolca le pétromyzon pricka , le squale requin, la murène anguille, le scombre thon, le caranx trachure, le cotte chabot, la trigle malarmat , la trigle milan, le pleuronecte carrelet, le cobite loche, le cobite bar- botte , le salmone fario , l’ésoce brochet , l'ésoce bélone , la clupée alose, la clupée hareng , le cyprin carpe , le cyprin goujon , le cyprin tanche, et douze autres cyprins , l’hamburge , le céphale, le vaudois, la dobule , le grislagine , le spirlin, le bouvier, l’able, la brème , le véron , le roux et le nez. Tous ces poissons vivent encore dans les diverses imers européennes qui-entourent, pour ainsi dire, el le lac de Constance et le territoire vénitien ; et la com- paraison la plus exacte ne feroit remarquer entre les individus que l’on pècheroit dans ces mers euro- péennes, et ceux qui sont encore gisans sous les cou- -ches d’Æningen ou du Bolca , aucune différence plus grande que celles qui séparent souvent des produits de la mème ponte. . naturaliste, au paragraphe 1533 du tome IIT de son Voyage dans Les Aîpes. Le nom de ce grand géolooue rappelle à mon ame aflligée les travaux , la gloire et les malheurs de son illustre ami, de son savant émule , mon colitgue Dolomieu, qui, depuis dix-huit mois , lutte avec une constance héroïque contre une affreuse captivité, que n’ont pu faire cesser encore ul I les pressantes réclamations de notre patrie qu’il honore, de notre gouver- Ï I q ; 8 nement qui l'estime , de plusieurs puissances étrangères qui partagent pour Jui Pintérét des François, du roi d’Espagne, qui manifeste ses sentimens à cet égard de la manière la plus digne de la nation qu'il gouverne, et d’un si grand nombre de ceux qui, en Europe, chérissent et font vénérer Jantique loyauté , les vertus et les grands talens, SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. lvij La limite de toutes les altérations que nous venons de décrire , est l'anéantissement de l'espèce. Pendant que nous avons sous les yeux un si grand nombre de poissons qui ont résisté aux caüses pertur- batrices de leurs formes, de leurs qualités et de leurs habitudes , n’avons-nous pas aussi à considérer des exemples de leurs extrèmes, c’est-à-dire , d'espèces qui, par une suite de dégradations , se sont entièrement éteintes ? Il paroît qu'on peut citer quelques unes de ces espèces perdues. Les voyageurs , les naturalistes , les pêcheurs , ne retrouvent, du moins dans aucune mer, ni dans aucune rivière, ni dans aucun lac, quelques poissons dont le corps presque tout entier a frappé les regards des observateurs qui ont examiné avec attention les pierres extraites des environs du Bolca, ou d’autres contrées du globe. Il semble qu'on doit particulièrement indiquer deux espèces décrites par le savant Gazola , dans le bel ouvrage qu’il a commencé de publier sur les poissons pétrifiés du Véronois, et dont nous avons déja eu occasion de faire mention. Ces deux espèces sont , premièrement , celle qu’il nomme uranoscope ratean {uranoscopus rastrum ) , et seconde- ment, celle qu'il désigne par la dénomination de Aurte porte-voile [ kurtus velifer). Après les avoir examinées avee beaucoup de soin , j'ai mème cru qu’elles diffé- roient assez des espèces connues et actuellement vivantes, pour qu'on ne düt les rapporter à aucun de ROME LI. II Ivii} D' IS ELOQUNR S leurs genres ; et en conséquence ce ratcau et ce porte= voile ne sont à mes yeux ni un véritable wranoscope, ni un véritable Aurte. Je ne balancerois pas non plus à regarder comme une espèce éteinte, celles de quelques autres animaux conservés dans l'intérieur des pièces de la collection ichthyolithologique de Vérone , qui ont été adressées au Muséum d'histoire naturelle de France , et notam- ment un chétodon { à filament dorsal, double et très- long) dont j'ai vu plusieurs exemplaires conservés d'une manière très-curieuse. Cependant ce n'est qu'avec une grande réserve que nous devons dire qu'une espèce a terminé sa durée : nous ne Connoissons pas assez la surface du globe NL les mers qui l'environnent , pour prononcer formelle- ment qu'on ne trouvera dans aucune eau douce, ni dans aucun parage , des analogues très-ressemblans des individus fossiles que nous n'avons pu encore inscrire dans aucune espèce décrite et vivante. En effet, il nous reste à découvrir d'immenses contrées situées à des distances plus ou moins grandes de la ligne, dans l'un et l’autre hémisphère , et notam- ment l'intérieur de la Nouvelle-Hollande et de la terre de Diémen, celui de la Nouvelle-Guinée et de la Louisiade , le vaste plateau du milieu de l'Afrique, compris entre le tropique du capricorne et le dixième degré de latitude boréale , et cette longue bande qui s'étend dans la partie occidentale de l'Amérique septen- SUR LA DURÉE DES ESPÉCES. lix trionale, au nord du Nouveau - Mexique, commence près du quarantième degré de latitude, s'avance pen- dant un grand nombre de degrés vers le nord, et rèone sur une largeur de plus de soixante-dix myrie- mètres entre la lisière encore très-peu connue qui touche le rivage de la mer, et cette chaîne de montagnes très- élevées , nommées maintenant s/ony mountains , dont nous avions conjecturé l'existence , la position , la direc- tion et la hauteur”, et qui vont depuis Cattana Howes, où le voyageur anglois M. Fidler est parvenu en 1792, jusqu’au bord occidental de l'embouchure dans l'Océan glacial arctique , de la rivière vue par M. Kensie le 12 juillet 1789 *. Mais n’avons-nous pas encore à reconnoitre presque toute la côte occidentale et une partie de la côte du nord de la Nouvelle-Hollande, plusieurs rivages du nord-est de l'Asie et des isles qui en sont voisines, presque tous les points de la côte orientale et de la côte occidentale de l'Afrique depuis une distance assez petite du cap de Bonne-Espérance jusqu'auprès de la * Dans un mémoire sur les parties du globe encore inconnues , que je lus dans la séance publique de la société philotechnique , le 20 floréal de la même année, et que mon célèbre collègue, le citoyen Fourcroy , voulut bien lire quelques jours après dans une séance publique du Lycée républi- gain de Paris. : Consultez une carte très-intéressante d’une grande partie de l’'Amé- rique septentrionale, présentée à la compagnie angloise d'Hudson par M. Arrowsmith, et dont la guerre nous a empéchés d’avoir connoissance avant l’année dernière. Îx D: I'SACNONT RES ligne équinoxiale , et par conséquent dans une étendue de plus de sept cents myriamètres ? Combien de fleuves, combien de lacs, combien de parages inconnus! Combien ces habitations qui se sont jusqu'a présent dérobées à nos recherches , peuvent renfermer d'espèces plus ou moins analogues à celles dont des individus vivans, ou des restes fossiles, ont été l'objet de nos descriptions ! Cependant élevons-nous encore plus haut au-dessus des objets que nous venons de contempler. Avons-nous quelque moyen de juger de l'ancien- neté de ces modifications dont nous venons d'examiner les caractères et d'indiquer la succession ? Ne pou- vons-nous pas du moins déterminer quelques époques pendant lesquelles subsistoient encore ou existoient déja une ou plusieurs de ces modifications ? L'espèce humaine, trop récente sur le globe , n’a pas pu observer les durées des diverses nuances de ces altérations , et compter pendant le cours de ces durées le nombre des périodes lunaires ou solaires qui se sont succédées. Mais la Nature n'a-t-elle pas gravé sur le globe quelques ères auxquelles nous pourrions au moins rapporter une partie de ces manières d’être des espèces ? Nous ne mesurerons pas le temps par le retour d'un corps céleste au mème point du ciel, mais par ces bou- leversemens terribles qui ont agi sur notre planète plus où moins profondément. Nous n'appliquerons pas l'existence des dégradations SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. Ixj des espèces à des temps réguliers et déterminés comme les années ou les siècles ; mais nous verrons leur con- cordance avec des événemens dont on connoît déja les relations des époques, en attendant qu’on ait dévoilé leur ancienneté absolue. Ici le flambeau de la géologie nous aide à répandre quelque clarté au milieu de la nuit des temps. Elle nous montre comment, en pénétrant dans les couches du globe , et en examinant l’essence ainsi que le gisement des minéraux qui les composent , nous pouvons savoir si nous avons sous les yeux des monu- mens de l’une ou de l’autre des trois époques que l’on doit distinguer dans la suite des catastrophes les moins anciennes de notre terre , les seules qu'il nous soit permis de reconnoître de loin. La moins récente de ces révolutions est le dernier bouleversement général que notre globe a éprouvé, et qui a laissé de profondes empreintes sur l’universalité de la surface de la terre. Après cette catastrophe universelle, il faut placer dans l’ordre des temps les bouleversemens moins éten- dus, qui n'ont répandu leurs ravages que sur une grande partie du globe. L'on ne peut pas, dans l’état actuel des connoissances humaines, déterminer les rapports des dates de ces événemens particuliers; on ne peut que les attacher tous à la seconde époque, sans leur assigner à chacun une place fixée avec précision sur la route du temps. “ Exi} DIS CLONUTR,S A la troisième époque, nous mettons les boulever- semens circonscrits comme les seconds, et qui de plus présentent les caractères distinctifs de l'action terrible et destructive des volcans, des feux souterrains, des foudres et des ébranlemens électriques de l'intérieur du globe. Maintenant si nous voulons appliquer un moment ces principes , nous reconnoitrons que nous ne pou- vons encore rapporter à une de ces époques qu'un petit nombre des modifications par lesquelles les es- pèces tombent, de dégradation en dégradation, jusqu'à la non-existence. Nous pouvons dire que le temps où, par exemple; le genre des squales présentoit une grandeur si supé- rieure à celle des squales observés de nos jours, et où le volume de l’une de leurs espèces l’'emportoit près de deux mille fois sur le volume qu'elle offre maintenant, appartient à la seconde des époques que nous venons d'indiquer, et a touché celui où le globe a éprouvé le dernier des bouleversemens non universels et non vol- caniques qui aient altéré sa surface auprès de la chaine des Pyrénées, dont les environs nous ont montré les restes de ces grandes espèces marines, si réduites main- tenant dans leurs dimensions. Nous pouvons assurer également que , lors des con- vulsions de la terre, des éruptions volcaniques, des vastes incendies et des orages souterrains, dont les effets redoutables se montrent encore si facilement à SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. Ixüij des yeux exercés et attentifs, auprès de Venise et de l'extrémité de la mer Adriatique, plusieurs espèces, dont les flancs du mont Bolca recelent les empreintes ou la dépouille , n’avoient pas éprouvé les dégrada- tions dont nous pouvons compter toutes les nuances, ou n’avoient pas encore été reléguées dans les mers chaudes de l'Asie, de l'Afrique ou de l'Amérique mé- ridionale , ou se montroient déja avec tous les traits qu'elles présentent, ainsi que dans les contrées qu'elles habitent aujourd’hui; et enfin, que celles que l’on seroit tenté de considérer comme éteintes, et que du moins on n’a encore retrouvées dans aucun fleuve, dans aucun lac, dans aucune mer, figuroient encore dans ensemble des êtres sortis des mains de, la puissance créatrice. Lorsque la science aura étendu son domaine, que de nouveaux observateurs auront parcouru dans tous les sens les terres et les mers, que le génie aura con- quis le monde, qu'il aura découvert, compté, décrit et comparé et les êtres qui vivent et les fragmens de ceux dont il ne reste que des dépouilles, qu'il con- noîtra et ce qui est et une partie de ce qui a été, qu'au milieu des monts escarpés, sur les rivages de l'Océan, dans le fond des mines et des cavernes souterraines, il interrogera la Nature au nom du Temps, et le Temps au nom de la Nature, quelles comparaisons fécondes ne naîtront pas de toutes parts ! quels admirables résul- tats ! quelles vérités sublimes ! quels immenses tableaux; Ixiv D'APSICHOLU RS quel nouveau jour se levera sur l'état primitif des espèces, sur les rapports qui les lioient dans ces âges si éloignés du nôtre, sur leur nombre plus petit à cette époque antique, sur leurs grandeurs plus rapprochées, sur leurs traits plus différens , sur leurs habitudes plus dissemblables, sur leurs alliances plus difficiles, sur leurs durées plus longues! O heureuse postérité ! à combien de jouissances n'es-tu pas réservée, si les passions funestes, l'ambition délirante, la vile cupi- dité, le dédain de la gloire, l'ignorance présomptueuse, et la fausse science, plus redoutable encore, n’en- chaînent tes nobles destinées ! HISTOIRE HISTOIRE NATURELLE DES MP20'LSS O NS: MeR EU, Z; LE ME WOME/NURSE. LES DIODONS. Les mächoires osseuses, avancées, et chacune d'une L >} seule pièce. ESPÈCES, CARACTÈRES. Le corps alongé; des piquans très-rapprochés x, LE DIODON ATINGA. les uns des autres ; la nageoire de la queue, arrondie. me nt, Le corps alongé; point de piquans sur les DUT r DIODON PLUMIER. côtés de la tête, qui est plus grosse que la partie antérieure du corps; la nageoire de la queue, arrondie. [ra £ . Le corps alongé; des piquans très-rapprochés 3.LE DIODON HOLOCANTHE.2 les uns des autres; la nageoire de la queue, pm tata, pe tit, fourchue. Le corps un peu alongé ; des piquans très- rapprochés les uns des autres, et deux ou trois fois plus longs sur le dos que sur 4. LE DIODON TACHETÉ. le ventre; la nageoire de laqueue, arrondie ; trois grandes taches de chaque côté du corps, une tache'en forme de croissant sur la nuque, TOME Il. 1 PE, 2 SET OSTSR SE PN EAU EREUSRS ETAPE ESPÈCES. CARACTÈRES. A PAR CA ARS Le corps sphérique, ou presque FDHÉTIQUe des piquans forts, courts, et clair-semés. TE DID MD ES one demi-oyale ; comme tron- qué par derrière, L6:D'T'OPD ON; AS RERNIG ALT Les diodons ont de très-grands rapports, dans leur conformation et dans leurs habitudes, avec les tétro- dons et les ovoides : mais ils en diffèrent par la forme de leurs mâchoires osseuses, dont chacune ne présente qu'une pièce; et de là vient le nom qu'on leur a donné, et qui désigne qu'ils n'ont que deux dents, l’une en haut , et l’autre en bas. Ils en diffèrent encore par la nature de leurs piquans beaucoup plus longs, beau- * Nous devons prévenir qu’en rapportant aux différentes espèces de poissons que nous décrivons dans cet ouvrage , le texte ou la figure publiés par différens auteurs, nous n’entendons, en aucune manière, adopter l'opinion de ces écrivains relativement à l’application qu’ils ont pu faire de telle ou telle description ou de telle ou telle planche qu’ils ont citées, à L'animal dont ils se sont occupés. Cet avertissement nous a paru sur-tout nécessaire au commencement de l’histoire des diodons. Diodon atinga. Linné, édition de Gmelin. Diodon atinga. Bloch, pl. 125. Deux-dents courte-épine. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie » mé- “1hodique, pl. 19, fig. 60. Hérisson de mer. Diodon supernè fuscus, maculis lenticularibus, nigris undique inspersus, ventre albo irmmaculato. Commerson, manuscrits déja cités. Deux-dents longue-épine. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Brown, Jamaic. p.456, 7. 4. Seb. Mus. 3, pl. 23, fig. x et 2; et pl. 24, fig. 10 Guamajacu atinga. Marcgrav. Brasil. pl. 168. Willughby, Ichthyol. pl. I, 5; I, Get I, 7. Jonston, tab. 3, fig. x ; et tab. 39, fig. 3. 4 BST OMR EN A DUR ELLE coup plus gros, beaucoup plus forts, que ceux des tétrodons les mieux armés. Ces piquans sont d’ail- leurs très-mobiles, et répandus sur toute la surface de la plupart des diodons. Cette dissémination, ce nombre, cette mobilité, cette grandeur, ont fait re- garder, avec raison, les diodons comme les ana- logues des porc-épies et des hérissons, dans la classe des poissons. La diversité de couleurs que montrent fréquemment ces aiguillons, a dû contribuer encore à ce rapprochement; et comme on a pu en faire un presque semblable entre les cartilagineux que nous examinons, et les vers que l'on a nommés Oursins, on doit considérer la famille des diodons comme for- mant un des principaux liens qui réunissent et attachent ensemble la classe des quadrupèdes à mamelles, celle des poissons, et celle des vers. Ce genre remarquable ne renferme qu'un petit nombre d'espèces: mais le plus grand nombre des natu- ralistes en ont mal saisi les caractères distinctifs; et comme d’ailleurs elles sont presque toutes très-variables dans plusieurs points de leur conformation extérieure, une grande confusion a régné dans la détermination de ces espèces, dont on a très-souvent trop étendu où resserré le nombre ; et le même désordre s’est trouvé dans l'application que plusieurs auteurs ont faite aux espèces qu'ils avoient admises, des noms donnés aux diodons, où des descriptions de ces animaux déja publiées, Ce n’est que parce que nous ayons été à portée D'-B49 up O rs. 0" NS 5 de comparer de ces cartilagineux de différens âges, de diflérens sexes, de diflérens pays, et pris à des époques de l’année très-éloignées l’une de Fautre, que nous avons pu parvenir à fixer le nombre des espèces de diodons connues jusqu'à présent, à reconnoître leurs formes distinctives et invariables, et à composer la table méthodique qui précède cet article. L'atinga a le corps très-alongé ; chaque narine n'a qu'une ouverture placée dans une sorte de petit tube; les yeux sont assez près du museau; l'anus en est, au contraire, à une assez grande distance, et par consé- quent la queue proprement dite est très-courte. Les nageoires du dos et de l'anus se ressemblent beaucoup, sont petites, et placées au dessus l'une de l’autre; celle de la queue est arrondie *. Les piquans mobiles dont l'atinga peut se hérisser, sont très-forts, très-longs, creux vers leur racine, variés de blanc et de noir, et divisés à leur base en trois pointes qui s'écartent, sétendent, et vont s'attacher au dessous des tégumens de l'animal. Ils sont revêtus . d’une membrane plus ou moins déliée, qui n’est qu'une ui ton de la peau du diodon. Cette membrane s'élève autour de l’aiguillon, jusqu'au dessus de l’extré- mité de ce piquant, ou jusqu'a une distance plus ou * A la nageoire du dos 15 ou 16 rayons. aux nageoires pectorales 24 ou 25 à celle de Panus 15 où 16 à celle de la queue 9 6 E TIS/T O L'RIES NA TU RIEIELIE moins grande de la pointe de ce dard, qui le plus souvent perce cette membrane et paroît à découvert. L'atinga est brun ou bleuâtre sur le dos, et blanc sur le ventre; ses nageoires sont quelquefois jaunes dans le milieu de leur surface; et ces mêmes nageoires, ainsi que toute la partie supérieure du poisson, sont semées de petites taches lenticulaires et noires, que l'on voit fréquemment répandues aussi sur le dessous de l'atinga. Ce cartilagineux vit au milieu des mers de l'Inde et de l'Amérique, voisines des tropiques, ainsi que dans les environs du cap de Bonne-Espérance. Il s'y nourrit de petits poissons, de cancres, et d'animaux à coquille, dont il brise aisément l'enveloppe dure par le moyen de ses fortes mâchoires. Il ne s'éloigne guère des côtes ; et quoiqu'il ne parvienne qu'à la longueur de quinze pouces ou d'un pied et demi, iF sait si bien, lorsqu'on l'attaque, se retourner en différens sens, exécuter des mouvemens rapides, s'agiter, se couvrir de ses arimes, en présenter la pointe, qu'il est très-difficile et mème dangereux de le prendre. Aussi le poursuit-on d'autant moins que sa chair est dure et peu savoureuse. C'est principalement dans les momens où l’on veut le saisir, qu'il gonfle sa partie inférieure. Il a la faculté de l'enfler comme les tétrodons et les ovoides , quoique cependant il paroisse ne pouvoir pas donner à cette portion de son corps un aussi grand degré d'extension. Il augmente ainsi son volume pour donner plus de D 'CHIESTMNE NOIIT SASAOINES. 17 force à sa résistance, ou pour s'élever et nager avec plus de facilité ; il se grossit et se tuméfie particuliè- rement, lorsqu'après l'avoir saisi, on cherche à le tenir un moment suspendu par sa nageoire dorsale: mais, quelque cause qui le contraigne à se boursou- fler, il détend souvent tout d'un coup sa partie infé- rieure, et, faisant alors sortir avec rapidité par l’ou- verture de sa bouche, par celle de ses branchies, ou par son anus, le fluide contenu dans son intérieur, il produit un bruissement semblable à celui que font entendre les balistes, les ostracions et les tétrodons. * La vessie natatoire de l’atinga est très-grande , ainsi que celle des tétrodons; et, d'après la nature de la membrane qui la compose, il paroît que, préparée comme celle de l'acipensère huso, elle donneroit une colle supérieure par sa bonté à celle que lon pourroit obtenir de la vésicule aérienne d’un très-grand nombre d’autres espèces de poissons. L'estomac du diodon que nous décrivons n’est com- posé que d’une membrane assez mince; mais il est k arni de beaucoup d'appendices, qui, comme autant de petites poches ou d'intestins ouverts uniquement par un bout, peuvent ou augmenter la quantité des sucs digestifs, ou contribuer à l'élaboration, à la perfection, à l’activité de ces sucs, ou prolonger la durée de l'ac- tion de ces liquides sur les alimens, en retardant le passage des substances nutritives dans la partie des intestins la plus voisine de l'anus. G HISTOIRE NATURELLE Ces alimens, quelque dure que soit leur nature; peuvent arriver à l'estomac, d'autant plus broyés et par conséquent susceptibles de subir l'action des liqueurs digestives, qu'indépendamment des mâchoires osseuses qui tiennent lieu à l'animal de deux dents très-larges et très - fortes, l’atinga a deux véritables dents molaires très-grandes, relativement à l'étendue de la cavité de la bouche, à peine convexes, et sillon- nées transversalement. L'une occupe presque tout le palais; et l'autre, qui ne cède que très-peu en grandeur à la première, revêt la partie opposée de la gueule, dans l'endroit le plus voisin du devant de la mâchoire inférieure. Lorsqu'on a mangé de l'atinga, non seulement on peut éprouver des accidens graves, si on a laissé dans l'intérieur de cet animal quelques restes des alimens qu'il préfère, et qui peuvent être très mal-sains pour l'homme; mais encore , suivant Pison, la vésicule du fiel de ce cartilagineux contient un poison si actif, que si elle crève quand on vide l'animal, ou qu'on l'oublie dans le corps du poisson, elle produit sur ceux qui mangent de l’atinga, les effets les plus funestes: les sens s'émoussent, la langue devient immobile, les membres se roidissent; et à moins qu'on ne soit promptement secouru, une sueur froide ne précède la mort que de quelques instans. Au reste, si la vésicule du fiel, ou quelque autre portion intérieure du corps de l’atinga, contient un D ENS P OT SISNON NS. 9 venin dangereux, il ne peut point faire perdre la vie, en parvenant jusqu'au sang des personnes blessées par ce cartilagineux, et en y arrivant par le moyen des longs piquans dont la surface du poisson est hérissée, ainsi que quelques voyageurs l'ont redouté. Ces piquans ne sont point creux jusqu'a leur extrémité ; leur cavité ne présente à l'extérieur aucun orifice par lequel le poison püt être versé jusques dans la plaie; et l’on ne découvre aucune communication entre l’intérieur de ces aiguillons , et quelque vésicule propre à contenir et à répandre un suc délétère. TOME Ii. 2 L'E D'TO:D'ONLEP:LU MER: LL étoit convenable de désigner ce cartilagineux par le nom du naturaliste auquel nous devons la figure de cette belle espèce de diodon, que l'on trouve dans la zone torride, auprès des côtes orientales de l'Amérique. Ce poisson, que lon voit aussi auprès des rivages de plusieurs isles américaines, a beaucoup de ressem- blance avec l'atinga; mais il en diffère par plusieurs caractères. Premièrement, il est souvent plus alongé, sa longueur totale étant presque toujours quatre fois aussi étendue que sa hauteur. Secondement, il présente un étranglement très-marqué à l'endroit où la tête est attachée au corps, et par conséquent entre les yeux et les nageoires pectorales. Troisièmement, il n'y a pas de piquans sur les côtés de la tête, au dessous, ni sur le devant de cette partie; et au-delà de la nageoire dorsale, la queue est également dénuée d'aiguillons. Le diodon plumier est bleuâtre avec des taches blanches, presque rondes, assez petites, et très-nom- breuses *. * Orbis piscis aculeatus major. Plumier, dessins sur vélin déja cités. Orbis aculeatus, maculis albis notatus, apud insulas americanas vulod poisson armé. Plumier, dessins déposés dans le cabinet des estampes de la bibliothèque nationale. = À la nageoire du dos 7 rayons. à chaque nageoire pectorale 9 à celle de l’anus Gou 7 à celle de la queue, qui est arrondie, 9 ou ro PE DIODONSTOTOCANTEE:T. Le trait le plus constant et le plus sensible par lequel la conformation extérieure de l'holocanthe diffère de celle de l'atinga, est la forme de la nageoire de la queue. Cette nageoire, au lieu d'être arrondie comme dans l'atinga, est échancrée, et par conséquent fourchue ou un peu en croissant, dans l'holocanthe. L'ensemble de la tête, du corps et de la queue, est aussi, au moins le plus souvent, moins alongé dans l'holocanthe que dans l’atinga; le dos est plus convexe, et les piquans sont quelquefois plus longs”: mais d'ailleurs toutes les formes sont presque semblables; les nuances et la dis- tribution des couleurs ne le sont pas moins; et l’on remarque les mêmes habitudes dans les deux espèces. Comme l'atinga, l'holocanthe se livre à divers mou- vemens très-violens et très-rapides lorsqu'il se sent * Diodon hystrix, guara. Bloch, pl. 126. Le deux-dents longue-épine. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, pl. 19, fig. 61. Diodon atinga holocanthus. Zinné, édition de Gmelin. Ostracion oblongus holocanthus, aculeis Jongissimis teretiformibus, in capite imprimis et in collo. 4rtedi, gen. 60, syn. 86. 2 On trouve souvent à la nageoire du dos 14 rayons. aux pectorales 21 à celle de l’anus 17 à celle de la queue 10 2 HISTOIRE NATURELLE. saisi, et particulièrement lorsqu'il est pris au hamecon. Il se gonfle et se comprime, redresse et couche ses dards , s'élève et s'abaisse avec vîtesse, pour se débar- rasser du crochet qui le retient. Ses piquans étant quelquefois plus longs et plus forts que ceux de l’atinga, ses efforts multipliés pour s'échapper et se défendre sont plus redoutés que ceux de cet autre diodon; et, bien loin d’oser le prendre au milieu de l’eau et lors- qu'il jouit encore de toute sa force, on n'ose approcher sa main de son corps jeté et gisant sur le rivage, qu'au moment où sa puissance affoiblie et sa vie près de s’éteindre rendent ses mouvemens à peine sensibles, et ses armes presque nulles. Au reste, se nourrissant des mêmes animaux que l’atinga, il fréquente les côtes ainsi que ce cartilagi- neux, et ainsi que la plupart des poissons qui vivent de crabes et d'animaux à coquille. On le trouve dans les mêmes mers que celles où l'on pèche l’atinga. EE D PP ONIN: TS ACRÈNE RUE CommErson a laissé dans ses manuscrits la description de cette espèce de cartilagineux, au sujet de laquelle aucun naturaliste n’a encore rien publié, que l'on a trouvée auprès des côtes de la Nouvelle-Cythère, et à laquelle les navigateurs qui l'ont vue, ont donné le nom de crapaud marin, et de hérisson de mer. À mesure qu'on s'éloigne de l'atinga, en continuant cependant d'observer les diodons dans l’ordre suivant lequel nous les avons placés, on voit l'alongement du corps dimi- nuer dans les espèces que l’on examine, et la sphéri- cité presque parfaite succéder enfin à une très-grande différence entre la longueur et les autres dimensions de l'animal. Les holocanthes sont, en effet, moins alongés en général que le tacheté; le tacheté paroît l'être moins que l'holocanthe; des variétés de l’orbe se rapprochent encore davantage de la forme globuleuse, que l’on retrouve presque dans toute son intégrité, lorsqu'on a sous les yeux d'autres individus de cette dernière espèce. Indépendamment de sa forme moins alongée, le tacheté est séparé de l'atinga et de l'holocanthe par * Diodon muricatum, brunneum , spinis albis, maculis dorsalibus quinque majusculis nigris, occipitali maximäâ semilunatä. Commerson , manuscrits déja cités. 14 HI ST OTR EE NATURELLE la disposition de ses couleurs. Il est brun par-dessus, et blanchâtre par-dessous; il présente sur sa nuque une très-grande tache en forme de croissant, un peu festonnée, et dont les pointes sont tournées vers les yeux. On en voit de chaque côté du corps une autre un peu ovale, située au dessus de la nageoire pectorale, et deux autres transversales, dont la première est au dessous de l'œil, et la seconde entre l'œil et la nageoire pectorale; le dessous du museau est comme entouré d'une tache nuageuse; et enfin on en trouve une presque ronde au dessus du dos, autour de la nageoire dorsale. Au reste, ces différentes taches sont d’un noir plus ou moins foncé. Toutes les nageoires sont d’un jaune verdätre *. Les piquans sont blanes, et montrent leurs pointes au dessus de gaines très-brunes. Ces mèmes aiguillons, mobiles à la volonté de l’ani- mal, ainsi que ceux de presque tous les autres diodons, sont très-longs sur le dos, mais deux ou trois fois plus courts sur le ventre. Les narines, situées entre les yeux et l'extrémité du museau, ont les bords de leurs ouvertures relevés de manière à représenter une verrue. Les yeux sont voilés par une continuation transpa- * À la nagcoire du dos 14 rayons. aux nageoires pectorales 24 à celle de Panus 14 à celle de la queue 9 D'ETSMeE: OL STS ION NS: 15 rente du tégument le plus extérieur de l'animal; ce- pendant ils sont gros et très-saillans. L'ouverture branchiale a la forme d’un segment de cercle, et est placée verticalement. On ne compte de chaque côté que trois branchies. La nageoire de la queue est arrondie; ce qui rap- proche un peu le tacheté de l’atinga, mais l'éloigne de l'holocanthe. LE DT OO NO REMEN C& nom d'orbe désigne la forme presque entièrement sphérique que présente ce cartilagineux. Il ressemble d'autant plus à une boule, sur-tout lorsqu'il s'est tumé- fé, que ses nageoires sont très-courtes, et que son museau étant très-peu avancé, aucune grande pro- éminence n'altère la rondeur de son ensemble. Les piquans dont sa surface est hérissée, sont très-forts; * Deux-dents hérisson. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie métho- dique, pl. 19, fig. 62. Diodon orbicularis, orbe hérisson. Block, pl. 127. Deux-dents courte-épine. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Diodon hystrix. ZLinné, édition de Gmelin. Ostracion bidens sphæricus, aculeis undique densis triquetris. Artedi, gen. Eg, syn. 86. Seb. Mus. 3, tab. 23, fig. 3. Poisson rond et piquant. Orbis echinatus, orbis muricatus. Rondelet, première partie, liv. 15, chap. 3. TPillughby, Ichthyol. tab. T, 4, fig. 63 et T, 8, fig. x et 2. Guamajacu, guara, piquitingua, araguagua, camuri. WMarcgrav. Bras. D: 106: Ikan doerian, terpandjang , doeri, doeri-nja. Valentyn. Ind.3, p. 458, 71: 9077: Poisson armé. Dutertre, Antill. 2, p. 209. Diodon hystrix reticulatus, B. Linné, édition de Gmelin. Ostracion subrotundus , aculeis undique brevibus triquetris raris. Ærted, gen. 59; syn. 86. Diodon subsphæricus aculeatus, aculeis ventralibus singulis maculä flavicente notatis , Præter maculas quinque nigras. Commerson, manuscrits déja cités. HLSYNONIRIE / N ATUIRCEILUL'E: b7 mais ils sont plus courts, et plus clair-semés à propor- tion du volume du poisson, que ceux de l'atinga, de l'holocanthe, et du tacheté. Ils paroissent d'ailleurs retenus sous la peau par des racines à trois pointes, plus étendues et plus dures; ils ressemblent davantage à un cône, ou plutôt à une sorte de pyramide trian- gulaire, dont les faces seroient plus ou moins marquées; ils peuvent faire des blessures plus larges; ils sont moins fragiles ; ils donnent à l'animal des moyens de défense plus capables de résister à une longue attaque; et voilà pourquoi l’orbe a été nommé par excellence, et au milieu des autres diodons, le poisson armé. C'est sous ce nom que sa dépouille a été conservée pendant si long-temps, suspendue à la voûte de presque tous les muséum d'histoire naturelle, et même dans un grand nombre de cabinets de physique, de laboratoires de pharmacie, et de magasins de -drogues étrangères. Commerson, qui a vu ce poisson en vie dans la mer voisine de Rio-Janeiro, a très-bien décrit les couleurs de cet animal; et c'est d’après lui que nous allons les faire connoître. L'orbe est d’un gris livide sur toute sa surface; mais ce fond est varié par des taches de formes et de nuances différentes. Premièrement, des gouttes blanchâtres sont répandues sur tout le dos; seconde- ment, quatre taches plus grandes, noires, et presque arrondies, sont situées, une auprès de chaque nageoire pectorale, et une sur chaque côté du corps; troisième- ment,une cinquième tache également noire, mais très- TOME IL pe 16 HISTOIRE NATURELLE échancrée, paroît auprès de la nageoire caudale; qua- trièmement, un croissant noirâtre est au dessous de chaque œil; et cinquièmement, la base de chacun des aiguillons placés sur le ventre est d’un jaune plus ou moins pâle. Au reste, on remarque souvent des variétés dans la forme du corps de l’orbe, et dans celle de ses aiguillons. Ces piquans sont quelquefois, par exemple, taillés, pour ainsi dire, à pans plus sensibles, et attachés par des racines plus fortes et plus divisées. D'un autre côté, la sphéricité de l'animal se change en une sorte d’ovoide, ou de petit cône, qui le rapproche du tacheté, ou de l'holocanthe, ou de l’atinga, sur-tout lorsque ces der- niers, ayant accidentellement leur partie inférieure très-gonflée, s'éloignent davantage de la figure alongée, et sont plus près de la rondeur d’une boule. Mais les atingas, les holocanthes et les tachetés les plus voisins de la forme globuleuse seront toujours séparés de l'orbe dont la sphéricité sera la moins parfaite, par la conformation des piquans de ce dernier, plus courts, plus forts, plus clair-semés, mieux enracinés, et plus: comprimés latéralement et sur plusieurs faces, que ceux des autres diodons*. L'orbe a, comme d'autres cartilagineux de sa famille, # A la nageoire du dos 14 rayons. aux nageoires pectorales 22 à celle de l’anus 12 à celle de la queue, qui est arrondie, 10 DUENS POI TSPSMOINES: 19 deux dents molaires presque plates, très-étendues en surface, et situées l’une au palais, et l’autre en bas vers le bout du museau. Sa chair est un aliment plus ou moins dangereux, au moins dans certaines circons- tances, comme celle de l'atinga et d'autres diodons. C'est principalement dans l'orbe que l'on-avoit cru voir de véritables poumons en même temps que des branchies ; et c'est cette observation qui avoit parti- culièrement engagé Linné à séparer les cartilagineux des poissons proprement dits, et à les considérer comme appartenant à la classe que ce grand natura- liste a désignée par le nom d'amphibies *, PEER RE PP ER ns ©) TN * Voyez le Discours sur la nature des poissons. & : LE" DAT O?D'ON ANT OP ER . CE diodon, que le savant naturaliste Pallas a fait connoître , a beaucoup de ressemblance avec le tétro- don lune par le grand aplatissement de son corps, qui est très-comprimé par les côtés, et par la forme demi-ovale qu'il présente, lorsqu'on regarde une de ses faces latérales. Mais ces deux poissons appartiennent à deux familles différentes : il est donc très-aisé de les distinguer l’un de l’autre : d’ailleurs le diodon mole, au lieu de parvenir aux dimensions très-étendues de la lune, n'a encore été vu que de la longueur de quelques pouces ; et l'on n’a encore comparé la gran- deur de l'espèce de disque qu'offre le corps de ce car- tilagineux, qu'à celle de la paume de la main. Le sommet de la tête du mole est creusé en petit canal dont les deux bouts sont garnis d’une petite pointe; le museau est saillant; la grande dent qui compose la partie antérieure de chaque mâchoire, est plutôt cartilagineuse qu'osseuse. Le dos est armé de deux piquans et de trois tubercules; on voit aussi deux aiguillons auprès de la gorge, et d’autres piquans sur les côtés du corps ou sur la carène formée par le dessous * Diodon mola, Lrnné, édition de Gmelin. Pallas, Spicil. zoolog. 8, p. 39, tub. 4, fig. 7. Kælreuter, nov. Comm. Petropol. 10,p. 440, tab. 6. HTSTOERE N A'NUR ELLE. 2 de l'animal. La partie postérieure du mole paroît comme tronquée. On compte quatorze rayons à chacune de ses nageoires pectorales. On le trouve dans les mers voisines des tropiques, ainsi que les autres espèces de diodons, qui habitent, au reste, non seulement dans les eaux salées qui baignent l'ancien continent , mais dans celles qui avoisinent les rivages du nouveau. UE QUATORZIÈME GENRE. LES SPA MR IO ND ES. Point de nageoires du dos, de la queue, ni de l'anus; quatre dents au moins à la mdächoire supérieures À ESPÈCE. CARACTÈRES, DRE CCE UE CNCULÉ Un grand nombre de petits tubercules sur la 1 à ‘| plus grande partie du corps, * * 21 * 4 Pay. 2 4: > CSS 0600%0 200090 a à 20000 965000 GX 600 0 À 02009. YA O6 Deseve. Del 2 SPHEÉROIDE. de Filaun 77 Tuberculé. 2. PETR OMYZ ON Kouge. 3.PETROMY ZON. « fucet L 4 Ge LA fol 1 Lui HAUT x LE SPHÉROÏDE TUBERCULÉ *. Le naturaliste Plumier a laissé parmi les dessins ori- ginaux que l'on doit à son zèle éclairé, et qui sont déposés dans le cabinet des estampes de la bibliothèque nationale, la figure de ce cartilagineux, que je n'ai pu inscrire, d'après sa forme extérieure , dans aucun des genres de poissons déja connus. Il a beaucoup de rap- ports avec l'ovoïde fascé; mais il en diffère, ainsi qu'on va le voir, par plusieurs traits essentiels. Il est presque entièrement sphérique, et voilà pourquoi le nom gé- nérique de sphéroïde m'a paru lui convenir. Sa forme globuleuse n'est altérée que par deux saillies très- marquées, dans chacune desquelles un des deux yeux est placé. Les deux narines, très-rapprochées, sont situées entre les yeux et l'ouverture de la bouche, dans l’inté- rieur de laquelle on voit au moins quatre dents atta- chées à la mâchoire supérieure, et deux à la mächoire d'en bas. Une portion assez considérable des environs de la bouche n’est recouverte que d'une peau lisse ; mais tout le reste de la surface du corps est parsemé d'un très-grand nombre de petits tubercules qui m'ont suggéré le nom spécifique de ce cartilagineux. L'animal * Orbis minimus non aculeatus. Plumier, dessins déposés duns le cubinet des estampes de lu bibliothèque nationale. 24 HISTOIRE NATURELLE, ne présente aucun aiguillon; il n’a que deux nageoires: ce sont deux nageoires pectorales assez étendues, et dont chacune est soutenue par six ou sept rayons. Il est à présumer que c'est dans la mer qui baigne les côtes orientales de la partie de l'Amérique comprise entre les tropiques, que l’on trouve ce tuberculé, dont les habitudes doivent ressembler beaucoup à celles de l'ovoide fascé. QUINZIÈME GENRE LES SYNGNATHES. L'ouverture de la bouche trés-petite, et placée à l'extrémité d'un museau très-long et presque cylindrique; point de dents; les ouvertures des branchies sur la nuque. PREMIER SOUS-GENR E. Une nageoire de la queue, des nageoires pectorales, et une nageoire de l'anus. CARACTÈRES. ESPÈCES, 1. LESYNGN. TROMPETTE. Le corps à six pans. 2. LE SYNGN. AIGUILLE. Le corps à sept pans. SR CON DS ONU"S-= C'EN'RE Une nageoire de la queue; des nageoires pectorales; point de nageoire de l'anus. ESPÈCE. CARACTÉERES, 3. LE SYNGNATHE TUYAU. Le corps à sept pans. MN SL EURE SOU SCCÉNRE Une nageoire de la queue; point de nageoires pectorales, ni de nageoire de l'anus. ESPÈCE. CARACTÈRES. Trente rayons à la nageoire du dos; cinq à 4 LE SYNGNATHE PIPE. celle de la queue, TOME Il. 4 Ne 7 26 CEST OT RE ENTASPAU RAEUBIRRE. QUU:A D R EE MES O U S-G'EINUREE. Point de nageoire de la queue; des nageoires pectorales; L1E nagcoire de l'anus. ESPÈCES. CARACTÈRES. Cinq excroissances barbues et cartilagineuses 5, LE SYNG. HIPPOCAMPE. { x au dessus de la tête. 6. LE SYNGNATHE DEUX- Deux piquans sur la tête. PIQUANS. CIINIO'U DE ME) SOUS-GENR'E: Point de nageoire de la queue; des nageoires pectorales; point de nageoire de l'anus. ESPÈCE. CARACTÈRES. 7. LE SYNGNATHE BARBE. Le corps à six pans. SX ILE 4 SOU SSC ANR. Point de nageoire de la queue, de nageoires pectorales, ni de nageoire de l'anus. ESPÈCE CARACTÈRES, Le corps très-délié; trente-quatre rayons à la 8. LE SYNGN. OPHIDION. À nagcoire du dos, LE SYNGNATHE TROMPETTE *. De toutes les manières dont les poissons viennent au jour, il n'en est point de plus digne d'attention que celle que l'on observe dans la famille des syngnathes, de ces cartilagineux très-alongés, dont les nageoires sont très-petites, et qui par ces deux traits ressemblent beaucoup aux serpens les plus déliés. En effet, non seu- lement les femelles des syngnathes ne déposent pas leurs œufs, comme celles du plus grand nombre de poissons, * Gagnole, dans plusieurs départemens méridionaux. Syngnathus fyphle. Zinné, édition de Gmelin. Cheval marin trompette. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bornaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Fauna suec. 377. Syngnathus corpore medio hexagono, caudâ pinnatä. Art. gen. 1, syn.x, spec. à. Bloch, pl. 91, fig. +. Klein, miss. pisc. 4, p. 42, n. 2. Piscis septimus. Sa/vian. Aquat. p.68. Typhle marina. Bell. Aquat. p. 448. Trompette, aiguille d’Aristote. Rondelet, première partie, liv.8 ,chap, 4. Willughby, Ichthy. p. 158. Raj. pisc. p. 46. Gesner, Aquat:p. 9; icon. anim. p. 92. Sea adder. Borlase, Cornw. p. 267. Shorter pipe-fish. Pennant, Brit. Zoolog. 3, p.108, n. 2, tab. 6, fig. 2 Syngnathus pinnis caudæ, ani, pectoralibusque, radiatis, corpore hexa- gono, Commerson, manuscrits déja cités. 28 HISTOIRE NATURELLE sur des bancs de sable, sur des rochers, sur des côtes plus ou moins favorables au développement des fœtus; non seulement elles ne les abandonnent point sur des rivages : mais on diroit que, modèles de la véritable tendresse maternelle, elles consentent à perdre la vie pour la donner aux petits êtres qui leur devront leur existence, On croiroit mème qu'elles s’exposent à périr au milieu de douleurs cruelles, pour sauver les jeunes produits de leur propre substance. Jamais l'imagination poétique, qui a voulu quelquefois élever l'instinct des animaux, animer leur sensibilité, ennoblir leurs affec- tions, embellir leurs qualités, et les rapprocher de celles de l'homme, autant qu'une philosophie trop sévère et trop prompte dans ses jugemens a cherché à les dégrader et à les repousser loin d'elle, n’a pu être si facilement séduite lorsqu'elle a erré au milieu des divers grouppes d'animaux dont nous avons entrepris d'écrire l'histoire, et même de tous ceux que l'on a placés, avec raison, plus près de l’homme, ce fils privilégié de la nature, qu'elle ne l’auroit été par le tableau des soins des syn- gnathes mères, et de toutes les circonstances qui accompagnent le développement de leurs foibles em- bryons: jamais elle ne se seroit plue à parer de plus de charmes les résultats de l'organisation des êtres vivans et sensibles. Et combien de fois les syngnathes mères n’auroient-elles pas été célébrées dans ces ou- vrages Charmans, heureux fruits d’une invention bril- lante et d'un sentiment touchant, que la sagesse recoit D\ ES PAOMIISRSMOMNES, 29 des mains de la poésie pour le bonheur du monde, si le génie qui préside aux sciences naturelles avoit plutôt révélé à celui des beaux arts le secret des phénomènes dérobés à presque tous les yeux, et par les eaux des mers dans lesquelles ils s'opèrent, et par la petitesse des êtres qui les produisent! Mais au travers de ces voiles précieux et transparens dont l'imagination du poète les auroit enveloppés, qu'auroit vu le physicien? Que peut remarquer dans la reproduction des syngnathes, l'observateur le plus froid et le plus exact? Quels sont ces faits à la vue desquels la poésie auroit bientôt allumé son flambeau? Oublions les douces images qu'elle auroiït fait naître, et ne nous occupons que des devoirs d'un historien fidèle. On a pensé que les syngnathes étoient hermaphro- dites : un savant naturaliste, le professeur Pallas, l’a écrit”; et ses soupçons à ce sujet ont été fondés sur ce que dans tous les individus de ce genre qu'il a dissé- qués, il a trouvé des ovaires et des œufs. Peut-être dans cette famille, ainsi que dans plusieurs autres de la classe des poissons, le nombre des femeiles l'em- porte-t-il de beaucoup sur celui des mäles. Mais, quoi qu'ilen soit, les observations d'autres habiles physiciens, et particulièrement celles d’Artedi, qui a vu des syn- gnathes mäles, ne permettent pas de regarder comme LU Mae QU pet Me que Of CERTES CE TSR TIRE) * Pallas, Spicrleg. zoologic. 8, p. 33. 80 HELSTOIRE NATURELLE hermaphrodites les cartilagineux dont nous traitons dans cet article ; et nous sommes dispensés d'admettre une exception qui auroit été unique non seulement parmi les poissons, mais même parmi tous les animaux à sang rouge. Les jeunes syngnathes sortent des œufs dans lesquels ils ont été renfermés, pendant que ces mêmes œufs sont encore attachés au corps de la femelle. L'intérieur de ces petites enveloppes a done dû être fécondé avant leur séparation du corps de la mère. Il en est donc des syngnathes comme des raies et des squales : le mâle est obligé de chercher sa femelle, de s'en approcher, de demeurer auprès d'elle au moins pendant quelques momens, de faire arriver jusqu'à elle sa liqueur sémi- nale. Il ÿ a donc un véritable accouplement du mâle et de la femelle dans la famille que nous examinons; et la force qui les entraine l'un vers l’autre est d'autant plus remarquable, qu’elle peut faire supposer l'existence d’une sorte d'affection mutuelle, très-passagère à la vérité, mais cependant assez vive, et que ce sentiment, quelque peu durable qu'il soit, doit influer beaucoup sur les habitudes de l'animal, et par conséquent sur l'instinct qui est le résultat de ces habitudes. Lorsque la liqueur séminale du mäle est parvenue jusqu'aux œufs de la femelle, ils reçoivent de ce fluide vivifiant une action analogue à celle que l'on voit dans tous les œufs fécondés, soit dans le ventre, soit hors du corps des mères, à quelque espèce d'animal D. BS4) PO T SES ON NUS. oi qu'il faille d'ailleurs les rapporter. L’œuf, imprégné de la liqueur du mâle, s'anime, se développe, grossit; et le jeune embryon croit, prend des forces, etse nourrit de la matière alimentaire renfermée avec lui dans sa petite coque. Cependant le nombre des œufs que con- tiennent Îles ovaires est beaucoup plus grand, à propor- tion de leur volume, et de la capacité du ventre qui les renferme, dans les syngnathes que dans les raies ou dans les squales. Lorsque ces œufs ont acquis un certain degré de développement, ils sont trop pressés dans l'espace qu'ils occupent, ils en compriment trop les parois sensibles et élastiques, pour n'être pas repoussés hors de l'intérieur du ventre, avant le moment où les fœtus doivent éclore. Mais ce n'est pas seulement alors par l'anus qu'ils s'échappent : ils sortent par une fente longitudinale qui se fait dans le corps, ou, pour mieux dire, dans la queue de la femelle, auprès de l'anus, et entre cette ouverture et la nageoire caudale. Cette fente non seulement sépare des parties molles de la femelle, mais encore elle désunit des pièces un peu dures et solides. Ces pièces sont plusieurs portions de l'euveloppe presque osseuse dans laquelle les syn- gnathes sont engagés en entier. Ces poissons sont, en effet, revêtus d'une longue cuirasse qui s'étend depuis la tète jusqu'à l'extrémité de la queue. Cette cuirasse est composée d'un très-grand nombre d'anneaux placés à la suite l'un de l’autre, et dont chacun est articulé avec celui qui le précède et celui qui le suit. Ces 32 HIS TNO:LIRGE NA TU R'EXGILUE anneaux ne sont pas Circulaires, mais à plusieurs côtés ; et comme les faces analogues de ces anneaux se cor- respondent d'un bout à l'autre de l'animal, l'ensemble de la cuirasse, ou, pour mieux dire, du très-long étui qu'ils forment , ressemble à un prisme à plusieurs paus. Le nombre de ces pans varie suivant les espèces, ainsi que celui des anneaux qui recouvrent le corps et la queue proprement dite. En même temps que la sorte de gaîne qui renferme le poisson présente plusieurs faces disposées dans le sens de la longueur du syngnathe, elle doit offrir aussi, aux endroits où ces pans se touchent, des arêtes, ou lignes saillantes et longitudinales, en nombre égal à celui des côtés longitudinaux de cet étui prisma- tique. Une de ces arêtes est placée, au moins le plus souvent, au milieu de la partie inférieure du corps et de la queue, dont elle parcourt la longueur. C'est une portion de cette arête qui, au-delà de l'anus , se change en fente alongée, pour laisser passer les œufs; cette fente se prolonge plus ou moins suivant les individus, et suivant l'effort occasionné par le nombre des œufs, soit vers le bout de la queue, soit vers l’autre extré- mité du syngnathe. Cependant les deux pans les plus inférieurs du four- reau prismatique non seulement se séparent à l'endroit de cette fente , mais ils s'enfoncent, vers l’intérieur du corps de l'animal, dans le bord longitudinal qui touche la fente, et se relèvent dans l’autre, de manière qu'au D''E st plc S.S@ NS. 39 lieu d’une arête saillante, on voit un petit canal qui s'étend souvent vers la tête et vers le bout de la queue du syngnathe, bien au-delà de la place où la division a lieu. En effet, une dépression semblable à celle que nous exposons s'opère alors au-delà de la fente, tant vers le bout de la queue que vers la tête, quoique les deux pans longitudinaux les plus inférieurs n'y soient pas dé- tachés l’un de l’autre, et qu'ils s'inclinent uniquement l'un sur l’autre, d'une manière très-différente de celle qu'ils présentoient avant la production de la séparation. Lorsqu'une arête saillante ne règne pas longitudi- nalement dans le milieu de la partie inférieure de l'animal, le pan qui occupe cette partie inférieure se partage en deux, et les deux lames alongées qui résultent de cette fracture, ainsi que les pans collatéraux, s'in- clinent de manière à produire un canal analogue à celui que nous venons de décrire. C'est dans ce canal, dont la longueur varie suivant les espèces, et mème suivant les individus, que se placent les œufs à mesure qu'ils sortent du ventre de la mère: ils y sont disposés sur des rangs plus ou moins nombreux selon leur grosseur et la largeur du canal; et ils y sont revêtus d'une peau mince, que les jeunes syngnathes déchfrent facilement lorsqu'ils ont été assez développés pour percer la coque qui les contenoit. La femelle porte ainsi ses petits encore renfermés dans leurs œufs, pendant un temps dont la longueur varie suivant les diverses circonstances qui peuvent TOME IL. 5 té 94 HISTOIRE NATURELLE influer sur l'accroissement des embryons; elle nage ainsi chargée d’un poids qu’elle conserve avec soin, et qui lui donne d'assez grands rapports avec plusieurs cancres dont les œufs sont également attachés pendant long-temps au dessous de la queue de la mère. Peut-être n'est-ce qu'au moment où les œufs des syngnathes sont parvenus dans le petit canal qui se creuse au dessous du corps de la femelle, que le mâle s'approche, s’accouple, et les arrose de sa liqueur séminale , laquelle peut pénétrer aisément au travers de la membrane très-peu épaisse qui les maintient. Mais, quoi qu'il en soit, il paroît que, dans la même saison, il peut y avoir plusieurs accouplemens entre le même mâle et la même femelle, et que plusieurs fécondations successives ont lieu comme dans les raies et les squales; les premiers œufs qui sont un peu développés et vivi- fiés par la liqueur séminale du mâle passent dans le petit canal, qu'ils remplissent, et dans lequel ils sont ensuite remplacés par d'autres œufs dont l’accroisse- ment moins précoce‘avoit retardé la fécondation, en les retenant plus long-temps dans le fond de la cavité des ovaires. Au reste, le phénomène que nous venons de décrire est une nouvelle preuve de l'étendue des blessures, des déchiremens et des autres altérations que les pois- sons peuvent éprouver dans certaines parties de leur corps, non seulement sans en périr, mais même sans ressentir de graves accidens. D ES x PP 1 S S'OPN S. 99 La tète de tous les syngnathes, et particulièrement de la trompette, dont nous traitons dans cet article, est très-petite; le museau est très-longé, presque cylin- drique, un peu relevé par le bout; et c'est à cette extrémité qu'est placée l'ouverture de la bouche, qui est très-étroite, et se ferme par le moyen de la mä- choire inférieure proprement dite, que l’on a prise à tort pour un opercule, et qui, en se relevant, va s'appliquer contre celle d'en haut. Le leng tuyau formé par la partie antérieure de la tète a été regardé comme Composé des deux mäâchoires réunies l’une contre l’autre dans la plus grande partie de leur éten- due; et de là vient le nom de syrgnathe que porte la famille de cartilagineux dont nous nous occupons. La trompette, non plus que les autres syngnathes, n'a point de langue, ni même de dents. Ce défaut de dents, la petitesse de l'ouverture de sa bouche, et le peu de largeur du long canal que forme la prolonga- tion du museau , forcent la trompette à ne se nourrir que de vers, de larves, de fragmens d'insectes, d'œufs de poissons. La membrane des branchies des syngnathes, que deux rayons soutiennent, s'étend jusques vers la gorge: l'opercule de cet organe est grand et couvert de stries disposées en rayons; mais cet opercule et cette mem- brane sont attachés à la tête et au corps proprêment dit, dans une si grande partie de leur contour, qu'il ne reste pour le passagé de l'eau qu'un orifice placé 36 HISTOIRE (NMTURELLE sur la nuque. On voit donc, sur le derrière de la tête, deux petits trous que l'on prendroit pour des évents analogues à ceux des raies et des squales, mais qui ne sont que les véritables ouvertures des branchies. Ces branchies sont au nombre de quatre de chaque côté. Ces organes, un peu différens dans leur conforma- tion des branchies du plus grand nombre de poissons, ressemblent, selon Artedi et plusieurs autres natura- listes qui l'ont copié, à une sorte de viscosité pulmo- maire, d’un rouge obscur: mais je me suis assuré, en exa- minant plusieurs individus , et même plusieurs espèces de la famille que nous décrivons , qu'ils étoient com- posés, à peu près, comme dans la plupart des poissons, excepté que chacune des branchies est quelquefois un peu épaisse à proportion de sa longueur, et que les quatre de chaque côté sont réunies ensemble par une membrane très-mince, laquelle, ne s'appliquant qu'à leur côté extérieur, forme, entre ces quatre parties , trois petits canaux ou cellules, qui ontrpu suggérer à Artedi l'expression qu'il a employée. Au reste, cette couleur rougeätre qu'il a très-bien vue, indique les vaisseaux sanguins très-ramifiés et disséminés sur ces branchies. Les yeux des syngnathes sont voilés par une mem- brane très-mince, qui est une continuation du tégu- ment le plus extérieur de l'animal. Le canai intestinal de la trompette est court et pres- que sans sinuosités. | D E s' PO 1-5 SUN s. 37 La série de vertèbres cartilagineuses qui s'étend de- puis la tête jusqu'à l'extrémité de la queue, ne présente aucune espèce de côte : mais les vertebres qui sont renfermées dans le corps proprement dit, offrént des apophyses latérales assez longues, qui ont quelque ressemblance avec des côtes; et elles montrent ainsi une conformation intermédiaire entre celle des ver- tébres des raies et des squales, sur lesquelles on ne voit pas de ces apophyses, et celle des vertèbres des poissons osseux, qui sont garnies de véritables côtes. L'étui dans lequel elle est enveloppée présente six pans, tant sur le corps que sur la queue, autour de laquelle cependant ce fourreau n'offre quelquefois que quatre pans longitudinaux. Le nombre des anneaux qui composent cette cuirasse est ordinairement de dix-huit autour du corps, et de trente-six autour de la queue. La trompette a une nageoire dorsale comme tous les syngnathes : mais elle a de plus des nageoires pecto- rales, une nageoire de l'anus, et une nageoire caudale”*; organes dont les trois, ou du moins un ou deux, manquent à quelques espèces de ces animaux, ainsi * A la nageoire du dos 18 rayons, aux pectorales 12 à celle de l'anus 5 à celle de la queue, qui est un peu arrondie, 10 Un individu de Pespèce de la trompette, observé par Commerson, diffé roit assez des autres individus de cette même espèce par le nombre des 38 HISTOIRE NATURELLE. qu'on peut le voir sur le tableau méthodique des car- tilagineux de cette famille. Elle n'a guère plus d'un pied ou d'un pied et demi de longueur : sa couleur générale est jaune et variée de brun; les nageoires sont grises et très-petites. On la trouve non seulement dans l'Océan, mais en- core dans la Méditerranée, où elle a été assez ancien- nement et assez bien observée, pour qu'Aristote et Pline aient connu une partie de ses habitudes, et notamment la manière dont elle vient au jour. Sa chair est si peu abondante, que ce poisson est à peine recherché pour la nourriture de l’homme ; mais comme il perd difficilement la vie,-qu'il ressemble à un ver, et que, malgré sa cuirasse, qui se prète à plu- sieurs mouvemens , il peut s'agiter et se contourner en diflérens sens, on le pèche pour l'employer à amorcer des hameçons. a rayons de ses nageoires, pour qu’on püt le considérer comme formant une variété distincte. Il avoit, en effet, à la nagcoire dorsale 45 rayons. à chacune des nageoires pectorales 24 à celle de l’anus 3 à celle de la queue 6 (on PA LP ave de DOTE ES core VIE t D be dure DEL Fee A pire tri fe vpanse . dir ET . - vs pren rien + = Le À : + ‘res S sens: , LOUER PU d 3 è | À 3 | Au \ 4 L à Dh, r | | | | 1e F ho Los , _ b i | | | * al A p Se À . W | | Q + - & de * L F ; , | | AIR L v . 3 F { | 4 F ". + * r ) È L | ; < Ci L À. y. | ‘* r 1 : ; , | | | | …i 1 » Ê - É w : = Le , | . de | | F “À ‘ D 4 L L : | | 1 : , e F » 1 ï be 1 4 d $ | | ‘ _ , | ; L | à dr - * é: | ” . L ; | x é pa 4 F * | | | 0 . « * | cu 4 Ds. k | L 1 à Zonv.2 Pl 2 Pay. 39 à Deseve. Del. 1. SYNGNA THE Baron cup. Aigtulle 2.SYN GNATHE Hippocampe. GE PÉGASE Dragon 7: LC ce ÈS 2e LE SYNGNATHE AIGUILLE;, EERSY NGNATHE TUÜYAU ;, UD Dr'EMMS VAN ICUN A TES F EP TPE * L'acurrre habite, comme la trompette, dans l'Océan septentrional; elle présente la même conformation, * Syngnathus acus. Linné, édition de Gmelin. Syngnathus corpore medio heptagono, caudà pinnatä. Artedi, gen, 1, SY71« 2, Spece 2e Bloch, pl. 97, fig. 2. Solenostomus à capite ad caudam heptagonus. X/ein, miss, pise, 4, p, 24, 10 GË Typble. Gesner, Aquat. p.102b. Acus Aristotelis. Æ/drov. pisc. p. 105. Willughby, Ichthyol, p. 159, tab, I, 25, fig. x. Raj. pisc. p. 46, n. 2. Seenadel, sacknadel. Wulf, Ichthy. boruss. p. 70. Cheval marin aiguille. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l’Encyclopédie méthodique. 2 Syngnathus pelagicus. Zinné, édition de Gmelin. Cheval marin tuyau de plume. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. Syngnathus pelagicus. Osb. 14. 105. Nota. Ta figure 4 de la planche CIX de Bloch, que l’on a rapportée au syngnathe tuyau , représente une variété du syngnathe aiguille, 3 Syngnathus æquoreus. Linné, édition de Gmelin. Cheval marin pipe. Daubenton , Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. 40 HISTOIRE NATURELLE excepté dans le nombre des faces de sa cuirasse, qui offre sept pans longitudinaux autour de son corps proprement dit, tandis qu'on n'en compte que six sur le fourreau analogue de la trompette. Elle parvient d'ailleurs à une grandeur plus considérable; elle a quelquefois trois pieds de long; et l'on voit, sur pres- que toute sa surface , des taches et des bandes trans- versales alternativement brunes et rougeätres. Son anus est un peu plus rapproché de la tête que celui de la trompette, et l'on a écrit que la femelle donnoit le jour à soixante-dix petits *. Le syngnathe tuyau a autour de son corps une longue enveloppe à sept pans, comme l'aiguille; mais il s'é- loigne de la trompette plus que ce dernier poisson: il n’a point de nageoire de l'anus. On le trouve dans des mers bien éloignées l’une de l'autre : on le voit, en effet, dans la mer Caspienne, dans celle qui baigne les rivages de la Caroline, et dans celle dont les flots agités par les tempêtes battent si fréquemment le cap de Bonne-Espérance et les côtes africaines voisines de ce cap. On l'observe souvent au milieu des fucus ; il est d'un jaune foncé, plus clair sur les nageoires à * A la membrane des branchies du syngnathe aiguille 2 rayons. à chaque nageoire pectorale 14 à celle du dos 36 à celle de l'anus 6 à celle de la queue 1q MN UT à D''EPSN PR, OL S''SMOUNTS: AT du dos et de la queue, et relevé par de petites bandes transversales brunes ’. La forme de la trompette se dégrade encore plus dans le syngnathe pipe que dans les deux autres car- tilagineux de la mème famille , décrits dans cet article. La pipe n’est pas seulement dénuée de nageoire de l’anus; elle n'a pas même de nageoires pectorales *. I] y a à la nageoire du dos du syngnathe tuyau 31 rayons. aux nageoires pectorales 14 à celle de la queue 10 à la cuirasse qui recouvre le corps 18 anneaux. à celle qui revêt la queue 32 Il paroît qu’on a compté vingt-cinq anneaux dans une variété de cette espèce, vue auprès de la Caroline. > A la nageoire dorsale du syngnathe pipe 30 rayons. à celle de la queue 5 TOME Il. 6 LE SYNGNATHE HIPPOCAMPE,, E T LE SYNGNATHE DEUX-PIQUANS :. Que contraste que celui des deux images rappelées par ce mot lippocampe, qui désigne en même temps * Cavallo marino, en Italie, Syngnathus hippocampus. Linné, édition de Gmelin. Brunn. pisc. Massil. n. 10. Mull. prodrom. Zool, danic. n. 327. Syngnathus corpore quadrangulo, pinnâ caudæ carens. Artedi, gen. +, syn. I. Bloch, pl. 109, fig, 3. Cheval marin, hippocampe. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l’ Encyclopédie méthodique. Gronov. Zooph. n. 170. Brown. Jamaïc. p. 441, n 5. Crayracion corpore cireumflexo, etc. Klein, miss. pisc. 3, p. 23, n. 32, Ælian. lib. 14, c. 14. Cheval marin. Rondelet, des Insectes et Zoophytes, chap. 9. Gesner, Aquat. p. 414. WWillughby, Ichth. p. 157, tab. I, 25, fig. 3 et 4. Rajÿ. pisc. p. 45, 46, n. 1, 4. Hippocampus æquivoca. A/drov. pise. p. 716. Cheval marin. Be/lon, Aquat. p. 444. Geel zeepaardje. Falent. Mus. p. 338, n. 130, Syngnathus hippocampus, le cheval marin. Appendix du Voyage à la nouvelle Galles méridionale, par Jean 7 hite, premier chirurgien de l'ex- pédition commandée par le capitaine Philipp.— pl. bo, fig. 2. Syngnathus hippocampus. Commerson, manuscrits déja cités. ? Syngnathus tetragonus. Linné, édition de Gmelin. Thunberg, Act. soc. physiogr. lund.t, 4, p. ot, 2. 30, tab. 4, fig. x et 2. Syngnathus biaculeatus, épine double. Bloch, pl. 121, fig. 1 et 2. Cheval marin, épine double. Bonnaterre, planches de l'Encycl. méthod. Le] RTS NONNR CE ON AUTAUAREENL TI FE: 45 et un cheval et une chenille! Quel éloignement dans l'ensemble des êtres vivans et sensibles sépare ces deux animaux, dont on a voulu voir les traits réunis dans l'hippocampe, et dont on s’est eflorcé de combiner ensemble les deux idées pour en former l’idée com- posée du syngnathe que nous décrivons! L’imagination, le) qui, au lieu de calculer avec patience les véritables rapports des objets, se plaît tant à se laisser séduire par de vaines apparences, et à se laisser entraîner vers les rapprochemens les plus bizarres , les ressemblances les plus trompeuses et les résultats les plus merveil- leux, a dû d'autant plus jouir en s’'abandonnant pleine- ment au sens de ce mot Aippocampe, que, par l'adoption la plus entière de cette expression, elle a exercé, pour ainsi dire, en mème temps, une triple puissance. Reconnoître, en quelque manière, un cheval dans un petit cartilagineux, voir dans le même moment une chenille dans un poisson , et lier ensemble et dans un même être une chenille et un cheval, ont été trois opérations simultanées, trois espèces de petits miracles compris dans un seul acte, trois signes de pouvoir devenus inséparables, dans lesquels l'imagination s'est complue sans réserve, parce qu’elle ne trouve de véri- table attrait que dans ce qui lui permet de s’attribuer une sorte de force créatrice : et voila pourquoi cette dénomination d'hippocampe a été très-anciennement adoptée ; et voilà pourquoi, lors même qu'elle n’a rap- pelé qu'une erreur bien reconnue, elle a conservé A4 HATLS TOR /E RONA NT IU REMOTE assez de charmes secrets pour être généralement maintenue par les naturalistes. Quelles sont cependant ces légères apparences qui ont introduit ce mot hippo- campe, et d'abord quels sont les traits de la conforma- tion extérieure du syngnathe dont nous nous occu- pons, qui ont réveillé l'idée du cheval, à l'instant où on a vu ce cartilagineux ? Une tête un peu grosse ; la partie antérieure du corps, plus étroite que la tête et le corps proprement dit ; ce même corps plus gros que la queue, qui se recourbe; une nageoire dorsale dans laquelle on a trouvé de la ressemblance avec une selle; et de petits filamens qui, garnissant l'extrémité de tubercules placés sur la tête et le devant du corps, ont paru former une petite crinière : tels sont les rap- ports éloignés qui ont fait penser au cheval ceux qui ont examiné un hippocampe, pendant que ces mêmes filamens, ainsi que les anneaux qui revêtent ce carti- lagineux, comme ils recouvrent les autres syngnathes, l'ont fait rapporter aux chenilles à anneaux hérissés de bouquets de poil. | Mais, en écartant ces deux idées trop étrangères de chenille et de cheval, déterminons ce qui différencie l'hippocampe d'avec les autres poissons de sa famille. Il parvient ordinairement à la longueur de trois ou quatre décimètres, ou d'environ un pied. Ses yeux sont gros, argentés et brillans. Les anneaux qui l'enveloppent sont à sept pans sur le corps, et à quatre pans sur la queue: chacun deces pans, qui quelquefois sont très-peu DIE S PO SISIO NS. 45 sensibles, est ordinairement indiqué par un tubercule garni le plus souvent d’une petite houppe de filamens déliés. Ces tubercules sont communément plus gros au dessus de la tête, et l’on en voit particulièrement cinq d'assez grands au dessus des yeux. On compte treize anneaux à l'étui qui enveloppe le corps, et de trente-cinq à trente-huit à celui qui renferme la queue, laquelle est armée, de chaque côté, de trois aiguillons, de deux en haut et d’un en bas. Au reste, ce nombre d'anneaux varie beaucoup, au moins suivant les mers dans lesquelles on trouve l'hippocampe. Les couleurs de ce. poisson sont aussi très-sujettes à varier, suivant les pays et même suivant les individus. IL est ou d'un livide plombé, ou brun, ou noirâtre, ou verdâtre; et quelque nuance qu'il présente , il est quel- quefois orné de petites raies ou de petits points blancs où noirs ”. Les branchies de l’hippocampe ont été mal vues par un grand nombre de naturalistes; et leur petitesse peut avoir aisément induit en erreur sur leur forme. Mais je me suis assuré par plusieurs observations, qu'elles étoient frangées sur deux bords, et semblables, * Il y a à la membrane des branchies 2 rayons, à chacune des nageoires pectorales 9 (On en a compté 18, parce que chaque rayon se divise en deux, presque dès son origine.) - à celle de la queuc de 16 à 20 à celle de l'anus 4 46 HISTOIRE NATURELLE à très-peu près, à celles que nous avons examinées dans plusieurs autres syngnathes , et que nous avons décrites dans l'article de la trompette. La vésicule aérienne est assez grande; le canal in- testinal est presque sans sinuosités. La bouche de lhippocampe étant d’ailleurs conformée comme celle des autres cartilagineux de son genre, il vit, ainsi que ces derniers, de petits vers marins, de larves, d'insectes aquatiques , d'œufs de poissons peu développés. On le trouve dans presque toutes les mers, dans l'Océan, dans la Méditerranée, dans la mer des Indes. Pendant qu'il est en vie, son corps est alongé comme celui des autres syngnathes : mais lorsqu'il est mort, et sur-tout lorsqu'il commence à se dessécher, sa queue se replie en plusieurs sens, sa tête et la partie antérieure de son corps se recourbent; et c'est dans cet état de déformation qu'on le voit dans les cabinets, et qu’il a été le plus comparé au cheval. On a attribué à l'hippocampe un grand nombre de propriétés médicinales, et d’autres facultés utiles ou funestes, combinées d'une manière plus ou moins absurde : et comment n'auroit-on pas cherché à douer des vertus les plus merveilleuses et des qualités les plus bizarres, un être dans lequel on s'est obstiné, pendant tant de temps, à réunir par la pensée un poisson, un cheval et une chenille ? Le syngnathe deux-piquans habite dans la mer des Indes. Il est varié de jaune et de brun. Les anneaux D'ENS RP TO TS ASNON NES: 47 qui composent sa longue cuirasse, ne présentent chacun que quatre pans; et au dessus des yeux on voit deux aiguillons courbés en arrière *. * A la membrane des branchies 2 rayons. à chaque nageoire pectorale 2r à celle du dos 34 à celle de Panus 4 sur le corps 17 anneaux, sur Ja queue 45 LE SYNGNATEHES PB ARBE" ET LE SYNGNATEHE OPHIDION;:: Nox seulement le barbe n’a point de nageoire caudale; mais encore il n’a pas de nageoire de l'anus. Aussi le voit-on placé dans un cinquième sous-genre sur le tableau méthodique de la famille que nous décrivons. * Syngnathus barbarus. Linné, édition de Gmelin. Cheval marin sexangulaire. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. : Sea-adder, sur quelques côtes d’ Angleterre. Hav-hùl, en Suède. Synguathus ophidion. Zinné, édition de Gmelin. Fauna suec, 275. Otto, schrift. der Berlin. naturf. fr. 3, p. 436. Syngnathus teres, pinnis pectoralibus caudæque carens. Artedi, gen L SN. 22 SDECs 0: Gronov. Mus. 1, n. 2. Bloch, pl. 91, fig. 3. Klein, miss. pis. 4, p. 26, n. 15, tab. b, fig. 4. FVillughby, Ichthyolog. p. 160. Raÿ. pisc. p. 47. Sajori. Kæmpfer, Japon, 1, p. 155. Little pipe-fish. Brit. Zoolog. 3, p. 109, n. 3, pl. 6, fig. 3. Cheval marin serpent. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. HISTOIRE NATURELLE. 49 Son corps est d'ailleurs à six pans longitudinaux ”. L'ophidion est encore plus dénué de nageoires : il n’en a pas de pectorales ; il n’en montre qu’une qui est située sur le dos”, et qui est assez peu élevée. De tous les syngnathes il est celui qui ressemble le plus à un serpent, et voila pourquoi le nom d'ophidion Jui a été donné, le mot grec ophis désignant un serpent. Nous avons cru d'autant plus devoir lui conserver cette dénomination, que son corps est plus menu et plus délié à proportion que celui des autres cartilagineux de son genre. Il parvient quelquefois à la longueur de deux pieds, ou de plus de sept décimètres. Son museau est moins alongé que celui de la trompette. Cet ani- mal est verdâtre avec des bandes transversales et quatre raies longitudinales, plus ou moins interrompues, un RUES bleu. Il habite dans l'Océan septentrional. * À chaque nageoire pectorale du barbe 22 rayons, à celle du dos 43 * A la membrane des branchies de l’ophidion 2 rayons à la nageoire dorsale 34 TOME II. 7 1 QUINZIÈME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, UNIT RO LS LE ME L.O'R DRE DE LA QUATRIÈME DIVISION DES CARTILAGINEUX. Poissons (horacins, où qui ont une ou deux nageoires situces sous le corps, au dessous où presque au dessous des nageoires pectorales. SE L'ALE M El GENRE æ # L ES: »C'Y. € L OP: T'ÉRIELS. Des dents aiguës aux mächoires; les nageoires pectorales simples; les nageoires inftricures réunies en forme de disque. PRUEUM IE RS O'USÈGENRE, Les nageoires du dos, de la queue, et de l'anus, séparées l'une de l'autre. ESPÈCE. CARACTÈRES. duLE CONTRE Le corps garni de plusieurs rangs de tuber- cules très-durs. LS + HPS 'FORRE MWATTURELIE 51 ESPÈCES. CARACTÈRES. 2, LE CYCLOPT. ÉPINEUX. De pue epines ue le corps; des rayons distincts à la première nageoire du dos. 3, LE cYCLOPTÈRE MENU, Trois tubercules sur le museau. 4. LE CYCL. DOUBLE-ÉPINE. Le derrière de la tête garni , de chaque côté, d’une épine. F ire sa ÈC= r .« BA 5. LE cycx, céLaTineux.J Les nageoires pectorales très-larges; lou verture de la bouche, tournée vers le haut. Hu de la bouche , presque égale à la largeur de la tête ; les dents fortes, co- 6. LE CYCLOPTÈRE DENTÉ. Ë 3 k niques, et distribuées en nombre très-iné- gal , des deux côtés des deux mâchoires, 7. LE CYCLOPT. VENTRU Le ventre très-gonflé par une double et très. grande vessie urinaire. ( j Les nageoires pectorales situées vers le der= 8. LE CYCLOPT. BIMACULÉ.) zière de la tête, une tache noire sur chaque | côté du corps. 9. LE CYCLOPT, SPATULE. Le museau en forme de spatule, SE GRO N: D'hS,0 US = GENRE Les nageoires du dos, de la queue, et de l'anus, réunies. ESPÈCES CARACTÈRES. 10. LE CYCLOPT. LIPARIS. Sept rayons à la membrane des branchies. Un seul rayon à la membrane des branchies; 11, LE CYCLOPTÈRE RAYÉ. { . hr des raies longitudinales, sn ES LE CYCLOPTERE LOMTÈE.. Que ceux dont la douce sensibilité recherche avec tant d'intérêt, et trouve avec tant de plaisir, les images d'affections touchantes que présentent quelques êtres heureux au milieu de l'immense ensemble des produits de la création, sur lesquels la nature a si inégalement répandu le souffle de la vie et le feu du sentiment, écoutent un instant te que plusieurs naturalistes ont raconté du poisson dont nous écrivons l'histoire. Qu'ils sachent que parmi ces innombrables habitans des mers, * Lièvre de mer. Lump, ou sea-owl, en Angleterre, Cock-padd, er Écosse. Haff-podde, ex Irlande. Snottolff, dans la Belgique. Stenbeit, ex Danemarck. Sjurygg-fisk, ex Suède. Rongkiegse, en Norwège. Cyclopterus lumpus. Zinné, édition de Gmelin. Mus. ad. fr. 1, p. 57. Faun. suec. 320. It. scan. 188. Mull. prodrom. Zoolog. danic. p. 39, n. 23. Bouclier lompe. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Gionov. Mus. 1,1273 Zooph. 197. , Bloch, pl. go. d Oncotion. X/ein, miss. pise. 4, p. 49, n. 1, 2, 3, (ab. 14, fig. el Tom. 2 Deseve. Del Le Villain J'euÿp 1: CYXCLOPTÈRE Lompe. 2. LEPTOCEPHALE Morisien 5. MURENE Myre . n APTE 4 ++ nn 4h ; # + & ÿ 4 | HASTOTRE NMIMMELLE D3 qui ne cèdent qu'a un besoin du moment, qu'à un appétit grossier, qu'à une jouissance aussi peu partagée que fugitive , qui ne connoissent ni mère, ni compagne, ni petits, on a écrit qu'il se trouvoit un animal favo- risé, qui, par un penchant irrésistible, préféroit une femelle à toutes les autres, s’attachoit à elle, la suivoit dans ses courses, l’aidoit dans ses recherches, la secou- roit dans ses dangers, en recevoit des soins aussi em- pressés que ceux qu'il lui donnoit, facilitoit sa ponte par une sorte de jeux amoureux et de frottemens mé- nagés; ne perdoit pas sa tendresse avec la laite desti- née à féconder les œufs, mais étendoit le sentiment durable qui l'animoit jusques aux petits êtres prèts à Willughby, Ichthyolog. p. 208, tab. N, 11. Ray. pise. p.77. Lump-fish. Pennant, Brit. Zoolog. 3, p.103, n.1. Seel-nase, haff-padde. Ÿ’ulff, Ichth. borussens. p. 24. = Cyclopterus. Artedi, gen. 62, syn. 87. Ostracion rotundo-oblongus, tuberculis utrinque, pinnä dorsi longis- simé. Artedi, gen. 59, syn. 86. Orbis britannici sive Oceani species. Gesner, German. fol, 85, Lumpus Anglorum. Gesner, paral. p.25, ». 1284, Aldrovand. L. 3, c. 68, p. 479. M Suetolt , es bufolt. Rondelet, première partie, Lis. 15, chap. 2, Jonst. Lx, tit. 1, ce. 3, a. 3, punct. 12, p. 42, tab. 13, fig. 1. Charleton, p. 131. Schelham, Anat. æiphi. p. 20. Lepus marinus nostras, orbis species, Schones. p. 414 Merret, Pin. 106. Dule, Hist. of. Harv. p. 110. Oxbis ranæ rictu. C/us. Exot. lib. 6, cap. 25. Cyclopterus lumpus. Ascagne, quatrième cahier, pl, 34, 1ures des narines placées entre les VEUT. ESPÈCE. CARACTÈRES, LE MONOPTÈRE JAVANOIS.fLe corps plus long que la queue, et dénué ( Monopterus javanensis,) d’écailles facilement visibles. LE MONOPTÈRE JAVANOIS*. CE poisson n'est pas entièrement privé de nageoires, comme la cécilie brandérienne; mais il n'en a qu'à la queue, et même l'extrémité de cette partie est une sorte de pointe assez déliée, autour de laquelle on n'appercoit qu'à peine la nageoire caudale. C'est de ce caractère que nous avons tiré le nom de #onoptére, ou de poisson à une seule nageoire, que nous avons donné au genre non encore connu des naturalistes, dans lequel nous avons inscrit le javanois ; et cette dénomination de jayanois indique le pays qu'habite l'espèce dont nous allons décrire rapidement les formes. Cette espèce se trouve en effet dans le détroit de la Sonde, auprès des côtes de l’isle de Java: elle y a été vue par Commerson, auquel nous devons d'être instruits de son existence, et qui a laissé dans ses manuscrits des observations très-détaillées au sujet des formes et des dimensions de cet animal, qu'il avoit rapporté au genre des anguilles ou des congres, parce qu'il n'avoit pas fait attention au caractère tiré du nombre des Bas Hate ts ba FT mind Vi Lobe-mais à 24e net a tas ae ENON RARES, * Monopterus javanensis. Conger sive anguilla, desuper è livido nigricans, subteriüs Ferruginea, caudâ pinnatä, apice subnudiusculo peracuto, naribus in oculorum interca- pedine. Manuscrits de Commerson, cinquième cahier de descriptions z00- logiques, 1768, 140 HT ST OT R EN N'A T U'R'E'EULE nageoires. Elle y est très-bonne à manger, et si nombreuse en individus, que chaque jour les naturels du pays apportoient une très-grande quantité de ces monoptères javanois au vaisseau sur lequel étoit Commerson. Son goût doit ressembler beaucoup à celui des murènes, dont elle a en très-grande partie la con- formation et particulièrement le corps serpentiforme , visqueux , et dénué d'écailles facilement visibles. La tète est épaisse, comprimée, bombée cependant vers locciput, et terminée en devant par un museau arrondi. L'ouverture de la bouche est assez grande: la mâchoire supérieure n'avance guère au-delà de l'inférieure ; elles sont toutes les deux garnies de dents courtes et serrées comme celles d'une lime; et une rangée de dents semblables est placée dans l'intérieur de la gueule, tout autour du palais. La base de la langue, qui est cartilagineuse et creusée par-dessous en gouttière , présente deux tubercules blanchâtres. Les : :vertures des narines ne sont pas placées au haut d'un petit tube ; on ne les voit pas au-devant des yeux, comme sur le plus grand nombre de poissons, mais 2u-dessus de ces mêmes organes. L'opercule des branchies, 0! lasse et flasque, paroît comme une duplicature de la peau; la membrane branchiale n’est soutenue que par trois rayons, que l'on ne distingue qu’en disséquant cette même membrane : les branchies ne sont qu'au nombre de rois de chaque côté; les os qui les sou- tiennent sont très-peu courbés, et ne montrent, dans DFA SIAMREMOr T'ESESMOTNAES: 141 leur côté concave, aucune sorte de denticule ni d’as- périté. Si la nageoire caudale renferme des rayons, ils sont imperceptibles, tant que cette nageoire n'est pas altérée ; et comme la queue &t très-comprimée, cette dernière partie ressemble assez à une lame d'épée à deux tranchans. La ligne latérale , plus rapprochée du dos que du ventre, s'étend depuis les branchies jusqu'à l'extrémité de cette même queue; elle est presque de la couleur de l'or. Le dos est d’un brun livide et noirâtre; les côtés présentent la même nuance, avec de petites bandes transversales couleur de fer : cette dernière teinte s'étend sur tout le ventre , qui est sans tache. La longueur des monoptères javanois est ordinairement de près de sept décimètres ; leur circonférence, dans l'endroit le plus gros de leur corps, d’un décimètre; et leur poids, de plus d'un hectogramme. VINGT-TROISIÈME GENRE. LES LEPROCÉPHALES. Point de nageoires pectorales ni caudales ; l'ouverture des branchies, située en partie au-dessous de la téte. ESPÈCE. CARACTÈRES. Le corps très-alongé et comprimé; les na- geoires du dos et de l’anus, tres-longues et tres-étroites, LE LEPTOCÉP. MORRISIEN. { Leptocephal, morrisianus.) LE LEPTOCÉPHALE MORRISIEN *. Ccrre espèce est la seule que l’on connoisse dans Ie genre des leptocéphales. Elle n'est point entièrement privée de nageoires, comme les cécilies; elle n'est pas réduite à une seule nageoire, comme les monoptères : mais elle n’a point de nageoire de la queue, ni même de nageoires pectorales ; elle ne présente qu'une na- geoire dorsale et une nageoire de l'anus, toutes les deux très-longues, mais très-étroites, et dont l’une garnit presque toute la partie supérieure de l'animal, pendant que l’autre s'étend depuis l'anus jusque vers l'extrémité de la queue. Le morrisien se rapproche encore des cécilies par la position des ouvertures branchiales, qui sont situées en partie au-dessous de la tête. Son corps n'est cependant pas cylindrique comme cel des cécilies ; il est très-comprimé laté- ralememt: et comme ses tégumens extérieurs sont minces, mous et souples, ils indiquent par leurs plis muinbre et la place des diflérentes petites parties * Leptocephalus morrisianus, Leptocephalus Morrisii. Zinné, édition de Gmelin. Gronov, Zooph. n. 409 , tab. 13, fig. 3. Brit. Z'oolog. 3, p. 125. Petite tête, hameçon.de mer. Bonna’erre, planches de l'Encyclopédie méthodique. 114 (HIS TOTRE,N A MUR EME musculaires qui composent les grands muscles du dos ; des côtés, et du dessous du corps. Ces plis ou ces sillons sont transversaux, mais inclinés et trois fois coudés, de telle sorte qu’ils forment un double rang longitudinal d'espèces de chevrons brisés, dont le som- met est tourné vers la queue. Ces deux rangées sont situées l’une au-dessus et l'autre au-dessous de la ligne latérale, qui est droite, et qui règne d’un bout à l’autre du corps et de la queue, à une distance à peu près égale du bord supérieur et du bord inférieur du pois- son; et chacun des chevrons brisés de la rangée d’en- haut rencontre, le long de cette ligne latérale, un de ceux de la rangée d’en-bas, en formant avec ce dernier un angle presque droit. La tête est très-petite, et comprimée comme le corps, de manière que l'ensemble du poisson ressemblant assez à une lame mince, il n'est pas surprenant que l'animal ait une demi-transparence très-remarquable. Les yeux sont gros ; les dents qui garnissent les deux mâchoires, très-petites. Les individus les plus grands n'ont guère plus de douze centimètres de longueur. On trouve les leptocéphales dont nous nous occupons, auprès de la côte de Holyhead, et d'autres rivages de la Grande- Bretagne ; et on leur a donné le nom qu'ils portent, à cause du savant Anglois Morris, qui les a observés avec soin. VINGT-QUATRIÈME GENRE. LES GYMNOTES. Des nageoires pectorales et de l'anus ; point de nageoires du dos ni de la queue. ER EMI ER :S OU'S-GEN'RIE: La mächoire inférieure ‘plus avancée, ESPÈCES, CARACTÈRES, a têt rsemée de petites ouvertures ; la r. LE cyMmx. É Fi Fi 7 L nageoire de l’anus s'étendant jusqu’à l’ex- (Gymnotus electricus.) ë k : J°S4 trémité de la queue. 2. LE GYMNOTE De LE tête petite; la queue courte ; des raies (Gymnotus putaol.) transversales. 3. LE GYMNOTE BLANC. f Deux lobes à la levre supérieure; la couleur (Gymnotus albus.) blanche, SECOND SOGUS-GENRE. La mächoire supérieure plus avancée. ESPÈCES, CARACTÈRES. 4. LE GYMNOTE CARAPE,f La nageoire de l’anus étendue presque jus- (Gymnotus carapo. ) qu’à l'extrémité de la queue. Une saillie sur le dos; la nageoire de l’anus 5. LEGYMNOTE Me ne s’étendant pas jusqu’à l'extrémité de la ( Gymnotus fierasfer, ) queue. Le museau très-alongé ; la nageoire de l'anus 6. LE GYMN.LONG-MUSEAU. : ’ét j ’à l’extrémi - VE Et RER ne s'étendant pas jusqu’à l'extrémité de La queue, TOME Il. 19 LE GYMNOTE ÉLECTRIQUE". IL est bien peu d'animaux que le physicien doive observer avec plus d'attention que le gymnote auquel on a donné jusqu'à présent le nom d’é/ectrique. L'ex- plication des effets remarquables qu'il produit dans un grand nombre de circonstances, se lie nécessairement avec Ja solution de plusieurs questions des plus impor- tantes pour le progrès de la physiologie et de la physique proprement dite. Tâchons donc, en rapprochant quel- ques vérités éparses, de jeter un nouveau jour sur ce sujet:mais pour suivre avec exactitude le plan que nous nous sommes tracé, et pour ordonner nos idées de la * Gymnotus electricus. Siddervis, er hollandoïs. Zitter fisch, zitter aal, et trill fisch, en allemand. Gymuotus electricus. Zinné, édition de Gmelin. Gymnote anguille électrique. