•ïjr Spécial Collect QH45 B79 V.6 Sllîf i. B- Ml ©brarg This book was présentée! by Fred Sj, Barkalow VCOlAL COLLECTIONS B79 V.6 h This book must not be taken from the Library building. -MARCH 65 FORM 2 HISTOIRE NA TURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIERE, Par m. le COMTE de BUFFON, Inten- DANT DU JARDIN DU ROI , DE L'AcaDÉ- MIE Françoise et de celle des Scien- CES., iStC. Qji a drupe des, T0771& III, 1 AUX DEUX. PONTS. Chez SANSON & Compagnie, M. Dec, LXXXVIÎT Tont . in fL.i 9B ^^^•^^ ^^^ y^'^'^. ■ HISTOIRE NATURELLE. Tu I I I iiii I Wi ■! I I ' "" LE S U R M U L O T [^]. Voyt:^ flanche /, jîgf. / de ce Volume, NOUS donnons le nom de Surmulot à une nouv'clle efpèce de mulot , qui n'eft con- nue que depuis quelques années. Aucun Na- turalifte n'a parlé de cet animal , à l'excep- tion de M. Briflbn qui , le comprenant dans le genre des rats , Ta appelle Rat des bols. Mais comme il diffère autant du rat que le mulot ( a ) Rat lies bois. Mus caudâ /onglffîmâ , fitprà dilutc fuLvus , infrà alhicans Mus fylvcjbrls. Briffon, Rc^n, animait pag. tjo. Aï 6 Hijloire naturelle ou la foiiris , qui ont leurs nems propres, il doit avoir aulli un nom particulier , [nrmulm , comme qui diroit gros , grand mulot , auquel en efFet il reflemble plus qu'au rat par la couleur & par les habitudes naturelles. Le iurmulor eft plus fort & plus méchant que le rat ; il a le poil roux , ia queue extrê- mement longue & fans poil , l'épine du dos arquée comme l'écureuil, & le corps beau- coup plus épais , des mouftaches coinme le chat. Ce n'eft que depuis neuf ou dix ans que cette efpèce efl répandue dans îes en- virons de Paris : l'on ne fait d'où ces ani- maux font venus, mais ils ont prodigieufe- ment multiplié, & l'on n'en fera pas étonné, lorfqu'on faura qu'ils produifent ordinaire- ment douze ou quinze petits , fouvent feize , dix - fept , dix - huit , Z' même jufqu'à dix-neuf. Les endroits où ils ont paru pour la première fois, & où ils fe font bientôt fait remarquer par leurs dégâts , font Chantilly , Mariy - la - ville & 'Ver- failles. M. le Roy, Infpeaeur du Parc , a eu la bonté de nous en envoyer une grande quantité^ vivans & morts; il nous a même communiqué les remarques qu'il a faites fur- cette nouvelle efpèce. Les mâles font plus gros , plus hardis & plus méchans que les femelles : lorfqu'on les pourfuit & qu'on veut les faifir, ils fe retournent & mordent le bâton ou la main qui les fr^îppe ; leur mor- fure eft non-feulement cruelle , mais dange- reufe , elle ell proraptement fuivie d\ine enflure afi'ez confidérable ; & la plaie , quoi- que petite , eft long-temps à fe fermer. Us du Surmulot, " y produlfent trois fois par an ; ainfi deux in° dividus de cette efpèce en font tout au moins trois douzaines en un an ; les mères préparent un lit à leurs petits. Comme il y en avoit quelques-unes de pleines dans le nombre de celles qu'on nous avoit envoyé vivantes , &. que nous les gardions dans des cages , nous avons vu les femelles deux ou trois jours avant de mettre bas , ronger la planche de la cage, en faire de petits copeaux en quantité j les difpofer, les étendre & en- fuite tes faire fervir de lit à leurs petits. Les furmulots ont quelques qualités na- turelles qui femblent les approcher des rats d'eau ; quoiqu'ils s'établifTent par-tout ^ ils paroifTent préférer le bord des eaux ; les chiens leschafi'ent comme ils chafTentlcsrats d'eaw , c'eft-à-dire , avec un acharnement qui tient de la fureur. Lorfqu'ils fe fentent pourfuivis & qu'ils ont le choix de fe jeter à l'eau ou de fe fourrer dans un buifTon d'épines, à égale dlilancs , ils choifiiTent l'eau :, y entrent fans crainte , & nagent avec une merveilleufe facilité. Cela arrive furtout lorfqu'ils ne peuv.ent regagner leurs terriers , car ils fe creufent, comme les mulots , des retrai- tes fous terre , ou bien ils fe gîtent dans celles des lapins. On peut , avec les furets , prendre les furmulots dans leurs terriers ; ils les pourfuivent comme les la- pins , & femblent même les chercher avec plus d'ardeur. Ces animaux pafTent l'été dans la cam- pagne , & quoiqu'ils fe nourriffent principa- lement de fruits & de e;rain, ils ne laiffent A4 s mjloirc naturdh * pas d'être auffi très carnaîîiers : ils mangent les lapereaux , les perdreaux , la jeune vo- laille , & quand ils entrent dans un pou- lailler , ils font comme le putois , ils en égorgent beaucoup plus qu'ils ne peuvent en manger. Vers le mois de novem- bre , les mères , les petits & tous les jeu- nes furmulots quittent la campagne & vont en troupe dans les granges où ils font un dégât infini; ils hachent la paille, con- fomment beaucoup de grain , & infeélent le tout de leur ordure. Les vieux mâles ref- tent à la campagne, chacun d'eux habite feul dans fon trou; ils y font ^ comme les mulots i provifion pendant l'automne de gland , de faine , &c. ils le rempliffent jufqu'au bord , & demeurent eux-mêmes au fond du trou* Ils ne s'y engourdirent pas comme les loirs j ils en fortent en hiver, furtout dans les beaux jours. Ceux qui vivent dans les granges , en chafTent les fouris & les rats ; l'on a même remarqué , depuis que les fur- mulots fe font fi fort multipliés aux environs. de Paris , que les rats y font bea'u- coup moins communs qu'ils ne l'étoient au- tri;fis. de U Marmotte. , 9 LA MARMOTTE [d]. Voyei planche 1 ^ fi^rc 2 de ce Volume, i Jf tous les Auteurs modernes qui ont écrit fur l'Hiftoire Naturelle , Gcfner eft celui qui , pour le détail , a le plus avancé la fcience ; il joignoit à une grande érudition un fens droit & des vues faines : Aldrovande n'eft guère que fon commentateur, & les Natu- ralises de moindre nom ne font que les co- piftes. Nous n'héfiterons pas à emprunter de lui des faits au fujet des Marmottes , ani- («) La Marmotte ,• en Latin , Mus ahinns.VWrïW \ en Italien, Murmont , Mormota , Ma-montar.a , & en qv;e1- ques endroits d'Italie , Varofa , félon GeTner ; en Al- lemagne 8c en Suifie , Murmeàhler , MurmentU , Mijihel- lerle , félon Gcfner ; chez les Grifons , MontdneLla , félon Gefner ; en Polonois,. Bohak , Swîjfci, félon Rza» czynski ; en vieux François , Marmontaîn , Mannotaine, Marmctan, Musalp'mus. Gefner, Hîfi, quadrup. pag. j^J , Icon, unimal. quadrup. , pag. toS. Mus atpinus. Plinii, Marmota'ualis» Kiy.Synopf. ani" mal, quadrup. pag. S-Zi. Mus caudâ clongatâ, , nudi , corpore rufo ; Marmom Linnœus. dis, Marmcta îtalis : Mus atpinus ^ Plinii. Klein - de quadrup. pag. f6. Glls , pi lise fufco & flavicante mixtis veflitus^ Mar» mota alpina. Brill'on, R^gn^) animaLp^^. tCf. I Ô Tfijioirt naturelle maux de fon pays ( /' ) » <^u'i^ connoiiToit mieux que nous , quoique nous en ayons nourri comme lui quelques-unes à la mai- fon. Ce que nous avons obrervé fe trou- vant d'accord avec ce qu'il en dit, nous ne doutons pas que ce qu'il a obfervé de plus ne foit également vrai. La marriiotte , prife jeune , s'apprivoife plus qu'aucun animal fauvage,& prefqu'au- tant que nos animaux do^meftiques ; elle ap- prend aifément à faifir un bâtcn, à gefticu- 1er, à danfer, à obéir en tojt à la voix de fon maître; elle eft, comme le chat, an- tipathique avec le cliien : lorfqu'clle com- mence à être familière dans la maifon , oc qu'elle fe croit appuyée par fon maître' , elle attaque & mord en fa préfence les chiens les p!us redoutables. Quoiqu'elle ne foit pas tout-à-fait aulTi grande qu'un lièvre , elle eil bien plus trapue, & joint beaucoup de force à beaucoup de foupleffe : elle a les quatre dents du devant des mâchoires afTez longues & aiTez fortes pour bleifer cruellement; ce- pendant elle n'attaque que les chiens, & ne fait malàperfonne à moins qu'on ne l'irrite. Si l'on n'y prend pas garde , elle ronge les meubles, les étoffes ,& perce même le bois lorfqu'elle eft renfermée. Comme elle a les cuiffes très courtes , & les doigts des pieds faits à-peu-près comme ceux de l'ours , elle {b) Gefner étoitSuifle, & c'eft un des hoitwnes qui fûnt ie plus d'honneur à la Nation. de la Marmotte, \ T Retient fouvenr airife, & marche comme lui aifément fur fes pieds de derrière; elle porte à fa gueule ce qu'elle faifit avec ceux de devant, & mange debout comme l'écu- reuil; elle court afîez vite en montant, mais affez lentement en plaine ; elle grimpe fur les arbres , elle monte entre deux parois de rochers, entre deux murailles voifines , & c'eû des marmottes , dit-on , que les Savoyards ont appris à grimper pour ramoner les che- minées. Elles mangent de tout ce qu'on leur donne , de la viande ^ du pain, des fruits , des racines 3 des herbes potagères, des choux, de,s hannetons , desfauterelles, &c. mais elle font plus avides de lait & de beurre que de tout autre aliment. Quoique moins enclines que le chat à dérober, elles cherchent à entrer dans les endrois où l'on renferme le lait, & elles le boivent en grande quantité en marmottant, c'efl-à- dire, en faifant comme le chat une efpèce de m.urmure de conten- tement. Au refte , le lait eft la feule liqueur qui leur plaife ; elles ne boivent que très rarement de l'eau j & refufent le vin. La marmotte tient un peu de l'ours & un peu du rat pour la forme du corps ; ce n'eft cependant pas VarElomys ou le rat- ours des Anciens ,. comme l'ont cru quelques Auteurs , & entr'autres Perrault. Elle a le nez , les lèvres & la forme de la tête comme le lièvie, le poil ôc les ongles du blaireau , les dents du caftor , la mouflache du chat , les yeux du loir , les pieds de l'ours , la queue courte & les oreilles tronquées. La couleur d^ fon poil fur le dos eft d'un Il Hijloln naturdU roux-brun, plus ou moins foncé; ce poii eft affez rude , mais celui du ventre eft roufsà- tre , doux & touffu. Elle a la voix & le murmure d'un petit chien lorfqu'elle joue ou quand on la carefle ; mais lorfqu'on Tir- rite ou qu'on l'effraie , elle fait entendre un fifflet fi perçant & fi aigu , qu'il bleffe le tympan. Elle aim^ la propreté , & fe met à l'écart, comme le chat, pour faire fes befoins ; mais elle a , comme le rat , fur- tout en été , une odeur forte qui la rend très défagréable ; en automne , elle efl très graffe : outre un très grand épiploon, elle a, comme le loir, deux feuillets graiffeux fort épais ; cependant elle n'eft pas égale- ment graffe fur toutes les parties du corps ; le dos & les reins font plus chargés que le refîe y d'une graiffe ferme & folide , affez femblable à la chair des tétines du bœuf. Auffi la marmotte feroit affez bonne à manger fi elle n'avoit pas toujours un peu d'odeur, qu'on ne peut mafquer que par des affaifon- nemens très forts. Cet animal, qui fe plaît dans la région de la neige & des glaces , qu'on ne trouve que fur les plus hautes montagnes , efl ce- pendant fujet plus qu'un autre à s'engourdir par le froid. C'efl ordinairement à la fin de feptembre ou au commencement d'oftobre qu'elle fe recèle dans fa retraite pour n'en fortir qu'au commencement d'avril : cette re- traite efl faite avec précaution , & meublée avec art ; elle efl d'abord d'une grande ca- pacité , moins large que longue, &. très pro- fonde y au moyen de quoi elle peut conter ii la. Marmotte, "13 nlrimeou plufieurs marmottes fans queTair s'y corrompe : leurs pieds &. leurs, ongles paroiflent être faits pour fouiller la terre , & elles la creufent en effet avec une mer- veilleufe célérité; elles jettent au dehors, ^derrière elles, les déblais de leur excava- tion : ce n'eft pas un trou, un boyau droit ou tortueux, c'eft une efpèce de galerie faite en forme d'Y grec , dont les deux branches ont chacune une ouverture , & aboutiffent toutes deux à un cul-de-fac qui eft le lieu du féjour. Comme le tout eft pratiqué fur le penchant de la montagne , il n'y a que le cul-de-fac qui foit de niveau; la branche inférieure de l'y grec eft en pente au-def- fous du cul-de-fac ; & c'eft dans cette par- tie , la plus balle du domicile , qu'elles font leurs excrémens , dont l'humidité s'écoule aifément au dehors; la branche fupérieure de l'y grec eft aufli un peu en pente, & plus élevée que tout le refte ; c'eft par-là qu'elles entrent & qu'elles fortent. Le lieu du féjour eft non-feulement jonché , mais tapifféfort épais de mouffe & de foin, elles en font ample provifion pendant Tété : on aflure même que cela fe fait à frais ou tra- vaux communs , que les unes coupent les her- bes les plus fines , que d'autres les ramaf- fent , & que tour à tour elles fervent de voitures pour les tranfporter au gîte ; l'une , dit- on , fe couche fur le dos , fe laifTe char- ger de foin, étend fes pattes en haut pour lervir de ridelles ; & enfuite fe laifTe traî- ner par les autres qui la tirent par la queue , & prennent garde en même temps que la 14 Ht (loin natunlU voiture ne verfe. C'eft , à ce qu'on prétend ,' par ce frottement trop fouvent réitéré, qu'el- les ont prefque toutes le poil rongé fur le dos. On pourroit cependant en donner une autre raifon; c'efl qu'habitant fous la terre, s*occupant fans cefTe à la creufer , cela feul fufHt pour leur peler le dos. Quoi qu'il en foit . il eft sûr qu'elles demeurent en- iemble & qu'elles travaillent en commun à leur habitation ; elles y pafTent les trois quarts de leur vie , elles s'y retirent pendant l'orage, pendant la pluie , ou dès qu'il y a quel- que danger; elles n'en fortent même que dans les plus beaux jours , & ne s'en éloignent guère ; l'une fait le guet , aflife fur une ro- che élevée , tandis que les autres s'amufent à jouer fur le gazon , ou s'occupent à le couper pour en faire du foin ; & lorfque celle qui fait fentinelle appérçoit un homme, un aigle , un chien , &c. elle avertit les autres par un coup de fifflet , & ne ren- tre elle-même que la dernière. Elles ne font pas de provifions pour l'hiver, ii femble qu'elles devinent qu'elles feroient inutiles; maislorfqu'elles fentent les premières approches de la faifon qui doit les engourdir , elles travaillent à fermer les deux portes de leur domicile , & elles le font avec tant de fo^n & de folidité , qu'il eft plus aifé d'ouvrir la terre par-tout ailleurs que dans l'endroit qu'elles ont muré. Elles font alors très graffes , il y en a qui péfent jufqu'à vingt livres ; elles le font encore trois mois après , " mais peu à peu leur embonpoint diminue , & elles font maigres fur la fin de Wiiver. de la Mamiôrte, 1 5 Lorfqu'on découvre leur retraite , on les trouve refferrées en boule & fourrées dans le foin, on les emporte tout engourdies ;, on f>eut même les tuer fans qu'elles paroiffent e fentir; on choifit les plus grafles pour les manger , & les plus jeunes pour les ap- privoifer. Une chaleur graduée les ranime comme les loirs , & celles qu'on nourrit à la maifon , en les tenant dans des lieux chaude , ne s'engourdiflent pas , & font même aulîi vives que dans les autres temps. Nous ne répéterons pas ,au fujet de l'engourdif- fement de la marmotte , ce que nous avons dit à l'article du loir; la refroidiiTement du fang en eft la feule caufe , & l'on avoit obfervé avant nous , que dans cet état de torpeur la circulation étoit très-lente , auiii- bien que toutes les fecrétions, & que leur fang n'étant pas renouvelé par un chyle nou- veau , étoit fans aucune ferofité. Voyez TranfaBions Philofophïques n9, $çy. Au refte , il n'eft pas sûr qu'elles foient toujours & conftamment engourdies pendant fept ou huit mois , comme prefque tous les Auteurs le prétendent. Leurs terriers font profonds, elles y demeurent en nombre ; il doit donc s'y conferver de la chaleur *dans les premiers temps, & elles y peuvent manger de l'herbe qu'elles y ont amaffée. M. Altmann dit mê- me , dans fon Traité fur les animaux de Suidé , que les Chaffeurs laiiïent les marmottes trois iémaines ou un mois dans lei^r caveau avant que d'aller troubler leur ropos; qu'ils ont loin de ne point creufer lorfqu'il fait un temps douxjou qu'il fouffle un ven: chaudj î6 tlijioirt naturelU. que fans ces précautions les marmottes _ fe réveillent , & creufent plus avant; mais qu en ouvrant leurs retraites dans le temps des crands froids, on les trouve te lement af- foupies qu'on les emporte facilement. On peut donc dire qu'à tous égards elles font ?omme les loirs , & que f. elles [ont engour- dies plus long- temps, c'eft qu'elles habitent un climat oii l'hiver eft plus long. Ces animaux ne produifent quune fois l'an; les portées ordinaires ne font que de trois ou quatre petits , leur ,a"roiffement eft prompt, & la durée de leur y,e neft aue^de neuf ou dix ans ; auffil'efpece nen éft ni nombreufe m bien répandue. Les Grecs ne la connoiffoient pas ou du moins ils n'en ont fait aucune mention. Chez les Latins, Pline eft le premier qm 1 »•""/'- quée fous le nom de mus Alpmus , xzi des Alpes; & en effet, quoiquil y ait dans les Alpes plufieurs autres elpeces de rats, au- cune n'eft plus remarquable que la marmotte, aucune n'haVite comme elle les fommets des plus hautes montagnes; les autres fe tien- nent dans les vallons , ou bien fur la croupe des collines & des premières montagnes .mais il n'y en a point qui m'onte auffi haut que a marmotte; d'ailleurs , elle ne defcend ja- mais des hauteurs, & ^^^olx^"^ particu- lièrement attachée à la chaîne des Alpes , oùeUe femble choifir l'expof.tion du ni.d. & du levant de préférence a celle du nord ^, X couchant Cependant il s'en trouve S LtrA ennlns , dLs les ^V^^^ les plus hautes montagnes ae 1 AUemagn^. di la Marmotte ij Le bohak de Pologne (c) auquel M. Briflbn ( ^ ) , & d'après lui MM. Arnault de No- bleville & Salerne ( ^ ) ont donné le nom de marmotte , diffère de cet animal , non-feu- lement par les couleurs du poil , mais aulH • par le nombre des doigts , car il a cinq doigts aux pieds de devant j l'ongle du pouce paroit au dehors de la peau , & Ton trouve au dedans les deux phalanges de ce cinquième doigt qui manque en entier dans la marmotte. Ainfi le hobak ou marmotte de Pologne, le mouax ou marmotte de Canada, le cavia ou marmotte de Bahama , & le cricet ou marmotte de Strasbourg font tous les quatre des efpèces différentes de la marmotte des Alpes. (c) Vide Aucîuarlum Hlji, Nul. PolonU t auth. Rza- czynski , p. 317. ( d) BrifTon, Regn. animal, p. 16^. \e) Hiftoire Naturelle des animaux , par MM. Ar- nault de Nobîeville & Salerne. Paris iy)6. Ouvrage utile , & où les faits font raffemblés avec autant de foin que de difcernemenr. ■m 6 i8 Tlijïoire naturcHe L' O U R S [a]. Voyci p^(^^che II ,fig, i & idccc Volume, .L n'y a aucun animal, du moins de ceux qui font alTez généralemem: connus , fur le- quel les Auteurs d'Hiftoire Naturelle ayent autant varié que fur l'Ours : leurs incerti- tudes , & même leurs contradictions fur la nature & les mœurs de cet animal , m'ont paru venir de ce qu'ils n'en ont pas di{ling;ué les efpèces, & qu'ils rapportent quelquefois de l'une ce qui appartient à l'autre. D'abord il ne faut pas confondre l'ours de terre avec l'ours de mer , appelle communément ours hhmc , ours de la mer glaciale ; ce font deux ani- maux très difFérens , tant pour la forme du corps, que pour les habitudes naturelles : enfuite il faut diftinguer deux efpèces dans lis ours terreftres, les bruns &:les noirs {b , (a) L'ours ; en Groc , A'^/tXTo? ; en Latin , C/rJhs ; en Italien, Orfo } en Efpagnol , Ojfo ; en Alle-n.ind, Bar; en Anglois , Bar ; en Suédois Bioren; en Polonois , JVcwer , Nied^wiedi. Urfus. Gefner , Hijl. quadrup. pag. ç^t. Icon. atiim, quadriip<-pag. 6f. Urfus. Ray , Slnopf. animal, quadrup, pag. iji. Urfus caudâ ahruptâ. Urfus vulgo. Linnoeus. Urfus. Klein, de quadrup. pag. 82. Urfus niger , caudâ unlco Ion Urfus, BriflTon , TÎj--'}. aviimi;!. pag. zfS. [h) Nota. Qv;e nous comprenons ici fous la déno- mitatici) d'oari bruns > ceux qui fcnt bruns , fauves , TorrL.in ?1.2. de tOurs, 19 îeTqiiels n^ayant pas les mêmes inclinations , les mêmes appétits naturels, ne peuvent pas être regardés comme des variétés dune feule & même efpèce , mais doivent être confi- dérés comme deux efpèces diftin^les 6: ré- parées. De plus , ( voy^ç planche II , figure 2 ac ce volume') il y a encore des ours de terre qui font blancs , & qui , quoique reffem- blans par la couleur aux ours de mer , en diffèrent par tout le refte autant que les au- tres ours. On trouve ces ours blancs ter- reftres dans la grande Tartarie (c) , en Mof- covie , en Lithuanie & dans les autres pro- vinces du nord. Ce n'eft pas la rigueur du climat qui les fait blanchir pendant l'hiver , comme les hermines ou les lièvres, ces ours naiifent blancs & demeurent blancs en tout temps : il faudroit donc encore les regarder comme ime quatrième efpèce , s'il ne fe trouvoit aulTi des ours à poil mêlé de brun & de blanc , ce qui défigne une race inter^ médiaire entre cet ours blanc terreftre & l'ours brun ou noir ; par conféquent l'ouis blanc terreftre n'eil qu'une variété de l'une ou de l'autre de ces efpèces. On trouve dans les Alpes l'ours brun arf» fez ^communément , & rarement l'ours noir', qui fe trouve au contraire en grand nom- bre dans les forêts des pays fepientrionaux de l'Europe & de l'Amérique. Le brun eft rowx, rongcâtres ; & par celle d'ours noirs ceux q.vî font noiràrres , aulTibien que tout-à-faic noirs. ( c) Voyez la Relation de la grande Tartarie. AivJU'» ^^ » '737 > ^"''^ y P^S-^ ^« 10 H'ijloire naturelle féroce & carnaflier, le noir n'eft que farou- che , &. refufe conftamment de manger de la chair. Nous ne pouvons pas en donner un témoignage plus net & plus récent que ce- Jui de M. du Pratz. Voici ce qu'il en dit dans Ion hiftoire de la Louifiane ( d). n L'ours paroit ( £ ) l'hiver dans la Louifiane , parce que les neiges qui couvrent les terres du nord , Tempéchant de trouver fa nourriture ^ le chafTent des pays feptentrionaux ; il vit éà fruits , entr'autrçs de glands & de raci- Rcs , & ies mets les plus délicieux font le miel & le lait : lorfqu'il en rencontre , it fe laiîTeroit plutôt tuer que de quitter prife. Malgré la prévention où l'on eft que l'ours eft carnaiTier, je prétends , avec tous ceux de cette province & des pays circonvoifins ^ qu'il ne l'eft nullement. 11 n'eft jamais ar- rivé que ces animaux ayent dévoré des hom- mes , malgré leur multitude & la faim ex- trême qu'ils foufFrent quelquefois , pui{que même dans ce cas ils ne mangent point la viande de boucherie qu'ils rencontrent. Dans l'a temps que je demeurois aux Natchés , il y eut un hiver fi rude dans les terrj ^ln nord;, que ces animaux defcendirerrt en grande quaHtité ; il étoient fi communs qu'ils s'aifa- moient les uns les autres , & étoient très {d) Voyez PHiftoîre delà Louifiane , par M. le Piige du Pratz. Paris y ijf^S , in-}%, tome II, pag. 77. &fni- yantes. (é) Obfervez qu'il s'agit ici de l'ours noir> ôc coo i<è t'oiirs brun. ât rOttrs, 11 maigres ; la grande faim les faifoit fortir desbois qui bordent le fleuve; on les voyoit courir la nuit dans les habitations , &. en- trer dans les cours qui n'étoient pas bien fermées , ils y trouvoient des viandes expo- fées au frais ; ils n'y touchoient point , &: mangeoient feulement les grains qu'ils pou- voient rencontrer. Cetoit affurément dans une pareille occafion , & dans un befoin aulîi prefîant , qu'ils auroient dii manitefter leur fureur carnaffière , fi peu qu'ils eulTent été de cette nature. Ils n'ont jamais tué d'animaux pour les dé vorerj & pour peu qu'ils fuiTent carnailiers , ils n'abandonneroient pas les pays couverts de neige , où ils trouve- roient des hommes & des animaux à di(cré- tion , pour aller au loin chercher des fruits & des racines , nourriture que les bêtes carnaffières refufent de manger ". M. du Pratz ajoute dans une note , que depuis qu'il a écrit cet article , il a appris avec certi- tude que dans les montagnes de Savoie il y a deux fortes d'ours, les uns noirs, comme ceux de la Louifiane , qui ne font point car- fiaffiers ; les autres rouges , qui font aufli carnaffiers que les loups. Le baron de la Hontan dit i^ tome 1 de fes voyages , p.:ge S 6 ) que les ours du Canada font extrêmement Boirs, & peu dangereux ; qu'ils n'attaquent jamais les hommes , à moins qu'on ne tire deiîus & qu'on ne les biefîe. Et il dit aufli {tome II , p. 40), que les ours rougeâtres font méchans , qu'ils viennent effrontément atta- quer les CliaiTeurs, au lieu que les noirs s'enfuient. il Hijloire natnrdU Wormiiis a écrit (/) qu'on connoît trois ours en Norvège : le premier ( Brejfdiur ) très grand , qui n'eft pas tout-à-fait noir, mais brun, & qui n'eft pas fi nuifibîe que les au- tres, ne vivant que d'herbes & de feuilles d'arbres ; le fécond ( Ildgïerfdiur ) plus petit , plus noir, carnaffier, & attaquant fouvent les chevaux & les autres animaux fur- tout en automne ; le troifième (Myr^'/'/om^) qui eft le plus petit de tous, & qui ne laiffe pas d'être nuffible ; il fe nourrit, dit il , de fourmis, & fe plait à renverfer les four- millieres. On a remarqué (ajoute-t-il fans preu- ve ) que ces trois efpèces fe mêlent & pro- duifent enfemble des efpèces intermédiaires ; que ceux qui font carnaffiers attaquent les trouoeaux , foulent toutes les bêtes comme le loup , & n'en dévorent qu'une ou deux; que quoique carnaffiers ils mangent des fruits fauvageSj & que quand il y a une grande quantité de forbes, ils font plus à craindre que jamais , parce que ce fruit acerbe leur agace fi fort les dents , qu'il n'y a que le fang & la graiffe qui puifTe leur ôter cet agacement qui les empêche de manger. Mais la plupart de ces faits rapportés par Wormius me paroiiTent fort équivoques, car il n'y a point d'exemple que des animaux dont les appétits font conftamment différens , comme dans les deux premières efpèces, dont les uns ne mangent que de l'herbe &cdes feuilles , (/; Vide Mu/. Worm. p. }iS. de rOurs, 13 & les autres de ia chair & du fang , fe mê- lent enfemble & produifent une efpèce inter- médiaire ; d'ailleurs ce font ici les ours noirs qui font carnalTiers, & les bruns qui font frugivores , ce qui efl abfolument contraire à la vérité. De plus, le P. llzaczynski Po- lonois (g), & M. Klein de Dantzic (^/!),qui ont parlé des ours de leur pays , n'en ad- mettent que deux efpèces, les noirs & les bruns ou roux, & parmi ces derniers j des grands & des petits ; ils difent que ces ours noirs font les plus rares; que les bruns font au contraire fort communs ; que ce font les ours noirs qui font les plus grands & qui mangent les fourmis , & enfin que les grands ours bruns ou roux font les plus nuifibles & les plus carnalliers. Ces témoignages , aufli-bien que ceux de M. du Pratz & du baron de la Hontan , font , comme Ton voit, tout-à-fait oppofés à celui de Wormius que je viens de citer. En effet , il paroît cer- tain que les ours rouges , roux ou bruns , qui fe trouvent non-feulement en Savoie , mais dans les lîautes montagnes , dans les vaftes forêts , & dans prefque tous les dé- ferts de la terre , dévorent les animaux vi- vans , & mangent même les voiries les plus înfeétées. Les ours noirs n'habitent guère que les paj's froids , mais on trouve des ours bruns ou roux dans les climats froids & tempérés , .ta même dans les régions du midi. {g) AiiHuar. Ilijî. N.i*. p. ^5, (A) De quadruf.p. Si 14 Hljîoln namrtlU Ils ctoient communs chez les Grecs ; le^ Romains en faifoient venir de Libye (i) pour fervir à leurs fpedlacles ; il s'en trouve à la Chine [k) , au Japon (/) , en Arabie , en Egypte , & jufque dans l'isle de Java {m). Ariftote {n) parle aufîi des ours blancs, terreftres, & regarde cette différence de cou- leur comme accidentelle, & provenant , dit- il , d'un défaut dans la génération. Il y a donc des ours dans tous les pays déierts , ef- carpés , ou couverts , mais on n'en trouve point dans les royaumes bien peuplés, ni dans les terres découvertes & cultivées ; il n'y en a point en France , non plus qu'en Angleterre ; fi ce n'eft peut-être quelques- uns dans les montagnes les moins fré- quentées. L'ours eft non- feulement fauvage , mais folitaire ; il fuit par ini^inél toute fociété , il s'éloigne des lieux où les hommes ont accès , il ne fe trouve à fon aife que dans les endroits qui appartiennent encore à la vieille Nature ; une caverne antique dans des rochers inacceflibles , une grotte for - (i) Herodot. Solin. Crinit. & alil. Quod freno Li- byci doniîntur urfi , dit Martial. { k ) Hiftoire générale Aqs voyages , par M* l'abbé Prévôt , tome III, page ^92. Hiftoire IsaturdU du Jiipon , par Kœmpfer tome I , page 20(). ( /) Strabo , lib. XVI. Proi"p. Alpin, page aj^. ( m ) Voy3<^e autour du monde de le Gentil, Paris , ï72f , toim III \ page 8f, { n ) Arifiot. de admir. caf, CXI, Idtm de gcn. anl- mal. iib, V , cap. ri, mée dt COurs» ir mée par le temps dans le tronc d*un vieux arbre , au milieu d'une épaiffe forêt , lui iervent de domicile; il s'y retire feui, y paffe une partie de l'hiver fans provifions , fans en fortir pendant plufieurs femaines. Cependant il n'eft point engourdi ni privé de fentiment , comme le loir ou la marmot- te ; mais tomme il eft naturellement gras , & qu'il l'eft exceiTivement fur lafîn de l'au- tomne , temps auquel il fe recèle , cett« abondance de gralffe lui fait fupporterl'abf' tinence , & il ne fort de fa bauge que lorf- qu'il fe fent affamé. On prétend que c'eft au bout d'environ quarante jours (o) queJes mâles fortent de leurs retraites 3 mais que les femelles y reftent quatre mois, parce P^g^ 7f & fuivantes. Hiftoire de la Loui- fifine, par M. le Page du Pratz, tome II page 87, 30 Hljlolrc naturelle» quelquefois ils font nichés à trente & qua- rante pieds de hauteur. Si c'eft une niere avec les petits, elle defcend la première, on la tue avant qu'elle foità terres les pe- tits defcendent enluite , on les prend en leur pafTant une corde au cou , & on les emmène pour les élever ou pour les manger, caria chair de l'ourfon eft délicate & bonne ; celle de l'ours eft mangeable , mais comme elle ctt mêlée d'une graiffe huileufe , il n'y a guère que les pieds, dont la uibftance eft plus fer- me 5 qu'on puilTe regarder comme une viande délicate. La chaiTe de l'ours , fans être fort dan- gereufe , eft très utile lorfqu'on la fait avec «[uelque fuccès ; la peau eft de toutes les four- rures grolîieres celle qui a le pjus de prix » & la quantité d'huile que l'on tire d'un feul *urs eft fort confidérabîe. On met d'abord la chair & la graiffe cuire enfemble dans une chaudière, la graiffe fe fépare; » enfuite , dit M. du Pratz(^),on la purifie en y jetant, lorfqu'elle eft fondue & très chaude , du Tel en bonne quantité &de l'eau par afperfion : il fe fait une détonation, &il s'en élève une fumée épaiffe qui emporte avec elle la mauvai- fe odeur de la graiffe ; la fumée étant paffée, & la graiffe étant encore plus que tiède , on la ^^verle dans un pK)t où on la Is^iffe repofer huit ou 'dîlc jours; au bout de ce temps on voit nager deffus une huile claire qu'on enlève avec une cuiller; cette huile eft suffi bonne que {x ) Tome Ut pa^ts Sç) & ♦)** de /' Oîirs, 3 1 la meilleure huile d*olive, &fertaux même$ ufages. Au-deflbus on. trouve un faindou^ aulîi blanc, mais un peu plus mou que le faindoux de porcs il fert au befcin de la cuifine & il ne lui refte aucun goût défagréa- ble , ni aucune mauvaife odeur. » M. Du- mont , dans fes Mémoires fur la Louijiane , s'ac- corde avec M. du Pratz , & il dit de plus , que d'un feul ours on tire quelquefois plus de cent vingt pots de cette huile ou graifle; que les fauvages en traitent beaucoup avec les Fran- çois j qu'elle eft très belle , très faine & très bonne; qu'elle ne fe fige guère que par un grand froid ; que quand cela arrive , elle eft toute en erumeaux, & d'une blancheur à éblouir; qu'on la mange alors fur le pain en guife de beurre. Nos Epiciers-Droguiftes ne tiennent point d'huile d'ours, mais ils font venir de Savoie, de Suiffe ou de Canada de la graifle ou axonge qui n'eft pas purifiée. L'Auteur du Diction- naire du Commerce dit même que pour que la graifle d'ours foit bonne , il faut qu'elle foit grisâtre , gluante , & de mauvaife odeur, & que celle qui eft trop blanche eft fo- phiftiquée & mêlée de fuif. On fe fert de cette graifle comme de topique pour les hernies, les rhumatifmes , &c. & beaucoup de gens aflfurent en avoir reflenti de bons effets. La quantité de graifle dont l'ours eft chargé le rend très léger à la nage, auflî traverfe-t-il fans fatigue des fleuves & des lacs, n Les o*urs de la Louifiane, dit M, C4 31 Hljîoîre naturttU Dumont (y), qui font d'un très beau noir; traverfent le fleuve malgré fa grande lar- geur ; ils font très friands du fruit des pia- queminierSj ils montent fur ces arbres, fe mettent à califourchon fur une branche , s'y tiennent avec une de leurs pattes , & fe fer- vent de l'autre