0 > ‘en nt HISTOIRE. NATÜRELLE MATIÈRES GÉNÉRALES. TOME NEUVIÈM“ME. AU LR | © HISTOIRE ah #4 | NATURELLE Par BUFFON, ” DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, ii MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. MATIERES GÉNÉRALES. TOME NEUVIEME. V. a En ht 7 paie COLLECTION. A PARIS ) National Muse À LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE E P. DIDOT L’AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 3, ET Firmix DIDOT,RUE DE THIONVILLE , N° 116. AN VII. — 1790. PUTSN T HISTOIRE NATURELLE. SEPTIÈME er DERNIÈRE ÉPOQUE,. Lorsque la puissance de l’homme a secondé celle de la Nature. Lzs premiers hommes , témoins des mou- vemens convulsifs de la Terre, encore récens et très-fréquens, n’ayant que les montagnes pour asyles contre les inondations, chassés seuvent de ces mêmes asyles par le feu des volcans, tremblans sur une terre qui trem- bloit sous leurs pieds, nuds d’esprit et de corps, exposés aux injures de tous les élé= mens, victimes de la fureur des animaux Mar, gén, IX. 1} RENE 2 HISTOIRE NATURELLE féroces, dont ils ne pouvoient éviter de de venir la proie; tous également pénétrés du sentiment commun d’une terreur funeste + tous égalentent pressés par la nécessité, n’ont-ils pas frès-promptement cherché à se réunir, d'abord pour se défendre par le nom- bre , ensuite pour s’aider et travailler de con- cert à se faire un domicile et des armes? Ils ont commencé par aiguiser en forme de haches, ces cailloux durs , ces jades, ces pierres de foudre, que l’on à crues tombées des nues et formées par le tonnerre, et qui néanmoins ne sont que les premiers monu-— mens de l’art de l'homme dans l’état de pure nature : 1l aura bientôt tire du feu de ces mêmes cailloux en les frappant les uns contre les autres; il aura saisi la flamme des vol- eans, ou profité du feu de leurs laves brü= lantes pour le communiquer, pour se faire jour dans les forêts, les broussailles : car,avee le secours de ce puissant élément, xl a net toyé, assaini, purifie les terrains qu’il vou Joit habiter ; avec la hache de pierre, il a tranché, coupé les arbres, menuisé le bois, façonné ses armes et les instrumens de pre- mière nécessité. Et après s'être munis de ÉPOQUES DE LA NATURE. 3 #gnassues et d'autres armes pesantes et défen- sives , ces premiers hommes n’ont-ils pas trouvé le moyen d'en faire d’offensives plus légèrés , pour atteindre de loin ? un nerf, un téndon d'animal, des fils d’aloës , ow l'écorce souple d'une plante ligneuse, leur ont servi de corde pour réunir les deux ex- tréemités d'une branche élastique dont ils ont fait leur arc; ils ont aiguisé d’autres petits cailloux pour en armer la flèche. Bientôt 1ls auront eu des filets, des radeaux, des canots, et s’en sont tenus là tant qu’ils n’ont formé : que de petites nations composées de quelques. familles, ou plutôt de parens issus d’une même famille, comme nous le voyons en- core aujourd'hui chez les sauvages qui veu— lent demeurer sauvages, et qui le peuvent, dans les lieux où l’espace libre ne leur man- que pas plus que le gibier, le poisson et les fruits. Mais dans tous ceux où l’espace s’est trouvé confiné par les eaux, ou resserré par les hautes montagnes, ces petites nations , devenues trop nombreuses, ont été forcées de partager leurterrain entre elles: et c’est de ce moment que la Terre est devenue le domaine de l’homme : il en a pris possession par 5e 4 HISTOIRE NATURELLE. travaux de culture , et l’attachement à la patrie a suivi de très-près les premiers actes de sa propriété. L’intérèt particulier faisant partie de l'intérêt national, l’ordre, la po- | lice et les lois ont dû succéder , et la so- cité prendre de la consistance et des forces. Néanmoins ces hommes, profondément affectés des calamités de leur premier état, et ayant encore sous leurs yeux les ravages des inondations, les incendies des volcans ÿ les gouffres ouverts par les secousses de la Terre, ont conservé un souvenir durable et presque éternel de ces malheurs du monde : l’idée qu’il doit périr par un déluge univer- sel, ou par un embrasement général; le res- pect pour certaines montagnes |! sur les- quelles ils s’étoient sauvés des inondations ; l'horreur pour ces autres montagnes qui lan- çoient des feux plus terribles que ceux du tonnerre : la vue de ces combats de la Terre contre le Ciel, fondement de la:fable des Titans et de leurs assauts contre les Dieux ; l'opinion de l’existence réelle d’un être mal- faisant, la crainte et la superstition qui.en 1 Voyez, ci-après, les notes justificatives des faitse ÉPOQUES DE LA NATURE. 5 sont le premier produit; tous ces sentimens fondées sur la terreur se sont dès lors empa- rés à jamais du cœur et de l'esprit de l’homme : à peine est-il encore aujourd’hui rassuré par lexpérience des temps, par le calme qui a succédé à ces siècles d'orage, enfin par la con- noissance des effets et des opérations de la Nature; connoissance qui n’a pu s’acquérir qu'après l'établissement de quelque grande société dans des terres paisibles. Ce n’est point en Afrique, ni dans les terres de l'Asie Les plus avancées vers le Midi, que les grandes sociétés ont pu d’abord se for- mer; ces contrées étoient encore brülantes et désertes : ce n’est point en Amérique, qui n'estévidemment, à l'exception de ses chaines de montagnes, qu'une terre nouvelle; ce n’est pas même en Europe, qui n’a reçu que fort tard les lumières de l’Orieut, que se sont éta- blis les premiers hommes civilisés, puisqu’a- vant la fondation de Rome les contrées les plus heureuses de cette partie du monde, telles que l'Italie , la France et l'Allemagne, n'étoient encore peuplées que d'hommes plus qu'à demi sauvages. Lisez Tacite, sur les mœurs des Germains; c’est le tableau de celles 1 2" ' 6 HISTOIRE NATURELLE. des Hurons, ou plutôt des habitudes de l'es ÿ pèce humaine entière sortant de l’état dena: ture. C’est donc dans les contrées septentrio* nales de l’Asie que s’est élevée la tige des à périr après avoir donné sa graine; et la qualité merveilleuse de cette graine, qui convient à tous les hommes , à tous les animaux , à presque tous les climats, qui d’ailleurs se conserve long-temps sans altération , sans perdre la puissance de se reproduire ; tout nous démontre que c’est la plus heureuse de- couverte que l’homme ait jamais faite, ét que, quelqu'ancienne qu’on veuille la suppo- ser, elle a néanmoins été précédée de l’art dé l'agriculture, fondé sur la science et perfec- tiouné par l'observation. \ Si l’on veut des exemples plus modernes et même récens de la puissance de l’homme sur la nature des végétaux, il n’y a qu’à com- parer nos legumes, nos fleurs et nos fruits, avec les mêmes espèces telles qu’elles étoient il y a cent cinquante ans: cette comparaison peut se faire immédiatement et très-précisé- ment en parcourant des yeux la grande col- lection de dessins coloriés, commencée dès le temps de Gaston d'Orléans, et qui se con- tinue encore aujourd'hui au Jardin du roi; on y verra peut-être avec surprise que les ÉPOQUES DE LA NATURE. 35 plus belles fleurs de ce temps, renoncules, | œillets, tulipes, oreilles-d'ours, etc. seroient rejetées aujourd'hui, je ne dis pas par nos fleuristes, mais par les jardiniers de village. Ces. fleurs , quoique déja cultivées alors , n'etoient pas encore bien loin de leur état de nature : un simple rang de pétales, de longs pistils et des couleurs dures ou fausses, sans velouté, sans variété, sans nuances, tous caractères agrestes de la nature sauvage. Dans les plantes potagères, une seule espèce de chicorée et deux sortes de laitues , toutes deux assez mauvaises, tandis qu'aujourd'hui nous pouvons compter plus de cinquante lai- tues et chicorées, toutes très-bonnes au goût. Nous pouvons de même donner la date très moderne de nos meilleurs fruits à pepin et à noyau, tous différens de ceux des anciens, auxquels ils ne ressemblent que de nom. D’ordinaire les choses restent, et les noms changent avec le temps; ici c’est le contraire, les noms sont demeurés et les choses ont changé : nos pêches, nos abricots, ncs poires, sont des productions nouvelles auxquelles on a conserve les vieux noms des produc- tions antérieures. Pour n’en pas douter, 1l 36 HISTOIRE NATURELLE. ne faut que comparer nos fleurs et nos fruits avec les descriptions ou plutôt les notices que les auteurs grecs et latins nous en ont laissées ; toutes leurs fleurs étoient simples; et tous leurs arbres fruitiers n’étoient que des sauvageons assez mal choisis dans chaque genre, dont les petits fruits, âpres ou secs, n’avoient ni la saveur ni la beauté des nôtres. Ce n’est pas qu'il y ait aucune de ces bonnes et nouvelles espèces qui ne soit ori- ginairement issue d’un sauvageon ; mais com- bien de fois n’a-t-il pas fallu que l’homme ait tenté la Nature pour en obtenir ces espèces excellentes! combien de milliers de germes | n'a-t-il pas été obligé de confier à la terre pour | qu’elle les ait enfin produits! Ce n’est qu’en semant, élevant, cultivant et mettant à fruit un nombre presque infini de végétaux de la même espèce, qu'il a pu reconnoître quel= ques individus portant des fruits plus doux et meilleurs que les autres : et cette pre mière découverte, qui suppose déja tant de soins, seroit encore demeurée stérile à jamais s’il n’en eût fait une seconde, qui suppose autant de génie que la première exigeoit de patience ; c'est d'avoir trouvé le moyen de ÉPOQUES DE LA NATURE. 3» multiplier par la greffe ces individus pré cieux qui malheureusement ne peuvent faire une lignée aussi noble qu'eux, ni propa- ger par eux-mêmes leurs excellentes qua- lités : et cela seul prouve que ce ne sont en effet que des qualités purement individuelles, et non des propriétés spécifiques; car les pe- pins ou noyaux de ces excellens fruits ne produisent, comme les autres, que de sim ples sauvageons, et par conséquent ils ne forment pas des espèces qui en soient essen- tiellement différentes : mais, au moyen de la greffe, l'homme a, pour ainsi dire, créé des espèces secondaires qu'il peut propager et multiplier à son gré. Le bouton ou la petite branche qu'il joint au sauvageon renferme cette qualité individuelle qui ne peut se transmettre par la graine, et qui n’a besoin que de se développer pour produire les mêmes fruits que l'individu dont on les a séparés pour les unir au sauvageon, lequel ne leur communique aucune de ses mauvaises qua lités, parce qu’il n’a pas contribué à leur for- mation, qu’il n’est pas une mère, mais uno simple nourrice, qui ne sert qu’à leur déve- loppement par la nutrition. Mat, gén, IX. 4 VEN ps LR Le } 33 HISTOIRE NATURELLE. : - Dans les animaux, la plupart des qualités qui paroissent individuelles ne laissent pas de se transmettre et de se propager par la même voie que les propriétés spécifiques : il étoit donc plus facile à l’homme d’influer sur NU FR { A} la nature des animaux que sur celle des vé= gétaux. Les races, dans chaque espèce. d’ani- mal, ne sont que des variétés constantes, qui se perpétuent par la génération, au lieu que, dans les espèces végétales, il n’y a point de races, point de variétés assez constantes pout être perpétuées par la reproduction. Dans les seules espèces de la poule et du pigeon, l’on a fait naître très-récemment de nouvelles races en grand nombre, qui toutes peuvent se propager d’elles-mêmes : tous les jours » dans les autres espèces, on relève, on ano- blit les races en les croisant; de temps en temps on aclimate, on civilise quelques es- pèces étrangères ou sauvages. Tous ces exem” ples moderneset récens prouvent que l'homme n’a connu que tard l'étendue de sa puissance, | et que même il ne la connoit pas encore assez; elle dépend en entier de l’exercice de son in- telligence : ainsi plus il observera , plus il cultivera Ja Nature, plus 1] aura de moyens ÉPOQUES DE LA NATURE. 3 pour se la soumettre, et de facilités pour tirer de son sein des richesses nouvelles , . sans diminuer les trésors de son inépuisable fécondité. ; Et que ne pourroit-il pas sur lui-même, je veux dire sur sa propre espèce, si la vo+ lonté étoit toujours dirigée par l'intelligence! Qui sait jusqu’à quel point l’homme pour- roit perfectionner sa nature, soit au moral, soit au physique? Ÿ a-t-il une.seule nation qui puisse se vanter d’être arrivée au meil= leur gouvernement possible, qui seroit de rendre tous les hommes non pas également heureux, mais moins inégalement malheu- reux, en veillant à leur conservation, à l’é- pargne de leurs sueurs et de leur sang par la paix, par l'abondance des subsistances, par les aisances de la vie et les facilités pour leur propagation : voilà le but moral de toute société qui chercheroit à s’améliorer. Et poux le physique, la médecine et les autres arts dont l’objet est de nous conserver, sont-ils aussi avancés, aussi connus, que les arts des- tructeurs , enfantés par la guerre? Il semble que de tout temps l’homme ait fait moins de réflexions sur le bien que de recherches pour HISTOIRE NATURELLE. Le mal : toute société est mêlée de l’un et de: l’autre; et comme de tous les sentimens qui affectent la multitude, la crainte est le plus puissant, les grands talens dans l’art de faire du mal ont été Les premiers qui aient frappé l'esprit de l’homme; ensuite ceux qui l'ont amusé ont occupé son cœur; et ce n’est qu'a— près un trop long usage de ces deux moyens de faux honneur et de plaisir stérile, qu’enfin il a reconnu que sa vraie gloire est la science, et la paix son vrai bonheur. NOTES Sur la septième Époque, : Pace 4, ligne r6. Le respeci pour certaines mon- tagnes sur desquelles les hommes s’étoient sauvés des inondations ; l'horreur pour ces autres mon- tagnes qui lançcoient des feux terribles, etc. Les montagnes en vénération dans l’Orient sont le mont Carmel et quelques endroits du Caucase; le mont Pirpangel au nord de l’Indostan ; la montagne Pora dans la province d’ racan ; celle de Chaq-Pechan à la source du fleuve Sangari, chez les Tartares Mant- cheoux, d’où les Chinois croient qu'est venu Fo-hi; le mont Altay à lorient des sources du Selinga en Tartarie ; le mont Pecha au nord-ouest de la Chine, elc. Celles qui étoient en horreur étorent les mon- tagnes à volcan, parmi lesquelles on peut citer le mont Ârarath, dont le nom mêmesignifie montagne de malheur, parce qu’en effet cette montagne étoit .-un des plus grands volcans de l'Asie, comme cela se reconnoît encore aujourd’hui par sa forme et par les matières qui environnent son sommet, où l’on 4 42 à NOT. É:S voit les cratères el les autres signes de ses anciennes éruptions. ? Page "7, ligne ro. Comment des hommes aussi nouveaux ont-1ls pu trouver la période lunisolaire : de six cents ans ? La période de six cents ans dont Josephe dit que se servoient les anciens patriarches avant le déluge, est une des plus belles et des plus exactes que l’on ait jamais inventées. Il est de fait que prenant le mois lunaire de 29 jours 12 heures 44 minutes 3 secondes, on trouve que 219 mille 146 Jours À font 7 mille 421 mois lunaires; et ce méme nombre de 219 mille 146 jours ? donne 600 années solaires, chacune de 365 jours 5 heures 5r mi- nutes 36 secondes; d’où résulte le mois lunaire à une seconde près, tel que les astronomes mo- dernes l’ont déterminé, et l’année solaire plus juste qu'Hipparque et Ptolémée ne l’ont donnée plus de deux mille ans après le déluge. Josephe à cité, comme ses garans, Manéthon, Bérose, et plusieurs autres anciens auteurs dont les écrits sont perdus il ya long-temps..….….. Quel que soit le fondement sur lequel Josephe a parlé de cette période , il faut qu'il y ait eu réellement et de temps immémorial une telle période ou grande année, qu’on avoit ou- bliée depuis plusieurs siècles, puisque les astro- uomes qui sont venus après cet historien, s'en \ + - JUSTEIFICATIVES. 43 seroient servis préférablement à d’autres hypothèses moins exactes pour la détermination de l’année so- laire et du mois lunaire , s’ils l’avoient connue, ou s'en seroïent fait honneur s'ils l’avoient imayinée. « Il est constant , dit le savant astronome Domi « nique Cassini, que, dès le premier âge du monde, « les hommes avoient déja fait de grands progrès « dans la science du. mouvement des astres : on « pourroit même avancer qu'ils en avoient beaucoup « plus de connoïssances que loi nen a eu long- « temps depuis le déluge, s’il est bien vrai que l’an- « née dont les anciens patriarches se servoient, fût « de la grandeur de celles qui composent la grande « période de six cents.ans , dont il est fait mention « dans les Antiquités des Juils écrites par Josephe. « Nous ne trouvons dans les monumens qui nous « restent de toutes les autres nations, aucun vestige « de cette période de six cents ans, qui est une des « plus belles que l’on ait encore inventées. » M. Cassini s’en rapporte, comme on voit, à Josephe, et Josephe avoit pour garans les historio- graphes égyptiens, babyloniens, phéniciens ei grecs; Manéthon, Bérose, Mochus, Hesueus, Jérôme l'Égypuen, Hésiode, Hécatée, etc. dont les écrits pouvoient subsister et subsistoient vraisemblable- went de son temps. di. Or, cela posé, et quoi qu’on puisse opposer au 44 NOTES": témoignage de ces auteurs, M. de Mairan dits avec raison, que l'incompétence des juges ou des témoins ne sauroit avoir lieu ici. Le fait dépose par lui-même son authenticité : il suffit qu'une semblable période ait été nommée, il suffit qu'elle ait existé, pour qu'on soit en droit d’en conclure qu'il aura donc aussi existé des siècles d’observa- tions et en grand nombre qui l'ont précédée ; que l’oubli dont elle fut suivie est aussi bien ancien, car on doit regarder comme temps d’oubli tout celui où l’on a ignoré la justesse de cette période, et où lon a dédaigné d’en approfondir les élémens et de s’en servir pour rectifier la théorie des mouvemens célestes, et où l’on s’est avisé d’y en substituer de moins exactes. Donc, si Hipparque, Méton, Pytha- gore, Thalès , et tous les anciens astronomes de la Grèce, ont ignoré la période de six cents ans, on est fondé à dire qu'elle étoit oubliée non seulement chez les Grecs, mais aussi en Egypte , dans la Phé- nicie et dans la Chaldée, où les Grecs avoient tous été puiser leur grand savoir en astronomie. 3 Page 12, ligne 5. Les Chinois, les Brames, non plus que les Chaldéens, les Perses, les Egyp- tiens el les Grecs, n'ont rien recu du premier peuple qui avoit si fort avancé l’astronomie; et les commencemens de la nouvelle astronomie LR JUSTIFICATIVES. 45 sont dus à l’opiniâtre assiduité des observateurs chaldéens, et ensuite aux travaux des Grecs. Les astronomes et les philosophes grecs avoient puisé en Égypte et aux Indes la plus grande partie de leurs connoïssances. Les Grecs étoient donc des gens très-nouveaux en astronomie en comparaison des Indiens ; des Chinois, et des Atlantes habitans de l'Afrique occidentale; Uranus et Atlas chez ces derniers peuples, Fo-hi à à la Chme, Mercure en Égypte, Zoroastre en Perse, etc. Les Atlantes, chez qui régnoit Atlas, paroïssent être les plus anciens peuples de l’A frique , et beau- coup plus anciens que les Ée oyptiens. La théogonie des Ailantes, rapportée par Diodore de Sicile, s’est probablement introduite en Égypte, en Éthiopie et en Phénicie, dans le temps de cette grande éruption dont il est parlé dans le Timée de Platon, d’un peuple innombrable qui sortit de Pile Atlantide et se jeta sur une grande partie de l’Europe, de l’Asie et de l'Afrique. | Dans l'occident de Asie, dans l’Europe, dans l'Afrique, tout est fondé sur les connoissances des Atlantes, tandis que les peuples orientaux, chal- déens , indiens et chinois, n’ont élé instruits que plus tard, et ont toujours formé des peuples qui n’ont pas eu de relation avec les Atlantes, dont l’ir- ruption est plus ancienne que la première date d'a cun de ces derniers peuples. 46 + Fr NOTES | k Atlas, fils d'Uranus el frère de Saturne, vivoit, à selon Manéthon et Dicéarque, 3 mille 900 ans 4 environ avant l’ère chrétienne. Quoique Diogène-Laërce, Hérodote, Diodorede Sicile, Pomponius Méla, etc. donnent à lâge d'Uranus, les uns 48 mille 860 ans, les autres 23 mille ans, etc. cela n’empèche pas qu’en réduisant ces années à la vraie mesure du temps dont on se servoit dans différens siècles chez ces peuples, ces inesures ne reviennent au mème, c’est-à-dire, à 3 mille 6,o ans avant l’ere chrétienne. Le temps du déluge, selon les Seplaute, a été à mille 256 ans après la création. L’astronomie a été culuvée en Égypte plus de 3 mille ans avant Pere chrétienne; on peut le démon- trer par ce que rapporle Ptolémée-sur le lever hé- laque de Sirius : ce lever de Sirius étoit très-1m- portant chez les És gyptiens, parce qu’il annoncçoit le débordement du Nil. | Les Chaliléens paroïssent plus nouveaux dans la carrière astronomique que’les Égyptiens. Les Égyptiens connoissoient le mouvement du Soleil plus de 3 nulle ans avant Jésus-Christ , et les Chaldéens plus de 2 mille 473 ans. Il y avoit chez les Phrygiens un temple dédié à Hercule, qui paroît avoir été fondé 2 mille 800 aus avant l’ére chrétienne, et l’on sait qu'Her- TUSTEFICATI VES. 47 eule a été dans l’antiquité l’emblème du Soleil. On peut aussi dater les connoissances aslrono- miques chez les anciens Perses plus de 3 mille 200 aus avant Jésus-Christ. | L’astronomie chez les Indiens est tout aussi ancienne ; ils admettent quatre âges, et Cest au commencement du quatrième qu’est liée leur pre- mière époque astronomique : cet Âge duroit en 1762 depuis 4 mille 863 ans, ce qui remonte à l’année 3102 avant Jésus-Christ. Ce dernier âge des Indiens est réellement composé d'années solaires : mais les trois autres , dont le premier est de r mil- lion 728 mille années, le second de 1 million 296 muille , et le troisième de 864 mille années, sont évidemment composés d'années ou plutôt de révo- lutions de temps beaucoup plus courtes que les an- nées solaires. 11 est aussi démontré par les époques astrono- miques que les Chinois avoient cultivé Pastronomie plus de 3 mille ans avant Jésus-Christ, et dès le temps de Fo-b1. Il y a donc une espèce de niveau entre ces peuples égyptiens , chaldéens ou perses, indiens, chinois et tartares. Îls ne s’élévent pas plus les uns que les autres dans l’antiquité , et cette époque remarquable de 3 mille ans d'ancienneté pour lastronomie est à peu près la même par-tout. à 48 | NOTES: "7. | 4 Page 27, ligne ro. Je donnerois aisément plii= « sieurs autres exemples, qui tous concourent a dé- montrer que l’homme peut modifier les influences \ du climat qu’il habite. « Ceux qui résident depuis « long-temps dans la Pensilvanie et dans les colomies « voisines, ont observé, dit M. Hugues Williamson, « que leur climat a considérablement changé depuis « quarante ou cinquante ans, et que les hivers ne « sont point aussi froids.ses « La température de l’air dans la Pensilvanie est « différente de celle des contrées de l’Europe situées « sous le même parallèle. Pour juger de la chaleur « d’un pays, il faut non seulement avoir égard à sa « latitude, mais encore à sa situalion et aux vents « quiont coutume d'y régner, puisque ceux-ci ne « sauroient changer sans que le climat change «aussi. La face d'un pays peut être entièrement « métamorphosée pe la culture ; et l’on se convain- « cra, en examinant Ja cause des vents, que leur « cours peut pareillement prendre de nouvelles di- & TECLIONSesoce | « Depuis lé tablissement de nos colonies, continue « M. Williamson , nous sommes parvenus non seu- « lement à donner plus de chaleur au terrain des can- « tons habités, mais encore à changeren partiela di « recuon des vents. Les marins, qui sont les plus « intéressés à ceLte affaire, uous ont dit qu'il eur | WAAUSTIFICATIVES.. 4 « falloit autrefois quatre ou cinq semaines pour abor- « dersur nos côtes, tandis qu'aujourd'hui ils y abor- « dent dans la moitié moins de temps. On convient « encore que le froidest moins rude, la neige moins « abondante et moins continue qu’elle ne l’a jamais « élé depuis que nous sommes établis dans cette « Province... « Il y a plusieurs autres causes qui peuvent aug- « menter et diminuer la chaleur de l'air; mais on « pe sauroit m’alléguer cependant un seul exemple « du changement de climat, qu’on ne puisse attri= « buer au défrichement du pays où il a lieu, On « mebjectera celui qui est arrivé depuis dix-sept < cents ans dans l’Italie et dans quelques contrées de « l'Orient , comme une exception à cette règle gÉ- « nérale. On nous dit que l'Italie étoit mieux culti- « vée du temps d’Augusie qu’elle ne l’est aujour- « d'hui, et que cependant le climal ÿ est beaucoup « plus tempéré... Il est vrai que lhiver étoit plus « rude en Ltalie il y a dix-sept cents ans qu’il ne l’est « aujourd’hui... mais on peut en attribuer la cause «aux vastes forêts dont l'Allemagne, qui est au « nord de Rome , étoit couverte dans ces temps-là... « [1 s’élevoit de ces déserts incultes des vents du nord « percans, qui se répandoïent comme un torrent « dans l’Italie , et y causoient un froid excessif... et « Pair étoit autrefois si froid dansces résionsincultes, 5 5 NOTES JUSTIFICATIVES « qu'il devoit détruire la balance dans Patmosphère L « de l’Italie > CE qui n'est plus de nos JOUr Ses | à «On peut donc raisonnablement conclure que | « dans quelques années d'ici, et lorsque nos des- « cendans auront défriché la partie intérieure de ce « pays, 1ls ne seront presque plus sujets à la gelée « ni à la neige, et que leurs hivers seront extrême « ment tempérés. » | Ces vues de M. Williamson sont très-Justes, et je ne doute pas que notre postérité ne Les voie confir= mées par l'expérience. EXPLICATION. DE LA mi CARTE GÉOGRAPHIQUE. Csrre carte représente les deux parties polaires du globe depuis Le 45° degré de lati- tude : on y a marqué les glaces tant flottantes que fixes, aux points où elles ont été recon- nues par les navigateurs. Dans celle du pole arctique, on voit les glaces flottantes trouvées par Barents à 70 degrés de latitude, près du détroit de Waigats, et les glaces immobiles qu'il trouva à 77 et 78 degrés de latitude à l’est de ce détroit, qui est aujourd'hui entièrement obstrué par les glaces. On a aussi indiqué le grand banc de glaces immobiles reconnues par Wood, entre le Spitzberg et la nouvelle Zemble , et celui qui se trouve entre le Spitzherg et le Groenland , que les vaisseaux de la pêche de 52 EXPLICATION la baleine rencontrent constamment à la hau< teur de 77 ou 78 degrés, et qu’ils nomment Ze banc de l'Ouest, en le voyant s'étendre sans | bornes de ce côté, et vraisemblablement jus-. qu'aux côtes du vieux Groenland, qu’on sait. être aujourd'hui perdues dans les glaces. La. route du capitaine Phipps est marquée sur. cette earte avec la continuité des glaces qu l’out arrèté au nord et à l’ouest du re berg. On a aussi tracé sur cette carte les glaces ! flottantes rencontrées par Ellis dès le 58 où bo° degré, à l’est du cap Farewell; celles que Forbisher trouva dans son détroit, qui est actuellement obstrué, et celles qu’il vit à 62 degrés vers la côte de Labrador; celles que rencontra Baffin dans la baie de son nom par les 72 et 73° degrés, et celles qui se trouvent dans la baie d'Hudson dès le 63° degré, selon Ellis, et dont le #elcome est quelquefois couvert; celles de la baie de RÆepulse, qui en est remplie, selon Middleton. On y voit aussi celles dont presque en tout temps le détroit de Davis est obstrué, et celles qui souvent assiégent celui d'Hudson, quoique plus mé- ridional de 6 ou 7 degrés. L'ile Baëren, ou U'ARPF E DES DEUX REGIOVS us POLAIRES | . { JS] ) { l / ÿ "A Jusquan 45° Degré de Latitude . à \ vE à re + F lé A (s û Mi ? LG v. QE | = ÿ 1 L } NUE _ DE LA CARTE GÉOGRAPHIQUE. 53 fe aux Ours, qui est au-dessous du Spitzberg à 74 degrés, se voit ici au milieu des glaces flottantes. L'ile de Jean de ex , Située près du vieux Groenland 70 + degrés, est en- gagée dans les glaces par ses côtes occiden- _tales. - On a aussi désigné, sur cette carte, les glaces flottantes le long des côtes de la Sibé- rie et aux embouchures de toutes les grandes rivières qui arrivent à cette mer glaciale, depuis l’Zrtisch joint à l'Oby, jusqu’au fleuve Kolima : ces glaces flottantes incommodent la navigation, et dans quelques endroits la rendent impraticable. Le banc de la glace solide du pole descend déja à 76 degrés sur le cap Piasida, et engage cette pointe de terre, qui n’a pu être doublée ni par l’ouest du … côté de l’Oby, ni par l’est du côté de la Lena, dont les bouches sont semées de glaces flottantes ; d’autres glaces immobiles au nord- est de l'embouchure de la Jana ne laissent aucun passage ni à l’est ni au nord. Les glaces flottantes devant l’Oenek et le Cha- zanga descendent jusqu'aux 74 et 73° degrés : on les trouve à la même hauteur devant l’In- digirka et vers les emhouchures du Kolima , B4 :: EXPLICATION | qui paroît ètre le dernier terme où aient atteint les Russes par ces navigations cou pees sans cesse par les glaces. C’est d'après leurs expéditions que ces glaces ont été tra— cées sur notre carte : il est plus que probable que des glaces permanentes ont engage le cap Szalaginski, et peut-être aussi la côte nord- est de la terre des Tschutschis; car ces der- nières côtes n’ont pas été découvertes par la navigation , mais par des expéditions sur terre, d’après lesquelles on les a figurées. Les | navigations qu’on prétend s’être faites autre- fois autour de ce cap et de la terre des Tschu- tschis ont toujours été suspectes, et vraisem— blablement sont impraticables aujourd'hui; sans cela les Russes, dans leurs tentatives pour la découverte des terres de l'Amérique, seroient partis des fleuves de la Sibérie, et n’auroient pas pris la peine de faire par terre la traversée immense de ce vaste pays pour s’embarquer à Kamtschatka, où il est extré- mement difhicile de construire des vaisseaux, faute de bois , de fer, et de presque tout ce qui est nécessaire pour l'équipement d'un navire. Ces glaces qui viepnent gagner les côtes DE LA CARTE GÉOGRAPHIQUE. £5 du nord de l’Asie; celles qui ont déja envahi les parages de la Zemble, du Spitzherg et du vieux Groenland ; celles qui couvrent. en partie les baies de Baffin, d'Hudson, et leurs détroits , ne sont que comme les bords ou les appendices de la glacière de ce pole, qui en occupe toutes les régions adjacentes jus- qu'au 80 ou 81° degré, comme nous l'avons représenté en. jetant une ombre sur cette portion de la Terre à jamais perdue pour nous. | La carte du pole antarctique présente la reconnoissance des glaces faite par plusieurs navigateurs, et particulièrement par le cé- lébre capitaine Cook dans ses deux voyages, le premier en 1769 et en 1770, et Le second en 1775, 1774 et 1775. La relation de ce second voyage n’a été publiée en françois que cette année 1778, et je n'en ai eu connoissance qu au mois de juin, après l’impression de ce volume entièrement achevée : mais j'ai vu avec la plus grande satisfaction mes conjec- tures confirmées par les faits. On vient de Lire, dans plusieurs endroits de ce même vo- Jume, les raisons que j'ai données du froid plus grand daus les régions australes que 56 EXPLICATION dans les boréales ; jai dit et répété que la portion de sphère depuis le pole arctique jusqu’à 9 degrés de distancé n’est qu’une ré- gion glacée, une calotte de glace solide et continue, et que, selon toutes les analogies, la portion glacée de même dans les régions australes est bien plus considérable, ét s’é- tend à 18 ou 20 degrés. Cette présomption étoit donc bien fondée, puisque M. Cook, le plus grand de tous les navigateurs, ayant fait le tour presque entier de cette zone australe, a trouvé par-tout des glaces, et n’a pu péné- trer nulle part au-delà du 71° degré, et cela dans un seul point au nord-ouest de l’extré- mité de l'Amérique. Les appendices de cette immense glacière du pole antarctique s’éten- dent même jusqu’au 60° degré en plusieurs lieux, et les énormes glaçons qui s'en dé- tachent voyagent jusqu’au 5o°, et mème jus- qu’au 48° degré de latitude en certains en- droits. On verra que les glaces les plus avan- cées vers l’équateur se trouvent vis-à-vis les mers les plus étendues et les terres les plus éloignées du pole : on en trouve aux 48, 49, 5o et 51e degrés, sur une étendue de 10 degrés en longitude à l’ouest, et de 35 de longitude DE LA CARTE GÉOGRAPHIQUE. £7 à l'est, et tout l’espace entre le 5o€ et le 60e degré de latitude est rempli de glaces bri- sées, dont quelques unes forment des îles d'une grandeur considérable. On voit que, sous ces mêmes longitudes , les glaces de- viennent encore plus fréquentes et presque continues aux 60 et 61° degrés de latitude, et enfin que tout passage est fermé par la continuité de la glace aux 66 et 67° degrés, où M. Cook a fait une autre pointe, et s’est trouvé forcé de retourner, pour ainsi dire, sur ses pas; en sorte que la masse continue de cette glace solide et permanente qui couvre le pole austral et toute la zone adjacente, s’étend dans ces parages jusqu’au-delà du 66€ degré de latitude. } On trouve de même des îles et des plaines de glaces dès le 49° degré de latitude, à 60 degrés de longitude est*, et en plus grand nombre à 80 et 90 degrés de longitude sous la latitude de 58 degrés , et encore en plus * Ces positions données par le capitaine Cook sur le méridien de Londres sont réduites sur la carte à celui de Paris, et doivent s’y rapporter, par le changement facile de deux degrés etdemienmoins . du côté de l’est, et en plus du côté de l'ouest. L£ pi 58 … EXP LEC AP TON grand nombre sous le 60 et le 61° degré delai titude , dans tout l’espace compris depuis le 90° jusqu'au 145° degré de longitude est. De l’autre côté, c'est-à-dire, à 30 degrés en viron de longitude ouest, M. Cook a fait la découverte de la terre Sandwich à 59 degrés de latitude, et de l’ile Georgie sous le 55e, et il a reconnu des glaces au 59° degré de la+ tilude, dans une étendue de 10 ou 12 degrés de longitude ouest, avant d'arriver à la terre Sandwich , qu'on peut regarder comme le Spitzberg des régions australes, c’est-à-dire, comme la terre la plus avancee vers le pole antarctique . il a trouvé de pareilles glaces en beaucoup plus grand nombre aux 60 et G1° degrés de latitude, depuis le 29° degré de longitude ouest jusqu’au 51° ; et le capi- taine Furneaux en a trouvé sous le 63° de- gré, à 65 et 70 deores de longitude ouest. On a aussi marqué les glaces immobiles : que Davis a vues sous les 65 et 66° degrés de latitude vis-a-vis du cap Horn, et celles dans lesquelles Le capitaine Cook a fait une pointe jusqu'au 71° degré de latitude : ces glaces s'étendent depuis le 110° degré de longitude ouest jusqu'au 120°; ensuite on voit les glaces DE LA CARTE GÉOGRAPHIQUE. 59 flottantes depuis le 130€ degré de longitude ouest jusqu au 170°, sous les latitudes de 6a à 70 degrés ; en sorte que, dans toute l’éten= due de la circonference de cette grande zone polaire antarctique, il n'y a qu'environ 40 ou 45 degrés en longitude dont l’espace n'ait pas été reconnu, ce qui ne fait pas la hui- iième partie de cette immense calotte de glace : tout le reste de ce circuit a été vu et bien reconnu par M. Cook, dont nous ne pourrons jamais louer assez la sagesse, i’ins telligence et le courage; car le succès d’une pareille entreprise suppose toùtes ces qualités réunies. On vient d'observer que les glaces les plus avancées du côté de l'équateur dans ces ré gions australes, se trouvent sur les mers les plus éloignées des terres, comme dans les mers des grandes Indes et vis-à-vis le cap de Bonne-Espérance , et qu’au contraire les glaces les moins avancées se trouvent dans le voisinage des terres, comme à la pointe de l'Amérique, et des deux côtés de celte pointe, tant dans la mer Atlantique que dans la mer Pacifique : ainsi la partie la moins froide de celte grande zone antarctique esk vis-à-vis * hs Mo 60 EXPLICATION NN 4 l'extrémité de l'Amérique, qui s'étend jus qu'au 56° degré de latitude, tandis que la partie la plus froide de cette même zone est vis-à-vis de la pointe de l'Afrique, qui ne s'avance qu'au 34° degré, et vers la mer de Flude, où il n’y a point de terre : or, s’il en est de mème du côté du pole arctique, la ré- gion la moins froide seroit celle du Spitzherg et du Groenland, dont les terres s'étendent à : Re PT peu près jusqu'au 80° degré, et la région la plus froide seroit celle de la partie de mer entre l'Asie et l'Amérique, en supposant que cette région soit en effet une mer. De toutes les reconnoissances faites par M. Cook, on doit inférer que la portion du globe envahie par les glaces depuis le pole antarctique jusqu’à la circonférence de ces régions glacées , est, en superficie, au moins cinq ou six fois plus étendue que l’espace envahi par les glaces autour du pole arctique; | ce qui provient de deux causes assez évi- dentes : la première est le séjour du Soleil, plus court de sept jours trois quarts par an dans l'hémisphère austral que dans le boréal ; la seconde et plus puissante cause est la quan- tité de terres infiniment plus grande dans DE LA CARTE GÉOGRAPHIQUE. 6r eette portion de l'hémisphère boréal que dans la portion égale et correspondante de l’hémi- sphère austral; car les continens de l'Europe, de l’Asie et de l'Amérique, s'étendent jus- qu'au 70° degré et au-delà vers le pole arc- tique, tandis que dans les régions australes il n'existe aucune terre depuis Le 50° ou même le 45° degré que celle de la pointe de l’Amé- rique , qui ne s'étend qu'au 56e avec les îles Falkland , la petite île Georgie, et celle de Sandwich, qui est moitié terre et moitié glace; en sorte que cette grande zone australe étant entièrement maritime et aqueuse, et la boréale presque entièrement terrestre, il n’est pas étonnant que le froid soit beaucoup plus grand, et que les glaces occupent une bien plus vaste étendue dans ces régions australes que dans les boréales. Et comme ces glaces ne feront qu’aug- menter par le refroidissement successif de la Terre , 1lsera dorénavant plus inutile et plus témeraire qu'il ne l’étoit ci-devant de cher- cher à faire des découvertes au-delà du 80. degré vers le pole boréal, et au-delà du 55e vers le pole austral. La nouvelle Zélande, la pointe de la nouvelle Hollande et celles 6 62 EXPLICATION © -des terres Magellaniques doivent être regar- dées comme les seules et dernières terres habi- tables dans cet hémisphère austral. de J'ai fait representer toutes les îles et plaines de glaces reconnues par les différens naviga- teurs, et notamment par les capitaines Cook et Furneaux, en suivant les points de longi- tude et de latitude indiqués dans leurs cartes de navigation. Toutes ces reconnoissances des mers australes ont été faites dans les mois de novembre, decembre, janvier et fevrier, c’est- à-dire, dans la saisou d’été de cet hemisphère austral; car, quoique ces glaces ne soient pas toutes permanentes, et qu’elles voyagent se— lon qu’elles sout entrainées par les courans ou poussées par les vents, ii est néanmoins presque cerlain que comme elles ont ete vues da: s cette saison d’éte, elles s’y trouveroient de mére et eu bien plus grande quantité daus les autres saisons , et que par consequent on doit les regarder comme permanentes , quoiqu'’eiles ne soient pas stationnaires aux mêmes points. | Au reste, il est indifférent qu’il y ait des terres ou non dans cette vasle res1on aus— trale, puisqu'elle est entièrement couverte DE LA CARTE GÉOGRAPHIQUE. 63 de glaces depuis le 60° degré de latitude jus- qu'au pole; et l’on peut concevoir aisément que toutes Les vapeurs aqueuses qui forment les brumes et les neiges se convertissant en glaces, elles se gèlent et s'accumulent sur la surface de la mer comine sur celle de la terre. Rien ne peut donc s'opposer à la formation ni même a l'augmentation successive de ces glacières polaires ; et au contraire tout s op— pose à l’idée qu’on avoit ci-devant de pou- voir arriver à l’un ou a l’autre pole par une mer ouverte ou par des terres praticables. . Toute la partie des côtes du pole boréal a éte reduite et figurée d’après des cartes les plus étendues, les plus nouvelles et les plus estimées. Le nord de l'Asie, depuis la nou- velle Zemble et Archangel au cap Szalaginski, la côte des Tschutschis et du Kamtschatka, ainsi que les iles Aleutes, out éte reduites sur la grande carte de l’empire de Russie, pu- bliée l’année dernière 1777. Les les aux Re- nards * ont été relevées sur la carte manus- * Il est aussi fait mention de ces îles aux Kenards dans un voyage fait en 1776 par les Russes, sous la conduite de M. Solowiew : il nomme Una- taschka l'une de ces îles, et dit qu'elle est à dix-buit Lé 64 . EXPLICATION. _crite de l'expédition du pilote Otcheredin en 1774, qui m'a été envoyée par M. de Domas- _. cheneff, président de l'académie de Saint- Pétersbourg; celles d’Æzadir, ainsi que la Stachta nitada , grande terre à l'est, où les Tschutschis commercent, et les pointes des côtes de l'Amérique reconnues par Tschiri- kow et Behring, qui ne sont pas représentées dans la grande carte de l'empire de Russie, le sont ici d’après celle que l'académie de Pétersbourg a publiée en 1773 : mais il faut avouer que la longitude de ces points est en— core incertaine, et que cette côte occidentale cents wersts de Kamtschatka, et qu’elle est longue d'environ deux cents wersts : la seconde de ces îles s'appelle Umnack ; elle est longue d’environ cent cinquante werslis: une troisième, Ækuten,a environ quatre-vingts wersts de longueur : enfin une qua- ième, qui s'appelle Radjack où Kadjak, est la plus voisine de l’Amérique. Ces quatre îles sont accompagnées de quatre autres îles plus petites : ce voyageur dit aussi qu'elles sont toutes assez peu- plées , et il décrit les habitudes naturelles de ces in- sulaires, qui vivent sous terre la plus grande partie de l’année. On a donné le nom d’{es aux Renards à ces îles, parce qu’on y trouve beaucoup.de renards aoirs, bruns et roux. DE LA CARTE GÉOGRAPHIQUE. 65 de l'Amérique est bien peu connue au-delà du cap Blanc, qui gît environ sous le 43° de- gré de latitude. La position du Kamtschatka est aujourd'hui bien déterminéé dans la carte russe de 1777 : mais celle des terres de l'Amérique vis-à-vis Kamtschatka n’est pas aussi certaine; cependant on ne peut guère douter que la grande terre désignée sous le nom de Sfachta nitada, et les terres décou- vertes par Behring et Tschirikow , ne soient des portions du continent de l'Amérique. On assure que le roi d'Espagne a envoyé nouvel- lement quelques personnes pour recounoitre cette côte occidentale de l'Amérique depuis le cap Mendocin jusqu'au 56° degré de lati- tude : ce projet me paroit bien conçu; car c'est depuis le 43° au 56° degré qu'il est à présumer qu'on trouvera une communica- tion de la mer Pacifique avec la baie d'Hudson. La position et la figure du Spitzberg sont tracées sur notre carte d’après celle du capi- taine Phipps ; le Groenland, les baies de Bafñn et d'Hudson , et les grands lacs de l’'A- mérique, le sont d’après les meilleures cartes des différens voyageurs qui ont découvert ou fréquenté ces parages. Par cette réunion, on 6 ; 66 EXPLICATION aura sous les yeux les sisemens relatifs de toutes les parties des continens polaires et des passages. tentés pour tourner par le nord et à l’est de l'Asie : on y verra les nouvelles découvertes qui se sont faites dans cette par- tie de mer, entre l'Asie et l'Amérique jus qu'au cercle polaire; et l’on remarquera que la terre avancee de Szalaginski s'étendant jusqu’au 75 ou 74e degre de latitude, il n'y a nulle apparence qu’on puisse doubler ce cap, et qu'on le tenteroit sans succes, soit en ve- nant par la mer Glaciale le long des côtes septentrionales de l'Asie, soit en remontant du Kamtschatka et tournant autour de la terre des Tschutschis, de sorte qu’il est plus que probable que toute cette région au-delà du 74° degré est actuellement glacée et ina- bordable. D'ailleurs tout nous porte à croire que les deux continens de l'Amérique et de l'Asie peuvent ètre contigus à cette hauteur, puisqu'ils sont voisins aux environs du cercle polaire ; n'étant séparés que par des bras de mer, entre les îles qui se trouvent dans cet espace, et dont l’une paroit être d’une très- grande etendue. J'observerai encore qu’on ne voit pas, sur t DE LA CARTE GÉOGRAPHIQUE. 