Te = Fur S NRA LA CAES RTS TETE PTE air RS ER Ne APE Re 1 te pt ur Re PNEU LIRE 1h LU ANT Nr xs ve NEA PCR HISTOIRE NATURELLE DES QUADRUPÈDES OVIPARES ET DES SERPENS. TOME PREMIER. HISTOIRE NATURELLE DES QUADRUPÉDES OVIPARES ET/DES SERPENS. Par M. 1£E Cause DE LA CEPEDE, GARDE du Cabinet du Roi; des Académies & Sociétés Royales de Dijon, Lyon , Bordeaux, Touloufe , Metz, Rome, Stockolm, Hefle-Hombourg , Hefle-Caffel, Munich, &c. _TOME PREMIER YA DA Se CESR = e. ESS REC 145 SES à 7) L 9 Ÿ sm aÙù I É SR FR = > Ne 5) LU : TD q" (? AN * FIN SG EX ni: ” TE LD 7 S CARS CAN 7 + > Le ASP AR I S" À HOTEL DE THOU RUE DES POITEVINS: NPC ICS TL XLR OV STORE Sous 1E PRIVILEGE DE L'Ac4DÉMIE ROYALE DES ScIENCES, el Ÿ + " d + NS nèet jet à Be PTE ie ; 4 AVERTISSEMENT. M. LE CoMre DE Burron travaillant, dans ce moment, à l'Hiftoire des Cétacées, ainfi qu’à compléter celle des Quadrupédes Vivipares & des Oifeaux, defirant de voir terminer l'Hiftoire Naturelle genérale & particulière, & fa fanté ne lui permettant pas de s'occuper de tous les détaïs de cet Ouvrage immenfe dont fon génie a conçu Île vafte enfemble d’une manière fi fublime , & exécuté les principales parties avec tant de gloire , il a bien voulu me charger de travailler à lHiftoire Naturelle des Quadrupèdes Ovipares & des Serpens, que je publie aujourd'hui. (6) Re —— — EXTRAIT DES REGISTRES DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, Du 25 Juillet 1787. N OUS avons été nommés Commiffaires , M. Fougeroux : M. Brouflonnet, & moi, par l'Académie, pour lui faire le rapport d’un Onvrage, qui a pour titre: Hifloire Naturelle des Quadrupedes ovipares ; par M. le Comte de la Cepède. L'Auteur préfente, à la tête de fon Ouvrage, une table méthodique de tous les Quadrupèdes ovipares dont il traite : il a choïfr pour la compofer des carac- tères faillans, que les changemens de température , ou divers accidens, ne peuvent faire varier, qui fe trouvent dans le mäle, comme dans la femelle, dans les Jeunes animaux, Comme dans les adultes, & quil a reconnus en examinant & en comparant attentivement un grand nombre d'individus de différentes efpèces de Quadru- pèdes ovipares, & les defcriptions d'un grand nombre d'Auteurs. M. le Comte de la Cepède a divifé l'ordre entier Fe LS] (7) des Quadrupèdes ovipares en deux grandes claffes: il a placé dans la première tous les Quadrupèdes ovipares qui ont une queue, & dans la feconde ceux qui n’en ont point. f a établi deux genres dans la première claffe , celui des Tortues, & celui des Lézards, qui différent l'un de l'autre, en ce que les premiers ont le corps couvert d'une carapace offeufe & folide, que l'on ne trouve fur aucun des feconds. Le genre des Tortues renfermant des efpèces dont la conformation & Îles habitudes préfentent des différences très-fenfibles, & M. le Camte de la Cepède, donnant la defcription de plufieurs efpèces nouvelles de ces ani- maux, il a cru devoir partager ce genre en deux divi- fions, pour lefquelles il a afligné des caraétères conftans, aifés à faifir, & d'après lefquels on pourra diftinguer les efpèces d'une divifion d'avec celles d'une autre, même en ne voyant que le carapace & le plaftron. Dans la première divifion, qui comprend les tortues marines, font placées fix efpèces, dont deux n'avoient encore été que légèrement indiquées par les Voyageurs, M. de la Cepède a cru devoir les appeïler T'Écaille-verte, & la Naficorne. Dans la feconde divifion, font les T'or- tues d'eau douce & de terre, au nombre de dix-huit efpèces , dont quatre étoient encore inconnues, & ont été (8) nommées par l'Auteur, la Jaune, la Chagrinee, la Ronf fätre, & la Noirârre. Le genre des Lézards étant beaucoup plus nombreux que celui des Tortues, & leur conformation, ainf que leurs habitudes , préfentant plus de différences , l Auteur a cru devoir former huit divifions dans ce genre. La première , comprend le Crocodile, proprement dit, le Crocodile noir, le Gavial, on Crocodile du Gange, qui étoit à peine connu, & dont M. de la Cepède montre les rapports de grandeur & de conformation avec les autres Crocodiles, ainfi que huit autres efpèces de Lézards. La feconde divifion ronferme l'Icuane , le Bafilic, & trois autres efpèces. Dans la troifième divifion , font rangés le Lézard gris, le Lezard vert, & fix autres efpèces de Lézards. Dans la quatrième, lon trouve le Caméléon, & vingt autres efpèces, dont deux n'étoient point connues des Naturaliftes. M. de 1a Cepède leur a confervé les noms de Mabouya & de Roquet, qu'on leur a donnés en Amérique. L’Auteur a placé dans la cinquième divifion trois efpèces de Lézards, dont une étoit encore inconnue, & a été appellée, par M. de la Cepède, Lézard à téte plate. La fixième divifion comprend le Seps & le Chalcide, L'Auteur a cru devoir donner ce dernier nom à un Lézard remar- quable par fa conformation, & qui navoit été décrit, ni même (9) ni même indiqué par aucun Naturalifte, Dans la feptième divifion eft placé le Dragon; & enfin les Salamandres, au nombre de fix, forment la huitième divifion. M. de la Cepède fait connoître deux efpèces de ces Salaman- dres , dont perfonne n'avoit encore parlé. M. dela Cepède pañle enfuite à la feconde clafle des Quadrupèdes ovipares, c'eft-à-dire, à ceux qui n'ont point de queue. [ les divife en trois genres, pour defquels il afligne des caralères extérieurs , faciles à reconnoître, conftans , & quil a trouvés en comparant attentivement la conformation de ces animaux avec ce quil a pu connoitre de la diflérence de leurs habitudes. Le premier genre, uniquement compofé des Gre- nouilles, en contient douze efpèces : le fecond genre, qui comprend la Raine-verte d Europe , & toutes les autres Raines, préfente fept efpèces; & dans le troifième genre, qui termine Jhiftoire des Quadrupèdes ovipares, font placées quatorze efpèces de crapauds. L'Auteur ne seft pas contenté d'avoir obfervé plus fleurs Quadrupèdes ovipares vivans, & d'avoir examiné avec foin plufieurs individus de la plupart des efpèces dont ïl traite; il a recueïlli les principales obfervations des divers Auteurs qui ont parlé des Quadrupèdes ovi- pares ; il a d'ailleurs fait ufage d'un grand nombre de notes manufcrites , qui lui ont été communiquées par Quadrupedes , Tome I, B (10) plufieurs Naturaliftes de divers pays, & dont Ia plupart avoient voyagé dans les contrées où les Quadrupèdes ovipares font le plus communs, - M. le Comte de la Cepède fait connoître près “ vingt efpèces, dont aucun Auteur n'avoit fait mention; ou qui nayoiïent été ni claflées, ni comparées avec foin. 11 préfente en tout la defcription de cent-treize efpèces de Quadrupèdes ovipares. Mais il paroît s être attaché ae à folies la fcience, & à diminuer le nombre des efpèces arbi- traires que l'on avoit admifes ; il a cherché avec foin influence du climat, de 1âge, du fexe & de la faifon fur les diverfes efpèces, pour ne regarder que comme des variétés les individus dont les différences ne font pas aflez grandes , ou affez permanentes, pour conftituer une efpèce; & il eft tel article où l'Auteur à rapporté à la même efpèce cinq ou fix individus, confidérés par certains Naturaliftes comme autant d'efpèces diflinétes. Chaque article comprend la lifte, non-feulement des noms vulgaires attribués à l'animal dans les divers pays, & par les différens Voyageurs, mais encore des noms méthodiques qui lui ont été donnés par les Natura- liftes. On trouve, dans FOuvrage de M. de Ia Cepède, la mefure & les proportions des diverfes parties du corps, (ri) pour un grand nombre de Quadrupèdes ovipares. Il a tâché, de plus, de joindre à la defcription de chaque efpèce, l'hiftoire de fes habitudes ; il traite de l'endroit où on Îa trouve, du tems de l'accouplement, de celui de Ia ponte, du nombre & de la forme des œufs, de la durée de l'accroiflement, de la longueur de la vie, de la manière de {e nourrir, de fe défendre, &c.; & pour faire mieux connoître les Quadrupèdes ovipares , il montre Îles rapports de forme & d'habitudes que les diverfes efpèces ont les unes avec les autres, & même avec des animaux d'ordres plus ou moins différens. Mais , pour éviter les répétitions , il ne traite d'une manière étendue que des principales efpèces de chaque divifion, & il ne parle que des différences que les autres préfentent. Ce qui concerne chaque genre eft précédé de l'ex- pofition des traits généraux qui le caraélérifent, & 1Ou- vrage commence par un Difcours, où la conformation extérieure ,« les principaux points de la conformation intérieure, & les habitudes communes à tous les Qua- drupèdes ovipares , font préfentés & comparés avec ceux des autres animaux : c'eft le réfultat général des obfer- vations faites ou recueillies par M. de la Cepède, & le tableau de leurs rapports, À la fuite de Ihiftoire des Quadrupèdes ovipares, M. de la Cepède donne la defcriprion de deux animaux, Bi (12) qu'il nomme Reptiles bipèdes, qui n'ont en eflet que deux jambes , au lieu de quatre, & que 1'Auteur croit devoir placer entre les Quadrupèdes ovipares & les Serpens, dont il fe propole de préfenter inceffamment l'hiftoire à l Académie. Le premier de ces deux animaux na en- core été indiqué par aucun Auteur; on l'a envoyé du Mexique; le fecond a été décrit par M. Pallas. M. de la Cepede fait voir qu'on ne peut pas regarder ces ani- maux comme des monflres, puifquils font en très-grand nombre dans les pays où on les trouve. D'ailleurs l'Au- teur, en comparant la conformation du Reptile bipède, qu'il a reçu du Mexique, avec celle des Lézards & des Serpens, montre qu'il diffère, par la forme de fa queue, ainfi que par l'arrangement & la figure de fes écailles, de tous les lézards, & particulièrement du Seps & du Chalcide , avec lefquels 1l a le plus de rapports; & par conféquent il ne croit pas devoir le regarder comme un monftre par défaut, ou comme un lézard, qui auroit perdu deux de fes jambes. I ne croit pas non plus devoir le confidérer comme un monftre par excès, ou comme un Serpent, qui , par une forte de monftruofité, feroit né avec deux jambes, parce que les jambes du Bipède du Mexique, fes pieds, fes doigts, les écailles qui les recouvrent, fes ongles, &c. préfentent la fymmétrie la plus régulière, & parce que ce Bipède diflere detousles Serpensconnus parl'arrange- (13) ment de fes écailles. M. Pallas a auffi prouvé que le Bipède, dont il a donné la defcriprion dans les Mé- moires de Péterfbourg ,ne pouvoit être regardé, ni comme un Lézard, ni comme un Serpent monftrueux. M. le Comte de la Cepède fait voir, dans l'article où il traite des Binèdes, qu'excepté celui que M. Pallas a décrit, & celui qu'il a reçu du Mexique, tous les Reptiles bipèdes, mentionnés jufqu'à préfent par les Naturaliftes , ne font que des larves de Salamandres, ou de Lézards, tels que le Seps & le Chalcide, nés monftrueux , ou privés de denx pattes par quelqu'accident. L'Auteur a joint à fon Ouvrage, le deflin des prin- cipales efpèces de chaque divifion, & fur-tout de celles qui ne font pas encore connues, ou qui ne le font qu'imparfaitement, Quant à l'exiftence des Reptiles bipèdes, nous ne por- terons aucun Jugement à ce fujet. Nous croyons que, pour admettre ces animaux comme des efpèces conftantes, il faudroit avoir des obfervations & des preuves plus mul- tipliées. L'Ouvrage de M. le Comte de 1a Cepède, nous a paru fait avec autant de foin que d'intelligence. [l y a de la clarté & de la précifion dans les defcriptions ; les ca- raclères des clafles, des genres & des efpèces, font bien contraflés : la partie hiftorique, eft faite avec difcerne- (14) ment. L'Auteur na pas négligé de rendre fon fiyle agréable, pour donner quelqu'attrait à des détails fafti. dieux, & fouvent dégoûtans, par la nature de leur objet, Nous penfons que cette Hiftoire Naturelle des Qua- drupèdes ovipares mérite d'être approuvée par l'Acadé- mie, & imprimée fous fon Privilége. Fait au Louvre, le 25 Juillet 1787, D AUBENTON, Fouceroux pE BoNpARoOY, BROUSSONNET. Je certifre le préfent Extrait conforme à Foriginal, & au Jugement de L'Académie, A Paris, Îe 29 Juillet 1787 Signe, Le Marquis DE CONDORCET. r Et œ— eq me a —— = DE DEEE om | x TABLE DES ARTICLES Contenus dans ce V’olurnes E>rncarron de plufeurs planches de ce Volume, Table méthodique des Quadru- pèdes ovipares, en françois. Table méthodique des Quadru- pèdes ovipares, en latin: Dilcours fur la nature des Quadru- èdes ovipares age 1 Re ne 5 : P < 44 Tortues de mer ; 54 La Tortue franche, Idem La Tortue Ecaille-verte, 92 La Caouane, 94 La Tortue Naficorne , 203 Le Caret, 204 Le Luth, 221 Tortues d'eau douce & de terre , 228 La Bourbeufe , Idem. Ta Ronde, 226 La Terrapène ; 229 La Serpentine, ÆL La-Rougeître , 232 La Tortue Scorpion} 232 La Jaune, 21% La Molle, 237 La Grecque ou la Tortue de terre cominune , 242 La Géometrique , 257 La Raboteufe, 26 La Dentelée, 263 La Bombée, 264 La Vermillon; La Courte-quete ; La Chagrineée, La Roufitre ; La Noirître ; Des Lézards, Les Crocodiles ; Le Crocodile, Le Crocodile noir; Le Gaval, Le Fouette-queue ; La Dragonne, Le Tupinambis, Le Sourcilleux, La Tête-fourchue; Le Large-doigt , Le Bimaculé, Le Silloné, L'Tguane, Le Bañlic, Le Porte-crète ] Le Galéote, L'Agame, Le Lézard-oris, Le Lézard-vert ; Le Cordyle, L'Hexagone, L’Amciva, Le Lion, Le Galonnë ; Le Caméléon ; La Queue-bleue ; page 15 266 269 272 273 275 276 282 2188 233 235 240 243 262 287 262 263 RC4 266 267 _ 284 287 202 295 298 16 TABLE DES L'Azuré, page 362 Le Grilon, 363 L'Umbre, 364 Le Plifé, 365 L'Algire, 367 Le Stellion , 369 Le Scinque, 373 Le Mabouya, 378 Le Doré, 384 Le Tapaye, 390 Le Strié, 393 Le Marbré ; 394 Le Roquet, 397 Le Rouge-gorge ; AOI Le Goiîtreux, 402 Le Tépuixin, 40% Le Triangulaire ; 407 La Double-raie, 408 Le Sputateur, 499 Le Gecko, 413 Le Geckotte, 420 La Tète-plate, 425 Le Seps., 433 Le Chalcide, 443 Le Dragon, 447 La Salamandre terreftre, 456$ La Salamandre à queue plate, 472 La Ponctuée, 492 La Quatre-raies , 492 Le Sarroube, 493 La Trois-doigts ; 496 Des Quadrupèdes ovipares qui n'ont point de Queue, 498 Grénouilles ; 503 La Grenouille commune , Idem. La Roufle , 528 La Pluvile, 534 La Sonnante ; 635 MATIÈRES. La Bordée, pege 536 La Réticulaire, 537 La patte-d'oie, 538 L'épaule-armée, 539 La Mugiflante, 547 La Perlée, 545 La Jackie, 647 La Galonnée, 549 Raines, 540 La Raine-verte, Idem. La Bofue, 559 La Brune, 560 La Couleur-de-lait ; 562 La Fluteule, 562 L'Orangée, 564 La Rouge, 566 Crapauds, 568 Le Crapaud commun , Iderr. FeMVerLs 586 Le Rayon vert, 488 Le Brun, 590 Le Calamite, 592 Le Couleur de feu, 595 Le Puftuleux , 597 Le Crapaud goitreux, 598 Le Bofu, 599 Le Pipa, GCoo Le Cornu, 604 L'Agua, 606 Le Marbré, G57 Le Criard, 608 Reptiles Bipèdes; Cog Le Cannelé, 613 Le Sheltopulk , 617 Table alphabétique des noms donnés aux Quadrupèdes ovipares ; G2a Table des matières, 624 MS A Explication Explication de quelques Planches de ce Volume. LA TORTUE FRANCHE. Planche première, page 54. E deflein a été fait d'après une très-jeune Tortue, très-bien con- fervée, à laquelle on a fuppofé une longueur de fix pieds, pour donner une idée de la grandeur de lani- mal adulte dont la tète eft moins groffe en proportion du cerpe que dans la figure, & dont le difque préfente communément une ou deux écailles de plus que celui des très-jeunes Tortues. LA TORTUE ROUSSATRE. Planche douqième , page 173. La Tortue eft repréfentée fans queue, parce que cette partie n'avoit pas été confervée dans l'individu que nous avons fait defliner. L’A MÉI V A. Planche 21, page 328. On 2 repréfenté à part le def- fous de la tête & d’une partie du corps, pour montrer le défaut de grandes écailles au-deflous du cou. BF2SP'UT AT E UiR: Planche 28, page 429. On peut voir dans cette Planche, Ovipares , Tome I, la figure du Lézard envoyé de Saint-Euftache avec le Sputateur, & que nous regardons comme une varièté de cette efpèce. LE GECK O. Planche 29, page 413: On a repréfenté à part & de grandeur de nature ( dans le format en-4.°) le deflous des cuifles, de l'origine de la queue & des pieds, ainfi que la partie antérieure de la langue, LA TETE-PLATE, Planche 30, page 425. On a reprtfenté de grandeur de nature ( dans le format 2n-4.°) un des pieds de devant du Lézard dont on a montré aulli la tête de face. LE SEPS. Planche 31 , page 433. On a deffliné de grandeur de nature / dans le format i7-4.9 ) un tronçon de Seps vu par-deflus pour montrer la difpoñtion des couleurs que préfente le dos. C ÉRRATA 2 Pa GE 17, ligne 19 fes vapeurs; Lifez,. ces vapeurs. Page 30, ligne 1 de la note, Tourchy; Zifez, M. de Touchy. : Page 80, dernière ligne, des grandes; ife, de grandes. age 88, ligne $s, difez, énormes cétacées. Page 92, ligne $s, trop de précaution; difez , trop de précautions, Page 09, ligne 3, fe jetters Zifez, fe jeter. Page 106, ligne 13, recherchées; Life, recherchés. Page 132, ligne 1 de La note, glanures de lhiftoire naturelle ; Lifez, glanures d’hiftoire naturelle, Page.138, ligne 12, tané; Lifez, tanné. Page 146, ligne 4, celle; lifez, la Tortue. Page 178, ligne 12, les Fouettes-queue; Lifez, les Fouette-queues. Page 179, ligne 13, gatnis; lifez, garni. Page 184, ligne 4, des crocodiles que; Zifez , des crucodiles, que. Page 185, ligne 8 , à celle; lifez ,à celles. Page 189, ligne 22 de la note, tom. 43; Zifez, tab. 43. Page 198, Ligne 11, les doigts; lifez, les trois doigts. Page 220, ligne 35, reflemblent; Zifez, xaflemblent, M. de immenfes cétacées; Page 2:27, ligne 23, nombe; lifezs nombre ? ë Page 237, ligne 1e, étendu; Zifez, étendus. Page “252, ligne 12, formant; Zifez, forment. ‘ SAS ‘Page- 271, lipne 1, à Cayenne; Zife à de Cayenne. : Page 273, ligne 11, au-deflus; Zfe7s au-deffous. Page 3o1, ligne 7, eft par; Lifez, & par. Page 318, ligne 3, Gobes-mouches; Zifez, Gobe-mouches. Page 3-2, ligne 25 de la note, nous en fommes; Life, nous nous en fommes. Page 318, ligne 9 de la note, caudi; life, cauda. à j Page 2351, ligne 13, revêtue n’eft point; Lifez , n’eff point revètue. Pause 5523 digne 103 if mollaffe. Page 417, Ligne 15, prètes à: lifez, près de. Page 421, ligne 6, de Geckotte Zifez, de Geckottes. Page 472, ligne 14, diftinguer; Life, admeitre. Page 493, ligne 15 , le Quatre-raies; lifez, Ja Quatre-raies. Les Page 93 , Ligne 11, & à l’aide; Zifez, à l'aide, anolafe ; HISTOIRE HISIOIRE NATURELLE DES QUADRUPÉDES OVIPARES. DISCOURS 0 Sur la nature des Quadrupèdes ovipares. se JETTE LES YEUX fur le npmbre immenfe des êtres organifés & vivans qui peuplent & animent le globe, les premiers objets qui attirent les regards, font les diverfes efpèces des Quadrupèdes vivipares, & des oifeaux, dont les formes, les qualités & les mœurs ont été repréfentées par le Génie dans un ouvrage im=. Ovipares , Tome I. A 2 -HirsToirez NATURELLE mortel; parmi les feconds objets qui arrêtent l’atten= tion , fe trouvent les Quadrupèdes ovipares, qui ap- prochent de très-près des plus nobles & des premiers des animaux, par leur organifation, le nombre de leurs fens, la Thaleur qui les pénètre, & les habitudes aux- quelles ils font foumis. Leur nom feul, en indiquant que leurs petits viennent d’un œuf, défigne la propriété remarquable qui les diftingue des vivipares : ils diffèrent d’ailleurs de ces derniers, en ce qu'ils n'ont pas de mamelles; en ce qu'au lieu d’être couverts de poil, ils font revêtus d’une croûte ofleufe, de plaques dures, d’écailles aigues, de tubercules plus ou moins faillans, ou d’une peau nue & enduite d’une liqueur vifqueufe. Au lieu d'étendre leurs pattes comme les vivipares, ils les plient & les écartent de manière à être très-peu élevés au-deflus de la terre, fur laquelle ils paroiffent devoir plutôt ramper que marcher. C’eft ce qui les a fait comprendre fous la dénomination générale de reptiles, que nous ne leur donnerons cependant pas, & qui ne doit appartenir qu'aux ferpens & aux animaux qui, prefqu'entièrement dépourvus de pieds, ne changent de place qu'en apphiquant leur corps même à la terre (a). (a) Voyez à ce fujet l'excellent Ouvrage fur les Quadrupèdes ovi- pares & fur les ferpens, compof£ par M. d’Aubenton , & dont ce grand Naturalifte a enrichi l'Encyclopédie méthodique. Noûs failiflons , avec empreflement, cette première occafon de lui témoigner publiquement DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 3 Leurs efpèces ne font pas à beaucoup près en auffi grand nombre que celles des autres Quadrupèdes. Nous en connoiflons à la vérité cent treize; mais MM. le Comte de Buffon & d’Aubenton ont donné l’hiftoire & la defcription de plus de trois cens Quadrupèdes vivi- pares. Il eft cependant difficile de les compter toutes, & plus difiicile encore de ne compter que celles qui exiftent réellement. Il n’eft peut-être en effet aucune claffe d'animaux à laquelle les Voyageurs aient fait moins d'attention qu'à celles des Quadrupèdes ovipares: c’eft ordinairement d’après des rapports vagues, ou un coup-d'œil rapide , qu'ils fe font permis de leur impofer des noms mal conçus : n'ayant prefque jamais eu recours à des informations sûres, ils ont le plus fouvent donné le même nom à divers objets, & divers noms aux mêmes animaux : & combien de fables abfurdes n’ont pas été accréditées touchant ces Quadrupèdes, parce qu'on les a vus prefque toujours de loin, parce qu'on ne les a communément recherchés que pour des pro- priétés chimériques ou exagérées, parce qu'ils préfen- tent des qualités peu ordinaires, & parce que tous les objets rares ou éloignés paflent aifément fous l'empire de l'imagination qui les embellit ou les dénature (4)! notre reconnoiflance, pour les fecours que nous avons trouvés dans fes lumières & dans fon amitic. (2) On trouvera particulièrement dans Conrad Gefnerÿde Quadrupi A i 4 Hisrorre NATURELLE Les Voyageurs ont-ils toujours reconnu, d’ailleurs, les: caractères particuliers & les traits principaux de chaque efpèce, & n'ont-ils pas, le plus fouvent, négligé de réunir à une defcription exacte de la forme, l’énumé- xation des qualités & l’hiftoire des habitudes? Lors donc que nous avons voulu répandre quelque jour fur l’'Hiftoire naturelle des Quadrupèdes ovipares, il ne nous a pas fufhi d'examiner avec attention & de décrire avec foin un grand nombre d’efpèces de ces Quadrupèdes, qui font partie de la collection du Ca- binet du Roi, ou que l’on a bien voulu nous procurer, -& dont plufieurs font encore inconnues aux Natura bftes ; ce n'a pas été aflez de recueillir enfuite prefque- toutes les obfervations qui ont été publiées fur ces ani- maux jufqu'à nos jours, & d'y joindre les obfervations particulières que l’on nous a communiquées, ou que. nous avons été à portée de faire nous-mêmes fur des individus vivans; nous avons dù encore examiner les rapports de ces obfervations, avec la conformation de -ces divers Quadrupèdes, avec leurs propriétés bien re- connues, avec l'influence da climat, & fur-tout avec les grandes loix phyfiques, que la Nature ne révoque: jamais : ce n'eft que d’après cette comparaifon que nous avons pu décider de la vérité de plufeurs de ces faits, oyip. l'énumération de toutes les proprictés vraies ou abfurdes attribuées. À ces animaux. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. $ & déterminer sil falloit les regarder comme des ré- fultats conftans de l’organifation d’une efpèce entière, ou comme des produits paflagers dun inftinét indi- viduel, perfectionné ou affoibli par des caufes acci= dentelles. Mais, avant de nous occuper eñ détail des faits particuliers aux diverfes efpèces , confidérons fous les mêmes points de vue tous les Quadrupèdes ovipares ; fepréfentons-nous ces climats favorifés du foleil, où les plus grands de ces animaux font animés par toute la chaleur de latmofphère , qui leur eft néceflaire. Jetons les yeux fur l'antique Egypte, périodiquement arrofée par les eaux d'un fleuve immenfe, dont les rivages couverts au loin d’un limon humide, préfentent un féjour fi analogue aux habitudes & à la nature de ces Quadrupèdes : fes arbres, fes forêts, fes monumens, tout, jufqu'à fes orgucilleufes pyramides , nous en mon- treront quelques efpèces. Parcourons les côtes brülantes . de PAfrique, les bords ardens du Sénégal, de la Gam- bie; les rivages noyés du nouveau monde, ces folitudes profondes, où les Quadrupèdes ovipares jouiflent de la chaleur , de humidité & de la paix; voyons ces belles contrées de l'Orient, que la Nature paroît avoir enri- chies de toutes fes produétiens; n'oublions aucune des Ifles baignées par les eaux chaudes des mers voifines de la zone torride; appellons, par la penfée, tous les Qua— drupèdes ovipares qui en peuplent les diverfes plages , 6 HirsrTorre NATURELLE & réuniflons-les autour de nous pour les mieux con- noître en les comparant. Obfervons d’abord les diverfes efpèces de tortues, comme plus femblables aux vivipares par leur orga- nifation interne; confidérons celles qui habitent les bords des mers, celles qui préfèrent les eaux douces, & celles qui demeurent au milieu des bois fur les terres élevées ; voyons enfuite les énormes crocodiles qui peu- plent les eaux des grands fleuves, & qui paroiffent comme des géans démefurés à la tête des diverfes légions de lézards; jetons les yeux fur les différentes efpèces de ces animaux, qui réuniflent tant de nuances dans leurs couleurs, à tant de diverfités dans leurs organes, & qui préfentent tous les degrés de la grandeur depuis une longueur de quelques pouces, jufqu'à celle de vingt= cinq ou trente pieds; portons enfin nos regards fur des efpèces plus petites; confidérons les Quadrupèdes ovi- pares, que la Nature paroît avoir confinés dans la fange des marais, afin d'imprimer par-tout l’image du mouve- ment & de la vie: malgré la diverfité de leur con- formation , tous ces Quadrupèdes fe reffemblent entre eux, & diffèrent de tous les autres animaux par des caractères & des qualités remarquables : examinons ces cara@ères diftinétifs, & voyons d’abord quel degré de vie & d'activité a été départi à ces Quadrupèdes. Les animaux diffèrent des végétaux, & fur-tout &e la matière brute, en proportion du nombre & DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 7 de l’activité des fens dont ils ont été pourvus, & qui, en les rendant plus où moins fenfibles aux impreflions des objets extérieurs, les font communiquer avec ces mêmes objets d’une manière plus ou moins intime. Pour déterminer la place qu'occupent les Quadrupèdes ovi= pares dans la chaîne immenie des êtres, connoiflons donc le nombre & la force de leurs fens. Ils ont tous reçu celui de la vue. Le plus grand nombre de ces animaux ont même des yeux aflez faillans & aflez gros relativement au volume de leur corps. Habitant la plupart les rivages des mers, & les bords des fleuves de la zone torride , où le foleil n’eft prefque jamais voilé par les nuages, & où les rayons lumineux font réfléchis par les lames d’eau & le fable des rives, il faut que leurs yeux foient affez forts pour n'être pas altérés & bientôt détruits par les flots de lumière qui les inondent. L'organe de la vue doit donc être afez actif dans les Quadrupèdes ovipares : on obferve en effet qu'ils apperçoivent les objets de très-loin; d’ail- leurs nous remarquerons , dans les yeux de plufeurs de ces animaux, une conformation particulière , qui annonce un organe délicat & fenfble : ils ont prefque tous, les yeux garnis d’une membrane clignotante, comme ceux des oïifeaux; & la plupart de ces ani- maux, tels que les crocodiles, & les autres lézards, jouiflent , ainfi que les chats, de la faculté de contracter & de dilater leur prunelle de manière à recevoir la CS Hisrorre NATURELLE quantité de lumière qui leur eft nécefaire, ou à em- pêcher celle qui leur feroit nuifible d'entrer dans leurs yeux (c). Par-là,, ils diftinguent les objets au milieu de l’obfcurité ie nuits , & lorfque le foleil le pie brillant répand fes rayons : leur organe eft très-exercé, & d'autant plus délicat qu'il n’eft jamais éblouï par une clarté trop vive. Si nous trouvions dans chacun des fens des Qua- drupèdes ovipares, la même force que dans celui de la vue, nous pourrions attribuer à ces animaux une grande fenfibilité ; mais celui de l’ouie doit être plus foible dans ces Quadrupèdes que dans les vivipares & dans les oifeaux. En effet, leur oreille intérieure n’eft pas compofée de toutes les parties qui fervent à la perception des fons dans les animaux les mieux orga- aifés (d) ; & l’on ne peut pas dire que la fimplicité de cet organe eft compenfée par fa fenfibilité, puifqu’il eft en général peu étendu & peu développé. D'ailleurs cette délicatefle pourroit-elle fuppléer au défaut des conques extérieures qui ramañlent les rayons fonores, comme les miroirs ardens réuniflent les rayons lumi- neux, & qui augmentent par-là le nombre de ceux (c) Voyez l'Hiftoire naturelle & la defcription du chat, par MM. le Comte de Buffon & d’Aubenton. (4) Voyez dans les Mémoires de l'Académie:, de 1778, celui de FL Vicq-d'Azyr {ur l'organe de l'oyie des animaux. qui DES QUADRUPÈDES OVIPAÂRES. (0) qui parviennent jufqu'au véritable fiège de l’ouïe (e) ? Les Quadrupèdes ovipares n'ont reçu à la place de ces -conques que de petites ouvertures, qui ne peuvent donner entrée qu'à un très-petit nombre de rayons fonores. On peut donc imaginer que lorgane de l’ouie -eft moins actif dans ces Quadrupèdes que dans les -vivipares : d’ailleurs la plupart de ces animaux font prefque toujours muets, ou ne font entendre que des fons rauques, défagréables & confus; il ef donc à pré- fumer qu'ils ne reçoivent pas d’impreflions bien nettes des divers corps fonores; car l'habitude d'entendre -diftinétement, donne bientôt celle de sexprimer de même (f). : Onne doit pas non plus regarder leur 6dorat comme très-fin. Les animaux dans lefquels il eft le plus fort, ont en général le plus de peine à fupporter les odeurs très-vives; & lorfqu'ils demeurent trop long-tems (e) Voyez Mufchenbroëck. Effais de phyfique. - (f) On objectera peut-être que dans le plus grand nombre de ces animaux, l'organe de la voix n'eft point compofé des parties qui pa- roifient les plus néceflaires pour former des fons, & qu'il fe refufe en- tièrement à des tons diftinéts & à une forte de langage nettement prononcé; mais c’eft une preuve de plus de La foiblefle de leur ouïe ; quelque fenfible qu'elle püt être par elle-même , elle fe reflentiroit de l'imperfection de l’organe de leur voix. Woyez à ce fujet un Mémoire de M. Vicg-d'Azyr fur le voix des animaux, inféré dans ceux de l’Académie de 1779. Ovipares, Tome I, PB 10 HirsTorrze NATURELLE expofés aux impreflions de ces odeurs exaltées, leur organe s'endurcit, pour ainfi dire, & perd de fa fen- fibilité. Or le plus grand nombre de Quadrupèdes ovipares vivent au milieu de l'odeur infecte des ri- vages vafeux, & des marais remplis de corps organifés en putréfaction ; quelques-uns de ces Quadrupèdes ré- pandent même une odeur, qui devient très-forte lorf- qu’ils font rafflémblés en troupes. Le fiège de lodorat eft aufli très-peu apparent dans ces animaux, excepté dans le crocodile ; leurs narines font très-peu ouvertes ; cependant, comme elles font les parties extérieures les plus fenfibles de ces animaux, & comme les nerfs qui y aboutiffent font d’une grandeur extraordinaire dans plufeurs de ces Quadrupèdes (g), nous regardons lodorat comme le fecond de leurs fens. Celui du goût doit en effet être bien plus foible dans ces animaux; il eft en raifon de la fenfibilité de l'organe , qui en eft le fiège ; & nous verrons dans les détails relatifs aux divers Quadrupèdes ovipares, qu'en général leur langue eft petite ou enduite d’une humeur vifqueufe, & conformée de manière à ne tranfmettre que difhci- lement les impreflions des corps favoureux. A l'égard du toucher, on doit le regarder comme bien obtus dans ces animaux. Prefque tous recouverts (g) Mémoires pour fervir à l'Hifloire naturelle des animaux. art, de la Tortue de terre de Coromandel, DES QUADRUPÈDES OVIPARES. II d’écailles dures, enveloppés dans une couverture ofleufe, ou cachés fous des boucliers folides, ils doivent recevoir bien peu d’imprefñons diftinétes par le toucher. Plufieurs ont les doigts réunis de manière à ne pouvoir être appli- qués qu'avec peine à la furface des corps, & fi quelques lézards ont des doigts très-longs & très-féparés les uns des autres, le deflous même de ces doigts eft le plus fouvent garni d’écailles affez épaifles pour ôter pref- que toute fenfibilité à cette partie. Les Quadrupèdes ovipares préfentent donc, à Îa vérité, un aufhi grand nombre de fens, que les ani- maux les mieux conformés. Mais, à l'exception de celui de la vue, tous leurs fens font fi foibles, en comparaifon de ceux des vivipares, qu'ils doivent re- cevoir un bien plus petit nombre de fenfations, com- muniquer moins fouvent & moins parfaitement avec les objets extérieurs, être intérieurement émus avec moins de force & de fréquence ; & c’eft ce qui produit cette froideur d'affections, cette efpèce d’apathie, cet inftin& confus, ces intentions peu décidées, que l’on remarque fouvent dans plufieurs de ces animaux. La foibleffe de leurs fens fuffit peut-être pour mo- difier leur organifation intérieure, pour y modérer la rapidité des mouvemens, pour y ralentir le cours des humeurs, pour y diminuer la force des frottemens, & par conféquent pour faire décroître cette chaleur interne, qui, née du mouvement & de la vie, les B i 12 Hirsrorre NATURELLE entretient à fon tour; peut-être au contraire cette foi- blefle de leurs fens eft-elle un effet du peu de chaleur qui anime ces arimaux : quoi quil en foit, leur fang eft moins chaud que celui des vivipares : on na pas encore fait, à la vérité, d’obfervations exactes fur læ chaleur naturelle des crocodiles, des grandes tortues, & des autres Quadrupèdes ovipares des pays éloignés ; le degré de ceite chaleur doit d’ailleurs varier fuivant les efpèces, puifqu’elles fubfiftent à différentes latitudes; mais on eft bien affuré qu’elle eft dans tous les Qua- pèdes ovipares inférieure de beaucoup à celle des autres Quadrupèdes, & fur-tout à celle des oifeaux ; fans cela ils ne tomberoient point dans un état de torpeur à ur degré de froid qui n’engourdit ni les oifeaux, ni les vivipares. Leur fang eft d’ailleurs bien moins abon- dant (4). Il peut circuler long-tems fans pañler par les. poumons, puifqu'on a vu une tortue vivre pendant quatre: (h) Hafelquift, qui a difféqué un crocodile au Caire en 1751; rapporte que le fang fleuri & appauvri, ne coula pas en grande quan- tité de la grande artère, lorfqu'elle fut coupée. D'ailleurs, continue ce: Voyageur naturalifte, cc les vaifleaux des poumons, ceux des mufcles, » & les autres, vaiffeaux étoient prefque vides de fang. La quantité de » ce fluide n'eft donc pas en proportion aufli grande dans le croco- » dile, que dans les Quadrupèdes : il en eft de même dans tous les 53 Amphibies. » ( Haflelquift comprend tous les Quadrupèdes ovipares fous cette dénomination. ) Woyage en Palefline de Frédéric Hafeiie de l'Académie des Sciences de Stockolm, p: 346: DES QUADRUPÈDES OVIPARES, 1% jours, quoique fes poumons fuflent ouverts & coupés en plufeurs endroits, & qu'on eût lié l'artère qui va du cœur à cet organe. Ces poumons paroifiént d’ail- leurs ne receVoir jamais d'autre fang que celui qui eft nécefflaire à leur nourriture (4). Auffi celui des Qua- drupèdes ovipares étant moins fouvent animé, renou- velié, revivifié, pour ainfi dire, par l'air atmofphé- rique qui pénètre dans les poumons, il eft plus épais; il ne recoit & ne communique que des mouvemens plus lents, & fouvent prefque infenfibles; & il y a long-tems qu'on a reconnu que le fang ne coule pas aufli vite dans certains Quadrupèdes ovipares, & par exemple dans les grenouilles, que dans les autres Qua- drupèdes & dans les oifeaux. Les caufes internes fe réuniflent donc aux caufes externes pour diminuer l’activité intérieure des Quadrupèdes oviparés. Si l’on confidère d’ailleurs leur charpente offeufe, on verra qu'elle eft plus fimple que celle des vivipa- res; plufeurs familles de ces animaux, tels que la plupart des falamandres, les grenouilles , les crapauds & les raines, font dépourvues de côtes; les tortues ont, à la vérité, huit vertèbres du cou; mais, excepté les crocodiles qui en ont fept, prefque tous les lézards n'en ont jamais au-deflus de quatre, & tous les Qua- (2) Mémoires pour fervir à l'Hiffoire naturelle des animaux ,art, de la Tortue de Coromandel, 14 Hisrorre NATUREIzE drupèdes ovipares fans queue en font privés, tandis que parmi les oifeaux on en compte toujours au moins onze, & que l’on en trouve fept dans toutesles efpèces des Qua- drupèdes vivipares (k). Leur conduit inteftinal eft bien moins long, bien plus uniforme dans fa groffeur, bien moins replié fur lui-même; leurs excrémens, tant liquides que folides, aboutiffent à une efpèce de cloaque com- mun (L); & il eft aflez remarquable de trouver dans ces Quadrupèdes ce nouveau rapport, non-feulement avec les caftors, qui paflent une très-grande partie de leur vie dans l’eau, mais encore avec les oifeaux qui s’élancent dans les airs & s'élèvent jufqu'au-deflus des nuées. Le cœur eft petit dans tous les Quadrupèdes ovi- pares, & n'a qu'un feul ventricule, tandis que dans l'homme, dans les Quadrupèdes vivipares, dans les cétacées & dans les oifeaux, il eft formé de deux, Leur cerveau eft très-peu étendu, en comparaifon de celui des vivipares : leurs mouvemens d’infpiration & d'expiration, bien loin d’être fréquens & réguliers, font fouvent fufpendus pendant très-long-tems, & par des (Æ) Les obfervations que j'ai faites à ce fujet fur les fquelettes de. Quadrupèdes ovipares, du Cabinet du Roi, s'accordent avec celles que M. Camper a bien voulu me communiquer par une lettre que ce célèbre Anatomifte m'a écrite le 29 Août 1766. (1) Les lézards, les grenouilles, les-crapauds, ni les raînes , n’ont point de yeflie proprement dite, DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 13 intervalles très-inégaux (m). Si l’on obferve donc les divers principes de leur mouvement vital, on trouvera une plus grande fimplicité, tant dans ces premiers moteurs, que dans les effets qu’ils font naître :on verra les différens reflorts moins multipliés (2) ; on remar- quera même, à certains égards, moins de dépendance entre les diflérentes parties : auf l’action des unes fur les autres eft-elle moindre; les communications font- elles moins parfaites; les mouvemens plus lents ; les frottemens moins forts. Et voilà un bien grand nombre de caufes pour rendre ces machines plus uniformes & moins fujettes à fe déranger, c’eft-à-dire, pour qu'il foit plus dificile d'arrêter dans ces animaux le mouvement vital, dont le principe répandu, en quelque forte, dans un efpace plus étendu, ne peut être détruit que lorf- qu’il eft attaqué dans plufieurs points à-la-fois. Ceite organifation particulière des Quadrupèdes ovi- (m) Mémoires pour fervir à l'Hifloire naturelle des animaux , art: de la Tortue de terre de Coromandel., (n) « Dans plufeurs Quadrupèdes ovipares, il paroît qu'il manque quelques parties dans les organes deftinés aux fécrétions , & que ces ce dernières doivent y être opérées d’une manière plus fimple.» Ob- fervations anatomiques de Gérard Blafius , page 65. Voyez d’ailleurs les Mémoires pour fervir à l'Hifloire naturelle des animaux , articles de la Tortue de terre, du Crocodile , du Caméléon , du Tokai (Gecko), & de la Salamandre, 16 Hisrorrs NATURELLE pares, doit encore être comptée parmi les caufes de leur peu de fenfbilité; & cette efpèce de froideur de tempérament n’eft-elle pas augmentée par le rapport de leur fubftance avec l’eau? Non-feulement, en effet, ils recherchent la lumière active du foleil, par défaut de chaleur intérieure, mais encore ils fe plaifent au milieu des terreins fangeux & d'une humidité chaude par analogie de nature. Bien loin de leur être contraire, cette humidité, aidée de la chaleur, fert à leur déve- loppement ; elle ajoute à leur volume, en s'introduifant dans leur organifation , & en devenant portion de leur fubftance; & ce qui prouve que cette humeur aqueufe, dont ils font pénétrés, n’eft pas une vaine bouffifiure, un gonflement nuifible, & une caufe de dépériflement plutôt que d'un accroiffement véritable; c’eft que bien loin de perdre quelqu'une de leurs propriétés, lorfque leur fubftance eft, pour ainf dire, imbibée de l’humi- dité abondante dans laquelle ils font plongés, la faculté de fe reproduire paroïît s'accroître dans ces animaux à mefure qu'ils font remplis de cette humidité chaude, fi analogue à la nature de leurs corps. Cette convenance de leur nature avec l'humidité , montre combien leur mouvement vital tient, pour aiag dire, à plufieurs reflorts affez indépendans les uns des autres : en effet, cette furabondance d’eau eft avanta- seufe aux êtres dans lefquels les mouvemens intérieurs peuvent être ralentis fans être arrêtés, dans lefquels la molleflg DES QuaDRUPÈDES OFIPARES. 17 mollefle des fubftances peut diminuer fans inconvénient la communication des forces, & dont les divers mem- bres ont plus befoin de parties groflières & de molécules qui occupent une place, que de principes actifs & de portions délicatement organifées. Elle caufe, au con- traire , le dépériflement des êtres pleinement doués de vie, qui exiftent par une grande rapidité des mou- vemens intérieurs, par une grande élaflicité des di- verfes parties, par une communication prompte de toutes les impreflions, & qui ont moins befoin, en quelque forte, d’être nourris que mis en mouvement, d'être remplis que d'être animés. Voilà pourquoi les efpèces des animaux les plus nobles dégénèrent bientôt fur ces rivages nouveaux, où d’immenfes forêts arrêtent & condenfent les vapeurs de l’air, où des amas énormes de plantes bafles & rampantes retiennent fur une vafe bourbeufe une humidité que les vents ne peuvent diffi- per, & où le foleil n'élève par fa chaleur une partie de fes vapeurs humides , que pour en imprégner da- vantage l’atmofphère, la répandre au loin, & en mul- tiplier les pernicieux effets. Les infectes, au contraire, craignent fi peu l'humidité, que c’eft précifément fur les bords fangeux, à peine abandonnés par la mer & toujours plongés dans des flots de vapeurs & de brouil- lards épais, qu'ils acquièrent le plus grand volume; & font parés des couleurs les plus vives. Mais, quoique les Quadrupèdes ovipares paroiffent Ovipares , Tome I, C 18 HirsTorrEe NATURELLE être peu favorifés à certains égards, ils font cependant bien fupérieurs à de grands ordres d'animaux ; & nous devons les confidérer avec d'autant plus d'attention, que leur nature, pour ainfi dire, mi-partie entre celle des plus hautes & des plus baffes claffes des êtres vivans & organifés, montre les relations d'un grand nombre de faits importans qui ne paroifloient pas analogues, & dont on pourra entrevoir la caufe, par cela feul qu'on rapprochera ces faits, & qu'on découvrira les rapports qui les lient. Le féjour de tous ces Quadrupèdes n’eft pas fixé au milieu des eaux. Plufeurs de ces animaux préfèrent les: terreins fecs & élevés; d’autres-habitent dans des creux de rochers; ceux-ci vivent au milieu des bois & grim-— pent avec vitefle jufqu’à l'extrémité des branches les plus hautes : mais prefque tous nagent & plongent avec facilité, & c’eft en partie ce qui les a fait comprendre par plufieurs Naturaliftes fous la dénomination générale: d'amphibies. I n’eft cependant aucun de ces Quadru- pèdes qui n'ait befoin de venir de tems en tems à la furface de l’eau, dans laquelle il aime à fe tenir plongé. Tous les animaux qui ont du fang doivent refpirer l'air de l'atmofphère , & fi les poiffons peuvent demeurer très- long-tems au fond des mers & des rivières, c’eft qu'ilsont un organe particulier qui fépare de l’eau tout l'air qu'elle: peut contenir, & le fait parvenir jufques à leurs vaifleaux fanguins. Les Quadrupèdes ovipares font donc forcés de DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 19 refpirer de tems en tems; l'air pénètre ainfi jufques dans leurs poumons; ilparvient jufqu’à leur fang;ille revivifie, quoique moins fréquemment que celui des Quadrupèdes vivipares , ainñ que nous l'avons dit ; il diminue la trop grande épaifleur de ce fluide & entretient fa circula- tion. Les Quadrupèdes ovipares périflent donc faute d'air, lorfqu’ils demeurent trop de tems fous l’eau; ce n'eft que dans leur état de torpeur qu’ils paroiflent pouvoir fe pafler pendant très-long-tems de refpirer , une grande fluidité n'étant pas néceflaire pour le foible mouvement que leur fang doit conferver pendant leur engourdiffe- ment. Les Quadrupèdes ovipares, moins fenfbles que les autres, moins animés par des pañlions vives, moins agités au-dedans, moins agiflans à l'extérieur, font en général beaucoup plus à l'abri des dangers; ils $y ex- pofent moins, parce qu'ils ont moins d'appétits violens; & d’ailleurs les accidens font pour eux moins à craindre. Ils peuvent être privés de parties aflez confidérables, telles que leur queue & leurs pattes, fans cependant perdre la vie (o); quelques-uns d'eux les recou- (o) Pline, Livre II, Chap. III. —VNoyez aufli l'article des Sala= mandres à queue plate. L'on conferve au Cabinet du Roi un grand lézard, de l'efpèce ap- pellée D ragonne , auquel ilmanque une patte ; il paroît qu'il l’avoit perdue par quelqu'accident, lorfqu'il étoit déja aflez gros; car la cicatrice : C ÿ 20 Hirsrorre NATUREI:E vrent (p), fur-tout lorfque la chaleur de l’atmofphère en favorife la reproduction; & ce qui paroïtra plus furprenant à ceux qui ne jugent que d’après ce qu'ils ont communément fous les yeux, il eft des Quadru- pèdes ovipares qui peuvent fe mouvoir long-tems après qu'on leur a enlevé la partie de leur corps qui paroît la plus néceffaire à la vie; les tortues vivent plufeurs jours après qu'on leur a coupé la tête (g); les gre- nouilles ne meurent pas tout de fuite, quoiqu'on leur ait arraché le cœur; &, dès le tems d’Ariftote, on favoit que quelques momens après qu'on avoit difléqué un caméléon, fon cœur palpitoit encore (r). Ce grand phénomène ne fufhroit-il pas pour démontrer combien les différentes parties des Quadrupèdes ovipares dé- pendent peu les unes des autres? Il prouve non-feu- lement que leur fyftême nerveux n’eft pas aufh lié que qui s'eft formée eft confdérable. C’eft M. de la Borde , Médecin du Roi à Cayenne, & correfpondant du Cabinet du Roi, qui l'a en- voyé. Il a rencontré, dans lAinérique méridionale, un lézard d’une autre efpèce, & n'ayant également que trois pattes. Il en fait mention dans un recucil d’obfervations nouvelles & très-intéreflantes, qu'il fe propofe de publier fur l'Hiftoire naturelle de l'Amérique méridionale: (p) Voyez deux Mémoires de M. Bonnet , publiés dans le Journak de Phyfique, Fun en Novembre 1777, & l’autre en Janvier 1770, ( g ) Voyez l'article de la Tortue, appellée la Grecque. (r) Conrad Gefner, Hifi. des animaux, Liy. II. des Que- sdup. ovip. p. 5, édit. de 1464 DES QUADRUPÈDES OVIPARES, 21 celui des autres Quadrupèdes, puifqu'on peut féparer les nerfs de la tête de ceux qui prennent racine dans la moëlle épinière, fans que lanimal meure tout de fuite, ni même paroifle beaucoup fouflrir dans les pre- miers momens; mais ne démontre-t-il pas encore que leurs vaifeaux fanguins ne communiquent pas entre eux autant que ceux des autres Quadrupèdes, puifque fans cela tout le fang s’échapperoit par Les endroits où les artères auroient été coupées; & l'animal refteroit fans mouvement & fans vie? Ceci s'accorde très-bien avec la lenteur & la froideur du fang des Quadrupèdes ovipares ; & il ne faut pas être étonné que non-feule- ment ils ne perdent pas la vie au moment que leur tête eft féparée de leur corps, mais encore qu'ils vivent plufieurs jours fans l’organe qui leur eft néceffaire pour prendre leurs alimens. Ils peuvent fe pafñler de manger pendant un tems très-long ; on a vu même des tortues & des crocodiles demeurer plus d’un an privés de toute nourriture (s). La plupart de ces animaux font revêtus décailles ou d’enveloppes offeufes, qui ne laiffent pañler la tranfpiration que dans un petit nombre de points : ayant d’ailleurs le fang plus froid, ils perdent moins de leur fubftance, & par conféquent ils doivent moins la réparer. Animés par une moindre chaleur, ils né- (s.) Voyez les articles particuliers de leur hiftoire. 23 HISTOIRE NATUREIIE prouvent pas cette grande deffication, qui devient une foif ardente dans certains animaux; ils n’ont pas befoin de rafraîchir, par une boiffon très-abondante, des vaif feaux intérieurs, qui ne font jamais trop échaufés. Pline, & les Anciens, avoient reconnu que les ani- maux qui ne fuent point, & qui ne pofièdent pas une grande chaleur intérieure, mangent très-peu. En efiet,. la perte des forces n’eft-elle pas toujours proportionnée aux réfiffances ? les réfiffances ne le font-elles pas aux frottemens; les frottemens à la rapidité des mouvemens; & cette rapidité ne l’eft-elle pas toujours à la chaleur intérieure ? Mais fi les Quadrupèdes ovipares réfiftent avec fa- cilité à des coups qui ne portent que fur certains points de leur corps, à des chocs locaux, à des léfions parti- culières , ils fuccombent bientôt aux efforts des caufes extérieures, énergiques & conflantes qui les attaquent dans tout leur enfemble ; ils ne peuvent point leur op- pofer des forces intérieures affez actives : & comme la caufe la plus contraire à une foible chaleur interne, eft un froid extérieur plus ou moins rigoureux, il n’eft pas furprenant que les Quagrupèdes ovipares ne puiffent réfifter aux effets d’une atmofphère plutôt froide que tempérée. Voilà pourquoi on ne rencontre la plupart des tortues de mer, les crocodiles, & les autres grandes efpèces de Quadrupèdes ovipares, que près des zones torrides, ou du moins à des latitudes peu élevées, tant DES QUADRUPÉDES OVIPARES., 23 dans l’ancien que dans le nouveau Continent ; & non- feulement ces grandes efpèces font confinées aux en- virons de la zone torride, mais encore à mefure que les individus & les variétés d’une même efpèce habitent un pays plus éloigné de l'équateur, plus élevé ou plus humide, & par conféquent plus froid , leurs dimenfions font beaucoup plus petites (4). Les crocodiles des contrées les plus chaudes l’emportent fur les autres par leur gran- deur & par leur nombre; & fi ceux qui vivent très-près de la ligne, font quelquefois moins grands que ceux que l'or trouve à des latitudes plus élevées, comme on le remarque en Amérique, c’eft qu'ils font dans des pays plus peuplés, où on leur fait une guerre plus cruelle, & oùils ne trouvent ni la paix ni la nourriture , fans lefquellés ils ne peuvent parvenir à leur entier accroif- fement. ' La chaleur de latmofphère eft même fi néceffaire aux Quadrupèdes ovipares, que lorfque le retour des faïfons réduit les pays voifins des zones torrides, à la froide température des contrées beaucoup plus élevées en lati- tude , les Quadrupèdes ovipares perdent leur aétivité; leurs fens s'émouflent; la chaleur de leur fang dimi- nue ; leurs forces saffoibliflent ; ils empreffent de gagner (z) Les plus gros crocodiles, & le plus grand nombre de ces ani- faux, habitent la zone torride. Catefby , Hifloire naturelle de la Caro Ene ; volume 2, pag 63, 24 HirsTrTorre NATURELLE des retraites obfcures, des antres dans les rochers, des trous dans la vafe, ou des abris dans les joncs & les. autres végétaux qui bordent les grands fleuves. Ils cher- chent à y jouir d'une température moins froide, & ày conferver, pendant quelques momens, un refte de cha- leur prêt à leur échapper. Mais le froid croiffant tou- jours, & gagnant de proche en proche, fe fait bientôt. fentir dans leurs retraites, qu'ils paroiflent choifir au milieu de bois écartés, ou fur des bords inacceflibles, pour fe dérober aux recherches & à la voracité de leurs ennemis pendant le tems de leur fopeur, où ils ne leur offriroient qu'une maffe fans défenfe & un appas fans danger. Ils s'endorment d’un fommeil profond; ils tombent dans un état de mort apparente; & cette torpeur eft fi grande, qu'ils ne peuvent être réveillés per aucun bruit, par aucune fecoufle, ni même par des bleflures : ils paffent inertement la faifon de l'hiver dans cette efpèce d’infenfbilité abfolue où ils ne con- fervent de l’animal que la forme, & feulement affez de mouvement intérieur pour éviter la décompofition à laquelle font foumifes toutes les fubftances organi- {ées réduites à un repos abfolu. Ils ne donnent que quelques foibles marques du mouvement qui refte en- core à leur fang , mais qui eft d'autant plus lent , que fouvent il n’eft animé par aucune expiration pi infpi- ration, Ce qui le prouve, c’eft qu'on trouve prefque toujours les Quadrupèdes ovipares engourdis dans la R vale DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 95 vafe, & cachés dans des creux le long des rivages où les eaux les gagnent & les furmontent fouvent, où ils font par conféquent beaucoup de tems fans pouvoir refpirer, & où ils reviennent cependant à la vie dès que la chaleur du printems fe fait de nouveau ref- fentir. Les Quadrupèdes ovipares ne font pas les feuls ani- maux qui s'engourdiflent pendant l'hiver aux latitudes un peu élevées : les ferpens, les cruftacées, font éga- lement fujets à sengourdir ; des animaux en plus par- faits tombent auffi dans une torpeur annuelle, tels que les marmottes, les loirs, les chauves-fouris, les hérif- . fons, &c. Mais ces derniers animaux ne doivent pas éprouver une fopeur aufli profonde. Plus fenfibles que les Quadrupèdes ovipares, que les ferpens & les cruf- tacées , ils doivent conferver plus de vie intérieure ; quelqu'engourdis qu’ils foient, ils ne ceflent de refpirer, & cette action, quoiqu'afloiblie, n’augmente -t- elle pas toujours leurs mouvemens intérieurs ? Si, pendant l'hiver, il furvient un peu de chaleur, les Quadrupèdes ovipares font plus ou moins tirés de leur état de fopeur (u); & voilà pourquoi des Voya- geurs, qui pendant des journées douces de lhiver ont (u) Olfervations fur le crocodile de la Louifiane , par M. de le Coudrenière. Journal de Phyfique 1782. Ovipares , Tome I. D 26 Hisrorre NATURELLE rencontré dans certains pays des crocodiles, & d’autres: Quadrupèdes ovipares, doués de prefque toute leur adi- vité ordinaire, ont afluré, quoiqu'à tort, qu'ils ne s’y engourdifloient point. Ils peuvent aufli être préfervés quelquefois de cet engourdiflement annuel par la na— ture de leurs alimens. Une nourriture plus échauffante & plus fubftantielle augmente la force de leurs folides, la quantité de leur fang, l’activité de leurs humeurs, & leur donne ainf aflez de chaleur interne pour com— penfer le défaut de chaleur extérieure. Il arrive fou- vent que les Quadrupèdes ovipares font dans cet état de mort apparente pendant près de fix mois, & même davantage : ce long tems n'empêche pas que leurs fa— cultés fufpendues ne reprennent leur activité. Nous verrons dans l’hiftoire des falamandres aquatiques qu’on a quelquefois trouvé de ces animaux engourdis dans des morceaux de glace tirés des glacières pendant l'été, & dans lefquels ils étoient enfermés depuis plufeurs mois ; lorfque la glace étoit fondue, & que les fala— mandres étoient pénétrées d’une douce chaleur, elles revenoient à la vie. Mais, comme tout a un terme dans la nature, fi le froid devenoit trop rigoureux ou duroit trop long- tems, les Quadrupèdes ovipares engourdis périroient : la machine animale ne peut en effet conferver qu'un: certain tems les mouvemens intérieurs qui lui ont été communiqués. Non-feulement une nouvelle nourriture DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 27 doit réparer la perte de la fubftance qui fe difiipe; mais ne faut-il pas encore que le mouvement intérieur foit renouvellé, pour ainfi dire, par des fecoufles ex« térieures, & que des fenfations nouvelles remontent tous les reflorts? La mafñle totale du corps des Quadrupèdes ovipares ne perd aucune partie très-fenfible de fubftance pen- dant leur longue torpeur (y) : mais les portions les plus (y) «Le 7 Oétobre 165 1, M.le Chevalier Georges Ent pefa exactement une tortue terreftre, avant qu'elle ne fe cachât fous terre. Son poids ce étoit de quatre livres trois onces & trois drachmes. Le 8 Oétobre «e 1652, ayant tire la tortue de la terre où elle s’étoit enfouie la veille, ce il trouva qu'elle pefoit quatre livres fix onces & une drachme. Le « 16 Mars 1653, la tortue fortit d'elle-même de fa retraite : elle ce. pefoit alors quatre livres quatre onces. Le 4 O&tobre 1653, la tor-- « tue, qui avoit été quelques jours fans manger, fut retirée du trou « où elle s’étoit enterrée ; fon poids étoit de quatre livres cinq onces. cc Les yeux, qu’elle avoit eus long-tems fermés, étoient dans ce mo- « ment ouverts & fort humides. Le 18 Mars 1654, la toitue fortit ec de fon trou, & mile dans la balance, pefoit quatre livres quatre ce onces & deux drachmes. Le 6 O&tobre 1654, étant fur le point d’hi- « verner, elle pefoit quatre livres neuf onces & trois drachmes. Le der- «6 nier Février 1655, jour auquel la tortue avoit abandonné fa retraite, ce fon poids étoit de quatre livres fept onces & fix drachmes. Ainfi, ce elle avoit perdu de fon ancien poids une once & cinq .drachmes. Le cc 2 O@obre 1655, la tortue, avant de fe retirer dans fon trou pour ce y-pañler l'hiver, pefoit quatre livres neuf onces. Elle avoit déja paflé « un peu de tems fans prendre de nourriture, Le 25 Mars 1656, la « tortue , au fortir de fon trou, pefoit quatre livres fept onces & deux « D ji 28 Hisrorre NATUREzIE extérieures, plus foumifes à l’a@tion defléchante du froid, & plus éloignées du centre du foible mouvement in- terne qui refte alors aux Quadrupèdes ovipares, fu- biffent une forte d’altération dans la plupart de ces animaux. Lorfque cette couverture la plus extérieure de ces Quadrupèdes n’eft pas une partie offeufe & très-folide , comme dans les tortues & dans les croco- diles, elle fe deflèche, perd fon organifation, ne peut plus être unie avec le refte du corps organifé, & ne participe plus ni à fes mouvemens internes , ni à fa nourriture. Lors donc que le printems redonne le mou- vement aux Quadrupèdes ovipares, la première peau, foit nue, foit garnie d’écailles , ne fait plus partie en quelque forte du corps animé ; elle n’eft plus pour ce corps qu'une fubftance étrangère ; elle eft repouflée, pour ainf dire, par des mouvemens intérieurs qu’elle ne partage plus. La nourriture qui en entretenoit la fubf tance fe porte cependant comme à l'ordinaire vers la » drachmes. Le 30 Septembre 1656, la tortue, fur le point de fe » retirer dans la terre, peloit quatre livres douze onces & quatre > drachmes. Enfin , le s Mars 1657, la tortue, de retour fur la terre, » peloit quatre livres onze onces & deux drachmes & demie. On peut » juger, par ces obfervations, combien cet animal, ainfi que tous ceux » qui fe cachent fous terre, pour fe garantir des froids de l'hiver. » perdent peu de leur fubftance par la tranfpiration, pendant un: jeûne » abfolw- de plufeurs mois. » (Colleéion académique , Tome VIT, pages 1207127. DES QuUADRUPÈDES OFIPARES, 29 furface du corps; mais au lieu de réparer une peau qui n'a prefque plus de communication avec l'intérieur, elle en forme une nouvelle qui ne ceffe de s'accroître au-deflous de l’ancienne. Tous ces efforts détachent peu-à-peu cette vieille peau du corps de Panimal, achèvent d’ôter toute liaifon entre les parties intérieures & cette peau altérée, qui, de plus en plus privée de toute réparation, devient plus foumife aux caufes étran- gères qui tendent à la décompofer. Attaquée ainfi des deux côtés, elle cède, fe fend ; & l'animal revêtu d’une peau nouvelle fort ie cette efpèce de fourreau, qui n'étoit plus pour lui qu'un corps embarraffant. C’eft ainfi que le dépouillement annuel des Qua- drupèdes ovipares nous paroît devoir s'opérer; mais il n’eft pas feulement produit par l’engourdiffement. Ils quittent également leur première peau dans les pays où une température plus chaude les garantit du fom- meil de l'hiver. Quelques-uns la quittent auf plufeurs fois pendant Pété des contrées tempérées ; le même effet eft produit par des caufes oppofées; la chaleur de Pat- mofphère équivaut au froid & au défaut de mouvement; elle deflèche également la peau, en dérange le tiflu, & en détruit l’organifation (x). (x) La note fuivante m'a été communiquée par M. de Touchy, Ecuyer, de la Société royale des Sciences de Montpellier, &c. elle eft extraite d’un ouvrage que ce Naturalifte fe propole de publier, & qui: fera intitulé : one pour férvir à l'Hifloire des fonélions de l'éo-- 30 Hisrorre NATURELLE Des animaux d'ordres très-différens des Quadrupèdes ovipares éprouvent aufhi chaque année, & même à plufieurs époques, une efpèce de dépouillement : ils perdent quelques-unes de leurs parties extérieures; on peut particulièrement le remarquer dans les ferpens, nornie animale des oifeaux. «Je pris, le 4 Mai 1785, dit M. de Tour- » chy, un lézard vert à taches jaunes & bleuâtres, & de dix pouces » de long : je le mis vivant dans une bouteille couverte d'une toile s> à jour, & pofée fur une table de marbre dans une falle fraîche au » rez- de-chauflée; ce lézard vécut deux mois dans cette efpèce de » prifon, fans prendre aucune nourriture. Les premiers jours , il fit s> des efforts pour en fortir, mais il fut affez tranquille le refte du » tems. Vers le quarante - cinquième jour, je m'apperçus qu'il fe dif- s> poloit à changer de peau, & fucceflivement je vis cette peau fe 3 fécher, fe racornir, fe détacher par parties fanées & décolorées, # pendant que la nouvelle peau qui fe découvroit avoit une belle s> couleur verte avec des taches bien nettes. Il mourut le foixante- ss troïñième jour , fans avoir achevé de muer, la vieille peau étant en- » core attachée fur la tête, les pattes & la queue. Pendant le tems 1 de la mue, & celni qui le précéda, il ne fut jamais dans un état »» de torpeur ; il marchoit dans fa bouteille, lorfqu’on la prenoit dans » les mains, & même fans cela & de lui-même; je lui vis quelquefois > les yeux fermés; mais il les rouvroit bientôt, & avec vivacité. IL » étoit à demi-arrondi dans cette bouteille, dont le cul un peu relevé » devoit ajouter à la gène de fa poltion. Il avoit certainement mué 2 avant d’être pris, comme font tous les lézards & les ferpéns, lorfque s la chaleur du printems les fait fortir de leurs retraites. La fraicheur » de fes couleurs & la délicatefle de fa peau me l’avoient prouvé lorf- #> que je le pris. ?» DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 31 dans certains animaux à poils, & dans les oifeaux ; les infectes & les végétaux ne font-ils pas fujets auffi à une forte de mue? Dans quelques êtres qu'on remarque ces grands changemens, on doit les rap- porter à la même caufe générale. Il faut toujours les attribuer au défaut d'équilibre entre les mouvemens intérieurs & les caufes externes : lorfque ces dernières font fupérieures, elles altèrent & dépouillent; & lorf- que le principe vital l'emporte, il répare & renouvelle. Mais cet équilibre peut être rompu de mille & mille manières, & les effets qui en réfultent font diverfifiés fuivant la nature des êtres organifés qui les éprouvent. Il en eft donc de cette propriété de fe dépouiller, ainfi que de toutes les autres propriétés & de toutes les formes que la Nature diftribue aux différentes ef- pèces, & combine de toutes les manières, comme fi elle vouloit en tout épuifer toutes les modifications. C’eft fouvent parce que nos connoiffances font bornées,, que l’imagination la plus bizarre nous paroît allier des qualités & des formes qui ne doivent pas fe trouver enfemble. En étudiant avec foin la Nature, non-feu— lement dans fes grandes productions, mais encore dans cette foule immenfe de petits êtres, où il femble que la diverfité des figures extérieures ou internes, & par conféquent celle des habitudes ont pu être plus facile- ment imprimées à des mafles moins confidérables , lon trouveroit des êtres naturels, dont les produits de li 32 Hrsrorre NATURELLE magination ne feroient fouvent que des copies. Il y aura cependant toujours une grande différence entre les originaux & ces copies plus ou moins fidèles : li- magination, en aflemblant des formes & des qualités difparates, ne prépare pas à cette réunion extraordi- maire; elle n'emploie pas cette dégradation fucceflive de nuances diverfifiées à l'infini qui peuvent rappro- cher les objets les plus éloignés, & qui en décelant la vraie puiflance créatrice, {ont le fceau dont la Nature marque fes ouvrages durables, & les diftingue des pro- duétions paflagères de la vaine imagination. Lorfque les Quadrupèdes ovipares quittent leurs vieilles couvertures , leur nouvelle peau eft fouvent encore aflez molle pour les rendre plus fenfibles au choc des objets extérieurs: aufli font-ils plus timides, plus réfervés, pour ainfi dire, dans leur démarche, & fe tiennent-ils cachés autant qu'ils le peuvent, jufqu'à que cette nouvelle peau ait été fortifiée par de nou- veaux fucs nourriciers & endurcie par les impreflions de latmofphère. Les habitudes des Quadrupèdes ovipares font en gé- néral affez douces : leur caractère eft fans férocité ; fi quelques-uns d'eux, comme les crocodiles, détruifent beaucoup, c’eft parce qu’ils ont une grande maffe à en- tretenir (y); mais ce n’eft que dansles articles particuliers (7) Voyez particulièrement l'Hiftoire des Crocodiles, de DES QUADRUPÈDES OVIPARES. ae de cette Hiftoire que nous pourrons montrer comment ces mœurs générales & communes à tous les Quadru- pèdes ovipares , font plus ou moins diverfifiées dans chaque efpèce, par leur organifation particulière , & par les circonftances de leur vie. Nous verrons, par exemple, les uns fe nourrir de poiftons, les autres donner la chafle de préférence aux animaux qui ram- pent fur la terre, aux petits Quadrupèdes, aux oifeaux même qu'ils peuvent atteindre fur les branches des arbres; ceux-ci fe nourrir uniquement des infectes qui bourdonnent dans latmofphère ; ceux-là ne vivre que d'herbe, & ne choifir que les plantes parfumées, tant la Nature fait varier les moyens de fubfiftance dans toutes les claffes, & tant elle les a toutes liées par un grand nombre de rapports. La chaîne prefque infinie des êtres, au lieu de fe prolonger d’un feul côté, & de ne fuivre, pour ainfi dire, qu'une ligne droite, revient donc fans cefle fur elle-même, s'étend dans tous les fens, s'élève, s'abaifle , fe replie, & par les différens contours quelle décrit, les diverfes finuofités qu’elle forme, les divers endroits où elle fe réunit, ne repré- fente-t-elle pas une forte de folide , dont toutes les parties senlacent & fe lient étroitement , où rien ne pourroit être divifé fans détruire l’enfemble, où l’on ne reconnoît ni premier ni dernier chaînon, & où même Von n’entrevoit pas comment la Nature a-pu former ce tiflu aufli immenfe que merveilleux ? Ovipares , Tome I. E 34 Hisrorre NATURELLE Les Quadrupèdes ovipares font fouvent réunis en grandes troupes ; l'on ne doit cependant pas dire qu’ils forment une vraie fociété. Qu’eft-ce en eflet qui réfulte de leur attroupement ? aucun ouvrage, aucune chañe, aucune guerre, qui paroiflent concertés. Ils ne conftrui- fent jamais d’afyle ; &, lorfqu'ils en choififfent fur des rivages, dans des rochers, dans le creux des arbres, &c. ce n’eft point une habitation commode qu’ils préparent pour un certain nombre d'individus réunis, & qu'ils tâchent d’approprier à leurs diflérens befoins ; mais c’eft une retraite purement individuelle, où ils ne veulent que fe cacher, à laquelle ils ne changent rien, & qu'ils adoptent également, foit qu'elle ne fuflife que pour un feul animal , ou foit qu'elle ait affez d’étendue pour re- celer plufeurs de ces Quadrupèdes. Si quelques-uns chaffent ou pêchent enfemble, c’eft qu'ils font également attirés par le même appät; s'ils attaquent à-la-fois, c’eft parce qu’ils ont la même proie à leur portée; s'ils fe défendent en commun, c’eft parce qu'ils font attaqués en même-tems ; & fi quelqu'un d'eux a jamais pu fauver la troupe entière, en l’avertif- fant par fes cris de quelqu'embâche, ce n’eft point , comme on l'a dit des finges & de quelques autres Qua— drupèdes, parce qu'ils avoient été, pour ainf dire, chargés du foin de veiller à la sûreté commune, mais feulement par un eflet de la crainte que l’on re- trouve dans prefque tous les animaux, & qui les rend DES QUADRUPADES OVIPARES. 20 fans cefle attentifs à leur confervation individuelle. Quoique les Quadrupèdes ovipares paroïiffent moins fenfibles que les autres Quadrupèdes, ils n’en éprou- vent pas moins, au retour du printèms, le fentiment im- périeux de l’amour, qui, dans la plupart des animaux, donne tant de force aux plus foïbles, tant d'activité aux plus lents, tant de courage aux plus lâches. Malgré le filence habituel de plufeurs de ces Quadrupèdes, ils ont prefque tous des fons particuliers pour exprimer leurs defirs. Le mâle appelle fa femelle par un cri ex- preffif, auquel elle répond par un accent femblable. L'amour n’eft peut-être pour eux qu’une flamme lé- gère, qu'ils ne reflentent jamais très-vivement, comme fi les humeurs, dont leur corps abonde, les garantifloient de cette chaleur intérieure & productrice , qu'on à com-. parée avec plus de raifon qu’on ne le penfe à un vé- ritable feu, & qui eft de même amortié ou témpérée par tout ce qui tient au froid élément de l’eau. Il femble cependant que la Nature a voulu fuppléer dans le plus grand nombre de ces Quadrupèdes, à l’activité inté- rieure qui leur manque, par une conformation des plus propres aux jouiflances de l'amour. Les parties fexuelles des mâles font toujours renfermées dans l’intérieur de leur corps jufqu'au moment où ils s'accouplent avec leurs femelles (7) ; la chaleur interne , qui ne cefle de péné- (z) Ceft par l'anus que les mâles des lézards & des tortues font E i 36 Histoire NATURELLE trer les organes deftinés à perpétuer leur efpèce, doit - ajouter à la vivacité des fenfations qu'ils éprouvent ; & d’ailleurs ce n’eft pas pendant des inftans très-courts, comme la plupart des animaux, que les tortues ma- rines, & plufieurs autres Quadrupèdes ovipares, com- muniquent & reçoivent la flamme qu'ils peuvent ref fentir : c’eft pendant plufieurs jours que dure lunion intime du mâle & de la femèle, fans qu'ils puiflent être féparés par aucune crainte, ni même par des blef- fures profondes (a). Les Quadrupèdes ovipares font aufli féconds que leur union eft quelquefois prolongée. Parmi les vivipa- res, les plus petites efpèces font en général celles dont les portées font les plus nombreufes ; cette loi conftante pour tous ces animaux, ne s'étend pas jufques fur les Quadrupèdes ovipares, dans lefquels fa force eft vain- cue par la nature de leur organifation. Il paroit même que Les grandes efpèces de ces derniers Quadrupèdes font quelquefois bien plus fécondes que les petites, comme on pourra le voir dans l’hiftoire des tortues marines, &c. Mais fi les Quadrupèdes ovipares femblent éprouver fortir & introduifent leurs parties fexuelles , & que ceux des grenouilles ; des crapauds & des raines, répandent leur liqueur fécondante fur les œufs que pondent leurs femelles, ainfi que nous le verrons dans les. articles particuliers de leur hiftoire. (a) Voyez l'article de la Tortue franche: DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 3 SJ aflez vivement l’amour, ils ne reflenient pas de même la tendrefe paternelle. Ils abandonnent leurs œufs après les avoir pondus; la plupart, à la vérité, choififfent la place où ils les dépofent; quelques-uns, plus attentifs, la préparent & larrangent ; ils creufent même des trous où ils les renferment, & où ils les couvrent de fable & de feuillages : mais que font tous ces foins en com- paraïfon de lattention vigilante dont les petits qui doivent éclorre font l’objet dans plufieurs efpèces d’oi- feaux ? & l’on ne peut pas dire que la conformation” de la plupart de ces animaux ne leur permet pas de. tranfporter & de mettre en œuvre des matériaux né- ceflaires pour conftruire une efpèce de nid plus parfait que les trous qu'ils creufent, &c. Les cinq doigts longs & féparés qu'ont la plupart des Quadrupèdes ovipares, leurs quatre pieds, leur gueule & leur queue, ne leur donneroient-ils pas en effet plus de moyens pour y par- venir, que deux pattes & un bec n'en donnent aux oifeaux ? La groffeur de leurs œufs varie, fuivant les efpèces, beaucoup plus que dans ces derniers animaux; ceux des très-petits Quadrupèdes ovipares ont à peine une demi-ligne de diamètre, tandis que les œufs des plus grands ont de deux à trois pouces de longueur. Les embryons qu'ils contiennent fe réuniflent quelquefois avant d'y être renfermés, de manière à produire des monf- truofités, ainfi que dans les oifeaux. On trouve dans Séba 39 Hisrorre NATUREILE la figure d’une petite tortue À deux têtes, & l’on con- ferve au Cabinet du Roi un très-petit lézard vert qui a deux têtes & deux cous bien diftinéts (b). L'enveloppe des œufs des Quadrupèdes ovipares n’eft pas la même dans toutes les efpèces; dans prefque toutes, & particulièrement dans plufeurs tortues, elle eft fouple , molle , & femblable à du parchemin mouillé ; mais, dans les crocodiles & dans quelques grands lézards, elle eft d’une fubftance dure &_ cré- tacée comme les œufs des oifeaux, plus mince cepen- dant, & par conféquent plus fragile. Les œufs des Quadrupèdes ovipares ne font donc pas couvés par la femelle. L’ardeur du foleil & de l’atmof- phère les fait éclore, & l’on doit remarquer que tandis que ces Quadrupèdes ont befoin pour fubfifter d’une plus grande chaleur que les oifeaux, leurs œufs cepen- dant éclofent à une température plus froide que ceux de ces derniers animaux. Il femble que les machines ani- males les plus compofées, & par exemple celle des oi- feaux, ne peuvent être mifes en mouvement que par une chaleur extérieure très-aétive; mais que, lorfqu’elles jouent , les frottemens de leurs diverfes parties pro- duifent une chaleur interne, qui rend celle de Patmof- (B) Il a été envoyé par M. lé Duc de la Rochefoucault, qui ne ceffe de donner des preuves de fes lumières & de fon zèle pour l'a vancement des fciences, DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 39 phère moins néceflaire pour la confervation de leur mouvement. | Les petits des Quadrupèdes ovipares ne connoiffent donc jamais leur mère; ils n'en reçoivent jamais ni nourriture, ni foins, ni fecours, ni éducation; ils ne voient, ils nentendent rien qu'ils puiffent imiter; le befoin ne leur arrache pas long-tems des cris, qui n'étant point entendus de leur mère, fe perdroient dans les airs, & ne leur procureroient ni affiftance ni nourri- ture; jamais la tendrefle ne répond à ces cris; & jamais il ne s'établit parmi les Quadrupèdes ovipares ce com- mencement d'une forte de langage fi bien fenti dans plufeurs autres animaux; ils font donc privés du plus -grand moyen de s'avertir de leurs différentes fenfations, & d'exercer une fenfbilité qui auroit pu s’accroitre par une plus grande communication de leurs affetions mutuelles. : Mais fi leur fenfibilité ne peut être augmentée, leur naturel eft fouvent modifié? On eft parvenu à appri- voifer les crocodiles, qui cependant font les plus grands, les plus forts, & les plus dangereux de ces animaux ; & à l'égard des petits Quadrupèdes ovipares, la plupart cherchent une retraite autour de nos habitations; cer- tains de ces animaux partagent même nos demeures, où ils trouvent en plus grande abondance les infeétes dont ils font leur proie ; & tandis que nous recherchons les uns, tels que les petites efpèces de tortues, tandis 4O © Hirsroirre NATUREILIE que nous les apportons dans nos jardins, où ils font foignés, protégés & nourris, d’autres, tels que les lézards gris, préfentent quelquefois une forte de domefticité, moins parfaite, mais plus libre, puifqu'elle eft entière- ment de leur choix, plus utile, parce qu'ils détruifent plus d’infettes nuifibles, &, pour ainfi dire, plus noble, puifqu'ils ne reçoivent de l’homme ni nourriture pré- parée, ni retraite particulière. Prefque tous les Quadrupèdes ovipares répandent une odeur forte, qui ne diffère pas beaucoup de celle du mufc, mais qui eft moins agréable, & qui par : conféquent reflemble un peu à celle qu'exhalent des animaux d'ordres bien différens, tels que les fer- pens, les fouines, les belettes, les putois, les mouf- fètes d'Amérique , plufeurs oïifeaux , tels que la huppe, &c. cette odeur plus ou moins vive eft le pro- duit de fecrétions particulières, dont l'organe eft très- apparent dans quelques Quadrupèdes ovipares, & par- ticulièrement dans le crocodile, ainfi que nous le ver- rons dans les détails de cette Hiftoire. : Les Quadrupèdes ovipares vivent en général très- long-tems. On ne peut guére douter, par exemple, que les grandes tortues de mer ne parviennent, ainfi que celles d’eau douce & de terre, à un âge trèsavancé; & une très-longue vie ne doit pas étonner dans ces ani- maux, dont le fang eft peu échauffé, qui tranfpirent à peine, qui peuvent fe pañer de nourriture pendant plufieurs \ DES QUADRUPÈDES OVIPARES. AY plufieurs mois, qui ont fi peu d’accidens à craindre, & qui réparent fi aifément les pertes qu'ils éprouvent. D'ailleurs ils vivent pendant un bien plus grand nombre d'années que les Quadrupèdes vivipares, fi l’on ne cal- cule l’exiftence que par la durée. Mais fi l'on veut compter les vrais momens de leur vie, les feuls que lon doive eftimer, ceux où ils ufent de leur force & font ufage de leurs falcultés, on verra que lorfqu'ils habitent un pays éloigné de la ligne, leur vie eft bien courte, quoiqu'elle paroiffe renfermer un grand efpace de tems. Engourdis pendant près de fix mois, il faut d'abord retrancher la moitié de leurs nombreufes an- nées; & pendant le refte de ces ans, qui paroiflent leur avoir été prodigués, combien ne faut-il pas ôter de jours pour ce tems de maladie, où dépouillés de leur première peau, ils font obligés d'attendre dans une retraite qu'une nouvelle couverture les mette à l'abri des dangers ! Combien ne faut-il pas ôter d’inftans pour ce fommeil journalier, auquel ils font plus fujets que plufieurs autres animaux, parce qu’ils reçoivent moins de fenfations qui les réveillent, & fur-tout parce qu'ils font moins preffés par l’aiguillon de la faim! Il me reftera donc qu'un très-petit nombre d'années où les Quadrupèdes ovipares foient réellement fenfibles & actifs, où ils emploient leurs forces, où ils ufent leur machine, où ils tendent avec rapidité vers leur dépé- . riflement. Pendant tout le tems de leur fopeur, inac- . Ovipares , Tome I. É 42 > Histoire NATURELLE ceflibles à toute impreffon, froids, immobiles, & pref- que inanimés, ils font en quelque forte réduits à l’état des matières brutes, dont la durée eft très-longue parce que le tems n’eft pour ces fubftances qu'une fucceflion d'états pañifs & de pofitions inertes fans effets productifs, & par conféquent fans caufes intérieures de deftruc- tion, bien loin de pouvoir être compté par de vives jouiflances, & par les effets féconds qui déploient mais ufent tous les reflorts des êtres animés. Plufieurs Voyageurs ont écrit que quelques lézards & quelques Quadrupèdes ovipares fans queue renfer- ment un poifon plus ou moins actif. Nous verrons dans les articles particuliers de cette Hifloire, que l’on ne peut regarder comme venimeux qu'un très-petit nombre de ces Quadrupèdes. D'un autre côté, l’on fait qu'aucun Quadrupède vivipare & qu'aucun oifeau ne font in- feétés de venin; ce n’eft que parmi les ferpens, les poiflons, les vers, les infectes & les végétaux que l’on rencontre plufieurs efpèces plus ou moins venimeufes. 11 fembleroit donc que l’abondance des fucs mortels, eft d'autant plus grande dans les êtres vivans, que leurs humeurs font moins échauffées, & que leur organifation intérieure eft plus fimple. Maintenant nous allons examiner de plus près les divers Quadrupèdes ovipares dont nous avons remarqué les qualités communes & obfervé les attributs généraux. Nous commencerons par les diverfes efpèces de tortues DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 43 de mer, d'eau douce & de terre; nous confidérerons en- fuite les crocodiles & les différens lézards, dont les. efpèces les plus petites, & particulièrement celles des falamandres, ont tant de rapports avec les grenouilles & les autres familles de Quadrupèdes ovipares qui n'ont pas de queue, & par l’hiftoire defquels nous terminerons celle de tous ces animaux: Nous ne nous arrêterons ce- pendant beaucoup qu’à ceux qui, par la fingularité de leur conformation, l'étendue de leur volume, la gran- deur de leur puiflance, la prééminence de leurs qua- lités, mériteront un plus grand intérêt & une attention plus marquée; pour parvenir à peindre la Nature, tâchons de limiter; & de même que les efpèces dif- tinguées paroiflent avoir été les objets de fa prédi- lection, qu'elles foient ceux de notre attention particu- lière, comme réfléchiffant vers nous plus de lumière, & comme en répandant davantage fur tout ce qui les environne. Et lorfqu’il s'agira de tracer les limites qui féparent les’ efpèces les unes des autres, lorfque nous ferons indécis fur la valeur des caractères qui fe préfen- teront, nous aimerons mieux ne compter qu'une efpèce que d'en admettre deux, bien aflurés que les individus ne coûtent rien à la Nature, mais que, malgré fon im- menfe fécondité , elle n’a point prodigué inutilement les efpèces. Ses effets font fans nombre, mais non pas les caufes qu'elle fait agir. Nous croirions donc mal re- préfenter l’augufte fimplicité de fon plan, & mal parler F i) ‘+4 ._Hisrorre NATURELLE de fa force, en lui rapportant fans raifon une vaine multiplication d’efpèces; nous penfons, au contraire, mieux révéler fa puiflance, en difant que toutes ces différences qui font la magnificence de l'univers, que toutes ces variétés qui l’embellifent, elle les a fouvent produites en modifiant de diverfes manières les efpèces réellement diftinétes. Bien loin d'enrichir la fcience, ne lappauvriflons pas; ne la rabaiffons pas en la fur- chargeant d’un poids inutile d’efpèces arbitraires ; & n'oublions jamais que du haut du trône fublime où fiège la Nature, dominant fur le tems & fur l’efpace, elle n'emploie qu'un petit nombre de puiflances pour animer la matière, développer tous les êtres, & mouvoir tous les corps de ce vafte univers. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 45 ERASNIOUR TUE" S L À NATURE a traité prefque tous les animaux avec plus ou moins de faveur: les uns ont reçu la beauté, d’autres la force; ceux-ci la grandeur, ou des armes meurtrières; ceux-là des attributs d'indépendance, la faculté de nager ou celle de s'élever dans les airs. Mais expofés en naiffant aux intempéries de l’atmofphère, les uns font obligés de fe creufer avec peine des retraites fouterraines & profondes; les autres n’ont pour afyle que les antres ténébreux des hautes montagnes ou des vañtes forêts ; ceux-ci, plus petits, font réduits à fe tapir dans les creux des arbres & des rochers, ou à aller fe ré- fugier jufque dans la demeure de leurs plus cruels ennemis, aux yeux defquels ni leur petitefle, ni leur rufe ne peuvent les dérober long-tems; ceux-là, plus malheureux, moins bien conformés, ou moins pourvus d'inftinét, font forcés de pañfer triftement leur vie fur la terre nue, & n'ont pour tout abri contre les froids rigoureux & les tempêtes Les plus violentes, que quel- ques branches d'arbres & quelques roches avancées : ceux dont lasdemeure eft la plus commode & la plus sûre, ne jouiflent de la douce paix qu'elle leur pro- cure, qu'à force de travaux & de foins; les tortues feules ont reçu en naïflant une forte de domicile AG _ Hisrorre NATUREIzE durable. Cet afyle, capable de réfifter à de très- grands eforts, n'eft pas même fixé à un certain ef- pace : lorfque la nourriture leur manque dans les en- droits qu’elles préfèrent, elles ne font pas contraintes d'abandonner un toit conftruit avec peine, de perdre tout le fruit de longs travaux, pour aller peut-être avec plus de peine encore arranger une habitation nouvelle fur des bords étrangers; elles portent par-tout avec elles l'abri que la Nature leur a donné, & c’eft avec toute vérité qu'on a dit qu'elles traînent leur maïfon ; fous laquelle elles font d'autant plus à couvert qu’elle ne peut pas être détruite par les efforts de leurs ennemis. La plupart des tortues retirent quand elles veulent leur tête, leurs pattes & leur queue fous l'enveloppe dure & offeufe qui les revêt par-deflus & par-deflous, & dont les ouvertures font aflez étroites pour que les ferres des oïfeaux voraces, ou les dents des Quadru- pèdes carnafliers n'y pénètrent que difficilement. De- meurant immobiles dans cette pofition de défenfe, elles peuvent quelquefois recevoir fans crainte, comme fans danger , les attaques des animaux qui cherchent à en faire leur proie. Ce ne font plus des êtres fenfibles , qui oppofent la force à la force, qui fouffrent toujours par la-réfiftance, & qui font plus ou moins bleflés par leur viétoire même : mais, ne préfentant que leur épaiffe enveloppe, c’eft en quelque forte contre une couverture infenfible que font dirigées les armes de leurs ennemis; DES QUADRUPÈDES OVIPARES. A les coups qui les menacent ne tombent, pour ainfi dire, que fur la pierre, & elles font alors aufli à l'abri fous leur bouclier naturel, qu'elles pourroient l'être dans le creux profond & inaccefible d’une roche dure. Ce bouclier impénétrable qui les garantit eft compofé de deux efpèces de tables offeufes plus ou moins ar- rondies & plus ou moins convexes. L’une eft placée au-deflus & l’autre au-deffous du corps. Les côtes & l’épine du dos font partie de la fupérieure, que l’on appelle carapace, & l’inférieure, que l’on nomme plaf- tron , eft réunie avec les os qui compofent le ffernum. Ces deux couvertures ne fe touchent & ne font at- tachées enfemble que par les côtés : elles laiffent deux ouvertures, l’une devant & l’autre derrière; la pre- mière donne pañlage à la tête & aux deux pattes de devant ; la feconde aux deux pattes de derrière, à la queue & à la partie du corps où eft fitué l’anus. Lorfque les tortues veulent, ou marcher, ou nager, elles font obligées d'étendre leur tête, leur col & leurs pattes, qui paroiflent alors à l'extérieur, & ces divers mem- bres , ainfi que la queue, le devant & le derrière du corps, font couverts d’une peau qui s'attache au-deffous des bords de la carapace & du plaftron, qui forme plufieurs plis, lorfque les pattes & la tête font reti- rées, qui eft aflez lâche pour fe prêter à leurs divers mouvemens d’extenfion , & qui eft garnie de petites écailles comme celle des lézards , des ferpens & des A8 Hisrorrx NATURELLE poiflons, avec lefquels elle donne aux tortues un trait de reflemblance. La tête, dans prefque toutes les ef- pèces de ces animaux, eft un peu arrondie vers le mufeau , à l'extrémité duquel font fituées les narines: la bouche eft placée en-deffous ; fon ouverture s'étend jufqu'au-delà des oreilles. La mâchoire fupérieure re- couvre la mâchoire inférieure ; elles ne font point com- munément garnies de dents, mais les os qui les com- pofent font feftonnés , & aflez durs pour que les tortues puiflent brifer aifément des fubftances très-compactes. Cette potion & cette conformation de leur bouche leur donnent beaucoup de facilité pour brouter les algues & les autres plantes dont elles fe nourriffent. Dans prefque toutes les tortues, la place des oreilles n’eft fenfible que par les plaques ou écailles particu- lières qui les recouvrent ; leurs yeux font gros & faillans. Le plaftron eft prefque toujours plus court que la carapace, qui le déborde & le recouvre pardevant, & fur-tout parderrière ; il eft aufli moins dur, & fou- vent-prefque plat. Ces deux boucliers font compofés de plufeurs pièces offeufes, dont les bords font comme dentelés, & qui s’engrènent les unes dans les autres d’une manière plus ou moins {enfible; dans certaines efpèces, celles du plaftron peuvent fe prèter à quel- ques mouvemens. La couverture fupérieure, ainfi que l’inférieure, font garnies de lames ou écailles qui varient par o DES QUADRUPÈDES OVIPARES. A par leur grandeur, par leur forme & par leur nombre, non-feulement fuivant les efpèces, mais même fuivant les individus. Quelquefois le nombre & la figure de ces écailles correfpondent à celles des pièces offeufes qu’elles cachent. On diftingue les écailles qui revêtent la circonfé- rence de la carapace d'avec celles qui en recouvrent le milieu; ce milieu eft appellé difque. Il eft le plus fouvent couvert de treize ou quinze lames, placées en long fur trois rangs; celui du milieu eft de cinq lames, & les deux des côtés font de quatre. La bordure eft communément garnie de vingt-deux ou vingt-cinq lames ; le nombre de celles du plaftron varie de douze à quatorze dans certaines efpèces, & de vingt-deux à vingt-quatre dans d’autres. Ces écailles tombent quel- quefois par l'effet d’une grande defñication, ou de quel- qu'autre accident : elles font à demi-tranfparentes, pliantes, élaftiques ; elles préfentent, dans certaines ef- pèces, telles que le caret, &c. des couleurs affez belles pour être recherchées & fervir à des objets de luxe; & ce qui les rend d'autant plus propres à être employées dans les arts, c’eft qu’elles fe ramolliffent & fe fondent à un feu aflez doux de manière à être réunies, moulées, & à prendre toute forte de figures. Les tortues font encore diftinguées des autres Qua- drupèdes ovipares par plufeurs caractères intérieurs aflez remarquables, & particulièrement par la grandeur très- _ Ovipares, Tome I. G © ne) Histoire NaAazvurertE confidérable de la veflie qui manque aux lézards, ainf qu'aux Quadrupèdes ovipares fans queue. Elles en diffèrent encore par le nombre des vertèbres du cou; nous en avons compté huit dans la tortue de mer, appellée la tortue franche, dans la grecque & dans la tortue d'eau douce, que nous avons nommée-la jaune, tandis que les crocodiles n’en ont que fept, que la plupart des autres lézards n’en ont jamais au-deflus de quatre, & que les Quadrupèdes ovipares fans queue: en font entièrement privés. Tels font les principaux traits de la conformation: générale des tortues: nous connoiffons vingt-quatre ef-- pèces de ces animaux ; elles diffèrent toutes les. unes: des autres par leur grandeuf, & par d’autres caractères faciles à diftinguer. La carapace des grandes tortues a depuis quatre jufqu'à cinq pieds de long, fur trois ou quatre pieds de largeur ; le corps entier a quelquefois plus de quatre pieds d’épaiffeur verticale à l’endroit du dos le plus élevé. La tête a environ fept ou huit pouces de long & fix ou fept pouces de large ; le cou eft à-peu-près de la même longueur, ainfi que la queue. Le poids total de ces grandes tortues excède ordinai- rement huit cens livres, & les deux couvertures en: pèfent à-peu-près quatre cens. Dans les plus petites: efpèces, au contraire, on ne compte que quelques: pouces depuis l’extrémité du mufeau jufqu’au bout de la queue, même lorfque toutes les parties de la tortue: DES QUADRUPÈDES OVFIPARES. SI font étendues, & tout l'animal ne pèfe pas quelquefois une livre. Les vingt-quatre efpèces de tortues diffèrent auf beaucoup les unes des autres par leurs habitudes : les unes vivent prefque toujours dans la mer; les autres, au contraire, préfèrent le féjour des eaux douces ou des terreins fecs & élevés. Nous avons cru d’après cela devoir former deux divifions dans le genre des tortues. Nous plaçcons dans la première fix efpèces de ces ani- maux, les plus grandes de toutes, & qui habitent la mer de préférence. Il eft aifé de les diftinguer d'avec les autres, en ce que leurs pieds très-alongés & leurs doigts très-inégaux en longueur, & réunis par une membrane, reprélentent des nageoires dont la longueur eft fouvent de deux pieds, & égale par conféquent plus du tiers de celle de la carapace. Leurs deux bou- cliers fe touchent d’ailleurs de chaque côté dans une plus grande portion de leur circonférence : l’ouverture de devant & celle de derrière font par-là moins éten- dues, & ne laiflent qu'un pañlage plus étroit à la griffe des oïfeaux de proie & aux dents des caymans , des tigres, des cougars, & des autres ennemis des tortues; mais la plupart des tortues marines ne cachent qu'à- demi leur tête & leurs pattes fous leur carapace, & ne peuvent pas les y retirer en entier, comme les tortues d’eau douce ou terreftres. Les écailles qui re- vêtent leur plaftron, au lieu d’être difpofées fur deux G i = \ 62 Hrsrorre NATURELLE raugs, comme celles du plaftron des tortues terreftres ou d’eau douce, forment quatre rangées, & leur nombre eit beaucoup plus grand. Les tortues marines repréfentent parmi les Quadru- pèdes ovipares, la nombreufe tribu des Quadrupèdes vivipares, compofée des morfes, des lions marins, des lamantins & des phoques, dont les doigts font égale- ment réunis, & qui tous ont plutôt des nageoires que des pieds : comme cette tribu, elles appartiennent bien plus à l'élément de l’eau qu’à celui de la terre, & elles lient également l’ordre dont elles font partie avec celui des poiflons auxquels elles reffemblent par une partie de leurs habitudes & de leur conformation. Nots compofons la feconde divifion de toutes les autres tortues qui habitent, tant au milieu des eaux douces que dans les bois & fur des terreins fecs ; nous y comprenons par conféquent la tortue de terre, nom- mée la grecque, qui fe trouve dans prefque tous les pays chauds, & la tortue d'eau douce, appellée la bourbeufe , qui eft affez commune dans la France mé- ridionale , & dans les autres contrées tempérées de l'Europe. Toutes les tortues de cette feconde divifion ont les pieds très-ramañlés, les doigts très-courts & prefque égaux en longueur : ces doigts, garnis d'ongles forts & crochus, ne refflemblent point à des nageoires ; la : carapace & le plaftron ne font réunis l’un à Vautre que dans une petite portion de leur contour; CRE D£S QUADRUPÉÈDES OVIPARES, 53 ils laïflent aux différentes parties des tortues plus de facilité pour leurs divers mouvemens ; & cette plus grande liberté leur eft d'autant plus utile, qu’elles marchent bien plus fouvent qu’elles ne nagent; leur couverture fupérieure eft d’ailleurs communément bien plus bombée ; auf, lorfqu’elles font renverfées fur le dos , peuvent-elles la plupart fe retourner & fe remettre fur leurs pattes, tandis que prefque toutes les tortues marines , dont la carapace eft beaucoup plus plate, s'épuifent en efforts inutiles lorfqu’elles ont été retour- nées, & ne peuvent point reprendre Jeur première _pofition. | s4 HisTorrEe NATURELLE PRÉMIÈRE DIVISION. TORTUES DE MER: LA TORTUE FRANCHE. («) ÜUxdes plus beaux préfens que la Nature ait faits aux habitans des contrées équatoriales, une des productions les plus utiles qu'elle ait dépofées fur les confins de la terre & des eaux, eft la grande tortue de mer, à la- quelle on a donné le nom de tortue franche, L'homme (a) En latin, teftudo marina & mus marinus, En anglois , the green turtle, Jurucua , au Bréfil. Tartaruga , par les Portugais, Tortue Mydas. M. d'Aubenton , Encyclopédie rérhodique. Teftudo Mydas. Linnœus [y ÿene À Naturæ ,amphibia reptilia , edirio xrr1°. tef. Mydas. 3 Ray, fynopjis ns page 254. Teftudo marina vulgaris, * Rochefort, tortue franche, Mus. ad. fr. 2. p. 50. teftudo atra, Du Tertre, tortue franche, DES QUADRUPÈÉDES OVIPARES. 55 emploieroit avec bien moins d'avantage le grand art de la navigation, fi vers les rives éloignées, où fes defirs l’appellent, il ne trouvoit dans une nourriture aufli agréable qu'abondante , un remède afluré contre les fuites funeftes d’un long féjour dans un efpace reflerré, & au milieu de fubftances à demi-putréfiées, que la chaleur & l'humidité ne ceflent d’altérer (b). Labat , tortue. franche. Séba, mus. 1. tab. 79, fig. 4, 5, 6. The green turtle. Patrick Brown. Natural hiflory of Jamaica, p. 485: Teftudo unguibus palmarum duobus, plantarum fingularibus. Hans Sloane. Voyage aux Ifles Madère , Barbade, &c. avec l'Hifloire naturelle de ces Ifles. Londres. 1725. vol. 2, page 332. Offeck. it. 293. Gefner, Quadrup. ovip. page 105. eue marina. Aldroy. Quedrup. 712, tab. 714. Olear, mus. 27, tab. 17, fig. 1. Bradl. natur. tab. 4, fe. Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline. vol. 2 , pag. 38: Marcgrave. Brafil. 241. Jurucuja Braflienfibus. Teftudo viridis. Hiff, natur. des Tortues , par M. Jean Schneider à Leipfick , 1783. () c On fait des bouillons de tortues franches, que l’on regarde comme excellens pour les pulmoniques, les cacheétiques, les fcorbu- «6 tiques, &c. La chair de cet animal renferme un fuc adouciffant , ce nourriflant, incilif & diaphorétique, dont j'ai éprouvé de très-bons es effets. » Note commusiquée par M. de la Borde , Médecin du Roi à Cayennë: 56 Hrsrorre NATURELLE Cet aliment précieux lui eft fourni par les tortues franches ; & elles lui font d'autant plus utiles qw'elles habitent fur-tout ces contrées ardentes, où une cha- leur plus vive accélère le développement de tous les germes de corruption. On les rencontre en effet en très-grand nombre, fur les côtes des Ifles & des Con- tinens fitués fous la zone torride, tant dans l’ancien que dans le nouveau monde ; les bas-fonds qui bordent ces Îfles & ces Continens, font revêtus d’une grande quantité d'algues (c) & d’autres plantes que la mer couvre de fes ondes, mais qui font aflez près de la furface des eaux pour qu'on puifle les diftinguer fa- cilement lorfque le tems eft calme. C’eft fur ces ef- pèces de prairies que l’on voit les tortues franches fe promener paifiblement. Elles fe nourrifflent de l’herbe de ces pâturages (d). Elles ont quelquefois fix ou fept pieds’ de longueur, à compter depuis le bout du mu- (c) Marc Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline, de la Floride, & + Ifles de Bahama, revue par M. Edwards. Londres , 27545 a vol. page 38. (d) ce Dans ces grandes herbes, qui fe nomment. /Zrgaffes, & qui s paroiflent en divers endroits fur la furface de la mer, mais dont le » grand nombre eft au fond de l’eau & fur les côtes, on trouve entre ”» plufieurs autres efpèces d'animaux marins, une prodigieufe quantité # de tortues. 15 Deftription de l'Ifle Efpagnole ; Hifi. générale des voyages, partie 3, livre 4. ‘ feau DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 57 feau jufqu'à l'extrémité de la queue, fur trois ox quatre de largeur & quatre pieds ou environ d'épaif- feur, dans l'endroit le plus gros du corps; elles pèfent alors près de 800 livres; elles font en fi grand nombre guon feroit tenté de les regarder comme une efpéce de troupeau raffemblé à deffein pour la nourriture & le foulagement des Navigateurs qui abordent auprès de ces bas-fonds : & les troupeaux marins qu’elles forment le cèdent d'autant moins à ceux qui paiflent l’herbe de la furface sèche du globe, qu'ils joignent à un goût exquis & à une chair fucculente & fubftantielle, une vertu des plus actives & des plus falutaires. La tortue franche fe diftingue facilement des autres par la forme de fa carapace. Cette couverture fupé- rieure , qui a quelquefois quatre ou cinq pieds de long fur trois ou quatre de largeur, eft ovale & entourée d'un bord compofé de lames, dont les plus grandes font les plus éloignées de la tête, & qui, terminées à l'extérieur par des lignes pes font paroîtrg, ce même bord comme ondé : le difque, ou le milieu de cette couverture fupérieure, eft recouvert ordinaire- ment de quinze lames ou écailles, d’un roux plus ou moins fombre, qui tombent fouvent ainfñ que celles de la bordure, par l'effet d'une grande deflication ou de quelqu'autre accident, & dont la forme & le nombre varient d’ailleurs fuivant l’âge & peut-être fuivant le fexe; nous nous en fommes aflurés en exa- Ovipares, Tome I. H 50 Hisrorre NATURELLE minant des tortues de différentes tailles (e). Lorfque Panimal eft dans l’eau, la carapace paroît d’un brun elair tacheté de jaune (f). Le plaftron eft moins dur & plus court que la carapace; il eft garni commu nément de vingt-trois ou vingt-quatre lames, difpofées fur quatre rangs (g); & c’eft à caufe des deux bou- (e) «Le nombre des lames dans les tortues franches, varie fui- vant les individus ; maïs il paroît cependant relatif à l'âge. »> Note com- muniquée par M. le Chevalier de Widerfpach, Officier au Bataillon de la Guyane, & Correfpondant du Cabinet du Roi. (f) Mémoires manuftrits fur les tortues , rédigés par M. de Fouge- roux de Bondaroy , de l'Académie des Sciences, & que ce favant Aca- dérnicien a bien voulu 1ne communiquer. (g) Nous croyons devoir rapporter ici les dimenfors d'une jeune tortue franche, qui n’avoit pas encore atteint tout fon développement, & qui eft confervée au Cabinet du Roi. Dans cette tortue, ainfi que dans celles dont il fera queftion dans cet Ouvrage , nous avons mefuré la longueur totale de l'animal, ainfi que la longueur & Îa largeur de la carapace, en fuivant la convexité de cette couverture fupérieure. Longueur, depuis le bout du mufeau juf- pieds. | pouces. | lignes. qu'à l'extrémité poftérieure de la cara- pace. . . . . .. oNe ie Merle itelie ie . 3 Poppueurndelanete ts MEN ES, er 7 8 Larsenride tte Se NQENRR 3 9 Longueur de la carapace. . . . . REA I II 6 Largeur de la carapace. . . . .. SU I 10 T ae des pattes de devant. . . . .. I 2 3 Longueur des pattes de derrière, .. .. IT Nous avons compté neufcotes de chaque coté, dans cette jeune tortue. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 59 cliers dont la tortue franche eft armée, qu'on lui a donné le nom de /o/dat dans certaines contrées (4). Les pieds de la tortue franche font très-alongés ; les doigts en font réunis par une membrane; ils ref femblent beaucoup à de vraies ne un fui fervent-ils à nager bien plus fouvent qu'à marcher, & lui donnent-ils une nouvelle conformité avec les poiflons & avec les phoques qui habitent comme elle au milieu des eaux. Sans cette conformation, elle abandonneroit un élément où elle auroit trop de peine à frapper l’eau avec des pieds qui, préfentant une trop petite furface, n’oppoferoient à ce fluide prefque aucune réfiftance : elle habiteroit fur la terre sèche, où elle marcheroit avec facilité comme les tortues de terre que l’on trouve au milieu des bois. Dans les pieds de derrière, le premier doigt, qui eft le plus court, eft le feul qui foit garni d’un ongle aigu & bien apparent; le fecond doigt l’eft d'un ongle moins grand & plus arrondi, & les trois autres n’en préfentent que de membraneux & peu fenfibles , tandis qu'aux pieds de devant, les deux doigts intérieurs font terminés par des bises aigus, & les trois autres par des ongles membraneux : au réle. il fe peut que la forme , le nombre & la poñtion des ongles varient dans (4) Conrad Gefner , Quadrup. ovip. Zurich. 1554, page 106. H à 60 Histoire NATURELLE la tortue franche (G); mais il ny en a jamais qu'un d’aigu aux pieds de derrière, & c’eft un caractère dif- tindtif de cette efpèce. La tête, les pattes & la queue, font recouvertes de petites Le comme le corps des lézards, des fer- pens & des poiflons,. & de même que dans ces ani- maux, ces écailles font un peu plus grandes fur le fommet de la tête que fur le cou & fur la queue. L'on a prétendu que, malgré la grandeur des tortues franches, leur cerveau n'étoit pas plus gros qu'une féve (k);ce qui confirmeroit ce que nous avons dit de la petiteffe du cerveau dans les Quadrupèdes ovi- pares. La bouche, fituée au-deflous de la partie anté- rieure de la tête, s'ouvre jufqu'au-delà des oreilles; les mâchoires ne font point armées de dents, mais elles font très-dures & très-fortes; & les os qui les compofent, font garnis de pointes ou d’afpérités. C’eft avec ces mâchoires puiflantes que les tortues coupent l'herbe fur les tapis verts qui revêtent les bas-fonds de certaines côtes, & quelles peuvent brifer des. pierres, & écrafer les coquillages dont elles fe nourrif- {ent quelquefois. (2) Lion. amphib. rept. tefludo mydas. (4) Voyez les Mémoires pour fervir à l'Hifteire naturelle des ant maux, art. de la tortue de terre de Coromandel... DES QUADRUPÈDES OVIPARES. GT Lorfque les tortues ont brouté l’algue au fond de la mer, elles vont à l'embouchure des grands fleuves chercher l’eau douce dans laquelle elles paroïflent fe plaire, & où elles fe tiennent paifiblement la tête hors de l’eau, pour refpirer un air dont la fraîcheur femble leur être de tems en tems néceflaire. Mais n'habitant que des côtes dangereufes pour elles, à caufe du grand nombre 72 d’ennemis qui les y attendent, & de chaffeurs qui les y pourfuivent, ce n'eft qu'avec précaution qu'elles goûtent le plaifir d’humer Pair frais & de fe baigner au milieu d’une eau douce & courante. A peine apperçoivent-elles l'ombre de quelque objet à craindre, qu'elles plongent & vont chercher au fond de la mer une retraite plus sûre. La tortue de terre a de tous les tems pañlé pour le fymbole de la lenteur; les tortues de mer devroient être regardées comme l’emblême de la prudence. Cette qualité, qui, dans les animaux, eft le fruit des dangers qu'ils ont courus, ne doit pas étonner dans ces tor- tues, que l’on recherche d'autant plus, qu'il eft peu dangereux de les chaffer, & très-utile de les prendre. Mais fi quelques traits de leur hiftoire paroïllent prouver : qu'elles ont une forte de fupériorité d’inftinét, le plus grand nombre de ces mêmes traits, ne montreront dans ces grandes tortues de mer que des propriétés pañlives, plutôt que des qualités actives. Rencontrant une nour- riture abondante fur les côtes qu'elles fréquentent , fe 62 Hirsrorre NATURELLE nourriffant de peu, & fe contentant de brouter l’herbe, elles ne difputent point aux animaux de leur efpèce un aliment quelles trouvent toujours en aflez grande quantité; pouvant d’ailleurs, ainfi que les autres tortues \& tous les Quadrupèdes ovipares, pailer plufieurs mois, & même plus d'un an, fans prendre aucune nourriture, elles forment un troupeau tranquille ; elles ne fe re- cherchent point, mais elles fe trouvent enfemble fans peine, & y demeurent fans contrainte; elles ne fe réu- niflent pas en troupe guerrière par un inftinct carnafñlier pour s'emparer plus aifément d'une proie difficile à vaincre, mais conduites aux mêmes endroits par les mêmes goûts & par les mêmes habitudes, elles con- fervent une union paifible. Défendues par une cara- pace ofleufe, très-forte, & fi dure que des poids très- lourds ne peuvent l’écrafer, garanties par cette forte de bouclier, mais n'ayant rien pour nuire, elles ne redoutent point la fociété de leurs femblables, qu'elles ne peuvent à leur tour troubler par aucune offenfe. La douceur & la force, pour réfifter, font donc ce qui diftingue la tortue franche, & c’eft peut-être à ces qualités que les Grecs firent allufon lorfqw'ils la don- nèrent pour compagne à la beauté, lorfque Phidias la plaça comme un fymbole aux pieds de fa Vénus (1). Rien de brillant dans fes mœurs, non plus que dans = (1) Paufanias in eliacis. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 62 les couleurs dont elle eft varice : mais {es habitudes font aufli conftantes que fon enveloppe a de folidité; plus patiente qu'agiflante, elle n’éprouve prefque ja- mais de defrs véhémens; plus prudente que courageufe, elle fe défend rarement, maïs elle cherche à fe mettre à l'abri ; & elle emploie toute fa force à fe cramponer, lorfque, ne pouvant brifer fa carapace, on cherche à lenlever avec cette couverture. La conftance de fes habitudes paroît fe faire fentir jufque dans fes amours. Non-feulement le mâle re- cherche fa femelle avec ardeur , mais leur union la plus intime dure pendant pres de neuf jours; c’eft au milieu des ondes qu'ils saccouplent plaftron contre plaftron (m). Is sembraffent fortement avec leurs lon- gues nageoires ; ils voguent enfemble, toujours réunis par le plaifir, fans que les flots amortiflent la chaleur qui les pénètre; on prétend même que leur efpèce de timidité naturelle les abandonne alors; ils deviennent, dit-on, comme furieux d'amour; aucun danger ne les arrête ; & le mâle ferre encore étroitement fa femelle, lorfque pourfuivie par les chaffeurs, elle eft déja bleflée à mort, & répand tout fon fang (n). (m) Mémoires manufcrits fur les tortues , rédigés par M. de Fou- gerouz. à (n) « Fai pris des mâles dans le tems de leur union avec leurs \ C4 HrsTorrEe NATURELLE Cependant leur attachement mutuel pañle avec le befoin qui l’avoit fait naître. Les animaux n'ont point , comme l’homme, cette intelligence, qui, en combinant un grand nombre d'idées morales, & en les réchauflant par un fentiment actif, fait fi bien prolonger les charmes de la jouifflance, & faire goûter encore des plaifirs fi grands dans les heureux fouvenirs d'une tendrefle touchante. La tortue mâle, après fon accouplement, abandonne . bientôt la compagne qu'elle paroïfloit avoir tant chérie; elle la laïfle feule aller à terre, sexpofer à des dangers de toute efpèce, pour dépofer fur le fable les fruits d’une union qui fembloit devoir être moins pañlagère. Il paroît que le tems de l’accouplement des tortues franches, varie dans les différens pays fuivant la tem- pérature, la pofition en-deça ou au-delà de la ligne, la faifon des pluies, &c. C’eft vers la fin de Mars ou » femelles ; on perce facilement le mâle, car il n’eft pas fauvage. La » femelle, à la vue d’un canot, fait des eflorts pour s'échapper ; mais il » la retient avec fes deux nageoires (ou pattes) de devant. Lorfqu'on 2 les furprend accouplés, le plus sûr eft de darder la femelle: on eft sûr alors du mâle. Darnpier, Tome I, page 118.5 M. de la Borde, Médecin du Roi à Cayenne, & Correfpondant du Cabinet d'Hiftoire naturelle , féupconne que la forme des parties fexuelles du mâle contribue à ce qu'il demeure uni à fa femelle, quoi- qu'on les pourfuive , les prenne , les blefle, &c. Note communiquée 7:22 par ce Natural Jifle. dans DES QUADRUPÈDES OVIPARES, CS. dans le commencement d'Avril, qu’elles fe recherchent dans la plupart des contrées chaudes de l'Amérique fep- tentrionale ; & bientôt après les femelles commencent à pondre leurs œufs fur le rivage; elles préfèrent Îes graviers, les fables dépourvus de vafe & de corps ma- rins, où la chaleur du foleil peut plus aifément faire éclore des œufs, qu'elles abandonnent après les avoir pondus (0). I femble cependant que ce n’eft pas par indiffé- rence pour les petits qui lui devront le jour, que la mère tortue laifle ces œufs fur le fable : elle y creufe, avec fes nageoires, & au-deflus de lendroit où par- viennent les plus hautes vagues, un ou plufieurs trous d'environ un pied de largeur, & deux pieds de pro- fondeur : elie y dépofe fes œufs au nombre de plus de cent (p); ces œufs font ronds, de deux ou trois pouces de diamètre, & la membrane qui les couvre reffemble, en quelque forte , à du parchemin mouillé (q). Ils (o) Ce fait eft contraire à l'opinion d’Ariftote & à celle de Pline ; mais il a été mis hors de doute par tous les Voyageurs & les Obfer- vateurs modernes; il paroït que Pline & Ariftote ont eu peu de ren- feignemens exaéts relativement aux Quadrupèdes ovipares, dont ils re connoifloient qu'un très-petit nombre. (p) Mémoires manufcrits [ur les tortues , rédigés par M. de Fou- geroux. (g) Ray, fÿnopfis animalium. Ovipares , Tome I. I 66 Hisrorre NATURELLE renferment du blanc qui ne fe durcit point, dit-on, à quelque degré de feu qu'on l’expofe, & du jaune qui fe durcit comme celui des œufs de poule (r). Rien ne peut diftraire les tortues de leurs foins ma- ternels; uniquement occupées de leurs œufs, elles ne peuvent être troublées par aucune crainte (s); & comme fi elles vouloient les dérober aux yeux de ceux qui les recherchent , elles les couvrent d’un peu de fable, mais cependant aflez légèrement pour que la chaleur du foleil puiffe les échaufler & les faire éclore. Elles font plufeurs pontes, éloignées l’une de l’autre de quatorze jours ou environ (+), & de trois femaines dans certaines contrées (4) ; ordinairement elles en font trois (v). L'expérience des dangers qu’elles courent, lorfque le jour éclaire les pourfuites de leurs enne- mis, & peut-être la crainte qu’elles ont de la chaleur ardente du foleil dans les contrées torrides, font qu'elles (r) Nouveau voyage aux lfles de l'Amérique, Tome I, page 304. (s) Catefby ; Hiff. natur. de la Caroline , vol. 2, page 38. (4) Idem , ibidem. (u) Mémoires manufcrits fur les tortues , rédigés par M. de Fou- geroux. (y) « Les tortues renouvellent leur ponte : fur les côtes d'Afrique ; » il y en à qui pondent en tout jufqu'à deux cens- cinquante œufs ; » Labat, Afrique occidentale , vol. 2. La fécondité de ces Quadrupèdes ovipares, eft quelquefois plus grande, » DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 67 choififfent prefque toujours le tems de la nuit pour aller dépofer leurs œufs, & c’eft apparemment d’après leurs petits voyages nocturnes, que les Anciens ont penfé qu'elles couvoient pendant les ténèbres (x). Pour tous leurs petits foins, il leur faut un fable mobile ; elles ont une forte d'affection marquée pour certains parages plus commodes, moins fréquentés, & par conféquent moins dangereux ; elles traverfent même des efpaces de mer très-étendus pour y par- venir. Celles qui pondent dans les Ifles de Cayman (y), voifines de la côte méridionale de Cuba, où elles trouvent l’efpèce de rivage qu’elles préfèrent, y arrivent de plus de cent lieues de diftance. Celles qui pañlent . une grande partie de l’année fur les bords des Ifles Gallapagos , fituées fous la ligne & dans la mer du Sud, fe rendent pour leurs pontes fur les côtes occi- dentales de l’Amérique méridionale, qui en font éloignées de plus de deux cens lieues; & les tortues qui vont dépofer leurs œufs fur les bords de l’Ifle de l’Afcenfon, font encore plus de chemin, puifque les (x) Pline, Livre IX, Chapitre XTI. (y) Les Ifles de Cayman font fi favorables aux tortues, que lorf- qu'elles furent découvertes, on leur donna le nom efpagnol de Las- Tortugas , à caufe du grand nombre de tortues dont leurs bords etoient couverts. Hifloire générale des voyages, IL. Partie, Liv. V. age de Chriflophe & Barthélemi Colomb, I i) LS DU à HISTOIRE NATURELLE terres les plus voifines de cette Ifle, font à trois cens lieues de diffance (7). La chaleur du foleil fufit pour faire éclore les œufs des tortues dans les contrés qu'elles habitent ; vingt ou vingt-cinq jours après qu'ils ont été dépofés, on voit fortir du fable les petites tortues, qui pré- fentent tout au plus deux ou trois pouces de longueur, fur un peu moins de largeur, ainfi que nous nous en {ommes affurés par les mefures que nous avons prifes fur des tortues franches enlevées au moment où elles venoient d'éclore; elles font donc bien éloignées de la grandeur à laquelle elles peuvent parvenir. Au refte, le tems néceflaire pour que les petites tortues puiflent éclore ; doit varier fuivant la température. Froger aflure qu’à Saint-Vincent, lile du Cap-Vert, il ne faut que dix-fept jours pour qu'elles fortent de leurs œufs; mais elles ont befoin de neuf jours de plus pour de- venir capables de gagner la mer (a). L'inftinét dont elles font déja pourvues, ou, pour mieux dire, la conformité de leur organifation avec celle de leurs père & mère, les conduifent vers les eaux voifines, où elles doivent trouver la sûreté & l'aliment de leur vie. Elles sy trainent avec lenteur; maïs trop foibles (x) Darmpier , tome I. (a) Froger, relation d'un voyage à la mer du Sud, page 42: DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 69 encore pour réfifter au choc des vagues, elles font rejetées par les flots fur le fable du rivage, où les grands oïifeaux de mer, les crocodiles , les tigres, ou les cougars, fe. raflemblent pour les dévorer (&). Auf n'en échappe-t-il que très-peu. L'homme en détruit d’ailleurs un grand nombre avant qu'elles ne foient développées. On recherche même dans les Ifles où elles abondent, les œufs qu’elles laiffent fur le fable, & qui donnent une nourriture aufli agréable que faine. C’eft depuis le mois d'Avril jufqu'au mois de Sep- tembre, que dure la ponte des tortues franches fur les côtes des Îiîles de l'Amérique, voifines du golfe du Mexique : mais le tems de leurs diverfes pontes varie fuivant les pays; fur la côte d’Ifini, en Afrique, les tortues viennent dépofer leurs œufs depuis le mois de Septembre jufqu'au mois de Janvier (ec) ; pendant toute la faifon des pontes, l’on va non-feulement à la re- cherche des œufs, mais encore à celle des petites tortues que l’on peut faifir avec facilité ; lorfqu’on les a prifes, on les renferme dans des efpaces plus ou moins grands, entourés de pieux, & où la haute mer peut parvenir ; & c’eft dans ces efpèces de parcs qu’on les laïffe croître pour en avoir au befoin, fans courir les (b) Idem, ibidem. (c) Voyage de Loyer à Iffini fur la côte d'or: 70 HirsToirre NATUREILE hafards d’une pêche incertaine, & fans éprouver les inconvéniens qui y font quelquefois attachés. Les Pécheurs choififfent aufli cette faïfon pour prendre les grandes tortues femelles qui leur échappent fur les rivages plus difficilement qu’à la mer, & dont la chair eft plus eftimée que celle des mâles, fur-tout dans le tems de la ponte (d). Malgré les ténèbres dont les tortues franches cher- chent, pour ainfi dire, à s’envelopper lorfqw'elles vont dépofer leurs œufs, elles ne peuvent fe dérober à la pourfuite de leurs ennemis. A l’entrée de la nuit, fur-tout lorfqu'il fait clair de lune, les Péêcheurs fe tenant en filence fur la rive, attendent le moment où les tortues fortent de l’eau ou reviennent à la mer après avoir pondu ; ils les aflomment à coups de maf- fue (e), ou ils les retournent rapidement, fans leur donner le tems de fe défendre , & de les aveugler par le fable qu’elles font quelquefois rejaillir avec leurs nageoires, Lorfqu'elles font très-grandes, il faut que plu- fieurs hommes fe réuniflent (f), & quelquefois même fe fervent de pieux comme d'autant de leviers pour les ren- (d) Sloane , à l'endroit déja até, (e) Mémoires manuftrits fur les tortues , rédigés par M. de Fou- geroux. (F) Déftription des Ifles du Cap- Vert. Hifi. générale des voyages; Livre F DES QTADRUPÈDES OVIPARES, m verfer fur le dos. La tortue franche a la carapace trop plate pour pouvoir fe remettre fur fes pattes, lorfqu'elle a été ainfi chavirée, fuivant l’expreflion des Pécheurs. On a voulu rendre touchant le récit de cette manière de prendre les tortues; & l’on a dit que lorfqu’elles étoient retournées, hors d'état de fe défendre, & qu'elles ne pouvoient plus que s'épuifer en vains efforts, elles jetoient des cris plaintifs & verfoient un torrent de larmes (g). Plufeurs tortues, tant marines que ter- reftres (4), font entendre fouvent un fifflement plus ou moins fort, & même un gémiflement très-diftinét, lorfqu'elles éprouvent avec vivacité ou l'amour ou la crainte. Il peut donc fe faire que la tortue franche jette des cris lorfqu'elle s'efforce envain de reprendre fa pofition naturelle & que la frayeur commence à la faifir; mais on a exagéré fans doute les fignes de fa douleur. Pour peu que les matelots foient en nombre, ils peuvent, dans moins de trois heures, retourner qua- rante ou cinquante tortues qui renferment une grande quantité d'œufs. Ils pañlent le jour à mettre en pièces celles qu’ils ont priles pendant la nuit; ils en falent la chair, & {g) Ray, Synopfis animalium , page 254. {2) Voyez l'article de la Caouane, 72 HisrTorre NATUREILE même les œufs & les inteftins (i). Ils retirent quel- quefois de la graifle des grandes tortues, jufqu'à trente- trois pintes d’une huile jaune ou verdâtre (£), qui fert à brüler, que l’on emploie même dans les alimens lorf- qu'elle eft fraiche, & dont tous les os de ces animaux font pénétrés, ainfi que ceux des cétacées; ou bien ils les trainent renverfées fur leur carapace, jufques dans les parcs où ils veulent les conferver. Les Pêcheurs des Antilles & des Ifles de Bahama, qui vont fur les côtes de Cuba, fur celles des Iles voifines, & principalement des Ifles de Cayman, ont achevé de charger leurs navires, ordinairement au bout de fix femaines ou de deux mois; ils rapportent dans leurs Ifles les produits de leur pêche (1) ; & cette chair de tortue falée, qui fert à la nourriture du peuple & des efclaves, n’eft pas moins employée dans les Colonies d'Amérique, que la morue dans les divers pays de l’Europe (m7), (2) Mémoires manufcrits , rédigés Ÿ communiqués par M. de Fou- geroux de Bondaroy , de l’Académie des Sciences. (Æ) Mémoires manufcrits fur les tortues, rédigés par M. de Fou- gerouz. (2) Voyage de Hawkins à la mer du Sud, page 29. (m1) Toutes les Nations qui ont des poffeffions en Amérique, & particulièrement les Anglois, envoient de petits bâtimens fur la côte de la nouvelle Efpagne, & des Ifles défertes qui en font voifines, pour On peut DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 3 On peut aufli prendre les tortues franches au milieu des eaux (x) : on fe fert d'une varre, ou d’une forte de harpon, pour cette pêche, ainfi que pour celle de la baleine : on choïfit une nuit calme, où la lune éclaire une mer tranquille. Deux pêcheurs montent fur un petit canot que l’un d’eux conduit : ils recon- noïflent qu'ils font près de quelque grande tortue, à lécume qu’elle produit lorfqu'elle monte vers la fur- face de l’eau; ils s’en approchent avec aflez de vitefle, pour que la tortue n'ait pas le tems de s'échapper : un des deux pêcheurs lui lance auffi-tôt fon harpon avec tant de force, qu'il perce la couverture fupé- rieure, & pénètre jufqu'à la chair: la tortue bleffée, fe précipite au fond de l’eau; mais on lui lâche une corde, à laquelle tient le harpon; &, lorfqu’elle a perdu beaucoup de fang, il eft aifé de la tirer dans le bateau, ou fur le rivage. On a employé, dans la mer du Sud, une autre manière de pêcher les tortues. Un plongeur hardi fe jette dans la mer, à quelque diftance de l'endroit où, pendant la grande chaleur du jour, il voit les tortues endormies nager à la furface de l’eau; il fe relève y faire la pêche des tortues. Note communiquée par. M. de la Borde, Correfpondant du Cabinet du Roi, à Cayenne. (n) Catefby, Hiff. naturelle de la Caroline , tome 2 , page 30. Ovipares, Tome I. K 74 Hisrorre NATURELLE très-près de la tortue, & faifit fa carapace vers la queue; en enfonçant ainfi le derrière de l'animal, il le réveille, l’oblige à fe débattre, & ce mouvement fuffit pour foutenir fur l’eau la tortue & le plongeur qui l'empêche de s'éloigner jufqu’à ce qu’on vienne les pècher (o). Sur les côtes de la Guyane, on prend les tortues avec une forte de filet, nommé /a fole; il eft large de quinze à vingt pieds, fur quarante ou cinquante de long. Les mailles ont un pied d'ouverture en quarré, & le fil a une ligne & demie de groffeur. On attache de deux en deux mailles, deux flots, d'un demi-pied de longueur , faits d’une tige épineufe, que les Indiens (o) Voyoge d’Anfon autour du monde. Ce fameux Navigateur ce ad- » mire que fur les côtes de la mer du fud , voilines de Panama, où les »vivres ne font pas toujours dans la même abondance, les Efpagnols » qui les habitent, aient pu fe perfuader que la chair de la tortue foit »mal-faine, & qu'ils la regardent comme une efpèce de poifon. II njuge que c’eft à la figure fingulière de l'animal, qu'il faut attribuer nce prejugé. Les efclaves Indiens & nègres qui étoient à bord de nlefcadre, élevés dans la même opinion que leurs maîtres, parurent » furpris de la hardiefle des Anglois, qu'ils voyoient manger librement de cette chair , & s'attendoient à leur en voir bientot reflentir les mauvais effets ; mais, reconnoiflant enfin qu'ils s’en portoient mieux, »ils fuivirent leur exemple , & fe félicitèrent d'une expérience qui les nafluroit à l'avenir de pouvoir faire, avec aufli peu de frais que de peine, de meilleurs repas que leurs maîtres. »> Hifloire générale des Voyages, page 432, vol. 41, édit. in12, 1753. DES QUADRUPÉDES OVIPARES, ®5 appellent moucou-moucou, & qui tient lieu de liège. On attache auffi au bas du filet quatre ou cinq groffes pierres, du poids de quarante ou cinquante livres, pour le tenir bien tendu. Aux deux bouts qui font à fleur- d'eau, on met des bouées, c’eft-à-dire de gros morceaux de moucou-moucou , qui fervent à marquer Pendroit où eft le filet : on place ordinairement les foles fort près des Iflots, parce que les tortues vont brouter des ef- pèces de fucus, qui croiflent fur les rochers, dent ces petites Ifles font bordées. Les Pêcheurs vifitent de tems en tems les filets. Lorfque la fole commence à caler, fuivant leur lan- gage, c'eft-à-dire, lorfqu'elle s’enfonce d’un côté plus que de l’autre, on fe hâte de la retirer. Les tortues ne peuvent fe dégager aifément de cette forte de rets, parce que les lames d’eau, qui font affez fortes près des Iflots, donnent aux deux bouts du filet un mou- vement continuel qui les étourdit, ou les embarraffe. Si lon diffère de vifiter les filets, on trouve quelquefois les tortues noyées ; lorfque les requins & les efpadons rencontrent des tortues prifes dans la fole, & hors d'état de fuir & de fe défendre, ils les dévorent, & brifent le filet (p). Le tems de foler la tortue franche, eft depuis Janvier jufqu'en Mai (q). (p ) Note communiquée par M. de la Borde , Médecin du Roi Cayenne. (g) Hifloire gén. des Voy. tome 54, pages 380 © füiv. édit. inrr Ki 76 HisrTorrEe NATURELLE L’on fe contente quelquefois d'approcher doucement dans un efauif des tortues franches, qui dorment & flottent à la furface de la mer : on les retourne, on les faifit, avant qu'elles n'aient eu le tems de fe ré- veiller & de s'enfuir ; on les poufle enfuite devant foi jufqu’à la rive; & c’eft à-peu-près de cette manière que les Anciens les pêchoient dans les mers de l'Inde (r). Pline a écrit qu'on les entend ronfler d’aflez loin, lorf- qu'elles dorment en flottant à la furface de l’eau. Le ronflement que ce Naturalifte leur attribue, pourroit venir du peu d'ouverture de leur glote, qui eft étroite, ainfi que celle des tortues de terre (s); ce qui doit ajouter à la facilité qu'ont ces animaux de ne point avaler l’eau dans laquelle ils font plongés. Si les tortues demeurent quelque tems fur l’eau expofées pendant le jour à toute l’ardeur des con- trées équatoriales, lorfque la mer eft prefque calme. & que les petits flots ne pouvant point atteindre jufqu’au- deflus de leur carapace, ceflent de le baigner, le foleil deflèche cette couverture, la rend plus légère, & em- pêche les tortues de plonger aifément, tant leur légèreté fpécifique eft voifine de celle de l’eau, & tant elles (r) Pline, Liy. IX, Chap. x1r. (s) Mém. pour férvir à l'Hifloire naturelle des animaux. art. de la: tortue se Coromandel, DES QUADRUPÉÈDES OFIPARES. 77 ont d2 peine à augmenter leur poids (4). Les tortues peuvent en effet fe rendre plus ou moins pefantes, en recevant plus ou moins d'air dans leurs poumons, & en augmentant ou diminuant par-là le volume de leur corps, de même que les poifions introduifent de l'air dans leur veflie aërienne lorfqu’ils veulent ‘élever à la furface de l’eau; mais il faut que le poids que les tortues peuvent fe donner en chaflant l'air de leurs poumons ne foit pas très-confdérable, puifquil ne peut balancer celui que leur fait perdre la defï- ation de leur carapace, & qui n'égale jamais le feizième du poids total de l'animal, ainfi que nous nous en fommes affurés par l'expérience rapportée dans la note fuivante (u). (4) Pline, Liv. IX, Chop. X11.. () Nous avons pefé avec foin la carapace d’une petite tortue franche: nous l'avons enfuite mife dans un grand vale rempli d’eau, où nous l'avons lnfiée un mois & demi; nous l'avons pelée de nouveau en la tirant de: l'eau, & avant qu'elle eût perdu celle dont elle étoit pénétrée. Son poids a été augmenté par l’imbibition de #5: la deflication que la chaleur du foleil produit dans la couverture fupérieure d'une tortue franche, qui flotte à la furface de la mer, ne peut donc la rendre plus légère: que de #5: la carapace des plus grandes tortues ne pefant guère que 278 livres ou environ, l'ardeur du foleil ne doit la rendre plus légère- que de 45 livres, qui font au-deflous du feizième de 800 livres, poids: total des très-prandes tortues.. 78 Hrsrorre NATURELLE La deffication de la carapace des tortues, en les empêchant de plonger, donne aux pècheurs plus de facilité pour les prendre. Lorfqu'elles font très-près du rivage où l’on veut les entrainer, elles fe cramponent avec tant de force, que quatre hommes ont quelquefois bien de la peine à les arracher du terrain qu'elles faififlent : & comme tous leurs doigts ne font pas pourvus d'ongles, & que n'étant point féparés les uns des autres, ils ne peuvent pas embraffer les corps, on doit fuppofer, dans les tortues, une force très-grande, qui d’ailleurs eft prouvée par la vigueur de leurs mâchoires, & par la facilité avec laquelle elles portent fur leur dos au- tant d'hommes qu'il peut y en tenir (v). On a même prétendu que, dans l'Océan Indien, il y avoit des tor- tues affez fortes, & aflez grandes, pour tranfporter quatorze hommes (x) : quelqu'exagéré que puifle être ce nombre, l’on doit admettre, dans la tortue franche, une puiflance d'autant plus remarquable, que, malgré fa force , fes habitudes font paifbles. Lorfqu'au lieu de faire faler les tortues franches, on veut les manger fraiches, & ne rien perdre du bon goût de leur chair, ni de leurs propriétés bienfaifantes, (y) Linnœus , fÿfiema Nature , amphibia reptilia. Téfludo Mydas, (x) Voyez ce que dit à ce fujet Ray, dens fon Ouvrage, intitulé: Synopfis animalium, page 255. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 79 on leur enlève le plaîtron, la tête, les pattes & la queue, & on fait enfuite cuire leur chair dans la ca- rapace, qui fert de plat. La portion la plus eftimée eft celle qui touche de plus près cette couverture fu- périeure , ou le plaftron. Cette chair, ainfi que les œufs de la tortue franche, font principalement très-falutaires dans les maladies auxquelies les gens de mer font le plus fujets : on prétend même que leurs fucs ont une aflez grande activité, au moins dans les pays les plus chauds, pour être des remèdes très-puiflans dans toutes les maladies qui demandent que le fang foit épuré (y). Il paroït que c’eft la tortue franche que quelques peuples Américains regardent comme un objet facré, & comme un préfent particulier de la Divinité ; ils la nomment poiffon de Dieu, à caufe de l’effet merveilleux que fa chair produit, difent-ils, lorfqu’on a avalé quel- que breuvage empoifonné. La chair des tortues franches eft quelquefois d’un vert plus ou moins foncé ; & c’eft ce qui les a fait appeller, par quelques Voyageurs, Tortues-Vertes ; mais ce nom a été aufli donné à une feconde efpèce de tortue marine ; & d’ailleurs nous avons cru devoir d'autant moins l’adopter, que cette couleur verdâtre de la chair neft qu'accidentelle; elle dépend de la (y) Barrère, effai fur l'Hiff. naturelle de la France équinoxiale. 80 Hisrorre NATURELLE différence des plages fréquentées par les tortues; elle peut provenir auf de la diverfité de la nourriture de ces animaux, & elle n'appaitient pas dans les mêmes endroits à tous les individus. On trouve en efet fur - les rivages des petites Ifles voifines: du continent de la nouvelle Efpagne, & fituées au midi de Cuba, des tortues franches ,. dont les unes ont la chair verte, d'autres noire, & d’autres jaune. Séba avoit dans fa collection plufieurs concrétions . femblables à des bézoards , d'un gris plus ou moins mêlé de jaune, & dont la furface étoit hériflée de: petits tubercules. Il en avoit reçu une partie des grandes Indes, & l'autre d'Amérique. On les lui avoit envoyées comme des concrétions très-précieufes, trouvées dans le corps de grandes tortues de mer. Les Indiens y attachôient encore plus de vertu qu'aux bézoards orientaux, à caufe de leur rareté, & ils les employoïient particulièrement contre la petite vérole , peut-être parce que les tubercules ; que leur furface préfentoit, refflembloient aux boutons de la petite vérole (7). La vertu de ces concrétions étoit certainement aufli imaginaire que celle des bézoards, tant orientaux qu'occidentaux ; mais elles auroient pu être formées dans le corps des grandes tortues ma- (x) Séba , tome 2, page 141. rines , DES QUADRUPÈDES OVIPARES. GI rines, d'autres concrétions de même nature ayant été inconteftablement produites dans des Quadrupèdes ovi- pares , ainfi que nous le verrons dans la fuite de cette hiftoire. Mais fi les bézoards des tortues marines ne doivent être que des productions inutiles, il n’en eft pas de même de tout ce que ces animaux peuvent fournir: non - feulement on recherche leur chair & leurs œufs, mais encore leur carapace a été employée par les Indiens pour couvrir leurs maïifons (a) ; & Diodore de Sicile, ainfi que Pline, ont écrit que des peuples voifins de l'Ethiopie & de la mer Rouge s’en fervoient comme de nacelles pour naviguer près du continent (b). Dans les tems anciens, lors de l'enfance des fociétés, ces grandes carapaces d’une fubftance très-compadte, & d'un diamètre de plufieurs pieds, étoient les boucliers de peuples qui navoient pas encore découvert Part funefte d'armer leurs flèches d’un acier trempé plus dur que ces enveloppes offeufes; & les Hordes à demi- fauvages qui habitent de nos jours certaines contrées équatoriales, tant de l’ancien que du nouveau monde, n'ont pas imaginé de défenfes plus folides. Les diverfes grandeurs des tortues franches font ren- (a) Voyez Ælien, 6 Pline, Hifi. naturelle, Liv. IX, Chap. X11. (b) Voyez Diodore de Sicile, & Pline à l'endroit déja cité. Ovipares , Tome I. L @s Hisrorrse NATURELLE fermées dans des limites aflez éloignées , puifque, de la longueur de deux ou trois pouces, elles parviennent quelquefois à celle de fix ou fept pieds; & comme cet accroiflement affez grand a lieu dans une couver- ture très-ofleufe , très-compadte , très-dure , & où par conféquent la matière doit être, pour ainf dire, referrée , preflée , & le développement plus lent, il n'eft pas furprenant que ce ne foit qu'après plufeurs années que les tortues acquièrent tout leur volume. Elles n’atteignent à-peu-près à leur entier dévelop- pement qu'au bout de vingt ans ou environ: & l’on a pu en juger d'une manière certaine par des tortues élevées dans les efpèces de parcs dont nous avons parlé. Si l’on devoit eflimer la durée de la vie dans les tortues franches de la même manière que dans les Quadrupèdes vivipares, ont rouveroit bientôt, d’après ces vingt ans employés à leur accroiffement total, le nombre des années que la Nature leur a deftinées ; mais la même proportion ne peut pas être ici employée. Les tortues demeurent fouvent au milieu d'un fluide dont la température eft plus égale que celle de l'air; elles habitent prefque toujours le même élément que les poiflons; elles doivent participer à leurs propriétés, & jouir de même d’une vie fort longue. Cependant, comme tous les animaux périflent lorfque leurs os font devenus entièrement folides, & comme ceux des tor- tues font bien plus durs que ceux des poiflons, & par DES QUADRUPÈDES OrIPARES. 63 conféquent beaucoup plus près de l’état d'offification ‘extrême , nous ne devons pas penfer que la vie des tortues foit en proportion aufh longue que celle des poiffons ; mais elles ont avec ces animaux un aflez grand nombre de rapports, pour que , d'après les vingt ans que leur entier développement exige, on penfe qu'elles vivent un très-grand nombre d'années, même plus d'un fiècle , & dès-lors on ne doit point être étonné que l’on manque d’obfervations fur un efpace de tems qui furpañle beaucoup celui de la vie des obfervateurs. Mais fi lon ne connoît pas de faits précis relati- vement à la longueur de la vie des tortues franches, on en a recueilli qui prouvent que la tortue d'eau douce , appellée la Bourbeufe, peut vivre au moins quatre-vingts ans, & qui confirment par conféquent notre opinion touchant l’âge auquel les tortues de mer peuvent parvenir. Cette longue durée de la vie des tortues les a fait regarder par les Japonois comme un emblème du bonheur ; & c’eft apparemment par une fuite de cette idée, qu'ils ornent des images plus ou moins défigurées de ces Quadrupèdes, les temples de leurs dieux, & les palais de leurs princes (c). Une tortue franche peut, chaque été, donner l’exif- tence à près de trois cens individus, dont chacun, (c) Hifloire gén. des Voyages , tome 40, page 381, édit. in-12. L ÿ 84 Hisrorre NATUREL:IE au bout d’un aflez court efpace de tems , pourroit faire naître à fon tour trois cens petites tortues. On fera donc émerveillé, fi l’on penfe au nombre pro- digieux de ces animaux, dont une feule tortue peut peupler une vañfte plage pendant la durée totale de fa vie. Toutes les côtes des zones torrides devroient être couvertes de ces quadrupèdes, dont la multipli- cation, loin d’être nuifible , feroit certainement bien plus avantageufe que celle de tant d'autres efpèces; mais à peine un trentième de petites tortues éclofes peuvent parvenir à un certain développement ; un nombre immenfe d'œufs font d’ailleurs enlevés, avant que les petits aient vu le jour; & parmi les tortues qui ont déjà acquis une grandeur un peu confidérable, combien ne font point la proie des ennemis de toute efpèce qui en font la chaîffe, & de l’homme qui les pourfuit fur la terre & fur les eaux? Malgré tous les dangers qui les environnent, les tortues franches font répandues en aflez grande quantité fur toutes les plages chaudes tant de l’ancien que du nouveau Continent (4), (4) Elles font en fi grand nombre aux Ifles du Cap-Vert, que plufeurs vaifleaux viennent s'en charger tous les ans, & les falent, pour les tranfporter aux colonies d'Amérique. * On dit qu'elles y mangent de l'ambre gris, que l’on y rencontre quelquefois fur les côtes. Voyage: de Georges Robert au Cap Vert Eaux Ifles de méme nom , en 1721, &es. D Defcription des Ifles du Cap-Wert, Hifi, générale des Voyages, Liv, V. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 95 où les côtes font baffes & fablonneufes: on les rencontre dans l'Amérique feptentrionale, jufqu'aux Ifles de Ba- hama, & aux côtes voifines du cap de la Floride (e). Dans toutes ces contrées des deux mondes, diftantes de l'équateur de vingt-cinq ou trente degrés , tant au nord qu'au fud, on retrouve la même efpèce de tor- tues franches , un peu modifiée feulement par la dif- férence de latempérature, & par la diverfité des herbes qu'elles paiflent, ou des coquillages dont elles fe nour- riflent; & cette grande & précieufe efpèce de tortue ne peut-elle pas pañler facilement d'une Ifle à une autre? Les tortues franches ne font-elles pas en effet des habitans de la mer , plutôt que de la terre? pou- vant demeurer aflez de tems fous l’eau, ayant plus de Auprès du Cap-blanc, les tortues font en grand nombre & d'une telle groffeur, qu'une feule fufhit pour raflafñer trente hommes; leur carapace n'a pas moins de quinze pieds de circonférence, Voyage de Lemaire aux Ifles Canaries , &c. Dampier a vu des tortues vertes ( tortues franches ) fur les Cotes de flIfle de Timor : Voyage de Guillaume Dampier ,; aux terres: auffrales. M. Cook les à trouvées en très-grande quantité auprès’ des rivages de la nouvelle Hollande. À Cayenne, on en prend environ trois cens tous les ans, pendant: les mois d'Avril, de Mai & de Juin, où elles viennent faire leur ponte: fur les amas de fable. Note communiquée par M. de la Borde. e) Catefby , ouvrage déja cité, 86 Hisrorrr NATURELLE peine à s’enfoncer dans cet élément qu'à s’y élever, nageant avec la plus grande facilité à fa furface, ne jouiffent-elles pas dans leurs migrations de tout Pair qui leur eft néceñlaire? Ne trouvent-elles pas fur tous les bas- fonds, l'herbe & les coquillages qui leur con- viennent? ne peuvent-elles pas d’ailleurs fe paffer de nourriture pendant plufieurs mois ? & cette pofhbilité de faire de grands voyages n'eft-elle pas prouvée par le fait, puifqu’elles traverfent plus de cent lieues de mer, pour aller dépofer leurs œufs fur les rivages qu’elles préfèrent , & puifque des navigateurs ont rencontré à plus de fept cens lieues de toute terre, des tortues de mer d'une efpèce peu différente de la tortue franché (f) ? ils les ont même trouvées dans des ré- gions de la mer aflez élevées en latitude , où elles dormoient paifblement en flottant à la furface de l'eau. (f) Troifième voyage du Capitaine Cook, Traduéion Françoife. Paris, 1782 , pagé\ 269. Catesby rapporte qu'étant , le 20 Avril 1725 , à trente degrés de Ja- titude, & à peu-près à une diftance égale des Ifles Açores & de celles de Bahama, il vit harponner une tortue Caouane , qui dormoit fur la furface de la mer. Hifloire naturelle de la Caroline , volume 2, page 40. M. de la Borde à vu beaucoup de tortues qui nageoïient fur l’eau à plus de trois cens lieues de terre. Note communiquée par M. de la Borde. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 07 Les tortues franches ne font cependant pas fi fort attachées aux zones torrides, qu'on ne les rencontre quelquefois dans les mers voïfines de nos côtes. Il fe pourroit qu'elles habitent dans la Méditerranée , où elles fréquenteroient de préférence , fans doute, les parages les plus méridionaux , & où les Caouanes , qui leur reflemblent beaucoup, font en très - grand nombre (g). Elles devroient y choifir pour leur ponte les rivages bas, fablonneux, prefque déferts & très- chauds qui féparent l'Egypte de la Barbarie propre- ment dite, & où elles trouveroient la folitude, l'abri, la chaleur & le terrain qui leur font néceflaires ; on n'a du moins jamais vu pondre des tortues marines fur les côtes de Provence ni du Languedoc , où cependant lon en prend de fems en tems quelques-unes (k). Elles peuvent aufli être quelquefois jetées par des accidens particuliers vers de plus hautes latitudes, fans en périr : Sibbald dit tenir d’un homme digne de foi, qu'on prenoit quelquefois des tortues marines dans les Or- cades (i); & l'on doit préfumer que les tortues franches peuvent non-feulement vivre un certain nom- (g) Voyez l’article de la Caouane. (A) Note communiquée par M. de Touchy , de la Société royale de Montpellier. | (à) Sibbald Prodomus , Hifl. naturalis, Edimburgi, 1684. 85 Hrsroire NATURELLE bre d'années à ces latitudes élevées, mais même y parvenir à tout leur développement (k). Des tempêtes ou d’autres caufes puiflantes font aufli quelquefois def- cendre vers les zones tempérées & chaflent des mers glaciales ,lesimmenfes cétacées qui peuplent cetempire du froid : le hafard pourroit donc faire rencontrer en- femble les grandes tortues franches & ces immenfes animaux (/); & l’on devroit voir avec intérêt fur la furface de l'antique Océan, d’un côté les tortues de mer, ces animaux accoutumés à être plongés dans les rayons ardens du foleil fouverain dominateur des contrées torrides, & de l’autre, les grands cétacées qui , relégués dans un féjour de glaces & de téne- bres, n'ont prefque jamais reçu les douces influences (4) M. Bomare a publié, dans fon Didtionnaire d'Hifteire naturelle; une lettre qui lui fut adreflée, en 1771, par M. de Laborie , Avocat au Confeil fupérieur du Cap, Ifle Saint-Domingue, d'après laquelle il paroît qu'une tortue pêchée, en 1754, dans le pertuis d’Antioche , étoit la même qu'une tortue embarquée fort jeune à Saint-Domingue en 1742, par M. de Laborie le pere. Elle peloit alors près de vingt-cinglivres; elle s'échappa dans ce même pertuis d’Antioche , au moment où la tempête brifa le vaifleau qui Pavoit apportée, & elle acheva de croître fur les côtes de France. Diéionnaire d’Hifloire naturelle de M. Valmont de Bomare , art. des tortues de mer. (1) On à pris de grandes tortues auprès de l'embouchure de la Loire, & un grand nombre de cachalots ont été jetés fur les côtes de L Bretagne il n'y a que peu d'années, du père DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 89 du père de la lumière, & au lieu des beaux jours e la nature, n'en ont prefque jamais connu que les tempêtes & les horreurs. On peut citer fur - tout à ce fujet deux exemples remarquables. En 1752, une tortue fut prife à Dieppe où elle avoit été jetée dans le port, par une tour- mente : elle pefoit de huit à neuf cens livres, & avoit à-peu-près fix pieds de long, fur quatre pieds de largeur: deux ans après, on pécha, dans le pertuis d'Antioche une tortue plus grande encore; elle avoit huit pieds de long; elle pefoit plus de huit cens livres, & comme ordinairement, dans les tortues, l’on doit compter le poids des couvertures pour près de la moitié du poids total (m) , la chair de celle du pertuis d’Antioche devoit pefér plus de quatre cens livres. Elle fut portée à l’abbaye de Long-veau, près de Vannes en Bretagne; la carapace avoit cinq pieds de long. Ce n’eft que fur les rivages prefque déferts, & par exemple fur une partie de ceux de l'Amérique, voifins de la ligne, & baïignés par la mer pacifique, que les tortues franches peuvent en liberté parvenir à tout l'accroiflement pour lequel Ia Nature les a (72) Note communiquée par M. le Chevalier de Wider/pach. Ovipares, Tome I. M Oo | Hisrorre Narurerre fait naître, & jouir en paix de la longue vie à la- quelle elles ont été deftinées. * Les animaux féroces ne font donc pas les. feuls qui, dans le voifinage de l'homme, ne peuvent ni croître ni fe multiplier; ce roi de la Nature, qui fouvent en devient le tyran, non-feulement repoufle dans les déferts les efpèces dangereufes , mais encore fon infa- tiable avidité fe tourne fouvent contre elle-même, & relègue fur les plages éloignées, les efpèces les plus utiles & les plus douces; au lieu d'augmenter fes jouif- fances , il les diminue, en détruifant inutilement dans des individus , privés trop tôt de la vie , la poftérité nombreufe qui leur auroit dû le jour. : On devroit tâcher d’acclimater les tortues franches fur toutes les côtes témpérées où ‘elles pourroient aller chercher dans les terres des endroits un peu fablonneux, & élevés au-deffus des plus hautes vagues, pour y dé- pofer leurs œufs, & les y faire éclore. L’acquifition d’une efpèce aufli féconde feroit certainement une des plus utiles; & cette richefle réelle , qui fe: conferveroit.& fe multiplieroit d'elle-même, n’exciteroit pas au moins les regrets de la philofophie , comme les richefles fu- neftes arrachées avec tant de fueurs au-fein des terres équatoriales. Occupons - nous maintenant des diverfes efpècés: de tortues qui habitent au milieu des mers comme DES QuUuADRUPÈDES OVIPARES. O1 la tortue franche, & qui lui font aflez analogues par leur forme , par leurs propriétés, & par leurs habitudes, pour que nous puiflions nous contenter d'indiquer les différences qui les diftinguent, M j 92 - Hisrorrz NATURELLE. Ne EE mm D a ee pe LA TORTUE ÉCAILLE-VERTE («). Nous xE coxservons ras à la tortue, dont il eff ici queftion, le nom de tortue-verte, qui lui a été donné par plufeurs Voyageurs, parce qu'on l’a appli- qué aufli à la tortue franche, & que nous ne faurions- prendre trop de précaution pour éviter l’obfcurité de- la nomenclature; nous ne lui donnons pas non plus celui de tortue Amazone qu'elle porte dans une grande partie de l'Amérique méridionale, & qui lui vient du grand fleuve des Amazones dont elle fréquente les: bords (4), parce qu’il paroïît que ce nom a été auf employé pour une tortue qui n’eft point de mer, & (2) La tortue verte, Dænpier, Tome I. (b) La tortue écaille-verte, n'eft pas la feule qui fréquente la: grande rivière de F'Amazone. « Les tortues de l'Amazone font fort: » recherchées à Cayenne , comme les plus délicates; ce fleuve en nourrit » de diverfes grandeurs & de diverfes efpèces en fi grande abondance, #que, feules avec leurs œufs, elles pourroient fuffire à la nourriture des babitans de fes bords. 12 Hifloire gén. des Voyages , Tome 53;. page 438 , édit, in-72 DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 03 par conféquent qui eft très-différente de ceile- ci. Mais nous la nommons écaille-verte , à caufe de la couleur de fes écailles, plus vertes en effet que celles des autres tortues; elles font d’ailleurs très-belles, très-tranfpa- rentes, très-minces, & cependant propres à plufieurs ouvrages. La tête des tortues écaiile -vertes eït petite & arrondie. Elles reffemblent d'ailleurs aux tortues franches, par leur forme & par leurs mœurs; elles ne deviennent pas éependant aufli grandes que ces der- nières; &, en général, elles font plus petites environ d'un quart (c). On les rencontre en aflez grand nom- bre dans la mer du Sud, auprès du cap Blanco, de Ia nouvelle Efpagne (d). Il paroît qu'on les trouve auffi dans le golfe du Mexique, & qu’elles habitent prefque (c) Note communiquée par M. le Chevalier de Widerfbach, Corref pondent du Cabinet du Roi. (d) ce Jai remarqué qu'à Blanco, cap de [a nouvelle Efpagne dans k mer du Sud, les tortues vertes ( Fefpèce dont parle ici Dampierce eit celle que nous nommons écaille- verte) qui font les feules que ce lon y trouve, font plus groffés que toutes celles de la même mer.« Elles y pêfent ordincirement deux cens quatre-vingt ow trois censce livres; le gras en eft jaune, le maigre blanc, & la chair extraordi-ce: naitement douce. À Bocca - Toro de Verragua, elles ne font pas fice grofies; leur chair eft moins blanche, & leur gras moins jaune. Celles des baies de Honduras & de Campèche font encore plus petites;ce le gras en eft vert, & le maigre plus noir; cependant un Capitaine cs O4 Hirstrorrre NATURELIIE tous les rivages chauds du nouveau monde, tant en- deçà quau-delà de la ligne; mais on ne les a pas encore reconnues dans l’ancien Continent. Leur chair eft un aliment auf délicat & peut-être aufli fain que celle des tortues franches; & il y a même des Pays où on les préfère à ces dernières. Leurs œufs falés & féchés au foleil, font très-bons à manger. M. Bomare eft le feul Naturalifte qui ait indiqué cette efpèce de tortue que nous n'avons pas vue, & dont nous ne par- ons que d'après les Voyageurs & les obfervations de M. le Chevalier de Widerfpach. # Anglois én prit une à Port-Royal, dans la baie de Campèche, qui “avoit quatre pieds du dos au ventre, & fix pieds de ventre en largeur. Le gras produifit huit galons d'huile, qui reviennent à trente: cinq pintes de Paris, > Dampier, Tomel, page 113. DES QUADRUPÉDES OVIPARES, 95 Re — = EE 3 EE ——_——_—_— Se RE AR Re en de PRET | LA CAOUANE (x. La PLUPART DES NATURALISTES qui ont décrit cette troifième efpèce de tortue de mer, lui ont donné le nom de Carèt; mais comme ce nom eft appliqué, depuis long=tems, par les Voyageurs, à la tortue qui fournit les plus belles écailles, nous conferyerons à celle dont il eft ici queftion , la dénomination de Caouane fous laquelle elle eft déjà très-connue, & uniquement défignée par les naturels des contrées où ‘on la trouve. Elle furpañle en grandeur la tortue (æ) Le Caret. M. d Aubenton , Encyclopédie méthodique. Teftudo Caretta, 4. Linn. Amph. rept. ( Nous devons obferver que h figure de Séba, indiquée pour cette tortue par M. Linné , ne repréfente pas là tortue caret de ce Naturalifte , mais celle qu'ila défignée par l'épithète ltine de 2mbricata , & qui eft notre caret. Teftudo Cephalo, Hiff. nat. des tortues , par M. Schneider. Ray , Synopfis Quadrupedum , page 257. Teftudo marina , Caouane: dicta. The lodger head Turtle. Brospn. Hifl. nat. de la Famnïque , page 465: Feftudo 3, unguibys utrinque binis acutis > fquamis dorfi quinque gibbis.. 96 Hrsrorre NATURELLE franche (4), & elle en diffère d’une manière bien marquée par la groffeur de la tête, la grandeur de la gueule, l’alongement & la force de la mâchove fu- périeure; le cou eft épais & couvert d'une peau lâche, ridée & garnie de diftance en diftance d'écailles cal- leufes (c); le corps eft ovale; & la carapace plus large au milieu & plus étroite parderrière, que dans les autres efpèces (d). Les bords de cette couver- ture font garnis de lames, placées de manière à les faire paroître dentés comme une fcie: le difque préfente trois rangées longitudinales d'écailles ; les pièces de la rangée du milieu fe relèvent en bofe - Tortue caouane, Rochefort , Hifi. des Antilles, page 248. Id, Labat , page 308. Kaouane, du Tertre, page 228, Teftudo marina , Caouana diéta. Sloane, Voyage eux Îfles Madère; Barbade , &c. vol. 2, page 331. Catefby , Car. vol. 2, page 39. Teftudo corticata vel corticofa. Rondeler, Hifi. des poiffons, Lyon, 2548, page 337. Canuaneros & Juruca, aux Antilles. Didlionnaire d'Hifloire naturelle , per M. Valmont de Bomare, (b) Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline. vol. 2 , pag. 40. Note communiquée par M. le Chevalier de Wider/pach. (c) Brown, Hifi. nat. de la Jamaïque, page 465° (4) Catefby, à l'endroit déjà cité, DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 07 & fim:ent parderrière en pointe ; la couverture fupérieure paroît d’un jaune tacheté de noir, lorf que l'animal eft dans l’eau (e). Le plaftron fe ter- mine du côté de l'anus, par une forte de bande un peu arrondie par le bout: il eft garni communément de vingt-deux ou vingt-quatre écailles. La queue eft courte ; les pieds qui font couverts d’écailles épaifles, & dont les doigts font réunis par une membrane, ont une forme très-alongée & reflemblent à des nageoires, ainfi que dans la tortue franche ; ceux de devant font plus longs, mais moins larges que ceux de derrière; & ce qui eft un des caractères diftinétifs de la Caouane, c’eft que les pieds de derrière, ainfi que ceux de devant, font garnis de deux ongles aigus. La Caouane habite les contrées chaudes du nou- veau Continent, comme la tortue franche ; mais elle paroît fe plaire un peu plus vers le Nord, que cette dernière ; on la trouve moins fur les côtes de la Jamaï- que (f) ; elle habite aufli dans l’ancien monde; on la trouve même très - fréquemment dans la Méditer- ranée où on en fait des pêches abondantes, auprès de Cagliari en Sardaigne & de Caftel-Sardo, vers le (e) Mémoires manufcrits rédigés & communiqués per M. Fougerour de Bondaroy, de l'Académie des Sciences. (f) Brown, à l'endroit déja cité, | Ovipares , Tome I, A 08 Hisrorre NATURELLE quarante-unième degré de latitude; elle y Bree fou= vent jufquà 400 livres (poids de Sardaigne) (g). Rondelet, qui habitoit le Languedoc , dit en avoir nourri une chez lui pendant quelque tems, apparem- ment dans quelque baflin. Elle avoit été prife auprès des côtes de fa Province; elle faifoit entendre un petit fon confus, & jetoit des efpèces de foupirs fembla- bles à ceux que l’on a attribués à la tortue franche (4). Les lames ou écailles de la Caouane, font prefque de nulle valeur , quoique plus grandes que celles du raret dont on fait dans le commerce un fi grand ufages on sen fervoit cependant autrefois pour garnir des miroirs & d’autres grands meubles de luxe ; mais main- tenant on les rebute, parce qu’elles font toujours gâtées par une efpèce de gale. On a vu des Caouanes (4) dont la carapace étoit couverte de moufle & de coquil- lages, & dont les plis de la peau étoient remplis de petits cruftacées. La Caouane a l'air plus fier que les autres tortues: étant plus grande & ayant plus de force, elle eft plus (g) Hifloire naturelle des amphibies des poiffons de Sardaigne ; par M. François Cette Saffari, 1777 , page 13. (A) Rondelet , Hifi. des poiffons. Lyon, 1458 , page 338. (2) Brown, à l'endroit déja cité. DES QvVADRUPÈDES OFIPARES. 99 hardie ; elle a befoin d’une nourriture plus fubftan- tielle ; elle fe contente moins de plantes marines ; elle eft même vorace; elle ofe fe jetter fur les jeunes cro- codiles , qu'elle mutile facilement (k) ; on aflure que, pour attaquer avec plus d'avantage ces grands Qua- drupèdes ovipares, elle les attend dans le fond des creux, fitués le long des rivages, où les crocodiles fe retirent & où ils entrent à reculons, parce que la longueur de leur corps ne leur permettroit pas de fe retourner ; & elle les y faifit fortement par la queue, fans avoir rien à craindre de leurs dents (1). Comme fes alimens, tirés en plus grande abondance du règne animal, font moins purs & plus fujets à la décompofition que ceux de la tortue franche, & qu’elle avale fans choix des vers de mer, des mollaffes, &c. (m) fa chair sen reflent : elle eft huileufe, rance, flamenteufe , coriace & d'un mauvais goût de marine. L'odeur de mufc, que la plupart des tortues répan- dent, eft exaltée dans la Caouane (7) , au point d’être (Æ) Mémoire de M de 1a Coudrenière, Yaurnal de Phyfique , No? yembre 1782. (1) Not communiquée par M. Moreau de Suint-Méry, Procureur: Général au Confëil fupérieur de Saint-Domingue. (m) Brown, 2 l'endroit déjà cité. (2) Note communiqué par M. le Chevalier de Wider/pach: Ni 100 HISTOIRE NATURELLE fétide. Aufñi cette tortue eft-elle peu recherchée. Des Navigateurs en ont cependant mangé fans peine (o) & l'ont trouvée très-échauffante: on la fale auf quel quefois, dit-on, pour l’ufage des Nègres (p) , tant on s’'eft empreflé de faifir toutes les reffources que la terre & la mer pouvoient offrir, pour accroître le produit des travaux de ces infortunés. L'huile qu’on retire des Caouanes eït fort abondante; elle ne peut être em- ployée pour les alimens, parce qu’elle fent très-mau- vais; mais elle eft bonne à brüler; elle fert aufli à préparer les cuirs, & à enduire les vaiffeaux qu'elle préferve , dit-on, ds vers peut-être à caufe de la mau- vaife odeur qu elle répand. La Caouane n’eft donc point fi utile que la tortue franche : aufli a-t-elle été moins pourfuivie, a-t-elle eu moins d'ennemis à craindre, & eft-elle répandue en plus grand nombre fur certaines mers. Naturelle- ment plus vigoureufe que les autres tortues, elle voyage davantage : on l’a rencontrée à plus de huit cens lieues de terre, ainfi que nous l’avons déjà rapporté. D'ailleurs, fe nourriflant quelquefois de poiffons , elle eft moins attachée aux côtes où croiflent les algues. Elle rompt (o) Brown, Hifi. nat. de la Jamaïque, page 466. (p) Nouveau Voyage aux Ifles de l'Amérique, Tome I, page 308: DES QUADRUPÈDES OVIPARES. IOI avec facilité de grandes coquilles, de grands buccins, pour dévorer animal qui y eft contenu; &,, fuivant les pécheurs de l'Amérique feptentrionale , on trouve fou- vent de très-grands coquillages , à demi-brifés par la Caouane (q). 11 eft quelquefois dangereux de chercher à la pren- dre. Lorfqu’on s'approche d'elle pour la retourner, elle fe défend avec fes pattes & fa gueule; & il-eft très dificile de lui faire lâcher ce qu'elle a faifi avec fes mâchoires. Cette grande réfiftance qu’elle oppofe à ceux qui veulent la prendre, lui a fait attribuer une forte de méchanceté: on lui a reproché, pour ainfi dire, une jufte défenfe : on a condamné l’ufage qu’elle fait de fes armes pour fauver, fa vie : mais ce n’eft pas la première fois que le plus fort a fait un crime au plus foible de ce qui a retardé fes jouifflances ou mêlé quelques dangers à fa pourfuite. Suivant Catefby, on a donné le nom de Coffre à une tortue marine aflez rare, qui devient extrêmement grande, qui eft étroite, mais fort épaifle, & dont la couverture fupérieure, eft beaucoup plus convexe que celle des autres tortues marines (r). C’eft certainement (g) Catefby, Vol. IT, page 40. (r) Teftudo arcuata, tortue appellée coffre. Catefby , Volume IT, Page 40. > 102 HisrTorrEe NATURELLE la même que la tortue dont Dampier (s) fait fa pre- mière efpèce , & que ce Voyageur appelle groffe-tortue, tortue à bahut ou coffre. Toutes deux, font plus grofles que les autres tortues de mer, ont la carapace plus relevée, font de mauvais goût & répandent une odeur défagréable , mais fourniflent une grande quantité d'huile bonne à brüler. Nous les plaçons à la fuite des Caouanes, auxquelles elles nous paroiflent appar- tenir, jufquà ce que de nouvelles obfervations nous obligent à les en féparer, : (5) Hifloire générale des Voyages, Tome 48, pages 344 © fuir. DES tDRUPÈDES OVIPARES, 103 RE ie eme LA TORTUE NASICORNE TS Les NaruRALISTES ont confondu cette efpèce avec Ja Caouane , quoiqu'il foit bien aifé de la diftinguer par un caractère aflez faillant, qui manque aux véritables Caouanes , & dont nous avons tiré le nom que nous lui donnons ici. C’eft un tubercule d’une fubftance molle, qui s'élève au - deffus du mufeau, & dans lequel les narines font placées. La Naficorne fe trouve dans les mers du nouveau Continent, voifines de l'équateur ; nous manquons d’obfervations pour parler plus en dé- tail de cette nouvelle efpèce de tortue ; mais nous nous regardons comme très- fondés à la féparer de la Caouane , avec laquelle elle a même moins de rapports qu'avec la tortue franche, fuivant un des Cor- _ (a) C'eft à cette tortue qu'il faut rapporter celle qui eft décrite dans Gronovius. Mus. 2, page 85, N.° Go , & que M. Linné a regardé comme étant la même que fa tortue caret , qui eft notre caouane. Cette tortue de Gronovius a au-deflus du mufeau le tubercule qui diftingue BL Nafcorne fx 104 HirsToirrEe NATUR, -E refpondans du Cabinet du Roi (b ) : on la mange comme cette dernière, tandis qu'on ne fe nourrit prefque point de la chair de la Caouane. Nous invitons les Voyageurs à s’occuper de cette tortue, qui pourroit être la tortue bätarde des pêcheurs d'Amérique, ainfi qu'à obferver celles qui ne font pas encore connues; il eft d'autant plus important d'examiner les diverfes efpèces de ces animaux , que quoiqu'elles ne foient diftinguées à l'extérieur que par un très-petit nombre de caractères, il paroît qu'elles ne fe mélent point enfemble, & que par conféquent elles font très- différentes les unes des autres (c). (Bb) M. le Chevalier de Widerfpach. (c) Note communiquée par M. le Chevalier de Widerfpach, LE CARET DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 1O5 LE NCA RE: Ce). Le PHizosoPHE mettra toujours au premier rang la tortue franche, comme celle qui fournit la nour- riture la plus agréable & la plus falutaire ; mais ceux 15 : - 1C1 qui ne recherchent que ce qui brille , préféreront la (a) La Tuilée. M. d’Aubenton, Encyclopédie mérhodique. Teftudo imbricata. 2. Einn. amph. reptilia. Tortue caret. Rochefort. Teftudo imbricata, Hiff. natur. des Tortues , par M. Jean Schneider Teftudo caretta. Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline, vol. IT ; Pa8€ 39- Gronoy. Zoophy. 72. Ray, Synopfis animalium quadrupedum , page 258, Teftude caretta dicta. Bont. jay. 82, Teftudo fquamata. The hawkf-bill Turtle. Teftudo 1 major , unguibus utrinque quatuor: Brown, Hifloire naturelle de la Jamaïque, Londres , 1756, page 464. Séba, mus. 2. tab. 80, fig. 9. Teftudo caretta, Sloane. Voyage aux Ifles Mädère, Barbade, 6e pol. 2. Caret. Du Tertre , tome 2, p. 229, N.° 24 Caret , Labat, p. 314. Caret , Didionnaire d'Hifioire nagurelle , par M. Valmont d& Bomare. Ovipares , Tome I. O 106 Hisroire NATURELLE tortue À laquelle nous confervons le nom de Carer, qui lui ft généralement donné dans les pays qu’elle habite ; c’eft principalement cette tortue que lon voit revêtue de ces belles écailles qui, dès les fiècles les plus reculés, ont décoré les palais les plus fomptueux : eflacées dans des tems plus modernes par l'éclat de l'or & par le feu que la taille a donné aux pierres dures & tranfparentes, on ne les emploie prefque plus qu’à orner les bijoux fimples, maïs élégans de ceux dont la fortune eft plus bornée, & peut-être le goût plus pur. Si elles fervent quelquefois à parer la beauté, elles font cachées par des ornemens plus éblouiffans ou plus recherchées qu’on leur préfère, ‘& dont elles ne font que les fupports. Mais fi les écailles de la tortue Caret ont perdu de leur valeur par leur comparaifon avec des fubitances plus écla- tantes, & parce que la découverte du nouveau monde en a répandu une grande quantité dans l’ancien, leur ufage eft devenu plus général : on sen fert d’autant plus qu'elles coûtent moins: combien de bijoux & de petits ouvrages ne font point garnis de ces écailles que tout le. monde connoît, & qui réuniffent à une demi- tranfparence l'éclat de certains criftaux colorés, & une foupleffe que l’on a effayé envain de donner au verre | Il eft aifé de reconnoître la tortue Caret au Jluifant des écailles placées fur fa carapace, & fur-tout à la DES QuADRVPÈDES OVIPARES. XO7 manière dont elles font difpofées. Elles fe recouvrent comme les ardoifes qui font fur nos toits ; elles font d’ailleurs communément au nombre de treize fur le difque, & elles y font placées fur trois rangs , comme dans la tortue franche; le bord de la carapace, qui eft beaucoup plus étroit que dans la plupart des tortues de mer, eit garni ordinairement de vingt-cinq lames. La couverture fupérieure arrondie par le haut, & pointue par le bas, a prefque la forme d'un cœur: le Caret eft d’ailleurs diftingué des autres tortues marines par fa tête & fon cou, qui font beaucoup plus longs que dans les autres efpèces; la mâchoire fupérieure avance aflez fur linférieure, pour que le mufeau ait une forte de refflemblance avec le bec d’un oifeau de proie ; & c’eft ce qui l'a fait appeller par les Anglois bec’ à faucon (b). Ce nom a un peu fervi à obfcurcir Phiftoire des tortues; lorfque les Naturaliftes ont tranf- porté celui de Caret à la Caouane, ils n’en ont point féparé le nom de bec à faucon, qu'ils lui ont aufli appli- qué (c); &, en hiftoire naturelle, lorfque les noms font les mêmes, on n’eft que trop porté à croire que les objets fe reffemblent. On rencontre le Caret, ainfi que la plu- part des autres tortues, dans les contrées chaudes de (5) Catelby, Hifloire naturelle de la Caroline, vol. 2 , page 39, (c) Brown; à l'endroit déjà cité, Oi 108 HISTOIRE NATURELLE l'Amérique ( d) ; mais on le trouve auffi dans les mers de l’Afie. C'eft de ces dernières qu'on âpportoit fans doute les écailles fines dont fe fervoient les anciens, même avant le tems de Pline, & que les Romains devoient d'autant plus eftimer, quelles étoient plus rares & venoient de plus loin; car il femble qu'ils n’attachoient de valeur qu'à ce qui étoit pour eux le figne d’une plus grande puiffance, & d’une domi- nation plus étendue. Le Caret n’eft point aufli grand que la tortue franche; fes pieds ont également la forme de nageoires, & font quelquefois garnis chacun de quatre ongles. La faifon de fa ponte eft communément, dans l'Amérique fep- tentrionale, en Mai, Juin & Juillet ; il ne dépofe pas fes œufs dans le fable, mais dans un gravier mêlé de petits cailloux : ces œufs font plus délicats que ceux des autres efpèces de tortues, mais fa chair n’eft point du tout agréable; elle a même, dit-on, une forte vertu purgative (e); elle caufe des vomiffemens violens ; ceux qui en ont mangé font bientôt couverts de petites tumeurs, & attaqués d'une fièvre violente, mais qui eft une crife falutaire lorfqu'ils ont aflez de vigueur pour réfifter à l’adtivité du remède. Au refte, (d) Suivant Dampier , on n’en voit point dans la mer du Sud, (e) Dampier, Tome L DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 109 Dampier prétend que les bonnes ou mauvaifes qualités de la chair de la tortue Caret, dépendent de l'aliment qu'elle prend, & par conféquent très-fouvent du lieu qu’elle habite. Le Caret, quoique plus petit de beaucoup que la tortue franche, doit avoir plus de force, puifqu'on l’a cru plus méchant: il fe défend avec plus d'avantage, lorfqu'on cherche à le prendre; & fes morfures font vives & douloureufes ; fa couverture fupérieure eft plus bombée, & fes pattes de devant font en proportion de fa grandeur, plus longues que celles des autres tortues de mer ; auf, lorfqu'il a été renverfé fur Le dos, peut-il, en fe balançant, s’incliner affez d’un côté ou de l’autre, pour que fes pieds faififlent la terre, qu'il fe retourne, & qu'il fe remette fur fes quatre pattes. Les belles écailles qui recouvrent fa carapace péfent ordinaire ment toutes enfemble de trois à quatre livres (f), & quelquefois même de fept à huit (g). On eftime le plus celles qui font épaifles, claires, tranfparentes, d'un jaune doré, & jafpées de rouge & de blanc, ou d'un brun prefque noir (4). Lorfqu'on veut les façonner, (f) Dampier, Tome I. (g) Ray, Synopfis quadrupedum , page 258. (2) Mémoires manuférits , rédigés & communiqués par M. de Fou- STOuUT, T1O Hrsrorre NATURE:LzE on les ramollit dans de l’eau chaude, & on les met dans un moule dont on leur fait prendre aifément la forme, à l’aide d’une forte preffe de fer; on les polit enfuite, & on y ajoute les cifelures d’or & d'argent, & les autres ornemens étrangers avec lefquels on veut en relever les couleurs. On prétend que, dans certaines contrées, & parti-. culièrement fur les côtes orientales & humides de l'Amérique méridionale, le Caret fe plaît moins dans la mer que dans les terres noyées, où il trouve ap- paremment une nourriture plus abondante ou plus con- venable à fes gouts (i). (ë) Note communiquée par M. le Chevalier de Widerfpach , Corref pondant du Cabinet du Roi. cc On dit que les tortues caret fe nourriffent principalement d'une efpèce de fungus , que les Américains nomment oreille de Js1f. 13 Catefby, à l'endroit déjà cité. DES QUADRUPÉÈDES OVFIPARES, AI a —* LÉ LE L'DT He) LA PLUPART DES TORTUES MARINES, dont nous avons parlé, ne s’éloignent pas beaucoup des régions équatoriales ; la Caouane n’eft cependant pas la feule que l’on trouve dans une des mers qui baignent nos contrées ; on rencontre aufh dans la méditerranée, une efpèce de ces Quadrupèdes ovipares, qui furpaffe même quelquefois par fa longueur les plus grandes tortues franches. On la nomme le Luth; elle fréquente de préférence , au moins dans le tems de la ponte, les rivages déferts & en partie fablonneux , qui avoifinent (2 ) En letin, lyre. Rat de mer, 6 tortue à clin, par les pêcheurs de plufeurs contrées. Tortue luth. M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Teftudo Coriacea. 1. Linn. amphibia reptilia. Tortue couverte comme de cuir, ou tortue mercuriale. Rondelet Hifloire des poiffons. Lyon, 1558. Teftudo coriacea Wandell. ad Linn., Patay, 2761. 4. Teftudo coriacea, Hiff. naturelle des tortues , par M. Schneider. 112 HrsToire NATURELLE les Etats barbarefques ; elle s'avance peu dans la mer Adriatique , & fi elle parvient rarement jufqu'à la mer Noire, c’eft qu’elle doit craindre le froid des latitudes élevées. Elle eft diftinguée de toutes les autres tortues, tant marines que terreftres, en ce qu'elle n'a point de plaftron apparent. Sa carapace eft placée fur fon dos comme une forte de grande cuirafle, mais elle ne s'étend pas aflez pardevant & parderrière pour que la tortue puifle mettre fa tête, fes pattes & fa queue à couvert fous cette forte d'arme défenfve, La tortue Luth paroît fe rapprocher par-là des croco- diles, & des autres grands Quadrupèdes ovipares qui peuplent les rivages des mers. La couverture fupérieure eft convexe, arrondie dans une partie de fon contour, aais terminée parderrière en pointe fiaigue & fialongée, qu’on croiroit voir une feconde queue placée au-deflus de la véritable queue de l'animal ; le long de cette carapace, s'étendent cinq arêtes aflez élevées, & dont celle du milieu eft fur-tout très-faillante ; quelques Naturaliftes ont compté fept arêtes, parce qu'ils ont compris dans ce nombre les deux lignes qui terminent la carapace de chaque côté. Cette couverture fupé- rieure neft point garnie d'écailles comme dans les autres tortues marines; mais cette efpèce de cuirafle. ainfi que tout le corps, la tête, les pattes & la queue, eft revêtue d’une peau épaïfle, qui, par fa confiftanee & DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 113 & fa couleur, reflemble à un cuir dur & noir. Aufñ Linné a-t-il appellé la tortue Luth, la tortue couverte de cuir; & a-t-elle plus de rapport que les autres tortues marines, avec les lamantins & les phoques dont les pieds font recouverts d'une peau noirâtre & dure; le deffous du corps eft aplati ; les pattes, ou plutôt les nageoires, de la tortue Luth, font dépourvues d’ongles, fuivant la plupart des Naturaliftes; mais j'ai remarqué une membrane en forme d’ongle aux pattes de der- rière de celle que l’on conferve dans le Cabinet du Roi; la partie fupérieure du mufeau eft fendue de manière à recevoir la. partie inférieure qui eft re- courbée en haut. Rondelet dit avoir vu une tortue de cette efpèce prife à Frontignan, fur les côtes du Lan- guedoc, longue de cinq coudées , large de deux, & dont on retira une grande quantité de graifle ou d'huile bonne à brûler (b). M. Amoureux, le fils, de la Société royale de Montpellier, a donné la defcription d'une tortue de cette efpèce, pêchée au port de Cette, en Languedoc, & dont la longueur totale étoit de fept pieds cinq pouces (c). Celle qui a fervi à notre def- cription , & dont nous rapportons les dimenfions dans la (b) Rondelet, à l'endroit cité. (c) Journal de Phyfique , 1778. Ovipares , Tome I. D 114 Hirsrorre NATURELLE note fuivante (4), eft à-peu-près de la même gran- deur. Les tortues Luth n’habitent pas feulement dans la Méditerranée ; on les trouve aufh fur les côtes du Pérou, du Mexique, & fur la plupart de celles d'A- frique, qui font fituées dans la zone torride (e):ik paroïit qu'elles avancent vers les hautes latitudes de aotre hémifphère , au moins pendant les grandes chaleurs. Le quatre Août, de l’année 1729, on prit, à treize Jieues de Nantes, au nord de lembouchure de la Loire , une tortue qui avoit fept pieds un pouce de (4) Dimenfons d’une tortue Luth. pieds, [ pouces. lignes. Bonsuenr totales UE EURE ARE NS 7 3 2 Gros le ne LE CERN PA EE LS 7 F Fpafeurs Ces ds RNA ANT r 8 Longueur de la carapace. . 4 8 2. Lareeunide la)carapace, NÉE 4 4 Longueur du cou & de la tête. … I s Longueur des mâchoires. . . 8 G Grofeuri}duNcou re UE RER EN A2 rx Grand diamètre des yeux. . … « … . 2 Longueur des pattes de devant. . . . 3 IL. Grofeur des pattes de devant. . . I II 6. Longueur des pattes de derrière. I G Groileur des pattes de derrière. I 7 10: Longueur de la queue. . . . I T (e) Mémoires manuferits , rédigés par M, de Fougeroux. DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES, IIS long , trois pieds fept pouces de large & deux pieds d'épaifleur. M. de la Font, Ingénieur en chef à Nantes, en envoya une defcription à M. de Maiïran; tous les caractères qui y font rapportés, font entièrement con- formes à ceux de la tortue Luth, confervée au Cabinet du Roi; à la vérité, il y eft parlé de dents, qui ne fe trouvent dans aucune tortue connue; mais il eft aifé de prendre pour des dents, les grandes éminences formées par les échancrures profondes des deux mà- choires de la tortue Luth ; d'ailleurs la forme & la pofition de ces éminences répondent à celles des pré- tendues dents de la tortue pêchée auprès de Nantes. Cette dernière tortue Luth poufoit d’horribles cris, fui- vant M. de la Font, quand on lui caffa la tête à coup de crochet de fer, fes hurlemens auroient pu être entendus à un quart de lieue; & fa gueule écumante de rage, exhaloit une vapeur très-puante (f). En 1756, un peu après le milieu de l'été, on prit aufñ, une aflez grande tortue Luth, fur les côtes de Cornouaille, en Angleterre (g). M. Pennant a donné, dans les tranfactions philofophiques, la defcription & la figure d’une très-petite tortue marine de trois pouces {f) Hifloire de F Académie des Sciences , année 1729. £) Zoologie Britannique , Londres 1776, vol. IL. P ji 116 HisrToirrEre NATURELLE trois lignes de long, fur un pouce & demi de large. Il eft évident, d'après la figure & la def- cription, que cette très-jeune tortue étoit de l’efpèce du Luth, & avoit été prife peu de tems après fa fortie de l'œuf, ainfi que le foupçonne M. Pennant. Ce Naturalifte avoit vu cette tortue chez un Mar- chand de Londres, qui ignoroit d'où on l'avoit ap- portée (A). La tortue Lurh, eft une de celles que les anciens Grecs ont le mieux connues, parce awelle habitoit leur patrie : tout le monde fait que dans les contrées de la Grèce , ou dans les autres pays fitués fur les bords de la Méditerranée, la carapace d'une grande tortue fut employée par les inventeurs de la mufique comme un corps d'inftrument , fur lequel ils attachèrent des cordes de boyaux ou de métal. On a écrit qu'ils choifirent la couverture d’une tortue Luth ; & telle fut la première lyre groflière qui fervit à faire goûter à des peuples peu civilifés encore, le charme dun art dont ils devoient tant accroître la puiflance. Auf la tortue Luth a-t-elle été, pour ainf dire, confacrée à Mercure, que l'on a regardé comme l'inventeur de la lyre. Les Modernes l’ont même fouvent , à l'exemple des Anciens, appellée Lyre, ainfi que Lurh; & ïl (4) Tranfaéions philofophiques, année 2772 , vol. 62. DES QUADRUPÈDES OVIPARES., T7 convenoit que fon nom rappellât le noble & brillant ufage que l’on fit de fon bouclier , dans les premiers âges des belles régions baignées par les eaux de la Méditerranée. < 118 Hisrorre NATURELLE DD mms mememmmnemanr mn — SECONDE DIVISION. TORTUES D'EAU DOUCE ET DE TERRE. LA BOURBEUSE (:). Les DIFFÉRENTES TORTUES dont nous avons déjà écrit l’hifloire, non-feulement vivent au milieu des eaux falées de la mer, mais recherchent encore Peau douce des fleuves qui sy jettent : elles vont auf ( a) En latin, mus aquatilis. En Japonois , jogame , ou doogame , oz doocame. La Bourbeufe, M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Teftudo lutatia, 7. Linn., amphib. rept. Ray, Synopfis quadrupedum , page 254 , Teftudo aquarum dulcium; {eu lutaria. Ù Rondelet, Hifloire des poiffons. Lyon, 1658 , Jeconde partie ; page 170. Teftudo futaria, 9. Schneider. DES QuaDRUPÈDES OL PA RES.) | quelquefois à terre, foit pour y dépofer leurs œufs, foit pour y paître les plantes qui y croiffent. On ne peut donc pas les regarder comme entièrement relé- guées au milieu dés grandes eaux de l'Océan; de même on doit dire cuaucune des tortues dont il nous refte à parler, nhabite exclufivement l’eau douce ou les terrains élevés: toutes peuvent vivre fur la terre, toutes peuvent demeurer pendant plus où moins de tems au milieu de londe douce & de l’onde amère, & lon ne doit entendre ce que nous avons dit de la demeure des tortues de mer, & ce que nous ajouterons de celles des tortues d’eau douce & des tortues de terre , que comme l'indication du féjour qu'elles préfèrent, plutôt que d'une habitation exclufive. Tout ce qu’on peut af furer relativement à ces trois familles de tortues, e’eft que le plus fouvent on trouve la première au milieu des eaux falées, la feconde au milieu des eaux douces, læ troifième fur les hauteurs, ou dans les bois; & leur habitation particulière a été déterminée par leur con- formation tant intérieure qu'extérieure, ainfi que par la différence de la nourriture qu’elles recherchent , & qu'elles ne peuvent trouver que fur la terre, dans les fleuves ou dans la mer. La Bourbeufe eft une des tortues que l’on rencontre: le plus fouvent au milieu des eaux douces; elle eft beaucoup plus petite qu'aucune tortue marine, puil-- que fa longueur, depuis le bout du mufeau jufqu'à 120 Hisrorre NATURELLE l'extrémité de la queue, n'excède pas ordinairement fept ou huit pouces , & fa largeur trois ou quair:, Elle eit aufli beaucoup plus petite que la tortue terfeftre, appellée la Grecque : communément le tour de la carapace eft garni de vingt-cinq lames, bordées de ftries légères; le difque l’eft de treize lames ftriées de même, foiblement pointillées dans le centre , & dont les cinq de la rangée du milieu fe relèvent en arête longitudinale. Cette couverture fupérieure eft noirâtre & plus ou moins foncée. La partie poftérieure du plaftron eft terminée par une ligne droite; la couleur générale de la peau de cettetortue tire fur le noir , ainfi que celle dela carapace; les doigts {ont très-diftinéts l’un de l’autre , mais réunis par une membrane; il y en a cinqaux pieds de devant, & quatre aux pieds de derrière; le doigt extérieur de chaque piedde devant eft communément fans ongle ; la queue eft a-peu- près longue comme la moitié de la couverture fupé- rieure ; au lieu de la replier fôus fa carapace, ainfi que la plupart des tortues de terre, la Bourbeufe la tient étendue lorfqu’elle marche (4); & c'eft de-là que lui vient le nom de rat aquatique , mus aquatilis , que les anciens lui ont donné (c); lorfqw'on la voit 1 (B) Hifloire naturelle des amphibies € des poiffons de la Sardaigne, page 12, (c) Rondelet , à l'endroit.déja té marcher, DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 12 marcher, on croiroit avoir devant les yeux un lézard dont le corps feroit caché fous un bouclier plus ou moins étendu. Ainfi que les autres tortues, elle fait entendre quelquefois un fifflement entrecoupé. On la trouve non-feulement dans les climats tem- pérés & chauds de l'Europe (d), mais encore en Afie, au Japon (e), dans les grandes Indes, &c. On la ren- contre à des latitudes beaucoup plus élevées que iles tortues de mer: on l’a pêchée quelquefois dans les rivières de la Siléfie; mais cependant elle ne fupporteroit que très-dificilement un climat très-rigoureux, & du moins elle ne pourroit pas y multiplier. Elle s’engourdit pen- dant l'hiver, même dans les päys tempérés. C’eft à terre qu'elle demeure pendant fa torpeur: dans le Languedoc, elle commence vers la fin de l'automne à préparer fa retraite ; elle creufe pour cela un trou, ordi- nairement de, fix pouces de profondeur, elle emploie plus d'un mois à cet ouvrage. Il arrive fouvent qu’elle paffe l’hiver fans être entièrement cachée, parce que la terre ne retombe pas toujours fur elle, lorfqu'’elle (d) Elle eft en très-grand nombre dans toutes les rivires de la Sardaigne. Hifloire naturelle des amphibies € des poiffons de ce Royaume, par M. Francois Cette. À Safari ; 1777, page 12, (e) Hifloire générale des Voyages, Tome 40 , page 382 ; édition 20-12, Ovipares, Tome I, à Q ae 122 HISTOrTrRE NATUREIIE seft placée au fond de fon trou. Dès les prémiers jours du printems elle change d’afyle; elle pañle alors la plus grande partie du tems dans l’eau; elle s’y tient fouvent à la furface, & fur-tout dorfqu'il fait chaud, & que le foleil luit. Dans l'été, elle eft prefque toujours à terre. Elle multiplie beaucoup dans plufieurs endroits aquatiques du Languedoc, ainfi qu'auprès du Rhône, dans les marais d'Arles, & dans plufieurs endroits de la Provence (f). M. le Préfident de la Tour d'Aygue, dont les lumières & le goût pour les Sciences naturelles. font connus, a bien voulu m’apprendre qu’on trouva une fi grande quantité de tortues Bourbeufes dans un marais d'une demi-lieue de furface, fitué dans la plaine de la Durance, que ces animaux fufirent pendant plus de trois mois à la nourriture des payfans des environs. Ce n’eft qu'à terre que la Bourbeufe pond fes œufs ; elle les dépofe , comme les tortues de mer, dans un trou qu'elle creufe, & elle les recouvre de terre ou de fable; la coque en eft moins molle, que celle des œufs des tortues franches, & leur couleur eft moins uniforme. Lorfque les petites tortues font éclofes, elles n'ont quelquefois que fix lignes ou environ de largeur (g). (f) Css faits m'ont ét£ communiqués par M. de Touchy, de la Société royale de Montpellier. (g) Not communiquée par M. le Préfident de la Tour d Aÿgue. DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES, 123 La Bourbeufe ayant les doigts des pieds plus féparés, & une charge moins pefante que Ha plupart des tortues, & fur-tout que la tortue terreftre, appelléela Grecque, il n'eft pas furprenant qu'elle marche avec bien moins de lenteur lorfqu'elle eft à terre, & que le terrain eff uni. Les Bourbeufes, on les tortues d’eau douce propre- ment dites; .croiffent pendant très-long-tems, ainfi que les tortues de nver; mais le tems qu'il leur faut poar atteindre à leur entier développement eft moindre que celui qui eft néceflaire aux tortues franches, attendu qu’elles font plus petites : aufli né vivent -elles pas fi ong-tems: On a cependant obfervé que lorfqu’elles n'éprouvent point d'accidens, elles parviennent jufqu’à Fâge de quatre-vingtsans & plus; & ce grand nombre d'années ne prouve-t-il pas la longue vie que nous avons cru devoir attribuer aux grandes tortues de mer ? | ne Ée goût que la tortue d’eau douce a pour les limaçons, pour les vers, & pour les infectes dépourvus d’ailes qui habitent les rives qu'elle fréquente , où qui vivent fur Fa furface des eaux, l’a rendue utile dans les jardins, qu'elle délivre d’'animaux-nuifibles , fans y caufer aucun dommage. On la recherche d’ailleurs à caufe de l’ufage qu'on en fait en médecine, ainf que de quelques autres tortues : elle devient comme domeftique;.on la conferve Q à 124 HisTorre NATURELLE dans des baffins pleins d’eau, fur les bords defquéls on a foin de mettre une planche qui s’étende jufqu'au fond, quand ces mêmes bords font trop éfcarpés ; afin qu’elle puiffe fortir de fa retraite, & aller chercher fa petite proie. Lorfque lon peut craindre qu’elle ne trouve pas une nourriture aflez abondante, on y fupplée par du fon & de la farine. Au refte, elle peut, comme les autres Quadrupèdes ovipares, vivre pendant long-tems fans prendre aucun aliment, &, même quelque tems après avoir été privée dues des parties du corps qui paroiflent le pins effentielles à la vie, après avoir eu la tête coupée. (4) : Autant on.doit la multiplier dans le des ne lon veut garantir des infeétes voraces, autant on doit l'empêcher de pénétrer dans les étangs & dans les autres endroits habités par les poiflons. Elle attaque même, dit-on, ceux qui font d'une certaine groffeur ; elle. les faifit fous le ventre; elle les y mord, & leur faitides bleffures affez profondes, pour qu'ils perdent leur fang, & s’'afloiblifient bientôt; elle les entraîne alors au fond de l’eau, & elle les y dévore avec tant d'avidité qu'elle n'en laifle que les arêtes , &: quelques parties cartila= gineufes de la tête : elle rejette aufi quelquefois leur (A) Ray ; Synopfis anëmaliunr, Londres ; 2693, page 254%)1) DES QUADRUPÈDES OVIPARES, 125 vefle aérienne, qui s'élève à la furface de l’eau, & par le moyen des veflies à air, que l’on voit nager fur les étangs, l’on peut juger que le fond eft habité par des tortues bourbeufes, 198 Hisrorre Narurerie ner mms | means mener REY, zÿA, À L'Aù RON DR ON C’EST dans l'Europe méridionale, fuivant M. Linné, que l’on trouve cette tortue: fa carapace eft prefque entièrement ronde, & c’eft ce qui lui a fait donner le nom d'orbiculaire. Les bords de cette carapace font re- couverts de vingt — trois lames , dans deux individus confervés au Cabinet du Roïi, & le difque l’eft de treize. Ces lames font très-unies, & leur couleur , affez claire, eft femée de très-petites taches rouffes, plus ou moins foncées. Le plaftron eft échancré parderrière, & recou- vert de douze lames. Le mufeau fe termine par une pointe forte & aigue, en forme de très-petite corne. La queue eft très-courte. Les pieds font ramafiés, arrondis ; & les doigts réunis par une membrane com- mune, ne font , en quelque forte, fenfibles que par des ongles affez forts & affez longs. Ces ongles font (a) La Ronde. M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique. Teftudo orbicularis, 5. Linn. amphib. rept. Teftudo europza, 5. Schneider. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 127 äu nombre de cinq dans les pieds de devant, & de quatre dans les pieds de derrière. La tortue Ronde habite de préférence au milieu des rivières & des marais , & fes habitudes doivent reflembler plus ou moins à celles de la Bourbeufe, fuivant le plus ou moins d'égalité de leurs forces. On rencontre les tortues Rondes , non -feulement dans les pays Méridionaux de l’Europe, mais encore en Prufle (b) : les Payfans de ce Royaume les pren- nent & les gardent dans des vaifleaux, qui contien- nent la nourriture deftinée à leurs cochons; ils penfent que ces derniers animaux sen portent mieux & en engraiflent davantage ; les tortues Rondes vivent quel- quefois plus de deux ans dans cette forte d'habitation extraordinaire (c). Il fe pourroit que la Ronde parte à une grandeur un peu confidérable, malgré la petite taille des deux individus que nous avons décrits, & qui n’ont pas plus de trois pouces neuf lignes de longueur totale , fur deux pouces cinq lignes de largeur, parce que ces deux petites tortues préfentent tous les fignes du pre- mier âge & d’un développement trèspeu avancé. Si (B) Ichthyologia , cum amphibiis regni Boruflici methodo linnæana * . difpofita à Johan. Chrifloph. Wulf. (c) Wulf, ouvrage déjà cité. 128 Hrsrorre NATURELLE cela étoit nous ferions tentés de la regarder comme une variété de la Terrapène, dont nous allons parler. Mais, jufquà ce que nous ayons recueilli un plus grand nombre d’obfervations , nous les féparerons l’une de l'autre. Les petites tortues Rondes, que nous avons exa- minées, nous ont préfenté un fait intérefflant : les avant-dernières pièces de leur plaftron étoient féparées & laifloient pañler la peau nue du ventre, qui for- moit une efpèce de poche ou de gonflement plus con- fidérable dans l’une que dans l’autre, & au milieu duquel on diftinguoit, dans une fur-tout, l’origine du cordon ombilical. Nous invitons les Naturaliftes à re- marquer fi, dans les autres efpèces, les très-jeunes tor- tues préfentent cette fciflure du plaftron, & cette marque d'un âge peu avancé. L'on a obfervé dans le crocodile & dans quelques lézards, un fait analogue que l’on retrouvera peut-être dans un très-grand nom: bre de Quadrupèdes ovipares. LA TERRAPÈNE DES QUADRUPÈDES OVIPARES. I29 7 LA TERRAPÈNE («), Nous CONSERVONS à cette tortue de marais où d’eau douce, le nom de Terrapène qui lui a été donné par Brown. On la trouve aux Antilles, & particuliè- rement à la Jamaïque ; elle y eft très-commune dans les lacs & dans les marais où elle habite parmi les plantes aquatiques qui y croiflent. Son corps, dit | Brown , eft en général , ovale & comprimé; fa lon- sueur excède quelquefois huit ou neuf pouces. Sa chair eft regardée comme un mets aufli fain que dé- licat (b). [1 paroïît que cette tortue eft la même que celle que Dampier a cru devoir nommer hécate. Suivant ce Voyageur , ceite dernière aime en effet l’eau douce ; elle cherche les étangs & les lacs, d'où elle va rare- ment à terre. Son poids eft de douze ou quinze livres. (a) The Terrapin, teftudo quarta minima lacuftris, unguibus pal- marum quinis, plantarum quaternis, tefta deprefla, Brown, Hifl. ner de la Jamaïque, page 466. Ca (b) Brown, à l'endroit déja cité, Ovipares, Tome I, R 130 Hisrorre NATURELLE Elle a les pattes courtes, les pieds plats, le cou long & menu. Sa chair eft un fort bon aliment (c). Tous ces caractères femblent convenir à la T'errapène. (c) Dampier, Tome z. DES QuaDrurÈDEs OVFIPARES. 131 — ————— LA SERPENTINE (:). Tr sort aisé de diftinguer cette tortue de toutes les autres, par la longueur de fa queue, qui égale prefque celle de la carapace. Cette couverture fupé- rieure eft un peu relevée en arête longitudinale, & comme découpée parderrière en cinq pointes aigues. Les doigts des pieds font peu féparés les uns des autres. La Serpeutine habite au milieu des eaux douces de la Chine. Il paroît que fes mœurs fe rapprochent de celles de la Bourbeufe; & que non -feulement elle détruit les infectes, mais encore qu'elle fe nourrit de poiffons, (a) La tortue ferpentine. M. dAubenton, Encyclopédie méthodique. Teftudo ferpentina 15. Linn, amphib. rept. Teftudo ferpentina, 8. Schneider. FE R ÿ 134 Hisrorre NATurezze HA CROUGEATMREA Nous poxnoxs ici la notice d’une tortue envoyée de Penfylvanie, fous le nom de tortue de marais, & décrite par M. Edwards (a). Le bout de fa queue eft garni d'une pointe aigue & cornée comme celles de plufieurs tortues Grecques & de la tortue Scorpion. Ses doigts font réunis par une membrane. Sa couleur générale eft brune , maïs les lames qui garniflent fes côtés, & les écailles qui recouvrent le tour de fes mâchoires & de fes yeux, font d'un jaune rougeâtre que l’on retrouve aufli fur fon plaftron. (a) Glanures de l'Hifloire naturelle , par Georges Edwards. Londres ; 2764 ; Seconde parge, chap. zX XV 11, planche 287. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 133 mm Of ———— 4 ae es ee nn M need © LA TORTUE SCORPION (: }. CE sT à Surinam qu'habite cette tortue; fa carapace eft ovale , d’une couleur très-foncée & relevée fur le dos par trois arêtes longitudinales; le difque eft garni P 5 5 cl de treize lames, dont les cinq du milieu font très- alongées, & on en compte communément vingt-trois fur les bords: douze lames recouvrent le plaftron, qui n'eft prefque point échancré; la tête eft couverte par- devant d’une peau calleufe, qui fe divife en trois lobes P > q fur le front. La tortue Scorpion a cinq doigts à chaque Ï . . f LA 0 9 2 pied ; ils font un peu féparés, & garnis d'ongles, excepté les doigts extérieurs des pieds de derrière: mais ce qui Jui a fait impofer fon nom , & ce qui fert à la faire re- connoître , c'eft une arme dure , en forme de corne ou d'ongle crochu ; qu’elle porte au bout de la queue, & qui a une forte de reffemblance avec l’aiguillon du fcorpion. M. Linné a fait connoître cette tortue, dont (a) La tortue fcorpion. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique. Teftudo fcorpioides, 8. Linn. arnphib. rept, Teftudo fimbriata, 12, Schneider. 134 Hisrorre NATUREILIE on conferve au Cabinet du Roi plufieurs carapaces & plaftrons. Ils ont été envoyés comme ayant appartenu à une petite tortue de marais qui habite dans les favanes noyées de la Guiane , & qui ne parvient jamais à une taille plus confidérable que celle qui eft indiquée par les couvertures envoyées au Cabffet du Roi: les plus grandesde cescarapacesont fixoufeptpoucesdelongueur, fur quatre ou cinq de largeur. Voilà donc une efpèce de tortue d’eau douce ou de marais, dont la queue eft garnie d’une callofité; nous remarquerons un caractère prefque femblable dans plufieurs tortues grecques ou tortues terreftres proprement dites, & particulièrement dans celles qui ont atteint leur entier développement. mm GC mm LA JAUNE. Nous AVONS VU vivans plufieurs individus de cette efpèce de tortue d'eau douce, qui ma encore été décrite * par aucun des Naturaliftes dont les ouvrages font le plus répandus. On lesavoit fait venir d'Amérique dans des baquets remplis d’eau, pour les employer dans divers remèdes. Cette jolie tortue parvient ordinairement à une grandeur double de celle des tortues Bourbeufes, Une carapace qui avoit appartenu à un individu de cette efpèce, & qui fait partie de la collection du Roi, a fept pouces neuf lignes de longueur. La toriwe jaune eft agréablement peinte d’un vert d'herbe un peu foncé, & d'un jaune qui imite la couleur de Por. Ces couleurs règnent non-feulement fur fa carapace, mais encore fur fa tête, fes pattes, fa queue & tout fon corps. Le fond de la couleur eft vert, & c’eft fur ce fond agréable que font diftribuées un très-srand nombre de très-petites taches d’un beau jaune, placées fort près les unes des autres, fe touchant en quelques endroits, imitant ailleurs des rayons par leur difpoñtion, & formant par-tout un mélange très-doux à la vue; le difque eft ordinaire- ment recouvert de treize lames, & les bords de la 136 :, Hisrorrs. NATvREInE carapace le font de vingt-cinq. Le plaftron eft garni de douze lames, & la partie poftérieure de cette couver- ture eft terminée par une ligne droite, comme dans la Bourbeufe , avec laquelle la Jaune a beaucoup dé rap- ports. La forme générale de la tête eft agréable ; les pattes font déliées ; les doigts un peu réunis par une membrane , & armés chacun d’un ongle long, aigu & crochu. La queue ef menue, & prefque aufli longue que la moitié de la carapace; lorfque la tortue marche, elle la porte droite & étendue comme la Bourbeufe. Elle fe meut avec moins de lenteur que les tortues de terre, & elle eft aufli agréable à voir par la nature de fes mouvemens, que par la beauté de fes couleurs. Lorfqu'elle va s’'accoupler, elle fait entendre un petit gémiflement , un petit cri d'amour. Un individu de cette efpèce a été envoyé au Cabinet du Roi fous le nom de tortue terreftre, Ce qui a pu induire en erreur, c'eft que toutes les tortues d’eau douce paffentune très-grande partie de l’année à terre, ainfi que nous l'avons dit de la Bourbeufe. On ne la rencontre pas feulement en Amérique ; on la trouve encore dans l'Ile de l'Af cenfion, d'où il eft arrivé un individu de cette: .efpèce au Cabinet du Roi: elle habite aufli dansles eaux douces de l’Europe , & ny varie que par fes couleurs, qui font quelquefois moins vives. F5G AS LA MOLLE DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 197 RE — a —— LA MOLLE (à) Cerre roRTüE eft la plus grande des tortues d'eau douce ; fa taille approche de celle des petites tortues marines. M. Pennant eft le premier qui en ait parlé ( b); il avoit reçu cet animal de la Caroline méridionale. Le Docteur Garden, à qui on avoit apporté deux indi- vidus de cette efpèce, en avoit envoyé un à M. Ellis, & l’autre à M. Pennant. Cette tortue fe trouve dans les rivières du fud de la Caroline: on l'y appelle tortue à écailles molles ; mais comme elle n’a point d’écailles proprement dites, nous avons préféré de l’appeller fim- plement la Molle. Elle habite en grand nombre dans les rivières de Savannah & d’Alatamaha; & l'on avoit dit à M. Garden qu'elle étoit auffi très-commune dans la Floride orientale. Elle parvient à une grandeur con- fidérable , & pèfe quelquefois jufqu’à foixante-dix livres. (a) Teftudo cartilaginea , Petri Boddasrt , epiflola de tefludine cartilaginea ,ex mufeo Joan. Albert Schlofféri. Amfierd. 2772. Teftudo ferox, 6 Schneider. (b) Tranfaëions philofophiques, année 2771, vol. 62. | Ovipares, Tome L S 128 Hisrorre NATURELLE Une de celles que M. Garden avoit chez lui, pefoit de vingt-cinq à trente livres: ce Naturalifte la garda près de trois mois, pendant lefquels il ne sapperçut pas qu’elle eùt rien mangé d’un grand nombre de chofes. qu'on lui avoit préfentées. La carapace de cet individu avoit vingt pouces de long, & quatorze de large ; la couleur générale en étoit d’un brun foncé , avec une teinte verdâtre; le milieu de cette couverture fupérieure ; étoit dur, fort. & offeux; mais les bords, & particulièrement la partie poftérieure étoient cartilagineux, moux, plians, reflem-— blant à un cuir tané, cédant aux impreflions dans tous les fens, mais cependant affez épais & aflez forts , pour défendre & garantir l'animal. Cette carapace étoit eou- verte vers la queue de petites élévations unies & ob— longues, & vers la tête, d'élévations un peu plus grandes. Le plaftron étoit d’une belle couleur blanchâtre; ik étoit plus avancé de deux à trois pouces que la carapace, de telle forte que, lorfque l’animal retiroit fa tête, il pouvoit la repofer fur la partie antérieure, qui étoit pliante & cartilagineufe. La partie poftérieure du plaf— tron étoit dure, offeufe, relevée & conformée de manière à repréfenter , felon M. Garden, une felle de cheval. La tête étoit un peu triangulaire & petite, relati- vement à la grandeur de l'animal; elle sélargifloit du côté du cou, qui étoit épais, long de treize pouces & DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 139 demi, & que la tortue pouvoit retirer facilement fous la carapace. Les yeux étoient placés dans la partie antérieure & fupérieure de la tête, aflez près l’un de l’autre ; les paupières étoient grandes & mobiles; la prunelle étoit petite, & l'iris entièrement rond, & d’un jaune très-brillant, faifoit paroître les yeux très-vifs. Cette tortue avoit une membrane clignotante, qui fe fermoit lorfqw’elle éprouvoit quelque crainte, ou qu’elle s’en- _ dormoit. La bouche étoit fituée dans la partie inférieure de Ja tête, ainfi que dans les autres tortues: chaque mâchoire étoit d'un feul os: mais un des caractères les plus parti- culiers à cette tortue, étoit la forme & la poftion de fes narines. Le deffus de la mâchoire fupérieure fe terminoit par une produétion cartilagineufe un peu cilindrique, longue au moins de trois quarts de pouce, reffemblant au groin d'une taupe , mais tendre, menue & un peu tranf- parente ; à l'extrémité de cette production étoient placées les ouvertures des narines qui s’ouvroient auf dans le palais. Les pattes étoient épaifles & fortes; celles de devant avoient cinq doigts, dont lestroispremiersétoient plusforts, plus courts que les deux autres, & garnis d'ongles crochus. A la fuite du cinquième doigt, étoient deux efpèces de faux doigts, qui fervoient à étendre une aflez grande Si "T40 Hirsrorre NATUREILE membrane qui les réunifoit tous. Les pattes de derrière étoient conformées de même, exceptéqu'iln’yavoit qu'un faux doigt, au lieu de deux ; elles étoient, ainfi que celles de devant, recouvertes d’une peau ridée, d’une couleur verdâtre & fombre. La tortue molle a beaucoup de force; & comme elle eft farouche, il arrive fouvent . que lorfqu’elle eft attaquée, elle fe lève fur fes pattes, s’élance avec furie contre fon ennemi, & le mord avec violence. La queue de l'individu apporté à M. Garden étoit grofle , large & courte. Cette tortue étoit femelle; elle pondit quinze œufs , & on en trouva à-peu-près un pareil nombre dans fon corps lorfqu’elle fut morte : ces œufs étoient parfaitement ronds, & à-peu-près d'un pouce de diamètre. La tortue Molle eft très-bonne à manger; & l’on dit même que fa chair eft plus délicate que celle de la tortue franche. Nous préfumons qu'à mefure que l’on connoîtra mieux les animaux du nouveau continent, on retrouvera dans plufeurs rivières de l'Amérique, tant feptentrionale que méridionale, la tortue Molle que l’on a vue dans celles de la Caroline & de la Floride. Pendant que M. le Chevalier de Widerfpach , Correfpondant du Cabinet du Roi, étoit fur les bords de l’Oyapock dans l'Amérique méridionale, fes nègres lui apportèrent la ES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 1AI tète & plufieurs autres parties d’une tortue d’eau douce qu'ils venoient de dépecer, & qu'ila cru reconnoitre depuis dans la tortue Molle, dont M. Pennant a publié la defcription, 142 HirsTorre NATUREILE a DD eee ve mes memes comen, LA GRECQUE, ou LA TORTUE DE TERRE COMMUNE (a). Ox NOMME ainf la tortue terreftre la plus commune dans la Grèce, & dans plufeurs contrées tempérées de l'Europe. On l’a, pendant très-long-tems,appellée fimple- ment tortue terreftre ; maiscomme cette épithète ne défigne que la nature de fon habitation , qui eft la même que celle de plufeurs autres efpèces, nous avons préféré la dénomination adoptée par les Naturaliftesmodernes.On la rencontre dans les bois, & fur les terres élevées ; il n’eft perfonne qui ne l’ait vue, où qui ne la connoiïfle de nom; depuis les anciens jufqu'a nous, tout le monde a parlé de {a lenteur: le philofophe s'en eft fervi dans fes raifonne- (a) En grec, xchovn xepraï a. En Languedoc, tourtuga dé Garriga. En Japonois , Iicame où Sanki. La Grecque. M. d’Aubenton , Encydopédie fnéthodique. Ray, Synopfis animalium , page 253, Londres, 1693. Teftudo terreftris vulgaris. Linn. fiflema naturæ , édit. XIIT, page 362. Teftudo grxca pedibus fubdigitatis, tefta poftice gibba, margine laterali obtufffimo fcutellis planiufculis. Tefludo graca, 16. Schneider. DES QUADRUPÈDES OVIPARES, 143 mens , le poëte dans fes images, le peuple dans fes pro- verbes. La tortue grecque peut, en effet, pafler pour un des plus lents des Quadrupèdes ovipares. Elle emploie beau coup de tems pour parcourir le plus petit efpace : mais fi elle ne s'avance que lentement , les mouvemens des diverfes parties de fon corps font quelquefois afez agiles ; nous lui avons vu remuer la tête, les paties & la queue , avec un peu de vivacité. Et même ne pourroit-on pas dire que la pefanteur de fon bouclier, la lourdeur du poids dont elle eft chargée, & la po- fition de fes pattes placées trop à côté du corps, & trop écartées les unes des autres, produifent prefque feules la lenteur de fa marche ? Elle a en effet le fang aufli chaud que plufieurs Quadrupèdes ovipares qui s'élancent avec promptitude jufques au fommet des arbres les plus élevés ; & quoique fes doigts ne foient pas féparés , comme ceux des lézards qui courent avec vitefle, ils ne font cependant pas conformés de maniere à lui interdire une marche facile & prompte. Les tortues Grecques reflemblent, à beaucoup d'é- gards, aux tortues d'eau douce; leur taille varie beau- coup , fuivant leur âge & les Pays qu’elles habitent ; il paroïît que celles qui vivent fur les montagnes, font plus grandes que les tortues de plaine. Celle que nous avons décrite vivante , & que nous avons mefurée en fuivant la courbure de la carapace, avoit près de qua- torze pouces de longueur totale, fur près de dix de: 144) Hisrorrs NATUREzIE largeur, La tête avoit un pouce dix lignes de long, fur un pouce deux lignes de largeur & un pouce d'épaif- feur. Le deffus en étoit aplati & triangulaire. Les yeux étoient garnis d'une membrane clignotante ; la paupière inférieure étoit feule mobile, ainfi que- l’a dit Pline, qui a appliqué -fauflement aux crocodiles & aux Quadrupèdes ovipares en général, cette con- formation que nous avons obfervée dans la tortue Grec- que. Les mâchoires étoient très-fortes & crénelées ; & l'intérieur en étoit garni d'afpérités que l’on a prifes fauflement pour des dents. La peau recouvroit les trous auditifs ; la queue étoit très-courte; elle n’avoit que deux pouces de longueur. Les pattes de devant avoient trois pouces fix lignes jufquà l’extrémité des doigts; & celles de derrière deux pouces fix lignes. Une peau grenue, & des écailles inégales, dures & d'une couleur plus ou moins brune, couvroient la tête , les pattes & la queue. Quelques-unes de ces écailles qui garnifloient l'extrémité des pattes étoient aflez grandes, aflez détachées de la peau & affez aiguës pour être confondues au premier coup - d'œil avec des ongles. Les pieds étoient ramaffés, & comme ils étoient réunis & recouverts par une membrane, on ne pouvoit les diftinguer que par les ongles qui les terminoient (b). (b) Il cft bon d’obferver que, d’après cette conformation, M. Linné Les ongles DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 145 Les ongles des tortues Grecques font communément plus émouflés que ceux des tortues d’eau douce, parce que la Grecque les ufe par un frottement plus con- tinuel, & par une prefüon plus forte. Lorfqu'elle marche , elle frotte les ongles des pieds de devant féparément & l'un après l’autre contre le terrain, en forte que lorfquelle pofe un des pieds de devant à terre , elle appuie d'aboid fur l’ongle intérieur , enfuite fur celui qui vient après, & ainfi fur tous fucceflivement jufquà longle extérieur : fon pied fait, en quelque forte , par-là l'effet d’une roue, comme fi la tortue cherchoit à élever très - peu fes pattes, & à s’avancer par une fuite de petits pas fuccefüifs, pour éprouver moins de réfiftance de la part du poids qu'elle traine. Treize lames, friées dans leur contour, recouvrent la carapace; les bords font - garnis de vingt-quatre lames, toutes, & fur-tout celles de derrière, beaucoup plus grandes en proportion que dans la plupart des autres efpèces de tortues; & par la manière dont elles font placées les unes relaiive- s'auroit pas dû employer Fexpreflion pedes fubdigitati, dont il s'eft fervi pour défigner les pieds de la grecque ; cette remarque a déjà été faite par M. François Cette, dans fon hiftoire naturelle des Amphibies & des Poiflons de la Sardägne, imprimée à Safari, en 1777, page 8. Ovipares, Tome I. T 146 Hisrorre NATURELLE ment aux autres, elles font paroitre dentelée Ia cir— conférence de la couverture fupérieure. Le plaftron eft ordinairement revêtu de douze ou treize lames; il y en avoit treize dans celle que nous avons décrite. Les lames, qui recouvrent la carapace , font marbrées de deux couleurs, l'une plus ou moins foncée, & l'autre blanchâtre. La couverture fupérieure de la Grecque eft très- bombée ; l'individu que nous avons déerit avoit quatre pouces trois lignes d’épaiffeur; & c’eft ce qui fait que lorfqu’elle eft renverfée fur le dos, elle peut reprendre fa première fituation, & ne pas refter en proie à fes ennemis , comme les tortues franches. Ce n’eft pas feulement à l’aide de fes pattes qu'elle s’efforce de fe retourner; elle ne peut pas aflez les écarter pour atteindre jufqu'à terre : elle fe fert uniquement de fa tête & de fon cou, avec lefquels elle s'appuie forte- ment contre le terrain, cherchant, pour ainfi dire, à fe foulever, & fe balançant à droite & à gauche jufqu'à ce quelle ait trouvé le côté du terrain qui eft le plus incliné, & qui lui oppofe le moins de ré- fiflance. Alors, au lieu de faire des efforts dans les deux fens, elle ne cherche plus qu'à fe renverfer du côté favorable, & à fe retourner aflez pour rencontrer la terre avec fes pattes, & fe remettre entièrement fur fes pieds. Il paroît qu'on peut«diftinguer les mâles DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 147 d'avec les femelles, en ce que celles-ci ont leur _plaftron prefque Abe au lieu que les Hole l'ont plus ou moins concave (c). L'élément dans lequel vivent les tortues de mer & les tortues d'eau douce, rend leur charge plus lé- gère, car tout le monde fait qu'un corps plongé dans l'eau perd toujours de fon poids; mais celle des tor- tues de terre n’eft pas ainfi diminuée. Le fardeau que la Grecque fupporte eft donc une preuve de la force dont elle jouit : cette force eft d'ailleurs confirmée par la grande facilité avec laquelle elle brife dans fa gueule des corps très- durs; fes mâchoires font mues par des mufcles fi vivaces, que l’on a remarqué dans une petite tortue, dont la-tête avoit été coupée une demi - heure auparavant, qu'elles claquoient encore avec un bruit afez fenfible; &, dès le tems d’Ariftote, on regardoit la tortue comme l'animal qui avoit en proportion le plus de force dans les mâchoires. Mais ce fait n’eft pas le feul phénomène remarquable que les tortues Grecques préfentent relativement à la difficulté que l’on éprouve lorfqu’on veut ôter la vie aux Quadrupèdes ovipares. François Redi a fait à ce fujet, en Tofcane, des expériences dont nous allonsrap- (c) Hifloire naturelle des Amphibies & des Poïffons de la Sardaigne , por M, François Cette, page 10. T i 149 Hisrorre NaTurELrE = à porter les principaux réfultats (d). Il prit une tortue Grecque au commencement du mois de Novembre; il fit une large ouverture dans le crâne, & en enleya la cervelle , fans en laiffer aucune portion dans la cavité qui la contenoit, & qu'il nettoya, pour ainf dire, ayec foin. Dès le moment que la cervelle fut enlevée, les yeux de la tortue fe fermèrent pour ne plus fe rouvrir: mais l'animal ayant été mis en liberté, continua de fe mouvoir, & de marcher comme sil n'avoit reçu aucun mal. À la vérité il ne savançoit , en quelque forte, qu'en tâtonnant, parcequ’il ne voyoit plus. Après trois jours, une nouvelle peau couvrit louverture du crène, & la tortue .vécut ainf, en exécutant tous fes mouvemens ordinaires jufqu'au milieu du mois de Mai, c’eft-à-dire, à-peu-pres pendant fix mois. Lorfqu’elle fut morte, Redi examina la cavité du crâne d’où ül avoit Ôté la cervelle, &iln’y trouva qu'un petit grumeau de fang fec &. noir; il répéta cette expérience fur plufeurs tortues, tant terreftres que d’eau douce, & même de mer ; & tous ces divers animaux vécurent fans cervelle pendant un nombre de jours plus ou moins confidérable. Redi coupa enfuite la tête à une grofle tortue Grecque , & après que tout le fang qui pouvoit . . . m - (d) Offérvaziont di Francifco Redi, intorno Agli animali yiventi 5. che J? trovano negli animali viventi. Napoli , 1687, page 126. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 140 s'écouler des veines du cou fe fut épanché , la tortue continua de vivre pendant plufieurs jours, ce dont il fut facile de s'appercevoir par les mouvemens qu’elle fe donnoit , & la manière dont elle remuoit les pattes de devant & celles de derrière. Ce grand Phyfcien coupa aufli la tête à quatre autres tortues, & les ayant ouvertes douze jours après cette opération, il trouva que leur cœur palpitoïit encore ; que le fang qui reftoit à l'animal y entroit & en fortoit, & par conféquent que la tortue étoit encore en vie. Ces expériences, qui ont été depuis répétées par plufeurs Phyfciens, ne prouvent-elles pas ce que nous avons déjà dit de la nature des Quadrupèdes ovipares (e)? La tortue Grecque fe nourrit d'herbes, de fruits, & même de vers, de limaçons & d’infectes : mais comme elle n’a pas l'habitude d'attaquer des animaux qui aient du fang, & de manger des poiffons comme la Bourbeufe ue l’on trouve dans les fleuves & dans les marais, où la Grecque ne va point, les mœurs de cette tortue de terre font affez douces; elie eft auf paifible que fa démarche eft lente; & la tranquillité de fes habitudes en fait ailé- ment un animal domeflique, que l’on peut nourrir avec du fon & de la farine, & que l’on voit avee (e) Voyez à la tête de ce volume le difcours fur la netuze des: Quadrupèdes ovipares. FA 150 Hisrorre NATuUREzrE plaifir dans les jardins, où elle détruit les infectes nuifibles. | Comme les autres tortues, & tous les Quadrupèdes ovipares, elle peut fe pafler de manger pendant très- long-tems. Gérard Blafius garda chez lui une tortue de terre, qui, pendant dix mois, ne prit abfolument aucune efpèce de nourriture ni de boiflon. Elle mourut au bout de ce tems; mais elle ne périt pas faute d’alimens, puif qu’on trouva fes inteftins encore remplis d’excrémens, les uns noirâtres, & les autres verts & jaunes : elle fuccomba feulement à la rigueur du froid (f). Les Tortues Grecques vivent très - long - temps : M. Francois Cette en a vu ‘une en Sardaigne qui pefoit quatre livres, & qui vivoit depuis foixante ans dans une maifon, où on la regardoit comme un vieux domeftique (g). Aux latitudes un peu élevées, les Grecques pañlent l'hiver dans des trous fouterrains, qu’elles creufent même quelquefois, & où elles font plus où moins engourdies, fuivant la rigueur de la faifon. Elles fe cachent ainfi en Sardaigne vers la fin de No- vembre (4). (f) Obférvations anatomiques de Gérard Blafius , page 64. (g) Hifloire naturelle des Amphibies & des Poiffons de la Sardaigne , page 9: (h) ddem , ibidem. DES QUADRUPÈDES OVIPARES |, 154 Elles fortent de leur retraite au printems; & elles s'accouplent plus ou moins de tems après la fin de leur torpeur, fuivant la température des pays qu’elles habitent : on a écrit & répété bien des fables (i) touchant laccouplement de ces tortues, l’ardeur des mâles, les craintes des femelles, &c. La feule chofe que l’on auroit dù dire, c’eft que les mâles de cette efpèce , ont reçu des organes très-grands pour la pre- pagation de leur efpèce ; aufli paroiflent-ils rechercher leurs femelles avec ardeur, & reflentir l'amour avec force ; on a même prétendu que, dans les contrées de l'Afrique où elles font en très-grand nombre, les mâles fe battent fouvent pour la libre poffeflion de leurs femelles ; & que dans ces combats, animés par un des fentimens les plus impérieux, ils s'avancent avec courage, quoiqu'avec lenteur, les uns contre les autres, & s'attaquent vivement à coups de tête (4). Le tems de la ponte des tortues Grecques varie avec la chaleur des contrées où on les trouve. En Sar- daigne , c’eft vers la fin de Juin qu’elles pondent leurs œufs; ils font au nombre de quatre ou de cinq, & blancs comme ceux de pigeon. La femelle les dépofe dans un trou qu'elle a creufé aveces pattes de devant ; (2) Conrad Gefñer. (#) M. Linné , à l'endroit déja cité. 1S2 À Hisrorre NATUREL:E & elle les recouvre de terre. La chaleur du foleñ fait éciore les jeunes tortues qui fortent de l'œuf dès le commencement de Septembre, n'étant pas encore plus g groffes qu'une coque de noix (Î). La tortue Grecque ne va prefque jamais à l’eau; cependant elle eft conformée à l'intérieur comme les tortues de mer (m) : fi elle n’eft point amphibie de fait & par fes mœurs, elle l’eft donc jufqu'à un certain point par fon organifation. On trouve la tortue Grecque dans prefque toutes les régions chaudes & même tempérées de l’ancien Continent, dans l'Europe méridionale, en Macédoine, en Grèce, à Amboine , dans lifle de Ceylan, dans les Indes, au Japon (2), dans lfle de Bourbon (o), ( 2) Hifloire naturelle des Amplibies & des Poiffons de la Sardaigne, Page 10. ( m) Gérard Blafus, er difféquent uneftortue de terre, trouva fon sue rempli d'une quantité confderable d’eau limpide. * Nous verrons dans l'article du crocodile, que le péricarde d'un alligator , dif- féqué par Sloane, étoit également rempli eau * Obfervations anatomiques de Gérard Blafius , page 63, (2) Hifloire générale des Voyages, T. 40, page 382, éditionin-1a. (o)« L'Ifle de Bourbon abondoit autrefois en tortues de terre; mais les vaifleaux en ont tant détruit, qu'il ne s'en trouve plus aujourd'hui que dans la partie occidentale, où les habitans même n'ont la permif fion d'en tuer que pendant le corême.» Woyage de la Barbinais le Gentil autour du monde. : dans DES QUADRUPÈDES OFVIPARES. 1$3 dans celle de l'Afcenfion, dans les déferts de l'Afrique : c’eft fur-tout en Libie & dans les Indes que la chair de la tortue de terre eft plus délicate & plus faine que celle de plufeurs autres tortues : & l’on ne voit pas pourquoi il a pu être défendu aux Grecs modernes & aux Turcs de s'en nourrir. Ce neft que d'après des obfervations qui manquent encore que l'on pourra déterminer fi les tortues ter- reftres de l'Amérique méridionale, font différentes de la Grecque (p); fi elles y font naturelles, ou fi elles y ont été portées d'ailleurs. Dans cette même partie du monde, où elles font très-communes, on les prend avec des chiens dreffés à les chafer. Ils les découvrent à la pifte, & lorfqu'ils les ont trouvées, ils aboient juf- qu'à ce que les chaffeurs foient arrivés. On les em- porte en vie; elles peuvent pefer de cinq à fix livres, & au-delà. On les met dans un jardin, ou dans un ‘efpèce de parc ; on lés y nourrit avec des herbes & des fruits ; & elles y multiplient beaucoup. Leur chair, quoiqu'un peu coriace , eft d'affez bon goût; les petites tortues croiflent pendant fept ou huit ans; (p) « Il y a des tortues de terre qui fe nomment Szbutis dans la langue du Bréfl, & que les habitans du Para préfèrent aux autres ce efpèces. Toutes fe confervent plufeurs mois hors de l'eau fans nour-ce riture fenfble. »» Hifloire générale des Voyages, tome 53, page 438, édit. in-12. ” Ovipares, Tome I. V 154 :: + Hisrorre |INangRre rer les femelles s’accouplent quoiqu’elles n'aient acquis que la moitié de leur grandeur ordinaire, mais les mâles ont atteint prefque tout leur développement lorfqw'ils s’unifient à leurs femelles ; ce qui paroïtroit prouver que, dans cette efpèce, les femelles ont plus de chaleur que les mâles (q), & ce qui fembleroit contraire à l’ardeur que les Anciens ont attribuée aux mâles, ainf qu’à l’ef- pèce de retenue qu'ils ont fuppofée dans les femelles. À l'égard de l'Amérique feptentrionale, & des Ifles qui l’avoifinent, il paroît que les tortues Grecques sy trouvent avec quelques légères différences dépendantes de la diverfité du climat. Leur grandeur dans les contrées tempérées de l’'Eu- rope eft bien au-deflous de celle qu’elles peuvent ac- quérir dans les régions chaudes de l'Inde. On a apporté de la côte de Coromandel, une tortue Grecque qui étoit longue de quatre pieds & demi, depuis l’extrémité du mufeau jufques au bout de la queue, & épaifle de quatorze pouces. La tête avoit fept pouces de long fur cinq de large , le cerveau & le cervelet n’avoient en tout que feize lignes de longueur fur neuf de largeur; la langue, un pouce de longueur, quatre lignes de lar- geur, une ligne d'épaifleur ; la couverture fupérieure, trois pieds de long fur deux pieds de large. Cette tortue (g) Note communiquée par M. de la Borde. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 15 étoit mâle, & avoit le plaftron concave; la verge, qui étoit enfermée dans le rectum, avoit neuf pouces de longueur, fur un pouce & demi de diamètre : la vefe étoit dune grandeur extraordinaire ; on y trouva douze livres d'une urine claire & limpide. La queue étoit très-grofle; elle avoit fix pouces de diamètre à fon origine, & quatorze pouces de long. Après la mort de lanimal, elle étoit tellement in- flexible, qu'il fût impofñble de la redrefler; ce qui doit faire croire que la tortue pouvoit s’en fervir pour frapper avec force. Elle étoit terminée par une pointe d'une fubftance dure comme de la corne fr), & affez femblable à celle que l’on remarque au bout de la queue de la tortue Scorpion. Les grandes tortues de terre ont donc reçu, indépendamment de leursboucliers, des armes offenfives aflez fortes: elles ont des mâchoires dures & tranchantes, une queue & des pattes qu'elles pourroient employer à attaquer; mais comme elles n’en abufent pas, & qu'il paroît qu'elles ne s’en fervent que pour fe défendre, rien ne contredit, & au contraire tout confirme la douceur des habitudes, & la tranquillité des mœurs de la Grecque. L'on conferve, au Cabinet du Roi, la dévouille (r) Mémoires pour fervir à l'Hifloire naturelle des animaux ; article de la tortue de Coromandel. Vi 156 HisToire NATURELLE de deux tortues Grecques, qui étoient auffi très-grandes ; la carapace de l’une a près de deux pieds cinq pouces de longueur, & la feconde, près de deux pieds quatre pouces. Nous avons remarqué au bout de la queue de la première, une callofité femblable à celle de la tortue de Coromandel : nous ne croyons cependant pas que cette callofité foit un attribut de la grandeur dans les tortues Grecques ; nous avons vu en effet une dureté fem- blable au bout d'une tortue vivante, qui étoit à-peu près de la taille de celle que nous avons décrite au commencement de cet article: à la vérité, comme elle en différoit par la couleur verdâtre & aflez claire de fes écailles, il pourroit fe faire que cet individu, fur lequel nous n'avons pu recueillir aucun renfeignement particulier, conflituàt une variété conftante, dont la queue feroit garnie d’une callofité beaucoup plutôt que dans les tortues Grecques ordinaires (5). Le Cabinet du Roi renferme aufli une tête de tor- tue de terre apportée de l'Ifle Rodrigue, & quia près de cinq pouces de longueur. (s) Voyez l'Hiftoire naturelle des tortues, par M. Schneider, imprimée à Leipfcken 1783 , page 348, & l’obfervation de M. Hermann, fivant Profeffeur de Strafbourg , qui y eft rapportée. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 157 LA GÉOMÉTRIQUE (:) Crrre roRTUE TERRESTRE a beaucoup de rapports avec la Grecque; fes doigts bien loin d'être divifés, font réunis par une peau couverte de petites écailles, de manière à n'être pas diftingués les uns des autres & à ne former qu'une patte épaifle, & arrondie au- devant de laquelle leurs extrémités font feulement indiquées par les ongles. Ces ongles font au nombre de cinq dans les pieds de devant & de quatre dans les pieds de derrière; d’aflez grandes écailles recou- vrent le bas des pattes, & comme elles n’y tiennent que par leur bafe, & qu'elles font épaifles & quel- quefois arrondies à leur fommet, on les prendroït pour des ongles attachés à divers endroits de la peau. L'in- (a) La Géométrique. M. d'Aubenron , Encyclopédie méthodique. Teftudo geometrica, 13. Linn. amphib. rept. Teftudo piéta feu ftellata, Æ7/ormius , mus. 317. Ray, Synopfis quadr. pag. 259 , teftudo teffeilata minor. Teftudo tefta teffellata major. Grew. mus. 36, tab. 3, fie à & ».. Seba. mus. 1. tab. 80, fig. 36 8. Feftudo geometrica, 13. Schneider. 158 Hisrorre NATURELLE dividu que nous avons décrit, avoit dix pouces de long, huit pouces de large & près de quatre pouces deu. La couverture fupérieure de la tortue Géométrique eft des plus convexes. Les couleurs dont eile eft variée, la rendent très-agréable à la vue. Les lames qui revêtent les deux couvertures, & qui font communément au nombre de treize fur le difque, de vingt-trois fur les bords de la carapace, & de douze fur le phon fe relèvent en bofie dans leur milieu; elles font fortement ftriées, féparées les unes des autres par des efpèces de fillons affez profonds, & la plupait pe hexagones. Leur couleur eft noire; leur centre pré- fente une tache jaune à fix côtés, d’où partent plu- fieurs rayons de la mème couleur; elles montrent ainfi une forte de réfeau de couleur jaune, formé de lignes très-diftinétes, deffinées fur un fond noir , & reffemblant à des figures géométriques ; & c’eft eue qu'a été tiré le nom que l’on donne à l'animal. On trouve cette tortue en Âfie, à Madagafcar, dans l'Ifle de l’Afcen- fon, d'où elle a été envoyée au Cabinet du Roi, & au cap de Bonne-Efpérance, où elle pond depuis douze jufqu'à quinze œufs (b). Plufeurs tortues Géométri- ques différent de celle que nous venons de décrire, (B) Note communiquée par M. Bruyère, de la Sociclé roÿai de IH ontpellier. DES QUADRUPÉDES OVIPARES I sg par le nombre & la difpoñtion des rayons jaunes que préfentent les écailles, par l'élévation de ces mêmes pièces, par une couleur jaunâtre, plus ou moins uni- forme fur le plafiron, & par le peu de faillie des lames qui garniffent cette couverture inférieure. Nous igno- rons fi ces variétés font conftantes ; fi elles dépendent du fexe ou du ciimat, &c. Quoi qu'il en foit, nous croyons devoir rapporter à quelqu'une de ces variétés, jufqu'à ce que de nouvelles obfervations fixent les idées à ce fujet, la tortue terreftre appellée kécate par Brown (c). Cette dernière eft, fuivant ce Voyageur, naturelle au continent de l'Amérique, mais cependant très - com- mune à la Jamaïque où on en porte fréquemment. 5a carapace et épaifle & a fouvent un pied & demi de long : la furface de cette couverture eft divifée en hexagones oblongs ; des lignes déliées partent de leurs circonférences & s'étendent jufqu'à leurs centres qui font jaunes. Nous penfons auffi que cette hécate de Brown, ainfi que la Géométrique font peut-être la même efpèce que la Terrapène de Dampier. Les Terrapènes de ce Navi- gateur font beaucoup moins grofles que les tortues qu'il nomme hécates, & qui font les Terrapènes de Brown, ainfi que nous l’avons dit. Elles ont le dos plus (c)Brown, Hhfloire naturelle de la Jamaïque, page 466. 160 Hirsrorre NATURFILrE rond, quoique d’ailleurs elles leur reffemblent beau- coup. Leur carapace eft comme naturellement taillee, dit ce Voyageur; elles aiment les lieux humides & marécageux. On eftime leur chair; il sen trouve beau- coup fur les côtes de lIfle des Pins, qui eft entre le continent de l'Amérique & celle de Cuba: elles pénè- trent dans les forêts, où les chaffeurs ont peu de peine à les prendre. Ils les portent à leurs cabanes ; &, après leur avoir fait une marque fur la carapace, ils les laiflent aller dans les bois, bien affurés de les retrou- ‘ ver à fi peu de diftance, qu'après un mois de chañle, chacun reconnoit les fiennes, & les emporte à Cuba (d). Au refte, nous ne ceflerons de le répéter, l’hiftoire des tortues demande encore un grand nombre d’obfer- vations pour être entièrement éclaircie ; nous ne pou- vons qu'indiquer les places vides, montrer la manière de les remplir, & fixer les points principaux autour defquels il fera aifé d’arranger ce qui refte à découvrir. (4) Deftription de la nouvelle Efpagne. Hifloire générale des Voya- ges , troifième Partie, livre V. LA RABOTEUSE. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. TIO1I Re nn + 2 —— ns SE ments À LA RABOTEUSE («). A ——— Cerre PETITE ESPÈCE de tortue eft terreftre, fuivant Séba ; fon mufeau fe termine en pointe; les yeux , ainfi que dans les autres tortues, font placés obliquement ; la carapace eft prefque aufli large que longue; les bords en font unis pardevant & fur les côtés , mais inégalement dentelés fur le derrière: les écailles qui les garniffent , font liffes & planes, excepté celles du dos, dont le milieu eft rehauflé de manière à former une arête longitudinale. Leur couleur eft blan- châtre , traverfée en divers fens par de très-petites bandes noirâtres, qui la font paroïtre marbrée ; le plaf- tron eft feftonné pardevant; le milieu en étoit un peu (a) La tortue Raboteufe. M. d’ Aubenron , Encyclopédie AUS Teftudo fcabra , Linn. Teftudo pedibus palmatis, tefta planiufcula, fcutellis omnibus inter- mediis dorfatis. Linn. amphib. rept. Teflud. 6. Gronovius Zoophit. 74. Seba mufœum, 1, tab. 79, fig. 2 , 2. Teftudo terreftris Amboinenfis minor. Ovipares, Tome I, X 102 Hisrorre NATURELLE concave dans l'individu que nous avons décrit, & qui avoit près de trois pouces de long, depuis le bout du mufeau , jufqu'à l'extrémité de la queue, fur près de deux pouces de largeur (b). Suivant Séba, la Raboteufe ne devient jamais plus grande. Cette tortue a cinq ongles aux pieds de devant, & quatre aux pieds de derrière, dont le cinquième doigt eft fans ongles; la queue eft courte ; la couleur de la tête, des pattes & de la queue refflemble beau- coup à celle de la carapace ; elle eft d’un blanc tirant fur le jaune, varié par des bandes & des taches brunes, mais plus larges en certains endroits, & fur-tout fur la tête, que celles que lon voit fur la couverture fu- périeure. C’eft dans les Indes orientales, & particulière- ment à Amboine qu'habite cette tortue, qui appartient aufi au nouveau monde, & y vit dans la Caroline. (B ) Cet individu fait partie de la colleétion du Cabinet du Roi.’ LA DENTELÉE («). CETTE TORTUE n’eft connue que parce qu'en a rap- porté M. Linné,; fes doigts, au nombre de cinq dans les pieds de devant, & de quatre dans ceux de derrière, ne font pas féparés les uns des autres ; ils fe réuniflent de manière à former une patte ramaflée & arrondie, comme celles de beaucoup de tortues terreftres, La couverture fupérieure a un peu la forme d’un cœur; fon diamètre eft ordinairement d’un ou deux pouces ; les bords 1 font dentelés, & comme déchirés. Les lames qui T° couvrent font hexagones , relevées par des points 1hians : & leur couleur eft d’un blanc fale. On trouve cette tortue dans la Virginie. (2) La Dentelée, M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique, Teftudo denticulata, o, Linn. ampluib. reptil. Teftudo denticulata , 17. Schneider. 104 Hisrorre NATUREILE L A BOMBÉE (4). Ox RENCONTRE dans les pays chauds, fuivant M. Linné, cette tortue qui doit être terreftre, & qui eft diftinguée des autres en ce que les doigts de fes pieds ne font pas réunis par une membrane, que fa couverture fu- périeure eft bombée , que les quatre lames antérieures qui garniflent le dos font relevées en arête, & que le plaftron ne préfente aucune échancrure. Nous avons vu, dans la collection de M. le Chevalier de la Marck, une carapace & un plaftron de cette tort” . La cara- pace avoit fix pouces de long, fur fix pc 4 & demi de large. L'animal devoit avoir deux pouces fept lignes d’épaifleur ; le difque étoit garni de treize lames légère- ment ftriées , les bords de vingt-cinq, & le plaftron de _douze. La carapace étoit d’un brun verdâtre, fur le- quel des raies jaunes s'étendoient en tout fens. Les (a) La Bombée. M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique. Teftudo carinata, 12. Linn. amph. rept. Teftudo carinata , 18. Schneider. DES QUADRUPÈDES OVIPARES, _ 160$ couleurs de la tortue Jaune font prefque femblables, mais elles font difpofées par taches, & non pas par raies, comme celles de la Bombée; le plaftron étoit jaunûtre. 166 Hirsrorre NATURELLE LA VERMILLON (:) Au cAP de Bonne-efpérance, habite une petite tortue de terre, que Worm a vue vivante, & qu'il a nourrie pendant quelque tems dans fon jardin. Des marchands la lui avoient vendue comme venant des grandes Indes, où il fe peut en effet qu'on la trouve. La couverture fupérieure de cette petite & jolie tortue, eft à peine longue de quatre doigts; les lames en font agréablement variées de noir, de blanc, de pourpre, de verdâtre & de jaune ; & lorfqu’elles s'exfolient, la carapace pré- fente à leur place du jaune noirâtre. Le plaftron eft blanchâtre, & fur le fommet de la tête, dont on a com- (a) La Bande blanche. M. & Aubenton , Encyclopédie méthodique] Teftudo pufilla, 24, Linn. amphib. rept. : Teftudo terreftris puñlla, ex Indiâ orientali, W/orm. mus. 313. Teftudo virginea , Grew. mus. 38, Tab. 3, f. 3. Ray , Synopjis quadrupedum , page 259. Teftudo terreftris pullla ex India orientali. George Edwards, Hifloire naturelle des otféaux , Londres , 1751: Teftudo tefellata minor Africana. The African land Tortoilfe. Teftudo pufñlla, 15. Schneider. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 167 paré la forme à celle de la tête d’un perroquet, s'élève une protubérance d’une couleur de vermillon mélangé de jaune. C’eft de ce dernier caracère , par lequel elle a quelque rapport avec la naficorne, que nous a vons tiré le nom que nous lui donnons. Les pieds de cette tortue font garnis de quatre ongles, & d’écailles très-dures; les cuifles font revêtues d’une peau qui refflemble à du cuir; la queue eft eflilée & très-courte. La Nature a paré cette tortue avec foin; elle lui a donné la beauté : mais, en la réduifant à un très-petit volume, elle lui a ôté prefque tout l'avantage du bouclier naturel fous lequel elle peutfe renfermer : car il paroît qu’on doit lui appliquer ce que rapporte Kolb de la tortue de terre du Cap de Bonne- efpérance. Suivant ce Voyageur , les grands aigles de mer, nommés Orfraie, font très-avides de la chair de la tortue: malgré toute la force de leur bec & de leurs ferres, ils ne pourroient brifer fa dure enveloppe; mais ils l’enlèvent aifément ; ils l’emportent au plus haut des airs, d’où ils la laiffent tomber à plufeurs reprifes fur des rochers très-durs: la hauteur de la chûte & la très-grande vitefle qui en réfulte, produifent un choc violent; & la couverture de la tortue bientôt brifée, jivre en proie à l'aigle carnacier l’animal qu'elle auroit mis à couvert, fi un poids plus confidérable avoit ré- fifté aux efforts de l’aigle, pour l’élever dansles nues (4). (Bb) Voyage de Kolb ou Kolben, vol. 2 , page 198. 168 : Hisrorre NATuRErrE De tous les tems on a attribué le même inftinét aux aigles de l'Europe, pour parvenir à dévorer les tortues grecques; & tout le monde fait que les anciens fe font plu à raconter la mort fingulière du fameux poëte Efchyle, qui fut tué, dit-on, par le choc d'une tortue, qu'un aigle laifla tomber de très-haut fur fa tête nue (c). La tortue Vermillon n'habite pas feulement aux en- virons du Cap de Bonne-efpérance; il paroît qu'on la rencontre auffli dans la partie feptentrionale de l'Afrique. M. Edwards a décrit un individu de cette efpèce, qui lui avoit été apporté de Sancla-Crux , dans la Barbarie occidentale (d). (c) Voyez Conrad Gejner, livre II des Quadrupèdes oyipares , article des Tortues. (d) George Edwards , ouyrage déja cité, page 204. LA COURTE-QUEUE., DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 109 e a nn ee DnRRRCE Eee nee CRC DR Een manne) 23) éocmcmmemçnmmcmnnee prnomemnens monmmenrermimmeersens a De LA COURTE-QUEUE («). Ox rROUVE à la Caroline cette tortue terreftre, dont la tête & les pattes font recouvertes d’écailles dures, femblables à des callofités. Les doigts font réunis; elle a cinq ongles aux pieds de devant, & quatre à ceux de derrière. Un de fes caractères diftinétifs, eft d'avoir la queue des plus courtes; mais elle n’eft pas abfolument fans queue, aïinfi que l’a dit M. Linné. La couverture fupérieure échancrée pardevant en forme de croiflant , n'offre point de dentelures fur les bords , & les lames qui la garnifflent , font larges, bordées de ftries, & pointillées dans leur milieu. Il paroit (2) La Courte-queue. M. d’'Aubenton, Ercyclopédie méthodique. Teftudo carolina, 11, Linn. amphib. rept. George Edwards, Hifloire naturelle des oifeaux , page 204. Teftude teffellata mfnor Carolinenfis. Teftudo pedibus digitatis callofo-fquamofs , tefta ovali fubconvexa , scutellis planis ftriatis medio punétatis. Gron. Zooph., 17, No77. Seba muf. 2. Tab. 80 fig. 2 , Teftudo terrefiris majer Americana, Teftudo carolina, 7, Schneider, Ovipares , Tome I, Y 170 Hirsrorrr NATURELLE qu'elle devient affez grande. On conferve au Cabinet du Roi une carapace de cette tortue; elle a dix pouces fix lignes de long, & huit pouces dix lignes de large. DES QUADRUPÈDES GRIPARES. AY “ se —— per s2£- = > —— a FE Ne Nous poxxoxs ce nom à une nouvelle efpèce de tortue apportée des grandes Indes au Cabinet du Roi, par M. Sonnerat. Elle eft très-remarquable par la con- formation de fa carapace qui ne reflemble à celle d'ancune tortue connue. Cette couverture fupérieure a trois pouces neuf lignes de longueur, fur trois pouces fix lignes de largeur; elle paroït compofée, pour ainfi dire, de deux carapaces placées l’une fur l'autre, & dont celle de deffus feroit plus étroite & plus courte. Cette efpèce de feconde carapace , qui repréfente le difque , eft longue de deux pouces huit lignes, large de deux pouces, un peu faillante, offeufe, parfemée d'une grande quantité de petits points qui la font pa- roître Chagrinée ; & c’eft de-là que nous avons tiré le nom de l'animal. Ce difque eft compofé de vingt-trois pièces, qui ne font recouvertes d'aucune écaille. Seize de ces pièces, plus larges que les autres, font placées fur deux rangs Een vers la tête par une troifième rangée de fix pièces Pons Here; & ces trois rangs fe réuniflent à une dernière pièce, qui forme la partie dis) 172 HrsTorre NATURELLE antérieure du difque. Les bords de la carapace font . cartilagineux & à demi-tranfparens ; ils laiflent apper- cevoir les côtes de l'animal, le long defquelles cette partie cartilagineufe eft un peu relevée, & qui font au nombre de huit de chaque côté; ces bords font par- derrière prefque aufli larges que le difque. Le plaftron eft plus avancé pardevant & parderrière que la couverture fupérieure ; il eft un peu échancré pardevant, cartilagineux, tranfparent & garni de fept plaques offeufes | chagrinées , femblables aux pièces du difque, différentes entr’elles par leur grandeur & par leur figure , placées trois vers le devant, deux vers le milieu, & deux vers le derrière du plaftron. La tête reflemble à celle des tortues d'eau douce: les rides de la peau qui environne le cou, montrent que l'animal peut l’alonger facilement. Comme nous n'avons rien appris relativement aux habitudes de cette tortue, & comme les pattes & la queue manquoient à l'individu que nous venons de décrire, nous ne pouvons point dire fi la Chagrinée eft terreftre ou d’eau douce. Cependant comme fa couverture fupérieure n'eft prefque pas bombée, nous préfumons que cette tortue fingulière eft plutôt d’eau douce que de terre. GS DES QUADRUPÈDES OVIPARES, 193 I, LA ROUSSATRE. Cerre nouvEeLLE ESPÈCE de tortue a été ap= portée de l'Inde au Cabinet du Roi, ainfique la Chagrinée, par M. Sonnerat; fa carapace eft aplatie, longue de cinq pouces fix lignes, & large d'autant ; le difque eft recouvert de treize lames; les bords le font de douze. Ces écailles font minces, légèrement firiées, unies dans le centre, d'une couleur rouflâtre très - femblable à celle du marron: & c’eft de-là que nous avons tiré le nom que nous lui donnons. Le plaftron eft échancré par- derrière, & revêtu de treize lames; la tête eft plus plate que celle de la plupart des autres tortues: les cinq doigts des pieds de devant, ainfi que de ceux de derrière, font garnis d'ongles longs & pointus. La queue man- quoit à l'individu apporté par M. Sonnerat. Mais, quoique nous n'ayons pu juger de la forme de cette partie, nous préfumons , d’après l’aplatiflement de la carapace, & fur-tout d’après les ongles qui ne font point émouflés, que la tortue rouflâtre eft plutôt d'eau douce que terreftre. L’individu que nous avons décrit étoit femelle ; De | 174 HisTorre NATURELLE auf fon plaftron étoit-il plat. Nous avons trouvé dans fon intérieur plufeurs œufs d’une fubflance malle, ovales & longs d'un pouce. | EAN NOIRATRE. Nus nommons ainfune tortue.dont il aeftfait mention dans aucuns des Naturalifles & Voyageurs dont les ouvrages font le plus connus , & dont nous ne pouvons donner qu'une defcription incomplète, parce que nous n'en avons vu que la carapace & le plaftron, confervésau Cabinet du Roi. Cette carapacea cinq pouces quatre lignes de long fur à-peu-près autant de large; elle eft un peu bombée, d’une couleur très-foncée & noirâtre. Le difque eft recouvert de treize écailles épaifles,, ftriées dans leur contour, & fi polies dans tout le refte de leur furface, qu'elles paroiffent onétueufes au toucher. Les cinq écailles de la rangée du milieu font un peu relevées, de manière à former une arête longitudinale ; les bords font garnis de vingt-quatre lames; le plaftron eft échancré parderrière, & revêtu de treize écailles. Nous ignorons fi cette tortue eft terreftre ou d’eau douce, & dans quels lieux on la trouve. Ta 176 Hisrorre NATURELLE DES LÉZARIDM Le GENREDES LÉZARDS ef le plus nombreux de ceux qui forment l’ordre des Quadrupèdes ovipares. Après avoir comparé les uns avec les autres, les divers animaux qui le compofent, tant d’après nos obfervations que d'après celles des Voyageurs & des Naturaliftes, nous avons cru devoir en compter cinquante = fix efpèces toutes différenciées par leurs habitudes natu- relles, & par des caractères extérieurs. On peut dif- tinguer facilement les lézards des autres Quadrupèdes ovipares, parce qu'ils ne font pas couverts d’une cara- pace, comme les tortues, & parce qu'ils ont une queue, tandis que les grenouilles, les raines & les crapauds n'en ont point. Leur corps eft revêtu d'é- cailles plus ou moins fortes, ou de tubercules plus ou moins faillans. Leur grandeur varie depuis la longueur de deux ou trois pouces, jufqu'à celle de vingt-fix ou même trente pieds. La forme & la proportion de leur queue varient aufh : dans les uns, elle eft aplatie; dans les autres, elle eft ronde. Dans quelques efpèces fa longueur égale trois fois celle du corps; dans quelques autres, elle eft très-courte : dans tous, elle s'étend horizontalement, DES QuADRUPÉDES OVIPARES. 177 horizontalement , & eft prefque aufli groffe à fon ori- gine que l'extrémité du corps à laquelle elle eft atta- chée. Les pattes de derrière des lézards font plus longues que celles de devant. Les uns ont cinq doigts à cha- que pied , d’autres n'en ont que quatre où même trois aux pieds de derrière, ou à ceux de devant. Dans: la plupart de ces animaux , les cinq doigts des pieds de derrière font inégaux, le troifième & le quatrième font les plus longs, & l'extérieur eft féparé des autres, comme une efpèce de pouce, tandis qu'au contraire dans les Quadrupèdes vivipares, le doigt qui repréfente le pouce, eff le doigt intérieur. Les phalanges des doigts ne font pas toujours au. nombre de trois ou de deux, comme dans les vivi- pares, mais quelquefois au nombre de quatre, ainfi que dans plufeurs efpèces d'oifeaux ; ce qui donne aux lézards plus de facilité pour faifir les branches des arbres fur lefquels ils grimpent. Les habitudes de ces animaux font aufi diverffiées que leur conformation extérieure : les uns pañfent leur vie dans l’eau, ou fur les bords déferts des” grands fleuves & des marais. D’autres, bien loin de fuir les endroits habités , les choififfent de préférence pour leur demeure : ceux-ci vivent au milieu des bois, & y courent avec vitefle fur les rameaux les plus élevés ; ceux-là ont leurs côtés garnis de membranes en forme Ovipares , Tome I. : Z 170 HisToire NATUREIIE d'ailes, par le moyen defquelles ils franchiflent avec facilité des efpaces étendus, & réuniflent ainfi à la faculté de nager , & à celle de grimper aïfément juf- qu'au fommet des arbres, le pouvoir de sélancer & de voler, pour ainfi dire, de branche en branche. Pour mettre de l’ordre dans lexpoftion de ce grand nombre d'efpèces de lézards, nous avons cru devoir réunir celles qui fe refflemblent le plus par leur gran- deur, par leur conformation extérieure , & par leurs habitudes. Nous avons formé par-là huit divifions dans ce genre: la première, qui renferme onze efpèces, comprend les crocodiles , les fouettes-queue , les dragonnes & les autres lézards, qui ont tous la queue aplatie, & qui, prefque tous, parviennent à une longueur de plufieurs pieds. Dans la feconde divifion fe trouvent les iguanes & d’autres lézards moins grands, mais qui cependant ont quelquefois quatre ou cinq pieds de longueur, & qui font diftingués d'avec les autres par des écailles rele- vées en forme de crêtes au-deffus de leur dos. Cette feconde divifion renferme cinq efpèces. Dans la troifième, nous plaçons le Æzard gris fi commun dans nos contrées, le /é7ard vert que l'on trouve en très-grand nombre dans nos provinces méri- dionales , & cinq autres efpèces de lézards tous diftin- gués des autres, en ce qu'ils n’ont point de crêtes fur le dos, que leur queue eft ronde, & que le deffous de DES QU4DRUPÈDES OVFIPARES. 179 leur corps eft revêtu d’écailles aflez grandes, difpofées en bandes tranfverfales. jo Ces bandes tranfverfales manquent , ainfi que les crêtes, aux lézards de la quatrième divifion ; ce défaut, joint à la rondeur de leur queue, fuflit pour les faire reconnoitre ; & ils forment vingt-&-une efpèces, parmi lefquelles nous remarquerons principalement le Camé- leon , le Scinque; fauflement appellé crocodile terref- AANE LE Le Gecko, le Geckotte, & une troifième & nou- velle efpèce de lézard compofent la cinquième divi- fion ; & leur caractère diftin@if eft d’avoir le deflous des doigts garnis de larges écailles, placées les unes fur les autres, comme les ardoïfes qui couvrent les toits. - La fixième divifion comprend le Seps & le Chal- cide, qui n'ont l’un & l’autre que trois doigts, tant aux pieds de devant qu'à ceux de derrière. Les lézards de la feptième divifion font remarqua- bles par les membranes, en forme d’ailes, dont nous venons de parler. Nous n'avons compté dans cette divifion qu'une feule efpèce, à laquelle nous avons rapporté tous les lézards ailés, décrits par les Voya- geurs : on en verra les raifons à l’article particulier du Dragon. La huitième divifion enfin comprend fix efpèces de lézards, parmi lefquelles nous rangeons la Salamandre | Zi 80 Hisrorre NATUREILIE terreitre & la Salamandre aquatique. Toutes les f# font diftinguées des autres, en ce qu'elles ont trois ou: quatre doigis aux pieds de devant , & quatre ou cinq. aux pieds de derrière. Nous laiflons exclufivement à ces: animaux , le nom de Svlamandre, qui a été fouvent attribué à plufieurs lézards, très - différens des vraïes! Salamandres, & même très-différens les uns des autres; ils ont beaucoup de rapports avec les grenouilles & les rutres Quadrupèdes ovipares qui n'ont pas de queue ; ils leur reflemblent non-feulement par leur peau dé-- nuée d’écailles apparentes, mais encore par leurs habi-- tudes , par les efpèces de métamorphofes qu'ils fubif- fent avant de devenir aduites, & par le féjour, plus ou moins long, aw’ils font au milieu des eaux. Ils sen rap- prochent eñfcore par leurs parties intérieures , & par. la forme & le nombre de leurs os. S’ils ont des ver- tèbres cervicales, de même que les autres lézards, ils manquent prefque tous de côtes , comme les gre= nouilles, & ïls font ainfi la nuance, qui réunit les: Quadrupèdes ovipares qui ont une queue avec ceux: qui en font privés: prefque tous les lézards n’ont que deux ou quatre vertèbres cervicales; maïs le croco+ dile placé, par fa grandeur & par fa puiffance, à la tête de ces animaux, & occupant, dans la chaîne qui les réunit, l'extrémité oppofée à celle où fe treuvent. 1 les Quadrupèdes vivipares. 11 lie par - là les, lézards: les Salamandres, a fept vertèbres au cou, comme tous: « ES DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 101 avec ces animaux mieux organifés, pendant que, d’un autre côté, il les rapproche des tortues de mer par une grande partie de fes habitudes & de fa confor- mation. 182 Hisrorre NATURELLE LÉZARDS Don: la queue ef? aplanie, & qui ont ang doigts aux pieds de devant. LES CROCODILES. Lorsqu'on COMPARE les relations des Voyageurs, les obfervations des Naturalifes, & les defcriptions des No- menclateurs, pour déterminer fi l’on doit compter plu- fieurs efpèces de crocodile, ou fi les différences qu'on a remarquées dans les individus, ne tiennent qu’à Pâge, au fexe & au climat , on rencontre beaucoup de con- traditions, tant fur la forme, que fur la couleur, la taille, les mœurs & l’habitation de ce grand Quadru- pède ovipare. Les Voyageurs lui ont rapporté ce qui ne convenoit qu'à d’autres grands lézards très-différens du DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 103 crocodile, par leur conformation & par leurs habitudes; ils lui en ont même donné les noms. Ils ont dit que le crocodile s’appelloit tantôt Ligan, tantôt Guan (a); noms qui ne font que des contractions de celui du Kzard Jouane. C’eft d'après ces diverfités de noms, de formes & de mœurs, qu'ils ont voulu regarder les crocodiles comme formant plufeurs efpèces diftinétes : mais tous les vrais crocodiles ont cinq doigts aux pieds de devant, quatre doigts palmés aux pieds de derrière, & n'ont d'ongles qu'aux trois doigts intérieurs de cha- que pied. En examinant donc uniquement tous les grands lézards qui préfentent ces caraétères, & en obfervant attentivement les différences des divers in- dividus, tant d'après les erocodiles que nous avons vus nous-mêmes, que d’après les defcriptions des Auteurs, & les récits des Voyageurs, nous avons cru ne de- voir compter que trois efpèces parmi ces énormes animaux. La première ef le crocodile ordinaire ou proprement dit, qui habite les bords du Nil; on l'appelle Alligator, principalement en Afrique, & l’on pourroit le défigner par le nom de Crocodile vert, qui lui a déjà été donné. La feconde eft le Crocodile noir, que M. Adanfon a vu far la grande rivière du Sénégal ; & la troifième, le {a) Hifloire générale des Voyages , Liyre VIT, … 184 Hisrorre NATURELLE crocodile qui habite les bords du Gange, & auquel nous confervons le nom de Gavial, qui lui a été donné dans l’Inde. Ces trois efpèces fe ee par les carac- tères diftindifs des crocodiles que nous venons d’ indiquer; mais elles diffèrent les unes des autres par d'autres ‘caractères que nous rapporterons dans leurs articles particuliers. On a donné aux crocodiles d'Amérique le nom de Cayman, que l’on a emprunté des Indiens; nous en avons comparé avec foin plufeurs individus de différens àges, avec des crocodiles du Nil, & nous avons penfé qu'ils font abfolument de la même efpèce que ces cro- codiles d'Egypte; ils ne préfentent aucune différence amie , qui ne puifle être rapportée à l'influence du climat. En eñet, fi leurs mâchoires font quelque- fois moins alongées., nu ne diffèrent jamais aflez, par leur raccourciflement, de ceiles des crocodiles du Nil, pour que les Caymans conftituent une efpèce diftincte, d'autant plus que cette différence eft très-variable, & que les crocodiles d'Amérique refflemblent autant à ceux du Nil par le nombre de leurs dents, qu'un in- dividu réffemble à un autre parmi ces derniers crox codiles. On a prétendu que le cri des Caymans étoif plus foïble, leur courage moins grand , & leur lon- gueur moins confidérable; mais cela n'eft vrai tout au plus qe des crocodiles de certaines contrées de l’'Amé- rique, & particulièrement des côtes de la Guiane. Ceux de la Louifiane DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 105 de la Louifane font entendre une forte de mugifle- ment pour le moins aufli fort que celui des cro- codiles de l’ancien continent, qu'ils furpañlent quel- quefois par ieur grandeur & par leur hardieffle, tandis que nous voyons d'un autre côté, dans l’ancien monde, plufieurs pays où les crocodiles font prefque muets, & préfentent une forte de lâcheté & de douceur de mœurs égales, pour le moins, à celle des crocodiles de la Guiane. | Les crocodiles du Nil, & ceux d'Amérique ne forment donc qu'une efpèce, dont la grandeur & les habitudes varient dans les deux continens, fuivant la température, l'abondance de la nourriture, le plus ou moins d'humidité, &c. Cette première efpèce eft donc commune aux deux mondes, pendant que le crocodile noir na été encore vu qu'en Afrique, & le Gavial fur les bords du Gange. Les Voyageurs , qui font allés fur les côtes orien- tales de l'Amérique méridionale, difent que lon y ren- contre de grands Quadrupèdes ovipares, qu’ils regardent comme une petite efpèce de caymans, bien difiinéte de lefpèce ordinaire. Cette prétendue efpèce de cayman eft celle d'un grand lézard, que lon nomme dragonne, & qui parvient quelquefois à la longueur de cinq ou fix pieds. Notre opinion à ce fujet a été confirmée par un fort bon Obfervateur ;' qui arrivoit de la Guiane, à qui nous avons montré la dragonne , & qui l'a Ovipares , Tome I, Aa 186 Hisrorre NATuURErrE reconnue pour le lézard qu'on y appelle /a petite efpèce . de cayman. | Le Navigateur Dampier a aufi voulu regarder - comme une nouvelle efpèce de crocodile , de très-grands lézards que l’on trouve dans la nouvelle Efpagne, ainfi que dans d’autres contrées de l'Amérique (b), & auxquels les Efpagnols ont donné également le nom de cayman. Mais il nous paroït que les Quadru- pèdes ovipares, défignés par Dampier fous les noms de crocodile & de cayman, font de l’efpèce des grands lézards que l’on a nommés Fouette-queue. Ils préfentent en effet le caractère diftinctif de ces derniers ; lorf- qu'ils courent, ils portent, fuivant Dampier lui-même, leur queue retrouflée & repliée par le bout en forme d'arc , tandis que les vrais crocodiles ont toujours la queue prefque trainante. D'ailleurs les vrais crocodiles ont, dans tous les pays, quatre glandes qui répandent une odeur de mufc bien fenfible. Les grands lézards que Dambpier a voulu comprendre parmi ces animaux, n'en ont point, fuivant lui ; nous avons donc une nouvelle preuve que ces lézards de Dampier ne forment pas une quatrième efpèce de crocodiles. Nous allons examiner de près les trois efpèces que (B) Dampier, Tome 3, pages 287 © fuivantes. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 107 nous croyons devoir compter parmi ces lézards géans, en commençant par celle qui habite les bords du Nil, & qui eft la plus anciennement connue. Aa ji LE CROCODILE, ou LE CROCODILE PROPREMENT DIT (a) X La NATURE, en accordant à l'aigle les hautes régions de l’atmofphère, en donnant au lion, pour fon domaine , les vañftes déferts des contrées ardentes, a abandonné au crocodile les rivages des mers & des srands fleuves des zones torrides. Cet animal énorme, (a) Kpoxc(er AC € Nerncapono[ur@-, en grec. Crocodilus, en latin. Alligater, fur Les côtes d'Afrique. Diafñk, par les Nègres du Sénégal. Cayman, en Amérique. Takaie, par les Siamois. Lagartor, dans l'Inde , par les Portugais. Jacare , au Bréfil. Kimbuta, dans LlIfle de Ceylan, felon Ray. Leviathan de l'écriture, fuivant Scheuchzer , phyfique de Job, Champfan , en Egypte. Kimfak, en certaines provinces de la Turquie. Le crocodile. M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta crocodilus. 1. Lénn, amphib. reptil, pEs QUADRUPÈDES OVIPARES. 109 vivant fur les confins de la terre & des eaux, étend fa puiffance fur les habitans des mers, & fur ceux que la terre nourrit. L’emportant en grandeur fur tous les animaux de fon ordre, ne partageant fa fubfftance ni avec le vautour, comme l'aigle, ni avec Île tigre Gronov. mus., page 74, N° 47, crocodilus. Conradi Gefnerè , Hifiorie animalium, lib. IT, de on OYip crocodilus. Aldroy. aquat. 677, eo Séba. 1. Tab. 103 Ë 104. Bellon. aquat. 41, crocodilus. Crocodilus, Brown, page 461: “Crocodilus , Barrère ; 252. Crocodilus, Jobi Ludolphi commentanius. Crocodilus,, Pro/per Alpin, Lugduni Batayorum 3735 , tome 2 ; chap. 7. Jonff. Quadr., tab. 79, fig. 3, crocodilus. Crocodilus Niloticus , crocodilus Americanus, crocodilus Africanus , crocodilus terreftris. Laurenti fpecinen medicum , &c: Vienne 1768, pages 53 & 54. (M. Laurenti, favant Naturalifte, qui a fait connoître plufeurs efpèces nouvelles de Quadrupèdes ovipares, auroit certaine ment repardé, comme de la même efpèce, les quatre individus que nous venons d'indiquer , s’il ne s’en étoit point rapporté à Séba), Ray , Quadr. 262, Lacertus Maximus. Bont. jay. tab. 55, crocodilus cayman. Olear. mus. 8, tab. 7, fig 3, crocodilus. Vallifni. Nar. 2, tom. 43. Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline , vol. 2, Lacertus Maximus, 190 Hrsrorre NATURELLE comme le lion, il exerce une domination plus abfolue que celle du lion & de l'aigle; & il jouit d’un em- pire d'autant plus durable, qu'appartenant à deux élé- mens , il peut échapper plus aifément aux pièges; qu'ayant moins de chaleur dans le fang, il a moins befoin de réparer des forces qui s’épuifent moins vite; & que pouvant réfifter plus long-tems à la faim, il livre moins fouvent des combats hafardeux. Il furpañle, par la longueur de fon corps, & l'aigle & le lions ces fiers rois de l'air & de la terre; & fi l'on excepte les très-grands quadrupèdes, comme l'éléphant , l’hippopotame , &c. & quelques ferpens démefurés, dans lefquels la Nature paroït fe complaire à prodiguer la matière, il feroit le plus grand des ani- maux , fi, dans le fond des mers dont il habite les bords, cette Nature puiflante n’avoit placé d’immenfes étacées. Il eft à remarquer qu’à mefure que les animaux font deftinés à fendre Pair avec rapidité à marcher fur la terre, ou à cingler au milieu des eaux, ils font doués d’une grandeur plus confidérable.'Les aigles & les vautours font bien éloignés d’égaler en gran- deur le tigre, le lion , & le chameau ; à mefure même que les quadrupèdes vivent plus près des rivages, il femble que leurs dimenfions augmentent ,comme dans l'éléphant & dans l’hippopotame , & cependant la plupart. des animaux quadrupèdes , dont le volume eft le plus étendu, font moins grands que les crocodiles qui ont DES QUADRUPÈDES OMTPARES. | MO atteint le dernier degré de leur développement. On diroit que la Nature auroit eu de la peine à donner à de très-grands animaux des reflorts aflez puillans pour les élever au milieu d'un élément aufli léger que Vair, & même pour les faire marcher fur la terre, & qu’elle n’a accordé un volume, pour ainfi dire gi- gantefque , aux êtres vivans & animés, que lorfqu'ils ont dû fendre l'élément de l’eau, qui, en leur cédant par fa fluidité, les a foutenus par fa pefanteur. L'art de l’homme, qui n’eft qu'une application des forces de la nature, a été contraint de fuivre la même pro- greffon ; il na pu faire rouler fur la terre que des mafles peu confidérables; il n’en a élevé dans les airs que de moins grandes encore; & ce n'eft que fur la fur- face des ondes qu'il a pu diriger des machines énormes. Mais cependant comme ie crocodile ne peut vivre que dans les climats très-chauds, & que les grandes baleines , &c. fréquentent de préférence, au contraire, les régions polaires, le crocodile ne le cède en gran- deur qu’à un petit nombre des animaux qui habitent les mêmes pays que lui. C’eft donc aflez fouvent fans trouble qu'il exerce fon empire fur les Quadrupèdes ovipares. Incapable de defirs très-ardens, il ne reffent pas la férocité (4). S'il fe nourrit de proie; sil dé- vore les autres animaux; s’il attaque même quelque- (2) Ariftote eftle premier Naturalifte qui l'ait reconnu. Ton HrsTorre NATURELLE fois l’homme, ce n’eft pas, comme on l’a dit du tigre; pour aflouvir un appétit cruel , pour obéir à une foif de fang que rien ne peut babebent mais uniquement pour fatisfaire des befoins ane plus impérieux}, qu'il doit entretenir une mafle plus confidérable. Roi dans fon domaine, comme l'aigle & ie lion dansiles leurs, il a, pour ainfi dire, leur noblefle, en même tems que leur puiflance. Les baleines, les premiers des cétacées auxquels nous venons de le comparer, ne détruifent également que pour fe conferver ou fe reproduire ; & voilà donc les quatre grands domina- teurs des eaux, des rivages , des déferts & de l’air, qui réunifient à la fupériorité de la force, une certaine douceur dans l'inftinét, & laiflent à des efpèces infé- rieures, à des tirans fubalternes, la cruauté fans befoin. La forme générale du crocodile eft aflez femblable, en grand, à celle des autres lézards. Mais fi nous voulons faifir les caractères qui lui font particuliers, nous trou- verons que fa tête eft alongée, aplatie, & fortement ridée ; le mufeau gros & un peu arrondi; au-deflus eit un efpace rond, rempli d’une fubftance noirâtre, molle & fpongieufe , où font placées les ouvertures des narines ; leur forme eft celle d'un croiflant, & leurs pointes font tournées en arrière. La gueule ouvre jufc wau-delà des oreilles; les mâchoires ont quelque- plufeurs pieds de longueur; linférieure eft ter: minée de chaque côté par une ligne droite; mais Ja fupérieure DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 193 fupérieure eft comme feftonnée; elle s'élargit vers le cofñer, de manière à déborder de chaque côté la mê- choire de deflous ; elle fe retrécit enfuite, & la laïffe dépañer jufqu’au mufeau, où elle s’élargit de nouveau, & enferme, pour ainfi dire, la mâchoire inférieure. Il arrive de-là que les dents placées aux endroits où une mâchoire déborde l’autre, paroiflent à l’exté- rieur comme des crochets, où des efpèces de dents canines: telles font les dix dents qui garniflent le devant de la mâchoire fupérieure. Au contraire , les deux dents les plus antérieures de la mâchoire infé- rieure, non - feulement s’enfoncent dans la mâchoire de deflus lorfque la gueule eft fermée, mais elles y pénètrent fi avant, qu'elles la traverfent en entier, & s'élèvent au-deffus du mufeau, où leurs pointes ont l'apparence de petites cornes; c’eft ce que nous avons trouvé dans tous les individus d’une longueur un peu confidérable que nous avons examinés. Cela eft même très-fenfible dans un jeune crocodile du Sénégal, de quatre pieds trois ou quatre pouces de long, que l’on conferve au Cabinet du Roi. Ce caractère remarqua- ble n'a cependant été indiqué par perfonne, excepté par les Mathématiciens Jéfuites, que Louis XIV envoya dans l'Orient, & qui décrivirent un crocodile dans le Royaume de Siam (c). (c) Mémoires pour férvir à l'Hifloire naturelle des animaux, tome gi Ovipares , Tome I. Bb 194 Histoire NATURELLE Les dents font quelquefois au nombre de trente-fix: dans la mâchoire fupérieure, & de trente dans la mâchoire inférieure, mais ce nombre doit fouvent varier. Elles font fortes , un peu creufes, ftriées, coni- ques, pointues, inégales en longueur (d) , attachées par de grofles racines, placées de chaque côté fur un feul rang, & un peu courbées en arrière , principale- ment celles qui font vers le bout du mufeau. Leur difpofition eft telle que quand la gueule eft fermée , elles pañfent les unes entre les autres: les pointes de plufieurs dents inférieures , occupent alors des trous creufés dans les gencives de deflus, & réciproquement. MM. les Académiciens qui difléquèrent un très-jeune crocodile, amené en France en 1681 , arrachèrent quelques dents, & en trouvèrent de très-petites, pla- cées dans le fond des alvéoles; ce qui prouve que les premières dents du crocodile tombent, & font rem- placées par de nouvelles, comme les dents incifives de l’homme & de plufeurs Quadrupèdes vivipares (e). La mâchoire inférieure eft la feule mobile dans le crocodile , ainfi que dans les autres Quadrupèdes. IE (d) Ce font les plus longues que Pline appelle Canines. Hiffoire na- turelle, Livre XT, Chapitre LXz. (e) Mémoires pour fervir à l'Hifloire naturelle des animaux , tome 3; article du crocodile, DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 105 fufit de jeter les yeux fur le fquelette de ce grand lézard, pour en être convaincu, malgré tout ce qu'on 2 écritaiee (jet). Dans la plupart des vivipares, la mâchoire infé- rieure, indépendamment du mouvement de haut en bas, a un mouvement de droite à gauche, & de gauche à droite, néceflaire pour la trituration de la nourriture. Ce mouvement a été refufé au crocodile, qui d'ailleurs ne peut mâcher que difficilement fa proie, parce que les dents d’une mâchoire ne font pas placées de manière à rencontrer celles de l’autre: mais elles retiennent ou déchirent avec force les ani- maux quil faiñit, & quil avale le plus fouvent fans les broyer (g) : il a par-là avec les poiflons un trait de refflemblance, auquel ajoutent la conformation & Ja pofition des dents de plufeurs chiens de mer, aflez femblables à celles des dents du crocodile. Les anciens (4), & même quelques modernes Gi), (f) Labat, vol. 2, page 344. Raÿ, Synopfis animalium, page 262. (g) «Le crocodile avale fes alimens fans fes mâcher , & fans les mêler avec de la falive : il les digère cependant avec facilité, parce ce qu'il a en proportion une plus grande quantité de bile & de fucsce digeftifs qu'aucun autre animal.» Woyez le Voyage en Palefline , parce Hafelquift, page 346. (k) Voyez Pline, Livre XT, Chap. zxr. © (£) Hifloire naturelle de ia Jamaïque, page 462. Bb ÿ 196 Hisrorrre NATURELLE ont penfé que le crocodile n’avoit pas de langue; il en a une cependant fort large, & beaucoup plus confidérable en proportion que celle du bœuf, mais qu'il ne peut pas alonger ni darder à l’extérieur, parce qu'elle eft attachée aux deux bords de la mâchoire inférieure , par une membrane qui la couvre. Cette membrane eft percée de plufeurs trous, auxquels aboutiflent des conduits qui partent des glandes de la langue (&). Le crocodile n’a point de lèvres; aufh, lorfquil marche ou quil nage avec le plus de tranquillité, montre-t-il fes dents, comme par furie; & ce qui. ajoute à l'air terrible que cette conformation lui donne, c’eft que fes yeux étincelans, très-rapprochés Pun de l'autre, placés obliquement , & préfentant une forte de regard finiftre , font garnis de deux paupières dures , toutes les deux mobiles (1), fortement ri- dées , furmontées par un rebord dentelé, &, pour ainfi dire, par un fourcil menaçant. Cet afpe“t affreux na pas peu contribué, fans doute, à la réputation de cruauté infatiable que quelques Voya- (4) Mémoires pour fervir à l'Hifi. naturelle des animaux , art. du crocodile. (1) Pline a écrit que la paupière inférieure du crocodile étoit feule mobile; mais l’obfervation eft contraire à cette opinion. DES QvADRUuPÈDES OVIPARES. 107 geurs lui ont donnée : Ses yeux font auflil, comme ceux des oifeaux, défendus par une membrane cli gnotante , qui ajoute à leur force (m). Les oreilles fituées très-près, & au-deffus des yeux, font recouvertes par une peau fendue & un peu rele- vée, de manière à repréfenter deux paupières fermées, & c’eft ce qui a fait croire à quelques Naturaliftes que le crocodile n'avoit point d'oreilles, parce que plufeurs autres lézards en ont louverture plus fenfble. La partie fupérieure de la peau qui ferme les oreilles, eft mobile; & lorfqw’elle eft levée, elle laifle apper- cevoir la membrane du tambour. Certains Voyageurs auront apparemment penfé que cette peau, relevée en forme de paupières, recouvroit des yeux; & voilà pourquoi l’on a écrit que l’on avoit tué des crocodiles à quatre yeux (z). Quelque peu proéminentes que foient ces oreilles, Hérodote dit que les habitans de Memphis attachoient des efpèces de pendans à des crocodiles privés qu'ils nourrifloient. Le cerveau des crocodiles eft très-petit (o). La queue eft très-longue ; elle eft, à fon origine, b (72) Brown, Hifloire naturelle de la Jamaïque, page 461. {n) Hifloire des Moluques, Liyre II, page 116. (o) Mémoires pour fervir à l'Hifl, naturelle des animaux, art, du crocodile, to8 Hrsrorre NATURELLE aufl groffe que le corps, dont elle paroit une pro longation ; fa forme aplatie, & aflez fembiable à celle d'un aviron, donne au crocodile une grande facilité pour fe gouverner dans l’eau, & frapper cet élément de manière à y nager avec vitefle. Indé- pendamment de ce fecours, les doigts des pieds de. derrière font réunis par des membranes, dont il peut fe fervir comme d’efpèces de nageoires: ces doigts font au nombre de quatre ; ceux des pieds de de- vant, au nombre de cinq; dans chaque pied, il ny a que les doigts intérieurs qui foïent garnis d'ongles, & la longueur de ces ongles eft ordinairement dun ou deux pouces, La Nature a pourvu à la sûreté des crocodiles, en les revétant d’une armure prefque impénétrable; tout leur corps eft couvert d'écailles , excepté le fommet de la tête, où la peau eft colée immédiate- ment fur l'os. Celles qui couvrent les flancs , les pattes & la plus grande partie du cou, font prefque rondes , de grandeurs diflérentes, & diftribuées irré- gulièrement. Celles qui défendent le dos & le deflus de la queue, font quarrées, & forment des bandes tranfverfales. Il ne faut donc pas, pour blefler le crocodile, le frapper de derrière en ayant, comme fi les écailles fe recouvroient les unes les autres, mais dans les jointures des bandes qui ne préfentent que la peau. Plufeurs Naturaliftes ont écrit que le DES QUADRUPÈDES OVIPARES, 100 hombre de ces Bandes varioit, fuivant les individus. Nous les avons comptées avec foin fur fept croco- diles de différentes grandeurs , tant de l'Afrique que de l'Amérique : l’un avoit treize pieds neuf pouces fix lignes de long, depuis le bout du mufeau , jufqu’à l’extré- mité de la queue; le fecond neuf pieds; le troifième & le quatrième huit pieds; le cinquième quatre; le fixième deux ; le feptième étoit mort en fortant de l'œuf. Ils avoient tous le même nombre de bandes, excepté celui de deux pieds , qui paroïfloit , à la tigueur, en préfenter une de plus que les autres. Ces. écailles quarrées ont une très-grande dureté, & une flexibilité qui les empêche d’être caffantes (p); le milieu de ces lames préfente une forte de crête (tp) « Les écailles du crocodile font à l'épreuve de la balle, à moins que le coup ne fuit tiré de tres-près, ou le fufñl très-chargé ,ce Les Nègres s'en font des bonnets, ou plutôt des cafques, qui ré-ce fiftent à la hache.» Labat, vol, 2 , page 347 ; Voyage d'Aïkins; Hifloire gén. des Voyages, Livre VIL La dureté de ces écailles doit être cependant relative à l’âge , aux individus , & peut-être au fexe. M. de J2 Borde aflure que la croûte : dont les crocodiles font revêtus, ne peut être percée par la balle qu'au-deflous des épaules. Suivant M. de la Coudrenière , on peut auffi k percer à coup de fufl fous le ventre & vers les yeux. Obfervations Jür le crocodile de la Louiïfiane , par M. de la Coudrenière, Journel de Piyfique , 1782. 200 Hisrorre NATUREILE dure , qui ajoute à leur folidité (q); &, le plus fouvent, elles font à l'épreuve de la balle. L'on voit fur le milieu du cou, deux rangées tranfverfales de ces écailles à tubercules, l’une de quatre pièces, & Pautre de deux; & de chaque côté de la queue, s'étendent deux rangs d'autres tubercules, en forme de crètes, qui la font paroitre hériffée de pointes, & qui fe réuniflent à une certaine diflance de fon extrémité, de manière à ny former qu'un feul rang. Les lames qui garniffent le ventre, le deflous de la tête, du cou, de la queue, des pieds, & la face intérieure des pattes, dont le bord extérieur, eft le plus fouvent dentelé, forment également des bandes tranfverfales ; elles font quarrées & flexibles, comme celles du dos, mais bien moins dures & fans crêtes. C’eft par ces parties plus foibles, que les cétacées & les poiflons voraces attaquent le crocodile; c’eft par- là que le dauphin lui donne la mort, ainfi que le rapporte Pline, & lorfque le chien de mer, connu fous le nom de poiffon-fcie, lui livre un combat qu'ils foutiennent tous deux avec furie, le poiflon-fcie ne pouvant percer les écailles tuberculeufes qui revêtent (g) Les crêtes voilines des flancs ne font pas plus élevées que les autres, & ne peuvent point oppoler uve plus grande réfiftance à la halle , ainfi qu'on l'a écrit. Je m'en fuis affuré par l'infpeétion de plus fieurs crocodiles de divers pays. le defus Dxs QuUADRUPÈDES OVIPARES. DO le deflus du corps de fon enfiémi, plonge & 1e frappe au ventre (r). La couleur des crocodiles tire fur un jaune ver- dâtre, plus ou moins nuancé d'un veit foible, par taches & par bandes, ce qui repréfente affez bien la couleur du bronze un peu rouillé. Le deffous du corps, de la queue & des pieds, ainfi que la face intérieure des pattes, font d'un blanc jaunâtre : on a prétendu que le nom de ces grands animaux venoit de la ref- femblance de leur couleur, avec celle du fafran, en latin crocus, & en grec 2p0x06. On a écrit aufh qu’il venoit de crocos & de deilos , qui fignifie timide, parce qu'on a cru qu'ils avoient horreur du fafran (s). Arif- tote paroît penfer que les crocodiles font noirs : il y en a en effet de très-bruns fur la rivière du Sénégal, ainfi que nous l'avons dit, mais ce grand Philofophe ne devoit pas les connoître. Les crocodiles ont quelquefois cinquante-neuf ver- tèbres ; fept dans le cou, douze dans le dos, cinq dans les lombes , deux à la place de l'os facrum,, & trente-trois dans la queue : mais le nombre de ces vertèbres eft variable. Leur œfophage eft très - vafte (r) Hifloire générale des Voyages, Tome 39, page 35 , édition in 22, (s) Gefñer, de Quadrup. oyip., page 18. Ovipares, Tome I. € ç O2 © Hrsvorke NaArvRerre & fufceptible d'une grande dilatation ; ils n’ont point de veflie comme les tortues; leurs uretères fe déchar- gent dans le rectum; l'anus eft fitué au-deflous & à l'extrémité poftérieure du corps; les parties fexuelles des mâles font renfermées dans l'intérieur du corps, jufqu'au moment de l'accouplement , ainfi que dans les autres lézards & dans les tortues; & ce n’eft que par l’anus qu'ils peuvent les faire fortir. Ils ont deux glandes ou petites poches au-deflous des mâchoires , & deux autres auprès de l'anus : ces quatre glandes contiennent une matière volatile ,.qui leur donne une odeur de mufc aflez forte (+). (+) Voyez le Voyage aux Ifles Madère, Barbade, de la Jamaïque, Êc. par Sloane , tome 2, page 332. On y trouve une defcription des parties intérieures du crocodile, que nous traduifons en partie ici, attendu qu’elle à été faite fur un aflez grand individu , fur un alli- gator de feize pieds de long. « La trachée-artère. étroit fléchie : elle » préfentoit une divifon avant d'entrer dans les poumons, qui n’étoient que des véicules, entremêlées de vaifleaux fanguins, & qui étoient »compolés de deux grands lobes, un de chaque coté de l'épine du »dos. Le cœur étoit petit; le péricarde renfermoit une grande quan- tité d’eau. Le diaphragme paroïffoit membraneux, ou plutôt tendi- »neux & nerveux. Le foie étoit long & triangulaire : il y avoit une # grande véficule du fiel, pleine d’une bile jaune & claire. Je n’obfervai point de rate (c’eft toujours Sloane qui parle ) : les reins placés auprès # de l'anus, étoient larges & attachés à l'épine.. .. . Ce crocodile n’avoit wpoint de langue (ceci ne doit s'entendre que d'une langue libre & jiÈ DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 203 La taille des crocodiles varie fuivant la tempéra- ture des diverfes contrées dans lefquelles on les trouve: La longueur des plus grands ne pañle guère vingt-cinq ou vingt-fix pieds dans les climats qui leur convien- nent le mieux ; il paroit même que, dans certaines contrées qui leur font moins favorables, comme les côtes de la Guiane, leur longueur ordinaire ne s'étend pas au-delà de treize ou quatorze pieds (4). Un indi- dégagée de toute membrane ): l'eftomac, qui étoit fort large & garnice intérieurement d'une membrane dure, contenoit pluleurs pierresce rondes & polies, du gravier tel qu'on le trouve fur le bord de lac mer, & quelques arêtes... ..Les yeux étoient fphériques, & garnisce tous les deux d’une forte membrane clignotante: la pupille étoit alongée ce comme celle des chats. » On peut comparer ces détails avec ceux que donne Haflelquift dans fon voyage en Paleftine, page 344 € füiv. (z) Brown prétend que les crocodiles parviennent fouvent à la longueur de quatorze à vingt-quatre pieds. Hif{, nat. de la Jamaïque, page 461. Les crocodiles, ou alligators, font très-communs fur les côtes & dans les rivières profondes de la Jamaïque , où on en prit un de dix - neuf pieds de long, dont on offrit la peau comme une rareté à Sloane. Voyage aux Ifles Madère, Barbade , de la Jamaïque , &c., par Sloane , volume 2, page 332. cc La rivière du Sénégal, abonde auprès de Ghïam, en crocodiles ; beaucoup plus gros & plus dangereux que ceux qui fe trouvent Ace Fembouchure. Les laptôts du Général en prirent un de vingt-cinqce pieds de long, à la joie extrême des habitans, qui fe figurèrent que ce c'étoit le pére de tous les autres, & que fa mot jetteroit l'effroice Cc i 204 Hisrorre NATURELLE vidu de cette longueur, dont la peau eft confervée au Cabinet du Roi, a plus de quatre pieds de circon- férence dans l'endroit le plus gros du corps, ce qui fup— parmi tous les monftres de fa race. » Second voyage du fieur Brue Jur le Sénégal. Hifi. générale des Voyages. Quelques Voyageurs ont attribué une grandeur plus confidérable au crocodile. Barbot dit qu'il s'en eft trouvé dans le Sénégal & dans la Gambie, qui n'avoient pas moins de trente pieds de long : fuivant Smith, ceux de Sierra-Léona ont la même longueur. Jobfon parle auffi d'un crocodile de trente-trois pieds de long; mais comme il n’avoit mefuré que la trace que cet animal avoit laiffée fur le fable, fon témoignage ne doit pas être compté. Smith, voyage en Guinée. Voyage du Cap. Jobfon. Hifloire générale des Voyages, Livre VIL On trouve, fuivant Catefby , à la Jamaïque, & dans plulieurs en- droits du continent de l'Amérique feptentrionale, des crocodiles de plus de vingt pieds de long. On peut voir dans Gefner, Livre If, article du crocodile, tout ce que les Anciens ont écrit touchant la grandeur de cet animal, auquel quelques-uns d'eux ont attribué une longueur de vingt-fix coudées. Hañeiquift dit, dans fon voyage en Paleftine, page 347, que les œufs de crocodile qu'il décrit, avoient appartenu à une femelle de trente pieds. « Sur le bord d’une rivière, qui fe jette dans la baie de Saint- # Auguftin, Ifle de Madagafcar , les gens du Capitaine Keeling tuèrent à coup de fuñl un alligator , efpèce de crocodile, qu’ils virent marcher nfort lentement fur la rive. Quoique mort d’un grand nombre de »#coups, les mouvemens convulfifs qui lui reftoient encore étoient capables d’infpirer de la frayeur. Il avoit feize ‘pieds de long ; & fæ »gueule étoit fi large, qu'il ne parut pas furprenant qu’elle püt era DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 205 pofe une circonférence de huit à neuf pieds dans les plus grands crocodiles. Au refte, on pourra juger des propor- tions de ce grand Quadrupède ovipare, par la note fui- vante (v) qui préfente les principales dimenfions de l'individu dont nous venons de parler. gloutir un homme. Keeling fit tranfporter ce monftre jufqu'à fonce vaifleau, pour en donner le fpeétacle à tous fes gens. On l’ouvrit :c l'odeur qui s'en exhala parut fort agréable; mais quoique la chair necs le fût pas moins à la vue, les plus hardis matelots n’osèrent en goûter.c« _\Woyage du Capitaine William Keeling à Banram € à Banda, en 1607: pieds. | pouces. | lignes (#) Longueur totale, : + 2 3 : 3 |; 9 6 Fonoueur de la/tète 4 2 au 2 3 Longueur depuis l'entre-deux des yeux, jufqu'au bout du mufeau. . . . . 1 6 6 Longueur de la mâchoire fupérieure. ï | 10 Longueur de la partie de la mâchoire qui éftiarmectdeldents ALT ALU EH î 7 Diftänce des deux yeux. + . : . , 2 Grand diamètre de l'œil , . + . . I 3 Circonférence du corps à l'endroit le plus _ COEUR OM NOR UP A het) ea ALT 4 6 Largeur de la tête derrière les yeux. . 3 x 6 Largeur du mufeau à l'endroit le plus étroit. 8 Longueur des pattes de devant jufqu'au bout des doists ee re ES 1 9 Longueur des pattes de derrière jufqw'au bout des doigts. . 2 2 2 3 Longueur de la queue. . . . . 6 3 Circonférence de la queue à fon origine, | 2 10) 45 à 206 Ursrorre NATURELLE C’eft au commencement du printems-que l’amou# fait éprouver fes feux au crocodile. Cet énorme Qua- drupède ovipare s’unit à fa femelle, en la renverfant fur le dos, ainfi que les autres lézards; & leurs embraffe- mens paroiflent tres-étroits. On ignore la durée de leur union intime ; mais, d'après ce que l’on a obfervé, touchant les lézards de nos contrées, leur accouple- ment, quoique bien plus court que celui des tortues , doit être plus prolongé, ou du moins plus fouvent re- nouvellé que celui de plufeurs vivipares; & lorfqu'il a ceffé, l'attention du mâle pour fa compagne ne pañle pas tout-à-fait avec fes defirs, & il l’aide à fe remettre fur fes pattes. On a cru, pendant long-tems, que les crocodiles ne faifoient qu'une ponte ; mais M. de la Borde nous apprend que, dans l'Amérique méridionale , la femelle fait deux & quelquefois trois pontes éloignées l’une de l’autre de peu de jours; chaque ponte eft de vingt à vingt-quatre œufs (x) , & par conféquent il eft pof- fible que le crocodile en ponde en tout foixante-douze, ce qui fe rapproche de l’affertion de M. Linné, qui a écrit que les œufs du crocodile étoient quelquefois au nombre de cent. (æ) Note communiquée par M. de la Borde, Médecin du Roia Cayenne, & Correfpondant du Cabinet de Sa Majelié. DES QuADRuPÈDES oOprPARES. 207 La femelle dépofe fes œufs fur le fable, le long des rivages qu'elle fréquente ; dans certaines contrées, comme aux environs de Cayenne & de Surinam (y), elle prépare aflez près des eaux quelle habite, un petit terrain élevé, & creux dans le milieu; elle y ramañle des feuilles & des débris de plantes, au milieu defquels elle fait fa ponte; elle recouvre fes œufs avec ces mêmes feuilles; il sexcite une forte de fermentation dans ces végétaux, & c’eft la cha- leur qui en provient, jointe à celle de l’atmofphère, qui fait éclore les œufs. Le tems de la ponte com- mence aux environs de Cayenne, en même tems que celui de la ponte des tortues, c'eft-à-dire, dès le mois d'Avril; mais il eft plus prolongé. Ce qui eft très-fingulier , c'eft que l'œuf d’où doit fortir un ani- mal auf grand que l’'alligator, n'eft guère plus gros que J’œuf d'une poule d'Inde, fuivant Catefby (7). Il y a, au Cabinet du Roi, un œuf d'un crocodile de quatorze pieds de longueur, tué dans la haute Egypte, au moment où il venoit de pondre. Il eft ovale & blanchâtre ; fa coque eft d'une fubftance crétacée, femblable à celle des œufs de poule , mais moins dure ; la tunique intérieure qui touche à l'enveloppe es {y) Note communiquée par M. de la Borde. {z) Carfby, Hifi. naturelle de la Caroline, vol. 2, page 63. 203 Hrsrorre NATURELIIE crétacée, eft plus épaifle & plus forte que dans la plupart des œufs d’oifeaux, Le grand diamètre nseft que de deux pouces cinq lignes, & le petit diamètre d'un pouce onze lignes. Jen ai mefuré d'autres, pondus par des crocodiles d'Amérique , qui étoient plus alongés, & dont le grand diamètre étoit de trois pouces fept lignes, & le petit diamètre de deux pouces. Les petits crocodiles font repliés fur eux-mêmes dans leurs œufs; ils n’ont que fix ou fept pouces de long lorfqu'ils brifent leur coque. On a obfervé que ce n'eft pas toujours avec leur tête, mais quelquefois avec les tubercules de leur dos qu'ils la cañent. Lorfqu'’ils en fortent, ils trainent attaché au cordon ombilical, le refte du jaune de l'œuf, entouré d'une membrane, & une efpèce d’arrière-faix, compofé de l'enveloppe dans laquelle ils ont été enfermés. Nous l'avons obfervé dans un jeune crocodile , pris en fortant de l'œuf, & confervé au Cabinet du Roi, Quelque tems après qu'ils font éclos, on remarque encore fur le bas de leur ventre, l’infertion du cordon ombilical (a), qui difparoît avec le tems; & les rangs d'écailles qui étoient féparés, & formoient une fente longitudinale par où il pañoit, fe réuniffent (a) Séba , vol. 2, page 362 & fuir. infenfiblement, DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 209 infenfiblement. Ce fait eft analogue à ce que nous avons remarqué dans de jeunes tortues, de l’efpèce appellée la Ronde, dont le plaftron étoit fendu, & dont on voyoit au-dehors la portion du ventre où le cordon ombilical avoit été attaché. Les crocodiles ne couvent donc pas leurs œufs; on auroit dû le préfumer, d’après leur naturel, & l’on auroit dû, indépendamment du témoignage des Voyageurs, refufer de croire ce que dit Pline du crocodile mâle, qui, fuivant ce grand Naturalifte, couve, ainfi que la femelle, les œufs qu’elle a pondus (2). Si nous jetons en eflet les yeux fur les animaux ovipares qui font fufceptibles d'affections tendres, & de foins empreflés; fi nous obfervons les oifeaux, nous verrons que les efpèces les moins ardentes en amour, font celles où le mâle abandonne fa femelle après en avoir joui: enfuite viennent les efpèces où le: mâle prépare le _ nid avec elle, où il la foulage dans la recherche des matériaux dont elle fe fert pour le conftruire, où il veille attentif auprès d'elle, pendant qu’elle couve, où il paroït charmer fa peine par fon chant: & enfin celles qui reflentent le plus vivement les feux de l'amour, font les efpèces où le mâle par- tage entièrement avec fa compagne le foin de couver (Bb) Pline ; Liv. X5 Chap. LXXXII CARS Owipares, Tome I. Dd HIO +. Hrisrorre Narvurrrirtrre les œufs. Le crocodile devroit donc être regardé comme très-tendrement amoureux, fi le mâle couvoit les œufs, ainfi que la femelle. Mais comment attribuer cette vive, intime & conftante tendrefle à un ani- mal qui, par la froideur de fon fang, ne peut éprouver prefque, jamais, ni pañlions impétueufes, ni fentiment profond ? La chaleur feule de l’atmofphère, ou celle d'une forte de fermentation, fait donc éclore les œufs des crocodiles; les petits ne connoïffent donc point de parens en naïflant (c) : mais la Nature leur a donné aflez de force , dès les premiers momens de leur vie, pour. fe pañer de foins étrangers. Dès qu’ils font éclos, ils courent d'eux-mêmes fe jeter dans l’eau, où ils trouvent plus de sûreté & de nourriture (d).Tant qu'ils font encore jeunes , ils font cependant dévorés non-feulement par les poiflons voraces , mais encore quelquefois par les vieux crocodiles, qui, tourmentés par la faim, font alors par befoin, ce que d’autres animaux fanguinaires paroiflent faire uniquement par icruauté. On n’a point recueilli aflez d'obfervations fur les (c) Cependant, fuivant M. de là Borde, à Surimam, la femelle du crocodile {e tient toujours à une certaine diftance de fes œufs; quelle garde, pour ainfi dire, & qu'elle défend avec une forte de fureur, lorfqu'on veut y toucher. (4) Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline, @c. vol. 2 ; page 63. DES QUADRUPÉDES OWIPARES. SI crocodiles, pour favoir précifément quelle eft la durée de leur vie; mais on peut conclure quelle eft très-longue, d’après lobfervation fuivante, que M:le Vicomte de Fontange, Commandant pour le Roi dans Tfle Saint - Domingue , a eu la bonté de me com- muniquer. M. de Fontange a pris à Saint-Domingue de jeunes crocodiles qu'il a vus fortir de l'œuf; il les a nourris , & a eflayé de les amener vivans en France; le froid quils ont éprouvé dans la traverfée, les a fait périr. Ces animaux avoient déjà vingt-fix mois, & ils navoient encore qu’à-peu-près vingt pouces de longueur. On devroit donc compter vingt-fix mois d'âge pour chaque vingt pouces que l’on trouveroit dans la longueur des grands crocodiles, fi leur accroiffe- ment fe faifoit toujours fuivant la même proportion; mais, dans prefque tous les animaux, le dévelop- pement eft plus confidérable dans les premiers tems de leur vie. L'on peut donc croire qu'il faudroit fappofer bien plus de vingt-fix mois pour chaque vingt pouces de la longueur d'un crocodile. Ne comptons cependant que ving-fix mois, parce qu'on pourroit dire que, lorfque les animaux ne jouiffent pas d’une liberté entière, leur accroiflement eft re- tardé, & nous trouverons qu'un crocodile de vingt- cinq pieds, n'a pu atteindre à; tout fon développe- ment qu'au bout de trente-deux ans &: demi. Cette Jenteur dans le développement du crocodile, eft con- D d ï 212 Hisrorre NATUREILIF firmée par l’obfervation des Miffionnaires mathémati- ciens que Louis XIV envoya dans l'Orient, & qui ayant gardé un très-jeune crocodile en vie pendant deux mois, remarquèrent que fes dimenfons n’avoient pas augmenté, pendant ce tems, d'une manière fen- fible (e). Cette même lenteur a fait naître, fans doute, l'erreur d’Ariftote & de Pline, qui penfoient que le crocodile croifloit jufqu'à fa mort ; & elle prouve combien la vie de cet animal peut être longue. Le crocodile habitant en effet au milieu des eaux, prefque autant que les tortues marines, n'étant pas revêtu d’une croûte plus dure qu’une carapace, & croiflant pendant bien plus de tems que la tortue fran che , qui paroît être entièrement développée après vingt ans, ne doit-il pas vivre plus long-tems que cette grande tortue, qui cependant vit plus d’un fièele? Le crocodile fréquente de préférence les rives des grands fleuves, dont les eaux furmontent fouvent leurs bords, & qui, couvertes d’une vafe limonneufe, offrent en plus grande abondance les teftacées , les vers, les grenouilles & les lézards dont il fe nourrit (ff). IE (e) Mémoires pour Jervis à l'Hif. naturelle des animaux, tome 3. (f) « Les crocodiles de Y Amérique feptentrionale fréquentent non- # feulement les rivières falées proche de la mer, mais aufli le courant » des eaux douces plus avant dans les terres, & les lacs d'eaux falées &c DES QUAPBRUPÈDES OVIPARES, 213 fe plaît fur-tout dans l'Amérique méridionale (g), au milieu des lacs marécageux , & des favanes noyées, Catefby, dans fon Hiftoire naturelle de la Caroline (4), nous repréfente les bords fangeux , baïgnés par les eaux falées, comme couverts de forêts épaifles d’ar- bres de banianes, parmi lefquels des crocodiles vont fe cacher. Les plus petits s’enfoncent dans des buiflons épais, où les plus grands ne peuvent pénétrer , & où ils font à couvert de leurs dents meurtrières. Ces bois aquatiques font remplis de poiffons deftructeurs, & d’autres animaux qui fe dévorent les uns les autres. On y rencontre aufli de grandes tortues; mais elles font le plus fouvent la proie de ces poiflons carna- ciers, qui, à leur tour, fervent d’aliment aux cro- codiles, plus puifflans qu'eux tous. Ces forêts noyées préfentent les débris de cette forte de carnage, & Ton y voit flotter des reftes de carcaffes d'animaux à demi-dévorés. C’eft dans ces terrains fangeux, que couvert de boue, & refflemblant à un arbre renverfé, il attend immobile, & avec la patience que doit d'eaux douces. Ils fe tiennent cachés fur leurs bords, parmi Les ro-&e eaux, pour farprendre le bétail & les autres animaux. » Cathy, Hifloire naturelle de la Caroline, vol. 2 , page 63. (g) OL/érvarions communiquées par M. de la Borde, (h) Catcfby , vol. 2, page 63. 214 Hisrorre NATURELLE lui donner la froideur de fon fang, le moment fa- vorable de faifir fa proie. Sa couleur, fa forme alongée, fon filence trompent les poifons, les oifeaux de mer, les tortues, dont il eft très-avide. Il sélance aufft fur les beliers, les cochons (i), & même fur les bœufs: lorfqu’il nage, en fuivant le cours de quelque grand fleuve , il arrive fouvent qu'il n’élève au-defus de l’eau que la partie fupérieure de fa tête; dans cette attitude, qui lui laiffe la liberté des yeux, ïil cherche à furprendre les grands animaux qui sap- prochent de l’une ou de l'autre rive; & lorfquil en voit quelqu'un qui vient pour y boire, il plonge, va jufqu'à lui en nageant entre deux eaux, le faifit pas les jambes, & l’entraine au large pour l’y noyer. Si la faim le prefle, il dévore aufli les hommes (k), & particulièrement les Nègres, fur lefquels on a écrit qu'il fe jette de préférence (1). Les très - grands crocodiles fur-tout ayant befoin de plus d’alimens, pouvant être apperçus & évités plus facilement par (2) Catefby, Hifloire naturelle de la Caroline , vol. 2 , pag 63. (Æ) Dans l'Egypte fupérieure, ils dévorent très-fouvent les femmes qui viennent puiler de l'eau &@ans le Nil, & les enfans qui fe jouent fur le bord du fleuve. Hafelquiff, Voyage-en Palefline, page 347. (1) Obférvations fur le crocodile de la Louifiane, par M. de la Coudrenière, Journal de Phyfique , 1582. DES QUADRUPÉDES OVIPARES, D1$ les petits animaux, doivent éprouver plus fouvent & plus violemment le tourment de la faim, & par con- féquent être quelquefois très-dangereux, principale- ment dans l’eau. C’eft en effet dans cet élément que le crocodile jouit de toute fa force, & qu'il fe remue avec agilité, malgré fa lourde mañle , en failant fouvent entendre une efpèce de murmure fourd & confus. S'il a de la peine à fe tourner avec promptitude, à caufe de la longueur de fon corps, c'eft toujours avec la plus grande viteffle qu’il fend l’eau devant lui pour fe précipiter fur fa proie: il la renverfe d’un coup de fa queue raboteufe , la faifit avec fes griffes, la déchire, ou la partage en deux avec fes dents fortes & pointues, & lengloutit dans une gueule énorme, qui s'ouvre jufqu'au-delà des oreilles pour la recevoir, Lorfqu'il eft à terre, il eft plus embarraffé dans fes mouvemens, & par conféquent moins à craindre pour les animaux qu'il pourfuit: mais, quoique moins agile que dans l’eau, il avance très-vite, quand le chemin ft droit, & le terrain uni. Aufli, lorfqu'on veut lui échapper, doit-on fe détourner fans ceffe. On lit dans 4a defcription de la nouvelle Efpagne (m), qu'un voyageur Anglois fut pourfuivi avec tant de vitefle par un monftrueux crocodile forti du lac de Nicaragua, ! (m) Hifloire générale des Voyages, 5° Partie. 816 Hrsrorre NATURELLE que files Efpagnols qui l’accompagnoient ne lui euffent crié de quitter le chemin battu, & de marcher en tournoyant, il auroit été la proie de ce terrible animal. Dans l'Amérique méridionale, fuivant M. de la Borde, les grands crocodiles fortent des fleuves plus rarement que les petits; l’eau des lacs qu'ils fréquentent venant quelquefois à s’évaporer, ils demeurent fouvent pendant quelques mois à fec, fans pouvoir regagner aucune rivière, vivant de gibier, ou fe pañlant de nourriture, & étant alors très-dangereux. Il y a peu d’endroits peuplés de crocodiles un peu gros, où l’on puifle tomber dans l’eau, fans rifquer de perdre la vie (n). Ils ont fouvent, pendant la nuit, grimpé ou fauté dans des canots, dans lefquels on étoit endormi, & ils en ont dévoré tous les paf. fagers. Il faut veiller avec foin lorfqu'on fe trouve le long des rivages habités par ces animaux. M. de la Borde en a vu fe dreffer contre les très - petits (n) « Les crocodiles font plus dangereux dans la grande rivière de ss Macaflar, que dans aucune autre rivière de l'Orient : ces monftres ne #fe bornent point à faire la guerre aux poiflons, s’affemblent quelque: fois en troupes, & fe tiennent cachés an fond de l'eau, pour attendre le paflage des petits bâtimens. Ils les arrètent , & fe fervant de leur “queue comme d'un croc, ils les renverfent & fe jettent fur les hom= mes & les animaux, qu'ils entraînent dans leurs retraites.» Defcription de l'Ifle Célebes, ou Macaffar. Hifi. générale des Voyages, tome 39, page 248 , édit. in-z2, bâtimens, DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 17 bâtimens. Au refte, en comparant les relations des Voyageurs, il paroît que la voracité & la hardiefle des crocodiles augmentent, diminuent, & même pañlent entièrement, fuivant le climat, la taille, l’âge, l'état _ de ces animaux, la nature, & fur-tout l'abondance de leurs alimens. La faim peut-quelquefois les forcer à fe nourrir d'animaux de leur efpèce, ainfi que nous l'avons dit; & lorfqu'un extrême befoin les domine, le plus foible devient la viétime du plus fort; mais, d’après tout ce que nous avons expofé , l'on ne doit point penfer, avec quelques Naturaliftes, que la fe- melle du crocodile conduit à l’eau fes petits lorf- qu'ils font éclos, & que le mâle & la femelle dévorent ceux qui ne peuvent pas fe traîner. Nous avons vu que la chaleur du foleil ou de l’atmofphère faifoit éclore leurs œufs; que les petits alloient d'eux-mêmes à la mer; & les crocodiles n'étant jamais cruels que pour aflouvir une faim plus cruelle , ne doivent point être accufés de l’efpèce de choix barbare qu'on leur a imputé. Malgré la diverfité des alimens que recherche le crocodile , la facilité que la lenteur de fa marche donne à plufieurs animaux pour l’éviter , le contraint quelquefois à demeurer beaucoup de tems & même plufeurs mois fans manger (0) : il avale alors de (o} Brown dit que l'on a obfervé plufeurs fois des crocodiles qui Ovipares, Tome I. £E e 0 D18 Hirsrorre NATURELLE petites pierres & de petits morceaux de bois capables d'empêcher fes inteftins de fe reflerrer (p). E paroït, par les récits des Voyageurs, que les croco diles, qui vivent près de l'équateur, ne s’engourdifient dans aucun tems de l’année ; mais ceux qui habitent vers les tropiques ou à des latitudes plus élevées, fe retirent, lorfque le froid arrive, dans des antres pro- fonds auprès des rivages, & y font pendant l'hiver dans un état de torpeur. Pline a écrit que les Crocodiles pañloient quatre mois de l'hiver dans des cavernes, & fans nourriture , ce qui fuppofe que les crocodiles du nil qui étoient les mieux connus des anciens, sen- gourdifloient pendant la faïfon du froid (g). En Amé- rique à une latitude aufli élevée que celle de l'Egypte, & par conféquent fous une température moins chaude, le nouveau continent étant plus froid que l’ancien, les crocodiles font engourdis pendant l'hiver. Ils fortent ont vécu plufeurs mois fans prendre de nourriture, & qu'on s'en eft afluré, en leur liant le mufeau avec un fil de métal, & en les laiflant ainfi liés dans des étangs, où ils venoient de tems en tems à la furface de leau pour refpirer. Hifloire naturelle de la Jamaïque, page 462. (p) Brown, Hifloire naturelle de la Jamaïgue , page 467. (qg) Pline, Liy. VIII, Chap. xxxvy1rr. L'engourdifiement des crocodiles paroïît encore indiqué par ce que dit Pline, Livre XI, : Chapitre Lcr. DES QUADRUPÉÈDES OFIPARES. SO dans la Caroline de cet état de fommeil profond en faifant entendre , dit Catefby , des mugiflemens horri- bles qui retentifient au loin (r). Les rivages habités par ces animaux , peuvent être entourés d'échos qui réfléchiflent les fons fourds formés par ces grands Qua- drupèdes ovipares & en augmentent la force de ma- nière à juftifier, jufqu'à un certain point, le récit de Catefby. D'ailleurs M. de la Coudrenière dit que, dans la Louiliane, le cri de ces animaux n’eft jamais répété plufeurs fois de fuite, mais que leur voix eft auffi forte que celle d’un taureau (s). Le Capitaine Jobfon afure aufli que les crocodiles, qui font en grand nombre dans la rivière de Gambie en Afrique , & que les Nègres appellent Bumbos , y pouflent des cris que l’on entend de fort loin: ce Voyageur ajoute que l’on diroit que ces cris fortent du fond d’un puits ; ce qui fuppofe, dans la voix du crocodile, beaucoup de tons graves qui la rapprochent d’un mugiflement bas & comme étoufé (r). Et enfin le témoignage de M. de la Borde que nous avons déja cité , vient encore ici à l'appui de lafler- tion de Cateiby. (r) Cctefby, Hiff. naturelle de la Caroline , vol. à, page 63. (s) OB/érvations fur le crocodile de la Louifiane. Journal de Phyfique, 2782. AUiCE) Voyage du Capitaine Jobfon à la rivière de Gambie. Hifi. gée. ges Voyages, Livre VU, ben) 220 HisTorre NATURELLE Si le crocodile s’engourdit à de hautes latitudes comme les autres Quadrupèdes ovipares, fa couver- ture écailleufe n’eft point de nature à être altérée par le froid & la difette , ainfi que la peau du plus grand nombre de ces animaux ; & il ne fe dépouille pas comme ces derniers. Dans tous les pays où l'homme n’eft pas en aflez grand nombre pour le contraindre à vivre difperfé, il va par troupes nombreufes ; M. Adanfon a vu, fur la grande rivière du Sénégal, des crocodiles réunis au nom- bre de plus de deux cens, nageant enfemble la tête hors de l’eau, & reflemblant à un grand nombre de troncs d'arbres, à une forêt que les flots entraineroient. Mais cet attroupement des crocodiles n’eft point le réfultat d’un inftinét heureux : ils ne fe refflemblent pas comme les caftors pour s'occuper en commun de tra- vaux combinés ; leurs talens ne font pas augmentés : par limitation , ni leurs forces par le concert ; ils ne fe recherchent pas comme les phoques & les laman- tins par une forte d'affection mutuelle , mais ils fe réu- niflent , parce que des appétits femblables les attirent dans les mêmes endroits: cette habitude d’être enfemble eft cependant une nouvelle preuve du peu de cruauté que l’on doit attribuer aux crocodiles; & ce qui con- c'eft la flexibilité de leur naturel. On eft parvenu à les apprivoifer. Dans l'ile de Bouton, aux Moluques, on engraifle quelques= firme qu'ils ne font pas féroces , UE * PES SUR ar DES QuADRUPÈDES OVIPARES 99 uns de ces animaux devenus par-là en quelque forte domeftiques ; dans d’autres pays, on les nourrit par of- tentation. Sur la côte des efclaves en Afrique, le Roi de Saba a par magnificence deux étangs remplis de crocodiles. Dans la rivière de Rio-San-Domingo égale- ment près des côtes occidentales de l'Afrique, où les habitans prennent foin de les nourrir, des enfans ofent, dit-on, jouer avec ces monftrueux animaux (4). Les anciens connoifloient cette facilité avec laquelle le crocodile fe laifle apprivoifer : Ariftote a dit que, pour y parvenir , il fufhfoit de lui donner une nourriture abondante , dont le défaut feul peut le rendre très. dangereux (v). (zu) ce On à remarque, avec étonnement, dans la rivière de Rio-San- Domingo, que les caymans, ou les crocodiles, qui font ordinaire-ce ment des animaux fi terribles, ne nuifent ici à perfonne. Les enfans ce en font leur jouet, jufqu'à leur monter fur le dos, & les battre mêmece fans en recevoir aucune marque de reflentiment. Cette douceurc leur vient peut-être du foin que les hahitans prennent de lesce nourrir & de les bien traiter. Dans toutes les autres parties de PA-ce frique, ils fe jettent indifféremment fur les hommes & fur les ani-ce maux. Cependant il fe trouve des Nègres aflez hardis pour les atta-cc quer à coup de poignard, Un Laptot du Fort Saint-Louis, s'en faifoitce tous les jours un amufement, qui lui avoit Iong-tems réufli; mais ilce reçut enfin tant de bleflures dans ce combat , que fans le fecours dec fes compagnons, il auroit perdu la vie entre les dexfs-4u monftre.» \Woyage du freur Brue aux Ifles de Biffao , &c. Hifl gén. des Voyages. (y) M. de L Borde a vu, à Cayenne, des cayniäns confervés avec 922 Hrsrorre NATURELLE Mais fi le crocodile n'a pas la cruauté des chiens de mer &ade plufeurs autres animaux de proie , avee 4 lefquels il a plufieurs note hi qui vivent comme L lui au milieu des eaux , il n'a pas aflez de chaleur intérieure pour avoir la fierté de leur courage: aufii Pline a-t-il écrit qu'il fuit devant ceux qui le pour- fuivent, qu'il fe laiffle même gouverner par les hommes affez hardis pour fe jeter fur fon dos, & quil nef redoutable que pour ceux qui fuyent devant lui (x). Cela pourroit être vrai des crocodiles que Pline ne connoifloit point, qui fe trouvent dans certains endroits * #4 de l'Amérique, & qui, comme tous les autres grands animaux de ces contrées nouvelles où l’humidité l’'em- porte fur la chaleur, ont moins de courage & de force que les animaux qui les repréfentent dans les pays fecs de des tortues dans un baflin plein d’eau. Ils y vivent long-tems fans faire même aucun mal aux tortues. On les nourrit avec les reftes des cuilines Note communiquée par M. de la Borde. (x) Pline, Hifloire naturelle, Livre VIIL, Chap. XX XWTIT- On peut aufli voir, dans Profper Alpin, ce qu'il raconte de la ma; nière dont les payfans d'Egypte failifloient un crocodile, lui lioient * la gueule & les pattes, le portoient à des acheteurs, le faifoient mar- cher quelque tems devant eux après l'avoir délié, rattachoient enfuitel fes pattes & fa gueule, l'égorgeoient pour le dépouiller , &c."Prof per Alpin, Hifl. naturelle de l'Egypte, à Leyde , 12765, m-4.% tome va Ça] DUITE F4 D£S QUADRUPÈDES OVIPARES. 22 Jancien continent (y) ; & cette chaleur eft fi nécef: “faire aux crocodiles que non-feulement ils vivent avec peine dans les climats très-tempérés (7), mais encore que leur grandeur diminue à mefure qu'ils habitent des latitudes élevées. On les rencontre cépendant dans les deux mondes à plufeurs degrés au-deflus des tropi- ques (a) : lon a même trouvé des pétrifications de (y) ce Dans l'Amérique méridionale, aux environs de Cayenne; les Nègres prennent quelquefois de petits caymans, de cinq à fix piedsce de long. Ils leur attachent les pattes, & ces animaux fe laiflent alorsce manier & porter, même fans menacer de mordre. Les plus prudensce Jeur attachent les deux mâchoires, ou leur mettent une grofle lamece dans la gueule, Mais dans certaines rivières de Saint-Domingue; où lece crocodile ou cayman eft affez doux, les Nègres le pourfuivent ; Pa-ce nimal cache fa tête, & une partie de fon corps, dans un trou. Once pale un nœud coulant, fait avec une profle corde, À une de fesce pattes de derrière; plufeurs Nègres le tirent enfuite, & le traînent par-tout jufque dans les maifons, fans qu'il témoigne l moindre envices de fe défendre. »» Note communiquée par M. de la Borde. (x) Mémoires pour fervir à l'Hifloire naturelle des animaux, article du crocodile. (a) « Les rivières de la Corée font fouvent infeftées de crocodiles ou alligators, qui ont quelquefois dix-huit ou vingt aunes de long. » Relation de Hamel, Hollandois, © defcription de la Corée. Hi je foire générale des Voyages , tome 24, page 244, in-12. 1749. Les rivages de la terre dés Papous, font aufli peuplès de crocodiles. IWoyage de Fernand Mendez Pinto, Hifloire générale des Voyages , \féconde partie, Livre IL. v 224 HisrorrEe NATURELLE crocodiles à plus de cinquante pieds fous terre dans les mines de Thuringe ainf qu'en Angleterre (b) ; mais, ce neft pas ici le lieu d'examiner le rapport de ces offemens fofliles avec les révolutions qu'ont éprouvées les diverfes parties du globe. Quelque redoutable que paroifle le crocodile, les Nègres des environs du Sénégal ofent l’attaquer pen- Dampier a rencontré des alligators fur les côtes de l'Ifle de Timor. Voyage de Guillaume Dampier aux terres Aufrales. ec Il y a beaucoup de crocodiles dans le continent de l'Amérique, 5 dix degrés plus avant vers le nord que le tropique du Cancer, par- ticulièrement auffi loin que la rivière Neus dans la Caroline fepten- »trionale, environ au trente-troilième degré de latitude : je n'ai jamais »oui parler d'aucun de ces animaux au-delà. Cette latitude répond à- >peu-près aux parties de l'Afrique les plus feptentrionales, où on en #trouve aufli.» Catefby , Hifi. nat. de la Caroline , vol. 2 , page 63. » Les crocodiles font fort communs dans tout le cours de l'Amazone, s»& même dans la plupart des rivières que l’Amazone reçoit. On aflura 5 M. de la Condamine qu'il s'y en trouve de vingt pieds de long, & Î s»mêème de plus grands. Il en avoit déjà vu un grand nombre, de » douze, quinze pieds & plus, fur la rivière de Guyaquil. Comme ceux sde l'Amazone font moins chaflés & moins pourfuivis, ils craignent s>peu les hommes. Dans le tetus des inondations, ils entrent quelque- s2fois dans les cabanes des Endiens.»> Hifloire générale des Voyages, tome 53, page 439 Éditicis in-22, (B) On a découvert dans [> province de Nortingam, le fquelette entier d'un crocodile. Bibliorhèque angio:fe , tome 6, page 406. dant DES QvADRUPÈDES OFIPARES. 223 dant qu'il eft endormi, & tâchent de le furprendre dans des endroits où il n’a pas affez d'eau pour nager; ils vont à lui audacieufement, le bras gauche enveloppé dans un cuir ; ils l’attaquent à coups de lance ou de zagaye ; ils le percent de plufieurs coups au go- fier & dans les yeux; ils lui ouvrent la gueule, la tiennent fous l’eau, & l’empêchent de fe fermer en plaçant leur zagaye entre les mâchoires, jufqu'àa ce que le crocodile foit fuffoqué par l’eau qu'il avale en trop grande quantité (c). En Egypte, on creufe fur les traces de cet animal démefuré un foflé profond, que l’on couvre de bran- (c) Labat, vol. 2, page 337. ce Un de mes Nègres tua un crocodile de fept pieds de long : il Javoit apperçu endormi dans les brouflailles , au pied d’un arbre, furce le bord d’une rivière. Il s'en approcha, aflez doucement pour ne le pas éveiller, & lui porta fort adroitement un coup de couteau dansce le coté du col, au défaut des os de la tête & des écailles, & lece perça, à peu de chofe près, de part en part. L'animal, bleflé à mort ,c fe repliant fur lui-même, quoiqu'avec peine, frappa les jambes duce Nègre d’un coup de fa queue, qui fut fi violent, qu'il le renverface par terre. Celui-ct , fans lâcher prife , 4e releva dans l'inftant , &, afin dece n'avoir rien à craindre de la gueule meurtrière du crocodile, il l’en-cg yeloppa d’une pagne, pendant que fon camarade lui retenoit la queue : ce je lui montai aufli fur le corps pour l’aflujettir. Alors le Nègre retirace fon couteau, & lui coupa la tête, qu'il fépara du tronc. » Voyage de ZM. Adanfon au Sénégal , page 148. Ovipares , Tome I , Ff 020 : Hisrorre NATURErIIE "A chages & de terre; on eflraie enfuite à grands cris le crocodile qui, reprenant pour aller à la mer le chemin qu'il avoit fuivi pour s’'écarter de fes bords, pafe fur la foffe, y tombe, & y eft aflommé ou pris dans des filets. D'autres attachent une forte corde par une extrémité à un gros arbre; ils lient à l’autre bout un crochet & un agneau, dont les cris attirent le crocodile, qui, en voulant enlever cet appas, fe prend au crochet par la gueule. À mefure qu'il s'agite, le crochet pénètre plus avant dans la chair: on fuit tous fes mouvemens en lâchant la corde, & on at- tend qu'il foit mort, pour le tirer du fond de l’eau. Les Sauvages de la Floride ont une autre manière de le prendre; ils fe réuniffent au nombre de dix ou douze; ils savancent au devant du crocodile, qui cherche une proie fur le rivage; ils portent un arbre qu'ils ont coupé par le pied ; le crocodile va à eux la gueule béante; mais en enfonçant leur arbre dans cette large gueule, ils l’ont bientôt ren- verfé & mis à mort. On dit auffi qu'il y a des gens aflez hardis pour aller en nageant jufque fous le crocodile, lui percer la peau du ventre, qui eft prefque le feul endroit où le fer puifle pénétrer. Mais l’homme n’eft pas le feul ennemi que le cro- codile ait à craindre: les tigres en font leur proie: l’hippopotame le pourfuit, & il eft pour lui d'autant DES QUADRUPÈDES OFTPARES")) 227 plus dangereux, qu'il peut le fuivre avec acharnement jufqu'au fond de la mer. Les Cougars, quoique plus foibles que les tigres, détruifent auffi un grand rombre de crocodiles ; ils attaquent les jeunes caymans ; ils les attendent en embufcade fur le bord des grands fleuves, les faififlent au moment qu'ils montrent la tête hors de l’eau, & les dévorent. Mais lorfqu'ils en rencontrent de gros & de forts, ils font attaqués à leur tour ; envain ils enfoncent leurs griffes dans les yeux du crocodile, cet énorme lézard, plus vigoureux qu'eux, les entraîne au fond de l’eau (d). Sans ce grand nombre d'ennemis, un animal auffi fécond que le crocodile feroit trop multiplié; tous les rivages des grands fleuves des zones torrides feroient infeftés par ces animaux monftrueux, qui deviendroient bientôt féroces & cruels, par l'impoffbilité où ils feroient de trouver aifément leur nourriture. Puiflans par leurs armes, plus puiflans par leur multitude, ils auroient bientôt éloigné l’homme de ces terres fécondes & nou- velles que ce Roi de la Nature a quelquefois bien de la peine à leur difputer : car comment réfifter à tout ce qui donne le pouvoir, à la grandeur , aux armes, à la force & au nombre. Profper Alpin dit qu'en Egypte, jes plus grands crocodiles fuyent le voifinage de (d) Hifloire générale des Voyages, tome 53, page 440, édit, in-1 2: Ffà 258 HrsTOorrEe NATUREIIE lhomme, & fe tiennent fur les rivages du Nil, au deflus de Memphis (e). Mais, dans les pays moins peuplés, il ne doit pas en être de même; ils font fi abondans dans les grandes rivières de l’Amazone & d'Oyapoc, dans la baie de Vincent Pinçon, & dans les lacs qui y communiquent, qu'ils y gênent, par leur multitude, la navigation des pyrogues; ils fuivent ces légers bâtimens, fans cependant eflayer de les renverfer, & fans attaquer les hommes: il eft quelquefois aifé de les écarter à coups de rames, lorfqu'ils ne font pas très-grands (f). Mais M. de la Borde raconte que naviguant dans un canot, le long. des rivages orientaux de l’Amérique méridionale , ük rencontra une douzaine de gros caymans à l’embou- chure d'une petite rivière dans laquelle il vouloit entrer ; il leur tira plufeurs coups de fufil , fans qu'ils changeaflent de place ; il fut tenté de faire pañler fon canot par-deffus ces animaux; il fut arrêté cependant , par la crainte qu'ils ne fiflent chavirer fon petit bâtiment, & qu'ils ne le dévo- (e) On y en rencontre, fuivant cet Auteur , de rente coudées de long: Hifloire naturelle de l'Egypte, par Profper Alpin, tome 1, Chap. y (f) Note communiquée par M. le Chevalier de Widerfpach, Corref= pondant du Cabinet de Sa Majefie. DES QUADRUPÉDES OVIPARES 200 taffent lorfqu'’il feroit tombé dans l’eau. I fut obligé d'attendre près de deux heures, après lefquelles les caymans séloignèrent , & lui laifièrent le pañage libre (g). Heureufement un grand nombre de crocodiles, font détruits avant d’éclore. Indépendamment des ennemis puiflans dont nous avons déja parlé, des animaux trop foibles pour ne pas fuir à l’afpect de ces grands lézards, cherchent leurs œufs fur les rivages où ils les dépofent : la mangoufte, les finges, les fagouins, les fapajous & plufeurs efpèces d’oifeaux d’eau, s’en nourriflent avec avidité (4), & en caflent même un très-srand nombre, en quelque forte, pour le plaifir de fe jouer. Ces mêmes œufs, ainfi que la chair du crocodile, fur-tout celle de la queue & du bas-ventre, fervent de nourriture aux Nègres de Afrique, ainfi qu'à certains peuples de l'Inde & de l'Amérique (4). Is trouvent déli- cate & fucculente cette chair qui eft très-blanche ; mais il paroît que prefque tous les Européens qui ont voulu en manger, ont été rebutés par l'odeur de mufc dont (g) Not communiquée par M. de la Borde. (h) Deftription de l'Ifle efpagnole. Hifloire générale des Voyages > froifième Partie , Livre V. fi) Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline, vol, 2, page 63 230 HirsrTorrEe NATURELLE elle eft imprégnée. M. Adanfon cependant dit quil goûta celle d'un jeune crocodile , tué fous fes yeux au Sénégal, & qu'il ne la trouva pas mauvaife. Au refte , la faveur de cette chair doit varier beaucoup fuivant l’âge , la nourriture & l’état de l'animal. On trouve quelquefois des bézoards dans le corps des crocodiles, ainfñi que dans celui de plufeurs autres lézards. Séba, avoit dans fa collection, plufeurs de ces bézoards qui lui avoient été envoyés d'Amboine & de Ceylan; les plus grands étoient gros comme un œuf de canard , mais un peu plus longs, & leur furface préfentoit des éminences de la groffeur des plus petits grains de poivre. Ces concrétions étoient compofées comme tous les bézoards, de couches placées au-deflus les unes des autres; leur couleur étoit marbrée & d’un cendré obfcur plus ou moins mêlé de blanc (k). Les anciens Romains ont été long-tems fans con- noître les crocodiles par eux-mêmes : ce n’eft que cin- quante-huit ans avant l’Ere chrétienne , que l’Edile Scaurus en montra cinq au peuple (/). Augufte lui en fit voir un grand nombre vivans, contre lefquels (4) Séba, vol. 2, page 139. (4) Pline, Livre VIII, Chop. XE+ DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 231] il fit combattre des hommes. Héliogabale en nourrifoit. Les tyrans du monde faifoient venir à grands frais de l'Afrique , des crocodiles, des tigres, des lions : ils s’emprefloient de réunir autour d'eux ce que la terre paroit nourrir de plus féroce. Les crocodiles étoient donc, pour les Romains & d’autres anciens peuples, des animaux très-redoutables: ils venoient de loin : il n’eft pas furprenant qu’on leur ait attribué des vertus extraordinaires. Il n’y a pref- qu'aucune partie dans les crocodiles, à laquelle on n'ait attaché la vertu de guérir quelque maladie. Leurs dents (m) , leursécailles, leur chair, leurs inteflins, tout en étoit merveilleux (z). On fit plus dans leur pays natal. Ils y infpiroient une grande terreur; ils y répan- doient quelquefois le ravage ; la crainte dégrada la raifon , on en fit des Dieux; on leur donna des Prêtres la ville d'Arcinoë leur fut confacrée (o) ; on renfer- (mn) Pline, Liyre XXVIIT, Chap. xx yrrr. (n) Voyez, dans le voyage en Paleftine d'Haflelquift, page 347, quelles propriétés vraies ou faufles, les Epyptiens & les Arabes attri- buent encore au fiel, à la graifle, & aux yeux des crocodiles. (o) Encyclopédie méthodique. Didionnaire d'antiquités , par M. l'abbé Mongez L'ainé, Garde du Cabinet d'Antiques & d'Hificire naturelle de Suinte-Geneyièye , de l'Académie des Infcriptions , &c. 232 HISTOIRE NATURELIE moit religieufement leurs cadavres dans de hautes Pyras mides, auprès des tombeaux des Rois; & maintenant dans ce même pays, où on les adoroit il y a deux mille ans, on a mis leur tête à prix; & telle ef la viciflitude des opinions humaines. LE CROCODILE DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 23% LE CROCODILE NOIR. SECONDE ESPÈCE. Csrre seconne ESPÈCE diffère de la première, en ce que fa couleur eft prefque noire au lieu d’être verdâtre ou bronzée comme celle des crocodiles du Nil; ceft M. Adanfon qui a fait connoître ces croco dilesnoirs, qu'ila vus fur la grande rivière du Sénégal (a). Leurs mâchoires font plus alongées que celles des alli- gators ou crocodiles proprement dits. Ils font d’ailleurs plus carnaciers que ces derniers, & pourroient par con- féquent en différer aufli par des caractères intérieurs , la diverfité des mœurs étant très-fouvent fondée fur celle de l’organifation interne. L’on ne peut pas dire qu'ils font de la même efpèce que le crocodile du Nil, qui auroit fubi dans fa couleur , & dans quelques parties de fon corps, l'influence du climat, puifque , fuivant le même M. Adanfon, la rivière du Sénégal nourrit auf un grand nombre de crocodiles verts, entièrement fem (2) Voyage au Sénégal, par M. Adanfon, pag 73: Ovipares, Tome I, Gg 234 “1HrsrorrEe NATUREILE 5 blables à ceux d'Egypte. Non-feulement on n’a point encore obfervé ces crocodiles noirs dans le nouveau monde ; mais aucun voyageur nen a parlé que M. Adanfon, & ce favant Naturalifte ne les a trouvés que fur le grand fleuve du Sénégal. LE: GA UE ASE: œ LE CROCODILE À MACHOIRES ALONGÉES: * TROISIÈME. ESP EC E. Cerre TROISIÈME ESPÈCE de crocodile fe trouve dans les grandes Indes : elle ÿ habiterkes bords du Gange, où on l’a nommée Gavial ; elle reffemble aux crocodiles du Nil par la couleur, & par les carac- tères généraux & diftinétifs des crocodiles. Le Gavial a , comme les alligators , cinq doigts aux pieds de devant, & quatre doigts aux pieds de derrière; ilna d’ongle qu'aux trois doigts intérieurs de chaque pied ; mais il difière des crocodiles d'Egypte, par des carac- tères particuliers & très-fenfibles. Ses mâchoires font plus alongées & beaucoup plus étroites, au point de paroître comme une forte de long bec qui contrafte avec la groffeur de la tête ; les dents ne font pas iné- gales en groffeur & en longueur comme celles des cro- codiles proprement dits; elles font plus nombreufes, & Von conferve, au Cabinet du Roi, un individu de cette efpèce , qui a environ douze pieds de long, & qui a cinquante-huit dents à la mâchoire fupérieure, & cinquante à la mâchoire inférieure. Le nombre des bandes tranfverfales & tuberculeufes Ggi 236 Hrsrorre NATURELrE qui garniflent le deflus du corps, eft plus confidérable de plus d’un quart , dans les crocodiles du Gange que dans l’alligator ; d’ailleurs elles fe touchent toutes, & les écailles carrées qui les compofent , font plus relevées dans leurs bords, fans l’être autant dans leur centre, que celles du crocodile du Nil. Ces différences avec le crocodile proprement dit, font plus que fufi- fantes pour conftituer une efpèce diftincte. Les crocodiles du Gange (a) parviennent à une gran= (a) Dimenfons d’un crocodile à tête pieds. | pouces. lignes. alonge. * ip ARR ne Longheur totales) is PSS NAT 10 6 T'ongueur de da itéte LME UE 2 1 L Longueur depuis l'entre-deux des yeux, jufqu’au bout du mufeau. . . . . I 7 9 Longueur de la mâchoire fupérieure. . 2 6. Longueur de la partie de la mâchoire qui ; éftarimeetde dents ie A I 6 Diftance des deux yeux. . + . .': ANSE 3 Grand diamètre de Fœil: . . ,. : . | Circonférence du corps à l'endroit le plus gros. : 3 3 6 Circonférence de la tète derrière les yeux. 2 Circonfirence du mufeau à l'endroit le plus étroit. . . . > G 2 Longueur des pattes de devant cr au bout des doigts. . . AD ÉURRET ES L 3 yA Longueur des pattes de Horible jufqu'au bout des-doïgts. 9 9 PANNE SE ï 8 Longueur de la queue. à $ L Circonference de la queue à fonte origine. 