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de | Encyclopédie méthodique. Bloch, pl. 156. Gronov. Zooph. 169, tab. 8, fig. 1. let. Helset. 4, p.27, tab. 3, fig. x et 3. J-B. Leroy, Journal de physique, ete. vol. 8, p. 337. Anguille tremblense, anguille torpille de Cayenne. Va/mont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. Siddervis. J. Nic.Séb. Allamand, Act. Haarl. 2 à P. 372. Frantz vander Lott, Act. Haarl, 6 , 2, p. 87. Gymnotus. Muschenbroeck, introd. 1, p. 290. Electrical eel, Æunter, Trans. philos. 65, 2, pl. 9. 1 4 Tom.2. IT 6 Tag .140 Deseve. Del TV Lardieu d'eudp 1. CYMNOTE Électrique. 2. OPHISURE Ophus . 3. APTERONOTE Passan —2 H L'S'TOMMR'E ! N'A TUBREILAETE: 147 manière la plus convenable, commençons par exposer les caractères véritablement distinctifs du genre auquel appartient le poisson dont nous allons écrire l'histoire. Les cécilies ne présentent aucune sorte de nageoires; les monoptères n’en ont qu'une, qui est située à l’extré- mité de la queue; on n’en voit que sur le dos, et auprès de l'anus, des leptocéphales. Les trois genres d'osseux que nous venons de considérer, sont donc dénués de nageoires pectorales. En jetant les yeux sur les gym- notes, nous appercevons ces nageoires latérales pour la première fois, depuis que nous avons passé à la considération de la seconde sous-classe de poissons. Les gymnotes n'ont cependant pas autant de différentes sortes de nageoires que le plus grand nombre des Bajon, Journal de physique, janv. 17745 et Histoire de Cayenne, 1. 2, P. 297. Schilling, Diatribe de morbo jaws. Traject. 1770,8, p. 523 et Act. acad, Berol. ad an. 1770, p. 68. Scha, Mus. 3, p.108, tab. 34, fig. 6. Poisson trembleur, ou torpille, Gumilla, Orenog. 3, p.136. Toorpedo, etc. Descript. Zurinam. Leeward, 1718, p. 194. Meer-ael , id est, anguilla marina Nieuhofi, Raz. Synops. pise.p. 149, 71. 4. Blumenbach, Hanbuch der naturgesch. p. 268. Behn, Description de l'Orénoque. Williamson, Trans. phéilos. 1.65 , p. 94. Torpedo of Surinam. W. Bryant, Trans. of the Americ. society, vol. 23 p+ 166. Numb fish, or torporific eel. #7. Collins Flagg, ibid. vol 2, p. 170, R. Maria de Termeyer, Sielta di opuscoli, t.4,p. 324. Garden, Trans. philos. 1. 65, p. 102. 148 (H1STODRENNA TU RMEILME autres poissons osseux qu’il nous reste à examiner. En effet, ils n’en ont ni sur le dos, ni au bout de la queue; et c'est ce dénuement, cette espèce de nudité de leur dos, qui leur a fait donner le nom qu'ils portent, et qui vient du mot grec yuuvrôlos, dos nud. L'ensemble du corps et de la queue des gymnotes est, comme dans les poissons osseux que nous avons déja fait connoître, très-alongé, presque cylindrique, et serpentiforme. Les yeux sont voilés par une mem- brane qui n'est qu'une continuation du tégument le plus extérieur de la tête. Les opercules des bran- chies sont très-grands ; on compte ordinairement cinq rayons à la membrane branchiale. Le corps proprement dit est très-court, souvent un peu com- primé, et quelquefois terminé par-dessous en forme de carène : l'anus est par conséquent très-près de la tête. Et comme cependant, ainsi que nous venons de le dire, l'ensemble de l'animal, dans le genre des gymnotes ; forme une sorte de long cylindre, on voit facilement que la queue proprement dite de tous ces poissons doit être extrèmementlonguerelativement aux autres parties du corps. Le dessous de cette portion est ordinairement garni, presque dans la totalité de sa lon- gueur, d'une nageoire d'autant plus remarquable, que von seulement elle s'étend sur une ligne très-étendue, mais qu'elle offre même une largeur assez considérable. De plus, les muscles dans lesquels s’insèrent les ailerons osseux auxquels sont attachés les nombreux rayons qui D'ES PI10 ZI SUMSAOMENTES. 149 la composent, et les autres muscles très-multipliés qui sont destinés à mouvoir ces rayons, sont conformés et disposés de manière qu'ils représentent comme une seconde nageoire de l'anus, platée entre la véritable et la queue très- prolongée du poisson, ou, pour mieux dire, qu’ils paroissent augmenter de beaucoup, et sou- vent même du double, la largeur de la nageoire de l'anus. Tels sont les traits généraux de tous les vrais gym- notes : quelles sont les formes qui distinguent celui que l'on a nommé électrique ? Cette épithète d'électrique a déja été donnée à cinq poissons d'espèces très- différentes : à deux cartilagi- neux et à trois osseux; à la raie torpille, ainsi qu'à un tétrodon dont nous avons déja parlé ; à un trichiure, à un silure, et au gymnote que nous décrivons. Mais c’est celui dont nous nous occupons dans cet article, qui a le plus frappé l'imagination du vulgaire, excité l’ad- miration des voyageurs, et étonné le physicien. Quelle a dû être en eflet la surprise des premiers observateurs, lorsqu'ils ont vu un poisson en apparence assez foible, assez semblable, d'après le premier coup d'œil, à une anguille ou à un congre , arrêter soudain, et malgré d'assez grandes distances, la poursuite de son ennemi ou la fuite de sa proie, suspendre à l'instant tous les mouvemens de sa victime, la domter par un pouvoir aussi invisible qu'irrésistible, l'immoler avec la rapidité de l'éclair au travers d'un très-large intervalle, les 150 HISTOIRE, NATURERLE frapper eux-mêmes comme par enchantement , les engourdir, et les enchaîner, pour ainsi dire, dans le moment où ils se croyoient garantis, par l'éloignement, de tout danger et même de toute atteinte! Le merveil- leux a disparu mème pour les yeux les moins éclairés, mais l'intérêt s’est accru et l'attention a redoublé , lors- qu'on a rapproché de ces effets remarquables les phé- nomènes de l'électricité, que chaque jour l’on étudioit avec plus de succès. Peut-être cependant croira-t-on, en lisant la suite de cette histoire, que cette puissance invisible et soudaine du gymnote ne peut être consi- dérée que comme une modification de cette force redoutable et en mème temps si féconde, qui brille dans l'éclair , retentit dans le tonnerre , renverse, détruit, disperse dans les foudres, et qui, moins res- serrée dans ses canaux, moins précipitée dans ses mouvemens, plus douce dans son action, se répand sur tous les points des êtres organisés, en pénètre toute la profondeur, en parcourt toutes les sinuosités, en vivifie tous les élémens. Peut-être faudroit-il, en suivant ce principe et pour éviter toute erreur, ne donner, avec quelques naturalistes, au poisson que nous examinons ; que le nom de gy/n7note engourdissant, de £y72n0te tor- porifique, qui désigne un fait bien prouvé et indépen- dant de toute théorie. Néanmoins, comme la puissance qu'il exerce devra être rapportée dans toutes les hypo- thèses à une espèce d'électricité ; comme ce mot é/ec- tricité peut être pris pour un mot générique, commun D: E SA PUHO'I:.S SION E 151 à plusieurs forces plus ou moins voisines et plus ou moins analogues ; comme les phénomènes les plus imposans de l'électricité proprement dite sont tous produits par le gymnote qui fait l'objet de cet article, et enfin comme le plus grand nombre de physiciens lui ont donné depuis long-temps cette épithète d’élec- trique, nous avons cru devoir, avec ces derniers savans, la préférer à toute autre dénomination. Mais avant de montrer en détail ces différens effets, de les comparer, et d'indiquer quelques unes des causes auxquelles il faut les rapporter, achevons le portrait du gymnote électrique : voyons quelles formes parti- culières lui ont été départies, comment et par quels organes il naît, croît, se meut, voyage, et se multiplie au milieu des grands fleuves qui arrosent les bords orientaux de l'Amérique méridionale, de ces contrées ardentes et humides, où le feu de l'atmosphère et l'eau des mers et des rivières se disputent l'empire, où tous les élémens de la reproduction ont été prodigués, où une surabondance de force vitale fait naître les végétaux et les animaux vénéneux, où, si je puis employer cette expression , les excès de la Nature, indépendamment de ceux de l'homme, sacrifient chaque jour tant d'individus aux espèces ; où tous les degrés du développement, entassés, pour ainsi dire, les uns contre les autres, produisent nécessairement toutes les nuances du dépérissement ; où des arbres immenses étendent leurs branches innombrables, pressées , 152 HT S TO TRE (NN A-TIUR FE LILEE garnies des fleurs les plus suaves, et chargées d'essaims d'oiseaux resplendissans des couleurs de l'iris, au-dessus de savanes noyées, ou d'une vase impure que par- courent de très-grands quadrupèdes ovipares, et que sillonnent d'énormes serpens aux écailles dorées; où les eaux douces et salées montrent des légions de pois- sons dont les rayons du soleil réfléchis avec vivacité changent, en quelque sorte, les lames luisantes en dia- mans ,en saphirs, en rubis; où l'air, la terre, les mers, et les êtres vivans, et les corps inanimés , tout attire les regards du peintre, enflamme l'imagination du poète, élève le génie du philosophe. C’est, en eflet, auprès de Surinam qu'habite le gym- note électrique ; et il paroît même qu'on n'a encore observé de véritable gymnote que dans l'Amérique méridionale, dans quelques parties de l’Afrique occi- dentale, et dans la Méditerranée, ainsi que nous le ferons remarquer de nouveau en traitant des noto- ptères. Le gymnote électrique parvient ordinairement jus- qu'à la longueur d'un mètre un ou deux décimètres; et la circonférence de son corps, dans l'endroit le plus gros, est alors de trois à quatre décimètres: il a done onze ou douze fois plus de longueur que de largeur. Sa tète est percée de petits trous ou pores très-sensibles, qui sont les orifices des vaisseaux destinés à répandre sur sa surface une liqueur visqueuse ; des ouvertures plus petites, mais analogues, sont disséminées en très- DES O LM ans. 192 grand nombre sur son corps et sur sa queue : il n'est donc pas surprenant qu'il soit enduit d’une matière gluante très-abondante. Sa peau ne présente d'ail- leurs aucune écaille facilement visible. Son museau est arrondi; sa mâchoire inférieure est plus avancée que la supérieure, ainsi qu'on a pu le voir sur le tableau du genre des gymnotes; ses dents sont nombreuses et acérées ; et on voit des verrues sur son palais, ainsi que sur sa langue qui est large. Les nageoires pectorales sont très-petites et ovales ; celle de l'anus s'étend jusqu'à l'extrémité de la queue, dont le bout, au lieu de se terminer en pointe, paroît comme tronqué. La couleur de lanimal est noirûtre, et relevée par quelques raies étroites et longitudinales d'une nuance plus foncée. Quoique la cavité du ventre s'étende au-delà de l'endroit où est située l'ouverture de l'anus, elle est cependant assez courte relativement aux principales dimensions du poisson; mais les effets de cette briéveté sont compensés par les replis du canal intestinal, qui se recourbe plusieurs fois. Je n'ai pas encore pu me procurer des observations bien sûres et bien précises sur la manière dont le gymnote électrique vient à la lumière: il paroît cepen- dant qu'au moins le plus souvent la femelle pond ses œufs, et qu'ils n'éclosent pas dans le ventre de la mère, comme ceux de la torpille, de plusieurs autres TOME II, 20 2 154 HIS T'OLRE! N TIURELME cartilagineux, et mème de quelques individus de l'es- pèce de l'anguille et d'autres osseux, avec lesquels le gymnote que nous examinons a de très-grands rapports. On ignore également le temps qui est nécessaire à ce même gymnote pour parvenir à son entier dévelop- pement : mais comme il n'a pas fallu une aussi longue suite d'observations pour s'assurer de la manière dont il exécute ses différens mouvemens, on connoît bien les divers phénomènes relatifs à sa natation; phéno- mènes qu'il étoit d’ailleurs aisé d'annoncer d'avance, d’après une inspection attentive de sa conformation extérieure et intérieure. Nous avons déja fait voir * que la queue des poissons étoit le principal instrument de leur natation. Plus cette partie est étendue, et plus, tout égal d'ailleurs, le poisson doit se mouvoir avec facilité. Mais le gymnote électrique, ainsi que les autres osseux de son genre, x une queue beaucoup plus longue que l'ensemble de la tête et du corps proprement dit; la hauteur de cette partie est assez considérable ; cette hauteur est aug- mentée par la nageoire de l'anus, qui en garnit la partie inférieure : l'animal a done à sa disposition une rame beaucoup plus longue et beaucoup plus haute à proportion que celle de presque tous les autres poissons ; cette rame peut donc agir à la fois sur de grandes lames d’eau. Les muscles destinés à la mouvoir * Discours sur la nature des poissons. D: 181 MAO: I SSAO) NUS. 155 sont très-puissans ; le gymnote la remue avec une agilité très - remarquable : les deux élémens de la force, la masse et la vitesse, sont donc ici réunis ; et en eflet, l'animal nage avec vigueur et rapidité. Comme tous les poissons très-alongés, plus ou moins cylindriques, et dont le corps est entretenu dans une grande souplesse par une viscosité copieuse et souvent renouvelée , il agit successivement sur l'eau qui l'envi- ronne par diverses portions de son corps où de sa queue, qu'il met en mouvement les unes après les autres, dans l’ordre de leur moindre éloignement de la tête; il ondule; il partage son action en plusieurs actions particulières, dont il combine les degrés de force et les directions de la manière la plus convenable pour vaincre les obstacles et parvenir à son but; il commence à recourber les parties antérieures de sa queue, lorsqu'il veut aller en avant; il contourne , au contraire; avant toutes les autres, les parties posté- rieures de cette même queue, lorsqu'il desire d'aller en arrière *; et, ainsi que nous l'expliquerons un peu plus en détail en traitant de l’anguille, il se meut de la mème manière que les serpens qui rampent sur la terre; il nage comme eux; il serpente véritablement au milieu des eaux. Ona cru pendant quelque temps, et même quelques naturalistes très-habiles ont publié, que le gymnote * Garden, à l'endroit déja cité. 56. HIS FOTRE NATURE UNE électrique n’avoit pas de vessie aérienne ou natatoire. On a pu être induit en erreur par la position de cette vessie dans l’électrique, position sur laquelle nous allons revenir en décrivant l'organe torporifique de cet animal. Mais, quoi qu'il en soit de la cause de cette erreur, cette vessie est entourée de plusieurs rameaux de vaisseaux sanguins que Hunter a fait connoître, et qui partent de la grande artère qui passe au-dessous de l'épine dorsale du poisson; et il nous paroît utile de faire observer que cette disposition de vaisseaux san- guins favorise l'opinion du savant naturaliste Fischer, bibliothécaire de l'école centrale de Mayence, qui, dans un ouvrage très-intéressant sur la respiration des poissons , à montré comment il seroit possible que la vessie aérienne de ces animaux servit non seulement à faciliter leur natation, mais encore à suppléer à leur respiration et à maintenir leur sang dans l'état le plus propre à conserver leur vie. Il ne manque donc rien au gymmote électrique de ce qui peut donner des mouvemens prompts et long-temps soutenus; et comme parmi les causes de la rapidité avec laquelle il nage, nous avons compté la facilité avec laquelle il peut se plier en diflérens sens, et par conséquent appliquer des parties plus ou moins grandes de son corps aux divers objets qu'il rencontre, il doit jouir d’un toucher plus délicat et présenter un ins- tinct plus relevé que ceux d’un très-grand nombre de poissons. D'ENXSW PDO I SASIO NS. 157 Cette intelligence particulière lui fait distinguer aisément les moyens d'atteindre les animaux marins dont il fait sa nourriture, et ceux dont il doit éviter l'approche dangereuse. La vitesse de sa natation le transporte dans des temps très-courts auprès de sa proie, ou loin de ses ennemis; et lorsqu'il n’a plus qu’à immoler des victimes dont il s'est assez approché, ou à repousser ceux des poissons supérieurs en force auxquels il n’a point échappé par la fuite, il déploie la puissance redoutable qui lui a été accordée, il met en jeu sa vertu engourdissante, il frappe à grands coups, et répand autour de lui la mort ou la stupeur. Cette qualité torporifique du gymnote électrique décou- vert, dit-on, auprès de Cayenne, par Van-Berkel*, a été observée dans le même pays, par le naturaliste Richer, dès 1671. Mais ce n'est que quatre-vingts ans, ou environ, après cette époque, que ce mème gym- note a été de nouveau examiné avec attention par La Condamine, Ingram, Gravesand, Allamand, Muschen- broeck, Gronou, Vander-Lott, Fermin, Bankroft, et d'autres habiles physiciens qui l'ont vu dans l'Amérique méridionale, ou l'ont fait apporter avec soin en Europe. Ce n'est que vers 1773 que Williamson à Philadelphie, Garden dans la Caroline, Walsh, Pringle, Magellan, etc. à Londres, ont appercu les phénomènes les plus propres à dévoiler le principe de la force torporifique de ce * Sammlung sellener und merkwürdiger reise geschichten; vol, 1, Mem- mingen, 1789 ; p. 220, 158 HISTOIRE N'A TU RÆENCIGLE poisson. L'organe particulier dans lequel réside cette vertu, et que Hunter a si bien décrit, n'a été connu qu'à peu près dans le même temps, pendant que l'organe électrique de la torpille a été vu par Stenon dès avant 1673, et peut-être vers la même année par Lorenzini. Et l'on ne doit pas être étonné de cette différence entre un gymnote que l’on n’a rencontré , en quelque sorte, que dans une partie de l'Amérique méridionale ou de l’A- frique, et une raie qui habite sur les côtes de la mer d'Europe. D'un autre côté, le gymnote torporifique n'ayant été fréquemment observé que depuis le com- mencement de l'époque brillante de la physique mo- derne, il n’a point été l'objet d'autant de théories plus ou moins ingénieuses, et cependant plus ou moins dé- nuées de preuves, que la torpille. On n'a eu, dans le fond, qu'une mème manière de considérer la nature des divers phénomènes présentés par le gymnote : on les a rapportés ou à l'électricité proprement dite, ou à une force dérivée de cette puissance. Et comment des phy- siciens instruits des effets de l'électricité n’auroient-ils pas été entrainés à ne voir que des faits analogues dans les produits du pouvoir du gÿmnote engourdis= sant? Lorsqu'on touche cet animal avec une seule main, on n'éprouve pas de commotion, ou on n'en ressent qu'une extrèmement foible : mais la secousse est très -forte lorsqu'on applique les deux mains sur le poisson, et qu'elles sont séparées l’une de l’autre par une distance DEN U PUONLI 66 OI NUS 199 assez grande. N'a-t-on pas ici une image de ce qui se passe lorsqu'on cherche à recevoir un coup électrique par le moyen d'un plateau de verre garni convenable ment de plaques métalliques, et connu sous le nom de carreau fulminant? Si on n'approche qu'une main et qu’on ne touche qu'une surface, à peine est-on frappé; mais on recoit une commotion violente si on emploie les deux mains, et si en s'appliquant aux deux surfaces, elles les déchargent à la fois. Comme dans les expériences électriques , le coup reçu par le moyen des deux mains a pu être assez fort pour donner aux deux bras une paralysie de plusieurs années *. Les métaux, l'eau, les corps mouillés, et toutes les autres substances conductrices de l'électricité, trans- mettent la vertu engourdissante du gymnote; et voilà pourquoi on est frappé au milieu des fleuves, quoi- qu'on soit encore à une assez grande distance de l'ani- mal ; et voilà pourquoi encore les petits poissons, pour lesquels cette secousse est beaucoup plus dangereuse , éprouvent une commotion dont ils meurent à l'instant, quoiqu'ils soient éloignés de plus de cinq mètres de l'animal torporifique. Ainsi qu'avec l'électricité, l'espèce d'arc de cercle que forment les deux mains et que parcourt la force engourdissante, peut être très-agrandi, sans que la * Henri Collins Flagg, à l'endroit déja cité 160 HISTOIRE NATURELLE commotion soit sensiblement diminuée; et vingt-sept personnes se tenant par la main et composant une chaine dont les deux bouts aboutissoient à deux points de la surface du gymnote, séparés par un assez grand intervalle, ont ressenti, pour ainsi dire, à la fois, une secousse très-vive. Les différens observateurs, ou les diverses substances facilement perméables à l'électri- cité, qui sont comme les anneaux de cette chaîne, peuvent mème être éloignés l’un de l’autre de près d'un décimètre, sans que cette interruption apparente dans la route préparée arrête la vertu torporifique qui en parcourt également tous les points. Mais pour que le gymnote jouisse de tout son pou- voir, il faut souvent qu'il se soit, pour ainsi dire, progressivement animé. Ordinairement les premières commotions qu'il fait éprouver, ne sont pas les plus fortes ; elles deviennent plus vives à mesure qu'il s'éver- tue, s'agite, s’irrite; elles sont terribles lorsque, si je puis employer les expressions de plusieurs observa- teurs , il est livré à une sorte de rage. Quand il a ainsi frappé à coups redoublés autour de lui, il s'écoule fréquemment un intervalle assez marqué avant qu'il ne fasse ressentir de secousse, soit qu'il ait besoin de donner quelques momens de repos à des organes qui viennent d'être violemment exercés, ou soit qu'il emploie ce temps plus ou moins court à ramasser dans ces mêmes organes une nouvelle quantité d’un fluide foudroyant ou torporifique, D: T#S PO. I 'S'SSO NES. 161 Cependant il paroît qu'il peut produire non seule- ment une commotion, mais même plusieurs secousses successives, quoiqu'il soit plongé dans l'eau d'un vase isolé , c'est-à-dire, d’un vase entouré de matières qui ne laissent passer dans l'intérieur de ce récipient aucune quantité de fluide propre à remplacer celle qu'on pourroit supposer dissipée dans l'acte qui frappe et engourdit. Quoi qu'il en soit, on a assuré qu’en serrant forte- ment le gymnote par le dos, on lui ôtoit le libre exer- cice de ses organes extérieurs, et on suspendoit les effets de la vertu dite électrique qu'il possède. Ce fait est bien plus d'accord avec les résultats du plus grand nombre d'expériences faites sur le gymnote, que l’opi- nion d'un savant physicien qui a écrit que l’aimant attiroit ce poisson, et que par son contact cette subs- tance lui enlevoit sa propriété torporifique. Mais, s'il est vrai que des nègres sont parvenus à manier et à retenir impunément hors de l’eau le gymnote élec- trique, on pourroit croire, avec plusieurs naturalistes, qu'ils emploient, pour se délivrer ainsi d’une commo- tion dangereuse, des morceaux de bois qui, par leur nature, ne peuvent pas transmettre la vertu électrique ou engourdissante, qu'ils évitent tout contact immédiat avec l'animal, et qu'ils ne le touchent que par l’inter- médiaire de ces bois non conducteurs de l'électricité. Au reste, le gymnote torporifique présente un autre phénomène bien digne d'attention, que nous tâcherons TOME Il. 21 100 : H'IUSUP O LR E INA T UIRUENTALNE d'expliquer avant la fin de cet article, et qui ne sur- prendra pas les physiciens instruits des belles expé- riences relatives aux divers mouvemens musculaires que l’on peut exciter dans les animaux pendant leur vie ou après leur mort, et que l’on a nommées galya- niques, à cause de leur premier auteur, le citoyen Galvani. Il est arrivé plusieurs fois * qu'après la mort du gymnote, il étoit encore, pendant quelque temps ;, impossible de le toucher sans éprouver de secousse. Mais nous avons à exposer encore de plus grands rapports entre les effets de l'électricité et ceux de la vertu du gymnote engourdissant. Le premier de ces rapports très-remarquables est l’analogie des instru- mens dont on se sert dans les laboratoires de physique pour obtenir de fortes commotions électriques, avec les organes particuliers que le gymnote emploie pour faire naître des ébranlemens plus ou moins violens. Voici en quoi consistent ces organes, que Hunter a très-bien décrits. L'animal renferme quatre organes torporifiques ; deux grands et deux petits. L'ensemble de ces quatre organes est si étendu, qu’il compose environ la moitié des parties musculeuses et des autres parties molles du gymnote, et peut être le tiers de la totalité du poisson. Chacun des deux grands organes engourdissans occupe un des côtés du gymnote, depuis l'abdomen } * Voyez Henri Collins Flagg, à l'endroit que nous avons déja indiqué. DME #S 2 pi O: 1 Mis tai mis 163 jusqu'à l'extrémité de la queue; et comme nous avons déja vu que cet abdomen étoit très-court, et qu'on pourroit croire, au premier coup d'œil, que l'animal n’a qu'une tête et une queue très-prolongée , on peut juger aisément de la longueur très-considérable de ces deux grands organes. Ils se terminent vers le bout de la queue comme par un point; et ils sont assez larges pour n'être séparés l'un de l'autre que vers le haut par les muscles dorsaux, vers le milieu du corps par la vessie natatoire, et vers le bas par une cloison parti- culière avec laquelle ils s'unissent intimement, pendant qu'ils sont attachés par une membrane cellulaire, Jâche, mais très-forte, aux autres parties qu'ils touchent. De chaque côté du gymnote, un petit organe torpo- rifique , situé au-dessous du grand, commence et finit à peu près aux mêmes points que ce dernier, se ter- mine de même par une sorte de pointe, présente par conséquent la figure d’un long triangle, ou , pour mieux dire, d'une longue pyramide triangulaire, et s'élargit néanmoins un peu vers le milieu de la queue. Entre le petit organe de droite et le petit organe de gauche, s'étendent longitudinalement les muscles sous- caudaux, et la longue série d’ai/erons ou soutiens osseux des rayons très-nombreux de la nageoire de l'anus. Ces deux petits organes sont d’ailleurs séparés des deux grands organes supérieurs par une membrane longitudinale et presque horizontale, qui s'attache d'un côté à la cloison verticale par laquelle les deux grands 64 HISTOIRE NATURELLE organes sont écartés l’un de l’autre dans leur partie inférieure , et qui tient, par le côté opposé, à la peau de l'animal. De plus, cette disposition générale est telle, que lorsqu'on enlève la peau de lune des faces latérales de la queue du gymnote, on voit facilement le grand organe, tandis que, pour appercevoir le petit qui est au-dessous, il faut ôter les muscles latéraux qui accom- pagnent la longue nageoire de l'anus. Mais quelle est la composition intérieure de chacun de ces quatre organes grands ou petits? L'intérieur de chacun de ces instrumens, en quelque sorte électriques, présente un grand nombre de sépa- rations horizontales, coupées presque à angles droits par d'autres séparations à peu près verticales. Les premières séparations sont non seulement hori- zontales, mais situées dans le sens de la longueur du poisson , et parallèles les unes aux autres. Leur largeur est égale à celle de l'organe, et par conséquent, dans beaucoup d’endroits, à la moitié de la largeur de Fani- mal , ou environ. Elles ont des longueurs inégales. Les plus voisines du bord supérieur sont aussi longues ou presque aussi longues que l'organe; les inférieures se terminent plus près de leur origine; et l'organe finit, vers l'extrémité de la queue, par un bout trop aminci pour qu'on puisse voir s'il y est encore composé de plus d’une de ces séparations longitudinales. Ces membranes horizontales sont éloignées l’une de DE Sri p or I 'S SOMME. 165 l'autre, du côté de la peau, par un intervalle qui est ordinairement de près d’un millimètre ; du côté de l'intérieur du corps, on les voit plus rapprochées, et même, dans plusieurs points, réunies deux à deux; et elles sont comme onduleuses dans les petits organes. Hunter en a compté trente-quatre dans un des deux grands organes d'un gymnote de sept décimètres, ou à peu près, de longueur, et quatorze dans un des petits organes du même individu. Les séparations verticales qui coupent à angles droits les membranes longitudinales, sont membraneuses, unies, minces, et siserrées l’une contre l’autre, qu'elles paroissent se toucher. Hunter en a vu environ deux cent quarante dans une longueur de vingt-cinq milli- mètres, ou à peu près. C’est avec ce quadruple et très-grand appareil dans lequel les surfaces ont été multipliées avec tant de profusion, que le gymnote parvient à donner des ébran- lemens violens, et à produire le phénomène qui établit le second des deux principaux rapports par lesquels sa vertu engourdissante se rapproche de la force élec- trique. Ce phénomène consiste dans des étincelles entièrement semblables à celles que l'on doit à l’élec- tricité. On les voit, comme dans un grand nombre d'ex- périences électriques proprement dites, paroître dans les petits intervalles qui séparent les diverses portions de la chaîne le long de laquelle on fait circuler la force engourdissante, Ces étincelles ont été vues pour la 166 HISTOLRE NA TURENMILE première fois à Londres par Walsh, Pringle et Magel- lan. Il a suffi à Walsh, pour les obtenir, de composer une partie de la chaîne destinée à être parcourue par la force torporifique, de deux lames de métal, isolées sur un carreau de verre, et assez rapprochées pour ne laisser entre elles qu'un très-petit intervalle; et on a distingué avec facilité ces lueurs , lorsque l'ensemble de l'appareil s’est trouvé placé dans une chambre entiè- rement dénuée de toute autre lumière. On obtient une lueur semblable, lorsqu'on substitue une grande tor- pille à un gymnote électrique, ainsi que l'a appris Galvani dans un mémoire que nous avons déja cité *; mais elle est plus foible que le petit éclair dû à la puis- sance du gymnote, et l'on doit presque toujours avoir besoin d'un microscope dirigé vers le petit intervalle dans lequel on l'attend, pour la distinguer sans erreur. Au reste, pour voir bien nettement comment le gymnote électrique donne naissance et à de petites étincelles et à de vives commotions, formons-nous de ces organes engourdissans la véritable idée que nous devons en avoir. On peut supposer qu'un grand assemblage de mem- branes horizontales ou verticales est un composé de substances presque aussi peu capables de transmettre la force électrique que le verre et les autres matières auxquelles on a donné le nom d'idioélectriques, ou de * Discours sur l@ nature des poissons, D. ES 4 P OUI SÉSRO/NKS: 107 non conductrices, et dont on se sert pour former ces vases foudroyans appelés bouteilles de Leyde, ou ces carreaux aussi fulminans, dont nous avons déja parlé plus d’une fois. Il faut considérer les quatre organes du gymnote comme nous avons considéré les deux organes de la torpille : il faut voir dans ces instrumens une suite nombreuse de petits carreaux de la nature des carreaux foudroyans, une batterie composée d’une quantité extrêmement considérable de pièces en quel- que sorte électriques. Et comme la force d’une batterie de cette sorte doit s'évaluer par l'étendue plus ou moins grande de la surface des carreaux ou des vases qui la forment, j'ai calculé quelle pourroit être la grandeur d’un ensemble que l’on supposeroit produit par les surfaces réunies de toutes les membranes verti- cales et horizontales que renferment les quatre organes torporifiques d'un gymnote long de treize décimètres , en ne comptant cependant pour chaque membrane que la surface d’un des grands côtés de cette cloison : j'ai trouvé que cet ensemble présenteroit une étendue aw moins de treize mètres carrés, c'est-à-dire, à très-peu près , de cent vingt-trois pieds également carrés. Si l’on se rappelle maintenant que nous avons cru expliquer d'une manière très-satisfaisante la puissance de faire éprouver de fortes commotions qu'a reçue la torpille, en montrant que les surfaces des diverses portions de ses deux organes électriques pouvoient égaler par leur réunion cinquante-huit pieds carrés, et si l’on se 168 H IST ONMRÉE INA TD UURLENL CF souvient en même temps des effets terribles que pro: duisent dans nos laboratoires des carreaux de verre dont la surface n'est que de quelques pieds, on ne sera pas étonné qu'un animal qui renferme dans son inté- rieur et peut employer à volonté un instrument élec- trique de cent vingt-trois pieds carrés de surface, puisse frapper des coups tels que ceux que nous avons déja décrits *, | Pour rendre plus sensible l'analogie qui existe entre un carreau fulminant et les organes torporifiques du gymnote, il faut faire voir comment cette grande sur- face de treize mètres carrés peut être électrisée par le frottement, de la même manière qu'un carreau foudroyant ou magique. Nous avons déja fait remar- quer que le gymnote nage principalement par une suite des ondulations successives et promptes qu'il im- prime à sa queue, c'est-à-dire, à cette longue partie de son corps qui renferme ses quatre organes. Sa nata- tion ordinaire, ses mouvemens extraordinaires, ses courses rapides, ses agifations, l'espèce d'irritation à laquelle il peut se livrer, toutes ces causes doivent produire sur les surfaces des membranes horizontales et verticales un frottement suffisant pour y accumuler * Nous croyons devoir faire observer ici que dans l’article de la torpille, il s’est glissé deux fautes d'impression. À la dernière ligne de la page 102 du premier volume in-4°, au lieu de cent décimètres, il faut lire trois cents; et à la troisième ligne de la page suivante, au lieu de quatorze, il faut lire quarante, DEC 2Pl0 r'$S 2 ons 169 d'un côté, et raréfier de l’autre, ou du moins pour y exciter, réveiller, accroître ou diminuer le fluide unique ou les deux fluides auxquels on a rapporté les phénomènes électriques et tous les effets analogues ; et comme par une suite de la division de l'organe engourdissant du gymnote en deux grands et en deux petits, et de la sous-division de ces quatre organes en membranes horizontales et verticales , Les communica- tions peuvent n'être pas toujours très-faciles ni très- promptes entre les diverses parties de ce grand ins trument, on peut croire que le rétablissement du fluide ou des fluides dont nous venons de parler, dans leur premier état, ne se fait souvent que successi- vement dans plusieurs portions des quatre organes. Les organes ne se déchargent donc que par des coups successifs; et voila pourquoi, indépendamment d'autre raison, un gymnote placé dans un vase isolé peut continuer, pendant quelque temps, de donner des com- motions ; et de plus, voilà pourquoi il peut rester dans les organes d’un gyÿmnote qui vient de mourir, assez de parties chargées pour qu'on en recoive un certain nombre de secousses plus ou moins vives *. oo * Un des meilleurs moyens de parvenir à la véritable théorie des effets produits par le gymnote engourdissant et par les autres poissons torpori- fiques , est d’avoir recours aux belles expériences électriques et aux idées très-ingénieuses dont on trouvera l’exposition dans une lettre qui m’a été adressée par le citoyen Aldini, de l’Institut national de Bologne, et que cet habile physicien a publiée dans cette ville, il y a environ un an (en 1797 v.st.), TOME IH À 22 170 HISTOIRE NATURELLE Et ces fluides, quels qu'ils soient, d'où peut-on présumer qu'ils tirent leur origine ? ou, pour éviter le plus possible toute hypothèse, quelle est la source plus ou moins immédiate de cette force électrique, ou pres- que électrique, départie aux quatre organes dont nous venons d'exposer la structure ? Cette source est dans les nerfs, qui, dans le gymnote engourdissant, ont des dimensions et une distribution qu'il est utile d'examiner rapidement. Premièrement, les nerfs qui partent de fa moelle épinière, sont plus larges que dans les poissons d'une grandeur égale, et plus que cela ne paroît nécessaire pour l'entretien de la vie du gymnote. Secondement, Hunter a fait connoître un nerfremar- quable qui, dans plusieurs poissons, s'étend depuis le cerveau jusqu'auprès de l'extrémité de la queue en donnant naissance à plusieurs ramifications, passe, à peu près, à une égale distance de l'épine et de la peau du dos dans la murène anguille, et se trouve immé- diatement au-dessous de la peau dans le gade morue. Ce nerf est plus large, tout égal d’ailleurs, et s'ap- proche de l'épine dorsale dans le gymnote électrique, beaucot p plus que dans plusieurs autres poissons. Troisièmement, des deux côtés de chaque vertèbre du gymnote torporifique, part un nerf qui donne des ramifications aux muscles du dos. Ce nerf se répand entre ces muscles dorsaux et l'épine; il envoie de petites branches jusqu’à la surface extérieure du grand organe DES or. SSL ty dans lequel pénètrent plusieurs de ces rameaux, et sur lequel ces rameaux déliés se distribuent en passant entre cet organe et la peau du côté de l'animal. Il continue cependant sa route, d’abord entre les muscles dorsaux et la vessie natatoire, et ensuite entre cette même vessie natatoire et l'organe électrique. Là il se divise en nouvelles branches. Ces branches vont vers la cloison verticale que nous avons déja indiquée, et qui est située entre les deux grands organes électriques: Elles s'y séparent en branches plus petites qui se dirigent vers les ailerons et les muscles de la nageoire de l'anus, et se perdent , après avoir répandu des rami- fications dans cette même nageoire, dans ses muscles, dans le petit organe et dans le grand organe élec- trique. Les rameaux qui entrent dans les organes électriques sont , à la vérité, très-petits; mais cependant ils le sont moins que ceux de toute autre partie du système sen- sitif. Tels sont les canaux qui font circuler dans les quatre instrumens du gymnote le principe de la force en- gourdissante ; et ces canaux le reçoivent eux-mêmes du cerveau, d’où tous les nerfs émanent. Et comment en effet ne pas considérer dans le gymnote, ainsi que dans les autres poissons engourdissans, le cerveau comme la première source de la vertu particulière qui les distingue , lorsque nous savons, par les expériences d'un habile physicien, que la soustraction du cerveau 172 HuI S T'ON'RLE) :N'AÏT UUR EL /RIE d’une torpille anéantit l'électricité ou la force torpori- fique de ce cartilagineux, lors même qu'il paroît encore aussi plein de vie qu'avant d'avoir subi cette opéra- tion, pendant qu'en arrachant le cœur de cette raie, on ne la prive pas, avant un temps plus ou moins long, de la faculté de faire éprouver des commotions et des tremblemens ‘? Au reste, ne perdons jamais de vue que si nous ne voyons pas de mammifère, de cétacée, d'oiseau, de qua- drupède ovipare, ni de serpent, doué de cette faculté électrique ou engourdissante, que lon a déja bien constatée au moins dans deux poissons cartilagineux et dans trois poissons osseux, c’est parce qu'il faut, pour donner naissance à cette faculté, et l'abondance d'un fluide où d’un principe quelconque que les nerfs paroissent posséder et fournir, et un ou plusieurs instrumens organisés de manière à présenter une très- grande surface, capables par conséquent d'agir avec eflicacité sur des fluides voisins *, et composés d’ailleurs d'une substance peu conductrice d'électricité, telle par exemple que des matières visqueuses, huileuses et résineuses. Or, de tous les animaux qui ont un sang * Mémoires de Galvani, Bologne, 1797. ? J'ai publié en 1781 , que lon devoit déduire l’explication du plus grand mombre de phénomenes électriques, de l’accroissement que produit dans Vaflinité que les corps exercent sur les fluides qui les environnent , la divi- sion de ces mêmes corps en plusieurs parties, et par conséquent J’augmen- tation de leur surface. DEN GMPBLONT SNS ONNUS: 179 / rouge et des vertébres, aucun, tout égal d'ailleurs, ne présente, comme les poissons, une quantité plus ou moins grande d'huile et de liqueurs gluantes et vis- queuses. On remarque sur-tout dans le gymnote encourdis- sant, une très-grande abondance de cette matière huileuse, de cette substance non conductrice, ainsi que nous l'avons déja observé. Cette onctuosité est très-sensible, même sur la membrane qui sépare de chaque côté le grand organe du petit; et voilà pour- quoi, indépendamment de l'étendue de la surface de ses organes torporifiques, bien supérieure à celle des organes analogues de la torpille , il paroît posséder une plus grande vertu électrique que cette dernière, D'ailleurs il habite un climat plus chaud que celui de cette raie, et par conséquent dans lequel toutes les combinaisons et toutes les décompositions intérieures peuvent s'opérer avec plus de vitesse et de facilité : et de plus, quelle différence entre la fréquence et l’agilité des évolutions du gymnote, et la nature ainsi que le nombre des mouvemens ordinaires de la torpille! Mais si les poissons sont organisés d'une manière plus favorable que les autres animaux à vertèbres et à sang rouge, relativement à la puissance d’ébranler e€ d'engourdir, étant doués d’une très-grande irritabilité, ils doivent être aussi beaucoup plus sensibles à tous les effets électriques, beaucoup plus soumis au pouvoir des animaux torporifiques, et par conséquent plus 74 H;1:S TO LR ESS NEA RUUMRÉENENNRUE exposés à devenir la victime du gymnote de Surinam *. Cette considération peut servir à expliquer pourquoi certaines personnes, et particulièrement les femmes qui ont une fièvre nerveuse, peuvent toucher un gymnote électrique sans ressentir de secousse ; et ces faits cu- rieux rapportés par le savant et infatigable Frédéric- Alexandre Humboltz, s'accordent avec ceux qui ont été observés dans la Caroline méridionale par Henri Collins Flagg. D'après ce dernier physicien, on ne peut pas douter que plusieurs Nègres, plusieurs Indiens, et d'autres personnes, ne puissent arrêter le cours de la vertu électrique ou engourdissante du gymnote de Surinam, et interrompre une chaîne préparée pour son passage ; et cette interruption a été produite spé- cialement par une femme que l’auteur connoissoit depuis long-temps, et qui avoit la maladie à laquelle plusieurs médecins donnent le nom de féyre hectique. C'est en étudiant les ouvrages de Galvani, de Hum- boltz, et des autres observateurs qui s'occupent de travaux analogues à ceux de ces deux physiciens, qu'on pourra parvenir à avoir une idée plus précise des ressemblances et des diflérences qui existent entre la vertu engourdissante du gÿmnote, ainsi que des autres poissons appelés électriques, et l'électricité proprement LUE PT TEA SN BEN LE Ro NID He CP a Ni Fe eur QAR Ste % C’est par une raison semblable que lorsqu'une torpille ne donne plus de commotion sensible, on obtient des signes de la vertu qui lui reste encore, en soumettant à son action une grenouille préparée comme pour les expé- riences galvaniques. Voyez les Mémoires de Galvani, déja cités. 2 DIELS SE PMONTASNSMOMNATS: 159 dite. Mais pourquoi faut-il qu'en terminant cet article, j'apprenne que les sciences viennent de perdre l’un de ces savans justement célèbres , le citoyen Galvani, pen- dant que Humboltz, commençant une longue suite de voyages lointains, utiles et dangereux, nous force de mêler l'expression de la crainte que le sentiment ins- pire, à celle des grandes espérances que donnent ses lumières, et de la reconnoissance que l'on doit à son zèle toujours croissant ! LE) GYMNOTE PUTAOR" AI LI L] . r CE gymnote ressemble beaucoup à l'électrique ; indé- pendamment d'autres traits de conformité, il a de même la mâchoire inférieure plus avancée que la supé- rieure. Sa tête est petite, sa queue courte, sa couleur jaunâtre , avec des raies transversales, souvent ondées, et brunes, ou rousses , ou blanches. Il vit dans les eaux du Brésil°. A ——— ————— ———— "A Gymnotus putaol. Gymnotus fasciatus. Zinné, édition de Gmelin. Gymnote putaol. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Pallas, Spicilegia zoolog,7, p. 35. Seba, Mus. 3, tab. 32, fig. 1 et 2. Carapo. 2. Marcg. Bras, p.120. — Piso, Ind, p. 72. Kurz schwanz. Bloch, pl. 107, fig. x. : On compte à chaque nageoire pectorale 13 rayons, et à celle de Panus 193 LE 'GYMNONF E'BEL'AN CPE CE gymnote a la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure; il appartient donc au premier sous- genre, comme l'électrique et le putaol. Il ‘en diffère par sa couleur, qui est ordinairement d’un blanc pres- que sans tache, par les proportions de quelques parties de son corps, particulièrement par le rapport de son diamètre à sa longueur, et par une espèce de lobe que l’on voit de chaque côté de la lèvre supérieure, auprès de la commissure des lèvres. Ce poisson se trouve à Surinam et dans les environs , comme l’électrique *. RE A RS NT ER NS LU ? Gymnotus albus, Id. Linné, édition de Gmelin. Seba, Mus. 3, pl. 32, fig. 3. Pallas, Spicil. zoolog. 7, p. 36. ? Il y a à chaque nageoire pectorale 13 rayons, et à celle de l'anus 180 TOME Il. 29 LE) GYXMNOTE OA RANPEr LE GYMNOTEMELTERASFER”, ET LE GYMNOTE LONG-MUSE AU :. Nous croyons pouvoir réunir dans cet article la des- cription de trois poissons qui, indépendamment des ? Gymnotus carapo. Id. Zinné, édition de Gmelin. Gymnote carape. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méshodique. Gronov. Zooph. 168. Mus. 7, p. 29, n. 72. Gymnotus. Ariedi, gen. 25, syn. 43. Amænit. acad. Lugd. Batav. 1749, p. 607, tab. 17, fig. 6. Mus. ad. Fr. 1, p. 76. Carapo Brasiliensibus, Marcgr. Bras. 4, c.14, p.170.— Piso, Hist. naf. Znd, utr, p. 72. Willughby, p. 115, tab. G. 7, fig. 4 Ray. Pise. p. 41, n. 10. Langschwanz. Bloch, pl. 157, fig. 2. Seba, Mus. 3,pl. 32, fig. x. ? Gymnotus fierasfer. Gymnote fierasfer. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Gymnotus acus. Linné, édition de Gmelin. Brunn. Pise. Massil, p.13, n. 24. 3 Gymnotus longirostratus. Gyÿmnotus rostratus. Zinné, édition de Gmelin. Gymnote museau long. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l’ Encyclopédie méthodique. Seba, Mus. 3 ,p. 99, tab. 32, fig, &, d Gronoy, Zooph. 167, Mus, 73, HIS P-O'LRIE :N'AMPUIN EE LIE. 179 caractères communs à tous les gymnotes, et par les- quels ils se rapprochent l'un de l'autre, sont encore liés par un trait particulier, distinctif du second sous- genre des osseux dont nous nous occupons, et qui consiste dans la prolongation de la mâchoire supé- ricure, plus avancée que celle de dessous. Le carape, le premier de ces trois gymnotes, dont on dit que la chair est presque toujours agréable au goût, habite dans les eaux douces de l'Amérique méridionale, et particulièrement dans celles du Brésil, Sa nageoire de l'anus ne s'étend pas tout-à-fait jusqu'a l'extrémité de la queue, qui se termine par un filament délié. Sa couleur générale est brune ; son dos est noirâtre, tacheté de brun *. Le fierasfer a été décrit pour la première fois par Brunnich, dans son Histoire des poissons des environs de Marseille. Il est blanchâtre, avec des taches rou- geatres et brunes, qui font paroître son dos comme nuageux : le bleuâtre règne sur sa partie inférieure. La nageoire de l'anus ne s'étend pas jusqu’au bout de la queue. On voit sur le dos une saillie qui n’est pas une nageoire, mais que l’on peut considérer, en quelque sorte, comme un rudiment de cet organe, comme une indication de l'existence de cette partie dans un si grand nombre de poissons, et qui rapproche le genre des * On compte à la membrane des branchies 5 rayons. à chacune des nageoires pectorales 10 à celle de l’anus 230 160 HISTOIRE NATURELLE. gymnotes de presque toutes les autres familles de ces animaux. Au reste, il est à remarquer que le seul gymnote qui ne vit pas dans les eaux de l'Amérique méridionale, et qu’on trouve dans celles de 1 mer Mé- diterranée , est aussi le seul qui présente sur sa partie supérieure une sorte de commencement de cette nageoire dorsale qui appartient à tant d'osseux et de cartilagineux *. Des mâchoires très-avancées ; et conformées, ainsi que rapprochées l’une de l'autre, de manière à ressem- bler à un tube, sufliroient seules pour distinguer le Jong - museau de tous les autres gymnotes. On voit aisément l’origine de son nom. La nageoire de l'anus est beaucoup plus courte que la queue, qui d'ailleurs finit par une sorte de fil tres-délié, comme celle du carape. La couleur est blanchâtre, et diversifiée par des taches irrégulières et brunes. On trouve le long- museau dans l'Amérique méridionale, ainsi que nous venons de l'indiquer. * A la membrane des branchies 5 rayons. à chacune des nageoires pectorales 16 à celle de Panus 60 * À chaque nageoire pectorale 19 rayons, à celle de l'anus 296 EE — | VINGT-CINQUIÈME GENRE, LES TRICHIURES. Point de nageoire caudale; le corps et la queue trèss alongés, très-comprimés, et en forme de lame; les opercules des branchies placés trés-prés des yeux. ESPÈCES. CARACTÈRES. 1. LE TRICHIURE , die mâchoire inférieure plus avancée que la (Trichiurus lepturus.) supérieure. 2. LETRICH. ÉLECTRIQUE. d âchoi AT rus clcrious.) {Les eux mâchoires également ayvancéea LE TREICHIURE LEP URL Les trichiures sont encore de ces poissons apodes qui ne présentent aucune nageoïre à l'extrémité de la queue. On les sépare cependant très-aisément de ces osseux qui n'ont pas de véritable nageoire caudale. En effet leur corps très-alongé et très-comprimé ressemble à une lame d'épée, ou, si on le veut, à un ruban; et voilà pourquoi le lepture, qui réunit à cette conformation la couleur et l'éclat de l'argent, a été nommé ceiniure d'argent, où ceinture arsentée. D'ailleurs les opercules des branchies sont placés beaucoup plus près des yeux sur les trichiures que sur les autres poissons avec les- quels.on pourroit les confondre. A ces traits généraux réunissons les traits particu- * Trichiurus lepturus. Paille-en-cul, par plusieurs voyageurs et naturalistes. Trichiurus lepturus. Zinné, édition de Gmelin. Trichiure ceinture d’argent. Daubenton, Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Lepturus. Ariedi, spec. 117. Gymnogaster. Gronov. Mus.T, 7. 47. 1. Brown, Jamai. 444, tab, 45, fig. 4. Enchelyopus. Seba, Mus. 3, tab. 33, fig. +. Id. Ælein, Miss. 4, p. d2, 11. 3, Mucu Brasil. 7Villughby, Ichthyol, tab. G. 7, fig. 7e Mucu. Marcgr. Brasil. 161. Ubirre. De Laet, Annot. ad Marcgr. Lepturus. Mus. ad. Fr. x, p.76, tab, 26, fig. 2. Spitz schyanz, Bloch, pl, 158. LL (il ALL LL Deseve Del. LEE TR A 7 | LE , e Pillazn Soeur 4 TRICHIURE Leplure. 2 ODONTOGNATHE tiullonne. 3. KURTE Plochien ? : 1 Le poche br dt D TR EE EN lisa 4 di À. ü : ER Ad DE: 2 ne À ‘ f "à Me Le 0 L'an HIS TOTLRVET NATURELUEE, 183 liers du lepture, et voyons, si je puis employer cette expression, cette bande argentine et vivante se dé- rouler, pour ainsi dire, s’agiter, se plier, s'étendre, se raccourcir, s'avancer en différens sens, décrire avec rapidité mille courbes enlacées les unes dans les autres, monter, descendre; s’'élancer, et s'échapper enfin avec la vitesse d'une flèche, ou plutôt, en quelque sorte, avec celle de l'éclair. La tête du lepture est étroite, alongée, et comprimée comme son Corps etsa queue. L'ouverture de sa bouche est grande. Ses dents sont mobiles , au moins en très- grand nombre; et ce caractère que nous avons vu dans les squales, et par conséquent dans les plus féroces des cartilagineux, observons d'avance que nous le remarquerons dans la plupart des osseux qui se font distinguer par leur voracité. Indépendamment de cette mobilité qui donne à l'animal la faculté de présenter ses crochets sous l’angle le plus convenable, et de retenir sa proie avec plus de facilité, plusieurs des dents des mâchoires du lepture, et particulièrement celles qui avoisinent le bout du museau , sont longues et recourbées vers leur pointe; les autres sont courtes et aiguës. On n'en voit pas sur la langue, ni sur le palais; mais on en appercoit de très-petites sur deux os placés vers le gosier. Les yeux sont grands, très-rapprochés du sommet de la tête, et remarquables par un iris doré et bordé de blanc autour de la prunelle. VOA HIS T'O TR EMUN A TUNRIEDILIE L'opercule , composé d’une seule lame , et membra- veux dans une partie de son contour, ferme une large ouverture branchiale *. Une ligne latérale couleur d'or s'étend sans sinuosités depuis cet opercule jusqu'à l'ex: trémité de la queue. L'anus est assez près de la tête. Les nageoires pectorales sont très-petites et ne ren- ferment que onze rayons ; mais la nageoire dorsale en comprend ordinairement cent dix-sept, et règne depuis la nuque jusqu'à une très-petite distance du bout de la queue. On ne voit pas de véritable nageoire de l'anus: à la place qu'occuperoit cette nageoire, on trouve seule- ment de cent à cent vingt, et le plus souvent cent dix aiguillons très-courts , assez éloignés les uns des autres, dont la première moitié, ou à peu près, est recourbée vers la queue, et dont la seconde moitié est fléchie vers la tête, La queue du lepture, presque toujours très-déliée et terminée par une sorte de prolongation assez sem- blable à un fil ou à un cheveu, a fait donner à ce poisson le nom de /epture, qui signifie petite queue , ainsi que celui de srichiure, qui veut dire queue en cheveu, et que l'on a étendu, comme nom générique , à toute la petite famille dont nous nous occupons. Cependant, comme cette queue très-longue est en mème temps assez comprimée pour avoir été comparée * On compte sept rayons à la membrane des branchies. D'ESs" F'PVO 41 St'S IONNSIS: 185 à une lame, comme le corps et la tête présentent une conformation semblable, et que tous les muscles de l'animal paroissent doués d'une énergie très-soutenue, on supposera sans peine dans le lepture une mobilité rare, une natation très-rapide, une grande souplesse dans les mouvemens, pour peu que l'on rappelle ce que nous avons déja exposé plus d’une fois sur la cause de la natation célère des poissons *. Et en eflet, les voyageurs s'accordent à attribuer au lepture une agilité singulière et une vélocité extraordinaire. S'agitant presque sans cesse par de nombreuses sinuosités, ondu- lant en différens sens, serpentant aussi facilement que tout autre habitant des eaux, il s'élève, s'abaisse, arrive et disparoît avec une promptitude dont à peine on peut se former une idée. Frappant violemment l’eau par ses deux grandes surfaces latérales, il peut se donner assez de force pour s’élancer au-dessus de la surface des fleuves et des lacs ; et comme il est couvert par-tout de très- * La collection du Muséum renferme une variété du lepture, qu’il est aisé de distinguer par la forme du bout de la queue. Cette partie, au lieu de se terminer par une prolongation filamenteuse , paroît comme tronquée assez loin de sa véritable extrémité; elle présente , à l'endroit ou elle finit, une ligue droite et verticale. Et quoique nous ayons vu deux individus avec cette conformation particulière , nous ne savons pas si au lieu d’une variété plus ou moins constante , nous n’avons pas eu uniquement sous les yeux deux produits d’accidens semblables ouanalogues, deux résultats d’une sorte d’amputation extraordinaire , dont on trouve plusieurs exemples parmi les animaux à sang froid, qu’ils peuvent subir sans en périr, et qui, pour les deux individus dont nous parlons, auroit emporté Ja portion la plus déliée de leur queue. TOME Il. 24 186 HISTOIRE NATURELLE petites écailles blanches et éclatantes, et, si je puis parler ainsi, d'une sorte de poussière d'argent que relève l'or de ses iris et de ses lignes latérales, il brille et dans le sein des ondes, et au milieu de Pair, particu- lièrement lorsque, cédant à sa voracité qui est très- grande, animé par une affection puissante, ajoutant par l'effet de ses mouvemens à la vivacité de ses couleurs, et déployant sa riche parure sous un ciel enflammé , il jaillit de dessus les eaux, et, poursuivant sa proie avec plus d’'ardeur que de précautions, saute jusque dans les barques et au milieu des pêcheurs. Cette bande d'argent si décorée, si élastique, si vive, si agile, a quelquefois plus d'un mètre de longueur. Le lepture vit au milieu de l'eau douce. On le trouve, comme plusieurs gymnotes, dans l'Amérique méridio- nale. IL n'est pas étranger néanmoins aux contrées orientales de l’ancien continent : il se trouve dans la Chine ; et nous avons vu une image très- fidèle de ce poisson dans un recueil de peintures chinoises données par la république batave à la république francoise , déposées maintenant dans le Muséum national d'histoire naturelle, et dont nous avons déja parlé dans cet ouvrage. Au reste, la beauté et la vivacité du lepture sont si propres à plaire aux yeux, à parer une retraite, à charmer des loisirs, qu'il n’est pas surprenant que les Chinois l’aient remarqué, observé, dessiné ; et vrai- semblablement ce peuple, qui a su tirer un si grand parti D'E'SUTP O"T'Sy N'OMNILS: 187 des poissons pour ses plaisirs, pour son commerce, . pour sa nourriture, ne se sera pas contenté de multi- plier les portraits de cette espèce; il aura voulu aussi en répandre les individus dans ses nombreuses eaux, daps ses larges rivières, dans ses lacs enchanteurs. LE TRICHIURE ÉLECTRIQUE *. Ox a reconnu dans ce trichiure une faculté analogue à celle de la torpille et du gymnote torporifique. Mais comme, en découvrant ses effets, on n’a observé aucun phénomène particulier propre à jeter un nouveau jour sur cette puissance que nous ayons long-temps consi- dérée en traitant du gymnote engourdissant et de la torpille, nous croyons devoir nous contenter de dire que le trichiure électrique est séparé du lepture, non seulement par la conformation de ses mâchoires, qui sont toutes les deux également avancées , mais encore par la forme de ses dents, toutes extrêmement petites. D'ailleurs le bout de la queue n'est pas aussi aigu que dans le lepture. De plus, au lieu de présenter l'or et l'argent qui décorent ce dernier poisson, il n'oftre que des couleurs ternes; il est brun et tacheté. S'il a été doué de la puissance, il est donc bien éloigné d’avoir recu l'éclat de la beauté. C’est dans les mers de l’Inde qu'il exerce le pouvoir qui lui a été départi. * Trichiurus electricus. Paille-en-eul, par quelques naturalistes et voyageurs. Trichiurus electricus. Linné, édition de Gmelin. Anguilla Indica. FWillughby, Append. tab, 3, fig. 3. Raj. Pise. p.171. Nieuh, It, Ind, 2, p. 270: VINGT:S INITIÉE MEL C'EUN RE. LES NOTOPTÈRES: Des nageoires pectorales, de l'anus et du dos ; point de nageoire caudale ; le corps trés-court. ESPÈCES CARACTÈRES. 1. LE NOTOPT. KAPIRAT. : La nagcoire du das tres-courte, ( Notopterus kapirat.) 2, LE NOTOPT. NAME nageoire du dos très-longue; le corps cou (Notopterus Squamosus, ) vert de petites écailles arrondies, . ’ LE NOTOPTÈRE KAPIRAT *. Les deux poissons dont nous allons donner la des= cription, ont été jusqu'à présent confondus avec les gymnotes : mais la précision que nous croyons devoir introduire dans la distribution des objets de notre étude , et les principes sur lesquels la classification des animaux nous a paru devoir être fondée, ne nous ont pas permis de laisser réunis des poissons dont les uns n'ont reçu le nom de #yrnotes que parce quesleur dos est entièrement dénué de nageoires, et d’autres osseux qui au contraire ont une nageoire dorsale plus où moins étendue. Nous avons donné à l’ensemble de ces derniers le nom générique de zotoptére, dont plusieurs naturalistes se sont servis jusqu'à présent pour dési- gner le kapirat, la première espèce de ce grouppe, et qui, venant de deux mots grecs, dont l’un signifie dos, et l’autre aile ou nageoire, indique la présence d’une nageoire dorsale. Les noms de ces deux genres très- voisins annoncent donc la véritable différence qui les * Notopterus kapirat, Tkan pengay, dans l'Inde. Gymnotus notopterus. Zinné, édition de Gmelin. Gymnotus kapirat. Bonnaterre, planches de l’Encyclopédie méthodique. Pengay, seu Kapirat. Renard, Poiss. 1, p. 16, n. 90. Tima marina, seu hippuris. Bontius, Ind, c. 25, p. 78. HISTOIRE NATURELLE, 191 sépare; on pourroit même, à la rigueur, dire la seule différence générique bien sensible et bien constante qui les écarte l’un de l’autre. Le kapirat sur-tout seroit aisément assimilé en tout, ou presque en tout, à un gymnote, si on le privoit de la nageoire qu'il a sur le dos. Ce poisson qui fait le sujet de cet article, se trouve dans la mer voisine d’Amboine. Il ne parvient ordi- nairement qu'à la longueur de deux ou trois déci- mètres. Son museau est court et arrondi; on appercçoit une petite ouverture, ou un pore très-sensible, au- dessus de ses yeux qui sont grands. La mâchoire supé- rieure est garnie de dents égales et très-peu serrées ; la mâchoire inférieure en présente sur son bord exté- rieur de plus grandes et de plus éloignées encore les unes des autres ; et de plus, on voit sur le bord inté- rieur de cette même mächoire d’en-bas, ainsi que sur celui du palais, une série de dents très-petites. L'oper- cule des branchies est garni d’écailles et membraneux dans son contour. La gorge et l'anus sont très -rap- prochés. L'étendue de la nageoire de l'anus”, et la forme très-alongée de la queue, sont assez remar- quables pour avoir fait donner au kapirat, par Bontius, * A la membrane des branchies 6 rayons. à la nageoïire du dos 7 à chacune des nageoires pectorales 13 à la nageoire de l’anus 116 192 HISTOIRE NATURELLE, le nom d'Aippuris, qui veut dire queue de cheval. Et enfin ce noteptère brille des couleurs de l'or et de l'argent qui sont répandues sur Les très-petites écailles dont sa peau est revêtue. LE NOTOPTÈRE ÉCATDLLEUMM CouME nous n'avons pas vu ce poisson, nous ne pouvons que présumer qu'il ne présente pas de véri- table nageoire caudale. Si le bout de sa queue étoit cependant garni d'une nageoire distincte et véritable- ment propre à cette extrémité, il faudroit le séparer des notoptères, et le comprendre dans un genre parti- culier. Mais si au contraire, et comme nous le pen- sons, il n’a point de nageoire que l’on doive appeler caudale , 11 offre tous les caractères que nous avons assignés au genre des notoptères, et il doit être ins- crit à la suite du kapirat. IL diffère néanmoins de ce dernier animal, non seulement parce que sa nageoire dorsale , au lieu d’être courte et de ne renfermer que sept rayons, en comprend un très-grand nombre et s'étend presque depuis la nuque jusqu'à la queue, mais encore parce qu'il est revêtu, mème sur la tête, d'écailles assez grandes et presque toujours arrondies, qui nous ont suggéré son nom spécifique. On voit au-devant de chacune de ses narines un petit barbillon qui paroît comme tronqué. Il y a sur la tête plusieurs pores très-visibles, et cinq très-petits enfoncemens. Les dents sont acérées; et l’entre-deux * Notopterus squamosus. Gywnotus Asiaticus. Zinné, édition de Gmelin. TOME li, 25 194 HISTOIRE NA TURELÉE. des branches de la mâchoire supérieure en est garni, a ligne latérale est droite, excepté au-dessus de l’anus, où elle se fléchit vers le bas. La couleur de l’écailleux est obscure, avec des bandes transversales brunes. IL devient ordinairement un peu plus grand que le kapirat, et il habite, comme ce dernier poisson, dans les mers de l'Asie *, Tous les vrais gymnotes connus jusqu'a présent vivent donc dans les eaux de l'Amérique méridionale, ou de l'Afrique occidentale, excepté le fierasfer, que l'on a pèché dans la Méditerranée, pendant qu'on ne trouve que dans les mers de l’Asie les notoptères déja découverts. * A la membrane des branchies , 5 rayons. VINGT-SEPTIÈME GENRE. LES OPHISURES. Point de nageoire caudale ; le corps et la queue cylin- driques et très-alongés relativement à leur diamètre; la tête petite; les narines tübulées; la nageoire dorsale et celles de l'anus, très-longues et trés-basses. ESPÈCES. CARACTÈRES, x. L'OPHISURE OPHIS, ‘ , : De grandes taches rondes ou ovales, (Ophisurus ophis.) 2. L'OPHISURE SERPENT, (Orient) {Point de taches , ou de très-petites tathes L:O PAS OUR E OO P'MS Re Ceux qui auront un peu réfléchi aux différens prin- cipes qui nous dirigent dans nos distributions métho- diques, ne seront pas surpris que nous séparions les deux espèces suivantes du genre des murènes , dans lequel elles ont été inscrites jusqu'à présent. En eflet, elles en different par l'absence d’une nageoire caudale. On leur a depuis long-temps donné le nom de ser- pens marins; et comme un des grands rapports qui les lient avec les véritables serpens, consiste dans [a forme déliée du bout de leur queue, dénué de nageoire, ainsi que l'extrémité de la queue des vrais reptiles, nous avons cru devoir donner au grouppe qu'elles vont composer, le nom d'ophisure, qui veut dire queue de serpent. La première de ces deux espèces est celle à laquelle j'ai conservé le nom particulier d'ophis, qui, en grec, signifie serpent, Son ensemble a beaucoup de confor- * Ophisurus ophis. Muræna ophis. Linné, édition de Gmelin. Murène serpent taché. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, Muræna teres, gracilis, maculosa, etc. Artedi, gen. 24, syn. 41 Bloch, pl. 154. Serpens marious maculosus. Lister, Append, p. 19. Ray, P: 37: PT STORE NS AUTRUNRI BAR, 707 mité avec celui des véritables reptiles; et sa manière de se mouvoir sinueuse, vive et rapide , rapproche ses habitudes de celles de ces derniers animaux. Il se con- tourne d’ailleurs avec facilité ; il se roule et déroule; et ces évolutions sont d'autant plus agréables à voir, que ses proportions sont très-sveltes, et ses couleurs gracieuses. Le plus souvent son diamètre le plus grand nest que la trentième ou même la quarantième partie de sa longueur totale, qui s'étend quelquefois au-delà de plus d’un mètre; et sa petite tête, son corps, sa queue, ainsi que sa longue et très-basse nageoire dor- sale, présentent sur un fond blanc, ou blanchâtre, plusieurs rangs longitudinaux de taches rondes ou ovales , qui , par leur nuance foncée et leur demi-régu- larité, contrastent très-bien avec la teinte du fond. On voit des dents recourbées , non seulement le long des mâchoires, mais encore au palais. L'ophis habite dans les mers européennes *. | %* A la membrane des branchies 10 rayons, à chacune des nageoires pectorales 10 à la nageoire du dos 136 à celle de l’anus as mm L'OP HISURE SE R DENNRRS CerrTrEe seconde espèce d'ophisure est plus grande que la première : elle parvient fréquemment à la longueur de près de deux mètres. Elle habite non seulement dans les eaux salées voisines de la campagne de Rome, mais encore dans plusieurs autres parties de la mer Médi- terranée. Elle y a été nommée plus souvent que presque tous les autres poissons, serpent marin, et elle y a été connue d'Aristote , qui la distinguoit par le mème nom de serpent marin, de serpent de mer. Ses habitudes res- semblent beaucoup à celles de l'ophis : ses mouvemens sont aussi agiles, ses inflexions aussi multipliées, ses circonvolutions aussi faciles, sa natation aussi rapide, * Ophisurus serpens. Muræna serpens. Zinné, édition de Gmelin. Murène serpent sans tache. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Muræna exactè teres, etc. Artedi, gen. 24, syn. 41. Ogu SandrTis, Arist, Lib. 2, cap, 145 et lib. o, cap. 37. Serpens marinus. Sa/v. fol. 57, a.ad iconem, et fol. 58, a. Serpent marin. Rondelet, première partie, liv. 14, chap. 6. Gesner, p.862, 864, 1037, et (germ.) fol. 47, b. Aldrov. lib. 3, cap. 24, p. 346. Jonston, lib. 1, tit. 1, cap, 2, a. 5, p.16, tab. 4, fig. 5. Charlet. Onom. p.155. Villughby, p.107. Raj. p. 36. Serpent marin. Valmont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle, ÉPI SCT OM RES N À TURF 'RPÈ LE. 199 et ses courses ou ses jeux plus propres encore à charmer les yeux de ceux qui sont à portée de l’observer, parce qu'elle offre des dimensions plus grandes , sans cesser d'avoir des proportions aussi sveltes. On ne voit pas sur son Corps les taches rondes ou ovales qui distinguent l'ophis. Elle est jaunâtre sur le dos, blanchâtre sur sa partie inférieure; et sa nageoire dorsale ainsi que celle de l'anus sont lisérées de noir. On compte dix rayons à la membrane des branchies, et seize à chacune des nageoires pectorales. VINGT-HUITIÈME GENRE: LES: TR L'Ü RES La nageoire de la queue trés-courte; celle du dos et celle de l'anus étendues jusqu'au- dessus et au-dessous de celle de la queue ; le museau avancé en forme de tube ; une seule dent & chaque machoire. ESPÈCE, EARACTÈRES. Une valvule en forme de croissant, et fermant, à la volonté de P’animal , la partie de l’ou- LE TR. BQUGAINVILLIEN. | verture des branchies laissée libre par la (Tréurus bougainvillianus. )\ membrane branchiale qui est attachée à la têle ou au corps dans presque tout som contour. LE TRIURE BOUGAINVILLIEN *, Nous venons d'écrire l'histoire des poissons apodes renfermés dans la première division des osseux, et qui sont dénués de nageoire caudale : examinops mainte- nant ceux du même ordre qui en sont pourvus; et com- mencons par ceux qui n’en ayant qu'une assez courte, lient, par une nuance intermédiaire, les premiers avec les seconds. Plaçons ici, en conséquence, ce que nous avons à dire d'un poisson du premier ordre des osseux, dont les manuscrits du savant Commerson nous ont présenté la description , qui n’a été encore observé par aucun autre naturaliste, et que nous avons dû inscrire dans un genre particulier. Nous avons déja donné le nom de commerson à une lophie ; donnons au poisson que nous allons décrire, le nom de notre fameux navigateur et mon respectable confrère Bougainville, avec lequel Commerson voya- geoit dans la mer du Sud, lorsqu'il eut occasion d’exa- miner le triure dont nous allons parler. Ce fut entre le 26 et le 27° degré de latitude australe; * Triurus bougainvillianus. Tricaud, ou bacha de mer; triurus, vel triplurus, vel tricaudus bidens, rictu fistulari, pinnis ventralibus carens, caudà subfimbriatä, abortivä, pinnis dorsi et ani huic adjectitiis succedaneisque, Commerson, manuscrits déja cités. TOME IL 26 202 H:1 S'T'O'TR E7 N'ASDIUTREF ENTLSE et près du 103 ou du 104° degré de longitude, qu'un hasard mit Commerson à même de voir cette espèce très- digne d'attention par ses formes extérieures. On venoit de prendre plusieurs poissons du genre des scombres. Commerson les ayant promptement dissé- qués, trouva dans l'estomac d'un seul de ces animaux cinq triures très-entiers, et que la force digestive du scombre n’avoit encore altérés en aucune manière. Leur forme extraordinaire frappa , dit Commerson, les sens de l'équipage, qui s'écrièrent tous qu'ils n’avoient jamais vu de semblables poissons. Quant à lui, il crut bientôt après avoir retiré ces cinq triures de l'estomac du scombre, en voir plusieurs de la mème espèce se jouer sur la surface de la mer. Il étoit alors dans le mois-de février de 1768 (>. s1.). Quoi qu'il en soit, voici quels sont les traits de cette espèce d'osseux apode, dont les individus examinés par le très-exact et très- éclairé Commerson avoient à peu près la grandeur et l'aspect d’un hareng ordinaire. La couleur du triure bougainvillien est d’un brun rougeâtre qui se change en argenté sous la tête, et en incarnat, ou plutôt en vineux blanchâtre, sur les côtés, ainsi que sur la partie inférieure du corps et de la queue, et qui est relevé par une tache d’un blanc très-éclatant derrière la base des nageoires pectorales. L'ensemble du corps et de la queue est comprimé, et alongé de manière que la longueur totale de l'animal, sa plus grande hauteur et sa plus grande largeur, sont D'EXSMNUPI O0 I S'SLOUNES 203 dans le même rapport que 71, 18 et 10. Ce même ensemble est d’ailleurs entièrement dénué de piquans, et revêtu d'écailles si petites et si enfoncées , pour ainsi dire, dans la peau à laquelle elles sont attachées, qu'à la première inspection , on pourroit croire l'animal entièrement sans écailles, La tête, qui est comprimée comme le corps, et qui de plus est un peu aplatie par-déssus, se termine par un museau très- prolongé fait en forme de tube assez étroit, et dont l'extrémité présente pour toute ouyer- ture de la bouche, un orifice rond, et que l'animal ne peut pas fermer. Dans le fond de cette sorte de tuyau sont les deux mâchoires osseuses, composées chacune d’une seule dent incisive et triangulaire. On n’appercçoit pas d’autres dents ni sur le palais, ni sur la langue, qui est très- courte , cartilagineuse, et cependant un peu charnue dans son bout antérieur, lequel est arrondi. Les ouvertures des narines sont très-petites et placées plus près des orbites que de l'extrémité du museau. Les yeux sont assez grands, peu convexes, dépourvus de ce voile membraneux que nous avons fait remarquer sur ceux des gymnotes , des ophisures, et d’autres pois- sons; et l'iris brille des couleurs de l'or et de l'argent. C'est au-dessous de la peau qu'est placé chaque opercule branchial, qui d’ailleurs est composé d'une lame osseuse, longue, et en forme de faux. La mem- brane branchiale renferme cinq rayons un peu aplatis 204 HIS"T OÏIRE" NATURE LIHIE et courbés, qu'on ne peut cependant appercevoir qu'à l'aide de la dissection. Cette membrane est attachée à la tête ou au Corps dans presque tout son contour, de manière qu'elle ne laisse pour toute ouverture des branchies qu'un très-petit orifice situé dans le point le plus éloigné du museau. Nous avons vu une confor- mation analogue en traitant des syngnathes ; nous la retrouverons sur les callionymes et sur quelques autres poissons : mais ce qui la rend sur-tout très -remar- quable dans le triure que nous faisons connoître, c’est qu'elle offre un trait de plus dont nous ne connoissons pas d'exemple dans la elasse entière des poissons ; et voilà pourquoi nous en avons tiré le caractère distinc- tif du bougainvillien. Cette particularité consiste dans une valvule en forme de croissant, charnue , mollasse, et qui, attachée au bord antérieur de l'orifice branchial, le ferme à la volonté de l'animal, en se rabattant sur le: côté postéricur.Le triure bougainvillien estdonce de tous les poissons connus celui qui a recu l'appareil le plus compliqué pour empêcher l'eau d'entrer dans la cavité branchiale, ou de sortir de cette cavité en passant par l'ouverture des branchies; il a un opercule, une mem- brane et une valvule: et la réunion, dans cet animal, de ces trois moyens d'arrêter l'entrée ou la sortie de l'eau , est d'autant plus digne d'attention, que, d'après les expressions de Commerson, il paroît que ce triure ne peut pas fermer à sa volonté l'orifice placé à l'extré- mité du long tube formé par son museau, et que ce D'ÆEUSIUIRN OO! 1'SHSTONNEES. 2CD tube peut servir de passage à l'eau pour entrer par la bouche dans la véritable cavité branchiale, ou pour en sortir. Mais nous avons assez parlé des organes du triure relatifs à la respiration. On ne voit pas de ligne latérale bien sensible. Le bas du ventre se termine en carène aiguë dans presque toute sa longueur; et l'anus, qui est situé à l'extrémité de l’abdomen, consiste dans une ouverture un peu alongée. Les nageoires pectorales sont petites, délicates , transparentes, paroissent presque triangulaires lors- qu'elles sont déployées , et renferment douze ou treize rayons. La nageoire de l'anus, composée de quinze rayons mous, ou environ, se dirige en arrière; et sa pointe aiguë s'étend presque aussi loin que le bord postérieur de la nageoire de la queue, dont elle représente un supplément, et paroit même former une partie. La nageoire dorsale ne se montre pas moins comme une auxiliaire de la nageoire de la queue. Formée d’un égal nombre de rayons que celle de anus, partant d'un point plus éloigné de la tête, et ayant un tiers de lon- gueur de plus, elle s'étend en arrière non seulement presque autant que la nageoire caudale , mais encore plus loin que cette dernière. Et comme les deux nageoires dorsale et de l'anus touchent d'ailleurs la nagcoire de la queue, cette nageoire caudale semble , 206 HISTOIRE NATURELTDE au premier coup d'œil, être composée de trois parties bien distinctes; on croit voir trois queues à l'animal ; et de là viennent les dénominations de zriurus, de tri- plurus, de tricaud, c'est-à-dire , d'animal à trois queues, de bacha de la mer, etc. employées par Commerson, et dont nous avons conservé le nom générique de #riurus, 4riure. Au reste, la nageoire caudale proprement dite est si courte, que, quoique composée d'une vingtaine de rayons, elle ressemble beaucoup plus à ébauche d'un organe qu'a une partie entièrement formée. Elle paroît frangée, parce que les rayons qu'elle renferme sont mous, articulés, et très-divisés vers leur extrémité. Le triure bougainvillien n'auroit donc pas vraisem- blablement une grande force pour nager au milieu des eaux de la mer, si la nature et le peu de surface de sa véritable nageoire caudale n'étoient compensés par la forme, la position et la direction de la nageoire du dos et de celle de l'anus; mais nous pensons, avec Commerson, que, par le secours de ces deux nageoires accessoires, le triure doit se mouvoir avec facilité, et s'élancer avec vitesse dans le sein des mers qu'il habite. Telle est l'image que nous pouvons former du triure bougainvillien, en réunissant les traits précieux trans- mis par Commerson. Quant à l'organisation intérieure de ce poisson, voici ce qu'en a écrit notre voyageur. Le foie est d'un rouge très-pâle, parsemé de points D ES P= OT 'SAISMOLNES. 207 sanguins , et composé de deux lobes convexes, inégaux, et dont le droit est le plus grand. Le canal intestinal est étroit, diminue insensible- ment de grosseur depuis le pylore , se recourbe et se replie sur sa direction quatre ou cinq fois. Commerson n'a trouvé qu'une matière liquide et blanchâtre dans l'estomac, qui est petit, et placé trans- versalement. Le cœur est presque triangulaire, d'un rouge pâle, avec une oreillette très-rouge. Commerson n'a pas vu de vésicule natatoire ; mais il ne sait pas si son scalpel ne l'a pas détruite. Le poids du plus grand des triures bougainvilliens examinés par ce naturaliste , étoit, à très-peu près, de 132 grammes. VINGT-NEUVIÈME GENRE. LES APTÉRONOTES. Une nageoire de la queue; point de nageoire du dos; les maächoires non extensibles. ESPÈCE. CARACTÈRES. L’APTÉRONOTE PASSAN. {Un long filament charnu, placé au-dessus de (Apteronotus passan,) U Ja partie supérieure de la queue, L'AP'TÉRONO'FE "PLS SAINAE Le nom d'aptéronote, qui veut dire sans nagcoire sur le dos, désigne la même conformation que celui de gyr1- note, qui signifie dos nud. Et en effet, le passan , comme les gymnotes, n'a pas de nageoire dorsale ; mais nous avons dû le séparer de ces derniers, parce qu’indé- pendamment d’autres grandes différences, il a une pageoire caudale, dont ils ne présentent aucun linéa- ment. Nous l'avons donc inscrit dans un genre parti- culier, auquel cependant nous avons été bien aises de donner un nom qui, en faisant éviter toute équivoque, rappelât ses rapports, et, pour ainsi dire, sa parenté avec la famille des gymnotes. Le passan a le museau très-cbtus; la tête dénuée d'écailles sensibles, et parsemée de très-petits trous destinés à répandre une humeur visqueuse ; l'ouverture de la bouche étendue jusqu’au-delà des yeux, qui sont voilés par une membrane comme ceux des gymnotes; les orifices des narines à une distance à peu près égale des yeux et du bout du museau ; et les deux mâchoires * Apteronotus passan, Gymnote passan. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, Gymnotus albifrons. Linné, édition de Gmelin. Pallas, Spicil. zoolog. 7, p. 35, 1ab. 6, fig. 1, TOME 11, 27 210 HS TOUR E NTANTAUPREEMIEMERE festonnées de manière que la mâchoire supérieur. sente une portion saillante à son extrémité, ainsi que quatre autres parties avancées, deux d'un côté et deux de l'autre, et que la mâchoire inférieure oppose un enfoncement à chaque saillie et une saillie à chaque enfoncement de la mâchoire d'en-haut, dans laquelle d’ailleurs elle s’emboîite. Les opercules des branchies sont attachés dans la plus grande partie de leur contour, et les ouvertures branchiales un peu en demi-cercle. Par une conformation bien rare, et bien remarquable mème à côté de celles qu'offrent les apodes de la pre- mière division des osseux et particulierement les gym- notes, l'anus est si près de la tête, qu'il est situé dans le petit espace anguleux qui sépare les deux membranes branchiales, et très-près du point où elles se réu- nissent. Derrière l'anus, on voit un orifice que l’on croit destiné à la sortie de la laite, ou des œufs. Mais nous allons décrire une conformation plus sin- gulière encore. Vers le milieu de la partie supérieure "de l'animal comprise entre la tête et la nageoire caudale, com- mence une sorte de filament, ou de lanière charnue très-longue et très-déliée. Le savant naturaliste du Nord, le célèbre Pallas, auquel on doit un si grand nombre de découvertes en histoire naturelle, a le premier fait attention à cette espèce de lanière. Et voyant que ce long filament convexe par-dessus et D'AEMSMEMOLT SSAOPNESE 2) (3 « comme excavé par - dessous répondoit à une sorte de canal longitudinal dont les dimensions paroissoient se rapporter exactement à celles du filament, il fut d'abord tenté de croire que l’on avoit entaillé le dos de l'animal , et qu'on en avoit détaché une lanière, au point quelle ne füt retenue que par son extrémité an- térieure. Il s'apperçut cependant bientôt que la con- formation qu'il avoit sous ses yeux, étoit naturelle : mais l'état d'altération dans lequel étoit apparemment le passan de la collection de l'académie de Pétersbourg, empêcha ce savant professeur de connoître dans tous ses détails la véritable conformation du filament ; et comme depuis la description publiée par ce natura- liste on n’a pas cru devoir chercher à ajouter à ce qu'il a écrit, la vraie forme de cette portion du passan n'est pas encore connue de ceux qui cultivent les sciences naturelles. La voici telle que j'ai pu la voir sur un individu très-bien conservé qui faisoit partie de la collection donnée à la France par la république batave; et la figure que j'ai fait dessiner et graver en donnera une idée très-nette. Cette lanière charnue est en effet convexe par- dessus, concave par-dessous, attachée par son gros bout vers le milieu du dos de l’aptéronote, et répon- dant à un £anal dont les dimensions diminuent à me- sure qu'elle devient plus déliée, ainsi que l’a très-bien dit le professeur Pallas ; mais ce que ce naturaliste n’a pas été à mème de voir, et ce qui est plus extraordi- 219 HAS T:O TL RE INA TA UMRAEMTEMIENE naire, c'est que ce filament est attaché aussi, par son bout le plus menu, très-près de l’origine de la nageoire de la queue. Lorsqu'on le soulève, on le voit retenu par ses deux bouts, formant une espèce d'arc dont la queue de l'animal est la corde; et de plus on appercoit très- distinctement une douzaine de petits fils qui vont du canal longitudinal à cette lanière , la retiennent comme par autant de liens, sont inclinés vers la na- geoire caudale, et se couchent dans le canal longitu- dinal, lorsqu'on laisse retomber le grand filament dans la longue gouttière qu'il remplit alors en entier. C'est de la présence de cette lanière que nous avons tiré le caractère spécifique du passan. La nageoire de l'anus commençant tres-près de cette dernière ouverture, s'étend presque depuis la gorge jusqu'à la base de la nageoire caudale ; elle comprend de 147 à 152 rayons”. Le corps et la queue sont couverts d'écailles petites et arrondies. L'animal est de deux couleurs, d'un noir plus ou moins foncé, et d'un blanc éclatant. Ce blanc de neige s'étend sur le museau ; il règne ensuite en forme de bande étroite depuis le devant de la tête jusqu'à la partie postérieure de la queue, qui est blanche ainsi que la nageoire caudale, et la dernière partie de celle * À chacune des nageoires pectorales, de 15 à 16 rayons- à celle de Ja queue, de 20 à 24 D ESP IO I S'STONNSS 213 de l'anus. C’est cette portion très-blanche de la nageoire de l'anus, dont l’image a été oubliée par quelques uns de ceux qui ont représenté le passan ; et voilà pourquoi on lui a attribué une nageoire de l'anus beaucoup plus courte que celle qu'il a réellement. Cet aptéronote parvient quelquefois jusqu’à la lon- gueur de quatre décimètres. On le trouve dans les environs de Surinam. PRÉN CIEME "CGR NEe’E LES 'REGALECOS. . Des nageoïres pectorales, du dos, et de la queue ; point de nageoire de l'anus, ni de série d'aiguillons à la place de cette derniére nageoïre; le corps et la queue très-alongés. ESPÈCES. CARACTÈRES. Un long filament auprès de chaque nageoire 4. LE RÉGALEC GLESNE. pectorale; une nageoire dorsale régnant { Regalecus glesne.) | depuis la nuque jusqu’à la nageoire, de la queue, avec laquelle elle est réunie. 