HARVARD UNIVERSITY. LIBRARY OF THE MUSEUM OF COMPARATIVE ZOOLOGY LiBRARY OF SAMUEL GARMAN QdioivL. à", ]Hll ^juJUtJlMtliL -pA tttpK U^^diAl(L '}jd. i%iï^ iJ^/7i ofa:o4772^ C^f'/^'û^^ , 0CT5 1928 HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. STRASBOURG, IMPRIMERIE DT. F. G. LEVRAULT. HISTOIRE NATURELLE DES poissoivs, PAR M. LE B.«^ CUVIER, Pair de France, Grand-Officier de la Le'gîon d'honneur, Conseiller d'État et au Conseil royal de l'Instruction pulilique, l'un des quarante de l'Académie française. Associé libre de l'Académie des Belles-Lettres, Secrétaire per- pétuel de celle des Sciences , Membre des Sociétés et Académies royales de Londres , de Berlin , de Pétersbourg , de Stockholm , de Turin , de Gœttingue, des Pays-Bas, de Munich, de Modène, etc.; ET PAR M. A. VALENCIENNES, Professeur de Zoologie au Muséum d'Histoire naturelle , Membre de la Société zoologique de Londres. TOME DIXIÈME A PARIS, Chez F. G. LEVRAULT, rue de la ïtarpe, n." 8i; STRASBOURG) même Maison, rue des Juifs, n." 33 j BRUXELLES) Librairie parisienne, rue dé la Magdeleine, n.''438. 1835. s. AVERTISSEMENT. ilous continuons, dans le volume que nous offrons au public, la description des poissons réunis en une cinquième grande tribu des Scombéroïdes , caractérisés par leur bouche pro- tractile ; et l'exposition des familles et des genres qui la composent terminent l'histoire naturelle des poissons voisins des thons ou des maque- reaux. Nous donnons ensuite celle d'une famille d'acanthoptérigiens , inconnue à nos mers d'Eu- rope : les Amphacanthes et les Acanthures. Les Teuthies, réduits à de petites dimensions et con- finés sur des parages plus ou moins lointains, ne peuvent offrir à l'économiste l'intérêt attaché à nos différens scombres , sources naturelles et inépuisables de grandes richesses; mais les par- ticularités de l'organisation de ces petits pois- VJ AVERTISSEMENT. sons deviendront un sujet de recherches cu- rieuses et instructives pour le physiologiste. Ces espèces, ayant avec les Scomhëroïdes des affinités nomhreuses que nous avons cherché à signaler avec le plus grand soin, ont dû être présentées à la suite de ceux-ci. C'est par les mêmes motifs que nous avons placé immédiatement après euK des poissons encore plus extraordinaires , les Taenioïdes. Mal- gré leur longueur de huit à neuf pieds , et sou- vent au-delà , ils sont encore hien peu connus , le hasard seul ayant soumis la plupart des in- dividus aux ohservations des naturalistes. Enfin nous avons terminé ce volume, en quel- que sorte comme en appendice , par le groupe des Athérincs, en ayant soin de faire remarquer les diOicultés qui s'opposent à introduire con- venablement dans le système des poissons, les espèces de ce genre , tenant à la fois des perches et des labres ; mais ne devant pas être non plus éloignés des muges, qui sont eux-mêmes assez distincts au milieu de tous les acanthoptérygiens. La rédaction de ce volume est encore, pour la plus grande partie, due aux recherches et aux travaux de M. Cuvier. Cependant je ne dois AVERTISSEMENT. Vlj pas en laisser à lui seul la responsabilité scienti- fique, attendu que j'ai profité assidûment des travaux qui sont venus à ma connaissance depuis ces dernières années, et souvent ces additions ont beaucoup modifié le travail de M. Cuvier : les nombreux mémoires présentés à la société zoologique de Londres ; les rapports annuels de M. J. Desjardins de l'Isle-de-France sur les travaux des membres de la société d'bis- toire naturelle, dont il est secrétaire; le Pro- drome de l'iclitliyologie Scandinave de M. INilson , m'ont fourni des documens qui ont fait quel- quefois changer nos premières déterminations. L'activité de ces savans à contribuer aux progrès de la connaissance des poissons , est le résultat de l'élan que M. Cuvier donnait aux naturalistes chaque fois qu'il se livrait à l'étude d'une science en particulier. Sa correspondance confiante et suivie sans relâche , le plaisir que les hommes laborieux trouvent à résoudre, par la lecture des ouvrages de ce grand homme, les difficultés que présentait la détermination des espèces, ont éveillé de toutes parts l'attention des zoolo- gistes sur l'histoire des poissons, comme aupara- vant ses immortelles recherches sur les ossemens Viij AVERTISSEMENT. fossiles ont excité tous les hommes éclairés a en découvrir de nouveaux gisemens et à en faire connaître de nouveaux débris. Parmi les ouvrages récens sur Ficlithyologie qui ajouteront à l'histoire littéraire de cette branche de la zoologie , je citerai avec intérêt celui dont M. W. Yarrell a déjà fait paraître quatre livraisons. Ornée de figures aussi exactes qu'élé- gantes, cette publication , rédigée par un homme d'un véritable talent , fournira de précieux ren- seignemens sur l'histoire des poissons d'Angle- terre et d'Europe. On peut voir de quel secours il m'a été pour éclaircir l'histoire du ^jmnetrus Hawkenii; si j'avais reçu la quatrième livraison avant que les premières feuilles de ce volume fussent imprimées, j'aurais pu citer l'excellente figure du Capros, et j'ai vu avec plaisir établir, par son autorité, la justesse de mes observa- vations sur le poisson que M. Guvier , d'après M. Couch, avait rapproché des gerres; nous aurons souvent occasion de revenir sur cet im- portant ouvrage. Nous nous faisons aussi un devoir de témoi- gner notre reconnaissance aux hommes généreux qui ont bien voulu nous communiquer des ma- AVERTISSEMENT. ÏX tëriaux destinés à augmenter notre ouvrage et à combler des lacunes dans notre grande collection nationale. M. Eydoux a fait, dans son voyage de circumnavigation sur la corvette la Favorite, des collections qu'il a déposées dans le cabinet du Jardin des Plantes. MM. Sganzin et Goudot nous ont donné des poissons de Madagascar, et et M. Nivoy s'en était procuré pour nous quel- ques-uns à Bourbon. M. Gaudicliaud , à son retour du Chili , a encore ajouté aux riches collections que nous avait don- nées précédemment M. Gay . Mon ami , le docteur Holbrook, de Charlestown, a bien voulu conti- nuer pour notre ouvrage de faire des recherches fructueuses dans les eaux douces ou salées de la Caroline du Sud. Nous devons aussi signaler la collection de poissons du Nil, faite à bord du Lougsor par M. Joannis, et qu'il a donnée au Jardin des Plantes : plusieurs acquisitions scientifiques fort importantes sont le résultat de ce travail. Nous y avons trouvé entre autres l'hétérobranche découvert, il y a plus de trente ans, par M. Geoffroy Saint -Hilaire, et qui manquait à la collection ichthyologique, le Mu- séum n'en possédant que le squelette. X - AVERTISSEMENT. MM. Webb et Bertliellot, dont les connais- naissances dans les diverses branches de l'his- toire naturelle sont si étendues , m'ont commu- niqué, avec la plus grande libéralité, leurs collections ichtliyologiques des Canaries. 11 est étonnant que les voyageurs nous aient laissé ignorer jusqu'à ce jour la richesse de cette partie de l'Atlantique. Les espèces réunies par ces deux savans nous montrent que les côtes de TénérifFe nourrissent un grand nombre de formes mé- diterranéennes , et qu'avec elles y sont mêlées plusieurs autres regardées jusqu'à présent comme propres aux plages américaines; Madère n'en avait encore fourni qu'un seul exemple dans une espèce du genre Héliase {Heliazes Madiirensis, nob.) , que l'on a découvert récemment à Sainte- Croix de Ténériffe. Nous avons aussi observé dans ces collections plusieurs genres nouveaux , d'autres rares dans la Méditerranée; tel est le Rovetto [Rovettus acantliodermci). Elles feront connaître à nos lecteurs la patrie du poisson si curieux que nous avons nommé Beryx cleca- dactjluSy et de bien d'autres que nous supposions de mers plus éloignées et que nous avons l'espoir de faire paraître dans nos prochains supplémens. Avertissement. xj Enfin, au moment de mettre sous presse, M. Dussumier , toujours plein de zèle, revient de rinde avec une nouvelle collection, non moins riche gue les précédentes. Il a , dans ce voyage, porté ses recherches sur les poissons d'eau douce de la côte malahare, et il a encore acquis à l'ichtliyologie plusieurs genres nouveaux, qui seront établis sur des combinaisons de carac- tères jusqu'à présent inconnues dans les pois- sons de l'Inde, mais qui ont le plus d'affinité ^avec ceux que nous avons observés sur des pois- sons d'eau douce d'Amérique , entre autres nos pomotis. J'ose espérer que l'exactitude avec laquelle paraîtront les livraisons suivantes de cet ou- vrage, témoignera auxsavans des différens pays de mon assiduité pour finir le grand ouvrage qui me reste à publier, et qu'ils voudront bien continuer a. m'aider de leurs conseils et de leurs communications officieuses. Je m'empresserai toujours de leur donner des preuves publiques de ma reconnaissance. Au Jardin des Plantes, Juin 1835. TABLE DU DIXIÈME YOLUME. SUITE DU LIVRE NEUVIEME. Page». Plandi. Des Scombéroïdes i CINQUIÈME GRANDE TRIBU. Les Scombéroïdes a bouche protractile Ihid. CHAPITRE XXL Des Zées et des Capros 4 La Dorée commune {Zeus Jaber, Lin.) 6 La Dorée du cap de Bonne -Espérance (Zeus capensisy nob.) 2 3 La Dorée du Japon (Zeus japoniciis ^ nob.). . 24 D'une seconde espèce de Dorée de la Méditerra- née, ou la Dorée à épaule armée {Zeus pun- gioj nob.) 25 280 Des Capros 29 Le Sanglier {Capros aper^ Lacép. ■, zeus aper^ Lin.) 3o 281 CHAPITRE XXII. Des LampriSj des Equula et du Mené 39 Des Lampris Ihid. Du Lampris tacheté {Lampris guttatus , Retz.) . Ihid. 282 XIV T.4BLE. Pagri. Plaiicli. Dks Equula 60 L'Equula porle-saLre (Ec/uula ensifera^ nob.-, Scomher edeutulus^ Bl.j 428 ; Léiognatlie ar- genté, Lacép., IV, p. 448 et 44.9.) 66 L'Equula poulain (Efjuula cahalla^ nob. ; Scom- her ec/uula j lorsk.; Tottak-karakjl^nss.) . . 7 3 L'Equula coma (Et/mila coma^ nob.) 76 L'Equula de Dussumier {Ecjuula Dussumieriy uob.) 77 283 L Equula Bindoo (Equula hindus^ nob.) 78 L'Equula Ruconii (^Equula Rucojiius ^ chanda Ruconius j Bucli.) 79 L'Equula Gomorah (Eeroïcles que nous avons déjà décrites, par les armures dont les côtés de leur corps sont souvent hérissés, par des dispositions anatomiques analogues, et qui ont un ensemble de caractères de famille qui ne permet pas, dans notre manière de voir, de les placer dans un autre groupe, quoique quelques-uns des caractères de cette nouvelle tribu se soient déjà présentés. Un d'eux, celui de la protractilité du museau, a déjà été pris en considération dans la tribu des ménides de la famille des Sparoïdes. Mais tous les na- turalistes seront d'accord sur ce point, que cette faculté d'avancer ainsi la bouche en une sorte de long tube, faculté qui résulte d'une organisation tout-à-fait semblable des maxil- laires et intermaxillaires des Gerres et des Equula, ne peut pas cependant faire éloigner des Zées ces derniers poissons, pour les classer parmi les sparoïdes. Les Zées ont deux dor- sales et quelques autres caractères ostéologi- ques voisins de certains percoïdes ; mais la nature de leurs tégumens, les boucliers dont les côtés sont armés, les rapprochent incon- testablement des scombéroïdes à corps cui- rassé. Les Lampris, qui appartiennent égale- ment à la famille dont nous traitons, ont des viscères si voisins de ceux du llion en parti- SCOMBÉROÏDES. O culier, qu'il devient impossible de ne pas réunir tous ces poissons en une même tribu des scombéroïdes. Elle est, comme la précédente, une de ces familles naturelles dont les rapports les lient avec plusieurs autres non moins naturelles, et qui donnent tant de difficultés, pour ne pas dire d'impossibilité, de former les séries con- tinues que tant de naturalistes fort éclairés ont vainement tenté faire, sans être plus heureux que nous. On peut la diviser en deux sections : une, qui comprendra les espèces à dorsale profon- dément écliancrée et comme double, et une seconde, dont les poissons ont la nageoire du dos continue, sans échancrure et par con- séquent unique. A LIVRE TX. SCOMBKROÏDES. CHAPITRE XXI. Des Zées et des Capros. Le genre desZees n'est plus composé, dans notre méthode, que des espèces à deux dor- sales bien distinctes, dont l'antérieure est lormée de rayons épineux, accompagnés de lambeaux longs et filiformes, dépassant de beaucoup les épines et la membrane qui les réunit. Les côtés du corps ont une série de pointes fourcliues, portées sur des écussons osseux insérés dans la peau le long de la base de la dorsale et de l'anale. Le nombre des espèces des auteurs que l'on peut faire entrer dans le genre Zée ainsi caractérisé, se trouve réduit au SQxAzeusfaher. LinnœuSy dans sa douzième édition, n'y rap- portait que les quatre suivantes. L'une appar- tient à notre genre actuel et en est le type, comme nous venons de le dire, l'autre est de la même famille et forme le genre Capros. Nous avons déjà fait voir que les deux pre- miers, le zeus voilier et le zeus ^alluSy sont d'une famille voisine, mais de genres différens. Gmelin porte le nombre des espèces à huit, CIIAP. XXT. ZÉES. 5 en y ajoulanl le zens insidialor, qui est un Equula, le zens ciliaris, dont nous avons lait l'histoire à l'article hlepharis; le zeus lima est le genre lainpris, dont nous parlerons bien- tôt, et le zeus quadratus, établi d'après une ligure de Sloane, est, comme nous l'avons dé- montré, le même que le chetodon faher de Broussonnet, notre première espèce du genre epliippus de la famille des squammipennes. M. de Lacépède avait commencé la réforme du genre de Linné, en en distrayant le zeus aper et le zeus luna, pour en faire les deux genres que nous adoptons, l'un sous le nom de caproSy l'autre sous celui de chrjsotose , que nous changeons en celui de lanipris, comme plus ancien; mais il ne plaçait pas si heureusement le zeus vomer, le zeus gallus et le zeus quadratus , ainsi que nous l'avons fait voir à leurs articles respectifs. Enfin, des deux poissons qu'il réunissait à la dorée, fun est un blepliaris et l'autre un cquula. Nos prédécesseurs ne connaissaient donc de vrais zées, tels que nous l'entendons, que le seul poisson fort abondant sur nos côtes, et si connu sous la dénomination presque vul- gaire de poisson Saint -Pierre ou de dorée. Mais nous en possédons une autre belle espèce que la Méditerranée nourrit dans ses eaux si (> LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. riches en poissons rares et curieux, et qui avaient ëcliappé à tous les ichthyologistes à l'exception de Rondelet. Nous faisons aussi connaître quelques figures publiées sous le nom de zeus faher, faites d'après des individus pris dans les mers orientales, de sorte que nous avons encore l'avantage d'étendre de beau- coup les connaissances des naturalistes sur ce genre de poissons. De la Dorée commune. i^Zeus faher y L.) Un poisson d'une assez grande taille, d'une forme grotesque, d'une couleur peu commune, a dû être remarqué partout; aussi les peuples dont il habite les côtes , lui ont-ils tous donné des noms. Les Anglais et les Français des bords de la Manche l'appellent dorj et dorée, à cause de sa teinte jaunâtre, et dans quelques ports on change le nom en dorade, qui ap- partient aussi à la coryphène et au chrysophrys; dans le golfe de Gascogne on le nomme jaiij, c'est-à-dire coq, sans doute à cause de l'espèce de crête que ibrment ses dorsales, ce qui a motivé aussi son nom de poule de mer dans quelques-unes de nos provinces de ronesl et CIlAP. XXI. ZÉES. 7 surtout en Bretague/ Les Espagnols, les Lan- guedociens % les Sarcles^, lui donnent un nom analogue, gai, qui se reproduit en Sicile sous les formes de gallo et de gadda^. Les Marseillais le nomment truette et les habitans d'Antibcs j'ode^y son nom particulier à Rome est cetola ou citiila^, à Malte larnataJ Dans beaucoup de ports de la Méditerranée et même de l'Océan, on lui donne aussi le nom de poisson Saint-Pien^e, d'après la sup- position, qui, sans doute, n'a jamais été sérieuse , que c'aurait été un poisson de cette espèce que saint Pierre tira de la mer par ordre de Jésus-Christ, et dans la bouche duquel il trouva un denier pour payer le tribut^, et que l'empreinte des doigts de l'apotre serait demeurée à toujours à toute l'espèce dans cette tache noire qu'elle a sur chaque flanc. D'après une supposition analogue, on l'appelle en d'autres endroits poisson Saint- Cluistophe; les Grecs modernes le nomment mèma poisson de Christ [Christo-psaro)^ et ont coutume de le suspendre dans leurs églises.^ On l'appelle aussi en Galice poisson Sainl- 1. Duhamel. — 2. Rondelet. — 3. Celli 4. Rafuiesque. — 5, Rondelet. — 6. Rondelet, Réion, Salyiani. — T. Rafincsquc. 8. S. Matlh. chap. XVII]. 27. 9. Gillius, J^om. galL pisc. viassll.; c. ^2, 8 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES, Martin, à cause de la saison où il se montre le plus abondamment sur cette côte. Quant à ses noms anciens, on peut dire qu'on les ignore, car Gillius ne lui a appliqué ceux de faher, de zeus et de chalceuSf que par le motif qu'il l'a entendu appeler yorg^e- ron en Dalmatie, et cela, dit-il, parce que ces peuples trouvent dans son corps tous les outils d'un forgeron. Pline se borne à dire que le faher est le même que le zeus, et que c'est à Cadix que le zeus est le meilleur.* Columelle dit la même chose ^, et il est pro- bable que c'est de lui que Pline a emprunté ce passage. Ovide, dans ses Halieutiques^, donne Siufaber l'épithète de rai^e (^rarus faher) ^ ce qui ne conviendrait guère à notre dorée, et c'est à ces traits que se réduit tout ce qu'on en trouve dans les Latins. Quelques Grecs parlent d'un xaKv.evç, et 1. Pline, 1. IX, c. i8. — Alii aïibi pisces principatum obii- neant .... zeus, idem faber appellatus Gadibus. 2. Colum., 1. VIII, c. i6. Non enim omni mari poiesi omnis esse , ut atlantico fabcr, qui est in nostro Gadium municipio, gene- rosissimis piscibus annumeratur, eumque prisca consueludine zemn appellamus. 3. Ovid., liai., V. iio. Et rarus faher, et pictœ mormjres , et auri Chrysophrys imitata decus CHAP. XXI. ZÉES. 9 comme xuKv.&vs signifie yaZ>er^ on en a conclu à l'identité de l'espèce désignée par ces deux noms ^ mais on n'en sait guère plus sur la signi- fication de l'un que sur celle de l'autre. Athénée dit seulement que le chalceus se trouve sur la côte de Cysique et qu'il est de forme ronde et circulaire*, et Oppien se borne à le ranger parmi les poissons saxatiles^, qui paissent près des roches herbeuses. Son nom romain actuel, cetola, a fait penser à Paul-Jove^ que ce pourrait être le yL-otToç d'Athénée ; mais Athénée ^ n'en dit autre chose, sinon que le kittos était consacré à Bacchus, ainsi Ton n'a pas plus de certitude sur cette dénomination que sur les autres. Ce qui est plus singulier encore , c'est que Ton n'ait pas toujours su partout que c'était un excellent poisson. Apparemment que sa figure rebutait : il est certain, encore aujour- d'hui, qu'il est peu recherché à Paris, et Pen- nant nous assure qu'on n'a appris à connaître sa valeur en Angleterre que par le comédien Qidn, qui n'était pas moins célèbre en qua- lité de ;^3urmand qu'en qualité d'acteur; et j'ai entendu dire à un Anglais, habitant de 1. L. VII, p. 528 et ch. 22. — 2. Opp. , liai., i53. — 3. Vise, rom., c. 27. — 4. Alh., Deipn., 1. VU? p- 025 B, 10 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. Paris et ibrt adonne à la bonne chère, quil s'était prévalu plus dune fois de rignorancc des Parisiens pour faire acheter ce poisson à bon marché. Bélon* raconte aussi qu'à Rome on n'apprit à connaître son bon goût que par les cardinaux français qui y vinrent pour le conclave après la mort de Paul ÏII ; mais cette assertion s'accorde mal avec ce qu'en dit déjà Paul-Jove, qui le compare au turbot^. On en a la même idée en Espagne, selon Gornide^, et Duhamel dit qu'en Janvier, Février et Mars il lui est préférable."^ C'est un poisson de haute mer, qui, ne vivant point en troupes, ne donne point lieu à une pèche expresse : on en prend souvent de gros aux cordes avec les merlans, à la fouane et dans les parcs il ne s'en prend que de plus petits. On s'accorde à lui attribuer, lorsqu'il est pris, une espèce de grognement plus ou moins sem]3lable à celui des trigles. Il ne remonte pas beaucoup vers le nord; la Faune de Suède ni la Zoologie danoise n'en Ibnt mention, non plus qu'aucun des auteurs qui ont traité des poissons de la Baltique. Pennant assure que pendant long-temps on le 1. Aqual., p. i5o. — 2. Fisc, rom., c. 27. — 3. Ensajo , elc, p. 29. — 4. Pèches, 2/ part., 5.' scct. , p. 86. CHAP. XXI. ZÉES. 41 croyait restreint à la côte méridionale de la Grande-Bretagne, et que depuis peu seule- ment on en avait pris un près de l'île d'An- glesea; Low ne le nomme point dans sa Faune des Orcades. Nous voyons par Bloch^ qu'il devient rare dans la mer du Nord, et que néanmoins on en prend jusque vis-à-vis l'em- bouchure de l'Elbe, où les pécheurs de Ham- bourg le nomment roi des harengs, probable- ment parce qu'il parait en même temps. Selon Gronovius^ il est plus abondant sur les côtes de Hollande, et les pécheurs de Kat- wik le nomment sonnens (poisson soleil). Il y en a tout le long des côtes de France et d'Espagne, ainsi que dans toute la Méditer- ranée; mais comme Pallas ne le cite point dans sa Zoographie russe, on peut croire qu'il est au moins rare dans la mer Noire. Nous ne l'avons jamais reçu des Indes, quoiqu'il avance même, dans l'Atlantique, jus- qu'à l'archipel des Canaries , d'où MM. Webb et Berthelot en ont rapporté un très-bel in- dividu sous le même nom de gallo sait Pedro. M. Delalande en a apporté du Cap d'extrê- mement semblables, s'ils ne sont de la même 1. BJocli, 2.'^ part, j p. 2Z. — 2, Groiiov.; Mus. ichlhjol.f I? p. 47- 42 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. es2)èce; nous voyons aussi une (igure qui res- semble beaucoup à notre dorée, dans le re- cueil des poissons imprimé au Japon que nous avons déjà cité plusieurs fois, et M. Tilésius en donne une pareille dans le Voyage de Krusen- stern, pi. LXII. Nous en parlerons séparément. Il y a peu de poissons dans nos mers dont la conformation soit plus singulière que celle de la dorée. Son corps est comprimé; vu de côté, il a un contour ovale, au bout duquel est une queue courte et peu élevée; la tète est comprise dans la partie an- térieure de l'ovale, mais sous forme de rhomboïde, dont le profil fait un côté et la mâchoire infé- rieure un autre. Le troisième s'étend de l'angle de celle mâchoire à celui de l'opercule, et le quatrième, de l'angle de l'opercule à l'occiput : la fente des ouies se trouve ainsi à peu près parallèle au profil, et la bouche lui est presque perpendiculaire. La hauteur de l'ovale, prise au milieu (au-dessus des ventrales), est des trois cinquièmes de sa longueur, sans la queue, qui a le treizième de celle longueur, et sans la caudale, qui en a presque le tiers. L'épaisseur au milieu est environ du cinquième de la hauteur. La longueur de la tête, depuis le bout de la mâchoire inférieure jusqu'à l'angle de l'opercule, fait un peu moins de moitié de la longueur de l'ovale, et sa hau- teur, prise obliquement depuis l'angle de la mâchoire inlérieure jusqu'à l'occiput, est égale à sa longueur. L'œil est placé près de l'occipul et de forme ovales CHAP. XXI. ZÉES. 15 son diamètre liorizonlal, qui est le plus grand, est du quart de la longueur de la tête; en avant de l'œil est un léger tubercule, et sur l'occiput il y a de chaque côté un petit crochet. L'orifice postérieur de la narine est tout près du bord antérieur de l'orbite, fort grand, très-ouvert, et en ovale vertical; l'antérieur est beaucoup plus petit, très- rapproché de l'autre et de forme ronde. La fente de la bouche, quand elle est fermée, descend obliquement, comme le bord inférieur de la mâchoire, et jusqu'au tiers à peu près de sa longueur. Mais cette bouche est extraordinairement protrac- lile, et la longueur des pédicules des intermaxillaires permet au poisson de les avancer au point que la ligne du profil s'alonge de moitié plus que dans l'état de repos : alors la lèvre supérieure est aussi avancée que l'autre; tandis que dans l'état de repos l'inférieure remonte au-devant d'elle. Le maxillaire est plat, légèrement élargi et tronqué en arrière. Sa position, dans l'état de repos, est un peu plus verticale que la fente de la bouche, et il s'approche davantage de l'angle de la mâchoire in- férieure. Le premier sous-orbitaire est alongé et sans dents ni épines; les suivans sont fort étroits, et en général ces os couvrent peu la joue. Le limbe du préopercule forme un arc long et très-ouvert, qui s'étend un peu obliquement en avant, depuis le derrière de l'orbite jusqu'à l'angle de la mâchoire inférieure ; il n'a aucune dentelure ni au- cune épine, mais au-dessous de son extrémité infé- 4 A , LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. rieure il y a deux crochets, à quelque distance l'un au-dessus de l'autre, dont l'inférieur saille même au- dessous de la gorge, et qui appartiennent, le pre- mier, à l'articulaire, le second, à l'angulaire de la mâchoire inférieure. L'opercule est petit, plat, de forme triangulaire; son angle postérieur est aigu sans être épineux; le subopercule est un demi-segment de cercle, et l'interopercule une bande longue et étroite, proportionnée à la longueur de l'arc infé- rieur du préopercule. En avant de l'œil est un léger tubercule, et sur l'occiput de chaque côté, un petit crochet. La fente des ouïes descend jusqu'à l'angle de la mâchoire inférieure; c'est entre ces deux angles que la membrane branchiostège s'unit à l'isthme; mais comme les deux branches de la mâchoire sont très-mobiles l'une sur l'autre, ses angles peuvent s'écarter beaucoup et élargir d'autant la bouche et les orifices des branchies. Une bande étroite de dents en cardes, fines et peu nombreuses, garnit chaque mâchoire. Il y en a aussi un petit groupe de chaque coté du bord antérieur du vomer; mais il n'y en a pas aux palatins, ni sur la langue, qui est étroite, un peu pointue et fort libre. Les arceaux des branchies sont garnis de tu- bercules armés de dents en cardes, ainsi que les pharyngiens, qui sont peu volumineux. La membrane branchiostège, assez étroite, est soutenue par sept rayons arqués, dont les antérieurs sont faibles; derrière la tempe, à la hauteur de l'œil, et au-dessus de l'orifice des ouïes, est une petite crête terminée CHAP. XXI. ZÉES. 1S par une épine, ei qui (cliose singulière) appartient, ainsi que nous le verrons, non pas au surscapu- laire, qui est articulé finement au crâne, mais au scapulaire. L'imméral donne aussi, entre l'angle de l'opercule et la pectorale, une pointe comprimée, tranchante en dessus et en dessous, et qui se dirige obliquement vers le haut. La pectorale est attachée un peu au-dessous de la demi-hauteur du corps, arrondie et de grandeur mé- diocre, salongueur ne faisant guère que le neuvième ou le dixième de la longueur totale. Elle a treize rayons, dont le premier est simple et les autres fort peu rameux. On sent à travers la peau, sous la pecto- rale, la partie inférieure du stylet caracoidien mais il ne se voit pas à nu, comme Bloch l'a représenté. Les ventrales sont attachées à peu près sous les pectorales et plutôt un peu plus en avant; elles les dépassent de beaucoup en arrière, car elles approchent d'être trois fois aussi longues, ce qui fait atteindre leur pointe jusqu'au troisième rayon de l'anale. L'aiguillon n'a que moitié de la longueur de la nageoire. La première dorsale commence à quelque distance der- rière l'occiput, au-dessus de l'angle du préopercule, et elle partage également avec la seconde ce qui reste de la courbe du dos. Elle a dix aiguillons, dont le premier a un peu plus du tiers de la hau- teur du corps; le second et le troisième le surpas- sent un peu; ensuite ils diminuent jusqu'au dixième, qui est extrêmement court. Chacun de ces aiguillons a sa base armée de chaque côté d'une épine courte et pointue. Ils sont enveloppés, comme à l'ordinaire, par la membrane générale de la nageoire; mais cette ] 0 LIVBE IX. SCOMCÉROÏDES. membrane, en approcliant de leur sommet, prend de la consistance et se prolonge en soies aussi lon- gues que les aiguillons eux-mêmes, et soutenues à l'intérieur par des fibres élastiques qui paraissent un prolongement de la substance osseuse de l'aiguillon. Ces enveloppes sont aisément percées par le rayon, et alors, au lieu d'en paraître des prolongemens, elles semblent des lambeaux de la membrane; mais c'est une fausse apparence. La seconde dorsale est contiguë à la première, et néanmoins la membrane est bien écliancrée jusqu'au corps, en sorte qu'en réalité ce sont deux nageoires: elle a vingt- trois rayons articulés; les premiers sont fort bas, et les plus élevés , vers le tiers postérieur , n'ont que le cinquième de la hauteur totale. De chaque côté de la base de cette seconde dor- sale est une rangée de pièces osseuses, alongées, ordinairement au nombre de neuf, quelquefois de huit ou de dix, portant chacune une épine fourchue, ou composée de deux pointes tranchantes et aiguës, dont la supérieure se dirige un peu obliquement en haut et en arrière, et l'inférieure est à peu près hori- zontale et dirigée de côté; la série de ces épines fourchues semble faire suite aux épines simples qui arment la base des aiguillons de la première dorsale. Il y a aussi deux anales, bien que peut-être elles soient moins profondément divisées que les dor- sales; la première n'a que quatre aiguillons, moins alongés de moitié que ceux du dos et sans prolon- gemens soyeux, mais armés de même d'une petite épine de chaque côté de leur base. CHAP. XXI. ZÉES. ^ 7 La seconde anale répond à la dorsale molle par sa grandeur ei par sa position. Elle a vingt-ct-un rayons articulés, et le contour de sa base est aussi protégé par neuf épines fourchues de chaque côté. La portion de queue nue, en arrière de la dorsale et de l'anale, est petite, comprimée, et à peu près carrée; la caudale a son bord un peu arrondi, et l'on n'y compte que treize rayons entiers, la plu- part branchus jusqu'au milieu, et deux ou trois petits au-dessus et au-dessous de sa base. Outre les armures des nageoires, la dorée a la carène de sa poitrine, entre ses ouïes et son ventre, et celle de l'abdomen, de ses ventrales à son anale, garnies de deux rangées d'écussons osseux, relevés chacun d'une arête qui, en arrière, finit en petit crochet; on en compte cinq paires dans la première division et huit dans la seconde. C'est entre la dernière et l'avant -dernière paire que l'anus est percé. La Joue, qui, d'après la longueur du jiréopercule, forme un triangle assez élevé, est la seule partie de la tête qui ait des écailles. Elles ressemblent à celles du corps et sont petites, ovales, à demi plongées dans l'épiderme, couvrent la peau, mais ne s'imbriquent point les unes sur les autres et ne forment point de rangées régulières; à la loupe elles ne montrent que des rides irrégulièrement rayonnantes : il n'y a au- cune écaille sur les nageoires. La ligne latérale a une courbure assez semblable à celle du dos, et toutefois elle s'en rapproche plus en avant, où sa dislance est d'un cinquième de la hauteur, qu'en arrière, où cette lO. 2 18 LIVRE IX. SCOMBF.ROÏDES. distance est double. Elle se marque par une suite d'élevures longues, étroites et simples. On dit que la dorée a reçu ce nom à cause de sa couleur jaune, et Blocli l'enlumine en effet d'un jaune >if : il est possible qu'elle soit ainsi dans certaines sai- sons, ou lorsqu'elle est très-fraîche: mais je ne l'ai vue que d'un gris argenté, teint de brun à la partie supé- rieure et traversé sur sa longueur de quelques bandes jaunâtres, interrompues et mal marquées. Sur chaque ilanc, à peu près au milieu de l'ovale, est une large tache ronde, noirâtre dans son centre, plus noire à ses bords et entourée d'un cercle plus pale que le «ris-jaunàtre du fond, et encore d'un autre cercle noir plus étroit. Cette disposition annulaire, très-pronon- cée dans les jeunes individus, s'efface avec l'âge, et la tache y devient plus uniformément noire et quelque- fois nuageuse. L'abdomen des jeunes garde aussi une teinte plus argentée; les nageoires sont noiiàtres, surtout les ventrales. Les soies de la première dorsale sont marquées chacune d'une hgne blanche qui en suit la longueur. Nous avons vu des dorées de deux pieds de long, et il y en a, dit-on, de dctix pieds et demi. L'examen des viscères nous a fait faire les observations suivantes : L'estomac est un sac assez grand; les parois de l'œsophage sont d'épaisseur médiocre, celles de l'es- tomac sont au contraire fort épaisses et l'intérieur est ridé par un grand nombre de gros plis. CHAP. XXI. ZÉES. il) Assez près du cardia, naît la branche qui va an pylore; les appendices cœcales soni extrêmement nombreuses, mais de longueur médiocre et attachées à l'intestin sur un espace court, en sorte qu'elles forment autour de lui, par leur réunion, un gros bourrelet arrondi. Elles sont pour la plupart four- chues et se réunissent en plusieurs groupes sur un tronc commun pour chacun des groupes, de façon qu'on ne voit au dedans de l'intestin que douze à quinze trous qui servent d'entrée à ces appendices dans le duodénum. L'intestin est de longueur mé- diocre et ne forme que deux replis. Il est large et égal dans toute sa longueur, ses parois n'ont pas beaucoup d'épaisseur. Il se rétrécit un peu vers le rectum, dont l'entrée se distingue par une valvule charnue. La rate est petite, tétraèdre, ovale et sus- pendue à côté de l'estomac. Le foie a deux lobes bien distincts, à peu près d'égale longueur, mais dont le droit est plus étroit et plus pointu, et le gauche plus large et plus obtus. La vésicule du fiel, suspendue entre eux, est ovale et fort grande. Le canal hépato-cistique est assez gros, il se porte vers le diaphragme le long du foie. Le diamètre du canal cholédoque est plus grand que celui du précédent; il se dirige d'abord un peu en avant, puis il se flé- chit et s'ouvre, en avançant vers l'anus, dans le duodénum, au miheu des appendices, assez loin du pylore. L'ouverture du canal cholédoque est très- petite, et on la voit au fond d'un des grands trous qui donnent une entrée commune à un des groupes d'appendices cœcales. 20 LIVRE IX. SCOMBÉP.OÏDES. La vessie aérienne est simple, grande, ovale, plus large clans le haut; sa lunicjue extérieure est très- épaisse, fibreuse, argentée; l'interne est mince. Il y a deux corps glanduleux, en forme de ruban on- doyant, rouge, épais, qui paraît interrompu dans son milieu et quelquefois en deux endroits. La vessie a vers le tiers antérieur deux fortes attaches mus- culaires. Les laitances sont ovales; dans leur élat de va- cuité on voit à rintérieur des replis longitudinaux, plissés eux-mêmes en travers, et dentelés sur leur bord. A la fm de Mai, les ovaires sont placés au tiers postérieur de l'abdomen sous la forme d'un rein de mouton. C'est un grand sac, renfermant une multi- tude infinie de follicules attachés à la face interne de la poche, et remplis d'une innombrable quantité d'œufs jaunâtres, petits comme delà graine de pavot. L'oviducte est commun, et s'ouvre dans le cloaque derrière le rectum. Les reins adhèrent dans toute leur longueur assez fortement à la vessie natatoire. Ils sont gris -noi- râtres, renflés antérieurement en une sorte de lobule réfléchi sur l'extrémité arrondie de la vessie nata- toire; puis les reins se portent en droite ligne le long de l'épine, en se rétrécissant jusqu'au milieu de leur longueur, de manière à n'être plus qu'un ruban mince. Dans toute cette étendue ils sont très- séparés; mais à pariir de ce point, ils sont tellement réunis qu'ils ne paraissent faire qu'un seul corps. Vers la fin de leur longueur, qui ne dépasse pas celle de la vessie natatoire, ils se renflent beaucoup, et leur sur- CHAP. XXI. ZÉES. 2i face est ridée ou chagrinée par un grand nombre de pelils mamelons aplatis. Chaque rein a son uretère, quî est large, court et ridé longitudinalement en dedans. Ils s'ouvrent tous deux l'un auprès de l'autre (leur ou- verture n'étant séparée que par une simple cloison ) dans la vessie urinaire, qui est une espèce de boyau assez long, suivant dans toute sa longueur le bord postérieur des organes de la génération. Elle dé- bouche dans un trou à part et percé en arrière de celui des organes sexuels. Les parties cachées du squelette de la dorée offrent plusieurs particularités intéressantes. La longueur des apophyses montantes de ses inter- maxillaires est proportionnée à la protraclilité de la bouche; elle est presque double de celle du corps de l'os avec lequel cette apophyse fait un angle droit, et dans cet angle il y a encore deux apophyses plates, l'une adhérente à la partie montante, l'autre au corps de l'os, lequel, sur son extrémité externe porte encore une épine aiguë. * Le long ethmoide et une fosse de la partie infé- rieure du frontal donnent l'espace nécessaire au mou- vement d'arrière en avant et d'avant en arrière des intermaxillaires, qui détermine la prolractilitc de toute la bouche. Le crâne est fort petit relativement à la face; l'os scapulaire, en forme d'une petite équerre, s'attache 1. M. Fischer a représenlé assez cxaclemenl Finleiniaxillaire fJe la dorée 7 dans sou Traité sur cet os dans les différens animaux. Leipzig, 1800, in-S.", pi. lilj fig. 12» 22 LIVr.E IX. SCOMBÉROÏDES. d'une manière immobile, par ses deux brandies, aux deux crêtes qui le reçoivent ordinairement et se cache ainsi sous les tégumens du crâne. C'est le sca- pulaire qui se montre sous forme d'épine dans le haut de l'ouverture des ouïes. Je ne trouve au stylet coracoidien qu'une seule pièce, mais très-longue et irès-forle; elle descend jusque tout près des pièces qui soutiennent la carène ^ du ventre et de la pointe postérieure de l'os du bassin de son côté, avec lequel elle ne s'articule cependant pas. Le cubital a bien quatre fois la longueur et deux fois la lar- geur du radial; les quatre os du carpe ont chacun la forme de deux triangles attachés par leurs som- mets, en sorte qu'ils ont l'air d'être au nombre de huit et de former deux rangées. Les os du bassin, placés verticalement à côté l'un de l'autre, ont une partie antérieure plate, en forme de long triangle, dont la pointe monte pour s'attacher à la symphyse des huméraux, et une partie inférieure et postérieure dirigée en arrière et en forme d'épine. Sous la pre- mière partie s'attachent les ventrales, sous la seconde, les premiers écussons de la double carène du ventre. L'épine a trente -deux vertèbres, du double plus hautes que longues, un peu comprimées, creusées de chaque côté de trois fossettes; leurs apophyses épineuses varient en grandeur et en direction pour se conformer à la courbure du dos; le nombre des 1. M. Geoffroy a décrit le coracoïdlen de la dorée, Ann. du Mus., IX, 4^5; mais dans sa fig. , ihid., pi. 29, il en fait venir l'extrémilc inférieure trop en avant et jusqu'auprès de la base de la ventrale, ce qui n'est point exact. CHAP. XXI. ZÉES. 25 irileiépineux supérieurs est aussi de irenie-deux , et ils se distribuent fort inégalement entre les apophyses épineuses. Il y a quatorze vertèbres abdominales» c'est à la quinzième qu'adhère le premier et très- grand interépineux qui termine l'abdomen en arrière; il porte le premier aiguillon de l'anale, auquel se soudent les interépineux des trois autres. Les inter- épineux de la seconde anale sont distribués plus ré- gulièrement que ceux de la seconde dorsale; il y en a toujours deux dans rinlervalle d'une apophyse épineuse descendante à l'autre. Un petit filet transversal, qui adhère à la crêle postérieure de l'occiput, représente peut-être la pièce manquante du stylet; mais de côtes proprement dites, je n'en vois qu'à compter de la quatrième vertèbre; elles sont grêles, courtes et bien éloignées de des- cendre jusqu'à la carène ventrale. Les anneaux formés par les apophyses transverses commencent à la neu- vième vertèbre et continuent jusqu'à la dernière de celles de l'abdomen. C'est à ces anneaux que tiennent les cinq dernières paires de cotes. ^ La Dorée du cap de Bonne-Espérance. {Zeus capensis , nob.) Feu M. Delalande a rapporté du Cap une dorëe de la plus grande ressemblance avec L 11 y a une assez bonne fîgiue du scjiicletle de la dorée à la treizième des planches ichthjolomiques de M. Rosenlhal ; mais on ne sait pourquoi l'os liuméraly est écarté du corps de l'hyoïde^ La partie de l'avaul-bras n'est piis non plus assez délaillce. 24 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. notre doroe commune, et dont le principal caractère consiste seulement en ce que les boucliers épineux, qui garantissent les côtés de la portion molle de la dorsale et de l'anale, sont plus petits, plus nombreux (il y en a onze), et surtout que leurs épines ne sont pas four- chues, mais simples, petites et inclinées en arrière. On peut remarquer aussi que les boucliers qui forment sous le ventre une double carène, ne sont pas armés de pointes, mais que leurs arêtes sont obtuses. D. 10— 22; A. 4 — 22; C. 13; P. 15; A. 1/5. L'individu est long de deux pieds. La Dorée du Japon. {Zeus japonicus t nob.) Nous avons dit que notre Recueil de pois- sons, imprimé au Japon, offre une figure reconnaissable, quoique peu soignée, d'une dorée fort semblable à celle de nos mers. Son existence dans l'océan Oriental vient d'être confirmée par M. Tilesius, qui donne une meilleure figure de ce poisson dans le voyage de Krusenstern (pi. LXI, fig. i), sous le nom de dorée ou poisson à miroir du Japon. Ne pouvant en juger que d'après cette figure, c'est à peine si j'oserais aflirmer qtie CHAP. XXI. ZÉES. 25 l'espèce soit différente de notre dorée com- mune, de celle que nous avons décrite la première. Les contours et les principaux détails en sont les mêmes. On l'a enluminée en partie de teintes grises, en partie de teintes bleuâtres, mais sur un fond jau- nâtre. La tache est bleu foncé, entourée d'un cercle jaune; les nageoires paraissent bleuâtres, mais ce ne sont pas là des caractères spécifiques. Ce qui en don- nerait davantage , si l'on pouvait entièrement se fier à l'attention du dessinateur, c'est que la seconde dorsale n'a que dix -huit rayons et sept épines fourchues à ses côtés, et que la seconde anale a dix-huit rayons et dix épines, en avant desquelles il y en a encore trois aux côtés de la première anale; mais je crains que ce ne soient les produits de l'inadvertance du dessinateur. C'est toujours une chose remarquable que la présence d'une espèce, sinon identique avec la nôtre, du moins étonnamment semblable, dans une mer si éloignée. D'une SECONDE espèce de Dorée de la Méditerranée. {Zeus pungioj nob.) La description de la dorée commune, qu'on vient de lire, est faite d'après un nombre assez 26 OVFxE IX. SCOMBÉROÏDES. coQsidc'rablc d'iiidividus dYige et de sexe dif- feiens, achetés au marche de Paris ou envoyés de Dieppe, de Caen, de Brest, de la Rochelle, de Toulon, d'Iviça, de Nice et même de Naplcs, qui tous s'accordent ensemble et avec les ligures de Salviani (75), d'Aldrovande (1 12), de Willughby (S. 16), de Duhamel (sect. V, ])1. 1)^, de Pennant (n.° 100) et de Bloch (pl.XLI), en sorte que les caractères de l'espèce de la dorée commune nous semblent être bien lixés: mais nous en avons reçu de la Méditer- ranée d'autres individus, qu'il nous paraît impossible de ne pas regarder comme d'une espèce différente. Les formes de la tête et du corps y sont les mêmes; mais les aiguillons de la première dorsale y sont beaucoup plus gros; les épines fourchues des côtés de la seconde n'y sont qu'au nombre de cinq ou de six; les pièces osseuses qui portent la deuxième, la troisième et même la quatrième, sont de gros écus- sons ovales et bombés, bien autrement forts que dans la dorée commune; enfin, et ce qui est le plus remarquable, l'os scapulaire, au lieu d'être plat et terminé en une petite épine, comme dans l'es- pèce ordinaire, forme un gros aiguillon rond, très- 1. (îelles de Salviani tl de Duhamel reprcseiileiil cqicndaul les deux dorsales connue réunies; mais c'est évidemment une inadvcr lance. CHAP. XXI. ZÉES. 27 pointu à son extrémité, et portant à sa base une autre épine dirigée horizontalement vers le côté, aplatie, tranchante et aiguë comme un poignard. La pointe que l'os humerai donne au-dessus de la pectorale , est aussi plus forte et plus acérée que dans la plupart des sujets de l'espèce commune. Les nombres sont les mêmes ou à peu près. D. 10 _ 24; A. 4 — 22; C. 13, etc. Ces caractères ne tiennent point au sexe, car l'in- dividu dont nous les avons tirés est une femelle, que nous avons comparée à des femelles de l'espèce ordinaire de la même taille. Nous nous sommes assurés en outre que les mâles de l'espèce com- mune ne sont pas plus fortement armés que les femelles. Ce poisson a été rapporté des eaux de la Corse par INI. Peraudeau. Sa longueur est de dix-sept pouces; sa teinte paraît d'un brun noirâtre et l'on n'y voit point de tache, mais c'est peut-être une altération due à son séjour dans la liqueur, bien qu'elle ne soit pas effacée dans la dorée commune, conservée depuis long-temps dans l'eau-de-vie. Nous avons d'autres individus de la Méditerranée qui lui ressemblent pour la grosseur et le petit nombre des écussons aux côtés de la deuxième dor- sale, mais non par l'épine du scapulaire. La splanchnologie de cette dorée à épaule armée, diffère très-peu de celle de la commune. Nous lui avons trouvé le foie de même forme, mais plus mince; la vésicule du fiel plus peiiie et le canal hépato-cystique plus courl. Il débouche de 28 LlVr.E tX. SCOMBÉROÏDES. même entre les appendices cœcales, qui sont plus grêles et encore plus nombreuses. L'estomac est un peu plus petit j ses parois, quoique très-charnues, sont plus minces. C'est manifestement un individu semblable que Rondelet a représenté, p. 328. Sa figure exprime parfaitement la grosseur des rayons de la première dorsale, l'épaisseur et le petit nombre des écussons aux côtés de la seconde, la longueur et la force de l'épine scapulaire, ainsi que la lame divergente dont sa base est armée; enfin, la pointe aiguë de l'huméral. La tache se voyant dans cette figure, on doit croire que cette espèce l'a comme l'autre. Comment se fait-il maintenant qu'un pois- son si remarquable ait été confondu avec la dorée ordinaire, ou si (contre toute attente) ce n'en était qu'une variété, comment les ob- servateurs ont-ils tous négligé de nous instruire des causes qui l'amènent? CHAP. XXT. CAPROS. 29 DES CAPROS. Le genre des capros, établi par Lacépcde, a quelques caractères communs avec les zées, et surtout la profonde division de la nageoire du dos. Mais ils manquent d'aiguillons le long de la dorsale et de l'anale. Leur bouche est plus protractile que celle de la dorée , et elle l'est à la manière des equula ou des gerres. Tout le corps est couvert d'écaillés dures et âpres. Leurs dents sont fort petites. On n'en connaît qu'une seule espèce peu abondante, quoique répandue dans toute la Méditerranée. Il paraîtrait qu'elle en sort, mais bien rarement; car nous n'avons eu connais- sance de sa présence dans nos eaux de l'Océan, qu'au mois d'Octobre de l'année i833. Le docteur Henri Boase a communiqué à la so- ciété zoologique de Londres le dessin d'un poisson, pris dans le Mount's-Bay, sur la cote de Cornouailles, qui a été reconnu par les ichtbyologlstes de cette savante société pour le capros \ La description jointe à ce dessin, convient en tous points au capros, et justifie pleinement la détermination. 1. Procledings of zoo], soc., i855, p. 44- 30 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. Cette espèce notait pas encore mentionnée sur aucun catalogue des poissons d'Angleterre, à moins que ce ne soit celui que M. Coucli a cru devoir rapporter au pa^rus totiis ar- méniens de Sloane'. Nous avons bien déter- miné l'espèce du poisson figuré h la Jamaïque par Sloane; mais la ressemblance avec le ca- pros, surtout quant à la protractilité du mu- seau, est assez grande pour qu'on puisse s'y méprendre. L'opinion des naturalistes de la société zoologique de Londres peut acquérir de la consistance depuis l'observation de M. H. Boase. A l'époque où nous avons publié notre travail sur les gerres, nous n'avons pu nous en rapporter qu'à la citation de M. Coucb , aussi nous avons cité ses observations à la suite de nos premières espèces de ce genre.' Le Sanglier. {Zeiis aper, Linn.; Capros aper, Lacép.) Ce poisson, qui se rapproche le plus des dorées, est une petite espèce que Rondelet a décrite et passablement représentée sous les noms anciens de k^tt^os-, enïaper, c'est-à-dire 1. Jani., tab. 255, fig. i. — '2. Hisl. nalur. des poissons, t. VI. [). 46 1. CHAP. XXI. CAPROS. 31 (le sanglier, qu'il croit devoir lui convenir, à cause de la forme de son museau, et parce qu'elle a la peau rude, ce qu'Athénëe, d'après Aristote, attribue aussi au sanglier ^ D'un autre côté, le sanglier, dans le même Athé- née , est vanté comme un excellent mets par Arcliestrate , le grand connaisseur en ce genre", et Aristote le compte parmi les poissons de rivière et parmi ceux qui lont entendre une sorte de grognement^, deux traits qui con- viennent bien peu au poisson dont nous par- lons; aussi Aldrovande lejette-t-il cette appli- cation du nom de kccti^oç, et l'on peut dire que la nomenclature ancienne du poisson dont il s'agit, comme celle de tant d'autres, est encore fort douteuse. Willugliby a décrit cette espèce avec beau- coup plus de soin que Rondelet, et a donné quelques détails sur son anatomie, et c'est d'après ces deux icbthyologistes qu'Artédi l'a placée parmi ses zens, et que Linné l'a nommée zeus aper. Mais tous les observateurs n'ont j^as su le reconnaître dans les phrases caractéristiques de ces deux naturalistes suédois, etEriinnich entre autres, l'ayant retrouvé à Marseille, l'a 1. Alli. yil, p. m. 5o5. — 2. Ibid. — 3. Hisl. an. , 1. IV, c. g. 52 LIVRE IX. SCOMRÉROÏDES. pris pour nouveau et Fa clc'crit sous le nom de perça pusilla, le plaçant ainsi clans un genre qui lui convient bien peu. Aussi la des- cription de Briinnich a-t-elle été à son tour mal comprise, et Gmelin, Bloch, Lacepède et Shaw n'ont-ils pas manqué de placer dans leurs catalogues un perça pusilla, tout en y conservant un zeus aper, ce qui a fait un double emploi de plus dans des listes qui en avaient déjà tant. ^ M. De Laroche lui-même, n'avait pas été 1. Voici la descriplion de Briiniiicli (Fisc massil., p. G2): PERÇA FUSILLA : B. 6; D. 9/9 — 23; P. 14j V. 1/6; A. 3/24; C. 14.=;- PerCA pinnis dorsalibus distinctis , cor fore ovato , compressa, scabro : Massiliensibus DesCR. Corpus ovaium, compressum , totum aculeis minuiissimis subtilissimîsque , squamarum instar, iegiiur; hinc corpus retrorsum leviler scahruvi. Aculei in capite validiores , digitis iamen potius quam oculis obserçandi , prœcipue in front e et sub maxilla inferiore. Blaxilla injerior ultra superiorem paulo proeminens , subtus valde scabra , operculum anterius margine serratum; pinna dorsalis ante- rior major spinis noi'em constans; hanim prima soluta cum reli- quis non cohœret; minuta pinnarum ventralium spina valida, mar- gine antico serrato. Caudalis .... (zVz lostro specimine lacera^. Color corporis rubenti-argenteus , pinnarum pallidus ; iris oculorum albus ; magnitudo sesqui pollicis. Nota. Piscis hic novus in piscatorio semel milii fuit ohvius. Corpori quoniam aspero adhœret mucus marinus villosus , a quo difficile libérât ur. * 11 faut toujours se souvenir que la manière linnôenne de noter les rayons n'est pas la luènic que la nôtre. CHAP. XXI. CAPROS. 33 plus heureux que les méthodistes dont il con- sultait les ouvrages, en croyant reconnaître dans leur perça pusilla l'apogon de la Médi- terranée. M. Guvier faisait déjà remarquer dans son mémoire sur les poissons peu connus de cette mer^, que la détermination de M. De Laroche relativement à ç,q perça pusilla n'était pas fondée, et qu'il ne pouvait être l'apogonj mais alors nous ne connaissions pas encore le poisson de Briinnich: M. Valenciennes l'ayant reconnu depuis, nous avons rectifié cette syno- nymie dans notre histoire des apogons. Ce poisson ne paraît avoir reçu de noms vulgaires que dans un petit nombre de lieux, parce qu'il est rare et que sa petitesse a em- pêché de le remarquer. Briinnich n'en a vu qu'un individu à Marseille^; Rondelet le dit admodiun rarus^ ; Willughby rapporte qu'il vit dans les profondeurs et que les pêcheurs ne le prennent que lorsque la mer est agitée par des tempêtes; c'est lui qui nous apprend qu'à Rome on l'appelle strivale et à Gênes riondo^. M. Rafinesque dit qu'en Sicile il s'appelle pesce tariolo^. Selon M. de Lacé- pède, on le nommerait aussi à Gênes lucerna 1. Cuvier, Mém. du Mus., t. I, p. 258. — 2. Brûnn., Fisc, mass. f 63. — 3. Rond., p. i6i. — 4, Willughby, 296. — 5. Rafinesque, Indice, p. i5. 10. 3 54 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. Gipesce pa^otto^ y mais j'ignore d'après quelle autorité il le dit. Je ne sais non plus sur quel témoignage il avance que sa chair est dure et répand quelquefois une mauvaise odeur, et je crains même qu'il n'ait appliqué au sanglier, KccTT^oç, ce qu'Athénée dit du capriscus. Néan- moins son assertion à cet égard est répétée et même renforcée par M. Risso, selon lequel la chair de notre poisson a peu de goût et répand continuellement Mwe mauvaise odeur.* Ni Rondelet ni Willughby n'avaient fait men- tion de cette particularité. Je ne compte point dans les noms vulgaires celui de verrat , que lui donne M. Risso, ni celui de capro arizzato, mentionné par M. Ra- finesque ; ce sont trop évidemment des noms faits récemment d'après celui (^aper. Le corps du sanglier est comprimé et son con- tour vertical est un ovale prolongé en pointe, en avant, par le museau, en arrière, par la queue. Sa hau- teur est un peu plus de deux fois dans sa longueur totale, et son épaisseur est environ du quart de sa hauteur; la tête, lorsque la bouche est dans l'état de retrait, fait le tiers de cette longueur. Elle diffère de la tête de la dorée, en ce que son chanfrein est concave, que sa mâchoire inférieure remonte un peu moins et que son préopercule n'est pas à beau- 1. Lacép., IV, 591. — '2. Risso, Ichthyol. de Nice, p. 3o6. CHAP. XXI. CAPROS. ÙÙ coup près si long; son œil est aussi beaucoup plus grand et a le tiers de la longueur de la tête en dia- mètre. La bouche ainsi retirée est petite, un peu dirigée vers le liaut, et sa mâchoire inférieure monte en avant de l'autre; mais elle peut se projeter en avant encore plus que dans la dorée et de manière à doubler la longueur de la tête, ce qui tient à l'ex- trême longueur des pédicules montans des inter- maxillaires ; alors la mâchoire supérieure est le plus avancée. Quoi qu'en aient dit la plupart des auteurs, il y a à l'une et à l'autre une bande étroite de dents en fines cardes, et le vomer en porte quelques-unes de semblables à son extrémité antérieure, en sorte que l'on a eu grand tort de faire de l'absence des dents un caractère générique pour ce poisson. La langue est lisse, étroite et fort libre comme dans la dorée; les pharyngiens et les tubérosités des arcs bran- chiaux sont garnis de dents en velours. Les narines ont, comme dans la dorée, un grand orifice ovale voisin de l'oeil, et un très-petit au bord antérieur de celui-ci. Le premier sous-orbitaire est triangulaire et a trois festons à son bord inférieur; les suivans sont étroits; le préopercule n'est pas oblique comme dans la dorée, mais rectangulaire; son bord mon- tant est finement dentelé. L'opercule est deux fois plus haut que long et a son angle obtus; le sub- opercule et l'interopercule sont petits et cachés sous les autres pièces. Toute la tète est très-âpre, et l'on observe en outre sur le crâne une ligne enfoncée, descendant longitudinalement de chaque côté, et sur le vertex une partie triangulaire , striée longitudina- 36 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. lement, qui de son milieu envoie une ligne en- foncée à chaque tempe; le bord inférieur de la man- dibule a des arêtes finement dentelées, et son angle fait une légère saillie, mais qui ne peut être regardée comme une épine. La membrane brancliiostège embrasse la pointe de l'isthme, par sa réunion avec celle de l'autre côté. Elle est garnie d'écaillés âpres dans toute sa partie découverte, je n'ai pu y compter que cinq rayons. Il n'y a pas d'épines aux os de l'épaule; l'huméral a sa partie supérieure un peu striée. La nuque est comprimée et suit une ligne convexe depuis la con- cavité du chanfrein jusqu'à la dorsale, qui ne com- mence que vis-à-vis la base des pectorales. Cette dor- sale est si profondément échancrée que l'on peut dire qu'il y en a deux avec au moins autant de justesse que pour les sciènes. Sa première partie a neuf aiguil- lons forts et âpres; le premier est très-court, le second n'a que la moitié ou même que le tiers de la longueur du troisième, qui est le plus long et qui égale la moitié de la hauteur du corps; il diminue ensuite jusqu'au neuvième, qui n'a que le tiers de la longueur du troisième : quelques individus en ont dix. La seconde partie de la dorsale est aussi longue que la première; mais moins haute, et a vingt-trois rayons mous presque égaux. L'anale répond à peu près à la seconde partie de la dorsale, qu'elle de- vance seulement un peu; sa hauteur est la même; elle a trois aiguillons et vingt-trois rayons mous. La portion de queue derrière ces nageoires est huit fois et demie dans la longueur totale ; la caudale y CHAP. XXI. CAPROS. 37 est cinq fois et demie j elle est coupée carrément et a treize rayons entiers. La pectorale a un peu moins du cinquième de la longueur totale et est un peu ponctuée; ses rayons sont au nombre de quatorze. La ventrale est un peu plus longue que la pectorale; son plus grand rayon est l'épineux, qui est en même temps très-fort et très-âpre. B. 5; D. 9/23; A. 3/23; G. 13; P. 14; V. 1/5. Tout le corps et la joue de ce poisson sont couverts de petites écailles, qui le rendent partout très-rude au toucher : en les examinant à la loupe , on voit que leur partie cachée est ronde, sans échancrure ni dentelure , marquée de stries concentriques très -fin es et très- nombreuses, et que leur partie découverte est héris- sée de soies raides et pointues sur deux ou trois ran- gées, et même dans celles du ventre sur plusieurs rangs. Ce sont toutes ces soies réunies qui forment la villosité ou plutôt la scabrosité de toute la surface; jointes à la forme du museau, quand il se projette en avant, elles donnent à ce poisson un double titre au nom A^aper ou de sanglier. Il n'y a point d'écaillés sur les nageoires. La ligne latérale se voit difficile- ment au milieu de ces scabrosités, mais avec de l'attention on reconnaît qu'elle fait une courbe plus convexe vers le dos que le dos lui-même, et après être descendue vis-à-vis la fin de la deuxième dorsale, elle suit droit le milieu de la queue. La couleur générale de ce poisson est un brun rougeâtre plus ou moins intense. L'espèce reste petite; notre plus grand in- dividu est long de six pouces, mais ceux de 58 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. cette taille sont rares; ordinairement ils n'ont que trois ou quatre pouces. Le foie est placé tout enlier dans rhypocondre droit; sa forme est carrée, et par sa face interne il s'appuie sur l'estomac, qu'il recouvre en entier. L'œso- phage est assez large, et se dilate en un sac à parois minces et presque membraneuses dont la figure est exactement celle d'une cornemuse; c'est l'estomac, qui est situé verticalement dans l'abdomen. A sa partie postérieure et inférieure du côté gauche s'ouvre le pylore ; il est muni de deux appendices cœcales très- courtes. Le duodénum remonte vers le diaphragme, et le reste de l'intestin s'enroule deux fois sur lui- même dans le même hypochondre, après s'élre un peu dilaté dans la portion qui correspond au rectum. La rate est petite , trièdre et cachée entre le foie et la partie antérieure de l'estomac. La vessie aérienne est grande, adhérente au dos dans toute la longueur de l'abdomen; ses parois sont minces et brillantes. Nous avons trouvé des salicoques et d'autres petits crustacés dans son estomac. Le squelette du sanglier ressemble à celui de la dorée par les os caracoidiens alongés qui vont re- joindre les épines que les os du bassin envoient en arrière; mais je ne lui trouve que vingt -deux ou \ingt-trois vertèbres. Ses côtes sont courtes et grêles; son crâne osseux est ouvert en arrière de deux larges trous de <^haque côté. CHAP. XXII. LAMPRIS. 39 CHAPITRE XXII. Des Lampris , des Equula et du Mené. Les Zëes dont il va être traité clans ce chapitre, forment la seconde section de la cinquième tribu des scombëroides. Ils n'ont qu'une seule dorsale. Le premier genre de ce groupe est établi sur un poisson de nos côtes; mais elles ne nourrissent aucune espèce des deux autres genres, qui sont tous deux propres aux mers des Indes orientales. DES LAMPRIS, et en particulier du Lampris tacheté ou Chrysotose, nommé aussi Poisson lune. {Lampris giittatus , Retzius.) C'est une chose bien singulière qu'un pois- son aussi beau et aussi grand que celui dont nous faisons l'histoire, et qui n'est pas même très- rare dans nos mers, ait été décrit si tard, et surtout que les différens auteurs qui 40 LIVRE IX. SCOMliÉROÏDES. l'ont décrit, aient eu si peu de connaissances de leurs travaux respectifs. Cest du Nord qu'il paraît se rendre dans nos parages; du moins on l'a observé plus souvent dans le Nord que sur nos côtes, et ce n'est que depuis très-peu de temps que l'on a appris qu'il pénètre dans la Méditer- ranée. La première figure que l'on en ait est de 1684? dans le Scotia iïlustrata de Sibbald (pi. 6, fig. 3). Il y est représenté trop alongé et aucune description n'accompagne cette image incorrecte. On en prit un en lySo dans le voisinage de Leyth (le port d'Edimbourg), qui fut décrit dans les Transactions philosophiques, par le docteur Mortimer '; il y j oignit une figure qui a été souvent copiée^. Un prince nègre qui était alors en Angleterre, prétendit en reconnaître l'espèce , et dit que dans son pa3^s (à Auamaboo) elle s'appelait Opah, et que les Anglais, habi- tans de la côte, la nommaient king-Jish (poisson royal). C'est à ce nègre que l'espèce doit ces deux noms, et sur son autorité qu'on 1. Dans le n." 49^- 2. Par Bonna terre, pi. de l'Encjcl. méthod., ichthjol. ,XXXJX, fig. i55, sous le nom de zeus reglus; par Sliaw, JSatur. miscell. , IV, \!\Of sous celui de zeus imperialis , et dans sa Zoologie gén., IV, 2.* part., pi. 42, sous celui à'opak-dory. CHAP. XXII. LAMPRIS. 4'I les lui a conservés jusqu'à ces jours; mais nous avons tout lieu de croire qu'il avait été trompé par la ressemblance de ce poisson avec quel- que autre de la zone torride. Ce qui est certain, c'est que personne na rapporté ce lampris des parties chaudes de l'Atlantique. En Septembre 1767 on en trouva un sur le sable près de Blyth (côte de Nortli- umberland). Sa description, par Robert Har- rison, imprimée dans le Magasin de Londres d'Octobre de la même année, a été reproduite par Pennant dans sa Zoologie britannique. ' La même année il y en eut un de pris dans la baie de Filey, non loin de Scarborougli, sur la côte du comté d'York^; en 1772, on en prit un , et un des plus grands que l'on ait vus, dans la Manche, à Torbay, sur la côte méridionale du Devonshire^. En 1777, Du- hamel en cite un qui avait été pris à Dieppe, et y joint la figure d'un individu qui se trou- vait au cabinet du Roi ; il l'appelle poisson lune, d'après son correspondant de Dieppe. C'est sur son article que Gmelin, en 1788, a établi 1. Première édition, t. III, p. 201 ; dans l'édition de 1776, on a mis l'année 1769 au lieu de 1767. Cette faute a été copiée par Shaw, Gen. Zool. , t. IV, 2.