• » , - .-* ' '*• rrA ®iîf S- M. Bill îltbrara Nortt; âlaroltna ^tat^ CHolUg^ This book was presented by Fred S. Barkalow aKCiÂL COLLECTIONS B79 V.7 This book must not be taken from the Library building. -MARCH 65 FORM 2 HISTOIRE NATURELLE. GÉNÉRALE ET PARTICULIERE, Par m. le COMTE de BUFFON, Intenda^tt du Jardin du Roi , de l'Académie Françoise et dï celle des Sciences « &c. Quadrupldcs, Tome IV. 'l'//r/ AUX DEUX-PONTS, ChezSANSON & Compagnie. M. DGC. LXXX\ 11. AVERTISSE xM EN T. \^ OM ME Us détails dt CHiJloire NatU'* rdU ne. font imérejjans que pour ceux qjil 5* appliquent uniquement à cette, fcitnct , & qui dans une txpojîtion ûujjî longîu qtu celle d4 Œijloin particulihn di tous lês Animaux , il rkgns nkcjjliinmmt trop ^uniformité , nous avons cru qu^ la plupart de nos Lccîeurs nous fanroient ^ri di, couper de temps en temps U fil d\inc méthode qui nous contraint , par des Dif i^ours dans lefquels nous donnerons nos ré* flexions fur la Nature en général , 6* traite^ rons de fes effets en grand. Nous retourne- rons enfuice à nos détails avec plus de cou- rage ; car f avoue quilenfautpoursoccu' per continuellement de petits objets dont l'examen exige la plus froide patience , & ne pzrnut rien au génie. £■ iJ§ DE LA NATURE. PREMIERE VUE. JL/A Nature eft le fyftème des loix éta- blies par le Créateur, pour l'exiftence des cho(es & pour la fucceffion des êtres. La Na- ture n'eil point une chofe, car cette choie feroit tout ; la Nature n'eft point un être , car cet être feroit Dieu ; mais on peut la confidérer comme une puiflance vive, im- menfe , qui embraffe tout , qui anime tout , &. qui, fubordonnée à celle du premier Etre , n'a commencé d'agir que par Ton ordre, & n'agit encore que par ion concours ou Ton conlentement. Cette puiffance eft de la Puif- fance divine la partie qui le manifefte ; c'eft en même temps la caufe & l'effet, le mode oL la fubilance , le deffein & l'ou- vrage ; bien différente de l'art humain, dont les productions ne font que des ou- vrages morts j la Nature eft elle-même un ou- vrage perpétuellement vivant , un ouvrier fans ceffe aélif, qui fait tout employer , qui travaillant d'après foi même , toujours iur le même fonds, bien loin de Tépuiferle rend inépuifabie : le temps , l'erpace & la matière font fes moyens, l'Univers fon ob- jet, le mouvement & la vie fon but. Les effets de cette puiffance font les phé- a iv VîiJ De la Nature, rjomènes du monde; les reflbrts qu'elle em- ploie font des forces vives , que l'efpace & le temps ne peuvent que mefurer & li- miter fans jamais les détruire ; des forces qui fe balancent, qui fe confondent, qui s'oppofent fans pouvoir s'anéantir ; les unes pénètrent & tranfportent les corps , les au- tres les échauffent & les animent ; l'attrac- tion & Timpulfion font les deux principaux inftrumens de l'aclion de cette puiiTance fur les corps bruts , la chaleur & les molécules organiques vivantes font les principes actifs qu'elle met en œuvre pour la formation & le développement des êtres organifés. Avec de tels moyens que ne peut la Na- ture ? Elle pourroit tout fi elle pouvoit anéan- tir & créer ; mais Die^ s'eit réfervé ces deux extrêmes de pouvoir : anéantir & créer font les attributs de la toute- puiiTance ; al- térer, changer, détruire, développer, re- nouveler, produire, font les feuls droits qu'il a voulu céder. Minière de fes ordres irrévocables, dépofitaire de fes immuables décrets j la Nature ne s'écarte jamais dt^s loix qui lui ont été prefcrites; elle n'altère rien aux plans qui lui ont été tracés, & dans tous fes ouvrages elle préfente le (ceau de l'Eternel : cette empreinte divine , proto- tipe inaltérable des exigences , eft le mo- dèle fur lequel elle opère; modèle dont tous les traits font exprimés en caractères ineffa- çables , & prononcés pour jamais : modèle toujours neuf, que le nombre des moules ou des copies , quelqu'infîni qu'il foit , ne fait que renouveler. Première vue» îx Tout a doni: été créé, & rien encore ne s*e{l anéanti ; la Nature balance entre ces deux limites fans jamais approcher ni de l'une ni de l'autre ; tâchons de la iaifir dans quelques points de cet efpace immenfe qu'elle remplit & parcourt depuis l'origine des fiè- cles. Quels objets l Un volume immenfe de matière qui n'eut formé qu'une inutile, une épouvantable mafle , s'il n'eût été divifé en parties féparées par des efpaces mille fois plus immenfcs; mais des milliers de globes- lumineux , placés à des diftances inconceva- bles, font les bafes qui fervent de fonde- ment à l'édifice du monde ; des m.iilions de globes opaques, circulant autour des pre- miers , en compofent l'ordre & l'architedure mouvante .-deux forces primitives agitent ces grandes maffes , les roulent, les tranfpor- tent & les animent; chacune agit à toutinf- tant , & toutes deux combinant leurs ef- forts , tracent les zones des fphères céleftes , établiiTent dans le milieu du vide des lieux fixes & des routes dérerminées ; & c'eft du fein même du mouvement que naît l'équi- libre des mondes & le repos de l'Univers. La première de ces forces eft également répartie ; la fecor.de a été diftribuée en mefure inégale : chaque atome de matière a une même quantité de force d'attraftion, cha- que globe a une quantité différente de force d'impulfon; aufîi eft-il des aftres fixes & des aftres errions , des globes qui ne femblent être faits que pour attirer , & d'autres pour pouf- fer ou pour être pouÎTés ^ des fphères qui ont X Dt la Nature, reçu une impulfion commune dans le mémt fens, & d'autres une impuifion particulière, des aftres folitaires & d'autres accompagnés de fatellites , des corps de lumière & des inaffes de ténèbres , des planètes dont les dif- férentes parties ne jouifient que fucceflive- ment d'une lumière empruntée , des comètes qui fe perdent dans l'obfcurité des profon- deurs de refpace , & reviennent après des fiècles fe parer de nouveaux feux; des tbleils qui paroifTent, difparoifTent & femblent alter- nativement fe rallumer & s'éteindre, d'autres qui fe montrent une fois & s'évanouiffent enfuite pour jamais. Le ciel eft le pays des grands événemens; mais à peine l'œil humain peut-il les faifir : un foleil qui périt & qui caufe la cataflrophe d'un monde ou d'un fyf- tème de monde, ne fait d'autre effet à nos yeux que celui d'un feu follet qui brille & qui s'éteint : l'homme borné à l'atome terres- tre fur lequel il végète , voit cet atome com- me un monde , & ne voit les mondes que comme des atomes. Car cette terre qu'il habite , à peine recon- noiffable parmi les autres globes, & tout-à- fait invifible pour les fphères éloignées, eft un million de fois plus petite que le foleil qui réclaire , & mille fois plus petite que d'autres planètes qui comme elle font fubor- données à la puiffance de cet aftre , & for- cées à circuler aiTtour de lui. Saturne , Ju- piter, Mars, la Terre, Vénus , Mercure Ôi le Soleil occupent la petite partie des cieux que nous appelions notre Univers, Toutes ces planètes avec leurs iateliites j entraînées piur Pnmicn vih, xj un mouvement rapide dans le même fens & prefque dans le même plan , compofent une roue d'un vafte diamètre dont l'effieu porte foute la charge, & qui, tournant lui-même avec rapidité, a dû s'échaufFer, s'embrafer & répandre la chaleur & la lumière jufqu'aux extrémités de la circonférence : tant que ces mouvemens dureront ( & ils feront éternels, à moins que la main du premier Moteur ne s'oppofe & n'emploie autant de force pour les détruire qu'il en a fallu pour les créer), le Soleil brillera & remplira de fa fplendeur toutes les fphères du monde ; & comme dans un fyftème où tout s'attire , rien ne peut ni fe perdre ni s'éloigner fans retour, la quan- tité de matière reilant toujours la même , cette fource féconde de lumière & de vie ne s'épiiiiéra , ne tarira jamais ; car les autres foleils qui lancent auffi continuellement leurs feux , rendent à notre foleil tout autant de lumière qu'ils en reçoivent de lui. Les comètes , en beaucoup plus grand nom- bre qu'e les phinètes , & dépendantes comme elles de la puiffance du foleil , preffent aufli fur ce foyer commun, en augmentent la char- ge, & contribuent de tout leur poids à fon embrafement : elles font partie de notre Uni- vers , puifqu'elles font fujettes , comme les planètes, à l'atrraélion du Soleil , mais elles n'ont rien de commun entr'elles ni avec les planètes dans leur mouvement d'impulfion; elles circulent chacune dans un plan dlfFé- rent & décrivent des orbes plus ou moins alongés dans des périodes difrérentes de l^mps , dont les unes font de piufieurs aa- xij Dtla Kature» nées , & les autres de quelques fiècles : lô Soleil tournant fur lui-même , mais au refte immobile au milieu du tout^ fert en même temps de flambeau , de foyer , de pivot , à tou- tes ces parties de la machine du monde. C'eft par fa grandeui même qu'il demeure immobile & qu'il régit les autres globes ; comme la force a été doiinée proportionnel- lement à la mafle , qu'il qH incomparablement plus grand qu'aucune des comètes, 6: qu'il contient mille fois plus de matière que la plus grofTe planète , elles ne peuvent ni le déranger , ni fe fouftraire à fa puifTance , qui s'étendant à des diOances immenfes , les contient toutes ^ &. lui ramène au bout d'un temps celles qui s'éloignent le plus; quel- ques-unes même à leur retour s'en approchent de fi près , qu'après avoir été refroidies pen- dant des fiècles, elles éprouvent une chaleur inconcevable; elles font fujettes à des vicif- fitudes étranges par ces alternatives de cha- leur & de froid extrêmes , aufïi-bien que par les inégalités de leur mouvement , qui tantôt eft prodigieufement accéléré & enfuite infini- ment retardé : ce font, pour ainfi dire, des mondes en déiordre , en comparaifon des planètes, dont les orbites étant plus réguliè» res , les mouvemens plus égaux , la tempé- rature toujours la même , femblent être des Jieux de repos, où tout étant confiant, la Nature peut établir un plan, agir uniformé- ment , fe développer fucceffivement dans toute fon étendue. Parmi ces globes choifis entre les aftres errans , celui que nous habi- tons paroît encore être privilégié : moins Première vue, xiij froid , moins éloigné que Saturne , Jupiter , Mars , il eft aufli moins brûlant que Vénus & Mercure qui paroifîent trop voifins de l'aftre de lumière. Aufïï avec quelle magnificence la Nature ne brille-t-elle pas fur la terre? Une lumière pure s'étendant de l'orient au couchant, dore Juccelîivement les hémifphères de ce globe ; un élément tranfparent & léger l'environne ; une chaleur douce & féconde anime , fait éclore tous les germes de vie ; des eaux vives & falutaires fervent à leur entretien , à leur accroiflement; des éminences diftribuées dans le milieu des terres arrêtent les vapeurs de l'air , rendent ces fources intariflables & toujours nouvelles ; des cavités immenfes faites pour les recevoir , partagent les conti- nens : l'étendue de la mer eft auffi grande que celle de la terre ; ce n'eft point un élément froid & ftérile , c'eft un nouvel empire aufli riche , aufîi peuplé que le premier. Le doigt de Dieu a marqué leurs confins ; fi la mer an- ticipe fur les plages de l'occident , elle laifle à découvert celles de l'orient : cette mafle immenfe d'eau , inaftive par elle-même , fuit les impreffions des mouvemens céleftes , elle balance par des ofcillations régulières de flux & de reflux , elle s'élève & s'abaiffe avec l'af- tre de la nuit , elle s'élève encore plus lorf- qu'il concourt avec l'aftre du jour, & que tous deux réuniiTant leurs forces dans le temps 4es équinoxes , caufent les grandes marées : notre correfpondance avec le- ciel n'eft nulle part mieux marquée. De ces mouvemens conf- , tans & généraux réfuitent des mouvemens Xiv De la Nature. variables & particuliers , des tranfports de terre , des dépôts qui forment au fond des éminences femblables à celles que nous voyons fur la furface de la terre : des courans qui , fuivant la direélion de ces chaînes de monta- gnes, leur donnent une figure dont les an- gles fe correfpondent , & coulant au milieu des ondes comme les eaux coulent fur la terre , font en effet hs fleuves de la mer. L'air encore plus léger, plus fluide que l'eau, obéit aufli à un plus grand nombre de puiflances ; l'adion éloignée du Soleil & de la Lune , Taftion immédiate de la mer , celle de la chaleur qui le raréfie , celle du froid qui le condenîe , y caufent des agi- tations continuelles: les vents font fes cou- rans , ils pouffent , ils affemblent les nua- ges , ils produifent les météores & tranf- portent au-defTus de la furface aride des con- tinens terreftres les vapeurs humides des plages maritimes ; ils déterminent les ora- ges, répandent & diflribuent les pluies fé- condes & les rolées bienfaifantes ; ils trou- blent les mouvemens de la mer ; ils agitent la furface mobile des eaux , arrêtent ou pré-, cipitent les courans , les font rebrouffer , foiilèvent les flots , excitent les tempêtes , la mer irritée s'élève vers le ciel, & vient en mugiffant fe brifer contre des digues iné- branlables qu'avec tous {qs efforts elle ne peut ni détruire ni furmonter. La tetre élevée au -delfus du niveau de la mer ^ eft à l'abri de les irruptions; fa furface émaiilée de fleurs, parée d'une verdure tou- jours renouvelée , peuplée de mille & miik Première vue» ^f «fpèces d*animaux difFérens , eft un lieu de repos , un féjour de délices , où l'homme placé pour féconder la Nature , préfide à tous les êtres ; feul entre tous , capable de connoître & digne d'admirer , Dieu l'a fait fpe£tateur de l'Univers & témoin de fes mer- veilles; 1 étincelle divine dont il eft ani- mé le rend participant aux myftères divins ; c'eft par cette lumière qu^il penfe & réflé- chit , c'eft par elle qu'il voit & lit dans le livre du monde , comme dans un exemplaire de la Divinité. La Nature eft le trône extérieur de la ma- gnificence Divine; l'homme qui la contem- ple , qui l'étudié , s'élève par degrés au trône intérieur de la toute-puiffance ; fait pour adorer le Créateur , il commande à toutes les créatures ; vaflal du Ciel , roi de la Terre y il l'ennoblit , la peuple & l'en- richit ; il établit entre les êtres vivans l'or- dre , la fubordination , l'harmonie ; il em- bellit la Nature même^ il la cultive, l'é- tend & la polit ; en élague le chardon & la ronce , y multiplie le raifin & la rofe. Voyez ces plages défertes , ces triftes con- trées où l'homme n'a jamais réfidé, cou- vertes ou plutôt hériflees de bois épais & noirs dans toutes les parties élevées , des arbres fans écorce & fans cîme , courbés , rompus, tombans de vétufté ; d'autres en plus grand nombre giffans au pied des pre- miers , pour pourrir fur des monceaux déjà pourris , étouffent , enféveliffent les germes prêts à éclore. La Nature, qui par- tout ail- leurs brille par fa jeuneiTe, paroit ici dans xvj -^^ ^^ Nature, la décrépitude : la terre furchargée par le poids , furmontée par les débris de fes pro- dudions , n'offre au lieu d'une verdure flo- rilîante , qu'un efpace encombré, traverfé de vieux arbres charges de plantes parafites, de lichens , d'agarics , fruits impurs de la corrup- tion : dans toutes les parties baffes , des eaux mortes & croupiffantes faute d'être conduites & dirigées ; des terreins fangeux , qui n'étant ni folides ni liquides , font inabordables , & dé- meurent également inutiles aux habitans de la terre & des eaux ; des marécages qui , couverts de plantes aquatiques & fétides , ne nourriffent que des infeftes vénéneux & fervent de repaire aux animaux immon- des. Entre ces marais infe<5i:s qui occupent les lieux baSj & les forêts décrépites qui couvrent les terres élevées , s'étendent des efpèces de landes , des favanes qui n'ont rien de commun avec nos prairies ; les mauvaifes herbes y furmontent, y étouf- fent les bonnes; ce n'eft point ce gazon fin qui femble faire le duvet de la terre , ce n'eft point cette peloufe émaillée qui annonce fa brillante fécondité; ce font des végétaux agreftes , des herbes dures , épi- neufes , entrelacées les unes dans les au- tres , qui femblent moins tenir à la terre qu'elles ne tiennent entr'elles , & qui fe defféchant & repouffant fuccéflivement les unes fur les autres , forment une bourre grof- fiere , épaiffe de plufieurs pieds. Nulle rou- te , nulle communication , nul veftige d'in- telligence dans ces lieux fauvages ; l'hom- me obligé de fuivre let fentiers de la bête farouche , Première vue, , ivij fafouche , s'il veut les parcourir , con- traint de veiller fans cefTe pour éviter d'en devenir la proie .; effrayé de leurs riigiffe- mens, faifi du fdence même de ces profon- des folitudes , il rebroufîe chemin & dit : la Nature brute eft hideufe & mourante , c'eftMoi,Moi feulqui peut la rendre agréa- ble & vivante : defféchons ces marais, ani- mons ces eaux mortes en les faifant cou- ler ; formons-en des ruiffeaux , des canaux , employons cet élément a£tif & dévorant qu'on nous avoit caché & que nous ne de- vons qu'à nous-mêmes; mettons le feu à cette bourre fuperflue , à ces vieilles fo- rêts déjà à demi confommées; achevons de détruire avec le fer ce que le feu n'aura pu confumer : bientôt au lieu du jonc , du nénuphar, dont le crapaud compofoit (oa venin , nous verrons paroitre la renoncule , le trèfle , les herbes douces & falutaires ; des troupeaux d'animaux bondiffans fouleront cette terre jadis impraticable ; ils y trouve- ront une fubfiftance abondante, une pâture toujours renaiflante ; ils fe multiplieront pour fe multiplier encore : fervons-nous de ces nouveaux aides pour achever notre ouvrage ; que le bœuf foumis au joug , emploie fes forces & le poids f^;:. fa maflé à filionner la terre , qu'elle rajeuniffe par la culture ; une Nature nouvelle va fortir de nos mains. ^ Qu'elle eft belle , cette Nature cultivée ! que , par les foins de l'homme , elle eft bril- ^lante & pompeufement parée! lien fait lui- même le principal ornement , il en eft la pro- duction la plus noble ; en fe multipliant , il b xviij De la Nanirs, ^en tnultiplie le germe le plus précieux : elle- même aiiîîi femible fe multiplier avec lui > il met au jour par fon art tout ce qu'elle recetoit dans Ton fein ; que de tréfors igno- rés , que de richeffes nouvelles ! Les fleurs, les fruits , les grains perfectionnés , multi- pliés à l'infini , les efpèces utiles d'animaux, tranfportées , propagées , augmentées fans nombre ; les efpèces nuifibles réduites , con- finées , reléguées : l'or, & le fer plus nécef- faire que l'or , tirés des entrailles de la ter- re: les torrens contenus ^ les fleuves diri- gés, refTerrés; la mer même foumife , re- connue , traverfée d'un hémifphère à l'autre ; la terre accefïïble par-tout ^ par-tout ren- due auiii vivante que féconde : dans les "vallées , de riantes prairies, dans les plaines de riches pâturages ou des moifîbns encore plus riches ; les collines chargées de vignes & de fruits , leurs fommets couronnés d'ar- bres utiles & déjeunes forêts ; les déferts de- venus des cités habitées par un peuple im- menfe , qui circulant fans ceffe , fe répand de ces centres jufqu'aux extrémités ; des routes ouvertes & fréquentées , des communications établies par-tout comme autant de témoins de la force & de l'union de la fociété ; mille autres monumens de puifTance & de gloire démontrent affez que l'homme, maître du domaine de la terre , en a changé , renou- velé la furface entière , & que de tout temps il partage l'empire avec )a Nature. Cependant il ne règne que par droit de conquête ; il jouit plutôt qu'il ne pofsède, ii ne coiffer ve que par dts foins toujouïs Prcînicre vue, xix renouvelés; s'ils cefTent , tout languit ^ tout s'altère , tout change, tout rentre fous la main de Nature : elle reprend fes droits , efface les ouvrages- de l'homme, couvre de pouffiere & de mouiTe fes plus faftueux mo- numens , les détruit avec le temps , & ne lui laiffe que le regret d'avoir perdu par fa faute ce- que fes ancêtres avoient conquis par leurs travaux. Ces temps où l'homme perd fon domaine , ces fiècles de barbarie pendant lefquels tout périt , font toujours préparés par la guerre , & arrivent avec la difette & la dépopulation. L'homme , qui ne peut que par le nombre , qui n'eft fort que par fa réunion , qui n'eft heureux que par la paix , a la fureur de s'armer pour fon mal- heur & de combattre pour fa ruine : excité par l'infatiable avidité, aveuglé par l'ambi- tion encore plus infati?vble , il renonce aux fentimens d'humanité , tourne toutes fes for- ces contre lui-même , cherche à s'entre-dé- truire , fe détruit en effet ; & après ces jours de fang & de carnage f' lorfque la fum.ée de la gloire s'eft diiSpée , il voit d'un œil trifte la terre dévaftée , les arts enTéveiis, les na- tions difperfées , les peuples aftoiblis , fon propre bonheur ruiné , & fa puillance réelle £?néantie. GRAND DIEU l dont la feule préfence foutient la Nature & maintient r/urmonie des hlx de r Univers ; Vous qui du trône iimnobilc de l'Empiré^, voycz_ rouler fous vos pieds toutes Us 'fphères célefics fans choc & fans ccnfufion ; Q v f du fàn du repos reprcduife^ à chr^que injlant leurs b'ij XX De la Nature. mouvemens Immenfes , & feul régiffe^ dans une paix profonde ce nombre infini de deux & de mon^ des ; rende:^ , rende:^ enfin le calme à la Terre agitée ! Qii elle fo'it dans le ftlence ! qu'à votre voix la dif' corde & la guerre cejfent de faire retentir leurs cla~ meurs ors^ueilkufes ! Dieu de bonté , Auteur de tous les êtres , vos regards paternels embrajfent tous les objets de la création ; mais Vhomme ejl votre être de choix ; vous ave^i^ éclairé fon ame d'un rayon de votre lumière immortelle ; comble:^ vos bien- faits en pénétrant fon cœur d'un trait de votre amour : ce fentiment divin fe répandant par-tout , réunira les natures ennemies ; l homme ne craindra plus l'afpeiî de l'homme , le fer homicide n armera plus fa main ; le feu dévorant de la guerre ne fera plus tarir la fource des générations ; Vefpéce hu' jnaine, maintenant affoiblie, mutilée , moijjonnée dans fa fleur , germera de nouveau & fe multipliera fans nombre ; la Nature accablée fous le poids des fléaux^ flérile, abandonnée , reprendra bientôt avec ^ une nouvelle vie fon ancienne fécondité ; 6* nous , Dieu bienfaiteur ^ nous la féconderons ^ nous la cultiverons , nous Vobfcrverons fans cejfje pour vous offrir à chaque infîant un nouveau tribut de reconnoiffance 6» d'admiration. t^n m DE LA NATURE. SECONDE VUE. \J N individu , de quelque efpèce qu'il foit, n'eft rien dans l'Univers; cent individus , mille ne font encore rien : les efpèces font les feuls êtres de la Nature ; êtres perpé- tuels , aufli anciens , auffi permanens qu'elle , que pour mieux juger, nous ne confidérons plus comme une colleftion ou une fuite d'individus femblables , mais comme un tout indépendant du nombre , indépendant du temps ; un tout toujours vivant , toujours le même ; un tout qui a été compté pour un dans les ouvrages de la création, & qui par conféquent ne fait qu'une unité dans la Nature. De toutes ces unités , l'efpèce hu- maine eft la première ; les autres , de l'élé- phant jufqu'à la mite, du cèdre jufqu'à l'hy- ibpe , font en féconde & en troifième li- gne : & quoique différente par la forme , par la fubftance & même par la vie , cha- cune tient fa place , fubfirte par elle-même , fe défend des autres , & toutes enfemble compofent & repréfentent la Nature vi- vante , qui fe maintient & fe maintiendra comme elle s'eft maintenue : un jour, un fiècle , un âge , toutes les portions du temps ne font pas partie de fa durée ; le temps lui-même n'eft relarif qu'aux individus , aux xxij Dt la Nature, êtres dont Texiftence eft fugitive ; mais cclî« des efpèces étant conftante , leur permanence fait la durée , & leur différence le nombre» Comptons donc les efpèces comme nous l'a- vons fait, donnons-leur à chacune un droit égal à la menfe de la Nature; elles lui font toutes également chères , puifqu'à chacune elle a donné les moyens d'être , & de du- rer tout auin longtemps qu'elle. Faifons plus , mettons anjourd'hui l'ef- pèce à la place de l'individu ; nous avons vu quel étoit pour l'homme le fpeffcacle de la Nature, imaginons quelle en feroit la vue pour un être qui repréfenteroit l'efpèce humaine entière. Lorfque dans un beau jour de printemps, nous voyons la verdure re- naître , les fleurs s'épanouir , tous les ger- mes éclore , les abeilles revivre , l'hiron- delle arriver, le rofîîgnol chanter Tamour , le bélier en bondir , le taureau en mugir , tous les êtres vivans fe chercher &: fe join- dre pour en produire d'autres; nous n'avons d'aurre idée que celle d'une reproduftion & d'une nouvelle vie. Lorfque , dans la faiXon noire du froid & des frimats , l'on voit les natures devenir indifférentes , fe fuir au îieu de fe chercher, les habitans de l'air déferter nos climats , ceux de l'eau perdre leur liberté fous des voûtes de glace , tous les infe6les «ifparoître ou périr, la plu- part des animaux s'engourdir, fe creufer des retraites , la terre fe durcir, les plantes fe fécher, les arbres dépouillés fe courber , s'afFaiiTer fous le poids de la neige & du givre; tout prcfente l'iviée de la langueur Se Seconde vui* xxîif de ranéantifîement. Mais ces idées de renou- vellement & de deftrutVion , ou plutôt c€S inisges de la mort & de la vie , quelque grandes, quelque générales qu'elles nous paroiflent, ne font qu'individuelles & par- ticulières; riiomme , comme individu , juge ainfi la Nature; l'être que nous avons mis à la place de l'efpèce la juge plus grande- ment , plus généralement, il ne voit dans cette deftruôion , dans ce renouvellement, dans toutes ces fucceffions que permanence &: durée; la faifon d'une année eft pour lui la même que celle de l'année précédente , la même que celle de tous les fiècles; le millième animai dans l'ordre des générations, eft pour lui le même que le premier animaL Et en effet , û nous vivions , fi nous fub- fiftions à jamais , Ci tous les êtres qui nous environnent fubriftoient auffi tels qu'ils font pour toujours , Si que tout fût perpétuelle- nient comme tout eft aujourd'hui , l'idée du temps s'évanouiroit & l'individu deviendroit l'efpèce. Eh pourquoi nous refuferions - nous de confîdérer la Nature pendant quelques inftans fous ce nouvel afpeâ: ? à la vérité l'homme en venant au monde arrive des ténèbres ; l'ame aufli nue que le corps , il naît fans^ connoiflance comme fans défenfe , il n'ap- porte que des qualités pailives , il ne peut que recevoir les impreffions des objets & laiffer affeéler fés organes ; la lumière brille >ong -temps à fes yeux avant que de l'é- clairer ; d'abord il reçoit tout de la Nature & ne lui rend rien : mais dès que fes fens font xxiv Dt lu Nature, aifermis , dès qu'il peut comparer Tes fenfa- tions , il fe réfléchit vers l'Univers , il for- me des idées , il les conferve , les étend , les combine ; l'homme , & fur-tout l'hom- me inftruit, n'eft plus un fimple individu ; il repréfente en grande partie l'efpèce hu- maine entière , il a commencé par rece- voir de fes pères les connoiflances qui leur avoient été tranfmifes par fes aïeux ; ceux-ci i ayant trouvé l'art divin de tracer la penfée & de la faire pafl'er à la pofté- rité, fe font , pour ainfi dire , identifiés avec leurs neveux-, les nôtres s'identifieront avec nous; cette réunion, dans un feul homme, de l'expérience de plufieurs fiècles , recule à l'infini les limites de fon être ; ce n'eft plus un individu fimple , borné , comme les autres , aux fenfations de i'inflant préfent , aux expériences du jour a<5luel;c'eft à peu- près l'être que nous avons mis à la place de l'efpèce entière ; il lit dans le palfé » voit le préfent, juge l'avenir; & dans le torrent des temps qui amène , entraîne ^ abforbe tous les individus de l'Univers , il trouve les efpèces confiantes, la Nature in- variable : la relation des cnofes étant tou- jours la même, Tordre des temps lui paroît nul ; les loix du renouvellement ne font que compenfer à fes yeux celles de fa perma- nence : une fuccefîion continuelle d'êtres , tous femblables entr'eux ^ n'équivaut , en efîet , qu^à l'exiftence perpétuelle d'un feul de ces êtres. A quoi fe rapporte donc ce grand appa- reil des générations . cette immenfe profu- fion Seconde vue, xxv fion de germes , dont il en avorte mille & mille pour un qui réuflit? qu'eft-ce que cette propagation , cette multiplication des êtres , qui le détruisant & fe renouvelant fans cefl'e , n'offrent toujours que la même fcène , & ne rempliffent ni plus ni moins la Nature ? d*oii viennent ces alternatives de mort &. de vie , cesloix d'accroiiTement & de dépériffement , toutes ces viciflitudes individuelles , toutes ces repréfentations renouvelées d'une feule & mèm€ chofe ? elles tiennent à l'eflence même de la Nature , & dépendent du pre- mier établifTement de la machine du monde; ftxe dans, fon tout & mobile dans chacune de Tes parties , les mouvemens généraux des corps céleftes ont produit les mouvemens particuliers du globe de la Terre ; les forces pénétrantes dont ces grands corps font ani- més , par lefquelles ils agiffent au loin 6c réciproquement les tms fur les autres , ani- ment auiîi chaque atome de matière^ & cette propenfion mutuelle de toutes ces parties les unes vers les autres eft le premier lien des êtres 3 le principe de la confiftance des cho- fes , & le foutien de Iharmonie de l'Univers. Les grandes combinaifons ont produit tous les petits rapports : le m.ouvementde la Terre fur fon axe ayant partagé en jours & en nuits les efpaces de la durée , tous les êtres vi- vans qui habitent la terre ont leur temps de lumière & leur temps de ténèbres , la veille & le fommeil : une grande portion de l'économie animale , celle de l'aftion des fens & du mouvement des membres , eft relative à cette première combinaifon. Y auroit-il des Quaurupè(ks, Tome IV, c -xxvj Dt la Nature, fens ouverts à la lumière dans un monde ofe la nuit feroit perpétuelle ? L'inclinaiibn de l'axe de la Terre produi- sant dans fon mouvement annuel autour du Soleil des alternatives durables de chaleur & de froid , que nous avons appellées des foi- fons^ tous les êtres végétans ont aulTi en tout ou en partie , leur faifon de vie & leur faifon de mort. La chute des feuilles &L des fruits , le deflechement des herbes , la mort des infe61:es , dépendent en entier de cette féconde combinaifon : dans les climats cil elle n'a pas lieu , la vie des végétaux n'eft jamais fufpendue; chaque infeÔe vit son âge ; & ne voyons-nous pas fous la Li- gne , où les quatre (aifons n'en font qu'une, la terre toujours fleurie , les arbres conti- nuellement verts , & la Nature toujours au printemps ? La conftitution particulière des animaux & des plantes eft relative à la température gé- nérale du globe de la Terre , & cette tem- pérature dépend de fa fituation , c'eft-à-dire j de la diftance à laquelle il fe trouve de celui du Soleil : à une diflance plus grande nos animaux , nos plantes ne pourroient ni vivre ni végéter ; l'eau , la sève , le fang , toutes les autres liqueurs perdroient leur fluidité ; à une diftance moindre , elles s'é- vanouiroient & fe diffiperoient en vapeurs : la glace & le feu font les élémens de la mort ; la chaleur tempérée eu le premier germe de la vie. Les molécules vivantes répandues dans tous les corps organifés font relatives , & Seconde vue, xxvi] pour ra<9:ion & pour le nombre , aux mo- lécules de la lumière qui frappent toute matière & la pénétrent de leur chaleur ; par- tout oii les rayons du Soleil peuvent échauf- fer la terre , fa furface fe vivifie , fe cpu- vre de verdure & fe peuple d'animaux : la glace même, dès qu'elle fe réfout en eau, femble fe féconder ,• cet élément eu plus fertile que celui de la Terre , il reçoit avec la chaleur le mouvement & la vie : la mer produit à chaque faifon plus d'ani- maux que la terre n'en nourrit, elle pro- duit moins de plantes ; & tous ces animaux qui nagent à la furface des eaux , ou qui en habitent les profondeurs, n'ayant pas, comme ceux de la terre , un fonds de fub- iiftance afTuré fur les fubftances végétales, font forcés de vivre les uns fur les autres, & c'eft à cette combinailon que tient leur immenfe multiplication, ou plutôt leur pul- luîation fans nombre. Chaque efpèce & des uns & des autres ayant été créée , les premiers individus ont fervi de modèle à tous leurs defcen- dans. Le corps de chaque animal ou de chaque végétal, eft un moule auquel s'af- fimilent indifféremment les molécules orga- niques de tous les animaux ou végétaux détruits par la mort & com fumés par le temps 9 les. parties brutes qui étoient en- tiees dans leur compofition , retournent à la maffe commune de la matière brute ; les parties organiques , toujours fubfiftan- tr v 'siT ■\^'' >r y v >r X X' X X X X X' X' X' 'X' "X' HISTOIRE NATURELLE. LE PECARI ou LE TAJACU(-f). Voyti^ /7/<272CÂe /, ji^, I ^é cd Volume, L'ESPECE du Pécari eft une des plus nom- breuies & des plus remarquables parmi les animaux du nouveau monde. Le pécari ref- fcmble , au premier coup d'œil , à notre fau- (a) Le Fccari , le fangUer pécari , nom que les François Habitués dans l'Amérique méricionaie ont donné à cet animal, & que nous avons adopté. Sanglier appelé Pécari. Voyage de Dermarchais , tome 111 , pa^e -^iz Cochon q.