n. », \: | eve , Wa nn pt | n. ni HISTOIRE N ATUR ELLE MATIÈRES GÉNÉRALES TOME ONZIÈME. Lg + de: AIR & 1 Le mr db 9 3 1 à D 3 R LA : Es HISTOIRE NATURELLE Par BUFFON, DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. MATIERES GÉNÉRALES. TOME ONZIEME. v, 11 arte? sonian à Inst; e AS tue RICHMONDR COLL ÉCTION. dati S nal Muse A PARIS, À LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE DE P. DIDOT L'AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 3, ET FirMIN DIDOT, RUE DE raronvizze N° 116. AN VII. — 1799. s PHISTOIRE NATURELLE DES MINÉRAUX. 4 a BIT CE ME. Q> OIQUE les bitumes se présentent sous différentes formes, ou plutôt dans des états différens, tant par leur consistance que par les couleurs, ils n’ont cependant qu’une seule et mème origine primitive, mais ensuite modifiée par des causes secondaires : le naphte, le pétrole, l’asphalte, la poix de montagne, le succin, l’ambre gris, le jayet, le charbon de terre; tous les bitumes, en uu mot, provieuneut originairement des huiles 6. HISTOIRE NATURELLE animales ou végétales altérées par le mé lange des acides : mais quoique le soufre provienne aussi des substances organisées , on ne doit pas le mettre au nombre des bitumes, parce qu’il ne contient point d'huile, et qu'il n’est composé que du feu fixe de ces mêmes substances combiné avec l'acide vitriolique. 7 Les matières bitumineiseft sont ou solides : comme le succin et le jayet, ou liquides comme le pétrole et le naphte, ou vis- queuses, c’est - à - dire, d’une consistance moyenne entre le solide et le liquide, comme l’asphalte et la poix de montagne : les autres substances plus dures, telles que les schistes bitumineux, les charbons de terre, ne sont que des terres végétales ou limoneuses plus ou moins imprégnées de bitume. Le naphte est le bitume liquide le plus coulant, le plus léger, le plus transparent et le plus inflammable. Le pétrole, quoique liquide et coulant, est ordinairement coloré et moins limpide que le naphte. Ces deux bitumes ne se durcissent ni ne se coagulent à l'air; ce sont les huiles les plus ténues et les plus volatiles du bitume, L’asphalte, que é "0 LE DES MINÉRAUX. D l’on recueille sur l’eau ou dans le sein de la terre, est gras et visqueux dans ce premier état ; mais bientôt il prend à l'air un cer- tain degré de consistance et de solidité. EE en est de même de la poix de montagne, qui me diffère de l’asphalte qu’en ce qu’elle est plus noire et moins tenace. Le succin , qu’on appelle aussi arabe, et plus communément arbre jaune, a d'abord été liquide et a pris sa consistance à l'air, et même à la surface des eaux et dans le sein de la terre : le plus beau süccin est transpa- rent et de couleur d’or; mais il y en a de plus ou moins opaque, et de toutes les nuances de couleur du blanc au jaune et jusqu’au brun noirâtre : il renferme souvent de petits débris de végétaux et des insectes terrestres, dont la forme est parfaitement conservée *; 1l est électrique comme la résine * M. Keysler dit qu’on ne voit dans le succin que des empreintes de végétaux et d'animaux ter- resires et jamais de poissons... Cependant d'autres auteurs assurent qu'il sy trouve quelquefois des : poissons et des œufs de poissons. On m’a présenté, cetle année 1778, un morceau d environ deux pouces 8 HISTOIRE NATURELLE végétale, et par l’analyse chimique on re- connoît qu'il ne contient d’autres matières solides qu’une petite quantité de fer, et qu'il est presque uniquement composé d'huile et d'acide}. Et comme l'on sait d’ailleurs qu'au- cune substance purement minérale ne cori- tient d'huile, on ne peut guère douter que le succin ne soit un pur résidu des huiles animales ou vegétales saisies et pénétrées par les acides; et c’est peut-être à la petite quan- tité de fer contenue dans ces huiles, qu'il doit sa consistance et ses couleurs plus ou moins jaunes ou brunes. UNE Le succin se trouve plus fréquemment dans la mer que dans le sein de la terre ?, de diamètre, dans l’intérieur duquel il y avoit un ! petit poisson d'environ un pouce de longueur ; maïs comme la tranche de ce morceau de succin étoit un peu entamée , il m'a paru que c’étoit de ambre ramolli, dans lequel on a eu l’art de renfermer le petit poisson sans le déformer. 1 De deux livres de succin entièrement brûlé, M. Bourdelin n'a obtenu que dix-huit grains d’une terre brune sans saveur , saline et contenant un peu de fer. + On trouve du jayet et de ambre jaune dans DES MINÉRAUX. ‘+ où il n’y en a que dans quelques endroits et presque toujours en petits morceaux isolés. Parmi ceux que la mer rejette, 1l y en a de difierens degrés de consistance, et même 1l s'en trouve des morceaux assez mous; mais aucun observateur ne dit en avoir vu dans l’état d’entière liquidité, et celui que l’on une montagne près de Bugarach en Languedoc, à douze ou treïze lieues de la mer, et celte montagne en est séparée par plusieurs autres montagnes. On trouve aussi du succin dans les fentes de quelques rochers en Provence. Il s’en trouve en Sicile le long des côtes d’Agrigente , de Catane ; à Bologne, vers la Marche d’Ancône ; et dans l'Ombrie à d’assez grandes distances de la mer. Il en est de même de celui que M. le marquis de Bonnac a vu ürer dans un endroit du territoire de Dantzick, séparé de la mer par de grandes hauteurs. M. Guettard, de l’académie des sciences , conserve dans son cabinet un morceau de succin qui a été trouvé dans le sein de la terre en Pologne, à plus dé cent lieues de distance de la mer Baltique , er un autre morceau trouvé à Newburg, à vingt lieues de distance de Dantzick : 1l y en a dans des lieux encore plus éloi- gnés de la mer, en Podolie, en Volhimie : le lac Lubien de Posnanie en rejette souvent, etc. 10 HISTOIRE NATURELLE tire de la terre, a toujours un assez “hu degré de fermeté, L'on ne connoit guère d’autre minière de succin que celle de Prusse, dont M. Neu- mann a donne une courte description, par laquelle il paroït que cette matière se trouve à une assez petite profondeur dans une terre dont la première couche est de sable , la seconde d’argille mêlée de petits cailloux de la grosseur d’un pouce , la troisième de terre noire remplie de bois fossiles à demi décomposés et bitumineux, et enfin la qua- trième d’un minéral ferrugineux ; c’est sous cette espèce de mine de fer que se trouve le succin par morceaux séparés et quelquefois accumulés en tas. On voit que les huiles de la couche de bois ont dû être 1mprégnées de lacide contenu dans l’argille de Ia couche supérieure, et qui en descendoit par la filtration des eaux; que ce mélange de l'acide avec l'huile du bois a rendu bitumineuse cette couche ve- gétale; qu'ensuite les parties les plus ténues et les plus pures de ce bitume sont descen- dues de même sur la couche du minérai fer- rugineux , ct qu'en la traversant elles se DES MINÉRAUX. re sont chargées de quelques particules de fer, et qu’enfin c'est du résultat de cette dernière combinaison que s’est formé le succin qui se trouve au-dessous de la mine de fer. Le jayet diffère du succin en ce qu’il est opaque et ordinairement très-noir : mais il est de même nature, quoique ce dernier ait quelquefois la transparence et le beau jaune de la topaze ; car, malgré cette différence si frappante, les propriétés de l’un et de l’autre sont les mêmes : tous deux sont électriques ; ce qui a fait donner au jayet le nom d'arbre noir, comme on a donné au succin celui d'amère jaune : tous deux brûlent de même; seulement l'odeur que rend alors le jayet, est encore plus forte et sa fumée plus épaisse que celle du succin. Quoique solide et assez dur, le jayet est fort léger, et on a souvent pris pour du jayet certains bois fossiles noirs, dont la cassure est lisse et luisante, et qui paroissent en effet ne différer du vrai jayet que parce qu'ils ne répandent aucune odeur bitumineuse en brülant. On trouve quelques minières de jayet en France; on en connoîit une dans la pro- vince de Roussillon près de Bugarach. M. de - | | | 1 UNS r2 HISTOIRE NATURELLE Gensanne fait mention d’une autre dans le Gévaudan sur le penchant de la montagne près de Vebron, et d’une autre près de Roufhac, diocèse de Narbonne, où l’on fai- soit dans ces derniers temps de jolis ouvrages de cette matière. On a trouvé dans la glaise, en creusant la montagne de Saint-Germain- en-Laie, un morceau de bois fossile, dont M. Fougeroux de Bondaroy a fait une exacte comparaison avec le jayet. « On sait, dit ce «savant academicien, que la couleur du « jayet est noire, mais que la superficie de « ses lames n’a point ce luisant qu'offre l'in- « térieur du morceau dans sa cassure ; c’est «aussi ce qu'il est aisé de reconnoître dans « le morceau de bois de Saint-Germain. Dans « l'intérieur d’une fente ou d’un morceau «rompu, on voit une couleur d’un noir « d'ivoire bien plus brillant que sur la sur- « face du morceau. La dureté du jayet et du « morceau de bois est à peu près la même; « étant polis ils offrent la même nuance de « couleur; tous deux brûlent et donnent de « la flamme sur les charbons : le jayet re- « pand une odeur bitumineuse ou de pétrole; « certains morceaux du bois en questiox D. DES MINÉRAUX. r + _ « donnent une pareille odeur, sur-tout lors- « qu’ils ne contiennent point de pyrites. Ce « morceau de bois est donc changé en jayet, « et il sert à confirmer le sentiment de ceux « qui croient le jayet produit par des végé— « taux. » | On trouve du très-beau jayet en Angle- terre dans le comté d'Yorck et en plusieurs endroits de l'Écosse; il y en a aussi en Alle- maone et sut-tout à Wirtembers. M. Bowies en a trouvé en Espagne près de Peralegos, « dans une montagne où il y a, dit-il, des « veines de bois bitumineux ; qui ont jus- « qu’à un pied d'épaisseur... On voit très- « bien que c'est du bois, parce que l'on en « trouve des morceaux avec leur écorce et « leurs fibres ligneuses, mèêlés avec'le véri- «table jayet dur.» Il me semble que ces faits shffisent pour qu'on puisse prononcer que le succin et le jayet tirent immédiatement leur origine des . végétaux, et qu'ils ne sont composés que d'huiles végétales devenues bitumineuses par le mélange des acides ; que ces bitumes ont d’abord été liquides, et qu’ils se sont durcis par leur simple desséchement , lors- 2 x4 HISTOIRE NATURELLE | qu'ils ont perdu les parties aqueuses de l'huile et des acides dont ils sont composés. Le bi= tume qu’on appellè aspkalte nous en fournit une nouvelle preuve; il est d’abord fluide j ensuite mou et visqueux, et enfin il vie | dur par la seule dessiccation. L'asphalte des Grecs est le mème que le bitume des Latins; on l’a nomme particu- lièrement bitume de Judée, parce que les eaux de la mer Morte et lés terrains qui l’environnent en fournissentunegrande quan- tité. Il a beaucoup de propriétés communes avec le succin et le jayet; il est de la même nature, et il paroit, ainsi que la poix de montagne, le péMple et le naphte, ne devoir. sa liqueduté qu'à une distillation des char- bons de"terre et des bois bitumineux, qui, se trouvant voisins de quelque feu souter- rain, laissent échapper les parties huileuses les plus lévères, de la même manière à peu, près que ces substances bitumineuses donnent leurs huiles dans nos vaisseaux de chimie. Le naphte, le pétrole et le succin paroissent être les huiles les plus pures que fournisse cette espèce de distillation, et le jayet, la poix de montagne et l’asphalte sont les huiles + DES MINÉRAUX. :à5 plus grossières. L'Histoire sainte nous ap- prend que la mer Morte, ou le lac asphal- tique de Judée, étoit autrefois le territoire -de deux villes criminelles qui furent en- glouties : on peut donc croire qu'il y a eu des feux souterrains, qui, agissant avec vio- lence dans ce lieu, ont été les instrumens de cet effet; et ces feux ne sont pas encore entièrement éteints; ils opèrent donc la dis- tillation de toutes les matières végetales et bitumineuses qui les avoisinent, et produisent cet asphalte liquide que l’on voit s'élever continuellement à la surface du lac maudit, dont néanmoins les Arabes et les Égyptiens ont su tirer beaucoup d'utilité, tant pour .goudronner leurs bateaux que pour embau- mer leurs parens et leurs oiseaux sacrés ; ils recueillent sur la surface de l’eau cette huile liquide, qui, par sa légereté, la surmonte comme nos huiles végétales. L'asphalte se trouve non seulement en Judée et en plusieurs autres provinces du Levant , mais encore en Europe et wême en France. J'ai eu occasion d'examiner et même d'employer l’asphalte de Neufchâtel; il est de la même nature que celui de Judée : eu 16 HISTOIRE NATURELLE le mélant avec une petite quantité de poix, on en compose un mastic avec lequel j'ai fait enduire, il y a trente-six ans, un assez grand bassin au Jardin du roi, qui depuisa toujours tenu l’eau. On a aussi trouvé de l'asphalte en Alsace, en Languedoc sur le territoire d’Alais et dans quelques autres endroits. La description que nous a donnée M. l'abbé de Sauvages de cet asphalte d’A- lais , ajoute encore une preuve à ce que j'ai dit de sa formation par une distillation per ascensum. « On voit, ditil, régner au- « près de Servas, à quelque distance d’Alais, « sur une colline d’une grande étendue, un « banc de rocher de marbre qui pose sur la « terre et qui en est couvert : il est naturel- « lement blanc ; mais cette couleur est si . 