i HARVARD UNIVERSITY. LIBRARY OF THE MUSEUM OF COMPARATIVE ZOOLOGY LiBRARY or SAMUEL GARMAN OCA / Zf[ >^f .z3 Xv. JAN221929 HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. HISTOIRE NATURELLE DES PÔÎè'foNS, avec les figures dessinées d'après nature PAR BLOC H. Ouvrage classé par ordres , genres et espèces , d'après le syslême de Linné ; AVEC LES CARA.CTiÈRES GENERIQUES; Tar RENÉ-RICHARD CASTEL , auteur du poém« des Plantes, TOME VI. DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET. A PARIS, Chez Deterville , rue du Battoir; n° 16. AN IX. !TY USA HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. SUITE DU LVI*^ GENRE. X.E LAVARET, salmo lavaretus. La forme de la mâchoire supérieure, qui ^jessemble assez à un nez, est un caractère certain qui distingue ce pois- son des autres espèces de saumons. On trouve huit rayons à la membrane des ouies , quinze aux nageoires de la poi- trine , douze à celles du ventre, qua- torze à celle de l'anus , vingt à la queue , et quinze à celle du dos. La tête est petite en comparaison du corps , qui est long et épais , elle est cunéiforme et à demi - transparente jusqu\'iux yeux. La mâchoire supé- Poissons, yi. 1 2 HISTOIRE NATURELLE Heure qui avance, finit en une pointe émoussée , molle et charnue de couleur noire. La mâchoire la plus courte s'em - boîte dans l'autre ; et lorsque la bouche est fermée, elle se trouve entièrement couverte par une grosse lèvre cartila- gineuse. La bouche est petite , sans dents , et s'ouvre en travers par le bas. La langue est blanche , cartilagineuse, courte et un peu rude. L'oeil est de moyenne grandeur, la prunelle est noire, et l'iris argentin. Les joues, aussi bien que les opercules desouies, sont changeans bleu et jaune : la der- nière couleur est dominante. Le dos est rond et d'un bleu gris. Jusqu'à la ligne , les côtés sont bleuâtres ; au-des- sous de la ligne , ils sont un peu jaunes. Le ventre est argentin. La ligne laté- rale est droite, ornée de quarante- cinq points, et plus près du dos que du ven- tre. Les écailles ont au milieu du bord une petite échancrure, qui est sur- tout remarquable à celles qui soiit sur la D U I. A V A R E T. 3 ligne latérale. Les nageoires de la poi- trine sont jaunâtres -, les autres ont des rayons blanchâtres , une membrane bleuâtre , et une bordure de la même couleur. La nageoire dorsale est plus près de la queue que de la tête. La na- geoire adipeuse est en losange , et celle de la queue est fourchue. Nous trouvons le lavaret dans la mer du Nord et dans la Baltique. Il s'y tient dans le fond , d'où il sort quand le ha- reng commence à frayer , et il le suit de près pour manger ses œufs. De sorte que lorsque les pêcheurs ont pris beau- coup de harengs dans une nuit , ils prennent ordinairement la nuit sui- vante vingt-quatre, trente , et jusqu'à quarante lavarcts. Si on les ouvre dans ce temps , on trouve le canal intesti- nal plein d'œufsde harengs. Cependant l'ombre d'Auvergne use de représailles envers le lavaret , il le suit aussi quand il fraie , et dévore ses œufs. Le lavaret se montre encore dans un 4 HISTOIRE NATURELLE autre temps : c'est lorsqu'il fraie lui- même; ce qui arrive ordinairement de- puis août jusqu'en octobre : alors on le trouve en quantité entre les anses, les havres , et aux embouchures des fleu- ves dans les endroits où l'eau tombe avec le plus de rapidité dans la mer. Là, la femelle suivie du mâle, se frotte contre les pierres et les cailloux, pour ' se débarrasser de ses œufs. Une partie de ces poissons remonte les fleuves , dans lesquels ils avancent en troupes de deux rangées, qui forment un angle aigu. A la pointe de l'angle s'avance un lavaret qui conduit toute la troupe. S'il arrive que les vents soient trop forts et les arrêtent dans leurs courses, ils retournent et fraient dans les en- droits que nous venons de dire. Mais lorsque le vent leur est favorable et augmente la vitesse de leur course, ils entrent en quantité dans les fleuves ; et plus il est rapide , plus ils font d'ef- forts pour s'y opposer : alors ils funt DULA-VARET. 5 une lieue en vingt-quatre heures ; au lieu que lorsque le fleuve ne coule que lentement , ils ne font pas la moitié au- tant de chemin dans le même espace de temps. Les pêcheurs qui savent cela , dressent leurs filets en conséquence. Car comme le lavaret est rusé, et trouve aisément un trou dans le fond pour échapper , ils l'attrapent en jetant leurs filets tous les jours à une lieue ou une demi-lieue plus haut , selon que l'eau est plus ou moins rapide Ils avan- cent dans le fond, où le fleuve est le -plus fort. Quand il survient quel- qu'orage ou tempête , ils ne vont pas plus avant : l'ordre de la marche est rompu ; et chaque poisson tâche d'é- chapper comme il peut et de trouver dans le fond un endroit pour se cacher. 3L.es pêcheurs qui savent trouver ces animaux dans les endroits les plus ca- chés , savent aussi les prendre alors , en tendant des nassesappâtées avec des ceufs de brochets ou d'autres poissons. 6 HISTOIRE NATURELLE Lorsque la tempête s'est appaisée , ils se rassemblent de nouveau en troupes , et continuent leur route comme nous l'avons dit : mais ils ne remontent pas dans les petites rivières comme les sau- mons et les truites saumonnées ; ils s'arrêtent seulement vers leurs embou- chures, ou les chutes d'eau, et dans des endroits où ils trouvent des pierres ou d'autres choses propres à faciliter le frai. C'est dans ces endroits que les pê- cheurs peuvent les trouver. Les lava- rets sentent une tempête quelques jours avant qu'elle arrive ; alors ils se retirent en foule dans les endroits du frai , lorsqu'ils n'en sont pas éloignés. Les pêcheurs ne se trompent pas à ce signe. Aprèslefrai,cespoissonsretournent dans la mer sans conducteur et sans ordre. Une chose fort remarquable , c'est que le retour de ce poisson indique si l'hiver viendra plutôt ou plus tard. Quand le lavaret revient de bonne DU L A V A R E T. 7 heure, c'est une marque que l'Liver approche ; quand il revient tard , c'est une preuve que les froids retarderont aussi (i). Le jeune lavaret reste dans le lieu de sa naissance jusqu'à ce qu'il ait atteint à-peu-près la grosseur de trois pouces : alors il est emporté par la violence de la marée dans la mer , où il reste jusqu'à ce que le désir de la pro- pagation le porte à en sortir ; ce qui arrive ordinairement à l'âge do cinq à six ans. Les ennemis de ce poisson sont , outre les poissons voraces, le chien de mer, qui les poursuit souvent jusque sur les côtes. De sorte que les pêcheurs espèrent une riche pêche lorsqu'ils ap- perçoivent ce monstre marin près des (i) Si les physiciens faisoient , en difTc- rens temps , des observations sur les raou- Vemensdes poissons, ils pourroienten tirer 'ies règles pour prédire les changemens du temps. 8 HISTOIRE NATURELLE filets qu'ils ont tendus. Outre cela ils dévorent eux-mêmes leurs œufs les uns les autres ; ce qui est sans doute une des causes qu'il se multiplie fort peu. Dans nos contrées , on pêche Je la- varet avec le tramail, le grand filet et la louve, dans l'Elbe, près de Boitzen- bourg , et en Prusse dans le Curiscli- Have. Les pêcheurs suédois se servent de tridens. La chair de ce poisson est blanche , tendre et de bon goût, et est par con- séquent un des meilleurs poissons de nos bonnes tables. Dans les endroits où la pêche de ce poisson est considérable on le fume ou on le sale. Cette dernière préparation se fait de la manière sui- vante. Après avoir nettoyé , vide et lavé le poisson en dedans et en dehors , on le met dans une corbeille sur le ven- tre , afin que l'eau puisse s'égoutter. Après cela on le sale , on le place par couches • et après l'avoir laissé ainsi DUT. AVARE T. 9 penrlant trois fois vingt- quatre heures , on le lave de nouveau. Par ce moyen on en ôtclout le limon et le sang; puis on le sale comme les harengs, en con- ciles alternatives sur lesquelles on met une pierre pour les faire porter les unes sur les autres, et on les bouche. On conserve ain?i le bon goût qu'ils ont, quand ils sont pris par un temps frais. Quand on les a pris dans la cha- leur , il faut les fendre avant que de les saler ; leur ôter la tête et l'épine du dos, qui se gâtent aisément , et donnent un mauvais goût au poisson. Le lavaret n'fi pas la vie dure ; il meurt bientôt après être sorti de l'eau. On peut cependant le transporter dans des étangs , avec des précautions. Il faut que le lac ou l'étang où on les met soit grand , profond , et qu''il ait un fond de sable ; c'est ce que prouvent les expériences de M. Gcissler. Le la- varet qu'il transporta avoit deux ou trois pouces de long. Dans l'espace de Tois-sons. VI. » lO HISTOIRE NATURELLE quatre ans , il parvint au poids d'une jusqu'à deux livres. On voit à la bouche de ce poisson , qui est dépourvue de dents , qu'il ne vit point de proie , mais d'herbes , de vers , d'insectes et d'œufs de poisson. J'ai aussi trouvé dans son estomac de petits coquil- lages. La peau de Testomac est forte , le canal intestinal est court , et a son commencement entouré de petits ap- pendices. La laite et l'ovaire sont dou- bles : l'ovaire contient environ ^7,000 œufs jaunes de la grosseur de la graine de navette. J'ai trouvé cinquante-neuf vertèbres à l'épine du dos, et trente- huit côtes de chaque côté. Ce poisson se nomme : Schnepel , dans nos contrées. S'ùck et Stor-S'dck, en Suède et en Nor- wège. Helt , en Danemarclc. Sihkaf Sieg et Sia-KalUj enLivonie. havaret , en France, DULAVARET. H Nous trouvons chez les anciens plu- sieurs poissons qui portent le nom de lavaret , albula nohilis , albula cœrulea , hezola , albula parça et fana , et qui appartiennent au genre des saunions. Les iclithyologistes modernes , tels qu'Artédi , Linné , Klein , Wulff , Pen- nant et Martini , les ont tous décrits sous le nom de lavaret , et n'en font qu'une seule espèce. Autant qu'on peut en juger par les mauvais dessins qui nous en restent , on voit que ces pois- sons sont de différentes espèces. On peut dire du moins que le lavaret n'est pas de la même espèce que l'albula cœrulea de Gcsner ; c'est ce dont je me suis convaincu par le dessin que m'en a communiqué mon ami M. le docteur Wartmann de St.-Gall , et par la des- cription exacte qu'il a donnée de ce poisson. Comme ce savant m'enverra aussi les autres espèces de saumons de «on pays ; je les publierai aussi, afin de 12 HISTOIRE NATURELLE pouvoir comparer et concilier les au- teurs. Schoneveld décrivit pour la pre- mière fois notre poisson en 1 6^4 , sous le nom à^albula nobilis y et en donna un dessin assez fidèle , que Jonston , Wil- lughby et Ruysch ont copié. Statius Millier se trompe en prenant notre schnepel pour le salmo albula do Linné. Dans le dernier , c'est la mâ- choire inférieure qui avance ; dans le premier , c'est la supérieure. Zuckert se trompe aussi quand il confond notre poisson avec l'oxyrin- chus de Linné. Selon Schoneveld, le heltdesDanois est le même poisson que le schnepel des Allemands. Mais comme Pontoppidan et Frédéric Millier prennent le pre- mier pour le lavaret de Linné , et le dernier pour son oxyrinchus , il faut bien que ce soient despoissons différens. Dans le dessin que M. le professeur Ascanius donne du helt, je ne trouva V -A Paae jH Toffi TT. Ff Tard/eu i/ru^ , I Jie^eve de/ . X . Ll'i LAA^VRET large 2> J-a petite MAllirNE . 4. I/l.PKlU.AN 5 i'ÉPlilUiAN de Tuor . e. a La oraudc IMAKKNK. DU LAVAfLET. l3 point du tout la figure du la mâchoire supérieure de notre lavaret. Arlédi a remarqué dans le sick do petites dents , que je n'ai point trou- vées dans le lavaret. Le sick a dix-sept ïa3'^ons à la nageoire de l'anus, et le la- varet n'en a que quatorze. Ces poissons seroient-ils donc les mêmes ? En général , on ne pourra sortir du. labyrinthe des auteurs que nous avons cités , à moins d'avoir une description exacte, ou un dessin fidèle de ces pois- sons. LE LAVARET LARGE, SALMO T HYMJLLUS LATV S. La grande ressemblance de ce pois- son avec le précédent , peut le faire regarder comtne une variété de cette espèce. lien diffère cependant par les caractères sui vans-: 1°. Par la différente proportion de la largeur et de la longueur* Dans le l4 HISTOIRE NATURELLE lavaret , la largeur est à la longueur comme un à quatre un quart ; dans le lavaret large , comme un à trois un quart. Les deux poissons que j'ai exa- minés , avoient presque tous deux la même longueur , et leurs corps étoient également pleins d'œufs : de sorte qu'on ne peut regarder la largeur du lavaret large comme une chose accidentelle. 2°. Les nageoires du lavaret large sont plus courtes que celles de l'autre. 3°. Celui-ci a la prunelle de l'œil ronde ; celle de l'autre forme un an^le aigu vers le nez. 4*^. Dans le lavaret large ,1e dosojQTre une courbure à l'endroit où tiennent les nageoires ; ce qu'on ne trouve pas à l'autre. 5°. Les écailles du lavaret ordinaire ont une petite échancrure au bord ; celles du lavaret large , sont toutes rondes. 6"*. Le dernier offre outre cela plus DU LAVARET LARGE. l5 de points sur la ligne latérale , et au- tant de rangs d'écaillés. 7°. Dans le lavaret large , l'ouver- ture de la bouche est plus en travers ; et la bouche est plus grosse que dans le lavaret ordinaire. 8°. Le dos du lavaret large est tran- chant jusqu'à la nageoire ; celui du la- varet ordinaire est tout rond. 9°. Le ventre finit par un applatis- semcnt dans le premier ; il est rond dans le second. io°. Le lavaret large pèse quatre livres ou quatre livres et demie \ le la- varet ordinaire ne passe pas une livre et demie. 11°. Sur le lavaret large, on voit des deux côtés des lignes qui s'étendent lans toute la longueur; ce qu'on uo trouve pas à l'autre. On voit par ce que je viens de dire , que le lavaret large est à-peu-près au lavaret ordinaire, ce que le rotengle ^ist à la rosse j et qu'ainsi onpcut comme l6 HISTOIRE NATURELLE ces derniers , les regarder comme deux espèces particulières , comme on le fait en Suède , oii on leur donne deux noms différens. Cependant , afin de ne pas trop multiplier les espèces de ce genre déjà assez nombreux , j'ai mieux aimé le regarder comme une variété du la- varet, et je n'ai pas jugé à propos de faire une description particulière do ses parties y qui sont tout -à- fait sem- blables à celles de ce poisson , à l'excep- tion des différences que je viens d'in- diquer. Ce poisson se nomme : Weissfisch , à Dantzig. Breite JEsche , en Poméranie , dans les. environs de la mer Baltique. Schnepel , à Hambourg. Siick ,. en Danemarck. Lappsûck} en Suède» I>E LA GRANDE MAKENE. 17 LA GRANDE MARÈNE, s AL MO MARjENA^ La mâchoire supérieure tronqiiée et large par-devant , et le corps blanc , est une marque suffisante qui distingue la marène des autres espèces de sau- mons. On voit huit rayons à la mem- brane des ouies , quatorze aux na- geoires de la poitrine , onze à celles du ventre , quinze à celle de l'anus, vingt à la queue , et quatorze à la nageoire du dos. La tête est tronquée ; la bouche sans dents , et petite à proportion de celle des autres poissons du même genre. La mâchoire inférieure est plus étroite et plus courte que la supérieure , et est couverte quand la bouche est fermée. Au bord delà mâchoire supérieure on voit deux petites ouvertures rondes. Le nez et le front sont noirs , de même que le dos , qui est rond. Le menton et l8 HISTOIRE NATURELLE le ventre sont blancs. Les yeux sont gros , la prunelle noire, et formant un angle aigu vers le museau. L'iris est argentin ; les joues jaunes , les oper- cules des ouies bleuâtres , avec une bordure blanche. Les côtés sont bleuâ- tres au-dessus de la ligne, tirant sur le jaune; au-dessous, ils sont argentins. La ligne latérale , qui est garnie de quarante-quatre points blancs, fait une petite courbure près de la tète. Les nageoires de la poitrine , du ventre , du dos et de Panus sont grandes ; les rayons finissent en plusieurs branches. Elles sont violettes dans le fond ; le reste est bleuâtre avec une bordure noire , et elles se terminent sur le de- vant en pointe. La nageoire adipeuse est noirâtre , celle de la queue est four- chue , et on voit un appendice à la nageoire du ventre. Les écailles , qui couvrent le corps oblong , sont gran- des , minces, brillantes, et se détachen t aisément. DE LA GRANDE MARENE. 19 Nous connoissons dans nos contrées deux espèces de marène : l'une petite , l'autre plus grosse , que l'on nomme Marène de Madui. Elle tire ce nom du lac Madui (1), où l'on a cru fausse- ment jusqu'à présent la trouver exclu- sivement : on la trouve aussi dans les lacs Hitzdorfer (2) et Callifer (3). La première espèce se trouve dans plusieurs pays , comme nous le ver- rons dans la suite. La grande marène a été absolument inconnue aux écri- vains systématiques. (i) Le lac Madui est un lac très-poisson- neux , situé dans le bailliage de Kolliatz , près de Stargard , dans la Basse-Poméranie, à trois lieues de Stettin. Il a quatre lieues de longueur , une jusqu'à deux de largo -, il a vingt à vingt-cinq brasses de profondeur, et le fond est marneux. (2) Près du village du même nom, au bailliage de Marienwalde. (3) Près de la petite ville de Callies , dans la Nouvelle-Marche , sur les frontières de la Pologne. :20 HISTOIRE NATURELLE J'ai reçu dn lacMadiii le poisson que 3e décris ici. Il avoit deux pieds tiois pouces de long , depuis le commence- ment du museau jusqu'au bout de la queue. Sa plus grande largeur étoit d^ cinq pouces ; son épaisseur de quatre, et il pesoit quatre livres et demie : on en trouve cependant quelquefois qui ont quatre pieds de long. Il passe pour un très-bon manger : sa chair est blan- che , tendre , de bon goût , et n'a point de petites arêtes. Ces poissons se tien- nent dans les eaux profondes, qui ont un fond de sable ou de glaise : ils cher- chent les endroits les plus profonds , et y demeurent en troupes. Ils ne vien- nent vers le haut que dans le temps du frai, qui tombe en novembre et au printemps , pour manger les coquilla- ges et les petits escargots. Comme ce poisson , même dans le temps dont nous venons de parler, reste toujours à cent cinquante et jusqu'à deux cents pas des bords, et qu'il ne paroit que t)E LA GRANDE MARENE. 21 tians les endroits qui ont au moins quelques brasses de profondeur, il n'est pas étonnant qu'on ne le trouve ni dans la Plœne , qui se décharge dans le Ma- dui , ni dans le lac Dammer et le Friscli- Have, qui communiquent tous deux avec le premier , parle moyen de cette rivière. Cette rivière n'a pas assez do profondeur pour attirer ce poisson. Il faut aussi attribuer au goût de ce pois- son pour les endroits profonds, de ce qu'on le prend rarement hors les temps dont nous avons parlé, si ce n'est sous la glace avec les grands filets. Ce pois- son meurt dès qu'il est sorti de l'eau. Il devient même malade en été. Lors- qu'en poursuivant un insecte, ou en évitant lui-même la poursuite du bro- chet , il s'approche trop de la surface de l'eau , il devient hydropique , et meurt petit à petit. La marène ne commence qu'à cinq à six ans à reproduire son espèce : aloris elle a environ un pied de long. Elle cher- Poissons. VI, 5 22 HISTOIRE NATURELLE clieles endroits couverts de mousse , oit d'autres herbes ; et c'est là qu'elle fraie. Elle multiplie beaucoup. On en pccliê au printemps, en automne et la plu- part en hiver sous la glace , trois mille par an , l'un portant l'autre , dans le lac Madui. En automne , on la prend avec le filet de huit brasses de profondeur ; et en hiver, sous la glace, avec le grand filet. Le frai commence à la S t. -Mar- tin , et dure quinze jours au-delà dô Verben et, en-deçà vers Kunow; car il n'y a que ces deux places dans les grands lacs oii les marènes fraient. S'il sur- vient une tempête , elles disparoissent tout-à-coup. Elles ont pour ennemi.";, quand elles sont encore petites, le san- dre , le brochet , le silure et la perche , de même que le coq de mer (i), qui les poursuit avec avidité , et qui indique par-là aux pêcheurs l'endroit où elles sont; car ils conduisent leurs filets à (i) Col^nnbus auritus , L. DE LA GRANDE MARENE. 2^ l'endroit qu'ils voient fixé par ces oi- seaux. Ces poissons fort bous , sont re- cliercliés au loin. Les pêclieurs se ser- vent pour les prendre de filets à gran- des mailles , afin que les petits puissent échapper etcroître. On lesenvoie fort loin , en les empaquetant dans de la neige ; et ils conservent leur bon goût pendant un mois. Ceux qu'on pecîie au printemps sont les meilleurs , parce qu'ils sont plus gras. La différence qu'il y a entre les par- ties internes de ce poi.^son et celles des précédens , c'est que la vésicule du fiel est plus petite, et le fiel très-pâle. Le commencement du canal intestinal est garni de cent quarante à cent cinquante appendices. Or comme le suc nourri- cier s'arrête long-temps dans tous les petits boyaux, et s'y prépare conve- nablement, il est aisé de comprendre comment ce poisson peut devenir si gras avec un canal intestinal si court , qu'il n'a pas même la longueur du pois- 2i HISTOIRE NATURELLE son. Quoique la marène meure dhs qu elle sort de l'eau , on peut cependant ia transporter et la faire passer d'une eau dans une autre , en prenant les pré- cautions nécessaires, comme l'ont prou- vé les essais de M. de Marwitz de Zernickow. Cet excellent économiste acheta deux cent vingt marènes , et iesfit porter dans sa campagne, éloi- gnée de huit lieues du lac Madui : il en mourut quatre-vingts en chemin; et il mit les autres dans un étang. Pendant toute l'année, il n'en mourut aucune L'hiver suivant , il les fit pêcher sous ia glace , et on en prit sept du premier coupjetcommejusqu'àprésentonn'en a encore trouvé aucune de morte, il ii'est pas douteux que ce poisson réussit dans les étangs. Je recommanderai ici aux économistes deux règles que M. de Marwitz a observées. 1 °. Comme ce poisson meurt dès qu'il estsorti de l'eau , il faut avoir des vais- seaux pleins d'eau tout prêts dans les DE LA PETITE MARENE. '^5 endroits où on les prend, afin qu'ils puissent y passer en sortant du filet ; et il faut bien prendre garde de les presser, de les pousser , ou même de les jeter. 2^. L'eau dans laquelle on les met , doit êlrc assez profonde , pour qu'en été la chaleur ne puisse pas pénétrer jusqu'au fond; et le fond doit être de sable ou de glaise. LA PETITE MARÈNE, SALMO MARuENV LA, L'avancement de la mâchoire inférieure , qui est sans dents, est le caractère qui distingue ce poisson de ceux de son genre. On trouve sept rayonsàlamembranedesouies, quinze à la nageoire de la poitrine , onze à celle du ventre , quatorze à celle de l'a- nus , vingt à la queue , et dix à la na- geoire du dos. La tête , qui finit en pointe , est à demi-transparente et d'un verd bru- îîàtre. Les narines sont près des ycux^ 2G HISTOIRE NATURELLE ]a bouclie est sans dents , la mâclioire inférieure recourbée, plvis étroite et plus longue que la supérieure. La lan- gue est cartilagineuse et courte. La prunelle est noire , et entourée d'un iris argentin. Les joues sont argenti- nes; tout le corps a la même couleur, excepté le dos qui est bleuâtre. La ligne latérale , qui se trouve près du dos , est droite , et garnie de cinquante-huit points noirs. Les écailles, qui, sel»on Ricîiter, sont au nombre de mille sept cent cinquante , sont minces, argen- tines, et se détachent aisément. Toutes les nageoires sont d'un gris blanc , et celle de la queue , qui est fourcliue, a une bordure bleue. Tout le poisson est ordinairement long de six à huit pou- ces , large d'un pouce ou d'un pouce et demi, et épais d'un demi-pouce : alors il pèse deux onces à deux onces et de- mie. Mais on en trouve aussi quelque- fois de dix pouces de long. Ces poissons se trouvent dans la DE LA PETITE MAr.ENt:. 27 Marche , la Silésie , la Prusse , la Po- méranie , le Mccklenbourg , la Suède et le Dauemarck, dans les lacs qui ont un fond de sable ou de glaise. Ils vivent en société , mais au plus profond de l'eau , et ne paroissent que dans le temps du frai , qui arrive à la St.