2. LE RÉGALEC LANCÉOLÉ. ( Regalecus lanceolatus.) La nageoire de la queue lancéolée ; les oper- cules composés seulement de deux ou trois pièces, BA RUE GA C -'CL'ESINVESS EE _— Pcus on fait de progrès dans l'étude des corps orga- nisés , et plus on est convaincu de cette vérité impor- tante, que toutes les formes compatibles avec la con- servation des espèces, non seulement existent, mais encore sont combinées les unes avec les autres de toutes les manières qui peuvent se concilier avec la durée de ces mêmes espèces. L'histoire des poissons apodes de la première division des osseux nous fournit un exemple remarquable de cette variété de combinaisons. Dans les dix-neuf genres de cet ordre , les diverses nageoires du dos, de la poitrine, de l'anus, et de la queue, montrent en effet par leur présence, ou par leur absence, un assez grand nombre de modes différens. Les cécilies sont absolument sans nageoires ; les monoptères n'en ont qu'une qui est placée au bout de la queue; on en voit deux sur les leptocéphales, dont le dos est garni d’une de ces deux nageoires, pendant que l’autre est située entre leur queue et leur anus ; les trichiures n’en ont qué sur le dos et des deux côtés de la poitrine; les ——_—_————————————————…——————— ——_—_——_—_————. * Regalecus glesne. Sild konge , sild tulst , ex Norvége. ; Regalecus glesne. Ascagne, figures enluminées d'histoire naturelle, cah, 2 D: D, PLNIT. Muller, Zoologiæ Danicæ prodromus. Régalec glesne. Bonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. 216 H L'S'T ON RE VENVAMEIUERMPSEAMTNE gymnotes ; qui en ont de pectorales et une de l'anus, en sont dénués sur le dos et à l'extrémité de la queue; les notoptères et les ophisures en déploient uniquement sur le dos, au-delà de l'anus, et des deux côtés de la partie antérieure de leur corps; les triures ne réunissent aux nageoires du dos , de la poitrine et de l'anus, que des rudimens d'une nageoire de la queue; on apper- çoit une nageoire caudale, deux pectorales et une nageoire de l'anus sur les aptéronotes , mais leur dos est sans nageoire ; les quatre sortes de nageoires ont été données aux odontognathes, aux murènes, aux ammodytes, aux ophidies, aux macrognathes, aux xiphias, aux anarhiques , aux coméphores, aux stro- matées, aux rhombes ; et enfin les régalecs ont reçu une nageoire du dos, une nageoire de la queue, et deux pectorales, sans aucune apparence de nageoire de l'anus. Cette absence d'une nageoire anale suffiroit seule pour séparer le genre des régalecs de tous les autres genres de son ordre, excepté de celui des cécilies, de celui des monoptères, et de celui des trichiures; mais comme les trichiures ont une série d'aiguillons à la place de la nageoïre anale, que les monoptères n’ont qu'une seule nageoire, et que les cécilies n'en ont pas du tout, on peut dire que cet entier dénuement de nageoire de l'anus distingue véritablement les régalecs de tous les apodes inscrits dans la première division dés poissons osseux, et avec lesquels on pourroit les con- fondre. D E S LMO TL SESMONNELS: 217 Le naturaliste Ascanius est le premier auteur qui ait fait mention du régalec. On n'a compté jusqu'à présent dans ee genre, qu’une espèce que l’on nomme glesne, et qui habite auprès des côtes de Norvége. Le régalec glesne a d'assez grands rapports avec les tri- chiures et les ophisures. Le corps et la queue sont très-alongés et comprimés, les mächoires armées de dents nombreuses, les opercules composés de cinq ou six pièces, les membranes branchiales soutenues par cinq ou six rayons, les nageoires pectorales très- petites. Au-dessous de chacune de ces deux dernières nageoires, on voit un filament renflé par le bout, et dont la longueur est égale ordinairement au tiers de celle de l'animal. On compte, en quelque sorte, deux nageoires dorsales : la première, qui cependant est une série de piquans plutôt qu'une véritable nageoire, commence dès le sommet de la tête, et est composée de huit aiguillons ; la seconde s'étend depuis la nuque jusqu'a la nageoire caudale , avec laquelle elle se réunit et se confond. Tout le corps du poisson est argenté, semé de petits points noirs disposés en raies longitudinales , et varié dans ses nuances par trois bandes brunes placées transversalement sur la partie postérieure de la queue. Comme on le rencontre souvent, ainsi que la chi- mère arctique , au milieu des innombrables légions de harengs , qu'il est argenté comme ces derniers animaux, qu'il a l'air de les conduire, et qu'il parvient à des TOME Il. | 20 218 HISTOIRE NATURELLE, dimensions assez considérables, on l’a nommé, ainsi que la chimère du Nord, roi des harengs; et c'est ce que désigne le nom générique de régalec, qui lui a été conservé. LE-RÉGALEC LANCEOLEE Nous plaçons dans le même genre que le glesne, une espèce de poisson dont nous avons vu une figure coloriée, exécutée avec beaucoup de soin, et parmi les dessins chinois cédés par la Hollande à la France, et desquels nous avons déja parlé plusieurs fois. Nous avons donné à ce régalec, dont les naturalistes d'Europe n’ont encore publié aucune description , le nom spécifique de /zncéolé, parce que la nageoire qui termine sa queue a la forme d'un fer de lance. Cet animal est dénué d’une nageoire de l'anus comme le glesne : il a, comme ce dernier osseux, deux na- geoires dorsales , très-basses et très-rapprochées; mais ces deux nageoires sont, en quelque sorte, triangu- laires : la première n'est point composée d'aiguillons détachés, et la seconde ne se confond pas avec l’anale comme sur le glesne. Chacun des opercules n'est com- posé que de deux ou trois pièces, tandis qu'on en compte cinq ou six dans chaque opercule du régalec de Norvége. Le lancéolé a d’ailleurs le corps très-alongé et serpentiforme , comme le régalec d'Europe; mais ce poisson chinois, au lieu d'être argenté, est d'une cou- leur d’or mêlée de brun. * Regalecus lanceolatus. Ce régalec est représenté sous le nom d’opAidie chinoise, dans la planche vingt-deuxième du premier volume de cette ÆZistoire des poissons, TRENTE-UNIÈME GENRE. LES ODONTOGNATHES. Une lame longue, large, recourbée, dentelée, placée de chaque côté de la mächoire supérieure, et entrainée par tous les mouvemens de la mächoire de dessous. ESPÈCE: CARACTÈRES. Huit aiguillons recourbés, situés sur la poi- L’ODONT: AIGUILLONNÉ. trine ; vingt-huit autres aiguillons disposés (Odontagnath.mucronatus.)| sur deux rangs longitudinaux , et placés sur le ventre. L'ODONTOGNATHE AIGUILLONNÉ *. Pari plusieurs poissons que le citoyen Leblond nous a fait parvenir assez récemment de Cayenne, s'est trouvé celui que j'ai cru devoir nommer odontognathe aiouillonne. Non seulement cet osseux n’a encore été décrit par aucun naturaliste, mais il ne peut être placé dans aucun des genres admis jusqu'a présent par ceux qui cultivent l'histoire naturelle. Sa tête, son corps et sa queue sont très-comprimés. Mais ce qui doit le faire observer avec le plus d'attention, c'est le mécanisme particulier que présentent ses mâchoires, et dont on ne trouve d'exemple dans aucun poisson connu. Mon- trons en quoi consiste ce mécanisme, La mâchoire inférieure, plus longue que la supé- rieure, est très-relevée contre cette dernière , lorsque l'animal a sa bouche entièrement fermée; elle est même si redressée dans cette position, qu'elle paroît presque verticale. Elle s’abaisse, en quelque sorte, comme un pont-levis, lorsque le poisson ouvre sa bouche; et on s'apperçoit facilement alors qu'elle forme une espèce de petite nacelle écailleuse, très-transparente, sillon- née par-dessous, et finement dentelée sur ses bords. Cette mâchoire de dessous entraîne en avant, lors- * Odontognathus mucronatus, 929 H I ST O TR E CON A TOUR EF UE qu'elle s'abaisse, deux pièces tres-longues, ou, pour mieux dire, deux lames très-plates, irrégulières, de substance écailleuse, un peu recourbées à leur bout postérieur, plus larges à leur origine qu'a leur autre extrémité, dentelées sur leur bord antérieur, et atta- chées l’une d'un côté, l’autre de l'autre, à la partie la plus saillante de la mâchoire supérieure. Lorsque ces deux lames ont obéi le plus possible au mouvement en en-bas de la mâchoire inférieure, elles se trouvent avancées de manière que leurs extrémités dépassent la verticale que l'on peut supposer tirée du bout du museau vers le plan horizontal sur lequel le poisson repose. C'est au milieu de ces deux pièces que l'on voit alors la mâchoire inférieure abaissée et étendue en avant; et dans cette attitude, le contour de la bouche est formé par cette mème mächoire de dessous, et par les deux lames dentelées qui sont devenues comme les deux côtés de la mâchoire supérieure. Tant que la bouche reste ouverte, les lames dépassent par le bas la mâchoire inférieure; mais lorsque celle-ci remonte pour s'appliquer de nouveau contre la mâ- choire supérieure et fermer la bouche , chacune des deux pièces 5e couche contre un des opercules , et paroit n'en être que le bord antérieur dentelé. C'est des dentelures que nous venons d'indiquer en montrant le singulier mécanisme des mâchoires de l'aiguillonné, que nous avons tiré le nom générique de cet animal, odontognathe signifiant par un seul mot, D: ES MPuOrcL S SION: 29 ainsi que cela est nécessaire pour la dénomination d'un genre, à mdchoires dentelées. Au milieu de ces mâchoires organisées d’une ma- nière si particulière, on voit une langue pointue et assez libre dans ses mouvemens. Les opercules, compo- sés de plusieurs pièces, sont très-transparens dans leur partie postérieure, écailleux et très-argentés dans leur partie antérieure, La membrane des branchies, qui est soutenue par cinq rayons, est aussi argentée par-dessus ; etil n'est pas inutile de faire observer à ceux qui auront encore présentes à leur esprit les idées que notre pre- mier Discours renferme sur les couleurs des poissons, que dans un très-grand nombre d'osseux qui vivent aux environs de la Guiane et d’autres contrées équatoriales de l'Amérique , la membrane branchiale est plus ou moins couverte de ces écailles très - petites et très- éclatantes qui argentent les diverses parties sur les- quelles elles sont répandues. La poitrine , terminée vers le bas en carène aiguë, présente sur cette sorte d'arête huit aiguillons recour- bés. On distingue de plus, au travers des tégumens et de chaque côté du corps, quatorze côtes peu courbées, dont chacune est terminée par un aiguillon saillant à l'extérieur, et se réunit, pour former le dessous du ventre, à celle qui lui est analogue dans le côté du corps opposé à celui auquel elle appartient. Il résulte de cet arrangement, que la carène du ventre est garnie de vingt-huit aisuillons disposés sur deux rangs longitu- 264 HILS DOLRE NO UMR IE TOLLE: dinaux; et c'est de cette double rangée que vient le nom spécifique d'aiguillonné, par lequel nous avons cru devoir distinguer le poisson osseux que nous décrivons. La nageoire de l'anus est très-longue, et s'étend presque jusquà la base de celle de la queue, qui est fourchue *. Celle du dos est placée sur la queue proprement dite, vers les trois quarts de la longueur totale de l'animal; mais elle est très-petite. D'après l'état dans lequel nous avons vu l'individu envoyé au Muséum national d'histoire naturelle par le citoyen Leblond, et conservé déja depuis quelque temps dans de l'alcool affoibli, nous pouvons seu- lement conjecturer que l’odontognathe aiguillonné présente, sur presque tout son corps, le vif éclat de l'argent. Nous le présumons d'autant plus, que cet ani- mal a recu dans les environs de Cayenne, suivant le citoyen Leblond , le nom vulgaire de sardine, nom donné depuis long-temps à une clupée argentée sur une grande partie de son corps, et qui d'ailleurs n’a aucune ressemblance extérieure bien frappante avec l'aiguillonné. Comme la sardine , l’odontognathe dont nous parlons, est bon à manger, et vit dans l'eau salée. 11 parvient à la longueur de trois décimètres. * A chacune des nageoïres pectorales 12 rayons. à la nageoire du dos Gou 7 à celle de Panus 80 à celle de la queue 19 TRENTE-DEUXIÈME GENRE. LES MURÈNES. Des nageoires pectorales, dorsale, caudale, et de l'anus; les narines tubulées; les yeux voilés par une mem- brane; le corps serpentiforme et risqueux. ESPÈCES, CARACTÈRES. La mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure ; cent rayons , ou environ , à la (Muræna anguilla.) nageoire de l’anus ; le dessus du corps et de la queue sans tache. 1. LA MURÈNE ANGUILLE. La mâchoire inférieure plus avancée que la supéri ; trente-six rayons, ou environ 2. LA MURÈNE TACHETÉE. 1 GS rt ns A À, à la nageoire de l’anus; la couleur verdâtre ; (Muræna guttata.) à L de petites taches noires; une grande tache de chaque côté et auprès de la tête. Le museau un peu pointu; deux petits appen- 3. LA MURÈNE MYRE.) dices un peu cylindriques à la levre supé- (Muræna myrus.) rieure; la nageoire du dos toute cendrée, ou blanche et lisérée de noir. 4. LA MURÈNE CcONGRE. Deux appendices un peu cylindriques à Ja (Muræna conger.) { lèvre supérieure ; la ligne latérale blanche. TOME II. 29 k LA MUREÉNE ANGUILDEN Ts est peu d'animaux dont on doive se retracer l'image avec autant de plaisir que celle de la murène anguille. Elle peut être offerte, cette image gracieuse, et à l'enfance folâtre, que la variété des évolutions amuse , et à la vive jeunesse, que la rapidité des mou- vemens enflamme, et à la beauté, que la grace, la * Muræna anguilla. Margaignon (anguille mâle), dans plusieurs départemens méridionauæ de France. Fine (anguille femelle ), 28:d. Paglietane, dans plusieurs contrées d'Italie. Gavonchi, 2bid. Musini, zbid. Miglioramenti, lorsqu'elle pèse six kilogrammes; auprès des lacs ou marais de Commachio, d’'Orbitello, etc. en Italie. Capitoni, lorsqu'elle a le méme poids; ibid. Rocche, /orsque son poids est de deux kilogrammes; ibid. Anguillacei, lorsque son poids n’est que d’un kilogramme et demi; ibid, Presciatti, lorsqu'elle est très-petite; ibid, Abl, ex allemand. Al, en suédois. Eel, en anglots. Muræna anguilla. Zinné, édition de Gmelin. Murène anguille. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. PBonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. Muræna unicolor, ete. Artedi, spec. 66, gen, 24, syn. 39e Gron. Mus. 1, p.16, n. 45; Zooph. p. 40, n, 60. Eel, Brit. Zoolog. 3, p.142, n, 12. Bloch, pl, 73, HIS IOMRRIES °N-AUTQU RENE: E. 227 souplesse, la légéreté, intéressent et séduisent, et à la sensibilité, que les affections douces et constantes touchent si profondément, et à la philosophie même, qui se plaît à contempler et le principe et l'effet d'un instinct supérieur. Nous l'avons déja vu, cet instinct supérieur, dans l'énorme et terrible requin : mais il y étoit le ministre d'une voracité insatiable, d’une cruauté sanguinaire, d'une force dévastatrice. Nous avons trouvé dans les poissons électriques une puissance ; pour ainsi dire, magique; mais ils n'ont pas eu la beauté en partage. Nous avons eu à représenter des formes remarquables ; presque toujours leurs couleurs Anguille. 7almont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. H'éyxéaus. Ælomer. Iliad. lib. 21. Id. Arist. lib. 2, cap. 13,15, 17; lib. 4, cap. 8, 115 Ub.5, cap. b; lib.6, cap. 13,16; et lib. 8, cap. 2. Id. then. lib. 7. Id. Ælian. lib. 14, cap. 8. Id. Oppian. Æal, lib, 1. Anguilla. Zarro, lib, 4. Id. Plin. lib. 9, cap. 21, 22, bx ; et Lib. 32, cap. 2, « Id. Cuba, lib. 3, cap. 2, fol. 7x, a. Id. Bellon. Id. Rondelet, seconde partie, Des poissons de rivière, chap, 20. Id. Salvian. fol. 64, a. 66, etc. Id. Gesner, p. 40; et germ. fol. 177, b. Id. Schones. p. 14. Id. Aldrov. lib. 4, cap. 14, p. 544. Id. Jonston, lib. 2, tit. 2, Cap. 4, P« 114, tab. 24 fig. Fe Id. Charlet. p. 153. 14. 7Pillughby, p. 109. Id. Raj. p. 37. Ad. Laurent. Roberg. Pise, Upsal, p. 4. 226 HISTOIRE NATURELLE étoient ternes et obscures. Des nuances éclatantes ont frappé nos regards ; rarement elles ont été unies avec des proportions agréables ; plus rarement encore elles ont servi de parure à un être d'un instinct élevé. Et cette sorte d'intelligence, ce mélange de l'éclat des métaux, et des couleurs de l’arc céleste, cette rare con- formation de toutes les parties qui forment un même tout et qu'un heureux accord a rassemblées, quand les avons-nous vus départis avec des habitudes, pour ainsi dire, sociales, des affections douces, et des jouissances, en quelque sorte, sentimentales? C'est cette réunion si digne d'intérêt, que nous allons cepen- dant montrer dans l'anguille. Et lorsque nous aurons compris sous un seul point de vue sa forme déliée, ses proportions syveltes, ses couleurs élégantes, ses flexions gracieuses, ses circonvolutions faciles, ses. élans rapides, sa natation soutenue, ses mouyemens semblables à ceux du serpent, son industrie, son ins- tinct, son aflection pour sa compagne, son espèce de sociabilité, et les avantages que l'homme en retire chaque jour, on ne sera pas surpris que les Grecques et les Romaines les plus fameuses par leurs charmes aient donné sa forme à un de leurs ornemens les plus recherchés, et que l’on doive en reconnoître les traits, de même que ceux des murénophis, sur de riches bra- celets antiques, peut-être aussi souvent que ceux des couleuvres venimeuses dont on a voulu pendant long- temps retrouver exclusivement l’image dans ces objéts D\'ESMMEMON]:, SNSAONNIES 220 de luxe et de parure; on ne sera pas même étonné que ce peuple ancien et célèbre qui adoroit tous les objets dans lesquels il voyoit quelque empreinte de la beauté, de la bonté, de la prévoyance, du pouvoir ou du cour- roux célestes, et qui se prosternoit devant les ibis et les crocodiles, eût aussi accordé les honneurs divins à l'animal que nous examinons. C’est ainsi que nous avons vu l'énorme serpent devin obliger, par l’effroi, des nations encore peu civilisées des deux continens, à courber une tète tremblante devant sa force redou- table , que l'ignorance et la terreur avoient divinisée ; et c’est ainsi encore que par l'effet d’une mythologie plus excusable sans doute, mais bien plus surprenante, car, fille cette fois de la reconnoiïissance et non pas de la crainte, elle consacroit l'utilité et non pas la puissance, les premiers habitans de l'isle Saint-Do- mingue, de même que les Troglodytes dont Pline a parlé dans son Histoire naturelle, vénéroient leur dieu sous la forme d’une tortue *. On ne s’attendoit peut-être pas à trouver dans l’an- guille tant de droits à l'attention. Quel est néanmoins celui qui n’a pas vu cet animal? Quel est celui qui ne croit pas être bien instruit de ce qui concerne un * Le citoyen François (de Neufchâteau), membre de l’Institut national , m’écrivoit le 16 germinal de l’an 6, pendant qu’il étoit encore membre du Directoire exécutif, et dans une lettre savante et philosophique: « J'ai vu « à Saint-Domingue des vases qui servoient dans les cérémonies des premiers « habitans de Pisle. Ces vases, composés d’une sorte de lave grossièrement «taillée , figurent des tortues, » bBo. HIS TOTLRIE) NMMURE LINE poisson que l'on pêche sur tant de rivages, que l'on trouve sur tant de tables frugales ou somptueuses, dont le nom est si souvent prononcé, et dont la facilité à s'échapper des mains qui le retiennent avec trop de force , est devenue un objet de proverbe pour le sens borné du vulgaire, aussi-bien que pour la prudence éclairée du sage ? Mais, depuis Aristote jusqu’à nous ; les naturalistes, les Apicius, les savans, les ignorans, les têtes fortes , les esprits foibles, se sont occupés de l'anguille ; et voilà pourquoi elle a été le sujet de tant d'erreurs séduisantes , de préjugés ridicules , de contes pucriles, au milieu desquels très-peu d’observateurs ont distingué les formes et les habitudes propres à inspirer ainsi qu'à satisfaire une curiosité raisonnable. Tâchons de déméêler le vrai d'avec le faux; repré- sentons l’anguille telle qu'elle est. Ses nageoires pectorales sont assez petites, et ses autres nageoires assez étroites, pour qu'on puisse la confondre de loin avec un véritable serpent : elle a de même le corps très-alongé et presque cylindrique. Sa tête est menue, le museau un peu pointu, et la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure. L'ouverture de chaque narine est placée au bout d’un très-petit tube qui s'élève au-dessus de la partie supé- rieure de la tète; et une prolongation des tégumens les plus extérieurs s'étend en forme de membrane au- dessus des yeux, et les couvre d'un voile demi-trans- parent, comme celui que nous avons observé sur les D, VEuS: MÆMO!TT SUSHIOMNIES: 29 yeux des gymnotes, des ophisures et des aptéronotes. Les lèvres sont garnies d’un grand nombre de petits orifices par lesquels se répand une liqueur onctueuse; une rangée de petites ouvertures analogues compose, de chaque côté de l'animal, la ligne que l'on a nommée latérale ; et c'est ainsi que l’anguille est perpétuellement arrosée de cette substance qui la rend si visqueuse. Sa peau est, sur tous les points de son corps, enduite de cette humeur gluante qui la fait paroître comme ver- nie. Elle est pénétrée de cette sorte d'huile qui rend ses mouvemens très-souples; et l'on voit déja pourquoi elle glisse si facilement au milieu des mains inexpéri- mentées qui, la serrant avec trop de force, augmentent le jeu de ses muscles, facilitent ses efforts, et, ne pou- vant la saisir par aucune aspérité, la sentent couler et s'échapper comme un fluide *, A la vérité, cette même peau est garnie d'écailles dont on se sert mème, dans plusieurs pays du Nord, pour donner une sorte d'éclat argentin au ciment dont on enduit les édifices :mais ces écailles sont si petites, que plusieurs physiciens en ont nié l'existence; et elles sont attachées de manière que le toucher le plus délicat ne les fait pas reconnoître sur l'animal vivant, et que même un œil perçant ne les découvre que lorsque l'anguille est morte, et la peau A ——— — ————— ——— —————————————_——— — ——"———— ————.…—— ——— —.—…— ——————— ——— * Le mot murœna, qui vient du mot grec wvpu, lequel signifie couler, s’échapper, désigne cette faculté de l’anguille et des autres poissons de son genre, 239 HS ST ONE NI UU MEILIT E assez desséchée pour que les petites lames écailleuses se séparent facilement. On appercoit plusieurs rangs de petites dents, non seulement aux deux mâchoires, à la partie antérieure du palais, et sur deux os situés au-dessus du gosier, mais encore sur deux autres os un peu plus longs et . placés à l'origine des branchies. L'ouverture de ces branchies est petite, très-voisine de la nageoire pectorale, verticale, étroite, et un peu en croissant. On a de la peine à distinguer les dix rayons que con- tient communément la membrane destinée à fermer cette ouverture; et les quatre branchies de chaque côté sont garnies de vaisseaux sanguins dans leur partie convexe, et dénuées de toute apophyse et de tout tuber- cule dans leur partie concave. Les nageoires du dos et de l'anus sont si basses, que la première s'élève à peine au-dessus du dos d’un soixan- tième de la longueur totale. Elles sont d’ailleurs réunies à celle de la queue, de manière qu’on a bien de la peine à déterminer la fin de l’une et le commencement de l’autre; et on peut les considérer comme une bande très-étroite qui commence sur le dos à une certaine distance de la tête, s'étend jusqu’au bout de la queue; entoure cette extrémité, y forme une pointe assez aiguë, revient au-dessous de l'animal jusqu'a l'anus, et présente toujours assez peu de hauteur pour laisser subsister les plus grands rapports entre le corps du serpent et celui de l’anguille, D: É S-APNO 15/5 /O/NE 233 L'épaisseur de la partie membraneuse de ces trois nageoires réunies, fait qu'on ne compte que très-diffi- cilement les petits rayons qu'elles renferment, et qui sont ordinairement au nombre de plus de mille, depuis le commencement de la nageoire dorsale jusqu'au bout de la queue. Les couleurs que l'anguille présente sont toujours agréables, mais elles varient assez fréquemment; et il paroît que leurs nuances dépendent beaucoup de l'âge de l'animal *, et de la qualité de l’eau au milieu de laquelle il vit. Lorsque cette eau est limoneuse, le dessus du corps de la murène que nous décrivons est d'un beau noir, et le dessous d’un jaune plus ou moins clair, Mais si l’eau est pure et limpide, si elle coule sur un fond de sable, les teintes qu'offre l'anguille sont plus vives et plus riantes : sa partie supérieure est d’un verd nuancé, quelquefois même rayé d’un brun qui le fait ressortir ; et le blanc du lait, ou la couleur de l’ar- gent, brillent sur la partie inférieure du poisson. D'ail- leurs la nageoire de l’anus est communément lisérée de blanc, et celle du dos, de rouge. Le blane, le rouge et le verd, ces couleurs que la Nature sait marier avec tant de grace et fondre les unes dans les autres par des nuances si douces, composent donc l’une des parures élégantes que l'espèce de l'anguille a reçues, et * Voyage de Spallanzant dans les deux Siciles, traduction du savant et élégant écrivain le citoyen Toscan, bibliothécaire du Muséum national d'histoire naturelle, TOME IL 30 Ds DOS CHLSHT OR E PINPAUT U R E/PRE celle qu'elle déploie lorsqu'elle passe sa vie au milieu d'une eau claire, vive et pure. Au reste, les couleurs de l’anguille paroiïssent quel- quefois d'autant plus variées par les difiérens reflets rapides et successifs de la lumière plus où moins intense qui parvient jusqu'aux diverses parties de l'ani- mal , que les mouvemens très-prompts et très-multipliés de cette murène peuvent faire changer à chaque ins- tant l'aspect de ces mèmes portions colorées. Cette agilité est secondée par la nature de la charpente osseuse du corps et de la queue de l'animal. Ses ver- tebres un peu comprimées et par conséquent un peu étroites à proportion de leur longueur, pliantes et petites, peuvent se prêter aux diverses circonvolutions qu’elle a besoin d'exécuter. A ces vertèbres, qui eom- munément sont au nombre de cent seize, sont attachées des côtes très-courtes, retenues par une adhérence très- légère aux apophyses des vertèbres, et très- propres à favoriser les sinuosités nécessaires à la natation de la murène. De plus, les muscles sont soutenus et fortifiés | dans leur action par une quantité très-considérable de petits os disséminés entre leurs divers faisceaux, et connus sous le nom d'arétes proprement dites, ou de petites arétes. Ces os intermusculaires, que l’on ne voit dans aucune autre classe d'animaux que dans celle des poissons, et qui n'appartiennent même qu'à un certain nombre de poissons osseux, sont d'autant plus grands qu'ils sont placés plus près de la tête; et ceux qui D ES PAC -S'SLONNE 233 occupent la partie antérieure de l'animal, sont commu- nément divisés en deux petitès branches. Un instinct relevé ajoute aussi à la fréquence des mouvemens ; et nous avons déja indiqué * que l'an- guille, ainsi que les autres poissons osseux et serpen- tiformes, avoit le cerveau plus étendu, plus alongé, composé de lobes moins inégaux, plus développés ‘et plus nombreux , que le cerveau de la plupart des pois- sons dont il nous reste à parler, et particulièrement de ceux qui ont le corps très-aplati, comme les pleuro- nectes. Le cœur est quadrangulaire; l'aorte grande; le foie rougeâtre, divisé en deux lobes, dont le gauche est le plus volumineux ; la vésicule du fiel séparée du foie comme dans plusieurs espèces de serpens ; la rate alon- gée et triangulaire; la vessie natatoire très - grande, attachée à l'épine, et garnie par-devant d'un long conduit à gaz; le canal intestinal dénué de ces appen- dices que l’on remarque auprès du pylore de plusieurs espèces de poissons, et presque sans sinuosités, ce qui indique la force des sucs digestifs de l’anguille, et en général l'activité de ses humeurs et l'intensité de son principe vital. Les murènes anguilles parviennent à une grandeur très-considérable : il n’est pas très-rare d'en trouver en Angleterre , ainsi qu'en Italie, du poids de huit à dix * Discours sur la nature des poissons, = [2186 236 HISTOIRE NATURELLE DA kilogrammes. Dans l’Albanie, on en a vu dont on a comparé la grosseur à celle de la cuisse d'un homme ; et des observateurs très-dignes de foi ont assuré que, dans des lacs de la Prusse, on en avoit pêché qui étoient longues de trois à quatre mètres. On a même écrit que le Gange en avoit nourri de plus de dix mètres de longueur; mais ce ne peut être qu’une erreur, et l'on aura vraisemblablement donné le nom d’anguille à quelque grand serpent, à quelque boa devin que l'on aura appercu de loin, nageant au-dessus de la surface du grand fleuve de l'Inde. Quoi qu'il en soit, la croissance de l’anguille se fait très-lentement; et nous avons sur la durée de son développement quelques expériences précises-et cu- rieuses qui m'ont été communiquées par un très-bon observateur, le citoyen Septfontaines, auquel j'ai eu plusieurs fois, en écrivant cette Histoire naturelle, l'occasion de témoigner ma juste reconnoissance. Au mois de juin 1779 (». st), ce naturaliste mit soixante anguilles dans un réservoir; elles avoient alors environ dix-neuf centimètres, Au mois de septembre 1763, leur longueur n'étoit que de quarante à qua- rante-trois centimètres ; au mois d'octobre 1706, cette mème longueur n'étoit que de cinquante-un centi- mètres; et enfin, en juillet 1788, ces anguilles n’étoient longues que de cinquante-cinq centimètres au plus. Elles ne s'étoient donc alongées en neuf ans que de vingt-six centimètres. DMEMSeINEMONT:S"'S' OUNIS, S,) I Avec de l’agilité, de la souplesse, de la force dans les muscles, de la grandeur dans les dimensions, ilest facile à la murène que nous examinons, de parcourir. des espaces étendus, de surmonter plusieurs obstacles, de faire de grands voyages, de remonter contre des courans rapides". Aussi va-t-elle périodiquement , tantôt des lacs ou des rivages voisins de la source des rivières vers les embouchures des fleuves , et tantôt de la mer vers les sources ou les lacs. Mais, dans ces migra- tions régulières , elle suit quelquefois un ordre diflérent de celui qu'observent la plupart des poissons voya- geurs. Elle obéit aux mèmes lois; elle est régie de même par les causes dont nous avons tâché d'indiquer la nature dans notre premier Discours : mais tel est l'en- semble de ses organes extérieurs et de ceux que son intérieur renferme, que la température des eaux, la qualité des alimens, la tranquillité ou le tumulte des rivages , la pureté du fluide , exercent, dans certaines circonstances, sur ce poisson vif et sensible , une action très -diférente de celle qu'ils font éprouver au plus grand nombre des autres poissons non sédentäires. Lorsque le printemps commence de régner, ces derniers remontent des embouchures des fleuves vers les points les plus élevés des rivières ; quelques anguilles, au con- traire, s’abandonnant alors au cours des eaux, vont * Voyage de Spallanzani dans les deux Siciles, traduit par le citoyen Toscan, vol. VI, page 143. BON H LS TOOL RE N'AUTU RVEMLET.E des lacs dans les fleuves qui en sortent, et des fleuves vers les côtes maritimes. Dans quelques contrées, et particulièrement auprès des lagunes de Venise, les anguilles remontent, dans le printemps , ou à peu près, de la mer Adriatique vers les lacs et les marais, et notamment vers ceux de Commachio , que la pèche des anguilles a rendus célèbres. Elles y arrivent par le PG, quoique très- jeunes; mais elles n'en sortent pendant l'automne pour retourner vers les rivages de la mer, que lorsqu'elles ont acquis un assez grand développement, et qu'elles sont devenues presque adultes *. La tendance à Fimi- tation, cette cause puissante de plusieurs actions très- remarquables des animaux, et la sorte de prudence qui paroît diriger quelques unes des habitudes des an- guilles, les déterminent à préférer la nuit au jour pour ces migrations de la mer dans les lacs, et pour ces retours des lacs dans la mer. Celles qui vont, vers la fin de la belle saison, des marais de Commachio dans la mer de Venise, choisissent même pour leur voyage les nuits les plus obscures, et sur-tout celles dont les ténèbres sont épaissies par la présence de nuages orageux. Une clarté plus ou moins vive, la lumière de la lune, des feux allumés sur le rivage, suflisent souvent pour les arrêter dans leur natation vers les côtes marines, Mais * Voyage de Spallanzani dans les deux Siciles, traduit par le citoyen Tosecan, vol. VI, page 143. Durs PMONI S'XSMOMNESSS 29 lorsque ces lueurs qu'elles redoutent ne suspendent pas leurs mouvemens, elles sont poussées vers la mer par un instinct si fort, ou, pour mieux dire, par une cause si énergique, qu'elles s'engagent entre des rangées de roseaux que les pêcheurs disposent au fond de l’eau pour les conduire à leur gré, et que, parvenant sans résistance et par le moyen de ces tranchées aux en- ceintes dans lesquelles on a voulu les attirer, elles s'entassent dans ces espèces de petits parcs, au point de surmonter la surface de l’eau, au lieu de chercher à revenir dans l’habitation qu'elles viennent de quit- ter *. Pendant cette longue course, ainsi que pendant le retour des environs de la mer vers les eaux douces élevées, les anguilles se nourrissent, aussi-bien que pendant qu'elles sont stationnaires, d'insectes, de vers, d'œufs et de petites espèces de poissons. Elles attaquent quelquefois des animaux un peu plus gros. Le citoyen Septfontaines en a vu une de quatre-vingt-quatre centimètres présenter un nouveau rapport avec les serpens, en se jetant sur deux jeunes canards éclos de la veille, et en les avalant assez facilement pour qu'on pût les retirer presque entiers de ses intestins. Dans certaines circonstances , elles se contentent de la chair de presque tous les animaux morts qu’elles rencontrent au milieu des eaux; mais elles causent souvent de grands * Voyage de Spallanzani dans les deux Siciles, vol. VI, pages 148 et 159. 240 H LS OUT RE, ENTAMTMUUROE TACIE ravages dans les rivières. Le citoyen Noël nous écrit que dans la basse Seine elles détruisent beaucoup d'éperlans, de clupées feintes, et de brèmes. Ce n'est pas cependant sans danger qu'elles recher- chent l'aliment qui leur convient le mieux : malgré leur souplesse, leur vivacité, la vitesse de leur fuite ; elies ont des ennemis auxquels il leur est très-dificile d'échapper. Les loutres, plusieurs oiseaux d'eau, et les grands oiseaux de rivage, tels que les grues, les hérons et les cigognes, les pèchent avec habileté et les retiennent avec adresse ; les hérons sur-tout ont dans la dentelure d'un de leurs ongles, des espèces de cro- chets qu'ils enfoncent dans le corps de l'anguille, et qui rendent inutiles tous les efforts qu'elle fait pour glisser au milieu de leurs doigts. Les poissons qui par- viennent à une longueur un peu considérable, et, par exemple, le brochet et l’acipensere esturgeon, en font aussi leur proie; et comme les esturgeons l’avalent toute entière et souvent sans la blesser, ilarrive que, déliée, visqueuse et flexible, elle parcourt toutes les sinuosités de leur canal intestinal, sort par leur anus, et se dérobe, par une prompte natation , à une nou- velle poursuite. Il n’est presque personne qui n'ait vu un lombric avalé par des canards sortir de mème des intestins de cet oiseau, dont il avoit suivi tous les replis ; et cependant c'est le fait que nous venons d'ex- poser, qui à donné lieu à un conte absurde accrédité pendant long-temps, à l'opinion de quelques obser- DYELS A PUO!TUS SACOLNES. 241 vateurs très-peu instruits de l'organisation intérieure des animaux, et qui ont dit que l’anguille entroit ainsi volontairement dans le corps de l’esturgeon, pour aller y chercher des œufs dont elle aimoit beaucoup à se nourrir. Mais voici un trait très-remarquable dans l'histoire d'un poisson, et qui a été vu trop de fois pour qu'on puisse en douter. L’anguille, pour laquelle les petits vers des prés, et même quelques végétaux, comme, par exemple, les pois nouvellement semés, sont un aliment peut-être plus agréable encore que des œufs ou des poissons, sort de l'eau pour se procurer ce genre de nourriture. Elle rampe sur le rivage par un méca- nisme semblable à celui qui la fait nager au milieu des fleuves ; elle s'éloigne de l'eau à des distances assez considérables , exécutant avec son corps serpentiforme tous les mouvemens qui donnent aux couleuvres la faculté de s'avancer ou de reculer; et après avoir fouillé dans la terre avecson museau pointu , pour se saisir des pois ou des petits vers, elle regagne en serpentant le lac ou la rivière dont elle étoit sortie, et vers lequel elle tend avec assez de vitesse, lorsque le terrain ne lui oppose pas trop d'obstacles, c'est-à-dire, de trop grandes inégalités. Au reste, pendant que la conformation de son corps et de sa queue lui permet de se mouvoir sur la terre sèche; l'organisation de ses branchies lui donne la faculté d'être pendant un temps assez long hors de l’eau douce TOME IL, 91 942 HIS TOR E IN A PUR ENXLE ou salée sans en périr. En effet, nous avons vu qu'une des grandes causes de la mort des poissons que l’on retient dans l'atmosphère, est le grand desséchement qu'éprouvent leurs branchies, et qui produit la rupture des artères et des veines branchiales, dont le sang, qui n’est plus alors contre-balancé par un fluide aqueux environnant, tend d'ailleurs sans contrainte à rompre les membranes qui Le contiennent. Mais l’anguille peut conserver plus facilement que beaucoup d'autres pois- sons, l'humidité, et par conséquent la ductilité et la ténacité des vaisseaux sanguins de ses branchies; elle peut clore exactement l'ouverture de sa bouche; l'ori- fice branchial, par lequel un air desséchant paroitroit devoir s'introduire en abondance, est très-étroit et peu alongé ; l’opercule et la membrane sont placés et con- formés de manière à fermer parfaitement cet orifice; et de plus, la liqueur gluante et copieuse dont l'animal est imprégné, entretient la mollesse de toutes les por- tions des branchies. Nous devons encore ajouter que ;, soit pour ètre moins exposée aux attaques des animaux qui cherchent à la dévorer, et à la poursuite des pè- cheurs qui veulent en faire leur proie, soit pour obéir à quelque autre cause que l’on pourroit trouver sans beaucoup de peine, et qu'il est, dans ce moment, inu- tile de considérer, l’anguille ne va à terre, au moins le plus fréquemment, que pendant la nuit. Une vapeur humide est très-souvent alors répandue dans Fatmo- sphère ; le desséchement de ses branchies ne peut avoir D} EMSA/PIONI S'ÉNOMMES 243 lieu que plus difficilement; et l'on doit voir mainte- nant pourquoi, dès le temps de Pline *, on avoit observé en Italie que l’anguille peut vivre hors de l'eau jusqu'à six jours, lorsqu'il ne souffle pas un vent méridional, dont l'effet le plus ordinaire, dans cette partie de l'Europe, est de faire évaporer l'humidité avec beau- coup de vitesse. Pendant le jour, la murène anguille, moins occupée de se procurer l'aliment qu'elle desire, se tient presque toujours dans un repos réparateur , et dérobée aux yeux de ses ennemis par un asyle qu’elle prépare avec soin: Elle se creuse avec son museau une retraite plus ou moins grande dans la terre molle du fond des lacs et des rivières; et par une attention particulière, résultat remarquable d’une expérience dont l'effet se maintient de génération en génération, cette espèce de terrier a deux ouvertures, de telle sorte que si elle est attaquée d’un côté , elle peut s'échapper de l’autre. Cette indus- trie, pareille à celle des animaux les plus précaution- nés , est une nouvelle preuve de cette supériorité d'’ins- tinct que nous avons dû attribuer à l’anguille dès le moment où nous avons considéré dans ce poisson le volume et la forme du cerveau, l'organisation plus soignée des siéges de l'odorat, et enfin la flexibilité et la longueur du corps et de la queue, qui , souples et continuellement humectés, s'appliquent dans toute a — — —— —————— ——— —————— —_—_——_———.—_—_—_—_—_—— * Pline, lv. 9, chap. x. St UHESTONRE INA MQURE RME leur étendue à presque toutes les surfaces, en recoivent des impressions que des écailles presque insensibles ne peuvent ni arrêter, ni, en quelque sorte, diminuer , et doivent donner à l’animal un toucher assez vif et assez délicat. Il est à remarquer que les anguilles, qui, par une suite de la longueur et de la flexibilité de leur corps, peuvent, dans tous les sens, agir sur l'eau presque avec la même facilité et par conséquent reculer presque aussi vite quelles avancent, pénètrent souvent la queue la pre- mière dans les trous qu'elles forment dans la vase, et qu'elles creusent quelquefois cette cavité avec cette même queue, aussi bien qu'avec leur tête”. Lorsqu'il fait très-chaud, ou dans quelques autres circonstances, l’anguille quitte cependant quelquefois, mème vers le milieu du jour, cet asyle qu'elle sait se donner. On la voit très-souvent alors s'approcher de la surface de l’eau, se placer au-dessous d'un amas de mousse flottante ou de plantes aquatiques, y demeurer immobile, et paroître se plaire dans cette sorte d’inac- tion et sous cet abri passager *. On seroit même tenté de croire qu’elle se livre quelquefois à une espèce de demi-sommeil sous ce toit de feuilles et de mousse. Le citoyen Septfontaines nous a écrit, en eflet, dans le temps , qu'il avoit vu plusieurs fois une anguille dans ? Voyage de Spallanzani, vol. VI, page 154. 2 Lettre du citoyen Septfontaines au citoyen Lacepède, datée d’Ardres, le 13 juillet 1788 ( ». 54. ). D''ETS AP O:.I SMS CReNe: 240 la situation dont nous venons de parler, qu'il étoit parvenu à s'en approcher , à élever progressivement la voix , à faire tinter plusieurs clefs l’une contre l'autre, à faire sonner très-près de la tête du poisson plus de quarante coups d'une montre à répétition,sans produire dans l'animal aucun mouvement de crainte, et que la murène ne s'étoit plongée au fond de l’eau que lors- qu'ils'étoit avancé brusquement vers elle, ou qu'il avoit ébranlé la plante touflue sous laquelle elle goûtoit le repos. De tous les poissons osseux, l'anguille n'est cepen- dant pas celui dont l’ouïe est la moins sensible. On sait depuis long-temps qu'elle peut devenir familière au point d’accourir vers la voix ou l'instrument qui lap- pelle et qui lui annonce la nourriture qu'elle préfère. Les murènes anguilles sont en très-grand nombre par-tout où elles trouvent l'eau, la température, l'ali- ment qui leur conviennent, et où elles ne sont pas privées de toute sûreté. Voilà pourquoi, dans plusieurs des endroits où l’on s’est occupé de la pèche de ces poissons , on en à pris une immense quantité. Pline a écrit que dans le lac Benaco des environs de Vérone, les tempêtes qui, vers la fin de l'automne, en boule- versoient les flots, agitoient, entrainoient et rouloient, pour ainsi dire, un nombre si considérable d'anguilles, qu'on les prenoit par milliers à l'endroit où le fleuve venoit de sortir du lac. Martini rapporte dans son Dic- tionnaire, qu'autrefois on en péchoit jusqu’à soixante 246 HISTOURE, NATUREEME mille dans un seul jour, et avec un seul filet. On lit dans l'ouvrage de Redi sur les animaux vivans dans les animaux vivans, que lors du second passage des an- guilles dans l'Arno, c'est-à-dire , lorsqu'elles remontent de la mer vers les sources de ce fleuve de Toscane, plus de deux cent mille peuvent tomber dans les filets, quoique dans un très-court espace de temps. Ilyena une si grande abondance dans les marais de Comma- chio, qu’en 1782 on en pêcha 990,000 kilogrammes”. Dans le Jutland, il est des rivages vers lesquels, dans certaines saisons, on prend quelquefois d'un seul coup de filet plus de neuf mille anguilles, dont quelques unes pèsent de quatre à cinq kilogrammes. Et nous savons, par le citoyen Noël, qu'à Cléon près d'Elbeuf, et même auprès de presque toutes les rives de la basse Seine, il passe des troupes ou plutôt des légions si considé- rables de petites anguilles, qu'on en remplit des seaux et des baquets, Cette abondance n’a pas empêché le goût le plus dif- ficile en bonne chère, et le luxe même le plus somp- tueux, de rechercher l’anguille, et de la servir dans leurs banquets. Cependant sa viscosité, le suc huileux dont elle est imprégnée, la difficulté avec laquelle les estomacs délicats en digèrent la chair, sa ressemblance avec un serpent, l'ont fait regarder dans certains pays, comme un aliment un peu mal-sain par les médecins, * Spallanzani , Voyage dans les deux Siciles, vol. VI, page 157. EU D Eÿs (Pour S)S101 RES: - 247 et comme un être impur par les esprits superstitieux. Elle est comprise parmi les poissons en apparence dénués d'écailles, que les lois religieuses des Juifs interdisoient à ce peuple ; et les réglemens de Numa ne permettoient pas de les servir dans les sacrifices, sur les tables des dieux”. Mais les défenses de quelques législateurs, et les recommandations de ceux qui ont écrit sur l'hygiène, ont été peu suivies et peu imitées; la saveur agréable de la chair de l'anguille , et le peu de rareté de cette espèce , l'ont emporté sur ces ordres ou ces conseils : on s’est rassuré par l'exemple d'un grand nombre d'hommes, à la vérité, laborieux, qui, vivant au milieu des marais, et ne se nourrissant que d’anguilles , comme les pêcheurs des lacs de Comma- chio auprès de Venise, ont cependant joui d'une santé assez forte, présenté un tempérament robuste, atteint une vieillesse avancée *; et l’on a, dans tous les temps et dans presque tous les pays, consacré d'autant plus d'instans à la pêche assez facile de cette murène, que sa peau peut servir à beaucoup d'usages, que dans plusieurs contrées on en fait des liens assez forts, et que dans d’autres, comme, par exemple, dans quelques parties de la Tartarie, et particulièrement dans celles qui avoisinent la Chine, cette même peau remplace, sans trop de désavantages, les vitres des fenêtres. : Pline, Zv. 32, chap. 2. > Spallanzani, Voyage déja cité, vol, VI, page 143. 2468 HIS T'ON RE NA D RACE Dans plusieurs pays de l'Europe, et notamment aux environs de l'embouchure de la Seine, on prend les anouilles avec des laims où hamecons. Les plus petites sont attirées par des lombrics ou vers de terre, plus que par toute autre amorce : on emploie contre les plus grandes, des haims garnis de moules, d’autres animaux à coquilles, ou de jeunes éperlans. Lorsqu'on pêche les anguilles pendant la nuit, on se sert d'un filet nommé seine drue, et pour la description duquel nous renvoyons le lecteur à l’article de la raie bouclée, On substitue quelquefois à cette seize un autre filet appelé, dans la rivière de Seine, dranguel, ou dranguet dru, dont les mailles sont encore plus serrées que celles de la scine drue; et le citoyen Noël nous fait observer, dans une note qu'il nous a adressée, que c'est par une suite de cette substitution, et parce qu’en général on exécute mal les lois relatives à la police des pêches, que des pécheurs de la Seine détruisent une grande quantité d’anguilles du premier âge et qui n’ont encore atteint qu'une longueur d'un ou deux décimètres, pendant qu'ils prennent, peut-être plus inutilement encore, dans ce même dranguet, beaucoup de frai de barbeau, de vaudoise, de brème, et d’autres poissons recherchés. Mais l'usage de ce filet à mailles très-serrées n'est pas la seule cause contraire à l'avantageuse reproduction ;: ou, pour mieux dire, à l'accroissement convenable des anguilles dans la Seine : le citoyen Noël nous en fait remarquer deux autres dans la note que nous venons DIÔERES RO I S-SMOLNMS. 2 419 de citer. Premièrement, les pècheurs de cette rivière ont recours quelquefois, pour la pèche de ces murènes, à la »ermille, sorte de corde garnie de vers, à laquelle les très-jeunes individus de cette espèce viennent s’at- tacher tres-fortement, et par le moyen de laquelle on enlève des milliers de ces petits animaux. Secondement, les fossés qui communiquent avec la basse Seine, ont assez peu de pente pour que les petites anguilles , pous- sées par le flux dans ces fossés, y restent à sec lorsque la marée se retire » et y périssent en nombre extrême- ment considérable, par l'effet de la grande chaleur du soleil de prairial. Au reste, c'est le plus souvent depuis le commence- ment du printemps jusque vers la fin de l'automne, qu'on pêche les murènes anguilles avec facilité. On a communément assez de peine à les prendre au milieu de l'hiver, au moins à des latitudes un peu élevées: elles se cachent, pendant cette saison, ou dans les ter- riers qu'elles se sont creusés, ou dans quelques autres asyles à peu près semblables. Elles se réunissent mème en assez grand nombre, se serrent de très-près, et s’'amoncellent dans ces retraites, où il paroît qu'elles s'engourdissent lorsque le froid est rigoureux. On en a quelquefois trouvé cent quatre-vingts dans un trou de quarante décimètres cubes; et le citoyen Noël nous mande qu'a Aisiey près de Quillebeuf, on en prend souvent, pendant l'hiver, de très-grandes quantités, en fouillant dans le sable, entre les pierres du rivage. Si TOME II. 9 p2 O2 250 H LST O TR EU A MUNIE LT l'eau dans laquelle elles se trouvent est peu profonde , si par ce peu d'épaisseur des couches du fluide elles sont moins à couvert des impressions funestes du froid, elles périssent dans leur terrier, maloré toutes leurs précautions ‘; et le savant Spallanzani rapporte qu'un hiver fit périr, dans les marais de Commachio, une si grande quantité d'anguilles, qu’elles pesoient 1 800,000 kilogrammes*. Dans toute autre circonstance, une grande quantité d'eau n'est pas aussi nécessaire aux murènes dont nous nous occupons, que plusieurs auteurs l'ont prétendu. Le citoyen Septfontaines a pris dans une fosse qui con- tenoit à peine quatre cents décimètres cubes de ce fluide, une anguille d'une grosseur très-considérable ; et la distance de la fosse à toutes les eaux de l’arron- dissement, ainsi que le défaut de toute communica- tion entre ces mêmes eaux et la petite mare, ne lui ont pas permis de douter que cet animal n'eût vécu très - long-temps dans cet étroit espace, des effets duquel l'état de sa chair prouvoit qu'il n'avoit pas souftert *. Nous devons ajouter néanmoins que si la chaleur est assez vive pour produire une très-vrande évaporation et altérer les plantes qui croissent dans l'eau, ce fluide * Pline, /v. 9, chap. 25. 2 Voyage de Spallanzani, vol. VI, pag. 154. 3 Lettre du citoyen Septfontaines, du 13 juillet 1788. D cENS MPÉOIT : SÛS AONNS: 951 peut être corrompu au point de devenir mortel pour l'anguille, qui s'efforce en vain, en s'abritant alors dans la fange, de se soustraire à l'influence funeste de cette chaleur desséchante. On a écrit aussi que l’anguille ne supportoit pas des changemens ranides et très-marqués dans la qualité des eaux az-milieu desquelles elle habitoit. Cependant le citoyen Septfontaines a prouvé plusieurs fois qu'on pouvoit la transporter, sans lui faire courir aucun dan- ger, d'üne rivière bourbeuse dans le vivier le plus limpide, du sein d'une eau froide dans celui d’une eau tempérée. Il s'est assuré que des changemens inverses ne nuisoient pas davantage à ce poisson, et sur trois cents individus qui ont éprouvé sous ses yeux ces diverses transmigrations, et qui les ont essuyées dans différentes saisons , il n'en a péri que quinze, qui lui ont paru ne succomber qu'à la fatigue du transport , et aux suites de leur réunion et de leur séjour très-pro- longé dans un vaisseau trop peu spacieux. Néanmoins, lorsque leur passage d'un réservoir dans un autre, quelle que soit la nature de l’eau de ces viviers, a lieu pendant des chaleurs excessives, il arrive sou- vent que les anguilles gagnent une maladie épidémique pour ces animaux, et dont les symptômes consistent dans des taches blanches qui leur surviennent. Nous verrons, dans notre Discours sur la manière de multi- plier et de conserver les individus des diverses espèces de poissons, quels remèdes on peut opposer aux effets 259 H ST OR Et INOAMT DIR ENCMQNE de cette maladie, dont des taches blanches et acciden-= telles dénotent la présence. Les murènes dont nous parlons sont sujettes, ainsi que plusieurs autres poissons, et particulièrement ceux qué l'homme élève avec plus où moins de soin, à d'autres maladies dont nous traiterons dans la suite de cet ouvrage, et dont quelques unes peuvent être cau- sées par une grande abondance de vers dans quelque partie intérieure de leur corps, comme, par exemple, dans leurs intestins. Pendant la plupart de ces dérangemens , lorsque les suites peuvent en être très-oraves, l’'anguille se tient renfermée dans son terrier, ou, si elle manque d’asyle, elle remonte souvent vers la superficie de l'eau; elle s'y agite, va, revient sans but déterminé, tournoie sur elle-même, ressemble par ses mouvemens à un ser- peut prêt à se noyer et luttant encore un peu contre les flots. Son corps enflé d’un bout à l'autre, et par-là devenu plus léger relativement au fluide dans lequel elle nage, la soulève et la retient ainsi vers la surface de l’eau. Au bout de quelque temps, sa peau se flétrit et devient blanche; et lorsqu'elle éprouve cette altéra- tion, signe d'une mort prochaine, on diroit qu'elle ne prend plus soin de conserver une vie qu'elle sent ne pouvoir plus retenir : ses nageoires se remuent encore un peu; ses yeux paroissent encore se tourner vers les objets qui l'entourent : mais sans force, sans précau- tion, sans intérêt inutile pour sa sûreté, elle s’'aban- D'AERS PO 1: SSL ON ENMSN 253 donne, pour ainsi dire, et souffre qu'on l'approche, qu'on la touche; qu'on l'enlève même sans qu'elle cherche à s'échapper”. Au reste, lorsque des maladies ne dérangent pas l'organisation intérieure de l’'anguille , lorsque sa vie n’est attaquée que par des blessures, elle la perd assez difficilement; le principe vital paroît disséminé d’une manière assez indépendante, si je puis employer ce mot, dans les diverses parties de cette murène, pour qu'il ne puisse être éteint que lorsqu'on cherche à l'anéantir dans plusieurs points à la fois ; et, de nrême que dans plusieurs serpens et particulièrement dans la vipère, une heure après la séparation du tronc et de la tête, l’une et l'autre de ces portions peuvent donner encore des signes d'une grande irritabilité. Cette vitalité tenace est une des causes de la longue vie que nous croyons devoir attribuer aux anguilles, ainsi qu'à la plupart des autres poissons. Toutes les analogies indiquent cette durée considérable, malgré ce qu'ont écrit plusieurs auteurs, qui ont voulu limiter la vie de ces murènes à quinze ans, et même à huit années: et d’ailleurs nous savons , de manière à ne pou- voir pas en douter, qu'au bout de six ans une anguille ne pèse quelquefois que cinq hectogrammes *; que des anguilles conservées pendant neuf ans n'ont acquis VA = Hd Les? ae agi 9, CPR PE 28 SIA PEN PME) LEURS ONU A * Lettre, déja citée, du citoyen Septfontaines. * Actes de l’académie de Stockholm, Mém, de Hans Hederstræm, 951 HESTOIRE (NATURELLE qu'une longueur de vingt-six centimètres ; que ces anguilles , avant d'ètre devenues l'objet d’une observa- tion précise, avoient déja dix-neuf centimètres, et par conséquent devoient ètre âgées de cinq ou six ans; qu'a la fn de l'expérience elles avoient au moins qua- torze ans ; qu'a cet âge de quatorze ans elles ne pré- sentoient encore que le quart ou tout au plus le tiers de la longueur des grandes anguilles pèchées dans des lacs de la Prusse *, et qu'elles n’auroient pu parvenir à cette dernière dimension qu'après un intervalle de quatre-vingts ans. Les anguilles de trois ou quatre mètres de longueur, vues dans des lacs de la Prusse par des observateurs dignes de foi, avoient donc au moins quatre - vingt - quatorze ans : nous devons dire que des preuves de fait et des témoignages irrécu- sables se réunissent aux probabilités fondées sur les analogies les plus grandes, pour nous faire attribuer une longue vie à la murène anguille. Mais comment se perpétue cette espèce utile et cu- rieuse? L'anguille vient d'un véritable œuf, comme tous les poissons. L’œuféclot le plus souvent dans le ventre de la mère, comme celui des raies, des squales, de plusieurs blennies, de plusieurs silures ; la pression : sur la partie inférieure du corps de la mère facilite la sortie des petits déja éclos. Ces faits bien vus, bien constatés par les naturalistes récens, sont. simples et a # Lettre du citoyen Seplfontaines. + DEN SN LÉO T'SSAOLNEE: 255 conformes aux vérités physiologiques les mieüx prou- vées, aux résultats les plus sûrs des recherches anato- miques sur les poissons et particulièrement sur l’an- guille ; et cependant combien, depuis deux mille ans, ils ont été altérés et dénaturés par une trop grande confiance dans des observations précipitées et mal faites, qui ont séduit les plus beaux génies, parmi les- quels nous comptons non seulement Pline, mais mème Aristote! Lorsque les anguilles mettent bas leurs petits, communément elles reposent sur la vase du fond des eaux; c’est au milieu de cette terre ou de ce sable hu- mecté qu'on voit frétiller les murènes qui viennent de paroître à la lumière: Aristote a pensé que leur géné- ration étoit due à cette fange ‘. Les mères vont quelque- fois frotter leur ventre contre des rochers ou d’autres corps durs, pour se débarrasser plus facilement des petits déja éclos dans leur intérieur; Pline a écrit que par ce frottement elles faisoient jaillir des fragmens de leur corps, qui s'animoient, et que telle étoit la seule origine des jeunes murènes dont nous exposops la véri- table manière de naïtre*. D’autres anciens auteurs ont placé cette: même origine dans les chairs corrompues des cadavres des chevaux ou d’autres animaux jetés dans l'eau, cadavres autour desquels doivent souvent fourmiller de très-jeunes anguilles forcées de s'en ——_—_—_——— * Arist. Æistoire des animaux, Liv, 6, chap. 16. 2 Pline, Zv. 9, chap. 51. 256 HI SQT OU RE NATURE LIDIE nourrir par le défaut de tout autre aliment placé à leur portée. À des époques bien plus rapprochées de nous, Helmont a eru que les anguilles venoient de la rosée du mois de mai; et Leuwenhoeck a pris la peine de montrer la cause de cette erreur, en faisant voir que dans cette belle partie du printemps, lorsque l’atmo- sphère est tranquille , et que le calme règne sur l’eau, la portion de ce fluide la plus chaude est la plus voisine de la surface, et que c'est cette couche plus échauflée, plus vivifiante, et plus analogue à leur état de foi- blesse, que les jeunes anguilles peuvent alors préférer. Schwenckfeld, de Breslaw en Silésie, a fait naître les murènes anguilles des branchies du cyprin bordelière; Schoneveld, de Kiel dans le Holstein, a voulu qu'elles vinssent à Ja lumière sur la peau des gades morues, ou des salmones éperlans. Ils ont pris l’un et l’autre pour de très-petites murènes anguilles, des gordius , des sangsues, ou d'autres vers qui s'attachent à la peau ou aux branchies de plusieurs poissons. Eller, Charleton; Fahlberg, Gesner, Birckholtz, ont connu, au contraire, Ja véritable manière dont se reproduit l'espèce que nous décrivons. Plusieurs observateurs des temps.récens sont tombés, à la vérité, dans une erreur combattue même par Aristote, en prenant les vers qu'ils voyoient dans les intestins des anguilles qu'ils disséquoient, pour des fœtus de ces animaux. Leuwenhoetk a eu tort de cher- cher les œufs de ces poissons dans leur vessie urinaire, et Vallisnieri dans leur vessie natatoire: mais Muller, et #5. DH Ste /PiO I S US OTNrS 257 peut-être Mondini, ont vu les ovaires ainsi que les œufs de la femelle; et la laite du mâle a été également reconnue. D'après toutes ces considérations, on doit éprouver un assez grand étonnement, et ce vif intérêt qu'ins- pirent les recherches et les doutes d’un des plus habiles et des plus célèbres physiciens, lorsqu'on lit dans le Voyage de Spallanzani*, que des millions d'anguilles ont été pêchées dans les marais, les lacs ou les fleuves de l'Italie et de la Sicile, sans qu'on ait vu dans leur intérieur ni œufs ni fœtus. Ce savant observateur explique ce phénomène, en disant que les anguilles ne multiplient que dans la mer; et voilà pourquoi , conti- nue-t-il, on n'en trouve pas, suivant Senebier, dans le lac de Genève, jusqu’auquel la chûte du Rhône ne leur permet pas de remonter, tandis qu'on en pêche dans le lac de Neufchätel, qui communique avec la mer par le Rhin et le lac de Brenna. Il invite, en conséquence ; les naturalistes à faire de nouvelles recherches sur les anguilles qu’ils rencontreront au milieu des eaux salées, et de la mer proprement dite, dans le temps du frai de ces animaux, c'est-à-dire, vers le milieu de l’au: tomne , ou le commencement de l'hiver. Les œufs de l’anguille éclosant presque toujours dans le ventre de la mère, y doivent être fécondés : il est donc nécessaire qu'il y ait dans cette espèce un véritable * Pages 167, 177, 181. TOME II. O2 C9 250 H 1:ST "OI RE N À TU RACE accouplement du mâle avec la femelle, comme dans celles des raies, des squales, des syngnathes, des blen- nies et des silures; ce qui confirme ce que nous avons déja dit de la nature de ses affections. Et comme la conformation des murènes est semblable en beaucoup de points à celle des serpens, l'accouplement des serpens et celui des murènes doivent avoir lieu, à peu près, de la même manière. Rondelet a vu, en effet, le mâle et la femelle entrelacés dans le moment de leur réunion la plus intime, comme deux couleuvres le sont dans des circonstances analogues; et ce fait a été observé depuis par plusieurs naturalistes. Dans l’anguille, comme dans tous les autres poissons qui éclosent dans le ventre de leur mère, les œufs ren- fermés dans l’intérieur de la femelle sont beaucoup plus volumineux que ceux qui sont pondus par les espèces de poissons auxquelles on n'a pas donné le nom de vivipares ou de ipéres : le nombre de ces œufs doit donc être beaucoup plus petit dans les premiers que dans les seconds; et c’est ce qui a été reconnu plus d'une fois. L'anguille est féconde au moins dès sa douzième année. Le citoyen Septfontaines a trouvé des petits bien formés dans le ventre d’une femeile qui n'avoit encore que trente-cinq centimètres de longueur, et qui, par conséquent, pouvoit nètre âgée que de douze ans. Cette espèce croissant au moins jusqu'à sa quatre- vingt-quatorzième année, chaque individu femelle peut DÉS AMPAO: IIS STONES: 259 produire pendant un intervalle de quatre-vingt-deux ans; et ceci sert à expliquer la grande quantité d'an- guilles que l'on rencontre dans les eaux qui leur con- viennent. Cependant , comme le nombre des petits qu'elles peuvent mettre au jour chaque année est très-limité, et que, d'un autre côté, les accidens, les maladies, l'activité des pêcheurs, et la voracité des grands poissons, des loutres, et des oiseaux d'eau, en détruisent fréquemment une multitude , on ne peut se rendre raison de leur multiplication qu'en leur attri- buant une vie et mème un temps de fécondité beaucoup plus longs qu'un siècle, et beaucoup plus analogues à la nature des poissons, ainsi qu'à la longévité qui en est la suite. Au reste, il paroît que dans certaines contrées, et dans quelques circonstances, il arrive aux œufs de l'anguille ce qui survient quelquefois à ceux des raies, des squales, des blennies, des silures, etc.; c’est que la femelle s'en débarrasse avant que les petits ne soient éclos ; et l'on peut le conclure des expressions em- ployées par quelques naturalistes en traitant de cette murène , et notamment par Redi dans son ouvrage des animaux vivans dans les animaux vivans. Tous les climats peuvent convenir à l'anguille : on la pèche dans des contrées très-chaudes, à la Jamaïque, dans d’autres portions de l'Amérique voisines des tropiques, dans les Indes orientales ; elle n'est point étrangère aux régions glacées, à l'Islande , au Groen- 260 HISTOIRE NATURELLE land; et on la trouve dans toutes les contrées tempé- rées, depuis la Chine, où elle a été figurée très-exacte- ment pour l'intéressante suite de dessins donnés par la Hollande à la France et déposés dans le Muséum d'histoire naturelle, jusqu'aux côtes occidentales de la république et à ses départemens méridionaux, dans lesquels les murènes de cette espèce deviennent très- belles et très-bonnes, particulièrement celles qui vivent dans le bassin si célébré de la poétique fontaine de Vaucluse ‘. | Dans des temps plus reculés et antérieurs aux der nières catastrophes que le globe a éprouvées, ces mêmes murènes ont dû être aussi très-répandues en Europe, ou du moins très-multipliées dans un grand nombre de contrées , puisqu'on reconnoît leurs restes, ou leur em- preinte, dans presque tous les amas de poissons pétri- fiés ou fossiles que les naturalistes ont été à portée d'examiner, et sur-tout dans celui que l’on a découvert à Æningen, auprès du lac de Constance, et dont une notice a été envoyée dans le temps par le célèbre Lavater à l'illustre Saussure *. Nous ne devons pas cesser de nous occuper de l’an- guille sans faire mention de quelques murènes que nous considérerons comme de simples variétés de cette ? Note communiquée vers 1788 par l’evéque d'Uzès, ami très-zélé et très-éclairé des sciences naturelles. * Voyage dans les Alpes, par Horace-Bénédict de Saussure, vol. IV, parag. 1533. D'IM SW Pr O"I SSVONN 5: 261 espèce, jusqu'au moment où de nouveaux faits nous les feront regarder comme constituant des espèces particulières. Ces variétés sont au nombre de cinq: deux diffèrent par leur couleur de l'anguille com- mune; les autres trois en sont distinguées par leur forme. Nous devons la connoissance de la première à Spallanzani; et la notice des autres nous a été envoyée par le citoyen Noël de Rouen, que nous avons si souvené le plaisir de citer. Premièrement, celle de ces variétés qui a été indi- quée par Spallanzani, se trouve dans les marais de Chiozza auprès de Venise. Elle est jaune sous le ventre, constamment plus petite que l’anguille ordinaire; et ses habitudes ont cela de remarquable, qu’elle ne quitte pas périodiquement ses marais, comme l'espèce com- mune , pour aller, vers la fin de la saison des chaleurs, passer un temps plus ou moins long dans la mer. Elle porte un nom particulier : on la nomme acerine, Secondement, des pêcheurs de la Seine disent avoir remarqué que les premières anguilles qu'ils prennent ‘sont plus blanches que celles qui sont pêchées plus tard. Selon d’autres, de mème que les anguilles sont communément plus rouges sur les fonds de roche, et deviennent en peu de jours d'une teinte plus foncée lorsqu'on les a mises dans des réservoirs, elles sont plus blanches sur des fonds de sable, Mais, indépen- damment de ces nuances plus ou moins constantes que présentent les anguilles communes, on observe 262 HISTOIRE NATURELLE dans la Seine une anguille qui vient de la mer lorsque les marées sont fortes, et qui remonte dans la rivière en mème temps que les merlans. Sa tête est un peu menue. Elle est d’ailleurs très-belle et communément assez grosse. On la prend quelquefois avec la seine *; mais le plus souvent on la pêche avec une ligne dont les appâts sont des éperlans et d'autres petits poissons. Troisièmement, le pimperneau est, suivant plusieurs pêcheurs , une autre anguille de la Seine, qui a la tête menue comme l'anguille blanche, mais qui de plus l’a très-alongée, et dont la couleur est brune. Quatrièmement, une autre anguille de la même rivière est nommée guiseau. Elle a la tête plus courte et un peu plus large que l’anguille commune. Le gui- seau a d’ailleurs le corps plus court; son œil est plus gros, sa chair plus ferme, sa graisse plus délicate. Sa couleur varie du noir au brun, au gris sale, au rous- sâtre. On le prend depuis le Hoc jusqu'à Villequier , et rarement au-dessus. Le citoyen Noël pense que le bon goût de sa chair est dû à la nourriture substantielle et douce qu'il trouve sur les bancs de l'embouchure de la Seine, ou au grand nombre de jeunes et petits poissons qui pullulent sur les fonds voisins de la mer. Il croit aussi que cette murène a beaucoup de rapports, * Voyez, à l’article de la raie bouclée, la description du filet appelé SELLE» DE DPTOur -S S'IDON7S: 563 par la délicatesse de sa chair, avec l’anguille que l'on pèche dans l'Eure, et que l'on désigne par le nom de breteau. Les troupes de guiseaux sont quelquefois de- trillées, suivant l'expression des pècheurs, c'est-à-dire qu'ils ne sont , dans certaines circonstances, mêlés avec aucune autre murène ; et d'autres fois on pêche, dans le même temps, des quantités presque égales d'an- guilles communes et de guiseaux. Un pècheur de Vil- lequier a dit au citoyen Noël qu'il avoit pris, un jour, d'un seul coup de filet, cinq cents guiseaux, au pied du château d'Orcheb. Cinquièmement, larguille chien a la tète plus longue que la commune, comme le pimperneau, et plus large, comme le guiseau. Cette partie du corps est d’ailleurs aplatie. Ses yeux sont gros. Ses dimensions sont assez grandes ; mais son ensemble est peu agréable à la vue, et sa chair est filamenteuse. On dit qu'elle a des barbillons à la bouche. Je n’ai pas été à mème de vérifier l'existence de ces barbillons, qui peut-être ne sont que les petits tubes à l'extrémité desquels sont placés les orifices des narines. L'enguille chien est très-soulue; et de là vient le nom qu’on lui a donné. Elle dévore les petits poissons qu'elle peut saisir dans les nasses, déchire les filets, ronge même les fils de fer des lignes. Lorsqu'elle est prise à l'hameçon , on remarque qu'elle a avalé l'haim de manière à le faire parvenir jusqu’à l'œsophage, tandis que les anguilles ordinaires ne sont retenues avec l’ha- meçon que par la partie antérieure de leur palais. On 264 :H1S TJOTRELN STEURENLTE. la pêche avec plus de facilité vers le commencement de l'automne; elle paroît se plaire beaucoup sur les fonds qui sont au-dessus de Candeleu. Dans l'automne de l'an 6 de l'ère françoise, une troupe d’anguilles chiens remonfa jusqu'au passage du Croisset : elle y resta trois ou quatre Jours; et n'y trouvant pas apparemment une nourriture suffisante ou convenable, elle redescendit vers la mer. N L A NOUR E DRE XTÆC EH ER ET LA MURÈNE MYRE: ForskRAEL a vu dans l'Arabie la murène tachetée, eten a publié le premier la description. Cette murène a la mâ- choire inférieure plus avancée que la supérieure ,comme l'anguille , avec laquelle elle a d’ailleurs beaucoup de ressemblance ; mais elle en diffère par une callosité placée entre les yeux, par le nombre des rayons de ses nageoires ainsi que de sa membrane branchiale *, ? Muræna maculata. Muræna guttata. Linné, édition de Gmelin. Forskael, Faun. Arab. p.22, n.1. Murène ponctuée. Bonnaterre, planches de l’ Encyclopédie méthodique; 2 Muræra myrus. Muræna myrus. Linné, édition de Gmelin. Murène myre. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Serpens marinus alter, eaudâ compressà. Willughby, p.108. Raj.p. 36. Muræna rostro acu{o, lituris albidis vario, etc. Artedi, gen. 24, syn. 40, 3 À la membrane branchiale de la murène tachetée, 6 rayons, à la nageoire du dos 43 à chacune des pectorales 9, Ou à peu près, à la nageoire de l’anus 36 à celle de la queue 10 TOME 11 34 266 HISTOIRE NA TUR ELLE et par la disposition de ses couleurs. Elle est d’un verd de mer, relevé par un grand nombre de taches noires; etune tache plus grande est placée auprès de la tête, de chaque côté du corps. La myre habite dans une mer très-voisine des contrées dans lesquelles on a pêché la tachetée : on la trouve dans la Méditerranée. Son museau est un peu pointu; les bords des mächoires et le milieu du palais sont garnis de deux ou trois rangées de petites dents presque égales ; deux appendices très-courts et un peu cylindriques sont placés sur la lèvre supérieure ”, Plusieurs raies blan- châtres , les unes longitudinales et les autres transver- sales, règnent sur la partie supérieure de la tête. La nageoire du dos, celle de la queue, et celle de l'anus, qui sont réunies , présentent une belle couleur blanche etun liséré d’un noir foncé. Felles sont du moins les couleurs que l’on remarque sur le plus grand nombre de myres : mais Forskael a fait connoître une murène qu'il regarde comme une variété de l'espèce que nous décrivons , et qui est d'un gris cendré sur toute sa sur- face *. On a soupçonné que cette variété contenoit dans sa tête un poison plus ou moins actif. Pour peu qu'on se souvienne de ce que nous avons dit au sujet des qua- lités vénéneuses des poissons, on verra sans peine de * À la membrane des branchies de la murène myre, 10 rayons, à chacune de ses nageoires pectorales 16 ? Forskael, Faun. Arab. p. 22, n. 2. Ld D' ERS PAOMNTE SA SMOMENRESS 207 quelle nature devront être les observations dont cette variété sera l’objet, pour que l'opinion des naturalistes soit fixée sur la faculté malfaisante attribuée à ces mu- rènes myres d'une couleur cendrée. Au reste, si l’exis- tence d'un véritable poison dans quelque vaisseau de la tête de cette variété est bien constatée, il faudra, sans hésiter , la considérer comme une espèce diflérente de toutes les murènes déja connues. a) LA MURENE CONCRES Le congre a beaucoup de rapports avec l'anguille :mais il en diffère par les proportions de ses diverses parties ; par la plus grande longueur des petits appendices eylin- * Muiæna conger. Anguille de mer. Filat, auprès des côtes méridionales de France. Conger eel, en Angleterre. Bronco, dans plusieurs contrées de l'Italie. Muræna conger. Linné, édition de Gmelin. Murène congre. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l’ Encyclopédie méthodique. Block, pl. 155. “O xéyypes. Arist. lib. 3, cap. 5; lib. 2, cap. 13, 15, 173 Lib. 3, cap. 10; Uib.6, cap. 17; lib. 8, cap. 12,13, 15; et lib. 9, cap. 2. Toyypos. Athen. lib. 7, p. 288. Oppian. Hal. lib. 1, p. à et 20. Conger. P/in. lib. 9, cap. 16, 20. Cub. lib. 3, cap. 22, f. 75 b. P. Jov. cap. 30, p. 102. Bellon. Totion, lib. 8, c. 166, f. 148 b. Congre. Rondelet, première partie, liv, 14; chap. 7. Conger. Salvian. fol. 66, b; 67, a, b. Gesner, p. 290. Jonston, L1,tit. 1,c.2, art. 6, tab. 4, fig, 7, Thaum.p. 415. Congrus. A/drov. lib. 3, cap. 25, p. 340. Charleton, p. 125. Iillughby, p.117. Rajip}37 NU Congre, anguille de mer. 7almont-Bomare, Dict. d'hist. naturelle. HISTOIRE N À TUR EL EE. 269 driques placés sur le museau , et que Fon a nommés bar- billons ; par le diamètre de ses yeux, qui sont plus gros; par la nuance noire que présente presque toujours le bord supérieur de sa nageoire dorsale ; par la place de cette nageoire, ordinairement plus rapprochée de la tète; par la manière dont se montre aux yeux la ligne latérale composée d’une longue série de points blancs ; par sa couleur, qui sur sa partie supérieure est blanche, ou cendrée, ou noire, suivant les plages qu'il fré- quente, qui sur sa partie inférieure est blanche, et qui d’ailleurs offre fréquemment des teintes vertes sur la tête, des teintes bleues sur le dos , et des teintes jaunes sous le corps ainsi que sous la queue; par ses dimen- sions supérieures à celles de l'anguille, puisqu'il n'est pas très-rare de lui voir de trente à quarante décimètres de longueur, avec une circonférence de près de cinq décimètres , et que, suivant Gesner, il peut parvenir à une longueur de près de six mètres; et enfin par la nature de son habitation, qu'il choisit presque tou- jours au milieu des eaux salées. On le trouve dans toutes les grandes mers de l’ancien et du nouveau continent; il est très-répandu sur-tout dans l'Océan d'Europe, sur les côtes d'Angleterre et de France, dans la Méditerranée, où il a été très-recherché des anciens, et dans la Propontide, où il l'a été dans des temps moins reculés ”. Ses œufs sont enveloppés d’une matière graisseuse très-abondante. * Bellon, Zv, 1, chap. 64. 270 ‘HIsITONR'E" N AITIURIEN LE Il est très-vorace ; et comme il est grand et fort, il peut se procurer ‘aisément l'aliment qui lui est né- cessaire. La recherche à laquelle le besoin et la faim le ré- duisent , est d’ailleurs d'autant moins pénible, qu'il vit presque toujours auprès de l'embouchure des grands fleuves, où il se tient comme en embuscade pour faire sa proie et des poissons qui descendent des rivières dans la mer, et de ceux qui remontent de la mer dans les ri- vières. Il se jette avec vitesse sur ces animaux; il les empêche de s'échapper , en s'entortillant autour d'eux, comme un serpent autour de sa victime; il les renferme, pour ainsi dire, dans un filet, et c'est de là que vient le nom de flat (filet) qu'on lui a donné dans plusieurs départemens méridionaux de France. C'est aussi de cette manière qu'il attaque et retient dans ses contours sinueux les poulpes ou sépies, ainsi que les crabes qu'il rencontre dépouillés de leur tèt. Mais s’il est dangereux pour un grand nombre d'habitans de la mer, il est exposé à beaucoup d'ennemis : l'homme le poursuit avec ardeur dans les pays où sa chair est estimée ; les très- grands poissons le dévorent ; la langouste le combat avec avantage; ef les murénophis, qui sont les murènes des anciens, le pressent avec une force supérieure. En vain, lorsqu'il se défend contre ces derniers animaux, emploie-t-il la faculté qu'il a reçue de s'attacher forte- ment avec sa queue qu'il replie ; en vain opposet-il par- là une plus grande résistance à la murénophis qui veut DorErUS PMOMT, SUISMOMNAS: 271 l’entrainer : ses efforts sont bientôt surmontés; et cette partie de son corps, dont il voudroit le plus se servir pour diminuer son infériorité dans une lutte trop iné- gale, est d’ailleurs dévorée, souvent dès la première approche, par la murénophis. On a pris souvent des congres ainsi mutilés, et portant l'empreinte des dents acérées de leur ennemie. Au reste, on assure que Ja queue du congre se reproduit quelquefois ; ce qui seroit une nouvelle preuve de ce que nous avons dit de la vitalité des poissons , dans notre premier Discours. Redi a trouvé dans plusieurs parties de l’intérieur de congres qu'il a disséqués, et, par exemple, sur la tunique externe de l'estomac, le foie , les muscles du ventre, la tunique extérieure des ovaires , et entre les deux tu- niques de la vessie urinaire, des hydatides à vessie blanche, de la grosseur d’une plume de coq, et de la longueur de vingt-cinq à trente centimètres *. Sur plusieurs côtes de l'Océan européen, on prend les congres par le moyen de plusieurs lignes longues chacune de cent trente ou cent quarante mètres, char- gées, à une de leurs extrémités, d’un plomb assez pe- sant pour n'être pas soulevé par l’action de l'eau sur la ligne, et garnies de vingt-cinq ou trente piles ou cordes, au bout de chacune desquelles sont un haïm et un appt. % A]a membrane des branchies 10 rayons, à chacune des nageoires pectorales 19 aux trois nageoires réunies du dos, de Ja queue et de Panus, plus de 300 272 HIS: TOR ME NAS RNUNPRUEMLENCYE: Lorsqu'on veut faire sécher des congres pour les envoyer à des distances assez grandes des rivages sur lesquels on les pêche, on les ouvre par-dessous, depuis la tête jusque vers l'extrémité de la queue ; on fait des entailles dans les chairs trop épaisses; on les tient ouverts par le moyen d'un bâton qui va d'une extrémité à l’autre de l'animal ; on les suspend à l'air; et lorsqu'ils sont bien secs, on les rassemble ordinairement par paquets dont chacun pèse dix myriagrammes, ou en- viron. TRENTE-TROISIÈME GENRE. LES AMMODYTES, Une nageoire de l'anus; oclle de la queue séparée de la nageoire de l'anus et de celle du dos; la tête comprimée et plus étroite que Le corps ; la lèvre supérieure double; la mächoire inférieure étroite et pointue; le corps très= alongé. ESPÈCE, CARACTÈRE, L'AMMODYTE APPAT. La nageoire de ] , (Ammodytes alliciens,) { Roc ee dRereHonTeEue C2 Sr TOME II. N> L'AMMODYTE APPAT*. Ox n’a encore inserit que cette espèce dans le genre de l'ammodyte: elle a beaucoup de rapports avec l'anguille, ainsi qu'on a pu en juger par la seule énonciation des caractères distinctifs de son genre; et comme elle a d'ail- leurs l'habitude de s’enfoncer dans le sable des mers, elle a été appelée anguille de sable en Suède,en Danemarck,en Angleterre, en Allemagne, en France, et a reçu le nom générique d'ammodyte , lequel désigne un animal qui plonge, pourainsi dire,dans le sable. Sa tète comprimée, plus étroite que le corps, et pointue par-devant , est l'instrument qu’elle emploie pour creuser la vase molle, * Ammodytes alliciens. Sul, en Norrége. Sandspiring , ez Allemagne. Sand-eel, launce, en Angleterre. Grig, dans son jeune âge, en Angleterre. Lancon, sur plusieurs côtes de France. Tobis , en Suède et en Danemarck. Ammodytes tobianus. Linné, édition de Gmelin. Ammodyte appât de vase. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Ammodytes. Artedi, gen. 1 6, spec. 35, syn. 29. Gronov. Zooph. p.113, n. 1043; Mus. 1 ,p.13, 11. 35. Faun. Suecic. 302. It. Scan. T4r. Ft, Oel. 87- Tom. 2. Q LL 8 Paa.274 2 XII Deseve Del Aussard. d'eulyr 1. AMMODYTE Appal 2. OPHIDIE Barbu. 5. MACRO GNATHE Æigullonne D, PU AGEN FURDTRONES LME TA s: fr LS AN SE vd cd e dé Rf. Es FA fr 4 ‘ae ut + ”” ' F _ 4: & } L ue « LIT TTE SLT MU STORE À :N° À TU MROENTELUE! 75 et pénétrer dans le sable des rivages jusqu'à la pro- fondeur de deux décimètres ou environ. Elle s’enterre ainsi par une habitude semblable à l'une de celles que nous avons remarquées dans l’anguille, à laquelle nous venons de dire qu'elle ressemble par tant de traits; et deux causes la portent à se cacher dans cet asyle souter- rain : non seulement elle cherche dans le sable les dra= gonneaux et les autres vers dont elle aime à se nourrir, mais encore elle tâche de se dérober dans cette retraite à la dent de plusieurs poissons voraces, et particulière- ment des scombres, qui la préfèrent à toute autre proie. De petits cétacées même en font souvent leur aliment de choix ; et on a vu des dauphins poursuivre l'ammodyte jusque dans le limon du rivage, retourner le sable avec leur museau, et y fouiller assez avant pour déter- tt Mus. Adol. Frid. x, p.75. Bloch, pl. 75, fig. 2. Piscis sandilz dictus, Sa/vian. Aquat. p. 69, b, et 70, b. Sandilz Anglorum. #/drov, Pise. p. 252, 254. Sandilz. Jonston, Pisc. p. 90, 1ab. 21 , fig. 1. Sandels or launce. Raÿj. Pise. p.38, n. 165, tab.11, fix. 12. Sand-launce. Brit. Zoolog. 3, p. 156, n. 65, pl, 25. Tobis, sandaal. Fisch. naturg. Liefl. p. 114. Anguille de sable. Valmont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle, Tobianus. Schonev. p. 76. Ammocætus, exocætus marinus, ammodytes, Gesner, germ. fol. 39. Ammodytes Gesneri, /Ælughby, p. 113. Awmmodytes Anglorum verus. Jago (in Raj. Syn.), p. 165. Anguilla de arena. Chart. p. 146. Ammodytes tobiaous. Ascagne, pl, x. 276 HISTOIRE NATURELLE reret saisir le foible poisson. Ce goût très-marqué des scombres et d’autres grands osseux pour cet ammodyte le fait employer comme appât dans plusieurs pèches ; et voilà d'où vient le nom spécifique que nous lui avons conservé. C'est vers le printemps que la femelle dépose ses œufs très-près de la côte. Mais nous avons assez parlé des habitudes de cette espèce: voyons rapidement ses principales formes. Sa mâchoire inférieure est plus avancée que la su- périeure ; deux os hérissés de petites dents sont placés auprès du gosier; la langue est alongée, libre en orande partie , et lisse ; l'orifice de chaque narine est double; les yeux ne sont pas voilés par une peau demi- transparente, comme ceux de l’anguille. La membrane des branchies est soutenue par sept rayons * ; l'ouver- ture qu'elle ferme est très-grande; et les deux branchies ‘antérieures sont garnies, dans leur concavité , d'un seul rang d’apophyses, tandis que les deux autres en pré- sentent deux rangées. On voit de chaque côté du corps trois lignes latérales ; mais au moins une de ces trois lignes paroit n'indiquer que la séparation des muscles. Les écailles qui recouvrent l'ammodyte appât sont très- petites; la nageoire dorsale est assez haute, et s'étend * A la nageoire du dos 60 rayons. à chaque nageoire pectorale r2 à la nageoire de l’anus 28 à celle de la queue 16 HAS O D SSTONDNS 277 presque depuis la tête jusqu'à une très-petite distance de l'extrémité de la queue, dont l'ouverture de l'anus est plus près que de la tête. Le foie ne paroît pas divisé en lobes; un cœcum ou grand appendice est placé auprès du pylore ; le canal intestinal est grèle, long etcontourné, et la surface du péritoine parsemée de points noirs. On compte ordinairement soixante-trois vertèbres avec lesquelles les côtes sont légèrement articulées ; ce qui donne à l'animal la facilité de se plier en différens sens , et même de se rouler en spirale, comme une cou- leuvre. Les intervalles des muscles présentent de petites arêtes qui sont un peu appuyées contre l'épine du dos. La chair est peu délicate, La couleur générale de lammodyte appât est d’un bleu argentin , plus clair sur la partie inférieure du poisson que sur la supérieure. On voit des raies blanches et bleuâtres placées alternativement sur l'abdomen ; et une tache brune se fait remarquer auprès de l'anus. TRENTE-QUATRIÈME GENRE, EES-OPHIDIES. La téte couverte de grandes pièces écailleuses; le corps et la queue comprimés en forme de lame, et sarnis de ch ; £ petites écailles; la membrane des branchies trés-large; les naveoires du dos, de la queue et de l'anus, réunies. (a 7 » PREMIER .SO.US-GENR E. Des barbillons aux mächoires. ESPÈCE, CARACTÈRES. re barbillons à la mâchoire inféri ; Abrébeaone mr ions à la mâchoire inférieure ; la Achoi érieure pl , re (Ophidium barbatum.) mâchoire supérieure plus avancée que l'in férieure. SE CON D''SO'US-GENRE Point de barbillons aux mächoires. ESPÈCES. CARACTÈRES. 