1 7 73 HISTOIRE NATURELLE Ces derniers faits confirment. ce que nông | venons de dire au sujet des crystaux deschorl qui, comme les pierres précédentes, ont été enveloppes dans la lave. Toutes les laves sont plus ou moins mé- lées de particules de fer; mais il est rare d'y voir d’autres métaux, et aucun métal ne s'y trouve en filons réguliers et qui aient de la suite : cependant le plomb et le mercure en cinabre, le cuivre et même l'argent, se ren- contrent quelquefois en petite quantité dans certaines laves; il y en a aussi qui renferment des pyrites, de la manganèse, de la blende,. et de longues et brillantes aiguilles d'anxtis moine. Les matières fondues par le feu des volcans ont donc enveloppé des substances solides et des minéraux de toutes sortes ; les poudres calcinées qui s'élèvent de ces gouffres em brasés, se durcissent avec le temps et se con- vertissent en une espèce de tuffau assez solide pour servir à bätir. Près du Vésuve, ces cendres terreuses. rejetées se sont tel- lement unies et endurcies par le laps de temps, qu’elles forment aujourd'hui une pierre ferme. et compacte dont ces collines 3 * DES MINÉRAUX. % volcaniques sont entièrement composées *, On trouve aussi dans les laves différentes crystallisations qui peuvent provenir de leur * M. le baron de Dietrich remarque avec raison, que la vraie pouzzolane n’est pas précisément de Ja cendre endurcie et friable, comme le dit M. Ferber, mais plutôt de la pierre ponce réduite en Lrès-petits fragmens, et je puis observer que la bonne pouzzo- Jane, c’est-à-dire celle qui, mêlée avec la chaux, fait les mortiers les plus durables et les plus impé- nétrables à l’eau, n’est ni la cendre fine ou grossière pure , ni les graviers de ponce blanche, et qu'il n’y a que la pouzzolane mélangée de beaucoup de parties ferrugineuses qui soit supérieure aux mor- tiers ordinaires : c’est, comme nous le dirons à l’ar= ticle des cimens de nature , le ciment ferrugineux qui donne la dureté à presque toutes Jes terres, et même à plusieurs pierres. Au reste, la meilleure pouzzolane, qui vient des environs de Pouzzole , est grise ; celle des provinces de l’État ses est jaune , et il y ena de noire sur le Vésuve. M. le ba- rou de Dietrich ajoute que la meilleure pouzzolane des environs de Rome se tire d’une colline qui est à la droite de la Ja Appia hors de la porte de Saint-Sébastien , et que les grains de cette pouzzo< Jane sont rougeûtres. Re 8 HISTOIRE NATURELLE propre substance, et s’être formées pendant la condensation et le refroidissement! qui a suivi la fusion des laves : alors, comme le pense M. Ferber, les molécules de matières homogènes se sont séparées du reste du mé- lange, et se sont réunies en petites masses; et quand il s’en est trouvé une plus grande quantité, il en a résulté des crystaux plus grands. Ce naturaliste dit avec raison qu'en général les minéraux sont disposés à adop- ter des figures déterminées dans la fluidité de fusion par le feu, comme dans la flui- dité humide; et nous ne devons pas être étonnés qu'il se forme des crystaux dans les laves, tandis qu'il ne s’en voit aucun dans nos verres factices; car la lave coulant lentement , et formant de grandes masses très-épaisses , conserve à l’intérieur son état de fusion assez long - temps pour que la crys- tallisation s'opère. Il ne faut dans le verre, dans le fer et dans toute autre matière fon- due, que du repos et du temps pour qu’elle se crystallise; et je suis persuadé qu'en tenant long-temps en fonte celle de nos verres fac- tices, il pourroit s’y former des crystaux fort semblables à ceux qui peuvent se trouver dans les laves des volcans. DES MINÉRAUX. 8r _… Les laves, comme les autres matièrés vi _treuses ou calcaires, doivent avoir leurs sta- lactites propres et produites par l'intermède de l’eau : mais il ne faut pas confondre ces stalactites avec les crystaux que le feu peut avoir formés; il en est de même de la lave noire scoriforme qui se trouve dans la bouche du Vésuve en grappes branchues comme des coraux , et que M. Ferber dit être une sta- lactite de lave, puisqu'il convient lui-même que ces prétendues stalactites sont des por- tions de la même matière qui ont souffert un feu plus violent ou plus long que le reste de la lave. Et quant aux véritables stalactites produites dans les laves par l’infiltration de l'eau, le même M. Ferber nous en fournit des exemples dans ces crystallisations en ai- guilles qu'il a vues attachées à la surface in- térieure des cayités de la lave, et qui s’y forment cemme les crystaux de roche dans les cailloux creux. La grande dureté de ces crystallisations concourt encore à prouver qu’elles ont été produites par l’eau ; car les crystaux du genre vitreux, tels que le crys- tal de roche, qui sont formés par la voie des élémens humides, sont plus durs que ceux qui sont produits par le feu. 3 HISTOIRE VE Dans l’énumération détaillée et très- HMS breuse que cet habile minéralogiste fait dé toutes les laves du Vésuve, il observe que les micas qui se trouvent dans quelques laves pourroient bien n'être que les exfoliations des schorls contenus dans ces laves. Cette idée semble être d’autant plus juste, que c’est de cetle manière et par exfoliation que se for- ment tous les micas des verres artificiels et naturels , et les premiers micas ne sont» comme nous l'avons dit, que les exfoliations en lames minces qui se sont séparées de la surface des verres primitifs. Il peut donc exis- ter des micas penses comme des micas de nature, parce qu'en effet le feu des vol= cans a fait des verres comme le feu primitif. Dès lors on doit trouver parmi les laves des masses méêlées de mica : aussi M. Ferber fait mention d'une lave grise compacteavec quan- tité de lames de mica et de schorl en petits points dispersés, qui ressemble si fort à quel- ques espèces de granits gris à petits grains, qu'à la vue il seroit très-facile de les con- fondre. | Le soufre se sublime en flocons , et s'at- tache en grande quautité aux cavités et aux DES MINÉRAUX. 83 faites de la bouche des volcans. La plus grande partie du soufre du Vésuve est en forme irrégulière et en petits grains. On voit aussi de l’arsenic mêlé de soufre dans les ou- vertures intérieures de ce volcan ; mais l’ar- senic se disperse irrégulièrement sur la lave et en petite quantité. Il y a de même dans les crevasses et cavités de certaines layes une plus ou moins grande quantité de sel ammo- miac blanc : ce sel se sublime quelque temps après l'écoulement de la lave, et l’on en voit beaucoup dans le cratère de la plupart des volcans. Dans quelques morceaux de lave de l'Etna il se trouve quantité de matière char- bonneuse végétale mêlée d’une substanee saline ; ce qui prouve que c'est un véritable natron, une espèce de soude formée par les feux volcaniques, et que c’est à la combus- tion des végétaux que cette substance saline est due ; et à l’égard du vitriol, de l’alun et des autres sels qu'on rencontre aussi dans les matières volcaniques , nous ne les regarde- rons pas comme des produits immédiats du feu , parce que leur production varie suivant les circonstances, et que leur formation dé- pend plus de l’eau que du feu. 64 “Mais, avant dés tershi ent reeble à ee À des matières produites par lé feu.des volcans, il faut rapporter, comme nous l'avons: pro- mis, les observations qui prouvent qu'il se | forme par les feux volcaniques, des subs- tances assez semblables au granit et au por- phyre, d’où résultelune nouvelle preuve de la formation des granits et porphyres de na- ture par le feu primitif ::il faut seulement nous défier des noms, qui font ici, comme par-tout ailleurs, plus d’embarras que les choses. M. Ferber a quelque raison de dire « qu'en général 1l y a très-peu de différence « essentielle entre le schorl, le spath dur « (feld-spath}), le quartz et les grenats des « laves ». Cela est vrai pour le schorlk et le féld -spath ; et je suis comme persuadé qu’'ori- ginairement ces deux matières n'en font qu'une, à laquelle on pourroit encore reu- mir, sans se méprendre, les crystaux volca- niques en forme de grenats : mais le quartz diffère de tous trois par sou infusibilité et par ses autres qualités primordiales, tandis que Le feld-spath, le schorl, soit en feuilles, : soit en grains ou grenats, sont des verres. également fusibles, et qui peuvent aussi. De dE DES MINÉRAUX. 85 avoir été produits également par le feu pri- mitif et par celui des volcans; les exemples suivans confirmeront cette idée ; que je crois bien fondée. Les schorls noirs en dde que l'on apperçoit quelquefois dans le porphyre rouge et presque toujours dans les porphyres verds sont de la même nature que: le feld- mu à la couleur prés. Une ave noire de la Toscane , dans la- quelle le schorl est en grandes taches blanches et parallélipipèdes , a quelque ressemblance avec le porphyre appelé serpentine noire antique : le verre de la lave remplace ici la matière du jaspe, et le schorl celle du feld- spath, A La lave rouge des montagnes de Bergame, contenant de petits grenats blancs, ressemble au vrai porphyre rouge. | Les granits gris à petits grains, et qu’on appelle granitelli, contiennent moins de feld- spath que les granits rouges ; et ce feld-spath, au lieu d'y être en gros crystaux rhomboï- daux, n’y paroît ordinairement qu’en petites molécules sans forme déterminée. Néanmoins on connoit une espèce de granit gris à grandes 8 86 HISTOIRE SAME taches blanches parallélipipèdes , et Ja ma. tière de ces taches, dit M. Ferber, tient le milieu entre le schorl et le spath dur (feld- spath). Il y a aussi des granits gris qui ren- ferment, au lieu de mica sp du mica de schorl. | Nous devons observer ici que le granit noit et blanc qui n’a que peu ou point de.parti- _cules de feld-spath , mais de grarides taches noires oblongues de la nature du schorl, ne seroit pas un véritable granit, si le feld-spath y manque, et si, comme le croit M. Ferber, ces taches de schorl noir remplacent le mica ; d'autant que les rayons de schorl noir «y « sont, dit-il, en telle abondance, si grands d « Si serrés... qu’ils paroissent faire le fond « de la pierre». Et à l'égard du granit verd de M. Ferber , dont le fond est blanc verdâtre avec de grandes taches noires oblongues ,'et qu’il dit être de la même nature du schorl, et des prétendus porphyres à fond verd de la pature du #rapp, dont nous avons parlé d’a- près lui, nous présumons qu’on doit plutôt ‘les regarder cemme des productions volca- niques , que comme de vrais Pre ou de vrais porphyres de nature. | ) 50. 4 | if p DES MINÉRAUX. 