-Mar- tin : alors ils cberchent les endroits couverts d'herbages, pour y déposer leur frai. On ne peut les prendre que dans ce temps et en hiver sous la glace. Ils multiplient beaucouj); mais ils meu- rent dès qu'on les sort de l'eau. Ils vi- vent d'herbages , d'insectes , de vers ; mais ils ont eux-mêmes des ennemis redoutables dans les poissons voraces et les oiseaux pêcheurs. Leur chair est blanche, tendre et de très-bon goût. AMorinetàJoachimsthal , on les fume dans des tonneaux comme les harengs, après les avoir arrosés de bière; dans d'autres endroits, on les encaque aussi comme ces poissons. A considérer ce poisson extérieure- 28 * HISTOIRE NATURELLE jnent, on lui trouve beaucoup de res- semblance avec l'ablette j et quand cette dernière est grosse , on la vend souvent pour ce poisson. Mais comme l'ablette ala chair molle et pleine d'arêtes, pour s'assurer qu'on n'est pas trompé , il faut regarder à la nageoire adipeuse , que l'ablette n'a point. lies parties intérieures sont de la même nature que celles des antres sau- mons ; si ce n'est que les œufs sont pins petits. J'en ai trouvé jusqu'à 39,000 dans celle que j'ai observée. J'ai compté cinquanteliuit vertèbres à l'épine du dos , et seize côtes de chaque côté. La petite marène peut être trans- portée dans des étangs, en usant des* mêmes précautions que j'ai rapportées pour la grande. Ce poisson est connu sous différent noms. On le nomme : Marœne, dans la Marche et en Pomé- ranie. Marc^nej en Prusse. DE l' É P E R L A N. 29 Morène , dans le Mecklenbourg et eu Silésie. FiUoja , en Suède. S tint, en Danemarck. Smaa-Fis'-:, Blege , Lale-Sild et Vemme, en NorAvège. Schwenckfeld a décrit ce poisson au commencement du dernier siècle. Quelque temps après, c'est-à-dire en 1624 , Schoneveld en a parlé fort au long. Willugliby en fit mention en 1G8G, et llajus au commencement de ce siècle. Ce dernier l'a mis fausse- ment dans la classe des harengs. WullF se trompe aussi lorsqu'il met ce poisson dans le genre des carpes : car commelamarèneaplus de trois rayons à la membrane des ouics , et de plus une nageoire adipeuse , elle appartient à l'espèce des saumons. L'ÉPERLAN , sALMo eperlanus. On reconnoît ce petit poisson à sa mâchoire inférieure qui est avancée , 30 HISTOIRE NATURELLE et aux dix-sept rayons de la nageoire de l'anus. On trouve sept rayons à la membrane des ouies , onze aux na- geoires de la poitrine , huit à celle du ventre , dix-neuf à celle de la queue , et onze à celle du dos. L'éperlan a le corps demi- transpa- rent; il brilled'un vif éclat , et présente successivement le vert, le bîeu et lo blanc dont il est orné. Le corps est rond , et devient plus mince en avan- çant vers la queue et vers la tête ; de sorte qu'il ressemble assez à nn fuseau. L.a tête est petite, et finit en pointe émoussée. Les yeux sont grands et l'onds, la prunelle noire , et l'iris ar- gentin tirant sur le bleu. La mâchoire inférieure est recourbée ; lasupérienre est droite. Toutes deux sont , ainsi que le palais , pourvues de petites dents recourbées en dedans. On voit aussi quatre à cinq dents sur la langue. Sou corps, qui n'a pas ordinairement plus de deux ou trois pouces de long , est DE L' É P E R L A N. ^ l couvert d'écaillés minces , argentines , qui se détachent aisément. Ce poissou est si transparent , qu'on peut di.slm- guer dans la tête les parties du cer- veau , et compter dans le corps les ver- tèbres et les côtes. Le dos est rond et gris; sur les côtés , il a un fond argen- tin , sur lequel on voit une couleur chanseante vert et bleu, ce qui forme un mélange cliangeant. Le ventre est rond , blanc tirant sur le rouge. Si la couleur qu'il offre aux yeux est agréa- ble , l'odeur que son corps exhale ne l'est point du tout. Toutes les nageoires sont grises ; celle de la queue est four- chue. La nageoire adipeuse est placée vis-à-vis de la nageoire de l'anus, et la dorsale est au milieu du corps. On trouve ce poisson dans plusieurs lacs de nos contrées , qui ont un fond de sable ; et comme il se tient dans le fond , on le prend rarement hors le temps du frai , à moins qu'on ne l'aille cheicher dans les endroits où il se re- ^ ^2 HISTOIRE NATURELLE tire. C'est ce qui arrive au commence^ ment de la glace : alors on l'apporte eri quantité dans nos marchés des envi- rons du Mliggel et des autres lacs voi- sins. Mais dans le temps du frai qui tombe en mars , il quitte les fonds , re- monte en grosses troupes dans les ri- vières, et dépose son frai sur le sable du fond. Il multiplie beaucoup. Tous les ans on envoie dans nos marchés une quantité de grandes tonnes qui vien- nent des lacs des environs. En Suède et en Angleterre, on en forme dans les marchés de grandes montagnes , qui répandent une mauvaise odeur dans les rues. Ce poisson vit de vers et de petits co- quillages. On le prend avec un filet à mailles très-étroites. Il n'a pas la vie dure , car il meurt un peu .iprès être sorti de l'eau. Comme la chair de ce poisson n'est pas facile à digérer , on ne sauroit en conseiller l'usage aux per- Bounes foibles et valétudinaires. DE L' É P E R L A N. 33 L'estomac (îe l'cperlaii est très-petit , et on voit quatre à six appendices au canal intestinal. La vésicule aérienne est simple et pointue par les deux bouts; l'ovaire est aussi simple, et a des œufs jaunes très-petits , et si ten- dres qu'on ne sauroit bien les compter. Le péritoine est argentin et garni do points noirs. On trouve cinquante- neuf vertèbres à l'épine du dos , et trente-cinq côtes de chaque côté. Ce poisson est connu sous différens noms. On le nomme : Stinty en Allemagne. Kleiner Stint , Loffelstint , kurtzer Stint et Stintites, en Livonie. Jern Lodder et Sind Lodder , en La- ponie. Nors , en Suède. Spiering j en îîoWande. Smelt , en Angleterre et en Dane- marck. Lodde , Rogn - Sild - Lodde , Roke , Krockle , en Norwège. Poissons. VI. 6 54 HISTOIRE NATURELLE Sjlro iwo , au Japon. Eperlan , en France. On peut aussi transporter l'éperlan pour le faire multiplier dans d'autres eaux , pourvu que l'endroit où on le met soit profond , et que le fond soit sablonneux. Ce poisson est si commun et à si bon marché , qu'il ne mérite pas la peine de le transporter •; mais commo il multiplie beaucoup , on peut le faire servir de nourriture au sandre et à la truite. Richter ne connoissoit aucun auteur qui eût écrit sur ce poisson; et cela est très-naturel , puisqu'il le clierchoit dans la classe des poissons blancs ou carpes. L'éperlan de rivière de Belon est une espèce de carpe. Cliarleton a tort de ranger ce pois- son parmi ceux qui n'ont point d'é- cailles. DE L'ÉTERLAN de mer. 35^ L'ÉTERLAN DE MER, SALMO E PERLJIS 0' MJRINUS. Ce poisson qui ressemble au pre- mier, soit pour la forme extérieure, pour la demi-transparence, et le nom- bre des rayons , en diffère dans les choses suivantes : 1°. Par la grandeur et l'épaisseur du, corps. C'est un géant en comparaison du premier. L'éperlan ordinaire n'a que trois ou cinq pouces de long ; cclui- •ci en a dix à douze. En Angleterre, on en trouve qui ont treize pouces de long, et qui pèsent une demi -livre. Narborouçli en a vu dans le détroit de Magellan qui avoient vingt pouces de long, et huit pouces de circonférence. 2". Par l'endroit du séjour : le pre- mier vit dans les eaux douces j le se- cond dans les eaux salées. 3°. Par l'odeur , qui n'est pas si forte dans le gros que dans le petit. '3G HISTOIRE NATURELLE Ces différences m'ont engagé à le re- garder comme une variété du précé- dent. Il habite dans les profondeurs de la mer du Nord et de la Baltique, d'où il sort en novembre , décembre et jan- vier, et se montre sur les côtes. En An- gleterre , il entre vers ce temps dans les fleuves , mais il n'y vient qu'en pe- tites troupes. Mais dans le temps du frai , qui arrive en mars , il y va en grande quantité , pour y déposer ses œufs sur les pierres nues. C'est dans ce temps qu'on en prend une grande quantité , sur-tout en Prusse , où on le ^ fait séclier à l'air, comme le petit , pour le mettre ensuite dans des ton- neaux, et l'envoyer en Pologne. On eu trouve aussi une grande quantité à l'emboucliure de l'Elbe. Comme les pêcheurs de Plambourg ne peuvent pas vendre tous ceux qu'ils prennent , ils les salent et les envoient dans les provinces voisines. Ce poisson est na- turel aux contrées du Nord : on ne le DE l'éperlan de mer. 3/ trouve point dans la mer Méditerra- née. A Londres , on le fend ^ on le sè- che, et on le mange à déjeûner, avec un verre de vin. Ce poisson est connu sous différens noms. On le nomme : S tint f Seestint , grosser Stint j en Alle- magne. SmeUjen Uanemarcket en Angleterre. Slom , en Suède. Qualte , Jern-Lodde , en Norwège. Stintes , Sallakas , Stint ^ Stinckfisch et Tint j en Livonie. Gros fperlan et Epprlan de mer , en France. Wulff prend faussement pourl'épcr- lan le salmo albnla de Linné ; cai- , comme ce dernier n'a point de dents dans la Louche , il appartient à la l'u- niillc des ombres. M. Fischer tombe dans la même erreur. Zlickcrt parle del'éperlan sous deux noms dilTcrens : premièrement , sous celui do salmo albula ; q}n n'est pas 38 HISTOIRE NATURELLE son vrai nom ; secondement , sous ce- lui d'eperlanus , qui est son vrai nom. Klein s'est trompé , en croyant que Téperlan n'a point de dents : voilà pourquoi il prend le weissfelchen dcj Gesner, la bezola de Rondelet et l'é- perlan pour un seul et même poisson. Il pense aussi que Valbula minima de Gesner est une variété de l'éperlan ; mais cette opinion n'est pas fondée , puisque ce poisson n'a point de dents. On peut aussi , par la même raison , lui répondre négativement , quand il demande , s'il ne faut point prendre pour l'éperlan l'ombre d'Artédi , dont la mâcîioire inférieure est avarioée. Cet auteur a rangé ce poisson dans le septième genre , au lieu que l'éperlan est dans le huitième. Belon refuse à tort des écailles à ïîotre poisson. J^açc qç. Tbm . PT. J)e^^ve (/e/. ^ /rTardreu Jcu/p 1 I.T. FRÉdKKIC . 3 . 1.K SAUMON à Ijandes- 3 . J J*^. SAVMON cdenté . f r DU FREDERIC. % LE FREDERIC , salmo friderici. Ce saumon se dislingue par trois ta- ches sur la ligne latérale entre les na- geoires de la queue et de l'anus, et par les écailles qui garnissent la base de la naîîeoire de l'anus. On trouve quatre rayons dans la membrane des ouies, douze dans la na- geoire de la poitrine , neuf dans celle du ventre, dix dans celle de l'anus, vingt dans celle de la queue, et onze dans la première du dos, la seconde est adipeuse. La tète est comprimée , abaissée par -devant et sans écailles-, les lèvres sont fortes, l'ouverture de la bouche est petite , et les mâchoires de lon- gueur égale. La mâchoire inférieure a six dents, en forme de poinçon, dont les deux du milieu sont les plus lon- gues. La mâchoire supérieure est mu- nie de huit petites dents pointues , 4o HISTOIRE NATURELLE derrière le milieu desquelles on re- marque une verrue. Le palais est uni , et la langue très-courte et sans armes. Les os des lèvres sont étroits , les nari- nes doubles 5 les yeux , dont la prunelle est noire, ont deux iris, l'un est étroit et jaune, l'autre est large et brun. Les opercules sont unis , l'antérieur est étroit et oblong , le postérieur large et arrondi. L'ouverture des ouies est large, et la membrane en est en partie déliée. Le corps est comprimé , large sur le devant, étroit sur le derrière, et couvert de crosses écailles. La cavité du ventre est longue, l'anus est voisin . de la nageoire de la queue. Le dos et le ventre sont ronds. La ligne latérale est presque droite, et plus voisine du dos que du ventre Tous les rayons sont mous et ramifiés , à la réserve des pre- miers. On trouve un appendice au- dessous de la nageoire du ventre. La couleur de ce poisson est d'un jaune argentin, le dos violet; la base UU SAUMON A BANDES. 4l des nageoires est jaune et le bord en est bleu. Ce poisson habite les environs de Surinam. Je l'ai reçu avec plusieurs autres poissons , de M. de Fridérici , gouverneur de cette province. Sa cliair est très-bonne, et il mérite d'être mis au nombre des poissons les plus succu- îens de ces contrées. On nomme ce poisson : î^n français, le Frédéric, En anglais, Frédérics Salmon. En allemand, der Fridericische LacJis. LE SAUMON A BANDES, SJLMO r AS Cl AT V S. Ce poisson se distingue par ses ban- des brunes. La membrane des ouies contient quatre rayons , la nageoire de la poi- trine en contient quinze , celles du ventre et de l'anus chacune dix, celle de la queue vingt-deux , et celle du dos treize. Ses mâchoires, qui sont d'égale Ion- 42 HISTOIRE NATURELLE gueur , sont armées d'une rangée de petites dénis pointues. Les narines sont doubles, les yeuK ont la prunelle noire et l'iris jaune. L'ouverture des ouies est grande , et la membrane en est en partie couverte. Le tronc comprimé, est couvert de grosses écailles, et orné de dix bandes brunes. Le dos est aigu , le ventre arrondi et long; l'anus est du double plus distant de la tête que de la nageoire de la queue. La ligne latérale est plus proche du dos que du ventre. Tous ses rayons sont mous, à l'excep- tion des premiers ramifiés. La nageoire du ventre est accompagnée d'un ap- pendice. C'est encore M. de Fridérici , gou- verneur de la province de Surinam , qui a eu la bonté de m'envoyer ce pois- son-ci. On nomme ce poisson : En français, le Saumon à bandes. En anglais , the streaked Salmon. Et en allemand, derbandirte Lachs, BU SAUMON ÉDENTÉ. 45 LE SAUMON ÉDENTÉ, SJLMO EDENT V LVS. Les grands yeux et la bouche sans clents , désignent notre poisson. La membrane des ouies a quatre rayons , la nageoire de la poitrine eu a treize, celle du ventre dix, celle de l'anus onze , celle de la queue vingt- trois , et celle du dos onze. La tète est comprimée , arrondie , sans écailles, et par- devant plus grosse qu'aux côtés. La langue est unie, les lèvres sont fortes et charnues; ses dou- bles narines liennent le milieu entre les yeux et l'extrémité de la bouche; ceux-ci sont à fleur de tête : la prunelle est bleue , et l'iris est double; le pre- mier est étroit et jaune, l'autre noir et lar^e. Les opercules sont unis, et le postérieur est composé de deux feuilles ; l'ouverture des ouies est izrande et la membrane libre. Les 1 44 HISTOIRE NATURELLE ^ flancs sont comprimés et couverts cîe i grandes écailles molles, le ventre est | long et arrondi, le dos est aigu, et la i nageoire du dos forme un arc plat. La ! ligne latérale commence à la nuque, et : forme une ligne droite , qui traverse '. le milieu du corps jusqu'à la nageoire ' de la queue qui est fourchue ; les\ rayons sont mous et divisés en quatre '< rameaux. Les nageoires de la poitrine j sont petites , celles du dos et de la queue i sont grandes. i Le dos est brunâtre , les côtés ar- gentins et les nageoires rougeâtres. Ce poisson fait encore nombre do ceux qui m'ont été communiqués par M. de Fridérici, gouverneur de Suri- [ nam. Ce saumon est un de ceux qui dé- i corent la table des "rands. Ce poisson approche le plus du salmo 1 cyprinoïdes , ou carpe saumonnée do ! Linné : cependant, ce ne peut pas être ; le même , celui - ci n'ayant point le ca- ' raclèrc de celui de Linné, savoir, la ' Pa(/e 4-^ Tom . FI. -Dcj-eve de/. - Ca4fue( Jca/f) ■ 1 l.E l.ODDE . 2 LE MELANURE . 3 LE CIRIJVL\TE. 4- LE PL\BUQUE . 5 .LA DOUBLE -MOUCHE • 1) U L O D D E. 45 longue soie au premier rayon de la na- geoire du dos ; ce n'est pas non plus le tliarax de Gronov que Linné cite, vu que Gronov donne de petites écailles au sien. On nomme ce poisson: Jjn français, le Saumon édenlé. iln anglais, the Tosthley. Et en allemand, der zahnlose Lachs. LELODDE jSALMo groenlandicus. La queue, dont la largeur, près de la nageoire de l'anus, surpasse celle du ventre , est la marque distinctive de ce poisson. Cette largeur provient des longs os inlerépineux, où tiennent les rayons de la nageoire de l*anus. Non- seulement la dissection de ce poisson, mais encore son squelette , que l'on trouve souvent en Islande, très- bien conservé dans la terre glaise sécliée , prouvent cette assertion j car non-seu- lement l'on y trouve le nombre des as Poissons. Vit 6 46 HISTOIRE NATURELLE ] ( phalanges ) , mais l'on peut même y ; compter le nombre des rayons. La membrane des oui es a six rayons, j la nageoire de la poitrine en a dix-neuf, i celle du ventre huit , celle de l'anus vingt -deux, celle de la queue vingt- : huit, la première dorsale quatorze, et \ la seconde est adipeuse. La tête est comprimée , un peu large ; par en haut , aiguë par en bas ^ les os en i sont si fins , que la cervelle perce scnsi- j hlement à la vue. Les deux mâchoires [ sont armées de petites dents , et l'infé- ; rienre excède l'autre. La langue est j libre et hérissée de dents, ainsi que le j palais. Les os des lèvres sont larges , et i l'on ne remarque que deux narines à la j proximité des yeux. Ceux-ci sont pla- | ces près du crâne; leur prunelle noire j est dans un iris argentin , les opercules , sont couverts d'écaillés, l'ouverture ' en est large et la membrane couverte. ; Le tronc est comprimé et couvert de : petites écailles fines, le venti'e et le dos ; PIT L 0 D D E. ^7 sont roTifls, la ligne latérale est droite et au milieu du corps. L'anus est une fois plus proche de la nageoire de la queue , qui est fourchue , que de la tête; les rayons sont mous et à quatre bran- ches. Le dos est noir , tirant sur le verd , ies flancs et le ventre sont argentins, et les nageoires ont un bord bleuâtre. Ce poisson habite les mers dislande , de Groenland et de Norwège , et les environs de Terre-Neuve. En Islande il est si commun , qu'on en sèche une- ^ grande quantité , pour en nourrir le bétail en hiver. Pontoppidan dit , que la chair de ce bétail prend un goût hui- leux de cette nourriture: mais Fabri- cius nie celte assertion. La Norwège n'en a pas en si grande quantité , et l'on ne sèche que ceux qui ne peuvent pa^ se consumer frais -, en Groenland où il se trouve en abondance , on le sèche par -tout frais. La chair de poissoii clant naturellement sujette à prendre 48 HISTOIRE NATURELLE ]c goût de l'huile, il est vraisemblable qu'elle le prend dans le premier cas; ce qui n'a pas lieu en Groenland; ainsi il est facile de concilier les senlimcns opposés de Pontoppidan et de Fabri- cius. Dubamel dit qu'à Terre-Neuve ce poisson est très-bon à manger frais; quelquefois cependant , mais fort ra- i'ement, on en sale quelques barrils. Lorsque la pêche est abondante , on en sale aussi en saumure et à mi-sel , pour l'employer en appâts , lorsqu'on en manque de frais. Ce poisson n'excède pas six à sept pouces de longueur sur huit lignes de largeur. On le prend pendant tout l'été en Groenland près du rivage de la mer. Depuis le mois de mai jusqu'en juillet, il en vient des milliers dans les baies, pour déposer leurs œufs sur les plantes marines. Les femelles arrivent les pre- mières, et, après avoir déposé leurs oeufs dans un lieu commode , elles par- tent afin de faire place aux mâles, qui D U li O D D E. 4c) les suivent pour venir féconder ces œufs. On peut jnger de la prodigieuse quantité de ces oeufs, par la couleur jaune qu'ils communiquent à une eau assez profonde , vu qu'ils reposent sur le fond. Les mâles se distinguent des femelles , au premier coup d'œil , par plusieurs lignes ou fibres blanches et vcrdàtrcs qui vont depuis la poitrine jusqu'à la nageoire du ventre. On leur trouve de même de ces fibres vers l'anus ; outre cela le mâle a aussi le dos plus large que la femelle. Selon M. Fabricius, on trouve des mâles dépourvus de cette marque ex- térieure ; les Groenlandais nomment ces mâles Senertsulik : mais on n'en prend que rarement. Apparemment qu'il en est de ces marques , comme des excroissances qu'ont les mâles des brè- mes pendant la fraie , marques , qui disparoisscnt dès que la fraie est passée. Tous les poissons étant plus difficiles à prendre avant ou après , que pendant 5o HISTOIRE NATURELLE la fraie , on en peut déduire qu'il est plus rare d'en voir de dépourvus , que de pourvus de ces marques. Ce poisson , pendant la fraie , n'est arrêté ni par les vents, ni par ancun danger ; pour contenter son désir près du rivage , il franchit tout obstacle ; par-là il devient souvent la proie des autres liabitans de la mer , et des pê- cheurs qui le guettent. Ceux-ci le sè- chent sur des hauteurs , et ils sont dans le cas de nos campagnards, c'est-à dire, de perdre comme eux leur récolte , s'il survient une pluie abondante. Ils sèchent ces poissons sur les rochers , et au défaut de ceux-ci, sur des mon- ceaux de pierres. Ce poisson se mange frais , mais sur- tout séché. C'est le pain quotidien des Groenlandais , et il tient du moins lieu de dessert , lorsqu'il y a d'autres mets. En hiver , on trouve par-ci par-là ce poisson mort , sur la glace , où il se réfugie en sautant, pour échapper à D U L O D n E. 5i ses persécuteurs. S'il est blessé , il tournoie à la superficie de l'eau , jus- qu'à ce qu'il meure , et alors il coule à fond. Sa chair est blanche , grasse , et de bon goût ; mais au sortir de l'eau il a l'odeur des concombres. Il se nouirit d'œufs d'écrevisse , de poissons, et do conferva. Il a le péritoine noir , la peau de l'estomac mince , la laite et l'ovaire simples, et ses œufs sont innombrables. Il a soixante-cinq vertèbres , et qua- rante-quatre côtes de chaque côté. Ce poisson est connu sous dilTérens noms. On le nomme : Lodde , en Danemarck, en Norwcge et en Laponie. Les Groenlandais l'appellent, Jngmak- saky Keplings : le mâle, Jernlodde et Quetterlodde ; la femelle, Siidlodde et Kop:nlodde. n Leslslandaislc nomment yLaaden-Sild et Lodna. Les Français , Lodde , Capelan de l'A" 52 HISTOIRE NATURELLE mérique et Capelan de Terre-Neuve, Les Anglais , Lodde et Capelan. Les Allemands, Gronlander. Egedc en parla le premier; mais il eut tort de le prendre pour Téperlan de mer. Olafsen nous l'a dessiné le premier, mais Irès-mal; et il se trompe en le pre- nant pour un hareng, quoiqu'il ait re- marqué la nageoire adipeuse dans son dessin. Marlini et Millier commirent la même faute. M. Otto Fabricius Ta défini le pre- mier , il nous en a donné une bonne description , et nous a appris son his- toire. Mais malgré toute son atten- tion , les écailles de ce poisson lui ont échappé. Les naturalistes modernes lui ont assigné divers gens , savoir : Bonna- terrre le range parmi les saumons , Gmelin le range parmi les harengs , Duhamel qui Je prend pour un poisson DU M E L A N U R E. 53 ciicoro peu connu , en fait une des- cription (lilTuse , sans indiquer cepcii- daiit le genre auquel on pourroit le ranger. Ce même auteur a aussi donné quatre figures de notre poisson; mais pas une n'est fidelle. LE MEL-^NURE, salmo melanvrvs. La tache noire de la nageoire de la queue , et les trente rayons de celle de l'anus , font les marques di.stinctivcs de ce poisson. Il a quatre rayons dans la memljrano des ouies, douze dans la nageoire pec- torale , huit dans celle du ventre , trente dans celle de l'anus , vingt dans celle de la queue, cl neuf dans celb du dos. Son corps est comprimé et argeul in , au dos prés, qui est gris. Ses mâchoires sont égales et armées de très -petites dents -y ses narines sont simples et tout proche des yeux. Ceux-ci ont uno 54 HISTOIRE NATURELLE prunelle dans un iris argentin. L'anus tient le milieu , et la ligne latérale ap^ proche plus du ventre que du dos. Les nageoires tirent sur le jaune , et les rayons en sont mous et ramifiés. Ce saumon se trouve aux environs de Surinam. LE CURIMATE, salmo unimacvlatvs. La inâclioire supérieure qui est un peu plus longue que l'inférieure , et la tache noire et ronde de la ligne latérale, forment les caractères distinclifs de cette espèce de saumons. On compte quatre rayons dans la membrane des ouies , quatorze dans la nageoire de la poitrine , onze dans cello du ventre, aix dans celle de l'anus^ vingt dans celle de la queue , et onze dans celle du dos. Ce poisson tendu , a la tête large, et les flancs comprimés. Sa mâchoire inférieure est la plus longue. L'ouver- DU CURIMATE. 55 ture (le la bouche est petite, elles mâ- choires sont munies de très -petites «lents. La langue est libre et unie , les narines sont simples et plus proches des 3'eux que de la pointe de la bouche , la prunelle est noire, l'iris argentin. Les opercules ronds et unis , l'ouver- ture des ouies est large , et la mem- brane en est cachée. Le tronc est com- primé et couvert d'écaillés molles et couleur d'argent. Le dos et le ventre sont presque ronds ; le premier est brunâtre , l'autre argentin. La ligne latérale prend le milieu du corps , et l'anus est une fois plus éloigné de la tête que de la nageoire de la queue , qui est fourchue. Les nageoires grises ressemblent à celles des autres espèces de saumons. Ce poisson ne se trouve que dans les eaux douces, mais sur-tout dans les lacs de l'Amérique méridionale. Sur un pied et demi de longueur il a quatre pouces et demi de largeur. Sa chair eit OO HISTOIRE NATURELLE blanche, feuilletée et délicate, aussi est-il beaucoup recherché au Brésil et à Surinam. J'ai leçu mes exemplaires de cette dernière province. Marcgraf et Pison en eut fait la description au Brésil. Ce poisson a différens noms. Les Brasiliens le nomment Curimata. lies Anglais , the Capelan. Les Français , le Curimate. Et les Allemands, derEinfleck. Marcgraf l'a décrit et dessiné le premier. Mais son dessin est défec- tueux, sur- tout la bouche y est mé- connoissable. Pison , Willughby , Jons- ton et Ruysch l'ont copié. Les systématiciens n'adoptent point ce pois'^on ; apparemment parce que la description de Marcgraf étoit insuffi- sante , et son dessin trop mauvais. Plus tard, Gronov en a donné nu détail exact , mais nonobstant cela Gnielin et Bonnaterre l'ont rejeté. DU P I A B U Q U E. 5/ LE PIABUQUE , salmo argentinus. Ce poisson est caractérisé par la raie latérale argentine , et par la longueur (le la nageoire de l'anus. La membrane des ouies a quatre rayons , la nageoire pectorale douze , celle du ventre huit , celle de l'anus quarante-trois, celle de la queue vingt , et celle du dos neuf. La tête est petite , comprimée et sans écailles; la mâchoire inférieur© surpasse un peu la supérieure -, les deux mâchoires sont armées de dents incisi- ves à trois pointes , comme la table les représente. L'ouverture de la boucho est très -petite, la langue est unie, et Ton remarque au palais une membrane tendue en forme de faucille. Les nari- nes sont rondes et simples , la prunelle est noire, l'iris argentin, et tous les deux sont couverts d'une membrane. Le tronc est mince, le ventre est nu Poissons. VI- 6 5S HISTOIRE NATURELLE peu gros et aigu , ainsi que le dos, et l'anus est plus voisin de la nageoire de la qneuc que de la tête. La ligne laté- rale où commence la tête , au nicme point à la raie argentine, s'en éloigne ensuite en forme d'arc, et va la re- joindre près de la nageoire de la queue. Tous les rayons sont mous et ramifiés , à l'exception des premiers. Le dos tire sur le verd, les côtés sont couleur d'argent, et les nageoires sont grises. Ce poisson se trouve, comme le pré- cédent, dans les rivières de l'Améri- que méridionale. Il a six à huit pouces de long , la chair est blanche et déli- cate , comme celle des autres espèces de saumons. Il est carnassier , et un ver attaché à l'hameçon l'attire aisé- ment. Marcgraf prétend qu'il aime la farine mêlée avec du sang , et qu'il s'y prend aussi facilement qu'avec dw: vers. DU P I A B U Q U E. 59 Les Brasilicns nomment ce poisson , Piabucu. Les Français, le Piahuque. Les Anglais, the Piabuco. Et les Allemands, der Silberstreifet die Silberforelle. Marcgi af , qui nous donna la première description de ce poisson, en a laissé un dessin passable, et qui n'a que le dé- faut de représenter la bouche trop grande , la mâchoire inférieure trop courte, la nageoire du dos trop sur le devant , et la nageoire adipeuse ra5'^on- née. Willnghby, Pison , Jonston et Ruysch se sont servis de la copie de Marcgraf. De nos jours , Koh euter en a fait une description nouvelle, et en a fait tirer une copie exacte. 6o HISTOIRE NATURELLE LA DOUBLE-MOUCHE, SALMO BIMAC ULAT US. Les deux taclies rondes, l'une à la tête, l'autre près de la nageoire de la queue, désignent ce saumon. La tête est petite , comprimée , sans écailles et en pente. L'ouverture de Ja bouche est étroite ; les mâchoires sont égales ; la supérieure a deux ran- gées de dents, l'inférieure n'en a qu'une en forme de scie. La langue et le palais sont lisses. Les narines sont doubles et proches des yeux. Ceux ci sont grands y la prunelle est noire, et l'iris orange. Les opercules des ouies sont unis -, l'ouverture en est large, et la mem- brane couverte. Le corps est large et mince, le ventre tranchant , le dos rond; l'anus est de la moitié plus voi- sin de la tête que de la nageoire de la queue. La ligne latérale est droite, et tient le milieu du corps. Les nageoires DE LA DOUBLE-MOUCHE. 