î'on appelle pecj.i. Voyage de Wiffsr , imprimé à ia fuite de ceUii de Di-c, 44 Flîfloin nature! U gîier ou plutôt au cochon de Siam qui, conr* me nous Pavons dit , n'eft , ainfi que notre cochon domertique s qu'une variété du fan- glier ou cochon fauvage ; aufli le pécari pjer. Rouen, ty> ^ , tome IV, page izz, — Pécaris , ef- pèce de cochons fauvages. Voyage de Dampier, tome IV, p. 6q. Nota. Il y a peu d'animaux qui ayent reçu autant de ^ifFérens noms que celui-ci : les Sauvages du BrefilTap- peloient Tajajfou , fuivant de Lery ; Tajacu , fuivant Pifon & Marcgrave ; Caaigoara auffi fuivant Marcgrave ; Tajoujfou , fuivant Coreal ( Voyage aux Indes orient, Paris IJ2Z , tome I, p. 17^. ) Les Mexicains rappelloient Quauht/accymatl, ou Quapii^otl, ou Coyamttl. Les voya- geurs l'ont aufTi défigné par des noms differens ; il s'ap- pelle Pelas à la baie de tous les Saints, fuivant Dam- pier ( tome IV , p. 69 ). Javari ou Paquire à l'ifle de Ta- bago , fuivant Rochefort ( Relation de l'ifle de Tabago. Paris f i66(j, p. 31 ). Paquîra dans le pays des Ama- zones , félon Jumilla ( Avignon, 1758 , tome II , page 6 ). Saino ou Zaino dans plufieurs endroits de l'Amérique, félon Jofeph Acofta ( Paris, i5co, p. 1^6). Chuchie , fï'on Oviedo ( ride Hernand. hi/i. Mex. page 6^0 )• Cof" €ui , félon Coreal ( Voyage de Coreal, /orne r,p ^4). Aper Mexicarius, Falï^er , apud Hernand. Hifi. Mex, page 6}y. Sus umhilicum tn dbrfo hahens. Aldrov. de Qtiadrup, hifii. page Ç'^.y. Tajacu. Pifon, hiji. Brafil. p, f)8 ; & Marcgr. hijî, nat. ^râjll. p. 22Q. Tajacu feu aper Mexicanus mofchiferus. Ray , Synopf, quadrup. p. ^7. Sus minor umhilico in dorfo. Cochon noir. Barrère y hifi. Franc, équin. p. 161. Sus dorfo cyfiifero caudâ nullâ. Linn. Syfi. nat. edit« IV , p. 69 ; & edit. VI , p. 11. — Tajacu. Sus dorji cyfiifero caudâ nullâ, edit. X, p. 50. Sus ecaudatus , folUculmn ichorofum in dorfo gerens, Aper Mexicanus. Le fangliir du Mexique, BrilTon , regrt, Animal, p.'ill» du Pécari OU du Tajacu. 4 5 a-t-il été appelle San^lUr ou Cochon d'Améri' eue : cependant il elt d'une efpèce particu- lière, &. qui ne peut ie mêler avec celle de nos fangliers ou cochons , comme nous nous en Ibmmes aiTurés par des efTais réi- térés, ayant nourri & gardé pendant plus de deux ans un pécari avec des truies fans qu'il air rien produit. Il diffère encore du cochon par piufieurs caraâeres elîéntiels , tant à l'extérieur qu'a l'intérieur; il eft de moindre corpulence & plus bas fur fes jambes; il al'ef- tomac & les intertins différemment conformés ; il n'a point de queue , fes foies font beau- coup plus rudes que celles du fanglier ; ai enfin il a fur le dos , près de la croupe , une fente de deux ou trois lignes de lar- geur qui pénètre à plus d'un pouce de pro- fondeur , par laquelle fuinte une humeur ichoreufe fort abondante & d'une odeur très défagréabîe : c 'efl de tous les animaux le feul qui ait une ouverture dans cette ré- gion du corps ; les civettes j le blaireau , la genette,ont le réfervoir de leur parfum au-deifous des parties de la génération ; l'ondatra ou rat mufqué de Canada, le mufc ou chevreuil de mule l'ont fous le ventre. La liqueur qui fort de cette ouverture, que le pécari a fur le dos , eft fournie par de greffes glandes que M. Daubenton a décri- tes avec foin {b) , aufîi-bien que toutes les (h) Voyei la defcrîption à\i pécari , tome XX de l'édi- tion en trente-un volumes. 46 Hljîolrc naturelle autres {ingularités de conformation qui fe trouvent dans cet animal. On en voit aufîi une bonne defcription faite par Tyfondans les Tranfa6î:ions Philofophiques , numéro 1^}. Je ne m'arrêterai pas à expofer en détail les obfervations de ces deux habiles Anato- miftes, & je remarquerai feulement que le Docleur Tyfon s'étoit trompé en afîurant que cet animal avoit trois eftomacs, ou , comme le dit Ray (c) , un géfier & deux eftomacs. M. Daubenton démontre clairement qu'il n'a qu'un feul eftomac , mais partagé par deux étranglemens qui en font paroître trois ; qu'il n'y a qu'une feule de ces trois poches qui ait une iffue de fortie ou pylore , & que par conféquent on ne doit regarder les deux autres poches que comme des ap- pendices , ou plutôt des portions du même eftomac , & non pas comme des eftomacs différens. Le pécari pourroit devenir animal domef- tique comme le cochon ; il eft à-peuprès du même naturel; il fe nourrit des mêmes alimens ; fa chair , quoique plus sèche & moins chargée de lard que celle du cochon , n'eft pas mauvaife à manger; elle devien- droit meilleure par la caftration ; lorfqu'on veut manger de cette viande , il faut avoir grand foin d'enlever au mâle non-feulement les parties de la génération , comme l'on fait au fanglier , mais encore toutes les glandes qui aboutiftent à l'ouverture du dos (0 Ray , Synopf. ^umir'ip. p. 99. du Pécari ou du Tajacu, 47 dans le mâle & dans la femelle ; il faut mê- me faire ces opérations au moment qu'on met à mort l'animal; car fi Ton attend feu- lement une demi-heure, fa chair prend une odeur fi forte qu'elle n'eft plus mangeable. Les pécaris font très nombreux dans tous les climats chauds de l'Amérique méridio- nale ; ils vont ordinairement par troupes , & font quelquefois deux ou trois cents en- fembk ; ils ont le même inftlnâ: que les cochons pour fe défendre , & même pour attaquer ceux furtout qui veulent ravir leurs petits; ils fe fecourent mutuellement, ils enveloppent leurs ennemis , & bleffent fou- vent les chiens & les Chaffeurs. Dans leur pays natal , ils occupent plutôt les monta- gnes que les lieux bas ; ils ne cherchent pas les marais & la fange comme nos fan- gliers ; ils fe tiennent dans les bois où ils vi- vent de fruits fauvages , de racines , de graines; ils mangent aulîi les (erpens, les crapaux, les lézards qu'ils écorchent aupa- ravant avec leurs- pieds : ils produifent en grand nombre & peut-être plus d'une fois par an ; les petits fuivent bientôt leur mère & ne s'en féparent que quand ils font adul- tes.: on les apprivoife , ou plutôt on les prive aifément en les prenant jeunes; ils perdent leur férocité naturelle , m.ais fans fe dépouil- ler de leur groffiéreté , car ils ne connoiffent perfonne , ne s'attachent point à ceux qui les foignent; feulement ils ne font point de mal , & l'on peut fans mconvéniens les laiffer aller & venir en liberté; ils ne s'éloi- gnent pas beaucoup , reviennent d*eux-m€- 4? Hijîolrt naturelle mes au gîre , & n'ont de querelle qu'auprès de l'auge ou de la gamelle jlorfqu'on la leui* préfente en commun : ils ont un grognement de colère plus fort & plus dur que celui du cochon; mais on les entend très rarement xrier ; ils foufflent aulîi comme le fanglier lorfqu'on les furprend & qu'on les épou- vante brufquement ; leur haleine eft très forte a leur poil fe hérifTs lorfqu'ils font irri- tés; il eft fi rude qu'il reffemble plutôt aux piquans du hériffon qu'aux foies du fan- glier. L'efpèce du pécari s'efl confervêe fans altération & ne s'eft point mêlée avec celle du cochon marron ; c'eft ainfi qu'on appelle le cochon d'Europe tranfporté & devenu fauvage en Amérique ; ces animaux fe ren- contrent dans les bois , & vont même dô compagnie fans qu'il en réfulte rien ; il en eil de même du cochon de Guinée qui s'eft aufîi multiplié en Amérique , après y avoir été tranfporté d'Afrique. Le cochon d'Europe , le cochon de Guinée & le pécari font trois efpèces qui paroiiTent être tort voifmes , & qui cependant font diftinftes & féparées les unes d€S autres , puifqu'elles fubfiftent toutes trois dans le même climat fans mélange & fans altération : notre fanglier eft le plus fort^ le plus robufte & le plus redoutable des trois ; le pécari , quoiqu'aflez féroce , eft plus foible , plus pefant & plus mal armé; ces grandes dents tranchantes qu'on appelle dé' fenfes , font beaucoup plus courtes que dans le fanglier; il craint le froid, & ne pourroit fubfiiûr fans abri dans notre climat tempéré, comme ife Pécari ou Ju Tafacn, 4^ <:ômme notre fanglier ne peut lui-même fub^ fifter dans les climats trop froids : ils n'ont pu ni Pun ni l'autre paffer d'un continent à l'autre par les terres du Nord ; ainfi l'on ne doit pas regarder le pécari comme un co- chon d'Europe dégénéré ou dénaturé ibus le climat d'Amérique , mais comme un animal propre & particulier aux terres méridionales de ce nouveau continent. Ray &c plufieurs autres Auteurs ont pré- tendu que la liqueur du pécari , qui fuinte par l'ouverture du dos, eft une efpèce de mufc , un parfum agréable , même au fortir du corps de l'animal ; que cette odeur agréa- ble fe fait même fentir d'affez loin, & par- fume les endroits où il paiTe & les lieux qu'il habite. Tavoue que nous avons éprouvé mille fois tout le contraire ', l'odeur de cette li-* queur , au fortir du corps de Tanimal, eft il défagréable que nous ne pouvions la fen- tir ni la faire recueillir fans un extrême dé- goût ; il femble feulement qu'elle devienne moins fétide en fe delTéchant à l'air , mais jamais elle ne prend Todeur fuave du mufc ni le parfum de la civette ; & les Naturalif- tes auroient parlé plus jufte s'ils l'euffen!: comparé à celle du Caftoreum* 'Qnodrufidcs , Tome IV^ yo Hijïoï'n natunllc LA ROUSSETTE M, Voye:^ -planche II y fig. i de ce Volume, LA ROUGETTE (b) et LE VAMPIRE (c). Voye:i^ planche II y fig. 2 de ce Volume, jLa Rouffette & la Rougette nous paroif- ient faire deux efpèces diitin6tes , mais qui font il voifines l'une de Tautre , & qui fe {a) La Roujfette , vulgairement le CkUn-rolant, ycfpertUio ingens. Clufii , Exode, p. 94. Vejpertllio. Gefn. hifl. avlum. p. 772. C'anis yolans ternatanus orUntalis. Seba , vol. I » p. pi , Tab. 57, fig. n^. 1 &2. _ Vcjperùtio caudâ nullâ. Linn. 5v/2. nat. edit IV, page 6()\ edit. vr , p. 7. — Vamr'. is. Vefpenilio ecauda- tus, nafo jvnpUci,membranâi.'i:.r jcmcra divisa, edit. X, page p. VéfpertiUo cynocephalus urnat.inus, Klein » de quadr. page 61. Pteropus ru fus aut nlger , auriculis hrevlhns acutiuf" cuiis. , . La Roujfette. Briffon. R:^n. animal, p. 216. The Great bat , front Madagcfcar, Edwards , hiji. of birds , part, iv , page tSo. (b) hz Rougette. he chien -volant à col rouge. Pteropus fujfcus , auriculis brevlbus acutîufcuLis , collo fuperiore rubro ... La Rouffette à col rouge. Briflbn , Rezn. animal, page 217. Nota que M. Briffon a fépiré avec raifon le genre dç la rouffette ôc de la rougette de celui des chauve- Tom iv: Pt.2. ihaRou^fétte. ZLcbKoagettt. 5 Ckaux^e-Soaris» dt fil Ro 11 (Je tu , de la Rouge m ^ &c. 51. refîemblent à tant d'égards , que nous croyons devoir les présenter enlemble. La leconds ne diffère de la première que par la gran- deur du corps & les couleurs du poil ; la rouffette dont le poil eft d'un roux- brun, a neuf pouces de longueur depuis le bout du mufeau jufqu'à l'extrémité du corps, & trois pieds d'envergure lorfque les membranes qui lui fervent d'ailes font étendues; la rougette , fouris,&que M. Linnaeus s'eft trompé lorfqu'il a dît que les chauve-fourîs & les roulTettes avoient égaîe- trent quatr* dents inciflves à la mâchoire fupérieure, & autant à l'inférieure ; cela eft vrai des rouffettes , mais cela eft autrement dans les chauve-fouris ; elles ont , à la vérité , quatre dents incifives à la mâchoire fupérieure , mais en même temps elles en ont fix à la iriâchoire inférieure : ainfi elles ne peuvent être da même g«nre dans une méthode qui, comme celle de cet auteur , eft fondée fur le nombre & Tordre des dents. (c) Le Vampire , animal de l'Amérique qui n'a été in- tiiqué que par les noms vagues de grande Chauve-fouris ■d'Amérique ou de Chiea-\ola.nt de La nouvelle Efpaa e. Nota yjyiQ M. Linnaeus a donné ce même nom , Vam~ pirus , à la rouffette ; ce n'eft cependant pas de !a rouf- fette des Indes orientales à laquelle M. Linnaeus appli- que ce nom de vampire , mais de l'animal d'Amérique chauve-fouris, dit-il (e) , qui fucent le fang » des chevaux , des mulets , & même des s> hommes quand ils ne s'en garatifTent pas n en dormant à l'abri d*un pavillon , font un » fléau commun à la plupart des pays chauds » de l'Amérique ; il y en a de monfkueufes j) pour la grofTeur ; elles ont entièrement « détruit à Borja & en divers autres endroits w le gros bétail que les miffionnaires y avoient n introduit , & qui commençoit à s'y multi- {c) Vcyage de la rivière ries Amazones , par M. de la Condâmme. Pa/is , 1745 , p. 171. E 3 5 4 Hijîoirc naturelU » plier «. Ces faits /ont confirmés par plu- fieurs autres hiftoriens & voyageurs. Pierre Martyr (/j , qui a écrit affez peu de temps après la conquête de l'Amérique méridionale » dit qu'il y a dans les terres de Tifthme de Darien , des chauve-fouris qui fucent le fang des hommes & des animaux pendant qu'ils dorment, jufqu'à les épuifer, & même ait point de les faire mourir ; Jumilla (^) aflure (/) In Dariene noyl orhis regîone Hifpani noclu rc/- pertilionum morjibus torquehantur , quce.fi dormlentem forte momorderint qucmpiam , exhaujîo fanguine trahur.tîn vkcz àifcrimen & mortuos fiùffe. nonnuUos ex ca tabe comper- tum efi. Petrus Martyr , Oceani decadis urtix , lib. iv. (g) Dans ^Amérique méridionale les chauve-fouris font encore un fléau fi cruel 6c (i funefte qvi'il faut l'avoir éprouvé pour le croire ; il y en a de deux fortes , les »ines font de la groffeur de celles que nous voyons en 2irpagne , les autres font fi greffes qu'elles ont trois ijuarts d'aune de longueur d'un bout de l'aile à l'autre. JUs unes & les autres font d'adroites fangfues s'il en fut jamais , qui rôdent toute la nuit pour boire le f-.ng des hommes & des bêtes : fi ceux que leur état oblige de dormir par terre n'ont pas foin de fe couvrir depuis les pieds jufqu'à la tête, ce qui eft extrêmement incom- mode dans des pays auffi chauds, ils doivent s*attendre à être piqués des chauve-fouris; à l'égard de ceux qui dorment dans les maifons fous des mofquUeros , quand ils n'auroient que le front découvert , ils en font infail- liblement mordus, & fi par malheur ces oifeaux leur piquent une veine, ils paflent des bras du fommeil dans ceux de la mort » à cnufe de la quantité de fang qu'iîs perdent fans s'en appercevoir , tant leur piqûre eft fub- tile ; outre que battant l'air avec leurs ailes , elles ra- fraîchirent le dormeur auquel elles ont deffein d'ôter la \ie. Hijioire naturdU de t'Orcnoque^ p^r U p<^re JumiUa^ traduite de l'Efpaunoi , par M, Eidvus, Avignon j 173 S» tome 111, page ioo. de la Roujjcite , de la Rougette , &c, ^ 5 la même chofe, aufli-bien que Don George Juan & Don Antoine de Ulloa {h). Il pa- roît, en conférant ces témoignages , que l'ef- pèce de ces chauve-fouris qui fucent le fani:; eft nombreuse & très commune dans toute l'Amérique méridionale; néanmoins nous n'a- vons pu jufqu'ici nous en procurer un ieul individu j mais on peut voir dans. Seba la figure & la defcription de cet animal , dont le nez eft fi extraordinaire que je fuis très étonné que les Voyageurs ne l'ayant pas re- marqué, & ne fe foient point écrié fur cette difformité qui faute aux yeux, & de laquelle cependant ils n'ont fait aucune mention, il fe pourroit donc que l'animal étrange dont Seba nous a donné la figure , ne fût pas ce- lui que nous indiquons ici fous le nom de vampire, c'eft-à-dire, celui qui fuce le fang ; il lé pourroit auiîî que cette figure de Seba fût infidèle ou chargée , enfin il fe pourroit que ce nez difforme fût une monftruofité ou une variété accidentelle 3 quoiqu'il y ait des exemples de ces difformités confiantes dans quelques-autres efpèces de chauve-fouris : le temps éclaircira ces obfcurités & fixera nos incertitudes. A l'égard de la rouffette & de la rou- (A) Les chsuvefourJs font comrr.nnes à Carthagène ,* elles faignent fort adroitement leshabitans en leur tirant affez de fang , fans les éveiller, pour les afFolblir extrê- mement. Extrait de La Rîlatron hifiorique du voyage de r Amérique méridionale , par D. George Juan & D. An- toine de Ulloa i &c. Bibliothèque raijonnéi ,tom. XLiv p. 4C9. £4 56 Hijioîn naturelle gette , elles font toutes deux au Cabirret du Roi , & elles font venues de Tille de Bourbon ; ces deux efpèces ne fe trou- vent que dans l'ancien continent & ne font nulle part aufli nombreufes , en Afrique & en Afie , que celle du vampire Tcft >en Amérique. Ces animaux font plus grands , plus forts & peut-être plus mi- chans que le vampire ', mais c'eft à force ouverte , en plein ^our auili - bien que la î2uit , qu'ils font leur dégât : ils tuent les volailles & les petits animaux ^ ils fe jet- tent même fur les hommes , les infultent & ies bleffent au vifage par des morfures cruel- les j &. aucun Voyageur ne dit qu'ils fa- ce nt le fang des hommes & des animaux endormis. Les Anciens connoi^oient imparfaitement ces quadrupèdes ailés , qui font des efpèces «ie monftres , &. il eft vraifemblable que c'eft d'après ces modèles bizarres de la Na- ture que leur imagination a deiîiné les nar- pies. Les ailes , les dents , les griffes , la cruauté » la voracité , la faleté , tous les at- tributs difformes , toutes les facultés nuifi- bles des harpies, conviennent affez à nos rouf- ijettes. Hérodote (i) parok les avoir indi- ( i) Hérodote. Lîb. Itl. Nota. Il eft {înguiier que Pline «jai nous a tranfmis comme vrais tant de faits apocriphes & même merveilleux , accufe ici Hérodote de menfonge ^ & dîfe que ce fait des chauve- fouris qui fe jettent fuj? les hommes , û'eû tju'un conîe de k vieille & fabuleufe aatic[urtç. de la RouJfettCj de la Rou^etn^ &c, 57 quées lorfqu'il a dit qu*il y avoit de gran- des chauve-fouris qui incommodoient beau- coup les hommes qui alloient recueillir la caffe autour des marais de l'Afie ; qu'ils étoient obligés de fe couvrir de cuir le corps & le vifage pour fe garantir de leurs mor- fures dangereufes. Strabon f^k) parle de très grandes chauve-fouris dans la Méfopotamie, dont la chair eft bonne à manger. Parmi les modernes , Albert , Ifidore , Scaliger, ont fait mention , mais vaguement, de ces grandes chauve-fouris. Linfcot, Nicolas Ma- thias (/) , François Fyrard (m) en ont parlé plus précifément, & Oliger Jacobeus (n) en (k) In Mefopotatyiia intcr Euphratis converfiones , eji mnxima vefpertilionum muititudo y qui longe majores func «fuàm in ccturis locis. Capiuntur , & in efutn condiuntur, Strabon, lib. xvi. (/) Nicolas Mathias , dans fon voyag p- 42. — Les écureuils-volans viennent du nord de l'Amérique , mais on en a depuis peu trouvé en Po- logne. Voyei Edwards, hijl. nat. ofhirds, pag. zçt ; Sc Catesby , hi}i, nat, ii ta Caroline, tome II ^ p. 76 ÔC7?. du Polatouché, 65 féË grande diftance : ainfi , ce moiivement n'eft point un vol comme celui des oifeaux , ni un voîtigement comme celui des chauve- fouris , qui Te font tous deux en frappant raii" par des vibrations réitérées; c'eft un fim- pie faut dans lequel tout dépend de la pre* miere impulfion dont le mouvement eft feu- lement prolongé Ôi fubfifte plus long- temps ^ parce que le corps de l'animal , préfentant une plus grande furface à l'air > éprouve une plus grande réfiftance & tombe' plus lentement. On peut voir le détail de la mé- canique & du jeu de cette extenfion fmgu- liere de la peau * , qui n'appartient qu'au polatouche , & qui ne fe trouve dans aucun autre animal; ce feul caractère fuffiroit donc pour le diftinguer de tous les autres écu- reuils , rats ou loirs ; mais les chofes mêmes les plus fingulieres de la Nature font-elles jamais uniques ? devroit-on s'attendre à trou- ver dans le même genre un autre .animal avec une pareille peau, & dont les prolon- gemens s'étendent non feulement d'une jam- be à Tautre , mais de la tête à la queue ? Cet animal , dont la figure & la defcription nous ont été données par Seba (c) , fous le nom à' Ecureuil- volant de Virginie , paroit af- fea différent du polatouche pour conftituer une autre efpèce; cependant nous ne nous prefferons pas de prononcer fur fa nature î * Defcription du Polatouche ^ tome xx de l^édîtjotj en trente-un volumes , et pi. III , fîg. 5 de ce volume* (0 Seba , vol. I, p. 7a , Tab. 44 , fîg. n*'. ■?. F 66 Hijîoln natunlU il eft probable que c'eft un animal dont Yq{- pèce eft réellement exiftante & difFérenre de celle du poîatouche ; mais ce pourroit être aufli une fimple variété dans cette ef- pèce , & peut-être enfin n'eft-ce qu'une pro- duélion accidentelle ou une monftruofité ; car aucun Voyageur , aucun Naturalifte n'a fait mention de cet animal; Scha q^ le feu! qui l'ait vu dans le cabinet de Vincent , &. je me défie toujours de ces defcriptions faites dans des cabinets d'après des animaux que fouvent on ajufte pour les rendre plus extraordinaires. Nous avons vu & gardé long-temps le po- îatouche vivant; il a été bien indiqué par les Voyageurs : Sagard Théodat (^ , Jeaa de Laët (^) , Fernandès T/) » ^^ Hontan(g), Denys Qi) , en ont tous fait mention , ainû ( nov. Hifp.p. 9. N^ta que cet auteur fe trompe en ce qvi'i! dit que ce font de longs poils qui lui tiennent liea d'ailes , au lieu que ce font en effet des prolongemens de la pe?.u. (?,) Voyage de la Hontan , terne II , p. /fz. (h) Les écureuils volans ont le poil un peu plus noir que ceux de France ; ils ont des ailes qui les prennent du train de derrière à celui de devant , qv^i s'ouvrent «te la largeur de deux bons d-'i-^ts ; c*eft une périt? tyile fort mince , couverte deifu» d'un petit poil fuUei : du Polatouche, Gy «fue MM. Catesby (i) , Dumont (A), le Page du Pratz (/), &c. & MM. Klein, Seba& Ed- wards en ont donné de bonnes defcriptions avec la figure. Ce que nous avons vu nous- mêmes de cet animal s'accorde très bien avec ce qu'ils en difent : communément il eft plus petit que l'écureuil ; celui que nous avons eu ne pefoit guère que deux onces, c'eft à-dire, autant qu'une chauve-fouris de la moyenne efpèce , & l'écureuil pèfe huit ou neuf onces. Cependant il y en a de plus grands , nous avons une peau de polatou- toute fa volée ne peut aîler qu'à trente ou quarante pas ; mais s'il vole d'un arbre à un autre , il volera bien le double. Defcripùon eéographipue dt l'Amérique fepten - trionale , par Dsnys. Paris , tCyz, tome II, pagës ^$f & (i) Catesby , hifi. nat. de la Caroline ^p.'jd. («) Les écureuils font fort communs à la Louifiane, où l'on en diftingue de deux fortes ; les uns font en tont femblabîes à ceux que nous connoiflbns en France j les féconds font d'une couleur un peu plus cendrée , & ont à leurs deux pattes de devant une efpèce de peau ou de membrane, au moyen de laquelle ils peuvent s'é- lancer d'un arbre à un autre à une diftance affez éloi-' gnée , 8tc. Mémoire fur la Louifiane , par Dumont , pa^eg Si & Sz. (/} Les écureuils - volans font ainfi nommés parce qu'ils fautent d'un arbre à un autre à la diftance de vingt cinq à trente pieds & plus ; leur poil eft d'un cendré- foncé : cet animal eft de la groffeut d'un rat ; fes pattes de derrière tiennent à celles de devsnt par deiix membranes qui le foutiennent en l'air lorfqu'tl faute, de forte qu'il paroi? voler , mais il va toukuirs en baiiTant , &c. Hijhire de la Lcuifi:me , par M- U Fùgi du Pnit[f tCTHi II , p. 08. F i 6S Hijloin natunlU^ che * , qui ne peut provenir que d'un ani- mal plus grand que le polatouche ordinaire» Le polatouche approche , en quelque for- te 3 de la chauve-fouris par cettte extenfion de la peau qui^ dans le faut, réunit les jambes de devant à celles de derrière , & qui lui fert à fe foutenir en Tair : il paroît aufli lui relTembler un peu par Je naturel , car il eft tranquille & , pour ainfi dire , endor- mi pendant le jour ; il ne prend de l'afti- vité que le foir. Il eft très facile à appri- V oifer , mais il eft en même temps fujet à s enfuir, & il faut le garder dans une cage ou l'attacher avec une petite chaine : on le nourrit de pain , de fruits , de graines , il aime furtout les boutons & les jeunes pouf- fes du pin & du bouleau; il ne cherche point les noix & les amandes comme les éc ureuils ; il fe fait un lit de feuilles dans lequel il s*enfevelit & où il demeure tout le jour , il n'en fort que la nuit & quand la faim le preffe. Comme il a peu de viva- cité ^ il devient aifément la proie des mar- tes & des autres animaux qui grimpent fur les arbres; aufli l'efpèce fubfiftante eft-elle en très petit nom'ore , quoiqu'il produife or- dinairement trois ou quatre petits. ♦ Voyez-en la defcription au tome XX de l'édition en trente -un volumes. M du Peik-grts, 6^ LE PETIT- GRIS [a]. Foyc^ planche IV ^ fig, 3 de ce Folume, V^N trouve dans les parties feptentriona- les de l'un & de l'autre continent l'animal que nous donnons ici fous le nom de Petite gris ; il reflemble beaucoup à l'Écureuil , & n'en diffère à l'extérieur que par les carac- tères fuivans : il eft plus grand que l'écureuil ; il n'a pas le poil roux , mais d'un gris plus ou moins foncé; les oreilles font dénuées de ces longs poils qui furmonter»t rextrémité de celles de l'écureuil. Ces différences qui font confiantes , paroiffent fuffifantes pour conftituer une efpèce particulière à laquelle nous avons donné le nom de petit-gris , parce que Ton connoît fous ce même nom la four- rure de cet animal. Plufieurs Auteurs pré- {a) Petit'gris, nom que nous avons donné à cet ani- mal qu'on appelle Ecureuil gris , grand écureuil gri^ , écureuil de Canada y écureuil de Virginie. Sciurus V irginiamis clr.ereus major. Ray. Synopf. quad, f. 2/;. Grand écureuil gris. Catesby , Hiji. naturelle de la Cu" rc/lne , tome II , p. 74, Sciurus cinereus j auriculis ex aHo flavicantihus . . . . Sciurus Virginianus. L'écureuil de Virginie, Briffon^ Re^n, animal, p» //j. JO Hljlolrc natiirdU tendent que les petits-gris d'Europe font dif- férens de ceux d'Amérique ; que ces petits- gris d'Europe font des écureuils de Tefpèce commune, dont la faifon change feulement la couleur dans le climat de notre Nord. Sans vouloir nier abfolument ce dernier fait, qui cependant ne nous paroît pas alTez conilaté , nous regardons le petit-gris d'Europe & ce- lui d'Amérique comme le même animal, & comme une efpèce diftinfte &: féparée de celle de l'écureuil commun ; car on trouve dans l'Amérique feptentrionale & dans le nord de l'Europe nos écureuils ; ils y font de la même grofleur& de la même couleur, c'eft-à-dire, d'un rouge ou roux plus ou moins vif, félon la température du pays ; & en même temps on y voit d'autres écureuils qui font plus grands , & dont le poil eft gris ou noirâtre dans toutes les faifons. D'ailleurs la fourrure de ces petits-gris eft beaucoup plus fine & plus douce que celle de nos écureuils ; ainfi nous croyons pouvoir affurer que ce font des animaux dont les différences étant confiantes, les efpèces , quoique voifines , ne fe font pas mêhées, & doivent par conféquent avoir cha- cune leur nom. M. Regnard {h) dit afHrma- (i) Ce« petits-gris font ce que nous appelions écureuits en France, qui changent leur couleur rouflfe lorfque l'hiver ôc les neiges leur en font prendre une grife ; plus ils font avant vers le Nord , & plus ils font gris : les Lappons leur font beaucoup la guerre pendant l'hi- ver , & leurs chiens for.t fi bien faits à cette chafïe , qu'ils n^en lailTent paffer aucuns fans les appercevoir 'ur les arbres les plus élevés , & avertir parkur aboiement au Pcût'grîs. 7 I tivement que les petits-gris de Lapponie font les mêmes animaux que nos écureuils de France ; ce témoignage eft fi pofitif qu'il fê- les Lappons qui étoient avec nous. Nous en tuâmes quelques-uns à coups de fafil , car les Lappon' .'avoient pas pour lors leurs flèches rondes avec l;)". lelies ils les afTomment, & nous eûmes le plaifir de les oir écor- clier avec une vîtefTe furprenante. Ils cjr .nencent à faire la chaffe aux petits-gris vers la S^;ri- Michel , & tous les Lappons généralement s'occupent à cet em- ploi , ce qui fait qu'ils font à grand marché , & qu'on en donne un timbre pour un écu j ce timbre eft com- pofé de quarante peaux. Mais il n'y a point de marchan- difes où l'on foit plus trompé qu'à ces petits-gris & aux hermines, parce que vous achetez la marchandife fans la voir & que la peau eft retournée , en forte que la fourrure eft en dedans. Il n'y a point de diftinTrion à faire , toutes font de même prix, 6c il faut prendre les méchantes comme les belles, qui ne coûtent pas plus les unes que les autres Nous apprîmes avec nos Lap- pons une particularité furprenante touchant les petits- gris , & qui nous a été confirmée par notre expérience ; on ne rencontre pias toujours de ces animaux dans une même quantité, ils changent bien fouvent de p^ys , & l'on n'en trouvera pas un dans tout un hiver ou l'an- née précédente on en aura trouvé des milliers. Ces ani- maux changent de contrée j lorfqu*ils veulent aller en un autre endroit , & qu'il faut paffer quelque lac ou quelque rivière qui fe rencontre à chaque pas dans la Lapponie , ces petits animaux prennent une écorce de pin ou de bouleau qu'ils tirent fur le bord de l'eau, fur i?.que!le ils fe mettent & s'abandonnent ainfi au gré du veut, élevant leurs queues en forme de voiles, jufqu'à ce que le vent fe faifant un peu fort & la vague éle- vée , elle renverfe en même temps ôc le vaifteau & le pilote. Ce naufrage , qui eft bien fouvent de trois ou t^natre mille voiles , enrichit ordinairement quelques Lap- pons qui trouvent ces débris fur le rivage , ôt les font fervir à leur ufage ordinaire > pourvu que ces petits Jl Hlfiûirc naturelle, roit fiiffifant , s'ii n'étoit pas contredit paf d'autres témoignages ; mais M. Regnard qui nous a donné d'excellentes pièces de théâtre , ne s'étoit pas fort occupé d'hifloire naturelle, & il n'a pas demeuré afTez loRg-temps en Lapponie pour avoir vu de fes yeux les écu- reuils changer de couleur. II eft vrai que des Naturaliftes , entr'autres M. Linnseus , ont écrit que dans le Nord le poil de l'écureuil change de couleur en feiver (c). Cela peut être vrai , car les lièvres ^ les loups , les be- lettes, changent aufli de couleur dans ce cli- mat ; mais c'eft du fauve ou du roux au blanc que fe fait ce changement y & non pas du fauve ou du roux au gris cendré : & pour ne parler que de l'écureuil , M Linnseus , dans le Fauna Suecica^^ dit, œfîate ruber , khme incanus , il change donc du rouge au blanc oa plutôt du roux au blanchâtre ; & nous ne croyons pas que cet auteur ait eu de fortes raifons pour fubftituer , comme il l'a fait , à ce mot inçanus celui de c'msrcus qui fe trouve animaux n'ayent pas été trop long- temps fur le fable ; il yen a quantité qui font une navigation heureufe & qui arrivent à bon port, pourvu que le vent leur aif été favorable & qu'il n'ait point caufé de tempête fur l'eau , qui ne doit pas être bien violente pour engloutir tous cei petits bàtimens. Cette particularité pourrt>rt paffer pour un conte fi ie ne la tenois par ma propre expérience. (Euvrcs de M. Regnard, Paris, ij^z , tom& 1 , page i6^. (c) Sciurus vu/garis . . . habitat in arhorihtis fretjiiens , aft.ite ruber , hicme incamis. Fauna Suecica. Stockolm , 1J46 ,/?. fis- 2. X-iE Palmifte eft de la grofîeur d'un Rat ou d'un petit écureuil ; il paffe fa vie fur les (a) Lt Palmiftt. Ratpalmifte. Ecureuil des palmiers, Mufiela Africana, Clufii , Exotic. p. nz. Muficla Lyhica. Nieremberg , hiji. nat, Antuerp. 1655 , page 172. Sciurus coloris ex rufo & nîgro mixti , taniis in dorfo flavicantihiS . , . . Sciurus palmaritm vulgo. L'écureuil palmifte, vulgairement rat palmijle, Briffon , Regn. ani" nal. p. 1^6. (b) Le Barbare/que ou VEcureuH de Barbarie. Sciurus Getuliss. Caïus apud Gefnerum , hijL quadr, p. S^j. — Gefner , Icon quadrnp. p. iiz. Sciurus Getu'us. kXéioy. de quadrup, dlgit. yivip. pages to^ & loà. Gctuiis. Sciurus fnfcus , flriis quatuor albidis longiiU'' dirctiikus. Linn. Syjl. nat. cdit. X,p. 64. The Burhary Squirel. Edwards , of Birds , p. iqS. Sciurus coloris ex rufo & nigro mixti , taniis in lateribns tthcrnatim albis & fufcis aut nigris . . . Sciurus Gctulus»^ Ecureuil de Barbarie. Briflfon , iJcg^«. a/j/Vnû/. p. ifj. ^c) Le Suijfe. L'e'cureuil fuiffe , l'écareuiî de terre, Çhit^hin chez les Hurons. G } 7 8 Hijlolre naturtlU palmiers , & c'eft de-Ià qu'il a tiré Ton nom ; les uns l'appellent rat-palmïp:c , &: les autres 1'^'- €ureuil des palmiers ', & comme il n'eft ni écureuil ni rat, nous l'appellerons {im^X^mt ntPalmîilc. il a la tête à-peu-près de la même forme que celle du campagnol, & couverte de même de poils hérilTés j fa longue queue n'efl La féconde efpèce d'ëcureulls que les Hurons appe!- lent Ohîohin , & nous Su'tJJ'i , à caufe de la beauré ôc «Hverfité de leur poil, (ont ceux qui font ravtfs ê^ bnr- xés depuis le devant iufqu'au derrière d'une barre c>\x rnie blanche , plus, d'une rouiTe grife & noirâtre, &c. Voyage du pays des Hurons ^ par Sagard Théodat. Paris , ï6^2 ,/>. 305 Sd 306. Ecureuil fuijfe. Les écureuils fuilTes font de petits animaux comme de petits rats. On les appelle fuijjes parce qu'ils ont fur le corps un poil rayé de noir & de blanc qui reffemble à un pourpoint de Suiffe. Voyage delà Hontan , tome II ^p. >^j. II y a une efpèce d'écureuil dans l'Amérique fepter- trionale qui eft un peu plus petite que notre écureuil commun. On nomme fuife ce petit écureuil , parce qu'il cfl rayé de la tête à la queue p?r raies blanches , rouf- fes & noires , toutes d'une raèniR longueur d'environ Va moitié d'un travers de doigt Defcription de l'Améri- que feptentrionale y par Dertys, Paris , lôjî, tome II, />, 331 &332. Sciurus Lifieri , Ray, Synopf. tjuadrup. p. 216. Ecureuil de terre. Catesby , hijl. de la Caroline , t»m€ Pet't écureuil de la Caroline , qu'on appelle aum écu- reuil de terre , parce qu'il ne vit pas fur les arbres com-. me les autres écureuils, mais qu'il gratte la terre com- me les lapins , & qu'il s'y terre. Ed'A'ards , hifi. des o'- fcatix , p. 181. Sciurus ru fus , tanl's in êorfo nrgris , tœniis ex clo-> jlavicantihus intermlxtis Sciurus Curolinenfis^ Ecurtisië de la Caroline, BrilTon , Regn. anim. p. i^j> au Talmijie , du Barharefque . &c, 79 pas traînante comme celle des rats , il la porte droite & relevée verticalement, fans cependant la renverfer fur fon corps comme fait l'écureuil; elle eft couverte d'un poil plus long que celui du corps , mais bien plus court que le poil de la queue de l'écu- reuil ; il a fur le milieu du dos , tout le Jong de l'épine depuis le cou jufqu'à la queue :, une bande blanchâtre accompagnée de chaque côté d'une bande brune, &. en- fuite d'une autre bande blanchâtre. Ce ca- ractère fi marqué j par lequel il paroît qu'on pourroit diftin^uer le palmifte de tous les autres animaux , fe trouve à-peu- près le même dans l'écureuil de Barbarie & dans récureuilSuifre,qu'on a auffi appelé Écureuil de terre. Ces trois animaux fe refTemblent à tant d'égards que M. Ray {£) a penfé qu'ils re faifoient tous trois qu'une feule & mè- ne efpèce : mais fi l'on fait attention que les deux premiers, c'eft-à-dire, le palmifte & l'écureuil de Barbarie que nous appelons Barharefque 3 ne fe trouvent que dans les cli- mats chauds de l'ancien continent ; qu'au contraire le fuifTe , ou l'écureuil Suilfe , «lécrit par Lifter , Catesby {e) & Edwards ('fdaHi/a Myrmccopkaga palmis tridaciilis ^ planùs pcfl' §4 Hijîoîn naturelle ronde & longue qu'ils infinuent dans les four- milières fîc qu'ils retirent pour avaler les foiir- mis dont ils font leur principale nourriture. tadaclylis , edit. x, ;>. 