57 Les basaltes qu’on appelle antiques, et les basaltes modernes,.ont également été produits par le feu des volcans, puisqu'on trouve dans les basaltes égyptiens les mêmes crystaux de schorl en grenats blancs et de schorl noir en rayons et feuillets, que dans les layves ou basaltes modernes et récens; que de plus, le basalte noir, qu'on nomme mal-à-propos basalte oriental, est mêlé de petites écailles blanches de la nature du schorl, et que sa fracture est absolument pareille à celle de la lave du Monte Albano; qu’un autre basalte noir antique, dont on a des statues, est rem- pli de petits crystaux en forme de grenats, et présente quelques feuilles brillantes de schorl noir; qu'un autre basalte noir antique est mêlé de petites parties de quartz, de feld- spath et de mica, et servit par conséquent un vrai granit, si ces trois substances y étoient réunies comme dans le granit de nature, et non pas nichées séparément, comme elles le sont dans ce basalte ; qu’enfin on trouve dans un autre basalte antique brun ou noirâtre, des bandes ou larges raies de granit rouge à petits grains. Ainsi le vrai basalte antique. n'est point une pierre particulière, ni diffés A 88 HISTOIRE NATURELLE rente des autres basaltes , et tous ont été produits, comme les laves , par le feu des volcans. Et à l’égard des bandes de granit + observées dans le dernier basalte , comme elles paroissent être de vrai granit, on doit présumer qu'elles ont èté enveloppées par la lave en fusion, et incrustées dans son épais- seur. Puisque le feu primitif a formé une si grande quantité de granits, on ne doit pas étre étonné que le feu des volcans produise quelquefois des matières qui leur ressem- blent : mais comme au contraire 1] me paroït certain que c’est par la voie humide que les: cryslaux de roche et toutes les pierres pré- cieuses ont été formés, je pense qu’on doit regarder comme des corps étrangers toutes les chrysolithes, hyacinthes, topazes, calcédoines, opales, etc. qui se trouvent dans les differentes matières fondues par le feu des volcans , et que toutes ces pierres ou cryslaux ont été saisis et enveloppes par les laves et basaltes lorsqu'ils couloient en fusion sur la surface des rochers vitreux , dont ces crystaux ne sont que des stalactites, que l’ardeur du feu m'a pas dénaturées. Et quant aux autres crys« DES MINÉRAUX, £ÿ tallisations qui se trouvent formées dans les cavites des laves, elles ont été produites par J'infiltration de l’eau, après le refroidisse- ment de ces mêmes laves. | Aux observations de M. Ferber et de M. le baron de Dietrich sur les matières volcani- ques et volcanisées, nous ajouterons celles de MM. Desmarest, Faujas de Saint-Fond et de Gensanne, qui ontexaminéles volcans éteints de l'Auvergne, du Vélay, du Vivarais et du Languedoc; et quoique j'aie déja fait mention de la plupart de ces volcans éteints, il est bon de recueillir et de présenter ici les diffé- rentes substances que ces observateurs ont reconnues aux environs de ces mêmes vol-" cans, et qu’ils ont jugé avoir été produites par leurs anciennes éruptions. M. de Gensanne parle d’un volcan dont la bouche se trouve au sommet de la montagne qui est entre Lunas et Lodève, et qui a dû être considérable, à en juger par la quantité des laves qu’on peut observer dans tout le terrain circonvoisin. [Il a reconnu trois vol- cans dans le voisinage du fort Brescon, sur l'un desquels M. l’évêque d'Agde (Saint-Simon Sandricourt) a fait, en prélat ciioyen, des : : dt gp HISTOIRE NATURELLE défrichemens et de grandes cultures en vignes qui produisent de bons vins. Ce vieux volcan, stérile jusqu'alors, est couvert d’une si grandé épaisseur de laves, que le fond du puits que M. l'évèque d'Agde a fait faire dans sa vigne est à cent quatre pieds de profondeur, et en- tièrement taillé dans ce banc de laves, sans qu’on ait pu en trouver la dernière couche, quoique le fond du puits soit à trois pieds au* dessous du niveau de la mer. M. de Gensanue ajoute qu’il a compté, dans Le seul bas Lan- guedoc, dix volcans éteints, dont les bouches sont encore très-visibles. M. Desmarest prétend distinguer deuxsortes de basaltes ; il dit avoir comparé le basalte noir dont on voit plusieurs monumens an- tiques à Rome, avec ce qu’il appelle Ze ba- salte noir des environs de Tulle en Limosin ; il assure avoir vu dans cette pierre des envi rons de Tulle les mêmes lames, les mêmes taches et bandes de quartz ou de feld-spath et de zéolithe que daus le basalte noir an- tique : néanmoins ce prétendu basalte de Tulle n’en est point un; c’est une pierre ar- gilleuse, mêlée de mica noir et de schorl, qui n’a pas, à beaucoup près, la dureté de la lave | | DES MINÉRAUX. wr compacte ou du basalte, et qui ne porte d'ailleurs aucun caractère ni aucun indice d'un produit de volcan ; au contraire , les basaltes gris, noirs et verdâtres des anciens sont, de l’ayeu même de cet académicien , composés de petits grains assez semblables à ceux d’une lave compacte et d’un tissu serré; et ces basaltes ressemblent entièrement au basalte d'Antrim en Irlande et à celui d'Au- vergne *. M. Faujas de Saint-Fond a très-bien observé toutes les matières produites par les volcans ; * « On distingue trois substances qui sont renfer- « mées dans les laves : les poiuts quartzeux et même « les granits entiers ; le schorl ou gabbro; les mia= « tières calcaires, celles qui sont de la nature de la « zéolithe, ou de la base de l’alun : ces deux der- « nières substances présentent dans les laves toutes « les matières du travail de l’eau, depuis la stalac- « tite simple jusqu’à l’agate et la calcédoine. Ces « substances étrangères existoient auparavant dans « le terrain où la lave a coulé, elle les a entraînées « et enveloppées ; car j’ai observé que dans certains « cantons couverts de laves compactes ou d’autres « productions du feu, on n'y trouve pas un seul « vestige de ces crystaux degabbro, si les substances 92 HISTOIRE | NATURELLE ses recherches assidues et suivies pendant plusieurs années , et pour lesquelles il n’a épargné ni soins ni dépenses, l’ont mis en état de publier un grand et bel ouvrage sur les volcans éteints , dans lequel nous puise- rons le reste des faits que nous avons à rap- « qui composent l’ancien sol n’en contiennent point « elles-mêmes. » R Mais nous devons observer qu'indépendamment de ces matières vitreuses ou calcaires, saisies dans leur état de nature, et qui sont plus ou moins altérées par le feu, on trouve aussi dans les laves des matières qui, comme nous l’avons dit, s’y sont introduites depuis par le travail successif des Eaux. -« Elles sont, comme le dit M. Desmarest, le résul- « tat de l’infiliration lente d’un fluide chargé de ces « matières épurées, el qui a même souvent péné= «tré des masses d’un tissu assez serré; elles ne s’y « trouvent alors que dans un état crystallin êt spa- NM Fe « thique.….. Elles ont pris la forme de stalactites en _« goutlés rondes ou alongées, en filets déliés, en « tUYAUX Creux; et toutes ces formes se retrouvent «au nulieu és laves compactes € comme -dans les « vides des terres cuites. » e. |] A ce fait, qui ne m’a jamais paru douteux, M. Desmarets en ajoute d’autres qui mériteroient DES MINÉRAUX. oë porter, en les comparant avec les précédens. Il a découvert dans les volcans éteints du Vivaraislesmêmes pouzzolanes grises jaunes, brunes et roussâtres, qui se trouvent au Vé- suve et dans les autres terrains volcanisés de l'Italie : les expériences faites dans les bas- une plus ample explication. « Les matériaux, dit-il, « que le feu a fondus pour produire le basalte, sont « les granits ». Les granits ne sont pas les seuls ma- tériaux qui entrent dans la composition des basaltes, puisqu'ils contiennent peut-être plus: de fer, ou d’autres substances, que de matières graniteuses. « Les pranits, continue cet académicien ONLÉProuvÉ « par le feu différens degrés d’ altération qui se ter- « minent au basalte ; on y voit le spath fusible (feld- « spath), qui dans quelques uns est grisâtre, et qui « dans d’autres forme un fond noir d’un grain serré ; « et au milieu de ces échantillons, on démêle aisé= « ment le quartz qui reste en crystaux ou intacts, « ou éclatés par lamés, ou réduiis à une couleur « dun blanc terne, comme le quariz blanc rougi « au feu et refroidi subitement ». Le quartz n’est point en crystaux dans les granits de nature , c’est le feld-spath qui seul y est en crystaux rhomboï- daux : ainsi le quariz ne peut pas rester er crys= laux intacts, eic. dans les basaltes, à HISFOIRE RO sins: du jardin des Tuileries et vérifiées publiquement , ont. confirmé l'identité de nature de ces pouzzolanes de France et d'I- talie, et on peut présumer qu’il en.est de même des RONFATAANEA de tous les antres volcans. Cet habile naturaliste a remarqué dus une lavegrise, pesante et très-dure, des crystaux assez gros, mais confus, lesquels, réduits en poudre, ne faisoient aucune effervescence avec l'acide nitreux , mais se convertissoient, au bout de quelques heures, en une gelée épaisse; ce qui annonce, dit-il, que cette matière est une espèce de zéolithe : mais je dois observer que ce caractère par lequel on a voulu désigner la zéolithé est équivoque ; car toute matière mélangée de vitreux et de calcaire se réduira de mème en gelée: et d’ail- leurs cette reduction en gelée n’est pas un. 8 l indice certain , puisqu'en augmentant la quantité de l’acide, on parvient aisément à dissoudre la matière en entier. Le même M. de Saint-Fond a observé que le fer est très-abondant dans toutes les laves, et que souvent il s’y présente dans l’état de rouille, d’ocre ou de chaux. On voit en effet DES MINÉRAUX. : 9 des laves dont les surfaces sont revêtues d’une couche ocreuse produite par la déecom- position du fer qu’elles contenoient , et où d’autres couches ocreuses, encore plus dé- composées , se couvertissent ultérieurement en une terre argilleuse qui happe à la langue*. ? I1 m’a remis, pour le Cabinet du roi, une très- belle collection en ce genre, dans laquelle on peut voir tous les passages du basalte noir le plus dur à l’état argilleux. Les différens morceaux de celte: col lection présentent toutes les nuances de la décom- position: l'on y reconnoît de la; manière la plus évidente, non seulement toutes les modifications du fer, qui en se décomposant a produit les. teintes les plus fariées ; mais l’on y voit jusqu’à des prismes bien conformés , entièrement convertis en substance argilleuse, de manière à pouvoir être coupés avec un coutéau aussi facilement que la terre à foulon, tandis que le schorl noir, renfermé dans les | n’a éprouvé aucuue altération. Un fait digne de la plus grande attention , c’est que , dans certaines circonstances, les eaux s’infil= trant à travers ces laves à demi décomposées, ont entrainé leurs molécules ferrugineuses, et les ont déposées et réunies sous la forme d’hématites dans les cavités adjacentes alors les laves terreuses, 96 HISTOIRE NATURE Ce même naturaliste rapporte, ñ “däpieh: M. Pazumot , qu’on a d’abord trouvé des zéolithes dans les laves d'Islande , qu'ensuite on en à reconnu dans différens basaltes en Auvergne, dans ceux du Vieux-Brisach en Alsace , dans les laves envoyées des'iles de France et de Bourbon, et dans celles de l'ile de Feroëé. M. Pazumot est en effet le premier qui ait écrit sur la zéolithe trouvée dans les laves, et son opinion est que cette substance n’est pas un produit immédiat du feu, mais une reproduction formée par l’intermède de l’eau et par la décomposition de la terre vol= canisée. C'est aussi le sentiment de M. de Saint-Fond : cependantilavoue qu’il a trouvé de la zeolithe dans l'intérieur du basalté le plus compacte et le plus dur. H,n est donc guère possible de supposer que la zéolithe se soit formée dans ces basaltes par la décom- position de leur propre substance , et M. de Saint-Fond, pense que ces dernières zéolithes étoient formées auparavant, et qu elles ont dépouillées de leur fer, ont perdu leur couleur, et ne se présentent plus que comme une terre argilleuse et blanche , sur laauelle l’aimant n’a plus d'acuon: - 2? 