pour plier les autres brani ches & approcher d'eux les plaquemines; ils ferlent aulTi très fouvent des bois pour venir-dans ks habitations manger les patates & le mahis n. En automne , lorfqu'ils fe font bien engraiffés , ils n'ont prefque pas la force de marcher ({) , ou du moins ils ne peuvent courir (a) aulii vite qu'un homme. Ils ont quelquefois de dix doigts d'épaifleur (b) de graiffe aux côtes & aux cuiffes ; le deflbus de leurs pieds eft gros & enflé ; lorfqu'on îe coupe, il en fort un fuc blanc & laiteux: cette partie paroît compofée de petites glan- des qui font comme des mamelons , & c'eft ce qui fait que pendant l'hiver, dans leurs re- traites, ils fucent continuellenîent leurs pat- tes. L'ours a les fens de la vue , de l'ouie & du toucher très bons , quoiqu'il ait Poeil très petit, relativement au volume de fon corps. (y) Mémoires fur la Louifiane page j6. i î Voyage du Baron de la Hontan , page SC. ( d ) Hiftoire de la LouiSane , par M. du Pratz , page h- {b) Extrait d*iin Ouvrage Danois, cité par MM» Arnaultde Nobleville & Salerne. Wftoire NaturtlU d tranfporté; iisie coupent toujours à^un pied 66 HlJIolre naturelle ou un pied& demi de hauteur de terre; ils travaillent alîis , & outre l'avantage de cette fituation commode, ils ont le plaifirde ron- ger continuellement de Técorce & du bois dont le goût leur eft fort agréable , car ils préfèrent l'écorce fraîche & le bois tendre à la plupart des alimens ordinaires ; ils en font ample provifion pour fe nourrir pen- dant l'hiver ( f) y ils n'aiment pas le bois fec. C'eft dans l'eau & près de leurs habita- tions qu'ils établiffent leur magafm; chaque cabane a le fien proportionné au nombre de fes habitans , qui tou^y ont un droit com- mun , & ne vont jamais piikr leurs voifms. On a vu des bourgades composées de vingt ou ce vingt-cinq cabanes ; ces grands établifTe- mens font rares, & cette efpèce de république eft ordinairement moins nombreufe , elle n'eft le plus fouvent composée que de di,^ ou douze tribus , dont chacune a fon quar- tier, fon magafin, fon habitation féparée ; ils ne fouffrent pas que des étrangers vien- nent s'établir dans leurs enceintes. Les plus petites cabanes contiennent deux , quatre , fix, &i les plus grandes dix-huit, vingt & même , dit-on , jufqu'à trente cafîors , pref- f/) La provifion pour huit ou dix caftors eft de vingt-cinq ou trente pieds en quarré, fur huit ou dix pieds de profondeur ; ils n'en apportent dans leurs ca» banes que quand ils font coupés menus, & tout prêr»" à manger ; ils aiment mieux le buis frais que le bois flotté , & vont de temps en temps pendant l'hiver en ma.nger dans le bois. MJmoire de l'Académie du* Sc'unces , année 170^^ Ménoin di M, Surrujm, du Ca^or. 47 que toujours en nombre pair, autant de fe- melles que de mâles ; ainfi , en comptant même au rabais, on peut dire que leur fo- ciété eft fouvent compofée de cent cinquante ou deux cents ouvher5 aflbciés , qui tous ont travaillé d'abord en corps pour élever le grand ouvrage public , & eniuite par compagnie pour édifier des habitations par- ticulières. Quelque nombreufe que foit cette fociété , la paix s'y maintient Tans altéra- tion ; le travail commun a refferré leur union ; les commodités qu^ils le font pro- curées , l'abondance des vivres qu'ils amaf- fent & confomment enfemble , fervent à l'entretenir ; des appétits modérés , des goûts {impies , de l'averfion pour la chair & le Tang, leur ©tent jufqu'à l'idée de ra- pine & de guerre : il jouiffent de tous les biens que l'homme ne fait que defirer. Amis entr'eux , s'ils ont quelques en- nemis au dehors, ils favent les éviter , ils s'avertifTent en frappant avec leur queue fur l'eau un coup qui retentit au loin dans toutes les voûtes des hr^bitations ; chacun prend fon parti , ou de plonger dans le lac , ou de fe receler dans leuî"s murs qui ne crai- gnent que le feu du ciel ou le fer de l'hom- m>e & qu'aucun animal n'ofe entreprendre d'ouvrir ou renverfer. Ces afyles font non- feulement^ très sûrs , mais encore très pro- pres & très commodes ; le plancher eft jon- ché de verdure , des rameaux de buis & de fapin leur fervent de tapis iûr lequel ils ne font ni ne foufFrent jamais aucune ordure : la fenêtre qui regarde fur Teau leur fert de 4^ H'ijîolre naturelle balcon pour fe tenir au frais & prendre le bain pendant la plus grande partie du jour; ils s''y tiennent debout, la tête & les parties antérieures du corps élevées , & toutes les parties poftérieures plongées dans l'eau ; cette lenêtre efl percée avec précaution , l'ouver- ture en eft aflez élevée pour ne pouvoir jamais être fermée par les glaces , qui dans le climat de nos caftors ^ ont quelquefois deux ou trois pieds d'épailleur; ils en abaif- fent alors la tablette , coupent en pente les pieux fur lefquels elle étoit appuyée, & lé font une iffue jufqu'à l'eau fous la glace. Cet élément liquide leur eft fi néceffaire , ou plutôt leur fait tant de plaifir qu'ils femblent ne pouvoir s'en paf- fer, ils vont quelquefois affez loin fous la glace , c'eft alors qu'on les prend aifément en attaquant d'un côté la cabane, & les at- tendant en même temps à un trou qu'on pratique dans la glace à quelque diftance , & où ils font obligés d'arriver pour refpi- pirer. L'habitude qu'ils ont de tenir conti- nuellement la queue & toutes les parties poftérieures du corps dans leau , paroît avoir changé la nature de leur chair ; celle des parties antérieures jufqu'aux reins ^ la qua- lité , le goût , la confiftance de la chair des animaux de la terre & de l'air ; celle des cuilTes & de la queue a l'odeur , la fa- veur & toutes les qualités de celle du poif- ion : cette queue longue d'un pied , épaifle d'un pouce , & large de cinq ou fix , eft même ime extrémité , une vraie portion de poiiTon attachée au corps d'un quadrupède ; elle eft entièrement du Cajîor, 4^ entièrement recouverte d'écailles & d'une peau toute femblable à celle des gros poit- Ibns : on peut enlever ces écailles en les raclant au couteau , & lorfqu'elles font tom- bées, l'on voit encore leur empreinte fur la peau, comme dans tous nos poilTons. C'eft au commencement de l'été que les caftors fe raffemblent ; ils emploient les mois de juillet & d'août à conftruire leur digue & leurs cabanes ; ils font leur provifion d'écorce & de bois dans le mois de fep- tembre , enfuite ils jouifTent de leurs tra- vaux, ils goûtent les douceurs domeftiques; c'eft le temps du repos , c'eft mieux , c'eft la faifon des amours. Se connoifTant, pré- venus l'un pour l'autre par l'habitude , par les plaifirs & les peines d'un travail com- mun, chaque couple ne fe forme point au hafard, ne fe joint pas par pure nécefliré de nature , mais s'unit par choix & s'affor- tit par goût: ils palTent enfemble l'automne & l'hiver; contens l'un de l'autre, ils ne fe quit- tent guère ; à l'aife dans leur domicile , ils n'en fortent que pour faire des promenades agréa- bles & utiles , ils en rapportent des écor- ces fraîches qu'ils préfèrent à celles qui font sèches ou trop imbibées d'eau; les fe- melles portent , dit-on, quatre mois , elles mettent bas fur la fin de l'hiver & produi- fent ordinairement deux ou trois petits; les mâles les quittent à-peu-près dans ce temps , ils vont à la campagne Jouir des douceurs & des fruits du printemps ; ils reviennent de temps en temps à la cabane , mais ils n'y féjoument plus : les mères y demeurent {Quadrupèdes T^m. JIL E 50 Uifloirt Tiaturdu .occupées àallaiter, à foigner , à élever leurs petits , qui font en état de les iiiivre au bout de quelques femaines; elles vont à leur tour fe promener, fe rétablir à l'air , man- ger du poiffon , des écrevifTes, des écorces nouvelles , & partent ainfi l'été fur les eaux , dans les bois. Ils ne fe rafle mblent qu'en automne j à moins que les inondations n'ayent renverfé leur digue ou détruit leurs cabanes, car alors ils fe réunifient de bonne heure pour en .réparer les brèches. Il y a des lieux qu'ils habitent de pré- férence , où l'on a vu qu'après avoir détruit piufieurs fois leurs travaux , ils venoient tous les étés pour les réédifier, jufqu'à ce qu'en- fin fatigués de cette perfécution & afFoiblis par la perte de piufieurs d'entr'eux, ils ont pris le parti de changer de demeure & de le retirer au loin dans les folitudes les plus f>rofondes. C'eft principalement en hiver que es chalTeurs les cherchent , parce que leur fourrure n*eft parfaitement bonne que dans cette faifon ; & lorfqu'après avoir ruiné leurs établifîemens , il arrive qu'ils en prennent en grand nombre, la fociété trop réduite ne fe rétablit point y le petit nombre de ceux qui ont échappé à la mort ou à la captivité fe difperfe , ils deviennent fuyards , . leur génie flétri par la crainte ne s'épanouit plus, ils s'enfouiflTent eux & tous leurs ta- lens dans un terrier, où rabaiflTés à la con- dition des autres animaux , ils mènent une vie timide , ne s'occupent plus que des befoins preflans , n'exereent que leurs facultés individuelles , &. perdent fans re- du Cdfîor, ÇI tour les qualités fociales que nous venons d'admirer. Quelque admirables en effet , quelque mep- veilleufes que puiffent paroitre les chofes -que nous venons d'expofer au fujet de la fociété & des travaux de nos caftors , nous ofons dire qu'on ne peut douter de leur réa- lité. Toutes les relations faites en difïérens temps par un grand nombre de témoins ocu- laires \^)', s'accordent^ fur tous les faits que nous avons rapportés ; & fi notre récit diffère de celui de quelques - uns d'entr'eux , ce n'eft que dans les points oîi (^) Voyez fur 'l'hiftoire des caftors, OUus Mag» nus , dans fa defcription des pays feptentrionaux ; \&s voyages du baron de la Hontan , tome II , p. tj^ 6* fuiv. le Miifxum Wormianum , f. ^20 ; l'hiltoire de l'Amérique feptentrionale , par Bacqueville de la Po- terie, Rouen, tjzz . tome /, f '?J ; Mémoire fur le caftor, par M. Sarrafin, inféré dans les Méniioires de l'Académie des Sciences , armée lyoxf ; la relation d'ua voyage en Acadie , par Dîerville , Rouen, ijo8 , p. itô & fuiv. les nouvelles découvertes dans l'Amérique feptentrionale, Paris» iCç)j ,p. i^j ; l'hifloire de la Nou- velle-France , par le P. Charlevoix , Paris ty^^ , tome Il t p. ()8 & fuiv, le voyage de Robert Lade, traduit de TAnglois , par M. l'Abbé Prévôt, tome II y p. 2.16 5 le grand voy^age au pays des Hurons,par Sagard Théo- dat , Paris , t^jz» p. jt^ & fuiv. le voyage à la baie de Hudfon , par Ellis , Paris , tj4() , tome II , p, pi & 62. voyez aufli Gefner, Aldrovande , Jonfton , IClein , &c. à Tarticle du caftor; le traire du crftor , par Jean Marius, Paris, i-]è,6\ l'hiftoire de la Virgi- nie, traduite de l'Anglois , Orléans , 1107, p. 406; Thiftoire naturelle du P. Rzaczynski , à l'article du caftoT, &C, &c,. E a r 1 Hlftolrc naturelle ils nous ont paru enfler le merveilleux, al- ler au-delà du vrai , & quelquefois même de toute vraifemblance. Car on ne s'eft pas borné à dire que les caftors avoient des mœurs fo* ciales & des talens évidens pour l'architec- ture , mais on a alTurc qu'on ne pouvoir leur refufer des idées générales de çolice & de gouvernement ; que leur fociété étant une fois formée, ils favoient réduire en efclavage les voyageurs , les étrangers; qu'ils s'en fer- voient pour porter leur terre , tramer leur bois; qu'ils traitoient de même les pa- reffeux d'entr'eux qui ne vouloient, & \fs vieux qui ne pouvoient pas travailler; qu'ils les renverfoient fur le dos , les faifoient fer- vir de charrette pour voiturer leurs maté- riaux; que ces républicains ne s affembloient jamais qu'en nombre impair ; pour que dans leurs confeils il y eût toujours une voix prépondérante; que la fociété entière^ avoit un préfident ; que chaque tribu avoit fon in- tendant; qu'ils avoient des fentinelles éta- blies pour la garde publique ; que quand ils étoient pourfuivis , ils ne manquoient pas de s'arracher les tefticules pour fatisfaire a la cupidité des chaiTeurs ; qu'ils fe montroient ainfi mutilés pour trouver grâce à leur yeux , &c. &c. ( h \ Autant nous lom- mes éloignés de croire à ces fables , ou de ( A) Voyez yEUen & tous les Anciens, à ^exception de Pline /qui nie ce fait avec raifon. Voyeî aulR fur les autres faits la plupart des auteurs c^ue nous avoB» cités dans la note précédente. du Cajtor. 51 recevoir ces exagérations j autant il nous paroît difficile de fe refufer à admettre des faits conftatés, confirmés , & moralement très certains. On a mille fois vu, revu, détruit, renverfé leurs ouvrages ; on les a mefurés , deffinés , gravés ; enfin , ce qui ne laifle au- cun doute, ce qui eft plus fort que tous les témoignages palTés , c'eft que nous en avons de récens & d'aâuels ; c'eft qu'il en fubfifte encore de ces ouvrages finguliersqui> quoi- que moins communs que dans les premiers temps de la découverte de l'Amérique fep- tenrrionale, fe trouvent cependant en affez grand nombre pour que tous les Miflîonnai- res , tous les Voyageurs , même les plus nouveaux , qui fe font avancés dans les terres du nord , affurent en avoir rencontré. Tous s'accordent à dire qu'outre les caf- tors qui font en fociété , on rencontre par- tout dans le même climat des caftors folitai- res , lefquels rejetés , difent-ils > de la fociété pour leurs défauts, ne participent à aucun de fes avantages , n'ont ni maifon , ni ma- gafin , & demeurent comme le blaireau dans un boyau fous terre; on a même appelle ces caftors foiitaires , cajlors terriers ; ils font aiiês à reconnoître , leur robe eft fale , le poil eft rongé fur le dos par le frottement de la terre; ils habitent comme les autres afiez volontiers au bord des eaux , où quel- qnes-uns même creufent une fofîe de quel- ques pieds de profondeur , pour former un petit étang qui arrive jufqu'à l'ouverture de leur terrier qui. s'étend quelquefois à plus de cent pieds en longueur, & va toujours 54 Hijîoîn natunlU en s'élevant afin qu'ils ayent la facilité de fe retirer en haut à mefure que l'eau s'*élève dans les inondations ; mais il s'en trouve auiîl , de ces caftors folitaires , qui habi- tent affez loin des eaux dans les terres. Tous nos bièvres d'Europe font des caflors ter- riers & folitaires , dont la fourrure n'eft pas à beaucoup près aufli belle que celle des caf- tors qui vivent en fociété. Tous diffèrent par la couleur , fuivant le clirpat qu'ils ha- bitent : dans les contrées du nord les plus reculées ils font tout noirs, & ce font les plus beaux ; parmi ces caftors noirs ils s'en trouve quelquefois de tout blancs , ou de blancs tachés de gris , & mêlés de roux fur le chignon & fur la croupe ( i ). A mefure qu'on s'éloigne du nord, la couleur s'éclaircit & fe mêle ', ils font couleur de marron dans la partie feptentrionale du Canada, châtains vers la partie méridionale , & jaunes ou couleur de paille chez les Illinois ( A ). On trouve des caftorsen Amérique depuis le tren- tième degré de latitude nord jufqu'au foixan- tième & au-delà; ils font très communs vers le nord , & toujours en moindre nombre à mefure qu'on avance vers le midi : c'eft la même chofe dans Tiincien continent; on n'en trouve en quantité que dans les con- trées les plus féptentrionales , & ils font tiès (/) Cajîoralbus caudâ honfontallter plana, Briflfon, Regn» animal, p- 94 & fuivantes. [k ) Hiftoire delà NouveUe-France , par le P. Chaf- ievoix. Paris , 1744 » tome II , p, Çjf & fuir» du Cajlor, '55 rares en France, en Efpagne, en Italie, en Grèce & en Egypte. Les Anciens les con- noiffoient; il étoit défendu de les tuer dans la religion des Mages; ils étoient communs fur les rives du Pont-Euxin ; on a même appelle le caftor, canis pontïcus , mais appa- remment que ces animaux n'étoient pas aflez tranquilles fur les bords de cette mer , qui en effet font fréquentés par les hommes de temps immémorial, puifqu'aucun des Anciens ne parle de leur fociété ni de leurs travaux. jElien fuitout^qui marque un fi grand foi- ble pour le merveilleux ^ & qui, je crois , a écrit le premier que le caftor fe coupe les tellicules pour les laiffer ramaffer au chafFeur (/), n'auroit pas manqué de par- ler des merveilles de leur république , en exa- gérant leur génie & leurs talens pour TAr- chiteélure. Pline lui-même ^ Pline dont Te f- prit fier, trifle & fublime déprife toujours riiomme pour exalter la Nature, fe feroit- il abftenu de comparer les travaux de Ro- mulus à ceux de nos caftors? Il paroît donc certain qu'aucun des Anciens n'a connu leur indufirie pour bâtir , & quoiqu'on ait trouvé dans les derniers fiècles des caftors cabanes en Norvège & dans les autres provinces les plus feptentrionales de l'Europe, & qu'il y ait apparence que les anciens caftors bâtif- foient aulîi bien que les caftors modernes ; comme les Romains n'avoient pas pénétré jufque-là, il n'eft pas furprenant que leurs (/} Hifi, animal, Ub, YI * cap. XXXiy. £4 .'^6 Hljloire naturelle Ecrivains n'en faffent aucune mention, Plufieurs Auteurs ont écrit que le cal\or étant un animal aquatique , il ne pouvoit vi- vre fur terre & fans eau : cette opinion n'eft pas vraie, car le caftorque nous avons Advant, ayant été pris tout jeune en Canada, & ayant été toujours élevé dans la mai- fon , ne connoiffoit pas l'eau lorfqu'on nous l'a remis, il craignoit & refufoit d'y en- trer; mais l'ayant une fois plongé & retenu d'abord par force dans un baffin , il s'y trouva fi bien au bout de quelques minutes , qu'il ne cherchoit point à en fortir, & lorfqu'cn le laifToit libre, il y retournoit très fouvent de lui-même; il fe vautroit aufii dans la boue & fur le pavé mouillé. Un jour il s'é- chappa , & defcendit par un efcalier de cave dans les voûtes des carrières qui font fous le terrein du Jardin-royal; il s'enfuit affez loin, en nageant fur les mares d'eau qui font au fond de ces carrières ; cependant , dès qu'il vit la lumière des flambeaux que nous y fimes porter pour le chercher , il revint à ceux qui l'appelloient, & fe laiiTa prendre aifément. Ueft familier fans être .a- refîimt , il demande à manger à ceux qui font à table ; fes inftances font un petit cri plain- tif & quelques geftes dQ la main; dès qu'on lui donne un morceau , il l'emporte , & fa- cache pour le manger à fon aife ; il dovt affez fouvent, & fe repofe fur le ventre; il mange de tout, à l'exception de la viande qu'il refufe conôamment, cuite ou crue; il ronge tout ce qu'il trouve, les étoffes, les meubles , le bois , & l'on a été obligé de iu Cajiof, Sj doubler de fer-blanc le tonneau dans lequel il a été tranfporté. Les caftors habitent de préférence fur les bord des lacs, des rivières & des autres eaux douces; cependant il s'en trouve au bords de la mer, mais c'eft principalement fur les mers feptentrionales , & furtout dans les golfes méditerranés qui reçoivent de grands fleuves, & dont les eaux font peu falées. Ils font ennemis de la loutre , ils h chaflent j &. ne lui permettent pas de pa- roître fur les eaux qu'ils fréquentent. La fourrure du caftor eft encore plus belle & plus fournie que celle de la loutre : elle efl compolée de deux fortes de poils ; l'un plus court , mais très touffu , fin comme le du- vet j impénétrable à l'eau , revêt immédiate* ment la peau; l'autre pluslong ^ plus ferme, plus luftré , mais plus rare 3 recouvre ce premier vêtement, lui fert , pour ainfi dire de furtout j le détend des ordures , de la poufliere , de la fange; ce fécond poil n'a que peu de valeur, ce n'eft que le premier que l'on emploie dans nos manufactures. Les fourrures les plus noires font ordinai- rement les plus fournies , & par conféquent les plus ellimées; celle des caftors terriers font fort inférieures à celles des caftors ca- banes. Les caftors font fujets à la mue pen- dant l'été, comme tous les autres quadrupè- des ; aulTi la fourrure de ceux qui font pris dans cette faifon n'a que peu de valeur. La fourrure des caftors blancs eft eftimée à caufe de fa rareté , èi. les parfaitement noirs 58 Hijîolre naturelle font prefque auffi rares que les blancs. Mais indépendamment de la fourrure qui eftce que le caftor fournit de plus précieux , il donne encore une matière dont on a fait un grand ufage en Médecine. Cette matière, que l'on a appellée cajloreurn, eft contenue dans deux groffes véficules qne les Anciens avoient prifes pour les tefticules de l'animal: nous n'en donnerons pas la defcription ni les ufages i^m), parce qu'on les trouve dans toutes les Pharmacopées (n). Les Sauva- ges tirent , dit-on , de la queu^ du caftor une huile, dont ils fe fervent comme de topique pour difFérens maux. La chair du caftor , qnoique grafTe & délicate , a toujours un goût amer aflez défagréable : on allure qu'il a les os exceffivement durs , mais rïous n'a- vons pas été à portée de vérifier ce fait , n*en ayant diflequé qu'un jeune : fes dents font très dures , & fi tranchantes qu'elles fervent de couteau aux fauvages pour cou- per, creufer & polir le bois. Ils s'habillent ëe peaux de caftors , & les portent en hiver le poil contre la chair : ce font ces fourru- ( m ) Voyez le traité du caftor , par Marins & Francus. Saris , IJ46, in-iz. (n ) On prétend qne les caftors font forrir la li- queur de leurs véficules en les preflTant avec le oied, cju'elle leur donne de l'appétit lorfqu'ils font dégoûtés , & que les Sauvages en frottent les pièges qu'ils leur tendent pour les y attirer. Ce qui paroît plus certain , c'eft qu'il fe fert de cette liqueur pour fe grailler le poil. du Cajior, 59 rcs imbibées de la fueur des Sauvages que l'on appelle cj(iors gras , dont on ne fe fert que pour les ouvrages les plus greffiers. Le caftor fe fert de fes pieds de devant comme des mains , avec u-ne adrefTe au moins égale à celle de l'écureuil ; les doigts en font bien féparés , bien divifés , au lieu que ceux des pieds de derrière font réunis enfr'eux par une forte membrane; ils lui fervent de nageoires & s'élargifTent comme ceux de l'oie, dont le caftor a auffi en partie la dé- marche fur la terre, il nage beaucoup mieux qu'il ne court : comme il a les jambes de devant bien plus courtes que celles de der- rière , il marche toujours la tête baiflee & le dos arqué. Il a les Tens très bons^ l'odorat très fin j & même fufceptible; il paroît qu'il ne peut fupporter ni la malpropreté , ni les mauvaifes odeurs ; lorfqu'on le retient trop long-temps en prifon , & qu'il fe trouve forcé d'y faire fes ordures , il les met près du feuil 'de la porte , & dès qu'elle eft ou- verte , il les pouffe dehors. Cette habitude de propreté leur eft naturelle , & notre jeune caftor ne manquoit jamais de nétoyer ainfi fa chambre. A l'âge d'un an, il a donné des fignes de chaleur, ce qui paroît indiquer qu'il avoit pris dans cet efpace de temps la plus grande partie de fon accroiffement ; ainfi la durée de fa vie ne peut être bien longue , & c'eft peut-être trop que de l'éten- dre à quinze ou vingt ans. Ce caftor étoit très petit pour fon âge^ & l'on ne doit pas s'en étonner , ayant prefque dès fa naiffance toujours été contraint, élevé pour 6o Hijloire naturtlU ainfi dire à fec , ne connoifTant pas l'eaii; jufqu'à l'âge de neuf mois , il n'a pu ni croître , ni fe développer comme les au- tres, qui jouiffent de leur liberté & de cet élément qui paroît leur être prefque auffi néceffaire que Tufage de la terre. au Raton, Ci LE RATON (a). ^^y^K. p^^nche III ,fig, z de ce Volume. V^uoiQUE plufieurs Auteurs ayent indi- qué fous le nom de co.iti l'animal dont il eit ici queftion, nous avons cru devoir adopter le nom qu'on lui a donné en Angleterre , afin d'ôter toute équivoque , & de ne le pas confondre avec le vrai coati , dont nous don- nerons la defcription dans l'article fuivant, non plus qu'avec le coati- mondi, qui cepen- dant ne nous parcît être qu'une variété de l'eipèce du coati. Le raton que nous avons eu vivant, & que nous avons gardé pendant plus d'un an , étoit de la grofleur Si de la forme d'un pe- (a ) Le Raton , du mot Anglois Rattoon, ou Rachoon , nom que l'on a donné dans cette langue à cet animal i Ncfp^ck dans quelques endroits de l'Améri- que. Vulpi afflms Americana , Ration feu Racoon. Ray , Synopf. animal, quadrup, p. ijq. Vu Ipcs Americana Mapach, diàa Anglicc Rattoon. Cbar- let , p. /;. Kùccoon. Sloane,//iç/?. de la Jam. tome II ^ p. jzq, Urjus caudâ clongatà Linnaeus. Coat! B-aftlienJmm. Klein , d' quadrup. p. J2. Vrfus cavdâannuUtim varicgatâ La Coatis Briflbn , ii^gn. animai- p. iCt, 6t Hijloirt natunîU tit blaireau ; il a le corps court & épais , le poil doux , long , touftu , noirâtre par la pointe , & gris par-deflbus ; la tête ^omme le renard, mais les oreilles rondes & beau- coup plus courtes; les yeux grands, d'un vert jaunâtre , un bandeau noir & tranfverfal au-deffus des yeux; le mufeau effilé, le nez un peu retrouffé , la lèvre inférieure moins avancée que la fupérieure ; les dents comme le chien, fix incifives & deux canines en haut & en bas ; la queue touffue , longue au moins comme le corps, marquée par des an- neaux alternativement noirs & blancs dans toute fon étendue , les jambes de devant beaucoup plus courtes que celles de derrière , &. cinq doigts à tous les pieds armés d'on- gles fermes & aigus ; les pieds de derrière portant afTez fur le talon pour que l'animal puiffe s'élever & foutenir fon corps daris une Situation inclinée en avant. Il fe fert de fes pieds de devant pour porter à fa gueule , mais comme fes doigts font peu flexibles , il ne peut, pour ainfi dire, rien faifir d'une feule main; il fe fert des deux à la fois, & les joint enfemble pour prendre ce qu'on lui donne. Quoiqu'il foit gros & trapu , il eft cependant fort agile; fes ongles pointus comme des épingles , lui donnent la facilité de grimper aifément fur les arbres ; il monte légèrement jufqu'au-deflus de la tige , & court jufqu'à l'extrémité des branches , il va toujours par fauts , il gambade plutôt qu'il ne mar- che, & fes mouvemens quoiqu'obliques , font tous prompts & légers. Cet animal eft originaire des contièes mé- du Raton» 63 ridionalcs de TAmérique, on ne le trouve pas dans l'ancien continent , au moins les Voyageurs qui ont parlé des animaux de l'Afrique & des Indes orientales , n'en font aucune mention ; il eft au contraire très com- mun dans le climat chaud de l'Amérique, & furtout à la Jamaïque (è) où il habite dans les montagnes , & en defcend pour manger des cannes de fucre. On ne le trouve pas en Canada^ ni dans les autres parties fep- tentrionales de ce continent ; cependant il ne craint pas exceffivement le froid : M. Klein (c) en a nourri un à Dantzick, & ce- lui que nous avions a palTé une nuit en- tière les pieds pris dans de la glace, fans q«'il en ait été incommodé. Il trempoitdansl'eau ou plutôt il détrempoit tout ce qu'il vouloit manger; il jetoit fon pain dans fa terrine d'eau , & ne Ten reti- roit que quand il le voyoit bien imbibé, à moins qu'il né fût preffé par la faim; car alors il prenoit la nourriture sèche , & telle qu'on la lui préfentoit; il furetoit par-tout, mangeoit auffi de tout , de la chair crue ou cuite, du poiflbn , des œufs, des volailles vivantes, des grains, des racines, &c. il mangeoit auffi de toute forte d'infedes ; ilfe plaifoit à chercher les araignées, & lorf- qu'il étoit en liberté dans un jardin , il prenoit (^) Voyez l'Hiftoire naturelle delà Jamaïque, par Hans Sloane Londres , iji^ , in-folio , tome II , p» 529 en Angloîs. [ c] KUiu , de quadrup.p, éx» 64 Hijlolrc natUTtlU Ie«î limaçons, les hannetons, les vers. 11 al- inoit le fiicre, le lait &: les autres nourri- tures douces par deflus toute chofe, à l'ex- ception des fruits auxquels il préféroit la chair & furtout le poifTon II fe retii'oit au loin pour faire Tes befoins , au refte il étoit familier , & même careiTant , fautant fur les gens qu'il aimoit, jouant volontiers^ & d'af- fez bonne grâce , lefte , agile , toujours en mouvement; il m'a paru tenir beaucoup de la nature du maki , & un peu des quali- tés du chien. LE Tom- in pt-4. r £.2. Le Coatû.3 Le Defnuuv. ^ L'Onlûtra du Coati. € 5 L E C O A T I [a], F'oyei planche IV ^ fi^un i&xdece volume, Jr LUSIEURS Auteurs ont appelle coati- mondl l'animal dont il eft ici queftion : nous l'a- vons eu vivant , & après l'avoir comparé au coati indiqué par Thevet , & décrit par Marcgrave , nous avons reconnu que c'étoit le même animal qu'ils ont appelle coati tout court , & il y a toute apparence que 1« coatï-mondi n'eft pas un animal d'une autre elpèce, mais une fimple variété de celle-ci; car Marcgrave , après avoir donné la def- cription du coati , dit précifément qu'il y a d'autres coati qui font d'un brun-noirâtre » que l'on appelle au Brefil coati-mondi pour les diftinguer des autres ; il n'admet donc d'autres diiFérences entre le coati &: le coati- f a ] Le Coati , Cuaû. Singularités de la France an- tarftique, par André Thevet. Faris , 'J/^» p- 9f» & 06 Coati. Marcgra. Hifi. nat. Brafil. p. nS. Coati-mondi. Hift. de l'Acad. toma III , partie II, P' '7- Vulpes mlnor , rofiro fuperion longiufculo , caiida cnnulaiim ex mF.ro & rufo variegata. Bar t ère , flifi. de la France Èquinoxiale , p. 167. ï/rfus nafo produclo & mohlU , cauda anmilatim va- rîegatâ. Le Coati-mondi à queue annelée. BriiTon. Reg, animal, p. 2.6p F 66 Hiftoire naturelle, mondi, que celle de la couleur du poil; & dès lors on ne doit pas les confidérer comme deux efpèces diftin(Stes, mais les regarder comme des variétés dans la même efpèce. Le coati eft très différent du raton que nous avons décrit dans l'article précédent ; il eft de plus petite taille, il a le corps & le cou beaucoup plus alongés ^ la tête auffi plus longue, ainfi que le mufeau , dont la mâchoire fupérieure eft terminée par une efpèce de groin mobile qui déborde d'un pouce ou d'un pouce & demi au-delà de Textré- mité de la mâchoire inférieure; ce groin re- trouffé en haut, joint au grand alongement des m.