8 L'OPHIDIEIMBERBE. SPRL {La nageoire de la queue un peu arrondie. (Ophidium imberbe.) Une ou plusieurs cannelures longitudinales au- 3. L'OPHIDIE UNERNAK. dessus du museau; la nageoire de la queue (Ophidium unernak.) pointue; la mâchoire inférieure un peu plus avarcée que la supérieure. EEE ——— OPEL PDLELE" : BA RABONE PÉMONMEMENT DE NEN TM DE R'EUEIr ET: LOP'HIDEE 'U/NER N AK C'est au milieu des eaux salées qu'on rencontre les ophidies. Le barbu habite particulièrement dans la mer Rouge et dans la Méditerranée, dont il fréquente mème * Ophidium barbatum. Donzelle, sur les côtes francoises de la Méditerranée. Ophidium barbatum. Zinné, édition de Gmelin. Broussonnet, Act. anglic. 71,1, p. 436, 1ab. 23. Donzelle barbue. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Opbhid. maxillà inferiore cirris quatuor. Artedi, gen. 25, syn. 42, Ophidion pisciculus congro similis, P/in. lib. 32, cap. 9. Opbhidion, donzelle. Rondelet, première partie, liv. 13, chap. 2, Grillus vulgaris, aselli species. Bellon, Aquat, p. 132. Ophidion Plinii. Gesner, p. 91, 104. Id. Aldrov. lib. 3, cap. 26, p. 353. Id. Jonst, lib. x, tit. 1, cap. 2,a,6, tab. b,f. 2. Ophidion Plinii et Rondeletii, F1/ughby,1chthyol.p.112,tab. G, 7, fig. 6. Id. Ray. p. 38. Bloch, pl. 159, fig. 1. Enchelyopus barbatus. X/ein, miss. pisc. 4, p.52, n. 4. Ophidium maxillà inferiore breviore , etc. Brunn. Pise. Massil.p. 15, n.25. : Opbhidium imberbe. Nügnogen, sur plusieurs rivages de l’Europe septentrionale. Ophidium imberbe. Zinné, édition de Gmelin. Donzelle imberbe. Daubenton, Encyclopédie méthodique, 260 HISTOIRE NA TURB#ETME les rivages septentrionaux, Il a beaucoup de ressem- blance, ainsi que les autres espèces de son genre, avec les murènes et les ammodytes : mais la réunion des nageoires du dos, de la queue et de l'anus , sufliroit pour qu'on ne confondit pas les ophidies avee les am- modytes ; et les traits génériques que nous venons d'exposer à la tête du tableau méthodique du genre que nous décrivons , séparent ce même genre de celui des murènes. Pour achever de donner une idée nette de la conformation du barbu, nous pouvons nous contenter d'ajouter aux caractères génériques, sous-génériques et spécifiques, que nous avons tracés dans cette table mé- thodique des ophidies, que le barbu a les yeux voilés par une membrane demi-transparente, comme les gymnotes , les murènes, et d’autres poissons ; que sa lèvre supérieure est double et épaisse; que l'on voit de Id. Bonnaterre, planches de l’ Encyclopédie méthodique. Ophidion cirris carens. Arledi, gen. 24, Sy. 42. Ophidion flavum, vel ophidium imberbe, Rondelet, première partie, div. 13, chap. 2. Id. 7Yillughby, p.113, Id. Raj. p. 39. Id. Schonev. p. 53. Ophidion. Schelhammer, Anat. æiph, p. 23, 24, Faun. Suecic. 319. Brit. Zoolog. app. 1. 93. Enchelyopus flavus imberbis. Alein, pise. miss, 4, p. 55, n. 5, $ Ophidium unernak. Ot. Fabricit Faun. Groenland. p.141, n. 99. Ophidium viride. Linné, édition de Gmelin. Donzelle uneruak. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. D'EFSVUP OT S 'SNOrNrS 581 petites dents à ses mächoires , sur son palais, auprès de son gosier ; que sa langue est étroite , courte et lisse ; que sa membrane branchiale présente sept rayons”; que sa ligne latérale est droite, et que l'anus est plus près de la tète que du bout de la queue. Quant à ses couleurs, en voici l'ordre et les nuances. Le corps et la queue sont d'un argenté mêlé de teintes couleur de chair, relevé sur le dos par du bleuâtre, et varié par un grand nombre de petites taches. La ligne latérale est brune ; les nageoires pectorales sont éga- lement brunes, mais avec un liséré gris; et celles du dos, de l'anus et de la queue, sont ordinairement blanches et bordées de noir. Cet ophidion a la chair délicate, aussi-bien que l'im- berbe. Ce dernier, qui n’a pas de barbillons, ainsi qu'on peut le voir sur le tableau méthodique de son genre , et comme son nom l'indique, est d’une couleur jaune. On le trouve non seulement dans la Méditerranée , où on le pêche particulièrement auprès des côtes méridionales de France, mais encore dans l'Océan d'Euroÿe, et même auprès de rivages très-septentrionaux *. * A la nageoire du dos du barbu, 124 rayons. à chacune des pectorales 20 à celle de l'anus 119 # À Ja nageoire du dos del’imberbe, 79 rayons, à chacune des pectorales 11 à celle de Panus 41 à celle de la queue 19 TOME Il. 36 202 HIS TON RE: N'A T-URE LME. C'est vers ces mêmes plages boréales , et jusque dans la mer du Groenland, qu'habite l’unernak dont on doit la connoissance au naturaliste Othon Fabricius. Sa cou- leur n'est ni argentée comme celle du barbu , ni jaune comme celle de limberbe, mais d’un beau verd que l’on voit régner sur toutes les parties de son corps, excepté sur les nageoires du dos , de l'anus, de la queue, et le dessous du ventre, qui sont blancs. Ses mâchoires sont sans barbillons , comme celles de l’imberbe; sa tête est large; ses yeux sont gros; l'ouverture de sa bouche est très-crande ”. Il est très-bon à manger comme les autres ophidies : mais comme il passe une grande partie de sa vie dans la haute mer, on le rencontre plus rarement. Il parvient aux dimensions de plusieurs gades, avec lesquels on l’a souvent comparé, et par conséquent de- vient plus grand que le barbu, dont la longueur n'est ordinairement que de trois à quatre décimètres. * A chacune des nageoires pectorales de l’unernak, 10 ou 11 rayons. # a De de nr came ps oser TRENTE-CINQUIÈME GENRE. LES MACROGNATEHES. La mächoire supérieure trés-ayancée et en forme de trompe; Le corps et la queue comprimés comme une lame; les nageoires du dos et de l'anus distinctes de celle de la queue. ESPÈCES. CARACTÈRES. 1. LE MACR. Me aiguillons au-devant de la nagcoire (Macrognathus ‘aculeatus.) du dos. 2. LE MACROGN. ARNÉ. OR aiguillons au-devant de la .na- (Macrognathus armatus, geoire du dos. = =———— LE MACROGNATHE AIGUILLONNÉ*. C£ nom générique de z7acrognathe, qui signifie longue mächoire , désigne le très-grand alongement de la mâ- choire supérieure de l'espèce que nous allons décrire, et que nous avons cru devoir séparer des ophidies, non seulement à cause de sa conformation qui est très-dif- férente de celle de ces derniers osseux , mais encore à cause de ses habitudes. En effet, lesophidies se tiennent au milieu des eaux salées, et l’aiguillonné habite dans les eaux douces : il y vit des petits vers et des débris de corps organisés qu'il trouve dans la vase du fond des lacs ou des rivières. Sa mâchoire supérieure lui donne beaucoup de facilité pour fouiller dans la terre humec- tée, et y chercher sa nourriture : elle est un peu pointue, et extrèmement prolongée ; aussi a-t-elle été comparée à une sorte de trompe. Le docteur Bloch, qui a examiné et décrit avec beau- coup de soin un individu de cette espèce , n’a vu de dents ni à cette mächoire supérieure, ni à l’inférieure, * Macrognathus aculeatus. Ophidium aculeatum. Linné, édition de Gmelin. Bloch, pl. 159, fig. 2. Donzelle trompe. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique Willughby, Ichthyol. append. tab. 10, fig. x. Pentophthalmos. Raj. Pise. p.159, n. 19. Nieuhof, Ind, 2, p. 228 ; fig. x. HIS NOIR EN À DUREE DE ML 909 niau palais, ni au sosier; ce qui s'accorde avec la nature molle des petits animaux sans défense, ou des parcelles végétales ou animales que recherche l’aiguillonné. L'o- percule des branchies n’est composé que d’une lame. Au- devant de la nageoire du dos, on voit une rangée longi- tudinale de quatorze aiguillons recourbés , et séparés l'un de l’autre ; et deux autres aiguillons semblables sont placés entre la nageoire de l'anus et l'ouverture du même nom, qui est plus loin de la tète que du bout de la queue*. É D'ailleurs les couleurs de l'animal sont agréables ; sa partie supérieure est rougeûtre , et l’inférieure argen- tée. Les nageoires pectorales sont brunes à leur base, et violettes dans le reste de leur surface. Celle du dos est rougeâtre variée de brun, et remarquable par deux taches rondes , noires, bordées de blanchâtre , et sem- blables à une prunelle entourée de son iris. La nageoire de l'anus est rougeâtre avec un liséré noir ; et un bleu nuancé de noir règne sur la nageoire de la queue, qui est un peu arrondie. La chair de l'aiguillonné est très-bonne à manger. On le pèche dans les grandes Indes, Il parvient ordinai- rement à la longueur de seize à vingt-un centimètres. # A la membrane des branchies 16 rayons. à la nageoire du dos 5x à chacune des nageoires pectorales 16 à celle de l’anus 53 à celle de la queue 14 LE MACROGNATHE ARMES Nous avons trouvé un individu de cette espèce encore inconnue aux naturalistes, dans une collection de pois- sons desséchés cédés par la Hollande à la France avec un grand nombre d'autres objets précieux d'histoire na- turelle. Elle diffère de l'armé par plusieurs traits de sa conformation et par sa grandeur: l'individu que nous avons décrit étoit long de près de trente-six centimètres, tandis que l’aiguillonné n’en a communément qu'une vingtaine de longueur totale. La mâchoire supérieure est faconnée en trompe : mais elle n’est pas aussi prolongée que dans l’aiguillonné ; elle ne dépasse l'inférieure que de la moitié de sa longueur. Les deux mâchoires sont garnies de plusieurs rangs de très-petites dents, et l’ai- guillonné n'en a ni aux mâchoires , niau gosier,ni au pa- lais. On voit un piquant auprès de chaque œil de l'armé, ettrois piquans à chacun de ses opercules. Au lieu de quatorze rayons recourbés, on en compte trente-trois au- devant de la nageoire du dos, et chacun de ces aiguillons disposés en série longitudinale est renfermé en partie dans une sorte de gaine. Les nageoires du dos et de l'anus ne sont pas séparées par un grand inter- valle de celle de la queue , comme dans l’aiguillonné ; * Macrognathus armatus. HISTOIRE NATURELLE: : 207 mais elles la touchent immédiatement, et n’en sont distinguées que par une petite échancrure dans leur membrane. L'état dans lequel é@it l'individu que nous avons examiné, ne nous à pas permis de compter exac- tement le nombre des rayons de ses nageoires: mais nous en avons trouvé plus de soixante-dix dans celle du dos, et plus de vingt dans chaque pectorale; et cependant le docteur Bloch n'en a vu que seize dans chacune des pectorales de l'aiguillonné , et cinquante- une dans la nageoire dorsale de ce dernier macro- gnathe. Au reste, l'armé a, comme l'espèce décrite par le doc- teur Bloch , deux aiguillons recourbés au-devant de la nageoire de l’anus. Nous ignorons dans quel pays vit le macrognathe armé. TRENTE-SIXIÈME GENRE. BYELSENXAAP EAN AS. La mächoire supérieure prolongée en forme de lame ou d'épée, et d'une longueur au moins égale au tiers de la longueur totale de l'animal ESPÈCES CARACTÈRES. La prolongation du museau, plate, sillonnée par-dessus et par-dessous, et tranchante sur ses bords. x. LE XIPHIAS ESPADON. (Xiphias gladius). dessus, non sillonnée , et éinoussée sur ses bords, É: La prolongation du museau, convexe par- 2. LE XIPHIAS ÉPÉE, P LE EM P (Xzphias ensis.) 4 7 CRAN TT dt. Li: 42 L_20e 1 00 PALETTE î a L x Le 4 Ê : : + k k. Du NE NUS AUOT PS DT EEE ES Less 08 ‘a N : NE : L k $ &, 1 LP) Un FLE CRUE LS NT OU À dE Dig m5 PU PET LR te A La à Les SR 2 CPS jé LS, vs bd ii A FARM CNTTÉ ‘ ] f} UOTE VE NU" à ee * = 22 Qu Ses Zür .2 : PI. 9 Pay. 289 | [= Des eve. Del Tardien S'oulp 1. XIPHILAS Espadon. 2. ANARHIQUE Loup 5. STROMATFE J'aru LE’: X ERAPPRRSRE SP PDO Vorcrun de ces géans de la mer, de ces émules de plusieurs cétacées dont ils ont recu le nom, de ces * Xiphias gladius. N Sward fisk, en Suède. Sword fish , en Angleterre. Pesce spado, en Italie. Emperador, z6id. Xiphias gladius, Zinné, édition de Gmelin. Glaive espadon. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Æigius, Aristot. lib: 2, cap. 13, 15 3et lib, 8, cap, 19. Id. Athen. lib. 7, p. 314. Id. Ælian, lib. 9, cap. 40, p. 548; et Lib. 14, cap. 292 Id. Oppian. lib. 1, p. 8; et lib. 2, p.48. Xiphias, seu gladius. Plin. lib. 9, cap. 155 et lib. 32, cap, 2 et xx Motion, lib. 8, cap.189, fol. 167, à Empereur, Rondelet, première partie, liv, 8, chap, 14. Zifius, par plusieurs ariciens auteurs. Xiphias, zd est gladius piscis. Gesner, p. 1049 Xiphias, seu gladius.Jonston, lib.x,1it.1, cap.24a,3 tab, fs. 2, Xiphias piscis, Latinis gladius. Willughby ; P. He Id. Raj. p. 52. SNS s Gladius, vel xiphias. Schonev. p: 35, il (355 j te Gladius, Cuba, lib. 3, cap. 39, fol, 80, a. Sals, fol. 126, ad iconem, et 127. Êg 21: 2 à : Gladius. A/droy. lib, 3, cap. 2x, p. 332. | fe dd Bloch, pl. 76. Xiphias. Klein, miss. pisc. 4, p.17, n.1,2, 4, tab.x,fig.2, eltab.2,fig,x, Empereur. Valmont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. Schelhamer, Anat. æiphit piscis, Hamb, 1707- Berthoï. cent. 2, c. 16, : TOME IL, 37 290 HISTOIRE PNA TU R EL RE dominateurs de l'Océan qui réunissent une grande force à des dimensions très-étendues. Au premier aspect, le xiphias espadon nous rappelle les grands acipensères , ou plutôt les énormes squales et même le terrible requin, Il est l’analogue de ces derniers; il tient parmi les osseux une place semblable à celle que les squales occupent parmi les cartilagineux; il a reçu comme eux une grande taille, des muscles vigoureux, un corps agile, une arme redoutable, un courage intrépide, tous les attributs de la puissance ; et cependant tels sont les résultats de la différence de ses armes à celles du requin et des autres squales, qu'abusant bien moins de son pouvoir, ilne porte pas sans cesse autour de lui, comme ces derniers, le carnage et la dévastation. Lorsqu'il mesure ses forces contre les grands habitans des eaux, ce sont .plutôt des ennemis dangereux pour lui qu'il re- pousse, que des victimes qu'il poursuit. IT se contente souvent, pour sa nourriture, d'algues et d’autres plantes marines ; et bien loin d'attaquer et de chercher à dévo- rer les animaux de son espèce, il se plaît avec eux; il aime sur-tout à suivre sa femelle , lors même qu'il n'o- béit pas à ce besoin passager, mais impérieux, que ne peut vaincre la plus horrible férocité. 11] paroît donc avoir et des habitudes douces et des affections vives. On peut lui supposer une assez grande sensibilité; et si l'on doit comparer le requin au tigre, le xiphias peut être Considéré comme l’analogue du lion. Mais les effets de son organisation ne sont pas seuls D Es Por: S10)'N'is! 291 remarquables ; sa forme est aussi très-digne d'attention. Sa tête sur-tout frappe par sa conformation singulière: Les deux os de la mâchoire supérieure se prolongent en avant , se réunissent , et s'étendent de manière que leur longueur égale à peu près le tiers de la longueur totale de l'animal. Dans cette prolongation, leur matière s’or- ganise de manière à présenter un grand nombre de petits cylindres, ou plutôt de petits tubes longitudinaux: ils forment une lame étroite et plate, qui s'amincit et se rétrécit de plus en plus jusqu'à son extrémité, et dont les bords sont tranchans comme ceux d'un espadon ou d'unsabre antique. Trois sillons longitudinaux règnent sur la surface supérieure de cette longue lame , au bout de laquelle parvient celui du milieu ; et l'on appercoit un sillon semblable sur la face inférieure de cette même prolongation. Une extension de l'os frontal triangulaire, pointue et très-alongée , concourt à la formation de la face supérieure de la lame, en s'étendant entre les deux os maxillaires , au moins jusque vers le tiers de la lon- gueur de cette arme ; et sur la face inférieure de cette lame osseuse, on voit une extension analogue et éga- lement triangulaire des os palatins s’avancer entre les deux os maxillaires , mais moins loin que l'extension pointue de l'os frontal. Ce sabre à deux tranchans est d'ailleurs revêtu d'une peau légèrement chagrinée. La mâchoire inférieure est pointue par-devant ; et sa longueur égalant le tiers de la longueur de la lame tubulée , c'est-à-dire , le neuvième de la longueur totale 292 HIS TOMRE INA TFURETAE de l'animal, il n'est pas surprenant que l'ouverture de Ia bouche soit grande; ses deux bords sont garnis d’un nombre considérable de petits tubercules très-durs, ou plutôt de petites dents tournées vers le gosier, auprès duquel sont quelques os hérissés de pointes. La langue est forte et libre dans ses mouvemens. Les yeux sont saillans, et l'iris est verdâtre. L'espadon a d'ailleurs le corps et la queue très-alon- gés. L'orifice des branchies est grand , et son opercule composé de deux pièces; sept ou huit rayons soutiennent la membrane branchiale. Les nageoires sont en forme de aux, excepté celle de la queue, qui est en croissant *. Une membrane adipeuse placée au-dessous d'une peau mince, couvre {out le poisson. La ligne latérale est pointillée de noir : cette même couleur règne sur le dos de l'animal, dont la partie infé- rieure est blanche. Les nageoires pectorales sont jau- nâtres; celle du dos est brune, et toutes les autres pré- sentent un gris cendré. L'espadon habite dans un grand nombre de mers. On le trouve dans l'Océan d'Europe, dans la Méditerranée, et jusque dans les mers australes. On le rencontre aussi entre l'Afrique et l'Amérique: mais, dans ces derniers. parages, sa nageoire du dos paroïit être constamment * A la nagcoire du dos 42 rayons. à chacune des pectorales 17 à celle de l’anus 18 à celle de la queue 26, DES" ‘P/0: 7 -S SMONNTS, 2093 plas grande et tachetée ; et c'est aux espadons, qui, par les dimensions et les couleurs de leur nageoire dorsale, composent une variété plus ou moins durable, que l'on doit, ce me semble, rapporter le nom brasilien de sue- bucu *. Les xiphias espadons ont des muscles très-puissans : leur intérieur renferme de plus une grande vessie nata- toire; ils nagent avec vitesse ; ils peuvent atteindre avec facilité de très-grands habitans de la mer. Parvenus quelquefois à la longueur de plus de sept mètres, frap- pant leurs ennemis avec un glaive pointu et tranchant de plus de deux mètres, ils mettent en fuite, ou com- battent avec avantage, les jeunes et les petits cétacées , dontles tégumens sont aisément traversés par leurarme osseuse, qu'ils poussent avec violence, qu'ils précipitent avec rapidité, et dont ils accroissent la puissance de toute celle de leur masse et de leur vitesse. On a écrit que dans les mers dont les côtes sont peuplées d'énormes crocodiles , ils savoient se placer avec agilité au-dessous de ces animaux cuirassés, et leur percer le ventre avec adresse à l'endroit où les écailles sont le moins épaisses et le moins fortement attachées. On pourroit même, à la rigueur, croire , avec Pline, que lorsque leur ardeur estexaltée , que leur instinct est troublé, ou qu'ils sont le jouet de vagues furieuses qui les roulentet les lancent, ils se jettent avec tant de force contre les bords des * Voyez Marcgraye, Brasil, lib, 4, cap. 15, p. 7x, 204 [HIS TOARÉ NATURETLE embarcations, que leur arme se brise, et que la pointe de leur glaive pénètre dans l'épaisseur du bord, et y demeure attachée, comme on y a vu quelquefois égale- ment implantés des fragmens de l'arme dentelée du squale scie, ou de la dure défense du narval. Malgré cette vitesse, cette vigueur , cette adresse ; cette agilité, ces armes, ce pouvoir , l'espadon se con- tente souvent, ainsi que nous venons de le dire, d'une nourriture purement végétale. Il n’a pas de grandes dents incisives ni laniaires ; et les rapports de l'abon- dance et de la nature de ses sucs digestifs avec la lon- gueur et la forme de son canal intestinal, sont tels, qu'il préfere fréquemment aux poissons qu'il pourroit saisir , des algues et d'autres plantes marines : aussi sa chair est-elle assez communément bonne à manger, et même très-agréable au goût; aussi lorsque la présence d'un ennemi dangereux ne le contraint pas à faire usage de sa puissance , a-t-il des habitudes assez douces. On ne le rencontre presque jamais seul : lorsqu'il voyage, c'est quelquefois avec un compagnon, et presque toujours avec une compagne; et cette association par paires prouve d'autant plus que les espadons sont susceptibles d'affection les uns pour les autres, qu'on ne doit pas supposer qu'ils sont réunis pour atteindre Ja même proie ou éviter le même ennemi, ainsi qu'on peut le croire de l'assemblage désordonné d'un très- grand nombre d'animaux. Un sentiment différent de la faim ou de la crainte peut seul , en produisant une DE 7 APhO) es SNO NES: 299 sorte de choix, faire naître etconserver cet arrangement deux à deux ; et de plus leur sensibilité doit être consi- dérée comme assez vive, puisque la femelle ne donne pas le jour à des petits tout formés, que par conséquent il n’y a pas d'accouplement dans cette espèce, que cette même femelle ne va déposer ses œufs vers les rivages de l'Océan que lors de la fin du printemps ou le commen- cement de l'été, et que cependant le mâle suit fidèle- ment sa compagne dans toutes les saisons de l'année. La saveur agréable et la qualité très-nourrissante de la chair de l'espadon font que dans plusieurs contrées on le pêche avec soin. Souvent la recherche qu'on fait de cet animal, est d'autant plus infructueuse , qu'avec son long sabre il déchire et met en mille pièces les filets par le moyen desquels on a voulu le saisir. Mais d’autres fois, et dans certains temps de l'année , des insectes aquatiques s'attachent à sa peau au-dessous de ses na- geoires pectorales, ou dans d'autres endroits d'où il ne peut les faire tomber, malgré tous ses efforts ; et quoi- qu'il se frotte contre les algues , le sable ou les rochers, ils se cramponnent avec obstination, et le font souf- frir si vivement, qu'agité , furieux, en délire comme le lion et les autres grands animaux terrestres sur lesquels se précipite la mouche du désert, il va au-devant du plus grand des dangers , se jette au milieu des filets, s’élance sur le rivage , ou s'élève au-dessus de la surface de l'eau, et retombe jusque dans les barques des pêcheurs, LE X PUAC IA S "OPA LA description de cette espèce n’a encore été publiée par aucun naturaliste. Nous n'avons vu de ce poisson que la partie antérieure de la tête:mais comme c’est dans cette portion du corps que sont placés les carac- tères distinctifs des xiphias, nous avons pu rapporter l'épée à ce genre; et comme d'ailleurs cette même partie antérieure ne nous a pas seulement présenté les formes particulières à la famille dont nous nous occupons, mais nous a montré de plus des traits remarquables et très- diflérens de ceux de l’espadon, nous avons dû séparer de cette dernière espèce l'animal auquel avoit appar- tenu cette portion, et nous avons donné le nom d'épée à ce xiphias encore inconnu. Voici les grandes différences qui distinguent l'épée de l’espadon, et qui sufliroient seules pour empêcher de les réunir , quand bien même le corps et la queue de l'épée seroient entièrement semblables à la queue et au corps de l’espadon. Dans ce dernier animal, la prolongation est plate : elle est convexe dans l'épée. L'arme de l’espadon est aiguë sur ses bords comme un sabre à deux tranchans ; celle de l'épée est très- # Xiphias ensis, H LS T' OX R'EVENPAMTQUPR PRÉEVE. 297 arrondie le long de ses côtés, et par conséquent n'est point propre à tailler ou couper. La lame de l’espadon est très-mince : la défense de l'épée est presque aussi épaisse, ou ,ce qui est ici La. même chose, presque aussi haute que large. On voit trois sillons longitudinaux sur la face supé- rieure du sabre de l'espadon, et un sillon également longitudinal sur la face inférieure de ce même sabre : on n'appercoit de sillon sur aucune des surfaces de la prolongation osseuse de l'épée. Une extension de l'os frontal, pointue et triangulaire, s'avance au milieu des os maxillaires supérieurs de l’es- padon , jusqu'au-delà de sa mâchoire inférieure : une extension analogue n'est presque pas sensible dans l'épée. Une seconde extension pointue et triangulaire, appar- tenant aux os intermaxillaires, se prolonge dans l’es- padon sur la face inférieure de l'arme, mais ne va pas jusqu'au-dessus du bout de la mâchoire inférieure : dans l'épée elle dépasse de beaucoup cette dernière extrémité. La peau qui couvre la lame de l'espadon est légère- ment chagrinée : celle qui revêt la défense de l'épée pré- sente des grains bien plus gros;et sous les os maxillaires, à l'endroit qui répond à la mâchoire inférieure , les tu- bercules de cette peau se changent, pour ainsi dire, en petites dents recourbées vers le gosier. Voilà donc sept différences qui ne permettent pas de TOME II | 38 206 H Y-S'T OT R EAN À TOUR FALL LE. rapporter à la même espèce l'espadon et l'épée. II peut d’ailleurs résulter de cette diversité dans la forme des armes, une variété assez grande dans les habitudes, une espèce ayant reçu un glaive qui tranche et coupe, et l’autre espèce une épée qui perce et déchire. Au reste, la portion de la tête d'un xiphias épée ; qui nous a montré la conformation que nous venons d'exposer, fait partie de la collection du Muséum national d'histoire naturelle. TRENTE-SEPTIÈME GENRE. LES ANARHIQUES. Le museau arrondi; plus de cinq dents coniques à chaque mächoire; des dents molaires en haut et en bas; une lonsue nageoïre dorsale. ESPÈCES à CARACTÈRES. 1. L'ANARHIQUE LOUP. [Quatre os maxillaires à chaque mâchoire; les (Anarhichas lupus.) dents osseuses et très-dures. 2. L’ANARHIQUE a dents cartilagineuses et très- aiguës à la (Anarhichas karrak.) partie antérieure de chaque mâchoire. Les lèvres. doubles ; la nageoire de la queue un peu lancéolée; des ‘taches rondes et brunes sur le corps et la queue, 3. L’'ANARH. PANTHÉRIN. { Anarhichas pantherinus.) L'ASNPANRELT'ONCSE" L'O'TME Ce poisson peut figurer avec avantage à côtédu xiphias, et par sa force, et par sa grandeur. Il parvient quelque- fois , au moins dans les mers très-profondes , jusqu'à la longueur de cinq mètres ; et sil n'est point armé d'un glaive comme l'espadon et l'épée, s'il ne paroïit pas se mouvoir au milieu des ondes avec autant d’agilité que ces derniers animaux, ila recu des dents redoutables et par leurnombre, et par leur forme, et par leur du- * Anarhichas lupus. Sea-wolf, ez Angleterre. Anarrhichas lupus. Zinné, édition de Gmelin. Loup-marin crapaudine. Daubenton, Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Lupus marinus nostras, Schonev. p.45. Lupus marinus Schoneveldii, Jonston, tab. 47, fig. 2. Lupus marinus nostras et Schoneveldii, 77 /lu1$hby, p. 120, tab. H, 3, fig. 1. Lupus marinus. Raj. pisc. 40. Anarhichas scansor. Gesner (germ.) fol. 63, a. Auarhichas. Artedé, gen. 23, syn. 38. Gronov. Mus.1, p. 16,7. 443 Zooph. p. 131, 7. 400. Anarrhichas lupus non maculatus. Müller, Prodrom.Zoolog. Dan.p. 40, 1, 332. Ot. Fabric. Faun. Groenland. p. 138, n. 7. Bloch, pl. 74. . Latargus. Klein, miss. pise. 4, p. 16. kavenous. Drit. Zoolog. 3, p. 157, tab. 24. Sea-wolf. Olear. Mus. 53, 1ab. 27, fig. 2. Loup marin, lupus mariaus piscis, l’almont-Boinare, Dictionnaire &’histoire naturelle. HTSTOIRE" N LEUR ELLE. JO relé; il présente mème des moyens plus puissans de des- truction que le xiphias, et il nage avec assez de vitesse pour atteindre facilement sa proie. Son organisa(ion intérieure lui donne d'ailleurs une très-grande voracité. Féroce comme les squales , terrible pour la plupart des habitans des mers, vrai loup de l'Océan, il porte le ra= vage parmi le plus grand nombre de poissons, comme la bête sauvage dont il a recu le nom, parmi les trou- peaux sans défense ; et bien loin d'offrir ces marques d'une affection douce , cette durée dans Pattachement, ces traits d’une sorte de sociabilité que nous avons vus dans le xiphias, il montre, par l'usage constant qu'il fait de ses armes, tous les signes de la cruauté, et justifie le nom de ravisseur qui lui a été donné dans presque toutes les contrées et par divers observateurs. Son corps et sa queue sont alongés. et comprimés: aussi nage-t-il en serpentant comme les trichiures , ou plutôt comme les murènes et le plus grand nombre de poissons de l'ordre que nous examinons; et c’est vraisemblablement parce que les diverses ondulations de son corps et de sa queue lui permettent quelquefois , et pendant quelques mo- menus , de ramper comme l’anguille , et de s’avancer le long des rivages, qu'il a été appelé grimpeur par quelques naturalistes. Sa peau est forte, épaisse, gluante, ainsi que celle de l'anguille ; ce qui lui donne la facilité de s'échapper comme cette mu rène , lorsqu'on veut le sai- sir; et les petites écailles dont ce tégument est revêtu , sont attachées à cette peau visqueuse, ou cachées sous #02 HISTOIRE) IN AUNURELIUIE l'épiderme, de manière qu'on ne peut pas aisément les distinguer. . La tète de l’anarhique que nous décrivons, est grosse, le museau arrondi, le front un peu élevé, l'ouverture de la bouche très-crande ; les lèvres sont membraneuses, mais fortes , et les mâchoires d'autant plus puissantes, que chacune de ces deux parties de la tête est compo- sée, de chaque côté, de deux os bien distincts, grands, durs , solides , réunis par des cartilages, et s’archoutant mutuellement. C’est au-devant de ces doubles mâ- choires , qu'on voit, tant en haut qu'en bas, au moins six dents coniques propres à couper ou plutôt à déchi- rer , divergentes, et cependant ressemblant un peu, par Jeur forme , leur volume et leur position, à celles du loupet de plusieurs autres quadrupèdes carnassiers. On voit d'ailleurs cinq rangs de dents molaires supérieures, plus ou moins irrégulières, plus ou moins convexes, et trois rangs de molaires inférieures semblables. La langue est courte, lisse, et un peu arrondie à son extrémité. Les yeux sont ovales. Il résulte done de l'ensemble de toutes ces formes que présente la tète de l'anarhique loup, que lorsque la gueule est ouverte, cette même tête a beaucoup de rap- ports avec celle de quelques quadrupèdes , et partieu- lièrement de plusieurs phoques ; et voilà donc cet anarhique rapproché des mammifères carnassiers, non seulement par ses habitudes, mais encore par la nature de ses armes et par ses organes extérieurs les plus remarquables. DEN APAOMDEN ESS O: NÉS 809 Au reste, comment le loup ne seroit-il pas compris parmi les dévastateurs de l'Océan ? Il montre ces dents terribles avec lesquelles une proie est si facilement saisie, retenue, déchirée ou écrasée : et de plus, ses intestins étant très-courts , ne doit-il pas avoir des sucs digestifs d'une grande activité, et qui, par l'action qu'ils exercent sur ce canal intestinal , ainsi que sur son estomac , dans les momens où ils ne contiennent pas une nourriture copieuse , lui font éprouver vivement le tourment de la faim, et le forcent à poursuivre avec ardeur , et souvent à immoler avec une sorte de rage, de nombreuses victimes? Quelques dents de moins , ou plutôt quelques décimètres de plus dans la longueur du canal intestinal, auroient rendu ses ha- bitudes assez douces. Mais les animaux n'ont pas , comme l'homme, cette Î pelle , embrasse ou prévoit tous les instans et tous les raison céleste, cette intelligence supérieure qui rap- lieux, qui combat avec succès la puissance de la na- ture par la force du génie, et, compensant le moral par le physique, et le physique par le moral, accroît ou diminue à son gré l'influence de l'habitude > et donne à la volonté l'indépendance et l'empire. L'anarhique loup, condamné donc, par sa conforma- tion et par la qualité de ses habitudes , à rechercher presque sans cesse un nouvel aliment , est non seu- lement féroce , mais très-vorace : il se jette goulument sur ce qui peut appaiser ses appétits violens, I dévore 304 HISTOIRE" NÀÂFURELTF non seulement des poissons, mais des crabes et des coquillages; il les avalemêèmeavec tant de précipitation, que souvent de gros fragmens de dépouilles d'animaux testacées, et des coquilles entières, parviennent jusque dans son estomac, quoiqu'il eût pu les concasser et les broyer avec ses nombreuses molaires. Ces coquilles entières et ces fragmens ne sont cependant pas digérés ou dissous par ses sucs digestifs, quelqu'actives que soint ces humeurs, pendant le peu de séjour qu'ils font dans un canal intestinal très-court, et dont le loup est pressé de les chasser, pour les remplacer par des substances nouvelles propres à appaiser sa faim sans cesse renaissante., D'ailleurs l'estomac de cet ana- rhique n’a pas la force nécessaire pour les réduire, par la trituration , en très-petites parties : mais ce poisson s’en débarrasse presque toujours avec beaucoup de fa- cilité , parce que l'ouverture de son anus est très-con- sidérable et susceptible d'une assez grande extension. C'est dans l'Océan septentrional que se trouve le Joup. On ne le voit ordinairement en Europe qu'à des latitudes un peu élevées ; on l’a reconnu à Botany-bay sur la côte orientale de la Nouvelle-Hollande * : mais il se tient communément pendant une grande partie de l'année à des distances considérables de toute terre et dans les profondeurs des mers; il ne se montre pas * TJoyage de Tench, capitaine de la Charlotte, à la baie Botanique, er 1787 (7. st.) D: ES SILPUO AL. SYSUDPNUSS 30) pendant l'hiver près des rivages septentrionaux de l'Europe et de l'Amérique ; et c'est à la fin du printemps que sa femelle dépose ordinairement ses œufs sur les plantes marines qui croissent auprès des côtes. Il s'élance avec impétuosité; et malgré cette rapidité au moins momentanée, plusieurs naturalistes ont écrit que sa natation paroît lente quand on la compare à celle des xiphias: sa force est néanmoins très-grande, etses dimensions sont favorables à des mouvemens ra- pides. Ne pourroit-on pas dire queles museles de sa tète, qui serre , déchire ou écrase avec tant de facilité , sont beaucoup plus énergiques que ceux de sa queue , tandis que, dans les xiphias , les muscles de la queue sont plus puissans que ceux de la tête, armée sans doute d'un glaive redoutable, mais dénuée de dents, et qui ne con- casse ni ne brise. Nous devons d'autant plus le pré- sumer, que la natation, dont les vrais principes accé- lérateurs sont dans la queue, n’est ordinairement sou- mise à aucune cause retardatrice très-marquée, qui ne réside dans une partie antérieure de l'animal trop pe- sante ou trop étendue en avant. N'avons-nous pas vu que la prolongation de la tête des xiphias égale en lon- gueur le tiers de l’ensemble du poisson? et de quel pouvoir ne doivent pas être doués les muscles caudaux de ces animaux, pour leur imprimer, malgré la résis- tance de leur partie antérieure , la vitesse dont on les yoit jouir ? Ne pourroit-on pas d’ailleurs ajouter que quand TOME IL 29 306 HISTOIRE NATURELLE bien mème la nature, la forme, le volume et la position des muscles caudaux leur donneroient à proportion la mème force dans le. loup et dans les xiphias, cet anarhique devroit s'avancer, tout égal d’ailleurs , avec moins de rapidité que ces derniers, parce que sa tète assez grosse , arrondie et relevée, doit fendre l’eau de la mer avec moins de facilité que le glaive mince et étroit des xiphias? Quoi qu'il en soit de la force de la queue du loup, £eelle de sa tête est si considérable, et ses dents sont si puissantes , qu'on ne le pêche dans beaucoup d'endroits qu'avec des précautions particulières. Dans la mer d'O- kotsk, auprès du Kämtschatka, vers le cinquante-troi- sième degré de latitude, on cherche à prendre le loup avec des seines ou filets faits de lanières de cuir, et par conséquent plus propres à résister à ses efforts. Dans ce même Kamtschatka, le célèbre voyageur Steller a vu un individu de cette espèce que l'on venoit de pé- cher , irrité de ses blessures et de sa captivité ,. SAlSEC avec fureur et briser comme un verre une sorte de coutelas avec lequel on vouloit achever de le tuer , et mordre avec rage des bâtons et des morceaux de bois dont on se servoit pour le frapper. | Au reste , on va avec d'autant plus de constance à la poursuite du loup, qu'il peut fournir une grande quan- tité d'aliment, et que sa chair, suivant Ascagne, est dans certaines circonstances , aussi bonne que celle de Vanguille, Les habitans du Groenland le pèchent aussi DE SUP O 1 S'S"OWMSR 307 pour sa peau, qui leur sert à faire des bourses et quel- ques autres ustensiles. Le loup a été nommé crapaudine , parce qu'on a re- gardé comme provenant de cet animal , de petits corps fossiles, connus depuis long-temps sous le nom de bufo- nites ou de crapaudines. Ces bufonites ont reçu la dé- nomination qu'on leur a donnée dès les premiers mo- mens où l’on s’en est occupé, à cause de l’origine qu'on leur a dès-lors attribuée. On a supposé que ces petits corps étoient des pierres sorties de la tète d'un crapaud, en latin 4ufo. Ils sont d'une forme plus ou moins con- vexe d'un côté, planes ou concaves de l’autre, d'une figure quelquefois régulière et quelquefois irrégulière, et communément gris ou bruns, ou roux, ou d'un rouge noirâtre. Par une suite de la fausse opinion qu'on avoit adoptée sur leur nature, on les a considérés pen- dant quelque temps comme des pierres fines du second ordre : mais lorsque l’histoire naturelle a eu fait de plus grands progrès, on s'est bientôt apperçu que ces pré- tendues pierres fines n'étoient que des dents de poisson pétrifiées , et presque toujours des molaires. Les uns les ont regardées comme des dents d’anarhique, d’autres comme des dents du spare dorade , d'autres comme des dents de poissons osseux différens de la dorade et de l'anarhique. Ils ont tous eu raison, en ce sens qu'on doit rapporter ces fossiles à plusieurs espèces de pois- sons , très-peu semblables l'une à l’autre; et telle a été l'opinion de Wallérius, La plus grande partie de ces 508 HISTOIRE NATURELLE. dents nous ont paru néanmoins avoir appartenu à deg dorades ou à des anarhiques. Au reste , il est très-aisé de séparer parmi ces fossiles les dents molaires du loup d'avec celles du spare dorade : les dernières ont une régularité et une convexité que l’on ne voit pas dans les premières. Mais pour être de quelque utilité aux géologues, et leur donner des bases certaines d’après lesquelles ils puissent lire sur les corps pétrifiés et fos- siles quelques points de l'histoire des anciennes révo- lutions du globe,nous tâcherons de montrer, dans notre Discours sur les parties solides des poissons , les véri- tables caractères des dents d’un assez grand nombre d'espèces de ces animaux. Le loup est d’un noir cendré par-dessus , et d’un blanc plus ou moins pur par-dessous ; ce qui lui donne un nouveau rapport extérieur avec plusieurs cétacées. Mais peut-être ne doit-on regarder que comme une variété de cette espèce, l’anarhique que l’on a désigné par le nom de srié*, qui présente en eflet des stries irrégulières, presque transversales , et brunes, et qui a été pêché auprès des rivages de la Grande-Bretagne *, * Anarhichas strigosus. Linné, édition de Gmelin. Brit. Zoolog. 3 ,n. 6, p. 110. # A la membrane des branchies du loup, 6 rayons, à la nageoire dorsale 74 à chacune des nageoires peetorales 20 à celle de l’anus 46 à celle de la queue 16 On a compté, à chacune des pectorales de l’anarhique strié, 18 rayons. et à celle de la queue du même anima], 13 EE L'ANARAHIQUE KIMRRAEE ET L’'ANARHIQUE PANTHÉRIN: Ces deux espèces habitent dans l'Océan septentrional : la première dans la mer du Groenland, et la seconde dans la mer Glaciale. Elles ont d'ailleurs beaucoup de rapports l’une avec l’autre. Le karrak a les ÿeux très-gros et rapprochés du som: met de la tête, qui a, dit-on, quelque ressemblance vague avec celle d’un chien. L'ouverture de sa bouche est grande ; les deux mâchoires présentent de chaque côté trois dents aigues et inégales ; et dans l'intervalle qui sépare par-devant ces deux triolets, on compte deux autres dents plus petites. a ————————. — — —" Îî" * Anarhichas karrak. Anarhichas minor. Linné, édition de Gmelin.. Loup marin karrak. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Ot. Fabric. Faun. Groenland. p. 139, n. 936. Anarhichas minor. Muller, Prodrom. Zoolog. Dan. Olafs. Island, p. 592, t. 42, 2 Anarhichas pantherinus, Kusatschka, en Russie, Auarhichas pantherinus. Linné, édition de Gmelin,. Zoyiew, Act, Petrop. 1781 ; 13, 271 , tab..6; Le SO HISTOIRE NATURELLE La nageoire dorsale s'étend depuis le cou jusqu'à une très-petite distance de la nageoire de la queue *. Le karrak est ordinairement d’un gris noirâtre, et ne parvient pas à des dimensions aussi considérables que le loup. Peut-être le panthérin est-il communément encore moins grand que le karrak; peut-être a-t-on eu raison d'écrire que sa longueur ordinaire n'est que d'environ un mètre. On luia donné le nom que j'ai cru devoir lui conserver, parce que sur un fond plus ou moins jaunâtre, et par conséquent d'une teinte assez sem- blable à la couleur de la panthère, il présente, sur pres- que toute sa surface, des taches rondes et brunes. Sa tète est un peu sphérique ; ses lèvres sont doubles: Au travers de la large ouverture de sa gueule , on ap- _perçoit aisément, de chaque côté de la mâchoire supé- rieure, deux rangs de dents coniques et plus ou moins recourbées , et deux rangées de dents molaires. Entre les quatre rangs de dents coniques , on voit quatre autres dents placées longitudinalement ; et entre les quatre rangées de dents molaires, paroit sur le palais une série longitudinale de sept dents très-fortes, et dont les deux premières sont ordinairement séparées des autres. La mâchoire inférieure est armée, de chaque Fa RAR RER AR Ne MEET RUE e Pt * A la nageoire dorsale du karrak, 7o rayons. à chacune des pectorales 20 à celle de Panus 44 à celle de la qeue 27 D 'E*sS' p:0 r:$. sois AL côté, de deux rangs de dents molaires , et de deux ou trois rangées de dents coniques. Les yeux sont grands et assez éloignés l’un de l’autre. La nageoire du dos, qui ne commence qu'a une cer- taine distance de la nuque, touche celle de la, queue ; et ces deux derniers caractères sufliroient pour séparer le panthérin du karrak, dont la nageoire caudale est un peu éloignée de celle du dos , et dont les yeux sont rapprochés sur le sommet de la tète. Deux lames com- posent chaque opercule branchial; on ne voit pas de ligne latérale. Les nageoires pectorales sont arrondies: comme celles du loup ; la nageoire de la queue est un peu lancéolée *. Au reste, suivant l’auteur russe Zoview, qui a fait connoître le panthérin, on ne mange guère en Russie de cet anarhique , quoiqu’on y vante la bonté de sa chair. | # A la membrane branchiale du panthérin, 7 rayons, L à la nageoire dorsale 67 à chacune des pectorales 20 à celle de l’anus 44 à celle de la queue 26° TRENTE-HUITIÈME GENRE. LES COMÉPHORES. Le corps alongé et comprimé; la tête et l'ouverture de la bouche très-grandes; le museau laroe et déprimé; les dents trés-petites; deux nageoires dorsales; plusieurs rayons de la seconde, garnis de lonss filamens. ESPÈCE. CARACTÈRE. LE COMÉPHORE BAÏKAL. Fe nageoires pectorales, de la longueur de la (Comephorus baëikalensis.) moitié du corps. A ——_— LE COMÉPHORE BAIKAL® CE poisson a déja été décrit sous le nom de callionyme; mais il manque de nageoires inférieures placées au- devant de l’anus. Dès-lors il ne peut être inscrit ni dans le genre ni même dans l’ordre des vrais callionymes, qui sont des jugulaires ; il doit être compris parmi les apodes; et les caractères remarquables qui le dis- tinguent, exigent qu'on le place, parmi ces derniers , dans un genre particulier. Le célèbre professeur Pallas l’a fait connoître. Il l'a découvert dans le Baïkal , ce lac fameux de l’Asie russe 4 et si voisin du territoire chinois. Le coméphore que nous décrivons se tient pendant l'hiver dans les en- droits de ce lac où les eaux sont le plus profondes; et ce n'est que pendant l'été qu'il s'approche des rivages en troupes nombreuses. Comme plusieurs autres apodes de la première division des osseux, il a le corps alongé, comprimé, etenduit d'une matière huileuse très-abon- dante. La tête est grande , aplatie par-dessus et par les côtés, garnie de deux tubercules auprès des-tempes ; le museau large ; la bouche très-ouverte ; la mâchoire * Comephorus baïkalensis. Pallas, 11.3, p.707, n. 49. R Callionyme baïkal. Bonnaterre, planches de l’ Encyclopédie méthodiques Callionymus baïkalensis. Linné, édition de Gmelin, TOME II. 40 914 MTS TOIRAE. N'ATUR FE LUE, inférieure plus avancée que la supérieure, et hérissée comme cette dernière, excepté à son sommet, de dents très-petites, crochues et aiguës ; la membrane bran- chiale très-lâche , et soutenue par des rayons très-éloi- gnés l’un de l’autre ; et la ligne latérale assez rappro- chée du dos. La première nageoire dorsale est peu étendue : mais quinze rayons au moins de la seconde sont terminés par de longs filamens semblables à des cheveux ; et cette conformation nous a suggéré le nom générique de porte- cheveux (coméphore), que nous avons donné au baïkal. Les nageoires pectorales sont si prolongées, qu'elles égalent en longueur la moitié de l’animal; pour peu qu'elles eussent plus de surface , qu'elles fussent plus facilement extensibles, et que le baïkal püût les agiter avec plus de vitesse, ce poisson pourroit non seulement nager avec rapidité, mais s'élever et parcourir un arc de cercle considérable au-dessus de la surface des eaux, comme quelques pégases , les trigles, les exocets, etc. ‘. La nageoire de la queue est fourchue”. PL UN LU VS ln Re in PERS 2 Discours sur la nature des poissons. 3 À Ja membrane des branchies 6 rayons, à la première nageoire du dos 8 à la seconde 28 à chacune des nageoires pectorales 13 à celle de l’anus 32 à celle de Ja queue 13 TRENTE-NEUVIÈME GENRE. ’ L'ESISTROMATÉES. Le Corps trés-comprimé et oyale. ESPÈCES. CARACTÈRES. x, LE STROMAT. de ED dents au palais; deux lignes latérales de (Stromateus fiatola.) chaque côté; plusieurs bandestransversales. Point de dents au palais ; une seule ligne laté- rale de chaque côté ; point de bandes trans- versales. 2. LE STROMATÉE PARU, (Stromateus paru.) _ sic > se oo denim — 1 LE STROMATÉE FIATOLE*. Tous les apodes de la première division des osseux que nous avons déja examinés, ont le corps plus ou moins alongé, cylindrique et serpentiforme. Dans les stromatées , les proportions générales sont bien diffé- rentes : l'animal est très-comprimé par les côtés, et Les deux surfaces latérales que produit cette compression, sont assez hautes, relativement à leur longueur, pour représenter un ovale plus ou moins régulier. Cette con- RE REED RES DE RE PRE SERRE EEE EURE EE RER TEASER PRE RENTE TN * Stromateus fiatola. Lisette, sur quelques rivages de la mer Adriatiques. Lampuga, dans quelques contrées de l Italie. Stromateus fiatola. Linné, édition de Gmelin. Stromate fiatole. Daubenton, Encyclopédie méthodique: Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Stromateus. Artedi, gen. 19,Syn. 33, Fiatole , es stromatée. Rondelet, première partie, liv. 8 , chap. 20. Trouchou. Rondelet, première partie, liv, 8, chap. 19. ( Nous verrons: dans la suite de cet ouvrage, que le stromatée décrit dans Rondelet , pre- mière partie, liv. 5, chap. 24, et le stromateus d’Athénée, Ziv. 7 P. 322, rapporté par Artedi à l’espèce que nous examinons, non seulement n’ap- partiennent pas à cette espèce ni au genre que nous décrivons, mais même ne doivent pas être compris dans l’ordre des apodes de la premiere division: des osseux.) Fiatola Romæ dicta. Jonst. lib. 1, tit. 3, cap. 1, 4.13, tab. 19, 72 8. Fiatola Romæ dicta. Gesner, p. 925, et (germ.) fol. 81. Willughby, Ichthyol.p. 156. Raj.p.b5o Fiatole, Falmons-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. HISTOIRE NATURELLE, 317 formation unique parmi Les apodes que nous décrivons, suffit pour empêcher de confondre les stromatées avec les autres genres de son ordre. Parmi ces stromatées , l'espèce la plus anciennement: connue est celle que l'on nomme fatole, et que l’on trouve dans la mer Méditerranée ainsi que dans la mer Rouge. Ses couleurs sont agréables et brillantes; et leur éclat frappe d'autant plus les yeux, qu’elles sont répandues sur les larges surfaces latérales dont nous venons de parler. Ordinairement ce beau poisson est bleu dans sa partie supérieure , et blane dans sa partie inférieure, avec du rouge autour des ièvres ; et ces trois couleurs, que leurs nuances et leurs reflets marient et fondent les unes dans les autres, plaisent d'autant plus sur la fiatole, qu'elles sont relevées par des raies transversales étroites, mais nombreuses, et commu- nément dorées, qui s'étendent en zigzag sur chacun des côtés de l'animal. La bouche est petite; les mâchoires et le palais sont garnis de dents; la langue est large et lisse ; chaque côté du corps présente deux lignes latérales, l’une courbe , et l’autre presque droite ; la nageoire de la queue est très-fourchue”*; et si on cherche, par le moyen de la dissection, à connoître les formes intérieures de: ——————— * À la nageoïire dorsale 46 rayons. = ÿ # à chacune des nageoires pectorales 25 h à celle de l'anus 34 BA HAS TO LR E NA TU RE Linie la fiatole, on trouve un estomac rendu en quelque sorte double par un étranglement, et un très-grand nombre d'appendices ou de petits tubes intestinaux ouverts seulement par un bout et placés auprès du pylore. L'EST ROMMTÉE D'ANUSS Cerre espèce n'est pas peinte de couleurs aussi variées que la fiatole, mais elle resplendit de l'éclat de l'or et de l'argent ; l'or brille sur sa partie supérieure , et le dessous de ce poisson réfléchit une teinte argentée très-vive. Elle habite dans l'Amérique méridionale et dans les grandes Indes , particulièrement auprès de Tranquebar ; etsa chair est blanche , tendre et exquise. Sa langue est large , lisse, et assez libre dans ses mouvemens ; ses mâchoires sont hérissées de dents petites et aigues : miais on n'en voit pas sur le palais, comme dans la fiatole, et quelques osselets arrondis paroissent aux Environs du gosier. L'ouverture des branchies est tres-grande ; l’oper- cule composé d’une seule lame bordée d'une mem- brane. Une seule ligne latérale assez large et argentée règne de chaque côté de l'animal. Les écailles du paru sont petites , minces, et tombent facilement. Cet osseux * Stromateus paru. Stromateus paru. Linné, édition de Gmelin. Stromateus unicolor. Zinné, douzième édition. Stromateus striis carens. Bloch, pl. 160. Stromate paru. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, Pampus. S/oan. Jamaic. 2, p. 281, tab. 250, fig. 4 Pampus, Raj. pise, 5x1, 490 ‘HISTOMRE NATURELLE. ne présente jamais que de petites dimensions, non plus que la fiatole : aussi ne se nourrit- il que de vers marins , et de poissons très-jeunes et très-foibles ’. On trouve dans les eaux du Chili un stromatée décrit par Molina”, dont le dos , au lieu d'être doré, est d’un bleu céleste, et qui ne parvient guère qu’à la longueur de:deux ou trois décimètres. Nous pensons, avec le professeur Gmelin , que ce stromatée, qui ne paroît différer du paru que par la couleur du dos , n’est peut-être qu'une variété de cette dernière espèce. L2 ? À la membrane des branchies 2 rayons. à la nageoire du dos 5o à chacune des pectorales 24 à celle de l'anus 42 à celle de la queue, qui est tres-Ffourchue, 18 = Molin. Hist. nat. Chil. p.199, 7. 8. Stromateus cumarca. Linné, édition de Gmelin. Stromate cumarca. Bonnaterre, planches de l’Encyclopédie méthodique. QUARANTIÈME GENRE. LES RHOMBES. Le corps très-comprimé et assez court; chaque côté de l'animal représentant une sorte de rhombe; des aiguil- lons ou rayons non articulés aux nageoires du dos ou de l'anus. ÆESPÉCE. CARACTÈRES. Le corps dénué d’écailles facilement visibless les nageoires du dos et de l’anus, en forme de faux. LE RHOMBE ALÉPIDOTE. (Rhombus alepidotus.) TOME II. 41 or ematanmee 20 LEFRHOMBE ALÉPIDOTE* Ce poisson , que le docteur Garden avoit envoyé de la Caroline à Linné, et que l'illustre naturaliste de Suède a fait connoître aux amis des sciences, a été inscrit jusqu'a présent dans le genre des chétodons : mais in- dépendamment de plusieursautres traits qui le séparent “de ces derniers osseux, l'absence de nageoires inférieures. placées au-devant de l'anus, non seulement l'écarte du genre des chétodons, mais oblige à ne pas le placer dans le même ordre que ces thoracins , et à le comprendre dans celui des apodes dont nous nous occupons. Nous l'y avons mis à la suite des stromatées, avec lesquels la très-grande compression , la hauteur et la briéveté de l'ensemble formé par son corps et par sa queue, lui donnent beaucoup de rapports. Il en diffère cependant par plusieurs caractères, et notamment par 131 figure rhomboïdale des faces latérales, qui sont ovales dans les stromatées , et par la nature de plusieurs rayons de la nageoire du dos ou de celle de l’anus, dans lesquelles on ne remarque aucune articulation, et quisont de véri- tables aiguillons, %* Rhombus alepidotus. Chætodon alepidotus. Zinné, édition de Gmelin. Chétodon nud, Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id, Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. HISTOIRE NATURELLE 999 La peau de l’alépidote ne présente d’ailleurs aucune écaille facilement visible ; et cette sorte de nudité qui lui a fait attribuer le nomde rud, ainsi que celui que j'ai cru devoir lui conserver, empécheroit seule de le confondre avec les stromatées , et lui donne une nou- velle ressemblance avec les cécilies, les gymnotes, les murènes, et plusieurs autres apodes de la première division des osseux, Ses mâchoires ne présentent qu'un seul rang de dents ; on voit sur chaque côté de l'animal deux lignes latérales, dont la supérieure suit le contour du dos , et dont l’inférieure est droite, et paroît indiquer les inter- valles des muscles. Les nageoires du dos et de l'anus sont placées au-dessus l'une de l’autre, et offrent la forme d’une faux; celle de la queue est fourchue *. Le rhombe alépidote est bleuâtre dans sa partie supé- rieure. Nous ignorons si on le trouve dans quelque autre contrée que la Caroline. * 6 rayons à la membrane branchiale, 3 aiguillons et 48 rayons articulés à la nageoiïre dorsale. 24 rayons à chaque nageoire pectorale, 3 aiguillons et 44 rayons articulés à la nageoire de l’anus. 23 rayons à la nageoire de la queue. D'IX2HUITTÈMEt ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, eiu\\8 E CO N'D| ORDRE DE LA PREMIÈRE DIVISION DES OSSEUX. Poissons jugulaires, ou qui ont des nageoires situées sous RP la LOF Ce QUARANTE-UNIÈME GENRE. LES MURÉNOIDES. Un seul rayon à chacune des nageoires jugulaires; trois rayons à la membrane des branchies; le corps alongé, comprimé el en forme de lame. ESPÈCE. CARACTÈRE, LE MURÉN OÏDE SUJ “ Les mâchoïrés également ayancées (Murænoides sujef.) dr hr nn tm qugp 5 res LE MURENODDE SU JPRE CE poisson a été inscrit parmi les blennies : mais il nous à paru en être séparé par de grandes différences. De plus , ses caractères ne permettent de le placer dans aucun autre genre des jugulaires. Nous nous sommes donc vus obligés de le comprendre dans un genre par- ticulier ; et comme les deux nageoires qu'il a sous la gorge sont très-petites, composées d'un seul rayon, e6 quelquefois difficiles à appercevoir, nous l'avons mis à la tète des jugulaires, qu'il lie avec les apodes par cette forme de nageoires inférieures. Il a d’ailleurs des rap- ports très-nombreux avec les murènes et les trichiures. Son corps est alongé , aplati latéralement, et fait en forme de lame d'épée, ainsi que celui des trichiures ; et les écailles qui le revêtent sont aussi difficiles à distin- guer que celles des murènes et particulièrement de l'anguille. Un double rang de dents garnit les deux mäâchoires. La tête présente quelquefois de petits tu- bercules : le dessus de cette partie est triangulaire et un peu convexe. Trois rayons soutiennent seuls la mem- brane des branchies. L'ouverture de l'anus est située à peu près vers le milieu de la longueur du corps. La: * Murænoïdes sujef. Sujef, Act. acad. Petropol. 1779, 2, p.195 , tab. 6, fig. », Blennius murænoïdes. Linné, éditiomde Gmelin. 326 HISTOMRE NATURELLE: couleur de l'animal est d'un gris cendré qui s’éclaireit et se change en blanchâtre sur la tête et sur le ventre. Ce murénoide est ordinairement long de deux déci- mètres ; et nous lui avons donné le nom de sujef, afin de consacrer la reconnoissance que l’on doit au savant qui l'a fait connoiître. QUARANTE-DEUXIÈME GENRE. LES CALLION FMES. La tête plus grosse que le corps; les ouvertures branchiales sur la nuque; les nageoires jugulaires trés-éloignées l'une de l'autre; le corps et la queue garnis d'écailles à peine visibles. PREMIER SOUS-GENR E. Les yeux très-rapprochés l'un de l'autre. ESPÈCES. CARACTÈRES, Le premier rayon de la première nageoire 5, LE CALLIONYME LYRE. (Callionymus lyra.) dorsale, de la longueur du corps et de la queue ; louverture de la bouche très- grande ; la nageoire de la queue arrondie. 2, LE CALL. DRAGONNEAU. (Callionymus dracunculus.) CR plus courts que le corps et la queue ; l'ouverture de la bouche tres- grande ; la nageoire de la queue arrondie, R Trois rayons à la membrane des branchies 3. LE CALLIONYME FLÈCHE. ; l'ouverture de la bouche petite; la na- Callionymus sagitta.) geoire de la queue arrondie. L: rayons de la premiére nageoire du dos 4. LE CALLION. JAPONOIS. dorsale terminé par deux filamens ; la nes (Callionymus japonicus.) Le premier rayon de la première nageoire | 8 geoire de la queue fourchue, ar 328 HISTOBRE NATURELLE: SE GO NPD): SOUS GENRE; Les yeux trés-peu rapprochés l'un de l'autre. ESPÈCE. CARACTÈRES. 5. LE CALLION. a ne de la bouche tres-petite; la (Callionymus punctulaius.) | nageoire de la queue arrondie, F. 2” es (in ss fe 14 = APT LPO ES Fée CT 2 ‘, v, PNR TNT UE Ton. 2 sa Pl.10.Pag 329 A et - FTardeu J cup 1. CALLIONFYME Lyre. 2. GADE Morte .5. GADE Mustelle . Le dt LE CATATONYME LYR EE Cacrronrmr*, zrrr; quelles images agréables, quels souvenirs touchans rappellent ces deux noms! Beauté * Callionymus lyra. Lavandière , sur quelques côtes françcoïises de l'Océan. Callionymus lyra, Zinné, édition de Gmelin. Callionyme lacert, Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnæterre, planches de l’ Encyclopédie méthodique. Faun. Suec, 304. Strom. Sondm. Uranoscopus, ossiculo primo, ete. Gronor. Mus. 1, n. 64e Cottus, ossiculis pinnæ dorsalis longitudine corporis. Gronov, Act. Ups. 1740 , p. 121, tab. 8. Bloch, pl 16r. Corystion ossiculo pinnæ dorsalis primo longissimo. K/ern, Miss. pise. 5, P 93, 71. 14. Lyra harvicensis. Petiv. Gazoph. 1,p. 1,n.1,tab.22, fig. 2. Exocæti tertium genus. Scbu, Mus. 3, tab, 30, fig 7. Id. Bellon, Aquat. p. 223. Yellow gurnard. Tyson, Act. Angl. 24, n. 293, 1749, fig. +. Dracunculus. Gesnr. Aquat.p. 803 Icon. anim. p. 84. Cottus, pinnâ secundä dorsi albA. Artedi, gen, 49, syn. 77: Id. “/drov. pise. p. 262. Td. Jonst. pése. p.91 , tab, 27 , fig. 4. Id. Willushhy, Ichthyol. tab. 1, 6, fig. 3. Lacert. Rondelet, première partie, lv. 10, chap. 1x. Gemmeous dragoned. Penn. Brit. Zoolog. 3, p.164, n. 69, tab. 27. Doucet , et souris de mer. Duhamel, Traité des pêches, seconde partie, cinquième section, chap. 5, art. 2. » Callionyme vient du grec , et signifie beau nom. - TOME LI, 42 sb 2930 HIST@MRE NATUREERLE céleste , art enchanteur dela musique , toi qui charmes les yeux, et toi qui émeus si profondément les cœurs sensibles, ces deux noms ingénieusement assortis renou- vellent, pour ainsi dire , en la retraçant à la mémoire, votre douce mais irrésistible puissance. Vous que la plus aimable des mythologies fit naître du sein des flots azurés ou sur des rives fortunées, qui près des poétiques rivages de la Grèce héroïque formâtes une alliance si heureuse, confondiîtes vos myrtes avec vos lauriers, et échangeâtes vos couronnes, que vos images riantes embellissent à jamais les tableaux des peintres de la nature: béni soit celui qui, par deux noms adroitement rapprochés, associa vos emblèmes comme vos deux pouvoirs magiques avoient été réunis , et qui ne voulut pas qu'un des plus beaux habitans d'une mer témoin de votre double origine püt exposer aux regards du natu- raliste attentif ses couleurs brillantes, ni l'espèce de lyre qui paroît s'élever sur son dos, sans ramener l'imagination séduite et vers le dieu des arts, et vers la divinité qui les anime et dont le berceau fut placé sur les ondes! Non, nous ne voudrons pas séparer deux noms dont l'union est d’ailleurs consacrée par le génie; nous ne ferons pas de vains efforts pour empêcher les amis de la science de l'être aussi des graces; nous ne: croirons pas qu'une sévérité inutile doive repousser avec austérité des sentimens consolateurs ; et si nous devons chercher à dissiper les nuages que l'ignorance et l'erreur ont rassemblés devant la Nature , à déchirer ces voiles D ES -'o rs SEINS. 331 ridicules et surchargés d'ornemens étrangers dont la main mal-adroite d’un mauvais goût froidement imita- teur a entouré le sanctuaire de cette Nature si admi- rable et si féconde , nous n’oublierons pas que nous ne pouvons la connoître telle qu'elle est, qu'en ne blessant aucun de ses attraits. Nous dirons donc toujours callionyme lyre. Mais voyons ce qui a mérité au poisson que nous allons exa- miner, l'espèce de consécration qu'on en a faite , lors- qu'on lui a donné la dénomination remarquable que nous lui conservons. | Nous avons sous les yeux l’un des premiers poissons jugulaires que nous avons cru devoir placer sur notre tableau ; et déja nous pouvons voir des traits très-pro- noncés de ces formes qui attireront souvent notre atten- tion , lorsque nous décrirons les osseux thoracins et les osseux abdominaux. Mais à des proportions particulières dans la tète, à des nageoires élevées ou prolongées, à des piquans plus ou moins nombreux, les callionymes, et sur-tout la lyre , réunissent un corps et une q''eue encore un peu serpentiformes , et une peau dénuée d’écailles facilement visibles. Ils montrent un grand nombre de titres de parenté avec les apodes que nous venons d'étudier. Et si de ce coup d'œil général nous passons à des considérations plus précises, nous trouverons que la tête est plus large que le corps , très-peu convexe par- dessus, et plus aplatie encore par-dessous. Les yeux 922 ‘H1STOMRE:NATURELTL- FE sont très-rapprochés l'un de l'autre. On a écrit qu'ils étoient garnis d’une membrane clignotante : mais nous nous sommes assurés que ce qu'on a pris pour une telle membrane , n’est qu'une saillie du tégument le plus extérieur de la tête, laquelle se prolonge un peu au-dessus de chaque œil, ainsi qu'on a pu l'observer sur le plus grand nombre de raies et de squales. L'ouverture de la bouche est très-grande : les lèvres sont épaisses , les mâchoires hérissées de plusieurs pe- tites dents , et les mouvemens de la langue assez libres. On voit à l'extrémité des “os maxillaires un aiguillon divisé en branches dont le nombre paroît varier. L'opercule branchial n’est composé que d'une seule lame : mais ilest attaché, ainsi que la membrane bran- chiale, à la tète ou au corps de l'animal, dans une si grande partie de sa circonférence, qu'il ne reste d'autre ouverture pour la sortie ou pour Fintroduction de l'eau, qu'une très-petite fente placée de chaque côté au-dessus de la nuque, et qui, par ses dimensions , sa position et sa figure, ressemble beaucoup à un évent. L'ouverture de l'anus est beaucoup plus près de la tête que de la nageoire de la queue. La ligne latérale est droite. ; Sur le dos s'élèvent deux nageoires : la plus voisine de la tète est composée de quatre ou de cinq et même quelquefois de sept ray ons. Le premier esc si alongé et dépasse la membrane en s'étendant à une si grande hauteur, que sa longueur égale l'intervalle qui sépare D E Ss*_P oO I1Ss SENS. 333 la nuque du bout de la queue. Les trois ou quatre qui viennent ensuite sont beaucoup moins longs , et décroissent dans une telle proportion, que le plus sou- vent ils paroissent être entre eux et avec le premier dans les mêmes rapports que des cordes d'un instrument destinées à donner, par les seules différences de leur lon- gueur, les tons ut, ut octave, so/, ut double octave, et mi, c'est-à-dire, l'accord le plus parfait de tous ceux que la musique admet. Au-delà, deux autres rayons plus courts encore se montrent quelquefois et paroissent représenter des cordes destinées à faire entendre des sons plus élevés que le 71; et voilà donc une sorte de lyre à cordes harmoniquement proportionnées , qu'on acru, pour ainsi dire, trouver sur le dos du callionyme dont nous parlons ; et comment dès-lors se seroit-on refusé à Fappeller /yre ou porte-lyre” ? Les autres nageoires, et particulièrement celle de Fanus et la seconde du dos, qui se prolongent vers l'extrémité de la queue en bandelette membraneuse, ont une assez grande étendue, et forment de larges sur- faces sur lesquelles les belles nuances de la Iyre peuvent, en se déployant, justilier son nom de callionyme. Les % A la membrane des branchies 6 rayons. à la première nageoire dorsale, de 4Aà7 à la seconde nageoire du dos 10 à chacune des pectorales 18 à chacune des nageoires jugulaires 6 à celle de l'anus 10 à celle de la queue, quiest arrondie, 9 334 HISTOPRE, NATURELLE. tons de couleur qui dominent au milieu de ces nuances, sont le jaune, le bleu, le blanc, et le brun, qui les encadre, pour ainsi dire. Le jaune règne sur les côtés du dos, sur la partie su- périeure des deux nageoires dorsales, et sur toutes les autres nageoires, excepté celle de l'anus. Le bleu paroit avec des teintes plus ou moins foncées sur cette nagcoire de l'anus, sur les deux nageoires dorsales où il forme des raies souvent ondées , sur les côtés où il est distribué en taches irrégulières. Le blanc occupe la partie inférieure de l'animal. Ces nuances, dont l'éclat , la variété et l'harmonie distinguent le callionyme lÿre, sont une nouvelle preuve des rapports que nous avons indiqués dans notre Discours sur la nature des poissons , entre les couleurs de ces animaux et la nature de leurs alimens : nous avons vu que très-fréquemment les poissons les plus richement colorés étoient ceux quise nourrissoient de mollusques ou de vers. La lyre a reçu une parure magnifique, et communément elle recherche des our- sins et des astéries. Au reste, ce callionyme ne parvient guère qu’à la longueur de quatre ou cinq décimètres : on le trouve non seulement dans la Méditerranée, mais encore dans d’autres mers australes ou septentrionales; et on dit que, dans presque tous les climats qu'il habite sa chair est blanche et agréable au goût. | LA LE CALLIONYME DRAGONNEAU:. CE callionyme habite les mêmes mers que la lyre, avec laquelle il a de très-grands rapports; il n'en diffère même d’une manière très-sensible que par la briéveté et les proportions des rayons qui soutiennent la première nageoire dorsale, par le nombre des rayons des autres nageoires *, par la forme de la ligne latérale qu'on a souvent de la peine à distinguer, et par les: nuances et la disposition de ses couleurs. Beaucoup moins brillantes que celles de la lyre, ces teintes sont brunes sur la tète et le dos, argentées avec des taches: sur la partie inférieure de l'animal; et ces tons simples: ? Callionymus dracuneulus. Callionyme dragonneau. Daubenton , Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre, planches de P Encyclopédie méthodique. Callionymus draeunculus, Zinné, édition de Gmelin. Müller, Zoolog. Dan. tab. 20, Uranoscopus ossieulo primo pinnæ dorsalis primæ unciali. Gronov. Mus.. 3, 2: 63. Bloch, pl. 162, fig. 2. Sordid dragoned: Pennant, Brit. Zoolog. 3 , p. 167, tab. 27. + À la première nageoïire dorsale 4 rayons. à la seconde nageoire du dos 10 à chacune des pectorales 19 à chacune des jugulaires 6 à celle de l'anus 9 à celle de la queue 10 È 336 HISTOÏRE NATURELLE, et très - peu éclatans ne sont relevés communément que par un peu de verdâtre que l'on voit sur les na- geoires de la poitrine et de l'anus, du verdâtre mèlé à du jaune qui distingue les nageoires jugulaires, et du jaune qui s'étend par raies sur la seconde nageoire dorsale, ainsi que sur celle de la queue. D'ailleurs la chair du dragonneau est, comme celle de la lyre, blanche et d'un goût agréable. Il n’est done pas surprenant que quelques naturalistes, et particu- liérement le professeur Gmelin, aient soupçonné que ces deux callionymes pourroient bien être de la même espèce, mais d'un sexe différent. Nous n'avons pas pu nous procurer assez de renseignemens précis pour nous assurer de l'opinion que l’on doit avoir relative- ment à la conjecture de ces savans ; et dans le doute, nous nous sommes conformés à l'usage du plus grand nombre des auteurs qui ont écrit sur l'ichthyologie, en séparant de Ia lyre le callionyme dragonneau, qu'il sera, au reste, aisé de retrancher de notre tableau méthodique. PR LE CALLION Y MES MISE TTPES, ET LEÉCCAL LION YMEMIA PONOISY Ces deux espèces appartiennent, comme la lyre et le dragonneau, au premier sous-genre des callionymes; c’est-à-dire, elles ont les yeux très-rapprochés l’un de l'autre. L'illustre Pallas a fait connoître la première, et le savant Houttuyn la seconde. La flèche décrite par le naturaliste de Pétersbourg avoit à peine un décimètre de longueur. L'espèce à laquelle appartenoït cet individu, vit dans la mer qui entoure l'isle d’Amboine; elle est, dans sa partie supé- rieure, d'un brun mêlé de taches irrégulières et nua- geuses d'un gris blanchâtre, qui règne en s’éclaircissant I ? Callionymus sagitta. Callionymus sagitta. Linné, édition de Gmelin. Pallas, Spicileg. zoolog. 8 , p. 29,tab.4, fig. 4 et 5. Callionyme flèche. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. 3 Callionymus japonicus. Callionymus japonicus. Linné, édition de Gmelin. Houttuyn, Act. Haarlem. 20, 2, p. 313, n. x. Callionyme du Japon, Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie métho- dique. TOME IL. | 43 938 HISTOIRE NATURELLE sur la partie inférieure. Des taches ou des points bruns paroissent sur le haut de la nageoire caudale et sur les nageoires jugulaires; une bande très-noire se montre sur la partie postérieure de la première nageoire dor- sale; et la seconde du dos, ainsi que les pectorales, sont très-transparentes, et variées de brun et de blanc *. Voici, d'ailleurs, les principaux caractères par lesquels la flèche est séparée de la lyre. L'ouverture de la bouche est très-petite ; les lèvres sont minces et étroites ; Les opercules des branchies sont mous, et composés, au moins, de deux lames, dont la première se termine par une longue pointe, et présente, dans son bord postérieur, une dentelure très-sensible; on ne voit que trois rayons à la membrane branchiale ; la première nageoire du dos et celle de l'anus sont très-basses, ou, ce qui est la même chose, forment une bande très- étroite. Le nom de callionyme japonois indique qu’il vit dans des mers assez voisines de celles dans lesquelles on trouve la flèche. Il parvient à la longueur de trois déci- mètres , où environ. ]l présente différentes nuances. Sa première nageoire dorsale montre une tache noire, * A la membrane des branchies 3 rayons. à la première dorsale 4 à la seconde 9 à chacune des pectorales II à chacune des jugulaires 5 à la nageoire de l'anus 8 à celle de la queue 19 DES V2 /0 IS SMOUNNS 33% ronde, et entourée de manière à représenter l'iris d’un œil ; les rayons de cette même nageoire sont noirs , et le premier de ces rayons se termine par deux filamens assez longs , ce qui forme un caractère extrèmement rare dans les divers genres de poissons. La seconde na- geoire du dos est blanchâtre ; les nageoires pectorales sont arrondies, les jugulaires très-grandes ; et celle de la queue est très-alongée et fourchue *. % À la première nageoire dorsale 4 rayons. à la seconde 10 à chacune des pectorales 17 à chacune des jugulaires 5 à celle de l’anus à celle de la queue 9 LE CALLIONYME POINDIEDE 4 Ce poisson, qui appartient au second sous-genre des callionymes , et qui, par conséquent, a les yeux assez éloignés l’un de l’autre, ne présente que de très-petites dimensions. L'individu mesuré par le naturaliste Pallas, qui a fait connoître cette espèce, n’étoit que de la grandeur du petit doist de la main. Ce callionyme est d’ailleurs varié de brun et de gris, et parsemé, sur toutes les places grises, de points blancs et brillans; le blanchâtre règne sur la partie inférieure de l'ani- mal; la seconde nageoire du dos est brune avec des raies blanches et parallèles ; les pectorales sont trans- parentes , et de plus pointillées de blanc à leur base, de même que celle de la queue ; les rayons de ces trois . nageoires présentent d'ailleurs une ou deux places brunes ; les jugulaires sont noires dans leur centre , et ; Jus ; blanches dans leur circonférence ; et la nageoire de l'anus est blanche à sa base et noire dans le reste de son étendue. € * Callionymus punctulatus. Callionymus ocellatus. Linné, édition de Gmelin. Pallas, Spicileg. zoolog. 8, p. 25 ,1ab. 4, fig. 13. Callionyme œillé. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Callionyme petit argus. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie métho- dique. HISTOIRE N'AÏTIUR EME. : SI Telles sont les couleurs des deux sexes; mais voici les différences qu'ils offrent dans leurs nuances : la pre- mière nageoire du dos du mâle est toute noire; celle de la femelle montre une grande variété de tons qui se déploient d'autant plus facilement que cette nageoire est plus haute que celle du mâle. Sur la partie infé- rieure de cet instrument de natation, s'étendent des aies brunes relevées par une bordure blanche et par une bordure plus extérieure et noire; et sur la partie supérieure, on voit quatre ou cinq taches rondes, noires dans leur centre, entourées d’un cercle blanc bordé de noir, et imitant un iris avec sa prunelle. Ces dimensions plus considérables et ces couleurs plus vives et plus variées d’un organe sont ordinai- rement dans les poissons , comme dans presque tous les autres animaux, un apanage du mâle, plutôt que de la femelle; et l'on doit remarquer de plus dans la femelle du callionyme pointillé un appendice conique situé au-delà de l'anus, qui, étant très-petit, peut être couché et caché aisément dans une sorte de fossette, et qui vraisemblablement sert à l'émission des œufs *. RC I REP GE * A la membrane des branchies 5 ou 6 rayons, à la première nageoire dorsale 4 à la seconde 8 à chacune des pectorales 20 à chacune des jugulaires 5 à celle de l’anus 7 à celle de la queue 19 342 H'I STORE) UN AU R É LiLlE. Dans les deux sexes, l'ouverture de la bouche est très-petite ; les lèvres sont épaisses ; la supérieure est double, l’opercule branchial garni d'un piquant, et la ligne latérale assez droite. QUARANTE-TROISIÈME GENRE. PES GALLIOMORES, La tête plus grosse que le corps; les ouvertures bran- chiales placées sur les côtés de l'animal; les nageoires jugulaires très-éloignées l'une de l'autre; le corps et la queue garnis d'écailles à peine visibles, CARACTÈRES. ESPÈCE, Sept rayons à Ta membrane des branchies; LE CALLIOMORE INDIEN. dut: 3 Re ; Lé deux aiguillons à la première pièce, et un (Calliomorus indicus.) Mi” É aiguillon à la seconde de chaque opercules LE CALLIOMORE INDIEN *. CE mot calliomore, formé par contraction de deux mots grecs, dont l'un est xæaorumos , et l’autre veut dire limitrophe, voisin, ete., désigne les grands rapports qui rapprochent le poisson que nous allons décrire, des vrais Ccallionymes ; il a même été inscrit jusqu à présent dans le même genre que ces derniers animaux: mais il nous a paru en différer par trop de caractères essentiels, pour que les principés qui nous dirigent dans nos dis- tributions méthodiques, nous aient permis de ne pas l'en séparer. Le calliomore indien a des teintes bien différentes, par leur peu d'éclat et leur uniformité, des couleurs variées et brillantes qui parent les callionymes , et sur- tout la lyre : ilest d'un gris plus ou moins livide. L'en- sembie de son corps et de sa queue est d'ailleurs très- déprimé, c’est-à-dire, aplati de haut en bas ; ce qui le lie avec les uranoscopes dont nous allons parler, et ne contribue pas peu à déterminer la place qu'il doit occuper dans un tableau général des poissons. Les ouvertures de ses branchies sont placées sur les côtés de la tête, au lieu de l'être sur la nuque, comme * Calliomorus indicus. Callionymus indicus. Linné, édition de Gmelin. Cailignyme indien. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, HIS TOTR EN À EUR ELRE- "MO celles des branchies des callionymes ; ces orifices ont de plus beaucoup de largeur ; la membrane qui sert à les fermer est soutenue par sept rayons ; et l'oper- cule, composé de deux lames, présente deux piquans sur la première de ces deux pièces, et un piquant sur la seconde. La mâchoire inférieure est un peu plus avancée que celle de dessus ; l’on voit sur la tète des rugosités dis- posées longitudinalement ; et le premier rayon de la première nageoire dorsale est très-court et séparé des autres *, C’est en Asie que l’on trouve le calliomore indien. * A la première nageoire dorsale 7 rayons. à la seconde TS à chacune des pectorales 20 à chacune des jugulaires 6 à la nageoïre de l’anus 13 à celle de la queue IT TOME IL. 44 QUARANTE-QUATRIÈME GENRE. LES URANOSCOPES. La tête déprimée, et plus grosse que le corps; les yeux sur la partie supérieure de la tête, et très- rapprochés; la mdchoire inférieure beaucoup plus avancée que la supé- rieure; l'ensemble formé par le corps et la queue, presque conique, et revêtu d'écailles très-faciles à distinguer; chaque opercule branchial composé d'une seule pièce, et garni d'une membrane ciliée. ESPÈCES. CARACTÈRES. TI. L’'URANOSCOPE RAT. ae à 4 , { Le dos dénué d’écailles épineuses. (Uranoscopus nus.) 2. L’URANOSC. HOUTTUYN. : : c {Le dos garni d’écailles épineuses.. (Uranoscopus houttuyn.) L'éRR 4 LR 24 AA (L « | * \ + pe QU de DURE re: (FRERE Se x , » “5 can ftus da. huiy she * OR ne re nds arte ge, 2 LÉ N: n Tom.2. ?1 1. Pay F7 [ 4 tt AA NN ANA KL KA KA il 1 l \ | » = DEN IR RE , D ‘ qi ( Desere Del. Chevillelt Seule é I. URANOSCOPE Rat.2.TRA CHINE. Pive. 8 . S CORPE NE Double filament L'URL NO "SAR O:PSE SR A TS Les noms de callionyme et de rrachine donnés à cet animal, annoncent les ressemblances qu'il présente avec les vrais callionymes, et avec le genre dont nous * Uranoscopus mus. Tapecon, sur Les côtes de plusieurs départemens méridionaux de France, Raspecon , 1bid. Mesoro, dans quelques contrées de l'Italie. Pesce prete , zhid. | Rascassa bianca, 1614. _Bocca in capo, sbid. Noxrepse Uranoscopus scaber. Zinné, édition de Gmelin. Uranoscope rat. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. KeXuvu Aristot. lib. 2, cap. 15; et lib. 8, cap. 13. Id. ZÆlian. lib. 13, cap.4, p. 753. Overosxomos. Athen. lib.7, f. 142, b. Ayo Idem, lib. 8,f. 177, 33. H'uscoxrrc. Oppian. lib. 2, p. 37. Callionymus, seu uranoscopus. Plin. Lib. 32, cap, 7 et cap. 15. Galen. class. 1, fol, 125, À. Uranoscopus. Cub. lib. 3, cap. 107, fol. 93, b. eh Raspecon , ou tapecon. Rondelet, première partie, liv, 10 , chap. “x Salvian. fol. 196, b, ad icon. et 197, b, et 198. ÆAldrov. lib. 2, cap. 51, p. 265. Jonst. lib.x,tit.3, cap. 3, a. x; punct. 4, tab. 21, fig. 7 Uranoscopus, sex cœli der. Charlet. p. 147. Woiton, lib. 8, cap.17r, fol. 154, b Pulcher piscis. Gaz. D10 HISTOIRE NATUESIME nous occuperons après avoir décrit celui des urano- scopes. Nous n'avons pas besoin d'indiquer ces simili- tudes ; on les remarquera aisément. D'un autre côté, cette dénomination d'uranoscope (qui regarde le ciel) désigne le caractère frappant que montre le dessus de la tète du rat et des autres poissons du même genre. Leurs yeux sont, en eflet, non seulement très-rappro- chés l’un de l’autre, et placés sur la partie supérieure de la tète, mais tournés de manière que lorsque l’ani- mal est en repos, ses prunelles sont dirigées vers la surface des eaux, ou le sommet des cieux. La tête très-aplatie, et beaucoup plus grosse que le corps, est d’ailleurs revêtue d'une substance osseuse et dure, qui forme comme une sorte de casque garni d'un très-grand nombre de petits tubercules, s'étend jusqu'aux opereules qui sont aussi très-durs et verru- queux, présente, à peu près au-dessus de la nuque, deux ou plus de deux piquans renfermés quelquefois Trachinus cirris multis in maxillà inferiore. Artedi, gen, 42, syn. mr. Bloch, pl. 163. Corystron. Alein, miss. pise. 4, p. 46,11. x. Ruysch, Theatr. p. 62, tab. 21, fig. 7e Bellon, Aquat. p.219. Gesn. Aquat. p.135, leon. anim. p. 158. Callionymus, ve/ uranoscopus. F'ilughby, Ichthyol. p. 287, tab. 8, 8. Raj. Pisc. p.97, n. 22. Raspecon, ou tapecon. Valmont-Bomare, Dictionnaire d'histoire natu- relle. Rascasse blanche. Duhamel, Traité des péches, seconde partie, cin- quième section, chap. 1, art.