3|- Nota qu'il y a erreur dans toutes ces phrafes , cet animal ayant quatre doigts ou plutôt quatre ongles , 6c non pas trois aux pieds de devant : cette erreur vient originairement de Sebaj M, Linnaeus s'en eft apparemment rapporté aux defcrip- tions imparfaites de cet auteur , & il a cru que les ani- maux dont il donne les figures (pL xxxvij , n?. s.\ &pi. xl > n° . /, vo/. /), étoient le tamandua'guacji ; il fiiffi- foit cependant de confuher Marcgrave , Pi Ton , Dei» marchais, &c , pour s'afTurer du contraire. Tamandua guacu , id cj2 , myrinecophaga omnium maxî- ma. Klein , de quadrup. p. 45 , Tab. > , fi^. n". i. Nijta* M. Briffbn remarque avec raifon que cett? figtire don- née par M. Klein, eft défe^ueufe en ce que la tête, le cou & le mufeau de l'animal font trop longs , & que l'extrémité du mufeau en eft informe. Tyrmecopkaga rofiro longijflmo , pcdihus antieis tetra» iaBylis , pofliâs pentadaciylis , caudâ longijjîmis pil'ts ref" titâ , . . Myrmccophaga tamanoir dicta. Le fourmiller- tamanoir. Briffon , Regn. animai, p. 24. {b) Le Tamandua , nom de cet animal au Brefil , & <}ue novis avons adopté. Tamandua-i Brafilienfihus. PIfon , hiji. Brafil. p. 52A. — Marcgrave , h'/î. nat. Brafil. p. 22^. Tyrmccophaga manibus utradacli/is , plantis pentadac» tylis , Linn. Syfi. nat. edit. vi , p. S ■— TetradaHyla, Myrmccophaga palmis tetradactylis , plantis pentadaciylis ^ edit. X, p. p. Myrmccophaga rofiro longiffîmo , pedibus antlcls tetra- daclylis , poflicis pentadaclylis , caudâ fcre nudâ Myrmccophaga. Le Fourmiller. Briffbn , Regn. anim. p. 26, (c) Le Fourmiller , le plus petit fourmiller , le périt mangeur de fourmis, animal Américain que les Natu- «el? de la Guiane appellent Ouatiriouaou. Tamandua minorfiavefcens. Barrère , hlJl. Franc, équirtt du Tumanoir y Tamandua , &c, S 5 Le premier de ces mangeurs de fourmis eft celui que les Erafiliens appellent Tamandua- piacu y c'eft-à-dire , ^rand Tamandua , & auquel les François habitués en Amérique ont don- né le nom de Tamanoir : c'eft un animal qui a environ quatre pieds de longueur depuis l'ex- trémité du mufeau jufqu'à l'origine de la queue , la tête longue de quatorze à quinze pouces , le mufeau très alongé , la queue longue de deux pieds & demi , couverte de poils rudes & longs de plus d'un pied ; le cou court , la tète étroite , les yeux petits & noirs , les oreilles arrondies , la langue me- nue , longue de plus de deux pieds , qu'il Tamandua feu coati Americana alba altéra, Seba , vol» I,p. 6o,Tab. 37, fig. n'. 3. Myrmccophaga manibus monodaclylis , plantis tetradac' tylis. Linn. Syji, nat. edit. iv p. 6j. Nota qu'il y a er- reur dans cette phrafe , cet animal ayant deux doigts ou plutôt deux ongles , & non pas un feul doigt ou un feul ongle aux pieds de devant ; feulement le fécond , qui eft l'interne , eft beaucoup plus petit que le premier qui eft l'externe : M. Linnaîus avoit probablement conf- truit cette phrafe indicative, comme celle du tamanoir, fur l«s figures données par Seba , qui dit en effet , pagt 60 defon Thefaurus , que l'animal dont il eft ici queftion, n'a qu'un doigt à chaque pied de devant j ce Tréfor de Seba eft un magafin mal rangé rempli de pareilles fau- tes ; M. Linnasus a reconnu & corrigé celle-oi dans les. éditions fuivantes de fon ouvrage. Myrmeeophaga mani- bus didaclyUs , plantis tetradaclylis, Linnaei , Syfi. nat, edit. VI , p. 8 ; &. edit. x , p, 35. Myrmeeophaga rofiro breyi , pedibus anticis didaclyUs , pofticis tetradaàylis . . . Myrmeeophaga. Le petit four- miller. Briffon, Reg. anim.p. zS. The littU ant- eater, Edwards > Glanures, Lo^don j 86 Hijloîrt naturciU replie dans fa gueule lorfqu'il la retire toute entière. Ses jambes n'ont qu'un pied de hau- teur , celles de devant font un peu plus hau- tes & plus menues que celles de derrière : il a les pieds ronds ; ceux de devant font ar- més de quatre ongles , dont les deux du mi- lieu font les plus grands ; ceux de derrière ont cinq ongles. Les poiis de la queue , com- me ceux du corps, font mêlés de noir & de blanchâtre ; fur la queue ils font difpofés en forme de panache ; l'animal Ja retourne fur le dos , s'en couvre tout le corps lorfqu'il veut dormir ou fe mettre à l'abri de la pluie & de l'ardeur du foleil ; les longs poils de la queue & du corps ne font pas ronds dans toute leur étendue , ils font plats à l'extré- mité & fecs au toucher comme de l'herbe defféchée : l'animal agite fréquemment & brufquementfa queue lorfqu'il eil irrité, mais il la laifTe traîner en marchant quand il eft tranquille, & il balaie le chemin par où il paffe : les poils des parties antérieures de fon corps font moins longs que ceux des par- ties poftérieures; ceux-ci font tournés en ar- rière & les autres en avant ; il y a plus de blanc fur les parties antérieures 3 & plus de noir fur les parties poftérieures : il y a aulîi une bande noire fur le poitrail, qui fe pro- longe fur les côtés du corps & le termine fur le dos près des lombes; les jambes de der- rière font prefque noires , celles de devant frefque blanches avec une grande tache noire vers le milieu. Le tamanoir marche lente- ment, un homme peut aifément l'atteindre à la courfe j fes pieds paroiiTent mçins faits du Tamanoir ^ Tamandua , &c, %j pour marcher que pour grimper & pour fai- fir des corps arrondis : auffi ferre-t-il avec une fi grande force une branche ou un bâ- ton qu'il n'eft pas poffible de les lui arracher. Le fécond de ces animaux eft celui que les Américains appellent fimplement Taman^ dua ( Voy €7;^ planche VI 3 fi§ure 2 de ce Volume.^ , & auquel nous conferverons ce nom ; il eft beaucoup plus petit que le tamanoir ; il n'a qu'environ dix-huit pouces depuis l'extré- mité du mufeau jufqu'à l'origine de la queue: fa tète eft longue de cinq pouces , fon mu- feau eft alongé & courbé en deftbus ; il a la queue longue de dix pouces & dénuée de poils à l'extrémité , les oreilles droites , lon- gues d'un pouce , la langue ronde , longue de huit pouces, placée dans une efpèce de gouttière ou de canal creux au dedans de la mâchoire inférieure ; fes jambes n'ont guère que quatre pouces de hauteur j fes pieds font de la même forme & ont le même nombre d'ongles que ceux du tamanoir . c'eft-à- dire, quatre ongles à ceux de devant & cinq à ceux de derrière. Il grimpe &ferre auiîi bien que le tamanoir , & ne marche pus mieux ; il ne fe couvre pas de fa queue qui ne pourroit lui fervir d'abri étant en partie dénuée de poil , lequel d'ailleurs eft beaucoup pHis court que celui de la queue du tamanoir : lorfqu'il dort il cache fa tête fous fon cou & fous fes jambes de devant. Le troifième de ces animaux eft cehii que les Naturels de la Guiane appellent Owj- tîriouaou. Nous lui donnons le nom de Four- miller pour le diftinguer du tamanoir & du tamandua, Il^eft encore beaucoup plus petit S3 mjloîre naturelle, que le tamandua, puifqu'il n'a que fix ou fept pouces de longueur depuis l'extrémité du mufeau jufqu'à l'origine de la queue ; il a la tête longue de deux pouces ; le mufeau proportionnellement beaucoup moins alongé que celui du tamanoir ou du tamandua; fa queue longue de fept pouces , efl recourbée en deflbus par l'extrémité qui eft dégarnie de poils; fa langue eft étroite, un peu ap- platie & affez longue ; le cou eft prefque nul , la tête eft aflez grofle à proportion du corps , les yeux font placés bas & peu éloignés des coins de la gueule; les oreilles font petites & cachées dans le poil , les jam- bes n'ont que trois pouces de hauteur , les pieds de devant n'ont que deux ongles , dont Texterne eft bien plus gros & bien plus long que l'interne ; les pieds de derriè- re en ont quatre : le poil du corps eft long d'environ neuf lignes ; il eft doux au tou- cher & d'une couleur brillante , d'un roux mêlé de jaune-vif; les pieds ne font pas faits pour marcher , mais pour grimper & pour faifir; il monte fur les arbres & f e fufpend aux branches par l'extrémité de fa queue. Nous ne connoiflbns dans ce genre d'ani- maux que les trois efpèces defquelles nous venons de donner les indications. M. Brif- fon fait mention , d'après Seba , d'une qua- trième efpèce fous le nom de Fourmiliers aux longues oreilles , mais nous regardons cette ef- pèce comme douteufe , parce que dans Ténu- mération que fait Seba des animaux de ce genre , il nous a paru qu'il y avoit plus d'une erreur; du Tamanoir , Tamandua j &c, 89 erreur : il dit expreffément , nous confervons dans notre Cabinet Jîx efpcces de ces animaux mangeurs de fourmis , cependant il ne donne là defcription que de cinq ; & parmi ces cinq animaux il place Wfquiepatl ou Mouffette qui eft \\n animal non -feulement d'une efpèce, mais d'un genre très éloigné de celui des man- geurs de fourmis, puifqu'il a des dents {d) , & la langue plate & courte comme celle de« autres quadrupèdes, & qu'il approche beau- coup du genre des belettes ou des martes. De ces fix efpèces prétendues & confervées dans le cabinet de Seba , il n'en refte donc déjà que quatre ,.puirque ryfquiepatl qui fai- foit la cinquième , n'eft point du tout un mangeur de fourmis , & qu'il n'eft queftion nulle part de la fixième , à moins que l'au- teur n'ait fous-entendu comprendre parmi ces animaux le Pangolin (e) , ce qu'il ne dit pas dans la defcription qu'il donne ailleurs de cet animal. Le pangolin fe nourrit de four- mis; il aie mufeau alongé, la gueule étroite & fans aucune dent apparente , la langue ronde; cara(5leres qui lui font communs avec les mangeurs de fourmis; mais il en diffère ^ {d) Vapulavit aliquando optimtis autor de nominihus proprlis , Jt y/ljuiepad feu vu/pecu/am Mexicanam , taman- duam dixit, p 66. Q^iiafi altquam omnino fpecictn, canif feptentriotialis ferx ccmulam , maxillâ inferiore crajfâ 6* rotundâ , binis infic^nibus dentihusaimacâ , cura tarnen dt ftx divcrfis fpeciepus fit profejfus , quod omnes dcncihus Careant. Klein, de quadrup.p. j^'^. { c ) C'eft le nom que nous donnerons au Lézard écâitleux. H 90 Uïjloin naturzlle ainfi que de tous les autres quadrupèdes ; par un caractère unique qui eft d'avoir le corps couvert de grofîes écailles au lieu de poils : d'ailleurs c'eft un animal des climats les plus chauds de l'ancien continent, au lieu que les mangeurs de fourmis dont le corps eft couvert de poil, ne fe trouvent que dans les parties méridionales du nouveau monde, il ne refte donc plus que quatre efpèces au lieu des fix annoncées par Seba , & de ces quatre efpèces il n'y en a qu'une de recon- noiffable par fes defcriptions : c'eft la troi- iîème de celles que nous décrivons ici , c'eft-à-dire , celle du fourmiller auquel, à la vérité, Seba ne donne qu'un doigt à chaque pied de devant ^/) y quoiqu'il en ait deux , (/) ^'^ ' 3' Tamandua ou Coati d'Amérique hlanche afférente. Cet animal eft tout -à- fait différent du précé- «)ent ( // entend celui de la planche XXXVII , jf^. n*'. z, Vvye\ la nctefuivante. ) La tête en eft beaucoup plus «ourte & les oreilles beaucoup plus petites , les yeux v.n peu plus grands & la partie inférieure du mufeau tant foit peu plus longue. Leurs langues font plus ref- Semblantes ; l'une ôc l'autre eft longue & étroite , & propre à prenfire & à avaler des fourmis. Loîs épaules font larges , le corps court & épais, les pieds de devant fréfentent un doigt armé d'un ongle large & courbé. Les ïambes & les pieds de derrière imitent ceux d'un fin- ge. Son poil blanchâtre & laineux eft plus court que celui c*a précéf'ent ; il en eft (!e même de fa queue crépue ; cet animal eft compté parmi un àes plus rares de (on cfpèce. Les Ethiopiens de Surinam les appellent Coati, St racontent que quand ils fe fentent pris iis fe mettent tellement en rond , ayant leurs j;>ieds û fermement atta- chés l'un contre l'autre, qu'à moins qu'ils ne fe redref- ter.t d'eux-mêmes, il ne feroit pas poflible d'en venir à bout de fyrse. Us meurent dans ua mcMnent dès qu'oa du Tamanoir , Tamandua , &c, 9 1 mats qui malgré ce caraftere manchot , ne peut être que notre fourmiller. Les trois au- tres font fi mal décrits qu'il n'eft pas poffi- ble de les rapporter à leur véritable efpèce. J'ai cru devoir citer ici ces defcriptions en entier, non-feulement pour prouver ce que je viens d'avancer , mais pour donner une idée de ce gros ouvrage de Seba , & pour qu'on juge de la confiance qu'on peut ac- corder à cet écrivain. L'animal qu'il défigne par le nom de Tamandua murmecophage d'Améri- que , tome I, page 60 , & dont il donne la fi- gure , pi. XXXVII n?. 2 , ne peut fe rappor- ter à aucun des trois dont il eft ici quef- tion ; il ne faut pour en être convaincu, que lire la defcription de l'Auteur (^). Le fécond les trempe dans refprit-de-vin ou clans la liqueur kildui' rel. Seba , vol. I, pages 60 & Ci , pi. xxxvij , fi», n^ . j. (g) N''. 2. Tamandua murmeccphage d Amérique. Cet animal eft extrêmement commun dans les Indes occi- dentales, mais nous n'en avons jamais vu qu'on eût tranfporté des Indes orientales , ni entendu dire qu'il s'en trouvât. Quelques Savans fe font des idées toutes merveilleufes de cet animal ; les uns le prennent pour le lion fprmicarius , les autres pour le formica-leo , ceux- ci pour le formica - vulpcs , & les autres pour le formica» lupus. M. Poupard , p. z-^^ des Mémoires de l'Académie royale des Sciences, année rjo^ , a remarqué que cet animal étoit gris , femblable à une araignée, 5c qu'il tendoit même des embûches aux fourmis. Cette compa- raifon ne nous paroît pas fort jufte. Baftamantanus qui a fait un livre entier fur les reptiles , dont il eft fait mention dans les livres faints , regarde le murmecolzo, 8bm que quelques perfonnes lui donnent , pour une ef- pèce d'efcarbot qu'on appelle efcarbot cornu , & que les Allemands nommçnt Caf volant ( tout ceci e/l , comme H2 9* Hijtoin naturdlt i|u*il indique fous le nom de Tamahdna-^uaciL ton voit , fort important & fort utile pour la àefcription d'un animal quadrupède ) ; mais , continue l'auteur , ton-' tes ces defcriptiors & plufieurs autres n'expriment point la nature de cet animal dont nous donnons la figure prife fur l'original : celui que l'on voit ici eft incarnat , couvert d'un poil doux ôc comme la laine , au cou court, aux épaules larges, à la tête & au inufeau long & étroit, d'où fort une longue langue pro- pre à prendre & à avaler les fourmis qui lui fervent de nourriture La fageffe du Créateur a donné à ces ani- maux les organes qui leur étoient néceflaires pour qu'ils puffent fe pourvoir de leur nourriture à leur goût & à leur volonté. Les pattes de devant , ainfi que celles d'un ours , ont chacun^ , outre les doigts ordinaires , trois mutres doigts qui ont crû par-deflfus les autres & qui font armés d'un ongle crochu, îequel eft principalement très grand dans le doigt du milieu. C'eft là avec q,uoi ils grattent la terre & en tirent les nids de fourmis. Les narines placées très proche r'e la gueule, font étroites , rudes & garnies de poils, dont ils fe fervent pour flairer où eft leur manger. Les oreilles font oblongues ou pen- dantes ; les pieds de derrière , dans cette efpèce de ta- mandua comme dans les ours , font partagés en cinq doigts , garnis d'ongles longs & crochus , & font con- tenus outre cela' fur des talons très larges. La queue Jongue & velue finit en pointe, & ils s'en fervent, ainfi que les fînges , à fe tenir fortement attacbés aux arbres : la partie propre à la génération dans les mâles eft remarquable i ils portent leurs tefticules cachés fous la peau & en dedans. Les fourmis , tant grandes que petites , deviennent la proie v-le ces animaux , qui à leur tour fervent aux hommes , furtout dans la médecine, Seba , vol. I, p. 60 , pi. xxxvij , flj. n°. 2, Il faut être hien aveuzlémcnt confiant pour établir quelque chofe fur une pareille defcription , & pour la rapporter au tamanoir ou temsndua-guacu , comme ta fait M. Linnxus , & de ne donner en même temps à cet animal que trois doigts aux pieds de devant , tandis que par eut* defgriptien m*- du Tamanoir ^ Tamandua , &c, Cf^ du Brejîl ou l'Ours qui mange les fourmis ( A ) , tne , il y en a trois outre les doigts ordinaires , trois , dit- on , qui ont crû par-deffus les autres, cho/e ahfurde & qui aurait dû faire douter de tout le njie. (h) N^. 2. Tamandua guacu du Brefil ou F Ours qui mange les fourmis. C'eft ici la plus grande de toutes ces efpèces d'animaux que nous ayons vu. Marcgrave la nomme Tamandua-guacu , & Cardan Urfus formicarius , -c'eft- à-dire , VOurs qui mange les fourmis. Cet animal a le corps long, les épau'es hautes & hirges , la tête fort étendue, le mufeau diminuant infenfiblement , & les narines amples & ouvertes. Sa longue langue qu'il peut tirer en avant d'un huiticnc de coudée , ce qui lui eft très avant.Tgeux pour attraper les fourmis , finit en une pointe dont le bout forme un petit rond ; fes oreilles font longues 6c pendantes ^ fes yeux affez grands font défendus par d'épaiffes paupières ; fon mufeau eft long , tout ridé , garni de peu de poil ; fa tête , qui eft plate & petite , eft couverte de poils aiïez preffés ; tout le reue du corps de cet animal eft velu de poils longs & épais afTez femblables à des foies de cochon , mais qui cepen- dant près de la peau deviennent cotonneux & plus fins ; leur couleur eft d'un châtain-clair , & fous le ventre d'un brun plus foncé ; le deffus de la queue, qui eft longue & finiftant en pointe, eft d'un fauve-clair; fa femelle, ici dépeinte, a h -.it tettes qui fortent hors du ventre, àfavoir ; trois ce chaque côté , &deux entre les pieds de devant. Des témoins dignes de foi rappor- tent qu'elle met bas à chaque portée autant de petits qu'elle a de tettes , en quoi elle auroit conformité ave^c les truies qui ne mettent bas beaucoup de petits d'une ventrée que lorfqu'elles ont plufietirs tettes. Les pieds de devant & de derrière ne différent de ceux qu'on a dé- crits au n^. 2 de la planche précédente ( // auroit dû dire de la planche xxxvil ; car la planche précédente à celle-ci efl la planche XXXIX , où H n'eji pas quejiion des mangeurs de fourmis ) , qu'en ce qu'ils font plus grands; les plus groifes foi'.rmis bai fervent de nourriture. Nous confecvons dans notre c^hinet Jîx efpèces de as 94 Hljlolre natunlU pages 6^ & 66 , pi. XL , fig. n^. i , eft indiqué dfijne manière vague & équivoque ; cepen- oant je penferois , avec MM. Klein (i) & animaux mangeurs de fourmis, qui diffèrent entr'eux ou par une forme particulière ou par la tête, les pieHs , les ongles. La tamandua , repréfentée au n^. 2 qui fuit (Nota (ju'îl s'agit ici de l'yfquiepatl qui eft plus différente d'un Tamandua qu'un, chat ne Pefi d'un chien, ) eft d*un quart plus petite que celle-ci , & a auflï la tête, les oreilles & les yeux plus petits : fon picl de devant a un feul ongle fort & crochu , & celui de derrière a trois doigts & trois ongles , au lieu que les quatre au- tres efpèces ont cinq doigts armés d'autant d'ongles. Leur poil eft doux, cotonneux, delà couleur de celui d'un jeune lièvre. La cinquième efpèce de tamandua eft de la même figure, d'un poil rouge-pâle qui eft fur le dos d'un blanc-argenté, & deftTous d'un cendré jaunâ- tre ; cette efpèce a quatre tettes & quatre tnamelons , deux fous les jambes de devant 6c deux fous celles de derrière ( cette cinquième efpèce , qui efi de la même figtire que celle qui la précède, eji donc encore une efpèce d'yf- quiepatl & non pas de tamandua ). La ftxième efpèce a le mufeau plus long , ôc les oreilles dreffées comme celles d'un renard ; toutes ces efpèces n'ont point de dents. Seba, vol. I, p. 6^ &L 66 , Tab. 40, fig. n*', i. On ne fait point ce que veut dire ici l'auteur , ni ce que ce peut être que cette fixième efpèce : on voit feulement fu'il fe contredit d'une manière manifefle lorfquil avance que toutes ces efpèces n'ont point de dents ^ puifque l'yf-' quiepatl, qui ejl nommément compris dans les fix , a des dents , & même en grand nombre. En voilà plus qu'il n'en faut pour juger & l'ouvrage & l'auteur. Il ejl fâcheux que la plupart des gens qui font des cabinets d Hiftohe Na^ turelle , ne fuient pas aj[c\ infiruits , & que pour fatis- faire leur petite vanité & faire valoir leur collection , ils- entreprennent d'en puhler des defcriptions toujours rem- plies d exagérations , d'erreurs & de bévues qui demandent plus de temps pour être réformées qu'il n'en a fallu pour les écrire. (/) Klein , de Quadrup p. ^^, du Tamanoir^ Tamandzia ^&c, 95 Linnasus , que ce pourroit être le vrai ta- mandua-^uacu ou tamanoir , mais fi mal décrit >& fi mal repréfenté, que M Linnsus {k)a réimi fous une feule efpèce le premier & le fé- cond de ces animaux de Seba , c'eft-à-dire , celui de la pi. xxxvii , fig. n^. 2 , & celui de la planche xl, fig, n^, k M. BrifTon a re- gardé ce d&rnier comme une efpèce particu- lière ; mais je ne crois pas que rétablifle- ment de cette efpèce foit fondé , non plus que le reproche qu'il fait à M. Klein de l'a- voir confondue avec celle du tamanoir : il paroît que le feul reproche qu'on puiiTe faire à M. Klein , eft davoir joint à la bonne àeC- cription qu'il nous donne de cet animal , dofit la peau bourrée efl confervée dans le cabi- net de Drefde ^ les indications fautives de Seba. Enfin le troifième de ces animaux , dont on trouve la figure dans cet ouvrage , vol. II y page 48 , pi. XLVIl, n^ 2 , eft fi mal décrit que je ne puis me perfuader, mal- gré la confiance que j'ai à MM. Linnseus & BriiTon, qu'on puiife fur la defcription & la figure de l'Auteur, rapporter , comme ils l'ont fait, cet animal au tamandua-i , quQ j'appelle fimplement tamandua : je demande feulement qu'on life encore cette defcription (/) &i qu'on juge. Quelque cJféragréables , (Ja) LInn. Syjî. nat. eclit. X, p. 5/. (/) Tcnzandî/a d" Amérique petit ou îe mangeur de fovr- r?-.*', dépeint avec un nid de ces infcBes. Voi!à coiruTe \\ embrafTe avec les on'^îes de Tes nieciî cïe devant le nid dfe fourmis , defquelles il fait uniquement fes repas. 9^ ff'ifLo'ifC naturelle queîqu'ennuyeufes que foient des difcufTîOFfS de cette efpèce , on ne peut les éviter dsns les détails de l'Hidoire Naturelle : il faut , avant d'écrire fur un lujet, fouvent très peu connu , en écarter autant qu'il eft poffiblé toutes les obfeurités , marquer en paiîant les erreurs qui ne manquent jamais de fe trou- ver en nombre fur le chemin de la vérité, à laquelle il eft fouvent très difficile d'ar- river , moins par la faute de la Nature que par celle des Naturaîifles. Ce qui refaite de plus certain de cette critique , c'eft qu*il exifte réellement trois efpèces d'animaux auxquels on a donné le nom commun de mangeurs de fourmis; que ces trois efpèces font le tamanoir , le tamandua & le fourmiller ; que la quatrième efpèce , donnée fous le nom de fourmiller aux longues oreilles p^r M. Brifîbn, eft douteufe auffi-bien Voyez fa tête oVongue , mince . étroite , fes oreilles courtes , fon mufeaa pointa qui cache fa langue grande & menue avec laquelle il attrnpe les fourmis & le$ avale, ainfi que nous nous propofons de le montrer à Tceil dans les planches qui fuivront ( // ne montre rien dans Us phnches fuivanus) ; fa tête, fes jambes, fes pieds , fa queue &. le devant de fon corps , font jaune- paille , le derrière du corps e(l d'un roux-brun , il porte en bandoulière fur la poitrine un baudrier de poils foyeux qui fe perdent vers le milieu du dos avec le» autres foies qui commenceiu dès-lors à le couvrir ; fa queue eft courte, prefque rafe & recourbée en dedans. Seba , vol. II, p. 4g, TaH. 47, fig. n° . 2.' Nota. Les derniers caracieres de cette defcript'ion conviennent cijfc\ au tamand.'.a , mais en général elU ejl trop peu exacte pour ^uonpu'JJi l ajfurcr, que du Tamanoir i Tamaniua ^ &c, 97 que les autres efpèces indiquées par Seba. Nous avons vu le tamanoir & le fourmil- ler, nous en avons les dépouilles au Cabinet du Roi , ces efpèces font certainement très différentes l'une de l'augre & telles que nous les avons décrites, mais nous n'avons pas vu le tamandua, & nous n'en parlons que d'après Pilon & Marcgrave qui font les iQ\û% Auteurs qu'on puifle confulter fur cet ani- mal , puifque tous les autres n'ont fait que les copier. Le tamanduafait , pour ainfi dire ,1a moyen- ne proportionnelle entre le tamanoir & le fourmiller pour la grandeur du corps ; il a, comme le tamanoir , le mufeau fort alono-é & quatre doigts aux pieds de devant; mais il a , comme le fourmiller , la queue dégar- nie de poil à l'extrémité, par laquelle il fe fufpend aux branches des arbres. Le fourmil- ler a aufll la même habitude : dans cette fuuation , ils balancent leur corps, appro- chent leur mufeau des trous & des creux d'arbres, ils y infmuent leur longue langue & la retirent enfuitebrufquement pour ava- ler les infedes qu'elle a ramaffés. Au refte, ces trois animaux , qui dif- fèrent fi fort par la grandeur & par les proportions du corps , ont néanmoins beau- coup de chofes communes , tant pour la conformation que pour les habitudes natu- relles: tous trois fe nourriflent de fourmis, & plongent aufli leur langue dans le miel & dans les autres fubftances liquides c:î vifqueufes ; ils ramafîent aflez promptement les miettes de pain & les petits morceaux Quadrupèdes , Tonu Il\ ' ï ç8 Wijlolre naturelle de viande liachée ; on les apprivoife & on les élève aifément ; ils foutiennent long- temps la privation de toute nourriture ; ils n'avalent pas toute la liqueur qu'ils pren- nent en buvant , il en retombe une partie qui paffe par les narines ; ils dorment or- dinairement pendant le jour , & changent de lieu pendant la nuit ; ils marchent fi mal qu'un homme peut les atteindre facilement à la courfe dans un lieu découvert. Les Sauvages mangent leur chair qui cependant eft d'un très mauvais goût. On prendroit de loin le tamanoir pour un grand renard, & c'eft par cette raifon que quelques Voyageurs l'ont appelé Renard américain ; il eft affez fort pour fe défendre d'un gros chien & même d'un Jaguar; lorf- qu'il en eft attaqué il fe bat d'abord debout , ëc, comme l'ours , il fe défend avec les mains dont les ongles font meurtriers ; en- iuite il fe couche fur le dos pour fe fer- vir des pieds comme des mains , & dans cette fituation il eft prefque invincible & <:ombat opiniâtrement jufqu'à la dernière extrémité , & même lorfqu'il a mis à mort fon ennemi , il ne le lâche que très long- temps après ; il réfifte plus qu'un autre au combat , parce qu'il eft couvert d'un grand poil touffu , d'un cuir fort épais , & qu'il a la chair peu fenfible & la vie très dure. Le tamanoir , le tamandua & le four- miller font des animaux naturels aux cli- mats les plus chauds de l'Amérique, c'eft- à-dire , au Brefil , à la Guiane , aux pays des Amazones^ &ç, Op ne les trouve point au Tamanoir , Taniandita. \ &c, c,<^ en Canada ni dans les autres contrées froi»- des d»i nouveau monde , on ne doit donc pas les retrouver dans Tancien continent ; cependant Kolbe (m) & Defmarchais {n) ont écrit qu'il y avoit de ces animaux, en Afrique , mais il me paroît qu'ils ont confondu le pangolin ou lézard écailleux avec nos four- miliers. C'eft peut-être d'après un palTage de Marcgrave où il eft dit : Tamanàui guacu Brafilïcnjibus , Congenjibus ( ubl & frequens eft ) umbulu dirtus , que Kolbe & Dei'marchais font tombés dans cette erreur; & en effet, fi Marcgrave entend par Congenfihus les Na- turels de Congo , il aura dit le premier que le tamanoir fe trouvoit en Afrique, ce qui cependant n'a été confirmé par aucun autre témoin digne de foi. Marcgrave lui-même n'avoit certainement pas vu cet animal en •Afrique, puifqu'il avoae qu'en Amérique même il n'en a vu que les dépouilles. Def- jnarchais en parle affez vaguement, il dit fimplement qu'on trouve cet animal en Afri- que comme en Amérique , mais il n'ajoute aucune circonftance qui puilTe prouver le fait ; & à l'égard de Kolbe nous comptons pour rien {on. témoignage , car un hom.me qui a vu au Cap de Bonne-efpérance des -élans & des loups-cerviers tous femblables à ceux de PrufTe , peut bien aufli y avoir vu des tamandua. Aucun des Auteurs qui (m) Defcription du cap de Bonne - efpérance , pac Ko]be , tome III , p. 43. (•j) Voyez Defmarchais , tome 111 , f , 307. I 2 100 Hlfïoirt namrtîUl ont écrit fur les productions de TAfriquô & de TAfie, n'ont parlé des tamandua, & au contraire tous les Voyageurs & prefque tous les Hiftoriens de l'Amérique en font mention précife ; de Léry , de Laët (o) , le P. d'Abbeville (/?) , MafFé (^), Faber, Nie- remberg (r) , & M. de la Condamine (/") s'accordent à dire avec Pifon , Barrère , &c. que ce font des animaux naturels aux pays chauds de l'Amérique ; ainfi nous ne doutons pas que Defmarchais & Kolbe ne fe foient trompés j & nous croyons pouvoir affurer de nouveau que ces trois efpèces d'animaux n' exiftent pas dans l'ancien continent. (o) Defcriptîon des Indes occidentales , par Jean de Laëtp. 4Sf & 556. {p) MifTion en Pifle de Maragnon , par le Père d'Ab- beville. Par/j , 1614, p. 24S. {q) Hiftoire des indes , par MafFé , traduite par de Pure. Paris , 1665 , p. 71. (r) Eufeb. Nieremberg. hifi nat. Antuerpiae , 163J , p. 190 & 191. {s) Voyage de la rivière des Amazones , par M. de la Condamine , f, 1Ô7. '"\3 du. Pangolin & du Phatagln, loi ^ lîfk. )^ j|i ^ l|k^ l|>t j|« J^ ^ i|i j|t «|« «^ ^ J^ i^* «{x. j|||<. J^ 1^ j|«. 