6i ont les rayons mous et ramifiés, dont Jes premiers sont les seuls simples. Les côtés sont argentins , tirant sur le bleu ; le dos est verdàtrc , et les na- geoires de la poitrine , du ventre et du dos sont jaunes, les autres brunes. Les rivières d'Amboine et de Suri- nam fournissent ce poisson , dont la cliair est blanche , grasse et de bon goût. On nomme ce poisson : FlacU^-Hoitting , en Suède. Thf himaculatedSalmou, en Anglcicirc. ])er Doppeljîeckf en Allemagne. Et la Douhle-Mouche j en France. Artédi en a fait la première descrip- tion , et Scba nous en a donné la pre- mière copie , qui n'annonce point les deux mouches. Peu après , Gronov en donna une description et une nouvelle copie, où il omit aussi l'une des deux mouches. Linné a observé les deux taches ou 62 HISTOIRE NATURELLE mouclies , et c'est ce qui fait préférer sa copie à celle des autres. Gronovatort de prendre le piabuca, de Marcgraf pour notre poisson , vu que celui-là est le poisson que nous avons décrit dans l'article précédent. Il se trompe de même en donnant une grosse tête à notre poisson. LE rhomboïde , SALMO rhombevs. liE bord du ventre qui est en forme de scie , caractérise cette espèce de saumons, car elle est la seule qui ait cette marque. Le hareng lui ressem- ble en ce point et paroît faire la ligne de démarcation entre les deux genres. La scie provient des pointes des écail- les , dont cliacune consiste en deux feuilles, qui forme une pointe à leuv jointure. On ne remarque que les pointes inverses , les autres étant couvertes par la peau. Les deux der- nières écailles , entre lesquelles l'a- Torn . f7. P 3. 1,1: 1\LANC11KT . A DIT rhomboïde. 63 nus est situé, se lerminent eu deux pointes. La membrane des ouies a quatre rayons, la nageoire pectorale quinze, celle du ventre huit , celle de l'anus trente-deux , celle de la queue dix- huit, et la dorsale dix-sept. La tête est comprimée, sans écail- les, en penle par-devant , et plus grosse devant que derrière. La bouche est grande ,1a mâchoire inférieure avance un peu. Les dents qui sont larges, se terminent en pointes; celles d'en-bas sont les plus grandes. Les deux dents antérieures senties petites, La langue est libre , mince et unie ; mais les deux côtés du palais sont armés d'une ran- gée de petites dents. Les narines sont simples , et chacune est divisée au milieu par une membrane transver- sale. La prunelle est noire , et l'iris orange. Les opercules sont rayonnes et composés de deux feuilles L'ouver- ture des ouios est grande et la mem- 64 HISTOIRE NATURELLE brane en est cachée Le corps est très- large, comprimé , et couvert d'écaillés molles et très-petites. Le dos est rond , le ventre tranchant ; l'un et l'autre forment un arc. La ligne latérale est droite et prend le milieu du corps ; l'anus est également distant de la tète et de la nageoire de la queue. La moi- tié de la nageoire de l'anus est cou- verte d'écaillcs , et les deux premiers raj^ons en sont courts et durs. La nageoire de la queue est en forme de croissant et bordée de noir. On re- marque au-dessus de la nageoire du ventre , qui est courte , un appen- dice. Tous les rayons sont mous et ra- mifiés, à l'exception des deux dont nous venons de parler. Devant la na- geoire du dos l'on remarque un os d'une figure singulière. Il est placé en forme de coin sur l'échiné; du côté de la tête, il a une pointe; et du côté de la queue il en a deux. Le dos et les flancs sont rougcâtres DU RHOMBOÏDE, S5 jusqu'à la ligne latérale , et ponctués de noir, les cotés et le ventre sont argentins et les nageoires grises. Les rivières de Surinam nous four- jiivssent ce poisson. Il atteint une gros-^ seur assez considérable , et il est si vo- race,quc les canards même ne sont pas à l'abri de ses poursuites. Il a , comme les autres poissons de ce genre , la cliair blanche et grasse , quQ les liabitans du pays estiment beau-* coup. On nomme ce poisson : Le Rhomboide , en France. TJie Rhomboidal Salmoriy en Angle- terre. Et der Wùrfelsalm et Sagehauch , en Allemagne. Linné est le premier qui nous a fait connoître ce poisson, et M. Pallas en a fait une description et un dessin exact. Cependant il faut que je con- tredise cet obervatcur scrupuleux , quand il soutient que le ventre eu 1 66 HISTOIRE NATURELLE | forme de scie , du rliomlioide , no ' consiste pas , comme celui du ha- reng , en écailles , mais qu'il est sim- j plement un os. Les deux pointes qui i avancent vers la dorsale , ne pro- viennent pas non plus d'un piquant inverse , suivant la narration de i M. Pallas , mais il est composé , comme il a été dit, d'un os particulier, qui prend dans les chairs et se termine 1 en pointe. LE LEZARD, saliio s au rus. Les caractères distinctifs de ce sau- mon , sont douze rayons dans la na- geoire du dos , et onze dans celle de l'anus. Je ne saurois déterminer le nombre des rayons de la membrane des ouies, vu que j'en ai pris le dessin du manuscrit de Plumier -, la nageoire pec- torale en a douze , celle du ventre huit , celle de l'anus onze , celle de la queue dix - huit , et la dorsale douze. DULÉZARD. Gj La tele est étroite, large du liaiil , so terminant en pointe. L'ouverture de la bouclie est très-fendue , et les deux mâchoires sont égales et forte- ment armées. Les narines sont simples et proches des yeux. Ceux-ci sont pro- ches du crâne.; la prunelle en est noire; l'iris bleu et blanc. Au-dessus et tout près des yeux, on remarque un en- foncement. Les opercules ont des écailles ; l'ouverture des ouies est gran- de. Le corps est oblong, charnu, et couvert d'écaillés minces. La li'me la- térale prend le milieu du corps, et l'anus est une fois plus proche de la nageoire de la queue, qui est four- chue , que de la tète. Le dos et le ven- tre sont ronds; les rayons se divisent en quatre rameaux, à l'exception de ceux de la nageoire du ventre , qui sont fourchus. Le dos est d'un verd qui tire sur le noir; le ventre est blanc , et décoré de taches bleues, brunes et ver- dâtrcs. Ce mélange de couleurs et sa 68 HISTOIRE NATURELLE tête pointue , qui le font ressembler au lézard , ont donné lieu au nom qu'il | porte. Il a la cliair maigre, et facile à j digérer , mais nullement délicate. Ou j le manije ordinairement frit. I Ce poisson îiabite les eaux des An- I tilles , la Mer Rouge et la Méditerra- née. Mais il ne paroît que très- rare- ment dans cette dernière mer j car Willugliby pendant un séjour de cinq \ mois à Rome , où. il fréquenta beau- ; coup le marclié aux poissons , ne l'y j vit qu'une seule fois. Salvian confirme : sa rareté, et ne lui donne qu'un pied de longueur. Sa boucbe , si formida- i blement armée , prouve qu'il est car- ' nassier. Ce poisson porte à Rome le nom de i Tarantola. \ En France, celui de Lézard et de! Saure. En Angleterre, celui de M^5^a Lizard. Et en Allemagne, celui de die Seeei- , dechse. DU B L A N C H E T. 6g WllUi<îhby, en le disséquant, lui a trouve le péritoine argentin , l'estomac conique , l'ouverture inférieure de l'estomac et le canal intestinal envi- ronnés d'appendices, et le foie pâle. Salvian et Rondelet l'ont décrit et dessiné en même temps , mais la copie n'en est pas fldelle j car le premier ne donne que six rayons simples à la pre- • mière dorsale , et ne parle point dii tout de la seconde ; et le dernier a , non-seulement omis celle-ci, mais en- core celle du ventre. Willugliby , Jonston et Ruyscli ont copié le dessin de Salvian , et Genner celui de Rondelet. Aldrovand em- prunte son dessin du premier, et en donne une nouvelle copie, mais qui n'en vaut pas mieux. LE BLANCHET , salmo foetens, La tête tronquée et garnie d'écaillés caractérise ce poisson. Poissons. VI. 7 70 IIISTOIIIE NAïUilELLE La membrane des oiiies , la nageoire pectorale et la dorsale on L douze rayons chacune , celle du ventre en a huit , celle de Tanus seize, et celle de la queue vingt-cinq. La tête est comprimée, moitié cou- verte d'écailles , longue par les côtés , courte par le haut , et déclive. L'ou- verture de la bouche est large , les mâchoires , le palais et la langue sont munis d'une double rangée de dents. La mâchoire inférieure excède l'autre. Les narines sont rondes, simples et tout près des yeux. La prunelle est noire et l'iris rouge. Le bord supérieur de l'or- bite de l'œil est saillant et dentelé , et les yeux sont proches du sommet j il résulte de-là un sillon formé par ces bords saillans. Les yeux étant tout près du sommet , il y a un enfoncement en- tre les deux corps oculaires. Derrière ce sillon la tête est rude et rayonnée. L'ouverture des ouies est grande , et la membrane en est dégagée. 11 a les DU Tî L A N C H E T. 7I flancs comprimés, le dos et le ventre ronds. La ligne latérale prend le milieu du corps , et l'anus est un peu plus près de la nageoire de la queue , qui est four- chue, que de la tête. La nageoire pec- torale est courte ; celle de l'anus est longue , et toutes les nageoires ont les rayons flexibles et ramifiés. Le dos est noirâtre , les flancs et le ventre sont argentins, et les nageoires sont d'un brun-rouse. Ce poisson se trouve dans la mer près de la Caroline, mais il se montre rarement. Il a , de même que le précé- dent, la chair maigre et saine, et il lui ressemble à plus d'un égard. Il atteint la longueur d'un pied , et appartient assurément au nombre des poissons iclithyopliages. Dans la Caroline on le nomme Sea- SparroW'Hatvk. En i^rance , le Blanchet. En AuglcLcrre , Slender Salmon. 72 HISTOIRE NATURELLE \ Et les Allemands le nomment dcr \ Stinhlachs et Stinksalm. \ Catesby'nous en a donné la première ; connoissance ; il en a fait un dessin qui i n'est pas fidèle ; car les nageoires de la i poitrine sont placées trop en-dessous , , et les autres nageoires ne sont pas non ; plus mieux représentées. ; Linné l'a rangé dans la quatrième j division , avec quatre rayons dans la j membrane desouies, quoiqu'il en cite j douze lui-même. ' liA FAUCILLE, salmo falcatus, \ La naî^eoire de l'anus en forme de faucille, les vingt-six rayons qui la com- , posent , et les deux taches noires ,dont ; l'une est près de la tête , l'autre près de j la nageoire de la queue , forment les caractères distinct! fs de ce poisson. Le bimaculé porte à la vérité les mêmes ! taclics ; mais il a la nageoire de l'anus j droite, un plus grand nombre de rayons, j ^oni ■ /7. l'tiçe ^3 . i.l.A FAl'CIJJ.K. i.j/0I)0K.3.LK TUMIUL. "Y DE LA FAUCILLE. 7^ le corps plus large et mince, la bouclio et les deuts beaucoup plus petites. Laniembrane des ouies a cinq rayons, la nageoire pectorale en a seize , celle du ventre huit , celle de Tanus vingt- six , celle de la queue vingt , et la dor- sale onze. Le corps est uni et comprimé. Les deux mâchoires sont bien armées, et la supérieure surpasse l'autre. La lan- gue est très-étroite et unie ', les deux côtés du palaissont munis d'une rangée de dents pointues. Un os court , large et dentelé, placé à l'angle de la bouche, remplace les os des lèvres ; cet os sort quand la bouclie s'ouvre , et il rentre au mouvement opposé. Les narines vsont doubles et voisines desyeux, dont la prunelle noire est dans un iris jaune. Lies opercules sont rayonnes , et l'ou- verture des ouies est large , mais l;i membrane en est cachée. Le corps est comprimé et couvert d'écaillés minces qui se détachent aisément. Le dos et le 74 HISTOIRE NATURELLE ventre sont arrondis, la cavité du ven- tre est longue , la ligne latérale est un peu courbée en-dessous et se termine vers le milieu de la queue. L'anus tient le milieu entre la tête et la nageoire de la queue ; et au-dessus de la nageoire du ventre il se trouve un appendice. Tous les rayons sont ramifiés à l'excep- tion des premiers. Le fond de ce poisson est argentin , le dos est violet , tacheté de noir , les nageoires sont grises vers la base , et brunes vers leur bord. J'ai reçu ce poisson de M. de Fride- rici, gouverneur de Surinam. On nomme ce poisson : La Faucille , en France. The Sickla-Salinon y en Angleterre. Et der SicJielflosser j en Allemagne. L'ODOE; SALMO O DOE. Le brun-noir des nageoires carac- térise ce poisson. DE L' O D O É. 75 La membrane des oiiies a quatre rayons , la nageoire pectorale en a qua- torze , celle du ventre neuf, celle de Tanus onze , celle de la queue vinijt- luiit , et la dorsale neuf. La tête est comprimée, large par en haut, étroite et sans écailles sur le de- vant. Sa superficie est marquée par des figures éloilées représentées sur notre estampe. L'ouverture de la bouclie est grande; la mâchoire supérieure est la plus longue ,etles deux mâchoires sont armées de longues dents en forme de poinçon. La langue est unie , le palais rude. Les os des lèvres sont longs et Lirges ; les narines sont doubles et très- près des yeux. Ceux-ci sont près du crâne ; la prunelle est noire, et l'iris blanc et jaune. Les opercules sont unis , grands et composés de deux feuilles. L'ouverture des ouies est très-large , et la membrane en est cachée. Les ilancs sont comprimés- le ventre est tics-long et mince ; le dos rond , la 76 HISTOIRE NATURELLE ligne latérale se plie vers le ventre , et l'anus est proche de la nageoire de la queue. Les écailles sont menues, et les rayons ramifiés, à l'exception des pre- miers. Le dos est noir , les côtés sont d'un brun- clair. On trouve ce poisson sur les côtes de la Guinée, d'où le docteur Isert me l'a envoyé. Il est grand carnassier , ou ]e pêclie d'ordinaire de la longueur de deux à trois pieds ; il a la chair rou- geâtre et grasse , et il passe pour dé- licat. Ce poisson est nommé par les habi- tans de la Guinée , VOdoé ; nom qui se prononce facilement dans toutes les langues européennes. LE TUMBIL, s AL MO tumbil. Ce poisson se distingue des autres saumons par le nombre de rangées de dents égales dont ses mâchoires sont DU TUMBIL. 77 armées. Les dents de la première ran- gée sont grandes, et les autres petites. On trouve six rayons dans la mem- brane des ouies , dans la nageoire de la poitrine quinze , dans celle du ventre huit , dans celle de l'anus onze , dans celle de la queue vingt , et dans la dor- sale douze. La bouche est très-grande *, les mâ- choires , dont l'inférieure avance sur la supérieure , sont étroites et se ter- minent en pointe. La tête et le corps sont couverts de grandes écailles unies ; les opercules sont ronds , l'ouverture des ouies est large , et la membrane en, est cachée. La tête est longue , le dos rond, la ligne latérale droite, et un peu plus proche du dos que du ventre. L'anus est presque une fois plus éloigné de la tête que de la queue. Les côtés sont jaunes ; le ventre est argentin , et des bandes d'un brun- lougc descendent du dos vers le ventre. Les nageoires sont jaunes vers Icui: 78 HISTOIRE NATURFXLE l)ase , et bleues vers les bords. Les rayons sont mous et ramifiés; ceux du ventre ont deux ramifications. On nomme ce poisson : Tambile , sur les côtes du Malabar. Et le Tumbil , en France. Je le tiens de M. John ,cjui rapporte qu'on ne le trouve point dans les ri- vières, mais bien , quoique rarement , dans la mer. Il n'est guère plus grand que la figure de la planche qui le re- présente. Au reste il a la chair bonne comme tous les saumons. J'ai ^ardé sa dénomination tamulique de tombili , par la facilité avec laquelle on pro- nonce ce nom dans plusieurs langues européennes. li' O M B L E , SALMO SALVELINUS. Le premier rayon fort et blanc des nageoires rouçes du ventre et de celle de l'anus , est un caractère qui distin- gue ce poisson des autres espèces de J'ft^o y8 . 'tej-eve Je/. ^'^ ^'r^' '■fcn//'- 1 . l/OMJUiK . 0. . LE HKI ( n . c mc2 ud.ia.iy ^ u:-ivl:.i:ity ^idge. ma usa DE L' O M B L F. 79 saumons. On trouve dix rayons à la membrane des ouies , quatorze à la na- geoire de la poitrine , neuf à celle du ventre, douze à celle de l'anus , vingt- quatre à celle de la queue, et treize à celle du dos. La tête est comprimée par les côtés. L'ouverture de la bouche est large. Les deux mâcîioirs sont armées de petites dents pointues ; et lorsque la bouche est fermée , la supérieure avance un peu sur l'inférieure. La langue est car- tilagineuse, dégagée, et garnie comme le palais de deux rangées de dents poin- tues. Les narines sont doubles, et si- tuées entre l'œil, et la pointe de la bou- che au milieu. Les yeux ont une pru- nelle noire , et l'iris argentin. Les joues sont argentines , ainsi que l'opercule des ouies. La tête est brune par en haut, et le dos de la même couleur. Le tronc est garni de taches rondes couleur d'o- range, qui sont dans un anneau blan- châtre. La ligne latérale est fuie , et 8o HISTOIRE NATURELLE passe par le milieu du corps. La couleur ioncière des côtés est blanche , et le ventre couleur d'orange. Cependant ; les couleurs changent selon la différente qualité de l'eau : car plus l'eau est pure i et froide , plus la chair est ferme, et ! plus les couleurs sont vives. M. le pro- I fesseur de Paula Schrank , de Burg- ; liause , m'a écrit , que dans le Kccnigs- | sée, l'omble n'a leventre que jaunâtre,! des taches extrêmement pâles sur Icsl côtés , et les nageoires seulement rou-' geâtres. Ceux de l'Obersée ont les cou-' leurs plus claires , et ceux de l'Hinter- 1 sée sont les plus beaux ; car le ventre offre un très- beau jaune, et les nageoi- i res sont d'un rouge éclatant. Ceci con- firme aussi une autre lettre que j'ai ! reçue de Linz , de M. Pabbé Schiefer- miiller : il dit que l'omble duKammer- : sée et de l'Attersée, qui sont entourés ; de quelques montagnes , ne sont que ! d'un jaune pâle ; ceux du Gosasée, lac , qui est enlre deux montagnes , sonl; | D E L' O M B L E, 8 1 d'une couleur de feu , non-seulement au ventre, mais encore sur les côtés jusqu'à la ligne. L'anus est près de la queue. Les nageoires pectorales sont rouges , celles du dos et de la queue brunes. On remarque un appendice à la nageoire du ventre , et celle de la queue est fourchue. Ce poisson est naturel aux parties méridionales de l'Europe. Nous le trou- vons en Bavière dans le lac St.-Bar- lliélemi • en Autriche , dans le lac Traun et dans tous les lacs qui s'éten- dent entre les montagnes , depuis Salz- bourg jusque vers la Hongrie entre l'Au- triche et la Styrie. Ordinairement il p3se une à deux livres ; quelquefois on en trouve aussi de six livres. Il y a que I- que temps qu'on en pécha un de dix livres. La plupart des poissons de cette espèce fraient en décembre ; plusieurs le font déjà depuis le mois d'octobre jusqu'en novembre, et d'autres ne com- mencent qu'en janvier. Poissons. VI. ^ 82 HISTOIRE NATUREtLE On famé l'omble : ce qui se fait do la manière suivante. On attache plu- sieurs de ces poissons en vie à une bro- che de bois, on les presse les uns contre les autres, ou on les arrange comme des tuiles sur trois échalas , posés sur des chenets , sous lesquels on fait un petit feu d'écorce d'arbre, qu'on étouiFe sans cesse , en y versant de l'eau , pour augmenter la fumée. On les change de place de temps en temps , et dans l'es- pace de deux heures tout est fini. De cette manière , ils se conservent long- temps , et on peut les envoyer fort loin ; mais cette préparation leur fait perdre beaucoup de leur bon goût. J'ai reçu d'Autriche ,par M. l'abbé Schiefermiil- 1er, celui dontjedonnele dessin. M. le professeur de Paula Schranck , m'en a aussi envoyé plusieurs de Bavière. On le prend avecle colère t. Il mord aussi ai- sément à l'hameçon quand on l'appâte avec un petit poisson. L'ouvei ture de la bouche qui est large, et la bouche DE L' O M B L E. 8^ elle-même qui est armée de dents , prouvent qu'il est du nombre des pois- sons voraces. L'omble aime une eau pure et froide , et meurt bientôt après en avoir été sorti. Le mâle a la couleur du ventre plus vive; et en général , ils sont plus beaux dans leur jeunesse , à quoi l'eau contribue aussi beaucoup : car plus le fond est propre , et plus il y a de sources dans le lac, plus aussi les couleurs rouge et jaune sont vives. J^ai trouvé dans la cavité du ventre , qui est très-longue , les entrailles de la même nature que dans les autres es- pèces de truites. J'ai compté cinquante- huit vertèbres à l'épine du dos, et trente-huit côtes de chaque côté. Ce poisson est connu sous différens noms. On le nomme : Sahelin , Salmnrin , çn Allemagne. Lambacher Salhlin^ , en Autriche. Satbling , en Bavière; SchwarzrenterlonScJiwarzreucherl, tant qu'il n'a qu'une palme de long. 84 HISTOIRE NATURELLE Marsigli a rapporté et représenté sans nécessité notre poisson comme deux espèces particulières. Statius Millier se trompe , en disant que l'ombre chevalier est notre poisson. Je regarde comme la même espèce le salmarinuset le salvelinus de Linné et d'Artédi. Du moins la détermina- tion du salvelin est trop générale pour qu'on y puisse reconnoître une espèce particulière. Et en comparant les au- teurs qu'Artédi cite dans ces deux poissons , je n'ai trouvé aucune di£Fé- rence essentielle. Artédi prend , à la vérité , pour no- tre poisson la seconde iimbla de Ron- delet et des autres iclithyologistes ; mais le dessin et la description qu'il en donne , prouvent que ce n'est pas no- tre poisson , mais le bécard ou le sau'^ mon mâle. Comme Rondelet dit que les Genevois le nomment omble cheva- lier y c'est l'ombre chevalier que je dé- crirai bientôt, et non le salvelin. D U H E U C H. 85 J'ai déjà dit que je ne regarde notre poisson et le salmarin que comme une espèce. Si l'on compare la description exacte que Salvian nous en donne, on s'appercevra aisément de la ressem- blance. LE II "EVC 11, SALMO H u CHO, Les taches brunes et rondes dont est garni le tronc , ainsi que toutes les nageoires, excepté celle de la poitrine, me paroissent un caractère suffisant pour reconnoître ce poisson. On trouve douze rayonsà la raembranedesouies, dix-sept à la nageoire de la poitrine , dix à celle du ventre , douze à celle de l'anus , seize à celle de la queue, et treize à celle du dos. La tète finit en pointe. La maeboire supérieure avance un peu sur l'infé- rieure. On trouve dans cliaque mâ- choire une rangée de dents pointues et deux dans le palais et sur la langue. 8^ HISTOIRE NATURELLE !La tête est brune par en haut , argen- tine à la gorge et sur les joues; et sur les côtés, elle a une couleur argentine mêlée de rouge. La ligne latérale est fine et droite. On trouve un appendice à la nageoire ventrale. L'anus est tout près de la queue , qui est fourchue. Toutes les nageoires ont un fond jau^ iiâtre ; mais , selon Marsigli , elles doi- vent être rouges pendant tout le temps qu'elles sont petites. Nous trouvons ce poisson enBavière et en Autriche dans presque tous les grands lacs , de môme que dans leDa-' iiube. Son corps est alongé et très- tharnu. Il parvient à la longueur de quatre à cinq pitds, et à un poids de quarante à soixante-dix livres. En cela, et à l'égard des taches noires , il a la plus grande ressemblance avec le saumon. Mais on l'en distingue à la pre^- mière vue par son corps alongé. Celui dont je donne le dessin, avoit deux piedâ çt demi de lun^, et pesoil dix-^ DU II E U C H. 87 huit livres. Je le dois à la bonté de M. le professeur de Paula Scliranck , qui a si bien mérité le nom de natura- liste. 11 vit comme les autres espèces détruites, des autres poissons; mais sa chair est molle et n'a pas si bon goût que celle de la truite ; ce qui fait qu'on l'estime beaucoup moins. On le prend à l'hameçon et an grand filet. S'il en faut croire à ce que dit Marsigli , le temps du frai tombe en juin : temps où ne fraie aucun autre poisson de ce genre. Il dépose ses œufs dans le fond sur les pierres inégales. Les parties intérieures sont de la même nature que dans les autres pois- sons de ce genre. Ce poisson se nomme : Hauchforelle , en Allemagne. Heiicli et Huch , en Bavière. Ileuch , en Fiance. Les caractères tirés par Artédi et Linné des deux rangées de dents du palais^ et des taches noires ; sont trop 8>) HISTOIRE NATURELLE généraux , pour qu'on puisse y recon- iioître ce poisson : car dans toutes les espèces de saumons dont les mâchoires sont armées de dents, j'en ai remar- qué aussi deux rangées au palais. Les taches noires lui sont aussi également communes avec le saumon et le sau- mon argenté. L'OMBRE CHEVALIER, s AL MO UMBLJ. Le corps sans tache, et les onze rayons delà nageoire de l'anus sont ^ selon moi, des caractères sulBsanspour distinguer ce poisson des autres espèces de saumons. On trouve quinze rayons à la nageoire de la poitrine , neuf à celle du ventre , dix-huit à celle de la queue , et onze à celle du dos. La tête est petite. La mâchoire su- périeure est un peu plus longue que l'inférieure. La dernière a deux ran- gées de petites dents pointues , et la DE L'ombre chevalier. 89 première seulement une. L'opercule des ouies consiste en deux lames min- ces. L'ouverture des ouies est grande. Les joues sont d'une couleur verdâtre mêlée de blanc. La nuque est d'un verrl noirâtre. Les yeux ont une prunelle noire , entourée d'un iris d'orange et d'une ligne argentine. L'opercule des ouies et le ventre sont blanchâtres. Le clos est verdâtre. Toutes les nageoires sont courtes , et d'un verd jaunâtre. Celle de la queue est fourchue. Les écailles sont si petites et si tendres, qu'elles ont à peine une demi-ligne de diamètre ', ce qui fait qu'on les remar- que à peine sous la matière visqueuse qui les couvre. La ligne latérale a une direction droite. Nous trouvons en quantité ce pois- son dans le lac de Genève. On le trouve aussi dans celui de Neufchâtel , mais fort rarement. Le dessin de l'ombre chevalier que je donne ici , m'a été en- voyé de la Suisse par mon ami M. le 90 HISTOIRE NATURELLE docteur AVarmann. Ordinairement il pèse une livre ou une livre et demie. Mais on en trouve aussi de temps en temps de quinze à vingt livres. Il vit de coquillages , d'escargots et de petits poissons. On le prend près du rivage à l'iiameçon et au filet. Ce poisson est fort gras j sa chair est plus délicate que celle de la truite : aussi il est plus estimé , et pour cette raison d'un prix plus consi- dérable. En été , il est fort cher, parce qu'alors on ne le prend que rarement. M. le docteur Girtanner , de Saint- CVal , qui étoit à Genève l'été dernier, jn'a écrit qu'on lui a demandé un louis d'or pour un ombre chevalier. En hi- ver, qui est le temps où on le pêche en quantité , on en envoie beaucoup à Lyon , et même à Paris. Rondelet est le premier qui nous a fait connoître l'ombre et l'ombre che- valier , et qui en a donné les dessins, ]\Iais si l'on compare sesdescripiions et ses dessins avec la description et le des- r ' -^-7 f Pa^e j^. 