-4 DENIS eL0 1 SNS TOUS] 349 dans une peau membraneuse, et se termine sous la gorge par trois ou cinq autres piquans. Chaque oper- cule est aussi armé de pointes tournées vers la queue , et engagées en partie dans une sorte de gaine très- molle. L'ouverture de la bouche est située à l'extrémité de la partie supérieure de la tête, et l'animal ne peut la fermer qu'en portant vers le haut le bout de sa mâ- choire inférieure, qui est beaucoup plus longue que la mâchoire supérieure. La langue est épaisse, forte, courte, large, et hérissée de très-petites dents. De l'in- térieur de la bouche et près du bout antérieur de la mâchoire inférieure, part une membrane, laquelle se rétrécit, s’'arrondit, et sort de la bouche en filament mobile et assez long. Le tronc et la queue représentent ensemble une espèce de cône recouvert de petites écailles, et sur chaque côté duquel s'étend une ligne latérale qui commence aux environs de la nuque, s'approche des nageoires pectorales *, va directement ensuite jusqu'à la nageoire de la queue, et indique une série de pores destinés à laisser échapper cette humeur onctueuse si * À la membrane des branchies 5 rayons. à la première nageoire dorsale 4 à la seconde 14 à chacune des pectorales 17 à chacune des jugulaires 6: à la nageoire de l’anus 13 à celle de Ja queue , qui est rectiligne, 12 990 HISTOWRE NA DURELNLE nécessaire aux poissons, et dont nous avons déja eu tant d'occasions de parler. Il y a deux nageoires sur le dos ; celles de la poitrine sont très-orandes, ainsi que la caudale. Des teintes jaunâtres distinguent ces nageoires pectorales : celle de l'anus est d’un noir éclatant : l’animal est d’ailleurs brun par-dessus, gris sur les côtés, et blanc par- dessous. Le canal intestinal de l'üuranoscope rat n'est pas très- long, puisqu'il n'est replié qu'une fois; mais la mem- brane qui forme les parois de son estomac, est assez forte, et l’on compte auprès du pylore, depuis huit jusqu'à douze appendices ou petits cæœcums propres à prolonger le séjour des alimens dans l'intérieur du poisson, et par conséquent à faciliter la digestion. Le rat habite particulièrement dans la Méditerranée. Il y vit le plus souvent auprès des rivages vaseux; il s'y cache sous les algues ; il s'y enfonce dans la fange ; et par une habitude semblable à celles que nous avons déja observées dans plusieurs raies, dans la lophie baudroie, et dans quelques autres poissons, il se tient en embuseade dans le limon, ne laissant paroître qu'une petite partie de sa tête, mais étendant le fila- ment mobile qui est attaché au bout de sa mâchoire inférieure, et attirant par la ressemblance de cette sorte de barbillon avec un ver, de petits poissons qu'il dévore. C’est Rondelet qui a fait connoître le premier cette manière dont l’uranoscope rat parvient à se saisir DES LPO. T SC" ONE: SL: facilement de sa proie. Ce poisson ne peut se servir de ce moyen de pêcher, qu'en demeurant pendant très- long-temps immobile, et paroissant plongé dans un sommeil profond. Voilà pourquoi , apparemment, on a écrit qu'il dormoit plutôt pendant le jour que pendant la nuit, quoique, dans son organisation, rien n'indique une sensibilité aux rayons lumineux moins vive que celle des autres poissons, desquels on n’a pas dit que le temps de leur sommeil füt le plus souvent celui pen- dant lequel le soleil éclaire l'horizon”. Il parvient jusqu'à la longueur de trois décimètres: sa chair est blanche, mais quelquefois dure, et de mauvaise odeur; elle indique, par ces deux mauvaises qualités, les petits mollusques et les vers marins dont le rat aime à se nourrir, et les fonds vaseux qu'il préfère. Dès le temps des anciens naturalistes grecs et latins, on savoit que la vésicule du fiel de cet uranoscope est très-grande , et l’on croyoit que la liqueur qu'elle con- tient, étoit très-propre à guérir des plaies et quelques maladies des yeux*. ? Voyez, dans le Discours sur la nature des poissons, ce qui concerue le sommeil de ces animaux. > Pline, Zi. 32, chap. 7. L'URANOSCOPE HOUTTU YN : Le nom que nous donnons à cet uranoscope, est un témoignage de la reconnoissance que les naturalistes doivent au savant Houttuyn, qui en a publié le premier la description. On trouve ce poisson dans la mer qui baigne les isles du Japon. Il est, par ses couleurs, plus agréable à voir que luranoscope rat; en effet, il est jaune dans sa partie supérieure , et blanc dans l'inférieure. Les na- geoires jugulaires sont assez courtes’; des écailles épineuses sont rangées longitudinalement sur le dos de l'houttuyn. * Uranoscopus houttuyn. Houttuyn, Act. Haarlem. 20, 2, p. 314. Uranoscopus japonicus. Linné, édition de Gmelin. Uranoscope astrologue. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie métho- dique. 2 À Ja premiére nageoire dorsale 4 rayons. à la seconde 1 à chacune des pectorales 12 à chacune des jugulaires 5 à celle de la queue 8 re QUARANTE.CINQUIÈME GENRE. ÉPPSNTIR AC EENE Za tête comprimée, et garnie de tubercules ou d'aiguillons; une ou plusieurs pièces de chaque opercule, dentelées; le corps et la queue alongés, comprimés, et couverts de petites écailles; l'anus situé très-prés des nageoires pectorales. ESPÈCES. CARACTÈRES. 1. LA TRACHINE VIVE. Le mâchoire inférieure plus avancée que la (Trachinus vividus.) supérieure. ‘2, LA TRACHINE OSBECK. ; Les deux mâchoires également avancées, (Truchinus osbeck.) TOME If 45 L A SE RACINE V EMEA CerT animal a été nommé dragon marin dès le temps d'Aristote. Et comment n’auroit-il pas, en effet, réveillé l'idée du dragon? Ses couleurs sont souvent brillantes et agréables à la vue; il les anime par la vivacité de ses * Trachinus vividus. Viver, sur plusieurs côtes francoises de l'Océan. Araigne, sur les rivages de plusieurs départemens méridionaux de France. Saccarailla blanc , auprès de Bayonne. Tragina, en Sicile. Pisce ragno, dans plusieurs contrées de PIialie..- Fiæsing , ez Danemarck. Fjarsing, par les Danois et les Suédoïs. Schwert fisch, dans plusieurs pays du nord de l’Europe. Pieterman, zbid. Le Weever, par les Anglois, Apaxawe , par les Grecs modernes. Aranéole , boisdereau , et bois de roc, perdant la jeunesse de l'animal, et sur quelques € Ôtes méridionales de France. Trachinus draco. Linné, édition de Gmelir. Trachine vive. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Bloch, pl. 671. Trachinus maxillä inferiore longiore, cirris destitutâ. Aytedr, gen. 42, sy: 7O. Agaxwr. Arist. lib. 8, cap. 13. Agaxer Saharho. Ælian. 1. 11, cap. 413.et lib, 14, cap. 12. Oppiuri lib. 1,p.7;3 et lib. 2, p. 46. Draco marinus. Plin. lib. 9, cap. 27, Araneus, Zd, lib. 9, cap. 48. HISTOIRE NAÂATURELEE , 955 mouvemens; il a de plus recu le pouvoir terrible de causer des blessures cruelles, par des armes, pour ainsi dire, inévitables. Une beauté peu commune et une puissance dangereuse n’ont-elles pas toujours été les attributs distinctifs des enchanteresses créées par l’an- tique mythologie, ainsi que des fées, auxquelles une poésie plus moderne a voulu donner le jour? Ne doivent- elles pas, lorsqu'elles se trouvent réunies, rappeler —— Wotion, lib. 8, cap. 178, fol. 158, b. Draco, sive araneus piscis. Sa/vian. fol. 71, b. Araignée de mer, ou vive. Rondelet, première partie, lv. xo, chap, 10, Draco marinus. A/drov. lib. 2, cap. 5o, p. 256. Jonst. lib. 1,tit.3, cap. 3, a. x, punct, 2, tab, 21, fig. 2,3, 5. Charlet. p.146. Draco sive araneus Plinii. Gesner, p. 77. WVillughby, p. 288, tab. S, 10, fig. 1. Ray. p.91. Ë Aranea. Cub. lib. 3, cap. 3, fol. 71, b. Araneus, ve/ draco marinus, Schoney. p. 16. Bellon, Aquat. p.219. It. Scan. 325. Taun. Suecic. 305. Müll. Prodrom. Zoolog. Danic. n. 309. Trachinus. Gronov. Act. Ups. 1742, p. 95. Id. Id. Mus. 1, p. 42, 2. 97; Zooph. p. 80, n. 274. Trachinus draco. Brünn. Pise. Massil. p. 19, nr. 30. Corystion simplici galeà, ete. Klein, Miss. pise, 4,p. 46, 7 9. Wever. Penn. Brit. Zoolog.3, p. 169, n.71, tab. 28. La vive. Duhumel, Traité des pêches, seconde partie, sixième section, chap. 1, art. 2 Dragon de mer. Valmont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. Trachinus draco. Ascagne, pl. 7. 0 356 HISTOIRE NATURELLE le sinistre pouvoir de ces êtres extraordinaires, retracer l'image de leurs ministres, présenter sur-tout à l'ima- gination amie du merveilleux ce composé fantastique, mais imposant, de formes, de couleurs, d'armes , de qualités effrayantes et douées cependant d’un attrait invincible, qui servant, sous le nom de dragon, les complots ténébreux des magiciennes de tous les âges, au char desquelles on l'a attaché, ne répand l'épou- vante qu'avec l'admiration, séduit avant de donner la mort, éblouit avant de consumer, enchante avant de détruire? Et afin que cette même imagination fût plus facile- ment entraînée au-delà de l'intervalle qui sépare le dragon de la Fable, de la rive de la Nature, n’a-t-on pas attribué à ce poisson un venin redoutable? ne s’est- on pas plu à faire remarquer les brillantes couleurs de ses yeux, dans lesquels on a voulu voir resplendir, comme dans ceux du dragon poétique , tous les feux des pierres les plus précieuses? Il en est cependant du dragon marin comme du dragon terrestre *. Son nom fameux se lie à d’immortels souvenirs : mais à peine l'a-t-on appercu, que toute idée de grandeur s'évanouit ; il ne lui reste plus que quelques rapports vagues avec la brillante chimère dont on lui a appliqué la fastueuse dénomination , et * Voyez l’article Zu dragon dans notre Histoire naturelle des quadru- pèdes oyipares. * D ES PAC TiISNS TONER: 907 * du volume gigantesque qu'on étoit porté à lui attri- buer , ilse trouve tout d’un coup réduit à de très-petites dimensions. Ce dragon des mers , ou , pour mieux dire, et pour éviter toute cause d'erreur, la trachine vive ne parvient, en effet, très-souvent qu'à la longueur de trois ou quatre décimètres. Sa tète est comprimée et garnie dans plusieurs en- droits de petites aspérités. Les yeux, rapprochés l’un de l’autre, ont la couleur et la vivacité de l'émeraude avec l'iris jaune tacheté de noir. L'ouverture de la bouche est assez grande, la langue pointue; et la mâchoire inférieure, qui est plus avancée que la supé- rieure, est armée, ainsi que cette dernière, de dents très-aiguës. Chaque opercule recouvre une large ou- verture branchiale, et se termine par une longue pointe tournée vers la queue. Le dos présente deux nageoires : les rayons de la première ne sont qu'au nombre de cinq; mais ils sont non articulés, très- pointus et très-forts. La peau qui revêt l'animal est couverte d’écailles arrondies, petites, et foiblement attachées : mais elle est si dure, qu'on peut écorcher une trachine vive presque aussi facilement qu'une mu- rène anguille. Il en est de même de l’uranoscope rat ; et c’est une nouvelle ressemblance entre la vive et cet uranoscope: Le dos du poisson est d’un jaune brun; ses côtés et sa partie inférieure sont argentés et variés dans leurs nuances par des raies transversales ou obliques, 608: HIS T'OTRE ST NATER FuILE brunâtres, et fréquemment dorées ; la première na- geoire dorsale est presque toujours noire *. On trouve dans son intérieur et auprès du pylore, au moins huit appendices ou petits cæcum. La vive habite non seulement dans la Méditerranée; mais encore dans l'Océan. Elle se tient presque tou- jours dans le sable, ne laissant paroître qu'une partie de sa tête; et elle a tant de facilité à creuser son petit asyle dans le limon, que lorsqu'on la prend et qu'on la laisse échapper, elle disparoït en un clin d'œil, .et s'enfonce dans la vase. Lorsque la vive est ainsi retirée dans le sable humide, elle n’en conserve pas moins la faculté de frapper autour d'elle avec force et promp- titude par le moyen de ses aiguillons et particulière- ment de ceux qui composent sa première nageoire dorsale. Aussi doit-on se garder de marcher nud-pieds sur le sable ou le limon au-dessous duquel on peut supposer des vives : leurs piquans font des blessures très-douloureuses. Mais malgré le danger de beaucoup souffrir, auquel on s'expose lorsqu'on veut prendre ces trachines , leur chair est d'un goût si délicat, que Jon va très-fréquemment à la pêche de ces poissons, et * À la première nageoire dorsale à rayons. à la seconde 24 à chacune des nageoires pectorales 16 à chacune des jugulaires 6 à la nageoiïre de l’anus 25 à celle de la queue, quiest un peu fourchue, 15 D'ENSMUB VONT S SO Ne 959 qu'on emploie plusieurs moyens pour s'en procurer un grand nombre. Pendant la fin du printemps et le commencement de l'été, temps où les vives s'approchent des rivages pour déposer leurs œufs, ou pour féconder ceux dont les femelles se sont débarrassées, on en trouve quelque-- fois dans les #7anets ou filets à nappes simples, dont on se sert pour la pêche des maquereaux. On emploie aussi pour les prendre, lorsque la nature du fond le permet, des dréves ou espèces de filets qui reposent . légèrement sur ce même fond, et peuvent dériver avec -la marée. On s'efforce d'autant plus de pêcher une grande quantité de vives, que ces animaux non seulement donnent des signes très-marqués d’irritabilité après qu'ils ont été vidés, ou qu'on leur a coupé la tête, mais encore peuvent vivre assez long-temps hors de l’eau, et par conséquent être transportés encore en vie à d'assez grandes distances. D'ailleurs, par un rapport remarquable entre l'irritabilité des muscles et leur résistance à la putridité, la chair des trachines vives ne se corrompt pas aisément, et peut être conservée pen- dant plusieurs jours, sans cesser d'être très-bonne à: manger; et c'est à cause de ces trois propriétés qu'elles ont reçu le nom spécifique que j'ai cru devoir leur laisser. Cependant , si plusieurs marins vont sans cesse à la: recherche de ces trachines, la crainte fondée d'être: S6c HISTOIRE NATURELLE cruellement blessés par les piquans de ces animaux; et sur-tout par les aiguillons de la première nageoire dorsale, leur fait prendre de grandes précautions; et les accidens occasionnés par ces dards ont été regardés comme assez graves pour que, dans le temps, l'autorité publique ait cru, en France, devoir donner, à ce sujet, des ordres très-sévères. Les pêcheurs s'attachent sur- tout à briser ou arracher les aiguillons des vives qu'ils tirent de l'eau. Lorsque, malgré toute leur attention, ils ne peuvent pas parvenir à éviter la blessure qu'ils. redoutent, ceux de leurs membres qui sont piqués pré- sentent une tumeur accompagnée de douleurs très-, cuisantes et quelquefois de fièvre. La violence de ces symptômes dure ordinairement pendant douze heures ; et comme cet intervalle de temps est celui qui sépare une haute marée de celle qui la suit, les pêcheurs de l'Océan n’ont pas manqué de dire que la durée des accidens occasionnés par les piquans des vives avoit un rapport très-marqué avec les phénomènes du flux et reflux, auxquels ils sont forcés de faire une attention continuelle, à cause de l'influence des mouvemens de la mer sur toutes leurs opérations. Au reste, les moyens dont les marins de l'Océan ou de la Méditerranée se servent pour calmer leurs souffrances, lorsqu'ils ont été piqués par des trachines vives, ne sont pas peu nombreux; et plusieurs de ces remèdes sont très- anciennement connus. Les uns se contentent d’appli- quer sur la partie malade le foie ou le cerveau encore D''ELSCW PT OUT “SUSHOUNIS. 901 frais du poisson; les autres, après avoir lavé la plaie avec beaucoup de soin, emploient une décoction de lentisque, ou les feuilles de ce végétal, ou des féves de marais. Sur quelques côtes septentrionales, on a recours quelquefois à de l'urine chaude ; le plus sou- vent on y substitue du sable mouillé, dont on enve- loppe la tumeur, en tâchant d’empècher tout contact de l'air avec les membres blessés par la trachine. L’enflure considérable et les douleurs longues et aiguës qui suivent la piquure de la vive, ont fait penser que cette trachine étoit véritablement venimeuse ; et voilà pourquoi, sans doute, on lui a donné le nom de l'araignée dans laquelle on croyoit devoir supposer un poison assez actif, Mais la vive ne lance dans la plaie qu'elle fait avec ses piquans, aucune liqueur particu- lière : elle n’a aucun instrument propre à déposer une humeur vénéneuse dans un corps étranger, aucun réservoir pour la contenir dans l’intérieur de son corps, ni aucun organe pour la filtrer ou la produire. Tous les effets douloureux de ses aiguillons doivent être ‘attribués à la force avec laquelle elle se débat lorsqu'on la saisit, à la rapidité de ses mouvemens, à l'adresse avec laquelle elle se sert de ses armes, à la promptitude avec laquelle elle redresse et enfonce ses petits dards dans la main, par exemple, qui s'efforce de la retenir, à la profondeur à laquelle elle les fait parvenir , et à la dureté ainsi qu'à la forme très-pointue de ces piquans. La vive n'emploie pas seulement contre les marins TOME II, 46 362 HISTOIRE NATURELLE qui la pêchent et les grands poissons qui lattaquent, l'énergie, l’agilité et les armes dangereuses que nous venons de décrire : elle s'en sert aussi pour se procurer plus facilement sa nourriture, lorsque, ne se conten- tant pas d'animaux à coquilles, de mollusques, ou de crabes, elle cherche à dévorer des poissons d'une taille presque égale à la sienne. Tels sont les faits certains dont on peut composer la véritable histoire de la trachine vive. Elle a eu aussi son histoire fabuleuse, comme toutes les espèces d'ani- maux qui ont présenté quelque phénomène remar- quable. Nous ne la rapporterons pas, cette histoire fabu- leuse. Nous ne parlerons pas des opinions contraires aux lois de la physique maintenant les plus connues, ni des contes ridicules, que l’on trouve, au sujet de la vive, dans plusieurs auteurs anciens, particulièrement dans lien, ainsi que dans quelques écrivains modernes, et qui doivent principalement leur origine au nom de dragon que porte cette trachine, et à toutes les fictions vers lesquelles ce nom ramène l'imagination; nous ne dirons rien du pouvoir merveilleux de la main droite ou de la main gauche lorsqu'on touche une vive, ni d’autres observations presque du même genre : en tâchant de découvrir les propriétés des ouvrages de la Nature, et Les divers effets de sa puissance, nous n’a- vons qu'un {rop grand nombre d'occasions d'ajouter à Fénumération des erreurs de l'esprit humain. il paroît que selon les mers qu'elle habite, la vive D ES PO I S SO Ne 963 présente dans ses dimensions , ou dans la disposition et les nuances de ses couleurs, des variétés plus ou moins constantes. Voici les deux plus dignes d'attention: La première est d'un gris cendré avec des raies trans- versales , d’un brun tirant sur le bleu. Elle a trois déci- mètres, ou à peu près, de longueur. La seconde est blanche, parsemée, sur sa partie supé- rieure, de points brunâtres, et distinguée d’ailleurs par des taches de la même teinte, mais grandes et ovales, que l’on voit également sur sa partie supé- rieure. Elle parvient à une longueur de plus de trois décimètres. C’est vraisemblablement de cette variété qu'il faut rapprocher les trachines vives de quelques côtes de l'Océan, que l’on nomme saccarailles blancs *, et qui sont longues de cinq ou six décimètres. * Duhamel, à l'endroit déja cité, LA TRACILINE OSBTOCKS C'EsT dans l'océan Atlantique, et auprès de l'isle de l'Ascension, qu'habite cette trachine, dont la descrip- tion a été publiée par le savant voyageur Osbeck. Les deux màchoires de ce poisson sont également avancées, et garnies de plusieurs rangs de dents longues et poin- tues, dont trois en haut et trois en bas sont plus grandes que les autres; des dents aiguës sont aussi placées auprès du gosier. Chaque opercule se termine par deux aiguillons inégaux en longueur. La nageoire de la queue est rectiligne*. Tout l'animal est blane avec des taches noires. Telles sont les principales dif- férences qui écartent cette espèce de la trachine vive. * Trachinus osbeck. Osbeck, Foy.to China, p.96. Trachine ponctuée. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, 2 À Ja membrane des branchies 6 rayons. à chacune des nageoires pectorales 18° à chacune des jugulaires D à la nageoire de l’anus II à celle de la queue 16 ET QUARANTE-SIXIÈEME GENRE LES GADES. La tête comprimée; les yeux peu rapprochés l'un de l'autre, ec placés sur les cotés de la tête 5 le COFPS alongé, peu comprimé, el revêtu de petites écailles; les opercules composés de plusieurs pièces, et bordés d'une membrane non ciliée.. PREMIER SOUS-GENR: E. Trois nageoires sur Le dos; un ou plusieurs barbillons aw bout du museau. ESPÈCES CARACTÈRES, La nageoire de la queue , fourchue ; la m4- 3 LE GADE MORUE, choire supérieure plus avancée que Pinfé- (Gadus morhua.) rieure; le premier rayon de la premiere nageoire de l'anus, non articulé, et épineux, La nageoire de la queue, fourchue; la m4- 2. LE GADE ÆGLEFIN.] choire supérieure plus avancée que l’infé- (Gadus œglefinus.) rieure ; la couleur blanchâtre ; la Ligne la- térale noire. La nageoire de la queue, fourchue ; la m4- à Pie ne OU choire supérieure un peu plus avancée que k Pinférieure; le premier ra » (Gadus bibus.) PET ED Se ter aue nageoire jugulaire, terminé par un long filament, 366 HISTOIRE. NATURELLE ESPÈCES. CARACTÈRES. La nageoire de la queue, fourchue; la m4- j. Le case saine choire inférieure un peu plus avancée que Cube) la supérieures le second rayon de chaque Ë nageoire jugulaire, terminé par un long filament. , LE GADE BLENNIOIDE. (Gadus blennioïdes.) La nageoire de la queue, fourchue ; le pre- mier rayon de chaque rageoire jugulaire plus lonx que les autres, et divisé en deux. C7 . La nageoire de la queue en croissant ; la mâ- 6. LE GADE CALLARIAS. | (Cate cale) choire supérieure plus avancée que l’infé- rieure; la ligne latérale large et tachetée. La nageoire de la queue en croissant ; la mâ- choire supérieure plus avancée que l’infé- 7. LE GADE TACAUD. rieure ; la hauteur du corps égale, à peu (Gadus tacaud.) prés, au tiers de la longueur totale de l’a- nimal. choire supérieure plus avancée que l’infé- 8. LE GADE CAPELAN. P P q rieure ; le ventre très-carené ; l’anus placé (Gadus capelunus.) ? P L à peu près, à une égale distance de la tête L pageoire de la queue, arrondie ; la mâ- et de l'extrémité de la queue. SECOND SOUS-GENRE. Trois nageoires sur le dos; point de barbillons au bout du museau. ESPÈCE, CARACTÈRES. La nageoire de la queue, fourchue; la mä- g. LE GADE COLIN. choire inférieure plus avancée que la supé- (Gadus cotinus.) rieure ; la ligne latérale presque droite ; la bouche noire, DES PLONT S SAONE: 367 ESPÈCES. CARACTÈRES. La nageoire de la queue, fourchue ; la mâ- 10, LE GADE POLLACX. : 7 choire inférieure plus avancée que la supé- (Gadus pollachius.) Ï J P rieure ; la ligne latérale très-courbe. La nageoire de la queue , fourchue ; les deux mâchoires également avancées; la couleur du dos verdâtre. II. LE GADE SEY. (Gadus sey.) La nageoire de Ja queue en croissant ; la mà- choire supérieure plus avancée que Pinfé- rieure ; la couleur blanche. 12. LE GADE MERLAN. (Gadus merlangus.) . TR OISE ÉMYEMS)OUSSLG EN RE. Deux nageoires dorsales; un ou plusieurs barbillons au bout du muscau. ESPÈCES. CAR A'CTIÉVR ES. La naveoire de la queu ie : à 13. LE GADE MOLVE. D Fe ar choire supérieure plus avancée que l’infé- (Gadus rmolva.) : P P e que l'infé rieure. La mâchoire inférieure plas avancée que la r4. LE GADE DANOIS.) supérieure; Ja nagcoire de l’anus très- (Gadus danicus.) longue, et composée de 70 rayons, ou en- viron. 75. LE GADE LOTE. La nageoire de la queue, arrondie ; les deux (Gadus lota.) mâchoires également avancées. La nageoire de la queue, arrondie; la première nageoire du dos très-basse, excepté le pre- x6. LE GADE MUSTELLE. mier ou le second rayon; la ligne latérale (Gadus mustella.) très-courbe auprès des nageoires pectorales, et ensuite droite, 368 HISTOIRE NATURELLE. ESPÈCE. C A'R'ACITERESS. La nageoire de la queue, arrondie; deux bar- billons auprès des narines ; un barbillon à la lèvre supérieure, et un à l’inférieure; le premier rayon de la première nageoire dor- sale, terminé par deux filamens disposés 37. LE GADE CIMBRE., (Gadus cimbrius.) horizontalement comme les branches d’un TT: QU AT. RTE M E.,5,0 UV S2GE N'RLE Deux nageoires dorsales; point de barbillons auprés du bout du museau. ESPÈCE. CARACTÈRES. La nageoire de la queue, rectiligne ; la mä- GPS choire inférieure plus avancée que la supé- (Gadus merlucius.) & rieure. CINQUIÈME SOUS-GENRE. Une seule nagcoire dorsale; des barbillons au bout du museau. ESPÈCE. CARACTÈRES. 39. LE GADE BROSME. A nageoire de la queue lancéolée; des bandes (Gadus brosme.) transversales sur les côtés. LE: G A DEL M,O'ReU RE" Par M1 tous les animaux qui peuplent l'air, la terre ou les eaux, il n'est qu'un très-petit nombre d'espèces utiles dont l’histoire puisse paroître aussi digne d’intérèt que %* Gadus morhua. Morhuel, dans plusieurs pays seplentrionaux de l’Europe. Molüe, dans quelques contrées de France. Cabiliau , chi, Cabillau , sbid. Cabillaud , zbid. et particulièrement dans les départemens les plus septen- 1rionaux. Kablag, en Danemarck, Ciblia, en Suède. Gadus morhua. Linné, édition de Gmelin. Gade morue. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l’Encyclopédie méthodique. Gadus squamis majoribus. Bloch, pl. 64. Gadus , dorso tripterygio , ore cirrato , etc. Artedi, syn. 35. Morhua vulgaris, maxima asellorum species, Bel/on, Aquat. p. 128, Morhua, sive molva altera. Æ/drcv. lib. 3, cap. 6, p. 289. Molva , morhua. Jonston, lib. 1, tit. 1, cap.1, art. 2,tab.2, fig. 1. Molva , vel morhua, altera, minor. Gesner, p.88, 102; Zcon. anim. p. 7x. Molüe, ou morhue. Rondelet, première partie, liv. 9, chap. 13. Asellus major. Schoner. p. 18. Charlet. p. 121. Asellus major vulgaris, Belois cabiliau. 7V/{/ughby, p. 165. Asellus major vulgaris. Raj. p.53, 2. x. Faun. Suecic. 308. Müll. Prodrom. Zoolog, Danic. p. 42,7. 349« Gadus kabbelja. 7. Wgoth. 176. TOME II. 47 9370 HISTOIRE NÂATURERTLTE celle de la morue, à la philosophie attentive et bien- faisante qui médite sur la prospérité des peuples. L'homme a élevé le cheval pour la guerre , le bœuf pour le travail, la brebis pour lindustrie , l'éléphant pour la pompe, le chameau pour l'aider à traverser les déserts, le dogue pour sa garde , le chien courant pour la chasse, le barbet pour le sentiment , la poule pour sa table, le cormoran pour la pêche, l'aigrette pour sa parure, le serin pour ses plaisirs, l'abeille pour rem- placer le jour ; il a donné la morue au commerce mari- time ; et en répandant par ce seul bienfait une nou- velle vie sur un des grands objets de la pensée, du cou- rage et d’une noble ambition, il a doublé les liens fra- ternels qui unissoient les différentes parties du globe. Dans toutes les contrées de l'Europe, et dans presque toutes celles de l'Amérique, ilest bien peu de personnes qui ne connoissent le nom de la morue, la bonté de son goût, la nature de ses muscles , et les qualités qui distinguent sa chair suivant les diverses opérations que ce gadé a subies : mais combien d'hommes n’ont aucune Cablian: Strom. sordin: 317. Callarias sordidè olivaceus, maculis flavicantibus variis, etc. K/ein, Miss. pisc. b,p.b,n.1. Morue. Camper, Mémoires des savans étrangers, 6 3 Pe 79- Pennant, Brit: Zoolog: 3, p. 172, 7. 73. Morue franche. Duhumel, Traité des pêches, seconde partie, première section, chap, 1: ; Morue. ’almont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. Gadus morbhua. Ascagre, cah. 3, p.5, pl, 27. D -SEND PR O#T S: SOON, 371 idée précise de la forme extérieure , des organes inté- rieurs , des habitudes de cet animal fécond, ni des diverses précautions que l’on a imaginées pour le pècher avec facilité ! et parmi ceux qui s'occupent avec le plus d'assiduité d'étudier ou de régler les rapports politiques des nations, d'augmenter leurs moyens de subsistance , d'accroître leur population, de multiplier leurs objets d'échange, de créer ou de ranimer leur marine ; parmi ceux même qui ont consacré leur exis- tence aux voyages de long cours , ou aux vastes spécu- lations commerciales , n'est-il pas plusieurs esprits élevés et très-instruits, aux yeux desquels cependant une histoire bien faite du gade morue dévoileroit des faits importans pour le sujet de leurs estimables médi- tations ? Aristote , Pline, ni aucun des anciens historiens de la Nature, n’ont connu le gade morue : mais les natu- ralistes récens , les voyageurs, les pêcheurs, les pré- arateurs , les marins, les commerçans , presque tous les habitans des rivages, et mème de l’intérieur des terres de l'Europe ainsi que de l'Amérique , particuliè- rement de l'Amérique et de l'Europe septentrionales, se sont occupés si fréquemment et sous tant de rapports de ce poisson ; ils l'ont vu , si je puis employer cette expression, sous tant de faces et sous tant de formes, qu'ils ont dû nécessairement donner à cet animal un très-grand nombre de dénominations différentes. Néanmoins sous ces divers noms, aussi-bien que sous 872 HISTOIRE NATURELEE les déguisemens que l’art a pu produire, et même sous les dissemblances plus ou moins variables et plus ou moins considérables que la Nature a créées dans les différens climats , il sera toujours aisé de distinguer la morue non seulement des autres jugulaires de la pre- mière division des osseux, mais encore de tous les autres gades, pour peu qu'on veuille rappeler les caractères que nous allons indiquer. Comme tous les poissons de son genre , la morue a la tète comprimée ; les yeux, placés sur les côtés, sont très-peu rapprochés l’un de l'autre, tres-gros , voilés par une membrane transparente; et cette dernière confor- mation donne à l'animal la faculté de nager à la sur- face des mers septentrionales , au milieu des mon- tagnes de glace, auprès des rivages couverts de neige congelée et resplendissante , sans être ébloui par la grande quantité de lumière réfléchie sur ces plages boréales : mais hors de ces régions voisines du cercle polaire, la morue doit voir avec plus de difhiculté que la plupart des poissons dont les yeux ne sont pas ainsi recouverts par une pellicule diaphane ; et de là est venue l'expression d'yeux de morue dont on s’est servi pour désigner des yeux grands, à fleur de tète, et cependant mauvais, Les mâchoires sont inégales en longueur:la supé- rieure est plus avancée que l'inférieure, au bout de laquelle on voit pendre un assez grand barbillon. Elles sont armées toutes les deux de plusieurs rangées de DE SAP IONL Se ONNNS 379 dents fortes et aiguës. La première rangée en présente de beaucoup plus longues que les autres; et toutes ne sont pas articulées avec lun des os maxillaires , de manière à ne se prèter à aucun mouvement : plusieurs de ces dents sont au contraire très-mobiles , c’est-à-dire, peuvent être, comme celles des squales , couchées et relevées sous différens angles, à la volonté de l'animal, et lui donner ainsi des armes plus appropriées à la nature, au volume et à la résistance de la proie qu’il cherche à dévorer. La langue est large , arrondie par-devant, molle et lisse : mais on voit des dents petites et serrées au palais et auprès du gosier. Les opercules des branchies sont composés chacuu de trois pièces, et bordés d'une bande souple et non ciliée. Sept rayons soutiennent chaque membrane bran- chiale. Le corps est alongé, légèrement comprimé, et revêtu d'écailles plus grandes que celles qui recouvrent presque tous les autres gades. La ligne latérale suit à peu près la courbure du dos jusque vers les deux tiers de la longueur totale du poisson. On voit sur la morue trois grandes nageoires dorsales. Ce nombre de trois, dans les nageoires du dos, dis- tingue les gades du premier et du second sous-genre, ainsi que l'indique le tableau qui est à la tète de cet article; etilest d'autant plus remarquable, qu'excepté les espèces renfermées dans ces deux sous-genres, les 97 À M IS TIOË RE) NAT U RENE eaux douces, aussi-bien que les eaux salées, doivent comprendre un très-petit nombre de poissons osseux ou cartilagineux dont les nageoires dorsales soient plus que doubles, et qu'on n’en trouve particulièrement aucun à trois nageoires dorsales parmi les habitans des mers ou des rivières que nous avons déja décrits dans cet ouvrage. Les poissons qui ont trois nageoires du dos, ont deux nageoires de l'anus, placées, comme les dorsales, à la suite l'une de l’autre. La morue a donc deux nageoires anales comme tous les gades du premier et du second sous - genre ; et on a pu voir sur le tableau de sa famille que le premier aiguillon de la première de ces deux nageoires est épineux et non articulé. Les nageoires jugulaires sont étroites et terminées en pointe, comme celles de presque tous les gades ; la caudale est un peu fourchue *. Les morues parviennent très-souvent à une grandeur assez considérable pour peser un myriagramme : mais ce n'est pas ce poids qui indique la dernière limite de leurs dimensions. Suivant le savant Pennant , on en a vu, auprès des côtes d'Angleterre, une qui pesoit près ent * A la première nageoire du dos 15 rayons. à la seconde 19 à la troisième 21 à chacune des nageoires pectorales 16 à chacune des jugulaires 6 à la première de l'anus 17 à la seconde 16 ; à la nageoire de la queue 30 = FT Di ES 4% PO, T'SISIONME 279 de quatre myriagrammes, et qui avoit plus de dix-huit décimètres de longueur, sur seize décimètres de cir- conférence, à l'endroit le plus gros du corps. L'espèce que nous décrivons est d’ailleurs d’un gris cendré , tacheté de jaunâtre sur le dos. La partie infé- rieure du corps est blanche, et quelquefois rougeûtre, avec des taches couleur d'or dans les jeunes individus. Les nageoires pectorales sont jaunâtres ; une teinte grise distingue les jugulaires , ainsi que la seconde de l'anus. Toutes les autres nageoires présentent des taches jaunes. C'est principalement en examinant avec soin les organes intérieurs de la morue, que Camper, Monro, et d’autres habiles anatomistes, sont parvenus à jeter un grand jour sur la structure interne des poissons, et particulièrement sur celle de leurs sens. On peut voir , par exemple, dans Monro, une très-belle description de l’ouie de la morue. Mais nous nous sommes déja assez occupés de l'organe auditif des poissons, pour devoir nous contenter d'ajouter à tout ce que nous avons dit, et relativement au gade morue, que le grand os auditif contenu dans un sac placé à côté des canaux appelés demi-circulaires, et Le petit os renfermé dans la cavité qui réunit le canal supérieur au canal moyen, pré- sentent un volume assez considérable, proportionnelle- ment à celui de l'animal; que c'est à ces deux os qu il faut rapporter les petits corps que l’on trouve dans les cabi- nets d'histoire naturelle, sous le nom de pierres de morue; 5706 H US TOTIRE N'ATURPEEME qu'un troisième os que l'on a découvert aussi dans l’an= guille et dans d’autres osseux dont nous traiterons avant de terminer cet ouvrage, est situé dans le creux qui sert de communication aux trois canaux demi-circulaires; et que la grande cavité qui comprend ces mêmes canaux ; est remplie d'une matière visqueuse, au milieu de laquelle sont dispersés de petits corps sphériques aux- quels aboutissent des ramifications nerveuses. De petits corps semblables sont attachés à la cer- velle, et aux principaux rameaux des nerfs. Si de la considération de l’ouïe de la morue nous pas- sons à celle de ses organes digestifs, nous trouverons qu'elle peut avaler dans un très-court espace de temps une assez grande quantité d’alimens : elle a en effet un estomac très-volumineux ; et l’on voit auprès du pylore six appendices ou petits canaux branchus. Elle est très- vorace ; elle se nourrit de poissons, de mollusques et de crabes. Elle a des sucs digestifs si puissans et d'une action si prompte, qu'en moins de six heures un petit poisson peut être digéré en entier dans son canal intes- tinal, De gros crabes y sont aussi bientôt réduits en chyle ; et avant qu'ils ne soient amenés à l'état de bouillie épaisse , leur têt s’altère , rougit comme celui des écrevisses que l’on met dans de l’eau bouillante, et devient très-mou *. La morue est même si goulue, qu’elle avale souvent * Voyez l’Aistoire d'Islande, par Anderson, D'ENSR IP OUT SISTORNES, 277 des morceaux de bois ou d'autres substances qui ne peuvent pas servir à sa nourriture : mais elle jouit de la faculté qu'ont reçue les squales, d’autres poissons destructeurs, et les oiseaux de proie ; elle peut rejeter facilement les corps qui l'incommodent. L'eau douce ne paroît pas lui convenir ; on ne la voit jamais dans les fleuves ou les rivières: elle ne s'approche même des rivages , au moins ordinairement, que dans Je temps du frai ; pendant le reste de l'année, elle se tient dans les profondeurs des mers, et par conséquent elle doit être placée parmi les véritables poissons pélagiens: Elle habite particulièrement dans la portion de l'Océan septentrional comprise entre le quarantième degré de latitude et le soixante-sixième : plus au nord ou plus au sud, elle perd de ses qualités ; et voilà pourquoi appa- remment elle ne doit pas être comptée parmi les pois- sons de la Méditerranée, ou des autres mers intérieures, dont l'entrée, plus rapprochée de l'équateur que le quarantième degré, est située hors des plages qu’elle fréquente. On la pêche dans la Manche, et on la prend auprès des côtes du Kamtschatka, vers le soixantième degré * : mais dans la vaste étendue de l'Océan boréal qu'occupe cette espèce, on peut distinguer deux grands espaces qu'elle semble préférer. Le premier de ces espaces remarquables peut être conçu comme limité d’un côté RE * Voyage de Lesseps, du Kamtschatka en France, TOME Il. 48 376 HISTOIRE NATURELRGE par le Groenland et par l'Islande , de l’autre par la Norvége , les côtes du Danemarck, de l'Allemagne, de la Hollande, de l’est et du nord de la Grande-Bretagne, ainsi que des isles Orcades; il comprend les endroits désignés par les noms de Doozer-bank, I ell-bank, et Cromer ; et on peut y rapporter les petits lacs d’eau salée des isles de l’ouest de l'Écosse, où des troupes consi- dérables de grandes morues attirent , principalement vers Gareloch, les pêcheurs des Orcades, de Peterhead , de Portsoy , de Firth et de Murray. Le second espace , moins anciennement connu, mais plus célèbre parmi les marins, renferme les plages voi- sines de la Nouvelle-Angleterre , du cap Breton, de la Nouvelle-Écosse , et sur-tout de l'isle de Terre-Neuve, auprès de laquelle est ce fameux banc de sable désigné ar le nom de Grand Banc, qui a près de cinquante nuyriamètres de longueur sur trente ou environ de lar- geur, au-dessus duquel on trouve depuis vingt jusqu'à cent mètres d’eau, et près duquel les morues forment des légions très-nombreuses, parce qu'elles y ren- contrent en très-srande abondance les harengs et les autres animaux marins dont elles aiment à se nourrir. Lorsque, dans ces deux immenses portions de mer, le besoin de se débarrasser de la laite ou des œufs, ou la nécessité de pourvoir à leur subsistance, chassent les morues vers les côtes, c’est principalement près des rives et des bancs couverts de crabes ou de moules qu'elles se rassemblent; et elles déposent souvent D''FASUPYONT. SISUONNEES. 379 leurs œufs sur des fonds rudes au milieu des rochers. Ce temps du frai qui entraîne les morues vérs les rivages , est très-variable , suivant les contrées qu’elles habitent, et l'époque à laquelle le printemps ou l'été commence à régner dans ces mèmes contrées. Com- munément c'est vers le mois de pluviose que ce frai a lieu auprès de la Norvége, du Danemarck, de l’An- gleterre , de l'Écosse, etc. : mais comme l’isle de Terre- Neuve appartient à l'Amérique septentrionale, et par conséquent à un continent beaucoup plus froid que l’ancien, l’époque de la ponte et de la fécondation des œufs y est reculée jusqu'en germinal. Il est évident, d’après tout ce que nous venons de dire, que cette époque du frai est celle que l’on a dû choisir pour celle de la pêche. Il y a donc eu diversité de temps pour cette grande opération de la recherche des morues, selon le lieu où on a desiré de les prendre ; et de plus, il ÿ a eu différence dans les moyens de par- venir à les saisir , suivant les nations qui se sont occu- pées de leur poursuite : mais depuis plusieurs siècles les peuples industrieux et marins de l'Europe ont senti l'importance de la pêche des morues, et s'y sont livrés avec ardeur. Dès le quatorzième siècle, les Anglois et les habitans d'Amsterdam ont entrepris cette pêche, pour laquelle les Islandois, les Norvégiens, les Fran- cois et les Espagnols ont rivalisé avec eux plus ou moins heureusement ; et vers le commencement du seizième, les François ont envoyé sur le grand banc de Terre- DH0O HISTOIRE NATURE TUE Neuve les premiers vaisseaux destinés à en rapporter des morues. Puisse cet exemple mémorable n'être pas perdu pour les descendans de ces François ! et lorsque la grande nation verra luire le jour fortuné où l’oli- vier de la paix balancera sa tête sacrée, au milieu des lauriers de la victoire et des palmes éclatantes du cénie, au-dessus des innombrables monumens élevés à sa gloire, qu’elle n'oublie pas que son zèle éclairé pour les entreprises relatives aux pêches importantes, sera toujours suivi de l'accroissement le plus rapide de ses subsistances , de son commerce, de son industrie, de sa population, de sa marine, de sa puissance, de son bonheur! Dans la première des deux grandes surfaces où l'on rencontre des troupes très-nombreuses de morues , et par conséquent dans celle où l'on s'est livré plus an- ciennement à leur recherche , on n’a pas toujours em- ployé les moyens les plus propres à atteindre le bug que l’on auroit dû se proposer. Il a été un temps , par exemple, où sur les côtes de Norvége on s’étoit servi de filets composés de manière à détruire une si grande quantité de jeunes morues, et à dépeupler si vite les plages qu'elles avoient affectionnées, que, par une suite de ce sacrifice mal-entendu de l'avenir au présent, un bateau monté de quatre hommes ne rapportoit plus que six ou sept cents de ces poissons, de tel endroit où. il en auroit pris , quelques années auparavant, près de six mille. Ge] Du FR SALIPRONT SAS AMOMNIEESS 90 { Mais rien n'a été négligé pour les pèches faites, dans les dix-septième et dix-huitième siècles , aux environs de l’isle de Terre-Neuve. Premièrement, on a recherché avec le plus grand soin les temps les plus favorables : c'est d’après les résultats des observations faites à ce sujet, que, vers ces parages, il esttrès-rare qu'on continue la poursuite des morues après le mois de prairial, époque à laquelle les gades dont nous écrivons l’histoire , s'éloignent à de grandes distances de ces plages, pour chercher une nourriture plus abondante , ou éviter la dent meurtrière des squales et d’autres habitans des mers redoutables par leur férocité. Les morues reparoissent auprès des côtes dans le mois de vendémiaire , ou aux environs de ce mois : mais dans cette saison, qui touche d'un côté à l'équinoxe de l'automne, et de l’autre aux frimas de l'hiver, et d’ailleurs auprès de l'Amérique septentrio- nale, où les froids sont plus rigoureux et se font sentir plutôt que sous le mème degré de la partie boréale de l'ancien continent,#les tempètes et mème les glaces peuvent rendre très-souvent la pêche trop incertaine et rop dangereuse, pour qu'on se détermine à s’y livrer de nouveau, sans attendre le printemps suivant. En second lieu , les préparatifs de cette importante et lointaine recherche des morues qui se montrent auprès de Terre-Neuve, ont été faits, depuis un très- grand nombre «d'années, avec une prévoyance très- attentive. C'est dans ces opérations préliminaires qu’on. 399 IS T.OLR EN A TDURELTE a suivi avec une exactitude remarquable le principe de diviser le travail pour Îe rendre plus prompt et plus voisin de la perfection que l’on desire ; et ce sont les ÂAnglois qui ont donné à cet égard l'exemple à l'Europe commerçante. La force des cordes ou lignes, la nature des hamecons, les dimensions des bâtimens, tous ces objets ont été déterminés avec précision. Les lignes ont eu depuis un jusqu'à deux centimètres, ou à peu près, de circonfé- rence, et quelquefois cent quarante-cinq mètres de lon- gueur: elles ont été faites d’un très-bon chanvre,et com- posées de fils très-fins , et cependant très-forts, afin que les morues ne fussept pas trop effrayées, et que les pêcheurs pussent sentir aisément l'agitation du poisson pris, relever avec facilité les cordes et les retirer sans les rompre. Le bout de ces lignes a été garni d’un plomb qui a eu la forme d'une poire ou d’un cylindre , a pesé deux ou trois kilogrammes selon la grosseur de ces cordes, et a soutenu une empile longue de quatre à cinq mètres *. Communément les vaisseaux employés pour la pêche des morues ont été de cent cinquante tonneaux au plus, et de trente hommes d'équipage. On a emporté des vivres pour deux, trois et jusqu'à huit mois, selon la longueur du temps que l’on a cru devoir consacrer au * Nous avons vu, dans l’article de /a raie bouclée, que l’empile est un fil de chanvre, de crin, ou de métal, auquel le Aaëm ou hamecon est attaché. D'ES PAROI 2SUSHOTINRS: 909 voyage. On n’a pas manqué de se pourvoir de bois pour aider le desséchement des morues, de sel pour les con- server , de tonnes et de petits barils pour y renfermer les différentes parties de ces animaux déja préparées. Des bateaux particuliers ont été destinés à aller pècher , même au loin, les mollusques et les poissons propres à faire des appâts, tels que des sépies, des harengs, des éperlans, des trigles, des maquereaux; des capelans, ete. | On se sert de ces poissons quelquefois lorsqu'ils sont salés, d'autres fois lorsqu'ils n’ont pas été imprégnés de sel. On en emploie souvent avec avantage de digérés à demi. On remplace avec succès ces poissons corrom- pus, par des fragmens d’écrevisse ou d’autres crabes, du lard et de la viande gâtée. Les morues sont même si imprudemment goulues, qu'on les trompe aussi en ne leur présentant que du plomb ou de l'étain faconné en poisson, et des morceaux de drap rouge semblables par la couleur à de la chair ensanglantée ; et si l’on a besoin d’avoir recours aux appâts les plus puissans ; on attache aux hamecons le cœur de quelque oiseau d'eau , ou même une jeune morue encore saignante ; car la voracité des gades que nous décrivons est telle, que, dans les momens où la faim les aiguillonne, ils ne sont retenus que par une force supérieure à la leur, et n'épargnent pas leur propre espèce. Lorsque les précautions convenables n’ont pas été oubliées, que l'on n'est contrarié ni par de gros temps 04 HISTOIRE NATURELLE ni par des circonstances extraordinaires, et qu'on a bien choisi le rivage ou le banc, quatre hommes suf- fisent pour prendre par jour cinq ousix cents morues. L'usage le plus généralement suivi sur le grand bane, est que chaque pêcheur établi dans un baril dont les bords sont garnis d'un bourrelet de paille, laisse plus ou moins filer sa ligne , en raison de la profondeur de l'eau, de la force du courant, de la vitesse de la dérive, et fasse suivre à cette corde les mouvemens du vaisseau, en la trainant sur le fond contre lequel elle est retenue par le poids de plomb dont elle est lestée, Néanmoins d'autres marins halent ou retirent de temps en temps leur ligne de quelques mètres, et la laissent ensuite retomber tout-à-coup, pour empêcher les morues de Hairer les appâts et de les éviter, et pour leur faire plus d'illusion par les divers tournoiemens de ces mêmes appâis, qui dès-lors ont plus de rapports avec leur proie ordinaire. Les morues devant être consommées à des distances immenses du lieu où on les pêche, on a été obligé d'employer divers moyens propres à garantir de toute altération leur chair et plusieurs autres de leurs par- ties. Ces moyens se réduisent à les faire saler ou sécher. Ces opérations sont souventæxécutées par les pêcheurs, sur les vaisseaux qui les ont amenés ; et on imagine bien, sur-tout d'après ce que nous avons déja dit, qu’afin de ne rien perdre de la durée ni des objets du voyage, on a établi sur ces bâtimens le plus grand ordre D EËSZ 26 o %: s1:5 DONS. 385 dans la disposition du local, dans la succession des pro- cédés, et dans la distribution des travaux entre plusieurs personnes dont chacune n'est jamais chargée que des mêmes détails. Les mêmes arrangemens ont lieu sur la côte, mais avec de bien plus grands avantages, lorsque les marins occupés de la pêche des morues ont à terre, comme les Anglois, des établissemens plus ou moins com- modes, et dans lesquels on est garanti des effets nui- sibles que peuvent produire les vicissitudes de lat- mosphère. Mais soit à terre, soit sur les vaisseaux, on com- mence ordinairement toutes les préparations de la morue par détacher la langue et couper la tête de l'animal. Lorsqu'ensuite on veut saler ce gade, on l'ouvre dans sa partie inférieure ; on met à part le foie ; et si c'est une femelle qu'on a prise, on ôte les œufs de l'intérieur du poisson : on habille ensuite la morue, c'est-à-dire, en termes de pêcheur, on achève de l'ouvrir depuis la gorge jusqu'à l'anus, que les marins nomment nombril, et on sépare des muscles, dans cette étendue, la colonne vertébrale, ce qu'on nomme désos- ser la morue. à Pour mettre les gades dont nous nous occupons, dans leur premier sel, on remplit, le plus qu'on peut, l'in- térieur de leur corps de sel marin, ou muriate de soude ; on en frotte leur peau; on les range, par lits dans un endroit particulier de l'établissement construit TOME IL 49 DOS. HI S COM RE, NA EURE EE à terre, ou de l'entre-pont ou encore de la cale du bâtiment, si eiles sont préparées sur un vaisseau, et on place une couche de sel au-dessus de chaque lit. Les morues restent ainsi en piles pendant un, deux ou plusieurs jours, et quelquefois aussi entassées sur une sorte de gril, jusqu'a ce qu'elles aient jeté leur sang et leur.eau ; puis on les change de place, et on les sale à demeure , en, les arrangeant une seconde fois par lits, entre lesquels on étend de nouvelles couches de sel. Lorsqu'en habillant les morues, on se contente de les ouvrir depuis la gorge jusqu à l'anus, ainsi que nous venons de le dire:, elles conservent une forme arron- die du côté de la queue, et on les nomme zorues rondes: mais le plus grand nombre des marins occupés de la pèche de Terre-Neuve remplacent cette opération par la suivante, sur-tout lorsqu'ils salent de grands indi- vidus. Ils ouvrent la morue dans toute sa longueur, enlèvent la colonne vertébrale toute entière , habillent le poisson à plat; et la morue ainsi habillée se nomme morue plate. . Si au lieu de saler les gades morues , on veut les faire sécher , on emploie tous les procédés que nous avons exposés , Jusqu'à celui par lequel elles recoivent leur premier sel. On les lave alors, et on les étend une à une sur la grève ou sur des rochers *, la chair en haut, de * Le nom allemand de AZpfisch (poisson de rocher), que l’on donne aux morues sèthés, vient de la nature du terrain sur lequel elles sont souvent’ désséchées, a | D'É S'U POI S SO NS! 307 manière qu'elles ne se touchent pas ; quelques heures après on les retourne. On recommence ces opérations pendant plusieurs jours, avec cette différence , qu'au lieu d’arranger les morues une à une, on les met par piles, dont on accroît successivement la hauteur, de telle sorte que, le sixième jour, ces paquets sont de éent cinquante , ou deux cents, et même quelquefois de cinq cents myriagrammes. On empile de nouveau les morues à plusieurs reprises, mais à des intervalles de temps beaucoup plus grands , et qui croissent succes- sivement ; et le nombre ainsi que la durée de ces reprises sont proportionnés à la nature du vent, à la sécheresse de l'air, à la chaleur de l'atmosphère, à la force du soleil. Le plus souvent, avant chacune de ces reprises, on étend les morues une à une, et pendant quelques heures. On désigne les divers empilemens, en disant que les morues sont 4 leur premier, à leur second, à leur troisieme soleil, suivant qu’on les met en tas pour la première , la seconde ou la troisième fois ; et com- munément les morues recoivent dix soleils , avant d'être entièrement séchées. Lorsque lon craint la pluie, on les porte sur des tas de pierre placés dans des cabanes , ou pour mieux dire, sous des hangars qui n'arrêtent point l'action des courans d'air. Quelques peuples du nord de l'Europe emploient , pour préparer ces poissons , quelques procédés, dont 388 HISTOIRE NATURELLE un des plus connus consiste à dessécher ces gades sans sel, en les suspendant au-dessus d’un fourneau, ou en les exposant aux vents qui règnent dans leurs con- trées pendant le printemps. Les morues acquièrent par cette opération une dureté égale à celle du bois, d'où leur est venu le nom de stock-fish ( poisson en bâton ); dénomination qui, selon quelques auteurs, dérive aussi de l'usage où l’on est, avant d'apprèter du szock-fish pour le manger , de le rendre plus tendre en le battant sur un billot. Les commercans appellent, dans plusieurs pays ; mnorue blanche , celle qui a été salée, mais séchée promptement, et sur laquelle le sel a laissé une sorte de croûte blanchâtre. La worue noire, pinnée où brumée , est celle qui, par un desséchement plus lent , a éprouvé un commencement de décomposition, de telle sorte qu'une partie de sa graisse, se portant à la surface, et s'y combinant avec le sel, y a produit une espèce de poussière grise où brune, répandue par taches. On donne aussi le nom de 72orue verte à la morue salée, de merluche à la morue sèche, et de cabillaud à la morue préparée et arrangée dans des barils du poids de dix à quinze myriagrammes , et dont une douzaine s'appelle un /eh, dans plusieurs ports sep- tentrionaux d'Europe. Mais d’ailleurs, un grand nombre de places de com- merce ont eu, ou ont encore, différentes manières de désigner les morues distribuées en assortimens ; DIE HS ONMPAIOTE 75 SEC NES: 869 d'après les divers degrés de leurs dimensions ou de leur bonté. A Nantes, par exemple , on appeloit grandes morues , les morues salées qui étoient assez longues pour que cent de ces poissons pesassent qua- rante-cinq myriagrammes ; /20rucs moyennes , Celles dont le cent ne pesoit que trente myriagrammes ; raguets, où petites morues, celles de l'assortiment sui- ant ; et rchuts, lingues , où trés-petites morues , celles d'un assortiment plus inférieur encore. Sur quelques côtes de la Manche , le nom de »0orue gaffe indiquoit les très-grandes morues ; cinq autres assortimens inférieurs étoient indiqués par les déno- minations de yrorue marchande , de morue trie , de raguet où linvue, de morue valide ou patelet, et de morue viciée, appellation qui appartenoit en eflet à la plus mauvaise qualité. Dans ce même port de Nantes dont nous venons de parler, les morues sèches étoient, divisées en sept assortimens, dont les noms étoient, suivant l’ordre de la supériorité des uns sur les autres , zrorue pivée, morue grise, grand marchand , moyen marchand , petit marchand où fourillon, grand rebut et petit rebut. À Bordeaux, à Bayonne , et dans plusieurs ports de l'Espagne occidentale, on ne distinguoit que trois assor- timens de morue, le r7archand , le moyen et le rebut. Au reste, les muscles des morues ne sont pas les seules portions de ces poissons dont on fasse un grand usage ; il n'est presque aucune de leurs parties 9300 HISTOIRE NATURELLE qui ne puisse servir à la nourriture de l'homme, ou des animaux. Leur langue fraîche et même salée est un morceau délicat; et voilà pourquoi on la coupe avec soin, dès le commencement de la préparation de ces poissons, Les branchies de la morue peuvent être employées avec avantage comme appât, dans la pêche que l’on fait de ce gade. Son foie peut être mangé avec plaisir : mais d’ail- leurs il est très-grand relativement au volume de l'animal , comme celui de presque tous les poissons ; et on en retire une huile plus utile dans beaucoup de circonstances que celle des baleines , laquelle cepen- dant est très-recherchée dans le commerce. Elle con- serve bien plus long-temps que ce dernier fluide , la souplesse des cuirs qui en ont été pénétrés ; et lors- qu'elle a été clarifiée , elle répand, en brûlant , une bien moindre quantité de vapeurs. On obtient avec la vessie natatoire de la morue une colle qui ne le cède guère à celle de l'acipensère huso , que l’on fait venir de Russie dans un si grand nombre de contrées de l'Europe *. Pour la réduire ainsi en colle, on la prépare à peu près de la même manière que celle du huso ; on la détache avec atten- tion de la colonne vertébrale, on en sépare toutes les parties étrangères, on en ôte la première peau, * Voyez, dans cette Histoire, l’article de l’acipensère huso. ? ; P Dr EE Su IPUOALTS ESA AN TS, 991 on la met dans de l'eau de chaux pour achever de la dégraisser, on la lave, on la ramollit, on la pétrit, on la façonne , on la fait sécher avec soin; on suit enfin tous les procédés que nous avons indiqués dans l'histoire du huso : et si des circonstances de temps et de lieu ne permettent pas aux pêcheurs, comme, par exemple, à ceux de Terre-Neuve, de s'occuper de tous ces détails immédiatement après la prise de la morue, on mange la vessie natatoire , dont le goût n'est pas désagréable, ou bien on la sale ; on la trans- porte ainsi imprégnée de muriate de soude à des dis- tances plus ou moins grandes ; on la conserve plus ou moins long-temps; et lorsqu'on veut en faire usage, il suflit presque toujours de la faire dessaler et ramollir, pour la rendre susceptible de se prêter aux mêmes opérations que lorsqu'elle est fraîche. La tête des morues nourrit les pêcheurs de ces gades et leurs familles. En Norvége, on la donne aux vaches; eton y a éprouvé que mêlée avec des plantes marines, elle augmente la quantité du lait de ces animaux, et doit être préférée, pour leur aliment, à la paille et au foin. Les vertèbres, les côtes et les autres os ou arêtes des gades morues, ne sont pas non plus inutiles : ils servent à nourrir le bétail des Islandois. On en donne à ces chiens de Kamtschatka que l'on attelle aux traf- neaux destinés à glisser sur la glace, dans cette partie septentrionale de l'Asie; et dans d'autres contrées 902 HISTOIRE NATURELLE boréales, ils sont assez imprégnés de substance hui- leuse pour être employés à faire du feu, sur-tout lorsqu'ils ont été séchés au point convenable. On ne néglige même pas les intestins de la morue, que l'on a nommés dans plusieurs endroits, roues, ou nos; et enfin on prépare avec soin, et on conserve pour la table, les œufs de ce gade, auxquels on a donné la dénomination de rogues, ou de raves. - Tels sont les procédés et les fruits de ces pêches im portantes et fameuses, qui ont employé dans la même année jusqu'a vingt mille matelots d’une seule nation *. On aura remarqué sans doute que nous n'avons parlé que des pêcheries établies dans l'hémisphère boréal , soit auprès des côtes de l’ancien continent, soit auprès de celles du nouveau. À mesure que l’on connoîtra mieux la nature des rivages des isles, ou des continens particuliers de l'hémisphère austral,et particulièrement de ceux de l'Amérique méridionale, tant du côté de lorient que du côté de l'occident, il est à présumer que l'on découvrira des plages où la température de la mer, la profondeur des eaux, la nature du fond, l'abondance des petits poissons, l'absence d'animaux dangereux, et la rareté de tempêtes très-violentes et de très-grands bouleversemens de l'Océan, ont appelé, nourrissent et multiplient l'espèce de la morue, que certains peuples pourroient aller y pêcher avec moins * La nation angloise, DIEU SLT ELO TS: SIORNNS 993 de peine et plus de succès que sur les rives boréales de l'hémisphère arctique. De nouveaux pays profiteroient ainsi d'un des plus grands bienfaits de la Nature ; et l'espèce de la morue, qui alimente une si grande quantité d'hommes et d'animaux en Islande, en Norvége, en Suède, en Russie, et dans d’autres régions asiatiques ou euro- péennes, pourroit d'autant plus suflire aussi aux besoins des habitans des rives antarctiques , qu'elle est très- remarquable par sa fécondité. L'on est étonné du nombre prodigieux d'œufs que portent les poissons femelles ; aucune’ de ces femelles n'a cependant été favorisée à cet égard comme celle de la morue. Ascagne parle d'un individu de cette dernière espèce, qui avoit treize décimètres de longueur, et pesoit vingt- cinq kilogrammes; l'ovaire de ce gade en pesoit sept, et renfermoit neuf millions d'œufs. On en a compté neuf millions trois cent quarante-quatre mille dans une autre morue. Quelle immense quantité de moyens de reproduction ! Si le plus grand nombre de ces œufs n'étoient ni privés de la laite fécondante du mäle, ni détruits par divers accidens, ni dévorés par différens animaux, on voit aisément combien peu d'années il faudroit pour que l'espèce de la morue eût, pour ainsi dire, comblé le vaste bassin des mers. Quelqu'agréables au goût que l'on puisse rendre les diverses préparations de la morue séchée, ou de la morue salée, on a toujours préféré , avec raison, de La TOME 11, 50 OZ (HESTOIRE NATUREMMEE manger fraîche. Pour jouir de ce dernier avantage sur plusieurs côtes de l'Europe, et particulièrement sur celles d'Angleterre et de France, on ne s'est pas con- tenté d'y pêcher les morues que l’on y voit de temps en temps ; mais afin d’être plus sûr d'en avoir de plus grandes à sa disposition, on est parvenu à y apporter en vie un assez grand nombre de celles que l’on avoit prises sur les bancs de Terre-Neuve : on les a placées, pour cet objet, dans de grands vases fermés, mais attachés aux vaisseaux, plongés dans la mer, et percés de manière que l’eau salée püt aisément parvenir dans leur intérieur. Des pêcheurs anglois ont ajouté à cette précaution un procédé dont nous avons déja parlé dans notre premier Discours : ils ont adroitement fait parvenir une aiguille jusqu’à la vessie natatoire de la morue, et l'ont percée, afin que l'animal, ne pouvant plus se servir de ce moyen d’ascension, demeurât plus long-temps au fond du vase, et fût moins exposé aux divers accidens funestes à la vie des poissons. Au reste, il est convenable d'observer ici que dans quelques gades, Monro na pas pu trouver la commu- nication de la vessie natatoire avec l'estomac ou quel- que autre partie du canal intestinal, mais qu'il a vu autour de cette vessie un organe rougeâtre composé d'un très-grand nombre de membranes pliées et exten- sibles, et qu'il le croit propre à la sécrétion de l'air ou des gaz de la vessie ; sécrétion qui auroit beaucoup de rapports,selon ce célèbre naturaliste anglois, avec celle: DES M APH OI Vs) O:NNA 93098 qui a lieu pour les vésicules à gaz ou aériennes des œufs d'oiseau, et des plantes aquatiques. Cet organe rougeâtre ne pourroit-il pas être au contraire destiné à recevoir et transmettre, par les diverses ramifications du systême artériel et veineux que sa couleur seule indiqueroit, une portion des gaz de la vessie natatoire, dans les différentes parties du corps de l'animal ? ce qui réuni aux résultats d'observations: très - voisines de celles de Monro , faites sur d'autres poissons que des gades, et que nous rapporterons dans la suite, confir- mweroit l'opinion du citoyen Fischer, bibliothécaire de Mayence, sur les usages de la vessie natatoire, qu'il cousidère comme étant, dans plusieurs circonstances, un supplément des branchies , et un organe auxiliaire de respiration *. On trouve dans les environs de l’isle de Man, entre l'Angleterre et l'Irlande , un gade que l’on y nomme red cod ou rock-cod (morue rouge et morue de roche). Nous pensons avec le citoyen Noël de Rouen, qui nous a écrit au sujet de ce poisson , que ce gade n’est qu'une variété de la morue grise ou ordinaire que nous venons de décrire ; mais nous croyons devoir insérer dans l’article que nous allons terminer, l'extrait suivant de la lettre du citoyen Noël. « J'ai lu, dit cet observateur , dans un ouvrage sur » l'isle de Man, que la couleur de la peau du red cod , * Nous ayons déja parlé de cette opinion du citoyen Fischer, 306 HIS TO IURE SUN A TUUMR PNRALNE, » » 3 » » » » » » » » » b2] » b2] k est d’un rouge de vermillon. Quelques habitans de l'isle de Man pensent que cette morue acquiert cette couleur brillante, parce qu'elle se nourrit de jeunes écrevisses de mer : mais les écrevisses de mer sont, dans l’eau , d’une couleur noirâtre ; elles ne devien- nent rouges qu'après avoir été cuites. La morue rouge n'est qu'une variété de l'espèce commune : je suis disposé à croire que la couleur rouge qui la distingue, lui est communiquée par les algues et les mousses marines qui couvrent les rochers sur lesquels on la pêche, puisque ces mousses sont de couleur rouge ; je le crois d'autant plus volontiers, que les baies de l'isle de Man ont aussi une variété de saules et de gourneaux, dont la couleur est rouge... Cette morue rouge est très-estimée pour l'usage de la table. » LE, GA D'EVÆ "CG D'EEPPNS CE gade a beaucoup de rapports avec la morue ; sa chair s'enlève facilement par feuillets, ainsi que celle de ce dernier animal, et de presque tous les autres poissons du même genre. On le trouve, comme la * Gadus æglefinus, Kallior, e2 Suède. Kallie, zhid, Kaljor, id. Kollia, :bid, Koll, ex Danemarck. Haddock, en Angleterre. Églefins Par quelques auteurs francois. Égrefin , idem, Gadus æglefinus. Zinné, édition de Gmelin. Gade ânon. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Gadus dorso tripterygio, ore cirrato, corpore albieante, etc. 4rtedi, gen. 20, syn. 36, spec. 64. Æglefinus. Bellon, Aquat. p. 127, Ægrefinus. Id. Tertia asellorum species, æglefinus. Gesner, Aquat. p. 86, 100, et (germ.) fol. 40; a. Tertia asellorum species Rondeletii , asellus major, 4/drov. lib. 3, cap: 7, pr 282. Asellus minor, Schonev. p. 18. M'illughby, p.170, tab. EL, membr.t, 7.2, Raj. p. 55, 2. 7. Faun. Suecic. p. 306. Müll. Prodrom, Zoolog. Danic. p. 42, n. 348, 898 H1STOI RE N'A'T U R'EDCE morue, dans l'Océan septentrional; mais il ne parvient communément qu'à la longueur de quatre ou cinq décimètres. Il voyage par grandes troupes qui couvrent quelquefois un espace de plusieurs myriares carrés. Et ce qu'il ne faut pas négliger de faire observer, on assure qu'il ne va jamais dans la Baltique, et que par consé- quent il ne passe point par le Sund. On ne peut pas dire cependant qu'il redoute le voisinage des terres ; car, chaque année, il s'approche, vers les mois de plu- viose et ventose, des rivages septentrionaux de l'Europe pour la ponte ou la fécondation de ses œufs. S'il survient de grandes tempètes pendant son séjour auprès des côtes, il s'éloigne de la surface des eaux, et cherche dans le sable du fond de la mer, ou au milieu des plantes marines qui tapissent ce sable, un asyle contre les violentes agitations des flots. Lorsque les ondes sont calmées, il sort de sa retraite soumarine, et reparoît encore tout couvert ou d'algues ou de limon. Gadus kolja. 77. Scan. 325. It. Wgoth. 178. Bloch, pl. 62. Gadas dorso tripterÿgio, maxillä inferiore breviore......., lineâ laterali atrâ, etc. Gronov. Mus.1,p.21, 7. 59; Zooph. p.99, n.32r. Callarias barbatus ex terreo albicans, etc. Klein, Miss. pise. 5, p. 6, n. 2. Caïlarias asellus minor. Jonst. de Piscib.p. 1, tab. 1, fig. x. Schell fisch. Anders. Island, p. 70. Hadock. Pennant, Brit. Zoolog. 3, p. 170. Egrefin. Rondelet, première partie, liv. 9, chap. 10, édition de Lyon, 1558. ; Églefin. Valmont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. ES PO Ts IS AARNES. 399 Un assez grand nombre d'æglefins restent mème auprès des terres pendant l'hiver, ou s'avancent, pen- dant cette saison, vers les rivages auprès desquels ils trouvent plus aisément que dans les grandes eaux, la nourriture qui leur convient. Le citoyen Noël m'écrit que depuis 1766 les pêcheurs anglois des côtes d'York ont été frappés de l'exactitude avec laquelle ces gades se sont montrés dans les eaux côtières, vers le 20 fri- maire (10 décembre). L'étendue du banc qu'ils forment alors, est d'environ trois zzilles en largeur, à compter de la côte, et de quatre-vingts zrilles en longueur, depuis Ælamborough - head jusqu'à l'embouchure de la Fine, au-dessous de Newcastle. L'espace marin OCCUPÉ par ces poissons est si bien connu des pêcheurs, qu'ils ne jettent leurs lignes que dans ce même espace, hors de la circonférence duquel ils ne trouveroient pas d'æglefin, et ne pêcheroient le plus souvent, à la place, que des squales: attirés par cet immense bane de gades, dont ces cartilagineux sont très-avides,. Lorsque la surface de la mer est gelée auprès des rivages , les pècheurs profitent des fentes ou crevasses que la glace peut présenter dans un nombre d’endroits plus ou moins considérable de la croûte solide de l'Océan, pour prendre facilement uve plus grande quantité de ces poissons. Ces gades ont, en eflet, l'ha- bitude de se rassembler dans les intervalles qui séparent les différentes portions de glaces, non pas, comme on Va cru, pour y respirer l'air très-froid de l'atmosphère, 4OO HIS TD OT RE NAT U R EUMMME mais pour se trouver dans la couche d’eau la plus clevée, par conséquent dans la plus tempérée, et dans celle où doivent se réunir plusieurs des petits animaux dont ils aiment à se nourrir. Si les pêcheurs de ces côtes voisines du cercle polaire ne rencontrent pas à leur portée, des fentes naturelles et suffisantes dans la surface de l'Océan durcie par le froid, ils cassent la glace et produisent, dans l’enve- loppe qu'elle forme, les anfractuosités qui leur con- viennent. C’est aussi autour de ces vides naturels ou artificiels qu'on voit des phoques chercher à dévorer des æglefins pendant la saison rigoureuse. Mais ces gades peuvent être la proie de beaucoup d'autres ennemis. Les grandes morues les poursuivent; et suivant Anderson, que nous avons déja cité, la pêche des æglefins, que l'on fait auprès de l'embouchure de l’Elbe, a donné le moyen d'observer, d'une manière très-particulière, combien la morue est vorace, et avec quelle promptitude elle digère ses alimens. Dans ces parages , les pêcheurs d'æglefins laissent leurs hame- cons sous l’eau pendant une marée, c'est-à-dire, pen- dant six heures. Si un æglefin est pris dès le commen- cement de ces six heures, et qu'une morue se jette ensuite sur Ce poisson, on trouve en retirant la ligne, au changement de la marée, que l’æglefin est déja digéré : la. morue est à la place de ce gade, arrêtée par le hamecon; et ce fait mérite d'autant plus quelque t« D\ ES PO IS RS TONNES: 4OY attention, qu'il paroit prouver que c'est particulière- ment dans l'estomac et dans les sucs gastriques qui arrosent ce viscère, que réside cette grande faculté si souvent remarquée dans les morues, de décomposer avec rapidité les substances alimentaires. Si, au con- traire, la morue n’a cherché à dévorer l'æglefin que peu de temps avant l'expiration des six heures, elle s'opiniâtre tellement à ne pas s'en séparer, qu'elle se laisse enlever en l’air avec sa proie. L'æglefin, quoique petit, est aussi goulu et aussi destructeur que la morue, au moins à proportion de ses forces. IL se nourrit non seulement de serpules, de mollusques, de crabes, mais encore de poissons plus foibles que lui, et particulièrement de harengs. Les - pêcheurs anglois nomment heddock-meat, c'est-à-dire, mets de haddock où æglcfin, les vers qui pendant l'hiver lui servent d’aliment, sur-tout lorsqu'il ne rencontre ni harengs, ni œufs de poisson. Il a cependant l'ouverture de la bouche un peu plus petite que celle des animaux de son genre ; un barbillon pend à l'extrémité de sa mâchoire inférieure, qui est plus courte que celle de dessus. Ses yeux sont grands ; ses écailles petites, arrondies, plus fortement attachées que celles de la morue. La première nageoire du dos est triangulaire : elle est d'ailleurs bleuûtre, ainsi que les autres nageoïtes ; la ligne latérale voisine du dos est noire, ou tachetée de noir; l'iris a l’éclat de l'argent ; et cette même couleur blanchâtre ou TOME IL, 21 AG) ‘HISTOIRE INATUREÏLRPE, argentée règne sur le corps et sur la queue, excepté leur partie supérieure, qui est plus ou moins brunâtre*. La qualité de la chair des æglefius varie suivant les parages où on les trouve, leur âge, leur sexe, et les Le époques de l’année où on les pèche : mais on en a vu assez fréquemment dont la chair étoit blanche, ferme, très-agréable au goût, et très-facile à faire cuire. En floréal , et dans les mois suivans , celle des æglefins de moyenne grandeur est quelquefois d'autant plus déli- cate, que le frai de ces gades a lieu én hiver, et que par conséquent ils ont eu le temps de réparer leurs forces, de recouvrer leur santé, et de reprendre leur graisse. ‘ Cd A la premiere nageoire dorsale à la seconde à la troisieme à chacune des pectorales à chacune des jugulaires à la première de l'anus à la seconde 16 rayons, 20 19 19 G 22 27 à celle de la queue, qui est fourchue, 27 Yi W Les? #n L'IET"@ RD Et Bt) BE De même que l'æglefin, le gade bib habite dans l'Océan d'Europe. Sa longueur ordinaire est de trois ou quatre décimètres. L'ouverture de sa bouche est petite, sa mâchoire inférieure garnie d'un barbillon, son anus plus rapproché de la tète que de l'extrémité de la queue, sa seconde nageoire dorsale très-longue, et le premier rayon de chacune des nageoires jugu- laires, terminé par un filament *. Ses écailles sont très- * Gadus bib. Bib, sur les côtes d Angleterre. Blinds, ibid. Gadus luscus. Zinné, édition de Gmelin. Mus. Ad. Frid, 2, p. 60. Gadus….. ossiculo pinnarum ventralium , primo, in setam longam pro- ducto. Artedi, gen. 21, syn. 35. Asellus fuscus. Ray. Pisc. p. 54, Willughby, Ichihyol. p. 169. Gade bibe. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Bib. Brit. Z'oolog. 3, p. 149 , tab, 60. 3 A la premiére nageoire dorsale 13 rayons. à la seconde 23 à la troisième 10 à chacune des pectorales II à chacune des jugulaires 6 à la première de l’anus 3x à la seconde 18 à celle de la queue, qui est fourchue, 27 404 HISTOIRE NAÂATURELDE adhérentes à la peau , et plus grandes à proportion de son volume que celles même de la morue. Sa partie supérieure est jaunätre ou couleur d'olive, et sa partie inférieure argentée. Sa chair est exquise. - Ses yeux sont voilés par une membrane, comme ceux des autres gades; on a mème cru que le bib pouvoit, à volonté, enfler cette pellicule diaphane, et former ainsi une sorte de poche au-dessus de chacun ou d’un seul de ses organes de la vue. N’auroit-on pas pris les suites de quelque accident pour l'effet régulier d'une faculté particulière attribuée à l'animal? Quoi qu'il en soit, c'est de cette propriété vraie ou fausse que viennent le nom de borone et celui d'aveugle, donnés au gade dont nous parlons. + L:E'°G'A'BSE. S'A LD 4% ET PIN GA Dre LB LD EENUINUT OLD: Ces deux gades ont la nageoire de la queue fourchue. Le premier a été découvert par le savant Lepechin, et le second par le célèbre Pallas. Le saida a les deux mâchoires armées de dents aiguës et crochues; deux rangées de dents garnissent le palais, -et l’on voit auprès du gosier deux os lenticulaires hérissés de petites dents. La mâchoire inférieure est plus avancée que la supérieure, tandis que, dans la morue, l’æglefin et le bib, celle de dessus est plus longue que celle de dessous. Chaque opercule bran- chial présente trois lames, lune triangulaire et garnie de deux aiguillons, l’autre elliptique, et la dernière figurée en croissant. La ligne latérale est droite et voisine du dos. Les nageoires dorsales et celles de * Gadus saida. Lepechin, Nov. Comment. Petropolit. 18, p. 512. Gadus saida, Linné, édition de Gmelin. Gade saida. Boninaterre, planches de PEncyclopédie méthodique. = Gadus blennioïdes. Pallas, Spicileg. zoolog. 8, p. 47, 1ab. 5, fig. 2. Gadus blennioïdes. Linné, édition de Gmelin. Gade blennoïde: Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, ds 406 HISTOIRE NATURELHÆ l'anus sont triangulaires *. Le quatrième rayon de la troisième dorsale, le cinquième de la première de l'anus , et le second des jugulaires, sont terminés par un long filament. Une couleur obscure règne sur la partie supérieure de l'animal, qui d’ailleurs est parsemée de points noi- râtres distribués irrégulièrement. Des points de la mème nuance relèvent l'éclat argentin des opercules; les côtés du poisson sont bleuâtres. Sa partie inférieure est blanche; et le sommet de sa tête, très-noir. Le saida ne dépasse guère en longueur deux ou trois décimètres. Sa chair est peu succulente, mais cependant très-fréquemment mangeable. Il habite la mer Blanche au nord de l'Europe. Dans une autre mer également intérieure, mais bien éloignée des contrées hyperboréennes, se trouve le blennioiïde. Ce dernier gade vit, en effet, dans la Méditerranée : mais comme il n’a presque jamais plus de trois décimètres de longueur, et qu'it n’est pas d’un goût très-exquis, il nest pas surprenant qu'il ait été dans tous les temps très-peu recherché des pêcheurs, * A Ja première nageoiïre du dos du saida, de 10 à 17 rayons. à la seconde, de 16 à 17 à la troisième 20 à chacune des pectorales 16 à chacune des jugulaires 6 PE première nageoire de l’anus 18 à la seconde 20 à celle de la queue, de 24 à 26 DIE,S UP OU S-S CONS. 4OT et qu'il ait échappé aux observateurs de l'ancienne Grèce, à ceux de l’ancienne Rome, et même aux natu- ralistes modernes, jusqu'à Pailas, qui en a le premier publié la description, ainsi que nous venons de le dire *. , Il a beaucoup de rapports avec le merlan, et peut avoir été souvent confondu avec ce dernier poisson. Ses écailles sont petites : la couleur de la partie supé- rieure de son corps et de sa queue est argentée; toutes les autres portions de la surface de l'animal sont d’un blane d'argent, excepté les nageoires, sur lesquelles on voit des teintes jaunâtres ou dorées. Les lèvres sont doubles et charnues; les dents très- petites et inégales ; la ligne latérale est courbée vers la tête. Le premier rayon de chacune des nageoires juguläires est divisé en deux; et comme il est plus long que les autres rayons, il paroît, au premier coup d'œil, composer toute la nagcoire : dès-lors on croit ne devoir compter qué deux rayons dans chacune des jugulaires du gade que nous décrivons , et de là vient ————— * A Ja membrane brauchiale du blennioïde, 6 rayons. à la première nageoire dorsale, de 10àù1II à la seconde 17 à la troisième 16 à chacune des pectorales 19 à chacune des jugulaires 5 à la première de l’anus 27 à la seconde 19 à celle de la queue 27 # En 168 HIS TOURE NA MUREMNXE. la dénomination de blennioïde, qui lui a été donnée, parce que la plupart des blennies n'ont que deux rayons à chacune des nageoires que l'on voit sous leur gorge. LE GA DEA BLARI AS, LE GADE TACAUD’, ER LL EG AND'E2aCr A "PRIS ANNE: Lg callarias habite non seulement dans la partie de l'Océan qui baigne les côtes de l'Europe boréale, mais encore dans la Baltique. Il se tient fréquemment a * Gadus callarias. Smä torsk, en Suède. Græs torsk, en Danemarck. Dorsch, par les Allemands. Cod, er Angleterre. Cod fish, rbid. Gadus callarias. Zinné, édition de Gmelin. Gade narvaga. Daubenton, Encyclopédie méthodique. 1 Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Faun. Snecic. 307. Bloch, pl. 63. Gadus, dorso tripterygio , ore cirroso, colore vario, etc. Artedi, gen. 20, spec. 63, syn. 35. Asellus varius , veZstriatus. Schoner. p. 19. Willughby, p. 172, tab. L, memb. x, fig. 1. Raj. p. 54, n. 5. Asellus varius. Jonston, tab. 46, fig. 7. Roberg. Dissert. de pisc. Upsal. p. 14. Gadus callarias, torsk. Ascagne, pl. 4. Gronov. Mus.1,p.21, n. 58; Zooph.p. 99, n. 319, Gadus balthicus, torsk. Ze, Oel. 87. TOME 11 52 ÆYO HISTOIRE NA TOR EURE l'embouchure des grands fleuves, dans le lit desquels il remonte même quelquefois avec l'eau salée. Il est rare qu'il ait plus de trois décimètres de longueur, et qu'il pèse plus d'un Kilogramme. I $e nourrit de vers marins , de crabes, de petits mollusques, de jeunes poissons : sa chair est tendre et d'un goût très- agréable ; quelquefois elle est très-blanche ; d’autres Gadus callarias balthicuis. 14 Scan. 220. Callarias barbatus, etc. Ælein, Miss. pise. 5, p. 6, n. 5; et p.7,n.7. Piscis...…. Russis nawaga dictus. XKoe/reuter, Nov. Comm. Petrop. 14,7; P. 484. L Muschebout, et léopard. Rondelet, première partie, liv. 9, chap. 12. Muschebout. Z’ulmont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. ? Gadus tacaud. Pouting , ex Angleterre. Pout , ibid. Wbhiting pout , #bid. Fico, à Rome. Gadus barbatus. Linné, édition de Gnrelin. Faun. Suecic. 311. Gadus lineà excavatà ponè capnt. Z4 Wgoth. 1784 Strom. Sondm. 316, n. B. Gadus.…. longitudine ad latitudinem triplâ. Artedi, gen. 274 syn. 37; spec. 65. Asellus mollis latus. Lister, apud Willughby, p. 22 Raj.ip. 55, n: 9: Asellus barbatus. Charleton, p.123. Bloch, pl. 165. Gade tacaud, Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Sonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. Gronov. Mus. 1, p.21, 2.160; Zo0ph.p. 99,7. 330. Callarias barbatus, diluté olivacei coloris, ete, Klein, Miss, pise, 5, D: 051, de D''EISE CIE OU SS ON ATH fois elle est verte, et Ascagne rapporte qu'on attribue cette dernière nuance au séjour que le callarias fait souvent près des rivages au-dessus de ces sortes de prairies marines formées par des algues qui se pressent sur un fond sablonneux. Nous avons vu les tortues franches devoir la couleur verte de leur chair à des plantes marines plus où moins verdâtres ; mais ces re Whiting pout. Brit. Zoolog. 3, p. 348. Gadus titling. Ascagne, pl. 5. Tacaud. Duhamel, Traité des pêches, deuxième partie, section pre- mière , chap. 5, art. x, p. 136, pl. 23, fig. 2 Morue molle. 7ulmont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. 3 Gadus capelanus. Mollo , à Venise. Poor, duns le comté de Cornouaïlles. Power, /bid. Gadus minutus. Linné, édition de Gmelin. Gade capelan. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Gadus. eorpore sesquiunciali, ano in medio corporis, Artedi, gen. 2x1, syn. 30, Capelan. Rondelet, première partie, liv. 6, chap. 12. Anthiæ secunda species. Gesner, p. 56; Icon. anim. p. 241. (germ.) fol. 13. Asellus mellis minor, sex asellus omnium minimus, ÆPillughby, p.177, tab, L. Raj. p. 56, n. 10. Bloch, pl. 67, fig. 1. Capelan, Falmont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. Callarias barbatus corpore contracto, etc. es callarias.,, omnium mini- mus, etc. Klein, Miss. prsc. Poor. Brit. Zoolog. 3, p.185, n. 77, t. do, 412 HISTOIRE NATURELLE tortues en font leur nourriture , et l’on n'a point observé que dans aucune circonstance le callarias préférât, pour son aliment , des végétaux aux substances animales. Le nombre , la forme et la distribution ainsi que la disposition de ses dents , empêchent de le présumer. Sa mâchoire supérieure est, en eflet, garnie de plu- sieurs rangs de dents aiguës : on n'en voit quelque- fois qu'un rang à la mâchoire de dessous, mais il y en a aû palais ; et de plus, l'ouverture de la bouche est très-srande. Les écailles qui recouvrent le callarias, sont petites, minces et molles : la ligne latérale est large , et voisine du dos ; elle est d'ailleurs tachetée , et voici la nuance des couleurs des autres parties de l'animal. La tête est grise avec des taches brunes ; l'iris jaunâtre ; fa partie supérieure de l'animal , grise et tachetée de brun comme la tète ; la partie inférieure est blanche , et l'on remarque un {on plus ou moins brunâtre sur toutes les nageoires *. Mais ce qu'il faut observer, et ce qui a fait donner au gade dont nous parlons, le nom de variable, c'est qu'il est de ces teintes du cällarias qui varient avec l’âge , ou avec les saisons. Les nageoires, et mème le dessous de l’animal , sont quelquefois rou- geâtres; le ventre n'est pas toujours sans petites taches ; celles du corps et de la queue des callarias encore jeunes sont souvent dorées, au lieu d'être brunes ; et * On a compté dans un callarias , 53 vertèbres et 18 côtes. D'SENS P ONE St-S °O7NESS. AO pendant l'hiver on voit les taches brunâtres de la tète acquérir, sur presque tous les individus de l'espèce que nous décrivons , une couleur d’un beau noir ’. _ Le tacaud est remarquable par la hauteur de son corps, qui égale à peu près le tiers de sa longueur totale ; les lèvres renferment des portions cartilagi- neuses ; la mâchoire inférieure présente neuf ou dix points de chaque côté; les yeux sont grands et saillans, les ouvertures branchiales étendues , les écailles petites et fortement attachées ; l'anus est voisin de Ïa gorge, et la ligne latérale se fléchit vers le bas au-dessous de la seconde nageoire dorsale ?. n L'iris est argenté ou couleur de citron ; le dos d'un verdätre foncé ; les côtés sont d'un blanc rougeûtre ; * À la premiére nageoire dorsale du callarias, 15 rayons. à la seconde 16 à la troisitme 18 à chacune des pectorales 17 à ch cune des jugulaires 6 à la premiere de l'anus 18 à la seconde 17 à celle de la queue 26 ? A la premiere nageoire dorsale du tacaud, 13 rayons. à la seconde 19 à l troisieme 18 à chacune des pectorales 18 à chacune des jugulaires 6 à la premiére de l'anus 25 à la seconde 17 à celle de la queue 30 Ai4 HISTOIRE NATURELLE la nageoire de la queue est également d'un rouge pâle ; toutes les autres sont olivâtres et bordées de noir ; une {ache noire paroît souvent à la base des pectorales , et une teinte très-foncée fait aisément distinguer la ligne latérale. Le tacaud parvient à une longueur de cinq ou six décimètres : il s'approche des rivages au moins pen- dant la saison de la ponte ; il s'y tient dans le sable, ou au milieu de très-hauts fucus , à des profondeurs quelquefois très-considérables au-dessous de la surface de la mer. Il vit de crabes, de saumons , de blenmies. Sa chair est blanche et bonne à manger, mais sou- vent un peu molle et sèche. On le trouve dans l'Océan de l'Europe septentrionale. Le capelan vit dans les mêmes mers que le tacaud et le callarias ; mais il habite aussi dans la Méditer- ranée. Il en parcourt les eaux en troupes extrêmement nombreuses ; il en occupe pendant l'hiver les pro- fondeurs , et vers le printemps il s'y rapproche des rivages, pour déposer ou féconder ses œufs au milieu des graviers, des galets, ou des fucus. Il est très- petit, et surpasse à peine deux décimètres en longueur. On voit au bout de sa mâchoire inférieure , comme à l'extrémité de celle du callarias et du tacaud , un assez long filament. La ligne latérale est droite; le ventre très-carené , c'est-à-dire, terminé longitudinale- ment en en-bas par une arête presque aigue ; l'anus placé à peu près à une égale distance de la tête et de D'É SU RO LS SON 415 l'extrémité de la queue. So dos ést d'un jauñe bru- nâtre, et tout le reste de son corps d'une couleur d'ar- geut plus ou moins parsemée de points noirâtres ; l'intérieur de son abdomen est noir. Il se nourrit de crabes , d'animaux à coquille, et d'autres petits habi- tans de la mer. Les pècheurs le recherchent peu pour la bonté de sa chair: mais il est la proie des grands poissons ; il est même fréquemment dévoré par plu sieurs espèces de gades ; et c’est parce qu'un à vu sou- vent des morues, des ægiefins et des callarias, suivre avec constance des bandes de capelans qui pouvoient leur fournir une nourriture copieuse et facile à saisir, qu'on a donné à ces derniers gades le nom de con- ducteurs des callarias , des œglefins ét des morues*. * A la première nageoiïre dorsale du capelan, 12 rayons. à la seconde 19 à la troisième 17 à chacune des pectorales 14 à chacune des jugulaires 6 à la première de l’anus 27 à la seconde 17 à celle de la queue 18 L'E: G'A DE MC: O0: LIEN: Et ELA DRE PSI OMEMEELAS CT: ET L ER G A TDIENS Eve Ces trois poissons appartiennent au second sous: genre des gades : ils ont trois nageoires dorsales , et leurs mâchoires sont dénuées de barbillons ; plusieurs ressemblances frappantes rapprochent d'ailleurs ces * Gadus colinus. Colefish , dans plusieurs parties septentrionales de l’ Angleterre. Raw pollack , dans plusieurs parties méridionales de l'Angleterre. Gadus carbonarius. Linné, édition de Gmelin. Gade colin. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Jd. Bonnaterre, planches de l’ Encyclopédie méthodique. Gadus dorso tripterygio, imberbis, maxillâ inferiore longiore, lineâ laterali rectä. Artedi, gen. 20, syn. 34. Bloch, pl. 66. Callarias imberbis, capite et dorso, carbonis instar, nigricantibus: X/ein, Miss. pisc. 5, p. 8, n. 2. Piscis colfish Anglorum. Bellon, Aquat. p. 133. Colfish Anglorum, Gesner, Aquat. p.89 (germ.) fol. 41, a. Icon. anim, P-779: Asellus niger carbonarius. Schonce. p. 10. Asellus niger, seu carbonarius. Charlet. p. 121. Asellus niger. A/dror. 1.3, c. 7, p. 28), Asellus niger, sive mollis nigricans, Willughby, p. 168, tab. L, m7, n 19: Ra. P° b4, 71 9e Coalfish. Brit. Zoolog. 3, p. 152, n. 7. H 1 S'TONMNR .EFFN:A TUURE LUE: LEA trois espèces. Voyons ce qui les sépare ; et commen- cons par décrire le colin. 2 Gadus pollachius. À whiting pollack, en Angleterre. Lyr, dans plusieurs contrées du Nord. Lyr blek, dans plusieurs parties de la Suède. Lerbleking, s61d. Gadus pollachius. Linné, édition de Gmelin. Gade lieu. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. Faun. Suecie, p. 312. Mull. Prodrom. Zoolog. Danic. p.42, n. 353. Gadus lyrblek. 7, W'goth. p. 177. Gadus dorso tripterygio, imberbis, maxillâ inferiore longiore, line laterali curvâ. Artedi, gen. 20, syn. 35. Asellus whiting pollachius. #Fillughby, p.167. HU je Pa DT Es 2e Gadus pollachius. Ascagne, cah. 3 ,pl, 20. Gronov. Mus. 1,2. 57. Bloch, pl. 68. Gelbes koblmaul. albaum, Schr. der Berl. naturf. 4, p. 147. Pollack. Brit. Zoolog. 3, p. 154, n. 8. 3 Gadus sey. A l’âge d’un an, mort, sur plusieurs côtes boréales de l’Europe. A l’âge de deux ans, palle, ibid. A l’âge de trois ans , treærin , 1bid. A l’âge de quatre ans, seyÿ ou graasey, ibid. Dans la vieillesse , ufs, 1hid. Gadus virens. linné, édition de Gmelin. Gade sey. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnuterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, Faun. Suecic. p. 309. s * Mill. Prodrom. Zoolog. Danic. p.43, n. 354. Gronov. Act. Upsal. 1742, p. 90. Gadus virens, et sey. Ascagne, cah. 3, pl. 21. TOME I. 53 * HG, -HISTOTIRE. NA TIU RE CALE Il ne faut pas confondre ce poisson avec des indi- vidus de l'espèce de la morue que des pêcheurs partis de plusieurs ports occidentaux de France ont souvent appelés cofins, parce qu'ils les avoient pris dans une saison trop avancée pour qu'on püt les faire sécher. Le vrai colin a ordinairement près d'un mètre de longueur ; sa tête est étroite, l'ouverture de sa bouche petite, son museau pointu; ses écailles sont ovales, et ses nageoires jugulaires très-peu étendues *. On l'a nommé poisson charbon où charbonnier, à cause deses couleurs. En effet, la teinte olivâtre qu'il présente dans sa jeunesse, se change en noir lorsqu'il est adulte ; les nageoires soitt entièrement noires, excepté celle de la queue, qui n’est que brune , et les deux premières dorsales, ainsi que les pectorales, dont la base est un peu olivâtre ; une tache noire très-mar- quée est placée au-dessous de chaque nageoire pecto- rale ; la bouche est mème noire dans son intérieur ; et ces nuances , si voisines de celles du charbon, paroissent d'autant plus foncées, que la ligne latérale est blanche ,que les opercules brillent de l'éclat de l'argent, * A la première nageoire dorsale du colin, 14 rayons. à la seconde 19 à la troisième 20 à chacune des pectorales 2I à chacune des jugulaires 6 à la premiére de Panus 25 aa seconde. 20 à celle de la queue 26 D'ÆE.S PMOT SES AOMMNESE 419 et que la langue a aussi la blancheur de ce métal. On trouve le colin non seulement dans l'Océan d'Europe, mais encore dans la mer Pacifique. Dès les mois de pluviose et de ventose , il s'approche des côtes d'Angleterre pour y déposer ou féconder des œufs qui ont la couleur et la petitesse des grains de millet, et desquels sortent, au bout de quelques mois, de petits poissons que l’on dit assez bons dans leur jeunesse. On le pêche non seulement avec des haims, mais encore avec différentes sortes de filets, tels que des verveux ‘, des guideaux *, des demi:folles *, des tré- maux ‘ , etc. 1 Le verveux, ou vermier, est un filet en forme de manche, et à l’entrée duquel on ajoute un second filet intérieur, nommé goulet, terminé en pointe, ouvert dans son extrémité de manière à laisser pénétrer le pois- son dans le premier filet, mais propre d’ailleurs à l’empécher d’en sortir. : Le guideau est aussi un filet en forme de manche : il va en diminuant depuis son embouchure jusqu’à son extrémité. On peut le tendre sur un chässis qui en maintient l'embouchure ouverte. Le plus souvent cependant on se contente d’enfoncer dans le sable , à la basse mer, des piquets sur lesquels on attache deux traverses, l’une en haut et l’autre en bas; ce qui produit, à peu prés, le même effet qu’un châssis. Pour que le poisson soit entrainé dans la manche, on oppose au courant l’embouchure du guideau; mais la force de l’eau, qui en parcourt toute la longueur, comprime tellement les poissous qui s’y renferment, que les gros y sont tués, et les petits réduits en une espèce de bouillie. Les piquets sur lesquels on tend le guideau, portent le nom d’éaliers. Quelquefois ils sont longs de près de trois mètres; d’autres fois ils ne s’élèvent que de dix ou douze décimètres , et alors le guideau est beaucoup plus petit. De là sont venues les expressions de guideau à hauts étaliers , et de guideau à bas étaliers. 3 Nous avons placé une courte description de la demr.folle, dans l’ar- ticle de Za raie bouclée. ? Le trémail est un filet composé de trois zappes, dont deux, qui sont É VIDES 420 HIS TOUR E CONA F'UCRNEDRIE Lorsque la morue est abondante près des côtes du Nord, on y recherche très-peu les colins ; mais lors- qu'on y pêche un petit nombre de morues , on y sale les colins, qu'il est assez diflicile de distinguer de ces dernières après cette préparation. Le pollack a, comme le colin, la nageoire de la queue fourchue , et la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure ; mais la ligne latérale est droite dans le colin, et courbe dans le pollack *. Ce dernier poisson habite, comme le colin, dans les mers septentrionales de l’Europe : il se plait dans les parages où la tempête soulève violemment les flots. Il voyage par troupes extrèmement nombreuses , cherche moins les asyles profonds , paroît plus fréquemment à la surface de l'Océan que la plupart des autres gades , et sait cepen- dant aller chercher dans le sable des rivages l’ammo- dyte appt, dont il aime à se nourrir. Sa longueur ordinaire est de cinq décimètres. Sa couleur, qui est de fi! fort et à grandes mailles , se nomment hamaux, et dont la troisième, qui flotte entre les deux autres, est d’un fil fin, à petites mailles, et s’appelle toile, ou flue. * A la membrane des branchies du pollack, 7 rayons. à la première nageoire dorsale 13 à la seconde 18 à la troisieme 19 à chacune des pectorales 19 à chacune des jugulaires 6 à la première de Pauus 28 à la seconde” 19 à celle de la queue 42 D'ELSNNEN 1 SS UNSS 421 d'un brun noirâtre sur le dos , s'éclaircit sur les côtés, y devient argentée, et se change, sur la partie inférieure de l'animal, en blanc pointillé de brun ; l'iris, d’ail- leurs , est jaune , avec des points noirs ; chaque écaille est petite, mince, ovale, et lisérée de jaune ; les na- geoires pectorales sont jaunâtres, les jugulaires cou- leur d’or, et celles de l'anus olivâtres et pointillées de noir. On prend, toute l'année, des pollacks sur plusieurs des rivages occidentaux de France; on y en trouve souvent de pris dans les divers filets préparés pour la pèche d’autres espèces de poissons : mais, de plus, ül y a sur ces côtes des endroits où vers le printemps il est très-recherché. On s'est servi pendant long-temps pour le prendre , de petits bateaux portant une ou deux voiles carrées, et montés de six où huit hommes, On jetoit à la mer des lignes dont chacune étoit garnie d'un haim amorcé avec une sardine , ou avec un mor- ceau de peau d’anguille. Comme le bateau qui étoit sous voile, voguoit rapidement , et que les pêcheurs secouoient continuellement leurs haims, les pollacks, qui sont voraces, prenoient l'appât pour un petit pois- son qui fuyoit , se jetoient sur cette fausse proie et restoient accrochés à l’hamecon. Le sey ressemble beaucoup au pollack ; il a même été confondu pendant long-temps avec ce dernier gade: mais il en diffère par plusieurs caractères, et princi- palement par les dimensions de ses mächoires , qui 422 H 1:S T'ON RUES) N'APTIU RIEALUISE sont toutes les deux également avancées , trait de con- formation qui le sépare aussi de l'espèce du colin ; sa ligne latérale est droite , et la couleur de sa partie supérieure est verdâtre *. Les seys sont très-nombreux pendant toute l'année sur les côtes de Norvége. Ils y sont l'objet d'un com- merce assez étendu; et voilà pourquoi ils y ont été observés assez fréquemment et avec assez de soin pour qu'on leur ait donné, selon leur âge , les cinq noms différens que nous avons rapportés dans la troi- sième note de cet article, et pour que l'on ait su que communément ils avoient cent trente-cinq millimètres au bout d'un an, quatre cent trente-trois millimètres à la fin de la troisième année , et six cent quarante- neuf millimètres après la quatrième. Pendant l'été, ils y recherchent beaucoup une variété de hareng nommée brislins ; et on les y a souvent pèchés avec un filet fait en forme de nappe carrée, interrompu dans son milieu par une sorte de sac ou d’enfoncement, et attaché par les coins à quatre cordes qui aboutissent à autant de bateaux. Ce filet n’est * A la première nageoire du dos du sey, 13 rayons. à Ja seconde 20 à la troisième 19 à chacune des pectorales 17 à chacune des jugulaires 6 à la première de Panus 24 à la seconde- 20 à celle de la queue , qui est fourchue, 40 DE SA MONT SNSRONMUS 425 point garni de flottes , ni de /est : le poids du fil dont il est formé , et des cordes qui le bordent, suflit pour le maintenir. Quand les pêcheurs croient avoir pris une quantité suflisante de seys, ils se rapprochent du filet, et en retirent, avec un wranet *, les poissons qui sont au fond du-sac placé au milieu de la neppe. APRTR OR CPR ART RTE NE PR AC PRE ER NE RC MR # Voyez, pour la description du manet, l’article de /a trachine vive. L EG AD ENNDE" RE ANNE DE toutes les espèces de gades, le merlan est celle dont le nom et la forme extérieure sont le mieux connus dans une grande partie de l'Europe, et particulièrement * Gadus merlangus. Hwitling, en Suède et en Danemarck. Wbhiting, ez Angleterre. Gadus merlangus. Zinné, édition de Gmelin. Gade merlan, Daubenion, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Faun. Suecic. 310. Gadus hoitling. 74. Scan, 326, tab. 2, fig. 2. Id. 7, Fgoth. 176. Gadus dorso tripterygio, ore imberbi,..... maxillà superiore longiore. Artedi, gen. 19, syn. 34, spec. 62. Secunda aseilorum species, merlangus, Gesner, Aquat. p. 65, et germ. fol. 40, 2. - Asellus eandidus primus. Schoner. p. 17. Asellus minor alter. A/drov. lib. 3, cap. 3, p. 287. Asellus minor et mollis. Charleton, p. 121. Asellus mollis. Jonston, Pise. 1ab. 2 , fig. 3. Asellus mollis major, sex albus. rllughby, p.170, tab. L,m.x, fig. b. taj.p. 55,7. 8. Molenaer. Gronov. Mus. 1, p.20, n. 55; Zooph.p. 08, n. 316. Bloch, pl. 65. Callarias imberbis, argentei splendoris, etc. Xlein, Miss. pisc.b, p. 8, ñ. 3, tab. 3, fig. 2. Merlan. Rondelet, première partie, Liv. 9, chap. 9, édit. de Lyon, 1558, Whiting. Prit. Zoolog. 3, p. 155, 7. 0. Merlan, Valmont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. HISTOIRE NATURELLE. 429 dans la plupart des départemens septentrionaux de France. La morue mème n'y est pas un objet aussi fa- milier, à tous égards, que le poisson dont il est question dans cet article; on l'y nomme souvent, on la sert sur toutes les tables, et cependant sa véritable figure y est ignorée dans les endroits éloignés des rivages de la mer, parce qu'elle n'y parvient presque jamais que préparée, salée, ou séchée, altérée, déformée, et souvent tron- quée. Le merlan, au contraire , est transporté entier dans ces mêmes endroits; et la grande consommation qu'on en a faite, l'a mis si souvent sous les yeux, et l'a fait examiner si fréquemment, qu'il a frappé l'imagi- pation des personnes même les moins instruites, et que ses attributs, principalement sa couleur, sont de- venus des sujets de proverbes vulgaires. Les nuances qu'il présente sont en effet très-brillantes : presque tout son corps resplendit de la blancheur de l'argent ; et l'éclat de cette couleur est relevé, au lieu d'être affoibli, par l'olivâtre qui règne quelquefois sur le dos, par la teinte noirâtre qui distingue les nageoires pecto- rales ainsi que celle de la queue, et par une tache noire que l’on voit sur quelques individus , à l'origine de ces mêmes pectorales. Tout le monde sait d'ailleurs que le corps du merlan est alongé, et revêtu d’écailles petites, minces et ar- rondies ; que ses nageoires dorsales sont au nombre de trois; qu'il n’a pas de barbillons; que sa mâchoire supérieure est plus avancée que l'inférieure. Il nous TOME IL. 84 426 HISTOIRE NATURELLE suflira d'ajouter, relativement à ses formes extérieures ; que cette mème mâchoire d'en-haut est armée de plu- sieurs rangs de dents, dont les antérieures sont les plus longues ; qu'on n’en voit qu'une rangée à la mâchoire d'en-bas, qui d’ailleurs montre de chaque côté neuf ou dix points ou très-petits enfoncemens; que l’on appercoit sur le palais deux os triangulaires, et auprès du gosier quatre os arrondis où alorgés, lesquels sont tous les six hérissés de petites dents ou aspérités ; et enfin que la ligne latérale est presque droite *. Si nous jetons maintenant un coup d'œil sur Finté- rieur du merlan, nous verrons que ce poisson a cin- quante-quatre vertèbres. Nous en avons compté cent seize dans l’anguille; mais aussi, quelqu'alongé que soit le merlan , il présente une forme bien éloignée de celle que montre le corps très-délié des murènes. Le cœur a la figure d’un quadrilatère, avec des angles très-obtus. L’oreillette est grande, ainsi que l'aorte. L'estomac est alongé, assez large, un peu recourbé vers le pylore, autour duquel un très-grand nombre * A Ja membrane des branchies 7 rayons, à la premiére dorsale 16 à la seconde 18 à la troisième 19 à chacune des pectorales 20 à chacune des jugulaires 6 à la première de Panus 3a à la seconde - 20 à celle de la queue 3x DUEMSMIPMNONMINS STIODANRS: 427 d'appendices intestinaux, ou de petits cœcum, forment une sorte de couronne. Le canal intestinal proprement dit est presque de la longueur de l'animal; il se réfié- chit vers le diaphragme, va de nouveau vers la queue, se recourbe du côté de l'æœsophage, et tend ensuite directement vers l'anus, où il parvient très-élargi. Le foie, dont la couleur est blanchâtre, se divise en deux lobes principaux : le droit est court et étroit ; le second très-long et répandu dans une très-grande partie de l'abdomen. La vésicule du fiel communique par un canal avec le foie, et par un canal plus grand, avec le tube intestinal auprès des appendices. Un viscère triangulaire et analogue à la rate est situé au-dessous de l'estomac. Les reins, d’une couleur sanguinolente, et étendus le long de l'épine du dos, se déchargent dans une vessie urinaire double, voisine de l'anus, et que l’on a souvent trouvée remplie d’une eau claire. La vessie natatoire est visqueuse, longue, simple, attachée à l'épine du dos. Le canal pneumatique, par le- quel elle communique à l'extérieur, part de la partie la plus antérieure de cette vessie, et aboutit à l'œsophage. Enfin on voit dans les femelles deux ovaires très-longs, et remplis, lors de la saison convenable, d'un très- grand nombre de petits œufs ordinairement jaunâtres. Le merlan habite dans l'Océan qui baigne les côtes européennes. Il se nourrit de vers, de mollusques, de 428 HISTOIRE" N ATU RELDRE crabes, de jeunes poissons. Il s'approche souvent des rivages, et voilà pourquoi on le prend pendant presque toute l’année : mais il abandonne particulièrement la haute mer, non seulement lorsqu'il va se débarrasser du poids de ses œufs ou les fécondler, mais encore lors- qu'il est attiré vers la terre par une nourriture plus agréable et plus abondante, et lorsqu'il ÿ cherche un asyle contre les gros animaux marins qui en font leur proie ; et comme ces diverses circonstances dépendent des saisons, il n'est pas surprenant que, suivant les pays, le temps de le pêcher avec succès soit plus ou moins avancé. On a préféré pour cet objet, sur cer- taines côtes de France, les mois de nivose et de pluviose; et sur plusieurs de celles d'Angleterre ou de Hollande, on a choisi les mois de l'été. On le trouve très-gras lorsque les harengs ont déposé leurs œufs, et qu'ila pu en dévorer une grande quan- tité *. Mais, excepté dans le temps où il fraie lui-même, sa chair écailleuse est agréable au goût : elle n’a pas de qualité malfaisante; et comme elle est molle, tendre et légère, on la digère avec facilité, et elle est un des alimens que lon peut donner avec le moins d’in- convéniént à ceux qui éprouvent un grand besoin de manger, sans avoir cependant des sucs digestifs très- puissans. EN E O E EA LLS D DA DURE PT RUES LE AUD. 7° 06 Cr ARR 0 ER L'ORTA EE * Lettre du citoyen Noël, de Rouen, au citoyen Lacepède , du 21 bru- maire an 7 DUENSPMEL'O; L: SMSMOP NS 429 Dans quelques endroits de l'Angleterre et des envi- rons d'Ostende, de Bruges et de Gand, on a fait sécher et saler des merlans après les avoir vidés; et on les a rendus, par cette préparation, au moins suivant le témoignage de plusieurs observateurs, un mets très- délicat. On a écrit qu'il y avoit des merlans hermaphrodites, On en a vu, en effet, dont l'intérieur présentoit en mème temps un ovaire rempli d'œufs, et un corps assez semblable, au premier coup d'œil, à la laite des pois- sons mâles : mais cet aspect n'est qu'une fausse appa- rence ; l’on s'est assuré que cette prétendue laite n'étoit que le foie, qui est très-gros dans tous les merlans, et particulièrement dans ceux qui sont très-gras. On prend quelquefois des merlans avec des filets, et notamment avec celui que l'on a nommé drése, et dont nous avons fait connoître la forme dans l’article de la trachine vive. Le plus souvent néanmoins on pèche le gade dont nous parlons, avec une vingtaine de lignes, dont chacune, garnie de deux cents hamecons, est longue de plus de cent mètres, et qu'on laisse au fond de l’eau environ pendant trois heures. Au reste, non seulement la qualité de la chair da merlan varie suivant les saisons et les parages qu'il fré- quente, mais encore ses caractères extérieurs sont assez différens, selon les eaux qu'il habite, pour qu’on ait compté dans eette espèce plusieurs variétés remar- quables et constantes. Nous pouvons en donner un 430 HISTOIRE NATURELLE exemple , en rapportant une observation très-intéres- sante qui nous a été transmise au sujet Ges merlans que l'on trouve sur les côtes du département de la Seine- Inférieure, par un naturaliste habiie et très-zélé, le citoyen Noël, de Rouen, que j'ai déja eu vccasion de citer dans cet ouvrage. Cet ichthyologiste m'a écrit * qu'on appercevoit une assez grande différence entre les merlans que l’on prend sur les fonds voisins d'Yport et des Dalles, près de Fé- camp, et ceux que l’on pèche depuis la pointe de PAïlly jusqu’au Tréport et au-dela. Les merlans d’Yport et des Dalles sont plus courts ; leur ventre est plus large, leur tête plus grosse, leur museau moins aigu; la ligne que décrit leur dos, légèrement courbée en dedans, au lieu d'être droite; la couleur des parties voisines du museau et de la nageoire de la queue, plus bru- nâtre; la chair plus ferme, plus agréable et plus recherchée. Le citoyen Noël pense, avec raison, qu'on doit attri- buer cette diversité dans les qualités de la chair, ainsi que dans les nuances et les formes extérieures, à la nature des fonds au-dessus desquels les merlans ha- bitent, et par conséquent à celle des alimens qu'ils trouvent à leur portée. Auprès d'Yport et de Fécamp, les fonds sont presque tous de roche, tandis que ceux des eaux de l'Aïlly, de Dieppe et de Tréport, sont * Lettre du citoyen Noël au citoyen Lacepède , du 21 brumaire an 7. D*EFSh l'PYONr SUS CAN S 4BT presque tous de vase ou de gravier. En général, le citoyen Noël pense que le merlan est plus petit et plus délicat sur les bas-fonds très-voisins des rivages, que sur les bancs que l'on trouve à de grandes distances des côtes. LE: CA DIMM OU VIDS ET L'EMG AD EE’ D'AN OMS De tous les gades, la molve est celui qui parvient à la longueur la plus considérable, sur-tout relativement à ses autres dimensions, et particulièrement à sa largeur: * Gadus molva. Länga, en Suède. Lenge, en Allemagne. Ling, en Angleterre. Gadus molva. Linné, édition de Gmelin. Gade lingue. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. Gadus dorso dipterygio , ore cirrato , maxillâ superiore longiore. Artedi, gen. 22, syn. 36. Molva major. Charlet. p. 121. Asellus longus, Schonev. p. 18. Asellus longus. Æ71llughby, p.175, tab. L, m.2,n. 2. Raj.p. 56. Faun. Suecic. 312. Mull. Prodrom. Zoolog. Danic. p. 41, n. 343, Gadus longa. 11. MWgoth. 177. Bloch, pl. 69. Enchelyopus. Xlein, Miss. pisc. 4, p. 58, 2. 16. Bellon, Aquat. p.135. Gesner, Aquat. p. 95; Icon anim. p. 78. Ling. Brit. Zoolog. 3, p.160, n. 13: * Gadus danicus. Mill, Zoolog: Danic. Prodrom. p. 42. Gade danois. Ponnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, et DIE SUR OT SISVOUN ES 43. elle surpasse souvent celle de vingt-quatre décimètres ; et voilà pourquoi elle a été nommée, dans un grand nombre de contrées et par plusieurs auteurs, /e gade long. Elle habite à peu près dans les mèmes mers que la morue. Elle se trouve abondamment, comme ce gade, autour de la Grande-Bretagne, auprès des côtes de l'Irlande , entre les Hébrides, vers le comté d’York. On la pèche de la même manière, on lui donne les mêmes préparations ; et comme cette espèce présente un grand volume, et d’ailleurs est douée d'une grande fécondité, elle est, après la morue et le hareng, un des poissons les plus précieux pour le commerce et les plus utiles à l'industrie. Dans les mers qui baignent la Grande-Bretagne , elle jouit principalement de toutes ses qualités, depuis le milieu de pluviose jusque vers la fin de floréal, c'est-à- dire, dans la saison qui précède son frai, lequel a lieu dans ces mêmes mers aux approches du solstice. Elle aime à déposer ses œufs le long des marais que l’on y voit à l'embouchure des rivières. Elle se nourrit de crabes, de jeunes ou petits pois- sons , notamment de pleuronectes plies. Sa chair contient une huile douce, facile à obtenir par le moyen d'un feu modéré, et plus abondante que celle que peuvent donner la morue ou les autres gades. Sa couleur est brune par-dessus, blanchâtre par- dessous, verdâtre sur les côtés. La nageoire de l’anus est d'un gris de cendre; les autres sont noires et TOME 11i. 29 89% HISTOIRE NATURELLE. bordées de blane : on voit de plus une tache noire au sommet de chacune des dorsales *. Les écailles sont alongées, petites, fortement atta- chées ; la tête est grande, le museau un peu arrondi # la langue étroite et pointue. Le gade danois n’est pas dénué de barbillons, non plus que la molve : comme la molve, il n'a que deux na- geoires sur le dos, et appartient par ce double carac- tère au troisième sous-genre des gades. Sa mâchoire inféricure est plus avancée que la supérieure, ce qui le sépare de la molve ; et sa nageoire de l'anus ren- ferme jusqu'à soixante-dix rayons, ce qui le distingue de toutes les espèces comprises dans le sous-genre où aous l'avons inscrit, et même de tous les gades connus jusqu'a présent. On en doit la première description au savant Müller, auteur du Prodrome de l« Zoolvsie danoise. * A la membrane des branchies de la molve, 7 rayons. à la premiére nageoire dorsale 1 à la seconde 63 à chacune des pectorales 19 à chacune des jugulaires 6 à celle de l’âänus 59 à celle de la queue, qui est arrondie, 38 + en LE ACMAMDAE LAO PMEST LA lote mérite une attention particulière des natura- listes. Elle présente tous les caractères génériques qui appartiennent aux gades ; elle doit être inscrite dans le même genre que ces poissons ; elle y a toujours été * Gadus lota. » Motelle, dans quelques départemens de France. Barbotte, ib1d. Barbot, es burbot, ex Angleterre. Eel pout, z4id. Putael, duns la Belgique, ou France septentrionale. Alraupe, ez Allemagne. Olrüppe , #bid. Trüsch, ibid. Treischen , b1d. Rutten, ibid. Aalquabbe, ex Danemarck. Franske giedder, 1b:d. Lake , en Suède et en Norvége. Nalim, en Russie. Gadus lota. Linné, édition de Gmelin. Gade lotte. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. Gadus lota. Ascagne, cah. 3, 5, pl, 28. Lote. V’almont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. Faun. Suecic. 315. Müll. Prodrom. Zoolog. Danic. p. 41 , n. 343. Koelreuter, Nov. Comm. Petrop. 19, p.424. Meidinger, Icon. piscium Austral. 1. 8. Bloch, pl go. Gadus dorso dipterygio, ore cirrato, maxillis æqualibus. Artedi, gen. 22, gyn. 38. 43 HISTOIRE NATUMRIELNE comprise : elle fait véritablement partie de leur famille; et cependant, par un de ces exemples qui prouvent combien les êtres animés sont liés par d'innombrables chaînes de rapports, elle s'écarte des gades par des dif- férences très-frappantes dans les formes, dans les facul- tés, dans les habitudes, dans les goûts, et ne s'éloigne ainsi de ses congénères que pour se rapprocher non seulement des blennies, qui par leur nature touchent aux gades de très-près, mais encore de plusieurs apodes osseux, particulièrement des murènes, et notamment des anouilles. Comme ces derniers apodes, la lote a le corps très- alongé et serpentiforme. On voit sur son dos deux na- geoires dorsales, mais très-basses et très-longues, ainsi Silurus cirro unico in mento. Artedi, spec. 107. Lote. Rondelet, deuxième partie, des poissons des lacs, chap. 18. Barbote. /d. ibid. chap. 19. Aldrov. Lib. 5, cap. 46, fol. 648. Lota, et mustella fluviatilis. #7 z//ughby, p.125. Raja, p. 67. Lota Gallis dicta. Gesner, p. 599. Lota Gallorum. Jonston, lib. 33 ti. 3, cap. 11, p. 168, tab, 29, fig. re. Strinsia, sive botatrissa. Be/lon,. Aquat. p. 302. Claia fluviatilis. Zd. ibid. p. 304. Borbotha. Cub. lib. 3, cap. 12, fig. 72, B Borbocha. Magni ( Olui), lb. 20, cap. 20. Bottatria, et triseus. Salyian. fol. 213, a, ad iconem, et B. Alropa. Hildegard. lib. x, part. 4, cap. 25. Gronos. Mus. 1,p. 21, 2. 615 Zooph. p: 97:72. 3x3, Enchelyopus subcinereus, etc. Klein, Miss, pise. 4, p\ b7s m3, tabs 10, fig 2. - Barbot. Brir. Zooloz, 3, p. 163, n, 14: Dé Er SMS EN OT /'9r OÙ NS 437 que celle de l’anus; elles ressemblent à celles qui gar- nissent le dos et la queue des murènes. Les écailles qui la recouvrent sont plus facilement visibles que celles de ces mêmes murènes ; mais elles sont très-minces, molles, très-petites, quelquefois séparées les unes des autres ; et la peau à laquelle elles sont attachées, est enduite d'une humeur visqueuse très - abondante , comme celle de l’anguille : aussi échappe-t-elle faci- lement, de même que ce dernier poisson, à la main de ceux qui la serrent avec trop de force et veulent la retenir avec trop peu d'adresse; elle glisse entre leurs doigts, parce qu'elle est perpétuellement arrosée d'une liqueur gluante ; et elle se dérobe encore à ses enne- mis, parce que son corps, très-alongé et très-mobile, se contourne avec promptitude en diflérens sens, et imite si parfaitement toutes les positions et tous les mouvemens d'un reptile, qu'elle a reçu plusieurs noms donnés depuis long - temps aux animaux qui rampent. La lote est, de plus, d'une couleur assez semblable à celle de plusieurs murènes, ou de quelques muré- nophis. Elle est variée, dans sa partie supérieure *, * Sa ligne latérale est droite. On compte à sa première nageoire dorsale T4 rayons. à la seconde 68 à chacune des pectorales 20 à chacune des jugulaires 6 à celle de l’anus - 67 à celle de la queue, qui est arrondie, 36. 498 HISTOIRE NÂTURELLDE de jaune et de brun; et le blanc règne sur sa partie inférieure. Au lieu d'habiter dans les profondeurs de l'Océan ou près des rivages de la mer, comme la plupart des osseux apodes ou jugulaires, et particulièrement comme tous les autres gades connus jusqu'à présent, elle passe sa vie dans les lacs, dans les rivières, au milieu de l’eau douce , à de très-grandes distances de l'Océan; et ce nouveau rapport avec l'anguille n'est pas peu remar- quable. On la trouve dans un très-grand nombre de contrées, non seulement en Europe et dans les pays les plus sep- tentrionaux de cette partie du monde, mais encore dans l'Asie boréale et dans les Indes. Elle préfère, le plus souvent, les eaux les plus claires; et afin qu'indépendamment de sa légéreté, les ani- maux dont elle fait sa proie puissent plus difficilement se soustraire à sa poursuite, elle s'y cache dans des creux ou sous des pierres ; elle cherche à attirer ses petites victinies par l'agitation du barbillon ou des barbillons qui garnissent le bout de sa mâchoire inférieure, et qui ressemblent à de petits vers : elle y demeure pa- tiemment en embuscade, ouvrant presque toujours sa bouche, qui est assez grande, et dont les mâ- choires , hérissées de sept rangées de dents aiguës, peuvent aisément retenir les insectes aquatiques'et les jeunes poissons dont elle se nourrit *. * I] y a auprès du pylore, 39 ou 40 appendices intestinaux. D ENSAALE OA SNS IOTNAES 499 On a écrit que, dans quelques circonstances , | la lote étoit vipére, c'est-à-dire que les œufs de cette espèce de gade éclosoient quelquefois dans le ventre même de la mère, et par conséquent avant d'avoir été pondus. Cette manière de venir à la lumière n'a été observée: dans les poissons osseux que lorsque ces animaux ont réuni un corps alongé, délié et serpentiforme, à une grande abondance d'humeur visqueuse, comme la lote. Au reste, elle supposeroit dans ce gade un véritable accouplement du mâle et de la femelle, et lui don- neroit une nouvelle conformité avec l'anguille, les blennies et les silures. La lote croît beaucoup plus vite que plusieurs autres osseux ; elle parvient jusqu'à la longueur d'un mètre, et le citoyen Valmont-Bomare en a vu une qu'on avoit apportée du Danube à Chantilly, et qui étoit longue de plus de douze décimètres. Sa chair est blanche, agréable au goût, facile à cuire; son foie, qui est très-volumineux, est regardé comme un mets délicat. Sa vessie natatoire est très-grande, souvent égale en longueur au tiers de la longueur to- tale de l'animal, un peu rétrécie dans son milieu, ter- minée par deux prolongations dans sa partie antérieure, formée d’une membrane qui n’est qu'une continuation du péritoine, attachée par conséquent à l'épine du dos, de manière à ne pouvoir pas en être séparée entière, et employée dans quelques pays à faire de Ja colle, comme la vessie à gaz de l'acipeusère buso. 140 ! HIS T'OPRE NA TIUR EPS. Ses œufs sont presque toujours, comme ceux du bro- chet et du barbeau, difficiles à digérer, plus ou moins malfaisans ; et, par un dernier rapport avec l'anguille et la plupart des autres poissons serpentiformes , elle ne perd que diflicilement la vie. be ee LE-GADE MUSTELLE. | PEUT LE GAD'E CIMRBRE.. La mustelle a beaucoup de ressemblance avec la lote par l’alongement de son corps, la petitesse de ses écailles , et l'humeur visqueuse dont elle est imprégnée: : Gadus mustella. Galea, sur plusieurs côtes d’Italie, Pesce moro, zbid. Donzellina, z6id. Sorge marina, 2044. Gouderopsaro, sur plusieurs rivages de la Grèce. Whistle fish, er Angleterre. Krullquappen, auprès de Hambourg, et dans quelques autres contrées septentrionales. Gadus mustella, gadus tricirratus 8, et gadus russicus y. Linné, édition de Gmelin. Gade mustelle. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. Gade la brune. Id. ibid. Bloch, pl. 165. Mustelle. Z’almont-Bomare , Dictionnaire d'histoire naturelle. Müll. Prodrom. Zoolog. Danic. p. 42, n. 345. Gadus dorso dipterygio, cirris maxillæ superioris quatuor; inferioris, uno. Mus. Ad. Fr. 1. Gadus dorso dipterygio, sulco ad pinnam dorsi primam, ore cirrato- Artedi, gen. 22, syn. 37. TOME II. 56 , 442 HISTOIRE NATURELLE mais elle n'habite pas, comme ce poisson, au milieu de l'eau douce ; elle vit dans l'Océan atlantique et dans la Méditerranée. Elle y parvient jusqu’à la longueur de six décimètres. Elle s'y nourrit de cancres et d’ani- maux à coquille ; et pendant qu'elle est jeune, petite et foible , elle devient souvent la proie de grands pois- sons, particulièrement de quelques gades et de plu- sieurs scombres. Le temps de la ponte et de la fécon- dation des œufs de cette espèce est quelquefois retardé jusque dans l'automne , ou se renouvelle dans cette saison. La mustelle est blanche par-dessous, d'un brun jaunâtre par-dessus , avec des taches noires , et d’un oo oo Galea Venetorum, sex asellorum altera species. Pellor. 14. mustella vulgaris, et mustella marina tertia, Gesner, p. 89, 90 et 103, germ.) fol. 41, B, et 42, A. Mustelle vulgaire. Rondelet, première partie, Liv. 9, chap. 14. Id. Æ/drov. lib. 3, cap. 8, fol. 29c. 1Villughby, p. 121. Raj. p. 67,7, 1. Mustela. Jonston, lib. Tr, til. x, cap. 1, À, 2, tab. 1, fig. 4. Mustela altera. Schonev. p. 49. Mustela marina tertia. Gron. Zooph. n. 3143 Mus.1,p.21,n.25 Act. Ups. 1742, p.93, tab. 3. Spotted whistle fish, es brow whistle fish. Pris Zoolog.3, p.164, n.316, et 165, n. 16. Enchelyopus cirris tribus, altero è mento, etc. Klein, Miss. pisc. 4, 2075 TT à ulbaum, Schrif. der Berl. naturf. ges. 5; = Gadus cimbrius. Gadus cimbrius. Linné, édition de Gmelin. Gade cimbre. Bonnatcerre, planches de l'Encyclopédie méthodique. DE SUCPEONTIS SON 443 argenté violet sur la tête. Les nageoires pectorales et jugulaires sont rougeâtres; les autres sont brunes avec des taches alongées, excepté la nageoire de la queue, dont les taches sont rondes. L'on trouve cependant plusieurs individus sur lesquels la nuance et la figure de ces diverses taches est constamment différente , et même d’autres individus qui n'en présentent aucune. Il est aussi des mustelles qui ont quatre barbillons à la mächoire supérieure , d’autres qui n'y en montrent que deux , d'autres encore qui n'y en ont aucun; et ces diversités dans la forme , plus ou moins transmissibles par la génération, ayant été comparées, par plusieurs naturalistes , avec les variétés de couleurs que l’on peut remarquer dans l'espèce que nous examinons, ils ont cru devoir diviser les mustelles en trois espèces, la première distinguée par quatre barbillons placés à une distance plus ou moins petite des narines , la seconde par deux barbillons situés à peu près de même, et la troisième par l'absence de tout barbillon à la mâchoire supérieure. Mais après avoir cherché à peser les témoignages , et à comparer les raisons de cette multiplication d'espèces, nous avons préféré l'opinion du savant professeur Gmelin ; et nous ne considérons l'absence ou le nombre des barbillons de la mâchoire d'en haut , ainsi que les dissemblances dans les teintes, que comme des signes de variétés plus ou moins per- manentes dans lespèce de la mustelle. Au reste, ce gade a toujours un barbillon attaché vers 444 HISTOIRE NATURELEE l'extrémité de la mâchoire inférieure , soit que la mä- choire supérieure en soit dénuée, ou en montre deux, ou en présente quatre. De plus, la langue est étroite et assez libre dans ses mouvemens. La ligne latérale se courbe vers les nageoires pectorales , et s'étend en- suite directement jusqu'à la queue. Mais ce qu'il ne faut pas passer sous silence, c’est que la première nageoire dorsale est composée de rayons si petits et si courts, qu'il est tres-difficile de les compter exactement, et qu'ils disparoissent presque en entier dans une sorte de sillon ou de rainure longitudinale. Un seul de ces rayons , le premier ou le second , est très-alongé ;, s'élève par conséquent beaucoup au-dessus des autres ; et c'est cette longueur ainsi que l'excessive briéveté des autres, qui ont fait dire à plusieurs naturalistes que la première dorsale de la mustelle ne comprenoit qu'un rayon *. La première nageoire du dos est conformée de la mème manière dans le gade cimbre , qui ressemble beaucoup à la mustelle : néanmoins on trouve dans cette mème partie un des caractères distinctifs de l'espèce * 5 rayons à la membrane branchiale de la mustelle, 1 rayon très-alongé et plusieurs rayons très-courts à Ja première pageoire dorsale. 56 rayons à la seconde, 19 à chacune des pectorales; G à chacune des jugulaires. 46 à celle de l’anus. 20 à celle de la queue. D''ENS EEMOr TRS DIMINUE 445 du cimbre. En effet, le rayon qui seul est très-alongé, se termine dans ce gade par deux filamens placés l'un à droite et l’autre à gauche, et disposés horizontale- ment comme les branches de la lettre T'. - De plus , on compte sur les mâchoires de la mustelle cinq, ou trois, ou un seul barbillon. Il y en a quatre sur celles du cimbre : deux de ces derniers filamens partent des environs des närines ; le troisième pend de la lèvre supérieure ; et le quatrième , de la lèvre infé- rieure. Le cimbre habite dans l'Océan atlantique, et, parti- culièrement dans une partie de la mer qui baigne les rivages de la Suède. Il a été découvert et très-bien décrit par M. de Strussenfeld *. * x rayon tres-alongé et plusieurs rayons très-courts à la premiere nagcoire dorsale du gade cimbre, 48 rayons à la seconde. 16 à chacune des pectorales, 7 à chacune des jugulaires. 42 à celle de l’anus. 25 à celle de Ja queue. = Mémoires de l'académie de Stockholm, tome XXXYIT, page 46. LE GA D'EMER LUS" 2 Ce poisson vit dans la Méditerranée ainsi que dans l'Océan septentrional ; et voilà pourquoi il a pu être connu d'Aristote, de Pline, et des autres naturalistes de la Grèce ou de Rome, qui, en effet, ont traité de ce gade dans leurs ouvrages. Il y parvient jusqu'à la grandeur de huit ou dix décimètres. Il est très-vo- race : il poursuit, par exemple, avec acharnement, les * Gadus merlucius. Merluzo, ex Îtalre. Asello, bid. Asino, zbid, Nasello, zbid. Hake, ex Angleterre. -Gadus merlucius. Linné, édition de Green. Bloch, pl. 154. Gade grand merlus. Dawbenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Le grand merlus. Duham:l, Traité des pêches, seconde partie, sect. +, chap. 1, pl. 24, Merlu , et merluche. Va/mont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. Mus. Ad. Frid. 2, p. 60. Faun. Suecic. 314. Forsk. Faun. Arabic. p.19. Gronov. Zooph. p. 397, n. 315. Mill. Prodrom. Zoolog. Danic. p. 41, n. 342. Or. Fabric. Faun. Groenland. p. 148. Gadus dorso dipterygio, maxillà inferiore longiore. Ærtedi, gen. 22, syn. 36. ; Lysing. Strom. Sondm. 295. FIL SAT ONMRSEN EN ANT AUMRRE PAIE. #47 scombres et les clupées ; cependant, comme il trouve assez facilement de quoi se nourrir, iln'est pas, au moins fréquemment, obligé de se jeter sur des animaux de sa famille. Il ne redoute pas l'approche de son semblable. Il va par troupes très-nombreuses; et par conséquent il est l'objet d’une pêche très-abondante et peu pénible. Sa chair est blanche et lamelleuse ; et dans les endroits où l'on prend une grande quantité d'individus de cette espèce, on les sale ou on les sèche, comme on pré- pare les morues, les seys et d’autres gades, pour pou- voir les envoyer au loin. Les merlus sont ainsi recher- chés dans un grand nombre de parages : mais dans Asellus primus, sive merlucius. Raj. p. 56. Asellus primus Rondeletii, sve merlucius. ##{ughby, p. 174, tab. L? 2.12 \72. Te ’ows. Arist. lib. 8, cap. x5; er lib. 9, cap. 37. ons, ya. Aihen. lib. 7, p. 315. @andrrus, AElian. lib. 5, cap. 20, p. 2763 lib. 9, cap. 38. Oppian. Hal. lib. x,p. 5;et lib. 2, p. bo. Asellus. P/in. Hist. mundi, lib. 9, cap. 16 et x7. Asellus, Ovid. v. 137. Varro, lib. 4, De lingua latina. Jov. cap. 20, p. 87. Merlus. Rondelet, première partie, liv. 9, chap. 8. Salvian. fol. 73, Merluccius, asellus, et primüm de merlucio. Gesxer, p. 84, 97; Icon. anim. p. 76 3et (germ.) fol. 39, B. Merluccius. Bellon, Aquat. p. 123. Asellus alter, etc. 4/drov. Lib. 3, cap. 2, p. 286. Asellus fuseus. Charlet. p. 122. Hake. Brit. Zoolog. 3 , p.156, n. 10. Jonston, De piscibus, p. 7, tab. 1,.fig. 3. HAS His TO TRE) N'A'T UR EDILÉE d'autres portions de la mer où ils ne peuvent pas se procurer les mêmes alimens , il arrive que leurs mus- cles deviennent gluans et de mauvais goût; ce fait étoit connu dès le temps de Galien. Au reste, le foie du merlus est presque toujours un morceau très- délicat. k Ce poisson est alongé, revêtu de petites écailles, blanc par-dessous , d’un gris plus ou moins blanchâtre par-des- sus ; et c'est à cause de ces couleurs comparées souvent à celles de l'âne, qu'il a été nommé 47on par Aristote, Oppien, Athénée, Élien , Pline, et d'autres auteurs anciens et modernes. Le mot d'#ron est mème devenu, pour plusieurs naturalistes , un mot générique qu'ils ont appliqué à plusieurs espèces de gades. La tète du merlus est comprimée et déprimée ; l'ou- verture de sa bouche, grande; sa ligne latérale plus voisine du dos que du bas-ventre, et garnie, auprès de latète , de petites verrues dont le nombre varie depuis cinq jusqu à neuf ou dix : des dents inégales, aiguës, et dont plusieurs sont crochues, garnissent les mâ- choires, le palais et le gosier”. oo % À Ja membrane des branchies 7 rayons. à la première nageoire du dos 10 à la seconde 39 à chacune des pectorales 12 à chacune des jugulaires 7 à celle de Panus 37 à celle de la queue 20 ÿ D'ME TS PO IUSMS M OMNEAMS: 449 J'ai trouvé dans les papiers de Commerson une courte description d'un gade à deux nageoires, sans barbillons , et dont tous les autres caractères con- viennent au merlus. Commerson l’a vu dans les mers australes ; ce qui confirme mes conjectures sur la pos- sibilité d'établir dans plusieurs parages de l'hémisphère méridional, des pèches abondantes de morues et d'au- tres gades. Le merlus est si abondant dans la baie de Galloway , sur la côte occidentale de l'Irlande , que cette baie est nommée, dans quelques anciennes cartes, la baie des lakes, nom donné par les Anglois aux merlus. TOME 17. 97 + LE GADE BROSNME" Nous avons maintenant sous les yeux le cinquième sousgenre des gades. Les caractères qui le distinguent, sont un ou plusieurs barbillons, avec une seule nageoire dorsale. On ne peut encore rapporter qu'une espèce à ce sous-genre ; et cette espèce est le brosme. Ce gade préfère les mers qui arrosent le Groenland, ou l'Europe septentrionale. Il a la nageoire de la queue en forme de fer de lance ; et quelquefois une longueur de près d'un mètre. La couleur de son dos est d'un brun foncé ; ses nageoires et sa partie inférieure sont d'ume teinte plus claire ; on voit sur ses côtés des taches transversales :. : Gadus brosme. Gadus brosme. Æscagne, Icon. rerum natural. tab. 17. Mil. Prodrom. Zoolog. Danic. p. 41, n. 34%. Brosme. Pontopnid. Norveg. 2, p. 178. Strom. sondm,.T, p.272, fab. à SEZ- 194 Kaila. O/afs. Island. p. 358, tab. 27. Gadus brosme. Linné, édition de Gmelin. Gade brosme. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique, : À la nageoïire du dos du brosme, 100 rayons. à chacune des pectorales 20 à chacune des jugulaires 5 à celle de l'anus Go à celle de Ja queue 30 D? QUARANTESEPTIÈME GENRE. LES BATRACHOIDES. La tête trés- déprimée et très-large; l'ouverture de la bouche 1rés-grande; un ou plusieurs barbillons atta- chés autour ou au-dessous de la mächoire inférieure. ESPÈCES. CARACTÈRES. Un grand nombre de filamens à la mâchoire 1. LE BATRACHOÏDE TAU.| , © . EI RER S : inférieure ; trois aiguillons à la première (Batrachoides tau.) AT : nageoire dorsale et à chaque opercule. Un ou plusieurs barbillons au -dessous de la 2. LE BATR. BLENNIOÏDE. ( mächoire d’en- bas; les deux premiers ( Batrachoides ND) rayons de chaque nageoire jugulaire, ter- minés par un long filament. LE B'A'DRU CH QUDEL.T AU Nous avons séparé le tau des gades, et le blennioïde des blennies,non seulement parce que ces poissons n’ont pas tous les traits caractéristiques des genres dans lesquels onles avoit inscrits en plaçant le dernier parmi les blen- nies et le premier parmi les gades , mais encore parce que des formes très-frappantes les distinguent de toutes les espèces que peuvent embrasser ces mêmes genres, au moins lorsqu'on a le soin nécessaire de n’établir ces. < e ) LE tâchons toujours de naus conformer. Nous avonsde plus rapproché l’un de l'autre le tau et Le blennioïde, parce qu'ils ont ensemble beaucoup de rapports ; nous les avons compris dans un genre particulier, et nous avons donné à ce genre le nom de batrachoïde , qui désigne la ressemblance vague qu'ont ces animaux avec une gre- mouille , en grec-Caxrpayos , et qui rappelle d’ailleurs les dénominations de orenouiller et de raninus , appli- quées par Linné, Daubenton, et plusieurs autres célèbres. naturalistes , au blennioïde, %* Batrachoïdes tau. Expausançon. Bloch, pl. 6, fig. 2 et 3: _Gadus tau. Linné, édition de Gmelin. Gade tau. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. x . . , . LE cadres que d’après les prineipes réguliers auxquels nous. Tom. 2. PI 22. Pay .43: Deseve. Del j à j ] Coquet. S'eulp 1 BATRACHOIDE Tau.2.BLENNIE Gunnel . 5. BLENNIE fomklle œ HISTOIRE NATURELLE. 455 Le tau habite dans FOcéan atlantique , comme pres- que tous les gades, dans le genre desquels on avoit cru devoir le faire entrer ; mais on l'y a pêché à des lati- tudes beaucoup plus rapprochées de l'équateur que celles où l’on a rencontré la plupart de ces poissons. On l'a vu vers les côtes de la Caroline , où il a été observé par le docteur Garden, et d'où il a été envoyé en Europe. Ses formes et ses couleurs , qui sont très-remarqua- bles , ont été fort bien décrites par le célèbre ichthyo- logiste et mon savant confrère le docteur Bloch. IL est revêtu d’écailles molles, petites, minces,rondes, brunes , bordées de blanc, et arrosées par une muco- sité très-abondante, comme celles de la lote et de la mustelle. Le dos et les nageoires sont tachetés de blanc, ou d’autres nuances. La tète est grande et large ; le museau très-arrondi. Les yeux, placés vers le sommet de cette partie et très- rapprochés l’un de l’autre, sont gros , saillans , bril- lans par l'éclat de l'or que présente l'iris , et entourés d'un double rang de petites verrues. Entre ces organes de la vue et la. nuque, s'étend transversalement une fossette et une bande plus où moins irrégulière, de couleur jaune, sur les deux bouts de laquelle on peut observer quelquefois une tache ronde et très-foncée, Les dents sont aiguës. Il n'y en a que deux rangées de chaque côté de la mâchoire inférieure ; mais la mâ- choire d'en-haut , qui est beaucoup plus courte , en montre un plus grand nombre de rangs. Une double 454 EL SET ONINR PE NV AU TAU MIRE) série de ces mêmes dents hérisse chaque côté du palais. Plusieurs barbillons sont placés sur les côtés de la mâchoire supérieure ; un grand nombre d'autres fila- mens sont attachés à la mâchoire d'en-bas, et disposés à peu près en portion de cercle. Chaque opercule, composé de deux lames, est de plus armé de trois aiguillons. Le tau a deux nageoires dorsales ; la première est soutenue par trois rayons très-forts et non articulés. Celle de la queue est arrondie. | Le au a été nommé ainsi, à cause de la ressem- blance de la bande jaune et transversale qu'il a auprès de la nuque, avec la traverse d’un T grec, ou tau *. Le dessin qui représente ce poisson , et que nous avons fait graver , en donne une idée très-exacte. * A Ja membrane branchiale du tau, 6 rayons. à la première dorsale 3 à la seconde 23 à chacune des pectorales 20 à chacune des jugulaires 6 à celle de l'anus 13 à celle de lg queue 12 LE BATRACHOIDE BLENNIOÏDE : CE batrachoïde a un ou plusieurs barbillons au-dessous de la mâchoire inférieure. Les deux premiers rayons de chacune de ses nageoires jugulaires sont beaucoup: plus longs que les autres; ce qui, au premier coup d'œil , pourroit faire croire qu'il n’en a que deux dans chacune de ces nageoires, comme la plupart des blen- nies, dans le genre desquels on l'a souvent placé, et ce qui m'a engagé à lui donner Je nom spécifique de blenniorde. On le trouve dans les lacs de la Suède, où il paroît qu'il est redouté de tous les poissons moins forts que lui, qui s'écartent le plus qu'ils peuvent, des endroits qu'il fréquente. Quoiqu'il tienne, pour ainsi dire, le milieu entre les gades et les blennies, il n’est pas bon à manger :. : Batrachoides blennioïdes. Blennius raninus. Linné, édition de Gmelin. Faun. Suecic, 316. lenne grenouiller. Daubenton , Encyclopédie méthodique, Id, Bonnaterre , planches de l'Encyclopédie m #thodique. Mill. Prodrom. Zoolog. Danic. n. 359. Strom. Sondm. 1, p. 359. 2: À la membrane branchiale 7 raÿons. à la nageoire dorsale GG à chacune des nageoires pectorales 22 à chacune des jugulaires 6 à celle de l’anus 60 à celle de la queue 30- AbG HISTOIRE NATURELLE. C'est avec toute raison, ce me semble, que le pro- fesseur Gmelin regarde comme une simple variété de cette espèce qu'il rapporte au genre des blennies, un poisson de l'Océan septentrional, dont voici une très- courte description *. IL est d’un brun tres-foncé. Ses nageoires sont noires et charnues ; son iris est jaune ; une mucosité abon- dante , semblable à celle dont le tau est imprégné , hu- mecte ses écailles, quisont petites. Sa tête, très-aplatie , est plus large que son corps ; l'ouverture de sa bouche très-grande ; chaque mâchoire armée d'un double rang de dents acérées et rougedtres, suivant plusieurs obser- vateurs; la langue épaisse, musculeuse, arrondie par- devant ; le premier rayon de chaque nageoire jugulaire terminé par une sorte de fil délié ; et le second rayon des mêmes nageoires prolongé par un appendice ana- logue , mais ordinairement une fois plus long que ce filament. * Gmelin, édit. de Linné, article du b/ennius raninus. Mill. Zoolog. Danic. p. 15, tab. 45. Dansk. Vidensk. Selsk. Skrift. 12, p. 291. = QUARANTE-HUITIEME GENRE. LES. BLHENNTIES. Le corps et la queue alongés et comprimés; deux rayons au moins, el quatre rayons au plus, à chacune des nageoires jugulaires. PRE MIE R SO 'U S2G E N:R E: Deux nageoires sur le dos; des filamens où appendices sur la tête. ESPÈCES. CARACTÈRES, : Jn appendice non palmé au-dessus de chaque r. Le ecennie cièvre, (Ur PPRRES P T œil; une grande tache œillée sur la pre- miere nageoire du dos. 2. LE BLENNIE pHycis. (Un appendice auprés de chaque narine ; un ( Blennius phycis.) (Elennius lepus.) barbillon à la lèvre inférieure, SEC 'O "ND MP SOUS -TGNEUNTRNE: Une seule nageoire dorsale; des filamens ou appendices sur la tête. ESPÈCES. CARACTEÈERES. 3. Le. ae AN barbillons à la mâchoire supérieure, et (Blennius mediterraneus.) un à l’inférieure. 4. LE BL. GATTORUGINE. DE se it chaque œil, et (Elan cotorerina) eux appendices semblables auprès de la nuque, TOME Il. 58 vs 458 HISTOIRE NA TURETLTE {. ESPÈCES. CARACTÈRES. 5. LE BL. SOURCILLEUX. ie appendice palmé au dessus de chaque œil ; (Slennius superciliosus.) la ligne latérale courbe. 6. LE BLENNIE CORNU. Un appendice non palmé au-dessus de chaque (Blennius cornutus.) œil, 7. LE BLENN. TENTACULÉ. {Un appendice non palmé au-dessus de chaque (Ne tentaculats.) œil; une tache œillée sur la nagcoire du dos. Un très-petit appendice non palmé au-d 8. LE BLENNIE SUJÉFIEN. DétiÉ APRES EMOR PRMERURe RE de chaque œil; la ligne latérale courbe ; la (Blennius sujefianus.) l è © d nageoire du dos réunie à celle de la queue. 9- LE BLENNIE FASCÉ. Deux appendices non palmés entre les yeux ; ; (Blennius «fasciatus.) quatre ou cinq bandes transversales. 10. LE BLEN. COQUILLADE, Un appendice cutané et transversal. (Blennius coquillad.) les nageoires pector ales presque aussi Jon- 11. LE BLENNI ee Er gues que le corps proprement dit; deux Blennius saliens. (Be aliens.) rayons seulement à chacune des nageoires | appendice cartilagineux et longitudinal ; jugulaires. {2 appendice filamenteux et longitudinal ; 12. LE BLENNIE PINARU. 2 : ; trois rayons à chacune des nageoires jJugu- (Elennius pinaru.) laires. T'R ON SÈNE M'EMS OU, SZ GENRE Deux nageoires dorsales; point de barbillons ni d appen- dices sur la téte. ESPÈCE. CARACTÈRES. Un filament au-dessous de l’extrémité anté- 13. LE BLENNIE GADOIDE. rieure de la mâchoire d’en-bas; deux rayons (Blennius gadoides.) seulement à chacune des nageoires jugu- | laires. DIE LS 7" PONT. SU SL DANS 499 ESPÈCES. CARACTÈRES. Point de filament à la mâchoire inférieure ; 14. LE BLENNIE BELETTE.) trois rayons à la première nageoire du dos; (Blennius mustela.) deux rayons seulement à chacune des na- gcoires jugulaires. : Un filament au-dessous de l'extrémité antc- 15. LE BLEN. TRIDACTYLE. À Fes L } ï rieure de la mâchoire inférieure; trois (Blennius tridacty lus.) | k er , rayons à chacune des nageoires jugulaires. Q'U ANTUR MEMMMENS ONU S-G EN RE Une seule nageoire dorsale; point de barbillons, ni d'appendices sur la téte. ESPÈCES. CAR AICTMÈRES. 16. LE BLENNIE PHOLIS. | Les ouvertures des narines , tuberculeuses et frangées ; la ligne latérale courbe. La mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure ; l’ouverture de lPanus à une (Blennius pholis.) 17. LE BLENNIE BOSQUIEN distance à peu près égale de la gorge et de (Blennius bosquianus.) L la nageoire caudale ; la nageoire de l’anus réunie à celle de la queue, et composée environ de 18 rayons. Les ouvertures des narines, tuberculeuses, 18. LE BL. OVOVIVIPARE. mais non frangées ; la ligne latérale droite; (Blennius ovoriviparus.) la nagcoire de l’anus réunie à celle de la queue, et composée de plus de 6o rayons. Le corps très-alongé; les nageoires du dos, de la queue ét de Panus, distinctes l’une 19. LE BLENNIE GUNNEL. de l’autre ; celle du dos très-longue et très- (Blennius gunnellus.) basse; neuf ou dix taches rondes, placées chacune à demi sur la base de la nageoire dorsale, et à demi sur le dos du blennie, 460 HISTOIRE NATURELLE: ESPÈCES. CARACTÈRES. Les nageoires jugulaires presque aussi Jon- 20. LE BLENN. POINTILLÉ.) gues que les pectorales; une grande quan- (Zlennius punctulatus.) tité de points autour des yeux, sur la nuque, et sur les opercules. uelques dents placées vers le bout du mu- 21. LE BLENNIE GARAMIT. £ à seau, plus crochues et plus longues que (Blennius garamit.) les autres. (Blennius lumpenus.) chaque nageoire jugulaire. Un barbillon à la mâchoire inférieure ; les 23, LE BLENNIE TORSK. (Blennius 1orsk) 22. LE BLENNIE Dr taches transversales ; trois rayons à nageoires jugulaires charnues et divisées chacune en quatre lobes. a LE BLENNEE LP REV RER L'rouME d'état ne considérera pas avec autant d’in- térêt les blennies que les gades ; il ne Les verra pas aussi nombreux, aussi grands , aussi bons à manger, aussi * Blennius lepus. Lebre de mare, dans plusieurs départemens méridionaux de France. Mesoro, dans quelques contrées d’Italie. Butterfly fish ,ez Angleterre. Blennius ocellaris. Zinné, édition de Gmelin. Blenne lievre. Daubenton, Encyclopédie méthodigre. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Block, pl 165, ere TL. Lièvre marin vulgaire. Va/mont-Bomare, Dictionnaire d’histoire natu- relle. Mus. Ad. Frid. 2, p. 62, Ceci. Pisc. Sard. p. 112. Brunr. Pisc. Massil. p. 15, n. 35. Blennius... maculâ magnâ in pinna dorsi. Artedi, gen, 26, syn. 44. Brenxc. Oppian. lb. x, fol. 108 , 35 , ed. Lippi. Blennius. P/in. [£:. 32, cap. 9. Blennus. Sa/ian. fol. 218. Bellon, Aquat. p. 210. Gesner (germ.) fol. 3, a; et Aquat. p. 126, 147; Icon. animal, P:+ 9. Blennus Bellonii, meliùs depictus. 4/drov. lib. 2, cap. 28, pe 208 TV üllughby, P- rar tab, 4,43 LL 2 Raj-"p. 72, n: 13. . Blennus pinniceps, Klcir, Miss. pisc. 5, p. 31,7. r. Scorpioides, Rondeler, première partie, Liv. 6, chap. 20, Lièvre marin du vulgaire, Zd. ‘bd. Jonst. Pisc. p. 75, tab. 19, fig. 5, AG2 HISTOIRE. NATUREPTE salubres, aussi recherchés que ces derniers, faire naître, comme ces mêmes gades, des légions de pêcheurs, les attirer aux extrémités de l'Océan, les contraindre à bra- ver les tempêtes, les glaces, les brumes, et les changer bientôt en navigateurs intrépides , en ouvriers indus- trieux, en marins habiles et expérimentés : mais le phy- sicien étudiera avec curiosité tous les détails des habi- tudes des blennies ; ilvoudra les suivre dans les différens climats qu'ils habitent ; il desirera de connoître toutes les manières dont ils viennent à la lumière, se déve- loppent , croissent, attaquent leur proie ou l'attendent en embuscade , se dérobent à leurs ennemis par la ruse ou leur échappent par leur agilité. Nous ne décri- rons cependant d'une manière étendue que les formes et les mœurs des espèces remarquables par ces mêmes mœurs Ou par ces mêmes formes ; nous n'engagerons à jeter qu’un coup d'œil sur les autres. Où il n’y a que peu de différences à noter, et, ce qui est la même chose, peu de rapports à saisir, avec des objets déja bien observés , il ne faut qu'un petit nombre de considé- rations pour parvenir à voir clairement le sujet de son examen. Le blennie lièvre est une de ces espèces sur lesquelles nous appellerons pendant peu de temps l'attention des naturalistes, Il se trouve dans la Méditerranée ; sa lon- gueur ordinaire est de deux décimètres. Ses écailles sont très-petites, enduites d’une humeur visqueuse ; et c'est de cette liqueur gluante dont sa surface est DE S! UM OT 9 5) OLNTS 463 arrosée , que vient le nom de blennius en latin , et de blennie ou de blenne en francois, qui lui a été donné ainsi qu'aux autres poissons de son genre tous plus ou moins imprégnés d'une substance oléagineuse, le mot Gnervos en grec signifiant LUCOSiLÉ. Sa couleur générale est verdâtre, avec des bandes transversales et irrégulières d'une nuance de verd plus voisine de celle de l’olive ; ce verdâtre est, sur plusieurs individus , remplacé par du bleu , particulièrement sur le dos. La première nageoire dorsale est ou bleue comme le dos, ou olivâätre avec de petites taches bleues et des points blancs ; et indépendamment de ces points et de ces petites gouttes bleues , elle est ornée d'une tache grande , ronde, noire, ou d'un bleu très-foncé, entourée d'un liséré blane , imitant une prunelle en- tourée de son iris , représentant vaguement un œil ; et voilà pourquoi le blennie lièvre a été appelé æilé ; et voilà pourquoi aussi il a été nommé poisson papillon Chutterfly fish en anglois y. Sa tète est grosse ; ses yeux sont saillans ; son iris brille de l'éclat de l’or. L'ouverture de sa bouche est grande ; ses mâchoires , toutes les deux également avancées , sont armées d'un seul rang de dents étroites et très-rapprochées. Un appendice s'élève au-dessus de chaque œil; la forme de ces appendices, qui ressem- blent un peu à deux petites oreilles redressées , réunie avec la conformation générale du museau, ayant fait trouver par des marins peu difliciles plusieurs rapports 464 HISTOIRE NATURE Lawr entre la tête du lièvre et celle du blennie que nous décrivons , ils ont proclamé ce dernier Zévre marin , et d’habiles naturalistes ont cru ne devoir pas rejeter cette expression. La langue est large-et courte. Il n'y a qu’une pièce à chaque opercule branchial ; l'anus est plus près de la tète que de la nageoire caudale, et la ligne latérale plus voisine du dos que du ventre. On compte sur ce blennie deux nageoires dorsales ; mais ordinairement elles sont si rapprochées l’une de l'autre , que souvent on a cru n'en voir qu'une seule’. Pour ajouter au parallèle entre le poisson dont nous traitons et le vrai lièvre de nos champs, on a dit que sa chair étoit bonne à manger. Elle n'est pas, en eflet, désagréable au goût ; mais on y attache peu de prix. Au reste, c'est à cet animal qu'il faut appliquer ce que Pline rapporte de la vertu que l’on attribuoit de son temps aux cendres des blennies, pour la guérison ou le soulagement des maux causés par la présence d'un calcul dans la vessie *. * A la première nageoire du dos 11 rayons. à la seconde 15 à chacune des pectorales 12 à chacune des jugulaires 2 à celle de l’anus 16 à celle de la queue, qui est arrondie, 1x # Chap. déja cité dans cet article, TT tn, BR DIPAEEN NET Le CESSE C£ poisson est un des plus grands blennies : il parvient quelquefois jusqu'à la longueur de cinq ou six déci- mètres. Un petit appendice s'élève au-dessus de l’ou- verture de chaque narine ; et sa mâchoire inférieure est garnie d'un barbillon. Ce dernier filament, ses deux nageoires dorsales et son volume, le font ressembler beaucoup à un gade; mais la forme de ses nageoires jugulaires, qui ne présentent que deux rayons, le place et le retient parmi les vrais blennies. Les couleurs du phycis sont sujettes à varier, suivant les saisons. Dans le printemps, il a la tête d’un rouge plus ou moins foncé; presque toujours son dos est d'un * Blennius phycis. Mole , dans quelques départemens méridionaux de France. Molere , er Espagne. Phico, ex Italie. Blennius phycis. Linné, édition de Gmelin. Blenne mole. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l’ Encyclopédie méthodique. Phycis. Artedi, gen. 84, syn. xxx. La moule. Rondelet, première partie, liv. 6, chap. 10. Grsner, Aquat. p. 718. illughby, Ichthyol. p. 20b. Tinca marina. Raj. Pise. p. 75, et p. 164, f. 8. Lesser hake. Brit. Zoolog. 3, p.158,n. 11, Lest hake. Zhid. p. 160, n. 12. TOME IL. 59 466 HISTOIRE NATURELS brun plus ou moins noirâtre ; ses nageoires pectorales sont rouges, et un cercle noir entoure son anus”. On trouve ce blennie dans la Méditerranée *. 1 Quinze appendices intestinaux sont disposés autour du pylore. & À la membrane branchiale 7 Yayons. à la première dorsale 10 à la seconde 6x : à chacune des pectorales 15 à chacune des jugulaires 2 à celle de l’anus 57 à celle de la queue, qui est arrondie, 20 _—————— LE BLENNIE MÉDITERRANÉEN : CerTre espèce a été jusqu'à présent comprise parmi les gades sous le nom de r2cditerranéen ou de mmonopLére: mais elle n’a que deux rayons à chacune de ses nageoires jugulaires, et dès lors nous ayons dû l’inscrire parmi les blennies. Nous l'y avons placée dans le second sous- genre, parce qu'elle a des barbillons sur la tête, et que son dos n’est garni que d'une seule nageoire. Elle tire son nom de la mer qu'elle habite. Elle vit dans les mêmes eaux salées que le gade capelan, le gade mustelle et le gade merlus, avec lesquels elle a beau- coup de rapports. Indépendamment des deux filamens situés sur sa mächoire d'en-haut, il y en a un attaché à la mâchoire inférieure *. : Blennius mediterraneus. Gadus mediterraneus. Zinné, édition de Gmelin. Mus. Ad. Frid. 2, p. 60. Gade monoptère. Daubenton, Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre , planches de l’ Encyclopédie méthodigre. 2 À Ja nageoire du dos 54 rayons. à chacune des pectorales 15 à chacune des jugulaires 2 à celle de anus 44 LE BLENNIE GATTORUGINE": & gattorugine habite dans l'Océan atlantique et dans la Méditerranée. Il n’a guère plus de deux décimètres de longueur : aussi ne se nourrit-il que de petits vers marins, de petits crustacées, et de très-jeunes poissons. Sa chair est assez agréable au goût. Ses couleurs ne dé- plaisent pas. On voit sur sa partie supérieure des raies brunes, avec des taches, dont les unes sont d'une nuance claire, et les autres d’une teinte foncée. Les nageoires sont jaunâtres. Il n’y en a qu'une sur le dos dont les premiers rayons sont aiguillonnés *, et les derniers très- * Blennius gattorugiria. lennius gattorugina. Linné, édition de Gmelrn. Blenne gattorugine. Paubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de P Encyclopédie méthodique. Mus. Ad. Frid. x, p. 68; et 2,p. 61. Blennius pinnulis duabus ad oculos, pinnä ani ossiculorum 23. 4;%edi, gen. 26, syn. 44 Blennius pinnis superciliorum palmatis, ete. Brunn. Pise. Massil. p. 27, A 37: Blennius capite cristato ex radio inermi, etc. Gronov, Zooph. p.76, n. 264. Iillughby, Ichthyol. p.132, tab. H, 2, fig. 2. Raj. Pise. 72,n. 14. Gattorugine. Brit. Zoolog. 3, p. 168.n. 2. 3 16 rayons non articulés, et 14 articulés à la nageoire dorsale, 14 à chacune des pectorales, 2 à chacune des jugulaires. 23 à celle de l’anus. 13 à celle de la queue. AMETOTRE NATURELLE. | 469 longs. La tête est petite ; les yeux sont saillans et très- rapprochés du sommet de la tête ; l'iris est rougeûtre. Deux appendices palmés paroissent auprès de l'organe de la vue, et deux autres semblables sur la nuque. Les mâchoires, également avancées l’une et l'autre, sont garnies d'un rang de dents aiguës, déliées, blanches et flexibles. La langue est courte; le palais lisse ; l'oper- cule branchial, composé d'une seule lame ; l'anus assez voisin de la gorge, et la ligne latérale droite ainsi que rapprochée du dos. LE BLENNIE SOURCIPLEUXE Les mers de l'Inde sont le séjour habituel de ce blennie. Comme presque tous les poissons des contrées équato- riales , il a des couleurs agréables et vives : un jaune plus ou moins foncé, plus ou moins voisin du brillant de l'or, ou de l'éclat de l'argent, et relevé par de belles taches rouges, règne sur tout son corps . Il se nourrit de jeunes crabes et de petits animaux à coquille; et dès-lors nous ne devons pas ètre surpris, d'après ce que nous avons déja indiqué plusieurs fois, que ce sour- cilleux présente des nuances riches et bien contrastées. Plusieurs causes se réunissent pour produire sur ses : Blennius superciliosus. Id. Linné, édition de Gmelir. Blenne sourciller. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Ponnaterre» planches de l'Encyclopédie méthodique. Blennius pinnulis ocularibus brevissimis palmatis, etc. Amænitat. acad. Kio Palo: Gronov. Mus. 2 MT T2 tab. 5 Tr. Di Zoopk. p. 7b , 2.258, Bloch, pl. 168. Blennius varius, etc. Seb. Mus. 3, tab. 30, fig. 3. Indinnischer gottorugina. Sveligm. Vuegel. 8, tab. 72. > À la nageoire du dos 44 rayons. à chacune des pectorales 14 à chacune des jugulaires 2 à celle de Panus 26 y à celle de la queue 12 FSI ONRIRAEN EN A MTAUTREENENINE 47T tégumens ces teintes distinguées : la chaleur du climat qu'il habite, l'abondance de la lumière qui inonde la surface des mers dans lesquelles il vit, et la nature de: l'aliment qu'il préfère , et qui nous a paru être un des principes de la brillante coloration des poissons. Mais quoique ce blennie, exposé aux rayons du soleil, puisse paroître quelquefois parsemé, pour ainsi dire, de rubis, de diamans et de topazes, il est encore moins remar- quable par sa parure que par ses habitudes. Ses petits sortent de l'œuf dans le ventre de la mère, et viennent au jour tout formés. Il n’est pas le seul de son genre dont les œufs éclosent ainsi dans l’intérieur de la femelle. Ce phénomène a été particulièrement observé dans le blennie que les naturalistes ont nommé pendant long- temps /e rivipare. Nous reviendrons sur ce fait, en traitant, dans un moment, de ce dernier poisson. Consi- dérons néanmoins déja que le sourcilileux, que sa ma- nière de venir à la lumière lie, par une habitude peu commune parmi les poissons, avec l’'anguille, avec les silures , et peut-être avec le gade lote, a, comme tous ces osseux, le corps très-alongé, recouvert d'écailles très-menues, et eaduit d'une mucosité très-abondante. Au reste, sa tête est étroite; ses yeux sont saillans, ronds, placés sur les côtés, et surmontés chacun d’un appendice palmé et divisé en trois, qui lui a fait donner le nom qu'il porte. L'ouverture de la bouche est grande; la langue courte; le palais lisse ; la mâchoire d’en-haut aussi avancée que l’inférieure , et hérissée d'un rang 472 H IS ONMUR EC ON AMTQUTRNENENLUE. extérieur de grosses dents, et de plusieurs rangées de dents intérieures plus petites et très-pointues ; loper- cule branchial composé d'une seule lame, ainsi que dans presque tous les blennies; la ligne latérale courbe ; l'anus large comme celui d'un grand nombre de pois- sons qui se nourrissent d'animaux à têt ou à coquille, et d’ailleurs plus voisin de la gorge que de la nageoire caudale. Tous les rayons de la nageoire du dos sont des aiguillons, excepté les cinq ou six derniers. LE BLENNIE CORNUE ER BARNE NONULE ALL EN TAN CU PE LE BLENNIE SUJÉFIE N;:, E THEN B DE NNIENEASCRE ‘ Le cornu présente un appendice long, eflilé, non palmé, placé au-dessus de chaque œil; une multitude de tubercules à peine visibles, et disséminés sur le * Blennius cornutus. Id. Zinné, édition de Gmelin. Blenne cornu. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie methodique. Mus. Ad. Frid. 2,p. 67. Amaœnit. acad. x ,p. 316. > Blennius tentaculatus, Blennius tentacularis. Zinné, édition de Gmelin. Blennius radio supra oculos simplici, pinnâ dorsali integrä, anticè unio- culatâ. Brunn. Pisc. Massil. p. 26, n. 36. Blenne nébuleuse. Bonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. 3 Blennius sujefianus. Blennius simus. Zinné, édition de Gmelin. Sujef, Act. Petropolit. 1779, 23 p. 198, tab. 6, fig. 23 4 4 Blennius fasciatus. Id. /iuiné, édition de Gmelin. Bloch, pl. 162, fig. +. Blenne perce-pierre, Boznaterre, planches de ? Encyclopédie méthodique. TOME II, 6o 474 FE L'S'T'O TRE MON A TIR El DIE devant ainsi que sur les côtés de la tête; une dent plus Jongue que les autres, de chaque côté de la mâchoire inférieure ; une peau visqueuse, parsemée de points ou de petites taches roussâtres : il vit dans les mers de l'Inde , et a été décrit, pour la première fois, par l’'im- mortel Linné *. Le tentaculé, que l’on pèche dans la Méditerranée, ressemble beaucoup au cornu; il est alongé, visqueux, orné d'un appendice non palmé au-dessus de chaque œil, coloré par points ou par petites taches très-nom- breuses. Mais indépendamment que ces points sont d'une teinte très-brune , on voit sur la nageoire dor- sale une grande tache ronde qui imite un œil, ou, pour mieux dire, une prunelle entourée de son iris. De plus, le dessous de la tète montre trois ou quatre bandes transversales et blanches ; l'iris est argenté avec des points rouges; des bandes blanches et brunes s'étendent sur la nageoire de l'anus ; les dents sont très-peu iné- gales; et enfin, en passant sous silence d’autres dissem- blances moins faciles à saisir avec précision, le tenta- culé paroît différer du cornu par sa taille, ne parvenant guère qu'à une longueur moindre d'un décimètre. Au reste, peut-être, maloré ce que nous venons d'exposer, % A la nageoire dorsale du blennie cornu, 34 rayons. à chacune des pectorales 15 à chacune des jugulaires 2 à celle de l’anus 26 à celle de la queue 12 DE SE :O I S SO) NUS, 479 et l'autorité de plusieurs grands naturalistes, ne fau- droit-il regarder le tentaculé que comme une variété du cornu, produite par la différence des eaux de la Méditerranée à celles des mers de l'Inde. Quoi qu'il en soit, c'est Brunnisch qui a fait connoître le tentaculé, en décrivant les poissons des environs de Marseille ". Le sujéfien a un appendice non palmé au-dessus de chaque œil, comme le cornu et le tentaculé; mais cet appendice est très-petit. Nous lui avons donné le nom de sujéfien, parce que le naturaliste Suef en a publié la description. Il parvient à la longueur de plus d'un décimètre. Son corps est menu; l'ouverture de sa bouche placée au-dessous du museau ; chacune de ses mâchoires garnie d'une rangée de dents très-courtes, égales et très-serrées ; son opercule branchial composé de deux pièces; sa nageoire dorsale précédée d’une pe- tite élévation ou loupe graisseuse, et réunie à celle de la queue, qui est arrondie‘. Les mers de l'Inde, qui sont l'habitation ordinaire * A la nageoire du dos du tentaculé, 34 rayons, à chacune des pectorales 14 à chacune des jugulaires 2 à celle de Panus 25 à celle de la queue IT ? À la nageoire dorsale du blennie sujéfien, 27 rayons. à chacune des pectorales 19 à chacune des jugulaires 2 à celle de l’anus 17 à celle de la queue 15 A7G.; HI ST O TRE NA T'URE Des du cornu, nourrissent aussi le fascé. Ce dernier blennie: est enduit d'une mucosité très-gluante, Sa partie supé- rieure est d'un bleu tirant sur le brun, sa partie infé- rieure jaunâtre: quatre ou cinq bandes brunes et trans- versales relèvent ce fond ; les intervalles qui séparent ces fasces, sont rayés de brunâtre ; d’autres bandes ou des taches brunes paroissent sur plusieurs nageoires ; celle de la queue, qui d'ailleurs est arrondie, montre une couleur grise *. Deux appendices non palmés s'élèvent entre les yeux ; la tête, brune par-dessus et jaunâtre par-dessous, est assez petite; l'ouverture branchiale très-grande ; celle de l'anus un peu rapprochée de la gorge, et la ligne latérale peu éloignée du dos. %* A la nageoire du dos du fascé, 29 rayons, à chacune des pectorales 13 à chacune des jugulaires 2 à celle de lanus 19 à. celle de la queue, qui est arrondies 1x _ LE BLENNEE, COQUIELA DIF Ox pêche ce poisson dans l'Océan d'Europe; ainsi que: dans la Méditerranée. Il n’a pas ordinairement deux déci-- mètres de longueur. Sur sa tête paroît un appendice cu-- tané, transversal, un peu mobile, et auquel on a donné le nom de créte. I habite parmi les rochers des rivages. H échappe facilement à la main de ceux qui veulent le- retenir, parce que son corps est délié et tres-muqueux.. Sa partie supérieure est brune et mouchetée, sa partie % Blennius coquillad. Blenne coquillade. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Blenvius galerita. Zinné, édition de Gmelin. Blennius crist capitis transversà , cutaceä. Artedi, gen, 27, sy, 44. Coquillade. Rondelet, première partie, li. 6, chap. 2x Alauda cristata. Zd. Galerita. Zd. 1bid. Aldrovand. lib. x, cap. 25, p. 114; Jonston. tab. 17, fig. 3. Chorlet. p. 137. Galerita. Raj. p. 73. Alauda cristata, sive galerita. Gésner, p. 17, 20, (germ.) fol. 4, a. IV illughby, Ichthyolog. p. 134. Adonis. Bellon, Aquat. 219. Crested blenny. Brit. Zoolog. 3, p. 167. Serom. Sondm. 322. Blennus galerita, Ascagne, pl. 19. Brosme toupée. Zd. ibid. % « 478 HISTOIRE" NATURELLE inférieure d'un verd foncé et noirâtre. On a comparé à une émeraude la couleur et l'éclat de sa vésicule du fel. Sa chair est molle *. Il vit assez long-temps hors de l'eau, parce que, dit Rondelet, l'ouverture de ses branchies est fort petite; ce qui s'accorde avec les idées que nous ayons exposées dans notre premier Discours, sur les causes de la mortalité des poissons au milieu de l'air de l'atmosphère. D'ailleurs on peut se sou- venir que nous avons placé parmi ceux de ces animaux qui vivent avec plus de facilité hors de l'eau , les osseux et les cartilagineux qui sont pénétrés d’une plus grande quantité de matières huileuses propres à donner aux membranes la souplesse convenable. Le APN 7 el PO D MAI PONS VENTE UN OS * A la nagcoire du dos 60 rayons. à chacune des pectorales 10 à chacune des jugulaires 2 à celle de l’anus 36 à celle de la queue 16 LELB LENNTE: S AUTEUR Nous avons trouvé une description très-détaillée et très-bien faite de ce blennie dans les manuscrits de Commerson , que Buffon nous a confiés dans le temps, en nous invitant à continuer son immortel ouvrage. On n'a encore rien publié relativement à ce poisson, -que le savant Commerson avoit cru devoir inscrire dans un genre particulier, et nommer l'alique sauteur. Mais il nous a paru impossible de ne pas le comprendre parmi les blennies, dont il a tous les caractères géné- raux, et avec lesquels l'habile voyageur qui l’a observé le premier, a trouvé lui-même qu'il offroit les plus grands rapports. Nous osons méme penser que si Com- merson avoit été à portée de comparer autant d'es- pèces de blennies que nous, les caractères génériques qu'il auroit adoptés pour ces osseux auroient été tels, qu'il auroit renfermé son sauteur dans leur grouppe. Nous avons donc remplacé la dénomination d'aliique sauteur par celle de Dlennie sauteur, et réuni dans le * Blennius saliens: Alticus saltatorius, pinn4 spurià in capitis vertice; seu pinnulà lon- gitudinali pone oculos cartilagineà ; seu alticus desultor, occipite cristato, ore circulari deorsum patulo. Commerson ;. manuscrits déja cités. AGO HATYS TOR IE TON VA EDOUNRIENENNE cadre que nous mettons sous les yeux de nos lecteurs, ce que présentent de plus remarquable les formes et les habitudes de ce poisson. Ce blennie a été découvert auprès des rivages, et particulièrement des récifs de la Nouvelle-Bretagne, dans la mer du Sud. Il ÿ a été observé en juillet 1768 (vieux style), lors du célèbre voyage de notre con- frère Bougainville. Commerson y a vu,se montrer par centaines. IL est très-petit, puisque sa longueur totale n’est ordinairement que de soixante-six milli- mètres , sa plus grande largeur de cinq, et sa plus grande hauteur de huit. Il s'élance avec agilité, glisse avec vitesse, ou, pour mieux dire, et pour me servir de l'expression de Com- merson, vole sur la surface des eaux salées ; il préfère les rochers les plus exposés à être battus par les vagues agitées, et là, bondissant, sautant, resautant, allant, revenant avec rapidité , il se dérobe en un clin d'œil à l'ennemi qui se croyoit près de le saisir, et qui ne peut le prendre que très-difficilement. Il a recu un instrument très-propre à lui donner cette grande mobilité. Ses nageoires pectorales ont une sur- face très-étendue, relativement à son volume ; elles représentent une sorte de disque lorsqu'elles sont dé- ployées ; et leur longueur, de douze millimètres, fait que, lorsqu'elles sont couchées le long du corps, elles atteiguent à très-peu près jusqu'à l'anus. Ce rapport D ES: P/OLI SAMONNTS AÔ! de forme avec des pégases, des scorpènes, des trigles, des exocets, et d’autres poissons volans, devoit lui en donner aussi un d'habitude avec ces mêmes animaux, et le douer de la faculté de s'élancer avec plus ou moins de force. La couleur du blennie sauteur est d'un brun rayé de noir, qui se change souvent en bleu clair rayé ou non rayé, après la mort du poisson. On a pu juger aisément, d'après les dimensions que nous avons rapportées, de la forme très-alongée du sauteur; mais de plus, il est assez comprimé par les côtés pour ressembler un peu à une lame. La mâchoire supérieure étant plus longue que l'infé- rieure, l'ouverture de la bouche se trouve placée au- dessous du museau. Les yeux sont situés très-près du sommet de la tête, gros, ronds, saillans, brillans par leur iris, qui a la cou- leur et l'éclat de l'or; et auprès de ces organes, on voit sur J'occiput une crète ou un appendice ferme, cartila- gineux, non composé de rayons, parsemé de points, long de quatre millimètres ou environ, arrondi dans son contour, et élevé non pas transversalement, comme celui de la coquillade, mais longitudinalement. Deux lames composent chaque opercule branchial. La peau du sauteur est enduite d’une mucosité très- onctueuse. Commerson dit qu'on n'appercoit pas d'autre ligne Jatérale que celle qui indique l'intervalle longitudinal TOME IL. 61 402 HIST-OIMNE NATURELLE qui règne de chaque côté entre les muscles dorsaux et les muscles latéraux *. * 5 rayons, au moins, à la membrane des branchies. 35 articulés, à la nageoire du dos. 13 à chacune des pectorales. 2 mous, et filiformes, à chacune des jugulaires, 26 à celle de anus. 0 à celle de la queue, qui est lancéolée, LE BLENNIE PIN ARUE Lr pinaru ressemble beaucoup au blennie sauteur. Il habite, comme.ce dernier poisson, dans les mers voi- sines de la ligne. Un appendice longitudinal s'élève entre ses yeux, de même qu'entre ceux du sauteur; mais cette sorte de crête est composée de petits filamens de cou- leur noire. De plus, le sauteur, ainsi que le plus grand nombre de blennies, n’a que deux rayons à chacune de ses nageoires jugulaires ; et le pinaru a ses nageoires jugulaires soutenues par trois rayons *. La ligne latérale de ce dernier osseux est d’ailleurs courbe vers la tète, et droite dans le reste de sa lon- gueur. On le trouve dans les deux Indes. : Blennius pinaru. Blennius cristatus. Linné, édition de Gmelin. Blenne pinaru. Daubenton, Encyclopédie méthodique. . Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Gronov. Mus.r1,n."75. Pinaru. Raj. Pisc. p. 73. 2 À la membrane branchiale 5 rayons. à la nageoire du dos 26 à chacune des pectorales 14 à chacune des jugulaires 3 à celle de l’anus 16 à celle de la queue, qui est arrondie, 1x ——————— LE BLENNIE GADOIÏIDES LE -BTEIMNENTEUBE L'ETTES, ET TA B'LMENNENUUE OT RMIPD PAC YEARS Ces trois poissons appartiennent au troisième sous- genre des blennies : ils ont deux nageoires sur le dos ; et on ne voit pas de barbillons ni d'appendices sur la partie supérieure de leur tète. Le gadoiïde a été découvert par Brunnich. Ce natu- raliste l’a considéré comme tenant le milieu entre les gades et les blennies ; et c’est pour désigner cette po- sition dans l'ensemble des êtres vivans, que je lui ai donné le nom de gadoïde. I a été compris parmi les gades par plusieurs célèbres naturalistes : mais la tn * Blennius gadoides. Brunn. Pisc. Massil. p. 24, n. 34. Gadus albidus. Zinné, édition de Gmelin. Gade à deux doigts. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. 2 Blennius mustela. ° Blennius mustelaris. Zinné, édition de Gmelin. Blennius pinnà dorsali anteriore triradiatâ. Mus. Ad. Frid. 1, p. 69. Blennius pinnä dorsi anteriore triradiatâ, posteriore 40. Zb:d, Blenne belette. Daubenton, Encyclopédie méthodique. id. Fonnaterre, planches de Encyclopédie méthodique. 