67 la nouvelle carte de l'empire de Russie, la navigation faite en 1646 par trois vaisseaux russes, dont on prétend que l’un est arrivé au Kamtschatka par la mer Glaciale : la route de ce vaisseau est même tracée par des points dans la carte publiée par l'académie de Petersbourg en 1773. J'ai donné ci-devant Les raisons qui me faisoient resarder comme trés-suspecte cette navigation; etaujourd’'hui ces mêmes raisons me paroissent bien confir- mées, puisque, dans la nouvelle carte russe faite en 1777, on a supprimé la route de ce vaisseau , quoique donnée dans la carte de 1773; et quand même, contre toute appa- rence, ce vaisseau unique auroit fait cette route en 1646 , l'augmentation des glaces de- puis cent trente-deux ans pourroil bien la rendre impraticable aujourd'hui, puisque, dans le même espace de temps, le détroit de Waigats s’est eutièrement glacé, et que la navigation de la mer du nord de l’Asie, à commencer de l'embouchure de l’'Oby jus- qu à celle du Kolima, est devenue bien plus difficile qu’elle ne l’étoit alors, au point que les Russes l’ont, pour ainsi dire, abandon- née, et que ce n'est qu'en partant de Kam- 68 EXPLICATION ischatka qu’ils ont tenté des découvertes sur les côtes occidentales de l'Amérique : ainsi nous présumons que si l’on a pu passer autrefois de la mer Glaciale dans celle de Kamtschatka, ce passage doit être aujour— d'hui fermé par les glaces. On assure que M. Cook a entrepris un troisième voyage, et que ce passage est l’un des objets de ses recherches : nous attendons avec impatience le résultat de ses découvertes, quoique je sois persuadé d'avance qu’il ne reviendra pas en Europe par la mer Glaciale de l’Asie; mais ce grand homme de mer fera peut-être la découverte du passage au nord-ouest depuis la mer Pacifique à là baie d'Hudson. Nous avons ci-devant exposé les raisons qui semblent prouver que les eaux de la baie d'Hudson communiquent avec cette mer; les grandes marées venant de l’ouest dans cette baie suffisent pour le démontrer : il ne s’agit donc que de trouver l'ouverture de cette baie vers l’ouest. Mais on a jusqu'à ce jour vainement tenté cette découverte par les obstacles que les glaces opposent à la navi- gation dans le détroit d'Hudson et dans la baie même; je suis donc persuadé que M, Cook DE LA CARTE GÉOGRAPHIQUE. 69 ne la tentera pas de ce côté-là, mais qu’il se portera au-dessus de la côte de Califor- nie, et quil trouvera le passage sur cette côte au-delà du 43° degré. Dès l’année 1592, Juen de Fuca, pilote espagnol, trouva une grande ouverture sur cette côte sous les 47 et 48e degrés, et y pénétra si loin, qu’il crut être arrive dans la mer du Nord. En 1602, d'Aguilar trouva cette côte ouverte sous le 45° degre ; mais il ne pénétra pas bien avant dans ce détroit. Enfin on voit, par une rela- tion publiée en anglois, qu'en 1640 l’amiraf de Fonte, Espagnol, trouva sous le 54€ degré un détroit ou large rivière, et qu'en la remon- tant il arriva à un grand archipel, et ensuite à un lac de cent soixante lieues de longueur sur soixante de largeur, aboutissant à un détroit de deux ou trois lieues de largeur, où la marée portant à l'est étoit très-violente, et où il rencontra un vaisseau venant de Boston : quoique l’on ait regardé cette rela- tion comme très-suspecte, nous ne la rejette- rons pas en entier, et nous ayons cru devoir présenter ici ces reconnoissances d’après la carte de M. de l'Isle, sans prétendre les. ga- xantir; mais en réunissant la probabilité de te) 70 EXPLICATION . ces découvertes de De Fonte avec celles de d'Aguilar et de Juen de Fuca, il en résulte que la côte occidentale de l'Amérique sep- tentrionale au-dessus du cap Blanc est ou- verte par plusieurs detroits ou bras de mer, depuis le 43° degré jusqu'au 54 ou 55, etque c'est dans cet intervalle où il est presque cer- tain que M. Cook trouvera la communication avec la baie d'Hudson, et cette decouverte acheveroit de le comblér de gloire. Ma presomption à ce sujet est non seu- lement fondée sur les reconnoissances faites par d'Aguilar, Juen de Fuca et De Fonte, mais encore sur une analogie physique qui ne se dement dans aucune partie du globe: c'est que toutes les grandes côtes des conti- nens sont, pour ainsi dire, hachées et enta- mées du Midi au Nord, et qu'ils finissent tous en pointe vers le Midi. La côte nord- ouest de l'Amérique présente une de ces hachures, et c’est la mer Vermeille; mais au-dessus de la Californie nos cartes ne nous offrent, sur uue étendue de quatre cents lieues, qu'une terre continue sans rivières et sans autres coupures que les trois ouveriures reconnues par d'Aguilar , Fuca et De Fonte: DE LA CARTE GÉOGRAPHIQUE. x or cette continuité des côtes, sans anfractuo- sités ni baies ni rivières, est contraire à la Nature; et cela seul suffit pour démontrer que ces côtes n'ont été tracées qu’au hasard sur toutes nos cartes, sans avoir été recon- nues, el que, quand elles le seront, on y trouvera plusieurs golfes et bras de mer par lesquels on arrivera à la baie d Hudson, ou dans les mers interieures qui la précèdent du _côté de l ouest. HISTOIRE. NATURELLE DES MINÉRAUX. De la figuration des minéraux. Cowwr l’ordre de nos idées doit être ici le même que celui de la succession des temps, et que le temps ne peut nous être représenté. que par le mouvement et par ses effets, c’est- à-dire, par la succession des opérations de la . Nature, nous la considérerons d’abord dans les grandes masses qui sont les résultats de ses premiers et grands travaux sur le globe terrestre; après quoi nous essaierons de la suivre dans ses procédés particuliers , et tà- cherons de saisir la combinaison des moyens qu’elle emploie pour former les petits vo- lumes de ces matières précieuses , dont elle paroît d'autant plus avare qu’elles sont en apparence plus pures et plus simples; et quoiqu’en général les substances et leurs HISTOIRE NATURELLE. "3 formes soient si différentes qu’elles paroissent être variées à l'infini, nous espérons qu’en suivant de près la marche de la Nature en mouvement, dont nous avons déja tracé les plus grauds pas dans ses époques, nous ne pourrons nous égarer que quand la lu- mière nous manquera, faute de connois- sauces acquises par l'expérience encore trop courte des siècles qui nous ont précédes. Divisons, comme l’a fait la Nature, en trois grandes classes toutesles matières brutes et minérales qui composent le globe de la Terre; et d’abord considérons-les une à une, en les combinant ensuile deux à deux, et enfin en les réunissant ensemble toutes trois. La première classe embrasse les matières qui , ayant été produites par le feu primitif, n’ont point changé de nature, et dont les grandes masses sont celles de la roche inté- rieure du globe et des éminences qui forment les appendices extérieurs de cette roche, et qui, comme elle, sont solides et vitreuses: on doit donc y comprendre le roc vif, les quartz , les jaspes, le feld-spath, les schorls, les micas, les grès, les porphyres, les gra- uits, et toutes les pierres de première et Mat.'gén, IX, - 74 * \ Î / méme de seconde formation qui ne sont pas caicinables , et encore les sables vitreux, les arotlles, les schistes, les ardoises, et toutes les ï autres matières provenant de la décomposi- tion et des débris des matières primitives que l’eau aura délayées, dissoutes ou dénaturées: La seconde classe comprend les matières qui ont subi une seconde action du feu, et qui ont été frappées par les foudres de l’élec: tricite souterraine, ou fondues par le feu des volcans, dont les grosses masses sont les laves, les basaltes, les pierres ponces, les pouzo- lanes et les autres matières volcaniques, qui nous présentent en petit des produits assez semblables à ceux de l’action du feu primi: tif: et ces deux classes sont celles de la Na- ture brute; car toutes les matières qu’elles contiennent, ne portent que peu ou point de traces d'organisation. La troisième classe contient les substances calcinables , les terres végétales, et toutes les matières formées du détriment et des. dé- pouilles des animaux et des végétaux par l’action ou l’intermède de l’eau, dont les grandes masses sont les rochers et les bancs des marbres, des pierres calcaires, des craiesz 54 HISTOIRE NATURELLE. RS Jr NT DES MINÉRAU X. 5 des plâtres , et la couche universelle de terre végétale qui couvre la surface du globe, ainsi que les couches particulières de tourbes, de bois fossiles et de charbons de terre qui se trouvent dans son intérieur. C'est sur-tout dans cette troisième classe que se voient tous les degrés et toutes les nuances qui remplissent l'intervalle entre la matière brute et les substances organisées ; et cette matière intermédiaire, pour ainsi dire mi- partie de brut et d’organique; sert également aux productions de la Nature ac tive dans les deux empires de la vie et de la mort : car comme la terre végétale et toutes les substances calcinables contiennent beaw- coup plus de parties organiques que les autres matières produites ou dénaturées par le feu, ces parties organiques, toujours àc- tives, ont fait de fortes impressions sur la matière brute et passive; elles en ont tra- vaillétoutes les surfaces et quelquefois pénétré l'épaisseur ; l’eau développe; délaye, entraine et dépose ces élémens organiques sur les ma- uères brutes : aussi la plupart des minéraux figurés ne doivent leurs différentes formes qu'au mélange et aux combinaisons de cette “. % < sb. = * 56 HISTOIRE NATURELLE . matière active avec l'eau qui lui sert d véhicule. Les productions de la Nature orga- nisée, qui, dans l’état de vie et de végétation, représentent sa force et font l’ornement dela " terre, sont encore, après la mort, cequ'ily a de ‘plus noble dans la Nature brute : les détrimens des animaux et des végétaux con= servent des molécules organiques actives, qui communiquent à cette matière passive Îles premiers traitside l’organisation en lui don— nant Ja formeextérieure. Toutminéral figuré a été travaillé par ces molécules organiques » provenant du détriment des êtres organisés, À ou par les premières molécules organiques 4 existantes avant leur formation : ainsi les | minéraux figurés tiennent tous de près oude … loin à la Nature organisée; et il n’y a de i matières entièremient brutes que celles qui : ne portent aucun trait de figuration ; car \ l’organisation a, comme toute autre haine delaïmatière , ses degrés et ses nuances, dont ‘ les-caractères les plus généraux, les plus | distincts, ‘et les résultats les plus évidens, … sont la vie-dans les animaux , la végétation : 7 dans les plantes, et la figuration dans lex 1 minéraux. 5 20 e DES MINÉRAUX. 5m A À Le: grand et lé premier instrument avec “lequel la Nature opère toutes ses merveilles, | est cette force universelle, constante et pé- nétrante, dont elle anime chaque atome de matière en leur imprimant une. tendance mutuelle; à:se. rapprocher et s'unir. Son autre grandimoyen- estila chaleur:, et cette seconde force tend'à séparer. tout ce que la première a réuni: néanmoins‘elle lui: est subordonnée ; car l'élément: du: feu ; 1 comme toute autre matière, est soumis à las puis- sance générale de la force attractive. Celle-ci est d'ailleurs également répartie dans les substances ‘organisées comme dans les ma- tières brutes; elle est toujours proportion- nelle à la masse : toujours présente, sans cesse active, elle peut travailler la matière dans les trois dimensions à Ja fois, dès qu’elle est aidée de la chaleur , parce qu'il n’y a pas un point qu'elle ne pénètre à tout ins- tant, et que par conséquent la chaleur ne puisse-étendre et développer , dès qu’elle se trouve-dans:-la proportion qu’exige l’état des matières sûr:lesquelles elle opère. Ainsi , par la combiñaison de ces deux forces actives, Ja matière :ductile, pénétrée et travaillée S 7 LA me HISTOIRE nn sou développement et de son extension pro portionnelle en longueur, largeur et profon- deur. Mais si ces deux forces pénétrantes ,et productrices, l'attraction et la chaleur, au lieu d’agir sur des substances molles et duc- tiles, viennent à s'exercer sur des matières sèches et dures qui leur opposent trop de résistance, alors elles ne peuvent agir que sur la surface, sans pénétrer l’intérieur de cette matière trop dure; elles ne pourront donc, malgré toute leur activité, la travailler que dans deux dimensions au lieu de trois, en traçant à sa superficie quelques linéa- mens; et cette matière n'étant travaillée qu’à la surface, ne pourra prendre d’autre forme que celle d’un minéral figuré. La Nature opère ici comme l’art de l’homme, il me peut que tracer des figures et former des sur- faces; mais, dans ce genre même de travail, le seul où nous puissions l’imiter, elle nous est encore si supérieure , qu'aucun de nos ouvrages ne peut approcher des siens. AS AE | où DES MINÉRAUX. : 9 « Le germe de l'animal ou du végétal étant forme par la réunion des molécules Orga- | niques avec une petite portion de matière 3 ductile, ce moule intérieur une fois donné et bientôt développé par la nutrition, sufht pour communiquer son empreinte, et rendre sa ième forme à perpétuité, par toutes les voies de la reproduction et de la génération; au lieu que, dans le minéral, il n’y a point de germe, point.de moule intérieur capable de se développer par la nutrition, ni de transmettre sa forme par la reproduction. Les animaux et les végétaux, se reprodui- sant également par eux-mêmes, doivent être considérés.ici. comme des êtres semblables pour le fond et les moyens d'organisation; les minéraux, qui ne peuvent se reproduire par eux-mêmes, et qui néanmoins se pro- duisent toujours sous. la même forme, en diffèrent par l’origine et par leur structure, dans laquelle il n’y a que des traces superf- cielles d'organisation. Mais, pour bien saisir cette différence originelle , on doit se rappe- ler * que, pour former un moule d'animal * Voyez les articles où il est traité de la auirition et de la reproduction. 89 HISTOIRE NATURELBE ou de végétal capable de se reproduire; il faut 4 que la Nature travaille la matière dans les trois dimensions à là fois, et que la chaleur y distribue les molécules organiques dans les mêmes proportions , afin que la nutrition et l'accroissement suivent cette ‘pénétration intime , et qu’enfin la reproduction puisse s’opérer par le superflu de ces molécules or- ganiques, renvoyées de toutes les parties du corps organise lorsque son accroissement est complet : or, dans le minéral , cette dernière opération, qui est le suprême effort de la Na- ture, ne se fait ni ne tend à se faire; il n’y a point de molécules organiques superflues qui puissent être renvoyées pour la repro- duction. L'opération qui la précède, c’est-à= dire , celle de la nutrition, s'exerce dans certains corps organisés qui ne se repro- duisent pas, et qui ne sont produits eux- mêmes que par une génération spontanée : mais cette seconde opération est encore sup- _primée dans le minéral; il ne se nourrit ni n’accroit par cette intus-susception qui, dans tous les êtres organisés , étend et développe: leurs trois dimensions à la fois en égale pro- portion : sa seule manière de croitre est une DES MINÉRAUX. &r augmentation de volume par la juxta-posi- tion successive de ses parties constiluantes, qui toutes n'etant travaillées que sur deux dimensions, c’est-à-dire, en longueur et en largeur , ne peuvent prendre d'autre forme que celle de petites iames infiniment minces et de figures semblables ou différentes; et ces lames figurées ; superposees et réunies, com- posent , par leur agrésation , un volume plus “où moins grand et figuré de même. Ainsi, dans chaque sorte de minéral figuré, les parties constituantes , quoiqu’excessivement minces , ont une figure déterminée qui borne le plan de leur surface , et leur est propre et particulière; et comme les figures peuvent varier à l'infini, la diversité des minéraux estaussi grande que le nombre de ces variétés de figure. Cette figuration dans chaque lame mince est un trait, un vrai linéament d’organisa- tion , qui, dans les parties constituantes de chaque minéral, ne peut être tracé que par l'impression des elémens organiques; et en effet la Nature, qui travaille si souvent la matière dans les trois dimensions à la fois, ne doit-elle pas opérer encore plus souvent / 8 HISTOIRE NATURELLE en n’agissant que dans deux dimensions, et en n’employant à ce dernier travail qu'un petit nombre de molécules organiques ; qui se trouvant alors surchargées de la matière brute, ne peuvent en arranger que les par- ties superficielles, sans en pénétrer linté- rieur pour en disposer le fond, et par consé- quent sans pouvoir animer cette masse mi- nérale d’une vie animale ou végétative? et quoique ce travail soit beaucoup plus simple que le premier, et que, dans le réel, il soit plus aisé d’effleurer la matière dans deux dimensions que de la brasser dans toutes trois à la fois, la Nature emploie néanmoins les mêmes moyens et les mêmes agens; la force pénétrante de l’attraction, jointe à celle dela chaleur, produisent les molécules organiques, : et donnent le mouvement à la matière brute en la déterminant à telle ou telle forme, tant à l'extérieur qu’à l’intérieur lorsqu'elle est travaillée dans les trois dimensions, et c’est de cette manière que se sont formes les germes des végétaux et des animaux: mais, dans les minéraux, chaque pétite lame infi- niment mince, n'étant travaillée que dans deux dimensions par un plus ou moins DES MINÉRAUX. 83 graud nombre d’élémens organiques, elle ne. peut recevoir qu'autour de sa surface une figuration plus ou moins régulière; et si l’on ne peut nier que cette figuration ne soit un premier trait d'organisation, c'est aussi le seul qui se trouve dans les minéraux : or cette figure une fois donnée à chaque lame mince, à châque atome du mineral, tous ceux qui J'ont reçue se réunissent par la force de leur affinité respective, laquelle, comme je l’ai dit *, dépend ici plus de la figure que de la masse; et bientôt ces atomes en petites lames minces, tous figurés de même, composent un volume sensible et de même figure ; les prismes du crystal, les rhombes des spaths calcaires, les cubes du sel marin , les aiguilles du nitre, etc. et toutes Les fisures anguleuses, régulières ou irrégulières des minéraux, sont tracées par le mouvement des molecules organiques , et particulièrement par les mo- lécules qui proviennent du résidu des ani- maux et végétaux dans les matières calcaires, et dans celles dela couche universelle de terre * Voyez l’arucle de cette Histoire naturelle qui a pour bire : De la Nature, seconde Fue. TR MER NT LA Y AA . B4 HISTOIRE NATURELLE végétale qui couvre la superficie du globe: c’est donc à ces matières mêlées d'organique et de brut que l’on doit rapporter l'origine primitive des minéraux figurés. Ainsi toute décomposition, tout détriment de matière animale ou végétale, sert non seu- lement à la nutrition, au développementet à la reproduction des êtres organisés: mais cette même matière active opère encore comme cause efhicikente la figuration des minéraux; | elle seule, par son activité différemment ! dirigée, suivant les résistances de la matière . inerte, peut donner la figure aux parties | constituantes de chaque minéral, et il ne faut qu'un très-petit nombre de molécules organiques pour imprimer cette trace super- ficielle d'organisation dans le minéral, dont elles ne peuvent travailler l'interieur; et. c'est par cette raison que ces corps étant toujours bruts dans leur substance , ils ne peuvent croitre par la nutrition comme les, êtres organisés, dout l’intérieur est actifs dans tous les points de la masse, et qu’ils” n’ont que la faculté d'augmenter de volume par une simple agrégation superficielle de leurs parties. ft DES MINÉRAUX. 65 -! Quoique cette théorie sur la figuration des minéraux soit plus simple d'un degré que _ celle de l’organisation des animaux et des végétaux, puisque la Nature ne travaille ici que dans deux dimensions au lieu de trois, et quoique cette idée ne soit qu'une exten- sion ou même une conséquence de mes vues sur la nutrition, le developpement et la re- production des êtres, je ne m attends pas à 1a voir universellement accueillie, ni même adoptée de sitôt par le plus grand nombre. J'ai reconnu que les gens peu accoutumes aux idées abstraites ont peine à concevoir les moules intérieurs et le travail de la Na- ture sur la matière dans les trois dimensions à la fois ; dès lors ils ne concevront pas mieux qu'elle ne travaille que dans deux dimensions pour figurer les minéraux : cependant rien ne me paroit plus clair, pourvu qu'on ne borne pas ses idées à celles que nous pré- sentent nos moules artificiels ; tous ne sont qu'extérieurs, et ne peuvent que figurer des surfaces , c’est-à-dire , opérer sur deux dimen- sions : mais l'existence du moule interieur et son extension, c'est-à-dire, ce travail de la Nature dans les trois dimensions à la fois, 8. 86 HISTOIRE NATURELLE sont démontrées par le développement de tous les germes dans les végétaux, de tous les embryons dans les animaux , puisque toutes leurs parties, soit extérieures, soitin=- térieures, croissent proportionnellement; ce qui ne peut se faire que par l'augmentation du volume de leur corps dans les trois di= mensions à la fois. Ceci n’est donc point un système idéal fondé sur des suppositions hy- * pothétiques, mais un fait constant démontré À par un effet général, toujours existant, et à chaque instant renouvelé dans la Nature en- tière : tout ce qu’il y a de nouveau dans cette grande vue, c’est d’avoir apperçu qu'ayant a sa disposition la force pénétrante de l’attrac- tion et celle de la chaleur, la Nature peut travailler l’intérieur des corps et brasser la matière dans les trois dimensions à la fois, } | pour faire croître les ètres organisés, sans |. que leur forme s’altère en prenant trop ou trop peu d'extension dans chaque dimen- sion. Un homme, un animal, un arbre, une plante, en un mot tous les corps organisés sont autant de moules intérieurs dont toutés les parties croissent proportionnellement , et par conséquent s'étendent dans les trois DES MINÉRAUX. 87. dimensions à la fois; sans cela l’adulte ne xessembleroit pas à l'enfant, et la forme de tous les êtres se corromproit dans leur ac- croissement : car, en supposant que la Na- ture manquât totalement d'agir dans l’une des trois dimensions , l'être organisé seroit bientôt non seulement défiguré, mais détruit, puisque son corps cesseroit de croître à l’in- térieur par la nutrition, et dès lors le solide réduit à la surface ne pourroit augmenter que par l'application successive des surfaces les unes contre les autres, et par conséquent d'animal ou végétal il deviendroit minéral, dont effectivement la composition se fait par la superposition de petites lames presque in- finiment minces, qui n’ont été travaillées que sur les deux dimensions de leur surface en longueur et en largeur ; au lieu que les germes des animaux et des végétaux ont été travaillés non seulemeut en longueur et en largeur , mais encore daus tous les points de l'épaisseur, qui fait la troisième dimension ; en sorte qu'il n’augmente pas par agrégation comme le minéral, mais par la nutrition, c'est-à-dire, par la pénétration de la nourri- ture dans toutes les parties de son intérieur, 58 HISTOIRE NATURELLE et c’est par cette intus-susception de la nour- riture que l’animal et-le végétal se dévelop- pent et prennent leur accroissement sans changer de forme. On a cherche à reconnoître et distinguer les mineraux par le résultat de l'agrégation ou crystallisation de leurs particules : toutes les fois qu'on dissout une matière, soit par l'eau , soit par le feu, et qu'on la réduit à l'homogénéité, elle ne manque pas de se crys- talliser, pourvu qu'on tienne cette matière dissoute assez long-temps en repos pour que les particules similaires et deja figurées puis-: sent exercer leur force d’affinite, s’attirer réciproquement, se joindre et se reunir. Notre art peut imiter ici la Nature dans tous les cas où il ne faut pas trop de temps, comme pour la crystallisation des sels, des métaux. et de quelques autres minéraux ; mais, quoi- que la substance du temps ne soit pas mate- rielle , néanmoins le temps entre comme élément général, comme ingrédient réel et plus necessaire qu'aucun autre, dans'toutes les compositions de la matière : or la dose de ce grand eélément-ne nous est point Connue; il faut peut-être des siècles pour opérer la DES MINÉRAU X. - 8 erystallisation d’un diamant, tandis qu'il ne faut que quelques minutes pour crystalliser un sel. On peut même croire que, toutes choses égales d’ailleurs, la différence de la dureté des corps provient du plus ou moins de temps que leurs parties sont à se réunir; car comme la force d’affinité, qui est la même que celle de l'attraction , agit à tout instant et ne cesse pas d'agir, elle doit avec plus de temps produire plus d'effet : or la plupart des productions de la Nature, dans le règne minéral , exigent beaucoup plus de temps que nous ne pouvons en donner aux COMpPo- sitions artificielles par lesquelles nous cher- chons à l’imiter. Ce n’est donc pas la faute de l’homme ; son art est borné par une limite qui est elle-même sans bornes; et quand, par ses lumières, il pourroit reconnoître tous les élémens que la Nature emploie, quand il les auroit à sa disposition, il lui manqueroit encore la puissance de disposer du temps, et de faire entrer des siècles dans l’ordre de ses combinaisons. Ainsi les matières qui paroissent être les plus parfaites, sont celles qui, étant compo sées de parties homogènes, ont pris le plus 8 , a y pt he g9 HISTOIRE NATURELLE de temps pour se consolider, se durcir, et augmenter de volume et de solidité autant qu’il est possible. Toutes ces matières miné- rales sont figurées ; les élémens drganiques tracent le plan figuré de leurs parties consti- tuantes jusque dans les plus petits atomes, et laissent faire le reste au temps, qui, toujours aidé de la force attractive, a d’abord séparé les particules hétérogènes pour réunir. en- suite celles qui sont similaires, par de sim- ples agrégations , toutes dirigées par leurs affinités. Les autres minéraux qui ne sont pas figurés , ne présentent qu'une matière brute, qui ne porte aucun trait d'orgauisa- tion ; et comme la Nature va toujours par degrés et nuances, 1l se trouve des minéraux mi-partis d'organique et de brut, lesquels offrent des figures irrégulières, des formes extraordinaires, des mélanges plus ou moins assortis, et quelquefois si bizarres, qu’on a grande peine à deviner leur origine, et même à démêler leurs diverses substances. L'ordre que nous mettrons dans la contem- plation de ces différens objets, sera simple et déduit des principes que nous avons établis ; nous commencerons par la matière la plus DES MINERAU X. gt - brute, parce qu'elle fait le fond de toutes les autres matières, et même de toutes les subs- tances plus ou moins organisées : or, dans ces matières brutes , le verre primitif est celle qui s’offre la première comme la plus ancienne, et comme produite par le feu dans le temps où la terre liquéfiée a pris sa con- sistance. Cette masse immense de matière vitreuse s’étant consolidée par le refroidisse- ment, a formé des boursouflures et des aspé- rités à sa surface; elle a laissé en se resser- rant une infinite de vides et de fentes, sur- tout à l’extérieur, lesquels se sont bientôt remplis par la sublimation ou la fusion de toutes les matières métalliques ; elle s’est durcie en roche solide à l’intérieur, comme une masse de verre bien recuit se consolide et se durcit lorsqu'il n’est point exposé à l'action de l’air. La surface de ce bloc im- _ mense s’est divisée, fêlée, fendillée, réduite en poudre, par l'impression des agens exté- rieurs : ces poudres de verre furent ensuite saisies, entraînées et déposées par les eaux, et formèrent dès lors les couches de sable vitreux, qui, dans ces premiers temps, étoiené bien plus épaisses et plus étendues qu'elles 2 HISTOIRE NATURELLE. ne le sont aujourd’hui; car une grande par- tie de ces débris de verre qui ont été trans- portés les premiers par le mouvement des eaux , ont ensuite été. réunis en blocs de grès, ou décomposés et convertis en argille par l’action et l’intermède de l’eau. Ces ar: gilles , durcies par le desséchement , ont forme les ardoises et les schistes ; et. ensuite les bancs calcaires produits par les coquil- Jages, les madrépores et tous les détrimens des productions de la mer, ont été déposés au-dessus des argilles et des schistes; et ce n’est qu'après l'établissement local de toutes ces grandes masses que se sont formés la AE des autres mineraux. Nous suivrons donc cet ordre, qui de tous est le plus naturel; et au lieu de commen- cer par les métaux les plus riches on par les pierres précieuses, nous présenterons les ma- tières les plus communes, ét qui, quoique moins nobles en apparence, sont néanmoins les plus anciennes , et celles qui tiennent, sans comparaison , la plus grande place dans la Nature, et méritent par conséquent d’au- tant plus d’être considérées, que toutes les autres en tirent leur origine. DES VERRES PRIMITIFS. S 1 l'on pouvoit supposer que le globe ter- réstre , avant sa liquéfaction , eñt été com- posé des mêmes matières qu'il l’est aujour- d'hui, qu'ayant tout-à-coup été saisi par le feu, toutes ces matières se fussent réduites en verre, nous aurions une juste idée des produits de la vitrification générale, en les comparant ayec ceux des vitrifications par- ticulières qui s’opèrent sous nos yeux par le feu des volcans ; ce sont des verres de toutes sortes, très-différens les uns des autres par la densité, la dureté, les couleurs, de- puis les basaltes et les laves les plus solides et les plus noires, jusqu'aux pierres ponces les plus blanches, qui semblent être les plus légères de ces productions de volcan : entre ces deux termes extrêmes, on trouve tous les autres degrés de pesanteur et de lé- géreté dans les laves plus ou moins com- pactes , et plus ou moins poreuses ou mé- langées; de sorte qu’en jetant un coup d’œil # b; Ÿ : LIN Me L'AILE TITRES ” À £ 4 te $ $ Le K. > f) ve +100 : Là ri ÿy4 HISTOIRE NATURELLE. sur une collection bien rangée de matières volcaniques , on peut aisément reconnoître les différences, les degrés, les nuances, et même la suite des effets et du produit de cette vitrification par le feu des volcans. Dans cette supposition, il ÿ auroit eu autant de sortes de matières vitrifiées par le feu primi- tif que par celui des volcans, et ces matières seroient aussi de même nature que les pierres pouces, les laves et Les basaltes ; mais le quartz et les matières vitreuses de la masse du globe étant très-différens de ces verres de volcan, il est évident qu’on n’auroit qu'une fausse idée des effets et des produits de la vitrifi- cation générale, si l’on vouloit comparer ces matières primitives aux PrenPE volca- niques. Ainsi la Terre, lorsqu'elle a été vitrifiée, x’étoit point telle qu’elle est aujourd'hui, mais plutôt telle que nous l’avons dépeinte à l’époque de sa formation * ; et, pour avoir une idée plus juste des effets et du produit de la vitrification générale, il faut se repré- senter le globe entier pénétré de feu et fondu * Voyez la première Époque. j: } DES MINÉRAUX. ob jusqu’au centre, et se souvenir que cette masse en fusion, tournant sur elle-même , s’est élevée sous l'équateur par la force cen- trifuge, et en mème temps abaissée sous les poles; ce qui n’a pu se faire sans former des cavernes ét des boursouflures dans les couches extérieures, à mesure qu'elles prenoient de la consistance. Tächons donc de concevoir de quelle manière les matières vitrifiées ont pu se disposer et devenir telles que nous les trouvons dans le sein de Ia Terre. Toute la masse du globe, liquéfiée par le feu , ne pouvoit d'abord être que d’une subs- tance homogène et plus pure que celle de nos verres et des laves de volcan , puisque toutes les matières qui pouvoient se sublimer étoient alors reléguées dans l'atmosphère avec l’eau et les autres substances volatiles. Ce verre homogène et pur nous est représenté par le quartz, qui-est la base de toutes les autres inatières vitreuses ; nous devons donc le re- garder comme Le verre primitif. Sa substance est simple; dure et résistante à toute action des acides ou du feu; sa cassure vitreuse dé- montre son essence, et tout nous porte à pen- set :53 c'est le premier verre qu’ait produit ia Nature. TRE f 95 HISTOIRE NATURELLE Et, pour se former une idée de la manière dont ce verre a pu prendre autant de consis- tance et de dureté, il faut considérer qu’en pénéral le verre en fusion n’acquiert au cune solidité s’il est frappé par l'air exté— rieur, et qne ce n’est qu’en le laissant re- cuire lentement et long-temps dans'un four chaud et bien fermé, qu'on lui donne une consistance solide; plus les masses de verre sont épaisses, et plus il faut de temps pour les consolider et les recuire : or, dans le temps que la masse du globe, vitrifiée par le feu, s’est consolidée par le refroidissement , l'intérieur de cette masse immense aura eu tout le temps de se recuire et d'acquérir de la solidite et de la dureté ; tandis que la sur- face de cette même masse, frappée du refroi- dissement, n’a pu, faute de recuit, prendre aucune solidité. Cette surface , exposée à l’ac- tion des élémens extérieurs, s’est divisée, félée, fendillée, et même réduite en écailles, en paillettes et en poudre, comme nous le voyons dans nos verres en fusion, exposés à l'action de l’air. Ainsi le globe, dans ce pre- mier temps, a été couvert d’une grande quan- | tité de ces écailles ou paillettes du verre pri- DES MINÉRAUX. 97 mutif, qui n’avoit pu se recuire assez pour prendre de la solidité ; et ces parcelles ou paillettes du premier verre nous sont aujour- d'hui représentées par les micas et les grains décrépités du quartz, qui sont ensuite entrés dans la composition des granits et de plu- sieurs matières vitreuses. Les micas n'étant, dans leur première ori- sime, que des exfoliations du quartz frappé par le refroidissement , leur essence est au fond la mème que celle du quartz : seule- ment la substance du mica est-un peu moins simple; car il se fond à un feu très-violent, tandis que le quartz y résiste; et nous ver- rons dans la suite qu’en général plus la subs- tance d’une matière est simple et homogène, moins elle est fusible. IL paroît donc que quand la couche extérieure du verre primi- tif s’est réduite en paillettes par la première action du refroidissement , 1l s’est mêlé à sa substance quelques parties hétérogènes, con- tenues dans l’air dont il a été frappé; et dès lors la substance des micas, devenue moins pure que celle du quartz, est aussi moins ré- fractaire à l’action du feu. Peu de temps avant que le quartz se soit $ 9 . pi ÊTe, / 1 l r 4 08 HISTOIRE NATURELLE entièrement consolidé en se recuisant len- tement sous cette enveloppe de ses fragmens décrépités et réduits en micas, le fer, qui, de tous les métaux, est le plus résistant au feu, a le premier occupé les fentes qui se formoient de distance en distance par la re- traite que prenoit la matière du quartz en se consolidant ; et c’est dans ces mêmes inters- tices que s’est formé le jaspe, dont la subs- tance n'est au fond qu’une matière quart- zeuse, mais imprégnée de matières métal- liques qui lui ont donné de fortes couleurs, et qui néanmoius n’ont point altéré la sim— plicité de son essence; car ilest aussi infu- sible que le quartz. Nous regarderons donc le quartz, le jaspe et le mica, comme les trois premiers verres primitifs ,et en même temps comme les trois matières les plus simples de la Nature. .« Ensuite, et à mesure que la grande cha- leur diminuoit a la surface du globe, les matières sublimees tombant de l’atmosphère se sout méêélées en plus ou moins grande quautité avec le verre primitif, et de ce me- lange ont resulté deux autres verres dont là substance étant moins simple, s'est trouvée VA DES MINÉRAUX. 99 bien plus fusible ; ces deux verres sont le feld-spath et le schorl : leur base est égale- ment quartzeuse ; mais le fer et d'autres matières hétérogènes s’y trouvent mélés au quartz, et c’est ce qui leur a donné une fu- sibilité à peu près égale à celle de nos verres factices. On pourroit donc dire en toute rigueur qu'il n’y a qu’un seul verre primitif, qui est le quartz, dont la substance, modifiée par la teinture du fer, a pris la forme de jaspe et celle de mica par les exfoliations de tous deux ; et ce même quartz, avec une plus grande quantité de fer et d’autres matières héterogènes , s’est converti en feld-spath et en schorl : c’est à ces cinq matières que la Nature paroït avoir borné le nombre des pre- miers verres produits par le feu primitif, et desquelles ont ensuite été! composées loutes les substances vitreuses du règne mineral. Il y a donc eu, dès ces premiers temps, des verres plus ou moins purs, plus ou moins recuits et plus ou moins mélangés de ma- tières différentes : les uns composés des par- ties les plus fixes de la matière en fusion, et qui, comme le quartz, ont pris plus de 100 HISTOIRE NATURELLE dureté et plus de résistance au feu que nos verres et que ceux des volcans; d’autres pres- que aussi durs, aussi réfractaires, mais qui, comme les jaspes, ont été fortement colorés par le mélange des parties métalliques ; d’autres qui, quoique durs, sont, comme le feld-spath et le schorl, très-aisément fusibles; d’autres enfin, comme le mica, qui, faute de recuit, étoient si spumeux et si friables, : qu'au lieu de se durcir, ils se sont éclates et dispersés en paillettes ou réduits en poudre par le plus petit et premier choc des mA extérieurs. Ces verres de, qualités différentes se sont mêlés, combinés et réunis ensemble en pro- portions différentes : les granits, les por- phyres , les ophites, et les autres matières vitreuses en grandes masses, ne sont com-— posés que des détrimens de ces cinq verres primitifs; et la formation de ces substances mélangées a suivi de près celle de ces pre- miers verres, et s’est faite dans le temps qu'ils étoient encore en demi-fusion : ce sont là les premières et les plus anciennes ma- tières de la Terre; elles inéritent toutes d’être considérées à part, et nous commencerons DES MINÉRAUX... ‘or par le quartz, qui est la base de toutes les autres;-et qui nous paroit être de la même nature que la roche de l’intérieur du elobe. Mais je dois auparavant prévenir une ob- jection qu'on pourroit me, faire avec quelque apparence. de raison. Tous nos verres fac- tices, et mème toutes les matières vitreuses produites par le.feu des volcans, telles que les basaltes.et les layes , cèdent à.l'impression de la lime, et sont fusibles aux feux de nos fourneaux : le quariz et le jaspe ,; au con- traire ,. que vous regardez, me dira-t-on, comme les premiers verres.de: nature, ne peuvent, ni. s’entamer par la lime, ni se fondre par notre art; et de vos cinq verres primitifs , qui sont le quartz, le jaspe, le mica, le feld-spath et.le schorl, il n’y a que les trois derniers qui soient fusibles, et en- core le.mica ne peut se réduire en verre qu'au feu le plus violent ;.et dès lors le quariz et les jaspes pourroient bien être d’une es- sence ou tout au moins d’une texture diffe— rente de celle du verre. La première réponse que je pourrois faire à cette objection, c’est que tout ce que nous connoissons non seule- ment dans la classe des substances vitreuses 9 1702 HISTOIRE NATURELLE produites par la Nature; imais même dans nos verres factices composés par l’art, nous fait voir que Les plus purs et les plus simples de ces verres’sont en même temps les plus réfractaires ; et que quand ils ont été fondus une fois, ils se refusent et résistent ensuite à l’action de la même chaleur qui leur a donné cette première fusion , et ne cèdent plus qu’à un degré de feu de beaucoup supé- xieur : or, comment trouver un degré de feu supérieur à un embrasement presque égal à celui du Soleil, et tel que le feu qui a fondu ces quartz et ces jaspes ? car, dans êe premier temps de la liquéfaction du globe, l’embrase- meut de la Terre étoit à peu près égal à celui de cet astre ; et puisqu'aujourd’hui même la plus grande chaleur que nous puissions pro- duire, est celle de la réunion d’une portion presque infiniment petite de ses rayons par les miroirs ardens, quelle idée ne deyons- nous pas avoir de la violence du feu primi- tif! et pouvons-nous être étonnés qu’il ait produit le quartz et d'autres verres plus durs et moins fusibles que les basaltes et les lavés des volcans ? P Quoique cette réponse soit assez satisfais DES MINÉRAUX. 103 sante, et qu'on puisse très-raisonnablement s'en tenir à mon explication, je pense que, dans des sujets aussi difficiles, on ne ‘doit rien prononcer afhrmativement, sans expo- ser toutes les difficultés et les raisons sur les- quelles on pourroit fonder une opinion con- traire. Ne se pourroit-il pas, dira-t-on, que le quartz, que vous regardez comme le pro- duit immédiat de la vitrification générale, ne fût lui-même, comme toutes les autres subs- tances vitreuses , que Le détriment d’une ma- tière primitive qué nous né connoissons pas, faute d’avoir pu'pénétrer à d'assez grandes profondeurs dans le sein de la Terre, pour y trouver la°vraié/ masse qui en remplit l’in- térieur ? L’arialogie doit faire adopter ce sen— timent plutôt que votre opinion ; car les nra- tières qui, eomme le verre, ont été fondues par nos feux ; peuvent l'être de nouveau ,'et par le même élément du feu, tandis que celles qui, comme le crystal de roche, l’arsille blanche et la craie pure, ne sont formées que par l'intermede de l'eau, résistent, comme le quartz, à la plus grande violence du feu : des lors ne doit-on pas penser que le quartz m'a pas été produit par ce dernier élément, Die. "de PRE COLE à jf + / £ 3 5 4 A Re xo4 HISTOIRE NATURELLE mais formé par l’eau , comme l’argille et la craie pures, qui sont également réfractaires à nos feux? et si le quartz a en effet été pro- duit primitivement par l’intermède de l’eau, à plus forte raison le jaspe, le porphyre et les granits auront été formés par le même élément. | | J'observerai d’abord que, dans cette;ebjec- tion, le raisonnement n’est'appuyé que sur la supposition idéale d'une matière inconnue, tandis que je pars au contraire d'un fait cer- ain, en présentant pour matière primitive les deux substances les plus simples qui.,se soient jusqu'ici rencontrées dans la Nature; et je réponds en second lieu, que lidee sux laquelle ce raisonnement est fondé, n’est en- core qu'une autre supposition démentie par les observations ; car il faudroit alors que les eaux eussent non seulement surmonté les pics des plus hautes montagnes de quartz et de granit, mais encore que l’eau eût formé les masses immenses de ces mêmes mon- tagnes par des dépôts accumulés et super- posés jusqu’à leurs sommets : or cette double supposition ne peut nise soutenir, ni mème se présenter avec quelque vraisemblance, dès DES MINÉRAUX. 