1.3, A 'nuirry. ac mer a . j.e saumon .j arooiitc 3 . LA TRITITI'. des Alucs . i DE LA TRUITE DE MER. (jl sin que je donne ici, on s'appercevra aisément que son omble ou ombre est notre ombre chevalier, el que son om- bre chevalier est le bccard. Le dessin que cet auteur nous a donné de notre poisson ne vaut rien. Gesner et Willughby l'ont copié. Gesner assure qu'on trouve l'ombre chevalier dans plusieurs lacs de la Suisse : mais il se trompe, car d'après les diOPérens naturalistes que j'ai con- suites , il est certain qu'on ne le prend que dans les deux lacs que j'ai nommés ci-dessus. LA TRUITE DE MER, s AL 310 G QEDEN 11. La tête petite et les taches rouîmes entourées d'un anneau blanc , que l'on trouve sur les côtés, distinguent ce poisson des autres espèces de saumons. On compte dix rayons à la membrane des ouics , quinze h la nageoire de la 92 HISTOIRE NATURELLE poitrine , dix à celle du ventre , onze à celle de l'anus, dix -huit à celle de la queue , et douze à celle du dos. Le corps est alongé , et beaucoup plus mince que dans les autres espèces de truites. L'ouverture de la bouche est large. Les deux mâchoires , de même que le palais , sont armées de dents pointues. Les yeux sont gros , et ont une prunelle noire entourée d'un iris argentin. Les joues , l'opercule des ouies , les côtés et le ventre sont argen- tins. L'ouverture des ouies est large. Le dos, le front, la nageoire de la queue et la nageoire adipeuse sont brunâtres. Les autres nageoires sont de la même couleur. Celle du dos est garnie de taches brunes, et celle de la queue est fourchue. La ligne latérale a une direction droite, et est un peu plus près du dos que du ventre. On trouve l'anus, comme chez les autres espèces de truites, dans le voisinage de la na- geoire de la queue , et on apperçoit un DK LA. TRUITE DE MER. 95 appendice à la nageoire du ventre. Nous trouvons cette truite dans la Baltique. M. le conseiller Gœden , mon ami , m'en a envoyé plusieurs de Rii- ^^enwalde en Basse - Poméranie. Eli© parvient à la longueur d'un pied et demi , et on en trouve qui pèsent une à deux livres. Sa chair est blanche et maigre, mais cependant de bon goût. On la connoît sous le nom de silherfv- relie (truite argentée) dans les pays où on la prend. Je ne trouve dans les ichthyologistes aucune description ni dessin qui puisse convenir à notre poisson. Il n'y a quo celui de la vingt -neuvième planche de Marsigli , /ig. 1 , qui porte le nom de salbllng , que je prendrois pour notre poisson , si cet auteur ne disoit pas do son poisson , qu'il n'a point de taches. Pois-îons. Vî. g'î- HISTOIRE NATURELLE LE SAUMON ARGENTÉ, SALMO SCHIEFERMVLLERL La mâchoire inférieure un peu avancée , et les taches noires en foroie décroissant, dont les côtés de ce pois- son sont garnis, le distinguent des au- tres espèces de saumons. On compte douze rayons à la membrane des ouies , dix-huit à la nageoire de la poitrine , dix à celle du ventre , treize à celle de l'anus, dix-neuf à celle de la queue, et quinze à celle du dos. La tête qui finit en pointe , est brune à la partie supérieure , aussi bien que le dos. Les joues et la gorge sont ar- gentines, de même que le ventre , et on diroit que la tête est garnie de pla- ques d'argent Les narines sont placées au milieu de l'extrémité de la bouche et des yeux. Ceux-ci ont une prunelle noire entourée d'un iris argentin. Les mâchoires, le palais et la langue sont DU SAUMON ARGENTE. gS armés comme dans les autres espèces Je saumons. Les côLés sont argentins, et surmontés d'une couleur rougcàtre. Les écailles sont de moyenne gran- deur , et tellement dégagées, que si l'on tient ce poisson un peu ferme , elles restent dans la main , et lui commu- niquent leur couleur argentine. Toutes les nageoires sont brunes , avec un mé- lange d'un peu de bleu. La ligne laté- rale est noire, et règne au milieu du corps. Ou remarque un petit appen- dice à la nageoire du ventre , et uno grande échancrure à celle de la queue. Nous trouvons ce poisson dans la Baltique et dans difTérens lacs de l'Au* il iclie, M. l'abbé Scliiefermiiller , de Linz , m'en a envoyé un de ce pays , sous le nom de mayjorelle ; et j'en ai reçu plusieurs de la Baltique, sous ce- lui de silberlachs. Il est remarquable qu'on trouve ces poissons aussi bien dans les eaux douces que salées. Il pa- voît qu'on peut en conclure de-là, ou SG HISTOIRE NATURELLE qu'ils ont été portés dans les lacs par les inondations , comme les truites des Alpes sur les montagnes , ou que la mer , qui a couvert tout notre globe ^ les a laissés dans ces lacs en se retirant. Selon moi, il en est de même du rheinanken ou illanken de la Suisse, qui , d'après un dessin que j'ai reçu de M. le docteur Wartniann, de Saint- Gai , n'est pas diflerent du saumon. Ce poisson , qui pèse jusqu'à quarante à cinquante livres , se trouve dans quel- ques lacs de la Suisse, qui n'ont au- cune communication avec le Rhin. Le saumon argenté que l'on prend dans la Wippre , et sur les côtes de la Baltique dans nos contrées, pèse jus- qu'à six à huit livres , et est de meil- leur goût que les autres saumons que Ton y prend. On s'en empare en ten- dant des filets, et à des hameçons on l'on met de petits poissons pour ap- pât. Dans nos contrées, on le prend sur-tout en été et eo automne j mais DU SAUMON ARGENTÉ. 97 en Autriche , on le prend seulement en njai, ce qui lui a fait donner le nom de mayforelle (truite de mai). Sa chair est aussi de très- bon goût dans ce pays; mais il ne doit pas s'y multiplier beau- coup, car on ne le pêche pas en grande quantité : ce qui peut servir d'excuse à Marsigli et à Krauier, qui ont décrit les poissons de ce pays, de n'en avoir point parlé dans leurs ouvrages. Il est du nombre despoissonsvoraccs, comme on peut le voir à sa bouche, qui est ar- mée de dents. La cavité du ventre est longue. Le foie est petit et jaunâtre; il consiste eu deux lobus. La vésicule du fiel est mince et petite. L'estomac est long, et va jnsqn'à la nageoire ventrale. L'in- testin duodène, qui commence à cette na;:Teoire , va en haut jusqu'à la na- geoire pectorale. Le reste du canal in- testinal a une direction droite , et va jusqu'à la nageoire de l'anus. La iii-.mbranc de la vésicule aéiienne est 98 HISTOIRE NATURELLE mince. La laite et l'ovaire sont dou^ blés. Ce poisson est connu sous difFérens noms. On le nomme : Silherlachs , en Poméranie. Mayforelle , en Autriclie. Moy^éfrc/i^, en Bavière. Saumon argenté , en France. LA TRUITE DES ALPES, s AL M 0 J LP IN V S. Un grand nombre de faciles et de points noirs , rouges et argentins mêlés de jaune, et tous sans bordure, avec la nageoire de la queue droite , distin- guent ce poisson des autres espèces de saumons. On trouve dix rayons à la membrane des ouies , quatorze à la na- geoire pectorale , buit à celle du ven- tre , douze à celle de l'anus, vingt-trois à celle de la queue, et treize à celle du dos. La tête est terminée en pointe émous- DE LA TRUITE DES ALPES. 'A L'JA J*a^e io3 . To/n . n 1. 1,'O.MhKK l>lou . a . I-A PIPE . 3 LA TllOMPETTE. DE l'OMIîRE bleu. 105 L'OMBRE BLEU, SALMO jrjRT3ÎANNl (l). La couleur bleue avec laquelle c© poisson paroît ordinairement , et la mâchoire supérieure tronquée , sont des caractères qui font reconnoître ce poisson parmi les autres espèces de saumons. On compte neuf rayons à la membrane des ouies, dix-sept à la na- geoire pectorale , douze à celle du ven- tre , quatorze à celle de l'anus , vingt- trois à celle de la queue , et quinze à celle du dos. La tcte est petite et a une couleur argentine, ainsi que le ventre sous la (i) Comme ce poisson ne se trouve point dans le système de Linné , et que M. le docteur AVartmann est le premier qui l'ait décrit exactement dans le troisième tome du Beschaftigungtn naturfurschemler Freun- de , p. i85 , Je me crois obligé de lui doîî- lier en latin le nom de cet auteur. loi HISTOIRE NATURELLE Jigne. Les deux mâclioires sont d'.'gatô longueur. La bouche n'a point de dents. Les ouvertures des ouies et de l'odorat se trouvent près des yeux. Ceux-ci ont une prunelle noire, entourée d'un iris argentin. Le front , le dos et les côtes, jusqu'à la ligne latérale , sont bleus; et cette couleur devient insen- siblement blanche en avançant vers le ventre. Les nageoires de la poitrine , du ventre et de l'anus ont le fond jau- nâtre, celles du dos et de la queue sont blanchâtres , et toutes ont une bordure large de couleur bleue. Près de la na- geoire ventrale est un appendice. Non loin de la nageoire de l'anus , on trouve le nombril, et la nageoire de la queuo a une échancrure en forme de croissant. Ce poisson est du nombre des saumons larges et minces. Les écailles sont très- petites à la gorge et au-dessus des na- geoires pectorales , de même que près de la nageoire de la queue; sur le reste du corps , elles sont beaucoup plus DE L OMBRE BLEU. lor» îTraiides que clicz toutes les autres es- pèces de saumons. La ligne latérale u Il ne direction droite , et consiste en plusieurs points noirs. L'ombre bleu se trouve dans plu- sieurs lacs de la Suisse, et sur-tout dans celui de Constance , où on le pèche en très -grande quantité. Dans la pre- mière année , ce poisson a un pouce et demi à deux pouces de long, trois à quatre dans la seconde , cinq à sept dans la troisième, huit à neuf dans la quatrième , treize dans la sixième, et quatorze à dix -sept dans la septième. Le temps du frai tombe en décembre , et dure huit jours. Ce poisson se tient ordinairement dans les fonds ; mais dans ce temps , il cherche les lieux unis, et dépose ses œufs dans les iné- qu'il déchire avec ses dents. Si DE L' 1 L L A N K E N. 1 25 l'illanken peut se défendre , le bro- chet devient sa proie \ et s'il n'est pas trop blessé, la plaie se guérit d'elle- mênie. Il n'est pas rare de trouver des illankens qui ont une cicatrice au ven- tre. Comme le brochet est très-friand de la chair de l'illanken , il n'a pas d'autre moyen , pour satisfaire son avi- dité , que de l'attaquer par-dessous. Si l'illanken ne se défend pas bien , c'esfe fait de lui, et il devient la proie du brochet. L'illanken vit de poissons, de vers , d'insectes et de charognes. Il est sur- tout fort avide des ombres. Voilà pour- quoi les pêcheurs disent que l'illanken cause plus de dommage dans le lac, qu'il n'y procure d'avantage par sa pêche , quoique sa chair soit bonne et Cv'itimée. Ils sont aussi fort inquiets quand ils n'en prennent pas beaucoup pendant l'hiver , parce que cela leur aimoucc que la voracité de l'illanken we leur aui'a pas laissé pour la pèche , laG HISTOIRE NATURELLE des ombres en abondance. Lesilîanken» qui passent l'hiver dans le fond du lac et à l'embouchure du Rhin , devien- nent fort gras ; mais ceux qui ont resté dans le Rhin, sont fort maigres, parc© qu'ils n'y ont pas, entre Lindau et Feldkirch , les jeunes ombres qu'ils trouvent en quantité dans le lac. Voilà pourquoi en automne ils se pressent de regagner cette eau. Au printemps et en été , l'illanken a , jusqu'à ce qu'il fraie , la chair d'un beau rouge , de bon goût , et aisée à digérer ; mais après le frai , elle devient blanche et de mau- vais goût. Avant le frai, il est le plus recherché et le plus cher de tous Ica poissons du lac de Constance et du Rhin. On le vend ordinairement à la livre. Le moindre que je sache , se vend à raison de douze sous six deniers la livre ; du reste, il coûte dix-huit à vingt-un sous. Le nombre desillankens qu'on prend annuellement dans le ïlhin y sans compter ceux que l'on péch® DE L' I L L A N K E N. 1 27 dans le lac , monte à un mille , selon lo calcul de chaque endroit où se fait la pèche. On en prend ordinairement cinq cents à Gaisau , cent à Luslnau , autant à Mainingen , deux cents dans rUl , près de FeUlkirch , et cent à Schmidten et Bauern. Au - dessus de Feldkirch , on en tue de temps en temps quelques-uns à coups de fusil, mais ils sont plus maigres que ceux que l'on prend au-dessous de ce village. En gé- néral , i'ai remarqué que le mâle a la chair plus tendre et plus rouge que la femelle. Les parties intérieures sont de la même nature que celles de presque tous les poissons qui appartiennent au genre des saumons. J'ai remarqué par- ticulièrement à celui-ci, que l'estomac s'étend jusqu'au milieu du ventre, he canal intestinal est garni à l'endroit où il commence à s'éloigner de l'estomac, de quatre rangées d'appendices , dont l'2% HISTOIRE NATURELLE cliacune en a dix-sept, qui ont trois pouces de long. Il a cinquante - sept vertèbres à l'épine du dos , et trente- trois côtes à chaque côté. DE LA PIPE. 129 LVir GENRE. LA FISTULAIRE, fistularia. Caractère générique. Les mâchoires à rextrcmité de la tête fistulaire. LA PIPE, riSTl'LARIA TABACARIA. Une soie de même nature que la cote de baleine , placée au milieu de la na- geoire de la queue, est la marque dis- tinctive de ce poisson. On trouve sept rayons dans la mem- brane des ouics , quinze dans la na- geoire pectorale , six dans celle du ventre , treize dans celle de l'anus , quinze dans celle de la queue, et qua- torze dans la dorsale. La tête est fort longue ; carrée ^ et Poissons. VI. ja l3o HISTOIRE NATURELLE les côtés en sont rayonnes. L'ouver» ture de la bouche est large , et a une direction oblique. La mâchoire infé- rieure excède la supérieure. L'une et l'autre sont hérissées de petites dents. La langue est unie et dégagée ; les na- rines sont doubles et très - près des yeux. Ceux-ci sont grands -, la prunelle est noire, et l'iris argentin. Les oper- cules consistent en une seule feuille mince ; l'ouverture des ouies est large. Le tronc est sans écailles , plat sur le devant , et rond sur le derrière. La ligne latérale a une direction droite. L'anus est des deux tiers plus éloigné de la tête que de la nageoire de la queue. Le ventre est long; les nageoi- res sont courtes ; tous les rayons sont mous, et à quatre ramifications, ex- cepté les premiers. Ce poisson est brun par le haut ; les côtés et le ventre sont tachetés de blanc et de bleu ; les nageoires sont rouges. Il vit dans les mers des deux (- •- DE LA PIPE. l3l Indes et dans celle du Brésil. Le prince Maurice le dessina d'après nature au Brésil , et Plumier aux Antilles. J'ai comparé ces dessins avec mon exem- plaire , et je les ai trouvés fidèles. Ca- tesby et Brown l'ont trouvé à la Ja- maïque, Gronov le dit naturel de la mer de la Guiane, et Parre^à la Ha- vane. Le prince Maurice lui donne quatre pieds de long ; Lister lui en donne trois. Sa chair est maigre et ne sert de nourriture qu'au vulgaire. Il se nourrit d'alevinage de poissons et d'écré visses. Ce poisson a difTérens noms. Les Brésiliens lui donnent le nom de Petlmbuaha. Les Hollandais , celui de Tobacspipe^ Visch. Les Anglais l'appellent the Tahaco- Fish. Les Français , le Petimbe et la Pipe, Les Suédois, Pip-Fisk. l52 HISTOIRE NATURELLE Les Allemands , die Tobackspfeife et Rohrjîsch. Et les Espagnols , Trompetro. LA TROMPETTE, FISTULARIÀ CHINENSIS. Ce poisson fistnlaire se caractérise par sa bouche non armée , et sa na* gcoire de la queue arrondie. La membrane des ouies a quatre rayons, la nageoire pectorale treize, celle du ventre dix , celle de Tan us et la dorsale en ont chacune onze , et celle de la queue en a vingt trois. La tête est longue, sans écailles, comprimée, un peu large vers le haut, et aiguë en bas , ce qui lui donne la forme d'un rasoir arrondi par le bout. La mâchoire inférieure excède un peu la supérieure , qui est jointe au milieu à l'os supérieur , tandis que l'autre tient par le bout aux os latéraux. La D E L A T R O M P E T T E. 1 "^3 bouclie est petite -, elle aune direction oblique ; les deux os des lèvres sont larges. Ce poisson n'a point de langue, et son palais est uni. Il a les narines doubles et tout proche des yeux. Ceux- ci sont ronds et près du crâne ; la pru- nelle en est noire et entourée d'un iris argentin. Le corps est étroit, compri- me et couvert de petites écailles dures et dentelées. Le dos et le ventre sont ronds ; la ligne latérale part de la ii*- que, se courbe ensuite , et va da mi- lieu du corps à la nageoire de la queue , dont la nageoire de l'anus n'est guère éloignée. La largeur de ce poisson , de- puis la tête jusqu'au bout de la nageoire de l'anus, est presque la même ^ puis il se rétrécit tout d'un coup. Toutes les nageoires sont courtes , les rayons mous, et, aux premiers près , rami- fiés. La dorsale est précédée de neuf piquans assez éloignés l'un de l'autre ; ils sont courts et recourbés en arrière, attaches par une peau mince qui peut l34 HISTOIRE NATURELLET ^es coucher et les faire rentrer dans «ne espèce de rainure. Le fond de ce poisson est rougeâtrc, marbré de raies blanches qui vont le long du corps , et de grand nombre de taches d'un brun foncé. Ce poisson habite la mer des deux Indes. Valent5''n le vit aux Indes orien- tales , Plumier aux Antilles. Il devient eonsidérablement grand. Celui que jai fait graver a plus de deux pieds de long. Il a la chair coriace et maigre , et Va- lentyu assure que pour cette raison on ne le mange point aux Indes orienta- les. Les vers et l'alevin de poisson lui servent de pâture. On nomme ce poisson : Aux Indes orientales , Penjoh, Ped- jan^j Ikan Dioelon et Joulong JoLt- long. En Hollande, Trompetter- Visch. Chez les Créoles , Trompetta. En France , rji^uille et Bellone ta- chetée^ DE LA TROMPETTE. î55 En Allemagne , der cbinesische JRo/ir- fisch et Trompetejifisch. Et en Angleterre , ihe Trupet.. Valentyn nous en a donné la pre- mière notion ; mais il eu a fait deux es- pèces particulières et deux copies di- verses , et mauvaises toutes deux , dont Renard en a copié une ; Gaul- tier a pris sa copie du dessin du manus- crit de Plumier, sans eu faire men- tion ; mais il l'a tellement défifrurée qu'elle n'a presqu'aucune ressemblance avec les bons originaux desquels il l'a prise. Le dessin de Statius Millier est irrécusable , mais celui de Bonnalerre est défectueux , car il a omis les rayons isolés du dos. Gronov a tort de prendre le tabaco- pip-visch de Willugliby pour le nôtre , car les petites nageoires , la dorsale et celles de l'anus qui sont pointues, et le manque d'écaillcs , prouvent que c'est le précédent. l56 HISTOIRE NATURELLE LVIir GENRE. LE BROCHET, esox. Caractère générique. Dents canines j point de nageoire adipeuse. LE BROCHET, esox lucius. C E poisson commun et si connu , a Ta tête d'une forme singulière. La partie antérieure est applatie du haut en bas , et comprimée des deux côtés vers les joues. On trouve quinze rayons à la membrane des ouïes, quatorze à la na- geoire de la poitrine , dix à celle du ventre , dix-sept à celle de l'anus, vingt à celles du dos et de la queue. La tête est grosse , l'ouverture de la bouche large, et s'étend presque jus- ro//i ■ FT. Te^e /36\ W. I.K SI' Kl' Le 'J'Mfr >fru//>. f!cz \: Y DU B 11 O C H E T. l'^7 qu'aux yeux. La mâclioire inférieure avance un peu sur la supérieure : on y voit une rangée de dents , dont les an- térieures sont petites , et les posté- rieures plus grosses et plus fortes. La mâchoire supérieure n'a qu'une petite rangée de dents sur le devant : celle du milieu est petite , les autres sont plus grosses et rentrées en-dedans. Ces der- nières sont posées , partie dans la peau , partie dans les mâchoires : elles sont au nombre de sept cents , sans compter celles qui sont derrière , vers les ouies autour de l'œsophage. Il est remarqua- ble que les dents de la mâchoire sont successivement fermcsetmobilesd'uno à une. Lcsycux ont une prunelle bleuâ- tre, entourée d'un iris jaune d'or. La tête est marbrée, aussi bien que le corps. Le corps est quarré , en ce que le dos est large jusqu'à sa nageoire, de même que le ventre jusqu'à la nageoire de l'anus , et que les côtés sont compri- més. Le dos est noir , le ventre blanc , ioS HISTOIRE NATURELLE avec des points noirs; les côtés sont î»ris, garnis de tache» jaunes, quelque- fois si nombreuses , qu'elles se perdent les unes dans les autres , et forment des raies. Cependant la couleur change se- lon la nature des eaux que le poisson habite , et l'abondance ou la disette de nourriture. On remarque sur-tout que dans le temps du frai, le gris se change en un beau verd , les taches d'un jaune pâle en jaune d'or, et que les ouies deviennent d'un rouge vermeil. Ou trouve quelquefois des brochets dont le fond est d'un jaune d'orange , sur le- quel il y a des taches noires. Les pê- cheurs hollandais lui donnent le nom de roi des brochets. La première année il est généralement verd ; la seconde le verd se change en gris , et l'on voit paroître des taches pâles , qui devien- nent jaunes l'année suivante. La ligne latérale est droite , et le corps couvert de petites écailles oblongues et dures , ilont Richter fixe le nombre à dix-sepfc DU B Pu O C H E T. 1 59 mille. Les nageoires de la poitrine et du ventre sont rougeâtres ; celles du dos , de Tanus et de la queue brunes et parsemées de taches noires. Elles ont toutes des rayons à plusieurs bran- ches. On trouve ce poisson dans presque toutes les contrées de l'Europe , ex- cepté en Espagne et en Portugal, selon Araatus. Il habite les fleuves , les ri- vières, les lacs et presque toutes les autres eaux dormantes. Le brochet nage avec rapidité , est très-vor?ice, et fait un grand tort à la pêche. Il n'é- pargne pas même son espèce. Non-seu- lement il prend les petits poissons , mais il sait aussi s'emparer de ceux qui sont presqu'aussi grf)s que lui , en les prenant par la tête , et en les tenant serrés entre les dents jusqu'à ce que la partie antérieure soit amollie dans son large go>ier et préparée à la diges- tion; puis il retire petit à petit le reste jusqu'à la queue. Quand il atlr;ipc une l4o HISTOIRE NATURELLE perche , il ne l'avale pas tout d'un coup , de peur de se blesser avec les pointes de la nageoire du dos ; mais il la tient entre ses dents jusqu'à ce qu'elle soit morte. C'est parla même raison qu'il voit tranquillement l'épi noclie , qui est un petit poisson , jouer autour de lui. Il n'y a que le jeune brochet sans expérience , qui la morde quelquefois, lorsque la faim le presse ; mais il lui eu coûte la vie , parce que l'épinoche avec sa pointe perce son gosier d'outre en outre. Il n'y a pas long-temps que je reçus un brochet qui avoit dans la bou- che une épinoche, dont la pointe de la nageoire dorsale lui sortoit par les na- rines. Le brochet ne se contente pas des poissons , il avale aussi les autres habitans des eaux, tels que les oiseaux, les rats , les serpens , etc. On a aussi trouvé dans sa gueule des parties de coips humain , de jeunes chiens ou chats qu'on avoit jetés dans l'eau. Une chose remarquable , c'est que malgré DU BROCHET. \4l sa voracité , il distingue très bien les choses vénéneuses. On a vu un brochet qui étoit dans une huche , à qui on je- toit des grenouilles et ensuite des cra- pauds , gober avec avidité les pre- jnières, et rendre les derniers après les avoir avalés. Le brochet est de tous les poissons que je connois celui qui croît le plus promptement. La première année , il parvient à la longueur de huit à dix pouces ; la seconde , à celle de douze à quatorze, et la troisième , de dix-huit à vingt. Selon les observations de He- derstroms , un brochet de six ans doit avoir une aune et demie de long ; un de douze ans, deux aunes; il parvient jus- qu'à la longueur de six à huit pieds. On en trouve même dans nos contrées, qui restent morts ou malades sur les bords du lac Arcnd , qui sont aussi grands que des hommes. Comme ce lac est plein de monticules et de collines , qui empêchent qu'on ne puisse le pê- Puissuns, VI. i5 ï42 HISTOIRE NATURELLE cher jusqu'au fond , les gros brochets se cachent dans les fosses ; et s'il ar- rive par hasard qu'ils en prennent un dans leurs filets , il les déchire et s'é- chappe. Willughby parle d'un brochet qui pesoit trenle-deux livres , et d'un autre de quarante-trois , qui fut pêclié en 1752 a Mortzbourg près de Dresde. M. le docteur Brand en a vului-même un de sept pieds , qui avoit été pris dans sa terre de Zesen , près de Berlin ; et dans le cabinet d'histoire naturelle de feu M. le conseiller Eltester , j'ai vu le squelette d'une tête de brochet , dont les mâchoires avoient dix j)ouces de largeur. Scheffer raconte qu'il y a en Laponie des brochets plus grands que des hommes. Mais les plus grands se trouvent en Russie dans le Wol^ra. Ce poisson parvient aussi à un â^e très-avancé. E-zaczynsky parle d'un brochet qui avoit quatre- vingt-dix ans ; et celui dont nous allons parler en avoi t au moins deux cent soixante-neuf. DU BROCHET. l4.> Pline met le brochet au nombre des poissons qui parviennent au poids de près de mille livres. En l'ig?, on eu prit un à Kayserslautern dans le Pala- tinat , qui avoit dix -neuf pieds de long, et qui pesoit trois cent cinquante livres.Oii l'a peint dans un tableau que l'on conserve au château de Lautern , et l'on voit son squelette à Manheim. L'emperenrBarberousse,qui le fit met- Ire en i '2JO dans cet étang , lui fît met- tre un anneau de cuivre doré , qui ponvoit s'élargir par ressort. Il fut pê- che deux cent soixante-sept ans après. On conserve encore cet anneau à Manheim , en mémoire de ce poisson extraordinaire. Le temps du frai du brochet dure depuis le mois de février jusqu'au mois d'avril. Il paroît pour frayer en trois divisions. La première se nomme en allemand /to/7i/igc/i/, brochet de février, parce qu'elle fraie dans ce mois. Daii'î ce temps ils cherchent dans les lacs d'.-i. l44 HISTOIRE NATURELLE endroits unis , couverts de plantes, ou lorsque les rivières ont communication avec les lacs, ils remontent dans ces dernières , et vont y frayer sur les hex'- bages. Alors ils sont si occupés de ce qu'ils font, qu'on peut les prendre à la main ;ce qui fait que les petits devien- nent dans ce temps la proie des oiseaux pêcheurs. La seconde division , qui est plus grosse , paroît au commencement de mars -.ce qui lui a fait donner par les pêclieurs allemands le nom de brochet de mars. Enfin, la troisième se montre en avril , et se nomme en Allemagne brochet à grenouilles, ipRVce qu'elle fraie en même temps que cet animal. Le brocliet a la vie si dure , qu'on peut lui ouvrir le ventre et le coudre ensuite sans qu'il en meure. On fait souvent , à ce qu'on dit , cette opéra- tion en Angleterre : car comme il est fort estimé quand il est gras , et fort peu quand il est maigre , les pêcljcius pour s'en assurer, lui ouvrent le ven- DU BROCHET. 