âchoires , faitparoîtrele mufeau courbé & relevé en haut. Le coati a aulîi les yeux beaucoup plus petits que le raton , les oreil- les encore plus courtes, le poil moins long, plus rude & moins peigné , les jambes plus courtes, les pieds plus longs & plus ap- puyés fur le talon; il avoit, comme le raton, la queue annelée(^)j& cinq doigts à tous les pieds. Quelques perfonnes penfent que le blai- reau-cochon pourroit bien être le coati , & l'on a rapporté ( c ) à cet animal le taxus fuïllus 3 dont Aldrovande donne la figure; [5] II y a aufli des Coati, dont la queue eft d'une feule couleur ; mais comme ils ne diffèrent des autres que par ce féal caraftere, cette différence ne nous paroît pas fufHre pour en faire deux efpèces , & nous «{limons que ce n'eft qu'une variété dans la même cù pèce. [ c ] Vis» du Coati, 67 mais fi Ton fait attention que le blaireau- cochon dont parlent les chaffeurs eft fup- pofé fe trouver en France, & même dans des climats plus froids de notre Europe , qu'au contraire le coati ne fe trouve que dans les climats méridionaux de l'autre continent, on rejettera aifément cette idée , qui d'ail- leurs n'eft nullement fondée (c/), car la figure donnée par Aldrovande n'eft autre chofe qu'un blaireau, auquel on a fait un, groin de cochon. L'auteur ne dit pas qu'on ait defliné cet animal d'après nature, & il n'en donne aucune defcription. Le mufeau trèsalongé & le groin mobile en tout fens, fufîifent pour faire diftinguer le coati de tous les autres animaux; -la , comme l'ours, une grande facilité à fe tenir debout fur les pieds de derrière , qui portent en grande partie fur le talon , lequel même eft terminé parde groffescallofités qui femblent fe pro- longer au dehors & augmenter l'étendue de l'affiettedupied. Le coati eft fujet à manger fa queue , qui, lorfqu'elle n'a pas été tronquée, eft plus longue que fon corps ; il la tient or- dinairement élevée , la fléchit en tout fens , & la promène avec facilité. Ce goût un- gulier , & qui paroît contre nature , n'eft cependant pas particulier au coati ; les fin- ges , les makis , & quelques autres animaux [d] Voyez ce que nous avons dit du Blaireau-co- chon , yolumc 12 d€ cet Ouvrage , à rarticle du elai-' F î 6S Hijîoîre natunlîi à queue longue , rongent le bout de îeur queue , en mangent la chair & les vertè- bres, &. la racourciffent peuà peu d'un quart ou d'un tiers. On peut tirer de-là une in- duélion générale, c'eft que dans des parties très-alongées , & dont les extrémités font Notât On trouve dans le feptième volume de l'Aca- démie roya'e des Sciences de Suède , un Mémoire de M. Linnaeusfur le Coad-mondi. Nous croyons devoir Tappor:er ici Pextrait que l'auteur de la siBlîotfièque Tuifonnée a fait de ce Mémoire, fans prétendre garan- tir les faits qui y font rapportés. ■•» M. Linnéeus donne dans un Mémoire , rhlftoir» watureKe du Ccati-momU. Cet animal fe trouve ézalcmcnt dans l'Amérique méridionale & dans la fcptentrio" naU. II approche de l'ours par la longueur de fes. jambes de derrière, fa tête penchée, fon poil' épais, & par fes pattes; mais il eft petit & familier ^ & fa queue eft fort longue , & rayée de différentes couleurs. M» le Prince fucceflfeur de Suède , avoit fait préfent d'un de ces animaux à M. Linnseus , qui l'a «ntretenu affez long-temps dans fa mai fon au* dépens des douceurs qu'il pouvoit attraper & quequefois de ctux- <♦. Bibliothèque raifonnie / tome XLI, partie Ire» P' ^S- [e] Vide Marcgrav. Hifi. srafil. p. 228. [/] Voyez les Singularités de la France antar£l:5q\ie^par The V et, p. Çf6. [5:] Vulpes minor, &c, Barrcre , Hi^» Nat, di la France ét^mnQxialc yO Hijlolrc naturelU V A G O U T l [a]. f^oyci planche III , Jigu, 3 de ce Volume, V^ET animal eft de la grofleur d'un lièvre, & a été regardé comme une efpèce de lapin* ou de gros rat par la plupart des Auteurs de nomenclature en Hiftoire Naturelle ; ce- pendant il ne leur reiTemble que par de très petits caraftères , & il en diffère effentiel- îement par les habitudes naturelles. Il a la rud^fle de poil & le grognement du cochon , [ & que tous leurs membres font diftinâs & développés; enfin il affure que les lions {t) Vide Arift. de gener&tione , Kb. III , cap» •il. & X. (a) Ibid^Xih, IV s cap. vu du Lion, 95 s'accouplent à rebours ( ^ ) » tandis qu*il eft de même démontré par la feule inrpeéVion des parties du mâle & de leur direction , lorfqu'elles font dans l'état propre à l'ac- couplement, qu'il fe fait à la manière or- dinaire des autres quadrupèdes. J'ai cru devoir faire mention en détail de ces petites erreurs d'Aridote , parce que l'autorité de ce grand homme a entraîné pref- que tous ceux qui ont écrit après lui fur l'hiftoire naturelle des animaux. Ce qu'il dit encore au fujet du cou du lion^ qu^il pré- tend ne contenir qu'un feul os , rigide , inflexible & fans divifion de vertèbres , a été démenti par l'expérience qui même nous a donné fur cela un fait très général , c'eft que dans tous les quadrupèdes, fans en ex- cepter aucun , & même dans l'homme , le cou eft compofé de fept vertèbres, ni plus, ni moins; & ces mêmes fept vertèbres fe trouvent dans le cou du lion , comme dans celui de tous les autres animaux quadrupè- des. Un autre fait encore, c'eft qu'en géné- ral les animaux carnalîiers ont le cou beau- coup plus court que les animaux frugivo* res ,^ & furtout que les animaux lumi- nans; mais cette différence de longueur dans le cou des quadrupèdes , ne dépend que de la grandeur de chaque vertèbre & non pas de leur nombre, qui eft toujours le même ; ( a: ) Vide Arift. Hïfi. animal, lib. V, cap. ir. . . Lin- raeus , Syfi^ mxt. edit. X. p. ^t, Lio rctro mingU & suit. ^4 Hifîoln ndtunlU on peut s*en atlnrer en jetant îes yeux fur rimmenfe co]le6liondefquelettesqui le trou- vent maintenant au Cabinet du Roi ; on verra qu'à commencer par l'éléphant & à finir par la taupe , tous les animaux quadrupèdes ont fept vertèbres dans le cou , & qu'aucun n'en a ni plus ni moins. A l'égard de la folidiré des os du lion , qu'Arillote dit être fans^moëlle & fans cavité , de leur dureté qu'il compare à celle du caillou , de leur propriété de faire feu par le frottement ; c'eft une erreur qui n'auroit pas dû être répétée par Kolbe (y); ni même parvenir jufqu'à nous , puifquc dans le fiècle même d'Ariitote , Épicure s'étoit moqué de cette aflertion. Les lions font très ardens en amour ; lorf- que la femelle eft en chaleur, elle eft quel- quefois fuivie de huit ou dix mâles ( \^ qui ne ceflent de rugir autour d'elle & de fe livrer des combats furieux , jufqu'à ce que l'un d'entr'eux , vainqueur de tous les autres , en demeure paifible poiTefleur & s'éloigne avec elle. La lionne met bas au printemps (^^) & ne produit qu'une fois tous les ans ; ce qui indique encore qu'elle eft occupée pendant plufieurs mois à foigaer & allaiter fes petits, & que par conféquent le temps de leur premier accroilTement, pen- dant lequel ils ont befoin des fecours de (^) Voyez îes Mémoires de 'V.0%^. Am^criam y /y^»'» tame IIÎ ^ p. ^ & j. (l) Vide Gc'iiier , Hiji. i^uadrap. p. 575 & (u.W,^ {^a ) Idem y iblde^n.. du Lien, 9 y la mère, eft au mains de quelques mois. Dans ces animaux , toutes les pafTions , même les plus douces , font excefitves , &: l'amour maternel eft extrême. La lionne naturellement moins forte , moins coura- geufe & plus tranquille que le lion , de- vient terrible dès qu^elle a des petits ; elle fe montre alors avec encore plus de har- diefîe que le lion , elle ne connoît point le danger, elle fe jette indifféremment fur les. hommes & fur les animaux qu^el le ^rencon- tre, elle les met à mort , fe charge en-, fuite de fa proie , la porte & la partage à fes lionceaux, auxquels elle apprend de bonne heure à 'ucer le fang & à déchirer la chair. D'ordinaire elle met bas dans des lieux très écartés Si de difficile accès; & iorfqu'elle craint d'être découverte , elle cache fes traces en retournant plufieurs fois fur fes pas , ou bien elle les efface avec fa queue ; quelquefois même, lorfque l'inquié- tude eft grande , elle transporte ailleurs fes petits, & quand on veut les lui enlever, elle devient furieufe & les défend jufqu'à la dernière extrémité. On croit que le lion n'a pas l'odorat aufll parfait ni les yeux aufli bons que la plupart des autres animaux de proie ; on a remar- qué que la grande lumière du foleil paroît l'incommoder, qu'il marche rarement dans le milieu du jour , que c'eft pendant la nuit ^u'il fait toutes fes courfes , que quand iÈ voit des feux allumés autour des troupeaux,. if n*en approche guère, &c. on a obfervé qu'il n'évente pas de loin l'odeur des ^S HlJÎGÎrc naturelle autres animaux, qu'il ne les chafle qu'à vue & non pas en les i'uivant à la pifte , comme font les chiens & les loups dont l'odorat eft plus fin. On a même donné le nom de Guide ou de Pourvoyeur du lion à une efpèce de lynx auquel on fuppofe la vue perçante & Todorat exquis , & on prétend que ce lynx accompagne ou précède toujours le lion pour lui indiquer (a proie : nous connoiflbns cet animal y qui fe trouve comme le lion , en Arabie , en Libye , &c. qui, comme lui, vit de proie, & le fuit peut-être quelquefois pour profiter de fes relies , car étant foible & de petite taille , il doit fuir le lion plutôt que le fervir. Le lion , lorfqu'il a faim , attaque de face tous les animaux qui fe préfentent ; mais comme il eft très redouté , & que tous cher- chent à éviter fa rencontre ^ il eft fouvent obligé de fe cacher & de les attendre au paffage; il fe tapit fur le ventre dans un endroit fourré , d'où il s'élance avec tant de force, qu'il les faifit fouvent du premier bond : dans les déferts & les forêts , là nour- riture la plus ordinaire font les gazelles & les fmges , quoiqu'il ne prenne ceux-ci que lorfqu'ils font à terre , car il ne grimpe pas fur les arbres comme le tigre ou le puma (/>); il mange beaucoup à la fois & fe rem- plit pour deux ou trois jours ; il a les dents fi fortes qu'il brife aifément les os , & il les avale avec la chair. On prétend qu'il fu p- [b") y\A^ KWin» de quadrup. p, 8z» porte au Lion, çy ■porte long-temps la faim; comme'fon tempé- rament eft exceiîivement chaud , il fupporte moins patiemment la foif, & boit toutes les fois qu'il peut trouver de l'eau : il prend Teau en lapant comme un chien; mais au îieu que la langue du chien fe courbe en delTus pour laper , celle du lion fe courbe en deffous , ce qui fait qu'il eft long-temps à boire & qu'il perd beaucoup d'eau ; il lui faut environ quinze livres de chair crue <:haque jour; il préfère la chair des animaux vivans , de ceux fur-tout qu'il vient d'é- gorger ^ il ne fe jette pas volontiers fur des cadavres infeâ:s, & il aime mieux chafTer une nouvelle proie que de retourner cher- cher les reftes de la première : mais quoi- que d'ordinaire il fe nourrifle de chair fraî- che , fon haleine eft très-forte & fbn urine a une odeur infupportable. Le rugiffement du lion eft û fort ique quand il fe fait entendre , par échos , la nuit dans les déferts, il reffemble au bruit du tonnerre (c); ce rugiffement eft fa voix ordinaire , car quand il eft en colère ri a un autre cri , qui eft court & réitéré fubi- tement ; au lieu que le rugiffement eft un cri prolongé, une efpèce de grondement d'un ton grave , mêlé d'un frémiffement plus aigu : il rugit cinq ou fix fois par jour, & plus fouvent lorfqu*il doit tomber de la pluie ( d )^ ( c ) Voyez les voyages la déchire avec les ongles & enfuite la dé- vore avec les dents. Tant qu'il eft jeune & qu'il ajde la légèreté, il vit du produit de ia chalte , & quitte rarement fes déferts & ies forêts où il trouve aflez d'animaux fauvages pour fubfifter aifément ; mais lorf- qu'il devient vieux , pefant & moins propre à l'exercice de la chafle , il s'approche des lieux fréc^uentés, &. devient plus dangereux du Lion, O'-, pour Thomme & pour les animaux (îonieiti- ques; feulement on a remarqué que lorf- qu'il voit des hommes & des animaux enfemble, c'eft toujours fur les animaux qu'il fe jette & jamais lur les hommes , à moins qu'ils ne le frappent, car alors il reconnoit à merveille celui qui vient de Tofïenfer (e) ^ & il quitte fa proie pour fe venger. On prétend qu'il préfère la chair du chameau à celle de tous les autres animaux; il aime aulîi beaucoup celle des jeunes éléphans , ils ne peuvent lui réfifter lorfque leurs dé- fenfes n'ont pas encore pouffé ,& il envient aifément à bout, à moins que la mère n'ar- rive à leur fecours. L'éléphant, le rhinocé- ros, le tigre & l'hippopotame, font lesfeuis animaux qui puiffent réfifter au lion. Quelque terrible que (oit cet aniinal, on ne laiffe pas de lui donner la chaffe avec des chiens de grande taille & bien appuyés par des hommes à cheval, on le déloge, on le fait retirer; mais il faut que les chiens & même les chevaux foient aguerris au^l paravant , car prefque tous les animaux fré- miffent & s'enfuient à la feule odeur du lion. Sa peau, quoique d'un tiffu ferme & ferré, ne réfifie point à la baie , ni même au ja- velot; néanmoins on ne le tue prefque ja- mais d'un feul coup : on le prend fouvent ie) Voyez l'Hiftoire^ générale des Voyages, tom< l p.Sô.M.. l'abbé Prévôt qui, comme tout le monde fait, écrit avec autant de chaleur que d'élégance, y fait une très belle defcription du lion, de fe$ qualités 5c 4e Xes habitudes naturelles, I 2 '100 Hljîolrc naturelle par adrefle, comme nous prenons les loups;» en le faifant tomber dans une fofTe profonde qu'on recouvre avec des matières légères au-deffus defquelles on attache un animal vivant. Le lion devient doux dès qu'il efl pris 3 ^ ii Ton profite des premiers momens de l'a furprife ou de fa honte, on peut rat- tacher, le mufeler & le conduire où Ton veut. La chair du lion eft d'un goût défagréa- ble & fort; cependant les Nègres & les In- diens ne la trouvent pas mauvaife & en mangent fouvent : la peau , qui faifoit au- trefois la tunique des héros , fert à ces peu- ples de manteau & de lit ; ils en gardent aufii la graiffe , qui eft d'une qualité fort pé- nétrante , & qui même eft de quelque ufage dans notre Médecine (/). (/) Voyez VHiftoire naturelle des animaux, par MM. Arnaud de Nobleville ôc Salerne. Paris, tjf?» t«mt Y , partie JI , p. itz. des Tigres. 10 1 ;•♦ LES TIGRES. c jOMMElenom de Tl^e eft un nom généri- que qu'on a donné à plufieurs animaux d'efpèces différentes , il faut commencer par les diftinguer les uns des autres. Les léo- pards & les panthères que l'on a fouvent confondus enfemble , ont tous deux été ap- pelles titres par la plupart des voyageurs; l'once ou l'onça qui eft une petite efpèce de panthère qui s'apprivoife aifément , & dont les Orientaux fe fervent pour la chalTe , a été prife pour la panthère , & défignée comm.e elle par le nom de tigre. Le lynx ou loup- cervier , le pourvoyeur du lion , que les Turcs appellent karackoulah & les Perfans fiyahgush , ont quelquefois aufli reçu le nom de panthère owà^ once, T OMS QCS animaux font com- muns en Afrique & dans toutes les parties méridionales de l'Afie ; mais le vrai tigre , le feul qui doit porter ce nom , eft un ani- mal rare , peu connu des Anciens , & mal décrit par les Modernes. -Ariftote , qui eft en Hilloire Naturelle le guide des uns & des autres , n'en fait aucune mention : Pline ( a ) dit feulement que le tigre eft un ani- mal d'une vîtefTe terrible ; tremendœ velocitatis animal y^ il donne à entendre que de fon ( a ) Vide Plin. NaturaU Hifi, lib. VIII , cap. xviii, I3 102 Hijloïn naturelU temps il étoit bien plus rare que la panthère : puilqu'Auguftefutle premier qui préfenta un tigre aux Romains pour la dédicace du théâ- tre de Marcellus, tandis que dès le temps de Scaurus , cet Édile avoit envoyé cent crnquante panthères (^ ) , & qu'enfuite Pom- pée en avoit fait venir quatre cents dix, & Augufie quatre cents vingt pour les fpec- tacles de Rome; mais Pline ne nous donne aucune defcription^ ni même ne nous indi- que aucun des caraderes du tigre. Oppien (c) & Solin qui on écrit après Pline , pa- roilTent être les premiers qui ayent dit que le tigre étoit marqué par des bandes lon- gues , & la panthère par des taches rondes ; c'eft en effet Tun des carao nitent , hoc fulvum nigricanùbu4 fe^msntis mtcr^ MndaîutK. i-d) Vitie Strab. lit, XK Jzs Tigres, 103 les Anciens nous ayent données d'un ani- mal auin remarquable ; les Modernes , comme Gefner & les autres Naturaliftes qui ont parlé du tigre , n'ont prefque rien ajouté au peu qu'en ont dit les Anciens. Dans notre langue , on a a^peUépejux deû' gfe ou peaux tigrées toutes les peaux à poil court , qui fe font trouvées variées par des taches arrondies & féparées : les voyageurs par- tant de cette fauffe dénomination , ont à leur tour appelle tigres tous les animaux de proie dont la peau étoit tigrée 3 c*eft-à-dire , mar- quée de taches féparées. MM. de l'Acadé- mie des Sciences ont fuivi le torrent , & ont aufli appelle tîiçres les animaux à peau tigrée qu'ils ont diiîéqués, & qui cependant font très difFérens du vrai tigre. La caufe la plus générale des équivoques & des incertitudes qui fe font fi fort multi- pliées en Hiftoire Naturelle, c'eft, comme je l'ai indiqué dans l'article précédent , la nécelTité où l'on s'eft trouvé de donner des noms aux produflions inconnues du nou- veau monde. Les animaux , quoique pour la plupart d'efpèce & de nature très diffé- rentes de ceux de l'ancien continent , ont reçu les mêmes noms dès qu'on leur a trouvé quelque rapport ou quelque refTem- blance avec ceux-ci. On s'étoit d'abord trompé en Europe en appeilant tigres tous les ani- maux à peau tigrée d'Afie &. d'Afrique : cette erreur tranfportée en Amérique y a doublé ; car ayant trouvé dans cette terre nouvelle 4es animaux dont la peau étoit marquée de taches arrondies & féparées , on leur a donné 14 10'4 Nijîoirt namnîk^ te nom de ûs^ns^ quoiq^irils ne fuffent ni de l'efpèce du vrai tigre , ni même d'aucune de celles des animaux à peau ti^réî de l'Afie- ou de l'Afrique , auxquels on avoit déjà mal-à-propos donné ce même nom;&comm3 ces animaux à peau tigrée qui fe font trouvés en Amérique font en aifez grand nombre , & qu'on n'a pas laiffé de leur donner à tous le nom commun de n^re y quoiqu'ils fuflent trèsdifférens du tigre & dlfférens entre eux ^ il fe trouve qu'au lieu d'une feule efpèce qui doit porter ce nom :, il y en a neuf ou dix y & que par conféquent. l'hiftoire de ces animaux eft très embarraffée , très difficile à faire ; parce que les noms ont confondu les chofes , & qu'en faifant mention de ces animaux l'on a fouvent dit des uns ce qui devoit être dit des autres. Pour prévenir la confufion qui réfulte de ces dénominations mal appliquées à la plu- part des animaux du nouveau Mon- de , & en particulier à ceux que Ton a fauffemeut appelles titres ^ j'ai penfé que: îe plus sûr étoit de faire une énumératioa com.parée des animaux quadrupèdes , dans. laquelle je diftingue , i^. ceux qui font na- turels & propres à l'ancien continent, c'eft-- à-dire, à TEuropc , l'Afrique & l'Afie , & qui ne fe font point trouvés en Amérique lorfqu'on en fit la découverte; 2°. ceux qui font naturels & propres au nouveau conti- nent , & qui n'étoient point connus dans l'ancien ; 3^. ceux qui fe trouvant également dans les deux continens , fans avoir été tranfportés par les hojnmes , doivent erre des Tigres^ T05 regardés comme communs à l'un & à Tautre. Il a fallu pour cela recueillir & rafTembler ce qui fe trouve épars au lujet des animaux , dans les voyageurs & dans ks premiers hil^ioriens du nouveau Monde : c'eft le précis de ces recherches que nous donnons ici avec quelque confiance, parce que nous les croyons utiles pour l'intelligence de toute rHiiioire Naturelle , & en particulier de l'Hif- toire des Animaux» io6 AnîmanXé A N I M AU X DE V ANCIEN CONTINENT. JLiES plus grands animaux font ceux qui font les mieux connus j & fur lefquels en général il y a le moins d'équivoque ou d'in- certitude ; nous les fuivrons donc dans cette énumération , en les indiquant à-peu-près par ordre de grandeur. Les éléphans appartiennent à Tancien con- tinent , & ne le trouvent pas dans le nouveau; les plus grands font en Afie , les plus petits en Afrique; tous font originaires desclirnats les plus chauds, & quoiqu'ils puif- fent vivre dans les contrées tempérées, ils ne peuvent y multiplier; ils ne multiplient pas même dans leur pays natal lorfqu'ils ont perdu leur liberté ; cependant l'efpèce en eft afTeznombreufe , quoiqu'entiérement confinée aux feuls climats méridionaux de l'ancien continent ;& non- feulement elle n'eft point en Amérique, mais il ne s'y trouve même aucun animal qu*on puiffe lui comparer, ni pour la grandeur, ni pour la figure. On peut dire la même chofe du rhinocé- ros , dont l'efpèce eft beaucoup moins nom- breufe que celle de l'éléphant; il ne fe trouve que dans les déferts de l'Afrique & dans les forêts de l'Aûe méridionale , & il n'y a en de t ancien Continent, 107 Amérique aucun animal qui lui reffemble. Lliippopotame habite les rivages des grands fleuves de l'Inde & de l'Afrique ; refpèce en eft peut être encore moins nombreufe que celle du rhinocéros , & ne fe trouve point en Amérique, ni même dans les climats tem- pérés de l'ancien continent. Le chameau & le dromadaire dont les ef- pèces , quoique très voîfines , font différentes , & qui fe trouvent fi communément en Afie ^ en Arabie & dans toutes les parties orien- tales de l'ancien continent , étoient auiîl inconnus aux Indes occidentales que l'élé- phant , l'hippopotame & le rhinocéros. L'on a très mal-à-propos donné le nom de chameau au lama ( ^ ) , & au Pacos ( ^ ) du Pérou , qui font d'une efpèce fi différente de celle du chameau , qu'on a cru pouvoir leur don- ner aulîî le nom de moutons ; en forte que les uns les ont appelles chameaux , & les au- tres moutons du Pérou , quoique le Pacos n'ait rien de commun que la laine avec no- tre mouton , & que le Lama ne reffemble au chameau que par l'alongeraent du cou. Les ( tf ) Camelus dorfo levi , phbo peclorali. Linnaeus. Syjlem. natur, edit. JT, p. 6j. Cametus pilis brcvif- finûs vcfiitus. . . Camdus Peruanus , le Chameau du Pé- rou. BriiTon , Regn. animal, p. 56. •— Ovis Pcruana» Marcgrav. flift. Braf. p. 245. (B) Camdus tcpkis nulUs y corpore lanato. Linnaeus, Syficm. natur. Edit. Jf , p. 66 C^melus pilis pro^ lixis toto corpoTc vcfiitus. La Vigogre. BriiTon , Ri^gn, an'tmal. p. 57 Ovw Pcruana patos àicU Mifcgray. Hiji, srajîL p. 2.44, io8 Animaux, Efpagnols ( c ) tranfportèrent autrefois de vrais chameaux au Pérou; ils les avoient d'abord dépofés aux isles Canaries, d'où ils les tirèrent enfuite pour les pafler en Amé- rique : mais il faut que le climat de ce nou- veau monde ne leur foit pas favorable, car quoiqu'ils ayent produit dans cette terre étran- gère , ils ne s'y font pas multipliés , & ils n'y ont jamais été qu*en très petit nombre. La giraffe ( J ) ou le camelo-pardalls , animal très grand , très gros & très remarquable , tant par fa forme finguliere que par la hau- teur de fa taille , la longueur de fon cou & celle de fes jambes de devant, ne s'eft point trouvé en Amérique ; il habite en Afri- que & furtout en Ethiopie , & ne s'eft ja- mais répandu au-delà des Tropiques dans les climats tempérés de l'ancien continent. Nous avons vu dans l'article précédent, que le lion n'exiftoit point en Amérique , & que le Puma du Pérou eft un animal d'une efpèce différente. Nous verrons de même que le tigre & la panthère ne fe trou- vent que dans l'ancien continent , & que les animaux de l'Amérique méridionale aux« quels on a donné ces noms font d'efpèces difFé-rentes. Le vrai tigre, le feul qui doive conferver ce nom , efk un animal terrible & ( f ) Voyez l*Hi{loire Naturelle des Indes de Jofeph Acofta, traduite par Robert Renaud. Paris, 1600 , ïe* fuis la p. ^^ jtifqu*à la p 208. Voyez auflfi l'Hiftoire des Incss. Paris, IJ44, terne II, p. 266. & fuiv. (d)Giraffa quant Arabes Zurnapa, Grçici & Latkù Camelo-pardalin /if>;7îi/2d;îf. 3:lUn ^ o^/. p, iiS. de fancien Continent, 109 peut-être plus à craindre que le lion ; fa fé- rocité n'eft comparable à rien ; mais on peut juger de fa force par fa taille ; elle eft or- dinairement de quatre à cinq pieds de hau- teur fur neuf j dix &. jufqu'à treize & qua- torze pieds de longueur , fans y comprendre la queue ; fa peau n'eit pas tigrée^ c'eû-à-dire , parfemée de taches arrondies ; il a feule- ment fur un fond de poil fauve des bandes noires qui s'étendent tranfverfalement fur tout le corps , & qui forment des anneaux fur la queue dans toute fa longueur : ces feuls caraûères fuffifent pour le diftinguer de tous les animaux de proie du nouveau monde , dont les plus grands font à peine de la taille de nos mâtins ou de nos lé- vriers. Le léopard & la panthère de l'Afrique ou de TAfie n'approchent pas de la grandeur du tigre , & cependant font encore plus grands que les animaux de proie des par- ties méridionales de l'Amérique. Pline , dont on ne peut ici révoquer le témoignage en doute, puifque les panthères étoient fi com- munes qu'on les expofoit tous les jours en grand nombre dans les fpe<^acles de Rome; Pline , dis-je , en indique les caraûères ef- fentiels , en difant que leur poil eft blan- châtre & que leur robe eft variée par-tout ( c ) de taches noires, femblables à des yeux; ( e ) Panthcris in candido brèves maculanan oculi va^ rias,. . & pardos , oui mares fint appellent in eo omnl ginere creberrimo in Africâ Syriaque , quidam ab ils Pan- ifieras candore folo difccrnunt , nec adhuc aliam diffcrcn- Mm invcni. Plia, HifiMat^ lib VIU, cap. XYII. 1 10 'j4nimaîix il ajoute que la feule différence qu'il y ait entre le mâle & la femelle , c'eft que la fe- melle a la robe plus blanche. Les animaux d'Amérique auxquels on a donné le nom de titres , reffemblent beaucoup plus à la panthère qu'au tigre; mais ils en diffèrent encore affez pour qu'on puiffe reconnoître clairement qu'aucun d'eux n'eft précifément de l'efpèce de la panthère. Le premier eft le jaguar ou juguara ou janowara qui , fe trouve à la Guiane , au Brefil & dans les autres parties méri- dionales de rAmérique. Ray avoit , avec quelque raifon , nommé cet animal pard ( f) ou lynx duBreJil; les Portugais l'ont appelle once ou onça; parce qu'ils-^voient précédem- ment donné ce nom au lynx par corruption, & enfuite à la petite panthère des Indes ; & les François, fans fondement de relation, l'ont appelle tigre,(^) car il n'a rien de com- mun avec cet animal. Il diffère aufli de la panthère par la grandeur du corps , par la pofttion & la figure des taches , par la couleur & la longueur du poil , qui eft crêpé dans la jeuneffe, & qui eft toujours moins liffe que celui de la panthère : il en diffère encore par le naturel & les mœurs , il eft plus fau- vage & ne peut s'apprivoifer , &c. Ces dif- férences cependant n'empêchent pas que le (/) Pa^dus an Lynx Brafilicnfis , jaguara dicU' Marc- gravi. Ray , Synopf. quadrud. p. \66, (^;.Gros Tigre de la Guiane. Defmarvhais , tome. III , p. 259. Le Ti|;re d'Amérique. BcilToa , Rcgn, animal, p. 270. dt Û ancien Continent, m jagnar du Brefil ne refTemble plus à la pan- thère qu'à aucun autre animal de l'ancien continent. Le fécond eft celui que nous ap- pelions coiigiiar , par contra6tion de fon nom brafilien cu^uacuara { h ) que l'on prononce cougouaccu-am , & que nos François ont en- core mal-à-propos appelle tigre rouge -, il dif- fère en tout du vrai tigre & beaucoup de la panthère, ayant le poil d'une couleur roufle, uniforme & fans tache , ayant auflî la tète d'dtie forme différente & lemufeau plus alongé que le tigre ou la panthère. Une troifième efpèce à laquelle on a encore donné le nom de ùgre , & qui en eft tout auffi éloignée que les précéden- tes , c'eft le jagiiarètc{i) , qui eft à peu près de la taille du jaguar, & qui lui refîemble aulTi par les habitudes naturelles, mais qui en diffère par quelques caraftères extérieurs ; on l'a appelle tigre «oir, parce qu'il a le poil noir fur toutle corps , avec des taches encore plus noires , qui font féparées & parfemées comme celles du jaguar. Outre ces trois ef- pèces , & peut-être une quatrième qui eft plus petite que les autres , auxquelles on a donné le nom de tigres , il fe trouve encore en Amérique un animal qu'on peut leur compa- rer & qui me paroît avoir été mieux dénommé , c'eft le chat-pard, qui tient du chat & de la (fi) Ciigu4tcu-ara Pifon , Hifl. Nai. Ind. p. 104.— Le Tigre rouge. Barwère Hiji. Franc, equin. p. 16^. •" Le Tigre rouge. Briffon, Regn. animal, p. 271. ( i ) Jagnarète. Pifon , Hi/i. Nat. Ind. p. loj. — Gnce , efpèce de Tigre. Defmarchais , tome III , p. 100, — Le Tigre noir. Briffon, Rcsn, animal.p, zjl. f 1 1 'Animaux panthète, & qu*il eft en effet plus aifécTin* diquer par cette dénomination compofée que par fon nom mexicain tlacoofdotî ( /c ) : il eft plus petit que le jaguar , le jaguarète & le couguar, mais en même temps il eft plus grand qu'un chat fauvage, auquel il reftem- ble par la figure ; il a feulement la queue beaucoup plus courte & la robe femée de Taches noires , longues fur le dos & arron- dies fur le ventre. Le jaguar, le jaguarète, le couguar & le chat-pard font donc les ani- maux d'Amérique au'xquels on a mal-à- pro- pos donné le nom de ti^rc. Nous avons vu vivant le couguar & le chat-pard ; nous nous fommes donc afTurés qu'ils font chacun d'une efpèce différente entr'eux , & encore plus différente de celle du tigre & de la panthère; & à l'égard du puma & du jaguar , il eft évident par les defcriptions de ceux qui les ont vus, que le puma n'eft point un lion , ni le jaguar un tigre ; ainfi , nous pouvons prononcer fans icrupule que le lion^ le tigre & même la panthère , ne fe font pas plus trouvés en Amérique que l'éléphant, le rhinocéros, l'hippopotame, la giraffe & le chameau. Toutes ces efpèces ayant befoin d'un climat chaud pour fe pro- pager &. n'ayant jamais habité dans les ter- res du Nord , n'ont pu communiquer ni par- {k) Vide Hcrncndc\ , Hifioir. Mcxlq. p. jTz. -— Chat- part. Hiftoire de l'Académie des Sciences, ou Mémoi- res pour fervir à l'Hiftoire des Animaux , tome HI , partitif p. /op. — Chat-pard. Briffon, JRegn, animaL F' m* venir de tancun Continent, i î -j V^ir en Amérique r ce fait général j dont îl ne paroît pas qu'on fe fut feulement doute, cft trop important pour ne le pas appuyer de toutes les preuves qui peuvent achever de le conftater : continuons donc notre énu- mération comparée des animaux de l'ancien continent avec ceux du nouveau. Perfonne n'ignore que les chevaux , non- feulement cauferent de la furprife , mais même donnèrent de la frayeur aux Améri- cains lorfqu'îls les virent pour la première fois : ils ont bien réulfi dans prefque tous les climats de ce nouveau continent, & ils y font a ) Voyez le ptcrrJer rolum* èe cette Hiftoi-eNatav xcUe, Mticle du 4(c«/. K 2 1 1 6 Animaux^ voir appris, par fa Lettre {q) datée d'e t*isîe! de Bourbon du 9 oiS^obre 1759 > ^"^^ le bifoii ou bœuf à bolî'e de Tisle de Bourbon produit avec nos bœufs d'Europe , & j'avoue que je ( y ) Exrait de la Lettre écrite par M. de la Nux à M. de Bnffon. Je ne dois pas neg'iger de vous donner à connoître que les Bifons , (i la loupe ou bofTe qu'ils ont fur le garrot eft le féal cara£!ère qui les diftingua des bœufs ^ ne font point use efpèce particulière Ôc différente de ceux-ci, comme vous paroiffez en êire perfuadé. En cette isle, où depuis plus de trente ans j'ai vu bœufs bretons, bœufs indiens, bifons, il ei\ trèsrTafTuré que ce font des animaux de même efpèce , «nais de races différentes , qui s'étant mêlées depuis ce temps, ont produit des individus qui en ont eux-»^ mêmes produit d'autres , dont nos favanes font ac- tuellement couvertes. J'ai eu entr*autres une vache bretonne qui a été chez moi la fouche de plufieurs générations, & je n'ai jamais eu de taureaux indiens ni bretons , mais feulement des bifons entiers. Les premiers bàtarcs du mélange des bifons avec !es races bretonnes, ont leur loupe ou bofTe fort petite : il y er" a même qui n'en ont prefque pas , feulement le deffus des omoplates eft plus charou que dans les bœufs, bretons on indiens i encore après plufieurs mê-!. Itinges de trois races bâtardes, tout difparoît; & j'ai aftaeHement plufieurs jeunes bêtes qui n'ont pas la moindre apparence des bofl'es ou loupes très diminuées, que portent les mères qu'elles tettent. Nous nous fer^^ vons ici Ats bœufs, de quelque race qu'ils foient, pour porter les grains ôt autres denrées : l'âpreté de nos montagnes ne permet ni la charrue , ni les charrois.. Cet objet rend ici la race des bifons plus recomman-^ d?.ble i. 5c la plupart de nos anciens Colons voient avec grand regret la diminution progreffive des loupes ou boffes , ils font ce qu'ils peuvent pour confervet hes Touches les plus boffues ; en effet , dans les def- çentes afîez roides , cette bolfe retient la charge i inal^ré cela , j'ai Tt^xpériençe , & d<;.]^uU bien des anr* ds t ancien Continent, 11/ regardols ce bœuf à bolTe des Indes plutôt comme un bifon que comme un bœuf. Je ne puis trop remercier 'M. de la Nux de m'avotr fait part de cette obfervation , 6c îl feroit bien à defirer qu'à fon exemple.les perfounçs habituées dans les pays lointains filTent de femblables expériences furies ani- maux : il me femble qu'il feroit facile à nos habiians de la Louifiane d'efîayer de mê- ler le bifon d'Amérique avec la vache d'Europe , & le taureau d'Europe avec la bifonne ; peut-être produiroient - ils en- femble , & alors ©n feroit alTuré que le uées, que la privation de la boffenerend pasnosbxxufs «oins propres à ce fervice. Il y a huit mois que je me fuis défait d'un hauf portant ou hauf de charge , né chez moi très métis, qui avoit fervi pendant plus de quatre ans , & qui n'avoit pas la moindre apparence- de bofTe ; j'ai encore fa mère qui a boffe , & qui ,, âgée de dix-fept à dix-huit ans , donne encore des veaux bien étofFes. Ces boeufs de charge font con- duits & gouvernés par le nez qu'on perce entre les- narines ; on palTe dans l'ouverture un fer courbé ea croifTant, un peu ouvert aux deux extrémités , aux- quelles font attachés deux anneaux ; cette efpèce de bridon eft fupporté par une têtière qui paffe derrière tes cornes 5c les oreilles. La corde ou longe de con - duite , longue de quinze à feize pieds , eft attachée à l'un des anneaux : ordinairement le bœuf devance le, condufteur. J'oubliois de vous obferver que les bifons entiers ont toujours été trouvés ici plus foibles , non- feulement que les taureaux bretons , mais encore que les bâtards de la race bretonne : je fens bien qu'on: voudroit favoir {ï cela eft égal dans les individus pro» venus d'un taureau ou d'une vache bifonne, & dans, ceux provenus o'un bifon. Je ne iuij pas en état de ré^j pondce , &c. 1 1 8 Animaux bœuf d'Europe , le bœuf boffu de Tisle de Bourbon, le taureau des Indes orientales & le bifon d'Amérique ne feroient tous qu'une feule & même efpèce. On voit, paroles ex- périences de M. de la Nux , que la boffe ne fait point un caradere effentiel , puifqu'elle difparoîc après quelques générations; & d'ail- leurs j'ai reconnu moi-même par une autre obfervation , que cette boffe ou loupe que l'on voit au chameau comme au bifon, eft un caraèèere qui, quoique ordinaire n'eft pas conftant, & doit être regardé comme une différence accidentelle dépendante peut- être de l'embonpoint du corps ; car j'ai vu un chameau maigre & malade qui n'avoit pas même l'apparence de la boffe. L'autre ca- raélere du bifon de l'Amérique , qui eft d'a- voir le poil plus long & bien plus doux que celui de notre bœuf, paroît encore n'être qu'une différence qui pourroit venir de l'influence du climat , comme on le voit dans nos chèvres , nos chats & nos lapins lorfqu'on les compare aux. chèvres , aux chats & aux lapins d'Angora , qui , quoique très différens par le poil , font cependant de la même elpèce : on pourroit donc ima- giner avec quelque forte de vraifemblance (furtout Ci le bifon d'Amérique produifoit avec nos vaches d'Europe ) , que notre bœuf auroit autrefois paffé par les terres du Nord contiguës à celles de l'Amérique fepten- trionale , & qu'enfuite ayar>t defcendu dans les régions tempérées de ce nouveau monde il auroit pris avec le temps les impreffions du climat , & de bœuf feroit devenu bifon. , de t ancien Continent, 119 Mais jufqu'à ce que le fait effentiel , c*eft— à-dire, la faculté de produire enferrible, en foit connu, nous nous croyons en droit de dire que notre bœuf eft un animal appar- tenant à l'ancien continent , & qui n'exif- toit pas dans le nouveau avant d'y avoir été tranfporté. Il y avoit encore moins de brebis (r) que de bœufs en Amérique; elles y ontététranf- portées d'Europe , & elles ont réufR dans tous les climats chauds & tempérés de ce nouveau continent; mais quoiqu'elles y foient afTez prolifiques (/) , elles y font commu- nément plus maigres , & les moutons ont en général la chair moins (ucculente & moins tendre qu'en Europe ; le climat du Eréfil eft apparemment celui qui leur convient le mieux , car c'eft le feul du nouveau monde où ils deviennent exceiïivement gras {i). L'on a tranfporté à la Jamaïque, non-feulement des brebis d'Europe^ mais auffides moutons de Guinée (n), qui y ont également réuffi : ces deux efpèces , qui nous paroifTent être différentes l'une de l'autre ^ appartiennent (r) Voyez l'Hiftoire des Incas. Paris , ijj^^ , tome II, F i22. if) Voyez l'Hift. du Brefil , par Pifon & Marc- gr-ve. (ï) Voyez l'Hiftoi'-e du nouveau Monde, par Jean «le Laët. Leyde , 1640 y iïb. XV, chap. XV. (u) Ovis Guinecnjîs feu Angolenfis. Marcgravii , lib, VI , cap. X. Ray > Synopjis ,p.jj. Voyez l'Hiftoire de la J.