72 8 DES QuUADRÜPÉÈDES OVIPARES. 923% deur très-confidérable , ainfi que ceux du Nil. L'on peut voir, au Cabinet du Roi, une portion de mâchoire de ces crocodiles des grandes Indes, d’après laquelle nous avons trouvé que l'animal auquel elle a appartenu devoit avoir trente pieds dix pouces de longueur. Au refte, nous ne pouvons donner une idée plus nette de ces énormes animaux qu'en renvoyant à la figure & à la note précédente , où nous rapportons les principales dimenfions de l'individu de près de douze pieds, dont nous venons de parler. C’eft apparemment de cette efpèce qu'étoient les crocodiles vus par Tavernier fur les bords du Gange, depuis Toutipour jufqu'au bourg d’Acérat | qui en eft à vingt-cinq coffes. Ce Voyageur apperçut un très- grand nombre de ces animaux, couchés fur le fable; il tira fur eux; le coup donna dans la mâchoire d’un grand crocodile , & fit couler du fang ; mais l’ani- mal fe retira dans le fleuve. Le lendemain, Taver- nier, en continuant de defcendre le Gange , en vit un aufli grand nombre , également étendu fur le rivage ; il tira fur deux de ces animaux deux coups de fufil chargé à trois balles, au même inflant ils fe renverfèrent fur le dos, ouvrirent la gueule , & expi- rèrent (b). Il paroït que le Gavial n'étoit point inconnu des (b) Voyage de Tavernier. Hifloire générale de Voyages, Parñüe 2; Livre IL, 238 Hisrorre Narvreztr Anciens , puifqu'au rapport d'Élien ï on difoit de fon: tems que l’on trouvoit fur les bords du Gange des cro= codiles qui avoient une efpèce de corne au bout du nufeau. Mais M. Edwards eft le premier Naturalifte moderne qui ait parlé du Gavial; il publia, en 1756, la figure & la defcription d’un individu de cette efpèce, dont il a comparé les mâthoires longues & étroites au bec du harle, & quil a nommé crocodile à bec alongé (c). Cet individu, qui préfentoit tous les fignes d'un développement peu avancé, avoit au-deflous du ventre une poche ou bourfe ouverte ; nous n'avons trouvé aucune marque d'une poche femblable dans le crocodile du Gange dont nous venons de donner les dimenfions , ni dans un jeune crocodile de la même efpèce , & long de deux pieds trois pouces , qui fait aufi partie de la collection du Cabinet du Roi. Peut- être cette poche s’efface-t-elle à mefure que lanimal grandit, & n’eft-elle qu'un refte de l’ouverture par laquelle s’infère le cordon ombilical; ou peut-être Pin dividu de M. Edwards étoit-il d’un fexe différent de ceux dont nous avons vu la dépouille, L'on conferve au Cabinet du Roi une portion de mâchoire garnie de dents, à demi-pétrifiée, renfermée dans une pierre calcaire trouvée aux environs de Dax (c) Tranfaéions philofophiques, année 1756 DES QUADRUPÈDES OVIPARES, 39 en Gafcogne, & envoyée au Cabinet par M. de Borda, Elle nous a paru, d’après l'examen que nous en avons fait, avoir appartenu à un Gavial. 240 Hisrorre NATurerrr LE FOUETTE-QUEUE (ch | 4 Le NOM de Fouette-queue a été employé par diffé- rens Naturalifles, pour défigner diverfes efpèces de lézards qui peuvent donner à leur queue des mouve- mens femblables à ceux d’un fouet: ce nom a été particulièrement appliqué au lézard dont il eft ici queftion, & à la dragonne dont nous parlerons dans Particle fuivant : il en eft réfulté une obfcurité d’au- tant plus grande dans les faits rapportés par les Voya- seurs, relativement aux lézards, que le nom de cordyle a été auffi donné par plufieurs Auteurs à la dragonne, & qu'enfuite le nom de Fouette - queue a été lié avec celui de cordyle, de manière à étre attribué non - feulement à la dragonne, qui a réellement la pro- priété de faire mouvoir fa queue comme un fouet, mais encore à d’autres efpèces de lézards, privées de cette faculté, & défignées également par le nom de cordyle, (a) Le Fouette-queue. M. d Aubenton , Encyclopédie méthodique, Lacerta caudi-verbera, 2. Linn. amphib, rept. Séba, mus 1, tab. 106, fig. z. Caudi-yerbera peruviana. Laurenti fpecimen medicum, Vien. 2768 ; PAE£E 37- Feuillée 2, page 319. Nous croyons DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. ‘241 Nous croyons donc, pour éviter toute confufion, devoir conferver uniquement au lézard, dont il s'agit ici, le nom de Fouette-queue. Il habite les climats chauds de l'Amérique méri- dionale, & on le trouve particulièrement au Pérou. Il a quelquefois plufeurs pieds de longueur. Son dos eft couvert de plaques carrées & d’écailles ovales qui garniflent auffi fes côtés. Sa queue, qui paroît dentelée par les bords, & qu'il a la facilité d’agiter comme un fouet , l'afimile un peu à la dragonne ; & la forme applatie de cette même queue, ainfi que fes pieds palmés , le rapprochent du crocodile, dont il eft cepen- dant bien aifé de le diftinguer, parce que le crocodile na que quatre doigts aux pieds de derrière, tandis que le Fouette-queue en a cinq à chaque pied. C'eft ce qui nous a déterminé à regarder comme un Fouette- queue l'animal repréfenté dans la planche cent fixième du premier Volume de Séba : M. Linné la rapporté au crocodile ; mais il a cinq doigts aux pieds de der- rière, &, d'un autre côté, il ne peut pas être confondu avec la dragonne, puifque fes pieds font palmés. D’ail- leurs Séba donne l'Amérique pour patrie à ce grand lézard , ce qui s'accorde fort bien avec ce que M. Linné lui-même a dit de celle du Fouette-queue (2). Nous croyons devoir obférver aufli que le lézard repréfenté dans Séba , tome 1, planche 103, figure 2 , & que {b) M. Linné, à l'endroit déja cité. Ovipares, Tome I. HB D 42 HisrorrEe NArURzILzE M. Linné a indiqué comme un Fouette-queue, eft une dragonne, attendu que quoique le defñinateur lui ait donné des membranes aux pieds de derrière, il eft dit dans le texte qu'il n'en a point. Le Fouette-queue nous paroît être, ainfi que nous avons déja dit (c) , le lézard que Dambpier regardoïit comme une feconde efpèce de cayman d'Amérique. I y a, dans l’Ifle de Ceylan, un grand lézard, qui, par fa forme , reflemble beaucoup au crocodile : mais il en diffère par fa langue bleue & fourchue, qu'il alonge d’une manière effrayante, lorfqu'il la tire pour filer , ou feulement pour refpirer. On le nomme Kobbera-Guion. 11 a communément fix pieds de lon- gueur ; fa chair eft d’un affez mauvais goût ; il plonge fouvent dans l’eau , mais fa demeure ordinaire eft fur la terre où il fe nourrit des oïifeaux , & des divers animaux qu'il peut faifr. Il craint l’homme , & n’ofe rien contre ui; maïs il écarte fans peine les chiers & plufeurs des animaux qui veulent l’attaquer , en les frappant violemment de fa queue, qu'il agite & fecoue comme un long fouet. Nous ignorons fi les doigts de fes pieds font réunis par des membranes : . s'ils le font, il doit être regardé comme de la même efpèce que le Fouette-queue du Pérou, qui peut-être aura fubi l'influence d'un nouveau climat; finon äl faudra le confidérer comme une dragonne. (c) Article des crocodiles. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 2A3 = = ee D ns © D ——— d v Z ue mme eee meme mecs, LA DRAGONNE («), La DrAGONNE reflémble beaucoup, par fa forme, au crocodile ; elle a, comme lui, la gueule très-large, des tubercules fur le dos, & la queue aplatie; fa grandeur égale quelquefois celle des jeunes caymans : fa couleur, d'un jaune roux foncé ,-& plus ou moins mêlé de verdâtre, eft femblable aufli à celle de ces ani- maux; c'eft ce qui a fait que, fur les côtes orientales de l'Amérique méridionale, elle a été prife pour une petite efpèce de crocodiles ou de caymans (b). Mais la Dragonne en diffère principalement , parce que, au lieu d’avoir les pieds palmés, fes doigts, au nombre (a) La Dragonne. M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique. Hifi. naturelle des Quadrupèdes ovipares. | Lacerta Dracæna 3. Linnœus. Ray, Synopfis Quadrupedum , page 270. Lacertus indicus. Seba, locupletiffimi rerum naturalium Thefauri accurata defériptio ; tome 2, planche 102 , fig. 2. Lacerta maxima caudi-verbera, cordylus, Mujœeum Wormienum, Chap. x x17r, page 313. Lacertus indicus, {B) Note communiquée par M, le Chevalier de Wider/pach. | HR i 244 ÉfrsTorRE (NATURETDEN NE de cinq à chaque pied, font très-féparés les uns des autres, comme ceux de prefque tous les lézards. Hs font d’ailleurs tous garnis d'ongles aigus & crochus ; la tête, aplatie pardeflus, & comprimée par les côtés, a un peu la forme d’une pyramide à quatre faces, dont le mufeau feroit le fommet; elle refflemble par-là à celle de plufeurs ferpens, ainfi que la langue, qui eft fourchue , & qui loin d’être cachée & prefque immobile comme celle du crocodile, peut être dardée avec facilité. Les yeux font gros & brillans ; l’ou- verture des oreilles eft grande, & entourée d’une bordure d’écailles; le corps épais, arrondi, couvert d'écailles dures, offeufes comme celles du crocodile, & prefque toutes garnies d’une arête faillante; plufeurs de celles du dos font plus grandes que les autres, & relevées par des tubercules en forme de crêtes, dont les plus hauts font les plus voifins de la queue, fur laquelle les lignes qu'ils forment font prolongées par d’autres tubercules. Ceux-ci font plus aigus, & produifent deux dentelures femblables à celle d’une fcie, & réunies en une feule vers l’extrémité de la queue, qui eft très-longue. La Dragonne, ainfi que le Fouette-queue, a la facilité de la remuer vivement, & de Fagiter comme un fouet. Cette faculté lui a fait donner le nom de Fouerte-queue, que nous avons confervé uniquement à l’efpèce précédente, & que nous n'emploierons jamais en parlant de la Dragonne, ee DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 245 pour éviter toute confufon: on l'a aufñi appellée Cordyle : mais nous réfervons ce nom pour un lézard difiérent de celui que nous décrivons, & auquel on Ja déjà donné. C'eft principalement dans l'Amérique méridionale que l’on rencontre la Dragonne ; il ya, au Cabinet du Roi, un individu de cette efpèce, qui a-.été envoyé de Cayenne par M. de la Borde, & d’après lequel nous avons fait la defcription que lon vient de lire (ce); elle eft aflez conforme à ce que dit Wormius de cette efpèce de grand lézard, dont il avoit un individu long de quatre pieds romains (à). Clufius connoïifloit aufli le même animal (ee), & Séba avoit dans fa colleétion. PES ee HS PLIS EURE CPR GET (c) Principales dimenfons d'une Dra- pieds. | pouces. | lignes. gonne qui eft au Cabinet du Roi. Fonsueurtotde 5,2. Ni: cb or bie 01 Mie La À + Éoaraugderlatgueute. 42 Sins re 4 Déhance désideux peux: .- 2, AN ï Circonférence du corps à l'endroit le plus DCS Couronoo do 0 Unes IEEE 6 Longueur des pattes de devant, jufqu'au boutdedeininnn sf Air 9 nr J LU Longueur des pattes de derrière, jufqu’au bout/des dofats se nine “à CO C\ ON 9 5 Fonpieur de uen ner a I 4 Circonférence de la queue à fon origine... S (4) Mufzum Wormienum : de pedeftribus , Cap. 22, 019222) (e) Clufius, Livre V, Chap. xx. 346 Hrsrorre NATURELLE Wormius a parlé du nombre & de la forme des dents de la Dragonne; il a dit que ce lézard en a dix-fept de chaque côté de la mâchoire inférieure; que celles de devant font petites & aigues, & celles de derrière , grofles & obtufes Nous avons re- marqué la même chofe dans la Dragonne du Cabinet du Roi. On a reproché à Pline de sêtre trompé touchant la forme des dents du crocodile, en les dif- tinguant en denis incifives, en canines, & en mo- daires ( f ). Nous avons déjà vu ce qu'entendoit ce grand Naturalifte par les dents canines du crocodile (g); & à l'égard des dents molaires, il pourroit fe faire que ‘on erreur eft venue de la méprife de ceux qui lui ont fourni des obfervations. Il fe peut en eflet que la Dra- gonne habite dans les contrées orientales que les anciens connoifloient ; que fes grofles dents aient été regardées comme des dents molaires, & que l'animal lui-même aitété pris pour un vrai crocodile. C’eft ainfi que, dans des tems très-récens, la confufion que plufieurs voya- geurs ont faite des efpèces de grands lézards, voifines de celles du crocodile, a produit plus d'une erreur, relativement à la forme & aux habitudes naturelles de ce dernier animal. LR CAT SUCRE SN COOL DEL OR TEE LUE TE TP TOR TT (f) Mémoires pour fervir à l'Hifloire naturelle des animaux, ) Article du crocodile. DES QUADROPÉDES OVIPARÉS. 247 La grande reflemblance de la Dragonne avec le crocodile , feroit penfer au premier coup- d'œil que leurs mœurs font femblables: mais ces deux lézards diffèrent par un de ces caractères dont la préfence ou l’abfence a la plus grande influence fur les habi- tudes des animaux. M. de Buflon a montré, dans l’hiftoire naturelle des oifeaux , combien la forme de leurs becs détermine lefpèce de nourriture qu'ils peuvent prendre ; les force à habiter de préférence l'endroit où ils trouvent aifément cette fubfftance, & produit ou modifie par-là leurs principales habi- tudes. La faculté de voler qu'ils ont reçue, leur donne la plus grande facilité de changer de place, & les rend par conféquent moins dépendans de la forme de leurs pieds : cependant nous voyons certaines claffes d’oifeaux , dont les habitudes font produites par les pieds palmés , avec lefquels ils peuvent nager aifément, ou bien par les grifies aigues & fortes qui leur fervent à attaquer & à fe défendre. Mais il n’en eft pas de même des Quadrupèdes, tant vivipares - qu'ovipares; la nature de leurs alimens eft non-feu- lement déterminée par la forme de leur gueule, où de leurs dents, mais encore par celle de leurs pieds, qui leur fourniflent des moyens plus ou moins puiflans de faifir leur proie; d'aller avec viteffe d’un endroit à un autre ; d'habiter le milieu des eaux, les rivages SEE) les plaines ou les forêts, &c, Une gueule plus où 248 Hisrorre NATURELLE moins fendue ; quelques dents de plus ou de moins des ongles aigus ou obtus; des doigts réunis ou divifés; en voilà plus qu'il n'en faut pour faire varier. leurs mœurs fouvent du tout au tout. On en peut voir des exemples dans les Quadrupèdes vivipares, parmi lefquels la plupart des animaux qui ont des habi- tudes communes, qui habitent des lieux femblables, ou qui fe nourriflent des mêmes fubftances, ont leurs dents, leur gueule ou leurs pieds conformés à-peu- près de la même manière, quelque différens qu'ils foient d’ailleurs par la forme générale de leurs corps, par leur force & par leur grandeur. La Dragonne & le crocodile en font de nouvelles preuves : la Dra- gonne reflemble beaucoup au crocodile; mais elle en difière par fes doigts, qui ne font pas palmés: dès- lors elle doit avoir des habitudes différentes: elle doit nager avec plus de peine; marcher avec plus de vitefle; retenir les objets avec plus de facilité; grimper fur les arbres; fe nourrir quelquefois des animaux des bois; & c’eft en effet ce qui eft conforme aux obfervations que nous avons recueillies M. de la Borde, qui a nommé cet animal Léyard-cayman , parce qu'il le regarde, avec raifon, comme faifant la nuance entre les crocodiles & les petits lézards, dit qu'il fréquente les favanes noyées, & les terrains ma= récageux; mais qu'il fe tient à terre, & au foleil, plus fouvent que dans l'eau. Il eft aflez dificile à prendre, DES QUADRUPÉDES OVIPÂRES. 249 prendre, parce quil fe renferme dans des trous; il mord cruellement ; il darde prefque toujours fa langue comme les ferpens. M. de la Borde a gardé chez lui, pendant quelque tems, une Dragonne en vie; elle fe tenoit des heures entières dans l’eau; elle sy cachoit lorfqu'elle avoit peut; mais elle en fortoit fouvent pour aller fe chauffer aux rayons du foleil (4). La grande différence entre les mœurs de la Dra- gonne & celles du crocodile, n’eft cependant pas produite par un fens de plus ou de moins, mais feulement par une membrane de moins, & quelques ongles de plus. On remarque des effets femblables dans prefque tous les autres animaux, & il en feroit de même dans l'homme, & des différences très-peu fenfibles dans la conformation extérieure, produiroient une grande diverfité dans fes habitudes, fi l’intelli- gence humaine , accrûe par la fociété, n’avoit pas inventé les arts pour compenfer les défauts de nature. Les animaux, qui attaquent le crocodile, doivent aufli donner la chaffe à la Dragonne, qui a bien moins de force pour leur réfifter, & qui même eft fouvent dévorée par les grands caymans. Sa manière de vivre peut donner à fa chair un goût différent de celui de la chair du crocodile: il (A) Note communiquée par M. de la Bordk, Ovipares, Tome I. li 250 HISTOIRE NATURELLE ne feroit donc pas furprenant qu'elle füt aufli bonne à manger que le difent les habitans des Ifles Antilles, où on la regarde comme très-fucculente, & où on la compare à celle d’un poulet. On recherche auf à Cayenne les œufs de ce grand lézard, qui a de nouveaux rapports avec le crocodile par fa fécondité, la femelle pondant ordinairement plufieurs douzaines d'œufs (à). On trouve au Bréfil, & particulièrement auprès de la rivière de Saint-François, une forte de lézard, nommé Îgnarucu , qui reflemble beaucoup au croco- dile, grimpe facilement fur les arbres, & paroît ne difiérer de la Dragonne que par une couleur plus foncée , & des ongles moins forts (k). Si les Voya- geurs ne fe font pas trompés à ce fujet, l’on ne doit regarder l’ignarucu que comme une variété de la Dragonne. (2) Note communiquée par M. de la Borde. (Æ) Voyez, dans le Diéfionnaire d'Hifloire naturelle de M. Bomure, L'article Ignarucu. DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES,. 251 LE TUPINAMBIS (:) CE L£7arD habite également les contrées chaudes de l’ancien & du nouveau Continent. On a prétendu que fur les bords de la rivière des Amazones, auprès de Surinam & des pays voifins , le Tupinambis acqué- roit une grande taille & parvenoit jufqu'à la longueur de douze pieds: mais on aura fürement pris des cay- mans pour des Tupinambis ; & l’on doit ranger cette fable parmi tant d'autres qui ont défiguré Phiftoire des (a) Tupinambis, en Amérique. Galtabé, au Sénégal. Cayman, guano, ligan, ligans, par certains Voyageurs ; ce qui Fa fait confondre avec les iguanes, ainfi qu'avec les crocodiles. Tilcuetz Pallin , dans la nouvelle E/pagne. Lézard moucheté. 1. d Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta monitor, 6. Linn. amph. rept. Seba, 1, tab.94, fig. 2, 2,3. tab. 96, fig 2 ,2 , 3. tab. 97, fig. 2. 2 , tab. 99, fig. 1: tab. 100 , fig. 3. 2, tab. 30, fig. 2. tab. 49, fig à. tab..80, fig. à. tab. 105, fig 2. Stellio Saurus, 80. Zaurenti , jpecimen medicum , page 56. Stellio Sälvator, go. Laurenti, jpecimen medicum, page 56. li ÿ 252 Hisrorre NATURELLE Quadrupèdes ovipares. Le Tupinambis a tout au plus une longueur de fix ou fept pieds dans les contrées où il trouve la nourriture la plus abondante & la tempé- rature la plus favorable. L’individu que nous avons décrit & qui eft au Cabinet du Roi, a trois pieds huit pouces de long en y comprenant la queue (b) ;ila été envoyé du Cap de Bonne -efpérance. Jai vu un autre individu de cette efpèce, apporté du Sénégal, & dont la longueur totale étoit de quatre pieds dix pouces. La queue du Tupinambis eft aplatie & à - peu- près de la longueur du corps. Il a à chaque pied cinq doigts aflez longs , féparés les uns des autres & tous armés d'ongles forts & crochus. La queue ne préfente pas de crête comme celle de la Dragonne, mais le deflus & le deffous du corps, la tête, la queue, & les pattes (B) Principales dimenfons du Tupinambis. ieds. | pouces. | lignes. Tonvueuritotale tin nonEnnntAr fe F 8 Loos dea/gueute, PEINE 4 8 Circonférence du corps à l’endroit le plus SOS AC ent ee Eee PE ENAES I ET 3 Longueur des pattes de devant, jufqu'au bDoutides doigts CE PEER E LL RAS Hot s ) Longueur des pattes de derrière, jufqu'au bout des doigts. 12 RER 2 G 9 Lonpueuride)la queue ce mL APCE I 10 6 Circonférence de la queue à fon origine... x 10 DES QUADRUPÈDES OVIPAÏRES., 253 font garnies de petites écailles qui fuffiroient pour dif- tinguer le Tupinambis des autres grands léfards à queue plate. Elles font ovales, dures, un peu élevées, prefque toutes entourées d’un cercle de petits grains durs, pla- cées à côté les unes des autres, & difpofées en bandes circulaires & tranfverfales. Leur grand diamètre eft à- peu-près d'une demi-ligne dans l'individu , envoyé du Cap de Bonne-efpérance au Cabinet du Roi (c). La manière dont elles font colorées, donne au Tupinambis une forte de beauté ; fon corps préfente de grandes taches ou bandes irrégulières d'un blanc afez éclatant qui le font paroître comme marbré, & formant même fur les côtés une efpèce de dentelle. Mais, en le revé- tant de cette parure agréable , la nature ne lui a fait qu'un préfent funefte ; elle l’a placé trop près du cro- codile fon ennemi mortel, pour lequel fa couleur doit être comme un figne qui le fait reconnoître de loin. Il a, en effet, trop peu de force pour fe défendre contre les grands animaux. Il n’attaque point l’homme ; il fe nourrit d'œufs d’oifeaux (d) , de lézards beaucoup plus {c) L'on peut voir, dans la colle“tion du Cabinet du Roi, un Tupi- nambis mâle, tué dans le tems de fes amours ; fes parties fexuelles font hors de Panus ; les deux verges, très - {éparées l’une de l’autre, ont un pouce trois lignes de longueur. L'animal a deux pieds huit pouces de longueur totale. (d) a Mademoifelle Mérian trouva plus d'une fois un Sauve - garde 254 Hisrorre NATURELLE petits que lui , ou de poiffons qu'il va chercher au fond des eaux ; mais, n'ayant pas la même grandeur , les mêmes armes, ni par conféquent la même puiflance que le crocodile, & pouvant manquer de proie bien plus fouvent , il ne doit pas être fi difcile dans le choix de fa nourriture; il doit d’ailleurs chaffer avec d'autant plus de crainte , que le crocodile auquel il ne peut réfifter eft en très-grand nombre dans les pays qu'il ha= bite. On rapporte même que la préfence des caymans, infpire une fi grande frayeur au Tupinambis , qu'il fait entendre un fiflement très-fort. Ce fifflement d’effroi eft une efpèce d’avertifflement pour les hommes qui fe baignent dans les environs; il les garantit, pour ainfi dire, de la dent meurtrière du crocodile, & c’eft de-là qu'eft venu au Tupinambis le nom de Sauvegarde ou S'auveur | qui lui a été donné par plufieurs Voyageurs & Naturaliftes. I1 dépofe fes œufs comme les caymans, dans des trous qu'il creufe dans le fable fur le bord de quelque rivière ; le foleil les fait éclore ; ils font affez gros & ovales , & les Indiens s’en nourriflent fans pei- ne (e); la chair du Tupinambis eft aufli très -fuccu- lente pour ces mêmes Indiens, & plufieurs Européens Ed »(un Tupinambis) mangeant des œufs dans fa baffe-cour. 1» Hifoire générale des Voyages , tome 54, page 430, édit. in-22. e) Hifloire générale des Voyages, tome 64, page 430, édit. in-2: DES: QUADRUPÉDES GVIPARES. 255$ qui en avoient mangé tant en Amérique qu'en Afrique, m'ont dit l'avoir trouvée délicate. Cet animal produit des bézoards , ainfi que le croco- dile & d’autres lézards ; ces concrétions reffemblent aux bézoards des crocodiles, quant à leur forme extérieure; elles font de la grofieur d’un œuf de pigeon & d'une couleur cendrée claire tachetée de noir. On leur a attribué les mêmes vertus chimériques qu'aux autres Bézoards , & particulièrement à ceux du crocodile & de liguane (f). La difette que le Tupinambis éprouve fréquemment, a dû altérer fes goûts, tant la faim & la mifère déna- turent les habitudes. Il fe nourrit fouvent de corps in- feûts & de fubftances à demi-pourries ; &, lorfque cet aliment abject lui manque , il le remplace par des mouches & par des fourmis. [l va chaffer ces infectes au milieu des bois qu’il fréquente ainfi que les bords des eaux : la conformation .de fes pieds dont les doigts font très-féparés les uns des autres , lui donne une grande facilité de grimper fur les arbres où il cherche des œufs dans les nids, mais où il ne peut fouvent que vivre miférablement en pourfuivant avec fatigue des animaux bien plus agiles que lui. Le feul Quadrupède oyipare qu'on a cru devoir appeller S'auve-garde, fouflre {f) Séba , vol. 2, page 140. 256 ÆrsSTOIRE NATURELLE donc une faim cruelle , ne peut fe procurer qu'avec peine & inquiétude la nourriture dégoûtante à laquelle il eff fréquemment réduit , & finit Bis Re toujours par être la victime du plus fonte î - Le Tupinambis eft le même animal que le lézard du Bréfil, appellé Téjuguacu & Temapara Tupinambis | & dont Ray ainfi que d’autres Auteurs ont parlé (g). Marc- grave en a vu un vivre fept mois, fans rien manger ; quel- qu'un ayant marché fur la queue de ce Tupinambis, & en ayant brifé une partie, elle repoufla de deux doigts: au refte, il eft important de remarquer que ces noms de Téjucuacu & de Temapara ont été donnés à plufieurs lézards d’efpèces différentes, ce qui n’a pas peu aug- menté la confufon qui a régné dans l’hiftoire des Qua= drupèdes ovipares. (g) Ray, Synopfis animalium , page 265, LE SOURCILLEUX, DES QuUADRUPÈDES OVIPARES, 257 = EE ————— Se as = =; LE SOURCILLEUX (a). Ox rrouve dans l'Ile de Ceylan, dans celle d'Amboine, & vraifemblablement dans d’autres ré- gions des grandes Indes, dont la température ne dif- fère pas beaucoup de celles de ces Ifles, un lézard. auquel on a donné le nom de Sourcilleux, parce que fa tête eft relevée au-deflus des yeux par une arête faillante, garnie de petites écailles en forme de fourcils. Cet animal eft aufli remarquable par une crête com- pofée d'écailles ou de petites lames droites, qui orne le derrière de fa tête, & qui fe prolonge en forme de peigne ou de dentelure , jufqu’au bout de la queue. Les yeux font grands, ainfi que les ouvertures des oreilles ; le mufeau eft pointu, la gueule large , la queue aplatie & beaucoup plus longue que le corps; {a) Le Sourcilleux. M. d'Aubenton, Encyclapédie méthodique. Lacerta fuperciliofa. 4. Linn. amphibia reptilia. Seba, mujæum, tome 1, planche 109 , fig. 4, © planche 94, fig. 4. Ovipares , Tome I. Kk 250 Hisrorre NATURELLE ce lézard a les doigts très-féparés les uns des autres, & très-longs, fur-tout ceux des pieds de derrière, dont le quatrième doist égale la tête en longueur; les ongles font forts & crochus ; les écailles, dont tout le corps eft recouvert, font très-petites, inégales en grandeur, mais toutes relevées par une arête longi- tudinale, & placces les unes au-deffus des autres, comme les écailles de plufieurs poiflons. La couleur générale des Sourcilleux eft d’un brun clair tacheté ce rouge plus ou moins foncé ; la longueur totale de l'individu que nous avons décrit, & que l’on conferve au Cabinet du Roi, eft d'un pied. Comme les doigts de ces lézards font très-longs & très-divifés, leurs habi- tudes doivent approcher à beaucoup d'égards de celles de la dragonne. On dit qu'ils poufient des cris, qui leur fervent à fe rallier (). Au refte, ce caractère très-apparent d’écailles re- levées , cette forte d’armure , qui donne un air dif- tingué au lézard qui en eft revêtu, & que nous trouvons ici pour la feconde fois, n'a pas été uniquement ac- cordé au Sourcilleux & à la dragonne. Il en eft de ce caractère comme de tous les autres, dont chacun eft prefque toujours exprimé avec plus ou moins de (b) Séba , premier volume , page 273. A force, dans plufeurs efpèces différentes. Cette crête que nous venons de remarquer dans le Sourcilleux , fert auf à défendre ou parer la tête-fourchue, l'iguane, le bafñilic, &c. Non-feulement même elle a des formes différentes dans chacun de ces lézards; non-feulement elle préfente tantôt des rayons alongés, tantôt des lames aigues, larges & très-courtes, &cc. mais encore elle varie par fa poftion : elle sélève en rayons fur tout le corps du Bajilic, depuis le fommet de la tète jufqu'à l'extrémité de la queue; elle orne de même la queue du porte-créte, & garnit DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 259 t 3 enfuite fon dos en forme de dentelure ; elle revêt non-feulement le corps, mais encore une partie de la membrane du cou de l’iguane ; elle s'étend le long du dos du mâle de la /zlamandre à queue plate; elle paroît comme une crénelure fur celui du pliffé; à peine fenfible fur le deflous de la gorge du marbré, elle défend, dans le galéote, la tête & la partie an- térieure du dos ; elle fe trouve auffi fur cette partie antérieure dans l’agame; elle fe préfente, pour ainf dire, fur chaque écaille dans le #llion, V'ayuré, le téguixin ; elle règne le long de la tête, du corps & du ventre du caméléon ; elle paroît à l'extrémité de la queue du cordyle ; &, pour ne pas rapprocher ici un plus grand nombre de Quadrupèdes ovipares, elle eft compofée d’écailles clair -femées fur le lézard Kk i 260 Hrsrorre NATURELLE appellé téte - fourchue ; elle occupe le deflus du corps, de la tête & de la queue dans le Sourcilleux, & nous avons vu quelle ne sétendoit que fur la queue de la dragonne. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 201 LA TÊTE-FOURCHUE (:). Daxs L'IsLE D'AmBoInE, & par conféquent dans le même climat que le fourcilleux , on trouve un lézard qui reflemble beaucoup à ce: Quadrupède ovipare. Il a comme lui, depuis la tête jufqu'à l’extrémité de la queue, des aiguillons courts en forme de dentelure, mais qui font fur le dos, plus féparés les uns des autres que dans le fourcilleux. La queue comprimée , comme celle du crocodile , eft tout au plus de la longueur du corps. Le deflus de la tête quieft très-courte & très- convexe, préfente deux éminences qui ont une forte de reflemblance avec des cornes. Suivant Séba, la pointe du mufeau eft garnie d’un gros tubercule entouré d’au- tres tubercules blanchâtres ; le cou eft goitreux , & le corps femé de boutons blancs , ronds , élevés , que Pon retrouve encore au-deflous des yeux & de la DD (4) L'occiput Fourchu. M. d’Aubenton ; Encyclopédie méthodique. Lacerta fcutata, $. Linn. amphib. rept. Iguana clamofa , 74. Laurenti fpecimen medicum. Séba , 1. Table 109, figure 3: 202 Hrsrorrx NATURELLE mâchoire inférieure. Les cuifles, les jambes & les doigts font longs & déliés. Ce lézard & l’efpèce précédente ont trop de caractères extérieurs communs pour ne pas fe reflembler beaucoup par leurs habitudes naturelles, d'autant plus qu'ils préfèrent l’un & l’autre les contrées chaudes de l’Inde. Aufli leur attribue-t-on à tous les deux la faculté de fe rallier par des cris (b). (b) Séba, volume 1 , page 173. DES QuADRUPÈDES OVIPARES. 203 EE — SES ES "hi LE LARGE-DOIGT («). Les CARACTÈRES DISTINCTIFS de ce lézard, qui fe trouve dans les Indes, font d'avoir la queue deux fois plus longue que le corps, comprimée, un peu relevée en carène pardeflus, ftriée pardeffous , & divifée en plufeurs portions , compofées chacune de cinq anneaux de très-petites écailles. Il a, fous le cou, une membrane aflez femblable à celle de l’iguane, mais qui neft point dentelée. À chaque doigt , tant des pieds de devant que des pieds de derrière, l’avant- dernière articulation eft pardeflous plus large que les autres, & c’eft de-là que M. d'Aubenton a tiré le nom que nous lui confervons. La tête eft plate, & compri- mée par les côtés; le mufeau très-délié; les ouvertures des narines font très-petites, ainfi que les trous des oreilles. (a) Le Large-doigt. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique. Lacerta principalis, 7. Linn. amphib. rept. GS 264 Hirsrorrs NATURELLE AR Si Ps LÉ PB[IMACUILÉE. Nous DEVONS la connoiflance de cette nou- velle efpèce de lézard à M. Sparrman , favant Aca- démicien de Stockolm , qui en a décrit plufieurs individus envoyés de l'Amérique feptentrionale, par M. le Doc- teur Acrélius, à M. le Baron de Géer (a) ; quelques- uns de ces individus avoient le deffus du corps femé de taches noires ; tous avoient deux grandes taches de la même couleur fur les épaules ; & c’eft ce qui leur a fait donner, par M. Sparrman, le nom de Bimaculés. La tête de ces lézards eft aplatie par les côtés ; la queue eft comprimée & deux fois plus longue que le corps. Tous les doigts des pieds de devant & de ceux de derrière , excepté les doigts extérieurs, font garnis de lobes ou de membranes qui en élargifléent la fur- face, & qui donnent au Bimaculé un nouveau rapport avec le large-doigst. Suivant M. le Docteur Acrélius , le Bimaculé n’eft (a) Mémoires de l'Académie des Sciences de Stockolm , année 1784. Troifième Trimeffre , page 169. point DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 265 point méchant, il fe tient fouvent dans les bois, où il fait entendre un fifflement plus ou moins fréquent. On le prend facilement dans un piège fait avec de la paille, qu'on approche de lui en fifflant, & dans lequel il faute & s'engage de lui-même. La femelle dépofe fes œufs dans la terre. On le trouve à Saint-Euftache & dans la Penflvanie. Le fond de fa couleur varie: il eft quelquefois d’un bleu noirâtre. on Ovipares, Tome I. Li 266 ° Hirsrorre NATURELITE L'ÉNSILLONES 0 Ox TROUVE, dans les Indes, un aflez petit lézard gris dont nous plaçon: ici la notice, parce qu'ila des écailles convexes en forme de tubercules fur les flancs, & parce que fa queue eft aplatie par les côtés comme celle du crocodile & des autres lézards dont nous venons de donner l’hiftoire. Son corps n’eft point garni d’aiguillons ; il n’a point de crête au- deffous du cou ; mais on voit fur fon dos deux ftries très-fenfbles. Il à les deux côtés du corps comme plifiés, & relevés en arête ; fon ventre préfente vingt-quatre rangées tranf- verfales d’écailles ; chaque rangée eft compofée de fix pièces ; la queue , à peine plus longue que la moitié du corps, eft ftriée pardeflous , lifle par les côtés, & relevée en deflus par une double faillie. (a) Le Silloné. M. 4 Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta bicarinata. 8, Lin. amphibia reptilia. GS DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 267, LÉZARDS Qui ont la queue ronde , ing doigts à chaque pied ; & des écailles élevées [ur le dos en forme de créte. ÉRGUAN.E (2) Daxs ces coxTRÉES del’Amérique méridionale, où la Nature plus active fait defcendre à grands flots, du fommet des hautes cordilières, des fleuves immenfes , dont les eaux s'étendant en liberté, inon- dent au loin des campagnes nouvelles, & où la main (a) Leguana, En anglois , the Guana. Senembi. Tamacolin, en Amérique, fwivant Séba. L'Tguane. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique. Lac. Iguana, 26. Lin. amphib. reptilia, 208 Hisrorre NATURELLE de l’homme n’a jamais oppofé aucun obftacle à leur courfe ; fur les rives limonneufes de ces fleuves ra- pides, s'élèvent de vaftes & antiques forêts. L’hu- midité chaude & vivifiante qui les abreuve , de- Ray, Synopfis Quadrupedum , page 265. Lacertus indicus Senembi & Iguana dictus. Iguana delicatiffima, 72. Iguana tuberculata, 72. Laurenti fpecimen mnedicum: E Leguana. Didionnaire d'Hifloire naturelle , par M. Valmont de Bornare. Seba, 2. Table 95, figures 2, 2, rable 96, figure 4, table 97: figure 3, table 98, figure 1. The Guana. Brown, Hifloire naturelle-de la Jamaïque. Lacerta, 1. Major fquamis dorfi lanceolatis ereétis è nuchâ ad extre- mitatem caudæ porreétis, Idem. Grand lézard ou Guanas. Cateby , Hifloire naturelle de la Caroline, volume 2 , page G4. Grand lézard. Dutertre , page 308. Gros lézard, nommé Iguane. Rochefort, page 144. Gros lézard. Labat , rome 2, page 314: Guana. Sloane , vol. 2. Iguana. Gronoy, mus. 2 , page 82, N° Go. * Marcgr. braf: 236, fig. 226. Senembi feu Iguana. Jonff. Quadrup., tab. 77, fig. s. Olear. mus., tab. 6, fig. à. Yvana. Bont. Jay. 56, tab. 56. Lacerta Leguan, Nieremberg nat. 272, tab, 272: Worm. mufœum. 313. Cluf. exot. 116. Yvana. DES QuUADRUPÈDES OVIPARES. 269 vient la fource intariflable d’une verdure toujours nouvelle pour ces bois touflus, images fans cefle re- naiflantes d’une fécondité fans bornes, & où il femble que la Nature, dans toute la vigueur de la jeunefe, fe plait à entañler les germes productifs. Les végétaux ne croiflent pas feuls au milieu de ces vañftes foli- tudes ; la Nature a jeté fur ces grandes productions la variété, le mouvement & la vie. En attendant que l’homme vienne régner au milieu de ces forêts, elles font le domaine de plufeurs animaux, qui, les uns par la beauté de leurs écailles, léclat de leurs couleurs, la vivacité de leurs mouvemens, lagilité de leur courfe ; les autres, par la fraicheur de leur plu- mage, l'agrément de leur parure, la rapidité de leur vol; tous, par la diverfité de leurs formes, font, des vaftes contrées du nouveau monde , un grand & magnifique tableau, une fcène animée, aufli variée quimmenfe. D'un côté, des ondes majeftueufes rou- lent avec bruit; de l’autre, des flots écumans fe précipitent avec fracas de roches élevées; & des tourbillons de vapeurs réfléchiflent au loin les rayons éblouiflans du foleil: ici l’émail des fleurs fe mêle au brillant de la verdure, & eft effacé par l'éclat plus brillant encore du plumage varié des oifeaux ; la, des couleurs plus vives, parce qu’elles font renvoyées par des corps plus polis, forment la parure de ces grands Quadrupèdes ovipares , de ces gros 270 HisTorrz NATURELLE lézards que l’on eft tout étonné de voir décorer le fommet des arbres, & partager la demeure des habi- tans ailés. Parmi ces ornemens remarquables & vivans dont on fe plaît à contempler, dans ces forêts épaifles, la forme agréable & piquante, & dont on fuit avec. plaifir les divers mouvemens au milieu des rameaux & des fleurs, la dragonne & le tupinambis attirent l'attention ; mais le lézard dont nous traitons dans cet article, fe fait diftinguer bien davantage par la beauté de fes couleurs, l'éclat de fes écailles, & la fingu- larité de fa conformation. Il eft aifé de reconnoître l’Iguane à la grande poche qu'il a au-deflous du cou, & fur-tout à la crête den- telée qui s'étend depuis la tête, jufqu'à l'extrémité de la queue, & qui garnit aufli le devant de la gorge. La longueur de ce lézard, depuis le mufeau, jufqu’au bout de la queue, eft affez fouvent de cinq ou fix pieds (2); celui que nous avons décrit, & qui a été (k) « Pendant le féjour que Brue ft à Kayor fur le Sénégal, on # lui ft voir un Guana (Iguane) long de trois pieds, depuis le mufeau jufqu’à la queue, qui devoit avoir encore deux pieds de plus.» (L'on doit croire que la queue de ce lézard avoit éprouvé quelque acci- dent , les Iguanes ayant la queue plus longue que le corps). ce Sa peau pétoit couverte de petites écailles de différentes couleurs, jaunes, vertes #& noires, fi vives qu'elles paroifloient colorées d’un beau vernis. Il DE & QUADRUPÉDES OVIPARES. 271 envoyé à Cayenne au Cabinet du Roi par M. Sonini, a quatre pieds de long (c). La tête eft comprimée par les côtés, & aplatie pardeflus ; les dents font aïgues, & affez femblables, par leur forme, à celles des lézards verts de nos pro- vinces méridionales. Le mufeau , l’entre - deux des avoit les yeux fort grands, rouges, ouverts jufqu'au fommet de lac tête. On les auroit pris pour du feu, lorfqu'il étoit irrité : alors face gorge s'enfloit aufli, comme celle d'un pigeon. »» Hifloire générale des Voyages , Livre VIT, Chapitre XVIII. ° . Q … n TT, (c) Principales dimenfons d'un Iguane, pieds. | pouces. | lignes. confervé au Cabinet du Roi. Fonpueuritotale. + tn eee l Nat 4 Circonfirence dans l'endroit le plus gros à CORDON A AR NUE Le rive 1 4 Circonférence à l'origine de la queue. . | 5 9 Contour de la mâchoire fupérieure. . : 8 3 Longueur de la plus grande écaüille des potéonderl2etCte: Le ilR re ts à 1 Longueur de la poche qui eft au-deflous du cou. . . BE TN TON Le et el | 3 4 Largeur de la es I 10 Longueur des plus grandes écailles de L Créteil GE NI E BONE I 10 Longueur de la queue. . . . 2 7 4 Longueur des pattes de devant, iiQus lex:rémité d:s doigts. 7 ï Lorgueur des pattes de derrière, . d Longueur du plus grand ongle, , , . 8 \O Ve) pe Historrre NATURELLE yeux, & le tour des mâchoires {ont garnis de larges écailles très-colorées, très-unies & très-luifantes; trois écailles plus larges que les autres, font placées de chaque côté de la tête, au-deflous des oreilles ; la plus grande des trois eft ovale, & fon éclat, fem- blable à celui des métaux polis, relève la beauté des couleurs de lIguane; les yeux font gros; l’ou- verture des oreilles eft grande ; des tubercules qui ont la forme de pointes de diamans, font placés au-deflus des narines, fur le fommet de la tête, & de chaque côté du cou. Une efpèce de crête, compofée de grandes écailles faillantes, & qui, par leur figure, reflemblent un peu à des fers de lance, s'étend depuis la pointe de la mâchoire inférieure, jufques fous la gorge , où elle garnit le devant d’une grande poche, que l’Iguane peut gonfler à fon gré. De petites écailles revêtent le corps, la queue & les paties: celles du dos font relevées par une arête. __ La crête remarquable, qui étend, ainfi que nous l'avons dit, depuis le fommet de la tête jufqu'à l’ex- trémité de la queue, eft compofée d’écailles très-lon- gues , très-aigues, & placées verticalement ; les plus hautes font fur le dos, & leur élévation diminue in- fenfiblement, à mefure qu'elles font plus près du bout de la queue, où on les diftingue à peine. La queue eft ronde, au lieu d’être aplatie comme celle des crocodiles. Les doigts DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 273 Les doigts font féparés les uns des autres , au nombre de cinq à chaque pied, & garnis d'ongles ferts & crochus; dans les pieds de devant, le prèmier doigt, ou le doigt intérieur, na qu'une phalange ; le fecond en a deux, le troifième trois, le quatrième quatre , & le cinquième deux. Dans les pieds de derrière, le premier doigt n'a qu'une phalange ; le fecond en a deux, le troifième trois, le quatrième quatre , & le cinquième, qui eft féparé comme un pouce, en a trois. Au-deflus des cuifles s'étend, de chaque côté, un cordon de quinze tubercules creux & percés à leur fommet, comme pour donner pañlage à quelques fé- crétions: nous retrouverons ces tubercules dans plu- fieurs efpèces de lézards ; il feroit intéreflant d’en connoitre exactement l’ufage particulier. La couleur générale des Iguanes eft ordinairement verte, mêlée de jaune, ou d'un bleu plus ou moins foncé; celle du ventre, des pattes & de la queue eft quelquefois panachée; la queue de l'individu, que nous avons décrit, préfentoit plufieurs couleurs dif- pofées par bandes annulaires & aflez larges; mais les teintes de l’Iguane varient, fuivant l'âge, le fexe, & le pays se (4) Nous nous en fommes aflurés par l'infpeétion d’un grand nom- bre d'individus des deux fexes de difiérens pays & de diflérens âges, & Ovipares, Tome I. M m 27 À HISTOIRE NATURELLE Ce lézard eft très-doux; il ne cherche point à nuire; il ne fe nourrit que de végétaux & d'infectes. Il n’eft cependant pas furprenant que quelques Voya= geurs aient trouvé fon afpect effrayant, lorfque agité par la colère, & animant fon regard, il a fait en- tendre fon fifflement , fecoué fa longue queue, gonflé fa gorge, redrefé fes écailles, & relevé fa tête hériflée de cailofités. La femelle de l’Iguane eft ordinairement plus pe- tite que le mâle; fes couleurs font plus agréables, fes proportions plus fveltes ; fon regard eft plus doux, & fes écailles préfentent fouvent l'éclat d'un très-beau vert. Cette parure & ces fortes de charmes ne lui ont pas été donnés envain; on diroit que le mâle a pour elle une pañlon très-vive; non-feulement, dès les premiers beaux jours de la fin de l'hiver, il la recherche avec empreflement, mais il la défend avec fureur. Sa tendrefle change fon naturel; la douceur de fes mœurs, cette douceur fi grande, qu'elle a été comparée à la ftupidité, fait place à une forte de rage. Il s'élance avec hardieffe, lorfqu'il craint pour l’objet qu'il aime; il faifit avec acharnement ceux qui ap- prochent de fa femelle ; fa morfure n’eft point veni- meufe; mais, pour lui faire lâcher prife, on eft obligé c'eft ce qui explique les différences que l’on trouve, dans les defcriptions que les Voyageurs & les Naturaliftes ont dônnées de l’Iguane. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 275 de le”tuer , ou de le frapper violemment fur les narines (e). C’eft environ deux mois après la fin de l'hiver que les Iguanes femelles defcendent des montagnes, ou for- - tent des bois, pour aller dépofer leurs œufs fur le fable du bord de la mer. Ces œufs font prefque toujours en nombre impair, depuis treize, jufqu'à vingt-cinq. Ils ne font pas plus gros, mais plus longs que ceux de pigeons ; la coque en eft blanche & fouple, comme celle des œufs des tortues marines, auxquels ils ref femblent plus qu'à ceux des crocodiles. Le dedans en eft blanchâtre & fans glaire. Ils donnent, difent la plupart des Voyageurs qui font allés en Amérique, un excellent goût à toutes les fauces, & valent mieux que ceux de poules. L’Iguane, fuivant plufieurs Auteurs, a de la peine à nager, quoiqu'il fréquente de préférence les rivages de la mer ou des fleuves. Catefby rapporte que lorf- qu’il eft dans l’eau, il ne fe conduit prefque qu'avec la queue, & qu'il tient fes pattes colées contre fon corps (f). Cela s'accorde fort bien avec la difficulté qu'il éprouve pour fe mouvoir au milieu des flots ; & cela ne montre-t-il pas combien les Quadrupèdes (e) Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline , vol. 2 ; page 64 (F) Catefby ; Hifloire naturelle de la Caroline, Mm ij 276 Hirsrorre NATURELLE ovipares, dont les doigts font divifés, nagent avec peine, ainfi que nous l’avons dit, & combien cette con- formation influe fur la nature de leurs habitudes ? Dans le printems, les Iguanes mangent beaucoup de fleurs & de feuilles des arbres auxquels on a donné le nom de mahot, & qui croiffent le long des rivières: ils fe nourriflent auffi d’anones , ainfi que de plufeurs autres végétaux (g) ; & Catefby a remarqué que leur graifle prend la couleur des fruits qu'ils ont mangés les derniers ; ce qui confirme ce que j'ai dit des diverfes couleurs que donne à la chair des tortues de mer l'aliment qu'elles préfèrent. Les Iguanes defcendent fouvent des arbres, pour aller chercher des vers de terre, des mouches & d’au- tres infectes (4). Quoique pourvus de fortes mâchoires, ils avaient ce qu'ils mangent prefque fans le mâcher (4). Ils fe retirent dans des creux de rochers , ou dans des trous d'arbres ( k ). On les voit s'élancer avec une agilité furprenante jufqu'au plus haut des branches, autour defquels ils ’entortillent, de manière (g) Catefby, à l'endroit déja cité. (k) Note communiquée par M. de la Borde. (5) Catefy , à l'endroit déja cité, (4) Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. Be 3 cacher leur tête au milieu des replis de leur corps (1). Lorfqu'ils font repus, ils vont fe repofer fur les rameaux qui avancent au-deffus de l’eau. C’eft ce moment que l’on choifit au Bréfil pour leur donner la chaffe. Leur douceur naturelle , jointe peut-être à l’efpèce de torpeur à laquelle les lézards font fujets, ainfi que les ferpens : lorfqw'ils ont avalé une grande quantité de nourriture, leur donne cette forte d'apathie & de tranquillité remarquée par les Voya geurs , & avec laquelle ils voyent approcher le danger, fans chercher à le fuir, quoiqu'ils foient naturelle- ment très-agiles. On a de la peine à les tuer, même à coups de fufñl: mais on les fait périr très-vite, em enfonçant un poinçon, ou feulement un tuyau de paille dans leurs nafeaux (m) ; on en voit fortir quelques gouttes de fang, & l'animal expire. La ftupidité que l’on a reprochée aux Iguanes, ou plutôt leur confiance aveugle ,. prefque toujours le partage de ceux qui ne font point de mal, va f loin, (1) & Une efpèce de jafmin d'une excellente odeur, qui croît dé toutes parts, en buiflon, dans les campagnes de Surinam, eft la retraite ce ordinaire des ferpens & des lézards, fur-tout de l'Iguane; c’eft unes chofe admirable que la manière dont ce dernier reptile s’entortille aus: pied de cette plante, cachant fa tête au milieu de tous’ fes replis, 2; Hifioire générale des Voyages , tome k4 , page 412 , édit. in-12.. (m) Hifloire géntrale des Voyages, Livre VIT, Chapitre x #11. + 278 HISTOIRE NATURELLE qu'il eft très-facile de les faifir en vie. Dans plufeurs contrées de l'Amérique, on les chafle avec des chiens dreflés à les pourfuivre; mais on peut aufh les prendre aifément au piège (7). Le chafleur qui va à la re- cherche du lézard, porte une longue perche, au bout de laquelle eft une petite corde, nouée en forme de lac. (o ). Lorfqauil découvre un Iguane étendu fur des branches, & sy pénétrant de l’ardeur du foleil, il commence à fiffler: le lézard, qui femble prendre plaifir à l'entendre , avance la tête; peu-à-peu le chaffeur s'approche , & en continuant de fifiler, il chatouille avec le bout de fa perche les côtés & la sorge de lIguane, qui non-feulement fouffre fans peine cette forte de carefle, mais fe retourne dou- cement , & paroit en jouir avec volupté. Le chafeur le féduit, pour ainf dire, en fiflant & en le chatouil- lant, au point de l’engager à porter fa tête hors des branches, aflez avant pour embarrafler fon cou dans le lac : auflitôt il lui donne une violente fecoufle, qui le fait tomber à terre; il le faifit à l’origine de la queue ; il lui met un pied fur le corps; & ce qui prouve bien que la ftupidité de l’Iguane n’eft pas aufi grande qu’on le dit, c'eft que lorfque fa confiance eft (n) Note communiquée par M. de da Borde. (o) Voyages du Père Labar en Afrique & en Amérique: DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 9270 trompée, & quil fe fent pris, il a recours à la force, dont il n'avoit pas voulu ufer. Il s’agite avec violence; il ouvre la gueule; il roule des yeux étincelans ; il gonfle fa gorge : mais fes eflorts font inutiles; le chaf- feur, en le tenant fous fes pieds, & en l’accablant du ue de tout fon cos parvient bientôt à lui attacher les pattes, & à lui lier la gueule, de ma- nière que ce malheureux animal ne puifle ni fe dé- fendre, ni s'enfuir (p ). On ent le garder plufieurs jours en vie fans lui don- ner aucune nourriture (q) ; la contrainte femble d’a- bord le révolter ; il eft fier ; il paroît méchant ; mais bientôt il s'apprivoife ; il demeure dans les jardins; il (p) Catefby, Hifloire naturelle de la Caroline. (g) Brown dit avoir gardé chez lui un Iguane adulte pendant plus de deux mois. Dans le commencement il étoit fier & méchant; mais, au bout de quelques jours, il devint plus doux: à la fin, il pañloit la plus grande partie du jour fur un lit, mais il couroit toujours pendant la nuit. « Je n’ai jamais obfervé , continue ce Voyageur, que cet Iguane ait mangé autre chofe que les particules imperceptibles quile lapoit dans l'air, (ces particules étoient fürement de très-petits infeétes). ce Quand il fe promenoït , il dardoit fréquemment fa langue, comme lece caméléon. La chair de l'Iguane eft recherchée par beaucoup de gens, ce & lorfqu'elle eft fervie en fricaffée, elle eft préférée à celle de la meil-ce leure volaille. L'Iguane peut être aifément apprivoilé, quand il eftcs jeune ; il eft alors un animal aufli innocent que beau. » Hifloire natu- relle de la Jamaïque par Brown , Londres , 1756, pag: 462. 260 Hisrorre NATURELLE pañle même la plus grande partie du jour dans les ap- païtemens; il court pendant la nuit, parce que fes yeux, comme ceux des chats, peuvent fe dilater de manière que la plus foible lumière lui fufhfe , & parce quil prend aifément alors les infeétes dont il fe nourrit. Quand il fe promène, il darde fouvent fa langue ; il vit tranquille ; il devient familier (r). On ne doit pas être furpris de l’acharnement avec lequel on pourfuit cet animal doux & pacifique qui ne recherche que quelques feuilles inutiles , ou quelques. infectes malfaifans , qui n’a befoin pour fon habitation que de quelques trous de rocher , ou de quelques bran- ches prefque fèches , & que la nature a placé dans les grandes forêts pour en faire l’ornement. Sa chair ‘eft excellente à manger, fur-tout celle des femelles qui eft plus tendre & plus grafle (s) ; les habitans de Ba- hama en faifoient même une efpèce de commerce, ils le portoient en vie à la Caroline & dans d’autres con- trées , ou ils le faifoient faler pour leur ufage (+); dans certaines Ifles où ils font rares , on les réferve pour les meilleures tables (4) ; & l’homme ne seft (r) Note communiquée par M. de la Borde. (s) On dit que la chair de l'Iguane eft nuïfible à ceux dont le fang n'elt point pur, & M. de la Borde la croit difficile à digérer. (+) Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline. (z) Note communiquée par M. de la Borde. jamais DES QuADRUPÈDES OVIPARES, 9281 jamais tant exercé à détruire les animaux nuifibles, qu'à faire fa proie de ceux qui peuvent flatter fon appétit. D'ailleurs on trouve quelquefois dans le corps de l’Iguane, ainfi que dans les crocodiles & dans les tupinambis , des concrétions femblables aux bézoards des Quadrupèdes vivipares, & particulièrement à ceux que l’on a nommés bézoards occidentaux. M. Dombey a apporté de l’Amé- rique méridionale au Cabinet du Roi, un de ces bé- zoards d'Iguane. Cette concrétion repréfente affez exac- ‘tement a moitié d'un ovoïde un peu creux; elle eft compofée de couches polies , formées de petites aiguilles , & qui préfentent comme d'autres bézoards, une efpèce de criflallifation. Elle eft convexe d'un côté, & concave de l’autre; elle ne doit cependant pas être regardée comme la moitié d’un bézoard plus con- fidérable, les couches qui la compofent étant placées les unes au-deflus des autres fur les bords de la cavité, ainfi que fur la partie convexe. Le noyau, qui a fervi à former ce bézoard , devoit donc avoir à-peu-près la même forme que cette concrétion. La furface de la cavité qu'elle préfente , n’eft point polie comme celle des parties relevées, qui ont pu fubir un frottement plus ou moins confdérable. Le grand diamètre de ce bézoard eft de quinze lignes, & le petit diamètre à- peu-près de quatorze. Séba avoit, dans fa collection, plufieurs bézoards d’ È guanes, de la groffeur d’un œuf de pigeon, & d'un Ovipares, Tome I. Nu 202 HisToire NATURELLE jaune cendré avec des taches foncées. Ces concrétions font appellées Beguan par les Indiens, qui les efliment plus que beaucoup d’autres bézoards (v). Elles peu vent avoir été connues des Anciens, l’iguane habitant dans les Indes orientales , ainfi qu'en Amérique ; 6 comme cet animal n’a point été particulierement in— diqué par Ariftote ni par Pline, & que les Anciens n'en ont vraifemblablement parlé que fous le nom de Lézard- vert, ne pourroit-on pas croire que la pierre, appellée: par Pline Sauritin, à caufe du mot Saurus ( Lézard), & que lon regardoit , du tems de ce Naturalifte , comme fe trouvant dans le corps d’un lézard-vert, n’eft autre chofe que le bézoard de lIguane , & qu'elle m'étoit précieufe que par ce qu'on lui attribuoit les faufles propriétés des autres bézoards (x) ; ce qui con— firme notre opinion , à ce fujet , c'elt que ce mot S'auritin n'a été appliqué par les anciens , ni par les: modernes à aucun autre corps, tant du règne animal que du règne minéral. Les [guanes font très-communs à Surinam, ainfi que dans les bois de la Guiane aux environs de Cayenne (y), (y) Séba , vol. 2 , page z40: Sauritin in ventre viridis lacerti arundine difle@ti tradunt inve (x) niri. Püne, Liyre X XX VII. Chanitre zx 17. (y) Note comrauniquée par M. de la Borde.. DES QUADRUPÈDES OVIPARFS. 203 & dans la nouvelle Efpagne. Ils font affez rares aux Antilles, parce qu'on y en a détruit un grand nombre, à caufe de la bonté de leur chair (7). On trouve auff 1Iguane dans l’ancien continent en Afrique , ainf qu'en Afie (a) ; il eft par-tout confiné dans les climats chauds; fes couleurs varient fuivant le fexe , l’âge & les di- verfes régions qu'il habite ; mais il eff toujours remar- queble par fes habitudes, fa forme & lémail de fes écailles. (x) Nore communiquée par M. de la Borde. (z) Auprès de la Baye des chiens marins, dans la nouvelle Hollande, le Voyageur Dampier trouva des Guanos ou Iguanes, qui , lorfqu’on ) s'approchoit d'eux, s'arrètoient & fiffloient fans prendre la fuite. Voyage de Guillaume Dampier , aux terres Auffroles , Arnflerdam 1705. 204 Hirsrorrre NATURELLE AXE 9 en LE BASELEG (0) Ésreeur set five de ce nom de Bafilic, pour défigner un animal terrible, qu'on a tantôt repréfenté comme un ferpent, tantôt ccmme un petit dragon, & dont le regard perçant donnoït la mort. Rien de plus fabuleux que cet animal, au fujet duquel on a répandu tant de contes ridicules, qu'on a doué de tant de qualités merveilleufes, & dont la réputation fert encore à faire admirer entre les mains des Charlatans, par un peuple ignorant & crédule, une peau de raie - defféchée, contournée d’une manière bizarre, & que lon décore du nom fameux de cet animal chimé- rique (8). (a) Le Bañlic. M. d'Aubenron , Encyclopédie méthodique. Lacerta Bafitfcus 25, Lènn. amphib. rept. Dragon d'Amérique, amphibie qui vole, Baflic. Séba. z,, planche 100, gure 1. Bafilicus Americanus, 75. Laurenti fpecimen medicum. (b) « Le Bañlic, que les Charlatans & les Saltinbanques expofent tous les jours avec tant d'appareil, aux yeux du public, pour fattirer & lui en impofer, n'eft qu'une forte dewpetite raie, qui fe trouve DES QTADRUPÉÈDES OVIPARES., 20 VA Nous ne conferverions pas ce nom de Bafilic, dont on a tant abufé, à l’animal réel dont nous parlons, de peur que l’exiftence d’un lézard, appellé Bafñilic, ne pt faire croire à la vérité de quelques-unes des fables attachées à ce nom, fi elles n'étoient auf abfurdes que rifbles, fi par-là nous n'étions bien rafurés fur la croyance qu'on leur accorde , & d’ailleurs fi ce nom de Bafñlic n’ayoit pas été donné au lézard dont il eff queftion dans cet article, par tous les Naturaliftes qui s'en font occupés. Le lézard bafilic habite l'Amérique méridionale ; aucune efpèce n’eft auff facile à diftinguer, à caufe d'une crête très-exhauflée qui s'étend depuis le fommet de la tête, jufqu'au bout de la queue, & qui eft com- pofée d’écailles en forme de rayons, un peu féparées les unes des autres. Il a d'ailleurs une forte de capu- chon qui couronne fa tête; & c’eft de-là que lui vient fon nom de Bafilic, qui fignifie petit roi. Cet animal parvient à une taille aflez confidérable ; il a fouvent plus de trois pieds de longueur, en comptant celle de la queue. Ses doigts, au nombre de cinq à chaque pied, ne font réunis par aucune membrane. I} vit fur les dans la méditerranée, & qu’on fait deffécher fous la bizarre configu- ce ration qu'on y remarque. » Diéionnaire d'Hifloire naturelle , par M. Valnont de Bomare. #36 Àisroirre NATUREL r arbres, comme prefque tous les lézards, qui ayant les doigts divifés peuvent y grimper avec facilité, & en failir aïfément les branches. Non-feulement il peut y courir aflez vite, maïs rempliffant d'air fon efpèce de capuchon, déployant fa crête, augmentant fon volu- me, & devenant par-là plus léger, il faute & voltige, pour ainfi dire, avec agilité de branche en branche. Son féjour neft cependant pas borné au milieu des bois ; il va à Peau fans peine, & lorfquil veut nager il enfle également fon capuchon, & étend fes mem- bianes. | La crête, qui diftingue le Bañlic, & qui peut lui fer= vir d'une petite arme défenñve, eft encore pour lui un bel ornement. Bien loin de tuer par fon regard, comme l'animal fabuleux dont il porte le nom, il doit être confidéré avec plaifir, lorfqu'animant Ia folitude des immenfes forêts de l'Amérique, il s'élance avec ra: pidité de branche en branche, ou bien lorfque dans | une attitude de repos, & tempérant fa vivacité na- turelle , il témoigne une forte de fatisfaétion à ceux qui le regardent, fe pare, pour aïnfi dire, de fa couronne , agite mollement fa belle crête, la baifle, la relève, & par les différens reflets de fes écailles, renvoie aux yeux de ceux qui l’examinent, de douces ondulations de lumière. DES QuADRUPEDES OVIPARES, (2 ; rc termes DL 4 bn mn momo mn ÉR—— a a "7 à LE. LPORTE-CRE F4 LB & Sr Lo Nous CONSERVONS à ce lézard le nom de Perte crête, qui lui a été donné par M. d’Aubenton. Cet animal Ris en effet une crête qui s'étend depuis la tète juf- qu'à l'extrémité de la queue. Le plus fouvent elle eft compofée fur le dos de foixante-dix petites écailles pla= tes, longues & pointues ; &., à l’origine de la queue, elle "élève & repréfente une nageoire très-longue ,très-large, formée de quatorze ou quinze rayons cartilagineux , & garnie à fon bord fupérieur de petites écailles aïgues, ‘penchées fouvent en arrière. C’eft dans PIfle d’'Amboine & dans FPlfle de Java (b), qu'on trouve le Porte-crête. M. Schlofier eft le premier Naturalifte qui en ait (a) Bin jawacok jangur eckor, par les Malaies , fuivant M. Hornfledt. Le Porte-crète. M. d’Aubenton , Ensyclopédie méthodique. Lacerta Amboïnenfs. Schloffer: de Lacerta -Arnboinenfi , Amfier- dam , 1778 , in-4.° ( L'individu , décrit par M. Schlofier , fut acheté par feû M. le Baron de G£er, & appattenoit, en 1785, à l'Académie de Stockolm ). (2) M. Hornfiedr. Mémoires de l'Académie des Sciences de Stockolnis année 1785; (TIM. 2 , PALE 1307 288 Hrisrorre NATURELLE parlé (c). Ce lézard eft dans l’Afe le repréfentant du Bafilic qui habite le nouveau continent ; il a aufñ de grands rapports avec la Dragonne , & les autres grands lézards à queue comprimée, dont le dos paroît den- telé, en ce que fa tête eft prefque quadrangulaire, aplatie , revêtue de tubercules & de grandes écailles: il a les yeux grands, & les narines élevées ; les ouvertures des oreilles laiflent voir la membrane nue du tympan; le deflous de la tête préfente une forte de poche aplatie & très-plifiée, à laquelle on a donné le nom de collier. La langue eft épaifle, charnue, & légèrement fendue ; les dents font ferrées, pointues, & d'autant plus grandes qu’elles font plus éloignées du devant des mâchoires, où l’on en rencontre huit en haut & fix en bas arrondies, courtes, aigues, tournées obliquement en-dehors, & féparées par un petit in- tervalle , des plus grofles ou des molaires (d). Le Porte-crête en a ainfi de deux fortes, comme la Dragonne à laquelle il reflemble encore par la forme & la difpofition des dents. Les cinq doigts de chaque pied font garnis d'ongles, & préfentent de chaque côté un rebord aigu, dentelé (c) Schloffer , ouvrage déja aité. (4) M. Hornfleät. Mémoires de | Académie des Sciences de Stockolm , année 1785 » (TIM, 2, PALE 130. | conme. DES QuADRUPÈDES OVIPARES. 289 comme une fcie. La queue eft près de trois fois plus longue que le corps. La couleur de la tète & du collier eft verdâtre, avec des lignes blanches ; la crête & le dos font d’un fauve plus ou moins foncé; le ventre eft d'un gris blanchâtre , & chaque côté du corps préfente des taches ou bandes blanches, qui s'étendent jufque fur les pieds ; il paroït que, dans plu- fieurs individus, la couleur générale du Porte-crête eft verdâtre, avec des raies noires, & le ventre blan- châtre (e). Le mâle diffère de la femelle par une crête beaucoup plus élevée, & par des couleurs plus vives. Ce lézard n'eft pas feulement beau; il eft aflez grand, puifqu'il a quelquefois trois ou quatre pieds de long ; fa gueule & fes doigts font bien armés; fon dos & fa queue préfentent une forte de défenfe ; fes pieds con- formés de manière à lui permettre de grimper fur les arbres, laiflent moins de reflources à fa proie pour lui échapper ; fa tète tuberculeufe & garnie de grandes écailles , paroît être à l'abri des bleflures ; d’après tous ces attributs, on croiroit que le Porte-crête eft vorace, carnacier, & dangereux pour plufieurs petits animaux. Mais nous avons encore ici un exemple de la réferve avec laquelle on doit juger de l’enfemble du naturel, (2) M. Hornlledt , à l'endroit déja cité. Ovipares, Tome I, O0 290 Hisrorre NATURELLE d’après les caracières particuliers de la conformation extérieure, tant l’organifation interne , & même un concours de circonftances locales , plus ou moins conf tantes, agiflent quelquefois avec force fur les habi- tudes. Le Porte-crête habite de préférence fur le bord des grands fleuves : mais ce n’eft point en embufcade qu'on ly trouve: il ne fait point la guerre aux ani- maux plus foibles que lui : il fe nourrit tout au plus de quelques petits vers: il pafle tranquillement fa vie fur les rives peu fréquentées ; il dépofe fes œufs fur les bancs de fable & les petites Ifles, comme s'il cher- choit à les y mettre en füreté: il grimpe fur les arbres qui s'élèvent au bord de l’eau, & y cherche en paix les fruits & les graines dont il fait fa principale nour- rituré. Il n’a donc ufé prefque jamais de toute fa force, qui peut-être même n’eft pas très - confidérable : auf s’'alarme-t-il aifément. Il fuit au moindre bruit, fans chercher à fe défendre, comme fi l'habitude de la défenfe tenoit le plus fouvent à celle de l'attaque. Il fe jette dans l’eau lorfqu’il redoute quelqu'ennemi; il nage avec d'autant plus de viteffe que la membrane élevée de fa queue, lui fert à frapper l’eau avec faci lité ; & il fe cache à la hâte fous les roches. Les fruits dont ce lézard fe nourrit, lui donnent un naturel doux & paifñble, & communiquent à fa chair une faveur fupérieure à celle qu’elle auroit, sil choï= ( DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 201 fifloit un aliment moins pur. Malheureufement pour eet innocent lézard, le bon goût de fa chair, qu'on dit être préférable à celle de l’Iguane, eft affez connu des habitans des contrées qu'il habite , pour qu'on le pourfuive jufqu'au milieu des eaux, & fous les roches avancées qui lui fervent de dernier afile. Il s’y laifle même prendre à la main, fans jeter aucun cri, fans faire le moindre mouvement pour fe défendre. Cette efpèce d'abandon de fa vie ne provient peut-être que du naturel tranquille de cet animal frugivore, qui n'a jamais eflayé fes armes, ni fenti tout ce qu'il peut pour fa confervation., On a cependant donné à fa dou- ceur le nom de ftupidité ; mais combien de fois n’a- t-on pas défigné, par un nom de mépris, les qualités païfibles & peu brillantes ! Oo 292 Hisroïrre NATURELLE nes a LE GALÉOTE (0 Cr LÉZARD a, depuis la tête jufqu'au' milieu du dos, une crête produite par des écailles féparées l’une de l’autre, grandes, minces & terminées en pointe, Quelques écailles femblables s'élèvent d’ailleurs vers le derrière de la tête, au-deflous des ouvertures des oreilles. Mais cette crête hériffée ne s'étend pas fur la gorge, & depuis le fommet de la tête jufqu'à l’ex- trémité de la queue, comme dans lÎguane. Toutes les (a) Par les Grecs, Kolotes & Askalabotes. Par les Latins, Ophiomacus. Le Galéote. M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Galiote. Didionnaire d'Hifloire naturelle, par M. Valmont & Bornare. Séba. 1. Tab. 89 , fig. 2, tab. 93 , fig. 2 , tab. 96, fig 3,4, tom.2, tab. 76, fig: s- Iguana calotes , 73. Laurenti fpecimen medicum. Tguana chalcidica, 69. Idem , Ibidem. Lacerta calotes , 27. Linn. amphib. rept, Edwards, av. 74; t. 245. DES QUADRUPÈDES OVIPARES: 203 autres écailles qui revêtent le Galéote, préfentent une arète faillante & aigue, qui le fait paroître couvert d'une multitude de ftries difpofées dans le fens de fa longueur. La tête eft aplatie, très-large parderrière, & affez femblable par-là à celle du caméléon; les yeux font gros ; les ouvertures des oreilles grandes ; la gorge eft un peu renflée, ce qui lui donne un petit trait de ref- femblance avec l’Iguane ; les pattes font affez longues, ainfi que les doigts qui font très-féparés les uns des autres ; le dos des ongles eft noir. La queue eft eflilée, & plus de trois fois aufh longue que le corps. L’'indi- vidu que nous avons décrit, & qui eft confervé au Cabinet du Roi, a trois pouces dix lignes, depuis le bout du mufeau jufqu'à l'anus; la queue a quatorze pouces de longueur. Quelquefois la couleur du dos eft azurée , & celle du ventre blanchâtre. Le Galéote fe trouve dans les contrées chaudes de VAfe , particulièrement dans lIfle de Ceylan, en Arabie, en Efpagne, &c. il court dans les maifons & fur les toits, où il donne la chafle aux araignées: on prétend même qu'il eft aflez fort pour faire fa proie de petits rats, contre les dents defquels il pour- roit être un peu défendu, par fes écailles aiguës, & par la crête qui règne le long de fon dos. Ce qui eft bien certain, c'eft que fes longs doigts, très-divifés, 204 Hisroïre NATvREzzE doivent lui donner beaucoup de facilité pour fe cram- POnteR fur les toits, & y pourfuivre les rats & les araignées. Îl fe bat contre les petits ferpens, ainfi que le lézard vert & plufieurs autres lézards. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 205 a — | PA GhAUM E (e). Ox rrouvE en Amérique un lézard qui a beau- coup de rapports avec le Galéote. Le derrière de la tête & le cou font garnis d’écailles aiguës. Celles qui couvrent le deffus du corps, & fur-tout celles qui revêtent la queue, font relevées en carène & ter- minées par une épine, ce qui donne une forme angu- leufe à la queue , qui d'ailleurs eft menue & longue. Le dos préfente, vers fa partie antérieure, une crête compofée d'écailles droites , plates & aiguës. Le deffous de la gueule eft couvert d’une peau lâche, en forme de petit fanon. Ce qui le diftingue principalement du Galéote, avec lequel il eft aifé de le confondre, c’eft que fes couleurs paroïflent plus pâles, que fon ventre (2) L’Agame. M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta Agama, 28. Linn. amplub. rept. Gronoy. Zooph. 13, N. 54. Sébz. Tome. 1 , planche 107, fig 2,2, 3. Iguana Cordylina 67; & Iguana Salamandrina, 68, Laurenti fpeci- fren medicurn: 206 . Hrsrorre Narurgirx femble moins ftrié, & que les écailles, qui garnifent le derrière de la tête , font comme renverfées, & tournées vers le mufeau. Le mâle ne diffère de la femelle quen ce que fa crête eft compofée d'écailles plus grandes , & fe prolonge davantage fur le dos. D'ailleurs il n’y a point d’épines latérales fur le cou de la femelle ; mais on en voit de très-petites fur les côtés du corps, & celles qui défendent la queue & les parties antérieures du dos, font plus aiguës que fur le mâle. Suivant Séba, ce lézard fe plait au milieu des eaux. Nous préfumons que c’eft à cette efpèce qu'il faut rapporter le lézard, repréfenté dans l’ou- vrage de Sloane , planche 273 , figure 2 (b), ainf que celui que Brown a dit être commun à la Jamaï- que, & dont il fait une cinquième efpèce (c). Nous (Bb) Lacertus major à viridi cinereus , dorfo criffa breyiori donate. Ce lézard fe trouve en très-grand nombre dans les bois de la Jamaïque ; il diffère très-peu du Guana (Iguane) ; maïs il eft plus petit , fa cou- leur eft plus verte, & ila, le long du dos, une crête plus courte. Il pond des œufs moins gros que Îles œufs de pigeon. Sloane, vol. 23 past 333- (c) Lacerta , 5 minor viridis cauda fquamis ereélis criflata. The Guana lizard; and blue lizard of Edwards. Ce lézard eft tres-commun à la Jamaïque ; il paroït en général d’un beau vert ; mais fa couleur change fuivant fa polition, ainfi que celle des animaux de fon genre ; il femble même qu'elle eft plus variable que celle des autres lézards, & qu'elle croyons DES QUADRUPÈDES OPIPARES. 2097 croyons devoir encore regarder, comme un Agame, le lézard bleu d'Edwards (d) ; & ces trois lézards ne nous paroiflent être tout au plus que des variétés de celui dont if eft queftion dans cet article. prend plutôt les différentes nuances qu’elle préfente, fuivant l'endroit où il fe trouve. Son corps eft couvert d'écailles légères; mais celles qui font au-deflus de la queue, font relevées & forment une petite crète qui a quelques rapports avec celle du Guana (Iguane) ; fa longueur excède rarement neufou dix pouces; il eft très-doux. Brown , page 467 (d) « Le lézard bleu eft fort particulier, à caufe de la ftruéture de fes doigts, qui ont de petites membranes qui s'étendent de chaquece côté , non pas de la nature de celles que les oifeaux aquatiques ontce aux pattes; mais plutôt comme certaines fortes de mouches en ont,ce qui agiflent par voie de fuétion : ainf, je conçois que ces membranesce leur fervent à fe tenir & à marcher fur la furface unie des grandesce feuilles des arbres & des plantes: il a une petite élévation fur le dos, ce en forme de fillon qui règne tout du long, jufqu'à la queue , où ellece devient dentelée : tout le deflus du corps eft bleuñtre, varié tranfver-es falement de nuances plus claires & plus fonctes : le deffous en eftce d’une couleur de chair pâle. ss Glanures d’Hifloire naturelle , par Edwards, | page 74, planche 245. Le lézard, décrit par Edwards, ayant été apporté dans de l'efprit-de-vin , de l'Ifle de Nevis, dans les Indes occidentales , il ne feroit pas furprenant que fa couleur eût été altérée , & de verte fût devenue bleue; j'ai vu fouvent la couleur de pluñeurs lézards con= fervés dans de l’efprit-de-vin , changer ainfñi du vert au bleu. KT Ovipares , Tome I. Pp OS Hisrorrre NATUREILE TROISIÈME DIVISION. LEZ: A RDS Dont la queue sffronde , qui ont cng doigts aux pieds de devant, & des bandes écailleufes fous le ventre. Lr LÉZARD GRIS paroit être le plus doux, le plus innocent & lun des plus utiles des lézards. Ce joli petit animal fi commun dans le pays où nous écri- (a) Lagartija & Sargantana, en Efpagne. Langrola, aux environs de Montpellier. Le lézard Gris. M. d’'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Le lézard Gris, le lézard ordinaire ou commun, Lacerta terrefiris. M. Valmont de Bomare , Didionrraire d'Hifloire naturelle. Lacerta agilis, 15. Linn. amphub. repl. Georces Echpards. Glanures d'Hifloire naturelle, Londres , 1 764: Seconde partie, Chapitre Xy , planche 225. The little Brown lizard. DES QUADRUPÉDES ONF TN PIARIES. 2/09 xons, & avec lequel tant de perfonnes ont joué dans Jeur enfance, na pas reçu de la nature un vêtement aufh éclatant que plufieurs autres Quadrupèdes ovi- pares ; mais elle lui a donné une parure élégante ; fa petite tailie eft fvelte; fon mouvement agile ; fa courte fi prompte qu'il échappe à l'œil auf rapidement que l'oifeau qui vole. Il aime à recevoir la chaleur du foleil ; ayant befoin d'une température douce, il cher- che les abris; & lorfque, dans un beau jour de prin- tems , une lumière pure éclaire vivement un gazon en pente, ou une muraille qui augmente la chaleur en la réfléchiffant, on le voit s'étendre fur ce mur, ou fur l'herbe nouvelle avec une efpèce de volupté. Il fe pénè- tre avec délices de cette chaleur bienfaifante ; il mar- que fon plaïfir par de molles ondulations de fa queue déliée ; il fait briller fes yeux vifs & animés ; il fe pré- cipite comme un trait pour faifir une petite proie ; ou pour trouver un abriplus commode. Bien loin de s'enfuir à l'approche de l’homme, il paroît le regarder avec com- plaifance : mais au moindre bruit qui l’eflraie, à la chûte feule d'une feuille , il fe roule, tombe & demeure Siba, 2. Table 79, figure . Lacerta agilis. Ichthyologia cum amphibiis regni Boruffiai. , & Jo. Chr. Wulff. Seps argus 105, Seps muralis 1°6, Seps terreftris 107, Seps cæru- lefcens 109. Laurerti fpecimen medicum. Pp ji] 300 Hisrorre NATURELLE pendant quelques inflans comme étourdi par fa chûte > ou bien, il sélance, difparoït , fe trouble, revient , fe cache de nouveau, reparoît encore, décrit en un inftant plufieurs circuits tortueux que l'œil a de læ peine à fuivre, fe replie plufeurs fois fur lui-même, & fe retire enfin dans quelque afile jufqua ce que fa crainte foit difipée (4). Sa tête eft triangulaire & aplatie ; le deflus eft couvert de grandes écailles, dont deux font fituées au- deflus des yeux, de manière à repréfenter quelquefois des paupières fermées. Son petit mufeau arrondi pré- fente un contour gracieux; les ouvertures des oreilles font affez grandes; les deux mâchoires égales & garnies de larges écailles; les dents fines, un peu crochues, & tournées vers le gofier. Il a à chaque pied cinq doigts déliés, & garis d'ongles recourbés , qui lui fervent à grimper aïfément fur les arbres & à courir avec agilité le long des murs; & ce qui ajoute à la vitefle avec laquelle il sélance , même en montant, ceft que les pattes de derrière, ainfi que dans tous les lézards, font un peu plus lon gues que celles de devant. Le long de l’intérieur des: cuiffes, règne un petit cordon de tubercules , fembla- (8) C'eft principalement dans les pays chauds que le lézard Gris ef tres-agile, & qu'il exécute les divers mouyemens que nous venons de: décrire. DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 3OÏ bles, par leur forme, à ceux que nous avons remar- qués fur l’Iguane : le nombre de ces petites éminences varie, & on en compte quelquefois plus de vingt. Tout eft délicat & doux à la vue, dans ce petit lézard. La couleur grife que préfente le deflus de fon corps, eft variée par un grand nombre de taches blan- châtres, eft par trois bandes prefque noires, qui par- courent la longueur du dos; celle du milieu eft plus étroite que les deux autres. Son ventre eft peint de vert, changeant en bleu ; il n’eft aucune de fes écailles dont le reflet ne foit agréable ; & pour ajouter à cette fimple , mais riante parure, le deffous du cou eft garni d’un collier compofé d’écailles, ordi- nairement au nombre de fept, un peu plus grandes que les voifines, & qui réuniflent l'éclat & la cou- leur de l'or. Au refte, dans ce lézard comme dans tous les autres , les teintes & la diftribution des cou- leurs font fujettes à varier fuivant Pâge, le fexe & le pays : mais le fond de ces couleurs refte ä-peu-près le même (c). Le ventre eft couvert d'écailles beaucoup plus grandes que celles qui font au-defflus du corps; elles y forment des bandes tranfverfales, ainfi que dans tous les lézards que nous avons compris dans la troi- fième divifion. (c) Nous avons décrit le lézard Gris, d’après des individus vivans: 202 Histoire NATUREIZE 11 à ordinairement cinq ou fix pouces de long, & un demi-pouce de large : & quelle différence entre ce petit animal & l’énorme crocodile ! Aufli ce pro- digieux Quadrupède ovipare n’eft-il prefque jamais apperçu qu'avec eflroi; tandis qu'on voit avec intérêt le petit lézard Gris jouer innocemment parmi les fleurs avec ceux de fon efpèce, & par la rapidité de fes agréables évolutions, mériter le nom d’agile que Linné lui a donné. On ne craint point ce lézard doux & paifble ; on l’obferve de près; il échappe communé- ment avec rapidité, lorfqu'on veut le faifir ; mais lorf- qu'on la pris, on lé manie fans qu'il cherche à mor- dre ; les enfans en font un jouet; & par une fuite de la grande douceur de fon caractère , il devient familier avec eux. On diroit qu'il cherche à leur rendre carefle pour carefle ; il approche innocemment fa bouche de leur. bouche; il fuce leur falive avec avidité ; les Anciens l’ont appellé Pami de l’homme, il auroit fallu läppeller l’ami de l'enfance : mais cette enfance fou- vent ingrate ou du moins trop inconftante , ne rend pas toujours le bien pour le: bien à ce foible animal; elle le mutile ; elle lui fait perdre une partie de fa queue très-fragile, & dont les tendres vertèbres peu- vent aifément fe féparer (d). (d) ce M. Marchand a remarqué, dans les Mémoires de l'Académie s»royale des Sciences, année 1718, que ces animaux avoient quelquefois DES QuUAPRUPÉDES OVIPARES. 303 Cette queue qui va toujours en diminuant de grof- feur, & qui fe termine en pointe, eft à-peu-prés deux fois aufli longue que le corps: elle eft tachetée de blanc & d'un noir peu foncé, & les petites écailles qui la couvrent forment des anneaux affez fenfibles, fouvent au nombre de quatre-vingt. Lorfqu’ elle a été brifée par quelqu’accident, elle répoufle quelquefois ; & fuivant qu'elle a été divifée en plus ou moins de paties , elle eft remplacée par deux & même quel- deux queues, & c'eft ce que Pline & plufeurs autres avoient déjà « oblervé avant lui. On en trouve quelquefois de tels en Portugal; c meis comme rien n'eft plus commun, dans ce pays-là , que de voirce les enfans les tourmenter de toutes fortes de facons, peut-être arrive-cs til que leur ayant fendu la queue fuivant fa longneur, chacune des« portions s'arrondit, & devient une queue complète; car il eft très-ce ordinaire que f toute leur queue , ou feulement une partie, fe:perdce par quelqu’accident, elle recroifle d'elle-même ; j'en ai vu. une in&nitése d'exemples; & c'eft-là une perte à laquelle ils font expofés tous lescs jours, lors même qu'ils ne font que jouer entreux; car les petitesse vertèbres offeufes, qui forment leur queue , font très-fragiles, & fece féparent ailément les unes des autres : auffi voit-on très-fouvent descs queues de toutes fortes de longueurs à des lézards, qui font d’ailleurs ss de même taille. Au refte, M. Marchand nous apprend qu'ayant voulu cs être témoin de cette production , l'expérience ne lui a pas réuffi, fansce qu'il ait pu découvrir à quoi il en tenoit, Suivant lui, cette nouvellecs queue eft une efpèce de tendon, & n'eft point formée par des ver-ce . tébres cartilagineufes, comme la vieille. » Nouvelles obferyations microf- copiques , par M. Needham, page 147. 304 Hisrorre NATuREzrE quefois par trois queues plus ou moins parfaites, dont une feule renferme des verteébres ; les autres ne con- tiennent qu'un tendon (e). Le tabac en poudre eft prefque toujours mortel pour le lézard Gris: fi l'on en met dans fa bouche, il tombe en convulfion & le plus fouvent il meurt bientôt après, Utile autant qu'agréable, il fe nourrit de mouches, de grillons, de fauterelles, de vers de de terre, de prefque tous les infectes qui détruifent nos fruits & nos grains; aufh feroit-il très-avantageux que l’efpèce en fût plus muitipliée ; à mefure que le nombre des lézards Gris saccroitroit , nous verrions diminuer les ennemis de nos jardins ; ce feroit alors qu'on auroit raifon de les regarder, ainfi que certains Indiens les confidèrent , comme des animaux d’heu- reux augure, & comme des fignes affurés d'une bonne fortune. Pour faifir les infectes dont ils fe nourriffent , les lézards Gris dardent avec vitefle une langue rougéà- tre , affez large, fourchue, & garnie de petites afpé- rités à peine fenfbles, mais qui fuflifent pour les aider à retenir leur proie ailée (f). Comme les autres (e) Continuation de la matière médicale de Geoffroi, tome 12, pages 78 © füiv. Mémoire de M. Marchand , dans ceux de l'Académie des Sitences , année 1718. (f) Necdham, ob/éryations micro/copiques, Quadrupèdes DES QUADRUPÈDES OVMIPARES, 305 Quadrupèdes ovipares, ils peuvent vivre beaucoup de tems fans manger, & on en a gardé, pendant fix mois, dans une bouteille, fans leur donner aucune nourriture, mais aufli fans leur voir rendre aucun excrément (g). Plus il fait chaud, & plus les mouvemens du lézard Gris font rapides : à peine les premiers beaux jours du printems viennent-ils réchauffer l’atmofphère , que le lézard Gris fortant de la torpeur profonde que le grand froid lui fait éprouver, & renaïffant, pour ainfi dire, à la vie avec les zéphirs & les fleurs , reprend fon agilité & recommence fes efpèces de joutes, aux- quelles il allie des jeux amoureux. Dès la fin d'Avril, il cherche fa femelle : ils s'unifflent enfembie par des embraffemens fi étroits qu'on a peine à les diftinguer l’un de l’autre ; & s’il faut juger de l'amour par la vivacité de fon expreflion , le lézard Gris doit être un des plus ardens des Quadrupèdes ovipares. La femeile ne couve pas fes œufs qui font pref- que ronds, & n'ont pas quelquefois plus de cinq lignes de diamètre. Mais comme ils font pondus dans le tems où la température commence à être très-douce, ils éclofent par la feule chaleur de l’atmofphère , avec d'autant plus de facilité, que la femelle a le foin de (g) Séba, vol. 2 , page 84. Ovipares , Tome I. Q q 3206 Hisrorre Naruretrrre les dépofer dans les abris les plus chauds, & , par exemple , au pied d'une muraille tournée vers lé midi. Avant de fe livrer à lamour, & de chercher fa femelle , le lézard Gris fe dépouille comme les autres lézards; ce n'eft que revêtu d'une parure plus agréable, & d'une force nouvelle, qu'il va fatisfaire les defirs que lui infpire le printems. Il fe dépouille aufi lorf- que l'hiver arrive; il pañle triftement cette faifon du froid, dans des trous d'arbres ou de muraille, ou dans quelques creux fous terre : il y éprouve un engourdif— fement plus ou moins grand , fuivant le climat qu'il habite & la rigueur de la faiïfon ; & il ne quitte com- munément cette retraite que lorfque le printems ramène la chaleur. Cet animal ne conferve cependant pas toujours la douceur de fes habitudes. M. Edwards rapporte, dans fon Hiftoire naturelle, qu'il furprit um jour un lézard Gris attaquant un petit oifeau qui ré- chaufloit dans fon nid des petits nouvellement éclos C’étoit contre un mur que le nid étoit placé. L’ap- proche de M. Edwards fit ceffer Pefpèce de combat que l’oifeau foutenoit pour défendre fa jeune famille ; Poifeau s’envola ; le lézard fe laiffa tomber; il auroit peut-être, dit M. Edwards, dévoré les petits, s’il avoit pu les tireï de leur nid (4). Mais ne nous preflons —— (2) Glanures d'Hiff. nat., par George Edwards , Chap. XVe DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 307 pas d'attribuer une méchanceté qui peut n'être qu’un défaut individuel , & ne dépendre que de circonftances pañlagères , à une efpèce foible que l'on a reconnue pour innocente & douce. On a fait ufage des lézards Gris en Médecine ; on les à employés aux environs de Madrid, dans des ma- Jadies graves (4) : la Société royale a reçu des individus de l’efpèce dont fe fervent les Médecins Efpagnols; ils ont été examinés par MM. d’Aubenton & Mauduit (k), & un de ces lézards a été dépofé au Cabinet du Roi: il ne diffère, du lézard Gris de nos Provinces, que par des nuances de couleur très-légères , & qui font la faite prefque néceflaire de la diverfité des climats de la France & de l’Efpagne. Il paroît qu'on doit regarder comme une variété du lézard Gris, un petit lézard très-agile, & qui lui reflemble par la conformation générale du corps, par celle de la queue, par des écailles difpofées fous la gorge en forme de collier, & par des tubercules pla- cés fur la face intérieure des cuifles M. Pallas la (i) Ona vanté les proprittés des lézards Gris, principalement con- tre les maladies de Ja peau, les cancers, les maux qui demandent que le fang foit épuré, &c. Voyez, à ce fujet, les avis & infructions publiés gar la Soci£té royale de Médecine de Paris. (Æ) Hifloire de la Société royale de Médecine , pour les années 2780 & 17812, Qqi 208 Hisrorre NATUREIrE appellé lézard véloce dans le fupplément latin du Voyage qu'il a publié en langue Ruffe. Ce petit lézard eft d'une couleur cendrée , rayée longitudinalement , femée de points roux fur le dos, & bleuâtres fur les côtés, où l’on voit aufli des taches noires. On le ren- contre parmi les pierres, auprès du lac d'Ind’erskoi, & dans les lieux les plus déferts & les plus chauds; il s’élance, fuivant M. Pallas, avec la rapidité d’une flèche. DES QuUADRUPÉÈDES OVIPARES. 309 LE LÉZARD VERT (:) La Narure , en formant le lézard Vert, paroit avoir fuivi les mêmes proportions que pour le lézard Gris; mais elle a travaillé d'après un module plus L (a) Zavpos XeopG-, en grec. Krauthun, aux environs de Wienne en Autriche. Lagarto & Fardacho, en E/pagne. Lazer , aux environs de Montpellier. Lézard Vert. M. d’Aubenton, Encyclopédie mérhodique. Ray, Synopfis animalium Quadrupedum , page 264. Lacertus viridis. The green lézard. Aldroy. Quadr, 634. Lacertus viridis. Lacerta agilis (varietas B.) Linn. fyfflema naturæ amphib. reptil. (Lin- néus ne regarde le lézard Vert que comme une variété du lézard Gris; mais, indépendamment d'autres raïfons, la grande diflérence qui fe trouve entre les dimenfions de ces deux lézards, & les obfervations que nous avons faites pluleurs fois fur ces animaux vivans, ne nous permettent pas de les rapporter à la même efpèce ). Lacertus viridis. Gefner, de Quadrup. ovip., page 35. Séba, tome 2, planche 4, fig 46 5. Lacerta viridis, Lacerta viridis punétis albis. Zchthyologia cum amphi- bis regni Boruffici , à Joh. Chrifl. Wulff. Seps varius 110, 9eps viridis 111. Laujenti fpecimen medicum. L confidérable, Elle n'a fait, pour ainfi dire, qu'agrandir le lézard Gris; & le revêtir d’une parure plus belle C’eit dans les premiers jours du printems, que le 310 HrsToirrEe NATURELLE lézard Vert brille de tout fon éclat, lorfqu'ayant quitté fa vieille peau, il expofe au foleil fon corps émaillé des plus vives couleurs. Les rayons qui rejailliffent de deffus fes écailles, les dorent par reflets ondoyans ; elles étincellent du feu de l’'éméraude ; & fi elles ne font pas diaphanes comme les criftaux, la réflexion d'un beau ciel qui fe peint fur ces lames luifantes & polies, compenfe l'effet de la tranfparence par un nouveau jeu de lumière. L'œil ne cefle d’être réjoui par le vert qu'offre le lézard dont nous écrivons l’Hiftoire. Il fe remplit, pour ainfi dire, de fon éclat, fans jamais en être ébloui : autant la couleur de cet animal attire la vue par la beauté de fes reflets, autant elle l’attache par leur douceur. On diroit qu’elle fe répand fur lair qui l’environne, & qu’en s’y dégradant par des nuances infenfbles, elle fe fond de manière à ne jamais blef- fer, & à toujours enchanter par une variété agréable ; féduifant également , foit qu'elle refplendifle avec molleffe au milieu de grands flots de lumière, ou que ne renvoyant qu'une foible clarté, elle préfente des teintes aufli fuaves que délicates, Le deffus du corps de ce lézard eft d’un vert plus ou moins mêlé de jaune, de gris, de brun & même quelquefois de rouge ; le deffous eft toujours plus DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 311 blanchâtre. Les teintes de ce Quadrupède ovipare font fujettes à varier; elles pâliflent dans certains tems de l'année, & fur-tout après la mort de lPanimal; mais c'eft principalement dans les climats chauds qu'il fe montre avec l'éclat de l'or & des pierreries; c’eft-là qu'une lumière plus vive anime fes couleurs & les multiplie. C’eft aufhi dans ces pays moins éloignés de la zone torride, qu'il eft plus grand, & qu’il parvient quelquefois jufqu'à la longueur de trente pouces (2). L'individu , que nous avons décrit & qui a été envoyé de Provence au Cabinet du Roi, a vingt pouces de longueur, en y comprenant celle de la queue qui eft prefque égale à celle du corps & de la tête; le dia= mètre du corps eft de deux pouces dans l’endroit le plus gros. Le defflus de la tête, comme dans le lézard Gris, eft couvert de grandes écailles arrangées fymé- triquement & placées à côté l’une de Flautre. Les bords des mâchoires font garnis d’un double rang de grandes écailles. Les ouvertures des oreilles font ovales; leur grand diamètre eft de quatre lignes, & elles laif- fent appercevoir la membrane du tympan. L’efpèce de collier qu'a le lézard Vert , ainfi que le lézard Gris, eft formé dans l'individu envoyé de Provence au (b) Note communiquée par M. de la Tour d'Aygue, Préfident à Mortier au Parlement de Provence , & dont les lumières jont auffé \ 22 . connues que fon èle pour l'avancement des Sciences, s* £te Hisrorre NATURELLE Cabinet du Roi, par onze grandes écailles. Celles qui couvrent le dos font les plus petites de toutes ; elles. font hexagones, mais les angles en étant peu fenfibles, elles paroïiflent prefque rondes ; les écailles qui font {ur le ventre font grandes , hexagones , beaucoup plus alongées , & forment trente demi-anneaux ou ns tranfverfales. Treize tubercules s'étendent le long de la face intérieure de chaque cuiffe ; ils font creux, & nous avons vu à leur extrémité un mamelon très-apparent , & qui s'élève au-deflus des bords de la petite cavité. du tubercule dont il paroït fortir (c). La fente us forme l'anus, occupe une très-grande partie de la. largeur du corps. La queue diminue de grofleur depuis. l’origine jufqu'à la pointe ; elle eft couverte d’écailles plus longues que larges, plus grandes que celles du dos , & qui forment ordinairement plus de quatre- vingt-dix anneaux. La beauté du lézard Vert fixe les regards de tous. ceux qui l’appercoivent ; mais il femble rendre atten- | tion pour attention; il s’arrête lorfqu'il voit l’homme; on diroit qu'il l’obferve avec complaïifance, & qu'au milieu des forêts qu'il habite , il a une forte de plaifin à faire briller à fes yeux, fes couleurs dorées, comme ) Voyez, a ce pre les ouvrages de M. Duyernay. dans DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 313 dans nos jardins le paon étale avec orgueil l’émail de fes belles plumes. Les lézards’ Verts jouent avec les enfans, ainfi que les Gris; lorfqu'ils font pris & qu'on les excite les uns contre les autres, ils s'at- taquent & fe mordent quelquefois avec acharne- ment (d). Plus fort que le lézard Gris, le Vert fe bat contre les ferpens; il eft rarement vainqueur ; l'agitation qu’il éprouve & le bruit qu'il fait lorfqu'il en voit appro- cher , ne viennent que de fa crainte; mais on s’eft plu à tout ennoblir dans cet être diftingué par la beauté -de fes couleurs ; on a regardé fes mouvemens comme une marque d'attention & d’attachement ; & l’on a dit qu'il avertifloit l'homme de la préfence des ferpens qui pouvoient lui nuire. Il recherche les vers & les infettes ; il fe jette avec une forte d’avidité fur la falive qu'on vient de cracher, & Gefner a vu un lézard Vert boire de l'urine des enfans. Il fe nourrit auffi d'œufs de petits oifeaux, qu'il va chercher au haut des arbres où il grimpe avec aflez de vitefe. * Quoique plus bas fur fes pattes que le lézard Gris, il court cependant avec agilité, & part avec affez de promptitude pour donner un premier mouvement de furprife & d'effroi, lorfqu'il s'élance au milieu des (d) Gefner, Quadrup. oyipar., page 36. Ovipares, Tome I. Rr 314 Hisrorre NATUR=ILE brouffailles ou des feuilles sèches. 11 faute très-haut 3 & comme il eft plus fort, il eft aufli plus hardi que le lézard Gris ; il fe défend contre les chiens qui l’atta= quent. L’habitude de faifir par l'endroit le plus fenfi- ble, & par conféquent par les narines, les diverfes efpèces de ferpens avec lefquelles il eft fouvent en! guerre, fait qu'il fe jette au mufeau des chiens; & ‘il les y mord avec tant d’obftination, qu'il fe laiffle empoïter & même tuer plutôt que de deflerrer les: dents; mais il paroït qu'il ne faut point le regarder: comme venimeux, au moins dans les pays tempérés,, & qu'on lui a attribué faufflement des morfures mor= telles ou dangereufes (e). | (e) « Un lézard Veït (le lézard dont parle ici M. Laurenti, & qu'il a diftingué par le nom latin de Seps yarius, n'eft qu'une variété du lézard Vert) » faifñit un petit oifeau auprès de la gorge , &.non-feu- lement l'y blefa, mais même faillit à l'etoufler ; l’oifeau guérit de lui # même, & le lendemain chanta comme à l'ordinaire. >> Le même animal mordit un pigeon avec beaucoup: de colère; le: s»fang coula de chacune des petites bleflures que firent les dents du » lézard; cependant le pigeon n'en mourut pas, quoiqu'il parût foufsir: » pendant quelques heures. » Le lendemain, il mordit le même pigeon à la cuifle, emporta. la: » peau, & fit une bleflure affez grande ; la plaie fut guérie & la: REA nrevenue au bout de peu de jours. » J'enlevai la peau de la cuifle d’un chien & d’un chat, je les ffs: mmordre par le même lézard à l'endroit découvert; l'animal fit pénétrezæ DES QUADRUPÉDES OVIPARES 315 Ses habitudes font d’ailleurs afflez femblables à celles du lézard Gris; & fes œufs font ordinairement plus gros que ceux de ce dernier. Les Africains fe nourriflent de la chair des lézards Verts (f) ; mais ce n'eft pas feulement dans les pays chauds des deux Continens qu'on trouve ces lézards; ils habitent aufli les contrées très-tempérées, & même un peu feptentrionales, quoiqu'ils y foient moins nom- breux & moins grands (g). Ils ne font point étrangers aux parties méridionales de la Suède (4), non plus qu'au Kamfchatka , où malgré leur beauté, un pré- fon écume dans la bleflure ; le chien & le chat s’efforçoient de s’échap-cs per, & donnoient des fignes de douleur; mais ils ne préfentèrent ce d’ailleurs aucune marque d’incommodité, & leurs plaies ayant étéce coufues, furent bientôt guéries. ce Un lézard Vert ordinaire mordit un pigeon à la cuiffe droite, avecce tant de force qu'il emporta la peau ; il faïfit enfuite avec acharnementcc Les mufcles mis à nud & ne les lächa qu'avec peine. La peau fut cou- cc fue, & le pigeon guérit aifément après avoir boîté pendant un jour.cs Ce lézard Vert mordit un jeune chien au bas-ventre ; le fang nece coula pas, & lon ne remarqua pas d'ouverture à la peau; mais le chience poufla d'horribles cris, & n’éprouva aucune incommodité. 5 Extraië des expériences faites , en Autriche, au mois d'Août, par M. Laurentis Jpecimen medicum. Vienne, 1768. (f) Gefner, de Quadrup. ovip. , page 37: (g) Ray, à l'endroit déja cité, (2) M. Linné, Rr ij 316 Hisrorre NATUREILE jugé fuperftitieux fait qu'ils infpirent l’effroi. Les Kamfchadales les regardent comme des envoyés des puiflances infernales ; auf s'empreffent-ils, lorfqu'ils en! rencontrent, de les couper par morceaux (i) ; & sil les laiflent échapper, ils redoutent fi fort le pouvoir des divinités dont ils les regardent comme les repré- fentans, qu'à chaque inftant ils croient qu'ils vont mourir, & meurent même quelquefois, difent quel- ques Voyageurs, à force de le craindre. On trouve , aux environs de Paris, une variété du lézard Vert, diftinguée par une bande qui règne depuis le fommet de la tête jufqu’à l'extrémité de la queue, & qui sétend un peu au-deflus des pattes, fur-tout de celles de derrière. Cette bande eft d’un gris fauve, tachetée d’un brun foncé, parfemée de points jaunà- tres, & bordée d’une petite ligne blanchâtre. Nous avons examiné deux individus vivans de cette variété ; ils paroifloient jeunes, & cependant ils étoient déjà de la taille des lézards Gris qui ont atteint prefque tout leur développement. En Italie on a donné, au lézard Vert, le nom de flellion, que l’on a aufli attribué à la falamandre terreftre, ainfi qu'à d’autres lézards. C’eft à caufe des taches de couleurs plus ou moins vives, dont eft par- (Z) Troifième Voyage du Capitaine Cook ; traduit de l'Anglois. Paris, 1782, page 47e DT mms pes QuADdRurèDrs OPIBAREE au femé le deffus du corps de ces animaux, & qui les font paroître comme étoilés, qu'on leur a tranfporté un nom que nous réfervons uniquement avec M. Linné & le plus grand nombre des Naturaliftes, à un lézard d'Afrique, très-différent du lézard Vert, & qui a tou- jours été appellé f#llion (k). Nous plaçons ici la notice d’un lézard (1) que l’on rencontre en Amérique, & qui a quelques rapports avec le lézard Vert. Catefby en a parlé fous le nom de lézard Vert de la Caroline; Rochefort & après lui, Ray l'ont défigné par celui de gobe-mouche. Ce joli petit animal n’a guère que cinq pouces de long (m1); quelques individus même de cette efpèce , & les femelles fur-tout, n’ont que la longueur & la grof- (Æ) On trouve, dans la defcription du mufœum de Kircker, une notice & une figure relatives à un lézard pris dans un bois des Alpes, & appellé fellion d'Italie , qui nous paroît être une variété du lézard Vert. Rerum naturalium Hifloria , exiftentium in mufæo Kirkeriano , Rome, 1773, page 40. Stellion d'Italie, (1) Ouila ouna, par les Caraïbes. Rochefort, Hifloire des Antilles. Gébe-moache. Ray , Synopfis Quadrupedum , page 269. Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline, vol. 2 , page 65. Lacertus viridis Carolinenfis. Voyez , dans le Diétionnaire de M. de Bomare, l'article du lézard gobe-mouche. (rm) Carefby , à l'endroit déja cité, Cr $i0 sarsrorne NATDRELTE feur du doigt; mais s’il eft inférieur, par fa taille, 4 notre lézard Vert, il ne lui cède pas en beauté. Ea plupart de ces gobes-mouches font d’un vert très-vif; il y en a qui paroiffent éclatans d'or & d'argent: d'autres font d’un vert doré, ou peints de diverfes couleurs aufñ brillantes qu'agréables. Ils deviennent très- utiles en délivrant les habitations des mouches, des ravets & des autres infectes nuifibles. Rien n’approche de linduf- trie, de la dextérité , de l’agilité avec lefquelles ils les cherchent, les pourfuivent & les faififlent. Aucun animal n'eft plus patient que ces charmans petits lézards : ils demeurent quelquefois immobiles pendant une demi- journée , en attendant leur proie ; dès qu'ils la voient, ils s’élancent comme un trait, du haut des arbres, où il fe plaifent à grimper. Les œufs qu'ils pondent font de la groffeur d’un pois; ils les couvrent d’un peu de terre, & la chaleur du foleil les fait éclore. Ils font fi familiers , qu'ils entrent hardiment dans les appar- temens ; ils courent même par-tout fi librement , & font fi peu craintifs, qu'ils montent fur les tables pen- dant les repas; & s'ils apperçoivent quelque infecte, ils fautent fur lui, & pañent pour l’atteindre jufque fur les habits des convives; mais ils font fi propres & fi jolis, qu'on les voit fans peine traverfer les plats & toucher les mets (7). Rien ne manque donc au lézard NN RTE MRNL TAN AU (2) Ray, à l'endroit déj cité, DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 319 gobe-mouche pour plaire ; parure , beauté, agilité, utilité, patience , induftrie, il a tout reçu pour char- - mer l'œil & intérefler en fa faveur. Mais il eft aufh délicat que richement coloré ; il ne fe montre que pen- dant l'été aux latitudes un peu élevées, & il y pañle la faifon de l'hiver dans des crevañles & des trous -d'arbres où il s’encourdit (o). Les jours chauds & fereins 8 } qui brillent quelquefois pendant l’hiver , le raniment au point de le faire fortir de fa retraite ; mais le froid revenant tout d'un coup , le rend fi foible qu'il n'a pas la force de rentrer dans fon afile, & qu'il fuccombe à la rigueur de la faifon. Quelque agile qu'il foit, il n'échappe, qu'avec beaucoup de peine, à la pour- fuite des chats & des oïifeaux de proie. Sa peau ne peut cacher entièrement les altérations intérieures qu’il fubit ; fa couleur change comme celle du caméléon, fuivant l’état où il fe trouve, où; pour mieux dire, fuivant la température qu'il éprouve. Dans un jour chaud , il eft d’un vert brillant; & fi, le lendemain ,il fait froid, il paroît d'une couleur brune. Auf, lorf- qu'il eft mort, l'éclat & la fraîcheur de fes couleurs difparoïffent, & fa peau devient pâle & livide (p). Les couleurs fe terniffent & changent aïnfi dans . (o) Catefby, à l'endroit déja cité. tp) Idem, Ibid. 420 Hirsrorrre NATUREIIE plufieurs autres efpèces de lézards; c’eft ce qui pro- duit cette grande diverfité dans les defcriptions des Auteurs qui fe font trop attachés aux couleurs des Quadrupèdes ovipares, & c’eft ce qui a répandu une grande confufion dans la nomenclature de ces ani- maux. Il y a quelque reflemblance entre les habitudes du gobe-mouche & celles d'un autre petit lézard du nouveau monde, auquel on a donné le nom d'Anolis, qu'on a appliqué auffñi à beaucoup d’autres lézards. Nous rapportons ce dernier au goîtreux qui vit dans les mêmes contrées. (g). Comme nous n'avons pas vu le gobe-mouche, nous ne favons fi l’on ne devroit pas le regarder de même, comme de la même efpèce que le goîtreux, au lieu de le confidérer comme une variété du lézard Vert. M. François Cetti, dans fon Hiftoire des amphi- bies & des poiflons de la Sardaigne, parle d’un lézard Vert très-commun dans cette Ifle, & qu'on y nomme, en certains endroits , tiliguerta & califcertula: il ne reflemble entièrement ni au lézard Vert de cet article, ni à l’améiva , dont nous allons traiter (r). M. Cetti (g) Voyez l'article du Goftreux. (r) & Les habitans de la Sardaigne donnent, à un même lézard, le | #nom de tiliguerta & celui de califcertula.... Il paroïit étre une | »efpèce de lézard vert, car il eft comme ce dernier lézard , d’un vert wéclatant, mais relevé par des taches noires, & par des raies de la préfume DES QUADRUPÈDES OVFIPARES. 321 préfume que ce tiliguerta eft une efpèce nouvelle, intermédiaire entre ces deux lézards ; il nous paroît mème couleur, qui s'étendent le long du dos... La” face intérieurece des cuifles préfente une rangée de tubercules, ainfi que dans le Iézardce Vert ; il a cing doigts & cinq ongles à chaque pied. Une différencece remarquable le diftingue cependant d'avec le Kzard Vert décrit par ce les Auteurs; ils attribuent, à ce dernier lézard, une queue de Ja lon-ce gueur du corps, mais le tiliguerta a la queue bien plus étendue; elle ce eft deux fois aufli longue que le corps de l'animal; & c'eft ce que 66 j'ai trouvé dans tous les lézards de cette efpèce que j'ai mefurés. A lac vérité, les lézards Verts ont, pour ainfi dire, une grande vertu prete duétrice dans leur queue ; s'ils la perdent, elle fe renouvelle, & fice elle eft partagée par quelqu’accident, chaque portion devient bientôtce une queue entière. Îl fe pourroit donc que l'excès de la queue duce tiliguerta fur celle du lézard Vert ordinaire, ne fût pas une marquece d'une diverfité d’efpèce , & dût ètre feulement attribué à l'influence ce du climat de la Sardaigne. Mais, d'un autre côté, comment regarderce la longueur de la queue du tiliguerta comme un attribut accidentel ,ce puifque les Naturaliftes font entrer dans les cara@tères fpécifiques des ce différens lézards , la diverfe longueur de la queue relativement àc celle du corps? Ceux qui ont décrit, par exemple, le lzard Vertce d'Europe, l'ont caractérilé , ainfi que nous l'avons vu , en difant quece fa queue eft auffi longue que le corps; & ceux qui décrivent un lézard cc d'Amérique, nommé Æméiya par M. Linné, le caraétérifent par lac longueur de fa queue, trois fois plus confidérable que celle du corpsce du lézard... Le tiliguerta n’eft donc pas un lézard Vert, quoiqu'ilce lui reflemble beaucoup ; & ceux qui voudront le décrire , devrontce le défigner par la phrafe fuivante , lézard à queue menue deux foiscs plus longue que le corps. L'améiva a été défigné par les mêmes expref- ce Ovipares, Tome I. Sf 222 Histoire NATURELLE cependant, d'après ce qu’en dit cet habile Naturalifte, qu'on pourroit le regarder comme une variété du lézard 2 fions dans les aménités Académiques .