1 45 trc, le recousent, et le rejettent dans le lac s'il ne leur convient pas. Ses enncm is sont , quand il est encore jeune , la perche et le sandre, auxquels il échappe cependant par la rapidité avec laquelle il nage. Ils se détruisent sur-tout beaucoup les uns les autres. Une chose qui s'oppose aussi à leur multiplication , c'est que dans le prin- temps les inondations entraînent une grande partie des œufs sur les bords , où ils sèchent quand l'eau diminue. On pcche ce poisson avec le colle- rct , la truble , l'épervier , la louve , la nasse et la ligne. Lorsque le temps est orageux , la faim le fait courir aprè.^ les appâts , parce qu'alors les autres poissons se retirent au fond de l'eau. Le clair de lune favorise la pèche da brochet j sans doute parce qu'alors le poisson que l'on attache à l'hameçon frappe plutôt sa vue. On prend aussi le brochet à la turlotte. En Suède , on le prend au trident; et au feu pendant î46 HISTOIRE NATURELLE la nuit ,et cela toute l'année. En Alle- magne , cette pêche ne se fait qu'en liiver sous la glace. La pêche du bro- chet sous la glace est sur-tout la plus favorable et la plus abondante. Lors- que le brochet est attrapé , il rend la proie qu'il a avalée. Comme la chair du brochet n'est pas grasse et qu'elle est facile à digérer , elle fournit une bonne nourriture aux personnes foibles et valétudinaires , sur-tout quand le poisson est petit. En Allemagne comme en Laponie , on sale , on sèche et on fume ce poisson, pour l'envoyer dans des tonneaux dans les pays étrangers. Voici la manière de le saler. Après l'avoir vidé et bien net- toyé , on le coupe par morceaux , on lo couvre de sel et on le met dans des tonneaux. Ceux que l'on veut faire sécher ou fumer , doivent rester trois jours dans la saumure après avoir été préparés comme nous venons de le dire. On fait sur-tout un grand commerce DU BROCHET. 14; de cette niarcliandise à Francfort sur l'Oder. On le lire de l'Oder , de la Vartlie , et même de la Saxe et de la Lusace, pour le saler, pour l'envoyer ensuite en Pologne et dans d'autres J>ays calholiques. L'œsophage , aussi bien que l'es- tomac , est garni de grands plis, qui sont pâles dans le premier, et rouges dans le second. On les reconnoît aisé- ment aux libres charnues qui vont en long et en large. Le mouvement qui résulte de cette direction , met le brochet en état de rendre à son gré lés corps qu'il a avalés: faculté qui , à ce que je crois, ne lui est commune qu'a- vec le cabliau. L'estomac va jusqu'à la moitié du corps. Le canal intestinal n'a qu'unesinuosité: jel'ai trouvé souvent uni avec le ver solitaire à trois poin- tes, et j'ai quelquefois tiré cinquante et jusqu'à cent vers bien formés d'un brochet de trois livres. Entre les plis , j'ai trouvé le double f/OLi,et Véchirio' l48 HISTOIRE NATURELLE ryngue dans le canal intestinal. Le cœur forme un carré long, sur lequel est l'oreillette, et au-dessus le sac ar- tériel. Le foie , qui est du côté gauche , est long et sans division. La vésicule du fiel est grosse, et le fiel jaune. La rate est petite et carrée; les reins sont placés le long de l'épine du dos, et la vessie est près de l'orifice du nombril. La vésicule aérienne est simple, et la laite est double aussi bien que l'ovaire. Au mois de mars, j'ai compté i'66,5oo œufs jaunes de la grosseur de la graine de millet dans un brochet de six livres. Dans différens pays, on fait du ca- viar avec les œufs de ce poisson. Dans la Marche-Eîectorale, on les prépare avec des sardines, et on en fait un mets excellent, connu sous le nom de nelzin. JI a soixante- une vertèbres à l'épine du dos, et trente côtes de cha- que côté. Ce poisson se nomme : HcchtpGH Allemagne j DU BROCHET. l'i^ Grashecht y quand il n'a qu'un an. HecJit , Àug , en Livonie. Szuk et Szuka , en Pologne. Stuklia et Csakof en Hongrie. Tschuk j Tschuw , Schurtan , Sches- chuk, en Russie. Tschortan , en Tartarie. Zurcha , chez les Calmouques. Ciadde , en Suède. Gidde , en Dannemarck. Snoek et Geep-visch, en Hollande. Pf/;e et Piherelle, en Angleterre. Lanceronoxx Lançon, en France, quand il est petit ; Brochet et Poignard, quand il est de- moyenne grandeur ; Brochet carreau , quand il est gros, Liizzo et Luccio , en Italie. Trigle , dans l'île de Malte. £ amas , au Japon. Comme le brochet est un poisson gc- néralcment eslimé (i), qu'il croît (i) Il faut que du temps d'Ausone onn'cn l5o HISTOIRE NATURELLE promptement , et qu'il vit dans toutes les eaux , un économiste ne fera pas jual de faire des étangs à brochets , sur-tout dans les contrées où les pois- sons sont rares. Pour cet elTet , on peut prendre les étangs qui ne seroient pas propres aux carpes , à cause des om- brages, ou qui auroient une source froide dans le fond , ou un fond maréca- geux. Il faut seulement songer à leur fournir une nourriture suffisante ; ce qu'on fait avec des poissons de peu de va- leur, tels que le rolengle , la rosse , le gardon , la bordelière, ou même quel- ques carassins, ou quelques carpes, se- lon la nature des eaux. Les trois pre- miers conviennent à un fond sablon- ait pas fait grand cas j car ce poète dit : Ziucius ohscurus ulva , cœnoque lacunas Obsidet , hic nullos mensarum lectus ad us us Tervet fumosis olido nidore popinis. V. 122. DU BROCHET. l5l ncux, et les trois dernières espèces se plaisent mieux dans une eau maréca- geuse. 11 faut avoir attention d'empois- sonner avec de petits brocliets, et de choisir pour nourriture de gros pois- sons sur le point de frayer; parce qu'un gros brochet avaleroit bientôt la mère et les petits. On peut espérer un dou- ])le avantage, quand on met de jeunes brochets dans un étang à carpes , où il y a de petits poissons blancs : car comme ces derniers cherchent la même nourriture que les carpes , et que les brochets mangent les petits poissons blancs, cela fait que les carpes y profi- lent aussi ; parce qu'alors elles trou- vent plus de nourriture. Il est prudent d'ôter les brochets dès qu'ils ont ac- quis une certaine grosseur , sans quoi ils pourroient devenir aussi dangereux aux carpes. Pline remarque que le brochet a l'ouie extrêmement fine ; et Morel ra- conte; que du temps de Charlesix, on 102 HISTOIRE NATURELLE nourrissoit dans un canal du Louvre, nii brochet , qui s'approclioit pour manger tontes les fois qu'on l'appeloit. Ricliter assure aussi qu'il a vu un exemple de cette nature. Mais il n'est pas vrai , comme l'assure le même au- teur , que le brochet épargne la tanche, en reconnoissance de ce qu'elle lui sert de médecin. Il faut mettre ce fait avec ce que dit Kramer , que l'usage des œufs de brochets cause le vomisse- ment ou la diarrhée. On croit que le brochet ne fut con- nu en Angleterre qu'en i53j , sous le règne d'Henri viii , où ou le mit dans les eaux de ce pays. Mais dans ce cas, ce poisson devroit avoir en Angleterre une dénomination ressemblante aux' noms qu'il portoit alors dans les pays d'où on l'a apporté en Angleterre. DE L'ORPH I E. l53 L' ORPHIE, ESO X BELO NE. Deux longues mâchoires finissant en pointe, et dont la supérieure- est plus longue que l'inférieure , distin- guent ce poisson des autres espèces de brocliets. Ces mâchoires sont rondes et garnies de dents noires , qui engrènent les unes dans les autres, et qui leur donnent un air de scie. L'ouverture de la bouche va jusqu'aux yeux. On trouve quatorze rayons à la membrane des ouies , treize à la nageoire pecto- rale , sept à celle du ventre , vingt- trois à celles de l'anus et de la queue , et vingt à celle du dos. La tête est p tite en elle-même, si on la considère sans le louii bec. Les yeux sont gros, ronds et ont une pru- nelle noire, entourée d'un iris argen- tin. Les opercules des ouies sont argen- tins, et changeant bleus et vcrds. Le front et la nuque sont noirs ; aussi bien Poissons. VI. i^k î54 HISTOIRE NATURELLE que le dos. Les narines sont rondes et placées près des yeux. Le corps est étroit, long et presque quarré; sa lon- gueur est à sa largeur comme i5 à i. Celte figure étroite et longue , qui n'est pas ordinaire chez les poissons à écailles, lui a fait donner par les an- ciens le nom d'anguille. Les côtés sont verds par en haut, tirant sur le bleu : jusqu'à la moitié , ils sont couverts de longues écailles tendres; au-dessous, ils sont unis , aussi bien que le ventre , et brillent d'une belle couleur argentine. Le mélange agréable des couleurs de ce poisson, et les mouvemens variés qu'il fait en serpentant , lui donnent un coup-d'œil très-agréable. Le bout de la queue est mince -, il redevient largo vers les nageoires , de sorte qu'elle forme un trapèze. La ligne latérale, qui est près du ventre , a une direction tout -à -fait différente de celle des autres poissons que nous avons décrits jusqu'à présent. Elle ne commence pas DE L'O R P H 1 E. 155 comme les autres près de la nuque, et ne finit pas non plus au milieu de la nageoire de la queue : elle sort de des- sous les opercules des ouies , va paral- lèlement près du ventre , et se perd près de la nageoire de la queue. Les nageoires sont courtes à proportion de la longueur du corps. Celles de la poi- trine et du ventre sont grises, et ont des rayons ramifiés en plusieurs bran- ches ; celles de l'anus et dvi dos sont bleuâtres, et les rayons simples. La nageoire de la queue a une petite échancrure, une bordure bleue, et des rayons ramifiés aux extrémités. On trouve ce poisson dans presque toutes les grandes mers : de sorte que les Grecs et les Romains l'ont aussi connu. Il séjourne dans les profondeurs de la mer , d'où il sort en troupe depuis mars jusqu'en juin, pour chercher les endroits uniset les côtes, afin d'y mul- tiplier. Ils annoncent ordinairement l'arrivée des maquereaux , avec les-- l5G HISTOIRE NATURELLE cjuels leur cliair a le plus de rapport. On voit par les dents dont les mâ- choires de ce poisson sont armées, qu'iï appartient à la classe des poissons vo- races. Lui-même devient souvent la proie des chiens de mer, des cabliaux, desdorses et des autres espèces voraccs qui habitent les mers. L'orphie a or- dinairement un pied ou un pied et demi de long ,et pèse alors deux à trois livres. Le célèbre chevalier Hamilton m'a raconté que, près de Naples, on avoit pris un poisson de cette espèce qui pesoit quatorze livres , et qu'on l'avoit porté au roi comme une rareté. Selon M. Renard, on en trouve en orient qui ont huit pieds de long et dont la morsure est mortelle. On les prend avec une espèce particulière de pique , qui consiste en un manche de bois, armé d'un fer à pointes fourchues : chaque instrument de cette espèce a au moins vingt pointes longues de six pouces. On pêche ce poisson la nuit DE L'O R P h IE. 167 de la manière suivante. Ordiuaire- ment quatre pêcheurs se placent dans un bateau. L'un d'eux, qui est sur le devant, porte un flambeau com- posé de paille et de bois, afin d'attirer les poissons par l'éclat de la lumière. Les autres épient avec leurs piques l'instant où ils apperçoivcnt ces pois- sons 'y et quand ils les croient assez près, ils tombent sur eux, et en percent ordinairement plusieurs à la fois. De cette manière, quand la pèche est heu- reuse , on en prend douze à quinze cents dans une seule nuit. Il faut pour- tant pour cela que la nuit soit obscure et l'eau calme , afin que les poissons ne voient point les hommes et n'enten- dent point le mouvement du bateau. La pèche de ce poisson est fort con- sidérable dans certains pays ; mais comme il n'c«t pas fort estimé , à cause que sa chair est maigre et dure , on en lait de l'appal pour attraper les autres poissons. M. le professeur Camper m'a l5S HISTOIRE NATURELLK assuré qu'en Hollande, on en prenoît en quantité , et qu'on ne s'en servoit que pour prendre le dorse. Une qua- lité remarquable de ce poisson , c'est qu'en le cuisant , ou en le fumant ,ses arêtes prennent une belle couleur verte. Mais d'un autre côté, cet effet particulier empêche plusieurs person- nes d'en manger. La cavité du ventre est longue ; lo canal intestinal court et sans sinuosi- tés : il commence à l'œsophage par une large ouverture , et se rétrécit peu à peu , sans qu'on apperçoive une inter- ruption particulière qui indique la fin de l'estomac. Les autres intestins sont comme dans le précédent. On compte quatre-vingt-huit vertèbres à l'épine du dos , et cinquante-une côtes de cha- que côté. Ce poisson se nomme : Hornhecht ,Nadelhechtj en Allemagne. Schneffetj dans les environs de Dantzig» Horn-Jisk , en Danemarck. DE L'O R P H I E. î 59 Horn-Giue , ISeJihe-Sild , Horn-Igel , en Norwège. Geep-fVisch , en Hollande. Naedljish , Garjïsh , Hornfsh , Sea- Needel et Garpike , en Angleterre» Cierne-Fur , en Islande. Orphie f Aiguille de mer, en France. J'^giiillette , en Bretagne. Nagojo ou y^guillo , à Marseille. j4cuchia ou Angusicula , en Italie. Charman et Choram , en Arabie. Timucu , Peisce-Agulha, au Brésil. Gar-Fish y à la Jamaïque. lAo« TsjakalangHidjoe , GroneTsjaka- lang of Ge^p , en Orient. Pennant se trompe lorsqu'il cite pour notre poisson l'aiguille de mer de WulfT, qui appartient à la classe des poissons cartilagineux. Bomare se trompe aussi lorsqu'il dit que ce poisson n'a qu'une seule vertè- bre qui devienne verte. Non-seulement toute l'épine du dos,maisaussilcs cotes et les arêtes prennent celle couleur iSo HISTOIRE NATURELLE lorsqu'on les cuit et qu'on les fume. J'ai représenté dans la planche un mor- ceau cuit de l'épine du dos. Gronov a tort de citer la spliyrènc d'Aldrovand pour notre poisson. LE SPET, ESOX SPHY RMN A, C'est le seul poisson de ce genre qui ait deux dorsales, et par-là il est facile à distinguer. La membrane branchiale contient sept rayons , la nageoire pectorale quatorze, la ventrale six , celle de l'a- nus dix, celle de la queue vingt, la première dorsale quatre, et la seconde dix. La tête est étroite , oblongue , large du haut, et presque toute couveite de ■minces écailles. L'ouverture de la bou- che est grande, et les mâchoires, dont l'inférieure est la plus longue, sont ar- mées de dents en forme de poinçon , séparées les unes des autres, dont celles D U s P E T. iGl de devant, dans la mâchoire d'en-haut, sont les plus longues ; ces dernières sont courbées en arrière. Le palais est uni , mais les deux os des lèvres sont munis d'un rang de petites dents poin- tues. La langue est également armée , étroite et dégagée. Les narines sont simples , et ainsi que les yeux , placées proche du crâne \ la prunelle est noire, et entourée d'un iris argentin. Les opercules sont unis , écailleux, et la membrane en est cachée. Le tronc est étroit, les flancs sont un peu com- primés, le dos et le ventre sont ronds , et l'anus est une fois plus éloigné de la tête que de la nageoire de la queue. La ligne latérale est descendante , inter- rompue , relevée et brillante comme l'argent poli. Les écailles sont minces, molles et petites. Les nageoires ont les rayons mous et ramifiés , à la première dorsale près , qui n'a que des rayons simples et durs j dans les autres na- lG2 HISTOIRE NATURELLE ^eoires , le premier rayon est le seul simple. Les flancs et le ventre sont blancs. Les nagooiresde la poitrine, du ven- tre et de l'anus sont rougeâtrcs. Les deux nageoires du dos et celle de la queue ont une couleur bleuâtre, comme le dos. Ce poisson liabite la Méditerranée , et la mer Atlantique. Plumier etParra l'ont trouvé près des Antilles, et Fors- kal près de la Grèce. Willughby le vit à Livourne; Sal- yian le croit romain ; et Cetti l'adjuge aux eaux de la Sardaigne. Il atteint la longueur de deux pieds; il est ^rand iclithyopliage ,et se trouve d'ordinaire aux embouchures des rivières. Il a la chair consistante , blanche et digeste , et le goût de l'aigrefin. L'estomac est long , mince de peau , et l'ouverture inférieure en est garnie de quarante appendices à-peu-près. Le canal intestinal est court et sans sinuo- DU S P E T. iG3 site. Le foie consiste en deux lobes , la vésicule bilieuse est grande , et la rate oblongue. La vésicule aérienne est attachée au dos. On nomme ce poisson : A R orne , Luzzo marino. A Gênes , Luzzaro. ÉnSardaigne, Sfirena eiLucio di mare. En France , le Spet. Aux environs do Marseille , Pei - Es- coiie. En Grèce , Zarganes. En Angleterre, Sea-Pike et Spit-Fis7t, En Hollande , Pyl-Snoek. En Allemagne , PJeilhecht et Seehecht. En Arabie , Mugésil , Agam et Goedd. A la Havane , Picuda. En Espagne , Espedon. Aristote le compte parmi les poissons qui se tiennent en troupes , ce que con- firme aussi Willughby. Aristote en parla le premier ; Belon, Salvian et Rondelet , l'ont détaillé ensuite à la même époque , et ils l'ont dessiné, l64 HISTOIRE NATURELLE mais sans succès -, car Salvian a omis la première dorsale, et Belon et Ronde- let n'ont pas observé les écailles. Gesner a copié le dessin de Rondelet ; Jonston et Ruysch ont copié celui de Salvian. Aldrovand et Willugliby nous en ont laissé chacun une nouvelle copie ; celle du premier est mauvaise , mais celle du second est bonne. Belon, et presque tous les iclithyo- logistes suivans , prennent le sudis de Pline pour notre poisson ; mais celui- ci comptant son sudis parmi les pois- sons les plus grands et les plus rares, il s'ensuit de-là que ce ne peut l'être ; car le nôtre n'a ni l'une ni l'autre de ces deux qualités. Le dessin que Parra nous a donné est médiocre. r^ TY PtïfJC /fi,) . Tom . 1 LE CAÏMAN . 2 . Le petit ESPADON .1 3. LE BROCHET du 3Ialal>ar • î) U C A ï M A N. i65 LE CAÏMAN, Esox osseus. Le premier rayon dentelé, dont chaque nageoire de ce poisson est pour- Vue , le dislingue non-seulement de tous les autres brochets, mais encore de tous les autrespoissons connus. Cette dentelure ne provient pas, comme chez les autres poissons , des échau- crures dans le rayon osseux , mais de» pointes des écailles qui couvrent tous les premiers rayons. Sur chaque join- ture des phalanges du premier rayon il y a deux écailles osseuses, oblongues ^ qui finissent en pointes, et ces pointes reposent sur les écailles de la jointure suivante ; voilà ce qui forme la dente- lure : ccsrayonsdurs nesont pas d'une pièce , comme ceux des autres pois- sons , puisqu'ils sont composés de join- tures , comme les ra3^ons flexibles. Mon exemplaire manquant des rayons de la membrane branchiale, je ne puis Poissons. VI. i5 iGG HISTOIRE NATURELLE en déterminer le nombre; mais la na- geoire pectorale m'en ofire douze , la ventrale six , celle de Fan us neuf, celle de la queue quinze , et la dorsale neuf. La tête est plate , sans écailles, et se termijie en deux mâchoires longues , Lérissées de dents , et dont la supé- rieure surpasse l'autre. On distingue , dans les deux mâchoires , un grand nombre de dents pointues et distantes les unes des autres. On apperçoit, à la mâchoire supérieure, un sillon vers le côté, et aux côtés de la tête plusieurs ligures angulaires. Les yeux sont près de l'angle de la bouche ; la prunelle est noire , l'iris orange. Les narines sont simples et placées à la pointe du museau-, les opercules sont rayonnes, et l'ouverture branchiale est large. Les écailles de ce poisson sont remarqua- bles autant par leur nature osseuse que par leur forme. Celles du dos ont la forme d'un cœur, celles des flancs sont oblongues; celles du ventre lozangées^ DU C A ï M A N. 167 €t celles (les nageoires pointues, comme nous venons de le dire. Elles vont dans une direction oblique vers le ventre. Chaque écaille est nuancée d'une cou- leur foncée et claire , et paroît compo- sée de plusieurs triangles. La base des nageoires du dos et de la queue est couverte d'écailtes. La ligne latérale tend vers le ventre, et l'anus est deux fois plus proche de la nageoire de la queue que de la tête. Tous les rayons sont ramifiés, les nageoires soiit cour- tes et rougcatres, et les postérieures en sont tachetées de noir. lia couleur Verte du dos s'éclaircit vers les flancs , le ventre tire sur le rouge. Ce poisson se trouv-e dans les lacs et dans les rivières des deux Indes. Va- lentyn en fait mention dans sa des- cription des Indes orientales, Catesby )e cite en parlant de la Caroline , et Brown dans sa descriplion de la Ja- maïque. Scliopf le compte parmi les poissons de la Nouvelle Yorck , Parra l6 HISTOIRE NATURELLE parmi ceux de la Havanne, et Cardin© en a reçu de la Galicie. J'ai reçu lo mien de Charlcs-Town. Il devient as- sez grand -, le mien a deux pieds et demi de long. Il a la chair très^grasse ; on l'apprête comme notre brochet. Il est d'une grande voracité, et par-là fa- cile à prendre par quelqu'appât. Ce poisson est nommé : Aux Indes , Ikan Tsiakalang Bali. Parles Hollandais de ces contrées, BaU geesche Gceb. Par les Anglais des Indes occidentales, Green Car-Fisk. Parles Français, Caïman et Trompette de mer. Par les Hollandais , Scliild-Snot^k. Par les Allemands, Knochenhecht. , A la Havanne , Chiefis. ICt en Espagne , Aguja. Lister, qui nous donna la première description de ce poisson , nous en donua aussi une copie , mais elle est dé- fectueuse j vu qu'outre plusieurs au^ DU CAÏMAN. 1O9 très défauts, elle donne la même lon- gueur aux deux mâchoires. Catesby a commis la même faute. Valentyn l'a dessiné plus mal encore; mais Duha- mel l'a mieux dessiné que les deux pré- ccdens. Renard a copié Valentyn , et Bonnaterre a imité Catesby. J'ignore pourquoi Linné doute que la crande aiguille de mer verte de Ca- tesby, et le brochet verd décrit par Garden, soient de la même espèce que son csox osseus. Le premier dit en ter- mes exprès , que les tcgumens de son poisson étoient osseux , divisés en écailles quarrées, en direction oblique vers le ventre ; tous caractères qui in- diquent sensiblement le caïman. Celui de Garden est d'une espèce particu- lit^re , vu qu'il lui prête des écailles jnoUes et minces , la mâchoire infé- rieure plus longue , dix - sept rayons dans la nageoire de l'anus, et onze dans la dorsale. Linné, au contraire, donne au sien des écailles osseuses , la ma- 170 HISTOIRE NATURELLE choire supérieure plus longue , cinq rayons seulement à la nageoire de l'a- nus, et six à la dorsale. Gmelin a donc raison de faire de son brochet verd une espèce particulière, mais il se trompe en croyant que c'est le poisson de Catesby. Ce que nous venons d"* alléguer , peut aisément résoudre la question de Klein , qui demande si le poisson de Catesby est le même que celui de Lis- ter , dont on a parlé plus liant. Gronov se trompe en confondant la troisième espèce de bec de Klein avec notre poisson , car la figure citée prouve que c'est l'orpliic , ayant les écailles pe- tites , et la nageoire de la queue en croissant. LE PETIT ESPADON, ESOX BRASILJENSIS. La. mâchoire inférieure formant uno longue pointe , est une marque très- disljnctive de ce poisson. nu PETIT ES FA DON. I7I La membrane brancliiale contient quatorze rayons, la nageoire pectorale dix , la ventrale six , celle de l'anus douze , celle de la queue dix 'huit, et la dorsale quatorze. La tête est petite, oblongue, com- primée, large du haut, aiguë du bas , et par - la triangulaire. La mâchoire supérieure se termine en. une pointe courte et obtuse , l'inférieure forme une pointe longue et aiguë. Celle-ci est près de l'ouverture du la bouche > plate et sillonnée. Les deux mâchoires sont armées de plusieurs rangées de petites dents pointues. Le palais et la langue sont unis , mais le gosier est armé d'os en forme de dards, opposés les uns aux autres. Les narines, et les yeux qui sont ovales, sont verticaux, la prunelle est noire et l'iris argentin. Les opercules sont unis et rayonnes , l'ouverture des ouies est large , et la raonbrane en est cachée. I^e tronc , un peu comprimé aux flancs, est tendu. l'J'2 HISTOIRE NATURELLE L'anus approclie de la nageoire de la queue, et la ligne lalérale est près du ventre. Les nageoires sont courtes, les rayons en sont flexibles et à trois bran- ches, à l'exception des premiers. La queue est fourchue et plus longue par en bas que par en haut. Les ventrales sont fort reculées. La têle et les flancs sont argentins, et les deiniers ont des raies noirâtres ; les nageoires sont bleuâtres, la mâchoire inférieure et Ja ligne latérale sont vertes. Ce poisson se trouve dans la mer des tleux Indes. Nieuhof et ValenLyn le virent aux Lides orientales, Plumier et Duterlrc aux Antilles , Brown et Sloane à la Jamaïque. Il atteint la lon- gueur de douze à quinze pouces , et sui- vant Dutertre, sa chair est délicate. Ce dernier raconte que ce poisson so prend le plus aisémeiit à la lueur du feu. En allumant par exemple une por- tion de foin, ces poissons environnent d'abord par milliers le bord du bâti- DU PETIT ESPADON. lyS ment, et se prennent aisément dans les filets. Renard assure que ce poisson est très-gras, et que les Indiens orien- taux en font de petites saucisses bonnes a manger. Ce poisson est nommé: Par les habitans des Antilles, Balaou. Par les Indiens orientaux , Ikan Moeloet Betang. Par les Anglais, Under-Sword-Fish et Piper. Par les Hollandais, HalfBec , Elefats- Neuse et Brasilianischen Snoeh. Par les Français , Demi-Museau , Bé- cassine de mer et Petit Espadon. Et par les Allemands, Elephantennase et kleiner Schtverdtjîsch. Linné est dans l'erreur , quand il prend le timucu des Brasiliens pour notre poisson ; l'autre est l'orphie , esox bcllone, dont les deux màcboires so terminent en pointe, comme Marcgraf nous l'a représenté. Cette erreur s'est aussi glissée dans l'édition de Gmelin. l;"*^ HISTOIRE NATURELLE Klein se trompe en faisant de notre poisson deux espèces, comme on peut le voir par les figures qu'il cite. Nieuhof , qui découvrit ce poisson , nous en a laissé un dessin , mais il y a omis les nageoires de l'anus et du ven- tre, et Willughby a épousé cette er- reur. Après cela , Valentyn décrivit notre poisson comme deux espèces dif- férentes , et en fit deux copies , que Renard adopta toutes deux. Nous trou- vons encore la même figure dans l'His- toire générale des Voyages. Sloan nous en a aussi donné une copie , mais telle- ment négligée, qu'ilne s'y trouve point d'indice de la nageoire du dos, ni de celle du ventre. Je réponds affirmativement à la de- mande de Rai , si le balaou de Dutertre indique notre poisson , vu que sa des- cription répond à Texemplaire que j'ai examiné. Gronov veut que la ligne latérale soit à peine visible et voisine du dos* DU BROCHET DU MALABAR. 