1^ LE P A N G O L I N (r.) , Voyn & la comparai/un de ces deux animaux avec laf^un j«i rcrré fente ces cinq doi^U^ du Pangolin & du Phatagin, 103 r/ont point d'écaillés fous la gorge, fouâ la poitrine , ni fous le ventre ; le phatagin ^ comme tous les autres quadrupèdes, a du poil fur toutes ces parties inférieures du corps ; le pangolin n'a qu'une peau liiTe & fans poils. Les écailles qui revêtent & cou- vrent toutes les autres parties du corps de ces deux animaux ne font pas collées en entier fur h peau , elles y font feulement infixées & fortement adhérentes par leui^ partie inférieure ; elles font mobiles comme les piquans du porc-épic, & elles fe relè- vent ou fe rabaiffent à la volonté de l'ani- mal , elles fe hériffent lorfqu'ii eft irrité , elles fe hérilfent encore plus lorfqu'ii fe met en boule comme le hériffon : ces écailles font fi groffes , il dures & fi poignantes qu'elles rebutent tous les animaux de proie, c*eft une cuiraf- fe offenfive qui blelTe autant qu'elle réfifte ; les plus cruels & les plus affamés , tels que le tigre , la panthère , &c. ne font que de vains efforts pour dévorer ces anim.anx ar- més, ils les foulent, ils les roulent , mais en même temps ils fe font des bleffures douloureufes dès qu'ils veulent les faifir ; ils ne peuvent ni les violenter, ni les écrafer, ni les étouffer en les furchargeant de leur poids. Le renard qui craint de pren- dre avec la gueule le hériffon en boule dont les piquans lui déchirent le palais & la lan- gue , le force cependant à setendre en le foulant aux pieds & le preffant de tout fon poids; dès que la tête paroît , il la faifit par le bout du mufeau & met ainfi le hérilibii I4 f04 Hijïcire nntunlU à mort ; mais le pangolin & le phatagin font de tc-us les aaimaux , fans en excepter mé- nie le porc-épic , ceux dont i'armure eft la plus forte & la plus offensive , en forte qu'en contraéïant leur corps & préfentsnt leurs armes , ils bravent la fureur de tous leurs ennemis. Au refte , lorfque le pangolin & le pha- tagin fe refferrent , ils ne prennent pas , com- me le hériflbn , une figure globuleufe & uni- forme , leur corps en fe contrariant fe met en peloton , mais leur grofle & longue queue refte au dehors & itxt de cercle ou de lien au corps; cette partie extérieure par la- quelle il paroît que ces animaux pourroient être faifis , fe défend d'elle-même , elle eft garnie defîus & deiTous d'écaillés auflî dures &: aufîî tranchantes que celles dont le corps eft revêtu : ôi comme elle eft convexe en defTus & plate en deflbus , & qu'elle a la forme à-peu-près d'une demi- pyramide , les cètés anguleux font revêtus d'écaillés ©n tiqiierre pliées à angle droit , lefquelles font auiïï groffes & auffi tranchantes que les au- tres . en forte que la queue paroît être en- core plus foigneufement armée que le corps dont les parties inférieures font dépourvues d'ecailles. Le pangolin eft plus gros que le phatagin , & cependant il a la queue beaucoup moins Jongue ; fes pieds de devant font garnis d'é- cailles jufqu'à l'extrémité , au lieu que le phatagin a les pieds, & même une partie des jambes de devant dégarnis d'écaiilts & du Pangolin & du Pkatag'in, 105 couverts de poil. Le pangolin a auflî les écailles plus grandes , plus épaifles , plus convexes & moins cannelées que celles du phatagin qui font armées de trots pointes très piquantes, au lieu que celles du pan- golin font fans pointes & uniformément tran- chantes. Le phatagin a du poil aux parties inférieures , le pangolin n'en a point du tout fous le corps, mais entre les écailles qui lui couvrent le dos il fort quelques poils gros & longs comme des foies de co- chon , & ces longs poils ne fe trouvent pas fur-^e dos du phatagin. Ce font-là toutes les différences efrentielles que nous ayons re- marquées en obfervant les dépouilles de ces deux animaux qui font û différens de tous les autres quadrupèdes , qu'on les a regardés comme des efpèces de monftres. Les différences que nous venons d'indiquer étant générales & conftantes , nous croyons pouvoir affurer que le pangolin &. le pha- tagin font deux animaux d'efpèces diftinéles & féparées ; nous avons reconnu ces rap- ports & ces différences , non-feulement par l'infpeétion des trois fujets que nous avons vus , mais aulîi par la comparaifon de tous ceux qui ont été obfervés par les Voya- geurs & indiqués par les Naturaliftes. Le^^ngolin a jufqu'à fix , fept & huit pieds de grandeur, y compris la longueur de la queue , lorfqu'il a pris fon accroilTe- ment entier; la queue qui eft à-peu-près de la longueur du corps, paroît être moins longue quand il eft jeune ; les écailles font aulîi moins grandes , plus minces & d'une 106" Hijloln natuTtlli. couleur plus pâle, elles prennent une telrifc plus foncée lorfque l'animal eft adulte , Si elles acquièrent une dureté fi grande qu'elles réfiftent à la balle du moufquet. Le phatagiii eft, comme nous l'avons dit , bien plus petit que le pangolin ; tous deux ont quelques rapports avec le tamanoir & le tamandua ; comme eux , le pangolin & le pliatagin ne vivent que de fourmis ; ils ont aufîî la langue très longue , la gueule étroite & fans dents apparentes , le corps très alongè , la queue aufïï fort longue & les ongles des pieds à-peuprèsde la même grandeur 3^ de la même forme , mais non pas en même pom- bre ; le pangolin & le phatagin ont cinq ongles à chaque pied, au lieu que le ta- manoir & le tamandua n'en ont que quatre aux pieds de devant ; ceux-ci font couverts de poil , les autres font armés d'écaillés , & d'ailleurs ils ne font pas originaires du même continent ; le tamanoir & le taman- dua fe trouvent en Amérique , le pangolin & le phatagin aux Indes orientales & en Afrique où les Nègres les appellent Quogclo (c); ils en mangent la chair qu'ils trouvent (c) On trouve dans les bois un animal à quatre pieds ijue les Nègres appellent Quogclo. Depuis le cou juf- qu'à l'extrémité de la queue , il eft couvert d'écail!es faites à-pe;i-près comme les feui'les de l'artichaud , un peu plu^pyiiitues : elles font ferrées, nffez épaiiTes & fuffifamment fortes pour le défendre des griffes & des i^ents des animaux qui l'attaquent. Les tigres & les léopards lui donnent k chalTç fans. xelÀch« , & n'oivt du Vanplin & du vhatagin, 107 ciélicate & faine ; ils fe fervent des écailles à plufieurs petits ufages. Au refte , le pan- golin & le phatagin n'ont rien de. rebutant que la figure ; ils font doux , innocens & ne font aucun mal ; ils ne fe nourriffent que d'infedes; ils courent lentement Si ne peuvent échapper à Thomme qu*^ fe ca- pas de peine à le joindre , parce qu'il s'en faut bien i^u'il aille au(Ti vîte que ces anÎTirux j il ne lailTe pas «le fuir, mais comme il eft bientôt attrapé , & que fcs ongles & fa gueule lui feroienr de foibles défenfes contre des animaux qui ont de terribles dents & des griffes bien fortes & bien aiguës , la Nature lui a en- l'eigné de fe mettre en boule en pliant fa queue fous fcn ventre & fe ramaflant de telle manière qu'il ne préfente de tous côtés que les pointes de fes écailles. Le tigre ou le léopard ont beau le tourner doucement avec leurs griffes , ils fe piquent dès qu'ils veulent le faire un peu rudement , & font contraints de le laiffer en repos. Les Nègres l'affomment à coups de bâton , l'écorchent , vendent fa peau aux Blancs & mangent fa chair : ils difent qu'elle eft blanche & dé- licate. Sa tête & fon mufeau , que fa figure pour- roit faire prendre pour une tête & un bec de canard , renferme une langue extrêmement longue , imbibée d'une liqueur on6\ueufe & tenace; il cherche les four- milières ôc les lieux de paffaga de ces infeé\es ; il e'tèrvd fa langue & la fourre dans leur trou ou l'aplatit fur le paiiage ; ces in^'eèles y courent aufii-tôt attires par l'odeur , & demeurent empêtrés dans la liqueur onf^ueufe ; & quand l'animal fent que fa langue eft bien chargée de ces infeiî^es , il la retire & en fait fa curée. Cet animal n'eft point méchant , il n'attaque perfonne , il ne cherche qu'à vivre ; & pourvu qu'il trouve des fourmis , il eft content & fait bonne chère. Les plus grands qu'on ait vus de cette efpèce avoient huit pieds dp longueur, y compris la queue qui en a bien quatre. Voyage de Dejmarchais , tome /. p. z&O & zu. lo8 Hijîolre naturelle chant dans des trous de rochers ou dans de» terriers qu'ils fe creufent & où ils font leurs petits. Ce font deux efpèces extraordinai- res , peu nombreufes , affez inutiles , & dont la forme bizarre ne paroît exiger que pour faire la première nuance dç la figure des quadnipèdes à celle des reptiks. des Tatous, 109 LES TATOUS [a]. JLioRSQUE Ton parle d'un quadriipède , il femble que le nom feul emporte l'idée d'un animal couvert de poil ; & de même lorC» qu'il eft queftion d'un oifeau ou d'un poif- fon j les plumes & les écailles s'offrent à l'i- magination, & paroiffent être des attributs inféparables de ces êtres. Cependant la Na- ture 3 comme fi elle vouloit fe fouftraire à toute méthode & échapper à nos vues les plus générales, dément nos idées , contredit nos dénominations , mécornoît nos carac- tères , & nous étonne encore plus par fes exceptions que par Tes loix. Les animaux quadrupèdes qu'on doit regarder comme fai- iant la première claffe de la Nature vivan- te , & qui font , après l'homme , les êtres les plus remarquables de ce monde , ne font néan- moins ni fupérieurs en tout , ni ("éparés par des attributs conftans ou des caraéleres uniques de tous les autres êtres. Le premier de ces ca- raileresj qui conftitue leur nom & qui con- {a) Tatu ou Tatou , nom générique de ces animaux M\ Brefil. Tatufia, félon Maffée, Hifioirt des Indes. Pa- ris , i66^ y p. 69. Les Efpagiiols ont appelé ces aoimaux Annadillo. Nous avons rejeté cette dernière dénomina- tion, parce qu'on l'a également appliquée au pnngolin & au phfctagin qui font des animaux très différens des tatOMS pour l'elpèce & pour le climat. I lO Hlj%lre naturelle fifte à avoir quatre pieds , fe retrouve dans les lézards , les grenonilles , &c , lefqiiels néanmoins diffèrent des quadrupèdes à tant d^autres égards, qu'on en a fait avec raifon une clafTe féparée. La féconde propriété gé- nérale , qui eft de produire des petits vivans, iVappartiônt pas uniquement aux quadrupè- des, puifqu'elle leur eft commune avec les cétacées. Et enfin le troifième attribut qui paroifToit le moins équivoque , parce qu'il eft le plus apparent, & qui confifte à être couvert de poils , fe trouve , pour ainfi dire , "en contradiéVion avec les deux autres dans plufieurs efpèces qu'on ne peut cependant retrancher de Tordre des quadrupèdes , puif- qu'à Texception de ce feul caradere , elles leur reffemblent par tous les autres. Etcom- m€ ces exceptions apparentes de la Nature lie font dans le réel que les nuances qu'elle emploie pour rapprocher Iss êtres même les plus éloignés , il faut ne pas perdre de vue ces rapports finguliers & tâcher de les fai- fir à mefure qu'ils fe préfentent. Les tatous j au lieu de poils, font couverts comme les tortues, les écreviffes & les autres crufta- cées , d'une croûte ou d'un têt folide ; les pangolins font armés d'écaillés aflez fem- blables à celles des poiffons; les porcs-épics portent des efpèces de plumes piquantes & îans barbe , mais dont le tuyau eft pareil à celui des plumes des oifeaux ; ainfi dans la claffe feule des quadrupèdes , & par le ca- raâere même le plus conftant & le plus ap- parent des animaux de cette claffe* qui eft d'être couvert de poils , la Nature varie en . des Tatous, 1 1 1 fe rapprochant de trois autres clafles très différentes , & nous rappelle les oifeaux , les poiffons à écailles & les cruftacées. Aufîi faut-il bien fe garder de juger la nature des ctres par un feul caractère , il fe trouveroit toujours incomplet &. fautif; fouvent même deux & trois caractères, quelque généraux qu'ils puiffent être , ne fufnfent pas encore , & ce n'eft , comme nous l'avons dit &. redit, que par la réunion de tous les attributs & par rénumération de tous les caractères qu'on peut juger de la forme eflentieile de chacune des productions de la Nature. Una bonne defcription & jamais de définitions , une evpofition plus fcrupuleufe fur les diffé- rences que fur les reflémblances , une atten- tion particulière aux exceptions & aux nuan- ces même les plus légères y font les vraies règles &, j'ofe dire , les feuls moyens que nous ayons de connoitre la nature de cha- que chofe ; & fi l'on eût employé à bien décrire tout le temps qu'on a perdu à dé- finir & à faire des Méthodes, nous n'euf- fions pas trouvé l'Hiltoire Naturelle au ber- ceau, nous aurions moins de peine à lui ôter fes hochets, à la débarraffer de i^% langes , nous aurions peut-être avancé fon âge, car nous euffions plus écrit pour la fcience & moins contre l'erreur. Mais revenons à notre objet. Il exifte donc parmi les animaux quadrupèdes & vivipa- res plufieurs efpèces d'animaux qui ne font pas couverts de poil. Les tatous font eux feuls un genre entier dans lequel on peut compter plufieurs efpèces qui nous paroif- 1 1 i Hijîolrt naturelle fent être réellement diftiné^es & féparèes les unes des autres : dans toutes , l'ani- mal eit revêtu d*un têt femblable pour la fubftance à celle des os ; ce têt couvre la tête , le cou , le dos , les flancs , la croupe & la queue jufqu'à l'extrémité ; il eft lui - même recouvert au dehors par un cuir mince, liffe & tranfparent; les feules parties fur lefquelles ce têt ne s'étend pas , font la gorge, la poitrine & le ventre qui préfentent une peau blanche & grenue , iemblable à celle d'une poule plumée; & en re2;ardant ces parties avec attention , l'on y voit de place en place des rudimens d'é- cailles qui font de la même fubftance que le têt du dos; la peau de ces animaux , même dans les endroits où elle eft la plus foufle, tend donc à devenir offeufe, mais l'cffification ne fe réalife en entier qu'où elle eft la plus épaifTe ^ c'eft-à-dire , fur les parties fupérieures& extérieures du corps & des membres. Le têt qui recouvre toutes ces parties fupérieures , n'eft pas d'une feule pièce comme celui de la tortue; il eft partagé en plufieurs bandes fur le corps , lefquelles font attachées les unes aux au- tres par autant de membranes qui permet- tent im peu de mouvement & de jeu dans cette armure. Le nombre de ces bandes ne dépend pas , comme on pourroit l'imaginer , de l'âge de l'animal; les tatous qui vien- nent de naître & les tatous adultes ont , dans la même efpèce , le même nombre de bandes , nous nous en fommes con- vaincus en comparant les petits aux grands; des Tatous, Tif & quoique nous ne puiffions pas afTurer que tous ces animaux ne fe mêlent ni ne peuvent produire enfemble, il eft au moins très probable, puifque cette différence da nombre des bandes mobiles eft conftante, que ce font ou des efpèces réellement dif- tinâes , ou au moins des variétés durables & produites par Tinfluence des divers cli- mats. Dans cette incertitude que le temps feul pourra fixer , nous avons pris le parti ^e préfenter tous les tatous enfemble & de taire néanmoins l'énumération de cha- cun d'eux , comme fi c'étoient en efFet au- tant d'efpèces particulières. Le Père d'Abbeville (h) nous paroît être le premier qui ait diftingué les tatous par des noms ou des épithètes qui ont été pour la plupart adoptées par les Auteurs qui ont écrit après lui. Il en indique afTez claire- ment fix efpèees. i^. Le Tatou- ouajfou , qui probablement eft celui que nous appelons Kabajfou ; 2.^. le Tatouète , que Marcgrave a aufîi appelé Tatuke , & auquel nous confer- verons ce nom; 3*^. le Tatou-peb , qui eft le Tatupeba ou VEncultrto de Marcgrave , auquel nous conferverons ce dernier nom; 4^- le Tdtou-apar qui eft le Tam-apara de Alarc- grave, auquel nous conferverons encore fon nom ; 5^. le Tatou - ouinchum qui nous pa- roît être le même que le Cirquïnchum , & que nous appellerons Cirqumçon , 6^. le Ta- (i) Miniîon au Mars gnon , par le Père d'AbbeviîIe^ capucin, Par« , 1614, r. 247. K 1 1 4 Hijîolrt namrtlU tou-mlrî, le plus petit de tous, qui pourroît bien être celui que nous appellerons Cachi- came. Les autres Voyageurs ont confondu les efpèces , ou ne les ont indiquées que par des noms génériques. Marcgrave a diftingué & décrit VApar, VEncoubert &i le Tatuète; Wor- mius & Grew ont décrit le Cachkama & Grew feul a parlé du Cïrqulnçon y mais nous n'avons eu befoin d'emprunter que les defcriptions de Tapar & du cirquinçon^ car nous avons vu les quatre autres efpèces. Dans toutes , à l'exception de celle du cirquinçon , l'animal a deux boucliers olTeux , l'un fur les épaules & l'autre fur la crou- pe ; ces deux boucliers font chacun d'une îeule pièce , tandis que la cuiraffe , qui eft ofleufe auffi & qui couvre le corps , eft divifée tranfverfalement & partagée en plus ou moins de bandes mobiles & féparées les unes des autres par une peau flexible. Mais le cirquinçon n'a qu'un bouclier, & c'eft celui des épaules ; la croupe^ au lieu d'être couverte d'un bouclier, eft revêtue jufqu'à la queue par des bandes mobiles pareilles à celles de la cuiraffe du corps. Nous allons donner des indications claires & de courtes defcriptions de chacune de ces efpèces. Dans la preaîiere , la cuiraffe qui eft entre les deux boucliers eft compofée de trois bandes ; dans la féconde elle l'eft de fix ;. dans la troifième de huit ; dans la quatrième de neuf; dans la cinquième de douze; & enfin dans la fixième il n'y a j comme nous venons de le dire , que le bouclier des épaules qui foit d'Une feule pièces rarmure de la croupe. » des Tatous. ^5 ainfi que celle du corps , font parta2,ées en bandes mobiles qui s'étendent depuis le bou- clier des épaules jufqu'à la queue , & qui font au nombre de dix- huit. l'Apar {cJ ou le Tatou a trois bandes^ Le premier auteur qui ait indiqué cet ani- mal par une defcription , eft Charles de l'E- clufe ( Clufius ) , il ne l'a décrit que d'a# près une figure ; mais on reconnoît aifément aux cara(fteres qu'elle répréfente, & qui font trois bandes mobiles fur le dos , & la queue très courte , que c'eft le même ani- (c) Apar, Tatu apara , nom de cet animal au Brefil , Se que nous avons adopté. Armadillo feu Tatu genus alterum. jCIufii Exotic. pag, lOp. Tatu apara. Marcgrave , lûfl. Brafil.p. 2^2. Tatu (e\xArmadi/lo. Pifon , hi/i. nat. Brafil.p. loo. Tatu apara. Armadilii tcrtia fpccics Marcgravu. Ray» Synopf. quadnip. p. 25^. Tatu feu AtynadUlo orienta lis ^ loricâ ojfea toto corpore teclus. Sfcba , vol. I , p. 6x , Tab. 38 , fig. 2 & 3. Not-a qu'il y a erreur dans cette phrafe indicative , cet ani- mal ne fe trouvant qu'en Amérique 6t point aux Indes orientales. Tatu Gefncri^ Tatu apara Marcgrav'd. Barrère , hijî. Franc, éqiiin. p. /6j. Erinaceus loricatiis cinpdis tribus, Linn. Syjî. nat, ccUt. IV. p. 66 Dafypus cingulis tribus , edit. VI , p, 5. --- Triclncius. Dafypus cingu/is tribus, edit. X , p. fl. Cataphracius fcutis duobus , cingu lis tribus . . . Arma- iillo ori€/7MJij. L'annadille oriental. Briffon , Rcgn. ani" mal. p. -^8. Nota. Même erreur au fujet de l'cpiihèi« i,r! entai , copies de Seba. K a ! 1 6 Hîjîoîre naturelle mal que celui dont Marcgrave nous a don- né une bonne defcription fous le nom de Tatu-apara ; il a la tête oblongue & prefque pyramidale , le mufeau pointu , les yeux petits , les oreilles courtes & arrondies , le defTus de la tête couvert d'un cafque d'une feule pièce ; il a cinq doigts à tous ks pieds: dans ceux du devant les deux ongles du mi- lieu font très grands, les deux latéraux font plus petits, & le cinquième, qui eft l'exté- rieur & qui eft fait en forme d'ergot , eft encore plus petit que tous les autres ; dans les pieds de derrière les cinq ongles font plus courts & plus égaux. La queue eil très courte , elle n'a que deux pouces de lon- gueur, & elle eft revêtue d'un têt tout au- tour; le corps a un pied de longueur fur huit pouces dans fa plus grande largeur. La cuirafie qui le couvre eft partagée par qua* tre commifi'ures ou divifions, & compofée de trois bandes mobiles & tranfverfales qui per- mettent à l'animal de fe courber & de fe con- trarier en rond ; la peau qui forme les commif- fures eft très fouple. Les boucliers qui cou- vrent les épaules ôi la croupe, font compofés de pièces à cinq angles très élégamment ran- gées ; les trois bandes mobiles entre ces deux boucliers font compofées de pièces quarrées ou barlongues , & chaque pièce eft chargée de petites écailles lenticulaires d'un blanc- jaunâtre; Marcgrave ajoute que quand Ta- par le couche pour dormir, ou que quel- qu'un le touche & veut le prendre avec la Main , il rapproche & réunit , pour ainfi dire y en un point fes quatre pieds ^ ratnè- des Tatous, Ilf ne fa tête fous fon ventre, & fe courbe ii parfaitement en rond, qu'alors on le pren- droit plutôt pour une coquille de mer que pour un animal terreftre. Cette contra6rion Il ferrée fe fait au moyen de deux grands mufcles qu'il a fur les côtés du corps , & l'homme le plus fort a bien de la peine à le defferrer & à le faire étendre avec les mains. Pifon & Ray n'ont rien ajouté à la defcrip- tion de Marcgrave qu'ils ont entièrement adoptée ; mais il eft fmgulier que Seba , qui nous a donné une figure & une defcrip- tion qui fe rapportent évidemment à celle de Marcgrave , non-feulement paroifTe l'i- gnorer puifqu'il ne le cite pas, mais nous dife (ûf) avec oftentation , ii^S' aucun Natura^ i'ijie n'a connu cet animal , qu'il ejî extrêmement rare , qu'il ne fe trouve que dans les contrées Us plus reculées des Indes orientales , 6'c, tandis que c*eft en effet l'apar duBrefil très bien décrit par Marcgrave , & dont l'efpèce eft auffi connue qu'aucune autre , non pas aux Indes orienta- les , mais en Amérique où on le trouve af- fez communément. La feule différence réelle qui foit entre la defcription de Seba & celle de Marcgrave, eft que celui-ci donne à Ta- par cinq doigts à tous les pieds , au lieu que Seba ne lui en donne que quatre. L'un des deux s'eft trompé , car c'eft évidemment le (J) Hure rcmotiffimi & maxime yer-^ùs crienfem fid Indl.t Icsi profcrunt . . . AniKisL hccce rarum admcdum &• h ■lui v'^-'^'T^re efi , nec cjus m^nt-onsm ab uIJq ûntûruirt Jaciiim rtpîrimusi ^c. Sebo , vol. I j p- 6:, î I s Hijîoln naturelle même animal dont tous deux ont entendu parler. Fabius Coîumna (e) a donné la defcription des figures d'un têt de tatou defTéché & con- tracté en boule, qui paroît avoir quatre ban- des mobiles. iMais comme cet auteur ne con- noiflbit en aucune manière l'animal dont il décrit la dépouille ; qu'il ignoroit jufqu'au nom de tatou , duquel cependant Bellon avoit parlé plus de cinquante ans auparavant; que dans cette ignorance Columna lui compofe im nom tiré du grec ( Cheionifcus); que d'ail- leurs il avoue que la dépouille qu'il décrit, a été recollée & qu'il y manquoit des piè- ces ; nous ne croyons pas qu'on doive , com- me l'ont fait nos nomenclateurs modernes (/), prononcer qu'il exifte réellement dans la Nature une efpèce de tatou à quatre ban- des mobiles , d'autant plus que depuis ces indi- cations imparfaites données en 1606 par Fa- bius Columna , on ne trouve aucune noti- ce dans les ouvrages des Naturalises de ce tatou à quatre bandes , qui , s'il exiftoit en effet , fe feroit certainement retrouvé dans quelques cabinets, ou bien auroit été re- marqué par les voyageurs. (e) Aguatll. & teir:finum anima!. Ohf. Fab. Columna auRûn. Romae , 1606 , p. 1 ^ , T.ib. p. 16 , fig, 1 , a & j. (yj Quaei^icincius , Dafypus cinguUs quatuor. Linn. Syjî, rat. edir. X, p. Sii""'' ^• Cataphra'cfu^ fcutis duohus , clntruils quatuor. . . . ^r~ madill' Indiens, L'armadille dei inde*. BrilTon , lU^, 'enirnal. ^- S9* ■ des Tatous, 1 1 9 l'Encoubert (o) ou le Tatou a six bandes. Voye^ planche VII, fg. 4 de ce Volume, UEncoubert eft plus grand que l'Apar , il a le defTiis de la tête, du cou & du corps entier, les jambes & la queue tout autour, revêtus d'un têt oiTeux très dur & compofé de plufieurs pièces aiTez grandes Ik très èlé- (^) Encoubert , Encuheno ou Encuhertado , nom que ks Portugais ont donné à cet animal , & que nous avons adopté. Tatou. Obf. de Belon ,p. zn. Nota. Quoique Beîon ne parle pas dans ("a defcription du nombre des bandes de fon tatou , l'on peut croire que c'eft le tatou à iix bandes à l'infpeftion de fa figure, qui cependant eft fort mal faite , Se très difproporrionnée à tous autres égard?, Tatiis feu Ech'nus Brafdlaniis. Aldrov. de quadrup. digh. vivip. p. 478, f.g. p. 480. Nota. /Jdrovande ne parle pas du nombre àes bandes , mais fa figure en in- dique diftinftement fix. Tatupcha ^rafilianîs. Enculerto Liifitanis . . . In dorfo feptem funt divi/ura , cutz fufcâ intcnncdiâ. Marcgrave , Hijl. BrafiL p. 2^:. Nota que ce mot dlvifura. , ainiî que ceux de junclnrx. & de cojnmijfura , fignifient les intervalles entre les bandes, & non pas les bandes mé« mes ; en forte que quand un auteur dit qu'il y a fept dî- vifions , jointures ou commiffjres, cela n'indique que {ix bandes & non pas fept, le nombre de divifions étant oéceffairement plus grand d'une unité que celui des bandes; je fais cette remarque parce que ces junciurrès que l'Encoubert; il a la tête petite , e mufeau pointu , les oreilles droites , un (A) Tatuète, Tatu-eté, nom de cet animal au BreHI, ÎC que nous avons adopté. Tatus. Gefner , Hi/i. quaimp. p. 95/. Nota. La figure donnée par Gefner a été faite d'après nature. Quoi- qu'elle paroiffe préfenter dix bandes , les deux derniè- res ne doivent point être comptées^ parce que la pre- mière & la dernière ne font pas mobiles , & que dans tous les tatous ces deux bandes forment la bordure des boucliers auxquels elles fon» réunies & adhérentes, Aiotochtli. Hernandès , hifl, Mex. p. ^14. latu feu Armadillo Clufii. Exotic. p. 5J0. Tatou. Dcfcription des Indes occidentales , par de Laet» f. 486. Tatuète Brafilienfibus , vordadeiro Lujitanîs, Marcgrav, hift. Brafil. p. 231. Tatou ou Armadille. Hifloirc généra ^es Antilles , par U Père du Tertre. Par' s , 1667 , tome II, p. 298 , /?/. 13 , j^g. n*'. 6. Nota que cet auteur donne dix bandes à fon tatou dans fa defcription , néanmoins il y a toute appa- rence , à l'infpe£lion feule de fa figure, qu'il a compris ijgns ce nombre de dix bandes , les deux bords des bou- cliers dont la mofaïque eft en effet la même que celle des bandes mobiles ; car , comme nous l'avons déjà dît plus d'une foi$ j ces bords ne fgnt pas féparés du reîte des Taloaî^ îi| peu alongées , la c^ueue encore plus longue & les jambes moins baffes à proportion que l'encoubert; il a les yeux petits & noirs > quatre doigts aux pieds de devant & cinq à ceux de derrière ; la tête eft couverte d'un calque, les épaules d'un bouclier, la crou- pe d'un autre bouclier, & le corps d'une cuiraffe compofée de huit bandes mobiles qui tiennent entr'elles & aux boucliers par neuf jointures de peau flexible ; la queue efl revêtue de même d'un têt compofé de huit anneaux mobiles & féparés par neuf jointu- res de peau flexible. La couleur de la cuiralTe du bouclier , ils y font au contraire tout- à-fait adhé- Tens ; on ne doit donc pas les compter dans le nonr- bre des bandas mobiles qui par conféquent fe réduit à huit dans la figure donnée par le Père du Tertre. Tametc BrafiUcnfibus , Armadilll fecunda. fpccUs Marc- gravli. Kay , Synopf. quadrup.p, ajj. Septem cinclus. Dafypus cin^utis fcpunis , palmis tetradac tyUs , plantis pentadaclylis. L'inn. Syjî. nat. edit. X, p. 51 > H'^.^.Nota. Il y a erreur dens cette phrafe indicative, cet animal ayant huit bandes mobiles 5c non pas fept. Cataphraclus fcutis duobus , cinguUs 0^0. . . Armadill» BraJiL L'armadile du Brefil. BriflTon. Reg. animal, p. 41. Nota qu'il n'eft nullement prouvé que VArmadillo t'eu Aiotocht'ii de Nieremberg, & que le Tatus major mof" eft que la Nature l'a armé de dure efcorce & larges « écailles à la manière d'un corcelet , 8c aufli qu'on »♦ peut aifément ôter fa chair de léans fans rien per- »♦ dre de fa naïve figure. Jà l'avons dit efpèce de hérif- »♦ fon du Brefil. Car elle fe retire en fes écail'es corn- » me un hériffon en {^% épines. Elle n'excède point la « grandeur d'un moyen pourcelei; auHi eft-elle efpèce »♦ 5e pourceau , ayant jambes , pieds & mufeau de mê- tt A^e j car on l'a déjà vu -vivre en France, & fe nom- des Tatous, 73 y a écrit il y a plus de deux cents ans , & qui eft l'un des premiers qui nous en ait donné une courte defcription avec la figure d'un tatou dont il avoit vu la dépouille en Turquie, indique affez qu'il venoit du nou- veau continent. Oviedo (;?) , de Léry (^) , Gomara (r), Thevet ^,/) , Antoine Herrera (r), le P d'Abbeville {u) , François Xime- nès, Stadenius {x) , Monard (j^) , Jofeph Acofta (^{) , de Laët {a) , tous les Auteurs plus récens , tous les Hifloriens du nou' veau monde, font mention de ces animaux comme originaires des contrées méridionales de ce continent. Pifon , qui a écrit pofté- rieurement à tous ceux que je viens de ci- ter, eft le feul qui ait mis en avant, fans s'appuyer d'aucune autorité , que les arma- w rir de grains & de fruits «. Ohfirvations de Bdlon, Paris y 1555, p. iii. ip) Oviedo , Summarltim Ind. occid. cap xxii. {q) Hiftoire d'un voyage fait en la terre du Brefil l par Jean cie Lery. Paris , 157?, p. 154 & fuiv. (r) Gomara , hji. Mexican, {s) Singularités de la France antarftique, par Thevei, chap. Liv. {t) Defcription des Indes occidentales, par Ant. de "Herrers.' A'T-Jierdamy 1621, p. 252, (tt) Miflion en l'ifle de Maragnon . parle P. C. d'Ab- beville, capucin. Pârij, 1614, p. 148. (x) Joann. Staden. Res gefta in Brafilra , &c. {y) Nicolai Monardi. SimpUcium Med'-c Hifi. p. 550. (^) Hiftoire naturelle des Indes , par Jofeph Acofta# Paris , 1600 , p. 198. (a) Defcription des Indes occidentales , par Jean de I*aët , €hap. Y , p. 485 ôt 48$ j & chap, XV , p. 55.6. 1^6 H'ijîoirt natunlU dilles fe trouvent aux Indes orientales {h) ; aufli-bien qu'en Amérique ; il eft probable qu'il a confondu les pangolins ou lézards écailleux avec les tatous : les Efpagfiols ayant appelé Armadillo ces lézards écailleux , auffi-bien que les tatous , cette erreur s'eft multipliée fous la plume de nos defcrip- teurs de Cabinets & de nos Nomenclateurs , qui ont non-feulement admis des tatous aux Indes orientales , mais en ont créé en Afri- que , quoiqu'il n'y en ait jamais eu d'au- tres dans ces deux parties du monde que ceux qui y ont été tranfportés d'Amérique. Le climat de toutes les efpèces de ces animaux n'eft donc pas équivoque ; mais il eft plus difficile de déterminer leur grandeur relative dans chaque efpèce ; nous avons comparé dans cette vue, non-feulement les dépouilles de tatous , que nous avons en grand nombre au Cabinet du Roi , mais en- core celles que l'on conferve dans d'autres Cabinets ; nous avons auiîi comparé les in- dications de tous les Auteurs avec nos pro- pres defcriptions , fans pouvoir en tirer des réfultats fkécis : il paroît feulement que les deux plus grandes efpèces font le ka- bafîbu & l'encoubert , que les petites efpè- ces font Tapar , le tatuète , le cachica- {h) Cum in occidenialis non fulum , fed & orientalis IndiA partihus frequens adco fit hoc inufitatx conforma' tionis animal, non mirum fi vei nomine , vei ma^nitudine, figura ^uoqut fubindc variei, Pifon , hlfi, nat, BrafiL page me des Tatous. 13 f me & le cirquinçon. Dans les grandes ef- pèces le têt eft beaucoup plus folide & plus dur que dans les petites ; les pièces qui le compofent font plus grandes & en plus pe- tit nombre ; les bandes mobiles anticipent moins les unes fur les autres , & la chair aufli-bienque la peau eft plus dure & moins bonne. Piîbn dit que celle de l'encoubert n*eft pas mangeable (c) ; Nieremberg allure qu'elle eft nuifible & très mal faine (J) ; Bar- rère dit que le kabalTou a une odeur forte de mufc ; & en même temps tous les autres Auteurs s'accordent à dire que la chair de l'apar & furtout celle du tatuète font aufli blanches & aufli bonnes que celle du co- chon de lait ; ils difènt auiîi que les tatous de petite efpèce fe tiennent dans les ter- reins humides & habitent les plaines , & que ceux de grande efpèce ne (e trouvent que dans les lieux plus élevés & plus fecs {e\ Ces animaux ont tous plus ou moins de facilité à fe reflerrer & à contrafter leur corps en rond ; le défaut de la cuiraffe , (c) Prima 6» maxima ( fpecîes) tatupeha cujus defcrïp^ t'wnifuperfedco , utpote non edulis. Pifon , hljî. nat, Brafih p. 100. (d) Qiutdam înnoxia 6- gratiffïmi alîmenti funt , alià noxia & vcnenata. ut vomitu ac flatu alvi fincopan indu- carit . . . Difiinguvtur tefianim feu laminarurn numéro .' innoxia oclonis , noxia fenis confiant, Nieremberg , hifi, nat. Peregr. p, ifQ. (e) Dans k'> bois de l'Orénoque & de la Guiane , on trouve des Armariilles quatre fois plus gros que ceux ies plaines. Hifioire naturdU di rOrénoque , par Gw milia jiQa\9 1I> p. 7^ M lyS NI floïn naturelle ^ Iorfqu*ils font contra♦ que l'animal appelé Sarigoy î» par les Sauvages du Brefil, eft de poil grisâtre; que ?♦ parce qu'il pue eux n'en mangent pas volontiers ; tou» »» tefois , ajoute-t-il, nous autres en ayant écorché p quelques-uns, ôc connu tjue c'étoit feulement la graiiTe du Sarigue ou Opojjurn. 149 Le fécond eft , que le mâle & la femelle ont tous deux le premier doigt des pieds de derrière fans ongle & bien féparé des au- » qu'ils ortt fur les rognons qui leur rend cette mau-' » vaife odeur, après leur avoir ctée, nous ne laiffions Y» pas d'en manger, Ôc défait, la chair en eft tendre 6c >» bonne *<. Hiflolre d'un voyage fait en la terre dit BrejU^ par Jean de Lcty. Paris , ipd, p. if6. C'eft là tout ce qu'on trouve dans de Léry au lujet du farigoy : c'eft donc par la reffemblancc feuie du nom qu'on a jugé que c'étoit le même animal que !e Carigneya duBrefil. Seruûi ou Serwoi, Stadenius , hiji. Brafil, p. 129. - Chiurca & Ckucia, félon Oviedo & Cardan. De fubû" Htate , lib. x , oper. tome III , p. 531. Apojfimies , félon Raph. Hamor. dans fa defcription de la Virginie. Opaffum , de Laëtj hlfioire du nouveau monde , p. 88* Tlaquatyn , fuivant le même de Laët, p. 143 , où il en donne une defcription encore tirée de Ximénès. Cjrague, félon le même de Laët , p. 485. Maritacaca, Pifon ; Carig^oy , Lerii ; Reposa, Lufita» nis ; Carigneya , Brafilienfîbus j Japatiima nonnullis , Alarcgrave ; Tlaqnat\in , Hernandcs , Lerio ; Sarigcy femi-Vulpa , Gefnero ; the Pojjum, Ray , Synopf. quadr» p. 682 & 683. Nota qu'il y a erreur dans cette pre- mière phrafe indicative citée par Ray , puifque le Ma- ritacaca n'eft pas le même animal que le Carigueya, & que ce font en effet deux animaux différens , co nme il eft aifé de s'en alfnrer en lifant feu'ement les articles de Pifon où il en eft queftion, pages 313 ôc 324. Carigucya feu Marfiipiale Amcricarutm ; or , the Ana- tomi of an Opujptm , by Edward Tyfon. London , 1698. — Idem. Philufophical. Tranfacl. April. K5f?^. N^. 2^9, Nota, Tyfon n'a donné que la defcription de la femelle, Cowper a donné enfuite la defcription du mâle. Will. Cowper , Marfiipiale Americanum mas. Philo fophic. Tranf. Mars, 1704, N^. 290, Opvjfum. Catesby. Aiy?. de /a Carol. append. p. 29. Offa au Miftiftipi. Voyages de la Mon tan. La Haye, 1706, lom.ll, p. 44. N3 l^O Hijlo ire nature! le très doigts , tel qu^eil le pouce dans îa maîn de l'homme, tancus que les quatre aurres dioigîs de ces mêmes pieds de derrière ibnc Opofum ou Pojjum» Hifloire de la Virginie traduite ie iArgicis. Orléans., 17C5 , p. •214. Gpajfum. Hiiloire naturelle des Antiiics. Rotterdam, ^6^8, /;. m & 1:2. Man'tou. Hiiloire générale des Antilles, par le P. du Tertre. Paris , 1667, tome 11, p. 3C1, Paras Q\-\ Ravale. Hifl. nst. de l'Orénoque , par Gii- milla. Avignon , 175S, tome III , p. 2-^S. >♦ La femelle »» du Paras y dit Gumil'a , a la peau de l'eftomac iIou- « ble , & celle de dehors eft fendue par le milieu » d'un bout à l'autre, de forte qu'elle a de chaque cô- »♦ té une poche dans laquelle elle é.