1 roi que l’on vient à considérer que la Terre n’a pu prendre sa forme renflée sous l'équateur et abaissée sous les poles que dans son état de liqnéfaction par le feu , et que les boursou- flures et les grandes éminences du globe: ont de même nécessairement été : formées! par l'action de ce même élément dans.le temps de la consolidation. L'eau , en quelque quan- tité et dans quelque mouvement qu'on. la suppose, n’a pu produire ces chaînes de mon- tagnes primitives qui font la charpente de la Terre, et tiennent à la roche qui en occupe l'intérieur. Loin d’avoir travaillé ces mon- tagnes primitives dans toute, l'épaisseur de leur masse, ni par conséquent d'avoir pu changer la nature de cette prétendue matière primitive, pour en faire du quartz ou des granits, les eaux n’ont'eu aucune part à leur formation; car ces substances ne portent au cune trace de cette origine, et n’offrent pas le plus petit indice du travail ou du dépôt de l’eau. On ne.trouve aucune production marine ni dans le quartz, ni daus le granit; et leurs masses, au lieu d’être disposées par couches comme Je sont toutes Les matières transportées on déposées parles eaux, sont 2 106 HISTOIRE NATURELLE au contraire comme fondues d'une seule pièce , sans lits n1 divisions que celles des fentes perpendiculaires qui se sont formées par la retraite de la matière sur elle -même dans le temps de sa consolidation par le re- froidissement. Nous sommes donc bien fon- dés à regarder le quartz et toutes lés matières en grandes masses dont il est la base, teiles que les jaspes, les porphyres, les granits ; comme des produits du feu primitif, puis- qu'ils diffèrent en tout des matières travail- lées par les eaux. Le quartz forme la roche du globe; les appendices de cette roche servent de noyaux aux plus hautes éminences de la Terre. Le jaspe est aussi un produit immédiat du feu primitif, etilest, après le quartz, la matière vitreuse la plus simple; car il résiste égale- ment à l’action des acides et du feu. Il n’est pas tout-à-fait aussi dur que lequartz, et ilest presque toujours fortement coloré : mais ces différences ne doivent pas nous empêcher de regarder le jaspe en grande masse comme un produit du feu, et comme lé’ second verre primitif, puisqu'on n’y voit aucune trace de composition , ni d'autre indice de mélange A | DES MINÉRAUX. T0 : que celui des parties métalliques qui l'ont coloré ; du reste, il est d’une essence aussi pure que le quartz, qui lui-même a reçu quel- quefois des couleurs, et particulièrement le rouge du fer. Ain$i, dans le temps de la vi- trification générale, les quariz et jaspes, qui en sont les produits les plus simples, n’ont reçu par sublimation ou par mixtion qu’une petite quantité de particules métalliques dont ils sont colorés ; et la rareté des jaspes , en comparaison du quartz, vient peut-être de ce qu'ils n’ont pu se former que dans les en- droits où il s’est trouvé des matières métal- liques , au lieu que le quartz a été produit en tous lieux. Quoi qu'il en soit, le quartz et le jaspe sont réellement les deux substances vitreuses les plus simples de la Nature, ef nous devons dès lors les regarder comme les deux premiers verres qu elle ait produits. L’infusibilité , ou plutôt la résistance à l'action du feu, deépeud en entier de la pu- relé ou simplicité de la matière : la craie et l'argille: pures ‘sout aussi infusibles, que le quartz et le jaspe; toutes les matières mixtes ou composées sont au contraire très-aisément | fusibles. Nous considérerons donc. d’abord le ‘03 HISTOIRE NATURELLE quartz et le jaspe comme étant les deux ma- tières vitreuses les plus simples; ensuite nous : placerons le mica, qui, étant un peu moins réfractaire au feu, paroit être un peu moins simple; et enfin nous présenterons le feld- spath et le schorl, dont la grande fusibilité semble démontrer que leur substance est mélangée; après quoi nous traiterons des matières composées de ces cinq substances primitives, lesquelles ont pu se mêler ét sé combiner ensemble deux à deux, trois à trois, ou quatre à quatre, et dont le me- lange a réellement produit toutes les autres matières vitreuses en grandes masses. Nous ne mettrons pas au nombre des subs- tances du mélange celles qui donnent les couleurs à ces différentes matières, parce 1 1 . qu'il ne faut qu'une si petite quantité de mé- tal pour colorer de grandes masses, qu’on ne peut regarder la couleur comme partie inte= grante d’aucune substance ; et c’est par cette raison que les jaspes peuvent être regardés comme aussi simples que le quartz, quoi- qu'ils soient presque toujours fortement colo- rés. Ainsi nous présenterons d’abord cés cinq verres primitifs; nous suivrous leurs combi DES MINÉRAUX. rog paisons et leurs mélanges entre eux; et, après avoir traité de ces grandes masses vi- treuses formées et fondues par le féu, nous passerons à la considération des masses ar- gilleuses et calcaires qui ont été produites et entassées par le mouvement des eaux. Mat, gén, IX. 10 DU QUARTAUS L E quartz est le premier des verres primi- tifs; c'est même la matière première dont on peut concevoir qu'est formée la roche in- térieure du globe. Ses appendices extérieurs, qui servent de base et de noyau aux plus grandes éminences de la Terre, sont aussi de cette même matière primitive: ces noyaux des plus hautes montagnes se sont trouvés d’abord environnés et couverts des fragmens décrépités de ce premier verre, ainsi que des écailles du jaspe, des paillettes du mica, et des petites masses crystallisées du feld-spath et du schorl, qui dès lors ont formé par leur réunion les grandes masses de granit, de porphyre, et de toutes les autres roches vi- treuses composées de ces premuèrés matières produites par le feu primitif ; les eaux n’ont agi que long-temps après sur ces mêmes fragmens et poudres de verre, pour en former les grès, les talcs, et les convertir enfin par uñe longue décomposition en argille et en schiste. Il y a douc eu d’abord, à la surface L HISTOIRE NATURELLE. rire du globe, des sables décrépités de tous les verres primitifs, et c'est de ces premiers sables que les roches vitreuses en grande masse ont été composées ; ensuite ces sables transportés par le mouvement des eaux, et réunis par l’intermède de cet élément, ont formé les grès et les talcs; et enfin ces mêmes sables, par un long séjour dans l’eau, se sont attenués , ramollis et convertis en argille. Voilà la suite des altérations et les changemens successifs de cespremiers verres: toutes les matières qui ‘en ont été formées avant que l’eau les eût pénétrées, sont de- meurées sèches et dures; celles au contraire qui n’ontété produites que par l’action de l'eau, lorsque ces mêmes verres ont ete im bus d'humidité, ont conservé quelque mol- lesse ; car tout ce qui est humide est en même temps mou > ‘c est-à-dire, moins dur que ce qui est sec : aussi n’y a-t-il de patfaitement solide que. ce. qui est entièrement sec; les verres primitifs et les matières qui en sont composées , telles que les porphyres, les gra- nits, qui toutes ont été produites par le feu, sont aussi dures que sèches ; les métaux, mème les plus purs, tels que l'or et l'argent, 1 - 112 HISTOIRE NATURELLE que je regarde aussi comme des produits du. feu, sont de même d’une sécheresse entière*. Mais toute matière ne conserve sa séche- resse et sa Gureté qu'autant qu'elle est à- l'abri de l’action des élémens humides, qui, dans un temps plus ou moins long , la pé- nètrent, l’altèrent, et semblent quelquefois en changer la nature en lui donnant une. * L'expérience m’a démontré que ces métaux ne contiennent aucune humidité dans leur intérieur. “Ayant exposé au foyer de mon miroir ardent, à quarante et cinquante pieds de distance, des assiettes d'argent et d'assez larges plaques d’or, je fus d’abord un peu surpris de les voir fumer Jong-temps avant de se fondre: cette fumée étoit assez épaisse pour faire une ombre très-sensible sur le terrain éclairé ; comme le miroir, par la lumière du soleil ; elleavoit tout l’air d'une vapeur humide; et s'en tenant à cette première apparence, on auroit pu penser que ces métaux contiennent une bonne quantité d’eau: ruais ces mêmes vapeurs étant interceptées , reçues et arrêtées par une plaque d’autre matière, elles l'ont dorée ou argentée. Ce dernier effet démontre donc que ces vapeurs, loin d ètre aqueuses, sont purement métalliques, et qu’elles ne se séparent de la masse du métal que par une sublunation causée par la chaleur du foyer auquel il étoit ExpOsÉs | er RTC DES MINÉRAUX. 118 forme extérieure toute différente de la pre- mière. Les cailloux les plus durs, les laves des volcans et tous nos verres factices, se convertissent en terre argilleuse par la longue impression de l’humidité de l'air; le quartz et tous les autres verres produits par la Na- ture, quelque durs qu'ils soient, doivent subir la même altération, et se convertir à la longue en terre plus ou moins analogue à l’argille. Ainsi le quartz, comme toute autre ma- tière, doit se présenter dans des états diffe- rens : le premier en grandes masses dures et sèches, produites par la vitrification primi- tive, et telles qu’on les voit au sommet et sur les flancs de plusieurs montagnes : le second de ces états est celui où le quartz se présente en petites masses brisées et décré- pitées par le premier refroidissement; et c’est sous cette seconde forme qu’ikest entré dans la composition des granits et de plusieurs autres matières vitreuses : le troisième enfin est celui où ces petites masses sont dans un état d'altération ou de décomposition, pro- duit par les vapeurs de la terre ou par l’in- filtration de l’eau. Le quartz primitif est 10 L \ À tr4 HISTOIRE NATURELLE aride au toucher; celui qui est altéré par les vapeurs de la terre ou par l’eau, est plus doux; et celui qui sert de gangue aux mé- taux, est ordinairement onctueux; il y en a aussi qui est cassant, d'autre qui est feuil- leté, etc. : mais l’un des caractères généraux du quartz dur, opaque ou transparent, est d’avoir la cassure vitreuse , c’est-à-dire, par ondes convexes et concaves, également po- lies et luisantes; et ce caractère très-marqué sufhroit pour indiquer que le quartz est un verre, quoiqu'il ne soit pas fusible au feu de nos fourneaux, et qu’il soit moins trans- parent et beaucoup plus dur que nos verres factices. Indépendamment de sa dureté, de sa résistance au feu et de sa cassure vitreuse, il prend souvent un quatrième caractère, qui est la crystallisation si connue du crystal de roche : or le quartz dans son premier etat, c'est-à-dire, en grandes masses produites par le feu , n’est point crystallisé; et ce n'est qu'après avoir été décomposé par l’impres- sion de l’eau, que ses particules prennent, en se réunissant , la forme des prismes du crystal : ainsi le quartz, dans ce second état, n'est qu'un extrait formé par stillation DES MINÉRAUX. 115 de ce qu'il y a de plus homogène dans sa $ propre substance. Le crystal est en effet de la même nature que le quartz; il n'en diffère que par sa forme et par sa transparence : tous deux frottés l’un contre l’autre deviennent lumi- neux ; tous deux jettent des étincelles par le choc de l’acier; tous deux résistent à l’action des acides, et sont également réfractaires au feu; enfin tous deux sont à peu près de la même densité, et par conséquent leur subs- tance est la même. On trouve aussi du quartz de seconde po mation en petites masses opaques et non crystallisées , mais seulement feuilletées et trouées, comme si cette matière de quartz eût coulé dans les interstices et les fentes d'une terre molle qui lui auroit servi de moule; ce quartz feuilleté n’est qu'une sta— lactite grossière du quartz en masses , ef cette stalactite est composée, comme le grés, de grains quartzeux qui ont été débat et réunis par l’intermède de l’eau. Nous ver— xons, dans la suite, que ce quartz troué sert quelquefois de base aux agsates ef à d'autres matières du même genre, 116 HISTOIRE NATURELLE M. de Gensanne attribue aux vapeurs de la terre l’altération et même la production des quartz qui accompagnent les filons des métaux ; ila fait sur cela de bonnes obser- vations et quelques expériences que je ne puis citer qu'avec éloge. Il assure que ces vapeurs, d’abord condensées en concrétions assez molles , se crystallisent ensuite en quartz. «C'est, dit-il, une observation que «j'ai suivie plusieurs années de suite à la « mine de Cramaillot, à Planches-les-mines «en Franche-Comté; les eaux qui suintent « à travers les rochers de cette mine, forment « des stalactites au ciel des travaux, et même « sur les bois, qui ressemblent aux glaçons, « qui pendentaux toits pendant l'hiver, etqus «sont un véritable quartz. Les extrémités « de ces stalactites, qui n'ont pas encore pris « une consistance solide, donnent une subs- « tance grenue, crystalline, qu'on écrase « facilement entre les doipis ; et comme c’est «un filon de cuivre, il n’est pas rare, par- «mi ces stalactites, d'y en voir quelques « unes qui forment de vraies malachites d’un « très-beau verd. Lorsque les travaux d’ une « mine ont élé abandonnés, et que les puité DES MINÉRAUX. tr «sont remplis d'eau, 1l n’est pas rare de. « trouver, au bout d'un certain temps, ia « surface de ces puits plus ou moins couverte. « d’une espèce de matière blanche cerystal- « lisée, qui est un véritable quartz, c’est-à- «dire, un gwrk crystallisé. J'ai vu de ces « concretions qui avoient plus d’un pouce « d'épaisseur. » | Je ne suis point du tout éloigné de ces. idées de M. de Gensanne : jusqu'à lui les physiciens n’attribuoient aucune formation réelle et solide aux vapeurs de la terre; mais ces observations et celles que M. de Lassone a faites sur l'émail des grès, semblent Gémon- trer que, dans plusieurs circonstances, les vapeurs minérales prennent une forme solide et même une consistance très-dure. Il paroît donc que le quartz, suivant ses. différens degrés de décomposition et d'atté- nuation , se réduit en grains et petites lames qui se rassemblent en masses feuilletées, et que ses stillations plus épurées produisent le crystal de roche ; il paroït de même qu'il passe de l'opacité à la transparence par nuances, comme on le voit dans plusieurs montagnes, et particulièrement dans celles +13 HISTOIRE NATURELLE des Vosges, où M. l’abbé Bexon nous assuré avoir observé le quartz dans plusieurs états différens : il y a trouvé des quartz opaques ou laiteux, et d’autres transparens où demi: transparens; les uns disposés par veines, et d'autres par blocs, et même par grandes masses , faisant partie des montagnes ; et tous ces quartz sont souvent accompagnés de leurs crystaux colorés où non colorés. M. Guettard a observé les grands rochers de quartz blancs de Chipelu et d’Oursière en Dauphiné; et il fait aussi mention des quartz des environs d’Allevard dans cette même pro vince. M. Bowles rapporte que, dans le ter- rain de la Nata en Espagne, il y a une veine de quartz qui sort de la terre, s’étend à plus d’une demi-lieue, et se perd ensuite dans la montagne : il dit avoir coupé un morceau de ce quartz, qui étoit à demi transparent et presque aussi fin que du crystal de roche; il forme comme une bande ou ruban dé: quatre doigts de large, entre deux lisières d'un autre quartz plus obscur; et le long de cétte même veine il se trouve des morceaux de quartz couverts de crystaux réguliers de couleur de lait. M. Guettard à trouvé de DES MINÉRAUX. rrg semblables cryStaux sur le quartz en Au- vergne; la plupart de ces crystaux étoient transparens, et quelques uns étoient opaques, bruns et jaunâtres, ordinairement très-dis- tingués les uns des autres, souvent hérissés de beaucoup d’autres crystaux très-petits, parmi lesquels il y en avoit plusieurs d’un beau rouge de grenat. Il en a vu de même sur les bancs de granit; et lorsque ces crys- taux sont transparens et violets, on leur donne en Auvergue le nom d'améfhyste, et celui d’éneraude lorsqu'ils sont verds. Je dois observer ici, pour éviter toute erreur, que l’'amethyste est en effet un crystal de roche coloré, mais que l’émeraude est uue pierre très-différente qu'on ne doit pas mettre au nombre des crystaux, parce qu'elle en dif- fère essentiellement dans sa composition, l’émeraude etant formée de lames superpo- sées, au lieu que le crystal et l’améthyste sont composés de prismes réunis. Et d’ail- leurs cette prétendue émeraude ou crystal verd d'Auvergne n’est autre chose qu’un spath fluor, qui est, à la vérité, une subs- tance vitreuse, mais différente du crystal. On trouve souvent du quartz en gros LU \ E e 120 HISTOIRE NATURELLE blocs, détachés du sommet ‘ou séparés du noyau des montagnes. M. Montel, habile minéralogiste, parle de semblables masses . qu'il a vues dans les Cévennes au diocèse d'Alais. «Ces masses de quartz, dit-il, n’af- « fectentaucune figure régulière; leur couleur «est blanche; et comme ils n’ont que peu « de gerçures, ils n’ontété pénétrés d'aucune « terre colorée: ils sônt opaques" et quand « on les casse, ils se divisent en morceaux « inégaux, anguleux...... La fracture repré- « sente une vitrification : elle est luisante et « réfléchit les rayons de lumière, sur-tout si « c'est un quartz crystallin ; car on en trouve « quelquefois de cette espèce parmi ces gros «morceaux. On ne voit point de quartz « d’une forme ronde dans ces montagnes; il « ne s’en trouve que dans les rivières ou dans « les ruisseaux, et il n’a pris cette forme qu’à « force de rouler dans le sable. » Ces quartz en morceaux arrondis et roulés que l’on trouve dans le lit et les vallées des rivières qui descendent des grandes mon- tagnes primitives, sont les débris et les restes des veines ou masses de quartz qui sont tom- bées de la crête et des flancs de ces mêmes \ DES MINÉRAUX. 12E montagnes , minées et en partie abattues par le temps; et non seulement il se trouve une très-grande quantité de quartz en morceaux arrondis dans le lit de ces rivières, mais souvent on voit sur les collines voisines, des couches entières composées de ces cailloux de quartz arrondis et roulés par les eaux : ces collines ou montagnes inférieurés sont évi- _demment de seconde formation; et quelque- fois ces quartz roulés s'y trouvent mêlés avec la pierre calcaire, et tous deux ont également été transportés et déposés par le mouvement des eaux. | Avant de terminer cet article du quartz, je dois remarquer que j'ai employé par-tout dans mes Discours sur la théorie de la Terre “et dans ceux des Époques de la Nature , le “mot de 7oc vif pour exprimer la roche quartzeuse de l’intérieur du globe et du noyau des montagnes : j’ai préféré le nom de roc vif à celui du guartz, parce qu’il présente une idée plus familière et plus étendue, et que cette expression ; quoique moins précise, suf- fisoit pour me faire entendre; d’ailleurs j'ai souvent compris sous la dénomination de 70e +if non seulement le quartz pur, mais aussi 11 122 HISTOIRE NATURELLE le quartz mêlé de mica, les jaspes, porphyres, granits , et toutes les roches vitreuses en grandes masses que le feu ne peut calciner, et qui par leur dureté étincellent avec l'acier. Les rocs vitreux primitifs diffèrent des ro- chers calcaires non seulement par leur es— sence, mais aussi par leur disposition : ils ne sont pas posés par bancs ou par couches ho- rizontales; mais 1ls sont en pleines masses, comme s'ils étoient fondus d’une seule pièce ; autre preuve qu ils ne tirent pas leur origine du transport et du dépôt des eaux. La déno- mination générique de roc if sufhisoit aux objets généraux que j'avois à traiter; mais aujourd'hui qu'il faut entrer. dans un plus grand détail, nous ne parlerons du roc vif que pour le comparer quelquefois à la rocke morte, c'est-à-dire, à ce même roc quand il a perdu sa dureté et sa consistance par lim pression des élémens humides à la surface de la Terre, ou lorsqu'il a été décomposé dans son sein par les vapeurs minérales. Je dois encore avertir que quand je dis et dirai que le quartz, le jaspe, l’argille pure, la craie et d’autres matières, sont infusibles, el qu'au contraire Le feld-spath, le schorl, la est Va = DES MINÉRAUX. 123 slaise ou argille impure, la terre limoneuse etd’autres matières, sont fusibles, je n’entends jamais qu'un degré relatif de fusibilité ou d’in- fusibilité ; car je suis persuadé que tout dans la Nature est fusible »puisque tout a été fondu, et que les matières qui, comme le quartz et le jaspe, nous paroissent les plus réfractaires à J’action de nos feux, ne résisteroient pas à celle d’un feu plus violent. Nous ne devons donc pas admettre, en histoire naturelle + ce caractère d’infusibilité dans un sens absolu, puisque cette propriété n'est pas essentielle, mais deé- pend de uotre art, et mème de l’imperfection de cet art, qui n’a pu nous fournir encore les moyens d'augmenter assez la puissance du feu pour refondre quelques unes de ces mêmes matières fondues par la Nature. Nous avons dit ailleurs * que le feu s’em- ployoit de trois manières, et que, dans cha- cune, les effets et le produit de cet élément étoient trés-differens : la première de ces ma- nières est d'employer le feu en grand volume, comme dans les fourneaux de réverbère pour Ja verrerie et pour la porcelaine; la seconde, * Tome IV, pagé 173. 124 HISTOIRE NATURELLE en plus petit volume, mais avec plus de vi-. tesse au moyen des soufflets ou des tuyaux d'aspiration ; et la troisième en très-petit vo- lume, mais en masse concentrée au foyer des Miroirs. J’ai éprouvé, dans un fourneau de glacerie !, que le feu en grand volume ne peut fondre la mine de fer en grains, même en y ajoutant des fondans ?; et néanmoins le feu, quoiqu’en moindre volume, mais animé par l’air des soufflets, fond cette même mine de: fer sans addition d'aucun fondant. La troi- sième manière par laquelle on concentre le volume du feu au foyer des miroirs ardens, est la plus puissante et en même temps la plus sûre de toutes, et l’on verra, si je puis achever mes expériences au miroir à échelons, que la plupart des matières regardées jus- qu'ici comme infusibles, ne l’étoient que par la foiblesse de nos feux. Mais, en attendant cette démonstration, je crois qu'on peut as- surer, sans craindre de se tromper, qu'il ne faut qu'un certain degré de feu pour fondre. * À Rouelle en Bourgogne, où il se fait de très- belles glaces. 2 Tome IV, page ryr et suir. hi: d' re DES MINÉRAUX. 125, ou brüler , sans aucune exception , toutes les matières terrestres, de quelque nature qu’elles puissent être : la seule différence, c'est que les substances pures et simples sont toujours plus réfractaires au feu que les matières com- posées, parce que, dans tout mixte, 1l y a des parties que le feu saisit et dissout plus aisément que les autres ; et ces parties une fois dissoutes servent de fondant pour liqueéñer les premières. Q Nous exclurons donc de l’histoire naturelle des minéraux ce caractère d’infusibilité ab- solue, d'autant que nous ne pouvons le con- noître que d'une manière relative, même équivoque , et jusqu'ici trop incertaine pour qu'on puisse l’admettre; et nous n’emploie- rons , 1°. que celui de la fusibilité relative : 2°. le caractère de la calcination ou non-cal- cination avant la fusion; caractère beaucoup plus essentiel, et par lequel on doit établir les deux grandes divisions de toutes les ma- tières terrestres, dont les unes ne se conver- tissent en verre qu'après s'être calcinées, et dont les autres se fondent sans se calciner auparavant : 3°. le caractère de l’effervescence ayec les acides, qui accompagne ordimaire- [1 À r26 HISTOIRE NATURELLE ‘1 ment celui de la calcination; et ces deux ca ractères sufhisent pour nous faire distinguer les matières vitreuses des substances calcaires ou sypseuses : 4°. celui d’étinceler ou faire feu contre l’acier trempé; et ce caractère in- dique plus qu'aucun autre la sécheresse et la dureté des corps : 5°. la cassure vitreuse, spathique, terreuse ou grenue, qui presente à nos yeux la texture intérieure de chaque substance : 6°. enfin, les couleurs qui dé- montrent la présence des parties métalliques dout les différentes matières sont imprégnées. Avec ces six caractères , nous tâcherons de nous passer de la plupart de ceux que les chr- mistes ont employés; ils ne serviroient ici qu'à confondre les productions de la Nature avec celles d’un art qui quelquefois, au lieu de l’analyser , ne fait que la défigurer. Le feu n’est pas un simple instrument dont l’ac- tion soit bornée à diviser ou dissoudre les matières ; le feu est lui-même une matière qui s’unit aux autres, et qui en sépare et enlève les parties les moins fixes ; en sorte qu'après le travail de cet élément, les carac- tères naturels de la plupart des substances sont ou détruits ou changés, et que souvent DES MINÉRAUX. 129 même l’essence de ces substances en est entiè- rement alteree. | Le naturaliste, en traitant des minéraux, doit donc se borner aux objets que lui pré- sente la Nature, et renvoyer aux artistes tout ce que l’art a produit : par exemple, 1l de- crira les sels qui se trouvent dans le sein de la Terre, et ne parlera des sels formés dans nos laboratoires que comme d'objets acces soires et presque. étrangers à son sujet ; 1l traitera de même des terres argilleuses, cal- caires , gypseuses et végétales, et non des terres qu’on doit regarder commeartificielles, telles que la terre alumineuse, la terre sedli- tienne, et nombre d'autres qui ne sont que des produits de nos combinaisons; car, quoi- que la Nature ait pu former en certaines cir- constances tout ce que nos arts semblent avoir créé, puisque toutes les substances, eb même les élémens , sont convertibles par ses seules puissances*, et que, pourvue de tous les principes, elle ait pu faire tous les mé- langes , nous devons d’abord nous borier à la saisir par les objets qu’elle nous présënte, + Voyez le Discours sur les Élémens, tome IV. LÉ é "28 HISTOIRE NATURELLE, “ \ el nous en tenir à les exposer tels qu'ils sont ; sans vouloir la surcharger de toutes les petites combinaisons secondaires que l’on doit ren- voyer à l’histoire de nos arts. A DU JASPE. = — Lr jaspe n’est qu’un quartz plus ou moins pénétré de parties métalliques ; elles lut donnent les couleurs et rendent sa cassure moins nette que celle du quartz; il est aussi plus opaque : mais comme, à la couleur près , le jaspe n’est composé que d’une seule substance , nous croyons qu'on peut le regar- der comine une sorte de quartz, dans lequel il n'estentré d'autres mélanges que desvapeurs métalliques ; car du reste le jaspe , comme le quartz, résiste à l’action du feu et à celle des acides ; 1l étincelle de même avec l'acier; et s’ilest un peu moins dur que le quartz , on peut encore attribuer cette différence à la grande quantité de ces mêmes parties metal- Jiques dont il est imprégné. Le quartz, le jaspe , le mica, le feld-spath et le schorl, doivent être regardés comme les seuls verres primitifs; toutes les autres matières vitreuses en grandes masses , telles que les porphyres, les granits et les grès, ne sont que des mé- 130 HISTOIRE NATURELLE langes ou des débris de ces mêmes verres qui ont pu, en se combinant deux à deux, for-. ser dix matières differentes !, et. combinées | trois à trois, ont de même pu former encore dix autres matières ?, et enfin combinées quatre à quatre, ou mêlées toutes cinq en- semble, ont encore pu former cinq matières | différentes 5. Quoique tous les jaspes aient la cassure ? 10. Quartz et jaspe, 2°. quartz et mica, 3°. quartz et feld-spath , 4°. quartz et schorl, 5°. jaspe et mica, 6°. jaspe et feld-spath, 7°. jaspe etschorl, 8°. mica ct feld-spath, 9°. mica et schorl, 100. feld- spath et schorl. 2 10. Quartz, jaspe et mica ; 20. quartz, Jaspe et feld-spath ; 39. quartz, Jaspe et schorl ; 4°. quartz, mica et feld-spath ; 5°. quartz, mica et schorl ; 6°. quartz , feld- -Spath et schorl; 7°. jaspe, mica et feld-spath ; &°. jaspe, mica et schorl; 9°. jaspe, feld-spath et schorl ; ro°. mica, fld-spael et schorl. an 3 1°. Quartz, jaspe, mica et feld-spath; 20. quar!1z, jaspe , mica et schorl ; 50. quartz, jaspe, feld- spath et schorl; 4°.jaspe, mica, feld-spathet schorl ; 5°. enfin quartz, jaspe, muca , feld-spath et schorl; en tout vingt-cinq combinaisons ou matières diffé- rentes. DES MINÉRAU X. 13€. moins brillante que celle du quartz, äüls reçoivent néanmoins également le poli dans tous les sens : leur tissu très-serré a retenu les atomes métalliques dont ils sont colorés ; et les métaux ne se trouvant en grande quan- tité qu'en quelques endroits du globe, ïl n’est pas surprenant qu'il yaïtdans la Nature beaucoup moins de jaspes que de quartz ; car il falloit, pour former les jaspes , cette cir- constance de plus, c’est-à-dire, un grand mombre d’exhalaisons métalliques ; qui ne pouvoient être sublimees que dans les lieux abondans en metal. L'on peut donc présu- mer que c’est par cette raison qu il y a beau- coup moins de jaspes que de quartz, et qu'ils sont en masses moins étendues. | Mais de la mème manière que nous avons distingué deux états dans le quartz, l’un, très-ancien , produit par le feu primitif, et l’autre, plus nouveau, occasionné par la stil- lation des eaux, de mème nous distingue- rons deux états dans le jaspe : le premier, où, comme le quartz, il a été formé en grandes masses * dans Je temps de la vitrifi- * M. Ferber a vu (à Florence, dans le cabinet LA LS. 132 HISTOIRE NATURELLE cation générale ; et le second, où la stillation des eaux a produit de nouveaux jaspes aux dépens des premiers; et ces nouveaux jaspes étant des extraits du jaspe primitif, comme le crystal de roche est un extrait du quartz, ils sont, pour la plupart, encore plus purs et d’un grain plus fin que celui dont ilstirent. leur origine : mais nous devons renvoyer à des articles particuliers l’examen des crys- de M. Targioni Tozzetti) du jaspe rouge san- guin, veiné de blanc, provenant de Barga, dans les Apennins de la Toscane , où des couches considé- rahles, et même des montagnes entières, sont, dit. formées de jaspe. Les murs de la Capella di Santo - Lorenzo à Florence sont revêtus de très-belles et grandes plaques de ce jaspe, qui prend très-bien le poli. Un peu au-dessous du château de Montieri, dans le pays de Sienne, estla montagna di Montieri, for- née de schiste micacé ; on y trouve d’anciennes mi- nières d'argent, de cuivre et de plomb, et une grande couche, au moins de trois toises d'épaisseur, d’un gros jaspe rouge , qui s’étend jusqu’au Castello di Gerfalco : mais ce lit étant composé de plusieurs petites couches minces qui ont beaucoup de fentes, on ne peut pas s’en servir, ( Lettres sur l@ minéras logie, etc. page 109. } \ DES MINÉRAUX. 133 taux de roche et des autres pierres vitreuses, opaques ou transparentes, que nous ne re— gardons que comme des stalactites du quartz, du jaspe et des autres matières primitives * ; ces substances secondaires, quoique de même nature que les premières, n'ayant été pro- duites que par l’intermède de l’eau , ne doivent être considérées qu'après avoir examiné les luatières dont elles tirent leur origine, et qui ont été formées par le feu primitif. Je ne vois donc dans toute la Nature que le quartz, le jaspe , le mica, Le feld-spath et le schorl, qu'on puisse regarder comme des matières simples ou presque simples, et auxquelles on peut ajouter encore le grès pur, qui n’est qu'une agrésation de grains quartzeux, et le talc, qui de même n'est composé que de paillettes micacées. Nous séparons donc de ces verres primitifs tous leurs produits * Le jaspe rouge ; dans lequel M. Ferber dit avoir vu des coquilles pétrifiées, est certainement un de ces jaspes de seconde formation. Il s'explique lui- même de manière à n’en laisser aucun doute. Ce jaspe produit dans des couches calcaires est une stillation vitreuse | comme le silex avec lequel 1l se urouve. | 134 HISTOIRE NATURELLE secondaires , tels que les cailloux , jagates ; cornalines, sardoines, jaspes-agatés, et autres pierres opaques ou demi-transparentes , ainsi que les crystaux de roche et les pierres pré- | cieuses , parce qu'elles doivent être mises dans la classe des substances de dernière formation. | Le jaspe primitif a été produit par le feu presque en même temps que le quartz, etla Nature montre elle-même en quelques en- droits comment elle a formé le jaspe dans le quartz. «On voit dans les Vosges lorraines, dit «un de nos plus habiles naturalistes *, une « montagne où le jaspe traverse et serpente « entre les masses de quartz par larges veines « sinueuses , qui représentent les soupiraux « par lesquels s’exhaloient les sublimations | « métalliques : car toutes ces veines sont « diversement colorées; et par-tout où elles « commencent à prendre des couleurs, la « pâle quartzeuse s’adoucit etsemble se fondre « en jaspe , en sorte qu’on peut avoir dans le « mème échantillon, et la matière quartzeuse, * M. l'abbé Bexon, grand-chantre de la Saintes Chapelle de Paris. | DES MINÉRAUX. 135 « et le filon jaspé. Ces veines de jaspe sont de « différentes dimensions ; les unes sont larges « de plusieurs pieds, et les autres seulement _« de quelques pouces : et par-tout où la veine « n’est pas pleine, mais laisse quelques bouil- « lons ou interstices vides, on voit de belles « crystallisations, dont plusieurs sont colo- « rées. On peut contempler en grand ces elfets « de la Nature dans cette belle montagne : « elle est coupée à pic par différens groupes , « sur trois et quatre cents pieds de hauteur : « et sur ses flancs, couverts d'énormes quar- «tiers rompus et entassés comme de vastes « ruines , s'élèvent encore d'énormes pyra- « mides de ce même rocher , iranché et mis « à pic du côté du vallon. Cette montagne, « la dernière des Vosges lorraines, sur les « confins de la Franche - Comté, à l’entrée « du canton nommé /e Fal-d’'Ajol*, fermoit | «en effet un vallon très-profond , dont les «eaux, par un effort terrible, ont rompu * Les gens du pays nomment la montagne CAa- narour, et sa vallée les Fargottes : elle est située à deux lieues, au midi, de la ville de Remiremont, et une lieue, à lorient , du bourg de Plombières, fameux par ses eaux minérales chaudes, r 136 HISTOIRE NATURELLE À. É He « la barrière de roche, et se sont ouvert un « passage au milieu de la masse de la mon- « tagne, dont les hautes ruines sont sus- « pendues de chaque côté. Au fond coule un « torrent, dont le bruit accroît l'émotion « qu’inspirent l'aspect menaçant et la sauvage « beauté de cet antique temple de la Nature, « l’un des lieux du monde peut-être où l’on « peut voir une des plus grandes coupes d’une « montagne vitreuse, et contempler plus en « grand le travail de la Nature dans ces « masses primitives du globe.» On trouve en Provence, comme en Lor- raine, de grandes masses de jaspe, particu- lièrement dans la forêt de l’Esterelle: il s’en trouve encore plus abondamment en Alle- magne , en Bohème, en Saxe, et notam- ment à Freyberg. J'en ai vu des tables de trois pieds de longueur, et l’on m'a assuré qu’on en avoit tiré des morceaux de huit à neuf pieds dans une carrière de l’archevêché de Saltzbourg. Il y a aussi des jaspes en Italie*, en Pologne, aux environs de Varsovie et de #* On trouve dans les églises, dans les palais et DES MINÉRAUX. 137 Grodno, et dans plusieurs autres contrées de l'Europe. On en retrouve en Sibérie; il y a même près d'Argun une montagne entière de jaspe verd : enfin on a reconnu des jaspes les cabmets d’antiquités de ns et d’autres villes d'Italie : _ 0. Le diaspro sanguigno ou eliotropio, qui est oriental ; 1l est verd , avec de petites taches couleur de sang : 20. Diaspro rosso ; on tire la majeure partie de ce Jaspe de la Sicile et de Barga en Apseane ,1ly en a très-peu qui soit antique : 3°. Diaspro giallo ; il est brun-jaunûtre, avec de petites veines ondulées vertes et blanches: 4°. Diaspro fiorito reticellato ; 1l est très-beau ; le fond est blanc, transparent, agatisé , avec des taches brunes foncées , plus ou moins grandes, 1rré- gulières, et des raies ou rubans de la même cou- leur : les taches sont entourées d’une ligne blanche opaque ; couleur de lait , et quelquefois jaune. On voit, dans la belle maison de canipagne de Mondra- ser et autre part, de tres-belles tables composées de plusieurs petits morceaux réunis de cette espèce de pierre ; elle est antique et très-rare. On -a aussi du diaspro frorito de Sicile, d'Espagne et de Cons- tantimople, qui ressemble au diaspro fiorito reti- cellato. ( Lettres sur la minéralogie, par M. Fer- ber, pages 335 et 336.) 12 338 HISTOIRE NATURELLE jusqu'en Groenland. Quelques voÿageurs m'ont dit qu'il y en a des montagnes entières dans la haute Égypte, à quelques lieues de distance de la rive orientale du Nil. Il s’en trouve dans plusieurs endroits des grandes Indes , ainsi qu’à la Chine, et dans d’autres provinces de l'Asie; on en a vu de même en assez grande quantitéet de plusieurs couleurs différentes dans les hautes mon- tagnes de l'Amérique. | Plusieurs jaspes sont d’une seule couleur, verte, rouge, jaune, grise, brune, noire, et mème blanche, et d’autres sont mélangés de ces diverses couleurs ; on les nomme jaspes tachés, jaspes veinés, jaspes fleuris, etc. Les jaspes verds et les rouges sont les plus communs; le plus rare est le jaspe sanguin, qui est d’un beau verd foncé, avecde petites taches d’un rouge vif et semblables à des gouttes de sang, et c’est de tous les jaspes celui qui reçoit le plus beau poli. Le jaspe d’un beau rouge est aussi fort rare ; et il y en a de seconde formation, puisqu'un mor- ceau de ce jaspe rouge, cité par M. Ferber, contenoit des impressions de coquilles. Tous les jaspes qui ne sont pas pursetsimples, et DES MINÉRAUX. 139 . qui sont mélangés de matières étrangères , sont aussi de seconde formation, et l’on ne doit pas les confondre avec ceux qui ont été produits par le feu primitif, lesquels sont d'une substance uniforme , et ne-sont ordi- nairement que d’une seule couleur dans toute l'épaisseur de leur masse. Le jade, que plusieurs naturalistes ont regardé comme un jaspe, me paroit appro- cher beaucoup plu de la nature du quartz! ; il est aussi dur , 1l étincelle de même par le choc de l'acier ; il résiste également aux äcides , à la lime, et à l’action du feu; ila aussi un peu de transparence ; il est doux au toucher, et ne prend jamais qu’un poli gras ?. Tous ces caractères conviennent mieux 1 M. de Saussure dit avoir remarqué , dans cer- tas granits, que le quartz y semble changer de nature, devenir plus dense et plus compacte, et prendre, par gradation, les caractères du jade. (Voyage dans les Alpes, tome I, page 104.) 2 L’igrada des minéralogistes italiens paroît être une espèce de jade ; mais, si cela est, M. Ferber a tort de regarder l’z:ada comme un produit de la pierre ollaire verte : il y auroit bien plus de raison de regarder la pierre ollaire comme une décompe sion de la substance du jade en pâte argilleuse. x à x40o HISTOIRE NATURELLE. au quartz qu'au jaspe, d'autant plus que tous les jades des grandes Indes et de la Chine sont blancs ou blanchätres comme le quartz, et que de ces jades blancs au jade verd on trouve toutes les nuances du blanc au ver- dâtre et au verd. On a donné à ce jade verd le nom de pierre des Amazones, parce qu'on le trouve en grande quantité dans ce fleuve, qui descend des hautes montagnes du Pérou, et entraine ces morceaux de jade avec les débris du quartz et des granits qui forment la masse de ces montagnes primitives. DU MICA cr DU TALC. Lx mica est une matière dont la substance est presque aussi simple que celles du quartz et du jaspe , et tous trois sont de la même essence. La formation du mica est contem- poraine à celle de ces deux premiers verres ; il ne se trouve pas, comme eux, en grandes masses solides et dures, mais presque tou- jours en. paillettes et én petites lames minces et disséminées dans plusieurs matières vi- treuses : ces paillettes de mica ont ensuite formé les talcs qui sont de la même nature, mais qui se présentent en lames beaucoup. plus étendues. Ordinairement les matières en petit volume proviennent de celles qui sont en grandes masses : ici c'est le contraire ; le talc en grand volume ne se forme que des parcelles du mica qui a.existé le premier, et dont les particules étant réunies par l’in- termède de l’eau, ont formé le talc, comme le sable quartzeux s’est réuni par le mème - moyen pour former le grès. | 142 HISTOIRE NATURELLE _ Ces pétites parcelles de mica n'affectent que rarement une forme de crystallisation ; et comme le talc réduit en petites particules devient assez semblable au mica, on les a souvent confondus, et il est vrai que les talcs et Les micas ont à peu près les mêmes quali- tés intrinsèques : néanmoins ils diffèrent en ce que les talcs sont plus doux au toucher que les micas, et qu’ils se trouvent en grandes lames , et quelquefois en couches d’une cer taine étendue, au lieu que les micas sont toujours réduits en parcelles, qui, quoique très-minces , sont un peu rudes ou arides au toucher. On pourroit donc dire qu'il y a deux sortes de micas, l’un produit immédia- tement par le feu primitif, l’autre d’une formation bien postérieure, et provenant des débris mêmes du talc, dont 1} a les proprie- tés. Mais tout talc paroît avoir commencé par être mica ; cette douceur au toucher, qui fait la qualité spécifique et la diffé- rence du talc au mica, ne vient que de la plus grande atténuation de ses parties par la longue impression des élémens humides. Le mica est donc un verre primitif en pe- titeslames et paillettes très-minces, lesquelles, DES MINÉRAUX. 