4 : ; _— € DES MINÉRAUX. || 97 seulement été saisies et enveloppées par la lave lorsqu'elle étoit en fusion. Mais alors comment est-il possible que la violence du feu ne les ait pas dénaturées , puisqu’elles sont enfermées dans la plus grande épaisseur dela lave où la chaleur étoit la plus forte? Aussi, notre observateur convient-il qu'il y a des circonstances où le feu et l’eau ont pu produire des zeolithes , et il en donne des raisons assez plausibles. | + Idit, après l'avoir éprouvé par comparai- son , que le basalte noir du Vivarais est plus dur que le basalte antique ou égyptien *. Il a * Il observe quelques différences dans la pâte de ce basalie égyptien ; d’après les belles statues de cette matière que M. le duc de Chaulnes a rap- portées de son voyage d'Égypte ; elles présentent les variétés suivantes : r°. un basalte noir, dur et compacte, dont la pâte offre un grain serré, mais sec et äpre au toucher dans les cassures, et néan- moins susceptible d'un beau poli; 2°. un basalte d’un grain semblable , mais d’une teinte verdâtre ; 3°. un basalte d’un gris lavé tirant au verd. Au reste, M. Faujas de Saimt-Fond ne regarde pas comme un basalte, ni même comme un produit des vol- eans, la matière de quelques statues égyptiennes, 9 48 HISTOIRE ET trouvé sur le plus haut sommet dé la wat tagne du Mézine en Vélay, un basalte gris- blanc un peu verdâtre, dur et sonore, qui se rapproche, par la couleur et par le grain} du basalte gris-verdätre d'Égypte, et dans lequel on remarque quelques lames: d’un feld-spath blanc vitreux, qui a le coup d'œil et le brillant d’une eau glacée: Ces lames sont souveut formées en parallélogrammes , et il y a des morceaux où le feld-spath-renferme lui-même de petites aiguilles de schorl noir. Enfin il remarque aussi très-bien quedes dendrites qu’on voit à la superficie de'quel- ques basaltes, sont produites par le fer que l’eau dissout et dépose en un de ramifica- tions. À l'égard de la figure prismatique que prennent les basaltes, notre observateur m'en qui, quoique d’une belle couleur noire, n’est qu’une pierre argilleuse mélée de mica et de schorl noir en très-petits grains, et cette pierre est bien moins dure que le basalte. Notre observateur recommande enfin de ne pas confondre avec le basalte la ma- tière de quelques staLues égyphebAps d'un gris noi- rûtre, qui n’est qu'un granit à grain fn, ou une sorte de granitello. <« | 5 kà | * DES MINÉRAUX. 09 a remis, pour le Cabinet du roi, des triangu- laires, c’est-à-dire ; à trois pans, qu'il dit _ être les plus rares ; des quadrangulaires ; des pentagones , des hexagones, des heptagones et des octogones, tous en prismes bien formés ; et, après une infinité de recherches, 11 avoue n'avoir jamais trouvé du basalte à neuf pans, quoique Molineux dise en avoir vu dans le comté d'Antrim. Dans certaines laves que M. de Saint-Fond - appelle Basaltes irréguliers, il a reconnu de la zéolithe en noyau, avec du schorl noir. Dans un autre basalte du Vivarais, il a vu un gros noyau de feld-spath blanc à demi transparent , luisant, et ressemblant à du spath calcaire ; et ce feld-spath renfermoit lui-même une belle aiguille prismatique de schorl noir. « Il y a de ces basaltes, dit-il, « qui contiennent des noyaux de pierre cal- « cairé et de pierre vitrifiable de la nature de « la pierre à rasoir, et d’autres noyaux qui « ressemblent à du tripoli ». Il à vu dans d’autres blocs de la chrysolithe verdâtre ; dans d’autres, du spath calcaire blanc, crystallisé et à demi transparent : d’autres morceaux sont eutremélés de couches de basaltes et de + ‘ ATTS + F e VOST CNE ACTU EN PAM RRT EN Le à à ONE LA NR VÉRINS) ÿ SE A Ÿ VC La so HISTOIRE NATURELLE _ à petites couches de pierre calcaire; d’autres renferment des fragmens de granit blanc, mé- ‘lés de schorl noir : il y ‘en a même dont le granit est en plaques si intimement jointes et liées au basalte, que, malgré le poli, la ligne de jouction n’est pas sensible ; enfin dans la cavité d’un autre morceau de basalte, il a reconnu un dépôt ferrugineux sous la forme d’hématite, qui en tapisse tout l’intérieur, et qui est de couleur gorge de pigeon, très- chatoyante. On voit sur cette hématite quel= ques gros grains d’une espèce de calcédoine blanche et demi-transpatrente; une des faces de ce mème morceau est recouverte de den— drites ferrugineuses : et parmi Les laves pro- prement dites, 1l en a remarqué plusieurs qui sont tendres, friables, et prennent peu à peu Ja nature d’une terre arsilleuse. Il remarque avec raison que la pierre de gallinace, qu’on a nommée agate noire d’Is- lande, n’a aucun rapport avec Les agates , et que ce n’est qu'un verre demi-transparent, une sorte d’émail , qui se forme dans les vol- cans , et que nous pouvons même imiter en tenant de la lave à un feu violent et long- temps continué. On trouve de cette pierre de DES MINÉRAUX xor gallinace non seulement en Islande, mais dans les montagnes volcaniques du Pérou. Les anciens Péruviens la travailloient pour en faire des miroirs qu'on a trouvés dans Jleurs tombeaux. Mais il ne faut pas confondre cette pierre de gallinace avec la pierre d’in- cas, qui est une marcassite dont ils faisoient aussi des miroirs. On rencontre de même sur l'Etna et sur le Vésuve quelques morceaux de gallinace, mais en petite quantité, et M. de Saint-Fond n’en a trouvé qu’en un seul en- droit du Vivarais, dans les environs de Ro- chemaure. Ce-morceau est tout-à-fait sem- blable à la gallinace d'Islande; il est de mème très-noir et d’une substance dure, donnant des étincelles avec l’acier : mais on y voit des bulles de la grosseur de la tête d’une épingle, toutes d’une rondeur exacte’; ce qui paroit être une démonstration de plus de sa forma- tion par le feu. Indépendamment de toutes les variétés dont nous venons de faire mention, il se trouve très-fréquemment dans les terrains volcanises des brèches et des poudingues que M. de Saint-Fond distingue avec raison *par * Ces brèches se trouvent souvent en irès-grandes 9. 1 / LS PO NTIASR ANNEE do Ga 12 HISTOIRE NATURELLE la différence des matières dont ils sont-coms posés. | PARA La pouzzolane n’est que le détriment des - matières volcaniques ; vue à la loupe, elle présente une multitude de grains irrégu— liers : on y voit aussi des points de schorl noir détaches, et très-souvent de petites portions de basalte pur ou altéré. On trouve de la pouzzolane daus presque tous les cantons volcauisés , particulièrement dans les envi- rons des cratères ; il y en a plusieurs espèces et de différentes couleurs dans le Vivarais , ‘4 ) L : masses ; l’église cathédrale et la plupart des maisons de la ville du Puy en Vélay sont construites d’une brèche volcanique, dont 1] y a de très-grands rochers à la montagne de Danis : cette brèche est quelque- fois en masses irrégulières; mais pour l'ordinaire elle est posée par couches fort épaisses, qui ont été produites par les éruptions de l’ancien volcan de Danis. 11 y a près du château de Rochemaure, des masses énormes d’une autre brèche volcanique for- mée par une multitude de très-petits éclats irrégu=" liers de basalte noir, dur et sain , de quelques grains de schorl noir vitreux, le tout confondu et mêlé de fragmens d’une pierre blanchâtre et ürant un peu sur la couleur de rose tendre. en | DES MINÉRAUX. 163 eten plus grande abondance dans le Vélay. Et je crois qu’on pourroit mettre encore au nombre des pouzzolanes cette matière d’un rouge ferrugineux qui se trouve souvent entre les couches des basaltes, quoiqu’elle se présente comme une terre bolaire qui happe à la langue et qui est grasse au toucher. En Ja regardant attentivement, on y voit beau- coup de paillettes de schorl noir, et souvent même des portions de lave qui n'ont pas encore été denaturees , et qui conservent tous les caractères de la lave ; mais ce qui prouve sa conformité de nature avec la pouzzolaue, c'est qu’en prenant dans cette matière rouge celle qui est la plus liante, la plus pâteuse, on en fait un ciment avec de la chaux vive, et que, dans ce ciment, le liant de la terre s’'évauouit , et qu’il prend consistance dans l’eau comme la plus excellente pouzzolane. Les pouzzolanes ne sont donc pas des cen— dres, comme quelques auteurs l’ont écrit , mais de vrais détrimens des laves et des autres matières volcanisées. Au reste, il me paroît que notre savant observateur assure trop généralemeut qu’i7 »°y à point de véritables cendres dans les volcans , et qu'il n’y existe fos IST OTRE wa vuk Me absolument que la matière de la live cuite ; 4 | recuite, calcinée, réduite ou en scories gra veleuses ou en poudre fine. D'abord. il me semble que, dans tout le cours de son ou- vrage, l’auteur est dans l’idée que la lave se forme dans le gouffre ou foyer même du vol- can , et qu'elle est projetée hors du cratère sous sa forme liquide et coulante, tandis qu’au contraire la lave ne se forme que dans les éminences ou monceaux de matières ardentes rejetées et accumulées , soit au- dessus du cratère*, comme dans le Vésuve, soit à quelque distance des bouches d’érup- tion, comme dans l'Etna. La lave ne se forme donc que par une vitrification posté- rieure à l’éjection , et cette vitrification ne se fait que dans les monceaux de matières reje- tées; elle ne sort que du pied de ces émi-— nences ou monceaux, et dès lors cette ma- x . . À . . É tière vitrifiée ne contient en effet point de cendres; mais les monceaux eux-mêmes em contenoient en très-grande quantité, et ce sont ces cendres qui ontservi de fondant pour * Voyez dans les Époques de la Nature, Var= ticle qui a rapport aux basaltes et aux laves. LA * er - DES MINÉRAUX. 105 former le verre de toutes les laves. Ces cendres sont lancées hors du gouffre des vol- cans, et proviennent des substances com— RÉ à qui servent d’aliment à leurs feux ; les pyrites, les bitumes et les charbons de terre, tous les résidus des végétaux et ani- : maux étant les seules matières qui puissent entretenir le feu , il est de toute nécessité qu’elles se réduisent en cendres dans le foyer même du volcan, et qu'elles suivent le tor— rent de ses projections : aussi plusieurs obser- vateurs , témoins oculaires des éruptions des volcans , ont très-bien reconnu les cendres projetées , et quelquefois emportées fort loin par les vents; et si, comme le dit M. de Saint- Fond, l’on ne trouve pas de cendres autour des anciens volcans éteints, c'estuniquement parce qu'elles ont changé de nature par le laps de temps et par l’action des élémens humides. Nous ajouterons encore ici quelques obser-. vations de M. de Saint-Fond , au sujet de la formation des pouzzolanes. Les laves poreuses se réduisent en sable et en poussière ; les matières qui ont subi une forte calcination sans se fondre, deviennent friables et forment \ x 106 HISTOIRE. NATURELL une excellente pouzzolane : la couleur en est jaunätre, grise, noire ou rougeätre en rai- CR Ve : POLE RTE RTC ATCIE À LCR SON Een ANS La son des différentes altérations qu’a éprouvées ‘4 Ja matière ferrugineuse qu’elles contiennent; et il ajoute que c’est uniquement à la quan- tité du fer contenu dans les laves et basaltes qu'on doit attribuer leur fusibilité. Cetté dernière assertion me paroit trop exclusive: ce n'est pas en effet au fer, du moins au fer seul, qu’on doit attribuer la fusibilité des laves ; c'est au sa/irz contenu dans les cendres rejetées par le volcan qu’elles ont dà leur première vitrification , et c’est au mélangé des matières vitreuses , calcaires et salines, autant et plus qu'aux parties ferrugineuses, qu’elles doivent la facilité de se fondre’une seconde fois. Les laves se fondent comme nos verres factices et comme toute autre matière vitreuse mélangée de parties calcaires ou salines : et en général tout mélange et toute composilion produit la fusibilité ; car l’on sait Q«he plus les matières sont pures, et plus elles sont réfractaires au feu : le quartz, le jaspe, l’argille et la craie pures y résistent également , tandis que toutes les matières mixtes s'y fondent aisément; et cette épreuve s > ” CS CO ù a, DES MINÉRAUX ro7 seroit le meilleur moyen de distinguer les substances simples des matières composées, si li fusibilité ne dépendoit pas encore plus : de la force du feu que du mélange des ma- tières: car, selon moi, les substances les plus simples et les plus réfractaires ne résis- teroient pas à cette action du feu si l’on pouvoit l’augmenter à un degré convenable. En comparant toutes les observations que je viens de rapporter, et donnant même aux différentes opinions des observateurs toute la valeur qu’elles peuvent avoir, il me paroît que le feu des volcans peut pro- duire des matières assez semblables aux por- phyres et granits, et dans lesquelles le feld- spath, le mica et le schorl se reconnoissent sous leur forine propre ; et ce fait seul une fois constaté suffiroit pour qu’on dût regar- der comme plus que vraisemblable, la for= mation du porphyre et du granit par je fex primitif, et à plus forte raison celle des ma- tières premières dont ils sout composés. Mais, dira-t-on ,, quelque sensibles que soient ces rapports, quelque plausibles que paroissent les conséquences que vous en tirez , avez-vous pas annoncé que la figu- Ho x ê, : :8 HISTOIRE NATURELLE ration de tous les minéraux n’est due qu’au. travail des molécules organiques, qui ne pouvant en pénétrer le fond, par Jatirop grande résistance de leur substance dure, ont seulement tracé sur la superficie les premiers linéamens de l’organisation, c'est- à-dire les traits de la figuration ? Or il ny avoit point de corps organisés dans ce pre= mier temps où le feu-primitif a réduit le globe en verre; et même est-il croyable que dans ces feux de nos fourneanx ardens où nous voyons se former des crystaux ; il yai£ des molécules organiques qui concourent à la forme régulière qu’ils prennent? ne suffit. il pas d'admettre la puissance de l'attraction et l'exercice de sa force par les lois de l’af- finité, pour concevoir que toutes les parties homogènes se réunissant, elles doivent prendre en conséquence des figures régu— lières, et se présenter sous différentes formes relatives à leur différente nature, telles: que nous les voyons dans ces crystallisations ? Ma réponse à cette importante question , est que pour produire une forme régulière dans un solide , la puissance de l'attraction seule ne suflit pas, et que J’affinité n'étant Ne . ‘ DES MINÉRAUX. 