* part., p. 289. 2. Pennant , Zool. brit. , p. 201 3. Penn. , Zool. brit. , édit. de 1776, p. 195. A2 LIVRE IX. SCOMRÈROÏDES. son espèce du zeus liina, sans se souvenir de ce qu'en avait dit Pennant. ^ Bonnaterre, d'un autre côte, sur l'article de Pennant, établissait aussi en 1788 son zeus retins ^ sans songer à ce qu'en avait dit Du- hamel. Enfin, par un hasard singulier, et tou- jours cette même année 1788, Brùnnich le faisait paraître dans les Mémoires de Copen- hague ^ sous le nom de zeus guttatus^ d'après un individu pris auprès d'Elseneur. Il en donna une description^ beaucoup plus détaillée qu'aucune des précédentes et accompagnée d'une très-bonne figure. Mais dès 1762, l'es- pèce avait été vue et décrite en Norwége. Strœm la représente cette année dans le pre- mier volume de son ouvrage sur le bailliage de Sœudmer^ et l'y nomme sôh-plettet-Guld- fisch (poisson doré à taches argentées)! Millier, ayant trouvé quelques rapports entre ce pois- son de Strœm et le zeus vomer^ c'est sur cette seule indication que l'on a cru pouvoir dire que le vomer habite à la fois les côtes du Brésil et celles de la Norw^ége. 1. Linn. Gmel., p. 1226. 2. Nouvelle collection des écrits de la société des sciences da- noise, 1. 111, p. 588, Copenlï. 1788, in-4.° 3. Ibid. , p. ^00. — 4. Strœm , Sœndrnei , t. I, p. 553, tab. i , fig. uo. CHAP. XXII. LAMPRIS. 45 En 1768, Gunner décrivit et représenta de nouveau le lampris dans les Mémoires de Drontlieim^; mais il le prend pour le scomher pela^icus, et sa figure, quoique très-reconnais- sable, a été négligée. Elle n'est citée que par Schneider dans le Système posthume de Bloch^ parmi les scombres mal connus, sous le nom de scomber Gunneri. Il l'appelle laxe-storjen, qui d'après la signification n'est peut-être pas un nom vulgaire. C'est encore sur un individu de la mer du Nord, pris à Helsingborg, que Retzius a fait de ce poisson , dans les Mémoires de Stock- holm de 1799^ un genre particulier qu'il a nommé lampris. Plus tard, deux autres indi- vidus de la même mer ont servi de sujets pour la description et la figure que M. Hol- ten en a données en 1802, dans les Mémoires de la société d'histoire naturelle de Copen- hague** et en 1806, dans la 4-^ partie de la Zoologie danoise, pi. 144? dans le premier de ces articles il le nomme zeus guttatus comme Brûnnich, dans le second il l'appelle lampris comme Retzius. M. de Lacépède en a fait aussi un genre 1. Tome IV, p. 92, pi. 12, fig. 1. — 2. Pag. 58, ouces. CHAP. XXII. EQUULA. 85 11 y a des equula cVime forme plus oblongue que les espèces dont nous avons parlé jus- qu'ici, l'equula de Bloch excepté. L'Equula chercheur. {Eqmda herhîs , nob.; Scomber equula, Var. Forsk.) Forskal parle d'une variété de son scomber equula, nommée à Djidda nielliet et à Lohaja herbîs, qui a le corps alongé ou de forme lancéolée, à peine long d'un doigt, les lobes de la queue aigus, la ligne latérale finissant sous la dorsale, et dont toutes les nageoires sont bordées d( jaune. Il lui donne pour nombres : B. 4; D. 8/16; A. 3/15; C. 16; P. 16; V. 1/5. Cette description suffit pour prouver qu'il ne s'agit point là d'une variété. L'Equula alongé. {Equula oblonga, nob.) Nous avons un poisson de ce genre rap- porté de Timor par MM. Quoy et Gaimard , qui répond pour la forme à celui de Forskal, et que nous serions tentés de regarder comme de la même espèce, s'il n'avait des taches dont le naturaliste danois ne parle pas. 86 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. Sa hauieur est trois fois et demie dans sa longueur totale; sa tête (la bouche fermée) y est quatre fois. La courbe de son front et celle de sa nuque se continuent uniformément avec celle du dos et sans faire VS, comme dans la plupart des précédens. Le second rayon de la dorsale est de force médiocre, et sa hauteur ne surpasse pas la moitié de celle du corps sous lui; celui de l'anale est un peu plus fort, mais un peu moins long. D. 8/nj A. 3/14, etc. Sa ligne latérale s'efface sur les côtés de la queue et il y manque ces écailles élargies des espèces pré- cédentes. Tout le corps est argenté, légèrement teint de brunâtre ou de violâtre vers le dos. La moitié supérieure de chaque côté est semée de taches rondes ou ovales, inégales et irrégulières, noirâtres; les nageoires paraissent d'un gris jaunâtre. Notre individu n'est long que de deux pouces et demi. Plus récemment, M. Bélan- ger nous en a apporté des individus de même taille, péchés sur la côte de Malabar. Z'Equula bariolé. EquuLa Uneolata. Une espèce fort semblable pour la forme et pour la ligne latérale, a été prise à Java par MM. Quoy et Gaimard, et à Antjer, dans le détroit de la Sonde, par M. Raynaud. CHAP. XXII. EQUULÂ. 87 Ses épines dorsales sont bien plus grêles, et la deuxième plus longue que dans l'espèce précédente; le rayon de celle-ci a plus de moitié de la hauteur du corps. Tout son corps est argenté, teint de bleuâtre vers le dos; une bande longitudinale d'un argenté bril- lant et pur sépare le bleu de l'argenté du ventre, et sur ce bleu sont beaucoup de petites lignes et taches verticales d'un vert noirâtre. Les nageoires sont blanches; il y a du noir dans l'aisselle de la pectorale. Nos individus sont longs de trois pouces. jL'Equula a petite tète. {Equula parviceps , nob.) Cest aussi une espèce oblongue , mais d une apparence particulière par sa tête plus petite que celle des autres, excepté tout au plus le dacer : elle n'a que le cinquième de la longueur du corps et moitié de sa hauteur, qui elle-même est le tiers de la longueur totale. Les lignes de son front et de sa gorge sont presque droites, et au total, en faisant abstraction des nageoires, ce petit poisson a presque l'air d'une liche. Ses dents sont peu sensibles et ses épines surcilières peu apparentes; son second rayon dorsal n'a guère que le tiers de la hauteur du corps, et celui de l'anale est encore un peu moindre. D. 8/15; A. 3/14, elc. Ce poisson est argenté, légèrement teint de vio- 88 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. lâlre sur le dos, sans reflets, et ses nageoires parais- sent jaunâtres. Nos individus ont quatre pouces et demi. C'est M. Julien Desjardins qui nous les a en- voyés de risle-de-France. Nous avons encore deux espèces d'equula qui ont cette forme plus oblongue, le front plus court, la ligne latérale efl'acée vers le bout de la queue, et qui pourraient, la première surtout, qui est dune couleur uniforme, être regardées comme le nielliet ou herhîs de Forskal, si elles n'avaient pas l'une et l'autre des dents longues et aiguës, caractère très-distinctif et dont il serait bien difficile que le savant élève de Linné n'eût pas parlé, s'il s'était trouvé dans sonpoisson. Toutes les deux nous ont été envoyées de Pondicliéry par M. Leschenault sous le nom commun de sourou-pinan-karé, ce qui prouve que les pécheurs du pays les confondent, et peut-être ne sont-elles en effet que des variétés. Z'Equula nain. {Equula mmuta, nob.; Scomher minutus , Bl.; Sourou-pinan-karéy à Pondicliérj) Lesch., Mss.) La première nous parait, à n'en pas douter, la même que le scomber mimUiis de Bloch, CHAP. XXII. EQUULA. 89 pi. 4^9? fig- 2, qui lui avait été envoyé de Tranquebar par John sous le nom de Pititchei. Outre ce que nous venons de dire de ses formes, on lui observe à chaque mâclioire sept ou huit dents de chaque côté, longues, crochues et poin- tues; les deux antérieures d'en haut sont les plus alongées; à la mâchoire inférieure, au contraire, les antérieures sont les plus petites, et elles laissent même entre elles un intervalle vide où les supé- rieures rentrent quand la bouche se ferme : la ligne latérale est peu marquée et disparaît insensiblement. La force dans les épines est médiocre. D. 9/15; A. 3/14; C. 17; P. 18; V. 1/5. Tout ce poisson est argenté, légèrement teint de violâtre ou de brun verdâtre sur le dos. Il y a un peu de noir à la partie épineuse de sa dorsale, et un trait noirâtre dans l'aisselle de sa pectorale; une tache noirâtre occupe en dedans de la bouche le devant de la mâchoire inférieure, et une autre l'ar- rière du palais vers la gorge. M. Leschenault nous apprend que sa taille va a cinq pouces et qu'il abonde pendant toute Tannée dans la rade de Pondicliéry. On le mange. Blocli dit de son scomher niinutus que sa chair est grasse et de fort bon goût, qu'on en prend également dans la mer et aux embou- chures des rivières, et qu'il se trouve quel- quefois en très-grande quantité. Sa figure ne f)0 LIVRE IX. SCOAIBÉROÏDES. marque pas les dentelures du dos et du ventre, et il compte à la dorsale huit épines et seize rayons mous; mais ce sont de légères inad- vertances. Nous ne voyons pas quelle différence spé- cillque on pourrait établir entre cet equula argenté à dents crochues ou ce scomber mi- mit us ^ et le zeiis m^gentarius de Fors ter. La forme générale de celui-ci, d'après le dessin que nous avons sous les yeux^, est la même, et les détails dans lesquels entre la description ^ s'y rappor- tent autant qu'on peut l'exiger. Dans tous les cas, c'est dans cette petite tribu qu'il flmdra le placer. Il y est dit, touchant les dents : « dentés maxillœ supe- rioris duo incurvi^ rellqui minuti, conferti; inferioris magni incurvi^ a medio versus angulum faucium sensim decrescentes. " Les mots suivans : in margine inleriore aperiurœ claçicuJœ duobus uirinque acu- leis porrectis, cute commuai leclis, ont rapport à deux angles saillans qui se voient en effet au bord antérieur de l'épaule quand on soulève l'opercule. Les différences des nombres n'ont aussi rien que de très-ordinaire. B. 4 ; D. 8/16 et une épine couchée 5 A. 3/14 ; C. 16 ; P. 15 j V. 1/5. Fors ter avait pris ce poisson dans la mer 1. IJ a été calqué par M.™* Lee Bowdich {Fonnerlj) sur l'original conservé clans la bibliothècjue de Banks. 2. Svslème poslh. de Bloch, édit. de Schneider ;, p. 96, n.'g. CHAP. XXII. EQUULA. 91 Pacifique. Sa figure a près de six pouces de longueur. Z'Equula denté. {Eqimla dentex, nob.j Sourou-pinan-karé , à Pon- clicliéry, Lesclien., Mss.) L'autre equula à dents pointues, envoyé de Pondiclîëry, n'est peut-être qu'une variété du précédent. B. 5^ D. 8/16; A. 3/14, etc. Le corps brille d'une belle couleur d'argent, leinte vers le dos d'un verdâtre qui devient rous- sâtre dans la liqueur, et qui est variée par des bandes irrégulières descendantes, d'un brun un peu plus foncé. Les nageoires sont jaunâtres; il y a aussi du noir à la pointe de la dorsale, dans l'aisselle de la pectorale et dans la bouche. Son squelette a la crête du crâne moins élevée que la plupart de ses congénères et la fosse fron- tale peu profonde , du reste il ressemble aux autres. Nos individus de Pondichéiy n'ont que deux pouces et demi de longueur^ mais nous en avons reçu de quatre et cinq pouces de risle-de-Fiance, envoyés par M. Julien Des- jardins, et nous avons vu la figure d'un qui aurait eu près de six pouces parmi les dessins de M. de Mertens. Il nous en est aussi venu d'Amboine, de Vanicolo et des Séchelles. 92 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. Les espèces qui vont suivre, ont, avec des formes et des dents analogues à celles de la première du genre, de Xensifera, le deuxième rayon dorsal et quelquefois le deuxième de lanale, prolongés en filament. Z'Equula porte-fil. {Eqiiula fiUgera , nob.) M. Cuvier a déjà décrit et représenté une de ces espèces dans les Mémoires du Muséum, t. I, p. [\oi et pi. 23, fig. i; mais en recon- naissant avec sa grande sagacité les affinités de ce poisson avec le scomber equula de Fors- kal d'une part, et le zeus insidiator de Bloch de l'autre, il était encore dans l'erreur en le donnant comme le zeus insidiator. Nous en avons eu depuis lors des individus mieux con- servés, qui nous ont permis d'en bien appré- cier les caractères dans ce travail général, et de les établir comme une espèce distincte. L'espèce ressemble par tous les points à notre equula ensijera, si ce n'est que les secondes épines de sa dorsale et de son anale, quoique aussi longues, sont beaucoup plus grêles à proportion; celle de la dor- sale surtout se prolonge de manière à égaler la liau- teur du corps sous elle; mais les rayons de l'anale n'ont pas le même prolongement. B. h; D. 8/16; A. 3/14 5 C. 17 j P. 18; V. 1/5. CHAP. XXII. EOUULA. 95 Sa couleur est un argenté le plus souvent uni- forme, où l'on voit quelquefois des bandes ou des taches brunâtres verticales, qui sont plutôt des effets de reflets que d'une véritable teinte. Les na- geoires sont pales; il y a du noirâtre dans l'aisselle de la pectorale et du brun au museau. Le foie est réduit à un seul lobe triangulaire placé dans l'hypocondre gauche. La vésicule du fiel, qui est à droite de l'œsophage, est petite. Un repli du péritoine assez épais enveloppe tout le canal intestinal, qui ne présente ainsi à l'ouverture de l'abdomen qu'une seule masse ; en ouvrant cette poche, on voit un œsophage large et assez long, un estomac, au contraire, fort petit, à parois épaisses et musculeuses. Il y a trois appendices cœcales au pylore ; elles sont courtes et leur pointe est dirigée vers le dia- phragme. L'intestin fait trois replis avant de se rendre à l'anus, La vessie aérienne est très-grande, ses parois brillent du plus bel éclat d'argent poli; elle occupe toute la longueur de l'abdomen, et sa pointe s'appuie sur un élargissement en forme de cupule de la der- nière paire de côtes. Les reins sont petits et courts; un long uretère, presque capillaire, descend le long des interépineux de l'anale et va déboucher dans une petite vessie urinaire qui est appuyée sur la partie inférieure de l'abdomen. Son squelette ne diffère guère de celui du gomorah que par des proportions moins robustes. La fosse 94 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. de son front est plus large, moins profonde et moins recouverte par les frontaux antéiieurs. Il n'y a que treize vertèbres caudales, etc. Nos individus sont longs de quatre pouces et demi et de cinq pouces; l'espèce ne de- vient guère plus grande. Il nous en est venu des Moluques par Peron ; de Trinquemalé, de Geilan, par M. Raynaud; de la côte de Malabar et des Sechelles par M. Dussumier. Ce poisson est très-abondant près du rivage de cet archipel. Nous y rapportons un dessin que M. de Mertens nous a fait voir et qui est long de six pouces; son deuxième rayon dorsal en a plus de trois. L'argenté y est teint de violet, la pectorale et la caudale y sont d'un beau jaune; la dorsale et l'anale y ont le bord jaune. M. Dussumier parle aussi de teintes dorées sur le milieu du corps et à la partie antérieure de l'anale , mais qui ne se conservent pas dans la liqueur. Z;'Equula longue-épine. {Equula longispinis . nob.) Une espèce très -voisine du. Jiligera, si même ce n'en est pas une simple différence de sexe, a été rapportée de l'ile de Waigiou CHAP. XXII. EQUULA. 95 par MM. Lesson et Garnot, naturalistes de l'expédition de M. Duperrey. Sa forme est exactement celle de la précédente, mais sa seconde épine dorsale et sa seconde épine anale se prolongent bien davantage. La première atteint jusqu'aux deux tiers, et l'autre jusqu'au tiers de la longueur de la caudale. B. 5; D. 8/16; A. 3/14; C. 17; P. 18; V. 1/5. Ses viscères ne diffèrent que très-peu de ceux du jîîigera; le canal intestinal est enveloppé par un épais repli du péritoine. L'estomac est un peu plus grand j le pylore est muni du même nombre de cœcums dirigés vers le diaphragme. La vessie aérienne est plus petite , plus mince et moins argentée. Notre individu est long de près de trois pouces et tout entier d'une belle couleur argentée, sans aucune apparence de taches. Nous avons vu un dessin de cette espèce fait à Manille par les naturalistes de l'expédi- tion russe. Le poisson y est représenté d'un argenté uniforme et avec des nageoires jau- nâtres. Il est long de quatre pouces. Z/'Equula karah. {Equula cara, nob.; Karah, Russel, 66.) Le karah proprement dit de Russel (p. 5i, fig. 66) paraît exactement semblable à l'indi- vidu que nous venons de décrire, 90 LIVRE IX. SCOMBÉIKJÏDES. si ce n'est que ses secondes épines du dos et de lanus sont un peu moins longues, et que le fond arcenté de sa couleur est varié de taches ou bandes verticales et irrégulières, d'une couleur foncée. Russel donne ses nombres comme il suil: B. 2;D. 8/16; A. 3/14; C. 22; p. 16;V. 1/5; mais on voit qu'il a compté une partie des petits rayons de la caudale avec les rayons entiers. Z'Equula a bandes. {Equula fasciata , nob.; Clupeo ^ Commers., m. inéd.j Clupeafasciata , Lacép.,V, p. 463; Cuv, , Mém. du Mus., I, pi. 25, fig. 2.) C'est à ce karali de Russel que ressemble le plus l'espèce dont Commerson a laissé une description où il l'appelle lialec : corpore late catheto-plateo, dorso supra lineani lateralem transK'ersini fasciato , infra eamdem guttato, et une figure, inscrite du nom de clupeo^ que M. Cuvier a fait graver (Mém. du Mus., t. I, pi. 23, lig. 2), pour montrer les affinités du poisson de Commerson avec celui qu'il regar- dait alors comme le zeus insidiator et qui est en effet du même genre, mais de l'espèce de l'equula filigera. M. de Lacépède, trompé sans doute par CHAP. XXII. EQUULA. 97 ces noms de Jialec et de clupeo, a établi sur cette description son espèce du cliipea fas^ data', mais il ne paraît pas en avoir rapproché la figure, qui l'aurait sans doute mieux instruit sur le véritable genre du poisson. Elle ne peut laisser aucun doute que ce nom n'appartienne à l'espèce dont nous parlons maintenant, et c'est ce que la description confirme dans tous ses détails. Ses formes sont les mêmes que celles des espèces précédentes; mais d'après la figure, sa seconde épine, soit de la dorsale soit de l'anale, serait dé- liée; leur prolongement serait fin comme un cheveu et ne pourrait même atteindre au-delà du milieu de la nageoire à laquelle chacun appartient : d'après la description , ce rayon ne s'élève que du double au-dessus des autres. Le fond de la couleur brille du plus bel éclat d'argent; des lignes ondulées, brunes, descendent depuis la dorsale jusqu'à la ligne latérale; au-dessus de cette ligne sont des taches rondes, irrégulièrement semées jusqu'à la hauteur de la pectorale. Tout le reste est argenté. Les nombres des rayons sont marqués sur la figure, D. 8/15; A. 3/19; mais la description écrite les donne comme il suit: D. 7/17; A. 2/14; C. 16; P. 18; V. 1/5. Sur quoi il faut remarquer que Commerson n'avait pas compté le premier et petit rayon ni de la dorsale ni de l'anale, et prenait le 10. 7 98 LTVRE IX. SCOMP.ÉROÏDES. grand rayon pour le premier. Son indivRlu était long de sept pouces. Il l'avait observé au Port-Louis de llsle-de- France en Novembre 1769; l'espèce n'est pas très-commune dans ces parages (non omnino vilis est, dicit), et quoiqu'elle ait peu de chair, on ne l'y méprise point absolument. Il nous reste à parler d'Equula qui, avec un corps aussi élevé et avec des côtés de l'anale autant et plus tranclians qu'à aucun autre, ont en même temps le museau beaucoup plus court, les os du nez ne formant point de saillie, en sorte que, la bouche étant fermée, la partie antérieure du chanfrein semble se re- lever et se continuer par une courbe concave presque jusques au haut du triangle formé par finterpariétal. . JL'Equula rusé. (Eqiiula insidiatrix ; Zens insidiator , Blocli; le Zée rusé, Lacép.) Tel est le poisson que Bloch a nommé le jmsé, zeus insidiator, frappé qu'il était de la protractilité de son museau et de la facilité quelle doit lui donner de saisir à l'improviste les petits animaux qui nagent à sa portée. Des CHAP. XXIT. EQUULA. 99 reflexions quil fait à ce sujet, il semble ré- sulter qu'il n'avait pas vu la dorée ordinaire à l'état frais , car sa bouche n'est pas moins protractile que celle de cet equula et de tout autre. Bloch avait reçu ce poisson de Surate, où il avait été recueilli par le docteur Rœnig; ses figures semblent annoncer qu'il en avait sous les yeux deux individus , un à ventrales courtes , l'autre à ventrales très-prolongées. M. Lesclienault nous a envoyé de Pondi- chéry, sous le nom (^olé-karé, un equula par- faitement semblable au zeus insidiator à ven- trales courtes de Bloch, et que nous n'hésitons pas à y rapporter. M. Dussumier se l'est aussi procuré sur la côte de Malabar. La courbe de son ventre est plus convexe que celle de son dos; sa longueur (la bouche fermée) ne comprend sa hauteur qu'un peu plus de deux fois. Dans cet état, la mâchoire inférieure est tout- à-fliit perpendiculaire; à quoi s'ajoutent, pour carac- tériser la physionomie, un chanfrein très-court, con- cave, et un triangle du crâne très-relevé. Lorsque sa bouche s'étend , elle ne descend pas comme dans les autres espèces, mais demeure dirigée vers le haut, ou elle reste au moins horizontale; le corps est très- comprimé; les dents sont très-fines et très-courtes, les épines du dessus de l'orbite peu apparentes , les ai- guillons des nageoires médiocres et comprimés. Ou 100 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. ne voit pas de denielures au préopercule; la ligne latérale, à peu près parallèle au dos, se continue jusque très-près du bout de la queue, où elle dis- paraît. Je n'ai pu découvrir que quatre rayons aux branchies; les autres nombres sont comme dans presque tout le genre ; D. 8/16; A. 3/14; C. n, etc. Tout ce poisson est d'un bel éclat d'argent, teint vers le dos d'un violet métallique; des taches brunes inégales, disposées verticalement trois à trois ou quatre à quatre, forment neuf ou dix bandes qui descendent verticalement du dos vers la ligne laté- rale; les nageoires sont jaunâtres. Nos individus sont longs de quatre pouces, et c'est, selon M. Leschenault, toute la taille à laquelle ils parviennent. Ce poisson, représenté par Bloch dans sa forme principale, n'a pas ses bandes brunes aussi divisées que le nôtre, et ses ventrales sont tellement prolongées en pointe, qu'elles atteindraient jusqu'au milieu de l'anale. Nous ne pouvons dire si les ventrales courtes que nous voyons aux nôtres, sont telles par l'effet de l'usure , ou si c'est une variété de sexe ou un caractère d'espèce. Ce qui est certain, c'est que pour tout le reste la ressemblance est absolue. Bloch compte sept rayons aux branchies, mais cela vient stirement de ce qu'il aura cru CHAP. XXII. EQUULA. iOI pouvoir conclure ce nombre d'après celui de la dorëe ; ses autres nombres reviennent à peu près aux nôtres, si ce n'est pour l'anale: D. 7/17; A. 3/17; C. 18; V. 1/5. M. de Lacëpède, dans son article sur le zëe rusé (t. IV, p. ^75), parle d'une variété de cette espèce qu'il aurait vue dans un recueil de peintures chinoises, mais nous nous sommes assurés que c'est la même figure qu'il a déjà confondue avec le lampris, et sur laquelle il a établi ensuite son genre Mené et son espèce du mené Anne-Caroline. Nous serons bientôt dans le cas d'en reparler. Le zeus insidiator envoyé par Rcenig re- monte dans les eaux douces des environs de Surate; sa chair y est estimée. M. Leschenault dit aussi que son olé-karé est bon à manger, mais il ne parle point des lieux où on le prend. M. Dussumier nous assure qu'à la côte de Malabar l'espèce est si abondante que les na- turels en font sécher des quantités considé- rables qui deviennent une ressource pour eux dans la mauvaise saison. 102 LIVRE IX. SCOMBEROIDES. L'Eq\jvla a ligne latérale interrompue. (Equiila interrupta^ nob.) Nous avons reçu de M. Leschenault, sous ce même nom diolé-karé, un poisson très- semblable au précèdent, même pour les cou- leurs, mais qui nous parait s'en distinguer par deux caractères assez prononcés pour qu'on puisse les juger spécifiques. Le premier, que son corps est plus élevé (sa hauteur n'est que deux fois dans sa longueur); le second, que sa ligne latérale, formée de petites écailles ovales, qui la rendent très-marquée, cesse subitement un peu avant le milieu de la longueur du dos. Les taches de nos individus sont presque toutes réunies en bandes j le fond argenté de leurs flancs et de leur ventre est du plus bel éclat. Leurs nageoires paraissent jaunes. Ces individus sont très-petits et n'ont pas lout-à-fait deux pouces et demi de longueur. M. Leschenault dit bien que l'espèce atteint à quatre pouces, mais son assertion ne se rapporte peut-être qu'à l'espèce précédente, qu'il n'a pas distinguée de celle-ci. Selon M. Buclianan', le zens insidlator sg 1. Buchan., Poiss. du Gaugf, p, 106. CHAI'. XXII. MENÉ. 405 nomme au Bengale ectuntia chanda^ mais comme il ne donne point de description, nous ne pouvons savoir duquel des trois poissons précëdens il a entendu parler. DU MENE. Mené {Mrjuïi) est un des noms grecs de la lune. M. de Lacépède l'a donné à un poisson dont il avait trouve la figure dans le recueil des peintures chinoises de la bibliothèque du Muséum, et qu'il a fait graver dans le tome V de son Histoire des poissons \ Peut-être était- ce agir un peu légèrement que de fonder un genre sur un simple dessin fait par un inconnu ; mais cette conhance s'est trouvée bien placée, et même dès ce temps-là (en i8o3) l'auteur aurait pu avoir la preuve de la fidélité de l'artiste chinois, car le même poisson avait été envoyé de Tranquebar à Bloch, et il en avait laissé la figure et la description, qui ont paru en 1801 dans son Système posthume' sous le nom de zens niaculalus. Russel l'a donné la même année que M. de 1. P. 9.5, n." 6, el jpl. 22. — '2. PI. i\, fig. 2, ti p, 47!) et 48o. 1 0 i LIVRE IX. SCOAIBÉROÏDES. Lacepcde, sous le nom (ïainbata-kuttee, quil porte à Visagapatam.* Nous l'avons reçu desséché de Pondichéry en 181 4 par M. Sonnerat, et MM. Rubl et Van Hasselt en ont envoyé de Java dans la liqueur au cabinet de Leyde en 1824? en sorte que rien ne manque maintenant à son autlienticité, et que nous sommes en état den donner la description la plus détaillée. Le Mené Ain ne- Caroline. (Lacép., t. V, pi. 14, fig. 2, p. 479.) {Mené maculatcLy nob.; Zeus maculcUus , Bl. Sclin., pag. 95, pi. 22; Anihata-kuttee y Russ.) Il tient en partie de l'equula insidiatrix et on partie de ces espèces à ventre tranchant, de ces gais, de ces argyréioses, de ces vomers que nous avons décrits plus haut; mais au total c'est de l'equula qu'il se rapproche le plus. Son trait le plus frappant, c'est d'avoir la ligne du dos presque droite, et celle du ventre au contraire d'une convexité plus grande que celle d'un demi- cercle, en sorte que c'est à la saillie de son ventre que tient sa grande hauteur verticale. CeUe courbe i, Uusselj Poissons de Visagapalam, t. I, p. 47 et p|. u.°6o. CHAP. XXIT. MENÉ. 105 inférieure est en même temps très -tranchante, et elle est soutenue dans sa partie antérieure par les os lîuméraux et par ceux du bassin, et dans la pos- térieure par les interépineux inférieurs de la queue. L'ovale du corps, sans compter la petite queue ni la caudale, est d'un cinquième plus long et huit fois moins épais qu'il n'est haut; la ligne supérieure est un arc très-surbaissé; la ligne inférieure se compose de deux arcs; l'antérieur, moins long et moins con- vexe, descend de la bouche aux ventrales; le posté- rieur remonte des ventrales à la portion de queue qui est derrière les nageoires et qui est fort courte, ne faisant que le seizième de la longueur totale, tout compris. La circonscription latérale de la tète est presque ronde; sa hauteur ne dépasse que de peu de chose sa longueur, qui est le quart de la longueur totale. L'œil est presque au milieu de ce cercle, un peu au-dessus cependant. Le museau, dans l'état de repos, est très- court et comme tronqué par une ligne verticale; la fente de la bouche petite, descendant obliquement en arrière; le maxillaire, large dans le haut et dans le bas, est arrondi à cette dernière extrémité; sa posi- tion, quand la bouche est fei^mée, est presque ver- ticale; un sous- orbi taire médiocre, dont le bord antérieur est demi-circulaire, en couvre à peine le bord postérieur; la mâchoire inférieure monte alors presque verticalement. Tout l'appareil maxillaire est protractile dans sa plus grande extension; il aug- mente du double en dimension longitudinale. Chaque mâchoire a une rangée fort étroite de dents en 1 Ofi LIVRE IX. SCOMDÉIIOÏDES. velours ras ; oulre le petit voile ordinaire derrière les dents de la mâchoire supérieure, il y en a un plus épais et bilobé, suspendu à l'extrémité antérieure du vomer. La langue est fort libre, oblongue, assez pointue; il y a de l'âpreté le long de sa ligne moyenne. Le préopercule a son limbe large et lisse. L'opercule est deux fois et demie aussi haut que large; son bord est arrondi et entier, et semblable à celui des trois autres pièces operculaires. L'orifice des ouïes est fendu jusque sous l'angle de la mâchoire inférieure; leur membrane, étroite et entièrement recouverte par l'appareil operculaire, a sept rayons; le bord interne du premier arceau des branchies a d'assez longues peclinations , les autres n'ont que des tubercules âpres. Les os de l'épaule n'ont aucune armure et ne se sentent qu'avec le doigt au travers de la peau, sous laquelle ils forment, avec ceux du bassin, une char- pente irès-développée; l'os styloïde surtout, qui est long et plat, atteint jusqu'au bas du premier inter- épineux inférieur, derrière les ventrales. La pectorale, attachée à peu près au milieu de la hauteur, est ovale et de grandeur médiocre, sa longueur est du cinquième de la longueur totale; elle a seize rayons, dont le premier est très-court; le second , le plus long de tous, est comprimé et large. Les ventrales attachées tout près l'une de l'autre au bout de la longue ca- rène que forment les os du bassin, et au point le plus bas de la courbe du ventre, mais à l'aplomb des pectorales, ont l'épine très-courte, et le prenjier rayon mou comprimé et prolongé du tiers de la CHAP. XXII. MENÉ. 107 longueur totale; les autres sont extrêmement courts. La dorsale commence un peu avant le milieu de la ligne du dos; elle n'est précédée d'aucunes épines libres ; ses rayons sont en tout au nombre de quarante- quatre ou quarante-cinq ; les quatre premiers épineux , mais faibles; le premier est très-court, ensuite ils croissent jusqu'au quatrième, qui est le plus élevé, sans avoir plus du cinquième de la hauteur du corps; ils diminuent ensuite jusqu'au treizième ou quatorzième, après lequel tous les autres sont à peu près égaux et fort courts. L'anale commence tout près des ventrales, dont elle n'est séparée que par l'anus. Elle a trente et un rayons, tous très-courts, très-comprimés, et dont les branches s'épanouissent en autant de petits éventails aussi larges que longs et presque entièrement enveloppés dans la conti- nuation de la peau du ventre, en sorte qu'ils repré- sentent des festons frangés plutôt qu'une nageoire. La caudale est fourchue et tient ses deux lobes très- écartés; chacun d'eux a en longueur le tiers du reste du corps, et l'écartement de leurs pointes est d'un quart supérieur à leur longueur. Il y a comme a l'ordinaire dix -sept rayons entiers, mais ceux de la base sont considérables; le dernier fait les deux tiers du premier rayon entier, les autres vont en diminuant. B. 7; D. 4/40 ou 41; A. 31 ; C. 17; P. 16; V. 1/5. Tout le corps de ce poisson est couvert d'une peau lisse et satinée, où l'œil aperçoit des points épars, mais qui ne font point d'impression sur le tact. La ligne latérale règne le long du cincjuièmc 108 LIVRE IX. SCOMBEP.OIDES. supérieur de la hauteur, suivant une courbe à peu près semblable à celle du dos, mais en s'en rappro- chant un peu vers l'extrémité. Elle finit subitement avant d'arriver à la portion de queue qui est derrière la dorsale et l'anale. Le long de cette queue il n'y a point d'écaillés ni de carène, on y sent seulement la légère saillie des vertèbres au travers de la peau. Le dos paraît de couleur plombée, qui change in- sensiblement en argenté; les côtés de la tête, les flancs et le ventre sont d'une belle couleur d'argent. Sur le dos, et un peu au-dessous de la ligne latérale, sont semées des taches rondes, nuageuses, noirâtres, assez serrées. Les nageoires paraissent d'un gris jaunâtre ; le long rayon des ventrales est en partie argenté, en partie noirâtre. A en juger par la figure chinoise dont nous avons parlé, le plombé du dos serait dans le fi"ais légèrement teint de verdâtre, et les taches le seraient un peu de violâtre. Notre plus grand individu est long de six pouces et demi sur quatre pouces de haut. Il a été envoyé de Java par MM. Kuhl et Van Hasselt. Le fi3ie a deux lobes, dont le gauche est mince et étendu sur toute la longueur de l'œsophage; le lobe droit est plus épais mais plus court que le gauche. La vésicule du fiel est attachée tout près de lui. Elle est ronde, ses parois sont très-minces et transparentes; le canal cholédoque est très-long et va déboucher dans un des groupes des cœcums qui entourent le pylore. L'œsophage est long, il suit une direction presque horizontale, il ne s'abaisse que très-peu vers l'arrière CHAP. XXII. MENÉ. 109 de rabdomen; son entrée est très-large, il se rétrécit bientôt, et il continue jusqu'à l'estomac sans chan- ger de diamètre, si l'on prend pour celte cavité le tube qui descend verticalement de l'œsophage vers les parois inférieures de l'abdomen ; ce tube se coude et continue jusqu'au pylore : dans cette région le canal digestif est forme de tuniques épaisses et charnues, sillonnées en dedans par de gros plis longitudinaux et parallèles. Le pylore est entouré d'un assez grand nombre d'appendices cœcales (vingt-cinq à trente) très-grêles, ' dont la ténuité et la finesse des parois est très-grande j ces cœcums sont disposés en houppe, c'est-à-dire que plusieurs sont réunis sur un pédicule commun. Le duodénum remonte vers le diaphragme; arrivé près du foie, le canal se replie, descend et passe sous le pylore, se replie de nouveau et remonte à la hauteur de l'origine de l'intestin , où une valvule et un étranglement assez fort marquent le commen- cement du rectum, canal court, de diamètre un peu plus grand que celui de l'intestin grêle. La rate est petite et placée sur le coude que fait l'estomac avec l'œsophage. Les laitances longent le sac digestif, qu'elles sur- passent à peine en longueur et en volume. Un long canal grêle va verser dans le cloaque la liqueur sé- minale. La vessie aérienne est très-grande; le tiers supé- rieur de la paroi de cette vessie est une membrane mince, transparente, de la plus grande finesse; les deux autres tiers sont recouverts par une mem- 110 LIVRE IX. SCOMBÉROÏDES. brane plus épaisse, plus forte et argentée. La limite entre ces deux membranes de nature et d'épaisseur différentes, est tranchée de la manière la plus nette. En arrière la vessie se bifurque, et chacune des cornes forme un tube conique extrêmement pointu, dont le sommet atteint la base de la caudale; ainsi la vessie va dans l'épaisseur des muscles de chaque côté des interépineux de l'anale, tout le long de la queue du poisson. Les glandes sécrétoires de l'air ont la forme de deux rubans étroits, qui occupent toute la longueur de la région abdominale de la vessie. Les reins sont gros; ils se terminent un peu avant la bifurcation de la vessie aérienne. L'uretère est très-long, passe entre les deux cornes de la vessie natatoire , descend sur le bord du premier interépineux de l'anale, et en s'élargissant un peu, il va déboucher derrière l'anus. Nous avons trouvé dans l'estomac des écailles minces, argentées et brillantes comme celles des dupées. LIVRE DIXIEME. DE LA FAMILLE DES TEUTHYES. Voici une famille entièrement composée de poissons étrangers, et qui, toute nombreuse qu'elle est aujourd'hui, avait à peine fourni huit ou dix espèces aux méthodistes de la lin du dernier siècle, lesquels encore les avaient éparpillées dans des genres différens sans égard aux rapports naturels qui les unissent. Gronovius * avait eu cependant quelque pres- sentiment de ces rapports : il avait établi un genre qui, dans son idée, devait embrasser ceux que l'on connaît maintenant sous les noms d'acanthiu^es et d'amphacanthes^ et qui dans le fait contenait une espèce de l'un et une de l'autre.* Le nom d^Hepatus, qu'il lui avait appliqué , est employé chez les anciens pour un poisson de la Méditerranée, difficile à déterminer, mais qui bien certainement n'est point de ces 1. Zoophjl. , p. Il 3. — 2. La première est noire amphacan- i/msj'avus, la seconde noire acanthurus hepatus. ]\2 LIVRE DIXIÈME. espèces de Gronovius. Toutes les deux sont de Tocéan Indien. Linnœus adopta ce genre dans sa douzième édition, et en changea seulement le nom en celui de TeutJiis, beaucoup moins convenable encore, puisque c'est le nom grec du calmar, îoligo. Il nomma la première espèce de Gro- novius ou l'ampliacanthe teutliis ja^us, la se- conde ou l'acanthure teuthis liepatus. La place qu'il assigne à ces teuthis entre les silures et les loricaires ne fut pas heureuse , et même on peut douter qu'il y ait dans la position des ventrales une raison suffisante pour les ranger parmi les abdominaux. D'ailleurs la preuve qu'il n'en avait pas bien saisi les analogies, c'est qu'il laissait parmi ses chétodons plusieurs espèces toutes semblables à son teuthis liepa- tus par leurs caractères. * Forskal, le premier, eut le mérite de repro- duire d'après l'observation les vrais caractères et les vrais rapports de plusieurs de ces pois- sons; il en forma deux genres ""^ celui des si- garnis, qui comprend le teuthis javus; et celui des acanthures qui embrasse le teuthis hepa- tuSj, et ou il rangeait aussi les nasons. 1. Chœtodonnigricans; chœtodon iriostegus cichasiodon llmatus. 2. Forskal, Faun. arab., dans un feuillet sans paginalion à la suite de la préface. TEUTHIES. j i 3 Forster, de son côté, sans connaître le travail tin voyagenr danois, on sans y faire attention, avait nomme liarpurus le genre que Forskal appelait acantliure y et cette dernière déno- mination a été préférée par Blocli etLacépéde. Quant aux siganus, les méthodistes ont paru oublier tout-à-fait ce que Forskal en avait dit. Commerson les reproduisait sous le nom de hiiroy Houttuyn sous celui de centrogaster et Bloch sous celui d^ampliacantlius, et ce der- nier seul, dans son Système posthume, faisait connaître l'identité des poissons dénommés si diversement. Depuis Forskal, les monocéros de Bloch ou les nasons de Lacépède ont été séparés avec raison des acanthures, et Lacépède, en par- ticulier, a ajouté à ces genres ceux qu'il a nommés prionm^es et aspisures; mais celui des aspisures ne repose que sur une erreur de fait. A ces genres des amphacantheS) des acan- thures, des prionures et des nasons, que nous adoptons, nous en joignons encore trois qui se placent à la suite de ces derniers, mais avec des caractères propres, les axinures, les prio- dons et les kéris, et nous composons de tous ensemble un groupe qui pourrait être consi- déré par des naturalistes comme subordonné à la grande famille des scombéroïdes, sans 10. 8 114 LIVRE X. TEUTHIES. rompre aucunement les rapports naturels. Il a surtout cela de particulier que ses espèces paraissent toutes vivre de préférence de ma- tières végétales. Nous n'avons trouvé dans leur estomac que des fibres ou des débris d'algues marines, et déjà Forskal avait fait la même ob- servation sur ceux qu'il avait examinés; aussi leurs intestins sont-ils d'une grande ampleur. Elles ont d'ailleurs toutes des formes ovales, comprimées; une bouche peu fendue, non protractile ; les dents sur une seule rangée à chaque mâchoire, le palais et la langue sans dents; une seule dorsale et d'autres similitudes, que l'on saisira mieux après avoir étudié par- ticulièrement leurs différens genres. CHAP. I. AMPHACANTHES. \ \ 5 CHAPITRE PREMIER. Des ^mpliacanthes y autrement nommés Siganus, Buro ou Centrogaster, Si l'on avait encore besoin de prouver combien ces grands genres de Linnë, mal caractérisés et prêts à tout recevoir, étaient peu favorables à une détermination précise des espèces; il sufRrait de rappeler la manière dont les poissons que nous allons décrire ont été ballottés par les nomenclateurs. Leur corps ovale, comprimé; leur bouche peu fendue et peu extensible; leurs dents petites, dentelées et sur un seul rang; leurs cinq rayons bran- chiaux, dont le dernier est dilaté et caché dans ristlime; l'épine couchée en avant de leur dor- sale ; la hauteur uniforme de cette nageoire; les nombreuses épines de leur anale, mais surtout cette circonstance unique parmi les poissons, que le rayon interne de leurs ventrales est épineux comme l'externe, en font un petit groupe aussi naturel que distinct de tous les autres. i '1 6 LIVRE X. TEUTHIES. Cependant Linnœus en a mis une espèce dans ses teiithis^ et une autre dans ses spams''. Bloch et Parkinson en ont placé une parmi les chœ~ todon^j Forskal les a rangés parmi ses scarus\ mais a proposé ensuite d'en faire un genre à part, qu'il nomme siganusj Houttuyn a créé pour eux le genre centrogaster\ que Gmelin a gâté ensuite en y ajoutant des espèces étran- gères ^. Commerson en a fait son genre huro^ et Bloch enfm, dans son Système posthume, son genre aniphacanthus , et des naturalistes d'ailleurs habiles se sont si peu aperçus de l'identité d'êtres ainsi éparpillés, que dans M. de Lacépède, plusieurs de ces dénomina- tions diverses paraissent comme représentant des poissons de genres, même d'ordre très- différens, que son huro hrun, par exemple, son centrogaster brunâtre, son scare sidjan, son scare étoile y son chétodon cannelé^ son chétodon tacheté, son spare éperonné et 1. Teuthîs jams. — 2. Spams spîmis. — 3. Chœiodon guttaius. 4. Scarus siganus ou rimlaius et scarus stellatus. C'est dans une feuille qui suit le titre qu'il propose d'en faire un genre sous le nom de siganus. 5. Mém. de Harlem, t. XX, 2.* part., p. 553 et 554- 6. Il jr met le scomher eqiiula , qui est un de nos equula, et le scomher Rhombeus de Forskal, qui est un de nos psettus, tandis qu'il n'j met point les deux siganus, qui précisément y appar- tenaient. CHAP. I. AMPHACANTHES. '117 peut-être quelque autre encore, ne sont que des ampliacanthes , dont plusieurs non-seule- ment devraient être rapproches dans un seul genre, mais ne font qu'une même espèce. Au reste, il faut avouer que la synonymie spécifique de ces poissons est très - difficile , pour ne pas dire impossible à reconnaître, parce que ceux qui les ont décrits isolément, frappés de ce que l'espèce qu'ils avaient sous les yeux leur paraissait offrir d'extraordinaire, ont insisté principalement sur les circonstances qui se trouvent maintenant communes à toutes les autres, et se sont trop peu occupés des détails moins importans qui auraient pu servir à les distinguer entre elles. Une particularité remarquable de leur ana- tomie consiste dans la longueur des os sty- loïdes de leur épaule, qui sont non pas plats, mais cylindriques ou prismatiques, et qui se prolongent en se recourbant jusqu'à s'attacher par leur extrémité aux premiers interépineux de l'anale. C'est M. Geoffroy Saint-Hilaire qui a fait connaître cette partie de leur organisation dans son mémoire sur l'épaule des poissons et dans sa Philosophie anatomique, tome I, p. 47 1 et pi. 9,fig. 107. Toutes les espèces connues de ce genre i 1 8 LIVRE X. TEUTHIES. viennent des mers orientales, et nous devons faire remarquer que Ton ne doit pas compter dans leur nombre, comme la fait Bloch *, le perça ascensionis d'Osbeck; nous avons vu précédemment que c'est un holocentrum, Zy'AMPHACANTHE JAVANAIS. {Amphacanthus javiis, nob.; teuthis javus , L.) Nous décrirons d'abord l'espèce qui a paru la première dans les ouvrages des méthodistes (le teuthis ja^ms de Linnœus). Elle est com- mune à Pondicliéry et se retrouve sur plusieurs autres points de la mer des Indes. Elle a le corps aplad par les côtés ; en n'y com- prenant pas la queue, son contour vertical est un bel ovale. Sa hauteur au milieu est deux fois et demie dans sa longueur totale, et son épaisseur quatre fois dans sa hauteur, La Ugne demi-elliptique de son dos des- cend obliquement au museau, et, prenant un peu de concavité, devient presque droite sur le crâne; la longueur de sa lêie est quatre fois et demie dans la longueur totale; et sa hauteur à la nuque est encore un peu plus considérable. L'œil est tout entier au-dessus du milieu de la hauteur; son diamètre. est du tiers de la longueur 1. Syst. poslh., p. 2 10. CHAP. I. AMPHACANTHES. \ \ 9 de la lêle, et il est plus près de l'ouïe que du mu- seau; entre les yeux, le front est un peu élargi et légèrement concave, avec deux arêtes peu marquées, qui convergent en avant; le bord antérieur de l'or- bite fait une petite saillie crénelée dans quelques individus. L'orifice antérieur de la narine est placé entre l'œil et le museau, à peu près à égale distance; le postérieur, entre celui-là et l'œil : tous deux sont petits, le premier est rond et entouré d'un petit cercle membraneux, le second est ovale. La bouche, très-peu fendue, ne prend pas moitié de la longueur du museau; le maxillaire même, qui est assez élargi en arrière, se termine au milieu de cette longueur. Les mâchoires ressembleraient à celles des scares, si les dents qui en garnissent le bord n'en étaient bien distinctes. Ces dents sont petites, serrées, et forment une rangée régulière ; chaque mâchoire en a trente ou trente-deux; celles de la supérieure, vues à la loupe, sont échancrées ou fourchues au bout; celles de l'inférieure ont une pointe plus grande en avant et une plus petite sur leur base en arrière : l'inté- rieur de la bouche n'en a aucune. Le voile de la mâchoire supérieure y est épais , papilleux et , ce qui est singulier, dirigé en avant et appliqué contre le devant du palais ; celui de la mâchoire inférieure est grand , mais comme à l'ordinaire mem- braneux et mince. Les sous- orbitaires ne se marquent point au dehors , si ce n'est par le petit sillon que son bord inférieur offre au maxillaire. Le préopercule est coupé à angle droit, et ses deux bords sont rec- tilignes et égaux. Son limbe, assez large dans le bas, 120 LIVRE X. TEUTIIIES. a quelques lignes irrégulièrement saillantes vers son angle, qui est un peu arrondi. L'ensemble opercu- laire, placé derrière lui, est trois fois plus haut que long. On aperçoit sur l'opercule quelques stries très-légères, qui descendent en rayonnant. L'ouie n'est fendue que jusque sous le bord posté- rieur de l'œil , sa membrane s'unit là au côté de l'iijthme , qui est assez large ; elle contient cinq rayons , dont le dernier ou l'inférieur est très-élargi à sa base. L'os humerai a quelques stries au-dessus de la pectorale j celle-ci est au tiers inférieur de la hau- teur, de forme demi-ovale, d'un peu plus du sixième de la longueur totale ; on y compte dix-sept rayons: le premier est simple et moitié moindre que le second, qui est le plus long; le dernier est très-petit. L'ais- selle n'a rien de particulier. Les ventrales naissent sous le tiers postérieur des pectorales, et se portent aussi loin qu'elles ; leurs rayons externe et interne sont deux fortes épines, entre lesquelles sont les trois autres. Quand elles se serrent contre le ventre, les rayons mous se cachent, et on n'aperçoit que les quatre épines à côté l'une de l'autre ; quand on les écarte on voit que les deux épines internes s'attachent à la ligne médiane par une membrane, et les deux nageoires ont l'air de n'en faire qu'une. L'anus est caché par les ventrales. En avant de la dorsale, derrière la nuque et vis-à-vis le haut de l'ouïe, est une pointe, couchée en avant et immobile comme dans les liches; puis commence la dorsale, composée de treize rayons épineux et de dix mous. Les épines sont à peu près égales, d'un peu plus du CIIAP. I. amphacanthes. 12i quart de la plus grande hauLeuf , fortes, pointues, un peu canaliculées en arrière, alternativement plus étroites d'un côté, et marquées de l'autre d'un léger sillon longitudinal : les rayons mous n'occupent que le tiers de la longueur de la nageoire : les cinquième, sixième et septième s'alongent un peu pour arrondir la portion molle. L'anale commence sous le milieu de la dorsale, et lui correspond pour la hauteur et la manière dont elle se termine. On y compte sept épines semblables à celles du dos, et neuf rayons mous, qui occupent près de moitié de la longueur de la nageoire. L'es- pace nu derrière la dorsale et l'anale est à peine du dixième de la longueur totale, et sa hauteur est encore moitié moindre. La caudale prend le cinquième de la longueur du corps, elle est le'gèrement coupée en arc concave; outre ses dix-sept rayons ordinaires elle en a de petits, mais peu robustes. B. 5; D. 13/10^ A. 7/9 ; C. 17; P. n ; V. 2/3. Le crâne , le front , le museau , les mâchoires , les opercules, la membrane des ouïes sont nus ; mais la joue, la tempe et tout le corps sont revêtus d'in- nombrables petites écailles ovales, lisses et sans den- telures, en sorte que tout paraît doux au toucher. Il n'y en a aucunes sur les nageoires, dont la membrane est assez mince. La ligne latérale demeure parallèle au dos ; à peu près au tiers de la hauteur elle a le long de son bord supérieur des petits traits obliques, mais simples. Tout le corps est d'une couleur foncée, semé de petites taches pâles assez serrées, qui vers le dos 122 LIVRE X. TELTIIIES. sont à peu près rondes, deviennent ovales vers les flancs, s'alongent encore davantage un peu plus bas, et finissent par former des bandes longitudinales qui se perdent dans la teinte générale et peu colorée du ventre. Dans la liqueur, et même dans le sec, le fond paraît d'un brun roussâtre, et les taches d'un blanc verdàtre ou bleuâtre; mais dans le frais, au rapport de M. Leschenault, le fond est d'un brun olivâtre, et les taches d'une nuance olive plus claire. Ce poisson a été envoyé de Pondicbéry par M. Leschenault; les Tamoules le nomment vara-inine : on en pèche abondamment à l'embouchure de la rivière d'Arian coupang et rarement dans la rade. M. Raynaud nous l'a aussi rapporté de Pondicbéry, de Batavia et du détroit de la Sonde, et nous en trouvons une figure dans le Piecueil des poissons de Malacca, du major Farqubar. Son nom malais y est écrit ikan-kietang. Il est bon à manger. C'est la même espèce que Gronovius a dé- crite et représentée (ZoopbyL, p. 1 13, n.° 352, et pi. 8, tig. 4)? et dont Linnœus a fait son teiithis jmnis; sa figure est même assez bonne, et s'il y avait un peu moins de confusion dans les tacbes, elle donnerait une idée assez juste de leur disposition. Blocb et M. de Lacépède ont mal à propos CHAP. I. AIMPHACANTHES. '125 rapporté cet article de Gronovius à leur ché- todon tacheté ou à Yamphacanthus guttatus. Gronovius lui-même se trompe en citant la figure 4io de Valentyn comme celle de son poisson : elle représente un acanthure. M. Russel en a donné également une fort bonne figure dans son Histoire des poissons de Vizagapatam '. Il a reconnu les rapports de son poisson avec le sparus spinus de Linné, mais nous verrons plus loin quil ne peut cependant être de la même espèce. Les pêcheurs de cette côte le lui ont donné sous le nom de Worahwah; il ne nous apprend rien sur les mœurs de cette espèce. Z'AmPH ACANTHE DE EuSSEL. {Amphacanthus Russelii,n. ; TVoj^ahwah.Kuss. , i o5.) Ce même zoologiste a donné à la suite de son premier Worahwah un second amphacanthe que les pêcheurs de Vizagapatam confondent avec le précédent, et qui nous paraît, comme à lui, devoir en être distingué. Le corps est plus haut et plus court que celui de notre amphacanthe javanais, la ligne du profil monte moins obliquement, ce qui rend le museau plus obtus. 1. Tome II, pi. I02. 124 LTVRE X. TEUTHIES. La peau, coriace, sans aucune écaille visible, selon M. Russel, est d'une couleur blanche, rembrunie sur la poitrine et le ventre, noire, marbrée de noirâtre sur le reste du corps, et rayée de jaunâtre rembruni. Voici les nombres comptés par M. Russel , mais écrits suivant notre méthode. B. 5j D. 13/10 5 A. 7/9; C. 20; P. 17; V. 2/5. L'individu était long de sept pouces anglais. L'Amphacanthe marbré. {Amphacanthus marmoratus , nob.) MM. Quoy et Gaimard ont rapporté de l'archipel des Mariannes une autre espèce d'une grande beauté, que nous avons nommée am- phacanthus niarnioratus. Ils l'ont décrite et représentée sous ce nom dans la Zoologie du Voyage de Freycinet, p. 867 et pi. 62, fig. 1 et 2, et on en trouve une seconde figure dans le Dictionnaire classique d'histoire naturelle. Sa forme générale est oblongue. Sa hauteur est trois fois dans sa longueur, et sa tête, aussi haute que longue, y est cinq fois. Sa caudale, quand on l'étalé, est presque tronquée; elle a le museau légè- rement court, convexe et élargi entre les yeux par la saillie des rebords antérieurs de ses orbites. Entre les yeux régnent trois arêtes , dont les deux laté- rales se rapprochent en avant; son crâne est ridé ei CHAP. I. AMPHACANTHES. 125 chagriné; ses opercules et ses pre'opercules striés; les épines de sa dorsale et de son anale sont fortes. D. 13/10; A. 7/9, etc. Tout son corps est d'un bleu clair, se changeant en blanc sur le ventre, et presque entièrement cou- vert de lignes violettes plus larges que leurs inter- valles : celles des flancs sont à peu près longitudi- nales; mais celles du dos forment divers contours et labyrinthes , et quelques anneaux irréguliers. Cette réticulation également répartie fait paraître le tout comme une espèce de marbrure. On voit quelques nébulosités sur les nageoires; les pectorales sont d'un gris jaunâtre uniforme. L'individu est long de y pouces. C'est la seule de nos espèces a laquelle ou puisse rapporter le sparus spinus d'Osbeck ', qui présente tous les caractères des amplia- canthes, et qui de plus avait, suivant 1 élève de Linné, le ventre blanc et les côtés teintés de lignes tortueuses bleues [lituris cœruleis répandis variis pictiis ). ^ Mais il faut bien se garder d'y joindre le poisson de Lcefling, dont Linnaeus fait un des synonymes de ce spinus, et qui, ne fût- ce qu'à cause de ses trois épines anales, est évidemment d'un autre genre ^ Il venait de 1. sparus spinus, Lin.; le spare éperonné, Lacép. 2. Osbeck, éd. suéd., p. ayS; éd. allem., p. 357. 3. Linné, Syst. nat., ne cite que les lettres manuscrites de Lœfling; l'arlicle ne se liouve pas dans le Lœfling imprimé. ' 1 2G LIVRE X. TEUTHIES ' l'Océan; Osbeck avait pris le sien près de Vile de Java. Il dit que sa taille était d'un empan. Il nous paraît que c'est notre ampliacantiie marbré, que représentent à leur manière Va- lentyn, fig. 4oo, et Henard, i.'^' part., fîg. iSy. On ne s'en douterait pas trop, à voir ces gra- vures; mais leur original commun dans le Recueil de Corneille de Vlaming est un peu meilleur et nous a aidé à reconnaître ces gros- sières copies. Vlaming l'appelle ongirat^ comme Renard; mais Yalentyn le nomme ikan-heromhac ou le poisson onde. Il assure qu'il devient grand et qu'il est gras et d'un excellent goût. Zy'AlMPHACANTHE VERMICULÉ. {Ampliacaiithus vermiculatus , nob.) Une espèce voisine de ce marbré, mais beaucoup plus haute , et dont les raies sont tortueuses et vermiculées sur le ventre , aussi bien que sur le reste de sa hauteur, a été apportée de la Nouvelle-Guinée par MM. Quoy et Gaimard, lors de leur second voyage, et auparavant nous en avions vu un dessin en- voyé de Java au Musée des Pays-Bas par MM. Kuhl et Van-Hasselt. Sa liaïUeur n'est que deux ibis et un quarl dans la CHAP. I. AMPHACANTHKS. 127 longueur, qui contient celle de la tête quatre fois et demie; son crâne est lisse, les stries de l'opercule et du limbe du préopercule sont peu marquées, ses épines sont fortes , surtout à l'anale ; ses nombres sont les mêmes. D. 13/10; A. 7/9, etc. Les lignes onduleuses, tortueuses, étroites, bleuâ- tres sur un fond brun ou violet, commencent de la joue. Il y en a sur toute la hauteur du tronc et de la queue j bien que celles de la partie inférieure s'é- tendent en longueur, elles forment des courbes plus courtes, plus rondes que vers le dos. Il y a sur cette région du corps trois ou quatre larges espaces nua- geux, plus bruns que le reste. La caudale, presque carrée, est toute semée de points bruns sur ses rayons et dans leurs intervalles; il y en a aussi quelquefois sur la partie molle de la dorsale et de l'anale. Les pectorales sont jaunâtres; les autres nageoires ont du brun à leurs membranes. L'iiidividii de la Nouvelle-Guinëe est long de huit pouces. Nous venons d'en recevoir un second, long de sept pouces et demi, de l'Isle- de-France par M. J. Desjardins, Z'AmPH ACANTHE A CHAINETTES. {Amphacanthus concatenatiis j nob.) Une espèce qui a quelque ressemblance de couleur avec les deux précédentes et qui tient le milieu entre elles pour la forme, a été rap- 128 LIVRE X. TEUTHIFS. porlce de Bourou, l'une des Moluques, par MM. Lesson et Garnot, et de Batavia par M. Raynaud. Sa liauieur est deux fois et demie dans sa longueur, laquelle comprend quatre fois et un tiers celle de la tête: son crâne est lisse; son chanfrein, convexe entre les yeux, tombe ensuite presque verticalement. Les stries de l'opercule et du limbe du préopercule sont peu marquées; mais il y en a de fortes à l'os humerai, qui est petit. Ses nombres sont les mêmes qu'aux autres. D. 13/10; A. 7/9, etc. Sa couleur paraît d'un gris bleuâtre, qui se change en argenté au ventre. Le dos est couvert de taches rondes et ovales, bordées d'un liséré brun, et dont le milieu a une teinte jaunâtre; plus bas ces taches deviennent plus oblongues, et sur les flancs elles s'alongent de manière à former des espèces de chaînes ou de bandes interrompues. On voit sur la joue et l'opercule deux ou trois lignes onduleuses, bleuâ- tres, lisérées de brun. Il y a quelques taches ou points bruns sur les nageoires verticales, et à la caudale ces points sont disposés assez régulièrement sur les rayons. Les pectorales sont d'un gris jaunâtre, les ventrales blanchâtres. Ce bel amphacauthe est long de dix pouces. Il a le foie très-brun; le lobe gauche est quadrila- tère et n'a pas de dentelures sur le bord postérieur; la vésicule du fiel est très-petite, placée de même que dans les autres espèces. Le canal intestinal est CHAP. I. AMPII ACANTHES. i 29 de même forme, avec cinq cœcums au pylore, dont un esi dirigé vers le diaphragme; comme il a une déchirure à la naissance du premier intestin grêle, il se pourrait bien qu'un cœcum eût été enlevé; alors le nombre serait de six. La rate est petite et pointue. La vessie natatoire, très-grande, a les parois fibreuses et très-brillantes. Les reins sont très-minces. La vessie urinaire est très-longue, mais étroite. Le péritoine est noirâtre. Le canal intestinal était plein de détritus de plantes. On ne voit guère sur la tête osseuse des ampha- canthes que la crête mitoyenne qui soit prononcée; dans cette espèce elle forme encore un triangle ver- tical assez élevé; les latérales se voient aussi un peu; la surface du frontal est remarquablement creusée de petites stries ; deux grands naseaux couvrent tout le devant d u museau. Les intermaxillaires , larges , hau ts et bombés , n'ont presque point de pédicule, ce qui les prive de toute protractilité. Le maxillaire, court, plat et arqué, se colle à l'angle latéral de l'intermaxil- laire , et ne peut guère avoir de mouvement propre. Le corps impair de l'os hyoïde se compose d'une lame verticale et d'une horizontale en dessous; celle- ci est en triangle isocèle. Ce sont les secondes pièces des stylets de l'épaule qui deviennent cylindriques, et se prolongent jusqu'au premier interépineux infé- rieur , lequel avance vers eux une apophyse, et sou- tient aussi avec eux le bord inférieur du ventre. * 1. C'est d'après cette espèce que M. Geoffroy a représenté cette structure singulière. (Philosophie analomique, t. L*"^, p. 471» et pi. 9, fig. 108.) 10. 9 ^30 LIVRK X. TEUTHIKS. Le cubital Jans, celle espèce, est large et grande- ment évidé en ovale. Le radial n'a qu'un petit trou rond. Les os du carpe n'ont rien de particulier. Le bassin est comprimé, et remarquable parce qu'il se suspend par deux apophyses, une ordinaire infé- rieure entre les bords inférieurs des cubitaux, et une supérieure qui se prolonge en avant jusqu'aux hu- méraux. L'épine a vingt-trois vertèbres, dont dix appartiennent à l'abdomen. Les côtes sont grêles, ne descendent qu'à moitié de la hauteur du ventre et n'ont que de petits appendices; la dixième vertèbre a de chaque côté une lame qui forme au fond de la ca- vité abdominale, dans le haut, une espèce de petit bas- sin. Les apophyses épineuses et même les interépineux sont augmentés de lames osseuses dans le sens de la longueur de l'épine, qui donnent beaucoup de con- sistance au squelette. Celles des interépineux se tou- chent, en sorte que l'ensemble de ces os ne forme qu'une chaîne continue et peu mobile. Zi'AlVIPHACANTHE RAYÉ. {Aniphacanthiis lineatus , nob.) MM. Quoy et Gaimard ont rapporte de Vanicolo et de la Noiivelle-Guinëe, un ampha- cantbe dont le crâne est lisse, le front, bombé entre les yeux, et le museau, court, comme au concatenatus ; mais cpii est un peu plus élevé et qui a l'opercule plus strié. Sa hauteur est deux fois et demie dans sa Ion- CHAP. I. AMPHACANTIIES. 