193 d’une part, ont été sublimées par le feu, ou déposées dans certaines matières, telies que les granits au moment de leur consolida- tion, et qui, d'autre part, ont ensuite été entraînées par les eaux, et mêlées avec les matières molles, telles que les argilles, les ardoises et les schistes. Nous avons dit, dans les volumes précé- dens *, que le verre long-temps exposé à Vair s’irise et s’exfolie par petites lames minces, et qu'en se décomposant il produit une sorte de mica qui d’abord est assez aigre, et devient ensuite doux au toucher, et enfin se convertit en argille. Tous les verres primitifs ont dû subir ces mêmes altérations , lorsqu'ils ont été très-long-temps exposés aux élémens humides, et ilen résulte des substances nouvelles, dont quelques unes ont conservé les caractères de leur première origine : les micas en particulier, lorsqu'ils ont été entrainés par les eaux, ont formé des amas et même des masses en se reunis- sant ; ils ont produit les talcs quand ils se sont trouvés sans mélange, ou bien ils se * Tome VIII, page 110. Er fe VO" es 71 CPS, C2 ee y ÿa Î “ 144 HISTOIRE NATURELLE sont réunis pour faire corps avec des matières qui leur sont analogues; ils ont alors formé ni 4 L des masses plus ou moins tendres. Le crayon noir ou molybdène , la craie de Briançon , la craie d’Espagne, les pierres ollaires , les stéatites, sont toutes composées de particules micacées qui ont pris de la solidité ; et l’on trouve aussi des micas en inasses pulvérulentes , et dans lesquelles les paillettes micacées ne sont point agslutinées | et ne forment pas des blocs solides. «Ilya, « dit M. l’abbe Bexon , des amas assez con « sidérables de cette sorte de mica au-des-— « sous de la haute chaîne des Vosges, dans « des montagnes subalternes , toutes com « posées de débris éboulés des grandes mon: «tagnes de granit qui sont derrière et au- « dessus. Ces amas de mica en paillettes ne « forment que des veines courtes et sans «suite, ou des sacs isolés ; le mica y est en « parcelles sèches et de différentes couleurs, « souvent aussi brillantes que l'or et l’ar- « gent, et on le distribue dans le pays sous «le nom de poudre dorée, pour servir de « poussière à mettre sur l’écriture, « J'ai saisi, continue cet ingénieux obser= DES MINÉRAUX. : 145 & vateur , la nuance du mica au tale sur des « morceaux d'un grauit de seconde forma- « tion, remplis.de paquets de petites feuilles « talqueuses empilées commecellesd’unlivre, «et l’on peut dire que ces feuilles sont de « grand mice où de peïif talc; car elles ont « depuis un demi-pouce jusqu'à un pouce ou « plus de diamètre , et elles ont en même « temps une partie de la douceur, de la « transparence et de la flexibilité du talc*.» De tous les talcs, Le blanc est Le plus beau ; on l'appelle serre fossile en Moscovie et en Sibérie, où il se trouve en assez grand vo— lume : il se divise aisément en läames minces et aussi transparentes que le verre; mais il se ternit à l’air au bout de quelques années, et perd beaucoup de sa transparence. On en peut faire un bon usage pour les petites fe nêtres des vaisseaux, parce qu’étant plus souple et moins fragile que le verre, il résiste mieux à toute commotion brusque, et en particulier à celle du canon. Il y a des talcs verdätres / jaunes, et même * Mémoires sur l’histoire naturelle de la Lor= raine , communiqués par M. l'abbé Bexon. Mat. gén, IX. . | 1 5 146 HISTOIRE NATURELLE : noirs; et ces différentes couleurs, qui altèrent + À, ! : a 4 y ê És leur transparence, n’en changent pas les au- tres qualités. Ces talcs colorés sont à peu près également doux au toucher, souples et plians sous la main, et ils résistent, comme le tale blanc, à laction des acides et du feu. Ce n’est pas seulement en Sibérie et em Moscovie que l’on trouve des veines on des masses de talc ; il y en a dans plusieurs autres contrées, à Madagascar, en Arabie, en Perse; où néanmoins il n’est pas en feuillets aussi minces que celui de Sibérie. M. Cook parle aussi d’un talc verd qu'il a vu dans la nou— velle Zélande, dont les habitans font com-— merce entre eux : il s’en trouve de même dans plusieurs endroits du continent et des îles del’Amérique, comme à Saint-Domingue, en Virginie et au Pérou, où il est d'une grande blancheur et très-transparent. Mais, en ci- tant les relations de ces voyageurs, je dois observer que quelques uns d’entre eux pour- roient s'être trompés en prenant pour du talc des gypses, avec lesquels il est aisé de le eonfoudre; car il y a des gypses si ressem— blans au talc, qu’on ne peut guère les dis— tinguer qu'à l'épreuve du feu de calcination, f DES MINÉRAUX. 147 Ces gypses sont aussi doux au toucher, ausst transparens, que le talc: j'en ai vu moi-même dans de vieux vitraux d'église, qui n’avoient pas encore perdu toute leur transparence; et même il paroît que le gypse résiste, à cet égard, plus long-temps que le talcaux impres- sions de l'air. IL paroît aussi assez difficile de distinguer le talc de certains spaths autrement que par la cassure ; car le talc, quoique composé de lames brillantes et minces, n’a pas la cassure spathique et chatoyante comme les spaths, et il ne se rompt jamais qu'obliquement et sans direction déterminée. _ La matière qu'on appelle fac de Venise, et fort improprementcraie d’Espagne , craie de Briançon, est différente du talc de Moscovie: elle n est pas comme ce talc en grandes feuilles minces, mais seulement en petites lames; et elle est encore plus douce au toucher et plus propre à faire le blanc de fard qu’on applique sur la peau. On trouve aussi du talc en Scanie, qui n’a que peu de transparence. En Norvége, il y en a de deux espèces : la première, blan- chäâtre ou verdâtre, dans le diocèse de Chris- 148 HISTOIRE NATURÉLLE. tiana ; et la seconde, brune ou noirâtre, dans les mines d'Aruda *. « En Suisse, le tale est « fort commun , dit M. Guettard, dans le « canton d'Uri ; les montagnes en donnent «qui se lève en feuilles flexibles que l’on « peut plier, et qui ressemble en toût à celui «qu’on appelle communément serre de « Moscovie». On tire aussi du tale de la Hongrie, de la Bohème, de la Silésie, du Tirol, du comté de Holberg, de la Stirie, du mont Bructer, de la Suède de l’ Angleterre, : de l'Espagne, etc. Nous avons cru devoir citer tous les lieux où l’on a découvert du tale en masse, par la raison que, quoique les micas soient répan- * Acies de Copenhague, année 1677. M. Pott fait à ce sujet une remarque qui me paroît fondée: : 1] dit que Borrichius confond ia le talc avec la pierre ollaire , et 1l ajoute que Broémel est tombé dans la même erreur, en parlant de la pierre ollare dont on fait des pots et plusieurs sortes d’autres vases dans le Semptland : en effet, la pierre ollaire, comme la molybdène , quoique contenant beaucoup de tale, doivent être distinguées et séparées des talcs purs. Voyez les Mémoires de l'académie de Berlin, année 1746, page 65 et suive 11 | DES MINÉRAUX. r49 dus , et, pour ainsi dire, dissémines dans la plupart des substances vitreuses , ils ne forment que rarement des couches de tale pur qu'on puisse diviser en grandes feuilles minces. | En résumant ce que j'ai ci-devant exposé, il me paroiît que le mica est certainement un verre, mais qui diffère des autres verres pri- mitifs en ce qu'il n’a pas pris, comme eux, de la solidité; ce qui indique qu’il étoit ex- pose à l’action de l'air, et que c’est par cette raison qu'il n’a pu se recuire assez pour de- venir solide : il formoit donc la couche exté- rieure du globe vitrifié; les autres verres se sont recuits sous cette enveloppe et ont pris toute leur consistance : les micas, au con- traire, n'en ayant point acquis par la fusion, faute de recuit, sont demeurés friables , et bientôt ont été réduits en particules et en paillettes ; c’est là l’origine de ce verre qui diffère du quartz et du jaspe en ce qu’il est un peu moins réfractaire à l’action du feu, et qui diffère en même temps du feld-spath et du schorl en ce qu'il est beaucoup moins fusible et qu'il ne se convertit qu’en une espèce de scorie de couleur obscure, tandis 13 50 HISTOIRE NATURELLE que le feld-spath et le schorl donnent un verre compacte et communément blanchäâtre. Tous les micas blancs ou colorés sont éga- lement aigres et arides au toucher : mais lors- qu'ils ont été atténués et ramollis par l’im- pression des élémens humides, ils sont deve- nus plus doux et ont pris la qualité du talc; ensuite les particules talqueuses rassemblées en certains endroits par l’infiltration ou le dépôt des eaux, se sont réunies par leur affi- nité, et ont formé les petites couches hori- zontales ou inclinées , dans lesquelles se trouvent les talcs plus ou moins purs et en plaques plus ou moins étendues. Cette origine du mica et cette composition du talc me paroissent très-naturelles ; mais, comme tous les micas ne se présentent qu'en petiles lames minces, rarement crystallisées, on pourroit croire que toutes ces paillettes ne sont que des exfoliations détachées par les élémens humides, et enlevées de la surface de tous les verres primitifs en général. Cet effet est certainement arrivé; et l’on ne peut pas douter que les parcelles exfoliées des jaspes , du feld-spath et du schorl, ne se soient incorporées avec plusieurs matières, SR DES MINÉRAUX. r5t soit par sublimation dans le feu primitif, soit par la stillation des eaux : mais il n’en _ faut pas conclure que les exfoliations de ces trois derniers verres aient formé les vrais micas; car si © éteit là leur véritable origine, ces micas auroient conservé, du moins en partie, la nature de ces verres dont ils se seroient détachés par exfoliation , et l’on trouveroit des micas d'essence différente, les uns de celle du jaspe, les autres de celle du feld-spath ou du schorl; au lieu qu'ils sont tous à peu prés de la même nature et d’une essence qui paroit leur être propre ét particulière. Nous sommes donc bien fondés à regarder le mica comme un troisième verre de nature, produit par le feu primitif, et qui, s'étant trouvé à la surface du globe, n'a pu se recuire ni prendre de la solidité comme le quartz et le jaspe. » 4 DU FELD-SPATH.. Lr feld-spath est une matière vitreuse, et dont néaumoins la cassure est spathique; ik n’est nulle part en grandes masses comme le quartz et le jaspe, et on ne le trouve qu'en petits crystaux incorporés dans les granits et Les porphyres, ou quelquefois en petits mor- ceaux isolés dans les argilles les plus pures ou dans les sables qui proviennent de la dé- composition des porphyres et des granits : car ce spath est une des substances consti- tuantes de ces deux matières; on l’y voit en petites masses ordinairement crystallisées et colorées. C’est le quatrième de nos verres primitifs: mais comme il semble ne pas exis- ter à part, les anciens naturalistes ne l’ont ni distingué ni désigné par aucun nom par- ticulier ; et comme il est presque aussi dur que le quartz, et qu'ils se trouvent presque toujours méêlés ensemble, on les avoit tou- jours confondus : mais les chimistes alle- = . “aléas NTI CAES RD, dE EE ». L LE cf Li À e RE PT de ie F SE TS RE HISTOIRE NATURELLE. 153 mands ayant examiné ces deux matières dé plus près, ont reconnu que celle du feld- spath étoit différente de celle du quartz, en ce qu’elle est très-aisément fusible, et qu'elle a la cassure spathique; ils lui ont donné les noms de /eld-spath (spath des champs )!, Jfluss-spath (spath fusible)?; et on pourroit l'appeler plus proprement spatk dur ou spaihk étincelant, parce qu'il est le seul des spaths qui soit assez dur pour étinceler sous le choc de l’acier5. CN M Comme nous devons juger de la pureté où plutôt de la simplicité des substances par la 1 Sans doute, parce que c’est dans les cailloux gramiteux répandus dans les champs qu'on l’a remarqué d’abord. 2 Ce nom devroit être réservé pour le véritable spath fusible ou spath phosphorique, qui accom- pagne les filons des mines, et dont il sera parlé à article des matières vitreuses de seconde forma- tion. 3 Caractères du feld-spath suivant M. Bergnian : ; Il étincelle avec l’acier. | 1] se fond au feu sans houillonnement. Il ne se dissout qu’imparfaitement dans l’alcaki $ * A don 154 HISTOIRE NATURELLE plus grande résistance qu’ellés. opposent à l'action du feu avant de se réduire en verre, la substance du feld-spath est moins simple que celle du quartz et du jaspe, que nous ne pouvons fondre par aucun moyen; elle est même moins simple que celle du mica, qui se fond à un feu très-violent : car le feld- spath est non seulement fusible par lui-même et sans addition au feu ordinaire de nos four- neaux, mais même il communique la fusi- bilité au quartz, au jaspe et au mica, avec lesquels il est intimement lié dans les granits et les porphyres. | Le feld-spath est quelquefois opaque comme Je quartz; mais plus souvent il est présque transparent : les diverses teintes de violet ou minéral par la voie sèche, mais il fait efferves- cence avec cet alcali comme le quartz ; 1l se dissout au feu dans le verre de borax sans effervescence , avec bien plus de facilité que le quartz. Nous ajouterons à ces caractères donnés par M. Bergman, que le feld-spath est presque toujours crystallisé en rhombes, et composé de lames bril- lantes appliquées les unes contre les autres ; que, de plus, sa cassure est spathique, Cest-à-dire , par lames longitudinales brillantes et chatoyantes. jé Dee RS _- DES MINÉRAUX. 155 de rouge dont ses petites masses en crystaux sont souvent colorées , indiquent une grande proximité entre l’époque de sa formation et le temps où les sublimations métalliques pé- nétroient les jaspes et les teisnoient de leurs couleurs; cependant les jaspes , quoique plus fortement colorés , résistent à un feu bien supérieur à celui qui met le feld-spath en fusion : ainsi sa fusibilité n'est pas dueaux par- ties métalliques qui ne l’ont que légèrement coloré , mais au mélange de quelque autre substance. En effet, dans le temps où la ma- tière quartzeuse du globe étoitencoreen demi- fusion , les substances salines, jusqu'alors re- lécuées dans l’atmosphère avec les matières encore plus volatiles, ont dù tomber les pre- mières; et en se mélangeant avec cette pâte quartzeuse, elles ont formé le feld-spath et le schorl, tous deux fusibles, parce que tous deux ne sont pas des substances simples, et qu'ils ont reçu dans leur composition cette matière étrangère. Et l’on ne doit pas confondre le feld-spath avec les autres spaths , auxquels 1l ne res- semble que par sa cassure /arnellée, tandis que par toutes ses autres propriétés 1} en. D «56 HISTOIRE NATURELLE. est essentiellement différent; car c’est ur vrai verre qui se fond au même degré de feu. que nos verres factices : sa forme crystallisée ne doit pas nous empêcher de le regarder comme un véritable verre produit par le feu, puisque la crystallisation peut également s’o- pérer par le moyen du feu comme par celuf de l’eau, et que, dans.toute matière liquide ou liquéfiée, nous verrons qu’il ne faut que du temps, de l’espace et du repos, pour qu'elle se crystallise. Ainsi la crystallisation du feld- spath a pu s’opérer par le feu : mais quelque similitude qu’il y ait entre ces crystallisa- tions produites par le feu et celles qui se forment par le moyen de l’eau , là différence des deux causes n’en reste pas, moins réelle ; elle est même frappante dans la comparaison que l’on peut faire de la crystallisation du feld-spath et de celle du crystal de roche : car il est évident que la crystallisation de celui- ci s'opère par le moyen de l’eau , puisque nous voyons le crystal se former, pour ainsi dire, sous nos yeux, et que la plupart des cailloux creux en contiennent des aiguilles naissantes ; au lieu qte le feld-spath, quoi- que crystallisé dans la masse des porphyres & 100 os î à Re ES - DES MINÉRAUX., :i57 et des granits, ne se forme pas de nouveau mi de même sous nos yeux, et paroit être aussi ancien que ces matières dont il fait: partie, quelquefois si considérable, qu'elle excède dans certains granits la quantité du quartz, et dans certains porphyres celle du jaspe , qui cependant sont les bases de ces deux matières. C’est par cette même raison de sa grande quantité qu'on ne peut guère regarder le feld« spath comme un extrait ouuneexsudation du quartz ou du jaspe, mais comme une subs- tance concomitante aussi ancienne que ces: deux premiers verres. D'ailleurs on ne peut pas nier que le feld-spath n’ait une très-srande _ affinité avec les trois autres matières primi- tives : car , saisi par le jaspe, il a fait Les por- phyres ; mélé avec Le quartz, il a formé cer- taines roches dont nous parlerons sous le mom de pierres de Lapponie; et joint au quartz , au schorl et au mica , il a composé les granits ; au lieu qu’on ne le trouve jamais intimement mêlé dans les grès ni dans au- cune autre matière de seconde formation: il n’y existe qu’en petits débris, comme on le voit dans la belle argile blanche de Limoges. 14 158 HISTOIRE NATURELLE Le feld-spath a donc été produit avant ces dernières matières, et semble s'être incor— poré avec le jaspe et mêlé avec le quartz dans un temps voisin de leur fusion, puisqu'il se trouve généralement dans toute l’épaisseur des grandes masses vitreuses quiont ces ma tières pour base , et dont la fonte ne peut être attribuée qu’au feu primitif, et que, d'autre part, ilne contracte aucune union avec toutes les substances formées par l’intermède de l’eau : car on ne le trouve pas crystallisé dans les grès; et s’il y est quelquefois mêlé, ce ‘n’est qu’en petits fragmens : le grès pur n’en contient point du tout; et la preuve en est que ce grès est aussi infusible que le quartz, et qu'il seroit fusible si sa substance étoit mélée de feld-spath. Il en est de même de l’ar- gille blanche de Limoges, qui est tout aussi réfractaire au feu que le quartz ou le grès pur, et qui, par conséquent, n’est pas com— posée de détrimens de feld-spath, quoiqu'on y trouve de petits morceaux isolés de ce spath qui ne s’est pas réduit en poudre comme le quartz dont cette argille paroît être une dé- composition. Le grès pur n'étant formé que de grains { DES MINÉRAUX. 159 de quartz agelutinés, tous deux ne sontqu’une seule etmême substance; et ceci semble prou- ver encore que le feld-spath n’a pu s'unir avec le quartz et le jaspe que dans un état de liqué- faction par le feu, et que, quand il est de- composé par l'eau, il ne conserve aucune affinité avec le quartz, et qu'il ne reprend pas dans cet élément la propriété qu’il eut dans le feu de se crystalliser, puisque nulle part dans le grès on ne trouve ce spath sous une forme distincte ni crystallisée de nouveau , quoiqu'on ne puisse néanmoins douter que les grès feuilletés et micacés, qui sont formés des sables graniteux, ne con— tiennent aussi les detrimens du feld-spath er quantilé peut-être égale à ceux du quartz. Et puisque ce spath ne se trouve qu'en très-pelit volume et toujours mèlé par petites masses et comme par doses dans les porphyres et granits, il paroît n’avoir coulé dans ces matières et ne s'être uni à leur substance que comme un alliage additionnel auquel 11 ne falloit qu'un moindre degré de feu pour de meurer en fusion ; et l’on ne doit pas être surpris que, dans la vitrification générale, le feld-spath et le schorl, qui se sont formes 160 HISTOIRE NATURELLE. les derniers, et'qui ont reçu dans leur com position les parties hétérogènes qui tom- boient de l'atmosphère, n’aient pris en même temps beaucoup plus de fusibilité que les trois autres premiers verres, dont lasubstance n’a été que peu ou point mélangée : d’ailleurs ces deux derniers verres sont demeurés plus _ long-temps liquides que les autres, parce qu'il ne leur falloit qu'un moindre degré de feu pour les tenir en Fusion ; ils ont done pu s’allier avec les fragmens décrépités et les exfoliations du quartz et du jaspe, qui déja étoient à demi consolides. Au reste, le feld-spath , qui n’a été bien connu en Europe que dans ces derniers temps, entroit uéanmoins dans la composition des anciennes porcelaines de la Chine, sous le nom de péfun-sé; et aujourd'hui nous l’em- ployons de même pour nos porcelaines, et pour faire les émaux blancs des plus belles faïences. Dans les porphyres et les granits, le feld- spath est crystallisé tantôt régulièrement en rhombes, et quelquefois confusément et sans figure déterminée.Nous n’en connoissions que de deux couleurs, l’un blanc ou blanchâtre, % F a « ER ES. em. DES MINÉRAUX. 16 et l'autre rouge ou rouge-violet; mais on 4 découvert depuis-peu un feld-spath verd, qut se trouve, dit-on, dans l'Amérique septen- trionale, et auquel on a donné le nom de pierre de Labrador: cette pierre, dont on n’a vu que de petits échantillons, est chatoyante, et composée, comme le feld-spath, de crys- taux en rhombes ; elle a de même la cassure spathique ; elle se fond aussi aisément, et se convertit, comme le feld-spath, en un verre blanc. Ainsi l’on ne peut douter que cette pierre ne soit de la même nature que ce spath, quoique sa couleur spit différente : cette cou- leur est d'un assez beau verd, et quelquefois d’un verd bleuàtre et toujours à reflets cha- toyans. La grande dureté de cette pierre la — xend susceptible d’un très-beau poli, et il seroit à desirer qu'on püt l’employer comme le jaspe : mäis 1l y a toute apparence qu'on ne la trouvera pas en grandes masses, puis- qu'elle est de la même nature que le feld- spath, qui ne s’est trouvé nulle part en assez grand volume pour en faire des vases ou des plaques de quelques pouces d’étendue. 14 DU SCHORL. L & schorl est le dernier de nos cinq verres primitifs; et comme il a plusieurs carac- ières communs avec le feld-spath, nous ver- rons, en les comparant ensemble par leurs ressemblances et par leurs différences, que tous deux ont une origine commune, et qu'ils se sont formés en même temps et par les mêmes effets de nature lors de la vitrification genérale. Le schorl est un verre spathique, c’est-à- dire, compose de lames longitudinales comme le feld-spath ; il se présente de même en pe- tites masses crystallisées , et ses crystaux sont des prismes surmontés de pyramides, au lieu que ceux du feld-spath sont en rhombes : ils sont tous deux également fusibles sans addi- tion ; seulement la fusion du feld-spath s’o+ père sans bouillonnement, au lieu que celle du schorl se fait en bouillounant. Le schort blanc donne , comme le feld-spath ;, un verre o HISTOIRE NATURELLE. 1:63 blanc , et le schorl brun ou noirâtre donne uu verre noir : tous deux étincèlent sous le choc de l'acier ; tous deux ne font aucune effervescence avec les acides. La base de tous les deux est également quartzeuse : mais il paroît que le quartz est encore plus mélangé de matières étrangères dans le schorl que dans le feld-spath; car ses couleurs sont plus fortes et plus foncées, ses crystaux plus opa- ques , Sa cassure moins nette, et sa substance moins homogène. Enfin tous deux entrent comme parties constiluantes dans la com- position de plusieurs matières vitreuses en grandes masses, et en particulier dans celle des porphyres et des granits. Je sais que quelques naturalistes récens ont voulu regarder comme un schorl les grandes masses d’une matière qui se trouve en Li- mosin , et qu'ils ont indiquée sous les noms de basalte antique ou de gabro : mais cette matière, qui ne me paroit être qu'une sorte de frapp, est très-différente du schorl primi- tif; elle ne se présente pas en petites masses crystallisées en prismes surmontés de pyra- mides, elle est au contraire en masses in- formes ; et personne assurément ne pourra é 164 HISTOIRE NATURELLE. se persuader que les crystaux de schorl que nous voyons dans les porphyres et les gran nits, soient de cette même matière de trapp ou de gabro, qui diffère du vrai schorl tant par l’origine que par la figuration et par le temps de leur formation , puisque le schorl a été forme par le feu primitif, et que ce trapp ou ce gabro n’a été produit que par le few des volcans. | DEN Souvent les naturalistes, et plus souvent encore les chimistes, lorsqu'ils ont observé quelques rapports communs entre deux ow - plusieurs substances , n’hésitent pas de les rapporter à la même dénomination : c’est là l'erreur majeure de tous les méthodistes ; ils veulent traiter la Nature par genres, même dans les minéraux, où il n’y a que des sortes’ et point d’'espéces ; et ces sortes, plus ou: moins différentes entre elles ne peuvent par conséquent être indiquées par la même: dénomination : aussi les méthodes ont-elles mis plus de confusion dans l’histoire de la: Nature que les observations n’y ont apporte de connoissances; un seul trait de ressem-: blance suflit souvent pour faire classer daus le même genre des matières dont l'origine, DES MINÉRAUX. 165 la formation , la texture, et même la subs- tance, sont très-différentes : et pour ne parler que du schorl, on verra avec surprise chez ces créateurs de genres , que les uns ont mis ensemble le schorl, le basalte, le trapp et la zéolithe; que d’autres l’ont associé non seulement à toutes ces matières , mais encoreaux grenats, aux amiantes, au jade, etc. d’autres à la pierre d'azur, et même aux cailloux. Est-il nécessaire de peser ici sur l'obscurité et la confusion qui résultent de ces assembiages mal assortis, et néanmoins présentés avec confiance sous une dénomina- tion commune et comme choses de même genre? C’est du schorl quise trouve incorporédans les porphyres et les granits qu’il est ici question ; et certainement ce schorl n’est ni basalte, ni trapp, ni caillou, ni grenat, et 1l faut même le distinguer des tourmalines , des pierres de croix et des autres schorls de seconde formation , qui ne doivent leur ori- gine qu’à la stillation des eaux. Ces schorls secondaires sont différens du schorl primi- tif, et nous en traiterons, ainsi que de Îa pierre de corne et du trapp, dans des articles ‘ x66 HISTOIRE NATURELLE. particuliers; mais le vrai, le premier schorl est, comme le feld-spath, un verre primitif qui fait partie constituante des plus an- ciennes matières vitreuses, et qui quelque- fois se trouve dans les produits de leur de- composition, comme dans le crystal de roche, les chrysolithes, les grenats, etc. | Au reste, les rapports du feld-spath et du schorl sont même si prochains, si nom- breux, qu'on pourroit en rigueur ne regar- der le schorl que comme un feld-spath un peu moins pur et plus mélangé de matières étrangères, d'autant plus que tous deux sont entrés en mème temps dans la composition des matières vitreuses dont nous allons parler. LÉ DES ROCHES VITREUSES DE DEUX ET TROIS SUBSTANCES, Et en particulier DU PORPHYRE. N A» RÈS avoit parlé du quartz, du jaspe, du mica , du feld-spath et du schorl, qui sont les cinq substances les plus simples que la Nature ait produites par le moyen du feu, nous allons suivre les combinaisons qu’elle en a faites en les mêlant deux, trois ou quatre, et même toutes cinq ensemble, pour composer d’autres matières par le même moyen du feu, dans les premiers temps de la consolidation du globe : ces cinq verres pri- mitifs, en se combinant seulement deux à deux , ont pu former dix matières différentes, et de ces dix combinaisons il n’y en a que trois qui n'existent pas, ou du moins quine soient pas connues. Les dix combinaisons de ces cinq verres “primitifs pris deux à deux, sont : \ 168 HISTOIRE NATURELLE : 1°. Le quartz et le jaspe. Cette matière se trouve dans les fentes perpendiculaires et dans les autres endroits où le jaspe est con- tigu au quartz; ils sont même quelquefois comme fondus ensemble dans leur jonction, et quelquefois aussi le quartz forme des veines dans le jaspe. J'ai vu une-plaque de jaspe noir traversée d'une veine de quartz blanc. 2°. Le quartz et le mica. Cette matière est fort commune , et se trouve par grandes masses, et même par montagnes; on pour- roit l'appeler guarfz micacé*. , * « La pierre , dit M. Ferber, que les Allemarids « appellent schiste cornée où schuiste de corne, est « formée de quartz et de mica, et ce schiste de corne « n’est pas la même chose que la pierre de corne; « celle-ci est une espèce de silex, ou pierre à fusil. » Nous ne pouvons nous dispenser d'observer que cet habile minéralogiste est ici Lombé dans une double méprise. D'abord il n’y a aucun schiste qui soit for- mé de quartz et de mica ; etil n’eût point dû appli- quer à ce composé de quartz et de mica le nom de schiste de corne, puisqu'il dit que ce schiste de corne n’a rien de commun avec la pierre de corne, qui, selon lui, est un silex: ce qui est une seconde méprise ; car la pierre de corne n’est point un silex, DES MINÉRAUX. 169 * 5”. Le quartz et le feld-spath. Il y a des mais une pierre composée de schisie et de matière calcaire. Tout quartz mêlé de mica doit être ap- pelé quartz micacé, tant que le mica n’a pas changé de nature; et lorsque, par sa décomposition, il s’est converti en argille ou en schiste, il faut nom- mer quartz schisteux où schiste quartzeux la pierre composée des deux. « Il y a dans le Piémont, continue M. Ferber, « des montagnes calcaires et des montagnes quart- « Zeuses; celles-ci ont des raies plus où moins fortes « de mica, et cest.de cette espèce de pierres que « sont formées les montagnes voisines de Turin : on « les nomme sarris; on s’en sert pour les fondations « des bâtimens, pour des colonnes, etc.» ( Lettres sur la minéralogie, par M. Ferber, page 456.) Le même M. Ferber (page 344), en parlant d'un prétendu granit à deux substances, quartz et mica, s'exprime encore dans les termes suivans * « Quand il n'entre point du tout de spath dur (feld- « spath) dans la composition des granits ,on nomme « alors ce mélange de quartz et de mica, hornberg, «-hornfels , gestellstein ; ce qui vient de l'usage « qu’on en fait dans les fourneaux de fonderie. Lors- « que le mica y est plus abondant, la pierre est « schisteuse. » Le now de gestellstein (pierre de fondement, où 19 170 HISTOIRE NATURELLE. roches de cette matière en Piano et en / base des fourneaux) me päroît aussi impropre que celui de schiste corné, pour désigner la matière vitreuse qui n’est composée que de quartz et de mica, et non de schiste ; et M. le baron de Dietrich remarque avec raison (pages 4r el 492 des Lettres sur la minéralogie, note du traducteur) « qu'il y a « beaucoup de roches composées qui n’ont aucune « dénomination; que d’autres, au contraire, én ont « tant et de si indéterminées, que l’on ne s'entend « point lorsqu'on se sert de ces noms ; par exemple, « le granit , la roche cornée, ce qu’on nomme en « allemand gestellstein, sont des noms que lon « confond souvent, et que l’on applique mal. Chaque « granit proprement dit doit renfermer du quartz, < du spath dur (feld-spath) et du mica : mais on « nomme aussi granit cette même espèce de pierre , « quand il n’y à pas de feld-spath, tandis qu'alors « elle doit être nommée roche cornée (en suédois, « graeberg) ; car les parties essentielles de la roche « cornée sont du quartz, dans lequel il ÿ a des « taches ou des raies grossières de-mica, séparées « les unes des autres. Mais lorsque ces raies de « mica sont très-rapprochées, et que par-là la roche « devient schisteuse ou feuilletée, on la nomme en « allemand gestellstein, d'après l’usage que l’on en « fait pour jes fourneaux... On désigne aussi par « DES MINÉRAUX. 171 Lapponie , d'où M. de Maupertuis nous en a ‘apporté un échantillon !. Quelques natura- listes ont appelé cette pierre granit simple ; parce qu’elle ne contient que du quartz et du feld-spath , sans melange de mica n1 de schorl; et c’est de cette même composition qu’est formée la roche de Provence , décrite par M. Angerstein ? sous le nom mal appli- que de péfrosilex. « roche de corne quelques cailloux (pétrosiler).… « On ne devroit donner le nom de schiste corne qu'à « l’espèce de pierre dans laquelle le quartz est inti- « mement lié avec le mica, de manière qu'ils ne « sauroient être disungués de l’un etPautre à la vue.» Le savant traducteur finit, comme l’on voit, à l'égard du prétendu schiste corné , par tomber dans la mauvaise application des noms qu'il censure. 1 Il s’en est aussi trouvé depuis dans les Alpes. 2 « Dans la forêt de l’Esterelle en Provence, entre « Cannes et Fréjus, 1l y a une montagne de roche « grossière et grisâtre , entremêlée de mica, de quartz « et de feld-spath,les mêmes espèces qui entrent dans « la composition des granits, avec cette différence « qu'elles sont plus mûres, plus fines et plus com- « pactes dans ceux-ci que dans l’autre... Et plus loin « on trouve une pierre rougeà1re appelée pétrosilez; “3% HISTOIRE NATURELLE. | 4°. Le quartz et le schorl. Cette matière si est composée de quartz blanc ou blanchâtre, et de schorl tantôt noir et tantôt verd ou . « c’est-à-dire, caillou de roche, qui est la mère des F « porphyres et des jaspes , de même que la pierre « brute grise, dont je viens de parler, est la mère « des granits. On trouve des pétrosilex qui sont « noirs, bruns, rougeâres , verds et bleuâtres. : « À mesure qu’on avance, celte pierre devient < plus dure; on y voit des taches opaques d'un petit « feld-spath, semblables à celles qu’on voit dans le « porphyre d'Égypte: on y appercoit aussi de pe- « tites taches de plomb, lesquelles se trouvent aussi, « quoique rarement, dans les porphyres antiques; « ces taches sont crystallisées comme les autres ; « mais on Juge par la couleur que c’est un miné- « ral qu’on appelle mo/ybdena, lequel, aussi-bien « que le schorlou le corneus crystallisatus , peut ètre « compté parmi les minéraux inconnus... Vers le « sommet de la montagne de l’Esterelle, ce même « porpliyre acquiert encore une autre sorte de taches « qui, par leur transparence , ressemblent au verre, « étant formées en crystaux spatheux, pyramidaux « et pointus aux deux bouts; mais, à mesure que « les taches nouvelles s’accroissent, les autres dis= « paroïssent. Ce nouveau porphyre est plus beau « que l’autre dans son poli, et ses taches deviennent, 7 DES MINÉRAUX. tr verdâtre, distribué par taches irrégulières. Ce premier mélange taché de noir sur un « entièrement transparentes quand où le scie en « plaques munces. » NA à Je remarquerai que cette pierre, que M. Anger- ste à ci-devant regardée comme /a mere du por- phyre, devient ici une matière dont la finesse de grain, la dureté et la consistance, l’ont déterminé à placer cette pierre parmi les jaspes. « En avancant quelques lieues, continue-t-1l, dans _ «les bois de VEsterelle , on ne remarque plus « qu’une continuité de ce changement alternatif dè « porphyre et de jaspe : ais, daus certains en « droits, et sur-tout du côté de Fréjus, ces deux « sortes de pierres sont amoncelées et -congelées « l’une avec l’autre, et forment un produit qui a le « caractère du marbre sérancolin des Pyrénées. « Au sud- ouest , on trouve, au pied de la mon- « iagne, le DR RE : ne cet endroit, 1l est « tantôt rouge-brun , tantôt tirant sur lé bleu-céleste , « tantôt sur le verd ; ; ce qui fait présumer que lon « pourroit y trouver encore des jaspes et des por- À phyres verds et bleuâtres, parce qu’on à vu ci- Li devant que le pétrosilex ou le caillou de roche A d'un rouge - brun a donné l’origine aux Jaspes ét aux porphyres de la même couleur. « Eu dernier lieu , on remarque une pelite colline 15 | 154 HISTOIRE NATURELLE. fond blanc a été nomme improprement jaspe d'Égypte et granit oriental, ‘et le second melange a été tout aussi wa nommé por- phyre verd. Nous ne croyons pas qu'il soit nécessaire d’avertir que cette pierre quart- zeuse tachetée de noir ou de verd par le mélange d’un schorl de l’une ou de l’autre de ces couleurs, n’est ni jaspe, ni granit, ni « d’une picrre appelée corneus, d’un gris foncé, « mélée de fibres en forme de petits filets, et de « taches de spath crystallisé à quatorze pans, et « quelquefois congelées en forme de grappes : arrivé « à Fréjus, toutes ces pierres disparoïssent. » (Re- marques sur les montagnes de Provence, par M. Angerstein, dans les Mémoires des savans étrangers, tome II.) Nous devons faire observer que cette idée de M. Angersteim, de regarder la roche grossière et grisâtre de Ja forêt de l'Esterelle en Provence comme la mère des granits, est sans aucun fonde- ment: car les granits ne sonL pas des pierres enfau- tées immédiatement par d’autres pierres ; ; et celte prétendue mère des granits n’est elle-même qu un granit gris qui ressemble aux autres par sa com- position , puisqu'il contient du quartz, du mica et du feld-spath , de l'aveu même de l'auteur. I dit de DES MINÉRAUX. 158 porphyre. J'ignore si cette matière se trouve en grande masse ; mais je sais qu'elle reçoit un beau poli, et qu'elle frappe agréablement les yeux par le contraste des couleurs. 5°. Le jaspe et le mica. Cette combinaison n'existe peut-être pas dans la Nature, du mème que son péfrosilex est la mère des por- phyres et des jaspes; ce qui n’est pas plus fondé , puisque ni le jaspe ni le porphyre ne contiennent point de quartz; Landis que ce prétendu pé/rosi- lex, étant composé de quartz et de feld-spath, n’a point de rapport avec les jaspes : il est du nombre des matières de la troisième combinaison , dont nous venons de parler, ou, si lon veut, il fait la nuance entre cette pierre et les granits , parce qu’on y voit quelques taches de plomb noir ou molybdène, qui, comme l’on sait, est une matière micacée ; 1l n'est donc pas possible que ce pétrosilex ait produit des jaspes, puisqu'il w’en contient pas la matière. Aimsi la distinction que cet observateur fait entre le granit, la roche grisâtre , mère des granits , et son pétrosilex , mère des porphyres et des jaspes, ne ie paroît pas établie sur une juste comparaison ; ct, de plus, nous verrons que le vrai pétrosilex est une matière différente de celle à Jaquelle M. An- gerstein en applique ici le nom. 196 HISTOIRE NATURELLE moins je ne connois aucune substance qui It représente ; et lorsque le mica se trouve avec le jaspe , il est seulement uni légère- ment à sa surface, et non pas incorporé dans sa substance. 6°. Le jaspe et le feld-spath , et 7° se et le schorl. Ces deux mélanges Ft: éga- lement des porphyres. 8°. Le mica et le feld-spath. Il en est de dé mélange à peu près comme du cinquième , c’est-à-dire, de celui du jaspe et du mica : on trouve en effet du feld-spath couvert et chargé de mica , mais qui n’est point incor- poré dans sa substance. ra 9°. Le mica et le schorl. Cette combinai- son ne m'est pas mieux connue, et peut-être n'existe pas plus dans la Nature que la pré- cédente et la cinquième. | vo 10°. Le feld -spath et le schorl. Ce mélange est celui qui a formé la matière des ophites, dont il y a plusieurs variétés, mais toutes. composées de feld-spath plus ou moins mêle de schorl de différentes couleurs. Des dix combinaisons de ces mêmes cinq: verres primitifs pris trois à trois, et qui, dans la spéculation , paroissent être égale DES MINÉRAUX. 177 ment possibles, nous n’en connoissons néan- moins que trois, dont deux forment les granits, et la troisième un porphyre diffe- rent des deux premiers : car, 1°. le quariz, le feld-spath et le mica composent la subs- tance de plusieurs granits ; 2°. d’autres gra— nits , au lieu de mica, sont mêles de schorl ; et 3°. il y a du porphyre compose de jaspe, de feld-spath et de schorl. Enfin des quatre combinaisons des cinq verres primitifs pris quatre à quatre, nous n’en connoissons qu'une, qui est encore ui granit, daus la composition duquel le quartz, Je mica , le feld-spath et le schorl se trouvent réunis. Je doute qu’il y ait aucune matière de première formation qui contienne ces cinq matières ensemble; tant il est vrai que la Nature ne s’est jamais soumise à nos abs tractions : car de ces vingt-cinq combinai- sons, toutes également possibles en spécula- tion, nous n'en pouvons compter en réalité queonze, et peut-être même dans ce nombre y en a-t1l quelques unes qui n’ont pas été produites, comme les autres , par le feu pri- milif, et qui n’ont été formées que des détrimens des premières , réunis par l'inter- mède de l’eau. { 178 HISTOIRE NATURELLE Quoi qu’il en soit, le porphyre est la! plus | précieuse de ces matières composées; c’est , après le jaspe, la plus belle des substances vitreuses en grandes masses. IL est, comme nous venons de le dire , formé: de jaspe, de feld-spath et de petites parties de schorl incorporées ensemble. On ne peut le con- fondre avec les jaspes, puisque ceux-ci sont d’une substance simple, et ne contiennent ni feld-spath, n1 schorl; on ne doit pas non plus mettre le porphyre au nombre des gra- nits, parce qu'aucun granit ne contient du jaspe , et qu’ils sont composés de trois et méme de quatre autres substances, qui sont le quartz, le feld-spath, le schorl et le mica : de ces trois ou quatre substances, il n’y à que le feld-spath et le schorl qui soient communs aux deux. Le porphyre a donc sa nature propre et particulière, ét il paroît être plus éloigné du granit que du jaspe ; car le quartz, qui entre toujours dans la composition des granits, ne se trouve point dans les porphyres, qui tous ne contiennent que du jaspe, du feld-spath et du schorl. Le nom de porphyre sembleroit désigner exclusivement une matière d'un rouge de "100 DES MINÉRAUX. 179 pourpre, et c’est en effet la couleur du plus beau porphyre; mais cette dénomination s'est étendue à tous les porphyres , de quel- que couleur qu'ils soient : car il en est des porphyres comme des jaspes ; il y en a de plus où moins colorés de rouge, de brun, de verd, et de différentes nuances de quelques autres couleurs. Le porphyre rouge est sem£g de très-petites taches plus ou moins blanches, et quelquefois rougeâtres; ces taches pré- sentent les parties du feld-spath et du schorl, qui sont disséminées et incorporées dans la pâte du jaspe ; et le caractère essentiel de tous les porphyres, et par lequel ils sont toujours reconuoissables , c’est ce mélange du feld-spath ou du schorl, ou de tous deux ensemble , avec la matière du jaspe : ils sont d'autant plus opaques et plus colorés, que le jaspe est entré en plus grande quantité dans leur composition , et 1ls prennent au contraire un peu de transparence lorsque le feld — spath y est en grande quantité. Nous pouvons, à ce sujet, observer qu'en général dans les matières vitreuses produites par le feu primitif, plus il y a de transparence , et plus il y à de dureté; au lieu que, dans les 180 HISTOIRE NATURELLE matières calcinables, toutes formées par l’in- termède de l’eau, la transparence indique la mollesse. Ainsi moins un porphyre est opaque, plus il est dur; et, au contraire; plus un marbre est transparent, plus il'est tendre: onle voit évidemment dans lemarbre de Paros et dans les albâtres. Cette différence vient de ce que le spath calcaire est plus tendre que la pâte du marbre dans laquelle il est mêlé, et que le feld-spath et le schorl sont aussi durs que le quartz et le jaspe, avec lesquels ils sont incorporés dans les porphyres et les granits. Il n’y a ni quartz ni mica dans les por- phyres, et il est aisé de les distinguer des granits, qui contiennent toujours du quartz, et souvent du mica ; 11 y a plus de cohérence entre les parties de la matière dans les por- phyres que dans les granits, sur-tout dans ceux où le melange du mica diminue nom seulement la cohésion des parties, mais aussi la densité de la masse. Dans le porphyre, c’est le fond ou la pâte qui est profondément colorée, et les grains de feld-spath et de schorl sont blancs, ou quelquefois ils sont de la couleur du fond, et alors seulement chérnn dite St DES MINÉRAUX. 