169 que la même puissance d'attraction, ses lois ne peuvent varier que par la diversité de figure des particules sur, lesquelles elle agit pour les réunir *; sans cela toute matière réduite à l’'homogénéité prendroit la forme sphérique, comme Ia prennent les gouttes d’eau, de mércure et de tout autre liquide, et comme l'ont prise la terre et les planètes : dans le temps de leur liquefaction. Il faut donc nécessairement que tous les corps qui ont des formes régulières avec desfffaces et des angles, reçoivent cette impression de figure de quelque autre cause que de l’affi- nité; il faut que chaque atome soit déja figuré avant d'être attiré et réuni par l’afhi- nité ; et comme la figuration est le premier trait de l'organisation, et qu'après l’attrac- tion il n’y a d'autre puissance active dans la Nature que celle de la chaleur et des mo- lécules organiques qu’elle produit, il me semble qu'on ne peut attribuer qu'à ces mêmes ëlemens JA le travail de la figu- ration. * Voyez dans le 1ome IV de l'Histoire natu- relle des quadrupèdes, l’article qui à pourtitre, dé la Nature , seconde vue. Mat, gén. AE. 1Q Rs . zro HISTOIRE NATURELLE. M L'existence des molécules ‘organiques a précédé celle des êtres organisés: elles sont aussi anciennes que l’élément du feu; un atome de lumière ou de chaleur est par lui-même une molécule active, qui devient organique dès qu’elle a pénétré un autre atome de matière. Ces molécules organiques une fois formées ne peuvent être détruites; le feu le plus violent ne fait que les disper- ser sans les anéantir : nous avons prouvé que leufessence étoit inaltérable, leur exis- tence perpétuelle, leur nombre infini, et qu'étant aussi universellemeut répandues que les atomes de la lumière, tout concourt à démontrer qu’elles servent également à l’organisation des animaux, des végétaux, et à la figuration des minéraux , puisqu’a- près avoir pris à la surface de la terre leur organisme tout entier dans l’animal et le végétal, retombant ensuite dans la masse minérale, elles réunissent tous les êtres sous la même loi, et ne font, qu’un seul pe de tous les règnes de la Nature. DU:S O0: ÜF RE. Lu Nature, indépendamment de ses hautes puissances auxquelles nous ne pouvons at- teindre, et qui se déploient par des effets uni- versels, a de plus les facultés de nos arts qu'elle manifeste par des effets. particuliers : comme nous, elle sait fondre et sublimer les métaux , crystalliser les sels , tirer le vitriol et le soufre des pyrites, etc. Son mouvement plus que perpétuel, aidé de l'éternité du temps, produit, entraine, amène toutes les révolutions, toutes les combinaisons pos- sibles. Pour obéir aux lois établies par le souverain Être, elle n’a besoin ni d’instru- mens , ni d'adminicules , ni d’une main diri- gée par l'intelligence humaine ; tout s'opère, _ parce qu'à force de temps tout se rencontre, et que dans la libre étendue des espaces et dans la succession continue du mouveinent, toute matière est remuée, toute forme don- née, toute figure imprimée. Ainsi tout se rapproche ou s'éloigne, tout s'unit ou se 19 HISTOIRE NA KTURELLE ee | fuit, tout se combine ou s'oppose, tout Le produit ou se détruit par des forces relatives ou contraires, qui seules sont constantes, et, se balançant sans se nuire, animent l’uni- vers et en font un théâtre de scènes tou- jours nouvelles et d'objets sans cesse renais- sans. Mais en ne considérant la Néture que dans ses production$ secondaires , qui sont les seules auxquelles nous puissions comparer les produits de notre art, nous la verrons encore bien au-dessus de nous ; et pour ne parler que du sujet particulier dont je vais traiter dans cet article, le soufre qu’elle produit au feu de ses volcans, est bien plus pur, bien mieux crystallisé, que celui dont nos plus grands chimistes ont ingénieuse- ment trouvé la composition. C’est bien la. même substance; ce soufre artificiel et celui de la Nature ne sont également que la ma- tière du feu rendue fixe par l'acide’, et la démonstration de cette vérité, qui ne porte que sur l'imitation par notre art dun procédé secondaire de la Nature, est néan- moins le triomphe de la chimie , et le plus beau trophée qu'elle puisse placer an haut Re 2 DES MINERAU X: 1 13 du monument de toutes ses découvertes, L'élément du feu , qui, dans son etat de _ liberté, ne tend qu à fuir , et divise toute matière à laquelle on l’applique, trouve sa prison et des liens dans cet acide, qui lui- même est formé par l’intermède des autres élémens; c'est par:la combinaison:de l'air et du feu que l'acide primitif a été produit ; et dans les acides secondaires, les elémens de la terre et de l’eau sont tellement combinés, qu'aucune autre substance simple ou com-— posée n'a autant d’affinité avec le feu : aussi cet element se saisit de l’acide dés qu'il se trouve dans son état de pureté naturelle et sans eau superflue ; il forme avec lui un nouvel être qui est le soufre, uniquement compose de l'acide et du feu. Pour voir clairement ces rapports impor- taus , considérons d’abord le soufre tel que la Nature nous l'offre au sommet de ses vol- cans ; 11 se sublime, s ‘attache et se crystal lise ‘contre les parois des cavernes qui sur- montent tous les feux souterrains : ces cha- piteaux des fou rnaises embrasées par le feu des pyrites sont les grands récipiens de cette matière sublimée; elle ne se trouve nulle 10. 14 HISTOIRE NA TUREE E à part en aussi grande abondance, parce: que. ‘1 nulle part l'acide et le feu ne se rencontrent | en aussi grand volume, et: n’agissent avec autant de puissance. | | Après la chûte des eaux et la api à de l'acide, la Nature a d’abord renferme une partie de la matière du féu dans les pyrites, c'est-à-dire, dans les petites masses ferrugie neuses et minérales où l’acide vitriolique, se trouvant en quantité, a saisi cet élément du feu, et le retiendroit à perpétuité, si l'action des élémens humides * ne survenoit pour le dégager et lui rendre sa hberté; l'humidité, en agissant sur la matière ter- reuse et s’unissant en même temps à l'acide, diminue sa force, relàäche peu \ à peu les * L'eau seule ne décompose pas les pyrités : le long des falaises des côtes de Norimandie , les bords de la mer sont jonchés de pyrites, que les pêcheurs . ramassent pour en/aire du vitriol. | La rivière de Marne, dans la partie de la Cham- pagne crayeuse qu'elle arrose, est jonchée de py- rlles martiales qui restent intactes tant qu’elles sont dans l’eau , mais qui s’etfleurissent dès qu’elles sont exposées à J’air. Le . DER | DESéMINÉRAUX. 115 nœuds de son union avec le feu , qui reprend S” .sa Liberté dès que ses liens sont brisés : dans cet incendie , le feu, devenu libre, emporte avec sa flamme une portion de l'acide auquel il étoit uni dans la pyrite, et cet acide pur et séparé de la terre qui reste fixe, forme, avec la substance de la flamme, une nou- velle matière uniquement composée de feu fixé par l'acide, sans mélange de terre ni de fer , ni d’aucune autre matière. | Il y a donc une différence essentielle entre _le soufre et la pyrite, quoique tous deux contiennent également la substance du few saisie par l'acide, puisque le soufre n’est composé que de ces deux substances pures et simples , tandis qu’elles sont incorporées dans la pyrite avec une terre fixe de fer où d’autres minéraux : le mot de soufre miné- ral, dont on a tant abusé, devroit ètre banni de la physique, parce qu'il fait équivoque et présente une fausse idée; car ce soufre mi- néral n'est pas du soufre, mais de la pyrite; et de même toutes les substances métalliques, qu’on dit être minéralisées par le soufre, ne sont que des pyriles qui contiennent, à la vérité, les principes du soufre, mais dans ONE il n'est pas foie es pyrites martiales et cuivreuses, la galène de plomb; etc. sont autant de pyrites dans lesquelles la substance du feu et celle de l’acide se trouvent plus ou moins intimement unies aux parties fixes de ces métaux : ainsi les pyrites ont été formées par une grande opé- ration de la Nature, après la production de l’acide et des matières combustib!'s, rem- plies de la substance du feu ; et le soufre ne s’est formé que par une opération secon- daire , accidentelle et particulière, en se sublimanttavec l'acide par l’action des feux souterrains. Les charbons de terre et les bi- tumes, qui, comme les pyrites , contiennent de l'acide , doivent par leur combustion pro: duire demème une grande quantité de soufre: aussi toutes les matières qui servent d’ali- ment au feu des volcans et à la chaleur des eaux thermales, donnent également du soufre dès que, par les circonstances locales, l'acide, et le feu qui l'accompagne et l'enlève, peuvent être arrêtés et condensés par le xefroidissement. On abuse donc du nom de soufre, lors- qu'on dit que les métaux sont minéralisés par DES MINÉRAUX. «#1 le soufre; et comme les abus vont toujours en augmentant, on.a aussi donne le même nom de soufre à tout ce qui peut brûler. Ces applications équivoques ou fausses viennent de ce qu'il n'y avoit dans aucune langue une expression qui pût désigner le feu dans son état fixe; le soufre des anciens chi- mistes représentoit cette idée *, lepÆlogis- éigue la represente dans la chimie récente: et l'on n'a rien gagné à cette substitution * Le soufretdes philosophes hermétiques étoit un tout autre être que le soufre commun : ils le regar- doient comme le priüicipe de la lumière, comme celui du développement des germes et de la nutri- tion des corps organisés; et sous ces rapports, 1l paroît qu'ils considéroient particulièrement dans le soufre son feu fixe, indépendamment de l'acide dans lequel il se trouve engagé : dans ce point de vue, ce n'est plus du soufre qu'il s’agit, mais du. feu même, en tant que fixé dans les différens corps de la Nature ; il en fait l’activité , le développement et la vie; el en ce sens , le soufre des alchimistes peut en effet être regardé comme le principe des phénomènes de la chaleur , de la lumière, du déve- loppement et de la nutrition des corps organisés. (Observation communiquée par M.l'abbé Bexon.) RSS ODA TE AO, PATENT MENT La r LRO LUN L f Y Le “ m8 HISTOIRE NATURELLE de termes; elle n’a même fait qu'augmenter la confusion des idées, parce qu’on ne s’est pas borné à ne donner au phlogistique que les propriétés du feu fixe. Ainsi le mot ancien desoufre, ou le mot nouveau de pAlogistique, dans la langue des sciences, n'auroient pas fait de mal s’ils n’eussent exprimé que l’idée nette et claire du feu dans son état fixe: cependant jeu five est aussi court, aussi aisé à prononcer, que pAlogistique ; et feu fixe rappelle l’idée principale de l'élément du feu , et le représente tel qu'il existe dans les corps combustibles , au lieu que pÆlogis- tigue, qu’on n’a jamais bien défini, qu'on a souvent mal appliqué, n’a fait que brouiller les idées, et rendre obscures les explications ‘des choses les plus claires. La réduction des chaux métalliques en est un exemple frap- pant; car elle s'explique, s'entend aussi clairement que la précipitation, sans qu'il soit nécessaire d’avoir recours, avec nos chi- mistes, à l'absence ou à la présence du phlo- gistique. Dans la Nature, et sur-tout dans la ma- tière brute, il n'y a d'êtres réels et primitifs que les quatre élémens; chacun de ces élé- UM LA À L l'E DES MINÉRAUX. 