131 gueur, et sa tête quatre fois et demie. Ses (opines sont niécliocres, et sa queue faiblement échancrée en croissant; ses épines sont assez fortes et striées. D. 13/10; A. 7/9, etc. Dans la liqueur il paraît brun, plus clair vers le ventre, avec des lignes longitudinales peu marquées et des taches brunes foncées sur la caudale. Trois ou quatre lignes obliques bleuâtres se montrent sous l'oeil et sur la joue. A létat frais, comme les natura- listes que nous venons de citer l'ont peint, il est d'un blanc bleuâtre. Des lignes longitudinales fauves parcourent sa longueur, au nombre de neuf ou dix, formant vers le dos des îles et des nœuds, s'inter- rompant vers le ventre, se réduisant à des points près de l'anale. Sur la tête se voient des lignes alter- nativement rousses et bleues, descendant obliquement en avant. La partie épineuse de la dorsale et de l'anale est jaunâtre j la partie molle est, ainsi que la caudale, d'un brun pourpré; des taches rousses ou brunes sont semées sur le bout de la queue, sur la caudale et sur la partie molle de l'anale. Les ventrales et les pectorales sont jaunâtres. Le dos a , près de la partie molle de la dorsale, une large tache jaune, semée de petits points noirs, et entourée d'un cercle roux. Nos individus sont longs de sept ou huit pouces. Cette espèce, commune à Vanicolo, est nommée fenelej- par les indigènes. i 32 LIVRE X. TEUTHIES. L'AmPH ACANTHE CERCLÉ. {Amphaccmthus doliatus , nob.) Une autre espèce, venue aussi de l'île Bou- rou , portera le nom de cerclé, parce que sur un fond qui dans la liqueur paraît gris pâle ou brunâtre, elle porte un grand nombre de bandes étroites, bleuâtres, lisérées à leurs bords de brun, et qui descendent verticalement depuis le dos jusque vers le ventre, où elles se perdent dans un fond d'un blanc argenté; il y en a une trentaine depuis l'ouïe jusque sous le milieu de la partie molle de la dorsale, où elles se contournent et finis- sent par en donner deux ou trois qui marchent longitudinalement jusqu'à la caudale; le long de la dorsale elles forment aussi un peu le labyrinthe; sur le chanfrein elles sont transversales; sur la joue et au-dessous de la pectorale elles descendent obli- quement en avant; sur l'opercule elles sont transver- sales ou forment de petites îles, A l'état frais le fond de la couleur est orange, tirant au jaunâtre sur la queue et au violâtre vers le dos. Le crâne de cette espèce paraît lisse, et il n'est presque pas bombé entre les yeux. L'opercule , le limbe du préopercule et l'huméral au-dessus de la pectorale sont striés. Les épines sont Irès-fortes. D. 13/10; A. 7/9, etc. Les proportions sont un peu moins hautes que dans l'amphacanihe javanais : on compte deux fois et deux tiers la hauteur du corps dans sa longueur. CHAP. I. AMPHACAiNTHES. i 55 L'individu de Bouiou est long de six pouces; celui de Yanicolo en a huit. Son anatomie n'offre que peu de différence avec celle de l'amphacanlhe à chaîneUes. Les viscères sont placés dans les mêmes relations emre euxj la seule particularité notable consisterait dans un cœcum de plus, c'est-à-dire qu'il y en a six, dont un est dirigé vers le diaphragme. Le bord inférieur du lobe gauche du foie montre des digilalions peu profondes, la vésicule du fiel est plus petite, et le canal cholédoque encore plus délié. Le tube intestinal est plus gros; la rate plus petite; les parois de la vessie natatoire plus minces et moins brillantes; les reins plus gros; la vessie urinaire plus étroite. INous avons trouvé l'estomac et tout l'intestin rempHs de débris de plantes. Le péritoine est noirâtre. MM. Quoy et Gaimard nous avaient com- muniqué le dessin qu'ils en ont pris sur le irais. Nous l'avons prêté à M. Guérin pour le publier dans riconographie du règne animal; il y est gravé pi. 35, fig. i, des poissons. Cette figure est exacte, mais les couleurs nen sont pas assez vives. Z/'Amphacainthe vergeté. {Amphacanlhus vir gatus ,Moh.) MM. Kuhl et Van-Hasselt ont envoyé de Java une espèce fort voisine de ce doliatus, 1 54 LIVRE X. TEUTHIES. mais un peu plus haute et plus comprimée. Sa hauteur est deux fois et un tiers dans sa longueur; elle a le devant du museau et le criÀne traversés de douze à treize lignes étroites, d'un brun noir, et la joue semée de petits anneaux gris; des taches brunes, peu nettes, sont éparses sur le dos. Le reste du corps paraît, dans la liqueur, d'une teinte pale, tirant au roussâtre; mais ce sont là des effets de l'esprit de vin. A l'état frais , comme nous pouvons en juger par un dessin fait sur les lieux , et envoyé par les mêmes natu- ralistes, le fond de la couleur est orangé sur le dos et les flancs , et blanchâtre au ventre. Deux larges bandes d'un jaune verdâtre descendent obliquement, l'une, du commencement de la dorsale à la jouej l'autre, de son milieu à la pectorale; leur bord est bleu, et la première a une ligne bleue le long de son milieu. Il y a d'ailleurs des points bleus sur tout l'orangé, et les lignes transverses sont de la même couleur. D. 13/10 ; A. 1^9. M. Gray nous en a communiqué récemment une bonne figure pour le trait, quoiqu'il y ait oublié de faire attention au caractère si remarquable de la ventrale. Le fond de la teinte du corps a été pris sur le poisson mort ou conservé déjà dans l'alcool. On voit aussi une bande jaune verdâtre, qui monte oWiquement de la queue le long de la ligne laté- rale. La dorsale et la caudale sont du même jaune. Le crâne est ridé, l'opercule et le limbe du préoper- cule bien striés; les nombres sont les mêmes que dans tous les autres. CHAP. I. AMPHACANTIIES. 135 Nous avons examiné avec détail les viscères de celle espèce. Le lobe gauche du foie est aplati, large et divisé en quatre digitations; le lobe droit est petit, trlèdre et très-pointu, encore plus que celui de l'am- pliacantlîus doliatus. La vésicule du fiel est globuleuse et suspendue à un long canal cholédoque capillaire, qui reçoit du lobe gauche des vaisseaux hépato- cystiques plus gros que lui, et qui, devenant un peu plus fort, descend entre les replis de l'intestin le Ions du duodénum et va déboucher à la base de l'un des cœcums. La vésicule du fiel et le canal sont d'un beau blanc. L'œsophage est long, cylindrique^ descendu jusqu'au fond de l'abdomen, il se replie et se continue en un estomac alongé, étroit et court, dont les parois ont l'apparence plus charnue que celles de l'œsophage. Il y a quatre cœcums au pylore; tous dirigés vers l'arrière de l'abdomen; le canal intestinal est entièrement sur le côté droit de l'œsophage et de l'estomac; il s'enroule en spirale de cinq à six tours, d'abord de droite à gauche, puis il revient de gauche à droite, de manière que le rectum débouche à l'anus près de la hauteur du pylore. La rate est plus grande , plus aplatie et plus alongée que celle de l'amphacantlius doliatus; mais elle est placée au même endroit. La vessie aérienne est très -grande, un peu compiimée de droite à gauche, et ay^ant les empreintes très-forles des cotes sur lesquelles elle s'appuie; ses parois sont fibreuses et brillent d'un bel éclat argenté. Les laitances sont très-petites et placées vers far- 1 36 LIVRE X. TEUTHIES. lière de l'abdomen, sous l'intestin; elles aboutissent au cloaque même. Les reins, étroits, alongés et divisés en deux lobes, finissent sur la vessie natatoire elle-même; ils donnent deux longs uretères qui se contournent sur le fond de la cavité abdominale, et se dilatent en une longue vessie urinaire qui remonte à l'anus entre les deux laitances. Le péritoine est d'un noir très-foncé. Nous n'avons rien trouve dans les intestins de ce poisson, long de sept pouces. Z^'Amphacanthe a gouttelettes. {uàmphacanthus guttatiis j, Bl. Sclin.) Le chœtodon guttatus de Bloch, pi. 196, dont il a fait ensuite son amphacanthus gut- tatuSy est en effet un amphacantlie semblable aux prëcëdens. Nous en avons un individu sec; sa hauteur est un peu moins de trois fois dans sa longueur; son chanfrein n'est pas bombé; les rides de son crâne sont irrégulières et très-marquées, et il en descend entre les yeux des arêtes saillantes et peu régulières. Le limbe de son préopercule, son opercule et les os de l'épaule sont fortement striés ; les épines sont grosses et sillonnées en longueur; mais il a du reste tous les autres caractères et les nombres de rayons communs aux espèces de ce genre. Sa caudale est fortement échancrée en crois- CHAP. I. AMPHACANTHES. 157 sani; tout son corps et sa tête paraissent dans le sec d'un brun clair, semé de petites taches rondes et ser- rées d'un brun foncé ou noirâtre. Il y a aussi de ces taches sur la caudale, mais encore plus petites et plus serrées, et on eh aperçoit de plus grandes, mais pas aussi nettes, entre les rayons mous de la dorsale et de l'anale. Les autres nageoires paraissent uniformément brunes. D. 13/10; A. "7/9, etc. Nous ignorons l'origine de notre individu, qui a été cédé au Cabinet du Roi par celui de Lisbonne. Il a un pied de long. C'est à cet amphacanthus giittatus que Bloch, dans son Système posthume, a voulu rapporter tous les poissons de ce genre décrits par les auteurs, excepté le scarus stellatus de Forskal; mais il s'est trop laissé entraîner par les caractères génériques. Ainsi le scarus siganus ou le rwulatus ne peut être le même, puisqu'il a des lignes longitudinales jaunes. Ce ne peut être non plus le spams spinus d'Osbeck et de Linnaeus, puisque ce spinus a des lignes bleues et tortueuses sur les côtés. Il ne s'accorde pas davantage avec Xhepatus cauda frontecpie inerniihus de Gronovitis*, qui est devenu le teuthis jasms de Linnœus^ 1. Zoophvl.j p. ii3, n.° 552. 'ÎSS LIVRE X. TEUTHIES. car c'est Lien sûrement notre première espèce, ainsi qu'il est aisé d'en juger par la figure. ' Eniiil le centroQcister fuscescens d'Hout- tuyn^, qui est brun dessus et blanchâtre des- sous, ne peut être que l'espèce à laquelle nous avons donné le même nom. Bloch donne dans son Système posthume, pi. 48, la figure d'un amphacanthe qu'il nomme oramin et qu'il croit aussi une variété du ^ut- tatuSj mais bien sûrement il ne lui appartient pas plus que tous les précédens, et même, si cette figure était correcte, ce serait une espèce aussi distincte qu'aucune des autres j elle paraît de couleur rougeâtre; tout son corps est rayé en long de jaune, et sur les raies de la moitié supé- rieure, ou entre elles, il y a des séries de taches rondes et bleues; des taches nuageuses se montrent entre les rayons de la dorsale et de l'anale, et l'on voit quatre bandes brunes sur la caudale: du reste, il a tous les caractères génériques; sa forme particulière semble se rapprocher de celle de notre première espèce, et nous savons si bien à quel point Bloch altérait ses figures, que nous ne nous étonnerions point qu'il n'en fût en effet. Ce nom d'oj^amin que Bloch dit lui être 1. Zoophjl. , pi. 8, fîg. 4. — 2. Mcin. de Ilailcm, l. XX, 2.' part., p. 353. CHAP. T. AMPHACANTHES. i 51) donné en malais (c'est-à-dire en malabare ou en tamoule), n'est bien vraisemblablement qu'une autre prononciation de varaniine , nom tamoule de notre première espèce à Pon- dichéry. Zv'Amphacanthe du corail. {Amphacanthus corallinus j nob.) Nous avons une espèce très -voisine de ce guttatus, et que nous lui aurions même rap- portée, sans d'assez grandes différences dans la ligne du profil et dans les taches de la caudale. M. Dussumier en a recueilli plusieurs indi- vidus aux Séclielles, où on nomme l'espèce coj^domiier de corail^ et MM. Kuhl et Van- Hasselt en ont envoyé une belle figure de Java au Musée royal des Pays-Bas. Ils l'ap- pelaient javaneuSy mais cette dénomination est trop peu distinctive de celle de notre pre- mière espèce, pour être conservée. Sa hauteur est un peu moins de trois fols dans sa longueur. La hgne de son profil, d'abord droit, puis un peu convexe entre les yeux, prend une concavité assez marquée en descendant au nmseau comme dans le précédent. Son crâne a des rides irrégulières, et il y a des stries profondes sur le limbe du préopercule, sur l'opercule et sur l'épaule j 110 LIVRE X. TEUTHIES. ses épines dorsales et anales ne sont ni moins fortes ni moins sillonnées, et la forme de croissant de sa caudale est tout aussi prononcée. D. 13/10; A. 7/9, etc. Son corps entier est d'un beau jaune doré ou orangé, semé de petites taches rondes, bleu de ciel, bordées de brun , serrées , un peu plus grandes à la tète et à la poitrine que sur le reste du tronc. Ces parties, ainsi que les nageoires, sont aussi d'un jaune jonquille ou tirant même un peu au verdàtre;la cau- dale n'a que quelques taches bleues, éloignées et nuageuses; il y a quelquefois des points bleus sur les épines anales ; les ventrales sont blanches. Aux Séchelles ce poisson habite de préfé- rence sur les fonds de madrépores. On le mange. Z'Amphacanthe a nuque jaune. {Amphacanthus nuchalls , nob.; Scomher sLellatus , Forskal.) M. Ruppel' a décrit et représenté sous le nom à' amphacanthus punctatus , une espèce qui ne peut pas être celle à laquelle Schneider a donné le même nom, mais qui est bien carac- térisée par la tache jaune de sa nuque. Sa hauteur est trois fois dans sa longueur; son prolil descend obliquement, mais presque en ligne 1. AU., p. 46, et pi. 1 1 , fig. 2. CHAP. I. AMPHACANTHES. 4^1 (Irolie ; sa caudale est fortement échancrée en crois- sant ; ses épines dorsales sont assez hautes et assez fortes. Tout son corps est grisâtre ou lilas clair, couvert de petites taches anguleuses, serrées, d'un brun pourpre ; sa dorsale et son anale sont d'un vert olive foncé, tachetées de brun; le bord de leur partie molle est jaunâtre, ainsi que celui de la cau- dale, laquelle est d'un vert plus clair. Les pectorales sont jaunes et tachetées de fauve comme la tache jaune de la nuque; les ventrales sont d'un vert bleuâ- tre ; la figure est longue de sept pouces. D. 13/9; A. 7/9, etc. Je ne puis retrouver que dans cette espèce les caractères assignés par Forskal à son scariis stellatus : color corporis nigricans , annulis hexagonis parvis undique conti^uis^ uhique adspersiSf cœruleo-pallidis , interdum alhidis, maculis seu guttis hexagonis ni gris veljlaves- centibiiSy pinnœ pectorales Jlavce; reliquce nigrœ, dorsalis et ani pone jlavœ, interdum in pinna caudœ liturœ jlai^ce latérales. ^ Mais l'auteur donne un rayon mou de plus à la dorsale et à l'anale. D. 13/11; A. 7/10. ^ Peut être aura-t-il compte pour deux le dernier rayon qui, dans ce genre comme dans beaucoup d'autres, est profondément divisé. 1. Cette description est extraite de difTérens endroits de celle de Forskal j le reste se réduit à des caractères génériques. i42 LIVRE X. TKUTHIES. Ce poisson de Forskal se nomme ^hœjthan à Djidcla; il est long dcsix])0uces et se Irouve, mais rarement, parmi les coraux; il ne vit que d'herbes, et on le prend avec des nasses et non pas à l'hameçon. Z'Amphacanthe firmament. ( Amphacanthus finnamcntwn , nob.) Plusieurs autres espèces de ce genre ont , comme les précédentes, le corps plus ou moins semé de points ou de petites taches rondes. Ainsi nous avons vu parmi les nombreux et beaux dessins de l'expédition du capitaine Lutke, la figure d'un amphacanthe très-sem- blable au guttatus pour la forme générale et pour le museau, qui même est encore plus court, maïs dont la caudale est moins en croissant, les épines plus grêles, quoique en même nombre, D. 13/10; A. 7/9, etc., et où, de plus, les couleurs sont dans un ordre tout- «î-fait inverse. Le dos est d'un bleu foncé qui devient plus clair en dessous, et tout semé de taches rondes et nombreuses, d'un orangé brun. Le front et l'oper- cule ont des teintes verdâtresj il y a à la joue trois lignes descendant obliquement avec des intervalles jaunâtres; sous la fin de la dorsale est une tache ovale verte. Les nageoires sont grises. CHAP. I. AMPIlACANTHES. 145 L'individu elait long de six pouces et avait été pris à Samarang. Z'AmPHACANTHE a DOS TACHETÉ. {Amphacanthus dorsalis , nob. ) MM. Kuhl et Van-Hasselt en ont dessiné un autre à Batavia, un peu plus oblong que celui de M. Meiteus, à front un peu moins convexe, et qui n'a de taches que sur le dos et le flanc; ces taches sont blanchâtres sur un fond gris-roussâtre. Le ventre est blanc, nué de verdâtre; les nageoires sont pâles; il n'y a pas de lignes sur la joue. D. 13/10; A. 7/9, etc. La figure est longue de sept pouces. Z/'Amphacanthe de Desjardins. {Amphacanthus Âhhortani , nob.) Nous avons reçu de l'Isle- de -France par M. Julien Desjaidins un amphacanthe diffé- rent des précédens par l'abaissement de la bosse frontale en avant des yeux, ce qui rend le profil plus rectiligne. Sa hau- teur fait le tiers de sa longueur ; la tête n'est con- tenue que cinq fois dans celle du corps; le dia- mètre de l'œil est du tiers de celle delà tête; les rides du front et les opercules sont presque effacés; les i 4 4 LIVRE X. TEUTHIES. épines des nageoires dorsales et anales sont faibles; la caudale est coupée en croissant. D. 13/10; A. 7/9, elc. Sa couleur est un brun violet, uniforme, sans aucune tache. Nous en avons reçu deux individus bien conservés, dont l'un a sept pouces de long et l'autre est plus petit. L'espèce se retrouve aussi à la côte malabare, car les individus de M. Desjardins nous ont servi à reconnaître et à distinguer des amphacanthes en mauvais état que nous avions reçus avec les collections faites par M. Bélanger. On voit par les proportions du corps et par l'absence des taches que l'amphacanthus Abhortani ne peut pas être rapporté ni au perlé ni au sutor que nous allons décrire et qui ont avec celui-ci de si grands rapports. Nous croyons qu'il existe encore sur les côtes de l'ïsle-de-France, une espèce de ce genre différente de toutes celles que nous mention- nons ici, mais nous ne pouvons en déterminer les caractères, parce que le seul individu que nous en ayons vu est en trop mauvais état. Il faisait partie d'un envoi qu'a fait au Mu- séum le zélé naturaliste de l'Isle- de -France, auquel nous devons tant de richesses. Nous CHAP. T. AMPHACANTHES. 14IS signalons à son activité cette lacune, pour que de nouvelles recherches la lui fassent remplir. Zy'AlVlPHACATNTHE PERLÉ. {Amphacanthus margaritiferus y nob.j Chœtodon canaliculatus y Park. ) Une espèce plus oblongue de ces ampha- canthes ponctués a été rapportée d'Amboine et de Vanicolo par MM. Quoy et Gaimard. Sa hauteur est un peu plus de trois fois, et sa tête un peu plus de cinq fois, dans la longueur totale; le diamètre de son œil est du tiers de la longueur de sa tête; son profil descend presque en ligne droite; son front s'élargit un peu au-devant des yeux; les rides de son crâne et de ses pièces operculaires sont peu marquées; ses épines dorsales sont plus faibles que celles à\x guttatus, D. 13/10; A. 7/9; il a aussi la caudale plus en croissant et les lobes plus pointus. Dans la liqueur il paraît brun en des- sus, plus pâle en dessous, tout semé de points ou de petites taches rondes , blanchâtres ou bleuâtres. Les naturalistes à qui nous le devons et qui l'ont dessiné et décrit sur le frais, disent qu'il est sur le dos d'un verdâtre sale, et sur les flancs d'un grisâtre qui passe sur le ventre au blanc mat, légèrement argenté. Tout son corps est semé de points bleuâtres; la dorsale et la caudale d'un verdâtre sombre; les pectorales jaune verdâtre. 10. lO 44C LIVRE X. TEUTHIES. Leur individu d'Amhoine a près de sept pouces, celui de Yanicolo en a près de neuf. Il y a tout lieu de croire que c'est le chœ- todon canaliculatns de Park ou Yamphacan- thus canaliculatns de Blocli; la description que Park en donne ' est si courte que ce n'est guère que par les nombres des rayons, D. 13/10; A. 7/8, que l'on peut en deviner le genre, mais ce qu'il dit des couleurs {supra jlavo virescens, suhtus alhicans y guttis lœi>iorihus aspersus) ne convient bien qu'à cette espèce. Il l'avait vue sur la côte de Sumatra. M. de Lacëpède en a fait son chœtodon cannelé. ^ JL'AmPH ACANTHE PONCTUÉ. {Amphacanthus punctatus , Schn.) Une espèce que Forster a observée dans l'océan Pacifique, me paraît identique à cet amphacanthe perle, quant aux formes, mais un peu différente quant aux couleurs. Le des- sin conservé dans la bibliothèque de Banks porte pour étiquette chœtodon meleagris j mais il paraît qu'en rédigeant ses manuscrits, 1. Transactions de la Société linnéenne, t. III, p. 33. — 2. Lacép., t. IV, p. 473. CHAP. I. AMPHACANTHES. 147 Forster avait changé d'idée, et l'avait appelé du nom d'harpiuns inerniis, par le(]uel il avait voulu marquer son affinité avec les acanUuires. Cette description a été donnée par Schneider dans le Système posthume de Bloch , p. 210, sous le nom d^aniphacantlius punctatus. J'ai tout lieu de croire que c'est aussi Vaccin- thiirus meleagris de Shaw, bien que cet au- teur lui donne des aiguillons aux côtés de la queue. * Ce qui me donne cette pensée, c'est que je vois que Shaw a décrit les poissons cédés par Forster au Muséum britannique sous les noms que ce malheureux voyageur leur avait don- nés, quoiqu'il ne l'ait pas cité, et même c'était par lui, qu'avant d'avoir reçu de Montpellier la collection de Broussonnet, nous avions appris quels étaient ces nombreux chétodons mentionnés par ce dernier naturaliste dans les notes de sa première décade, et dont Gmelin n'a pu que copier les noms.^ La figure en question, longue de dix pouces, donne au dos une teinte violâtre et sème tout le corps de points verdâtres, qui deviennent jaunâtres à la tête. La description, telle qu'on 1. Vojez Gêner. Zooh, t. IV, 2.^ part., p. 385. — 2. Sjsf. linn. , éd. Gmel., p. 1269. * 148 LIVRE X. TEUTHIES. la trouve dans Bloch, indique le corps d'un brun pourpré, semé de points nombreux pâles, la dorsale de même couleur avec des taches neigeuses, les pectorales brunes, l'anale et la caudale brunes, ponctuées. Forster compte: B. 4, D. 13/10; A. 7/9; mais le nombre des rayons branchiostèges est évidemment faux. Z/'Amphacawthe cordonnier. {Amphacanthus sutor ^ n.; Biiro brumieus , Comm.) Le poisson ainsi nommé aux Séchelles, d'où il a été rapporté par M. Dussumier, et qui nous est aussi venu de l'île de Bourbon et de la côte de Malabar, ressemble extraordinaire- ment au perlé par la disposition des couleurs et même par les formes; cependant la courbe de son dos est plus convexe. Sa hauteur n'est pas trois fois dans sa longueur, et sa tête y est près de six foisj sa pectorale est plus arrondie et un peu plus courte. D. 13/10; A. 7/9- Dans la liqueur il paraît brun, et ses points sont peu visibles. M. Dussumier le colore en gris verdâtre moucheté d'un bleu ternej vers le ventre il devient 1. Un individu a D. 14/10 et A. 7/10. CHAP. I. AMPHACANTHES. '149 plus gris ; les nageoires sont verdâtres sous les pec- torales dont la teinte est jaunâtre. Nous en avons des individus longs de neuf pouces, mais l'espèce devient d'un tiers plus grande. Elle est fort bonne et on la pèche en abondance; sa chair est noirâtre et se conserve très-bien au moyen du sel. Les pêcheurs re- doutent sa piqûre. Le squelette présente les mêmes caractères que celui de \ amphacanthus concatenaius ^ excepté pour les formes générales, dont on peut déjà juger par l'ex- térieur. Les crêtes du crâne, surtout la mitoyenne, y sont moins saillantes, plus rejetées en arrière; les naseaux plus petits, moins bombés. Les lames osseuses des interépineux se tiennent de même entre elles, et font de tous ces os un ensemble continu. Il en est en partie de même de celles des apophyses épi- neuses, surtout des premières vertèbres du dos et de la queue. Un individu desséché de cette espèce, trouvé dans les collections de Commerson , nous fait juger que c'est précisément celle qui a servi de sujet à la description de son biiro hrunnèus. Il en décrit la couleur comme brune semée d'une multitude de taches blanchâtres: tout ce qu'il en dit d'ailleurs, convient à peu près au genre tout entier; car les buro de Com- merson répondent exactement aux ampha- 450 LIVRE X. TEUTIIIES. canthes de Blocli et aux centrogastres de Hout- tiiyn. * L'Amphacap^the de Mertens. {Amphacanthus Mertensii, nob.) Nous ne le connaissons que par une figure de M. de Mertens; il se rapproche beaucoup de ce cordonnier pour les formes, et surtout pour la petitesse de la tétej il a en outre deux épines de plus à la dorsale : D. 15/10; A. 7/10, et il est d'un violet terne, semé de petits points oran- gés peu brillans et peu distincts; sa caudale est vio- lâtre; sa pectorale orangée sale, et ses autres nageoires sont d'un gris roussâtre. La figure est longue de huit pouces. Z^'Amphacanthe sombre. {AmphacantJius luridus , Elirenh.) M. Geoffroy et M. Ehrenberg ont recueilli dans la mer Rouge un amphacanthe très-sem- blable au guttatus pour la grosseur des épines , mais qui est un peu plus oblong et a le front un peu plus convexe; les rides de son crâne sont plus lines, plus serrées; celles du hmbe et de l'opercule 1. M. (le Laccpcdc, (. V, p. 421 cl 422, place les biiro dans les abdominaux, entre les poljncmcs et les harengs. CIIAP. I. AMPHACANTHES. i iS'l sont moins nombreuses et moins saillantes. Sa cau- dale est à peine sensiblement taillée en croissant. Sa hauteur est près de trois fois dans sa longueur; sa tête, aussi haute que longue, y est cinq fois. D. 13/10; A. 7/9, etc. A l'état sec il paraît brun avec quelques vestiges de taches plus brunes, et les pectorales sont jaunâtres. M. Ehrenberg le nomme amphacantlius liiridus, et le décrit comme d'un brun jau- nâtre, avec beaucoup de petites lignes jaunes pâles, et des taches noirâtres et nébuleuses. Il l'a pris à Massuah, et M. Geoffroy à Suez; ainsi l'espèce habite toute la mer Rouge. Nos individus sont longs de huit pouces. M. Ruppel (Atlas, p. 45) le décrit sous le même nom de linnduSy et dit qu'on le nomme liarafi à Tor. C'est à cette espèce que M. Geoffroy rap- porte le siganus de Forskal. Le squelette montre que les crêtes du crâne sont moins marquées que les précédentes, et que les lames verticales qui dilatent les interépineux et une partie des apophyses verticales de ses vertèbres, sont plus grandes, et rendent surtout la partie antérieure du tronc encore plus difficile à fléchir. Du reste il offre les mêmes cai'actères généraux et les mêmes nombres de vertèbres. ir»2 LIVRE X. TEUTHIES. Z/'Amphacanthe SIDJAN. {Amphacanthus s i garnis , Riipp. ; Scarus rivulatus , Forskal?) Nous placerons ici un amphacantlie voisin du précédent et encore plus commun dans la mer Rouge , que M. Geoffroy a rapporté de Suez, M. Ruppel de Tor et M. Ehrenberg de Massuah, et que ces deux derniers natu- ralistes se sont accordés à considérer comme le véritable siganus ou rwulatus de Forskal. Il est bien plus oblong que le luridas , et a les épines dorsales plus faibles et la tête moins obtuse. Sa hauteur est trois fois et demie et plus dans sa longueur, sa tête y est cinq fois et un tiers, et un peu moins haute que longue; son profil est droit; le bout de son museau seulement est arrondi; son crâne et son front sont sillonnés de rides serrées et assez fortes; au limbe de son préopercule et à son opercule il y a des stries encore un peu moins mar- quées qu'au lurldus; ses épines sont plus grêles et non striées. Sa caudale est échancrée d'un tiers, mais quand on l'étalé, elle semble seulement coupée en croissant. D. 13/10; A. 7/9, etc. Il paraît varier beaucoup pour les couleurs; ceux où elles sont le moins effacées, montrent un fond verdâlre en dessus, blanchâlre ou argenté en dessous, et semé de petites taches plus pâles que le fond. CHAP. I. AMPHACANTHES. 155 D'autres petites taches, rares et éparses irrégulière- ment, sont brunes ou noirâtres; quelques individus en ont le long du dos de grandes, formant comme des portions de bandes nuageuses qui remontent en partie sur la dorsale : le plus grand nombre a la gorge d'un blanc argenté comme le ventre; mais sur quelques-uns elle est bariolée de taches ou de bandes transversales brunes; la dorsale et l'anale ont des points bruns sur leurs rayons, et l'on voit le plus souvent de petites taches de cette couleur sur les bords supérieur et inférieur de la caudale. Nos individus sont longs de six et de sept pouces. Nous pensons que M. Ruppel a représenté cette espèce sous le nom de siganus (Atlas, pi. 11 , fig. i), quoique sa figure soit un peu plus courte que nos échantillons. Il la colore de verdàtre avec sept ou huit bandes un peu plus foncées, verticales, peu arrêtées, se ter- minant en pointe vers le bas, et quelques hgnes longi- tudinales jaunâtres, faiblement marquées sur les flancs et sur le ventre; les nageoires sont grises, avec des points bruns sur leurs rayons ; les trois premières bandes du dos remontent sur la partie épineuse de la dorsale. La caudale est tachetée de verdàtre, et a des points fauves à son bord supérieur et inférieur. B. 5;D. 13/10; A. 7/8, etc. 11 dit que l'espèce atteint sept pouces, que sa chair est mauvaise et sent les plantes ma- 1 54 LiVr.E X. TEUTHIES. rines; qu'elle vit en petites troupes dans le nord de la mer Eougc; et qu'elle lui fut indi- quée par les pécheurs de Tor sous le nom particulier de sideri. Mais est-ce le siganus de Forskal, ou ce siganus ne serait-il pas plutôt, comme l'a cru M. Geoiï'roy, l'espèce précédente, le luridus? Il serait bien difficile de le dire avec quelque assurance, caria description du voyageur da- nois, outre les caractères applicables à tout le genre, n'ajoute que quelques mots assez vagues sur les couleurs : cœriilescens, niaculis jugris, riviilis Jlavis lon^itudinalibus. Selon Forskal, son siganus prend à Lohaia un pied de longueur et a Bassora près de deux; les Arabes l'appellent djesavi et sidjan. Il ne se nourrit que d'algues marines, sur- tout de drosera-y on le mange, mais on lui attribue des qualités échauffantes. Les bles- sures faites par ses épines causent de grandes douleurs. ^ Ces indications, surtout celle de la taille, nous paraissent difficilement s'accorder avec celles de M. Ruppel. Dans cet amphacanthe, comme clans la plupart des autres, la cavité abdominale est très-étroite, mais elle 1. Forskal, Faune arab., p. 25 et 26. CHAP. I. amphacanthes. 1 Eib est presque aussi haute que longue; sa longueur est à peu près le tiers de celle du corps. Le dia- pliragme est placé très-obliquement d'avant en ar- rière, el l'anus s'ouvre assez en avant de l'anale, entre les ventrales. Cette disposition a fait que les viscères sont disposés presque dans un même plan, et que l'intestin, qui est très-long, a dû se replier plusieurs fois sur lui-même : ils ont une vessie natatoire assez grande. Dans ce siganus en particulier le foie est petit, situé presque en entier dans le côté droit et vers le haut de l'abdomen; la vésicule du fiel est attachée sur son bord gauche auprès du duodénum: elle est globuleuse; ses parois sont blanches et très- épaisses; le canal cholédoque est assez long, il des- cend perpendiculairement pour s'ouvrir dans le premier cœcum à droite , auprès de sa sortie de l'intestin. L'œsophage, à son origine, est assez large et garni en dedans de plis très-épais; il descend en se rétrécissant jusqu'aux deux tiers de la longueur de l'abdomen; il n'a pas cependant, à beaucoup près, une aussi grande longueur qu'on pourrait le croire; mais il se porte aussi loin, à cause de l'inclinaison du diaphragme ; il se courbe subitement pour for- mer l'estomac, qui est cylindrique sans cul-de-sac, dont la longueur est presque égale à celle de l'œso- phage, et qui se dilate avant de déboucher dans l'in- testin; ses parois sont épaisses et un peu charnues. Le pylore est muni de cinq appendices cœcales, dont trois sont du côté droit : elles sont assez lon- gues, et recourbées sur elles-mêmes. L'intestin a ses parois très-minces, et son diamètre est à peu près le 1 56 LIVRE X. TEUTHIES. même dans touie son étendue ; ses replis forment deux masses, situées à droite et à gauche de l'œso- phage et de l'estomac, et roulées chacune en spirale en sens contraire et à trois replis. Le rectum, sur lequel est placée la rate, petite et globuleuse, est entre les deux masses un peu au-dessous de l'estomac. Nous avons trouvé tous les intestins grêles remplis de débris de végétaux fortement tassés dans toute sa longueur, l'estomac vide, ainsi que le rectum. Son squelette ne diffère guère de ceux que nous avons déjà décrits, que par les circonstances sensi- bles de l'extérieur , comme la forme générale, la faiblesse des épines, la ligne droite du front, etc. Sa crête mitoyenne est rejetée à l'occiput; les laté- rales ont presque disparu; les lames verticales de l'interépineux et des apophyses épineuses sont un peu moins étendues, etc. L'AmPHACANTHE BRUNATRE. {Amphacanthus fuscescens , Centra gas ter fuscescens , Houttuyn. ) M. Langsdorf a rapporté du Japon un am- pliacanthe encore très-semblable parles formes et les proportions à ce siganus d'Egypte, qui dans son état sec paraît brun, assez uniforme, avec du blanchâtre à la partie inférieure. La membrane de sa dorsale et de son anale est colorée en brun de diffé- rentes teintes, comme par nuages, mais il n'y a pas de points sur leurs rayons, sa caudale est taillée en crois- sant, et paraît un peu jaunâtre ainsi que les pectorales. CHAP. I. AMPHACANTHES. 157 Sa hauteur est près de trois fois et demie dans sa longueur, et son profil est très -légèrement arqué; ses nombres sont comme à l'ordinaire, D. 13/10; A. 7/9, etc. L'individu est long de dix pouces. C'est manifestement ici le centrogaster fus- cescens de Houttuyn *, dont M. de Lacépède (t. III, p. 307) a fait son centrogastre hrii- nâtre; car cet auteur, après lui avoir donné explicitement tous les caractères génériques et le nombre de rayons de nos amphacanthes, ajoute qu'il est brun dessus et blanchâtre dessous. Son individu venait aussi du Japon, il n'avait que cinq pouces de longueur. Les amphacanthes sont connus même à la Chine, et nous en trouvons une assez bonne figure , quant au genre , dans le recueil de pein- tures chinoises de la bibliothèque du Muséum, et qui même pourrait bien appartenir à cette espèce du Japon. Le dos en est d'un brun verdâtre et le ventre argenté. M. de Lacépède n'a point fait usage de cette figure, et quoique nous ayons souvent eu l'occasion de vérifier l'exactitude de ces peintures, nous ne nous hasarderons pas d'établir une espèce sur des documens aussi vagues. 1. Mémoires de Harlem, t. XX, 2.' part. , p. 555. i58 LIVRE X. TEUTIIIES. Z'Amphacanthe a museau saillant. {Amphacanthus rostraUis , nob.) G est auprès du sigamis et du fuscescens , que doit venir une espèce ([ui nous est seule- ment connue par le dessin que M. Ebrenberg en a fait à Massuab, et qu'il a bien voulu nous communiquer. Le corps est oblong comme celui deFampiiacandie brunâtre; sa hauteur a près du quart de sa lon- gueur. Le museau fait une saillie marquée en avant par la concavité du profil, qui monte très -oblique- ment vers la dorsale: il avance beaucoup plus que celui de la précédente espèce. Les nombres comptés par M. Ehrenberg sont : D. 13/10; A. 1/9; C. 20; P. 18; V. 2/3. La couleur est un olivâtre cendré, et semée de nom- breux points jaunes ; ils sont plus gros et plus rares sur la poitrine et sous la gorge, où ils prennent le ca- ractère de taches. L'individu était long de onze pouces. M. Ehrenberg avait donné à cette espèce lepithète de ponctuée (punctatiis) , mais comme cette dénomination est déjà employée et que d'ailleurs ce qui caractérise le poisson dont il s'agit, est l'avance de son museau, nous n'avons pas hésité à changer le nom qui avait été imposé par le savant et courageux voyageur de Berlin. chap. i. amphacanthes. 159 Z^'Amphacanthe a front bombé. {Amphacanthus tiimifrons, nob.) Une espèce non moins oblongue que la précédente , et dont la hauteur est près de trois fois et demie dans sa longueur, se fait remarquer par la partie du museau située au-devant des yeux , un peuj)lus large, plus alongée et plus convexe dans les deux sens. Son préopercule et son opercule sont à peu près lisses ; ses rayons dorsaux sont mé- diocres; sa caudale est échancrée jusqu'au quart. B. 5j D. 13/10; A. 1/9; C. 17; P. 17; V.2/3. Sa couleur paraît un brun tirant sur le pourpre, qui se change par degrés sur le ventre en un gris argenté; ce fond est semé partout de très -petites taches rondes serrées , de couleur blanchâtre ou bleuâtre; il y en a même sur les rayons de la dor- sale et de l'anale. La caudale est brune, les pectorales jaunâtres, les ventrales variées de brun et de blan- châtre. Dans certains individus on voit sur le corps quelques taches brunes, en petit nombre, éparses irrégulièrement. De très-jeunes individus n'en ont aucunes. La taille de nos plus grands n'est que de six pouces. Pérou avait rapporté cette espèce, et plus récemment elle nous est venue de la baie des Chiens-Marins par les naturalistes de l'expédi- 100 LIVRK X. TEUTIIIES. tion de M. Freycinet. Nous en avons trouvé une figure dans les dessins de poissons faits à Siam par le docteur Finlayson , et qui sont conserves à la compagnie des Indes à Londres. Cet ampliacanthe a l'intesiin roulé sur lui-même seulement dans l'hypocondre droit. L'estomac et l'œsophage se volent à l'ouverture de l'abdomen dans le côté gauche, ainsi que la rate. L'œsophage est très-grand à sa naissance, il descend tout droit en s'amincissant jusqu'aux trois quarts de la longueur de l'abdomen; il se courbe et remonte jusqu'à la moitié du canal œsophagien , où il s'élargit un peu et forme l'estomac. Il y a quatre appendices cœcales au pylore , dont deux ont leurs pointes dirigées vers le diaphragme. Le duodénum revient le long de l'œsophage presque jusque sous le diaphragme ; il diminue de diamètre, se roule six ou sept fois sur lui-même, augmente de grosseur, et débouche à l'anus par un rectum assez large. Le foie se compose de deux lobes, dont le gauche est trois fois plus gros que le droit; le premier lobe est quadrilatère , tandis que le second a la forme d'un triangle isocèle, dont le sommet est très-aigu. La vésicule du fiel est tout-à-fait ronde, de la grosseur d'un fort pois, elle est suspendue à un canal cholédoque si long qu'elle est placée au- delà de la crosse de l'œsophage; le canal en longe la face dorsale, se replie entre les deux lobes du foie, y reçoit un grand nombre de vaisseaux hépato-cys- liques, descend ensuite en dessous de l'œsophage, et verse la bile dans l'intestin près de l'insertion d'un CHAP. I. AMPHACANTHES. 1 6i des cœcums, qui a sa pointe tournée vers le dia- phragme. La rate est assez grosse , trièdre et située dans l'anse du repli de l'œsophage. Z/'Am PII ACANTHE ARGENTÉ. {Amphacanthus argenteus; Magjiahac , Q. et G.) MM. Quoy et Gaimard, naturalistes des expéditions commandées par M. Freycinet et Dumont d'Urville, ont rapporté des Mariannes et représenté dans TAtlas de l'Uranie ^, un très- petit amphacanthe d'une belle couleur d'argent, teint de roussâtre sur le dos, qui se caracté- rise bien par ses proportions; c'est le plus alongé, sa hauteur est quatre fois dans sa longueur; sa tête est d'un quart plus longue que haute, et son profil entièrement rectiligne ; il n'a presque pas de rebord saillant au-devant de l'orbite. Sa dorsale a des taches nuageuses brunâtres ; ses autres caractères et les nombres de ses rayons sont les mêmes que dans tout le genre. Nos plus grands individus n'ont que deux pouces. Les pécheurs avaient donné ces petits pois- sons comme les jeunes de l'amphacanthe mar- bré, mais les formes de leur tête ni les pro- portions du corps ne permettent d'adopter celte assertion. 1. Zoologie du Vojage de Frevcinet, pi. 62, fig. 3. 10. 11 162 LIVRE X. TEUTHIES. Selon les naturalistes que nous venons de citer, cet ampliacanthe a reçu aux îles Ma- riannes le nom de Ma^nahac ; il apparaît à certaines époques, et pendant quelques jours seulement, sur les côtes de l'île Guam en quantités prodigieuses, les liabitans s'empres- sent de le pécher au filet; d'en faire d'amples provisions, que l'on sèche au soleil et que l'on conserve dans un mélange de vinaigre et de plantes aromatiques, et qui sont de la plus grande utilité pour la nourriture des habitans/ Nous avions pensé d'abord que ce petit poisson pourrait être le ceutrogaster argen- tatus de Houttuyn^; mais cet auteur parle d'une tache brune sur la nuque et d'ime noi- râtre sur la dorsale, que nous ne voyons pas dans nos individus; et même, s'il ne s'est pas trompé dans le compte des rayons, il est dif- ficile d'établir que ce 'centrogastre argenté ap- partienne à notre genre actuel. Il les donne comme il suit : D. 8/..; A. 2/12. A la vérité , les lacunes qu'il laisse dans cette 1. Voyage autour du monde par le capitaine Frejcinef. Zoo- logie, p. 5G9. 2. Centrogasler argentatus , Houtlujn , Mémoires de Harlem , t. XX, 2.' part. , p. 554. Gmelin, p. iSSj. C'est d'après celui- ci que le centrOgrtStfé argenté a été pris dans M. de Lacépède , t. III, p. 307. CHAP. I. AMPHACANTHES, 465 ënumëration, prouvent qu'il n'en était pas sûr. Il n'avait qu'un petit individu de trois à quatre pouces, qui apparemment se trouvait en mau- vais ëtat. Ce n'est pas sur de tels matériaux que l'on peut établir une espèce. Z/'Amphacanthe de Guam. {^Amphacanthus guamensis , nob.) Les mêmes voyageurs ont encore pris dans ce lieu un petit amphacanthe dont les individus n'ont que deux pouces de long; mais qui ont le corps en ovale moins alongéj car la hauteur est le tiers de la longueur du corps. La ligne du profil est droite et le museau saille en avant, quoiqu'un peu moins que dans le tumifrons; les nombres sont comme aux precédens; la couleur paraît avoir été un gris verdâtre plus ou moins argenté, et veiné de taches grises ou blanchâtres, irrégulières de forme et d'intensité. Les nageoires ont du jaunâtre. Z/'AmPHACANTHE OLIVATRE. (Amphacanthus olwaceus) Nous avons reçu de l'Isle- de -France, par MM. Lesson et Garnot une petite espèce à corps oblong, à crâne un peu concave, et à museau convexe, comme dans le brun- 164 LIVRE X. TEUTHIES. neus, mais à opercule et préopercule lisses, el qui dans la liqueur paraît toute entière d'un gris olivâtre uniforme. Ses nombres sont comme aux précédentes ; la dorsale a des nébulosités brunes , disposées en bandes obliques et irrégulières, et la caudale en a de transverses. L'individu n'a que quatre pouces. Il y en a un autre du voyage de Péron, d'un olivâtre plus clair et dont les nébulosités des nageoires sont moins marquées. Sa lon- gueur n'est que de deux pouces et demi. Enfin, nous en avons du même pays un grand nombre d'individus longs de deux pouces seulement, que nous devons à M. Julien Des- jardins. Ils ont tous la nuque moins concave , parce que le dos se relève moins promptement. jL'Amphacanthe nuageux. {Amphacanthus nehulosus ^ Quoy et Gaimard.) Il est venu de Timor, des Marianues et du port Jackson une espèce très-voisine de notre rostj^atus , VL\?ih un peu plus courte du corps et de la tête, ce qui la rapproche encore plus de celles à poitrine saillante. Sa hauteur est deux fois et deux tiers dans sa lon- gueur; elle paraît aussi plus brune, avec des taches d'un brun encore plus foncé, et des points de même couleur sui les rayons dorsaux et abdominaux. Quel- CHAP. 1. AMPHACANTHES. \ 6S ques individus ont l'abdomen tout blanchâtre, en d'autres il est semé de gouttes pâles sur un fond gris. Les nombres sont les mêmes que dans tout le genre. . D. 13/10; A. 7/9, de. Nos individus n'ont guère que cinq pouces. MM. Quoy et Gaimard ont décrit cette espèce dans la partie zoologique du Voyage de Freycinet, p. 369. Le poisson qu'ils pla- cent à la suite (p. 870) sous le nom d'ampha- canthus maculosus, ne nous en paraît qu'une variété. i()(> . LIVRE X, TEUTHIES. CHAPITRE II. Des y^canth lires. Le nom d'acanthure ou queue épineuse ex- prime le caractère le plus saillant de ces poissons , celui d'une queue armée de chaque côté d'une forte épine 5 les nasons, les prionures et plusieurs balistes ont aussi des armures ana- logues, mais dans les acantliures l'épine est mobile et, dans l'état de repos, couchée contre le corps; elle se redresse à la volonté du pois- son, tandis que dans les genres que nous venons de citer, elle est toujours fixe. Le genre des acanthures est d'ailleurs très- naturel; toutes les espèces qui le composent ont la tête haute, comprimée, l'œil élevé, cinq rayons aux ouïes, la bouche peu fendue, les dents sur une seule rangée, tranchantes et den- telées à leur bord; une seule dorsale, la peau épaisse etle plus généralement re vê tue de petites écailles. Ils offrent des rapports très-sensibles avec les amphacanthes, sans avoir cependant ni le double aiguillon de leurs ventrales, ni sur- tout à l'intérieur ces longs os claviculaires s'éten- dant jusques aux interépineux de la queue. Les espèces de ce genre sont assez nom- CHAP. II. ÀCANTHURES. ^ 67 breuses entre les tropiques, dans les deux océans, surtout dans la mer des Indes. Les colons français et espagnols de l'Amérique les connaissent sous les noms de chirurgien^ de barbier et de porte-lancette, à cause de l'ai- guillon mobile et tranchant en forme de cet instiTiment qu'ils portent de chaque côté de leur queue et avec lequel ils coupent souvent jusqu'au sang la peau de ceux qui les saisissent imprudemment. Ces noms ont été transportés dans les colonies de ces deux nations aux Indes orientales. Les Hollandais des Indes leur donnent, ainsi qu'aux balistes , le nom de leer-visch ou poissons de cuir, mais ils l'affectent surtout aux espèces à petites écailles, dont la peau ressemble en effet à un cuir. Linné les avait laissés parmi les chétodons; Forskal a eu le premier lidée de les en retirer et d'en former un genre qu'il se proposait de nommer acantîiurus. ^ Forster eut aussi cette idée de son côté et avait préféré le nom à!harpurus. Nous avons trouvé le même genre établi dans les papiers de Commerson, sous celui diopisotomus; mais Bloch et M. de Lacépède ayant suivi Forskal, 1. Foriskal, p. Sg , C. acanihurus. ^ 68 LIVRE X. TEUTHIES. le nom d'acanthurus a prévalu. Il faut re- marquer ici que Yaspisnre de M. de Lacé- pède ne diffère point des acantliures, et qu'il faut aussi rapporter à ce genre ses chétodons nigricans, oblongus, couagga. Nous décrirons d'abord les espèces de l'At- lantique, qui sont moins nombreuses, et dont l'histoire n'a été faite jusqu'à présent que sur des documens peu complets. Z'ACANTHURE CHIRURGIEN. (Chœtodon chirurgus, Blocli, pi. 2085 Acanthurus chirurgus 3 Bl. Sclm . , p. 2 1 4- ) L'espèce que l'on connaît plus particulière- ment dans nos îles sous le nom de chirurgien, a été dessinée à la Martinique par le père Plumier 5 Bloch a fait graver ce dessin, pi. 208, et l'a accompagné d'une courte description faite seulement d'après la figure; aussi ses in- dications de nombres sont-elles fort inexactes/ MM. Pley, Garnot et Achard nous ont en- voyé delà Martinique et de Porto-Rico l'espèce de Plumier, qu'il nous a été aisé de recon- \. II les donne ainsi: D. 14/12; A. 3/17; C. 16; P. 16; V. 1/5. Nous trouvons sur un grand nombre d'individus : B. 5; D. 9/23; A. 3/22; C. 16; P. 15; V. 1^. CHAP. II. ÀCANTHURES. 169 naître aux traits dont ses flancs sont marques M. Desmarest nous en a f3onnë un qui lui avait été envoyé de Cuba, et nous en avons aussi un du Brésil. Son corps est ovale et comprimé; sans la caudale sa hauteur serait deux fois dans sa longueur ; la caudale est encore des deux tiers de la hauteur. L'épaisseur du corps n'en fait que le tiers; à partir de la nuque, le profil descend obliquement, mais assez rapidement, à la bouche, en faisant une légère convexité à la hauteur de l'œil. A compter de la nuque à la bouche, la longueur du profil est de près du tiers de la longueur totale; l'œil est assez près de cette ligne et au tiers supérieur de sa hau- teur, en sorte que sa distance à la bouche est fort grande. La bouche même est très-petite, et, le bord inférieur de l'opercule étant aussi très -court, son bord montant est placé fort obliquement, presque parallèle au profil, et deux fols plus long que le bord inférieur avec lequel il fait un angle obtus qui est un peu arrondi. L'opercule est plus de trois fois plus haut que long, en sorte que la tête entière est très-haute et très-courte; sa hauteur comprend sa longueur une fois et demie : quoique comprimée, sa partie antérieure n'est pas tranchante, mais arrondie. Le limbe du préopercule est strié sur sa longueur; l'opercule l'est en rayons, dont le centre est à son quart supérieur; il y a aussi des stries sur l'huméral au-dessus de la pectorale; ce qui parait du scapulaire est lisse. 170 LIVRE X. TEUTHIES. Le diainètie de l'œil est du quart de la hauteur de la têtej les orifices de la narine sont très-près de son bord, le postérieur, qui est le plus petit, le touche presque; l'antérieur est à une petite distance et légèrement rebordé. La bouche est peu ou point protraclile, garnie de lèvres membraneuses minces, qui ne couvrent pas les dents ; celles-ci , disposées sur une seule rangée, sont tranchantes, oblongues, ar- rondies au bout et finement dentelées en scie sur leur pourtour : j'en compte douze ou quatorze à la mâchoire supérieure, et environ vingt à l'inférieure. L'ouïe n'est fendue que dans la hauteur de l'oper- cule , et finit vis-à-vis l'angle du préopercule; la membrane est très-petite et s'unit à un isthme très- large : elle n'a que cinq rayons courts et grêles, dont le quatrième et surtout le cinquième sont même tellement cachés dans les chairs de l'isthme, qu'on ne peut les découvrir sans dissection. La pectorale, de forme demi -ovale, est attachée au tiers inférieur de la hauteur; elle est quatre fois et un quart dans la longueur totale, et compte quinze rayons; son aisselle n'a rien de remarquable. Les ventrales sortent un peu plus en arrière que les pectorales; mais leur pointe ne dépasse pas la leur. La forme de ces nageoires est un peu prolongée en fil; tous leurs rayons sont très-raides à leur basej l'externe seul est épineux: il est du tiers plus court que le premier mou. L'interne n'adhère au corps que par une membrane très-courte. La dorsale commence au-dessus de l'orifice des ouïes, et règne sur la plus grande partie du dos, CHAP. II. ACANTHURES. 174 gardant en hauteur un peu plus du quart de celle du corps; ses épines sont au nombre de neuf, dont la première très-courte, et ses rayons mous de vingt- trois et quelquefois de vingt-quatre, de vingt-cinq ou même de vingt-six; on ne voit point extérieure- ment d'épine couchée au-devant de sa base, comme dans les ampbacanthes, bien qu'il y en ait une petite dans le squelette. L'anale commence sous le milieu du corps et se conforme du reste à la dorsale pour la hauteur, l'égalité et la terminaison; elle a trois épines, dont la première est courte et presque cachée, et vingt -deux rayons mous. Un ruban de petites écailles , séparé de celles du corps par un sillon , marche le long de la base de ces deux nageoires; mais sur les nageoires mêmes il n'y en a point. Entre elle et la caudale est un espace du douzième à peu près de la longueur totale, et presque aussi haut que long; il a de chaque côté une forte épine comprimée et tranchante comme une lancette, dont la base a aussi une pointe plus petite. Cette épine est mobile sur une articulation de son tiers posté- rieur, et lorsqu'elle est couchée contre le corps dans le sillon destiné à la recevoir, on dirait une simple lame tranchante, pointue aux deux bouts et légèrement saillante; mais elle peut se redresser de manière à for- mer avec le corps un angle de quarante-cinq degrés; sa pointe antérieure, dirigée en avant, peut devenir alors une arme très-dangereuse. La longueur de celte épine varie beaucoup; on en trouve du dix-huitième environ de la longueur totale , et d'autres individus n'en ont que de moitié plus courtes. La caudale est 1 72 LIVRE X. TELTHIES. ^ échancrée en croissant jusqu'au tiers à peu près de sa longueur; ses lobes sont aiguisés en pointe et le supérieur est plus long que l'inférieur; elle a seize rayons entiers et quelques petits sur les bords. B. 5; D. 9/23 à 26; A. 3/22 j C. I65 P. 15; V. l/c5. Le devant du museau, le crâne, la tempe et tout le corps sont couverts d'innombrables petites écailles rondes, lisses, qui, vues à la loupe, montrent à leur bord externe une très-fine dentelure. La ligne latérale demeure parallèle à la courbure du dos et à une dis- tance qui est du cinquième de la plus grande hauteur. Tel qu'il nous a été envoyé dans la liqueur, ce poisson paraît d'un brun foncé tirant sur le jaune. Des lignes verticales noirâtres se montrent sur ses flancs sans atteindre son dos ni son ventre; dans l'in- dividu où elles sont le plus apparentes, on en compte douze ou treize, qui commencent derrière l'ouïe et finissent avant l'épine de la queue. Dans quelques individus , d'ailleurs entièrement semblables aux autres , on ne voit aucunes traces de ces bandes. Les ventrales paraissent noires , et les pectorales jaimâtres ; des lignes noirâtres très-fines existent sur la dorsale, en travers de ses rayons; la caudale a un liséré pâle. D'après le dessin de Plumier, tel que l'a rendu Bloch, pi. 208, il serait d'un jaune clair et avec un ventre blanc bleuâtre: des lignes obliques brunâtres se voient sur la dorsale, l'anale et la caudale; la dorsale a aussi quel- ques taches irrégulières brunes, et il n'y a que CHAP. II. ACANTHURES. 475 cinq lignes noires sur la moitié postérieure du corps. Une autre copie de ce dessin, faite par Aubriet, colore ces lignes en rouge; toutes les nageoires y sont rougeâtres, la caudale et l'anale ont un liséré bleu clair qui sur cette dernière s'élargit en avant. Nous soupçonnons cependant que toutes ces couleurs ont été représentées beaucoup trop vives et trop belles, et que dans leur état ordinaire leur teinte générale est bien plus brune. M. Pley les dit simplement gris foncé avec une anale bleuâtre. La cavité abdominale du chirurgien est presque aussi haute que longue; mais elle est très- étroite. A l'ouverture du corps on ne voit que les replis de l'intestin; le foie est très-petit et situé dans la région supérieure du ventre; le lobe gauche est quadrilatère, le droit est plus petit et triangulaire ; la vésicule du fiel est tout près de lui; sa forme est ovale, sa couleur est blanche. Le canal cholédoque reçoit plusieurs vais- seaux hépato-cystiques le long du lobe droit du foie, puis il devient libre dans l'angle des deux lobes; il descend vers le pylore où il aboutit entre les appen- dices cœcales. L'œsophage est assez large à son origine , il des- cend à peu près jusqu'au tiers de la longueur de l'abdomen; ses parois sont épaisses, charnues, et. i74 LIVRE X. TELTHIES. les plis de l'intérieur s'y élèvent en lames minces et hautes. L'œsophage se courbe vers la partie inférieure et se dilate en un estomac un peu ovoïde, qui est situé en travers et verticalement j ses parois, d'abord très -minces, deviennent charnues et épaisses vers le pylore autour duquel il y a dix appendices cœ- cales, à peu près égales. L'intestin, d'un diamètre uniforme sur toute sa longueur, qui est fort grande, . se porte vers le diaphragme et vers le côté gauche, en dehors de la masse enroulée. Il s'y replie quatre à cinq fois, puis il revient dans l'hypocondre droit, où il fait trois replis assez longs, et se contourne au-dessus des appendices cœcales, pour aller direc- tement déboucher à l'anus, qui est à peu près ouvert à la hauteur du pylore. La rate est petite, irièdre, située auprès du duodé- num et cachée dans les replis de l'intestin ; les laitances sont petites, découpées en lobules sur leur bord; elles sont rejetées à la partie postérieure et infé- rieure de la cavité abdominale : elles aboutissent di- rectement dans le cloaque. La vessie aérienne est très- grande, ses parois sont si minces et si adhérentes qu'on peut à peine la détacher; elle se prolonge en arrière en deux grandes cornes, qui font hernie dans les muscles de la queue de chaque côté des interépineux de l'anale. Les reins, d'un petit volume, aboutissent à une assez grande vessie urinaire à parois épaisses, blanches et brillantes, qui s'appuie sur le premier interépineux de l'anale entre les fourches de la vessie aérienne; le CHAP. II. ACANTHURES. ^7^ péritoine est noir. Nous avons trouvé dans l'estomac de ce poisson des débris de végétaux. Le squelette du chirurgien n'a qu'une petite crête mitoyenne à l'occiput, le dessus de son crâne n'en a point; ses intermaxillaires n'ont pas de pédicules, et ses maxillaires leur sont attachés fixement; comme dans les amphacanthes , les stylets de son épaule rie se composent que d'une pièce, descendent verticale- ment vers l'extrémité postérieure du bassin et ne se prolongent point vers l'anus. Ses cubitaux sont fort larges et ne laissent qu'un très-petit trou , à leur suture avec l'huméral; le trou du radial est aussi fort petit. Le bassin s'attache, comme à l'ordinaire, à la sym- physe humérale par une seule pointe commune à ses deux os. Il y a vingt-deux vertèbres, dont dix ab- dominales. Le premier interépineux du dos a , comme dans les liches, les amphacanthes et tant d'autres poissons voisins de ceux-là, une épine couchée et dirigée en avant ; mais dans cette espèce elle est trop petite pour percer la peau. Cet interépineux est en outre remarquable parce qu'il porte les deux premières épines dorsales, et surtout parce que la première s'y articule dans une échancrure dont le bord postérieur lui présente un tubercule, sur lequel elle se meut par arthrodie. Cette structure , beaucoup plus développée dans d'autres espèces, est réduite dans celle-ci à de petites dimensions. M. Pelé nous apprend que ce poisson se pèche presque toute Tannée à la Martinique; il n'y devient pas considérable, les plus gros I 76 LIVRE X. TEUTHIES. ne pèsent guère qu'une demi-livre : sa chair n'est estimée nulle part Nos individus sont longs depuis six jusqu'à dix et onze pouces. Z/'ACANTHURE SAIGNEUR. (jfcanthurus phlehotomus , nob.^ Nos colons des Antilles ont une autre es- pèce d'acanthure, qu'ils confondent avec la première sous le nom commun de chirurgien et que nous en distinguerons par celui de saig?îeii7% phlehotomus. Elle ressemble, à s'y méprendre, à la première, pour les formes , et a les mêmes nombres de rayons. Ses pièces operculaires sont plus fortement striées ; et dans celles de l'épaule, le scapulaire l'est comme l'huméral, circonstance qui devient caractéristique de cette espèce, comparée à la précédente; la cau- dale n'est pas si échancrée, ses pointes ne sont pas si aiguës, et surtout celle du lobe supérieur ne dépasse pas l'autre. Quand on l'étend, elle paraît le plus souvent carrée. B. 5: D. 9/24; A. 3/23; C. 16; P. 15; V. 1/5. Dans la liqueur, la couleur de ce deuxième chi- rurgien le dislingue aussi du premier; elle est toute entière d'un brun foncé, excepté la pectorale, dont la moitié extérieure semble d'un jaune pale. Il paraît . cependant que Ton aperçoit aussi, au moins sur CHAP. II. ACANTHURES. 177 quelques individus, des bandes sur les flancs. Je ne vois pas de lignes sur les nageoires, et la caudale n'a pas de liséré, du moins sur ceux qui nous sont venus des côtes d'Amérique. Nous avons des individus de cette espèce, originaires de la Martinique et longs de sept pouces et de onze pouces, un autre du Brésil, qui n'en a que quatre, et un troisième de la Havane qui n'en a que trois. M. L'Herminier l'a rapporte de la Guadeloupe et M. Ricord de Saint-Domingue. M. Milbert nous en a aussi envoyé un de New-York, mais très-petit. Ce poisson est du petit nombre de ceux que nous observons sur les côtes opposées de l'Adan- tique, et qui paraissent traverser cet océan. En effet, nous en avons reçu un individu long de quatre pouces et demi de la rade de Gorée parmi les pois- sons dus aux recherches de M. Rang, et dans le dessin colorié qu'il a bien voulu nous remettre, il le peint de couleur brune, rayée longitudinalement de petits traits bleuâtres; la pectorale a du jaunej la caudale un très-fin liséré de cette dernière teinte; la portion antérieure de la dorsale et de l'anale a des traits blanchâtres ou bleuâtres très -clairs. Ses intestins n'offrent que cinq appendices cœcales , et l'estomac est très-renflé, arrondi, à cause de l'épaisseur de ses parois. C'est aussi à cette seconde espèce que nous paraît devoir se rapporter ïacarauna de Mar- io. 12 '1 78 LIVRE X. TEUTIilKS. grave, p. il^l^, qui est dit. enlièrement de cou- leur noirâtre; mais il faut avouer qu'en ce cas la figure n'a pas le degré d'exactitude ordi- naire à celle de Margrave; le profil y est trop court, les ventrales trop longues, l'ëpine de la queue, dont il est parlé dans le texte, n'est pas même indiquée par un trait. La figure originale du prince Maurice montre au con- traire cet aiguillon, et a les ventrales dans les proportions ordinaires; mais la tête n'y est pas mieux rendue. Cette figure n'est pas enluminée, et le texte de Margrave indique la covdeur comme noi- râtre. Nous en avons aussi une figure assez exacte par M. Poey, qui ne présente pas les mêmes défauts. Cet observateur ajoute dans une note que le corps est noirâtre et qu'il y a du jau- nâtre vers l'extrémité de la pectorale. L'espèce parvient quelquefois, selon lui, au poids d'une livre. Cette figure nous fait juger que le barbero de Parra, pi. 21, fig. 2, paraît devoir appar- tenir à cette espèce en particulier, d'après sa couleur toute entière d'un brun bleuâtre; à la vérité son profil est dessiné trop court et sa caudale coupée trop carrément. CHAP. II. ACANTHURES. f79 Z/'ACANTHURE BLEU. i^Acanthurus cœruleus , Bl.) Les Antilles possèdenl encore un troisième chirurgien, facile à distinguer des deux autres, même par les formes, et qui se fait remarquer par sa belle couleur bleue. Il est beaucoup plus élevé à proportion ; sa hau- teur n'est qu'une fois et un tiers dans sa longueur, en n'y comprenant pas la queue ; sa nuque , sur- tout, est très-élevée, en sorte que son œil est au miUeu de la distance entre la dorsale et la bouche. Son profil, après avoir été un peu convexe devant l'œil, devient légèrement concave un peu plus bas, et a ainsi un peu de la courbure d'un iS" italique; sa ligne latérale, pour suivre la courbure du dos, est obligée de s'infléchir beaucoup en avant et en arrière. Les pointes de sa caudale, plus aiguës que dans la seconde espèce, le sont moins que dans la première; la supérieure dépasse l'inférieure, mais de très-peu. D. 9/27; A. 3/25; C. 16; P. 15 ou 12; V. 1/5. Tel que nous l'avons reçu de la Martinique , de Porto-Rico et de Saint-Domingue, ce poisson paraît d'un brun foncé tirant au pourpre. Sur plusieurs individus des lignes étroites bleuâtres, peu régulières, au nombre de vingt-quatre à vingt-cinq, parcourent longitudinalement les côtés du corps. La dorsale et l'anale sont colorées par des lignes obliques, alterna- tivement bleues et pourpres; les pectorales semblent A 80 LIVHE X. TEUTHIES. avoir eu une teinte orangée, et les ventrales une d'un bleu foncé et noirâtre; la! caudale paraît de la couleur du corps, avec un liséré d'un bleu noirâtre. M. Poey, qui nous en a donné un dessin fait à la Havanne, avec la description des couleurs prises du poisson frais, dit aussi que le corps et la caudale sont d'un bleu clair mat; la dorsale et l'anale ont des raies alternatives, de bleu plus clair et plus foncé. Nous l'avons également reçu du Brésil. M. Plée nous apprend que pendant la vie sa véritable couleur est un beau bleu, que ses nageoires sont d'un bleu plus foncé tirant au violet, et que son épine est entourée de membranes jaunes à sa base. Nous avons des individus depuis quatre jusqu'à huit pouces de longueur. Son foie est plus grand que celui du chirurgien : le lobe gauche est découpé, et une des laciniures se pro- longe en pointe assez aiguë. La vésicule du fiel est globuleuse, et cachée sous le lobe droit : elle est blanchâtre; le canal cholédoque débouche à la pointe du premier cœcum, qui a sa base dirigée vers le diaphragme; l'estomac est contourné en une sorte de fer à cheval ou en U ; il n'y a que cinq cœcums au pylore; le reste de l'intestin ressemble en tout à celui du chirurgien: cetintestin, déroulé etalongé, devient trois fois aussi long que le corps. La vessie natatoire est grande et fourchue en arrière, comme dans le précédent. Son squelette diffère par les proportions, comme son corps lui-même; la crête mitoyenne de son occiput s'élève davantage , la pointe couchée du CHAP. II. ACANTIIURES. 481 premier inlerépineux esl aussi un peu plus grande, et cet os est plus large d'avant en arrière ; mais les deux premières épines s'y articulent de même : les os du bras n'ont aussi que deux petits trous. Il n'y a que vingt et une vertèbres, dont huit ab- dominales et treize caudales. C'est manifestement ici le turdus rhoinboi- dalis de Catesby, II, pi. lo, fig. i. La forme et la couleur de cette figure la font aisément reconnaître , quoique les pectorales y aient été oubliées. Elle est copiée dans l'Encyclo- pédie méthodique, n.