18r d'une teinte plus foible: dans le granit, au contraire, c’est le feld-spath et le schorl qui sont colorés, et le quartz, que l’on peut regarder comme sa pâte, est toujours blanc ; et c'est ce qui prouve que le porphyre a la matière du jaspe pour base , comme le granit celle du quartz. Quelques naturalistes, en convenant avec moi que le feld-spath et le schorl entrent comme parties constituantes dans les por- phyres, se refusent à croire que la matière qui en fait la pâte, soit réellement du jaspe, et ils se fondent sur ee que la cassure du porphyre n’est pas aussi nette que celle du jaspe; mais ils ne font pas attention que parmi les jaspes à1l y en a qui ont la cassure un peu terreuse comme le porphyre, et qu'on ne doit le comparer qu'aux jaspes communs qui se trouvent en grandes masses, et non aux jaspes fins qui sont de seconde formation. Ces nouveaux jaspes ont la cas- sure plus brillante que celle des anciens, des- quels ils tirent leur, origine; et ces anciens jaspes ne diffèrent pas, par leur cassure, de la matière qui fait la pâte des porphyres. Quoique beaucoup moins commun que Mat. gén, IX: 10 Ne 18: HISTOIRE NATURELLE les granits, le porphyre ne laisse pas de se trouver en fortes masses et même par grands blocs en quelques endroits * : il est ordis nairement voisin des jaspes, et tous deux portent, comme le granit, sur dés roches quartzeuses ; et cette proximité indiqueentre eux une formation contemporaine. La soli< dité très-durable de la substance du porphyre atteste de même son affinité avec le jaspe; ils ne se ternissent tous deux que par une très-longue impression des élemens humides ; et de toutes les matières du globe que l’on peut employer en grand volume, le quartz; le jaspe et le porphyré sont les plus inalté- rables : le temps a effacé et détruit en partie les caractères hiéroglyphiques des colonnes et des pyramides du granit égyptien; au lieu que les jaspes et les porphyres, dans les monumens les plus anciens, ne paroissené avoir reçu que de légères atteintes du temps, ét il est à croire qu'il en seroit de même des * On en voit à Constantinople de 1rès-hautes éolonnes d’uné seule pièce ; dans l’église de Sainte: Sophie; on croit que ces colonnes viennent de la J'hébaide. DES: MINERAUX. :: 183 ouvrages faits de quartz , si les anciens l'eussent. employé : mais comme il n’a ni couleurs brillantes ni variélés dans sa subs- tance, et que sa grande dureté le rend très- difficile à travailler et à polir, on l’a tou- Jours rejeté; et, d'autre part, les porphyres, et les jaspes ne se trouvant que rarement en, grandes masses continues, on a de tout temps préféré les gramits à ces premières, matières pour les grands monumens. : . , Le quartz , qui forme la roche intérieure du globe, est en même temps la base uni- verselle des autres matières vitreuses ; il soutient les masses des granits et celles des’ porphyres et des jaspes , et tous sont plus ou moins contigus à cette roche primitive à laquelle ils tiennent comme à leur matrice ou mèêre commune , qui semble les avoir nourris des vapeurs qu'elle a iaissé transpi- rer, et qui leur a fait part des trésors de son sein en les teignant des plus riches couleurs. M: Ferber ayant curieusement examiné tous les porphyres en Italie, les distingue en. cinq sortes : 1°. le porphyre rouge, qui est le plus commun, et dont le fond est d’un 184 HISTOIRE NATURELLE rouge foncé avec de petites taches blanches et oblongues, souvent irrégulières ou paral- lélipipèdes. Le fond de ce porphyre est d’un rouge plus ou moins foncé, et quelquefois si brun , qu'il tire sur le noir. «On ne peut «nier, dit-il, que la matière de ces taches « ne soit du spath dur, opaque, compacte, « blanc de lait, et en même temps de la na- « ture du sclorl; ce que la forme et la simple «vue indiquent assez. Îllen est de même « des autres sortes de porphyres , et il me « paroit que ces taches sont d’une espèce de « pierre qui tientle milieu entre le feld-spath «et le schorl. En général, continue-t-il, « il y a très-peu de différence essentielle entre «le schorl, le spath dur ou feld-spath, le « quartz, les autres cailloux et les grenats.» Je dois observer que tout ce que dit ici M. Ferber , loin de répandre de la lumière sur ce sujet, y porte de Ja confusion. Le schorl ne doit pas être confondu avec le feld- spath; il n’y a point de pierre dont la subs- tance tienne le milieu entre le feld-spath et le schorl. La substance qui, dans les por- phyres, se trouve incorporée avec la rmatière du jaspe, n'est pas uniquement ‘du schark, TU YDES MINÉRAUX. 185 mais aussi du feld-spath. La différence du schorl au feld-spath est bien connue, et cer- tainement le schor! , le spatk dur(feld-spath)), lequartz, les cailloux et les grenats, ont cha- eun entre eux des différences essentielles que cemineéralogiste n’auroit pas dû perdre de vue. «2°. Le porphyre taché de blanc, continue « M. Ferber, dont il y a deux variétés : la « première est le porphyre noir, proprement « dit, dont le fond est entièrement noir avec « de petites taches oblongues, et qui ne dif- « fère du porphyre rouge que par cette cou- « leur du fond; la seconde variété est la ser- « pentine noire antique, dont le fond est noir «avec de grandes taches blanches oblonguss « ou parallélipipèdes. «3°. Le porphyre à fond brun avec de « grandes taches verdâtres oblongues; il s’en _« trouve aussi dont le fond est d’un brun « rougeâtre avec des taches d’un verd clair, « et d’autres dont le fond est d’un brun noi- « râtre avec des taches moitié noirâtres et « moitie verdâtres. | | «4. Le porphyre verd, dont il y a plu- « sieurs variétés : 1°. la serpentine verte an- tique, dont le fond est verd et les taches 16 £ +56 HISTOIRE NATURELLE « oblongues et parallélipipèdes sont d’unyerd « plus ou moins clair, et de la nature du « feld-spath ou du sckorl. On trouve'quelz « quefois dans ces pierres des bulles : telles « que celles qui se forment dans les matières « fondues par la sortie de l'air qui y est ren «fermé; on y voit aussi assez souvent des « taches blanches et transparentes arrondies « irrégulièrement , et qui paroissent être! de « la nature de l’agate. 5°. Le porphyre à fond « verd taché de blanc. 3°. Le porphyre à fond « verd foncé avec des taches noires. 4°. Le por- <« phyre à fond verd clair, ou plutôt paene « verdâtre tache de noir. | «5°. Le porphyre verd, proprement dit, qui «a plusieurs variétés : la première à fond « verd foncé presque noir, de la nature’du « jaspe, avec des taches blanches distinctes, « oblongues, ez forme de schorl, plus grandes «que les taches du porphyre noir, et plus « petites que celles de la serpentine noire ant « tique. La seconde variété est à fond de: la « nature du jaspe, d'un verd foncé avecide « petites taches blanches, rondes et longues, «et ressemble, à la couleur près, 4u por- « phyre rouge. La troisième à fond verd foncé +, “ “ IDES MINÉRAUX.: 1: r8y &-quE est de la mature du: app; les taches « sont:blanches, quartzeuses, irrégulières ; et « quelquefois si grandes et si nombreuses, «qu'on diroit, avec raison,,que le fond. est «blanc : de temps en. temps le fond s’est CLYyS- «tallisé en rayons de schorl; alors cette es- « pèce de porphyre verd se: rapproche béau- « coup de l'espèce du granit qui est mêlé de « schorl au lieu de mica. La quatrième à « fond verd foncé de la nature du app, « comme celle du précédent, avec de petites « taches blanches serrées, oblongues comme « du schorl, rarement d’une figure régulière «ou détermanée ,. mais entrelacées les unes « dans les autres, et repliées comme de petits « vers : les ouvriers appellent cette variété « porphyre serd fleuri. La cinquième d’un «fond verd clair dela nature du #7app, avec « de petites taches oblongues, de figure dé- « terminée, et détachées les: unes des autres, «et de petits: rayons de:schorl noir. »- Je me puism'empècher d'observer encüre quescet habile minéralogiste confond ivi le schorl avec le feld-spath dans sa description de la première variété du porphyre verd; e qu'en mème temps qu'il semble attribuer au 188 HISTOIRE NATURELLE feu la formätion de cette pierre, il dit qu'ot y trouve des agates: or; l’agate étant formée par l’eau , il n'est pas probable que cette ” pierre de porphyre ait été pour lé rèste pro= duite par le feu; à moins d'imaginer que l’agate s’est produite par infiltration dans les bulles dont M. Ferber remarque ce cette. | pierre est soufflée. ss _ Jeremarquerai aussi que sur ces cinq varié- tés il n’y a que les deux premières quisoiéné de vrais porphyres; et qu’à l'égard des trois dernières variétés dont le fond n’est pas de jaspe, mais de la matière tendreappelée app; ou ne doit pas les mettre au nombre des por- phyres, puisqu'elles en diffèrent non seule- ment par leur moindre dureté, mais même par leur composition, et autant que le jaspe diffère du trapp. Ceci nous démontre que M. Ferber a confoñdu , sous le nom de por- phyre, plusieurs substances qui sont d’une autre essence, et que celles qu’il nomme ser pentines noires antiques et serpentines 1#erfes anliiques, sont peut-être , comme le:trapp; desimatières differentes du porphyre; nous pouvons même dire que ceux qui , comme - M. Ferber dans le Vicentin , et M. Soulavie DES MINÉRAUX. 18) dans le Vivarais, n’ont observé la Nature qu’en désordre, n’ont pu prendre que de fausses idées de ses ouvrages et se méprendre sur leur formation. Dans ces terrains boule- versés, les matières produites par le feu pri- mitif, mèlées à celles qui ont ensuite été for- mées par le transport ou l’intermède de l’eau, et toutes confondues avec celles qui ont été altérées , dénaturées ou fondues par le feu des volcans, se présentent ensemble; ils n’ont ‘pu reconnoitre leur origine, ni même les distinguer assez pour ne pas tomber dans de grandes erreurs sur leur formation et leur essence. Il me paroît donc que, quoique M. Ferber soit l'un des plus attentifs de ces observateurs, on ne peut rien conclure de ses descriptions et observations, sinon qu'il se trouve dans ces terrains volcanisés des matières presque semblables aux vrais por- phyres ; et si cela est, n’y a-t-il pas toute raison de penser avec moi que le feu primi- tif a formé les premiers porphyres, dans lesquels je n'ai admis que le mélange du jaspe, du feld-spath et du schorl, parce que je n'ai jamais vu dans le porphyre des par- ties quartzeuses, et que je pense qu'il faut xgo HISTOIRE NATURELLE distinguer les vrais et anciens porphyres pro? duits par le feu primitif, de ceux qui l’ont été postérieurement par celui des volcans ? ceux-ci peuvent être mêlés de plusieurs autres matières de seconde formation; au lieu que les premiers ne pouvoient être composés que des verres primitifs, seules matières ris existoient alors. Après le quartz, le jaspe, le mica, le feld= spath et le schorl, qui sont les substances les | plus simples, on peut donc dire que de toutes les autres matières en grandes masses et pro- duites par le feu, le porphyre et les roches vitreuses, dont nous venons de parler, sont les plus simples, puisqu’ellés ne contiennent que deux ou trois de ces premières substances : cependant ces mêmes roches vitreuses et les porphyres nessont pas, à beaucoup près, aussi communs que le granit, qui contient trois et souvent quatre de ces substances pri imitives; c’est de toutes les matières vitreuses la plus abondante, et celle qui se trouve ert plus grandes masses, puisque le‘granit forme les chaines de la plupart des montagnes pri initives sur tout le globe de la Terre; c'est même cette grande quantité de granit qui a DES MINÉRAUX. ror fait penser à quelques naturalistes qu’on de- voit le regarder comme la pierre primitive de laquelle toutes les autres pierres vitreuses avoient tire leur origine. Je conviens avec eux que le granit a donné naissance à un grand nombre d’autres substances par ses dif- férentes exsudations et décompositions ; mais, commé il est lui-même composé de trois ou quatre matières très-évidemment reconnois- sables , 1l faut nécessairement admettre la priorité de l'existence de ces mêmes matières, et par cette raison regarder le quartz, le imica , le feld-spath et le schorl qu'il con- tient, comme des substances dont la forma- tion est antérieure à la sienne. En suivant l’ordre qui nous conduit des substances simples aux matières composées, et toujours en grandes masses, nous avons donc d’abord le quartz, le jaspe, le mica, le feld-spath et le schorl, que nous regar- dons comme des matières simples ; ensuite les roches vitreuses, qui ne contiennent que ‘ deux de ces cinq premières substances; après quoi viennent les porphyres et les granits, qui en contiennent trois ou quatre. On verra qu'en général le développement des causes e£ ro HISTOIRE NATURELLE. mitives du globe, s’est fait dans une succes- sion relative aux différens degrés de leur densité, solidité et fusibilité respectives, et que de tous les mélanges où combinaisons qui se sont faites des cinq verres primitifs, celle de la réunion du quartz, du mica , du feld-spath et du schorl, est non seulement la plus commune, mais qu’elle est tellement universelle et si générale, que les granits semblent avoir exclu les résultats de la plu- ‘1 en L : À \ L HE Le des effets dans la formation des masses pris ! part des autres combinaisons de ces verres primitifs. DU GR ANT T Ds toutes les matières produites par le feu primitif, le granit est la moins simple et la plus variée: il est ordinairement composé de quartz , de feld-spath et de schorl ; ou de quartz, de feld-spath et de mica; ou enfin de quartz, de feld-spath, de schorl et de mica : de ces quatre substances primitives, les plus fusibles sont le feld-spath et le schorl. Ces verres de nature se fondent sans addition au mème degré de feu que nos verres factices, tandis que le quartz résiste au plus grand feu de nos fourneaux : le feld-spath et le schorl sont aussi beaucoup plus fusibles que le mica , auquel il faut appliquer le feu le plus violent pour le réduire en verre, ou plutôt en scories spumeuses. Enfin le feld-spath et le schorl communiquent la fusibilité aux matières dans lesquelles 1ls se trouvent mé- langés , telles que les porphyres, les ophites et les granits, qui tous peuvent se fondre 17 x94 HISTOIRE N ATU RELLE sans aucune addition ni fondant étranger * : 5 or ces différens degrés de fusibilité respective dans les matières qui composent le granit, et particulièrement la grande fusibilité du feld-spath et du schorl, me semblent suffire * 19, Un morceau de très-beau granit rouge très= vif, très-dur, faisant feu dans tous les points, enfers mé dans un pelit creuset de Hesse, et recouvert d’un autre, a coulé en verre noir en moins de deux heures. 20, Un morceau de granit noir et blanc très-dur, du poids de cinq gros vingt-deux grains, a formé, dans le même temps , une seule masse vitreuse noire, très-compacte , très-homogène. 3°. Un morceau de porphyre lc, piqué de blanc, très-dur, de deux gros vingt-huit grains, a coulé au point d’enduire absolument le creuset de verre noir. Ces trois morceaux antiques ont été trous vés à Autun. 1 4°. J'ai exposé au même feu de beau quartz blanc d'Auvergne : il y a pris un blanc plus mat, plus opaque , y est devenu plus tendre, plus aisé à égre- ner au doigt, mais sans aucune fusion, pas mêmé aux endroits où il touchoit le creuset. ( Lettre de M. de Morveau à M, de Buffon. Dijon, 27 octobre 2778.) | PC x 23 7; DES MINÉRAUX. 195 pour expliquer d’une manière satisfaisante la formation du granit. En effet, le feu qui tenoit le globe de la Terre en liquéfaction a nécessairement eu des degrés différens de force et d'action : le quartz ne pouvoit se fondre que par le feu le plus violent, et n’a pu demeurer en fusion qu’autant de temps qu'a duré cette extrêmé chaleur ; dès qu’elle a diminué , le quartz s’est d'abord consolidé; et sa surface, frappée du refroidissement , s’est fendue , écaillée , . égrenée, comme il arrive à toute espèce dé verre exposé à l’action de l’air. Toute la su= perficie du globe devoit donc être couverte de ces premiers débris de la décrépitation du quartz immédiatement après sa consolida- tion ; et les groupes élancés des montagnes isolées , les sommets des grandes boursou- lures du globe, qui dès lors s’étoient faites dans la masse quartzeuse , ont été les pre- miers lieux couverts de ces débris du quartz, parce que ces éminences , qui présentoient toutes leurs faces au refroidissement, en ont été plus complétement et plus vivement frappées que toutes les autres portions de la Terre. à « ue 196 HISTOIRE NATURELLE Je dis refroidissement, par rapport à la prodigieuse chaleur qui avoit jusqu'alors tenu le quartz en fusion; car, dans le mo- ment de sa consolidation, le feu étoit encore assez violent pour dissiper les micas, dont J’exfoliation ne fut que le second détriment du quartz, déja brisé en écailles et en grains par le premier degré du refroidissement. Le feld-spath et Le schorl, bien plus fusibles qué le mica, étoient encore en pleine fonte au point de feu où le quartz, déja consolidé , s’égrenoit faute de recuit, et formoit Les mi cas par ses exfoliations. | Le feld-spath et Le schorl doivent donc êtré considérés comme les dernières fontes des matières vitreuses: ces deux derniers verres, en se refroidissant, durent s’amalgamer avec les détrimens des premiers. Le feu qui avoit tenu le quartz en fusion, étoit bien plus vio- lent que celui qui tenoit dans ce même état le feld-spath et le schorl; et ce n’est qu'après la consolidation du quartz, et méme après sa réduction en débris, que les micas se sont formés de ses exfoliations ; et ce n’est encore qu'après ce temps que le feld-spath et le schorl , auxquels il ne faut qu'un feu mé- DES MINÉRAUX. 197 diocre pour rester en fusion, ont pu se réu- - nir avec les détrimens de ces premiers verres. Ainsi le feld-spath et le schorl ont rempli, comme des cimens additionnels, les .inters- tices que laissoient entre eux les grains de quartz ou de jaspe et les particules de mica ; ils ont lié ensemble ces débris, qui de nou- veau prirent corps et formèrent les granits et les porphyres ; car c’est en eïfet sous la forme d'un ciment introduit et agglutiné dans les porphyres et les granits qu'ils sy présentent. _ En effet, les quartz en grains décrépités ou exfoliés en micas doivent couvrir généra— lement la surface du globe, à l'exception des fentes perpendiculaires qui venoient de s’ou- vrir par la retraite que fit sur elle-même toute la matière liquéfiée en se consolidant :.le feu . de l’intérieur exhaloit par-ces fentes, comme par autant de soupiraux, les vapeurs métal- liques, qui , s'étant incorporées avec la subs- tance du quartz, l’ont modifiée, colorée et convertie en jaspe, lequel ne diffère en effet du quartz que par ces impressions de va- peurs métalliques, ei qui, s'étant consolidé -et recuit dans ces fentes du quartz, et à 17 x98 HISTOIRE NATURELLE l'abri de l’action des élémens humides est demeuré solide, et n’a fourni à l'extérieur qu’une petite quantité de détrimens que le feld-spath et le ‘schorl aient pu saisir. Les jaspes ne présentant que leur sommet, et étant du resté contenus dans les fentes per— pendiculaires de la grande masse quartzeuse, ne purent recevoir le feld-spath et le schorl que dans cette partie supérieure, sur laquelle seule se fit uné décrépitation sembläblé à celle du quartz, parce que cette partie de leur masseétoit en effet la seule qui püt être réduite en débris par le refroidissement. Et de fait, les porphyres, qui n’ont pulse former qu'à la superficie des jaspes, sont infiniment moins communs que les granits, qui se sont au contraire formés sur la sur- face entière dela masse quartzeuse : car les granits recouvrent encore aujourd'hui la plus grande partie du globe ; et quoique les quartz percent quelquefois au dehors et se montrent en divers endroits sur ‘de fortes épaisseurs et dans une grande étendue, ils n’occupent que de petits espaces à la’ surface de la Terre en comparaison des granits, parce que les quartz out été recouverts ét DES MINÉRAUX. +09 rehaussés presque par-tout par ces mêmes granits, qui ont recueilli dans leur subs- tauce presque tous les débris des verres pri- mitifs, et se sont consolidés et groupés sur la roche même du globe, à laquelle ils tiennent immédiatement, et qu'ils chargent presque par-tout. On trouve le granit, comme pre mier fonds, au-dessous des bancs calcaires et des couches de l’argille et des schistes, quand on peut en percer l'épaisseur, et nous: ne devons pas oublier que ce fonds: actuel de notre terre étoit la surface du globe primitif avant le travail des eaux. Or les granits-sont non seulement Ends sur cette antique surface , mais 1ls sont entas- sés encore plus en grand dans les groupes des montagnes primitives * , et nous en avons d’ayance indiqué la raison. Ces sommets où les degrés du refroidissement furent plus « C’est une observation générale, que, dans les « es chaînes, on trouve au dehors les mon- « tagnes calcaires, puis les ardoises. ( Saussure, Voyage dans les Alpes; page 402.) 7 L'auteur se fût mieux exprimé en disant IE schistes, puis les roches feuilletée primitives , et enfin les granits. - 509 HISTOIRE NATURELLE rapides, atteignirent plus tôt le point de Ia Fusion et de la consolidation du feld-spath et du schorl, en même temps qu’ils leur offroient à saisir de plus grandes épaisseurs de grains quartzeux décrépités. Aussi les graunits forment-ils la plupart de ces grands groupes et de ces hauts sommets élevés sur la base de la roche du globe comme les obélisques de la Nature, qui nous attes— tent ses formations antiques, et sont les pre- miers et grands ouvrages dans lesquels elle préparoit la matière de toutes ses plus riches productioms , et où elle indiquoit déja de loin le dessin sur lequel elle devoit tracer les mer- veilles de l’organisation et de la vie : car on ne peut s’empècher de reconnoitre dans la figuration généralement assez régulière des petits solides du feld-spath et du schorl, cette tendance à la structure organique, prise dans un feu lent et tranquille, qui, en commen- &ant l’union intime de la matière brute avec quelques molécules organiques, la dispose de loin à s’organiser , en y traçant les linéamens d’une figuration régulière. Nos fusions arti- ficielles, et plus encore les fusions produites par Les volcans, nous offrent des exemples de DES MINÉRAUX. 20r cette figuration ou crystallisation par le feu dans un grand nombre de matières*, et même dans tous les métaux et minéraux mé- talliques. Si nous considérons maintenant que les grands bancs et les montagnes de granit s'offrent à la superficie de la terre dans tous les lieux où les argilles, les schistes et les couches calcaires n’ont pas recouvert l’an- cienne surface du globe, et où le feu des vol- cans ne l’a point bouleversée, en un mot par-tout où subsiste la structure primitive de la terre, on ne pourra guère se refuser à croire qu'ils sont l'ouvrage de la dernière fonte qui ait eu lieu à sa surface encore ar- dente, et que cette dernière fonte n’ait été celle du feld-spath et du schorl , lesquels, des cinq verres primitifs, sont sans compa- raison les plus fusibles ; etusi l'on rapproche ici un fait qui, tout grand et tout frappant qu'il est, ne paroît pas avoir été remarqué des minéralogistes, savoir , qu’à mesure que * Voyez l’article des volcans, sur les espèces de granits et de porphyres qui se forment quelquefois dans la lave. 02 HISTOIRE NATURELLE l'on creuse ou qu’on fouille dans une mon tagne dont la cime et les flancs sont de gra— nit, loin de trouver du granit plus solide et plus beau à mesure que l’on pénètre, l'on voit au contraire qu’au-dessous , à une cer— taine profondeur , le granit se change, se perd et s’évanouit à la fin en reprenant peu à peu la nature brute du roc vif et quart- zeux. On peut s'assurer de ce changement successif dans les fouilles de mines pro- fondes : quoique ces profondeurs où nous pénétrons soient bien superficielles, en com- paraison de celles où la Nature a pu travail ler les matériaux de ses premiers ouvrages ; on ne voit dans ces profondeurs que la roche quartzeuse, dont la partie qui touche aux filons des mines et forme les parois des fentes perpendiculaires, est toujours plus ou moins altérée par les eaux ou par les exha- laisons métalliques; tandis que celle qu’on taille dans l'épaisseur vive, est une roche sauvage plus ou moins décidément quart zeuse, et dans laquelle on ne distingue plus rien qui ressemble aux grains réguliers du granit. En rapprochant ce second fait du premier, on ne pourra guère douter que les DES MINÉRAUX. 203 granits n'aient en effet été forinés des dé- trimens du quartz décrépité jusqu’à de cer- taines profondeurs, et du ciment vitreux de feld-spath et de schorl qui s’est ensuite interposé entre ces grains de quartz et les micas, qui n’en étoient que les exfoliations. Il s’est formé des granits à plus grands et à plus petits crystaux de feld - spath et de schorl, suivant que les grains quartzeux se sont trouvés plus ou moins rapprochés, plus ou moins gros, et selon qu'ils laissoient entre eux plus d'espace où le feld-spath et le schorl pouvoieut couler pour se crystalliser. Dans le granit à menus grains , le feld-spath et le schorl, presque confondus et comme incor- porés avec la pâte quartzeuse , n’ont point eu assez d'espace pour former une crystal- lisation bien distincte; au lieu que, dans les beaux granits à gros grains réguliers, le feld-spath et quelquefois Le schorl sont crys- tallisés distinctement, l’un en rhombes, et l'autre en prismes. Les teintes de rouge du feld-spath et de brun noirätre du schorl dans les granits sont dues sans doute aux sublimations mé- talliques , qui de même ont coloré Les jaspes:, 204 HISTOIRE NATURELLE. et se sont étendues dans la matière du feld- spath et du schorl en fusion. Néanmoins cette teinture métallique ne les a pas tous colorés : car il y a des feld-spaths et des schorls blancs ou blanchâtres; et dans certains granits et plusieurs porphyres, le feld-spath - ne se distingue pas du quartz par la couleur. Les sommets des montagnes graniteuses sont généralement plus élevés que les mon- tagnes schisteuses ou calcaires : ces sommets paroissent n'avoir jamais été surmontés ni travaillés par les eaux, dont la plus grande hauteur nous est indiquée par les bancs calcaires les plus élevés; car on ne trouve aucun indice de coquilles ou d’autres pro- ductions marines dans l'intérieur de ces srauits primitifs, à quelque niveau qu’on les prenne; comme jamais aussi l’on ne voit de bancs calcaires interposes dans les masses de granits, ni de granits posés sur des couches calcaires, si ce n’est par fragmens roulés et transportés, ou par bancs de seconde for- ination. Tous ces faits importans de l’his- toire du globe ne sont que des conséquences nécessaires de l’ordre dans lequel nous ve- uons de voir les grandes formations du feu DES MINÉRAUX, 205 _précéder universellement l'ouvrage des eaux. Les couches que l’eau a déposées sont éten- dues horizontalement , et c’est dans ce sens, c'est-à-dire, en longueur et largeur, que se présentent leurs plus grandes dimensions : : les granits, au contraire, et tous les autres ouvrages du feu, sont groupés en hauteur ; leurs pyramides ont toujours plus d’éléva- tion que de base. Il y a de ces masses ou pyramides solides de granit, sans fentes ni sutures , d'une très-srande hauteur et d’un volume énorme : on en peut juger non seu- lement par l'inspection des montagnes gra- niteuses , mais même par les monumens des anciens ; ils ont travaillé des blocs de granit de plus de vingt mille pieds cubes , pour en former des colonnes et des obélisques d’une seule pièce *. Et de nos jours on a remué des * La colonne de Pompée, dont le fût est d’une seule pièce, passe pour être le plus grand monu- ment des anciens en ce genre. « Cette colonne est, « dit Thévenot, située à environ deux cents pas « d'Alexandrie ; elle est posée sur un piédestal ou « base quarrée , large d’environ vingt pieds et haute « de deux ou environ , mais faite de plusieurs grosses « pierres : pour le füt de la colonne, il est tout d’une 15 206 HISTOIRE NATURELLE masses éncore plus fortes ; car le bloc dé granit qui sert de piédestal à la statue gigan- tesque du grand Pierre Ir, élevé par l’ordre d’une impératrice encore plus grande*, con tient trente-sept mille pieds cubes : cepen- dant ce bloc a été trouvé dans un marais, où il éloit isolé et détaché des hautes masses auxquelles il tenoit avant sa chüte. « Mais « nulle part, nous dit M. l'abbé Bexon, on « ne peut prendre une idée plus magnifique « de ces masses énormes de granits que dans « nos montagnes des Vosges : elles en offrent - «en mille endroits des blocs plus grands que « seule pièce de grauit, si haute qu’elle n’a pas au « monde sa pareille ; car elle a dix-huit cannes de « haut, et est si grosse qu'il faut six personnes pour « l’embrasser ». (/’oyage au Levant, tome], page 227.) En supposant la canne de cinq pieds de lon- gueur, le fut de cette colonne en a quatre-vingt-dix de hauteur, sur trente pieds de circonférence , parce que chaque homme, les bras étendus, . embrasse aussi ciug pieds : ces dimeusions donnent environ vingt mile pieds cubes. * Catherine IT , actuellement régnante, et dont l’Europe et l'Asie ni rn et respectent également le grand caracière et le puissant génie. »: : à è dl DES MINÉRAUX. 207 «tous ceux que l’on admire dans les plus « superbes monumens , puisque les larges « sommets et les flancs escarpés de ces mon- « tagnes ne sont que des piles et des groupes « d'immenses rochers de granitentassés les « uns sur les autres *.» * On vient depuis peu de commencer à travailler ces granits des Vosges, et les premiers essais ont découvert dans ces montagnes les plus grandes richesses en ce genre; elles affrent des granits très- beaux et très-variés pour le grain et pour les cou- leurs, et diverses espèces de porphyres; on‘en tire aussi des Jaspes richement colorés, et toutes ces ma- tières s’y rencontrent par-tout dans une extrême abondance , quoique dans une exploitaion com- mencée on n'ait encore attaqué aucune masse considé- rable , et qu’on sé soit borné aux morceaux rompus, épars au peuchant des montagnes, et que les habi- ans entassent en gros murs bruts pour enclore leurs terrains. Le premier établissement de ce travail des granits des Vosges, fait d'abord à Giromagny dans la haute Alsace, est actuellement transféré, pour plus grande abondance de matières et plus grande facilité de transports, de l’autre côté de la montagne, en Lorraine, dans le vallon de la Moselle, environ quatre lieues au-dessous de sa source, Nous le de- 28 HISTOIRE NATURELLE Plusieurs observateurs ont déja reconnu que la plupart des sommets des. montagnes , sur-tout des plus ‘élevées , sont formés de granit *. La plus grande hauteur où les eaux aient déposé des coquilles n’étant qu à quinze cents ou deux mille toises au- dessus du niveau actuel de la mer, il y à par consé- quent un grand nombre dé sommets qui se trouvent au-dessus de cette hauteur : mais il s’en faut bien que toutes les pointes moins vons au goût et à l’activité de M. Patu des Hauts- Champs, magistrat qui joint à l'honneur et aux dis- tinctions héréditaires l’amour éclairé du bien pu- bic, et de grandes connoïssances dans les sciences et davs les arts. Son entreprise, qui nous semble très-digne de l’attention et de la faveur du gouver- nement, mettroit en valeur des matières précieuses, restées jusqu’à présent brutes entre nos mains, et. pour lesquelles nous payons jusqu'ici un tribut à l'Italie. , * M. Ferber dit expressément, page 343, que la parue la plus élevée des Alpes, entre l'Italie et d'Allemagne, est de granit; et 1l ajoute que ces granits européens ne diffèrent en aucune facon du granit oriental. Tous les pays du monde offriront ces granits dans _ DES MINÉRAUX. 209 élevées aient été recouvertes des productions de la mer , ou cachées sous l'argille, le schiste et les autres matières transportées par les eaux; plusieurs montagnes , telles que les Vosges, moins hautes que ces grands som mets, sont composées de granits quin'offrent aucun vestige de productions marines , et ces granits ne sont pas surmontés de bancs calcaires , quoique la mer ait porté dans d'autres endroits ses productions à de bien plus grandes hauteurs. Au reste, ce n’est leurs chaînes de montagnes primitives; et si les ob- servalions sur cet objet ne-sont pas plus multipliées , c’est que de justes notions du règne minéral, pris en grand, paroissent avoir, jusqu'ici, manqué aux observateurs. Quoi qu'il en soit, toutes nos provinces montagneuses, l'Auvergne, le Dauphiné, la Pro- vence , le Languedoc, la Lorraine, la Franche- Comté , et même la Bourgogne vers Semur, offrent des granits. La Bretagne , depuis la Loire, et partie de la Normandie, touchant à la Bretagne, en. com- presant Mortain, Argentan, Lisieux, Bayeux, Cher- bourg, est appuyée sur une masse de granit. La Suisse, l'Allemagne, l'Espagne, l’Ltalie, out les leurs. Les montagnes de la Corse et celles de l’île d’Elbe en sont formées, 18 210 HISTOIRE NATUREBLE que dans les hautes montagnes vitreuses que l’on peut voir à nud la structure àncienne et la composition primitive du globe en masses de quartz, en veines de jaspe, en groupes dè granit et en filons métalliques. | Quelque solide et durable que soit la ma tière du granit, le temps ne laisse pas de la miner et de la détruire à la longue; et des trois ou quatre substances dont il est com- posé, le quartz paroît être celle qui a lé plus perdu de sa solidité, etcela est péut-être arrivé dès le premier temps qu'il s’est décré- pité: car, quoiqu'étant d’une substance plus simple ilsoit en lui-même plus solide que le feld-spath et le schorl, cependant ces derniers verres , et sur-tout le feld-spath, sont ce qu'il y a de plus durable dans le granit ; du moins il est certain que sur les faces.des blocs de granit exposés à l'air aux flancs desmon- tagnes, c’est la partie quartzeuse qui tombe eu détriment la premièreavec lemica, et que les rhombes du feld-spath restent nuds et relevés à la surface du granit dépouillé ‘du mica et des grains de quartz qui les envi- ronnoient. Cet effet se remarque sur-tout dans Les granits où la quantité de féld-spath AT f # DES MINÉRAUX. s1* _ést plus grande que celle du quartz; etil provient de ce que les crystaux de cette même matière vitreuse sont en masses plus longues et plus profondément implantées que Îles grains du quartz dans presque tous les gra< nits. Au reste, ces grains de quartz, détachés par l’action des élémens humides, ét entrai- nés par les eaux, s’arrondissent en roulant, et se réduisent bientôt en sables quartzeux et micacés , lesquels ; comme les sables de grès, se convertissent ensuite en terres ar- gilleuses. | On trouve, dans l’intérieur de la terre; des granits décomposés, dont les grains n’ont que peu d’adhérence, et dont le cimentest ramolli *; cette décomposition se remarque * C’est mal-à-propos que M. de Saussure:veut établir (’oyage dans les Alpes, tome T, page 106) diverses cspèces de granit sur les divers degrés de dureté de cette pierre , et parce qu il s'en trouve de tendre au point de s’égrener entre les doigts, puisque ce n’est ici qu'une décomposition ou des- iruction, pe l'air et par l’eau, du »rai granit, si pourtant d'est de ce granit que l’observateur entend parler , de quoi l’on peut douter avec raison, puis- qu'il attribue le vice de ces granits deyenus tendres 3x. 212 HISTOIRE NATURELLE sur-tout dans les fentes perpendiculaires où les eaux extérieures peuvent, pénétrer par infiltration , et aussi dans les endroits où la Mn. 1 * L ne. masse des rochers est humectée par les vapeurs qui s'élèvent des eaux souterraines. Toute humidité s’oppose à la durete ; et la preuve en est que toute masse pierreuse aC- quiert de la dureté en se séchantà l'air. Cette différence est plus sensible dans les marbres et autres pierres calcaires que dans les ma- tières vitreuses; néanmoins elle se reconnoit dans les granits, et plus particulièrement encore dans le grès, qui est toujours humide dans sa carrière, et qui prend plus de durete après s'être séché à l'air pendant quelques années. ar. FULL Lorsque les exhalaisons métalliques sont abondantes, et en mème temps mèlées d’a- à l'effet de quelque matière saline ou arsilleuse, entrée dans leur composition (ibid.) ; mais plus bas il se rétracte, en observant que si, dès l’ori- gine, ce principe de mollesse fut entré dans leur combinaison , les fragmens roulés .que l’on trouve de ces granits, n’eussent pu, sans se réduire en sable, supporter les chocs qui les ont arrondis (ibid. ). DES MINÉRAU X. 213 eides et d’autres élémens corrosifs, elles détériorent avec le temps la substance des granits, et mème elles altèrent celle du quartz: on le voit dans les parois de toutes les fentes perpendiculaires où se‘trouvent les filons des mines métalliques; le quartz paroit décom- posé, et le granit adjacent est friable. Mais cette décomposition d’une petite por- tion de granit dans l’intérieur de la terre, n’est rien en comparaison de la destruction immense et des débris que dut produire l’ac- tion des eaux, lorsqu'elles vinrent battre pour la première fois les pics des montagnes primitives, plus élancés alors qu'ils ne le sont aujourd'hui ; leurs flancs nuds, exposés aux coups d’un océan terrible, durent s’é- branler , se fendre , se rompre en mille en- droits et de mille manières : de là ces blocs énormes qu'on en voit détachés et tombés à leur pied, et ces autres blocs qui, comme sus- pendus et menaçant les vallées , ne semblent plus tenir à leurs sommets que pour attester les efforts qui se firent pour les en arracher. Mais tandis que la force des vagues renver- soit les masses qui offroient le plus de prise ou le moins de résistance, l’eau , par une », ï ra . d Le p : x 214 HISTOIRE NATURELLE action plus tranquille et tout aussi puissante; > ? L attaquoit généralement et altéroit par-tout \ les surfaces des matières primitives, ettrans- | portant la poudre de leurs détrimens, en composoit de nouvelles substances ; telles que les argilles et les grès ; mais il dut y avoir aussi dans les amas de ces débris, de gros sables quin’étoient pas réduits en poudre : et les granits étant les plus composés, et par conséquent les plus destructibles des subs= tances primitives, ils fournirent ces gros sables en plus grande quantité; et l’on conçoit qu'eu égard à leur pesanteur, ces sables ne purent être transportés par les eaux à de ‘trés-grandes distances du lieu de leur ori- gine : ils se déposèrent en grande quantité aux environs de leurs masses primitives, ils s’y accumulilèrent en couches granitéuses ; et ces grains , agglutines de nouveau par l’inter- méède de l’eau, ont formé les granits secon- daires , bien differens , comme l’on voit, quant à leur origine , des vrais granits pri- mitifs. Et en effet, l’on trouve en divers endroits cesnouveaux granits, soit en couches, soit en amas inclinés, et on reconnoît à plu- sieurs caractères qu’ils sont de seconde for: DES MINÉRAUX. © or8 mation : 1°. à leur position en couches, et quelquefois en sacs entre des matières cal- caires ; 2°. en ce qu ils sont moins compactes, moins durs et moins durables que les granits antiques; 3°. en ce que le feld-spath.et le schorl n'y sont pas en crystaux bien distincts, mais par petites masses qui paroissent resul- ter de l’agglutination de plusieurs fragmens de ces mêmes substances, ei qui n'offrent à l'œil qu’une teinte terne et matte, de cou- leur briquetée ou d’un gris rougeûtre ; 4°. en ce que les parcelles du mica y ont formé, par leur jonction , des feuilles assez grandes, et même de petites pilés de ces feuilles qui res- semblent à du talc; 5°. enfin en ce que l’em- pâtement de toute la pierre est grossier , im- parfait, n'ayant ni la cohérence, ni la soli- dite, ni la cassure vive et vitreuse du vrai granit. On peut vérifier ces différences en comparant les granits des Vosges ou des Alpes avec celui qui se trouve à Semur en Bour- _ gogne. Ce gramit est de seconde formation ; il est friable, peu compacte, mélé de tale; 11 est disposé par lits et par couches presque horizontales : il présente donc toutes -les empreintes d'un ouvrage de l'eau; au heu 216 HISTOIRE NATURELLE que les granits primitifs n’ont d’autres carac- . tères que ceux d’une vitrification. On ne doit donc rien inférer, rien con- 4 clure de la formation de ces granits secon-— J daires à celle du granit primitif dont ils ne sont que des détrimens. Les grès sont, rela- tivement au quartz, ce que ces seconds gra— nits sont au premier ; et vouloir les réunir pour expliquer leur formation par un prin- cipe commun, c'est comme si l’on prétendoit rendre raison de l’origine du quartz par: la formation du grès. Ceux qui voudroient persister àcroirequ’on » doit rapporter à l’eau la formation de tous « les granits, mème de ceux qui sont élancés à pic et groupés en pyramides dans les montagnes primitives, ne voient pas qu'ils ne font que reculer ou plutôt éluder la ré- ponse à la question; car ne doit-on pas leur demauder d'où sont venus et par quel agent ont été formés ces fragmens vitreux employés par l'eau pour composer les granits , et dès lors ne seront-ils pas forcés à rechercher l’o- rigine des masses dont ces fragmens vitreux ont été détachés , et ne faut-il pas reconuoitre que si, Peau peut diviser, transporter ; ras= & PR Me. es >. DES MINERAUX. _ 2r7 sembler les matières vitreuses, elle ne peut en aucune façon les produire ? La question resteroit donc à résoudre dans toute son étendue, quand on voudroit, par prévention de système, ou qu'on pourroit, par suite d’analogie, établir que les granits primitifs ont été formés par l’eau ou dans le sein des eaux, et il resteroit toujours pour fait constant que la grande masse vitreuse, dont les élémens de ces granits sont ou l’ex- trait ou les débris , est une matière ante— rieure et étrangère à l’eau , et dont la for- mation ne peut être attribuée qu’à l’action du feu primitif. Les nouveaux granits sont souvent adossés aux flancs ou stratifiés au pied des grandes masses antiques dont ils tirent leur origine; ils sont étendus en couches ou en lits plus ou moins inclinés, et souvent horizontaux, au lieu d’être groupés en hauteur , entassés en pyramides , ou empilés en feuillets ver- ticaux*, comme le sont les véritables gta, * C’est ce que M. de Saussure appelle des couches perpendiculaires, pax une association de mots aussi insociables que-les idées qu’ils présentent sont in- compatibles ; car qui dit couches, dit dépôt stratifié, Mar, gen, 1X, y 19 18 HISTOIRE NATURELLE nits dans les grandes montagnes primitivesx | cette différence de position est un effet re- marquable et frappant, qui, d’un côté, ca- ractérise l’action du feu, dont la force ex- pansive du centre à la crc ne pou- voit qu'élancer, ‘élever la matière et la grou= per en hauteur , tandis que la seconde po sition présente l’ouvrage de l’eau, qui, sou— mise à la loi de l'équilibre, et ne travail lant que par voie de transport et de dépôt, tend généralement à suivre la Le hori- zontale. Les granits secondaires se sont donc for- étendu, couché enfin sur une ligne plus ou moins “voisine de la ligne horizontale, et dont les feuillets se divisent en ce sens; or une telle masse, stratifiée horizontalement , ne peut rien offrir de perpendicu- laire que les fissures ou sutures qui l’ont accidentelle- ment divisée : la tranche perpendiculaire porte au con- traire sa plus grande dimension sur la ligne de hau- teur, elle se coupe en lames verticales ; et 1l est aussi impossible qu’elle ait été formée par là même cause que la couchchorizontale, qu’il l’est que cette dermère devienne jamais perpendiculaire, si ce n’est par accident ; car il est indubitable que toutes les couches suutuñées par La mer, et qui ue doirent pas leu 0 DES MINÉRAUX. 