…...V’on pourroit donc foupcon- ner que le tiliguerta de Sardaigne eft de la même efpèce que l'Ameéiva 21du nouveau monde : il ne feroit pas furprenant en effet de rencontrer, en Europe, un animal qu'on a cru particulier au continent de l’'Amé- rique... Mais, outre que l'on peut foupçonner d’après la defcription de Gronovius, lexaétitude de celle que l'on trouve dans les arnénités 1» Acad£imiques , on ne doit pas croire le tiliguerta de la même efpèce »2 que l’amtiva, fi l'on confidère le nombre des bandes écailleufes qui > garniffent le ventre de ce dernier lézard , ainf que celui du tiliguerta. Le, s2nombre de ces bandes n’eft pas en eftet le même dans ces deux animaux." #Le tiliguerta reflemble donc beaucoup à l'améiva, ainf qu'au lézard » Vert, quoiqu'il ne foit ni Fun ni l'autre: c'eft une efpèce particulière » dont il convient d'augmenter la lifte des lézards, & quil faut placer #parmi ceux que M. Linné a défignés par le caraétère d'avoir la queue » verticillée (cauda verticillata). » Le tiliguerta eft aufli innocent que le lézard Vert; il habite parmi >2les gazons, ainfi que fur les murailles que l'on trouve dans la cam- >) pagne... .Il eft très-commun en Sardaigne; & il y eft même en beaucoup plus grand nombre que le lézard Vert en Italie. »» Extrait de l'Hifloire naturelle des amphibies & des poiffons de la Sardaigne, par M. François Certi. Safari, 1777, page 24: Il eft important d'oblerver que la longueur de la queue des lézards’, fa forme étage ou verticillée, a'nä que le nombre des bandes écail- leufes qui recouvrent le ventre de ces animaux, font des caraéteres | variables ou fans précilion ; nous en fommes convaincus par l'infpeétion d'un grand nombre d'individus de pluleurs efpèces ; auf n'avons-nous pas cru devoir les employer pour diftinguer les divilons des lézards lune DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 23923 Vert, sil a , au-deffous du cou, une efpèce de demi- collier compofé de grandes écailles, ou comme une ARS 2 Je 3 ) . . , variété de l'améiva, sil na point ce demi-collier. d'avec l'autre; nous ne nous en fommes fervis pour la diftinétion des efpèces , que lorfqu'ils ont indiqué des différences très-confidérables ; &. d'ailleurs nous n'avons jamais affigné à la rigueur telle ou telle propor- tion , ni tel ou tel nombre pour une marque conftante d’une diverlté d'efpèce , & nous avons déterminé au contraire rigoureufement & avec -précifon , la forme & l’arrangement des écailles de la queue. S{i LE CORDYEE GX Ourrouveen Afrique & en Afie, un lézard auquel M. Linné a applique exclufivement le nom de Cordyle, qui lui a été donné par quelques Voyageurs, mais dont on s’eft auf fervi pour défigner la dragonne, ainfi que nous l'avons dit. Il paroît qu’il habite quelquefois dans l'Europe méridionale, & Ray dit l’avoir rencontré auprès de Montpellier (b ). Nous allons le décrire, d’après les individus confervés au Cabinet du Roi. La tête ef très-aplatie, élargie parderrière, & trian- gulaire ; de grandes écailles en revêtent le deflus & les côtés; les deux mâchoires font couvertes d’un double rang d'autres grandes écailles, & armées de très-petites dents égales, fortes & aiguës. (a) Le Cordyle. M. d Aubenron, Encyclopédie méthodique. Lacerta Cordylus, 0. Linn. amph. rept. Cordylus, Gronovi. mufœum 2, page 79, N° 55. Ray, Synopfis Quadr., page 263. Coräylus feu caudi-verbera. Séba , mus. 1. Table 84, fig 3 € 4. Cordylus verus. Laurenti fpecimen medicum. (B) Ray, Sÿnopfis Quadrupedum , page 263. DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES, 325 Les trous des narines font petits; les ouvertures des oreilles étroites, & fituées aux deux bouts de la bafe du triangle, dont le mufeau eft la pointe, Le corps eft trèsaplati; le ventre eft revêtu d’écailles prefque carrées, & afez grandes, qui y forment des demi-anneaux, ou des bandes tranfverfales; les écailles du dos font aufli prefque carrées, mais plus grandes ; celles des côtés étant relevées en carêne, font paroître les flancs hérifés d’aiguillons. La queue eft d’une longueur à-peu-près égale à celle du corps; les écailles qui la revèêtent, préfentent une arête faillante, qui fe termine en forme d’épine alongée & garnie des deux côtés d’un très- petit ai- guillon : ces écailles étant lougues & très-relevées par le bout, forment des anneaux très-fenfibles, feftonnés, aflez éloignés les uns des autres, & qui font paroître la queue comme étagée. Nous en avons compté dix- neuf fur un individu femelle, dont la queue étoit entière. Les écailles des pattes font aigues, & relevées par une arête. Il y a cinq doigts garnis d'ongles aux pieds de devant & à ceux de derrière. La couleur des écailles eft bleue, & plus ou moins mêlée de châtain, par tâches ou par bandes. M. Linné dit que le corps du Cordyle n’eft point hériffé (corpore lævigato) : cela ne doit s'entendre que - du dos & du ventre, qui en effet ne le paroïffent pas, ” 326 Hisroirre NATURELLE lorfqu'on les compare avec les pattes, les côtés, & fur-tout avec la queue. Le long de l’intérieur des cuifles , règnent des tubercules comme dans l’Isuane, le lézard gris, le lézard vert, &c. une variété de cette efpèce, a les écailles du corps beaucoup plus petites que celles des autres Cordyles. DES ee di OVIPARES. 3217 a == EE — +, LHEXAGONE (a). ML Lixxé a fait connoitre ce lézard, qui habite en Amérique. Ce qui forme un des caractères diftinétifs de l'Hexagone, c’eft que fa queue, plus longue de moitié que le corps; eft comprimée de manière à préfenter fix- côtés & fix arêtes très-vives. Il eft auf fort reconnoiffable par fa tête, qui paroit comme tronquée parderrière, & dont la peau forme plufeurs rides. Les écailles, dont fon corps eft revêtu , font pointues & relevées en ‘forme de carêne, excepté … celles du ventre : il les redrefle À volonté, & il paroït alors hériflé de petites pointes où d’aiguillons ; fous fa gueule font deux grandes écailles rondes; fa couleur tire fur le roux. Nous n'avons pas vu ce lézard, & nous pouvons feulement préfumer que fon ventre eft couvert de bandes tranfverfales & écaïlleufes : fi cela n'eft point, il faudra le placer parmi les lézards de la Divifion fuivante. (a) L'Exagonel. M. d Aubenton, Encyclopédie méthodique. Lacerta angulata, 19. Linn. amph. rept. fÿflema nat. Lacerta cauda Exagona longa fquamis carinatis mucronatis, Adern, Ibid. L'AMÉTIY A) (0) C'Esr un des Quadrupèdes ovipares dont l’'Hiftoire a été le plus obfcurcie : premièrement, parce que ce nom d'_#méiva ou d_ Améira, a été donné à des lézards (a) Améiva. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique, Lecerta Ameiva, 14. Linn. amph. rept. Laceïta cauda verticillata longa , fcutis abdominis triginta, collari fubtus ruga duplici. Armæn. Acad. 1 , page 127, 293. Lacerta cauda tereti corpore duplo longiore, pedibus pentadaétilis, crifta nulla , fcutis abdominali- bus 30. CURE Mus. Ad, Fr. 1 , page 45. Lacerta eadem. Gron. mus. 2, page 80, t. 56. Lacerta caudi tereti corpore triplo longiore, fquamis Leviffimis , abdominalibus oblongo quadratis. Clus. exor. 1 24. Lacértus indicus. Ed. ay. 202 , t. 2o2 , 203. Lacertus major viridis, Worn. mus. 313,f. 313: Ray, Quadr. 270. Lecertui indicus. Seb. mus. 2 ,t. 86,f. 4 € 5. ALU AN CS Sloun. jam. 2 , page 333, t. 273, f. 3. Laccrtus major ciereus maculatus. Seps Surinamenfs, 98. Laurent: fpecimen medicum. The larse fpotted ground lizard, Brown, page 462. d'efpèces DES-QuADRUPÈDES OVIPARES. 329 d'efpèces différentes de celle dont il s’agit ici : fecon- dement, parce que le vrai Améiva a été nommé di- verfement en différentes contrées ; il a été appellé tantôt Temapara, tantôt Taletec, tantôt Tamacolin, noms qui ont été en même-tems attribués à des efpèces différentes de l’'Améiva, particulièrement à l’Iguane : & troifièmement enfin, parce que cet animal étant très-fujet à varier par fes couleurs fuivant les faifons, l’âge & le pays, divers individus de cette efpèce ont été regardés comme formant autant d’efpèces diftinétes. Pour répandre de la clarté dans ce qui concerne cet ani- mal, nous confervons uniquement ce nom d Æ#méiva à un lézard qui fe trouve dans l'Amérique, tant fepten- trionale que méridionale, & qui a beaucoup de rapports avec les lézards gris & les lézards verts de nos contrées tempérées : on peut même, au premier eoup-d'œil , le confondre avec ces derniers; mais pour peu qu'on l’exa- mine , il eft aifé de l’en diftinguer. Il en diffère en ce quil n'a point au-deflous du cou cette efpèce de demi-collier, formé de grandes écailles, & qu'ont tous les lézards gris ainfi que les lézards verts; au contraire, la peau revêtue de très-petites écailles, y forme un ou deux plis. Ce caractère a été fort bien faif par M. Linné; mais nous devons ajouter à cette différence celles que nous avons remarquées dans les divers individus que pous avons vus, & qui font confervés au Cabinet du Roi, La tête de l'Améiva eft en général plus alongée & Ovyipares, Tome I, Tt 330 Hirsroïrre NATURELLE plus comprimée par les côtés, le deflus en eft plus étroit, & le mufeau plus pointu. Secondement, la queue eft ordinairement plus longue en proportion du corps. Les Améiva parviennent d’ailleurs à une taille prefque aufli confidérable que les lézards verts de nos Provinces méridionales. L’individu que nous décrivons, & qui a été envoyé de Cayenne par M. Léchevin, a vingt-&-un pouces de longueur totale, c’eft-à-dire depuis le bout du mufeau jufqu'à l'extrémité de la queue, dont la longueur eft d'un pied fix lignes; la circonférenee du . corps à l'endroit le plus gros, eft de quatre pouces neuf lignes ; les mâchoires font fendues jufques derrière les yeux , garnies d'un double rang de grandes écailles, comme dans le lézard vert, & armées d'un grand nombre de dents très-fines, dont les plus petites font placées vers le bout du mufeau, & qui reflemblent un peu à celles de l’iguane. Le deflus de la tête eff couvert de grandes lames, comme dans les lézards verts & dans les lézards gris. Le deflus du corps & des pattes eft garni d’écailles à peine fenfbles; mais celles qui revêtent le deffous du corps font grandes, carrées, & rangées en bandes tranf- veifales. La queue eft entourée d’anneaux , compofés d’écailles, dont la figure eft celle d'un quairé long. Le deflous des cuifles préfente un rang de tubercules. Les doigts longs, & féparés les uns des autres, font garnis d'ongles afflez forts. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 331 La couleur de l'Améiva varie beaucoup fuivant le fexe, le pays, l’âge & la température de l’atmofphère, ainfi que nous l'avons dit; mais il paroît que le fond en eft toujours vert ou grifâtre, plus ou moins diver- fifié par des taches ou des raies de couleurs plus vives, & qui étant quelquefois arrondies de manière à le faire paroître œillé, ont fait donner le nom d’ Argus à l Améiva, ainfi qu'au lézard vert. Peut-être l’Améiva forme-t-il, comme les lézards de nos contrées, une petite famille, dans laquelle on devroit diftinguer les gris d'avec les verts: mais on n’a point encore fait aflez d'obfervations pour que nous puiflions rien établir à ce fujet. Ray (&) & Rochefort (c) ont parlé de lézards, qu'ils ont appellés Anolis ou Ænoles , qui, pendant le jour , font dans un mouvement continuel, & fe retirent, pendant la nuit, dans des creux, d’où ils font entendre une ftrideur plus forte & plus infupportable que celle (b) Synopfis animalium ; page 268. (c) ce Les anolis font fort communs dans toutes les habitations. Ils font de la groffeur & de la longueur des lézards qu'on voit en France :c mais ils ont la téte plus longuette , la peau jaunâtre , & fur le dos ilsce ont des lignes rayées de bleu, de vert & de gris, qui prennent ce depuis le deffus de la tête jufqu'au bout de la queue. Ils font leur retraite ce dans les trous de la terre , & c’eft de-là que, pendant la nuit, ils font ce un bruit beaucoup plus pénétrant que celui des cigales, Le jour , ilscs font en perpétuelle aétion, & ils ne font que roder aux environs desce cales, pour chercher de quoi fe nourrir. »» Rochefort , Hifloire des Antilles , tome 1, page 300. vi 332 HisTorrEe NATUREILE des cigales. Comme ce nom d’Anolis ou dAnoles a été donné à plufieurs fortes de lézards, & que Ray ni Rochefort n’ont point décrit de manière à ôter toute équivoque , ceux dont ils ont fait mention, nous in- vitons les Voyageurs à obferver ces animaux, fur l’ef- pèce defquels on ne peut encore rien dire. Nous devons ajouter feulement que Gronovius a décrit, fous le nom d'Anolis, un lézard de Surinam, évidemment de la même efpèce que l’Améiva de Cayenne, dont nous. venons de donner la defcription. L’'Améiva fe trouve non-feulement en Amérique, mais encore dans l’ancien continent. Jai vu un indi- vidu de cette efpèce, qui avoit été apporté des grandes Indes par M. le Cor, & dont la couleur étoit d'un très-beau vert plus où moins mêlé de jaune, DÉS QUADRUPÈDES OVIPARÉS. 333 L'ES DIEPO NN (2 a —— Vorcrr'emBLÈME de la force appliqué à la foi- bleffe, & le nom du roi des animaux donné à un bien petit lézard : on peut cependant le lui conferver, parce que ce nom eft auffi fouvent pris pour le figne de la fierté que pour celui de la puiffance. Le lézard- Lion redrefle prefque toujours fa queue en la tour- nant en rond ; il a l'air de la hardiefñle, & c’eft appa- remment ce qui lui a fait donner par les Anglois le furnom de Lion, que plufieurs Naturaliftes lui ont con- fervé (b). I1 fe trouve dans la Caroline : fon efpèce ne diffère pas beaucoup de celle de notre lézard gris: trois lignes blanches & autant de lignes noires règnent de chaque côté du dos, dont le milieu eft blanchà- tre ; il a deux rides fous le cou; le deffous des cuiffes eft garni d’un rang de petits tubercules, comme dans liguane, le lézard gris, le lézard vert, l’'améiva, &c. la queue fe termine infenfiblement en pointe. (a) Le Lion. M. d Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta fex-lineata, 18. Linn. amph. rept. (3) Carefby, Hifloire naturelle de la Caroline , page 68. 334 ‘ ‘HisrTorrs NarvRkire Le lézard-Lion n'eft point dangereux ; il fe tient fouvent dans des creux de rochers, fur le bord de la mer; ce neft pas feulement dans la Caroline quon le rencontre, mais encore à Cuba, à Saint-Domingue , & dans d’autres Ifles voifines. Ayant les jambes alon- gées, il eft très-agile , comme le lézard gris, & court avec une très-grande vitefle ; mais ce joli & innocent lézard n’en eft pas moins la proie des grands oifeaux de mer, à la pourfuite defquels la rapidité de a courfe ne peut le dérober. DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 3235 RE — LE GALONNÉ («) Cr LézaRD habite dans l’ancien Continent, où on le trouve aux Indes & en Guinée. il eft auffi en Amérique; & il y a, au Cabinet du Roi, deux indi- vidus de cette efpèce , qui ont été envoyés de la Martinique. C’eft avec raïfon que M. Linné aflure que le Galonné a un grand nombre de rapports avec l’Améiva; il eft beaucoup moins grand, mais les écailles, qui revêtent le deflous du corps , for- ment également des bandes tranfverfales dans ces deux lézards. Le deflous des cuiffes eft garni d'un rang de tubercules, comme dans l’iguane , le lézard gris, le lézard vert, le cordyle, laméiva , &c. il a la queue menue & plus longue que le corps. Il eft d'un vert plus ou moins foncé; & le long de fon dos s'étendent huit raies blanchâtres 4 fuivant M. Linné, (a) Le Galonné. M. d Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta lemnifcata, 30. Linn. amph. rept. Lacerta eadem. mus. ad. fr. 2, page 47. Séba, mus. 1 , planche 53, fig 9 © planche 92, fig. 4, 2, planche 9, fig. 5. Seps Lemnifcatus, 103. Laurenti /pecimen medicum, 336 Hisrorre NATURFIIE Nous en avons compté neuf fur les deux individus, qui font au Cabinet du Roi. Les pattes font mouche- tées de blanc. Il paroït que ce lézard eft fujet à varier par le nombre & la difpofition des raies qui règnent le long du dos. M. d'Antic a eu la bonté de nous faire voir un petit Quadrupède ovipare, qui lui a été envoyé de Saint-Domingue, & qui eft une variété du Galonné. Ce lézard eft d’une couleur très-foncée. Il a fur le dos onze raies d'un jaune blanchâtre , qui fe réunifient de manière à n’en former que fept du côté de la tête, & dix vers l’origine de la queue , fur laquelle ces raies fe perdent infenfiblement. Ce font là les feules diffé- rences qui le diftinguent du Galonné. Sa longueur totale eft de fix pouces, & celle de la queue de quatre pouces une ligne. QUATRIÈME DES QuUADRUPÉÈDES OVIPARES. 337 so IÈME DIVISION. LÉZARDS Qui ont cing doigts aux pieds de devant, fans bandes tranfverfales fous le corps. LE CAMÉLÉON («) Le Nom du Caméléon eft fameux. On l’emploie métaphoriquement , depuis long-tems, pour défigner la vile flatterie. Peu de gens favent cependant que le (a) xapakcur, En grec. Chamzleo, en latin. Taitah ou Boutah, en Barbarie, füuivant M. Shaw. Caméléon. M. d’Aubenton, Encyclopédie mé thodique. Conradi Gefneri Hifioriæe animalium , liber fécundus de Ouai. ovÉ Chamzleo. Ray , Synopfis Quadr. , page 276. Chamæleo , the Chameleon, Brown, page 464. Chamæleon , er Anglois the largegrey Chameleon, Lacerta Chamzleon, 20. Linn. amph. rept. Ovipares, Tome I. V y 3238 Hrsrorre NATURELLE. Caméléon eft un lézard ; & moins de perfonnes encore connoiflent les traits qu’il préfente & les qualités qui le diftinguent. On a dit que le Caméléon changeoït fou- vent de forme ; qu'il n'avoit point de couleur en propre ; qu'il prenoit celle de tous les objets dont il appro- choit ; qu'il en étoit par-là une forte de miroir fidèle ; qu'il ne fe nourrifloit que d'air. Les Anciens fe font plu à le répéter : ils ont cru voir, dans cet être qui n'étoit pas le Caméléon , mais un animal fantaftique produit & embelli par l'erreur , une image aflez ref- femblante de plufeurs de ceux qui fréquentent les cours : ils s'en font fervi comme d'un objet de com- paraïfon, pour peindre ces hommes bas & rampans, qui n'ayant jamais d'avis à eux, fachant fe plier à toutes les formes, embraffer toutes les opinions, ne fe repaiffent que de fumée & de vains projets. Les Poëtes fur-tout fe Séba , 2. Tab. 82, fig 1: 2,7, 4, 5, tab. 83, fig 4 C5: Chamzleo mexicanus, 59. Chamæleo Parifienfium , Go. Chamzleo. zeylanicus , Gr. Chamzæleo africanus , 62. Chamæleo candidus, 63.. Chamzleo Bonz-fpei, 64. Laurenti fpecimen medicum. Gron. mus. 2 , page 76, N° 50. Chamzleon. Olear. mus. 9 ,t. 8, f. 3. Chamzæleon. | Bellon. itin. Livre IT, Chapitre zx. Chamælcon._ Valent. mus. Livre III, Chapitre xx x1. Chamæleen.. Kircher. mus. 275, t. 293, f. 44. Chamxleon. Jonft. Quadr., t. 79. Chamzleon. Ald. Quadr, 670. Chamæxleon. \ 1 DES QUADRUPÉEDES OVIPARES, | 339 font emparés de toutes les images fournies par des rap- ports qui, n'ayant rien de réel, pouvoient être aifément étendus :ils ont paré des charmes d’une imagination vive; les diverfes comparaifons tirées d'un animal qu'ils ont regardé, comme faifant par crainte ce que l’on dit, que tant de Courtifans font par goût. Ces images agréables ont été copiées, multipliées, animées par les beux génies des fiècles les plus éclairés. Aucun animal ne réunit, fans doute, les propriétés imaginaires auxquelles nous devons tant d'idées riantes. Mais une fiction fpirituelle ne peut qu'ajouter au charme des ouvrages où font répandues ces peintures gracieufes. Le Caméléon des Poëtes na point exifté pour la Nature ; mais il pourra exifter à jamais pour le génie & pour l’imagination. Lorfque cependant nous aurons écarté les qualités fabuleufes attribuées au Caméléon , & lorfque nous laurons peint tel qu’il eft, on devra le regarder encore comme un des animaux les plus intéreflans aux yeux des Naturaliftes, par la fingulière conformation de fes diverfes parties, par les habitudes remarquables qui en dépendent, & même par des propriétés, qui ne font pas très-différentes de celles qu’on lui a fauflement attribuées (D). E (b) On peut voir dans Pline, Liyre XXWVIH, Chapitre XXIX , les vertus chimériques que les Anciens attribuoient au Caméléon. On VV 340 Hisrorre NATURELLE { On trouve des Caméléons de plufieurs taiilesaffez dif- férentes les unes des autres. Les plus grands n’ont guère plus de quatorze pouces de longueur totaie. L'individu que nous avons décrit, & qui eft confervé avec beau- coup d’autres au Cabinet du Roi, a un pied deux pouces trois lignes, depuis le bout du mufeau jufqu'à l’extré- mité de la queue, dont la longueur eft de fept pouces. Celle des pattes, y compris les doigts, eft de trois pouces. La tête aplatie pardefus, l’eft aufñ par les côtés ; deux arêtes élevées partent du mufeau , paffent prefque immédiatement au-deffus des yeux, en fuivent à peu- près la courbure, & vont fe réunir en pointe derrière la tête; elles y rencontrent une troifième faillie qui part du fommet de la tête, & deux autres qui viens nent des coins de la gueule ; elles forment , toutes cinq enfemble ,une forte de capuchon, ou, pour mieux dire, de pyramide à cinq faces, dont la pointe eft tournée en arrière. Le cou eft très-court. Le deflous de la tête & la gorge font comme gonflés, & repréfentent une efpèce de poche, mais moins grande de beaucoup que celle de l’'iguane. La peau du Caméléon eft parfemée de petites éminences comme le chagrin : elles font très-lifles, trouvera aufli dans Gefner, Livre IT, tous les contes ridicules qu'ils ent publiés au fujet de cet animal. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 3AÏ plus marquées fur la tête, & environnées de grains prefque imperceptibles : un rang de petites pointes coniques règne en forme de dentelure fur les faillies de la tête, fur le dos, fur une partie de la queue & au-deflous du corps, depuis le mufeau jufquà. anus. Sur le bout du mufeau, qui eft un peu arrondi, font placées les narines qui doivent fervir beaucoup à la refpiration de l'animal ; car il a fouvent la bouche fermée fi exactement , qu'on a peine à diftinguer la féparation des deux lèvres. Le cerveau eft très-perit & n'a qu'une ligne ou deux de diamètre. La tête du Caméléon ne préfente aucune ouverture particulière pour les oreilles, & MM. de l'Académie des Sciences, qui difléquèrent cet animal, crurent qu'il étoit privé de l'organe de l’ouïe qu’ils wapperçurent point dans ce “lézard (c), mais que M. Camper vient d'y découvrir (d). C’eft une nouvelle preuve de la foiblefe de l’ouïe dans les Quadrupèdes ovipares, & vraifemblablement c’eft une des caufès qui concourent à produire l’efpèce de fupidité que l’on a attribuée au Caméléon. Les deux mâchoires font compofées d'un os dentelé (c) Mémoires pour fervir à l'Hifloire naturelle des animaux , article du Carnéléon. (d) Note communiquée par M. Camper. 342 Hisrorrre NATURELLE qui tient lieu de véritables dents (e). Prefque tout … eft particulier dans le Caméléon: les lèvres font fen- dues même au-delà des mâchoires, où leur ouverture fe prolonge en bas: les yeux font gros & très-faillans; : & ce qui les diftingue de ceux des autres Quadru- pèdes, c’eft qu'au lieu d’une paupière qui puifle être levée & baïflée à volonté , ils font recouverts par une. membrane chagrinée, attachée à l'œil, & qui en fuit tous les mouvemens. Cette membrane eft divifée par une fente horizontale, au travers de laquelle on apper- çoit une prunelle vive, brillante & comme bordée de couleur d’or. Les lézards, & tous les Quadrupèdes ovipares en général, ont les yeux très-bons. Le fens de la vue, ainfi que nous l'avons dit, paroît être le premier de tous dans ces animaux, de même que dans les oifeaux. Mais les Caméléons doivent jouir par excellence de cette vue exquife : il femble que leur fens de la vue eft fi fin & fi délicat, que fans la membrane qui revêt leurs yeux , ils feroient vivement offenfés par la lu- mière éclatante qui brille dans les climats qu'ils habi- ient. Cette précaution qu'on diroit que la Nature a (e) Nous nous fommes affurés de l’exiftence de cet os dentelé, par l'infpeétion des fquelettes de Caméléon , que l’on a au Cabinet du Roi. Profper Alpin a nié , en quelque forte, l’exiftence de cet os. Voyez fon Hiftoire naturelle de l'Egypte, tome 1, Chapitre v, DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 343 prife pour eux, reflemble à celle des Lapons & d'au- tres habitans du Nord, qui portent au-devant de leurs yeux, une petite planche de fapin fendue ,; pour fe garantir de l'éclat éblouiffant de la lumière fortement _ réfléchie par les neiges de leurs campagnes ; ou plutôt ce n'eft point pour conferver la finefle de leur vue, qu'il leur a été donné des membranes : mais c’eft parce qu'ils ont reçu ces membranes préfervatrices, que leurs yeux moins ufés, moins vivement ébranlés, doivent avoir une force plus grande & plus durable. Non-feulement le Caméléon a les yeux enveloppés d'une manière qui lui eft particulière, mais ils font mobiles indépendamment l’un de l’autre; quelquefois il les tourne de manière que Fun regarde en arrière, & l’autre en avant; ou bien de l’un il voit les objets placés au-deflus de lui, tandis que de l’autre il ap- perçoit ceux qui font fitués au-deflous (f). Il peut par-là confidérer à-la-fois un plus grand efpace; &, fans cette propriété fingulière, il feroit prefque privé de la vue malgré la bonté de fes yeux, fa prunelle pouvant uniquement admettre les rayons lumineux qui pafñfent par la fente très-courte & très-étroite que préfente la membrane chagrinée. Le Caméléon eft donc unique dans fon ordre, par (f) Le Bruyn. Voyages au Levant. 344 Hisrorre NATURELLE plufieurs caraélères très-remarquables : mais ceux dont nous venons de parler, ne font pas les feuls qu'il pré- fente : fa langue, dont on a comparé la forme à celle d'un ver de terre, eft ronde, longue commu- nément de cinq ou fix pouces, terminée par une forte de gros nœud, creufe , attachée à une efpèce de ftilet cartilagineux qui entre dans fa cavité, & fur lequel Vanimal peut la retirer , & enduite d’une forte de vernis vifqueux qui fert au Caméléon à retenir les . mouches, les fcarabées, les fauterelles, les fourmis, & les autres infeétes dont il fe nourrit , & qui ne peuvent lui échapper, tant il la darde & la retire avec vitefle (g). Le Caméléon eft plus élevé fur fes jambes que le plus grand nombre des lézards; il a moins Pair de ramper lorfqu'il marche : Ariftote & Pline l’avoient remarqué. Il a, à chaque pied, cinq doigts très-longs, prefque égaux & garnis d'ongles forts & crochus; mais la peau des jambes s'étend jufqu'au bout des doigts, (g) « Quand les Caméléons veulent manger, ils tirent leur langue slongue , quafi d’un demi-pied , ronde comme la langue d’un oifeau, snommé pcivert, femblable à un ver de terre; & à l’extrémit: d’icelle #>ont un gros nœud fpongieux , tenant comme plu , duquel ils attachert ples infeétes favoir eft fauterelles , chenilles & mouches, & les attirent en la gueule, Ils pouflent hors leurs langues, les dardant de roideur auffi vitement qu'une arbalète ou un arc fait Le traict, »2 Bélon , objér- vations, &c Livre TI, Chapitre XXX1Fÿ: & DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 34$ & les réunit d’une manière qui eft encore particulière à ce lézard. Non-feulement cette peau attache les doigts les uns aux autres, mais elle les enveloppe, & en forme comme deux paquets, l’un de trois doigts, _& l’autre de deux : & il y a cette diflérence entre les pieds de devant & ceux de derrière, que, dans les premiers, le paquet extérieur eft celui qui ne contient que deux doigts, tandis que c'eft Foppofé dans les pieds de derrière (k). Nous avons vu à l'article de la dragonne combien une membrane de moins entre les doigts, influoit fur les mœurs de ce lézard, &, en lui donnant la facilité de grimper fur les arbres, rendoit fes habitudes diffé rentes de celles du crocodile, qui a les pieds palmés. Nous avons obfervé en général , qu’un léger changement dans la conformation des pieds devroit produire de très- grandes diflemblances entre les mœurs des divers Qua- drupèdes. Si l’on confidère, d’après cela, les pieds du Caméléon réunis d’une manière particulière , recouverts par une continuation de la peau des jambes, & divifés en deux paquets, où les doigts font rapprochés & (A) Quelques Auteurs ont écrit qu'il y avoit des efpèces de Ca- méléon , dont les cinq doigts de chaque pied étoient féparts les uns des autres; ils auront certainement pris pour des Caméléons d’autres lézards, &, par exemple, des tapayes dont la tête refflemble en efiet un peu à celle du. Caméléon, Ovipares , Tome I. Xx 346 Hisroiïrr Narureirs collés, pour ainfi dire, les uns contre les autres, on ne fera pas étonné de lextrême différence quil y a entre les habitudes naturelles du Caméléon & celles de plufieurs lézards. Les pieds du Caméléon ne pouvant guère lui fervir de rame, ce n’eft pas dans Veau qu'il fe plaît, mais les deux paquets de doigts alongés qu'ils préfentent font placés de manière à pouvoir faifir aifément les branches fur lefquels il aime à fe percher : il peut empoigner ces rameaux, en tenant un paquet de doigts devant & l’autre derrière, de même que les pics, les coucous, les perroquets, & d’autres oifeaux, faififlent les branches qui les fou- tiennent, en mettant deux doigts devant & deux derrière. Ces deux paquets de doigts, placés comme nous venons de le dire, ne fourniflent pas au Caméléon un point d'appui bien.ftable lorfqu'il marche fur la terre : c’eft ce qui fait qu'il habite de préférence fur les arbres, où il a d'autant plus de facilité à grimper & à fe tenir, que fa queue eft longue & douée d'une affez grande force. Il la replie, ainfi que les fapajous; il en entoure les petites branches, & s’en fert comme d'une cinquième main pour s'empêcher de tomber, ou pañler avec facilité d'un endroit à un autre (4). (2) « Les haies qui font des jardinages auprès du Caire, font en »tous lieux couvertes de Caméléons, & principalement le long des “rivages du Nil, en forte qu'en peu de tems nous en vimes grand DES QUADRUPÉÈDES OYIPARES. 347 Bélon prétend que les Caméléons fe tiennent ainf perchés fur les haies pour échapper aux vipères & aux céraftes qui les avalent tout entiers, lorfqu'ils peuvent les atteindre. Mais ils ne peuvent pas fe dé- rober de même à la mangoufte , & aux oïifeaux de proie qui les recherchent. Voilà donc le Caméléon, que l’on peut regarder comme l’'analogue du fapajou, dans les Quadrupèdes ovipares. Mais fi fa conformation lui donne une ha- bitation femblable à celle de ce léger animal, sil pafñle de même fa vie au milieu des forêts & fur . les fommets des arbres, il n’en a ni l’élégante agilité, ni l’activité pétulante. On ne le voit pas sélancer comme un trait de branche en branche ,. & imiter, par la vitefle de fa courfe & la grandeur de fes fauts, la rapidité du vol des oifeaux : mais c’eft toujours avec lenteur qu'il va d’un rameau à un autre ; & ïl eft plutôt dans les bois en embufcade fous les feuilles pour retenir les infectes ailés qui peuvent tomber fur fa langue gluante, qu'en mouvement de chaffe pour aller les furprendre (K), nombre :- car les vipères & les céraftes les avalent entiers, quand ellesce les peuvent prendre. » Bélon , obfervations , &c. Livre II, Cha- pitre XXXIV. (Z) Hafelquift a trouvé, dans l’eftomac d’un Caméléon , des reftes X x i) 348 Hrsrorre NATUREILIE La facilité avec laquelle il les faïñit le rend utile aux Indiens, qui voient avec grand plaifir dans leurs maifons cet innocent lézard. Il eft en effet fi doux, qu'on peut, fuivant Alpin, lui mettre le doigt dans la bouche, & l’enfoncer très-avant , fans qu'il cherche à mordre (1), & M. Desfontaines, favant Profeffleur du Jardin du Roi, qui a obfervé les Caméléons en Afrique, & qui en a nourri chez lui, leur attribue la même douceur qu Alpin. Soit que le Cäméléon grimpe le long des arbres , foit que caché fous les feuilles il y attende D RAE ment les infectes dont il fe nourrit, foit enfin quil marche fur la terre, il paroît toujours affez laid : il nofire pour plaire à la vue, ni proportions agréables, ni taille fvelte, ni mouvemens rapides. Ce n’eit qu'avec une forte de circonfpe“tion qu'il ofe fe remuer. S'il ne peut pas embrafer les branches fur lefquelles il veut grimper, il saflure, à chaque pas qu'il fait, que fes ongles font bien entrés dans les fentes de l’écorce; sil eft à terre il tâtonne; il ne lève un pied que lorf- qu'il eft sûr du point d’ He des autres trois ; par toutes ces précautions, il donne à fa démarche une forte de gravité, pour ainfi dire ridicule, tant elle ‘contrafte de papillons & d’autres infeétes. Haffelquift, Voyage en Paleffine, Page 349- {1) Profper Alpin, tome ? Chapitre y, page 215. DES QUADRUPÈDES OVIPARES, 349 avec la petitefle de fa taille & l’agilité qu'on croit trouver dans un animal aflez femblable à des lézards fort leftes. Ce petit animal, dont l’enveloppe & la mobilité des yeux, la forme des pieds, & prefque toute la conformation, méritent l’attention des Phy- ficiens, n'arréteroit donc les regards de ceux qui ne jettent qu'un coup-d'œil fuperfciel, que pour faire naître le rire & une forte de mépris : il auroit été bien éloigné d'être l’objet chéri de tant de Voyageurs & de tant de Poëtes; fon nom m’auroit pas été répété par tant de bouches; & perdu fous les rameaux où il fe cache, il n’auroit été connu que des Naturaliftes, fi la faculté de préfenter, fuivant fes diférens états, des couleurs plus ou moins variées n'avoit attiré fur lui , depuis long-tems, une attention particulière. Ces diverfes teintes changent en effet avec autant de fréquence que de rapidité ; elles paroiflent d’ailleurs dépendre du climat, de l’âge ou du fexe; il eft donc affez difiicile d’affigner quelle eft la couleur naturelle du Caméléon. Il paroît cependant qu'en général ce lézard eft d’un gris plus ou moins foncé (#1) , ou plus ou moins livide. Lorfqw'il eft à l'ombre & en repos, depuis quelque tems , les petits grains de fa peau font quelquefois {m) Le Bruyn. Voyages au Levant. 350 HisTorrEe NATURELLE d’un rouge pâle, & le deffous de fes pattes eft d’un blanc un peu jaunâtre. Mais, lorfqw'il eft expofé à la lumière du foleil , fa couleur change; la partie de fon corps qui eft éclairée , devient fouvent d’un gris plus brun, & la partie fur laquelle les rayons du foleil ne tombent point direétement, offre des couleurs plus éclatantes, & des taches qui paroiflent ifabelles par le mélange du jaune pâle que préfentent alors les petites éminences , & du rouge clair du fond de la peau. Dans les inter- valles des taches, les grains offrent du gris mêlé de verdâtre & de bleu ; & le fond de la peau eft rou- geâtre. D’autres fois le Caméléon eft d’un beau vert tacheté de jaune; lorfqu’on le touche il paroît fouvent couvert tout d'un coup de taches noirâtres aflez grandes, méêlées d’un peu de vert : lorfqu’on l'enveloppe dans un linge, ou dans une étofle de quelque couleur qu’elle foit, il devient quelquefois plus blanc qu'à l'ordinaire ; mais il eft démontré, par les obfervations les plus exactes, qu'il ne prend point la couleur des objets qui l’environnent, que celles qu'il montre acciden- tellement ne font point répandues fur tout fon corps, comme le penfoit Ariftote, & qu'il peut offrir la couleur blanche, ce qui eft contraire à l’opinion de Plutarque & de Solin (æ): (n) Mémoires pour fervir à PHifl. naturelle des animaux, art. dr Carnéléon', pages 31 @ Juivantes, 00. Pa. 1 PL'r61 Tom. Z. T Bust. De 2Warg del. VA Jyve. ft Z BALISTE Etoile 2 BALISTE Not 5 BALISTE Bride ÉD 2 OA STE. i ’ 0 anus er Ris va CLS ERA TRENPNET à nitdmnereens L L " à . » - £ É , + dort x an Ve Ax.N rs "val IN * Na PR at $ & x 'é , : ou & R rie À DHÉTOMS DES QuAaDRUPÉDES OVIPARES. 351 Il n'a reçu prefqu'aucune arme pour fe défendre; ne marchant que très-lentement, ne pouvant point échapper par la fuite à la pourfuite de fes ennemis, il eft la proie de prefque tous les animaux qui cherchent à le dévorer; il doit par conféquent être très-timide, fe troubler aifément, éprouver fouvent des agitations intérieures plus ou moins confidérables. On croyoit, du tems de Pline, qu'aucun animal n’étoit auf crainti£ que le Caméléon, & que c’étoit à caufe de fa crainte habituelle qu'il changeoïit fouvent de couleur. Ce trouble & cette crainte peuvent en effet fe manifefter par les taches dont il paroïit tout d'un coup couvert à lap- proche des objets nouveaux ; fa peau revêtue n’eft point d’écailles, comme celle de beaucoup d’autres lézards; elle eft tranfparente, quoique garnie des petits grains dont nous avons parlé; elle peut aifément tranf- mettre à l'extérieur, par des taches brunes, & par une couleur jaune ou verdâtre, l’expreflion des divers mouvemens que la préfence des objets étrangers doit imprimer au fang & aux humeurs du Caméléon. Haf- felquift, qui l’a -obfervé en Egypte, & qui l’a difféqué avec foin, dit que le changement de la couleur de ce lézard provient d’une forte de maladie, d’une Jaunifle, que cet animal éprouve fréquemment, fur-tout lorf- qu'il eft irrité. De-là vient, fuivant le même Auteur, qu'il faut prefque toujours que le Caméléon foit en colère , pour que fes teintes changent du noir au jaune 352 Hrsrorre NATuURE:tE ou au vert. El préfente alors la couleur de fa bile, que l’on peut appercevoir aifément, lorfqu’elle eft très- répandue dans le corps, à caufe de la ténuité des muf- cles, & de la tranfparence de la peau (0). Il paroïit d’ailleurs que c’eft au plus ou moins de chaleur dont gel éprouve de tems-en-tems (p). En général, fes couleurs font plus vives lorfqw'il eft en mouvement, lorfqu'on le manie, lorfqu'il eft expofé à la lumière du foleil très-chaud dans les climats qu’il habite : elles deviennent au contraire plus foibles lorfquw'il eft à l'ombre, c’eft à-dire privé de l'influence des rayons folaires, lorfqu'il eft en repos, &c. Si fes couleurs fe terniffent quelque- il eft pénétré, qu'il doit les changemens de couleur qu'il fois lorfqu'on lenveloppe dans du linge ou dans quelqu’é- toffe, c’eft peut-être parce qu’il ef refroidi par les linges ou par létoffe dans lefquels on le plie. Il pâlit toutes les nuits, parce que toutes les nuits font plus ou moins fraiches, fur-tout en France, où ce phénomène a été obfervé par M. Perrault. Il blanchit enfin lorfqw'il eft mort, parce qu'alors toute chaleur intérieure eft éteinte. La crainte, la colère & la chaleur qu'éprouve le (o) Haffelquifl. Voyage en Palefline , page 349. (p) « Chamæleonis color verus cinereus cft, fed juxta animi affeétus #quandoque cum calore celorem mutat, ut & ratione calidioris vel frigidioris aeris, non vero fubjeti, ut quidam volunt. » #ormi. mus: de pedefiribus, Cap. xxx71, fol 310. te KA Caméléon, DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 35% faméléon , nous paroiffent donc les caufes des diverfes couleurs qu'il préfente, & qui ontété le fujet de tant de fables fa). Il jouit, à un degré très-éminent, du pouvoir d’en- fler les différentes parties de fon corps, de leur don- ner par-là un volume plus confidérable, & d’arrondir ainfi celles qui feroient naturellement comprimées. C’eft par des mouvemens lents & irréguliers , & non point par des ofcillations régulières & fréquentes, que le Caméléon fe gonfle : il fe remplit d'air au point de doubler fon diamètre: fon enflure s'étend jufques dans les pattes & dans la queue : il demeure dans cet état, quelquefois , pendant deux heures, fe défenflant un peu de tems- en -tems, & fe renflant de nou- veau; mais fa dilatation eft toujours plus foudaine que fa compreflion. Le Caméléon peut auf demeurer très-long-tems défenflé : Il paroît alors dans un état de maigreur fi confidérable , que l'on peut compter fes côtes, & que Jon diftingue les tendons de fes pattes & toutes les parties de lépine du dos. C’eft du Caméléon, dans cet état, que l’on a eu raifon de dire qu'il refflembloit à une peau vivante (r); (4) Mémoires pour fervir à l'Hifl. naturelle des animaux , art. du Caméléon, pages 48 © Juiv. {r) Tertullien. Ovipares, Tome I, Y y 354 Hisroike NATURELLE : Car en éfct il paroit alors n’êtré qu'un fic de peaik: dans lequel quelques os feroient renfermés; & c’eft fur-tout lorfqu'il fe retourne, qu'il a cette apparence. Mais il en eft de cette propriété de s'eniler & de Te défenfler, comme de toutes les propriétés des ani- maux , des végétaux & même de la matière brute; aucune qualité n'a été, à la rigueur, accordée exclu- fivement à une fubftance ; ce n’eft que faute d'obfer-: vations que lon a cru voir des animaux, des végétaux ou des minéraux, préfenter des phénomènes que d’au- ires n’ofroient point. Quelque propriété qu’on remar- que dans un être, on doit s'attendre à la trouver dans un autre, quoiqu à la vérité, à un degré plus haut ou plus bas ; toutes les qualités, tous les effets {e dégradent ainf par des nuances fucceflhives, s’évanouiflent, ou fe changent en qualités & en effets oppofés. Et pour ne parler que de la pie de fe gonfler, prefque tous les Quadrupèdes o Re & particulièrement les grenouil- les, ont la faculté de s’enfler & de fe défenfler à volonté: mais aucun ne la pofsède comme le Caméléon. M. Per- rault paroit penfer qu'elle dépend du pouvoir qu'a ce lézard de faire fortir de fes poumons, l'air qu’il ref- pire , & de le faire glifler entre les mufcles'& la peau (s). Cette propriété de filtrer ainfi l'air de l'at- © (s ) Mémoires pour fervira l'Hifloire naturelle des animaux , article du Caméléon , page. 30. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 255 mofphère au travers de fes poumons, & ce gonile- -ment de tout fon corps, que le Caméléon peut pro- duire à volonté, doivent le rendre beaucoup plus lé- ger , en ajoutant à fon volume , fans augmenter fa maffe. Il peut plus facilement, par-là, s'élever fur les arbres, & y grimper de branche en branche: & ce pouvoir de faire pafler de l'air dans quelques parties de fon corps, qui lui eft commun avec les oifeaux, ne doit pas avoir peu contribué à déterminer fon féjour au milieu des forêts. Les Caméléons gonflent aufli leurs -poumons qui font compofés de plufieurs véficules, ainfi que ceux d’autres Quadrupèdes ovipares. Cette con- .formation explique les contradiétions des Auteurs qui ont difléqué ces animaux, & qui leur ont attribué les uns de petits & d'autres de grands poumons, comme Pline & Bélon. Lorfque ces vifcères font flafques, plu- fieurs véficules peuvent échapper ou paroître très- petites aux Obfervateurs, & elles occupent au con- traire un fi grand efpace, lorfqu'elles font foufflées , qu'elles couvrent prefque entièrement toutes les par- ties intérieures (+). | Le battement du cœur du Caméléon ef fi foible, que fouvent on ne peut le fentir en mettant la main au-deflus de ce vifcère (u). (4) Ray, Synopfis Quadrupedum , page 282: (u) Mém. pour fervir à l'Hiff. nat. des animaux , art. du Caméléon. Yy 1 356 Hisrorre NATUREIrE Cet animal, ainfi que les autres lézards, peut vivre: près d’un an fans manger ; & c’eft vraifemblable= ment ce qui a fait dire quil ne fe nourrifioit que d'air (y). Sa conformation ne lui permet pas de poufler de véritables cris; maïs lorfqu’il eff fur le point d’être furpris, il ouvre la gueule, & fiffle comme plufieurs autres Quadrupèdes ovipares & les ferpens. Le Caméléon fe retire dans des trous de rochers, ou d’autres abris, où il fe tient caché pendant l’hiver , au moins dans Îles pays un peu tempérés, & où il y a apparence qu'il ‘engourdit. Ce fait étoit connu d'Arif- tote & de Pline. La ponte de cet animal eft de neuf à douze œufs : nous en avons compté dix dans le ventre d’une femelle: envoyée du Mexique au Cabinet du Roï: ils font ovales, xevêtus d'une membrane molafle comme ceux des tortues marines, des iguanes, &c. ils ont à-peu-près: fept ou huit lignes dans leur plus grand diamètre. Lorfqu'on tranfporte le Caméléon , en vie, dans les pays un peu froids, il refufe prefque toute nourriture , äl fe tient immobile fur une branche, tournant feule-- ment les yeux de tems-en-tems ; & il périt bien— LOT (22 (y) Bélor. (x) Séba, vol. x. A1. Bomare, article du Caméléon. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 357 On trouve le Caméléon dans tous les climats chauds, tant de l’ancien que du nouveau Continent , au Mexi- que, en Afrique (y) ,au Cap de Bonne-efpérance, dans l’ifle de Ceylan, dans celle d'Amboine, &c. La deftinée de cet animal paroît avoir été d'intérefier de toutes les manières. Objet, dans les pays anciennement policés, dé contes ridicules, de fables agréables, de fuperftitions abfurdes & burlefques, il jouit de beaucoup de vénération fur le bord du Sénégal & de la Gambie. La religion des Nègres du Cap de Monté, leur défend de tuer les Caméléons, & les oblige à les fecourir, lorfque ces petits animaux tremblans le long des ro- chers, dont ils cherchent à defcendre, s'attachent avec peine par leurs ongles , fe retiennent avec leur queue, & s’épuifent, pour ainfi dire, en vains efforts : mais auand ces animaux font morts, ces mêmes Nègres font fécher leur chair & la mangent. (y) « Ceux qui ont l'œil bon, découvrent des raitah , Bouiah ou Caméléons fur toutes les haies. La langue du Caméléon eftce longue de quatre pouces, elle à la figure d'un pilon; cet animale la lance avec urie rapidité furprenante, fur les mouches ou autresce imfectes qu'il y accroche avec une efpèce de glu qui fort à pointe nommé du bout de fa langue. Les Maures & les Arabes , après ce: en avoir féché la peau, la portent au cou, dans la perfuafñon que cette ce amulette, les garantit contre les influences d'un œil malin.» Voyage de Shaw , dons plufieurs Proyirces de la Barbarie & du Leyant , à la Haye, 1743, volume 2, page 323: 0) 350 ya, au Cabinet du Roi, deux Caméléons, l'un du Sénégal, & l’autre du Cap de Bonne -efpérance, qui n'ont pas fur le derrière de la tête cette élévation triangulaire, cette forte de cafque, qui diftingue non- feulement les Caméléons d'Egypte & des grandes Indes, mais encore ceux du Mexique : les Caméléons difièrent aufh quelquefois les uns des autres, par le plus ou le moins de prolongation de la petite dentelure qui sé- tend le long du dos & du deffous du corps; on a d’après cela voulu féparer les uns des autres, comme autant d’efpèces diftinétes, les caméléons d'Esypte, ceux d'A- rabie, ceux du Mexique (7), ceux de Ceylan, ceux du Cap de Bonne-efpérance, &ec.; mais ces légères différences, qui ne changent rien aux caractères d’après lefquels il eft aifé de reconnoître les Caméléons, non plus qu'à leurs habitudes, ne doivent pas nous empêé- cher de regarder l’efpèce du Caméléen comme la même dans les diverfes contrées qu’il fréquente, quoiqu’elle foit quelquefois un peu altérée par l'influence du climat, ou par d'autres circonftances, & qu’elle fe montre avec quelque variété dans fa forme ou.dans fa gran- deur , fuivant l’âge & le fexe des individus. M. Parfons a donné dans les Tranfactions philofo- phiques la figure & la defcription d’un Caméléon qui HirsrTorrz NATURELLE (x) Voyez Bélon, & Jo. Faber Lynceus, dans fon expofition des animaux de la nouvelle Efpagne. DES QUADRUPÈDES OVTPARES. : 959 avoit été apporté à un de fes amis, parmi d’autres objets d'Hiftoire naturelle, & dont il ignoroit le pays natal (a). Cet animal ne différoit, d'une manière re- maïquable, des autres Caméléons, tant de l’ancien que du nouveau monde, que par la forme du cafque que nous avons décrit. Cette partie faillante ne s’étendoit pas feulement fur le derrière de la tête dans le Caméléon de M. Parfons ; mais elle fe divifoit pardevant en deux protubérances crénelées qui s’élevoient obliquement & savançoient jufqu'au -deflus des narines. Ce ne fera qu'après de nouvelles obfervations fur des individus femblables, que l’on pourra déterminer fi le Caméléon très-bien décrit par M. Parfons, appartenoït à une race confiante ou ne formoit qu'une variété individuelle. (2) Tranfaétions philofophiques , année 1768 , tome 58 ; page 192 366 Hrsrorre NATURELLE LA QUEUE-BLEUE («) HA QUEUE-BLEUE habite principalement la Cas roline. Ce lézard fe retire fouvent dans les creux des arbres. Il n’a qu'environ fix pouces de longueur. Il°eft brun ; fon dos préfente cinq raies jaunâtres & lon- gitudinales ; & ce qui fert fur-tout à le diftinguer, c'eft la couleur bleue de fa queue menue & communé- ment plus longue que le corps. Catefby dit que plu- fieurs habitans de la Caroline prétendent qu'il eft ve- nimeux : maïs il aflure n'avoir été témoin d'aucun fait qui püt le prouver. On devroit peut-être rapporter à cette efpèce un lézard du Bréfil, dont Ray parle d’après Marcgrave, & qui fe nomme ÆAmerieima (b). Suivant la defcrip- (a) La Queue-bleue. M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique, Lacerta fafciata, 40. Linn. amph. rept. Cat:fby , Curol. 2 , t. 67. Lacerta cauda cærulea, Pet. Gaz.1,r.1,$f. 2. Vacertus Marianus min. Cauda cærulea, (b) Arnericima Brafilienfibus Margr. « Lacertulus 3 digitis longus »> & pennam olorinam craflus, crura & pedes fenembi, Corpus fere qua- »dratum. Videtur totum dorfum fquamis leucophzis; latera caput, & scrura fulcis, cauda vero cærulcis. Omnes americimæ fplendent, & ad tion DES QUADRUPÉDES OPIPARES. 301 tion que Ray en donne, il eft long de deux pouces; fon dos eft couvert d'écailles grifes cendrées ; fa tête, fes côtés, fes cuifles le font d'écailles jaunes ; & fa queue l'eft d’écailles bleues; les Brafiliens le regardent comme venimeux. tatum apprimè funt læves. Digit. in pedibus, inftar fetarum porci-ce narum. Venenofum animal cenfetur. 1» Ray , Sÿnopfis animalium , page 267. Ovipares, Tome 1. Z;z 362 Hisrorre Narurerre LA Z URI E 0) L'Azuré fe trouve en Afrique ; fes écailles poin= tues le font paroïître hériflé de petits piquans: un ca= ractère d’après lequel il eft aifé de le reconnoitre, & qui lui a fait donner le nom qu’il porte, eft la cou= leur bleue dont le deffus de fon corps eft peint, & qui forme une efpèce de manteau azuré. Sa queue eft courte. (a) L'Azuré. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique. Lacerta afurea, 22, Linn. amph. rept. Séba, mus, 2, tab. 62, fig 6. DES QuaDRuPËDES ovrpAarrs. 303 Re ——————_—_—ELELE +, LÉ) GIRL S ON’. (2) TL ssr arsé de diftinguer ce lézard, qui fe trouve dans les contrées Orientales, par des verrues qui font diftribuées , fans aucun ordre, fur fon corps; par fa couleur grife tachetée de rouflâtre, & par fa queue A : à peine plus longue que le corps, & que des bandes difpofées avec une forte d'irrégularité rendent inéga- lement étagée. (a) Le Grifon. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique. Lacerta Turcica, 23. Linn. amphib. rept. : Edyw. ay. 204, tab. 204. Lacerta minor cinerea maculata afatica. ZZ i) L'UMBRE (:) L'Uusre , qui fe trouve dans plufieurs contrées chaudes de l'Amérique , a la tête très-arrondie ; l’occi- put eft chargé d’une callofité aflez grande & denuée d'écailles. La peau, qui eft fur la gorge, forme un pli profond : la couleur du corps eft nébuleufe ; les écailles étant relevées en arête, & leur fommet étant aigu, le dos paroît ftrié. La queue eft ordinairement plus longue que le corps. (a) L’'Umbre. M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta Umbra, 29. Linn. amph. rept. DbEs QvADRUPÈDES OVIPARES. 305$ LE PLITIS S (Ce) Lez Prissé a locciput calleux comme l’umbre; mais la peau, qui eft fur la gorge, forme deux plis au lieu d’un. Il diffère encore de l’umbre par plufeurs traits : des écailles coniques font paroître fa peau cha- grinée ; le deflus des yeux eft comme à demi-crénelé: derrière les oreilles font deux verrues garnies de pointes. Sur la partie antérieure du dos règne une petite den- telure formée par des écailles plus grandes que les voifines, & qui lie le Pliffé avec le galéote & l’agame. Une ride élevée s'étend de chaque côté du cou jufques fur les pattes de devant, & fe replie fur le milieu du dos. Les doigts font alongés, garnis d'ongles aplatis, & couverts par-deflous d’écailles aiguës. La queue eft ronde, & ordinairement plus longue que le corps. Le Pliffé fe trouve dans les Indes. C’eft à ce lézard qu'il paroît qu'on doit rapporter celui que M. Pallas a nommé hélioftope, dans le fup- plément latin de fon voyage en différentes parties (a) Le Plifié. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Lacerta Plica, 30. Linn, amphib. rept. 366 Hisrorre NATURELLE de l'Empire de Ruffie. Il habite les provinces les moins froides de ce vafte empire; on le trouve communément fur les collines dont la température eft la plus chaude, expofé aux rayons du foleil, la tête élevée, & fouvent tournée vers cet aftre ; fa courfe eft très-rapide. es KW DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 307 EE, L'ABGIRE (Cc). JL: wesr souvexr que de la longueur du doigt ; les écailles du dos relevées en carêne, le font paroître _ un peu hériflé. Sa queue diminue de groffeur jufqu'à l'extrémité qui fe termine en pointe. Il eft jaune fous le corps, & d’une couleur plus fombre fur le dos, le long duquel s'étendent quatre raies jaunes. Il n'a point fous le ventre de bandes tranfverfales. L'efpèce de l’Algire n'eft pas réduite à fes petites dimenfions, par défaut de chaleur, puifque c’eft dans Ja Mauritanie & dans la Barbarie qu'il habite. C’eft de ces contrées de l'Afrique quil fut envoyé par M. Brander à M. Linné qui l'a fait connoître ; & l’on ne peut pas dire que les côtes feptentrionales de l’A- frique étant plus échauflées qu'humides, lardente féche- refle des contrées où l’on trouve l’Algire, influe fur fon volume, & qu’il n’a une très-petite taille , que parce qu'il manque de cette humidité fi néceffaire à plu- fieurs Quadrupèdes ovipares, puifque l’on conferve au (a) L'Algire. M. d Aubenton, Encyclopédie méthodique Lacerta Aloira, 26. Linn, amph. rept. 368 Hirsrorre NATURELLE Cabinet du Roi un Algire entièrement femblable aux lézards de fon efpèce, & qui cependant a été envoyé de la Louifiane, où l'humidité eft aufh grande que la chaleur eft vive. M. Shaw a écrit que l’on trouve très-fréquemment en Barbarie fur les haies & dans les grands chemins, un lézard nommé Zermouméah ; il n'indique point la grandeur de cet animal ; il dit feulement que fa queue eft longue & menue; que le fond de fa couleur eft d'un brun clair; qu'il eft rayé d’un bout à l’autre, & qu'il préfente particulièrement trois ou quatre raies jaunes (b). Peut-être ce lézard eftil un Algire. Au refte, il paroït que l’Algire fe trouve auffi dans les contrées méridionales de l'Empire de Ruflie, & que l’on doit regarder comme une variété de ce lézard, celui que M. Pallas a nommé /ézard enfanglanté ou couleur de fang (c), qui reflemble prefqu'en tout à l'Algire, & qui a quatre raies blanches fur le dos, mais dont la queue cendrée par-deffus & blanchâtre à lextrémité, eft par-deflous d’un rouge d’écarlate. (Bb) Voyage de M. Shaw , dans plufisurs Provinces de la Barbarie € du Levant, à la Haye, 1743; vol. 1, page 324. (c) Supplément au Voyage de M. Pallas. KT LE STELLION, DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 309 = —— Sr LE STEBLELON (e). La QuEuE de ce lézard eft communément affez courte, & diminue de groffeur jufqu'à l'extrémité. Les écailles, qui la couvrent, font aiguës & difpofées par anneaux. D'autres écailles petites & pointues revêtent _le deflus & le deflous du corps, qui d’ailleurs eft garni, ainfi que la tête, de tubercules aigus ou de piquans plus ou moins grands; bien loin d’avoir une forme agréable, le Stellion reflemble un peu au cra- paud, fur-tout par la tête, de même que le tapaye avec lequel il a beaucoup de rapports, & dont quel- ques Auteurs lui ont donné les divers noms. Mais fi fes proportions déplaifent, fes couleurs charment ordi- (a) Stellione tarentole, en plufieurs endroits d'Italie. Pifüälloni , en plufieurs autres endroits du même Pays. Tapayaxin, en Afrique. Le Stellion. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Lacerta Stellio, zo. Linn. amphib. rept. Haffelquiff itin. 301. Lacerta Stellio. Tournefort, Voyag. 1, page 119, t. 220. Coffordilos. Séba, mus 2, tab. 8, fig. 6 6 7. Cordylus Stellio, 80. Laurenti fpecimen medicum. Ovipares, Tome I. Aaa 370 Hisroirrs NATUREÆLILE nairement la vue. Il préfente le plus fouvent un doux mélange de blanc, de noir, de gris & quelquefois de vert, dont il eft comme marbré. Il habite l’Afrique, & il ny eft pas confiné dans les régions les plus chaudes, puifqu'il eft également au Cap de Bonne-efpérance & en Egypte (2). On le rencontre aufh dans les contrées Orientales & dans les Ifles de PArchipel, ainfi qu'en Judée & en Syrie où il paroît d'après Bélon, qu'il devient très-grand (c). M. François Cetti dit qu'il eft aflez commun en Sar- daigne , & qu'il y habite dans les maiïfons; on l’y nomme farentole , ainfi que dans plufeurs provinces d'italie (d) ; & c’eft une nouvelle preuve de Pemploi qu'on a fait pour plufeurs efpèces de lézards de ce nom de rarentole , donné, ainfi que nous l’avons dit, à une variété du lézard vert. Mais c’eft fur - tout aux environs du Nil, que les Stellions font en grand nom- (B) L'individu, que nous avons décrit, a été apporté d'Egypte, au Cabinet du Roi. (c) « Il y a une manière de lézards noirs, nommés Stellions , quaf auf gros qu'eft une petite belette, leur ventre fort enflé & la tête grofle, defquels le pays de Judée & de Syrie eft bien garni. » Bélon, obfervations , &c. Edit. de Paris, 1564, Livre II, Chap. IXX1Ix, page 139. (d) Hifloire naturelle des amphibies © des poiffons de la Sardaigne. Safari, 1777, page 20. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 37X bre. On en trouve beaucoup autour des pyramides & des anciens tombeaux qui fubfiftent encore fur l'antique terre d'Egypte. Ils sy logent dans les inter- valles que laïffent les différens lits de pierres, & ils Sy nourriflent de mouches & d'infectes ailés. On diroit que ces pyramides , ces éternels mo- numens de la puifflance & de la vanité humaines, ont été deftinées à préfenter des objets extraordinaires en plus d'un genre; c’eft en effet dans ces vaftes mau- folées qu'on va recueillir avec foin les excrémens du petit lézard dont nous traitons dans cet article. Les Anciens qui en faifoieut ufage , ainfi que les Orientaux modernes, leur donnoient le nom de crocodilea (e), apparemment parce qu'ils penfoient qu'ils vencient du crocodile (f) ; & peut-être ces excrémens n’au- roient-ils pas été aufli recherchés, fi l’on avoit fu que l'animal qui les produit n’étoit ni le plus grand ni le plus petit des lézards, tant il eft vrai que les extrêmes en impofent prefque toujours à ceux dont les regards ne peuvent pas embrafler la chaine entière des objets. Les modernes, mieux inftruits, ont rapporté ces (e) c Nous trouvions aufli des Stellions, defquels les Arabes re- cueilient les excrémens, qu'ils portent vendre au Caire, nommés encs grec crocclilea. De-Rà, les Marchands nous les apportent vendre, 39 Bélon, Livre IT, Chap. XV IIT, page 132. (f) Stercore fucatus crocodil, Horace. Aaaï 372 HisToirrEe NATURELLE excrémens au Stellion, à un lézard qui na rien de très-remarquable ; mais déjà le fort de cette matière abjecte étoit décidé ; & fa valeur vraie ou faufle étoit établie. Les Turcs en ont fait une grande confomma- tion , ils sen fardoient le vifage ; & il faut que les Stellions aient été bien nombreux en Egypte, puifque, pendant long-tems, on trouvoit prefque par-tout, & en très-grande abondance , cette matière que l’on nom- moit ffercus lacerti , ainfi que crocodilea. | | | : LE SCINQUE («) Cr LézarnD ef fameux, depuis long-tems, par la vertu remarquable qu'on lui a attribuée. On a pré- tendu que pris intérieurement , il pouvoit ranimer des forces éteintes, & rallumer les feux de l’amour mal- gré les glaces de l’âge & les fuites funeftes des excès. Auñfli lui a-t-on déclaré en plufieurs endroits, & lui fait-on encore une guerre cruelle. Les payfans d'Egypte prennent un grand nombre de Scinques, qu'ils portent (a) cxiynos 077 Ttlyyos » €IL QTEC, Scincus, en latin. Ray, Synopfis animalium, page 271. Scincus. Le Scinque. M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta Scincus, 22. Linn. amphib. rept. Gron. mus. 2 , fol. 76, N.° 49. Scincus. Seb. mus. 2, fol. 212, tab. 104, fig. 3. Imperat. nat., 906. Lacerta Lybia. Olear. mus. 9, tab. 8, fig. 1. Aldr. ovip., Livre I, Chap. xrr. Lacertus cyprius Scincoides, Hafelg. Itin. 309 , N° 58. Scincus oficinalis, 87. Laurenti fpecimen medicum. 374 HirsTorrE NATUREEILE au Caire & à Alexandrie, d'où on les répand dans différentes contrées de l’Afie. Lorfqu'ils viennent d’être tués, on en tire une forte de jus dont on fe fert dans les maladies; &, quand ils ont été defléchés, on les réduit en poudre qu'on emploie dans les mêmes vues que les fucs de leur chair. Ce n’eft pas feulement en Afie, mais même en Europe qu'on a eu recours à ces moyens défavoués par la Nature, de fuppléer par des apparences trompeufes, à des forces qu’elle refufe, de hâter le dépériflement plutôt que de le retarder, & de remplacer par des jouiflances vaines, des plais frs qui ne valent que par un fentiment que tous les fecours d’un art menfonger ne peuvent faire naître (b). I n'eft pas. furprenant que ceux qui n'ont vu le Scinque que de loin & qui l’ont apperçu fur le bord des eaux, l’aient pris pour un poiflon; il en a un peu apparence par fa tête qui femble tenir immédiate- ment au corps, & par fes écailles affez grandes, lifles, d’une forme femblable tant au- deflus qu'au-deflous du corps, & qui fe recouvrent comme les ardoifes fur Jes toits. La mâchoire de deflus eft plus avancée que (b) Hañelquit dit que l'on apporte les Scinques de l'Egypte fupérieure & de l'Arabie à Alexandrie, d’où on les envoie à Venife & à Marleïlle, & de-là dans les différens endroits de l'Europe. Haffélquiff, Voyage en Palefline, page 361, . DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 375 celle de deflous: la queue eft courte & comprimée par le bout. La couleur du Scinque eft d’un roux plus ou moins foncé , blanchâtre fous le corps , & traverfée fur le dos par des bandes brunes. Mais il en eft de ce lézard, comme de tous les autres animaux dont la couverture eft trop foible ou trop mince pour ne point participer aux différentes altérations que l’intérieur de l'animal éprouve. Les couleurs du Scinque fe ter- niflent & blanchiflent lorfqu'il eft mort ; &, dans état de deffication & d’une forte de falaifon où on lap- porte en Europe, il paroït d’un jaune blanchâtre & comme argenté. Au refte, les couleurs de ce lézard, ainfi que celles du plus grand nombre des animaux, font toujours plus vives dans les pays chauds que dans les pays tempérés; & leur éclat ne doit-il pas aug- menter en effet avec l’abondance de la lumière, la vraie & l'unique fource première de toute forte de couleurs ? M. Linné a écrit que les Scinques n’avoient point d'ongles : tous les individus que nous avons examinés paroifloient en avoir: mais, comme ces animaux étoient defféchés., nous ne pouvons rien aflurer à ce fujet. Au refte, notre préfomption fe trouve confirmée par celle d'un bon Obfervateur, M. François Cetti (c). {c) Hifloire naturelle des amphibies & des poiffons de la Sardaigne, 376 Hisrorre NATURELLE On trouve le Scinque dans prefque toutes les con- trées de l'Afrique, en Egypte, en Arabie , en Libie où on dit qu'il eft plus grand qu'ailleurs, dans les Indes & peut-être même dans la plupart des pays très-. chauds de l'Europe. Non-feulement fon habitation de choix doit être déterminée par la chaleur du climat, mais encore par l'abondance des plantes aromatiques dont on dit quil fe nourrit. C’eft peut-être à cet ali- ment plus exalté, & par conféquent plus a@if, qu'il doit cette vertu ftimulante qu'on auroit pu fans doute employer pour foulager quelques maux (d) , mais dont il ne falloit pas fe fervir pour dégrader le noble feu que la Nature fait naître , en s’efforçant envain de le rallumer, lorfqu'une pañion ni l'a éteint pour toujours. Le Scinque vit dans l’eau, ainfi qu’à terre. On l’a cependant appellé crocodile Énupes & certainement c’eft un grand abus des dénominations que l’applica- tion du nom de cet énorme animal à un petit lézard, qui na que fept ou huit pouces de longueur. Auff Profper Alpin penfe-t-il que le Scinque des modernes n'eft pas le lézard défigné , fous le nom de crocodile terreftre , par les Anciens, particulièrement par Héro- (d) Pline dit que le Scinque a été regardé comme un remède contre les bleflures faites par des flèches empoifonnées, Zzyre XXVTIT, Cha- pitre XXX. dote, DÉS QUADRUPÈDES OVIPARES, 377 dote, Paufanias, Diofcoride, & célébré pour fes vertus adives & ftimulantes. Il croit qu’ils avoient en vue un plus grand lézard que l'on trouve, ajoute-t-il, au- deffus de Memphis, dans les lieux fecs, & dont il donne la figure. Maïs cette figure ni le texte n'indi- quant point de caractère très-précis, nous ne pouvons rien déterminer au fujet de ce lézard mentionné par Alpin (e). Au refte, la forme & la brièveté de fa queue | empêchent qu'on ne le regarde comme de la même efpèce que la dragonne, ou le tupinambis, ou Tiguane. (e) Profper Alpin, tome 2, Chap. 7. De animalibus Lacertofis ire Ægÿpto yiventibus. Ovipares, Tome I. Bbb 378 sn Narvrerre —— LE MABOUYA (:) LE LézanD , dont il eft ici queftion, a une très- Srande reflemblance avec le fcinque ; il n’en diffère bien fenfiblement à l'extérieur’ que parce que fes pattes font plus courtes en proportion du corps, & parce que fa mâchoire fupérieure ne recouvre pas la mâchoire inférieure comme celle du fcinque. Il n’eft point lé feul Quadrupède ovipare auquel le nom de Mabouya ait été donné. Les Voyageurs ont appellé de même un aflez grand lézard, dont nous parlerons fous le nom de doré, & qui a aufi beaucoup de reffemblance avec le fcinque, mais qui eft diftingué de notre Mabouya, en ce que fa queue eft plus longue que le corps, tandis qu’elle eft beaucoup plus courte dans le lézard dont nous traitons. Le Mabouva paroïit être d'ailleurs plus petit que le doré ; leurs habitudes diffèrent à beaucoup d’égards ; a) Sloane , vol 2, planche 273, fig. 7 € 8. Salamandra minima fufca maculis aïbis notata. Dutertre. Hifl. naturelle des Aniilles , vol. 2, page 315. Mabouya. RAD , page 247. Mabouya. Tilgugu & Tilingoni, en Sardaigne. DES QvanrurÈDes CKIPARES. 370 & comme ils habitent dans le même pays, on ne peut pas les regarder comme deux variétés dépendantes du climat ; nous les confidérerons donc comme deux ef- pèces diftinétes , jufqu'à ce que de nouvelles obferva- tions détruifent notre opinion à ce fujet. Ce nom de Mabouya , tiré de la langue des Sauvages de l'Amé- rique feptentrionale, défigne tout objet qui infpire du dégoût ou de l'horreur ; & à moins qu'il ne foit relatif aux habitudes du lézard dont il eft ici queftion, ainf qu'à celles du doré, il ne nous paroït pas devoir con- venir à ces animaux, leur conformation ne préfentant rien qui doive rappeller des images très-défagréables. Nous l’adoptons cependant, parce que fa vraie figni- fication peut être regardée comme nulle, peu de gens fachant la langue des Sauvages d’où il a été tiré, & parce qu'il faut éviter avec foin de multiplier fans néceflité les noms donnés aux animaux. Nous le con- fervons de préférence au lézard dont nous parlons, parce qu'il n’en a jamais reçu d'autre, & que le grand Mabouya a été nommé le doré par M. Linné, & par d'autres Naturaliftes. La tête du Mabouya paroît tenir immédiatement au corps, dont la groffeur diminue infenfiblement du côté de la tête & de celui de la queue. Il eft tout couvert pardeffus & pardeflous d’écailles rhomboïdales, fem- blables à celles des poiflons ; le fond de leur couleur eft d'un jaune doré; plufieurs de celles qui garniflent Bbb ÿ 380 Hrsrorrz NATURELLE le dos font quelquefois d’une couleur très-foncée, avec: une petite ligne blanche au milieu. Des écailles noiï- râtres forment , de chaque côté du corps , une bande: loensitudinale ; la couleur du fond séclaircit le long: du côté intérieur de ces deux bandes, & on y voit régner deux autres bandes prefque blanches. Au refte,, la couleur de ces écailles varie fuivant l'habitation des: Mabouya : ceux qui demeurent au milieu: des bois: pourris, dans les endroits marécageux, ainfi que dans: les. vallées profondes & ombragées, où les rayons du: foleil ne peuvent point parvenir, font prefque noirs; & peut-être leurs couleurs juftifient-elles alors , jufqu'à un certain point, ce quon a dit de leur afpeét, que: lon a voulu trouver hideux; leurs écailles paroiflent enduites d'huile, ou d’une forte de vernis (b). Le mufeau des Mabouya eft obtus; les ouvertures: des creilles font affez grandes; les ongles crochus; la queue eft groffe, émouflée, & très-courte. L'individu: confervé au Cabinet du Roi, a huit pouces de long. Les Mabouya décrits par Sloane étoient beaucoup plus: (b) ce Tertiam fpeciem Mabouyus appellat. Colore diflerent: qui im sarboribus. putridis, in. locis paluftribus, aut vallibus profinidioribus: » quo radit folares:non: penetrant, degunt. Nigri funt & afpectu horridis: sunde Mabouyas id eft diabolorum nomen :b indis ïis impofitum.. Pol-- »licem circiter, aut paulo plus craffi funt; fex aut fptem pollices lénpii. Pellis velut oleo inunéla videtur. 2» Ray, Synopfis Quadrapedum page 268. DES QUADRVUPÈDES OVIPARES, 301 petits, parce qu'ils n’avoient pas encore atteint leur entier développement. Les Mabouya grimpent fur les arbres, aïnfi que fur le faite & les chevrons des cafes des Nègres & des Indiens; mais ils fe logent communément dans Les ere+ vafles des vieux bois pourris ; ce n’eft ordinairement que pendant la chaleur qu'ils en fortent. Lorfque le tems menace de la pluie, on les entend faire beau- coup de bruit, & on les voit même quelquefois quitter leurs habitations. Sloane penfe que l'humidité qui règne: dans l'air, aux approches de la pluie, gonfle les bois, & en diminue par conféquent les intervalles aw point d'incommoder les Mabouya, & de les obliger à fortir. Indépendamment de cette raïfon, que rien ne force à. rejeter, ne pourroit - on pas dire que ces animaux font naturellement fenfibles à l'humidité ou à la féchereffe, de même que les grenouilles, avec lefquelles la plupart. des lézards ont de grands rapports; & que ce font les: impreffions que les Mabouya reçoivent de l’état de lat mofphère , qu’ils expriment par leurs mouvemens & par Le bruit qu'ils font? Les Américains les croient venimeux, ainfi que le doré , avec lequel il doit être aifé , au premier eoup-d’œil , de les confondre ; mais cependant Sloane & Brown difent qu'ils n’ont jamais pu avoir une preuve: certaine de l’exiftence de leur venin (ce). Il arrive: Le (ec) Sloane , à l'endroit déjà cité. 382 Hisrorre NATURELLE feulement quelquefois qu'ils fe jettent avec hardieffe fur ceux qui les irritent, & qu'ils sy attachent affez fortement pour qu'on ait de la peine à sen débar- rafler. C’eft principalement aux Antilles qu'on les ren- contre. Lorfqu'ils font très-petits, ils deviennent quel- quefois la proie d'animaux qui ne paroiffent pas au premier coup-d'œil devoir être bien dangereux pour eux. Sloane prétend en avoir vu un à demi-dévoré par une de ces groffes araignées, qui font fi communes dans les contrées chaudes de l'Amérique (4). On trouve auffi le Mabouya dans l'ancien monde : il ef. très-commun dans l'ile de Sardaigne , où il a été obfervé par M. François Cetti, qui ne l’a défigné que par les noms fardes de riligugu & tilingoni; Ce Natu- ralifte a fort bien faif fes traits de reflemblance & de différence avec le fcinque (e), & comme il ne con- noifloit point le Mabouya d'Amérique mentionné dans Sloane , Rochefort & Dutertre, & qui eft entièrement femblable au lézard de Sardaigne, qu'il a comparé au fcinque , il n’eft pas furprenant qu’il ait penfé que fon lézard n’avoit pas encore été indiqué par aucun Auteur. M. Thunberg, favant Profefieur d'Upfal, vient de (d) Sloane , à l'endroit déja cité. (e) Hifl. naturelle des amphibies © des poiffons de la Sardaigne. Safari , 12777 , page 21. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 303 donner la defcription d’un lézard qu'il a vu dans l’Ifle de Java, & quil compare, avec raïfon, au doré, ainfi qu'au fcinque, en difant cependant qu'il diffère de lun & de l’autre, & fur-tout du premier dont il eft diftingué par la groffeur & la brièveté de fa queue. Cet animal ne nous paroîit être qu'une variété du Mabouya , qui, dès-lors, fe trouve en Afe, ainfi qu'en Europe & en Amérique. L’individu, vu par M. Thun- berg, étoit gris cendré fur le dos, qui préfentoit quatre rangs de taches noires, mêlées de taches blanches, & de chaque côté duquel sétendoit une raie noire. M. Afzelius, autre favant Suédois, a vu dans la col- lection de M. Bættiger, à Vefteras, un lézard qui ne différoit de celui que M. Thunberg a décrit, que parce qu'il n'avoit pas de taches fur le dos, & que les raies latérales étoient plus noires & plus égales (f). (f) Mémoires de l'Académie de Stockolm , trimeftre d'Avril, de Fannée 1787 , page 123. Deféription du lézard appellé, par M. Thunberg, lacerta lateralis. 384 Hrsroire NATURELLE LE DORÉ (à) C'rsr M. Livré qui a donné à ce lézard le nom que nous lui confervons ici ; ce Quadrupède ovipare eft très-commun en Amérique , où il a été appellé, Par Rochefort, broche de terre, & où il a auf été nommé mabouya: mais comme le premier de ces noms pré- fente une idée faufle , & que le fecond a été donné æ=- (a) Le Doré. M. d Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta aurata, 25. Lin. amphibia reptilia. . Scincus maximus fufcus. Sloane, Hifloire naturelle de la Jamaïque; vol. 2, planche 273, fig 9. Dans la planche de Sloane , le Doré eft repréfenté avec la queue beaucoup plus courte que le corps ; fi la figure eft exae, ce ne doit être qu'une variété individuelle, les autres Dorés, mentionnés par les divers Naturalifes, agant tous la queue plus longue que le corps, ainfi que les individus confervés au Cabinet du Roi, & particulièrement celui qui a fervi pour la defcription contenue dans cet article. Brown dit d'ailleurs pofitivement (page 463) que le lézard que nous nommonsie Doré, à la queue plus longue qw'elle n'eft génralement repréfentée dans les figures. | A Galliwalp, en Anglois , (voyez Sloane, Ibid). Dutertre, page 314. Mabouya ou fcinq de terre. Rochefort, page 149. Brochet de terre. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 381 ‘à un autre lézard dont nous avons déjà parlé (b), & auquel il a été attribué plus généralement, nous pré- férons la dénomination employée par M. Linné. Le Doré a beaucoup de rapports, par fa conformation, avec le fcinque, & fur-tout avec le mabouya; il a de même le cou aufli gros que le derrière de la tête; mais il eft ordinairement plus grand , & fa queue eft beaucoup plus longue que le corps, au lieu qu’elle eft plus courte dans le fcinque & dans le mabouya: d’ail- leurs la mâchoire fupérieure n’eft pas plus avancée que l’inférieure, comme dans le fcinque; les ouver- tures des oreilles font très-grandes & garnies à l’inté- rieur de petites écailles qui les font paroître un peu feftonnées. Ces caractères réunis le féparent de l’ef pèce du fcinque & de celle du mabouya ; mais ül leur reflemble cependant afléz pour avoir été com- paré à un poiflon, comme ces derniers lézards, & Brown, Voyage aux Antilles , page 463. Lacerta media fquamofa, corpore & cauda oblongo-fubquadratis, auribus majoribus nudis. The Galley-Wafp. Séba, tome 2 , planche 10, fig. 4 & 5. Scinq marin. Le lézard repré- fenté dans le même volume, au, N.° 6 de la planche 12, paroït être le Doré. Séba le croyoit d'Afrique. Au refte , il eft bon. d’obferver que le N.° de Séba, indiqué à l'article du Doré, dans la treizième édi- tion de M. Linné, repréfente un tout autre lézard. Gron. mus. 2, planche 75, N.° 48. Scincus. (b) Article du Mabouya. = Ovipares, Tome I. Cce 386 Hisroirre NATURELLE particulièrement pour avoir reçu le nom de broches de terre, ainfi que nous venons de le dire. Il eft cou vert pardeflus & pardeflous de petites écailles arron- dies , ftriées & brillantes : fes doigts font armés d’on- gles aflez forts ; la couleur de fon corps eft d'un gris argenté , tacheté d'orange, & qui blanchit vers les côtés (c). Comme celles de tout animal, la vivacité de fes couleurs ‘efface lorfqu'il eft mort ; mais, tandis que la chaleur de la vie les anime, elles brillent d'un éclat très - vif qui donne une couleur d’or au roux dont il eft peint; & c’eft de-là que vient fon nom. Ses couleurs paroïifflent d'autant plus brillantes que fon corps eft enduit d’une humeur vifqueufe qui fait l'effet d'un vernis luifant. Cette forte de vernis, joint à la nature de fon habitation, l'ont fait appeller falamandre ; mais nous ne regardons, comme de vraies falamandres, que les lézards qui n’ont pas plus de quatre doigts aux pieds de devant. Linné a écrit qu'on le trouvoit dans l’ffle de Jerfay, près les côtes d’'An- gleterre ; à la vérité, il cite, à ce fujet, Edwards (tab. 247), & le lézard qui y eft repréfenté, eft très- différent du Doré. Il vit dans l'Ifle de Chypre: mais c'eft principalement en Amérique & aux Antilles quil eft répandu. Il habite les endroits maréca- (c) Suivant Brown, fa couleur eft fouvent fale & rayée tranfwerfa- lement. Woyez l'endroit déja cité, DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 307 geux (d); on le rencontre aufli dans les bois (e); fes pattes font fi courtes qu'il ne s“en fert, pour ainfi dire , que pour fe traîner, & qu'il rampe comme les ferpens , plutôt qu'il ne marche comme les Quadru- pèdes (f). Aufh les lézards Dorés déplaifent -ils par leur démarche & par tous leurs mouvemens, quoi- qu'ils attirent les yeux par l'éclat de leurs écailles & la richeffe de leurs couleurs. Mais on les rencontre rarement , ils ne fe montrent guère que le foir, téms apparemment où ils cherchent leur proie: ils fe tien- nent prefque toujours cachés dans le fonds des cavernes & dans les creux des rochers, d’où ils font entendre, pendant la nuit, une forte de coaflement plus fort & plus incommode que celui des crapands & des grenouilles (g). Les plus grands ont à-peu-près quinze pouces de long. (4). Brown dit qu'il y en a de deux pieds (i). L'individu que nous avons décrit , & qui eft confervé au Cabinet du Roi, a quinze pouces huit lignes de longueur, depuis le bout du mufeau jufqu'à Pextrémité de la queue, qui eft longue de onze pouces (d) Sloane , vol. 2. (e) Brown, à l'endroit déja aité. (f9 Ray, Synopfis animalium Quadrupedum , page 269. (g) Ray, Ibid. (A) Ray, Ibid. {;) Brown, à l'endroit déja cité, Ccc ü 388 Hisrorre NATUREIrE une ligne. Les jambes de derrière ont un pouce onze lignes de long ; celles de devant font plus courtes, comme dans les autres lézards. Suivant Sloane , la morfure du Doré eft regardée comme très-venimeufe , & on rapporta à ce Natu- ralifte, que quelqu'un qui avoit été mordu par ce lézard , étoit mort le lendemain. Les habitans des Antilles dirent généralement à Brown, qu'il ny avoit point d'animal qui pût échapper à la mort , après avoir été mordu par le Doré; maïs aucun fait pofi- tif, à ce fujet, ne lui fut communiqué par une per- fonne digne de foi (k). Peut-être eft-ce le nom de falamandre qui a valu au Doré, comme au fciique, la réputation d'être venimeux, d'autant plus quil a un peu les habitudes des vraies falamandres, vivant, ainfi que ces lézards fur terre & dans l’eau. Cette réputation l'aura fait pourfuivre avec acharnement, & c’eft de la guerre qu’on lui aura faite, que fera venue la crainte qui l’oblige à fuir devant l'Homme. Il paroït aimer les viandes un peu corrompues ; il recherche communément les petites efpèces de crabes de mer; & la dureté de la croûte qui revêt ces crabes, (4) « Ces animaux, continue Brown, ont les dents courtes, égales & immobiles. »» Ce qui lui fait penfer que leur poifon, fi réellement ils font venimeux, eft dans leur falive. Brown, à l'endroit déjà cité. DES QuADRUPÉÈDES OVFIPARES. 389 ne doit pas l'empêcher de s’en nourrir, fon eftomac étant entièrement mufculeux. En tout , cet animal bien plus nuifible qu'avantageux, qui fatigue l'oreille par fes fons, lorfqu'il ne bleffe pas les yeux par fes mouvemens défagréables , n’a pour lui qu'une vaine richefle de couleurs qu’il dérobe, même aux regards, en fe tenant dans des retraites obfcures, & en ne fe montrant que lorfque le jour s'enfuit. LE TAPAYE («) Nous CONSER VONS à ce lézardle nom de Tapaye que M. d'Aubenton lui a donné, par contraétion du nom tapayaxin, par lequel on le défigne au Mexique & dans la nouvelle Efpagne. Cet animal, qui a de grands rapports avec le Stellion, eft remarquable par les pointes aigues dont fon dos eft hériffé: fon corps que l'on croiroit gonflé, eft prefque aufli large que long; & c’eft ce qui lui a fait conferver par M. Linné le nom d’orbiculaire, I] n’a point de bandes tranfver- fales fous le ventre ; la queue eft courte; les doigts font recouverts d’écailles pardeflus & pardeflous; le fond de la couleur eft d'un gris blanc plus ou moins tacheté de brun ou de jaunûtre, Il y a, dans cette (a) Le Tapaye, M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique. Lac, orbicularis, 23 Linn. amphib. rept. Lacerta cauda tereti mediocri, vertice trimuricato abdomine fubrotundo. Ray , Synopfis Quadrupedum , page 263. Tapayaxin, feu Lacertns oxbicularis, Séba mus. 1 , planche 109, figure 6. Cordylus hifpidus, 79. Laurenti fpecimen medicum. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 207 efpèce , une variété diftinguée par la forme triangulaire de la tête, aflez femblable à celle du Caméléon, & par une forte de bouclier qui en couvre le deflus (2). On a donné auffi lè nom de Tapaxin au Stellion qui habite en Afrique; & comme le ftellion & le Tapaye ont des piquans plus ou moins grands & plus ou moins aigus, il n'eft pas furprenant que des Voyageurs aient , à la première vue, donné le même nom à deux ani- maux aflez différens cependant par leur conformation, -pour conftituer deux efpèces diftinétes. Le Tapaye n’eft point agréable à voir; ila, par la groffeur & prefque toutes les proportions de fon corps, une affez grande reflemblance avec un crapaud qui auroit une queue, & qui feroit armé d’aiguillons. Auffi Séba lui en at-il donné le nom: mais fa douceur fait oublier fa difor- mité, dont l'effet eft d’ailleurs diminué par la beauté de fes couleurs. Il femble n'avoir de piquants que pour fe défendre ; il devient familier ; on peut le manier fans qu'il cherche à mordre; il a même l’air de defirer les carefles; & l’on diroit qu'il fe plait à être tourné & retourné. Il eft très-fenfible dans certaines parties de fon corps, comme vers les narines & les yeux, (B) B. Lacerta cauda tereti brevi, trunco fubglobofo fupra muricatos Linn. amphibia reptilia 122, 23. Seba mus. 1 , planche 83, figures 1, à. Cordylus orbicularis, 78. Laurenti fpecimen medicure, 392 Hisrorre NATURErTE & les Voyageurs aflurent que, pour peu qu'on le touche dans ces endroits, on y fait couler le fang. Il habite dans les montagnes. Cet animal, qui ne fait point de mal pendant fa vie, eft utile après fa mort ; on l’'emploie avec fuccès en médecine, féché & réduit en poudre (8). (ce) Ray, Synopfis Quadrupedum , page 263. LE STRIÉ, DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 303 D'Et SR MEME, M. Lixxéa le premier parlé de ce lézard, que lon trouve à la Caroline, & qui lui avoit été envoyé par M. le Docteur Garden. La tête de ce Quadrupède ovipare ef marquée de fix raies jaunes ; deux entre les yeux, une de chaque côté fur l'œil, & une éga- lement de chaque côté au-deflous. Le dos eft noirâtre; cinq raies jaunes ou blanchâtres s'étendent depuis la tête jufqu'au milieu de la queue ; le ventre eft garni d’écailles | qui fe recouvrent comme les tuiles des toits, & forment des ftries. La queue eft une fois & demie plus longue que le corps, & n'eft point étagée, (a) Le Strié. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Lacerta quinque-Lineata, 24. Lin. fyflema naturæ, edit. 13, Ovipares, Tome I. D dd 394 Hisrorre NATurREzzE LÉ — 2 LE MAR PRÉ Le Marsré fe trouve en Ffpagne, en Afrique & ‘dans les grandes Indes. Il eft auffi très-commun en Amérique; on l'y a nommé très-fouvent Temapara, nom qui a été donné dans le même continent à plu- fieurs efpèces de lézards, ainfi que nous l'avons déjà vu, -& que nous-ne .confervons à aucune, pour.ne pas obfcurcir la nomenclature. Il paroît que, dans les deux continens, le voifinage de la zone:torride lui eft très- favorable ; fa tête eft couverte de grandes écailles sil a fous la gorge une rangée d’autres écailles plus-petites, & relevées en forme de dents, qui s'étend jufque vers la poitrine, & forme une forte de crête plus fenfble dans le mâle que dans la femelle. Le ventre n’eft point couvert de bandes tranfverfäles; le deffous des cuifles eft garni d'un rang de huit ou dix tubercules difpofés longitudinalement, mais moins marqués dans la femelle (a) Le Marbre. M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta Marmorata, 32. Linn. amphub. rept. Szba, mus. 1, planche 88, fig. 4. Temapara, 6 2 , planche 76, fig. 4- Edwards ay., tabula 245, fig. 2. DES QuUADRUPÈDES OFMIPARES. 305 que dans le mâle. Le Marbré a le, deflüs des ongles. noir ,ainfi que le galéote. Un de fes caractères diftindtifs ; eft d avoir la queue beaucoup plus longue en proportion: du corps qu'aucun autre lézard. Un individu de cette, efpèce, envoyé des grandes Indes au Cabinet du Roi par M. Sonnerat , a la queue quatre fois plus longue que le corps & la tête. Les écailles dont ia queue du Marbré eft couverte, la font paroître relevée par neuf arêtes longitudinales. La couleur du Marbré eft verdâtre fur la tête, grifatre, & rayée tranfverfalement de blanc & de noir fur le deffus du corps; elle devient rouffe fur les cuifles & les côtés du bas-ventre, où elle eft marbrée de blanc & de brun; & l’on voit fur la queue des taches évidées & rouffâtres , qui la font paroître tigrée. L'on devroit peut-être rapporter au Marbré le lézard d'Afrique, appellé warral par Shaw, & Guaral par Léon. Suivant le premier de ces auteurs, le warral a quelquefois trente pouces de long ( apparemment en y. comprenant la queue): fa couleur eft ordinaire- ment dun rouge fort vif, avec des taches noirâtres. Ce rouge n’eft pas très-différent du roux que préfente le Marbré; d’ailleurs la couleur de ce dernier reffemble bien plus à celle qu'indique Shaw, que celle des autres lézards d'Afrique. Shaw dit qu'il a obfervé que toutes les fois que le warral S’arrête, il frappe contre terre avec fa queue. Cette habitude peut très-bien convenir Ddd ÿ 306 Hrsrorre NATURELLE f'} au Marbré, qui a la queue extrêmement longue & déliée , & qui, par conféquent , peut l’agiter avec! facilité. Les Arabes , continue Shaw , racontent fort . 4 gravement que toutes les femmes qui font touchées par le battement de la queue du warral, deviennent ftériles. Combien de merveilles n’a-t-on pas attribuées dans. tous les pays aux Quadrupèdes ovipares (b) ! (b) Voyage de Shaw , dans plufieurs provinces de la Barbarie € du Levant ; à la Haye, 2743, vol. 1 , pages 323 Ÿ fuivantes. BE RO OURE T° (ci Nous APPELLONS AINSI un lézard de la Mars tinique qui a été envoyé au Cabinet du Roi, fous le nom d'anolis, & de lézard de jardin. Il n’eft point le vrai anolis de Rochefort & de Ray, que nous avons cru devoir regarder comme une variété de l’'améiva. Ce nom d’anolis a été plus d’une fois attribué à des efpèces différentes l’une de l’autre. Mais fi le lézard, dont il eft queftion dans cet article, n’a point les ca- ractères dictinctifs du véritable anolis ou de l’améiva, il a beaucoup de rapports avec ce dernier animal. Il eft femblable au lézard décrit fous le nom de Roquet, par Dutertre & par Rochefort, qui connoif- foient bien le vrai anolis, & qui avoient obfervé l’un & l’autre en vie dans leur pays natal. Nous avons (a) Dutertre, vol. 2, page 313. Roquet. Rochefort, Hifloire des Antilles, page 147. Roqu:t, Ray, Synopfis Quadrupedum , page 268. Sloane , vol. 2, planche 273, fig. 4. Lacertus cinereus minor, er Anglois the leaft light Brown , or Grey Hzard, 398 . Hisrorre NATURELLE donc cru devoir adopter l'opinion de ces deux Voya- geurs; & c’eit ce qui nous a engagé à lui conferver le nom de Roguer , que Ray lui a aufli donné. I1 fe rapproche beaucoup, par fa conformation, du lézard gris; mais il en diffère principalement, en ce que le deflous de fon corps n’eft point garni d’écailles plus grandes que les autres , & difpofées en bandes tranfverfales. Il ne devient jamais fort grand ; celui qui eft au Cabinet du Roi a deux pouces & demi de long, fans compter la queue, qui eft une fois plus longue que le corps (2). Il eft d'une couleur de feuille morte , tachetée de jaune & de noirâtre : les yeux font brillans , & l'ouverture des narines eft aflez grande; il a, prefqu’en tout, les habitudes du lézard gris. Il vit comme lui dans les jardins; il eft d'autant plus agile, que fes pattes de devant font longues, & en élevant fon corps, augmentent fa légèreté. 11 a d’ailleurs les ongles longs & crochus, & par conféquent il doit grimper aifément. Il joint à la rapidité des mouvemens, l'habitude de tenir toujours la tête haute. Cette atti- tude diflinguée ajoute à la grace de fa démarche, où plutôt à l’agrément de fa courfe, car il ne cefle, pour ainfi dire, de s’élancer avec tant de promptitude, que lon a comparé la vivacité de ces petits bonds, à la (B) Le Roquet, que Sloane a décrit, étoit beaucoup plus petit. Le corps n’avoit qu'un pouce de long, & la queue un pouce & demi, DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 309 vitefle du vol des oifeaux (c). Il aime les lieux hu- mides ; on le trouve fouvent parmi les pierres, où il fe plaît à fauter de l’une fur l’autre (d). Soit.qu'il coure ou qu'il s'arrête, il tient fa queue prefque toujours re- Jevée au-deflus de fon dos, comme le lézard de la Caroline , auquel nous avons confervé le nom de lézard- lion. Il replie même cette queue, qui eft très-déliée, de manière à ce qu'elle forme une efpèce de cercle. Malgré fa pétulance, fon caractère eft doux : il aime la compagnie de l’homme , comme le lézard gris & le lézard vert. Lorfque fes courfes répétées l’ont fa- tigué, & qu'il a trop chaud, il ouvre la gueule, tire fa langue, qui eft très-large & fendue à l'extrémité, & demeure pendant quelque tems haletant comme les petits chiens. C’eft apparemment cette habitude, qui, jointe à fa queue retrouflée , & à fa tête rele- vée, aura déterminé les Voyageurs à lui donner le nom de /zard Roquet. I] détruit un grand nombre d’in- feétes ; il s'enfonce aifément dans les petits trous des terrains qu'il fréquente, & lorfqw'il y rencontre de petits œufs de lézards ou de tortues, qui, n'étant re- vêtus que d'une membrane molle, n’oppofent pas une grande réfiffance à fa dent, on a prétendu qu'il sen (c) Ray, Synopfis animolium ; page 268. (d) Sloane , à l'endroit déjà cité, AOO Hssroïre NATURFLLE nourrifloit (e). Nous avons déjà vu quelque chofe de femblable dans lhiftoire du lézard gris; & fi le Roquet préfente une plus grande avidité que ce dernier ani- mal, ne doit-on pas perfer qu'elle vient de la vivacité de la chaleur bien plus forte aux Antilles, où il a : été obfervé, que dans les différentes contrées de l’'Eu- rope, où l’on a étudié les mœurs du lézard gris? (e) Voyez, dans le Dictionnaire d'Hiftoire naturelle de M. Bomare ; Farticle du lézard-Roquet. LE ROUGE-GORGE, DES QUADRUPÉDES OVIPARES. AO LE ROUGE-GORGE (4) Le Rouce-corce, que l'on voit à la Jamaïque, dans les haies & dans les bois, eft ordinairement long de fix pouces, & de couleur verte ; il a au-deffous du cou une véficule globuleufe qu'il gonfle très-fouvent, particulièrement lorfqu’on l'attaque ou qu'on l’effraie, & qui paroïit alors rouge, ou couleur de rofe. 11 na point de bandes tranfverfales fur le ventre : la queue eft ronde & longue. Sa parure eft, comme l’on voit, aflez jolie; & c’eft avec plaifir qu'on doit regarder l'agréable mélange du beau vert du deflus de fon corps avec le rofe de fa gorge. (2) Le Rouge-gorge. M. Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta bullaris, 32. Linn. amph. rept. Carefby , car. 2 , tabula 66. Lacerta viridis Jamaicenfis. Ovipares , Tome I. Eee LE GOITREUX (4) Lie Goirreux , qui habite au Mexique & dans l'Amérique méridionale, préfente de belles couleurs, mais moins agréables & moins vives que celles du Rouge-gorse. I1 eft d'un gris pâle, relevé fur le corps par des taches brunes, & fur le ventre par des bandes d'un gris foncé. La queue eft ronde, longue, annellée, d'une couleur livide & verdâtre à fon origine. Il a, vers la poitrine , une efpèce de goitre, dont la fur- face eft couverte de petits grains rougeâtres, & qui s'étend en avant en sarrondifflant, & en formant une très-grande bofle. : Ce lézard eft fort vif, très-lefte, & fi familier, qu'il fe promène fans crainte dans les appartemens, fur les tables, & même fur les convives. Son attitude eft gracieufe, fon regard fixe; il examine tout avec (a) Le Goïtreux. M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta ftrumofa, 33. Linn. amphibia reptila. Seba , mus. ? , tabula 20, fig. 4. Salamandra mexiçana ftrumofs, DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. AO3 une forte d'attention ; on croiroit qu'il écoute ce que l’on dit. Il fe nourrit de mouches, d'araignées, & d’autres infectes, qu'il avale tout entiers. Les Goîtreux grimpent aifément fur les arbres; ils sy battent fou- vent les uns contre les autres. Lorfque deux de ces animaux s'attaquent, c'eft toujours avec hardiefe; ils s'avancent avec fierté; ils femblent fe menacerenagitant rapidement leurs têtes; leur gorge s’enfle; leurs yeux étincellent ; ils fe faififlent enfuite avec fureur, & fe battent avec acharnement. D’autres Goîtreux font ordi- nairement fpecateurs de leurs combats, & peut-être ces. témoins de leurs efforts font-ils les femelles qui doivent en être le prix. Le plus foible prend la fuite : fon ennemi le pourfuit vivement, & le dévore, sil l’atteint; mais quelquefois il ne peut le faifir que par la queue, qui £e rompt dans fa gueule, & qu'il avale, ce qui donne au lézard vaincu le tems de s'échapper. On rencontre plufeurs Goitreux privés de queue; il femble que le défaut de cette partie influe fur leur courage, & même fur leur force : ils font timides, foibles & languifflans: il paroît que la queue ne repouffe pas toujours, & qu'il fe forme un calus à l'endroit où elle a été coupée. Le Père Nicolfon, qui a donné plufieurs détails res latifs à l’hiftoire naturelle du Goïtreux, l'appelle anolis, nom que l’on a donné à l’améiva & à notre roquet : Ece i AO4 Hirsrorre NATURELLE mais la figure, que le Père Nicolfon a publiée, prouve que le lézard dont il a parlé, eft celui dont il ef queftion dans cet article (8). (b) Efai fur l'Hifloire naturelle de Saint-Domingue, par le Père Nicoljon, Paris 2776, fedlion 3, page 350. DES QUADRUPÈDES OFIPARES. AOS Co rene men ol lente ne mme nee de Te mm ER (F9 CE me nn Per 2 ee à CN, RS Ÿ LE TÉGUIXIN.( La'coureur de ce lézard eft blanchâtre, tirant fur le bleu, diverfitiée par des bandes d’un gris fombre, & femée de points blancs & ovales. Son corps pré- fente un très - grand nombre de ffries. La queue fe termine en pointe; elle eft beaucoup plus longue qu le corps; les écailles qui la couvrent, forment des _ bandes tranfverfales de deux fortes, placées alterna- tivement. Les unes s'étendent en arc fur la partie fu- périeure de la queue, que les autres bandes entourent en entier. Mais ce qui diftingue principalement le Téguixin , c'eft que plufieurs plis obtus & relevés règnent de chaque côté du coïps, depuis la tête jufqu'aux cuifles : on voit aufli trois plis fous la gorge. — et Das (a) Le Tégurxin. M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lecerta Teguixin, 34. Linn. amphib. rept. Séba 1 , tab. 98, figure 3. M. Linné a indiqué la première figure de la planche 96 du même Volume, comme repréfentant le Téguixin: mais elle repréfente évidemment le supinambis que l'on a auf appellé Téouixin. 406 - Hisrorre NATURELLE C’eft au Bréfil, fuivant l’article de Séba, indiqué par M. Linné, qu'on trouve ce lézard, dont le nom Téguixin a été donné au Tupinambis par quelques auteurs (b). (8) Séba , vol 7, page 150. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. AO7 Qu LE TRIANGULAIRE (:). C’Esr dans l'Egypte qu'habite le lézard à queue triangulaire : ce qui le diftingue des autres, c’eft la forme de pyramide à trois faces que fa longue queue préfente à fon extrémité, Le long de fon dos s'étend une bande formée par quatre rangées d’écailles qui diffèrent par leur figure de celles qui les avoifinent. Ces détails fufliront pour ‘faire reconnoître ce lézard par ceux qui lauront fous leurs yeux. Il vit dans des endroits marécageux & voifins du Nil. Il a beaucoup de rapports dans fa conformation avec le fcinque. C’eft M. Hañflelquift qui en a parlé le premier. Les Egyptiens ont imaginé un conte bien abfurde à l’occafion du Triangulaire: ils ont dit que les œufs du crocodile renfermoient de vrais crocodiles lorf- qu'ils étoient dépofés dans l’eau , & qu'ils produifoient les petits lézards dont il eft queftion dans cet article, lorf- qu'au contraire ils étoient pondus fur un terrain fec (b). (a) Le Triangulaire. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique. Nilotica, 27. Linn. amphib. rept. Haffelquifl. Itin. 311, N° 59. (b) Haffélquifl. Voyage déjà cite. 408 HisTorrE Mia es LA DOUBLE-RAIE (4) CE Lézar D, que l’on rencontre en Afie, eft com- munément très-petit ; la queue eft très-longue , rela- tivement au corps; deux raies d’un jaune fale s'étendent de chaque côté du dos, qui préfente d'ailleurs fix rangées longitudinales de points noirâtres. Ces points font aufli répandus fur les pieds & fur la queue, & ils forment fix autres lignes fur les côtés: le corps eft arrondi & épais. Séba avoit reçu de Ceylan un individu de cette efpèce: Suivant cet Auteur, les œufs de ce lézard font de la grofleur d’un petit pois (8). (a) La Double-raie. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Lac. punétata, 38. Linn. amphib. reptilia, éba , tome 2 , planche 2 , fig. 9. Stellio punétatus, 06. Laurent: fpecimen medicum. (b) Séba, à l'endroit déja cité. a À LE SEUTATEUR DES QuADRUPÈDES OVIPARES, 400 rem smems 2, en a PR Dur nn QE open BAT TE 2 Tes mem mm 24e LE SPUTATEUR (:). a == Nousavons pÉCRIT celézard d'après un individu envoyé de Saint-Domingue à M. d'Antic, & que ce Naturalifte a bien voulu nous communiquer. Sa lon- gueur totale eft de deux pouces, & celle de la queue d'un pouce. Il n’a point de demi-anneaux fous le corps; toutes fes écailles font luifantes ; la couleur en eft blanchâtre fous le ventre, & d’un gris varié de brun foncé fur le corps. Quatre bandes tranfverfales d’un brun prefque noir règnent fur la tête & fur le dos; une autre petite bande de la même couleur borde la mâchoire fupérieure , & fix autres bandes femblables forment comme autant d’anneaux autour de la queue. Il n'y a pas d'ouverture apparente pour les oreilles; la langue eft plate, large & un peu fendue à l’ex- trémité. Le fommet de la tête & le deflus du mufeau font blanchâtres , tachetés de noir; les pattes variées de gris, de noir & de blanc ; il y a , à chaque pied, (a) Lacerta Sputator, M. Sparman, Mémoires de l’Académie des Sciences de Stockolm , année 1784 ; Jecond trimeffre , fol. 164. Ovipares , Tome I, EUTÉ 410 Hisroirrz NATURELIE cinq doigts, qui font garnis pardeffous de petites écailles, & terminés par une efpèce de pelote ou de petite plaque écailleufe , fans ongle fenfble. NT. Sparman a déjà fait connoître cette efpéce de lézard , dont il a trouvé plufieurs individus dans le Cabinet d'Hiftoire naturelle de M. le Baron de Géer, donné à l’Académie de Stockolm (4). Ces individus ne diffèrent que très-légèrement les uns des autres, par la difpoftion de leurs taches ou de leurs bandes. Ils avoient été envoyés, en 1755, à M. de Géer par M. Acrelius qui demeuroit à Philadelphie, & qui les avoit recus de Saint-Euftache. M. Acrelius écrivit à M. de Géer que le Sputateur habite dans les contrées chaudes de l’Amérique; on ly rencontre dans les maifons, & parmi les bois de charpente : on l’y nomme W00d - Slave. Ce lézard ne nuit à perfonne lorfqu’il n’eft point inquiété : mais il ne faut l’obferver qu'avec précaution, parce qu’on Tirrite aifément. Il court le long des murs; & fi quelqu'un, en s’arrêtant pour le regarder, lui infpire quelque crainte , il s'approche autant qu'il peut de celui qu'il prend pour fon ennemi; il le confidère avec attention, & lance contre lui une efpèce de crachat noir affez venimeux , pour qu'une petite goutte (b) Mémoires de l'Académie de Stockolm , à l'endroit déjà cité. DES QUADRUPÉÈDES OFIPARES. AIlI fafle enfler la partie du corps fur laquelle elle tombe. On guérit cette enflure par le moyen de Fefprit-de- vin ou de l’eau-de-vie du fucre mêlés de camfre, dont on fe fert aufli en Amérique contre la piquure des fcorpions. Lorfque lanimal s'irrite , on voit quel- quefois le crachat noir fe ramafler dans les coins de fa bouche. C’eft de la faculté qu'a ce lézard de lancer par fa gueule une humeur venimeufe, que M. Sparman a tiré le nom de Sputator qu'il lui a donné, & qui fignifie cracheur. Nous avons cru ne devoir pas le traduire, mais le remplacer par le mot Sputateur qui le rappelle. Ce lézard ne fort ordinairement de fon trou que pen- dant le jour. M. Sparman a fait deffiner de très-petits œufs cendrés, tachetés de brun & de noir, quil a regardés comme ceux du Sputateur, parce qu'il les a trouvés dans le même bocal que les individus de cette efpèce , qui faïfoient partie de la collection de M. le Baron de Géer. Nous croyons devoir parler ici d’un petit lézard femblable au Sputateur par la grandeur & par la forme. Nous préfumons qu'il n'en eft qu'une variété, peut-être même dépendante du fexe. Nous l'avons décrit d’après un individu envoÿé de Saint - Domingue à M. d'Antic avec le Sputateur; & ce qui peut faire croire que ces deux lézards habitent prefque toujours enfemble, c'eft que M. Sparman l’a trouvé dans le même bocal que les Sputateurs de la collection de E\fif0n) A12 Histoire NAaTUREIIE M. de Géer (c): aufñ ce favant Naturalifte penfe-t-if comme nous, quil n'en eft peut-être qu'une variété. L’individu que nous avons décrit a deux pouces deux lignes de longueur totale, & la queue quatorze lignes; il a, ainfi que le Sputateur, le bout des doigts garni de pelotes écailleufes, que nous n'avons remarquées dans aucun autre lézard. Sa couleur, qui eft le feul caraétère par lequel il diffère du Sputateur, eft aflez uniforme ; le deffous du corps eft d’un gris fale, mêlé de couleur de chair, & le deflus d'un gris un pew plus foncé, varié par de très-petites ondes d'un brun noirâtre, qui forment des raies longitudinales. L’indi- vidu décrit par M. Sparman, différoit de celui que nous avons vu, en ce que le bout de la queue étoit dénué d’écailles , apparemment par une fuite de quelqu'accident. D (c) Mémoires de l'Académie des Sciences de Stockolm , année 1784» fecond trimefire. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. A13 CINQUIÈME DIVISION. ÉEZN R DS Dont les doigts font garnis pardeffous de grandes écailles, qui fe recouvrent comme les ardoifes des toits (*). PE CG ECHO) Dr tous les Quadrupèdes ovipares, dont nous publions Thiftoire, voici le premier qui paroïfle renfermer un poifon mortel. Nous n'avons vu, en quelque forte, juf- *) On peut voir, dans la planche qui repréfente le Gecko , l’arran= P > P q P gement de ces écailles au-deflous des doigts. (a) Tockaie, par les Siamois. Le Gecko. M. d'Aubenron, Encyclopédie méthodique. Lac. Gecko, 22. Linn. amphib. rept. Séba 1, tab. 108 , fig 2, 5, 8 Ÿ 9. Gekko teres., 57. Laurent: fpecimen medicumt, Haffelg. Iter. 306. Lacerta Gecko, AA Histrorre NATURELLE qu'ici les animaux fe développer, leurs propriétés aug- menter & leurs forces s’accroitre , que pour ajouter au nombre des êtres vivans , pour contrebalancer l’aétion deftruétive des élémens & du tems; ici la Nature paroît, au contraire, agir contre elle-même ; elle exalte dans un lézard , dont l’efpèce n’eft que trop féconde, une liqueur corrofive, au point de porter la corruption & le dé- périflement dans tous les animaux que pénètre cette humeur active ; au lieu de fources de reproduction & de vie, on diroit quelle ne prépare dans le Gecko que des principes de mort & d’anéantiflement. Ce lézard funefte, & qui mérite toute notre atten- tion par fes qualités dangereufes , a quelque reflem- blance avec le caméléon; fa tête, prefque triangu- laire, eft grande en comparaifon du corps; les yeux font gros, la langue ef plate, revêtue de petites écailles, & le bout en eft échancré. Les dents font aigues, & fi fortes, fuivant Bontius, qu’elles peuvent faire impref- fion fur des corps très- durs, & même fur l'acier. Le Gecko eft prefque entièrement couvert de petites verrues plus ou moins faillantes; le deffous des cuiffes eft garni d'un rang de tubercules élevés & creux, comme Gron. mus. 2 , page 78, NN. 53. Salamandra. Bont. jav. Lib. II, Cap. y, fol. 47. Salamandra indica. Jobi Ludolphi alias Leut-Holf diéi, Hifloria Æthiopica, Lib. T; Caput xrrr,feél. 5. Ejufdem commentarius , fol. 267, DES QUADRUPÉDES OVIPARES. AIS dans l’iguane, le lézard gris, le lézard vert, l’'améiva; le cordyle, le marbré, le galonné, &c. Les pieds font remarquables par des écailles ovales plus ou moins échancrées dans le milieu, aufli larges que la furface inférieure de ces mêmes doigts, & difpofées régulière+ ment au-deflus les unes des autres comme les ardoifes ou les tuiles des toits ; elles revèêtent le deflous des doigts, dont les côtés font garnis d’une petite membrane, qui en augmente la largeur, fans cependant les réunir. M. Linné dit que le Gecko na point d'ongles, mais dans tous les individus confervés au Cabinet du Roi, nous avons vu le fecond, le troifième, le quatrième & le cinquième doigt de chaque pied, garnis d’un ongle très-aigu, très-court & très -recourbé, ce qui s'ac- corde fort bien avec l'habitude de grimper qu'a le Gecko, ainfi qu'avec la force avec laquelle il s'attache aux divers corps qu'il touche. Il en eft donc des lézards comme d’autres antmaux bien diflérens, & par exemple des oïifeaux. Les uns ont les doigts des pieds entièrement divifés; d’autres les ont réunis par une peau plus ou moins lâche; d'autres ramaflés en deux paquets, & d'autres enfin ont leurs doigts libres , mais cependant garnis d’une membrane qui en augmente la furface. La queue du Gecko eft communément un peu plus longue que le corps; quelquefois cependant elle eft plus courte : elle eft ronde, menue, & couverte d’'anneaux 416 Hisrorrz NATURELLE ou de bandes circulaires très-fenfibles; chacune de ces bandes eft compofée de plufieurs rangs de très-petites écailles dans le nombre & dans l’arrangement def- quelles on n'obferve aucune régularité » ainfi que nous nous en fommes aflurés par la comparaifon de plufeurs individus ; c'eft ce qui explique les différences qu'on a remarquées dans les defcriptions des Naturaliftes qui avoient compté trop exactement dans un feul individu, les rangs & le nombre de ces très-petites écailles. Suivant Bontius, la couleur du Gecko eft d’un vert clair, tacheté d’un rouge très-éclatant. Ce même Obfervateur dit quon appelle Gecko le lézard dont nous nous occupons, parce que ce mot imite le cri qu'il jette, lorfqu'il doit pleuvoir, fur-tout vers la fin du jour. On le trouve en Egypte, dans l'Inde, à Am- boine , aux autres ifles Moluques , &c. Il fe tient de préférence dans les creux des arbres à-demi pourris, ainfi que dans les endroits humides; on le rencontre auf quelquefois dans les maïfons, où il infpire une srande frayeur, & où on semprefle de le faire périr. Bontius a écrit en effet que fa morfure eft venimeufe, au point que fi la partie affeétée n’eft pas retranchée ou brûlée, on meurt avant peu d'heures. L’attouche- ment feul des pieds du Gecko eft même très-dangereux, & empoifonne, fuivant plufieurs Voyageurs, les viandes fur lefquelles il marche : l’on a cru qu'il les infeétoit par fon urine, que Bontius regarde comme un poifon des DES QuADRUPÉÈDES OVIPARES. A17 des plus corrofifs; mais ne feroit-ce pas auffi par l'hu- meur qui peut fuinter des tubercules creux placés fur la face inférieure de fes cuifles? Son fang & fa fa- live, ou plutôt une forte d’écume, une liqueur épaifle & jaune, qui s'épanche de fa bouche lorfqw’il eftirrité, ou lorfqu'il éprouve quelqu’affedtion violente, font regardés de même comme des venins mortels, & Bontius, ainfi que Valentin, rapportent que les habi- tans de Java s’en fervoient pour empoifonner leurs flèches. Hañffelquift affure aufli que les doigts du Gecko ré- pandent un poifon , que ce lézard recherche les corps imprégnés de fel marin, & qu'en courant deflus, il laïffe après lui un venin très-dangereux. Il vit, au Caire, trois femmes prêtes à mourir, pour avoir mangé du fromage récemment falé, & fur lequel un Gecko avoit dépofé fon poifon, Il fe convainquit de l’âcreté des exhalaifons des pieds du Gecko, en voyant un de ces lézards courir fur la main de quelqu'un qui vouloit le prendre : toute la partie fur laquelle le Gecko avoit pañié , fut couverte de petites puftules, accompagnées de rougeur , de chaleur, & d’un peu de douleur, comme celles qu'on éprouve quand on a touché des orties. Ce témoignage formel vient à l’appui de ce que Bontius dit avoir vu. Il paroït donc que , dans les contrées chaudes de l’Inde & de l'Egypte, les Gecko contiennent un poifon dangereux, & fouvent mortel ; il n'eft dona Ovipares, Tome I, LIGUE 418 Hisroïtre NATURELLE pas furprenant qu’on fuie leur approche, qu’on ne les découvre qu'avec horreur, & qu’on s'efforce de les éloigner ou de les détruire. I1 fe pourroit cependant que leurs qualités malfaifantes variaffent fuivant les pays, les faifons, la nourriture, la force, & l'état des: individus (b). AE Le Gecko, felon Haffelquift, rend un fon fingulier, qui reflemble un peu à celui de la grenouille, & qu'il eft fur-tout facile d'entendre pendant la nuit. Il eft heureux que ce lézard, dont le venin eft fi redou- table, ne foit pas filencieux, comme plufeurs autres Quadrupèdes ovipares, & que fes cris très-diftinds & particuliers puiflent avertir de fon approche, & faire éviter fes dangereux poifons. Dès qu'il a plu, il fort de fa retraite; fa démarche eft afflez lente : il va à la chaffe des fourmis & des vers. C’eft à tort que Wurfbainius a prétendu dans fon livre, intitulé: Sa- lamandrologia , que les Gecko ne pondoient point. Leurs œufs font ovales, & communément de la srofleur d'une noifette. On peut en voir la figure dans la planche de Séba, déjà citée. Les femelles ont foin de les couvrir d’un peu de terre, après les avoir dé- pofés; & la chaleur du foleil les fait éclore. (8) Les Indiens prétendent que [a racine de Curuma (terre mérite ou fafran Indien) eft un très-bon remède contre la morfure du Gecko. Bontius , à l'endroit déjà cité. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. A19 Les Mathématiciens Jéfuites, envoyés dans les Indes orientales par Louis XIV, ont décrit & figuré un lézard du Royaume de Siam, nommé rokaie, & qui eft évi- demment le même que le Gecko. L’individu qu'ils ont examiné, avoit un pied fix lignes de long, depuis le bout du mufeau jufqu'à l'extrémité de la queue (ce). Les Siamois appellent ce lézard roKaie, pour imiter le cri quil jette ; ce qui prouve que le cri de ce Qua- drupède ovipare eft compofé de deux fons proférés durement, difficiles à rendre, & que l’on a cherché à exprimer , tantôt par rokaie, tantôt par Gecko. (c) Mémoires pour fervir à l'Hifloire naturelle des animaux , tome 3, article du Tockaie. 420 Histoire NATURELLE LE GECKOTTE (c) Nous conservons ce nom à un lézard qui a une fi grande reflemblance avec le gecko, qu'il eft très- difficile de ne pas les confondre l’un avec l’autre, quand on ne les examine pas de près. Les Naturaliftes n’ont même indiqué éncore aucun des vrais caractères qui les diftinguent. M. Linné feulement a dit que ces deux lézards ont le même port & la même forme, mais : que le Geckotte, quil appelle le mauritanique, a a queue étagée, & que le gecko ne la point. Cette différence n’eft réelle que pendant la jeunefle du Geckotte ; lorfqu'il eft un peu âgé, fa queue eft au contraire beaucoup moins étagée que celle du gecko. Ces deux Quadrupèdes ovipares fe reflemblent fur- tout par la conformation de leurs pieds. Les doigts du Geckotte font comme ceux du gecko, garnis de mem- (a) Le Geckotte. M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta mauritanica, 22. Linn. amphib. reptilia. Seba, mus. 1 , tab. 108 , fig 1, 3,4,6& 7. Gecko verticillatus , 56. Gecko muricatus, 58. Laurenti Jpectren medicum. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 421 branes, qui ne les réunifient pas, mais qui en élargif- fent la furface ; ils font également revêtus par-defflous d'un rang d'écailles ovales, larges, plus ou moins échancrées, & qui fe recouvrent comme les ardoifes des toits. Mais, en examinant attentivement un grand nombre de gecko & de Geckotte de divers pays, con- fervés au Cabinet du Roi, nous avons vu que ces deux efpèces différoient conftamment l’une de l'autre par trois caractères très-fenfibles. Premièrement, le Geckotte a le corps plus court & plus épais que le gecko ; fecondement, il n'a point au-deffous des cuifles un rang de tubercules comme le gecko; & troifièmement, fa queue eft plus courte & plus groffe. Tant qu'il eft encore jeune , elle eft recouverte d’écailles, chargées chacune d’un tubercule en forme d’aiguillon, & qui, par leurs difpofitions , la font paroître garnie d’anneaux écailleux : mais à mefure que l’animal grandit, les anneaux les plus voifins de l’extrémité de la queue dif- paroiflent ; bientôt il n’en refte plus que quelques-uns près de fon origine, qui s’oblitèrent enfin comme les autres, de telle forte que quand l’animal eft parvenu à-peu-près à fon entier développement, on n'en voit plus aucun autour de la queue : elle eft alors beau- coup plus grofle & plus courte en proportion que dans le premier âge; & elle n’eft plus couverte que de très-petites écailles, qui ne préfentent aucune appa- rence d’anneaux. Le Geckotte eft le feul lézard dans 422 Hisrorre NATUREz:LE lequel on ait remarqué ce changement fucceffif dans les écailles de la queue. Les tubercules ou aiguillons qui la revêtent pendant qu'il eft jeune, fe retrouvent fur le corps de ce lézard, ainfi que fur les pattes ; ils font plus ou moins faillans, & fur certaines parties, telles que le derrière de la tête, le cou, & les côtés du corps, ils font ronds, pointus, entourés de tuber- cules plus petits, & difpofés en forme de rofette. Le Geckotte habite prefque les mêmes pays que le gecko, ce qui empêche de regarder ces deux animaux comme deux variétés de la même efpèce, produites par une différence de climat. On le trouve dans l’ifle d'Amboine, dans les Indes, & en Barbarie, d’où M. Brander l’a envoyé à M. Linné. L'on peut voir, au Cabinet du Roi, un très-petit Quadrupède ovipare, qui y a été adreflé fous le nom de lézard de Saint- Domingue ; c’eft évidemment un Geckotte; & peut- être cette efpèce fe trouve-t-elle en effet dans le nouveau monde. On la rencontre vers les contrées tempérées, jufques dans la partie méridionale de la Provence, où elle eft très-commune (), On l'y appelle tarente, nom qui a été donné au EEE (8) Note communiquée par M. Olivier , qui a bien voulu nous faire part des obférvations qu'il a faites fur les habitudes de cette efpèce de lézard. DES QUADRUPEÈDES OVIPARES: 43% ftellion, & à une variété du lézard vert, ‘ainfi que nous l'avons vu. On le trouve dans les mafures, & dans les vieilles maifons, où il fuit les endroits frais, bas, & humides, & où il fe tient communément fous les toits. Il fe plait à une expofition chaude; il aime le foleil : il pañle l'hiver dans des fentes & dans des crevafles ; fous les tuiles, fans y éprouver cependant un engourdiflement parfait; car, lorfqu’on le découvre, il cherche à fe fauver, en marchant lourdement. Dés les premiers jours du printems, il fort de fa retraite, & va fe réchauffer au foleil; mais il ne s’écarte pas beaucoup de fon trou, & il y rentre au moindre bruit : dans les fortes chaleurs, il fe meut fort vite, quoiqu'il n'ait jamais l'agilité de plufeurs autres lézards. Il fe nourrit principalement d’infectes. Il fe crampone faci- lement , par le moyen de fes ongles erochus, & des écailles qu'il a fous les pieds; aufli peut-il courir, non- feulement le long des murs, mais encore au-deflous des planchers, & M. Olivier, que nous venons de citer, l'a vu demeurer immobile pendant très-long- tems fous la voûte d’une églife. Il reflemble donc au gecko, par fes habitudes, autant que par fa forme. On a dit qu'il étoit venimeux, peut- être à caufe de tous fes rapports avec ce dernier Qua- drupède ovipare, qui, fuivant un très-grand nombre de Voyageurs, répand un poifon mortel. M. Olivier 424 Hisrorre NATURELLE afure cependant qu'aucune obfervation ne le prouve ; & que ce lézard cherche toujours à s'échapper lorf- qu'on le faifit. Les Geckottes ne fortent point de leur trou lorfqu'il doit pleuvoir ; mais jamais ils annoncent la pluie par quelques cris, ainfi qu'on l’a dit des gecko; & M. Oli- vier en a fouvent pris avec des pinces, fans qu'ils £flent entendre aucun fon. LA TETE-PLATE, DES QUADRWPÉÈDES OPIPARES. 425 ee | As LEUR EPL AUTRE. Nous xommoxs ainfi un lézard qui na encore été indiqué par aucun Naturalifte. Peu de Quadrupèdes ovipares font aufli\ remarquables par la fingularité de leur conformation. Il paroït faire la nuance entre plu- fieurs efpèces de lézards: il femble particulièrement tenir le milieu entre le caméléon, le gecko & la falamandre aquatique; il a les principaux caractères de ces trois efpèces. Sa tête, fa peau & la forme générale de fon corps reflemblent à celles du camé- léon ; fa queue à celle de la falamandre aquatique, & fes pieds à ceux du Gecko: aufhi aucun lézard n'eft-il plus aifé à reconnoître, à caufe de la réunion de ces trois caractères faillans ; il en a d’ailleurs de très-marqués ; qui lui font particuliers. Sa tête, dont la forme nous a fuggéré le nom que nous donnons à ce lézard , eft très-aplatie ; le deflous en eft entièrement plat; l'ouverture de la gueule s'étend jufqu'au-delà des yeux; les dents font très-petites & en très- grand nombre; la langue eft plate, fendue & aflez femblable à celle du Gecko. La mâchoire Ovipares, Tome I. Hhh 426 Hisrorre NATURELLE inférieure eft fi mince, qu'au premier coup-d’œil om feroit tenté de croire que l’animal a perdu une portion. de fa tête, & que cette mâchoire lui manque. La tête eft d’ailleurs triangulaire, comme celle du ca- méléon ; mais le triangle qu’elle forme eft trèsalongé, & elle ne préfente point l’efpèce de cafque, ni les dentelures qu'on remarque fur cette dernière. Elle eft articulée ayec le corps, de manière à former em deffous un angle obtus, ce qui ne fe retrouve pas dans la plupart des autres Quadrupèdes ovipares. Elle eft très-grande; fa longueur eft à-peu-près la moitié de celle du corps ; les yeux font très-gros & très-proémi- nens ; la cornée laiffle appercevoir fort diftinétement l'iris, dont la prunelle confifte en une fente verticale, comme celle des yeux du Gecko, & qui doit être très-fucceptible de fe dilater, ou de fe contracter, pour recevoir ou repoufler la lumière. Les narines font placées prefqu'au bout du mufeau, qui eft mouffe, & qui fait le fommet de lefpèce de triangle alongé, formé par la tête. Les ouvertures des oreilles font très- petites ; elles occupent les deux autres angles du triangle , & font placées auprès des coins de la gueule; la peau du deflous du cou forme des plis : le deflous du corps eft entièrement plat. Les quatre pieds du lézard à tête - plate font chacun divifés en cinq doigts; ces doigts font réunis à leur origine par la peau des jambes qui les re- DES QUADRUPÈDES OMIPARES. 497 couvre pardefius & pardeflous ; mais ils font enfuite très-divifés, fur-tout ceux de derrière, dont le doigt intérieur eft féparé des autres, comme dans beaucoup de lézards, de manière à repréfenter une forte de pouce. Vers leur extrémité , ils font garnis d'une membrane qui les élargit , comme ceux du Gecko & du Geckotte; & à cette même extrémité, ils font revètus pardeffous de lames ou écailles qui fe recou- vrent comme les ardoifes des toits; elles font commu- nément au nombre de vingt, & placées fur deux rangs qui s’écartent un peu l’un de l’autre au bout du doigt; le petit intervalle qui fépare ces deux rangs, renferme un ongle très-crochu, très-fort, & replié en deflous. La queue eft menue, & beaucoup plus courte que le corps ; eile paroît très-large & très-aplatie , parce qu'elle eft revêtue d’une membrane qui sétend de chaque côté, & lui donne la forme d'une forte de rame. Il eft aifé cependant de diftinguer la véritable queue que cette membrane recouvre, & qui préfente pardeflus & pardeflous une petite faillie longitudinale. Cette partie membraneufe n’eft point comme dans la falamandre aquatique , placée verticalement ; mais elle forme des deux côtés une large bande horizontale. La peau qui revêt la tête, le corps, les pattes & la queue du lézard à tête plate, tant deflus que deffous, eft garnie d’un très-grand nombre de petits points faillans, plus ou moins apparens, qui fe touchent & la font Hhhij 429 HisrorrEe NATURELLE paroître chagrinée; & ce qui conftitue un caractère jufqua préfent particulier au lézard à tête plate, c'eft que la partie fupérieure de tout le corps ef difinguce de la partie inférieure par une prolonga- tion de la peau qui règne en forme de membrane frangée depuis le bout du mufeau jufqu’à l’origine de la queue, & qui s'étend également fur les quatre pattes, dont elle diftingue de même le defus d'avec le deflous. Ce lézard n’a encore été trouvé qu’en Afrique; il paroît fort commun à Madagafcar , puifque l’on peut voir, dans la collection du Cabinet du Roi, quatre in- dividus de cette efpèce envoyés de cette Ifle. Cette colleion en renferme aufi un cinquième , que M. Adanfon a rapporté du Sénégal; & c’eft fur ces cinq individus, dont la conformation! eft parfaitement femblable, que jai fait la defcription que lon. vient de lire. Le plus grand a de longueur totale huit pouces fx Jig de longueur. Aucun Naturalifte n’a encore rien écrit nes, & la queue a deux pouces quatre lignes touchant cet animal; mais il a été vu à Madagafcar par M. Bruyères, de la Société royale de Montpellier, qui a bien voulu me communñianer fes obfervations au fujet de ce Quadrupède ovipare. La couleur du lézard à tète-plate, n'eft point fixe , ainfi que: celle de plufeurs autres lézards; mais elle varie, comme celle du caméléon , & préfente fucceflivement ou toùt-à-la-fois plufieurs nuances de rouge , de jaune , DES QUADRUPÈDES OVIPARES. A2 de vert & de bleu. Ces effets obfervés par M. Bruyères, nous paroiflent dépendre des différens états de l’animal, ainf que dans le caméléon ; & ce qui nous le perfuade, c'eft que la peau du lézard à tête-plate eft prefque entièrement femblable à celle du caméléon. Mais, dans ce dernier, les variations de couleur s'étendent fur la peau du ventre, au lieu que, dans le lézard dont il eft ici queftion , tout le deflous du corps, depuis l’extré- mité des mâchoires jufqu'au bout de la queue, préfente toujours une couleur jaune & brillante. M. Bruyères penfe, avec toute raifon, que le lézard que nous nommons réte-plate, eft le même que celui que Flaccourt a défigné par le nom de Famo-cantrata , & que ce Voyageur a vu dans l’Ifle de Madagafcar (a): c'eft auf le Famocantraton dont Dapper a parlé (8). ” Les Madégaffes ne regardent le lézard à tête-plate qu'avec une efpèce d'horreur ; dès qu'ils lapperçoivent, ils fe détournent, fe couvrent même les yeux, & fuient avec précipitation. Flaccourt dit qu'il eft très- dangereux, qu'il sélance fur les Nègres, & qu'il s'at- (a) Hifloire de Madagafear, par Flaccourt, Chapitre XXXV11r, page 1564. Didionnaire d'Hifloire naturelle de M. Bomare , article du FAMor CANTRATON. (2) Dapper, defcription de l'Afrique , page 458. 430 Hisrorre NATUREILIE tache fi fortement à leur poitrine (c) par le moyen de la membrane frangée qui règne de chaque côté de fon corps, qu'on ne peut l'en féparer qu'avec un rafoir. M. Bruyères n’a rien vu de femblable; il af- füre que les lézards à tête-plate ne font point venimeux; il en a fouvent pris à la main; ils lui ferroient les doigts avec leurs mâchoires, fans que jamais il lui foit furvenu aucun accident. Il eft tenté de croire que la peur que cet animal infpire aux Nègres, vient de ce que le lézard ne fuit point à leur approche, & qu'au contraire il va toujours au-devant d'eux la gueule béante, quelque bruit que l’on faffe pour le détourner; c’eft ce qui l’a fait nommer par des mate- lots francois le Sourd; nom que l’on a donné aufh dans quelques Provinces de France à la falamandre terreftre. Ce lézard vit ordinairement fur les arbres, ainfi que le caméléon ; il sy retire dans des trous, d’où il ne fort que la nuit, &, dans les tems pluvieux, on le voit alors fauter de branche en branche avec agilité ; fa queue lui fert à fe foutenir, quoique courte; il la replie autour des petits rameaux; s'il tombe à terre, il ne peut plus s’élancer ;.il fe traîne jufquà l'arbre qui eft le plus à fa portée ; il y grimpe, & y recommence à fauter de branche en branche. Il. (c) Le nom de Famocantrata que l’on a donné à ce lézard dans lIfle de Madagafcar, fignifie qui faute à la poitrine. DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 43 marche avec peine, ainfi que le caméléon; & ce qui nous paroît devoir ajonter à la difliculté avec laquelle il fe meut quand il eft à terre, c'eft que fes pattes de devant font plus courtes que celles de derrière, ainfi que dans les autres lézards, & que cependant fa tête forme pardeflous un angie avec le corps , de telle forte, qu'à chaque pas qu'il fait, il doit donner du nez contre terre. Cette conforma- tion lui eft au contraire favorable lorfqu'il sélance fur les arbres, fa tête pouvant alors fe trouver très-fouvent dans un plan horizontal. Le lézard à tête-plate ne fe nourrit que d'infettes ; il a prefque toujours la gueule ouverte pour les faifir, & elle eft intérieure- ment enduite d'une matière vifqueufe, qui les empêche de s'échapper. Séba a donné la figure d'un lézard qu'il dit fort rare, qui, fuivant lui, fe trouve en Egypte & en Arabie, & qui doit avoir beaucoup de rapports avec notre lézard à tête-plate: mais fi la defcription & le deffin en font exacts , ils appartiennent à deux efpèces différentes. On s'en cenvaincra , en compa- rant la defcription que nous venons de donner, avec celle de Séba (d). En effet fon lézard a, commelenôtre, les doigts garnis de membranes , aïinfi que les deux (d) Séba, vol. 2, planche 103, fig. 2. 432 HisTorrr NATUREILE côtés de la queue; mais il en diffère en ce que fa tête & fon corps ne font point aplatis ; qu'il n’a point la membrane frangée dont nous avons parlé; que les pieds de derrière font prefque entièrement palmés ; que la queue eft ronde , beaucoup plus longue que le corps; & que la membrane qui en garnit les côtés , eft aflez profondément feftonnée, SIXIÈME DIVISION. 5è DES QUADRUPÉDES OVIPARES. A33 ——, LEZARDS Qui n'ont que trois doigts aux pieds de devant G aux pieds de derrière. Lr Seps doit étre confidéré de près , pour n'être pas confondu avec les ferpens. Ce qui en effet diftingue principalement ces derniers d'avec les 16- zards, c’eft le défaut de pattes & d'ouvertures pour les oreilles : mais on ne peut remarquer que diffici- lement l'ouverture des oreilles du Seps; & fes pattes font prefqu'invifibles par leur extrême petitefle. Lor£- qu’on le regarde, on crciroit voir un ferpent, qui, par mm (a) La Cicigna, en Sardaigne. Le Seps. M. d’'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta Seps , 27. Linn. amplib. repr. Ovipares, Tome I. Tii 434 Hrsrorre NATUREILE une efpèce de monftruofité, feroit né avec deux petites pattes auprès de la tête, & deux autres, très-éloignées, fituées auprès de l’origine de la queue. On le croiroit d'autant plus, que le Seps a le corps très-long & trés- menu, & qu'il a l'habitude de fe rouler fur lui-même comme les ferpens (b). À une certaine diflance, on feroit même tenté de ne prendre fes pieds que pour des appendices informes. Le Seps fait donc une des nuances qui lient d'aflez près les Quadrupèdes ovipares avec kes vrais reptiles. Sa forme peu prononcée , fon carac- tére ambigu, doivent contribuer à le faire reconnoitre. Ses yeux font très-petits, les ouvertures des oreilles bien moins fenfibles que dans la plupart des lézards: la queue finit par une pointe très-aiguê ; elle eft com- munément très-courte; cependant elle étoit auffi longue que le corps dans l'individu décrit par M. Linné, & qui faifoit partie de la collection du Prince Adolphe. Le Seps eft couvert d'écailles quadrangulaires, qui forment en tout fens des efpèces de ftries. La couleur de ce lézard eft en général moins foncée fous le ventre que fur le dos, le long duquel s'étendent deux bandes, dont la teinte eft plus ou moins claire, & qui font bordées de chaque côté d’une petite raie noire. La grandeur des Seps, ainfi que celle des autres (B) Hifloire naturell: de la Sardaigne , par M. François Cetti. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. A35 lézards, varie fuivant la température qu'ils éprouvent, la nourriture qu'ils trouvent, & la tranquillité dont ils jouiffent. C’eft donc avec raifon que la plupart des Naturaliftes ont cru ne devoir pas afligner une grandeur déterminée, comme un caractère rigoureux & diftinctif de chaque efpèce ; mais il n’en eft pas moins intéreflant d'indiquer les limites, qui, dans les diverfes efpèces, circonfcrivent la grandeur, & fur-tout d'en marquer les rapports, autant qu'il eft pofible, avec les différentes contrées, les habitudes, la chaleur, &c. Les Seps, qui ne parviennent quelquefois en Provence, & dans les autres provinces méridionales de France, qu’à la longueur de cinq ou fix pouces, font longs de douze ou quinze dans des pays plus conformes à leur nature. Il y en a un au Cabinet du Roi, dont la longueur totale eft de neuf pouces neuf lignes ; fa circonférence eft de dix-huit lignes, à l'endroit le plus gros du corps; les pattes ont deux lignes de longueur, & la queue eft longue de trois pouces»trois lignes. Celui que M. François Cetti a décrit en Sardaigne, avoit douze pouces trois lignes de long (apparemment mefure farde. ) Les pattes du Seps font fi courtes, qu'elles n’ont quelquefois que deux lignes de long, quoique le corps ait plus de douze pouces de longueur (c). À peine paroiflent-elles pouvoir toucher à terre, & cependant (c) Hifloire naturelle de la Sardaigne, pages 28 € Juiv. Tiiï 436 Hrsrorre NATURELLE le Seps les remue avec vitefle, & femble s'en fervir avec beaucoup d'avantage, lorfqu'il marche (d). Les pieds font divifés en trois doigts, à peine vifibles, & garnis d'ongles, comme ceux de la plupart des autres lézards. M. Linné a compté cinq doigts dans le Seps qui faifoit partie de la collection du Prince Adolphe de Suède ; mais nous n'en avons jamais trouvé que trois dans les individus de différens pays que nous avons décrits, & qui font au Cabinet du Roï, avec quelque attention que nous les ayons confidérés, & quoique nous nous foyons fervis de très-fortes loupes. C’eft au Seps que l’on doit rapporter le lézard indi- qué par Ray, fous le nom de Seps, ou de lézard chal- cide; M. Linné nous paroît s'être trompé (e) en. appellant ce dernier lézard chalcide, & en le féparant du Seps (f). La defcription que l’on trouve dans Ray convient très-bien à ce dernier animal; les raies noires le long du dos, & la forme rhomboïdale des écailles que Ray attribue à fon lézard, font en effet des ca- ractères diftinctifs du Seps (2). Le lézard défigné par (d) Hifloire naturelle de la Sardaigne, pages 28 @ fuiv. (e) Voyez, dans cette Hiftoire naturelle, l'article du chalcide.- (F) Syllema naturæ amphib. reprilia. Lacerta ,-editio 3: “(g) « Seps ferpens pedatus potius eft quàm Lacerta. Parvus erat;. #rotundus , lineis nigris in dorfo parallelis fecandum longitudinem: DES QUADRUPÉDES OVIPARES. A37 Columna, fous le nom de Seps ou de chalcide (4), féparé du Seps par M. Linné, & appellé chalcide par ce grand Naturalifte, eft A une fimple variété du Seps, aflez voifine de celle que l’on trouve aux en- virons de Ronre, ainf qu'en Provence, & dont on con- ferve un individu au Cabinet du Roï. Le lézard de Columna avoit, à la vérité, deux pieds de long, tandis que le Seps des environs de Rome, que l’on peut voir au Cabinet du Roi, na que fept pouces huit lignes de longueur; mais il préfentoit les caractères qui dif- tinguent les véritables Seps. L'animal que M. Linné a rangé parmi les ferpens, qu'il a appellé Anguis Quadrupède , & qu'il dit habiter dans l’ifle de Java (i), eft de même un véritable Seps; tous les caractères rapportés par M. Linné conviennent à ce dernier lézard, excepté le défaut d'ouvertures pour les oreilles, & les cinq doïgts de chaque pied; mais M. Linné ajoutant que ces doigts font fi petits, qu'on a bien de la peine à les appercevoir, on peut croire que l'on en aura difément compté deux de trop. D'ailleurs les ouvertures des oreilles du Seps font dudtis diftinŒus in acutam caudam definebat..… .équamæreticulatz, ce: rhomboides, »> Ray, Synopfis animalium , fol. 272. (Ch) Fabi columneæ ecphra. Seps, Lacerta chalcidica, feu chalcidess. (2) Syflema nature amphib., editio 13, tom. 2 , fol. 360. 438 HirsrTorrse NATURELLE quelquefois fi petites, qu'il paroît en manquer abfo- lument. C'eft également au Seps qu'il faut rapporter les lézards nommés vers ferpentiformes d'Afrique, & dont M. Linné a fait une efpèce particulière fous le nom dAnguina. Il fuflit, pour s’en convaincre, de jeter les yeux fur la planche de Séba, citée par le Naturalifte Suédois ; la forme de la tête, la longueur du corps, la difpofition des écailles, la poñtion & la brièveté des quatres pattes fe retrouvent dans ces prétendus vers comme dans le Seps (k); & ce n’eft que parce qu'on ne les a pas regardés d’affez près, qu'on a attri- bué des pieds non-divifés à ces animaux, que M. Linné seft cru obligé par-là de féparer des autres lézards, Suivant Séba, les Grecs ont connu ces Quadrupèdes; ils ont même cru être informés de leurs habitudes en certaines contrées, puifqu'ils les ont nommés acheloi & elyoi, pour défigner leur féjour au milieu des eaux troubles & bourbeufes. On les rencontre au Cap de Bonne-efpérance , vers la baie de la Table, parmi les rochers qui bordent la rivière. Suivant la figure de Séba, ces Seps du Cap de Bonne-efpérance, ont là queue beaucoup plus longue que le corps (1). (Æ) Syflema naturæ amphibia reptilia , edit, 13, vol. 2 , page 374, (1) Séba 2, planche 68, fig. 7 & 8, 4] #11 DES QUADRUPÈDES OVIPARES. A0 Columna , en difféquant un Seps femelle, en tira quinze fœtus vivans, dont les uns étoient déjà fortis de leurs membranes, & les autres étoient encore enveloppés dans une pellicule diaphane & renfermés dans leurs œufs comme les petits des vipères. Nous remarquerons une manière femblable de venir au jour dans les petits de la falamandre terreftre; & ainfi non-feulement les diverfes efpèces de lézards ont entrelles de nouvelles analogies ; mais l’ordre entier des Quadrupèdes ovipares fe lie de nouveau avec les ferpens , avec les poiffons cartilagineux & d'autres poiflons de diflérens genres, parmi lefquels les petits de plufieurs efpèces fortent aufh de leurs œufs dans le ventre même de leur mère. Plufieurs Naturaliftes ont cru que le Seps étoit une efpèce de falamandre. On a accufé la falamandre d'être venimeufe ; on a dit que le Seps l’étoit auffi. Il y a même long-tems que l’on a regardé ce lézard comme un animal malfaifant , le nom de Seps que les Anciens lui ont appliqué, ainfi qu'au chalcide, ayant été aufl attribué, par ces mêmes Anciens, à des ferpens très-Venimeux, à des mille-pieds & à d’autres bêtes dangereufes. Ce mot Seps dérivé de oy7« (Sepo, je corromps ) peut être regardé comme un nom géné- rique que les Anciens donnoient à la plupart des ani- maux dont ils redoutoient les poifons , à quelque ordre d’ailleurs qu'ils les rapportaffent. On peut croire auf A4O HirsTorre NATURELLE i qu'ils ont très-fouvent confondu , ainfi que le plus grand nombre des Naturalifies venus après eux, le chalcide & le Seps qu'ils ont appellés tous deux non- feulement du nom générique de Seps, mais encore du nom particulier de chalcide (m ). Quoi qu'il en foit, les obfervations de M. Sauvage paroiflent prouver que le Seps n’eft point venimeux dans les provinces méridionales de France. Suivant ce Naturalifie, la morfure des Seps n'a jamais été fuivie d'aucun accident : il rapporte en avoir vu manger par une poule, fans qu'elle en ait été incommodée. Il ajoute que la poule ayant avalé un petit Seps par la tête fans l’écrafer, il vit ce lézard s’échapper du corps dela poule, comme les vers de terre de celui des canards, La poule le faifit de nouveau ; il s'échappa de même; mais à la troifième fois elle le coupa en deux. M: Sau- vage conclut même, de la facilité avec laquelle ce petit lézard fe glifle dans les inteftins , qu'il produiroit un meilleur effet dans certaines maladies, que le plomb & le vif argent (n). M. François Cetti dit aufh que, dans toute la Sardaigne, il n’a jamais entendu parler 1) d'aucun accident caufé par la morfure du Seps, que (m) Conradi Gefneri, Hi. anim. Liber II. De Quadrup. ovip.; jouf DES QUADRUPÈDES OVIPARES. AA tout le monde y regarde comme un animal innocent. Seulement, ajoute -t-il, lorfque les bœufs ou les chevaux en ont avalé avec l'herbe qu'ils paiflent, leur ventre s'enfle & ils font en danger de mourir , fi on ne leur fait pas prendre une boiïffon préparée avec de l'huile, du vinaigre & du foufre (0). Le Seps paroît craindre le froid plus que les tor- tues terreftres & plufeurs autres Quadrupèdes ovi- pares ; il fe cache plutôt dans la terre aux approches de lhiver. Il difparoît en Sardaigne, dès le commen- cement d'Octobre, & ôn ne le trouve plus que dans des creux fouterrains; il en fort au printems pour aller dans les endroits garnis d'herbe, où il fe tient encore pendant l'été, quoique l’ardeur du foleil lait defléchée (»). M. Thunberg a donné , dans les Mémoires de l'Académie de Suède (q), la defcription d’un lézard qu'il nomme abdominal, qui fe trouve à Java & À Amboine , qui a les plus grands rapports avec le Seps & qui n’en diffère que par la très-grande brièveté de fa queue & le nombre de fes doigts. Mais comme il paroït que M. Thunberg n’a pas vu cet animal vivant, & que, dans la defcription qu'il en donne, il dit que (o) M. François Cetti, à l'endroit déjà cité. (p) Idem , Ibidem. (4) Mémoires de l'Académie de Stockolin ; trèmef?re d'Avril 1787: Ovipares, Tome I, Kkk $ 442 Hisrorre NaTUuRErzs l'extrémité de la queue étoit nue & fans écailles, 6m peut croire que l'individu, obfervé par ce favant Pro- fefleur, avoit perdu une partie de fa queue par quel- que accident. D'ailleurs nous nous fommes aflurés que la longueur de la queue des Seps étoit en général très- variable. D'un autre côté, M. Thunberg avoue qu’on ne peut à l'œil nu diftinguer qu'avec beaucoup de peine les doigts de fon lézard abdominal. Il pourroïit donc fe faire que l'animal eût été altéré après fa mort, de manière à préfenter l'apparence de cinq petits doigts à chaque pied, quoique réellement il n’y en ait que trois, ainfi que dans les Seps, auxquels il faudroit dès-lors le rapporter. Si au contraire le lézard abdominal a véri- tablement cinq doigts à chaque pied, il faudra le re- garder comme une efpèce diftinéte du Seps, & le com- prendre dans la quatrième divifion où il pourroit être placé à la fuite du fputateur. Au refte, perfonne ne peut mieux éclaircir ce point d'Hiftoire naturelle, que M. Thunberg. DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. A43 EE —_— ———— LE CH AL GI DE: Le Seps n'eft pas le feul lézard qui, par la petitefle de fes pattes à peine vifibles, & la grande diftance qui fépare celles de devant de celles de derrière , faife la nuance entre les lézards & les ferpens; le Chalcide eft également remarquable par la brièveté & la po- fition de fes pattes, de même que par l’alongement de fon corps M. Linné, & plufeurs autres Natura-- liftes, ont regardé, ainfi que nous, le Chalcide comme différent du feps, & ils ont dit que ces deux lézards font diftingués Pun de l’autre, en ce que le feps a la queue verticillée, tandis que le Chalcide la ronde, & plus longue que le corps. Quelque fens qu'on attache à cette expreflion verticillée , elle ne peut jamais repré- fenter qu'un caractère vague & peu fenfible. D’un autre côté, il ny a rien de fi variable que les longueurs des queues des lézards, & par conféquent toute diftinction fpécifique fondée fur ces longueurs, doit être regardée comme nulle, à moins que leurs différences ne foient très-grandes. Nous avons penfé d’après cela que le lézard, appellé Chalcide par M. Linné, pourroit bien n'être qu'une variété du feps, dont plufeurs individus Kkk ï 444 - * HiSTOrRE NArurerre ont la queue à-peu-près aufh longue que le corps. Nous l’avons penfé d'autant plus qu'il paroit que M. Linné n’a point vu le lézard qu'il nomme Chal- cide (a). Nous avons en conféquence examiné les divers pañlages des Auteurs cités par M. Linné, réla- tivement à ce Quadrupède ovipare: Nous avons com- paré ce qu'ont écrit à ce fujet Aldrovande, Columna, Gronovius, Ray & Imperati : nous avons vu que tout ce que rapportent ces Auteurs, tant dans leurs def- criptions que dans la partie hiftorique, pouvoit'sap- pliquer au véritable feps (). Il paroïit donc qu'on doit réduire à une feule efpèce les deux lézards connus fous le nom de feps & de Chalcide. Mais il y a, au Cabinet du Roi, un lézard qui reflemble au feps par l’'alongement de fon corps, la petitefle de fes pattes, le nombre de fes doigts, & qui eft cependant d'une efpèce différente de celle du feps, ainfi que nous allons le prouver. Ce lézard n’a vraifemblablement été connu d'aucun des Naturaliftes modernes qui ont écrit fur le Chalcide : c’eft, en quelque forte, une efpèce nouvelle (a) L. Chalcides, 42. Linn. amphib. rept. Le Chalcide. M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. (b) Aldrov. de Quadrup.‘digit. ovipar. Lib. I, fol. 638. Column. ecphr. 1, fol. 36, t. 36. Gronoy. Zooph. 43. Ray, Quaûr. 272% Imperat. nat. 917. DES QUADRUPÈDES OVIPARES, A45 que nous préfentons, & à laquelle nous appliquons ce nom de Chalcide, qui n’a été donné par M. Linné & les Naturaliftes modernes qu'à une variété du feps. Notre Chalcide, le feul que nous nommerons ainfi, diffère du feps par un caractère qui doit empêcher de les confondre dans toutes les circonftances. Le deflus & le deffous du corps & de la queue font garnis dans le feps de petites écailles, placées les unes fur les au- tres comme les ardoïfes qui couvrent nos toits; tandis que, dans le Chalcide, les écailles forment des anneaux circulaires très-fenfibles, féparés les uns des autres par des efpèces de fillons, & qui revêtent non-feulement le corps, mais encore la queue. Le corps de l'individu confervé au Cabinet du Roi, a deux pouces fix lignes de longueur; il eft plus court que la queue, & entouré de quarante-huit anneaux. La tête eft aflez femblable à celle du feps, ainfñi que nous l’avons dit, mais il n'y a aucune ouverture pour les oreilles, ce qui donne au Chalcide un rapport de plus avec les ferpens. Les pattes font encore plus courtes que celles du feps, en proportion de la lon- gueur du corps; elles n'ont qu'une ligne de longueur. Celles de devant font fituées très-près de la tête. Ce lézard n’a que trois doigts à chaque pied, ainñ que le feps. Il eft d’une couleur fombre , qui peut-être eft l'effet de l'efprit-de-vin dans lequel il a été con- fervé, mais qui approche de la couleur de l’airain, que 446 Hrsrorrs NATURELLE les Grecs ont défignée par le nom de Chalcis, (dérivé de zac airain) lorfquils ont appliqué ce nom à un lézard, Cet animal, qui doit habiter les contrées chaudes, a, par la conformation de fes écailles & leur difpo- fition en anneaux, d’aflez grands rapports avec le ferpent orver, & les autres ferpens , que M. Linné a compris fous la dénomination générique d’anguis. Il en a aufli par-là avec plufieurs efpèces de vers, & fur- tout avec un reptile, dont nous donnons l’hiftoire à la fuite de celle des Quadrupèdes ovipares, & qui lie l’ordre de ces derniers avec celui des ferpens encore de plus près que le feps & le Chalcide. Mais fi les efpèces de fézards, dont nous traitons maintenant , préfentent, en quelque forte, une con- formation intermédiaire entre celle des Quadrupèdes ovipares, & celle des vrais reptiles, l’efpèce fuivante donne à ces mêmes Quadrupèdes ovipares de nouveaux rapports avec des animaux bien mieux organifés, & particulièrement avec l’ordre des oïifeaux, par les ef- pèces d'ailes dont elle a été pourvue. LT D£S QUADRUPÉÈDES OVIPARES. A4Ÿ SEPTIEME DIVISION. PÉZARDS Qui ont des membranes en forme d'ailes. LE DRAGON («) À ce nom de Dragon, l'on conçoit toujours une idée extraodinaire. La mémoire rappelle, avec prompti- tude, tout ce qu'on a lu, tout ce qu'on a oui dire fur ce monftre fameux ; l'imagination s’enflamme par (a) Le Dragon. M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Draco volans, z. Linn. amphib. rept. Bont. jav. Lib. V, Cap. 1, fol. 59. Lacertus volans feu dracunculus indica. The flying indian lizard. Ray, Synopfis Quadrupedum, fol. 276. Lacerta volans Brad. nat. t.9, f. 5. Lacerta volans. Grim. Lacerta volans. Séba 2 , tab. 86, fig. 3. Draco major , 76, Laurenti Jpecimen medicum, 448 Hisrorre NATURELLE le fouvenir des grandes images qu’il a préfentées au génie poëtique : une forte de frayeur faifit les cœurs timides; & la curiofité s'empare de tous les efprits, Les Anciens, les Modernes ont tous parlé du Dragon. €onfacré par la religion des premiers Peuples, devenu l'objet de leur mythologie, miniftre des volontés des Dieux, gardien de leurs tréfors, fervant leur amour & leur baïne, foumis au pouvoir des enchanteurs, vaincu par les demi-Dieux des tems antiques, entrant même dans les allégories facrées du plus faint des recueils , il a été chanté par les premiers Poëtes, & repréfenté avec toutes les couleurs qui pouvoient en embellir l'image : principal ornement des fables pieufes, ima- ginées dans des tems plus récens, dompté par les héros, & même par les jeunes héroïnes, qui eom- battoient pour une loi divine; adopté par une feconde mythologie, qui plaça les fées fur le trône des an- ciennes, enchanterefles; devenu l’emblème des actions éclatantes des vaillans Chevaliers, il a vivifié la Poëfie moderne , ainfi qu'ilavoit animé l’ancienne : proclamé par la voix févère de l’Hiftoire, par-tout décrit, par- tout célébré, par-tout redouté, montré fous toutes les formes , toujours revêtu de la plus grande puiflance, . immolant fes viftimes par fon regard, fe tranfportant au milieu des nuées, avec la rapidité de l'éclair, frap- pant comme la foudre, diffipant l’obfcurité des nuits par l'éclat de fes yeux étincelans, réuniflant l’agilité | de l'aigle, DES QUADRUPÉDES OVIPARES. A49Q de l'aigle, la force du lion, la grandeur du ferpent (4), préfentant même quelquefois une figure humaine, doué d'une intelligence prefque divine, & adoré de nos jours dans de grands empires de l’orient, le Dragon a été tout, & s'eft trouvé par-tout, hors dans la Nature. Il vivra cependant toujours, cet être fabuleux, dans les heureux produits d'une imagination féconde. Il em- bellira long-tems les images hardies d’une Poëfie en- chanterefle : le récit de fa puiflance merveilleufe char- mera les loifirs de ceux qui ont befoin d’être quelque- fois tranfportés au milieu des chimères, & qui defirent de yoir la vérité parée des ornemens d’un fiction agréable : mais à la place de cet être fantaftique, que trouvons-nous dans la réalité? Un animal, auffi petit que foible, un lézardeinnocent & tranquille, un des moins armés de tous les Quadrupèdes ovipares, & qui, par une conformation particulière, a la facilité de fe tfanfporter avec agilité, & de voltiger de branche en branche dans les forêts qu'il habite. Les efpèces d'ailes dont il a été pourvu, fon corps de lézard, & tous fes rapports avec les ferpens, ont fait trouver quelque forte de refflemblance éloignée entre ce petit animal & le monftre imaginaire dont nous avons parlé, & lui ont fait donner le nom de Dragon par les Natu- raliftes. (b) Iy à des ferpens qui ont plus de quarante pieds de long. Ovipares , Tome I. LI1 450 Hisrorre NATURELLE Ces ailes font compofées de fix efpèces de rayons cartilagineux , fitués horizontalement de chaque côté de l’épine du dos, & auprès des jambes de devant. Ces rayons font courbés en arrière ; ils foutiennent une membrane, qui s'étend le long du rayon le plus an- térieur jufqu’à fon extrémité, & va enfuite fe ratta- cher, en s'arrondiflant un peu, auprès des jambes de derrière. Chaque aile repréfente ainfi un triangle, dont la bafe s'appuie fur l’épine du dos; du fommet d'un triangle à celui de l’autre, il y a à-peu-près la même diftance que des pattes de devant à celles de derrière. La membrane qui recouvre les rayons eft garniesd'é- cailles , ainfi que le corps du lézard , que l’on ne peut bien voir qu'en regardant au-deflous des ailes, & dont on ne diftingue par-deffus que la partie la plus élevée du dos. Ces ailes font conformées comme les nageoires des poiffons, fur-tout comme celles dont les poiffons volans fe fervent pour fe foutenir en l'air. Elles ne reflemblent pas aux aïles dont les chauves-fouris font pourvues, & qui font compofées d'une membrane pla- cée entre les doigts très-longs de leurs pieds de devant; elles diffèrent encore plus de celles des oifeaux formées de membres, que l’on a appellés leurs bras : elles ont plus de rapport avec les membranes qui s'étendent des jambes de devant à celles de derrière dans le pola- touche & dans le taguan, & qui leur fervent à vol- tiger. Voilà donc le Dragon, qui placé, comme tous DES QVADRUPÉDES OVIPARES. AS les lézards, entre les poiflons & les Quadrupèdes vivi- pares, fe rapproche des uns par fes rapports avec les poiflons volans, & des autres, par fes reflemblances avec les polatouches & les écureuils, dont il eft l’ana- logue dans fon ordre. Le Dragon eft auffi remarquable, par trois efpèces de poches alongées & pointues, qui garniflent le deflous de fa gorge, & qu'il peut enfler à volonté pour aug- menter fon volume, fe rendre plus léger, & voler plus facilement. C’eft ainfi qu'il peut un peu compenfer linfériorité de fes ailes, relativement à celles des oifeaux , & la facilité avec laquelle ces derniers, lorfqu’ils veulent s’alléger , font parvenir l'air de leurs poumons dans diverfes parties de leur corps. Si l’on ôtoit au Dragon fes ailes & les efpèces de poches qu'il porte fous fon gofier, il feroit très-femblable à la plupart des lézards. Sa gueule eft très-ouverte, & garnie de dents nombreufes & aiguës. Il a fur le dos trois rangées longitudinales de tubercules, plus ou moins faillans, dont le nombre varie fuivant les individus. Les deux rangées extérieures forment une ligne courbe, dont la convexité eft en-dehors. Les jambes font aflez longues; les doigts, au nombre de cinq à chaque pied, font longs, féparés, & garnis d'ongles crochus. La queue eft ordinairement très-déliée, deux fois plus longue que le corps, & couverte d’écailles un peu relevées en carène, La longueur totale du Dragon n'excède guère Lili 452 Hirsrorrr NATURELLE un pied. Le plus grand des individus de: cette efpècé confervés au Cabinet du Roi, a huit pouces deux jignes de long, depuis le bout du mufeau jufqu’à l'extrémité de la queue , qui eft longue de quatre pouces dix lignes. | Bien différent du Dragon de la fable, il pañfe inno- cemment fa vie fur les arbres, où il vole de branche en branche, cherchant les fourmis, les mouches, les papillons, & les autres infeétes dont il fait fa nourri- ture. Lorfqu’il s'élance d’un arbre à un autre, il frappe Pair avec fes ailes, de manière à produire un bruit aflez fenfible, & il franchit quelquefois un efpace de trente pas. Il habite en Afie (c), en Afrique & en Amérique ; il peut varier, fuivant les diflérens climats, par la teinte de fes écailles ; mais il préfente fouvent (c) ce Dans une petite Ifle voifine de celle de Java, la Barbinais vit » des lézards qui voloient d'arbres en arbres, comme des cigales. Il en tua un, dont les couleurs lui causèrent de létonnement par leur » variété. Cet animal étoit long d’un pied ; il avoit quatre pattes comme »les lézards ordinaires. Sa tête étoit plate; @ , f£ bien percée au milieu, xquon y auroit pu paffèr une aiguille fans le bleffér. Ses ailes étoiert » fort déliées & reflembloient à celles du poiflon volant. Il avoit, autour du cou , une efpèce de fraife femblable à celle que Les coqs ont au- » deflous du gofer. On prit quelques foins pour conférver un animal auffi rare; mais la chaleur le corrompit avant la fin du jour. »» Voyage de la Barbinais le Gentil, autour du monde. Hifloire générale des Voyages , tome 44 ; in-12, DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES, AS3 un agréable mêlange de couleurs noire , brune, pref- que blanche ou légèrement bleuätre , formant des taches ou des raies, Quoiqu'il ait les doigts très-féparés les uns des autres, il n'eft point réduit à habiter la terre sèche & le fom- met des arbres; fes poches qu'il développe & fes ailes qu'il étend, replie & ‘contourne à volonté, lui fervent non-feulement pour s'élancer avec vitefle ; Mais encore pour nager avec facilité. Les membranes qui com- pofent fes ailes, peuvent lui tenir lieu de nageoires puiflantes , parce qu'elles font fort grandes à propor- tion de fon corps ; & les poches qu'il a fous la gorge doivent , lorfqw’elles font gonflées, le rendre plus léger que l’eau. Cet animal privilégié a donc reçu tout ce qui peut être néceflaire pour grimper fur les arbres, pour marcher avec facilité, pour voler avec vitefle, pour nager avec force : la terre, les forêts, l'air, les eaux lui appartiennent également ; fa petite proie ne peut lui échapper ; d’ailleurs aucun afile ne lui eft fermé ; aucun abri ne lui eft interdit; s’il eft pour- fuivi fur la terre, il s'enfuit au haut des branches, ou fe réfugie au fond des rivières ; il jouit donc d’un fort tranquille & d'une deftinée heureufe , car il peut encore, en sélevant dans lair, échapper aux ani- maux que l’eau n'arrête pas. M. Linné a compté deux efpèces de lézards volans. Il a placé, dans la première, ceux de l’ancien monde, A54 Hirsrorre NATUREIzE dont les ailes ne tiennent pas aux pattes de devant, & dans la feconde, ceux d'Amérique dont les ailes y font attachées (d). Che différence ne nous paroît pas fuflire pour conftituer une efpèce diftinéte ; d’ailleurs ce neft que fur l'autorité de Séba (e) dont les figures ne font pas toujours exactes, que M. Linné a admis l’exiftence de lézards volans, dont les jambes de devant fervent de premier rayon aux ailes ; il n’en a jamais vu ainfi conformés; nous n'en avons jamais vu non plus ; & nous n'avons rien trouvé qui y eût rapport, dans aucun Auteur, excepté Séba. Nous croyons donc ne devoir admettre qu'une efpèce dans les lézards volans, jufqu'à ce que de nouvelles obfervations nous obligent à en reconnoître deux (f). (4) Draco præpos, Linn. amphib. rept. Draco minor, 77. Laurenti fpecimen medicum, (e) Séba 2, tab. ro2, fig. 2. (f) M. d'Aubenton n'a compté, comme nous, qu'une efpèce de Kzard volant. Hifloire naturelle des Quadrupèdes ovipares , Eneyc pédie méthodique. Fra DES QUADRUPÈDES OVIPARES, ASS HUITIÈME DIVISION. LÉEÉZARDS Qui ont trois ou quatre doigts aux pieds de devant @ quatre ou cing aux pieds de derrière. LA SALAMANDRE T'ERR ES LRE" (2) ÏL sewsre que plus les objets de la curiofité de lhomme font éloignés de lui, & plus il fe plait à leur attribuer des qualités merveilleufes, ou du moins (a) En grec, Zanauaydipæ En latin, Salamandra. En Ejpagne, Salamanguefa & Salamantegua, Samebras ou Saambras par les Arabes. Dans plufieurs Provinces de France , le Sourd. Dans le Languedoc & la Provence , Blande, En Dauphiné , Pluvine. | Dans le Lyonnois.;\ Eaverne, < En Bourgogne, Suille, 456 Hisrorre NATURErIzE à fuppofer à des degrés trop. élevés, celles dont ces êtres, rarement bien connus, jouiflent réellement. L'imagination a befoin, pour ainf: dire, d'être de tems-en-tems , fecouée par des merveilles ; l'homme veut exercer fa croyance dans toute fa plénitude ; il lui femble qu'il n'en jouit pas d’une manière affez libre , quand il la foumet‘aux loix de la raifon: ce neft que par les excès qu'il-croit en ufer; & il ne sen regarde comme véritablement le maître, que lorfqu'il la refufe capricieufement à la réalité, ou qu'il l'accorde aux êtres les plus chimériques. Mais Dans le Poitou, Mirtil. Dans plufieurs autres Provinces de France , Alebrenne ou Arraflade. En Normandie, Mouron. En Flandres , Salemander. En quelques endroits d'Allemagne , Punter-Maal. Le Sourd. M. d'Aubenton , Encyclopédie mérhodique. Lacerta Salamandra, 47. Linn. amphibia rept. Ray, Synopfis Quadrupedum , folio 273. Salamandra terreftris, Matthi. diofcor. 274, f. 274. Salamandra, Aldroy. quadr. 641. Salamandra terreftris, ‘ Jonft. Quadrup., t. 77, fol. 10. Imperat. nat. 918. Olecr. mus. t. 8, fig. 4. Wurfbainius. Salamandrologia , Norib. 1683. Salamandra. Conrad Gefner , de Quadrup. ovip. Salamandra,maculofa , 4. Laurenti fpecimen medicum. Séba , 2. tab. 12, fig. 4. il ne peut DES QUADRUPÈDES OVIPARES. A5S7 il ne peut exercer cet empire de fa fantaifie, que Jorfque la lumière de la vérité ne tombe que de loin fur les objets de cette croyance arbitraire ; que lorfque l'efpace, le tems ou leur nature les féparent de nous; & voilà pourquoi, parmi tous les ordres d'animaux, il n'en eft peut-être aucun qui ait donné lieu à tant de fables que celui des lézards. Nous avons déjà vu des propriétés aufli abfurdes qu'imaginaires accordées à plufeurs efpèces de ces Quadrupèdes ovipares ; mais nous voici maintenant à lhiftoire d'un lézard pour lequel limagination humaine s’eft furpaflée ; on lui a attribué la plus merveilleufe de toutes les propriétés. Tandis que les corps les plus durs ne peuvent échapper : à la force de l'élément du feu, on a voulu qu'un petit lézard non - feulement ne füt pas confumé par Îles flammes, mais parvint même à les éteindre. Et comme les fables agréables s’accréditent aifément, l’on s'eft empreflé d'accueillir celle d'un petit animai fi privilégié , fi fupérieur à l’agent le plus aûtif de la Nature, & qui devoit fournir tant d'objets de com- paraifon à la poéfie, tant d'emblêmes galans à l'amour, tant de brillantes devifes à la valeur. Les Anciens ont cru à cette propriété de la Salamandre; defirant que fon origine fût aufli furprenante que fa puiflance , & voulant réalifer les fictions ingénieufes des poëtes, ils ont écrit qu'elle devoit fon exiftence au plus pur des élémens, qui ne pouvoit la confumer, & ils l'ont Ovipares, Tome I. M m m 458 Hisrorrs NATOREIzFE dite fille du feu (4), en lui donnant cependant un corps de glace. Les modernes ont adopté les fables ridicules des anciens ; &, comme on ne peut jamais s'arrêter quand on a dépañié les bornes de la vrai- femblance, on eft allé jufqu'à penfer que le feu le plus violent pouvoit être éteint par la Salamandre terreftre. Des charlatans vendoient ce petit lézard, qui, jeté dans le plus grand incendie, devoit, difoient- ils , en arrêter les progrès. Il a fallu que des phyficiens, que des philofophes priflent la peine de prouver par le fait ce que la raïfon feule auroit dû démontrer; & ce n’eft que lorfque les lumières de la fcience ont été très-répandues, qu'on a ceflé de croire à la pro- priété de la Salamandre. Ce lézard, qui fe trouve dans tant de pays de l’ancien monde , & même à de très-hautes latitudes (c) , a été cependant très-peu obfervé , parce qu'on le voit rarement hors de fon trou, & parce qu'il a, pendant long-tems, infpiré une affez grande frayeur: Ariftote même ne paroit en parler que comme d’un animal qu'il ne connoifioit prefque point. (Bb) Conrad Gefñer , de Quadrupedibus oviparis. De Salarmandra ; fol. 79. (c) » Auffi trouvames au rivage du Pont des Salamandres que nous snonunons Sourds , Pluvines , Mirtils , font quafi communs en tous lieux, »1 Bélon, ouvrage déja cité, Livre IIT, Chapitre LI ; page 210- DES QUADRUPÈDES OVIPARES. ASO T1 eft aifé à diftinguer de tous ceux dont nous nous fommes occupés, par la conformation particulière de fes pieds de devant, où il n'a que quatre doigts, tandis qu'il en a cinq à ceux de derrière. Un des plus grands individus de cette efpèce, confervés au Cabinet du Roi, a fept pouces cinq lignes de longueur, depuis le bout du mufeau jufqu'à Porigine de la queue, qui eft longue de trois pouces huit lignes. La peau n’eft revêtue d'aucune écaille fenfble ; mais elle eft garnie d'une grande quantité de mamelons, & percée d'un grand nombre de petits trous, dont plufeurs font très- fenfibles à la vue fimple, & par lefquels découle une forte de lait, qui fe répand ordinairement de manière à former un vernis tranfparent au-deflus de la peau naturellement sèche de ce Quadrupède ovipare. Les yeux de la Salamandre font placés à la partie fupérieure de la tête, qui eft un peu aplatie; leur orbite eft faillante dans l’intérieur du palais, & elle y eft prefque entourée d’un rang de très-petites dents, femblables à celles qui garniffent les mächoires (d).Ces dents établiffent un nouveau rapport entreles lézards & les poiffüns dont plufieurs efpèces ont de même plu- fieurs dents placées dans le fond de la gueule. La couleur de ce lézard eft très-foncée ; elle prend ( d) Mémoires pour fervir à l'Hifloire des animaux , article de la Solamandre. M m m i 460 Hisrorre NATURELLE une teinte bleuâtre fur le ventre, & préfente des taches jaunes aflez grandes, irrégulières, & qui s’éten- dent fur tout le corps, même fur les pieds & fur les paupières. Quelques-unes de ces taches font parfemées de petits points noirs, & celles qui font fur le dos, fe touchent fouvent fans interruption, & forment deux longues bandes jaunes. La figure de ces taches a fait donner le nom de Stellion à la Salamandre, ainf qu'au lézard vert, au véritable ftellion, & au geckotte. Au refte , la couleur des Salamandres terreftres doit être fujette à varier, & il paroît qu'on en trouve dans les bois humides d'Allemagne , qui font toutes noires par-deflus, & jaunes pardeflous (e ). C’eft à cette variété qu'il faut rapporter, ce me femble, la Sa- lamandre noire que M. Laurenti a trouvée dans les Alpes , qu'il a regardée comme une efpèce diftinéte, & qui me paroît trop refflembler par {a forme à la Salamandre ordinaire pour en être féparée (f). La queue prefque cylindrique paroïit divifée en anneaux par des renflemens d'une fubftance très- molle. La Salamandre terreftre n’a point de côtes, nom plus que les grenouilles, auxquelles elle reffemble d’ail- (e) Matthiole. (f) Salamandra atra, Laurent; fpecimen medicum. Vienne , 2768 > page 149. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. AG leurs par la forme générale de la partie antérieure du corps. Lorfqu’on la touche, elle fe couvre prompte- ment de cette efpèce d'enduit dont nous avons parlé ; & elle peut également faire pañler très-rapidement fa peau de cet état humide à celui de fécherefle. Le lait qui fort par les petits trous que l’on voit fur fa furface, eft très-âcre; lorfqu’on en a mis fur la langue, _on croit fentir une forte de cicatrice à l’endroit où il a touché. Ce lait, qui eft regardé comme un excellent dépilatoire (g),reffemble un peu à celui qui découle des plantes appellées tithimales & des euphorbes. Quand on écrafe , ou feulement quand on prefle la Sala- mandre , elle répand d’ailleurs une mauvaife odeur qui lui eft particulière. Les Salamandres terreftres aiment les lieux humides & froids, les ombres épaifles, les bois touffus des hautes montagnes , les bords des fontaines qui coulent dans les prés; elles fe retirent quelquefois en grand nombre dans les creux des arbres, dans les haies, au-deflous des vieilles fouches pourries ; & elles pañlent l'hiver des contrées trop élevées en latitude, dans des efpèces de terriers où on les trouve raffemblées, & entortillées plufieurs enfemble ( h). (g) Gefñer, de Quadrupedibus ovipanis , de Salamandre , Par 7h (h) Idem, ibid, 462 Hisrorre NATURELLE La Salamandre étant dépourvue d'ongles, n'ayant que quatre doigts aux pieds de devant, & aucun avantage de conformation ne remplaçant ce qui lui manque, fes mœurs doivent être & font en effet très- différentes de celles de la plupart des lézards: elle eft très-lente dans fa marche; bien loin de pouvoir- grimper avec vitefle fur les arbres, elle paroît le plus fouvent fe traîner avec peine à la furface de la terre. Elle ne s'éloigne que peu des abris qu’elle a choifis. Elle pañe fa vie fous terre, fouvent aux pieds des vieilles mu- railles ; pendant l'été, elle craint l’ardeur du foleil , qui la deflécheroit; & ce n’eft ordinairement que lorfque la pluie eft prête àtomber, qu’elle fort de fon afÿle fecret, comme par une forte de befoin de fe baigner & de simbiber d’un élément qui lui eft analogue. Peut-être aufñ trouve-t-elle alors avec plus de facilité les in- fetes dont elle fe nourrit. Elle vit de mouches, de fcarabées, de limaçons & de vers de terre. Lorfqu’elle eft en repos, elle fe replie fouvent fur elle - même comme les ferpens (i). Elle peut refter quelque tems dans l’eau fans y périr; elle sy dépouille d'une pelli- cule mince d’un cendré verdâtre. On a même confervé des Salamandres pendant plus de fix mois dans de l’eau de puits; on ne leur donnoit aucune nourriture; on avoit feulement le foin de changer fouvent l’eau, (ë) Laurenti Jpecimen medium, page 153. DES QUABRUPÈDES OVIPARÉS. A0 On obferve que toutes les fois qu'on plonge une Salamandre terreftre dans l’eau, elle s'efforce d'élever fes narines au-deflus de la furface, comme fi elle cherchoit l'air de l’atmofpère, ce qui eft une nouvelle preuve du befoin qu'ont tous les Quadrupèdes ovipares de refpirer pendant tout le tems où ils ne font point engourdis ( k). La Salamandre terreftre n'a point d'oreilles apparentes; & en ceci elle reflemble aux ferpens. On a prétendu qu’elle n’entendoit point; & c’eft ce qui lui a fait donner le nom de Sourd dans certaines provinces de France: on pourroit le préfumer, parce qu'on ne lui a jamais entendu jeter aucun cri, _& qu’en général le filence eft lié avec la furdité. Ayant donc peut-être un fens de moins, & privée de la faculté de communiquer fes fenfations aux ani- maux de fon efpèce, même par des fons imparfaits, elle doit être réduite à un bien moindre degré d'inftiné; aufh eft-elle ftupide, & non pas courageufe , comme on l’a écrit; elle ne brave pas le danger, ainfi qu’on la prétendu, mais elle ne lapperçoit point ; quelques geftes qu’on fafle pour l’effrayer, elle s’'avance toujours fans {e détourner de fa route ; cependant, comme aucun animal n'eft privé du fentiment néceflaire à fa confervation, elle comprime , dit-on, rapidement fa peau lorfqu’on la tourmente , & fait rejaillir contre (4) Voyez le Difcours fur la nature des Quadrupèdes ovipares, ACA Hrsrorrz NATURELLE ceux qui l'attaquent le lait âcre que cette peau re couvre. Si on la frappe, elle commence par dreffer fa queue ; elle devient enfuite immobile, comme elle étoit faifie par une forte de paralyfie; car il ne faut pas, avec quelques Naturaliftes, attribuer à un animal fi dénué d’inftinét, aflez de finefle & de rufe pour contrefaire la morte, ainfi qu'ils l'ont écrit. Au refte, il eft diflicile de la tuer; elle eft très-vivace; mais trempée dans du vinaigre, ou entourée de fel en poudre, elle périt bientôt dans des convulfions , ainfi que plufieurs autres lézards êt les vers. 11 fembie que l’on ne peut accorder à un être une qualité chimérique, fans lui refufer en même-tems une propriété réelle. On a regardé la froide Salamandre comme un animal doué du pouvoir miraculeux & réfifter aux flammes, & même de les éteindre; mais en mêmetems on l’a rabaiflée autant qu'on l'avoit élevée par ce privilège unique. On en a fait le plus funefte des animaux ; les Anciens, & même Pline l’ont dévouée à une forte d’anathème, en la confidé- rant comme celui dont le poifon étoit le plus dan- gereux (1). Ils ont écrit qu'en infectant de fon venin prefque tous les végétaux d'une vafte contrée, elle pouvoit donner la mort à des nations entiéres, Les £ Modernes ont aufh cru pendant long-tems au poifon (1) Pline, Livre XXIX , Chop. 17. de la Salamandre; DES QUADRUPÈDES OVPIPARES. AO$ de la Salamandre ; on a dit que fa morfure étoit mortelle , comme celle de la vipère (m) : on a cher- ché & prefcrit des remèdes contre fon venin; mais enfin on a eu recours aux obfervations par lefquelles on auroit dû commencer. Le fameux Bacon avoit voulu engager les Phyficiens à s’aflurer de Pexiftence du venin de la Salamandre ; Gefner prouva par l’ex- périence qu'elle ne mordoit point, de quelque manière qu'on cherchât à l’'irriter; & Wurfbainus fit voir qu'on pouvoit impunément la toucher, ainfi que boire de de l’eau des fontaines qu’elle habite. M. de Mauper- tuis s’'eft aufli occupé de ce lézard (=) : en recher- chant ce que pouvoit être fon prétendu poifon, il a démontré, par l'expérience, l’action des flammes fur la Salamandre , comme fur les autres animaux. Il a remarqué qu'à peine elle eft fur le feu, qu'elle paroït couverte de gouttes de fon lait, qui raréfié par la chaleur, s'échappe par tous les pores de la peau, fort en plus grande quantité fur la tête, ainfi que fur les mamelons, & fe durcit fur-le-champ. Mais on n’a certainement pas befoin de dire que ce lait n’eft jamais affez abondant pour éteindre le moindre feu. M. de Maupertuis, dans le cours de fes expériences, (m) Matthiole, Liy. VIT, Chap. 17. {n) Mémoires de l'Académie des Sciences, année 2727. Ovipares , Tome I, Nan 466 Hrsrotre NATURELLE irrita envain plufieurs Salamandres ; jamais aucuné nouvrit la bouche; il fallut la leur ouvrir par force. Comme les dents de ces lézards font très-petites, on eut beaucoup de peine à trouver un animal dont la peau fût aflez fine pour être entamée par ces dents. Il efflaya inutilement de les faire pénétrer dans la chair d'un poulet déplumé ; il prefla envain les dents contre la peau; elles fe dérangèrent plutôt que de l’entamer ; il parvint enfin à faire mordre par une Salamandre la cuiffle d'un poulet dont il avoit enlevé la peau. I fit mordre aufli par des Salamandres , récemment prifes , la langue & les lèvres d’un chien, ainfi que la langue d’un coq d’Inde : aucun de ces animaux n’éprouva le moindre accident. M. de Maupertuis fit avaler enfuite des Salamandres entières ou coupées par morceaux à un coq dinde & à un chien, qui ne parurent pas en foufirir. M. Laurenti a fait depuis des expériences dans les mêmes vues; il a forcé des lézards gris à mordre des Salamandres, & il leur en a fait avaler du lait : les lézards font morts très-promptement (o). Le lait de la Salamandre prisintérieurement pourroit donc être funefte & même mortel à certains animaux, fur-tout aux plus petits, mais il ne paroît pas nuifible aux grands animaux. (0) Jo/éph Nicol, Laurenti fpecimen medicum. Viennæ, 2768, fol 158. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. A07 On a cru pendant long-tems que les Salamandres n'avoient point de fexe , & que chaque individu étoit en état d'engendrer feul fon femblable , comme dans plufieurs efpèces de vers (p). Ce n’eft pas la fable la plus abfurde qu'on ait imaginée au fujet des 5a- lamandres; mais fi la manière dont elles viennent à la lumière n’eft pas aufli merveilleufe qu'on la écrit, elle eft remarquable en ce qu'elle diffère de celle dont naïflent prefque tous les autres lézards, & en ce quelle eft analogue à celles dont voient le jour les feps ou chalcides, ainfi que les vipères & plufeurs efpèces de ferpens. La Salamandre mérite par - là Vattention des Naturaliftes, bien plus que par la fauffe & brillante réputation dont elle a joui fi long-tems. M. de Maupertuis ayant ouvert quelques Salamandres, y trouva des œufs, & en même-tems des petits tout formés ; les œufs étoient divifés en deux grappes alon- gées; & les petits étoient renfermés dans deux efpèces de tuyaux tranfparens ; ils étoient aufli bien conformés, & bien plus agiles que les Salamandres adultes. La Salamandre met donc bas des petits venus d’un œuf éclos dans fon ventre, ainfi que ceux des vipères | (q). (p) Georg. Agricola. Conrad Gefner, de Quadrup. ovip., de Salamandré: (4) Ray, fynopfis Quadrupedum , page 274. Nnai 168 Hisrorre NATURELTE Mais d’ailleurs on a écrit qu’elle pond, comme les Sas lamandres aquatiques, des œufs élyptiques , d’où fortent de petites Salamandres fous la forme de sérard (r}: Nous avons fouvent vérifié le premier fait, qui d'ail- leurs eft bien connu depuis long-tems fs) ; mais nous n'avons pas été à même de vérifier le fecond. Il feroit intéreflant de conftater que le même Quadrupède pro- duit fes petits, en quelque forte, de deux manières différentes; qu'il y a des œufs que la mère pond, & d’autres dont le fœtus fort dans le ventre de la Sa- lamandre , pour demeurer enfuite renfermé avec plufieurs autres fœtus dans une efpèce de membrane tranfparente, jufqu'’au moment où il vient à la lumière. Si cela étoit, on devroit difléquer des Salamandres à différentes époques très-rapprochées, depuis le moment où elles saccouplent, jufqu'à celui où elles mettent bas leurs petits; l’on fuivroit avec foin l’accroiffement fucceflif de ces petits venus à la lumière tout formés ; on le compareroit avec le développement de ceux qui fortiroient de l'œuf hors du ventre de leur mère , &c. Quoi qu'il en foit, la Salamandre femelle met bas des petits tous formés, & fa fécondité eft très- grande : les Naturaliftes ont écrit depuis long - tems (r) Wurfbainus & Impérati. (5) Conrad Gefñer, de Quad, ovip., de Solamandré, page 79: DES QUADRUPÈDES OVIPARES. A69 Qu'elle faifoit quarante ou cinquante petits (4); & M. de Maupertuis a trouvé quarante - deux petites Salamandres dans le corps d’une femelle, & cinquante- quatre dans une autre. Les petites Salamandres font fouvent d’une cou- leur noire, prefque fans taches, qu'elles confervent quelquefois pendant toute leur vie, dans certaines contrées où on les a prifes alors pour une efpèce par- ticulière , ainfi que nous l'avons dit. M. Thunberg a donné, dans les mémoires de l'Acai démie de Suède (z), la defcription d’un lézard qu'il nomme /é7ard du Japon, & qui ne paroit différer de notre Salamandre terreftre que par l’arrangement de fes couleurs. Cet animal eft prefque noir, avec plu- fieurs taches blanchâtres & irrégulières, tant au - deffus du corps, qu'au-deflus des pattes. Le dos préfente une bande d’un blanc fâle, divifée en deux vers la tête, & qui s'étend enfuite irrégulièrement & en fe rétré- ciffant jufqu'à l’extrémité de la queue. Cette bande blanchâtre eft femée de très-petits points, ce qui forme un des caractères diftinétifs de notre Salamandre ter- reftre. Nous croyons donc devoir confidérer le lézard du Japon décrit par M. Thunberg, comme une variété conftante de notre Salamandre terreftre, dont l’efpèce (+) Gefner, de Quadrup. ovip., de Salamandré, page 79. (u) Mémoires de V Académie de Sitockolm , trémeftre d'Avril, 2787: 47O Histoire NATURELzzE aura pu être modifiée par le climat du Japon: c’eft dans la plus grande Ifle de cet empire nommée MNphon, que l’on trouve cette variété; elle y habite dans les montagnes & dans les endroits pierreux, ce qui in= dique que fes habitudes font femblables à celles de la Salamandre terreftre, & confirme notre conjeture au fujet de l'identité d’efpèce de ces deux animaux. Les Japonois lui attribuent les mêmes propriétés dont on a cru pendant long -tems que le fcinque étoit doué, ainfi qu’on les a attribuées en Europe à la Salamandre à queue plate ; ils la regardent comme un puiflant ftimulant & un remède très-actif ; auf trouve-t-on aux environs de Jédo un grand nombre de ces Sala- mandres de Japon, féchées & fufpendues aux planchers des boutiques. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. AT a LA SALAMANDRE A QUEUE PLATE (a). Cr LÉZARD, ainfi que la Salamandre terreftre, peut vivre également fur la terre & dans l’eau : mais === (a) En grec, ZaeG- ervde@-. En vieux François , Tafot. En Italien, Marafandola. En Ecoffe, Ask. Salamandre à queue plate. M. d’ Aubenton, Encyclopédie méthodique: Lacerta paluftris, 44. Linn. amphib. rept. Ray, Synopfis Quadrupedum, page 273. Salamandra aquatiqua, the water eft. Lacertus aquaticus. Conrad Gefner, de Quadrup. ovip. Séba , mus. 2. planche 14, fig. 2, le mäle, © fig. 3, la femelle. Lézards amphibies d’Afrique, id., tab. 89, fig 4 & 5, volume 2, planche 12, fig. 7. Gronovius , mus 2, page 77 ; N° 51. Triton criftatus, Laurenti fpecimen medicum. { L'animal que Bélon a appellé cordule, eft la Salamandre à queue plate, un peu défigurée: Gefner lui-même l'avoit reconnu ). Conrad Gefier, de Quadr., Appendix , page 26. Lacerta aquatica. Scotia illuffrata , Edimburgi, 1684. Lacerta aquatica. Wulf. Ichthiologia cum amplhibüs regni Boruflicn 7e) Hisrorre NATURELLE il préfère ce dernier élément pour fon habitation, au lieu qu'on rencontre prefque toujours la Salamandre terreftre dans des trous de murailles, ou dans de petites cavités fouterraines ; & de-là vient qu'on a donné à la Salamandre à queue plate, le nom de Salamandre aquatique , & que M. Linné l’a appellée fézard des marais. Elle reflemble à la Salamandre dont nous venons de parler, en ce qu’elle a le corps dépourvu d'écailles fenfibles, ainfi que les doigts dégarnis d’on- gles, & qu'on ne compte que quatre doigts à fes pieds de devant : mais elle en diffère fur-tout par la forme de fa queue. Elle varie beaucoup par fes couleurs, fuivant l’âge & le fexe. Il paroït d’ailleurs qu'on doit diftinguer dans cette efpèce de Salamandre à queue plate, plufieurs variétés plus ou moins conftantes, qui ne font diftinguées que par la grandeur & par les cou- leurs, & qui doivent dépendre de la différence des pays, ou même feulement de la nourriture (b). Mais nous ne croyons pas devoir compter, avec M. Dufay, trois efpèces de Salamandre à queue plate; & fi on lit avec attention fon Mémoire, on fe convaincra fans peine, d'après tout ce que nous avons dit dans cette Hiftoire, que les différences qu'il rapporte pour établir des (Bb) Conrad Gefner, de Quadrup. ovip., page 28. Lectre de M. David Erskine Baker , au Préfident de la Société gY2le. Tranfaéions philofophiques, Londres , 1747 , in-4.°, IN, 483. diverfités xs QuA4DRUPÉDES OVIPARES. A73 diverfités d’efpèces, conftituent tout au plus des variétés conftantes (c). Les plus grandes Salamandres à queue plate n’ex- cèdent guère la longueur de fix à fept pouces. La tète eft aplatie ; la langue large & courte ; la peau eft dure, & répand une efpèce de lait quand on la bleffe. Le corps eft couvert de très-petites verrues faillantes & blanchâtres : la couleur générale, plus ou moins brune fur le dos, s’'éclaircit fous le ventre, & y devient d’un jaune tirant fur le blanc. Elle préfente de petites taches, fouvent rondes, foncées, ordinaire- ment plus brunes dans le mâle , bleutres & diver- fement placées dans certaines variétés. Ce qui diftingue principalement le mâie, c’eft une forte de crête membraneufe & découpée, qui s'étend. le long du dos, depuis le milieu de la tête jufqu à l’ex- trémité de la queue, fur laquelle ordinairement les découpures s’effacent, ou deviennent moins fenfbles. Le deflous de la queue eft aufli garni dans toute fa longueur d’une membrane en forme de bande, placée verticalement, qui a une blancheur éclatante, & qui fait paroitre plate la queue de la Salamandre (d). (c) Mémoire de M. Dufay , dans ceux de l'Académie des Sciences, année 1729. (4) Cette defcription a été faite d’après plufeurs individus confervés au Cabinet du Roi. Ovipares, Tome I, Oovc A47A HisTorre NATURELLE La femelle na pas de crête fur le dos, où l’on voit au contraire un enfoncement qui s'étend depuis la tête jufqu’à l’origine de la queue. Cependant lorfqu’elle eft maigre , l’épine du dos forme quelquefois une petite éminence ; elle a fur le bord fupérieur de la queue, une forte de crête membraneufe & ertière, & le bord inférieur de cette même queue eft garni de la bande très-blanche qu'on remarque dans le mâle. En général, les couleurs font plus pâles & plus égales dans la femelle ; elles font aufli moins foncées dans les jeunes Salamandres. La Salamandre à queue plate aime les eaux li- monneufes, où elle fe plaît à fe cacher fous les pierres ; on la trouve dans les vieux foffés, dans les marais, dans les étangs; on ne la rencontre prefque jamais dans les eaux courantes: l'hiver, elle fe retire quel- quefois dans les fouterrains humides. Lorfqu'elle va à terre, elle ne marche qu'avec peine & très-lentement. Quelquefois, lorfqu’elle vient refpi- rer au bord de l’eau, elle fait entendre un petit fiffle- ment. Elle perd difficilement la vie, & comme elle n'eft ni aufli fourde, ni aufli filencieufe que la Sala- mandre terreftre, elle doit, à certains égards, avoir l'inftinét moins borné, Le conte ridicule qu'on a répété pendant tant de tems fur la Salamandre terreftre, n'a pas été étendu jufqu'à la Salamandre à queue plate. Mais, au lieu. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 475 de lui attribuer le pouvoir fabuleux de vivre au mi- lieu des flammes, on a reconnu dans cette Salamandre une propriété réelle & oppofée. Elle peut vivre aflez Jong-tems, non-feulement dans une eau très-froide; mais même au milieu de la glace (e). Elle eft quel- quefois faifie par les glaçons qui fé forment dans les foffés , dans les étangs qu’elle habite ; lorfque ces glaçons fe fondent, elle fort de fon engourdiflement , en même- tems que fa prifon fe diflout, & elle reprend tous fes mouvemens avec fa liberté. On a même trouvé , pendant l'été, des Salamandres aquatiques renfermées dans des morceaux de glaces tirés des glacières, & où elles devoient avoir été fans mouvement & fans nourriture, depuis le moment où on avoit ramaflé l’eau gelée dans les marais, pour en remplir ces mêmes glacières. Ce phénomène, en ap- parence très-furprenant, n'eft qu'une fuite des pro- _priétés que nous avons reconnues dans tous les lézards, & dans tous les Quadrupèdes ovipares (f). La Salamandre ne mord point, à moins qu'on ne lui fafle ouvrir la bouche par force ; & fes dents font prefque imperceptibles : elle fe nourrit de mouches, de divers infeétes qu'elle peut trouver à la furface de l’eau, du frai des grenouilles, &c. Elle eft auf her- (e) Voyez le Mémoire déjà cité de M. Dufay. (f) Voyez le Difcours fur le nature des Quadrupèdes ovipares. Oo i 476 Hirsrorre NATURE:IrE bivore; car elle mange des lenticules, ou lentilles d’eau; qui flottent fur la furface des étangs qu'elle habite. Un des faits qui méritent le plus d'être rapportés dans l’hiftoire de la Salamandre à queue plate, eft la manière dont fes petits fe développent (g); elle n’eft point vivipare, comme la terreftre; elle pond, dans le mois d'Avril ou de Mai, des œufs, qui, dans certaines variétés, font ordinairement au nombre de vingt, forment deux cordons, & font joints enfemble par une matière vifqueufe, dont ils font également revêtus lorfqu’ils font détachés les uns des autres. Ils fe chargent de cette matière gluante dans deux canaux blancs & très-pliflés, qui s'étendent depuis les pattes de devant jufques vers l’origine de la queue, un de chaque côté de l’épine du dos, & dans lefquels ils entrent en fortant des deux ovaires. On apperçoit, attachés aux parois de ces ovaires, une multitude de très-petits œufs jaunâtres ; ils grofliflent infenfiblement à l'approche du printems, & ceux qui font parvenus à leur maturité dans la faifon des amours, defcendent dans les tuyaux blancs & pliflés, dont nous venons de parler, & où ils doivent être fécondés (4). (g) Mémoire de M. Dufay déja cité. (h) Guvres de M. l'Abbé Spallanzant , traduéion de M. Sennebier 3 vol. 3, p. 60: UT DES QUADRUPÈDES OVIPARES. A7 Lorfqu'ils font pondus, ils tombent au fond de l’eau, d'où ils fe relèvent quelquefois jufqu'à la furface des marais, parce quil fe forme dans la matière vifqueufe qui les entoure, des bulles d'air qui les rendent très- légers; mais ces bulles fe diflipent, & ils retombent fur la vafe. A mefure qu'ils groflifient, l’on diftingue au travers de la matière vifqueufe, & de la membrane tranfparente qui en eft enduite, la petite Salamandre repliée dans la liqueur que contient cette membrane. Cet embryon sy développe infenfiblement; bientôt il sy meut, & s'y retourne avec une très-grande agilité; & enfin au bout de huit ou dix jours, fuivant la chaleur du cli- mat, & celle de la faïfon, il déchire, par de petits coups réitérés, la membrane, qui eft, pour ainf dire, la coque de fon œuf (ài). Lorfque la jeune Salamandre aquatique vient d’é- clore , elle a, âinfi que les grenouilles, un peu de conformité avec les poiflons. Pendant que fes pattes font encore très-courtes, on voit, de chaque côté, un peu au-deflus de fes pieds de devant, de petites houppes frangées, qui fe tiennent droites dans l’eau, qu'on a (2) C'eft cette membrane que M. PAbbE Spallanzani a appellée lemnnios de l2 jeune Salamandre, ce grand Obfervateur ne voulant pas regarder les Salamandres aquatiques comme venant d’un véritable œuf. Voyez Touyrage déja cité de ce Naturalifle, 478 Hisrorre NATURELLE comparées à de petites nageoires, & qui reflemblent affez à une plume garnie de barbes. Ces houppes tiennent à des efpèces de demi-anneaux cartilagineux & den- telés, au nombre de quatre de chaque côté, & qui font analogues à l'organe des poiflons, que l’on a ap- pellé ouies. Ils communiquent tous à la mème cavité; ils font féparés les uns des autres, & recouverts, de chaque côté, par un panneau qui laïffe pañfer les houp- pes frangées. A mefure que l'animal grandit, ces ef= pèces d’aigrettes diminuent & difparoiffent ; les pan- neaux s’attachent à la peau fans laifler d'ouverture; les demi-anneaux fe réuniflent par une membrane cartilagineufe ; & la Salamandre perd l'organe parti- culier qu’elle avoit étant jeune. Il paroît qu’elle sen fert, comme les poiflons des ouïes, pour filtrer l'air que l’eau peut contenir, puifque quand elle en eft privée, elle vient plus fouvent refpirer à la furface des étangs. Nous avons vu que les lézards changent de peau une ou deux fois dans l’année: la Salamandre aqua- tique éprouve dans fa peau des changemens bien plus fréquens; & en ceci elle a un nouveau rapport avec les grenouilles, qui fe dépouillent très-fouvent , ainf que nous le verrons. Etant douée de plus d'activité dans l'été, & même dans le printems, elle doit con- fommer & réparer en moins de tems une plus grande quantité de forces & de fubftance ; elle quitte alors DES QuUADRUPÉDES OVIPARES. A9 fa peau, tous les quatre ou cinq jours, fuivant cer- tains Auteurs (k), & tous les quinze jours ou trois femaines, fuivant d'autres Naturaliftes (1), dont l'obfervation doit être auffi exacte que celle des pre- miers, la fréquence des dépouillemens de la Sala- mandre à queue plate devant tenir à la température, à la nature des alimens, & à plufeurs autres caufes accidentelles. - | Un ou deux jours avant que l'animal change de peau, il eft plus pareffeux qu’à l'ordinaire. Il ne paroît faire aucune attention aux vers, & aux infectes qui peuvent être à fa portée, & qu'il avale avec avidité dans tout autre tems. Sa peau eft comme détachée du corps en plufieurs endroits, & fa couleur fe ternit. L'animal fe fert de fes pieds de devant pour faire une ouverture à fa peau, autour de fes mâchoires ; il la repoufle enfuite fucceflivement au-deflus de fa tête, jufqu'à ce qu'il puifle dégager fes deux pattes, qu'il retire l’une après l’autre. Il continue de la rejeter en arrière, aufli loin que fes pattes de devant peuvent atteindre ; mais il eft obligé de fe frotter contre les pierres & les graviers , pour fortir à demi de fa vieille enveloppe , qui bientôt eft retournée, & couvre le derrière du corps & la queue. La Salamandre aqua- (4) M. Dufay, Mémoire déja até. (1) Lettre de M. Baker déjà citée, 480 Hrsrorre NATURELLE tique faififfant alors fa peau avec fa gueule, & en dé: gageant l’une après l’autre les pattes de derrière, achève. de fe dépouiller. Si l’on examine la vieille peau, on la trouve tournée à l'envers, mais elle n'eft déchirée en aucun endroit, La partie, qui revêtoit les pattes de derrière, paroît comme un gant retourné, dont les doigts font entiers & bien marqués; celle qui couvroit les pattes de de- vant eft renfermée dans l’efpèce de fac que forme la dépouille : mais on ne retrouve pas la partie de la peau qui recouvroit les yeux, comme dans la vieille enveloppe de plufieurs efpèces de ferpens : on voit deux trous à la place, ce qui prouve que les yeux de la Salamandre ne fe dépouillent pas. Après cette opé- ration, qui dure ordinairement une heure & demie, la Salamandre aquatique paroît pleine de vigueur, & fa peau eft Life & très-colorée. Au refte, il eft facile d’obferver toutes les circonftances du dépouillement des Salamändres aquatiques, qui a été très-bien décrit par M. Baker (m) , en gardant ces lézards dans des vafes de verre remplis d’eau. M. Dufay a vu fortir, par l'anus de quelques Sala- mandres, une efpèce de tube rond, d'environ une ligne de diamètre, & long à-peu-près comme le corps de (m) Voyez, dans les Tranfa@tions philofophiques , la lettre déjà citée, l'animal, pes QuaDruPèDes oprpares. A6 Yanimal. La Salamandre étoit un jour entier à s’en délivrer, quoiqu’elle le tirât fouvent avec les pattes & avec la gueule. Cette membrane, vue au microfcope, paroifloit parfemée de petits trous ronds, difpofés très- régulièrement; l’un des bouts contenoit un petit os pointu , aflez dur, que la membrane entouroit, & au- quel elle étoit attachée ; l’autre bout préfentoit deux petits bouquets de poils, qui paroifloient au microfcope revêtus de petites franges, & qui fortoient par deux trous voifins l’un de l’autre. Il me femble que M. Dufay a conjecturé, avec raifon, que cette membrane pouvoit être la dépouille de quelque vifcère qui avoit éprouvé, ainfi que l’a penfé l’Hiftorien de l’Académie, une à altération femblable à celle que l’on obferve tous les ans dans l’effomac des cruftacées (n). FT On trouve fouvent la légère dépouille de la Sala- mandre aquatique flottante fur la furface des marais; l'hiver, fa peau éprouve. dans nos contrées, des altérations moins fréquentes ; & ce n’eft guère que tous les quinze jours, que cette Salamandre quitte fon enveloppe, pour en reprendre une nouvelle; ayant moins de force pendant la faifon du froid, il n’eft pas furprenant que les changemens qu’elle fubit foient moins prompts, & par conféquent moins fouvent répétés. Mais il fufit qu'elle quitte fa peau plus d’une fois pendant l'hiver, (nr) Mémoires de l’Académie des Seiençes, année 1703. Ovipares, Ton I. Ppp 492 Histrorre NATURELLE à des latitudes aflez hautes, & par conféquent qu’elle y en refafle une nouvelle pendant cette faifon rigou- reufe, pour qu'on doive dire que la plupart des Sa- lamandres à queue plate ne s’engourdifilent pas tou- jours pendant les grands froids de nos climats, & que, par une fuite de la température un peu plus douce qu'elles peuvent trouver auprès des fontaines, & dans les différens abris qu’elles choififfent , il leur refte aflez de mouvement intérieur, & de chaleur dans le fang, pour réparer, par de nouvelles produétions, la perte des anciennes. L'on ne doit pas être étonné que cette reproduction de la peau des Salamandres à queue plate ait lieu f fréquemment. L'élément qu’elles habitent ne doit-il pas en effet ramollir leur peau, & contribuer à l’al- térer ? M. Dufay dit, dans le Mémoire dont nous avons déjà parlé, que quelquefois les Salamandres aquatiques ne pouvant pas dépouiller entièrement une de leurs pattes , la portion de peau qui y refte fe corrompt, & pourrit la patte, qui tombe en entier, fans que l’a- nimal en meure. Elles font très-fujettes, fuivant lui, à perdre ainfi quelques-uns de leurs doigts; & ces accidens arrivent plus fouvent aux pattes de devant, qu'à celles de derrière. L'accouplement des Salamandres aquatiques ne fe fait point ainfi que celui des tortues, & du plus PUR DES QuADRUPÉÈDES OVIPARES. A03 and nombre de lézards; il a lieu fans aucune in- tromifhion , comme celui des grenouilles (0); la liqueur prolifique parvient cependant jufques aux canaux dans lefquels entrent les œufs en fortant des ovaires de la femelle (p), de même qu’elle y pénètre dans les lézards. Les Salamandresà queue plate réuniffent donc les lézards & les grenouilles, par la manière dont elles fe multi- plient, ainfi que par leurs autres habitudes & leur con- formation. Il arrive fouvent que cet accouplement des Salamandres à queue plate eft précédé par une pour- fuite, répétée plufieurs fois, & mêlée à une forte de jeu. On diroit alors quelles tendent à augmenter les plaifirs de la jouiffance par ceux de la recherche, & qu’elles connoïffent la volupté des defirs. Elles préludent par de légères carefles à une union plus intime. Elles femblent s’'éviter d'abord, pour avoir plus de plaifir à fe rapprocher; & lorfque dans les beaux jours du printems la Nature allume le feu de l'amour, même au milieu des eaux, & que les êtres les plus froids ne peuvent fe garantir de fa flamme, on voit quel- quefois fur la vafe couverte d’eau, qui borde les étangs, le mâle de la Salamandre, pénétré de l’ardeur vivi- (o) Œuvres de M. l'Abbé Spallanzani , traduction de M. Sennebier , yol. 3, page 56. (p) M. T Abbé Spallanzani, ouvrage déjà até, Ppp à 484 Hisrorre Narurrire fiante de la faifon nouvelle, chercher avec empref- fement fa femelle, jouer, courir avec elle, tantôt læ pourfuivre avec amour, tantôt la précéder, &. lui fermer enfuite le paflage, redrefler fa crête, courber fon corps, relever fon dos, & former ainfi une efpèce d'arcade, fous laquelle la femelle pafle en courant, comme pour lui échapper. Le mâle la pourfuit ; elle s'arrête : il la regarde fixement ; il s'approche de très- près ; il reprend la même pofture; la femelle repañle fous l’efpèce d'arcade qu’il forme, s'enfuit de nouveau pour s'arrêter encore. Ces jeux amoureux, plufeurs fois répétés, fe changent enfin en étroites careffes. La femelle, comme laflée d'échapper fi fouvent, s'arrête pour ne plus s'enfuir; le mâle fe place à côté d'elle, approche fa tête, & éloigne fon corps, fouvent jufqu'à an pouce de diftance. Sa crête flotte nonchalamment; {on anus eft très-ouvert ; il frappe de tems en tems fa compagne de fa queue; il fe renverfe même fur elle; mais, reprenant fa première pofition, c’eft alors que, malgré la petite diftance qui les fépare, il lance la liqueur prolifique, & les vues de la Nature font remplies, fans qu’il y ait entreux aucune union intime & immédiate. Cette liqueur active atteint la femelle qui devient immobile, & elle donne à l’eau une lé- gère couleur bleuâtre : bientôt le mâle fe réveille d’une: efpèce d’engourdifflement dans lequel il étoit tombé; il recommence fes careffes, lance une nouvelle D£s QuAanrurèDes ovIPARES. A8$ liqueur, achève de féconder fa femelle, & fe fépare d'elle (q). Mais, loin de l’abandonner, il s'en rapproche fouvent, jufqu'à ce que tous les œufs contenus dans les ovaires ; & parvenus à l’état de groffeur convenable, foient entrés dans les canaux, où ils fe chargent d’un humeur vif queufe, & qu'ils aient pu être tous fécondés. Ce tems d'amour & de jouiflances dure plus ou moins, fuivant la température, & quelquefois il eft de trente jours (r). Matthiole dit que, de fon tems, on employoit dans les pharmacies, les Salamandres aquatiques à la place des fcinques d'Egypte, mais qu'elles ne devoient pas produire les mêmes effets (s). Les Salamandres aquatiques ; jetées fur du fel en poudre, ÿ périflent , comme les Salamandres terreftres, Elles expriment de toutes les parties de leur corps le fuc laiteux dont nous avons parlé. Elles tombent dans des convulfions, fe roulent , & expirent au bout de trois minutes (4). Il paroît, d'après les expériences de M. Laurenti, qu'elles ne font point venimeufes, comme l'ont dit les Ançiens, & qu'elles ne font dangereufes, 7 (g) Obfervations faites par M. Demours , de l'Académie royale des Sciences. (r) M. l'Abbé Spallanzani, ouvrage déja cité, {s) Matthiole , diofc. (f) Mémoire de M. Dufay, déjà cité, } 486 Histoire NATURELLE ainfi que la Salamandre terreftre, que pour les petits lézards (u). Les vifcères de la Salamandre aquatique ont été fort bien décrits par M. Dufay. Elle habite dans prefque toutes les el non= feulement de l’Afie & de l'Afrique (v), mais encore du nouveau Continent. Elle ne craint même pas la température des pays feptentrionaux, puifqu’on la ren- contre en Suède, où fon féjour au milieu des eaux doit la garantir des effets d’un froid exceflif. On auroit donc pu lui donner le nom de lézard commun, ainfi qu'on l’a donné au lézard gris, & à un autre lézard défigné fous le nom de é7ard vulgaire, par M. Linné (x) , & qui ne nous paroît être tout au plus qu'une variété de la Salamandre à queue-plate. Mais ce lézard, que M. Linné a nommé lézard vulgaire, n’eft pas le feul que nous croyons devoir rapporter à la queue-plate. Le lézard aquatique , du même Naturalifte (y), nous paroît être aufli de la même efpèce. En effet, tous les caractères qu'il attribue à ces deux lézards fe retrouvent dans les variétés de la Salamandre à queue plate tant mâle à: femelle , ainfi (u) Laurenti fpecimen medicum. (y) Jobi Ludolphi Æthopica. (x ) Lacerta vulgaris, 42. Linn. amph. rept. (y) Lacerta aquatica, 43. Linn. amphib. repe. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. A7 que nous nous en fommes aflurés en examinant les divers individus confervés au Cabinet du Roi. On pourroit dire feulement que lexpreffion de cylindri- que (&eres & teretiufcula) que M. Linné emploie pour défigner la queue du lézard vulgaire, & celle du lézard aquatique, ne peut pas convenir à la Salamandre à queue plate. Mais il eft aifé de répondre à cette objec- tion. 1.” Il paroît que M. Linné n'avoit pas vu le dézard aquatique , & Gronovius, qu'il cite relativement à ce lézard, dit que cet animal eft prefque entière- ment femblable à celui que nous nommons queue- plate (7) ; il ajoute que la queue eft un peu épaifle & prefque carrée. 2.° La figure de Séba, citée par M. Linné, repréfente évidemment la queue-plare (a). D'ailleurs il y a plufñeurs individus femelles dans l’ef- pèce qui fait le fujet de cet article, dont la queue paroît ronde, parce que les membranes qui la gar- niflent pardeflus & pardeflous font très-peu fenfbles. Plufeurs mâles , lorfqu'ils font très-jeunes, manquent prefque abfolument de ces membranes , & leur queue eft comme cylindrique (8). À l’égard de la queue du lézard vulgaire, M. Linné ne renvoie qu'à Ray, qui, (z) Gronovius, snufœum 2 , page 78, N° 52, (a) Séba, mus. 2. Tab. 12, fig. 7. Salamandra ceylanica. (5) Mémoire &jà cité de M. Dufay. 488 Hisrorre NATUREzrr à la vérité, diftingue auf ce lézard d'avec notre Sa= lamandre , mais dont cependant le texte convient en- tièrement à cette dernière. Nous devons ajouter que toutes les habitudes attribuées à ces deux prétendues efpèces de lézards, font celles de notre Salamandre à queue-plate. Tout concourt donc à prouver qu'elles n'en font que des variétés, & ce qui achève de le montrer, c’eft que Gronovius lui-même a trouvé une grande refflemblance entre notre Salamandre & le lézard aquatique, & qu'enfin Particle & la figure de Gefner: que M. Linné a rapportés à ce prétendu lézad aquatique , ne peuvent convenir qu'à notre Salamandre femelle. C’eft donc la femelle de notre Salamandre à queue- plate, qui, très-différente en effet du mâle, ainfi que nous l'avons vu, aura été nommée lézard aquatique par M. Linné & regardée comme une efpèce diftinéte par ce grand Naturalifte , aïnfi que par Gronovius. Quelques différences dans les couleurs de cette femelle, auront même fait croire à quelques Naturaliftes & par: ticulièrement à Petivers (c) qu'ils avoient reconnu le mâle & la femelle, ce qui aura confirmé l'erreur, Quelqu’autre variété, dans ces mêmes couleurs ou dans la taille, aura fait établir une troifième efpèce fous le nom de lézard vulgaire. Mais ce lézard vulgaire & (sc) Petivers, mufœum. 28, N° 713. ce lézard DES QUADRUPÈDES OVIPARES, 409 ce lézard aquatique , ne font que la même efpèce, &inf que M. Linné lui-même l'avoit foupçonné, puif- qu'il fe demande (d) , fi le dernier de ces animaux n'eft pas le premier dans fon jeune âge; & ces deux lézards ne font que ia femelle de notre Salamandre, ce qui eft mis hors de doute par les defcriptions aux- quelles M. Linné renvoie, ainfi que par les figures qu'il cite , & fur-tout par celles de Séba (e) & de Gef- ner (f). Au refte, nous n'avons adopté l'opinion que rous expofons ici, qu'après avoir examiné un grand nombre de Salamandres à queue-plate, & comparé plufieurs variétés de cette efpèce. C'eft peut-être à la Salamandre à queue-plate qu’ap- ‘partient l’animal aquatique, connu en Amérique, & particulièrement dans la nouvelle Efpagne, fous le nom Mexiquain d Axolorl, & fous le nom Efpagnol d’Ir- guete de Agua. Il a été pris pour un poiflon, quoiqu'il ait quatre pattes; mais nous avons vu que le fcinque avoit été regardé aufli comme un poiflon, parce qu’il habite les eaux. L’Axolotl a, dit-on, la peau fort unie, parfemée fous le ventre de petites taches, dont la grandeur diminue depuis le milieu du corps, juf- (d) Syflema naturæ , amphib. rept., editio 132 (e) Séba, mus. 2, tab. 12, fig 7. (f) Geffer, de Quadr. ovip. Lacertus aquaticus. } Ovipares , Tome I. Qqa 4990 Hisrorre NaTORzrIz qu'à la queue. Sa longueur & fa groffeur font à-peu- près celles de la Salamandre à queue-plate ; fes pieds: font divifés en quatre doigts, comme dans les grenouilles ; ce qui peut faire préfumer que le cinquième doigt ne manque qu'aux pieds de devant, ainfi que dans ces mêmes grenouilles & dans la plupart des Sala- mandres. Il a la tête grofle en proportion du corps ;: la gueule noire & prefque toujours ouverte. On à débité un conte ridicule au fujet de ce lézard. On a prétendu que la femelle étoit fujette, comme les: femmes , à un écoulement périodique. Cette erreur pourroit venir de ce quon l’a confondu avec les Salamandres terreftres, qui mettent bas des petits tout formés. Et peut-être même appartient - il aux Salamandres terreftres plutôt qu'aux aquatiques. Au refte , on dit que fa chair eft bonne à manger & d'un goût qui approche de celui de l'anguille (g). Si celæ étoit, il devroit former une efpèce particulière , ou plutôt, on pourroit croire qu'on n'auroit vu à la place: de ce prétendu lézard, qu'une grenouille qui n’étoit pas encore développée & qui avoit fa queue de tétard. C’eft à l’obfervation à éclaircir ces doutes. g) Voyez la defcription de la nouvelle Efpagne , Hiftoire générale des Voyages, troilième Partie, Livre V. AA nes QUADRUPÉÈDES OVIPARES. AOM LA PONCTUÉE (:). Ox TROUVE, dans la Caroline, une Salamandre que nous appellons la Ponctuée, à caufe de deux rangées de points blancs, qui varient la couleur fombre de fon dos, & qui fe réuniflent en un feul rang. Ce lézard n’a que quatre doigts aux pieds de devant ; tous es doigts font fans ongles, & fa queue eftcylindrique. (a) Le Ponêtué. M. d Aubenton , Encyclopédie méthodique. Lacerta punétata, 45. Linn. amphib. rept. Casafby , Carol. 3, p. 10, tab. 10, fig. 10. Stellio. Qqq i 492 Hirsrorre NATURELLE == LA QUATRE-RAIES (2) OxnrENconrTe E, dans l'Amérique, feptentrionale une falamandre dont le deflus du corps préfente quatre lignes jaunes. L’algire a également quatre lignes jaunes fur le dos; mais on ne peut pas les confondre, parce que ce dernier a cinq doigts aux pieds de devant, & que la Quatre-raies n’en a que quatre. La queue de la Quatre - raies eft longue & cylindrique : on remarque quelque apparence d'ongles au bout des doigts. (a) Le Rayé. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Lacerta 4 lineata, 46. Linn. amphib. rept. LE SAR RO UB-É. No Us DEVONS entièrernent la connoiffance de cette nouvelle efpèce de falamandre à M. Bruyères, de la Société royale de Montpellier, qui nous a commu- niqué la defcription qu'il en a faite, & ce qu'il a obfervé touchant cet animal dans l’Ifle de Madagafcar, où il l'a vu vivant, & où on le trouve en grand nombre. Aucun Voyageur ni Naturalifte n’ont encore fait mention de cette falamandre ; elle eft d'autant plus remarquable, qu'elle eft plus grande que toutes celles que nous venons de décrire. Elle a d’ailleurs des écailles très-apparentes; & fes doigts font garnis . d'ongles , au lieu que, dans les quatre falamandres dont nous venons de parler, la peau ne préfente que des mamelons à la place d'écailles fenfibles, & ce neft que dans le Quatre-raies qu'on apperçoit quelque apparence dongle. Nous plaçons cependant le Sar- roubé à la ffite de ces quatre falamandres, attendu. qu'il na que quatre doigts aux pieds de devant, & qu'il préfente par - là le caractère diftin@if d’après lequel nous avons formé la divifion dans laquelle ces falamandres font comprifes. ADA Hirsrorre NATURELLE Le Sarroubé a ordinairement un pied de longueur totale ; fon dos eft couvert d’une peau brillante & grenue , qui reflemble au galuchar; elle eft jaune & tigrée de vert; un double rang d’écailles d'un jaune clair garnit le deffus du cou qui eft très - large; la tête eft plate & alongée; les mâchoires font grandes, & s'étendent jufqu’au- delà des oreilles; elles font fans dents, mais crénelées ; la langue eft enduite d'une humeur vifqueufe, qui retient les petits infectes dont le Sarroubé fait fa proie. Les yeux font gros; l'iris. eft ovale & fendu verticalement. La peau du ventre eft couverte de petites écailles rondes & jaunes ; les bouts des doigts font garnis de chaque côté d'une petite mem- brane, & pardeflous d’un ongle crochu, placé entre un double rang d'écailles, qui fe recouvrent comme les ardoifes des toits, ainfi que dans le lézard à tête= plate qui vit aufli à Madagafcar, & avec lequel le Sarroubé a de très-grands rapports. Ces deux derniers lézards fe refflemblent encore, en ce qu’il ont tous les deux la queue plate & ovale; mais ils diffèrent lun de l’autre, en ce que le Sarroubé n’a point la membrane frangée qui s'étend tout autour du corps du lézard à tête-plate ; & d’ailleurs il n'a que quatre doigts aux pieds de devant, ainfi que nous Pavons dit. Le nom de Sarroubé qui lui a été donné par les habitans de Madagafcar , paroït à M. Bruyères dé- rivyé du mot de leur langue /arrout , qui fignifie colere, DES QUADRUPÉDES OVIPARES, 405 Ces mêmes habitans redoutent le Sarroubé autant que le lézard à tèête-plate; mais M. Bruyères penfe que c’eft un animal très-innocent, & qui n’a aucun moyen de nuire. Il paroït craindre la trop grande chaleur ; on le rencontre plus fouvent pendant la pluie que pendant un tems fec; & les Nègres de Madagafcar dirent à M. Bruyères qu'on le trouvoit en bien plus grand nombre dans les bois pendant la nuit que pendant le Jour, 496 Hisrorre NATURELLE a ss Ve —_—_—_]_ LA TROIS-DOIGTS. No US NOMMONS ainfi une nouvelle efpèce de falamandre , dont aucun Auteur na encore parlé, & qu'il eff très-aifé de diftinguer des autres par plufieurs caractères remarquables. Elle n'eft point dé- pourvue de côtes, ainf que les autres Salamandres : elle n’a que trois doigts aux pieds de devant, & quatre. doigts aux pieds de derrière ; fa tête eft aplatie & arrondie pardevant; la queue eft déliée, plus longue que la tête & le corps; & l'animal la replie faci- lement. C’eft à M. le Comte de Mailli, Marquis de Nefle, que nous devons la connoïiflance de cette nouvelle efpèce de falamandre, dont il a trouvé un individu fur le cratère même du Véfuve , environné des laves brülantes que jette ce a C’eft une place remarquable pour une falamandre qu'un endroit entouré de matières ardentes vomies par un volcan; beaucoup de gens pourroient même regarder la proximité de ces matières comme une preuve du pouvoir de réfifter aux flammes, que l’on a attribué aux falamandres : Nous n’y voyons cependant que la fuite de quelque accident & de quelques circonftances particulières qui auront entrainé l'individu trouvé par M. le Marquis + de Nefle, Mister DES QUADROPÈDES OVIPARES. AO de Nefle, auprès des laves enflammées du Véfuve. Leur ardeur auroit bientôt confumé la Salamandre à Trois-doigts, ainfi que tout autre animal, f elle navoit pas été prife avant d’être expofée de trop près ou pendant trop long-tems à l’action de ces matières volcaniques , dont la chaleur éloignée aura nui d'autant moins à cette Salamandre, que tous les Quadrupèdes ovipares fe plaifent au milieu de la température brülante des contrées de la zone torride. M. le Marquis de Nefle a bien voulu neus envoyer la Salamandre à Trois-doigts qu'il a rencontrée fur le Véfuve ; & nous faififlons cette occafion de lui té- moigner notre reconnoiflance pour les fervices qu'il rend journellement à lHiftoire naturelle. L’individu _ apporté d'Italie par cet illuftre amateur, étoit d’une cou- Ieur brune foncée, mêlée de roux fur la tête, les pieds, la queue & le deffous du corps. IL étoit defféché au point quon pouvoit facilement compter au travers de la peau les vertèbres & les côtes ; la tête avoit trois lignes de longueur, le corps neuf lignes, & la queue feize lignes & demie. a Ovipares, Tome I, Rrr 498 HisTOoirEe NATURELLE Ra DES QUADRUPÈDES OVIPARES Qui n'ont point de queue. JL ve nous RESTE, pour compléter lhiftoire des Quadrupèdes ovipares, qu'à parler de ceux de ces animaux qui nont point de queue. Le défaut de- cette partie eft un caractère conftant & très -fen- fible , d’après lequel il eft aifé de féparer cette feconde claffe d'avec la première, dans laquelle nous avons compris les tortues & les lézards, qui tous ont une queue plus ou moins longue. Mais, indépendamment de cette différence, les Quadrupèdes ovipares fans queue, préfentent des caractères d’après lefquels il eft facile de les diftinguer. Leur grandeur eft toujours très - limitée en comparaïifon de celle de plufñeurs lézards ou tortues : la longueur des plus grands n'excède guère huit ou dix pouces ; leur corps meft point couvert d'écailles ; leur peau, plus ou moins dure , eft garnie de verrues ou de tubercules , & enduite d’une humeur vifqueufe. La plupart n'ont que quatre doigts aux pieds de DES QuADRUPÉÈDES OVIPARES. A4O9 devant, & par ce caractère fe lient avec les Sala- mandres. Quelques-uns, au lieu de n'avoir que cinq doigts aux pieds de derrière comme le plus grand nombre des lézards, en ont fix plus ou moins marqués: Les doigts tant des pattes de devant que de celles de derrière, font féparés dans plufieurs de ces Quadrupèdes ovipares, & réunis dans d’autres par une membrane , comme ceux des oifeaux à pieds palmés, tels que les oies, les canards , les mouettes, &c. Les pattes de derrière font, dans tous les Quadrupèdes ovipares fans queue, beaucoup plus longues que celles de devant. Aufüi ces animaux ne marchent-ils point, ne s'avancent jamais que par fauts, & ne fe fervent de leurs pattes de derrière que comme d'un reflort qu'ils plient & qu’ils laiflent fe débander enfuite pour s’élancer à une dif- tance & à une hauteur plus ou moins grandes. Ces pattes de derrière font remarquables, en ce que le tarfe eft prefque toujours aufli long que la jambe proprement dite. Tous les animaux, qui compofent cette clafle, ont d'ailleurs une charpente offeufe bien plus fimple que ceux dont nous venons de parler. Ils n’ont point de côtes, non plus que la plupart des falamandres ; ils n'ont pas même de vertèbres cervicales, ou du moins ils n'en ont qu'une ou deux; leur tête eft attachée prefqu'immédiatement au corps comme dans les poif- fons avec lefquels ils ont auf de grands rapports par Rrr ii L 500 Hisrorre NATUREIIE leurs habitudes, & fur-tout: par la manière dont ils fe multiplient (a). Ils n'ont aucun organe extérieur propre à la génération; les fœtus ne font pas fécondés dans le corps de la femelle; mais, à mefure qu'elle pond fes œufs, le mâle les arrofe de fa liqueur pro- lifique, qu'il lance par l'anus: les petits paroiflent pendant long-tems fous une efpèce d’enveloppe étran- gère, fous une forme particulière , à laquelle on à donné le nom de térard, & qui refflemble plus ou moins à celle des poiflons; & ce n'eft qu'à mefure qu'ils fe développent, qu'ils acquièrent la véritable forme de leurs efpèces. Tels font les faits généraux communs à toys les Quadrupèdes ovipares fans queue. Mais, fi on les exa- mine de plus près, on verra qu’ils forment trois troupes bien diftinctes, tant par leurs habitudes que par leur conformation. Les premiers ont le corps alongé , ainfi que la tête; l’un ou l'autre anguleux, & relevé en arêtes longitudinales ; le bas du ventre prefque toujours délié, & les pattes très-longues. Le plus fouvent la longueur (a) Les Quadrupèdes ovipares fans queue manquent de veflie pro- prement dite , de même que les lézards, le vaiffleau qui contient leur urine, différant des veflies proprement dites, non-feulement par fa forme & par fa grandeur, mais encore par fa pofition, aïnf que par le nombre & la nature des canaux avec lefquels il communique. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. SO de celles de devant eft double du diamètre du corps vers la poitrine ; & celles dé derrière font au moins de la longueur de la tête & du corps. Ils préfentent des proportions agréables; ils fautent avec agilité, bien loin de craindre la lumière du jôur, ils aiment à sim- biber des rayons du foleil. Les feconds, plus petits en général que les premiers, & plus fveltes dans leurs proportions, ont leurs doigts garnis de petites pelottes vifqueufes, à l’aide defquelles ils s’attachent, même fur la face inférieure des corps les plus polis. Pouvant d’ailleurs s’'élancer avec beau- coup de force , ils pourfuivent les infectes avec vivacité jufque fur les branches, & les feuilles des arbres. Les troifièmes ont, au contraire, le corps prefque rond , la tête très-convexe, les pattes de devant très courtes ; celles de derrière n'égalent pas quelquefois la. longueur du corps & de la tête; îls ne ‘’élancent qu'avec peine; bien loin de rechercher les rayons du foleil , ils fuient touie lumière; & ce n’eft que lorfque Ja nuit eft venue qu'ils fortent de leur trou pour aller chercher leur proie. Leurs yeux font auf beaucoup mieux conformés que ceux des autres Quadrupèdes ovipares fans queue, pour recevoir la plus foible ciarté; & lorfqu’on les porte au grand jour , leur prunelle fe contracte, & ne préfente qu'une fente alongée. Ils diffèrent donc autant des premiers & des feconds, - 502 Hisrorre NATUREAILE que les hiboux & les chouettes diffèrent des oifeaux de jour. Nous avons donc cru devoir former trois genres diférens des Quadrupèdes ovipares fans queue. Dans le premier, qui renferme la grenouille com= mune, nous plaçons douze efpèces, qui toutes ont la tête & le corps alongés, & l’un ou l’autre anguleux. = Nous comprenons dans le fecond genre, la petite gre- nouille d'arbre, connue en France, fous le nom de raine ou de rainette, & fix autres efpèces, quil fera aifé de diftinguer par les pelottes vifqueufes de leurs doigts. Nous compofons enfin le troifième genre, dans le- quel fe trouve le crapaud commun, de quatorze ef- pèces, dont le corps ni la tête ne font relevés en arêtes faillantes, Ces trente-trois efpèces, qui forment les trois genres des grenouilles, des raines , & des crapauds , font les {eules que nous comptions dans la claffe des Quadru- pèdes ovipares fans queue, & auxquelles nous avons cru, d'après la comparaïifon exacte des defcriptions des Auteurs, ainfi que d’après les individus confervés au Cabinet du Roi, devoir réduire toutes celles dont es Naturaliftes & les Voyageurs ont fait mention, PAPA \ DES QUADRUPÉDES OVIPARES 503 ee PREMIER GENRE. Quadrupèdes ovipares fans queue , dont la tére & le corps font alongés, & l’un ou l’autre anguleux. GE NO ULILTE ES LA GRENOUILLE COMMUNE ( : ). C’Esr un grand malheur qu'une grande reffem- blance avec des êtres ignobles ! Les Grenouilles communes font en apparence fi conformes aux (a) En grec, Barpex@- tauG-. La Grenouille mangeable. M. d’Aubenton , Encyclopédie méhodique, Rana efculenta, 24. Linn. amphib. rept. Gefner , de Quadr. ovip., 41. Rana aquatica. Ras. Ran., t. 51, t. 23. Rana viridis aquaticas * Rana efculenta, Laurent fpecimen medicum. Rana, Scotia illufirata, Edimburgt, 1684. Rana efculenta, Wulff, Ichtyologia , cum amplhib. regni Borufka Rana efculenta, British Zoology, volume 3, Londres , 1776. So4 HisTorre NATURELLE crapauds , qu'on ne peut aifément fe repréfenter les unes, fans penfer aux autres; on eft tenté de les comprendre tous dans la difgrace à laquelle les crapauds ont été condamnés , & de rapporter aux prémières les habitudes baffes, les qualités dégoüûtantes, les propriétés dangereufes des feconds. Nous aurons peut-être bien de la peine à donner à la Grenouille commune la place qu’elle doit occuper dans lef: prit des lecteurs , comme dans la nature : mais il men eft pas moins vrai que sil n'avoit point exifté de crapauds , fi l’on n’avoit jamais eu devant les yeux ce vilain objet de comparaifon qui enlaidit par fa reffemblance, autant qu'il falit par fon approche, la Grenouille nous paroïîtroit aufli agréable par fa conformation , que diftinguée par fes qualités, & intéreflante par les phénomènes qu’elle préfente dans les diverfes époques de fa vie. Nous la verrions comme un animal utile dont nous n'avons rien à craindre, dont l’inftinét eft épuré, & qui joignant à une forme fvelte des membres déliés & fouples, eft parée des couleurs qui plaifent le plus à la vue, & préfente des nuances d'autant plus vives, qu'une humeur vif queufe enduit fa peau , & lui fert de vernis. Lorfque les Grenouilles communes font hors de l’eau, bien loin d’avoir la face contre terre, & d’être baflement accroupies dans la fange comme les cra- pauds , elles ne vont que par fauts très-élevés ; leurs pattes DES QuADRUPÈDES OVIPARES. SOS pattes de derrière, en fe pliant & en fe débandant enfuite , leur fervent de reflorts; & elles y ont affez de force pour s'élancer fouvent jufqu'à la hauteur de quelques pieds. On diroit qu'elles cherchent l'élément de Pair comme le plus pur; & lorfqu’elles fe repofent à terre, c'eft toujours la tête haute, leur corps relevé fur les pattes de devant, & appuyé fur les pattes de derrière , ce qui leur donne bien plutôt lattitude droite d’un animal dont l’inftinét a une certaine no- blefle , que la poñition baffle & horizontale d'un vil reptile. La Grenouille commune eft fi élaftique & fi fen- fible dans tous fes points, qu'on ne peut la toucher, & fur-tout la prendre par fes pattes de derrière, fans que tout de fuite fon dos fe courbe avec viteñe, & que toute fa furface montre, pour ainfi dire, les mouvemens prompts d’un animal agile, qui cherche à s'échapper. | Son mufeau fe termine en pointe ; les yeux font gros , brillans & entourés d'un cercle couleur d'or; les oreilles placées derrière les yeux, & recouvertes par une membrane; les narines vers le fommet du mufeau, & la bouche eft grande & fans dents; le corps , rétréci parderrière, préfente fur le dos des tubercules & des afpérités. Ces tubercules que nous avons remarques fi fouvent fur les Quadrupèdes ovi- Ovipares, Tome I 5 ff 506 *° Hisrorrr NArUREzrr pares, fe trouvent donc non - feulement fur les cro= codiles & les très-grands lézards dont ils confolident les dures écailles, mais encore fur des Quadrupèdes: foibles, bien plus petits, qui ne préfentent qu'une . peau tendre, & n'ont pour défenfe que l'élément qu'ils habitent, & lafile où ils vont fe réfugier. Le deflus du corps de la Grenouille commune ef d'un: vert plus ou moins foncé; le deflous eft blanc: ces deux couleurs, qui s'accordent très-bien, & forment un afiortiment élégant , font relevées par trois raies: jaunes qui s'étendent le long du dos; les deux. des côtés forment une faillie, & celle du milieu préfente au contraire une efpèce de fillon. A ces couleurs jaune , verte & blanche, fe mêlent des taches noires fur la partie inférieure du ventre; & à mefure que Vanimal grandit, ces taches s'étendent fur tout le deflous du corps, & même fur fa partie fupérieure. Qu’eft-ce qui pourroit donc faire regarder avec peine un être dont la taille eft légère, le mouvement prefte, l'attitude gracieufe ? Ne nous interdifons pas un plaïfir de plus; &, lorfque nous errons dans nos: belles campagnes, ne foyons pas fichés de voir les: rives des ruiffleaux embellies par les couleurs de ces: änimaux innocens, & animées par leurs fauts vif: & légers: contemplons leurs petites manœuvres; fui-- vons-les des yeux au milieu des étangs païfibles dont. ils diminuent fi fouvent la folitude , fans en troubler: DES QUADRUPÉÈDES OPIPARES, 507 le calme; voyons-les montrer fous les nappes d’eau les couleurs les plus agréables, fendre en nageant ces eaux tranquilles , fouvent même fans en rider la furface, & préfenter les douces teintes que donne la tranfpa- rence des eaux. Les Grenouilles communes ont quatre doigts aux pieds de devant, comme la plupart des Salamandres; les doigts des pieds de derrière font au nombre de cinq, & réunis par une membrane ; dans les quatre pieds, le doigt intérieur eft écarté des autres, & le plus gros de tous. Elles varient par la grandeur, fuivant les pays qu'elles habitent, la nourriture qu’elles trouvent, la chaleur qu'elles éprouvent, &c. Dans les zones tempé- rées, la longueur ordinaire de ces animaux eft de deux à trois pouces , depuis le mufeau jufquà l'anus. Les pattes de derrière ont quatre pouces de longueur quand elles font étendues, & celles de devant environ un pouce & demi. Il n'y a quun ventricule dans le cœur de la Grenouille commune, ainfi que dans celui des autres Quadrupèdes ovipares ; lorfque ce vifcère a été arraché du corps de la Grenouille, il conferve fon battement pendant fept ou huit minutes, & même pendant plu- fieurs heures ; fuivant M. Dehaller. Le mouvement du fang eft inégal dans les Grenouilles; il eft pouffé goutte a goutte, & à de fréquentes reprifes; & lorfque ces SLT 508 Hisrorre NATUREILE animaux font jeunes, ils ouvrent & ferment la bouche & les yeux à chaque fois que leur cœur bat. Les deux lobes des poumons font compofés d’un grand nombre de cellules membraneufes deftinées à recevoir lair,. & faites à-peu-près comme les alvéoles des rayons de’ miel (b) ; l'animal peut les tendre pendant un tems: aflez long, & fe rendre par-là plus léger. Sa vivacité, & la fupériorité de fon naturel. fur celui des animaux qui lui reflemblent le plus, ne doivent-elles pas venir de ce que, malgré fa petite taille, elle eft un des Quadrupèdes ovipares les mieux - partagés pour les fens extérieurs? Ses yeux font en: effet gros & faillans, ainfi que nous l'avons dit; fa peau molle, qui n’eft recouverte ni d'écailles, ni d'en: veloppes offeufes, eft fans cefle abreuvée & maintenue: dans fa fouplefle par une humeur vifqueufe qui fuinte au travers. de fes pores ; elle doit donc avoir la vue très-bonne , & le toucher un peu délicat; & fi fes oreilles font recouvertes par une eme es elle n’en a pas moins l’ouie fine, puifque ces organes renfer- ment dans leurs cavités. une corde élaftique que l'animal peut tendre à volonté, & qui doit lui communiquer avec affez de précifion les vibrations de l'air, agité par: les corps fonores. Cette fupériorité dans la fenfibilité des Grenouilles:. h) Ray, Synopfis animalium, page 247., Londres, 16932 Er DES QUADRUPÉÈDES OVPARES. 509 les rend plus difficiles fur la nature de leur nourriture; elles rejettent tout ce qui pourroit préfenter un com- mencement de décompofition. Si elles fe nourriflent de vers, de fangfues, de petits limaçons, de fcarabées & d’autres infectes tant ailés que non ailés, elles n’en prennent aucun qu'elles ne l’aient vu remuer ,comme fi elles vouloient s’'aflurer qu'il vit encore (c) : elles de- meurent immobiles jufqu'à ce que l’infecte foit affez près d'elles ; elles fondent alors fur luiavec vivacité, s’élancent vers cette proie, quelquefois à la hauteur d’un ou deux pieds, & avancent ; pour attraper , une langue enduite d'une mucofté fi gluante, que les infeétes qui y touchent ÿ font aifément empétrés. Elles avalent auf de très- petits limaçons tout entiers (d); leur œfophage a une grande capacité; leur eftomac peut d’ailleurs recevoir, en fe dilatant, un grand volume de nourriture; & tout cela joint à l’activité de leurs fens, qui doit donner plus de vivacité à leurs appétits, montre la caufe de leur efpèce de voracité : car non-feulement elles fe nourrifflent des très-petits animaux dont nous venons de parler, mais encore elles avalent fouvent des ani-=: (ce) Laurénti fpecimen mèdicum. Vienne, 1768, page 137: Ditionnaire d'Hifloire naturelle de M. Valmont de. Bomare,. article’ des Grenouille. d) Ray, Synopfis animalium , page 254: 519 Hirsrorrk NATURErIIS maux plus confidérables, tels que de jeunes fouris; de petits oifeaux, & même de petits canards nouvel- lement éclos, lorfqu'elles peuvent les furprendre fux le bords des étangs qu'elles habitent. _ La Grenouille commune fort fouvent de l’eau, non: feulement pour chercher fa nourriture, mais encore pour s’imprégner des rayons du foleil. Bien loin d'être prefque muette comme plufieurs Quadrupèdes ovipares, & particulièrement comme la falamandre terreftre, avec laquelle elle a plufieurs rapports, on l'entend de très-loin , dès que la belle faifon eft arrivée, & qu’elle eft pénétrée de la chaleur du printems jeter un cri qu'elle répète pendant aflez long-tems, fur-tout lorf- qu'il eft nuit. On diroit qu'il y a quelque rapport de plaifir ou de peine entre la Grenouille & l'humidité du ferein ou de la rofée; & que c’eft à cette caufe qu'on doit attribuer fes longues clameurs. Ce rapport pourroit montrer pourquoi les cris des Grenouilles font , ainfi qu'on la prétendu, d'autant plus forts, que le tems eft plus difpofé à la pluie, & pourquoi ils peuvent par conféquent annoncer ce météore. Le coafflement des Grenouilles , qui n'eft compofé que de fons rauques, de tons difcordans & peu diftinéts les uns des autres, feroit très-défagréable par lui-même, & quand on n'entendroit qu'une feule Grenouille à la fois; mais c’eft toujours en grand nombre qu'elles coaf- fent; & c'eft toujours de trop près qu'on entend ces DES QUADRUPÉDES OVIPARES. SIT fons confus, dont la monotonie fatiguante eft réunie à une rudefle propre à bleffer l'oreille la moins déli- cate. Si les Grenouilles doivent tenir un rang diftingué parmi les Quadrupèdes ovipares, ce n’eft donc pas par leur voix : autant elles peuvent plairé par l’agilité de leurs mouvemens, & la beauté de leurs couleurs, au- tant elles importunent par leurs aïigres coaflemens. Les mâles font fur-tout ceux qui font le plus de bruit; les femelles n’ont qu'un grognement affez fourd, qu’elles font entendre en enflant leur gorge; mais, lorfque les mâles coaffent , ils gonilent de chaque côté du cou deux veflies qui , en fe rempliffant d'air , & en devenant pour eux comme deux inftrumens retentiflans, aug- mentent le volume de leur voix. La Nature, qui na pas voulu en faire les muficiens de nos campagnes, n'a donné à ces infrumens que de la force, & les. fons que forment les Grenouilles mâles fans être plus agréables , font feulement entendus de plus loin que ceux de leurs femelles. Es font feulement plus propres à troubler ce calme: des belles nuits de l’été, ce filence enchanteur qui règne dans une verte prairie, fur le bord d’un ruifleau tranquille, lorfque la lune éclaire, de fa lumière pai- fible, cet afile champêtre, où tout goûteroit les charmes de la fraicheur, du repos, des parfums des fleurs, & eù tous les fens feroient tenus dans une douce extafe, f celui de louie nétoit défagréablement ébranlé par s12 Hisrorre NArurrire des cris aufh aigres que forts, & de rudes coafemens fans cefle renouvellés. Ce n'eft pas feulement lorfque les Grenouilles mâles coaffent, que leurs vefies paroiflent à l'extérieur; on peut, en preffant leur corps, comprimer l'air quil renferme , & qui, fe portant alors dans ces vefles, en étend le volume & les rend faillantes. Jai auf vu goniler ces mêmes veflies, lorfque jai mis des Gre- nouilles mâles fous le récipient d’une machine pneu- matique , & que j'ai commencé d’en pomper l'air. Indépendamment des cris retentiflans & long-tems prolongés que la Grenouille mâle fait entendre fi fou- vent, elle a d’ailleurs un fon moins défagréable & moins fort, dont elle ne fe fert que pour appeller fa femelle: ce dernier fon eft fourd & comme plaintif, tant il eft vrai que l'accent de l'amour eft toujours mêlé de quelque douceur. Quoique les Grenouilles communes fe plaifent à des latitudes très = élevées , la chaleur leur eft afez néceflaire , pour qu'elles perdent leurs mouvemens, que leur fenfbilité foit très-afloiblie, & qu’elles s’engourdiffent dès que les froids de l'hiver font venus. C'eft communément dans quelque afile caché très avant fous les eaux , dans les marais & dans les lacs qu'elles tombent dans la torpeur à laquelle elles font fujettes. Quelques-unes cependant paffent la faifon du froid dans des trous fous terre, foit que des circonf- tance DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. S13 tances locales les y déterminent, ou qu’elles foient fur- prifes dans ces trous par le degré de froid qui les engour- dit. Elles font alimentées, pendant le tems de leur long fommeil , par une matière graiffeufe renfermée dans le tronc de la veine-porte (e). Cette graïffe répare jufqu'à un certain point la fubftance du fang, & l’entretient de manière à ce quil puifle nourrir toutes les parties du corps qu'il arrofe. Mais quelque fenfibles que foient les Grenouilles au froid, celles qui habitent près des zones torrides, doivent être exemptes de la torpeur de l'hiver, de même que les crocodiles & les lézards qui y font fujets à des latitudes-un peu élevées, ne s’engourdif- fent pas dans les climats très-chauds. On tire les Grenouilles de leur état d’engourdiffe- ment, en les portant dans quelque endroit échauñé, & en les expofant à une température artificielle, à- peu-près femblable à celle du printems. On peut fuc- ceflivement & avec aflez de promptitude les replonger dans cet état de torpeur , ou les rappeller à la vie par les divers degrés de froid ou de chaud qu'on leur fait fubir. A la vérité, il paroît que l'adivité qu'on leur donne avant le tems où elles font accoutumées à la recevoir de la Nature, devient pour ces animaux un grand effort qui les fait bientôt périr. Mais il eft à pré- fumer que fi on réveilloitainfi des Grenouilles apportées (e) Malpighi. | Ovipares, Tome I, Ttt s14 Histoire NATURELLE de climats très-chauds où elles ne s’engourdifent jamais bien loin de contrarier les habitudes de ces animaux» on ne feroit que les ramener à leur état naturel, & ils n’auroient rien à craindre de l’activité qu’on leur rendroit. On eft même parvenu, par une chaleur arti- ficielle, à remplacer aflez la chaleur du printems, pour que des Grenouielles aient éprouvé, lune auprès de Vautre, les defrs que leur donne le retour de la belle faïfon. Mais, foit par défaut de nourriture, foit par une fuite des fenfations qu'elles avoient éprouvées trop brufquement, & des efforts qu'elles avoient faits dans un tems où communément il leur refte à peine la plus foible exiftence , elles n’ont pas furvécu long- tems à une jouiflance trop hâtée (f). Les Grenouilles font fujettes à quitter leur peau , de même que les autres Quadrupèdes ovipares; mais: cette peau eft plus fouple, plus conflamment abreuvée: par un élément qui la ramollit, plus fujette à être: altérée par les caufes extérieures; d’ailleurs les Gre- nouilles, plus voraces & mieux conformées dans les: organes relatifs à la nutrition, prennent une nourriture plus abondante, plus fubftantielle , & qui fourniflant une plus grande quantité de nouveaux fucs, forme plus aifément une nouvelle peau au-deflous de l’an— cienne. Il n’eft donc pas furprenant que les Grenouilles (f) Mémoires de M. Gleditsch, dans ceux de L Académie de: Pruffe.- DES QUADRUPÉÈDES OMIPARES. SIS fe dépouillent très-fouvent de leur peau pendant la faifon où elles ne font pas engourdies, & qu’alors elles en produifent une nouvelle prefque tous les huit jours: lorfque l’ancienne eft féparée du corps de l'animal, elle reflemble à une mucofté délayée. C’eft fur-tout au retour des chaleurs que les Gre- nouilles communes, ainfi que tous les Quadrupèdes ovipares, cherchent à s'unir avec leurs femelles; il croit alors aux pouces des pieds de devant de la Gre= nuuille mâle, une efpèce de verrue plus ou moins noire, & garnie de papilles (g). Le mâle s’en fert pour retenir plus facilement fa femelle (A); ül monte fur fon dos, & l’embrafle d’une manière fi étroite avec fes deux pattes de devant, dont les doigts s’entrelacent les uns dans les autres, qu’il faut employer un peu de force pour les féparer, & qu'on n'y par- vient pas en arrachant les pieds de derrière du mâle. M. l’Abbé Spallanzani a même écrit qu'ayant coupé la tête à un mâle qui étoit accouplé, cet animal ne cefla pas de féconder pendant quelque tems les œufs de fa femelle, & ne mourut qu'au bout de quatre heures (i). (g) Raæfel, page 54. (4) M. Linné, vraifemblablement d’après Fréderic Menzius, a été tenté de regarder cette efpèce de verrue, comme la partie fexuelle du mâle ; pour peu qu'il eût réfléchi à cette opinion, il auroit été le premier à la rejeter. Lin., fÿflema nat. , edit. 13.4 tom. 2 , folio 355. (4) Vol. 3, page 86. tt s16 Hisroirre NATURELLE Quelque mouvement que fafle la femelle, le mâle Ia retient avec fes pattes, & ne la laifle pas échapper, même quand elle fort de l’eau (K): ils nagent ainfi accouplés pendant un nombre de jours d'autant plus grand, que la chaleur de l’atmofphère eft moindre, & ils ne fe quittent point avant que la femelle ait pondu fes œufs (/). C’eft ainfi que nous avons vu les tortues de mer demeurer pendant long-tems intimement unies, & voguer fur la furface des ondes, fans pouvoir être féparées l’une dé l’autre. Au bout de quelques jours, la femelle pond fes œufs, en faifant entendre quelquefois un coaflement un peu fourd; ces œufs forment une efpèce de cordon, étant colés enfemble par une matière glaireufe dont ils font enduits; le mâle faifit le moment où ils fortent de Panus de la femelle, pour les arrofer de fa liqueur fémi- nale, en répétant plufeurs fois un cri particulier (m1); & il peut les féconder d'autant plus aifément, que fon corps dépañfle communément , par le bas, celui de fa compagne : il fe fépare enfuite d'elle, & recom- mence à nager, ainfi qu à remuer fes pattes avec agi- lité, quoiqu'il ait pañié la plus grande partie du tems (4) Colleéfion académ., tome 5 , page 549. Hifloire de la Grenouille , par Swammerdam. (1) Swammerdam & Rafel. (@) Laurent: fpecimen medicum , Vienne ; 2768, page 138. DES QuADRUPSDES OFIPARES. SL de fon union avec fa femelle dans une grande immo- bilité, & dans cette efpèce de contraétion qui ac- compagne quelquefois les fenfations trop vives (2. Dans les différentes obfervations que nous avons faites fur les œufs des Grenouilles, & fur les chan- gemens qu'elles fubiffent avant de devenir adultes, nous avons vu, dans les œufs nouvellement pondus, un petit globule, noir d'un côté, & blanchètre de Pautre, placé au centre d'un autre globule, dont la fubftance glu= tineufe & tranfparente doit fervir de nourriture à lembryon ; & eft contenue dans deux enveloppes membraneufes & concentriques : ce font ces membranes qui repréfentent la coque de l’œuf (o). Après un tems plus ou moins long, fuivant la tem= pérature , le globule noir d'un côté & blanchâtre de l’autre, fe développe & prend le nom de sérard (p): | nee ten en Des nenennatnlens met (n) Swammerdam ; à l'endroit déja cité. (o) M. l'Abbé Spallanzani ne confidérant la membrane intérieure qui enveloppe le tétard que comme un amnios , a propofé de féparer les grenouilles, les crapauds & les raines, des ovipares, pour les réunir avec les vivipares; mais nous n'avons pas cru devoir adopter l'opinion de cet habile Naturdlifte. Comment éloigner en eflet es grenouilles, les raines & les crapauds, des tortues & des Kzards avec lefquels ils font liés par tant de rapports, pour les rapprocher des vivipares, dont ils difèrent par tant de caractères intérieurs ou extérieurs? V oyez le troilième volume de M. FAbbé Spallanzani, page 76. : (p) M. VAbbE Spallamant , ouyrage déjà vité, volume 3, page 2 % 518 Hrsrorre NATUREL cet embryon déchire alors les enveloppes dans lefquelles il étoit renfermé , & nage dans la liqueur glaireufe qui l’environne, & qui s'étend & fe délaye dans l’eau, où elle flotte fous l'apparence d’une matière nuageufe; il conferve, pendant quelque tems, fon cordon ombilical qui eft attaché à la tête, au lieu de l’être au ventre, ainfi que dans la plupart des autres animaux; il fort de tems en tems de la matière gluante, comme pour effayer fes forces; mais il rentre fouvent dans cette petite mafle flottante qui peut le foutenir; il y revient, non-feulement pour fe repofer, mais encore pour pren- dre de la nourriture. Cependant il groflit toujours; on diftingue bientôt fa tête, fa poitrine, fon ventre & fa queue dont il fe fert pour fe mouvoir. La bouche des tétards n’eft point placée, comme dans la Grenouille adulte , au-devant de la tête, mais en quelque forte fur la poitrine; aufli lorfqu'ils veu- lent faifir quelque objet qui flotte à la furface de l’eau ou chafler l'air renfermé dans leurs poumons, ils fe renverfent fur le dos, comme les poiflons dont la bouche eft fituée au-deflous du corps ; & ils exécu- tent ce mouvement avec tant de vitefle que l'œil a de la peine à le fuivre (q). Au bout de quinze jours, les yeux paroiflent quel- quefois encore fermés, mais on découvre les premiers (g) Swammerdam DES QUADRUPÉDES OPIPARES. S19 inéamens des pattes de derrière (r). À mefure qu’elles croiflent, la peau qui les revêt s'étend en propors tion (s). Les endroits où feront les doigts, font mar+ qués par de petits boutons ; &, quoiqu'il n'y ait encore aucun os , la forme du pied eft très-reconnoiffable. Les pattes de devant reftent encore entièrement cachées: fous l'enveloppe: plufieurs fois les pattes de devant font au contraire les premières qui paroiflent. . C’eft ordinairement deux mois après qu'ils ont commencé de fe développer, que les tétards quittent leur enveloppe pour prendre la vraie forme de Gre- nouïille, D'abord la peau extérieure fe fend fur le dos. près de la véritable tête qui pafle par la fente qui vient de fe faire. Nous avons vu alors la membrane, qui fervoit de bouche au tétard, fe retirer en: arrière & faire partie de la dépouille. Les pattes de devant commencent à fortir & à fe déployer ; & la dépouille toujours repouflée en. arrière, laïfle enfin à découvert le corps, les pattes de derrière, & la queue qui, diminuant toujours de volume , finit par soblitérer & difparoître entièrement (4). (r) Swammerdam , page 790 , Leyde, 1738. (s) Idem, page 797. (#) Pline, Rondelet & pluñeurs autres Naturaliftes ont prétendu que la queue de la jeune Grenouille fe fendoit en deux , pour former les: deux pattes de derrière: cette opinion eft contraire à l’obfervation la plus conftante, Voyez Swammerdam.. 520 HISTOIRE NATURELLE Cette manière de fe développer eft commune, à très-peu près, à tous les Quadrupèdes ovipares fans queue: quelque éloignée qu’elle paroifle , au premier coup-d'œil, de celle des autres ovipares, on reconnoîtra aifément, fi on l’examine avec attention, que ce quelle a de particulier fe réduit à deux points. Premièrement, l'embryon renfermé dans l’œuf, en fort beaucoup plutôt que dans la plupart des autres ovipares , avant même que toutes fes parties foient développées, & que fes os & fes cartilages foient formés. P | Secondement, cet embryon à demi-développé eft renfermé dans une membrane, & pour ainfi dire, dans un fecond œuf très-fouple & très-tranfparent, auquel il y a une ouverture qui peut donner pafñlage à la nourriture. Mais de ces deux faits le premier ne doit être confidéré que comme un très-léger change- ment , & , pour ainfi dire , une fimple abréviation dans la durée des premières opérations néceffaires au développement des animaux qui viennent d'un œuf: cette manière particulière peut avoir lieu fans que le fætus en fouflre, parce que le tétard n’a prefque pas befoin de force ni de membres pour les divers mou- vemens qu'il exécute dans l’eau qui le foutient, & autour de la fubftance tranfparente & glaireufe où il trouve à fa portée une nourriture analogue à la foiblefle de fes organes. A l'égard DES QUADRUPÉDES OVIPARES. S21 À l'égard de cette efpèce de fac dans lequel la gre- nouille ainfi que la raine & le crapaud font renfermés pendant les premiers tems de leur vie fous la forme de tétard, & qui préfente une ouverture pour que la nourriture puifle parvenir au jeune animal, on doit, ce me femble, le confidérer comme une efpèce de _fecond œuf, ou pour mieux dire de feconde enve- loppe dont l’animal ne fe dégage qu'au moment qui lui a été véritablement fixé pour éclore : ce n'eft que lorfque la grenouille ou le crapaud font ufage de tous leurs membres, que l’on doit les regarder comme véritablement éclos. Ils font toujours dans un œuf tant qu'ils font fous la forme de tétard: mais cet œuf eft percé parce qu'il ne renferme point la nourriture né- ceflaire au fœtus, & parce que ce dernier eft obligé d'aller chercher fa fubfftance, foit dans l’eau, foit dans la fubftance glaireufe qui flotte avec l'apparence d’une matière nuageufe. Le tétard, à le bien confidérer, n’eft donc qu’un œuf fouple & mobile qui peut fe prêter à tous les mouvemens de l'embryon. 11 en feroit de même de tous les œufs, & même de ceux de nos poules, fi au lieu d'être folides & formés d’une fubftance crétacée & dure, ils étoient compofés d’une membrane très-molle, très-flexible & tranfparente. Le poulet, qui y feroit contenu, pourroit exécuter quelques mouvemens, quoi= que renfermé dans cette enveloppe , qui fe préteroit Ovipares, Tome I, Vvy S29) + HrSTOrR= NATURELLE à fon action ; il Le pourroit fur-tout , fi ces mouvernens n'étoient pas contrariés par les afpérités des furfaces, & les inégalités du terrain, & fi au contraire ils avoient lieu au milieu de l’eau qui foutiendroit l'œuf & le fœtus, & ne leur oppoferoit qu'une foible réfiftance. Ces mouvemens feroient comme ceux d’un petit ani- mal qu'on renfermeroit dans un fac d’une matière fouple. Que fe pafñle-t-il donc réellement dans le déve- loppement des grenouilles, ainfi que des autres Qua= drupèdes ovipares fans queue ? leurs œufs ont plufieurs enveloppes: les plus extérieures, qui environnent le globule noir & blanchâtre, ne fubfftent que quelques jours; la plus intérieure, qui eft très-molle & très-fouple, peut fe prêter à tous les mouvemens d’un animal qui à chaque inftant acquiert de nouvelles forces ; elle s'étend à mefure qu'il grandit ; elle eft percée d'une ouverture, que l’on n'auroit pas dû appeller bouche, car ce n'eft pas précifément un organe particulier, mais un pañlage pour la nourriture néceflaire à la jeune grenouille, au jeune crapaud, ou à la jeune raine: & comme les œufs des grenouilles, des raines & des crapauds, font communément pondus dans l’eau, qui, pendant le printems & l'été, eft moins chaude que la terre & l'air de l’atmofphère, ils éprouvent une chaleur moins confidérable, que ceux des lézards & des tortues qui font dépofés fur les rivages, de manière DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 923 à être échauffés par les rayons du foleil : il n'eft donc pas furprenant que, par exemple, les petites grenouilles foient renfermées dans leurs enveloppes pendant deux mois, ou environ, & que ce ne foit qu'au bout de ce tems quelles éclofent véritablement en quittant la forme de tétard, tandis que les lézards & les tortues fortent de leurs œufs après un aflez petit nombre de jours. A l'égard de la queue qui s’oblitère dans Les gre- nouilles, dans les crapauds & dans les raines , ne doivent -ils pas perdre facilement une portion de leur corps qui n'eft foutenue par aucune partie offeule, & qui d’ailleurs, toutes les fois qu’ils nagent, oppofe à l'eau le plus d'action & de réfiftance? Au refte, cette forte de tendance de la Nature à donner une queue aux grenouilles, aux crapauds & aux raines, ainf qu'aux lézards & aux tortues, eft une nouvelle preuve des rapports qui les lient &, en quelque forte, de Pu= nité du modèle fur lequel les Quadrupèdes ovipares ont été formés. Les couleurs des grenouilles communes ne font ja- mais fi vives qu'après leur accouplement ; elles pälif fent plus ou moins enfuite, & deviennent quelquefois affez ternes & affez rouffes pour avoir fait croire au peuple de plufieurs pays, que, pendant l'été, les gre- nouilles fe métamorphoient en crapauds. Lorfquon ne blefle les grenouilles que dans une Vvyvi) 524 H1sTOIRE NATUREILE feule de leurs parties, il eft très-rare que toute leur organifation s’en reflente, & que l’enfemble de leur mécanifme foit dérangé au point de les faire périr. Bien plus, lorfqu'on leur ouvre le corps, & qu'on en arrache le cœur & les entrailles, elles ne confervent pas moins pendant quelques momens leurs mouvemens ac- coutumés (4) : elles les confervent aufi pendant quel- que tems lorfqu’elles ont perdu prefque tout leur fang; & fi, dans cet état, elles font expofées à l’action en- gourdiflante du froid, leur fenfbilité s'éteint, mais fe ranime quand le froid fe diffipe très-promptement, & elles fortent de leur torpeur, comme fi elles n’avoient éprouvé aucun accident (v). Aufli, malgré le grand nombre de dangers auxquels elles font expofées , doivent-elles communément vivre pendant un tems aflez long relativement à leur volume. Les grenouilles étant accoutumées à demeurer un peu de tems fous l’eau fans refpirer, & leur cœur étant conformé de manière à pouvoir battre fans être mis en jeu par leurs poumons comme celui des ani- maux mieux organifés, il n’eft pas furprenant qu’elles vivent aufh pendant un peu de tems dans un vafe dont on a pompé l'air, ainfi que l’ont éprouvé plufeurs (u) Ray, Synopfis methodica animalium, Lond. 1693, page 248. (y) Voyez à ce fujet les Œuvres de M. l'Abbé Spallanzani. Traduérion de M. Sennebier , vol. 1 , page 112, \ DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 52% Phyficiens, & que je l'ai éprouvé fouvent moi-même (x). On peut même croire que l’efpèce de mal-aife ou de douleur qu’elles reffentent lorfqu'on commence à ôter l'air du récipient, tient plutôt à la dilatation fubite & forcée de leurs vaiffleaux, produite par la raréfaétion de l'air renfermé dans leur corps, qu'au défaut d'un nouvel air extérieur. Il n’eft pas furprenant, d’après cela, qu'elles vivent plus long-tems que beaucoup d'autres animaux, ainfi que les crapauds & les fala- mandres aquatiques, dans des vafes dont l’air ne peut pas fe renouveller (y). Les grenouilles font dévorées par les ferpens d’eau, les anguilles, les brochets, les taupes, les putois, les loups (7) , les oifeaux d’eau & de rivage, &c. Comme elles fourniflent un aliment utile, & que même cer- taines parties de leur corps forment un mets très- agréable, on les recherche avec foin ; on a plufeurs manières de les pêcher ; on les prend avec des filets à la clarté des flambeaux qui les effraient & les rendent fouvent commeimmobiles; ou bien on les pêche à la ligne avec des hameçons qu’on garnit de vers, d’infeétes, ou PER REA SR (x) Rédi, € lecons de phyfique expérimentale de l'Abbé Nollet, forme 3, page 270. (y) Voyez les Œuvres de M. l'Abbé Spallanzani, traduétion de M. Sennebier, vol. 2, pages 160 & fuiv. (x) M. d’Aubenton en a trouvé dans l’eftomac d'un loup, 526 - Hisrorrr NATURELLE fimplement d’un morceau d'étoffe rouge ou couleur dé chair; car, ainfi que nous l'avons dit, les grenouilles font goulues ; elles faififlent avidement & retiennent avec obftination tout ce qu'on leur préfente (a). M. Bour- geois rapporte qu'en Suiffe on les prend d’une manière plus prompte par le moyen de grands rateaux dont les dents font longues & ferrées: on enfonce le rateau dans l’eau, & on ramène les grenouilles à terre, en le re+ tirant avec précipitation (&). On a employé avec fuccès en médecine les diffé= rentes portions du corps de la grenouille, ainfi que fon frai auquel on fait fubir différentes préparations, tant pour conferver fa vertn pendant long-tems, que pour ajouter à l'efficacité de ce remède (c). La grenouille commune habite prefque tous les pays, On la trouve très-avant vers le nord, & mème dans la Lapponie Suédoife (d) ; elle vit dans la Caroline & dans la Virginie, où elle eft fi agile, au rapport de plufieurs Voyageurs, qu'elle peut, en fautant, franchir un intervalle de quinze à dix-huit pieds, (a) Laurenti fpecimen medicum, Vienne, 1768, page 137. _(b) Diéionnaire d Hifloire naturelle, par M. Valmont de Bomarei erticle des Grenouilles. (c) Idem. (d) Voyez, dans la continuation de l’'Hiftoire générale des Voyages) tome 76, édition in-12, la defcription de la Lapponie fuédoife, par M. Pierre Hxgeftrgm, traduite par M. de Kéralio de Gourlay. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. Sa Nous allons maintenant préfenter rapidement les détails relatifs aux grenouilles différentes de la gre- nouille commune, & que l’on rencontre dans nos contrées, ou dans-les pays étrangers : nous allons les confidérer comme des efpèces diftinétes; peut-être des obfervations plus étendues nous obligeront-elles dans la fuite à en regarder quelques-unes comme de fimples variétés dépendantes du climat, ou tout au plus comme des races conftantes : nous nous contenterons de rapporter Îles différences qui les féparent de la grenouille com- mune, tant dans leur conformation que dans leurs habitudes, 528 Hisrorrs NATURELIE L'ÉROUSSE () LL sr aisé de diftinguer cette grenouille d'avec les autres, par une tache noire qu'elle a entre les yeux & les pattes de devant. Elle paroït, au premier coup-d’œil , n'être qu’une variété de la grenouille com- mune; mais comme elle habite dans le même pays, comme elle vit, pour ainfi dire, dans les mêmes étangs, & qu'elle en diffère cependant conftamment par quelques-unes de fes habitudes & par fes couleurs, (a) Batracos, en grec. La muette, M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Rara temporaria, 24. Linn. amph. rept. Rana muta, Laurenti fpecimen medicum. Ra/fel, tab. à & 3, Rana fufca terreftris. Gefner , de Quadr. ovi., fol. 58, Rana gibbofs. Aldr. oyvip, 89, Rana. Jonfi. Quadr., t. 75,f. 5, 6,17, 8. Ray, Quadr., 247, Rana aquatica, Bradl. natur., tab. 21 , fig. 2. Batracos, Ariflote ,» Hifloire des animaux , Livre IV, chap. 9: Frog common, British Zoology , vol. 3: London, 2776. Rana temporaria, Wulf. Ichthyologia , cum amphibiis regni Boruffic Rana vefpertina, Supplément au Voyage de M. Pallas. on ne peut p& DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 5S29 on ne peut pas rapporter fes caractères diftinétifs à la différence du climat ou de la température, & l’on doit la confidérer comme une efpèce particulière. Elle a le deffus du corps d’un roux obfcur, moins foncé quand elle a renouvellé fa peau, & qui devient comme marbré vers le milieu de l'été. Le ventre eft blanc & tacheté de noir à mefure qu’elle vieillit. Les cuiffes font rayées de brun. Elle a, au bout de la langue, une petite échan- crure dont les deux pointes lui fervent à faifir les infectes qu'elle retient, en même-tems , par l’efpèce de glu dont fa langue eft enduite, & fur lefquels elle sélance, comme un trait, dès qu’elle les voit à fa portée. On l’a appellée la muette, par comparaifon, avec la grenouille commune, dont les cris défagréa- bles & fouvent répétés, fe font entendre de très-loin. Cependant, dans le tems de fon accouplement ou lorfqw'on la tourmente, elle pouffle un cri fourd, fem- blable à une forte de grognement, & qui eft plus fréquent & moins foible dans le mâle. Les grenouilles roufles paflent une grande partie de la belle faifon à terre. Ce n’eft que vers la fin de l'automne qu’elles regagnent les endroits marécageux, &, lorfque le froid devient plus vif, elles s’enfoncent dans le limon du fond des étangs, où elles demeurent engourdies jufqu’au retour du printems. Mais , lorfque la chaleur eft revenue, elles font rendues à la yie & Ovipares , Tome I, Xx3x 530 HisToiIREe NATURELLE au mouvement. Les jeunes regagnent alors la terre: pour y chercher leur nourriture : celles qui font âgées de trois ou quatre ans, & qui ont atteint le degré de: développement néceflaire à la reproduétion de leur efpèce, demeurent dans l’eau jufqu'à ce que la fai- fon des amours foit pañée. Elles font les premières: grenouilles qui s’'accouplent, comme les premières ra- nimées. Elles demeurent unies pendant quatre jours ou environ. Les grenouilles roufles éprouvent, avant d'être adultes , les mêmes changemens que les grenouilles communes; mais il paroît qu'il leur faut plus de tems pour les fubir, & que ce n’eft qu'à-peu-près au bout de trois mois qu’elles ont la forme qu'elles doivent conferver pendant toute leur vie. Vers la fin de Juillet, lorfque les petites grenouilles: font entièrement éclofes , & ont quitté leur état de tétard , elles vont rejoindre les autres grenouilles rouffes: dans les bois & dans les campagnes. Elles partent le foir , voyagent toute la nuit & évitent d’être la proie des oifeaux voraces, en paflant le jour fous les pierres. & fous les différens abris qu'elles rencontrent, & eni ne fe remettant en chemin que lorfque les ténèbres: leur rendent la füreté. Cependant , malgré cette efpèce de prudence, pour peu qu'il vienne à pleuvoir, elles fortent de leurs retraites pour s’imbiber de l’eau qui tombe. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 531 Comme elles font très-fécondes & qu'elles pondent ordinairement depuis fix cens jufqu’à onze cens œufs, il n’eft pas furprenant qu’elles fe montrent quelque- fois en fi grand nombre, fur-tout dans les bois & les terrains humides, que la terre en paroit toute cou verte. La multitude des grenouilles roufles qu'on voit fortir de leurs trous lorfqu'il pleut, a donné lieu à deux fables ; l’on a dit, non-feulement qu'il pleuvoit quelquefois des grenouilles, mais encore que le mé- lange de la pluie avec des grains de pouffière pouvoit les engendrer tout d'un coup. L’on ajoutoit que ces grenouilles ainfi tombées des nues , ou produites d'une manière fi rapide par un mêlange fi bizarre, sen alloient auffi promptement qu’elles étoient venues, & qu’elles difparoifloient aux premiers rayons du Soleil. Pour peu qu’on eût voulu découvrir la vérité, on les auroit trouvées, avant la pluie, fous des tas de pierres & d’autres abris, où on les auroit vues cachées de nouveau après la pluie, pour fe dérober à une lumière trop vive (b) ; mais on auroit eu deux fables de moins à raconter , & combien de gens dont tout le mérite difparoît avec les faits merveilleux ! On a prétendu que les grenouilles rouffes étoient — (B) Ræjfél, pages 13 6 14. À XX ij 552 HISTOIRE NATUREILE venimeufes ; on les mange cependant dans quelques contrées d'Allemagne ; & M. Laurenti ayant fait mor- dre une de ces grenouilles par de petits lézards gris, fur lefquels le moindre venin agit avec force, ils n'en furent point incommodés (c). Elles font en très-grand nombre dans l’Ifle de Sardaigne (d), ainfi que dans prefque toute l’Europe ; il paroît qu’on les trouve dans l'Amérique feptentrionale, & qu’il faut leur rapporter les grenouilles appellées grenouilles de terre par Ca- tefby (e), & qui habitent la Virginie & la Caroline. Ces dernières paroiffent préférer , pour leur nourriture, les infectes qui ont la propriété de luire dans les téné- bres, foit que cet aliment leur convienne mieux, ou qu'elles puiflent l’appercevoir, & le faifir plus faci- (c) Laurenti fpecimen medicum , page 1 34. (4) Hifloire naturelle des amphibies © des poiffons de la AU par M. François Cetti. (e) « Le dos & le defus de cette grenouille ( la grenouille de »terre), font gris & tachetés de marques d'un brun obfcur fort proches » les unes des autres: le ventre eft d’un blanc fale & légèrement marqueté : l'iris eft rouge. Ces grenouilles varient quelquefois par rapport à la “couleur , les unes étant plus grifes, & les autres penchant vers le s brun ; leurs corps font gros, & elles refflemblent plus à un crapaud #quà une Grenouille, cependant elles ne rampent pas comme les cra- » pauds , mais elles fautent. On en voit davantage dans les tems humides: # elles font cependant fort communes dans les terres élevées, & paroiflent dans le tems le plus chaud du jour, » Cathy, vol, à, page 69 DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 533 lement lorfqu’elles cherchent leur pâture pendant la nuit. Catefby rapporte en effet qu'étant dans la Caro- line , hors de fa maifon, au commencement d’une nuit très- chaude, quelqu'un qui l’accompagnoit , laïffa tomber de fa pipe un peu de tabac brülant qui fut faiñ & avalé par une grenouille de terre, tapie auprès d'eux , & dont l'humeur vifqueufe dut amortir l'ardeur du tabac. Catefby eflaya de lui pré- fenter un petit charbon de bois allumé , qui fut avalé & éteint de même. Il éprouva conftimment que les grenouilles terreftres faififloient tous les petits corps enflammés qui étoient à leur portée , & il con- jectura , d’après cela, qu’elles devoient rechercher les vers ou les infeétes luifans qui brillent en grand nombre , pendant les nuits d'été, dans la Caroline & dans la Virginie (f). (F) Catefby , au méme endroit, 534 HisrToirre NATURELLE à LA PLUVIALE (4) Cerre GRENOUILLE eft couverte de VeITues , ce qui fert à la diftinguer d'avec les autres. La par- tie poftérieure du corps eft obtufe & parfemée en deffous de petits points. Elle a quatre doigts aux pieds de devant , & cinq doigts un peu féparés les uns des autres aux pieds de derrière. On la trouve dans plufieurs contrées de l'Europe. Elle sy montre fouvent en grand nombre, après les pluies du printems ou de Vété, ainfi que la grenouille roufle ; & c’eft de-là. qu'eft tiré le nom de Pluviale, que M. d’Aubenton lui a donné, & que nous lui confervons. On a fait fur fon apparition les mêmes contes ridicules que fur celle de la grenouille roufle, (a) La Pluviale. M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Rana corpore verrucofo, ano obtulfo fubtus punétato, Faun. Suec., 276, Rana rubeta, 4. Linn. amphib. rept. Rana palmis tetradactylis fiflis, plantis pentadaétylis fubpalmatis, ano fabtus punctato. Water Jack, British Zoology , vol. 3, London, 1776. Rana rubeta. Wulf. Ichthyologia , cum amphibiis regni Boruffci. SAS DES QUADRUPÈDES OVIPARES, 535 ——— LA SONNANTE (4) Ox rrouve , en Allemagne, une grenouille qui, par fa forme , reflemble un peu plus que les autres: au crapaud commun, mais qui eft beaucoup plus petite que ce dernier. Un de fes caraétères diftinétifs eft un pli tranfverfal qu'elle a fous le cou. Le fond. de fa couleur eft noir: le deflus de fon corps eft couvert de points faillans, & le deffous marbré de blanc & de noir. Les pieds de devant ont quatre doigts divifés, & ceux de derrière en ont cinq réunis par une membrane: on conferve , au Cabinet du Roi, plu- fieurs individus de cette efpèce. On la nomme la Sonnante , à caufe d’une reflemblance vague , qu'on a trouvée entre fon coaffement & le fon des cloches. qu'on entendroit de loin. Sa forme & fon habitation: Pont fait appeller quelquefois crapaud des marais, (a) La Sonnante. M. d'Aubenton , Encyclopédie: méthodique. Rana campanifona, Laurenti fpecimen medicum.. Gefner, pifc., 952. - Rana bombina, 6 Linn. amph. rept. Rana variegata, Wulf. Ichthyologia , cum amphibus regni Boruffia; PA CAES 536 Hisrorre Narurrtrtre RE —#465 (ce DID mans certe, LA BORDÉE (2). ÏL Esr aisé de diftinguer cette grenouille qui fe trouve aux Indes, par la bordure que préfentent fes côtés ; fon corps eft alongé; les pieds de derrière ont cinq doigts divifés. Le dos eft brun & life (b) ; le deflous du corps eft d’une couleur pâle & couvert d'un grand nombre de très - petites verrues qui fe touchent. (z) La Grenouille Bordée. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Rana margimata, Laurenti fpecimen medicum. Rana marginata, Linn., fÿflema nature , editio 23. Rana lateribus marginatis , mufzum ad, fr., fol 47: (8) Suivant M. Laurenti, le deflus du corps eft couvert d’afpérités; mais nous avons cru devoir fuivre la defcription que M. Linné à faite de cette Grenouille, d’après un individu confervé dans le muféum du Prince Adolphe. LA RÉTICULAIRE DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 537 LA RÉTICULAIRE (:) Ox rrouve ENCORE , dans les Indes, une gre-= nouille dont le caractère diftinctif eft d’avoir le deflus du corps veiné & tacheté de manière à préfenter l’ap- parence d'un réfeau,, elle a les doigts divifés. (a) M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique. La Grenouille réticulaire, Laurenti fpectmen medicum ; Rana venulofa. Séba, vol. 1, planche 72, fig. 4. Ovipares, Tome I. Vyy 538 Hisrorre NArurs1rz “ LA PATTE D’OIE (:) C’Esr une grande & belle grenouille dont le corps eft veiné & panaché de différentes couleurs ; le fommet du dos préfente des taches placées oblique- ment. Des bandes colorées, rapprochées par paires, règnent fur les pieds & les doigts. Ce qui la caracté- rife & ce qui lui a fait donner, par M. d’Aubenton, le nom de Patte-d’oie que nous lui confervons, c'eft que les doigts des pieds de devant, ainfi que des pieds de derrière , font réunis par des membranes: cette réunion fuppofe, dans cette grenouille , un féjour affez conf- tant dans l’eau, & un rapport d'habitudes avec Ia grenouille commune. On la rencontre en Virginie, ainfi que la réticulaire avec laquelle elle a beaucoup de rapport, mais dont elle diffère en ce que fes doigts font réunis, tandis qu'ils font divifés dans la réticulaire. (a) La Patte d'oie. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Rana maxima, Laurenti fpecimen medicum. Séb, 1, tab. 72) fig 3. Fu DES QuADRUPÈDES OYIPARES, 539 L’ÉPAULE-ARMÉE (:). Ox rrouve , en Amérique, cette grenouille re- marquable par fa grandeur ; elle a quelquefois huit pouces de longueur, depuis le bout du mufeau juf- qu'à l’anus. On voit, de chaque côté, fur les épaules une efpèce de bouclier charnu , d'un cendré clair pointillé de noir, qui lui a fait donner, par M. d'Au- benton , le nom qu'elle porte; fa tête eft rayée de rouffâtre ; les yeux font grands & brillans ; la langue eft large; tout le refte du corps eft cendré, parfemé de taches de différentes grandeurs, d’un gris clair ou d’une couleur jaunâtre. Le dos eft très-anguleux ; à la partie poftérieure du corps, font quatre excroiflances charnues, en forme de gros boutons. Les pieds de devant font fendus en quatre doigts garnis d'ongles, larges & plats. Les pieds de derrière diffèrent de ceux de devant en ce qu'ils ont un cinquième doigt, & que tous les doigts en font réunis par une petite mem- (a) L'Epaule armée. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique: Rana marina , 8. Linn. amphib. reptilia, Rana marina, 21. Laurenti fpecimen medicum. | Séba, 2, tab, 76, fig. 2, Rana marina maxima, Rana Americans, Yyyi 840 ‘ Hirsrorre NarTuRErzE brane près de leur origine. Cette efpèce qui paroïf habiter fur terre & dans l’eau, pourroit fe rapprocher par fes habitudes de la grenouille rouffe. L'épithète de marine qui lui a été donnée dans Séba, & confervée par MM. Linné & Laurenti, paroît indiquer qu'elle vit près des rivages, dans les eaux de la mer: mais nous ayons de la peine à le croire, les Quadrapèdes ovipares fans queue, ne recherchant communément que les eaux douces, DES QouADRuPÈDES OVIPARES, SAY LA MUGISSANTE (2). Ox RENCONTRE en Virginie une grande grenouille; dont les yeux ovales font gros, faillans & brillans ; l'iris eft rouge, bordé de jaune; tout le deflus du (a) Bull frog, en Anglois. La Mugiflante. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique. Bull fog;-Grenauille Taureau, M. Smyth, Voyage dans les Etars= unis. Rama ocellata, zo. Linn, amphib. rept. Rana pentadactyla, Laurenti Jpecimen medicum. Brown, Jamaic. 466, planche 42, figure 4 ; Rana maxima compreffs mifcella. ROUE ‘ Kalm,it. 3,page 45, Rara halecina. Catefby, Car., 2, folio 72, tab. 72. Rana maxima ÂAmericara aquatica. : Séba , 2, tab. 74, fig. 1. Nous devons obferver qu'il y à une faute d'impreffion dans la treizième édition de M. Linné; la planche foixante: feixième , figure première du premier volume de Séba, y eft citée, au lieu de la figure première , planche foixante - quinzième du même volume. Cette'faute d’impreffion a fait croire que [a Grenouille appellée par M, Laurenti a aing-doigts, Raña pentadaéfyla , étoit différente de la Mugiflante, parce que M. Laurenti a cité pour fa Grenouille rg- doigts , la figure première , planche foixante - quinzième de Séba ; tandis que la Mugiflante & la cinq-doigts font abfolument le même animal, s42 Hisrorrs Narurgsrzre corps eft d'un brun foncé, tacheté d'un brun plus obfcur, avec des teintes d’un vert jaunâtre , particu- lièrement fur le devant de la tête : les taches des côtés font rondes, & font paroître la peau œillée, Le ventre eft d’un blanc fale, nuancé de jaune, & lé- sèrement tacheté. Les pieds de devant & de derrière, ont communément cinq doigts, avec une tubercule fous chaque phalange. Cette efpèce eft moins nombreufe que les autres efpèces de grenouilles. La Mugiflante vit auprès des fontaines, qui fe trouvent très-fréquemment fur les collines de la Virginie : ces fources forment de petits étangs, dont chacun eft ordinairement habité par deux grenouilles Mugiflantes. Elles fe tiennent à l'entrée du trou par lequel coule la fource; &, lorfqu'’elles font furprifes, elles s’élancent, & fe cachent au fond de l’eau. Mais elles n’ont pas befoin de beaucoup de pré- cautions ; le peuple de la Virginie imagine qu’elles purifient les eaux & entretiennent la propreté des fontaines ; il les épargne d’après cette opinion, qui pourroit être fondée fur la deftruétion qu’elles font des infectes, des vers, &c. mais qui fe change en fuperfti- tion, comme tant d'autres opinions du peuple; car, non-feulement il ne les tue jamais, mais même il croiroit avoir quelque malheur à redouter sil les in- quiétoit, Cependant la crainte cède fouvent à l'intérêt; & comme la Mugiflante eft très-vorace & très-friande ETES TR CE PNERES DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. SA3 des jeunes oïfons, ou des petits canards, qu’elle avale d'autant plus facilement qu'elle eit très-grande & que fa gueule eft très-fendue, ceux qui élèvent ces oifeaux aquatiques, la font quelquefois périr (b). | Sa grandeur & fa conformation modifient fon coaf- fement, & l’augmentent, de manière que lorfqu'il eft réfléchi par les cavités voifines des lieux qu'elle fré- quente , il a quelque reflemblance avec le mugiffe- ment d'un taureau qui feroit très-éloigné, &, dit Ca- tefby , à un quart de mille (c). Son cri, fuivant M. Smith, eft rude, éclatant & brufque; il femble que l'animal forme quelquefois des fons articulés. Un Voyageur eft bien étonné, continue M. Smith, quand il entend le mugiflement retentiflant de la grenouille dont nous parlons, & que cependant il ne peut découvrir d’où part ce bruit extraordinaire ; car les Mugiflantes ont tout le corps caché dans l’eau, & ne tiennent leur gueule élevée au-deflus de la furface que pour faire entendre le coaflement très-fort qui leur a fait donner le nom de grenouille-taureau (c). L’efpèce de la grenouille Mugiffante que M. Lau- renti appelle la cinq doigts ( Rana pentadaütyla) , ren- ferme, fuivant ce Naturalifte, une variété aïfée à (3) Catefby , à l'endroit déjà cité. (c) Idem, ibidem. (d) M. Smith, Voyage aux Etats-unis de l'Amérique, S44 Hrsrorre NATURELLE diftinguer par fa couleur brune, par la petiteñle du cinquième doigt des pieds de devant, & par la naïf fance d’un fixième doigt aux pieds de derrière (4). Il y a, au Cabinet du Roi, une grande grenouille Mu- giflante, qui paroït fe rapprocher de cette variété in- diquée par M. Laurenti; elle a des taches fur le corps; le cinquième doigt des pieds de devant, & le fixième des pieds de derrière font à peine fenfibles ; tous les doigts font féparés ; elle a des tubercules fous les pha- langes; fon mufeau eft arrondi; fes yeux font gros & proéminens; les ouvertures des oreilles aflez grandes. La langue eft large, plate, & attachée par le bout au-devant de la mâchoire inférieure. Cet individu a fix pouces trois lignes, depuis ie mufeau jufqua l'anus. Les pattes de derrière ont dix pouces; celles de devant quatre pouces; & le contour de la gueule a trois pouces fept lignes. (eg Laurenti fpecimen medicum, loco citato, LA PERLEE. DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. S45 PRÉ PDA DIE Ox rRoUvE au Bréfil une grenouille , dont le corps eft parfemé de petits grains d'un rouge clair, & fem- blables à des perles. La tête eft anguleufe, triangulaire, & conformée comme celle du caméléon. Le dos eft d'un rouge brun; les côtés font mouchetés de jaune : le ventre blanchâtre eft chargé de petites verrues ou petits grains d'un bleu clair; les pieds font velus, & ceux de devant n'ont que quatre doigts. Une variété de cette efpèce, fi richement colorée par la Nature, a cinq doigts aux pieds de devant, & la couleur de fon corps eft d’un jaune clair (8). L'on voit que, dans le continent de l'Amérique mé: ridionale, la Nature n'a pas moins départi la varicté des couleurs aux Quadrupèdes ovipares, qu'elle paroït (a) La perlée, M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique. Rana margaritifera, 15. Laurenti fpecimen medicum. Séba , 2 , tab. 71, fig 6G 7. (b) Séba , 1, tab. 71, fig. 8. Qvipares , Tome I. Z7% 546 Hisrorre NATURELLE au premier coup-d'œil avoir dédaignés, qu’à ces nom- breufes troupes d’oifeaux de différentes efpèces fur le plumage defquels elle s’eft plue à répandre les nuances les plus vives, & qui embelliflent les rivages de ces contrées chaudes & fécondes. sit æ DES QUADRUPÉÈDES OMIPARES. SA7 a — == ,Î4e LA TA CKRITE Ce: Cerre GRENOUILLE fe trouve en grand nombre à Surinam. Elle eft d’une couleur jaune verdâtre, qui devient quelquefois plus fombte. Le dos & les côtés font mouchetés. Le ventre eft d’une couleur pâle & nuageufe; les cuiffes font parderrière ftriées oblique- ment. Les pieds de derrière font palmés; ceux de de- vant ont quatre doigts. Mademoifelle Mérian a rendu cette grenouille fameufe, en lui attribuant une méta- morphofe oppofée à celle des grenouilles communes. Elle a prétendu qu’au lieu de paffer par l’état de tétard pour devenir adulte, la Jackie perdoit infenfiblement fes pattes au bout d’un certain tems, acquéroit une queue , & devenoit un véritable poiffon. Cette méta- morphofe eft plus qu'invraifemblable : nous n’en par- lons ici, que pour défigner l’efpèce particulière de grenouille à laquelle Mademoïfelle Mérian l’a attri- (a) La Jackie. M. d'Aubenten, a ydepéle péatie Rana paradoxa, 23. Linn. amphib. rept. Mus. ad fr., Rana pifcis. Séba, mus, 1, tab. 78. Merian , Surinam , 72, tab. 71. 22 1 548 Histrorre NATURELLE * buée. L’on conferve au Cabinet du Roi, & l’on trouve dans prefque toutes les colletions de l'Europe, plufeurs individus de cette grenouille fameufe, qui préfentent les difflérens degrés de fon développement, & de fon paffage par l'état de tétard, au lieu de montrer, comme on l'a cru fauflement, les diverfes nuances de fon changement prétendu en poiffon. La forme du tétard de la Jackie, qui eft aflez grand , & qui ref femble plus ou moins à un poiflon, comme tous les autres tétards, a pu donner lieu à cette erreur, dont on n'a parlé que trop fouvent. D'ailleurs il paroît qu’il y a une efpèce particulière de poiffon, dont la forme extérieure eft aflez femblable à celle du tétard de la Jackie, & que lon a pu prendre pour le dernier état de cette grenouille d'Amérique. DES QUADRUPÉDES OVIPARES, 540 ere com A EE =D mme ne rm EE ee SR pe D LA GALONNÉE (4) Ox rrouve en Amérique cette grenouille, dont M. Linné a parlé le premier. Son dos préfente quatre lignes relevées & longitudinales; il eft d’ailleurs femé de points faillans & de taches noires. Les pieds de devant ont quatre doigts féparés; ceux de derrière en ont cinq réunis par une membrane; le fecond eft plus long que les autres, & dépourvu de lefpèce d'ongle arrondi qu'ont plufieurs grenouilles. Nous regardons comme une variété de cette efpèce, jufqu’à qu'on ait recueilli de nouveaux faits, celle que M. Laurenti a appellée grenouille de Virginie (b). Le corps de ce dernier animal, qu'on trouve en effet en Virginie, eft d’une couleur cendrée, tachetée de rouge; le dos eft relèvé par cinq arêtes longitudinales, dont les intervalles font d’une couleur päle. Le ventre & les pieds font jaunes. (a) Rana Typhonia, 9. Linn. amph. rept. (b) La Galonnée. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Rana virginica, Laurenti fpecimen medicum. Séba, 1,175, f.4: Lo 550 Hisrorre Narurkize a + DEUXIÈME GENRE. Quadrupèdes ovipares qui n’ont point de queue & quë ont , fous chaque doigt , une petite pelote vrfqueule. RAINES, LA RAINE VERTE ou COMMUNE (a) ÎL ssr A1SÉ de diftinguer des grenouilles la Raine verte, ainfi que toutes les autres Raines, par des ef- pèces de petites plaques vifqueufes qu'elle a fous fes doigts, & qui lui fervent à s'attacher aux branches & (a) BarpaXG- d'puorerns , en grec. La Raine verte, M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique Rana arborea, 26. Linn. amphibia reptilia. ( Des deux figures de Séba ; citées par M, Linné, celle de labplanche foixante treizième du premier volume , doit être rapportée à la Raine Jauelette, & celle de la planche Jeirante-dirièree du fecond volume, à la Raine boue), Gronoy., mus, 2, p.843 N° 63, Rana. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. S51 aux feuilles des arbres. Tout ce que nous avons dit de l’inftinét, de la fouplefle, de l’agilité de la grenouille commune, appartient encore davantage à la Raine verte; & comme fa taille eft toujours beaucoup plus petite que celle de la grenouille commune, elle joint plus de gentilleffe à toutes les qualités de cette dernière. La couleur du deffus de fon corps, eft d’un beau vert; le deflous, où l’on voit de petits tubercules, eft blanc. Une raie jaune, légèrement bordée de violet, s'étend de chaque côté de la tête & du dos, depuis le mufeau jufqu’aux pieds de derrière; & une raie femblable règne depuis la mâchoire fupérieure jufqu'’aux pieds de devant. La tête eft courte, aufli large que le corps, maïs un peu rétrécie pardevant ; les mâchoires font arrondies, les yeux élevés. Le corps eftcourt, prefquetriangulaire, très- élargi vers la tête, convexe par-deflus & plat par-deflous. Les pieds de devant, qui n’ont que quatre doigts, font affez courts & épais ; ceux de derrière, qui en ont cinq, font au contraire déliés & très-longs ; les ongles font plats & arrondis. La Raine verte faute avec plus d'agilité que les Gefñer, de Quadrup ovip., page 55, Ranunculus viridis. Rey, Quadrup., 252, rana arborea, feu ranunculus viridis, Ra/el, tab. 9, 10 & 211. Hyla viridis, Laurenti fpecimen medicum. Rana arborea, Wulff, Ichthyologia , cum amphibüs regni Borufficr. 5e à Hisrorre NATURELLE grenouilles, parce qu'elle a les pattes de derrière plus longues, en proportion de la grandeur du corps. C’eft au milieu des bois, c’eft fur les branches des arbres qu'elle pañle prefque toute la belle faifon; fa peau eft fi gluante , & fes pelotes vifqueufes fe collent avec tant de facilité à tous les corps, quelque polis qu'ils foient, que la Raïine n’a qu’à fe pofer fur la branche la plus unie, même fur la furface inférieure des feuilles, pour s’y attacher de manière à ne pas tomber. Catefby dit qu'elle a la faculté de rendre ces pelotes concaves, & de former par-là un petit vide qui lat- tache plus fortement à la furface qu'elle touche. Ce même Auteur ajoute quelles franchiflent quelquefois un intervalle de douze pieds. Ce fait eft peut-être exagéré; mais, quoi qu'il en foit, les Raïnes font auffi agiles dans leurs mouvemens que déliées dans leur forme. Lorfque les beaux jours font venus, on les voit s'elancer fur les infeétes qui font à leur portée ; elles les faififlent, & les retiennent avec leur langue, ainfr que les grenouilles; & fautant avec vitefle de rameau en rameau, elles y repréfentent jufquà un certain point les jeux & les petits vols des oifeaux, ces légers habitans des arbres élevés. Toutes les fois même qu'aucun préjugé défavorable n’exiftera contre elles; qu'on exa- minera leurs couleurs vives qui fe marient avec le vert des feuillages & l'émail des fleurs; qu'on remar- quera DES QUADRUPÈEDÉS OVIPARES. 553 quera leurs rufes & leurs embufcades ; qu'on les fuivra des yeux dans leurs petites chafles; qu'on les verra s'élancer à plufieurs pieds de diftance , fe tenir avec facilité fur les feuilles dans la fituation la plus ren- verfée & sy placer d’une manière qui paroîtroit mer- veilleufe fi l’on ne connoifloit pas l'organe qui leur a été donné pour s'attacher aux corps les plus unis; n'aura-t-on pas prefque autant de plaifir à les obfer- ver quà confidérer le plumage, les manœuvres & le vol de plufeurs efpèces d’oifeaux ? L'habitation des Raïines au‘fommet de nos arbres, eft une preuve de plus de cette analogie & de cette reflemblance d’habitudes que lon trouve même entre les clafles d'animaux qui paroiflent les plus différentes les unes des autres. La dragonne, l’iguane, le bafilic, le caméléon, & d’autres lézards très-grands habitent au milieu des bois & même fur les arbres ; le lézard ailé sy élance comme l’écureuil avec une facilité & à des diftances qui ont fait prendre fes fauts pour une efpèce de vol; nous retrouvons encore fur ces mêmes arbres les Raïnes, qui cependant font pour le moins auffi aquatiques que terreftres, & qui paroiflent fi fort fe rapprocher des poiffons ; & tandis que ces Raïnes, ces habitans fi naturels de l’eau, vivent fur les ra- meaux de nos forêts, l’on voit, d'un autre côté, de grandes légions d’oifeaux prefque entièrement dépourvus d'ailes, n'avoir que la mer pour patrie, & attachés, Ovipares, Tome I, Aaaa 9 S54 2H UHrs2oTREUNATTRRLDE pour ainfñ dire, à la furface de l’onde, pañer leur vie à la fillonner ou à fe plonger dans les flots. 11 en eft des Raines comme des grenouilles, leur entier développement ne seffe“tue qu'avec lenteur; : & de même qu'elles demeurent long-tems dans leurs véritables œufs, c’eft-à-dire fous l’enveloppe qui leur fait porter le nom de tétards, elles ne deviennent qu'après un tems affez long en état de perpétuer leur efpèce : ce neft qu'au bout de trois ou quatre ans qu'elles s'accouplent. Jufqu'à cette époque, elles font prefque muettes; les mâles mêmes qui, dans tant d’ef- pèces d'animaux, ont la voix plus forte que les fe- melles, ne fe font point entendre, comme fi leurs cris n'étoient propres qu'à exprimer des defirs quils ne reffentent pas encore, & à appeller des compagnes, vers lefquelles ils ne font point encore entraînés. C’eft ordinairement vers la fin du mois d'Avril que leurs amours commencent ; mais ce neft pas fur les arbres qu’elles en goûtent les plaifirs; on diroit qu’elles veulent fe fouftraire à tous les regards, & fe mettre à l'abri de tous les dangers, pour s'occuper plus plei- nement fans diftraion & fans trouble de l'objet au- quel elles vont sunir; ou bien il femble que leur première patrie étant l’eau, c’eft dans cet élément qu’elles reviennent jouir dans toute fon étendue d’une exiftence qu'elles y ont reçue, & qu'elles font poufiées par une forte d'inftin@ à ne donner le jour à de petits DES QUADRUPÉDES OVIPARES. S35 êtres femblables à elles, que dans les afiles favorables où ils trouveront en naiflant la nourriture & la sûreté qui leur ont été néceffaires à elles-mêmes dans les premiers mois où elles ont vécu; ou plutôt encore c'eft à l’eau quelles retournent dans le tems de leurs amours, parce que ce n’eft que dans l’eau qu'elles peuvent s'unir de la manière qui convient le mieux à leur organifation. Les Raines ne vivent dans les bois que pendant le tems de leurs chafles, car c’eft aufli au fond des eaux & dans le limon des lieux marécageux, qu'elles fe cachent pour pafler le tems de lhiver & de leur engourdiflement. On les trouve donc dans les étangs dès la fin du mois d'Avril, ou au commencement de Mai: mais, comme fi elles ne pouvoient pas renoncer, même pour un tems très-court , aux branches qu’elles ont habitées, peut-être parce qu'elles ont befoin d'y aller chercher l'aliment qui leur convient le plus lorfqw’elles font entièrement développées, elles choififfent les endroits marécageux entourés d'arbres : c’eft-là que les mâles gonflant leur gorge, qui devient brune quand ils font adultes, pouffent leurs cris rauques & fouvent répétés, avec encore plus de force que la grenouille commune. À peine l’un d'eux fait-il entendre fon coaffiement retentiflant, que tous les autres mêlent leurs fons dif- çordans à fa voix; & leurs clameurs font fi bruyantes Aaaaïi 556 Hisrorre NArurE:I:rE qu'on les prendroit de loin pour une meute de chiens qui aboient, & que, dans des nuits tranquilles, leurs coaffemens réunis font quelquefois parvenus jufqw’à plus d'une lieue, fur-tout lorfque la pluie étoit prête à tomber. Les Raines s’'accouplent comme les grenouilles; on apperçoit le mâle & la femelle defcendre fouvent au fond de l’eau pendant leur union, & y demeurer affez de tems; la femelle paroît agitée de mouvemens convulfifs, fur-tout lorfque le moment de la ponte approche ; & le mâle y répond en approchant plufieurs fois l'extrémité de fon corps, de manière à féconder plus aifément les œufs à leur fortie. Quelquefois les femelles font délivrées, en peu d'heu- res, de tous les œufs qu’elles doivent pondre ; d’autres fois elles ne sen débarraffent que dans quarante-huit heures, & même quelquefois plus de tems; mais alors il arrive fouvent que le mâle laflé, & peut-être épuifé de fatigue, perdant fon amour avec fes defirs, aban- donne fa femelle, qui ne pond plus que des œufs fériles. La couleur des Raines varie après leur accou— plement ; elle eft d'abord roufle & devient grifâtre tachetée de roux; elle eft enfuite bleue, & enfin verte. Ce n'eft ordinairement qu'après deux mois, que les jeunes Raines ont la forme qu'elles doivent conferver DES QUADRUPÈDES OVIPARES. SS7 toute leur vie; mais, dès qu'eiles ont atteint leur dé« veloppement & qu'elles peuvent fauter & bondir avec facilité, elles quittent les eaux & gagnent les bois. On fait vivre aïfément la Raïne verte dans les maifons, en lui fourniffant une température & une nourriture convenables. Comme fa couleur varie très- fouvent, fuivant l’âge, la faifon & le climat, & comme lorfque l'animal eft mort, le vert du deffus de fon corps fe change fouvent en bleu, nous préfumons que l’on doit regarder comme une variété de cette Raine, celle que M. Boddaert a décrite fous le nom de gre- nouille à deux couleurs (b). Cette dernière Raïne faifoit partie de la colicétion de M. Schlofler, & avoit . été apportée de Guinée; fes pieds.n'étoient pas palmés. Ses doigts étoient garnis de pelottes vifqueufes ; elle en avoit quatre aux pieds de devant & cinq aux pieds de derrière. La couleur du deffus de fon corps étoit bleue, & le jaune régnoit fur tout le deflous. Le mufeau étoit un peu avancé; la tête plus large que le corps, & la lèvre fupérieure un peu fendue. On rencontre la Raine verte en Europe (ec), en (b) Rana bicoloris, Petri Boddaert, epifl. de Rana bicolore. Ex imufèo Joan. Alb. Schloÿfer , Amfl., 1772. (c) Elle eft trèsscommune en Sardaigne. Hifloire naturelle des amphibies & des poiffons de la Sardaigne ; par M. François Ces , PUB 39: 556 Hisrorrs NATvRELLE Afrique , & en Amérique (d) ; mais, indépendamment de cette efpèce, les pays étrangers offrent d'autres Quadrupèdes ovipares fans queue, & ävec des plaques vifqueufes fous les doigts. Nous allons préfenter les caractères particuliers de ces diverfes Raines. (d) Catefby , Hifloire naturelle de la Caroline. M. Smith, Voyage dans les Etats-unis de l'Amérique. Nr LE # Tr qu CLS Pré à 4 ‘ 4 & x ÿ DES QUADRUPÈDES OVIPARES, S50 A ee me me De nn É BO SSUIE (e) OO: TROUVE, dans l'ifle de Lemnos, une raine qu'il eft aifé de diftinguer d'avec les autres, parce que fur fon corps arrondi & plane, s'élève une bofle bien fenfible. Ses yeux font faillans; & les doigts de fes pieds garnis de pelottes gluantes comme celles de la raine commune, font en même-tems réunis par une membrane. Elle eft la proie des ferpens. Il paroît que cette efpèce qui appartient à l’ancien continent , fe rencontre aufh à Surinam; mais elle y a fubi lin- fluence du climat, & y forme une variété diftinguée par les taches que le deflus de fon corps préfente (4). (a) La Boflue. M. d’'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Hyla ranzformis, Lourenti Jpecimen medicum. Séba , 2, tab. 23,f 2h: {b) Hyla ranæformis , Var. B., Laurent: fpecimen medicurn. Séba ; 2, tab. 70 ; fig. 4. Ne 560 Hisrorre NarvR#rie LA BRUNE («). Crrre RAINE, que M. Laurenti à le premier décrite, fans indiquer fon pays natal, mais qui nous paroît devoir appartenir à l’Europe, eft diftinguée d'avec les autres par fa couleur brune, & par des tubercules en quelque forte déchiquetés qu’elle a fous les pieds. La Raine, ou grenouille d'arbre dont parle Sloane fous le nom de rana arborea maxima, & qui habite la Jamaïque, pourroit bien être une variété de la brune; fa couleur eft foncée comme celle de la brune: à la vérité, elle eft tachetée de vert, & elle a de chaque côté du cou une efpèce de fac ou de veflie conique (b); mais les différences de cette raine qui vit en Amérique avec la brune, qui paroît habiter l’Europe, pourroient être rapportées à l'influence du climat, ou à celle de la faifon des amours, qui, dans prefque tous les animaux , rend plufeurs parties beaucoup plus ap- parentes. (a) La Brune, M. d'Aubenron, Encyclopédie méthodique. lyla fufca, 27. Laurenti fpecimen rnedicum. (b) Sloane, v, 2. LA COULEUR DES QUADRUPÈDES OVIPARES. SOI LA COULEUR DE: LAIT (e). —— mem ELLE HABITE en Amérique: fa couleur eft d'un blanc de neige, avec des taches d'un blanc moins éclatant ; le bas- ventre préfénte des bandes d’une couleur cendrée pâle ; l'ouverture de la gueule eft très - grande. Une variété de cette efpèce, au lieu d'avoir le deflus du corps d'un blanc de neige, l'a d'une couleur bleuâtre un peu plombée. (a) La couleur de lait. M. d Aubenton , Enéyclopédie méthodique: Hyla laëtez, 28. Laurent fpecimen medicum, *< Ovipares, T. une I. Bbbb 562 Hisroirre NATUREIzrE PE ———— —— LA FLUTEUSE (c). CeTre EsPÈCE a le corps d’un blanc de neige, fuivant M. Laurenti, de couleur jaune , fuivant Séba, & tacheté de rouge. Les pieds de derrière font palmés, & le mâle, en coaffant, fait enfler deux veflies qu'il a des deux côtés du cou, & que l’on a comparées à des flûtes. Suivant Séba, elle coaffe mé- lodieufement : mais je crois qu'il ne faut pas avoir l'oreille très - délicate pour fe plaire à la mélodie de la Flûteufe ; cette raine fe tait pendant les jours froids & pluvieux, & fon cri annonce le beau tems; elle eft oppofée en cela à la grenouille commune, dont le coaffement eft au contraire un indice de pluie. Mais la fécherefle ne doit pas agir également fur les animaux dans deux climats aufli différens que ceux de l'Europe & de l'Amérique méridionale. Le mâle de (a) La Flûteule. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Hyla tibiatrix, 30. Laurenti fpecimen medicum. Séba 1 , tab. 71, fig. 1 € 2. DES QuADRUPÈDES OVIPARES, 903 la raine couleur de lait ne pourroit-il pas avoir auff deux vefies, qu'il n’enfleroit & ne rendroit apparentes que dans le tems de fes amours, & dès-lors la Flà- teufe ne devroit-elle pas être regardée comme une variété de la couleur de lait ? Bbbb ji $SOZ : Hirsrorre NATURELLE SE L'ORA NGÉE («). LE corps de cette raine ef jaune , avec une teinte légère de roux, & fon dos eft comme circonf- crit par une file de points roux plus ou moins foncés. Séba dit quelle ne difière de la flûteufe que par le défaut des veflies de la gorge: elle vit à Surinam. On rencontre au Bréfil une raine dont le corps eft d'un jaune tirant fur la couleur de l'or: fon dos eft à la vérité panaché de rouge, & on la vue d'une maigreur fi grande, qu'on en a tiré le nom de raine fquelette qu'on lui a donné (à). Mais les raines, ainft que les grenouilles, font fujettes à varier beaucoup, par l’abondance ou le défaut de graifle , même dans un très-court efpace de tems. Nous penfons donc que (a) L'Orangce. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique.) Hyla aurantiaca, 32. Laurent: fpecimen medicum. Stba, 1,tab. 71, fig. 3. (Bb) La Raine Squelette, M. d’Aubenron, Encyclopédie méthodique: Hyl fceleton, 33. Laurent fpecimen medicum. SD Tite 73 VS: DES QUADRUPÈDES OVIPARES, 5$05 la raine fquelette , vue dans d’autres momens que ceux où elle a été obfervée, n'auroit peut-être pas paru aflez maigre pour former une efpèce différente de lOrangée, mais fimplement une variété dépendante du climat, ou d'autres cixconftances. s66 Hisrorre NATURELLE PQ LA ROUGE (:). Ox LA TROUVE en Amérique ; elle a la tête grofle, ouverture de la gueule grande, & fa couleur eft rouge. M. le Comte de Buflon a fait mention, dans l’hif toire des perroquets appellés cricks, d’un petit Qua- drupède ovipare fans queue de PAmérique méridionale, dont fe fervent les Indiens pour donner aux plumes des perroquets une belle couleur rouge ou jaune, ce qu'ils appellent tapirer. Ils arrachent pour cela les plumes des jeunes cricks qu'ils ont enlevés dans leur nid; ils en frottent la place avec le fang de ce Qua- drupède ovipare ; les plumes qui renaiflent après cette opération, au lieu d'être vertes, comme auparavant, font jaunes ou rouges. Ce Quadrupède ovipare fans queue vit communément dans les bois: il y a, au Cabi- net du Roi, plufieurs individus de cette efpèce, con- fervés dans lefprit-de-vin, d'après lefquels il eft aifé (a) La rouge. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Hyla rubra, 32, Laurenti fpecimen medicum. Séba, 2, tab. 68, fig. 5. DES QUADRUPÉDES OVIPARES. S07 de voir qu'il eft du genre des raines , puifqu'il a des plaques vifqueufes au bout des doigts, ce qui s'accorde fort bien avec l'habitude qu’il a de demeurer au milieu des arbres. Il paroït que la couleur de cette raine tire fur le rouge; elle préfente fur le dos deux bandes longitudinales , irrégulières, d'un blanc jaunâtre , ou même couleur d'or. Il me femble qu'on doit regarder cette jolie & petite raine comme une variété de la rouge ou peut-être de l’orangée. Combien les grenouilles, les crapauds & les raines ne varient-ils pas, fuivant l’âge, le fexe, la faifon, & l'abondance ou la difette qu'ils éprouvent ! La raine à tapirer a, comme la rouge, la tête grofle en proportion du corps, & l’ouverture de la gueule eft grande. Au refte, il eft bon de remarquer que nous re- trouvons fur les raines de l'Amérique méridionale les belles couleurs que la Nature y a accordées aux gre- nouilles , & qu'elle y a prodiguées aufli avec tant de magnificence aux oifeaux , aux infectes & aux papillons, 568 HIiSTOrRE NATURELLE * TROISIÈME GENRE. Quadrupèdes ovipares fans, queue, qui ont le corps ramaffé & arrondi. CRAPAUDS,. LERAS INT BST AIN TAE EANINSS ENTER SENS SET EEE EEE = LE CRAPAUD COMMUN («). Deruis LonNG-TEms Popinion a flétri cet animal dégoûtant , dont lapproche révolte tous les fens. (a) ®ÜrC-, en grec. Bufo, en latin. Toad, en Anglois. Le Crapaud commun, M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique. Rana Bufo, 3. Linn. amphibia reptilia. Bufo , Scotia illuffrata , Edimburgi, 1684. Rana Bufo, Wulff, Ichthyologia, cum amphibiis regni Boruffici. Phrunos, Ariff., hift. an., lib. 9, chap. 2 , 40. £. Toad Bntish, Zoology, Vol. 3, London, 1776. Rubeta, feu Phrynum, Gefner , pifc., 807. Bradl., nat., 1.22, f. 2. Bufo , feu rubeta, Ray, Quadrup., 252: L’efpèce DES QuaDRuPÈDEs OVIPARES. 509 L'efpèce d'horreur avec laquelle on le découvre, eft produite même par l’image que le fouvenir en retrace; beaucoup de gens ne fe le repréfentent qu’en éprouvant une forte de frémiflement , & les perfonnes qui ont le tempérament foible & les nerfs délicats, ne peu- vent en fixer l’idée , fans croire fentir dans leurs veines le froid glacial que l’on a dit accompagner l’attouche- ment du craprud. Tout en eft vilain, jufqu'à fon nom, qui eft devenu le figne d'une bañle diflormité; on s'étonne toujours lorfqu'on le voit conftituer une efpèce conftante d'autant plus répandue, que prefque toutes les températures lui conviennent, & en quelque forte d'autant plus durable, que plufeurs efpèces voifines fe réuniffent pour former avec lui une famille nom- breufe. On eft tenté de prendre cet. animal in- forme pour un produit fortuit de l'humidité & de la pourriture, pour un de ces jeux bizarres qui échap- pent à la Nature; & on n'imagine pas comment cette mère commune, qui a réuni fi fouvent tant de belles proportions à tant de couleurs agréables, & qui même a donné aux grenouilles & aux raines une forte de grace, de gentillefle & de parure, a pu imprimer au crapaud une forme fi hideufe. Et que l’on ne croie pas que ce foit d'après des conventions arbitraires qu'on le regarde comme un des êtres les plus défa vorablement traités: il paroît vicié dans toutes fes parties. S'il a des pattes , elles n'élèvent pas fon corps Ovipares , Tome I. ic cie 570 Hrsroire NATURELLS difproportionné au-deffus de la fange qu'il habite. S'il & des yeux, ce n’eft point en quelque forte pour recevoir une lumière qu'il fuit. Mangeant des herbes puantes où _ vénéneufes , caché dans la vafe, tapi fous des tas dé pierres, retiré dans des trous de rochers, fale dans fon habitation, dégoûtant par fes habitudes, diflorme dans. fon corps, obfcur dans fes couleurs, infet par fon haleine, ne fe foulevant qu'avec peine, ouvrant, lorfqu'on l'attaque, une gueule hideufe, n'ayant pour toute puiflance qu'une grande réfiflance aux coups qui le frappent , que l’inertie de la matière, que l’opiniätreté d'un être flupide, n’employant d'autre arme qu’une liqueur fétide qu’il lance, que pareît-il avoir de bon, fi ce n'eft de chercher, pour ainfi dire, à fe dérober à tous les yeux, en fuyant la lumière du jour ? _ Cet être ignoble occupe cependant une aflez grande place dans le plan de la Nature: elle l’a répandu avec bien plus de profufion que beaucoup d'objets chéris de fa complaifance maternelle. Il femkle qu'au phyfique, comme au moral, ce qui eft le plus mauvais, eft le plus facile à produire; &, d’un autre côté, on diroit que la Nature à voulu, par ce frappant contrafte, relever la beauté de fes autres ouvrages. Donnons donc dans cette hiftoire une place aflez étendue à ces êtres, fur lefquels nous fommes forcés d’arrèter un moment l'attention. Ne cherchons même pas à ménager la dé- DES:QuUADRUPÉDES OVIPARES. GI licatefle ; ne craïignons pas de blefler les regards; & tâchons de montrer le crapaud tel qu'il ef. Son FOR arrondi & ramañflé, a plutôt l'air d'un amas informe & pêtri au hafard, que d'un corps or- ganifé, arrangé avec ordre, & fait fur un modèle Sa couleur eft ordinairement d'un gris livide, tacheté de brun & de jaunâtre; quelquefois, au commencement du printems, elle eft d'un roux fale, qui devient en- fuite, tantôt prefque noir, tantôt olivâtre, & tantôt roufltre. Il eft encore enlaïidi par un grand nombre de verrues ou plutôt de puftules d'un vert noirâtre, ou d'un rouge clair. Une éminence très-alongée, faite en forme de rein, molle & percée de plufieurs pores très-vifibles , eft placée au-deffus de chaque oreille. Le conduit auditif eft fermé par une lame membra- neufe. Une peau épaifle, dure, & très-difiicile à percer, couvre fon dos aplati; fon large ventre paroît toujours enflé ; fes pieds de devant font très-peu alongés, & divifés en quatre doigts, tandis que ceux de derrière ont chacun fix doigts réunis par une membrane (6). Au lieu de fe fervir de cette large patte pour fauter avec agilité, il ne l’emploie qu'à comprimer la vafe humide fur laquelle il repofe; & au-devant de cette (B) Le doigt intérieur eft gros, maïs très-court & peu fenfible dans le fquelette. Cccc i) 572 Histoire NATURELLE mañe, qu'eft-ce qu'on diftingue? Une tête un peu plus groffe que le refte du corps, comme sil manquoit quel- que chofe à fa difformité: une grande gueule garnie de mächoires raboteufes, mais fans dents; des paupières gonflées, & des yeux affez gros, faillans & qui révoltent par la colère qui paroît fouvent les animer. On eft tout étonné qu'un animal qui ne femble pêtri que d’une vile & froide boue, puiffe fentir l’ardeur de la colère, comme fi la Nature avoit permis ici aux extrêmes de fe mêler, afin de réunir dans un feul être tout ce qui peut re- pouffer l'intérêt. Il sirrite avec force pour peu quon le touche ; il fe gonfle, & tâche d'employer ainfi fa vaine puiflance: il réfife long - tems aux poids avec : lefquels on cherche à Pécrafer ; & il faut que toutes fes parties & fes vaifleaux foient bien peu liés entre eux, puifqu’on a vu des crapauds qui, percés d’outre en outre avec un pieu , ont cependant vécu plufeurs jours , étant fichés contre terre. Tout fe reflent de la groffièreté de l’atmofphère ordinairement répandue autour du crapaud, & de la difproportion de fes membres: non-feulement il ne peut point marcher, mais il ne faute qu'à une très-petite hauteur; lorfqu'il fe fent preflé, il lance contre ceux qu’il pourfuit, les fucs fétides dont il eft imbu ; il fait jaillir une liqueur limpide que l'on dit être fon urine (c) (c) Voyez l'ouvrage déjà cité de M. Laurenti. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 573 & qui, dans certaines circonftances, eft plus ou moins nuifible. Il tranfpire de tout fon corps une humeur laiteufe, & il découle de fa bouche une bave qui peuvent infecter les herbes & les fruits fur lefquels il paffe , de manière à incommoder ceux qui en man gent fans les laver. Cette bave & cette humeur laiteufe peuvent être un venin plus ou moins adif, ou un corrofif plus ou moins fort, fuivant la tempé- rature, la faifon, & la nourriture des crapauds, l’efpèce de l'animal fur lequel il agit, & la nature de la partie qu'il attaque. La trace du crapaud peut donc être, dans certaines circonftances , aufli funefte que fon afpect eft dégoûtant. Pourquoi donc laiffler fub- fifter un animal qui fouille & la terre & les eaux, & même le regard ? Mais comment anéantir une efpèce aufli féconde & répandue dans prefque toutes les contrées ? Le crapaud habite pour l'ordinaire dans les foffés, fur-tout dans ceux où une eau fétide croupit depuis Jong-tems; on le trouve dans les fumiers, dans les caves, dans les antres profonds, dans les forêts où il peut fe dérober aifément à la clarté qui le bleffe, en choififfant de préférence les endroits ombragés, fom- bres, folitaires, en s’enfonçant fous les décombres, & fous les tas de pierres: & combien de fois n’a-t-on pas été faifi d’une efpèce d'horreur, lorfque foulevant quelque gros caillou dans des bois humides, on a 574 © Hisrorre Narurere | découvert un crapaud accroupi contre terre, animant fes gros yeux, & gonflant fa mafle puftuieufe? . C’eft dans ces divers afiles obfcurs qu'il fe tient renfermé pendant tout le jour, à moins que la pluie ne l’oblige à en fortir. Il y a des pays où les crapauds font fi fort répandus, comme auprès de Carthagène, & de Porto-bello en Amérique , que non - feulement lorfqu'il pleut ils y couvrent les terres humides & marécageufes , mais encore les rues, les jardins & les cours, & que les habitans de ces provinces de Carthagène & de Porto - bello ont cru que chaque goutte de pluie étoit changée en crapaud. Ces animaux préfentent même dans ces contrées du nouveau monde, un vo- lume confidérable; les moins grands ont fix pouces de longueur. Si c’eft pendant la nuit que la pluie tombe, ils abandonnent prefque tous leur retraite, & alors ils paroiflent fe toucher fur la furface de la terre, qu'on diroit qu'ils ont entièrement envahie. On ne peut fortir fans les fouler aux pieds, & on prétend même qu'ils y font des morfures d'autant plus dangereufes, qu'indépendamment de leur groffeur, ils font, dit-on, très - venimeux ( d). Il fe pourroit en effet que Pardeur de ces contrées , & la nourriture ‘qu'ils (4) Voyage de Don Antoine d'Ulloa, Hiffoire générale des Voyages ; vol. 63; page 339, édit. in-te. DESNQTADRUPEÉDES OMIPARES. STE ÿ prennent, viciit encore davantage la nature de leurs humeurs. Pendant l'hiver , les crapauds fe réuniffent plufeurs enfemble, dans les pays où la température devenant top froide pour eux, les force à sengourdir; ils fe ramaffent dans le même trou, apparemment pour aug- menter & prolonger le peu de chaleur qui leur refte encore. C’eft dans ce tems qu'on pourroit plus facile- ment les trouver, qu'ils ne pourroient fuir, & qu'il fau- droit chercher à diminuer leur nombre. Lorfque les crapauds font réveillés de leur long afloupifflement , ils choififlent la nuit pour errer & chercher leur nourriture; ils vivent, comme les gre- rouilles, d'infectes, de vers, de fcarabées, de limaçons; mais on dit qu'ils mangent auf de la fauge, dont ils aiment l'ombre, & qu’ils font fur-tout avides de ciguéë, que l’on a quelquefois appellée le perfil du crapaud (e). Lorfque les premiers jours chauds du printems font arrivés, on les entend, vers le coucher du foleil, jeter un cri affez doux: apparemment ceft leur cri d'a- mour ; & faut-il que des êtres aufli hideux, en éprouvent l'influence, & qu'ils paroifflent même le reflentir plutôt que les auttes Quadrupèdes ovipares fans queue? Maïs ne ceflons jamais d'être Hiforien fidèle ; ne négligeons rien de ce qui peut diminuer (e) Mutière médicale , cont. de Geoffroy , tome 12, page. 148. 576 Hisrorr»e Naruresirs lefpèce d'horreur avec laquelle on voit ces animaux; & en rendant compte de la manière dont ils sunif- {ent , n’omettons aucuns des foins qu’ils fe donnent, & qui paroitroient fuppofer en eux des attentions particulières , & une forte d’affe“tion pour leurs femelles. C’eft en Mars ou en Avril que les crapauds s'ac- couplent: le plus fouvent c’eft dans l'eau que leur union a lieu, ainfi que celle des grenouilles & des raines. Mais le mäle faifit fa femelle fouvent fort loin des ruiffleaux ou des marais; il fe place fur fon dos, l'embrafle étroitement, la ferre avec force: la femelle, quoique furchargée du poids du mâle, eft obligée quel- quéfois de le porter à des diftances confidérables ; mais ordinairement elle ne laiffle échapper aucun œuf que lorfqu'elle a rencontré l’eau, Ils font accouplés pendant fept où huit jours, & même pendant plus de vingt, lorfque la faifon ou le climat font froids (f) ; ils coaffent tous deux prefque fans cefle, & le mâle fait fouvent entendre une forte de grognement affez fort, lorfqu'on veut l’arracher à fa femelle, ou lorfqu'il voit approcher quelqu’autre mâle, qu’il femble regarder avec colère, & qu'il tâche de repouffer en alongeant fes pattes de derrière. Quel- que bleflure qu'il éprouve, il ne la quitte pas: fi on (f) Œuvres de M. ? Abbé Spallanzani, vel. 3, page 32. l'en fépare DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 577 l'en fépare par force, il revient à elle dès qu’on le laifle libre , & il s’'accouple de nouveau , quoique privé de plufeurs membres, & tout couvert de plaies fan- glantes (g). Vers la fin de l’accouplement, la femelle pond fes œufs; le mâle les ramafle quelquefois avec fes pattes de derrière, & les entraine au-deflous de fon anus dont ils paroïiflent fortir; il les féconde & les repoufle enfuite. Ces œufs font renfermés dans une liqueur tranfparente, vifqueufe, où ils forment comme deux cordons toujours attachés à l’anus de la femelle. Le mâle & la femelle montent alors à la furface de l’eau pour refpirer ; au bout d'un quart d'heure ils ‘enfoncent une feconde fois pour pondre ou féconder de nouveaux œufs; & ils paroïffent ainfi à la furface des marais, & difparoiffent plufieurs fois. A chaque nouvelle ponte, les cordons qui renferment les œufs s’alongent de quelques pouces : ily a ordinairement neuf ou dix pontes. Lorfque tous les œufs font fortis & fécondés ,ce quin’arrive fouvent qu'après douze heures , les cordons fe détachent ; ils ont alors quelquefois plus de quarante pieds de long (4); les œufs, dont la couleur eft noire , y font rangés en deux files, & placés de manière à occuper le plus petit efpace pofñble : on a rencontré de ces œufs à fec dans le fond de baffins & de fofés dont l’eau s'étoit évaperée. (g) Œuvres de M. l'Abbé Spallanxani, vol. 3, page 84. (h) Idem, page 33. Ovipares, Tome I. Dddd 578 Hrsrorre NATURELLE . Les crapauds craignent autant la lumière dans le moment de leurs plaifirs que dans les autres inftans de leur vie: auffi n'eft-ce qu'à la pointe du jour, & même fouvent pendant la nuit qu'ils s'uniflent à leurs femelles. Les befoins du mâie paroifient fubfifter quel- quefois, après que ceux de la femelle ont été fatisfaits, c’eft-à-dire après la ponte des œufs. M. Ræfel en a vu refter accouplés pendant plus d'un jour, quoique la femelle ni le mâle ne laiflaflent rien fortir de leur corps, & quen difléquant la femelle, il ait vu fes ovaires vides (i). On retrouve donc, dans cette efpèce, la force tyrannique du mâle, qui n'attend pas, pour s'unir de nouveau à fa femelle, qu'un befoin mutuel les raffemble par la voix d'un amour commun; mais qui la contraint à fervir à fes jouiflances, lors même que fes defirs ne font plus partagés ; & cet abus de la force qu'il peut exercer fur elle , ne paroit -il pas exifter aufli dans la manière dont il Sen empare, pendant qu'ils font encore éloignés du feul endroit où fes jouiflances femblent pouvoir être communes à celle qu'il s'eft foumife? Il fe fait porter par elle, & com- mence fes plaifrs, pendant qu'elle ne paroît reffentir encore que la peine de leur union. Nous devons cependant convenir que, dans la oe. les mâles des crapauds fe donnent quelquefois plus de TE + (3) Refel, Hifloria naturabs Ranorum , &e. DES QUADRUPÈDES OVIPARXS. S79 foins que ceux des grenouilles, non-feulement pour féconder les œufs, mais encore pour les faire fortir du corps de leurs femelles , lorfqw'elles ne peuvent pas fe défaire feules de ce fardeau. On ne peut guère en douter d'après-les obfervations de M. Demours (£k) fur un crapaud terreftre trouvé par cet Académicien dans le Jardin du Roi, furpris, troublé, fans être interrompu dans fes foins, & non - feulement ac- couplé hors de l’eau, mais encore aidant avec fes pattes de derrière la fortie des œufs que la femelle ne pouvoit pas faciliter par les divers mouvemens qu'elle exécute lorfqu’elle eft dans l’eau (l). Au refte, des œufs abandonnés à terre ne doivent pas éclore, à moins qu'ils ne tombent dans quelques endroits aflez obfcurs, aflez couverts de vafe, & aflez pénétrés d'humidité, pour que les petits crapauds puif- {ent Sy nourrir & Sy développer ( m). Les cordons augmentent de volume en même-tems & en même proportion que les œufs qui, au bout de (4) Mém. de l'Acad. des Sciences , an. 1741. (2) M. Laurenti à fait une efpèce particulière du Crapaud obfervé par M. Demours; il lui a donné le nom de Bufo obfireticans ; mais nous ne voyons rien qui doive faire féparer cet animal du Crapaud commun, (m) Les œufs des Crapauds fe développent, quoique la température de l'atmofphère ne foit qu’à fix degrés au-deflus,de zéro du thermomètre de Réaumur. Œuyres de M. l'Abbé Spallanzani , traduëlion de M. Ser- mebier, yol. 2, page 88. Dddä ij 580 H1sTOIRE NATUREILE dix ou douze jours, ont le double de groffeur que lors de la ponte (x) ; les globules renfermés dans ces œufs, & qui d'abord font noirs d'un côté, & blanchâtres - de l’autre, fe couvrent peu-à-peu de linéamens; au dix -feptième ou dix-huitième jour on apperçoit le petit tétard ; deux ou trois jours après il fe dégage de la matière vifqueufe qui enveloppoit les œufs; il s'efforce alors de gagner la furface de l’eau, mais il retombe bientôt au fond ; au bout de quelques jours il a de chaque côté du cou un organe qui a quelques rapports avec les ouïes des poiffons, qui eft divifé en cinq ou fix appendices frangées, & qui difparoît tout- à-fait le vingt-troifième ou le vingt-quatrième jour. H femble d'abord ne vivre que de la vafe & des ordures qui nagent dans l’eau; mais, à mefure qu'il devient plus gros , il fe nourrit de plantes aquatiques. Son développement fe fait de la même manière que celui des jeunes greuouilles ; & lorfqu'il eft entièrement formé, il fort de l’eau, & va à terre chercher les endroits humides. | Il en eft des crapauds communs commé des autres Qua- drupèdes ovipares ; ils font beaucoup plus grands & beaucoup plus venimeux à mefure qu’ils habitent des pays plus chauds & plus convenables à leur na- ture (0). Parmi les individus de cette efpèce, qui font (2) M l'Abbé Spallanzani, ouvrage déja cité. DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. SÔE confervés au Cabinet du Roi, il ÿ en a un qui a quatre pouces & demi de longueur, depuis le mu- feau jufqu'à l'anus. On en trouve fur la Côte d’or d’une groffeur fi prodigieufe , que lorfqu'’ils font en repos, on les prendroit pour des tortues de terre; ils y font ennemis mortels des ferpens: Bofman a été fouvent le témoin des combats que fe livrent ces animaux. Il doit être curieux de voir le contrafte de la lourde mañle du crapaud, qui fe gonfle & s'agite pefamment , avec les mouvemens preftes & rapides des ferpens, lorfqu’irrités tous les deux, & leurs yeux en feu, l’un réfifte par fa force & fon inertie aux efforts que fon ennemi fait pour l’étoufler au milieu des replis de fon corps tortueux , & que tous deux cherchent à fe donner la mort par leurs morfures & leur venin fétide,, ou leurs liqueurs corrofives. Ce n’eft qu'au bout de quatre ans que le crapaud eft en état de fe reproduire. On a prétendu que fa vie ordinaire n’étoit que de quinze ou feize ans; mais fur quoi l’a-t-on fondé ? Avoit-on fuivi avec foin le même crapaud dans fes retraites écartées? avoit-on recueilli un aflez grand nombre d’obfervations, pour reconnoître la durée ordinaire de la vie des crapauds, indépen- damment de tout accident & du défaut de nourriture? (o) En Sardaigne , on regarde leur contact feul comme dangereux. Hif. nat, des amph. @ des poil. de cette Ifle ; par M. François Cetti , p. 40 582 Hisrorre NATOREPt% Nous avons au contraire un fait bien conftaté } : par lequel il eft prouvé qu'un crapaud a vécu plus de trente-fix ans : mais la manière dont il a pañé fa longue vie va bien étonner; elle prouve jufquà quel point la domefticité peut influer fur quelqu'animal que ce foit, & fur-tout fur les êtres dont la nature eft plus fufceptible d’altération , & dans lefquels des reflorts moins compliqués peuvent plus aifément , fans fe rompre ou fe défunir , être pliés dans de nouveaux fens. Ce crapaud a vécu prefque toujours dans une maifon où il a été, pour ainfi dire, élevé & apprivoifé (p). Il n'y avoit pas acquis fans doute cette forte d'affection que l’on remarque dans quelques efpèces d'animaux domeftiques , & qui étoit trop incompatible avec fon organifatiôn & fes mœurs, mais il y étoit devenu fa- milier ; la lumière des bougies avoit été pendant long- tems pour lui le fignal du moment où il alloit recevoir - fa nourriture; aufli, non-feulement il la voyoit fans crainte, mais même il la recherchoit: il étoit déjà très-gros lorfqu'il fut remarqué pour la première fris ; il habitoit fous un efcalier qui étoit devant la porte de la maïfon; il paroifloit tous les foirs au moment où il appercevoit de la lumière, & levoit les yeux comme sil eût attendu qu'on le prit, & qu'on le portät fur une table, où il trouvoit des infectes, des OR RE CERN) (p) Zoologie britannique , vol. 3. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. S03 cloportes, & fur - tout de petits vers qu'il préféroit peut-être à caufe de leur agitation continuelle ; il fixoit fa proie; tout d'un coup il lançoit fa langue avec rapidité , & les infectes ou les vers y demeuroient attachés, à caufe de l'humeur vifqueufe dont l’extré- mité de cette langue étoit enduite. Comme on-ne lui avoit jamais fait de mal, il ne Sirritoit point lorfqu'on le touchoit ; il devint l’objet d’une curiofité générale, & les Dames même deman- dèrent à voir le crapaud familier. Il vécut plus de trente-fix ans dans cette efpèce de domefticité ; & il auroit vécu plus de tems peut-être fi un corbeau apprivoifé comme lui ne l’eût attaqué à l'entrée de fon trou, & ne lui eût crevé un œil; malgré tous les eflorts qu'on fit pour le fauver. Il ne put plus attraper fa proie avec la même facilité, parce qu'il ne pouvoit juger avec la même juftefe de fa véritable place; auf périt-il de langueur au bout d'un an. Les diflérents faits obfervés relativement à ce crapaud, pendant fa domefticité, prouvent peut-être qu'on a exagéré la forte de méchanceté & les goûts fales de fon efpèce. On pourroit dire cependant que ce ciapaud habitoit l'Angleterre, & par conféquent à une latitude aflez exe pour que toutes fes mau- vaifes habitudes fuflent tempérées par le froid : d’ail- leurs, trente - fix ans de domefticité , de sûreté & 584 Hrsrorre NArurrrrs d’abondance peuvent bien changer les inclinations d’un animal tel que le crapaud, le naturel des Quadru- pèdes ovipares paroiflant, pour ainfi dire, plus flexible que celui des animaux mieux organifés. Que l’on croie tout au plus, qu'avec moins de dangers à courir, & une nourriture d’une qualité particulière, l’efpèce de crapaud pourroit être perfectionnée comme tant d'autres efpèces; mais ne faudra-t-il pas toujours re- connoître dans les individus dont la Nature feule aura pris foin, les vices de conformation & d’habitudes qu'on leur a attribués ? Comme l’art de l’homme peut rendre prefque tout utile , puifqu'il change quelquefois en médicamens falutaires les poifons les plus funeftes, on s'eft fervi des crapauds en médecine ; on les y a employés de plufieurs manières (q), & contre plufieurs maux. On trouve plufeurs obfervations, d’après lefquelles il paroîtroit au premier coup-d’œil qu'un crapaud a pu fe développer & vivre pendant un nombre pro- digieux d'années dans le creux d'un arbre ou d’un bloc de pierre, .fans aucune communication avec l'air (g) ce Mes Nègres, que les chaleurs du foleil & du fable avoient »beaucoup incommodés, fe frottèrent le front avec des Crapauds vivans, » dont ils trouvèrent encore quelques-uns fous les brouflailles: c’eft affez leur coutume lorfqu'ils font travaillés de la migraine, & ils en furent mioulagés. Hifloire naturelle du Sénégal , par M. Adanfon , page 163. extérieur : DES QUADRUPÉDES OVIPARES. 585 extérieur : mais on ne la penfé ainfñi, que parce qu'on n'avoit pas bien examiné l’arbre ou la pierre, avant de trouver le crapaud dans leurs cavités (Tr). Cette opinion ne peut pas être admife, mais cependant on doit regarder comme très-für qu'un crapaud peut vivre très-long-tems, & même jufqu'à dix-huit mois fans prendre aucune nourriture, en quelque forte fans refpirer, & toujours renfermé dans des boites fcellées exactement. Les expériences de M. Hérifflant le mettent bors de doute (s), & ceci eft une nouvelle confirma- tion de ce que nous avons dit dans notre premier difcours touchant la nature des Quadrupèdes ovipares. Voyons maintenant les caractères qui diftinguent les crapauds différens du crapaud commun, tant en Europe que dans les pays étrangers ; il n’eft prefqu'aucune latitude où la Nature n'ait prodigué ces êtres hideux dont il femble quelle n’a diverfifié les efpèces que par de nouvelles difformités , comme fi elle avoit voulu qu'il ne manquât aucun trait de laideur à ce genre difgracié, (r) Encyclopédie die art.des Crapauds, par M. d'Aubenton Affruc, Paris, 1737 ,m-4.°, pages 562 € fuiv, (s) Eloge de M. Hériffant, Hi ifloire de l’Académie des Sciences ; année 1773: Ovipares, Tome I. Eece sc Hisrorre Narvrezrs A SE Ox rrouve , auprès de Vienne, dans les cavités des rochers ou dans les fentes obfcures des murailles, un crapaud d’un blanc livide, dont le deflus du corps eft marqueté de taches vertes légèrement ponctuées , entourées d'une ligne noire, &., le plus fouvent, réunies plufieurs enfemble. Tout fon corps eft parfemé de verrues, excepté le devant de la gueule & les extré- mités des pieds ; elles font livides fur le ventre, vertes fur les taches vertes, & rouges fur les intervalles qui féparent ces taches. Il paroïit que les liqueurs corrofives que répand ce crapaud, peuvent être plus nuifibles que celles du crapaud commun : fa refpiration elt accompagnée d’un gonflement de la gueule. Dans la colère, fes yeux étincelent ; & fon corps enduit d’une humeur vif- queufe, répand une odeur fétide, femblable à celle de la morelle des boutiques ( Solanum migrum) , mais: beaucoup plus forte. Il tourne toujours en dedans fes: (a) Le vert, M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Bufo viridis , 8. Laurentt Jpecimen medicum. Rana fitibunda, M. Pallas , fupplément à fon voyage: DES QVADRUPÈDES OVIPARES. (S07 deux pieds de devant. Comme il habite le même pays que le crapaud commun, on ne peut décider, que d’après plufieurs obfervations, fi les différences qu'il préfente , quant à fes couleurs, à la difpoftion de fes verrues, &c. doivent établir, entre cet animal & le crapaud commun, une diverfité d'efpèce ou une fim- ple variété plus ou moins conftante. Suivant M. Pallas, le crapaud Vert, qu'il nomme rana fitibunda , fe trouve en aflez grand nombre aux environs de la mer Caïfpienne (b). (2) M Palles, à l'endroit déjà cité. Leeeij 588 Hisrorre Narurs1zE M —— = —— #4, LE RAYON-VERT (:}. Nous FLAÇONS à la fuite du vert, ce crapaud qui pourroit bien n'en être qu'une variété. Il eft cou- teur de chair; fon caractère diftinétif eft de préfenter des lignes vertes, difpofées en rayons; il a été trouvé en Saxe. Nous invitons les Naturaliftes, qui habitent l’Allez magne , à rechercher fi Pon ne doit pas rapporter au Rayon-vert, comme une variété plus ou moins dif- tincte , le crapaud trouvé en Saxe, parmi des pierres, par M. Schréber, & que M. Pallas a fait connoître fous le nom de grenouille changeante (b). Ce crapaud eft de la grandeur de la grenouille com- mune ; fa tête eft arrondie ; fa bouche fans dents, fa lan- gue épaifle & charnue ; les paupières fupérieures font à peine fenfibles , le deffus du corps eft parfemé de verrues. Les pieds de devant ont quatre doigts; ceux de derrière en ont cinq, réunis par une membrane. M. Edler, (a) Le Rayon-vert. M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique. Bufo Schreberianus , 7 Laurenti fpecimen medicum. (&) Spicilegia zoologica , fafciculus feptimus , fol. z. 9Es QuaDrurkDes ovrrares. 689 de Lubeck, a découvert que ce crapaud change fou- vent de couleur, ainfi que le caméléon & quelques au- tres lézards, ce qui établit un nouveau rapport entre les divers genres des Quadrupèdes ovipares. Lorfque ce crapaud eft en mouvement, fa couleur eft blanche parfemée de taches d'un beau vert, & fes verrues paroiflent jaunes. Lorfqu'il eft en repos, ia couleur verte des taches fe change en un cendré plus ou moins foncé. Le fond Flanc de fa couleur, devient auf cendré lorfqu’on le touche & qu'on l’inquiète. Si on l'expofe aux rayons du foleil dont il fuit la lumière, la beauté de fes couleurs difparoïit, & il ne préfente plus qu'une teinte uniforme & cendrée. Un crapaud, de la même efpèce, trouvé engourdi par M. Schréber, préfentoit, entre les taches vertes, une couleur de chair femblable à celle du Rayon-verr. 590 | Hrsrorre NATURELLE he LE: BR UON (a). CE crAPAUDa la peau life, fans aucune verrue, & marquetée de grandes taches brunes qui fe tou- chent. Les plus larges & les plus fencées, font fur le dos, au milieu & le long duquel s'étend une petite bande plus claire. Les yeux font remarquables en ce que la fente que laifle la paupière en fe contraétant, eft fituée verticalement au lieu de l’être tranfverfale- ment. Sous la plante des pieds de derrière qui font palmés, on remarque un faux ongle qui a la dureté de la corne. La femelle eft diftinguée du mâle par les taches qu’elle a fous le ventre, Ce crapaud fe trouve plus fréquemment dans les marais, qu'au milieu des terres. Lorfqu'il eft en colère, il exhale une odeur fétide femblable à celle de Pail, ou de la poudre à canon qui brüle ; & cette odeur eff affez forte pour faire pleurer. Dans l’accouplement, le mâle paroît prendre des (a) Le Brun. M. d’Aubenton , Encyclopédie méthodique. Bufo fufcus, Laurenti fpecimer medicum. Reel, tab. 17 & 18. Rana ridibunda, Supplément au voyage de M. Pallas: DES QuaDRUPÈDES OVIPARES, SO {oins particuliers pour faciliter la ponte des œufs de la femelle. Rœfel foupéonne qu'il eft venimeux ; & Ad@ius & Gefner affurent même qu'il peut donner la mort, foit par fon foufile empoifonné lorfqu'on lap- proche de trop près, foit lorfqu'on mange des herbes imprégnées de fon venin. Sans doute l’affertion de Gefner & d'Adius peut étre exagérée; mais il reftera toujours aux crapauds, & fur-tout au crapaud Brun, aflez de qualités malfaifantes, pour juftifier Paverfon qu'ils infpirent. Il Dao que c’eft le crapaud Brun que M. Pallas a nommé rana ridibunda (grenouille rieufe) , qui fe trouve en grand nombre aux environs de la mer Caf- pienne , & dont le coaffement , entendu de loin, imite un peu le bruit que l’on fait en riant, 592 Hisrorrs NATURELLE RSR SR D A CS AO Le À NE — D LE CALAMITE (4). C’EST ENCORE un crapaud d'Europe qui a beau coup de reflemblance avec le crapaud brun, mais qui en diffère cependant affez pour Lust une efpèce diftinéte. Il a le corps un peu étroit : fes cou- leurs font très-diverfifiées ; fon dos, qui eftolivâtre, pré- fente trois raies longitudinales, dont celle du milieu eft couleur de foufre ; & les deux des côtés ondulées & dentelées, font d'un rouge clair mêlé d'un jaune plus foncé vers les parties inférieures. Les côtés du ventre, les quatre pattes & le tour de la gueule, font marquetés de plufeurs taches inégales & olivâtres, Voilà la difpoñition générale des couleurs de la peau fur laquelle s'élèvent des puftules brunes fur le dos , rouges vers les côtés, d’un rouge pâle près des oreilles, & d’une couleur de chair éclatante vers les angles de la bouche où elles font grouppées. L'extrémité des doigts eft noirâtre, & garnie d’une (a) Le Calamite, M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique, Bufo calamita, 9 , Laurent: fpecimen medicum. Rafel, tab. 24, peau £ DES QUADRUPÉÈDES OVIPARES. 