>rraiqiie. p?r Hais i»iyàuc. Londres ^ 9jO' , y<>i. i, p, ji dé rintroduciii>n. 1 20 Animaux également & uniquement à l*ancien contt» nent. Il en eft des chèvres comme des brebis, elles n'exiftoient point en Amérique, & celles qu'on y trouve aujourd'hui & qui y font en grand nombre , viennent toutes des chèvres gui y ont été tranfportées d'Europe. Elles ne le font pas autant multipliées au Brefil {^x^ que les brebis ; dans les premiers temps , lorfque les Efpagnols les tranfporterent au Pérou :, elles y furent d'abord fi rares qu'el- les fe vendoient jufqu'à cent dix ducats pièce (y) ; mais elles s'y multiplièrent enfuite fi prodigieufement qu'elles fe donnoient pref- que pour rien, à: que Ton n'eftimoit que la peau; elle* y produifent trois, quatre & jufqu'à cinq chevreaux d'une feule portée y tandis qu'en Europe elles n'en portent qu'un ou deux. Les grandes & les petites isles de l'Amérique font aufTi peuplées de chèvres que les terres du continent; les Efpagnols en ont porté jufques dans les isles de la mer du Sud , ils en avoient peuplé l'isle de Juan-Fernandès {i) oùelles avoient extrê- mement multiplié, mais comme c'étoit un. fecours pour les Flibuftiers, qui dans la fuite coururent ces mers , les Efpagnols réfolu- lent de détruire les chèvres dans cette isle , ( X ) Voy. l'Hift. du nouv. Monde , lib. XV. c {y) Voyez l'Hiftoire des Incas, terne II y p ^22, ( i ) "\'oyez le voyage autoiir du Tvlunde , par Anfcn ^ ii-V. II ) p. lOi^. ik et r ancien dominent, Ti t %i pour c«la ils y lâchèrent des chiens qui s'y étant multipliés à leur tour détruifirent i-es chèvres dans toutes les parties acceiii- bles de l'isle ; & ces chiens y font deve- nus fi féroces , qu'aâueliement ils attaquent les hommes. Le fanglier , le cochon domeftique , le co- chon de Siam ou cochon de la Chine, qui tous trois ne font qu'une feule & même efpèce & qui fe multiplient fi facilement & fi nom- breufement en Europe & en Afie , ne fe font point trouvés en Amérique : le Tajacou (û), qui a une ouverture fur le dos, eft l'animal de ce continent qui en approche le plus ; nous l'a- vons eu vivant, &nous avons inutilement ef- fayé de le faire produire avec le cochon d'Eu- rope, d'ailleurs il en diffère par un fi grand nom- bre d'autres caractères , que nous fommes bien fondés à prononcer qu'il efl d'une efpèce diffé- rente. Les cochons tranfportés d'Europe en Amérique, y ont encore mieux réuffiSi plus multiplié que les brebis & les chèvres. Les premières truies , dit GarcilafTo {h) , fe ven- dirent au Pérou encore plus cher que les chèvres. La chair du bœuf & du mouton , dit Pifon (c) , n'^efl pas fi bonne au Brefil ( a ) Tajjcu. Pifon, Ind, p. ç8. Tajacu , cper Mexicanus mofohiferus. Ray, Synopf. quadmp. p. 97.—- Le Sanglier du Mexique. Les François de la Guiane l'appellent Cochon /îoir. Briffon. Regn. anîm. p. m. ( h ) Voyez l'Hiftoire des Incas , Paris , tj^^ , tome Il f p. 266 & fuly. '» les gofchls de Saint-Domingue étoient de petits chiens muets qui fervoient d'amufement aux dames (/) , on s'en fervoit aufli à la chafTe pour éventer d'autres animaux; ils étoient bons à manger i^m) , & furent d'une grande ref- fource dans les premières famines que les Efpagnols effuyerent ; Tefpèce auroit man- qué dans l'isle , fi on n'y en avoir pas rap- porté de plufieurs endroits du continent. Il y enavoitde plufieurs fortes; les uns avoient la peau tout-à fait lifle, d'autres avoient tout le corps couvert d'une laine fort douce ; le plus grand nombre n'avoit qu'une efpèce de duvet fort tendre & fort rare ; la même variété de couleur qui le voit parmi nos chiens ié rencontroif auffi dans ceux-là, & plus grande encore , parce que toutes les couleurs ( / ) Voyez l'Hiftoire Naturelle des Indes , par Jofeph Acofta y p. ^6 & fuivantes. Voyez aufli l'Hiftoire du nouveau Monde, par Jean de Laët. Leyde , 16^0 . liv. X , chap. V. {k) Voyez l'Hiftoire de l'ifle Saint-Domingue, par le Père Charlevoix. Paris , ly-^o , tome /, p, jj & fuivantes. ( / ) Y avoit-il des Dames à Saint-Domingue lorfqu'on en iu I3 découverte! (.Ti) La chair du chien n'eft pas bonne à manger, L 3 1 16 .Ammûux, s'y trouvoient , & même les plus vfves. « Si l'efpèce des gofchis a jamais exifté avec ces fmgularités que lui attribue le Père Char- levoixj pourquoi les autres Auteurs n'en font-ils pas mention ? & pourquoi ces ani- maux qui , félon lui étoient répandus non- feulement dans l'isle de Saint-Domingue , mais en plufieurs endroits du continent , ne fubfiftent-ils plus aujourd'hui ? ou plutôt^ s'ils lubfillent, comment ont-ils perdu toutes ces belles fingularités ?il eft vraifemblable que le gofchis du Père Charlevoix , dont il dit n'a- voir trouvé le nom que dans le Père Pers , eft le gofqués de Garcilaflb; il fe peut aulB que le go i que s de Saint-Domingue & l'alca du Pérou ne foient que le même animal; il pa- Toît certain que cet animal eft celui de TAmé- hque qui a le plus de rapport avec le chien d'Europe. Quelques Auteurs l'ont regardé comme un vrai chien : Jean de Laët («) dit expreffément , que dans le temps de la dé- couverte des Indes il y avoit à Saint-Domin- gue une petite efpèce de chiens dont on fe lérvoit pour la chafTe , mais qui étoitabfolu- ment muets. Nous avons vu dans Thiiloire du chien (o) , que ces animaux perdent la faculté d'aboyer dans les pays chauds; mais l'aboiement efl remplacé par une efpèce de hurlement ,& ils ne font jamais, comme ces animaux trouvés en Amérique , abfoluraent (n) Voyez l'Hiftoire du nouveau Monde, par Jea» de Laët , liv, XV , chap. XV. io) Voyez \e premier volume de cette Hiûoire Nat*» relie , article du chien. de C ancien Continent, \ij muets. Les chiens tranfpcrtés d'Europe ont à peu-près également réulîî dans les contrées les plus chaudes & les plus froides d'Amé- rique , au Brefil & au Canada , & ce font de tous les animaux ceux que les Sauva- ges eftiment le plus (/?); cependant ils pa- roiffent avoir changé de nature , ils ont per- du leur voix dans les pays chauds , la gran- deur de la taille dans les pays froids , & ils ont pris prefque par-rout des oreilles droi- tes ; ils ont doncdégénéré , ou plutôt remonté à leur efpèce primitive , qui eft celle du chien de berger, du chien à oreilles droites , qui de tous eft celui qui aboie le moins. On peut donc re- garder les chiens comme appartenans unique- ment à l'ancien continent , où leur nature ne s'eft développée toute entière que dans les régions tempérées , & où elle paroît s'ê- tre variée & perfectionnée par les foins de l'homme , puifque dans tous les pays non policés & dans tous les climats excelîive» ment chauds ou froids , ils font également petits, laids & prefque muets. L'hyaene {q) ^ qui eft à-peu-près de la grandeur du loup , eft un animal connu des Anciens , & que nous avons vu vivant; il eft fingulier par l'ouverture & les glandes qu'il a fituées comme celles du blaireau , defquelles il fort une humeur d'une odeur (p) Voyez THiftoire du nouveau Monde, par Jean 4e Laët, liv. XV y chap, XF , p. ;jj. ( j ) Hyœna. Ariftotelis , Hl/i, animal. — ■ Dahuh Arabum. Charletoo , Exêr, p, Ij, L 4 lîS Animaux, très forte: il eft aulTi très remarquable par fa longue crinière, qui s*étend le long du cou & du garrot ; par fa voracité , qui lui fait déterrer les cadavres, & dévorer les chairs les plus infe6îes , &c. Cette vilaine bête ne fe trouve qu'en Arabie ou dans les autres provinces méridionales de TAfie; elle n'exifte point en Europe , & ne s'eli pas trouvée dans le nouveau monde. Le chacal (r) qui de tous les animaux , fans même en excepter le lou'p, eft celui dont l'efpèce nous paroît approcher le plus de l'efpèce du chien , mais qui cependant en diffère par des cara6}eres effentiels, eft un animal très commun en Arménie , en Tur- quie , & qui fe trouve auiîi dans plufieurs autres provinces de l'Afie & de l'Afrique ; mais il eft abfoîument étranger au nouveau continent. 11 eft remarqu'able par la couleur de fon poil, qui eft d'un jaune brillant; il eft à-peu-près de la grandeur d'un renard ; quoique l'efpèce en foittrès nombreufe, elle ne s'eft pas étendue jufqu'en Europe , ni même jufqu'au nord de l'Afie. La genette (/) qui eft un animal bien connu des EfpagNfiois , puisqu'elle habite en Elpagne ; (r) Lu^ms aurais^... JackalL Ray , Synopf.quadrup, P' tj^. — Afiaticwn animal. Adi'. nunatpatum Bellon ^ Obf, p. 160. — Canis fiavus Le Loup do'ré. Brif- fon , Regn. animaL p. s.Jj. ^ (/) dnetta. Bellon , Obfcrv.p. y 6. — Ceneua, Gauts HiJ'p.inia Genethocatus, Chnrieton , Exer. p, z(x. -~ La Gtneiie. Briiioji > Rcgn» animal, p. ^/a. de r ancien Continent, 1 2^»5 jrr , p. j£Z 6* fuivantis, ( A ) idem, ibidem. de C ancien Continent, \^^ cxtn. contiwent , V éléphant, le rhinocéros, l'hip- popotame , la giraffe , le chameau , le dromadaire le lion, le tigre, la panthère , le cheval , l'âne y le ^èbre, le bœuf,\Q bufle , la brebis, \3. chèvre ^ le cochon, le chien, l'hycene, le chacal, \^ gC' nette, la civefr^^le cA<îf, la gabelle, le chamois ^ le bouquetin, le chevrotain , le /^/"i/z , \q furet, les rjAî & les /oz.'m ; aucuns n'exiftoient en Amérique lorfqu'on en fit la découverte. 11 en eft de même des loirs , des lérots , des mar^ mottes, des mangoufles , des blaireaux , des ^i- belines , des hermines , de la gerboife , des /;2^ Marcg. fîift. Brajil psg. 2jç. — BÎche des Paiera Y.ers* BivUe ticâ Bois, lar» ère . uiJi. Fr. é34 6" 935» 156 Animaux communs lient les animsrux des provinces méridionales font très petits en comparaifon des animaux des pays chauds de l'ancien continent. Il n'y a en effet nulle comparaifon pour la gran- deur de l'éléphant, du rhinocéros , de l'hippo- potame, de la giraff"e , du chameau, du lion , du tigre , ô:c. tous animaux naturels & pro- pres à l'ancien continent , & du tapir , du cabiai, du fourmiller , du lama, du puma, du jaguar, &c. qui font les plus grands ani- maux du nouveau monde ; les premiers font quatre, fix, huit & dix fois plus gros que les derniers. Une autre obfervation qui vient encore à l'appui de ce fait général , c'eft que tous les animaux qui ont été tranfportés d'Europe en Amérique , comme les chevaux , les ânes , les bœufs , les brebis , les chèvres , les cochons , les chiens , &c. tous ces ani- maux , dis-je , y font devenus plus petirs ; & que ceux qui n'y ont pas été tranfportés & qui y font allés d'eux-mêmes, ceux en un mot qui font communs aux deux mon- des , tels que les loups , les renards , les cerfs , les chevreuils, les élans, font aulli confidé- rablement plus petits en Amérique qu'en Europe , & cela fans aucune exception. Il y a donc dans la combinaifon des élé- mens ô: des autres caufes phifiques , quelque chofe de contraire à Tagrandiffement de la Nature vivante dans ce nouveau monde: il y a des obilucles au développement & peut- éîre à la formation des grands g;ermes ; ceux même qui , par les douces influences d'un autre climat, ont reçu leur forme plé- nière & leur extenfion toute enwère , fe reC» aux d&ux Continens, 1^7 ferrent , fe rapetifîent fous ce ciel avare & dnns cette 'terre vide où l'homme en petit rombre étoit épars , errant ; où loin d'u- fer en maître de ce territoire comme de fon domaine , il n'avoit nul empire ; où ne s'étant jamais fournis ni les animaux ni les élémens , n'ayant ni dompté les mers , ni dirigé les fleuves, ni travaillé la terre, il n'étoit en lui-même qu'un animal du pre- mier rang , & n'exiftoit pour la Nature que comm.eun être fans conféquence, une efpèce d'automate impuifîant, incapable de la ré- former" ou de la féconder ; elle l'avoit traité moins en mère qu'en marâtre en lui refu- fant le fentiment d'am-our & le defir vif de fe multiplier. Car , quoique le Sauvage du nouveau monde foit à peu près de même ftature que l'iiomme de notre monde , cela ne fuffit pas pour qu'il puiiî'e faire une excep- tion au fait général du rapetiffement de la Nature vivante dans tout ce continent : le Sauvage eft foible & petit par les or- ganes de la génération ; il n'a ni poil , ni barbe 6i nulle ardeur pour fa femelle ; quoique plus léger que l'Européen parce qu'il a plus d'habitude à courir, il eft cepen- dant beaucoup moins fort de corps; il eft aufli bien moins fenfible , & cependant plus craintif & plus lâche ; il n'a nulle vivacité, nulle aèlivité dans l'ame ; celle du corps eft moins uh exercice , un mouvement volon- taire qu'une néceffité d'action caufée par le belbin ; ôtez-Iui la faim & la foif , vous dé- truirez en même temps le principe aélif de tous fes mouvemens ; il demeurera ftupide- ,,8 'j^nimaux communs ment en repos fur Tes jambes ou couché pen- dant des jours entiers. Il ne faut pas aller chercher plus loin la caufe de la vie difper- lée des Sauvages , & de leur éloignement pour la fociété : la plus précieufe étincelle du feu de la Nature leur a été refufée; ils manquent d'ardeur pour leur femelle , & par conféquent d'amour pour leurs femblables ; ne connoifTant pas l'attachement le plus vif, le plus tendre de tous , leurs autres fenti- mens de ce genre font froids & languifTans ; ils aiment foiblement leurs pères & leurs enfans ; la fociété la plus intime de toutes , celle de la même famille , n'a donc chez eux que de foibles liens ; la fociété d'une famille à l'autre n'en a point du tout : dès-lors nul- le réunion , nulle république » nul état fo- cial. Le phyfique de l'amour fait chez eux le moral des mœurs ; leur cœur eft glacé , leur fociété froide & leur empire dur. Ils ne regardent leurs femmes que comme des lérvantes de peine ou des bêtes de fomme qu'ils charf^ent, fans ménagement, du far- deau de leur chaffe , & qu'ils forcent fans pitié, fans reconnoiflance , à des ouvrages qui fouvent font au-deïïus de leurs forces : ils n*ont que peu d'enfans ; ils en ont peu de foin ; tout fe reffent de leur premier défaut ; ils font indifFérens parce qu'ils *font peu puiffans ; & cette indifférence pour le fexe eft la tache originelle qui flétrit la Nature, qui l'empêche de s'épanouir , & qui , détrui- fent les germes de la vie , coupe en même temps la racine de la fociété. L'homme ne fait donc point d'exception ici^ aux deux Continens. 159 La Nature en lui refufant les puifTances de l'amour Ta plus maltraité & plus rapetiffé qu'aucun des animaux ; mais , avant d'expo- ier les caufes de cet effet général , nous ne devons pas diffimuler que fila Nature a rape- tiffé dans le nouveau monde tous les ani- maux quadrupèdes, elle paroît avoir main- tenu les reptiles & agrandi les infef^es : car quoiqu'au Sénégal il y ait encore de plus gros lézards & de plus longs ferpens que dans l'Amérique méridionale , il n'y a pas à beaucoup près la même différence entre ces animaux qu'entre les quadrupèdes ; le plus gros ferpent du Sénégal n'eft pas dou- ble de la grande couleuvre de Cayenne , au lieu qu'un éléphant eft peut-être dix fois plus gros que le tapir qui , comme nous l'avons dit , eft le plus grand quadrupède de l'Amérique méridionale ; mais à l'égard des infedles, on peut dire qu'ils ne font nulle part aufli grands que dans le nouveau monde : les plus groffes araignées, les plus grands fcarabées , les chenilles les plus longues , les papillons les plus étendus fe trouvent au Brefil , à Cayenne & dans les autres pro- vinces de l'Amérique méridionale ; ils l'em- portent fur prefque tous les infe(Sles de l'ancien monde , non-feulement par la gran- deur du corps & des ailes , mais aufli par la vivacité des couleurs, le mélange des nuan- ces , la variété des formes , le nombre des efpèces & la multiplication prodigieufe des individus dans chacune. Les crapauds, les grenouilles &: les autres bétes de ce genre font aulîi très groffes en Amérique. Nous l6o Animaux communs ne dirons rien des oifeaux ni des poiflbns^ parce que pouvant paffer d'un monde à l'au- tre , il feroit prefqu'impolîible de diftinguer ceux qui appartiennent en propre à l'un ou l'an- tre ; au lieu que les infeéles & les reptiles font à peu près , comme les quadrupèdes , confinés chacun dans fon continent. Voyons donc pourquoi il fe trouve de fi grands reptiles , de fi gros infeâies , de fi petits quadrupèdes & des hommes fi froids dans ce nouveau monde. Cela tient à la qua- lité de la terre , à la condition du ciel, au degré de chaleur ^ à celui d'humidité , à la fitiration, à l'élévation des montagnes , à la quantité des eaux courantes ou ftagnantes , à l'étendue des forêts, & furtout à l'état brut dans lequel on y voit la Nature. La chaleur eft en général beaucoup moindre dans cette partie du monde, & Thumidité beaucoup plus grande ; fi l'on compare le froid tSi le chaud dans tous les degrés de latitude , on trouvera qu'à Québec , c'eft- à-dire, fous celle de Paris , l'eau des fleuves gèle tous les ans de quelques pieds d'épaif- feur , qu'une maife encore plus épaiife de neige y couvre la terre pendant plufieurs mois, que l'air y eft fi froid que tous les oifeaux fuient & dirparoiffent pour tout l'hiver , &c. Cette différence de température fous la mê- me latitude dans la zone tempérée , quoique très grande , l'efî peut-être encore moins que celie de la chaleur fous la zone torride : on brûle au Sénégal , & fous la même ligne on jouit d'une douce température au Pérou ; il en eft de même fous toutes les autres lati- tudes aux deux Cojitinzns, i^i tU{îes qu'on voudra comparer. Le continent de l'Amérique eft fitué &. formé de façon que tout concourt à diminuer l'adion de la chaleur; on y trouve les plus hautes mon- tagnes , & parla même raifon les plus grands fleuves du monde : ces hautes montagnes , forment une chaîne qui femble borner vers l'oueft le continent dans toute fa longueur ; les olaines & les baffes terres font toutes fi- tuées en deçà des montagnes , & s'étendent depuis leur pied jufqu'à la mer , qui de no- tre côté fépare les continens ; ainfi le vent d'eft , qui , comme l'on fait , eft le vent conf- iant & général entre les tropiques ^ n'arrive en Amérique qu'après avoir traverfé une très vafte étendue d'eau fur laquelle il fe ra- fraîchit ; c'eft par cette raifon qu'il fait beau- coup moins chaud au Bréfil , à Cayenne , Ô:c. qu'au Sénégal , en Guinée , &c. où ce même vent d'eft arrive chargé de la chaleur de toutes les terres & des fables brûlans qu'il parcourt en traverfant & l'Afrique & l'Afie. Qu'on fe rappelle ce que nous avons dit au fujet de la différente couleur des hommes j & en particulier de celle des Nègres ; il pa- roît démontré que la teinte plus ou moins forte du tanné ^ du brun & du noir dépend entièrement de la fituation du climat ; que les Nègres de Nigritie & ceux de !a côte occidentale de l'Afrique font les plus noirs de tous 5 parce que ces contrées font fituées de manière que la chaleur y eft contam- inent plus grande que dans aucun autre endroit du globe, le vent d'eft avant d'y arriver O i6l /4mmaux communs a ayant à traverfer des trajets de terres trn^ menfes; qu'au contraire les Indiens méridio- naux ne font que tannés , & les Brafiliens bruns , quoique fous la même latitude que les Nègres, parce que la chaleur de leur climat eft moindre & moins conftante , le vent d'eft n'y arrivant qu'après s'être ra- fraîchi fur les eaux & chargé de vapeurs humides. Les nuages, qui interceptent la lumière &. la chaleur du foleil , les pluies, qui rafraîchiffent l'air & la furface de la ter- re font périodiques & durent plufieurs mois à Cayenne & dans les autres contrées de l'Amérique méridionale. Cette première cau- fe rend donc toutes les côtes orientales de l'Amérique beaucoup plus tempérées que l'Afrique & î'Afie; & lorfqu'après être arrivé frais fur ces côtes , le vent d'eft commence à reprendre un degré plus vif de chaleur ea traverfant les plaines de l'Amérique , il eft tout-à-coup arrêté, refroidi par cette chaîne de montagnes énormes dont eft compofée toute la partie occidentale du nouveau con- tinent, en forte qu'il fait encore moins chaud fous la Ligne au Pérou qu'au Brefil & à Cayenne, &c. à caufe de 1 élévation prodi- gieufe des terres ; auffi les naturels du Pé* rou , du Chili &c. ne font que d'un brun rouge & tanné moins foncé que celui des Brafiliens. Supprimons pour un inftant la , chaîne des Cordillères , ou plutôt rabaiffons ces montagnes au niveau des plaines adja- centes, la chaleur eût été exceflive vers ces terres occidentales ^ & Ton eût trouvé les aux deux Comintns, \G% hommes noirs au Pérou & au Chili ttXs qu'on les trouve fur les côtes occidentales de l'Afrique. Ainfi i par la feule difpofition des terres de ce nouveau continent, la chaleur y feroit déjà beaucoup moindre que dans l'ancien 5 & en môme temps nous allons voir qu e l'humidité y eft beaucoup plus grande. Les montagnes étant les plus hautes de la terre & fe trouvant oppofées de face à la direc- tion du vent d'eft , arrêtent , condenfent tou* tes les vapeurs de l'air, & produifent par conféquent une quantité infinie de fources vives, qui par leur réunion forment bien- tôt des fleuves les plus grands de la terre : il y a donc beaucoup plus d'eaux courantes dans le nouveau continent que dans Tan- eien , proportionnellement àl'efpace ; & cet- te quantité d'eau fe trouve encore prodigieu- femenr augmentée par le défaut d'écoulé-* ment : les hommes n'ayant ni borné les tor^ rens , ni dirigé les fieuves, ni féché les ma- rais, les eaux Gagnantes couvrent des ter- res immenfes , augmentent encore l'humi- dité de l'air & en diminuent la chaleur : d'ailleurs la terre étant par-tout en friche & couverte dans toute îbn étendue d'her- bes grolîîères, épaiffes & touffues > elle ne s'échauffe , ne fe sèche jamais ; la tranl- piration de tant de végétaux , preffés les uns contre les autres , ne produit que des exhalai- fons humides & mal faines; la Nature, ca- chée fous fes vieux vêtemens , ne montra jamais de parure nouvelle dans ces triftes cctitrées^ n'étant ni careilée ni citltivéepatf O % i<$4 "^Animatix communs l'homme , jamais elle n'avoit ouvert Ton fein bienfaiiant ; jamais la terre n'avoit vu fa furface dorée de ces riches épis qui font notre opulence & fa fécondité. Dans cet état d'abandon , tout languit , tout ie corrompt, tout s'étouffe; l'air & la terre, furchargés de vapeurs humides & nuifibles , ne peuvent s'épurer ni profiter des influences de i'aitre de la vie ; le foleil darde inutile* ment fes rayons les plus vifs fur cette maf- fe froide , elle eil hors d'état de répondrs à fon ardeur ; elle ne produira que des êtres humides , des plantes, des reptiles , des in- leéles , & ne pourra nourrir que^ des hom- mes froids & des animaux foibles. C'eil donc principalement parce qu'il y avoit peu d'hommes en Amérique, & parce que laplufpart de ces hommes, menant la vie des animaux , laifioient la Nature brute & négligoient la terre , qu'elle eft demeurée froide , impuiffante à produire les principes aflifs , à développeur les germes des plus grands quadrupèdes, auxquels il faut, pour croître & fe multiplier , toute la chaleur ^ toute l'activité que le foleil peut donner à la terre amoureufe ; & c'eft par la raifon contraire que les infe<5les, les reptiles &. toutes les efpèces d'animaux qui fe trament ëans la fange , dont le fang eft de l'eau , & qui piillalent par la pourriture, font plus nombreufcs & plus grandes dans toutes les terres baifes , humides & marécageufes de ce nouveau continent. Lorfqu'on réfléchit fur ces différences ft mar:]uees qui fe trouvent entre TancLea &: ' aux deux Contlnens, i6j Je nouveau monde ^ on feroit tenté de croi- re que celui ci eft en effet bien plus nou- veau^ & qu'il a demeuré plus long-temps que le refte du globe fous les eaux de la mer ; car, à l'exception des énormes montagnes qui le bornent vers l'oueft , & qui paroif- fent être des monumens de la plus hauts antiquité du globe , toutes les parties baffes de ce continent femblent être des terreins nouvellement élevés & formés par le dépôt des fleuves & le limon des eaux ; on y trou- ve en effet, en plufieurs endroits, fous la première couche de la terre végétale , les coquilles & les madrépores de la mer , forr mant déjà des bancs , des maffes de pierre à chaux , mais d'ordinaire moins dures & moins compares que nos pierres de taille qui font de même nature. Si ce continent eft réellement aulîi ancien que l'autre , pour- quoi y a-t-on trouvé fi peu d'hommes? pour- quoi y étoient-iis prefque tous fauvages & difperlés ? pourquoi ceux qui s'étoient réu- nis en fociété , les Aîexicains & les Péru- viens , ne comptoient-ils que deux ou trois cents ans depuis le premier homme qui les avoit raffemblés ? pourquoi ignoroient-ils encore l'art de tranfmettre à la poftérité des faits par des fignes durables, puifqu'iis avoient déjà trouvé celui de fe communi- quer de loin leurs idées, & d& s'écrire en nouant des cordons ? pourquoi ne s'étolent-iîs pas fournis les animaux, & ne fe fervoient- ils que du lama & du pacos qui n'étoient pas, comîT.e nos animaux domeftiques réfi- dens , fidèles 'Se dociles ? Leurs arts étoient \66 ' Anhnaux communs niifTans comme leur fociété , leurs talens imparfaits , leurs idées non développées , leurs organes rudes & leur langue barba- re ; qu'on jette les yeux fur la lifte des ani- maux (i), leurs noms font prelque tous (d) Pelon ichiati otjuitli. Le lama. Tapuerctîe au Brefil, maypoury ou manlpouris à la Guiane. — Le tapir. Tamandua-guacu AU BreCi\f ouaiirl à la Guiane, —Le tamanoir. Ouatiriouaou à la Guiane. — • Le fourmiller. > Ouaikaré à la Guiane , ai ou hai au Brefil. — Le pa- reifeux. Alotûchîli au Mexique, tatu ou tatupeha au Brefil, (h'irquinchum à !a nouvelle Efpagne. — Le tatou. Tatu-ete au Brefil , tatou-kabajfou à la Guiane. — L« tatoiiet. Macatlchichllùc ou temamaçama , animal qui reflemble i quelques égards à la gazelle, &: qui n'a pas encore d'autre nom que celui de ga\cUe de La nouvelle Ef' Jiya ou carigueiheju , animal qui reffemble afifez à la loutre , & que par cette raifon l'on a nommé loutre du Brefil. Quauhtla coymatl ou qiiapiiptl au Mexique , caai" goara au Brefil. Le tajacii ou tajacou. Tlacocjclotl ou tlalocdotL ---• Le chat-pard. Cabionam ou capybara. •- Le cabiai. Tlatlauhqui ccclotl du Mexique , Janowara ou jaguara aunrefil. -Le jaguar. Cuguacu arana ou cuguocu ara , ou cougouacou ara. — ■ Le couguar. Tlaquatyn au Mexique, ûo« Il n'y avoit , dit Acofta , aux isles de Saint - Domingue & de Cuba , non plus qu'aux Antilles, prefque aucuns animaux du nouveau continent de l'Amérique , 5i pas un feul des animaux femblables à ceux d'Europe (/).... Tout ce qu'il y a aux {&) Voyez l'Hilloire du nouveau Monde, par Jean de Laët, Leydc , 1640, Hv. /, chap. IV , pag. 5. Voyez aulfi l'Hifto-ire de l'isle Sainî-Oomingus , par le P. Charlevoix. Paris, «730, tome 1 , page 3?. (/) Voyez l'Hiftoire naturelle des Indes , par Jofeph Acofta , tradu£lion de Renaud. Pans, 1600 , page 144 6* fuivanus. Quadrupèdes , Tom» III, P '170 ^Animaux communs Antilles , dit le P^re du Tertre , de mou- tons , de chèvres, de chevaux, de bœufs, d'ânes , tant dans la Guadeloupe que dans les autres isles habitées par les François , a été apporté par eux; les Efpagnols n'y en mirent aucun, comme ils ont fait dans les autres isles , d'autant que les Antilles €tant dans ce temps toutes couvertes de bois , le bétail n'y auroit pu fubfifter fans her- bages (g) ». M. Fabry, que j'ai déjà eu occafionde citer dans cet ouvrage , qui avoit erré pendant quinze mois dans les terres de î'oueft de l'Amérique , au-delà du fleuve Mif- fifiTipijm'aalTLué qu'il avoit fait fouvent trois & quatre cents lieues fans rencontrer un ieul homme. Nos Officiers qui ont été de Québec à la belle rivière d'Ohio , & de cette rivière à la Louifiane , conviennent tous qu'on pourroit fouvent faire cent & deux cents lieues dans la profondeur des terres fans rencontrer une feule famille de Sauvages : tous ces témoignages indiquent alTez jufqu'à quel point la Nature eft deferte dans les contrées même de ce nouveau con- tinent, où la température eft la plus agréa- ble • mais ce qu'ils nous apprennent de plus particulier & de plus utile pour notre objet, c'eft à nous défier du témoignage pofteneur des Defcripteurs de Cabinets ou des No- (a\ Voyez l'Hiftoire générale des Antilles , par le Peie du Tertre, ?aris 1667 , tomt //, fcgciZ^ ^f^iv. ûù l'on doit obferver qu'il y a plufisurj chofes empriia- mix deux Conùnens. 171 menclateurs , qui peuplent ce nouveau monde d'animaux , leiquels ne fe trouvent que dans l'ancien ,& qui en désignent d'autres comme originaires de certaines contrées où cepen- dant jamais ils n'ont exifté. Par exemple , il eft clair & certain qu'il n'y avoit origi- nairement dans l'isle Saint-Domingue aucun animal quadrupède plus fort qu'un lapin ; il eft encore certain que , quand il y en auroit eu , les chiens Européens , devenus fauvages & méchans comme des loups , les auroient détruits : cependant on a appelle ahat-tigre ou chat-tigré (^A) de Saint-Domin- gue le marac ou maracaia du Brefil , j:{ui ne ie trouve que dans la terre ferme du con- tinent. On a dit que le léti^ard écailUux ou diable de Java fe trouvoit en Amérique , & que les Brafiliens l'appelloient tato'éi^ i ) , tan- dis qu'il ne fe trouve qu'aux Indes orien- tales : on a prétendu que la civette ( A ) , qui eft un animal des parties méridionales de l'an- cien continent, fe trouvoit aufli dans le nou- veau , & furtout à la nouvelle Efpagne , fans faire attention que les civettes étant des ani- maux utiles , & qu'on élève en plufieurs en- droits de l'Afrique, du Levant & des Indes, comme des animaux domeftiques pour en re- cueillir le parfum dont il fe fait un grand com- merce; les Efpagnols n'auroient pas manqué (A) Felis Si'vefttis ; Tig/inus en uifpanicla, Seba roi. I.pagc 77. il) Seba , vol. /, page 8S. {!'