119 iens peut se trouver en un état différent de mouvement ou de repos, de liberté ou de _ contrainte , d'action ou de résistance , etc. : il y auroit donc tout autant de raison de faire un nouveau mot pour l'air fixe; mais heureusement on s’en est abstenu jusqu'ici. Ne vaut-il pas mieux en effet désigner par une épithète l’état d’un élément, que de faire un être nouveau de cet état en lui don- nant un nom particulier ? Rien n’a plus retardé le progrès des sciences que la /020- machie, et cette creation de mots nouveaux à demi techniques, & derni métaphysiques, et qui dès lors ne représentent nettement ni l'effet ni la cause: j'ai même admiré la justesse de discernement des anciens ; ils ont appclé pyrites les matières minérales qui coutiennent en abondance la substance du feu avons-nous eu raison de substituer à ce nom celui de soufre, puisque les minérais ne sont en effet que des pyrites? Et de même les anciens chimistes ont entendu par le mot de soufre la matière du feu contenue dans les huiles, les résines, les esprits ar- dens , et dansÆ#ous les corps des animaux et des végétaux , aiusi que dans la substance L 1 HISTOIRE NATURELLE des minéraux : avons-nous aujourd’hui rais | son de lui substituer celui de pÆlogistique? Le mieux eût été de n’adopter ni Fun ni l’autre : aussi n’ai-je employé dans le cours de cet ouvrage que l’expression de ‘feu fixe, au lieu de pAlogistique, comme je n’emploie ici que celle de pyrite au lieu de soufre mi- néral. Au reste, si l’on veut nt l’idée du feu fixe de celle du phlogistique, il faudra, comme je l'ai dit *, appeler pÆlogistique le feu qui, d'abord étant fixé dans les corps, est en même temps animé par l'air et peut : en être séparé, et laisser le nom de jeu fixe à la matière propre du feu fixé dans ces mêmes corps, et qui, sans l’adminicule de l'air auquel il se réunit, ne pourroit s'en dégager. / Le feu fixe est toujours combiné avec Pair fixe, et tous deux sont les principes 'inflam: : mables de toutes les substances combustibles: c’est en raison de la quantité de cet air et feu fixes qu’elle#sont plus ou moins inflam- * Voyez l’Introduction aux minéraux ; tome IV, page roi: . DES MINÉRAUX. r2t mables. Le soufre, qui n’est composé que da cide pur et de feu fixe, brûle en entier et -ne laisse aucun résidu après son inflamma- tion; les autres substances qui sont mèlées de terres ou de parties fixes, laissent toutes des cendres ou des résidus charbonneux après leur combustion; et en général toute inflam- mation, toute combustion n'est que la mise en liberté par le concours de l'air, du feu fixe contenu dans les corps, et c’est alors que ce feu animé par l’air devient plogis- tique: ox le feu libre, l’air et l’eau, peuvent également rendre la liberté au feu fixe con- tenu dans les pyrites; et comme, au moment qu’il est libre, le feu reprend sa volatilité, il emporte avec lui l'acide auquel il est uni, et forme du soufre par la seule condensation de cette vapeur. On peut faire du soufre par la fusion ou : : par la sublimation : il faut pour cela choisir les pyrites qu’on a nommées szlfureuses, et qui contiennent la plus grande quantité de feu fixe et d'acide, avec la moindre quantité de fer, de cuivre, ou de toute autre matière fixe ; et selon qu'on veut extraire une grande ou petite quantité de soufre, on emploie --11 AGENT Fu d+ Fe EN ATOUT " 122 HISTOIRE vireiale, différens moyens , qui néanmoins se réi | duisent tous à donner du soufre par fusion À ou par sublimation. h Cette substance tirée des pyrites par notre art, est absolument semblable à celle du : soufre que la Nature produit par, l'action de ses feux souterrains ;: sa couleur est d’un jaune citrin; son odeur est désagréable, et plus forte lorsqu'il est frotté où échauffé; il est électrique comme l’ambre ou la résine ; sa saveur nest insipide que parce que le principe aqueux de son acide y étant absorbé par l’excès du feu , il n’a aucune affinité avec la salive, et qu’en général il n’a pas plus d'action sur les matières aqueuses qu’elles n’en ont sur lui ; sa densité est à peu près égale à celle de la pierre calcaire * ; il est cassant , presque friable, et se pulvérise aisé- ment ; il ne s’altère pas par l'impression des clémens humides, et même l’action du feu ne le décompose pas lorsqu'il est en vais-: seaux clos, et privé de l’air nécessaire à toute inflammation. Il se sublime sous sa même * Le soufre volatil pèse environ cent quarante- deux livres le pied cube, et le soufre en canon cent trente-neuf à cent quarante livres, - . l DES MINÉRAUX. 123 forme , au haut du vaisseau clos, en petits crystaux auxquels on a donné le nom de fleurs de soufre; celui qu'on obtient par la fusion, se crystallise de même en le laissant refroidir très-ientement : ces crystaux sont ordinairement en aiguilles, et cette forme aiguillée, propre au soufre, se voit dans les pyrites et-dans presque tous les minéraux où le feu fixe et l’acide se trouvent combi- nés en grande quantité avec le métal ; il se crystallise aussi en octaèdre, dans les grands soupiraux des volcans. Le degré de chaleur nécessaire pour fondre le soufre ne suffit pas pour l’enflammer : tl faut, pour qu’il s’allume, porter de la flamme à sa surface; et dès qu'il aura, reçu l’inflam- malion , 1l continuera de brûler, Sa flamme est légère et bleuâtre, et ne peut même com- muniquer l’imflammationaux autres matières combustibles que quand on donne plus d’ae- tivité à la combustion du soufre en aug- mentant lé degré de feu: alors sa flamme devient plus lumineuse , plus intense, et peut enflammer les matières sèches et com- bustibles, Cette flamme du soufre, quelqu’in- tense qu'elle puisse être, n’en est pas moins 124 HISTOIRE. NATTR GE | pure; elle est ardente dans toute sa subs- tance ; elle n’est accompaguée d'aucune fu- mée et ne produit point de suie : mais elle répand une vapeur suffocante qui n’est que celle de l'acide encore combiné avec le feu fixe , et à laquelle on a donné le nom d’acide sulfureux. Au reste, plus lentement on fait brûler le soufre, plus la vapeur est suffo- caute ; et plus l'acide qu’elle contient devient pénétrant; c’est, comme l’on sait, avec cet: acide sulfureux qu’on blanchiteles étoffes, les plumes et les autres substances animales. L'acide que le feu libre emporte, ne s’é- lève avec lui qu'à une certaine hauteur; car dès qu’il est frappé par l'humidité de l'air, qui se combine avec l’acide, le feu est forcé de fuir; il quitte l'acide et s’exhalé tout seul : cet acide dégagé dans la combustion du soufre est du pur acide vitriolique. « Si «l’on veut le recueillir au moment que le « feu l’abandonne, il ne faut que placer un « chapiteau au-dessus du vase, avec la pre- « caution de le tenir'assez éloigné pour per- « mettre l’action de l'air qui doit entretenir « la combustion, et de porter dans l’inté- « rieur du chapiteau une certaine humidité 4 N*DES MINÉRAUX.: ‘125 « par la vapeur de l’eau chaude ; on trouvera « dans le récipient ajusté au bec du chapi- « teau ,| l'acide vitriolique connu sous le « nom d'esprit de sitriol, c’est-à-dire, un, « acide peu concentré, et considérablement « aHoibli par l'eau ». On concentre cet acide et on le rend plus pur en le distillant.« L'eau, «-comme plus volatile, s'élève la première « et emporte un peu d'acide; plus on réitère « la distillation , plus il y a de déchet, mais «aussi plus l'acide qui reste se concentre, «et ce west que par ce moyen qu'on peut, « lui donner toute sa force et le rendre tout- « à-faitpur !». Au reste, on a imagine depuis peu le moyen d'effectuer dans des vaisseaux clos la combustion du soufre; il sufht pour cela d'y joindre un peu de nitre qui fournit l'air nécessaire à cette combustion, et d’a- prés ce principe on a construit des appa- reils de vaisseaux clos, pour tirer l’esprit de vitriol en grand , sans danger et sans perte: cest ainsi qu'on y procède actuellement dans plusieurs manufactures ?, et spécialement * Elémens de chimie, par M. de Morveau, 1. IT, Da 22 | 7 2 C’est à Rouen que l’on à commencé à faire de 11 LA dans la belle dore dd. sé minéraux éla- À | A] "10 blie à Javel le sous le nom et les Li hé de monseigneur le comte d'Artois: . 4 + * L'eau ne dissout point le soufre et ne fait même aucune impression à sa surface; cepen- dant, sil’on verse du soufre en fusion dans de l’eau , ellese mêleavec lui, et il reste mou tant qu’on ne le fait pas sécher à Pair : 1l reprend sa solidité et toute sa:sécheresse dès que l’eau dont il s’est huinecté par force, eë avec laquelle il n’a que peu ou point d’adhé- rence, est enlevée par l’évaporation: Voilà sur la composition de la substance du soufre-et sur ses principales propriétés , ce que nos plus habiles chimistesontreconnu et nous représentent comme choses incontes- tables et certaines ; cependant elles ont be- soin d’être modifiées, et sur-tout de n'être pas prises dans un sens absolu, si l’on veut s'approcher de la véritéen se rapprochant l'huile de vuriol en grand par le soufre; il s'en fait annuellement dans cette ville et dans les environs, quatorze cents milliers : on en fait à Lyon sans intermède du salpètre, ( Note communiquée pas 21. de Grignon. ) DES MINÉRAIUX. | 327 des faits réels de la Nature. Le soufre , quoi- qu'entièrement composé de feu fixe et d'a- cide, n'en contient pas moins les quatre élémens ; puisque l’eau, la terre et l'air se trouvent unis dans. l'acide vitriolique, et que le!few même, ne se fixe sr ne Yinter- mède de L'air. , A TILES LK Le uit n’est pas, comme on l’as- sure, une substance simple , identique et toujours la même dans tous les corps, puis= que la matière du feu y est toujours unie à celle de l'air, et que, sans le concours de ce second élément , le feu fixe ne pourroit ni se dégager n1 s’enflammer. On sait que l'air fixe prend souvent la place du feu fixe en s’emparant des matières que celui-ci quitte, que l'air est même le seul intermède par lequel on puisse dégager le feu fixe, qui alors devient le phlogistique : ainsi lesoufre, indépendamment de l'air fixe qui est entré dans sa composition , se charge encore de nouvel air dans son état de fusion ; cet air fixe s’unit à l’acide ; la vapeur même du soufre fixe l'air et l’absorbe ; et enfin le soufre, quoique contenant le feu fixe en plus grande quantité que toutes Les autres 128 HI STOIRE NA NT substances ‘combustibles, ne phsteit flan: mér comme elles, et continuer à à brler ps : par le concours de Rat. Lara : MS NE ae : En comparant: la combustion di soufre à celle du phosphore, on voit que, dans le soufre, l'air fixe prend la place dufen"fixe à mesure qu'il se dégage ets’exhaleen flamme, et que, dans le phosphore, c’est l'air fixe qui se dégage le premier, et laisse le feu fixe reprendre sa liberté : cet effet s'opère sans lé secours extérieur du feu libre et Par le seul contact de l'air: et dans toute matière où il se trouve des acides, l’air s’unit avec ‘eux et se fixe encore plus aisément que le feu même dans les substances lés plus combus- tibles. Dans les explications chimiques on attri= bue tous les effets au phlogistique’, c'est- à-dire, au feu fixe seul, tandis qu’il n’est jamais seul, et que l'air fixe est très-souveré Ja cause immédiate ou médiate de l'effet : heureusement que , dans ces dernières an- nées , d’habiles physiciens ayant suivi les traces du docteur Hales , ont fait'entrer cet élément dans l'explication de plusieurs phé- momènes, et ont démontré que l'air se fixoit DES MINÉRAUX. 