219 mes des premiers débris du granit primitif; et les fragmens rompus des uns et des autres, et roulés par les eaux, ont postérieurement rempli plusieurs vallées, et ont même formé “par leur entassement des montagnes subal- ternes. Il se trouve des carrières entières et en bancs étendus, de ces fragmens de granits roulés et souvent mêlés de pareils fragmens de quartz arrondis, comme ceux de granit, en forme de cailloux. Mais ces couches sont, comme l’on voit, de seconde et même de troi- sième formation. Et dans le même temps que les eaux entrainoient, froissoient et inchnaison aux causes accidentelles, comme la chûte des cavernes, la tiennent des inclinaisons mêmes , des pentes ou des coupes des masses primitives aux« quelles elles sont venues s’adosser, s’adapter et se superposer , qui, en un mot, leur ont servi de base. Aussi M. de Saussure, après avoir fait la descrip- üon et l’énumération de plusieurs de ces couches _ violemment inclinées ou presque perpendiculaires , rappelle-t-1l tous ces faits particuliers à une obser- vation qu'il regarde lui-même comme générale et importante; savoir, que les montagnes secondaires sont d'autant plus irrégulières et plus inclinées -gWwelles approchent plus des primitives. a Ÿ TP ‘1 PRE, ” # |. x à A 220 HISTOIRE NATURELLE: ‘ entassoient ces fragmens massifs , elles trans x portoient au loin, dispersoient et déposoient . par-tout les parties les plus ténues et la poussière flottante de ces débris graniteux ou quartzeux ; dès lors ces poudres vitreuses ont été mêlées avec les poudres calcaires, et c’est de là que proviennent originairement les sucs quartzeux ou silicés qui transsüudent dans les craies et autres couches calcaires forment par le dépôt des eaux. Et comme le transport de ces débris du granit, du grès et des poudres d’argille, s’est long-temps fait dans le fond des mers, con- jointement avec celui des détrimensdes craies, des marbres et des autres substances calcaires, les unes et les autres ont quelquefois été en- trainées , réunies et consolidées ensemble : c’est de leur mélange que se sont formées les brèches et autres pierres mi-parties de cal- caire et de vitreux ou argilleux; tandis que les fraymens de quartz et de granit, unis de même par le ciment des eaux, ont forme des poudingues purement vitreux, et que les frag- mens des marbres et autres pierres de même nature ont formé les brèches purement cale. cairesi | { Æ . SE DE -GRE S. Lr grès, lorsqu'il est pur et d’une grande dureté , quoiqu'il ne soit composé que des débris du quartz réduits en petits grains qui se sont agglutinés par l’intermède de l’eau; ce grès, comme le quartz, étincelle sous le choc de l'acier : il est également réfractaire à l’ac- tion du feu le plus violent. Les détrimens du quartz ne formoient d'abord que des sables. qui ont pris corps en se réunissant par leur affinité, et ont ensuite formé les masses so- lides des grès, dans lesquels on ne voit en effet que ces petits grains quartzeux plus ou moins rapprochés, et quelquefois liés par un ciment de même nature qui en remplit les interstices *. Ce ciment a pu être porté dans * Par ces mots de ciment ou gluten, je n’entends pas, comme l’on fait ordinairement, une matière qui a la propriété particulière de réunir des subs- tances dissemblables, et, pour ainsi dire, d’une autre nature , en faisant un seul volume de plusieurs 19 " v: DFA 22 HISTOIRE NATURELLE le grès de deux manières différentes : la pre mière, par les vapeurs qui s'élèvent de l’in- térieur de la terre; et la seconde, par la stillation des eaux. Ces deux causes pro- duisent des effets si semblables, qu'il est. assez difficile de les distinguer. Nous allons rapporter, à ce sujet, les observations faites récemment par un de nos plus savans aca— démiciens , M. de Lassone, qui à examiné avec attention la plupart des grès de Fon- corps isolés ou séparés, comme la colle qui s’em- ploie pour le bois , le mortier pour la pierre, etc. L’habitude de cette acception du mot ciment pour- roit en imposer ici: je dois donc avertir que je prends ce mot dans un sens plus général, qui ne suppose ni une matière différente de celle de la masse , niune force attractive particulière, ni même la séparation absolue des parties avant linterposi- tion du ciment, mais qui consiste dans leur union encore plus intime, par l'accession de molécules de même nature, qui augmentent la densité de la masse , en sorte que la seule condition essentielle qui fera distinguer ce ciment des matières, sera le plus souvent la différence des temps où ce ciment y sera survenu, et où elles auront acquis par-là leur plus grande solidité, ot. « L RS Se ete RP de = DES MINÉRAUX. 223 tainebleau , et qui s'exprime dans les termes suivans : « Sur les parois extérieures et découvertes _« de plusieurs blocs de grès le plus compacte, « et presque toujours sur les surfaces de ceux « dont on a enleve de grandes et larges pièces « en les exploitant, j'ai observé un enduit « vitreux très-dur : c’est une lame de deux « ou trois lignes d'épaisseur, comme une es- « pèce de couverte, naturellement appliquée, « intimement inhérente, faisant corps avec « le reste de la masse, et formée par une «matière atténuée et subtile, qui, en se « condensant, a pris le caractère pierreux le plus décidé , une consistance semblable à « celle du si/ex, et presque à celle de l’agate; «cet enduit vitreux n’est pas bien long- « temps à se démontrer sur les endroits qu’il « revêt. Je lai vu établi au bout d’un an « sur les surfaces de” certains blocs entaimés l’année précédente. On découvre et on dis- « tingue les nuances et la progression de «cette nouvelle formation, et, ce qui est « bien remarquable, cette substance vitrée «ne paroit et ne se trouve que sur les faces « entamées des blocs ezcore engagés par leur À À 224 HISTOIRE NATURELLE « base dans la minière sableuse qui doitêtre « « regardée comme leur matrice et le vrai lieu | « de leur génération.» d Cette observation établit, comme l’on voit, V'existence réelle d’un ciment pierreux, qui même forme, en s'’accumulant , un émail silicé d'une épaisseur considérable : mais je dois remarquer que cet émail se produit non: seulement sur les blocs encore attachés ou enfouis par leur base, comme le dit M. de. Lassone , mais mème sur ceux qui en sont séparés; car on m'a fait voir nouvellement quelques morceaux de grès qui étoient re- vêtus de cet émail sur toutes leurs faces. Voilà donc le ciment quartzeux ou silicé clairement dérxontré, soit qu'il ait trans- sudé de l’intérieur de la pierre , soit que l'eau ou les vapeurs aient étendu cette couche à la superficie de ces morceaux de grès. On en a des exemples tout aussi frap— pans sur le quartz, dans lequel il se forme de même une matière silicée par la stilla- tion des eaux et par la condensation des va peurs *. * M. de Geusanne, savant physicien et minéras. DES MINERAUX. 225: Mais si nous considérons en général les cimens naturels , il s’en faut bien qu'ils soient toujours ni par-tout les mêmes ; il faut d’abord en distinguer de deux sortes : logiste très-expérimenté, que j'ai eu souvent occa- sion de citer avec éloge , a‘fait des observations que j'ai déja indiquées, et qui me paroissent ne laisser: aucun doute sur cette formation de la matière sili- cée ou quartzeuse par la seule condensation des vapeurs de la terre. « Étant descendu , dit-il, dans « une galerie de mine (de plomb), . FARM « près de Rennes en Bretagne, dont les travaux. « étoient abandonnés, je vis au fond de cette gale- « re toutes les inégalités du roc presque remplies « d’une matière très-blanche, semblable à de la « céruse délayée, que je reconnus être un véritable « guhr ou sinter.. C’est une vapeur condensée qui, « en se crystallisant, donne un véritable quartz ». M. de Gensanne voulut reconnoître si cette matière provenoit de la circulation de l'air dans les travaux, ou s1 elle transpiroit au travers du roc sur lequel elle se formoit; pour cela, 1l commenca par bien laver la surface du rocher avec une éponge, pour ôter le guhr qui s’y trouvoit. « Ensuite, dit-il, je pris « quatre écuelles neuves de terre vernissée , que j'ap= « phquai aux endroits du rocher où j'avois apperçu ( Du | | 226 HISTOIRE NATURELLE l'un qui paroît homogène avec la matière dont il remplit les interstices, comme dans les nouveaux quartz et les grès, où il est plus apparent à la surface qu’à l’intérieur; l’autre « le plus de guhr, et avec de la bonne glaise bien « pétrie je les cimentai bien tout alentour de deux « bons pouces d'épaisseur ; après quoi je placai des « travers de bois vis-à-vis mes écuelles, qui formoient « presque les quatre angles d’un quarré. » Au bout de huit mois, M. de Gensanne leva une de ces écuelles , et il fut fort surpris de voir que le guhr qui s’éloit formé dessous, avoit près d'un demi-pouce d'épaisseur, et formoit un rond sur la surface du rocher de la grandeur de l’écuelle ; il étoit très-blanc, et avoit à peu près la consistance du beurre frais ou de la cire molle; il en prit de la grosseur d’une noix, et remit l’écuelle comme aupa- ravant, sans toucher les autres... 1l laissa sécher cette matitre à l'ombre : elle prit une consistance grenue et friable , et ressembloit parfaitement à une matière semblable, mais ordinairement tachetée , qu’on trouve dans les filons de différens minéraux, sur- tout dans ceux de plomb, et à laquelle les mineurs allemands donnent le nom de Zeten. 1] y en a quan- tté dans celui de Pont-Pean, et le minéral y est répandu par grains, la plupart cubiques, et souvent _ DES MINÉRAUX. 257 qu’on peut dire hétérogène, parce qu’il est d’une substance plus ou moins différente de celle dont il remplit les interstices, comme dans les poudingues et les brèches : ce der- accompagnés de grains de pyrite. « Toute la diffé « rence que je trouvois, dit M. de Gensanne, entre « ma matière et celle du filon, c’est que la matière « étoit très-blanche , et que celle du filon étoit par « semée de taches violettes et roussâtres ; je pris de « celle du filon, qui ne contenoit assurément aucun « minéral, et la plus blanche que je pus trouver; « j'en pris également de la mienne , et fondis poids « égal de ces deux matières dans deux creusets sé= - « parés et au même feu; elles me parurent égale « ment fusibles, et même donnèrent des scories en « tièrement semblables... Je soupconnai dès lors « que ces matières étoient absolument les mêmes... « Quatorze mois se passèrent depuis le jour que « j'avois visité la première écuelle , jusqu’au temps « de mou départ de ces travaux : je fus voir alors « mon petit équipage ; je trouvai que le gukr n’avoit « pas sensiblement augmenté sur la partie du roc « qui étoit à découvert ; et ayant visilé l’écuelle que « j’avois visitée précédemment , j’apperçus l'endroit « où j’avois enlevé le guhr, recouvert de la mème « tuatière, mais fort mince et très-blanche ; au lieu #28 HISTOIRE NATURELLE nier .ciment est ordinairement moins dur que les grains qu'il réunit. Nous connoissons d’ailleurs plusieurs espèces de cimens natu- DT RÉ. -« que la partie que je n’avois pas touchée, ainsi que « toute la matière qui étoit sous les écuelles que je _« n’avois pas remuées, étoit toute parsemée de taches | « roussâtres et violettes , et absolument semblables à « celles qu’on trouve dans le filon de cette mine, -« avec cette différence que cette dernière renferme -« quantité de grains de mine de plomb dispersés . « dans les taches violettes, et qui n’avoient pas eu le « temps de se former dans la première. « Il résulte de cette observation , que les guhrs se « forment par une espèce de transpiration au travers « des rochers mème les plus compactes, et qu'ils « proviennent de certaines exhalaisons ou vapeurs « qui circulent dans l’intérieur de la terre, et quise… « condensent et se fixent dans les endroits où la tem- « pérature et les cavités leur permettent de s’accu-. « mulérs... "1 « Cette matière est une véritable vapeur conden- « sée qui se trouve dans une infinité d’endroits, ren- « fermée dans des roches inaccessibles à l’eau. Lors+ « que le guhr est dissous et chassé par l’eau, il se ” « crystallisetrès-facilement et forme un vrai quartz.» ( Histoire naturelle du pr tome [I , page 22 ct suly. ) s DES MINÉRAUX. 229 . yels, et nous en traiterons dans un articte particulier. Ces cimens se mêlent et se com binent quelquefois dans la même matière, et souvent semblent faire le fond des substances solides. Mais ces cimens, de quelque nature qu'ils soient, peuvent avoir, comme nous venons de le dire, une double origine : la première est due aux vapeurs ou exhalaisons qui s'élèvent du foud de la terre au moyen de la chaleur intérieure du globe ; la seconde, à l’infiltration des eaux qui détachent avec le temps les parties les plus ténues des masses qu'elleslavent ou pénètrent : elles entraînent donc ces particules détachées, et les déposent dans les interstices des autres matières ; elles forment mème des concrétions qui sont très- dures , telles que les crystaux de roche et autres stalactites du genre vitreux; et cette seconde source des extraits ou cimens pier— reux , quoique très-abondante, ne l’est peut- être pas autant que la première qui provient des vapeurs de la terre, parce que cette der- nière cause agit à tout instant et dans toute l'étendue des couches extérieures du globe; au lieu que l’autre étant bornée par des cir- eonstances locales à des effets particuliers, ue J 20 230 HISTOIRE NATURELLE . peut agir que sur des masses particulières de matière. ; j , On doit se rappeler ici que , dans A * | ï de la consolidation du globe, toutes les ma= « tières s’étant durcies et resserrées en se re- froidissant, elles n'auront pu faire retraite « sur elles-mêmes sans se séparer et se diviser * par des fentes perpendiculaires en plusieurs endroits. Ces fentes , dont quelques unes des- cendent à plusieurs centaines de toises , sont les grands soupiraux par où s’échappent les vapeurs grossières chargées de parties denses et métalliques. Les émanations plus subtiles, telles que celles du ciment silicé, sont les seules qui s’échappent par-tout, et qui aient pu pénétrer les masses entières du grès pur: aussi n’entre-t-1l que peu ou point de subs- tances métalliques dans leur composition , tandis que les fentes perpendiculaires qui séparent les masses du quartz, des granits et autres rochers vitreux, sont remplies de mé- taux et de minéraux produits par les exha= laisons les plus denses, c’est-à-dire, par les « vapeurs chargées de parties métalliques. Ces émanations minérales, qui étoient très-abon= … dantes lors de La grande chaleur de la terre; n he U DES MINÉRAUX. 23 pe laissent pas de s'élever, mais en moindre quantité , dans son état actuel d’attiédisse- ment : il peut donc se former encore tous les jours des métaux; et ce travail de la Nature ne cessera que quand la chaleur intérieure du globe sera si diminuée, qu’elle ne pourra plus enlever ces vapeurs pesantes et meétal- liques. Ainsi le produit de ce travail, déja petit aujourd'hui, sera peut-être nul dans quelques milliers d'années, tandis que les vapeurs plus subtiles et plus légères, qui n'ont besoin que d'une chaleur très - mé- diocre pour être sublimées, continueront à s'élever et à revêtir la surface, ou même pé- nétrer l’intérieur des RAREree qui leur sont analogues. Lorsque le grès est pur, il ne contient que du quartz réduit en grains plus ou moins menus, et souvent si petits, qu'on ne peut les distinguer qu’à la loupe. Les grès impurs sont au contraire mélangés d'autres suhs- lances vitreuses ou métalliques* , et plus * Il y a des grès mêlés de mica, et d'autres en plus grand nombre contiennent de petites masses ferrugineuses très-dures , que les ouvriers appellent des clous. > HISTOIRE NATURELLE souvent encore de matières calcaires : et ces. grès impurs sont d’une formation postérieure à celle des grès purs. En général , il y a plus : de grès mélangés de substance calcaire que de. grès simples etpurs, et ils sont rarement teints” d’autres couleurs métalliques que de celles du fer. On les trouve p#r collines, par bancs à et en très-grandes masses, quelquefois sépa-. rées en gros blocs isolés, et seulement envi= ronnés du sable qui semble leur servir de matrice; et comme ces amas ou couches de sable sont, dans toute leur épaisseur, per- méables à l’eau, les grès sont toujours hu * mectés par ces eaux filtrées : l'humidité pé- nètre et réside dans leurs pores ; car tous les grès sont humides au sortir de la carrière, et ce n’est qu'après avoir été exposés pendant quelques années à l'air, qu'ils perdent cette humidité dont ils étoient imbus. | Les grès les plus purs, c’est-à-dire, ceux dont le sable qui les compose n’a été nt. transporté ni mélangé, sont entassés en gros blocs isolés : mais il y en a beaucoup d’au- tres qui sont étendus en bancs continus, et même eu couches horizontales, à peu près disposées comme celles des pierres calcaires. DES MINÉRAU X. 233 Cette différence de position dans les grandes masses de grès paroît nous indiquer qu’elles ont été formées dans des temps differens, et que la formation des grès qui sont eu bancs horizontaux, est postérieure à là production de ceux qui se présentent en blocs isolés : car celle-ci ne suppose que la simple agréga- tion du sable quartzeux dans le lien mème où il s’est trouvé après la vitrification géné- rale, au lieu que la position des autres grès par couches horizontales suppose le trans-, port de ces mêmes sables par le mouvement des eaux; et le mélange des matières étran- gères qui se trouvent dans ces grès, semble prouver aussi qu'ils sont d’une formation moins ancienne que celle des grès purs. Si l’on vouloit douter que l’eau pût former le grès par la seule réunion des molécules du quartz, il seroit aisé de le démontrer par la formation du crystal de roche , qui est aussi dur que le grès le plus pur, et qui néanmoins n’est formé que des mêmes mo- lécules par la stillation des eaux ; et d’ail- leurs on voit un commencement de cette réunion des particules quartzeuses dans la consistance que prend le sable lorsqu'il est 20 » 234 HISTOIRE NATURELLE mouillé : plus ce sable est sec, et plus diese | pulvérulent; et dans les lieux où les sables de grès couvrent la surface du terrain, les chemins ne sont jamais plus praticables que: quand il a beaucoup plu, parce que l’eau consolide un peu ces sables en FARpACARE 1 leurs grains. Les grès ne se trouvent communément que près des contrées de quartz, de granit, et d’autres matières vitreuses , et rarement au milieu des terres où il y a des marbres, des pierres calcaires ou des craies : cepen- dant le grès, quoique voisin quelquefois du granit par sa situation, en diffère trop par sa composition, pour qu'on puisse leur ap- pliquer quelque dénomination commune ; et plusieurs observateurs sont tombés dans l'erreur, en appelant granit du grès à gros grains. La composition de ces deux matières est différente, en ce que, dans ces grès com poses des détrimens du granit, jamais les molécules du feld-spath n’ont repris une crystallisation distincte, ni celles du quartz un empâtement commun avec elles, non plus qu'avec les particules du mica : ces dernières sont comme semées sur les autres, DES MINÉRAUX. 235 et toute la couche, par sa He comme par sa texture, ne montre qu'un amas de sables grossièrement agglutinés par une voie bien différente de la fusion intime des grandes masses vitreuses ; et l’on peut en- core remarquer que ces grès composés de plusieurs espèces de sables sont générale- ment plus grossiers, moins compactes et d’un grain plus gros que le grès pur , qui toujours est plus solide et plus dur, et dont le grain plus fin porte évidemment tous les caractères d'une poudre de quartz. Le grès pur est donc Le produit immédiat desdétrimens du quartz; etlorsqu'il se trouve réduit en poudre impalpable , cette poudre quartzeuse est si subtile, qu’elle pénètre les autres matières solides ; et même l’on pre- tend s’être assuré qu’elle passe à travers le verre. MM. le Blanc et Clozier ayant placé une bouteille de verre vide et bien bouchée dans une carrière de grès des environs d'É- tampes, 1ls s’apperçurent, au bout de quel- ques mois, qu'il y avoit au dedans de cette bouteille une espèce de poussière , qui étoit un sable très-fin de la même nature que la poudre de grès. | 236 HISTOIRE NATURELLE Il n’y a peut-être aucune matière vitfeusé dont les qualités apparentes varient autant que celles des grès. « On en rencontre de si « tendres , dit M. de Lassone , que leurs «grains, à peine liés, se séparent aisément « par la simple compression, et deviennent « pulvérulens ; d’autres, dont la concrétion « est plus ferme, et qui commencent à résis- « ter davantage aux coups redoublés des ins. « trumens de fer ; d’autres enfin dont la « masse , plus dure et plus lisse, est comme « sonore, et ne se casse que très-difhicile- « ment : et ces variétés ont plusieurs degrés « intermédiaires. » Le grès que les ouvriers appellent grisar, est si dur et si difficile à travailler, qu’ils le: rebutent même pour n’en faire que des pavés, tandis qu’il y a d’autres grès si tendres et si poreux, que l’eau crible aisément à travers leurs masses ; ce sont ceux dont on se sert pour faire les pierres à filtrer. IL y en a de si grossiers et de si terreux, qu'au lieu de se durcir à l'air, ils s’y décomposent en assez peu de temps. En général, les grès les plus purs et les plus durables sont aussi ceux qui ont le grain Le plus fin et le tissu Je plus serre. ee — PACS T See a a 2 2 DS de DES MINÉRAUX. 297 Les grès qu'emploient les paveurs à Paris, sont, après le grès grisar , les plus durs de tous. Les grès dont on se sert pour aiguiser ou donner du tranchant au fer et à l’acier, sont d'un grain fin, mais moins durs que les premiers , et néanmoins ils jettent de même des-étincelles , en faisant tourner à sec ces meules de grès contre le fer et l’acier*. Le grès de Turquie qu’on appelle pierre & rasoir , à laquelle on donne sa qualité en la tenant pendant quelques mois dans l'huile, et qui sert à repasser et affiler les rasoirs et. autres instrumens {rès-tranchans, n’a qu'un certain degré de dureté, quoique le grain en soit très-fin et la substance très-uniforme, et sans mélange d'aucune matière étrangère. Au reste, le grès pur n’étant composé que des détrimens du quartz, il en a toutes les propriétés ; 1l est aussi réfractaire au feu : il * M. Valmont de Bomare , dans son ouvrage ‘sur la minéralogie, nous assure qu’il a trouvé un quar- tier de ce grès de Turquie ,en France, près de Mor- laïx , dans la province de Bretagne , et je suis d’ail- leurs très- persuadé que cette espèce de grès w’ap- P 1 P 8 P parlent pas exclusivement à la Turquie, comme son nom semble l'indiquer. 238 HISTOIRE NATURELLE résiste de même à l’action de tous les acides, - et quelquefois il acquiert le même degré de dureté; enfin le quartz ou le grès réduits en sable servent également de base à tous nos verres factices , et entrent en plus ou moins grande quantité dans leur composition. Les grès sont assez rarement colorés, et ceux qui ont une nuance de jaune, de rouge ou de brun, ne doivent cette teinte qu’à l’in- filtration de l’eau chargée des molécules fer- xrugineuses de la terre végétale qui'couvre la superficie du terrain où l’on trouve ces grès colorés; la plupart des jaspes sont au con- traire très - colorés, et semblent avoir recu leurs couleurs par la sublimation des ma- tières métalliques dès le premier temps de leur formation. Il se peut aussi que quelques grès des plus anciens doivent leur couleur à ces mêmes émanations métalliques ; l’une des causes n’exclut pas l’autre, et les effets de toutes deux paroissent constatés par l'ob- servation. « Il n’y a presque point de ces « blocs gréseux de Fontainebleau, dit M. de « Lassone , où l’on n’apperçoive quelques «marques d’un principe ferrugineux. En « general, ceux dont les grains sableux sont DES MINÉRAUX. 229 « les moins liés , sont aussi ceux où le prin- « cipe ferrugineux est le plus apparent, Les « portions les plus externes des blocs, celles « par conséquent dont la formation ou la « condensation est moins ancienne, ont sou— « vent une teinte jaunâtre de couleur d’ocre .« ou de rouille de fer, tandis que les couches « plus intérieures ne sont nullement colo- « rées. IL semble donc que, dans certainsgrès, « cette teinte disparoisse à mesure que leur « densité ou que la concrétion de leurscrains « augmente ; cependant on remarque des « blocs très-durs, dont la masse entière est « pénétrée uniformément de cette couleur « ferrugineuse plus où moins intense : il y «en a parmi ceux-ci quelques uns où le « principe ferrugineux estsiapparent, qu'ils «ont une teinte rougeâtre tres-foncée. Le « sable, même pulvérulent, et n'ayant encore « éprouvé aucune condensation, coloré en « plusieurs endroits par les mêmes teintes, « semble aussi participer du fer, si l’on en « juge simplement par la couleur ; mais l’ai- « mant n’en attire aucune parcelle de métal, «non plus que du derritus des. grès rou- « geatres. » “ 240 HISTOIRE NATURELLE ii Cette observation 4 M. de Lassone me semble prouver assez que les grès sont colorés 1 par le fer, et plus souvent au moyen de à l’infiltration des eaux que par la sublimation j des vapeurs souterraines. J'ai vu moi-même dans plusieurs blocs d’un grès très-blanc, de ces petits nœuds ou clous ferrugineux dont j'ai parlé, et qui sont d’une si grande dureté qu'ils résistoient à la lime. On doit conclure de ces remarques, que l’eau a .- beaucoup plus que le feu travaillé sur le “ rès. Ce dernier élément n’a fourni que la 8 q première matière, c’est-à-dire, le quartz; au lieu que l’eau a porté dans la plupart des | grès, non seulement des parties ferrugineuses, mais encore une très-grande quantité d'autres matières hétérogènes qui en altèrent la na- ture ou la forme, en leur donnant une figu- GE, u} vf À À KA de, 4 ration qu'ils ne prendroient pas d'eux-mêmes; ce qu'on ne doit attribuer qu'aux substances hétérogènes dont ils sont mélangés. On trouve’ dans quelques sables de grès des morceaux arrondis , isolés, et de différentes grosseurs , les uns entièrement solides et massifs , les autres creux en dedans comme des géodes : mais ce ne sont que des:coucré= r : DES MINÉRAU X. 24€ tions, des sablons agglutinés par le ciment dont nous avons parlé; ces concrétions se _ forment dans les petites cavités de la grande masse de sable qui environne les autres blocs de grès, et elles sont de la même nature que ces sables. Mais les grès disposés par bancs ou par couches sont presque tous plus ou moins méêlés d'autres matières : il y a des grès mélangés de terre limoneuse, d’autres sont entremêlés d'argille, et plusieurs autres qui ne paroissent pas terreux, contiennent une orande quantité de matière calcaire. Tous ces grès ont évidemment été formés _ dans les sables transportés et déposés par les eaux; et cest par cette raison qu’on les trouve en couches horizontales, au lieu que les grès purs produits par la seule décompo- sition du quartz se présentent en blocs irréguliers et tels qu’ils se sont formés dans le lieu même, sans avoir subi ni transport _ ni mélange : aussi ces grès purs, ne contenant aucune matière calcaire, ne font point effer- vescence avec les acides, et sont les seuls qu'on doive regarder comme de vrais grès. Cette distinction est plus importante qu’elle ne le paroit d'abord , et peut nous conduire 21 24 HISTOIRE NATURELLE à l’explication d’un fait reconnu depuis peus 1 Quelques observateurs ont trouvé plusieurs M morceaux de grès à Bourbonne-les-Bains, à . Nemours *, à Fontainebleau et ailleurs , qui: affectoient une figure quadrangulaire, et qui étoient, pour ainsi dire, crystallisés en rhombes. Or cette espèce de crystallisation " ou de figuration n’est pas une des propriétés du grès pur; c’est un effet. accidentel qui n’est dû qu’au mélange de la matière calcaire avec celle du grès; car, ayant fait dissoudre par un acide ces morceaux figurés en rhombes, il s’ést trouvé qu'ils contenoient au moins un tiers de substance calcaire sur deux tiers de vrai grès, et qu'aucun des grès qui n’étoient que peu ou point mélangés de cette matière calcaire , n’a pris cette figure rhomboïdale. Après avoir considéré les principales ma- tières solides et dures qui se présentent em grandes masses dans le-sein ou à la surface de la terre , et qui, comme nous venons de l'exposer , sout ou des verres primitifs ow * M. Bezout, savant géomètre de l'académie des sciences, a reconuu le premier ces grès figurés dans les carrières dé Nemours. » ; =" DES MINÉRAUX 243 des agrégats de leurs parties divisées et ré- duites en grains , nous devons examiner de mème les matières en grandes masses qui en tirent leur origine et qui en sont les détri- mens ultérieurs , telles que les argilles, les schistes et les ardoises, qui ne diffèrent des sables vitreux que par une plus grande dé- composition de leurs parties intégrantes , mais qui, pour le premier fonds de leur substance, sont de même nature. DES ARGILLES ET DES GLAISES. L'incrure , comme nous venons de l’avancer, doit son origine à la décomposi- tion des matières vitreuses qui, par l’impres- sion des élemens humides, se sont divisées, atténuéeset réduites en terre. Cette vérité est démontrée par les faits. 1°. Si l’on examine les cailloux les plus durs, et les autres ma- tières vitreuses exposées depuis long-temps à l'air, on verra que leur surface a blanchi, et que dans cette partie extérieure le caillou s’est ramolli et décomposé, tandis que l’in- térieur a conserve sa dureté, sa sécheresse et sa couleur. Si l’on recueille cette matière blanche en la raclant, et qu’on la détrempe avec de l’eau, l’on verra que c’est une ma- tière qui a deja pris le caractère d’une terre spongieuse et ductile, et qui approche de la vature de l’argille. 2°. Les laves des volcans ! e d é, À! » SR me ME ee M HISTOIRE NATURELLE. 245 et de tous nos verres factices, de quelque qua- lité qu'ils soient, se convertissent en terre argilleuse *. 3°. Nous voyons les sables des granits et des grès, les paillettes du mica, et même les jaspes et les cailloux les plus durs, se ramollir, blanchir par l'impression de l'air, et prendre à leur surface tous les caractères de cette terre; et l’argille, péné- trée par les pluies, et mêlée avec le limon des rosées et avec les débris des végétaux, - devient bientôt une terre féconde. * « Une partie des laves de la Solfatare ( près de « Naples) est convertie en argille ; il y a des mor- « ceaux dont une partie est encore lave, el l’autre « partie est changée en argile... On y voit encore « des schorls blancs en forme de grenat, dont quel- « ques uus sont également convertis en argille..…. Ce « changement des matières vilreuses en argille par « l’intermède de l’acide sulfureux (ou vitriolique), « qui les a pénétrées, en quelque facon dissoutes, « est saus doute un phénomtne remarquable et très- « intéressant pour histoire naturelle. » ( Lettres de MW. Ferber sur la minéralogie, page 259.) M. Ferber ajoute qu’une partie de cette argille est molle comme une terre, et que l’autre est dure, pierreuse, et assez semblable à une pierre à chaux 21 246 . HISTOIRE NATURELLE! . Tous les micas, toutes les exfoliations du 4 quartz, du jaspe , du feld-spathiet du schorl, tous les détrimens des porphyres, des gra 4 nits et des grès, perdent peu à peu leur sécheresse et leur dureté; ils s’atténuent et se xamollissent par l'humidité; et leurs mole- cules deviennent à la fin spongieuses et duc- tiles par la même impression des élémens humides. Cet eflet qui se passe en petit sous nos yeux , nous représente l’ancienne et grande formation des argilles après la pre | mière chüûüte des eaux sur la surface du globe: ce nouvel élément saisit alors toutes les poudres des verres primitifs; et c'est dans ce temps que se fit la combinaison qui pro- duisit l’acide universel par l’action du feu blanche; c’est vraisemblablement cette fausse appa- rence qui à fait dire à M. Fougeroux de Bonda- r0y ( Mémoires de l'académie des sciences, année 1765) que les pierres de la Solfatare étoient cal- caires. M. Hamilton a fait la même méprise; mais il paroît certain , dit le savant traducteur des Lettres de Ferber, que le plancher de la Solfatare et les collines qui l’environnent, ne sont composés que de produits volcaniques, convertis par les vâpeurs du soufre eu terre argilleuse . ne Se PT Er 7 nd es x DES MINÉRAUX. 247 dont la terre et l’eau étoient également péné- irées , puisque la terre étoit encore brülante , et l’eau plus que bouillante. . L'acide se trouve en effet dans toutes les argilles , et ce premier produit de la combi- naison du feu , de la terre etde l'eau , indique assez clairement le temps de la chüûte des eaux , etfixe l’époque de leur premier travail ; car aucune des antiques matières vitrèuses’ en grandes masses , telles que les quartz, les jaspes, ni même les granits, ne contient Vacide : par conséquent aucune de ces ma- tières antérieures aux argilles n’a été tou- chée ni travaillée par l’eau, dont le seul contact eùt produit l'acide par la combinai- son nécessaire de cet élément avec le feu qui embrasoit encore la terre *. * Cette origine peut seule expliquer la triple afñ- nité de l’acide avec le feu , la terre et l’eau , etsa for- mation par la combinaison de ces trois élémens, Veau n'ayant pu s’unir à la terre vitreuse sans se joindre en même temps à la portion de feu dont éette terre étoit empreinte ; j’observai de plus lafi- nité marquée et subsistante entre les matières vitres- cibles et l'acide argilleux ou vitriolique, qui, de tous les acides , est le seul qui ait quelque-prise sur 848 HISTOIRE NATURELLE L’argille seroit donc par elle-mêmeuns terre très-pure, si, peu de temps après sa formation , elle n’eût été mêlée, par le mou- | vement des eaux, de tous les débris des pro- ductionsqu’elles firent bientôtéclore; ensuite, après la retraite des eaux, toutes les arogilles - dont la surface étoit découverte, reçurent Le. dépôt des poussières de l'air et du limon des. pluies. Il n'est donc resté d’argilles pures que celles qui dès lors se trouvoient recou- vertes par d'autres couches, qui les ont dé- fendues de ces mélanges étrangers. La plus pure de ces argilles est la blanche ; c’est la ces substances : on a tenté leur analyse au moyen de cet acide; mais cette analyse ne prouvera rien de plus que la grande analogie établie entre le principe acide et la terre vitrescible, dès le temps où 1l fut universellement engendré dans cette terre à la pre- mière chute des eaux. Ces grandes vues de l’histoire naturelle confirment admirablement les idées de l'illustre Stabl , qui , de la seule force des analogies, et du nombre des combinaisuns où 1l avoit vu l’acide vitriolique se travestir et prendre la forme de presque tous les autres acides, avoit déja conclu qu'il étoitle principe salin primitif, principal , universel. (Re= marque de M. l’abbé Bexon.) i … ) DES MINÉRAUX. 249 seule terre de cette espèce qui ne soit pas mélangée de matières hétérogènes : c’est un simple détriment du sable quartzeux , qui est aussi réfractaire au feu que le quartz même duquel cette argille tire son origine. La belle arsille blanche de Limoges , celle de Normandie dont on fait les pipes à fumer, et quelques autres argilles pures, quoiqu'un peu colorées , et dont on fait les creusets et potsde verrerie, doivent être regardées comme des argilles pures, et sont à peu près égale- ment réfractaires à l’action du feu : toutes les autres argilles sont mélangées de diverses matières qui les rendent fusibles et leur donnent des qualités différentes de celles de J'argille pure; et ce sont ces argilles melan- gées auxquelles on doit donner le nom de glaises. La Nature a suivi pour la formation des argilles les mèmes procédés que pour celle des grès: les grès les plus purs et les plus blancs se sont formés par la simple réunion des sables quartzeux sans mélange, tandis que les grès impurs ont été composés de différentes matières mêlées avec ces sables quartzeux et transportées ensemble par les 250 HISTOIRE NATURELLE L | eaux ; de même les argilles blanches et pires! 4 ne sont formées que des détrimens ultérieurs des sables du quartz, du grès et du mica’ 3 0 dont les molécules ; très-atténuées dans l eaü 1 sont devenues spongieusesetontpris la nature de cette terre, au lieu que les glaises, c’ést- à-dire, les argilles impures, sont composées de plusieurs matières hétérogènes que l’eau ÿ y a mêlées, et qu’elle a transportées ensemble, M pour én former les couches immenses qui recouvrent presque par-tout la masse inté- rieure du globe. Ces glaises servent aussi de: fondement et de base aux couches horizon- tales des pierres calcaires ; et de même qu’on! ne trouve que peu de grès purs en compä- raison des grès mélangés, on ne trouve aussi . que rarement des argilles blanches et pures, fi au lieu que les glaises ou argilles impures, « sont universellement répandues. ; Pour reconnoitre par mes yeux dans quel ordre se sont établis les dépôts successifs et les differentes couches de ces glaises , j'ai fait faire une fouille * à cinquante pieds de’. * La ville de Montbard est située au milieu d'un vallon , sur une montague isolée de toutes parts et DES MINÉERAUX. 251 profondeur dans le milieu d'un vallon sur. monté des deux côtés par des collines de même glaise, couronnées de rochers cal- ce monticule forme, entre les deux chaînes de mon- tagnes qui bornent ce vallon dans sa longueur, deux espèces de gorges : ce fut dans l’une de ces gorges qui est du côté du midi, qu'au mois d'août 1774. M. de Buffon fit faire une fouille de cinquante pieds de profondeur, et de six pieds de large en quarré. Le terrain où l’on creusa est inculte de temps im= mémorial , c'est un espace vague qui sert de pâtu- rage ; et quoiqué ce terrain paroisse à l’œil à peu près au niveau du vallon, il est cependant plus élevé. que la rivière qui l’arrose, d’environ trente pieds , et de huit pieds seulement plus qu'un petit étang qui n’est éloigné de cette fouille que de cinquante pas. QUE Après qu’on eut enlevé le gazon, on trouva une couche de terre brune, d’un pied d'épaisseur, sous laquelle étoit une autre couche de terre grasse , duc= le, d’un jaune foncé et rougeâtre, presque sans aucun gravier, qui étoit épaisse d'environ trois pieds. L’argille étoit stratifiée immédiatement sous ces couches limoneuses , et les premiers lits, qui n’a- voient que deux ou trois pouces d'épaisseur, étoient foumés d’une terre grasse d’un gris bleuâtre , mais 252 HISTOIRE NA TURELLE caires jusqu'à trois cent ciquante ou quatre 1 cents pieds de hauteur, et j'ai prié un de” nos bons observateurs en ce genre de tenir 4 \ marbré d’un jaune foncé, de la couleur de la couche 4 supérieure; ces lits paroiïssoient exactement hor1- * zontaux , et étoient coupés, comme ceux des car= w rières , par des fentes perpendiculaires, qui étoient Ÿ si près les unes des autres , qu’il n’y avoit pas entre | les plus éloignées un demi - pouce de distance : cette LA terre étoit tres-humide et molle; on y trouva des À bélemuites et une très - grande quantité de petits À peignes où coquilles de Saint-Jacques, qui na- « voient guère plus d'épaisseur qu’une feuille de pa. pier, et pas plus de quatre ou cinq lignes de dia- mètre; ces coquilles étotent cependant toutes très= u entières et bien conservées, et la plus grande partie étoit adhérente à une maticre terreuse qui augmen-" toit leur épaisseur d’environ une ligne : mais cette” croûte terreuse, qui n’étoit qu'à la partie convexe de la coquille, s'en séparoit en se desséchant, et on la distinguoit alors facilement de la vraie coquilles On y trouva encore de petits pétoncles de l'espèce dew ceux qu’on nomme cuner, et ces coquilles étoient placées non pas dans les fentes horizontales des. couches, mais entre leurs petites stratifications, et elles étoient toutes à plat et dans une situation \ ER ne CT S + DES MINÉRAUX. 253. registre exact de ce que cette fouille présen- teroit. IL a eu la bonté de le faire avec la ‘plus grande attention , comme on peut le parallèle aux couches. Il ÿ avoit aussi dans ces mêmes couches, des pyrites vitrioliques ferrugineuses qui étoient applaties et terminées irrégulièrement, et qui n’étoient point formées intérieurement par des rayons tendant au centre comme elles le sont ordi- nairement : la coupe de ces terres s'étant ensuite desséchée, les couches limoneuses se séparèrent par une grande gercure des couches argilleuses. A huit pieds de profondeur, on s’appercut d’une petile source d’eau qui avoit son issue du côté de l'étang dont on a parlé, mais qui disparut le.len- demain : on remarqua qu’à cette profondeur les couches commencçoient à avoir une plus grande épaisseur , que leur couleur étoit plus brune, es qu’elles n’étoient plus marbrées de jaune intérieu- rement , comme les premières ; cette couleur ne paroissoit plus qu’à la superficie, et ne pénétroit dans les couches que de l'épaisseur de quelques lignes, et les fentes perpendiculaires étoient plus éloignées les unes des autres. La superficie des couches parut, à cette profondeur, toute parseihée de paillettes brillantes , transparentes et séléniteuses; ces paillettes, à la chaleur du soleil, devenoiént Mat, gén. 1X, 22 254 HISTOIRE NAT URELLE Fi voir par la note qu il m'en a remise, et qui à suffira pour donner une idée de la disposition ! des différens lits de glaise et de la nature des matières qui s’y trouvent mélées, ainsi que d presque dans l’instant blanches et opaques. Ces ” couches contenoient les mêmes espèces de coquil mages que les précédentes, et. à peu près dans la } même quantité. On y trouva aussi un grand nombre de racines d’arbres applaties et pourries, dans les= « quelles les fibres ligneuses étoient encore très-appas | rentes, quoiqu'il n’y ait point actuellement d’arbres « dans ce terrain, et jusque-là -on n’appercut, dans ces couches, ni sable, ni gravier, ni aucune sorte de terre. Depuis huit pieds jusqu’à douze, les couches d’argille se trouvèrent encore un peu plus brunes, … plus épaisses et plus dures. Outre les coquilles des : couches supérieures dont on : parlé, 1l y avoit une grande quantité de petites pétoncles à stries demi circulaires , que les naturalistes noïument fasciati, dont les plus grandes n’avoient qu’un pouce de dia- mètre, et qui étoient parlaitement conservés entre ces couches ; et, à dix pieds de profondeur, on trouva un lit de pierre très-mince, coupé par un grand nombre de fentes perpendiculaires , et cette pierre, semblable à la plupart dés pierres argils s DES MINÉRAUX. 