.) Briffon , Reii;n. arÀmal, page 5f I. P 2 lyi \/f ni maux communs d'en tirer le même avantage & de fairele même commerce , fi la civette fe fût en effet trouvée dans la nouvelle Efpagne. De la même manière que les Nomencla- teurs ont quelquefois peuplé mal-à-propos le nouveau monde d'animaux qui ne fe trou- vent que dans l'ancien continent , ils ont aufli tranfporté dans celui-ci ceux de l'au- tre ; ils ont mis des philandres aux Indes orientales , d'autres à Amboine (^/) , des pa- reffeux à Ceylan ( m ) , & cependant les philandres & les parefTeux font des animaux d'Amérique fi remarquables , l'un par l'efpèce de fac qu'il a fous le ventre &. dans le- quel il porte fes petits , l'autre par l'excef- five lenteur de fa démarche & de tous les inouvemens , qu'il ne feroit pas polfible , s'ils eufîent exifté aux Indes orientales , que les Voyageurs n'en euflent fait mention. Seba s'appuie du témoignage de François Valent'm , au fujet du philandre des Indes orientales ; mais cette autorité devient , pour ainfi dire , nulle , puifque ce François Ya- lentin connoilToit fi peu les animaux & les poiflbns d'Amboine , ou que fes defcriptions font fi mauvaifes , qu'Artedi lui en tait le reproche , & déclare qu'il n'eft pas poffi- ble de les reconnoître aux notices qu'il en donne. Au refte, nous ne prétendons pas affu- rer affirmativement & généralement , que (/) Seba , vol. I, pages 6l & C4» {m^ idem, ibid. page^ 54, aux deux CoTîtlnens. 173 de loiis les animant qui habitent les climats les plus chauds de l'un ou de l'autre continent, auc^un ne fe trouve dans tous les deux à la fois; il faudroit, pour en être phyfique- menf certain , les avoir tous vus ; nous prétendons feulement en être moralement sûrs , pulfquô cela eit évident pour tous les- grands animaux, lefquels feuîs ont été remarqués & bien défignés par les Voya* geurs ; que cela eft encore allez clair pour la plupart des petits , & qifil en rei^.e peu fur lefquels nous ne puitlions prononcer. D'ailleurs quand il fe trouveroit à cet égard quelques exceptions évidentes ( ce que j'ai bien de la peine à imaginer ) , elles ne porteroient jamais que fur un très petit nom- bre d'animaux , & ne détruiroient pas la loi générale que je viens d'établir, & qui me paroît être la feule bouiTole qui puiiTe nous guider dans la connoifTance des Animaux, Cette loi qui fe réduit à les juger autant par le climat & par le naturel , que par la figure &: la conformation, fe trouvera très rarement en défaut , & nous fera prévenir ou reconnoître beaucoup d'erreurs. Suppo- fons , par exemple , qu'il foit quelVion d'un animal d'Arabie , tel que l'hyasne; nous pour- rons alTurer , fans crainte de nous tromper, age ia8. Voyez aufli le Règne ani.» ina), &c. (r) Voyez le Rè^ne animal, par M. BrilTon , page 3t^o . où il eft dit d'cpres Ko'be, que !e phoca s'appe.Ie Chien-marin par les babitans du cap de Bonne- eTpc- rance. aux deux Contlncris, 17 5 ^oît pas être indiquée par le nom de coati » qui eft Américain , comme on le trouve dans M. Kle'm (^fyL'yfquïepatl au Mexique , ani- mal qui répand une odeur empeftée , &. que par cette raifon nous appellerons mouffette, ne doit pas être pris pour un petit renard ou pour un blaireau ( r ). Le coati-mondi d'Amérique ne doit pas être confondu , comme l'a fait Aldrovande ^u ) y avec le blaireau- cochon , dont on n'a jamais parlé que comme d'un animal d'Europe. Mais je n'ai pas en- trepris d'indiquer ici toutes les erreurs de la nomenclature des quadrupèdes ; je veux feulement prouver qu'il y en auroit moins , fi l'on eût fait quelque attention à la diffé- rence des climats ; fi l'on eût aflez étudié l'hiftoire des Animaux pour reconnoître, comme nous l'avons fait les premiers , que ceux des parties méridionales de chaque con- tinent ne fc trouvent pas dans tous les deux à la fois; & enfin fi l'on fe fût en même temps abftenu de faire des noms génériques , qui confondent enfemble une grande quantité d'efpèces , non-feulement différentes, mais fou vent très éloignées les unes des au- tres. Le vrai travail d'un Nomenclateur ne con- iifte point ici à faire des recherches pour alonger fa lifte , mais des comparaifons rai- (jr) Vide KÎein , de quadrup. pao;e 6^. ft) Vide Seba , vol. i ^ page 68 ; S< le Règne anî:T3»! ie M. Br'ifCon , page 2^5. (w) Vide AIdrovandi quadrup. digit. page 167, P 4 176 Animaux communs fonnées pour la raccourcir. Rien n'eft plus aifé que de prendre dans tous les Au- teurs qui ont écrit des Animaux, les noms & les phrafes pour en faire une table , qui deviendra d'autant plus longue, qu'on exa- minera moins : rien n'eft plus ditHcile que de les comparer avec affez de difcernement pour réduire cette table à fa jufte dimenfion» Je le répète , il n'y a pas dans toute la terre habitable &: connue deux cents efpèces d'ani- maux quadrupèdes , en y comprenant même les finges pour quarante ', il ne s'agit donc que de leur aliigner à chacun leur nom , éi il ne faudra pour poiTèder parfaitement cette nomenclature , qu'un très médiocre ufage de fa mémoire , piiifqu'il ne s'agira que de retenir ces deux cents noms. A quoi fert- il donc d'avoir fait pour les quadrupèdes des claffes 3 des genres , des méthodes en un mot, qui ne fontqus des échafaudages qu'oa a imaginés pour aider la mémoire dans la connoiffance des plantes , dont le nombre eft en effet trop grand, les différences trop petites, les efpèces trop peu contantes, & le détail trop minutieux û: trop indifférent pour ne pas les confidérer par blocs, &: en faire des tas oudes i^enres, en mettant enfemble celles qui paroiffent fe refTem.bler le plus? Car, comme dans toutes les productions de Tefprit, ce qui eiT: abiblument inutile ert toujours mal imaginé & devient fouvent nuifible ; il eft ar- rivé qu'au lieu d'une lifte de deux cents noms , à quoi fe réduit toute la nomencla- ture des quadrupèdes , on a fait des Diction- naires d'un fi grand nombre de termes & de aux deux Contïnms, Î77 phrafes, qu'il faut plus de travail pour les débrouiller, qu'il vv^xv faut pour les compo- fer. Pourquoi faire du jargon & des phra- fes lorfqu'on peut parler clair, en ne pro- nonçant qu'un nom fimple ? pourquoi chan- ger toutes les acceptions des termes, fous le prétexté de faire des cUiîes & des gen- res ? pourquoi , lorfque l'on fait un genre d'une douzaine d'animaux , par exemple, fous le nom de ^enr& du Upin , le lapin même ne s'y trouve-t'il pas, & qu'il faut l'aller chef' cher dans le genre du lièvre (x)} N'eft-il -^ pas abfurde , difons mieux , il n'efl que ri- dicule de faire des clafTes où l'on raliemble les genres les plus éloignés, par exemple, de mettre enfemble dans la première l'homme (y) & la chauve-fouris , dans la féconde l'éléphant & le lézard écailleux , dans la troifième le lion & le furet , dans la qua- trième le cochon & la taupe , dans la cin» quième le rhinocéros & le rat , &c. Ces idées mal conçues ne peuvent fe foutenir ; aulH les ouvrages qui les contiennent font- ils fucceiîîvement détruits par leurs propres auteurs ; une édition contredit l'autre , & le tout n'a de mérite que pour des éco- liers ou des enfans , toujours dupes du myf- tère, à qui l'air méthodique paroît fcientiiî- que , & qui ont enfin d'autant plus de ref- pe61: powr leur maître , qu'il a plus d'art à [x) Vide Briffon, Regn. animal, pa^e T40 8c 14:2, (y) Vide Lin Fi 36 i , Syji. nat. nolmj^j 1758 , tome I^ p2ge 18 6c 19. 17» 'Animaux communs leur préfenter les chofes les plus claîres & les plus aifées, fous un point de vue le plus obfcur & le plus difficile. En comparant la quatrième édition de Touvrage de M. Linnaeus , avec la dixième que nous venons de citer , l'homme ( ^) n'eft pas dans la première claÔe ou dans le pre- mier ordre avec la chauve-fouris , mais avec le lézard écailieux ; l'éléphant, le cochon , le rhinocéros , au lieu de le trouver le premier avec le lézard écailieux , le fécond avec la taupe , & le troifième avec le rat , fe trouvent tous trois enfemble ( ^ ) avec la mufaraigne : au lieu de cinq ordres ou claf- fes principales (^'^j 4. (a) Idem , ibid. pdge 69. {b) Idem, ibid. p^^^e 65 & fequznt. (c) Vide Linnaei, Syjl. nat. edit. x. Holmiae , 17/S, pcgc iS & 17. {d) Idem , ibid. page 20 & 24 . 0.11X deux Condnens» 179 ^lo fîtes ; ce font ( e ) , dit l'auteur , deux ef- pèces très diftin6les , & il faut bien fe gar- der de croire que ce n'eft qu'une variété. N'eft-ce pas ajouter des fables à des abfur- dités ? & peut- on préfenter le réfultat des contes de bonnes -femmes ou les vifions men- fongeres de quelques voyageurs fufpe^ls , comme faifant partie principale du fyftême de la Nature ? de plus , ne vaudroit-il pas mieux fe taire fur les chofes qu'on ignore que d'établir des cara6leres effentiels & des différences générales fur des erreurs groflières , en affuranr, par exemple, que dans tous les animaux â mamelles , la femme feule i^f) a un clitoris; tandis que nous {a- vons par la difledion que nous avons vu faire de plus de cent efpèces d'animaux , que le clitoris ne manque à aucune femelle. Mais j'abandonne cette critique, qui cepen- dant pourroit être beaucoup plus longue , parce qu'elle ne fait point ici mon principal cbiet ; j'en ai dit affez pour que l'on foit en garde contre les erreurs, tant générales que particulières , qui ne fe trouvent nulle part en aulîi grand nombre que dans ces ouvrages de nomenclature, parce que vou- lant y tout comprendre , on eft forcé d'y réunir tout ce que Ton ne fait pas au peu qu'on fait. (s) Spscîem trog/odita ab horràne /apte^^u d'^ftinHiffirncm^ nec nojiri gêner; s illam ncc fungu'mis ejje , (iatura. quam- yis JlmilUma duhinm non cji, ne itaque varictatcm crcdas cvam vel fola mzmhrana n'iciitans abfblutc negst, Llnn«i, Syj'i- nat. eclir. x , page 24. {fj Linnsi, Syfi. nat. cdit. x. pag« 24 & aj. iSô Animaux communs ^ En tirant des conféquenccs générales de tout ce que nous avons dit , nous trouve- rons que l'homme eft le feul des êtres vi- vans dont la nature foit afTez forte , affez étendue, aflez flexible pour pouvoir fubfifter , fe multiplier par-tout, & fe prêter aux in- fluences de tous les climats de ta terre ; nous verrons évidemment qu'aucun des animaux n'a obtenu ce grand privilège , que loin de pouvoir Te multiplier par tout , la plupart ibnt bornés &. confinés dans de certains cli- mats, & même dans des contrées particu- lières. L'homme eft en tout l'ouvrage du ciel; les animaux ne ibnt à beaucoup d'é- gards que des produ(5lions de la terre : ceux a*un continent ne fe trouvent pas dans l'au- tre , ceux qui s'y trouvent font altérés, ra- petifTés , changés fouvent au point d'être méconnoifTables : en faut-il plus pour être convaincu que l'empreinte de leur forme n'eft pas inaltérable ; que leur nature, beau- coup moins confiante que celle de l'homme, peut fe varier & même fe changer abfolu- ment avec le temps ; que par la même rai- fon les efpèces les moins parfaites les plus délicates, les plus pefantes , les moins agi f- fantes , les moins armées , &c. ont déjà dif- paru ou difparoîtront ? leur état, leur vie, leur être dépend de la forme que l'homme donne ou laifle à la furface de la terre. Le prodigieux mahmout, animal quadrupè- de , dont nous avons fouvent confidéré les ofTemens énormes avec étonnement, & que nous avons jugé fix fois au moins plus grand que Je plus fort éléphant, n'exiite plus nulle aux deux Conûmns, . i8i p^art; & cependant on a trouvé de fes dé- pouilles en plufieurs endroits éloignés les lins des autres, comme en Irlande , en Si- bérie , à la Louifiane , &c Cette efpèce étoit certainement la première ^ la plus gran- de , la plus forte de tous l?s quadrupèdes ; puifqu'elle a difparu , combien d'autres plus petits, plus foibles & moins remarquables ont dii périr auffi fans nous avoir laifîé ni témoignages ni renfeignemens fur leur exif- tence paltée ? combien d'autres efpèces s'é- tant dénaturées , c'eft-à-dire perfectionnées ou dégradées par les grandes viciflïtudes de la terre & des eaux, par l'abandon ou la cul- ture de la Nature , par la longue influence d'un climat devenu contraire ou favorable, ne font plus les mêmes qu'elles étoient au- trefois ? & cependant les animaux quadrupè- des font, après l'homme, les êtres dont la nature eft la plus fixe & la forme la plus confiante : celle des oifeaux & des poifTons varie davantage ; celle des infeftes , encore plus ; &: fi l'on defcend jufqu'aux plantes que l'on ne doit point exclure de la Nature vivante, on fera furpris de la promptitude avec laquelle les efpèces varient ^ & de la facilité qu'elles ont à fe dénaturer en pre- nant de nouvelles formes. Il ne feroit donc pas impolîible , que , même fans intervertir l'ordre de la Nature , tous ces animaux du nouveau monde ne fuffent dans le fond les mêmes que ceux de l'ancien , defquels ils auroient autrefois tiré leur origine ; on pourroit dire qu'en ayant été féparés dans la fuite par des mers l8i Animaux communs immenfes , ou par des terres impraticables • ils auront avec le temps reçu toutes les im" prefîions, fubi tous les effets d'un climat deve- nu nouveau lui-même & qui auroit aufli changé de qualité par les caufes mêmes qui ont pro- duit la réparation; que par conféquent ils fe feront avec le temps rapetifles , dénatu- rés, &c. Mais cela ne doit pas nous empê- cher de les regarder aujourd hui comme des animaux d'efpèces différentes : de quelque caufe que vienne cette diflFérence , qu'elle ait été produite par le temps , le climat & la terre , ou qu'elle foit de même date que la création j elle n'en eft pas moins réelle : la Nature, je l'avoue, eft dans un mouve- ment de flux continuel; mais c'eft alTez pour l'homme de la faifir dans Tinftant de fon fiècle, & de jeter quelques regards en ar- rière & en avants pour tâcher d'entrevoir ce que jadis elle pouvoit être , & ce que dans la fuite elle pourroit devenir. Et à l'égard de l'utilité particulière que nous pouvons tirer de ces recherches fur la comparaifon des animaux , on fent bien , qu'indépendamment des corre6lions de la nomenclature , dont nous avons donné quel- ques exemples , nos connoiffances fur les animaux en feront plus étendues , moins im- parfaites & plus sûres ; que nous rifquerons moins d'attribuer à un animal d'Amérique , ce qui n'appartient qu'à celui de Indes orien- tales , qui porte le même nom ; qu'en parlant des animaux étrangers fur les no- tices des voyageurs , nous faurons mieux diflinguer les noms & les faits , & les rap- étux deux Contincns, 1S3 porter aux vraies efpèces ; qu'enfin Thif- foire des animaux que nous fommes char- gés d'écrire en fera moins fautive , & peut - être plus lumineufe & plus coai- plette. 1^4 Hijlolre naturelle, LE TIGRE (a). Voye^ planche Vl^figuni de ce volume, X--^ANs la claiTe des Animaux carnaffiers , ie Lion eft le premier , le Tigre eft le fécond ; & comme' le premier , même dans un mau- vais genre , eft toujours le plus grand & fouvent le meilleur; le fécond eft ordinai- rement le plus méchant de tous. A la fierté , au courage , à la force , le lion joint la no- (a) Le Tigre , le vrai tigre , le tigre des Indes orien- tales ; en Latin, Tlgrisi en Italien, Tigra; en Alle- mand, Tigenhier; en Anglois, Tiger. Tigris Gefner , Hiji- quadrup. page 9]6. Tigris, Ray, Synopf. quadrup. page i6ç. Tigris maculis cblongis. Linnaei , Syfiem. natiir. edît. ry , page 64. Nota. Qu'il eft ici feul de fon genre avec la panthère. . . . Fdis caudâ elongatâ , maculis %'irgaiis. Idem, ibidem , eàk. vi , page 4. Nofa. Que ar la mafle énorme qu'il entraîne. Ceci léul fuffiroit pour faire juger de fa force ; mais pour en donner une idée plus jufte , ar- rêtons-nous un inftant fur les dimenfions & les proportions du corps de CQt animal ter- rible. Quelques voyageurs l'ont comoaré,. pour la grandeur, à un cheval ^^d), d'autre& à un buffle (e) , d'autres ont feulement dit (c) VideJac Bontii , «//?. JSfat. înd. or. Amft.î^fg {d) Voy.jes Voyages de D^îlon . p. ,e^ 6- fuh, le) Lejtîgres des Indes, dit la Boullaye-leGouzV font prodiâieuXejTvent gra-ïds y j'en ai vu des peaux^ Q 2 i8g Hifloirt naturelle, qu'il étoit beaucoup pîus grand que le \\on (/). Mais nous pouvons citer des témoi- gnages plus récens & qui méritent une en- tière confiance. M. de la Lande -Magon nous a tait aîTurer qu'il avoit vu aux Indes orien- tales un ti9;re de quinze pieds, en y com- prenant fans doute la longueur de la queue ; fi nous la fuppofons de quatre ou cinq piedg, ce tigre avoit au moins dix pieds de lon- gueur. 11 eft vrai (\v.Q celui dont nous avons la dépouille au Cabinet du Roi , n'a qu'en- viron fept,pieds de longueur depuis l'extré- mité du mufeau jufqu'à l'origine delà queue; mais il avoit été pris , amené tout jeune , & enfuite toujours enfermé dans une loge étroite à la Ménagerie , où le défaut de mou- vement & le manque d'efpace , l'ennui de la prifon , la contrainte du corps , la nour- riture peu convenable ont abrégé fa vie & retardé le développement, ou même réduit l'accroiffement du corps. Nous avons vu dans l'hiftoire du cerf ( g ^ , que ces animaux pris jeunes & renfermés dans des parcs trop peu plus longues & plus larges que celles ries boeufs ; )Is s'adonnent quelquefois à manger les hommes, & en plufieurs endroits des Indes il n'y va point de voya-. reurs fans être bien armés , parce que cet animal étant de la figure d'un chat, il fe hauire iur les pieds rie derrière pour fauter fur celui qu'il veut alia.lHir. Voyages de la Boullaye-lc- Goui. Pans , i6jj. p. 2-^6 {ffvide Profper Alp. hijî. nat. jEgypt, Lugd. Bar. 1735 , p. i37.---Et Wotton , p. 6j. _ i§) Voyez le fécond voimmi de celte Hiitowe Wa- »u€Ue , article du C^/"/. du Tigre, 189 fpacieux , non-feulement ne prennent pas leur croiflance entière , mais même fe dé- forment & devierrnent rachitiques &baffets, avec des jambes torfes. Nous lavons d'ailleurs par les différions que nous avons faites d'a- nimaux de toute efpèce élevés & nourris dans des ménageries , qu'ils ne parviennent ja- mais à leur grandeur entière ; que leur corps & leurs membres qui ne peuvent s'exercer, reftent au-deffous des dimenfions de la Na- ture ; que les parties dont Tufage leur eft abfolument interdit , comme celles de la génération, fontfi petites & fi peu dévelop- pées dans tous ces animaux captifs & céliba- taires y qu'on a de la peine à les trouver , & que fouvent elles nous ont paru prefqu'en- tiérement oblitérées. La feule différence du clim.at pourroit encore produire les mêmes effets que le manque d'exercice & la capti- vité : aucun animal des pays chauds ne peut produire dans les climats froids , y fût- il même très libre & très largement nourri; &. comme la reproduâion n'eft qu'une fuite naturelle de la pleine nutrition , il eft évi- dent que la première ne pouvant s'opérer, la féconde ne fe fait pas complètement , & que dans ces animaux , le froid feul fiifiit pour reftreindre la puiffance du moule inté- rieur, & diminuer les facultés a61:ives du développement, puifqu'il détruit celles de la reproduction. Il n'eft donc pas étonnant que ce tigre dont le fquelette 6i la peau nous font ve- nus de la Ménagerie du Roi , ne .foit pas parvenu à fa jufte grandeur j cependant la içO H'ijîolre naturelle {euîe vue de cette peau bourée donne encore Tidée d'un animal formidable ', & l'examen du fquelette ne permet pas d'en douter. L'on voit fur les os des jambes des rugofités qui marquent des attaches de mufcles encore plus fortes que celles du lion; ces os font aufit folides , mais plus courts , & comme nous l'avons dit , la hauteur des jambes dans le tigre n'eft pas proportionnée à la grande lon- gueur du corps. Ainfi cette vîtefTe terrible dont parle Pline, & que le nom (r) même du tigre paroît indiquer, ne doit pas s'en- tendre des mouvemens ordinaires de la dé- marche , ni même de la célérité des pas dans unecourfe fuivie; il eft évident qu'ayant les jambes courtes, il ne peut marcher (/) ni courir auffi vite que ceux qui les ont pro- portionnellement plus longues ; mais cette TÎtefle terrible s'applique très bien aux bonds prodigieux qu'il doit f^re fans effort; car (r) Tigris vocahulum tfi llneuet Armenîa. ^ nam ibl & fagitta & quoi vehememiffimum fiurmn , dicitnr tigris. Varro , de lingua latina. --"Perpz & Midi fa- gittam tigrim nuncupant, Gefner , Hijl. quadrud. pag. (y) Ce que dit Pline, que cet animal eft d'une vî- telTe terrible , eft une erreur , dit Bontius ; car au contraire il eft lent (à courir , & c'eft à caufe de cela qu'il attaque plus volontiers les hommes que les animaux qui courent bien , comme les cerfs , les fan- gUers , les bufïîes , les bœufs fauvages , qu'il n'attaque tous qu'en fe mettant en embufcade ; il fe jette im- pétueufement fur leur tête , & terrafTe d'un feul coup de patte les animaux les plus fort;. Bont. /r, 53 & 54. Il qCl, comme l'on voit, fore aifé de con» eilier ces faits avec le* exprefTions de Pline, au Tigre, 19' en lui fuppofant, proportion gardée , antani de force & de fouplelTe qu'au chat qui lui reffemble beaucoup par la conformation , & qui dans l'inftant d'un clin d'œil , fait un faut de plufieurs pieds d'étendue , on fentira que le tigre , dont le corps eft dix fois plus long, peut dans un inftant prefque aulfi court faire un bond de plufieurs toi Tes. Ce n'eft donc point la célérité de fa courfe , mais la vî- telTe du faut que Pline a voulu défigner , & qui rend en effet cet animal terrible , parce qu'il n'eft pas poflible d'en éviter l'effet. Le tigre eft peut-être le feul de tous les animaux dont on ne puifle fléchir le natu- rel ; ni la force , ni la contrainte , ni la violence ne peuvent le dompter. Il s'irrite des bons comme des mauvais traitemens ; la douce habitude qui peut tout , ne peut Tien iur cette nature de fer; le temps loin de l'amollir en tempérant les humeurs féro- ces , ne fait qu'aigxir le fiel de fa rage , il déchire la main qui le nourrit comme celle qui le frappe; il rugit à la vue de tout être vivant; chaque objet lui paroît une nou- velle proie , qu'il dévore d'avance de ff; regards avides :, qu'il menace par des frémif- femens affreux mêlés d'un grincement de dents , & vers lequel il s'élance fouvent m.aî- gré les chaînes & les grilles , qui brifent fa fureur fans pouvoir la calmer. Pour achever de donner uno idée de la force (r)dece cruel animal , nous croyons ( r ) Indï tigrim e/ephavto rohufiiorem m.uhoixiftirr.ant.-'m NtaTchus fcrlbiî Indes refirre tigrim ej[c maximi e^r^i 1 9 1 Hijîoire naturdU devoir citer ici ce que le Père Tachard , t-émoin oculaire , rapporte d'ua combat du tigre contre des éléphans. On avoit élevé , dit cet auteur ( w ) , une haute palifTade de bambous d'environ cent pas en carré : au milieu de l'enceinte étoient entrés trois élé- phans deftinés pour combattre le tigre. Ils avoient une efpèce de grand plaftron , en forme de mafque, qui leur couvroit la tête & une partie de la trompe. Dès que nous fumes arrivés fur le lieu , on fit Ibrtir de la loge qui étoit dans un enfoncement , un tigre d'une figure & d'une couleur qui pa- rurent nouvelles aux François qui allîftoient à ce combat; car outre qu'il étoit bien plus grand, bien plus gros & d'une taille moins effilée que ceux que nous avions vus en France , fa peau n'étoit pas mouchetée de même ; mais au lieu de toutes ces taches femées fans ordre , il avoit de longues larges bandes en forme de cercle ; ces bandes pre- nant fur le dos fe rejoignoient par-deiïbus le ventre , & conrimiant le long de la queue , y f;^ifoient comme des anneaux blancs & noirs p!âcés alternativement dont elle étoit toute couverte. La tête n'avoit rien d'extraordi- naire ^ non plis que les jambes , hors qu'el- les étoient plus grandes & plus greffes que celles des ligres communs , quoique celui-ci ma%nituiint t velocitate & viribas hejîîas omncs fupcrnre , elcphantum tdam ; ir.fidlentcm in cap ut ejus , faciU fufflcare. Gefn. hïjl, qnndrup. paç. 937. I u) Premier voyage de Siam , par le P. Tachard. Paris , idSC , p, zyl & fuiyantes, ne du Ti^rc, ij)5 ne fût qu'un jeune tigre qui avoit encore à croître , car M. Conitance nous a dit qu'il y en avoit dans le royaume de plus gros trois fois que celui-là ; & qu'un jour étant à la chalTe avec le Roi , il en vit un de fort près qui étoit grand comme un mulet, il y en a aulîi de petits dans le pays , fembla- blés à ceux qu'on apporte d'Afrique en Eu- rope, & on nous en i>iontra un le même jour à Louvô. ?> î)On ne lâcha pas d'abord le tigre qui devoir combattre ^ mais on le tint attaché par deux cordes, de forte que n^ayant pas la liberté de s'élancer y le premier éléphant qui l'ap- procha lui donna deux ou trois coups de fa trompe fur le dos ; ce choc fut fi rude que le tigre en fut renverfé & demeura quelque temps étendu fur la place fans mouvement, comme s'il eût été mort; cependant dès qu'on l'eut délié , quoique cette première attaque eîit bien rabattu de fa furie j il fit un cri horrible & voulut fe jeter fur la trompe de l'éléphant qui s'avançoit pour le frapper ; mais cejui-ci la repliant adroitement j la mit à couvert par fes défenfes , qu'il préfenta en même temps & dont il atteignit le tigre fi à propos qu'il lui fit faire un grand faut €n l'air; cet animal en fut fi étourdi qu'il n'ofa plus approcher. II fit plufieurs tours le long de la paliiTade , s'élançant quelquefois vers les perfonnes qui paroiffoient vers les galeries : on pouffa enfuite trois éléphan?^ contre lui, qui lui donnèrent tour à toiîr de fi rudes coups qu'il fit encore une fois "te mort , & ne penfa plus qu'à éviter lev?f Quadrupèdes Tom-: ÎIL \\ 1^4 Hijîoirt natunUi rencontre : ils Teuffent tué fans doute, fi Ton n'eût fait finir le combat. » Ileft clair par la defcription même du Père Tachard , que ce tigre qu'il a vu combattre deséléphans, eft le vrai tigre ; qu'il parut aux François un animal nouveau , parce que probablement ils n'avoient vu en France dans les Ménageries que des Panthères ou des Léopards d'Afri- que , ou bien des Jaguars d'Amérique , & que les petits tigres qu'il vit à Louvo n'é- toient de même que des Panthères. On fent aulîî par ce fimple récit, quelle doit être la force & la fureur de cet animal ; puifque celui-ci j quoique jeune encore , & n'ayant pas pris tout fon accroifTement , quoique ré- duit en captivité , quoique retenu par des liens, quoique feul contre trois, étoit en- core afTez redoutable aux colofTes qu'il com- battoit,pour qu'on fût obligé de les couvrir d'un plaftron dans toutes les parties de leur corps que la Nature n*a pas cuiraflees com- ine les autres d'une enveloppe impénétrable. Le tigre dont le Père Gouie (.»^) a corn- ( rt ) On ne connoît guère en Europe que les ti- gres dont la peau eft mouchetée de taches; mais dans la Tartarie & dans la Chine, on en connoît aufli dont' la peau eft rayée de bandes noires j & même en ]ce$ pays-là, on prétend que ce font deux efpèces diffé- jentes , quoiqu'ils ne paroiffent pas avoir d'autres dif.- férences que celle-là. Le tigre rayé que les Jéfuites de la Chine difféquèrcnt, & qui avoit été tué à U çhaflfe par l'Empereur, avec quatre autres, ne pefoit que deux cents foixante-cinq livres , auflU n'étoiril pai des plus grands i un des autres pefoit quatre cents du Tigre, I ç ^ TOuniqué à rAcadémie des Sciences une def- cription anatoinique , faite par les Pères Jé- fiiites à la Chine, paroît être de l'efpèca du vrai tigre ; au01 bien que celui que les Portugais ont appelle tigre royal, duquel M. Perrault (y) fait mention dans {^ Mémoi- res fur les animaux , & dont il dit que la defcription a été faite à Siam. Dellon (^), dans fes voyages, dit expreffément que le Malabar eft le pays des Indes où il y a le plus de tigres , qu'il y en a de plufieurs ef- pèces, mais que le plus grand de tous, ce- lui que les Portugais appellent Tigre rcyal ^ eft extrêmement rare , qu'il efl grand comme un cheval , &c. Le tigre royal ne paroît donc pas faire une «fpèce particulière & différente de celle du vrai tigre ; il ne fe trouve qu'aux Indes orientales, & non pas au Bréfil , comme l'ont écrit quelques-uns de nos nsturaliftes {^a). Je fuis même porié à croire que le vrai tigre ne fe trouve qu'en Aûe & dans les parties les plus méridionales de TAfrique dans l'intérieur des terres ; car la plupart des livres. Celui qui fut difféqué avoit un tiers de-J'eno- mac plein de vers & l'on ne pauvoit pas dîr€ qu'il fût corrompu. Quelqu'un qui étoit préfent , dit qu'on avoit •trouvé la même chofe à un autre tigre qu'il avoit vu ouvrir à Macao. Hijloirc de rAcadémie des Scien- ces, année I6<)<) ., p. ji. {y) Mémoires pour fervir àPHiftoire des animaux partie II , p. zSj. (^) Voyage de Dellon, p. 104. (■a) BrtfTon , Regn. animal, p. z^q. R 2 lCf6 Hifioln naturelle voyageurs qui ont fréquenté les côtes de l'Afrique, parlent à la vérité des tigres, & difent même qu'ils y font très communs; néanmoins, il eft aifé devoir par les notices mêmes qu'ils donnent de ces animaux , que ce ne font pas de vrais tigres, mais des léopards, des panthères ou des onces, &c. Le Doc- teut Shaw (/> ) , dit expreffément qu'aux royau- mes de Tunis & d'Alger le lion .& la pan- thère tiennent le premier rang entre les bêtes féroces ; mais que le tigre ne fe trouve pas dans cette partie de la Barbarie : cela paroît vrai , car ce furent des AmbaiTadeurs Indiens (c), & non pas des Africains, qui préfenterent à Augufte , dans le temps qu'il étoit à Samos , le premier tigre qui ait été vu des Romains ; & ce fut aulfi des In- des qu'Héliogable fit venir ceux qu'il vou- loir atteler à fon char pour contrefaire le dieu Bacchus. L'efpèce du tigre a donc toujours été plus rare & beaucoup moins répandue que celle du lion , cependant la tigrefle produit , comme ia lionne , quatre ou cinq petits; elle eft fii- rieufe en tout temps , mais fa rage devient extrême lorfqu'on les lui ravit : elle brave tous les périls :, elle fuit les ravifleurs , qui fe trouvant prefTés font obligés de lui re- lâcher un de fes petits ; elle s'arrête , le fai- fit, l'emporte pour le mettre à l'abri, revient {h) Voyage de Shaw. La Kayc , /7^3 , tome. I p. 9/5. \cj Vovez la cefcrîption tîe is'es de rArçhip^l pair Papper. Auificrdcm ^ 770; p. z:6. du Tigre, 167 quelques inflrans après 6i les pourfuit jai..ju'aux porres des viiies ou jufqu'a leurs vaifleaux ; &: Jorfqu'elle a perdu tcut efpoir de recouvrer fa perte , des cris forcenés & lugubres , des hurlemens afFreux expriment la douleur cruelle & font encore frémir ceux qui les entendent de loin. Le tigre fait mouvoir la peau de fa face , grince das dents, frémit, rugit comme fait le lion; mais fon rugiffe ment efl différent; quelques vo^^ageurs {d) Tont comparé au cri de certains grands oifeaux. Tignàe^ indo-' mitoe. rancant, nigiuntque Leoncs. ( Antor Philo - mdœ ). Ce mot Runcant n'a point d'équiva- lent en françois; ne pourrions-nous pas lut en donner un, & dire, les tigres rauqucnt & les lions rugiirent ; car le fon de la voix du tigre eft en effet très rauque ( c ) ? La peau de ces animaux eft affez eftimée, furtout à la Chine : les Man:larins militai- res en couvrent leurs chaifes (/) dans les marches publiques , ils en font aulîi des cou- vertures de couffms peur l'hiver ; en Europe , ces peaux quoique rares ne font pas d'un grand prix. On fait beaucoup plus de cas de celles du léopard de Guinée S: du Sénégal {d) Second voysge de Siam , par le P. Tachard, Pins , iCSc); p. Zjfo. ( c ) Les' tigres de l'eft de l'Afie font d'une groffeur & d'une légèreté furprenante ; ils ont ordinairement îe poil d'un roux-fauve Ils rugirent comme les lionsi leur cri feuî pénètre d'horreur. Voyages de Coreal, Paris , 17ZZ, terne , I p, ij^, {/) Hiftoire e;énérale des voyages, par M. l'abbé Pfsvôt, torti Vif p. 6a2, 3 9^ Hijloin namnllt que nos fourreurs appellent Tiorc. Au rerte^ c'ell la feule petite utilité qu'on puiffe tirer de cet animal très nuifible , dont on a pré- tendu que la fueur (g) étoit un venin è le poil de la mouftache un poifon( /:) sûr pour les hommes & pour les animaux ; mais c'eft affez du mal très- réel qu'il fait de Ton vi- vant, fans chercher encore des qualités ima- ginaires & des poifons dans fa dépouille. ; d'autant que les Indiens mangent de fa chair & ne la trouvent ni mal fainé ni mauvai- fé ; & que fi le poil de fa mouftache pris en pillule, tue , c'eft qu'étant dur & roide » une telle pillule fait dans l'eftomac le mêm€ cfxet qu'un paquet de petites éguilles. ( e) Hiftoire Naturelle de Siam , par Gervaife. Paris-, ( A ) La chine illuftrée , par Kirchsr , tradu^ioa ù& Dalquier. Amji. jôyo , p. iic & m. Tonv.nr. Pty. r La Paa.tker& jtrn.die,'2i IL Orvce^^ 5 L e LeoDctrtt. di la Panthen^ &c, 19^ LA PANTHÈRE, L'ONCE, ET L E L É O P A R D. Voy il planche V'I ^ fi§. 