° 258; mais avec la pré- tention de représenter le teuthis hepatus. Bloch, dans son Système posthume, en a fait son acanthurus cœruleus. M. Desmarest, qui l'a reçu de Cuba, l'a dé- crit et représenté dans sa Décade ichthyo- logique, pi. 3, fig. i , sous le nom d'acantJiiire Broussonnet. A Saint-Thomas on l'appelle doctor; à Saint- Domingue il porte le nom de chirurgien bleu: sa chair, selon M. Ricord, y est peu estimée, et les pauvres seuls en mangent. La figure que Duhamel donne, sect. IV, pi. 12, fig. 3, du chirurgien ou porte- lan- cette de la Guadeloupe, semble faite d'après cette troisième espèce, quoiqu'elle n'en rende pas suffisamment la hauteur, et qu'elle ne i82 LIVRE X. TEUTHIES. marque pas les lignes des nageoires. Quant à la description , ih., p. 65 , comme elle ne parle que de teintes brunes, elle paraît plutôt ré- pondre à notre seconde espèce. Dans cet article envoyé de la Guadeloupe, il est dit que ce porte-lancette fournit un mets peu estimé, parce qu'il répand une huile d'une odeur désagréable; on ne croit pas que sa chair soit saine: il est fort commun sur les côtes de cette île, et y parvient à une longueur d'un pied. Il se nourrit de frais de poissons, d'algues marines et de petits crustacés. Nous pouvons croire que ces renseignemens s'appliquent plus ou moins à tous les acan- thures. Les mçrs des Indes orientales nourrissent des acanthures beaucoup plus nombreux que celles du Nouveau-Monde , et parmi lesquels il en est plusieurs que l'éclat des nuances qui les colo- rent, et la netteté de leur distribution, rendent faciles à caractériser. Nous tirerons notre base première de distribution du nombre des rayons épineux du dos, qui, dans la plupart de ces poissons, est de neuf, ou à peu près, comme dans les acanthures d'Amérique; mais qui dans CHAF. 11. AcAiNTIIURES. 1 S,") un certain groupe se réduit k quatre ou cinq. Une division subordonnée pourra être prise des pointes de la caudale et de leur longueur proportionnelle. Nous commencerons par ceux dont la cau- dale est tronquée ou légèrement coupée en croissant. Z/'ACANTHURE HÉPATE. {Acanthurus hepatus , Bloch, Syst. posth., p. 3iij Teuthis hepatus, lÀnn.; Acanthure teuthis ^hacé^. , t. IV, p. 5485 Hep utils , Gronov., n.° 355.) Dans le nombre de ceux qui sont le plus singulièrement colorés , doit se remarquer d'abord le deuxième hepatus de Gronovius, ouïe teuthis hepatus de Linnseus, Xacanthure teuthis de M. de Lacépède. Si l'on s'en rap- portait aux synonymes allégués par ces auteurs, cette espèce comprendrait des poissons des Indes et d'Amérique; mais en remontant aux sources, on voit bientôt que la figure de Seba, qui fait l'objet de leur citation principale, (tome III, pi. 33, fig. 3), est, par le contour et par les couleurs, d'une espèce entièrement difterente de celle de Catesby (t. II, pi. lo, fig. i), qui représente notre acanthure bleu, et qu'elles nont de commun que l'aiguillon 1 84 LIVRE X. TEUTHIES. au coté de la queue, signe caractéristique du genre. La description de Grono\ius lui-même, ne désignant pas les couleurs, est tellement restreinte aux traits génériques, qu'il n'est pas facile de décider à quelle espèce elle se rap- porte précisément; mais comme il dit que la figure de Seba est excellente, et qu'un indi- vidu desséché de l'espèce que nous décrivons, et qui vient de l'ancien cabinet du Stadhouder, nous paraît celui-là même qui a servi d'original à Seba, nous croyons bien pouvoir affirmer que c'est le véritable teuthis hepatus. C'est un poisson de la mer des Indes : Gro- novius ne le dit aussi de la Méditerranée que parce qu'il l'a soupçonné d'être le seserinus de Rondelet; conjecture qui n'est nullement fondée. Linné et Lacépède le placent à la Caroline, aussi bien qu'à Amboine; parce qu'ils ont cru, à l'exemple de Gronovius, que le poisson de Seba était le même que celui de Catesby. Bloch, dans son Système posthume, sépare ce dernier de l'autre et le nomme acantliurus cœriileiis; quoiqu'il n'en laisse pas moins à l'article de ïhepatus l'assertion qu'on le trouve aux îles de Bahama. Il ajoute qu'il est aussi au Japon ; mais il ne nous dit pas sur quelle CHAP. II. ACANTHURES. i 85 autorité. Au reste Gronovius cite encore, comme appartenant a ce poisson, deux figures de Valentyn, n."' 77 et 383, qui n'ont de commun avec lui que les caractères génériques. Les figures 402 et 4o4 sont les seules de Va- lentyn qui aient une ressemblance un peu plus particulière avec celle de Seba, encore ne lui ressemblent-elles pas complètement; mais qui voudrait demander une exactitude absolue à des artistes tels que Valentyn et Renard les ont employés ? L'espèce de ces deux figures reparaît, encore plus grossièrement représentée, dans Renard, 2.^ partie, n.° 55. L'ovale du corps de l'he'pate jusqu'au bout de la dorsale, et de l'anale, et en n'y comprenant pas la queue, a juste en longueur le double de sa hauteur. L'épaisseur est d'un peu moins du tiers de la hauteur. Son profil descend obhquement et par une ligne légèrement convexe à sa partie supérieure et presque droite ensuite^ la longueur de sa tête, sans la gorge, n'est que d'un cinquième moindre que sa hauteur. Toutes les parties de son corps et de sa tête sont couvertes de très-petites écailles rudes, qui rappel- lent pluKJt Tapreté des squales que les écailles des poissons ordinaires : on voit à la loupe que ce sont de petits grains portant chacun six ou huit petites épines; vers l'arrière du liane, sur un espace alongé, en avant de l'épine latérale de la queue, les pointes 18G LIVRE X. TKUTHIES. des écailles s'alongent de manière à former une sorte de velouté rude. Sur les côtés du museau et le devant de la joue les écailles sont plus grandes» de forme polygone, et leur surface est chagrinée. Le sillon nu au-dessous de l'œil est très-marqué; chaque mâchoire porte dix ou douze dents : les supérieures ont dix ou douze crénelures, qui re- montent sur leurs bords latéraux , les inférieures n'en ont que cinq , et seulement à l'extrémité. Sa dorsale est peu élevée et uniforme ; les épines n'ont guère que le cinquième de la hauteur du corps sous elles. L'anale, à peu près de même hauteur, finit vis-à-vis le même point, mais ne commence que sous l'aplomb du cinquième ou du sixième rayon dorsal- sa première épine est fort petite. La portion de queue entre la dorsale et l'anale d'une part, et la caudale de l'autre, est d'un neuvième de la longueur totale; la caudale en fait un autre neuvième : elle est coupée carrément; la pectorale, demi -ovale, a le cinquième de la longueur totale. L'épine de la ven- trale est très-grosse, et cette nageoire n'a que deux rayons mous, dont le premier très-grêle, et le second gros et fourchu presque jusqu'à sa base. D. 9/19 ou 20; A. 3/18 ou 19; C. 16; P. 15; V. 1/2. La couleur générale de ce poisson, dans son état sec, paraît un brun noirâtre; la caudale est jaune avec ses deux bords supérieur et inférieur noirs, et le jaune se porte en avant sur le côté de la queue, où il forme un triangle, dans lequel la lame latérale est comprise. Une teinte pâle suit aussi le bord in- férieur du corps, s'élargit et s'éclaircit sous la poi- CHAP. II. ACANTHURES. \ 87 irine ; il semble qu'il y a aussi une partie pâle à l'épaule. Mais ce qui montre à quel point l'on doit se défier des couleurs que conservent les poissons préparés dans nos cabinets, c'est ce que nous ap- prend une figure de celui-ci, faite d'après le frais par MM. Quoy et Gaimard. La tête, l'épaule, la gorge, la poitrine, tout le dessous du corps et une large tache ovale sur le flanc, y sont du bleu d'outremer le plus beau et le plus vif; le dos et le côté, sauf l'é- paule et la tache dont nous venons de parler, sont d'un noir profond et velouté, qui se prolonge sur les deux bords de la caudale, y laissant le triangle jaune que l'on voit aussi dans le sec, et qui est d'une teinte citron. La dorsale et l'anale sont d'un bleu teint de noirâtre vers les bords; la pectorale est bleue à sa base et jaune près de son bord ; les ventrales sont fauves, excepté l'épine, qui est bleue. M. Delise vient de nous envoyer un individu plus grand et dont le velouté latéral est plus marqué, accompagné d'une figure peinte avec le plus grand soin, et où les couleurs sont un peu différentes. La région humérale, la tache ovale du côté du dos, sont du plus beau bleu céleste, ainsi que la base de la pectorale et une bande qui descend de l'œil au menton, le reste de la tête est gris-brun, le dos noirâtre; mais toute la poitrine et le ventre sont d'un jaune citron clair. La caudale est de même jaune avec le bord supérieur et inférieur noir, et ce jaune s'avance en pointe autour de l'épine. La partie épineuse de la dorsale est orangée; la molle, ainsi que l'anale, est d'un beau bleu de ciel; 1 88 LIVRE X. TEUTHIES. mais toutes les nageoires ont un bord d'un brun foncé, qui passe en dentelures dans le bleu; les pec- torales ont une moitié noirâtre et une jaunâtre; les ventrales sont d'un gris-brun clair. Ces différences, assez marquées, de couleurs ne nous paraissent cependant être que des marques de sexe. Notre individu à ventre jaune est long de neuf pouces et vient de l'Isle-de-France ; celui à ventre bleu, qui n'en a que sept, est originaire de la Nou- velle-Guinée. C'est dans le squelette de cette espèce qu'on voit le mieux la structure du premier interépineux dor- sal : il est très-large d'avant en arrière, et ne porte pas l'épine couchée que nous avons vue dans quelques autres; mais il a une fissure profonde, coupée en arc de cercle, dont le bord postérieur forme une bande demi-circulaire , et a de chaque côté une petite apophyse. La première épine de la dorsale, qui est très-courte, enfonce sa base dans l'échancrure, et en enveloppe la lame circulaire en , même temps qu'elle donne deux apophyses qui ré- pondent aux apophyses latérales de l'inlerépineux. C'est ainsi qu'est fonné le gynglyme sur lequel elle se meut. Une structure toute semblable a lieu au pre- mier interépineux inférieur, pour la première épine anale. Le deuxième rayon s'articule sur la seconde moitié de l'interépineux, comme les suivantes sur les leurs. Les interépineux et les apophyses épineuses supérieures ont en arrière des lames osseuses minces, <]ui reniplissent tous leurs intervalles; les apophyses CHAP. II. ACANTHURES. 189 iiuérieures en ont aussi, mais de plus étroiies. Les trous laissés entre le cubital et l'huméral et dans le radial, sont plus grands qu'aux espèces précédentes. Il y a huit vertèbres abdominales et quatorze cau- dales. Zy'AcANTHURE TRIANGLE. {Acanthiirus triangulus, nob.) Nous trouvons dans le recueil de Corneille de Vlaming, n.° 248, sous le nom de parring- fortato y la figure d'un poisson qui ressemble à Thëpate par les formes et par le jaune et le noir dont il est peint; mais où ces couleurs sont autrement distribuées. La queue a un triangle noir, et les bords sont de couleur jaune, qui s'étend sur toute la partie supé- rieure du dos jusqu'auprès de l'œil, et donne une pointe qui aboutit à la pectorale, dont la moitié est noire. Une bande jaune s'étend sur l'opercule; les ventrales, les lèvres, le bord supérieur de la dorsale, la base et le bord de l'anale ont la même teinte. Cette figure n'a été gravée ni dans Renard ni dans Valentyn; la fidélité du peintre em- ployé par Vlaming ne nous permet pas de douter qu'elle ne représente un être réel, sur lequel nous désirons appeler l'attention des voyageurs. 190 LIVRE X. TEUTIIIF.S. Z'ACAINTHURE A JOUE BLANCHE. {AcanthuTus glaucopareius , Forster.) Forster a laissé parmi ses dessins, conservés à la bibliothèque de Banks, une figure éti- quetée hai^purus -glaucopareius , et qui re- présente un acanthure déjà publié dans Seba, tome III, pi. 25, n.° 3. La description que Forster en avait faite, est insérée dans le Sys- tème posthume de Bloch, p. 212, et il y est dit qu'il l'avait observé près de l'île d'Otaïti, où on le nomme Maïto, et qu'il l'a reconnu pour le véritable chcetodon nig/'îcajis de Linné, ce qui est vrai dans ce sens que l'au- teur du Sjstenia naturœ cite la figure n.° 3 de Seba parmi les synonymes de son cliœto- don nigricans ^ mais cette épithète de nigri- cans ayant donné lieu à toute sorte de con- fusions, nous avons cru devoir la supprimer tout-à-fait.^ MM. Lesson et Garnot ont rapporté l'espèce décrite par Forster, de lile d'Oualajij, où on le désigne par le nom d'Ik-ali-ala^ l'espèce se trouve aussi dans les Moluques. Elle est fort bien représentée dans le Re- 1. \oyez ci-dessous l'article de l'acanthure de Bloch, et la dis- cussion qui s'j trouve jointe concernant Vacanthurus nigricans. CHAP. II. ACANTHURES. 191 cueil de Corneille de Vlaming, n.° 17, sous le nom de philosophe, et la copie que Re- nard en donne, n.'^ôS, sans être exacte, est encore assez reconnaissable; quoique on ne sache pourquoi il lui fait sortir de la bouche une espèce de langue fourchue. Cette partie qui n'est pas prise du dessin original, est peut-être un ver ou quelque autre proie. Valentyn donne sous son n."" 383 la même figure que Renard, et prétend que le poisson a des cornes dans son bec; mais c'est une illusion produite par cette addition du copiste. Le n." 4 1 o de Valentyn , qu'il nomme ikan- hadoe-hadoeri ou le poisson de roche épineux, me paraît aussi appartenir à cette espèce. Le corps est ovale , et sa hauteur est un peu plus de deux fois dans sa longueur, en y comprenant la caudale , qui n'a pas de pointe saillante et est à peine un peu taillée en croissant. Sans la queue, la lon- gueur de l'ovale ne comprend sa hauteur qu'une fois et deux tiers; la dorsale et l'anale ont les bords à peu près parallèles à ceux du corps, et le quart de sa hauteur. La tête est presque deux fois aussi haute que longue, et le profil est légèrement courbé en S italique; l'œil est au quart supérieur de la hauteur; chaque mâchoire est bordée de huit ou dix dents, tronquées et divisées en cinq ou six crénelures ; le bord antérieur de l'orbite est un peu saillant; il n'y a pas d'épine couchée en avant de la dorsale. Tout 192 LIVRE X. TEUTIIIES. le corps est couvert de petites écailles oblongues-, dont l'extrémité visible est finement ciliée; la tête et même les opercules en ont aussi et de plus petites: rimméral seul est nu et strié. D. 9/30; A. 3/28; C. 16; P. 15; V. 1/5. Tout ce poisson est noirâtre, sauf ce qui suit : Sous chaque œil est une large tache en forme de croissant, d'un blanc bleuâtre. Le bout du museau, au-dessus des lèvres, est en- touré d'un anneau pâle; le long de la base de la dorsale et de l'anale règne une ligne jaune. Sur l'arrière de ces nageoires cette ligne s'élargit et se nuance d'orangé ou de roux. La caudale est bleue et a une bande jaune à son bord terminal, et qui se réfléchit en partie le long de ses bords supérieur et inférieur. Les ventrales sont noires , et les pectorales paraissent avoir été verdâtres. Dans le sec, ou dans les individus macérés par la liqueur, les lignes jaunes et même toute la caudale deviennent blanchâtres. C'est dans cet ëtat que le poisson a été décrit par Artedi. L'estomac de cette espèce est très- petit et non renflé : il y a cinq cœcums longs grêles et con- tournés sur eux-mêmes; l'intestin forme, comme à l'ordinaire, de nombreux replis dans le côté gauche, et après être revenu dans Thypocondre droit, il se dilate de manière à tripler son diamètre et faire ensuite deux replis, après lesquels il se rétrécit pour aboutir à l'anus. Notre individu est long de cinq pouces. chap. ii. acanthures. 195 jL'Acanthure de Delise. {Acanthurus Delisiani, nob.) Un superbe poisson de ce genre, qui nous a ëtë envoyé de l'Isle- de -France, avec la figure coloriée d'après le frais, par M. Théo- dore Delise, nous a paru devoir porter le nom de cet excellent observateur. Ses formes sont, à très-peu près, celles àviglauco- pareius : même hauteur proportionnelle, même pro- fil, un peu en S italique; même queue, légèrement taillée en croissant; même dorsale arrondie, du quart environ de la hauteur du corps; même nombre ou à peu près. D. 9/29 ou 30; A. 3/28, etc. Mais ses couleurs sont très-différentes et beaucoup plus belles. Sa tête et un triangle à l'os de l'épaule sont d'un noir foncé; un ruban blanc entoure le bout des mâ- choires en dessous, remonte derrière la commissure et finit en pointe un peu au-dessus. La gorge est occupée par une très-large bande blanchâtre, qui se porte jusqu'à la base de la pectorale. Tout le corps est du bleu barbeau le plus vif, qui prend une teinte plus claire le long du noir de la tête; le tronçon de queue derrière la dorsale et l'anale est jaune; la cau- dale est blanche , et un ruban noir l'entoure à ses quatre bords; le postérieur a de plus un liséré blanc. Toute la dorsale est d'un beau jaune d'or un peu orangé à la base, et finement lisérée de noir et de 10. l3 194 LIVRE X. TFXTHIES. blanc. Les peclorales sont orangées, et l'anale et les ventrales d'un lilas clair, bordées tout autour d'un trait blanc fort étroit. Ce beau poisson prend dans la liqueur des teintes un peu moins vives : son bleu devient cendré, son jaune, gris; mais le noir et le blanc se conservent. L'individu, envoyé dans la liqueur, est long de six pouces. Nous avons communiqué à M. Guérin le beau dessin de M. Delise, pour qu'il pût en orner l'Iconographie du règne animal; et la figure y est parfaitement copiée, pi. 35 des poissons, n.° 2. Cette espèce n'est pas confinée sur les côtes de risle-de-France ; et elle parait répandue dans la mer des Indes. M. Bennett l'a reçue de Ceilan, et l'a indiquée par vme descrip- tion courte, mais très-reconnaissable, dans la séance du 3 Novembre i832, de la société zoologique de Londres. Cette notice est pu- bliée dans les procès-verbaux de cette société savante, partie 2, p. i83. M. Bennett, ne connaissant pas nos travaux préparatoires, a regardé avec raison l'espèce comme nouvelle, et lui a donné le nom cVacanthiwus leuco- sternoji. chap. 11. acanthures. 195 jL'Acanthure Étoile. {Acanlhurus guttatus , Bl. Sclm.) Schneider a inséré dans le Système pos- thume de Bloch, p. 2i5, une courte notice faite par Forster, d'un poisson que ce voyageur nommait harpurus guttatus, et qu'il avait re- cueilli à Otaïti, où les indigènes l'appellent paaa. Il a, dit-il, la queue en croissant, le corps dun brun olive, semé de gouttes d'un blanc bleuâtre y et des ocelles jaunes à la partie postérieure. Nous avons de la Bibliothèque de Banks le dessin d'une espèce qui doit être au moins fort voisine de celle-là ; elle est intitulée cliœ- todon stellatus. Le poisson lui-même s'est trouvé dans la collection de Broussonnet : c'est, sans aucun doute, le chœtodon stella- tus, nommé par Gmelin, p. 1269. Nous venons aussi d'en recevoir de beaux échantillons de Tlsle- de -France, par MM. Dussumier et Desjardins. Son corps est plus élevé que celui des précédens, et la hauteur de son ovale n'est qu'une fois et un tiers dans sa longueur, et deux fols dans celle du poisson; sa tête est deux fois aussi haute que longue; son profil descend obliquement en se courbant, mais 1 96 LIVRE X. TEUTHIES. légèrement, en S; l'œil est au tiers supérieur ; le museau saille un peu en groin de cochon; la dorsale et lanale sont arrondies, et n'ont guère chacune que le quart de la hauteur du corps; la caudale a son bord terminal un peu concave. C'est une des espèces où la dentelure des dents est le mieux prononcée : il y en a douze à chaque mâchoire, ayant chacune sept dentelures, dont les trois mitoyennes plus grandes; du reste ses formes sont celles de tout le genre. Ses écailles sont petites. D. 8/27; A. 2/24, etc. Il est d'un brun verdâtre ou d'un jaune olive foncé, €tsa dorsale, son anale et la moitié postérieure de son corps semées de petites gouttes rondes et blanchâ- tres , assez serrées : en avant elles se rapetissent et se perdent dans la teinte du fond; mais sur la dorsale et sur l'anale elles se marquent mieux que sur le corps, parce que la teinte de ces nageoires est plus foncée. Une large bande verticale pâle occupe toute la hauteur du corps, depuis la troisième épine de la dorsale jusqu'à l'anus ; un de nos individus en a même une autre sur l'opercule, et une troisième, mais peu marquée, sur le tiers postérieur du corps. Les pectorales et la caudale sont d'un vert noirâtre, surtout le bord postérieur de la caudale; les ven- trales sont d'un beau jaune; il y a du blanchâtre à la gorge et au ventre. Dans la liqueur le fond de la couleur est devenu brun foncé. L'individu de Broussonnet, qui paraît être celui-là même sur lequel le dessin a téë fait, CHAP. n. ACANTHURES. î 97 est long de sept pouces; il venait des ilcs des Amis : ceux de l'Isle-de-France en ont plus de neuf. X'ACANTHURE ZÈBRE. {Acanthurus tî^iostegus , Bl. Sclin.; Chœtodon Irio- stegus, Brousson.) Un des acanthures les plus répandus dans la mer des Indes et dans l'ocëan Pacifique, est celui que Linné avait nommé chœtodon triostegus, et que M. de Lacépède a appelé acanthure zehre^; c'est le harpurus fasciatus^ de Forster. On en voit déjà une figure dans Seba (t. III, pi. 25,fig. 4); mais Broussonnet^ en a donné une meilleure , accompagnée d'une description détaillée jusqu'à la minutie, faite d'après les individus d'Otaiti, rapportés par sir Joseph Banks. Le Cabinet du Roi en possède maintenant un grand nombre de l'Isle-de- France, des Séchelles, des Mariannes, de la Nouvelle-Zélande, de l'île d'Oualan, des îles de la Société et de celles de Sandwich. L'épithète de triostegus ne doit point trom- per sur le nombre de ses rayons branchiaux: il y en a cinq dans cet acanthure , comme dans tous les autres; mais les deux derniers 1. Lacép., t. IV, p. 546. — 2. Bloch, Svsl. , p. ai5.. — 3. Décade ichthjol., n." 4- >I98 LIVRE X. TEUTHIES. sont petits, et cachés dans les chairs de l'isthme branchial. La hauteur de l'ovale de son corps, la queue non comprise, a un peu plus de moitié de sa longueur: en comprenant la queue, la longueur est de deux fois et demie la hauteur; son profil descend obliquement, fait vis-à-vis de l'oeil une légère convexité, puis sa courbe devient un peu concave entre cet organe et la bouche, qui est légèrement proéminente. Ses écailles sont très-petites et finement ciliées ; il y en a sur toute la tête, même sur les opercules ; mais ces der- nières tombent aisément et laissent voir les stries de cet os, ainsi que celles de l'huméral. Les dents, au nombre de seize ou dix-huit à chaque mâchoire, ont chacune cinq crénelures assez profondes. La dorsale et l'anale sont d'une hauteur à peu près uniforme ; la caudale est coupée presque carrément : c'est à peine si son bord terminal est un peu concave. Les ventrales sortent sous le milieu des pectorales et les dépassent, elles sont pointues et leur épine est forte. L'épine latérale de la queue est petite et très-mobile. B. 5; D. 9/23; A. 3/20; C. 16; P. 14; V. 1/5. La teinte générale de ce poisson, dans la liqueur, est un gris-brun tirant sur le roux, qui se change par degrés en blanchâtre vers la partie inférieure; mais dans le frais le fond est d'un vert olivâtre plus ou moins clair. Cinq lignes noires , peu larges , descendent du dos vers la partie inférieure à des dis- tances presque égales, l'une d'elles va de la nuque à l'œil et de l'œil à travers la joue vers l'angle du pré- CIlAP. II. ACANTHURES. i 99 opercule ; elle se dirige un peu en avant; la seconde, qui manque quelquefois en tout ou en partie, part de la base antérieure de la dorsale et se perd dans l'aisselle de la pectorale; la troisième naît de la septième épine dorsale et aboutit derrière l'anus ; la quatrième se porte de l'un des premiers rayons mous de la dorsale aux premiers de l'anale; la cinquième, enfin, s'étend du tierspostérieur à peu près de la partie molle de la dorsale, à la partie correspondante de l'anale. Quelques-uns en ont une sixième sur la queue; mais le plus souvent elle est interrompue et se réduit à deux taches ou à deux points. Il y a quelquefois de chaque côté de la poitrine une hgne ou une série longitudinale de points bruns. Les nageoires ver- ticales sont, dans la hqueur, d'un vert grisâtre ou jaunâtre; dans le frais, brunâtre; les pectorales, jau- nâtres, ont souvent une tache noirâtre sur leur base; les ventrales sont noirâtres à leur face supérieure et blanchâtres à l'inférieure; l'iris est doré. Nos individus ont depuis trois à quatre jusqu'à sept pouces de longueur. Le squelette de l'acanthure zèbre diffère peu de celui de l'hépate, et a notamment la même structure à ses premiers interépineux; mais celui du dos a une épine couchée, comme dans le medicus et d'autres espèces. Il n'y a qu'un très petit trou au cubital : le radial en a un assez grand. Les vertèbres sont au nombre de huit h. l'abdomen, et de douze à la queue M. de Lacépède , pour représenter ce pois- son , a fait graver ( tome IV, pi. 6 , fig. 3 ) un assez bon dessin, fait au crayon par Jossigny, 200 LIVRE X. TEUTHIES. et trouvé dans les papiers de Commersou, Mais un autre dessin de la même espèce, fait à la plume par Sonnerai, et très-reconnaissable pour un acantliure , par ses neuf épines dor- sales et par la lame latérale de la queue, par- faitement exprimée, a été altéré, relativement à cette dernière circonstance, par le copiste, qui a entièrement omis cette arme. M. de Lacépède, trompé par cette infidélité, l'avait fait graver, t. III, pi. 23 , fig. 3, et l'avait rap- porté d'abord au chœtodon striatus, de Linné (Mus. Ad. Fred., pi. 33, fig. -y), et de Bloch (pi. 2o5, fig. i)^; poisson certainement très- différent, ne fut-ce que par les treize rayons épineux de sa dorsale, et même par des cou- leurs autrement distribuées, des bandes noires plus larges, etc. Plus tard notre illustre prédé- cesseur en a fait une espèce qu'il a nommée chœtodon couagga% mais qui ne repose, ainsi qu'on le voit en consultant le dessin original, que sur l'altération d'une figure représentant une variété de son acanthure zèbre oii man- quait la première bande du tronc. 11 y a aussi une très-bonne figure de notre 1. II le nomme sur la planche chœtodon zèbre, qui est sa dé- nomination pour le chœtodon striatus. '2. Lacép. , t. IV, p. 727, et dans ravertissemcnt du même vo- lume, p. 16. CHAP. 11. ACANTHURES. 201 acanthure dans Russel, n.° 86, qui dit qu'à Vizagapatam on l'appelle mootah. Enfin , tout récemment M. Whitchurch Bennett l'a représenté dans ses Poissons de Ceilan, sous le nom d'acajithurus hiriido^, en ceilanais, kara Hamoowah. Les Français des Séchelles, outre le nom de chirurgien , lui donnent celui de mangeur d'appâts, à cause de l'adresse avec laquelle il enlève l'amorce d'un hameçon sans s'y prendre. Il y est abondant, et on l'y mange malgré une odeur de corail qu'il partage avec les autres espèces du genre, et que M. Dussumier, à qui nous devons ces détails, attribue à la nature des substances dont il se nourrit. JL'ACANTHURE DE DuSSUMIER. {Acanthurus Dussumieri, nob.) Voici encore une belle espèce rapportée de risle- de -France par M. Dussumier, et que nous avons cru juste de désigner par le nom de cet infatigable observateur. Sa hauteur est deux fois et quelque chose dans sa longueur totale ; son profil descend obliquement et n'a qu'une convexité légère; sa tête a en hauteur 1. Fish. of Ceylan, 3/livr., n.° ii. 202 LIVRE X. TEUÏHIES. deux fois et deux tiers sa longueur ; sa caudale est légèrement taillée en croissant; ses écailles sont fort petites. Son limbe, son opercule, son épaule ont des stries assez marquées. D. 9^6; A. 3/24. Dans la liqueur il paraît brun foncé avec un grand nombre de lignes longitudinales fines, peu régulières, bleuâtres , des traits irréguliers de la même couleur sur la joue, quelques taches semblables à la poitrine; la base de la dorsale est rayée de rubans bleuâtres et roussâtres; il y a de gros points sur la caudale, qui est peu échancrée. Dans le frais, selon M. Dussumier, le corps a des lignes orangées et grises ou violettes; les rubans de la dorsale sont, l'un d'un bel orangé, l'autre gris-bleu; la tête est variée de jaune rougeâtre et de gris-violet; une bande aurore va d'un œil à l'autre. Les nageoires sont verdâtres, et il y a des lignes orangées sur la dorsale qui sont plus marquées sur l'anale. Notre individu est long de six pouces. Zy'AcANTHURE MATÉ. {Acanthurus mata^ nob.) Russel a représenté (t. I.'"^, n.** 82), sous le nom de Mata, un acanthure voisin du pré- cédent; mais un peu plus haut et à profil un peu moins oblique et plus convexe. 11 lui donne pour nombres: D. 9/25 j A. 3/23, etc. CHAP. 11. ACANTHURES. 205 Sa figure représente ses aiguillons dorsaux peu élevés, et sa caudale médiocrement taillée en crois- sant; la hauteur en est à peine plus de deux fois dans la longueur. Son profil descend obliquement en arc de cercle très-peu convexe; l'œil est un peu au-dessus du milieu de la hauteur de la tête. Il le décrit comme d'un noir brillant, avec des raies d'un bleu foncé sur la tête et sur différentes parties du corps. Son individu est long de neuf pouces; mais l'espèce en a quelquefois jusqu'à dix-huit. Russel fait un grand ëloge de sa chair : et cependant, dit-il, cet excellent poisson ne paraît que rarement sur les tables des Euro- péens. Il le soupçonne, mais à tort, d'être le chœtodon jiigro-fuscus de Forskal, nous rap- portons à ce Mata, mais avec quelque doute, de petits acanthures que MM. Quoy et Gaimard ont pris aux Mariannes. Z/ACANTHURE RASI. {Acanthurus rasi, nob.) Nous retrouvons les formes du mata de Russel dans un poisson que M. Leschenault nous a envoyé de Pondicliëry sous le nom malabare ou plutôt tamoule de Pil-rasi. Mais sa plus grande hauteur (aux pectorales) est une fois et demie dans la longueur de son ovale, et deux 204 LIVRE X. TEUTHIÉS. ibis et un sixième dans sa longueur totale. Son profil est très-légèrement, et presque uniformément con- vexej les pointes de sa caudale sont courtes. Il a les dents supérieures et inférieures oblongues, arrondies au bout, et crénelées non-seulement à leur extrémité , mais sur une partie de leur contour. Ses nombres sont: D. 9/26; A. 3/24; C. 16; P. 15; V. 1/5. Son opercule est légèrement strié; ses écailles sont fort petites ; il est tout entier d'un brun foncé ; les pectorales seules paraissent teintes de jaune. M. Les- cbenault le décrit aussi d'un brun foncé presque noir, sans faire aucune mention de lignes bleues. Notre individu n'a que trois pouces et demi; mais M. Leschenault dit que l'espèce en a quelquefois neuf. Il ajoute qu'elle est bonne à manger. jL'Acanthure matoïde. {Acajithurus matoides j nob.) MM. Lesson et Garnot ont rapporte d'Oua- lan un acanthure très -voisin aussi de celui de Russel, et par conséquent aussi de ce Rasi de Pondichëry. Il a le profil uniformément convexe, sa hauteur aux pectorales est un peu moins grande, car elle est contenue un peu plus de deux fois dans l'ovale du corps, et deux fois et demie dans la longueur CHAP. II. ACANTHURES. 205 totale. Les pointes de la caudale se prolongent en fil assez délié, et la portion molle de la dorsale et de l'anale est aussi aiguisée en pointe. Les ventrales sont effilées et prolongées. Ce poisson, d'un brun noirâtre, paraît avoir du noir autour des lèvres et au bord des nageoires. On ne peut le confondre cependant avec le nierons, qui sera décrit plus loin, à cause de la différence du profil. L'individu est long de six pouces. Z/'ACANÎHURE ONDULÉ. {Acanthurus iindulatus , nob.) Un acanthure encore un peu plus haut que les précëdens (sa hauteur n'est pas tout-à- fait deux fois dans sa longueur ), a été rapporte de la mer des Indes par MM. Lesson et Garnot. C'est à peine si son profil est courbé en S, et si le bord postérieur de sa caudale a quelque concavité. D. 9/265 A. 3/24, etc. Il paraît fauve et a de chaque côté douze ou treize lignes fixes ondulées, blanchâtres, qui vont en mon- tant en arrière ; sa dorsale et son anale sont brunâ- tres; sa caudale paraît avoir été jaune. Il est long de quatre pouces. 20r» LIVRE X. TKUTHIES. Zv'AcANTHURE MOINE. {Acanthurus fraterculus , nob.) Le moine (Renard, partie II, n.°47) a le corps oblong, le profil oblique et également con- vexe; la caudale légèrement échancrée en croissanl; la dorsale basse formant, ainsi que l'anale, par ses der- niers rayons prolongés, un angle assez aigu en ar- rière. Il est enluminé de brun avec trois bandes obli- ques bleues et rouges de chaque côté de la tète, dont les deux premières ne descendent que jusqu'à l'œil, la troisième jusqu'à la bouche. Ses nageoires sont vertes, excepté la partie épineuse de la dorsale, qui est bleue à sa base, jaune à son bord. Une tache bleue se montre sur le dos, près le milieu delà nageoire du dos; la base de l'épine latérale de la queue est en- tourée d'une tache noire. Valenlyn, n.° [\\di ^* ^^P" pelle t-moj-aachje j il assure que c'est un très- 2'I8 LIVRE X. TEUTHIES. bon poisson, qui arrive à une longueur d'un pied et demi; mais il lui donne des couleurs fort différentes de celles indiquées par Ylaming. Z'ACANTHURE AcHILLE. i^Acanthurus Achilles.) Il y a parmi les poissons conserves depuis long-temps au Cabinet du Roi, sans autres ren- seignemens, un individu desséché en herbier, qui ressemble beaucoup à cet acanthurus jiigro-fuscus par ses proportions et les stries de ses pièces oper- culaires, et de ses os de l'épaule. Les pointes de sa caudale sont longues comme le tiers de celte na- geoire, et taillées en faux; ses nombres sont: D. 9/25; A. 3/23, etc. Sa couleur dans l'état sec paraît un brun uniforme, excepté une grande tache ovale, qui entoure la lame latérale de sa queue, et qui semble avoir été rouge ou orangée. L'individu est long de près d'un pied. La description que Shaw* donne de son acanthurus JcJiilles j, convient en tout point à cette espèce, sauf les trois lignes parallèles blanche, noire et rousse qu'il place sur sa cau- 1. Tome IV, 2.* partie, p. 585. CHAP. II. ACANTHURES. 2i9 dale, et dont notre individu qui, à la vérité, n'est pas très-bien conservé , n'offre pas de traces bien marquées. Gmelin (p. 1 26g) nomme un Achilles parmi les chétodons dont Broussonnet devait don- ner la description, et c'est probablement le même que celui de Shaw^. Zy'AcANTHURE GAHM. {Acanthurus gahm , nob,; Chœtoclon gahm, Forsk.) A ces acanthures à pointe de la dorsale prolongée appartient encore le Gahm, que Forskal^ regardait comme une variété de son nigro-fuscus^ mais qui est d'une espèce bien distincte. M. Ehrenberg l'a rapporté de la mer Rouge, et nous le retrouvons parmi ceux que MM. Quoy et Gaimard ' ont pris à l'Isle-de- France. Il approche un peu de la forme de l'hépate; sa hauteur est deux fois et deux tiers dans sa longueur. Sa tête est d'un cinquième plus haute que longue; son œil est au tiers supérieur; son profil, assez con- vexe vis-à-vis de l'œil, descend ensuite à peu près en ligne droite et en se rapprochant de la verticale. Les stries de son opercule et de son épaule sont faibles 1. Page 64, n." 90. -— 2. Quoy et Gaimard, Isle-de-France, n." 17. 220 LIVRE X. TEUTIIIES. el peu nombreuses^ sa caudale est échaiicrée jus- qu'au tiers. Sa première épine dorsale est cachée sous la peau. D. 9/27; A. 3/24, etc. Tout le corps est coloré de brun noirâtre; une bande blanchâtre ou lilas marque la base de sa caudale , qui a aussi le bord blanc ; ce qui le fait remarquer tout d'abord , c'est que la pectorale a la moitié ex- terne de sa longueur d'un beau jaune : une bande longitudinale, plus noire que le fond, part de l'œil et est étendue jusqu'à l'aplomb du milieu de la pec- torale. Notre individu est long de sept pouces. Forskal dit que ce poisson se tient ordinai- rement dans la profondeur , mais qu'en été il joue en troupe à la surface de la mer. Z'ACANTHURE DE DOREY. {Acanthiiriis doreensis.) Nous avons encore un de ces acanthures bruns, venus du havre Dorey, à la Nouvelle- Guinée, par l'expédition conduite sous la di- rection de M. Duperrey. Celui-ci a le profil arqué en S comme le glauco-pa- reius. La dorsale et l'anale forment des angles , celui de l'anale plus pointu que l'autre; les pointes de la cau- dale sont aiguës el du tiers de la longueur de la na- geoire; les dents supérieures crénelées sur tout leur g* CHAP. II. ACANTHURES. . 221 contour, les inférieures arrondies et crénelées au bout , et les nombres comme il suit : D. 9/28; A. 3/20; C. 16; P. 15; V. 1/5. La moitié postérieure de sa pectorale est jaunâtre et le bord terminal de sa caudale a un liséré blanchâtre. Notre individu est long de huit pouces. La grande différence du nombre des rayons mous de son anale et de sa dorsale est tout- à-fait caractéristique de son espèce. L'ACANTHURE BORDÉ. (^Acanthurus marginatus , nob.) Une figure de M. de Ketlitz nous offre un acanthure voisin du doreensisy ayant de même les pointes de la caudale prolongées, la dorsale et l'anale un peu anguleuses en arrière, le profil en arc de cercle vers le haut, presque droit au-dessous de l'œil, le museau légèrement saillant, et qui a tout le corps d'un brun de chocolat, avec des points bleus sur la tête, l'épaule et la poitrine, et les nageoires noirâtres, avec un liséré bleu à la dor- sale et à l'anale. D. 926; A. 3/23, etc. La figure a quatre pouces et demi. 222 LIVRK X. TEUTHIES. L'ACANTHURE DE ReTLITZ. {Acanthurus Ketlitzii, nob.) Une deuxième figure du même naturaliste, longue de cinq pouces, représente un acan- thure à peu près de la forme du précédent, mais tout entier d'un olivâtre foncé, avec une dou- zaine de lignes longitudinales jaunes, et des points jaunes sur la tête, la poitrine et les nageoires verli- ticales. ' Les nombres y sont marqués D. 12/18 et A. 2/23; mais je crois qu'ils ont besoin d'être vérifiés. J'en dis autant de ceux d'une troisième figure, toujours de l'expédition russe, et en- core de la forme des précédentes; mais un peu plus haute , ou l'on a mis : D. 11/2 Ij A. 2/27. L'acanthure qu'elle représente est tout entier d'un brun fauve, avec de fines stries longitudinales noi- râtres j sa longueur est de cinq pouces et demi. Z/'ACANTHURE A POINTS ROUGES. (^Acanthurus ruhro-punctatus , Ruppel.) C'est ici qu'il convient de placer l'espèce que M. Ruppel a représentée dans l'Atlas zool, pi. 1 5 , fig. 1 . CHAP. II. ACANTHURES. 225 Elle a le corps de même forme, la caudale coupée en croissant et à pointes aiguës, l'œil un peu plus grand et les nombres de rayons assez différens; l'au- teur les compte comme il suit: D. 9/20; A. 3/22; G. 20; P. 15; V. 1/5. La couleur est une teinte brune unie; un peu plus pâle sur les nageoires; des points rouges sont jetés sur le front, sur la joue et sur l'espace triangulaire compris entre la fente des ouïes, la pectorale et les ventrales. L'iris est doré. Ce poisson, observé dans le nord de la mer Rouge, est long de huit pouces. M. Ruppel avait soupçonné que l'on pour- rait rapporter à son espèce le chétodon aiongé de Lacépède. Le dessin de Commerson, ainsi que les individus préparés par ce zélé natu- raliste, et d'après lequel nous avons caracté- risé plus haut l'acanthure aiongé, ont la cau- dale à peine échancrée et ne laissent aucune trace de points. Zy'AcANTHURE RAYÉ. {Acanthurus Uneatus , Lacép. et Bl. Sclin.; Chceto- don Uneatus 3 Lin.) Le plus beau de ces acanthures à pointe de la caudale prolongée est l'acanthure rayé, dé- crit, depuis long-temps, en détail par Artedi, et placé par Linné dans le Sjstema naturœ sous le 224 LIVRE X. TEUTllIES. nom de chœtodon lineatus. Seba en donne une figure médiocre (t. III, pi. 25, n." i), devenue plus mauvaise dans l'Encyclopédie (pi. d'icli- thyol. , n.^ 172). C'est aussi l'espèce qu'a voulu représenter Renard, pi. i3, fig. 80, et qu'il appelle moriat- laww ou duc. Il en donne encore une petite figure, mais beaucoup moins approchante de la vérité, pi. 7, n.*^ 54? avec l'étiquette cojer-laudt; c'est la même que le n.° 47 ^^ Valentyn, qui dit que coje laoet signifie coje de mer; c'est peut-être aussi le n.*" 1 09 et le n.° 257 de ce der- nier. Sa meilleure représentation est dans les poissons de Ceilan de M. Wliitchurch Ben- nett, pi. 2, mais sous le nom à'acanthurus vittatus. Sa forme est oblongue, sa plus grande hauteur est non pas au milieu, mais sur la base des pecto- rales; elle est deux fois dans la longueur, jusques et y compris l'épine de la queue, et le reste de la queue avec la caudale, qui a de longues pointes, font une troisième hauteur. Le profil descend d'abord de la nuque en s'arron- dissant,etvaensuite,parunehgne presque verticale, jusqu'à la bouche. La tête est d'un tiers plus haute que longue, et l'œil est placé au tiers supérieur; ses narines et sa bouche sont conformées comme dans les précédentes, et il en est de même de ses opercules, si ce n'est qu'ils sont sans stries, et couverts de CHAP. II. ACANTHURES. 225 petites écailles comme le reste de la têle; les dents ont chacune cinq crénelures. Les écailles, plus grandes que dans le reste du genre, sont quadrangulaires, le côté de la racine est plus étroit que l'extérieur, et celui-ci, vu à une forte loupe, montre de très- fins petits cils. Il y a une épine couchée en avant de la dorsale. Les ventrales se terminent en pointe aiguëj la partie molle de la dorsale et de l'anale fait aussi un angle assez marqué. Les épines des nageoires sont très-acérées; la caudale a deux longues pointes très-aiguës, qui font plus de moitié de sa longueur totale, et dont la supérieure dépasse l'autre; la lame des côtés de la queue est grande, forte et légèrement arquée ; elle ressemble lout-à-fait à une lame de canif B. 5; D. 9/28; A. 3/27; C. 16; P. 15; V. 1/5. Ce poisson se distingue admirablement par des ban- des, composées chacune d'une ligne bleue, bordée de deux lignes noires, qui marchent séparées les unes des autres par des bandes argentées ou dorées. Il y en a ainsi sur le dos et les flancs neuf de chaque sorte : les premières montent un peu obliquement, et s'étendent sur la base de la dorsale; les suivantes se prolongent jusqu'à son angle; les trois dernières régnent longitudinalement jusqu'à la base de la cau- dale, où elles sont arrêtées par deux lignes verticales des mêmes couleurs ; la caudale elle-même est noi- râtre, et a une ligne bleue, courbée en arc, qui tra- verse son milieu , et aboutit par ses extrémités à chacune de ses pointes. Le crâne a cinq lignes lon- gitudinales; les deuxièmes de chaque côté s'unis- 10. i5 226 LIVRE X. TEUTHIES. sent en une, qui descend le long du chanfrein jus- qu'à la bouche, et est accompagnée de chaque côté d'une autre qui vient du bord antérieur de l'œil; la joue et les opercules en ont six, qui marchent parallèle- ment d'avant en arrière, en descendant un peu. Tout le tiers inférieur du corps est blanc et sans lignes ; la pectorale est grise, sa base est noirâtre, avec une ligne bleue arquée en travers; la ventrale est blanche et bordée de noir au-dessous; l'anale est noirâtre. La figure du Recueil de Vlaming , qui a servi d'original à celle dellenard,n.° 80, donne une couleur d'un beau jaune aux intervalles des lignes bleues et noires; les nageoires ver- ticales et les pectorales y sont d'un vert clair. Dans la figure de M. Bennett le fond est du même jaune d'or, mais les nageoires sont d'un brun olivâtre, excepté la ventrale, qui est rose. Nous avons de ces poissons de six et huit pouces de longueur. Il nous en est venu de Waigiou par l'expé- dition de M. Freycinet et par celle de M. Du- perrey, et de Oualan par cette dernière; mais l'espèce est répandue dans tout l'archipel des Indes. C'est sans motif et sans autorité que Gme- lin^, et Lacépède^ d'après lui, disent qu'il habite aussi dans l'Amérique méridionale. 1. Page i:j46. — '2. Lacép., IV, 555. CHAP. II. ACANTHURES. 227 Valeiityii dit ogalement de sou ii." ^"j el do son u." 2D7 qu'ils sont très-bons à manger. Ulser verken (Renard, I.^'^ part., llg. 4o> copiée de Vlaming, n.*^ 189) a la l'orme du //- neatus dont il est peut-être une variété 5 il est enluminé de brun clair et a deux rubans verts, allant des ouïes obliquement vers la fin de l'anale, et un troisième , descendant un peu plus directement à l'anus. Toutes ses nageoires sont d'un vert jaunâtre. Dans Vlaming il est brun foncé, avec les rubans bleus et les nageoires jaunes. Son profil est légèrement convexe et descend rapidement; sa caudale est fourchue, à pointes peu alongées. jL'Acanthure Sohal. {Acanthuriis Sohal , Bl.) Le chœtodon sohal de ForskaP (^acantliu- rus sohal et acanthurus carinatus, Blocli- Schneider^), que M. Ehrenberg vient de rap- porter de la mer Rouge, est très -voisin de l'acantliure rayé. Sa forme générale est toute semblable, mais ses lignes ne sont pas disposées de même; on en voit 1. Anim. arah. , p. 63, n." 89 — 2. P. 2i5 et 218. C'est par faute d'attention que cette espèce paraît deux fois dans cet ouvrage. Voyez la note, p. Sg. 228 LIVRE X. TEUTHIES. six OU sept, descendant obliquement de la nuque au front, dont les trois ou quatre dernières sont in- terrompues par l'œil. Sur le flanc il y en a quatorze bleuâtres et séparées par des intervalles noirâtres; le reste du corps, c'est-à-dire, le dos, les côtés de la tête et le ventre, paraissent d'un gris brun, plus foncé en dessus, plus pâle en dessous. Quelques linéamens blanchâtres occupent la région pectorale ; la nageoire paraît avoir eu une grande tache jau- nâtre sur sa moitié postérieure, son bord est d'un bleu noir avec un liséré large et blanc. La dorsale, l'a- nale et les ventrales paraissent noires et peuvent avoir été (comme le dit Forskal) d'un violet foncé. La caudale, qui a de très- longues pointes aiguës, est aussi noirâtre j mais son bord concave est terminé par un ruban bleu liséré de blanc. B. 5 s D- 8/31; A. 3/28. Notre individu est long de sept pouces. Ce poisson se nomme sohal ou sahal, et schauscli. Il vit, dit-on, des sédimens du fond de la mer, et sa chair n'est point estimée. Forskal avait décrit en ces termes la lame latérale de la queue : in utroque latere ca- rina longitudinalis , ossea, ruhra, recumbens infossula ruhra, et vulneris specîem referens, spina pone et ante hanc carinam. Par ces der- niers mots il entendait les pointes que cette 1. Forskal dit B. 3; mais c'est une erreur semblable à celle de Linnc pour son choeiodon in'ostegus. CHÂP. II. ACANTHURES. 229 lame latérale a en avant et en arrière, en sorte que cette description n'offre rien qui ne soit dans tous les acanthures; mais Gmelin, qui écrit chœtodon sohar\ n'a parlé que d'une carène osseuse dans une fossette , carina os- sea in fossula ruhra, et M. de Lacépède, qui paraît n'avoir consulté que Gmelin, car il appelle aussi ce poisson sohar^, a vu dans cette phrase une plaque dure en forme de petit bouclier, ce qui lui a fait établir sur cette espèce son genre aspisure. Nous ne pouvons conserver un genre qui n'est, comme on voit, fondé que sur une équivoque. Z/'ACANTHURE STRIÉ. {Jcanlhiirus striatus , Q. et Gaim.; Parringay Re- nard.) MM. Quoy et Gaimard, naturalistes de lexpédition Freycinet , ont apporté des îles Sandwich un petit acanthure qui a quelque rapport avec le rayé, mais qui forme une espèce différente. Sa hauteur est deux fois dans la longueur de son ovale, et trois fois dans sa longueur totale; son profil 1. Liim. Gmel, p. 1268. — 2. Lacép., t. IV, p. 556 et BSj. 250 LIVRE X. TEUTIIIES. -esl très-légèrement convexe, sans concavité; sa cau- dale est fourchue jusqu'à son tiers postérieur, et ses lobes pointus. Sa dorsale et son anale forment chacune un angle saillant à leur partie postérieure. D. 9/26, etc. Sur le fond brun de son corps régnent onze à douze raies étroites, allant parallèlement par inter- valles égaux et en ligne droite de l'avant à l'arrière, leur couleur dans la liqueur paraît grise , mais elles peuvent avoir été bleues. Les nageoires sont d'un noir bleuâtre. Les individus n'ont que deux pouces et demi de longueur. MM. Quoy et Gaimaid' l'ont représenté sous le nom diacantliure strié; mais leur figure, faite d'après le sec, est peu exacte. Le par- rin^a de Renard , pi. i , fig. 8 , nous paraît appartenir à la même espèce : dans cette figure, à la vérité, les lignes bleues n'occupent que la moitié postérieure, et les nageoires sont d'un bleu trop clair; mais ce sont des fautes du copiste. L'original, dans Vlaming, n.° 245, est entièrement conforme à nos pois- sons; il y est mlilxAé par ringas owvljni-visli, c'est-à-dire, poisson à lancette; mais ces deux noms sont génériques. Nous avons déjà vu un parrÎTig voisin de l'hépate. 1. Zool. du Voyage de Frcyciiiet, pi. 6ô . fig. 5. CHAP. H. ACANTHURES. 251 MM. Quoy et Gaimard disent que celte es- pèce est commune dans i'archipel des Mari a n- nes. On en prend à 1 ile Guam par millions , que Ton fait sécher au soleil sur des claies, et que Ton assaisonne ensuite avec du vinaigre, de l'huile de coco, des herbes marines et des plantes aromatiques ^ Ces voyageurs assurent que c'est un article important de nourriture pour les habitans, ce que l'on aurait difficile- ment imaginé d'un poisson si petit. C'est peut-être à cette espèce qu'il faut rap- porter la figure de Seba, t. III, pi. 26, fig. 87, quoique le dessin ne montre que sept raies longitudinales sur chaque flanc. Z/'ACANTHURE A ÉPAULETTES. {Acanthurus hwneralis , nob.) MM. Lesson et Garnot nous ont apporté des Carolines et d'Otaïti une belle espèce d'acan- thure, qu'on nomme dans cette dernière île eparaïy et qu'on pourrait désigner par l'épi- thète ^épaulette rou^e. Sa forme ressemble beaucoup à celle du Unealus , bien que quelques individus soient plus hauts à pro- 1. \ojage autour du monde du capitaine Frejcinct. Zoolo£;ir . P.37.Î. 252 LIVRE X. TEUTHIES. portion ; mais ses écailles sont beaucoup plus petites, et, comme dans bien d'autres espèces, elles rappel- lent à l'œil le grenu d'un maroquin plutôt que de vraies écailles. Il a à chaque mâchoire seize dents ovales, dentelées en scie sur une grande partie de leur pour- tour. L'opercule et le limbe du préopercule sont striés sur toute leur surface, ainsi que l'huméral au- dessus de la pectorale ; mais tout le reste de la tête et de l'épaule est écailleux. D. 9/25; A. 3y24; C. 16 j P. 16; V. i/b. Tout ce poisson est noirâtre; une large bande rouge, bordée d'un ruban noir, s'étend à partir du haut de l'opercule, en ligne droite, jusqu'au milieu de la longueur du tronc, où sa terminaison est ar- rondie. La pectorale a un large bord bleuâtre; un trait bleu suit le bord de l'opercule, et un autre le long de la base de la dorsale; la caudale a des pointes longues et aiguës, la supérieure l'est un peu plus que l'autre ; tout le bord de cette nageoire est blanc. Dans la liqueur, tout ce qui était rouge ou bleu de- vient blanchâtre. Il a l'estomac renflé et arrondi comme une petite boule, à cause de la grande épaisseur de ses parois, qui sont fortement charnues; il a six appendices cœcales au pylore. Du reste il ressemble à tous les autres acanthures par les nombreux replis de ses intestins et par la position de ses autres viscères. M. de Merteiîs nous apprend que dans les jeunes individus le fond de la couleur est ver- dalie ou olivâtre, et c'est la seule différence CHAP. II. ACANTHURES. 525 que présente l'acanthure dont une descrip- tion s'est trouvée dans les papiers de Forster, avec cette phrase : corjphœna cauda lunata, macula ohlonga aurantiaca supra pinnas pectorales. Cette description, insérée dans le Système de Bloclî, p. 2i3, est fort exacte et ne peut laisser de doute sur la similitude absolue de ces acanthures. Schneider voudrait nommer celui de Forster acanthurus olivaceus; mais dans le doute, si cette teinte verdàtre est un caractère constant, j'ai préféré le nom ôHacan- thurus humer alis. C'est aussi cette espèce, ou du moins une très-voisine, qu'ont voulu représenter Valen- tyn, n.° 199, et Renard, 11.^ part. pi. 12, n.° 55; mais ils l'ont enluminée de vert clair, et ont donné à la tache des épaules une teinte citron. Nous ne pouvons pas rectifier ce qu'il peut y avoir d'inexact dans les figures, parce qu'elles ne sont pas de celles qu'on a tirées du Recueil de Ylaming. Renard dit que ce poisson prend une lon- gueur de dix pieds, et qu'il est fort huileux et puant, il le nomme X insulaire de Manipe. Valentyn, qui fappelle ikan pan^lima ou le ^énéraly prétend au contraire que c'est un excellent poisson. Cette contradiction s'expli- 254 LIVRE X. TEUTHIES. querait peut-être en supposant qu'ils l'ont vu à des âges ou dans des temps de Tannée dit- férens; mais je crois encore plus sûr de dire qu'on ne doit guère plus se fier à leurs notes qu'aux détails de leurs figures. Zy'AcANTHURE ÉCUYER. {Acanthurus armiger, nob.) Nous avons vu dans les dessins de l'expé- dition russe , commandée par le capitaine Liitke, une figure faite par M. de Retlitz, et représentant un acanthme fort voisin, mais dis- tinct, du précédent. Ses formes sont à peu près les mêmes , excepté son museau, qui est plus aigu; sa caudale est écliancrée de la même manière. Il est tout entier d'un brun foncé, tirant au noirâtre sur l'anale et sur la cau- dale, laquelle a un large bord citron. A son épaule est aussi une large bande orangée; mais au lieu de se diriger horizontalement, elle descend verticalement et jusque derrière la pectorale, qui est jaunâtre et transparente. La figure est longue de six pouces. Zy'AcANTHURE BARIÈNE. {Acanthurus nummifer, nob.) IMJM. Lesson et Garnot ont rapporté de Waigiouun autre acantluire, qui a la caudale CHAP. II. ACANTIIURES. 235 en croissant, à pointes longues et aiguës, comme les prëcëdens; mais qui se fait remarquer au premier coup d'œil par la courbure de son profil, lequel, depuis la nuque jusqu'à la bouche, ne fait qu'un arc de cercle, dont la convexité est même un peu plus avancée que la bouclie, en sorte que celle-ci est au-dessous de la tête. La longueur de son ovale , la queue non comprise , ne fait qu'une fois et deux tiers sa plus grande hauteur, qui est non pas au milieu, mais au tiers antérieur à l'endroit des pectorales. Ses écailles du corps sont presque aussi grandes que celles de l'acanthure rayé , et les cils de leurs bords se voient même à l'œil nu. Toutes les parties de sa tête et de ses opercules, les lèvres exceptées , sont, ainsi que sa poi- trine,couveries d'autres écailles, beaucoup plus petites. L'épaule seule est nue et a l'huméral strié en rayons. Les dents, au nombre de seize à vingt à chaque mâ- choire, sont oblongues et crénelées sur une partie de leur pourtour ; ses ventrales sont alongées en pointes; la première épine de sa dorsale est tout-à- fait cachée sous la peau. D. 9/27; A. 3y26; C. 17; P. 16; V. 1/5. Tout ce poisson est d'un brun foncé; une tache ronde, d'un noir bleuâtre, marque le haut de la fente des ouïes ; les bords de la fente où rentre l'épine la- térale de la queue, sont d'un noir violet. Un ruban bleu clair règne le long de la base de la dorsale et de celle de l'anale ; le bord de l'anale a aussi un liséré bleu, et le long du bord de la dorsale régnent deux on irois lignes étroites et violettes. 25G LIVRE X. TEUTHIES. Notre individu est long d'un pied. Cette espèce porte à Waigiou le nom de Ba/iène. Zi'AcANTHURE DE LaMARRE. {Acanthurus Lamarriij nob.) M. Lamarre-Piquot a rapporté de l'Isle-de- France un acanthure brun; à peu près de la forme du précèdent. sa hauteur n'est pas deux fois et un tiers dans sa longueur- le profil, légèrement et uniformément con- vexe, est un peu moins bombé; la caudale est moins profondément échancrée en croissant, et l'œil est presque au quart supérieur de la hauteur de la tête. Ses pièces operculaires et ses os de l'épaule sont assez fortement striés. D. 9/26; A. 3/23, etc. Il paraît tout entier d'un brun vineux, il manque de la tache noire distinctive du précédent; mais son épine est entourée d'une tache noirâtre, et la base de sa caudale offre, sur une nuance violette, un peu plus claire que le reste, des traces de points bruns. Nous en trouvons une figure parmi les des- sins faits sur la mer Rouge par M. Ehrenberg; et qui indiquerait une couleur plus foncée que celle de notre poisson conservé dans feau-de-vie, et il y est d'il acanthurns niger. L'individu est long de dix à douze pouces. CHAP. II. ACANTHURES. 257 Nous croyons devoir former un groupe particulier de quelques petits acanthures à neuf épines, qui, au lieu d écailles ou d'une peau nue, ont tout le corps finement strié de lignes verticales, saillantes, serrées, qui leur donnent un aspect fort particulier. Z/'ACANTHURE ORBICULAIRE. {Acanthurus orhicularis , Quoy et Gaim.) Le premier de ces acanthures striés , décou- vert à l'ile Guam par MM. Quoy et Gaimard , n'est pas moins remarquable par sa configu- ration que par ses tégumens. Son corps, très-aplati par les côtés, est verticalement presque circulaire, et la bouche ne semble qu'un petit trou de son bord antérieur. En ne comptant pas la queue , sa longueur ne sur- passerait sa hauteur que d'un peu moins d'un quart; avec la queue, elle la comprend une fois et deux tiers. La caudale est à peu près tronquée, l'épaisseur ne fait pas le sixième de la hauteur : c'est la poitrine qui a surtout plus d'élévation qu'à l'ordinaire, et la hauteur de la tête n'est guère que moitié de celle du corps. Lœil est un peu au-dessus du milieu de la hauteur de la tète, et en a le tiers en diamètre, c'est aussi la distance d'un œil à l'autre. Les deux orifices de la narine sont très-près de l'œil; la bouche, moitié moins grande que l'œil , a des dents très-petites et tri- dentées; le crâne est finement ridé; le dessus de l'œil 258 LIVRE X. TEUTHIES. est entouré de deux petites crêtes fineiiieni dentelées; il y en a deux semblables entre les yeux, et quatre qui descendent le long du museau. L'opercule est pres- que rectangulaire et a l'angle un peu arrondi; l'ori- fice branchial est fendu seulement jusque sous l'œil et presque au milieu de la hauteur du corps, tant la poitrine est saillante. La pectorale s'attache aussi à peu près au milieu de la hauteur, a le quart de la longueur totale, et seize rayons, dont le premier très -court, le deuxième le plus long, ensuite ils dé- croissent. La hauteur de la poitrine fait que les ven- trales sont fort au-dessous des pectorales, quoique à leur aplomb, leur longueur est de moitié moindre; elles ont une épine assez forte; la dorsale et l'anale sont à peu près égales en hauteur au sixième de celle du corps. Le premier aiguillon de l'une et de l'autre est très-court, et le second, assez fort, est creusé de chaque côté d'un sillon; la caudale est à peu près tronquée. B. 5; D. 9/285 A. 3/27; C. IT elquelques petites; P. 16 ;V. 1/6.? Ce poisson n'a pas de véritables écailles, mais des lignes parallèles très-lines, très-saillantes, très-serrées en parcourent verticalement toute la hauteur; il y en a même sur la joue et sur l'opercule: au crâne et à la queue elles ont moins de régularité. La ligne latérale elle-même ne se montre que comme une raie fine imprimée, à peu près parallèle à la courbe du dos, dont elle est distante en avant du cinquième de la hauteur totale. L'épine latérale de la queue est médiocre et tranchante, comme à l'ordinaire. Ce poisson est d'un beau jaune d'ocre sur le corps CHAP. II. ACANTHURES. 259 et au-devant de l'œil jusqu'au nmseau. Des taches noi- râtres assez grandes sont irrégulièrement distribuées sur deux rangs; le premier près de la dorsale, le second jusque sur la ligne latérale. Une très -large bande dorée, où l'œil est compris, descend depuis le crâne, couvrant la moitié de la joue et tout l'opercule, et va jusqu'aux ventrales; une autre bande, non moins large, mais argentée, est étendue sous la pectorale jusqu'aux nageoires paires inférieures. La couleur prend une teinte noirâtre sur le crâne, sur la lèvre supérieure et sur la base de la caudale. Les nageoires sont jaunâtres. Notre plus grand individu na que deux pouces. L'ACANTHURE ARGENTÉ. {Acanthiirus argenteiis y Quoy et Gaim.) Un autre petit acanthure, à corps vertica- lement strié, a été rapporté des îles Sand- wich et des Mariannes par MM. Quoy et Gaimard; il a été décrit et représenté par eux, pi. 63, fig. 3, sous le nom iX acanthure ar- genté. Il se rapproche beaucoup de l'orbiculaire pour les couleurs, mais sa configuration n'est pas du tout la même; sa plus grande hauteur est aux pectorales, et entre deux fois dans la longueur sans la caudale; le profil est légèrement convexe; la tête est aussi longue que haute, en ne comprenant point la gorge ni la 240 LIVRE X. TEUTHIES. poitrine, qui sont hautes et en carène vers le bas. La caudale est un peu fourchue et a deux pointes de peu de longueur, mais aiguës; la lame latérale de la queue est fort pointue. D. 9/27 î A. 3/26; C. 16; P. 15; V. 1/5. Ce poisson est surtout remarquable parce que son corps n'offre aucunes écailles visibles, mais que sa peau a des stries dans le sens vertical, très- fines et très- serrées, qui lui donnent une espèce d'éclat soyeux. Sa teinte générale est fauve, mais l'opercule, toute la gorge et la poitrine , et un espace au-dessus de la pectorale, brillent d'un bel éclat d'argent. Le bout de la queue à la base de la caudale a du noirâtre, et il y a quelque teinte semblable sur le milieu de cette nageoire et sur le dessus du crâne. Quelques individus ont le fauve rayé en longueur de douze lignes d'un fauve plus pâle. Nos individus ne dépassent pas deux pouces. Z/'ACANTHURE A QUEUE NOIRE. {Âcanthuriis melanurus , noh.y Kar pou-mine , Lescli.) Un acanthuie tout semblable à celui-là, strié et argenté de même; mais de forme plus courte, plus ronde, et dont le museau est plus court et l'œil plus grand, qui tient, en un mot, une sorte de milieu entre les deux pré- cédens, nous a été envoyé de Pondicliéry par M. Lesclienault , sous le nom tamoule de karoupou-mine , qu'il traduit par /^o/j^^otî noir. CHAP. II. ACANTHURES. 241 Sa liauteur est une fois et demie clans sa longueur sans la caudale, et deux fois en l'y comprenant; sa couleur est fauve; une large bande argentée occupe l'opercule et une grande partie de la poitrine. Il y a du noir au crâne et à la base de la caudale, et un liséré noirâtre au bord des nageoires verticales. D. 9/26, etc. Cette espèce ne parvient pas à une lon- gueur de plus de deux pouces , on la pèche toute l'année dans la rade de Pondichéry. Quoique petite, elle se mange. Zy'AcANTHURE NOIR* {Acanthurus mêlas y nob.) M. Leschenault a envoyé sous ce même nom de karpou-mine , un autre acantliure , qui tient de très-près au précèdent; mais son ovale est moins haut, surtout sous la gorge, son corps d'un brun grisâtre, et ses nageoires d'un brun-noir foncé ; sa taille est égale à celle du pré- cédent, et il a les mêmes nombres de rayons. Cette espèce a été retrouvée par M. Rey- naud à Ceilan, où elle se nomme Keitz. Z'ACANTHURE A DENTS EN PEIGNE. {Acanthurus ctenodon.) Une espèce qui n'a que huit rayons épi- neux à la dorsale, offre une forme extraordi- lo. 16 242 LIVRE X. TEUTHIES. naire de dents, ce qui la rend extrêmement remarquable. Elles ne sont pas, comme dans les autres acan- thures, simplement larges, plates et dentelées, ou crénelées au bord; mais elles sont posées sur une tige grêle , dont l'extrémité se re- courbe et se dilate comme une cuiller, et n'est dentelée qu'à son bord externe par quatre incisions profondes. Leur nombre est aussi bien plus considérable que dans le reste du genre. Il y en a vingt-six à la mâchoire supé- rieure et au moins trente à l'inférieure. Pour tout le reste ce poisson présente les mêmes caractères que les autres acanthures. Son corps est obloiig, sa hauteur aux pectorales est une fois et deux tiers dans la longueur de l'ovale, et deux fois et demie dans la longueur totale ; son profil, après s'être courbé à la nuque, descend, par une ligne convexe, jusqu'à la bouche. Des écailles petites sur la tête, un peu plus grandes sur le corps, en couvrent toutes les parties, excepté l'huméral, qui est un peu strié. L'angle de la dorsale et de l'anale est assez aigu; les pointes de la caudale ont le tiers de sa longueur; les ventrales s'effilent en pointe. Il a cinq rayons branchiostèges, dont les quatre ex- ternes sont plus grands et soutiennent la membrane, et le cinquième, petit et large, soutient l'isthme, ainsi que cela a souvent lieu dans les poissons dont le dessous de la gorge est large et charnu. B. 5; D. 8/2T; A. 3/25; G. 16 j P. 16; V. 1/5. CHAP. II. ACANTHURES. 