ève & tient fes qu:~ « tre petirs jufqu'à ce qu'ils foient en état de marcher « & de chercher letir nourriture «'. Nota, Ce que dit ici Gumi'la de fon Paas, s'accorde avec ce que :'it Maflfce de fon Cerigàn , & on doit l'entendre de mê- me , coîTime nO'US l'avons expliqué. , Rat fauv âge, Mémo\x& fur la Louifiane, parDumont,. fage 8-^, Rat de hors. Hiftoire de la Nouvelle-France , par le P. Clurlevoix. Paris , 1744 , tome III , p. 335. Rat ce bois. Hift. de la Louilîane , par M. le Page du Pratz Paris, ijfS.tomell, p. ^4. Sem'i-Vulpa. Gefner , hift. quadrup. p. 8jo. — Icon» ^uadruped. p. QO. Semi-Vulpa Aldrovand. de quadrupcd. dig. v'vip. pag. Vulpes major., putoria , caudâ tcreti 6* glabra. Cari^ gucya Brafilienfibus. Marcgrave , Opiijfum. hift. riat. des Antilles. Aouaré. Puant. Barrère , hift. Franc, éouincx, p 166. Ncta Nous n'avons pas adopté cette dénomina- tion , Puent, que M. Barrère donne au .Sa igue , parce que ce n'efl qu'une qualification qui d'ailleurs convient beaucoup mieux a VYfquicpatl ou Mouffette , que la plu- part des voyageurs onr inciquée fous le nom de Puante Philcnder , Opajfum feu Cari^ueya Brafilienfts. Seba , vol. 1 , p. 56. Tao. 36. Àias , û^. i j Kemina, f.g. ij du Sarigue ou Opoff'uni, tSi j^lacés les uns contre les autres & armés d'ongles crochus , comme dans les pieds des autres quadrupèdes. Le premier de ces ca- ractères a été faifi par la plupart des Voya- geurs & des Naturalises, mais le fécond leur avoit entièrement échappé j Edward Tylon, Médecin Anglois , paroît être le premier qui l'ait obrervé ; il eft le feul qui ait donné une bonne defcription de la fe- melle de cet animal , imprimée à Londres en 1698, fous le titre de Car}guey.i [çu Mar- puViLis , fig. 5. • — PhiUnder orltmaLls . Ssba , vol. I , p. 61 , Tab. 38 , fig. I. — Philcndermaxlmus oiUntc:its,_ Seba , vol. I, p. 64. Tab. 39. Nota que ces trois phrn- fes indicatives par lefquelles Seba défigne trois nnimaux différer.s, doivent fe rapporter au même animal, com- me nous le prouverons dans le t^tc. Didelphis. Linn. Syji. nat. edit. IV , p 64. — Didcl- phis mnmmis intra abdomen ^ edit. VI ,p. 10. -^ Marfupia-' lis D-delphis mammis oclo intra abdomen ,edit. X,p. 54.— Opojfum. Didelphis caudâfemi-pilofâ ,fuperciRoriiin ngivnc fallidiore ■) mammis binis. Linn. Syfi. nat. edit. x . p. 5^, A'oM que ces deux phrafes indicatives par iefquelleî .M. Linnaeus défigne deux efpèces différentes , doi-.'ent ce- pendant Te rapporter à la même, comme nous le prou- verons dans le.texte. Philandtr fatnratï fpadictus in dorfo , in ventre fiavus ; macuLis fupra ocuios fiavis . . . Phi/andcr , le Philandrc. BrilTon. Regn. animal, pag. 2.06. Philandir famrath. fiifcus in d'jrfo ^ in ventre fiavus , maculis fupra ocuIgs fla^ vis. .. PhiUnder orientalis , le Philandre orientni. Brif- fon , Re^n. animal, p. 288. — Philander atro fpadiceus in dorfo , in ventre ex albldo cinereo flavicans , maculas fupra oculos ohfcurè fufcis, . . . Philander Amboinenfis , le Philandre d'Amboine. BrilTon. Re^n. animal, pag. z8(). Nota que ces trois phrafes par lefqueiies M. BrifTor» défigne, d'après Seba, trois efpèces différentes , n'in 4 éi^uent cependant que le même animal. N 4 î y i Hîjloifc naturclh fupiiile Amcricanum ^ or , the Anatomy of an Opojfum. Et quelques années après , Wil], Cowper , célèbre Anatomille Anglois , com- muniqua à Tylbn , par une lettre , les ©bfervations qu'il avoit faites fur le mâle. Les autres Auteurs , & furtout les Nomen- clateurs , ont ici, comme par- tout ailleurs , multiplié les êtres fans nécefîité , & ils font tombés dans plufieurs erreurs que nous ne pouvons nous difpenfer de relever. Notre farigue , ou fi l'on veut l'opoHum de Tyfon , eit le même animal que le grand philandre oriental de Seba, vol 7, pa-g. 64 , pi. XXXIX ', l'on n'en fauroit douter , puif- que de tous les auiniaux dont Seba donne les figures & auxquels il applique le nom de Philandre, d" Opojfum ou de Car'i^ueya y cOr- lui-ci eft le feul qui ait les deux caraftères de la bourfe fous le ventre , & des pouces de derrière fans ongles. De même l'on ne peut douter que notre farigue , qui eft le même que le grand philandre oriental de Seba y ne foit un animal naturel aux climats chauds du nouveau monde > car les deux farigues que nous avons au Cabinet du Roi nous jont venus d'Amérique : celui que Tyfon a difféqué lui avoit été envoyé de Virginie» M, de Chanvallon , Correfpondant de l'Acadé- mie des Sciences à la Martinique , qui noiis a donné un jeune farigue , a reconnu les deux autres pour de vrais farigues ou opof- fums de l'Amérique. Tous les voyageurs s'accordent à dire que cet animal fe trouve au Brefil , à la Nouvelle-Efpagne, à la Vir- ginie , aux Antilles , &c. & aucun ne dit du Sarigue eu Opojfum, /^J en avoir vu aux Indes orientales ; ainfi Seba s'eft trompé lorfqu'il Ta appelle Phï- landre oriental y puifqu'on ne le trouve que dans les Indes occidentales ; il dit que ce philandre lui a été envoyé d'Amboine fous le nom de Coes-coes , avec d'autres curiofi- tés ; mais il convient en même temps qu'il avoit été apporté à Amboine d'autre* pays plus éloignés {b). Cela feul fuffiroit pour rendre fufpeiSle la dénomination de philan- dre oriental , car il eft très poffible que les Voyageurs ayent tranfporté cet animal fîn- gulier de l'Amérique aux Indes orientales , mais rien ne prouve qu'il foit naturel au climat d'Amboine , & le pafTage m.éme de Seba , que nous venons de citer , femble in- diquer le contraire. La iburce de cette er- reur de fait , & même celle du nom Coes' cocs y fe trouve dans Pifon, qui dit (c) qu'aux Indes orientales , mais à Amboine fcuUment , on trouve un animal femblable au farigue du Brefil , & qu'on lui donne te nom de Cous-cous: Pifon ne cite fur cela ni autori- té ni garans ; il feroit bien étrange , fi le fait étoit vrai , que Pifon affurant pofitive- (b) Philander maximus orientalis fœmlna, Inter alla ra- ricra & hoccc animal nobis ex Amhoina mijfum ejl fuB nomine Coes-Coes , eo qiiidcm delatum EX ORIS RE^MO- TIORIBUS. Seba , vol. I, p. 64. (c) In Indiis orientalibus , IDQUE SOLUM, QUANTUM H A CT EN us CONSTAT, IN A.MB GIN A fimilis hcjlia frc^ qucns , ad fclis magnitud'ncm acccdcns ; maciata ab iico- lis comcditur , fi rite praparetur , non alias fa tet. N-omcn illi Coui-CQiM iadiuûn. Pifon , A//?, naïur, Brafil. p. 3x3. I ) 4 Tlljîoirt natîinlU ment que cet animal ne fe trouve qu'à Amboinc dans toutes les Indes orientales , Seba dit au contraire que celui qui lui a été envoyé d'Amboine n'en étoit pas natif, mais y avoit été apporté de pays plus éloignés. Cela feul prouve la fauffeté du fait avancé par Pifon , & nous verrons dans la fuite le peu de fonds que l'on peut faire fur ce qu'il a écrit au fujet de cet animal. Seba qui igncroit donc de quel pays venoit fcn philandre , n'a pas laiffé de lui donner l'épithcte d'oriental , Cependant il eft certain que c'eft le même animal que le farigue des Indes occidenta- les; il ne faut, pour s'en aiTurer, que com- parer fa figure, pla?iche xxxix , avec la Na- ture. Mais ce qui ajoute encore à l'erreur , c'eft qu'en même temps^que cet Auteur don- ne au farigue d'Amérique le nom de grand Ph'iLindre oriental, il nous préfente un autre animal , qu'il croit être différent de celui-ci , fous le nom de Philandre cTAmérïquei^pL xxxvi^ fis. I & 2 )t Sl qui cependant , félon fa pro- pre defcription , ne diffère du grand philan- dre oriental qu'en ce qu'il eft plus petit & que la tache au-deffus des yeux eft plus brune; différences, comme l'on voit, très accidentelles & trop légères pour fonder deux efpèces diftin6les : car il ne parle pas d'une sutre différence qui feroit beaucoup plus effentieile fi elle exiftoit réellement comme on la voit dans la figure ; c'eft que ce philandre d'Amérique ( Scia , pi. xxxvi , fig. I & 2 ) a un ongle aigu aux pouces des pieds de derrière, tandis que le grand phi- lanare orienta] (Seba, pi, xxxix ) , n'a point du Sarigue ou Opojpim, f 5 Ç d'ongles à ces deux pouces. Or, il eft cer- tain que notre fatigue , qui.eft le vrai la- rlgue d'Amérique, n'a point d'ongles au)^ pouces de derrière : s'il exii^oit donc un ani- mal avec des ongles aigus à ce pouce , tel que celui de la pL xxxvi de Seba , cet ani- mal ne feroit pas , comme il le dit , le fati- gue d'Amérique. Mais ce n'eft pas tout , cet Auteur donne encore un troifième ani- mal fous le nom de Pkilandre oriental ( ph XXXVIII 3 fi, I ), duquel au refte il ne fait nulle mention dans la defcription des deux autres , & dont il ne parle que d'après François Valentin ^ auteur qui , comme nous l'avons déjà dit , mérite peu de confiance ; & ce troifième animal eu encore le même que les deux premiers. Il nous paroît donc que ces trois animaux des planches xxxvi <, XXXVIII & XXXIX de Seba n'en font qu'un feul ; il y a toute apparence que le Deffi- nateur , peu attentif, aura mis un ongle pointu aux pouces des pieds de derrière comme aux pouces des pieds de devant Si aux autres doigts dans les figures desp/. xxxvi & xxxvFiiy & que, plus exa6i: dans le def- fin de la planche xxxix , il a repréfenté les pouces des pieds de derrière fans ongles , & tels qu'ils font en effet. Nous fommes donc perfuadés que ces trois animaux de Seba ne font que trois individus de la même efpèce;. ce philandfe , planche xxxviii , eft de la » plus grande efpèce qui ié voient aux Indes « orientales , & furtout chez les Malayes où r> on l'appelle Pelandor Aroé , c'eft-à-dirCj La- î) pind'Aroc, quoiqu'Aroé ne foit pas le feul » heu où fe trouvent ces animaux ; qu'ils « font communs dans l'ifle de Solor,. qu'on 5> les élève même avec les lapins auxquels » ils ne font aucun mal ; & qu'on en mange î) également la chair que les habitans de « cette ifle trouvent excellente, &c «. Ces faits font très douteux , pour ne pas dire faux, i^. Le philandre , planche xxxviii, n'eft pas le plus grand des Indes orientales , puifque , félon l'auteur même , celui de la planche xxxix , qu'il attribue auffi aux Indes orientales , eft plus grand. En fécond lieu , ce philandre ne reffemble point du tout à un lapin , & par conféquent il eil bien mal nom- mé lapin d'Aroé. Troifiémement , aucun voya- geur aux Indes orientales n'a fait mention de cet animal fi remarquable , aucun n'a dit qu'il fe trouve ni dans l'isle de Solor, ni dans aucun autre endroit de l'ancien conti- nent. Seba lui-même paroît s'appercevoir non- feulement de l'incapacité , mais aufîi de Tin- fidélité de l'auteur qu'il cite : cujus equidem reî , éit-ïlf fides fi pênes autorem.At mirum tamsn ejî quoil 1 5^ Jlijîoirc naturelle D. Valentïnus phllandri fçrmam haud ira dcfcripferit •prout fe habet & uù nos ejus icônes ad vïvum f.:tl.is vras^rejjis tahulis exhibuimus , vol. 1 ^ p. 6l. Mais pour achever de fe démontrer à foi-même le peu de confiance que mérite en effet le témoignage de cet auteur, François Valen- tin y Miniftre de l'cglife d'Amboine , qui ce- pendant a fait imprimer en cinq volumes i/z- jolïo l'Hifloire Naturelle des indes orienta- les (c) , il fuiîit de renvoyer à ce que dit Ar- tedi (/) au fujet de ce gros ouvrage , & aux reproches que Seba (^) même lui fait avec raifon fur l'erreur grolîiere qu'il commet , en afïurant » que la poche de l'animal dont il efl « ici queftion , efl une matrice dans laquelle » font conçus les petits , & qu'après avoir » lui-mêm.e dilTéqué le philandre , il n'en a » pas trouvé d'autre ; que fi cette poche n'eft 3> pas une vraie matrice , les mamelles font, V à l'égard des petits de cet animal , ce que les » pédicules font aux fruits; qu'ils refient adhé- » rens à ces mamelles jufqu'à ce qu'ils foient « mûrs , & qu'alors ils s'en féparent , com- (e) Ond en nieuw. Ooft-Indien , &c. Dordrechy Jean Braam , 17^4. {f) Multa fcrîpf.t Francifcus Valcntinus qux Judizus appdla credat,,. Ita ccmparatus eji hic liber Bilgicus ^ ut hifioricorum naturaUiun gentiinorum 6- eruditorum ocu- los nullo modo ferre poffit. Artedi Ichthyologiîe hift. litte- raria. Lugd. Bat. 1738, p. 5) & s6. (g) Inde autcm quam Uquidifflme dctegitttr trror à D, Trancifco Valentino commijfus circa hifioriam homm ani- malium. Tome III , p. 273. . . error ahfomis valde & enor^ mis , inde forfait ortum diixit <]Uod vir i/lô hanç animalium jjfcrlarcgfave , qui a été copié par beaucoujf O 2r >04 TFiJïoiri natîtrdk d'autres, en compte huit ; Barrèredit qu^ordî- nairement il n'y en a que quatre ^ Sec. Cette différence qui fe trouve dans le nombre des mamelles, n'a rien de fingulier puilque la m.ême variété le trouve dans les animaux les plus connus , tels que la chienne qui en a quelquefois dix, & d'autres fois neuf^, huit ou fept ; la truie qui en a dix , onze ou douze i îa vache qui en a fix , cinq ou quatre: la chèvre & la brebis qui en ont quatre, trois ©u deux; le rat qui en a dix ou huit; le furet qui en a trois à droite & quatre à gauche , &c. d'où l'on voit qu'on ne peut rien établir de fixe & de certain fur l'ordre & le nombre des mamelles, qui varient dans iâ plupart des animaux. De tout cet examen que nous venons de faire avec autant de fcrupule que d'impar- tialité , il réfulte que le Philander Opojfum feu Ciirigueya Brafiisnfis , pi. xxxvj , fig, i , 2 , & 3 ; le Vhïlander orïentalis , pi. xxxviij , fig. i ; & le Philander orientafis maximus , pi. xxxix , fig. i de Seba , vol. I , va^cs ^(5 , 6/ k il fuf- fifoit de lire Hernandès pour voir qu'il donne à fon tlaquatzin cette poche comme un principal cara<5^ere. Le taiibi de Seba ne peut donc être le tlaquatzin de Hernandès , puifqu'il n'a point de poche , ni le taiibi de Marc- (r) Le poil <^u rat de bois efl d'un très beau gris ar- genté , on en voit n^ème qui font tout blancs & pour- roit devenir utile , en nous indiquant peut- être quelque moyen de conferver la vie aux enfans venus avant le terme. Les petits farigues reftent donc attachés & comme collés aux mamelles de la mère pendant le premier âge & jufqu'à ce qu'ils ayent pris afiez de force & d'accroifTement pour fe mouvoir aifément. Ce fait n'eft pas douteux, il n'eft pas même particulier à cette feule efpèce; puilque nous avons vu. comme je viens de ie dire , des petits ainfi atta- chés aux mamelles dans une autre efpèce , que nous appellerons la Marmofe , & de la- quelle nous parlerons bientôt. Or cette fe- melle marmofe n'a pas , comme la femelle farigue , une poche fous le ventre où les petits puilTent fe cacher; ce n'eft donc pas de la commodité ou du fecours que la po- che prête aux petits que dépend uniquement i'eitct de la longue adhérence aux mamelles , non plus que celui de leur accroiffement dans cette fituation immobile ; je fais cette remarque aiin de prévenir les conjeOures que Ton p®urroit faire fur Tufage de la poche , en la regardant comme une féconde matiice, ou tout au moins comme un abri abfolument nécellaire à ces petits prématu- du Sarigue ou Opojfum, Î75 rément nés. Il y a des Auteurs (é) qui pré- tendent qu'ils reftent collés à la mamelle plufieurs femaines de fuite ; d'autres difent \^f) qu'ils ne demeurent dans la poche que pendant le premier mois de leur âge. On peut aifément ouvrir cette poche de la mère , regarder, compter & même toucher les pe* tits fans les incommoder; ils ne quittent la tétine , qu'ils tiennent avec la gueule , que quand ils ont aîTezde force pour marcher; ils fe laiffent alors tomber dans la poche & fortent enfuite (^) pour fe promener & pour chercher leur fubfiftance {h) ; ils y entrent (e) Les petits font collés à la tétine , & c'eft là où ils croiffent à vue d'oeil pendant plufieurs femaines de fuite jufqu'à ce «fu'iîs ayent acquis de la force, qu'ils ouvrent les yeux, & que leur poil foit venu ; alors ils tombent dans la membrane , d'où ils fortent & où ils rentrent à leur gulfe. Hijloire de la Virginie. Amfli.r" iam ^ i-jo-J yfa^t 220. (^f) Septem plus mimifve utplur'rnîim une partu exclu-' dit fœtus , quos donec mcnfimam y eft un petit fln'mil puant dont la cbêir eft ceperx^ant fort bonne. Vcyagt ) Les dents , dans le farigue & la marmofe , font au nombre de cinquante. Voyei au tome xxi de l'édi- tion en trent€-un volumes, la defcription de ces deux animaux. ^& la Marmofe, I? j dans la femelle , paroît être auffi l'orifice de la vulve. La naiflance des petits femble être encore plus précoce dans Teipèce de la marmofe que dans celle du farigue ; ils font à peine auffi gros que des petites fè- ve^ lorsqu'ils naiffent & qu'ils vont s'atta- cher aux mamelles ; les portées font aufll plus nombreu.es. Nous avons vu dix peti- tes marmofes , chacune attachée à un mame- lon , & il y avoit encore fur le ventre de la mère quatre mamelons vacans , en forte qu'elle avoit en tout quatorze mamelles ; c'eft principalement fur les femelles de cette ef- pèce qu'il faudroit faire les obfervations que nous avons indiquées dans l'article précé- dent ; je fuis perfuadé que ces animaux mettent bas peu de jours après la concep- tion , & que les petits au moment de l'ex- clufion ne font encore que des fœtus qui, même comme fœtus , n'ont pas pris le quart de leur accroilTement ; l'accouchement de la mère eft toujours une fauffe-couche très prématurée , & les fœtus ne fauvent leur vie naiffante qu'en s'attachant aux mamelles fans ja?mais les quitter jufqu'à ce qu'ils ayent acquis le même degré d'accroilTement & de force qu'ils auroient pris naturellement dans la matrice fi l'exclafion n'eût pas été prématurée. La marmofe a les mêmes inclinations & les mêmes mœurs que le farigue ; tous deux fe creufent des terriers pour fe réfugier , tous deux s'accrochent aux branches des arbres par l'extrémité de leur queue , & s'é- Jaiîceiit de-là fur les oifeaux & fur les pe- font 1 84 Hljîoirc naturdîe , tits animaux ; ils mangent aufîi des fruits des graines & des racines, mais ils fo encore plus friands de poiffon & d'écrevifle , qu'ils pèchent, dit-on, avec leur queue. Ce fait eft très douteux, & s'accorde fort mal avec la ftupidité naturelle qu'on reproche à ces animaux qui , félon le témoignage de la plu- part des Voyageurs , ne fa vent ni fe mou- voir à propos , ni fuir , ni fe défendre. LE du Cayopoll'in, 185 L E CAYOPOLLIN (a> Vcyc^ planche Vlll^fio, S de ce volume. Jl^e premier Auteur qui ait parlé de cet animal eft Fernandès (Jb') ; le CayopoUin , dit-il , eft un petit animal un peu plus grand qu'un Rat , renemblant au Sarigue par le mu- feau, les oreilles & la queue qui eft plus épaiiTe 6i plus forte que celle d'un rat, & de laquelle il fe fert comme d'une main, il a les oreilles min- ces & diaphanes ; le ventre , les jambes & les pieds blancs : les petits , lorfqu'ils ont peur, tiennent la mère embraffée ; elle les {a) Le CayopoUin ou KayopoUln. Caycpollin. Fernandès, hijî. ncv. Efp. p. 10. Animal caudimanum feu Coyopollin, Nieremberg , hlji. nat. Peregrin. p. ij8. Coyopollin. Jonfton, de quadrup. p. tiS. Mus indiens diaus Coyopollin. Charleton , Excrcit, v Mus Africanus KayopoUin diclus. Seba , vol. I , p. 39 , Tab. ^i , fig, 3. Nota qu'il y a erreur dans cette indi- cation , cet animal n'étant point d'Afrique , mais d'A-" mérique. Philander faturatc fpadiceus in dorfo , in ventre ex albo flavicans , caudâ ex Jaturatè fp.idcco maculaîâ Philander Africanus , le philandre d'Aftique. BriiTon , Re^n.' animai, pag. zqz : n-ième erreur fur le climat, copiée de Seba. (h) Franc. Fernandès, Hiji. quair. Neva, Hi/pama, Ronr.s , iCiG, cap. xxix , p. g. 10. Q 1^6 Hifloire natunlU élève fur les arbres: cette efpèce s'ef! trotî- vée dans les montagnes de la Nouvelle -El- pagne. Nieremberg (c) a copié mot à met ces indications de Fernandès, & n'y a ri^Ji ajouté. Seba (ent doux , qui n'eft jamais miuet 3 s'eft annoncé par l'en- vie de plaire , ôi a produit la docilité , la 1 00 Hîjîolrs. naturel U fidélité, la foumifîion confiante, & en mê- me temps , le degré d'attention néceffaire pour agir en conféquence & toujours obéir à propos. Le finge , au contraire , eft indocile au- tant qu'extravagant ; fa nature eft en tout point également revéche ; nulle fenfibilité re- lative, nulle reconnoiflance des bons traite- mens , nulle mémoire des bienfaits ; de l'é- loignement pour la fociété de l'homme, de l'horreur pour la contrainte , du penchant à toute efpèce de mal, ou pour mieux dire, une forte propenfion à faire tout ce qui peut nuire ou déplaire. Mais ces défauts réels font compen(és par des perfeé^ions ap- parentes ; il eft extérieurement conformé comme Thomme, il a des bras, des mains, des doigts ; l'ufage feul de ces parties le rend fupérieur pour l'adre^e aux autres ani- maux , & les rapports qu'elles lui donnent avec nous par la fimilitude des mou ve mens & par la conformité des actions nous plai- fentj nous déçoivent & nous font attribuer à des qualités intérieures , ce qui ne dé- pend que de la forme des membres. Le caftor, qui paroît être fort au-deffous du chien & du fmge par les facultés indi- viduelles, a cependant reçu de la Nature un don prefque équivalent à celui de la parole ; il fe fait entendre à ceux de (on efpèce , & fi bien entendre qu'ils fe réunif- fent en fociété , qu'ils agiftent de concert , qu'ils entreprennent & exécutent de grands éi longs travaux en commun, & cet amour focialj auûi-bicn que le produit de leur ks- de Û Eléphant 19 ï teiîigence réciproque , ont plus de droit à notre admiration que l'adreffe du finge & la fidélité du chien. Le chien n'a donc que de refprit, (qu'oa me permette , faute de termes , de profa- ner ce nom) le chien, dis-je, n'a donc que de refprit d'emprunt ; le finge n'en a que l'apparence ; & le caftor n'a du fens que pour lui feul & les fiens. L'éléphant leur eft fupérieur à tous trois ; il réunit leurs qualirés les plus éminentes. La main eli le principal organe de l'adrefTe du fmge : l'éléphant au moyen de fa trompe , qui lui fert de bras & de main , & avec laquelle il peut enlever & faifir les plus petites chofes comme les plus grandes, les porter à fa bouche , les pofer fur fon dos , les te- nir embraffées , ou les lancer au loin , a donc le même moyen d'adrefle que le fmge; & en même temps il a la docilité du chien , il eft comme lui fufceptible de reconnoif- fance & capable d'un fort attachement , il s'accoutume aifément à l'homme , fe foumet moins par la force que par les bons traite- mens, le fert avec zèle , avec fidélité, avec intelligence, &c. Enfin l'éléphant, comme le caftor, aime la fociété de les femblables, il s'en fait entendre; on les voit fouvent fe raffembler, fe difperfer, agir de concert; & s'ils n'édifient rien , s'ils ne travaillent point en commun, ce n'eft peut-être que faute d'affez d'efpace & de tranquilité : car les hommes fe font très anciennement mul- tipliés dans toutes les terres qu'habite Télé- phanc ; il vit donc dans l'inquiétude , \k n'eft 19^ f^ifioirc naturelle nulle part paifible poffefleur d'un efpace aflez grand , alTez libre pour s'y établir à demeure. Nous avons vu qu'il faut toutes ces condi- tions & tous ces avantages , pour que les talens du caftor fe manifeitent , & que par- tout où les hommes fe font habitués , il perd fon induftrie & ceffe d'édifier. Cha- que être dans la Nature a fon prix réel & la valeur relative; fi l'on veut juger au jufte de l'un & de l'autre dans l'éléphant, il faut lui accordei* au moins, l'intelligence du caf- tor, l'adreffe du finge, le fentiment du chien, & y ajouter enfuite les avantages particu- liers , uniques de la force, de la grandeur, & de la longue durée de la vie ; il île faut pas oublier fes armes ou fes défenfes , avec lefquelles il peut percer & vaincre le lion ; il faut fe repréfenter, que fous fes pas, il ébranle la terre; que de fa main ( c) , il ar- (c) Veteres prohofcldem eUphanti manum appdlavc- runt. Eâdem aliquoties nummum e terra tulUnum vidi , 6* a/iguando detrahentem arboris ramum , quem ri- n viglnti quatuor fune trahcntes ad humiim fieclere ncn po- tueramus ; cùm folus elephas tribus viclhus motum dctra- hebat. Vartomanus, apud Gefner, cap. de Eîephanto. — Silvejires elephanti fagos , oleajiros & palmas dcnt'.lus fubvertunt radlcitùs. Opian. Promufcis ehphantl na- ris ejl quâ cibunt , tam ficcum quam humidum , illc ca- piat , orique perlnde ac mapu admovcat. Arbores et'uim eâdem compleclsndo eye/Ht ; denique eâ non alla ut'uur modo mfi ut manu. Ariftot. de partib. animal. lib. ii , cap. i6. H^bet praterea taUm tantamque narem cLc phantus , ut eâ manûs vice utatiir Suo etiam rcciori eriglt atque offert , arbores qnoque câdcm proflcrnit ^ & qucves immcrfus per aquam irtgreditur , eâ ifsâ editâ in futUme r^fiat at^ue rejpirat, Ariftot. hiîî. arrache Je r Eléphant, ^9Î racheles arbres ; que d'un coup de fon corpj il fait brèche dans un mur ; que terrible par la force , il eft encore invincible par la feule réfifiance de fa maffe , par l'épaiiTeur du cuir qui la couvre ; qu'il peut porter fur fon dos une tour armée en guerre & chargée de plufieurs hommes; que ieul il fait mou- voir des machines & tranfporte des fardeaux que fix chevaux ne pourroient remuer; <|u'à cette force prodigieufe il joint encore le courage , la prudence, le fang-froid, l'o- bèiffance e)ca6le; qu'il conferve de la mo- dération , même dans fes pallions les plus vives ; qu'il eil plus confiant qu'impétueux en amour (^d ) ; que dans la colère , il ne méccnnoît pas fes amis ; qu'il n'attaque ja- mais que ceux qui l'ont oftenfé; qu'il fe fouvient des bienfaits auiîi long-temps que dt:s injures^ que n'ayant nul goût pour la chair & ne fe nourriflant que de végétaux , iln'eft pas né Tennemi des autres animaux; anim. 11b. II, cap. i. — La force de l'éléphant eft Ct grande qu'elle ne fe peut prefque reconnoître , finon par l'expérience • j'en ai vu un porter avec les dents deux canons de fonte , attachés & liés enfemble par des cables, & pefant chacun trois milliers i il les en- leva feul & les porta l'efpace de cinq cents pas. J'ai vu auffi un éléphant tirer des navires & des galères en terre & les mettre à flot. Voyage de Fr Pyrard. Pa- ris ^ I6iç), tome II , p. j)tf. ( ^ ) Nec adulteria novcrc , luc uUa propter ftzminas in- ter fe prxL'ia , cateris animaLibus pcrnicialia , non quia défit iUis amoris vis, &c. Plin. lib. Vlll , cap, j. Mas quam impleverit coïtu , cam ampUùs non tan-^ ■git. Arift. hlft. Anim. lib. IX, cap. ^6, Quadrupèdes, Tome IV^ R 'iç4 Hifloin natunlU qu*enfîn, il eft aimé de tous, puifque tous le refpe^lent & n'ont nulle raifon de le crain- dre, Audi les hommes ont-ils eu dans tous les temps pour ce grand , pour ce premier animal une efpèce de vénération. Les Anciens le regardoient comme un prodige , un miracle de la Nature (^ & c'eft en effet fon dernier effort ) ; ils ont beaucoup exagéré fes fa- cultés naturelles; ils lui ont attribué fans héfiter des qualités intelleftuelles & des ver- tus morales. Pline, MAïQriy Solin, Plutar- que &: d'autres Auteurs plus modernes n'ont pas craint de donner à ces animaux des mœurs raifonnées , une religion naturelle & innée (e), robfervance d'un culte, l'adora- ( e ) Homir'.um indlger^arum linguam elephanti intdliguntf jElian , lib. iv , cap. ^^, . , . Lunâ nova, nitefcente > audio elephantos naturali quadam & ineffablU intellip^erùâ t filvâ , uhi pafcuntur , rapiQs recens decerptos auferrc , fofque deinde in fuhlïme toUere , ut fufpicere, 6* ïevitir ramos movere , tanqiiam fuppUcium quoddam Dex prouti" dentés , ut ipfis propria & henevola ejfe velit. yElien , lib. IV , cap. lo, . . , Elephas efl animal proximum hu" mani s fenfi.hu s. • . . r Qjàppe intellcclus iUis fermonis patrii & imperiorum obedientia , o^ciorumque , qu f u tempfycofe, font encore perfuadés aujour- d'hui , qu'un corps auffi majeftueux que ce- lui de l'éléphant ne peut être animé que par Tame d'un grand homme ou d'un Roi. On refpeèle à Siam (/) , à Laos , à Pégu ( ^) &c. ramos 6* fvh-erim injlciunt fupra. cadav&r. — Sagîttat ^xtrahunt tanquam Chirurgi per'ui» Plin. JSM^n. Solu:> Tzetzes, &c. (/) M. Confiance mena M. l'Ambaffadeur voir l'E- léphant blanc , qui eil fi eftimé dans les Indes & qui eft le fujet de tant de guerres ; il eft affez petit, & (i vieux qu'il eft tout ridé; plufieurs ^fandarins font deftinés pour en avoir foin, & oa ne le fert qu'en vaiffelle d'or ; au moins les deux bafllins qu'on avoit mis devant lui étoient d'or maflif d'une grandeur ex' traordinaire. Son appartement eft magnifique, & le lambris du pavillon où il eft logé eft fort proprement doré. P renier voyage dn P. Tachard. Pans, 1686, p^ 2^!). — Dans une maifon de campagne du Roi, à une lieue de Siam, fur la rivière , je vis un petit élé- phant blanc , qu'on deftine pour être le fuccelTeur de celui qui eft dans le palais, que l'on dit avoir près de trois cents ans ; ce petit éléphant eft un peu plus gros qu'un bœuf, il a beaucoup de Mandarins à fon lervi- ce ; & à fa confidération l'on a de grands égards pour fa mère & pour fa tante que l'on élève avec lui. /it;n, page ^75. {g) Lorfque le Roi de Pégu va fe promener, les quatre éléphans blancs marchent devant lui, ornés de pierreries Ôt de divers enjolivemens d'or. Recueil des R 2 19^ Hljloire naturelle les éléphans blancs , comme les mânes vî- vans des Empereurs de l'Inde; ils ont cha- cun un palais , une maifon compofée d'un nombreux domeftique , une vaiffelle d'or , des mets choifis , des vêtemens magnifiques, & font difpenfés de tout travail , de toute obéiflance ; l'Empereur vivant eft le Teul , devant lequel ils fléchiflent les genoux , & ce Taîut leur eft rendu par le Monarque ; cependant les attentions, les refpeds, les offrandes les flattent fans les corrompre ; Voyages de la Ccmpagah des Indes de Hollande , tome m, page 43 Lorfque le Roi de Pégu veut donner audience, l'on amène devant lui les quatre éléphans blancs qui lui font la révérence , en levant leur trompe, ouvrant la gueule, jetant trois cris bien quanquam grandts iUos ( dentés ) non iUico confpicuos ob" tinet. Arift. hift. anim. lib. Il , cap. j. ( f } Thomas Lope», apud Gefnerum , cap.de Elephanto»- 204 Hifîoîn naturelle, î 'éléphant à fix mois eft déjà plus grosqu*urt bœuf & , les défenfes continuent de grandir & de croître jufqu'à l'âge avancé , pourvu que l'animal fe porte bien & foit en liberté^ car on n'imagine pas à quel point l'efcla- vage & les alimens apprêtés détériorent le ten»pérament & changent les habitudes na- turelles de l'éléphant. On vient à bout de le domter, de le foumettre , de l'inftruire , & comme il eft plus fort & plus intelligent qu'un autre il fert plus à propos , plus puif- famment & plus utilement ; mais apparem- ment le dégoût de fa fituation lui refte aa fond du cœur, car quoiqu'il reffente de temps en temps les plus vives atteintes de l'amour , il ne produit ni ne s'acouple dans l'état de domefticité. Sa palfion contrainte dégénère en fureur: ne pouvant fe fatisfaire fans té- moins, il s'indigne, il s'irrite, il devient infenfé, violent, & l'on a befoin des chaî- jies les plus fortes & d'entraves de toutes- efpèces pour arrêter fes mouv^mens & bri- fer fa colère. 