2 , & planche VU ^ fig, I , 1 6» 3 di u yôliime, X ouPv me faire mieux entendre , pour évi- ter le faux emploi des noms^ détruire les équivoques & prévenir les doutes; j'obfer- verai d'abord , qu'avec les titres dont nous venons de donner Tiiiftoire , il fe trouve en- core dans l'ancien continent, c'eft- à-dire, en Ahe & en Afrique , trois autres efpèces d'animaux de ce genre , toutes trois différen- tes du tigre , & toutes trois différen- tes entr'elles. Ces trois efpèces font la Panthère^ VOnce & le Léopard^ lefquelles non- feulement ont été prifes les unes pour les autres par les Naturalises, mais même ont été confondues avec les efpèc«s du même fenre qui le font trouvées en Amérique, e mets à part pour le moment préfent ces efpèces que l'on a appellées indiflinclement tigres , panthères , léopards , dans le nouveau monde , pour ne parler que de celles de l'an- cien continent, & afin de ne pas confondre les chofes , & d'expofer plus nettement les objets qui y font relatifs. La première efpèce de ce genre & qui fe trouve dans l'ancien continent, eil la grande panthère que nous appellerons fimplement R 4 2CO HifcOirc naturdU, panthtre , qui étoit connue des Grecs fans le nom de Paraalis j des anciens Latins fous celui de Pantkcra , eniuite fous le nom de Pardus ,& des Latins modernes-fous celui de Leopardus, Le corps de cet animal , lorfqu'il a pris fon accroiîTcment entier, a cinq ou i\x pieds de longueur en le mefurant de- puis l'extrémité du mufeau jufquà l'origine de la queue , laquelle- cft longue de plus de deux pieds; fa peau eil: pour le fond du poil d'un fauve plus ou moins foncé fur le dos & fur les côtés du corps , & d'une couleur blanchâtre fous le ventre ; elle eft marquée de taches noires en grands anneaux ou en for- me de rofes; ces anneaux font bien féparés les ims des autres fur les côtés du corps ^ évidé& dansleur milieu , & la plupart ont une ou plu- fieurs taches au centre de la même couleur que le tour de l'anneau ; ces mêmes anneaux , dont les uns font ovales & les autres circulaires ont fouvent plus de trois pouces de diamè- tre; il n'y a que des taches pleines fur la tête, fur la poitrine , fur lô ventre & fur les jasniDes. La féconde efpèce eft la petite panthèr» d'Oppien (a) y à laquelle les Anciens n'ont pas donné de nom particulier; mais que les Voyageurs modernes ont appelle Once du nom corrompu Lynx ou Lunx. Nous con- ferverons à cet animal le nom d'Once, qui nous paroît bien appliqué, parce qu'en effet il a quelque rapport avec le lynx. Il eft {a ) Oppianus , ^e rcnatiûn& , Ui>. Ilk de la F anthère , &c , 20 & beaucoup plus petit que la panthère , n'ayant le corps que d'environ trois pieds & demi de longueur, ce qui eft à- peu-près la taille du lynx; il a le poil plus long que la pan- thère, la queue beaucoup plus longue , de trois pieds de longueur & quelquefois da- vantage , quoique le corps de l'once foit en tout d'un tiers au moins plus petit que celui de la panthère^ d les taches font en 102 Hijîolre namrilU anneaux ©u en rofô , mais ces anneaux font beaucoup plus petits que ceux de la pan- thère ou de Tonce, & la plupart font com- pofés de quatre ou cinq petites taches plei- nes : il y a aufii de ces taches pleines dilpo- fées irrégulièrement. Ces trois animaux font, comme Vor\. voir, très diffèrens les uns des autres, & font cha- cun de leur efpèce : les marchands fourreurs appellent les peaux de la première efpèce , •peaux de panthère ; ainfi nous n'aurons pas changé ce nom puifqu*il eft en ufage ; ils appellent celles de la féconde efpèce peaux de titres d'Afrique^ ce nom eti équivoque & nous avons adopté celui dConce-, enfin , ils appellent improprement peaux de tigre 3 cel- les de l'animal que nous appelions ici léo- pard.» Oppien {b) connoifToit nos deux premiè- res efpèces, c'eft-à-dire, la panthère 6i l'on- ce; il a dit le premier, qu'il y avoit deux efpèces de panthère ; les unes plus grandes & plus groffes , les autres plus petites , & cependant femblables par la forme du corps, par la variété & la difpofition des taches , mais qui difFéroient par la longueur de la queue;, que les petites ont beaucoup plus lon- gue que les grandes. Les Arabes ont indi- qué la grande panthère par le nom al Nemer {Nemeren retranchant l'article) , & la petite par le nom al Phet ou al Fhed ( Pket ou Fhed en retranchant l'article ); ce dernier nom > ( ^ ) Oppianus (U venatlonc , lib. III» de la Panîhlre , &c, oo'^ quoiqu'un peu corrompu fe reconrtoît dans celui de Faadh , qui eft le nom actuel de cet animal en Barbarie, j; Le Faadh , dit le D. Shaw ( c ) , reflembîe au léopard ( il veut dire îa panthère ) , en ce qu'il cft tacheté comme lui; mais il en diffère à d'autres égards , il a la peau plus obfcure & plus grolfière , & n'eft pas (i farouche, v Nous apprenons d'ail- leurs par un pafîage d'Albert , commenté par Gefner ( ^ ) , que le Pheu ou Fhed { e"^ des Arabes s'eft appelle en Italien & dans quelques autres langues de TEtirope, Leunia ou Lon^a, On ne peut donc pas douter , en rapprochant ces mdications , que la petite panthère d'Oppien , le Phet ou le Ffied des Arabes , le Faadh de la Barbarie , VOn^e ou l'0/7ce des Européens, ne foient le même ani- mal. Il y a grande apparence auffi que c'eft le Pard ou Pardus d^s AnciQns , & la Panthera de Pline ; puifqu'il dit , que le fond {f) de {on poil eft blanc , au lieu que celui de la grande panthère eft , comme nousTavons dit, d'une couleur fauve plus ou moins foncée ; d'ailleurs , il eft très probable que la petite panv thère s'efl appellée fimplement P^ri ou P^r- (c) Voyage de Shaw. La naye. , 77^5 , tome II , page a6. ... Nota. Qu'en Anglois l'a fe prononce comme ai , & que le Dofteur Shaw en écrivant Faadh , pro- nonçoit paidh , ce qui approche encore plus de Fhed. (d) Gefner, Hfjt. quadrap. p. 82^. {e ) Alphcd id cfi Leopardus minor. Albartus. ( /) Panthcrls in candido bnves macularum ecidL Plin. Hiji. Nat. IU|. VIII > cap. XYU. 204 H'ifiolre naturelle dus , & qu'en eil venu enfuite à nommer la grande panthère, Léopjrd ou Lcopjrtlus , parce qu'on a imaginé que c'éroit une efpèce mé- tive qui s'étoit agrandie par le fecours & îe mélange de celle du lion ; mais comme ce préjugé n'eft nullement fondé, nous avons préféré le nom ancien & primitif de Pan- thère , au nom compoie & plus nouveau , Léoyard, que nous avons appliqué à un ani- mal nouvea-u qui n'avoit encore que des noms équivoques. Ainfi , l'once diffère de la panthère , en ce qu'il eft bien plus petit, qu'il a la queue beaucoup plus longue , le poil plus long aulîi & d'une couleur grife oa blanchâtre, & le léopard diffère de la panthère & de l'once en ce qu'il a la robe beaucoup plus belle , d'un fauve vif & brillant , quoique plus ou moins foncé avec des taches plus petites , &£ la plupart difpofées par groupes comme û chacune de ces taches étoit for- jTiée de quatre taches réunies. Pline (g) , & plufieurs autres après lui , ont écrit que dans les panthères , la femelle avoit la robe plus blanche que le mâle ; cela pourroit être vrai de l'once ; mais nous n'avons pas obfervé cette difFérence dans les panthères de la ménagerie de Ver- failles qui ont été defîinées vivantes : s'il y a donc quelque différence dans la cou- leur du poil entre le mâle & la femelle de la panthère, il faut que cette différence (g)Plinii, Hiji, Nat.Mh» viii , -cap. xvn. ai, la Panthère , &c. 105 fie ffSît pas bien confiante ni bien fenfible» On trouve à la vérité des nuances plus ou moins fortes dans plufieurs peaux de ces animaux que nous avons comparées ; mais nous croyons que cela dépend plutôt de la différence de l'âge ou du climat que de celle des fexes. Les animaux que MM. de l'Académie des Sciences ont décrits ( A ) & difféqués fous le nom Az Titres , & l'animal décrit par Caius dans Gefner {ï), fous le nom à'Uncla, font de même efpèce que notre léopard; on ne peut en douter, en comparant la figure &. la defcription que nous en donnons ici avec celles de Caïus & celles de M. Perraut; il dit à la vérité que les animaux décrits & diiTéqués par MM. de l'Académie des Scien- ces, fous le nom de Tis;rcs , ne font pas l'once de Caius {k) : lesYeules raifons qu'il (k) Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des animaux , partie , III , p. 5. ( i ) Gefner , Hîjl. quadrup. page 825,. ( k ) Nous obferverons que les éditeurs de la tro:>- fième partie des Mémoires peur fervir à l'Hiftoire des animaux, ont laifle pafTer dans l'impredlon une faute qu'il eft d'autant pluj nécelTaire de corriger qu'elle eft plus répétée. On a écrit par-tout Ours aiî lieu à' Once ; il eft dit , p. 5 , H^ne zS , Tours décrit par Caïus dans Gefner. — - P, S, l'ours que Caïus a décrit. -- P. t8 y ligne 11, l'ours & le léopard. --- F. iS , defcription très exafte qu'il a donnée d'un Ours, 1! eft évident qu'il faut fubftituer dans ces quatre endroicsle mot Oncek celui d'Ours, puifqueTaniraaldont il eft quef* tion,aété décrit par Caïus fous le nom à' l/ncia dans Gef- ner. KÎ/IqUiidrud.f. Szj, ao6 Hljloirt naturdU €n donne, font, que celui-ci eft plus petit & qu'il n'a pas le deffous du corps blanc : cependant, fi M. Perrault eût com- paré la defcription entière de Caïus avec les lujets qu'il avoit fous les yeux, je fuis per- fuadé qu'il auroit reconnu qu'ils ne diffé- roient en rien de l'once de Caïus. Comme il pourroît refter fur cela des doutes , j'ai cru qu'il étoit nécelTaire de rapporter ici les par- ties eïïentielles de cette deicription de Caïus , qui , quoique faite fur un animal mort me pa- roît fort exa<5le (/), On y obfervera, que (/) Uncîa fera efl fœvijpjna, canls vïllatici magnî' tudinc ifacie 6* aurc Leoninj : corpore, caudâ,pcdc & ungue fclis , afpccin t'^uci : dente tam rohujio & acnto , ;;/ vel ilgna dividat : ungue ha pollet^ ut eodem contra ni ten- tes in adv<:rfum , rctinitit : colore perfumma corporis pal'' Icfcentis ockrce , périma Cineris , afperfo undique macula nlgra & frequsnti , cauda reliquo corpore aliquanto obj- curiori & grandi^ri macula. Auris intus pallet fine ni- gro , foris nigricat fine pallore , fi unam fldvam & obj- curammaculam cmedio eximas. ., Reliquum cap ut totum efi maculofum frequenùjfimâmacula. nigrâ , {ut & reliquum corpus) nifi ea parte qua inter nafum & oculum efi , qua nulloe. funt ^ nifi utrinque duce , & ea parvct : que- rtadmoàum 6* catera cmnes in extremis & imis partibus , rs'liquis funt minores : macula, in fununis quidem crurum partibus & in cauda , nigriores funt & fingulares , per latera vero compofita qaafi fmgulaî macnlae ex quatuor fièrent. Ordo nullus efi in maculis nifi in labro fupe" riori, ubi ordines qumque funt. In primo & fpcrlori éua. difcrctoe : \n fecitndo fcx conjunclae , ux linea efie vidcantur. ni duo ordines lib cri funt , net inter fe com' mlfii. In tertio ordine oclo conjuncla funt ,fid cum quarto nhi finit commifcentur, . . . Nafus nigrefcit, linea per longitudinem perque fummcm fuperficicm inducla leniter ; Q(uli glauci funt, , , , rlvit ex carne ; fcÉmiaa m*re cru' de la Panthère ^ &c, lOJ Caïus, fans donner précifément la longueur du corps de l'animal qu'il décrit , dit qu'il eft plus grand qu'un chien de berger & aufli gros qu'un dogue; quoique plus bas de jambes ; je ne vois donc pas pourquoi M. Perrault dit que Tonce de Caïus étoit bien plus petit que les tigres difiequés par MM. de l'Académie des Sciences. Ces tigres |n'a- voien^ que quatre pieds de longueur en les mefurant depuis l'extrémité du mufeau juf- qu'à l'origine de la queue; le léopard que nous décrivons ici , & qui eft certainement le même animal que les tigres de M. Per- rault, n'a auflî qu'environ quatre pieds , & fi l'on meCure un dogue , furtout un do- gue de forte race , on trouvera qu'il ex- cède fouvent ces dimenfions. Ainfi , les tigres décrits par MM. de l'Académie des Sciences ne différoient pas affez de VUnciét de Caius par la grandeur , pour que M. Perrault fiit fondé à conclure de cette feu- le différence , que ce ne pouvoit être le même animal. La féconde difconvenance , ç'eft celle de la couleur du poil fui le âilior efi & min or , utrlufque fixus una ad nos ex Mau- ritania eft advefta nav>. Nafcuntur in Libya. SI quoi Uàs coeundi fiatum tempus ejl , hic mtnfis junius efi : nam hoc mas ftzminam fupcrvcnit.... Ifla animalia tam f:rocia funt , ut cufios cum primo ydUt de Loco in locum mo- rere , cogebatur /w/?e in caput a&o ( ut aiunt ) femi»mor- tua rcdderc .... Quod fcrihunt effe cane longius , id mihi non videtur: nam funt apud nos multi canes vil la- va, qui longitudine xqucnt ; pzcuario .tamen & major £{i & longior, ut & villatico humiïior. Caï.lS apud Geffier, jîi.fi. quadrnp. page 82.5 & 8i^. ioS Hllloirc naturdit centre ; M. Perrault dit qu'il eô blanc ♦ & Caïus qu'il eft cendré , c'eft - à - di- re , blanchâtre ; ainfi ces deux cara6le- res , par lefquels M. Perrault a jugé que les tigres difféqués par Mîvl. de l'Académie n'étoient pas l'once de Caïus ^ auroient dû le porter à prononcer le contraire , furtout s'il eût fait attention que tout le reftedela defcription s'accorde parfaitement. Qn ne peut donc pas fe refufer à regarder les ti- gres de MM. de l'Académie , VUnàa de Caïus , & notre Léopard, comme le même animal ; & je ne conçois pas pourquoi quelques-uns de nos Naturaliftes ont pris ces tigres de M. Perrault, pour des animaux d'Amérique , & les ont confondus avec le jao'uar. Nous nous croyons, donc ce;:tains que les tigres de M. Perrault, Vuncia de Caïus & notre léopard , font le même animal : nous nous croyons également alTurés que notre panthère eil le même animal que la pan- thère des Anciens; elle en diffère à la vérité par la grandeur , mais elle lui reffemble par tous les autres cara<5teres ; & comme nous l'avons déjà dit plufieurs fois , on ne doit pas être étonné qu'un animal élevé dans uns ménagerie ne prenne pas fon accroiffement entier, & qu'il refte au-deflbus des dimen- fions de la Nature. Cette différence de gran- deur nous a tenu nous -inémes afTez long- temps dans la perplexité; mais après l'exar men le plus long , & nous pouvons dire le plus fcrupuleux , après la comparaifon exa^ie ^ immédiate des grandes peaux de la pan- thère , de la PantJùre , Ce, y.o^ thère , qui fe trouvent chez les Fourreurs avec celle de notre panthère, il ne nous a plus été permis de douter ,&. nous avons vu clairement que ce n'étoient pas des animaux difFérens. La panthère que nous décrivons ici & deux autres de la même efpèce, qui éioient en même temps à la ménagerie dû Roi , font venues de la Barbarie : la régence d'Alger fit préfent à Sa Majefté des deux premières , il y a dix ou douze ans ; la troi- fiéme a été achetée pour le Roi , d'un Juif d'Alger. Une autre obfervation que nous ne pou- vons nous difpenfer de faire , c'eft que des trois animaux dont nous donnons ici la def- cription fous les noms de Panthère , à^Once & de Léopard', aucun ne peut fe rapporter à l'animal que les Naturaliftes ont indiqué par le nom de parJus ou de leopardus. Le pardus de M. Linnsus & le léopard de M. BrilTon, qui paroifTent être le même animal , font défignés par les phrafes fui vantes ;. Pardus j felis caudd elon^atd , corporïs maculïs fuperiorihus orhiculatïs , infcrior'ihus virgatis, Syft:, nat. edit. x, pag. 41. ,. ... Le léo- pard , Felis ex alio flavicans ; maculis râgris in dorfo orblculaùs , ïn ventre longis , variegata. Regn, anim. pag. 271. Ce cara6lère des taches lon- gues furie ventre, ou alongées en forme de verges fur les parties inférieures du corps, n'appartient ni à la panthère, niàTonce, niait léopard , defquels il eft ici queftion. Cepen- dant il paroît que c'eft de la panthère des- Anciens , du panthera , pardalis , pardus , leb- V ardus de Gcfner; du pardus , panthtra de d I o Hlpoîrc naturelle Profper Alpini, A\x panthera , varia Afrîcana? de Pline; de la panthère , en un mot, qui ie trouve en Afrique {m) & aux Indes orien- titles , que ces Auteurs ont entendu parler , & qu'ils ont défignée par les phrafes que nous venons de citer. Or> je le répète , aucun des trois animaux que nous décrivons ici , quoique tous trois d'elpèce différente , n'ont ce caractère de taches longues & en forme de verges fur les parties inférieures; &: en même temps nous pouvons aiTurer par les recherches que nous avons faites , que ces trois eTpéces & peut-être une qua- trième dont nous parlerons dans la fuite , & qui n'a pas plus que les trois premiè- res , ce caradère des taches longues fur le ventre , font les feules de ce genre qui fe trouvent en Afie & en Afrique ; en forte , que nous ne pouvons nous empê- cher de regarder comme douteux ce carac- tère , qui fait le fondement des phrafes in- dicatives de ces Nomenclateurs. C'eft tout le contraire dans ces trois animaux, & peut-être dans tous ceux du même genre ; car non- feulement ceux de l'Afrique & de l'Afie , mais ceux même de l'Amérique , lorfqu'ils ont des taches longues en forme de verges ou des traînées, les ont toujours fur les par- ties fupérieures du corps , fur le garrot \ fur le cou , fur le dos , & pmais fur les par- ties inférieures. Nous remarquerons encore , que l'animal £nj] BtiiTçn, Re^n^ animal» r^S^ ^7^1» it la Panthcrt , &c, 2 1 î ^ont on a donné la defcription dans la troi» fiéme partie des Mémoires pour l'ervir à Thiftoire des animaux, fous le nom depsr.- there («) , eft un animal différent de la pan- thère 3 de Tonce & du léopard , dont nous traitons ici. Enfin nous obferverons qu'il ne faut pas confondre , en lifant les Anciens , le pan- ther avec la panthère. La panthère eft l'animal dont il eft ici queftion; le panther du Scho- liafte d'Homère & des autres Auteurs , eft: une efpèce de loup timide que nous croyons être le chacal , comme nous l'expliquerons lorfque nous donnerons l'hiftoire de cet ani- mal: au refte le mot ;; la plus grande a été appellée panthère ou léopard, & îa plus petite once , par la plupart des Voyageurs. Ils conviennent tous que l'once s'apprivoife aifément, qu'oa fe dreffe à la chafte (o) , & qu'on s'en fert (o) Lc5 Psrfans ont une çeftaia« bête appelle* de la Panthère , &c, 215 à cet ufage en Perfe & dans plufieiirs au- tres provinces de TAfie ; qu'il y a des on- ces afîez petits pour qu'un Cavalier puilïe Once , qiû a la peaiï tachetée comme un tigre , mafs qui eft fort douce Si fort privée. Un Cavalier la porte en trouflfe à cheval ^ & ayant apperçu la gazelle, il fait defcendre l'once^ qui eft (i légère qvi'en trois fauts elle faute au cou de la gazelle , quoiqu'elle coure d'une vrtefle incroyable. La gazelle eft une efpèce de petit chevreuil, dont le pays eft rempli; Tonce l'étrangle auflîtôt avec fes dents aiguës ; mais (î par malheur elle manque fon coup & que la gazelle lui échappe ^ elle demeure fur la place honteufe & confufe , & dan» ce moment un enfant la pourroit prendre fans qu'elle .fe défendît. Voyages de. Tavernler, Rouen ijtj,tûme Il , page z6. . . . Pour les grandes chafles on fe ferc de bêtes féroces drefTées à chaflfer , lions, léopards,, tigres , panthères , onces ; les Perfans appellent ces dernières bêtes Tou:^\e, Elle ne font point de mal aux hommes ; un Cavalier en porte une en croupe , les yeux bandés avec un bourrelet, attachée par une chaîne, & fe tient fur la route des bêtes qu'on re- lance & ; Voyez auffi le Voyage amour du monde de GcmeUi Careri. ^aris i6iç) , come II, pagi $6 & 2ia, oir cependant l'auteur paroîc avoir em- prunté pluTieurs chofes de Chardin, , . . Qi^o umpor^ 114 Hijioirt natuntU les porter en croupe , qu'ils font aiTez dou-x pour fe lailîer manier & carefler avec Ja main. La panthère paroît être d'une nature plus fière & moins flexible ; on la dompte plutôt qu'on ne l'apprivoife , jamais elle ne pefvenl AUxandriam , duos pardos, . . . Uldi àpui An-' tonium Cahpïum, . . Ufque adcb cicures erant & man" fueti, ut fcmpcr in leclulis decumbcnus dormiehant. . . . Carne eos nutr'uhat : f'zpc à nobis cum pardo ihatur ad vcnandas ga:^ellasy & pugnam înter ipfos pulchcnima'n qucz. fichât admlrahamtir , prafertim ga-'^ellx arvficium cum pardo cornihus dunjjîmis arr^iata pugnando , fed eam tant muLto fatigatam atquc ex pugna admodum defcjfam i-i- tcrimchat. Cairi pojiea vLdimus quandam midiercm qiiin- que catulos récentes à panthera effiifos , ex Arabe coe- nûffe cofque ut files aluijfe. . . . Erant omnîno vifu pulcherrimi , albicahant colore maculis parvis rotundis toto corpçre evariati. . . . Parum quidem diffcrentla in- ter pardnin & pantheram ohfervayirmis intcrcedere^ panthera quidem major & toto corpore efi & capitc atque tnulto fcrocior. Profp. Alpin, niji. JEgypt. part. I , Liïgd. Bat. 1755. page 2'?8 Accepi à qucdam oculato tejîi in aida rcgis Galliarum , Leopardos duoruni generum ali; magnltudine tantiim différentes, majores vî» tuU corpulcntla ejfe ; humdiores , oblongiores ; altéras mi- nores ad canis molem accedere , & uniim ex mincribus ali- quando ad fpeclactdum rcgi exhibendum , à bejilario aiu vcnatore, equo infidentc à tergo fuper flra?[ulo aut pulvino vehi , alligatum caîena & lepore obje3o dimitti quem nie faltibus aliquot bene magnis ajfecutus jugulet. Geiner, Blji» quadrup. page 851. . . , Emanuel, Roi de Portu- gal, envoya à Léon X, une penthère dreflee à Ta chafTe. Wifloire des conquêtes des Portugais , par le F, Lafitau. Paris, 17^3, tome I, page pj. Cette pan- thère étoit une once, car l'auteur dit aulTi qu'on fe fert en Perfe de l'once ou panthère pour chalfer les gazelles ; qu'on fait venir ces animaux d'Arabie, 6c «ju'i's font aflTez privés pour qu'on puifïe les porter eu cioupe à che.val« de. la Panthère , &c, ^ ï f perd en entier Ton caraclère féroce, &lorf- qu'on veut s'en fervir pour la chaffe (/?) il faut beaucoup de foins pour la drefler , & encore plus de précautions pour la condui- re & l'exercer. On la mène fur une char- rette enfermée dans une cage, dont on liu ouvre la porte lorfque le gibier paroît; elle s'élance vers la béte , l'atteint ordinairement en trois ou quatre fauts , la terraffe & l 'é- (p) Ti-gi"^^ ^x Etkiopiâ in ^gyptum convecias vidi-^ . mus , etji nullo modo cicuratx hot manjîajîant , nci-juc unquam ferlnam naturam rclinquant ; funt liants cuam fimiles & forma & colore alhicantc , rotundis macuÛs fulvefcentlbus eyutriatcz , fed Ic&nis longe majores funt. Profp. Alpin. Hifl. JE%yp. page 237. . . . Quand on a découvert quelque? gazelles, on tâche de les faire appercevoir au léopard , que l'on tient enchaîné fur une petite charette; cet animal rufé ne fe met pas inconti- nent à courir après, comme on pourroit Timaginer, mais il s'en ya tournant , fe cachant & fe courbant pour les approcher de près & les furprendre; ôc com- me il eft capable de faire cinq ou fix fauts ou bonds d'une vîtefle fncroysble, quand il fe fent à portée, il s'élance defTus , les étrangle fie fe foule de lenr fang, du cœur & de leur foie; & s'il manque fen coup , ce q.ui arrive affez fouvent , il en demeure là ; aufTi feroit-ce en vain qu'il prétendroit de les prendre à la courfe, parce qu'elles courent bien mieux & plus long-temps que lui : le maître ou gouverneur vient enfuite bien doucement autour de lui , le flattant & lui jettant des morceaux de chair, & en l'amufant ainfi, il lui met des lunettes qui lui couvrent les yeux , l'enchaîne & le retret fur la charette.- Voyage de Ber- aier dans le Mogol. Amfcrdam , ijtOy terne Jly page 3^? & fuyantes, H paroît que c'eft de la grsnde pan- thère dont il s'agit ici , parce qu'on n'eft pas obligé de prendre tant de précautions avec l'once. 1 1 6 H'ijloirt natunllt trangle : mais fi elle manque fon coup , elle devient furieufe & fe jette quelquefois fur fon maître , qui d'ordinaire prévient ce dan- ger en portant avec lui des morceaux de viande au des animaux vivans , comme des agneaux, des chevreaux, dont il lui en jette un pour calmer fa fureur. Au refte , l'efpèce de l'once paroît être plus nombreufe & plus répandue que celle de la panthère; on la trouve très communé- ment en Barbarie, en Arabie & dans toutes les parties méridionales de l'A fie y à l'excep- tion peut-être de l'Egypte (^^); -elle s^eft même étendue jufqu'à la Chine où on l'ap- pelle H'inenpao (r). Ce qui fait qu'on fe fert de l'once pour la chaffe dans les climats chauds de l'Afie , c'eft" que les chiens y font très rares (/) ; il n'y a , pour ainfi dire , que ceux qu'on y tranfporte , & encore perdent-ils en peu ( ç ) 11 n*y a point de lions, ni de tigres , ni de léo- pards en Egypte. Defcr'ption de l'Egypte , par Mafcfur. La Uayc^ ij^o , tome II , page tzj. (r) Hinen-pao. C*eft une efpèce de léopard ou de panthère que l'on voit dans la province de Pékin j il r'eft pas fi féroce que les tigres ordinaires. Les Chi- nois en font grand cas. Relation de la Chine , par Thé- venot. Paris y i6^6 , page /p. {s) Comme les Maures, à Surate & fur les côtes de Malabar , n'ont point de chiens pour chaffer les ga- zelles de les daims , il»tâchent de fuppleer à ce défaut par le moyen des léopards apprivoifés qu'ils dreffent à cet exercice. Ces animaux fe jettent adroitement fur la proie , & quand ils l'ont attrapée ils ne la quit- tent point & s'y tiennent fermement attachés, ycyage ii Jean Ovingion. Paris , 17x5 > tome I , page vjî- de de la Panthère , ^c, % i «7 tomt m , page 29p. / Tonr. Jir. H, S. M^^^ iLc Cou^g-uxir. JLLft^Lj/att. 5 Le Jcugacur. j du Jaguar, > i.x'^ a la queue plus courte que l'un & Tautre , le poil plu» long que la panthère & plus court que l'once % il l'a crêpé lorfqu'il eft jeune , & lifle lorfqu'il devient adulte. Nous n'avons pas vu cet animal vivant , mais on nous l'a envoyé bien entier & bien confervé dans une liqueur préparée , & c'elt fur ce fujet que nous en avons fait le deffm & la defcription : il avoir été pris tout pe- tit, & élevé dans la maifon jufqu'à l'âge de deux ans, qu'on le fit tuer pour nous l'en- voyer ( ^ ^ ; il n'avoit donc pas encore acquis toute l'étendue de {^s dimenfions na- turelles ; mais il n'en eft pas moins évident (J) Cet animal nous a été «nvoyé fous le nom de Chat-tigre , par M. Pages Médecin du Roi au Cap, dans l'ifle Saint-Domingae. 11 me marque par la lettre qui êtoit jointe à cet envoi, que ce;: animal étoit ar- rivé à Saint-Dominiue par un vaiffeaa Erpagnol qui l'avoit amené de la grande terre où il eft très commun; il ajoute qu'il avoit deux ans quand il l'a fait tuer , qu'il n'étoit pas fi gros, & qu'il s*eft renflé dans l'ef- prit de tafia ; qu'il buvoir , mangeoit & faifoit le fr«me cri qu'un chat qui n'eft pas privé ; qu'il miau- loit , & qu'il mangeoit plus volontiers encore le poiC- fon que la viande. Pifon & Marcgrave dlfent de mê- me que les jaguars du BreGl aiment beaucoup le poif- fon. Le nom de chat- tigre que lui donne M. Pages, ne nous a pas empêchés de le reconnoître pour le jaguar , parce que ce nom du Brelil n'eft pas en ufage parmi les François des Colonies , & qu'ils appellent indiftinftement chats-tigres les chat-pards & les tigres. Le chat-tigre, dit Dampier , tome III, page ^06, q.ii eft très commuTi dans la baie de Campé che, a les jambes courtes & le corps ramaffe comme un mâtin; mai» par la tête , le poil & la manière de guetter fa proie , il reiTembJe au tigre. T4 2 24 Hïdolrt naturelle par la feuîe infpeftion ce cet animal, âgé de ceux ans, qu'il eft à peine de. la taille d'ua dogue ordinaire ou de moyenne race , lorf- qu'il a pris fon accroiffement entier. C'eft cependant l'animal le plus formidîrble , le plus cruel, c*eft en un mot le tigre du nou- veau monde , dans lequel la Nature femble avoir rapctiiTé tous les genres d'animaux quadrupèdes. Le jaguar vit de proie comme le tigre , mais il ne faut, pour le faire fuir 5. que lui préfenter un tifon allumé , $c même lorfqu'il eft repu, il perd tout courage & toute vivacité^ un chien feul fuffit pour lui donner la chafTe ; il fe reffent en tout de J'iadolence du climat;, il n'eft léger, agile > alerte que quand la faim le pre{re(c). Les Sauvages^ naturellement poltrons ,, ne laiffent pas de ( c) Il y a des tigres au Brefil , lefquels étant agi- tés par la rage de famine, font courageux ,. mais étant repus deviennent fi lâches qu'ils s'adonnent incontinent à fuir de peur des chiens. Defcripdon des Indes orict- taies , par Hcrrera. Amjl. 1722 , page 2; a. Il y a une grande quantité de tigres au BrefiI, que la fnîrn rend très légers & très à craindre ; mais étant rafla— iiés , ce qui eft admirable, ils font (i poltrons & fi pefans que le moindre chien de berger leur donne la fuite. Jiijioire des Indes par Maffee Paris^, 166^ , p^ tfp. — Il y a des tigres autour de Porto-bello, dont les environs font affez déferts, apparemment que ce font des tigres de petite efpèce , puifqu'un homme feul en vient à bout avec une lance ou une autre arme blanche,. & lui coupe les patres l'une après l'au- tre quand l'animal fe drefTe pour r.3ttaquer. Voyage de Do'^ Juan & Don Antoine de Uiloa. Extrait de la Bihlli^Aciiuc raifonnéi ^ tome XLLV , page 41 1*. l du Jaguar, 125 redouter fa rencontre; ils prétendent qu'il a oiir eux un goût de préférence , que quand il es trouve endormis avec des Européens , il refpecte ceux-ci , & ne fe jette que fur eux ( d ). On conte la même chofe du léo- pard (tfj, on dit qu'il préfère les hommes noirs aux blancs , qu'il femble les connoître à l'odeur , & qu'il les choifit la nuit comme le jour. Les Auteurs qui ont écrit l'hiftoire du nouveau monde , ont prefque tous fait men- tion de cet animal , les uns fous le nom de ti2,r€ ou de léopard^ les autres fous les noms propres qu'il portoit au Brefil , au Mexi- que , &c. Les premiers qui en ayent donné une defcription détaillée , font Piibn& Marc- grave , ils l'ont appelle jaguara au lieu de janouara, qui étoit fon nom en langue Bra- filienne (/"); ils ont aulTi indiqué un autre ( d) J*ai ouï quelquefois conter que ces tigres étoient animés contre les Indiens, ôc qu'ils n'affailloJent point les Erpagnols ou bien peu -, qu'ils alloient quel- quefois prendre ou choifir un Indien endormi au mi- lieu des Efpagnols, & qu'ils l'emportoient. Hijioirc Naturelle des Indes , par Jofeph Acofia, Parif , iCiO^ page iQO. ( e ) La province de Bamba au royaume de Cong^o a des tigres qui n'attaquent jamais les hommes blancs ; mais qui fe ruent fouvent fur les noirs , tellement que quelquefois trouvant deux hommes , l'un blanc & l'autre noir , qui dorment l'un près de l'autre , ces ani- maux vont de fufie contre le noir fans ofFenfer le blanc en aucune forte. Voyage autour du monde , par Drac^, Paris, iCufi ^ page 105. (/] 1^ y a au Brefil une bête ravivante ^}xe les Xl6 Hl poire naturelle animal du même genre & peut-être de la même efpèce fous le nom de jaguarete. Nous l'avons diftingué du jaguar dans notre énu- mération, comme Tont fait ces deux Au- teurs i parce qu'il y a quelque apparence que ce peuvent être des animaux d'efpèce différente; cependant comme nous n'avons vu que l'un de ces deux animaux , nous ne pouvons pas décider fi ce font en effet deux efpèces diftinôes , ou fi ce n'eft qu'une variété de la même efpèce. Pifon & Marc- grave difent que le jaguarete diffère du ja- guar en ce qu'il a le poil court, plus luftré ôc d'une couleur toute différente, étant noir, femé de taches encore plus noires. Mais au refte , il reffemble fi fort au jaguar par la forme du corps , par le naturel & par les habitudes , qu'il ie pourroit que ce ne fût qu'une variété de la même efpèce ; d'au- tant plus qu'on a dû remarquer, par le té- moignage même de Pifon , que dans le ja- guar, la couleur du fond du poil & celle des Sauvages appellent Janou-aray laquelle eft prefque aufîi h?.ure de jambes qu'un lévrier , mais ayant de grands foils autour du menton, ( il ertend les poils de la rnouftache) la peau fort beUe & bigarée comme celle d'un once, elle lui reffemble auffi bien fort en tout le refte. Voyage par Jean de L<:ry. Paris ijjS , pagei^-s. '— Le Janouar eft une efpèce d'once grande comme un dogue d'Angleterre , ayant la peau fort riche & toute marquetée; Mijfion d^s Capucin f >. par le. Perc â^ibbevilU. Paris id/4, p. ijl. --- Le janoura du Bre- fîl ne vit que de proie j il eR de la taille d'un lévrier , il a la peau tachetée. Voyage de Coréal ,tcnie 1 ,p, fj^. du Jaguar, 117 taches dont il eft marqué , varient dans les difFérens individus de cette même efpèce. Il dit que les uns font marqués détaches noi- res , & les autres de taches roufles ou jau- nes ; & à l'égard de la différence totale de la couleur , c'eft-à-dire , du blanc , du gris , ou du fauve au noir, on la trouve dans plufieurs autres efpèces d'animaux; il y a des loups noirs, des renards noirs, des écureuils noirs , &c. Etfi ces variations de la Nature font plus rares dans les animaux fauvages que dans ks animaux donieftiques, c'eft que le nombre des hafards qui peuvent les produire , eft moins grand dans les premiers, dont la vie étant plus unifornje , la nourriture moins variée , la liberté plus grande que dans les derniers , leur nature doit être plus confiante, c*eft- à-dire, moins fujette aux changemens 6: à ces variations qu'on doit regarder comme accidentelles , quand elles ne tombent que fur la couleur du poil. Le jaguar fe trouve au Brefil , au Paraguay (^) , au Tucumam ( A ) , à la Guiane ( i ) , au pays des Amazonnes ( â: ^ , au Mexique (^) Hiftoire du Paraguay, parle Père Charlevoix , tome /, p. 3/6» 779. Voyt^^ aujji idem, some ly^ (h) Voyez idem , ihidem. {i) Voyage de la France éqiunoxîale , par Binet , Paris ,166^ , p. ^43t ; & Defmarchais, tome Jii ,p. znn. ( k ) On trouve le janouar dans les terres du Ma- ragnon. Kîfioirc de la mijjîon des Capucins dans l'ijle de Maragnvrif par le P, d'AblKvilii. Faris , 16'^^ Lia^e ai 8 Hljloin natunlU (/), & dans toutes les contrées méridionaleJ de TAmérique ; il eft cependant plus rare à Cayenneque le couguar , qu'ils.ont appel- lé tigré rouge ; & le jaij;uar eft maintenant moins commun au Brefii , qui paroit être (on pays natal , qu'il ne Tétoit autrefois : on a mis fa tète à prix i on en a beaucoup détruit , & il s'eft retiré loin (m) des côtes dans la profondeur des terres. Le jaguarète a tou- jours été plus rare , ou du moins il s'éloigne encore plus des lieux habités (/z), & le pe- tit nombre des Voyageurs qui en ont fait mention , paroiffent n'en parler que d'après Marcgrave & Pifon. (/) On voit dans les montagnes du Mexique un animal féroce qu'on appelle un Once , qui eft de la forme & de la taille d'un loup-cervier , mais qui a des ferres , & dont la tête reiTemble davantage à celle d'un tigre. Voyages ie. Voodcs Rogers , traduit de I- Anglais. Amfi. tjio , tome IJ , p. 42. (m) Voyage de Dampier. Rouen, 171 5 , tome ly , p. 6<). (/») Voyage de Defmarcliais , tome Zll , p, ^0»» du Couguar. 