5 Blennius tridactylus. Trifurcated. Pearant, Zoolog. Brit. tom. 3, p. 196. Gade trident. Bonnatcrre,; planches de l'Encyclopédie méthodique, HIS BOIRE N À TURE DE. 409 nécessité de former les différens genres d'animaux con- formément au plus grand nombre de rapports qu'it nous est possible d'entrevoir, et de les indiquer par des traits précis et faciles à distinguer, nous a forcés d'exiger pour les deux familles des blennies et des gades, des caractères d'après lesquels nous avons dû placer le gadoïde parmi les blenuies. Ce poisson habite dans la Méditerranée. Il est mou, étroit, légèrement comprimé. Sa longueur, analogue à eelle de la plupart des blennies, ne s'étend guère au- delà de deux décimètres. Sa mâchoire inférieure est plus courte que la supérieure, marquée de chaque côté de sept ou huit points ou petits enfoncemens, et gar- nie, au-dessous de son bout antérieur, d’un filäment souvent très-long. On voit deux aiguillons sur la nuque; la ligne latérale est droite. L'animal est blanchâtre, avec la tête rougeâtre. Des teintes noires règnent sur le haut de la première na- geoire dorsale , sur les bords et plusieurs autres por- tions de la seconde nageoiïre du dos, sur une partie de celle de l'anus, et sur celle de la queue *. * À la membrane branchiale dublennie gadoïde,, 7 rayons. à la première nageoire dorsale 10 à la seconde 56 à chacune des pectorales II à chacune des jugulaires 2 à celle de l’anus QE 3 à celle de la queue 16 460 HES TOR, NATURELLE Il est aisé de séparer de cette espèce de blennie celle à laquelle nous conservons le nom de belerte, En effet, ce dernier poisson n’a point de filament au-dessous du museau, et on ne compte que trois rayons à sa première nageoire dorsale *. Il a été découvert dans l'Inde. Le tridactyle a été considéré jusqu'à présent comme un gade ; il a sur-tout beaucoup de ressemblance avec le gade mustelle et le cimbre. Il a, de même que ces derniers animaux, la première nageoire dorsale cachée presque en entier dans une sorte de sillon longitudinal , et composée de rayons qui tous, excepté un, sont extrémement courts et difhciles à distinguer les uns des autres. Mais chacune de ses nageoires jugulaires n'est soutenue que:par trois rayons; et cela seul auroit dû nous engager à le rap- porter aux blennies plutôt qu'aux gades. Les nageoires jugulaires, ou thoracines, ayant été comparées, aussi- bien que les abdominales , aux pieds de derrièré des quadrupèdes, les rayons de ces organes de mouvement ont été assimilés à des doigts; et c'est ce qui a déter- miné à donner au blennie que nous examinons, le nom 0 * À la première nageoïire dorsale du blennie belette, 3 rayons, à la seconde 43 à chacune des pectorales 17 à chacune des jugulaires 2 à celle de lanus 29 à celle de la queue 13 on DES 1# 0 IRON &: 4OT spécifique de rridactyle, on à trois doigis. D'ailleurs, dans cet osseux, les trois rayons de chaque nageoire jugulaire ne sont pas réunis par une membrane à leur extrémité, et cette séparation vers un de leurs bouts les fait paroître encore plus analogues aux doigts des quadrupèdes,. La tête du tridactyle est un peu aplatie. Ses mâchoires sont garnies de dents recourbées : celle d'en-bas pré- sente un long barbillon au-dessous de son extrémité antérieure. ; On voit au-dessus de chaque nageoire pectorale une rangée longitudinale de tubercules, qui sont, en quel- que sorte, le commencement de la ligne latérale. Cette dernière ligne se fléchit très-près de son origine, forme un angle obtus , descend obliquement, et se coude de nouveau pour tendre directement vers la nageoire de la queue ”. La couleur de la partie supérieure de l'animal est d'un brun foncé; les plis des lèvres, et les bords de * 5 rayons à la membrane des branchies du bleanie tridactyle. r rayon trés-alongé et plusieurs autres rayons très-courts à la pre- mière nageoire dorsale. 45 rayons à la seconde. 14 à chacune des pectorales, 3 à chacune des jugulaires. 20 à celle de Panus. t6 à celle de la queue. ‘400 HISTOIRE NATURELLE, là membrane branchiale, sont d'un blanc très-éclatant. Ce blennie habite dans les mers qui entourent la Grande-Bretagne ; le savant auteur de la: Zoologie britannique Va fait connoître aux naturalistes. ——— rm ee LE" DB LENN'IE, CPITONRESR Les blennies dont il nous reste à traiter, forment le quatrième sous-genre de la famille que nous consi- dérons : ils n’ont ni barbillons ni appendices sur la * Blennius pholis. Baveuse, sur plusieurs côtes méridionales de France. Galeetto , auprès de Livourne. Mulgranoo, après des rivages de Cornouaïlles en Angleterre. Bulcard , zb:d. Blennius pholis. Zinné, édition de Gmelin. Blenne baveuse. Darbenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Mus. Ad. Frid. 2, p. 62. Blennius maxillà superiore longiore, capite summo acuminato. Arsedr, gen. 27, syn. 45 el 116. Du. Arist. lb. 9, cap. 37. Aldrovand. lib. x , cap. 25, p.114 etx16. Gesner, p. 18 et 714; et (germ.) fol. 4, a, et b, a Jonston, lib. 1,1tit.2, cap.2,a.1,tab.17,n. 4; et tab. 18, Tu 2e Charlet. Onom. 137. Willughby, Ichthyol. p.133 et 135, tab. H, 6 , fig. 2 et 4 Ray. p. 73, 7. 17 ef 74. Perce-pierre. Rondelet, première partie, liv. 6, chap. 22. Empetrum. /em, ibid. Alauda non cristata. 4, ibid. Baveuse. Zd, première partie, liv. 6, chap. 23, Pholis. Zd. ibid. Gronoy. Mus.2,n.175; Zooph. 6, n. 270. Bloch, pl. 7x , fig. 2. Smooth blenny. Brit. Zoolog. 3, p.169, n. 3, TOME 11. 62 490 HISTOIRMM NATURELLE tète, et leur dos ne présente qu'une seule nageoire: Le premier de ces poissons dont nous allons parler, est le pholis. Cet osseux à l'ouverture de la bouche grande, les lèvres épaisses, la mâchoire supérieure plus avancée que l'inférieure, et garnie, ainsi que cette der- nière, de dents aiguës, fortes et serrées. Les ouvertures des narines sont placées au bout d'un petit tube frangé: La langue est lisse, le palais rude, Pœil grand, l'iris rougeâtre, la ligne latérale courbe, et l'anus plus proche de la gorge que de la nageoire caudale *, La couleur du pholis estolivâtre avec de petites taches dont les unes sont blanches, et les autres d’une teinte foncée. Ce blennie vit dansl'Océan et dans la Méditerranée. Il s'y tient auprès des rivages, souvent vers les embou- chures des fleuves ; il s’y plaît au milieu des algues ; il y nage avec agilité ; il dérobe aisément à ses ennemis son corps enduit d’une humeur ou bave très-abondante et très-visqueuse , qui lui a fait donner un de ses noms; et quoiqu'il n'ait que deux décimètres de longueur, il se débat avec courage contre ceux qui l'attaquent, les mord avec cbstination , et défend de toutes ses forces * À Ja membrane des branchies 7 rayons. à la nageoire du dos 28 à chacune des pectorales I4 à chacune des jugulaires 2 à celle de l’anus 19 à celle de la queue 10 L D 2451. 1P 10 CL MO) NS. 49 une vie qu'il ne perd d'ailleurs que difficilement. Il n'aime pas seulement à se cacher au-dessous des plantes marines , mais encore dans la vase ; il s'y en- fonce comme dans un asyle, ou s'y place comme dans une embuscade. I se retire aussi très-souvent dans des trous de rocher, ÿ pénètre fort avant, et de là vient le nom de perce-pierre qu'on a donné à presque tous les blennies, mais qu’on lui a particulièrement appliqué. Il se nourrit de très-jeunes poissons, de très-petits crabes, ou d'œufs de leurs espèces ; il recherche aussi les animaux à coquille et principalement les bivalves, sur lesquels la faim et sa grande hardiesse le portent quelquefois à se jeter sans précaution à l'instant où il voit leurs battans entr'ouverts : mais il peut devenir la victime de sa témérité, être saisi entre les deux battans refermés avec force sur lui ; et c'est ainsi que fut pris _ comme dans un piége, un petit poisson que nous croyons devoir rapporter à l'espèce du blennie pholis, qui fut trouvé dans une huître au moment où l'on en écarta les deux valves , qui devoit y être renfermé depuis long-temps, puisque lhuître avoit été apportée à un très-grand nombre de myriamètres de la mer , et que découvrit ainsi, il y a plus de vingt ans, dans une sorte d'habitation très-extraordinaire , mon com- patriote et mon ancien ami le citoyen Saint-Amans, professeur d'histoire naturelle dans l'école centrale du département de Lot-et-Garonne , connu depuis long- LE 492 H IS TO T'RPEL NUANT) UVR /E LINE: temps du public par plusieurs ouvrages très-intéres- sans, ainsi que par d'utiles et courageux voyages dans les hautes Pyrénées *. * Voyez le Journal de physique, du mois d’octobre 1778. D arf LE LE | | + PR DUR) TRS NS > 4 A TA CRU. b AOL Torrt.2. LS - T'U15 age 293 SRE F KT TES US {are EE — CT TR | | | | | | EE PR ments MENT PRES À } Me 2e DATENT EUR | Degeve.Dels 1 4 FE ES F DL BA F Tardieu. dé 1. BLENNIE Bosquen.2.PLE CT 'RHINQUE Chétodonoide. 3. l'ov. L'exple. des PL du F. Fo. LE BLENNIE BOSQUIEN, Le citoyen Bosc, l'un de nos plus savans et plus zélés naturalistes , qui vient de passer plusieurs années dans les Etats-Unis d'Amérique, où il a exercé les fonctions de consul de la république française, a découvert dans la Caroline ce blennie, auquel j'ai cru devoir donner une dénomination spécifique qui rappelât le nom de cet habile naturaliste. Le citoyen Bosc a bien voulu me communiquer la description et le dessin qu'il avoit fait de ce blennie : l’une m'a servi à faire cet article ; j'ai fait graver l’autre avec soin ; et je m'empresse d’au- tant plus de témoigner ici ma reconnoissance à mon ancien confrère pour cette bienveillante communica- - tion > que, peu de temps avant son retour en Europe , il m'a fait remettre tous les desseins et toutes les des- criptions dont il s'étoit occupé dans l'Amérique septen- trionale relativement aux quadrupèdes ovipares, aux serpens et aux poissons, en m'invitant à les publier dans l'Histoire naturelle dont cet article fait partie. J'aurai une grande satisfaction à placer dans mon * Blennius bosquianus. Blennius morsitans. Pose, manuscrits. Blennius morsitans, capite cristà nullâ , corpore alepidot(o, viridi fusco, alboque variegato, pinnâ anali radiis apice recurvis, Habitat in Carolina. Note communiquée par L. Bosc. 494 HT ' ST OMR MEN IN ANT URI El ENDIE ouvrage les résultats des observations d’un naturalis(e aussi éclairé et aussi exact que le citoyen Bosc. Le blennie qu'il a décrit, ressemble beaucoup au pholis dont nous venons de parler; mais il en diffère par plusieurs traits de sa conformation , et notamment par la proportion de ses mâchoires , dont l'inférieure est la plus longue, pendant que la supérieure du pholis est la plus avancée. D'ailleurs l'anus du pholis est plus près de la gorge que de la nageoire caudale , et celui du bosquien est à une distance à peu près égale de ces deux portions du corps de l'animal *, La tête du bosquien est, en quelque sorte, triangu- laire ; le front blanchâtre et un peu aplati ; l'œil petit; l'iris jaune ; chaque mâchoire garnie de dents menues, très - nombreuses et très - recourbées ; la membrane branchiale étendue et peu cachée par l’opercule ; le corps comprimé, dénué en apparence d'écailles, gluant, d'une couleur verte foncée , variée de blanc, et relevée “par des bandes brunes cependant peu marquées. Les nageoires sont d’une teinte obscure, et tachetées de brun. Les onze premiers rayons de celle du dos sont plus courts et plus émoussés que les autres. Ceux qui soutiennent la nageoire de l'anus , se recourbent EEE eee * A la nageoire du dos 30 rayons. à chacune des pectorales 12 à chacune des jugulaires 2 à celle de l'anus 18 à celle de la queue 12 4} 7 D EL SIDE OUT SHSNO NES 495 en arrière à leur extrémité : cette nagcoire de l'anus et la dorsale touchent celle de la queue , qui est arrondie. Le bosquien a près d'un décimètre de longueur totale ; sa hauteur est de vingt-sept millimètres , etsa largeur de neuf. Cette espèce , suivant Île citoyen Bosc, est très-com- mune dans la baie de Charles-town. Lorsqu'on veut la saisir, elle se défend en mordant son ennemi, comme la murène anguille, avec laquelle elle a beaucoup de ressemblance ; et c’est cette manière de chercher à sauver sa vie, que le citoyen Bosc a indiquée par le nom distinctif de zzorsitans qu'il lui a donné dans sa description latine , et que j'ai dù , malgré sa modestie, changer en une dénomination dictée par l'estime pour l'observateur de ce blennie, > LE BLENNIE OVOVIVTP ARS DE tous les poissons dont les petits éclosent dans le ventre de la femelle, viennent tout formés à la lumière, et ont fait donner à leur mère le nom de iyipare , le blennie que nous allons décrire , est l'espèce dans laquelle ce phénomène remarquable a pu être observé avec plus de soin et connu avec plus d’exactitude. Voilà pourquoi on lui a donné le nom distinctif de vivipare, que nous n'avons pas cru cependant devoir * Blennius ovoviviparus. Blennius viviparus. Linné, édition de Gmelin. Blenne vivipare. Davbentor, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l’ Encyclopédie méthodique. Faun. Suecic. 317. Mill. Prodrom. Zoolog. Dunic. p. 43, n. 358 ; et Zoolog. Danic. t. 57. Mus. Ad. Frid. 3, p. 69. Tanglake. Act. Stockh. 1748, p. 32, tab. 2. Gronov. Mus.x,p.65,n. 1453 Zooph. p. 77, n. 266. Act. Upsal. 1742, p. 87e Bloch, pl:r72. Blennius capite dorsoque fusco flavescente lituris nigris, pinnâ ani flavé. Artedi, syn. 45. Tertia mustelarum species vivipara et marina. Schonev. p. 49, bo. Mustela marina vivipara. Zd. tab. 4, fig. 2. Jonston, Pisc. p. x, tab. 46 , fig. 8. Mustela vivipara Schoneveldii. Æ/4ghby, Ichthyol. p. 122. Raj. p. 69. Viviparous blenny. Brit, Zoolog. 3, p.172, n. 5, tab. 10. HU SMMOMMRIE TON AN IQUPREE MALE 497 lui conserver sarfs modification , de peur d'induire plu- sieurs de nos lecteurs en erreur, et que nous avons remplacé par celui d'ovovivipare , afin d'indiquer que s'il n'éclot pas hors du ventre de la mère, s'il en sort tout formé , et déja doué de presque tous ses attributs, il vient néanmoins d'un œuf, comme tous les poissons , et n'est pas véritablement vivipare, dans le sens où l'on emploie ce mot lorsqu'on parle de l'homme, des quadrupèdes à mamelles, et des cétacées”. Voilà pour- quoi aussi nous allons entrer dans quelques détails relativement à la manière de venir au jour, du blen- nie dont nous écrivons l’histoire , non seulement pour bien exposer tout ce qui peut concerner cet animal curieux, mais encore pour jeter un nouveau jour sur les différens modes de reproduction de la classe entière des poissons. Mais auparavant montrons les traits distinctifs et les formes principales de ce blennie*. L'ouverture de sa bouche est petite, ainsi que sa tète ; les mâchoires , dont la supérieure est plus avancée que l’inférieure, sont garnies de petites dents, et recou- : On peut consulter, à ce sujet, ce que nous avons écrit dans le Discours sur la nature des serpens , et dans le Discours sur la nature des poissons. * 7rayons à la membrane des branchies. 20 à chacune des nageoires pectorales. 2 à chacune des jugulaires: 148 à celles du dos, de la queue et de l’anus, considérées comme ne formant qu’une seule nageoire. TOME 11. 63 498 HI SITONRE) NATURELLE vertes par des lèvres épaisses ; la langue est courte et lisse comme le palais ; deux os petits et rudes sont pla- cés auprès du gosier ; les orifices des narines paroissent chacun au bout d'un petit tube non frangé ; le ventre est court ; l'ouverture de l'anus très-grande ; la ligne latérale droite; la nageoire de l'anus composée de plus de soixante rayons, et réunie à celle de la queue; et souvent cette dernière se confond aussi avec celle du dos. Les écailles qui revètent l'ovovivipare, sont tres-pe- tites, ovales, blanches. ou jaunâtres et bordées de noir ; du jaune règne sur la gorge, et sur la nageoire de l'anus ; la nageoire du dos est jaunâtre, avec dix ow douze taches noires. La chair de ce blennie est peu agréable au goût:aussi est-il très-peu recherché par les pêcheurs, quoiqu'il parvienne jusqu'à la longueur de cinq décimètres. Il est en effet extrèmement imprégné de matières visqueuses; son corps est glissant comme celui des murènes; et ces substances oléagineuses dont il est pénétré à l'intérieur ainsi qu'à l’extérieur, sent siabondantes, qu’il montre beaucoup plus qu'un grand nombre d'autres osseux, cette qualité phosphorique que l’on a remarquée dans les différentes portions des poissons morts et déja altérés *. Ses arêtes luisent dans l'obscurité , tant qu'elles ne sont pas entièrement desséchées ; et par une * Discours sur la nature des poissons. DES COMIPSES SOMNIRSE 499 suite de cette même liqueur huileuse et phospho- rescente , lorsqu'on fait cuire son squelette , il devient verdâtre. L'ovovivipare se nourrit particulièrement de jeunes crabes. Il habite dans l'Océan atlantique septentrional, et principalement auprès des côtes européennes, Vers l'équinoxe du printemps, les œufs commencent à se développer dans les ovaires de la femelle. On peut les voir alors ramassés en pelotons , mais encore extré- mement petits, et d'une couleur blanchâtre. A la fin de floréal, ou au commencement de’‘prairial , ils ont acquis un accroissement sensible, et présentent une couleur rouge. Lorsqu'ils sont parvenus à la grosseur d'un grain de moutarde , ils s'amollissent , s'étendent, s’alongent; et déja l'on peut remarquer à leur bout supé- rieur deux points noirâtres qui indiquent la tète du fœtus, et sont les rudimens de ses yeux. Cette partie de l'embryon se dégage la première de la membrane amollie qui compose l'œuf; bientôt le ventre sort aussi de l'enveloppe, revêtu d’une autre membrane blanche et assez transparente pour qu'on puisse appercevoir les intestins au travers de ce tégument ; enfin la queue, semblable à un fil délié et tortueux, n’est plus contenue dans l'œuf, dont le petit poisson se trouve dès-lors entièrement débarrassé. Cependant l'ovaire s'étend pour se prêter au déve- loppement des fœtus ; il est, à l'époque que nous retra- ÇOnS, rempli d'une liqueur épaisse, blanchâtre , un peu bco HISTOIRE (NA TU RAR ELTHE sanguinolente, insipide , et dont la substance présente des fibres nombreuses disposées autour des fœtus comme un léger duvet , et propres à les empêcher de se froisser mutuellement. On a prétendu qu'indépendamment de ces fibres, on pouvoit reconnoître dans l'ovaire , des filamens particuliers qui , semblables à des cordons ombilicaux, partoient des tuniques de cet organe , s’étendoient jusqu'aux fœtus, et entroient dans leur corps pour y porter vraisemblablement , a-t-on dit, la nourriture nécéssaire. On n'entend pas comment des embryons qui ont vécu pendant un ou deux mois entièrement ren- fermés dans un œuf, et sans aucune communication immédiate avec le corps de leur mère , sont soumis tout d'un coup. lors de la seconde. période de leur accroissement, à une maniere passive d'être nourris, et à un mode de circulation du sang, qui n'ont encore été observés que dans les animaux à. mamelles. Mais d’ailleurs les observations sur lesquelles on a voulu établir l'existence de ces conduits comparés à des cor- dons ombilicaux, n'ont pas été convenablement con- firmées. Au reste, il suffiroit que les fœtus. dont nous parlons, eussent été, pendant les premiers mois de leur vie, contenus dans un véritable œuf, et libres de toute attache immédiate au corps de la femelle, pour que la grande différence que nous avons indiquée entre les véritables vivipares et ceux qui ne le sont pas”, sub: #. Discours sur la nature des poissons. D'E S POI HS ON S L'e: sistât toujours entre ces mêmes vivipares ou animaux à mamelles, et ceux des poissons qui paroissent le moins ovipares , et pour que la dénomination d'opovivipare ne cessât pas de convenir au blennie que nous décri- vons. Et cependant ce qui achève de prouver que ces fila- mens prétendus nourriciers ont une destination bien différente de celle qu’on leur a attribuée, c'est qu'à mesure que les fœtus grossissent , la liqueur qui les environne s'épuise peu à peu, et d'épaisse et de pres- que coagulée qu'elle étoit, devient limpide et du moins très-peu visqueuse, ses parties les plus grossières ayant été employées à alimenter les embryons. Lorsque le temps de la sortie de ces petits animaux approche, leur queue, qui d'abord avoit paru sinueuse, se redresse , et leur sertà se mouvoir en différens sens, comme pour chercher une issue hors de l'ovaire. Si dans cet état ils sont retirés de cet organe , ils ne périssent pas à l'instant, quoique venus trop tôt à la lumiere : mais ils ne vivent que quelques heures : ils se tordent comme de petites murènes, sautillent, et remuent plu- sieurs fois leurs mâchoires et tout leur appareil bran- chial avant d'expirer, On a vu quelquefois dans la même femelle jusqu'a trois cents embryons , dont la plupart avoient plus de vingt-cinq millimètres de longueur *. * Consultez particulièrement l’ouvrage de Schoneveld , cité si souvent dans cette Histoire. 5o2 HIS TON RE N A MU R'ETALE: IL s'écoule souvent un temps très-long entre le mo- ment où les œufs commencent à pouvoir être distingués dans le corps de la mère, et celui où les petits sortent de l'ovaire pour venir au jour. Après la naissance de ces derniers , cet organe devient flasque , se retire comme une vessie vide d'air ; et les mâles ne diffèrent alors des femelles que par leur taille, qui est moins grande, et par leur couleur, qui est plus vive ou plus foncée. Nous ne terminerons pas cet article sans faire remar- quer que pendant que la plupart des poissons pélagiens s'approchent des rivages de la mer dans la saison où ils ont besoin de déposer leurs œufs, les blennies dont nous nous occupons , et qui n'ont point d'œufs à pon- dre, quittent ces mêmes rivages lorsque leurs fœtus sont déja un peu développés , et se retirent dans l'Océan à de grandes distances des terres, pour y trouver appa- remment un asyle plus sûr contre les pècheurs et les grands animaux marins qui à celte époque fréquentent les côtes de l'Océan , et à la poursuite desquels les femelles chargées du poids de leur progéniture pour- roient plus difficilement se soustraire de Je n’ai pas besoin d'ajouter que les œufs de ces blen- pies éclosant dans le ventre de la mère, et par consé- quent devant être fécondés dans son intérieur , il y a un accouplement plus ou moins prolongé et plus ou moins intime entre le mâle et la femelle de cette espèce, comme entre ceux des squales, des syngnathes, etc. * Voyez le même ouvrage de Schoneveld. LE'BLENNIE GUNNEER Le gunnel est remarquable par sa forme comprimée ainsi que très-alongée , et par la disposition de ses cou- leurs. Il est d'un gris jaunâtre , et souvent d’un olivatre foncé dans sa partie supérieure; sa partie inférieure est blanche, ainsi que son iris ; la nageoire dorsale et celle de la queue sont jaunes; les pectorales présentent une belle couleur orangée, qui paroît aussi sur la nageoire de l'anus , et qui y est relevée vers la base par des: taches tres-brunes. Mais ce qui frappe sur-tout dans la * Blennius gunnellus. Gunnel, d’où vient gunnellus, signifie en anglois , plat bord, et désigne Ja forme très-alongée et très-comprimée du blennie dont il est question dans cet article, Butter fish, sur quelques côtes d’ Angleterre. Liparis, dans quelques contré.s de l'Europe. Blenvius gunnellus, Zinné, édition de Gmelin. Blenne gunnel. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre ,. planches de l'Encyclopédie méthodique. Mus. Ad, Frid. 1, p. 69, Faun. Suecic. 318. Block, pl. 65, fig. x. Blennius maculis circiter decem nigris, etc. Artedi, GER, 27 SYA. 45. Gronov. Mus.1,n.77; Zooph. p. 78, n. 267. Willughby, Ichtiyolog. p.115, tab. G, 8, fig. 3. Raÿ. Pisc. p. 144, 7. 11. Gunellus. Seë. Myus. 3, P: 91) tab. 30 > Sig. 6: Brit. Zoolog. 3, p: 171, #. 4, tab. ro. O4 0H 1: S T'OUICROE EN AU NR ENTRE distribution des nuances du gunnel, c’est que , le long de la nageoire dorsale , on voit de chaque côté neuf ou dix et quelquefois douze taches rondes ou ovales, placées à demi sur la base de la nageoire, et à demi sur le dos proprement dit, d'un beau noir, eu d’une autre teinte très-foncée, et entourées, sur plusieurs individus , d'un cercle blanc ou blanchâtre , qui Les fait ressembler à une prunelle environnée d’un iris. La tête est petite, ainsi que les nageoires jugulaires *. Des dents aiguës garnissent les mâchoires , dont l’infé- rieure est la plus avancée. La ligne latérale est droite ; l'anus plus éloigné de la nageoire caudale que de la gorge. Par sa forme générale , la petitesse de ses écailles, la viscosité de l'humeur qui arrose sa surface , la figure de ses nageoires pectorales, le peu de hauteur ainsi que la longueur de celle de sen dos ; et enfin la vitesse de sa natation , le gunnel a beaucoup de rapports avec la murène anguille: mais il n'a pas une chair aussi agréable au goût que celle de ce dernier animal. Il vit dans l'Océan d'Europe; il s'y nourrit d'œufs de poisson, et de vers ou d'insectes marins ; et il y est souvent dévoré par les cartilagineux et les osseux un peu grands, ainsi que par les oiseaux d’eau. * A la nageoire dorsale 88 rayons. à chacune des pectorales 3 10 à chacune des jugulaires 2 à celle de Panus 43 à celie de la queue, qui est un peu arrondie, 18 k D'E: SE NONl SYST7OTNUS: bo Nous croyons, avec le professeur Gmelin, devoir regarder comme une variété de l'espèce du gunnel , un blennie qui a été décrit par Othon Fabricius dans la Faune du Groenland”, et qui ne paroît différer d’une manière très-marquée et très-constante de l'objet de cet article que par sa longueur, qui n’est que de deux décimètres, pendant que celle du gunnel ordinaire est de trois ou quatre, par le nombre des rayons de ses nageoires *, et par la couleur des taches œillées et rondes ou ovales de la nageoire du dos, dont communément cinq sont noires, et cinq sont blanchâtres ou d’un blanc éclatant. : Or. Fabr. Faun. Groenl. p.153, n. 110. > 7 rayons à la membrane des branchies du gunnel décrit par Othon Fabricius. 5o rayons à la nageoire dorsale. 17 à chacune des pectorales. 4 à chacune des jugulaires. 38 à celle de l’anus. 18 à celle de la queue. TOME IX 64 LE BLENNIE) POTNTIETES LA description de ce blennie n’a encore été publiée par aucun auteur. Nous avons vu dans la collection du Muséum national d'histoire naturelle, un individu de cette espèce; nous en avons fait graver une figure, que l’on trouvera dans cette Histoire. La tête est assez grande, et toute parsemée, par-dessus. ct par les côtés, de petites impressions , de pores ou de points qui s'étendent jusque sur les opercules, et nous ont suggéré le nom spécifique de ce blennie. L'ouverture de la bouche est étroite; les lèvres sont épaisses ; les dents aiguës et serrées ; les yeux ronds et très-gros ; les écailles très - facilement visibles ; les nageoires pectorales ovales et très-grandes ; les jugu- aires composées chacune de deux rayons mous, ou fila- mens, presque aussi longs que les pectorales. La ligne latérale se courbe au-dessus de ces mêmes pectorales, descend comme pour les environner, et tend ensuite directement vers la queue. La nageoire du dos, qui commence à la nuque, et va toucher la nageoire cau- dale , est basse; les rayons en sont garnis de petits fila- mens, et tous à peu près de la même longueur, excepté les huit derniers, dont six sont plus longs et deux plus * Blennius punctulatus. H 1 STORE N À T'UR FLN ES 507 courts que les autres. La nageoire de l'anus est séparée de la caudale, qui est arrondie *. Un grand nombre de petites taches irrégulières et nuageuses sont répan- dues sur le pointillé. * A la nageoire du dos 47 rayons. à chacune des pectorales 17 à chacune des jugulaires 2 à celle de l’anus à 29 à celle de la queue 13 LE BLENNTE. GA RA MTA3 LE BLENNIE LUMPÈNE’: ET LE BLENNIE TORSKS: Le garamit a été placé parmi les gades : mais il a été regardé par Forskael, qui l'a découvert, comme devant . tenir le milieu entre les gades et les blennies; et les ca- ractères qu'il présente nous ont forcés à le comprendre: parmi ces derniers poissons. Ses dents sont inégales ; on en voit de placées vers le bout du museau, qui sont : Blennius garamit. Gadus salarias. F'orsk. Faun. Arab. Gadus garamit. Id. ibid. Gade garamit. Bonnaterre, plinches de P Encyclopédie méthodique. : Blennius lumpenus. Id. Linné, écition de Gmelin, Variété du blenue vivipare. Daxbenton, Encyclopédie méthodique. Blenne lumpène. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Mill. Prodrom. Zoolog. Danic. p. ix. Blennius cirris sub gula pinniformibus quasi bifidis, etc. Aréedr, syn. 45. Tangbrosme. Strom. Sondm. 1, p. 315, n. 4. Ot. Fabric. Faun. Croenl. p. 151, n. 109. 3 Blennius torsk. Strom. Sondm. 1, p. 272. Pennant, Zoclog. Bri. 3, p. 203, n. 89. Gade torsk. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. HISTOIRMEVNATURELLE. 509 beaucoup plus longues que les autres, et qui, par leur forme, ont quelque ressemblance avec les crochets des quadrupèdes carnassiers. Il présente diverses teintes disposées en taches nuageuses ; la nageoire dorsale règne depuis la nuque jusqu'a la nageoire caudale: La ligne latérale est à peine visible, et assez voisine du dos. Ce blennie est long de trois ou quatre déci- mètres. Il se trouve dans les eaux de la mer Rouge”. C'est dans celles de l'Océan d'Europe qu'habite le lumpène. Il y préfère les fonds d’argille ou de sable, s'y cache parmi les fucus des rivages, et y dépose ses œufs vers le commencement de l'été. Ses écailles sont petites, rondes, fortement attachées. Sa couleur est jaunâtre sur la tète, blanchâtre avec des taches brunes sur le dos et les côtés, jaune et souvent tachetée sur la queue, blanche sur le ventre. Ses nageoires jugulaires, par leur forme et par leur position, ressemblent à des barbillons; elles comprennent chacune trois rayons ou filamens, dont le dernier est le plus alongé*. : A la membrane branchiale du garamit, 6 rayons. à la nageoire dorsale 36 à chacune des pectorales 14 à chacune des jugulaires 2 à celle de l'anus 26 à celle de la queue 19 = À la nageoire dorsale du lumpène, 63 rayons. à chacune des pectorales 15 à chacune des jugulaires > à celle de l’anus 41 à celle de la queue 18 SIO HISTOIRE NAŒMURELLE. Le torsK préfère les mers qui arrosent le Groenland, ou celles qui bordent l'Europe septentrionale. II pré- sente un barbillon, et ce filament est au-dessous de l'extrémité antérieure de la mâchoire d’en-bas. Ses nageoires jugulaires sont charnues, et divisées en quatre appendices. Le ventre est gros et blanc; la tête brune : les côtés de l'animal sont jaunâtres ; les na- seoires du dos, de la queue et de l'anus, lisérées de blanc. Ce blennie parvient à la longueur de six ou sept décimètres, et à la largeur d'environ un décimètre et demi *. % A la membrane branchiale du torsk, Bb rayons. à la nagcoire du dos 31 à chacune des pectorales 8 à celle de l’anus 21 QUARANTE-NEUVIÈME GENRE. LES OLIGOPODES. Une seule nageoire dorsale; cette nageoire du dos com- mencant au-dessus de la téte, et s'étendant jusqu'à la nagcoire caudale, ou à peu pres; un seul rayon & chaque nageoëre Jugulaire: ESPÈCE. CARACTÈRES. L'OLIGOPODE VÉLIFÈRE, nageoire du dos, tres-élevée; celle de la (Olisopodus veliferus.) queue, fourchue. L'O LLC OP OMR MIE TM RER LA position des nageoires inférieures ne permet pas de séparer les oligopodes des jugulaires, avec lesquels ils ont d'ailleurs un grand nombre de rapports. Nous avons donc été obligés de les éloigner des coryphènes, qui sont de vrais poissons thoracins, dans le genre des- quels on les a placés jusqu'à présent, et auxquels ils ressemblent en effet beaucoup, mais dont ils diffèrent cependant par plusieurs traits remarquables. On peut les considérer comme formant une des nuances les plus faciles à distinguer, parmi toutes celles qui lient les jugulaires aux thoracins, et particulièrement les blen- nies aux coryphènes; mais on n’en est pas moins forcé de les inscrire à la suite des blennies, sur les tables méthodiques par le moyen desquelles on cherche à présenter quelques linéamens de l'ordre naturel des êtres animés. k Parmi ces olivopodes, que nous avons ainsi nommés pour désigner la petitesse de leurs nageoires thoracines, et qui, par ce caractère seul, se rapprocheroient beau- * Oligopodus veliferus. Coryphæna velifera. Zinné, édition de Gmelin. Pallas, Spicil. zo0l0g.8, p.19, tab. 3, fig. x. Coryphène éventail. Dawbenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. H.1.S TO: LRÈE! N À TU RIE D LUE: 519 coup des blennies, on ne connoît encore que l'espèce à laquelle nous croyons devoir conserver le nom spéci- fique de vélifére*, C’est au grand naturaliste Pallas que l’on en doit la première description. On lui avoit apporté de la mer des Indes l'individu sur lequel cette première description a été faite. La forme générale du vélifère est singulière et frappante. Son corps, très-alongé, très-bas et com- primé, est, en quelque sorte, distingué difficilement au milieu de deux immenses nageoires placées, l’une sur son dos, et l’autre au-dessous de sa partie infé- rieure, et qui, déployant une très-grande surface, méritent d'autant plus le nom d'éventail où de voile, qu'elles s'étendent, la première depuis le front, et la seconde depuis les ouvertures branchiales jusqu'à la nageoire de la queue, et que d’ailleurs elles s'élèvent ou s'abaissent de manière que la ligne que l’on peut tirer du point le plus haut de la nageoïre dorsale au point le plus bas de la nageoire de l'anus, surpasse la longueur totale du poisson. Chacune de ces deux sur- faces latérales ressemble ainsi à une sorte de losange irrégulier, et curviligne dans la plus grande partie de * A la membrane des branchies 7 rayons. à celle du dos 55 à chacune des pectorales 14 à chacune des jugulaires 1 à celle de Panus 5x à celle de la queue 22 TOME Il. 65 Br4) HTISITONRE.IN AMQUIRIFELIE son contour. Et c'est à cause de ces deux voiles supé- rieure et inférieure, que l’on a mal-àä-propos com- parées à des rames ou à des ailes, que plusieurs natu- ralistes ont voulu attribuer à l'oligopode vélifère la faculté de s'élancer et de se soutenir pendant quelques momens hors de l'eau, comme plusieurs pégases, scor- pènes, trigles et exocets, auxquels on a donné le nom de poissons volans. Mais si l’on rappelle les principes que nous avons exposés concernant la natation et le vol des poissons, on verra que les nageoires du dos et de l’anus sont placées de manière à ne pouvoir ajouter très-sensiblement à la vitesse du poisson qui nage, ou à la force de celui qui vole, qu'autant que l'animal nageroit sur un de ses côtés, comme les pleuro- nectes, ou voleroit renversé sur sa droite ou sur sa gauche ; suppositions que l’on ne peut pas admettre dans un osseux conformé comme le vélifère. Les grandes nageoires dorsale et anale de cet oligopode lui servent donc principalement, au moins le plus souvent, à tour- ner avec plus de facilité, à fendre l'eau avec moins d'obstacles, particulièrement, en montant ainsi qu'en descendant, à se balancer avec plus d’aisance, et à se servir de quelques courans latéraux avec plus d'avan- tages ; et, de plus, il peut, en étendant vers le bas sa nageoire de l’anus, et en pliant celle du dos, faire descendre son centre de gravité au-dessous de son centre de figure, se lester, pour ainsi dire, par cette manœuvre, et accroître sa stabilité. Au reste, le grand D'E SOMPO 1 SSONS. bi5 déploiement de ces deux nageoires de l’anus et du dos ajoute à la parure que le vélifère peut présenter; il place en effet, au-dessus et au-dessous de ses côtés, qui sont d'un gris argenté, une surface très-étendue, toute par- semée de taches blanches ou blanchâtres, que la cou- leur brune du fond fait très-bien ressortir. La tête est couverte de petites écailles ; la mâchoire inférieure relevée, et garnie de deux rangées de dents; on n'en compte qu'un rang à la mâchoire supérieure. Les deux premiers rayons de la nageoire du dos sont très-courts , à trois faces, et osseux. Le premier de la nageoire de l'anus est aussi très-court et osseux ; le second est également osseux, mais il est assez long. On voit de chaque côté du corps et de la queue plu- sieurs rangées longitudinales d'écailles grandes, minces, légèrement striées, échancrées à leur sommet, et rele- vées à leur base par une sorte de petite pointe qui se loge dans l'échancrure de lécaille supérieure. Le corps proprement dit est très-court; l'anus est très-près de la gorge ; et voilà pourquoi la nageoire anale peut mon- trer la très-grande longueur que nous venons de re- marquer. CINQUANTIÈME GENRE. LES KURTES. Le corps très-comprimé, et carené par-dessus ainsi que pas-dessous; le dos élevé. ESPÈCE. CARACTÈRE. LE KURTE BLOCHIEN. D à 1 b des branchies. tt AE PI { eux rayons à la membrane des branchi LRU RTE. BB COCRHIENS CE poisson lie les jugulaires avec les thoracins par la grande compression latérale de son corps, qui res- semble beaucoup à celui des zées et des chætodons. Cette conformation lui donne aussi une grande ana- logie avec les stromatées ; et c'est pour ces différentes raisons que nous l'avons placé à la fin de Ia colonne des jugulaires, comme nous avons mis les stromatées à la queue de celle des apodes. Le savant ichthyologiste Bloch nous a fait connoître cet animal, qu'il a inscrit dans un genre particulier, et auquel nous avons cru devoir donner le nom de ce célèbre naturaliste. Le blochien a le corps très-étroit et très-haut ; et, de plus, une élévation considérable qui paroît sur le dos, et qui ressemble à une bosse, lui a fait attribuer par le zoologiste de Berlin la dénomination générique de Aurtus, qui signifie bossu. Sa tête est grande; son museau obtus; la mâchoire inférieure un peu recourbée vers le haut, plus avancée que la supérieure, et garnie, ainsi que cette dernière, de plusieurs rangées de très-petites dents ; la langue * Kurtus blochianus. Elich, pl. 169. Kurtus indicus. Zinné, édition de Gmelin. Le bossu. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. 519 HISTOIRE NAT UR EL TE courte et cartilagineuse; le palais lisse; l'œil gros; l’ou- verture branchiale étendue ; l'opercule membraneux; l'anus assez proche de la gorge; la ligne latérale droite, et la nageoire de la queue fourchue *. Il vit dans la mer des Indes ; il s’y nourrit de crabes, ainsi que d'animaux à coquille ; et, dès-lors, il est peu surprenant qu'il brille de couleurs très-éclatantes. Sa parure est magnifique. Ses écailles ressemblent à des lames d'argent; l'iris est en partie blanc et en partie bleu ; des taches dorées ornent le dos; quatre taches noires sont placées auprès de la nageoire dorsale; les pectorales et les jugulaires réfiéchissent Fa couleur de l'or, et sont bordées de rouge; les autres nageoires offrent une teinte d'un bleu céleste que relève un liséré d'un jaune blanchâtre. * 2 rayons à la membrane des branchies. 1 rayon non articulé et 16 rayons articulés à la nageoïre du dos. 13 rayons à chacune des pectorales. 1 rayon non articulé et 5 rayons articulés à chacune des jugulaires, 2 rayons non articulés et 30 rayous articulés à celle de l'anus. 18 rayons à celle de la queue. PER CR Gr CEE SECONDE SOUS-CLASSE. POISSONS OSSEUX. Les parties solides de l'intérieur du corps, osseuses. PREMIÈRE DIVISION. Poissons quiont un opercule etune membrane des branchics. D'EX- NE UV LENE OUR DRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, ou TROISIÈME ORDRE DE LA PREMIÈRE DIVISION DES OSSEUX. Poissons thoracins, ou qui ont des nageoires inférieures placées sous la poitrine et au-dessous des pectorales. CINQUANTE-UNIÈME GENRE. LES LÉPIDOPES. Le corps très-alongé et comprimé en forme de lame; un seul rayon aux nageoires thoracines, et à celle de l'anus. ESPÈCE. CARACTÈRE. LE LÉPIDOPE GOUANIEN. fLa mâchoire inférieure plus avancée que la (Lepidopis gouanianus.) supérieure, LE LÉPIDOPE GOUANTENS Crrre espèce a été décrite, pour la première fois ; par mon savant confrère le professeur Gouan, de Montpellier, qui l’a séparée, avec beaucoup de raison, de tous les genres de poissons adoptés jusqu’à présent. Le nom distinctif que j'ai cru devoir lui donner, té- moigne le service que le citoyen Gouan a rendu aux naturalistes en faisant connoître ce curieux animal. Cet osseux vit dans la Méditerranée. Il a de très-grands rapports avec plusieurs apodes, particulièrement avec les leptures et les trichiures. Mais c'est le seul poisson dans lequel on n'ait observé qu’un seul rayon à la na- geoire de l'anus, ni à chacune des nageoires inférieures que nous nommons /horacines pour toutes les espèces de l'ordre que nous examinons , parce qu'elles sont situées sur le thorax. Ces nageoires anale et thoracines du gouanien ont d’ailleurs une forme remarquable : elles ressemblent à une écaille alongée, arrondie dans un bout, et pointue dans l’autre; et c’est de là que vient le nom générique de lépidope, /epidopus, pieds ou nageoires inférieures en forme d'écailles, ou écailleux, * Lepidopus gouanianus. Gouan, Histoire des poissons, p. 185, 38 Lépidope jarretière. Bonnaterre, planches de l Encyclopédie m‘t}o l'que. HIS TOTRES NA TUIR EL EE LPE: La tète du gouanien est plus grosse que le corps, et comprimée latéralement ; le museau pointu; la nuque terminée par une arête; chaque mâchoire garnie de plusieurs rangs de dents nombreuses et inégales ; l'œil voilé par une membrane, comme dans plusieurs apodes et jugulaires ; l'opercule d'une seule pièce ; l'ouverture branchiale grande et en croissant ; l'anus situé vers le milieu de la longueur totale ; la ligne laté- rale peu apparente ; la nageoire du dos très-basse et très-longue, mais séparée de celle de la queue, qui est lancéolée ; chaque écaille presque imperceptible ; la couleur générale d'un blanc argenté *. * A la membrane des branchies 7 rayons. à la nageoire lu dos 53 à chacune des nageoires inférieures ou thoracines 1 rayon. à celle de Panus I TOME II, 66 — CINQUANTE-DEUXIÈME GENRE. LES HIATULES. Point de nageoire de l'anus. ESPÈCE. CARACTÈRES. LA HIAT. GARDÉNIENNE. Le dents crochues aux mâchoires, et dez ( Hiatula gardeniana.) dents arrondies au palais. — LA HIATULE GARDENIENNE"*. Ox a compris jusqu'a présent dans le genre des labres, le poisson décrit dans cet article : mais les principes réguliers de classification, auxquels nous croyons de- voir nous conformer, s'opposent à ce que nous laissions parmi des osseux qui ont une nageoire de l'anus plus ou moins étendue, une espèce qui en est entièrement dénuée. Nous avons donc placé la gardénienne dans un geure particulier; et comme, dans chaque ordre , nous commençons toujours par traiter des poissons qui ont le plus petit nombre de nageoires, nous avons cru devoir écrire le nom des hiatules presque en tête de la colonne des thoracins : elles auroient même formé le premier genre de cette colonne, si les lépidopes n’avoient pas une nageoire de l'anus extrèmement petite, réduite à un seul rayon, pour ne pas dire à une seule écaille, si de plus ils ne présentoient pas des nageoires tho- racines également d'un seul rayon, et si d’ailleurs ils ne se rapprochoiïent pas de très-près, par leur corps très-alongé et par leurs formes très-déliées , de la plu- part des osseux apodes ou jugulaires. * Hiatula gardeniana. Labrus hiatula. Ziuné, édition de Gmelin. Labre hiatule. Danbenton, Encyclopédie méthodique. Id, Bonnaterre, planches de l’Ercyc'opédie méthodique. 524 H'1 ST OT'R EN ASMTUUNR ENMONT ES Le nom distinctif de gardénienne indique que c’est au docteur Garden qu'est due la découverte de cette espèce, qu'il a vue dans la Caroline. On soupconnera aisément qu'elle doit offrir beaucoup de traits com- muns avec les labres, parmi lesquels Linné et d’autres célèbres naturalistes l'ont comptée. Elle a, en effet, comme plusieurs de ces labres , les lèvres extensibles, et les rayons simples de la nageoire dorsale garnis, du côté de la queue, d’un filiment alongé. Les dents qui hérissent les mâchoires sont crochues ; celies qui revêtent le palais, sont arrondies de manière à représenter une portion de sphère. La nageoire du dos est noire dans sa partie postérieure ; l’opercule pointillé sur ses bords ; la couleur générale de l'animal variée par six ou sept bandes transversales et noires ; la ligne latérale droite ; la nageoire de la queue rec- tiligne *. *. 5 rayons à la membrane des branchies. 17 rayons simples ou aiguillons et 11 rayons articulés à la nageoire du dos. 16 rayons à chacune des nageoires pectorales. 1 rayon simple et à rayons articuiés à chacune des {horacinés. 21 rayons à la nageoire de la queue. CINQUANTE-TROISIÈME GENRE. LES CÉPOLES. Une nagcoire de l'anus; plus d'un rayon à chaque nagcoire thoracine; le corps et la queue trés-alongés et comprimés en forme de lame; le ventre à peu prés de la longueur de la véte; les écailles trés-petites. PFRYEAM VER 15 ONUIS=G'EUNRYE Point de ayons simples ou d'aiguillons aux nageoires. ESPÈCES. CARACTÈRES. 1. LE CÉPOLE TÆN1 “4 Le museau tres-arrondi; la nageoire de la (Cepola tœnra.) queue , pointue, 2. LE CÉP. SERPENTIFORME. : È Re {Le museau pointu (Cepola serpentiformis.) SE CON D, SOU, S- GENRE, Des rayons simples ou aiguillons aux nageoires. ESPÈCE, CARACTÈRES. F : : {Les nageoires rudes; la ligne latérale formée 3. LE CÉP. TRACHYPTÈRE. à PC Planet ler) par une série d’écailles plus grandes que les autres, RME GE PIONÉE: LP Æ IN AIT # PRESQUE tous les noms donnés à ce poisson désignent la forme remarquable qu'il présente : ces mots ruban , * Cepola tænia. Spase, ou épéc, dans plusieurs départemens méridionaux de France. Flamme. Cavagiro. Freggia. Vitta. : Cepola tænia. Zinné, éditicn de Gmelin. Cépole ténia. Daubenton, Encyclopédie méthodique, Bloch, pl 170. Toœua. Arist. lib. 2, cap: 13: OCppian. lib. x, p.5. Athen. lib. 7, p. 325. Flambo. Rondele', première partie, livre 11, chap. 1x6 Seconde espece de tænia. Zd, ibid: chap. 17. Tænia. Gesner, p. 938, et (germ.) fol. 56, a; con. anim. P: 404. Tzænia Rondelet, et tænia altera Rondelet. Æ/drov. Gb. 3, cap. 30, p+ 369 et 370. Jonst. p. 23, tab. 6, fig. x et 2. Charles. Onom. p.126. Tænia prima Rondeletii. Raj. p. 39. Tænia, ichthyopolis romanis cepole dicta. Viluglby, Ichthyol. p. 116. Tænia altera Rondeletii. Zd. ibid. p.118, Ruban de mer. V’a/mont-Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle: Flambeau. Zd. ibid. Euchelyopus totus pallidè rubens, in imo ventre albescens, etc. K/ein, Miss. pise. 14, p. 57, n. 10. : Nota. Nous croyons devoir prévenir nos lecteurs que lorsque nous citons, HISTOIRE NATURELLE. 927 bandeleite , flamme , lame , épée, montrent en quelque sorte à l'instant son corps très-alongé , très-aplati par les côtés , très-souple , très-mobile , se roulant avec facilité autour d'un cylindre , frappant l'eau avec viva- cité, s'agitant avec vitesse, s'échappant comme l'éclair, faisant briller avec la rapidité de la flamme les teintes rouges qu'anime l'éclat argentin d'un grand nombre de ses écailles, disparoissant et reparoissant au milieu des eaux comme un feu léger, ou cédant à tous les monvemens des flots, de la même manière que les Hammes où banderoles qui voltigent sur les sommets des mâts les plus élevés , obéissent à tous les courans de l'atmosphère. Les ondulations par lesquelles ce cé- pole exécute et manifeste ses divers mouvemens, sont d'autant plus sensibles , qu'il parvient à une longueur très-considérable relativement à sa hauteur, et sur- tout à sa largeur: il n'est large que d'un très-petit nom- bre de millimètres, et il a souvent plus d'un mètre de longueur. Le rouge dont il resplendit, colore toutes ses nageoires.Cette teinte se marie d'ailleurs à l'argent dont il est, pour ainsi dire, revêtu , tantôt par des nuances insensiblement fondues les unes dans les autres, tantôt dans les différens articles de cette Histoire, les ouvrages dans lesquels les auteurs qui nous ont précédés , ont traité des mêmes poissons que nous, et les dessins qu’ils ont donnés de ces animaux , nous n’entendons garantir en rien l'exactitude de leurs descriptions, ni celle des figures qu’ils ont publiées ; notre but est seulement d'indiquer que leurs planches ou leurs observations se rapportent à telle ou telle des espèces dont nous nous sommes occupés, 526 HILSTOIR EE" NATURELLE, par des taches très-vives ; et remarquons que la nourri- ture ordinaire de ce poisson si richement décoré con- siste en crabes et en animaux à coquille. Sa tête est un peu large ; son museau arrondi; sa mâchoire supérieure garnie d’unerangée et sa mâchoire inférieure de deux rangées de dents aiguës et peu ser- rées les unes contre les autres ; la langue petite, large et rude ; l'espace qui sépare les yeux, très-étroit ; l’ou- verture branchiale assez grande ; l'opercule composé d'une seule lame , et la place qui est entre cet opercule et le museau, percée de plusieurs pores ; la ligne laté- ‘ale droite ; la nageoire dorsale très-longue , de même que celle de l'anus ; et la caudale pointue *. Le corps du tænia est si comprimé et par conséquent si étroit, ses tégumens sont si minces , et toutes ses parties si pénétrées d'une substance oléagineuse et visqueuse , que lorsqu'on le regarde contre le jour , il paroît très-transparent , et qu'on apperçoit très-facile- ment une grande portion de son intérieur. Cette con- formation et cette abondance d'une matière huileuse n'aunoncent pas une saveur très -agréable dans les muscles de ce cépole ; et en efiet on le recherche peu. 1 habite dans la Méditerranée , et ÿ préfère, dit-on, le voisinage des côtes vaseuses. # A la membrane des hbranchies -6 rayons. à ja nageoire du dos 66 ; 1 pe à chacune des pectorales 15 à chacune des thoracines _: 6 à celle de Panus 60 à celle de la queue 19 LE CÉPOLE SERPENTIFORME *: LE tænia a le museau arrondi ; le serpentiforme l'a pointu. La nageoire caudale du tænia est pointue ; il pa- roit que celle du serpentiforme est fourchue. On a donc eu raison de ne pas les rapporter à la même espèce. On a comparé le second de ces cépoles à un serpent ; on l'a appelé serpent demer, serpent rouge, serpent rousedtre ; et voilà pourquoi nous lui avons donné le nom distinc- tif de serpentiforme. Sa couleur est d’un rouge plus ou moins pâle , avec des bandes transversales, nom- breuses , étroites, irrégulières , et un peu tortueuses. L'iris est comme argenté; les dents sont aiguës, la nageoire du dos et celle de l'anus très-longues , et assez * Cepola serpentiformis. Cepola rubescens. Linné, édition de Gmelin. Cépole serpent de mer. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Mus. Ad. Frid. 2, p.63. Ophidium macrophthalmum. System. rat. X, 1, p. 2594 Brunn. Pisc. Muassil. p. 28, n. 30. Tænia serpens rubescens dicta. Ar/edi, syn. 115. : Serpens marinus rubesceps. Gesner, (germ.) fol. 47, B. Autre serpent rouge. Rondelet, première partie, liv. 14, chap. 8. Murus alter, sive serpens rubescens Rondeletii. 4/drov. lib. 3, cap. 28, p. 367. T'æniæ potiùus species censenda. /7/{ughby, Lchthso1. p. 118. TOME IL. 67 530 HISTOIRE NATURELLE, basses *. Le serpentiforme vit dans la Méditerranée, de . ë même que le {ænia. * A Ja nageoire dorsale 69 rayons, à chacune des pectorales 15 à chacune des thoracines 6 à celle de l’anus 62 à celle de la queue 12 D 9 LE CÉPOLE TRACHYPTÈERE"*, C'rsrT dans le golfe Adriatique, et par conséquent dans le grand bassin de la Méditerranée , que lon a vu le trachyptère. 11 préfère donc les mêmes eaux que les deux autres cépoles dont nous venons de parler. Ses nageoires présentent des aiguillons ou rayons sim- ples , et sont rudes au toucher. Sa ligne latérale est droite, et tracée, pour ainsi dire, par une rangée d'é- | cailles que l’on peut distinguer facilement des autres. * Cepola trachyptera. Yd. Linné, édition de Gmelin. CINQUANTE-QUATRIÈME GENRE. LESMDÆNIOIDES. Une nageoire de l'anus; les nageoires pectorales en forme de disque, et composées d’un grand nombre de rayons; le corps et la queue très-alongés et comprimés en forme de lame; le ventre à peu près de la longueur de la tête; les écailles très-petites; les yeux à peine visibles; point de nageoire caudale. ESPÈCE. CARACTÈRES. LE TÆN. HERMANNIEN. RE ou quatre barbillons auprès de l’ouver- (Tænioides Hermannii.) ture de la bouche. Pl.14.Tag. 535. Tonr.2. Fillain 72 Œille ?. LE TÆNIOIDE HERMANNIEN*. Ce poisson, que nous avons dû inscrire dans un genre particulier , n'a encore été décrit dans aucun ouvrage d'histoire naturelle. Nous lui donnons un nom géné- rique qui désigne sa forme très-alongée , semblable à celle d’un ruban ou d’une banderole , et très-voisine de celle des cépoles qui ont été appelés tœnia. Nous le distinguons par l'épithète d’hermannien , pour donner au savant Hermann de Strasbourg une nouvelle preuve de l'estime des naturalistes , et de leur reconnoissance envers un professeur habile qui concourt chaque jour au progrès des sciences et particulièrement de l'ichthyo- logie. Ce tænioide , dont les habitudes doivent ressembler beaucoup à celles des cépoles, puisqu'il se rapproche de ces osseux par le plus grand nombre de points de sa conformation , et qui doit sur-tout partager leur agi- lité, leur vitesse , leurs ondulations, leurs évolutions rapides, en diffère eependant par plusieurs traits re- marquables. Premièrement, ses yeux sont si petits, qu'on ne peut les distinguer qu'avec beaucoup de peine, et qu'après les avoir cherchés souvent pendant long-temps, on ne Po + * Tænioides Hermannii, 534 HISTO TRE N NATURETPEEF: les apperçoit que comme deux petits points noirs : ce qui lui donne un rapport assez important avec les cécilies. Secondement, il n’a point de nageoire caudale ; et sa queue se termine ,comme celle des trichiures, par une pointe très-déliée, près de l'extrémité de laquelle on voit encore s'étendre la longue et très-basse nageoire dorsale qui part très-près de la tète, ettire son origine de la partie du dos correspondante à l'anus. Troisièmement , la nageoire anale esttrès-courte. Nous devons ajouter que la tête de l'hermannien est comme taillée à facettes, dont la figure que nous avons fait graver, montre la forme, les dimensions et la place. La peau de l'animal , dénuée d’écailles facilement visibles , laisse reconnoître la position des principaux muscles latéraux ; on voit des points noirs sur les pec- torales , ainsi que sur la nageoire de l'anus , et des raies blanchâtres sur la tête ; les barbillons , situés auprès de l'ouverture de la bouche, sont très-courts, et un peu inégaux en longueur. CINQUANTE-CINQUIÈME GENRE. LES GOBTITES, Les deux nageoires ihoracines réunies Tune à l'autre; deux nageoires dorsales. # POROE OM IPB RMS OU SE GUELNARIE. Les nageoires pectorales attachées immédiatement au corps de l'animal. ESPÈCES. CARACTÈRES. Vingt-six rayons à la seconde nageoire du 1,LE GOB. PECTINIROSTRE.) dos; douze aux thoracines; presque toutes ( Gobius pectinirostris. ) les dents de la mâchoire inférieure, placées horizontalement. Vingt-cinq rayons à la seconde nageoire du 2. LE GOBIE BODDAERT. dos; trente- quatre aux thoracines; les (Gobius boddaert.) rayons de la première nageoire du dos, fila- menteux; le troisième de cette nageoire dorsale tres-long. 3. LE GOBIE LANCÉOLÉ. (Gobius lanceolatus.) onze aux thoracines; la queue très-longue et terminée par une nageoire dont la forme ressemble à celle d’un fer de lance. Dix-sept rayons à la seconde nageoire du dos; 4 LE GOBIE APHYE. (Gobius aphya.) douze aux thoracines ; les yeux trés-rappro- chés l’un de l’autre; des bandes brunes sur par rayons à la seconde nageoire du dos; les nageoires du dos et de l'anus. LE 536 HISTOIRE NATURELLE ESPÈCES. CARACTÈRES. Dix-sept rayons à la seconde nageoire du dos; . LE GOBIE PAGANEL. douze aux thoracines; la première dorsale (Gobius pagancllus.) bordée de jaune ; la seconde et lP’anale pour- prées à leur base. 2 : douze aux thoracines; les ra - 6. LE GOB. ENSANGLANTÉ. ; JON (csene (Gobius cruentatus.) geoires du dos, plus élevés que la mem- brane; la bouche, la gorge, les oper- E rayons à la seconde nageoire du dos; cules et les nageoires, tachetés de rouge. 7. LE GOBIE NOIR-BRUN. Gobius nigro-fuscus). Seize rayons à la seconde nageoire dorsale ; douze aux thoracines ; le corps et la queue bruns ; les nageoires noires. Quatorze rayons à la seconde nagecire dor- 8. LE GOBIE BOULEROT. (Gobius boulerot.) sale ; dix à chacune desthoracines; un grand doi de taches brunes et blanches. Quatorze rayons à la seconde nageoire du dos ; huit à chacune des thoracines; les L quatre premiers rayons de la première dor- CE E GOBIE BOSC. x sale terminés par un filament; le corps et (Gobius bosc.) È L la queue gris et pointillés de brun; sept bandes transversales d’une couleur blan- châtre. douze aux thoracines; les cinq derniers ro LE /COBIE ARABIQUES rayons de la première dorsale, deux fois (Cobius arabicus.) plus élevés que la membrane, et terminés par un filament rouge. Quatorze rayons à la seconde nageoire du dos ; douze aux thoracines ; les rayons de LE GOBIE 3070. la première dorsale, plus élevés que Ja (Gcbius 7070.) membrane, et terminés par un filament ; Fe ons à la seconde nageoire du dos; les thoracines bleues, jh DIE 67 POI 8 S DNS. 537 ESPÈCES. CARACTÈRES. et aux thoracines ; le dernier rayon de la 12. LE GORIE BLEU. é rs seconde nageoire du dos, deux fois plus (Gobius cœruleus.) B d L long que les autres; le corps bleu ; la na- geoire de laqueue, rouge et bordée de noir. Douze rayons à la seconde nageoire du dos ; six à chacune des thoracines ; la mâchoire 13. LE GOBIE PLUMIER. ù supérieure plus avancée que l’inférieure ; (Gubius plamier,) : Ë 4 if É rayons à la seconde nagcoire du dos | point de tache æœillée sur la première dor- sale, ; Ouze rayons à la seconde nageoïire du dos ; douze aux thoracines ; dix à celle de l’anus ; les deux nageoires dorsales de la méme hauteur ; la couleur blanchâtre. 14. LE GOBIE ÉLÉOTRE, E rayons à la seconde nageoire du dos; (Gobius eleotris.) E : douze aux thoracines ; le second rayon de aÿ. LE GOBIE NÉBULEUX. ue la première nageoire du dos, terminé par (Gobius nebulosus.) L = P un filament noir deux fois plus élevé que la membrane. Onze rayons à la seconde nageoire dorsale; 16. LE GOBIE AwA 4 six à chacune des thoracines; la mâchoire (Gobius awaou.) | supérieure plus avancée ; une tache œillée sur la première nageoire du dos. E rayons à la seconde nageoire du dos; 17. LE GOBIE Noir. dix aux thoracines ; six rayons à la première (Gobius niger.) dorsale; le dernier de ces rayons éloigné des autres; la couleur noire. Onze rayons à la seconde nageoire du dos; 18. LE GOB. LAGOCÉPHALE quatre à chacune des thoracines; la mâ- (Gobéus lagocephalus.) choire supérieure très-arrondie par-devant ; les lévres épaisses. couleur blanchätre ; des taches brunes; les rayons des nageoires du dos et de l'anus, 19. LE GOBIE MENU. (Gobius minutus.) Cu rayons à la seconde nageoire du dos ; la rayés de brun. TOME 11. 08 538 HISTOIRE NATURELLE. ESPÈCE. CARACTÈRES, Dix rayons à la seconde nageoire du dos > 20. LE GOBIE CYPRINOÏDE.) douze aux thoracines; une crête triangu- (Gobius cyprinoïdes.) laire et noirâtre placée longitudinalement sur la nuque. SECOND SOUS-GENR E: Chacune des nageoires pectorales attachée à une prolon- gation charnue. ESPÈCE. CARACTÈRES, or. LE coB1e scurosser. (Treize rayons à la seconde nageoire du dos; (Gobins schlosser.) douze aux thoracines ; les yeux trés-saillans;, et placés sur le sommet de la tête. ELEC | LE: GOPBTE :PECTINTROSTR EP" Lxs gobies n'attirent pas l'attention de l'observateur par la grandeur de leurs dimensions , le nombre de leurs armes, la singularité de leurs habitudes ; mais le juste appréciateur des êtres n'accorde-t-il son intérêt qu'aux signes du pouvoir, aux attributs de la force, aux résultats en quelque sorte bizarres d'une organisation moins conforme aux lois générales établies par la Na- ture? Ah! qu'au moins dans la recherche de ces lois, nous échappions aux funestes eHets des passions aveu- gles! Ne pesons pas les familles des animaux dans la balance inexacte que les préjugés nous présentent sans cesse pour les individus de l'espèce humaine. Lorsque nous pouvons nous soustraire avec facilité à l'influence trompeuse de ces préjugés si nombreux , déguisés avec tant d'art, si habiles à profiter de notre foiblesse, ne négligeons pas une victoire qui peut nous conduire à des succès plus utiles, à une émancipation moins im- parfaite ; et ne consultons dans la distribution des rangs * Gobius pectinirostris. Id. Linné, édition de Gmelin. Gobie peigne. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthoa'ig re, Lagerstr. Chin. 29, fol. 3, Apocryptes chinensis. Osbeck, ZE. 130. #46 “HISTOIRE NATUREÉELE parmi les sujets de notre étude, que les véritables droits de ces objets à notre examen ainsi qu'à notre méditation. Si les gobies n'ont pas reçu pour attaquer, les formes et les facultés qui font naître la terreur, ils peuvent employer les manéges multipliés de la ruse et toutes les ressources d’un instinct assez étendu; s'ils n'ont pas, pour se défendre, des armes dangereuses , ils savent disparoître devant leurs ennemis, et se cacher dans des asyles sûrs ; si leurs formes ne sont pas très-extraordi- naires, elles offrent un rapport très-marqué avec celles des cyeloptères , et indiquent par conséquent un nou- veau point de centact entre les poissons osseux et les eartilagineux ; si leurs couleurs ne sont pas très-riches, leurs nuances sont agréables , souvent très-variées , quelquefois mème brillantes; s'ils ne présentent pas des phénomènes remarquables , ils fournissent des membranes qui réduites en pâte, ou, pour mieux dire, en colle, peuvent servir dans plusieurs arts utiles; si leur chair n'a pas une saveur exquise , elle est une nourriture saine , et, peu recherchée par le riche. elle peut fréquemment devenir l'aliment du pauvre; et enfin si les individus de cette famille ont un petit volume, iis sont en très-grand nombre, et l'ima- gination qui les rassemble, les voit former un vaste ensemble. Mais ce ne sont pas seulement les individus qui sont nombreux dans cette tribu ; on compte déja dans ce genre beaucoup de variétés et mème d'espèces. Etcomme D'E SN PIONT:SMS, OUNES. 541 nous allons faire connoître plusieurs gobies dont aucun naturaliste n’a encore entretenu le public, nous avons eu plus d’un motif pour ordonner avec soin l'exposi- tion des formes et des mœurs de cette famille. Nous avons commencé par en séparer {ous les poissons qu’on avoit placés parmi les vrais gobies , mais qui n'ont pas les caractères distinctifs propres à ces derniers animaux ; et nous n'avons conservé dans le genre que nous allons décrire , que les osseux dont les nageoires thoracines, réunies à peu près comme celles des cycloptères , for- ment une sorte de disque, ou d'éventail déployé, ou d'entonnoir évasé, et qui en même temps ont leur dos garni de deux nageoires plus ou moins étendues. Une considération attentive des détails de la forme de ces pageoires dorsales et thoracines , nous a aussi servi, au moins le plus souvent, à faire reconnoître les espèces: pour rendre la recherche de ces espèces plus facile, nous les avons rangées, autant que nous l'avons pu, d'a- près le nombre des rayons de la seconde nageoire dor- sale, dans laquelle nous avons remarqué des différences spécifiques plus notäbles que dans la première ; et lorsque le nombre des rayons de cette seconde nageoire dorsale a été égal dans deux ou trois espèces, nous les avons inscrites sur notre tableau d'après la quantité des rayons qui composent leurs nageoires thoracines. Mais avant de nous occuper de cette détermination de la place des diverses espèces de gobies, nous les avons fait entrer dans l'un ou dans l'autre de deux 549 HISTOTRE NATURELEE. sous-geures, suivant que leurs nageoires pectorales sont attachées immédiatement au corps, ou que ces instrumens de natation tiennent à des prolongations charnues. Le pectinirostre est, dans le premier sous-genre, l’es- pèce dont la seconde nageoire dorsale est soutenue par le plus grand nombre de rayons: on y en compte vingt- six *. Mais ce qui sufliroit pour faire distinguer avec faci- lité ce gobie, et lui a fait donner le nom qu'il porte, c'est ‘que presque toutes les dents qui garnissent sa mâchoire inférieure , sont couchées de manière à être presque horizontales , et à donner au museau de l’animal un peu de ressemblance avec un peigne demi-circulaire. Ce poisson vit dans les eaux de la Chine. * A la membrane des branchies 5 rayons. à la première nageoire du dos 5 à la seconde 26 à chacune des pectorales 19 aux thoracines 12 à celle de l’anus 26 à celle de la queue 1 EEE LE "GOBMHE :B'OD D'\MER/ES On a dédié au naturaliste Boddaert cette espèce de gobie, comme un monument de reconnoissance , vivant et bien plus durable que tous ceux que la main de l'homme peut élever. Ce poisson osseux a été pêché dans les mers de l'Inde. Il parvient à peine à la lon- gueur de deux décimètres. Il est d’un brun bleuâtre par-dessus , et d’un blanc rougeâtre par-dessous. Des taches brunes et blanches sont répandues sur la tête ; la membrane branchiale et la nageoire de la queue présentent une teinte blanche mêlée de bleu ; sept taches brunes placées au-dessus de sept autres taches également brunes, mais pointiflées de blanc, paroissent de chaque côté du dos; un cercle noir en- toure l'ouverture de l'anus ; quelques taches couleur de neige marquent la ligne latérale, le long de laquelle on peut d’ailleurs appercevoir de très-petites papilles ; la première nageoire du dos‘ est parsemée de points. 3 Gobius boddaert. Gobius Boddaerti. /irné, édition de Gmelin. Pallas, Spicileg. zoolog. 8, p. 11, tab. 2, fig. 45. Gobie boddaert. Bonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. 2 À la première nageoire du dos 5 rayons. à la seconde 25 à chacune des pectorales 21 aux thoracines 34 à celle de l’anus 25 à celle de la queue 18 544 HISTOTRE NATURELLE blancs; et cinq ou six lignes blanches s'étendent en travers entre les rayons de la seconde. Indépendamment des couleurs dont nous venons d'in- diquer la distribution , le boddaert est remarquable par la longueur des filamens qui terminent les rayons de sa première nageoire dorsale , et particulièrement de celui que l’on voit à l'extrémité du troisième rayon. De plus, sa chair est grasse , son museau très-obtus ; ses lèvres sont épaisses ; ses yeux un peu ovales et peu sail- lans ; et au-delà de l'anus , on distingue un petit appen- dice charnu et conique, que l’on a mal-à-propos appelé petit-pied , pedunculus , péduncule , et sux l usage duquel nous aurons plusieurs occasions de revenir. LÉ GOBIE LANCÉOLÉ®# CE poisson est très-alongé : la nageoire placée à l'ex- trémité de sa queue, est aussi très-longue ; elle est de plus très-haute, et façonnée de manière à imiter un fer de lance, ce qui a fait donner à l'animal le nom que nous lui avons conservé. Le docteur Bloch en a publié une figure d'après un dessin exécuté dans le. temps sous les yeux de Plumier ; et la collection de peintures sur vélin que renferme le Muséum national d'histoire naturelle , présente aussi une image de ce même gobie peinte également par les soins du même voyageur, et que nous avons cru devoir faire graver. On trouve le lancéolé dans les fleuves et les petites rivières de la Martinique. Sa chair est agréable, et il est couvert de petites écailles arrondies. La mâchoire supé- rieure est un peu plus avancée que l'inférieure. Deux lames composent l’opercule. L'anus est beaucoup plus près de la gorge que de la nageoire caudale. Les rayons de la première nageoire du dos s'élèvent plus haut que * Gobius lanceolatus. Id. Linné, édition de Gmelin. Block, p!. 38, fig. x et 6. Gronnv. Zooph:p. 82, n. 277, ‘ab. 4, fig. 4. Gobius oceanicus. Pa/las, Spicileg. zool0g. 8, p. 4. Gobie lancette. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. TOME II 69 546 H'LS'FOPRIE JN'AGT UNE L'DLE la membrane qui les réunit *. Les pectorales et celle de la queue sont d’un jaune plus ou moins mèlé de verd , et bordées de bleu ou de violet ; on voit, de chaque côté de la tête, une place bleuâtre et dont les bords sont rouges ; une tache brune est placée à droite et à gauche près de l'endroit où les deux nageoires dorsales se tou- chent ; et la couleur générale de l’animal est d'un jaune pâle par-dessus , et d'un gris blane par-dessous. ne %* À la membrane des branchies 5 rayons. à la première nageoire du dos 6 à la seconde 18 à chacune des nageoires pectorales 16 aux thoracines ZE à celle de l'anus 16 à celle de la queue 20 A F LL dt rare = à D48 LHISTOIRE) NA RURETLIE fait mention. Il n’a cependant frappé les yeux ni par ses dimensions , ni par ses couleurs : les premières ne sont pas très-grandes, puisqu'il parvient à peine à la longueur d'un décimètre ; et les secondes ne sont ni brillantes ni très-variées. Des bandes brunes s’é- tendent sur ses nageoires dorsales et de l'anus ; sa teinte générale est d’ailleurs blanchâtre:, avec quelques petites taches noires. Ses yeux sont très-rapprochés l’un de l’autre. Il a été nommé loche de mer, parce qu’il a de grands rapports avec le cobite appelé /oche de riviere, et dont nous nous entretiendrons dans la suite de cet ouvrage ”. * A la premiére nageoire du dos 6 rayons. à la seconde 17 à chacune des pectorales 18 aux thoracines 12 à celle de l'anus 14 à celle de la queue na) HiEaGOÏBI EXP. GA N ED EL EMMGOBTE ENS ANG LAN PE“ ETAT EN GOÏB'TEL NIOITR=B'RAU NS Le gobie paganel a été aussi nommé goujon ou gobie de mer, parce qu'il titau milieu des rochers de la Médi- : Gobius paganellus.. Kubes: Kolsres: Kavaiw te Paganello, dans plusieurs contrées de l'Italie. Gobius paganellus. Zinné, édition de Gmelin. Gobius lineâ luteâ transversà, etc. Artedi, gen. 29, syn. 46. Boulerot , o7 gouion de mer. Rondelet, première partie, liv. 6, chap. 16, édit. de Lyon, 1558. Gobius albus. BeZ/on. Id. Gesner, p. 393. Gobius marinus maximus flayescens. Zd. (germ.) fol. 6, L. Paganellus , 24 est gobius major et subflavus. Zd, p. 397. Gobius marinus Rondeletii. 4/drovand. lib. 1, cap. 20, p. 96. Paganellus, sez gobius major ex Gesnero. Z4. :bid. p. 65: Gobius secundus , paganellus Venetorum. /7'/9hby, p. 207. 1d. Raj. p. 75. Gobius paganellus. Hasse/quist. It. 326. Gobie goujon de mer. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre , planches de l'Encyclopédie méthodique. Paganello. Valmont-Bomare , Dictionnaire d'histoire naturelle: : Gobius cruentatus. Id. Linné , édition de Gmelin. Brunn. Pisc. Massil. p. 30, n. 42. Gobie pustuleux. Bonnaterre , planches de l'Encyclopédie méthodique. 550 HISTOLRE NATURELLE terranée. Il parvient quelquefois à la longueur de vingt- cinq centimètres. Son corps est peu comprimé. Sa cou- leur générale est d'un blanc plus ou moins mêlé de jaune , ce qui l'a fait appeler soujon blanc , et au milieu des nuances duquel on distingue aussi quelquefois des teintes vertes, et voilà pourquoi le nom grec de yaupos, verd, d'un verd jaune , ui a été donné par plusieurs auteurs anciens. IL a de plus de petites taches noires : sa première nageoire dorsale est, d’ailleurs , bordée d'un jaune vif; la seconde et celle de l'anus sont pourprées à leur base. La nageoire de sa queue est presque recti- ligne. II a de petites dents, la bouche grande, l'esto- mac assez volumineux , le pylore garni d’appendices ; et selon Aristote, il se nourrit d'algues, ou de débris de ces plantes marines. Sa chair est maigre, et un peu friable. C'est près des rivages qu'il va déposer ses œufs, comme dans l'endroit où il trouve l'eau la plus tiède suivant l’expression de Rondelet , l'aliment le plus abondant, et l'abri le plus sûr contre les grands pois- sons. Ces œufs sont plats, et faciles à écraser *. 5 Gobius nigrofuscus. Gobius bicolor. Linné, édition de Gmelin. Brunn. Pisc. Massil. p. 30, n. 41. Gobie, goujon petit deuil. Bonzcterre , planches de Encyclopédie mé- thodique. * A la première nageoire du dos 6 rayons. à la seconde 17 à chacune des pectorales 17 aux thoracines 12 à celle de l’anus 16 à celle de la queue 20 # DES S pt O IT'S SN ONRNTER 558 L'ensanglanté est pêché dans la Méditerranée, comme le paganel, auquel il ressemble beaucoup : mais les. rayons de ses deux nageoires dorsales sont plus élevés que les membranes. D'ailleurs sa bouche, ses opercules, sa gorge, et plusieurs de ses nageoires , présentent des. taches d'un rouge couleur de sang, qui le font paroître pustuleux. Sa eouleur générale est d'un blanc pâle , avec des bandes transversales brunes ; on trouve quel- ques bandelettes noires sur la nageoire de la queue, qui est arrondie ; les thoracines sont bleuätres. Ce pois- son a été très-bien décrit par le naturaliste Brunnich *. Le nom du noir-brun indique ses couleurs distinctives. Il n'offre que deux teintes principales ; il est brun, et toutes ses nageoires sont noires. Ses formes ressemblent beaucoup à celles de l’ensanglanté, et par conséquent à celles du paganel. Il habite les mêmes mers que ces deux gobies ; et c'est au savant cité dans la phrase pré- eédente que Fon en doit fa connoissance. Il n'a guère qu'un décimètre de longueur *. >? À Ja membrane branchiale 5 rayons, à la première nageoire du dos 6 à la seconde 16 à chacune des pectorales 19 aux thoracines 12 à celle de l’anus 15 à celle de la queue 15 = À la première nageoire du dos 6 rayons. à la seconde 16 à chacune des pectorales 19 aux thoracines 12 à celle de l’anus re) à celle de la qeuue 17 LEGO TEPPR OULER O1 Le boulerot a été nommé gobie ou goujon noir, parce que sur son dos de couleur cendrée ou blanchâtre s'éten- dent des bandes transversales très-brunes , et que d’ail- leurs il est parsemé de taches dont quelques unes sont blanches ou jaunes , mais dont le plus grand nombre * Gobius boulerot. Boulereau. ‘Go, dans plusieurs contrées de l'Jtalie, Goget, bid. Zolero , 1brd. Sea-gudgeon, ex Angleterre. Rock-fish. Zbid. Tpayuse Gobie boulereau. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l Encyclopédie méthodique. Gobius niger. Zinné, édition de Gmelin. Mus. Ad. Frid.x, p.m4;5et2, p. 64. Wüll. Prodrom. Zoolog. Dance. p. 44, n. 364. Gobius è nigricante varius, etc. Artedi, gen. 28, syr. 46. Ko. Aristot. lib. 2, cap. 17; Lib. 6, cap. 13; lib. 8, cap. 2, 13, 193 et lib. 9, cap. 2, 37. Id. Ælian. lib. 2, cap. bo. Athen. lib. 7, c. 39. Oppian. lib. x, p. 7; et lib.2,p, 46. Gobio. Plin. lib. 9, cap. 57. Columell. lil. 8, cap. 17. Juvenal. Satyr.-11, 4 Gobio marinus. Sabyian. fol, 214, b. Pet HISTOIRE NATURELLE, 553 est ordinairement d’un noir plus ou moins foncé. On voit des teintes jaunâtres sur sa partie inférieure et sur ses opercules. Sa longueur est communément de deux décimètres. Ses deux mâchoires, aussi avancées l'une que l'autre, sont armées chacune de deux rangs de petites dents; sa langue est un peu mobile; ses écailles sont dures. Ses nageoires thoracines *, colorées et réunies de manière à présenter à certains yeux une ressemblance vague avec une sorte de barbe noire, lui ont fait donner le nom de bouc, en grec rpæyos. Derrière l'anus , paroît un petit appendice analogue à celui que Gobio marinus niger. Bellon, Aquat. p. 233. Gesner , p. 393, 395 , 469, et (germ.) fol. 6, b. Boulerot noir. Rondelet, première partie ; liv. 6, chap. 17. ÆAldrovand. lib. x, cap. 20, p. 97. Willughby, p. 206. Gobius marinus niger. Ray. p.76. Gobius, ve/gobio niger. Schones. p. 36. ‘Gobius, gobio, et cobio marinus. Charlet. 135. Apocryptes cantonensis. Osbeck, If, 137. Block, pl..38, fig. x, 2, b. Eleotris capite plagioplateo, maxillis æqualibus, etc. Gronov. Mus. 2, Pe 1772170; Zooph. p-82,7. 280. Gobio branchiarum operculis et ventre flavicantibus. X/eir, Miss. pisc. b, P: 275 2.4. Gobius. Seba, Mus. 3, tab. 20. % A Ja première naçeoire du dos 6 rayons, à la seconde 14 à chacune des pectorales 18 à chacune des thoracines 10 à celle de l’anus 12 à celle de la queue 14 TOME II. 70 554 HISTOIRE NATURELLE: nous avons remarqué ou que nous remarquerons dans un grand nombre d'espèces de gobies. Sa nageoire caudale est arrondie, et quelquefois cet instrument de natation et toutes les autres nageoires sont bleus. Le boulerot se trouve non seulement dans l'Océan atlantique boréal, mais encore dans plusieurs mers de l'Asie. Vers le temps du frai, ilse rapproche des rivages et des embouchures des fleuves. Il vit aussi dans les étangs vaseux qui recoivent l'eau salée de la mer ; et lorsqu'on l'y pêche, il n'est pas rare de le trouver dans le filet, couvert d’une boue noire quina pas peu con- tribué à lui faire appliquer le nom de goujon noir. Sa chair n'est pas désagréable au goût : cependant Juvénal et Martial nous apprennent que sous les premiers em- pereurs de Rome, et dans le temps du plus grand luxe de cette capitale du monde, il ne paroissoit guère sur la table du riche et de l'homme somptueux. À T2 2. x Tom 2. à Pl16. 9 858. “à | | ] Des eve Del. TV Tardeu-Se 1 GOBIE Bosc. 2. POGONTAS Fasce . 3. Voyez l'expheakon des Planches du 3. Vol. L'É#SGQRIE BOSC* Mox confrère le citoyen Bosc a bien voulu me com- mupniquer la description de ce poisson, qu'il a vu dans la baie de Charles-town de l'Amérique septentrionale. Ce gobie a la tète plus large que le corps; les deux mâchoires également avancées ; les dents très-petites ; les yeux proéminens; les orifices des narines saïllans ; l'opercule branchial terminé en angle ; et les quatre premiers rayons de la première nageoire dorsale, pro- longés chacun par un filament délié. Il paroît sans écailles. Sa couleur générale est grise et pointillée de brun. Sept bandes transversales, irré- gulières, et d’une nuance plus pâle que le gris dont nous venons de parler, règnent sur les côtés, et s'étendent sur les nageoires du dos, qui d'ailleurs sont brunes, comme les autres nageoires *. On ne distingue pas de ligne latérale, : Gobius bosc. Gobius alepidoptus , corpore nudo , griseo, fasciis septem pallidis, Bosc, manuscrit déja cité. 2 Ala première nageoire dorsale 7 rayons, à la seconde 14 à chacune des pectorales 18 aux thoracines | 8 à celle de l’anus 10 à celle de la queue, qui est lancéolée , 18 x D56"" AMIS T'ON R'EMNA T'UIRIE) INTIME Le gobie bose ne paroït parvenir qu'à de très-petites dimensions : l'individu décrit par mon savant confrère avoit cinquante-quatre millimètres de long, et treize millimètres de large. On ne mange point de ce gobie. LE GOBIE ARABIQUE;, EEE LE GOBIE FO7ZO" ForskAEL a découvert l’arabique dans la contrée de Asie indiquée par cette épithète. Les cinq premiers rayons de la première nageoire du dos de ce gobie sont : Gobius arabicus. Id. Zinné, édition de Gmelin: Forsk. Faun. Arab. p. 23, n. 5. Gobie ,goujon arabe, Bonnaterre , planches de l'Encyclopédie méthodique. 2 Gobius j0z0. Gobius albescens, Gobius flavescens. Gobius jozo. Linné, édition de Gmelin. Gobie, goujon blanc. Davbenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre ; planches de l’ Encyclopédie méthodique. Mus. Ad. Frid. 2,p. 65. Will. Prodrom. Zoolog. Danic. p. 44, n. 365. Gobius.... ossiculis pinnæ dorsalis supra membranam assurgentibus. Aïtedi, gen. 29, SYn. 47. KoGios Aeuxos. Aristot. lib. 9, cap. 37. KaGios Aeuxoreps.. Athen. lib. 7, p. 309. Boulerot blanc. Rondelet, première partie, liv. 6, chap. 18. ( La figure est extrémement défectueuse.) Goujon blanc. Zd. ibid. Gobius albus. Gesner, Aqua. p.396 ; et (germ.) fol. 6, b. Gobius albus Rondeletii. A/rovand. Lib. x, cap. 20, p. 97. 558 HIS TOLREMNATURELLE deux fois plus longs que la membrane de cette nageoire n'est haute. 11 n'est que de la longueur du petit doigt de la main; mais sa parure est très-agréable. L'extré- mité des rayons dont nous venons de parler, est rouge : la couleur générale de l'animal est d’un brun verdâtre, relevé et diversifié par un grand nombre de points bleus et de taches violettes, dont plusieurs se réunissent les unes aux autres, et qui paroissent principalement sur toutes les nageoires. On devine aisément l'effet doux et gracieux que produit ce mélange de rouge, de verd, de bleu et de violet, d'autant mieux fondus les uns dans les autres, que plusieurs reflets en multiplient les nuances *. La peau de l’arabique est molle, et recouverte de petites écailles fortement attachées. La nageoire de sa queue est pointue. Nous placons dans cet article ce que nous avons à D Gobius tertius, jozo Romæ, Salviani, forte gobius albus Rondeletii. WVillughby , Ichthyol. p. 207, NS UT2 Tel As Raj. p.76, 2.2. Jozo. Sa/vian. fol. 213, a. ad iconem. Gobius albescens. Gronov. Mus.2,p.23, n. 176; Zooph. p.81, n. 275. Bloch, pl. 107, fig: 3 | Gobio radiis in anteriore dorsi pinna, supra membranas connectentes altiüs assurgentibus. K/ein, Misc. pisc. 5, p.27,n. 3, * A la première nageoire dorsale 6 rayons. à la seconde T4 à chacune des pectorales 16 aux thoracines 12 à celle de l'anus 13 à celle de la queue 17 DES POS S:0. NS 599 dire du joz0, parce qu'il a beaucoup de rapports avec le gobie dont nous venons de parler. Presque tous les rayons de sa première nageoire dorsale sont plus élevés que la membrane. Sa tète est comprimée; ses deux mâchoires sont également avancées ; sa ligne latérale s'étend, sans s'élever ni s'abaisser, à une distance à peu près égale de son dos et de son ventre. Cette ligne est d’ailleurs noirâtre. L'animal est, en général, blanc ou blanchâtre, avec du brun dans sa partie supérieure ; ses nageoires thoracines sont bleues. On le trouve non seulement dans la Méditerranée, mais dans l'Océan atlantique boréal : il y vit auprès des rivages de l’'Eu- rope, y dépose ses œufs dans les endroits dont le fond est sablonneux ; et quoique sa longueur ordinaire ne soit que de deux décimètres, il se nourrit, dit-on, de crabes et de poissons , à la vérité très-jeunes et très- petits. Sa chair, peu agréable au goût, ne l'expose pas à être très-recherché par les pêcheurs ; mais il est fré- quemment la proie de grands poissons, et notamment de plusieurs gades”. * A la premiere nageoire dorsale 6 rayons, à la seconde T4. à chacune des pectorales 16 aux thoracines 12 à celle de l'anus 14 à celle de la queue 16 LilG OS BLE, Bu Ur Cerre espece est encore inconnue des naturalistes : elle a été décrite par Commerson. Sa couleur est re- marquable : elle est d’un bleu très-beau , un peu plus clair sur la partie inférieure de l'animal que sur la supérieure; cet azur règne sur toutes les parties du poisson , excepté sur la nageoire de la queue, qui est rouge, avec une bordure noire; et comme ce gobie a tout au plus un décimètre ou à peu près de longueur, on croiroit, lorsqu'il nage au milieu d'une eau calme, limpide, et très-éclairée par les rayons du soleil, voir flotter un canon de saphir terminé par une escarboucle. Il habite dans la mer qui baigne l'Afrique orientale, à l'embouchure des fleuves de l’isle de la Réunion, où la petitesse de ses dimensions, que nous venons d’in- diquer, fait que les Nègres même dédaignent de s’en nourrir, et ne s'en servent que comme d'appât pour prendre de plus grands poissons. Le bleu a le museau obtus, la mâchoire inférieure garnie de dents aiguës et moins menues que celles de la supérieure; les yeux ronds, saillans, et plus éloignés l'un de l’autre que sur beaucoup d’autres gobies ; la * Gobius cæruleus, Gobio cæruleus, caudà rubrä, nigro circumscriptäâ. Commerson, ma- auscrits déja cités. HISTOIRE NATURELLE. 561 première nageoire du dos, triangulaire, et composée de rayons qui se prolongent par des filamens au-dessus de la membrane; la seconde nageoire dorsale terminée par un rayon deux fois plus long que les autres ; l'anus à une distance presque égale de la gorge et de la na- geoire caudale, qui est arrondie *; et les écailles petites et rudes. * A la membrane des branchies 4 rayons. à la première nageoire du dos 6 à la seconde 12 à chacune des pectorales 20 aux thoracines 12 à celle de l’anus 12 à celle de Ja queue 14 TOME Il. 71 L E::G OB,LE PP L'U Mr nn Le docteur Bloch a décrit ce gobie d’après des pein- tures sur vélin dues aux soins du voyageur Plumier. Le Muséum national d'histoire naturelle possède des | peintures analogues , dues également au zèle éclairé de ce dernier naturaliste. Nous avons trouvé parmi ces peintures du Muséum l’image du poisson nommé, avec raison, gobie plumier, et nous avons cru devoir la faire graver. Cet animal, qui habite dans les Antilles , est alongé, mais charnu, très-fécond, d’une saveur agréable, et susceptible de recevoir promptement la cuisson conve- nable. Les écailles dont il est revêtu sont petites, et peintes de très-riches couleurs. Sa partie supérieure brille d’un jaune foncé ou de l'éclat de l'or; ses côtés sont d’un jaune clair; sa partie inférieure est blanche; et toutes les nageoires” sont d'un beau jaune, relevé : Gobius plumier. Gobius Plumieri. Zinné, édition de Gmelin. RENE ES PR Gobie céphale. Sonnaterre ; planches de l’Encyclopédie méthodique. À la première nageoire du dos 6 rayons. à la seconde 12 à chacune des pectorales 12 à chacune des thoracines 6 à celle de anus TO à celle de Ja queue 14 HISTOIRE NATURELLE. 563 -très-souvent par une bordure noire sur celles de la queue et de la poitrine. Quelques autres nuances font quelquefois ressortir sur diverses parties. du corps les teintes que nous venons d'indiquer. La tête est grande; le bord des lèvres charnu ; l’ou- verture branchiale étendue ; lopercule composé d’une seule lame ; la mâchoire supérieure beaucoup plus avancée que l'inférieure ; la ligne latérale droite ; la nageoire caudale arrondie; et l'anus situé vers Le milieu de la longueur du corps. LE GOBIE ÉLÉOTREZ ET LE GOBIE NÉBULEUX # Les eaux de la Chine nourrissent l’éléotre, dont la couleur générale est blanchâtre, la seconde nageoire du dos aussi élevée que la première, et celle cie la queue arrondie. Le corps est couvert d'écailles larges, arron- dies et lisses ; et l’on voit une tache violette sur le dos, auprès des opercules *. ————— : Gobius eleotris. Id. Liiné, édition de Gmelin. Gobie éléotre. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, p'anches de l'Encyclopédie méthodique. Liserstr. Chin. 28. Gobius chinensis. Osbeck , FF. 260. Trachinus. pianis ventralibus coadunatis. Amœnit. academ. 