11 diffère donc de tous les ani- maux domeftiques que l'homme traite ou manie comme des êtres fans volonté , il n'eft pas du nombre de ces enclaves nés que nous propageons , mutilons, ou multiplions pour notre utilité; ici l'individu feul eft efclave , l'efpèce demeure indépendante & refufe conftamment d'accroître au profit A\x tyran. Cela feul fuppofe dans l'éléphant des fentimens élevés au-delTus de la nature com- mune des bêtes : relfentir les ardeurs les plus vives & refufer en même temps de fe latis faire , entrer en fureur d'amour & cqo» de Û Eléphant, 20 ^ ferver la pudeur , font peut-être le dernier effort des vertus humaines, & ne font dans ce majeftueux animal que des ades ordinai- res, auxquels il n'a jamais manqué ; l'indi- gnation de ne pouvoir s'accoupler fans té- moins , plus forte que la palfion même , en fufpend , en détruit les effets , excite en même temps la colère & fait que dans ces momens il efl plus dangereux que tout au- tre animal indompté. Nous voudrions , s'il étoit pofîlble, douter de ce fait , mais les Naturaliftes, les hifto- riens, les Voyageurs («) , affurent tous de concert que les éléphans n'ont jamais produit dans l'état de domeflicité. Les Pvois des Indes en nourrilfent en grand nombre , & après avoir inutilement tenté de les mul- tiplier comme les autres animaux domeili- ques, ils ont pris le parti de léparer les màîés des femelles , afin de rendre moins fréquens les accès d'une chaleur ftérile qu'ac- compagne la fureur. Il n'y a donc aucun élé- phant domeftique qui n'ait été fauvage au- paravant , & la manière de les prendre ( :x ) (u) C'eft chofe remarquable que cet animal ne cou- vre jamais la femelle, en quelque chaleur qu'il foit, tant qu'il verra du monde. Voyage de Fr. Pyrard. Rt- ris f i6i() , page jj/. — Cette bête ne fe couple jamais avec les femelles qa'en fecret , & n'engendre jamais qu'un petit. Cofmographie du Levant , par The- yet , ;j'5^ , p, jo. Voy.e[ o^t'Jfi l^^ notes que nous clten^ns ,ans la fuite à ce fujzt. { X ) J'allai voir la grande chafTe des é'éphans , qui fe fait ea la forme fuivante. Le Roi envoie grand nom* 2o6 Hijîoirc naturdlt de les dompter , de les foumettre , mérite bre de femelles en compagnie , & quand elles ont été plufieurs jours dans les bois & qu'il eil averti qu'on a trouvé à&s> éléphans , il envoie trente ou quarante mille hommes qui font une très grande enceinte dans l'endroit où font les éléphans ; ils fe portent de qua- tre en quatre , de vingt à vingt-cinq pieds de diflance )es uns des autres , & à chaque campement on fait un feu, élevé de trois pieds de terre ou environ. Il fe fait une autre enceinte d'éléphans de guerre , diftans les uns des autres d'environ cent & cent cinquante pas , & dans les endroits où les éléphans pourroiect fortir plus aifément , les éléphans de guerre font plus f réquens ; en plufieurs lieux il y a du canon , que l'on tire quand les éléphans fauvsges veulent forcer le pafl'age , car il»- craignent fort le feu • tous les jours on diir.i- nue cette enceinte , & à la fin elle efl très petite , & îes feux ne font pas à plus de cinq ou fix pas les uns des autres. Commeces éléphans entendent du bruit autour d'eux , ils n'ofent pas s'enfuir , quoique pourtant il ne laiffe pas de s'en fauver que'ques-uns . car on m'a dit qu'il y avoit quelques jours qu'il s'en étoit fauve dix. Quand on les veut prendre , on les fait entrer dans une place «ntourée de pieux , où il y a quelques arbres entre lefquels un homme peut facilement paffer. Il y a une autre enceinte d'éléphans de guerre & de foldacs, dans laquelle il y entre des hommes montés fur des élé- phans, fort adroits à jeter des cordes aux jambes de derrière des éléphans, qui, lorfqu'ils font attachés de cette manière , font mis entre deux éléphans privés , entre lefquels il y en a un autre qui les pouffe par der- rière , de forte qu'il eft obligé de marcher; & quand il veut faire le méchant , les autres lui donnent des coups de trompe. On les mena fous des toîts , & on les attacha de la même manière que le précédent ; j'en vis prendre dix , & on me dit qu'il y en avoit cent quarante dans l'enceinte. Le Roi y étoit préfent , il donnoit fes ordres pour tout ce qui étoit néceffaire. Relation de /'ambajpide de M. le Chevalier de Chamont à la cour du Roi de Siam, A Paris , 1686 , page ^I & fui', vantes. de VEUphant, !?07 une attention particulière. Au milieu des fo- rêts & dans un lieu voifin de ceux qu'ils fréquentent , on choifit un efpace qu'on en- vironne d'une forte paliffade; les plus gros arbres de la forêt fervent de pieux princi- paux contre lefquels on attache des tra- verfes de charpente qui foutiennent les au» très pieux : cette paliffade eft faite à claire- voie , en forte qu'un homme peut y paffer aifément : on y îaifTe une autre grande ou- verture , par laquelle l'éléphant peut entrer, & cette baie eft furmontée d'une trape fuf- pendue » ou bien elle reçoit une barrière qu'on ferme derrière lui. Pour l'attirer jufque dans cette enceinte, il faut l'aller chercher; on conduit une femelle en chaleur & privée dans la forêt , & lorfqu'on imagine être à portée de la taire entendre , fon gouverneur l'oblige à faire le cri d'amour ; le mâle fauvage y répond à J'inflant & i'e met en marche pour la joindre; on la fait marcher :mps à pifte entre par la même porte ; dès qu'il fe voit enfermé, fon ardeur s'évanouit, & lorfqu'il apperçoit les chaffeurs , elle fe change en fureur : on lui jette des cordes à nœuds coulans pour l'arrêter , on lui met des en- traves aux jambes & à la tiompe , on amène deux ou trois éléphans privés & conduits par des hommes adroits ', on effaie de les attacher avec l'éléphant fauvage ; enfin l'on vient à bout par adrefle , par force , par tourment & par çarefle , de le dompter en îo8 Hljloire naturdit peu de jours. Je n'entrerai pas à cet égard dans un plus grand détail , & je me conten- terai de citer les Voyageurs qui ont été té- moins oculaires de la chaiTe des éléphans (y); elle eft différente, iuivant les diffé- (j') A wn quart de lieue de Louvo , il y a une ef- pèce d'amphithéâtre dont la figure e(l d'un grand carré long, entouré de hautes murailles terraiTées, fur lef- quelles fe placent les Tpec^ateurs. Le long de ces mu- railles, en dedans, règne unepalilTade de gros piliers, fichés en terre à deux pieds l'un de l'autre , derrière lefquels les chafleurs fe retirent lorfqa'iîs font pour- fuivis par des éléphans irrités^ On a pratiqué une fort grande ouverture vers la campagne, & vis-à-vis, du côté de la ville , on en a fait une plus petite , qui con- duit dans une allée étroite par où un éléphant peut paf- fer à peine , & cette allée aboutit à une manière de grande remife où l'on achève de le dompter. Lorfque le jour deftjné à cette chaffe eft venu , les chaflTeurs entrent dans les bois, montés fur des élé- phans femelles qu'on a dreflees à cet exercice , & fe •couvrent de feuilles d'arbres , afin de n'être pas vus par les éléphans fauvages. Quand ils ont avancé dans la forêt, & qu'ils jugent qu'il peut y avoir quelqu*éle- phant aux environs, ils font jeter aux femelles certains cris propres à attirer les mâles, qui y répondent aulfi- tôt par des hurlemens effroyables. Alors les chaffeurs les fenîant à une jufi^e diftance , retournent fur leurs pas, & mènent doucement les femelles du côté de l'am- phithéâtre dont nous venons de parler ; les éléphans faav?ges ne manquent jamais de les fuivre ; celui que nous vimç'. dompter y entra avec elles, & dès qu'il y fut oji ferma la barrière ; les femelles continuèrent leur chemin au travers de l'amphithéâtre , & enfilèrent queue à queue la petite allée qui étoit à l'autre bout ; l'éléphant fauvage qui les av-oit fuivies jufque-la, s'é- tant arrêté à l'entrée du défilé , on fe fervit de toutes fortes de moyens pour l'y engager , on fit crier les fe- melles qui éioient au«dela de l'allée, quelques Siamois rens dt t Eléphant, 20 9 rens pays , & fuivant la puiffance & les facultés de ceux qui leur font la guerre , llrrîtant en frappant des mains & criant plufieurs fois fat, pat, d'autres avec de longues perches armées de pointes le harceloient , 5c quand ils en étoient pour- fuivis , ils fe gllfloient entre les piliers & s'alloient cacher derrière la paliffade que l'éléphant ne pouvoic franchir ; enfin après avoir pourfuivi plufieurs chaflTeurs , il s'attacha à un feul avec une ex- trême fureur; l'homme fe jeta dans l'allée, l'éléphant courut après lui, mais dès qu'il y fut entré il fe trouva pris , car celui-ci s'étant fauve, on lailTa tomber deux- coulifles à propos, l'une devant & l'autre derrière , de forte que ,. ne pouvant ni avancer ni reculer , ni fe tourner, il fit des efforts étonnans & pouffa des cris terribles. On tâcha de l'adoucir en lui jetant des fenux d'eau fur le corps . en le frottant avec des feuilles , «n lui verfant de l'huile fur les oreilles , & on fit ve- nir auprès de lui des éléphans privés mâles & femel- les j qui le careifoient avec levirs trompes. Cependant on lui attachoit des cordes par-deifous le ventre & aux pieds de derrière, afin de le tirer de là , ôc on con- tinuoit à lui jeter de l'eau fur la trompe & fur le corps pour le rafraîchir. Enfin on fit approcher un éléphant privé , de ceux qui ont coutume d'inftruire les nouveaux venus : un OrHcier étoit monté deffus , qui le faifoit avancer & reculer , pour montrer à l'élé- phant fauvage qu'il n'avoit rien à craindre, St qu'il pou-- voit fortir j en effet , on lui ouvrit la porte ÔC il fuivit l'autre jufqu'au bout de la'lée : dès qu'il y fut,. on mit à (es côtés deux éléphans que l'on attacha avec lui , un autre marchoit devant & le tiroit avec une- corde dans le chemin qu'on lui voulait faire faire, pen-- dant qu'un quatrième le faifoit avancer à grands coups- de tète qu'il lui donnoit par derrière jufqu'à une ef- pèce de remife, où on l'attacha à un gros pilier fait «xprès , qui tourne comne un cabeilan dff navire. On- lelaiffa là jafqu'au lendemain , pour lui laiffer pafferfa co* 1ère ; maistandis q l'il fe tourmentait autour de cettecclor- oe jun Sxaitiins ,, c'eft^à-dire ,,de ces prêtres Indiens (quU 2 1 o Hljlolre namnlu car au lieu de conftruire, comme les Rolf de Siam , des murailles , des terraffes , ou font à Siam en afTez grand nombre ) habillé de blanc, s'approcha monté fur un éléphant ôc tournant douce- rrvjsnt autour de celui qui étoit attaché, l'arrofa d'une certaine eau confacrée à leur manière , qu'il portoit dans un vafe d*or .* on croit que cette cérémonie fait perdre à léléphant fa férocité naturelle Se le rend pro- pre à fervir le Roi. Dki le lendemin il commença à aller avec les autres , & au bout de quinze jours il eft entièrement z^^z\yo\îé. pfanier voyage du Père Tachurd , page 298 & fuivantzs. , On n'eut pas plutôt defcendu de cheval & monté fur des éléphans qu'on avoit prépaies, que le Roi parut fuivi d'un grand nombre de Mandarins montés fur dea cléphans de guerre. On fuivit & on s'enfonça dans les bois environ une lieue y jufqu'à l'enclos ou étoient les éléphans fauvages. C'étoit un parc écarté de trois ou quatre cents pas géométriques , dont les côtés étoient fermés p?r de gros pieux; on y avoit pourtant laiffé «ie grandes ouvertures de diftance en diftance. Il )t avoit quatorze éléphans de toute grandeur. D'abord qu'on fut arrivé , on fit une enceinte d'environ cent éléphans de guerre , qu'on pofta autour du parc pour empêcher les éléphans fauvages de franchir les paliffa- des ; nous étions derrière cette haie ôt tous auprès du Roi. On pouiTa dans l'enceinte du parc une dou- zaine d'éléphans privés, des plus forts, fur chacun cefquels deux hommes étoient montés, avec de groffes cordes à nœuds coulans^ dont les bouts étoient atta- chés aux él'jphans qu'ils montoient. Ils courcient d'n- bord fur l'éléphant qu'ils vouloient prendre, qui fe voyant pourfuivi fe préfentoit à la barrière pour \i forcer & pour s'en fuir; mais tout étoit bloqué ii'è'éphans de guerre , par lefquels il étoit repouiTé rans l'enceinte, & comme il fayoit dans cet efpace , îe$ chaffeurs qui étoient montés fur les éléphans pri- vés , jetoient leurs nœuds fi à propos dans les en- droits où ces animaux dévoient mettre leurs pieds, .;ja'jls ce manq^joiem guère de >ç$ prendre ; e» effet, de t Eléphant, i \ i ^e faire des paliffades , des parcs & de vafte* tout fut pris en une heure. Enfuite on attachoit cha- oue éléphant fauvage , & l'on mettoit à fes côtés deux éléphans privés, avec lefquels on devoit les lai0ec pendant quinze jours , pour être apprivoifés par leuc. moyen. Idem , p. ^40. Nous eûmes peu de jours après le plaifir de la chaffe aux éléphans ; les Siamois font fort adroits à cette chaffe , & ils ont plufieurs manières de prendre ces animaux. La plus facile de toutes, & qui n'efi pas la moins divertifliànte, fe fait par le moyen des éléphans femelles. Quand il y en a une en chaleur , on la rtièr.e ëaas les bois de la forêt de Louvo, le pafteur qui la conduit fe met fur fon dos & s'entoure de feuilles , pour n'être pas apperçu deî éléphans fauvagcs > les cris de la femelle privée, qu'elle ne manque pas de faire à un certaio fignal du payeur , attirent les élé- î>h.ins d'alentour qui l'entendent & qui fe mettent auf- ftrôt à fa fuite. Le pafteur ayant pris garde à ces cris mutuels, reprend le chemin de Louvo, & va fe rer- dre à pas lents avec toute fa fuite , qui ne le quitte point, dans une enceinte de gros pieux faite exprès, à un quart de lieue de Louvo, & aflez près de la fo- rêt. On avoit aufîî ramalTé une affez grande troupe d'éléphans , parmi lefquels il n'y en avoit qu'un grand & aitez difficile à prendre & à dompter Le pafteur qui conduifoit la femslie fortit de cet enclos par un paflfage étroit fait en ailée , de la longueur d'un éléphant ; aux deux bouts il y avoit deux portes à couliffesqui s'abattoient & fe levoient aifément. Tous les autres petits éléphans fuivirent les uns après les autres les traces de la femelle à diverfes reprifes ; m ais un paffage fi étroit étonna le grand éléphant fauvage , qui fe retira toujours ; on (it revenir la femelle plu~ lieurs fois, il la fuivoit jufqu'à la porte, mais il ne voulut jamais paiTer outre , comme s'il eût quelque preflentiment de la perte de fa liberté qu'il v alloit faire. Alors plufieurs Siamois qui étoient oanS le parc s'avancèrent pour le faire avancer par force , & vinrent l'attaquer avec de longues perches , de U S Z X c z Uijîoire naturdh enceintes, îes pauvres Nègres (;ç) fe con- tentent des pièges les plus fimples en creu- pointe defqueîles ils lui donnoient de grands coups.- L'éiéphant en colère les pourfuivoit avec beaucoup de- fureur êc de vîteffe , & aucun d'eux ne lui auroit af— furément échappé , s'ils ne fe fuffent promptement re- tirés derrière des piliers qui formoient la paliiflade , contre laquelle cette bête irritée rompit trois ou qua- tre fois fes groflfes dents. Dans la chaleur de la pour- fuite y un de ceux qui l'attaquoient le plus vivement ôc qui en étoit aufîi le plus vivement fuivi , s'alla je- ter en fuyant entre les deux portes où l'éléphant cou- rut pour le tuer j mais dès qu'il y fut entré, le Sia- mois s*échappa par un petit entre-deux, ôc cet ani- mal s'y trouva pris^ les deux portes s'étant abattues. «n même temps ; & quoiqu'il s*y débattît, il y de- meura. Pour l'appaifer, on lui jettoit de l*eau à< plein feau, & cependant on lui attachoit des corde»: aux ïambes Se au cou ; quelque temps après qu'il fe- fut bien fatigué , on le fit fortir par le moyen de deux ëléphans privés qui le tiroient par devant av-ec des- cordes , & par deux autres qui le poulToient par-der— xiere jnCqu'à ce qu'il fut attaché à un gros pilier au- tour duquel U lui étoit feulement libre de tourner.. Une heure après il devint fi traitable » qu'un Siamoir monta fur fon dos , & le lendemain on le détacha pour le mener à l'écurie avec les autres. Second voyage du P. Tachard , p, ^ji & jf^. il) Quoique cet animal foit grand & fauvage , on re laiffe pas d'en prendre quantité en Ethiopie de la façon que je vais dire. Dans les forêts épaiffes où ilfc retire la nuit, on fait une enceinte avec des pieux entrelacés de groffes branches , & on lui lailTe un paffage qui a une petite porte tendue contre terre.. Lorfque l'éléphant eft entré , on la tire en haut de deflu* un arbre avec une corde & on l'enferme , puis on defcend & on le tue à coups de flèches ; mais (i par hafard on le manque & qu'il forte de l'enceinte , il tue tout ce qu'il rencontre. L'Afrique . de MarmoL. Paris, i66y, tome I ^ page ;5 La chaffe des. de r Eléphant, 1 1 J fant fur leur pafTage des foffes aflez pro- fondes pour qu'ils ne puifTent en fortir lorf- qu'ils y font touibés. éléphans fe fait de diverfes manières : en des endroits, où l'on tend des chauHes-trapes , par le moyen def-- qaelles ils tombent dans q jeiqae foffe ,. où on les tire aiférnent quand on les a bien embarraffés. En d'autres, on fe fert d'une femelle apprivoifée qui eft en chaleur,, & que l'on mené dans un lieiv étroit où on l'attache , elle y fait venir le mâle par fes cris ; quand il y eft , on l'enferme par le moyen de quelques barrières faites e-xprès, qu*on poulTe pour l'empêcher de fortir; & cependant qu'il trouve la femelle fur le dos , il hahîte- avec elle contre l'uf^ge des autres bêtes. Il tâche après cela de fe recirer ; mais cotime ii va ôc vient" pour trouver une fortfe.les chaffeurs qui font fur la muraille ou fur que'qu'autre lieu élevé , jetant quantité de petites & grofl'es cordes, avec quelques cheînes^ par le moyen defquelle^ ils embarravTent tellement fa trompe & le refte de fon corps, qu'ils en approchent enfuite fans danger ; ôt après qu'ils ont pris quelques précautions néceffaires , ils l'emmènent à la compagnie des deax autres éléphans qui font apprivoifés ôc qu'ils- ont amenés exprès pour lui donner exemple ou pour' le menacer, s'il fait le mauvais. .... Il y a encore d'autres pièges pour prendre les éléphans , & chaque pays a fa manière. Rzlaùon d'un voyage par Thévenot,. Paris ^ 166^, tome III, page i^i. Les hahit-ns de- Ceyîïn font des fofles b^en profondes qu'ils couvrent de planches qui ne font pas ioinres, & les planches font couvertes de paiHe, aulTi-bie.i que le vide qui ed: entre-deux. La nuit, lorfque les éléphans paffent fur ces foifes, ils y tombent & n'en peuvent fortir ; (î bien' qu'ils y péri.oient de faim. Ci on ne leur faifoit por— ter à manger par des efclaves,. à la vue defquels il$. s'accoutument,. St ainfi ils s'apprivoifent peu-.^-peuc jufque-la qu'ils vont avec eux à Goa &. dans les autres pays voifîns , pour gagner leur vie & celle de leurs; maîtres. Divers mémoires touchant les Ind's orientales , premier difcours » tome II, pa^e zyj. Recueil des voya^- ar^ Hifloirc naïuidU L'éléphant une fois dbmpîé , devîertf le plus doux , le plus obéiflant de tous les anK maux : il s'attache à celui qui le foigne, il le careffe , le prévient & femble deviner tout ce qui peut lui plaire ; en peu de temps , il vient à comprendre les fignes & même à en- trendre l'expreffion des fons y il diftingue le ton impératif, celui de la colère ou de la fatisfadion, & il agit en conféquence. Il ne fe trompe point à la parole de Ton maître , il reçoit fes ordres avec attention , les exé- cute avec prudence , avec empreffement , fans précipitation; car fes mouvemens font tou- jours mefurés , & fon caraélere paroît tenir de la gravité de fa malle ; on lui apprend ai- fes de la Compagnie des Indes. Amfîcràami :yii. -~ Com- me les Européens payent les dents d'éléphans alîes cher, c'efl un motif qui arme continuellement les Nè- gres contre l'éicphant. lis s'attroupent quelquefois pour cette chaflTe , avec leurs flèches & leur zagayes. Mais leur méthode la plus commune eft celle des foflTes, qu'ils creufent dans les bois, qui leur réufTiilent d'au- tar.t mieux qu'on ne peut guère fe tromper à la trace jies éléphans. . . . On les prend en deux façons, ou tn leur préparant des fofTes couvertes de branches d'ar- lireî , dans lefquelles ils tombent fans y prendre gar- He , ou la chaire qui fe fait de cette forte. Dans Tisle ée Ceylan, où il y a une très grande multitude d'é- léphans, ceux qui s'occupent à leur ch.ifTe ont des éléphans femelles qu'ils appellent Allas. Dès qu'ils fa- vent qu'il y a en quelque lieu quelques - uns de ces animaux encore fauvages . ils y vont , menant avec eux de ces Alias, qu'ils relâchent auflitôt qu*i!s décou- vret t un mâle ; elles s'en approchent des deux côtés 6c l'ayant mis au milieu, l'y retiennent fi ferré, qu'il jui eil impofîible de s'enfuir. Voyage d'Orient du Père Phil/ippe de la tres-fainte Trinité, Lyon ^ i66n y p, ^Ci, de tElcpliant. 115 fément à fléchir les genoux pour donner plus de facilité à ceux qui veulent le monter ; il carefTe fes amis avec fa trompe, en falue les gens qu'on lui fait remarquer -, il s'en fert pour enlever des fardeaux & aide lui-même à Te charger ; il fe laiffe vêtir & femble prendre plaifir à fe voir couvert de harnois dorés & de houffes brillantes ; on l'attelle , on ratta- che par des traits à des chariots *, des char- rues, des navires, des cabeftans^il tire éga- lement, continûment 6i fans fe rebuter, pourvu qu*on ne Tinfulte pas par des coups donnés mal-à-propos , & qu'on ait l'air de lui favoir gré de la bonne volonté avec laqueUe il em- ploie fes forces. Celui qui le conduit ordinaire- ment eft monté fur fon cou & fe fert d'une * Voici ce que y?\ vu moi-même de l'éléphant, Il y a toujours à Goa quelques éléphans pour fervir «i la conftruftion des nivires t je vins un jour au bord du fleuve, proche duquel on en faifoit un très gros dans la même ville de Goa , où il y a une g-andep-'^ce remplie de poutres pour cet effet , quelques hommes en lioient de fort pefantes par le. bout avec une ccrde qu'ils jetoient à un éléphant, lequel fe l'étant portée* à la bouche 8t en ayant fait ceux tours à fa trompe, les trainoit lui foui, fans aucun condu£teur, au lieu où l'on conftruifoit le navire, qu'on n'avoit fjit que lui montrer une fois, & quelquefois il en traînoit de il groffsî, que viiigt homines ôt polfible encore davan- t^ige ne les eaiTent pu remuer. Mais ce que je remar- quai de plus étonna r.t fut que lortqu'il rencontroit en fon chemin d'au'^res pojtres qui Pempêchoient de tirer la fienne , en y mettant le pisd deflfous , il enlevoit le bout en haut, afin qu'elle pût aifément courir par-def- fus les autres .N Que pourroit fstre davantage le plus r; ifonnable homme du monde ? Voyage d'Orient du P, FLiu^-^^j de la tiii -faînn Tilviu'. Lyon, iôGq , p. -^(îy. 5i6 H'tflotn naturdlt verge de fer (^ ^ ) , dont l'extrémité fait le crochet , ou qui eft armée d'un poinçon avec lequel on le pique fur la tête , à côté des oreil- les pour Tàvertir , le détourner ou le pref- fer^ mais fouvent la parole Aiffit (/>), fur- tout s'il a eu le temps de faire Gonnoiflancc complète avec fon conducleur & de prenJre en lui une entière confiance; fon attachement devient quelquefois fi fort, fi durable, & fon afFeéhon fi profonde, qu'il refafe ordi- nairement de iervir fous tout autre , & qu'on l'a quelquefois vu mourir de regret d'avoir , dans un accès de colère, tué fon gou- verneur (c). L'efpèce de Téléphant ne laiffe pas d'être ^ (tf) Celui qui conduit l'éléphant fe met à cheval fur le cou , il ne le conduit pas avec une brfde ou un frein,. & ne le pique pas avec aucune forte de pique j, mais avec une ^roffe verge de fer fort pointue pur le bout dont il fe fert au lieu d'éperons, qui eft cro- chue d'un côté & dont le crochet eft extrêmement fort & pointu, qui fert auflî de bride en le piquant aux oreilles, au mufeau & où ils favent qu'il eft plus, /enfible ; ce fer ^ qui tueroit tout autre animal , fait à peine impreftion fur la peau de l'éléohanti & fouvent niêmelorfqu'il eft en furie, i! ne fuffit pas pour le re- tenir «=n fon devoir. Voyage de Pietro delta Vallc y. tome IV t p. 2^7. — Deux Officiers montésl'un fur la croupe Ôc l'autre fur le cou , gouvernent l'éléphant avec un grand crochet de fer. Premier Voyage du P, Tachard , p. 27^^ ( è ) Nun. fnno aut haben'is atit aliis vinadis regifur heÙnUy fed infidcnt'ts vocL ohfcquitur. Vartoman a^^ud' Oefner. ç^p^àt Elephanto. (c) Quidam iracundlâ pe'motus cùm fcjj'orem fuum oc— cidijfet, tam valde 'dcfiicravit , ut pxnitudlne & mxrorc tonfccluSf obUnt. Arianus la ladicu. nombreufe , ^e tÊUphant, 217 nombreufe j quoiqu'il ne produife qu*ime fois & un feul petit tous les ^jux ou trois ans. Plus la vie des animaux eft courte & plus leur produftion eft nombreufe; dans l'éléphant la durée de la vie compenfe le petit nom- bre , & s'il eft vrai , comme on l'affure qu'il vive deux fiècles & qu'il engendre juf- qu'à cent vingt ans , chaque couple produit quarante petits dans cet efpace de temps ; d'ailleurs n'ayant rien à craindre des autres animaux , & les hommes même ne les prenant qu'avec beaucoup de peine, l'efpèce fe fou- tient & fe trouve généralement répandue dans tous les pays méridionaux de l'Afrique & de TAfie ; il y en a beaucoup à Ceylan (û?) , au Mogoi(c), à Bengale (/) , à Siam — —— »— »^ I I I ■ ■ I—— ——»»—<► ( J)l' y a à Ceylcin grand nombre d'éléphans , dont les dents valent beaucoup aux hsbirans & dont ils font un grand trafic. T^oyage de François Pyr:irdt tome II , p. tfi. — Uy a quantité d'éléphans dans les Indes, dont la plupart y font tranfportés de l'isle de Ceylan. Voyage de la BoiilUye.U-Goti:^. Paris , '^/7, f. 2>o. ... Il y a diverfes fortes d'éiéphans à Deli, ainfi que dans le refte des Indes, mais ceux de Cey- lan font préférés à tous les autres. Relation d'un voyage par Thévenot , tome III , page iji. — Il y a quantité d'éléphans dans l'isle de Ceylan, qji font plus généreux & plus nobles que tous le- autres. Vuyaae d'Orient du P. Philippe, p. ^Ci. Vovez aufTi le Re- cueil des y-yagcs qui ont fervi à V étahliffcment di la Compagnie des Indes de Hollande. Les voyages de Ta- ycnmr. Rouen, lyi'^ytcmc III, p' 257. ( e ) Voy3ge de Fr. Bernier au Mogoi. Amjl. tyio , tome II , p. 6^ Voyage de de Feynes à la Chine. Parif i6'>.o , p. SS. — Relation d'un voyage J>ar Thévenot , tcme lU p. iji. — Voyage d*E\vard Terri aux Indes orient.iles, p. 15 & 16. (/) Le pays de Be; e/e eft fort abondant en élé- Quadrupèdes. Tome /^ T 21 8 H'ijlolre naturelle {§) , à Pégu (h^ & dans toutes les autres parties de rinde : il y en a aufli , & peut-être en plus grand nombre , dans toutes les provinces de l'Afrique méridionale , à l'exception de cer- tains cantons qu'ils ont abandonnés , parce que l'homme s'en eft abfolument emparé. Ils font fidèles à leur patrie & conftans pour leur climat; car quoiqu'ils puiflent vivre dans les régions tempérées, il ne paroît pas qu'ils ayent jamais tenté de s'y établir ni même d'y voyager, ils étoient jadis inconnus dans nos climats. Il ne paroît pas qu'Homère qui parle de l'ivoire (i), connût l'animal qui le porte. Alexandre eft le premier (A) qui ait montré l'éléphant à l'Europe ; il fit pafTer en Grèce ceux qu'il avoir conquis fur Porus, & ce furent peut-être les mêmes que Pyrrhus ( l) , plufieurs années après , employa contre phsnt, & c'eft delà qu'on en mène aux autres en- droits de l'Inde. Voyage de François Pyrard. Paris , i6i<)y tome I y p. 3jfi. (^g) M. Conftance m'a dit que le Roi de Slam en a bien vingt raille dans tout fon royaume , fans compter les fauvdges qui font dans les bois ôc dans les mon- tagnes ; on en prend quelquefois iufqa'à cinquante , foixante & même quatre-vingts à la fois dans une feule cliaffe. Premier voyage du Perc Tachard, p. 288. (h) Recueil des Voyages de la Compagnie des In- des. Amflerdam, ijn. Voyage de Van-der- Hagen , tome m , p. jfo jufquà 60. (i) Hérodote eft le plus ancien Auteur qui ait dif que l'ivoire éroit la matière des dents de l'éléphant. Vid. Plin. Hifi. nat. lib. VIII , cap. 5. {k) Elephantes ex Eurcpxis primus AUxander habuit , eim fid-'egij'a Porum, Pavifanias , in Atticis. ( / 3 Manius Curius Dcntaun , vicii> Pyrrho , primum àc tEllphant, a 19 les Romains dans la guerre de Tarente , & avec lefquels Curius vint triompher à Rome. Annibal enfuite en amena d'Afrique , leur fit pafler la Méditerranée , les Aîpes , & les conduifit , pour ainfi dire , jusqu'aux porte* de Rome. De temps immémorial les Indiens (;») fe font fervis d'éléphans à la guerre : chez ces nations mal difciplinées , c'étoit la meilleure troupe de Tarmée , & tant que Ton n'a combattu qu'avec le fer , celle qui décidoit ordinairement du fort des batailles : cependant l'on voit par l'Hilloire , que les Grecs ôc les Romains s'acoutumèrent bientôt à ces monf- tres de guerre ; ils ouvroient leurs rangs pour les laifTer pafler ; ils ne cherchoient point à les blefîer , mais lançoient tous leurs traits contre les conducteurs qui fe preiToient de fe rendre , & de calmer les éléphans dès qu'ils étoient féparés du refte de leurs troupes; & maintenant que le feu eft devenu l'élément de la guerre & le principal inftrument de la mort, les éléphans qui en craignent in triumpho elephantum duxit. Seneca , de brsyitate vi- tae, cap. 13. (m) De temps immémori-^l les Rois de Ceyian , de Pégu, d'Aracan fe font fervs d'éléphans à la guerre. On Hoit des fabres nus à leur trompe , & on leur mettoit fur le dos de petits cliâteaux de bois qui te- noient cinq à fix hommes armés de javelines, de fa- iiîs 8c d'autres armes i ils contribuoient beaucoup à nîettre en défordre las armées ennemies, mais ils 'et-? frayoient aifément en voyant du feu. Recueil voyages de la Compagnie des Indes. Amjl. ijii,tait\ Vil. Voyage de Schoutes, p. j2. T s. 210 Hijloirt naturelle ( /2 ) & le bruit & la flamme , feroient plu» embarraflans , plus dangereux qu'utiles dans nos combats. Les Rois des Indes font encore armer des éléphans en guerre ; mais c'eft plutôt pour la repréfehtation , que pour TefFet : ils en tirent cependant Tutilité qu'on tire de tous les militaires , qui eft d'affervir leurs fembla- bles , ils s'en fervent pour dompter les élé- phans fauvages. Le plus puifîant des Monar- ques de rinde , n'a pas aujourd'hui deux cents éléphans de guerre (o), ils en ont beau- coup d'autres pour le fervice & pour porter les grandes cages de treillage dans lefquelles ils font voyager leurs fem- mes •• c'eft une monture très sûre, car l'élé- phant ne bronche jamais , mais elle n'eft pas douce , & il faut du temps pour s'accoutu- ( n) L*éléphant craint furtout le feu , d'où vient que depuis qu'on fe fert d'armes à feu dans les armées, les éléphans n'y fervent prefque plus de rien ; vérita- blement il s'en trouve quelques-uns de fi braves qu'on amené de l'isle de Ceylan ^ qui ne font pas fi peureux , mais encore n'eft- ce qu'après les avoir accoutumés en leur tirant tous les jours des moufquets & leur jetant has ut IcngijJiJnum annos circUer diictntos vivii. Arrian» în Indicis. — Je vis un petit éléphant blanc qu'on deûine pour être le fucceffeur de celui qui eft dans le palais , & qu'on dit avoir près de trois cents ans» Premier voyage^ de S\am du P. Tachardy page 2yj. (l) Les éléphans croilfent jufqu'^à la moitié de îexir âge , & vivent ordinairement cent cinquante ans. Vuya" gà de Drack autour du Monde , page lo^. — Les éléphans portent deux ans, & peuvent vivre iufqu'à cent cin- quante ans. Recueil des Voy-^ges de la Compagnie desr Indes de Hollande, tome Vil, page 5;. — Nonobftant toutes les recherches que j'ai faites avec affez de fofn, fç n'ai jamais pu favoir bien exaften-.ent combien l'élé- phant vivoit; & voici toutes les lumières qu'on peut tirer de ceux qui gouvernent ces animaux : i!s ne favent TOUS dire autre chofe finon que tel éléphant a été entre les mains de leur père, de leur ayeul & He leur bifayeuJ; & fupputant le temps qvie ces gens-là ont vécu, il fe trouve quelquefois qu'il monte à cent vingt ou cent trente ans. Voyage de Tavcmier, Rouen ^ ^7^}r tomcUIp pagis x-it- & Z4i* de C Eléphant, 1 j ^ vie que la difconvenance du climat ; quel- que foin qu'on en prenne , l'éléphant ne vit pas long-temps dans les pays tempérés & en- core moins dans les climats froids ; celui que le roi de Portugal envoya à Louis XIV en \(i6% (tf), & qui n'avoit alors que quatre ans 3 mourut à dix-fept ans , au mois de Jan- vier 1681, & ne fubfifta que treize ans dans la Ménagerie de Verfailles , où cependant il étoit traité foigneufement & nourri large- ment; on lui donnoit tous les jours quatre - ' vingts livres de pain , douze pintes de vin & deux féaux de potage, où il entroit en- core quatre ou cinq livres de pain ; & de deux jours l'un , au lieu de potage , deux féaux de riz cuit dans l'eau, fans compter ce qui lui étoit donné par ceux qui le vifitoient; il avoit encore tous les jours une gerbe de blé pour s'amufer , car après avoir mangé le grain des épis , il faifoit des poignées de la paille, & il s'en fervoit pour chaffer les mouches ; il prenoit plaifir à la rompre par pe- tits morceaux, ce qu'il faifoit fort adroite- ment avec fa trompe, & comme on le me- noit promener prefque tous les jours , il ar- rachoit de l'herbe & la mangeoit. L'éléphant qui étoit dernièrement à Naples, où, comme Ton fait, la chaleur eft plus grande qu'à Pa- ris , n'y a cependant vécu qu'un petit nom- bre d'années : ceux qu'on a tranfportés vi- vans jufqu'à Pétersbourg pèrilTent fuccefîive- (â) Mémoires pour fervir à l'biftoiré des animaux/ V s 2 3^ Tlijîolre naturdh ment, malgré l'abri, les couvertures, i«ç poêles; ainfi , l'on peut affurer que cet ani- mal ne peut fubfifter de lui-même nulle part en Europe , & encore moins s'y multiplier» Mais je fuis étonné que les Portugais qui ont connu, pour ainfi dire, les premiers le prix & l'utilité de ces animaux dans les In- des orientales , n'en ayent pas tranfporté dans les climats chauds du Brefil où peut- être en les laiffant libres , ils auroient peu- plé. La couleur ordinaire des éléphans eft d\m gris cendré ou noirâtre; les blancs , comme nous l'avons dit , font extrêmement rares ( ^ ) , & on cite ceux qu'on a vus en di£- (i) Quelques perfonnes, qui ont demeuré long-temps à Pon-litheri , nous ont paru douter qu'il exirte des éléphans blancs & rojgc-s; ils affurent qu'il n'y en a jamais ea que de noirs, du moins dans cette partie da ï'inde : il eft vrai, difent-ils , que li l'on efl un certaii temps fans les laver, la poufuere qui s'attache à leur peau huileufe ôc exa£>ement rafe , les fait paroître d'un gris foie , mais en fortant de l'eau ils font noirs comrpc riu jai. Je crois en effet que le noir ei^ la couIe\ir naturelle ^'ps é'éphans, & qu'il ne fe trouve que d?$ éléphans noirs dans les parties de l'Icde que ces per- fonnes ont été à portée de parcourir ; mais il me pa- roît en mène temps qu'on ne peut douter qu'à Cfy- î.-'n , à Siam, à Pégu , à Cambaie , &c. il ne fe trouv* gcurs moins connus. Hortentels, qui , comme l'on iait, a ra'fTemblé dans {ox\ Ehphantogrvphla \nn^ y:zr\àQ quantité de faits tirés de différentes relations , affure que l'éli^phnrt blanc a non-feulement la peau blanche, rriiiis aurfi le poil de la queue blanc : on geut encore de CEUphant, 137 férens temps dans quelques endroits des In- des, où il s'en trouve aufli quelques-uns qui font roux , & ces éléphans blancs & rouges (c) font très eftimés ; au refte ces variétés font fi rares qu'on ne doit pas les regarder comme fiibfiftantes par des races diftmcles dans l'ef- pèce , mais plutôt comme des qualités acci- dentelles & purement individuelles; car s'il en étoit autrement, on connoîtroit le pays des éléphans blancs, celui des rouges & celui des noirs , comme l'on connoit les climats des hommes blancs , rouges & noirs. » On trouve aux Indes des éléphans de trois fortes, dit le P. Vincent Marie {d): les blancs qui font les plus grands , les plus doux , les plus paifibles , font eftimés &: adorés par plufiours nations , comme des Dieux; les roux , tels que ceux de aioater à tous ces témoi^nagss l'autorité des Anciers. Elien {lib. III, cap. xLvi) , parle d'un petit éléphant Wanc aux Indes, & parcît indiquer que la mère étoit noire. Cette variété dans la couleur des éléphans, quoique rare, eft donc certaine 6t même très ancien- ne , ôc elle n'eft peut-être venue que de leur donaefti- cité, qui dans les Indes eft auffi très ancienne. {c) Dans les cérémonies, le Roi de Pégu fait me- ner deux éléphans rouges enharnachés d'étotFes d'or Se de foie , puis les qautre éléphans blancs avec de ferr- blables harnois relevés de pierreries i ceux-ci ont une garniture d*or toute couverte de rubis fur chaque dent. Voyage de la Compagnie des Indes de Hollande , tome m , p. 60. (d) Voynge du P. Fr. Vincent- Marie de Sainte- Catherine de Sienne, chap, F/, traduit de l'Italien, par M. le Marquis de Montmirail, l^S H'ijlolrc naturelle Ceylan , quoiqu'ils foient les plus pe- tits de corlage, font les plus valeureux, les plus forts , les plus nerveux , les meilleurs pour la guerre ; les autres foit par inclination naturelle , foit parce qu'ils reconnoiflent en eux quelque chofe de plus ex- cellent, leur portent un grand refpeâ ; la troifième eipèce eil: celle des noirs qui font les plus communs & les moins eftimés a. Cet auteur eft le feul qui paroilTe indiquer , que le climat particulier des éléphans roux ou rouges eft Ceylan ; les autres voyageurs n'en font aucune mention. Il affure auffi que les éléphans de Ceylan font plus petits que les autres; Thévenot dit la même chofe dans la relation de fon voyage page 260 , mais d'autres difent ou indiquent le contraire : enfin le P. Vincent Marie eft encore le feul qui ait écrit que les éléphans blancs font les plus grands :1e P. Tachard affure au con- traire , que l'éléphant blanc du Roi de Siam étoit affez petit quoiqu'il fût très vieux. Après avoir comparé les témoignages des voyageurs au fujet de la grandeur des éié- phans dans les difFérens pays, & réduit les différentes mefures dont ils fe font fervis , il me paroît que les plus petits éléphans font ceux de l'Afrique occidentale & Septentrio- nale , & que les Anciens , qui ne connoif- foient que cette partie feptentrionale de l'A- frique , ont eu raifon de dire qu'en générai les éléphans des Indes étoient beaucoup plus grands que ceux de l'Afrique. Mais dans les terres orientales de cette partie du monde , qui étoient inconnues des Anciens , les élé- àc C Eléphant, 239 phans fe font trouvés aulfi grands , & peut* être même plus grands qu'aux Indes; & dans cette dernière région , il paroît que ceux de Siam, de Pégu , &c. l'emportent par la taille fur ceux de Ceylan , qui cependant , de l'a- veu unanime de tous les voyageurs , font les plus courageux & les plus inteliigens. Après avoir indiqué les principaux faits au fujet de l'efpèce , examinons en détail les facultés de l'individu ; les fens , les mouve- mens , la grandeur , la force , l'adrefle , l'in- telligence , &c. L'éléphant a les yeux très petits relativement au volume de Ton corps, mais ils font brillans & fpirituels ; & ce qui les diftingue de ceux de tous les autres animaux , c'eft l'expreffion pathétique du fentiment & la conduite prefque réfléchie de tous leurs mouvemens (e); il les tourne len- tement & avec douceur vers fon maître , il a pour lui le regard de l'amitié, celui de l'a- tention lorfqu'il parle , le coup d'ceil de l'in- telligence quand il l'a écouté, celui de la pénétration lorfqu'il veut le prévenir ; il fem- ble réfléchir, délibérer, penfer & ne fe dé- terminer qu'après avoir examiné & regardé à plufieurs fois & fans précipitation ^ fans paf- fion , les fignes auxquels il doit obéir. Les chiens , dont les yeux ont beaucoup d'ex pref- fion , font des animaux trop vifs pour qu'on puiflTe diftinguer aifément les nuances fuccef- fives de leurs fenfations ; mais comme l'élé- phant eft naturellement grave & modéré , {e) EUphantographia Chrijlopkorl P&tri ab Hartenfels; ErfodlCt y ?7/J. 24« Hijloire naturelle on Ht, pour ainfi dire, dans fes yeux, dont les mouvemens fe fuccèdent lentement (/) Tordre & la fuite de fes affeâ:ions inté- rieures. Il a l'ouïe très bonne, & cet organe eft à l'extérieur, comme celui de l'odorat, plus marqué dans l'éléphant que dans aucun au- tre animal ; fes oreilles font très grandes , beaucoup plus longues, même à proportion dw corps, que celles l'âne, & aplaties contre la tête, comme celles de l'homme .