21^ LE COUGUAR[a]. Voye:^ planche VIII . fig. i de ce Volume, X-«E Couguar a la taille auffi longue , mais moins étoffée que le Jaguar; il eft plus le- vreté, plus effilé & plus haut fur fes jam- \>Qs; il a la têts petite, la queue longue, le poil court & de couleur prefqu'uniforme , ii'un roux vif, mêlé de quelques teintes noi- râtres, furtout au-deffus du dos; il n'efl marqué ni de bandes longues comme le ti- gre, ni de taches rondes. & pleines comme le léopard , ni de taches en anneaux ou en Tofes comme Tonce & la panthère ; il a le menton blanchâtre , ainfr que la gorge & {4] LeCouguar, nom que nous avons donné à cet animai, & que nous avons tiré par contraflion de fon jiomBraiilien > Cuguacu ara^ que l'on prononce Cougua- fcuare. On Rappelle TigTe rcuge , à la Guiace. Cuguûcu ara. Pifon, Hî/î. Nat. p. /o/. Cuguacu arana. Marcgravii, Hijl. Nat. p. 24^. Cuguacu arana Brafilicnfibus, Ray, Synopf. quadritp, p. j6t}, Tigris fulytis. Barrère , Hiji. Franc, equin. p. 166, felis ex fiavo rufc/cens , mento & injîmo ventre albl- tantibus. . 7 . . Tigris fulva. Le tigre rouge. BrilfoH, R4gn. an'mal p. -72. TigrCf en Amérique, dont la peau eft brune fans être mouchetée. Voyages de M. la Con domine fur la rlyUre 4efi Ama\oM$, Fads , 174/» p. 162» 1^0 Hijtoirc naturelle toutes les parties inférieures du corps. Quoi- que plus foible, il eft auffi féroce & peut-être plus cruel que le jaguar; il paroît être en- core plus acharné fur fa proie (^^; , il la dé- vore fans la dépecer ; dès qu'il Ta faifie , il l'entame , la fuce , la mange de fuite & ne la quitte pas qu'il ne foit pleinement raffafié. , , ^ . Cet animal eft affez commun a la Guiane ; autrefois on Ta vu arriver à la nage & en nombre dans l'isle de Cay enne ( c ) , pour at- taquer & dévaluer les troupeaux : c'étoit dans les commencemens un fléau pour la Colonie, mais peu à peu on l'a chafTé, dé- truit & relégué loin des habitations. On le trouve au Brefil , au Paraguay , au pays des Amazones , & il y a grande apparence que ranimai qui nous eft indiqué dans quel- ques relations, fous le nom à'Ocorome {d) dans le pays des Moxes au Pérou, eft le même que le couguar, auffi-bien que celui du pays des Iroquois (0> qu'on a regardé (b) Cuguacu arana. Tigre rouge, ou plutôt bay- rouge , qui eft le plus goulu & le plus carnaflier de tous. Barrère, Nijè. de /a France équin. p. i66. (c) Voyage de Defmarchais , p. 300. — La Co- lonie de Cayenne n'eut pas de plus grand fléau à ef- fuyer que celui des tigres. Fcyj^e de f^oodes Rogcrs, Amfttrdam, 1710 , tome lH» p. ij- (4)L'ocorome, du pays des Moxes au Pérou, eft de la grandeur d'un grand chiens Ton poil eft roux, ron mufeau pointu, fes dents fort affilées. Lettres édiûanus, dixième recueil. Paris, 1715. Second volume des Voyages de Coréal. Paris ^ I7ii. P-.35^. [g] On trouve au pays des iroquois, des Tigres d« du Couguar, I3 1 comme un tigre , quoiqu'il ne foit point moucheté comme la panthère , ni marqué de bandes longues comme le tigre. ' Le couguar , par la légèreté de fon corps & ia plus grande longueur de fes jambes , doit mieux courir que le jaguar & grimpa r aufTi plus aifément fur les arbres; ils font tous deux également pareffeux & poltrons dès qu'ils font raffafiés ; ils n'attaquent pref- que jamais les hommes, à moins qu'ils ne îes trouvent • ndormis. Lorfqu'on veut paf- ier la nuit ou s'arrêter dans les bois, il fuffit d'allumer du feu (f ) pour les empêcher d'ap- procher. Ils fe plaifent à l'ombre dans les gran- des forêts ; ils fe cachent dans un fort ou même fur un arbre touffu, d'où ils s'élancent fur les animaux qui paflent. Quoiqu'ils ne vivent que de proie & qu'ils s'abreuvent plus fou- vent de fang que d'eau , on prétend que leur chair eft très bonne à manger : Pifon dit ex- couleur de petît-gris qui ne font poirft mouchetés; ils ont la queue fort longue , & donnent la chaffe au porc- épic. Les Iroquois les tuent plus fouvent fur les arbres qu'à terre. . . . Quelques-uns ont le poil rougeâtre ; tous l'ont très fin, & leurs peaux font de très bonnes fourrures, nifi. de la nouvelle France, par le P. Char- levoix. Paris '744, tome i y p. 272. (/) Les Indiens des bords de l'Orénoque dans U Guiane , allument du feu pendant la nuit pour épou- vanter les tigres qui n*ofent approcher du lieu où ils font tant que le feu brûle. ... On n'a rien à craindre de ces tigres , quand même ils feroient en ^rand nombre , tant que le feu dure. Hiji, naturelle de l'Orénoque . par le Père Jofeph Jumilla , traduite de l'E/pagaol, Avi" g»cn, tj^St tonte II ^ p, j. 1^1 Hljloin naturtUt preflement qu'elle eft auflî bonne que celle du veau (^) ; d'autres la comparent à cel- le du mouton ( A ) • j'ai t)ien de la peine à croi- re que ce foit en effet une viande de bon goiit, j'aime mieux m'en rapporter au témoi- gnage de Defmarchais(i ) , qui dit que ce qu'il y a de mieux dans ces animaux , c'eft la peau dont on fait des houffes de cheval, & qu'on eft peu friand de leur chair, qui d'ordinaire eft maigre & d'un fumet peu agréable. {g) Nec efl^ qaod all^uJs patct à Barharis tantum ex- petl carncm hor-an rapacium animalium : ilUz ciim cjua. rufefcentlbus & fiave/c:ntihus macuUs funt, ab omnibus paJlim Europxis incoUs , infiarvituLina eftimantur, Pifon, Jiifi. nat. p, 10^. (h) Les Tigres du pays des Iroquoisfont bons , au jugement même des Fraaçois qui en eftiment la chair autant que celle du mouton. Hijioire de la. nouvelle France t par le Père Charlevoix, Paris ^ 1744» tonu /, [i] Voyages de Defmarchais. Paris, 1730, tomeUit LE du Lynx ou Loup-cervur, 253 LE LYNX OU L O U P - C E R V I E R {a). Voyei plancht FIJI ^ fig, 2 de ce Volume, IVJessieurs de rAcadémie des Sciences nous ont donné une très bonne defcription (tf) Le Lynx ou Loup-cervîer. ./Eliani. Chans, lupus cervarius. Plinii. Raphius vel rufus apud Galloi Pimio vfie ; en Italien Lupo cervcifo , Luppo gatto j en Efpagnol Lynce ; en Allemand, Luchs ; en Polonois , Rys, OJ}rowid[ i en Anglois, Ounce^ félon Ray; Lu* yirne , félon Caïas i en 5uédois , W^ar^lo , félon Linnasus. Ltipus cervarius , lynx , Chaus raphius. Gefner , ////?, quadrup, p. CyS. Lynx. Aldrov. de quairup. ^dig. yîvip. p. 90 & Q2. Lynx. Ray, Synopf. quadrup. p. 166. Felis caudâ truncatâ , corpore rufcfcente mactilato. Linn; 5y^/î.nar.edit. iv , p. 64 , & edit. vi, p. 4. •— Fclii caudâ abrtviatâ , apice atrâ auriculîs apice barbatis, Linn « Syjf. nat. ecit. x , p. 4^. Xyijif Jonfton , de quadrup. p. 85. -.Loap-:ervier. Mémoires pour fervir à Vhifloire diS animaux . partie I , p. 12.7, Lynx. Aidrovandi, Klein, de quadrup. p. 77. Felis auricularum apicibus pilis lonpjjim's pmdltis , taudâ brevi, — Lynx, Le k)up-cervier. Briffon , Rcgn» animal, p, 275. Y 1^4 Hijîûtre natunlfe. /du Lynx ou Loup-ccrvler {b) , & ils ontdifcuré, en Critiques éclairés jlesjfaits & les noms qui ont rapport à cet animal dans les écrits des Anciens: ils font voir que le lyn:x d'iElien eiV le même animal que celui qu'ils ont àè- crit & difféqué fous le nom de Loup-cervier , & ils cenfurent , avec raifon , ceux qui l'ont pris pour le Thos d'Ariftote. Cette difcuflîon eft mêlée d'obfervations & de réflexions qui font intéreffantes & folides. En général la defcription de cet animal eft une des mieux faites de tout l'ouvrage; on ne peut même les blâmer de ce qu'après avoir prouvé que cet animal eft le Lynx d'^lien & non pas le Thos d'Ariftote , ils ne lui ayent pas con~ fervéfon vrai nom Lynx, & qu'ils lui ayent donné en françois le même nom que Gaza a donné en latin au Thos d'Ariftote : Gaza eft en effet le premier qui, dans la traduction de riiiftoire des animaux d*Ariftote , ait tra- duit par &jtf Lupus^cervarlus ; ils auroient dû feulement avertir que par le nom de Loup' eervler y ils n'entendoient pas le Lupus- cervarîus de Gaza ou le Thos d'Ariilote , mais le Lupus- cervarîus ou le Chaus de Pline. Il nous a auiîi paru qu'après avoir très bien indiqué , d'a- près Oppien , qu'il y avoit deux efpèces ou deux races de loups -cerviers> les uns plus ^;rands qui chaffent &. attaquent les daims èi les cerfs , les autres plus petits qui ne (h) Mémoires pour ferrir à l'hilîoiredes a-niaiaux parte I , f. I17 & fuiyantis. du Lynx ou Loup-cervur. 13 f chafTent guère qu'au lièvre ; ils ont mis en- femble deux efpèces réellement différentes j favoir, le lynx marqué de taches qui fe trouve communément dans les pays fepten- trionaux , & le lynx du Levant ou de la Bar- barie dont le poil eft fans taches & de cou^ leur uniforme. Nous avons vu ces deux ani- maux vivans; ils fe reffemblent à bien des égards, ils ont tous deux un long pinceau de poil noir au bout des oreilles : ce carac- tère particulier par lequeL-Eîien a le premier indiqué le lynx , n'appartient en effet qu*à ces deux animaux ; & c'eft probablement ce qui a déterminé MM. de l'Académie à les regarder tous deux comme ne faifant qu'un. Mais indépendamment de la différence delà couleur & des taches du poil, enverra que très vraifemblablement ce font deux animaux d'efpèces différentes. M. Klein (c) dit que les plus beaux lynx^ font en Afrique & en Afie, principalement en Perfe; qu'il en a vu un à Drefde qui venoit d'Afrique, qui étoit bien moucheté & qui étoit haut fur fes jambes ; que ceux d'Europe, & notamment ceux qui viennent de PrufTe & des autres pays feptentrionaux font moins beaux; qu'ils n'ont que peu ou point de blanc , qull font plutôt roux avec des taches brouillées ou cumulées (maculu confîuennbus , &c,) Sans vouloir nier abfolu- ment ce que dit ici M, Klein, j'avoue que« je n'ai trouvé nulle part ailleurs , que leiyn:^ 1^) Kliin de (fuadruf. p, -jy. 1^6 Ifijtotn naturdtt habitât les pays chauds de l'Afrique ô: 6^ l'Afie. Kolbe {d) eft le feul qui dife qu'il eft commun au cap de bonne-efpérance, & qu'il reffemble parfaitement à celui du Brandebourg en Allemagne; mais j'ai re- connu tant d'autres méprifes dans les Mé- moires de cet Auteur , que je n'ajoute prefque aucune foi à fon témoignage , à moins qu'il ne s'accorde avec celui des autres. Ôr , tous les Voyageurs dilent avoir vu des Lynx ou Loups- cerviers à peau tachée dans le nord de l'Allemagne, en Lithuanien en Mofcovie , en Sibérie, au Canada & dans les autres parties feptentrionales de î'un & de l'autre continent ; mais aucun , du moins de tous ceux que j'ai lus , ne dit avoir ren- contré cet animal dans les climats chauds de l'Afrique & de l'Afie : les lynx du Levant, de la Barbarie , de l'Arabie ST des autres pays chauds , font , comme nous l'avons dit ci-deffus , d*une couleur uniforme & fans ta- ches ; ce ne font donc pas ceux dont parle- M. Kiein , qui , félon lui , font bien mou- chetés , ni ceux de Kolbe , qui reiïemblent , dit-il, parfaitement à ceux du Brandebourg, llferoit difficile de concilier ces témoignages avec ce que nous favons d'ailleurs: le lynx cft certainement un animal plus commun dans les pays froids que dans les pays tem- pérés , & il eft au moins très rare dans les pays chauds. Il étoit à la vérité connu des {d) Méro, de Kolbe, Amjl, i74i * tom« ui, p. 63. du Lynx ou Loup-cervier, 237 Grecs (^tr) & des Latins, mais cela ne fup- pofe pas qu'il vînt d'Afrique ou des provin- ces méridionales de l'Afie; Pline dit au contraire que les premiers iqu'on vit à Rome du temps de Pompée , avoient été envoyés des Gaules. Maintenant ^ il n'y en a plus en France, fi ce n'eft peut-être quelque-uns dans les Pyrénées & les Alpes ; mais aulH fous le nom de Gaules , les Romains com- prenoient beaucoup de pays feptentrionaux, & d'ailleurs tout le monde fait qu'aujour- d'hui la France eft bien moins froide que ne l'étoit la Gaule. Les plus belles peaux de lynx viennent de Sibérie (/) fous le nom de loup-cervler , ^ de Canada (^) fous celui chjt-cervier, parce que ces animaux ^tant comme tous les autres plus petits dans le nouveau ^e dans l'ancien continent, on (e) Les Grecs qui dans leurs fixions, ne laifToient pas de conferver les vraifemblances , & furtout les circonftances des temps & des lieux , ont dit que c'étoit un Roi de Scythie qui avoitété changé en lynx y ce qui paroît indiquer que le lynx étoit un animal de Scythie. (/) On trouve en Ruflfie beaucoup de loups-cer- viers qui ont la peau belle , quoiqu'ils ne valent pas ceux de Sibérie. Nouveau Mémoire fur la grande Ruf- fie. Paris , ijzj; , tome II , p. 75. (^) Le Loiipcervier de l'Amérique feptentrionale eft une efpèce de chat , mais bien plus gros ; il monte aulTi fur les arbres , vit d'animaux qu'il attrape j le poil en e([ grand , d'un gris-blanc , c'eft une bonne fourrure ; la chair en eft blanche & très bonne à manger. Defcription des cotes de l'Amérique feptentrionali, Paris , 1 6-J2 , terne II , p, ^^1, Z}^ Hifioire naturel fe les a comparés au loup pour la grandeur en Europe, & au chat iauvage en Amérique Ce qui paroît avoir déçu M. Klein , & qui pourroit encore en tromper beaucoup d'autres moins habiles que lui; c'efl i^. que les Anciens ont dit que l'Inde avoit fourni des lynx au dieuBacchus (i); 2^. que Pline a mis des lynx en Ethiopie (^), & a dit ( A ) Il y a dans les bois da Canada, beaucoup f^e loups ou plutôt des chats- cgrviers , car ils n'ont du loup qu'une efpèce de hurlement , en tout le refte ils font , dit M. Sarrafin , tx génère fdino. Ce font de Trais chaffeurs qui ne vivent que du gibier qu'ils peu- vent attraper Se qu'ils pourfuivent jufqu'à la cîme des plus grands arbres ; leur chair eft blanche & bonne à manger ; leur poil & leur peau font fort connus en France, c'eft une des plus belies^fourrures de ce pays & qui entre le plus dans le commerce, Hifioire de la nouvelle France y par U Perc Charlevoix , tome III , p. 353. ( i ) Vicia racsmifero lyncas dédit India Saccho. Ovid. iVlétamorph, (k) Plinii, hijî. nat. lib. yJlj , cap. xxz ; & lii. ^xvili y cap, yiii. — On obfervera que Pline ne parle ici que du lynx & non pas du lupus ccrvarius } que toutes les vertus & propriétés du poil, des on- gles , de l'urine , &c. n'ont rapport qu'à l'animal qu'il appelle lynx , & qu'il cite comme un animal e»traor- dinaire, un monftre d'Ethiopie, ôc qii'il n'eft pas ici quefiion du loup-cervier , puifqu'il affure poGtivement que celui-ci avoit été envoyé des Gaules aux fpec- tacles de Rome. La feule chofe qui pourroit faire foupçonner que le Chaiis ou lupus- cervarius de Pline ne feroit pas notre loup-cervier, c'eft qu'il dit quM a la %ure du loup ôc les taches de la panthère ; mais ce doute s'évanouira lorfqu'on confidérera toutes les circonftances , ôt qu'on fe rappellera d'ailleurs ^»e du Lynx ou Loup'Urvur» 13^ qu'on en préparoit le cuir & les ongles à Carp^thos, aujourd'hui Scarpantho ou TLerpanto , isie de la Méditerranée , entre Rhodes & Can- die ; 1^. que Gefner (/) a fait un article particulier du linx d'Afie ou d'Afrique , lequel article contient l'extrait d*une lettre d'un Baron de Balicze : Vous nave^ pas fait mention, dit- il à Gefner ^ dans votre livre des animaux , du lynx Indien ou Africain; comme Pline en a parlé ^ V autorité de ce grand homme m'a ens;agé à vous envoyer le dejjîn de cet ani- mal , afin que vous enparlie:( . ., ,11 a été dejjiné a Conflantinople , ;/ efl: fort différent du loup-cervier d^Àllemaane , il efl beaucoup plus grand , il a le poli beaucoup plus rude & plus courte &c. Gefner fans faire d'autres réflexions fur cette lettre fe contente d'en rapporter la fubftance , & de dire par une parenthèfe que le delEn de l'a- nimal ne lui eft pas parvenu. Pour que Ton ne tombe plus dans la même méprife , nous obferverons , 1*^. que les poè- tes & les Peintres ont attelé le char de Bac- chus de tigres, de panthères &. de lynxj, félon leur caprice , ou plutôt parce que tou- tes ces bêtes féroces , à pe?u tachée , étoient également confacrées à ce Dieu , 2^. que c'eft le mot lynx qui fait ici toute l'équivo- que , puifqu'il eft évident , en comparant de tous les animaux de proie qiù fe trouvent d^nç les pays feptentrionaux , le loup- cervier eft le feul dont la robe foit tachée comme celle de la panthère. (/} Gefner, kiji. quadmp. f. SS^, a 40 Hifloîrt nature tu Pline avec lui même (m), que l'animal qu'il appelle Lynx , & qu'il dit être en Ethiopie n'eft nullement celui qu'il appelle Chaus ou Lupus- ceî varias qui venoit des pays fepten- trionaux; que c'eft par ce même nom mal appliqué , que le baron de Balicze a été trompé, quoiqu'il regarde le lynx Indien comme un animal différent du Luchs d'Al- lemagne , c'eft-à-dire , de notre lynx ouloup- cervier: ce lynx Indien ou Africain, qu'il dit être beaucoup plus grand & mieux ta- ché que notre loup-cervier , pourroitbren n'ê- tre qu'une forte de panthère. Quoi qu'il en foit de cette dernière conjeâure , il paroît que le lynx loup-cervier, dont il eft ici queftion , ne fe trouve point dans les con- trées méridionales , mais feulement dans les ( m ) Pompcil maan'i prlmum ludi ojlznderunt Chaum , fj-rem Galfi Rhciph'um vocabant, effigie lupi , pardorum maculis. Flinii , lib. VIII , cap. xix. — Sunt in eo gcnerc (fcilicet luporum ) ijui cervaru vocantur , qualem i Gallla. in Pompeii magni har^nâ fpcclatum diximus. Plinii , lib. VIII, cap. xxil. Lyiicas vulgo fcquen" tes & fphingas , fufco pHo , manvnis in peclore geminîs ^ uSthiopia générât , multaquc alia monjlra fimilia. Plinii , li!). Vill , cap. XXI. — Il eft clair en comparant ce« trois paflTages , que le Chaus & le lupus ccrvarlus font le même animal , & que le lynx en eft un autre. La feule chofe qu'on puiiTe reprocher ici à Pline, c'eft qàe , trompé apparemment par le nom , il dit que cet animal a la figure du loup {effigie lupi ). Le loup- cervier eft comme le loup commun , un animal de proie , il en approche encore par la grandeur du corps, il a comme lui uae efpèce de hurlement ou de cri prolongé, mais pour tout le refte il en diffère ab- fulumeat. pays du Lynx ou Lotip-cervier,' 241 pays feptentrionaux de l'ancien & du nou- veau continent. Olaiis (n ) dit quMl eft com- ' îTJun dans les forêts du nord de l'Europe : Oléarius (o) affure la même chofe en par- lant de la Mofcovie ; Rofmus Lintilius dit que les lyi]t?c font .communs en Curlande , en Litfiiianié^ & que ceux de la CafTubie ( province de la Poméranie ) font plus petits (p) & moins tachés que ceux de la Pologne '&. de Litiiuanie; enfin, Paul Jovc ajoute à ces témoignages , que les plus belles peaux . 103. (s), M.Linnaeus, qui demeure à UpfaI & qui c^oit connoître cet animal , puifqu'il fe trouve en ijuède & dans les pays circonvoifins , avoit d'abord ôiftingué le loup-cervier du chat-cervier. Il nommoit le premier, felis caudâ truncatây corpore rufefcente ma- culato. Syft. nat. edit. IV t p» (>4» & edit. VI, p. 4, 11 nommoit le fécond , felis caudâ truncatâ , corpore albo maculato. Syft. nat. idem , ibidem. Il nomme même en fuédois le premier Warglo , & le fécond Kattlo. Fauna Suec. p. z. Mais dans fa dernière édition ii ne diftingue plus les animaux , & ne fait mention que d'une feule efpèce qu'il indique par la phrafe fuivante , _/«/« caudâ abbreviatd ^ apice atrd auricuUs apice harbatis , & dont il donne une courte & bonne defcription. Il paroît donc que cet Auteur, qui d'abord diftinguoit le loup-cervier du chat-cervier, efl: venu à penfer comme nous , que tous deux n'é- toient que le même animal, ( / ) Felis alba maculis nigris variegatn , caudâ hrevî, . , Çqius cervarius y le chat cervier. — Fc//j auricularum apiàhus pilis longijjîinis preditis , cauda brevi. , , Lynx , du Lynx ovi Loup^ctrvler, 243 cifivenieiit fur cette queilion, il nous a paru que le chat-cervier de Canada & le loup-cervier de Mofcovie font de la même efpèce, 1^. parce que la différence de gran- deur n'eft pas fort confidérable , &: qu'elle eft à peu près relativement la même que celle qui fe trouve entre les animaux com- muns aux deux continents ; les loups , les renards , &c. étant plus petits en Amérique qu*en Europe , il doit en être de même du lynx ou loup-cervier ; 20. parce que dans le nord de l'Europe même, ces animaux varient pour la grandeur , & que les Au- teurs {^u) font mention de deux efpèces , l'une plus petite & l'autre plus grande; 3^. en fin parce que ces animaux affectant les mêmes climats , & étant du même naturel , de la même figure, & ne différant entr'eux que par la grandeur du corps & quelques nuances de couleur, ces caraâères ne me paroifTent pas fuffifans pour les féparer & prononcer qu'ils foient de deux efpèces différentes. Le lynx dont les Anciens ont dit que la vue étoit aflez perçante pour pénétrer les corps opaques , dont l'urine a voit la mer- veilleufe propriété de devenir un corps folide , une pierre précieufe appellée Lapîs lyncurius » îe loup-cervier. Briffon , Regn. animal, p. 273 & ( « ) Lynces amhx ( magna: & parvat ) corporis Jîgurâ fvniUs funt , & fimil'uer utrifquc ocuU fuaviter fiilgent , fades utrifaue alaeris pcrlucet , parvum utrifquc caput , ^€% Oppianus, X 2 1^4 Hijlolrc natunlU, cft un animal fabuleux , aufli-bien que toutes les propriétés qu'on lui attribue. Ce lynx imaginaire n'a d'autre rapport avec le vrai lynx que celui du nom. 11 ne faut donc pas , comme l'ont fait la plupart des Naturaliftes , attribuer à celui-ci , qui eft un être réel, les propriétés de cet animal imaginaire , à l'exiftence duquel Pline lui-même n'a pas l'air de croire ; puifqu'il n'en parle que comme d'une bête extraordinaire , & qu'il le met à la tête des fphynx , des pégafes , des licor- nes & des autres prodiges ou monftres qu'en- fante rÉthiopie. Notre lynx ne voit point au travers les inurailles;, mais il eft vrai qu'il a les yeux brillans , le regard doux , l'air agréable & î;ai ; fon urine ne fait pas des pierres prè- cieufes, mais feulement il la recouvre de terre , comme font les chats , auxquels il reffemble beaucoup , & dont il a les mœurs & même la propreté. Il n'a rien du loup qu'une efpèce de hurlement qui , fe faifant entendre de loin , a du tromper les chafl'eurs , & leur faire croire qu'ils entendoient un loup. Cela feul a peut-être fuffi pour lui faire don- ner le nom de /ow;?, auquel pour le diftinguer du vrai loup , les chaffeurs auront ajouté répithète de çervier, parce qu'il attaque les cerfs j ou plutôt parce que fa peau eft va- riée de taches à -peu-près comme celles des jeunes cerfs , lorfqu'ils ont la livrée. Le lynx ^ft moins gros que le loup { x)^ ^ plus (* ) Lynccs nojirce l"f>h mmons funt , urp naculof(t% gtumphiys. du Lynx Ou toup-arvur, 24^ bas fur fes jambes; il eft communément dô la grandeur d'un renard : il diffère de la pan- thère & de l'once par les caraéleres fuivans ; il a le poil plus long, les taches moins vi- ves & mal terminées, les oreilles bien plus grandes & furmontées à leur extrémité d'un pinceau de poils noirs ; la queue beaucoup plus courte & noire à Textrémité , le tour des yeux blancs , & l'air de la face plus agréable & moins féroce. La robe du mâle ell mieux marquée que celle de la femelle: il ne court pas de fuite comme le loup, il marche & faute comme le chat : il vit de chafle & pourfuit Ton gibier jufqu'à la cime des arbres; les chats fauvages , les martes, les hermines , les écureuils ne peuvent lui échapper; il faifit aufli les oifeaux ; il attend les cerfs, les chevreuils, les lièvres au paf- fage & s'élance deffus ; il les prend à la gorge , & lorfqu'il s'eft rendu maître de ia. vi6lime , il lai fuce le fang & lui ouvre la tête pour manger la cervelle , après quoi fouvent il l'abandonne pour en chercher une autre; rarement il retourne à fa première proie, & c'eft ce qui a fait dire , que de tous les animaux, le lynx étoit celui qui avoit le moins de mémoire. Son poil change de cou- leur fuivant les climats & la faifon, les four- rures d'hiver font plus belles, meilleures Qc plus fournies que celles de Tété : (a chair, comme celle de tous les animaux de proie, n'eft pas bonne à manger (y). (7) Rzaczynski. ««Sf. hijt, nat, Pol. p. Uî. X 3 24^ Hlfloin naturuie, LE CAR A. CAL [a]. f^oye:(_ planche IX ^ fi$^re i de ce volume^ x^uoiQUE le Caracal reiïembîe au Lynx par la grandeur & la forme du corps , par l'air de la tête , & qu'il ait comme lui le carac- tère fingulier &, pour ainfi dire, unique d'un long pinceau de poils noirs à la pointe des oreilles; nous avons préfumé par les difcon- \enances qui fe trouvent entre ces deux ani- maux , qu'ils étoient d'efpèces difFérenteSo Le caracal n'eft point moucheté comme le lynx , il a le poil plus rude & plus court , la queue beaucoup plus longue & d'une cou- leur uniforme, le mufeau plus alongé, la mine beaucoup moins douce & le naturel plus féroce. Le lynx n'habite que dans les pays (a) Le Caracal, nom que nous avons donné à cet animnl , & que nous avens tiré de fon nom en lan- gue Turque, Karrak-hiUk ou Karacoulac : en Arabe, Gat et challah ; en Perfe , Siyah-gush ^ ce qui dans ces trois langues veut dire Ckct aux oreilles noires. Siyak-gusk. Charlêton , ExercUationes.Oxonix , 1677, p. ai , 24 6c aj. . Siyak-gush. Aurîcula atra, Scheich Saadi in lihro Gu- lîftan feu rofario fexctntls cirdîter ah hlnc annis coU" fcrlpto quem perfce & latine ed'uUt Georg. Gentias. Ubividc apvlogum Leonis O auricui» atrs , p, &t. Le Pourvoyeur du Lton , félon plafieurs Voyageurs.. Le Guide du Lion , félon d'autres Voyageurs. Torrv- ur H. 9 du Caracal, 247 froids ou tempérés; le caracal ne fe trouve que dans les climats les plus chauds : c'eft autant par cette différence du naturel & du climat, que nous les avons jugés de deux eipèces différentes , que par TinTpedion &. par la comparaifon des deux animaux que nous avons vus vivanSj &qui , comme tous ceux que nous avons donnés jufqu'ici, ont été deflinés & décrits d'après nature. Cet animal eft commun en Barbarie , en Arabie & dans tous les pays qu'habitent le, lion, la panthère & l'once; comme eux il vit de proie , mais étant plus petit & bien plus foibîe , il a plus de peine à fe procurer la fubfiftance ; il n'a , pour ainfi dire , que ce que les autres lui laiffent, & fouvent il eft forcé à fe contenter de leurs reftes : il s'éloigne de la panthère , parce qu'elle exerce fes cruautés lors même qu'elle eft pleinement raffafiée ; mais il fuit le lion qui , dès qu'il eft repu , ne fait de mal à perfonne ; le ca- racal profite des débris de fa table, quelque- fois même il l'accompagne d'afîez près , parce que grimpant légèrement fur les arbres, il ne craint pas la colère du lion , qui ne pour- roit l'y fuivre comme fait la panthère. C'eft par toutes ces raifons que l'on a dit du ca- racal, qu'il étoit le guide (^), ou le pour» ( è ) Les Karacoulacs font des animaux un peu plus grands que des chats , & faits de même ; ils ont les crei'les longues de près de demi-pied & noires j & c'eft d'où i's tirent leur nom qui fignine crcilU ncire, Ik fervent de Chiaoax aux lions ( comme nifent les X4 î4^ Tlljtoîrepatunlîe voyeur du lion ; que celui-ci dont l'odorat n'eft pas fin , s'en fervoit pour éventer de loin les autres animaux , dont il partageoit enfuite avec lui la dépouille ( c )• gens du pays ), car ils vent devant eux quelques pas , & fonî comme leur guide pour les conduire aux îi^ux où il y a de qv.oi msrger , & pour récom- penfe ils en ont leur part : quand cet animnl appelle le iion , il femb'e que ce foit la voix d'une perfonne qui en appelle une autre, quoique pourtant la voix en foit plus claire. Voyni^c ie Thévcnct. Paris , 166^ , toms II , p. I14 & ijj. ( c ) Je vis dans une cage de fer un animal que le$ Arabes nomment le Guld^ du Lion. îl eft très reffem- "blant au chat, c'eft pourquoi quelqjes-uns l'appellent Chatde Syrie y & j'en ai vu un autre à Florence appelle de ce nom : U eu aftez farouche ; fi quelqu'un tâche de retirer la viande qu'il lui a préfentée,il fe met en une grande furie, & fi on nel'appaife, il î'é'ance ia- failliblement fur lui. U a de petits flocons de poil au fommet des oreflles, & il eft appelle Je guide du Lion^ parce qae , à ce qu'on dit , le lion n'a pas l'odorat bien fin ; fi bien que fe joignant à cet animal qui l'a très-aigu , il fuit par ce moyen la proie, & l'ayant prife il en donne une partie à fon. condufteur V^cyagt d' Orient du Père Philippe , Carmi-déchauffe. Lyon. i66q^ liv II y p. jC & 77. — Le Gat el chalLah des Arabes que les Perfans appllent Siyah-gush , & les Turcs Karra-hu/akf c'eft à-dire » le Chat noir ou le Chat aux oreilles noires , comme fon nom porte dans ces troiy langues, eft de la grandeur d'un gros chat. Il a le corps d'un brun tirant fur le rouge , le ventre d'une couleur plus c'aire & quelquefois tacheté ^ le mu~ feau noir & les oreilles d'un gris foncé , dont les bouts font garnis d'une petite touffe de poil noir 6c roide comme celle du lynx. La figure de cet ani- rn.