1, p. 311. Gobius albescens, pinnis utrisque dorsalibus altitudine æqualibus, Gror. Zoo}. 276. 2 Gobius nebulosus. Id. Zznné, édition de Gmelin. Forskael, Favn. Arab p.24, n. 6, Gobie nébuleux. Fonraterre , planches de l'Encyclopédie méthodique. 3 A la membrane des branchies de l’éléotre, 5 rayons. à la première nageoire du dos 6 à la seconde IE à chacune des pectorales 20 aux thoracines 12 à celle de l'anus 10 à celle de la queue 15 ET To: 5/3 Èe ni PET HISTOIRE MMTURELL.E. " 565 Le nébuleux a été découvert en Arabie par le Danois Forskael. A peine sa longueur égale-t-elle un décimètre. Ses écailles sont grandes, rudes, et en losange. La na- geoire de la queue est arrondie; et voici la distribution des couleurs dont ce gobie est peint *. Sa partie inférieure est d’un blanc sans tache; Ia supérieure est blanchâtre , avec des taches brunes, irrégulières et comme nuageuses, que l’on voit aussi sur la base des nageoires pectorales, lesquelles sont "d’ailleurs d’un verd de mer, et sur les dorsales, ainsi que sur la nageoire de la queue. Cette dernière, les dorsales et l’anale, sont transparentes ; l’anale est, de plus, bordée de noir; les thoracines présentent une teinte brunâtre ; et un filament noir et très-long ter- mine le second rayon de la première nageoire du dos. a ——————————————————— —— — — —" — ————————————— ———————— — —— ————— * À la membrane branchiale du nébuleux, 7 rayons. à la première nageoire du dos 6 à la seconde IE à chacune des pectorales 18 aux thoracines 12 à celle de l’anus IT à celle de la queue T4 La La GONE), ANT ANOL Ur C’esT dans les ruisseaux d’eau douce qui arrosent la fameuse isle de Taïti, au milieu du grand Océan équi- noxial*, que l’on à découvert ce gobie. Mon confrère l'habile ichthyologiste Broussonnet l’a vu dans la collec- tion du célèbre Banks, et en a publié une belle figure et une très-bonne description. Cet awaou a le corps comprimé et alongé; des écailles ciliées ou frangées; la tète petite et un peu creusée en gouttière par-dessus ; la mâchoire d'en-haut plus avancée que l'inférieure, et hérissée de dents inégales ; la mâchoire d’en-bas garnie de dents plus petites; plusieurs autres dents menues, aiguës, et pressées dans le fond de la gueule au-dessus et au-dessous du gosier; la ligne latérale droite; et l'anus situé vers le milieu de la longueur de l'animal, et suivi d’un appendice conique. Nous n'a- vons plus qu'à faire connoître les couleurs de ce gobie. Son ventre est d’un verd de mer; des teintes obscures : Gobius awaou. Broussonnet, Ichthyol. dec. x ,n.2, tab. 2. Gobius ocellaris. Zinné, édition de Gmnelin. Gobie awaou. Bonnaterre , planches de l’ Encyclopédie méthodique. 2 Nous employons avec empressement les dénominations de l’excellente et nouvelle nomenclature hydrographique , présentée, le 22 floréal an 7, à Vnstitut de France, par mon sayant et respectable confrère le citoyen Fleurieu. î oo EL HISTOIRE NMTURELEME. 67 et nuageuses , noires et olivätres , sont répandues sur son dos ; une nuance verdâtre distingue les nageoires de la queue et de l'anus ; des bandes de la mème cou- leur et d’autres bandes brunes se montrent quelquefois sur leurs rayons et sumceux de la seconde nageoire du dos ; les pectorales et les thoracines sont noirätres ; et au milieu de toutes ces teintes sombres, on remarque aisément une tache noire, assez grande, œillée, et placée près du bord postérieur de la première dor- sale *. + % À la membrane des branchies 5 rayons. à la première nagcoire du dos 6 à la seconde du dos IT à chacune des pectorales 16 à chacune des thoracines 6 à celle de l’anus 11 à celle de la queue, qui est très-arrondie, 22 LE COURBE ON OR CE gobie, dont nous avons vu la description dans les manuscrits de Commerson, que Buffon nous a remis il y a plus de douze ans, est à peu près de la taille d’un grand nombre de poissons de son genre. Sa longueur n'égale pas deux décimètres, et sa largeur est de trois ou quatre centimètres. Il présente sur toutes les parties de son corps une couleur noire , que quelques reflets bleuätres ou verdâtres ne font paroître que plus fon- cée, et qui ne s'éclaircit un peu et ne tend vers une teinte blanchâtre, ou plutôt livide, que sur une por- tion de son ventre. Les écailles qui le revêtent sont très- petites, mais relevées par une arête longitudinale ; sa tète paroit comme gonflée des deux côtés. Sa mâchoire supérieure , susceptible de mouvemens d'extension et de contraction, dépasse et embrasse l'inférieure : on les croiroit toutes les deux garnies de petits grains plutôt que de véritables dents. La langue est courte, et atta- chée dans presque tout son contour. L'intervalle qui sépare les yeux l’un de l’autre, est à peine égal au dia- mètre de l’un de ces organes. Commerson a remarqué avec attention deux tubercules placés à la base de la * Gobius niger. Gobio totus niger, radiis pinnæ dorsi prioris sex, posteriore remotissimo, villo notabili ad anum. Manuscrits de Commerson, déja cites, — hs gies à — ee x HISTOIRE N'ATURELIDMFE 069 membrane branchiale, et qu'on ne pouvoit voir qu'en soulevant l'opercule. Il a vu aussi au-delà de l'ouverture de l'anus, laquelle est à une distance presque égale de la gorge et de la nageoire de la queue , un appendice semblable à celui que nous avons indiqué en décrivant plusieurs autres gobies, et qu'il a comparé à un bar- billon ou petit Her Le gobie noir habite dans la portion du grand Océan nommée, par notre confrère RE golfe des JIndes*. I s'y tient à l'embouchure des petites rivières qui se déchargent dans la mer : il préfère celles dont le fond est vaseux. Sa chair est d’une saveur très-agréable, et d'ailleurs d'une qualité si saine, qu'on ne balance pas à la donner pour nourriture aux convalescens et aux malades que l'on ne réduit pas à une diète rigoureuse. : A Ja membrane des branchies 4 rayons. à la première nageoire du dos 6 à la seconde TI à chacune des pectorales 15 aux thoracines 10 à celle de l'anus s II à celle de la queue, qui est un peu arrondie, 15 2 Nouvelle Nomenclature hydrographique, déja citée. TOME Ik. NJ t2 LE COBHE. LAGOCEÉPHAEES LE GOBIE MENU; ET LE GOBIE CYPRINOIDES". Le lagocéphale, ou 1éte de livre, tire son nom de Ia forme de sa tête et de ses lèvres. Cette partie de son corps est courte, épaisse, et dénuée de petites écailles. On voit à la mâchoire inférieure quelques dents cro- chues plus grandes que les autres. La mâchoire supé- rieure est demi-circulaire, épaisse, et recouverte par une lèvre double , très-avancée , très-charnue, et fen- due en deux comme celle du lièvre : la lèvre d’en-bas présente une échancrure semblable. Le palais est : Gobius lagocephalus. Pallas, Spicil. z00/09. 8, p. 14, tab. 2, fie. 6 et 7. Koelreuter, Nov. Comm. Petropolit, 9 , p. 428, fig. 3 et 4. Gobius lagocephalus. Zinné, édition de Gmelin. Gobie tête de lièvre. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. 2 Gobius minutus. Pallas, Spicileg. zoolog. 8, p. 4. Gobius minutus. /inne , édition de Gmelin. # Gobius cyprinoïdes. Id. Zinné, édition de Gmelin. Pallas , Spicil. zoolog. 8, p. 17, tab. 1, fig. b. Gobie cyprinoïde. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. HISTOIRE NATURELS 9571 hérissé de dents menues et très-serrées ; les yeux, très- rapprochés l'un de l'autre, sont recouverts par une continuation de lépiderme. On voit un appendice alongé et arrondi, au-delà de l'anus, qui est aussi loin de la gorge que de la nageoire de la queue ; cette der- nière est arrondie : l’on ne distingue pas de ligne laté- rale; et la couleur générale de ce gobie, lequel est ordinairement de la longueur d’un doigt, est composée de gris, de brun et de noir’. Le menu, qui ressemble beaucoup à l'aphye, a la tête un peu déprimée ; sa langue est grande ; ses deux nageoires dorsales sont un peu éloignées l'une de autre; sa nageoire caudale est rectiligne; et ses teintes, aussi peu brillantes que celles du lagocéphale, consistent dans une couleur générale blanchâtre, dans des taches couleur de fer disséminées sur sa partie supérieure, et dans de petites raies de la même nuance, ou à peu près, répandues sur les nageoires de la queue et du dos :. On trouve dans les eaux de l'isle d'Amboine le cypri- : À la membrane des branchies du lagocéphale, 3 rayons. à la première nageoire du dos 6 à la seconde . 11 à chacune des pectorales 15 à chacure des thoracines à celle de l'anus 10 à celle de la queue 12 s * À la première nageoire du dos du menu, 6 rayons. à la seconde 11 à celle de l'anus 11 572 HS TOUR E ON ANTAUIR E EVE. noïde, que lon a ainsi nommé à cause du rapport extérieur que ses écailles grandes et un peu frangées lui donnent avec les cyprins, quoiqu'il ressemble peut- être beaucoup plus aux spares. Le professeur Pallas en a publié le premier une très-bonne description. La partie supérieure de ce cyprinoïde est grise, et l’infé- rieure blanchâtre. Ses dimensions sont à peu près sem- blables à celles du menu. Il a la tête un peu plus large que le corps, et recouverte d'une peau traversée par plusieurs lignes très-déliées qui forment une sorte de réseau ; on voit entre les deux yeux une crête noirâtre, triangulaire et longitudinale, que l’on prendroit pour une première nageoire dorsale très-basse ; au-delà de l'anus, on apperçoit aisément un appendice alongé, arrondi par le bout, et que l'animal peut coucher, à volonté, dans une fossette *. * 6 rayons à la première nageoire du dos. 10 à la seconde. 18 à chacune des pectorales. 12 aux thoracines, x rayon simple et 9 articulés, à celle de l’anus. 15 rayons à celle de Ja queue , qui est arrondie. LE GOBTELSCHEOSSERS C'EST au célèbre Pallas que l'on doit la description de cette espèce, dont un individu lui avoit été envoyé par le savant Schlosser, avec des notes relatives aux habi- tudes de ce poisson; et le nom de ce gobie rappelle les services rendus aux sciences naturelles par l'ami de l'illustre Pallas. Ce poisson est ordinairement long de deux ou trois décimètres. Sa tète est couverte d'un grand nombre d'écailles, alongée , et cependant plus large que le corps. Les lèvres sont épaisses, charnues, et hérissées, à l'intérieur, de petites aspérités : la supérieure est double. Les dents sont grandes, inégales, recourbées, aigués , et distribuées irrégulièrement. Les yeux présentent une position remarquable : ils sont très-rapprochés l’un de l'autre, situés au-dessus du sommet de la tête, et contenus dans des orbites très- relevées, mais disposées de telle sorte que les — * Gobius Schlosseri. Cabos. Pallas, Spicil. zoolog. 8, p. 3, tab.1, fig. 1,2, 3, 4. Gobius barbarus. Zinné. Gobius Schlosseri. Linné, édition de Gmelin. Gobie schlosser. Daubenton , Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. 574 : HS TO IR EN À PURENICE cornées sont tournées, l'une vers la droite, et l’autre vers la gauche. Les écailles qui revêtent le corps et la queue, sont assez grandes, rondes, et un peu molles. On ne dis- tingue pas facilement les lignes latérales. La couleur générale de l'animal est d’un brun noirûtre sur Le dos, et d’une teinte plus claire sur le ventre *. Les nageoires pectorales du schlosser sont, comme l'indiquent les caractères du second sous-genre , atta- chées à des prolongations charnues, que l’on a com- parées à des bras, et qui servent à l'animal , non seule- ment à remuer ces nageoires par Le moyen d'un levier plus long, à les agiter dès lors avec plus de force et de vitesse, à nager avec plus de rapidité au milieu des eaux fangeuses qu'il habite, mais encore à se traîner un peu sur la vase des rivages, contre laquelle il ap- puie successivement ses deux extrémités antérieures, en présentant très en petit, et cependant avec quelque ressemblance, les mouvemens auxquels les phoques et les lamantins ont recours pour parcourir très-lentement les côtes maritimes. C'est parle moyen de ces sortes de bras que le schlos- X A la membrane des brauchies 3 rayons. à la première nageoire du dos 8 à la seconde 13 à chacune des pectorales 16 aux thoracines 12 à celle de l’anus 12 à celle de la queue 19 DAS TO Ts O Ne 579 ser, pouvant, ou se glisser sur des rivages fangeux, ou s’enfoncer dans l'eau bourbeuse, échappe avec plus de facilité à ses ennemis , et poursuit avec plus d'a- vantage les foibles habitans des eaux, et particulie- rement les cancres, dont il aime à faire sa proie. Cette espèce doit être féconde et agréable au goût, auprès des côtes de la Chine , où on la pêche, ainsi que dans d’autres contrées orientales, puisqu'elle sert à la nourriture des Chinois qui habitent à une distance plus ou moins grande des rivages ; et voilà pourquoi elle a été nommée par les Hollandois des grandes Indes, poisson chinois (chincesche vissch). CINQUANTE-SIXIÈME GENRE. LES GOBIOIDES. Les deux nageoires thoracines réunies l'une à l'autre; une seule nageoire dorsale; la téte petite; les opercules attachés dans une grande partie de leur contour. ESPÈCES. CARACTÈRES. 1. LE c. nn MEME Dette rayons à la nageoire du dos; (Gobioides anguilliformis.) toutes les nageoires rouges. 2 LE GOB. SMYRNÉEN. le bord des mâchoires composé d’une lame Quarante-trois rayons à la nageoïire du dos; (Gobiides SVINCNSES.) osseuse , et dénuée de dents. Vingt-trois rayons à la nagcoire du dos; le . Le GO BROUSSONNET. | corps et la queue très-alongés et compri- Don Broussonnetir.) | més; des dents aux mâchoires; les na- geoires du dos.et de l’anus tres-rapprochées de la caudale , qui est pointue. 4. LE GOB. QUEUE NOIRE. La queue noire. (Gobicides melanurus.) LE GOBIOÏDE ANGUILLIFORME *. C'Esr dans les contrées orientales, et notamment dans l'archipel de l'Inde , à la Chine, ou dans les isles du grand Océan équatorial, que l’on trouve le plus grand nombre de gobies. Les mêmes parties du globe sont aussi celles dans lesquelles on a observé le plus grand nombre de gobioïdes. L’anguilliforme a été vu parti- culièrement dans les eaux de la Chine. Comme tous les autres gobioïdes, il ressemble beau- coupaux poissons auxquels nous donnons exclusivement le nom de £obie ; et voilà pourquoi nous avons cru devoir distinguer par la dénomination de 2obioïde, qui signifie en forme de gobie, le genre dont il fait partie, et qui a été confondu pendant long-temps dans celui des gobies proprement dits. Il diffère néanmoins de ces derniers, de même que tous les osseux de son genre, en ce qu'il n’a qu'une seule nageoire dorsale, pendant que les 20- bies en présentent deux. Il a d’ailleurs, ainsi que son nom l'indique, de grands rapports avec la murène an- guille, par la longueur de la nageoire du dos et de celle de l'anus, qui s'étendent presque jusqu'à celle de * Gobioïdes anguilliformis. Gobius anguillaris. Zinné, édition de Gmelin. Goujon anguillard. Daubenton, Encyclopédie méthodique, Id. Bonnaterre , planches de l’ Encyclopédie méthodique. TOME 11 79 578 ET ST ON RE NA FU RUE NIUE la queue, par la petitesse des nageoires pectorales, qui, de plus, sont arrondies, et sur-tout par la viscosité de sa peau, qui, étant imprégnée d'une matière huileuse très-abondante, est à demi transparente. La mâchoire inférieure de l’anguilliforme est garnie de petites dents, comme la supérieure ; et toutes ses nageoires sont d'une couleur rouge assez vive *. * A la pageoire dorsale 52 rayons. à chacune des pectorales 12 aux thoracines 10 à celle de Panus 43 à celle de la queue 12 n a — LE GOBIOIDE SMYRNÉEN: Ce poisson a la tête grosse et parsemée de pores très- sensibles; dès-lors sa peau doit ètre arrosée d'une humeur visqueuse assez abondante. Une lame osseuse, placée le long de chaque mâchoire, tient lieu de véritables dents : on n’a du moins observé aucuve dent proprement dite dans la bouche de ce gobioide. Les nageoires pectorales sont très-larges, et les por- tions de celles du dos sont d'autant plus élevées qu'elles sont plus voisines de celle de la queue :. : Gobius smyrnensis. Nov. Comment. Petropolit, 9, tab. 9, fig. 5. Goujon smyrnéen. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. 2 A la membrane des branchies 7 rayons. à la nageoire du dos 43 à chacune des pectorales 33 à celle de l’anus 29 à celle de la queue 12 LE GOBIOIDE BROUSSONNET : Nous dédions cette espèce de gobioïde à notre savant confrère le citoyen Broussonnet ; et nous cherchons ainsi à lui exprimer notre reconnoissance pour les services qu'il a rendus à l’histoire naturelle, et pour ceux qu'il rend chaque jour à cette belle science dans l'Afrique septentrionale, et particulièrement dans les états de Maroc, qu'il parcourt avec un zèle bien digne d'éloges. Ce gobioide, qui n'est pas encore connu des natura- listes, a les mâchoires garnies de très-petites dents. Ses nageoires thoracines sont assez longues, et réunies de manière à former une sorte d’entonnoir profond; les pectorales sont petites et arrondies; la dorsale e£ celle de l'anus s'éteudent jusqu'à celle de la queue, qui a la forme d’un fer de lance : elles sont assez-hautes, et cependant l'extrémité des rayons qui les composent, dépasse la membrane qu'ils soutiennent”. . Le corps est extrèmement alongé, très-bas, très- comprimé; et la peau qui le recouvre, est assez trans- ie 2 Ro D LB + OA NE SE AUTRE PRE : Gobioides Broussonnetil.. A Ja nageoire du dos 29 rayonss. à chacune des nageoires thoracines 7 à chacune des pectorales 17 à celle de Panus 17 à celle de la queue 16 0 00 17 Pag.ë ?1. :OBIOIDE èPENE lolante ?. COL » FE Horrble . SCORPEN. A Broussonnet. ‘ 4 HI SUEOLR E 0 NA TU R'EIL LE: 561 parente pour laisser distinguer le nombre et la posi- tion des principaux muscles. Un individu de cette belle espèce faisoit partie de la collection que la Hollande a donnée à la nation fran- çoise ; et c'est ce même individu dont nous avons cru devoir faire graver la figure. et LE GOBIOÏIDE QUEUE’ NOIRE * C'esT au citoyen Broussonnet que nous devons la con- noissance de ce gobioïde, qu'il a décrit sous le nom de gobie à queue noire, dont la queue est en eflet d'une couleur noire plus ou moins foncée, mais que nous séparons des gobies proprement dits, parce qu'il n'a qu'une nageoire sur le dos. PE AC M PR ERP RO OMR ar LI des CORRE SE * Gobioides melanurus. Broussonnet, Ichthyol. dec. x. Gobius melanuros. Linné , édition de Gmelin, CINQUANTE-SEPTIÈME GENRE. ÉESGOBIOMORES Fr . . ’ . ’ 9 Les deux 114aSCOLrCS thoracines 11041 FCLLILLES l'une «a l'autre; deux nageoires dorsales; la tête petite ; les yeux rap- prochés; les opercules attachés dans une grande partie de leur coutour. | EUR EMI EE RS) OU IS EIGSEUNQRIE: Les nageoires pectorales attachées immédiatement au Corps de l'animal, ESPÈCES. CARACTÈRES, Trente rayons à la seconde nageoire du dos: I. LE GOB. GRONOVIEN. y & ; dix aux thoracines ; celle de la queue four- chue. {Vin 2. LEGOBIOMORE TAIBOA. (Gobiomorus taiboa.) L (Goliomorus Gronovir.) gt rayons à la seconde nageoire du dos; douze aux thoracines ; six à la première dor- sale; celle de la queue , arrondie. Onze rayons à la seconde nageoire du dos; 3. LE GOBIOM. DORMEUR. huit à chacune des pectorales, ainsi qu’à (Gobiomorus dormitor.) celle de l’anus; la nageoire de la queue, très-arrondie. SECOND S'OUS-GENR'E. Chacune des nageoires pectorales attachée à une prolon- gation charnue. ESPÈCE, CARÂCTÈRES. 4. LE GOB. KOËLREUTER. ns rayons à la seconde nageoire du dos ; (Gobiomorus Koelreuteri.) douze aux thoracines, a Les gobiomores ont été confondus jusqu'à présent avec les gobies, et par conséquent avec les gobioïdes. Je les en ai séparés pour répandre plus de clarté dans la répartition des espèces thoracines, pour me con- former davantage aux véritables principes que l’on doit suivre dans toute distribution méthodique des ani- maux, et afin de rapprocher davantage l’ordre dans lequel nous présentons les poissons que nous avons examinés, de celui que la Nature leur a imposé. | Les gobiomores sont en effet séparés des gobies et des gobioïdes par la position de leurs nageoires infé- rieures ou thoracines, qui ne sont pas réunies, mais très-distinctes et plus ou moins éloignées l’une de l'autre. Ils s'écartent d'ailleurs des gobioïdes par le nombre de leurs nageoires dorsales : ils en présentent deux; et les gobioides n’en ont qu'une. Ils sont cependant très-voisins des gobies , avec les- quels ils ont de grandes ressemblances ; et c'est cette sorte d’aflinité ou de parenté que j'ai désignée par le RARES RSA 20 ES AR Re PR me DORE 67 Li RE PR En UN * Gobiomorus Gronovii. Gobius Gronovii. Linné, édition de Gmelin. Gronov. Zooph. p. 82 n. 278. Cesteus argenteus, etc. Ælein, Miss. pisc. 5, p. 24, n,3, Mugil americanus; Raj. Pise. p. 85, n. 9. Harder. Marcgrav. Brasil, lib. 4, cap. 6, p. 193. H LS T'OLR ÆE UN ATIU RME. 0565 nom générique de gobiomore, voisin où allié des sobies, que je leur ai donné. J'ai cru devoir établir deux sous-genres dans le genre des gobiomores, d'après les mèmes raisons et les mêmes caractères que dans le genre des gobies. J'ai placé dans le premier de ces deux sous-genres les gobiomores dont les nageoires pectorales tiennent immédiatement au corps proprement dit de lanimal, et j'ai inscrit dans le second ceux dont les nageoires pectorales sont atta- chées à des prolongations charnues. Dans le premier sous-genre se présente d’abord le gobiomore gronovien *. Ce poisson, dont on doit la connoissance à Gronou, habite au milieu de la zone torride, dans les mers qui baignent le nouveau continent. Il a quelques rapports avec un scombre. Ses écailles sont très-petites ; mais, excepté celles du dos, qui sont noires, elles présentent une couleur d'argent assez éclatante. Des taches noires sont répandues sur les côtés de l'animal. La tête, au lieu d'être garnie d'écailles semblables à celles du dos, est recouverte de grandes lames écailleuses. Les yeux sont grands et moins rapprochés que sur la plupart des gobies ou des gobioïdes. L'ouverture de la bouche * À la membrane des branchies 5 rayons. à la première nageoire du dos 10 à la seconde 30 à chacune des nageoires pectorales 24 aux thoracines 10 TOME IL 74 586. HISTOIRE. NATUREL IL FE est petite. Des dents égales garnissent le palais et les deux mâchoires. La langue est lisse, menue et arrondie. La ligne latérale suit la courbure du dos. L’anus est situé vers le milieu de la longueur totale du poisson. Les nageoires thoracines sont très-grandes, et celle de la queue est fourchrie. à LEGO BTOMORELTATE OA C’Esr auprès du rivage hospitalier de la plus célèbre des isles fortunées qui élèvent leurs collines ombragées et fertiles au milieu des flots agités de l'immense Océan équatorial, c'est auprès des bords enchanteurs de la belle isle d'Otahiti, que l’on a découvert le taiboa, l'un des poissons les plus sveltes dans leurs proportions, les plus agiles dans leurs mouvemens, les plus agréables par la douceur de leurs teintes, les plus richement parés par la variété de leurs nuances, parmi tous ceux qui composent la famille des gobiomores, et les genres qui l’avoisinent. Nous en devons la première description au citoyen Broussonnet, qui en a vu des individus dans la collec- tion du célèbre président de la société de Londres. Le corps du taiboa est comprimé et très-alongé ; les écailles qui le recouvrent, sont presque carrées et un peu crénelées. La tête est comprimée, et cependant plus large que le corps. La mâchoire inférieure n'est pas tout-à-fait aussi avancée que la supérieure ; les dents qui garnissent l’une et l'autre, sont inégales. La * Gobiomorus taiboa. Broussonnet, Ichthyol. dec. x , n.x, tub.x. Gobius strigatus. Zinné , édition de Gmelin. Goujon taiboa. Bonnaterre, planches de l’Encyclopédie méthodique. 588 HT SM'O'UR EN À TUR LT. langue est lisse, ainsi que le palais ; le gosier hérissé de dents aiguës, menues et recourbées en arrière; la pre- mière nageoire du dos, composée de rayons très-longs ainsi que très-élevés ; et la nageoire de la queue, large et arrondie *. Jetons les yeux maintenant sur les couleurs vives ou gracieuses que présente le taiboa. Son dos est d'un verd tirant sur le bleu, et sa partie inférieure blanchâtre; sa tète montre une belle couleur jaune plus ou moins mêlée de verd; et ces nuances sont relevées par des raies et des points que l’on voit sur la tête, par d’autres raies d’un brun-plus ou moins foncé qui règnent auprès des nageoires pectorales, et par des taches rougeätres situées de chaque côté du corps ou de la queue. De plus, les nageoires du dos, de l'anus et de la queue , ofrent un verd mêlé de quelques teintes de rouge ou de jaune, et qui fait tres-bien ressortir des raies rouges droites ou courbées qui les parcourent, ainsi que plusieurs rayons qui les soutiennent, et dont la couleur est également d'un rouge vif et agréable. %* Ala membrane des branchies 6 rayons. à la première nageoire dorsale 6 à la seconde nageoire du dos 20 à chacune des pectorales 20 aux thoracines 12 à celle de Panus 19 à celle de la queue 22, EE LE GOBIOMORB DORMEUR *. Les naturalistes n’ont encore publié aucune descrip- tion de ce gobiomore, qui vit dans les eaux douces, et particulièrement dans les marais de l'Amérique méri- dionale : nous en devons la connoïissance à Plumier; et nous en avons trouvé une figure dans les dessins de ce savant voyageur. La mâchoire inférieure de ce poisson est plus avancée que la supérieure ; la nageoire de la queue est très-arrondie : le nombre des rayons de ses nageoires empêche d'ailleurs de le confondre avec les autres gobiomores. On l'a nommé /e dormeur, sans doute à cause du peu de vivacité ou du peu de fréquence de ses mouvemens. * Gobiomorus dormitor. … Cephalus palustris. Dessins et manuscrits de Plumier, déposés à la Biblio thèque nationa/e. Asellus palustris. Z. ibid. EE LE GOBIOMORE KOELREUTER *. LE nom de cette espèce est un témoignage de gra- titude envers un savant très-distingué, le naturaliste Koelreuter, qui vit maintenant dans ce pays de Bade, auquel les vertus touchantes de ceux qui le gouvernent, et leur zèle très-éclairé pour le progrès des connois- sances, ainsi que pour l'accroissement du bonheur de leurs semblables, ont donné un éclat bien doux aux yeux des amis de l'humanité. # Ce gobiomore, dont les tégumens sont mous et recouvrent une graisse assez épaisse, est d’un gris blanchâtre. Ses yeux sont très-rapprochés , et placés sur le sommet de la tête; ce qui lui donne un grand rapport avec le gobie schlosser , auquel il ressemble encore par la position de ses nageoires pectorales, qui sont attachées au bout d’une prolongation charnue très- large auprès du corps proprement dit; et c'est à cause de ce dernier trait que nous l'avons inscrit dans un sous-genre particulier, demême que le gobie schlosser. Les lèvres sont doubles et charnues ; les dents iné- gales et coniques : Ja mâchoire supérieure en présente * Gobiomorus Koelreuteri. Koelreuter, Nov. Comm. Petropolit. 8, p. 421. Gobius Koelreuteri. Linné, édition de Gmelin. Goujon koelreuter. Bonnaterre , planches de l’Encyclopidie méthodique. ! 5 ‘ Le Grand. Ve. Deseve Let. fmnbuala. ? € Z GOBIOMORE Koetreuter. 2. CORYPHENE Chrysurus. Ôô.FISTULAIRE 1 HISTOIRE NATURELLE, JO de chaque côté une beaucoup plus grande que les autres. La ligne latérale paroît comme comprimée ; l'anus est situé vers le milieu de la longueur totale du poisson ; et la nageoire de la queue est un peu lancéolée. La première nageoire dorsale est brune et bordée de noir : on distingue une raie longitudinale et noi- râtre sur la seconde, aui est jaunätre et fort trans- parente *. On voit au-delà et très-pres de l'anus du gobiomore koelreuter, ainsi que sur plusieurs gobies, et mème sur des poissons de genres très-diflérens, un petit appendice conique, que lon a nommé péduncule gé- nital, qui sert en effet à la reproduction de l'animal, et sur l'usage duquel nous présenterons quelques dé- tails dans la suite de cette Histoire, avec plus d’avan- tage que dans l’article particulier que nous écrivons. * A la membrane des branchies 2 rayons. à la première nageoire dorsale 12 à la seconde 13 à chacune des pectorales 13 aux thoracines 12 à celle de l’anus IT à celle de la queue 13 LE) CINQUANTE-AUITIÈME GENRE. LES GOBIOMOROIÏDES. Les deux nageoires thoracines non réunies l'une à l'autre; une seule nageoire dorsale; la 1éte petite; les yeux rapprochés; les opercules attachés dans une grande partie de leur contour. ESPÈCE. CARACTÈRES. Quarante-cinq rayons à la nageoire du dos; six à chacune des thoracines; la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure. LE GOBIOMOROÏDE FISON, (Gobiomoroïdes piso.) vo LE GOBIOMOROÏDE PISON*. LEs gobies ont deux nageoires dorsales ; les gobioïdes n'en ont qu'une, et voilà pourquoi nous avons séparé ces derniers poissons des gobies, en indiquant cepen- dant, par le nom générique que nous leur avons donné, les grands rapports qui les lient aux gobies. Nous écar- tons également des gobiomores, dont le dos est garni de deux nageoires, les gobiomoroïdes, qui n'offrent sur le dos qu'un seul instrument de natation ; et néanmoins nous marquons, par le nom générique de ces gobio- moroïdes , les ressemblances très-frappantes qui déter- minent leur place à la suite des gobiomores. Le pison a la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure; sa tète est d'ailleurs aplatie : on le trouve dans l'Amérique méridionale. En examinant dans une collection de poissons déssé- chés, donnée par la Héllande à la France , un gobio- moroide pison,nous nous sommes assurés que les deux mäâchoires sont garnies de plusieurs rangées de dents fortes et aiguës. L’'inférieure a de plus un rang de dents * Gobiomoroides piso. Pison. Ind. lib. 3, p. 2. Amore pixuma. Ray. Pisc. p. 80, n. +. Eleotris capite plagioplateo , etc. Gronov. Mus. 2, p. 16 ,r. 168; Zooph. P-83,7n. 279. Gobius Pisonis. Zinné , édition de Gmelin. TOME 11 75 se 594 HISTOTRE NATUREEFTLE plus fortes, plus grandes, plus recourbées , et plus éloignées les unes des autres, que celles de la mâchoire supérieure. La tête est comprimée aussi-bien que déprimée , et garnie d’écailles presque semblables par leur grandeur à celles qui revètent le dos. La nageoire de la queue est arrondie *. : Le nom de cette espèce rappelle Fouvrage publié par Pison sur l'Amérique australe, et dans lequel ce médecin a parlé de ce gobiomoroïde. * A la nageoire du dos 45 rayons. à chacune des pectorales 17 à chacune des thoracines 6 à celle de Janus 23. à celle de la queue 12 CINQUANTE-NEUVIÈME GENRE, LES GOBIÉSOCES. Les deux nageoires thoracines non réunies l'une à l'autre; une seule nageoire dorsale; cette nageoire trés-courte e£” placce au-dessus de l'extrémité de la queue, tres-pres de la nageoire caudale; la tete très-grosse, et plus large que le corps. ESPÈCE. CARACTÈRES, LE GOBIÉSOCE TESTAR. ee levres doubles et très-extensibles ; la na- (Gobiesox cephalus.) geoire de la queue , arrondie, LE GOBIÉSACE, PESTAR x Li à e C’£sr à Plumier que l’on devra la figure de ce poisson encore inconnu des naturalistes , et que nous avons regardé comme devant appartenir à un genre nouveau. Celle que nous avons fait graver , et que nous publions dans cet ouvrage, a été copice d’après un dessin de ee célèbre voyageur. Le restar habite l'eau douce : on l'a observé dans les fleuves de l'Amérique méridionale. Le nom vulgaire de estar , qui lui a été donné, suivant Plumier, par ceux qui l'ont vu dans les rivières du nou- veau monde, indique les dimensions de sa tête, qui est très-grosse, et plus large que le corps ; elle est d’ailleurs arrondie par-devant, et un peu déprimée dans sa partie supérieure. Les yeux sont très-rapprochés l’un de l'au- tre ; Les lèvres doubles et extensibles. On apperçoit une légère concavité sur la nuque, et l’on remarque sur le dos un enfoncement semblable ; le ventre est très-sail- lant, très-oros , distingué, par sa proéminence, du dessous de la queue. Il n’y a qu’une nageoire dorsale ; et cette nageoire, qui est très-courte , est placée au-des- sus de l'extrémité de la queue , fort près de la caudale. Nous verrons une conformation très-analogue dans les & * Gobiesox cephalus. Cephalus fluviatilis major, vz/g0 testar. Dessins et manuscrits de Pluier,, sépasés a l1 Bibliothèque nationale. ess Tbm.2 PL19 Lag. 5,06: | 1. GOBIESOCE Tostar. 2. SCOMBÉROIDE Sauteur. 3. SCORPENEE Plunier -. HAT SM TRE MA T ÜRE LEE, : 097 ésoces ; et comme d'ailleurs le testar a beaucoup de rapports avec les gobies, nous ayons cru devoir former sa dénomination générique de la réunion du nom de cobie avec celui d'ésoce , et nous l'avons appelé gobiésoce 1eS{ar. La nageoire de l'anus, plus voisine encore que la dor- sale , de celle de la queue, est cependant située en très- grande partie au-dessous de cette même dorsale : la cau- dale est donc très-près de la dorsale et de la nageoïre de l'anus : elle est, de plus, très-étendue et fort arrondie *, La couleur générale de l'animal est d'un roux plus foncé sur le dos que sur la partie inférieure du poisson, et sur lequel on ne distingue ni raies , ni bandes, ni taches proprement dites. Au milieu de ce fond presque doré, au moins sur certains individus, les yeux, dont Piris est d’un beau bleu, paroissent comme deux saphirs. : * A la nageoire du dos à rayons, à chacuné des pectorales tr à chacune des thoracines 5 à celle de l’anus 4 ou à à la caudale @ IT Eu SOIXANTIÈME GENRE, FLE LES SCOMBRES. Deux nageoires dorsales; une ou plusieurs petites na- *geoires au-dessus et au-dessous de la queue; les côtés de la queue carenés, Ou une pelile nageoire Composée de deux aiguillons réunis par une membrane, au-devant de la nageoire de l'anus. ESPÈCES. CARACTÈRES. Le corps très-alongé; dix petites nageoires trés-séparées lune < l'autre, au-dessus et au-dessous de la queue; la première na- . LE SCOMB. COMMERSON. Je geoire du dos longue et très- basse; la (Scomber commerson.) | H seconde courte, échancrée , et presque semblable à celle de lanus; la ligne laté- rale dénuée de petites plaques. Dix petites nageoires-au-dessus et au-dessous de la queue; la ligne latérale garnie de petites plaques. à £g. LE SCOMBRE GUARE (Scomber guara.) * au-dessous de la queue ; les nageoires pec- 3. LE SCOMBRE THON. 4] & P or m’atteignant pas jus V et (Scomler thynnus.) toraiés ns pésjeat eee se terminant au-dessous de la première E ou neuf petites nageoires au- -dessus et dorsale. {Huit ou neuf petites nageoires au-dessus et au-dessous de la queue ; les nageoires pec- torales assez longues pour dépasser anus. 4. LE SCOMBRE GERMON. {Scomber germon.) HISTOIRE NATURELLE. DO9 - ESPÈCES, CARACTÈRES, Huit ou neuf petites nageoires au-dessus , et sept au-dessous de la queue; les pectorales 5. LE SCOMBRE THAZARD. à peine de la longueur des thoracines; les (Scomber thazard.) côtés et la partie inférieure de l’animal sans tache. Huit petites nageoires au-dessus, et sept au- dessous de la queue; les pectorales attei- 6. LE SCOMBRE BONITE. gnant à peine à la moitié de l’espace com- (Scomber pelamides.) pris entre leur base et l'ouverture de l’anus ;: quatre raies longitudinales et noires sur le ventre. | 7. LE SCOMBRE NE petites nageoires au-dessus et au-dessous: u de la queue ; les pectorales très-longues. Sept petites nageoires au- dessus et au-des- sous de la queue ; les pectorales courtes ; la (Scomber alatunga.) 8. LE sCOMBRE CHINOIS. ligne latérale saillante , descendant au-delà. (Scomber sinensis.) des nageoires pectorales, et sinueuse dans tout son cours; point de raies longitudi- nales. LE CD LE scomB. PE de Cinq petites nageoires au-dessus et au-dessous (Scomber scombrus.) de la queue; douze rayons à chaque nageoire du dos. : z0. LE SCOMBRE JAPONOIS. Cinq petites nageoires au-dessus et au-dessous (Scomber japonicus.) de la queue ; huit rayons à chaque nageoire dorsale. Cinq petites nageoires au-dessus et au-dessous de la queue; la partie supérieure de Pani- (Scomber aureus.) mal , couleur d'or. 72. LE SCOMBRE ALBACORE. (Deux arêtes couvertes d’une peau brillante, au-dessus de chaque opercule. 11. LE SCOMBRRE DORÉ. | (Scomber albacorus.) LE SCOMBRE COMMERSON *. Le genre des scombres est un de ceux qui doivent le plus intéresser la curiosité des naturalistes, par leurs courses rapides , leurs longs voyages , leurs chasses, leurs combats , et plusieurs autres habitudes. Nous tâcherons de faire connoître ces phénomènes remarqua- bles, en traitant en particulier du thon, de la bonite et du maquereau, dont les mœurs ont été fréquemment observées : mais nous allons commencer par nous occu- per du scombre commerson et du guare , afin de mettre dans l'exposition des formes et des actes principaux des poissons que nous allons considérer , cet ordre sans lequel on ne peut ni distinguer convenablement les objets, ni les comparer avec fruit, ni les graver dans sa mémoire , ni les retrouver facilement pour de nouveaux examens. C’est aussi pour établir d’une manière plus géné ale cet ordre, sans lequel, d’ailleurs, le style n’au- roit ni clarté, ni force, ni chaleur , et de plus pour nous conformer sans cesse aux principes de distribution méthodique qui nous ont paru devoir diriger les études des naturalistes, que nous avons circonscrit avec pré- cision le genre des scombres. Nous en avons séparé plu- sieurs poissons qu'on y avoit compris, et dont nous *Scomber commerson. à UoIUUOSdaUEUO ) AU10 212 É ; : à AÆAINOIDS ‘£° AUOT HYIHIWO 11 PF r 2 1 k DST ' UOSAAUWO) IS ) AUHAWOIDS-T ‘72 249 2 7 WW ‘009 DDT OT I] * T'AU0T - RTE Ste F4 ; He TV) re HI STONRE) NA DURELIE: Gor avons cru devoir mème former plusieurs genres difié- rens , et nous n'avons présenté comme véritables,scom- bres , comme semblables par les caractères génériques aux maquereaux, aux bonites , aux thons, et per consé- quent aux poissons reconnus depuis long-temps pour des scombres proprement dits, que les thoracins qui ont, ainsi que les thons, les maquereaux et les bonites, deux nageoires dorsales, et en outre une série de nageoires très-petites , mais distinctes , placée entre la seconde nageoire du dos et la nageoire de la queue, et une seconde rangée d'autres nageoires analogues , située entre cette mème nageoire de la queue et celle de l’anus. On a nommé ces nageoires si peu étendues, et si nombreuses, de /ausses nageoires ; mais cette expression est impropre, puisqu'elles ont les caractères d'un véritable instrument de natation, qu'elles sont composées de rayons soutenus par une membrane, et qu'elles ne différent que par leur figure et par leurs. dimensions , des pectorales, des thoracines , etc. Le nombre de ces petites nageoires variant suivant les espèces , c'est d'après ce nombre que nous avons déter- miné le rang des divers poissons inscrits sur le tableau du genre. Nous avons présenté les premiers ceux qui ont le plus de ces nageoires additionnelles; et voilà pourquoi nous commençons par décrire une espèce de cette famille, que les naturalistes ne connoissent pas: encore, dont nous avons trouvé la figure dans les ma- nuscrits de Commerson , et à laquelle nous avons cru TOME LI 76 692 HISTOIRE NATURELLE devoir donner le nom de cet illustre voyageur, qui a enrichi la science, de tant d'observations précieuses. Ce scombre offre dix nageoires supplémentaires , non seulement très-distinctes , mais très-séparées l’une de l’autre , dans l'intervalle qui sépare la caudale de la seconde nageoire du dos ; et dix autres nageoires con- formées et disposées de mème règnent au-dessous de la queue. Ces nageoires sont composées chacune de quatre ou cinq petits rayons réunis par une membrane légère , rapprochés à leur base, et divergens à leur sommet. | Le corps et la queue de l'animal sont d’ailleurs extré- mement alongés, ainsi que les mâchoires, qui sont aussi avancées l’une que l’autre,et garnies toutes les deux d'un rang de dents fortes, aiguës et très-distinctes. Le museau est pointu ; l'œil gros ; chaque opercule composé de deux lames arrondies dans leur contour postérieur ; la première dorsale longue , et très-basse sur-tout à me- sure qu'elle s’avance vers la queue ; la seconde dorsale échancrée par-derrière , très-courte , et semblable à celle de l'anus ; la caudale très-échancrée en forme de croissant ; la ligne latérale ondulée d'une manière peu commune , et fléchie par des sinuosités d'autant plus sensibles qu'elles sont plus près de l'extrémité de la queue ; et la couleur générale du scombre , argentée, foncée sur le dos , et variée sur les côtés par des taches nombreuses et irrégulières. Nous n'avons besoin pour terminer le portrait du D'ELSULPR OT S SO NIS 603 commerson , que d'ajouter que les thoracines sont triangulaires comme les pectorales , mais beaucoup plus petites que ces dernières *. a ———— ——————— 2 ————————" D * 18 rayons à la première nageoire du dos, 5 ou 6 à chacune des thoracines, LES C'O NS E 'CUTAROR C'Esr dans l'Amérique méridionale que l’on a observé le guare.Ila, comme lecommerson, dix petitesnageoires au-dessus ainsi qu'au-dessous de la queue. Mais indépen- damment d'autres différences, sa ligne latérale est gar- nie de petites plaques plus ou moins dures, et presque osseuses; et l’on voit au-devant de sa nageoire de l'anus une petite nageoire composée d'une membrane et de deux rayons; ou pour mieux dire , le guare présente deux nageoires anales, tandis que le scombre com- merson n'en montre qu'une *. : Scomber guara. Scomber cordyla. Linné, édition de Gm:lin. Scombre guare. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre , planches de l'Encyclopédie méthodique. Scomber lineä laterali curvä, tabellis osseis loricatä, Gronov. Act. Upsal. 1750, p. 36. Scomber compressus, latus, etc. Gronov. Zooph. 307. Guara tereba. Marcgrav, Brasil. 172. Trachurus brasiliensis. Ray. Pise. 93. = A la premiere nageoire du dos 7 rayons. à la seconde 9 à chacune des pectorales 15 à chacune des thoracines 6 à la première de l’anus 2 à la seconde - 14 à celle de la queue 20 L'EVSCOMERE) T'ON L'imacinaTioN s'élève à une bien grande hauteur, et les jouissances de l'esprit deviennent bien vives, * Scomber thynnus. Ton, sur quelques rivages de France. Athon, dans quelques départemens méridiorauzx. Toun, auprès de Marseille. Tonno , sur des côtes de la Ligurie. Tuony fish, ez Angleterre. Spanish mackrell, zbid. Orcynus. Albacore, dans quelques contrées d'Europe. Talling talling, aux Maldives. Scomber thynnus. Linné, édition de Gmelin. Scombre thon. Daubenton, Encyclopédie méthodique. Id. Bonnaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Mill. Prodrom. p.47, r. 306. Scomber pinnulis suprà infräque octo. Prunn. Pise. Massil. p. no, n. 86, Scomber albicans, seu albecor. Osb. It. 6o. ( Il est inutile d’observer que ces noms d’a/bicor, ou d’a/becor, albacor , albacore | ont été donnés ; par plusieurs voyageurs et par quelques naturalistes, à différentes espèces de scombres , ainsi que nous aurons de nouvelles occasions de le faire remar- quer.) Scomber pinnulis octo seu novem in extremo dorso, sulco ad pinnas ventrales. Artedi, gen. 31, syr. 49. O' Suwos Aristot. lb. 2, cap. 13 ; lib. 4, cap. 10; Ub.5, cap. 9,10 e/11; lib. 6, cap. 17; lb. 8, cap. 2, 12,13, 15, 19et20 ; et lib. 9, cap. 2. Id. Z/lian. Lb. 9 Cap. 42, pe 549 3 %ib. 15, cap. 13,16, 27 5 et lib. 15, cap: 25 5 et 6, Id. Athen. lib, 7, p. 301, 302, 303, 319. 1d. Oppian. Hal. lib. 2, p. 48 606 HISTOIRE NATURELLE toutes les fois que l'étude des productions de la Na- ture conduit à une contemplation plus attentive de la vaste étendue des mers. L'antique Océan nous com- mande l’admiration et une sorte de recueillement reli- gieux, lorsque ses eaux paisibles n'offrent à nos yeux Thunnus. Ovid. Hal. v. 98. Id. Gaz. Arist. Id. Aldrovand, lib. 3, cap. 18, p. 313. Id. Jonston, lib. x, tit. x, cap. 2, a. 1, 1ab. 3, fo. 2, Thunnus, sive thynnus. Be/lon. Id. Gesner, p. 957, 967, 1148, et (germ.) fol. 58, b. Ray. p. 57. Thunnus, vel orcynus. Schonev, p, 75. Thynnus. Plin. Lib. 9, cap. 15; et lib. 32, cap. 11. Solin. Polyhist. cap. 18, x. Cuba, lib, 3, cap. 96 , fol. 92, b. P: Tov.c.:6., pe 52. Wotton, lib. 8, cap. 186, fol. +63, b. Scomber....….. dentibus planis lanceolatis, maxillà superiore acntà Zæ/l. ÆEpist. Scomber, pinnulis utrinque novem, dorso dipterygio, etc. Grono. Zooph. 308. Bloch, pl. 55. Thynnus pinnulis superioribus novem , inferioribus octo. Brown, Jamaic. 451. Coretta alba Pisonis. 1 #//1ghby, Ichthyol. tab. M, 5, fig. x. Thynnus, sev thunnus Bellonii. Zd. p. 176. Guira pucu. Marcgrav. Brasil. p. 178. Piso, Indic. p. 59. Thon, ork;nos, grand thon. Rondelet, part. 1, liv. 8, chap. 12. Pelamis pinuâ dorsali secundä rubro aut flavo colore infectà ,etc. Klein, Miss. psc. 5, p.12, 7. 3. Gros thon, vrai thon. Duhamel, Traité des péches ; part, 2,t. 3, sect. 7, chap: 2, art. 1,p. 190, p/. 5. DE SAR IONT Si SN OQNIS. 607 qu'une immense plaine liquide. Le spectacle de ses ondes bouleversées par la tempête, et de ses abymes entr'ouverts au pied des montagnes écumantes formées par ses flots amoncelés , nous pénètre de ce sentiment profond qu'inspire une grande et terrible catastrophe. Et quel ravissement n'éprouve-t-on pas , lorsque ce mème Océan, ne présentant plus ni l'uniformité du calme, ni les horreurs des orages conjurés, mollement agité par des vents doux et légers , et resplendissant de tous les feux de l’astre du jour , nous montre toutes les scènes variées des courses, des jeux, des combats et des amours des êtres vivans qu’il renferme dans son sein! Ce sont principalement les poissons auxquels on a donné le nom de pélagiques , qui animent ainsi par leurs mouvemens rapides et multipliés la mer qui les nourrit. On les distingue par cette dénomination, parce qu'ils se tiennent pendant une grande partie de l'année à une grande distance des rivages. Et parmi ces habitans des parties de l'Océan les plus éloignées des côtes, on doit sur-tout remarquer les thons dont nous écrivons l'histoire. Les divers attributs qu’ils ont recus de la Nature, leur donnent une grande prééminence sur le plus grand nombre des autres poissons. C'est presque toujours à la surface des eaux qu'ils se livrent au repos, ou qu'ils s’abandonnent à l'action des diverses causes qui peuvent les déterminer à se mouvoir. On les voit, réunis en troupes très-nombreuses , bondir avec agilité, s'élancer 608 HISTOIRE NATURELLE avec force, cinglér avec la vélocité d'une flèche. La vivacité avec laquelle ils échappent, pour ainsi dire, à l'œil de l'observateur, est principalement produite par une queue très-longue, et qui, frappant l'onde salée par une face très-étendue, ainsi que par une nageoire très-large , est animée par des muscles vigoureux et soutenue de chaque côté par un cartilage qui accroit l'énergie de ces muscles puissans ”. Lorsque dans certaines saisons , et particulièrement dans celle de la ponte et de la fécondation des œufs, une nécessité impérieuse les amène vers quelque plage, ils serrent leurs rangs nombreux, ils se pressent les uns contre les autres ; et Les plus forts ou les plus audacieux précédant leurs compagnons à des distances détermi- nées par les degrés de leur vigueur et de leur courage, pendant que des nuances différentes composent une sorte d’arrière-garde plus où moins prolongée ; des individus les plus foibles et les plus timides, on ne doit pas être surpris que la légion forme une sorte de grand parallélogramme animé, que l’on apperçoit naviguant sur la mer, ou qui, nageant au milieu des flots qui le couvrent encore et le dérobent à la vue, s'annonce cependant de loin par le bruit des ondes rapidement refoulées devant ces rapides voyageurs. Des échos ont quelquefois répété cette espèce de bruissement, ou de * Voyez, dans le Discours sur la nature des poissons, ce que nous avons dit de la natation de ces animaux, D'NELSUU Er O 1 SU STONES: 609 murmure lointain, qui se propageant alors de rocher en rocher, et multiplié de rivage en rivage , a ressem- blé à ce retentissement sourd , Mais imposant ; qui, au milieu du calme sinistre des journées brülantes de l'été, annonce l'approche des nuées orageuses. Malgré leur multitude , leur grandeur, leur force et leur vitesse , ces élémens des succès dans l'attaque ou dans la défense , un bruit soudain a souvent suspendu une tribu voyageuse de thons au milieu de sa course: on les a vus troublés, arrêtés et dispersés par une vive décharge d'artillerie, où par un coup de tonnerre subit. Le sens de l’ouie n’est même pas, dans ces animaux, le seul que des impressions inattendues ou extraordinaires plongent dans une sorte de terreur : un objet d’une forme ou d’une couleur singulière suffit pour ébranler l'organe de leur vue, de manière à les effrayer , et à interrompre leurs habitudes les plus constantes. Ces derniers effets ont été remarqués par plusieurs voya- geurs modernes , et n'avoient pas échappé aux naviga- teurs anciens. Pline rapporte, par exemple, que, dans le printemps , les thons passoient en troupes composées d'un grand nombre d'individus, de la Méditerranée , dans le Pont-Euxin, ou mer Noire ; que dans le bosphore de Thrace, qui réunit la Propontide à l'Euxin, et dans le détroit mème qui sépare l'Europe de l'Asie, un rocher d'une blancheur éblouissante et d'une"grande hauteur s'élevoit auprès de Chalcédoine sur le rivage asiatique; que l'éclat de cette roche frappant subitement TOME Ik 77 2 610 HISTOIRE NATURELLE les légions de thons, les effrayoit au point de les con- traindre à se précipiter vers le cap de Byzance , opposé à la rive de Chalcédoine; que cette direction forcée dans le voyage de ces scombres en rendoit la pêche très- abondante auprès de ce cap de Byzance, et presque nulle dans les environs des plages opposées ; et que c’est à cause de ce concours des thons auprès de ce promon- toire, qu'on lui avoit donné le nom de XPVTOREpAS ou de corne d'or, ou de corne d'abondance *. Ces scombres sont cependant très-courageux dans la plupart des circonstances de leur vie. Un seul phé- nomène Île prouveroit ; c’est l'étendue et la durée des courses qu'ils entreprennent. Pour en connoître nette- ment la nature, il faut rappeler la distinction que nous avons faite en traitant des poissons en général, entre leurs voyages périodiques et réguliers, et ceux qui ne présentent aucune régularité , ni dans les cir- constances de temps, ni dans celles de lieu. Les migra- tions régulières et périodiques des thons sont celles aux- quelles ils s’'abandonnent, lorsqu'à l'approche de chaque printemps, ou dans une saison plus chaude , suivant le climat qu'ils habitent, ils s’'avancent vers la tempéra- ture, l'aliment, l'eau, l'abri, la plage qui conviennent le mieux au besoin qui les presse, pour y déposer leurs œufs, ou pour les arroser de leur liqueur vivifiante, + * C'est pour rappeler ce même concours, que les médailles de Byzance présentent l’image du thon, 2 ue cars Re \ | 1 D>E :S7 :2LO) L'HOMME. Git ou lorsqu'après s'être débarrassés d’un fluide trop stimu- lant, ou d'un poids trop incommode , et avoir repris des forces nouvelles dans le repos et l'abondance, ils quit- tent les côtes de l'Océan avec les beaux jours, regagnent Ja haute mer, et rentrent dans les profonds asyles qu’elle leur offre. Leurs voyages irréguliers sont ceux qu'ils entreprennent à des époques dénuées de tout carac- tère de périodicité , qui sont déterminés par la nécessité d'échapper à un danger apparent ou réel, de fuir un ennemi, de poursuivre une proie , d'appaïiser une faim cruelle , et qui, ne se ressemblant ni par l'espace par- couru , ni par la vitesse employée à le franchir , ni par la direction des mouvemens , sont aussi variables et aussi variés que les causes qui les font naître. Dans leurs voyages réguliers, ils ne vont pas communément chercher bien loin , ni par degrands détours, la rive qui leur est nécessaire , ou la ite pélagienne qui rem- place cette rive , pendant le règne des hivers. Mais dans leurs migrations irrégulières , ils parviennent souvent à de très-grandes distances ; ils traversent avec facilité dans ces circonstances , non seulement des golfes et des mers intérieures, mais même l'antique Océan. Un intervalle de plusieurs centaines de lieues ne les arrête pas ; et malgré leur mobilité naturelle , fidèles à la cause qui a déterminé leur départ > Als continuent avec cons- tance leur course lointaine. Nous lisons dans l’intéres- sante relation rédigée et publiée par le général Milet- 612 H L'SITOÏRE NAT DURE DIE Mureau , du voyage de notre célèbre et infortuné navi- gateur la Pérouse‘, que des scombres à la vérité de l'espèce appelée Donite , mais bien moins faverisés que les thons, relativement à la faculté de nager avec vitesse et avec constance , suivirent les bâtimens commandés par cet illustre voyageur, depuis les environs de l'isle de Pâque, jusqu'à l’isle Momée , lune des isles Sand- wich. La troupe de ces scombres , ou /e banc de ces pois- sons, pour employer l'expression de nos marins, fit quinzecents lieues à la suite de nos frégates : plusieurs de ces animaux, blessés par les /ocnes , ou tridents , des matelots françois , portoient sur le dos une sorte de signalement qu'il étoit impossible de ne pas distinguer; et l’on reconnoissoit chaque jour les mêmes poissons qu'on avoit.vus la veille *. Quelque longue que aisse être la durée de cette puissance qui les maitrise, plusieurs marins Re d'Europe en Amérique , ou revenant d'Amérique en Europe , ont vu des thons"accompagner pendant plus de SHREUERNE jours les vaisseaux auprès desquels ils trouvoient ‘avec facilité une partie de l'aliment qu'ils et cette avidité pour Îles diverses substances aiment ; ser que l’on peut jeter d'un navire dans la mer, ‘ Joyage 7e la Pérosse, rédigétpar Milet-Mureau, in-4°, tome II, p. 129. : Voyez ce que nous avons écrit sur la vitesse des poïssons, dans notre Discours préliminaire Sur la nature de ces animarx. À DIRES UP OLIS ON 3 619 n'est pas le seul lien qui les retienne pendant un très- grand nombre de jours auprès des bâtimens. L'atten- tif Commerson a observé une autre cause de leur assi- duité auprès de certains vaisseaux, au milieu des mers chaudes de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique, qu’il a parcourues. Il a écrit, dans ses manuscrits, que dans ces mers dont la surface est inondée des rayons d’un soleil brülant, les thons, ainsi que plusieurs autres pois- sons , ne peuvent se livrer , auprès de cette même sur- face des eaux, aux diflérens mouvemens qui leur sont nécessaires , sans être éblouis par une lumière trop vive, ou fatigués par une chaleur trop ardente: ils cherchent alors le voisinage des rivages escarpés, des rochers avancés , des promontoires élevés, de tout ce qui peut les dérober pendant leurs jeux.et leurs évolutions aux feux de l’astre du jour. Une escadre est pour eux comme une forêt flottante qui leur prête son ombre protectrice: les vaisseaux , les mâts , les voiles, Les antennes, sont un abri d'autant plus heureux pour les scombres , que, perpétuellement mobile , il les suit, pour ainsi dire, sur le vaste Océan, s'avance avec une vitesse assez égale à celle de ces poissonstagiles , favorise toutes leurs ma- nœuvres , ne retarde en quelque sorte aucun de leurs mouvemens ; et voilà pourquoi , suivant Commerson , dans la zone torride, et vers le temps des plus grandes chaleurs, les thons qui accompagnent les bâtimens, se rangent , avec une attention facile à remarquer, du 614 HISTOIRE NA TOUR EL DE côté des vaisseaux qui n'est pas exposé aux rayons du soleil *. Au reste, cette habitude de chercher l’ombre des navires peut avoir quelque rapport avec celle de sus- pendre leurs courses pendant les brumes , qui leur est attribuée par quelques voyageurs. Ils interrompent leurs voyages pour plusieurs mois, aux approches du froid ; et dès le temps de Pline , on disoit qu'ils hiver- noient dans l'endroit où la mauvaise saison les surpre- noit. On prétend que, pendant cette saison rigoureuse , ils préfèrent pour leur habitation les fonds limoneux. Ils s'y nourrissent de poissons, ou d’autres animaux de la mer plus foibles qu'eux ; ils se jettent particulière- ment sur les exocets et.sur les clupées ; les petits scom- bres deviennent aussi leur proie ; ils n'épargnent pas même les jeunes animaux de leur espèce ; et comme ils sont très-goulus, et, d'ailleurs, tourmentés dans cer- taines circonstances par une faim qui ne leur permet pas d'attendre les alimens les plus analogues à leur organisation, ils avalent souvent avec avidité, dans ces retraites vaseuses et d'hiver, aussi-bien que dans les autres portions de la mer qu'ils fréquentent , des frag- mens de diverses espèces d'algues. Ils ont besoin d’une assez grande quantité de nour- riture , parce quils présentent communément des EE ————————— —————— ——————————_—__————— * Nous parlerons encore de cette observation de Commerson, dans l’article du scombre germons LT: Dr ep OT: St SUONN US. 615 dimensions considérables. Pline et les autres auteurs anciens qui ont écrit sur les thons , les ont rangés parmi les poissons les plus remarquables par leur volume. Le naturaliste romain dit qu’on en avoit vu du poids de quinze talens *, et dont la nageoire de la queue: avoit de largeur, ou, pour mieux dire, de hauteur, deux coudées et un palme. Les observateurs modernes ont mesuré et pesé des thons de trois cent vingt-cinq centimètres de longueur, et du poids de cinquante- cinq ou soixante kilogrammes ; et cependant ces pois- sons , ainsi que tous ceux qui n'éclosent pas dans le: ventre de leur mère, proviennent d'œufs très-petits: on a comparé la grosseur de ceux du thon à celle des graines de pavot. Le corps de ce scombre est très-alongé , et semblable à une sorte de fuseau très-étendu. La tête est petite ; l'œil gros ; l'ouverture de la bouche très-large ; la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure , et garnie, comme cette dernière , de dents aiguës ; la langue courte et lisse; l'orifice branchial très-grand ; l'opercule composé de deux pièces ; le tronc épais, et * Ce poids de quinze talens attribué à un thon nous paroît bien supérieur à celui qu'ont dû présenter les gros poissons de l'espèce que nous décrivons. En effet, le talent des Romains, leur certum-pondium, étoit égal, selon Paucton (Mérrologie, p.761), à 68 7 livres de France, poids de marc, et le petit talent d'Égypte ; d'Arabie, etc. égaloit 45 -£ ou livres de France. Un thon auroit donc pesé au moins 675 livres; ce qui ne nous semble pas admissible. 616 HIS T'OTRE IN A TOUR FAULUE couvert, ainsi que la queue, d'écailles petites, minces et foiblement attachées. Les petites nageoires du dessus et du dessous de la queue sont communément au. nombre de huit*. Quelques observateurs en ont compté neuf dans la partie supérieure et dans lä partie infé- rieure de cette portion de l'animal ; et d'après ce der- nier nombre , on pourroit être tenté de croire que l’on peut quelquefois confondre l'espèce du thon avec celle du germon, dont la queue offre aussi par-dessus et par-dessous huit petites nageoires : mais la proportion des dimensions des pectorales avec la longueur totale du scombre, suflira pour séparer avec facilité les germons des poissons que nous tâchons de bien faire counoître. Dans les germons , ces pectorales s'étendent jusqu’au - delà de l'orifice de l'anus ; et dans les thons , elles ne sont jamais assez grandes pour y par- venir ; elles se terminent à peu près au-dessous de l'endroit du dos où finit la première dorsale. La nageoire de la queue est figurée en croissant : nous avons fait remarquer son étendue dès le commen- cement de cet article. Nous avons eu occasion, dans une autre portion de * A la première nageoire dorsale 15 rayons. à la seconde 12 à chacune des pectorales 22 à chacune des thoracines 6 À celle de l’anus 13 à celle de la queue 25 D ELSOU) PONT SISTONNTS 617 cet ouvrage *, de parler de ces petits os auxquels on a particulièrement donné le nom d’arétes, qui placés entre les muscles ajoutent à leur force , que l’on n’ap- perçoit pas dans toutes les espèces de poissons, mais que l’on n'a observés jusqu'à présent que dans ces habitans des eaux. Ces arêtes sont simples ou four- chues. Nous avons dit de plus, que, dans certaines espèces de poissons , elles aboutissoient à l’épine du dos, quoiqu’elles ne fissent pas véritablement partie de la charpente osseuse proprement dite. Nous avons ajouté que, dans d’autres espèces , non seulement ces arêtes n'étoient pas liées avec la grande charpente osseuse , mais qu'elles en étoient séparées par différens intervalles. Les scombres , et par conséquent les thons , doivent être comptés parmi ces dernières espèces. Telles sont les particularités de la conformation extérieure et intérieure du thon, que nous avons cru couvenable d'indiquer. Les couleurs qui le distin- guent ne sont pas très-variées, mais agréables et bril- lantes : les côtés et le dessous de l'animal présentent l'éclat de l'argent ; le dessus a la nuance de l'acier poli; l'iris est argenté, et sa circonférence dorée; toutes les nageoires sont jaunes ou jaunâtres, excepté la première du dos, les thoraciues et la caudale , dont le-ton est d’un gris plus ou moins foncé. Les anciens donnoient différens noms aux scombres * Discours sur la neture des poissons. TOME IL I © 618 HISTOËRE) NÀÂTURELLE De qui sont l’objet de cet article, suivant l'âge, et par conséquent le degré de développement de ces animaux. Pline rapporte qu'on nommoit cordyles les thons très- jeunes qui, venant d'éclore dans la mer Noire, repas- soient, pendant l'automne ; dans lHellespont et dans la Méditerranée, à la suite des légions nombreuses des auteurs de leurs jours. Arrivés dans la Méditerranée, ils y portoient le nom de pélamides pendant les pre- miers mois de leur croissance ; et ce n'étoit qu'après un an que la dénomination de /4on leur étoit appliquée. Nous avons cru d'autant plus utile de faire mention ici de cet antique usage des Grecs où Romains, que ces expressions de cordyle et de pelamide ont été suc- cessivement employées par plusieurs auteurs anciens et modernes dans des sens très-divers ; qu'elles servent maintenant à désigner deux espèces de scombres, le guare et la bonite, très-différentes du véritable thon; ; et qu'on ne sauroit prendre trop de soins pour éviter la confusion, qui n'a régné que trop long-temps dans l'étude de l'histoire naturelle. Des animaux marins très-grands et très-puissans, - tels que des squales et des xiphias, sont pour les thons ï des ennemis dangereux, contre les armes desquels Û leur nombre et leur réunion ne peuvent pas toujours les défendre. Mais indépendamment de ces adversaires remarquables par leur force ou par leurs dimensions, Ne le thon expire quelquefois victime d’un être bien petit R et bien foible en apparence, mais qui, par les piquures DYE SUB OM SIS OURS G19 qu'il lui fait et les tourmens qu'il lui cause, l'agite, l'irrite, le rend furieux, à peu près de la même manière que le terrible insecte ailé qui règne dans les déserts brülans de l'Afrique, est le fléau le plus funeste des panthères, des tigres et des lions. Pline savoit qu'un ani- mal dont il compare le volume à celui d'une araignée, et la figure à celle du scorpion, s'attachoit au thon, se plaçoit auprès ou au-dessous de l’une de ses nageoires pectorales , s'y cramponnoit avec force, le piquoit de son aiguillon, et lui causoit une douleur si vive, que le scombre, livré à une sorte de délire, et ne pouvant, maloré tous ses eMorts, ni immoler ni fuir son ennemi, ni appaiser sa soufirance cruelle, bondissoit avec vio- lence au-dessus de la surface des eaux, la parcouroit avec rapidité , s'agitoit en tout sens, et ne résistant plus à son état affreux, ne connoissant plus d'autre danger que la durée de son angoisse, excédé, égaré, transporté par une sorte de rage, s'élancoit sur le rivage ou sur le pont d'un vaisseau, où bientôt*il trouvoit dans la mort la fin de son tourment *. C'est parce qu'on a bien observé dans les thons cette nécessité funeste de succomber sous les enhemis que nous venons d'indiquer, l'habitude du succès contre d’autres animaux moins puissans ,; le besoin d'une grande quantité de nourriture, la voracité qui les précipite sut des alimens de différente nature, leur * Rondelet a fait représenter sur la figure du thon qu’il a publiée, le petit animal dont Pline a parlé. BC) EH 1 STORE LIN AUTO BNP UCI courage habituel, l'audace qu'ils montrent dans cer- tains dangers, la frayeur que leur inspirent cependant quelques objets, la périodicité d’une partie de leurs courses , l'irrégularité de plusieurs de leurs voyages et pour les temps et pour les lieux, la durée de leurs mi- grations, et la facilité de traverser d'immenses portions de la mer, qu'on a très-bien choisi les époques, les endroits et les moyens les plus propres à procurer une pêche abondante des scombres qui nous occupent dans ce moment. En effet, on peut dire, en général, qu'on trouve Île thon dans presque toutes les mers chaudes ou tempé- rées de l’Europe, de l'Asie, de l'Afrique et de l'A mé- rique; mais on ne rencontre pas un égal nombre d'in- dividus de cette espèce dans toutes les saisons, ni dans toutes les portions des mers qu'ils fréquentent. Depuis les siècles les plus reculés de ceux dont l'histoire nous a transmis le souvenir, on a choisi certaines plages et certaines époques de Fannée pour la recherche des thons. Pline dit qu'on ne pêchoit ces scombres dans l'Hellespont, la Propontide et le Pont-Euxin, que de- puis le commencement du printemps jusque vers la fin de l'automne. Du temps de Rondelet, c'est-à-dire, vers le milieu du seizième siècle, c'étoit au printemps, en automne, et quelquefois pendant Fété, qu'on prenoit une grande quantité de thons près des côtes d'Espagne, et particulièrement vers le détroit de Gibraltar *. On * Où a quelquefois pris un assez grand nombre de thons auprès de Conil, : (<] DES Pan SSP OU NS: 621 s'occupe de la-pèche de ces animaux sur plusieurs rivages de France et d'Espagne voisins de l'extrémité occidentale de la chaîne des Pyrénées, depuis les pre- miers jours de floréal jusqu'en brumaire ; et on regarde comme assez assuré sur les autres parties du territoire francois qui sont baignées par l'Océan, que l'arrivée des maquereaux annonce celle des thons, qui les pour- suivent pour les dévorer. Ces derniers scombres montrent en effet une si grande avidité pour les maquereaux, qu'il suflit, pour les attirer dans un piége, de leur présenter un leurre qui en imite grossièrement la forme. Ils se jettent avec la même voracité sur plusieurs autres poissons, et par- ticulièrement sur les sardines ; et voilà pourquoi une image même très-imparfaite d'un de ces derniers ani- maux est, entre les mains des marins, un appât quien- traîne les thons avec facilité. On s'est servi de ce moyen avec beaucoup d'avantage dans plusieurs parages, et principalement auprès de Bayonne, où un bateau allant à la voile trainoit des lignes dont les haims étoient recouverts d’un morceau de linge, ou d'un petit sae de toile en forme de sardine, et ramenoit ordinairement plus de cent cinquante thons. Mais ce n'est pas toujours une vaine apparence que village voisin de Cadix, pour qu’on ait écrit que la pêche de ces animaux donnoit au duc de Medina Sidonia un revenu de 80.000 ducats. Voyez les le’tres sur la Grèce de feu mon confrère le citoyen Guys, tome I 2 P: 399 , ‘roisième édition, 699 : HIS TOIR ENIN AT U RE LINE l'on présente à ces scombres pour les prendre à la Hone : de petits poissons réels, ou des portions de poissons assez grands, sont souvent employés pour garnir les haims. On proportionne d’ailleurs la grandeur de ces haims, ainsi que la grosseur des cordes ou des lignes, aux dimensions et à la force des thons que l'on s'attend à rencontrer; et de plus, en se servant de ces haims et de ces lignes, on cherche à prendre ces animaux de di- verses manières, suivant les différentes circonstances dans lesquelles on se trouve : on les prend au doigt”, . à la canne”, au libouret*, au grand couple*. On nomme péche au doigt celle qui se fait avec une ligne simple non suspendue à une perche. > On dit que l’on pêche à /a canne, ou à la cannetté, lorsqu’on se sert d’une canne, ou perche déliée, aubout de laquelle on a empilé un haïm, c'est-à-dire , attaché Ja ligne, etc. 3 Le libouret'est un instrument composé d’une corde ou ligne principale, à l'extrémité de laquelle est suspendu un poids de plomb. La corde passe au travers d'un morceau de bois d’une certaiue longueur , nommé avaleite. Ce morceau de bois est percé dans un de ses bouts, de manière à pouvoir tourner librement autour de la corde. Cette avalette est d’ailleurs mainte- nue, à une petite distance du plomb, par deux nœuds que l’ou fait à la corde, l’un au-dessous et l’autre au-dessus de ce morceau de bois. Au bout de l’avalette, opposé à celui que la corde traverse, on attache uné ligne garnie de plusieurs -z1p7 es ou petites lignes * qui portent des hais, et qui sont de différentes longueurs, pour ne point.s’embarrasser les unes dans les autres. Cet instrument sert communément pour les pêches séden- tres, le poids de plomb portant toujouis sur le fond de la mer ou des rivières. i { 4 Un comple est un fil de fer un peu courbé, dont chaque bout porte * Vovez, dans l’article de /a rate Bouclée, la défnition d’une empile. JEzs D P Dr ES OP )Our 9 SOL NS: 623 Mais parlons rapidement de procédés plus compli- qués dont se composent les pèches des scombres-thons faites de concert par un grand nombre de marins. Exposons d'abord celle qui a lieu avec des /honnaires; nous nous occuperons un instant, ensuite, de celle pour laquelle on construit des madrasues, On donne le nom de honnaire où tonnaire à une en- ceinte de filets que l’on forme promptement dans la mer pour arrêter les 4hons au moment de leur passage. On a eu pendant long-temps recours à ce genre d'in- dustrie auprès de Collioure, où on le pratiquoit, et où peut-être on le pratique encore, chaque année, depuis le mois de prairial jusqu'au commencement de celui de vendémiaire. Pour favoriser la prise des thons, les habitans de Collioure entretenoient, pendant la belle saison , deux hommes expérimentés qui, du haut de deux promontoires, observoient l'arrivée de ces scombres vers la côte. Dès qu'ils appercevoient de loin ces poissons qui s'avançoient par bandes de deux ou trois mille , ils en avertissoient les pêcheurs en dé- ployant un pavillon, par le moyen duquel ils indi- quoient de plus l'endroit où ces animaux alloient aborder. A la vue de ce pavillon, de grands cris de Joie se faisoient entendre , et annoncoient l'approche d’une pèche dont les résultats importans étoient tou- une pile où empile, où pétite ligne garnie de haims, et qui est suspendu par le milieu à une ligne principale assez longue, et tenue par des pêcheurs dont la barque va à la voile, 624 HISTOIRE NATURELLE jours attendus avec une grande impatience. Les habi- tans couroient alors vers le port, où les patrons des bâtimens pêcheurs s'empressoient de prendre les filets nécessaires , et de faire entrer dans leurs bateaux. autant de personnes que ces embarcations pouvoient en contenir, afin de ne pas manquer d'aides dans les grandes manœuvres qu'ils alloient entreprendre. Quand tous les bateaux étoient arrivés à l'endroit où les thons étoient réunis, on jetoit à Feau des pièces de filets, /estées et flotiées, et on en formoit une enceinte demi-circulaire, dont la concavité étoit tournée vers le rivage, et dont l’intérieur étoit appelé jardin. Les thons renfermés dans ce jardin s’agitoient entre la rive et les filets, et étoient si effrayés par la vue seule des barrières qui les avoient subitement environnés, qu'ils osoient à peine s'en approcher à la distance de six ou sept mètres. Cependant, à mesure que ces scombres s'avancoient vers la plage, on resserroit l'enceinte, ou plutôt on en formoit une nouvelle intérieure et concentrique à la première, avec des filets qu'ôn avoit tenus en réserve. On laissoit une ouverture à cette seconde enceinte jus- qu'à ce que tous les thons eussent passé dans l’espace qu'elle embrassoit; et en continuant de diminuer ainsi, par des clôtures successives, et toujours d’un plus petit diamètre , l'étendue dans laquelle les poissons étoient renfermés, dh parvenoit à les retenir sur un fond re- couvert uniquement par quatre brasses d'eau : alors on + "+ + Pn DIE SP. OfI MS /0 NS 625 jetoit dans ce parc maritime un grand boulier", espèce de seine, dont le milieu est garni d’une manche. Les thons, après avoir tourné autour de ce filet, dont les ailes sont courbes, s'enfoncoient dans la poche où manche : on amenoit, à force de bras, le boulier sur le rivage ; on prenoit les petits poissons avec la main, les gros avec des crochets; on les chargeoit sur les bateaux pêcheurs , et on les transportoit au port de Collioure. Une seule pêche produisoit quelquefois plus de quinze mille myriagrammes de thons; et pendant un printemps dont on a conservé avec soin le souvenir, on prit dans une seule journée seize mille thons, dont chacun pe- soit de dix à q Il est des parages dans la Méditerranée où l’on se uinze kilogrammes. * On appelle Zolier, sur la côte voisine de Narbonne, et sur plusieurs autres côtes de la Méditerranée , un filet semblable à Passsauaue *, et formé de deux bras qui aboutissent à une manche. Son ensemble est composé de plusieurs piéces dont les mailles sont de différentes grandeurs. Pour faire les bras, on assemble , premièrement , douze pièces, dites at/as, dont les mailles ‘sont de cinq centimètres en carré; secondement , quatorze pièces, dites de deux doigts, dont les mailles ont trente-sept millimètres en carré ; et troisiéèmement, dix pièces de pousa/, pousaux, pouceaux, dont les mailles ont près de deux centimètres d’ouverture. Tout cet assemblage a depuis cent vingt jusqu’à cent quatre-vingts brasses de longueur. Quant au corps de la #anche, qu'on nomme aussi bourse, ou coup , il est composé de six pieces, dites de guinze-vingts, dont chaque maille a douze milli- metres d'ouverture , et secondement , de huit pièces appelées de brassade , dont les mailles sont à peu près de huit millimètres. * Aissaugue,.où essaugue, sorte de seine ou de filet en nappe, en usage dans la Méditerra- ace, etquia, au milieu de sa largeur, une espèce de sac ou de poche. TOME 11 79 + a dt 626 : HIS FOIRE Va É uk er sert, pour prendre des thens, d'un filet auquel on a donné le nom de scombrière, de combrière, de couran- tille, qu'on abandonne aux courans, et qui v de, Due ainsi dire, au-devant de ces scombres, lesquels s'en- gagent et s'embarrassent dans ses mailles. Mais hâtons- nous de parler du moyen le plus puissant de s'emparer d'une grande quantité de ces animaux si recherchés ; occupons-nous d’une des pêches les plus importantes de celles qui ont lieu dans la mer; jetons les yeux sur la pêche pour laquelle on emploie /a madrague. Nous en avons déja dit un mot en traitant de la raie mobular; tâchons de la mieux décrire. On a donné le nom de madragne * à un grand pare : qui reste construit dans la mer, au lieu d'être établi pour chaque pêche, commelesthonnaires. Ce parc forme une vaste enceinte distribuée en plusieurs s chambres, dont les noms varient suivant les pays: les cloisons qui forment ces chambres, sont souteuues-par des flottes de liége, étendues par un lest de pierres, et mainte- nues par des cordes dont une extrémité est attachée à la tête du filet, et l’autre amarrée à une ancre. Comme les madragues sont destinées à arrêter les grandes troupes de thons, au moment où elles aban- donnent les rivages pour voguer en pleine mer, on établit entre la rive et la grande enceinte une de ces * Le mot de madrague,ou de mandrague, doit avoir été employé par des Marseillois descendus des Phocéens, à cause du mot grec s«+,, mandra. qui signifie parc, enclos , enceinte. D:z, 5 A OMSES, ŒNYS: 627 jongues allées que l'on appelle chasses : les thons suivent cette allée, arrivent à la madrague, passent de chambre en chambre , parcourent quelquefois , de comparti- ment en compartiment, une longueur de plus de mille brasses , et parviennent enfin à la dernière chambre, que l'on nomme chambre de la mort, ou corpon, ou corpou. Four forcer ces scombres à se rassembler dans ce corpou qui doit leur être si funeste, on les pousse et les presse, pour ainsi dire, par un filet long de plus de vingt brasses *, que l'on tient tendu derrière ces poissons par le moyen de deux bateaux, dont cha- cun soutient un des angles supérieurs du filet, et que l'on fait avancer vers la chambre de la mort. Lorsque les poissons sont ramassés dans ce corpou, plusieurs barques chargées de pêcheurs s'en approchent ;. on soulève les filets qui composent cette enceinte parti- culière, on fait monter les scombres très-près de la surface de l’eau , on les saisit avec la main, ou on les enlève avec des crocs. La curiosité attire souvent un grand nonibre de spec- tateurs autour de la madrague ; on y accourt comme à une fête; on rassemble autour de soi tout ce qui peut augmenter la vivacité du plaisir; on s’entoure d'instru- mens de musique : et quelles sensations fortes et variées ne font pas en eflet éprouver l’immensité de la mer, la pureté de l'air, la douceur de la température, l'éclat * On nomme ce filet engarre. 628 HISTOIRE NATURELMEÆ d'un scleil vivifiant que les flots mollement agités: réfléchissent et multiplient, la fraîcheur des zéphyrs, le concours des bâtimens légers, l’agilité des marins , l'adresse des pêcheurs, le courage de ceux qui com- battent contre d'énormes animaux rendus plus dan- gereux par leur rage désespérée, les élans rapides de l'impatience, les cris de la joie, les acclamations de la surprise, le son harmonieux des COTS, le retentissement des rivages, le triomphe des vainqueurs, les applau- dissemens de la multitude ravie! Mais nous, qui écrivons dans le calme d'une retraite silencieuse l’histoire de la Nature, n’abandonnons point notre raison au charme d’un spectacle enchan- teur ; osons, au milieu des transports de la joie, faire entendre la voix sévère de la philosophie; et si les lois conservatrices de l'espèce humaine nous commandent ces sacrifices sans cesse renouvelés de milliers de vic- times, n'oublions jamais que ces victimes sont des êtres sensibles ; ne cédons à la dure nécessité que ce qu'il nous est impossible de lui ravir; n’augmentons pas par des séductions que des jouissances plus douces peuvent si facilement remplacer, le penchant encore trop dan- gereux qui nous entraîne vers une des passions les plus hideuses, vers une cruelle insensibilité ; eHacçons, s'il est possible, du cœur de l’homme cette empreinte en- core trop profonde de la féroce barbarie dont il a eu tant de peine à secouer le joug; enchaînons cet instinct sauvage qui le porte encore à ne voir la conservation. D'ELsent PONT SES o) AUS 629 de son existence que dans la destruction ; que les lu- mières de la civikisation l’éclairent sur sa véritable fé- licité ; que ses regards avides ne cherchent jamais les horreurs de la guerre au milieu de la paix des plaisirs, les agitations de la souffrance à côté du calme du bon- heur, la rage de la douleur auprès du délire de la joie; qu'il cesse d'avoir besoin de ces contrastes horribles ; et que la tendre pitié ne soit jamais contrainte de s'é- loigner, en gémissant, de la pompe de ses fêtes. Au reste, il n’est pas surprenant que , depuis un grand nombre de siècles, on ait cherché et employé un grand nombre de procédés pour la pêche des thons: ces scombres, en procurant un aliment très-abondant , donnent une nourriture très-agréable. On a comparé le goût de la chair de ces poissons à celui des acipen- sères esturgeons, et par conséquent à celui du veau. Ils engraissent avec facilité ; et l'on a écrit ” qu'il se ramassoit quelquefois une si grande quantité de subs- tance adipeuse dans la partie inférieure de leur Corps, que les tégumens de leur ventre en étoient tendus au point d’être aisément déchirés par de légers frottemens. Ces poissons avoient une grande valeur chez les Grecs et chez les autres anciens habitans des rives de la Mé- diterranée, de la Propontide, de la mer Noire; et voilà pourquoi, dès une époque bien reculée, ils avoient été * Voyez Pline, Liv. 9, chap. 15. Plusieurs auteurs modernes, et particu- dièrement Rondelet , ont rapporté le même fait, 680) HISTOURE NATUREL DE observés avec assez de soin pour que leurs habitudes fussent bien connues. Les Romains ont attaché parti- culièrement un grand prix à ces scombres, sur-tout lorsqu'asservis sous leurs empereurs, ils ont. voulu remplacer par les jouissances du luxe les plaisirs de la gloire et de la liberté; et comme nous ne croyons pas inutile aux progrès de la morale et de l'économie publique, d'indiquer à ceux qui Cultivent ces sciences si importantes, toutes les particularités de ce goût si marqué que nous avons observé dans les anciens pour les alimens tirés des poissons, nous ne passerons pas sous silence les petits détails que Pline nous a transmis sur la préférence que les Romains de son temps don- noient à telle ou telle portion des scombres auxquels cet article est consacré. Ils estimoient beaucoup la tête et le dessous du ventre ; ils recherchoient aussi le des- sous de la poitrine, qu’ils regardoient cependant comme difficile à digérer, sur-tout quand il métoit pas très-frais ; ils ne faisoient presque aucun cas des morceaux voisins de la nageoire caudale, parce qu'ils ne les trouvoient pas assez gras; etce qu'ils préféroient à plusieurs autres alimens, étoit la portion la plus proche du gosier ou de l'œsophage. Ces mêmes Romains savoient fort bien con- server les thons, en les coupant par morceaux, et en les renfermant dans des vases remplis de sel; et ils don- noient à cette préparation le nom de wrélandrye (me- landrya), à cause de sa ressemblance avec des copeaux un peu noircis-de chêne, ou d’autres arbres. Les mo HE SE O LS SLOUNSS G31 dernes ont employé le mème procédé. Rondelet dit que ses contemporains coupéiiifles thons qu'ils vouloient garder, par tranches ou darnes, et qu'on donnoit à ces darnes imbibées de sel le nom de zhonnine ou de taren- tella, parce qu'on en apportoit beaucoup de Tarente. Très-souvent, au lieu de se contenter de saler les thons par des moyens à peu près semblables à ceux que nous avons exposés en traitant du gade morue, on les ma- rine après les avoir coupés par tronçons , et en les préparant avec de l'huile et du sel. On renferme les _thons marinés dans des barils; et on distingue avec beaucoup de soin ceux qui contiennent la chair du ventre, préférée aujourd'hui par les Européens comme autrefois par les Romains, et nommée panse de thon, de ceux dans lesquels on a mis la chair du dos, que l'on appelle dos de thon, ou simplement #onnine *. Comme les thons sont ordinairement très-gras, il se détache de ces poissons, lorsqu'on les lave et qu'on les presse pour les saler, une huile communément assez abondante, qui surnage promptement, que l’on ramasse avec facilité, et qui est employée par les nn. est des mers dans lesquelles ces scombres se nour- rissent de mollusques assez malfaisans pour faire * Les anciens faisoient saler les intestins du thon, ainsi que les œufs de ee scombre, qui servent encore de nos jours, sur plusieurs côtes, et par- ticulièérement sur celles de la Grèce , à faire une sorte de poutargue. Con- Moultez principalement, à ce sujet, “ulu-Gelle, div, 10, chap. 20. 632 HIS P'OLR EN À TOUR FALL: éprouver des accidens graves à ceux qui mangent de ces poissons sans avoir pris la précaution de les faire vider avec soin, et même pour contracter dans des portions * de leur corps réparées pendant long-temps par des substances vénéneuses, des qualités très-funestes *: tant il semble que sur toutes ses productions, comme dans tous ses phénomènes, la Nature préservatrice ait voulu placer un emblême de la prudence tutélaire, en nous montrant sans cesse l’aspic sous les fleurs, et l'épine sur la tige de la rose. # * Consultez, au sujet des poissons vénéneux , le Discours sur la nature de ces animaux, FIN DU MIMOMMEMMS NE" CON D; DE L'IMPRIMERIE DE PLASSAN# de) POUUE VOUSUUT VEUT VUE M MA VALUE Vi \" MM EU au RebEE Nr US Fi LU V MAUY W LS de 0 PV M at, S nou is [MM M Ra He EN AAA v (MU VU ÿ vw va WW UM MAI LE POVUUV EN ae sou V VEVUV, M AMVUSUUUSEV UE ELE Live) VS EU VV HAVE A AIN SVENUY UN Vin, AU NT SUUVEN EPST MU NU M 0 AULA UN M VA e St VAE UN SV Ÿ “ LAN vY NÉS ME UVMENM EME 4-1 ar EU VVEVMENN ‘ JAM S MAS DER PT ua eus ER LUS EM VU VUE VAN V VUU SU, VU qe nes AU L RATE ANNE AE \ M JU PANNE PRE NU AMME A | se W Fe Ru MMOMEMUU AM OU PER MUN ES EUV M MISES EUESESER CN Ne Pays na Ÿ Ÿ NUM om sé mn | MM | (2 Vi + -. 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