-elles font ordinairement pendantes ; mais il les relève & les remue avec une grande facilité, elles lui fervent à effuyer fes yeux ( ^ ) , à les préferver de l'incommodité de la poulîîère & des mouches. Il fe délefte au fon des iaf- trumens , & paroît aimer la mufique ; il ap- prend aifément à marquer la mefure , à fe remuer en cadence & à joindre à propos quelques accens au bruit des tambours & au fon des trompettes. Son odorat elt exquis , & il aime avec paffion les parfums de toute (•/) Lès yeux de l'éléphant foivt très petits propor- tionnoUement à la tête & encore plus petits proportion- nellement au corps, mais ils font très vifs §c éveillés, & il les remue d'une façon qui lui donne toujours l'airpen- fif 5c rêveur. Voyi^c aux Indes oriintaks du P. Fr, Vincent-Marie de Salnte-Catherlne-dc-Sienne , &c. Vc nife , 168-^, en Italien in-4^. p. 596, traduit par M. le Marquis de Montmirail. (^) Les oreilles de l'éléphant font très grandes. . , 11 les remue continuellement avec gravité , & elles défendent fes yeux de tous les petits animaux nuiiibTes, Idem . Ihid. . . . Voyez auiu les Mcmoircs pour fcivir à l'hifioire des Animaux y paru III, p, lOj, efpèce âc t Éléphant, ?4l cfpèce & furtout îes fleurs odorantes; ii les choifit , il les cueille une à une , il en fait des bouquets , & après en avoir lavouré Todeur, il les porte à la bouche & ieirible les goûter; la fleur d'orange eft un de l'es mets les plus délicieux , il dépouille avec fa trompe un oranger ( A J de toute fa verdure & en mange les fruits , les fleurs , les feuil- les & jufqu'au jeune bois. Il choifit dans les prairies les plantes odoriférantes , & dans îes bois il préfère les cocotiers, les bana- niers, les palmiers , les fagous ; & comme ces arbres font moelleux & tendres , il en mange non- feulement les feuilles , les fruits , mais même les branches , le tronc & les raci- nes : car quand il ne peut arracher ces branches avec fa trompe , il les déracine avec fes dé* fenfes. A l'égard du fens du toucher, il ne l'a» pour ainfi dire , que dans la trompe ; mais il eftauflî délicat, aulfidiftiniHans cette efpèce de main que dans celle de Thomme. Cène trompe compofée de membranes , de nerfs & de mufcles , eft en même temps un membre ca* pable de mouvement & un organe de fen- timent ; l'animal peut non-feulement la re- muer, la fléchir, mais il peut la raccourcir, l'alonger , la courber & la tourner en tout fens; l'extrémité de la trompe eft terminée par un rebord ( i ) qui s'alonge par le def- ( A ) Voyage de Guinée , par Bofman » p. 245. (i) Mémoires pour fervi: à l'hidoire (les Animaux pan. m , p. loS & 140. Quadrupèdes , Tc.7ie IK X 24 i Hlflolrc naturelle fus en forme de doigt; c'eft par le moyen de ce rebord & de cette efpèce de doigt que Téléphant fait tout ce que nous faifons avec les doigts; il ramafle à terre les plus peti- tes pièces de monnoie ; il cueille les herbes & les fleurs en les choififfant une à une ; il dénoue les cordes, ouvre &. ferme les por- tes en tournant les clefs & pouffant les ver- roux ; il apprend à tracer des cara6leres ré- guliers avec un inftrument aulîi petit qu'une plume i^k). On ne peut même difconvenir que cette main de l'éléphant n'ait plufieurs avantages fur la nôtre : elle eft d'abord , comme on vient de le voir, également flexi- ble & tout aulîi adroite pour faifir , palper en gros & toucher en détail. Toutes ces opé- rations fe font par le moyen de l'appendice en manière de doigt fitué à la partie fupé- rieure du rebord qui environne l'extrémité de la trompe, & laiffe dans le milieu une concavité faite en forme de tafTe , au fond de laquelle fe trouvent les deux orifices des con- duits communs de l'odorat & de la refpira- jion. L'éléphant a donc le nez dans la main , {k) Mudatius ter Conful auclor eft , aliguem ex hls & littcrarum duclus Gracarum didlàjfe , foUtumquc pra- fcr'ihere ejus lingutt verbis : Ipfe ego hxc fcripfi , &c. Plin, Hift. nat. "lib. VllI , cap. m. — Es:o veto ipfi elephantum in tabula Hueras JLatinas promufcide alque or- 4ine fcribentem vidi : verùmtamcn docentis manus fubji-' ciebatur ad littcrarum duclum 6* figurant eum injiituens ; (iejeciis autcm & inîentis oculis erat cùm fcriheret i docios (jS* Utterarum gnaros animantium oculos cjje dixi^es, it,liaa 4^ MX> Anim. Ub, II j cap, n, de C Eléphant , 14^ & il eft le maître de joindre la puifîance de fes poumons à l'adion de fes doigts , 6: d'at- tirer par une forte fuccion les liquides , ou d'enlever des corps folides frès pefans en ap- pliquant à leur furface le bord de fa trompe , & taifant un vide au dedans par afpira- tion. La délicatefle du toucher, la fâneffe de To- dorat ,la facilité du mouvement & la puiflance de fuccion fe trouvent donc à l'extrémité du nez de l'éléphant. De tous les inftrumens dont la Nature a fi libéralement muni fes pro- ductions chéries, la trompe eft peut-être l——■——■—■ ■■■■■■■ ■ I ... I ... I«M.. ■"" grand, « proportion, que Thomme , fi ce n'eft Vé\é- phant qui l'a encore plus petit , & par cor.féquent qu'aucun autre animal Les pieds étoient (i pe- tits , qu'on peut dire qu'ils ne fe voient point , parce J- il a le défavantage d'avoir Torgane de Fo- dorat très éloigné de celui du goût , Tincom- fîiodité de ne pouvoir rien faifir à terre avec ia bouche , parce que fan cou court ne peu^ plier pour laiiTer baiiTer aflez la tèxe-, il fait ^u'il prenne fa nourriture , & même fa boif- ion, avec l^e nez, il la porte enfuite novi pas à rentrée de la gueule, maïs jufqu'à foi j^v fier; & lorfque fa trompe eft remplie d*eau, ii en fourre rextrémité jufqu'à la racine éléphant j et. pLJX) fg. 2 de #c yokmxf.% ât tËllphant, 249 écrit qu'il tétoit avec la gueule & non avec îa trompe (r) ; mais il y a toute apparence qu'ils n'avoient pas été témoins du fait & qu'ils ne l'ont fondé que fur l'analogie , tous les ani- maux n'ayant pas d'autre manière de téter. Mais fi le jeune éléphant avoit une fois pris l'ufagc ou rhabitude de pomper avec la bou- che en fuçant la mamelle de fa mere^ pour- quoi la perdroit-il pour tout le refte de fa vie? pourquoi ne fe fert-il jamais de cette partie pour pomper l'eau lorfqu'il eft à por- tée ? pourquoi feroit-il toujours une aftion double , tandis qu'une fimple fuffiroit ? pour- quoi ne lui voit on jamais rien prendre avec fa gueule que ce qu'on jette dedans lorfqu'elle eft ouverte ? &c. (/) Il paroît donc très-vraifemblable que le petit éléphant né tette qu*avec la trompe ; cette préfomption eft non-feulement prouvée par les faits fub- féquens, mais elle eft encore fondée fur une meilleure analogie que celle qui a décidé les Anciens. Nous avons dit qu'en général les animaux au moment de leur naiffance ne peuvent être avertis de la préfence de Ta- îiment dont ils ont befoin , par aucun autre fens que par celui de l'odorat. L'oreilie eft certainemerit très inutile à cet effet , rcelî (x) VulLus edhus O'e fugit ^ non promufcidi , 6' fia- tirn cùm natus eft ccrrJt & ambulat. Ari;^. bii'.. ?.nim. I!b, VI . cap XX vu — Anrt'Culo quidem vit-do ecqua" leni fulhtm eiit elephantus , qid jlatim ut natus ejî , ore fu^M' ^tian. de nai. Anim. iib. ÎV , cap. ITI. (s) Voyez le<; Mémoires pour fervir à l'hiftoire des animaux, garu III , p. ro^ & tio. X^O Hifloin naturclU, l'eft également & très évidemment, piiirquc la plupart des animaux n'ont pas, les yeux ouverts iorfqu'ils commencent à teter ; le toucher ne peut que leur indiquer vague- ment & également toutes les parties du corps de la mère , ou plutôt il ne leur indique rien de relatif à l'appétit; l'odorat feul doit l'a- vertir : c'eft non feulement une efpèce de goût, mais un avant- goût qui précède, ac- compagne & détermine l'autre. L'éléphant eft donc averti , comme tous les autres ani- maux , par cet avant-goût de la préfence de l'aliment; & comme le fiége de l'oJorat Te trouve ici réuni avec la puifTance de fuc- cion à l'extrémité de fa trompe , il l'appli- que à la mamelle , en pompe le lait & le porte enfuite à fa bouche pour fatisfaire fon appétit. D'ailleurs les deux mamelles étant fituées fur la poitrine comme aux femmes & n'ayant que de petits mamelons très dif- proportionnés à la grandeur de la gueule du petit , duquel aufli le cou ne peut plier, il faudroit que la mère fe renversât fur le dos ou lur le côté, pour qu'il pût faifir la mamelle avec la bouche ; & il auroit encore beaucoup de peine à en tirer le lait à caufe de ia difproportion énorme , qui réfuîte de la grandeur de la gueule & de la petiteffe du mamelon; le rebord de la trompe que l'éléphant contraéte , autant qu'il lui plaît, fe trouve au contraire proportionné au ma- melon, & le petit éléphant peut aifément par fon moyen téter fa mère , foit debout ou couchée fur le côté; ainfi, tout s'accor- de , pour iniîrmer le témoignage des Anciens de tElcvhant, 15 l fur ce fait qu'ils ont avancé fans i'avoir vérifié \ car aucun d'entr'eux ni même au- cun des modernes que je connoiîî'e , ne dit avoir vu téter Téléphant, & je crois pou- voir affurer que fi quelqu'un vient dans la fuite à l'obferver, on verra qu'il ne tette point avec la gueule ^ mais avec le nez. Je crois de même que les Ancieps fe font trom- pés en nous diîant que les éléphans s'ac- couplent à la manière des autres animaux ; que la femelle ( t ) abaiffe feulement fa croupe pour recevoir plus aifément le mâle ; la pofition des parties paroît rendre impof- fible cette fituaiion d'accouplement j Télé- phante n'a pas comme les autres femelles l'orifice de la vulve au bas du ventre & voifine de l'anus ^ cç.x. orifice en eft à deux pieds & demi ou trois pieds de diftance, il eft fitué prefqu'au milieu du ventre (//^; d'autre côté , le mâle n'a pas le membre gé- nital proportionné à la grandeur de fon corps non plus qu'à celle de ce long inter- valle , qui dans la fituation fuppofée , feroit en pure perte. Les Naturaliftes & les Voya- geurs s'accordent à dire (x?) que l'éléphant («) Suhfiiit famina, clunèhufij'ue fubmijjîs , infijlit pe- dib'Js ac innititur ; m.ts fupervcnicns comprimie , atque itd muncn venerco fungitur. Arift. hift. ÂRÏm. lib. V , caF>. II. ( II) Mémoires pour fervir à l'Hiftoire ^es Animaux^ part. 111, p. f^z. {x) Elcphantus gcnitiU equo fimile hahet f:d. parvum nec pro corporls magnitudine. Tcfl^s idem non foris conf- picuos fcd intus circà renés conditos habit. Arift. hift. anirn. lib. Il, cap, i. . . . L'Afrique d'Ogilby , p, tj &• 14. iKi Hifloîn naturtlh n'a pas le membre génital plus gros ni guère plus long que le cheval : il ns lui feroit donc pas poflible d'atteindre au but dans la fituation ordinaire aux quadrupèdes; il faut que la femelle en prenne une autre & fe renverfe fur le dos. De Feynes (y^ ta Ta- vernier (^ ) l'ont dit pofitivement, mais j'a- voue que j'aurois fait peu d'attention à leurs témoignages , fi cela ne s'accordoit pas avec la pofition des parties , qui ne permet pas à ces animaux de fe joindre autrement ( a j. (>) QiJand ces animaux veulent s'accoupler enfen:- Me , ils le font , fsns comparaifon , de même que rhomme & la femme : puis (itôt qu'ils ont eu la iouiffance l'un de l'autre, l'éléphant met fa trompe par-deffou$ Pé!?pbnnte & la relève en même temps. Voyage par terre à la Chine, du Sr. de Feynes. Pans , 16^9. p. trceaux, le cri d'un petit cochon le fit fuir une lois fort loin. Èlun a remarqué cctu an«- fnthle. v( ^ ) M, le Marquis de Montmirail , Capiuiae-co«. de t Eléphant, i6y feulement a bien voulu les demander & les recueillir , mais s'eft aufli donné la peine de traduire de l'Italien & de l'Allemand t©ut ce qui a rapport à l'Hiftoire des animauic dans quelques livres qui m'étoient inconnus ; fon goût pour les arts & les fciences , fort zèle pour leur avancement font fondés fur un difcernement exquis & fur des connoif- fances très étendues dans toutes les parties de l'Hiftoire Naturelle ; nous publierons donc , avec autant de plaifir que de reconnoiffan- ce , les bontés dont il nous honore & les lumières que nous lui devons ; l'on verra dans la fuite de cet ouvrage , combien nous aurons occafion de rappeller fon nom. w On fe fert de l'éléphant pour le tranfport ï> de l'artillerie fur les montagnes, & c'eft-}à M où fon intelligence fe fait mieux fentir, » Voici comme il s'y prend î pendant » que les bœufs attelés à la pièce de ca- w non font effort pour la traîner en haut , » l'éléphant pouffe la culafle avec fon front ; « & à chaque effort qu'il fait , il foutient i> l'affût avec fon genou qu'il place à la roue : » il femble qu'il comprenne ce qu'on lui dit. »> Son condu^Sleur veut-il lui faire faire queU » que corvée pénible; il lui explique de quoi w il eft queftion, &Iui détaille les raifons qui M doivent l'engager à obéir; fi l'éléphant mar- » que de la répugnance à ce qu'il exige de lonel des Cent-fuifles de la Garde ordinaire du co-psdu Roi , aaueUement Pr^fidcnt de TAcad^mie Roya!e des Sciences. Z 2 2^8 Hijioirt naturelU » lui , le Cornac ( c'eft ainfi qu'on appelle fon » condufteur^ promet de lui donner de l'a- » rac ou quelque chofe qu'il aime : alors S) l'animal fe prête à tout; mais il eft dan- » gereux de lui manquer de parole; plus d'un 3> cornac en a été la vidime. II s'eft pafle » à ce fujet dans le Dekan,un trait qui mé- » rite d'être rapporté , & qui , tout incroya- 5> ble qu'il paroit , eft cependant exaftement ji vrai. Un éléphant venoit de fe venger de -%} fon cornac en le tuant, fa femme témoin » de ce fpeâacle , prit fes deux enfans & *i» les jeta aux pieds de l'animal encore tout 51 furieux , en lui difant , puïfque tu as tué 9} mon mari , ôtes moi aujfi la vu , aïnjî qu^à mes yy enfans, L'é)éphant s'arrêta tout court, s'a- » doucit , ^ comme s'il eût été touché de j) regret, prit avec fa trompe le plus grand 9> de ces deux enfans, le mit fur fon cou, t> l'adopta pour fon cornac & n'en voulut 9> point fouffrir d'autre. a> Si l'éléphant eft vindicatif, il n'eft pas 9) moixi$ reconnoifTant. Un foldat de Pondi- 7» chéri, qui avoit coutume de porter, à un « de ces aniaiaux une certaine mefure d'a- M rac chaque fois qu'il touchoit fon prêt , »> ayant un j our bu plus que de raifon , & ï) fe voyaat pourfuivi par la garde qui le »> vouloit conduire en prifon , fe réfugia fous 3) l'éléphant & s'y endormit. Ce fut en vain »» que la garde tenta de l'arracher de cet afile; 5> l'éléphant le défendit avec fa trompe. Le « lendemain le foldat revenu de fon yvreffe , p frémit à fon réveil de fe trouver couché fous p wn animal d'un g^rolTeur ft énprme. L'éléphant dt t Eléphant» l6^ » qui fans doute s'apperçut de fon effroi , le » carefTa avec fa trompe pour le raffurer a & lui fit entendre qu'il pouvoit s'en i> aller. » L'éléphant tombe quelquefois dans une « efpèce de folie qui lui ôte fa docilité & le n rend même très redoutable , on efl alors « obligé de le tuer. On fe contente quelque- j) fois de l'attacher avec de grofTes chaînes î> de fer dans Tefpérance qu'il viendra à réfi- j> pifcence. Mais quand il eu dans fon état V naturel , les douleurs les pins aiguës ne peu- j> vent l'engager à faire du mal à qui ne lui » en a pas fait. Un éléphant , furieux des î) blefTures qu'il avoit reçues à la bataille »> d'Hambour , couroit à travers champs & n pouflbit des cris affreux ; un foldat qui , » malgré les avertifTemens de fes camarades , » n'avoit pu fuir, peut-être parce qu'il étoit w bleffé, fe trouva à fa rencontre : l'éléphant n craignit de le fouler aux pieds , le prit » avec fa trompe, le plaça doucement de j> côté , continua fa route. « Je n'ai pas cru devoir rien retrancher de ces notes que je viens de tranfcrire : elles ont été données à M. le Marquis de Montmirail , par M. de BulTy, qui a demeuré dix ans dans l'Inde, & qui pendant ce long féjour , y a fervi très utilement l'État & la Nation. Il avoit plu- fieurs éléphans à fon fervice , il les montoit très fouvent , les voyoit tous les jours & étoit à portée d'en voir beaucoup d'autres & de les obierver. Ainfi , ces notes & toutes les autres que j'ai citées , avec le nom de M, de Bufly , me paroifTent mériter une égale con- 27O Hlfloln naturelle ftance. MM. de l'Académie des Sciences , nous ont auffi laiiré quelques faits qu'ils a voient appris de ceux qui gouvernoient l'éléphant a la Ménagerie de Verfaillcs , & ces faits me paroiffent auffi mériter de trou- ver place ici. u L'éléphant fembloit connoî- » tre quand on fe moquoit de lui , & M s'en fouvenir pour s'en venger quand j> il en trouvoit Toccafion. A un hom- » me qui Tavoit trompé , faifant femblant j» de lui jeter quelque chofe dans la gueule , 3> il lui donna un coup de fa trompe qui le 3» renverfa & lui rompit deux côtes , enfuite n de quoi il le foula aux pieds & lui rom- » pit xine jambe, & s'étant agenouillé, lui ai voulut enibncer Tes défenfes dans le ventre , » lefquelles n'entrèrent que dans la terre aux 3» deux côtés de la cuifle , qui ne fut point n bieflee. 11 écra(a un autre homme , le froif- 3« fant contre une muraille pour le même » fujet. Un peintre le vouloit deffiner en » une attitude extraordinaire , qui étoit de vt tenir fa trompe levée & la gueule ouver- » te; le valet du peintre, pour le faire de- >j meurer en cet état , lui jetoit des fruits dans » la gueule > & le plus fouvent faifoit fem- >» blant d'en jeter , il en fut indigné , & comme » s*il eût connu que l'envie que le peintre y» avoit de le deffiner étoit la caufe de cette » importunité , au lieu de s'en prendre au » valet , il s'adrefl'a au maître > & lui jeta » par fa trompe une quantité d'eau , dont 3> il gâta le papier fur lequel le peintre def- » iinoit. }) Il ie fervc>it ordinairement bien moinis 'dé r Eléphant. I71 w de fa force que de fon adrefîe, laquelle w étoit telle qu*il s'ôtoit avec beaucoup de « facilité une groffe double courroie, dont » il avoit la jambe attachée 3 la défaifant de » la boucle & de l'ardillon; & comme on n eut entortillé cette boucle d'une petite » corde renouée à beaucoup de nœuds , il » dénouoit tout fans rien rompre. Une nuit n après s'être ainfi dépêtré de fa courroie , Il il rompit la porte de fa loge fi adroite - n ment, que fon gouverneur n*en fut point n éveillé; de-là pafîa dans plufieurs cours de n la Ménagerie, brifant les portes fermées j « & abattant la maçonnerie quand elles étoient » trop petites pour le laiffer pafTer , & il « alla ainfi dans la loge des autres animaux , n ce qui les épouvanta tellement qu'ils s'en- » fuirent tous fe cacher dans les lieux les plus n reculés du parc «. Enfin pour ne rien omettre de ce qui peut contribuer à faire connoître toutes les facul- tés naturelles & toutes les qualités acquifes par un animal fi fupérieur aux autres , nous ajouterons encore quelques faits que nous avons tirés des voyageurs les moins fufpeéls. « L'éléphant, même fauvage fdit le P. Vin- n cent Marie ) ne lailTe pas d'avoir des ver- n tus ; il eft généreux & tempérant , & quand » il eft domeftique , on Teftime par fa dou- n ceur & fa fidélité envers fon maître , fon i> amitié pour celui qui le gouverne , &c. n S'il eft deftiné à fervir immédiatement les « Princes , il connoît fa fortune & conferve >» une gravité convenable à fon emploi ; fi a» au contraire on le deftine à des travaux) 172 Mifloin natunite » moins honorables , il s'attrifte , fe trou- » ble & laiffe voir clairement qu'il s'abaiffe » malgré lui- A la guerre, dans le premier » choc , il eft impétueux & fier , il eft le » même quand il eft enveloppé par les chai- » feurs , mais il perd le courage lorfqu'il » eft vaincu 11 combat avec fes dé- » fenfes , & ne craint rien tant que de per- ii dre {a trompe , qui par fa confiftance eft Y) facile à couper. . . . Au refte , il eft na- »» turellement doux , il n'attaque perfonne à » moins qu'on ne l'ofFenfe , il femble même Te » plaire en compagnie , & il aime furtout lés- ai enfans , il les careffe & paroît reconnoître en » eux leur innocence. w L*éléphant, dit François Pyrard ( c ) , » eft l'animal qui a le plus de jugement &: » de connoifîance , de forte qu'on le diroit ?) avoir quelque ui'age de railon , outre qu'il » eft infiniment protitabie & de fervice à » l'homme. S'il eft queftion de monter delTus , » il eft tellement iouple , obélfTant & dreffé » pourfe ranger à la^commodité de l'homme V & qualité de la perfonne qui s'en veut >» fervir , que fe pliant bas il aide lui-même » à celui qui veut monter deffus & le fou- y* lage avec fa trompe. ... 11 eft ft obéiffant » qu'on lui fait faire tout ce que l'on veut , » pourvu qu'on le prenne de douceur. . . il » fait tout ce qu'on lui dit, il careiTe ceux n qu'on lui montre, &c. ( c ) Voyage de François Pyrard. Faris , iCt^^ ftmt II, p. ■^66, dt tELiphant. 275 j> En donnant aux éléphans, difent les voya- yy geurs Hollandois , ^d) tout ce qui peut w leur plaire , on les rend aufli privés & î> auiîî fournis que le font les hommes. L'on j> peut dire qu'il ne leur manque que la pa- j> rôle.. . . Ils font orgueilleux & ambitieux , j» mais ils fe fouviennent du bien qu'on » leur a fait & ont de la reconnoiflance , j> jul'que-Ià qu'ils ne manquent point de bai{- î> fer la tête pour marque de reTpe^Si en paf- » iant devant les maifons où ils ont été bien, j) traités. ... Ils fe laiifent conduire (^) » & commander par un enfant , mais ils j) veulent être loués & chéris. On ne fau- » roit fe moquer d'eux ni les injurier qu'ils M ne l'entendent, & ceux qui le font doivent » bien prendre garde à eux , car ils feront » bien heureux s'ils s'empêchent d'être ar- » rofés de l'eau des trompes de ces animaux « ou d'être jetés par terre le vifage contre la )> pouffière. ï> Les éléphans , dit le P. Philippe , {f) V approchent beaucoup du jugement & du « raifonnement des hommes. ... Si on com- j> pare les fmges aux éléphans , ils ne fem- n bleront que des animaux très lourds & très « brutaux ; & en effet les éléphans font ù' >i honnêtes , qu'ils ne fauroient fouffrir qu'on (rf) Voyage de la Compagnie des Indes de Hollan- de , tome î , p. 4/^. ( e ) Voyage de la Compagnie des Indes de Hollan- de , tome vJi , p. ^/. (/) Voyage d'Orient du P. Philippe de la Très-Sainte- Trinité , Carme-déciiaulTé. Lyon, tCCc}., p, j66 & ^ôj. 274 Hijîoïn rutrurtlh » les voie lorfqu'ils s'accouplent, & ft de » hafard quelqu'un les avoit vus en cette ac- » tion, ils s'en vengeroient infailliblement, » &c. ... Ils faluent en fléchiflant les ge- » noux & en baiffant la tête ; & lorfque leur » maître veut les monter , ils lui préfentent fi » adroitement le pied qu'il s'en peut fervir » comme d'un degré. Lorfqu'on a pris un » éléphant fauvage & qu'on lui a lié les pieds, >ï le chafTeur l'aborde , le falue , lui fait des » excufes de ce qu'il l'a lié, lui protefteque » ce n'eft pas pour lui faire injure » lui expoie que la plupart du temps il avoit « faute de nourriture dans Ton premier état, » au lieu que déformais il fera parfaitement » bien traité, qu'il lui en fait la promeffe ; » le chaffeur n'a pas plutôt achevé ce dif- « cours obligeant , que l'éléphant le fuit » comme ferait un très doux agneau ; il ne » faut pas pourtant conclure de-là que l'élé- t> phant ait l'inteUigence des langues : mais » feulement qu'ayant une très parfaite efti- »> mative, il connoît les divers mouvemens » d'eftime ou de mépris , d'amitié ou de « haine, & tous les autres dont les hommes « font agités envers lui; & pour cette caufe » il eft plus aifé à dompter par les raifons ^> que par les coups & par les verges » H jette des pierres fort loin & fort droit » avec fa trompe :, & il s'en fert pour ver- M ier de l'eau avec laquelle il fe lave le » corps. » De cinq élephans , dit Tavernier , (g) {g) Voyage de Tayernier, tome m , />. 23I. de t Eléphant, 275 »> que les chafTeurs avoient pris , trois fe fau- » vèrent, quoiqu'ils eulTent des chaînes & >» des cordes autour de leur corps & même w de leurs jambes. Ces gens-là nous dirent n une chofe furprenante & qui eft tout-à- >» fait admirable , fi on peut la croire ; c'eft » que ces éléphans ayant été une fois attra- j> pés & étant fortis du piège , fi on les fait »> entrer dans les bois, ils font dans la dé- » fiance & arrachent avec leur trompe une « grofle branche dont ils vont , fondant par- n tout avant que d'alTeoir leur pied , s'il n'y a » point de trous à leur paffage pour n'être »> pas attrapés une féconde fois ; ce qui fai- n loit défefpérer aux chaffeurs , qui nous con- n toient cette hiftoire , de pouvoir repren- » dre aifément les trois éléphans qui leur » étoient échappés Nous vimes les » deux autres éléphans qu'on avoit pris , cha^ » cun de ces éléphans fauvages étoit entre n deux éléphans privés; & autour des fau- » vages il y avoit fix hommes tenant des » lances à feu , qui parloient à ces animaux , » en leur préfentant à manger , & diiant «n » leur langage , prends cela 6» te mange, C'é- j) toient des petites bottes de foin , des mor- » ceaux de fucre noir & du riz cuit avec de » l'eau & force grain de poivre. Quand Té- » léphant fauvage ne vouloit pas faire ce » qu'on lui commandoit, les hommes ordon- » noient aux éléphans privés de le bat» » tre , ce qu'ils faifoient auflî-tôt , l'un le » frappant fur le front & fur la tête avec » fa trompe , & lorfqu'il faifoit mine de fe i> revancher contre celui-là , l'autre le frap- 176 Hijîoin naturelle 3> poit de fon côté , de forte que le pauvre « éléphant lauvage ne favoit plus où il en J> étoit , ce qui lui apprenoit à obéir. « J'ai plufieurs fois obfervè, dit Edward « Terri, (A) que l'éléphant fait plufieurs j> chofes qui tiennent plus du raifonnement 5) humain , que du fimple inftinft naturel 3> qu'on lui attribue. Il fait tout ce que fon « maître lui commande. S'il veut qu'il fafle '> peur à quelqu'un , il s'avance vers lui avec » la même fureur que s'il ie vouloit mettre j> en pièces , &. lorfqu'il en eit tout pro- « che , il s'arrête tout court, fans lui faire « aucun mal. Si le maître veut faire affront à « un autre, il parle à l'éléphant, qui prendra » avec fa trompe de l'eau du ruifîeau & de » la boue, & la lui jettera au nez. Sa trompe » eft faite d'un cartilage, elle pend entre »> les dents, quelques-uns l'appellent /î m jm, »» à caufe qu'en plufieurs occafions elle lui " rend le même fervice que la main fait aux »> hommes Le Mogol en a qui fer- » vent de bourreaux aux criminels con- ^ damnés à mort. Si leur condu«5leur leur »> commande de dépêcher promptement ces « miférables , ils les mettent en pièces en un « moment ^vec leurs pieds; & au contraire 5» s'il leur commande de les faire languir , » ils leur rompent les os les uns après les »> autres, & leur font fouffrir un fupplice » auffi cruel que celui de la roue ». {h) Voyage aux Indes orientales, par Edward Tewi» jr. /j. de t Eléphant, 7'jj Nous pourrions citer encore piufieurs au- tres faits aiifli curieux & aufli intéreflans que ceux qu'on vient de lire; mais nous aurions bientôt excédé les limites que nous avons tâché de nous prefcrire dans cet ouvrage. Nous ne ferions pas même entrés dans un auiîï grand détail , fi l'éléphant n'étoit de tous les animaux le premier à tous égards, celui par conféquent qui méritoitle plus d'at- tention ; nous n'avons rien dit de la produc- tion de fon ivoire , parce que M. Dauben- ton nous paroît avoir épuilé ce fujet dans fa defcription des différentes parties de l'élé- phant. On verra combien d'obfervations utiles ôi nouvelles il a fait lur la nature & la qua- lité de l'ivoire dans fes différens états , & en même temps on fera bien aife de favoir qu'il a rendu à l'éléphant les défenfes & les os prodigieux qu'on attribuoit au Mammout *. J'avoue que j'étois m.oi-méme dans Tin- certitude à cet égard , j'avois plufieurs fois confidéré ces offemens énormes & je les avois comparés avec le fquelette d'éléphant que nous avons au Cabinet du Roi, que je favois être le fquelette d'un éléphant prefque adulte ; & comme avant d'avoir fait l'hiftoire de ces animaux, je ne me perfuadois pas qu'il pût exifter des éléphans fix ou fept fois plus gros que celui dont je voyois le fquelette ; que d'ailleurs les gros offemens n'avoient pas les mêmes proportions que des os correfr * Voyez le tonii ^XH de l'édition en trente-ua vê- lâmes. 