255 des concrétions qui se forment entre les couches ou dans les fentes perpendiculaires qui en divisent la masse, On voit que je n’admets ici que deux sortes Jeuses, étoit brune , dure, aigre, et d’un grain très-fin. | . À la profondeur de douze pieds jusqu’à seize, l'argille étoit à peu près de la même qualité; mais 3l y avoit plus d’humidité dans les fentes horizon- tales, etla superficie étoit hérissée de petits grains un peu alongés, brillans et transparens, qui, dans un certain sens, s'exfolioient comme le gypse, et qui, vus à la loupe, paroïssoient avoir six faces , comme les aiguilles de crystal de roche, mais dont Jes extrémités étoient coupées obliquement et dans Je même sens. Après avoir lavé une certaine quan- té de ces concré‘ons , et leur avoir fait éprouver une chaleur modérée, elles devinrent très-blanches : hroyées et détrempées dans l’eau , elles se durcirent promplement comme Je plâtre, et on reconnut évidemment que cette matière étoit de véritable pierre spéculare, le ie ob, pour aiusi dire, de la pierre à plâtre. Comme j’examinois un jour les différentes mati-res qu ou tiroit de cette fouille, un troupeau de cochons que le pâtre ramenoi: de la campagne » passa près de là, et je ne fus pas peu surpris de 256 HISTOIRE NATURELLE d’argilles, l’une pure, et l’autre impure É à À laquelle datée spécialement le nom de J glaise, pour qu’on ne puisse la confondre L L voir tout-à-coup ces animaux se Jeter brusquement sur la terre de cette fouille la plus nouvellement w ürée et la plus molle, et la dévorer avec avidité ; ce qui arriva encore en ma présence plusieurs fois de suite. Outre les coquillages des premières couches, » celle-ci contenoit des limas de mer lisses, d’autres limas hérissés de petits tubercules, des tellines, « des cornes d’ammon de la plus petite espèce, et , quelques autres plus grandes qui avoient environ. quatre pouces de diamètre : elles étoient toutes extrèmement minces etapplaties, el cependant très- entières, malgré leur extrême délicatesse. Il y avoit sur-tout une grande quantité de bélemnites toutes conoïdes , dont les plus grandes avoient jusqu’à sept et huit pouces de longueur ; elles étoient pointues comme un dard à l’une des extrémités, et lextré- mité opposée à leur base éloit terminée irréguliè- rement el applatie comme si elle eût été écrasée : elles étoient brunes au-dehors et au-dedans, et formées d’une matère disposée intérieurement en forme de siries transversales ou rayons qui se réunis- soient à l’axe de la bélemnite. Cet axe étoit dans : toutes un peu excentrique , et marqué, d’une extré= | DES MINÉRAUX. 257 avec la première; et de même qu'il faut dis- tinguer les argilles simples et pures des glaises ou argilles mélangées, l’on ne doit pas con- mité à l’autre, par une ligne blanche presque IDI= perceptible; et lorsque la bélemnite étoit d’une certaine grosseur, la base renfermoit un petit cône plus ou moims long, composé d’alvéoles en forme de plateaux, emboîtés les uns dans les autres comme les nautiles, au sommet duquel se terminoit alors la ligne blanche : ce petit cône étoit revêtu , dans toute sa longueur , d'une pellicule crustacée, jau- nôtre et très-mince, quoique formée de plusieurs petites couches , et le corps de la bélemnite , disposé _ enrayons qui recouvroient le tout, deveno d’autant plus mince, que le petit cône acquéroit un plus grand diamètre. Telles étotent à peu près toutes les bélemnites que l’on trouva éparses dans la terre que Von avoit tirée de la fouille ; ce qui est commun à toutes celles de cette espèce. » | Pour savoir dans quelle situation ces bélemnites étoient placées dans les couches de la terre, on en déhta plusieurs morceaux avec précaution , et on reconnut qu'elles étoient toutes couchées à plat et parallèlement aux différens lits: mais ce qui nous surprit, el ce qui na pas encore été observé, c’est qu'on s’appercut alors que l’exuwémité de la base de ; 22 258 HISTOIRE NATURELLE fondre , comme on l’a fait souvent, l'argile 1 blanche avec la marne, qui en diffère essen- tiellement, en ce qu'elle est toujours plus ou toutes ces bélemnites cn toujours adhérente à une sorte d’appendice de couleur jaunâtre, d'une subs+ tance semblable à celle des coquilles, et qui avoit la forme de la partie évasée d’un entonnoir qui au- roit été applatie, dont plusieurs avoient près de deux pouces de longueur, un pouce de largeur à la partie supérieure, et environ six-lignes à l'endroit Ÿ où ils éloient adhérens à la base de la bélemmnites et en examinant de près ce prolongement testacé ou crustacé, qui est si fragile, qu’on ne peut presquele … toucher sans le rompre , je remarquai que cette pare de la bélemnite qu’on n’a pas jusqu'ici con- nue, n’est autre chose que la continuation de Ia coquille mince ou du têt qui couvre le petit cône chambré dont j'ai parlé; en sorte qu’on peut dire que toutes les bélemnites qui sont actuellement dans les cabmets d'histoire naturelle, ne sont point entières, æt que ce que l’on en connoît n'est, en quelque facon, que l’étui ou l’enveloppe d’une par- tie de la coquille ou du têt qüi renfermoit autrelois Panimal. | Jusqu'à présent les auteurs n’ont pu se concilier sur la nature des bélemnites: les uns, tels que Wood= DES MINÉRAUX. 25% moins mélangée de matière calcaire , ce qui la rend plus ou moins susceptible de calci- nation et d'effervescence avec Les acides ; au ward ( Histoire naturelle de la Terre) les ont regardées comme une matière minérale, du genre des talcs ; M. Bourguet (Lettres philosophiques) a pré-= tendu qu’elles n'étoient autre chose que des dents de ces poissons qu’on nomme souffleurs, et d'autres les ont prises pour des cornes d'animaux pétrifiées : mais la vraie forme de la bélemnite mieux connue, et sur-lout cette partie crustacée qui es à sa base lorsqu'elle est entière, pourront peut-être contri- buer à fixer les doutes des naturalistes, et à la faire weltre au rang des crustacés ou des coquilles fos- siles ; ce qui me paroît d'autant plus évident, qu’elle est calcinable dans toutes ses parties, comme le têt des oursins et des coquilles, et au même degré de feu. Depuis seize pieds jusqu'à vingt , les lits d’argille avoient jusqu’à dix pouces d'épaisseur; is éloient beaucoup plus durs que les précédens, d’une cou- leur encore plus brune, et toujours coupés par des fentes perpendiculaires , mais plus éloignées les unes des autres que dans les lits supérieurs: leur super- ficie toit d’un jaune couleur de rouille, qui ne pénétroit pas ordinairement dans l'intérieur des Le s a 60 HISTOIRE NATURELLE lieu que l’ argille blanche résiste à leur action, À et que, loin de se calciner , elle. se durcit au feu. Au reste, il ne faut pas prendre dans un. 4 sens absolu la distinction que je fais ici de couches ; mais, lorsque les stillations des eaux avoient pu ÿ introduire cette terre jaune qui avoit coloré leur superficie , on trouvoit souvent, entre leurs stratifications, des espèces de concrétions pyri= teuses plates, rondes , d’un jaune brun, d’euviron ‘un pouce ou un pouce et demi de diamètre, et qui n'avoient pas un quart de pouce d'épaisseur : ces sortes de pyrites étoient placées dans les couches, sur Ja mème ligne, à un pouce ou deux de distance, el se communiquent par uu cordon cylindrique de même mauère, un peu applati, et de deux à trois Jignes d'épaisseur. | sn À cetie profondeur, on continua de trouver, entre les couches, du gypse ou pierre spéculaire, dont les grains étoient plus gros, plus tränsparens et plus réguliers ; il s’en trouva même des morceaux de la longueur d’un écu , qui étoient formés par des rayons tendant au centre. On commenca aussi à apperce- voir entre ces couches et dans leurs fentes perpendi- culaires quelques concrétions de charbon de terre, ou plutôt de véritable jayet, sous la forme de petites Jatues minces , dures ,cassantes , très-noires et Lrès= he at EE og à RS PR. en e DES MINÉRAUX. 26e V'argille pure et de la glaise ou argilleimpure: car, dans la réalité, il n’y a aucune argille _ qui soit absolument pure, c'est-à-dire, par- faitement uniforme et homogène dans toutes Juisantes ; ces couches contenoient encore à peu près les mêmes espèces de coquilles que les couches su- périeures , et on trouva de plus dans celles-ci quan- tité de petites pinnes et de petits buccins. A la pro- fondeur de seize pieds, l’eau se répandit dans la fouille, et elle paroissoit sortir de toute sa circonfé- rence, par de petites sources qui fournissoient dix à onze pouces d’eau pendant la nuit. A vingt pieds , même quantité d’argille, dont les couches avoient augmenté encore en épaisseur et en dureté, et dont la couleur étoit plus foncée : elles contenoient les mêmes espèces de coquilles, et tou- jours des concrétions de plâtre. À vingt-quatre pieds , mêmes malières, sans au cun changement apparent ; on trouva à cette pro fondeur une pinne de près d’un pied de longueur. À viogt-huit pieds, la terre étoit presque aussi dure que la pierre, et on n’appercut presque plus de gypse ou pierre spéculaire ; on en trouva cependant encore un morceau de la longueur de la main: ces couches contenoientune grande quantité de coquilles fossiles , et sur-tout différentes espèces de cornes 262 HISTOIRE NATURELLE 440 ses parties. L’ argille la plus ductile et qui s paroit la plus simple , est encore mêlée de particules quartzeuses ou d'autres sables | d’ammon, dont les plus se avolent Le d’un pied de diamètre. dr De vingt-huit pieds à trente-six, mêmes matières et de même qualité : à cette profondeur, on trouva un lit de pierres argilleuses très-bonnes et de la couleur des couches terreuses, dans lesquelles on cessa absolument d'appercevoir du gypse ; 1l y en avoit cependant encore quelques veines dans l'inté+ rieur de cette pierre, mais qui n’avoient plus la. transparence de la sélénite ou pierre spéculaire. Cette pierre contenoït aussi d'autres petites veines de charbon de terre; 1] s'en sépara même, en la cas+ sant, quelques morceaux de là grandeur d'environ cinq ou six pouces en quarré, et d'un doigt d’épais- seur, parmi lesquels il ÿ en avoit plusieurs qui étoient traversés de quelques filets d'un jauve bril- Jant. Ce hit de pierre avoit trois ou quatre pouces d'épaisseur ; 1] couvroit toute la fouille ,'et étoit coupé , comme les couches terreuses, par des fentes perpendiculajres : la terre qui étoit dessous, dans l'espace de quelques pieds de profondeur , étoit un peu moins brune que celle des couches précédentes, ! et On y appercevoit quelques veines Jaunûtres. On DES MINÉRAUX. 263 vitreux qui n'ont pas subi toutes les alté- rations qu'ils doivent éprouver pour se con vertir en argille. Ainsi la plus pure des trouva ensuite un autre lit de la même espèce de pierre, sous lequel l'argille étoit très-noire , très= dure, et remplie de coquilles comme les couches supérieures : plusieurs de ces coquilles étoient revêé- tues, d'un côté, par une incrustation terreuse , dis= posée par rayons ou filets brillans, et les coquilles elles-mêmes brilloient d'une belle couleur d’or , sur-tout les bélemnites , qui éloient aussi la plupart bronzées, particulièrement d’un côté. Cette couleur métallique que les naturalistes ont nommée arma- ture, est produite, à mon avis, sur la superficie des coquilles fossiles, par des sucs pyriteux, dont les stillations des eaux-se trouvent chargées, et l'acide vitriolique où alumineux , qui-entre toujours dans la composition des pyrites; ÿ fixe la terre métallique qui sert de base à ces concrétions, comme l'alun ; dans les teintures , attache la matière colorante sur les étoffes, de sorte que la dissolution d'une pyrite ferrugineuse communique uue couleur de rouille, ou quelquefois de fer poli, aux matières qui en sont imprégnées; une pyrile cuivreuse, en se décom - posant, teint en jaune brillant et couleur d'or la surface. de ces mêmes matières, et la couleur des -»64 HISTOIRE NATURELLE argilles sera seulement celle qui contiendra … Je moins de ces sables ; mais, comme la substance de l’argille de, celle de ces sables talcs dorés peut être attribuée à # même cause, ASS a SE : On n’apperçut plus , dans la suite, ni plâtre, ni. charbon de terre : l’eau continuoit toujours à se ré- ” pandre; et l’ouvrage ayant été discontinué pendant . huit jours , la fouille étant alors profonde de trente- six pieds , elle s’éleva à la hauteur de dix, et, lors qu'on l’eut épuisée pour continuer le sm les ouvriers en trouvoient le matin un peu plus d’un pied, qui tomboit pendant la nuit au fond de la fouille, de différentes petites sources. ( À quarante pieds de profondeur , on trouva une … couche de terre d’environ un pied d'épaisseur, à. peu près de la couleur des couches précédentes , mais beaucoup moins dure, sur laquelle, au premier coup d'œil, on croyoit appercevoir une infinité\ d’impressions de feuilles de plantes du genre des capillaires, qui paroissoient former sur cette 1erre une espèce de broderie d’une couleur moins brune que celle du fond de la couche, dont toutes les” feuilles ou petites stratitications portoient de pa= | reilles impressions, en quelque nombre de lames » qu’on les divisät : mais en examinant avec autention é cette espèce de schiste, il me parut que ce que je, DES MINÉRAUX, 265 vitreux est au fond la même, on doit dis- tinguer, comme nous le faisons ici, ces prenois d'abord pour des impressions de feuilles de ‘plantes , n'étoit qu’une sorte de végétalion minérale, qui n'avoit pas la régularité que laisse l’impression des plantes sur les terres molles ; cette matière s’en- flammoit dans le feu , et exhaloit une odeur bitumi- neuse lres-pénétrante ; aussi la regarde-t-on ordi- nairement comme une annonce de la mine de char- bon de terre. De quarante à cinquante pieds, on ne trouva plus de celte sorte de terre , mais une argille noire beau coup plus dure encore que celle des lits supérieurs ; qu’on ne pouvoit arracher qu’à l’aide des coins et de la masse, et qui se levoit en très -graudes lames : cette terre contenoit beaucoup moins de coquilles que les autres couches , et, malgré sa grande dureté, elle s’amollissoit assez promptement à l'air, et s’ex- folioit comme l’ardoise pourrie. En ayant mis un morceau dans le feu, elle y péullæ jusqu’à ce qu’elle eût été réduite en poussière, et elle exhala une odeur bitumineuse tres-forte ; mais elle ne produisit cepen- dant qu’une flanime très-foible. A cette profondeur, on cessa de creuser, et l’eau s’éleva peu à peu à la hauteur de trente pieds. ( Mémoire rédigé per M. Nadault. ) 25 | 266 HISTOIRE NATURELLE argilles dont. la substance est simple ; dé toutes les glaises qui toujours sont mêlées de matières étrangères. Ainsi, toutes les fois qu’une arpgille ne sera mêlée que d’une petite quantité de particules de quartz, de jaspe, de feld-spath, de schorl et de mica, on peut la regarder comme pure, parce qu’elle ne contient que des matières qui sont de sa mêmé be 2 one ne Se De EE À LS hr EE > À on: essence; et au contraire toutes les argilles mélées de matières d'essence différente , telles que les substances calcaires, pyriteuses « et metalliques, seront des glaises ou argilles. impures. On trouve les argilles pures dans les lieux “ dont le foud du terrain est de sable vitreux, de quartz, de grès, etc. On trouve aussi de | cette argille en petite quantité daus quelques glaises : mais l’origine des argilles blanches qui gisent eu grandes masses ou en couches, doit être attribuée à la décomposition imme- diate des sables quartzeux ; au lieu que les petites masses de cette argille qu’on trouve « dans la glaise, ne sont que des ’secrétions de ces mêmes sables décomposés, qui étoient \ contenus et mèêlés avec les autres matières « dans cette glaise, et qui s’en sont séparés y par la filtration des eaux. DES MINÉRAUX. 267 * Il n’y a point de coquilles ni d’autres pro- ductions marines daus les masses d’argille blanche, tandis que toutes les couches de glaise en contiennent en grande quantité; ce qui nous démontre encore pour les argilles les mêmes procédés de formation que pour les grès. L’argille et le grès pur ont donc éga- lement été formes par la simple agrésalion ou par la décomposition dessables quartzeux, tandis que les grès impurs et les glaises ont été composés de matières mélangées, trans- portées et déposées par le mouvement des eaux. Etcequiprouveencore que l’argille blanche est une terre dont l'essence est simple , et que la glaise est une terre melangée de ma- _tières d'essence différente, c’est que la pre- mière résiste à tous nos feux sans éprouver aucune altération , et même sans prendre de la couleur ; au lieu que toutes les glaises deviennent rouges par l'impression d’un premier feu, et peuvent se fondre dans nos fourneaux : de plus, les glaises se trouvent également dans les terrains calcaires et dans les terrains vitreux, au lieu que les aroilles pures ne se rencontrent qu'avec les matières 268 HISTOIRE NATURELLE vitreuses ; elles sont donc formées de leurs détrimens sans autre melange , et il paroît qu’elles n’ont pas été transportées par les eaux, mais produites dans la place même où elles se trouvent, au lieu que toutes les glaises ont subi les alterations que le mé— lange et le transport u'ont pu manquer d’oc- casionner. De la même manière qu'il ne faut pas confondre la marne ni la craie avec l’argille blanche, on ne doit pas prendre pour des’ glaises les terres limoneuses, qui; quoique grasses et ductiles, ont une autre origine ef des qualités différentes de la glaise : car ces terres limoneuses proviennent de la couche universelle, de la terre végétale qui s’est for mée des résidus ultérieurs des animaux et des végétaux ; leurs détrimens se conver- tissent d’abord en terreau ou terre de jardin, et ensuite en limon aussi ductile que lar- grille : mais cette terre limoneuse se bour- _soufle au feu, au lieu que l’argille s’y resserre; et de plus cette terre limoneuse fond bien plus aisément que la glaise même la plus impure. | IL est évident, par le grand nombre de CE + A » " sr X a ESRCSAT CRE EE : DES MINÉRAUX. 269 coquilles et autres productions marines qui se trouvent dans toutes les plaises, qu’elles ont été transportées avec les dépourilles des animaux marins ; et qu elles ont été déposées et stratifiées ensemble par couches horizon- tales dans presque tous les lieux de la terre par les eaux de la mer ; leurs couleurs in- diquent aussi qu'elles sont imprégnées de parties minérales, et particulièrement de fer, qui paroit leur donner toutes leurs différentes couleurs. D'ailleurs on trouve presque toujours entre les lits de glaises.des pyrites martiales, dont les parties consti- tuantes ont été entrainées de la couche de terre végétale par l’infiltration des eaux, et se sont réunies sous cette forme de pyrites entre les lits de ces argilles impures. Le fer en plus ou moins grande quantité donne toutes les couleurs aux terres qu’il pénètre. La plus noire de toutes les argilles est celle qu'on a improprement appelée cretæ nigra fabrilis, et que les ouvriers connoissent sous Île nom de pierre noire : elle contient plus de parties ferrugineuses qu'aucune autre argille; et la teinte rouge ou rougeätre qu'elle prend , ainsi que toutes les glaises, 25 evo HISTOIRE NATURELLE à un certain degré de feu, achève de démon: trer que le fer est le Pre" de ide de rentes couleurs. #10 1 Toutes les glaises se du écitninit au feu , ét peuvent même y acquérir une si grande dureté, qu’elles étincellent par le choc de l'acier : dans cet état , elles sont plus voisines de celui de la liquéfaction ; car on peut les fondre et Les vitrifier d'autant plus aisément qu’elles sont plus recuites au feu. Leur den- sité augmente à mesure qu'elles éprouvent une chaleur plus grande ; et lorsqu'on les a bien fait sécher au soleil, elles ne perdent ensuite que très-peu de leur poids specifique, au feu même le plus violent. On a observé, en réduisant en poudre une masse d’argille cuite, que ses molécules avoient perdu léur qualite spongieuse, et qu'elles ne peuvent reprendre leur première ductilité. Les hommes ont très-anciennement em ploye l'argillé cuite en briques plates pour bâtir, et en vaisseaux creux pour contenir l’eau et les autres liqueurs; et il paroït, par la comparaison des édifices antiques , que l'usage de l'argille cuite a précédé celui des pierres calcaires ou des matières vitreuses, SM À DES MINÉRAUX. 29t qui, demandant plus de temps et de travail pour être mises en œuvre , n'auront été employées que plus tard , et moins génerale- ment que l’argille et la glaise, quisetrouvent par-tout , et qui se prêtent à tout ce qu’on veut en faire. La glaise, forme l’enveloppe de la masse entière du globe ; les premierslits se trouvent immédiatement sous la couche de terre végé- tale, comme sous les bancs calcaires aux- quels elle sert de base : c'est sur cette terre ferme et compacte que se rassemblent tous Jes filets d’eau qui descendent par les fentes des rochers, ou qui se filtrent à travers la terre végétale. Les couches de glaise compri- mées par le poids des couches supérieures, et étant elles-mêmes d’une grande épaisseur, deviennent impénétrables à l’eau , qui ne peut qu'humecter leur première surface : toutes les eaux qui arrivent à cette couche argilleuse , ne pouvant la pénétrer , suivent la première pente qui se présente, et sorlent en forme de sources entre le dernier banc des rochers et le premier lit de glaise. Toutes les fontaines proviennent des eaux pluviales infilirées et rassemblées sur Ja glaise; et j'ai 2 HISTOIRE NATURELLE souvent observé que l'humidité retenue par 4 cette terre est infiniment favorable à la végé | | tation. Dans les étés les plus secs, comme celui de cette année 1778, les plantes agrestes, et sur-tout les arbres, avoient perdu presque toutes leurs feuilles dès les premiers jours de septembre, dans toutes les'contrées dont les terrains sont de sable , de craie, dé tuf, où de ces matières mélangées, tandis que, dans | les pays dont le fond est de glaise, ils ont | conservé leur verdure et leurs feuilles. I n’est pas même nécessaire que la glaise soit immédiatement sous la terre végétale pour qu'elle puisse produire ce bon effet; car, dans mon jardin, dont la terre végétale n'a que trois ou quatre pieds de profondeur, et se trouve posée sur un plateau de pierre calcaire de cinquante-quatre pieds d'épais- seur , les charmiiles élevées de vingt pieds, et les arbres hauts de quarante, étoient aussi verds que ceux du vallon après deux mois de sécheresse, parce que ces rochers de cinquante-quatre pieds d'épaisseur, portant sur la glaise, en laissent passer par lenrs fentes perpendiculaires les émanations bu- mides qui rafraichissent continuellement DES MINÉRAUX. 23 la-terre végétale où ces arbres sont plantés. La glaise retient donc constamment à sa superficie une partie des eaux infiltrées dans les terres supérieures ou tombées par les fentes des rochers , et ce n’est: que du su- perflu de ces eaux que se forment les sources et les fontaines qui sourdent au pied des collines. Toute l’eau que la plaise peut admettre dans sa propre substance, toute celle qui peut descendre des couches supé- rieures aux couches inférieures par les petites fentes qui les divisent perpendiculairement , sont retenues et contenues en stagnation presque sans mouvement entre les différens lits de cette plaise; et c’est dans cet état de repos que l’eau donne naissance aux produc- tions hétérogènes qu’on trouve dansla sine } et 1 nous devons indiquer 1ci. 1°. Comme il y a dans toutes les argilles transportées et déposées par les eaux de la mer un très-srand nombre de coquilles, telles que cornes d’ammon, bélemnites , et plu- sieurs autres dépouilles des animaux testa- cés et crustacés , l’eau les décompose et meme les dissout peu à peu; elle se charge de ces molecules dissoutes , les entraine et 274 HISTOIRE NATURELLE les dépose dans les petits vides ou cavités | qu’elle rencontre entre les lits d’argille : ce dépôt de matière calcaire devient bientôt une pierre plus ou moins solide, ordinairement … plate et en petit volume. Cette pierre, quoi- que formée de substance calcaire, ne con- tient jamais de coquilles, parce qu’elle n’est composée que de leurs detrimens, trop divi- sés pour qu'on puisse reconnoitre les vestiges de leur forme. D'ailleurs les eaux pluviales, en s'infiltrant dans les rochers calcaires et | daus les terres qui surmontent les glaises, entraînent un sable de la même nature que ces rochers ou ces terres / et ce sablon calcaire, A . , , ‘ en se mêlant avec l’argille delayee par l’eau, forme souvent des pierres mi-parties de ces deux substances : on reconnoit ces pierres argillo - calcaires à leur couleur, qui est ordinairement bleue, brune ou noire; et comine elles se forment entre les lits de la. glaise, elles sont plates et n'ont guère qu'un pouce ou deux d'épaisseur : elles ne sont. séparées les unes des autres que par de petites fentes verticales, et elles forment une couche. mince et horizontale entre les lits de glaise. Ces pierres mixtes sont presque toujours plus DES MINÉRAUX. 275 dures que les pierres calcaires pures : elles se calcinent plus difficilement et résistent à l’action des acides, d'autant plus qu’elles con- tiennent moins de matièéres calcaires. | 2°. L'on trouve aussi de petites couches de plâtre entre les lits de glaise. Or le plâtre n’est qu’une matière calcaire pénétrée d'a- cides ; et comme il y a dans toutes les plaises, indépendamment des coquilles, une quan tité plus ou moins grande de sable calcaire infiltrée par les eaux, et qu’en même temps on ne peut douter que l’acide n’y soit aussi très - abondamment répandu , puisqu'on trouve communément des pyrites martiales dans ees mêmes glaises, 1l paroiît clair que c’est par la réunion de la matière calcaire à l'acide que se produisent les premières molécules gypseuses, qui, étant ensuite en- traînées et déposées par la stillation des eaux, forment ces petites couches de plâtre qui se trouvent entre les lits des glaises. 3°. Les pyrites qu’on trouve dans ces glaises sont ordinairement en forme applatie, et toutes séparées les unes des autres, quoique disposées sur un même niveau entre les lits de glaise; et comme ces pyrites sont compo- 256 HISTOIRE NATURELLE ÿ sées de la matière du feu fixe, de terre ferru= i gineuse et d'acide, elles démontrent dans u _es glaises non. seulement la présence de l’a L cide, mais encore celle du fer : et en effet, les eaux, en s’infiltrant, entraînent les mo- ! lécules de la terre limoneuse qui contient « la matière du feu fixe, ainsi que celle du # fer: et ces molécules saisies par l'acide.” ont produit des pyrites dont l'établissement s’est fait de la même manière que celui des , petites couches de plâtre ou de pierre cal- caire entre les lits de glaise : la seule diffe- rence est que ces dernières matières sont en petites couches continues et d'égale épais- seur , au lieu que les pyrites sont pelotonnées sur un centre, ou applaties en forme de galets, et qu’elles n’ont entre elles ni con— tinuité ni contiguité que par un petit cordow de matière pyriteuse, qui souvent commu- . nique d’une pyrite à l’autre. 4°, L'on trouve aussi dans les ‘olaises de petites masses de charbon de terre et de jayet, et de plus il me paroïit qu'elles contiennent une matière grasse qui les rend imperméables | à l'eau *. Or ces matières huileuses ou bitu— * C’est probablement par l’affinité de son huile DES MINÉRAUX. 277 inineuses, ainsi que le jayet et le charbon de terre, ne proviennent que des détrimens des animaux et des végétaux, et ne se trouvent dans la glaise que parce qu’ori- ginairement, lorsqu'elle a été transportée eË déposée par les eaux de la mer, ces eaux étoient mêlées de terres limoneuses, et déja fortement imprégnées des huiles végétales et animales, produites par la pourriture et la décomposition des êtres organisés : aussi plus on descend dans la glaise, plus les couches paroissent être bitumineuses ; et ces couches inférieures de la glaise se sont formées en même temps que les couches de charbon de terre, toutes ont élé établies par le mouve- ment et par les sédimens des eaux qui ont transporté et mêlé les glaises avec les débris des coquilles êt Les détrimens des végétaux. b°. Les glaises ont communément une couleur grise, bleue, brune où noire, qui avec les autres huiles ou graisses, que la glaise peut . s’en imbiber et les enlever sur les étoffes ; c’est cette buile qui la rend pétrissable et douce au toucher; et lorsque cette huile se trouve mêlée avec des “sels, elle forme une terre savonneuse telle que la terre à foulon. Le 24 ) d ce É FAR v' ra HISTOIRE RAF né profondément : elles échelon en même temps une odeur bitumineuse; et lorsqu'on. les cuit au feu, elles répandent au loin l'odeur de l'acide vitriolique. Ces indices « prouvent encore qu’elles doivent leur cou- à leur au fer, et que les couches inférieures recevant les égouts des couches supérieures , PRET la teinture du fer y est plus forte et la quan= tité des acides plus grande: aussi cette glaise | des couches les plus basses est-elle non seulement plus brune ou plus noire, mais, encore plus compacte, au point de devenir presque aussi dure que la pierre. Dans cet” état, la glaise prend les noms de schiste et. d’ardoise; et quoique ces deux matières ne. soient vraiment que des argilles durcies} comme elles en ont dépouillé la ductilité;. qu'elles semblent aussi avoir acquis de nou-, velles qualités, nous avons cru devoir les” séparer des argilles et des glaises, eten traiter dans l'article suivant. PES e"S" C'EE P'STE S ET DE L'ARDOISE. L'ancrrre diffère des schistes et de l'ar- doise, en ce que $es molécules sont spon- | gieuses et molles ; au lieu que les molécules de l’ardoise ou du schiste ont perdu cette mollesse et cette texture spongieuse qui fait que l’argille peut s’imbiber d’eau. Le dessé- chement seul de l’argille peut produire cet effet , sur-tout si elle a été exposée à une longue et forte chaleur , puisque nous avons vu ci-devant qu'en réduisant cette argille cuite en poudre, on ne peut plus en faire une päte ductile; mais il me paroît aussi que deux mélanges ont pu contribuer à di- minuer cette mollesse naturelle de l’argille et à la convertir eu schiste et en ardoise : le _ premier de ces mélanges est celui du zzica, le second celui du Pzfume ; car toutes les ardoises et les schistes sont plus ou moins J PNR USE TS PAINRE PATES 580 HISTOIRE NATURELLE -- parsemés ou pétris de mica, et contiennent « aussi une certaine quantité de bitume plus « grande dans les ardoises, moindre dans la plupart des schistes, et rendue sensible dans tous deux par la Tonbueleit done: à: Ce mélange de mica et cette teinture de bitume nous montrent la production des schistes et des ardoises comme une forma= « tion secondaire dans les argilles, et même en” fixent l’époque par deux circonstances remar- ! quables. La première est celle du mica dis- sémineé, qui prouve que dès lors les eaux avoient enlevé des particules de la surface , des roches vitreuses primitives, et sur-tout des granits, dont elles transportoient les dé bris; car, dans les argilles pures, il ne se trouve pas de mica, ou du moins il y a changé de nature par le travail intime de l'eau sur les poudres vitrescibles dont a ré- sulté la terre argilleuse. La seconde circons- se trouvent plus ou moins imprégnées; ce qui, joint aux empreintes d'animaux et de végétaux sur ces matières , prouve dé- 4 tance est celle du bitume dont les ardoises | # moustrativement que leur formation est | postérieure à l'établissement de la nature DES MINÉRAUX. 28r vivante dont elles contiennent les débris. La position des grandes couches, des schistes et des lits feuilletes des ardoises , mérite encore une attention particulière : - ‘les lits de l’ardoise n’ont pas régulièrement une position horizontale; 1ls sont souvent Mort inclinés comme ceux des charbons de terre !; analogie que l’on doit réunir à celle de la présence du bitume dans les ar doises : : leurs feuillets se délitent suivant Le plan de cette inclinaison ; ce qui prouve que les lits ont été déposés suivant la pente du terrain, et que les feuillets se sont formés par le des- séchement et la retraite de la matière, sui- vant des lignes plus ou moins approchantes de la 2 er Ar Les couches des schistes, infiniment le considérables et plus communes que les lits d’ardoise ?, sont généralement adossées aux 1: Dans les ardoiïsières d'Angers, les lits sont presque perpendiculaires : ils sont aussi fort inclinés à Mézières, près de Charleville; à Lavagna, dans V’État de Gènes : cependant, en Bretagne, les ar- _doises sont par lits horizontaux , comme les couches de l’argille. ; 2 On n’a que deux ou trois bonnes carrières d’ar« | 24 282 HISTOIRE NATURELLE ee à. flancs des montagnes primitives, et dust | dent avec elles pour s’enfouir dans les val ons et souvent reparoître au-delà en sé rele 4 vant sur la montagne opposée. 1: SHUAGATE Après Le quartz et le granit, le schiste est et la plus abondante des matières solides du. + genre vitreux. Il forme des collines et envezh loppe souvent les noyaux des montagnes jusqu'à une grande hauteur. La plupart des … monts les plus élevés n’offrent à leur som- met que des quartz ou des granits; et en— suite, sur leurs pentes et dans leurs contours, ces mêmes quartz et granits qui composent le noyau de la montagne, sont environnés d'une grande épaisseur de schiste, dont les couches qui couvrent la base de la montagne, * se trouvent quelquefois mêlés de quartz et: de granits détachés du sommet. : ns | doise en France; on n’en connoît qu'une ou deux en Angleterre, “. une seule en Italie, à Lavagna x dans les États de Gènes : cette ardoise, quoique noire, ést très-boune ; toutes les maisons de Gènes en sont couvertes, et l’on en revêt l’intérieur des citernes, dans lesquelles on conserve l'huile d'olives « à Lucques et ailleurs : l'huile s’y conserve mieux que dans les citernes de plomb ou enduites de plâtre. DES MINÉRAUX. 283 On peut réduire tous les différens schistes _ à quatre variétés générales : la première, des schistes simples qui ne sont que des argilles plus ou moins durcies , et qui ne contiennent que très-peu de bitumeet de mica; la seconde, des schistes qui, comme l’ardoise, sont mé- lés de beaucoup de mica et d’une assez grande quantité de bitume pour en exhaler l'odeur au feu; la troisième, des schistes où le bi- tume est en telle abondance, qu'ils brülent à peu près comme les charbons de terre de mauvaise qualité; et enfin les schistes pyri- teux, qui sont les plus durs de tous dans leur carrière, mais qui se décomposent dès qu'ils en sont tirés, et s’effleurissent à l'air et par l'humidité. Ces schistes mêlés et pénétrés de matière pyriteuse ne sont pas si communs que les schistes imprégnés de bitume; néan- moins on en trouve des couches et des bancs très-considérables en quelques endroits. Nous verrons dans la suite que cette matière py- riteuse est très-abondante à la surface et dans les premières couches de la terre. Tous les schistes sont plus ou;moins mé- langés de particules micacées ; il y en a dans lesquels le mica paroit être en plus grande x 284 HISTOIRE NATURELLE quantité que l’argille *. Ces schistes necôn= tenant que peu de bitume et beaucoup de | mica, sont les meilleures pierres dont on puisse se servir pour les fourneaux de fusion des mines de fer et de cuivre: ils résistent au * Le macigno des Italiens est un schiste de cetie espèce; il ÿ en a des collines entières à Fiesoli, près de Florence. « Les couches supérieures de ces car- « rières de macigno, dit M. Ferber, sont feuilletées «et minces, entremélées de petites couches argil- « leuses. » (L'auteur auroit dû dire \imoneuses ; car je suis persuadé que ces petites couches entre mélées sont de terre vegétale, et non d’argille.) « Le macigno devient plus compacte en entrant dans « la profondeur, et ne forme plus qu’une masse; ” ? « on en tire de très-grands blocs. .... On trouve « par-ci par-là, dans le macigno compacte, des « rognons d’argille endurcie, et une multitude de « petites taches noires, quelquefois même des cou- « ches ou veines de charbon de terre.» (_{utre preuve que ce n’est pas de l’argille, mais de la terre végétale ou limoneuse ; c’est le bitume de cette terre limoneuse qui a formé les taches noires. ) « 11 y a du macigno de deux couleurs; mais le « meilleur pour bâtir et le plus durable, est celui « qui est d’un jaune grisâtre, mélangé d’ocre ferru- « gineuse.» ( Lettres sur la minéralogie , eic:, page 4.) LES ri 1% V4 DES MINÉRAUX. 285 feu plus long-temps que Le grès qui s'égrène, quelque dur qu’il soit; ils résistent aussi mieux que les granits, qui se fondent à un feu violent et se convertissent en émail; et ils sont bien préférables à la pierre calcaire, qui peut, à la vérité, résister pendant quelques mois à l’action de ces feux, mais qui se reduit en poussière de chaux au moment qu'ils cessent et que l'humidité de l'air la saisit; au lieu que les schistes conservent leur nature et leur solidité pendant et après l'action de ces feux coutinuée très - long- temps; car cette action se borne à entamer leur surface, et il faudroit un feu de plu- sieurs années pour en altérer la masse à quelques pouces de profondeur. : Les lits les plus extérieurs des schistes, c'est-à-dire, ceux qui sont immédiatement sous la couche de terre végétale, se di- visent en grands morceaux qui affectent une figure rhomboïdale; à peu près comme les grès qui sont mêlés de matière calcaire, af- fectent cette même figure en petit :et, dans les lits inférieurs des schistes, cette affecta- tion de figure est beaucoup moins sensible ef même ne se remarque plus; autre preuve Mono ts dos + | 286 HISTOIRE NATURELLE que la figuration des minéraux dépend des parties organiques qu'ils renferment; car les premiers lits de schiste reçoivent, par la stillation des eaux, les impressions de la terre végétale qui les recouvre, et c'est par l’âction des élémens actifs contenus dans cette terre, que les schistes du lit supérieur prennent une sorte de figuration régulière, dont l'apparence ne subsiste plus dans les lits inférieurs, parce qu’ils ne peuvent rien recevoir de la terre végetale, en étant trop éloignés et séparés par une grande épaisseur de matière impénétrable à l’eau. Au reste, le schiste commun ne se délite pas en feuillets aussi minces que l’ardoise, et il ne résiste pas aussi long-temps aux impressions des élémens humides : mais ïl résiste également à l’action du feu avant de se vitrifñier; et comme il contient une petite quantité de bitume , ilsemble brûler avant de se fondre, et comme nous venons de ledire, il y a même des schistes qui sont presque aussi inflammables que le charbon de terre. Ce dernier effet a déçu quelques minéralogistes, et leur a fait penser que le fond du charbon de terre n’étoit, comme celui des schistes, DES MINÉRAUX. 287 que de l’argille mêlée de bitume; tandis que la substance de ce charbon est, au contraire, de la matière végétale plus ou moins décom- posée , et que s’il se trouve de l’argille mêlée dans le charbon, ce n’est que comme matière étrangère : mais 1l est vrai que la quantité de bitume et de matière pyriteuse est peut- _ être aussi grande dans certains schistes que dans les charbons de terre impurs et de mauvaise qualité; il y a même des argilles, sur-tout dans les couches les plus basses, qui sont mêlées d’une assez grande quantité de bitume et de pyrîte pour devenir inflam— mables; elles sont en même temps sèches et dures à peu près comme le schiste, et ce bitume des argilles et des schistes s’est formé dès les premiers temps de la nature vivante par la décomposition des végétaux et des animaux, dont les huiles et es graisses sai- sies par l'acide se sont converties en bi- tumes,; et les schistes, comme les argilles, contiennent ordinairement d'autant plus de bitume, qu’ils sont situés plus profondement et qu’ils sont plus voisins des veines de char- bon auxquelles ils servent de lits et d'enve- loppe; car lorsqu'on ne trouve pas l'ardoise PR 288 HISTOIRE NATURELLE au-dessous des schistes, on peut espérer LA trouver des charbons de terre. | \ Dans les couches les plus profondes, il y a. aussi des argilles qui ressemblent aux schistes | et même aux ardoises par l'apparence de leur : dureté, de leur couleur et de leur inflam= mabilité : cependant cette argille exposée à l'air démontre bientôt les différences qui la séparent de l'ardoise; elle n'est pas long- temps sans s'exfolier, s’imbiber d humidité, 4 se ramollir, et reprendre sa qualité d’argille; | au lieu que les ardoises, loin de s’amoilir à l'air, ne font que s’y durcir davantage, et | Von doit mettre les mauvais schistes au » nombre de ces argilles dures. Comme toutes les argilles, ainsi que les schistes et les ardoises, ont été primitive- ment formées des sables vitreux atténués et décomposés dans l'eau , on ne peut se dis- penser d'admettre différens degrés de dé- composition dans ces sables : aussi trouve-t-on dans l’argille des grains encore entiers de ce sable vitreux qui ne sont que peu ou point - altérés ; d’autres qui ont subi un plus grand degré de décomposition. On y. srl de ‘mème de petits lits de ce sable à ‘demi pe | 4 DES MINÉRAUX. 289 décomposé, et dans les ardoises et les schistes le mica y est souvent aussi atténué, aussi doux au toucher que le talc, en sorte qu’on peut suivre les nuances successives de cette décomposition des sables vitreux, jusqu’à leur conversion en argille. Les glaises mé-— langées de ces sables vitreux trop peu décom- posés, n’ont point encore acquis leur entière ductilité; mais, en général, l’argille même la plus molle devient d'autant plus dure qu’elle est plus desséchée et plus imprégnée _de bitume, et d'autant plus feuilletée qu’elle est plus mêlée de mica. Je ne vois pas qu'on puisse attribuer à d’autres causes qu'au desséchement et au mélange du mica et du bitume, cette séche- resse des ardoises et des schistes qui se reconnoit jusque dans leurs molécules ; et j'imagine que comme elles sont mélées de particules micacées en assez grande quantité, chaque paillette de mica aura dû attirer l'humidité de chaque molécule d’argille, et que le bitume, qui se refuse à toute humidité, aura pu durcir l’argille au point de la chan- _ger en schiste et en ardoise: dès lors les mo- lécules d'argille seront demeurées sèches, et Mat. gêne IX. 25 (4 NE EURE 2 A8 ADOPTE : 1 Fe « j d 2 RENE Qu PDU { k 299 HISTOIRE NATURELLE | les schistes composés de ces molécules dessé= chées et decelles du mica, auront acquisassez de dureté pour être, comme les bitumes, im pénétrables à l’eau ; car, indépendamment de l'humidité que les micas ont dû tirer de l’ar- gille, on doit encore observer qu’étant mélés eu quantité dans tous les schistes et ardoises, le seul mélange de ces particules sèches, qui paroît être moins intime qu'abondant ,à dû laisser de petits vides par lesquels l’humi- dité contenue dans les molécules d’ argile a pu s'échapper. : Cette quantité de mica que contiennent les ardoises, me semble leur donner quel- ques rapports avec les talcs; et si l'argille fait le fonds de la matière de l’ardoise, on peut croire que le mica en est l’alliage et lui donne la forme : car les ardoises se délitent, comme le talc, en feuilles minces; elles par- ticipent de sa sécheresse, et résistent de même aux impressions des élémens humides; enfin elles se changent également en verre brun par un feu violent. L'ardoise paroît donc participer de la nature de ce verre primitif: on le voit en la considérant attentivement au grand jour; sa surface présente une infinité DES MINÉRAUX. 