593 peau dure comme de la come, qui tient lieu d’ongle à l'animal. Au-defous de la plante des pieds de devant, fe trouvent deux efpèces d'os ou de faux ongles dont le Calamite peut fe fervir pour s’accrocher : les doigts des pieds de derrière font féparés. Le Calamite fe tient, pendant le jour, dans les . féntes de la terre & dans les cavités des murailles. Au lieu d’être réduit à ne fe mouvoir que par fauts, comme les autres Quadrupèdes ovipares fans queue, il grimpe, don peine, & en sarrétant fou- vent ; & à l'aide de fes faux ongles, & de fes doigts féparés, il monte quelquefois le long des murs juf- qu'à la hauteur de quelques pieds pour gagner fa retraite. On ne trouve pas ordinairement les Calamites feuls dans leurs trous. Ils y font raffemblés & ramañlés au nombre de dix ou douze. C’eft la nuit qu'ils fortent de leur afile, & qu'ils vont chercher leur nourriture. Pour éloigner leurs ennemis, ils font fuinter, au tra- vers de leur peau , une liqueur dont l'odeur femblable à celle de la poudre enflammée, eft encore plus forte. Au mois de Juin, ceux qui ont atteint l’âge de trois ans & à-peu-près leur entier accroifflement, fe raflemblent pour s’accoupler fur le bord des marais remplis de joncs où ils font entendre un coaffiement retentiflant & fingulier. On pourroit penfer que les habitudes particulières de ces crapauds, influent fur Ovipares, Tome I, Ffff 594 Hirsrorre NATURELLE la nature de leurs humeurs & empêchent qu'ils ne foient venimeux ; cependant Rœfel a préfumé le con traire, parce que, fuivant lui, les cigognes qui font fort avides de grenouilles, n’attaquent point les Ca- lamites. : EE £ a. _. ” LS = EE SO = DES QUADRUPÈDES OVIPARES 595 ments Pa D m1 A LE COULEUR DE FEU («) M. LAURENTI a découvert ce crapaud fur les bords du Danube. C’eft un des plus petits. Son dos d'une couleur olivâtre très-foncée eft tacheté d'un noir fale : mais le ventre, la gueule, les pattes & la plante des pieds, font d’un blanc bleuâtre tacheté d'un beau vermillon, & c’eft de-là que lui vient fon nom. Toute la furface de fon corps eft parfemée de petites verrues. Quand il eft expofé au foleil, fa pru- nelle prend une figure parfaitement triangulaire dont le contour eft doré. Cette efpèce eft très-nombreufe dans les marais du Danube; une variété de ce cra- paud a le ventre noir tacheté & ponctué de blanc. On trouve le couleur de Feu à terre , pendant automne : lorfqu'on l’approche & qu'il eft près de l’eau, il sy élance avec légèreté, ainfi que les gre- nouilles: mais sil ne voit aucun moyen d'échapper , ÿl s'affaifle contre terre comme pour fe cacher; dès (a) Feuer Krote, en Allemand. Le couleur de feu. M. d'Aubenton , Encyclopédie méthodique, Bufo igneus, 23. Laurenti fpecimen medicum. Rœfel , tab, 22 23. Ffffi 596. Hisroïre NATUREILE qu’on le touche, fa tête fe contradte & fe jette en arrière; fi on le tourmente, il exhale une odeur fétide, & répand par l'anus une forte d'écume. Son coaffe- ment qu'il fait entendre fans enfler fa goïge, eft une forte de grognement fourd & entrecoupé, qui, quel- quefois fe prolonge & reflemble un peu , fuivant M. Laurenti, à la voix d’une perfonne qui rit. Les œufs hors du corps de la femelle , font difpofés par pelotons, ainfi que ceux des grenouilles, au lieu d'être rangés par files, comme les œufs du crapaud commun. Et ce quil y a de remarquable dans les habitudes de ce petit animal qui femble faire, à cer- tains égards, la nuance entre les crapauds & les gre- nouilles , c’eft qu'au lieu de craindre la lumière, il fe plait fur le bord de l’eau, à s'imbiber des rayons du foleil. fl ne paroît pas , d’après les expériences de M. Laurenti, que les humeurs du couleur de Feu aient d'autre propriété nuiñble que celle d’afloupir cer- tains petits animaux, tels que les lézards gris qui font très-fenfibles à toute forte de venin, ainfi que nous l'avons déjà dit. GS EE. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. 597 Em 5e a ee ee er are ee name ns pce tn LE PUSTUEEUX (:). Ox rrouve, dans les Indes, ce crapaud remar= quable par fes doigts garnis de tubercules femblables à des épines , & par les véficules ou puñlules qui le couvrent. Sa couleur eft d'un roux cendré; elle eft plus claire fur les côtés & fur le ventre où elle eft tachetée de roux. Il a quatre doigts féparés aux pieds de devant & cinq doigts palmés aux pieds de derrière. (a) Le Pufluleux. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique. Bufo puftulofus, 4. Laurenti fpecimen medicum, Séba, 1,1. 74, fig 1. 598 1STOIRE NATURELLE ESA re , A SET à er PR rer £ Re LE GOÎTREUX («) SON 'coR re arrondi cf d'une couleur! ronde don dos eft fillonné par trois res longitudinales. Son bas- ventre paroît enflé; & cet animal eff fur-tout diftingué par un gonflement confidérable à la gorge. Les deux doigts extérieurs de fes pieds de devant font réunis ; il habite dans les Indes. (a) Le Goitreux. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique, Rana ventricofa, 7. Linn. amphib. rept. Mus. Adolph. Fred. 1. page 48. Bufo ventricolus, 4, Laurenti Jpecimen medicuny DES QUADRUPÉDES OVIPARES, 509 RE QC em nee RAS Se | ss De nee ns nan mn Ve me LE BOSSU,:() La rère de ce crapaud eft très-petite, obtufe & enfoncée dans la poitrine. Son corps ridé, mais fans verrues, eft très-convexe. Sa couleur eft nébuleufe : fon dos préfente une bande longitudinale, un peu pâle & dentelée; tous fes doigts font féparés les uns des autres. [l en a quatre aux pieds de devant & fix aux pieds de derrière. On le trouve dans les Indes orien- tales, ainfi qu'en Afrique. L’individu que nous avons décrit a été apporté du Sénégal au Cabinet du Roi. (a) Le Boflu. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique, Rana gibbofa, 5 » Lin. amphib. rept. But gibbofus, 6, Laurenti fpecimen medicum, S \ boo Érsrorre NATURELLE a = RMS CAS M RD SAME mme ee 2eme on LiE PIPA (c) D: TOUS les crapauds de l'Amérique méridionale, Vun des plus remarquables eft le Pipa. Le mâle & la femelle font affez différens l’un de l'autre, tant par la grandeur que par la conformation , pour qu'on les regarde, au premier coup-d'œil, comme deux efpèces très-diftinctes. Aufli, au lieu de décrire l’efpèce en général, croyons nous devoir parler féparément du mâle & de la femelle. Le mâle a quatre doigts féparés aux pieds de devant & cinq doigts palmés aux pieds de derrière. Chaque doigt des pieds de devant eft fendu à l'extrémité en quatre petites parties On a peine à diftinguer le corps d'avec la tête. L'ouverture de la gueule eft très-grande: 2 PE ARE TU CS (a) Cururu , dans l'Amérique méridionale. Le pipa. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique. Rana pipa, 2, Linn. amphib. rept. Gronov., mus , 2, page 84 , N° 64. Séba, mus , 2, tab. 77, fig. 2, 4. Bufo, feu pipa americana, Bradl., nat.,t. 22 ,f. 2. Rana Surinamenfis. \Vallifn., nat. , 2,1. 41, fig 6. Planches enluminées , N° 22. les yeux DES QuUADRUPÈDES OVIPARES. (OO les yeux placés au-deflus de la tête font très-petits & aflez diftans l’un de l’autre. La tête & le corps font très-aplatis. La couleur générale en eft olivâtre plus ou moins claire & femée de très-petites taches roufles ou rougeûtres. La femelle diffère du mâle en ce qu’elle eft beau- coup plus grande. Elle a également la tête & le corps aplatis. Mais la tête eft triangulaire & plus large à la bafe que la partie antérieure du corps. Les yeux font très - petits & très — diftans l’un de l’autre, ainfi que dans le mâle. Elle a de même cinq doigts palmés aux pieds de derrière & quatre doigts divifés aux pieds de devant, mais chacun de ces quatre doigts eft fendu à l'extrémité en quatre petites parties plus fenfibles que dans le mâle. Son corps eft communément hériffé par- tout de très-petites verrues. L'individu femelle, qui eft confervé au Cabinet du Roi, a cinq pouces quatre Jignes de longueur depuis le bout du mufeau jufqu’à Panus. Ce qui rend fur-tout remarquable ce grand cra- paud de Surinam, c'eft la manière dont les fœtus de cet animal croiflent, fe développent & éclofent (8). Les petits du Pipa ne font point conçus fous la peau du dos de leur mère, ainf que la penfé Mademoi- (Bb) Voyez un Mémoire de M. Bonnet, infèré dans Le Journal de Phyfique de 1779, vol. 2, page 425. Ovipares , Tome I. Gs8g 662 HisrTotrs NATUREIIE felle de Mérian, à qui nous devons les premières obfer: vations fur cet animal (c): mais, lorfque les œufs ont été pondus par la femelle & fécondés par le mâle de la même manière que dans tous les crapauds, le mâle au lieu de les difperfer, les ramafñle avee fes pattes, les poufle fous fon ventre, & les étend fur le dos de la femelle où ils fe colent. La liqueur fécondante da mâle, fait enfler la peau & tous les tégumens du dos de la femelle qui forment alors autour des œufs , des fortes de cellules. Les œufs cependant grofhflent , & doivent éprouver, par la chaleur du corps de la mère, un développe- ment plus rapide en proportion que dans les autres efpèces de crapauds. Les petits éclofent, & fortent enfuite de leurs cellules, après avoir pañlé, en quel- que forte , par l’état de tétard ; car ils ont, dans les premiers tems de leur développement , une queue qu'ils n’ont plue quand 11s font prêts à quitter leurs cellules (4). Lorfqu'ils ont abandonné le dos de leur mère, celle- ci en fe frottant contre des pierres ou des végétaux, fe dépouille des portions de cellules qui reftent encore, (c) Mérian, différtatio de generatione & metamorphofibus Enfeélorume Surinamenfium ; &c. Amflerd., 1719. (d) Œuyres de M. l'Abbé Spallanzani, vol. 3 , page 296, L DES QUADRUPÈDES oOVIPARES. (Co & de fa propre peau qui tombe alors en partie pour fe renouveller. Mais la Nature na jamais préfenté de phéno- mènes ifolés ; lexpreffion d’extraordinaire ou de fingulier n'eft point abfolue, mais feulement relative à nos con- noifflances ; & elle ne défigne en général qu'un degré plus ou moins grand dans une propriété déjà exiftante ailleurs : auffi la manière dont les petits du Pipa fe développent, n'eft point à la rigueur particulière à cette efpèce. On en remarque une afflez femblable, même parmi les Quadrupèdes vivipares , puifque les petits du farigue ou opoflum, ne prennent , pendant quelque-tems , leur accroiflement que dans une efpèce de poche que la femelle a fous le ventre (e). Au refte, il paroît que la chair de ce crapaud n'eft pas malfaifante ; &, fuivant le rapport de Made- moifelle de Mérian, les Nègres en mangent avec plaifir. (e) Voyez, dans l'Hifloire nat, des Quadrup., l'article de l'opoffum, A d° 604 Hisrorre NAarTUR£1ts LE, COR:NU- (6): Cs crapauD que l’on trouve en Amérique, eft Jun des plus hideux; fa tête eft prefqu'aufñi grande que la moitié de fon corps; l'ouverture de fa gueule eft énorme, fa langue épaifle & large; fes paupières ont la forme d'un cone aigu, ce qui le fait paroître armé de cornes dans lefquelles fes yeux feroient placés. Lorfqu’il eft adulte, fon afpect eft affreux ; il a le dos & les cuifles hériflés d'épines. Le fond de fa couleur eft jaunâtre ; des raies brunes font placées en long fur Île dos, & en travers fur les pattes & fur les doigts. Une large bande blanchâtre s'étend depuis la tête juf- qu'à l'anus. À l’origine de cette bande, on voit de chaque côté une petite tache ronde & noire. Ce vilain animal a quatre doigts féparés aux pieds de devant & cinq doigts réunis par une membrane aux pieds de derrière. Suivant Séba, la femelle diffère du mâle, en ce que fes doigts font tous féparés les uns des autres. (a) Le Cornu. M. d Aubenton , Encyclopédie méthodique. Rana cornuta , 22. Linn. amphib. rept. Bufo cornutus, Laurenti fpecimen medicum. Séba , 1, 1 72, fig 1 C 23 DES QwUADROPÉDES OVIPARES, (005 Le premier doigt des quatre pieds étant d’ailleurs écarté des autres dans là femelle, donne à ces pieds une ref- femblance imparfaite, avec une véritable main, réveille une idée de monftruofité & ajoute à l’horreur avec laquelle on doit voir cette hideufe femelle. Rien en effet ne révolte plus que de rencontrer au milieu de la difformité quelque trait des objets que l’on regarde comme les plus parfaits. 606 Hirsrorre NATURELLE «ie a ee age mn pes erpe cn que Een ce CE LuAIG Ua ae Cr GRAND CRAPAUD que l’on appelle au Bréfil Aguaquaquan, & dont le deflus du corps eft couvert de petites éminences, eft d’un gris cendré femé de taches rouflâtres, prefque couleur de feu. Il a quatre doigts féparés aux pieds de devant, & cinq doigts palmés aux pieds de derrière. L’on conferve, au Cabinet du Roi, un individu de cette efpèce, qui a fept pouces quatre lignes de longueur, depuis le bout du mufeau jufqu’à l'anus. (a) L’Agua. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique: Bufo Braflienfis, Laurent: fpecèmen medicum. Bufo Brañlienfis, Sébe , 2, tab, 73, fig 1 6 2. DES QuADRUPÉDES OVIPARES. 607 LE MARBRÉ («), N Cr AnIMAL reffemble ün peu à l’agua. Il à; comme ce dernier, quatre doigts divifés aux pieds de devant, & cinq doigts palmés aux pieds de derrière; mais il paroit être communément beaucoup plus petit. D'ailleurs le deflus du corps eft marbré de rouge & d'un jaune cendré; & le ventre eft jaune, moucheté de noir. (a) Le marbré. M. d'Aubenton, Encyclopédie méthodique: Bufo marmoratus, Laurenti Jpecimen medicuri Séba, 1, tab, 7, fig 4 6 s: 608 Hrsrorrz NATURELLE Ze LE CREARD (6) LE CriarD que l’on trouve à Surinam, eft un des plus gros crapauds. Sa peau eft mouchetée de livide & de brun, & parfemée de verrues. Les épaules cou- vertes de points faillans, de même que le ventre, font relevées en boffe, & percées d’une multitude de petits trous. Il eft aifé de le diflinguer du marbré & du pipa que l'on trouve aufli à Surinam , parce qu'il a cinq doigts à chaque pied ; les doigts des pieds de devant font féparés , & ceux des pieds de derrière à demi-pal- més. Il habite les eaux douces où il ne ceffe de faire entendre fon coaffement défagréable. C’eft ce qui l'a fait appeller le muficien, par M. Linné; mais le nom de criard que lui a donné M. d’Aubenton, convient bien mieux à un animal dont la voix rauque & dif- cordante ne peut que troubler les concerts harmonieux ou le filence paifible de la Nature, & qui ne peut faire entendre quun coafflement aufñi défagréable pour l'oreille, que fon afpect l’eft pour les yeux. (a) Le Criard. M. d’Aubenton, Encyclopédie méthodique. Rana mulca, 2. Linn, amphib. reptil AE REPTILES DES QvADRUPÈDES OVIPARES. (CO9 REPTILES BIPÉÈDES. Nous avons vu le feps & le chalcide fe rap- procher de l’ordre des ferpens par l’alongement de leur corps, & la brièveté de leurs pattes. Nous allons maintenant jeter les yeux fur un genre de reptiles, qui réunit encore de plus près les ferpens & les lézards. Nous ne le comprenons pas parmi les Quadrupèdes ovipares , puifque le caractère diftinétif de ce genre eft de n'avoir que deux pieds; mais nous le plaçons entre ces Quadrupèdes & les ferpens. Les reptiles qui le compofent diffèrent des premiers , en ce qu'ils n'ont que deux pattes au lieu d'en avoir quatre, & ils font diftingués des feconds par ces deux pieds qui manquent à tous les ferpens. Il feroit d’ailleurs fort aifé de les confondre avec ces derniers, auxquels ils reflemblent par lalongement du corps, les proportions de la tête & la forme des écailles. L'on a douté, pendant long -tems, de l’exiftence de ces animaux ; & en effet tous ceux que l'on a voulu jufqu'à préfent regarder comme des reptiles Bipèdes, étoient des feps ou des chalcides qui avoient perdu, par quelque accident , leurs pattes de devant ou celles de derrière; la cicatrice étoit fenfible, & ils préfen- Ovipares, Tome I, Hhhh 610 Hrsrorre NATURELLE toient d'ailleurs tous les caradères des feps ou des. chalcides : ou bien c’étoient des ferpens mâles que lon avoit tués dans la a de leurs amours, lorfqu'au moment d'aller s'unir à leurs femelles, ils font fortir par leur anus leur double partie fexuelle, dont les. deux portions s’écartent l’une de l’autre, &, étant ga nies d'afpérités aflez femblables à des écañles , peu- vent être prifes, au premier coup - d'œil, pour des pattes imparfaites. On nous a fouvent envoyé de ces ferpens tués peu de tems avant leur accouplement, & qu'on regardoit comme des ferpens à deux pieds, tandis qu’ils ne différoient des autres qu'en ce que leurs par- ties fexuelles étoient gonflées & à découvert. C'eft parmi ces ferpens, furpris dans leurs amours , que nous croyons devoir comprendre celui que M. Linné a placé dans le genre des anguis, & qu'il a nommé anguis bipède (a). On doit encore rapporter les prétendus reptiles bipèdes, dont on a fait mention jufqu’à préfent, à des larves plus ou moins développées de grenouilles, de raines, de crapauds & même de falamandres, tous ces Quadrupèdes ovipares ne préfentant fouvent que deux pattes dans les premiers tems de leur accroiffement. Tel eft, par exemple, l'animal que M. Linné a cru devoir placer non - feulement dans un genre, maïs (a) Linn., fyflema nature , tom. 2, fol. 290 , edit. 134 DES QUADRUPÈDES OVIPARES. O11 même dans un ordre païiticulier, & qu'il a appellé- Jÿrene lacertine (b). 11 avoit été envoyé de Charles- Town, par M. le Docteur Garden, à M. Ellis; il avoit été pris à la Caroline, où on doit le trouver afiez fréquemment , puifque les habitans du pays lui ont donné un nom; ils lappellent mud inguana. On le trouve communément fur le bord des étangs, & dans des endroits marécageux, parmi les arbres tombés de vétuüité, &c. Nous avons examiné avec foin la figure & la defcription que M. Ellis en a données dans les tranfactions philofophiques (c) ; & nous n'avons pas douté un feul moment que cet animal, bien loin de conftituer un ordre nouveau , ne fût une larve; il a les caraétères généraux d'un animal imparfait, & d'ailleurs il a les caraétères particuliers que nous avons trouvés dans les falamandres à queue-plate. A la vérité, cette larve avoit trente - un pouces de longueur ; elle étoit par conféquent beaucoup plue grande qu'aucune larve connue; & c’eft ce qui a empêché M. Linné de la regarder comme un animal non encore déve- loppé ; mais ne doit-on pas préfumer que nous ne connoiflons pas tous les Quadrupèdes ovipares de l’A- (Bb) Voyez l'addition qui eft à la fin du premier volume du fyftême de la nature par M. Linné, treizième édition. (c) Lettre de Jean Ellis , Tranfaëlions philofophiques, année 1766, £ome 56, Hhhhi 612 Hrsroirre NATURELLE mérique feptentrionale , & qu’on n’a pas encore dé- couvert l'efpèce à laquelle appartient cette grande larve ? Peut-être l'animal dans lequel elle fe méta- morphofe , vit-il dans l’eau de manière à n'être apperçu que très-diffiicilement. Cette larve, envoyée à M. Ellis, manquoit de pieds de derrière; ceux de devant n'a- voient que quatre doigts, ainfi que dans nos falaman- dres aquatiques ; les ongles étoient très-petits; les os des mâchoires crénelés & fans dents; il y avoit des efpèces de bandes au-deflus & au-deflous de la queue, & de chaque côté du cou étoient trois protubérances frangées , aflez femblables à celles qui partent éga- lement des deux côtés du cou, dans les falamandres à queue-plate. Mais fi jufquà préfent les divers animaux que Ton a confidérés comme de vrais reptiles bipèdes, doivent être rapportés à des efpèces de Quadrupèdes ovipares, ou de ferpens, nous allons donner, dans l’ar- ticle fuivant , la defcription d’un animal qui n’a que deux pieds, que l’on doit régarder cependant comme entièrement développé, & qu'il ne faut compter, par conféquent, ni parmi les ferpens, ni parmi les Qua- drupèdes ovipares. Nous traiterons enfuite d'un autré bipède qui doit être compris dans le même genre, & que M. Pallas a fait connoître. 2 Us % = = —— > DD meme PREMIÈRE DIVISION. BIPÈDES Qui manquent de pattes de derrière. LÉ CEANNE EE, Nous sommors ainfi un Bipède qui na encore été décrit par aucun Naturalifte, & dont aucun Voyageur n'a fait mention. Il a été trouvé au Mexique par M. Vélafquès, favant Efpagnol, qui l'a remis, pour nous l'envoyer, à M. Polony, habile Médecin de Saint-Domingue; & r’eft Madame la Vicomteffe de Fontanges, Commandante de cette ïfle, qui a bien voulu l’apporter elle-même en France, avec un foin que lon ne fe feroïit pas attendu à trouver dans la Beauté , pour un reptile plus propre à l’effrayer qu'à lui plaire. Ce Bipède eft entièrement privé de pattes de der- rière. Avec quelque foin que nous l’ayons examiné, nous n'avons apperçu, dans tout fon corps, aucune ci- catrice, aucune marque qui püt faire foupçonner que l'animal eût éprouvé quelqu’accident, & perdu quel- 614 Hisrorre NarTureirr qu'un de fes membres. Il a beaucoup de rapports, par fa conformation générale avec le lézard que nous avons nommé chalcide; les écailles dont il eft revêtu, font également difpofées en anneaux ; mais il diffère du chalcide, non-feulement en ce qu’il n’a que deux pattes, mais encore en ce quil a la queue très-courte, au lieu que ce dernier lézard l’a très-longue, en proportion du corps. Il eft tout couvert d’écailles, prefque carrées, & difpofées en demi-anneaux fur le dos, ainfi que fur le ventre ; ces demi - anneaux fe correfpondent de manière que les extrémités des demi-anneaux fu- périeurs aboutiffent à la ligne qui fépare les demi- anneaux inférieurs. C’eft par cette difpoñtion quil diffère encore des chalcides, dont les écailles forment des anneaux entiers autour du corps. La ligne où fe réuniflent les demi-anneaux fupérieurs & les demi- anneaux inférieurs, préfente de chaque côté, & le long du corps, une efpèce de fillon qui s'étend depuis la tête jufqu’à l’anus. La queue, au lieu d’être couverte de demi-anneaux , ainfi que le corps, eft garnie d’an- neaux entiers, compofés de petites écailles de même forme & de même grandeur que cellesdesdemi-anneaux. L'afflemblage de ces écailles forme un grand nombre de ftries longitudinales ; la réunion des anneaux pro- duit auf un très-grand nombre de cannelures tranf- verfales; & c’eft «de-là que nous avons tiré le nom de Cannelé, que nous donnons au Bipède du Mexique. DES QUADRUPÈDES OVIPARES. O15 Nous avons compté cent cinquante demi-anneaux fur le ventre de cet animal, & trente -un anneaux fur fa queue, qui eft grofle & arrondie à l’extrémité. La longueur totale de cet individu eft de huit pouces fix lignes; celle de la queue, d'un pouce ; & fon dia- mètre, dans fa plus grande groffeur, eft de quatre lignes. La têfe a trois lignes de longueur ; elle eft ar- rondie pardevant, & on a peine à la diftinguer du corps. Le deflus en eft couvert d’une grande écaille; le mufeau eft garni de trois écailles plus grandes que celles des anneaux, & dont les deux extérieurés pré- fentent chacune un très-petit trou, qui eft l'ouverture des narines. La mâchoire inférieure eft aufli bordée d'écailles un peu plus grandes que celles des anneaux ; les dents font très-petites ; les yeux, à peine vifibles & fans paupières ; je n'ai pu remarquer aucune ap- parence de trous auditifs. Les pattes, qui ont quatre lignes de longueur, font recouvertes de petites écailles, femblables à celles du corps, & difpofées en anneaux; il y a , à chaque pied, quatre doigts bien féparés, garnis d'ongles longs & crochus; & à côté du doigt extérieur de chaque pied, on apperçoit comme le commencement dun cinquième doigt. Nous n'avons pu remarquer aucun indice de pattes de derrière, ainfi que nous l'avons dit ; aucun anneau du corps ni de la queue n’eft interrompu, & rien n'indique que l'animal ait éprouvé quelqu'accident, ou reçu la plus 616 Hisrorre NATURELIIF légère bleflure. L'ouverture de l'anus s'étend tranfver- falement ; &, fur fon bord fupérieur ; nous avons compté fix tubercules percés à leur extrémité, & en- tièrement femblables à ceux que nous avons vus fur la face intérieure des cuiffes de l'iguane, du lézard vert, du gecko, &c. La queue du Bipède Cannelé étant auffi groffe à fon extrémité que la tête de cet animal, il a beau- coup de rapport, par fa conformation générale, avec les ferpens que M. Linné a nommés amphisbènes, dont les écailles font également difpofées en anneaux, les yeux très-peu vifibles, la tête & le bout de la queue prefque de la même grofleur, & qui manquent auf de trous auditifs. C’eft parmi ce genre d’amphifbènes, qu'il faudroit placer le Cannelé s'il n’avoit point deux pattes; & c’eft particulièrement avec ce genre qu'il lie l’ordre des Quadrupèdes ovipares. Comme cet ani- mal a été envoyé, au Cabinet du Roi, dans du tafia , nous n'avons pu juger de fa couleur naturelle; mais nous avons préfumé qu'elle eft ordinairement verdâtre & plus claire fur le ventre que fur le dos, Nous ignorons fi on le trouve en très-grand nombre au Mexique, & qu'elles font fes habitudes. Mais nous penfons d’après fa conformation , affez femblable à celle des feps & des chalcides , que fon allure & fa manière de vivre doivent reffembler beaucoup à celles de ces derniers lézards, SECONDE, DES QUADRUPÈDES OVIPARES. (G1Y a — + SECONDE DIVISION. BIPÉDES Qui manquent de pattes de devant. LE SHELTOPUSIK. Nous DONNONS ICI une notice d'un reptile à deux pattes, dont M. Pallas a parlé le premier (2), Nous ui confervons le nom de Shelropujik que lui donnent les habitans des contrées qu'il habite, quoiqu'ils appli- quent auf ce nom à une véritable efpèce de ferpent, parce qu'il ne peut y avoir aucune équivoque relati- yement à deux animaux d'ordres ou du moins de (a) Novi commentarii Academiæ Scientierum ümperialis Petropoli- tanæ , tom. 19), fol. 435, pro anno 1774. Ovipares, Tome I. Tiii 6185 EHrsrorre NATUREIIE genres diflérens. On le trouve auprès du Volga, dans le défert fablonneux de Naryn,, ainfi qu'aux environs de Terequm , près du Kumam ; il demeure de préférence dans les vallées ombragées & où l’herbe croît en abon- dance. I fe cache parmi les arbriffleaux , & fuit dès qu'on l'approche. Il fait la guerre aux petits lézards, & particulièrement aux lézards gris. Sa tête eft grande, plus épaifle que le corps. Le mufeau eft obtus. Les bords de la gueule font revêtus d'écailles un peu plus grandes que celles qui les touchent; les mächoires garnies de petites dents, & les narines bien ouvertes. Le Sheltopufñk a deux paupières mobiles & des ouver- tures pour les oreilles, femblables à celles des lézards. Le deflus de la tête eft couvert de grandes écailles ; celles qui garniflent le corps & la queue , tant deflus que deflous, font un peu feftonnées & placées les unes au-deffus des autres, comme lee tuiles fur les toits. De chaque côté du corps s'étend une efpèce de ride ou de fillon longitudinal. A l'extrémité de chacun de ces fillons, & auprès de l'anus, on voit un très-petit pied couvert de quatre écailles, & dont le bout fe partage en deux fortes de doigts un peu aigus. La queue eft beaucoup plus longue que le corps. ka longueur totale du Sheltopufik eft ordinairement de plus de trois pieds, & fa couleur, qui eft affez uniforme fur tout le corps, eft d’un jaune pâle. On trouvera dans la note fui- DES QuADRUPÈDES OVIPARES, 619 vante (b) les principales dimenfions de ce bipède que M. Pallas a difléqué avec beaucoup de foin (c). (8) Longueur depuis le bout du mufeau _‘ pieds... | pouces. lignes. juQquaslenus) 0 Sen LANCE L 6 Longueur de la queue. ... 2 14 PonbArRe de la tête depuis le fear ju£ qu'aux trous auditifs. . I % Circonfrence de la tête à fa bafe x «tré Circonférence du corps au-devant de l'anus. 1 s Circonférence de la queue à fon En 3 2 Longueur des pieds. . . . . : 1> (c) M. Pallas, à l'endroit déja cire, FIN. 620 in | 7 s —— Cm comen TABLE ALPHABÉTIQUE De tous les Noms que l'on a donnés aux Quadrupèdes oyipares 3 € dont il eff fait mention dans cet Ouvrage. DR \ Aguaquaquan , Voyez Agua. Alebrenne ; Alligator , pue ; nguis Quadrupes, Anoles < j Anolis , ÆArrafade , Ask; Askalabotes ; Axolotl , * Ayamake ; BaAsrrzicus Ame- ricanus. Burp24C- dpuoœerue, Barpay C- S'heiCr , Bec à faucon , Bec à faucon , Bin Jawacok Jen gur cckor , Blande , The blue lizard , Boizh , Brockct de terre ; Bufo ; Bufo Brafilienfis » Bufo Calamite ; Bufo Cornutus , Bufo Fufcus, Bufo Gibbofus , Bufo Ieneus , Bufo Marmoratus ; Bufo Obftreticans , Bufo Pufulofus ; S. Terreftre. Crocodile. Queue-bleue. Seps. Améiva. Améiva. S. Terreftre. À S. à queue-plate. Galéote. S. à queue-plate. Iguane. BE: Basrzic: Raine verte. Grenouille com- mune. Caouane. T. Carer EL. Porte-crète. S. Terreftre. Agame. Caméléon. L. Doré. €. commun. Agua. Calamite. C. Cornu. Crapaud Brun. C. Bofu. Couleur de Feu. C. Marbré. Cr; Commun. -C, Puftuleux. Bufo Schreberia- mus 3 Bufo Ventricofus ; Bufo Viridis , Bullfrog ; Bumbos ; Rayon vert. : C. Goitreux. C. Vert. Grenouille mugif fante. Crocodile. C. CALISCERTULA, Canuaneros , Caret , Caudi-verbere ; Cayman ;, Cayman ; Chameæleo ;, Chamæleo Africa- MS » Chameæleo Bonæ- Sper , Chamaæleo Candi- dus - Chamæleo Mexica- US ; Chameæleo fienfium , Chamæleo Zelany- cu , Chamfen ; Cordule , Cordylus , Cordylus Hifpidus, Cordylus Orbicula- TISS Cordylus Stellio , Cordylus Verus, Coffordilos , Crocodile & bec alonge'; Pari- L. VERT, Caouane. Caouane. Cordyle. Crocodile. Tupinambis Caméléon. Caméléon. Caméléon: Caméléon: Caméléon: Caméléon. Caméléon. Crocodile. S, à queue-platt; Dragonne. Tapaye. Tapaye, Stellion, Cordy!r, Stelli: Gavi 7 TABLE ALPHABÉTIQUE. Crocodile à mâchoi- Voyez Gavial. res alongées , Crocodile à téte alongee , Crocodile terreffre ; Cururu » Gavial. Scinque: Pipa- D), DrAstr ; Doocame ; Doogame ; Draco major ; Draco minor, Draco prepos ; Draco volans , Dracunculus , Dragon d’Ameri- gue ; amphibte qui vole, CrocoDirE. T. Bourbeufe. T. Bourbeufe: Dragon. Dragon. Dragon. Dragon. Dragon. Bañlic. F. Famocentrata , Famocantraton ; Fzrdecho , Feuer Krote , 2 L. à tète-plate. L. à tête-plate. L: Vert. Couleur de Feu. G: GAxIoTE: Galliwafp 5 Galtabé , Gecko muricatus ; Gecko verticillatus, Gekko teres , Grenouille geante ; Grenouille doigts , Grenouille mangea- blé, Grenouille taureau, chan- cinqg- Gobe-moucke ; The greenturtle , Gros Lezard , Groffe Tortue; GALÉOTE. L. Doré. TFupisambis. Geckotte. Geckoitte. Gecko. Rayon-vert. G. Mugiffante. Grenouille com- mune. Grenouille Mugif- fante. L- Verc T. Franche, Isuase. Caduane, Gz1 Ground Lizard, Voyez Améiva, Guan , Guana ; The Guana ; The Guana Him Guanas ; Guano , Guaral , Crocodile: Iguane. Iguane. Agame. Iguane. Tupinambis: L; Marbré, The Hawk’s- bill T; Caret, Turtle , H: HÉCATE ; Héliofcope ; Hyla Aurontiaca , Hyla Fufca, Hyla Laitea, Hyla Ranœformis, Hyla Rubra, Hyla Scleton , Hyla Tibiatrix , Hyla Viridis ; T. TACARE ; JIenarucu , Jouand Calotes ; Jeuana Chalcidica ; Tsrena Clamofa ; Îguana Cordylina , Truena Delicatiffi= ma, Jeuana Szlaman- drina ; Tguana Tubercula- La » Inguete de Agua ; Zogame ; Tficame ; Juruca ; Jurucue Zurucuja ; T.GÉOMÉTRIQUE; L. Plifé. R. Orangée. Raine Brune. R. couleur de Lait; Raise Boflue. R: Rouge. R. Orangée. R. Fluteufe: R; Verte. CrocoDiIié: Dragonne. Galéote. Galéote. Tête-fourchues Agames Iguane: Agame: Iguane: S. à queue-platé; T. Bourbeufe: T. Grecque. €aouane. T, Franche. T. Franche, K. DOPLONTI] CamÉrLéo® 622 Kaouane ; Xsauvs Xepçafa , Kimbuta , Kimfak , Kobbera Guion , Kolotes , Krauthun ; Kpoxod'en@ , D AUBMEUE Lacerta Monitor, Voyez Tupinambis: Voyez Caouane. T. Grecque. Crocodile. Crocodile. Fouette-queue. Galéote. L. Vert. Crocodile, L: LAcErRTA Abdo- minalis , Eacertz Agama, Lacerta Agilis , Lacerta Agilis (va- rietas B) » Tacerta Algira , Lacerta Amboinen- SES 5 Lacerta Anguina , Lacertg Angulata, Lacerta Afurea , Lacerta Aurat:, Lacerta Bafilicus ; LacertaBicarinata, Lacerta Bullaris , Lacerta Çalotes , Lacerta Caud1-ce- rulea , Lacerta Caudi-ver- bera ; Lacerta Dracæna, Lacerta Fafciata, Lacert: Japonica , Lacerta Iguana , Lacertz Lernnifca- ta, Laçerta Lybie , Lacerta Marmora- 2 , Lacerta Maurita- nice ; Lacerta mazxima Caudi-yerbera , Lacerta minor ci- ‘ nerea maculata Afiatica ; SEPs. Agame. 1m Gris. L. Vert. Algire. L. Porte-crète. Seps. L, Hexagones L. Azuré. L. Doré. Bafilic. L. Silloné. L. Rouge-gorge, Galéote. Queue-bleue. Foyette-queue. Dragonne. Queue-bleue. S. Terreftre. Iguane. L. Galonné. Scinque. L. Marbré, Geckotte. Dragonne. Grifon. Lacerta Nilotica , Lacerta Orbicula- TIS ; Lacerta Paluffris , Lacerta Plica ;, Lacerta Principa- Dlrsts Lacerta Punéata , Lacerta Punüata , Lacérta quinque li: neata ; . Lacerta Scutate ; Lacerta [ex linea- ta , Lacerta Stellio , Lacerta Strumofa ; Lacerta Supercilio- LÆ] Lacerta Turcica , Lacerta Umbra , Lacerta Viridis , Lacerta Viridis Ja- maïcenfis , Laçerta Viridis pun@is Albis, Lagerta Vulgaris , Lacertus Aquati- CUS : Lacertus Cinereus TLEROT ÿ Lacertus Cordylus, Lacertus Cyprius Scincoides , Lacertus Indicus, Lacertus Indicus ; Lacertus major ci- nereus macula- tus ; Lacertus major vi- rédis ; Lacertus martanus minor Cauda-ce- rulea » Lacertus maximus, Lacertus : Viridis , Lacertis Viridis Carolinçrfis L. Triangulaire, Tapaye. S: à queue-plates L. Phfé. L. Large-doigu Double-raie. S. Ponctuée. L, Strie. Tête-fourchue, L. Lion. Stell ion ° L. Goîtreux. L. Sourcilleuxy Grifon, Umbre. L. Vert. L. Rouge-gorges L. Vert. S. à queue-plate; S. à queue-plates Roquet- Cordyle. Scinque. Améiva. Dragonne, Améiya. Améiva, Queue-bleuçcs Crocodile. Le mVert. 1 LA Vert, ALPHABÉTIQUE. Lgcerkus Volans ; Voyez Dragon. La Cicigna , Lagartija , Lagarto , Lagator ; Langrola , The large grèy Chamaæleon , The large fpotted, Layerne , Lazer, The leaf light Brown or gréy Liçard ; Leguan ; Leguana ; Leviathan ; Lezard couleur de Sang , Lezard Exagonal , Leézard. moucheté , Le Réÿe ; Leézard Sauveur, Lezard Sauve-gar- der, Lezard Véloce , Lezards Amphibies d'Afrique , Ligan 3 Ligan , Ligans ; Thelitle Brown Li- zard ; The lodger head turtle ; Seps. Lézard Gris. L. Vert: Crocodile. EL. Gris. Caméléon: Arhéiva. S. Terreftre. L. Vert. Roquet. Iguané. Tguane. Crocodile: Alpire: L. Hexagone. Tupinambis. S. Quatre-Raies, Tupinambis. Tupinambis. L. Gris. S. à queue-plate, Crocodile. Tupinambis. Tupiaosmhie. L. Gris. Caouane, M. MABovy A; Marafandola ; Mirtil ; Mouron ; Mus Aquatilis , Mus Marinus, L. Doré. S. à queue-plate. S. Terreftre. S. Terreftre. T. Bourbeufe. Tortue Franche, N. NenousonodenC ; CROCODILE, C23 O. Occiput fourchu, Voyez Tère-fourchue. Ophiomacus » Galéote. Oullà Ouna s L, Vert. PR: PpnG ; €: Commun: Phrynum ; €. Commun: Pifilloni , Stellion. Pluvine , S. Terreftre. Poiflon de Dieu, T. Franche. Punter-Maal , S. Terreftre: KR, RaA1IxE Squelette, Rarû , Rana , Rana Americana , Rana Aquatica ; Rana Arborea , Rana Bicoloris , Rana Bufo ; Rana Cornuta ; Rana Efculenta ; Rana Gibbofa ; Lure Holorinn à Rana Margariti- fera ; Ronc Marina Rana marina maxi- M2 » Räna maxima ; Ranamaxima Ame- ricana aguaticé , Rana maxima com- prefla mifcella 2 Rana mufica , Rana mutabilis , Rana ocellata , Rana paradoxe , Ranapentadadyla, Rana pifcis y R. ORANGÉE. Grenouille com- mune. R. Verte. Épaule armée. Grenouille coni= mune: R. Verte. Raine Verte. €: Commun: €. Cornu. Grenouille comi= mune. C. Bofu. G. Mugiffante, G. Perlée. # Epaule armée; J Epaule armée. Patte d’'Oie. G. Mugiffante. G. Mugiffante. C. Criard, Rayon Vert. G. Mugiffante, Jackie. G. Mugiffante, Jackie, 624 . Rana fitibunda , Rana Surinamen- Ji » Rana typhonie, Rana ventricofa , Rana venulofa ;, Rana Virginica, Rana viridis aqua- LCA » Ranunculus Viri- dis , Rat de mers Rubeta ; TABLE Rana ridibunda ; Voyez C. Brun. C;Vert, Pipa. G. Galonnée, G. Goîtreux. Grenouille Réticu- laire , G. Galonnée. Grenouille . com- mune. R. Verte. T. Luth. C. Commun: S. SABUTIS ; Szlemander 6 Salamandra aqua- tica ; Salamandra atra , Salamandra Cey- lanica , Salamandra , Salamandre Indi- Ca » Salamandre macu- lofa , Salamandra mini- ma fufca macu- lis albis notata, Salamandre , Salamanguefa ; Selamantegua , S'anké » Sargantana y ZavpS sud e@ > Z:v)G- _XPPS- ; y 7 Lo ] As K DCINCUS » Torrues Terref- tres , peut - être Tortues Grec- ques. S: Terreftre. S. à queue-plate. S. Terreftre. S. à queue-plate. Gecko. Gecko, S. Terreftre, Mabouy2. L. Doré. Salamandre reftre. S. Terreftre, T. Grecque. Lézard Gris. S. à queue-plate, L. Vert. Scinque. Scinque, L. Doré, Scinque, Ter- Scincus maximus Voyez L, Doré. fufcus ; Serncus Officinalis, Scing de terre ; Scing marin , Senernb£ , Seps Argus 3 S'eps Cerulefeens ; Seps Llemnifcatus , Seps muralis , Seps Surinamenfis ; Seps T'erreftris , Seps Varius, Seps Viridis, Sourd (le), Stellio , Stellion ; StellioneT arentole, Stellio pundatus , Stellio falvator, Stellio faurus ; Suife. Scinque. L. Doré. L. Doré, Iguane. L. Gris. L. Gris. L. Galonné, L, Gris. Améiva. , L. Gris. L'Vert. L. Vert. S. Terreftre, S. Ponctuée. L. Vert. Stellion. Double-raie. Tupinambis. Tupinambis, S. Terreftre. T, TAITAH; Takace , Tamacolin , Tapayaxin » 7 apayaxin » CRIE Tao, T'éjuguacu ; T'emapare , T'emaparatupinam- bis , T'errapene , The Terrapin , T'effudo atra , T'effudo caretta , Teffudo carinata ; Teffudo Carolina, T'éffudo Cartilagi- Tea ; T'efludo cephalo , T'efludo coriacea , Teffudo corticata vsl corticofa ; CAMÉLÉON, - Crocodile. Iguane, Stellion. Tapave- T. Franc 5. Soie Tupinampis. L. Marbré. Tupinambis. T. Géométrique; Terrapène. T. Franche, Caouane. si Rombée ourte-Queues. T. Molle, ; Caouane. T. Luth. Caouane, Tefludo Tefudo Denti- Voyez T. Dentelée. culata , Teffudo Europæa , T'effudo ferox , T'efudo Fimbriata, Teffudo Geometri- Ca ; Teffudo Grece, T'effudo imbricata , Teffudo Lutaria, Téffudo Lyre , T'efludo Marine , T'éffido marina vul- BATES » Teffudo Midas , Tefludo Orbicul- TI ; Tefludo pida feu Stellata , "Teffudo Pufille, T'eflido Scabra , T'effudo Scorpioi- des, T'effudo Serpentina, T'effudo Squaïnats , Teffudo _ terreffris ÆAmboinenfis mi- nor 3 T'effudoterreftrisma- joT Americane , Teffudo terreffris _ pufilla ex India Oriental: , Tefludo terreffris vulgaris ; Tefludo teffellata MEnOr » Tefudo teffellata minor Africane , Teffudo teffellata minor Carolinen- fs » T. Ronde. T. Molle. T. Scorpion. T. Géométrique. T. Grecque. T. Caret. T. Bourbeufe. T. Luth. Tortue Franche. T. Franche. Franche. Ronde. . Géométrique, . Vermillon. . Raboteufe. Scorpion. Serpentine. Caret. . Raboteufe. HS JS 1 53 T. Courte-queue. T. Vermillon. Grecque. Géométrique, T. Te T. Vermillon. 1e Courte-queue. Ovipares, Tome I. ALPHABÉTIQUE. 625 Tefludo tefla Voyez T. Géométrique. tefellata major, Teffudo Virginea , T'effudo viridis , Tilcuetz-pallin , T'iliguerta , T'iligugu , T'ilingoni , Tokaie , Toad, Tortue à Clin , Tortue Amazone , Tortue à Bahut , Tortue Bande blan- che , Tortue Bétarde, Tortue Coffre , Tortue Mercuria- Le, Tortue Midas , Tortue Orbiculat- re, Tortue Soldat , . Tortue Tuilée, Tortue Verte, Tortue Verte, Tortuga de Garri- ÉCRIN Triton Criflatus » T. Vermillon. T. Franche. Tupicambis. L. Vert. Mabouya. Mabouya. Gecko. C. Commun. T. Luth. T. Écaille-verte. Caouane, T. Vermillon. T. Naficorne, Caouane, T. Luch. T. Franche. T. Ronde. T. Franche, T. Care, T. Ecaille-verte. Tortue Franche. T. Grecque. S.à queuc-plate. V. WARRAI, The Water eft ; L. Marsré. S. à queue-plates Fe YrANA, IGuANE. Z. ZERMOUMÉAH ; ALGIRE:. Kkkk A TAB LT “DES ‘MATIÈRES À. A CCOUPIEMENT. Le tems de Faccouplement des Tortues Fran- ches, varie dans les différens pays, fuivant la température, la faïfon des pluies, &c. page 64. Accou- plement des Crocodiles , page 206. Accouplement des Lézards Gris , page 305. Agarne. L'Agame fe trouve en Amérique, page 29%. Defcription de ce lézard, Idem. Ses rapports & fes différences avec le Galéote, Idem. Agua. Caraékères diftinétifs de ce Crapaud , page 606, Aigle. Inftinct des Aigles; pour dévorer les Tortues Grecques, page 268. Air. Le Caméléon peut filtrer l'air de l’atmofphère au travers de fes poumons, page 354. Il fe rend par-là plus léger, page 345. Algire. Sa defcription, page 367. Pays qu'il habite, Idem. Aliens. La Tortue Bourbeufe peut vivre long-tems fans prendre aucune nourriture , page 124. Le Crocodile eft contraint quelquefois de demeurer beaucoup de tems, & mème plufeurs mois fans manger, page 227. Il avale alors de petites È pierres & de petits morceaux de bois capables d'empêcher fes intef- tins de fe reflerrer , Idem. Amazone. Les Crocodiles font f abondans dans les grandes rivières de l'Amazone & d'Oyapoc, dans la baie de Vincent-pinçon, & dans les lacs qui y communiquent ; qu'ilsy gênent, par leur multitude , la navigation des Pyrogues, p. 228. Ïls fuivent ces légers bâtimens , fans cependant effayer de les renverfer, & fans attaquer les hommes, Idem. Il eft quelquefois aifé de les écar- ter à coups de rames, lorfqu'ils ne font pas très-grands, Ider. Améiva. Defcription de ce lézard & fes caraétères diftinétifs, p. 329 € füivantes. I] fe trouve dans les deux Continens, page 332. Amour. C’eft au retour du prin- tems que les Quadrupèdes ovipares . éprouvent le fentiment de l'amour & cherchent à s'unir à leurs femelles, page 35. Malgré leur filence habi- tuel , ils ont prefque tous des fons particuliers pour exprimer leurs de- firs. Le mâle appelle fa femelle par un cri expreflif, auquel elle répond par un accent femblable, page 35. La conformation des Quadrupèdes TABLE DES ovipares païoit des plus propres aux jouiflances de l'amour, Zdem. Les parties fexuelles des mâles font renfermées dans l’intérieur de leur corps, jufqu'au moment où ils s’ac- couplent avec leurs femelles, Idem. Parmi les animaux fufceptibles d'af- fetions tendres & de foins em- preflés, les efpèces les moins ar- dentes en amour, font celles où le mâle abandonne fa femelle, après en avoir joui; enfuite viennent les efpèces où le mâle prépare le nid avec elle, où il la foulage dans la recherche des matériaux dont elle fe fert pour le conftruire , &c. & enfin celles qui reflentent le plus vivement les feux de l'amour , font les efpèces où le mâle partage en- tièrement avec fa compagne, le foin de couver les œufs, page 209. On ne peut attribuer une vive, intime & conftante tendrefle à un animal, tel que le Crocodile, qui, par la froideur de fon fang; ne peut éprou- ver prefque jamais, ni paflions im- pétueufes, ni fentiment profond, page 210. Armphibie. La Tortue Grecque eft amphibie , jufquà un cer- tain point, par fon organifation, pue 152- Animaux (les) diffèrent des ve- gétaux, & fur-tout de la matière. brute, en proportion du nombre & de l'activité des fens dont ils ont été pourvus, page 6. Tous les ani- maux qui ont du fang , doivent re{pirer l'air de l'atmofphère, p. 18. Les animaux qui ne fuent point, & qui ne pofsident point une MATIÈRES. 027 grande chaleur intérieure , mangent très-peu, page 22. Arcinoë (ville de), confacrée aux Crocodiles auxquels on donna des prêtres, page 2322. Art: L'art de l’homme n'eft qu'une application des forces de la Nature, page 191. Atmojphère. Les Quadrupèdes ovipares ne peuvent réllter aux eflets d’une atmofphère , plutot froide que tempérée , page 22. Azuré. Delcription du lézard Azurc, page 362. Bi B; srzrc. Contes ridicules ré- pandus au fujet du Ballic, p. 284. Il habite l'Amérique méridionale , page 285. Sa delcription, Idem. Il faute & voitige, pour ainh dire, avec agilité de brançche en branche, page 286. Il témoigne une forte de fatisfa@ion à ceux qui le regar- dent , Ædern. Béguan. Nom donné par les In- diens aux Bézoards d'Iguane, p.282. Bézoards attribués à des Tortues franches ; leur forme & leurs cou leurs, page 80. On trouve quel- quefois des Bézoards dans le corps des Crocodiles, ainf que davs celui de plufeurs autres lézards , p.230. Defcription de ces Bézoards, Idem. Leur couleur, Idem. Bézoards du Tupinambis , page 2456. Bézoard d'Iguane, pag 281. Bézoard d’I- guane apporte de l'Amérique mé- ridionale, au Cabinet du Roi , dem. Sa defcription, Idem. 5 KKkki 628 Bimacule (lézard), defcription & habitudes de ce lézard de l’A- mérique feptentrionale , page 264. Bipèdes. Vrais reptiles Bipèdes, pages 609 & fuivantes. Animaux qu'on n'auroit pas dû compter parmi ces reptiles, der. : Bois aquatiques (les), qui gar- niflent les rivages de la Caroline, font remplis de poiffons deftruc- teurs, & d'autres animaux qui fe dévorent les uns les autres; on y rencontre aufli de grandes Tor- tues, mais elles font le plus fouvent la proie de ces poiflons carnaciers, qui, à leur tour, fervent d’aliment aux Crocodiles, plus puiflans qu'eux tous , page 213. Bornbée (la Tortue) habite dans les pays chauds, page 164. Def- cription de fa forme, Idem. Dimen- fions d'une carapace d’une tortue de cette efpèce, Idem. Couleurs de k Bombée , Idem. Son rapport avec la tortue jaune, page 264. Bonheur. Les tortues franches font regardées par les Japonois , comme l’emblême du bonheur, page 83. Bordure (la) de la carapace des tortues eft communément garnie de 22 ou 25 lames, page 40. Boffu (crapaud): delcription de cet animal, & lieux où on le trouve, PCE£ 599- Boffue (Raine) , fa defcription, POSE 559« Bourbeufe (latortue) a cing doigts aux pieds de devant , & quatre aux pieds de derrière ; le doigt extérieur de chaque pied de de- TABLE vant eft communément fans ongle } page 120. Sa queue eft à-peu-près longue comme la moitié de la ca- rapace; elle la tient étendue lorf- qu’elle marche, Idem ; elle eft beau- coup p'us petite que la tortue ter- reftre, appellée la Grecque, p. 220: Sa carapace eft noirâtre; le difque eft garni de treize lames bordées de ftrices légères , foiblement poin- tillées dans le centre, & les cinq de la rangée du milieu, fe relèvent en arêtes longitudinales, page 220. La partie poltérieure du plaftron eft terminée par une ligne droite, Idem. Elle fait entendre quelque- fois un fifflemententrecoupé,p. 222. On la rencontre non - feulement dans les climats tempérés & chauds de l'Europe, mais encore en Afie, Id. On la trouve à des latitudes beau- coup plus élevees que les tortues de mer, Jdem. Dès les premiers jours du printems, elle pañle la plus grande partie du tems dans l’eau, page 222. Dans l'été, elle eft pref- que toujours à terre, Idem. Klle multiplie beaucoup, Idem. Elle ne ond fes œufs quà terre; elle les dépole dans un trou & les recou- vre de fable, page 222. Elle mar- che avec bien moins de lenteur que la tortue grecque, page 223. Brun (crapaud) , f4 defcription, page 590, fes habitudes, Idem. Brune (Raïine), fes caractères; page 560. C. Caramire. Defcription de ce Crapaud, & couleurs qu'il prefente, DE SUM:A pag 592. Ses habitudes, page 593. Callofité au bout de la queue de certaines Tortues Grecques, p. 256. Caméléon. Après qu'on a diffé- qu* un Caméléon, fon cœur palpite encore, p. 20. Propriétés fabuleufes attribuées à ce Lézard, page 338. Sa defcription , page 340. Confor- mation de fes yeux , page 342. Forme de fa langue, page 344. Manière dont les doipts de {es pieds font réunis, Zd. Ses habitudes natu- relles, page 346. Sa manière de fe tenir fur les branches des arbres, Id. I! fe fert de fa queue comme d’une cinquième main, Idem. Animaux qui le pourfuivent, page 347. Lenteur de fa marche, 14. Variétés de cou- leur qu'il préfente, page 349 © Juiv. Explication de fes changemens de couleur , page 352 Ë fiv. Manière dont il s'enfle & fe défen- fle, page 352. Il (le comme plu- fieurs efpèces de ferpents, p. 256. Il pond de neuf à douze œufs , Idem. Leur d:fcription , Idem. Pays habités par le Caméléon; va- rictés que cette efpèce préfente, page 358. Varièté du Camékon, décrite par M. Parfons, Idem. Cancers. On a vante les proprié- tés du Lézard gris contre les can- cers, les maladies de la peau, celles qui demandent que Îe fang foit épuré, &c. page 207. Cannelé. ( Bipède ) Defcription de ce reptile, envoyé du Mexique au Cabinet Roi, page 612 6 fiiv. Caouane (la) a été appelée Caret par plufieurs Naturaliftes, page 05. Elle furpafle en grandeur la Tortue TIÉNR) BUS G29 Franche, Idem. Elle en diffère par la groffeur de la tête, la grandeur de gueule, l'alongement & la force de la mâchoire fupérieure , page 96. Les bords de fa carapace paroifient dentés , Idem. Les écailles du milieu de fon difque fe relèvent en boffe, Idem. Le plaftron de la Caouane fe termine du coté de l'anus par une forte de bande un peu arrondie par le bout, page 97. Un des carac- tères diftinctifs de la Caouane, c’eit que les pieds de derrière, ainf que ceux de devant , font garnis de deux ongles aigus, Jd. La Caouane paroît fe plaire un peu plus vers le nord , que la Tertue Franche, Id. On la trouve très - fréquemment dans la Méditerranée, page 97. Elle eft plus hardie que les autres Tor- tues, page 98. Elle eft vorace, p. 99. Elle fe jette fur les jeunes Croco- dilles, Jdem.Sa chair eft huileu£e, coriace & d'un mauvais goût de marine, dem. On la fale quelquefois pour l'ufage des nègres, page 100. Û Lorfqu'on s'approche de la Caouane, pour la retourner,elle fe défend avec fes pattes & fa gueule; & ileft très- dificile de lui faire lâcher ce qu'elle a faïiavec fes mâchoires, p. 202. Carapace (la) &le plaftron font compolés de plulieurs pièces offeu- fes dont les bords font comme den- telés, & qui s'engrainent, les unes dans les autres, d'une manière plus ou moins fenfible; dans certaines efpèces, celles du plaftron peuvent fe prêter à quelques mouveinens, page 48. La carapace des grandes Tortues, a, depuis quatre jufqu'à F 630 TA cinq pieds de long, page 50. Ca- rapace des Tortues-franches , em- ployée à couvrir des maïifons, p. 82. Servant de nacelle, Id. Servant de bouclier, Idem. La Carapace de la Tortue-grecque , eft très-bombée, pag 146. Lorfque cette Tortue eft renverlée , elle peut aifément fe remettre fur fes pattes, Idem. Caret ( la Tortue) eft celle que Fon voit revètue de belles écailles qu'on, emploie dans le commerce, page 106. Il eft aifé de reconnoître le Carcet au luifant des écailles pla- cces fur fa carapace, & fur-tout à la manière dont elles font difpofées. Elles fe recouvrent comme les ar- doifes qui font fur nos toits, p. 206. On trouve le Caret dans les mers d'Âfe & d'Amérique. page 107. Il n'eft point aufli grand que la Tortue-franche, page 2 08.Ses pieds {ont quelquefois garnis chacun de quatre ongles, Idem. Ses œufs font plus délicats que ceux des autres efpèces de Tortues, mais fa chair n'eft ni agréable ni toujours faine, page 108. La Tortue-Caret fe dé- fend avec plus d'avantage que les autres Tortues lorfqu'on cherche à la prendre, page 109. Elle peut fe remettre fur fes pattes lorfqu'elle a Été retournée, Idem. Cayman. Les Caymans font abfo- lument de la même efpèce que les Crocodiles du Nil, page 184. On a prétendu que leur cri étoit plus foible , leur courage moins grand, & leur longueur moins confidéra- ble ; mais cela n’eft vrai tout au plus, que-des Crocodiles de cer- BED. . taines contrées de l'Amérique ; & particulièrement des cotes de la Guyane , Idem. La prétendue petite efpèce de Cayman eft celle d'un grand Lézard, que l'on nomme, Dragonne , page 185. Cerveau (le) des Quadrupèdes ovipares eft très-peu étendu, p. 244 Cervelle. Les Tortues grecques peuvent vivre pendant fix mois, après qu'on leur a enlevé la cer- velle, page 148. Chagrinée ( la Tortue) a été ap- portée des grandes Indes , p. 272. Elle eft très-xemarquable par la con- formation de fa carapace, qui ne refflemble à celle d'aucune Tortue connue , Idem. La couverture fupé- rieure paroït compofée de deux €arapaces placées l’une fur l'autre ; & dont ceile de deflus feroit plus étroite & plus courte , Idem. Def- cription de cette Tortue fingulière , Idem. Les bords de la carapace font cartilagineux & à demi tranfparens, page 272. Le plaftron eft plus avancé pardevant & parderrière que la couverture fupérieure, Zdern. L’ani- mal peut alonger facilement le cou, Idem. On peut préfumer que cette Tortue eft plutot d’eau douce que de terre, Idem. Chair ( la) des Tortues Fran- ches femelles, eft plus eftimée que celle des mâles, fur-tout dans le tems de la ponte, page 70. On fale, non-feulement la chair, mais encore les œufs & lesinteftins de la Tortue Franche ; cette nourriture eft très- employée dans les Colonies d’Amé: rique , page 72. La faveur de Ka NN PET DE SAMATISRES, chair du Crocodile doit varier beau- coup, fuivant l'âge, la nourriture, & l'état de l'animal, page 230. Chalcide. Defcription de ce Le- zard , page 445. Rapports de fa conformation avec celle de plufeurs ferpens, page 446. Chaleur (la) eft fi néceflaire aux Crocodiles, que non -feulement ils vivent avec peine dans les climats très-tempérés, mais encore que leur grandeur diminue, à mefure qu'ils : habitent des latitudesélevées, p.22 3. On les rencontre cependant dans les deux mondes à pluleurs degrés'au- dellus des tropiques, Idem. Chafè du Crocodile. Manière de prendre les Crocodiles, employée en Egypte, page 22%. Autre ma- nière en ufage dans le même pays, page 226. Chañle du Crocodile par les fauvages de la Floride, Idem. On dit quil y a des gens aflez hardis pour aller jufques fous le Crocodile , lui percer la peau du ventre , qui eft prefque le fn] endroit où le fer puifie pénétrer, Id. Claffès. La Nature a lié toutes les clafles d'animaux par un grand nombre de rapports, page 33. Couffément des grenouilles com- munes. Sa fréquence & fa mono- tonie , page 510. Cœur (le) des Quadrupédes ovi- pares n'a qu'un feul ventricule,p. 14. Lorfque le cœur des Grenouilles a été arraché de leur corps, il con- ferve fon battement pendant fept ou huit minutes , page 507. Coffre. La Tortue-Coffre paroît être la méme que la caouane, p. 204. 631 Coquillages. On trouve fouvent de très-grands Coquillages à demi- brifés par la caouane , page 102. Cordyle. Defcription de ce lézard & lieux où on le trouve, pag. 324. Cornu ( crapaud ). Sa defcrip- tion , page 604. : . Coromandel. Grandeur d'une Tortue grecque apportée du Coro- mandel, page 154. Delcription de cette Tortue , Idem & fuiy. Sa queue étoit terminée par une pointe d'une fubftance dure comme de la COFNE , pASE 145. Côtes. La plupart des falaman- dres, les grenouilles, les crapauds & les raines font dépourvus de Côtes, page 23. Cougars. Lorlque les Cougars rencontrent quelque gros croco- dile , cet énorme lézard plus vigou- reux qu'eux , les entraîne au fond de l'eau, page 227. Couleur de la chair des tortues franches, page 79. Elle varie fui- vant les individus, Idem. Couleur des crocodiles, page 202. Les cou- leurs du lézard gris font fujettes à varier, fuivant lâge , le fexe & le pays, page 301. Couleur de lait. Defcription de cette raine d'Amérique , page 467. Couleur de feu. Sa deltcription , P:595. Endroits où on le trouve, Id, Ses habitudes, Idern. Il paroït faire la nuance entre les crapauds & les grenouilles, page 596. Courage. Si le crocodile n'a pas la cruauté des chiens de mer & de pluleurs autres animaux de proie, avec lefquels ila plufeurs rapports, 632 & qui vivent comme, lui au milieu des eaux, il n’a pas la fierté de leur courage , page 222. Pline a écrit qu'il fuit devant ceux qui le pour- fuivent, qu'il fe laife même gou- verner par les hommes affez hardis pour fe jeter fur fon dos, & qu'il n'eft redoutable que pour ceux qui fuient devant lui , Idem. Il fe pour-. roit que les crocodiles de certaines contrées de l'Amérique , où l'hu- midité l'emporte fur la chaleur, euflent moins de courage & de force que les animaux qui les repréfentent dans les pays fecs de l’ancien Con- tinent , {dem. Courte - queue (la tortue) fe trouve à la Caroline, page 269. Sa defcription , Idem. Elle n'eft pas abfolument fans queue, Idem. Elle devient aflez grande, page 170. Crapaud commun. Sa defcrip- tion, pages 572 & Juivantes. Hu- meur laiteufe qui découle de fon corps, page #72. Ses habitudes , page 573. Tems de fes amoure; page 575. Manière dont il s'acçou- ple & dont fes petits fe dévelop- pent ,pages 576 & füivantes. Gran- deur à laquelle il peut parvenir, page 580. Crapaud devenu fimi- lier, page 482. Les crapauds com- muns ont été employés en méde- cine , page 684. Le crapaud com- mun peut vivre jufqu'à dix-huit mois fans prendre aucune nourri- ture, page 585. Créte-écailleufe, différence de fa forme & de fa poltion dans di- verles efpèces de lézards, p. 249, Criard. (crapaud') Caraéteres dif- FTUIPI\E tindtifs de cette efpèce , page 602: Crocodile. On à vu des croco- diles demeurer, près d’un an , privés de toute nourriture, page 27. Le crocodile fréquente , de préférence, les rives des grands fleuves, dont les eaux furmontent fouvent leurs bords, page 122. Il fe plaît , fur- tout dans l'Amérique méridionale , au milieu des lacs marécageux , & des favanes noyées , page 123. Il lie les lézards, avec les tortues de mer , paï une grande partie de fes habitudes & de fa conformation, page 181. On rencontre beaucoup de contradiétions, tant fur la forme que fur la couleur, la taille, les mœurs & l'habitation de ce grand Quadrupède ovipare , page 182. Les Voyageurs lui ont rapporté ce qui ne convenoit qu'à d'autres grands lézards , très-difiérens par leur conformation & leurs habi- tudes, Idem. Tous les vrais croco- diles ont cinq daïgte aux pieds de devant, quatre doigts palmés aux pieds de derrière, & n'ont d'ongles qu'aux trois doigts intérieurs de chaque pied , page 283. On ne doit compter que trois efpèces parmi ces énormes animaux, Idem. Les cro- codiles de la Louifiane font enten- dre une forte de mugiflement, pour le moins aufli fort que celui des crocodiles de l'ancien Continent, quils furpañlent quelquefois par leur grandeur & leur hardiefie , page 184. La grandeur & les habi- tudes du crocodile varient dans les deux Continens, fuivant la tempéra- ture , l'abondance de la nourriture, le plus DES MATIÈRES. 633 le plus où moins d'humidité, &c. page 185. Le crocodile ordinaire eft commun aux deux Mondes, Jdem. Les très-grands lézards que Dam- pier a voulu regarder comme une nouvelle efpèce de crocodiles, font de l'efpèce des lézards que l’on a nommés Fouette-queues, p. 186. La Nature a abandonné au crocodile les rivages des mers & des grands fleuves des zones torrides, p. 188. Il l'emporte en grandeur fi tous les animaux de {on ordre, p. 289. Il doit être compté parmi les plus grands animaux, Idem. Defcrip- tion de quelques parties intérieures des crocodiles, page 202. Gran- deur ordinaire des crocodiles, page 203. Principales dimenfons d'un crocodile , page 204. Manitre dont les crocodiles fortent de l'œuf, page 208. Leur grandeur lorfqu'ils brient leur coque, Idem. Le croco- dile eft très-aviie de poitlons, d’oifeaux de mer, de tortues, p. 214. Il sélnce aufi fur les beliers , les cochons & mêne fur les bœufs, Idem. Si la faim le prefle, il dévore même les hommes, & fur-tout les Negres fur lefquels onaécrit qu'il fe jette de prefe- rence, Idem. C'eft dans l’eau qu'il jouit de toute faforce, & si fe remue avec agilité, malgré fa lourde mañe , en failant ouvent entendre une efpèce de murmure fourd & confus , page 214. ÂAriftote a dit que , pour l'apprivoifer, il fufüfoit de lui donner une nourriture abondante , dont le défaut feul peut le rendre très - dangereux, Ovipares, Tome L page 222 Les MNègres , des environs du Sénégal, olent lat- taquer pendant quil eft endormi, & tâchent de le furprendre dans des endroits où il n’a pas aflez d'eau pour nager, page 224. Leurs combats avec le crocodile, Idem. Sans legrand nombre de leurs ennemis , les crocodiles feroient trop multipliés , page 227. Un grand nombre de crocodiles font détruits avant d'éclore, page 229. Des animaux trop foibles pour ne as fuir à l'afpeét de ces grands ézards, cherchent leurs œufs fur les rivages où ils les dépofent , Idem. S Crocodile noër. Ses différences avec le crocodile ordinaire, p.233. Pays qu'il habite, page 234. Crocodilea. Excrémens du Stel- lion, page 372. D. Devrezér (la tortue) n'eft con- nue que par ce qu'en 2 rapporté M. Linné, page 263. Sesdoigts fe réuniflent de manière à former une patte ramaflée & arrondie , comme celles de beaucoup de Tortues ter- reltres , Idem. La couverture fupé- rieure a un peu la forme d'un cœur , Idem. Les bords en font dentelés & comme déchirés, Jdem, La couleur de fes écailles eft d’un blanc fale , Idem. On la trouve en Virginie, Idem. Dents. Forme & nombre des dents de la Dragonne, page 246, Qn à pu les prendre pour des dents L111 634 : TABLE : ‘ de petits Crocodiles , page 246. de domefticite, page 40. La tortue Dépouillement.'Vousles Quaäru- bourbeufe devient comme domef. | pèdes ovipares, excepté les tortues tique , page 223. On fait aïfément _\& les crocodiles, quittent au prin- un animal domeftique, de ia tortue temms leur vieille peau , qui eftrem- grecque, page 140. placée par une nouvelle, prge 28. Dorninateurs (les quatre grands} Quelques-uns la quittent auïli plu- des eaux , des rivages, des déferts,' fieurs fois pendant l'été des contrées & de l'air réunifient, à la fupériorité temmpérées , page 29. Desanivaux de la force, une certaine douceur . d'ordres très-difiérens des Quadru- dans Pinftin@, page 192. pèdes oviparès , éprouvent aufli Doré. (Lézard) Sa defcription. chaqueannée, & mème à pluñeurs p. 38%. Lieux quil habite, p. 386. époques » une,elpèce de dépouille- Ses habitudes , page 387. ment.…..'"On peut particulièrement Double-Raie. Cara@tères diflinc- le remarquer dans les ferpens, dans tifs de ce lézard d’Afie, page 408. certains añimaux à poil, & d:n5 les Dragon. Sa delcriptien, p. 450. oifeaux ; les infectes & les vég'taux, © /uiy. Habitudes de ce lézard, font fujets auf à une forte de mue, pag 452. Il paroït qu'on ne doit page 30.1ans quelques étrés qu'on en compter qu'une efpèce , p. 454 remarque une forte de dépouille- Dragonne.Sa defcription, p.243 ent, il faut toujours l'attribuer au Éüiy. Principales dimenfions d'un défaut d'équilibre entre les mouve= individu de cette efpèce , p. 245: mens intérieurs & les caufes exter- Ses habitudes , page 247 6 Jui. nes, page 31. Bon goût de fa chair, page 240. Développement. Les tortues fran- Durée de la vie. Les Quadrnpèdes ches n'attcignent à leur entier dé< ovipares vivent en général très-long- veloppément qu'au boût de vingt tems, page 40. Les tortues bour- ans ou environ, page 82. Dars beufes parviennent queïquefois juf refque tous lés Animaux , le déve- qu'à l'âge de quatre-vingts ans & Fi pbédlent eft plus grand dns les plus, page 123: Des tortues grec- préimiers tems de leur vie, p.222. ques ont vécu plus de foixanteans, Difque. Le milieu de la carapace page 150. des tortues s'appelle difque. Il eft le E. plus fouvent couvért de treize cu . j quinze écailles placées fur trois Ecsrrieyrrre (la Tortue) Yangs , PALe 49: ef plus petite que la tortue franche’, Divifions. Nombre & caractères p.03. Ellehabite prefque tous les ri des Divifions établies dané le genre vages chauds du nouveau monde , des lézards, page 278 & Juiy. tant en deçà qu'au-delà de la ligne’, Domeficité. Vlulieurs Quadru- Jde. Sa chair & ‘les œufs font bèdés ovipares prélentent une forte très-bons à manger, page 94: > € DES €MATIERES,. *Ecailles (les) destortues tombent quelquefois, page 49. Les écailles de Ja Caouane font prefque de nuile va- leur , page 98. Elles font prefque toujours gâtées par une efpèce de gale, Idern, Les écailles de la tortue caret ont perdu de leur valeur de- puis la découverte du nouveau monde, page 106. Elles réuniffent à une demi-tranfparence l'éclat de certains criftaux colorés , & une foupletie que l'on a eflayé , envain, de donner au verre, page 206. Elles pèlent quelquefois toutes enfemble de fept à huit livres, page 209. Coulcurs d: celles que l'on eftime le plus, Idem. Manière de les fa- conner , Idem. Les écailles qui couvrent le ventre du lézard gris & des autres lézards compris dans la troilième divilion , forment des bandes tranfverfales, page 301. Engourdiffément. Lorlque les Quadrupèdes ovipares forit engour- dis, leur torpeur eft fi prande qu'ils ne peuvent être reveilles par aucun bruit, ni même par des bief- fures , page 24. Lorfqu'il furvient un peu de chaleur pendantl'hiver, ils font plus ou moins tirés de leur état d'engourdiflement, page 25: La qua- lité de leur nourriture, peut les préferver de l'engourdiilement an- nue, page 26. Leur torpeur dure quelquefois plus de fix mois , Id. La mafle totale de leur corps ne erd aucune partie très- fenfble de fubftance, pendant leur longue torpeur ,p.27. La tortue bourbeufe s’engourdit l'hiver , même dans les pays tempérés, C'eft à terre qu'elle 635 demeure pendant fa torpeur , page 227. Elle creufe un trou dans lequel elle feicache, Idem. Aux latitudes! un peu élevées, les tortues grecques paflent l'hiver dans des trous fouter- rains, qu'elles creufent même quel- quefois, &oùelles font plusou moins engourdies , fuivant la rigueur dela failon, page 150. Il paroît que les crocodiles qui vivent près de l’équa- teur ,ne s'engourdifient dans aucun tems de l'année, page 278. Ceux qui habitent vers les tropiques, ou à des latitudes plus élevées, fe re- tirent lorfque le froid arrive, dans des antres profonds auprès des ri- vages, & y fônt, pendant l'hiver, dans un état de torpeur , Idem. Il paroît que les crocodiles du Nil, qui étoient les mieux connus des Anciens , s'engourdifloient pendant la faifon du froid , Idem. Ennernis du Crocodile. L'homme n'eft pas le feul ennemi que le Cro- codile ait à craindre, page 226. Les tigres en font leur proie, Tdem. L'hippopotame le pourfuit, Idern. Les cougars détruilent un grand nombre de crocodiles , p.2e7. Is attendent en embufcade les jeunes Caymans fur les bords des grands fleuves, Idem. “ Epaule armée { Grenouille ). Sa defcription, page 539. Efchyle. Mort fingulière du poëte Efchyle, qui fut tué, dit-on, par le choc d'une tortue , qu’un aigle laïfla tomber de-très- haut fur fa tête nue, page 168. Efpadons. Knnemis des tortues franches, page 74. Lil ÿ 636 Etangs. On doit empêcher la tortue bourbeufe de pénétrer dans les étangs, & dans les autresendroits habités par les poifons dont elle fe courrit , page 124. SE Fécowprré. Les Quadrupèdes ovipares font très-féconds, & les grandes efpèces de ces animaux font quelquefois bien plus fécondes que les petites, page 36. Flüteufe ( Raïîne). Sa defcription, page 562. Fole. Defcription de la Fole, page 14. Manière de foler les tor- tues franches fur les cotes de la Guiane , Idem. Tems de foler les tortues, page 74. … Force ( très-grande ) des tortues franches. Elles peuvent porter plu- fieurs hommes fur leur dos, p. 78. Formes. La Nature diftribue aux différentes efpèces , & combine, de toutes les manières, toutes les formes & toutes les propriétés, comine fi elie vouloit ,en tout, épuifer toutes les modifications, page 31. Fouette - queue. Ses caraëtères diftinétifs, & fa delcription, p. 240 & Jüuivantes , pays où on le trouve, page 241. Froid. Lorlque le froid devient trop rigoureux , Ou dure trop long- tems, les Quadrupèdes ovipares en- gourdis périflent , page 26. G. Guiiore. Defcription de ce Kzard , page 292, Contrées où on TAPIE le trouve, page 29 3. Habitudes de ce lézard, Idem. Galonné. ( Lézard ) Sa defcrip- tion, page 335. Varité de cette efpèce , page 336. Galonnée.( Grenouille) Sa def- cription , page 549. Variété de cette efpèce, Idem. Gavyial. Sa defcription, p. 234 € füuivantes. Principales dimenfions. d'un individu de cette efpèce , page 236. Grandeur du Gavül , page 2 37. Efpèce de poche obfervée dans un individu de cette efpèce , par M. Edvards, page 238. Gecko. Ce lézard paroît très- venimeux, page 414 © füivantes. Sa defcription, Idem. Pays où on le trouve , page 416. Ses habi- tudes , Idem. Il rend un fon fingu- lier , page 418. Geckotte. Différences de ce lézard avec le Gecko, page 421. Pays où on le trouve , page 422. Ses habi- tudes , page 423: Géométrique (la tortue) a beau- coup de rapports avec la grecque, P- 257. Sa delcription, Id. © jui. On la trouve en Afie, à Madagafcar, dans l'ile de l'Afcenfon , au Cap de Bonne - Éfpérance , page 158. Nombre de fes œufs, Id, Varictés de cette tortue, Îdem. Glote. L'ouverture de la glote eft très- étroite dans les tortues franches, ainfi que dans les tortues de terre , page 76. : Goitreux. ( lézard ) pays qu'il habite , page 402. Ses caraétères diftinétifs , Id. Ses mœurs , {den © /üivantes. DES MATIÈRES Goftreuæ. ( crapar:d ) Ses carac- tères dittinctifs , p. 598. randeur ( la) des Kzards varie is L: longueur de deux ou trois s , jufqu'à celie de vingt-lix, ou mème trente pieds, page 176. Giecque ( la tortue ) eft très- commune en Grèce & dans plu- fieurs contrées tempérées de l'Eu- rope, page 142. On la rencontre dans les bois & fur les terres éle- vées, Idem. Tout le monde a parlé de fa lenteur , Idem. Ses mouve- mens font cependant quelquefois allez agiles , page 243. Sa del- cription, Idem & fuivantes. Carac- tère extérieur qui dittingue le mâle d'avec la femelle, p. 246. Elle a une très-grande force, p. 247. Ses mâchoires font très - vigoureules, ‘& peuvent encore claquer demi- heure après que la tête de l'animal a été coupée , Idem. Expérience de François Rédi , relativement aux toïtuies precques , page 247 € Juiy. Grenouilles ( les } ne meurent pas tout de fuite , quoiqu'on leur ait arraché le cœur, p. 20. Grenouilles communes. Leur atti- tude ordinaire, page 505. Leur élaf- ticité , leur force pour s'élancer , Id. Leurs couleurs, p. 506. Leur gran- “deur ordinaire, page 507. Leur ali- mens , page 509. Leur voracité , Id, Tems de leur engourdiflement , P. 512 On peut les tirer de leurétat. de torpeur, page 523. Fréquence de leur dépouillement , p. 524. Leur accouplement, page’ 515. Manière dont feurs œufs font pondus & 637 fécondés , page 516. Forme & déve- loppement de leurs œufs , p. 517e Changemens qu'elles fubifent avant de devenir adultes, Idem. Grijon. Defcription du lézard grifon, page 363. H. Tasrrupes (les) des Quaz drupèdes ovipares iont, en général, affez douces, page 32. Celles des lézards font aufli diverlfiées que leur conformation extérieure , age 177. 2 Hi La tortue nommée Hé- cate, par Brown, doit être rap- portée à la tortue géométrique , page 149. Elle eft très-commune à la Jamaique, Idem. Hexagone. Sa defcription, p. 327: Huile. On retire quelquefois de la graifle d’une grande tortue fran- che, jufqu’à trente-trois pintes d’une huile jaune ou verdâtre, page 72. L'huile que l’on retire des caouanes eft fort abondante, page 200. Elle eft bonne à brüler, & à enduire les vaifleaux, Idem. Humidité. L'humidité nuit aux animaux les mieux organilés ; elle eft favorable au contraire À ceux dont l'organifation eft moins par- faite , page 17. J. Jacxrr. (Grenouille ) Sa defcrip- tion, page 547. Sa prétendue méta- morphole, Idem. Jaune ( la Tortue ) n'a point 638 TA VBNRNE | encore été décrite, page 125. Elle parvient ordinairement à une gran- deur double de celle des tortues bourbeufes, 14. Sa defcription, Id. Lorfqu’elle va s'accoupler, elle fait entendre un petit cri d'amour , page 136. On ne la rencontre pas feulement en Amérique, mais on la trouve encore dans l'ifle de Af- cenfon, ainfi qu'en Europe, Ia. Touane. Contrée où on le trouve en très-grand nombre , page 267: Ses caractères diftinctifs, page 270. Defcription de ce beau lézard, p-271. Principales dimenfions d'un Tguane , Id. Ses habitudes, p. 274. Ses amours , Idem. Ses alimens , P: 276. Endroits où il fe retire, Id. Manière de le prendre , page 277. Il eft fufceptible d'une forte de domefticité, page 279. Pays habités par les Iguanes, page :82. Imagination. C'eft fouvent parce que nous manquons de connoif- fances , que l'imagination la plus bizarre, nous paroïît allier des formes & des qualités qui ne doivent pas fe trouver enfemble, page 34. Infeétes. Les Tortues bourbeufes délivrent les jardins des Infectes nuifbles , p.223. La tortue grecque détruit beaucoup d’Infeétes , p. 250. L. Lance. DpoiGT. Caractères dif- tinctif de ce lézard , p. 263. Con- trées où on le trouve, JIdern. Légèreté fpécifique (la) destortues franches eft très- voiline de celle de l'eau, p. 76, Lézard dont Séba a donné la def cription, & qui a beaucoup de rap- portsavec la Téte-plite,p. 431. Lézards. Le genre des Lézards eft le plus nombreux de ceux qui compolent l'ordre des Quadrupèdes ovipares , page 176. On doit en compter cinquante - fix efpèces , toutes difitrenciées par leurs habi- tudes naturelles, & par leurs carac- tères exterieurs, page 276. On peut diftinguer facilement les Lézards, d'avec les autres Quadrupèdes ovi- pares, parce qu'ils ne font pas cou- verts d'une carapace comme les tortues , & parce quils ont une queue, tandis que les grenouilles, les raines & les crapauds n'en ont oint, Idem. Leur corps eft revêtu d'écailles plus où moins fortes , ou de tubercules plus ou moins fail-' lans ,; Idem. Lézard bleu (le) d'Edwardsdoitètre regardé comme un Agame, p. 297. Lézard gris. Ses babitudes, page 209 © fuiy. Sa defcription, p. 300, C'eft principalement dans Les pays chauds que le Lézard gris eft très- agile , Id. Il fe nourrit de mouches, de grillons , de fauterelles , de vers de terre, de prefque tous les Infeétes qui détruifent nos fruits & nos grains, page 304. Il fe dépouille comme les autres Lézards, p. 306, Il éprouve , pendant l'hiver , un en- gourdifiement plus ou moins grand fuivant le climat qu'il habite, Idem. Il ne conferve pas toujours la dou: ceur de fes habitudes, Idem. Onen a fait ufage en médecine , P: 307- Légard vert. Beauté de {es cou- DES feurs ; page 320. Sa defcription , Idem © Juivanres. Longueur à laquelle il parvient, page 311. Ses habitudes, page 312 © juivantes. Lion, (Lézard) Defcription de cette efpèce que. l'on trouve à la Caroline, page 333 Longueur. On devroit compter vingt -fix mois d'âge pour chaque vingt pouces que l'on trouveroïit dans la longueur des grands croco- diles , fi leur accroifiement fe failoit toujours fuivant la même propor- ton , PAGE 211. Luth ( la Tortue } furpaffe ques quefois par fa longueur, les plus grandes tortues franches, PENSE. On la trouve dans la Méditerranée; elle s'avance peu dans la mer Adria- tique , & très-rarement jufquà la mer Noire, page 1122. Elle na pas de plaftron apparent, Id. Sa cara- pace eft terminée parderrière en pointe très-aigue, Idem. Elle n'a point d’écailles ; elle eft couverte en entier d'une foïte de cuir dur & noir, 1dem. On la trouve fur les côtes du Pérou, du Mexique, & fur la plupart de celles d’ Afrique qui font fituées dans la Zone Tor- ie > PAgE 114. M. Masoura. Caraêtères diftinc- tif de ce lézard, page 378. Ses habitudes, p. 387. Contries qu'il habite, page 282 C füivantes. DMachine ( ‘h) animale ne peut conlerver du certain temps , les mouyemens. intérieurs qui lui ont MATIÈRES. 639 été communiqués ; P18€ 26. MAchoire ( la ) fupéricure des tortues, recouvre la mâchoire infé- rieure , page 48. La mâchoire fupérieure du caret avance afez fur l'infrieure , po que le mufeau ait une forte de reflemblance avec le bec d'un oifeau de proie, page 107. Mc ir inférieure du Croco- dile, (la) eft feule mobile, p. 294. ne ( les ) du crocodile ont quelquefois plufeurs pieds de longueur, page 292. Leur defcrip- tion, ldem. Marbré. ( Lézard ) Pays où on le trouve, page 394 Sa defcrip- _tion, lderm. Marbré. ( Crapaud) Sa defcrip- tion, page Co7. : Marmottes. Les Marmottes, les loirs, les chauve-fouris, leshérifions, ne ceflent de relvirer, quoiqu'en- gourdis par le froid , page 2 Matières bruies ( 1 durée des) doit toujours être très - longue, page 2° Migrations des tortues franches, page 85. La caouane voyage plus que les autres tortues; on de ren- . contrée à plus de huit cens lieues de térre , page 200. Moll: (la Tortue) eft la plus sis Ne Tortues d’eau ee page Elle fe trouve dans les rivières ae Sud de la Caroline, ainf que dans la Floride orientale , 74. Elle pèle nos) jufqu'à 70 liv. Idem. Sa delcription ; page 1238 & Roses Elle à beaucoup de force ; elle eft farouche, & s'élance 640 fouvent avec furie contre fon enne- mi, page 140. Sa chair eft très- délicate, Idem. On peut préfumer qu'elle fe trouve dans l'Amérique méridionale, Idem. Monffruofités. Tortue à deux têtes, & très - petit lézard à deux têtes & deux cous bien diftinés, age 28. " ue Grande larve , page 611. Mugiffante. ( Grenouille )p. 542. Ses habitudes, page 542. Force de fon coaffement , page 543. Variètés de cette efpèce, Idem. Mugiffèment. Dans la Caroline, les crocodiles fortent de eur en- gourdiflement, en faifant entendre des mugifiemens horribles qui reten- tiflent au loin, page 219. Dars la Louiliane , le cri de ces animaux n’eft jamais répété pluleurs fois de fuite, mais leur voix eft aulli forte que celle d’un taureau, Idem. Les crocodiles qui font en grand nombre dans la rivière de Gambie, en Afri- que, & que les nègres appellent Bumbos , y poullent des gris que l’on entend de fort loin; l’on diroit que ces cris fortent du fonds d'un puits, Idem, : Multiplication des tortues fran- ches, page 84. Muje. Il paroït que prefque tous les Européens qui ont voulu manger de la chair du crocodile, ont été rebutés par l'odeur de mufc dont elle eft imprégnée, page 229. Mufique. Dans les contrées de la Grèce , ou dans les autres pays fitués fur les bords de la Méditer- TABLE. rante , les inventeurs de la mulique choilirent la carapace d'une tortue luth, pour former la premièrelyre, page 126. N. Nasicorwer. Il eft aifé de diftin- guer la tortue Naficorne, par un tubercule d’une fubftance molle , qui s'élève au-deflus du mufeau, & dans lequel les narines font pla- cées, page 103. La Nafcorne fe trouve dans les mers du nouveau continent, voilines de l'équateur, Idem. Elle à moins de rapports avec la caouane, qu'avec la tortue franche, {dem 5 Nature. Ses effets font fans nom- bre, mais non pas les caufes qu'elle fait agir, page 43. Elle n'emploie qu'un petit nombre de puillances \ pour mouvoir les corps, p. 44 Noirätre. (tortue) Delcription de fa carapace & de fon plaftron, page 175. Il n'en eft fait mention dans aucun des Naturaliftes, ni des voyageurs dont les Ouvrages font le plus connus, Ze, Noms. En Hüiftoire Naturelle, -lorfque les noms font les mêmes, on neft que trop porté à c:oire que les cbjets fe reflemblent > P. 107. Nuances. Une dégradation {uccef- five de nuances diverüfées à l'infini, eft le fceau dont la Nature marque fes ouvrages, page 32. OO: Or u R. Prefque-tous les Qua- drupèdes ovipares répandent une odeur Ne DES MATIÈRES. odeur forte; qui ne diffère pas bzaucoup de celle du mufc, & qui eft moins agréable, p. 40. L'odeur de mufc, que la plupart des tortues répandent , eft exaltée dans la caouane au point d'être fétide , Page 99: Œufs. Les Quadrupèdes ovipares abandonnent leurs œufs après les avoir pondus ; la plupart choilifent la place où ils les dépolent ; quel- ques-uns , plus attentifs , la prépa- rent & l'arrangent , ils creufent même des trous où ils les renfer- ment , & où ils les couvrent de fable & de feuillage , page 37. Les œufs des très - petits Quadrupèdes ovipares ont à peine une demi-ligne de diamètre, tandis que les œufs des plus grands ont deux ou trois pouces de longueur, Idem. L’en- veloppe des œufs des crocodiles & de quelques grands lézards eft d’une fubitance dure & crétacée , mais celle dec ænfs des autres Quadru- pèdes ovipares eft molle & fem. blable à du parchemin mouilk , page 38. L’ardeur du foleil & de Fatmofphère fait éclore les œufs des Quadrupèdes ovipares , Idem. Les œufs des tortues franches font ronds , de deux ou trois pouces de diamètre, & la membrane qui les recouvre , reflemble à du parche- min mouillé , page 64. Elles les couvrent d’un peu de fable, mais cependant aflez légèrement pour que la chaleur du foleil puifie les fire éclore , page 66. Forme des œufs de la tortue molle, p. 240. Nombre des œufs de la tortue Ovipares, Tome I. Gat grecque , page 151. Nombre & forme des œufs de l'iguane, pige 275. Grolisur des œufs du lézard gris, page 305. Œufs du Crocodile. Indépendam- ment du témoignage des voyageurs, on auroit dû refuler de croire ce que dit Pline du crocodile mâle, qui, fuivant ce grand Naturalife, couve ainfi que la femelle, les œufs qu'elle a pondus, page 200. La mangoulte , les finges, les fagouins, les fapajous & plufeurs efpèces d’oileaux d’eau, fe nourriffent avec avidité des œufs du crocodile , & en caflent même un très - grand nombre en quelque forte pour le plaifir de fe jouer , page 229. Les œufs du crocodile , ainfi que fa chair , fur-tout celle de la queue & du bas-ventre fzrvent de nourriture aux nègres de l’Afrique, ainf qu'à certains peuples de Flinde & de l'Amérique, Idem. Ongles (les) de la tortue grec- rie & des autits tortues terreftres ont communément plus émouffés que ceux des tortues d'eau douce, Page 14%. Orangée.(Raine) Sa defcription , . page 564. Orfraie. Les grands aigles de mer, nommés Orfraie , emportent une tortue de terre du Cap, au plus haut des airs, d’où ils la laifient tomber à plufeurs reprifes fur des rochers très-durs ; la hauteur de [a chûte produit un choc violent, qui brife la carapace & laifle la tortue en proie aux aigles , page 267. M nm m GC42 P. Parre-p'orr. ( Grenouille } Sa defcription , page 538 Paties ( les ) de derrière des lézards, font plus longues que celles de devant, page 177. Peau. Lorique les Quadrupèdes mue quittent leur vieille peau, ils font plus timides, & fe tiennent cachés jufqu'à ce que la nouvelle foit fortifiée par de nouveaux fucs & endurcie par les impreflions de Fatmofphère, page 32. Perlée. (Grenouille) Sa defcrip- tion , page 445. Varièté de cette efpèce , Idem. Pétrifications de crocodile, trou- vées en Thuringe , page 224. En Angleterre, Idem. Phalanges (les) des doigts font au nombre de quatre dans plufeurs lézards , ainfi que dans pluñeurs cfpèces d’oifeaux , page 177. Pipa. Defcription du mâle de cette efpèce de crapaud , p. 6on- Defcription de l fille, p. Go. Manière remarquable dont les fœtus de cet animal fe développent & éclofent, page 601. Plaftron ( le } des tortues eft couvert de douze ou quatorze écailes dans certaines efpèces & de vingt-deux ou vingt-quatre dans d'autres, page 49. Plfé. Defcription du Lézard Pliié, page 364. Poids (le) total des grandes tortues marines excède ordinaire ment huit cens livres. Dans les petites efpèces d’eau douce ou. de TABLE terre, il eft quelquefois au-deflous d’une livre, page 50. Les Tortues franches peuvent fe rendre plus ou moins pefantes , en recevant plus où moins d’air dans leurs poumons, page 77. Le poids qu'elles peuvent fe donner n'eft cependant pas très= confidérable, Idem. Poiffons. Rapports des tortues franches avec les poiflons, p. 82. Ponéluée. (Salamandre ) Sa def. ” cription , page 492. Ponte. Les tortues franches pré fèrent pour leur ponte les fables dépourvus de vale & de corps marins, page 65. Elles creufent avec leurs nâgeoires, & au-deflus de l'endroit où parviennent les plus hautes vagues, un ou plufieurs trous d'environ un pied de largeur, & deux pieds de profondeur , Idem. Elles y dépofent leurs œufs au nombre de plus de cent, Idem. Les Tortues franches font plufeurs ontes éloignéee lune de Pautre ; 4 quatorze jours ou environ , & de trois femaines dans certaines contrées, page 66. Elles choifffent le temps de la nuit pour aller dé- pofer leurs œufs fur le rivage, Id. Elles traverlent quelquefois deux ou trois cens lieues de mer pour phone au rivage où elles trouvent e plus de facilité pour leur ponte, page 67. Le temps de la ponte des tortues franches varie fuivant les pays, page 69. Nombre des pontes du crocodile,p. 206. Nombre des œufs à chaque ponte, 14. Endroit où la femelle dépofe fes œufs, p. 207. Porte-créte (le Lézard ) habite DESNMATIFRES. dans l'ile d'Amboine, & dansl'ifle de Java, p. 287. Sa defcription, Id. € fuivantes. Crète remarquable qui le diftingue, page 287. Différences du mâle avec la femelle ,p. 289. Habitudes du Porte-crète, Idem © Jüivantes. Lieux où on le trouve, page 290. Sa chair a une faveur fupéricure à celle de l'Iguane, p.297. Pouce. Dans la plupart des lézards, le doigt extérieur eft féparé des autres , comme une efpèce de ouce , tandis qu'au contraire, dans es Quadrupèdes vivipares, le doigt qui reprefente le pouce eft le doigt intérieur, page 177. Pufluleux. ( Crapaud ) Sa def- cription , page 597- Pyramides. On renfermoit reli- gieufement en Égypte les cadavres des crocodiles dans de hautes Pyra- mides auprès des tombeaux des rois, P- 232. ©. Quapruriprs ovipares (les) approchent de très-pres des plus nobles & des premiers des animaux, age 2. Leurs petits viennent d'un œuf, {dem. Ils ne font point cou- verts de poil, Id. Ils ne doivent pas être appellés reptiles , Idem. Les efpèces des Quadrupèdes ovipares ne font pas en aufli grand nombre que celles des autres Quadrupèdes, page 3. Tous les Quadrupèdes ovi- pares {e reflemblent entr'eux & dif- ferent des autres animaux par des caractères & des qualités remarqua- bles, page 6. Le plus grand nombre des Quadrupèdes ovipares ont des 643 yeux affez faillans & aflez gros rela- tivement au volume de leur corps, page 7. Ils apperçoivent les objets de très-loin, Idem. Ils ont prefque tous, les yeux garnis d'une mem- brane clignotante comme ceux des oïfeaux, Idem. La plupart de ces animaux jouiflent de la faculté de contracter & de dilater leur pru- nelle, Idem. Le fens de l’ouïe des Quadrupèdes ovipares, doit être plus foible que celui des vivipares & des oïfeaux , page 8. Ils n’ont point d'oreilles extérieures , Idem. Leur oreille intérieure eft plus Que que celle des vivipares, Idem. La plupart de ces quadrupèdes font pref- quetoujours muets ,oune fontenten« dre que des fons défagréables, p. 9. Leur odorat n’eft pas très-fin, 14. Quelques-uns répandent une odeur aflez forte, page 10. Le fiège de lodorat eft très-peu apparent dans la plupart de ces animaux , Idem. Leurs narines font très-peu ouvertes, Mais leo nerf qui y aboutiflent , font d'une grandeur extraordinaire dans plufeurs de ces Quadrupèdes, Id. Le fens du goût eft foible dans plu- fieurs de ces animaux, Zdem. Leur toucher eft très-obtus , Idem. Leur fang eft moins chaud que celui des vivipares & des oifeaux , p. 22. Il eft aufli bien moins abondant , 14. Il peut circuler fans pañler par leurs poumons , Idem. -Il eft plus épais & ne coule pas aufli vite que celui des vivipares, page 13. Leur charpente offeufe eft plus fimple , Idem. Leur conduit inteftinal eft plus court que celui des vivipares , page 14. Leurs M m mm i] 644 Te AU BIRE excrémens,tant liquides que folides, aboutiffent à une efpèce de cloaque commun , Idem. Les principes du mouvement vital font plus fimples dans ces animaux , que dans les dé 5 HET ser vivipares, p. 24. L'humidité, aidée de la chaleur, fert à leur dévelop- pement, p. 46. Lis font fupérieurs à de grands ordres d'animsux,p. 28. Leur nature eft, pour ainf dire, mi-partie entre celle des plus hautes & des plus bafles clafles des êtres vi- vans, elle montre les relaticns d'un grand nombre de faits importans, Idem. Le féjour de tous les Quadru- pèdes ovipares n’eft pas fixé au milieu des eaux, Idein. Pluñeurs de cesani- maux préferent les terreins fecs & élevés ; d’autres habitent dans des creux de rochers, ou au milieu des bois ; prefque tous nagent & plon- gent avec facilité , Idem. Ils ont êté appellés amphibies par plufeurs Naturaliftes, dem. Ils périflent faute d'air lorfqu'ils demeurent trop long-tems fous l'eau, pag 29-Ce n'eft que pendant Jeur état de tor- peur quils peuvent fe pañer pen- dant très-long-tems de refpirer , Id. Us peuvent être privés de parties allez confidérables , telles que leur queue & leurs pattes, fans cepen- dant perdre la vie; quelques-uns d'eux les recouvrent, Zdem. Leur {5 ème nerveux n'eft pas auffi lié que celui des autres Quadrupèdes, p. 20. Leurs vaieaux fanguins ne 'com- muniquent pas entr eux autant que ceux des vivipares , page 22. Ils peuvent fe pafler de manger pen- dant un tems très-long , Idem. Animés par une moindre chaleur ,ils n'éprouvent point cette grande def- fication qui devient une foif ar- dente dans certains antmaux, [bid, A mefure que les individus & les variètés d'une même efpèce habitent un pays plus éloigné de l'équateur, plus élevé ou plus humide, & par con- féquent plus froid , leurs dimen- fions font beaucoup plus petites, page 23 Quadrupèdes ovipares qui n'ont point de queue. Leurs caractères généraux & diftinctifs , ainh que leurs divers genres, page 498 & Juivantes. La manière de fe dève- lopper de tous ces Quadrupèdes eft à - peu - près la même , page s20. Comparaifon de leur développe- ment avec celui des autres ovi- pares, Idem. Quatre - raies. Defcription de cette Salamandre , page 492. ueue. La forme & la propor- tion de Ja Queue varient dans les tezards ; dans les uns , elle eft apla- tie; dans d’autres, elle eft ronde; dans quelques efpèces, fa longueur égale trois fois celle du corps; dans quelques autres, elle eft très-courte, page 176. La Queue des lézafds eft prefau’auffi grofie à fon origine, que l'extrémité du corps à laquelle elle eft attachée, p. 277. La queue des lézards gris repoufle quelque- fois , lorfqu'elle à été brifée par quelqu'accident , & fuivant qu'elle a cté plus ou moins divifée, elle cft remplacée par deux , & même quelquefois par trois queues plus ou moins parfaites , page 303. DES MATIERES. Queue - bleue. Sa defcription, Page 360. R. Raroreusre (la Tortue) eft terreftre , page 161. Defcription de fa forme , Id. Ses couleurs, Z4. & füivante. On la trouve dans les Indes orientales, & particulièrement à Amboine, ainli que dans le nou- veau monde, page 162: Raie ( peau de) defféchée & décorée du nom, de baflic, p. 284. Raine - verte. Sa delcription , pages 550 © furvantes. Son agilité, page 551. Elle peut fe tenir fur les corps les plus polis, page 552. Manière dont elle chaïfle les in- fectes dont elle fe nourrit, {dem. Durée de fon développement , page 554. Tems de fes amours, Idem. Force de fon coaflement , page 554. Manière dont elle s’ac- couple, page 556. Sa couleur eft fujette à varier , Idem. Pays «ÿ on la trouve , page 557. Rayon-vert. ( Crapaud ) Sa def- cription, p. 488. On le trouve en Saxe, Idem. Il change fouvent de couleur, page 589. Requins ( lorfque les) rencon- trent des tortues franches prifes dans une foles , & hors d'état de fuir & de fe défendre, ils les dévo- rent, & brifent le filet, p. 74. Réfpiration ( la) des Quadru- pèdes ovipares eft lente & irrégu- lière, page 14. Réficulaire. (Grenouille) Sa def- cription, page 537. Retrait. Lorfque les Quadru- G45 pèdes ovipares choififlent une re- traite ils l'adoptent également, foit qu'elle ne fufhfe que pour un feul animal , ou foit qu'elle ait aflez d'étendue pour receler pluleurs de ces Quadrupèdes, page 34. Ronde (la Tortue) fe trouve en Europe, page 126. Sa defcrip- tion , Id. Elle habite de préférence au milieu des rivières & des marais, page 127. Manière dont les pay- fans de Prufle la confervent, Idem. Poche confdérable obfervée fur le ventre de deux très jeunes Tortues Rondes, p. 128. Ronflement ( forte de ) attribué aux tortues franches, p. 76. Roquet. Caractères diftinétifs de ce lézard , page 397. Ses mœurs, page. 398. Rouge. ( Raine ) Sa defcription, pige 566. À Rougeñtre (la Tortue ) a été envoyte de Penfilvanie fous le nom de tortue de marais, page 2 32. Le bout de fa queues eff garni d'une pointe aigue. & cornée, Îderr. Ga couleur, {dem. Rouge-gorg. Defcription de ce Kfard, page 401. Rouflätre ( la Tortue ) a été apportée de l'Inde, page 173. Sa defcription , Idem. Couleur de fes écailles , Fderr. Sa carapace eft apla- tie, Idem. Ses ongles ne font point émoufés, Jd, On doit la regarder comme d'eau douce, dem. Ses œufs , page 174. S. S'urAMANDRES. Caraëtères de la 646 TAB IBNE divion des Salamandres , p. 280. Les Salamandres ont beaucoup de rapports avec les grenouilles & les autres Quadrupèdes ovipares qui nont pas de queue, Idem. Elles manquent de cotes, Idem. Salamandre-terreffre. Contes ab- furdes répandus au fujet de ce lézard , page 457. Ses caraëtères & fa defcription, page 459 © Jüiv. Variété de cette efpèce, page 460. Liqueur corrofive qui découle des pores de fa peau, page 461. Habi- tudes de cette Salamandre, Idem & Juivantes. Erreur des anciens relativement à l'humeur qui découle de fon corps , page 464. Manière dont fes petits viennent à la lumière , page 467. Salamandre à queue plate. Def- cription & variété de cette efpèce, page 472. Différences du mâle avec la femelle, page 473. Habitudes de la Salamandre à queue plate, P: 474 Elle peut vivre affez RER au milieu de la glace, pave 475 Ma nière dont fes petits fe développent, page 476. Elle fe dépouille fouvent pendant l'été, & même dans le prin- tems, page 478. Manière dont elle quitte fa peau, page 479. Accou- plement des Salamandres à queue plate , page 482 © Juivantes. Pays où on lestrouve, page 486. Lézards qu'il faut rapporter à cette efpèce, Idem € fuivantes. Sang. Pendant l'engourdifiement des Quadrupèdes ovipares , leur fang ne conferve qu'un mouvement très-lent, page 24. Sarroubé, Delcription & habi- tudes de cette Salamandre, p. 493. Sauritin. Nom donné par les anciens à une pierre qui devoit être un bézoard d'Iguane, page 282. Scorpion (la Toïtue) fe trouve à Surinam , page 133. Sa defcrip- tion, Idem. Le bout de fa queue eft garni d'une callofité , Id. Elle habite les marais, page 234. Scinque. Defcription & couleur de ce lézard , page 373. Ufage qu'on en fait, page 374. Pays où on trouve cet animal , page 376. Sens. Bonté des fens extérieurs des grenouilles communes , p. 508. Senfations. Les Quadrupèdes ovi= pares font privés du plus grand moyen de s'avertir de leurs difié- rentes fenfations, page 39- Seps. Sa Defcription, p. 433 & fiv. Il fait la nuance entre les Quadrupèdes & les ferpens, p. 434. Manière dont les petits Seps vien- nent au jour , page 439. Il paroït qu'on ne doit pac regarder le Seps comme venimeux, au moins dans tous les pays, page 440. Serpentine ( la tortue) fe diftin- gue des autres par la longueur de fa queue , page 131. Elle habite au milieu des eaux douces de la Chine, Idem. Sheltopufik. Defcription de ce Bipède, & lieux où on le trouve, page 617 € fuivantes. Silloné. (Léfard ) Sa defcription, page 266. Société. Les Quadrupèdes ovi- pares font fouvent réunis en grandes troupes; l'on ne doit cependant pas dire qu'ils forment une vraie DES MATIÈRES. fociété , page 34. Il ne réfulte de leur attrouppement aucun ouvrage, aucune chalie, aucune guerre qui paroïlent concertés, page 34. Sourcilleux. (Lézard) Sa def- cription, page 257 © juiv. Sputateur. Delcription de ce lézard d'Amérique , page 409. Ses habitudes, page 410. Varièté de cette efpèce, page 411. Stellion. Sa defcription, p. 369. Ufaige que l'on fait de fes excre- mens, PAge 371. 3 Strié. ( Lézard ) Sa defcription, Pa8€ 393- Subfiflance. La Nature à varié les moyens de fublftance pour toutes les clafles d'animaux, p. 33. Syrène lacertine. Voyez Âuo énguana , page 612. 7 T44c (le) en poudre eft pref- que toujours mortel poux le Li ard ris, pAge 304. : Ca diftinétifs de ce lézard d'Amérique , page 390. Ses habitudes, page 391. Tapirer. Raine qui fert en Amé- rique à tapirer les perroquets, page 566. Téguixin. Sa defcription, p. 405. On le trouve au Breuil, p. 406. Terrapène. (la Tortue) fe trouve aux Antilles ; elle y eft très -com- mune dans les lacs & dans Les marais, pag 129. Il paroïit que ceft la même que celle que Dampier a nommée Hécate , Idem. Sa chair eft un aliment aufli fain que délicat , Id, 647 La Tortue Terrapène de Dampier, eft la mème que la géométrique, page 149. Sa carapace eft comme naturellement taillée, page 260.Les Terrapènes pénètrent dans les forêts où les chafleurs ont peu de peine à les prendre, Idem. Terre. Lorfque le crocodile eft à Terre, il eft plus embarrafié dans fes mouvemens, page 215. Pour lui échapper alors , on doit fe détourner fans cefle , Idern. Tétards. Développement des Tétards des grenouilles communes, page 517 € fuivantes. Manière dont ils quittent leur enveloppe, p. 519. T'éte. La tortue bourbeufe peut vivre quelque tems après avoir eu la tète coupée, p. 224. Les tortues grecques peuvent vivre plufieurs jours après qu'on leur a coupé la tète, page 149. Téte-fourchue. Sa delcription & pays que ce lézard habite, p. 267. , Téte-plate. Defcription de ce lézard, page 425 & féiventes, Con- trées où on l'a trouvé , page 428. Ses habitudes , p. 430. Tortues (les ) font plus fem- blables par leur organifation aux vivipares , que les autres Quadru- pèdes ovipares , page 6. On a vu des Tortues demeurer près d’un an fans prendre aucune nourriture , page 21. Les Tortues feules ont reçu , en naïflant, une forte de domicile durable, page 45. La plu: part des Tortues peuvent retirer leur tète , leurs pattes & leur queue; fous l'enveloppe dure & offeufe qui les revêt par-deflus & par-deffous, 628 TABLE page 46. Les côtes de l’épine du dos font partie de la couveiture - fupérieure des Tortues, que l'on appelle Carapace , & l'inférieure que l'on nomme plaffron , eft réunie avec les os qui compofent le fter- num , page 47. Divilions du genre des Tortues , Fdem. Les Tortues d’eau douce & de terre ont les pieds très-ramalles , les doigts très-courts & garnis d'ongles crochus, p. 52. Leur carapace & leur plaftron ne font réunis l'un à Pautre, que dans une petite portion de leur con- tour, Idem. La plupart peuvent fe remettre fur leurs pattes , lorf- qu'elles font renverfées , page 53. Il paroït que les diverles efpèces de Tortues ne fe mêlent point enfemble, page 104. L'hiftoire des Tortues demande encore un grand nombre d'obfervations » page 160. Tortue franche. Une des produc- tions les plus utiles eft la Tortue franche , page 54. Elle habite en très-grand nombre fur les bas-far4- revêtus dalgues de la Zone Tor- ride , tant dans l’ancien que dans le nouveau monde , pag 56. Elle {e nourrit de plantes marines, Id. Elle à quelquelois fix ou fept pieds de longueur , Idem. Elle joint à un goût exquis, & à une chair fuccu- lente & fubftantielle , une vertu des plus actives & des plus falu- taires, page 57. Sa carapace a quel- quefois quatre ou cinq pieds de long, fur trois ou quatre de lar- geur, Idem. Le bord de la cara- pace paroït onde, Idem. Le dilque gt ordinairement recouvert de quinze lames, Idem. La forme & le nombre de ces laines varient fui- vant l’âge & peut-être fuivant le fexe, Id. Le plañtron eft commu- nément garni de vingt-trois ou vingt-quatre écailles, page 58. Prin- cipales dimenfions d’une jeune Tor- tue franche , fem. Le nombre & la poftion des ongles de la Tortue franche , peuvent varier ; mais il ny ena jamais qu'un d'aigu aux pieds de derrière, page 59. Le cer- veau de la Tortue franche eft très- petit , p. 6o. Les mâchoires de cette ortue ne font pas garnies de dents, mais elles font très - fortes & très- dures; & les os qui les compofent font garnis de pointes & d’afpéri- tés , page 60. Les Tortues franches vont fouvent chercher l’eau douce à l'embouchure des grands fleuves, page 61. Elles font timides, elles plongent, dès qu'elles apperçoivent l'ombre de quelqu'objet à crain- dre , Idem. Hllec deuroient être icgardées comme l'emblème de la prudence, Idem, Fes ont plutôt des propriétés paflives , que des qualités aétives, Idem. Elles ne dif- putent point aux animaux de leur efpèce, un aliment qu'ellestrouvent toujours en aflez grande abon- dance, p. 62. Elles peuvent pañler plufieurs mois, & même plus d'un an , fans prendre aucune nourri- ture, Idem. Elles ne redoutent pas la focièté de leurs femblables, 14. La tortue franche n’éprouve pref- ue jamais de defrs véhémens. Elle À défend rarement, mais elle cher- che à fe mettre à l'abri, page 63. Dans CR DES MATIÈRES. Dans cette efpèce, le mâle paroït rechercher fa femelle avec ardeur, & leur accouplement dure pendant près de neuf jours, fans qu'aucune crainte puifle les féparer l'un de l'autre, Id. L'attachement mutuel du mâle & de la femelle, pañe avec le befoin qui l'avoit fait naître; ils fe quittent bientot après que leur accouplement à ceflé, page 63. Les petites tortues franches éclofent vingt ou vingt - cinq jours après la ponte , & même plutôt dans certaines contrées , page 68. Elles n'ont que deux ou trois pouces de longueur en fortant de lœuf , Idem. Elles vent d’elles-mêmes à la mer , hd. Lorfqu'on a pris de petites tortues franches, on les renferme quelque- fois dans des efpèces de parcs où la haute mer peut parvenir, page 69. La tortue franche à [la cara- pace trop plate pour pouvoir fe remettre fur fes pattes, lorfqu'elle a été chavirée. Llk Cit entendre alors une efpèce de: gémiflement , page 72. Les tortues franches {ont quelquefois jetées par des accidens particuliers, vers de hautes lati- tudes, p. 87. Il paroït que , non- feulement elles peuvent y vivre , mais même y parvenir à tout leur développement , Idem. Ce n’eft que fur les rivages prefque déferts , qu'elles peuvent en liberté parvenir à tout l'accroiffement pour lequel Ja Nature les à fait naître, & jouiren paix de la longue vie à laquelle elles ‘ont été deftinées, page 89. On devroit tâcher d’acclimater les Ovipares, Tome I. 649 tortues franches , fur toutesles côtes tempérées où elles pourroient aller chercher dans les terres des endroits un peu fablonneux , & élevés au- defius des plus hautes vagues, p.90. Tortues grecques. Leur accou- plement, page 241. Tems de leur ponte, Idem. Leur groffeur, lorf- qu'elles éclofent, p. 252. Pays où on les trouve, Id. Il paroït qu'elles habitent l'Amérique feptentrionale, page 264. Leur grandeur dans les contrées tempérées de lEu- rope , eft bien au - deflous de celle qu’elles peuvent acquérir dans les régions chaudes de l'Inde, 14. Tout confirme la douceur de leurs habitudes, page 155. Dépouille de deux grandes tortues grecques con- fervée au Cabinet du Roi, Idem. Tortue grecque dont les écailles étoient verdâtres, page 156. Grofle tête de tortue grecque, qui fait partie de la Colleétion du Roi, Id. Tortues Marines (les pieds des} reflemblent à des nageoires, p. 57. ELcure danx boucliers fe touchent dans une grande portion de leur circonférence , Idem. Klles ne peu- vent retirer qu'à demi leur tête & leurs pattes fous leur carapace, Id. Les écailles, qui recouvrent leur plaftron, forment quatre rangées , 14. Rapports des Tortues Marines avec les phoques ; les lamantins | &c. page 52. Tortues terreffres (les) de l'Amé- rique Méridionale , font peut-être différentes de la grecque, p. 243. On les prend avec des chiens dreflés à les chafler, Idem. On les nourrit Nnnn 650 & dans d°s jardins of elles multiplient beaucoup , Idem. Leur chair eft . d'aflez bon goût, Id. Les femelles s'accouplent quoiqu'elles n’aient ac- quis que la mitit de leur gran- deur ordinaire , page 144. Triangulaire. ( Lézard ) Ses carac- tères diftindifs , page 407. On le trouve en Egypte, Idem. Trois-doigts. ( Salamandre ) Sa defcrintion, page 496. Troupes. Dans tous les pays où l'homme neft pas en aflez grand nombre pour contraindre le croco- dile à vivrédifperfé, cet animal va par troupes nombreufes , page 220. M. Adanfona vu fur la rivière du Sénégal, des crocodiles réunis au nombre de deux cents, Zdem. L’at- troupement des crocodiles n’eft point le réfultat d’un inftiné&t heu- reux , Idem. Il eft cependant une nouvelle preuve du peu de cruauté que l’on doit attribuer à cesanimaux, Idem. Tubercules placés audeflous des cuifles de l'Iguane, page 272 compte quelquefois plus de vingt Tubercules , fur la face intérieure des cuifles du lézard gris, p. 300. Forme des Tubercules que lon voit fur la furface intérieure des ‘cuifles du lézard vert , page 312. Tubercules qui fe trouvent au- deflous des cuifles du lézard ga- lonné, page 334. Tupinambis. Contrées qu'il ha- bite , page 241. Sa delcription , page 253 © fuiy. Ses habitudes, page 253. On a cru qu'il avertifloit l'homme de la préfence du croco- DIARBENE dile , page 254. Sa chair eft fue- culente, Idem. . V’4RREOoù Harpor, Manière de harponner les tortues franches , Page 73. Venin. L'on ne peut regarder, comme venimeux, qu'un très petit nombre de Quadrupèdes ovipares, p.42. L'abondance des fucs mortels, paroït d'autant plus grande dans les êtres vivans , que leurs humeursfont moins échauflées, & que leur orga- nifation intérieure eft plus fimple, Idem. Vermillon (la Tortue ) habite au Cap de Bonne - Efpérance , page 166. Worm en a nourri une dans fon jardin, Id. Elle eft très- petite, Idem. Les écailles de fa carapace font agréablement varices de noir, de blanc, de pourpre, de verdâtre, & de jaune, Idem. Sur le fomimet de 11 +5+<, s’éleve une pro- rubérance d’une couleur de Ver- millon, Idem. Il paroît qu'on doit lui appliquer ce que rapporte Kolb, de la tortue de terre du Cap ,. page 167. Il paroiït qu'on rencontre la Tortue Vermillon dans la partie feptentonale de l'Afrique, p. 268. Vert. ( Lézard ) Ses alimens, page 313. Sa manière d'attaquer, page 314. Il paroit qu'il n'eft point venimeux , Idem. Endroits où on le trouve, page 315. Delcription d’une varicté de cette efpèce com- mune aux environs de Paris, p. 226. Defcription & habitudes d’un lézard D'ES MATIERE S. Amérique quia de grand rapports avec le hi veit, page 217 & Juivantes. Defcription d'un lézard de Sardaigne qui a aufli beaucoup de rapports avec le vert, page 320. Vert. ( Crapaud) Sa defcription, page 586. Ses liqueurs corrofives, Idem. Vertèbres. Les tortues ont huit Vertèbres du cou; les crocodiles en ont fept; prefque tous les lézards n'en ont jamais au-deflus de quatre ; & tous les Quadrupèdes ovipares fans queue en font privés, p. 13. Veffie. Les lézards , les gre- nouilles, les crapauds ni les raines n'ont pas de veflie proprement dite, page 14. Les tortues ont une très- grande Veffie, page 49. Veflies aëriennes. On peut juger par les Veflies aériennes que l'on voit nager fur les étangs , que le fond eft habité par des tortues bourbeufes, page 125. Veffies à air. Les mâles des gre- nouilles ont de chaque côté du cou, 651 des Veflies qu'ils peuvent gonfler à volonté, page 511. Voracité. I] paroît que la vora- cite & la hardieffle des crocodiles augmentent, diminuent, & même paflent entièrement, fuivant le cli- mat, la taille, l’âge, l’état de ces animaux, la nature & fur-tout l'abon- dance de leurs alimens, page 217. On ne doit pas penfer que la femelle du crocodile , conduit à-l’eau fes petits, lorfqu'ils font éclos, & que le mâle & la femelle dévorent ceux qui ne peuvent pas fe trainer, Id. Umbre. Delcription du lézard Umbre, p. 364. Z. Z ONE TORRIDE. On ne trouve la plupart des tortues de mer, les crocodiles & les autres grandes elpèces de Quadrupèdes ovipares , que près des Zones torrides , ou du moins à des latitudes peu éle- vées , tant dans l’ancien que dans le nouveau continent, page 22. DE L'IMPRIMERIE DES BATIMENS DU ROL (ranien FUN MALTE > PONT QT »: ALL SARTHE ja KR LEN ) CR he F2 L Li Las SU Date