178 Hifloln naturellt, pondans dans le fquelette de Téléphant , fa« vois cru comme le vulgaire des Naturaliftes , que ces grands oflemens avoient appartenu à un animal beaucoup plus grand , & dont refpèce s'étoit perdue ou avoit été détruite. Mais il eft certain , comme on l'a vu dans cette hiftoire , qu'il exifte des éléphans qui ont jufqu'à quatorze pieds de hauteur , c'eft- à-dire, des éléphans fix ou fept fois plus gros ( car les maffes font comme les cubes de la hauteur) que celui dont nous avons le fque- lette, & qui n'avoit que fept pieds & demi de hauteur; 11 eft certain d'ailleurs, par les obfervations de M. Daubenton, que Tâge change la proportion des os , & que lorfque l'animal eft adulte ils grofliffent confidéra- biement quoiqu'ils ayent ceffé de grandir; enfin il eft encore certain, par le témoignage des Voyageurs , qu'il y a des défenfes d'élé- phans qui pèfent chacune plus de cent vingt livres ( ï ), Tout cela réuni , fait que nous ne (/) M. Eden rend témoignage qu'il mefura plufieurf défenfes d'éléphans auxquelles il trouva neuf pîeds de longueur , que d'autres avoient Tépaiffeur de la cuiflfe d'un homme , & que quelques-unes pefoient quatre» ringt-dix livres ; on prétend qu'il s'en trouve en Afri- que qui pèfent jufqu'à cent vingt-cinq livres chacune...» Les voyageurs Anglois rapportèrent auflTi de Guinée la tête d'un éléphant que M. Eden vit chez M. le Che- valier Judde , elle étoit fi greffe que les os feuls Sc le crâne , fans y comprendre les défenfes , pefoient environ deux cents livres; de forte qu'au jugement de l'auteur elle en auroit dû pefer cinq cents dans la totalité de fe$ parties, Hijîolrc générale des voyages , fQmtltp. zzj, — Lopes prit plaiûr à pefer piuiieurs il tEllpkant, 179 mais il fembie que depuis l'Ordonnance im- périale, on a commencé à les conlîdérer tous en gé- néral, & que comme les premiers aroient déjà occa- fionné la fable de l'animal mammout, on a rangé ces derniers dans la même claffe : car quoiqu'on connoiffe avec la moindre attention que ces derniers font d'un animal tout-à fait différent du premier, on n'a pas laiflfé de les confondre enferable. C'eft encore une erreur de croire avec Isbrand-Ides, ôc ceux qui fui- tent fes rêveries, qu'il n'y a que les montagnes qui s'étendent depuis la rivière de Ket vers le Nord-eft, & par conféquent auHîî les environs de Mangafca de de Jakutzk , qui foîent remptts de ces os d'éléphant ; ti s'en trouve non-feulement dans toute la Sibérie de dans fes diflri^ les plus méridionaux ,. comme dans ttf caAtQM fupéiKors dt Urtifcb , du Tems di de U i ât P Eléphant, iSj des mefures précifes , des comparaifons exac- Lena, mais encore par-ci par-li, en Rudîe & même en bien des endroits en Allemangne , où ils font con- nus fous le nom d'ivoire fofllile , ehur foJJiU , & cela avec beaucoup de raifon; car tout l'ivoire qu'on tra- Yaille en Allemagne , vient des dents d'éléphant que nous tirons des Indes , & l'ivoire foflftte reffemble par- faitement à ces dents , finon qu'il eft pourri. Dans les climats un peu chauds, ces dents fe font amollies dc changées en ivoire fodile ; mais dans ceux où la terre refte continuellement gelée , on trouve ces dents très fraîches pour la plupart. De-là peut aifément dériver, la fable qu'on a fouvent trouvé ces os & autres en- fanglantés ; cette fable a été gravement débitée par Isbrand - Ides , d'après lui par MuUer ♦ , qui ont été copiés par d'autres avec une affurance y comme s'il n'y, avoitpas lieu d'en douter ; & comme une fiftionva rare- ment feule, le fang qu'on prétend avoir trouvé à ce» os, a enfanté une autre fié^ion de l'animal mammout, dont on a compté que dans la Sibérie il vivoit fous terre , qu'il y mouroit quelquefois & étoit enterré fous les décombres , & tout cela pour rendre raifon du fang qu'on prétendoit trouver à ces os. Muller nous donne la defcription du mammout : cet animal , dit-il, a quatre ou cinq aunes de haut, & environ trois braiTes de long ; il eft d'une couleur grisâtre , ayant la tète fort longue & le front très large ; des deux cô- tés t précifément au-deiîous des yeux, il a éti cornes, qu'il peut mouvoir & croifer comme il veut. 1 a la fa- culté de s'étendre considérablement en marchant , & de fe rétrécir en un petit volume ; fes pattes reffemblent à celles d'un ours par leur groflTeur, I$brand-Ide$ eft alTez fincère pour avouer, que de tous ceux qu'il a c[iie(lionnés fur cet animal, il n'a trouvé perfonne qiul lui ait dit avoir vu un mammout vivant. . , r . . Les " tttes de les autres os qui s'accordent avec ceux des * Mœurs & uCages des Ofliaques, d'ans le R^eueii A a £ 284 Hijlolre naturttU tes & des raifons fondées fur les grandes éléphans , ont été autrefois fans contredit des partfes réelles de l'éléphaut. Nous ne devons pas refufer toute croyance à cette quantité d'os d'éléphans, & je préfurae que les éléphans , pour éviter leur deftru£lion , dans les grandes révolutions de la terre , fe font échappés de leur endroit natal, & fe font difperfés de toutes parts ) tant qu'ils ont pu; leur fort a été différent, les uns ont été bien loin , les autres ont pu , même après leur mort, avoir été tranfportés fort loin par ^elque inondation : ceux au contraire qui étant en- core en vie , fe font trop écartés vers le nord , doi- vent nécefTairement y avoir payé !e tribut de leur ^élicateffe ; d'autres encore fans avoir été (î loin , ont pu fe noyer dans une inondation ou périr de laiTitude,... La groffeur de ces os ne doit pas nous arrêter ; les dents faillantes ont jufqu'à quatre arfchines de long ÔC Jix pouces de diamètre; M. de Strahlenberg dit juf- i(u'à neuf, & les plus fortes pèfent jufqu'à fîx à fept puds. J'ai fait voir dans un autre endroit , qu'il y a «ics dents fraîches prifes de l'éléphant, qui ont jufqu'à «Jix pieds de long, & qui pèfent cent, cent quarante» ^x , cent foixante, cent foixante huit livres Il y a des morceaux d*ivoirc foflile qui ont une apparence jaunâtre «u qui jauniflfent par la fuite des temps, & d'autres <{ui font bruns comme des noix de cocos ou plus clairs ^ À enfin , d'autres qui font d'un bleu noirâtre. Les ^ents qui n'ont pas été bien gelées dans la terre & ont f efté pendant quelque temps expofées à l'effet de l*air » /ont fujettes à devenir plus ou moins jaunes ou bru- »es , & elles prennent d'autres couleurs fuivant l'ef- pèce d'humidité qui y agit en fe joignant à l'air: auili^ fuivant ce que dit M. de Strahlenberg, on trouve quel- le fois des morceaux d'un bleu-noir dans ces dents cor- rompues Il fcroit à fouhaiter , pour le bien ée l'Hiftoire naturelle, qu'on connût, pour les autres. «s qti'on trouve en Sibérie, l'efpèce d'animal auquel ;^s appartiennent , mais il n*y a guère lieu de l'ef- pérer- Relat/on d'un, yoyaç^c à Xanu/chaïka par M. Gm.iUn^ iîn^imetn '735 àPîi^rihoure^^ ♦ La figure ( dit-il) du Rhinocé- ros, que M. Parfons a ajoutée à fon Mémoire, ÔC qu'il a deflinée lui-même d'après le naturel , eft fi différente de celle qui fut gravée à Paris, en 17^9, d'après tin rhinocéros qu'on voyoit alors à la foire Saint-Germain, qu'on auroit de la peine à y reconnoître le même animal. Celui de M. Parfons eil plus court & les plis de la peau en font en plus petit nombre , moins mar- qués & quelques-uns placés un peu différemment; la tête furtout ne reffemble prefqu*en rien à celle du rhinocéros de la foire Saint-Germain. On ne fauroit cependant douter de l'exaftitude de M* Parfons, ôc qu'il faut chercher dans l'âge 6c le fexe de ces deux animaux la raifon des différences fenfibles qu'on ap- perçoit dans les figures que l'on a données de l'un & de l'autre. Celle de M. Parfons a été delTmée d'après un rhinocéros mâle , qui n'avolt que deux ans ; celle que j'ai cru devoir ajouter ici , l'a été d'après le ta- bleau du célèbre M. Oudry , le peintre des animaux , & qui a fi fort excellé en ce genre ; il a peint de gran- deur naturelle , Ôt d'après le vivant , le rhinocéros de la fûire Saint-Germain , qui étoit une femelle & qui avoit au moins huit ans; je dis au moins huit ans, car il efl dit dans l'infcription qu'on voit au bas de l'efiampe de Charpentier , qui a pour titre ■véritable portrait d*un Rhinocéros vivant que l'on voit à la foire S oint- Germain à Paris , que cet animal avoit trois ans quand il fut pris en 17-^1 dans la province d'AlTem, appartenante au Mogol ; & huit lignes plus bas, il eft ^it qu'il n'avoit qu'un mois quand quelques Indiens l'a- trapèrent avec des cordes , après en avoir tué la tnere à coups de flèches ,• ainfi il avoit au moins haie ^ns , & pouvoit en avoir dix ou «nze. Cette diffé- du Rkinoteros* iç^ «différentes, par-devant, par-derrière & de profil; il a aiiïïi deiïiné les parties extérieu- res de la génération du mâic:, & les cornes fimples & doubles auffi-bien que la queue d'autres rhinocéros dost ces parties étoient confervées dans des Cabinets d'Hiftoire Na- turelle. Le rhinocéros qui arriva à Londres en ^739 » avoir été envoyé de Bengale. Quoi- que très jeune , puifqu'il n'avoit que deux ans , les frais de fa nourriture & de fon voyage montoient à près de mille livres fterling; on le nourriÔbit avec du riz, du rence d'âge eft une raifon vraifemblable des différen- ces ("enfibles que l'on trouvera entre la figure de M. Parfons & celle de M. Oudry , dont le tableau fait par ordre du Roi , fut alors expofé au falon de pein- ture. Je remarquerai feul-ement que M. Oudry a donné à la défenfe de fon rhinocéros plus de longueur que n'en n'avoit la corne du rhinocéros de la foire Saint- Germain , que j'ai vu & examiné avec beaucoup d'a- tention , & que cette partie eft rendue plus fidèlement dans l'eftampe de Charpentier. AulTi eft-ce d'après cette eftampe qu'on a cefTiné la corne de cette figure , qui pour tout le reûe a été deflinée & réduite d'après îe tableau de M. Oudry. L'animal qu'elle repréfente avcit été pefé , environ un an auparavant , à Stut- gart dans le duché de Virtemberg , & il pefoit alori cinq mille livres. Il mansjeoit, félon le rnoport da Capitaine Douw'ont Wander-Meer, qui l'avoit conclût en Europe, foixante livres de foin 8c vingt livres de pain par jour. Il étoit très privé ÔC d'une açilité fur- prenante, vu l'énormité de fa maffe 8c fon air extrê- mement lourd u. Ces remarques font judicieufes St pleines de fens, comme tout ce qu'écrit M. Demours, Voyez la figure dans fa traduction françoife des Traii- faflions philofophiques , année 1J43. 194 UijlcïTt naturdU i'ucre & du foin : on lui donnoit par jovrr fept livres de riz, mêlé avec trois livres de iucre , qu'on lui partageoit en trois portions: on lui donnoit auffi beaucoup -de foin, & d'herbes vertes , qu'il préferoit au foin ; fa boifTon n'étoit que de l'eau dont il buvoit à la, fois une grande quantité ; il étoit d'un naturel tranquille 6c fe laifToit toucher fur toutes les parties de fon corps; il ne de- venoit méchant que quand on le frapport ou lor^q\i'il avoir faim ; & dans l'un & l'autre cas , on ne pouvoit l'appaifer qu'en lui donnant à manger. Lorfqu'il étoit en colère , il fautoit en avant & s'élevoit bruf- quement à une grande hauteur, en pouf- fant fa xèiQ avec furie contre les murs , ce qu'il faifoit avec une prodigieufe vîteiVe , malgré fon air lourd & fa maffe pefante. J'ai été fouvent témoin , dit M. Parfons , de ces mouvemens que produifoient l'impa- tience ou la colère, fur-tout les matins avant qu'on ne lui apportât fon riz & fon fucre ; la vivacité & la promptitude des mouvemens de cet animal, m'ont fait ju- ger , ajoute-t-il, qu'il efl: tout-à-fait indomp- table , & qu'il atteindroit aifénient à la courfe un homme qui l'auroit offenfé. Ce rhinocéros à l'âge de deux ans , n'é- toit pas plus haut qu'une jeune vache qui n'a pas .encore porté ; mais il avoit le corps fort long & fort épais ; fa tête étoit très groffe à proportion du corps : en la pre- nant depuis les oreilles jufqu'à la corne du nez, elle formoit une courbe concave dont les deux extrémités, c'eft-à-dire, le bout Rhinocéros, 19 f fupérieur du inufeau & la partie près des oreilles, font fort relevées ; la corne n'avoit encore qu'un pouce de hauteur , elle étoit noire, iiffe à fon fonimet , mais avec des rugofités à fa bafe & dirigée en arrière» Les narines font fituées fort bas & ne font pas à un pouce de diftance de l'ouverture de la gueule. La lèvre inférieure eft affez femblable à celle du bœuf, & la lèvre fu- périeure relfemble plus à celle du cheval , avec cette différence & cet avantage , que le rhinocéros peut l'alonger, la diriger , la doubler en la tournant autour d'un bâton , & faifir par ce moyen les corps qu'il veut approcher de fa gueule. La langue de ce jeune rhinocéros étoit douce comme celle d'un veau {d). Ses yeux n'avoient nulle vivacité , ils reffemblent à ceux du cochoa pour la forme , & font fitués très bas , c'eft^ à-dire, plus près de l'ouverture des narines , que dans aucun autre animal. Les oreilles font larges , minces à leur extrémité , & reflérrées à leur origi/ie par une efpèce d'anneau ridé. Le cou eit fort court , la peau { d) Nota. Que la plupart des Voya^e-irs & tous les Naturaliftes , tant anciens que modernes, ont dit que la langc.edu rhinocéros étoit extrêmement rade , ÔC que les papilles en étcient fi poignantes qu'avec fa langue feule il écorchoit un homme & enlevoit la chair jufqu*aux os. Ce fait, que l'on trouve par-tout, me paroît très douteux & même mal imaginé , puifque le rhinocéros ne mange point de chair, & qu'en gé- jîéral les animaux qui ont la langue rude font ordi- nairement carnaiïlers» B h 4 396 HlJ^oln naturtUi forme fur cette partie deux gros plis quî l'environnent tout autour. Les épaules iont fort groffes & fort épaifîes, la peau fait à leur jointure im autre pli qui defcend fous les jambes de devant. Le corps de ce jeune rhi- iîocéros étoit en tout très épais & reffem- bloit très bien à celui d'une vache prête à mettre bas. Il y a un autre pli entre le corps & la croupe^, ce pli defcend audef- fous des jambes de derrière ; & enfin , il y a encore un autre pli qui environne tranf- verfalement la partie inférieure de la croupe à quelque diftance de la queue; le ventre étoit gros & pendoit prefqu'à terre, fur-tout à la partie moyenne ; les jambes font ron- des , épaiffes , fortes , & toutes font cour- bées en arrière à la jointure : cette jointure qui eft recouverte par un pli très remarqua- ble quand l'animal eft couché , difparoît lorf- qu'il eft debout. La queue eft menue & courte relativement au volume du corps , celle de ce rhinocéros n'avoit que feize ou dis-fept pouces de longueur; elle s'élargit un peu à fon extrémité où elle eft garnie «ée quelques poils courts , gros & durs. La verge eft d'une forme afl'ez extraordinaire, elle eft contenue dans un prépuce ou four- reau comme celle du cheval, & la première chofe qui paroit au dehors dans le tems de l'éreclion , eft un fécond prépuce de couleur de chair, duquel enfuite il fort un tuyau creux en forme d'entonnoir évafé & dé- coupé (e) , comme une fleur-de-lis , lequel (e} Voyei la figure dans les Tranfaftio&s phàlofo- du Rhinocéros. 197 tient lieu de gland & forme l'extrémité de la verge ; ce gland bizarre par ià forme elt d'une couleur de chair plus pâle que le fé- cond prépuce ; dans la plus forte éred^ion , la verge ne s'étendoit qu'à huit pouces hors du corps , on lui procuroit aifément cet état d'extenfion en frottant l'animal fur le ventre avec des bouchons de paille lorfqu'il étoit couché. La direftion de ce membre n'étoit pas droite , mais courbe & dirigée en arrière ; aulh piffoit-il en arrière & à plein canal à- peu-près comme une vache , d'où Ton peut inférer que dans l'aûe de la copulation, le mâle ne couvre pas la femelle, mais qu'ils s'acouplent croupe à croupe; elle a les parties extérieures de la génération faites & placées comme celle de la vache , & elle relTemble parfaitement au mâle pour la forme & la groffeur du corps. La peau eft épailTe & impénétrable, en la prenant avec la main dans les plis, on croiroit toucher une planche de bois d'un demi-pouce d'épaif- léur:lorfqu'elle eft tannée, dit le Dr. Grev, elle eft exceffivement dure & plus épailTe que le cuir d'aucun autre animal terretlre; elle eft par-tout plus ou moins couverte d'in- cruftations en forme de galles ou de tube- rofités, qui font affez petites fur le Ibmmet du cou & du dos, & qui par degrés devien- nent plus greffes en defcendant fur les cô- tés; les plus larges de toutes font fur les phiques , n?. 470 , pi. itj, & dans les Glanures d'Ed- wards ^^/. cottû au bas z2U 19 5 Hïjloin naturelle épaules & fur la croupe ; elles (ont encore afiez groffes fur les cuiltes & les jambes , & il y en a tout autour & tout le long des jambes jufqu'aux pieds; mais entre les plis la peau eft pénétrable & même délicate & aufîi douce au toucher que de la foie , tandis que l'extérieur du pli ell auffi rude que le refte;,cette peau tendre qui fe trouve dans l'intérieur du pli eft d'une légère cou- leur de chair; & la peau du ventre eft à peu ' près de même confiftance & de même cou- leur. Au refte , on ne doit pas comparer ces tubérofités ou galles, dont nous venons de parler , à des écailles comme l'ont fait plu- fieurs Auteurs ; ce iont de fimples durillons de la peau , qui n'ont ni régularité dans la figure , ni fymétrie dans leur pofition ref- pe£tive La fouplefîe de la peau dans les plis donne au rhinocéros la facilité du mouvement de la tére , du cou & des membres ; tout le corps , à l'exception des jointures, eft inflexible & comme cuiraf- fé. M. Parfons dit en paflant , qu'il a obferré une qualité très particulière dans cet animal, c'eft d'écouter avec une efpèce d'attention fiiivie , tous les bruits qu'il enten- doit ; de forte que , quoiqu'endormi ou fort occupé à manger ou à fatisfaire d'au- tres befoins preffans, il s'éveilloit à l'inf- tant , levoit la tête & écoutoit avec la plus conftante attention , jufqu'à ce que le bruit qu'il entendoit eut ceffé. Enfin , après avoir donné cette defcription exafte du rhinocéros , M. Parfons examine s'il exifte ou non des rhiaocéros à double du Rhinocéros, iç^ c»rne fur le nez ; & après avoir comparé ks témoignages des Anciens & des Moder- nes , & les monumens de cette efpèce qu'on frou ve dans les colieclions d'Hiftoire naturelle, il conclut avec vraiiemblance, que les rhino- céros d'Afie n'ont communément qu'une cor- ne , & que ceux d'Afrique en ont ordinaire- ment deux. *. Il eft très certain qn'il exifte des rhinocé* ros qui n'orit qu'une corne fur le nez, & d'autres (|uî en ont deux (/); mais il n'eft pas également certain que cette variété loit conftante , toujours dépendante du climat de l'Afrique ou des Indes , & qu'en conféquence de cette feule différence on puiiTe établir deux efpèces diftindes dans le genre de cet animal. Il paroît que les rhinocéros qui (/) Kotbe dit pontivement , & comme s'il l'a voit ▼u , que la première cotne da rhinocéros eft placée fur le nez, & la féconde fur le front en droite ligne avec la première j que celle-ci qui eft d'un gris- brun ne paffe jamais deuTc pieds de longueur ; que la fé- conde eft jaune Se qu'elle ne croît jamais au-defi'us de fix pouces. Defcript-on du Cap de Bonne-efpéraHce , par Kolhe , tome UI , pages ij & i8. Cependant nous venons de citer des doubles cornes dont la féconde dif- féroit peu de la première qui avoit deux pieds, qui toutes deux étoient de la même couleur ; & d'aiJleuris il paroît ce>rtain qu'elles ne font jamais à une auffi grande diftance l'une de l'autre , que le dit cet au- teur, puifque les bafes de ces deux cornes, confer- vées dans le cabinet de Hans Sloane , n'éioient pas éloignées de trois ponces. * Voyez pi. X, fig. z de ce volume t 8c toim X i addition à l'article du rhinocéros. 300 TfiJIoire naturelle n'ont qu'une corne l'ont plus grofle & plus longue que ceux qui en ont deux : il y a des cornes fimples de trois pieds & demi , ^ peut-être de plus de quatre pieds de longueur lur fix & fept pouces de diamètre à la bafe ; il y a auiîi des cornes doubles (g), qui ont jufqu'à deux pieds de longueur ; com^ munément, ces cornes font brunes ou de couleur olivâtre , cependant il s'en trouve de grifes & même quelques-unes de blan- ches ', elles n'ont qu'une légère concavité en forme de tafle fous leur bafe, par la- quelle elles font attachées à la peau du nez ; tout le refte de la corne eft folide Si plus dur que la corne ordinaire : c'eft avec cette cfrme , dit-on, que le rhinocéros attaque & bleffe quelquefois mortellement les éléphans de la plus haute taille , dont les jambes élevées permettent au rhinocé- ros , qui les a bien plus courtes , de leur porter des coups de boutoir & de corne fous le ventre , où la peau eft la plus fenfible & la plus pénétrable : mais aufli lorfqu'il manque fon premier coup, l'éléphant le ter- rafle & le tue. La corne du rhinocéros eft plus eftimée des Indiens que l'ivoire de l'éléphant, non pas tant à caufe de la matière , dont cepen- dant ils font plufieurs ouvrages au tour& au cifeau ; mais à caufe de fa fubftance même à laquelle ils accordent plufieurs qualités (g) Voyez les Tranfaftions philo fophiques, n°. 470, pi, Jll ,fig,6 & S, du Rhinocéros, 3 O l fpécifiqiies & propriétés médicinales ( ^ > ; les blanches , comme les plus rares , font auffi cel- (A) Sunt in regno Bengalen rhlnocerotes Lufuarûs Abadas û/cZi , cuj us anima lis coriuni, dintes , caro , fan- guis, ungulx & externe ejus partes toto génère rcfifiuntvz- nenis j quâ de causa in maximo pretio efi apud Indos. Johan. Hugoii Linifcotani navigatio in Orientem , Bel- gicè Icripta, Latine enunciata à Lonicero. Francfcrdii , '599 y P^''^- ^^' "■ P' 44- — ^^^ parties de Bengala , proche du Gange , Us rhinocéros ou licornes , que l'on appelle vulgairement Abades , font très communes , ÔC l'on en apporte à Goa quantité de cornes ; elles ont environ deux palmes de circonférence du côté qu'elles font attachées au front, Se allant peu- à- peu ôc iinif- fant en pointe , elles fervent d'armes défenfives à ces animaux. Elles font d'une couleur obfcure , & les taffes qu'on en fait pour boire, font très eftimées, vu qu'elles ont naturellement la propriété tie chaffer de- hors la malignité d'une liqueur qui feroit empoifon- née. Voyage du F. Philippe , p. tji. — Toutes les parties du corps du rhinocéros font médicinales ; fa corne eft furtovit un puillant antidote contre toutes fortes de poifons, Ôc les Siamois en font un grand trafic avec les nations voifines ; il y en a qui font quel- quefois vendues plus de cent écus , celles qui font d'un gris-clair & mouchetées de blanc, (ont les plus efti- mées des Chinois. Hijîoire naturelle de Siam , par Nie Cervaife. Paris, 1688 , p. j^. — Leurs cornes, leurs dents, leurs ongles^, leur chair, leur peau , leur fang, leurs excrémensmême & leur eau, tout eft eftimé 6c recherché par les Indiens, qui y trouvent des remè- des pour diverfes maladies. Voyage de la Compagnie des Indes de HoUande y tome /, p. 4/7. — Sa corne fort' d'entre fes deux nafeaux, elle eft fort épaiffe par le bas , Se vers le haut elle devient aiguë, elle eft d'un vert-brun, & non pas noire, ainfi que quelques-uns l'ont écrit ; quand elle eft plus grife ou qu'elle tire fur le blanc , elle fe vend plus cher ; mais elle eft toujours chère , car on l'eftirae aulli beaucoup aux Indes, Idim, tome VU , P' 2,jj, JOI Hifloin naturelle les qu'ils eftiment & qu'ils recherchent le plus. Dans les préfens que le roi de Siam en- voya à Louis XIV, en 1686 (i) , il y avoit fix cornes de rhinocéros. Nous en avons au Cabinet dw Roi , douze de différentes gran- deurs , & une entr'aurres qui, quoique tron- quée , a trois pieds huit pouces & demi de longueur. Le rhinocéros , fans être ni féroce , ni car- naHier,ni même extrêmement farouche, eft cependant intraitable (A); il eft à-peu-près en grand, ce que le cochon eft en petit j brufque & brut , fans intelligence , fans fen- timent & fans docilité : il faut même qu'il foit fujet à des accès de fureur , que rien ne peut calmer ;^ar celui qu'Émanuel, roi (i) Parmi les préfens que le Roi de Siam envoya en France,' en 1686, il y eut (îx cornes de rhinocérosi elles font extrêmement eftimées dans tout l'Orient, Le Chevalier Vernati a écrit de Batavia, en Angle- terre , que les cornes , les dents , les ongles & le fang des rhinocéros font daç antidotes, & qu'ils ont le même ufaje dans la Pharmacopée des Indes, que la Théria'-'ue dans celle de l'Europe. Voyage de la Compagnie des Indes de Hollande , tome VU , p- ^S^. (k y Nota. Ch-^rdin , dit ( tome II I , p. 4^), que les AbyfTuis apprivoifent les rhinocéros , qu'ils les élè- vent au travail comme on fait les éléphans. Ce fait me paroît très douteux, aucun autfe voj'agenr n'en fait mention , ôt il eft sûr qu'à Bengale, à Sian ÔL dans les autres parties de l'înde mériJicnale , où le rhinocéros eft peut-être plus commun qu'en Ethiopie, & où l'on eft accoutumé à apnrivoifer les éléphans ; il eft regardé comme un animal îndowintabîe 6i dont on ne peut faire aucun ufage pour le fervice domef- tique. 'du Rhinocéros» 30) de Portugal, envoya au Pape, en 15 13, fît périr le bâtiment fur lequel on le traniportoit (^ /) , & celui que nous avons vu à Paris ces années dernières , s'eft noyé de même en allant enitalie. Ces animaux font aufli, comme le cochon, très enclins à fe vautrer dans la boue & à fe rouler dans la fange : il aiment les lieux humides & marécageux, & ils ne quittent guère les bords des rivières ; on en trouve en Afie & en Afrique, à Bengale (ot), à Siam (;z), à Laos (0), au Mogol (p ) , à Sumatra (^ ) , à Java , en Abiflinie (r) , en Ethiopie (/ ),au pays des Anzicos (r), & jufqu'au cap de Bonne-efpérance {u^; mais en général l'efpèce en ert moins nom- breufe & moins répandue que celle de l'élé- phant; il ne produit de même qji'un feul petit à la fois , & à des diftances de ( / ) Tranfa^^ions philorophîques, n®. ^70. (m) Voyage du P.Philippe, p. 57/. — Voysge de la Compagnie des Indes de Hollande, tome I. p, ^,-r. («) Hirtoire naturelle de Siam , parGerraife, p. 35, (o ; Journal de l'Abbé de Choify, p. 539. Ip) Voyage de Tavernier, tome///, p. P7. — Voyage d'Edward Terri , /?. fç. {q) Hiftoire générale At% Voyages, par M. l'Abbé Prévôt, tome IX ^ p. jjp. (r) Voyage de la Compagnie des Indes de Hol- lande, tome VII y p. 2jj. {s) Voyage de Chardin, tome III , p, jf^, — Re- lation de Thévenot , p. 10. {t) Hiftoire générale des Voyages, par M. l*Abbs Prévôt, tome V, p. çi. (u) Voyage de François le Guat. Amft. 1708, toms II, p. r^f. — Defcription du cap de Bonne-efpéran- ce, par Kolbe, tcrr.e III , p. f; & fulv<, ^^4 Hijîoîre naturelle temps affez confidérablcs. Dans le premier mois, le jeune rhinocéros n'eft guère plus gros qu'un chien de grande taille ( ^ ). Il n'a point , en naiflant, la corne fur le nez {y ) , quoiqu'on en voie déjà le rudiment dans le tœtus (î); à deux ans ^ cette corne n'a encore pouffé que d'un pouce (^), & à fix ans , elle a neuf à dix pouces (/>);& comme l'on connoît de ces cornes qui ont près de quatre pieds de longueur ( c ) , il paroit qu'elles croiffent au moins jufqu'au moyen âge & peut-être pendant toute la vie de l'animal, qui doit ètvQ d'une affez longue durée, puif- que le rhinocéros décrit par M. Parfons, n'avoit, à deux ans , qu'environ la moitié — ,^— MW— -1.MMM"—- W ■■■■ Il ■■ ■■■■■■■ ■ I ■ Wl I ■■! I I llllll,»» {x) On en a vu un jeune qui n'étoit pas plus grand qu'un chien , il fuivoit alors fon maître par-tout , & il ne buvoit que du lait de buffle ; mais il ne vécu p^i plus de trois (emaines. Les dents commençoient à lui fortir. Voyage de la Compagnie des Indes de Nvliande, tome VII,' p. 483. (y ) On voyoit dans le bout du nez de ces deux ieunes rhinocéros la marque de la corne qui devoit leur pouffer , parce que, comme ils étoient tout jeu- nes, ils n'en avoient pas encore i à cet âge-là néan- moins ils étoient auffi gros St auflî grands qu'un de nos bœufs; mais ils font fort bas de jambes, particu- lièrement de celles de devant qui font plus courtes que celles de derrière. Voyage de Piaro délia Valle, tome IV y p. 24;- (l) Voyez au tome XXII de l'édition en trente-un volumes dans la defcription du cabinet, celle d'jan f<%- tus de rhinocéros. (a) Tranfaftions philofophiques , 71', 470. \b) Voyez idem^ ibld. (f ) Voyez la defcription de la partie du Cabînet qui a rapport au rhinocéros, dans le tome XXII de lidition en trente- an volu:«es, de du Rhinocéros» jOf de fa hauteur , d'où l'on peut inférer que cet animal doit vivre , comme l'homme , foixante- dix ou quatre-vingts ans. Sans pouvoir devenir utile comme Télé- phant, le rhinocéros eft auffi nuifible par la confommation , & furtout par le prodigieux dégât qu'il fait dans les campagnes ; il n'eft bon que par fa dépouille; fa chair eft excel- lente au goût des Indiens & des Nègres {d) ; Kolbe dit en avoir fouvent mangé & avec beaucoup de plaifir. Sa peau fait le cuir le meilleur & le plus dur qu'il y ait au monde C^"); & non-feulement fa corne, mais tou- tes les autres parties de fon corps & même fon fang (/*), fon urine & fes excrémens font eftimés comme des antidotes contre le poifon, ou comme des remèdes à plufieurs maladies. Ces antidotes ou remèdes, tirés des différentes parties du rhinocéros , ont le même ufage dans la pharmacopée des In- des, que la Thériaque dans celle de l'Europe { d) Oti mange de la chaîf du rhinocéros, & ce? peuples la trouvent excellente ; ils tirent même quel- qu'utilité de fon fang qu'ils ramaffent avec foin, pour .en faire un remède propre à la guérifon des maux de poitrine. Hijl. nat. de Siam, par Gervaife, p. jj^. (e) Sa peau eft d'un beau gris tirant fur le noir, comme celle des, éléphans, mais plus rude & plus épaif- fe; je n'ai point vu d'animal qui en ait une femhîab'e... Cette peau eft couverte par-tout , horfmis au cou & à- la tête de petite nœuds ou durillons fort fembiables à* ceux des écailles de tortues, &c. Voyage- de Chardin ^ (/) Voyage de Mandeflo , tamc II y p. "if.o. C c T^o6 Hijîolre naturelle {g). Il y a toute apparence que la plupart ÙQ ces vertus font imaginaires : mais combien n'y a-t-il pasdechofes bien plus recherchées qui n'ont de valeur que f'ans l'opinion ? Le rhinocéros fe nourrit d'herbes groffières, de chardons , d'arbrifTeaux épineux , & il pré- fère ces aliraens agreftes à la douce pâture des plus belles prairies (A); il aime beau- coup les cannes de fucre , & mange auffi de toutes fortes de grains ; n'ayant nul goût pour la chair, il n'inquiète pas les petits animaux; il ne craint pas les grands, vit en paix avec tous & môme avec le tigre , qui fouvent raccompagne fans ofer l'attaquer. Je ne fais don-c fi les combats de l'éléphant & du rhi- nocéros ont un fondement réel ; ils doivent au moins être rares, puifqu'il n'y a nul mo- tif de guerre , rii de pan ni d'autre , & que d'ailleurs on n'a pas remarqué- qu'il y eût aucune elpèce d'antipathie entre ces animaux ^ (g) Voyage de la Compagnie des Indes de Ho!- Isuide, tome VU, p. ^$4. { h ) Cet animal ne fe nourrit pas d'herbes, il lui. profère les buiffons, le genêt & les chardons i mais, entre toutes les plantes, il n'en eft point qu'il aime autant qu'un arbufte qui reffemble beaiKOUp au gené- vrier ^ mais qui ne fent pas aulfi bon, 6c dont les pi- ^uans ne font pas, à beaucoup près, suffi pointus ; les Européens du Cap appellent cette plante VarhrijJ'cau du Rhinocéros ; les campagnes couvertes de bruyères en fourniiïent une grande quantité ; on en voit aufii beaucoup fur les montagnes du Tigre & fur la ri- vière du banc des Moules. Les habitans de ces lieax le coupent & l'amaffent pour le brûler. Defcripdon eu cap di Sffnn^ ejférancs, par KelMe , i»m4 lU j f> '7» du Rhinocéros, 307 ©n en a vu même en captivité (i), vivre tranquillement & fans s'ofFenfer ni s'irriter l'un contre l'autre. Pline eft, je cr©is, le pre- mier qui ait parlé de ces combats du rhino- céros & de l'éléphant; il paroît qu'on les a forcés à fe battre dans les fpeftacles de Rome (-^), & c'eft probablement de-là que l'on a pris l'idée que quand ils font en li- berté & dans leur état naturel , ils fe battoient de même; mais encore une fois, toute action fans motif n'eft pas naturelle , c'eit un effet fans caufe , qui ne doit point arriver ou qui n'arrive que par hafard. Les rhinocéros ne fe raffemblent pas en troupes , ni-ne marchent en nombre comme les éléphans ; ils font plus folitaires, plus fauva- ges & peut- être plus difficiles à chaffer & à vaincre. Ils n'attaquent pas les hommes ( / ) , à moins qu'ils rie foient provoqués ; ( i ) La relation Hollandoife , qui a pour titre \'Ar,i~ haffade de la Chine, fait une defcription de cet animal tout-à-fait faulTe , furtout en ce qu'elle porte que c'eil un des principaux ennemis de l'é'éphant ; car ce Rhi- nocéros - ci étoLt cans une même écurie avec deux éléphans, & je les ai vu diverfes fois l'un auprès de l'autre dans la place Royale fans fe marquer la moin- dre antipathie. Un Ambafiadeur d'EThiopie avoit an-oné cet animal en préfent. Voyage de Chardin y tomi 111 ^ P' 4)' (k) Les Romains ont pris plailir à faire combattre le rhinocéros & l'éléphant pour que'qje i'pstlacîe dd grandeur. Singularités de la France antar clique , par An' dré Thevet y p- 41. • (/) Les rhinocéros n'attaquent ^ss ordinairement 1 & ils ne fe mettent en fureur que quand ils font at* t«qués , rtiais alors ils fout dô la éerniére férocité ; il9 Ces 40S Hijîoîri naturdU mais alors ils prennent de la fureur &: font très redoutables; l'acier de Damas , les fabres du Japon n'tntamcnt pas leur peau (/«); les javelots & les lances ne peuvent la percer, elle réfifte même aux balles du moufquet i celles de plomb s'aplatiffent fur ce cuir » & les lingots de fer ne le pénètrent pas en entier ; les feuls endroits abfolument péné- trables dans ce corps cuirafle y font le ven- tre, les yeux & le tour des oreilles (/z ) ; grognent comme les pourceaux , ils renverfent les ar- bres Ôc tout ce qut fe préfente devant eux. Voyage de la CompAgnU des Indes de Hollande, tome Vil ^ ( in ) Sa peau eft épaifTe , dure & inégal. . , . im- pénétrable même aux fabres du Japon ; on en fait de» cottes d'armes, des boucliers, &.c. Voyage de la Com- pagnie des Indes de Hollande , tome VII y p. 485. — Le rhinocéros attaque affez rarement les hommes , à moins qu'ils ne le provoquent, ou que l*homme n'ait un ha- bit rouge; dans ces deux cas, fl fe met en fureur & renverfe tout ce qui s'oppofe à lui. Lorfqu*!! attaque Hn homme y il le faifit par le milieu du corps & le feit voler par-deffus fa tête , avec une telle force qu'il eft tué par la violence de fa chute. ... Si on le voit venir, il n'cft pas difficile de l'éviter, quelque furieux ^u'il foit i il eft fort vite , il eft vrai , mais il ne fe tourne qu'avec beaucoup de peine : d'ailleurs il ne yoit, comme je Vai déjà dit, que devant lui^ ainfi on n'a qu'à le laiiTer approcher à cinq ou fix pas de dif- tance , & alors fe mettre un peu à côté; il ne vous voit plus & ne peut qu^ très difficilement vous re- trouver. Je l'ai expérimenté moi-même; il m'eft ar- l"ivé plus d'une fois rie le voir venir à moi avec toute fe furie. Defcrl^tion du Cap de Bonne- efpérancc , par Kolbe y tome llf , p. tj. (/z) On les tue difficilement, 6t on ne l'attaque ja iBwis fao$ pétU d'en êise déchire. Ceux t^ui s'adonnea du Rhinocéros, 3^9 auiîî les chafTeurs , au lieu d'attaquer cet animal de face & debout , le fuivent de loin par fes traces , & attendent , pour l'appro- cher^ les heures où il fe repofe & s'endort. Nous avons au Cabinet du Roi un fœtus de rhinocéros , qui nous a été envoyé de l'isle de Java, & qui a été tiré hors du corps de la mère; il eft dit, dans le Mémoire qui ac- compagnoit cet envoi, que vingt-huit chaf- feurs s'étant aflemblés pour attaquer ce rhi- nocéros, ils l'avoient d'abord fuivi de loin pendant quelques jours , faifant de temps en temps marcher un ou deux hommes en avant , pour reconnoître la pofition de l'animal ; que par ce moyen ils le furprirent endormi , s'en approchèrent en filence & de fi près ^ qu'ils lui lâchèrent tous enfemble leurs vin^t- huit coups de fufil dans les parties inférieures du bas - ventre. On a vu , par la defcription de M. Par- ions , que cet animal a l'oreille bonne & à cette chafle ont pourtant trouvé les moyens de (e garantir de fa fureur , car comme cet animal aime les lieux marécageux, ils l'obfervent quand il s*^y retire^ & fe cachant dans les buiffons au - deffous du vent , ils attendent qu'if foit couché , fc't pour s*endormir ou pour fe vautrer , afin de le tirer près des oreilles-». .;':-■". 4 ) -."; '' . 's,' ■■■" ^''^•..4^'^- •^;^; ■• • .■• •...•Vf ' : ■'