1/5 Le dessin de Plumier et mon exem- plaiie , la montrent distincte et voisine du ventre. Pernetti a fait un nouveau dessin de ce poisson , mais son ouvrage est défectueux , n'ayant point de ven- trales. Le dessin de Brown, copié par Bonnaterre , a mieux réussi. Dans ce- lui de S. IMiiMer on n'a point remarqué la ligne latérale. LE BROCHET DU MALABAR, ESOX MALABARICV S. Les deux dents canines de chaque mâchoire et cinq rayons dans les bran- chies, caractérisent ce poisson. La membrane branchiale a cinq rayons , la nageoire pectorale en ^. onze , celle du ventre huit , celle de l'anus dix , la queue dix-sept , et la na- geoire dorsale quatorze. La tête est plate , unie et comprimée des deux côtés. La mâchoire inféricurç l;^ HISTOIRE NATURELLE excède un peu l'autre; l'une et l'autre ont moins de grandes dents que dans les autres espèces de brochets ; mais ce brochet a le palais et la langue armés comme les autres L'ouverture des ouies est large, les écailles sont gran- des et lisses, et les rayons mous et ra- mifiés. La nageoire dorsale est placée vis-à-vis de la ventrale, la ligne laté- rale est au milieu du corps, et l'anus est proche de la queue. Le dos est ver- dâtre , les flancs et le ventre tirent sur le jaune , et les nageoires sont grises et nuancées de raies brunes transver- sales. Le missionnaire John à Tranque- bar , m^a fait cadeau de ce poisson , qui se trouve dans les rivières de ces contrées. Il a la chair blanche et saine. Le manuscrit du prince Maurice nous donne la copie d'un brochet à quatre dents seulement ; mais la description de Marcgraf en donne quatre à cha- que mâchoire. Voilà pourquoi je doute DU Bi(oCHET DU MALABAR. 177 qu'ils aient eu le même poisson devant eux. On nomme ce poisson : En France, le Malabar ou le Brochet du Malabar. En Angleterre, the Pike of Malabar. ■ En Allemagne, der Malabarische Uechu Toissons. Vï, 16 IjS HISTOIRE NATURELLE L I X^ GENRE. LE LÉZARD, elops. Caractère générique. Trente rayons et davantage dans la membrane bran- chiale. LE LÉZARD, elops sau C E poisson se caractérise par son bon-, clier au menton , et par sa dorsale di- rectement opposée à la ventrale. Le bouclier est formé par un os ovale et mince, affermi par-devant à la mâchoire inférieure , et par-der- rière à la membrane branchiale , où celle-ci se joint à ladite membrane. Il paroît destiné à soutenir la mem- brane des ouies; c^ue de tendres rayons 1 71 US. i Tom . /Y. /^açe xrÔ . j ■ 1 LU' l.KZARl) . 2.I.V. JOKl, . 3 .lA VAMKJ'. DÛ L É JÇ A R D. 179 n'appuient que foibkmeiU. Ce bou- clier pourroit faire la marque dislinc- tive des poissons de ce genre, si les autres saures en étoient également pourvus. Sa membrane branchiale contient trente-quatre rayons , la nageoire pec- torale en a dix-huit , la ventrale quinze, celle de l'anus seize , la queue trente , et la nageoire dorsale vingt-deux. La tète est comprimée, sans écail- les , longue et un peu applalie du haut. La mâchoire inférieure est plus longue que la si.périeurej et les deux mâ- choires , la langue et le palais sont ar- més d'un grand nombre de petites dents. Les os des lèvres sont longs , et le bord en est un peu dentelé. Les na- rines sont doubles, et tiennent le mi- lieu entre le museau et les yeux ; ceux- ci , presque verticaux , ont la pru- nelle noire , et l'iris double est jaune et rouge. Les opercules sont unis et composés de deux feuilles. L'onvei- l80 HISTOIRE NATURELLE ture des ouies est grande , et la mem- brane en est dégagée. La ligne latérale est droite et se termine au milieu de la queue. L'anus est une fois plus loin de la tête que de la queue, qui est four- cliue. D U J O EL. j8i L X^ G E N R E. ATHERINE, athektna. Caractère générique. Deux nageoires au dos, une raie argentine aux côtés. LE JOËL, JTHERINA HEPSETUS. Ce poisson est caractérisé par les écailles en lozanges , et les treize rayons de la nageoire de l'anus. La membrane des ouics contient trois rayons , la nageoire pectorale en a trei- ze, la ventrale six, celle de l'anus treize , celle de la queue vingt , la pre- mière dorsale huit , et la seconde dix. Le corps est tendu et comprimé , la tète sans écailles i l'ouverture de la iSa HISTOIRE NATURELLE bouche est granrlo ; la mâchoire in- férieare excède la supérieure, et les deux mâchoires sont armées de dents à peine visibles. Les os des lèvres sont larges, et les narines sont proches des yeux-, la prunelle est noire, et l'iris blanc. L'ouverture des ouies est large, et la ligne latérale est au milieu du corps. Les rayons sont mous et ramifiés. La première dorsale est opposée à la nageoire du ventre ,etlasecondeàcelle de l'anus. Les écailles sont minces et unies. Le dos est brunâtre, les flancs tirent sur le bleu , le ventre est argen- tin , et les nageoires sont grises. Ce poisson se trouve dans différentes mers ; Forskal le vit dans la Mer Rouge , Hasselquist à Smyrne , Gro- nov en fait un poisson de la Hollande, et Pennant un poisson de l'Angleterre. Duhamel cite différentes côtes de la France , où il se pêche. Biiinniche Ta trouvé à foison près de l'ile anglaise Slicppy, et dans le port de Marseille j et. D U J O E L. l85 Willu^liby l'a vu à Venise. Pcnnant ra- conte qu'on le pêche en grande quan- tité dans la mer près de Soulhampton , et qu'il ne quitte ces parages que dans les grands froids. Il fraie en Angle- terre , entre la fin de mars et le com- mencement de iuin, et c'est l'époque où l'on en voit le plus. Le corps de ce poisson est presque diaphane , et ses écailles se détachent facilement. Sa chair est bonne , et il se mange cuit ou frit. Les pêcheurs s'en servent en guise d'appât. On nomme ce poisson : En Angleterre^ Aiherine. A Southampton particulièrement , Smelt. TjU Hollande, Koornaairvich. En Danemarck , Salvbandet. En Suède, Silverfisk, l'n France , Prestrr et Atherine. A Marseille particulièrement , iSau- clet. A VcnisC; y^/igw^/^fl. 184 HISTOIRE NATURELLE AGhnes j Quenaro. En Sardaigne, Segi'eto. En plusieurs endroits de l'Italie, Aie- rina et Spillancosa. En Espagne , Aterina. En Portugal , Peic-Rey et Peixe-Rey. En Grèce ", Atherine. En Turquie, Inmisch Baluk, En Arabie, Keschkascli , Geschgusch, et Abu Kesckul. Et eu Allemagne , Kornahrenfisch, Gronov prend pour une même es- pèce et l'atherina et le liepsetus de Rondelet : mais comme les descrip- tions ainsi que les dessins sont si différens, je ne conçois pas comment on a pu, sans examen préalable, accu- ser Rondelet d'avoir détaillé et des- siné une même espèce de poissons, sous différentes dénominations. Le poisson dont parle Belon sous le nom d'atlierina (et dont il donne une copie, rapportant qu'à Venise il se nomme angella;Ct à Marseille, sau- D U J O E !.. 185 des ) , n'est pas le notre , car il n'a pas, comme lui , deux dorsales. Le des- sin ne répond pas non plus à la des- cription- celle-ci met la ventrale au milieu du corps, et celui-là la place sous les nageoires pectorales. Artédise trompe donc aussi , en prenant ce pois- son pour une variation de l'atlierina. Le prêtre d'Aunis de Duhamel sem- ble être notre poisson, vu qu'il a une raie argentine, et que la ligne latérale est placée au milieu du corps. Rondelet nous en a fourni la première copie , qui est assez exacte pour une gravure en bois. l86 HISTOIRE NATURELLE L X r (& E N R E. LE MULET, MUGiL. Caractère générique. Deux dorsales ; la mâclioire inférieure carinée en-de- dans, LE MULET, MUGIL cephjlus. Les lignes noires , parallèles au corps, font la marque distinclive de ce pois- son. Les membranes des ouies ont six rayons, la nageoire de la poitrine eu a dix-sept , celle du ventre six, celle de l'anus douze , celle de la queue seize, la première dorsale en a quatre, et la seconde en a neuf. La tête est large par en haut , com- 'o//t ■ // /'^Ijr/e /8o\ i 1,K MULF/r. ■±. \,\\ TAN G ifl^-T |T -nv ...3ITY ^ USA DU MU LE T. 187 primée des deux côtés, et toute cou- verte d'écaillés. Ces dernières sont grandes, particulièrement celles du tronc , et à chaque rangée de ces écail- les on apperçoit une des lignes men- tionnées. L'ouverture de la bouche est petite; les mâchoires sont d'égale lon- gueur et armées de fort petites dents. Au milieu de la mâchoire d'en-bas, en-dedans, on apperçoit une espèce de coin ou de quille , qui emboîte dans la cavité de la supérieure. Les lèvres sont charnues ,1a langue est rude, et dans la gorge il y a deux os en forme de râpe. Les os des lèvres sont étroits et se terminent en pointes recourbées. L'os de la tête se termine en plu- sieurs pointes , comme aux milans. L'ouverture des ouics est large, leur membrane est libre, et au côté inté- rieur de l'opercule de devant , on ap- perçoit une dcmi-branchie. L'anus est une fois plus éloigné de la tète que de la nageoire de la queue. La première l88 HISTOIRE NATITRELLE nageoire du dos n'a que des rayons durs ; celles du ventre un , et celle de l'anus trois- tous les autres rayons sont mous et ramifiés. Les bases de la na- geoire de l'anus, de celle de la queue et de la seconde du dos, sont couvertes d'écaillés. Le dos est brun, les flancs sont rayés de noir et de blanc , le ventre est ar- gentin , et les nageoires sont bleues. Ce poisson se trouve dans toutes les quatre parties de la terre. M. Pennant en fait un poisson anglais , Gronov un poisson hollandais , Cetti un sardinien et un napolitain, Jovius un poisson romain, Willugliby un génois et un vénitien , et Forskal en fait un pois- son de Malte, de Turquie et d'Arabie. Duhamel le dit habitant de plusieurs rivières et côtes de France. Hassel- quist le trouva à Smyrne, et en grande quantité dans le Nil, Viilentyn le trou- va aux Indes orientales, Brown à la Jamaïque , et Plumier aux îles An- D U M U L E T. 1 89 tiiles. Ce poisson est du nombre do ceux qui , dans de certains temps, passent de la mer dans les rivières. Il se montre par multitudes à la superfi- cie de l'eau près des cotes, sur-tout près des emboucliures des rivières. Quand les pêcheurs voient que l'eau paroit bleuâtre, ils savent d'abord qu'il y a une grande quantité de ces poissons. Ils les entourent alors, aussi- tôt que possible , et tâchent en les res- serrant avec leurs filets, de les: ras- sembler dans un circuit étroit ; isela se fait peu à peu et avec un grand bruit ; mais si les poissons s'apperçoi- vent de la ruse , ils cherchent une issue au-dessous du filet , et s'il réussit à quelques-uns de se sauver; toute la bande suit. Si le poisson ne Irouvo point d'issues par en-bas , il se sauve en sautant par -dessus le filet; et il n'arrive que trop souvent que le pê- cheur , d'une bande qu'il estimoit à cinq cents , n'en prenne qu'à peine Poissons. VI. 17 3 90 HISTOIRE NATURELLE une douzaine. Mais l'homme qui sait se rendre maître des animaux les plus rusés , n'a pas non plus été inaclif dans ce cas- ci ; les pêcheurs de Bausigues ont inventé un iilet , où le poisson saute lui-même et se trouve dans le piège. Ils attachent, au filet ordinaire, ce iilet , qui est fait en forme de sacs ou de verveux. Ils nomment ce filet sautade ou cannât. Duhamel en a don- né une ample description. Ce poisson , dans les mois de mai , juin et juillet , entre dans les rivières, et comme le saumon, il y remonte fort haut vers leur source. Près de l'em- bouchure de la Loire on remarque de deux sortes de ces poissons . quant à la couleur ; il y en a de couleur pâle et de couleur foncée. Ces derniers restent toujours dans la mer , les premiers sont ceux qui remontent les rivières. Comme il est très-connu que certaines sortes de poissons n'entrent dans les rivières, que principalement pour cou- D U M U L E T. 1 9 î tJnuer leur race , il ne seroit pas inu- tile d'examiner exactement , si ceux qui restent dans la mer, forment une espèce séparée , ou , si le penchant à la propagation n'est pas encore déve- loppé en eux. L'eau douce convient forl bien au mulet \ c'est pourquoi on préfère celui de l'eau douce à celui de la mer, parce qu'il est plus gras que celui-ci. On peut les transplanter dans les lacs qui ont un fond de sable. On les cuit ordinairement au bleu , et on les mange avec de l'huile et du jus do citron. On les fait aussi frire. Quand la. pèche de ce poisson est abondante , on sale et on fume ce que l'on ne peut pas manger frais. On fait , des œufs de ce poisson, une espèce de caviar, qui est connu sous le nom de boutargue. Voici comment on l'apprcle : dès que le poisson est ouvert, on en prend les œufs ou la résure ; on singe cette ré- sure avec du sel ; après quatre ou ciiu] heures on la presse entre deux plan - 192 HISTOIRE NATURELLE ches ponr en faire sortir l'eau ; ensuite on la lave avec une légère saumure et on la fait sécher au soleil. Com me cela se fait , ainsi qu'il a été dit, pendant les mois d'été , ce caviar se trouve parfai- tement sec dans huit ou quinze jours; la nuit , on a soin de le mettre à cou- vert , crainte qu'il ne souffre de la pluie ou de la rosée. Ce mets est fort estimé en Provence et en Italie. Ce poisson , ainsi que la carpe , se nourrit de plantes et de vers. Le péritoine est noir , Testomac petit et charnu , le canal des intestins fait plusieurs sinuosités , et l'on re- marque sept appendices près de son ouverture. La rate et le foie sont gros, et la laite , ainsi que la résure , est double. Ce poisson est nommé : Par les Anglais , Mnllet. Par les Hollandais , Harder et Har". derçisch. D U M U L E T. 1 9.'5 Par les Allemands , Harder et Gross^ kopf. Par les Français , Mulet , Meuille. Par les Marseillais , Mugeo , Mujou. A Malte , Caplar. A Rome , Cefalo. A Venise , Cievalo. A Gènes, Muggine nero , Capo grosso, et Saltatore, En Sardaigne , Muggini , Cefalo , Oz- zûM^ , Cumula , Lissa et Concordita» En Arabie , 5wri et Mukschen, En Turquie , Kefal-Baluk. Aux Indes orientales , Baluna , Blanoi/ et Harder. Il est aussi connu £0U3 ce dci*niep nom à la Jamaïque. Selon Gronov , le paroli des Brasi- liens doit être notre poisson j mais , comme Marcgraf en a fait une descrip- tion si courte , que l'on n'y trouve que le seul nom hollandais harder , qui se rapporte à noire poisson^ le cas res- 194 HISTOIRE NATURELLE tera bien indécis, jusqu'à ce qu'un naturaliste en ait fait l'examen. A la deinaufle de Brown , si le ihyn- nus de Willughby est notre poisson , on peut hardiment répondre que ce ne l'est pas. Bien au contraire , c'est le salmo tliymalus , comme on peut le reconnoître clairement à la naiieoire adipeuse. Dans l'ouvrage de Klein , il faut qu'il y ait : Willughby tab. R. 3. fig. 4 ; au lieu de tab. R. 4. fig. 4. Noire poisson a été décrit avec beau- coup de détail par Willaghby, Artédi , Gronov , Pennant et Duhamel ; mais aucuiï d'eux n'a détaillé ^ comme il Iq, falloit , toutes ses parties. '!^t)«s.j, ex- cepté Gronov , lui refusent les dents. Linné fait mention d'une petite dent recourbée qu'il a dans le coin de la bou- che , et Duhamel l'a aussi représentée dans son dessin ; mais ce qu'ils ont pris pour une dent , n'est rien moins qu'une denl y c'est un os des lèvres , qui dans D U M U L E T. 195 ce poisson-ci est étroit et rond , au lieu que clans d'autres, il est ordinairement large. Mais , comme cette paiticula- rite ne se montre que dans un |X)isson sec , on voit clairement par - là , que ces deux auteurs n'ont eu à examiner qu'un poisson séché. Gronov et Duhamel sont tombes dans une autre erreur : le premier a pris la petite cavité osseuse et dente- lée de la tête pour une lame séparée, et le second l'a prise pour un petit os dentelé et séparé. Pline a fait encore pis , il lui a assigné un usage assez sin- gulier : il dit , que ce poisson se trou- » vaut njenacé de quelque danger , fourre la tête dans la terre , et se sert de cet os comme d'une ancre. Les milans ont , de même qne ce poisson -ci , la cavité de la tctc dentelée de pointes. 196 HISTOIRE NATURELLE LE T A'S G . MTfGIL TANa. y liA petite bouclie et les opercules nus , font clistinguer ce poisson. La membrane branchiale contient six rayons, la nageoire pectorale en a douze , la ventrale six, celle de l'anus onze , celle de la queue seize , la pre- mière dorsale quatre, et la seconde neuf. La tête est étroite et déclive , la bon* elle et l'enveloppe ou l'os de la tète, sont formés comme chez le précédent. Les narines sont doubles , la prunelle est noire , l'iris est blanc et jaune. La membrane branchiale est cachée sous son ample ouverture. Les grandes écailles sont marquées au milieu par une tache longue et jaune. L'anus est une fois plus proche de la queue que do la tête. Le premier rayon de la nageoire du ventre , ainsi que de celle de l'anus , est dur, comme tous ceux de la pre- DU T A N G. 197 mièrc dorsale , les autres sont mous et ramifiés. Le dos est brun , les flancs sont blancs , et les nageoires sont d'un brun jaunâtre. Le docteur Tsert m'a envoyé ce pois- son d'Acare sur les côtes de la Guinée. Il vit dans les fleuves , sa chair est grasse et de bon goût. Sur lesdites côtes, ce poisson se nomme tang , nom qui se prononce facilement dans toutes les langues européennes. Le missionnaire John m'a envoyé une variété de ce poisson de Tranque- bar , très-ressemblant au tang , et qui n'en diffère que dans les points sui- vans : 1°. La tcte plus petite. !2°. Les yeux plus verticaux. 3°. Les narines plus écartées l'une de l'autre. 4°. Les os des lèvres plus étroits. 5*^. Les écailles n'ont qu'une ligne jaune. 398 HISTOIRE NATURELLE 6^. Les opercules moins grands et écailleux. 7°. La nageoire du dos est plus basse, 8°. La nageoire de l'anus a un rayon de plus. 9°. Sa couleur est beaucoup plus claire. LE PLUMIER, IHUGIL FLUMIERI, r Le grand orifice de la bouche , carac-*^ térise ce poisson. Le dessin de Plumier qui me sert de modèle , ne m'indique point les rayons de la membrane des ouies , mais j'en compte dans la nageoire de la poitrine douze , sept dans celle du venlre , dix dans celle de l'anus, neuf dans celle de la queue, et quatre dans celle du dos. La tête est plate et écailleuse jus- qu'aux opercules , les mâchoires sont d'une longueur égale, et armées d'une rangée de très-petites dents. La prtv- I) tr PLUMIER. I9(j nelle est noire, et l'iris orange. L'ou* vertnre des ouies est large , et la mem- brane n^en est couverte qu'en partie. Le tronc est gros , charnu et écail- leux , et l'anus est une fois plus pro- che de la queue que de la tête. Les l'ayons de la dorsale sont simples, mais ceux des autres nageoires sont ra- mifiés. Le jaune est la couleur dominanlo de ce poisson. Plumier le trouva dans les rivières do l'île Saint-Vincent j il le dit gras et délicat. Les habitans de l'ile le nom- ment atoulri , et les Français de l'iîe le nomment mulet doré. Les Alle- mands lui donnent l'épithète de wcit- mund; et les Anglais lui donnent la nom de plumiers mullet. 200 HISTOIRE NATURELLE LXII^ GENRE. DES POISSONS VOLANS EN GÉN ÉRAL, EXOCOETUS. Caractère génér. Les nageoires pecto- torales anssi longues que le tronc. liES pectorales alongées jusqu'à la nageoire delà queue font aisément con- noître les poissons de ce genre , étant les seuls de la classe abdominale qui en soient pourvus. A ce caractère distinc- tif il faut joioflre encore les propriétés suivantes : \°. Ces poissons ont la membrane des ouies appuyée par dix rayons. DES POISSONS VOLANS. 2ot 2f>. La.tête.en est toute couverte d'é- cailles. 3". La ligne latérale , qui est voi- sine du ventre , ne prend pas au-des- sus , mais au-dessous de l'opercule. 4°. Les yeux n'ont point de mem* brane clignotante. 5*^. La mâchoire supéiieure , ainsi que l'inférieure, est munie d'os de lè- vres, qui se joignent aux angles. Linné lie peut entendre que ces os-là , lors- qu'il dit dans son Système de la Na- ture , que les mâchoires sont connexes. S'il eût voulu entendre proprement les mâchoires , il n'auroit pas , en parlant des poissons , allégué une chose qui est propre , non-seulement à tous les pois- sons , mais encore à toutes les créa- tures. 6'"'. La partie inférieure de la queue qui est fourchue, est plus longue quô la partie supérieure. 7°. Le corps est carré. 8°. Ils ont dans l'intérieur de la hou* Poissons, VI, là 20-2 HISTOIRE NATURELLE che aux deux mâclioires une mem- brane ample *, quand on y souffle l'air par l'ouverture branchiale , ces deux membranes se joignent , et fer- ment la bouche quoiqu'ouverte. Cet aiTangement qui forme un réservoir d'air , sert à faciliter le vol de ces poissons , comme il facilite celui des oiseaux. 9°. Les ventrales très-distantes l'une de l'autre , n'ont que six rayons. 10°. Tous les rayons sont flexibles. Ces poissons s'élèvent dans l'air , et ils ont la faculté de s'y maintenir quel- que temps. C'est celte faculté qui leur a fait donner le nom de poissons volans , et c'est elle encore qui remplit , dana renchaînement des animaux , le vide entre les poissons et les oiseaux. Ils s'élèvent ordinairement de deux ou de trois pieds au-dessus de l'eau , tenant le corps dans une attitude verticale • mais leur vol se borne à deux ou trois cents pas : car les ailerons une fois se- DES POISSONS VOLANS. 20.5 chcs , la membrane mince se rétrécit , et ce rétrécissement arrête leur vol, B'air étant plus ou moins sec, la dis- tance de leur vol en est plus ou moin» Grande. Leur élévation dans l'air est occasionnée par les poissons carnivores etlesanimaux auxquels ils tâchent d'é- chapper. Leurs principaux ennemis fiont les dorades ( i ) , plusieurs espèces de requins , le thon ( 2) , le bonnet (3) et le marsouin (4). Néanmoins ces créatures innocentes trouvent encore dans leur nouvel élé- ment des persécuteurs dans les oiseaux aquatiques etdans les oiseaux de proie, qui les y attendent. On peut compter parmi ceux-ci le fou blanc (5) , lafré- (1) Coriphaenti Hippurus. (2) Scoiiîber Thynnus. (3) Scomber Pelamîs. (4) Delphinus Pliocœna. (5) Pelecanus Piscator. 2o4 HISTOIRE NATURELLE gâte (1) et le grand paille-en-queue (2), qui contraignent ces poissons de recou- rir à leur premier élément, ou même aux hommes , cherchant un refuge sur les vaisseaux qui passent ; mais ici leur sort est également funeste , car ils sont fcons à mançer. Les contrées chaudes de toutes les parties de la terre produisent ces pois-^ sons voîans. Les deux Indes , la Mer Rouge et la Méditerranée en fournis-» sent au pêcheur. De temps en temps on en trouve d'isolés dans les contrées du Nord , notamment dans le Canal ou, Pas de Calais , où ils ont été probable- ment lancés par un orage , vu que leur vol prend toujours la direction du vent. Pendant ces passages, il arriver souvent qu'ils tombent sur les vaiti- seaux. Les anciens naturalistes nous pax-^ ( 1 ) Pelecanus Aquilus. (2) Phaeton gethereus* 1>ES POISSONS VOLANS. 2o5 lent à la vérité d'un poisson volant ; mais l'on ne sauroit décider si c'est l'a- rondelle de mer ( i ) on quelqu'un de ces poissons volans , parce que l'on n'en a, ni des descriptions exactes, ni de bonnes copies. Brown nous a laissé la première représentation d'un poisson volant (en i553). L'année suivante ( i554 ) , Rondelet et Salvian firent , sous des noms dilFérens , une nouvelle description d'un poisson , qui est notre muge volant (2). Le premier de ces- auteurs lui donne le nom de mulet iso- lant ou ailé f et l'autre celui A^hiroii" délie de mer. Comme ces dessins sont tous très-défectueux , les icbthyulo- gistes suivans en ont fait tantôt uno seule et même espèce, tantôt plusieurs espèces. Après ces auteurs , Pison fit l;i description d'un poisson volant du Bré- sil. Ces deux espèces étoient connues, ■ I II. Il (1) Trigla volitaus , Linn. (2) Exocoetus exiliens , Linn. 2o6 Histoire naturelle lorsqu'Artédi publia son système icli- thyologiqiie. 11 assigna bien un genre particulier aux poissons volans , sous le nom à^exocoetus , en leur donnant pour caractère distinctif les pectorales alongées j mais il allègue, dans sa Sy- iionj^mie , deux poissons , dépourvus non- seulement de pectorales alongées, mais encore de toute ressemblance avec nos poissons. Mon assertion gagne de l'évidence , dès qu'on examine le dessin de l'un de ces poissons dans Rondelet , et celui de l'autre dans Jouston. Il décrit le vrai poisson vo- lant comme une variété , comme on peut le voir par les auteurs cités , et il passe sous silence le poisson de Pison. Linné assigne pareillement un genre particulier à ces poissons, sous les dé- jsominations adoptées par Artédi , et il en forme deux espèces ; mais le carac- tère pris de la structure ronde ou an- gulaire du ventre, est tellement sujet a caution, qu'il doute lui-même de sa DES POISSONS VOLANS. 20/ qualité clisliàictive. La ligure angulaire du ventre de ce poisson provient de la ligne latérale , voisine du ventre , et formée par des écailles courbées, ai- jTuës et dures. Le ventre qui se gonfle pendant la fraie , s'arrondit , et les angles disparoisseut. Il croit avoir dé- crit une espèce nouvelle dans le second supplément de son Système de la Na- ture , et il donne à cette espèce les longues ventrales pour marque carac- téristique. C'est le même poisson que nous avons connu dans les ouvrages de Belon , Salvian et Rondelet. Linné se trompe aussi , en posant pour carac- tère dislinctif de ces poissons, la bou- che édentée , car celui dont nous ve- iions de parler est armé de dents. Sco- poli,Leske et Forster ont épousé la juéme erreur. Klein n'a pas mieux 3'éussidans l'arrangement des poissons volans. Il n'en adopte qu'une espèce, à laquelle il re l'use les dents, et cepen- dant il l'a rangée parmi les brochets. 2o8 HISTOIRE NATURELLE Parmi les auteurs modernes , Forskal croit faire la description d'une espèce nouvelle ; mais sa dénomination de non volitans prouve que sa place n'est point ici. Il faut croire qu'il n'a eu qu'un poisson malade pour exem- plaire , car il dit lui - même qu'il n'a- voit que la peau et les os. Plus tard, nous avons reçu des des- sins originaux de poissons volans; sa- voir de Catesby , Brown , Hottuyn , Pernetti , Bonnaterre et Renard , qui en ont donné chacun un: Valentyn en a décrit deux , et Duhamel quatre. Mes recherches no m'en ont fait distinguer que les deux espèces men- tionnées. La première a les ventrales près de la nageoire de l'anus , et elles sont grandes ; l'autre les a près de la poitrine , et elles sont petites. Comme je puis en produire une troisième dont les nageoires prennent le milieu du ventre., il faut que je fasse de ctlui- ci une espèce nouvelle. 11 se peut ce- DES POISSON» VOLANS. 