243 Sa couleur est un brun violâtre uniforme, en y re- gardant de près, on voit sur les côtés de nombreuses lignes très-étroites d'une teinte violette, qui suivent les rangées d'écaillés. Le milieu des pectorales pré- sente une teinte pale tirant sur l'orangé; il n'y a pas de liséré à la caudale. Nos individus ont été apportés des Caro- lines par MM. Lesson et Garnot et de la Nouvelle-Guinée par MM. Quoy et Gaimard. Ils sont longs de cinq à six pouces. Z^'ACANTHURE AUX PETITES RAIES. {Acanthurus strigosus , Benn.) MM. Quoy et Gaimard nous ont rapporté également de la Nouvelle -Guinée un autre acanthure à dents et peigne, qui diffère par un profil plus rectiligne et plr.s obli- que, ce qui donne de la saillie au museau. L'œil est plus grand : je ne lui compte que vingt dents à la mâchoire supérieure, j'en trouve vingt-sept à l'inférieure. Il y a huit épines à la dorsale, dont la première est très-petite ; celle de l'anale est aussi peu distincte. D. 8/27; A. 3/24, etc. La couleur est brune avec des lignes nombreuses, parallèles , longitudinales , un peu plus larges et plus visibles sur les côtés entre la portion molle des deux nageoires verticales. 244 LIVRE X. TEUTHIES. L'individu est long de près de sept pouces. Le dessin que M. Valenciennes a fait dans le cabinet de la société zoologique de Londres, nous a servi à constater l'identité de notre poisson avec celui que M. Benneta décrit dans le treizième cahier, p. 4i du zoologicaljour- nal. Quoique M. Bennetne compte que sept épines à la dorsale, et deux seulement à l'anale, nous ne pouvons douter de l'identité spéci- fique des deux poissons. Celui du cabinet de Londres vient des îles Sandwich. On peut encore réunir en un petit groupe particulier ceux des acanthures qui n'ont que quatre ou cinq épines à la dorsale. Ces es- pèces offrent encore un autre caractère de famille, qui consiste dans la hauteur de leurs nageoires dorsale et anale. Nous mettons en tête de cette petite tribu l'espèce qui nous offre une particularité que nous ne re verrons plus que dans les balistes du genre des monacanthes. On peut remar- quer déjà qu'il y a une certaine analogie dans la nature de la peau du dernier de ces poissons, qui appartiennent cependant à des ordres si différens, par conséquent si éloignés. CHAP. II. ACANTHURES. 2^*5 Z/'ACANTHURE A BROSSES. {Acanthuriis scopas , nob.) Pallas , qui a le premier défendu la fidélité de l'ouvrage de Renard , et prévu que l'on constaterait un jour l'existence réelle de tant d'êtres que leurs formes singulières disposaient à regarder comme fabuleux , aurait trouvé dans notre ouvrage de nombreuses preuves de la justesse de ça conjecture. En voici une nouvelle. La figure 201, pi. 4^? cl^ ce recueil si dé- crié, nous offre un acantliure à museau très- saillant, et qui a sur les côtés du corps, vers la queue, des espèces de poils ou de petites épines; elle lui donne le nom de hasuin, et la figure 29, pi. 4? intitulée hasuin Jiiâle^ en représente un de même forme , mais dé- pourvu de ces poils. Le nom et les deux figures sont pris du porte-feuille de Vlaming, n.*" 220 et 22 1; seule- ment les indications de sexe sont interverties; c'est findividu à queue velue qui y est indi- qué comme le mâle , et il est dit qu'ils furent pris tous les deux à Neira dans la province de Banda, le 26 Septembre 1698. Valentyn les a aussi copiées n.''^ 23 et 124; mais en supprimant les brosses, et en nommant 24G LIVRE X. TEUTHIES. Tune ikan nafiri ou trompette, et l'autre trom- pette d'orange. Nous venons d'être assez heureux pour re- cevoir de MM. Lesson et Garnot, naturalistes de l'expédition Duperrey, un poisson péché au havre Dorey à la Nouvelle -Guinée, qui offre précisément la même forme et le même caractère, mais qui est autrement coloré. Nous l'appelons acanthure à brosses (acantJiurus scopas). Son corps est très-élevé, la longueur de son ovale ne comprend qu'une fois et demie sa hauteur; la hauteur de sa tête en fait deux fois et demie la lon- gueur; l'œil est placé très-haut. Son profil , courbé en S italique, prolonge sa partie inférieure de manière à faire ressembler son museau à une espèce de groin, comme dans beaucoup de chétodons. La bouche est très-petite , sa longueur égale à peine le diamètre de l'œil; il y a des stries à l'opercule et au limbe du préopercule, mais peu marquées et presque cachées par de très-petiies écailles rudes , formant sur la tête, ainsi que sur tout le corps , une espèce d'âpreté, qui rappelle celle des squales, du genre des Rous- settes (Squalus caiulus^ Lin.). L'épaule est nue et a des stries fines tant sur l'huméral que sur le sca- pulaire; la fente de l'ouïe ne descend que jusqu'au côté de la gorge , et à la hauteur de la bouche et de la base de la pectorale. La dorsale et l'anale sont arrondies, plus hautes dans leur milieu, et de plus du tiers de la hauteur du corps au milieu; la caudale est CHAP. II. ACAiNTUURES. VCÎ coupée carrément, et, ainsi que le tronçon nu de la queue, du septième à peu près de la longueur totale. Les poils ou les soies qui caractérisent ce poisson, se voient de chaque côté en avant de l'épine latérale sur un espace qui a en longueur le cinquième environ de celle du corps, et dont la hauteur est moitié moindre; elles sont assez serrées, raides, pointues, un peu recourbées à leur sommet, comme les dents d'une carde. C'est une particularité d'or- ganisation qui ne se trouve guère que dans quelques baîisles, et qui nous paraît établir une affinité de plus entre deux genres déjà rapprochés par plusieurs caractères. Cette espèce est du nombre de celles qui ont peu d'épines à la dorsale; je n'en trouve que cinq, et vingt-quatre rayons mous, et il n'y a pas non plus d'épine couchée en avant de sa base. Les pectorales sont ovales et du quart de la longueur totale, les ventrales sont un peu moins longues et de forme pointue. D. 5/24; A. 3/20; C. 16; P. 15; V. 1/5. Dans son état actuel (dans la liqueur) , ce poisson paraît tout entier d'un gris -brun violâtre sombre et uniforme. Les écailles y forment comme de très- petits points bruns, excessivement serrés, et sur la tête ces points sont plutôt blanchâtres. Dans l'aisselle de la pectorale et la partie voisine de l'épaule sont de vrais points blancs sur un fond brun, et derrière cette nageoire se voient sur le flanc des lignes longi- tudinales blanchâtres très -fines. Une large bande blanchâtre occupe aussi longitudinalement le milieu 248 LIVRE X. TEUTHIES. de la hauteur au-dessus de la pectorale et la moitié de la longueur; mais elle s'efface quelquefois. Ses nageoires verticales sont plus brunes que le coi'ps. Ses pectorales sont pâles, bordées de noirâtre, et leur base est d'un brun foncé ; les ventrales sont noirâ- très. L'individu est long de cinq pouces sur quatre de haut, y compris les nageoires. Les deux basuins de Vlaming sont mieux colorés, bien qu'ils ne le soient pas aussi vi- vement que les copies de Renard. Leur corps est orangé; la tête et la poitrine noires, excepté une bande oblique pâle qui couvre l'oper- cule et le bas de la joue. Celui qui est donné pour le mâle a en outre une bande verticale d'un gris vio- lâtre entre le noir et l'orangé, et la femelle a sur l'orangé une bande longitudinale aurore. Les na- geoires sont jaunâtres. L'enluminure de Renard est un peu moins infidèle à sa figure n.° 20 qu'à celle n.° 2g. Selon Valentyn, la chair de ce poisson est d'un goût excellent. M. Desjardins nous a envoyé de l'Isle-de- France un acanthure exactement semblable au précédent par les formes et les nombres: D. 5/24; A. 3/19, mais qui paraît d'un brun plus uniforme, et dont surtout les poils latéraux sont beaucoup plus courts. C'est probablement la femelle de l'espèce. CHAP. II. ACAiXTHURES. 249 Elle a aussi été dessinée par MM. Quoy et Gaimard, et à Ulea par M. de Mertens. Z'ACANTHURE A HAUTES VOILES. {Acanthurus altivelis^ Un acanthure infiniment voisin de ce sco- pas, surtout de la femelle, si même ce n'en est pas un jeune âge, a été apporté de la mer des Indes par Pérou, et de llsle-de- France par M. Lamare-Piquot. Ce sont les mêmes points et linéoles d'une finesse excessive, la même bande latérale et même plus mar- quée, car elle semble d'un blanc d'argent; mais il est plus élevé et a les nageoires plus hautes, plus même que le voilier qui va suivre. Nous le nommons en conséquence A. altivelis. La longueur de son ovale en surpasse à peine la hau- teur, et, en y comprenant ses nageoires, sa hauteur totale est plus considérable que toute sa longueur. Le reste de ses formes est tout -à -fait pareil, et l'on voit aussi dans quelques individus une villosilé vers les côtés de la queue. D. 5/235 A. 3/19; C. 16; P. 15; V. 1/5. Nous ne l'avons que de la taille de deux et de trois pouces. Les dessins de Parkinson, conservés à la bibliothèque de BankS; offrent un acanlhure 250 LIVRE X. TEUTHIES. semblable et avec la même bande latérale, intitulé zeus elewatus. Il est coloré en jaune brunâtre. C'est aussi un individu semblable qui vient d'être décrit, sous le nom de JîawesceîiSj, par M. Bennet, dans le Journal zoologique, n.° i3, p. 4o ; nous aurions même conservé ce nom à l'espèce, s'il ne nous paraissait trop peu dis- tinctif en comparaison du nôtre. Le caantje (petit canot ou panier) de l'ile de Manipc (part. II, n.° 170), qui est le ^ros dos ou \ikan-porot-bankar de Valen- tyn, n.°go, est dessiné avec un profil courbé en S , un museau proéminent , une dorsale assez haute, ronde, une caudale coupée car- rément. Il est enluminé de brun, les nageoires vertes, la poitrine jaune, tachetée de bleu, une bande blanche longitudinale le long du miheu du corps, sur la- quelle on voit en arrière quatre taches ou lignes verticales bleues ou rouges. Peut-être est-ce une mauvaise figure de notre ait w élis. On dit que, séché et mis sur le gril, son goût approche de celui des côtelettes de mou- ton. CHAP. II. ACANTHURES. 251 Z'ACANTHURE VOILIER. {Acanthurus 'vellfer, Blocli.) Une belle espèce d'acanthure, remarquable par la hauteur de sa dorsale, a été nommée vellfer ou voilier par Bloch, qui en a donné une figure pi. 427; mais elle n'avait pas non plus échappé aux peintres indiens dont Renard a copié les dessins. On la voit, pi. ig, n.** 107, sous le nom de cour-hipas. Ripas signifie en malais éventail, nom qui convient peut-être encore mieux que celui de voilier. Vlaming le donne, u.° 204 , sous celui de kipas lakje-lahje (éventail mâle), et n.° 210 sous celui de kipas par am~ pouan (éventail femelle). Valentyn, qui parle aussi de ce poisson au n.° 449? ^^ nomme de même ikan-kipas-djantan (poisson éventail mâle). L'espèce parait commune à l'Isle-de-France, d'où elle nous est venue nombre de fois par MM. Quoy et Gaymard, Dussumier, Desjar- dins, etc. Pérou l'a rapportée de l'archipel des Indes, et M. Ehrenberg de la mer Rouge, cil M. Ruppel l'a aussi observée. Sa plus grande hauteur est une fois et demie seu- lement dans l'ovale de son corps, et deux fois et quelque chose dans sa longueur totale. La longueur de sa tête est une fois et demie dans sa hauteur j son LIVRE X. TEUTHIES. profil, légèremeiiL convexe à la nuque seulement? descend aussitôt par une ligne droite, qui devient insensiblement concave à compter de la hauteur de l'œil, ce qui donne aussi à son museau une forme de groin. Ses dents sont pointues, les supérieures ont onze crénelures, les inférieures cinq; il y a quel- ques stries au scapulaire et à l'iiuméral; la tête et tout le corps ne sont couverts, au lieu d'écaillés, que de très-petits grains serrés, qui font sentir aux doigts une légère âpreté. La ligne latérale est assez large, plate, parallèle à la ligne du dos et au sixième de la hauteur; la lame latérale de la queue est mé- diocre. La caudale est presque coupée carrément; la dorsale, en arc de cercle, aurait, si elle se relevait entièrement, les trois quarts de la hauteur du corps, et l'anale en aurait la moitié. C'est une des espèces qui ont le moins d'épines dorsales , quatre seulement et vingt-huit rayons mous. D. 4/28; A. 3/23; C. 16; P. 15; V. 1/5. Les ventrales sont pointues. Le fond de la couleur est un brun pourpre; de pe- tites gouttes rondes, d'un blanc bleuâtre, sont assez serrées sur la tête et sur la poitrine; elles deviennent plus grandes et moins nombreuses derrière la pec- torale et sur le ventre. Des lignes verticales blan- châtres, au nombre de douze ou quinze, descendent du dos et se perdent sur les flancs; le brun est plus ou moins clair entre quelques-unes de ces lignes, et de manière à former trois, quatre ou cinq bandes verticales, dont une oculaire et une humérale sont les plus marquées. Les trois nageoires verticales sont CHAP. II. ACANTHURES. 253 rayées, parallèlemenl à leurs bords, de raies blancbâ- ires ou bleuâtres sur un fond d'un brun pourpré; il yen a dix ou onze à la dorsale, et six ou sept à l'anale. Les pectorales sont d'un brun jaune, les ven- trales d'un brun noirâtre. Cette description des couleurs est prise d'un individu conserve dans la liqueur. M. Dussumier dit que dans le frais il a le fond gris blanchâtre , les lignes et les points oran- gés, ainsi que les rayures de la dorsale et de l'anale; le museau jaune pâle, moucheté de petits points blancs; les bandes verticales d'un gris plus foncé que le fond, les pectorales verdâtres , les ventrales d'un verdâtre plus noir, la caudale presque noire, légèrement li- sérée de blanchâtre , et c'est aussi ce que confirme une belle figure que M. Ruppel vient de publier dans son Allas zoologique, pi. i5, fig. 2. Valentyn lui attribue dans son texte une teinte d'un bleu foncé, et les figures de Vla- ming et de Renard marquent des points bleus entre les bandes de ses nageoires. La longueur de notre sujet est de sept pouces. Nous avons la peau desséchée d'un autre qui en a un peu plus de neuf. C'est d'après les seules dispositions des cou- leurs que nous rapprochons de cette espèce celle que M. Gray a décrite dans l'appendix 254 LIVRE X. TEUTHIES. du Journal de voyage du capitaine King* à la côte de la Nouvelle-Hollande, d'où ce na- vigateur l'a rapportée. Le zoologiste anglais l'appelle TeutJiis australis, et lui donne un corps brun, avec six bandes transversales, d'un brun noirâtre sur chaque flanc. La première passe par le travers des yeux , la seconde est à la hauteur de la pectorale , les trois suivantes sont au-delà de celte nageoire, et la dernière est sur la queue, en arrière de l'aiguillon. Il n'a pas distingué les rayons épineux de la dorsale de ceux qui sont mous ; il n'a compté que deux épines à l'anale, qui en aurait en tout vingt-trois. Le reste de la description ne contient que des caractères génériques. Il est difficile d'après cela de se faire du poisson une idée bien précise , et surtout bien différente de la nôtre. i^'AcANTHURE TÊTE-COCHON. {Acanthurus suillus , nob.) On trouve dans le Recueil de Vlaming, n." 23 1, la figure d'un acanthure à profil à double courbure, à museau saillant et grêle, à queue carrée , à dorsales et anales hautes , dont les formes se rapprochent de celles de Xacanthure voilier. 1 . Narrative of a survey of ihe inier tropical and western coasis of Ausiralia, by cap. J. J. King, with appendix by John Gray, p. 435. CHAP. II. ACANTHURES. 2S5 Il est d'un gris-brun clair, et semé sur tout le corps de très-petits points noirs , parmi lesquels en sont mêlés d'un peu plus grands. Une ligne fauve règne le long de la base de sa dorsale et de son anale, qui sont grises, ainsi que ses autres nageoires. Renard la fait graver, I/^ part., pi. i4, fig. 82. Cette figure est étiquetée Mauritius kaantje, ce qui veut dire petit panier ou petit bateau de risle-de-France j mais il l'en- lumine de blanc de lait avec du noir à la tête, ce qui n'est pas dans l'original, et il supprime le rouge des nageoires. Il l'appelle de même kaantje, et tête de cochon, et mangeur d'huî- tres. Il semble que c'est aussi le n.° 490 de Va- lentyn, mais la forme en est abaissée et il y a encore d'autres altérations. Ne l'ayant pas vu , nous ne le plaçons ici que pour fixer sur lui l'attention des navigateurs. Z'ACANTHURE A PIERRERIES. {Acanthuriis gemmatus , nob.) L'Isle- de -France a un autre acanthure à quatre épines dorsales, qui nous a été envoyé par M. Des jardins. Il est un peu plus oblong que le précédent ; sa plus grande hauteur, qui est de la nuque au bassin, est deux fois et un cinquième dans sa longueur totale; son pro- 256 LIVRE X. TEUTHIES. fil, presque vertical, est légèrement courbé en S; son œil est à peine au-dessus du milieu de la hauteur de sa tête. Il a à chaque mâchoire quatorze dents ovales à dentelures très -prononcées; sa dorsale et son anale sont arrondies et ont près de moitié de la hauteur du corps; la caudale est coupée carré- ment; les épines de sa dorsale sont au nombre de quatre, toutes assez fortes , ainsi que les trois de l'anale : la première de l'une et de l'autre est très-courte. D. 4/28; A. 3/-24; C. 17; P. 65; V. 1/5. Ses écailles, à peine sensibles, font paraître sa peau comme un cuir. Sa tête, son corps, sa dorsale et son anale paraissent d'un brun foncé, semé de points blancs, qui sont ronds et en quinconce sur la tête et la poitrine, assez irrégulièrement disposés sur la dorsale, peu apparens sur une grande partie de l'a- nale ; mais qui sur le corps sont un peu alongés , et disposés en lignes longitudinales peu régulières, au nombre de vingt-quatre ou vingt-cinq. Le bout de la queue est jaune et a aussi des points blancs. La caudale paraît jaune sans points. Notre individu est long de quatre pouces. CHAP. III. NASONS. 2S7 CHAPITRE III. Des Nasons (Naseus, Commerson). La mer des Indes produit un genre de poissons très-voisin des acanthures, tant par les détails des formes extérieures que par leur anatomie; mais dont la queue est armée de boucliers porteurs de lames fixes e t tranchantes, et non pas d'épines ou de lancettes mobiles; leurs dents sont coniques et pointues, et sans dentelures, réunion de caractères qui les dis- tingue amplement des genres voisins. Les espèces que l'on a connues les premières et dont Willughby a déjà représenté une, ont sur le front une corne épaisse et proé- minente. Cette circonstance est ce qui a décidé ceux qui en ont établi le genre dans le choix de leurs dénominations. Ainsi Commerson avait imaginé celle de naseus., que M. de La- cépède a francisée en /zfif^o?!', et Bloch, dans son Système posthume^, avait pris celle de THonoceros. Nous préférons la première, non- seulement comme la plus ancienne , mais comme la moins significative, attendu qu'il 1. Tome m, p. 106. — 2. Page i8o, 10. \n 258 LIVRE X. TEUTHIES. y a de ces poissons qui, avec tous les autres caractères du genre , et qui ne pourraient en être séparés sans rompre les rapports na- turels, n'ont point celte corne, ou montrent tout au plus une légère tubérosité soit au front, soit sur le museau. Parmi ceux de ces naseus à corne saillante, et que l'on a confondus jusqu'à présent sous les noms de chœtoclon unicornis, de nason licornet et de monoceros hiaculeatus ^ nous avons reconnu des différences qui obligent de les distinguer et de constituer au moins trois espèces, auxquelles, à en juger par les descriptions et les figures des auteurs , on sera peut-être dans le cas d'en ajouter par la suite encore deux ou trois. Forskal, qui en a décrit une, l'a laissée parmi les chétodons sous le nom diuniconiisy et Gmelin a suivi cette classification, bien que cette espèce ni aucune autre n'ait le caractère de dents en cheveux. Forster en avait mieux saisi les rapports naturels, en transportant celles qu'il a connues dans ses harpurus, où il les place avec nos acantluires; mais il est infiniment plus convenable d'en faire un genre séparé. Outre la forme simple de ses dents et ses deux boucliers fixes, ce genre se distinguera CHAP. III. NASONS. 259 par un caractère que nous n'avons encore ob- servé qu'à lui parmi les acanthoptérygiens , celui de ne compter que trois rayons mous à ses ventrales. Le Nason licornet. (JVaseus /"rontîcornis , Comm.) L'espèce qui paraît la plus commune a été représentée par Willugbby*, et bien que la figure ait été faite d'après un individu mu- tilé et qui avait la caudale en très-mauvais état, c'est encore la seule qui donne une idée convenable des caractères de l'espèce , pris de la force et de la longueur des épines de la dorsale. Ce poisson, conservé dans le musée de la société royale de Londres, et communiqué par Grew^, est le même individu qu'il avait fait fort mal représenter dans son Muséum sous le nom de petite licorne de mer (lit t le sea imicorne) y c'est ce qui explique l'épithète que Willughby donne à son poisson, mono- ceros niinor. Blocli , qui ne parle pas de ces poissons dans sa grande Icbthyologie, en fait son genre 1. Willughbj, Ichthjol., pi. O 4. — 2. Grew, tab. 7. 260 LIVRE X. TEUTHIES. monoceros dans l'éclidoii posthume , publiée par Schneider'. Il élal)lit une première es- pèce en copiant la description fort exacte de Forskal; mais il en fait une seconde du pois- son de Willughby, sous le nom de monoce- ros Raii. Ce monoceros Raii n'est donc plus évidemment qu'une de ces espèces nominales à rayer du catalogue des êtres. Quant a la figure, elle est au-dessous de toute critique par les inexactitudes nombreuses qu'on y re- marque; mais on ne peut cependant la rap- porter à aucun autre nason. Forster en avait laissé un dessin sous le nom de harpurus monoceros, que Schneider a très-bien reconnu, en le rapportant au monoceros hiaculeatus de Bloch ou à notre espèce. M. de Lacépède en a donné une autre figure, tout aussi méconnaissable que celle de Bloch ^, et copiée d'un dessin de Commerson, lequel est à la vérité fort peu correct, et qui serait tout-à-fait indéterminable sans l'excel- lente description que nous en avons trouvée dans les manuscrits de cet infatigable obser- vateur. Forskal^ comme nous venons de le dire. 1. Bloch Schn., p. 180, pi. 47- — 2. Lacép., t. III, pi. 7, fig. 2. — 3. Fauna arab. , p. 63^ 88. CHAP. m. NASONS. 2G I en avait donné une très-bonne description j mais avant lui Hasselquist^ en laissait une tout aussi rigoureuse, et qui a ëtë malheureuse- ment méconnue et rapportée mal-à-piopos au chœtodon nigricans. Il dit, en parlant de la corne, qu'elle est ultra dhiiidimUf dorsi capitis extensumy ce qui n'a pas empêché Bloch, lorqu'il veut rectifier Linné et ôter ce synonyme du chœtodon nigricans, de le pla- cer comme synonyme de Yharpurus lituratus de Forster, lequel est un nason, mais de la division de ceux qui n'ont pas de cornes. Dernièrement M. Guérin vient d'en publier une petite figure très-correcte, pour représenter une espèce de ce genre dans l'Iconographie du règne animal, pi. 35, n." 3i. Il l'a publiée sous le nom de jiaseus longicornis, que nous avions d'abord imposé à cet individu bien adulte , avant de reconnaître son identité spécifique avec le naseus fronticornis de Commerson et de Lacépède. C'est d'après un individu adulte que nous allons publier la description suivante. Le corps de ce poisson est ovale et comprimé, et sa queue est très -mince, comme dans le grand nombre des poissons de la famille des Teuthies. La 1. lier Paksi. , p. 552. 262 LIVRE X. TEUTHIES. longueur de son ovale, mesuré depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, comprend deux fois sa hauteur aux pectorales, et en allant jusqu'au bord de la caudale on la trouve deux fois et deux tiers; mais la longueur totale s'augmente des cornes en filets qui terminent les angles de la nageoire, et qui sont elles-mêmes comprises deux fois et demie dans la hauteur, laquelle fait quatre fois l'épaisseur du corps. Le profil descend obliquement et à peu près en ligne droite de la nuque à la bouche, et cette distance ne mesure pas tout-à-fait le quart de la lon- gueur du corps. De son tiers supérieur naît cette grosse proéminence conique et obtuse et si carac- téristique : elle se dirige horizontalement, a une base large, légèrement convexe, s'arrondit et se rétrécit en avant, et se termine par une pointe mousse, qui répond à peu près sur le bout du museau dans l'individu où nous l'observons la plus longue; mais sa longueur varie, ainsi que nous l'exposerons plus loin. L'œil est de chaque côté derrière sa base, et les orifices de la narine en avant du bord de l'œil, au commencement de l'espèce de sinus qui résulte de sa saillie. Un sillon part de l'angle antérieur de l'orbite au-dessous de ces orifices, et descend obliquement sur le côté du museau, où il se perd bientôt. Le diamètre de l'œil n'est pas tout- à-fait du sixième de la lon- gueur du profil; au bout de ce museau oblique est la bouche presque horizontale, très-p^u fendue, caria longueur de sa fente, mesurée sur le côté, n'excède pas le diamètre de l'œil; elle n'est presque point suscep- tible de prolractillté, et elle a chaque mâchoire garnie ciiAP. m. NAsoNs. 265 d'une seule rangée de petites dents coniques, au nom- bre de quarante environ à la supérieure, et de trente ou trente-six à l'inférieure. Des lèvres courtes et mem- braneuses couvrent à demi ces dents; mais on a peine à distinguer le maxillaire au travers des écailles rudes, petites et serrées qui épaississent la peau. Ces écailles cachent même les séparations des pièces operculaires et les rayons de la membrane branchiostège, qui sont au nombre de quatre. La fente des ouïes commence un peu plus bas que l'œil, et finit sur le côté de la gorge, de manière à laisser un isthme large et épais comme dans les acanthures. Le bord operculaire est une courbe peu convexe, placée obliquement et terminée presque parallèlement à la hgne du profil. L'intervalle de ces deux lignes fait moitié de l'espace compris entre la nuque et la bouche. La pectorale, en demi- ovale, est attachée un peu au-dessus de la ligne hori- zontale tirée par la fente de la bouche; sa longueur est près de trois fois dans sa hauteur; elle a dix-sept ou dix-huit rayons. L'épaule est couverte des mêmes écailles que la tête et l'opercule. La ventrale s'attache vis-à-vis la base de la pectorale et n'a que les trois quarts de la longueur de celle-ci. Son épine est forte et presque aussi longue que le premier rayon mou, le suivant est un peu plus court, et le troisième n'a que la moitié de la longueur du premier. La dorsale commence au-dessus de la lente des ouïes, et règne jusques assez près du bout de la queue, conservant une hauteur d'environ le tiers de celle du corps aux pectorales; elle a six rayons épineux, égaux en longueur, mais dont le 2G4 LIVRE X. TEUTHIE&. premier est chagriné comme le corps, ei plus gros et surtout plus large à sa base que les suivans. On compte ensuite vingt -huit rayons mous. La mem- brane de celte nageoire est mince et sans aucunes écailles. L'anus est entre les deux ventrales, qui le cachent en se rapprochant; l'anale commence entre leurs pointes et à peu près sous la sixième épine du dos; elle a deux rayons épineux, dont le premier est gros et chagriné, et vingt-six ou vingt-sept rayons mous ; sa hauteur est un peu moindre que celle de la dorsale, mais sa membrane est semblable. Le bout de queue entre ces deux nageoires et la cau- dale est du septième de la longueur de l'ovale, et trois fois moins gros. Cette partie est armée de chaque côté de deux boucliers osseux ovales, sur chacun desquels s'élève une lame tranchante triangulaire, dont le bord postérieur est le plus long et un peu convexe, et l'antérieur légèrement concave, de sorte que la pointe est faiblement dirigée en avant. Leur surface est finement striée , et elles sont immobiles. La caudale, sans ses pointes, a le neuvième de la longueur totale; son bord est très-légèrement con- cave, et chacun de ses angles se prolonge en un filet plus long qu'elle, qui se termine en pointe aiguë. Elle a seize rayons entiers, et c'est le deuxième et le troisième de chaque côté qui forment le filet. B. 4 ; D. 6/28 ; A. 2/27 ; G. 16; P. n ; V. 1/3. Tout ce poisson est couvert d'écaillés très-petites, très-serrées, constituant une àpreté fine, qui ne se fait sentir que lorsqu'on dirige la main vers la tête. A la loupe on voit que chaque écaille est ronde et a CHAP. III. NASONS. 2G5 la surface âpre et les dentelures du bord fines, raides et pointues; vers le côté de la queue elles deviennent un peu plus grandes que sur le reste du corps. La ligne latérale commence à une distance ^u dos égale au sixième de la hauteur, et lui demeure parallèle dans tout son cours, qui se termine aux boucliers osseux de la queue; elle n'est sensible que par une légère saillie de la peau. Cette description est faite cVaprcs un indi- vidu frais, bien conservé dans l'alcool, et rap- porté de risle-de-France par M. Dussumier; il est long de près de dix-sept pouces depuis le bout du museau jusqu'au bord concave de la caudale , et de dix-neuf jusqu'à la pointe du filet. Il paraît entièrement gris cendré; la dorsale et l'anale ayant un fin liséré bleuâtre, et les boucliers ayant conservé une teinte bleue. L'alcool a un peu alte'ré ses couleurs, car suivant les notes prises sur le frais par M. Dussumier, il était gris bleuâtre sur la moitié supérieure du corps, et gris jaunâtre sur le reste; la dorsale et l'anale rayées de jaune et bordées de bleu; la queue était jaunâtre, sa nageoire grise comme les pectorales et les ventrales. Nous en avons un autre du même pays, que nous devons à M. Lamarre-Piquot; il est plus grand et long de vingt-trois pouces, le filet caudal en a près de quatre et demi. Cet individu porte la corne la plus longue, elle fait les quatre cinquièmes de la distance du bout 266 LIVRE X. TEUTHIES. du museau à l'angle supérieur et antérieur de l'orbite. Dans celui de M. Dussumier la corne mesure les deux tiers de cette même distance; elle est de la même longueur proportionnelle dans un autre troisième de même taille, et que nous devons, comme le plus giand, à M. Lamarre- Piquot. Le Muséum en possède un quatrième in- dividu sec, long de seize à dix-sept pouces, et trouvé parmi les collections faites à Waigiou par MM. Lesson et Garnot. Sa corne n'a que la moitié de la longueur entre l'extrémité du museau et l'angle de l'orbite. A mesure que nous observons des indivi- dus plus petits, la corne devient plus courte, et nous n'en voyons plus que le vestige sur les plus jeunes. En effet, un cinquième nason, long seulement de treize pouces, provenant encore des collections faites à l'Isle-de-France par M. Lamarre-Piquot, et ayant les mêmes proportions de corps, de hauteur et de force des six rayons épineux de la dorsale, le même nombre de rayons mous à cette nageoire et à l'anale, les lobes de la caudale prolongés en filet, a une corne dont la longueur n'est plus la moitié de la distance entre le bout du nui- seau et lœil. CHAP. III. NASONS. 267 Un autre individu, également de llsle-de- France, rapporté par MM. Quoy et Gaimard, et long de dix pouces, a la corne sensible- ment moins prolongée que le précédent. Un autre poisson sec, de même grandeur que celui-ci, fort ancien, au Cabinet du Roi, puisqu'il y a été envoyé par M. Poivre, in- tendant de risle-de-France, en 1767 et 1773, a une corne tout-à-fait semblable. Elle est réduite à une forte tubérosité dans un plus petit individu long de sept pouces, et que M. Théodore Delise nous a envoyé de la même île. Il y a joint un fort joli dessin co- lorié d'après le frais, qui nous représente ce poisson d'un gris verdâtre avec les boucliers bleus. Sa dorsale est orangé clair, avec des traits obliques verdâtres sur trois ou quatre rangs; son anale a quatre lignes orangées et quatre bleues, lisérées de noirâtre; les autres nageoires sont grises comme le corps: à cette taille la caudale ne se prolonge pas encore en filet. Nous avons un petit poisson, long de cinq pouces, que M. Leschenault a rapporté de Bourbon, et qui n'offre plus qu'un vestige de tubercule au-devant des yeux; du reste ses nombres, ses formes le rapprochent tellement du précédent, qu'il nous est impossible de ne 268 LIVRE X. TEUTHIES. pas le regarder comme un individu encore plus jeune que celui de M. Théodore Delise. Enfin, nous en devons de plus petits encore à M. Lamarre-Piquot, et qui n'ont plus même de plaques ou ecussons de chaque côté de la queue : une petite tache bleue en marque la place. Nous avons pu examiner les viscères de l'individu que MM. Quoy et Gaimard ont procuré au Cabinet du Roi. Dans ce poisson, long, comme nous l'avons déjà dit, de dix pouces, la cavité abdominale a près de deux pouces et demi de long, deux pouces seule- ment dans le sens de la hauteur, et environ un pouce d'épaisseur. Outre un foie assez épais, une rate, une vessie natatoire assez grandes, des reins, et enfm les organes de la génération, la nature a trouvé moyen de placer dans une aussi petite cavité un canal intestinal long de quatre pieds. Cette longueur du canal digestif est rare- ment observée dans la classe des poissons, animaux généralement carnassiers; mais celui que nous examinons est phytophage comme ceux de la famille des Teuthies, et Forskal Tavait déjà remarqué. Après avoir traversé le diaphragme, le canal montre en dessous un petit cul-de-sac, puis il se continue CHAP. m. NASONS. 2G9 jusque vers le fond de l'abdomen en se fléchissant vers le bas. Il remonte ensuite vers le diaphragme en faisant un arc plus fermé, de sorte que le pylore est placé vers la région antérieure, mais inférieure, de l'abdomen. A cet endroit on voit les parois stomacales s'épaissir beaucoup et la couche musculaire devenir très-manifeste. Le pylore est entouré de huit appen- dices cœcales, longues, et toutes dirigées vers le haut de l'abdomen. Le duodénum se contourne immédiate- ment après son origine, et forme une première grande anse, qui passe sous l'œsophage et à sa droite, le longe, le dépasse même dans le fond de l'abdomen, et qui revient en formant une nouvelle anse jusque dans la courbe de la seconde branche pylorique. L'intestin se replie alors en suivant l'estomac, et fait deux plis dans des circonvolutions concentriques; arrivé au centre de l'espace de ce cercle spiral, formé par cet enroulement du canal, il se plie alors brus- quement, et revient, en traçant une spirale en sens inverse de la première, sort de l'arc de l'estomac, revient dans le fond de l'abdomen, passe à droite de la première anse du duodénum, et l'enveloppe en montant d'abord le long de l'œsophage, se glissant sous le foie et revenant le long des parois inférieures de l'abdomen, atteindre de nouveau le fond de cette cavité. L'intestin remonte alors par le milieu de la hauteur du ventre dans l'hypocondre gauche; quand il a atteint la branche pylorique de l'estomac, il se plie et s'infléchit brusquement pour redescendre le long du pli précédent vers le fond de l'abdomen; il remonte de nouveau au-dessus de l'anse externe, et. 270 LIVRE X. TEUTHIES. arrivé au milieu de la longueur de la cavité, on lui voit un petit étranglement qui indique la présence de la valvule du colon. Celui-ci s'élève droit vers la région dorsale; et lorsqu'il touche l'œsophage, il se plie brusquement de nouveau, offre quelques bour- soufflures, puis se termine par un rectum plus étroit, qui descend droit et perpendiculairement aux parois abdominales , pour déboucher à l'anus , percé entre les deux nageoires ventrales. A l'exception de l'épaississement de l'estomac près du pylore, l'intestin n'a que des parois minces; la veloutée offre des villosités très-fines : il y a quelques rides longitudinales dans l'œsophage, et près de son origine des papilles grosses et coniques, charnues, mais assez rigides, et dont l'usage est évidemment de retenir les feuilles des algues marines, dont ces poissons se nourrissent, et d'en faciliter l'entrée dans l'estomac. Le foie est assez épais, et sa plus grande portion est située plus à gauche qu'à droite de l'œsophage ; il forme une seule masse échancrée en avant, pour laisser passer ce conduit, et creusée derrière cette échancrure d'une petite fossette, dans laquelle s'en- gage cet appendice de l'œsophage dont nous avons parlé plus haut. La vésicule du fiel, attachée à la portion droite du foie, est très-petite, de forme alongée, accolée par un tissu cellulaire dense à l'œsophage, ce qui rend le canal cholédoque assez long, car celui-ci débouche entre les cœcums près du pylore. La rate est retenue sur la branche pylorique de CHAP. m. NASONS. 271 l'estomac et derrière l'anse recourbée du duodénum. Elle est rougeâtre, de forme trièdre; mais à surface con- cave en avant et en arrière , et convexe du côté gauche. La vessie aérienne est issez grande, à parois min- ces et argentées, arrondie en avant, et donnant en arrière deux petites cornes, entre lesquelles passe l'uretère commun aux reins. Ils forment une masse renflée en avant de la vessie aérienne, et se prolon- geant en deux filets minces sous la colonne verté- brale; réunis ensuite près de la bifurcation de la vessie, il n'y a plus qu'un seul uretère, qui donne dans une vessie urinaire étroite et fort longue; car elle contourne tout le fond de la cavité abdomi- nale pour remonter ensuite à l'anus. Les parois de cette vessie sont minces et blanches; le péritoine, qui protège tous ces viscères, est blanc argenté et pointillé de noir. Ce poisson se nourrit d'algues marines. L'œso- phage, l'estomac, étaient remplis de détritus de plu- sieurs espèces de Sargassum, et les débris y étaient tellement foulés, que cette portion du canal digestif était très-dure : les intestins grêles en étaient égale- ment pleins; mais les matières étant plus digérées, l'intestin était moins résistant. Cette espèce abonde à l'Isle- de -France ; déjà Commerson nous en fournissait la preuve, car la description de son naseus fronticornis a été faite dans cette île; elle ajoute aussi quelques traits à l'histoire naturelle de ce pois- son : elle lui donne une couleur grise cendrée 272 LIVRE X. TEUTHIES. sur le corps, et des lignes obliques jaunes sur la dorsale et sur l'anale, qui produisent un effet agréable. Ce poisson nage en grandes troupes, et Von en prend souvent beaucoup à la fois dans les filets. L'individu décrit par Commerson était long de vingt-deux pouces, mais il y en a de beaucoup plus grands. Ce naturaliste nous apprend déjà que l'es- pèce se répand assez loin dans le grand Océan, car il fa observé dans le même voyage au- près d'Otaïti. Les nombreux individus réunis dans la collection du Muséum confirment cette assertion. Forster l'y a également observé , il dit qu'on le nomme eooina ou éoumé, nom qui est gé- nérique, car nous le retrouvons encore appli- qué à d'autres espèces du même genre, no- tamment à son naseus lituratus. Le brun dont ce poisson est teint tire sur le verdâtre; son abdomen et sa queue pren- nent une nuance jaunâtre , et outre les lignes jaunes de sa dorsale et de son anale, ses deux nageoires sont liserées de bleu. Le naturaliste anglais n'a décrit qu'un in- dividu de quatorze pouces; ses nombres sont: B. 4; D. 6/29; A. 2/30; C. 16; P. 1/17; V. 1/3.' 1. Bl.Schn., p. i8i. CHAP. III. NASONS. 275 Selon MM. Lesson et Garnot, son nom, à Waigiou, est inécare, et dans les Carolines, mossa. Les Malais l'appellent kooulipassère. Ces naturalistes le disent gris foncé sur le dos, presque noir sur la corne, roussatre au ventre; ses nageoires dorsale et anale ont les rayons rougeâtres, des traits obliques oli- vâtres et un liséré noirâtre. La caudale a ses bords supérieur et inférieur noirâtres, et un liséré vert à son bord terminal. Ils donnent les nombres suivans : D. 6/28; A. 2/28; C. 20; P. 16; V. 1/3. Leur individu était long de trois pieds. Il nous paraît probable que leurs notes n ont pas été prises sur un poisson récemment tiré de l'eau. MM. Quoy et Gaimard l'ont de nouveau observé et dessiné à Guam, et les couleurs sont semblables à celles qu'ont trouvées tous les autres observateurs. Webber, peintre du troisième voyage de Cook, en a laissé une figure, faite aux îles Sandvs^ich, où on le nomme Ecar-vah. Les nageoires dorsale et anale ont des lignes obli- ques jaunes et un liséré bleu. Forskal et M. Ehrenberg l'ont pris dans la mer Rouge : le premier nous apprend que les Arabes de Djedda le nomment abu-garn 10. i8 274 LIVP.E X. TEUXniES. {le père à la corne, h cornu). H indique l'espèce comme tellement commune quon l'y voit par troupes de deux cents et même de quatre cents individus. On les prend au filet et au harpon, mais pointa Ihameçon. 11 ajoute que la nourriture de ce poisson con- siste en fucus , ce que nous avons vérifié nous- mêmes par nos dissections/ M. Ehrenberg nous a communiqué le dessin d'un individu de cette espèce , pris au Cap-Mo- liammed. 11 peint la queue et la base de la pectorale en jaune, et en cela il est d'accord avec M. Dussumier; il n'a cependant compté que cinq rayons épineux à la dorsale. Sui- vant eux la chair de ce poisson est mauvaise, et elle est si peu estimée à l'ïsle-de-France , qu'elle sert seulement à la nourriture des noirs. M. Dussumier l'a vu pécher principalement dans le nord- ouest de l'ile, ori on en fait d'abondantes salaisons. 1. Forskal dit que son poisson était long d'une aune, et M. de Lacépède, prenant toujours l'aune du Nord pour celle de Paris, en fait ii8 centimètres, d'où il conclut que la mer Rouge est plus favorable qu'aucune autre au développement du nason (vo;)ez Lacép. , t. m, p. 109). Nos lecteurs nous pardonneront aisément de n'avoir pas rapportéavec autant de confiance que M. de Lacépède, la relation qu'un pécheur fit à Forskal sur le courage de ces poissons, qui auraient pu, disait-il, se défendre par leur nombre contre les attaques d'un aigle et finir même par mettre à mort cet oiseau de proie. CHAP. III. NASONS. 275 Le Nason a épi]nes courtes. {Naseus hrachjceniroîi ; nob.) Un nason rapporté de Waigiou avec celui qui est cité dans la description précédente, et qui lui est très-semblable, même par le profil également oblique, mais un peu plus long, a la corne prolongée hori- zontalement jusque sur le bout du museau, et plus mince et un peu carénée en dessus. Les plaques saillantes sur les boucliers de ia queue sont à proportion plus grandes et plus élevées. Il n'y a que cinq épines à la dorsale, et qui ont à peine moitié de ia hauteur de celles de l'espèce pré- cédente; elles sont en outre beaucoup plus grosses : en général, toute la dorsale est moins haute à propor- tion; les lames latérales de la queue sont au contraire plus grandes et plus saillantes; les écailles forment une apreté à plus gros grains. Il ressemble au pré- cédent par tous les autres détails, D. 5/29; A. 2/28; C. 16; P. 17; V. 1/3. Mais le peu de hauteur des rayons de la dorsale caractérise suffisamment cette espèce. Notre individu est long de vingt pouces; dans l'état sec il paraît tout gris. 276 LIVRE X. TEUTHIES. Le Nason a trois boucliers. {Naseus tripeltis, nob.; Taiidock, Vlam.) On trouve dans l'ouvrage de Renard, I." part., pi. 4î fig- 23, une figure copiée de Vla- ming, n.° 200, et intitulée TandocJi. Ce nom, qui n'est vraisemblablement qu'une copie er- ronnée du nom malais Tandon, qui signifie corne, aura très-probablement été donné pour exprimer ce qu'il y a de plus apparent dans ce poisson; mais les naturalistes ont dû chercher à tirer le caractère d'après d'autres parties qui sont propres a cette espèce en particulier, et nous les avons facilement trouvés dans le nombre des écussons carénés de la queue. La corne est aussi longue que le museau, mais le corps paraît plus élevé, et l'original de Vlaming lui donne de chaque côté de la queue trois lames, et aux pointes de la caudale des filets qui sont oubliés dans la copie. L'enluminure lui fait le dos brun, les flancs gris, le bord inférieur du ventre orangé. Entre le brun et le gris elle place une bande verte et jaune, marquée d'une série de taches noires ; elle donne aux nageoires dorsale et anale une base et un liséré jaunes, et deux lignes bleues ou vertes entre deux; la caudale a un ruban vert et un bord jaune; l'écus- son des lames saillantes est entouré de rouge. Cette figure est aussi dans Valentyn , n.° 5 1 8, et tout-à-fait conforme à l'original de Vlaming; CHAP. III. NASONS. 277 elle est nommée dans le texte ikan-inata-anam, expressions malaises dont la traduction est poisson à six yeux. Il y est dit que l'espèce demeure petite, mais qu'elle est fort délicate, et qu'on la mange surtout cuite à l'eau. Nous ne doutons pas que ce ne soit une représentation de quelque espèce voisine de notre nason à épines courtes. Le Nason a museau court. {Naseus hrevirostris ^ nob.) Une espèce encore très-différente des pré- cédentes, et où le profil, très-court et presque vertical, est beaucoup dépassé par la corne, a été également assez bien représentée par Renard, I.'^'' partie, pi. 24, fig. i3o, d'après Vlaming, n.° 127. Le Cabinet du Roi l'a reçue depuis long- temps de celui de Lisbonne, mais sans note sur son origine. Elle n'a point ce long profil au-dessous de la corne, ni cette espèce de museau avancé des précédens; sa tête, à prendre de la bouche jusqu'à l'ouïe, est aussi longue qu'elle est haute. De l'œil à l'angle rentrant sous la corne il y a deux diamètres de l'or- bite, tandis que dans nos deux premières espèces il y en a à peine un. La corne naît aussi un peu plus bas que l'orbite, presque au-dessus de la bouche, et 278 LIVRE X. TEUTHIES. la dépasse en avant au moins de deux uers de sa longueur, laquelle est comprise une fois et demie dans celle de sa tète. Du reste, les proportions de ce poisson rentrent dans celles de la première espèce; ses épines dorsales sont pareilles en nombre, et leur hauteur fait le quart de celle du corps, prise sous leurs racines; le grenu de sa peau est encore plus fin, et ses dents plus petites et plus serrées; les boucliers des côtés de sa queue sont fort petits, et les lames plutôt en demi-cercle que triangulaires. Je ne peux décrire les pointes de sa caudale, qui sont cassées dans notre échantillon. D. 6/-28; A. 2/29, C. 16; P. 15; V. 1/5. Notre individu est long de 9 pouces; des- séché comme il est, il parait entièrement d'un brun noirâtre. La figure de Vlaming, n.° 127, intitulée licorne, est assez exacte : elle le représente noirâtre; la dorsale et l'anale vertes et avec des filets au bout des pointes de la queue. Renard, en la copiant, pi. 24, fig- i3o, a retranché ces filets, et enluminé toutes les nageoires en rose. Dans ce même recueil^ on donne une ligure semblable pour le museau, mais où la corne est plus grosse et plus longue, et dont la tête, la dorsale , un ruban à la base, et un autre au bord j, 2/ part., pi. 47? n." 196. CUAP. III. NASONS. 279 de la caudale, sont eiilumiiiés de jaune. Cette caudale est simplement un peu concave au bord et sans pointes ni filets. La corne est iisérée en dessous de rouge , elle est du reste bleu foncé comme le dos. Un filet bleu de ciel s'étend du bout du museau jusqu'à la naissance de la caudale le long de la base de la dorsale ; le ventre est bleuâtre. Valentyn, qui a reproduit cette même figure n.° 393, lui attribue à peu près des couleurs semblables, et assure, comme Renard, que c'est un poisson gras et de bon goût, et très-commun aux Moluques. Peut-être est-ce une espèce particulière , mais ce ne serait pas sur de tels documens qu'il serait permis de l'introduire dans le Système des poissons; j'y aurais ce- pendant un peu moins répugné, si j'en avais trouvé l'original dans Vlaming. Nous considérons comme un jeune de ce nason à museau court, un individu long de cinq pouces, sans pointes à la caudale, que nous avons reçu de TIsle-de-France par M. J. Desjardins. En effet, son museau a la même brièveté et le même contour ; les nombres des rayons sont les mêmes; et nous ne lui voyons encore entre les yeux qu'un tubercule, qui est sans doute le com- mencement de la corne non développée. Ses bou- 280 LIVRE X. TEUTHIES. cliers sont très-faibles, on les distingue à peine des autres écailles; ils ne portent aucunes pointes, pas même de crête saillante. Nous avons encore d'autres individus, un peu plus petits, où l'on n'en voit encore aucune trace. Enfin, il s'en trouve un qui n'a même aucune tu- bérosité sur le front; cependant celui-là pourrait bien être d'une autre espèce, car il n'a que cinq rayons à la nageoire dorsale. Dans la liqueur ces petits individus sont bruns. Quatre lignes brunes et autant de lignes pâles par- courent longitudinalement l'anale et la portion molle de la dorsale; le devant de celte nageoire a des taches nuageuses; la caudale est brune à la base, et a toute sa moitié postérieure jaunâtre. MM. Quoy et Gaimard ont rapporte les petits individus des mers de la Nouvelle- Guinée : ce nason serait donc répandu dans toute la mer des Indes. Le Nason bordé. {Naseus marginatus ^ nob.) Cette espèce, rapportée de Tongatabou, l'une des îles Amis, par MM. Quoy et Gai- mard , est bien distincte par la position de son tubercule, qui n'est pas entre les yeux , mais un peu plus bas, presque à égale distance des yeux et du bout du museau; le tubercule est peu saillant et le museau lui-même est court et ob- CHAP. III. NASONS. 281 tus; son corps est plus oblong que dans les précé- dens; sa hauteur n'est que le tiers de sa longueur totale. Il n'y a pas de pointes alongées à sa caudale; ses boucliers sont petits , et c'est à peine s'ils ont une tubérosité j)Our toute pointe saillante. Cette espèce n'a que cinq rayons épineux à la dorsale. D. 5/29; A. 2/28, etc. Dans la liqueur elle paraît d'un gris verdâtre clair, avec des nageoires verticales brunes, plus noirâtres vers le bord ; celui de la caudale a un liséré blanc fort large. La pectorale est aussi brunâtre et a un large bord pâle; les ventrales sont grises. Notre individu a près de neuf pouces. Un de quatre pouces , mais d'ailleurs fort sem- blable, n'a pas de tubercule sensible. Nous ne serions même pas étonnés que notre individu de neuf pouces n'eût pas en- core acquis tout son développement, et qu'on ne trouve cette espèce avec une proéminence longue et distincte. L'anatomie de ce poisson nous a fait voir un in- testin replié un aussi grand nombre de fois sur lui- même que celui du naseus froniicornis ; mais nous le croyons encore plus long à cause des nombreux festons que fait chaque portion d'intestin : le nombre de cœcums n'est que de cinq. Nous avons trouvé que l'un d'eux reçoit la bile, le canal cholédoque y débouchant, ce qui arrive bien rarement; le foie est petit. La vessie aérienne a des fourches un peu 282 LIVRE X. TEUTIIIES. plus Ioniques. D'ailleurs les autres détails analonii- ques sont lout-à-fait semblables. L'estomac de ce poisson était aussi rempli de débris d'une jolie espèce d'algue marine, du genre Ccmhrpa, et très-voisine du caulerpa sedoides Agardli, selon les observations de M. Ad. Brongniart. Nous avons aussi des nasons qui paraissent n'avoir jamais de corne avancée sur le front: nous parlerons de la première espèce avec sû- reté, parce que nous avons pu en comparer plusieurs individus de différentes tailles et de divers pays. Nous ne connaissons les autres que par les ligures de Renard, de Solander et de MM. Quoy et Gaimard. Il ne serait pas impos- sible même que les deux dernières ne fussent établies sur des jeunes individus d'espèces qui seraient de notre première division. Le Nason bariolé. {Naseus Uturalus , nob.; Harpuriis lituratus , Forst.) La première de ces espèces sans corne n'a pas même de renflement sur le front, et sa tête ressemble à celle de beaucoup d'acantliures. On ne peut toutefois douter du genre de ce poisson par ses dents et par les doubles lames lixées aux cotés de sa queue. CHAI\ III. NASONS. 28i> il lia point échappe aux peintres indiens, et l'on en trouve dans Renard deux figures, l'une, I/" partie, n.° 128, sous le nom de marouke, copiée de Vlaming , mais colorée trop brillamment j l'autre, encore plus altérée, 11.^ part., n.° i47? sous le nom générique de leerviscii ou poisson revêtu de cuir, Forster l'avait aussi observé ; il en a laissé un dessin étiqueté harpurus lituratus, et une description incomplète, que Schneider a in- sérée avec le même nom spécifique dans le Système posthume de Bloch, p. 216, sous le genre des acanthures. C'est aussi très-proba- blement Yacanthurus harpurus de Shaw.^ Forster s'était imaginé y trouver le chœto- don niaricans , décrit par Hasselquist; mais nous avons déjà fait voir que le poisson observé par cet élève de Linné, était de notre pre- mière espèce. MM. Garnot et Lesson l'ont rapporté d'O- taïti, où on l'appelle éoumé, nom que nous re- connaissons comme générique. Ils l'avaient pris sur les bancs de coraux de la baie de Matavaï. MM. Quoy et Gaimard l'ont trouvé à la Nouvelle - Irlande , M. de Mertens à Ulea , M. Ehrenberg dans le golfe de Suez, au fond 1. Gen, zooL, t. IV, part. i/% p. 58 1. 284 LIVRE X. TEUTHIES. de la mer Rouge, M. Ruppel, qui l'a péché sur les côtes rocheuses du nord de cette mer, l'a représenté (Allas, pi. 16, fîg. 2) sous le nouveau nom (}iAspisuriis ele^ans ; enfin, M. Lamarre- Piquot vient de le rapporter de risle-de-France; ce qui prouve que ce nason est répandu dans toutes les parties chaudes des mers orientales. La hauteur de son corps est deux fois dans celle de la partie ovale, et deux fois et demie dans la lon- gueur totale. C'est à peine si l'on aperçoit à son front une légère convexité- la distance de cette sailHe à la nuque est d'un quart moindre qu'à la bouche. Son museau est oblique et presque recti- ligne ; les détails de ses formes sont à peu près les mêmes que dans \e fronticornls ; sa dorsale est seule- ment un peu moins haute, et sa caudale, qui est tail- lée en croissant, a des pointes assez aiguës, qui souvent se prolongent en filets du quart ou du tiers de la lon- gueur du corps, L'âpreté des écailles est fine, et ses boucliers assez grands et armés de fortes lames en forme de quart de cercle. B. 4; D. G/25; A, 2/29; C. 16; P, 17; V. 6/3. M. Ehrenberg compte : D. 6/28 ; A. 2/30. Tout ce poisson est d'un brun foncé; une teinte plus claire colore le ventre; ses lèvres sont orangées ou fiuves; une ligne d'un jaune pâle, ou verte selon M, de Mertens, descend de l'œil le long de la fissure qui est sous la narine, et se prolonge jusqu'au- CHAP. III. NASONS. 285 près de la bouclie, d'où elle se recourbe pour re- monter et se perdre le long du bord du préopercule. Ses nageoires sont noires; un ruban bleu cendré ou blanc règne le long de la base de la dorsale, et sa partie molle a un large bord blanc liséré de vert ou de noir. Sa caudale est noire aussi, avec une bor- dure verte terminée par un liséré blanc. Il y a aussi un ruban vert sur la base de l'anale, dont le milieu est rougeâtre ou fauve, et bont le bord a un double liséré étroit noir et blanc. Les boucliers de la queue sont chacun au milieu d'une tache d'un bel aurore. Ces couleurs ont été prises sur le frais par M. Lesson, et renlumiiiure de Vlamiog les rend fort exactement. Ce qu'en disent For- ster, et MM. Ehrenberg et Mertens,y est aussi assez conforme; mais les enluminures de Re- nard n'ont aucune vérité. Valentyn donne, n.° 77, une copie de la seconde figure de Renard, et l'appelle ikan^ niarocke ou , à cause de la forme de son groin, sanglier cV Amhoine ^ et assure qu'il est excellent à manger. L'anatomie de ce poisson nous fournit les mêmes détails que les autres nasons. La forme de la cavité abdominale est aussi étroite : il y a une grande vessie natatoire fortement attachée au dos par un repli très- épais du péritoine. La vessie elle-même est mince, membraneuse , argentée , fourchue en arrière , et chaque corne fait saillie entre les muscles de la queue de chaque côté des interépineux de l'anale. 280 LIVRE X. TEUTHIES. L'iiilesiln est irès-long, plusieurs fois replié sur lui-même el rempli de débris de plantes. Auprès de l'origine de l'œsophage il y a une sorte de gros coecum ou de poche latérale encore plus développée . que celle de notre première espèce : l'œsophage des- cend en se courbant un peu vers la partie inférieure du ventre, puis il se replie et, s'y réunissant dans sa partie concave par un tissu cellulaire dense et serré , il forme, sans se dilater, sans augmenter l'épaisseur de ses parois, un estomac qui est ici réduit à un simple boyau courbe; le pylore est muni de huit appendices cœcales , divisées en deux groupes: quatre sont sur la partie qui touche le foie, et quatre sur la flice posté- rieure de l'estomac. Le duodénum est un peu plus étroit que ce viscère, et le diamètre de l'intestin dimi- nue insensiblement jusqu'cà l'anus; il commence par se porter dans l'hypocondre gauche, il y fait quatre replis, il vient en faire deux dans le côté droit, de manière que la cavité stomacale est cachée au milieu des replis du canal intestinal : après s'être replié ainsi deux fois, l'intestin se contourne pour donner le rectum, qui descend verticalement à l'anus, lequel est ouvert à la hauteur du pylore. La rate est petite, tétraèdre et cachée entre les replis de l'intestin au-devant de l'estomac; les laitances étaient fort peu développées dans l'individu que nous avons examiné, elles sont placées en arrière de l'anus sur les premiers rayons de l'anale; entre elles est la vessie urinaire, grande, oblongue, et qui, s appuyant sur le premier interépineux de l'anale, va comnmniquer avec les reins en passant entre les fourches de la vessie aérienne. CHAP. m. NASONS. 287 Le Nason carolin. {Naseus CciroUnarinn , nob.) MM. Quoy et Gaimard ont publié dans la zoologie du Voyage de M. Freycinet, pi. 63, iig. \ , et p. 375, sous le nom d'aspisure la Marclut {^Aspisuriis Carolinarimi) , un véritable nri- seus semblable à ce lîturatus, mais autre- ment coloré, et sans longues pointes à la cau- dale. Comme ils ne l'ont point rapporté, que leur description n'est faite que sur le dessin, et que le dessin n a point été vérifié par eux sur la nature, on n'y a pas marqué les nom- bres des rayons tels que je crois qu'ils doi- vent être d'après l'analogie des autres espèces.^ Ses couleurs sont un gris brun sur tout le corps, varié par de très -grandes taches irrégulières d'un vert pâle; cette circonstance pourrait faire croire qu'il est d'une espèce distincte. Les naturalistes que nous venons de citer avaient reçu ce poisson en tra- versant l'archipel des Carolines. Il élait long de six pouces. Ce poisson leur parut bon à manger, et il 1. On niarqnc cinq éjjines et Irenle-six ou trente-sept rayons nions à la dorsale, trois épines et trente-trois rajons mous à l'anale, et ce qui surtout marque le peu de soin du dessinateur, neuf rajons à la Acntrale, quoique dans le texte les naturalistes n'en aient compte que six, ce qui n'est pas plus approchant de la rérité. 288 LIVRE X. TELTHIES. fut donné aux malades de l'équipage. MM. Quoy et Gaimard ont observé à Guani un nason qu'ils croient être très-voisin de celui-ci. Le Nason olivâtre. (Naseiis oliçaceus , nob.- Chœtoclon olivaceus ^ Sol.) Nous plaçons ici provisoirement le pois- son dont nous avons trouvé une description dans les manuscrits de Solander, avec une figure faite par Païkinson, pour être annexée à la description. Ce petit nason a le museau avancé, une petite saillie au-dessus de l'orbite, la caudale échancrée sans prolongement filiforme. Les deux plaques de la queue ne paraissent que deux points bleus ; tout le reste du corps est vert olivâtre. La dorsale est plus foncée, bordée de violet, et rayée de deux ban- delettes longitudinales blanchâtres; l'anale les a bleuâ- tres, et son bord est bleu. La caudale a la base brune et l'autre moitié olivâtre. Les nageoires paires sont pâles et sans taches. Solander a trouvé ce poisson à Otaïti, où on le lui a donné sous le nom deufné-mé. Le dessin est long de quatre pouces. îl en avait vu un autre plus petit, de cou- leur plus cendrée, et qu'il regardait comme un jeune individu : l'anale n'avait cependant qu'une seule raie bleue. CHÂP. m. NASONS. 289 Le Nason pointillé. (Naseus pimctulatus , nob.) Le Recueil de Vlaraing, dont la fidélité est aujourd'hui si bien constatée, a représenté, n.° 216, sous le nom àe jannetje-everts, une espèce à museau plus court que le précédent, mais saillant, à profil montant par une courbe ar- rondie, sans tubérosité marquée, à caudale éclian- crée et sans filets à l'extrémité des lobes, dont le corps est bleu foncé, presque noirâtre, parsemé de petits points blanchâtres ou bleuâtres. Les plaques de la queue sont colorées comme le fond du corps. Il lui donne une ligne bleue le long de la base de la dorsale, celle de l'anale en a deux, une bleue et une rouge. On voit une mauvaise copie de cette figure dans Renard, I/^ part., n.^ 178, étiquetée Toute tou; mais enluminée de brun clair et pointillée de noir. Nous avons déjà vu ce nom de Toute tou employé pour désigner d'autres poissons, tels que des acanthures, et notam- ment nos pemphérides. Nous terminerons cette histoire des nasons par des espèces auxquelles la tubérosité ar- rondie ou la loupe qu'elles portent non pas 10. 19 290 LIVRE X. TEUTHIES. au front, mais sur le devant du museau, donne une physionomie très-diiFërente des autres. Le N.-^oN LOUPE. {Naseiis tuber, Comm.j Acanthurus nasus, Shaw.) La première est le naseiis tuber ou le na- son loupe, dont Commerson a laisse une des- cription détaillée et un dessin gravé dans M. de Lacépède, t. III, pi. 7, fig. 3. Le Cabinet du Roi n'a possédé long-temps que l'échantillon de Commerson, desséché en herbier et assez mal conservé j mais M. Lamarre-Piquot vient d'en rapporter de l'Isle-de-France quelques-uns eu meilleur état, et d'ailleurs la description de Commerson nous servira à compléter la nôtre. La plus grande hauteur du poisson est un peu après la naissance de l'anale, et contenue trois fois dans la longueur totale. Le corps est, comme dans la plupart des autres, verticalement ovale, et la queue s'amincit au point de n'avoir plus que le sixième de la hauteur totale. Le profil descend très -lente- ment et presque en ligne droite depuis la nuque jusque sur l'aplomb de l'extrémité du museau, où il se courbe subitement, et forme ainsi, un peu avant de descendre à la bouche, cette loupe qui ca- i-actérise l'espèce. D'après cette direction presque horizontale du profil, la tète se trouve aussi longue CHAP. III. NASONS. 291 que haute. Sa bouche est petite, comme dans les autres nasons, et chaque mâchoire est armée d'une rangée d'environ quarante dents coniques, pointues et serrées. L'œil est au quart supérieur de la tête. Le petit sillon qui est au-dessous des narines se pro- longe dans cette espèce jusque près du bout du mu- seau, et sépare ainsi la loupe de la joue. L'opercule est étroit et placé obliquement, comme dans le reste du genre. La dorsale et l'anale sont peu élevées à propor- tion , et les ventrales assez courtes ; les épines de ces nageoires fortes et âpres , et il n'y en a que cinq à la dorsale. Les lames triangulaires des boucliers de la queue sont très-saillantes, et les boucliers eux-mêmes sont ovales et très-grands. La caudale est faiblement coupée en croissant; tout le corps est couvert d'écaillés rudes, dures et assez grosses, surtout vers la partie postérieure, pour ressembler à du vrai chagrin. Celles qui occupent l'angle entre la pectorale et l'ouie, sont plus rudes, plus relevées que les autres, et rendent cet endroit tout-à-fait hérissé. B. 5; D. 5/29; A. 2/28; C. 16; P. 17; V. 1/3. Dans son état sec il paraît d'un gris brunâtre , semé sur la tête, sur l'épaule, sur toute la partie su- périeure, et sur la dorsale et la caudale, de points bruns, qui sont un peu plus gros dans la région de l'épaule, et s'y unissent quelquefois en taches. Commersoii décrit ses couleurs à peu près de même, ajoutant seulement que le sillon latéral de la tête est de couleur de rouille, et l'iris blanchâtre. 