12 - en s’unissant à tous les acides ; en sorte qu'il contribue presque aussi essentiellement que le feu , non seulement à toute combustion, mais même à toute calcination, soità chaud, soit à froid. J'ai démontré que la combustion et la cal- cination sont deux effets du même ordre, deux produits des mêmes causes; et lorsque la calcination se fait à froid, comme celle de lacéruse par l'acide de l'air’, c’est que cet acide contient lui-même une assez grande quantité de feu fixe pour produire une petite combustion intérieure , qui s'annonce par Ja calcination, de la même manière que la dé nibéitiss intérieure des pyrites humec- tées se manifeste par l’inflammation. On ne doit done pas supposer avec Stahl et tous les autres chimistes, que le soufre n’est composé que de phlogistique et d’acide , à moins qu'ils ne conviennent avec moi que le phlogistique n’est pasune substancesimple, mais composée de feu et d'air, tous deux fixes ; que de plus ce phlogistique ne peut pas être identique et toujours le même, puis- que l’air et le feu s’y trouveut combinés en différentes proportions et dans un état de 130 HISTOIRE NATURELLE fixité plus ou moins constant : et de même on ne doit pas prononcer dans un sens ab- solu , que le soufre, uniquement composé d'acide et de phlogistique, ne contient point d’eau, puisque l'acide vitriolique en con- tient, et qu’il a même avec cet élément assez: d’affinité pour s’en saisir avidement. L'eau, l’air et le feu peuvent également se fixer dans les corps, et l’on sera forcé, pour exposer au vrai leur composition, d'admettre une eau fixe, comme l'on a été obligé d’ad- mettre un air fixe, après avoir admis le feu fixe ; et de même on sera conduit, par des réflexious fondées et par des observations ultérieures, à ne pas regarder l'élément de la terre comme absolument fixe, et on ne conclura pas , d’après l’idée que zoufe terre est fixe, qu’il n’existe point de terre dans le soufre , parce qu’il ne donne ni suie ni résidu après sa combustion : cela prouve seulement que la terre du soufre est volatile, comme celle du mercure, de l’arsenic et de plusieurs autres substances. | | Rien me détourne plus de la route qu'on. doit suivre dans la recherche de la vérité, que çes principes secondaires dont on fait de DES MINÉRAUX. 1 pelits axiomes absolus , par lesquels on donne l'exclusion à tout ce qui u’y est pas compris: assurer que le soufre ne contient que le feu fixe et l'acide vitriolique, te n’est pas en exclure l’eau, l'air et la terre, puisque, dans la réalité, ces trois élémens s'y trouvent comme celui du feu. | Après ces réflexions , qui serviront de pré: servatif contre l’extension qu’on pourro donner à ce que nous avons dit et à ce que nous dirons encore sur la nature du soufre, nous pourrons suivre les travaux de nos sa- vans chimistes , et présenter les découvertes qu’ils ont faites sur ses autres propriétés. Ils ont trouvé moyen de faire du soufre artifi- ciel, semblable au soufre naturel, en combi- nant l’acide vitriolique avec le phlogistique ou feu fixe animé par l’air : ils ont observé que le soufre, qui dissout toutes les matières meélalliques , à l'exception de l’or et du zine, n'attaque point les pierres ni les autres ma- tières terretises; mais qu'étant uni à l’al- cali , il devient, pour ainsi dire, le dissol- vant général de toutes matières : l’or même me lui résiste pas * ; le zinc seul se refuse * Selon Stabl , ce fut au moyen du foie de soufre # 132 HISTOIRE NATURELLE à toute combinaison avec le foie de outre Les acides n'ont sur le soufre guère plus d'action que l’eau; mais tous les alcalis fixes” ou volatils et les matières calcairés ‘l'at- taquent, le dissolvent et le rendent disso- ‘Juble dans l’eau. On a donné le nom, de foie de soufre au composé artificiel du soufre et el’alcali; mais ici, comme en tout le reste, otre art se trouve non seulement devancé, mais ee. par la Nature. Le foie de soufre est en effet l’une de ces combinaisons géné rales qu’elle a produites et produit même le plus continuellement et le plus universelle ment; car dans tous les lieux où l'acide vitriolique se rencontre avec les détrimens des substances organisées, dont la putréfac- tion développe.et fournit à La fois l’alcali et le phlogistique, il se forme du foie de soufre : que Moïse réduisit en poudre le veau d’or , suivant les paroles de l’'Exrode, chap. 32, vers. 204 Tulit situlum quem fecerant , et combussit igne, con trivitque donec in pulverem redegit, postea spar- sit in superficiem aquarum et potarit filios Israël. Voyez sou Traité intitulé Fitulus aureus igne sombustus ra by 4 RTS DES MINÉRAUX. 133 on en trouve dans tous les cloaques, dans les terres des cimetières et des voiries, au fond des eaux croupies, dans les terres et pierres plâtreuses , etc. ; et la formation de ce com posé des principes du soufre unis à l’alcali, nous offre la production du Stone même sous un nouveau point de vue. En effet, la Nature le produit non seule- ment par le moyen du feu , au sommet des volcans et des autres fournaises souterraines, mais elle en forme incessamment par les effervescences particulières de toutes les ma-— tières qui en contiennent les principes. L’hu- midité est la première cause de cette effer- vescence : ainsi l’eau contribue, quoique d’une manière moins apparente et plus sourde , plus que le feu peut-être, à la pro- duction et au développement des principes du soufre ; et ce soufre produit par la voie ‘humide est de la même essence que le soufre produit par le feu des volcans , parce que la cause de leurs productions, quoique si diffé— rente en apparence, ne laisse pas d’être au fond la même. C’est toujours le feu qui s’unit à l’acide vitriolique;, soit par l’inflamma- tion des matières pyriteuses , soit par leur | y: 12 134 HISTOIRE NATURELLE effervescence occasionnée par l'humidité; car cette effervescence n’a pour cause que le few … renfermé dans l’acide, dont l’action lente et continue équivaut ici à l'action viveet brusque de la combustion et de l’inflammatiqn. Ainsi le soufre se pos sous 108 yeux en une infinit4à endroits où jamais les feux sou- terrains n’ont agi *; et non seulement nous trouvons ce soufre tout formé par-tout où se sont décomposés les débris des substances du règne animal et végétal, mais nous sommes forcés d’en reconnoître la présence dans tous les lieux où se manifeste celle du foie de sou: fre, c’est-à-dire , dans une infinite de subs- tances minérales qui ne portent aucune eme preinte de l’action des feux souterrains. | Le foie de soufre répand une odeur très- fétide, et par laquelle on ne peut manquer de le reconnoître; son action n’est pas moins ké * On trouve en Franche-Comté des géodes sul« fureuses qui contiennent un soufre tout formé, et produit, suivant toute apparence, par l’efflorescence des pyrites, dans des lieux où elles auronten même temps éprouvé la chaleur de la putréfaction ou de laermentation. | / DES MINÉRAUX. 2:35 sensible sur une infinité de substances, et eul il fait autant et peut-être plus de disso- lutions , de changemens et d’alterations dans le règne minéral que tous les acides ensemble. C'est par ce foie de soufre naturel, c’est-à- dire, par le mélange de la décomposition des pyrites et des matières alcalines, que s’o- père souvent la minéralisation des métaux. J1 se mêle aussi aux substances terreuses et aux pierres calcaires : plusieurs de ces subs- tances annoncent, par leur odeur fétide, la présence du foie de soufre ; cependant les chimistes ignorent encore comment il agit sur elles. | : Le foie de soufre, ou sa seulevapeur, noircit et altère l'argent ; il précipite en noir tous les metaux blancs , il agit sur toutes les substances métalliques par la voie humide comme par la voie sèche : lorsqu'il est en liqueur et qu’on y plonge des lames d’ar- gent, il les noircit d’abord et les rend bien- tôt aigres et cassantes; il convertit en un instant le mercure en éthiops * et la chaux de plomb en galène ; il ternit sensiblement l'étain, il rouille le fer. Mais on n’a pas _ assez suivi l’ordre de ses combinaisons, soit 136 HISTOIRE NATURELLE avec les métaux , soit avec les terres ; on sait seulement qu'il attaque le cuivre, et lonn’a point examiné la composition qui résulte de leur union : on ne connoît pas mieux l’état dans lequel il réduit le fer par la voie sèche; on ignore quelle est son action sur les demi- mélaux, et quels peuvent être les résultats de son mélange avec, les matières calcaires par la voie humide comme par la voie sèche: néanmoins ces connoissances que la chimie auroit dû nous donner, seroient nécessaires pour reconnoitre clairement l’action du foie de soufre dans le sein de la terre; et ses dif- férentes influences sur les substances tant métalliques que terreuses. On connoît mieux son action sur les substances animales et vé- gétales ; il dissout le charbon même par la voie humide , et cette dissolution est de cou- leur verte. La Nature a de tout PAU produit et pro- duit encore tous les jours du foie de soufre par la voie humide; la seule chaleur de la température de l’air ou de l’intérieur de la terre sufhit pour que l’eau se corrompe, sur- tout l’eau qui se trouve chargée d'acide vitrio- lique, et cette eau putréfiée produit du vrai ; dpi Fe ee. DES- MINÉRAU X. 137 foie de soufre : toute autre putréfaction , soit des animaux ou des végétaux , donnera de même du foie de soufre dès qu’elle se trou- vera combinée avec les sels vitrioliques. Ainsi le foie de soufre est une matière presque aussi commune que.le soufre même; ses effets sont aussi plus fréquens,. plus nombreux, que ceux du soufre, qui ne peut se mêler avec l'eau qu'au moyen de l’alcali, c'est-à- dire, en devenant foie de soufre. Au reste, cette matière se décompose aussi facilement qu’elle se compose, et tout foie de soufre fournira du soufre en le mêlant avec un acide, qui , s'emparant dés matières alcalines , en séparera le soufre et le laissera précipiter. On a seulement observé que ce soufre précipité par les acides minéraux est blanc , et que celui qui est précipité par les acides végétaux, et particulièrement par l'acide du vinaigre , est d’un jaune presque orangé. On sépare le nifre de toutes Les substances métalliques et de toutes les matières pyri- teuses par la simple torréfaction : l’arsenic et le mercure sont les seuls qui, étant plus volatils que le soufre, se subliment avec lui, 12 138 HISTOIRE NAT à et ne peuvent en être séparés pan bebe: opéra “ion, qu’il faut modifier et faire alors en LV vaisseaux clos, avec des PENSE parti- 4 culières. : dpt L'huile paroît dissoudre le doute. comme l'eau dissout les sels ; les huiles grasses et par expression agissent plus promptement et plus puissamment que les huiles essen- tielles, qui ne peuvent le dissoudre qu'avec le secours d’une chaleur asseZ forte pour le fondre ; et malgré cette affinité très-appa- rente du soufre avec les huiles, l'analyse chimique a démontré qu’iln’y a point d'huile dans la substance du soufre, et que dans aucune huile végétale ou animale il n’y a point d'acide vitriolique : mais lorsque cet acide se mêle avec les huiles, 1] forme les bitumes ; et comme les chafbons de terre et les bitumes en general sont les principaux alimens des feux souterrains, il est évident qu’étant décomposés par l'embrasement pro duit par les pyrites , l'acide vitriolique des pyrites et des bitumes s’unit à la substance du feu, et produit le soufre qui se sublime, se condense et s'attache au haut de ces four- naises souterraines. EX à | N DES MINÉRAUX: 13% Nous donnerons ici une courte indication des différens lieux de la terre où l’on trouve du soufre en plus grande quantité et de plus belle qualité*. L'Islande est peut-être la contrée de l’uni- vers où il y en a le plus, parce que cette ile n'est, pour ainsi dire, qu’un faisceau de vol- cans. Le soufre des volcans de Kamtschatka, celui du Japon, de Céylan, de Mindanao , * Le passage suivant de Pline indique quelques uns des lieux d’où les anciens üroient le soufre, et. prouve que dès lors le territoire de Naples étoit tout volcanique, Mira , dit-il, sulphuris natura, quo plurima domantur : nascitur in insulis Æolus inter Siciliam et Iialiam, quas ardere dirimus ; sed nobilissimum in Melo insula. In Tialia quo- que inventlur, in Neapolitano Campanoque agro, collibus qui rocantur Leucogæi. Ibi è cuniculis effossum perficitur igni. Genera qualuor : vivum, quod Græci apyron »vocant, nascitur solidum, hoc est gleba... vioum effoditur, transluceique, et »iret. ÆAlterum genus appellant glebam , fullonum tan- tm officinis familiare. .......egula vocatur hoc genus. Quarto autem ad ellychnia maximé con- ficiende. t40) aussi beaucoup de soufre au Chili, et encore plus dans les montagnes du Pérou, comme dans presque toutes les, montagnes à volcan. Le soufre de Quito et celui de la Guadeloupe passent pour être les plus purs, et l’on en voit des morceaux si beaux et si transparens, qu’on les prendroit , au premier coup d'œil, pour de bel ambre jaune. Celui qui se re= cueille sur le Vésuve et sur l'Etna est rare- meut pur. Il en est de même du soufre que certaines eaux thermales, comme celles d'Aix: la-Chapelle et de plusieurs sources en Po- logne , déposent en ,assez grande quantité : il faut purifier tous ces soufres qui sont mé-— langés de parties hétérogènes , en les faisant fondre et sublimer pour les séparer de tout ce qu'ils ont d’impur. Presque tout le soufre qui est dans le com- merce vient .des volcans, des solfatares et autres cavernes et grottes qui se trouvent ou se sont trouvées au-dessus des feux souter- de l ile Mine à l'entrée be Ds Porsidie: et dans les mers occidentales , celui du Pie de Ténériffe , de Saint-Domingue, etc., sont également connus des voyageurs. Îl se trouve | | DES MINÉRAUX. 