-:î , donnée par Charleton , eft très différente du ^Siy-T-h-^ush de Barbarie qui a la tête plus ronde ii,ve-c les lèvces noires , m.ais du relie il lelTenible ea-- du Caracal, 2^9 Le caracal eft de la grandeur d'uti renard ^ mais il eft beaucoup plus féroce & plus fort : on Ta vu adaillir , déchirer & met- tre à mort en peu d'inftans un chien d'affez grande taille qui , combattant pour fa vie , fe défendoit de» toutes fes forces : il ne s'ap- privoife que très difficilement , cependant lorfqu'il elt pris jeune & enfuite élevé avec foin , on peut le drefTer à la chaffe qu'il aime naturellement & à laquelle il réudit très bien, pourvu qu'on ait l'attention de ne le jamais lâcher que contre des animaux qui lui foient inférieurs & qui ne puiflent lui réfifter ; autrem.ent il fe rebute & refufe le fervice dès qu'il y a du danger : on s'en fert aux Indes pour prendre les lièvres , les lapins Si même les grands oifeaux , qu'il furprend & faifit avec une adrgfTe fingu- liere. tiérement à un chst. Voyage de Shaw. La Haye,lj4j, (omc I , p. 320 & 321. Nota, La figure donnée par Charlet:>n pècbe en ce que le poil n'y eft pas expri- ma, & que !a tête eft , pour ainfi dire, chauve , ce q'-ii lui ôte de la rondeur ; mais il n'en eft pas moins vrai que le Siyah-gush de Charleîon & celui de Bar- barie, dont parle ici le Doéleur 5hr.w, font tous deux àt% animaux de la même efpèce que notre CaracaL 2^0 HifleiTt naturdlt V UY JEN E (a). FoyeipJanc/ie IXy Jig* j de ce, Volume^ xXristote nous a laiffé deux notices au fujet de l'Hyœne T^), qui feules fuffiroient pour faire reconnoître cet animal & pour le diftinguer de tous les autres; néanmoins les Voyageurs & les Naturalises l'ont con- fondu avec quatre autres animaux, dont les cfpèces font toutes quatre différentes entre elles & différentes de celle de l'hyœne. Ces animaux font le chacal , le glouton , la ci- vette & le babouin , qui tous quatre font car- nalliers & féroces comme l'hyaene, & qui (d) L'Hymne. Zaho t en knhie '^ Dnhbah y en Bar- barie; Kaftaar ou. Cajlar , en Perfe. Hy xna.' AnCtot. hiji. animal, lib. VI, cap. XXXII. Taxus porcinus feu hyetna veterum, Kœmpfer , amct- nitates , p. 411. Hyxna. Canis caudâ reclâ annulatâ , pilis cervccis ereciis j auricuUs midis. Linn. Syft- nat. edit x,p. 40. Nota. Que ce caraftere de la queue annelée , qui a auffi été donné par Kœmpfer , n'eft ni bien fenfible ni confiant ,• l'hyaene que nous avons vue, a tous les carafteres que M. Linnaeus donne à cet animal , à l'ex- ception de celui de la queue qui n'avoit pas Aes an- neaux bien marqués, mais feulement quelques teintes de brun fur un fond gris, qui formoient plutôt des ondes que des anneaux. {b) Ariftote , hift. animal, lib. VI, cap. XXXII i & lib. VllI, cap. V. de tHycene, ^<^l ont chacun quelques petites convenances & quelques rapports particuliers avec elle , lef- quels ont donné lieu à la méprife & à l'er- reur. Le chacal fe trouve à-peu-près dans le même pays , il approche comme l'hyaene de la forme du loup; comme elle , il vit de cadavres & fouille les fépultures pour en tirer les corps : c'en eft adez pour qu'on les ait pris l'un pour l'autre. Le glouton a la même vo- racité, la même faim pour la chair corrompue , le même inftinél pour déterrer les morts, & quoiqu'il foit d'un climat fort différent de celui de l'hyasue & d'une figure auffi très différente , cette feule convenance de nature a fuffi pour que les auteurs les avent confon- dus. La civette fe trouve auffi dans le même pays que l'hyasne , elle a comme elle de longs poils le long du dos & une ouverture ou fente particui'ire ; caraderes fmguliers qui n'ap- partiennent qu'à quelques animaux , & qui ont fait croire à Bellon que la civette étoit Thysene des Anciens. Et à l'égard du babouin , qui reiTemble encore moins à l'hyaene que les trois autres , puifqu*il a des mains & des pieds comme l'homme ou le fmge ; il n'a été pris pour elle qu'à caufe de la reffemblance du nom ; l'hysene s'appelle dubbah en Bar- barie , félon le docteur Shaw, & le babouin fe nomme dabuh , félon Marmol & Léon l'A- fricain; & comme le babouin eft du même climat , qu'il gratte auffi la terre & qu'il eft à-peu-près de la forme de l'hyxne , ces con- venances ont trompé les Voyageurs & en- fuitc les Naturaiiftes qui ont copié les Voya- geurs ; ceux même qui ont diftingué nette- 2^2 Hijîolrt natiirtllt ment ces deux animaux, n'ont pas laifTé de conferver à l'hysene le nom dabuh, qui eft celui du babouin. L'hyaene n'efl donc pas le dahuh des Arabes , ni le jcfef ou fefef des Africains , comme le difent nos Naturaliftes ( c ) ; & il ne faut pas non plus la confondre avec le deeb de Barbarie. Mais afin de pré^ venir pour jamais cette coîifufion de noms, nous allons donner en peu de mots le précis des recherches que nous avons faites au fujet de ces animaux. Ariftote donne deux noms à l'hyaene , com- munément il l'appelle hyana & quelque- fois s,lanus : pour être aflTuré que ces deux noms ne défignent que le même animal, il fuifit de comparer les paflages ((/) oii il en ' (f) Charleton , Exercit. pa^e 14. — — BrifTon, Regn» animal page zj^. (d) Hyctrta colore lupi prope eft , fed hirfiuior, & juhd per totum dorfum pradita efi. Quod autem de eâ feriur j génitale Jîmul & maris & fkmime eamdem hahere, corn" mentitlum ejl : fed virile fimiliter , atque in lupis , & $anihu3 habetur. Quod vero fxmineum ejfe videtur , fub caudâ pojltum ejl , figura fimile genitali fxminit > fed fine iillo mcatu. Stib hoc mcatus excremcntorum eft Qjiin ttiam- fizmina hyx.na prczicr fuum illud cùam fimile , ut mas habet fub caudâ fine uUo meatu , à (pio excremextC" rum meatus efi , atque fub eo génitale verum continetur. Vulvam etiam hyxna famina, ut cetera, hujufce modi fxmin^?^. Nota, Les Nomen:lateurs, que nous allons cher, n'ont point diftingué ces deux animaux, 6c l'on ne fait auquel des de ix on doit appliquer leurs phrafes , parce qu'elles n'expofent que des cara£teres qui leur font communs à tous deux. Feiis \ihahi. Gefner , hijl. quadrup. p. %'^6. Nota, La figure que Gefner donne ici ne vaut rien , quoi- qu'il dife qu'elle ait été faite d'après nature à Milan. Celle de Caïus , p. 8^y , eft bonne , & fa defcription très bonne auffi. Animal -{ihethi. Aldrov. de quadntp. digit , p. ^<^Q , Mcics unguibus uniformibus. Liiin. Syji. nat. eclit. iv , pi.ge (5 5. ---- Mcks unguihus uniformibus , cira ca. Syji. nat. edir. vi , p. 6. — Zihaha. Viycrra cciudâ ai.nu- 2^4 Hiflolre naturelle vu deux de ces animaux qui fe reiTerrî- blent à la vérité par les rapports eflentieU delà conformation, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur; mais qui cependant diffèrent l'um de l'autre par un affez grand nombre d'au- tres cara£lères, pour qu'on puiiîé les regar- der comme failant deux efpèces réellement difFérentes. Nous avons confervé au premier de ces animaux le nom. de Civette , & nous avons donné au fécond celui de Zibet , pour les diftinguer. La civette dont nous donnons /afa, Aorfû cinereo nigroqiie undatlm firiato. Syji, nat, edit. X , p. 44. Nota. 1^ . O.ie (ia genre ctu blaireau où étoit la civette dans la quatrième ôt la fixième édition , elle a pafle dans celiîi des Vlvcrra \ que d'a- bord elle étoit avec le blaireau feul , édition ivc , enfuite avec le blaireau & i'Ichneumon , édition Vie ^ & qu'enfin dans la dixiïmt éd'-von elle ne Te trouve plus avec le blaireau , mais avec l'ichneumon , la mouf- fette, îe putois rayé ÔC la genette. Nets. a*^. Que l'Auteur a changé l'acception reçue du nnot yiverraàont il fait un nom générique pour cinq aninr^aux , parmi lefquels on croiroit au moins devoir trouver le vrar yiverra y c'eft-à-dire , le furet, qui cependant ne s*y trouva pas, & qu'il faut aller le chercherdans le genre des belettes, page 46. Nota. ^°. Que le blaireau qui étoit feul de fon genre avec la civette , édition ive, & avec l'ichneumon & la civette édition Vie , fe trouve, édition x, avec l'ours, l'ours blanc de Groen- land, le louveteau de la baie de Hudfon & le raton ou racoon d'Amérique. Je ne cite ces difparates de nomenclature que pour faire fentir combien ces {vé— tendus genres font arbitraires & peu fixes dans la tête ir.ême de ceux qui les imaginent. Mêles fafciii & maculis albis , nlgris 6* rufdfcentibus varijgata Civctta , U civette. BriiTon , Rcgn. animal, p. 276, ki di la Cïvctu & du 2.ihiî. iS^ \qî la figure, nous a paru être la même que la civette décrite par MM. de TAcadémie Royale des Sciences, dans les Mémoires pour fervir à l'hiftoire des animaux ; nous croyons auffi qu'elle eu la même que celle de Caïus dans Gefner , page §jy , & la même encore que celle dont Fabius Columna a donné les figures (^tant du mâle que de la femelle) dans l'ouvrage de Jean Faber, qui eft à la fuite de celui de Hernandès (c), La féconde efpèce que nous appelions le Zilet, nous a paru être le même animal que celui qui a été décrit par M. de la Peyron- nie , fous le nom à* animal du mufc , dans les Mé- moires de l'Académie des Sciences année ijji : tous deux diffèrent de la civette par les mê- mé's caraftères , tous deux manquent de cri- nière ou. plutôt de longs poils fur l'épine du dos^ tous deux ont des anneaux bien mar- qués fur la queue, au lieu que la civette n'a ni crinière , ni anneaux apparens. Il faut avouer cependant que notre zibet & l'a- nimal du mufc de M. de la Peyronnie , ne fe reffemblent pas affez parfaitement pour ne laifTer aucun doute fur leur, identité d'efpèce: les anneaux de la queue du zibet font plus lar- ges que ceux de V animal du mufc : il n'a pas un double collier , il a la queue plus courte à proportion du corps ; mais ces différences nous paroifTent légères , & pourroient bien n'être que des variétés accidentelles auxquel- (c) Hernandès, hifi. Mex.Romx, i6z8 y page jSî Quadrupèdes Tome ÎIU Z ié^r Hijîoln naturelle^ ki les civettes doivent être plus fujcttes que les autres animaux fauvages , puilqu'on les élève & qu'on les nourrit comme des animaux domeftiques , dans plufieurs endroits du Levant & des Indes. Ce qu'il y a de cer- tain, t'eft que notre zibet reflemble beau- coup plus à l'animal du mufc de M. de la Peyronnie qu'à la civette , & que par cofi* féquent on peut les regarder comme des ani- maux de même efpèce , puifqu'il n'eft pas même abfoiument démontré que la civette & le zibet ne foient pas des variétés d'une efpèce unique; car nous ne favons pas fi ces animaux ne pourroient pas fe mêler & produire enfemble ; &lorfque nous difons qu'ils nous pa- ïoifTent être d'efpèces différentes, ce n'eft point un jugement abiblu , mais feulement une préfomption très forte , puifqu'elle eft fondée fur la différence confiante de leurs caraAè- res , &que c'eft cette conftance des différences qui diftingue ordinairement les efpèces réel- les des fimples variétés. L'animal que nous appelions ici Civette , fe nomme Falanouek Madagafcar (^) , N^ime ou N{fiiji à Congo (e), Kankan en Ethiopie (/) , Kaflor dans la Guinée ( ^ ). CVft la ci- (/f) Voyage de FUccourt, "Paris , 1661 ^ pages ifO & ifi. (e) Meroîla cité par M. TAbbé Prévôt. Hi/ioàt gér.éraU des Voyages , tome IV, p. j8j. (f) Voyez idemf tome Ht, pages Zf^y (y i^i?, Kankan. {g) Voyez idtm , iUdemi & tome ir , pagf t^^^ tortue y t f. 5^ & {uWs dt la Clvctu & du Zihe, i6j vette de Guinée , car nous fommes sûrs que celle que nous avons eue avoit été envoyée vivante de Guinée à Saint-Domingue à ua de nos Correfpondans , qui Tayant nourrie quelque temps à Saint-Domingue, la fit tuer pour nous l'envoyer plus facilement. Le zibet eft vraifemblablement la civette de TAfie , des Indes orientales & de TArabie , où on la nomme Zebet ou Zibet , nom Arabe qui fignifie auffi le parfum de cet animal, & que nous avons adopté pour défigner l'animal même; ii diffère de la ci- vette en ce qu'il aie corps plus alongé & moins épais , le mufeau plus délié , plus plat & un peu concave à la partie fupérieure , au lieu que le mufeau de la civette eft plus gros , moins long & un peu convexe. Il a auffi les oreil- les plus élevées & plus larges , la queue pluï longue & mieux marquée de taches & d'an- neaux, le poil beaucoup plus court & plus mollet ; point de crinière , c'eft-à-dire , de poils plus longs que les autres fur le cou, m le long de l'épine du dos, point de noir au-defTous des yeux , ni fur les joues ; ca- raaeres particuliers & très remarquables dans la civette. Q'uelques voyageurs avoient déjà foupçonné qu'il y avoît deux efpèces de civettes (^<^) , mais perfonne ne les avoit re- connues affez clairement pour les décrire. Nous les avons vues toutes deux , & après les avoir foigneufement comparées , nous Iqs \h) AWror. de quaârip. digit. p. 541 Z a l68 Hijloirc natunlU, avons jugées d'efpèce & peut-être de climat difFérent. On appelle ces animaux chats mufqués ou chats civettes , cependant ils n'ont rien de commun avec le chat que l'agilité du corps; ils reffemblent plutôt au renard, iurtout par la tête : ils ont la robe marquée de ban- des & de taches , ce qui les a* fait prendre aulFi pour de petites panthères par ceux qui ne les ont vus que de loin , mais i!s diffè- rent des panthères à tous autres égards. 11 y a un animal qu'on appelle la Geneite, qu^ eft taché de même, qui a la tête à-peu-près de la même forme , & qui porte , comme la civette j un fac dans lequel fe filtre une hu- meur odorante ; mais la genette eft plus pe- tite que nos civettes; elle a les jambes beau- coup plus courtes & le corps bien plus mince ; fon parfum eft très foible & de peu de du- rée: au contraire le parfum des civettes eft très fort , celui du zibei eft d'une violence extrême & plus vif encore que celui delà ci- vette ( i ). Ces liqueurs odorantes fe trou- vent dans l'ouverture que ces deux animaux ont auprès des parties de h génération ; (i) Malgré toute l'attention qu'on a depuis long- temps de ralTen^bler à la Ménagerie différens animaux étrangers , ce font les deux feuls de cette efpèce qui y ayent paru , & les feuls dans le nombre àes animaux mufqués qu'on y ait vus , qui ayent donné un aufH grand parfum. Mémoire de M- àç. la Peyrontùe inféré dans ceux de L'' Académie des Sciences , année ij^i , p. 444. Il eft queftion dans ce paffage de Vanimsl du jnufc , que nous croyons être le même que notre îibet. dt la. Civctu & du Ziha, i(5h , c'eft une humeur épailîe, d'une confiftance femblable à celle des pommades ^ & dont le parfum, quoique très fort, eft agréable; au fortir même du corps de l'animal. Il ne faut pas confondre cette matière des civet- tes avec le mufc qui eft une humeur ha- guinolente qu'on tire d'un animal tout diffé- rent de la civette ou du zibet ; cet animal qui produit le mufc , eft une efpèce de che- vreuil fans bois, ou de chèvre fans cornes, qui n'a rien de comm.un avec les civettes , que de fournir comme elles un parfum vio- lent. Ces deux efpèces de civettes n'avoient donc jamajs été nettement diilinguéess l'une de l'autre , toutes deux ^t été quelquefois confondues avec les belettes odorantes (^ A ) , la genette & le chevreuil du mufc ; on les a prifes auffi pour l'hysene. Bellon , qui a donné une figure & une defcription de la civette , a prétendu que c'étoit Thyœne des Anciens (/); fon erreur eft d'autant plus ex- cufable , qu'elle n'eft pas fans fondement ; il eft sûr que la plupart des fables que les An- ciens ont débitées fur l'hyœne , ont été pri- fes de la civette; les philtres qu'on tiroit de certaines parties de l'hymne , la force de ces 270 Hifioiri naturelle, philtres pour exciter à Tamour, indiquent afl'ez la vertu ftimulante que l'on connoît à la pommade de civette dont on fe fert en- core à cet effet en Orient. Ce qu'ils ont dit de Tincertitude du fexe dans Thyane , con- vient encore mieux à la civette , car le mâle n'a rien d'apparent au dehors que trois ou- vertures tout-à-fait pareilles à celles de la femelle , h laquelle il reifemble fi fort par ces parties extérieures , qu'il n'eft guère poiîible de s'afTurerdu fexe autrement que par la diiTec- ùon ; l'ouverture au dedans de laquelle fe trouve la liqueur, ou plutôt l'humeur épaifTe du parfum, eft entre les deux autres & fur une même ligne droite qui s'étend de l'os facrum au pubis. ^ Une autre erreifr qui a fait beaucoup plus tle progrès que celle de Bellon, c'eft celle de Grégoire de Bolivar au fujet des climats où fe trouve l'animal civette : après avoir dit qu'elle eft commune aux Indes orientales & en Afrique , il aifure pofitivement qu'elle fe trouve auffi, & même en très grand nom- bre, dans toutes les parties de l'Amérique méridionale. Cette affertion qui nous a été tranTmife par Faber, a été copiée par Aldro- ■vande , & enfuite adoptée par tous ceux qui ont écrit fur la civette; cependant il eft cer- tain que les civettes font des animaux des climats les plus chauds de l'ancien continent , qui n'ont pu pafTer par le Nord pour aller dans le nouveau, & que réellement-St dans le fait, il n'y a jamais-eu en Amérique d'au- tres civettes que celles qui y ont été tranf* portées des isks Philippines & des côtes dtj dt la. Civette & du Zlhet. iji TAfrique. Comme cette aflertion de Bolivar eft pofitive, & que la mienne n'eft que né- gative, je dois donner les raifons p<îrticulie- res par lesquelles on peut prouver la fauf- feté du fait. Je cite ici les paflages de Faber en entier {m) pour qu'on foit en état d'en juger, ainfi que des remarques que je vais faire à ce fujet : i^. la figure donnée par Faber, pave. ^-3^, lui avoit été laifîee par Recchi fans description ( /z ) ; cette fip;ure a pour infcription , animal ^Lhethïcum Amerïcanum , (m^ Hoc animal ( libahicum fcilicet) nafcitur in mut-' lis Indix. orentalis atquç occident:: /is partifus , cujufmodi in orientali funt provinclct Btngala , Cdlan , Sumatra , Java major & miner , Malipur ac pliires alix. . . Li nova Hifpaniâ verb funt provincia. de Qi/atemaLt , Cim- pi^e , Nicaragua , de vera-Crucc , Florida & magna i/'/a infuis. Sancli Dominici , aut Hijvar.iala , Cuba , M.z:na~ lino , Gita^aLipa & alix. . . In regno Peruano aniT::jl hcc m^gnâ ccpiâ r^peritur . in Paraguay ^ Tucuma-^ , C^i^ rae;^anas , Sancia-Crua , ds la Sierra, Jungas ^ Andes, C/ùachi^poias , Qui:^os , Timana , novo ngno , & in cm'- nibus proyindis m.agno flumine Maragnone confini'pu- ^ ^ux circa hoc ferme fine numéro ad duo t^ucurtim mi/ fa funt extenft. Multo adhuc pLura ejufmodi animalia naf- cuntiir in Brafiliâ uhi msrcatura vel cambium \ihiihi fivi afgaliiz exercitatur. Nov« Hifp. anim. Nardi Antonii Recchi imagines & nomina, Joannis Fabri Lyncei ex- pofitione , p. 539. (/i) Voici ce que dit Faber dans fa préface an fujet de fes commentaires fur les animaux dont il va traiter. Non itaque fis ntfchis , hos in animalia auos modo commcntarios edimus , merd nofirâ confcriptos ejfe indufirid ac conjtclurâ ad quas nam animantium nof- irorum fpeciss illa reduci poffînt , cum in autcgrapho pra- tir nudum nomcn & exacîam piciuram de hifioriâ negri fuidem rcperiatur, p. 465, Z A 272 Hljîoln naturelle. elle ne reflemble point du tout à la civette ni au zibet , & repréfente plutôt un blai- reau; 2^. Faber donne la deicription & les figures de deux civettes , l'une femelle & l'autre mâle , lefquelles reffen^blent à notre zibet, mais ces civettes ne font pas le même animal (0) que celui de la première figure; & les deux fécondes ne repréfentent peint des animaux d'Amérique , mais des civettes de l'ancien continent que Fabius Columna , confrère de Faber à l'Académie des Lynceï 3 avoit fait deffiner à Naples , & defquelles il lui avoit envoyé la defcription & les figu- res : 3°. après avoir cité Grégoire de Boli- var au fujet des climats où fe trouve la ci- vette, Faber finit par admirer la grande mé.- moire de Bolivar (/'), & par dire qu'il a entendu de fa boucbe ce récit avec toutes fes circonftances. Ces trois remarques fuf- firoient feules pour rendre très fufpeâ: le prétendu animal :(ibethicum Ajnerïcanum 3 auln- bien que les affertions de Faber empruntées ( o ) Faber ell obligé de dire lui-même que ces fi- fig,ures Pxe fe reflemblent pas, Qiiantum hxc icon ab iUâ Mexicar.â différât ^ ipja . pagina ojlendit. Ego cH- matis & regionis diffirendam pliirimum pojfc non nego , p. jSi. {p) Miror profcclo Gregorii nofirî futnmam in animai liwn pcrij'uijîtioné^îndujlnam (y tenaciffimam ecrum qujt vidit unquam mcmoriûtn. Juro tihi , mi lecior, htzc om~ nia qii & lOî i c'eft de la civette de Guinée dont parle ici ce Voyageur.--- Je vis au Caire, dans la maifon d'un Vénitien , plufieurs animaux fiers extrêmement , de la grandeur prefque d'un chien couchant , mais plus gref- fiers & de forme toute femblable à nos clvats ; ils les appellent Chats mufqués, & les gardent dans des ca- ges Pour en venir à bout, & de peur qu'ils ne mordent, ils les tiennent féparément dans des ca- ges rie bois bien fortes , mais fi étroites que l'ani-nal ne peut pas s'y tourner Ils ouvrent enfuite la cage par derrière autant q'.i!il £âut pour tirer ies de la Civette & du Z'dtt, 177 ëes fucs de végétaux ^ comme du ladanum, du ftorax & d'autres drogues balfamiques & odoriférantes. Pour recueillir ce parfum, ils mettent l'animal dans une cage étroite où il ne peut fe tourner; ils ouvrent la cage par le bout, tirent l'animal par la queue, le, contraignent à demeurer dans cette fitua- tion en mettant un bâton à travers les bar- reaux de la cage , au moyen duquel ils lui gênent les jambes de derrière , eniuite ils font entrer une petite cuiller dans le fac qui contient le parfum, ils raclent avec foin toutes les parois intérieures de ce fac , ^ mettent la matière qu'ils en tirent dans un vafe qu'ils couvrent avec foin : cette opération fe répète deux ou trois fois par jambes de l'animal dehors fans qu'il puilTe fe tourner pour blefler celui qui le tient; & ayant ramaffé la civette, ils les remettent dedans, tenant toujours Ta- pimalbien ferré. J^oyage de Pietro dclla ValU. Rouen ^ I745 , tcme I ,' p. ^01. — Les civettes qu'on nomn?.e en Arabe Zibldcs , font naturellement faurages & fe tiennent dans les montagnes d'Ethiopie. On en tranf- porte beaucoup en Europe, car on les prend petites & on les nourrit dans des cages de bois bien fortes, où on leur donne à manger du lait , de la farine , du b'é cuit , du riz & quelquefois de la viande, &c. VA^ frique de Marmo/ , tome I, p. j-j. - — Voyez auflî le Voyage de Thévenot. Paris ^ ^664, tome I y p. ^^(f, r— Les civettes de l'isle de Java rendent bien autant de parfum que celles de Guinée , mais il n'eft pas fi blanc ni fi bon. Suite de la rdation d'Adam Oleanus , t^me II, p. ^fo. — In'igeriiz ita hoc , pigmentum adultérant ut aufim affirmare nullum [ibethum fincerum ad nos di- ferri. Prof. Alpin, Hiji, JEgy;pt^ Lugd, Bat, 1755 , page 239. 178 Hijîoîn naturelle femaine; la quantité de l'humeur odorante dépend beaucoup de la qualité de la nour- riture & de l'appétit de l'animal ; il en rend d'autant plus qu'il eft mieux & plus délica- tement nourri : de la chair crue & hachée , des œufs , du riz , de petits animaux , des oifeaux, de la jeune volaille, & furtout du poiffon, font les mets qu'il faut lui offrir, & varier de manière à entretenir fa fanté &. exciter fon goût; il lui faut très peu d'eau, & quoiqu'il boive rarement, il urine fréquemment, & l'on ne diftingue pas le mâle de la femelle à leur manière de pifler. Le parfum de ces animaux eft Ci fort, qu'il fe communique à toutes les parties de leur corps , le poil en eft imbu , & la peau pénétrée au point que l'odeur ( ^ ) s'en con- ferve long-temps après leur mort, & que ( * ) Le réfervoir qui contient la liqueur odorante de la civette, eft au-deffous de l'anus, ôc au-deffu$ d'un autre orifice fi femb'.able dans les deux (exes, que fans la difTeftlo.i toutes les civettes paroîtroient ftnrieUes. . . . Comme on a remarqué que les civettes font incommodées de cette liqueur , quand les vaifTeaux qui la contiennent en font trop pleins, on leur a trouvé auflî des mufdes dont elles fe fervent pour comprimer ces vaiffeaux & la faire fortir. Quoiqu'elle foit en plus grande quantité dans ces réferY:>'rs & qu'elle s V perfeftionne mieux, il y a lieu de croire qu'elle fè répand auflfi en fueur par toute la peau ; en effet , \é poil des deux civettes fentoit bon, & furtout celui dtl mâle étoit fi parfumé que quand on avoit palTélamaÏTt deffus , elle en confervoit long-temps une odeur agréa- ble. Hiftoire dé f Académie des Scunces âipuîs fon f.'^» bljffitnçnt, Faiis^ 1733* ^'^^^ liPt^ë^* ^^ ^ ^)« dt la Civette. & du Zihct, lya de leur vivant l'on ne peut en foutenir la violence , furtout û l'on eft enfermé dans le même lieu. Lorfqu'on les échauffe en les irritant, l'odeur s'exalte encore davantage, & ù on les tourmente jufqu'à les faire fuer, on recueille la fueur qui eft aufîi très par- fumée & qui fert à falfifier le vrai par- fum ou du moins à en augmenter le vo- lume. Les civettes font naturellement farouches & même un peu féroces; cependant on les apprivoife ailément , au moins affez pour les approcher & les manier fans grand danger : elles ont les dents fortes & tranchantes , mais leurs ongles font foibles & émouffés ; elles font agiles & même légères ; quoique leur corps foit affez épais, elles fautent comme les chats & peuvent aufli courir comme les chiens ; elles vivent de chafTe , furprennent & pourfuivent les petits animaux , les oifeaux ; elles cherchent comme les renards à entrer dans les bafle-cours pour emporter les vo- lailles; leurs yeux brillent la nuit, & il eft à croire qu'elles voient dans l'obfcurité. Lorf- que les animaux leur manquent , elles man- gent des racines & des fruits ; elles boivent peu & n'habitent pas dans les terres humi- des, elles fe tiennent volontiers dans les fables brûlans & dans les montagnes arides. Elles produifent en affez grand nombre dans leur climat, mais quoiqu'elles puiffent vivre ^dans les régions tempérées & qu'elles y ren- ^^ - dent , comme dans leur pays natal , leur li- queur parfumée, elles ne peuvent y multiplier: cll&s ont la voix plus forte & la langue moins a8o TIli%irc naturelle rude que le chat, leur cri reflemble affeza celui d'un chien en colère. On appelle en françois Civette l'humeur onclueuié & parfumée , que l'on tire de ces animaux; on l'appelle Zïhet qw Al^iiUia en Arabie, aux Indes & dans le Levant, où l'on en fait un plus grand ufage qu'en Eu- rope. On ne s'en fert prefque plus dans notre médecine, les parfumeurs & les con- fîfeurs en emploient encore dans le mélange de leurs parfums : l'odeur delà civette, quoi- que violente, eft plus fuave que celle du mufc; toutes deux ont pafîe de mode lorf- qu'on a connu l'ambre, ou plutôt dès qu'on a fu le préparer ; & l'ambre même qui étoit il n'y a pas long-temps , l'odeur par excel- lence, le parfum le plus exquis & le plus noble, a perdu de fa vogue , & n'eft plus du goût de nos gens délicats. LA Je la Geneth, LA GENETTE(a). ^oye:i planche X , figure j de. ce Volume. JLjA Genette efturl plus petit animal que les Civettes, elle a le corps alongé , les jambes courtes , le mufeau pointu , la tête effilée , le poil doux & mollet , d'un gris-cendré , brillant & marqué de taches noires ;, rondes & réparées fur les côtés du corps , mais qui fe réuniflent de fi près fur la partie du dos > qu'elles paroiffent former des bandes noires continues qui s'étendent tout le long du corps; elle a aulïi fur le cou & le long de l'épine du dos une efpèce de crinière ou de poil plus long , qui forme une bande noire & {a) Le Génette , en Efpagnol , Genewt* Genette. Bellon , Ohfcrv. foi. 73. Genetta. Gefner , hlfi. quadrup. p, 5-49. Gemtta. vel Glnetta. Ray , Synopf. quadrup. p, îOt. Majlela caudd annulis nigris al'oidifqiie cin'cia. Gc-^ netta. Linn. 5''.^?. nau edit. vi,p. 5. Qenetta Vivcnd. cauda annulmâ ^ corpore fulvo-nizrîcantc maculato. Syft. nar. eriit. x , page 45-. Nota. Que da genre des Muf- tela , elle a psiTé dans celui des Vivsrra-^ & qu'il en cil ainfi de la p'upErt des autres ?.nimaux que cet Au- teur, à chaque édition, change de genre fans en dcn- her aucune raifon. Mufîi' ^ cauàa ex anmilis alurnaûm alhidis & nigris variegaiâ. . . . Gemua, La Genette. Brififon , Rcg, A a aSi Hijloin naturdlt continue depuis la tète jufqu'à la queue, la- quelle ed auffi longue que le corps, & mar- quée de fept ou huit anneaux alternative- ment noirs & blancs Xur toute fa longueur; les taches noires du cou font en forme de bandes , & l'on voit au-defTous de chaque œil une marque blanche très apparente. La genette a fous la queue & dans le même endroit que les civettes , une ouverture ou fac dans lequel fe iîltre une efpèce de par- fum, mais foible & dont l'odeur ne fe con- l'erve pas : ç\\Ki eft un peu plus gr_ande que la fouine 3 qui lui reffemble beaucoup par la forme du corps auffi-bien que par le na- turel & par les habitudes; feulement il pa- roît qu'on apprivoife la genette plus aifé- ment :Bellon dit en avoir vu dans les mai- fons à Conflantinople , qui étoient auffi pri- vées que des chats j & qu'on laiffolt courir & aller par- tout, fans qu'elles fiffent ni mal ni dégât. On les a appelles chats de Conf- UrSinople ; chats d'Efpa^Tie , chats genette ; elles n'ont cependant rien de commun avec les chats que Tart d'épier & de prendre les fouris : c'eft peut-être parce qu'on ne les trouve guère que dans le Levant & en Ef- pa^jne qu'on leur a donné le furnom de leurs pays; car le nom même de genette ne vient point des langues anciennes, & n'eft proba- blement qu'un nom nouveau pris de quel- que lieu planté de genêt, qui, comme Ton fait , q{ï fort comm.un en Efpagne , 011 Von appelle auiîi genêts des chevaux d'une certaine race. Les Naturalises préteadent que la ge- nette n'habite que duns les endroits humides de la GinctH, î?5 & le long des ruiffeaux , & qu'on ne la trou- ve ni fur les montagnes , ni dans les ter- res arides. L'efpèce n'en eft pas nombreufe , du moins elle n'eft pas fort répandue ; il n'y en a point en France ni dans aucune autre province de l'Europe , à l'exception de l'Ef- pagne & de la Turquie. Il lui faut donc un climat chaud pour lubfifter & fe multiplier ; néanmoins il ne paroît pas qu'elle fe trouve dans les pays les plus chauds de l'Afrique & des Indes ; car la foflane , qu'on appelle genette de Madjgjfcar , eft une efpèce diffé- rente , de laquelle nous parlerons ailleurs. La peau de cet animal fait une fourrure légère & très jolie : les manchons de genette étoient à la mode il y a quelques années , & fe vendoient fort cher ; mais comme l'on s'eft avifé de les contrefaire en peignant de taches noires des peaux de lapins gris , le prix en a bailTé des trois quarts , & la mode en eft paifée. ê% i z 284 Hijloirc naturdU, DU LOUP NOI R. Voye^ planche IX , fig, 2 de ce Volume^ JiS. ous ne donnons la defcnption de cet animai que comme un fupplément à celle du loup , car nous les croyons tous deux de la même efpèce. Nous avons dit, dans Thiftoi- re du Loup {,a) , qu'il s'en trouve de tout blancs ti de tout noirs dans le nord de l'Eu- rope , &que ces loups noirs font pins grands que les autres: celui-ci eft venu du Cana- da, il étoitnoir fur tout le corps , mais plus petit que notre loup ; il avoir les oreilles un peu plus grandes, yplus droites & plus éloignées l'une de l'autre ; les yeux un peu plus petits , & qui paroilfoient auiîi un peu plus éloignés que dans le loup comrnun. Ces différences ne font, à notre avis, que des variétés trop peu confidérables pour féparer cet animal de l'efpèce du loup : la différence la plus fenfibie eft celle de la grandeur ; mais , comme nous l'avons déjà dit plus d'une fois, les animaux qui font communs aux deux con- tinens , c'eft-à-dire, ceux du nord de l'Eu- rope & ceux de l'Amérique feptentrionale , diffèrent tous par ia grandeur , & ce loup (a) Voyez dans le Volume II de cette Hiûoir^ naturelle, l'article du Loup^ p. 139* du Loup noir, ^85 noir de Canada plus petit que ceux de l'Eu- rope 3 nous paroit feulement confirmer ce fait général; d'ailleurs comme il avoit été pris tout petit, & enfuite élevé à la chaîne , la contrainte feule a peut-être fuffi pour l'empêcher de prendre tout fon accroiffe- ment:nos loups ordinaires font aulîi plus pe- tits & moins communs en Canada qu'en Eu- rc*pe , & les Sauvages en eftiment fort la peau \b) : les loups noirs , les loups - cerviers , les renards y font en plus grand nombre. Cependant le renard noir y eft aulTi fort rare; il a le poil infinimentiplus beau quel^ loup hoir , dont la peau ne peut faire qu'une fourrure affez groffière. Nous n'ajouterons rien de plus à la def- cription que M. Daubenton a faite de cet animal que nous avons vu vivant , & qui nous a paru refTembler au ioup , non- feule- ment par la figure , mais par le naturel , n'étant devenu déprédateur qu'avec l'âge (c), & n'ayant , comme le loup , qu'une férocité fans courage qui le rendoit lâche au combat quoiqu'il y fût exercé. (b) Voyage de Sagard Théodat. Paris , 1^32 p. ■J07. ( c ) Voyez dans le Folume 7/ de cette Hiftoire iva- tiiteile, l'article du Loup, p. i4i» cSV'.'^ 286 Hljljirc naturelle L' O xN D A T R A (a), £ T LE DESMAN {b). Voyei planche IF, fy. ^ & 4 de ce Volume. J«j 'ondatra & le Derman font deux ani- maux qu'il ne faut pas confondre , quoiqu'on les ait appelles tous deux Rats mufquès , & qu'ils aient quelques caractères communs ; il faut aufii les diftinguer du pilori ou rat mulqué des Antilles ; ces trois animaux font d'efpèces & de climats difFérens. L'ondatra ( lairir à les voir manger Se faire leurs petits tours qiiandi ils font jeunes. J'en avois un très joli ; je le nourrif- foîs du blanc des joncs & d'une certaine herbe fem-» blable au chien-dent ,* je faifois de ce petit animal tout ce que je voulois, fans qu'il me mordît aucune- ment, auffi n'y font-ils pas fujetSe; Voyage de Sagard Théodat, Paris i 1632 , page 522 & p^. Nota. Que îa plante dont M. Sarrafm dit que le rat mufqué fe nourrit le plus volontiers eft le Calamus aroma-^ HeuSt Ge 1^^ Hifioirt naturelle , &c, & ce n*eft que dans les climats chauds qu^orf trouve les animaux qui fourniffent le vrat Biufc y la civette & les autres parfums. Le defman ou rat mufqué de Mofcovi-è nous ofFriroit peut-être des fingularités re- marquables & analogues à celles de l'ondatra > mais il ne paroît pas qu'aucun Naturalifte ait été à portée de Texaniiner vivant , nî de le difféquer; nous ne pouvons parler nous- mêmes que de fa forme extérieure , celui qui eft au Cabinet du Roi ayant été envoyé de Lapponie dans un état de d^fsèchement qui n'a pas permis à'Qïi faire la difle£iion ; je n'ajouterai donc , à ce que j'en ai déjà ^it, que le feul regret de a'«n pas favoir ibvantage. FIN du troifième volume. TABLE De ce qui eu contenu dans ce Volume, Â~dE Surmulot. X âge $» La Marmotte^ 9 VOurs. i8. Le Caflon 34* Le Raton» 6i Le Coatu 65. L'^goutL 70. Le Lion, 75- Les Tigres, lOT. Animaux de Vancien Continent* 106. Animaux du nouveau Monde. 136. Animaux communs des deux Conûnens, 150. Le Tigre. 184. La Panthère y VOnçe & le Lhfari. 199. Le Jaguard, 2.22; a TABLE.. Lt Coupiar. il9* Le Lynx ou Loup-cervur. 233. Le CaracaL 246* VHyane. 25'0. La Civette & le Zlbet, 263, La G e nette. 181* Un Loup noir. 284. j^Ondatra & le Defmantk 286. Fin de la table du tome îXL ;r^ ^