292 LIVRE X. TEUTHIIIS. L'individu de ce naluralisle, conserve au Muséum, est long de vingt-deux pouces : les plus grands de M. Lamarre - Piquot n'attei- gnent guère qu'à cette longueur; mais il nous en a donne de différens âges, et qui tous, c[uelle que soit leur taille , nous ont offert le même développement proportionnel de la loupe. Commerson dit que l'espèce se montre moins ordinairement à l'Isle-de-France que lefronti- cornis, mais qu'elle y arrive de même en grandes troupes. 11 en vit plus de deux cents qui ve- naient d'être pris d'un seul coup de filet en Mars 1770. Le Nason de Tonga. (Naseus tonganus, Q. et Gaim.) MM. Quoy et Gaimard, dans leur voyage avec le capitaine Durville, pendant qu'ils se croyaient près de périr sur les récits de Tonga- tabou, le 27 Avril 1827, eurent encore le cou- rage de s'occuper de l'objet de leur expédition; dans cette pénible circonstance ils y recueil- lirent et y dessinèrent un nason très-voisin du précédent, dont la loupe est même proportionnellement encore plus saillante, et qui n'offre aucunes taches. Son CHAP. m. NASONS. 293 corps, noirâtre vers la tête, brun verdàtre sur le dos, s'éclaircit sur les flancs , et devient sur le ventre d'un blanc bleuâtre, avec quelques taches toutes blanches : desséché, il parait en entier d'un brun roux. Les nombres sont cependant les mêmes: D. 5^/29; A. 2/21^ C. 17; P. 16; V. 1/3; Les insulaires appelaient aussi ce poisson ounié. Le Nason de Vlaming. {IVaseus T^lamingii, nob.) Ce nom d'oumé est aussi usité parmi les Malais des Moluques, et pour un nason tout- à-fait semblable aux deux précëdens par la loupe qui occupe le dessus de son museau. C'est Yomma de Renard, I."^^ part. fig. 7g, copié de Vlaming, n.° 118, où il est appelé ounia ne us-oum. Y aïeniyn le donne deux fois : d'abord au n." 11g sous le nom malais d'ikan oeniay une seconde, au n.° 4?^? sous la déno- mination hollandaise de hruine-stonip-snioel (^museau obtus brun). Je l'ai cru long-temps le même que le na- son loupe, et comme il a un filet grêle à chaque angle de la queue, j'avais soupçonné Commerson de n'avoir décrit son nason loupe que d'après un individu mutilé; mais aucun des individus bien entiers que M. Lamarre- 294 LIVRE X. TEUTHIES. Piquot a rapportés ne montrant ces filets, je dois croire que l'espèce ne les a pas, et qu'ils peuvent être regardés comme un caractère propre et distinctif dans celle de Vlaming. La loupe est un peu plus saillante encore dans ceue espèce que dans les deux précédentes; le corps est enluminé d'un noir-violet très-foncé. Sur le dos et le long du ventre sont de petites taches rondes, d'un bleu clair; le long du flanc les taches sont oblongues et verticales : il y a aussi des points bleus sur la joue, quelques raies bleues en avant de l'œil et sur l'opercule, et une ligne bleue le long de la hase de la dorsale et de l'anale; les nageoires sont d'un gris pâle, et les aiguillons de la queue rouges. Renard a un peu altéré ces couleurs, car il a peint le fond du corps en gris brun, et les pec- torales et les ventrales en orangé. Selon Valentyn Yoema^ n.° 1 1 9 , atteint une longueur d'un pied, et lorsqu'il est bien cuit, il ne le cède à aucun autre ; mais quand il le reprend, n.° 47 B, sous le nom de stomp- smoel, il lui donne deux pieds, en décrit un peu autrement les couleurs et ne parle plus de sa saveur. CHAP. IV. PRIONURES. 29^ CHAPITRE IV. Des Prionures, des Axinures, des Priodons et des Kéris. DES PRIONURES, et en particulier du Prionure microlépidote (Lacépède), Les prionures ne diffèrent des acanthures que par l'armure de leur queue, qui consiste en une suite de plusieurs lames tranchantes, horizontales et fixes, et des nasons par leurs dents à bords denticulés et par l'épine couchée en avant du premier rayon de la dorsale. On peut même remarquer l'affinité des prionures avec les nasons, en se rappelant qu'une des espèces du premier groupe a trois boucliers de chaque côté de la queue. Ce genre a été établi par M. de Lacépède dans les Annales du Muséum , t. IV, p. 20 5, d'après un poisson provenu du voyage de Pé- rou, et qui est conservé au Cabinet du Roi. Le célèbre naturaliste qui en a publié la des- cription, lui a imposé le nom spécifique de microlépidote i que nous lui conservons. 29G LIVRE X. TEUTHIES. Sa forme esl à peu près celle de l'acantliure cliî- rurglen. La hauteur de son ovale est une fois et deux tiers dans sa longueur, et deux fois et un tiers dans la longueur totale. Le profil descend obliquement avec une très-légère convexité, devenant un peu plus sensible au-devant de l'œil. La longueur de la tête, depuis la bouche jusqu'à l'ouïe, est une fois et demie dans sa hauteur, prise obliquement de la bouche à la nuque. H y a deux fois le diamètre de l'œil entre cet or- gane et la bouche , et un et demi entre l'œil et la nuque. Les lèvres, les dents, les pièces operculaires, sont absolument comme dans les acanthures. La première épine dorsale est fort courte, et il y en a une couchée au-devant d'elle et dirigée en avant. La ventrale s'at- tache sensiblement plus en arrière que le bord posté- rieur de la base de la pectorale, qu'elle n'égale pas en longueur. La dorsale et l'anale gardent à peu près la même hauteur du cinquième environ de celle du corps, sans former d'angle ou d'autre saillie en ar- rière 5 la caudale est presque coupée carrément, à peine son bord extérieur est-il légèrement concave. B. 5; D. 8/22î A. 3/21; C. 16; P. 16; V. i/b. La tête et le corps sont garnis d'une âpreté fine. La ligne latérale est en avant au cinquième de la hauteur, et suit partout la courbure du dos; la série des lames tranchantes est au contraire hori- zontale, et occupe en avant de la caudale une lon- gueur un peu supérieure à celle de cette nageoire, et qui est du cinquième de la longueur totale ; ces lames, au nombre de six, vont en augmentant de CIIAP. IV. PPJONURES. 207 grandeur de la première à la dernière, et ont le tranchant dentelé. Il y en a un peu plus en arrière quatre petites plus près de la base de la caudale, dont deux au-dessus et deux au-dessous. Tout ce poisson paraît aujourd'hui d'un brun foncé uniforme^ mais on ignore quelle est sa couleur dans l'état frais. On ne sait pas non plus où Pérou l'avait obtenu, et je ne vois pas qu'aucun auteur l'ait connu avant ce voyageur. La longueur de l'individu est de sept pouces. Le prionure a des viscères assez semblables à ceux des autres poissons qui composent cette famille. Le foie est petit, situé presque en entier dans l'hy- pocondre gauche ; le lobe droit est réduit à un très- petit tubercule; la vésicule du fiel est grande, elle s'appuie sur l'œsophage; le canal cholédoque est court, et descend aboutir à la base d'un des cœ- cums. L'œsophage est large et un peu renflé vers le haut, mais beaucoup moins que celui desnasons; ses parois diminuen t d'épaisseur à l'endroit où il se plie, et un léger étranglement semble marquer l'origine de la branche montante de l'estomac. Ce viscère est cylindrique et situé obliquement d'avant en arrière et de haut en bas dans le ventre ; il y a cinq cœcums au pylore, dont un a la pointe dirigée vers le diaphragme , trois autres sont repliés sur eux-mêmes; le posté- rieur seul est alongé le long de l'estomac. 298 LIVRE X. TEUTHIES. L'inleslin est un peu moins plié en spirale que celui des acanthures ou des nasons : il remonte sous le diaphragme, longe la partie supérieure de l'œso- phage dans le côté droit, descend sur les muscles abdominaux, remonte au diaphragme, passe dans le côté gauche, y fait trois longs replis un peu si- nueux , se dilate beaucoup au dernier, et se repliant sous le pylore, il va se rendre à l'anus en se rétré- cissant un peu. Il y a une grande vessie natatoire fourchue, et entre les fourches on voit la vessie urinaire, qui a la forme d'un long canal cylindrique. Ce poisson est phytophage comme les es- pèces des gem'es Acanthures et Nasons, avec lesquelles on voit qu'il a les plus grandes affi- nités. LcPrionure lancette. {Prionurus scalprum, noh. -, jtcanthurus scalprum, Langsd.) M. de Langsdorf a rapporté du Japon au Musée de Berlin un prionure sensiblement différent du précédent par son profil un peu concave au-dessous des yeux , son museau un peu plus avancé, et surtout parce que sa queue n'est armée de chaque côté que de quatre lames saillantes et tranchantes, mais non den- telées, et toutes sur une même ligne. La première rst la plus petite, et la quatrième la plus grande j CHAP. IV. AXINURES. 299 chacune d'elles paraît attachée au milieu d'une plaque ovale plus haute que longue, et qui paraît faire une tache noirâtre sur le fond brun du corps; fond qui paraît avoir tiré au jaunâtre du côté du ventre. D. 9/22; A. 3/22; C. 15; P. 16; V. 1/5. Les tégumens sont de la même nature que dans le précédent; une peau garnie de grains si menus et si serrés qu'elle ressemble à une espèce de cuir. Le long de la ligne latérale sont des espèces de taches ou de points un peu plus mats. Lïndividu est long d'un pied. DES AXINURES, et en particulier de Z'Axinure thynnoïde. {^Aocinurus thynnoides y nob.) Une forme plus alongëe, moins comprime'e, à peu près semblable à celle du thon, une bouche très -petite et des dents excessive- ment grêles, l'armure de la queue consistant de chaque côté en une lame unique, tran- chante, coupée carrément comme un fer de hache, et non attachée à un bouclier, dis- tinguent ce genre des naseus, dont il a d'ail- leurs l'âpreté générale et les tiois rayons mous aux ventrales. SOO LIVRE X. TEUTHÎES. Nous lirons son nom de la forme de sa lame caudale {ex^ivtj, hache). Une seule espèce nous est connue jusqu'à ce jour, et nous l'ap- pellerons Âxinurus thjnnoides. Sa hauteur est trois fois et un tiers dans sa lon- gueur; son épaisseur deux fois dans sa hauteur; sa queue est très-mince , et sa caudale coupée en crois- sant et raide, comme dans les scombres en général. La courbe du dos se continue sur le profil, qui finit par un museau un peu obtus. La longueur de la tête, de la bouche h. l'ouïe, est d'un peu plus du cin- quième du total, et la fente de la bouche n'entame pas le sixième de ce cinquième; un repli de la peau cache le maxillaire. Le front est un peu large et très- légèrement convexe en travers. L'œil est assez près de la ligne du profil, et occupe le quart supérieur de la longueur de la tête, prise dans ce sens. Au-devant de l'œil est un léger enfoncement, où sont percés les très-petits orifices de la narine, fort rapprochés l'un de l'autre : l'antérieur a un petit rebord charnu, et un peu plus bas un sillon oblique. La fente des ouies ne commence qu'à la hauteur du bord infé- rieur de l'œil, et à une distance en arrière égale à son diamètre; elle descend jusque vers la pectorale, et se courbe pour prendre ensuite une direction oblique et se terminer sous le bord antérieur de l'œil, mais presque à deux de ses diamètres au-dessous. L'isthme et la gorge forment une convexité arron- die en travers sur une ligne qui se continue à celle du ventre. CHAP. IV. AXINURES. 501 La dorsale comnience au-dessus de l'ouie et se continue, en gardant à peu près la même hauteur, jusqu'à une distance de la caudale qui est à peu près du neuvième de la longueur totale. L'anale commence sous le troisième rayon de la dorsale, et finit à la même distance de la caudale j la portion de queue derrière ces deux nageoires est un peu déprimée. La pectorale est demi-ovale, obtuse, du septième de la longueur totale; la ventrale vis-à-vis le bord postérieur de la base. B.5 ; D. 4/285 A. 2/28; C. 16; P. 17; V. 1/3. L'apreté de ce poisson est excessivement fine et se sent à peine du doigt quand on le dirige vers la queue; la ligne latérale est parallèle au dos, et a un peu moins du quart de la plus grande hauteur; elle se recourbe à quelque distance de la queue, pour aller horizontalement et finir à la lame latérale. Il paraît tout entier d'une couleur plombée; ses pectorales sont un peu jaunâtres; sa dorsale est mar- quée de lignes obliques et assez serrées, alternati- vement blanches et noirâtres. Il y en a aussi des traces sur l'anale, mais plus obscures. L'œsophage de Vaxinure thynnoïde est large et inégalement dilaté; ses parois augmentent d'épaisseur à l'endroit où il se plie pour descendre vers les muscles du bas-ventre et former un estomac c}^- lindrlque et étroit. Il n'y a au pylore que trois cae- cums courts. L'intestin est replié en divers sens sur lui-même; mais comme ces replis sont courts, le canal intestinal n'a pas autant d'étendue que dans les autres espèces des genres qui composent cette famille. 502 LIVRE X. TEUTHIES. Le foie est petit, situé presque eu entier dans le côté gauclie; la vésicule du liel est petite, globuleuse, située sous le diaphragme ; le canal cholédoque des- cend et aboutit auprès du premier cœcum. La rate est petite, trièdre, cachée sous le duodénum auprès du pylore. La vessie aérienne est profondément bifur- quée en arrière : le corps même de la vessie n'est pas très-grand ; mais chaque corne s'étend dans les muscles coccygiens, presque jusqu'à la fin des in- terépineux de l'anale. Nous n'avons rien trouvé dans l'estomac. La longueur de l'individu est de près de dix pouces. Il a été rapporté du havre Dorey à la Nouvelle - Guinée par MM. Lesson et Garnot. DES PRIODONS, et en particulier du Priodon annulaire. {Priodon annularis y nob.) Le petit poisson que j'ai appelé priodon tient à la fois des nasons, des acanthures et des amphacanthes , et montre, mieux que tous les discours n'auraient pu le faire, les rapports qui lient les trois grands genres dont se compose cette famille des Teuthies. Ses dents sont dentelées en scie, comme celles des acanthures. Ses ventrales n'ont que trois rayons mous , CHAP. IV. PRIODONS. 505 comme celles des nasons, et il a le front un peu élargi au-devant des orbites , et la queue sans armure, comme dans les aniphacanthes. L'espèce sur laquelle nous avons observé ces ca- ractères a le corps ovale et comprimé; la longueur de l'ovale comprend une hauteur et deux tiers, et la longueur totale en comprend deux et un tiers, son épaisseur n'est que le tiers de sa hauteur. Son profil est une continuation de la courbe de l'ovale. Sa tête est d'un quart plus haute que longue; l'oeil a en diamètre plus du quart de la hauteur, et est placé à une distance de la nuque un peu moindre que son diamètre; sa bouche n'entame pas le tiers du museau; ses dents sont tranchantes, pointues, et leurs dentelures ne se voient qu'à une assez forte loupe. La ligne du préopercule est droite, mais aussi oblique que le museau; celle de l'opercule est en arc de cercle. La fente des ouïes est courte comme dans les genres précédens , et je ne puis y compter que trois rayons; les nombres de ceux des nageoires rap- pellent ceux des nasons. B.3; D.5/28; A. 2/27; C. 16; P. 17; V. 1/3. La dorsale et l'anale conservent partout le quart à peu près de la hauteur du corps. Tout ce poisson, les nageoires exceptées , est couvert de très-petites écailles rudes, comme celles des nasons; sa ligne latérale suit la courbure du dos à une distance égale au quart de la hauteur. Il n'y a aucune sorte d'armure aux côtés de la queue. Sa couleur est un gris-brun clair, uniforme , ex- cepté un anneau blanchâtre qui entoure sa queue. 304- LIVRE X. TEUTHIES. C'est cette circonstance qui nous lui a fait donner le nom spécifique ^ annularis. La longueur de notre individu n'est que de deux pouces et demi. Il a été rapporté de Timor par MM. Quoy et Gaimard, qui en ont parlé dans la zoo- logie du Voyage de Freycinet, p-377. Ils ajou- tent que la caudale était bordée de blanc, la dorsale lisérée de noirâtre et que les pec- torales étaient jaunâtres. DES KERIS, et en particulier du Réris a goitre. {Keris anginosus.) Quelque petite que soit la taille du pois- son qui fait le sujet de cet article, nous n'a- vons pas hésité à l'établir comme type d'un genre particulier, dont il n'est encore que l'espèce unique. Ses caractères ne conviennent en effet à aucun des genres qui composent la famille des Teutliies, et le poisson lui- même doit entrer évidemment dans cette tribu. Il tient même des deux genres précédens, car il a, comme les axinures, des dents fines CHAP. IV. KÉRIS. 305 et lisses, pointues, serrées Tune contre l'autre; mais il a la queue nue, sans aucune armure, comme les priodons; la position avancée des ventrales, à cinq rayons, lui donne encore un caractère particulier. La dénomination de këris, sous laquelle nous faisons connaître notre petit poisson , est prise d'un passage d'Athenée ' dans lequel Diphile de Sphine, parlant des différentes qua- lités de poissons, pour le goût et la légèreté de la chair, nomme le Krjfis comme un poisson tendre et qui va bien à l'estomac. On voit qu'il est impossible, d'après cette indication, de reconnaître jamais l'espèce que le philosophe grec indiquait sous ce nom. Les kéris ont un petit nombre de rayons épineux à leur dorsale et une peau chagrinée, rude, sans écailles, comme les nasons; mais ils manquent de boucliers ou d'épines de chaque côté de la queue. La position verticale et avancée des os du bassin, attachés cependant à ceux de l'épaule, contribue à former l'espèce de goitre ou de proéminence de la poitrine, et fait que les nageoires ventrales sont placées en avant des pectorales, en sorte que, dans la méthode de Linné, on pourrait regarder ce pois- son comme un véritable jugulaire. 1. JDeipn., 1. VIII, c. i5, p. 355 D. lO. 20 é 506 LIVRE X. TEUTHIES. Son contour, en n'y comprenant pas la queue ni ses nageoires verticales, est presque arrondi; sa plus grande hauteur est aux ventrales, et entre deux fols dans sa longueur totale; son épaisseur est con- tenue trois fois et demie dans cette hauteur. Le profil descend par une courbe oblique de la nageoire dorsale à la mâchoire supérieure. La ligne du profil du ventre est beaucoup plus concave. La carène que fait le ventre est très-élevée, et son bord est hérissé et comme dentelé. La tête est petite, sa longueur égale sa hauteur, et celle-ci ne fait guère que la moitié de celle du corps. L'œil est assez grand, son diamètre a la moi- tié de la longueur de la tête. Le sous-orbitaire couvre presque toute la partie antérieure de la joue. Le préopercule est étroit et descend très- oblique- ment de l'angle postérieur de l'œil jusques en avant de la hgne d'aplomb de l'angle antérieur de l'orbite. L'opercule est grand, il est étendu sur presque toute la joue et sillonné par d'assez fortes stries ver- ticales. La bouche est très -petite, fendue horizontale- ment; les deux mâchoires sont égales et dépassent un peu le contour du profil du corps. Sur chaque mâchoire il n'y a qu'une seule ran- gée de dents pointues, égales et serrées l'une contre l'autre. L'ouverture des ouïes est peu fendue, parce que la membrane branchiostège adhère à l'os de l'épaule dans presque toute sa longueur. La dorsale s'élève un peu en arrière de l'aplomb CHAP. IV. KÉRIS. 507 des pectorales ; son premier rayon est le plus long et le plus fort, et il est dentelé sur tout le bord an- térieur. Les six autres rayons épineux sont d'un tiers plus bas : ils sont aussi plus faibles et moins rugueux. Les rayons mous sont beaucoup plus courts ; on en compte vingt-six. L'anale commence à l'aplomb du quatrième rayon épineux de la dorsale : elle a trois épines, dont la première est forte et du double plus longue que les deux autres. On compte ensuite vingt-huit rayons mous, qui ne sont pas plus élevés que ceux de la dor- sale. La queue commence après ces deux nageoires, et sort du cercle que forme le reste du corps; sa hau- teur à sa naissance n'a que le huitième de celle du tronc : elle s'élargit ensuite un peu pour recevoir la caudale, qui est coupée carrément à son extré- mité. Les pectorales sont triangulaires et attachées sous l'angle de l'opercule; elles ont treize rayons. Les ventrales sont fixées en avant des pectorales sous l'aplomb du milieu de l'œil. Le rayon épineux est fort, plus long que tous les autres, et fortement rugueux. B. 4?*D. 7/26; A. 3/28; C. H; P. 13; V. 1/5. La peau n'a pas d'écaillés, mais elle est couverte de petites granulations carrées, oblongues, fines et placées comme de la mosaïque. Cette disposition est surtout facile à voir sous la gorge , avec une loupe. La ligne latérale est peu marquée, elle suit la courbe du dos, et est tracée par le sixième de la hauteur. 508 LIVRE X. TEUTHIES. La couleur de ce pelii poisson est jaunàtie, et on voit la trace d'une bande verticale grise sur l'ar- rière du tronc, et d'une autre sur la queue près de la caudale. L'opercule et la gorge brillent d'un bel éclat d'ar- gent poli. L'iris de l'œil est aussi argenté. Toutes les nageoires sont incolores et transparentes. Le seul individu que nous ayons encore vu n'a que seize lignes de long. LIVRE ONZIEME. DE LA FAMILLE DES T^NIOÏDES OU DES POISSONS EN RUBAN. Les acanthoptérygiens que nous réunissons dans cette famille, tonnent un groupe naturel, qui se rattache de très-près aux scombéroides. Elle n'est plus tout-à-fait composée des mêmes genres que M. Cuvier y rapportait dans le Règne animal, parce qu'il a cru plus convenable d'en distraire le Lépidope et les Trichiures, pour les placer en appendice à la fin de la première tribu de nos scombéroides/ Les naturalistes ont pu apprécier la justesse de ce rapprochement, mais ils ont dii pres- sentir que l'histoire cies poissons compris alors dans la famille des Taenioïdes, suivrait bientôt celle des scombéroides. En effet, on ne peut nier que si les lépidopes et les tri- chiures montrent une grande affinité de rap- ports naturels avec les scombéroides à corps alongé, par leurs dents fortes, comprimées et crochues; ils n'en ont pas une moins grande 1, Histoire naturelle des poissons j t. YIII, p. 217. 510 LIVRE ONZIÈME. ressemblance avec nos taenioides actuels, par l'absence ou l'ëtat rudimentaire des ventrales de ceux-ci, leur peau nue et argentée, la disposition des viscères , et surtout par la réu- nion des cœcums innombrables qui entourent le pylore ou l'origine du duodénum. D'un autre côté les taenioides ont de lon- gues dorsales souvent réunies avec la caudale; l'anale, quand elle existe, offre quelquefois aussi la même disposition; leurs rayons arti- cule's le plus souvent simples, leur nombre aux ventrales souvent réduit à un seul, ou à moins de cinq; la position de ces nageoires avancées sous la gorge composent une com- binaison de caractères qui semblent lier cette famille à celle des Blennies, dont nous écri- rons l'histoire dans le volume suivant. Enfin, la petitesse de la bouche et la protractilité du museau des trachyptères, la grandeur du maxillaire , formant une grande plaque argentée de chaque côté de la joue, rappellent bien aussi quelques-uns des caractères des zées. Nous croyons donc être dirigés par les prin- cipes de la méthode naturelle, en plaçant très-près des scombéroides les acanthoptéry- giens à corps en ruban. En résumant les caractères généraux de notre famille des taenioides, on trouve bien- T.ENIOÏDES. 31 1 tôt qu'il est utile de la subdiviser en deux tribus : une première, qui comprend les es- pèces à bouche peu fendue, à museau pro- tractile; et en une seconde à bouche grande et fendue obliquement, mais non extensible. I 312 • LIVRE XT. TvENIOÏDES. PREMIÈRE TRIBU. DES T^NIOÏDES A BOUCHE PEU FENDUE. Notre première tribu se composera des lœnioïdes qui semblent le mieux mériter le nom de poissons à ruban; car nous en avons vu des individus de neuf à dix pieds de long, dont le corps n'avait guère que six à sept pouces de haut, et à peine un pouce d'épaisseur. Les trois genres que nous y rap- portons sont : les Trachyptères ayant des ven- trales multirayonnées , les Gymnètres, où ces nageoires sont réduites à un ou deux longs filets, et enfin les Styléphores, genre de pois- son encore mal connu, mais qui paraît bien être un véritable apode. CHAP. I. TRACHYPTÈRES ET GYMNÈTRES. 315 CHAPITRE PREMIER. Des Trachjpteres , appelés autrement Bogmares ou Gymjiogastres , et des Gymnètres , appelés aussi Régalées. Nous réunissons dans ce chapitre les deux seuls genres que nous avons pu étudier avec soin sur la nature, en ayant sous les yeux plusieurs espèces de chacun et un assez grand nombre d'individus. ' Leur histoire présente, comme on va le voir, beaucoup de difficultés, parce qu'aucun naturaliste n'a pu, jusqu'à ce jour, déterminer complètement les caractères d'aucun d'eux. On n'a pas encore réussi à se procurer un seul de ces poissons dans un état parfait : les différentes descriptions qui ont été faites sur des individus isolés et souvent mal conservés, ne sont ni complètes, ni comparatives, on doit ajouter ni même critiques, parce que leurs auteurs n'ont pas toujours eu 1^ soin de relever ce que leurs devanciers avaient déjà observé. Delongues recherches et des hasards heureux ayant mis à notre disposition une vingtaine d'in- dividus de ces deux genres, d'âges très-différens, nous avons été à même de les comparer entre SI 4 LIVRE XI. T/ENIOÏDES. eux et avec les descriptions des auteurs, et d'en établir les caractères et la synonymie. Nous avons pu surtout remarquer que les espèces se répartissent en deux groupes bien distincts. Les uns , auxquels nous laissons le nom de Tracbyp- tères, donné par Gouanà une de leurs espèces, ont les nageoires ventrales composées de plu- sieurs rayons, et les autres, que nous appelle- rons Gymnètres , avec Bloch , n'y ont qu'un seul rayon fort alongé et dilaté à son extrémité. Il nous a paru que les premiers avaient tous une caudale singulièrement située, non pas au bout de la queue, mais au-dessus de son extrémité, et dirigée vers le haut; que leur ligne latérale était garnie d'écaillés, armées chacune d'un crochet aigu; et que leurs mâ- choires avaient toujours des dents prononcées. Cette nageoire caudale ne s'est point trou- vée dans les autres; leur ligne latérale n'a aucune armure, et les dents, quand elles existent, sont si petites qu'on peut à peine les sentir. Ces deux derniers caractères nous paraissent assurés : quant à la caudale, nous n'oserions affirmer que son absence n'ait pas été quelquefois le produit de la mutilation. Cet état dans lequel on rencontre ces poissons, dépend de la mollesse et du peu de con- sistance de leurs parties, qui sont telles que les CHAP. I. TRACHYPTÈRES ET GYMNÈTRES. 31 5 individus adultes ont presque toujours perdu quelques-unes de leurs nageoires. Ces circonstances tiennent à la nature de leur squelette et de leurs muscles, et ils o(- frent en outre des particularités plus extra- ordinaires que l'on en observerait dans le plus grand nombre des autres poissons. Nos Trachjpteres ^ ont des pectorales mé- diocres et des ventrales souvent très-déve- loppées; la forme de leur corps est compri- mée et alongée comme un ruban, ou comme une lame d epée; tout le dessus est garni d'une dorsale, dont la partie antérieure , séparée par une écliancrure, s'élève en panache. Leur bouche extrêmement protractile, leur menton saillant lors de la rétraction , leur mâchoire inférieure montante, leurs grands yeux, le vif éclat d'argent de leur peau, les belles couleurs de leurs nageoires , la gran- deur à laquelle parviennent plusieurs de leurs espèces , les rendent déjà très-remarquables. Le nom de gjmnetjms a été composé par Bloch, pour désigner des poissons à ventrales d'un seul rayon et sans nageoire anale; il vient de yvfjcvos (nu), et de rir^ov (le bas- ventre), 1. Ce nom, composé par Gouan des mois toci^vç, (rude) et Tflipôv (nageoire), exprime un caraclère qui ne couvient plus au- jourd'hui à toutes les espèces. iï'lG LIVRE XI. T;EMOiDES. et en efiet, le genre auquel ce nom s'applique, a toute la région qui est entre l'anus et la cau- dale, tout le dessous delà queue, dépourvus de nageoires, et même des petites épines qui en sont la représentation dans les Trichiures. C'est dans le même sens que Briinnich avait composé celui de gjmnogaster ^ pour le vogmar d'Islande, poisson qui se rapproche presque en tout de ceux qu'on a appelés gymnètres ^ mais le genre auquel ce vogmar ou gymnogastre appartient, et qui diffère sur- tout des gymnètres par ses ventrales à plu- sieurs rayons, avait été auparavant bien ca- ractérisé par Gouan, et en avait reçu le nom de Trachyptère, que nous croyons devoir lui être conservé par droit légitime d'ancienneté. Ils ont d'ailleurs reçu des noms différens, selon que chaque auteur les a vus plus ou moins mutilés. Rondelet et Bélon en ont parlé presque en même temps, et en ont donné des figures, mais si différentes que personne ne devinerait qu'elles appartinssent à un même genre , peut-être même à une seule espèce , et cependant cela est très-vrai. Le faix Venetorum de Bélon, p. i S'y, dont Gouan (p. io4 et i53), a fait en 1770 son genre Trachjpterus , adopté ensuite par For- ster (Enchir. p. 86), et par Bloch (Syst, posth.. CHAP. I. TRACHYPTKRES ET GYMNÈTRES. 317 p. 480)', et qui est devenu le Cepola trachj- ptera de Gmelin (p. 1187, n.° 3), ne diffère du tœnia altéra de Rondelet, p. 327 , que parce que le premier est représenté avec son museau étendu en avant, ses ventrales et sa caudale encore entières, et que l'on y a exagéré les tubercules de son tranchant ventral; tan- dis que dans le second, la bouche est tout- à-fait retirée, les ventrales raccourcies, et que le peintre n'a point du tout marqué les tuber- cules, et quoique Rondelet n'ait décrit ce poisson que d'après des individus mal con- servés , il indique bien l'extrême grandeur qu'il peut atteindre, et qui est de deux et de trois coudées. Il y a même toute apparence que le tœnia prima du même auteur, p. 326, dont Linné a fait son cepola tœnia^, est 1. On ne sait ce que veut dire Bloch , quand il donne à ce trachyptère pour caractère générique ossa labialia nulla. Il y a des maxillaires comme dans les autres poissons. Quanta l'associa- tion qu'il en fait avec le labrus hiatula de Linné, c'est encore un de ces rapprochemens contre nature que Bloch ne s'est permis que trop souvent. Il faut remarquer encore que Forster a pris son genre Trachj' pterus de Gouan, sans citer ce dernier; que Gmelin a établi sou cepola irachjptera d'après Forster, et que Lacépède (t. II, p. 53 1) a copié Gmelin sans remonter aux sources, ni faire aucune men- tion de Gouan. 2. Notons bien que sous ce nom de cepola tœnia, Linné décrit une vraie cépole, qui peut-être ne diffère pas du cepola rubes- cens, et qui a de même une anale de cinquante- huit rayons; 318 LIVRE XI. T/ENIOÏDES. encore un gymnctie, mais privé de ses na- geoires ventrales, comme on le trouve souvent. Ces trois figures manquent également de la haute nageoire de la nuque, qui est si remar- quable dans ce genre, et je ne trouve de vestige de cette nageoire que dans une figure d'ail- leurs détestable d'Imperati, p. ^87, intitulée spada marina, et où manquent la queue et toutes les nageoires paires. C'est sur cette figure que Walbaum ( Art. ren., IIÏ, p. 617), a créé son cepola gladius. Aux figures de Bélon et de Rondelet, Al- drovande [Pisc, p. 372), en a joint une qui venait aussi d'Imperati, mais toute différente de celle qui est dans IHistoire naturelle de ce dernier. Elle est intitulée tœnia falcata, et on n'y voit pas non plus la haute nageoire de la nuque. Walbaum, lïl, 617, en a iait son cepola iris. Willughby ' et Artedi ^ ne mais que Gmelin, copiant Artedi, auquel Linné renvoyait, ajoute comme sjnonjme le iœnia altéra, Rondelet, 027, qui est un trachjptère. M. de Laccpède, augmentant encore la confusion de Gmelin , j ajoute le iœnîa prima , Rond. , 326 , qui est un autre trachjptère ou un gymnètre, et le iœnia prima de Willughbj, 116, qui n'est pas le même que celui de Rondelet, mais bien le fierasfer i^Ophidium imberbe et Gymnoius acus, Gmel.). 1. Tœnia teriia, faix Venetorum Belonii, Willugli., p. 117, et tœnia altéra Rondeletii, id. , p. 1 18. NB. que le iœnia prima de Willuglibj, p. 116, qu'il croit le iœnia prima de Rondelet, est un poisson tout diflfércnt, \e fierasfer o\x gymnotus acus, Gmel. 2. Tœnia faix Venetorum dicta, Arledi, Syn., p. 11 5, n.° 2, et iœnia altéra dicta; id., ib. , n." 4- CHAP, I. TRACHYPTÈRES ET GYMNÈTRES. 519 parlèrent de ces faux , de ces tœnia, que d'après ces premiers iclithyologistes , et ils durent les laisser séparés; mais Linné, ne pouvant, d'après des descriptions trop incomplètes , se rendre un compte exact de leurs carac- tères distinctifs, les négligea tout-à-fait dans le Sjstema naturcEj ce qui les fit mettre en oubli par tous ses disciples; et lorsque quel- ques-uns de ceux-ci retrouvèrent des poissons analogues, ils les crurent des espèces non dé- crites, et leur donnèrent de nouveaux noms. Tels furent entre autres Olafsen et Povs^el- sen qui, dans leur description de l'Islande (trad. franc. , p. 33g et pi. 5 1 ) , représentèrent comme un trichiure , et sous le nom islandais de vog- mar ou demoiselle des flots , un grand tra- chyptère privé de ses ventrales et de sa na- geoire de la nuque. Tel fut encore Brùnnicli, qui décrivit en 1788 ce même vogmar ou bogmar^ mais d'après un échantillon sec et aussi mutilé que celui des voyageurs islandais, dans le t. III des Nouveaux mémoires de la société des sciences de Copenhague, p. 4o^? ^t pi. i3, fig. 1,2 et 3, et l'appela Gjninogaster arcticus^. C'est sur cet article de Brùnnich 1. Sa figure est copiée parWalbaum dans YArtedius revovaius, 5.* part,, pi. 3 j fig. 1. 520 LIVRE XI. TyENIOÏDES. que Blocli a établi son genre Bogmarus et son espèce de Bogmarus islandicus ; mais la copie qu'il a donnée, pi. loi , de la figure du naturaliste danois, est entièrement altérée dans la partie du museau.^ M. Risso, ayant eu lors de sa première édi- tion un trachyptère qui conservait ses ven- trales et n'avait perdu que sa haute nageoire de la nuque, en fit un gjmnetre, et le nomma gjmnetre cépédien ( 1 46) ; mais indépendam- ment de cette mutilation, la figure, pi. 5, fig. 17, quoique bien supérieure aux précédentes pour la forme générale et pour les ventrales, n'est point exacte quant à la caudale. Dans sa deuxième édition le même auteur ajoute une seconde espèce, qu'il nomme longiradiatus , et dont nous parlerons parmi nos gymnètres: il place à la suite de ces gymnètres, p. sgS, un bogmare, p. 297, qu'il appelle bogrnare dAristote, et qui ne me paraît, comme celui des naturalistes du Nord, qu'un trachyptère privé de ses ventrales en même temps que de sa nageoire de la nuque.'^ 1. Bloch ne s'est pas aperçu des rapports des Bogmarcs avec les Traclijptcies. 2. Je ne puis ni'empccher de faire quelques remarques sur cet article du bogmare de M. Risso. Il cite Johnstpn, pi. 6, fig. 2 in f., qui n'est qu'une copie du faix Venetorum de Bélon; mais il-cite CHAP. I. TRACHYPTÈRES ET GYMNÈTRES. 521 L'individu observé par Gouan, et qui a servi de base a la description générique qu'il a donnée de son Trachypterus [^. i53), paraît avoir eu ses ventrales et sa caudale; mais la nageoire de la nuque y était déjà emportée, puisque dans cette description, d'ailleurs fort exacte , l'auteur n'en fait aucune mention. M. Rafinesque doit avoir été dans un cas semblable , lorsqu'il a décrit et dessiné son ar^yctius quadrimaculatus. ^ Il nous parait avoir eu sous les yeux un petit trachyptère qui possédait encore ses ven- trales, et dont la caudale était divisée, mais dont la nageoire de la nuque était déjà détruite par accident. Nous avons tout lieu de croire que M. Lemasson lui avait communiqué le dessin d'un trachyptère complet, c'est-à-dire, encore Arist. , U, i3, et ajoute, p. 298, que les premières notions que l'on a eues de ce beau poisson , sont dues au grand Aristote , et que les ichthjologisies qui en ont parlé ensuite , n'ajoutent rien au peu de notions que Von en avait. Or, \efalx Venetorum^ qui montre des ventrales bien développées, ne peut pas répondre à la défini- tion que M. Risso lui-même donne du vogmare, et quant à Aris- tote, qui se borne [Hist. anim. , 1. II, c. i3) à placer le tœnia au nombre des poissons qui n'ont que deux nageoires comme l'anguille; quand même il serait certain que c'est du même poisson qu'il a voulu parler, non-seulement il n'aurait pas vu ses ventrales, mais il aurait, comme on voit, laissé encore assez de choses à en dire après lui. 1. Caratt. di alcun. nuoç. gen. , p. 55, et Indice d'ittiol. sicil. , pi. 1 , fig. 3. 10. 2 1 522 LIVRE XI. TyENIOÏDES. ayant conservé son panache de la nuque et ses ventrales, lorsqu'il a étal^li son cephalepis octoinaculatus. ^ Il aura pris pour un seul rayon le panache entier, dont le dessinateur n'aura pas sufFi- samnient écarté ou distingué les cinq ou six filets qui le composent. M. Rafinesque forme son vingt-troisième ordre, les Gymnètres [i gmnetridi) , de cetar- gjctiuset de ce cephalepîs, ce qui ne l'empéclie pas de laisser dans son vingt- deuxième le cepola trachjptera de Linné. Il a négligé de faire encore un quatrième double emploi, en oubliant dans cet ouvTage son scarcina quadriinaculatay ibidem , p. 20, n.° Soj car lorsqu'il a extrait du Panphjton siculum de Cupani la description de ce scarcina qiiadri- 7n aculat a, \\ y ^lewdiit, sans s'en douter, celle d'un trachyptère plus grand, et qui avait de plus perdu ses ventrales. Son scarcina hnperialis n'est caractérisé que par l'absence de laclies, et doit être un de nos gymnètres. Au surplus il est difficile de rien affirmer de positif sur des descrip- tions si abrégées, 011 les nombres des rayons ne sont pas même indiqués. Cette réflexion 2. lllioïog. sicil., p. 5i , n." 2à2 et app. , p. 55, n." 90. CHÂP. I. TUACHYPTÈRES ET GYMNÈTRES. 525 rapplique aussi au bogmarus mediterraneus de M. Otto'. L'auteur ne nous donnant pas les rayons ,de la dorsale, il ne nous met pas à même de juger si ce poisson, qui était long de cinq pieds, n était pas un gymnclre mutilé, comme le sont presque tous ceux qui appro- chent de cette taille, et c'est bien gratuitement que M. Risso a inscrit cette espèce à la suite de son ho^marus Aristotelis. Uepidesmus maculatus de M. Ranzani* est décrit et représenté aye€ beaucoup plus de soin, en sorte qu'il nous est facile d'assu- rer que ce n'est autre chose qu'un trachyptère dont la queue était mutilée et dont la pre- mière dorsale était raccourcie, et les ventrales presque usées jusqu'à leur racine. M. Nardo a possédé un individu qui avait la caudale de plus que celui de M. Ranzani, mais dont la première dorsale et les ventrales étaient aussi très-mutilées. Il l'a décrit et repré- senté^ sous le nom de re^alecus tnaculatiis. Feu M. Ronnelli est de tous les naturalistes celui qui a vu un de ces poissons dans l'état le plus approchant de la perl'ection. L'indi- 1. Conspecius nnini. quonimd. maiin. nonduni edit. , p. 6 et ^. 2. Opuscol. scientifici, fasc. VIII, Bolog. i8i8, p. i55. 3. Journal de pbjs. de Pavie, 2.' série, t. VII^ p. ii6, et pi. 1, fig. I. 324 LIVRE XI. T.ENIOÏDES. vidu qu'il a fait graver dans les Mémoires de racadémie de Turin, t. XXIV, pi. 9, et qu'il a décrit, p. 494 > sous le nom de tracliy- pterus cristatus y était presque entier dans toutes ses parties, et il ne manque à sa figure que quelques petits filets au-dessous de la caudale. A la vérité , je prévois bien que beau- coup de naturalistes regarderont comme un étrange paradoxe de ma part, l'assertion que le trachjpterus cristatus ne diffère pas géné- riquement de Vepîdesmus maculotus , du ce- pola trachjptera , de ïar^gfctius quadi^ima- culatus , du gjjnnhtre cépédieiif du gjmno- gaster arcticus, et qu'il était seulement mieux conservé que les individus qui ont reçu tous ces noms j mais ce paradoxe apparent est fondé sur une série dindividus que j'ai sous les yeux, depuis trois pouces jusqu'à quatre pieds de longueur, et dont il m'est impos- sible de ne pas reconnaître la ressemblance fondamentale au travers de tous les déguise- mens que leurs diverses mutilations semblent leur imprimer. J'étends même ce rapproche- ment, mais avec quelques restrictions au rega- leciis gîesne d'Ascanius [gymnetrus remipes de Bloch), au gjmnetrus Oryllii de Lind- roth, etc. CHÀP. I. TRACHYPTÈRES ET GYMNÈTRES. 525 La séparation des gymnètres et des tra- chyptères ne repose en effet que sur la com- position des ventrales et sur l'armure de la ligne latérale. On s'expliquera des différences apparentes, aussi extraordinaires que celles que l'on re- marque dans ces nombreuses descriptions, quand on aura pris connaissance de la singu- lière organisation des poissons qui en sont l'objet. Leur squelette, quoique fibreux, est dans toutes ses parties tendre comme celui du cy- cloptère; les os de sa tête ont à peine plus de consistance que du carton mouillé; ses vertèbres tiennent si peu ensemble , c|ue le corps se brise de lui-même par les efforts du poisson vivant, comme celui de l'orvet ou de l'ophisaure, ou comme la queue d'un lé- zard. Ses longs rayons, dans le premier âge surtout, se rompent comme des fils de verre; sa cliair est si molle qu'elle se décompose en quelques heures, et que même dans l'esprit de vin son corps se conserve difficilement en- tier. Il n'est point étonnant c[u'un être qui n'est pas beaucoup au-dessus d'un mollusque par la solidité; perde, avec lâge, et par le nombre infini d'accidens auxquels son genre de vie l'expose, ces appendices, ces ornemens exubë- 526 LIVRE XI. T^NIOÏDES. rans et frêles, qui le distinguent dans les pre- miers momens de son existence. Presque tous les vieux poissons usent plus ou moins leurs nageoires, et ceux d'entre eux qui les ont d'abord alongées en pointes grêles, n'en montrent plus à un certain âge que d'ob- tuses , ou de tronquées. C'est un tait qui a lieu surtout dans le lampris ou zeus lema, ; la pectorale en avait douze; la ventrale un seul. Il n'y avait point d'anale; on ne voyait point de dents; l'intérieur de la bouche était noir : la distance de l'anus à la bouche était de quatre pieds. Toutes circonstances qui, comme ou voit, se rapprochent beaucoup de ce que nous avons observé dans nos gymnètres de la Méditerranée. Le Gymnètre Glesne. {Gjmnetrus remipes , Bl. Schn., 482 ; Regalec Glesne, Lacép., II, 2 1 4 et 2 1 5 ; Gjmnetrus Ascanii, Shaw, IV, part. II, 197.) Un poisson de la mer du Nord, qui n'a été décrit, comme le vo^mare, que d'après des individus desséchés et en mauvais état, mais qui appartient évidemment à ce genre 1. C'est ainsi que s'exprime la lettre. Les treize rajons sont sans doute ceux de la nuque. CHAP. I. GYMNÈTRES. 367 tel que nous le définissons, est le sild-tusten ou sild-konge des Norwégiens, qu'Ascanius a publié sous le nom barbare de regalecus GIes7ie\ et qu'il a nommé ensuite ophidium Gîesné^. Le nom générique de regalecus devait être la traduction de celui de sild-konge (roi des harengs), qui venait lui-même de ce qu'on l'avait pris parmi un banc de ces pois- sons, et le surnom de Glesne devait indiquer le lieu où on l'avait découvert pour la pre- mière fois, la ferme de Glesne, à quelques milles de Bergen. Brûnnich, jugeant plus convenable de dé- signer l'espèce par un caractère tiré de son organisation, conserva cependant le nom géné- rique et l'appela re^alecus rernipes^; devenu le gjmnetrus remipes dans Bloch'^, et le gjm- netrus Ascanii dans Shaw^. Aucun autre naturaliste que MM. Ascanius et Briinnich ne l'ayant décrit et dessiné, c'est de ces deux auteurs que nous nous voyons obligés d'emprunter ce que nous avons à en dire ; malheureusement , ni l'un ni l'autre n'en a parlé en anatomiste et en ichthyolo- 1. Ascanius, it., 2/ cah., pi. 11. — 2./^., Nouv. niém. de la soc. des se. de Copenh., t. III, p. 419 - 4^2. — 3. Briin- nich, ih., p. 4i4 -4i8 et pi. B, %. 4 et 5. — 4. Bl. Schn., p. 482, n." 2. 5G8 LIVRE XI. T/ENIOÏDES. gisle capable d'en apprécier les rapports na- turels. Les individus observés par Ascanius étaient longs de onze pieds et demi et de dix pieds et demi. Lindroth* en a vu un de douze pieds; et c'est pour avoir copié et recopié quelque faute d'impression ou quelque traduction er- ronnée, que Bonnaterre et Blocli ne donnent à ce poisson que dix et douze pouces. La forme de son corps, alongée, plate, sem- blable à une lame d'épée, ressemblait, comme on voit, beaucoup à celle de nos gymnètres. Sa tête était, dit-on, petite j son front, large, descendait ra- pidiement jusqu'à un museau court, à mâchoires égales, à dents qu' Ascanius dit pointues, mais qui selon Brûnnich seraient à peine visibles ou réduites à une simple scabrosité. Il faut se souvenir que les dents des gymnètres sont à peine sensibles, Lind- roth , qui lui attribue des dents assez grandes , a peut-être vu un trachyptère et non un gymnètre. Ses opercules, que l'on décrit comme composés de plusieurs pièces et rayonnes en divers sens , devaient encore être disposés comme ceux des gymnètres ou des trachyptères, ainsi que nous l'avons dit en décrivant un de ces derniers. On a compté quatre ou cinq rayons dans la membrane brancliiostège qu'ap- paremment l'on n'a pas pu entièrement découvrir. Sur la nuque étaient huit rayons épineux courts, séparés 1. NouY. niém. de Suéde, 1798; t. XIX. GHAP. I. GYMNÈTP.ES. 369 les uns des autres et de la dorsale. Ijrunnicii se de- mande si c'était un efFet de l'art ou de la nature; mais quiconque a vu un grand gymnètre doit sentir que c'étaient les restes des rayons du panache de la nuque, qui devaient aussi être mutilés depuis long- temps dans un si vieux individu. La deuxième dorsale règne tout le long du corps; les figures lui donnent un peu plus du quart de la hauteur. Ascanius y compte cent vingt -six rayons, et Brûnnich cent soixante. Je ne comprends pas pourquoi Bloch les réduit à quatre-vingt-dix-sept ^ Ce qui est certain, c'est qu'aucun de ces trois nombres n'est assez con- sidérable pour répondre à ce qu'indique la figure. La caudale , d'après les deux observateurs que nous citons , ne serait qu'une continuation de la dorsale et entourerait simplement le bout de la queue. Les pectorales sont très- petites, placées très-bas, ovales, pointues et composées de quatorze rayons. Les ventrales s'attachent sous les pectorales et ne consistent chacune qu'en un long filet de l'épaisseur d'une plume d'oie, dur, comprimé, de près de moi- tié de la longueur du corps, dilaté au bout en une membrane ovale, large de trois pouces. L'anus est presque au milieu du corps. Il n'y a point d'anale. La peau a des verrues molles, rapprochées entre elles sur une partie du flanc, de manière à former trois ou quatre séries longitudinales. Le tout est recouvert d'un épiderme argenté brillant, et selon M. Lindroth il y a des bandes transversales (peut-être des taches) 1. Bl. Schn., p. 482. 10. l[\ 570 LIVRE XI. T^NIOÏDES. noirâtres. La Hjine lalérale fait d'abord une courbe pour gagner le quart ou le cinquième inférieur de la hauteur, qu'elle suit jusqu'au bout de la queue; on ne dit pas qu'elle ait des écailles ni des épines. C'est de ce poisson que Bloch a fait dans son Système posthume le gyninetrus remipes. La figure qu'il en donne, pi. 88, n'est pas ori- ginale comme on pourrait le croire : c'est celle d'Ascanius, un peu autrement contournée; celle-ci est copiée sans altération dans l'En- cyclopédie méthodique, pi. d'ich. , fig. 358; celle de Briinnich l'est exactement dans Wal- baum , pi. 3 , lîg. 4- Mais M. Lindroth dit que l'une et l'autre ne représentent le poisson qu'assez altéré par le dessèchement. Il reste à savoir s'il a vu la même espèce. Le Gymnètre de Grille. (Gjmnetriis Giillil, Lindr. et Bl. Schn., 482 d. 406.) M. Pierre-Gustave Lindroth a décrit et re- présenté, dans les Nouveaux mémoires de Stockholm^ t. XIX, pour 1798, p. 258, et pi. 8, un autre poisson de ce genre, encore plus grand que le glesne, puisque l'individu dont il parle était long de dix-huit pieds, sur quatorze pouces de haut et trois et demi d'épaisseur. Il fut pris dans une anse, où il s'était échoué. Quoique rare , fespèce, dit CHAP. I. GYMNÈTRES. ,^7'l Tauteur, n'est pas inconnue des INoiwegiens, qui lui donnent aussi les noms de z-oz des harengs y de chasseur de harengs , etc., et probablement par les mêmes motifs qui les leur ont fait donner au glesne. Malheureu- sement l'individu observé par M. Lindrotii était encore en plus mauvais état que les glesnes vus par Ascanius et par Brùnnich. Sa tête était fracassée, et le bout de sa queue roriipu. Son corps est plus aloiigé et sa tête plus petite qu'à aucune autre espèce, puisque sa hauteur est quinze fois et plus dans sa longueur sans compter la caudale, et la tête dix-huit fois. L'auteur n'y a pu voir ni les dents ni les narines : il décrit l'oper- cule comme lisse et entier, et ne compte que quatre rayons aux ouïes. Les pectorales sont petites et ont douze rayons; les ventrales, semblables à celles du glesne, ne consistaient qu'en un filet de l'épaisseur d'une plume de cygne, long de cinq pieds, terminé par une membrane large et rouge. La dorsale com- mence dès le sommet de la tête, et l'on ne nous dit point qu'elle ait de portion antérieure détachée. Sa hauteur sur le devant est de près de moitié de celle du corps , ensuite elle diminue et se termine comme dans notre gymnètre de la Méditerranée, avant d'ar- river au bout de la queue. M. Lindroth assure y avoir compté quatre cent six rayons, nombre qui ne permet de comparaison qu'avec notre gymnetrus ielum. Les verrues de la peau, disposées sur quatre lignes 572 LIVRE XI. T/EiNIOÏDES. longiludinales, sont d'une teinte obscure, et entre ces bandes il y en a quatre plus lisses et plus claires. La ligne latérale se rapproche du ventre, et suit le quart ou le cinquième inférieur de la hauteur- elle est garnie de petites écailles oblongues. Le Gymnètre de Hawkins. {Gymnetrus Hawkenli, Bl., pi. l\i^:>\ Gjmnetrus Hawhinsii j id., id. Sjst.posth.y p. 481 ; Gjnmèlre Hawkeii, Lacép., III, "^^o; Blochiaii Gjmnetrus, Shaw, Gen. ZooL, IV, part. 2, p. 197.) Bloch a donné, pi. l\iS, pour la figure d'un gymnètre pris auprès de Goa, en Juillet 1783, et dont le caractère spécifique consisterait surtout en ce que chacune de ses ventrales se compose de deux longs filets, séparés sur leur longueur, et terminés chacun par une dilatation membraneuse, soutenue par cinq ou six petits rameaux, un dessin qui Itii avait été envoyé par un Anglais, qu'il appelle tantôt Hawken^, tantôt Hawkins^; mais dont ce der- nier nom est le véritable. De l'aveu de M. HaAV- kins, ce dessin n'est pas fidèle. : la caudale manquait à l'individu qui avait servi de mo- dèle, et c'est d'imagination que le peintre l'avait représentée en croissant.^ 1. Grande ichlhjol., part. 12, p. 88. — 2. Sjst. posth., p. 48i. — 3. Id., ibid. , et Shaw, Gen. Zool., vol. IV, pari. II, p. 197, noie. CHAP. I. GYMNETRES. Ô/Ô Selon ce quil a dit à Blocli, elle doit être arrondie; mais comment le savait-il, puis- qu'il a dit à Shaw qu'elle était rompue ? Quoi qu'il en soit, le poisson paraît dans ce des- sin moins rétréci en arrière que nos autres gymnètres. Sa hauteur est huit fois dans sa longueur ; celle de sa dorsale fait moitié de celle du corps. Ses ventrales ont près de moitié de la longueur totale. On ne remarque de vestige ni de panache à la nuque, ni d'épines à la ligne latérale. Bloch ne compte que dix-sept 1 rayons à la dorsale, mais c'est évidemment une faute de copiste, peut-être pour quatre-vingt-dix- sept. Ce qui est sûr, c'est que son dessin en marque ce dernier nombre. Dans son Système il ne cite que celui des pectorales où il y en compte huit; mais quoi- qu'il ait possédé le poisson 2, lequel était, dit-il, long de deux pieds et demi, et pesait dix livres, je crains qu'il n'ait aussi pris ce nombre sur le dessin seule- ment : c'est ce dont nous avons tout lieu de douter. Nous pensons au contraire que Bloch a fliit dans cette circonstance, comme il ne lui est que trop souvent arrivé, une confusion qu'il sera maintenant d'autant plus difficile de débrouiller, que Shaw lui-même y aurait ajouté, si nos conjectures sont fondées. Cette figure le représente d'un gris argenté, avec des bandes obliques et des taches rondes de couleur 1. Il l'écrit en chiffres romains XVII j il aura oublié un C après le X. M. Yarrell suppose le nombre 1 17. 2, Ce poisson m'a élé envoyé par M. Hawken ; c'est aussi de lui que j'ai reçu le dessin. Grande ichthjol., XIÏ, p- 88. 574 LIVRE XI. T/ENIOÏDES. brune, et toutes les nageoires d'un beau rouge. Mais cette description, que nous composons d'après la figure publiée par Bloch, se rapporte-t-elle au pois- son qu'il avait reçu en même temps que le dessin? En effet, nous remarquerons ici que M. Goucli' a cité un gyinnetrus Ha-wkenii dans son Mémoire sur les poissons de Cornouailles. Ce poisson, échoué en Février 1791 et mutilé, puisque la queue manquait, a été dessiné sur le frais , et la figure est demeurée en la posses- sion de SirW. Rashîeigli, membre de la So- ciété linnéenne. Ce qui restait du poisson, était long de huit pieds et demi, haut de dix pouces et demi, et épais de deux; le poids atteignait à quarante livres. Cette notice trop peu détaillée de M. Couch m'avait laissé dans la plus grande incertitude sur son prétendu orjmnetrus Ifawkeniî, et cette feuille était déjà sous presse, lorsque je viens d'avoir le bonheur de recevoir la qua- trième livraison de l'Histoire naturelle des poissoiis de la Grande-Bretagne de Sir W. Yarrell. J'y trouve, p. i88, la copie réduite de la figure mentionnée par M. Couch. Il est im- possible de douter, en comparant cette copie à la figure de Bloch, que le dessin de Sir W. 1. Linn. irans., l. XIV, i/'^pail. , p. 77. CHAP. î. GlxMiNÈTflES. O/i^ Rashleigh n'ait été fait d'après le même qui a servi de modèle à Bloch, ou peut-être même est-il l'original resté en Angleterre et dont l'au- teur allemand n'aurait eu qu'une copie. D'un autre coté, le poids et les dimensions que nous citons d'après M. Couch, se trouvent tellement semblables à ce qui est rapporté sur la figure déposée dans la bibliothèque de Sir Joseph Bank^ ', qu'on ne peut supposer que de pa- reilles ressemblances se retrouvent accidentel- lement sur des individus différens. Aussi suis- je très-porté à croire que tous ces documens sur des gymnètres indiqués comme échoués à différentes époques sur la côte de Cornouailles , reposent sur le seul et unique individu dont le dessin fut envoyé à Bloch et à Shav^^, par Haw- kins; à sir Joseph Banks, par Bussel, et que des erreurs de copie, soit dans les dates, soit dans les mesures des proportions prises sans remonter aux sources, ont en quelque sorte multiplié ce gymnètre. Le dessin de la bibUothèque de Banks me paraît le seul auquel on doive ajouter quelque confiance. Une portion de queue manquait sur la nature, on n'en a point ajouté sur ce dessin; la ventrale, à la vérité, ne se compose que d'un 1. Vojez plus hauf, p. .ï64- 576 • LIVRE XI. T/ENIOÏDES. seul rayon terminé en rame, ce qui est plus conforme à ce que nous offrent tous les autres gymnètres. Il ne serait pas même impossible que ce ne fût encore qu'un gjmnetrus reniipes des mers du Nord , entraîné par les courans sur les côtes de Cornouailles. Il resterait alors à connaître le gymnètre ori- ginaire de Goa, qui fut envoyé à Blocli par Hawkins avec le dessin dont nous venons de parler. J'ai malheureusement omis de décrire ce poisson pendant mon séjour à Berlin. DES GYMNÈTRES ETRANGERS. Ces gymnètres, comme beaucoup d'autres poissons de la Méditerranée , se retrouvent presque sans changement au cap de Bonne- Espérance. Le Gymnètre du Cap. {Gfinnetrus capensis, nob.) M. Verreaux vient d'en rapporter un de cette colonie, très-semblable a notre g^/^îr/zzi^, mais qui malheureusement a perdu en arrière une grande partie de sa longueur. Tel qu'il est, nous croyons encore observer des différences assez notables pour le regarder comme CHAP. I. GYMNÈTRES. 377 d'une espèce distincte du gladius, le seul auquel on puisse le comparer. La ligne latérale descend plus bas sur le côté, et je compte plus de cent rayons jusqu'à l'anus, sans y comprendre le panache : il y a donc plus de rayons sur la partie de la dorsale comprise entre sa naissance et l'aplomb de l'anus, lequel est reculé davantage en arrière ; ce qui résulte de ce que ce gym- nètre du Cap a les rayons moins rapprochés que celui de la Méditerranée. Sur une longueur de cinq pieds deux pouces je ne trouve que cent soixante- treize rayons à la dorsale de l'espèce du Cap, et plus de deux cents sur une même étendue de la dorsale de notre gladius. La rame du rayon ventral de notre gymnetrus ca- pensis me paraît aussi beaucoup plus large. Le rayon a un pied neuf pouces; la rame a deux pouces et demi de long, elle n'a pas tout-à-fait un pouce à l'extré- mité d'un rayon de près de deux pieds dans l'espèce de la Méditerranée. Nous avons dû entrer dans ces détails, qui paraîtraient minutieux sans la grande ressem- blance extérieure de ces deux poissons. Le Gymnètre de Russel. {G/mnelriis Biisselii^Shaw, IV, part. II, p. igS.) Les Indes orientales possèdent aussi des gymnètres, et Russel en a décrit et repré- senté un qui offre dans- une grande intégrité 378 LIVRE XI. T.ENIOÏDES. tous les caractères si remarquables de ce genre, et qui formera peut-être avec l'espèce suivante un petit groupe distinct, caractérisé par leurs deux rayons longs et filiformes à chaque ven- trale ^, un haut panache sur la nuque et une caudale relevée, seul fait bien constaté sur la forme et la position de cette nageoire. L'un d'eux, parfaitement bien conservé, est le poisson que Russel a fait graver, mais sans nom spécifique, et comme un gymnètre, dans son grand ouvrage sur les poissons de Viza- gapatam (pi. 4o)> et auquel Sliaw a imposé le nom méthodique de gfmjietrus Russelii." Il fut pris non loin de Vizagapatam, en Mars 1788, et les pécheurs déclarèrent qu'il leur était inconnu, ce qui prouve au moins qu'il est rare sur cette côte. Sa longueur était de deux pieds huit pouces. C'est l'espèce la plus alongée du genre : sa hauteur est vingt fois dans sa longueur, sans compter la cau- 1. Si toutefois on n'a pas attribué faussement ces deux rayons à la ventrale du g^ymnétre de Russel, en interprétant mal son texte peu clair. Car il dit. : the ventral wanting, unless ia'o cirri of equal length with those ofthe crest be taken for fins. Il parle donc de la ventrale dans le commencement de la phrase, qu'il croit ne pas exister, et ensuite des rajons qui ont été pris pour les nageoires; ce qui ne veut pas dire que chaque nageoire en a deux. Je serais porté à croire qu'il n'j avait qu'un lajon pour chaque vcniralc. 2. Shaw, Gm. Zool., l. IV,*part. II. p. 195, pi. 28. CHAP. I. GYMNÈTRES. 579 claie. Sa lêle paraît fort semblable à celle de nos gymnètres d'Europe. Les pièces operculaires sont striées; la bouclie protraciile; les orifices de la na- rine au nombre de deux, dont le postérieur ovale et voisin de l'œil; la langue libre, lisse et pointue. Russel n'a point aperçu de dents aux mâchoires, et n'a compté que cinq rayons aux ouïes. Le pa- nache de sa nuque en a quatre ou cinq grêles e| flexibles, dont le premier est du tiers de la Ion- 0i gueur du corps ; les autres décroissent rapidement Il y en a trois cent vingt pour le reste de la dorsale" dont le premier est encore alongé, mais trois fois plus court que le premier du panache; les suivans ont presque la hauteur du corps. Chaque ventrale se compose d'un long filet, égal au moins au premier du panache, et d'un autre un peu plus court. Le grand n'a aucune dilatation à son extrémité; les pectorales sont petites et l'on n'y voit que onze rayons, comme dans les gymnètres de la Méditerranée. B. 4; D. 5 _ 320; A. O5 C. 4; P. 11; V. 2. L'anus est assez près de la tête, et le dessous de la queue un peutuberculé. La nageoire caudale est repré- sentée comme non réunie à la dorsale et composée de quatre rayons, qui se réuniraient vers la pointe en un seul et long filet, mais il est permis de croire que le peintre indien qui l'a rendue ainsi, ne l'avait vue que desséchée, et n'avait pas pris la précaution d'en séparer les rayons. On ne parle pas d'épines à la ligne latérale. Tout ce poisson est d'une brillante couleur d'ar- gent. L'épiderme ou plutôt le mucus qui le colore 580 LIVTE XI. T/ENIOÏDES. ainsi, s'enlève sous le doigt. Les nageoires soni jau- nâires , la deuxième dorsale a son bord noirâtre. On doit soigneusement écarter de ce genre le poisson que M. de Lacépède a fait graver, 1. 1 , pi. 22, fig. 3, d'après une peinture faite à la Chine, qu'il avait nommé d'abord Ophidie chinoise^ dont il a fait ensuite son Régalée lancéolé (t. II , p. 217), et qui est nommé Çans Shaw* Cepedian gjmnetrus. Ce n'est, comme le dit avec raison Schneider^, ni un régalée ni un ophidium, ce n'est pas non plus un gymnètre^ mais autant que l'on en peut j uger par la figure, c'est quelque gobie de forme alongée , et dont les ventrales , réunies sous la poitrine, ont été prises pour la pectorale de l'autre côté. Il faut beaucoup plus d'exer- cice qu'on ne croit, pour juger du genre d'un poisson sur une figure exécutée par un artiste qui n'était pas au fait de nos méthodes. 1. Tome IV, 2.^ part., p. 198 et pi. 5o. — 2. Sjsl. postli.de Bloch, p. 44- CHAP. II. STYLÉPHORE. 381 CHAPITRE IL Du Stjrléphore , et en particulier du Styléphore a corde. {Stflephorus chordatus , Sliaw.) Nous croyons devoir placer à la suite des trachyptères et des gymnètres, l'espèce unique qui forme le genre du Styléplioie. Elle n'a été prise encore qu'une seule fois dans le golfe de Mexique, entre la Martinique et Cuba. Elle fut apportée au muséum de Levers à Londres, et le docteur Shaw l'a décrite et l'a représentée en 1788 dans les Mémoires de la Société linnéenne, t. L", p. go, pi. 6. Ce zoo- logiste a reproduit sa description et sa figure dans la Zoologie générale *, et dans son Na- turalists miscellanj^ , mais l'individu qui était sous les yeux avait éprouvé quelque dé- rangement dans les pièces osseuses de son museau, en sorte que ce qui a été dit de sa tête, de la forme des yeux, se trouve tout- à-fait inexact, et le dessin que l'on en avait tracé paraissait absolument inintelligible aux naturalistes qui ont des idées justes de cette partie de l'organisation des poissons. 1. Tome IV, 1." part., p. 87. — 2. Tome VIII, pi. 274. 582 LIVRE XI. T/ENIOÏDES. Heureusement cet individu, ayant passé au muséum du collège des chirurgiens de Londres , a pu être examiné de nouveau par des zoolo- gistes exercés. M. de Blainville, ayant eu Tocca- sion de l'étudier et de juger quelle avait du être la position primitive des pièces de la tête , en a fait une figure et une description qui ont commencé à rétablir des rapports conformes à ce que Ton observe de ces mêmes parties dans les autres poissons. Il a fait paraître ces obser- vations dans le Journal de physique.^ M. Valenciennes a eu également le soin de décrire et de dessiner ce même individu pen- dant ses voyages en Angleterre. Sa description nous paraît encore plus correcte sur quelques points; ces documens nous servent à donner la description de ce singulier poisson. Il nous paraît devoir être rapproché des gymnètres, dont il a le corps alongé, la caudale en partie relevée, le squelette probablement aussi mou, pour que toutes les parties de la face aient pu ainsi se retourner sur le crâne. Son carac- tère principal consiste dans le prolongement de la pointe de la queue, au-delà de la cau- dale , en une corde grêle , plus longue que le corps. Or, on voit un commencement de ce 1. Journal pl)js., t. LXXXVII, p. 60, pi. 1 , fig. i , année 1818. CHAP. II. STYLÉPHORE. 