29€ de particules micacées, d'autant plus appa- rentes que l’ardoise est de meilleure qualite. La bonne ardoise ne se trouve jamais dans les premières couches du schiste : les ardoi- sières les moins profondes sont à trente ou quarante pieds; celles d'Angers sont à deux cents. Les derniers lits de l’ardoise, comme ceux de l'argille, sont plus noirs que les premiers : cette ardoise noire des lits infé— rieurs , exposée à l'air pendant quelque temps, prend néanmoins, comme les autres, la couleur bleuâtre que nous leur connois- sons et que toutes conservent très-long- temps; elles ne perdent cette couleur bleue que pour eu prendre une plus tendre d'un blanc grisâtre, et c’est alors qu’elles brillent de tous les reflets des particules micacées qu'elles contiennent , et qui se montrent d'autant plus, que ces ardoises ont été plus an- ciennement exposées aux impressionsde l'air. L’ardoise ne se trouve pas dans les argilles molles et pénétrées de l’humidité des eaux, mais dans les schistes, quine sonteux-mêmes que des ardoises grossieres. Les minières d’ar- doise s’annoncent ordinairement par un lit de schiste noirâtre de quelques pouces d’é- AT RENE à 202 HISTOIRE NATURELLE paisseur , qui se trouve immédiatement sous la couche de terre végétale. Ce premier lit. L ty Ü W (4 w: ‘à de pierre schisteuse est divisé par un grand : nombre de fentes verticales, comme le sont les premiers lits des pierres calcaires ; et l’on | peut également en faire du moellon : mais ce schiste , quoiqu’assez dur , n’est pas aussi sec que l’ardoise ; il est même spongieux et | se ramollit par l'humidité lorsqu'il y est long-temps exposé. Les bancs qui sont au- dessous de ce premier lit, ont plus d’épais- | seur et moins de fentes verticales: leur con- tinuité augmente avec leur masse à mesure que l’on descend , et il n’est pas rare de trouver des bancs de cette pierre schisteuse de quinze ou vingt pieds d'épaisseur sans délits remarquables. La finesse du grain de ces schistes , leur sécheresse, leur pureté et leur couleur noire, augmentent aussi en raison de leur situation à de plus grandes profondeurs ; et d'ordinaire c’est au plus bas que se trouve la bonne ardoise. L'on voit sur quelques uns de ces feuillets d’ardoise , des impressions de poissons à … écailles , de crustacés et de poissons mous, dont les analogues vivans ne nous sont pas PES + DES MINÉRAUX. 293 connus, et en même temps on n’y voit que très-peu ou point de coquilles. Ces deux faits paroissent, au premier coup d'œil, difficiles à concilier, d'autant queles argilles dont on ne peut douter que les ardoises ne soient au moins en partie composées, contiennent uneinfinité de coquilles , et rarement des empreintes de poissons. Mais on doit observer que les ar- doises , et sur-tout celles où l’on trouve des impressions de poissons , sont toutes situées à une grande profondeur, et qu’en même temps les argilles contiennent une plus grande quantité de coquilles dans leurs lits supérieurs que dans les inférieurs, et que même, lorsqu'on arrive à une certaine pro- fondeur , on n'y trouve plus de coquilles. D'autre part, on sait que le plus grand nombre des coquillages vivans n’habitent que les rivages ou les terrains élevés dans le fond de la mer, et qu’en même temps il y a quel- ques espèces de poissons et de coquillages qui n’en hahitent que les vallées, à une pro- fondeur plus grande que celle où se trouvent communément tous les autres poissons et coquillages. Dès lors on peut penser que les sédjmens argilleux qui ont formé les ardoises 25 #94 HISTOIRE NATURELLE à cette plus grande profondeur, n’aurontpu saisir en se déposant que ces espèces, en petit nombre, de poissons ou de coquillages qui habitent les bas-fonds, tandis que les argilles qui sont situées plus haut que les ardoises, auront enveloppé tous les coquillages des rivages et des hauts-fonds, où ils se trouvent en bien plus grande quantité *, ; Nous ajouterons aux propriétés de l'atl doise, que quoiqu'elle soit moins dure que la plupart des pierres calcaires, il faut néan- moins employer la masse et les coins pour la tirer de sa carrière ; que la bonne ardoise ne fait pas effervescence avec les acides, et qu'aucune ardoise ni aucun schiste ne sé réduit en chaux , mais qu'ils se convertissent * I] se trouve aussi, quoique rarement, des pois- sons pétrifiés dans les substances calcaires au-dessus des montagnes ; mais les espèces de ces poissons ne sont pas inconnues ou perdues , comme celles qui se trouvent dans les ardoises. M. Ferber rapporte qu’on trouve dans la collection de M. Moreni de Vérone, le poisson aïilé et quelques poissons du Bresil, qui ne vivent ni dans la Méditerranée, ni dans le golfe Adriatique; la pinne marine, des os d'animaux, des plantes exotiques, pétrifiées es \ DES MINERAUX. 295 par un feu violent en unesorte de verre brun, souvent assez spumeux pour nager sur l’eau: Nous observerons aussi qu'avant de se vitri- fier, ils brûlent en partie, en exhalant une odeur bitumineuse; et enfin que quand on les réduit en poudre, celle de l’ardoise est douce au toucher comme la poussière de l’ar2 gille séchée , mais que cette poudre d’ardoise détrempée avec de l’eau ne reprend pas en se séchant sa dureté, ni même autant de consistance que l’argille. _ Le même mélange de bitume et de mica qui doune à l'ardoise sa solidité, fait en même temps qu’elle ne peut s’imbiber d’eau : aussi lorsqu'on veut éprouver la qualité d’une ardoise , il ne faut qu’en faire tremper dans imprimées sur un schiste calcaire, toutes tirées de la montagne du Véronois appelée Monte-Bolca. ( Lettres sur la minéralogie, par M. Ferber, page 27.) Observons que ces poissons, dont les analogues vivans existent encore, n'ont été pétrifiés que bien long-temps après ceux dont les espèces sont perdues: aussi se trouvent-ils au-dessus des montagnes, tandis que les autres ne se trouvent que dans les ardoises à de grandes profondeurs. ve V4 20 AL PIN ON MEL ACATEANN TRS D. LATARR 2°" ; NAN UE LR ETATS a te RE N / è ' LP EL T JU | Ÿ $ ‘g LA 296 HISTOIRE NATURELLE leau‘le bord d’une feuille suspendue verti= calement : si l’eau n’est pas pompée par la succion capillaire, et qu’elle n’humecte pas … l’ardoise au-dessus de son niveau, on aura la preuve de son excellente qualité; car les mauvaises ardoises, et même la plupart de celles qu’on emploie à la couverture des bâtimens , sont encore spongieuses et s’im- bibent plus ou moins de l'humidite , en sorte que la feuille d’ardoise dont le bord est plongé dans l’eau, s’humectera à plus ou moins de hauteur en raison de sa bonne ou mauvaise qualité. La bonne ardoise peut se polir, et on en fait des tables de toutes dimensions ; on en a vu de dix à douze pieds en longueur sur une largeur proportionueée. | Quoiqu'il y ait des schistes plus ou moins durs, cependant on doit dire qu’en général ils sont encore plus tendres que l’ardoise, et que la plupart sont d’une couleur moins foncée. Ils ne se divisent pas en feuillets aussi minces que l’ardoise, et néanmoins ils contiennent souvent une plus grande quan- tité de mica : mais l'argille qui en fait le fonds est vraisemblablement composée de molecules grossières, et qui, quoiqu en par= DES MINÉRAUX. 297. tie desseéchées, conservent encore leur qua lité spongieuse et peuvent s’imbiber d’eau; ou bien leur mica, plus aigre et moins atté- nué, n’a pas acquis, en s’adoucissant , cette tendance à la conformation talqueuse ou feuilletée qu'il paroîit communiquer aux ardoises : aussi lorsqu'on réduit le schiste en lames minces , il se détériore à l’air,et ne péut servir aux mêmes usages que l’ardoise ; mais on peut l’employer en masses épaisses pour bâtir. J'ai dit que les collines calcaires avoient l’argille pour base , et j'ai entendu non seu- lement les glaises ou argilles molles com- munes , mais aussi les schistes ou argilles desséchées. La plupart des moutagnes cal- caires sont posées sur l’argille ou sur le schiste. « Les montagnes, dit M. Ferber, de « la Stirie inférieure, de toute la Carniole, «et jusqu’à Vienne en Autriche, sont for- « mées de couches horizontales plus ou moins « épaisses (de pierre calcaire), entassées les « unes sur les autres, et ont pour base un « véritable schiste argilleux , c’est-à-dire, «une ardoise bleue ou’noire , ou bien un a schiste de corne mélangé de quartz et de 298 HISTOIRE NATURELLE « mica, pénétré d’une petite partie d'argile: 1 « Jar eu, dit-il , presque à chaque pas l’oc- « casion de me convaincre que ce schiste «s'étend sans interruption sous ces mon— « tagnes calcaires : quelquefois même on le … « voit à découvert s'élever au-dessus du rez « de terre; mais lorsqu'il s’ést montré pen- « dant un certain temps , il s’enfouit dé « nouveau sous la pierre calcaire. » L’argille, ou sous sa propre forme, ou sous celle d’ardoise et de schiste, compose donc la première terre, et forme les pre- mières couches qui aient été transportées e£ déposées par les eaux; et ce fait s’unit à tous les autres pour prouver que les matières vitrescibles sont les substances premières et primitives , puisque l’argille formée de leurs débris est la première terre qui ait couvert la surface du globe. Nous avons vu de plus que c’est dans cette terre que se trouvent généralement les coquilles d'espèces anciennes , comme c’est aussi sur les ardoises qu’on voit les empreintes des poissons incon- nus qui ont appartenu au premier Océan. Ajoutons à ces grands faits une observation non moins importante, et qui rappelle à la DES MINÉRAUX. 299 fois et l’époque de la formation des couches d’argille, et les grands mouvemens qui bou- leversoient encore alors la première nature ; c'est qu'un grand nombre de ces lits de schistes et d'ardoises ne paroissent s'être inclinés que par violence, ayant été déposés sur les voûtes des grandes cavernes avant que leur affais- sement fit pencher les masses dont elles étoient surmontées, tandis que les couches calcaires , déposées plus tard sur la terre affermie , offrent rarement de l’inclinaison dans leurs bancs, qui sont assez genérale- ment horizontaux, ou beaücoup moins incli- nés que ne Le sont communément les lits des schistes et des ardoises. | DE L A COMTE J USQU'ICI nous n'avons parlé que des matières qui appartiennent à la première: nature : le quartz, le jaspe, les porphyres, les granits , produits immédiats du feu pri- mitif ; les grès, les argilles , les schistes , les ardoises , détrimens de ces premières subs- tances, et qui, quoique transportés, péné« trés , figurés par les eaux, et même mélangés des premières productions de ce second élé- ment , n’en apparliennent pas moins à la grande masse primitive des matières vitreuses, { lesquelles, dans cette première époque, com- : posoient seules le globe entier. Maintenant considérons les matières calcaires qui se trouvent en si grande quantité et en tant d’endroits sur cette premièresurface du globe, et qui sont proprement l'ouvrage de l’eau même et son produit immédiat. C’est dans cet élément que se sont en effet formées ces substances qui n’existoient pas auparavant, HISTOIRE NATURELLE. 36r - qui n’ont pu se produire que par l’intermède . de l’eau, et qui non seulement ont ete trans- _ portées , entasséés et disposées par ses mou vemens, mais même ont été combinées, com posées et produites dans le sein de la mer. Cette production d’une nouvelle substance pierreuse par le moyen de l’eau, est un des plus étonnans ouvrages de la Nature, et en même temps un des plus universels; il tient à la génération la plus immense peut-être qu’elle ait enfantée dans sa première fécon- dité : cette génération est celle des coquil- -lages , des madrépores, des coraux et de toutes les espèces qui filtrent le suc pierreux etproduisent la matière calcaire, sans quenul autre agent , nulle autre puissance particu- _lière de la Nature puisseou ait pu former cette substance. La multiplication de ces animaux à coquilles est si prodigieuse, qu’en s’amon- celant ils élévent encore aujourd'hui en mille endroits des récifs , des bancs , deshauts-fonds$, qui sont les sommets des collines souma- rines, dont la base et Ia masse sont également _formées de l’entassement de leurs dépouilles*, + Cette muluitude d'îles basses et de bancs sur « | 20 ’ “ x TUNX Mal 302 HISTOIRE NATURELLE a Et combien dut être encore Mu immense | nombre de ces ouvriers du vieil Océan dans le fond de la mer universelle, lorsqu'elle  saisit tous les principes de fécondité répane | dus sur le globe animé de sa première cha- \ Jeur! ù | «4 Sans cette réflexion , pourrions-nous sou- … tenir la vue vraiment accablante des masses * de nos montagnes calcaires, entièrement composées de cette matière toute formée des dépouilles de ces premiers habitans de la mer? Nous en voyons à chaque pas les prodigieux : amas; nous en avons déja recueilli mille ) preuves * : chaque contrée peut en offrir de nouvelles, et les articles suivans les confir- lesquels se perdit le navigateur Rogsewein, ont été revus et reconnus par MM. Byron et Cook ; toutes ces îles ne sont soutenues que par des bancs de co= : rail , élevés du fond de la mer jusqu’à sa surface. Ce fait étonnant a été si bien vu par ces bons observa= teurs, qu’on ne peut le révoquer en doute. Voyez de plus toutes les relations des navigateurs, sur les. je sondes tomhées sur des rochers de coguiegves et ‘1 sur les cables et grelins des ancres coupés contre les ! xécifs de madrépores et de coraux. ‘ * Voyez tous les articles de la Théorie de l@ L : kK DES MINÉRAUX. 303 meront encore par un plus grand développe- : ment *. | Nous commencerons par la craie, non qu'elle soit la plus commune ou la plus noble des substances calcaires , mais parce que de ces matières, qui toutes également tirent leur origine des coquilles, la craie doit en être regardée comme le premier détriment , dans lequel cette substance coquilleuse est encore toute pure, sans mélange d'autre matière, et sans aucune de ces nouvelles formes de crystallisation spathique que la stiliation des eaux donne à la plupart des pierres calcaires ; car, en réduisant des co- quilles en poudre, on aura une matière toute semblable à celle de la craie pulvérisée. IL a donc pu se former de grands dépôts de ces poudres de coquilles, qui sont encore aujourd'hui sous cette forme pulvérulente, ou qui ont acquis avéc le temps de la consis- x L Terre et des Preuves, sur les carrières et les mon- tagnes composées de coquillages et autres dépouilles des productions marines. * Voyez en particulier les articles de la Pierre calcaire et du Marbre. A AE NE à Nu 1 STE (OU - 100 » Ù Non Nate 304 HISTOIRE N ATURELLE 4 tance et quelque solidité: mais les vrais son£ 4 en général ce qu'il y a de plus léger et de " moins solide dans ces matières calcaires, ét À la craie la plus dure est encore une pierre tendre ; souvent, au lieu de se présenter en k masses solides, la craie n’est qu'une pous- sière sans cohesion, sur-tout dans sescouches * extérieures. C'est à ces lits de poussière de. craie qu'ona souvent donné le nom de #arne: mais je dois avertir, pour éviter toute con= fusion, que ce nom ne doit s'appliquer qu’à une terre mêlée de craie et d’argille, ou de craie et de terre limoneuse, et que la craie De Pen ARE re est au contraire nne matière simple, pro- duite par le seul détriment des substances purement calcaires. Ces dépôts de poudre coquilleuse ont formé des couches épaisses et souvent très-étendues, comme on le voit dans la province de Cham- pagne, dans les falaises de Normandie, dans l’île de France, à la Roche- Guyon, etc. ; et ces couches composées de poussières légères, w ayant été déposées les dernieres, sont exac- tement horizontales, et prennent rarement de l’inclinaison , même dans leurs lits les M plus bas , où elles acquièrent plus de dureté 4 DE si RES TE a be DES MINÉRAUX. . 36 que dans les lits supérieurs. Cette même différence de solidité s’observe dans toutes les carrières anciennement formées par les sédimens des eaux de la mer. La masse entière de ces bancs calcaires étoit également molle dans le commencement : mais les couches inférieures, formées avant les autres , se sont consolidées les premières; et en même temps elles ont reçu par infiltration toutes Les par- ticules pierreuses que l'eau a détachées et entrainées des lits supérieurs. Cette addition de substance a rempli les intervalles et les pores des pierres inférieures, et a augmenté leur densité et leur dureté à mesure qu'elles se formoient et prenoient de la consistance par la reunion de leurs propres parties. Cependant la dureté des matières calcaires est-toujours inférieure à celle des matières vitreuses qui n'ont point été altérées ou décomposées par l'eau. Les substances coquil- leuses dont les pierres calcaires tirent leur origine, sont, par leur nature, d’une con- sistance plus molle et moins solide que les matières vitreuses ; mais quoiqu'il n’y ait point de pierres calcaires aussi dures que le quartz ou les jaspes, quelques unes, comme 26 À L‘u dr CNRS ES ENT TER À e | NES RS PT { ” “x } % + 0 ni 306 HISTOIRE NA DIORTE les marbres , le sont néanmoins assez pue | recevoir un beau poli. La craie, même la plus durcie, n’est susceptible que du poli gras que prennent les matières tendres, et se réduit au moindre effort en une poussière semblable à la poudre des coquilles ; mais quoiqu’une grande partie des craies ne soit en effet que le débris im—. médiat de la substance des coquilles, on ne doit pas borner à cette seule cause la produc- tion de toutes les couches de craie qui se trouvent à la surface de la terre : elles ont, comme les sables vitreux , une double ori- gine ; car la quantité de la matière coquil- leuse réduite en poussière s’est très-consi- derablement augmentée par les détrimens et les exfoliations qui ont été détachés de la surface des masses solides de pierres calcaires par l'impression des élémens humides. L’é- tablissement local de ces masses calcaires paroît en plusieurs endroits avoir précédé celui des couches de craie. Par exemple, le grand terrain crétacé de la Champagne commence au-dessous de Troyes, et finit au-delà de Rhétel; ce qui fait une étendue d'environ quarante lieues , sux dix ou douze DES MINÉRAU X. 307 de largeur moyenne ; et la montagne de Reims qui fait saillie sur ce terrain, n’est pas de craie, mais de pierre calcaire dure : il en est de même du mont Aimé, qui est isolé au milieu de ces plaines de craie, et qui est également compose de bancs de pierres dures très-différentes de la craie, et qui sont semblables aux pierres des montagnes situées de l’autre côté de Vertus et de Bergères. Ces montagnes de pierre dure paroissent donc avoir surmonté de tout temps les collines et les plaines où gisent actuellement les craies, et dès lors on peut présumer que ces couches de craie ont été formées, du moins en partie, par les exfoliations et les poussières de pierre calcaire que les élémens humides auront détachées de ces montagnes, et que les eaux auront entrainées dans les lieux plus bas où git actuellement la craie. Mais cette seconde cause de la production des craies est subordonnée à la premiére; et même dans plusieurs endroits de ce grand terrain crétacé, la craie présente sa première ori- gine, et paroit purement coquilleuse ; elle se trouve composée ou remplie de coquilles entières parfaitement conservées , comme on 4 TONNES MANN tr YA) PC UN LAS EU" Su S fl xt A "h (PE 308 HISTOIRE NATURELLE. qu'on ne peut douter que l'établissement local de ces couches de craie mêlées de co- quilles ne se soit fait dans le sein de la mer ; | et par le mouvement de ses eaux. D'ailleurs on trouve souvent les dépôts ou lits de craie surmontés par d’autres matières, qui n’ont pu être amenées que par alluvion, comme en Pologne, où les craies sont très-abon- dantes , et particulièrement dans le territoire de Sadki, où M. Guettard dit, d’après Rzac- zynski, qu'on ne trouve la craie qu'au -des- sous d’un lit de mine de fer qui est précédé de plusieurs autres couches de différentes matières. Ces dépôts de craie formés au fond de la mer par le sédiment des eaux, n’étoient pas originairement d'une matière/aussi simple _et aussi pure qu'elle l’est aujourd'hui: car on trouve, entre les couches de cette ma- tière crétacée, de petits lits de substance vitreuse ; le si/ex, que nous nommons pierre à fusil, n’est nulle part en aussi grande quantité que dans les craies. Ainsi cette pous- sière crétacée éloit mélangée de particules vitreuses et silicées, lorsqu'elle a été trans- y Ha At SM le voit à Courtagnon et ailleurs; en sorte - : DES MINÉRAU X. 39. portée et déposée par les eaux; et après l'établissement de ces couches de craie mé- lées de parties silicées, l’eau.les aura péné- tirées par infiltration, se sera chargée de ces particules silicées, et les aura déposées entre les couches de craie, où ellesSe'seront réu- nies par leur force d’affinité; elles y ont pris la forme et le volume que les cavités ou les intervalles entre les couches leur ont per- mis de prendre. Cette secrétion de silex se. fait dans Les craies de la même manière que celle de la matière calcaire se fait dans les argilles : ces substances hétérogènes, atté- nuées par l’eau et entraînées par sa filtra- tion , sont également posées entre les grandes couches de craie et d'argille, et disposées de même en lits horizontaux ; seulement on observe que les petites masses de pierres calcaires ainsi formées dans l’argille sont ordinairement plates et assez minces, au lieu que les masses de silex formées dans la craie sont presque toujours en petits blocs épais et arrondis. Cette différence peut pro- venir de ce que la résistance de l’argille est plus grande que celle de la craie; en sorte que la force de la masse silicée qui tend à : M y ï G# 1" ' 310 HISTOIRE NATURELLE se former, soulève ou comprime aisément la craie dont elle se trouve environnée, au lieu que la même force ne peut faire un aussi grand effet dans l’argille, qui, étant plus compacte et plus pesante, cède plus diffici- Jement et se comprime moins. Il y a encore une différence très-apparente dans l'établis- sement de ces deux secretions, relativement à leur quantité : dans les collines de craie coupées à pic, on voit par-tout ces lits de silex, dont la couleur brune contraste avec le blanc de la couche de craie; souvent il se trouve de distance à autre plusieurs de ces lits toujours posés horizontalement entre les grands lits de craie, dont l’épaisseur est de plusieurs pieds, en sorte que toute la masse de craie, jusqu’à la dernière couche, paroït être traversée horizontalement par ces petits lits de silex, au lieu que, dans les argilles coupées de même à plomb , les petits lits de pierre calcaire ne se trouvent qu'entre les couches supérieures, et n’ont jamais autant d'épaisseur et de continuité que les lits de silex, ce qui paroît encore provenir de la plus rien dé facilité de l’infiltration des eaux dans la craie qu'elles pénètrent dans toute ne RE 2 eo ete >. «n- à : DES MINÉRAUX. 3rx à son Epaisseur; au lieu qu'elles ne pénè- trent que les premières couches de l’ar- gille, et ne peuvent par conséquent déposer des matières calcaires à une grande pro fondeur. La craie est blanche , légère et tendre, et, _ selon ses degrés de pureté, elle prend diffe- rens noms. Comme toutes les autres subs- tances calcaires, elle se convertit en chaux par l’action du feu, et fait effervescence avec les acides : elle perd environ un tiers de son poids par la calcination , sans que son volume en soit sensiblement diminué, et sans que sa nature en soit essentiellement altérée ; car, en la laissant exposée à l’air et à la pluie, cette chaux de craie reprend peu à peu les parties intégrantes que le feu lui avoit enlevées, et dans ce nouvel état on peut la calciner une seconde fois, et en faire de la chaux d’aussi bonne qualité que la première. On peut même se servir de la craie crue pour faire du mortier, en la mé- lant avec la chaux ; car elle est de même mature que le gravier calcaire , dont elle ne diffère que par la petitesse de ses grains. La craie que l’on connoît sous le nom de /ane pures. et des se Mae on ro F: pour dernier enduit sur les autres mortiers. « Cette craie se ne se trouve pas en ERA 7 fentes ds rochers calcaires i sur ei des collines crétacées ; elle y est conglomérée en pelotes plus ou moins grosses; et: quand ë cette craie fine est encore plus atténuée, elle | forme d’autres concrétions d’une substance ! encore plus légère, auxquelles les matura- » listes ont donné le nom de /ac lunæ (nom très-impropre, puisqu'il ne désigne qu’un . rapport chimérique), ”edulla saxi (qui : ne convient guère mieux, puisque le mot … saxurn, traduit par ces mêmes naturalistes ; ne désigne pas la pierre calcaire, mais le. roc vitreux): cette matière seroit doncimieux désignée par le nom de fleur de craie; car ce | . n’est en effet que la partie la plus ténue de $ la craie, que l’eau détache et dépose: eusuite dans les cavités qu’elle rencontre. Et res ce dépôt, au lieu de se faire en masses, ne: se fait qu’en superficie, cette même matière | prend la forme de lames et d’écailles, aux quelles ces mêmes nomenclateurs en mines DE D rte 2 EE L 2 DES MINÉRAUX. 313 ralogie ont donné le nom d'agaric minéral ( ce qui n’est fondé que sur une fausse ana- logie). A Les hommes, avant d’avoir construit des maisons , ont habité les cavernes: ils se sont mis à l'abri des rigueurs de l'hiver et de la trop grande ardeur de l'été, en se réfugiant dans les antres des rochers; et lorsque cette commodité leur a manqué, ils ont cherché à se la procurer aux moindres frais pos- sibles, en faisant des galeries et des excava- tions dans les matières les moins dures, telles que la craie. Le nom de Troglodytes (habitans des cavernes), donné aux peuples les plus antiques en est la preuve; aussi- bien que le grand nombre de ces grottes que l'on voit encore aux Indes, en Arabie, et dans tous les climats où le soleil est brülant et l’'ombrage rare. La plupart de ces grottes ont été travaillées de main d'homme, et souvent agrandies au point de former de vastes habitations souterraines , où il ne manque que la facilité de recevoir le jour; car, du reste, elles sont saines, et, dans ces climats chauds, fraîches sans humidité. On voit même dans nos côteaux et collines de . 27 LPO VIN RP US En NACRE AA: ME SRE 314 HISTOIRE NATURÉLLE A ie TE ee ï craie, des excavations à rez-de-chaussée, pratiquées avec avantage et moins de dépense qu’il n’en faudroit pour construire des murs et des voûtes ; et les blocs tirés de ces exca- vations servent de matériaux pour bâtir les étages supérieurs. La craie des lits infé- e 4 0 rieurs est en effet une espèce de pierre assez tendre dans sa carrière, mais qui se durcit à | ET ? Lai l'air, et qu'on peut employer non seulement pour bâtir, mais aussi pour les ouvrages de sculpture. | ; La craie n’est pas si généralement répan- due que la pierre calcaire dure; ses couches, quoique très-étendues en superficie, ont rare- ment autant de profondeur que celles des autres pierres ,et, dans cinquante ou soixante pieds de hauteur perpendiculaire , on voit souvent tous les degrés du plus ou moins de solidité de la craie. Elle est ordinairement en poussière ou en moellon très-tendre dans le lit supérieur : elle prend plus de consis- | tance à mesure qu’elle est située plus bas; et comme l’eau la pénètre jusqu’à la plus grande profondeur, et se charge des molécules cré- tacées les plus fines, elle produit non seu- lement Les pelotes de blanc d'Espague, de - DES MINÉRAUX. 3:15 moelle de pierre * et de fleur de craie, mais aussi les stalactites solides ou en tuyaux dont sont formés les tufs. Toutes ces concrétions qui proviennent des détrimeus de la craie, ne contiennent point de coquilles; elles sont, comme toutes les autres exsudations ou stil- lations, composées des particules les plus déliées que l’eau a enlevées et ensuite dé- posées sous différentes formes dans les fentes ou cavités des rochers, ou dans les lieux plus bas où elles se sont rassemblées. Ces dépôts secondaires de matières créta- cées se font assez promptement pour remplir en -quelques années des trous de trois ou quatre pieds de diamètre, et d'autant de profondeur. Toutes les personnes qui ont planté des arbres dans les terrains de craie, ont pu s’appercevoir d’un fait qui doit servir ici d'exemple. Ayant planté un bon nombre d'arbres fruitiers dans un terrain fertile en * On a aussi nommé cette moelle de pierre ou de crale, farina mineralis, parce qu'elle réssemble à la farine par sa blancheur et sa légéreté , et qu’on a même prétendu, mais fort mal-à-propos, qu’elle peut devenir un aliment en la mêlant avec de la farine de grain. 3t6 HISTOIRE NATURELLE grains, mais dont le fond est d’une. craie blanche et molle, et dont les couches ont une :4 assez grande profondeur , les arbres " pous- | sèrent assez vigoureusement la première et la seconde année , ensuite ils languirent et périrent. Ce mauvais succès ne rebuta pas le propriétaire du terrain; on fit des tranchées plus profondes, dont on tira toute la craie, et on les remplit ensuite de bonne terre végé- tale, dans laquelle on planta de nouveaux arbres : mais ils ne réussirent pas mieux, et tous périrent en cinq ou six années. On visita alors avec attention le terrain où ces arbres avoient été plantés , et l’on reconnut avec quelque surprise que la bonne terre qui avoit été mise dans les tranchées étoit si fort mêlée de craie, qu’elle avoit presque disparu , et que cette très-grande quantité de matière crétacée n’avoit été amenée que par la stilla- tion des eaux*. Cependant cette même craie qui paroît si stérile et mème si contraire à la végétation, peut l'aider et en augmenter le produit en la répandant sur les terres argilleuses trop dures * Note communiquée par M. Nadault. DES MINÉRAUX. 319 et trop compactes : c'est ce que l’on appelle marner les terres, el cette espèce de prépara- tion leur donne de la fécondité pour plu- sieurs années ; mais comme les terres de dif- férentes qualités demandent à être marnées de différentes façons, et que la plupart des marnes dont on se sert diffèrent de la craie, nous croyons devoir en faire un article par- ticulier. 27 DE LA MARNE. ’ NA L, marne n’est pas une terre simple, mais composée de craie mêlée d’argille ou de li- mon ; et, selon la quantité plus ou moins grande de ces terres argilleuses ou limoneuses, la marne est plus ou moins sèche ou plus ou moins grasse. Il faut donc , avant de l’em- ployer à l'amendement d’un terrain , recon- noître la quantité de craie contenue dans la marne qu'on y destine, et cela est aisé par l'épreuve des acides, et même en la faisant délayer dans l’eau. Or toute marne sèche et qui contiendra beaucoup plus de craie que d’arsgille ou de limon, conviendra pour mar- ner les terres dures et compactes, que l’eau ne penètre que difficilement, et qui se dur- cissent et se crevassent par la sécheresse ; et même la craie pure, mêlée avec ces terres, les rend plus meubles, et par conséquent susceptibles d’une culture plus aisée : elles deviennent aussi plus fécondes par la facilité que l’eau et les jeunes racines des plantes HISTOIRE NATURELLE. 3:9 trouvent à les pénétrer et à vaincre la résis- tance que leur trop grande compacité oppo- soit à la germination et au developpement des graines délicates. La craie pure et même le sable fin, de quelque nature qu'il soit, peuvent donc être employésavec grandavan- tage pour marner les terres trop compactes ou trop humides; mais il faut au contraire de la marne mêlée de beaucoup d’argille, ou mieux encore de terre limoneuse, pour les terres stériles par sécheresse , et qui sont elles-mêmes composées de craie, de tuf et de sable. La marne la plus grasse est la meil- leure pour ces terrains maigres; et pourvu qu'il y ait dans la marne qu’on veut em- ployer, une assez grande quantité de parties calcaires pour que l'argille y soit divisée, cette marne presque entièrement argilleuse, et même la terre limoneuse toute pure, seront les meilleurs engrais qu’on puisse répandre sur les terrains sableux. Entre ces deux extrêmes, 1l sera aisé de saisir les degrés intermédiaires , et de donner à chaque terrain la quantité et la qualité de la marne qui pourra convenir pour engrais *. On doit seu- * M. Faujas de Saint-Fond parle de certains sue LA LA UE CINE ia Re NT ge HISTOIRE NATURELLE. lement observer que , dans tous les cas, FU faut méler la marne avec une certaine quan- tité de fumier ; et cela est d’autant plus né- cessaire, que le terrain est plus humide et plus froid. Si l’on répand les marnes sans y mêler du fumier, on perdra beaucoup sur le produit de la première et même de la seconde récolte : car le bon effet de l’amende- ment marneux ne se manifeste pleinement qu'à la troisième ou quatrième année. Les marnes qui contiennent une grande quantité decraiesontordinairement blanches; celles qui sont grises, rougeätres ou brunes, doivent ces couleurs aux argilles ou à la terre limoneuse dont elles sont mélangées : et ces couleurs plus ou moins foncées sont encore un indice par lequel on peut juger de la qua- lité de chaque marne en particulier. Lors- cantons du Dauphiné qui sont très-fertiles , et dont le sol contient environ un quart de matière calcaire, mêlée naturellement avec un tiers d’argille noire, tenace, mais rendue friable par environ un quart d’un sable sec et grenu ; et, pour le surplus, d'un second sable fin, doux et brillant... Voyez le Meé- moire sur la marne, par M. Faujas de Saint-Fond, etles Æfiches du Dauphiné, octobre 1780. ‘ DES MINÉRAUX. 32e qu'elleesttout-à-fait convenable à lanaturedu terrain sur lequel on la répand, il est alors bonifié pour nombre d’années*, et le cultiva- teur fait un double profit : le premier, par l’é- pargne des fumiers, dont il usera beaucoup moins; et le second, par le produit de ses ré- coltes, qui sera plus abondant. Si l’on n’a pas à sa portée des marnes de la qualité qu’exige- roient les terrains qu’on veut améliorer , il est presque toujours possible d'y suppléer en répandant de l’argille sur les terres trop * Suivant Pline, la fécondité communiquée aux terres par certaines marnes dure cinquante et jus- qu'à quatre-vingts années. Voyez son Histoire na- turelle, iv. XVII, chap. 7 et 8. Il dit aussi que c'est aux Gaulois et aux Bretons qu’on doit l’usage de cet engrais pour la fertilisation des terres. (dem, 201d.) M. de Gensanne, en parlant des marnes, fait de bonnes observations sur leur emploi, et il cite un exemple qui prouve que cet engrais est non seule- ment utile pour augmenter la production des grains, mais aussi pour faire croître plus promptement et plus vigoureusement les arbres, et en particulier les müriers blancs. ( Histoire naturelle du Langue- dec , tome I.) Le HISTOIRE N k A légères, et de la chaux sur les terres trop fortes ou trop humides ; car la chaux éteinte ! est absolument de la même nature que la f craie, puisqu'elles ne sont toutes deux que de la pierre calcaire réduite en poudre. Ce qu'on a dit sur les prétendus sels ou qualités particulières de la marne pour la végéta- tion , sur son eau génerative, etc. , n'est # fondé que sur des préjugés. La cause princi- pale et peut-être unique de l'amélioration des terres, est le melange d’une autre terre différente, et dont les qualités se compensent et font de deux terres stériles une terre féconde. Ce n’est pas que les sels en petite quantité ne puissent aider les progrès de la végetation et en augmenter le produit : mais les effets du mélange convenable des terres sont indépendans de cette cause particulière ; et ce seroit beaucoup accorder à l’opinion vulgaire, que d'admettre dans la marne des principes plus actifs pour la végétation que dans toute autre terre, puisque par elle- méme la marne est d'autant plus stérile, qu’elle est plus pure et plus approchante de la nature de la craie. Comme les marnes ne sont que des terres | M ke ÿ, + © DES MINÉRAUX. 323 plus ou moins mélangées et formées assez nouvellement par les dépôts et Les sédimens des eaux pluviales, il est rare d’en trouver à _ quelque profondeur dans le sein de la terre ; elles gisent ordinairement sous la couche de la terre végétale, et particulièrement au bas des collines et des rochers de pierres cal- caires qui portent sur l’argille ou le schiste. Dans certains endroits, la marne se trouve en forme de noyaux ou de pelotes; dans d’autres, elle est étendue en petites couches horizontales ou inclinées suivant la pente du terrain; et lorsque les eaux pluviales, char gées de cette matière, s’infiltrent à travers les couches de la terre, elles la déposent en. forme de concrétions et de stalactites, quisont formées de couches concentriques et irrégu- lièrement groupées. Ces concrétions prove- nant de la craie et de la marne, ne prennent jamais autant de dureté que celles qui se forment dans les rochers de pierres calcaires dures; elles sont aussi plus impures ; elles s'accumulent irrégulièrement au pied des collines, pour y former des masses d’une substance à demi pierreuse, légèreet poreuse, à laquelle on donne le nom de éuf, qui LOS 324 HISTOIRE NATUR: souvent se trouve en couches assez : épaisses et à très - étendues au bas des collines ape couronnées de rochers calcaires. " C’est aussi à cette même matière crétacée et marneuse qu'on doit attribuer V'origine de toutes les incrustations produites par les 4 eaux des fontaines, et qui sont si communes ÿ dans tous les pays où il y a de hautes collines de craie et de pierres calcaires. L'eau des pluies, en filtrant à travers les couches de .ces matières calcaires, se charge des parti- _cules les plus ténues qu’elle soutient et porte avec elle quelquefois très-loin ; elle en dépose la plus grande partie sur le fond et contre les bords des routes qu’elle parcourt, et en— veloppe ainsi toutes les matières qui se trouvent dans son cours : aussi voit-on des substances de toute espèce et de toute figure revêtues et incrustées de cette matière pier— reuse, qui non seulement en recouvre la surface, mais se moule aussi dans toutes les cavités de leur intérieur ; et c’est à cet effet très-simple qu'on doit rapporter la cause qui produit ce que l’on appelle com- munément des pétrifications, lesquelles ne différent des incrustations que par cette TR. dre. : Re." DES MINÉRAUX: 325. pénétration dans tous les vides et intérstices de l’intérieur des matières végétales ou ani- males, à mesure qu “elles s se décomposent ou pourrissent. Dans les craies blanches et les marnes les plus pures, on ne laisse pas de trouver des différences assez marquées, sur-tout pour les sels qu’elles contiennent. Si on fait bouillir quelque temps dans de l’eau distillée une cer- taine quantité de craie prise au pied d’une col- line ou dans le fond d’un vallon, et qu'après avoir filtré la liqueur , on la laisse évaporer jusqu’à siccité, on en retirera du nitre et un mucilage épais d’un rouge brun; en certains lieux même le nitre estsi abondant dans cette sorte de craie ou de marne, qui a ordinai- rement la forme de tuf, que l’on pourroit en tirer du salpètre en très-srande quantité, et qu’en effet on en tire bien plus abondam- ment des décombres ou des murs bâtis de ce tuf crétacé que de toute autre matière. Si l'on fait la mème épreuve sur la craie pelo- tonnée qui se trouve dans les fentes des ro- chers calcaires, et sur-tout sur ces masses de matière molle et légère de fleur de craie dont nous avons parlé, au lieu de nitre Mat, gén. IX. 28 36 HISTOIRE TT 4 RTS ou n’en retirera souvent que du sel. marin ti sans aucun mélange d’autre sel , ét en beau i coup plus grande quantité quon mé retire de nitre des tufs et des craies prises dans les vallons et sous la éouént de terre vé= pétale. Cette différence assez singulière ne vient que de la différente qualité des’ eaux: car indépendamment des matières terreuses et bitumineuses qui se trouvent dans toutes les eaux , la plupart contiennent des sels én assez grande quantité, èt de nature dif- férente, selon la différente qualité du ter=- rain où elles ont passé; par exemple, toutes les eaux dont lés sources sont dans la couche de terre végétale ou limoneuse, contiennent une assez grande quantité de nitre. IL en est de même de l'eau des ri- viéres et de la plupart des fontaines, au lieu que les eaux pluviales les plus pures et recueillies en plein air avec précaution pour éviter tout mélange, donnent, après l'évaporation , une poudre terreuse très- fine, d’une saveur sensiblement salée et du même goût que le sel marin. Il en est de même de la neige ; elle contient aussi du sel marin commé l’eau de pluie, sans al DES MINÉRAUX. . 32 melange d’autres sels , tandis que les eaux qui coulent sur les terres calcaires ou vé- gétales , ne contiennent point de sel marin , mais du nitre. Les couches: de marne stra-. tifiées dans les vallons , au pied des mon- tagnes , sous la terre végétale , fournissent du salpêtre, parce que la pierre calcaire et la terre végétale, dont elles tirent leur origine, en contiennent. Au contraire, les pelotes qui se trouvent dans les fentes ou dans les joints des pierres et entre les lits des bancs calcaires , ne donnent , au lieu de nitre, que du sel marin, parce qu’elles doiveut leur formation à l’eau pluviale tombée immédiatement dans ces fentes, et que cette eau ne contient que du sel marin , sans aucun mélange de nitre; au lieu que les craies, les marnes et les tufs amassés au bas des collines et dans les vallons, étant perpétuellement baignés par des eaux qui lavent à chaque instant la de la terre est couverte, et qui arrivent par conséquent toutes chargées et impregnees du nitre qu'ils ont dissous à la superficie de la grande quantité de plantes dont la superficie . terre, ces couches reçoivent Le nitre d'autant _ 4, 4 à « LE r à 2 L . t ‘ (4 2 .i k, TX BLUE Des articles contenus dans ce volume, Époques de la Nature: Srprième et dernière Époque. Lorsque la puissance del home a seconde celle de la Nature, page I. Notes sur la septième Epoque, 4r. Explication de la carte géographique, br Flistoire naturelle des minérauxs DE la figuration des mméraux, 72« Des verres primitifs, 93. Du quartz, rro. | Du jaspe, 129. à Du mica et du talc, r4r« Du feld-spath, 152. F Du schorl , 162. Des roches vitreuses de deux et trois substances, et en particuher du porphyre, 167. Du granit, r93, es Ne: ms 3 . En “4 UE L 93 Ace Là aus L'ÊY SP RUE La N NET af LA ke US Te se « “à … Er Ÿ. pe " dy + 5 ÿ LP A à Due ps à 14 » r té vu sartrts 5 pt (4 dure Mdr quoir * ES } 5, Le ET] si: RE à Le 1 Er Lt HE + à PRATT" à t} R" «] de: en en x _ PR | 9 : « v- : LE Pire 3% . ri . . è > 1: 73 td, — : Pr” “ 4 , à — 4 RES TE - / Le " : * : vin À . TUE hp y + n { é s / + L «34 Watt 2 - _ - : + ar è _ F Par 4 , ” x ä ñ 7 . " r D... oi r [in ? Lém re ?t ri DEL) © + RON k | . » » È : da : sr \ 2 : " ÿ rs NAFEL the t'{ [A AL f - 4 & € PLAN E, Lo ÿ > ! ? l'2 76 F RS ren CYR: [s st ‘4 ( + ) Pr F® PARTS AR PE LE : . ù 1 L . 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