203 penclant que Renard , Pcrnelli , Ca- tesby ou Bonnaterre aient eu devant eux ce même poisson , car les dessins ne contenant point les nageoires du ventre , cette matière reste indécise. Il est vrai qu'une des figures de Dulia- mel représente les nageoires au milieu du ventre ; mais comme elle ajoute en- core une seconde nageoire du dos, et qu'elle omet la ligne latérale , l'on voit d'abord combien peu l'on peut se fiera un pareil dessin. Iludbeck croit que le selav des Israé- lites est un poisson volant-, cependant Linné en doute avec raison, et d'après ce que nous avons déjà dit de l'his- toire de ce poisson , savoir, que ne so montrant qu'en petite quantité au- dessus de la surface de la mer, et quo son vol étant borné à de petits espaces, il est aisé de concevoir que les Israéli- tes , si avides de viande, n'ont pu so contenter d'un semblable poisson. Avant définir cet article, je citerai 2!0 HISTOIRE NATURELLE ici une relation de Plumier , qui mé- rite une recherclie plus scrupuleuse. Son manuscrit rapporte , que les œufs du poisson volant étoient d'une âcreté qu'on ne pouvoit pas en avaler la moin- dre parcelle,vn que leur goat mordicant détaclioit à l'instant même, etparfila- mens , la peau de la langue et du pa- lais. Comme la description ne fixe pas l'espèce qu'il entend , ce aeroit par conséquent un objet digne d'une re- cherche locale à faire , afin de vérifier le fait sur les lieux même , qui sont les Antilles , et d'examiner si la chair de ce poisson n'est pas également nuisible, et si cette qualité naît d'une ceilaino nourriture , ou si la nature n'a donné cette proprié té qu'aux œufs de ce pois- son , afin de les garantir contre les em- bûches, et d'en faciliter la propaga- tion ; enfin de savoir en quoi consiste celte nourriture venimeuse. Après avoir parlé en général de ces genres de poissons , je procède main- 7bm . M 1 TiE MUGK volaiu . :i. I-K POISSON \ OLA\T. • 3. I/EXOCKT uiétoiicu. 1 DU M U G F VOLANT. ail tenant à la description particulière de ceux que je possède. LE MUGE VOLANT, EXOCOETVS EXILIENS. Les ventrales longues et voisines de l'anus fournissent le caractère dis- tinct! f de ce poisson : ces nageoires vont d'ordinaire jusqu'à la base de la nageoire de la queue. Ce poisson se dis- tingue encore par sa bouche année. Je compte dix rayons dans la mem- brane des ouies , dix-huit à la nageoire de la poitrine , six à celle du ventre , douze à celle de l'anus , vingt-deux à la queue , et onze à la dorsale. La tête est comprimée , large du haut , étroite du bas , et couverte de grandes écailles qui se détachent aisé- ment. La bouche est petite , la mâ- choire inférieure est la plus longue, et les deux mâchoires sont munies d'une rangée de petites dents pointues, dont s 12 HISTOIRE NATURELLE Celles de la mâchoire infériieure sont ïes plus petites. Les narines sont gran- des , divisées au milieu par une paroi , et plus voisines des yeux que de Tex- trémité de la bouche. L'ouverture branchiale est large , et la membrane n'est cachée qu'en partie. L'opercule I postérieur est composé de deux feuil- \ les.Lesyeux sont grands et verticauxjla I prunelle est noire et l'iris argentin. Le i tronc est quarré jusqu'à la queue , et J couvert de larges écailles. Les écailles ^ de la ligne latérale ont une quille au i milieu , et elles forment les bords aigus j des deux côtés du ventre. Les côtés et î ]e ventre sont argentins , le dos est bleu» t et les nageoires sont grises. L'anus est une fois plus éloigné de la tête que de * la queue. Ce poisson habite par préfé- j rence laMéditerranée et laMer Rouge. ! Wilhighby le découvrit dans la Calabre, \ et Rondelet rapporte qu'on le trouve , en quantité à l'embouchure du Rhône. ; Salvian dit qu'il est très-rare à Rome. : DU MUGE VOLANT. 2lo^ Il a la chair grasse , et l'on prétend qu'il est plus délicat que le hareng. H vit de vermiage et de plantes; il se multiplie à l'infini , et sa taille va à près d'un pied et demi. Le poisson dont parle Duhamel avoit seize pouces. Ce poisson est nommé : Aux Indes orientales , Ikan Terhang Berampat Sajap. En Arabie , Dierâd elhahr. A Dscliedda particulièrement , Gha^ tara. A Mokha , Sahari. En Angleterre , Swallow-Fish. En Hollande , vliegende Vish et vlie- gende Harder. En France , Muge volant et Hirondelle de mer. A Marseille particulièrement , Len- dola. En Italie , Rondine et Pe.33 paradis. On le prend au filet et à la ligne y il vit de poissons et de crusta- cécs. Ce poisson est nommé : Par les Anglais , Fish of Paradis. Par les Allemands , Paradies-Fisch. Par les Français , Poisson de Paradis. Nous en devons le premier dessin à Edward ; ce dessin est fidèle, et Bon- naterre l'a copié. 234 HISTOIRE NATURELLE LXIV GENRE. LE HARENG, clupej. Caractère génér. Le ventre tranchant et serré ; sur la tête une cavité oblongue et pointue des deux côtés, en forme de nacelle. EE HARENG, clufea harengus, LiE hareng du nord , ou le stromling de la Baltique, se distingue des autres poissons du même genre par l'avance- ment de la mâchoire inférieure , qui est recourbée, et par les dix. -sept rayons de la nageoire de l'anus. On trouve huit rayons à la membrane des ouies, dix-huit à la nageoire pecto- rale , ainsi qu'à celle de la queue et du dos , et neuf à celle du ventre. ont . FT. I^aae a<3^ , Devt.rJ^ ifcfi/p i,l,K IIAUKNO . 1 LA SARDÎNV ■^. i/Ai.(^si', . + i/ANcnois . r«r7 ] "Y DU HARENG. 235 La tête est petite, l'œil grand, l'iris argentin , et la prunelle noire. L'ou- verture de la bouche est petite , la langue courte , pointue et garnie en- dedans de petites dents. Les opercules des ouies offrent ordinairement une tache violette ou rouge , qui disparoît bientôt après la mort du poisson. Le dos est épais , rond et noirâtre : la ligne latérale, qui en est proche , est à peine visible •, les côtés sont argen- tins. Hors le temps du frai , le ventre est tranchant et dentelé. Toutes les nageoires sont grises et petites , excep- té celle de la queue , qui est fourchue et grande. Ce poisson d'un usage si général , qui cstservi également,etsur la table pom- peuse du riche et dans la cabane da pauvre , fut connu il y a long-temps de nos ancêtres. Mais ils n'en liroient pas tout le profit que nous en tirons depuis quelques siècles : il n'étoit pas pour eux, comme pour nous, une 236 HISTOIRE NATURELLîî branche si considérable de commerce ;, parce qu'ils ne savoient pas le préser- ver de la corruption , comme on P.i fait depuis par le moyen du sel de mer. Vers la fin du treizième siècle , le ha- sard offrit à Guillaume Beuckel , bon brabançon (i) , ce secret qui fait vivre tant de gens , comme il avoit offert à Schwartz la poudre à canon, qui en fait périr un si grand nombre. Le des- sein de Beuckel étoit sans doute de gar- der ce poisson pendant quelque temps; ce qui le conduisit à trouver la manière de les encaquer avec du sel de mer. A force de soins et de réflexions, on est parvenu à perfectionner sa méthode, et à la porter à la perfection oii elle est aujourd'hui. Ce bienfaiteur du genre (i) D'autres prétendent que ce secret fut trouvé par un pêcheur écossois , qui a3'ant quitté sa patrie par dépit, avoit appris aux Flamands le secret d'cncaquer les harengs. Les harengs de la Flandre eurent pendant long-temps une grande réputation. DU II A 11 E N G. 2.37 îiumain, méritoit bien l'attention de rcmpereur Charles v , qui , cent cin- quante ans après samort , célébra celte invention , en mangeant un liareng sur son tombeau. Cette invention est d'autant plus importante, que c'est en lui-même un poisson mou et gras, que l'on prend sur-tout dans les plus gran- des chaleurs de l'été , et qu'il se gâte- roit bientôt sans cette précaution. Nous trouvons ce poisson dans l'O- céan septentrional, et dans la mer du Nord et la Baltique , qui y communi- quent, aussi bien que dans l'Océan Atlantique , où il habite les fonds , d'où il sort partie dans le printemps , partie en été ou en automne, pour ve- nir trouver les endroits rudes et escar- pés des bords dans les embouchures des ileuves , afin d'y frayer ou d'y cher- cher sa nourriture. C'est une opinion assezgénerale ,que pendant l'hiver les harengs se retirent dans la mer Glaciale , et que de-là ils Poissons. VI. 21 .-238 HISTOIRE NATURELLE entreprennent de grands voyages dans les parties méridionales de l'Europe et en Amériqne. Voici ce qu'en disent Dott , Anderson , Duhamel et Bomai e. liCS harengs effrayés de la quantité d'ennemis qui les poursuivent, se reti- rent dans la mer Glaciale , où ces en- nemis ne peuvent vivre sous la glace , parce que l'air leur manque. Mais comme ces poissons se multiplient pro- digieusement dans celte mer, ils sont obligés , faute de nourriture , d'envoyer des colonies au commencement de cha- que année. Ces colonies sortant de des- sous la glace , s'étendent dans une lar- geur de quelques centaines de milles ; mais comme ils trouvent dans leurs routes une grande quantité d'ennemis qui les attaquent, ils sont dispersés y et se séparent en deux ailes : la droite tire vers l'occident , et la gauche vers l'orient. Les premiers se pressent les uns sur les autres, et cherchent nn asyle vers les côtes d'Irlande , où ils DU HARENG. 2^9 arrivent au mois de mars : puis ils tour- nent du côté de l'occident, et arrivent au bani; de Terre-Neuve. On ne sait pas précisément où ils vont ensuite. Les autres au contraire , prennent leur route vers le sud, et se divisent en deux: colonnes, dont l'une descend le long des côtes de Norwège dans la Baltique par le Sund et le Belt ; mais l'autre passe à l'occident , vers les îles Orcades et Hitland. Là, cette dernière colonne se partage de nouveau : une partie tourne vers l'Irlande et l'Ecosse \ puis tournant autour de l'Irlande, entre dans la mer d'Espagne , et passe par le canal pour aller gagner les côtes des Pays Bas. L'autre partie suit les côtes orientales de l'Ecosse et de l'Angle- terre, et passe dans la mer du Nord , o\x les deux colonnes se réunissent. Ces grandes tronpes (le harengs en envoient de tous côtés de plus petites, c'est-à- dire sur les côtes de la France, du Bra- bant , de la Flandre , de la Hollande , 0.^0 HISTOIRE NATURELLE de la Frise, de la Zeelande, vers les côtes de lloistein , Brème , Lubeck , Pomé- ranie , Suède , Danemarck et Livonic, Enfin après s'être oiFerts aux hommes de toutes ces contrées , ils se rémiissent dans la mer du Nord , et disparoissent. Du moins n'en trouve-t-on plus au- cune trace sur les côtes d'Europe ; et l'on croit qu'ils retournent dans kur patrie. Quoique ce récit soit ingénieux et tienne du merveilleux , et qu'il ait été assez généralement reçu j je ne saurois pourtant m'empêcher d'y opposer quel- ques doutes , que je laisse à la décision des sa van s. 1 *'. Il n'est pas vrai qu'une aile doivo aller tous les ans vers l'Islande; car riorrebow , qui a demeuré quelques années dans cette île , assure qu'il se passe souvent plusieurs années sans qu'on y découvre aucune trace de ha- reng. Selon OlaJBTcn, Egède et Otto Fa- hiicius , ce poisson se trouve rarement DU HARENG. 24 1 sur les côtes de celte île ; et cela est Ircs-vraisemblable , car si les harengs s'approchoient vers cette île , le goii- Tcriiemcnt danois, qui est si attentif à tirer parti de la pèche , ne manqueroit pas de faire faire aussi celle là. 2°. Il n'est pas possible que dans un si court espace de temps , c'est-à-dire , depuis le prinletnps jusqu'en automne, ils puissent faire un trajet de plusieurs milliers de milles; car il est certain , comme je l'ai déjà dit ailleurs, que , dans l'eau douce , un poisson ne peut guère faire plus d'un quart de mille , ou tout au plus un demi - mille, dans l'espace de vingt-quatre heures. Lelia- reng en doit faire encore bien moins dans les eaux salées, où il a à com- battre. 3°. On trouve des Iiarcngs pendant tnule l'année : on commence , par exemple , à les pécher en grande quan- lilé dans la Pomérariie suédoise, de- puis janvier j usqu'en mars , et dans plu- '2hl HISTOIRE NATURELLE sieurs endroits de la Baltique , depuis mars jusqu'en novembre : c'est ce qui arrive aussi pendant ce dernier temps en Norwège. On les prend aussi en grande quantité aux environs de Golli- land, depuis octobre jusqu'en décem- bre; et les Français les prennent jus- qu'à la fin de l'année. On les trouve aussi pendant toute l'année sur les côtes d'Angleterre, et les pêcheurs de Scarborough ne tirent jamais leurs filets sans trouver quelque hareng par- mi les poissons qu'ils prennent, lit lors- que les pêcheurs hollandais ne sont pas contens de leur pèche, ils la continue ut jusqu'en février sur les côtes d'Ecosse. Dans le nord de la Hollande , c'est-à- dire , vers Enkhuisen^ Monckendani et Hoorn , on pêche le hareng en fé- vrier j mars et avril. Enfin on en pêche aussi en Suède au milieu de l'hiver. 4o. Si ces poissons viennent en trou- pes du pôle arctique, pourquoi la pins petite espèce tournc-t-elle du côté Je DU HARENG. 2^5 la Baltique , et la plus grosse vers la mer du Nord? 50. Si les baleines poursuivoient les harengs, pourquoi feroient-ils encoro plusieurs centaines de milles de plus qu'il n'est nécessaire , pour éviter ce danger ? La vue de cet animal , ou le bruit alTrcux qu'il fait , selon M. Strohm , leur inspireroicnt - ils donc une crainte assez forte pour qu'elle piit durer long-temps après que le danger est passé ? Et dans ce cas , je ne vois pas pourquoi ils viendroieiit s'exposer de nouveau, en retournant, en hiver, à la poursuite de ce terrible ennemi. 60. Si les harengs venoient du nord , les pêcheroit-on pendant tout l'été on si grande quantité en Norwègc ? iSe les trouveroit-on pas, comme les oi- seaux de passage , en quantité dans quelques saisons, et rarement ou point du tout dans d'autres? 70. N'aurions- nous pas aussi alors des traces de leur retour ? Et snpposj 244 niSTOlRE NATURELLE qu'ils ne s'approchassent pas des côtes ^ les oiseaux , les chiens rie mer , le ca- bliau et la baleine , qui les poursuivent sans cesse , ne serviroient-ils pas à les déceler ? 80. Si c'étoit seulement le manque de nourriture qui forçât les harengs à en- voyer des colonies , pourquoi cela ar- riveroit - il toujours dans le même temps et dans la même saison? Est-ce que leurs provisions finiroient tou- jours précisément à la fin de l'année ? 90. Si les baleines les poussoient en troupes dans les baies , pourquoi les trouve-t-on en troupes dans les mê- mes endroits , dans la mer du Nord et dans la Baltique , oix il n'y a point de ces animaux terribles ? Mais toutes ces difficultés sont le- vées, si nous observons attentivement la nature dans toutes ses opérations. îiCS harengs ont cela de commun avec tous les autres poissons, qu'ils quittent leur séjour ordinaire dans le temps du DU HARENG. 245 frai, et qu'ils clicrclient des endroits où ils puissent frayer commodément. Ainsi ils sortent comme les antres, du fond, afin de trouver des endroits unis, rudes et escarpés par l'action des cou- rans , et d'y pouvoir frayer. Voilà pourquoi, dans ce temps, lorsque la pêche est la plus abondante, le mâle a )cs laites liquiJes et la femelle les oeufs séparés. Le temps du frai approche, et c'est ce penchant , et non la peur des baleines , qui les attire dans ces en- droits. Comme tous les autres poissons , ainsi que je l'ai dit dans plusieurs en- droits, ils fraient par par lies en trois dif- férens temps, ordinairement selon leur âge • d'ailleurs, comme le temps du frai du même poisson arrive tantôt plutôt, tantôt plus tard , selon la température de l'eau et de l'air , il est aisé de conce- voir pourquoi le hareng paroît en dif- fércns temps. Par exemple , dans Ja Baltique et sur les côtes de Norwège , on voit paroîlre, au printemps , une 9AG HISTOIRE NATURELLE petite espèce qui vient y frayer; en été , il en vient une plus grosse ; en au- tomne , on en voit venir encore une petite, qui est pleine d'œufs et de lai- tes, et qui est par conséquent sur le point de frayer. C'est ce qui arrive aussi sur les côtes d'Ecosse. Voilà aussi pourquoi les marchands de harengs hollandais divisent cette marchandise en trois qualités, qu'ils appellent 7m- rengs vierges, harengs vides et Jiarengs pleins. Ils appellent harengs vides , ceux où l'on ne trouve ni laites ni œufs; harengs vierges , ceux dont la laite et les œufs sont liquides, et ha- rengs pleins , ceux dont le corps est plein de laites ou d'oeufs. Les harengs vides ne sont autre chose que ceux qui ont frayé au printemps , et les harengs pleins, ceux qui le font en automne et en hiver, au lieu que les harengs vier- ges fraient en été. 11 est donc décidé que les poissons de mer ou de lac, qui remontent au printemps dans les fleu- DU HARENG. 24? res ou dans les rivières, ne reviennent qu'en automne à l'endroit de leur sé- jour ordinaire. Voilà sans doute aussi le cas dos harengs, et voilà pourquoi ils se dispersent dans plusieurs endroits en hiver. Il est possible aussi que le ha- reng , qui est un petit poisson de mer, fraie plus d'une fois dans l'année , comme plusieurs petits poissons de ri- vière. La nature a différens niovens pour arriver au même but; car, comme les petits deviennent fréqucniuient la proie des gros , il faut bien que les pre- miers multiplient beaucoup plus que les derniers ; c'est ce qui arrive par le frai plus fréquent. Nous voyons la même chose dans les petits oiseaux et quelques autres espèces d'animaux. C'est cette multiplication prodigieuse qui porta quelques écrivains à croire que ce poisson frayoit aussi au p«')lo arctique sous la glace. Quand nous son- geons à l'étendue immense qui a été donnée au hareng j)our sa demeure, il 12^} s HISTOIRE NATURELLE ne faut pas nous étonner de la prodi- gieuse quantité de ces animaux , et de sa multiplication étonnante, déjà con- nue dans Aristole , et qui répare la quantité immense qu'on en consomme tous les jours: tout cela arrive sous nos yeux à l'égard de nos poissons de ri- vières , à proportion du petit espace qu'ils occupent. Si l'on n'inquiétoit pas tant les poissons dans le temps du frai , ils multiplieroient d'une manière bien plus prodigieuse encore. C'est ce que je puis confirmer par les expériences qu'a faites dernièrement un économe très-éclairé, 11 fit un étang à carpes , dans un espace de sept arpens , qu'il pourvut d'une bonne nourriture, et y mit trois femelles et quatre mâles. Il eut de-li 1 io,ooo carpillons, quantité trop considérable , et qui les empêcha de grossir. On peut tirer encore une autre preuve de la prodigieuse multi- plication des poissons, de la quantité plus considérable de mâles que de fc- D U II A R E N G. 2I9 ïnelles. La j)olyaiulrie est fort favora- ble à la population des poissons, com me je l'ai déjà prouvé. Les endroits où ils fraient y contribuent aussi beaucoup; car comme cela se fait ordinairement au fond, et à quelque distance du ri- vage , ils sont bien moins en danger d'être battus et dispersés par les tem- pêtes et les inondations. J'ajouterai encore une chose. Les loix sages que les Provinces- Unies ont faites pour conserver la ré- putation de leurs harengs, ne contri- buent pas peu àfaciliter leur multiplica- tion. Tout matelot et tout pêcheur est obligé , avant que de partir pour la pê- che, de s'engager, par serment, de ne pas tendre ses filets avant le 26 de juin , et à leur retour, il faut qu'ils assurent encore, par serment, qu'ils ont été fi- dèles à celte promesse. Il est vrai que le but de ces précautions tend particu- lièrement à se procurer la meilleure sorte de harengs; et non- seulement ils Poissons. VI. 23 liÔO HISTOIRE NATURELLE y parviennent , mais aussi ils favori- sent par-là la multiplication de ces ani- maux, en empêchant qu'on ne les in- terrompe pendant le printemps dans leurs amours. Une autre loi défend de pécher plus long -temps que jusqu'au 'J.5 de janvier, et n'est pas moins favo- rable à leur multiplication : par -là on laisse aussi en repos ceux qui fraient plus tard. Ces clioses font aussi que , depuis quelques siècles, la pêche des harengs est toujours plus heureuse chez les Hollandais que chez les autres nations, parce que les poissons aiment à revenir dans les lieux où ils ont frayé sans être interrompus, et dans ceux où ils sont nés. Autrefois cette pêche étoit beaucoup plus considérable en Norwège qu'elle ne l'est à présenf, .Elle a aussi beaucoup baissé en Suède ; et en Prusse , où elle étoit autrefois considérable, elle est presque tout-à- fait tombée. Cependant, l'interruption de la pêche n'est pas la seule cause qui DU HARENG. 25i fait qu'un poisson ne paroît plus sur une côle: il en échappe toujours assez des filets pour conserver l'espèce, pour- vu cepenflant que les pêcheurs, poussés par l'avidité , ne fassent pas des mailles trop petites, et qu'ils ne pèchent pas en même temps l'alevin avec les gro-;, comme font les pêcheurs suédois. Cette méthode cause le plus grand dommage *, et c'est peut-être aussi de la même ma- nière que la pêche esttombée en Prusse. La loi qui ordonne, en Hollande, que les mailles des filets soient toujours de la môme grandeur, est très -utile. De cette manière , non-seulement ils pren- nent toujours de gros harengs , mais ils s'assurent aussi ce poisson pour l'ave- nir, parce que les petits passent par les filets, et peuvent ensuite produire. En- fin , nous savons aussi , par expérience , que l'eau, la nature du fond, et d'au- tres circonstances contribuent aussi beaucoup à rendre les poissons plus î^vos, plus gras et de meilleur goût dans ii5'2 HISTOIRE NATURELLE lin pays que dans d'autres. Les sau- mons et les truites saumonnées que l'on prend dans la Baltique, sont bien inrérieurs à ceux que l'on pêclie dans la mer du Nord. Il me semble que c'est par la même raison que les harengs de la Baltique sont beaucoup plus petits et plus mauvais que ceux de la mer du Nord. Le hareng , qui est si souvent exposé à la voracité des autres animaux , ap- partient lui-même à la classe des pois- sons voraces. Il vit sur -tout de petits crabes. Neucrantz en a trouvé plusieurs dans son estomac , qui étoient à demi digérés ; Loewenhoek a aussi trouvé des oeufs de poisson dans l'œsophage. Il aime aussi les vers*, et les pêcheurs de Norwège ont souvent trouvé ses boyaux remplis d'une espèce de ver rouge, qu'ils appellent roe-aat. On croit communément , lorsque le poisson est plein de ces animaux , qu'il a une ma- ladie ; mais c'est q:ic ces vers étant DU HARENG. 253 beaucoup plus sujets à se corrompre , gâtent le hareng avant qu'il soit salé. Dès qu'on remarque ces animaux dans les harengs qu'on vient de pêcher, ou les laisse encore pendant quelque temps dans l'eau, afin qu'ils les digèrent en- tièrement, et qu'ils se conservent en- suite quand ils sont salés. Nous avons vu que le hareng fraie dans dilTcrens temps; et on a fait , à cet égard, les observations suivantes ; Quelques jours avant qu'ils paroissent en troupes, on voit quelques mâles dis- persés, et outre cela, on voit, dans la troupe même, plus de mâles que de fe- melles. Quand ce poisson est sur le point de frayer, il se frotte le ventre contre les pierres, se met tantôt sur lin côté, tantôt sur l'autre, aspire vi- vement l'eau avec sa gueule ouverte ^ la rejette aussi-tôt, et fait des mouve- niens rapides avec ses nageoires. Or, corn nie il paroît ordinairement eu grandes troupes, l'eau devient trouble 254 HISTOIRE NATURELLE de la grande quantité de semence liu- niide qu'ils répandent. Dans ce temps, ces poissons donnent au loin, autour d'eux, une odeur désagréable : ils per- dent aussi , en se frottant , une partie de leurs écailles , que l'on voit alors flotter sur Teau. Ce sont ces signes qui indiquent aux pêcheurs les endroits oà ils doivent jeter leurs filets. Le stromling, ou le hareng du prin- temps de la Baltique, fraie quand la glace commence à fondre, et cela con- tinue jusqu'à la fin du mois de juin. Ensuite vient la plus grande espèce, ou le hareng d'été; et enfin le hareng d'automne, qui fraie depuis la S. Bar- thélemijusqu^au milieu du mois de sep- tembre. Toutes ces espèces ne fraient pas tout d'un coup , mais peu à peu. Pour cet eifet, elles paroissent en trou- pes, et après avoir frayé en deux ou trois jours, elles retournent en pleine mer , en faisant un bruit assez sembla- ble à la pluie. Cependant le hareng DU HARENG. 'u35 fVeté se tient alors plus éloigné clu bord, et fraie plus dans le fond de la mer : on le reconnoît aux œufs dont les filets et les cordes sont souvent cou- verts comme d'une ccorce. Du reste, il n'est pas besoin de dire ici en détail , que dans ce temps les harengs forment des troupes qui observent un certain tnvlre j car c'est ce qui arrive aussi aux autres poissons , comme je l'ai dit de la rosse, du saumon et du lavarct. On re- marque aussi la même chose dans les oiseaux de passage et la souris des champs. Les harengs sont fort exposés à être poursuivis, les hommes sur- tout leur font une guerre continuelle , non - seu- lement sur les côtes, mais quelques- uns même , comme les Hollandais, for- ment des flottes entières pour les alicr chercher en pleine mer. D'ailleurs, la baleine en détruit aussi beaucoup , prin- cipalement l'espèce appelée nord caper. elle les avale par milliers. Cet animal^ 206 HISTOIRE NATURELLE forme en se tournant ini cercle si ra- pide, que non- seulement il fait en- trer dans sa gueule ouverte une grande quantité de harengs, comme dans un vaste gouffre , mais même s'il y a quel- ques petits bateaux dans les environs, iis en ressentent le mouvement de l'eau ( i ). Les oiseaux fondent aussi par milliers sur eux du milieu des airs: telle est sur-tout la chouette (2). Cet oiseau indique aux pêcheurs les en- droits où il fait bon tendre leurs filets. (1) On peut juger par rhîstoire que rap- porte Horrehow, p. 2i5, combien un de ces poissons peut avaler de harengs en une fois. Les Islandais s'étant un jour emparés d'une baleine qui poursuivoit des merlu- ches , et qui s'étant trop approchée de la terre , étoit restée à sec sur le rivage, ils trouvèrent dans son estomac six cents mer- luches vivantes , et outre cela une grande quantité de sprats et quelques oiseaux d'eau. (2) Larus fuscus^X. DU II A E. E N G. 257 Quand son vol est élevé, c'est une mar- que qnc le hareng est clans la profon- deur; quand il vole bas, c'est une mar- que que le liareng s'agite vers la sur- face de l'eau ; quand il fait très-chaud , il se lient dans le fond, et alors l'oi- seau ne peut ni le voir, ni servir d'in- dice , et ordinairement la pêche est mauvaise. Nous avons dit plus haut que le la- varet suit le hareng pour manger ses œufs, et que par là il forme un obsta- cle à leur multiplication : on dit la même chose de la truite saumonnée. On trouve, dans l'Océan, plusieurs espèces de poissons très-nombreuses , telles que l'éperlan , la sole , le cabliau , la sardelle et le sprat, mais il n'en est pas une seule qui le soit autant que le hareng. Depuis plusieurs siècles , les hommes en font périr au moins mille millions par an ; les animaux en dévo- rent un aussi grand nombre, sans que la quantité prodigieuse de ce poisson 258 HISTOIRE NATURELLE paroisse diminuer. On peut juger coin- bien celte quantité est considérable , puisque dans la seule paroisse de Sva- noe en Norwège, on pécha dans une seule anse tant de harengs, qu'on en remplit quatre-vingts jagts. Il faut cent tonnes pour charger un jagt , et une tonne contient 1200 petits harengs du Nord. Or, comme selon Pontoppidan , il y en a autant qui étoufifent dans l'anse, à cause de la grande quantité , on peut compter qu'il s'en est trouvé dans cet endroit jusqu'à 19,000,000. Suivant le récit du même auteur, on doit avoir pris tant de harengs d'un seul coup de filet , qu'on pouvoit en remplir cent jagts, c'est-à-dire dix mille tonnes. Dernièrement encore ^ M. Fabricius nous a assuré qu'en en- tourant une anse du filet, on pouvoit en pêcher plusieurs milliers de tonnes. Comme le hareng est engénéral enNor- ^Ycge , une des principales branches de nourriture, les habitans du pays en ont D U H A R E N G. 2jf) faille roi des poissons : ils embarquent tous les ans quelques centaines de car- gaisons de Bergen seulement ; et eu 1762, où la pêclie ne fui que médio- cre, on en fit exporter cent trente-deux raille cent cinquante six tonnes de cette ville , depuis janvier jusqu'en octobi e , sans compter ceux qui ont été expor- tés vers la fin de l'année. Si l'on compte à présent tous ceux qui sortent des au- tres villes, et la grande quantité que l'on consomme dans le pays, ou que l'on emploie pour servir d^ippât , on peut toujours compter qu'on en prend année courante , seulement dans co pays, une quantité de trois cent qua- tre-vingt-seize mille quatre cent soi- xante - huit tonnes ; chaque ton no contenant 1200 harengs , cela fait 415,739,600. Les Hollandais envoient tous les ans mille à douze cents buyses à la pêclie du hareng. On compte ordinairement vingt-cinq lasts pour une buysej et il q6o histoire naturelle y en a plusieurs qui sont remplis deux fois, quand les premiers ont été appor- tés promptement à terre. Or supposons qu'il n^Y ait que mille buysc-s , en comp- tant vingt-cinq lasts pour chacun , et la tonne à 1,000 harengs : chaque last contenant douze tonnes , on peut comp- ter que les Hollandais prennent tous lesans3oo,ooo,ooo de harengs. On n'en pêche guère moins en Ecosse et en Ir- lande : seulement d'Elide en Ecosse , on en mène trente mille tonnes par an en France , et quarante mille lonnc? d Yarmoulh. Quelquefois la pêche est si considérable dans cet endroit , qu'elle y occupe jusqu'à onze cents vaisseaux, qui prennent i4o,ooo,ooo de harengs. Ajoutez à cela ceux que l'on prend sur les côtes d'Angleterre , d'Ecosse, d'Ir- lande, do Hollande, de Brabant , de Elandre , et l'on aura une quantité pro- digieuse. En 1776, différentes villes d'Irlande envoyèrent trois cent vingt- sept chuloupes à Ja pèche des Jjarengs DU HARENG. 