585 caractère dans les trachyptères , ainsi que nous l'avons précédemment établi. Sous leur cau- dale redressée existe un petit fdet, dont celui du styléphore n'est, si l'on peut s'exprimer ainsi, qu'un développement exagéré. Le dessin de M. Valenciennes lui donne en lon- gueur (la corde non comprise) quinze fois sa hau- teur, et la longueur de la corde y est plus que double de celle du corps. L'épaisseur fait la moitié de la hauteur. La longueur de la tête fait à peu près le sixième de celle du corps. L'œil est presque aux deux tiers de la distance entre le bout du museau et l'angle de l'opercule. Le bord n'entame pas la ligne du profil, laquelle descend un peu, pour se porter par une légère inflexuosité, d'abord convexe, puis concave, vers l'extrémité de la tête. Le museau est presque cylindrique, et la bouche, ouverte à son extrémité, est petite et sans dents. L'intermaxillaire a deux pédicules plus longs que le corps de l'os, et formant avec lui un angle assez aigu. Les maxillaires sont courts et petits, et couchés sous l'intermaxillaire. Les branches de la mâchoire inférieure atteignent en arrière jusqu'au-dessous de l'œil, et elles sont encore prolongées par l'intero- percule, os linéaire et grêle. Le sous-orbitaire est très- grand et couvre en partie toute la joue; son angle antérieur est saillant et pénètre dans celui de l'intermaxillaire; le bord inférieur, courbé en S, a d'abord sa courbure convexe, puis elle devient concave sous l'œil ; il dépasse en arrière l'orbite. 584 LIVRE XI. T/ENIOÏDES. L'opercule est pelil et étroit, de forme quadrilatère, et placé dans la moitié supérieure de l'arrière de la tête. L'autre moitié est occupée par le préopercule, assez semblable, pour la forme et la grandeur, à l'opercule, et par le sous-opercule, qui est fort petit. L'œil est de grandeur moyenne; les ouïes sont assez fendues; les rayons sont au nombre de quatre (M. de Blainville dit cinq ou six), le tronc est un peu plus arrondi en dessous qu'en dessus, et je crois que si l'individu était mieux conservé, la peau de l'abdomen serait un peu molle et lâche, comme un fanon. La pectorale est demi-ovale, assez pointue; sa longueur est à peu près égale à la hauteur du corps. M. Valenciennes lui a compté treize rayons. Il n'y a évidemment aucune trace de ventrales. La dorsale commence immédiatement au-dessus de l'opercule , et règne jusque tout près de l'extrémité postérieure. Elle est de moitié moins haute que le tronc, et a au moins cent dix rayons, tous simples, dont les pointes dépassent un peu le bord de la i^embrane^ Sur l'extrémité postérieure est la cau- dale, à qui sa position donne l'apparence d'une seconde dorsale : elle a six rayons dans une peau épaisse; les cinq premiers sont courts, mais le sixième, qui est dirigé dans la continuation de l'axe du corps, forme un cordon de nature cornée, plus de 1. Ces nombres me sont aussi confirmés par les notes que je viens de recevoir de M. R. Owen. Je saisis avec empressement l'occasion de lui témoigner ici l'expression de ma sincère gratitude. M. de Blainville n'en a compté que cinquante-six dans le texte, et il en a marqué soixante cl un sur sa figure. CHAP. II. STYLÉPHORE. 381j deux fois plus long que le corps lui-même; le cor- don est un peu excavé à ses faces latérales, et arrondi en dessus et en dessous. Il règne tout le long des côtés du corps, vers le quart inférieur, un sillon qui paraît être la ligne latérale. On n'aperçoit point d'écaillés. Toute la surface du poisson est d'une couleur argentée ou nacrée. L'individu dont il s'agit, et le seul que l'on ait observé, est long de dix à onze pouces, et le filet du bout de sa queue en a vingt-deux. Ce filet est probablement ce qui a fait pen- ser à M. de Blainville qu'on devait rapprocher le stylépliore des tricliiures; mais c'^st d'après cet observateur lui-même un rayon de la na- geoire caudale, et le filet des tricliiures est une prolongation de l'épine; ils n'ont donc qu'une analogie apparente, et l'organisation de la bouche s'éloigne autant qu'il soit possible de celle des trichiures. M. de Blainville n'avait pas d'ailleurs suffi- samment expliqué la composition de la tête, et il s'était même trompé en regardant comme le maxillaire la pièce qui est le sous-orbitaire. La place qu'il lui conserve sur le dessin de la tête, non rétablie, pourrait déjà le faire soupçonner à ceux qui n'auraient pas vu le poisson même. lO. 25 380 LIVRE ONZIÈME. Quoi qu'il en soit, traprcs le travail de ce savant et ce que nous y avons ajouté, cette tête rentre clans les formes de beaucoup de poissons à museau alongé, ouvert seulement à rextrémité, et n'offre plus rien de ces mons- truosités qui semblaient s'y accumuler dans la figure de Shaw. On voit que le poisson a eu les pièces osseuses de la portion antérieure de la tête relevées sur le crâne, et qu'en même temps les pièces operculaires ont été retour- nées, ce qui 'a pu porter plus en avant encore et rendre verticales les branches de la mâchoire inférieure. La sclérotique comprimée est de- venue une sorte de pédicule aux cristallins, qui ont fait saillie sous la cornée. Le bord inférieur du sous-orbitaire, incorrectement dessiné, forme le trait antérieur de la grande plaque située au-devant d'eux, et au-dessous sont, mais sans aucune indication, l'opercule et le préopercule. Dans la fosse qui est der- rière, le dessinateur aurait dû marquer les peignes des branchies que l'on voit dans le poisson. Les pédicules de l'intermaxillaire sont devant cette espèce d'épines qui semblent diri- gées de l'arrière de la bouche vers les yeux. On ne sait rien de l'anatomie ni des habi- tudes de ce poisson. TiENIOÏDES. 587 SECONDE TRIBU. DES T^NIOÏDES A BOUCHE FENDUE. Cette tribu ne comprend que deux genres et qu'un très -petit nombre d'espèces. Ces deux genres, les Cëpoles et les Lopliotes, dif- fèrent beaucoup entre eux par la taille et par les crêtes, qui élèvent la tête de ce der- nier, lequel est un poisson fort rare et qui n'a été observé que par un petit nombre de naturalistes, quoiqu'il soit originaire de la Méditerranée. Nous commencerons l'histoire de ces poissons parles Cépoles, qui sont mieux connues et qui appartiennent aux deux mers de nos côtes de France. 588 LIVRE XI. T.^ÎNIOÏDES. CHAPITRE 111. Des Cépoles. Le poisson auquel Linné, à cause d'une confusion de synonymes dont nous reparlerons, a attribué le nom générique de Cepola , a le corps très-alongé et très-comprimé, sem- blable, en un mot, à une lame d'épée, garni d'une très-longue dorsale et d'une anale pres- que aussi longue, et terminé par une caudale pointue; ses ventrales s'attachent sous ses pec- torales; son museau est obtusj la fente de sa bouche est presque verticale et armée de dents aiguës. De ses nombreux rayons deux ou trois seulement sont simples à la dorsale , deux à Fanale, et encore sont-ils aussi flexibles que ses rayons mous; l'épine des ventrales est seule osseuse et poignante. La CÉPOLE ROUGEArUE. (Cepola ruhescens, Linn.) Nous n'en connaissons sur nos côtes d'Eu- rope qu'une espèce , représentée par Rondelet, p. l\iOy mais assez mal, sous le nom de ser- pens intbescens ^ et un peu mieux par Aldro- CHAP. m. CÉPOLES. 389 vande ( p. 867 ) , sous celui de injrus aller} Willugliby en a douiié une description fort exacte (p. 117) sous celui de tœnia ruhra, et sous les noms génois de cava^iro et de/z-eg^- ^ici'y mais il s'est trompé en le prenant poul- ie tœnia altéra de llondelet, qui est le gym- nètre ordinaire.^ Linné, qui l'avait d'abord nommé oplii- diuni macrophtahnuni^, en a fait dans sa 12.^ édition son Cepola ruhescens. Il y a aussi dans cette édition un cepola tœnia y mais c'est une espèce factice , qui résulte d'une double et même d'une triple erreur. En effet j le poisson même qu'il avait en vue, et auquel il attribue pour caractère spécifique soixante rayons à la dorsale, était, à n'en pas douter, un Cepola ruhescens mal conservé ; toute sa description s'y accorde. Bloch, qui a prétendu décrire et représenter un Cepola tœnia (pi. 1 70 et part. V, p. 1 o3) ; mais qui , en effet, ne donne aussi qu'un ruhescens altéré dans ses couleurs, lui compte soixante -six rayons, ce qui réduit à rien la distinction éta- blie par l'auteur du Sjstema naturœ. 1. La figure de Rondelet est copiée dans Gesner, p. 863, dans Johnsson; celle d'Aldrovande l'est dans Willughbj, pi. G. 7, fig. 8> 2. Sjst. nal., la/édit., p. 445- — 3, Ibid. , p. aSg, vojez plus haut, p. 3 17, note 2. 390 LIVRE XI. TyENlOÏDES. Linné avait voulu présenter une deuxième espèce, parce qu'il croyait en voir une dans le tœnia authorum d'Artedi'; or, ce premier tœnia d'Artedi, pris de Rondelet (p. 320), n'était primitivement et dans le sens de cet auteur, qu'un gymnètre, ainsi qu'on peut s'en assurer, ne fût-ce que par la taille, qu'il lui donne, de deux à trois coudées. Il y a bien dans Willugbby (p. 116) un autre pois- son qu'il prend pour le tœnia de Rondelet, et quArtedi, sur son autorité, a rangé parmi les synonymes du sien; mais ce poisson de Willugbby, qui n'a point de ventrales, dont l'anale avance plus que la dorsale et a le triple de sa bauteur, où ces deux nageoires s'unissent avec la caudale en une seule pointe, et qui a l'anus presque sous la mâcboire in- férieure % n'est évidemment que \e Jierasfer, - - — 1. Art. Sjn., 1 14- 2. Voici les termes de Willngliby: Piscicuïus isthîc in longissimam el tenuissimam caudam exienditur — caro per iotnm pellucida et squamarum prorsus expero — pin- narum unum dunlaxat par ad branchias — in medio dorso pinnam hahet. Digiti disiantia, acapite inchoalam et ad caudam exiremam perlinentem , uhi concurril seu continuatur cum pinna quœ in medio ventre ah ano incipit. — Est autem huic pisci peculiare , quod pinna vent ris plus iriplo allior sii quam dorsi , ejusque initium dorso proximius , imo adeo prope ad capul accedit , ut vix rehnquatur pro cxcremenlorum orificio, quod in ipso fere maxillœ inferioris angulo situm est , etc. Voyez aussi Cuvier, mémoire sur \cficrasfer, Mcm. du Mus., I . p. 012. CMAP. III. CÉPOLES. 5î)'l OU gfnmotiisacusde Brùnnich, c'est-à-dire, Xophidiiun irnhevhe. Cependant, le croirait-on, c'est unique- ment parce que Willugbby dit avoir entendu nommer ce Fieiasfer cepole par les pécheurs de Rome, que Linné a donné le nom de Cepola à un genre dans lequel ce poisson ne doit évidemment pas entrer; mais c'est trop souvent ainsi que l'on a écrit sur l'Ichlbyo- logie. Gmelin ajoute une troisième espèce à celle de Linné, le Cepola trachjptera d'après Gouan; mais nous avons déjà vu que ce n'est encore que le gymnètre. Nous ne nous occuperons pas de Lacépède, qui n'a fait que copier Gmelin^, ni de Shaw^ et de Bloch^, qui se sont bornés à ajouter aux trois espèces de Gmelin, un poisson d'un genre et même d'une famille différente: le Cepola cœrulea de Blocb"*, ou le Ténioïde Herrnannien de Lacépède.^ M. Rafinesque, comme il lui est trop ordi- naire, a aussi admis dans son Indice (p. 3i) les trois espèces de Gmelin, ce qui lui fait compter encore deux fois, sous les noms de 1. Lacép. , II, 526 et suiv. — 2. Shaw, Gen. Zool. , IV, 2.* part., p. 188- 191. — 3. Bloch, SysI. poslh., édil. Schn,, p. 241. — 4. Bloch, loc, cit. ' — 5. Lacép., Il, 532, 533. 392 LIVRE XI. T^NIOÏDES. Cepola tœnia et de Cepola tracliyptera, le gyninètre qu'il avait déjà compté deux autres fois sous ceux à^ Ar^jctius himaculatus et de Scarcina quadriniaculata. Mais il ajoute h cette liste un Cepola niai^ginata qui, d'a- près la description incomplète qu'il en donne (^ Carat tei^ij, p. 56, n.° 147)? ne nous paraît différer en rien du ruhescens , et qu'il n'a pu regarder comme une espèce nouvelle que pour avoir jugé des autres seulement sur les mauvais caractères qu'on leur avait assignés. Walbaum ( III , 117) prend aussi les trois espèces de Gmelin , en témoignant toutefois quelque doute sur le traclijptera , et il y ajoute un Cepola iris et un Cepola ^ladius d'après deux figures d'Imperati que nous avons déjà vu être des gymn êtres.* Les vrais ol^servateurs n'ont point agi ainsi : Brùnniclî (p. a8, n.° Sg) ne décrit que le ce- pola rubescenSy et doute de fexistence du tœnia. M. Risso, après avoir aussi, dans sa pre- mière édition (p. i53), cherché à établir un Cepola tœnia et un Cepola rubescens, a fini par reconnaître dans la seconde (p. 294)? qu'il n'y en a dans la mer de Nice qu'une 1. Voyez noUc iuliclc sur ce genre. CHAP. m. cÉPOLEs. 395 seule , le ruhescens, qu'il décrit et caractérise fort bien, et à laquelle il assigne exactement les mêmes couleurs que M. Rafmesque donne à son Cepola viarginata. C'est celle dont nous allons parler et qui est déj à assez bien rendue , mais d'après un individu sec, dans les Transactions linnéennes, t. VII, pi. 17. Ce poisson ne se nomme nulle part cepole, comme on l'a cru faussement d'après Linné. Les Marseillais l'appellent roudgeole\ les habitans de Nice calegnairis^^ ceux de Gènes cavagiro et freggia? M. Viviani nous assure qu'il s'y nomme aussi laniia. Quoique l'espèce paraisse plus abondante dans la Méditerranée que dans notre océan d'Europe, nous venons de voir que Montagu fa figurée, et d'après un individu pris sur la côte du Devonshire, et le même observateur en avait vu un second individu. Donavan"^ donne la figure d'un troisième, et déclare en avoir vu deux autres, mais tou- jours des mêmes parages, et c'est d'après lui que Turton fa reproduit dans son Britdsh 1. Briinnicji, p. 28. — 2. RisSo, 1." éd., i54; 2.* éd., 2f)4' — 3. Willughby. — 4. Bril. fisJi, vol. V, pi. Jo5. 594 LIVRR XI. TyKNIOÏDKS. fauna, p. 94? "-^ ^^1? mais nous ne croyons pas qu'il se porte plus au Nord, car nous ne le trouvons ni dans Muller, ni dans l'ouvrage récent de M. Faber. Rondelet a pensé que ce pourrait être le deuxième myrus que Dorion décrit dans son Athénée^, comme tirant sur le roussâtre, ou un peu couleur de feu u7ro7rt/^/^ovr«; mais le passage d'Athénée me paraît se rapporter }3ien clairement à une de nos espèces de niure- nophis, dont nous avons dans la Méditerranée des variétés noires mêlées avec des variétés rousses {^niurenophis unicoloi^ De Laroche; niiij^enophis Christînij Risso). Le f^v^oç est cité par Aristote^ à côté du fjLv^ocivc6, dont il diffère par sa couleur uniforme. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet. On ne trouve d'ailleurs dans les anciens au- teurs aucune indication que notre cépole^ si commune dans la Méditerranée , soit citée dans leurs ouvrages. Sa hauteur aux pectorales est quinze fois dans sa longueur en y comprenant la caudale, qui à elle seule, lorsqu'elle est bien entière, fait plus du neu- vième du total ; la tète en fait un peu moins du onzième, et sa hauteur fait les deux tiers de sa lon- 1. Alh., Deipn.. ). vil; i>. 3i2, c. 18. •— 2. Arist., 1. V. c. lOj p. 85f) B. CHAP. III. CÉPOLES. 5D5 gueur. L'épaisseur en avant est de la moitié de la hauteur, mais en arrière le poisson s'amincit beau- coup à mesure qu'il s'aiguise en pointe. Sa hauteur à la base de la caudale n'est que du huitième de celle qu'il a aux pectorales. La tête est obtuse en avant; la ligne du profil, et celle de la gorge et de la mâ- choire inférieure, se courbent presque également pour aboutir au museau. L'œil, dont le diamètre est à peu près du tiers de la longueur de la tète, est à une distance du bout du museau qui ne fait que le cinquième de cette longueur ; il est tout près de la ligne du profil, que l'orbite entame même un peu, et la distance d'un œil à l'autre n'est que de deux tiers de leur diamètre. La -narine a un orifice très-près du bord antérieur et un peu supérieur de l'orbite, et un autre, beaucoup plus petit, un peu plus en avant; la fente de la bouche descend rapidement en arrière jusque sous le tiers antérieur de l'œil; sa protraclilité, due aux pédicules des intermaxillaires, est médiocre; mais quand elle s'ouvre, les parties externes de ces os et des maxillaires se portent fort en avant, et ils prennent une position verticale. Le maxillaire est plat, élargi et tronqué en arrière; les sous-orbitaires forment autour du bas de l'orbite une portion d'anneau fort étroite. Les branches de la mâchoire inférieure se rapprochent dans une posi- tion presque horizontale, et forment ainsi une pa- lette arrondie en avant, dont la courbure est un peu plus étroite que celle de la mâchoire supérieure, mais à peu près semblable. Les dents sont grêles, pointues, assez longues, 396 LIVRE XI. T^NIOÏDES. sur une seule rangée et séparées les unes des autres 5 les postérieures deviennent plus petites : il y en a dix-sept ou dix-huit de chaque côté à la mâchoire supérieure et dix à l'inférieure, qui, de plus, en a deux un peu plus en dedans derrière les antérieures. Ces nombres varient un peu selon les individus. Le vomer et les palatins n'ont point de dents. On n'en voit pas sur la langue, qui est étroite, fort libre, un peu obtuse. La joue est nue et assez large; le préopercule, dont le bord est entier et l'angle arrondi, a son limbe creusé de quelques petites fossettes. L'opercule est taillé à peu près en quart de cercle; sa longueur est du quart de celle de la tète; le subopercule, long et étroit, est placé obliquement et suit la courbure du bord inférieur de l'opercule : l'interopercule est aussi assez étroit. Les ouïes sont fendues jusque sous l'œil, où leurs membranes se réunissent en embras- sant l'isthme; elles ont six rayons chacune. Les râ- telures de la branchie interne sont longues , grêles et serrées : dans les suivantes elles se raccourcissent. L'opercule porte une demi-branchie à sa face interne. Il n'y a pas d'armure à l'épaule. La pectorale , atta- chée un peu au-dessous du milieu, est de forme ar- rondie, et sa longueur rient vingt-deux fois dans celle de tout le poisson; ses rayons sont au nombre de dix-huit. Les ventrales sont un peu moins lon- gues, et adhèrent au ventre par les trois quarts de leur bord interne. Leur épine, qui est assez forte, a les deux tiers de leur longueur. La dorsale com- mence à la nuque au-dessus de la naissance de l'ouïe, et se continue jusqu'à la caudale, à la base de la- CHAP. TIT. CÉPOLES. 597 quelle sa membrane s'miii un peu. La hauteur de sa portion antérieure est des deux tiers de celle du tronc, et elle ne diminue pas autant que le corps en arrière. Nous y avons compté soixante-sept rayons; il y en a quelquefois soixante-huit ou soixame-neuf : les deux ou trois premiers sont les seuls où nous n'ayons aperçu ni branches ni articulation ; mais ils ne sont pas moins grêles ni moins flexibles que ceux qui les suivent. L'anus est sous le huitième rayon de la dorsale, et l'anale commence sous le neuvième; sa hauteur, la nature de ses rayons, sont comme dans la dorsale, et elle s'unit de même par sa membrane à la base de la caudale. Nous y avons trouvé soixante rayons, la caudale en a onze, dont ceux du milieu sont les plus longs, ce qui lui donne une forme pointue, et quand elle est contractée elle semble ter- miner le corps par un filet. B. 6; D. 67; A. 60; C. 11; P. 18; V. 1/5. Les écailles de la cépole sont extrêmement petites, ovales, lisses, entières, insensibles au tact, ne s'im- briquent point et se présentent à la loupe comme autant de petits pores enfoncés et disposés en quin- conce serré; ce n'est qu'en raclant la peau qu'on en détache et qu'on peut les voir séparément : la tête et les nageoires n'en ont aucunes. Les poissons desséchés dans les cabinets, ou con- servés dans la liqueur, offrent ordinairement des teintes rougeâtres qui ne donnent qu'une faible idée de leur état frais; mais ils y conservent une tache noire, placée à un endroit singulier, sur la mem- brane qui unit la pointe externe de l'intermaxillaire 598 LIVRE XT. T.ENIOÏDES. avec le maxillaire, en sorte que celle tache se montre seulement quand la bouche s'ouvre, et qu'elle resle cachée entre ces deux os tant que la bouche est fermée. M. Risso a bien décrit les couleurs du poisson vivant; son corps, dit-il, est d'un rouge semblable à celui du précipité rouge, transparent et traversé par de légères bandes foncées ; la dorsale est d'un jaune safran , liséré de rose, et ornée à son origine d'une tache rougeâtre; l'iris de l'œil est d'un rouge rubis. Nous avons des cëpoles d'un pied, et il s'en trouve d'un pied et demi. Selon le même auteur, cette espèce se tient pendant toute l'année parmi les algues marines dans le voisinage des côtes. La femelle est pleine d'ceufs au printemps. Elle se nourrit de crustacés et de zoophytes; sa chair a peu de goût, et d'ailleurs elle forme des couches si minces qu'elle ne vaudrait pas la peine d'être recherchée quand elle serait meilleure. Nous l'avons abondamment reçue de la Méditerranée : on l'y trouve partout. On la rencontre aussi sur la côte d'Espagne, d'où elle nous est venue de Malaga. Cependant nous ne voyons pas que Cornide en fasse mention dans ses Poissons de Galice. Dans la cépole le repli du péritoine , qui sépare la vessie aérienne et les reins des autres viscères, divise la cavité abdominale en deux parties à peu CHAP. m. CÉPOLES. 399 près égales; et comme l'anus s'ouvre à la moitié de la longueur de l'abdomen, il résulte de ces posi- tions que l'intestin, malgré sa longueur, n'occupe que peu de place dans la moitié antérieure de la cavité du ventre. Le foie est petit, composé de deux lobes égaux situés en travers sous l'œsophage; la vésicule du fiel est très-petite, suspendue à un canal hépato-cystique de longueur médiocre, et appuyée sur la face supé- rieure de l'œsophage, le long du bord aminci du lobe droit du foie. L'œsophage est étroit, de longueur moyenne; il se dilate en un estomac dont la forme ressemble à celle d'une cornemuse; il est placé verticalement dans l'abdomen. Sa partie postérieure remonte un peu vers le diaphragme, mais on ne peut y distin- guer de branche montante proprement dite. Le py- lore est marqué par un étranglement assez fort; il est muni de huit appendices cœcales de grosseur mé- diocre, coniques, pointues, et appuyées à droite et à gauche sur la partie postérieure de l'estomac, qu'elles enveloppent. Le duodénum se porte en arrière et en haut jus- qu'auprès de l'anus, où il se dilate subitement en une sorte de vessie alongée; un étranglement très- serré distingue cette première portion du canal di- gestif du reste des intestins grêles, dont le diamètre est lui-même très-petit, et qui font deux replis avant de remonter auprès du pylore, où l'intestin se di- late en un rectum beaucoup plus large, et qui se rend droit à lanus sans faire aucun repli. 400 LIVRE Xî. T^ENIOÏDES. La rate est grosse, irlèclre, cadiée entre le duo- dénum et les intestins grêles derrière l'estomac, sur lequel s'appuie la partie antérieure de celte glande. L'individu que nous avons disséqué était un mâle, dont les laitances n'étaient pas très-pleines; elles étaient séparées sur presque toute leur longueur, qui faisait à peine le quart de celle de l'abdomen. Toute la surface de cette première moitié de la cavité abdominale était tapissée par un péritoine épais, fibreux, solide, surtout vers la partie supé- rieure et postérieure, et brillant du plus bel éclat d'argent. La vessie natatoire est très-grande, étroite à sa par- lie antérieure, et alongée ensuite; elle se dilate en un grand sac placé sur les huit premiers rayons de l'anale, dont les interépineux , très -courts, ne s'articulent pas avec les apophyses épineuses infé-» rieures de la colonne vertébrale. Les parois de la vessie sont fines, membraneuses, si minces et si transparentes, que toute cette région de l'abdomen est aussi translucide. Les reins se composent d'un seul lobe globuleux, très-petit et situé vers l'arrière de l'abdomen, dans le cercle osseux que forment les deux dernières côtes avec le premier interépineux de l'anale. Les deux uretères, qui sont très-fins, capillaires, d'un beau blanc, remontent entre la vessie aérienne et les pre- miers rayons de l'anale jusque sur le troisième de cette nageoire, où ils débouchent dans une petite vessie urinaire cylindrique, qui s'ouvre par un trou par- ticulier derrière l'anus. CHAP. III. CÉPOLES. 40i Le squelette de la cépole n'a rien de remarquable': ses vertèbres sont au nombre de soixante-neuf; les quinze premières portent des côtes ou extrémités d'apophyses iransverses descendantes; les apophyses épineuses inférieures des suivantes, ainsi que toutes^ les supérieures, occupent moitié à peu près de l'es- pace entre les vertèbres et les rayons de la dor- sale et de l'anale ; l'autre moitié est occupée par les interépineux, qui répondent assez exactement cha- cun à une apophyse épineuse. Le cubital et le ra- dial sont peu développés. DES CEPOLES ETRANGERES. Nous n'avons point reçu de cépoles des mers d'iVmërique, ni de celles des Indes; mais Bloch, dans son Système posthume, p. 242, n.'' 4» en décrit incomplètement une de Tranque- bar, et les naturalistes de l'expédition de Rru- senstern en ont représenté deux des mers du Japon. Je doute que celle de Bloch ' fût de ce 1. Voici l'article de Bloch : Cepoïa striata, maxilla inferiore vix longiore , corpore iransçersim cœruleo striaio, ano capiti depresso parum propinquiore , pinna caudœ rotundata. Habitat ad Tranquehariam ; longa 6 poil., lata i/3. Dentium séries utrinque unica, rectorum, interjectis ubique trinis breviorièus. In tœnia dentés recurvi, branchiœ spuriœ desunt. Sch. 10. 26 402 LIVRE XI. T;ENIOÏDES. genre. Sa téle déprimée; ses mâchoires pres- que égales; ses dents, les unes longues et droites, les autres petites, distribuées trois à trois entre les premières , ne s'accordent guère avec ce que montre l'espèce commune; mais l'auteur, ne donnant pas le nombre de rayons, nous rend bien difficile de décou- vrir ce que son poisson pouvait être réelle- ment. Il n'en est pas de même des espèces de Kru- senstern; ce sont de véritables cépoles. La première, qu'il nomme Cépole du Japon (Cepola limbata, nob.; Krusenst., pi. 60, fig. 2), a le corps rougeâtre; la dorsale et Tanale bordées de rose vif; les pectorales et les ventrales jaunes. Une petite tache ovale et noire vers la partie anté- rieure de la dorsale; l'iris de l'œil jaune, et trois séries de points rouges sur le tiers postérieur du corps; savoir : une le long de la ligne latérale, et les deux autres le long de la base de la dorsale et de l'anale. La Cépole bordée. {Cepola marginata, nob.; Krusenst., pi. 60, lig. 1.) La seconde des espèces de Rrusenstern a le corps rouge de brique, sablé de très-petits points CHAP, m. CÉPOLES. 405 noirs; les joues et les nageoires veiiicales rose; ces dernières bordées d'un rouge de brique semblable à celui du corps ; les nageoires paires jaunes. Elle a une tache noire oblongue vers le devant de la dorsale; mais elle est beaucoup plus petite que celle de la cépole précédente. Les figures représentent dans ces deux es- pèces la nageoire de la queue complètement continue avec celle du dos et de l'anus, comme dans les anguilles; mais je ne sais pas jusqua quel point elles sont exactes : sous ce rapport il est aisé de se tromper. La Cépole raccourcie. , {Cepola abreviata) Nous ferons la même observation à l'égard d'un poisson que nous ne connaissons que par les dessins trouvés dans les papiers de MM. Kuhl, Van-Hasselt et Mertens. Ce der- nier naturaliste l'avait pris dans l'archipel des Moluques. La tête est semblable à celle de nos cépoles; le corps est beaucoup plus court qu'aucun des autres. La dorsale et l'anale sont réunies à la caudale. Voici les nombres comptés par M. de Mertens : • D. 156; A. 76; C ;P. 18;V. 1/5. Le corps est rose, avec des bandes ou des taches , • 9. 404 LIVRE XI. T.'EMOÏDES. , orangées pâles; la dorsale et l'anale sont bordées de rose foncé ou de cramoisi. Le dessin des naturalistes hollandais donne le corps plus foncé, mais de couleur rouge passant à l'orangé, avec des bandes verticales de même cou- leur. Les nageoires verticales sont plus pâles que le corps et la bordure n'est pas tranchée aussi nette- ment. Le poisson venait du détroit d'Antjer près Java. Bloch rapporte à ce genre le bilangh de Renard, 11.^ part., pi. 4o, fig. 176, et Yan- guille de mer du même auteur, pi. 45, fig. 1 89 j mais cette dernière est vraiment une anguille ou un congre, et quant au bilangh, il faut convenir que, si c'est une cépole, il est bien incorrectement dessiné, et qu'il est impossible de l'insérer dans un catalogue régulier des es- pèces. Je ne le trouve pas d'ailleurs dans le Recueil de Vlaming. CHAP. IV. LOPHOTE. 40îi CHAPITRE lY. Du Lophote. Voici encore un de ces poissons de la Mé- diterranée, très-grand, très-singulier par ses formes, remarquable en un mot à tous égards, et qui n'est parvenu à la connaissance des naturalistes que depuis un petit nombre d'an- nées. M. Giorna, professeur d'histoire naturelle à Turin, en a donné la première description dans un mémoire lu en Septembre i8o3 à l'académie de cette ville, et inséré dans le recueil de cette compagnie, t. IX, p. 19? avec une figure , pi. 1 1 , fig. 1 . Mais n'ayant eu à sa disposition qu'un individu mal desséché, qui avait perdu ses ventrales et sa caudale, et dont la grande corne était tronquée presque jusqu'à sa racine, ce qu'il en avait pu dire était nécessairement incorrect. Un autre in- dividu, péché dans le golfe de Gênes, en Juillet 1 8 1 3 , ayant été envoyé à M. Cuvier par M. Martial Duvaucel, son beau-fils, il en a profité pour Compléter et rectifier la descrip- tion de l'espèce. Son mémoire, lu à l'Acadé- mie des sciences, au mois de Novembre 181 3, est imprimé dans le vingtième volume des 406 ' LIVRE XL T/ENIOÏDES. Annales du Muséum, p. SgS, et le poisson y est gravé pi. 17. Cependant cet individu manquait encore de la pointe aiguë d^ sa corne, et on n'a pu observer cette partie que sur un troisième, pris, il y a deux ans, en Sardaigne, dont M. Bonnelli, successeur de M. Giorna, a bien voulu nous communiquer une figure supérievi- rement dessinée et colorée. C'est d'après ces trois documens que nous nous sommes occupés de nouveau de ce poisson, et que la descrip- tion qui va suivre a été rédigée. Deux de ces échantillons sont, comme on voit, conservés à Turin, et nous en avons un au Muséum de Paris. Quelques paroles de Shaw m'avaient fait penser qu'il y en a un quatrième à Lon- dres. Après avoir décrit le gymnètre de Russel, dont nous parlons p. 87 7, ce zoologiste ajoute* : « Le Muséum britanni que possède un échan- tillon desséché d'un poisson qui paraît allié ' de près au précédent, mais qui n'est pas assez bien conservé pour que l'on puisse le décrire exactement. Son corps est beaucoup plus court h proportion^ sa ligne latérale est très-dis- tincte; toute sa couleur, excepté les nageoires et proéminences qui sont rouges, est un 1. Tome IV. 2/ pari., p, 196. CHAP. IV. LOPHOTE. 407 argenté brillant, et du sommet de sa tète s'élève une très-forte apophyse en tonne de corne, longue de plusieurs pouces, et qui diminue par degrés d'épaisseur jusqu'à sou extrémité. Cet échantillon est long de quatre pieds et demi, et haut de quatre pouces, sans compter la dorsale. '' Mad.* S. Lee a bien voulu prendre la peine de me faire un dessin de ce poisson, il ne m'en reste aucun doute sur son identité avec les autres lophotes; M. Gray est absolument de la même opinion. Malheureusement Shaw ne dit point où ce poisson a^^ait été pris, et il n'y a aucune note à ce sujet jomte à l'individu; peut-être était-il de ces nombreuses espèces rares que les courans et les tempêtes jettent quelque- fois des parties les plus éloignées de l'Océan vers la pointe sud -ouest de l'Angleterre. M. Risso dit aussi dans sa nouvelle édition, qu'il en a vu un individu mutilé, échoué sur la plage de Nice. • Ce sont là les seuls observateurs qui ont eu l'occasion d'observer ce poisson sur la na- ture, et l'on peut par conséquent considérer son espèce comme excessivement rare. Le nom de lophotes , que lui a donné M. Giorna, vient, comme celui de lophius ^ 408 LIVRE XI. TvEMOÏDES. donné par Artecli à la baudroye, de Kc(pos (crista), et il indique que le caractère le plus frappant de la physionomie du poisson consiste dans la crête tranchante, en triangle à peu près vertical, qui surmonte sa tête, et au sommet de laquelle s'articule une longue épine comprimée, arquée, pointue, repré- sentant une véritable corne. Cette crête , encore plus élevée et plus saillante en avant que dans les coryphènes, rend le profil de ce poisson presque vertical, c'est-à-dire que sa partie supérieure est plus avancée que l'inférieure, où est la bouche. La ligne du dos se continue avec le sommet de cette crête, et va se rapprochant len- tement de celle du ventre, qui part du dessous de la mâchoire inférieure : cette ligne du profil est l'en- droit où le poisson est le plus haut j elle est six fois et un tiers dans la longueur totale; la hauteur au milieu y est à peu près sept fois : l'épaisseur n'est guère que du tiers de la hauteur. La tête, en y com- prenant la crête, a près d'un tiers de plus en hau- teur qu'en longueur; l'œil est très-grand , son dia- mètre est de plus du tiers de la longueur de la tète; il n'est pas placé si bas que dans les coryphènes , et en ne prenant la hauteur que de la verticale dans laquelle il est, sa place est à peu près au milieu. La bouche n'est presque pas protractile ; sa fente est petite et ne va pas en arrière jusque sous l'œil; quand elle est fermée , elle approche de la verticale. Les branches des intermaxillaires sont minces; le CHAP. IV. LOPHOTE. 409 maxillaire, au contraire, est large, arrondi au bout et strié en rayons. La mâchoire inférieure forme un triangle aussi haut que long- il y a des dents en carde aux deux mâchoires, et on en voit aussi quel- ques-unes au bout du vomer et sur une ligne à chaque palatin ; le voile membraneux de derrière les dents est très-prononcé. Le premier sous-orbi- taire est un triangle qui ne couvre pas le maxillaire, et dont le milieu a une proéminence obtuse. La joue est étroite et nue; le limbe du préopercule est très -large, irrégulièrement poreux et strié en rayon. Son bord antérieur est concave; le postérieur a un bord montant et horizontal , et un angle arrondi en quart de cercle. L'interopercule forme une bande parallèle à son bord inférieur ; l'opercule représente un quart de cercle, dont son bord inférieur fait la courbe; le subopercule est un triangle entre les deux pièces précédentes. Ces trois os ont leurs surfaces striées et leurs bords fibreux comme dans les gym- nètres. L'ouïe est fendue jusque vis-à-vis le milieu de l'œil, où l'os hyoïde forme vers le bas une proé- minence. La membrane a de chaque côté six rayons comprimés et un peu arqués. Les os de l'épaule sont irrégulièrement striés, mais ne montrent ni épines ni dentelures. La pectorale est coupée en un demi-ovale du quinzième à peu près de la longueur totale; son premier rayon, simple, comprimé et assez fort, est un des plus longs, les autres sont branchus et au nombre de treize ou quatorze , diminuant par degrés. Les ventrales , d'une petitesse excessive et fort écar- tées l'une de l'autre, s'attachent sur la même ligne 410 . LIVRE XI. T/ENIOÏDES. liorizonlale que les pectorales , et en arrière de leur dernier rayon ; on y en distingue, comme à l'ordi- naire , un simple et cinq branchus : leur longueur n'est pas du dixième de celle des pectorales. Là crête du crâne a son sommet à la rencontre de la ligne du profil avec sa ligne postérieure, qui est dirigée très-obliquement en avant et vers le haut. C'est à cette pointe que s'articule la corne, ou, si l'on veut, la première épine dorsale, comprimée, tranchante en avant, arquée vers l'arrière, plus haute de moitié que la tête quand elle est entière, et le long du bord postérieur de laquelle règpe une con- tinuation de la membrane de la dorsale. Immédiate- ment derrière la crête du crâne on sent au travers de la peau les premiers interépineux, placés très- obliquement. Ils portent les premiers rayons dor- saux, qui sont très-petits; mais les suivans grandis- sent bientôt assez pour que la hauteur moyenne de la dorsale soit de près du tiers de celle du corps. Je n'ai pu y distinguer ni branches ni articulation, et les derniers de tous, qui redeviennent assez petits, ne m'ont pas paru différens de ceux qui garnissent le bout de la queue et y forment une espèce de caudale, par une légère échancrure : on en compte dans la dorsale environ deux cent trente , à quoi il faut en ajouter seize ou dix-sept, assez petits aussi, pour la caudale. Le plus inférieur de ceux-ci est comprimé, tranchant et plus fort que les autres. L'anus est très- voisin du bout de la queue, car l'intervalle qui l'en sépare ne fait pas le seizième de la longueur totale; la moitié antérieure seulement de ce court espace CHAP. IV. LOPHOTE. 411 esi occupée par l'anale. Elle n'a que dix-sept rayons , dont les sept ou huit derniers m'ont seuls paru branchus : ainsi toute la partie de la queue est dans ce genre d'une faiblesse extrême. B. 6; D. 230; A. 17; C. 17; P. 15; V. 1/5. Il ne parait point d'écaillés sur la peau du lo- phoie, et l'on y voit seulement de petites rides croi- sées et très-peu apparentes. La ligne latérale est for- mée par une suite continue de tubes minces et alongés, qui occupent la moitié de la hauteur, et qui, chose remarquable, ne s'arrête pas en avant à l'orifice des ouïes, mais passe au-delà et monte obliquement, mais en devenant moins sensible Jus- que vers la pointe de la crête. Tout ce poisson est couvert d'un épiderme gris argenté, semé de taches rondes d'un argenté pur. Son épine et ses nageoires sont toutes d'un rose vif- C'est une des grandes et des belles espèces de la Méditerranée, puisque sa taille surpasse quatre pieds; mais elle est si rare que per- sonne encore ne nous a rien appris de ses mœurs ni même des qualités de sa chair. Tout ce que nous savons de son anatomie se réduit à quelques mots dont M. Viviani , savant professeur d'histoire naturelle à Gènes, voulut bien accompagner le poisson, lorsqu'il l'a envoyé à M. Cuvier. « L'estomac avait dix-huit pouces de longueur, el le pylore élait à douze pouces du cardia j ses tu- 412 LIVRE XI. T^NIOÏDES. niques sont très-charnues; l'intestin se porte en avant de six pouces , et rebrousse subitement pour se rendre droit à l'anus; il est fort mince, car son diamètre n'est presque partout que de quatre lignes. Les ovaires, longs et minces, s'étendaient sur une longueur de onze pouces ; leur partie postérieure était plus épaisse et plus rouge que le reste. Une vessie aérienne suivait la direction des ovaires, et se divisait en deux bras qui, traversant un faisceau de muscles, se rattachaient à une autre vessie de même nature; mais à parois plus épaisses, qui se portaient en avant en se rétrécissant jusque vers les branchies. LIVRE DOUZIEME.* DES ATHÉRINES. Nous sommes obliges de laisser isolé au milieu de celte grande classe de poissons, un groupe constituant un seul genre, qu'il n'est possible de diviser qu'en petites tribus. Ce sont les athërines , genre qui ne se laisse complète- ment associer avec aucun autre. Certaines espèces ont des dents visibles aux mâchoires , sur le vomer et sur les palatins : tels sont les joéls et toutes les espèces voisines, qui ont la tête élargie et aplatie; d'autres, comme notre sauclet, ont les dents si petites aux os palatins, que c'est avec la plus grande peine qu'on peut les apercevoir, et il en est de même des rosérés. Enfin, un assez grand nombre d'espèces étrangères ont le palais tout-à-fait lisse et sans dents, et celles-ci, pour la plupart américaines, ont encore une physionomie particulière, qui est le résultat de la dis- position singulière des pédicules des inter- maxillaires et de la courbure des maxillaires. Ces pièces osseuses sont grêles, et présen- tent un caractère commun avec les muges, 414 LIVRK DOUZIÈME. et qui est unique parmi tous les poissons; c'est que la partie postérieure du maxillaire se termina en pointe plus mince à son ex- strémité libre, tandis que dans tous les autres cet os s'élargit près de Tangle de la commis- sure. Cette considération nous a engagés à rapprocher les athérines des muges, dont nous donnerons Fliistoire au commencement du volume suivant. Une autre affinité peut éga- lement être trouvée dans le petit nombre des rayons* de la première dorsale, et dans j la position abdominale des ventrales. Mais nous croyons que Pallas a exagéré ces rapprochemens, quand il a dit que les athé- rines ont assez de rapport avec les muges pour les y réunir. Une bande ai^gentée le long des flancs ne peut, dit-il, d^re considérée comme un caractère générique^. Et en effet, si les athérines ne différaient des muges que par cette circonstance , aucun naturaliste raisonnable ne pourrait rejeter l'opinion de Pallas : mais il s'en faut bien qu'il en soit ainsi , et même on peut dire qu'aucun de ces détails par- ticuliers d'organisation , qui rendent les mu- ges si remarquables, ne se retrouve dans les athérines. Elles n'ont ni l'échancrure de la 1. Pallas, Zoogr. ross., t. III, p. 222. ATIIÉRINES. 41 S lèvre supérieure, ni le tubercule de l'inférieure, ni la dentelure du sous-orbitaire , ni la con- vexité des opercules, ni l'appareil pharyngien si extraordinaire, surtout par sa charpente os- seuse, ni ce gésier si rare parmi les poissons, qui vient à la suite du premier estomac. Leur mâchoire supérieure est beaucoup plus protractile que celle des muges, et dans quel- ques espèces autant que celle des picarels {sma- ris, nob.). C'est à peine si l'on aperçoit avec une forte loupe les très-petites dents qui gar- nissent les mâchoires et diverses parties de leur bouche. / Les pharyngiens ont la forme ordinaire que l'on observe dans presque tous les acanthopté- rygiens, et sont hérissés de petites dents serrées : le premier arceau des branchies a de longues pectinations grêles 5 mais on ne voit aux autres que de petits tubercules âpres. La membrane des branchies a six rayons, comme dans les muges, ainsi que le dit très- bien Linné, quoique Gronovius n'en ait vu que trois, et que Bloch n'en assigne pas davan- tage; mais le nombre de ceux des nageoires est beaucoup plus varié, selon les diverses espèces, que dans le genre des muges, où ces variations se renferment dans des limites fort étroites. 416 LIVRE DOUZIÈME. Les atherines sont donc des poissons a deux dorsales , et à ventrales sous l'abdomen , à mâchoire supérieure protractile, garnie de dents très-menues. Il en existe quelquefois au palais, dans d'autres espèces il est lisse : leur corps est orné d'une large bande d'ar- gent à chaque flanc. Cette bande d'argent le long des flancs, dont Linné a fait le principal caractère du genre, se retrouve en effet dans toutes les espèces connues, et elles offrent toutes aussi un autre accident de couleur, un petit trait noirâtre au bord supérieur de l'orbite. L'estomac des atherines est un simple ca- nal membraneux, un peu élargi, sans cul- de-sac ni appendices pyloriques; leur canal intestinal est beaucoup moins long et a moins de replis que celui des muges j leurs œufs sont assez gros , et leur péritoine est généralement noir en dedans et argenté en dehors; elles ont une vessie natatoire, souvent prolongée dans un canal de leurs vertèbres caudales : le nombre de ces os est plus que le double de celui qui constitue la colonne épinière des muges , et leurs apophyses et leurs côtes forment dans leur chair de nombreuses arêtes grêles. Il y a des espèces de ces poissons dans toutes les mers. Sur nos côtes de Normandie ATHÉRTNES. A\7 on les nomme rosérés , sur celles de Bre- tagne, prêtres y à cause de leur bande d'ar- gent, qui ressemble à une étole; sur celle de la Saintonge et dans les îles du golfe de Gas- cogne , ahusseaiiXy qui est peut-être un di- minutif d'«Z>Z>e; en Languedoc et en Provence, joëls, sauclets et cabassousj latharina, à Rome ; coroneda, en Sicile; atherno, en Grèce, etc. Ils vivent partout en grandes troupes, et malgré leur petitesse , qui excède rarement six pouces , on les regarde comme un aliment assez délicat, au point qu'en plusieurs lieux on les nomme faux éperlans. Leur frai, ou plutôt leui-s petits, pendant quelque temps après leur naissance, demeu- rent rassemblés en masses serrées et en quan- tités innombrables. On les prend et on les prépare ainsi en masses, soit en friture, soit bouillis dans du lait. Les habitans des bords de la Méditerranée appellent ces frais d'atlié- rine nonnat (non née), conservant dans cette dénomination une trace du préjugé des an- ciens, que ces amas de petits poissons pro- venaient d'une génération spontanée, ou sup- posant peut-être seulement que ce sont des fétus non encore viables, non encore nés. En certains lieux l'adulte lui-même est si abondant qu'on l'abandonne aux animaux. A 10. 9..'] 4i8 LIVRE DOUZIÈME. Venise, par exemple, où on les nomme an- Quela, il y en a par milliers dans les canaux, et l'on en crie pendant tout Tété dans les rues pour nourrir les chats/ Le nom à'ùûs^ivri se trouve en divers en- droits des anciens pour celui d'un petit pois- son^ littoral^, qui vivait en troupes'*, et d'où provenait une de ces espèces d'aphie qu'on nommait hepsetus^, et ce nom d'à^Pu»/ ou d'^- pua s'entendait de tous ces petits poissons qui viennent d'ëclore et qui sont encore ras- semblés comme le nonnat dont nous venons de parler, ou comme ces petites anguilles que Ion nomme en Normandie montée. Il y a peu de dénominations anciennes dont l'application soit mieux assurée que celle-ci j car non-seulement toutes les quali- tés attribuées à ces anciennes atbérines se retrouvent dans celles d'à-présent et jusqu'à leur apbie ; mais leur nom même s'est con- servé en plusieurs endroits. Tous les Grecs au seizième siècle, selon Gyllius, appelaient en- core nos sauclets atherina^ ; Sonnini, de nos jours, les a entendu nommer atherno^^ et à 1. Martens, Vojoge à Venise, t. Il, p. 546. — -. Athénée, 1. Vil, p. m. 285 A. — 3. Oppian., 1. I, v. io8. — 4. ArisL, 1. IX, c. 2 — 5. Athénée, loc cit. — 6, Gjll., De gall. nom. fisc., c. 110. — 7. Vopge en Turquie et en Grèce, t. II, p. 209. ATHÉRINES. 4i9 Rome on a seulement un peu altéré ce nom et on le prononce lattarina} On varie au sujet de son ëtymologie : les uns le croient dérivé da^^^ (un épi), ce qu'ils expliquent à cause de ses arêtes, les autres le tirent d«^£^/i^g/v (mépriser), parce que ce pois- son est petit et commun. C'est la première in- terprétation qui est reçue le plus générale- ment, et en latin Gaza rend àc^s^ivyj par arista ou aristula. Ailleurs, hepsetus {k^iÇioç) est encore repré- senté comme une espèce particulière d'aphie^j mais on le prend aussi pour toute espèce de poisson lorsqu'elle est très-petite, et c'est alors à peu près un synonyme diaphie. Des muges, des gobies, des anchois, et jusqu'à de petits crabes et de petits calmars, sont dans leur premier âge des hepsetus.^ Les Grecs de Naucratis nommaient hepse- tus tout le petit fretin que le Nil laissait sur les terres en se retirant"^. C'est en général tout ce qu'il y a de plus petit en poisson, et dans cette acception il est entré dans plusieurs proverbes et a fourni matière à de nombreuses plaisanteries dans les poètes comiques.^ 1. Rond., De pisc, 1. VII, c. 2, p. 216. 2. Athénée, I. Vni, p. 356 C. — 3. Idem, I. VII, p. 3oo F et 3oi A. — 4. Idem, ib. — 5. Idem, ib. 420 LIVRE DOUZIÈME. Ce nom vient iïa'^siy (cuire), parce qu'on Taisait cuire tous ces petits poissons ensemble, sans les séparer. Nos cotes de la Méditerranée offrent plu- sieurs atbérines spéciliquement distinctes. Rondelet en avait déjà annoncé deux, aux- quelles il appliquait les noms d'atherina et d'hepsetus. Son atherina portait, dit- il (p. 216), de son temps, à Marseille et sur Tétang de Martigues, le nom de sauclet, à Montpel- lier, celui de melet, et à Rome, celui de lat- tarina. Son liepsetus, au contraire (p. 217), s'appelait à Montpellier y woï7. Les figures qu'il donne de ces deux espèces sont bien carac- térisées par la grandeur relative de la tête et de l'œil; mais n'en ayant à son ordinaire in- diqué dans le texte les différences que d'une manière vague, et Willugliby n'ayant pas ob- servé la seconde espèce, ou n'en ayant pas saisi les caractères, Artedi a jugé à propos de ne faire de ces deux poissons que des variétés d'une seule espèce; et Linné ayant même passé sous silence cette distinction de varié- tés, il n'a plus, pendant long-temps, été ques- tion que d'une seule atlierine dans nos mers. M. De Laroche lui-même, qui a récemment retrouvé et rapporté les deux atbérines de Rondelet (le chuclet et le cabasuda d'Iviça), ATHÉRINES. 424 et qui y en a joint une troisième (le mocho ou mochojie de la même île), ne les a legar- clecs toutes que comme des variétés.' C'est M. Risso qui a le premier reproduit le Joël ou le cahasuda comme une espèce distincte, sous le nom d'Athérine Bojer^ mais sans sapercevoir ou se rappeler que cette espèce avait déjà été indiquée et représentée par Rondelet.^ Une observation attentive nous a convaincus que le inochone d'Iviça est aussi une espèce particulière^ mais ce qui nous a le plus étonnés^ cest d'avoir découvert que Tathérine la plus commune sur les côtes de l'Océan, le roséré ou le prêtre j n'est ni le sauclety ni aucune de ces trois espèces de la Méditerranée , et qu'elle a ses caractères propres. Voilà donc quatre athérines de nos côtes dont nous pourrons donner la description d'après nature sur un grand nombre d'indivi- dus, et qui seront parfaitement constatées par des caractères intérieurs et extérieurs. Il y en existe quelques autres plus obscures ou plus rares, que nous décrirons à leur suite ^ avant de passer aux espèces étrangères. On 1. Laroche , Annales du Myisëum, l. XIII, p. 358. —2. Pre- mière édition, p. olyj el 558 j deuxième édition ; p. 469 et /Î70. 422 LIVKE DOUZIÈME. a même voulu considérer comme distincts les divers nonnats, quoique, selon nous, avec peu de fondement. Mais indépendamment de ces vraies athé- rines de nos côtes et celles que produisent les mers éloignées, et qui sont aussi assez nom- breuses, quelques naturalistes, ne considérant comme caractère générique, d'après la défini- tion donnée par Linné, que la bande ar- gentée des côtés du corps, ont été induits à placer dans le genre des atliérines plusieurs espèces d'anchois, poissons qui appartiennent à une tout autre famille , et que nous aurons soin d'y reporter dans le temps; tels sont : Yatherina Brownii de Gmelin (Brovs^n, Ja- maie, pi. 45, fig- 3); Yatherina australis de John Whithe (Yoyage à la Nouvelle -Galles du sud, p. 296); Yatherina Commersonii de Shaw {Gêner, zooL, vol. V, part. 1, pi. ii3, fig. 1)*, et très-probablement Yatherina japo- nica de Houttuyn (Mém. de Harlem, 't. XX, if part., p. 340). A la vérité, M. de Lacépède a séparé les deux dernières, et en a fait un genre sous le nom de stoléphore ; mais partant de l'idée que, sauf l'unité de dorsale, elles ressem- 1. Il n'en est pas fait mention dans le texte. ATIIÉRINES. 425 blaient aux autres atliérines, il n'a pas songé à les rapporter à leur véritable genre ^ d'ail- leurs, par une singularité que sa manière de travailler sur les livres plutôt que sur la na- ture peut seule expliquer, lui qui a fait tant de genres sur les différences les plus légères , n'a pas eu l'idée de séparer les anchois des dupées , malgré l'importance des caractères qui les distinguent. Il nous est impossible de ne pas faire re- marquer encore ici que la figure de Xatlierina hepsetus^ donnée par Bloch dans sa grande Ichtliyologie, pi. SgS, fig. 3, et répétée dans son Sjstema, pi. 29, fig. 2, est un pur ou- vrage d'imagination, et qu'elle n'a pas même les caractères du genre, puisque la première dorsale y est représentée avec des rayons branclius. La forme de sa tête n'est celle d'aucune de nos espèces. Le S AU CL ET. {Atherina hepsetus, Linn.) L'athérine la plus commune dans la Médi- terranée, ou le sauclet des Languedociens, le chucleto des Espagnols, le Ictttarina des Italiens, est d'une forme alongée , et a la tête petite et un peu ^2i LIVRE DOUZIÈME. pointue. La ligne de son dos est presque droite, celle du profil descend un peu, celle du ventre est légèrement convexe. La plus grande hauteur est au tiers antérieur au-dessus des ventrales, et fait le sixième de sa longueur : son épaisseur est des deux tiers de sa hauteur. La longueur de sa tête est un peu moindre que le sixième de sa longueur to- tale, et a en hauteur les trois cinquièmes de sa lon- gueur, et son épaisseur, derrière les yeux, est des trois quarts de sa hauteur. Le dessus en est plane, avec de légères inégalités entre les yeux et sur le devant du nuiseau. L'œil est près de la ligne du profil ; la distance du bout du museau est égale à son dia- mètre, et les deux ensemble font les trois cinquièmes de la longueur de la tête. A l'endroit où il est placé, il Occupe les deux tiers de la hauteur. L'intervalle des yeux égale exactement leur diamètre. La bouche est au bout du museau, sa fente des- cend obliquement en arrière et s'arrête sur le bord antérieur de l'orbite. Dans l'état de repos la mâchoire inférieure est un peu plus avancée que l'autre j mais celle-ci, ayant à ses intermaxillaires de longs pédi- cules, est très-protraciile, et quand la bouche prend tout son développement, qui la porte en avant du tiers de la longueur de la tête, la mâchoire supé- rieure devance de beaucoup l'autre. Il faut aussi re- marquer que dans l'état du retrait de la bouche, le maxillaire est recouvert par le sous-orbitaire, lequel se montre seulement quand la bouche est alongée. Sa forme est large vers sa racine, et se termine en pointe vers le bas (au contraire de ce qu'on ATHÉRINES. 425 observe dans le commun des acanihoptérygiens , les muges exceptés). On ne peut apercevoir qu'avec une forte loupe les dents infiniment petites, dont une rangée garnit chaque mâchoire. Je n'en vois aucune au vomer, mais la surface des ptérygoidiens est occupée par une légère aspérité. H y a aussi de ces aspérités sur la base de la langue et sur les osselets d'entre les branchies. Les pharyngiens sont garnis de petites dents coniques et serrées. Les arcs branchiaux ont, comme dans tout le genre, des pectinations grêles à la première paire des branchies, et des petites tubérosités âpres aux suivantes. Le sous-orbitaire est triangulaire, sans dentelure, et finit sous le milieu de l'œil; sa surface est percée de très -petits pores rangés sur certaines lignes. Les orifices de la narine sont au-dessus de son bord supérieur près la ligne du profil, très-petits, ronds l'un et l'autre et assez écartés. Le préopercule est à peu près rectangulaire : son angle est arrondi; il n'a ni pointe ni dentelure. L'opercule a son bord arrondi, sans armure, et est d'un tiers plus haut que long. La joue et les pièces operculaires sont écailleuses, mais le crâne, le mu- seau, et les mâchoires ont la peau nue et lisse. L'ouie est bien ouverte, fendue jusque sous l'œil. Sa mem- brane a six rayons, dont le premier est dilaté vers sa base, et dont le sixième, plus fin qu'un cheveu, a dû échapper à beaucoup d'observateurs. Il y a une demi- branchie à l'opercule. L'épaule n'a pas d'armure par- ticulière. La pectorale tient à peu près au milieu de la hau- teur du corps, et est comprise six fois et demie 426 LIVRE DOUZIÈME. dans sa longueur. Elle est un peu pointue. On y compte quinze ou seize rayons , qui vont en dimi- nuant depuis le cinquième. Les ventrales sortent plus loin que la pointe des pectorales ne peut atteindre. Leur longueur n'est guère que moitié de celle des pectorales ; elles ont cha- cune, sur leur base en dehors, une écaille pointue, et il y en a une entre elles. La première dorsale commence sur le milieu des ventrales , ce qui fait aussi le milieu du poisson en n'y comprenant pas la caudale. Cette nageoire est petite; sa hauteur ne fait pas moitié de celle du corps sous elle, et sa longueur n'égale pas sa hauteur; elle a tantôt huit , tantôt neuf rayons grêles ; le dernier est le plus petit et le plus mince : sa base n'a point d'écaillés particulières. La seconde, un peu plus longue que la première, mais à peu près de même hauteur en avant, a un rayon épineux très-petit et très-gréle, et onze rayons mous : elle va en baissant vers l'arrière ; son dernier rayon reprend un peu de longueur et flùt une petite pointe. L'anus est à peu près au milieu de la longueur, la caudale comprise, et répond au milieu de l'intervalle entre les deux dorsales. L'anale est assez en arrière de l'anus , et exacte- ment vis-à-vis la deuxième dorsale, dont elle a la forme et la grandeur. On y compte un rayon mou de plus, c'est-à-dire douze, précédés par un petit épineux : l'intervalle entre ces deux nageoires et la caudale est d'un peu moins du cinquième de ATHÉRINES. 427 la longueur totale; la caudale même n'a que le sep- tième de cette longueur. A sa base la queue n'a que le tiers de la hauteur du corps; elle est fourchue jusqu'à moitié : ses rayons sont au nombre de dix- sept. B. 65 D. 9 — 1/11 ; A. 1/12 ; C. 17 5 P. 15 jV. 1/5. Les écailles de cette athérine sont disposées très- régulièrement. Il y en a soixante et quelques sur une ligne , entre l'ouïe et la caudale , et treize ou quatorze sur une ligne verticale au-dessus des ven- trales; elles sont d'un tiers plus larges que longues: la partie antérieure est arrondie , lisse et séparée de la partie radicale par un arc rentrant : la partie cachée est finement striée en travers, et son bord postérieur est entier et a au milieu une petite pointe obtuse. Le corps de ce poisson, à l'état de vie, est demi- transparent : toute sa partie supérieure est teinte d'un fauve clair, pointillé de noir, de manière à former autant de petits groupes de points qu'il y a d'écaillés. Le haut de l'opercule a des points sem- blables et serrés. Sur le crâne et les mâchoires il y en a de plus petits. Les trois rangées longitudinales d'écaillés qui répondent à la hauteur de la pecto- rale, sont d'une belle couleur pleine et vive d'ar- gent poli; la plus haute des trois est cependant teinte de bleuâtre. Tout ce qui est au-dessous de cette bande argentée, est d'un blanc roussâtre, à reflets argentés. Les nageoires sont transparentes. Parmi nos nombreux individus nous n'en trouvons pas de plus de quatre à cinq pouces de longueur. ^28 LIVRE DOUZIÈME. Le sauclei a le foie médiocre, silué en travers sous l'estomac, subdivisé en plusieurs petits lobules iné- gaux par leur forme et par leur volume, j La vésicule du fiel est petite, oblongue, et donne directement dans l'estomac , en sorte qu'on pourrait être tenté de la prendre pour un petit cœcum. j L'estomac est ample, oblong, rétréci en arrière, et se continue en un intestin de médiocre longueur et d'un diamètre étroit. Il n'y a pas de cœcums. | Le canal intestinal ne fait qu'un repli autour de l'ovaire , qui est un sac unique, occupant plus des deux tiers de la longueur de la cavité abdominale. Le repli du péritoine, qui l'enveloppe, est noir comme de l'encre. Sous les parois de l'abdomen le péritoine est moins noir, et sa face externe est ar- gentée et très-brillante. Les œufs contenus dans l'ovaire sont très-gros. La vessie natatoire est grande , oblongue ; ses parois sont excessivement minces. Les reins forment deux cordons séparés, qui oc- cupent toute la longueur de l'abdomen de chaque côté de l'épine. Le squelette a cinquante-cinq ou cinquante- six vertèbres : les cinq premières ont leurs apophyses épineuses dilatées d'avant en arrière et contiguës les unes aux autres. A compter de la trente-troisième, il y en a trois ou quatre qui courbent leurs apo- physes transverses pour entourer une cavité en forme de cornet court, dans laquelle se prolonge la pointe de la vessie natatoire; mais ces apophyses ne sont point dilatées, comme nous les verrons ATHÉRINES. 429 dans d autres espèces. Les pédicules de ces inter- maxillaires sont plus longs que leurs branches den- taires, ce qui donne lieu à l'extrême proiraclilité de ses mâchoires : ses surscapulaires sont longs et grêles j ses scapulaires très -petits; le radial et le cubital très-dilatés, surtout le dernier, qui l'est aussi en hauteur, ce qui relève la pectorale. Cette espèce vit en grandes troupes, et est fort abondante à peu près dans toutes les parties de la Méditerranée et des mers qui y aboutissent. Il y en a des quantités immenses en hiver le long des côtes septentrionales de la mer Noire, où on la prend avec les anchois. Il y en aurait aussi, selon Pallas, mais plus rarement, au midi delà mer Caspienne, d'où il en a reçu des individus entièrement sem- blables (dit-il) à ceux de la mer Noire, et seulement un peu plus grands.^ Hasselquistl'a vue et bien décrite à Smyrne ' : il confirme l'assertion de Gyllius , que les Grecs appellent encore ces poissons atherina. Leur nom turc est, selon lui , jumisch-b a luk^ qui signifie poisson d'argent. On les prend sur 1. Zoogr. ross. asiai., t. III, p. 2 24- H faut remarquer cepen- dant que Pallas , qui n'a distingué ni les espèces des muges ni celles des athérines, pourrait bien avoir eu de la mer Caspienne une espèce particulière sans s'en apercevoir. 2. Ilasselquist, Voyage, p. 382. Son espèce est assez bien déter- minée par ses nombres de rayons (D. 8 — 1/10 j A. 1/12). 430 LIVRE DOUZIÈME. cette côte avec des filets horizontaux, sur les- quels on répand des petits morceaux de pâte. Sonnini dit qu'il suffit, pour en attirer des quantités prodigieuses, de tramer dans l'eau, par un temps calme , une queue de cheval ou un morceau de drap noir; on les conduit ainsi dans quelque enfoncement étroit de rocher, où on les enferme avec un filet.* Cette même espèce nous est venue de Malte par M. Leach; de Sicile, par M. Bibe- ron; de Naples, par M. Savigny; de Nice, par M. Risso; de Toulon, par M. Banon; de Mar- seille, par M. Delalande; d'Iviça, par M. De Laroche; d'Algésiras, par MM. Quoy et Gai- mard; de Malaga, par M. Bâillon, et toujours semblable à elle-même, sauf la taille des in- dividus. Elle s'avance même dans l'Atlantique jus- qu'aux Canaries, car MM. Webb et Berthelot nous en ont montré plusieurs individus péchés sur une des petites îles près de TénérifFe. Elle y arrive en bandes nombreuses; on en fait des conserves semblables à celles que nous faisons avec nos anchois. Nous avons déjà vu qu'elle s'appelle sauclet en Languedoc : les Toulonnais la nomment 1. Sonnini, Vojage en Turquie et en Grèce, t. II , p. 209. ATHÉRINES. 451 cabassoun^ j les Ivicois, chuclet ou peisj^ey ; les Génois, c/uennaroj les Sardes, secî^eto"^ ; les Siciliens, coroneda ou coronella : mais il est probable que plusieurs de ces noms lui sont communs avec d'autres espèces du genre, et celui de coroneda se donne même à l'ar- gentine.^ C'est à cette espèce du sauclet que con- vient en particulier le caractère assigne par Linné à son Atherina hepsetus : pinna ani RADiis FERE DUODECiM^; Caractère qu'il avait probablement extrait de la description d'Has- selquist : mais on voit en même temps que les nombres qu'il donne comme comptés par lui-même, et surtout celui de l'anale (A. 16), sont pris de l'espèce de l'Océan, c'est-à-dire du roséré.^ On a une très -bonne figure du sauclet dans Duhamel (Pêches, 2.^ part.,sect. 6,pl. 4? fig. 3), et c'est même la seule d'après laquelle on puisse le distinguer des autres athérines. 1. M. Banon; mais il j a peut-être ici quelque transposition. 2. Cetti, Hist. nul. di Sard. , t. El, p. 196. 3. Rafinesque, Indice, p. 35; Caratteri, p. i5i. 4. Linné, Sjst. nat., t. I, i." part., p. 5 19. 