'j^'i i chaque cbaloupe l'une portant l'aiitie en prit 100,000 ; ce qui fait en tout 32,700,000. Les Français en salent tous les ans environ soixante mille tonnes ; et dans l'anse de Chesapeak ,lesdébor- demens en jettent tous les ans une si grande quantité sur le rivage , que la corruption qui en résulte a des suites fâcheuses. Dans les environs de Go- 1 henbourg en Suède , on en trouve aussi de grandes quantités, et on en sale an- née courante deux cent mille tonnes. Outre cela, on en emploie quatre cent mille tonnes tous les ans pour faire de l'huile. En 1 780 , on fit exporter vingt- cinq à vingt-sept mille tonnes d'huile ; et en 1781 , seulement vingt à vingt- deux mille. Malgré cela , il faut encore en compter cinquante mille tonnes de frais que l'on consomme dans le pays , ou que l'on envoie en Dancmarck. Or en comptant la tonne à 1 ,200 harengs , on en fait périr tous les ans 720,000,000 , seulement dans ce petit district. Poissons. VI. a3 UG2 HISTOIRE NATURELLr: La Laponie ne manque pas non plus cle ce poisson. Suivant ce que rappor- tent Ysbrand et Krasclienninnikow , on doit aussi en trouver beaucoup dans les contrées deKamtschatka-, car on y en prend souvent quatre tonnes d'un seul coup de filet. Il faut aussi mettre en ligne décompte ceux que nous offre la Baltique. Les habitans du Holstcin , du Mecklenboorg et de la Poméranie suédoise , en prennent aussi une grande quantité tous les ans, dont les uns sont salés, les autres fumés et envoyés hors du pays , sans compter ceux que l'on cousomme en Livonie et dans les au- tres contrées de la Baîtiaue. Les filets et les bateaux dont on se sert pour la pèche du hareng sont de différentes grandeurs. Ceux qui pè- chent sur les côtes ont de plus petits bateaux et filets que ceux qui pèchent en pleine mer. Lesbuyses hollandaises sont ordinairement de quarante-huit à «oixante tonnes : il y en a pourtant do Î5 DU HARENG. 2G3 argentins sur les bords. Le dos est d'un jaune verd , un peu tranchant au- dessus de la nageoire, et rond au-des- sous. Les côtés sont blancs , applatis vers le ventre en forme de li'anchaiit, et aussi rudes qu'une scie. Cela vient de la dureté des écailles, ou plutôt deslames qui forment une pointe dure à l'endroit où elles sont courbées. On se blesse les doigts en les frottant contre ces pointes. La ligne latérale est à peine visible , et plus près du dos que du ventre. Au-dessus de cette ligne , on remarque quatre à cinq ta- ches noires ; ce qu'on ne voit que dans les jeunes poissons. Les écailles sont grandes , et se détachent aisément. Les nageoires , au contraire , sont pe- tites , grises et entourées d'une garni- ture bleue. Celle de la queue seule est grande, et a dans le fond deux taches brunes. On voit au ventre un appen- dice. Nous rencontrons ce poisson non- 290 HISTOIRE NATURELLE seulement dans la mer du Nord , mais aussi dans la Méditerranée et la Per- sienne : ce qui fait qu'il étoit connu des Grecs et des Romains. Il remonte comme le saumon et d'autres poissons, de la mer dans les fleuves. Il paroît dans le Rbône en mars, dans la Wolga, le Rhin et l'Elbe en mai et avril ; dans le Nil on ne l'apperçoit qu'en décem- bre et janvier. Dès qu'il est arrivé , il dépose son frai au fond des endroits les plus rapides-, et vers l'automne, il retourne à la mer. Il parvient à la lon- gueur de deux ou trois pieds , et sa largeur est à sa longueur comme un à trois. Mais il est si mince, que même dans son plus grand accroissement , il ne pèse pas plus de trois à quatre livres. On en trouve cependant à Avi- gnon et dans les environs qui pèsent six à sept livres. On en prend aussi quelquefois eu Angleterre qui pèsent huit livres. Sa grosseur et sa ressem- blance avec le hareng, lui ont fait DE L'A L O S E. . 29 r tlonner dans queUjnes contrées le nonv de mutter-hering (]iarcng-mère). Dans^ d'autres on l'appelle poisson de mai ^ parce qu'il paroît dans ce temps. Il- remonte dans le Rliin jusqu'à Baie ^ où on le prend, sur-tout dans le temps du frai, avec des filets , des lignes de fond et des nasses. Afin de l'attirer dans ces dernières , on se sert pour appât de pois que l'on fait cuire avec de la myrrhe; on en fait un petit sa- chet , que l'on suspend dans la nasse. Pour la ligne , on se sert de vers de terre. Dans le AVoIga où ils viennent on grande quantité, quand les pêcheurs en trouvent dans leurs filets, ils les jettent dehors, parce que les Russes ont le préjugé de croire que cc\\:s. qui mangent de ce poisson deviennent enragés : voilà pourquoi ils n'en man- gent point, et qu'ils lui ont donné le nom de Beschenaja tyha ( poisson en- ragé ). On dit que ce poisson craint les 2f)2 HISTOIRE NATURELLE orages et aime la musique : c'est pour cela que les pêclieuis attachent à leurs filets de petits arcs de bois garnis de clo- chettes , dont le bruit attire le poisson. iElien rapporte qu'en Egypte on prend l'alose au son des castagnettes de co- quilles , réuni au chant des pêcheurs. Rondelet avance que ce poisson vient en foule vers le rivage au bruit que les tortues font avec leurs écailles , sur- tout pendant la nuit. On dit aussi qu'il cherche les vaisseaux de sel , et qu'il les suit dans un espace de cent milles. Mais je crois que ce poisson fuit, comme tous les autres, toute sorte de bruit. Ce poisson n'a pas la vie dure , et meurt comme le hareng dès qu'il est hors de l'eau. Quand il sort de la mer^ il est maigre et de mauvais goût ; mais plus il reste dans les rivières , plus il s'engraisse ; et alors il approche beau- coup du saumon. Cependant comme sa chair est traversée d'un grand nombre de petites arêtes, et qu'elle est molle ^ DE L'A L O S E. 29.^ on le fait ordinairement frire. Dans jios contrées , on le fume -, chez les Arabes , on le sèche à l'air , et on le mange avec des dattes. L'alose se nourrit de vers , d'insectes et de petits poissons. Elle a pour en- nemis le silure, le brochet et la perche , qui aiment sur-tout les petits et qui en font un grand dégât. L'estomac est petit et consiste en une peau mince. Au bout , on trouve quatre-vingts appendices qui suppléent au canal intestinal, qui est très-court. La laite et l'ovaire sont doubles. La vésicule aérienne n'est point divisée , et on compte trente côtes de chnque côté , et vingt-cinq vertèbres à l'épine du dos. Ce poisson est connu sous diffcrens noms. On le nomme : Aise , Else , Ma\fisch et Goldjisch , eu Allemagne. Perbel , en Poméranie. 294 HISTOIRE NATURELLE BrisUng , Sildinger, Sardeller, en Dane- marck. Shelesniza , Beschenajaryha , en Rus- sie. Mai BaliJc , en Tartarie. Mabalik , chez les Calmouqiies. Sarde llœ-baidk, en Turquie. Saghboga ,en Arabie. Elft , en Hollande. SJiad , Mouler of Hering et Pilchard , en Angleterre. Alose j en France. Alaouze , en Provence. Coulac ou Cola , en Gascogne. X.accia , en Italie. Chiepa, à Venise. Saccolos , en Espagne. Artédi se trompe lorsqu'il rapporte à ce poisson la sarde ou le breitling de Sclioneveld. La figure que Klein nous donne de la cinquième espèce, ne la représente pas j aiais bien la sixième , qui est notre alose : car ce poisson seul a des taches noires j et si l'autre ca D E l'a N C h O I s. 295 avoit aussi , ils ne sei oient qu'une seule et môme espèce. Il a aussi tort de faire comme AVillugliby , deux espèces de ce poisson. Gronov distingue ce poisson par les taches ; et Artédi s'accorde en cela avec lui. Mais comme ces taches dis- paroissent à mesure que le poisson gros- sit , elles ne sauroicnt être considérées comme un caractère distinctif. L'ANCHOIS, CLUPEA ENCR.4SIC0LUS, L'avancement de la mâchoire supérieure est une marque sûre qui sert à distinguer ce poisson des autres du même genre. Il a douze rayons à la membrane des ouies , quinze à la na- geoire de la poitrine, sept à celle du ventre , dix-huit à celles de l'anus et de la queue, et quatorze à celle du dos. La tète est longue , large par en hau t , et finissant en une pointe, sur laquelle on voit les deux, narines. L'ouverture 2c)6 HISTOIRE NATURELLE de la bouche est très-grande , «nie en- dedans; la langue est étroite , et finit en pointe comme la mâchoire infé- rieure. L'œil est rond , la prunelle noire et l'iris argentin. L'onrerture des ouies est grande. Le ventre est gris. Le corps est alongé et couvert d'une peau mince, qui est elle-même couverte d'écaillés tendres , qui se dé- tachent aisément. La ligne latérale est droite , et n'est visible que lorsque les écailles sont tombées. Les nageoires sont courtes . transparentes , et celle de la queue est fourchue. L'anchois n'a ordinairement que trois pouces: cepen- dant celui du Brabant a une palme de long et un pouce de large. Selon le rap- port de Barbot , on en trouve près do Zaire , qui ne le cèdent point ao hareng pour la grosseur. Nous trouvons ce poisson (\àn9 lé Baltique, mais rarement. On le trouve en grande quantité dans la mer du Nord ; dans l'Océan Atlantique et dans D E t^A N C H O I S. 297 la mer Méditerranée i ainsi les Grecs et les Romains l'ont connu avant nous. Il sort comme le hareng et fë sprat, des profondeurs de la pleine mer , et vient sur les côtes et les endroits unis : alors on en prend une grande quantité de- puis décembre jusqo'en mars dans la Provence , le Brabant et la Catalogne. On se sert pour cette pêche du navet, do la seine et du filet à manche. Outre cela,, on le prend aussi aux mois de mai , juin et juillet, dans la Manche , près d© Gibraltar , dans les environs de Ve- nise , Gènes , Rofne et Bayonne. On le pêche sur-tout au feu pendant la nuit. On sale ordinairement l'an^liois après en avoir ôté la tête et les entrailles. On le met dans de petits barils, et on P en- voie de tous côtés. On s'en sert pour les sanc&s et on le mange en salade. Les anchois du Brabant sont sur-tout pré- férés. Du temps des anciens- Grecs et Romains , on préparoit de ce poisson une liqueur , qu'on iiommoit ^arum , Poi.s.ions, VI. aU 298 HISTOIRE NATURELLE et à laquelle on donnoit l'épilliète de très-précieuse. Le canal intestinal a une double si- nuosité, et le commencement est garni d'environ dix-huit appendices. La vé- sicule du fiel est grande ; les autres in- testins sont comme dans les autres poissons de ce genre. Il a de chaque côté trente-deux côtes , et quarante- six vertèbres à l'épine du dos. Ce poisson se nomme: Anjovis , en Allemagne. Bjkling , Moderlose , en Danemarck. Saviliussak ) dans le Groenland. Anchovy , en Angleterre. Sprat des Anglais , à la Jamaïque. Anchois 3 en France. Anchoeïe , en Provence. Sacella , à l'ile de Malte. Rondelet a tort de dire que ce pois- son n'a point d'autre arête que celle de l'épine du dos, et qu'il a'a point d'é- cailles. J) E L\\ P a L I K E. 29(> li'APALIKE, CLUPEA CYPRINO'iDES. Le long rayon de la dorsale , et la nageoire de l'anus faucillée , forment le caraclère de ce poisson. Je ne puis pas déterminer le nombre des rayons de la membrane branchiale, vu que j^ai emprunté le dessin du ma- nuscrit du père Plumier ; mais la na- geoire pectorale en contient quinze , la ventrale dix, celle de l'anus vingt- cinq , la queue trenle, et la dorsal© dix-sept. Le corps est comprimé, et couvert de grandes écailles ■, la tête , qui est un peu large d'en haut et tranchante d'en bas , en est dépourvue. La mâchoire inférieure est courbée , et excède l'au- tre. Les deux mâchoires sont parse- mées de dents. Les os des lèvres sont larges et fortement courbés ; l'ouver- ture de la bouche est large , et a une direction oblique vers le haut. La lun- 3or) HISTOIRE NATURELLE gue est libre et rude *, le palais a le devant armé de trois rangées de dents , en forme d'arc , et le gosier a quatre os en forme de râpes. L.es narines sont doubles et très-proclies des yeux; la prunelle est noire , l'iris argentin , et les yeux ont une membrane cligno- tante, li'ouverture branchiale est lar- ge , et une partie de la membrane branchiale est couverte. La ligne laté- rale est plus proche du dos que du ven- tre , et l'anus est plus proche de la queue que de la tête. Les nageoires ont les rayons flexibles et ramifiés , excepté le premier , qui est simple dans toutes les nageoires. Les nageoires de la poi- trine et du dos , ont la base écailleuse ; la tétc , les côtés et le ventre, sont ar- gentins ; le dos et les nageoires sont bleuâtres. Nous trouvons ce poisson dans la mei Pacifique , et dans la mer Atlan- tique ; il passe dans lc5 rivières et dans ïes lacs qui y correspondent. Le doc- D E L'A P A L I K K. 3oi teur SoUinder le Iroiiva au mois do novembre dans la rivière de Jantirio au Brésil ; Forster au mèis d'août , dans une eau dormante à Tanna , ile de la mer Pacifique: et Plumier l'a dessiné aux Antilles : il est aussii commun aux: îles Caraïbes. Je reçus ce poisson do Tranquebar sous le nom de Marakay. Marcgraf assure qu'il atteint la lon- gueur de douze pieds , et la grosseur d'un homme. Sa bouche, quand elle est ouverte , est si grande , que la tête d'un homme |)eut aisément y enti-er. ïl dit qu'un poisson de cette taille a les yeux et les écailles de la grandeur d'un écu ; qu'il est gras , mais que sa chair coriace ne le fait point rechercher , que l'on n'en niauge que les plus jeu- nes , et qu'il a beaucoup d'arêtes. Ce poisson est nommé : Par les Brasiliens , Camaripuguacu. Par les Olhaliitiens, /îpalika. Par les Anglais des îles Caraïbes , Deep-Vati:r-Fish,QtPond-King-Fiiih, 502 HISTOIRE NATURELLE Par les Français , Apalike. Par les Allemands , Karpfen-Hesing. Et dans l'idiome tamulique, MaraJcay<- Marcgraf , auquel nous sommes re- devables , comme il a été dit , de la première coiinoissance de ce poisson ,. nous en donna un dessin passable , au- quel cependant la ligne latérale man- que , et qui représente la longue dor- sale trop forte. Il se trompe , en refu- sant les dents à notre poisson. Piso , Willughby , Jonston et Ruyscli , sont tombés dans la même erreur , et les deux premiers ont copié la figure de Marcgraf une fois , mais les autres deux l'ont copiée deux fois. Le nouveau dessin de Broussonnet seroit fidèle , s'il donnoit des dénis à ce poisson. r.:cz L' 7 :TY U5A JPit4/e 3o^ ■ 'Jbm . ri. ' i.LK C:VI1JLB rrenre est U plus longue , et la snp^-^ rieare se distingue par deux 06 larges des lèvres. L'an n'apperçoit aucrme dent , même dans Fintéi'kur de fa bouche. Les narines sont rondes, simples et près des yeux -, k prnneHc est noire , et placée dansun iri^argentin. L'ouver- ture branchiale est large , et la mem- brane branchiale pres(]L^e tout- à- lait couverte. Le tronc est large ,1e ventre et le dos sont tranchans. La ligne la- térale va près du dos, et l'anus se trouve près de la queue. Toutes îes nageoires sont petites et munies de rayonsfins et peu divisée. La tête est tout argentée , et la môme couleur couvre le ccrps , et paroit à travers des écailles qui sont de la natm ede k corne. Les naget)rrjs sontiaunâtres, et celles du dos et de la queue ont une bordure foncée. Ce poisson ««trouve sur les côtes <îe l'Asie et de l'Amérique. Je reçus, il y a quel-que temps , ce poisstni de M. John du Tra-nqueliar , sous le nom de poiken DU HARENG DE LA CHINE. ^09 ou nannalai. Il m^écrivit que ce poisson atteignoit la longueur de dix pouces , qu'il vivoit dans la mer et dans les ri- vières ; qu'il frayoit aux mois de mars et d'avril, et qu'on le pêclioit en tout temps mais que celui qu'on prenoit en mai , juin et juillet , avoit le meilleur goût. Nieuhof fut le premier qui nous rap- porta qu'il se pêche aussi près des pos- sessions des Hollandais aux Indes orien- tales. Il vient par troupe, comme celui de l'Europe , sur-tout près des côtes du Malabar. Mais n'étant pas aussi bon que l'autre, on en fait peu de cas , et une grande partie n'y sert que pour enfumer les champs de riz. On le pêclio avec les mêmes filets dont on se sert pour la pêche du hareng ; ou le sale comme celui-ci , et on en nourrit les domestiques. Il est nommé : Par les Hollandais des Indes orientales , Meerhleier. Poissons. VI. 27 3lO HISTOIRE NATURELLE '' Par les Français , le Hareng de la Chine. Par les Allemands, der chinesische He- ring. Par les Anglais , the chinese Herrlng» Par les Malayens , Poikenon Nannalai. Nieuliof , à qui , comme nous l'avons dit , nous devons la première connois- sance de ce hareng, nous en donne aussi une copie, mais elle est mauvaise, et cependant nous la retrouvons dans Willugliby. LE PILCHAKD, C L V P E A PILCHARDVS, li A nageoire du dos placée au centre de gravité , caractérise ce poisson , vu que cette nageoire , chez les autres espèces de harengs , est plus proche do la queue que delà tête. Quand on prend par exemple ce poisson par la pointe de la dorsale , et qu'on l'élève en l'air , le corps reste en équilibre , ce qui n'a DU P I L C H A R D. 3ll pas lieu chez les autres harengs , caria tête dans ce cas, penche toujours vers la terre, La membrane des ouies contient huit rayons , la na^oire pectorale eu a dix-sept , celle du ventre huit, celle de l'anus dix-huit , la queue vingt- deux , et la dorsale dix-huit. La lêteest sans écailles, comprimée .et pourvue d'une cavité oblongue vers le haut. Les yeux sont presqu'au som- met , et pourvus des deux côtés d'une membrane clignotante, la prunelle est noire, et l'iris argentin. La bouche est petite, la mâchoire inférieure est la plus longue ; elle est courbée vers le haut , et terminée en pointe. La bou- che est édentée, la langue mince, large et unie , ainsi que le palais. Les nari- nes sont simples, et plus voisines de la bouche que des yeux. Les os des lè- vres sont larges , les opercules unis et rayonnes, l'ouverture branchiale est large, la membrane eu est couverte. 3 12 HISTOIRE NATURELLE Le tronc est délié et charnu, le dos et le ventre sont presque ronds, la ligne latérale est droite et plus près du dos que du ventre. Les écussons du ventre sont couverts d'écaillés et se terminent en jointures longues et minces , qui tiennent aux arêtes. L'anus est près de la queue. Les rayons sont mous et ramifiésàl'exceptiondespremiers. Au- dessus de la ventrale , l'on remarque un appendice ou une nageoire moyenne. Le dos est bleu tirant sur le vert , les flancs et la tête sont argentins , lesna- geoiresdu dos et de la queue sont bleues, les autres sonl grises vers le fond, et bleuâtres vers le bord. Ce poisson arrive en grandes quan- tités vers les côtes de Cornwallis au milieu du mois de juillet • il disparoît en automne , pour reparoîlre vers Noël , mais séparément. Comme les orages le font souvent écarter de sa route, et qu'il arrive aussi plus tard dans les saisons froides , les pêcheurs ]) U P I L C H A R D. 3i3 posent des gardes qui observent son ar- rivée , et la route qu'il prend. Ces ^ens , qui à Cornwallis s'appellent huers , se placent sur les rochers. Les signes de son arrivée sont les oiseaux aquatiques, la lueur pho^pliorique pro- duite par ses mouvemens, l'odeur ré- pandue par sa laite, et la lueur bleue et argentine de la mer en ces endroits- là. Il se prend préféjablemenl aux en- virons de Favy , Falmoulh, Penzance et S. Ives. La pêche de ce poisson oc- cupe beaucoup de monde , et devient par-là très-importanle pour l'Angle- terre. Une partie de ce monde fait les filets , les cables et les tonneaux ; une anire s'occupe à pêcher , à éventrer , à nettoyer et à saler ce poisson. Le marchand y gagne par le débit, et un nombre de bateaux le transporte d'une ville maritime à l'autre. On peut cal- culer l'importance de cette poche pour l'Angleterre , d'après le rapport du docteur Borlase et de Willnghby. Ce 3l4 HISTOIRE NATURELLE dernier rapporte que l'on en pêche quelquefois plus de cent mille pièces d'un seul coup , et Fautre mande à M. Pennant que celte pcclie a produit à S. Ives , dans un court espace de temps , sept mille tonneaux (hoglis- jbeans) à trente-cinq mille pièces clia- cun, ce qui fait deux cent quarante- cinq millions. D'après le calcul de ces auteurs, on a exporté de ces quatre porls mentionnés, une année portant l'autre , pendant dix ans , chaque an- née vingt-neuf mille sept cent quatre- vingt-quinze tonneaux , savoir : du port de Favy mille sept cent trente - deux, de Falmoutlî quatorze mille six cent trente-un deux tiers , de Pen- zance douze mille cent quarante-neuf un tiers , et de Saint -Ives douze cent quatre-vingt-deux. Comme il n'est pas possible de saler d'abord tous ces ha- rengs lorsque la pêche est abondante , on les met en monceaux par terre , de la hauteur d'une aune et d'une aune BU PILCHARD. 3itr et demie , entremêles de couches de sel de mer. Le poisson étant resté fjuinze à dix-huit jours dans cet état , on en rince le sel en denx tonneaux, après quoi on l'entonne en le pressant de gros poids. Cette opération produit une grande quantité d'huile qui coule dans les fosses qui sont au-dessous: cette huile se met aussi en tonne, et elle sert à brider et à autre chose. Ce poisson n'acquiert que dix à douze pouces de longueur. J'en ai reçu deux exemplaires par M. liawkins , pour rechercher si ce poisson difTèic vrai- ment du hareng ordinaire. Ces d<^ux exemplaires sont de la même gran- deur que l'estampe. Le résultat do mes recherches prouve qu'il est d'une es- pèce diirérente , et cela par les raisons que voici : premièrement , la dorsale est plus près de la tête que chez le ha- reng ordinaire ; secondement , celui-ci est plus gras et plus charnu que l'autre ; troisièmement, les écailles du pilchard 5i6 HISTOIRE NATURELLE sont plus grandes; quatrièmement , la tôte est plus grande et moins pointue ; cinquièmement , l'échancrure de la mâclioire supérieure , que l'on remar- que au hareng ordinaire , manque à celui-ci; sixièmement, il est plus ten- du ; septièmement , l'appendice à la jiageoire ventrale est plus mince, plus pointu et moins large; huitièmement, la bouche est édentée ; neuvièmement, le nombre des rayons n'est point égal ; dixièmement , le ventre n'a pas le bord aussi tranchant, attendu que les écus- sons ont une échancrure au milieu , dont la bordure est à la vérité tran- chante , mais moins rude au tact. Les écussons même sont , comme nous ve- nons de le dire , surmontés d'écaillés > dont la transparence laisse appcrcevoir ce bord tranchant. La chair de notre poisson est plus grasse, ce qui la fait préférer par bien des gens à celle du hareng ordinaire. Au reste, on le mange frais comme DU r I L C H A R D . .0 i 7 celui ci , et on sale la plus grande par- tie de la pêche. Le péritoine est enduit d'une visco- sité noire ; le foie est rouge et partagé en deux lobes -, la rate est placée sous l'estomac, et sa couleur estrougeâtre j le canal intestinal est court et sans au- cune sinuosité ; l'estomac a la peau épaisse; il est courbé vers le haut et muni de plusieurs appendices ; la vési- cule bilieuse est petite , et l'aérienno est longue et non divisée. La dénomination anglaise , pilchard, est fort transmissible en d'autres lan- gues ; c'est pourquoi ]'ai conservé cette dénomination pour la langue allemande et la française. Willughby, qui nous a le premier fait connoître ce poisson , en a laissé une copie , mais tellement mauvaise, que l'objet en est méconnoissable : la représentation de Pennant est fidclle. Si le pellzer de Schoneveld , que l'on pèche près de Sluis en Hollande , est 3i8 HISTOIRE NATURELLK notre pilchard , comme Peminnt î"e- croit , c'est ce qui mériteroit une re- cherclie particulière ; mais je crois pouvoir en douter , parce que l'exact Gronovn'en fait aucune mention dans la description des poissons de la Hol- lande. Il vaudroit encore la peine d'exami- ner de plus près , si le mcmbras ou ce- Icriri de Rondelet, suivant l'opinion de Willugliby, est notre poisson. Ces recherches nous apprendroient si ce poisson se trouve aussi en d'autres con- trées, Artédi et Gronov se trompent , en ne prenant le pilchard que pour une variété du hareng. LE HARENG AFRICAIN, CLUPEA AFRICJNJ. Ce poisson se distingue de ceux do son genre par la longueur de la na- geoire de la queue, et on le peut dis- ïom . //. J^açe 3jS ■ 3. 4ë 1 9 2 M \ k % mm 3 11'. Il \UKX(> africain . a . Î.K HAUKNC't