5. Il les donne dans la dixième édition, p. 3i5, et c'est dans la douzième seulement que, tout en les conservant, il établit le caractère cité. 432 LIVRE DOUZIÈME. Le Joël. {Atherina Boieri; ALhérine Boier ^ Riss., p. 338.) La seconde espèce d'athërine de la Médi- terranée, le Joël des Languedociens, le ca- hasuda des habitans d'Iviça, est plus courte que la première, et a la tête plus grosse, plus large et plus obtuse : sa bouche, qui approche davantage de la verticale , et son œil plus grand, lui donnent aussi une autre physionomie : sa hauteur n'est pas tout-à-fait cinq fois dans sa lon- gueur : celle de sa tête n'y est guère plus de quatre fois; la longueur de son museau ne fait que les deux tiers du diamètre de l'œil, et sa mâchoire supérieure est bien moins protractile : ses dents sont plus nom- breuses et plus marquées que celles du sauclet. Il en a une bande étroite à chaque mâchoire, et une au-devant du vomer. Les ventrales naissent sous le tiers postérieur des pectorales. Il y a deux rayons de moins à la première dorsale, et un rayon mou de plus, et quelquefois même deux à la seconde et à l'anale : la première dorsale est plus petite, a des rayons plus grêles, et ne naît que vis-à-vis le tiers postérieur de la ventrale. D. 7 — 1/12; A. 1/13 ou 14; C. 17; P. 14; V. 1/5. Ses couleurs sont à peu près les mêmes, seule- ment les points noirs sont plus également répartis sur le dos, et il y en a quelquefois une rangée le long ATHÉRINES. 435 du bord inférieur de la ligne argentée des Qancs. Le haut de l'opercule en a plusieurs rapprochés. Ses viscères ne sont pas très-dififérens du sauclet. Son estomac me paraît un peu plus globuleux et plus large. Sa vessie aérienne se prolonge davantage en arrière de l'anus. Le péritoine est moins noir, et sa surface argentée moins brillante. Une différence beaucoup plus remarquable, c'est que son squelette n'a que quarante-quatre vertèbres, dont vingt appartiennent à la queue. Les quatre ou cinq plus voisines de la tête ont des apophyses épi- neuses comprimées en crêtes presque membraneu- ses, et qui se joignent les unes aux autres. Les quatre les plus voisines du commencement de la queue ont leurs apophyses transverses élargies et réunies en cer- cles, ce qui forme à l'arrière de l'abdomen une es- pèce de petit cornet ou d'entonnoir, qui loge la partie postérieure de la vessie natatoire. Des côtes grêles entourent presque tout l'abdomen, et ont un petit appendice vers leur base. Nous avons reçu ce joël ou cahasuda dlviça par M. De Laroche; de Nice, par M. Savigny; de Toulon, par M. Banon; de Si- cile, par M. Biberon; de Malte, par M. Leach. Il ne paraît pas qu'il soit aussi commun que le sauclet, ni qu'il devienne tout-à-fait aussi grand. Aucun de nos individus ne passe trois pouces et demi. lo. 28 454 LIVRE DOUZIÈME. Le MocHON. {Àtherina rnochon, nob.) La troisième athéiine de la Méditerranée, qui se nomme mocho et mochon à Iviça, et qui n'a encore été indiquée que par M. De Laroche^, sous ce nom vulgaire, dans le cata- logue des poissons d'Iviça, est bien sûrement une espèce particulière, assez semblable au saiiclet pour la forme, mais demeurant constamment plus petite de près de moitié, ayant la tête un peu plus courte, le front un peu plus large, mais moins que celui du joëlj et l'œil un peu plus grand , et comptant sept à huit épines à sa première dorsale, et quinze rayons mous à son anale. B. 6; D. T à 8 — 1/11; A. l/n ; C. 17; P. 15; V. 1/5. Le squelette du mochon a quarante-six vertèbres. C'est à compter de la vingt-quatrième que commence le petit cornet de la base de la queue , qui n'est em- brassé que par les apophyses de trois vertèbres j ces apophyses ne sont point dilatées. Le Cabinet possède les individus rapportés par M. De Laroche. M. Savigny en a eu d en- tièrement semblables à Naples, et M. Biberon nous en a procuré du port de Messine. 1. Laroche, Annales du Muséum, t. XTII, p. 558. ATHÉRINES. A 35 Outre ces trois espèces déjà indiquées par MM. De Laroche et Risso , nous en avons reçu de la Méditerranée deux autres, bien certai- nement différentes. jL'Athérine Risso. {Âtherina Risso, nob.) L'une nous a été envoyée de Nice. Sa forme est celle du sauclet, elle a de même la tête étroite et un peu pointue, et onze ou douze rayons mous à l'anale; mais sa bande argentée est beaucoup plus tranchée, et elle n'a, comme le joel, que quarante-quatre vertèbres à l'épine du dos. Le cornet commence à la vingt-quatrième, et règne sous trois vertèbres; son opercule est argenté et sans points noirs. D. 7 — 1/10; A. 2/11 jC. 17; P. 15; V. 1/5. Nous l'aurions prise pour un sauclet, si nous n'en avions pas fait le squelette. X'Athérine de Sardaigne. {Atherina sarcla ^ nob.) Nous avons reçu l'autre de M. Bonnelli. Elle a été prise dans les étangs salés de la Sardaigne. Elle a la tête et les points noirs du sauclet, mais elle est un peu plus courte ; son dos est un peu 436 LIVRE DOUZIÈME. plus arqué, et nous ne lui trouvons que dix rayons à l'anale, neuf à la deuxième dorsale, six à la pre- mière. Sa ligne argentée du flanc est étroite, mais bien prononcée. N'en ayant qu'un individu, nous n'avons pas pu en faire le squelette. Peut-être pensera-t-on que c'est celle que M. Rafinesque* nomme atherina covoneda , et qui, dit-il, a six rayons à la première dorsale, huit à la seconde, et dix à l'anale, et la mâchoire inférieure plus longue; mais ce qu'il dit de sa tète un peu dépri- mée , et de sa ligne latérale droite mais peu appa- rente, s'accorde mal avec ce que notre individu nous offre. M. Rafinesque parle aussi d'une athérine plus petite, qu'il appelle atherina lattarina, et qui a des lignes brunes longitudinales , les mâchoires presque égales , et deux petites hgnes rouges de chaque côté de la base de la queue. Six rayons à la première dorsale , huit à la seconde et à l'anale. Il ne nous en est arrivé aucune qui porte ces caractères. 1. Caratteri di akuninuovi gêner, e spec di Sicilia, p. ^7. ATHÉRINES. 457 Les NONNATS. Nous avons vu ci-dessus qu'il samasse eu certains temps dans les baies et les bords des côtes de la Méditerranée des quantités pro- digieuses de très-petits poissons du genre des athérines, que l'on prépare en les faisant frire en masse, ou en les faisant bouillir dans du lait, et qui fournissent ainsi un mets des plus délicats, vendu publiquement dans les rues des villes maritimes de France ou d'Italie, sous le nom de nonnat. Les Provençaux et les Italiens donnent aussi ce nom de nonnat, nounat et nonnat a^ aux petits poissons eux-mêmes, et quelques naturalistes croient qu'ils appartiennent à des espèces particulières. Ainsi M. Risso en décrit un quil appelle atlierina minuta ^ et lui attribue un corps transparent tacheté de rouge, une caudale pointue, et les nombres de rayons suîvans, qui se- raient , du moins pour les nageoires paires, fort extraordinaires. D. 5— 10 5 A. 11; C. 14,-P. 5; V. ». C'est, ajoute- t-il, le plus petit poisson de l'Europe. Le même naturaliste en nomme un autre atherina marniorata , et lui donne 438 LIVRE DOUZIÈME. un corps demi-transparent, nacré, traversé de plu- • sieurs lignes de points noirâtres , marbré de taches orangées et de points noirs, une caudale ronde, et les nombres qui suivent : D.6 — 9; A. 12; C. 12; P. 8; V. 5. Cette espèce, dit -il, parvient à six centimètres de longueur (un peu plus de deux pouces). On la désigne à Nice sous le nom de pou- tina, qui se donne aussi aux petites sardines. M. Raiinesque a un nonnat bien différent de celui de M. Risso, qu'il nomme atherina nunnata^y et qu'il dit transparent, long à peine d'un pouce, et auquel il compte dix rayons à la première dorsale, et vingt-quatre à la seconde, ainsi qu'à l'anale.^ Ces différentes indications nous ayant paru peu satisfaisantes, nous avons cherché à nous procurer de ces petits poissons. M. Savigny et M. Bonnelli nous ont fait avoir le nonnat et le poutina de Nice, et M. Banon nous a envoyé des nonnats de Toulon ; mais nous n'y avons pas trouvé les mêmes nombres de rayons que M. Risso : nous avons compté dans le uomiat quatorze rayons à l'anale, et les autres nombres comme dans notre athérine 1. Loc. cit., p. 58. 2. Je ne parle point ici de Vatherina aphia de M. Rafinesque, qui, u'ajant qu'une dorsale, est, sans contredit, d'un autre genre. ATHÉRINES. 459 joél, et dans le poutina, comme dans notre sauclet. Il nous serait donc bien difficile de ne pas croire que ce sont des jeunes individus de ces espèces. Nous n'avons rien observé dans nos mers d'Europe qui ressemblât à \atlierina nunnata de M. Rafinesque, et Yatherina niœnidia des Étas-Unis, dont nous parlerons plus bas, est la seule espèce où l'on observe un nombre aussi considérable de rayons à l'anale. Au surplus , il y a des nonnats de plusieurs autres poissons, et feu Delalande nous en a apporté de Marseille qui se composent de pe- tits gobies. Nous ne sommes pas éloignés de croire que Yatherina niarmorata de M. Risso, qui aurait huit rayons aux ventrales, est un nonnat de gobie et non pas d'athérine. iv'ATHÉRINE PRÊTRE, PrÈTRE, AbuSSEAU, ^'«/- ^airement Roseret omRoséré, de nos côtes de V Océan. (Atherina presbyter, nob.) L'athérine de nos côtes de l'Océan ne res- semble entièrement à aucune de celles de la Méditerranée; moins alongée que le sauclet, plus grande et plus grosse que le moclion, elle a le museau moins raccourci que le joél, 410 LIVRE DOUZIÈME. l'œil moins gros, la bouche moins approchant de la verticale. Sa hauteur est cinq fois et un quart dans sa lon- gueur, et la dislance du bout du museau à l'angle de l'opercule y est comprise cinq fois. Le diamètre de son œil fait plus du tiers de la longueur de sa tête. Son museau est un peu plus court qu'au sauclet et moins qu'au joel. La fente de sa bouche est obli- que, à peu près comme dans le sauclet, et ses dents ressemblent aussi à celles de cette espèce. J'en ai vu cependant plus distinctement à son vomer, toutefois cela varie selon les individus. Son anale a quinze et jusqu'à seize rayons mous. Sa deuxième dorsale en a douze. On ne compte que huit épines à la première. D. 8 —1/12; A. 1/15 ou 16; C. 17; P. 15; V. 1/5. Ses couleurs sont plus claires. Le fond de celle du dos est jaunâtre ou mieux verdâtre; les petits points noirâtres des écailles du dos sont moins ser- rés. Il n'y en a que de très-petits et en petit nom- bre sur l'opercule. On en voit quelques-uns irrégu- lièrement épars sur les flancs et le ventre. Ses viscères ressemblent à ceux du sauclet. Le foie est un peu plus grand , l'estomac un peu plus petit. L'éclat argenté de la surface externe du péritoine est encore plus vif; la vessie natatoire est plus petite. Son squelette a cinquante vertèbres. De la vingt- cinquième à la trentième , les apophyses transverses se dilatent et s'unissent pour former un cornet plus solide que ceux des espèces précédentes, dans lequel s'enfonce la pointe de la vessie natatoire. ATHÉRINES. 441 Il existe de bonnes ligures de ce poisson dans Duhamel (Pèches, 2.^ part. ^sect. 6,pl. 4? fig. 2 et 7 ) , sous les noms de prêtre d'Aunis et de roseret de Caen , et ces figures sont d'autant plus commodes à consulter, que, se trouvant à côté de celle du sauclet, qui est aussi très-bonne et à peu près de même grandeur, on peut de suite en faire la com- paraison. Duhamel a représente sur la même planche des individus plus grands, sous les noms de prêtre de Brest , fig. 1 ; de o^ras dos de Saint- Mâlo , fig. 3; de ^ras dos de la Manche, fig. !\, La dernière de ces figures est la meilleure. Nous avons la preuve que cette espèce vit également dans la Manche, dans le golfe de Gascogne et autour de la pointe de la Bretagne. M. d'Orbigny nous Ta envoyée de La Bo- chelle. Ses individus n'ont que quatre pouces à quatre pouces et demi. On la nomme sur cette côte prêtre et ahusseau, et on l'y es- time beaucoup. Elle y paraît au mois de Mai, et s'éloigne en Octobre. L'époque de son frai est depuis le mois de Mars jusqu'au mois d'Août : il s'en prend jusqu'à une lieue de la côte, et à quatre brasses environ de profon- deur sur toute espèce de fond. Ses alimens consistent en petits crustacés, en vers, etc. 442 LIVRE DOUZIÈME. Il nous en est venu de Brest, au milieu de Novembre, de très-beaux échantillons, longs de six pouces et plus. On les y nomme aussi prêtres. Ils étaient assez frais pour que nous en ayons mangé. Leur chair est ferme et agréable. Tout récemment Mad.^ I)ucrest de Ville- neuve vient de nous en adresser de Lorient, où Ton en prend en grande quantité pour la table. Elle trouve cependant que la chair est moins agréable que celle de l'éperlan, obser- vation qui s'accorde avec celle faite par un des correspondans de Duhamel à Dieppe, oii cette athérine est peu estimée. Sa vie est si frêle, que ce petit poisson meurt aussitôt qu'on le tire de l'eau. Il en monte dans la Rance et dans les autres rivières du nord de la Bretagne une prodi- gieuse quantité au mois de Février, de Mars et d'Avril, ce qui, dit Duhamel, fait une manne pour le pays pendant le carême. A Brest on en pèche beaucoup autour des vaisseaux, et ils servent à amorcer les saines. Nous en avons sous les yeux un individu recueilli par Adanson à Granville , oii on le nommait, selon lui, éperlan. Ce nom, qui lui est donné en plusieurs autres lieux, fait allusion à la délicatesse de sa chair. ATHÉRINES. 445 Il y a grande apparence que c'est la même espèce qui se montre en abondance au prin- temps sur les côtes de Galice, et que Cornide assure s'y nommer pion et pialla; mais cet auteur, comme tant d'autres, s'est borné à copier le caractère donné par Linné et pris du sauclet ^ : pinnœ ani radiis fere XII. C'est aussi le petit poisson décrit par Os- beck sur les côtes d'Espagne , et qu'il ne put nommer, mais qu'il compare à l'éperlan : les seize rayons comptés à l'anale, suffisent pour le prouver.^ C'est probablement encore cette espèce que Pennant dit être si commune au prin- temps dans la baie de Southampton, et qu'on y appelle aussi épeiian (en anglais smelt)? Briinnich dit avoir vu en abondance à l'ile de Slieppy une athérine qu'il croit la même que le sauclet de Marseille "^ 5 mais comme il ne décrit ni l'une ni l'autre, on peut soup- çonner cju'il ne les avait pas mieux comparés que les autres naturalistes, et que l'athérine de Sheppy était toujours notre roséré. Gronovius dit qu'il y a des athérines dans la mer d'Allemagne ; mais si son individu 1. Cornide, Ensajo de los peces , etc., p. 89. — 2. Osbeck, Nov. ad. nat. curios., t. IV, p. io3, n." 22. — 3. Brii. Zooh, t. III, p. 287, n." 157. _ 4. Ichihyol. Massil, p. 80 et 81. A4 A LIVRE DOUZIÈME. n'était pas mutilé, ce ne pouvait être notre espèce actuelle , car il ne lui compte que dix rayons à l'anale.* Il ne paraît pas qu'il se porte plus loin au nord. Millier ne cite point d'athérine parmi les poissons de Danemarck , ni Linné ou Retzius parmi ceux de Suède. Aucun auteur n'en place dans la Baltique. DES ATHERINES ETRANGERES. Linné et Blocli, qui réduisaient toutes les athérines de l'Europe à une seule espèce, n'en ont connu qu'une étrangère, ïatherina mœ- nidia de l'Amérique septentrionale; mais il en existe un beaucoup plus grand nombre et dans les deux Océans. Déjà Forster en avait ajouté une, et il s'en trouvait deux dans les papiers laissés par Com- merson. Nous en possédons aujourd'hui plus d'une douzaine. Les unes^e rapprochent par leur museau un peu pointu de notre sauclet ou de notre roséré; les autres, par leur tête large et leur museau court, représentent plu- tôt notre jpél, excèdent même ce qu'il a de 1. Mus. ichthyol. , p- 33. ATHÉRINES. 445 particulier dans ses proportions. Il y en a qui forment un troisième type, où la première dorsale est plus reculée, et, enfin, un qua- trième, dont la forme est plus alongée et la bouche plus horizontale. Le RosÉRÉ DE LA Ga.roline. {Atherina Cavolina, nob.) Les eaux de la Caroline produisent une athérine de la première subdivision, et même tellement semblable à celle de nos cotes de rOcëan, que l'on pourrait d'abord hésiter à l'en distinguer : Ses nombres de rayons sont les mêmes, sa forme aussi. Je ne pourrais la différencier que par une tête un peu plus petite et le corps un peu plus grêle ^ car la hauteur est comprise six fois et trois quarts dans la longueur totale, D. 8 — 1/12 ou 13; A. 1/15 ou 16; C. 17; P. 16; V. 1/5. Nos individus rapportés par M. Bosc n'ont que quatre pouces. Le RosÉRÉ A PETITE TÈTE. {Atherina breviceps, nob.) FeuDelalande a aussi rapporté du Cap une athérine qui a les mêmes nombres de rayons mous que celle de nos côtes de l'Océan, et AAG LIVRE DOUZIÈME. qui lui ressemble par les formes, mais qui se rapproclie davantage de celle de la Caroline; sa tête est encore plus petite que dans cette der- nière; elle est comprise six fois et demie dans sa longueur : celle de \alherina caroUna n'y est que cinq fois et demie, et celle de l'espèce de nos côtes n'y est que cinq fois. Le corps est beaucoup plus grêle : sa hauteur est comprise sept fois et un peu plus dans sa longueur totale. En outre, cette espèce du Cap n'a que sept rayons à sa première dorsale. D. 7 — 1/13; A. 1/16; C. 17; P. 15; V. 1/5. Nos individus sont longs de quatre pouces et demi. Le ROSÉRÉ A PETITE DORSALE. {Atherina parvipinnis , nob.) Les mêmes côtes du Cap ont procuré à M. Reynauld un autre rosëré, aussi voisin de celui de nos côtes que les deux espèces précédentes; mais celle-ci a le corps plus large et plus court, car la hauteur n'est pas cinq fois dans la longueur totale : elle a un rayon de moins à la première dor- sale, et cette nageoire est sensiblement plus basse et plus étroite. Sa seconde dorsale a quinze rayons mous. D. 6—1/15; A. 1/18; C. 17; P. 15; V. 1/5. La bande argentée est très-brillante. Il y a sur le ATHÉRINES. 447 dos quelques petits points noirâtres, bien moins abondans qu'à notre prêtre de Bretagne; la longueur varie de trois pouces et demi à quatre trois quarts. La seconde subdivision, celle des espèces analogues à notre joél par leur tête large, leurs gros yeux, leur dorsale plus petite et placée sur l'arrière des ventrales, comprend plusieurs espèces, vues par différens voya- geurs, mais encore mal déterminées dans leurs écrits. Z^'Athérine pectorale. {Alherina pectoralis , nob.) Nous commencerons par l'espèce qui nous paraît être la plus commune, à en juger par le nombre des individus que nous en avons réunis de différens lieux, principalement de risle-de-France. Commerson nous en a laissé un dessin re- connaissable , fort mal gravé dans Lacépède^ qui l'a nommée athérine gras beau {athe- rina pinguis), ce qui pourrait faire croire quelle a quelque chose de plus gras que les autres, ou même qu'elle est grasse en géné- ral; mais il n'en est pas ainsi. Les athérines se nomment en plusieurs endroits de Nor- 1. Vol. V, pi. ii>%. 1. 448 LIVRE DOUZIÈME. mandie crasdos, ou ^ras dos, on gras d'eau, et c'est ce nom, dont l'étymologie nous est inconnue , que nos colons ont transporté aux îles de France et de Bourbon, pour désigner les espèces du même genre. Cette première confusion ne nous aurait pas déterminés à changer le nom spécifique donné par Lacépède , s'il n'en eût pas commis une seconde , que nous avons eu quelque peine à débrouiller avec les matériaux même de Gom- merson. Celui-ci a laissé deux descriptions incomplètes de deux athérines : l'une , qu'il nommait atherina hepsetus, quoique ce ne soit pas celle de Linné, et l'autre, atherina pelluciday ou gras d'eau. Il a laissé une figure de la première, que M. de Lacépède a fait graver [loco cit.), mais en lui appliquant la description de la seconde. Les matériaux, comme nous l'avons dit, sont incomplets, aussi nous n'en parlons ici que pour avertir les naturalistes du peu de confiance qu'ils doivent leur accorder. Le dessin n'a pas aussi le mérite et l'exactitude que l'on est habitué à trouver aux figures de Commerson; mais les taches de la pectorale et le faciès ne laissent aucun doute qu'il n'ait fait dessiner un individu de l'espèce que nous allons décrire. ATHÉRINES. AA9 Cette athérlne ressemble en général à notre joèl: mais elle a le museau plus large j l'espace entre les yeux plus grand et creusé de deux sillons assez pro- fonds et rapprochés; la pectorale un peu plus longue, car elle n'est que du cinquième de la longueur to- tale, celle du joël en fait le sixième; et la première dorsale, beaucoup moins haute; elle a en outre un rayon de moins. D. 6 — 1/9; A. 1/13. La hauteur du corps est comprise cinq fois et un tiers dans la longueur totale : l'épaisseur fait un peu plus de moitié de la hauteur. Les nombreux individus observés par nous, ont tous une tache noirâtre très-visible et caractéristique vers l'extrémité de la pectorale, et une autre plus pâle à la base. Ces deux taches sont séparées par une bande transparente, La caudale a encore quelques mouchetures noirâtres. On observe aussi une teinte rembrunie sur le bout du museau. Les écailles du dos ont le bord tacheté de petits points blancs, qui paraissent avoir été bleuâtres. La bande argentée est large et brillante. Nous avons des individus longs de cinq pouces. Le poisson dessiné par Jossigny était de même taille. Les taches de la pectorale sont indiquées avec une telle exactitude qu'il est impossible de méconnaître ce poisson en exa- minant le dessin original j mais elles ont été si exagérées dans la copie publiée par M. de Lacépède, qu'elles ont tout- à- fait changé 10. 29 * 450 LIVRE DOUZIÈME. l'expression de l'animal; les sillons du vertcx ont aussi été négligés sur cette copie. Nous de- vons faire remarquer que sur la figure originale la dorsale est trop haute, et surtout que le nombre des rayons de l'anale est porté à dix- huit ou vingt; il nous paraît même que les deux ou trois derniers ont été ajoutés après coup. Cette remarque peut expliquer la différence qui existe dans le nombre de rayons que nous trouvons sur plus de vingt individus avec ceux indiqués par Commerson, qui aura peut-être terminé sa description sur le dessin. Malgré cette légère différence, ce que Commerson dit de ce vertex capitis non adeo planuni est , foveolis ut superficiaris impressis ut in- scriptuni sit, et plus bas, apices pinnarum pectovalium ohfuscescentes ■, in disco lûtes- centeSj, s'accorde parfaitement et avec son dessin et avec la nature. L'espèce vit en troupes le long des côtes de risle-de-France, ori Commerson l'observa au mois de Janvier 1770. Suivant M. Dussumier, qui nous l'a rapporté des 5 échelles où on les nomme prêtres, le dessus est verdàtre très -clair jusqu'à la ligne latérale; au-dessous est une ligne blanche qui sépare le vert du dos de la bande argentée des flancs; le ventre et les cotés de la tête sont blancs, légèrement ATHÉRINES. 4SI arséniés; sous le menton est une tache verte à reflets métalliques. L'espèce est abondante près du rivage de Mahë et on l'y mange. Le même observateur l'a retrouvée à Bom- bay, et nous l'avons aussi de la mer Rouge, où elle habite jusqu'au fond de la baie. M. Ehrenbergl'a prise à Massuah, et M. GeofFroy Saint-Hilaire à Suez. Nous pensons que c'est l'espèce que Fors- kaP a donnée comme Xhepsetus de Linné. Les nombres indiqués par ce savant natura- liste, sauf celui des branchies, qui est sans doute erronnë , se rapporte assez bien aux nôtres. D. 6 — 1/10; A. 1/13; C. 17; P. 16; V. 1/5. " Il ne différait donc que par un rayon mou de plus à la seconde dorsale ; le reste est bien conforme , surtout en ce qu'il dit des dents : maxillœ denticulis minutissimisypluriniarurn * serieruTUf in basi linguce carina média elata denticulis scahra; et il ajoute : verteoc sine angidisj sedlatusfronte déclin, etc. Les Ara- bes de Djidda nomment ce poisson ahu gesch- gusch, abu kesckuly vel kesclikusch. 1. Fauna arah., p. 69. /|52 LIVRE DOUZIÈME. Nous rappellerons ici en passant que la deuxième athérine de Forskal, son atheriua sihamay est d'un tout autre genre que celui dont nous parlons, c'est notre silla^o acuta. Si MM. Quoy et Gaimard ne se sont point trompés dans les indications qu'ils nous ont données, cette espèce se retrouverait encore sur les côtes de la Nouvelle-Hollande, à la terre d'Entraclit, où ils l'auraient prise pendant la campagne qu'ils ont faite sous les ordres de M. le capitaine Freycinet. Commerson a laissé une seconde descrip- tion, incomplète et indéterminable, d'une es- pèce dont il n'exprime que des caractères génériques. Les nombres qu'il indique sont : D. 6 — lOj A. 20; G. 17; P. 14; V. 1/5. ' Son corps est pellucide, plus obscur vers le dos , plus pâle vers le ventre; sa bande latérale est d'une belle couleur de vif-argent. Ses nageoires supérieures ' sont brunes, et les inférieures blanchâtres. L'inté- rieur même de sa bouche est d'un blanc transpa- rent; ses yeux sont médiocres, son péritoine tout noir. Commerson dit que ses côtes derrière l'anus s'unissent par paires et en cercles. Elles sont larges et fortes, et donnent chacune, en arrière, une épine de leur partie inférieure, ce qui revient à ce que nous avons observé dans les squelettes de plusieurs de nos espèces. ATHÉRINES. 455 C'est un poisson d'un goût exquis, que les marins reclierclient beaucoup. Voilà un extrait fidèle de ce qu'il y a de caractéristique dans la note très-incomplète laissée par Gonimerson. M. de Lacëpède' ajoute que les pectorales sont ornées d'une bande transversale, large, transparente et argente'e; mais c'est dans la figure qu'il a cru voir cette circonstance. Il traduit ces termes de Commerson : os pellucido album (bouche d'un blanc transparent), par ceux-ci : la bouche est d'un blanc éclatant et diaphane. Ce mot éclatant est, comme on voit, déjà de trop; mais Shaw ne s'en est pas contenté, et il tra- duit la phrase de M. de Lacépède par celle-ci : Inside ofthe niouth, ofa bri^ht siher colour^y en sorte que, pour avoir passé par deux au- teurs seulement, voilà une transparence telle c|ue l'ont toutes les athérines, changée en une couleur brillante d'argent ^ qui serait néces- sairement opaque. Z/'Athérine cylindrique. {Atherina cjlindrica y nob.) Une seconde athérine de l'Inde, voisine de notre joèl, s'en distingue 1. Lacépède, t. V, p. SyG et 377. 2. Shaw, Gêner. ZooL , t. V, i."part., p. i33. 454 LIVRE DOUZIÈME. par son corps cylindrique et par une épine de moins à la dorsale. Le dessus de la tête est un peu moins large, et son vertex est plane sans aucun sillon. La pectorale est aussi plus courte qu'à notre alherina Commersoni^ car elle n'est que du sixième de la longueur du corps. D. 6— 1/95 A. 1/13. Le dessus du dos brille d'un beau bleu d'acier poli et argenté : une bande rougeâtre sépare cette teinte de la raie argentée des flancs. Le ventre est rougeâtre. L'individu a près de trois pouces. Cette espèce a été prise à Waigiou par MM. Quoy et Gaimard, pendant leur premier voyage sur la corvette \ Uranie., et à Amboine , pendant leur relâche avec XAstrolahe. Elle a été confondue par eux, dans la relation de Y Uranie i avec l'athérine suivante, sous le nom dUatherina FTaigiensis. ^ jL'Athérine de Forster. {^Atherina lacunosa, Forst.) Une troisième espèce à tête large et sillon- née, se distingue de notre atherina pectoralis, parce qu'elle n'a que cinq rayons à la dorsale, que sa pectorale est plus courte et n'offre jamais de 1. Vojage de Freycincl, Zool., p. 355. ATHÉRINES. 455 taches : elle a le corps un peu plus alongé que noire joêl. Ses écailles sont un peu plus larges, car on ne lui en compte que sept rangées longitudinales , et le Joël en a neuf. Son profil est un peu plus arqué; son œil plus grand , son crâne plus large, et remar- quable par une espèce d'écusson triangulaire un peu saillant, qui en occupe le milieu et dirige sa pointe en avant entre les deux orbites. La distance de l'œil au bout du museau n'est guère que moitié du dia- mètre de l'œil. La largeur du crâne entre les yeux ne fait que moitié de sa longueur. Ses dents sont en velours, sur des bandes étroites, mais très- visibles , aux mâchoires, au-devant du vomer et le long des palatins. D. 5—1/95 A. 1/14; C. Il; P. 15; V. 1/5. Nos individus n'ont guère plus de trois pouces et demi; leur bande argentée est large et occupe près du tiers de leur hauteur. Nous l'avons reconnue dans la figure de Yatherina lacunosa de Forster, qui est à la bibliothèque de Banks. La description s'en trouve dans le Bloch de Schneider, p. 112, et ne contient rien qui ne confirme ce que la figure annonce : les mots capiit supra pla- niusculuni, nuduni^ lacunosum, lacunis in- TER OCULOS DUABUS, SULCIS CIRCITER SEX IN DORSo , paraissent même se rapporter parti- culièrement aux inégalité^ du crâne de cette espèce. Les nombres de Forster ( B. 6 ; 45() LIVRE DOUZIÈME. D.5— 9;A.15;C.18;P. 17;y.VS)levien- nent aussi assez exactement aux nôtres. Il avait trouve ce poisson aux embouchures des petits ruisseaux de la Nouvelle-Calédonie. Les indigènes le nommaient m bai. Nous en possédons un individu qui vient de ce même endroit, et dont tous les carac- tères justifient notre rapprochement. Cette espèce nous a été envoyée d'abord de Sumatra par MM. Duvaucel et Diard. Elle est aussi venue de Waygiou par l'expédition de Freycinet, et MM. Quoy et Gaimard en ont parlé sous le nom d'athei^ina wofgiensis ^, mais en la confondant avec la précédente. Les mêmes naturalistes ont retrouvé cette espèce à Amboine et à Vanikoro, pendant leur second voyage. Z^'Athérine d'End racht. {Atherina endrachtensis."^) Une quatrième athérine de cette subdivi- sion vient de la terre d'Endracht, et en général de la côte sud-ouest de la Nouvelle-Hollande, d'où elle a été apportée par Pérou et par MM. Quoy et Gaimard. 1. Voyage de Frejcinet, Zool., p. 555. 2. Qiioj et Gaimard, Vojagc de Frej'cinct , Zoologie, ). 334 • ATHÉRINES. 457 Elle a, comme la précédente, les caractères qui la rapprochent de notre joèl; mais son crâne est beaucoup plus large. Il mesure entre les yeux les deux tiers de sa longueur. On y voit aussi le triangle dont nous avons parlé dans l'espèce précédente, mais prolongé un peu plus en avant. La longueur du museau ne fait pas moitié du diamètre de l'œil. La hauteur proportionnelle de son corps est un peu plus considérable que dans l'espèce de Forster. Ses écailles, dont elle a sept rangées, sont donc aussi un peu plus larges, mais sa bande argentée est plus étroite. Elle est de toutes les espèces celle qui a la pectorale la plus longue et la plus pointue: elle fait un peu moins du quart de la longueur to- tale. Sa première dorsale n'a que cinq rayons, et les nombres de l'anale sont assez différens pour de- venir également caractéristiques. D. 5 — 1/85 A. 1/10; C. 17; P. 14; V. 1/5. Pendant l'expédition sous les ordres de M. d'Urville, cette espèce a été retrouvée sur les côtes de la Nouvelle-Guinée. Ces individus, plus frais que les précédens, mon- trent des différences sensibles de couleur : un trait noirâtre est formé par une série de petits points sur le milieu de la bande argentée des flancs , et il y a au-dessus de cette bande deux autres traits sembla- bles, aussi marqués, et un quatrième, plus effacé, près du ventre. Sa grandeur est la même, de trois pouces et demi à quatre pouces. Son squelette n'a que trente-six ver- 458 LIVRE DOUZIÈME. lèbres. C'est à la dix -huitième que commence le cornet; mais il ne règne que sous trois vertèbres, et les apophyses qui le forment ne sont point di- latées. Z/'Athérine a douze rayons. Ç4therina duoclecimalis 3 Tiohy Une cinquième espèce, voisine des joèls, a été rapportée de Ceilan au Muséum d'his- toire naturelle par M. Reynault. • Elle a, comme la précédente, cinq rayons à la dorsale, les pectorales longues et pointues, le ver- tex peu sillonné, et douze rayons à l'anale. D. 5 — 1/9 î A. 1/12, etc. La couleur a dû être uniformément verdâtre sur le dos, argentée sous le ventre, sans lignes noirâtres le long des flancs. L'individu n'a qu!fe trois pouces de longueur. Dans les deux premières subdivisions des athcrines, la bouche descend obliquement jusque sous l'œil, et la première dorsale, quoi- que plus ou moins reculée , demeure toujours vis-à-vis d'une partie des ventrales. Deux autres subdivisions diflèrent de celles- là : l'une, par la position de la première dor- sale, située au-dessus de l'anale; l'autre joint ATHÉRINES. 459 à ce caractère, tiré de cette position reculée de la nageoire, une direction difFërentc de la bouche. Z/'Athérine de la Martinique. {Atherina martinica, nob.) La Martinique a une athérine du premier de ces deux types, qui se retrouve probable- ment aussi dans les autres Antilles, et qui, pour la forme générale et pour la grandeur, ressemble, à s'y méprendre, à notre sauclet de la Méditerranée. Mais en l'y comparant, on trouve que sa première dorsale est beaucoup plus en arrière, et répond, non pas aux ventrales, mais au commencement de l'anale; que ses écailles sont plus grandes et ont le bord crénelé, et qu'il y a dix-huit ou dix-neuf rayons mous à son anale. Sa première dorsale n'a que six rayons, la seconde n'en a que sept mous, D. 6 — 1/ï; A. 1/18 ou 19; C. 11; P. 15; V. 1/5. Nos individus, longs de quatre pouces, ont été envoyés par M. Plée. Z'Athérine de Spix. {Atherina tœniata, Agassis.) La petite athérine, que nous trouvons figu- rée dans Spix par M. Agassis d'après un indi- vidu conservé dans le Musée de Munich, 4G0 LIVRE DOUZIÈME. parait devoir prendre place , près de cette espèce. En effet, la bouche est fendue jusque sous l'œil ; sa première dorsale est très-petite^ les nombres de la seconde dorsale et de l'anale sont assez différens. Voici comme M. Agassis les a comptés. D. 5 — 12; A. 15;C. iTjP. 15; V. 1/5. L'individu, long de quatre pouces et quel- que chose, est brun sur le dos, et argenté sur le ventre ; la raie des côtés est large et brillante, mais pas plus que dans les autres espèces, de sorte qu'il n'y a rien dans celle- ci qui justifie particulièrement l'épithète de tœniata, sous laquelle le professeur de Neu- châtel l'a fait connaître aux zoologistes. Notre quatrième et dernier type des athé- rines se reconnaît tout de suite à une phy- sionomie particulière , produite par la peti- tesse de l'œil et par une bouche dont la fente ne pénètre pas jusqu'à la moitié de la longueur du museau : cette fente est d'abord horizontale, et se recourbe ensuite un peu vers le bas. Les deux mâchoires sont également saillantes, ce qui est produit par un élargis- sement de la partie supérieure du maxillaire , qui écarte l'intermaxillaire du front et le porte en avant. ATHÉRÏNES. 4GI Nous en connaissons cinq espèces améri- caines, et une de la Nouvelle-Hollande. Z'Athérine du port Jackson. {^Atherina jacksoniana. ' ) L'espèce de la Nouvelle-Hollande ressemble singulièrement à celle des États-Unis. La forme de sa tête, de sa bouche, la proportion de son œil, sont les mêmes; mais elle est encore plus grêle, et sa hauteur est comprise près de neuf fois dans sa longueur; elle n'a que dix-huit rayons mous à son anale. Ses ventrales sont plus en arrière rela- tivement à ses pectorales, et sa première dorsale plus en avant, relativement à son anale; car elle répond à l'intervalle qui est entre cette nageoire et les ventrales. D. 8 — 1/11; A. 1/18; C. 17; P. 15; V. 1/5. Nos plus grands individus n'ont que quatre pouces et demi. Leur bande latérale est d'un bel argent teint de verdâtre, et liséré de vert à son bord supé- . rieur. Il y a des points noirs le long du pourtour des écailles du dos. -, Au premier coup d'ceil on croirait que c'est un ammodite. On doit cette jolie espèce à MM. Quoy et Gaimard, qui l'ont prise au port Jackson et à la terre de Van Diemen. 1. Quoy et Gainiard, Vojage de Frejcinet, Zoologie, p. 533- 402 LIVRE DOUZIÈME. Z'Athérine MÉNIDIE. {Atherlna menidiay Linn.) La première des espèces américaines est connue depuis long-temps; mais une indica- tion erronnëe de synonyme a rendu les idées que l'on s'en fait entièrement confuses , quoi- qu'il soit extrêmement facile de la distinguer par les vingt -quatre rayons que Linné lui donne à l'anale. Nous avons tout lieu de croire que ce nombre, reçu de Garden, n'est pas tout-à-fait exact, car les individus que nous tenons des Ltats-Unis ont une épine qui au- rait pu lui échapper, et le dernier rayon assez divisé pour qu'on porte le nombre à vingt-six en tout. Elle afflue au mois d'Avril dans les rivières de la Caroline, où on la nomme poisson d'argent {sili^er-^sh). Garden l'envoya à Linné, qui en inséra une description suffisamment caractéristique dans sa douzième édition*, mais qui eut, on ne sait comment, la mal- heureuse idée de la confondre avec le siher- jisli de la Jamaïque, nommé par Brown Me- nidia^, lequel est un anchois, et ne ressemble 1. Syst. nat. , 12.^ éd., 1. 1, p. Sig. — 2. Brown . Jam,, p. 44'? pi. 45, fig. 3. ATHÉRTNES. 465 aux athérines que par la bande argentée de ses flancs. C'est là l'origine du nom spécifique de menidia, donné à cette athérine de la Caroline. Au reste, on a si peu remarqué l'erreur de Linné relativement à ces poissons, que c'est encore la figure de Brown que Bonnaterre a fait copier pour représenter Yathei^ina meni- dia^y quoiquil eût été averti par Gronovius, qui met le poisson de Brown avec l'anchois, dans son genre argentina.^ Mais M. de Lacépède est venu encore aug- menter la confusion , en donnant pour le me- iiidia de Linné ^ la description d'un poisson faite d'après M. Bosc, et laquelle est d'une autre espèce, à corps plus court, et très- probablement la même que Yatherina notata de M. MitchiU. Nous avons pour garant de cette assertion le dessin même de M. Bosc, qui a servi à faire la description de Lacépède. Il est d'ailleurs assez difficile aujourd'hui 1. Planches de l'Eiicjclopédie, Tclitlivologie, pi. ^3, fig. 3o3. 2. Zoophyl. , p. 112, n.° 35o. Bonnaterre a lu avec si peu d'attention l'article cité de Gronovius^ qu'il change ce que dit le naturaliste hollandais de la ressemblance du menidia avec l'anchois, en une ressemblance qu'il aurait avec le joël; et c'est sur de pareilles confusions qu'il faut étudier l'ichthjoïogie! 3. Tome V, p. 37G. ^G4 LIVRE DOUZIÈME. de dire lequel de ces deux poissons Garden avait sous les yeux, en faisant la description qu'il envoyait à Linné. Attendu que ces deux espèces ne diffèrent que par des proportions dont il n'aura pas tenu compte. Nous con- servons à la première le nom de menidia. C'est une des plus alongées du genre. Sa hauteur est sept fois dans sa longueur. Sa tête n'y est que cinq fois et demie, et est deux fois aussi longue que haute. L'œil, placé au milieu de sa longueur, n'a que le quart de cette longueur en diamètre. La fente de la bouche ne prend que moitié de l'inter- valle entre le bout du museau et l'oeil. Ses petites dents pointues sont plus sensibles qu'aux espèces précédentes. Le dessus du crâne est légèrement con- vexe et lisse, comme dans un muge. La pectorale est contenue plus de sept fois dans la longueur totale. L'anale est deux fois et demie aussi longue que la seconde dorsale, qui est à peu près vis-à-vis dp son milieu. La raie d'argent, sans être fort large, est très -marquée, et a un liséré bleu à son bord supérieur. Les points noirs des bords des écailles sont extrêmement petits, en sorte qu'au total sa couleur est très-claire. B. 6; D. 5 — l/9j A. 1/25; C. 19; P. 15; V. 1/5. Nous avons fait l'anatomie de cette espèce. Son foie se moule sur la surface de l'estomac, comme dans nos sauclets d'Europe; mais il se prolonge davantage en pointe en arrière. L'estomac n'est aussi qu'une dilatation du canal intestinal , sans cul-de-sac ATllÉRINES. 465 €l sans cœcums. L'intestin est plus court que dans notre sauclel, et, un peu avant de se rendre à l'anus, 'il a un étranglement assez fort qui sépare le rectum du colon. Cette athérine a deux ovaires, et l'intestin est au- dessous d'eux; tandis que c'est le contraire dans les espèces où l'ovaire est unique. Sa vessie natatoire est simple, son péritoine brun en dedans et très- argenté du côté des muscles. Les reins sont dispo- sés comme ceux du sauclet. Malgré sa forme alongée, il n'y a pas dans son squelette plus de vertèbres que dans le joël. On n'y en compte que quarante-quatre. Les cinq premières de la queue forment aussi en dessous un petit cornet. L'individu du Muséum est long de cinq pouces. Il nous a été envoyé de New-lork par M. Milbert. Zy 'Athérine de Bosc. {Atherina Boscii, nob.; Atherina notata, Mitcli.) Nous devons notre seconde à M. Lecomte, dont nous avons déjà eu l'occasion de citer plusieurs fois l'obligeance. Elle a le corps moins alongé, car la plus grande hauteur, qu'il faut prendre un peu plus en arrière, n'est contenue que six fois dans la longueur. La pectorale est proportionnellement plus longue : elle n'est que le sixième de la longueur totale. La tête n'a que le cinquième de cette même mesure. L'œil lO. 3o 466 LIVRE DOUZIÈME. paraît aussi un peu plus grand. La seconde dorsale ne répond plus au milieu de l'anale, à cause du rac- courcissement du corps. D'ailleurs les nombres de rayons sont à peu près semblables. D. 5 — 1/8; A. 1/25, etc. La raie argentée fait une légère inflexion vers le ventre, qu'on ne remarque pas sur la précédente. L'individu n'a que trois pouces et demi de long. Le dessin de M. Bosc, qui est sous nos yeux, s'accorde sous tous les rapports avec ce que Ton observe sur le poisson même; et dans sa description il ne donne au corps que cinq fois sa largeur, la caudale n'y étant sans doute pas comprise ; car nous avons la preuve que M. Bosc ne tenait pas compte de la nageoire de la queue dans la mesure du tronc. Ce poisson abonde dans les eaux encore saumâtres de Charlestown. On le mange frit et il est très-recherché. Sa forme est élégante; sa couleur grise, brillante et relevée parla bande argentée des athérines, l'a fait nommer, comme le précédent, siher-jîsli. C'est, comme nous l'avons dit , le vrai atlie- rina menidia de Lacépède; mais qui a en- tassé, sans remonter aux sources, les syno- nymes embrouillés et faux de Linné et de Bonnaterre. Les proportions de notre poisson convien- ATHÉRINES. 467 lient également par tous les caractères à Ya- therina notata de Mitchill^ : les nombres y sont comptés comme les nôtres. Il lui a donné, comme dénomination triviale à New- York, le nom de small silver-side. Z'Athérine brésilienne. {Aiherina brasiliensis , nob. 2 ) Une troisième vient du Brésil, d'où elle a été apportée par M. Delalande et par les natura- listes de l'expédition Freycinet. Sa physionomie serait assez celle du menidia, mais son alongement est beaucoup moindre, elle n'est que cinq fois aussi longue que haute. Son épais- seur ne fait pas moitié de sa hauteur. Sa tête est du cinquième de la longueur totale; elle est presque aussi large que haute en arrière, et se rétrécit peu en avant. Le bord de son museau est arrondi ho- rizontalement. Sa face supérieure est plane et sans sillon. L'œil a près du quart de sa longueur en diamètre. Ses mâchoires, très-protractiles, sont garnies d'une bande de dents en fm velours, au- devant de laquelle en est une rangée de plus fortes, coniques et pointues. On n'en voit point dans l'in- térieur de la bouche; le maxillaire s'élargit et s'ar- rondit à son extrémité inférieure. La première dor- î. Mltchlll, Trans. of New-York, t. I, p. 446, pi. 4, %• 6. 2. Quoy et Gaimard, Vojage de Frejcinet, Zoologie, p. 332. ^08 LIVRE DOUZIÈME. sale est très-petite et placée au-dessus de la naissance de l'anale, la seconde sous la partie postérieure. Les ventrales sont sous la pointe des pectorales et fort en avant de la première dorsale. Les écailles sont grandes et entières. Il y en a huit rangées longitu- dinales; elles sont plus larges que longues, et ont, à leur racine, une petite crénelure ronde, avec trois ou quatre rayons, au lieu de la petite pointe qu'on voit dans la plupart des autres espèces. La ligne latérale se marque distinctement par une suite de traits le long du bord inférieur de la bande argentée. B. 6; D. 4—1/7 ; A. 1/19 ; C. 11 ; P. 14 ; V. 1/5. Ce poisson est d'un brun verdâtre, plus foncé vers le dos. Ses opercules et sa bande latérale sont d'une belle couleur d'argent, A la loupe, on dis- lingue des points verts très-fins , semés partout. Nous en avons des individus de cinq et de six pouces. On le pèche dans la baie de Rio-Janëiro. C'est à n'en pas douter la même espèce qui est représentée dans l'ouvrage de Spix, pi. 47? %• 1 5 6t que M. Agassis a décrite sous le nom assez peu caractéristique datherîna inacroplithahna y car la grandeur de l'œil ne surpasse pas celle de cet organe dans les au- tres espèces, il est même plus petit que celui de nos différens joéls. L'auteur donne au poisson une couleur olivâtre sur le dos, ar- gentée sous le ventre : l'argenté de la bande latérale a une teinte jaunâtre. ATHÉRLNES. 4(>î) L'Athérit^e de Buénos-Ayres. {Âlherina bonarieiisis :, nob.) Une plus grande athërine vient de Buenos- Ayres, d'où elle a été adressée à M. Bâillon, qui s'est empressé d'en faire hommage au Mu- séum. Sa taille est de dix pouces. Elle représente à peu près le nienidia en grand ; mais son profil est plus rectiligne, et son œil encore plus petit. Sa hauteur est six fois et demie dans sa longueur; sa tête n'y entre que quatre fois et demie. Cette tête est deux fois aussi longue que haute, et son épaisseur est des trois quarts de sa hauteur. L'épaisseur du corps n'est que moitié de sa liauteur. L'œil n'a guère en diamètre que le sixième de la longueur de la tête, et il est un peu au-dessous de la ligne du profil. La partie supérieure et avancée du maxillaire se prononce encore plus que dans les précédentes, en sorte que le nmseau est plus pointu. Il n'y a aux mâchoires que de très-petites dents en velours, et on n'en voit aucune au palais ni à la langue. La première dorsale est vis-à-vis de l'anus même, et un peu en avant du commencement de l'anale; mais la seconde est aussi sur la dernière moitié de celte nageoiie. La caudale est fourchue, comme dans tout le eenrc. Les ventrales naissent sous la pointe des pectorales. Il y a douze rangées longi- tudinales d'écaillés, qui difïèrent de celles des autres espèces, parce que, presque aussi longues que larges, elles ont le bord radical coupé carrément, avec 470 LIVRE DOUZIÈME. un éventail de six ou sept stries. Il n'y a pas d'écaillé particulière ni sur les ventrales ni entre elles. B. 6; D. 5 — 1/9? 10 ou 11 (suivant les individus); A. 1/16 à 18 (selon les individus); P. 15; V. 1/5. Cette atherina bonariensis a des viscères à peu près de même forme que ceux de l'athérine ménidie. Néanmoins son foie est plus petit, son estomac très-alongé, son rectum très -gros. Ses ovaires sont doubles. Cette espèce se nourrit de coquillages, et tous ceux que nous avons trouvés dans son estomac appartiennent à des genres d'eau douce. Nous y avons reconnu une petite paludinej une physe bien remarquable par sa spire si obtuse, qu'elle lui donne quelque ressemblance avec une buUée; une espèce nouvelle de cyrène de la taille de notre cyclas cornea, et qui se distingue par les jolis rayons bruns dont elle est peinte; et, enfin, une petite coquille à côtes élevées longitudinales et rayonnées sur le côté anté- rieur, et transversales sur le postérieur, et qui est une espèce nouvelle du genre pisidium. Nous signa- lons ces coquilles aux voyageurs qui auront occasion de visiter la rivière de la Plata. * Le squelette de ce poisson a cinquante vertèbres. L'anale commence sous la vingt-cinquième; mais la cavité abdominale se continue au-delà, et les apo- physes transverses de la vingt -huitième à la trente- sixième s'élargissent et s'unissent à leurs semblables pour former des anneau3j contigus, qui vont en dimi- nuant, et qui composent ainsi une espèce d'enton- noir ou de cornet, dans lequel s'enfonce la vessie natatoire. C'est la structure dont nous avons déjà ATIIÉRINES. 471 observé un commencement dans les athérines de France , et dans plusieurs autres. Il faut aussi remarquer , dans l'espèce actuelle, que ses six ou sept premières vertèbres ont leurs apo- physes épineuses assez dilatées d'avant en arrière, pour se toucher et s'unir en une crête longitudinale. Les côtes sont un peu élargies : les premières ont des appendices grêles; les dernières sont elles-mêmes grêles et courtes. Il y en a vingt-sept paires. M. d'Orbigny en a rapporté aussi plusieurs individus de même taille pris dans le Rio de la Plata , auprès de Montevideo. jL'Aïhérine de Lesson. {Athej^ina Lessonij nob.) M. Lesson, naturaliste de l'expédition Du- perrey, a dessiné à Sainte-Catherine du Bré- sil une athéiine encore plus grande que la précédente, et qui doit avoir beaucoup de rapport avec elle, mais que ce zélé voyageur n'a malheureusement pas pu rapporter. Le dessin la représente plus courte à proportion, et lui donne une tête plus renflée de la partie de la gorge qu'à celle de Buenos- Ayres. Sa pectorale semble aller aussi loin que ses ventrales,et sa Dremière dor- sale répondre à l'intervalle des ventrales et de l'anale; mais son œil est petit, comme dans l'espèce précé- dente. Sa bouche paraît un peu différer, et ses nom- bres sont à peu près les mêmes. D. 5—9; A. 18, etc. ^72 LIVRE DOUZIÈME. Le dos de ce poisson Lenail de l'azuré et du vert d'eau. Le bord inférieur de sa bande argentée était vert, et passait par degrés au blanc du ventre. Sa taille était de vingt et un pouces. 11 devra fixer l'attention des naturalistes qui retourneront dans les parages où on l'a- vait pris. Zv'Athérine argentine. {Alherina argentinensis , nob.) M. d'Orbigny nous a envoyé de Monte- video une athërine différente des deux pré- cédentes, se rapprochant toutefois davantage de celle du Brésil, mais plus alongée et cou- verte d'écaillés moins larges. Sa hauteur est six fois dans sa longueur, et celle de sa tête cinq fois et demie. Son épaisseur est deux fois et demie dans sa hauteur. Sa tête est une fois et demie aussi haute que large. Ses dents sont en ve- lours, avec une rangée de plus fortes à l'extérieur. Elle a dix rangées longitudinales d'écaillés, toutes nonqué^s en arrière, avec une seule petite créne- lure au milieu , et deux- ou trois rayons. Sa ligne la- térale, très-difficile à voir, semble suivre le milieu de sa bande argentée. Sa première dorsale est vis-à-vis de l'anus , et la seconde sur la partie postérieure de l'anale. D. 5 — 1/8 ou 9; A. 1/18 ou 19. Elle parait brun- verdàtre, très -finement poin- ilUée de noirâtre. Sa bande latérale est élroiLC. Il y a un peu de noirâtre au bord postérieur de sa caudale. ATHÉRINES. 475 Nos individus sont longs de six pouces. M. d'Orbigny nous la fait connaître sous le nom de pescadilla del rej. Elle apparaît au printemps à l'embouchure de la Plata, y reste pendant tout leté, mais disparaît à l'approche de la saison froide. C'est un mets fort estimé des habitans de Montevideo. On la prend facile- ment à l'hameçon, à cause de sa grande voracité. Z'Athérine a larges bandes. {Atherina laiiclavia, nob.) Le même voyageur a trouvé une nouvelle es- pèce de cette subdivision sur les côtes du Chili. Elle a la tête un peu plus courte, égale à la hau- teur et comprise six fois dans la longueur totale. La largeur de la bande argentée est plus considérable que dans aucune autre espèce. Les écailles sont plus petites que celles qui recouvrent le corps de \athe- rina argeniinensis : la première est sur le milieu de la longueur du corps. D. 5— 1/95 A. 1/16, etc. Dans la liqueur elle paraît roussâtre sur le dos, et prise sous un filet serré noirâtre, dont les mailles sont dessinées par les traits qui bordent chaque petite écaille. Les nageoires sont transparentes. Nos individus sont longs de six pouces. Ils viennent de Valparaiso : c'est un des pois- sons connus dans ces colonies sous le nom de pesce rej. 474 LIVRE DOUZIÈME. M. Gay nous a rapporté de la lagune de Ta- guatagua du Chili, une athérine qui n'en est peut-être qu'une variété. L'Athérine royale. {Atherina regia , Humboldt. ) C'est ici qu'il faut placer sans aucun doute l'athérine décrite par M. de Humboldt dans le tome II, p. 187, du Recueil des observa- tions de zoologie et d'anatomie comparée. Le savant qui l'a décrite lui donne une tête déprimée, un vertex écailleux, des dents nombreuses et petites à chaque mâchoire; puis il ajoute : IN LINGUA NULLI. Lingua breçis, libéra. !N'a-t-il pas écrit ce premier lingua par un lapsus calami, et voulu dire IN PALATO , ce qui est con- forme aux caractères de toutes ces espèces. Les yeux sont grands; le corps est alongé, couvert d'écaillés peu épaisses et peu adhérentes. Voici les nombres comptés par M. de Humboldt : B. 6jD. 5 — 9ou 10; A. ISj C. 20; P. 14; V. 5. Les couleurs caractérisent davantage cette espèce, et la séparent de celle que nous venons de faire con- naître. Le corps est verdâtre, orné d'une bandelette lon- gitudinale assez large, argentée sous une teinte bleuâ- tre; les écailles et tous les rayons des nageoires étant couverts de points bleus. ATHÉRINES. 475 M. de Humboldt ajoute que le pesce rey, célèbre dans tous les pays limitrophes du Pé- rou, paraît propre à riiémisphère austral. On le trouve surtout dans l'océan Pacifique, près de Callao, de Lima, où la description dont nous venons de donner l'extrait, a été faite; mais il manque près de Truxillo et au sud de Lima. Je ne connais, ajoute-t-il, aucun poisson dont la chair soit plus délicieuse; aussi en consomme-t-on journellement, dans la capitale du Pérou, une grande quantité. Nous venons de reconnaître que l'athérine des côtes plus australes de la pointe de l'Amé- rique est d'une espèce plus distincte; nous prouverons tout à l'heure qu'en avançant vers les cotes du Mexique cet océan nourrit d'au- tres espèces. Nous ajouterons que tout porte à croire qu'une espèce d'athérine se trouve encore dans les lacs élevés du haut Pérou, à Titicaca. Le poisson de ce lac est connu de même sous le nom de pesce rej y et a les côtés ornés d'une bande argentée. La délicatesse de sa chair est fort célèl)re. Il serait bien curieux de pouvoir comparer ces espèces, qui vivent dans des lacs intérieurs si élevés, avec celles qui se nourrissent dans le fond des mers sous des pressions atmosphériques si différentes. A7C} LIVRE DOrZIÈAIK. /.'Athérine de Lichtenstein. {Atherina Lichtensteinii , nob.) Nous regardons comme un devoir de notre reconnaissance de dédier au célèbre profes- seur Lichtenstein, qui nous a ouvert avec tant de générosité les trésors renfermés dans le beau musée de l'université de Berlin, la j)lus remarquable de ces athérines américaines par sa taille et par ses caractères. Elle est voisine de notre atherina bona- riensisj mais elle a la tête encore plus longue , car elle ne l'ait que le quart de la longueur totale, prise jusqu'à la fourche de la caudale. La ligne du profil est légè- rement concave sur la tête : cependant le veriex d'un œil à l'autre est un peu convexe. Sur l'occiput la courbe se soutient, pour s'abaisser et devenir concave entre la tête et la seconde dorsale; la base de cette nageoire est un peu relevée , et le contour s'abaisse ensuite jusqu'à la caudale. Le dessous du corps suit une ligne légèrement concave, assez régulière, d'où il résulte que la plus grande hauteur du corps est derrière la tête, et fait, à cet endroit, le septième de la distance entre le bout du museau et l'extrémité des rayons mi- toyens de la caudale, tandis que la hauteur du mi- lieu du corps n'en fait que le huitième, et celle de la (jueue n'en est guère que le seizième. Le corps ATIIÉRINES. 477 est liés - comprimé vers l'arrière. Aux pectorales l'épaisseur est les deux tiers de la hauteur, et près des nageoires verticales elle n'en est plus que le quart. Le museau est très-comprimé; les maxillaires sont fort élargis sur le bout du museau : ils sont courbés pour embrasser le contour de la tête, et se terminent en pointe. On voit bien dans cette grande espèce la singulière conformation qui donne à ces os l'ap- parence d'être retournés sens dessus dessous. L'œil, éloigné du bout du museau de deux fois et demie son diamètre , a une largeur contenue sept fois dans la longueur de la tête. Le sous-orbitaire est grand et comme caverneux; les narines sont per- cées sur le dessus du crâne : l'ouverture antérieure est petite et au-devant de l'œil. La seconde est une large fente oblique, pratiquée sur le bord de l'or- bite. Toutes les pièces operculaires sont cachées sous les grandes écailles qui les revêtent. Les deux mâchoires sont garnies d'une bande étroite de dents courtes et en carde : il n'y en a aucune sur le pa- lais, soit au vomer, soit aux palatins. La pectorale est grande et forte , sa longueur égale à peu près les deux tiers de celle de la tête; les ventrales sont insérées sous l'aplomb de la pointe des nageoires de la poitrine. Étalées, elles sont fort larges : la lon- gueur du plus grand de leurs rayons ne surpasse que de très-peu la moitié de la pectorale. La première dorsale s'élève sur la seconde partie de la longueur totale : elle mesure près de la moitié de la hauteur du corps sous elle. La seconde dor- sale correspond aux derniers rayons de la nageoiie A7^ LIVRE DOUZIÈME. anale, étendue environ du sixième de la longueur entière du poisson. La caudale est fourchue, et ses lobes sont arrondis. B. 6; D. 5— 1/10 j A. 1/19 5 C. 17; P. 15; V. 1/6. Les écailles sont minces et très-grandes. C'est à peine si l'on aperçoit des traces de lignes latérales. Outre les particularités de la forme du corps, cette espèce a dans ses couleurs un caractère bien remarquable : elle n'a pas de bandes argentées sur les flancs; on aperçoit par reflets sur les côtes dix à douze lignes effacées ; mais qui paraissent avoir été plus brillantes que le fond de la teinte générale; quelques points noirâtres et rares sont épars sur le corps. Ce beau poisson , long de dix-neuf pouces, a été envoyé de Montevideo au cabinet de Berlin, où il est déposé. Nous avons décrit avec détail cette grande espèce, afin de mieux faire apprécier ses ca- ractères aux naturalistes qui pourront la re- trouver; et, malgré les différences assez grandes qu'elle présente parmi nos petites atliérines, nous ne croyons pas qu'on doive la séparer du genre; car on est conduit insensiblement de celle-ci par les espèces précédentes amé- ricaines au menidia : cette dernière ne peut être séparée au. jacksonia., lequel a tous les caractères de nos sauclets, sauf ceux qui de- viennent spécifiques. athérines. 479 Z'Athérine de Humboldt. {Atherijia Humboldtiana , nob.) Nous avons encore décrit dans le même musée de cette belle capitale, deux autres espèces fort intéressantes, originaires toutes deux du Mexique. Les naturalistes ne seront pas étonnés de nous voir dédier l'une d'elles au célèbre voyageur qui a répandu tant de lu- mières sur l'histoire politique et physique de ces riches contrées, au savant illustre dont les travaux immortels ont rendu tant de services aux différentes branches de la phy- sique , des sciences naturelles , de la géogra- phie, en général à l'histoire naturelle du globe. Si, dans un ouvrage de la nature de celui que je publie, je pouvais faire mention des sentimens d'amitié dévouée et de la vive recon- naissance que je lui dois, je m'estimerais heu- reux de lui en donner ici ce témoig^nage, et d'en avoir trouvé l'occasion en travaillant dans cette belle collection qu'il m'a mis à même de connaître. Le poisson dont il s'agit a la forme générale d'une perche; mais le museau est plus aigu et plus dé- primé. La plus grande hauteur du corps se mesure aux ventrales et fait le cinquième de la longueur to- tale.: l'épaisseur n'est pas la moitié de celte hauteur. 480 LIVRE DOUZIÈME. Le profil de la Lèle monte, par une courbe convexe, jusqu'à la seconde dorsale, en laisanl quelque petite sinuosité vers la première de ces deux nageoires. La mâchoire inférieure dépasse un peu la supérieure; les dents y sont en fine carde; le palais est tout-à-fait lisse et sans aucunes dents; on ne voit ni on ne sent au doigt aucune âpreté au vomer. La longueur de la tête est du quart de celle du corps; les yeux sont vers le milieu, mais assez haut sur la joue. Leur diamètre fait le sixième de la longueur de la tête, et il y en a deux entre le bord de l'orbite et le bout du museau, et presque deux entre chacun d'eux. Sur le sommet du crâne les deux ouvertures sont fort petites, surtout l'antérieure, qui ne paraît être qu'un faible pore, la seconde est une petite fente, pratiquée sur le dessus de la tête en avant de l'œil. Un petit os nasal s'alonge sur le devant du nmseau , et con- tribue à agrandir le méplat formé par la partie élar- gie en lame horizontale du maxillaire. Le sous-or- bitaire est un peu celluleux , composé de deux grandes pièces ; il n'a point d'écaillés , mais le préo- percule, le haut de l'opercule et le vertex en sont couverts. La pectorale est large, mais peu longue, et ter- minée en angle assez aigu au bord supérieur ; elle est comprise près de sept fois dans la longueur to- tale. Celle des ventrales est des deux tiers de celle des nageoires de la poitrine. La première dorsale répond à la pointe de ces dernières : elle est basse; la seconde est placée sur le milieu de l'anale, qui occupe une étendue égale à la longueur de la pec- ATHÉRINES. 481 lorale. La caudale est fourchue, à lobes courts et arrondis. B. 6; D. 5 — 1/10; A. 1/19; C. 17; P. 14; Y. 1/5. Les écailles sont minces, de moyenne grandeur: on en compte environ cinquante rangées dans la longueur. La ligne latérale est une courbe un peu concave, marquée par une suite de petits traits peu visibles sur les écailles, en grande partie au-dessous de la raie d'argent : la ligne se relève près de la queue, et passe sur le milieu de la bandelette. Cette espèce paraît avoir été verdâtre à reflets ar- gentés sur le dos, et ornée d'une large raie argentée sur chaque flanc. La caudale est bordée de noirâtre. L'individu qui fait partie du Musée de Berlin, est long de onze pouces. lia été en- voyé du Mexique par M. Deppe. Z/'Athérine vomérine. i^Alherlna vojnerbia , nob.) Le même voyageur a envoyé de ces contrées un autre poisson, fort voisin du précédent, mais qui nous paraît cependant devoir en être distingué. La principale différence consiste dans la présence de petites âpretés au chevron du vomer, faciles à voir et à sentir avec le doigt j et nous lui trouvons aussi un rayon mou de plus à la dorsale et à l'a- nale. D. 5— lyil; A. 1/20. 1 0. 3 1 482 LIVRE XII. ATHÉRINES. La pectorale nous paraît plus courte, et surtout plus arrondie, et le dessus du crâne est un peu moins large entre les yeux. La ligne latérale paraît aussi un peu plus droite, mais elle est marquée de même. La couleur du corps et le brillant argenté de la bandelette laté- rale ne diffèrent nullement. L'individu, aussi déposé dans le Musée de Berlin, est long de huit pouces. Les natura- listes qui voudraient le considérer comme une simple variété du précédent, seraient du moins forcés de convenir qu'il en serait une variété bien remarquable. FIN DU TOME DIXIEME. AVIS AU RELIEUR POUR PLACER LES PLANCHES, Planches. 280. Zeus puîigio vis-à-vis la page 26 281. Capros aper 34 282. Lampris guttatus 62 283. Equula Dussumieri 78 284. Equula Jilîgera 92 285. Mené inaculata io8 286. Ampliacantlius lineatus i3o 287. Acanthurus phlehotomus 176 288. Acanthurus hepatus 188 289. Acanthurus ctenodon 242 290. Acantliurus scopas 248 291. Naseus brevirostris 278 292. Prionurus microlepidotus 296 293. Axinurus thynnoides 3 00 294. Priodon annularis ) I 304 296. Keris anginosus ) 296. Trachjpterus Spinolœ 33o 297. Trachjpterus iris 342 298. Gjmnetrus gladius , 299. Gjmnetrus telum 300. Cepola ruhescens 396 3 o 1 . Lophotes cepedianus 410 3 02. Atherina hepsetus 303. Atherina Boieri 36o t 3o Plancbei. 3o4. Alherina mochon vis-à-vis la page) 3 o 5 . Atherina preshjter | ^ ^ 3 06. Atherina HumholJliana 480 I / i // / U'" ■f ^' ■ o \ H» ^ .â*^ <>^. \f- ■^1 ^"^ ^ T \ V\;-^- ^-, ,_ 2^.mk , V I ' W^:.: \ fe ^ f» JkÇ «51 .|-,