14x xaihs ; et ce n’est guère que dans ces lieux que le soufre se présente en abondance et tout formé : mais ses principes existent en bien d’autres endroits ; et l’on peut même dire qu’ils sont universellement répandus dans la Nature , et produits par-tout où l’a- cide vitriolique , rencontrant les débris des substances organisées, s’est saisi et surcharge de leur feu fixe , et n'attend qu'une dernière action de cet élément pour se dégager des masses terreuses ou métalliques dans les- quelles 1l se trouve comme enseveli et em prisonné. C’est ainsi que les principes du soufre existent dans les pyrites, et que le soufre se forme par leur combustion; et par- tout où il y a des pyrites, on peut former du soufre : mais ce n’est que dans les contrées où les matières combustibles , bois ou char- bons de terre, sont abondantes, qu’on trouve quelque bénéfice à tirer Le soufre des pyrites. On ne fait ce travail en grand que dans quel- ques endroits de l'Allemagne et dé la Suède, où les mines de cuivre se présentent sous la forme de pyrites; on est forcé de les griller plusieurs fois pour en faire exhaler le soufre ns un ia 142 HISTOIRE NATURELLE se \ que l’on recueille comme le premier produit | dé ces mines. Le point essentiel de cette par tie de l’exploitation des mines de cuivre, est d'empêcher l’inflammation du soufre en même temps qu'on determine son écoule- ment dans des bassins pour Fy recüeillir; cependant il est encore alors impur et mé- langé, et ce n’est que du soufre brut, qu'il faut purifier en le séparant des parties ter- reuses ou métalliques qui lui restent unies. On procède à cette purification en faisant fondre ce soufre brut dans de grands vases à un feu modéré; les parties terreuses se pré- cipitent , et le soufre pur surnage : alors on le verse dans dés moules ou lingotières, dans lesquelles il prend la forme de canonson de “pains, sous laguelle on le connoit: dans le commerce ; mais ce soufre, quoique déja séparé de la plus grande partie de ses impu- retés, n'est ni transparent, ni aussi pur que celui qui se trouve formé eu crystaux sur la plupart des volcans. Ce soufre crystallise doit sa transparence et sa grande purete à la. sublimation qui s’en est faite dans ces vol- cans; et, par la même raison, le soufre arti it HT £ ; DECRUNES DES MINÉRAUX. 143 ficiel le plus pur , ou ce que l’on appelie fleur de soufre, n’est autre chose que du soufre sublimé en vaisseaux clos, et qui se présente en poudre ou fleur très-pure, qui est un amas de petits crystaux aiguillés et très-fins , que l'œil, aidé de la loupe, y distingue. DES SELS. \ Sr 7 L>s matières salines sont celles qui ont de la saveur. Mais d’où leur vient cette 'pro- . priété qui nous est si sensible, et qui affecte les sens du goût, de l’odorat, et mème celui du toucher? quel est ce principe salin ? com- ment et quand a-t:il été forme? Il eloit cer- tainement contenu et relégué dans latmo- sphère, avec toutes les autres matières vola- tiles, dans le temps de l’incandescence du globe : mais, après la chüte des eaux et la dépuration de l’atmosphère , la première combinaison qui s’est faite dans cette sphère encore ardente , a été celle de l’union de l'air et du feu; cette union a produit l’acide pri- mitif : toutes les matières aqueuses, ter- reuses ou métalliques, avec lesquelles cet acide primitif a pu se combiner, sont de- venues des substances salines ; et comme cet acide s’est formé par la seule union de l'air avec le feu , il me paroit que ce premier acide, le plus simple et Le plus pur de tous, DES MINÉRAUX. 145 ést l'acide aérien, auquel les chimistes ré- cens ont donné le nom d'acide méphitique, qui n’est que de l’air fixe, c'estè-dire, de l'air fixé par le feu. ; Cet acide primitif est le premier principe salin; il a produit tous les autres acides et alcalis : il n’a pu se combiner d’ abord qu'a vec les verres primitifs, puisque les autres matières n'existoient pas encore; par son union avec cette terre vitrifiée, il a pris plus de masse et acquis plus de puissance , et il est devenu acide vitriolique, qui, étant plus fixe et plus fort, s'est incorporé avec toutes les substances qu'il a pu pénétrer, L’acide aérien , plus volatil, se trouve uni-— versellement répandu, et l'acide vitriolique réside principalement dans les argilles et autres détrimens des verres primitifs; il s’y manifeste sous la forme d’alun : ce second acide a aussi saisi dans quelques lieux les substances calcaires et a forme les gypses; il a saisi la plupart des minéraux métal- liques, et leur a causé de grandes altéra- tions ; 1l en a, pour ainsi dire, converti quel- ques uns dans sa propre substance, en leur donnant la forme du vitriol, Mat, gén. XI. 13 246 HISTOIRE NA TURELLE | En second lieu, l’acide primitif, que. je. À désignerai dorénavant par le nom d'acide aérien, s’est uni avec les matières métal- liques qui, comme les plus pesantes, sont tombées les premières sur le globe vitrifiez et en agissant sur ces minérais métalliques, il a formé l'acide arsenical ou l’arsenic, qui, ayant encore plus de masse que le vitrio— lique, a aussi plus de force, et de tous est le plus corrosif : il se présente dans la plu= part des mines dont il a minéralisé et cor- rompu les substances. Ensuite, mais pures siècles après, cet acide primitif, en s’unissant à la matière calcaire , a formé l'acide marin, qui est moins fixe et-plus léger que l'acide vitrio= lique, et qui, par cette raison, s’est plus uviversellement répandu, et se présente sous la forme de sel gemme dans le sein de la terre, et sous celle de sel marin dans l’eau de toutes les mers; cet acide marin n’a pu se former qu'après la naissance des coquil- lages, puisque la matière caleaine n’existoit pas auparavant. Peu de temps après, ce même dd: aérien et primitif est entré dans la composition de DES MINÉRAUX. 147 tous les corps organisés, et se combinant avec leurs principes, il a formé par la fer- _mentation les acides animaux et végétaux, et l'acide nitreux par la putréfaction de leurs détrimens; car il est certain que cet acide aérien existe dans toutes les substances ani males ou végétales, puisqu'il s’y manifeste sous sa forme primitive d'air fixe ; et comme on peut le retirer sous cette même forme, tant de l’acide nitreux que des acides vitrio- lique et marin, et même de l’arsenic, on ne peut douter qu’il ne fasse partie constituante de tous ces acides, qui ne sont que secon- daires, et qui, comme l’on voit, ne sont pas simples, mais composés de cet acide primitif différemment combiné, tant avec la matière brute qu'avec les substances organisées. Cet acide primitif réside dans l’atmo- sphère, et y réside en grande quantité sous sa forme active; il est le principe et la cause de toutes les impressions qu'on attribue aux élémens humides ; il produit la rouille du fer, le verd-de-gris du cuivre, la céruse du _ plomb, etc. par l’action qu’il donne à l’hu- midité de l'air: mêlé avec les eaux pures, il les rend acides ou acidules, il aigrit les 4 \ 48 HISTOIRE NATURELLE liqueurs fermentées; avec le vin, il forme. le vinaigre : enfin il me paroît être le seul et vrai principe non seulement de tous les acides, mais de tous les alcalis, tant hiné- raux que végétaux et animaux. On peut le retirer du zafror, ou alcali qu’on appelle zzinéral, ainsi que de l’alcali fixe végétal, et encore plus abondamment : de l’alcali volatil, en sorte qu'on doit ré- duire tous les acides et tous les alcalis à un seul principe salin, et ce principe est l’acide aérien, qui a été le premier formé, et qui est le plus simple, le plus pur de tous, et ke plus universellement répandu : cela me paroît d'autant plus vrai, que nous pouvons A par notre art rappeler à cet acide tous les autres acides, ou du moins les rapprocher de sa nature, en les dépouillant , par des opérations appropriées, de toutes les ma-. tières étrangèresavec lesquelles ils se trouvent combinés dans ces sels; et que de même il n’est pas impossible de ramener les alcalis à l'état d'acide en les séparant des substances animales et végétales, avec lesquelles tout : . . , . | alcali se trouve toujours uni; car quoique la chimie ne soit pas encore parvenue à à faire DES MINÉRAUX.. r:49. cette conversion ou ces réductions, elle ext a assez fait pour qu’on puisse juger par ana- logie de leur possibilité. Le plus ingénieux des chimistes, le célèbre Stahl, a regarde l'acide vitriolique comme l'acide universel, et comme le seul principe salin ; c’est la première idée d’après laquelle 1l a voulu établir sa théorie des sels : il a juge que quoique la chimie n’ait pu jusqu'à ce jour ramener démonsirativement les alcalis à l'acide, c’est-à-dire, résoudre ce que la Na- ture a combiné, il ne falloit s’en prendre qu'à l'impuissance de nos moyens. Rien n’est mieux vu; çe grand chimiste a ici con- sulte Ja simplicité de la Nature : il a senti qu'il w'y avoit qu'un principe salin; et comme l'acide vitriolique est le plus puis- sant des acides, il s’est cru fondé à le re- garder comme l'acide primitif. C’étoit ce qu 1l pouvoit penser de mieux dans un temps où l’on n’avoit que des idées cénfuses de l'acide aérien, qui est non seulement plus simple, mais plus universel que l'acide vi- triolique : mais lorsque cet habile homme a prétendu que son acide universel et primitif a est composé que de terre et d’eau, il n’a 13 Fa CROP EEE 15 HISTOIRE NATURELLE fait que mettre en avant une suppositior dénuée de preuves et contraire à tous les phénomènes, puisque de fait l’air et le feu entrent peut-être plus que la terre et l’eau dans la substance de tout acide, et que ces deux élémens constituent seuls l'essence de l'acide primitif. Des quatre élémens qui sont les vrais prin- cipes de tous les corps, le feu seul est actif; et lorsque l'air, la terre et l'eau exercent quelque impression , ils n’agissent que par le feu qu’ils renferment, et qui seul peut Jeur donner une puissance active : l'air sur- tout, dont l’essence est plus voisine de celle du feu que celle des deux derniers élémens ; est aussi plus actif. L’atmosphère est le ré- ceptacle général de toutes les matières vola- tiles ; c’est aussi le grand magasin de l'acide primitif ; et d’ailleurs tout acide considéré en lui-même , sur-tout lorsqu'il est concen- tré, c’est-à-dire, séparé, autant qu’il est possible; de l’eau et de la terre, nous pré- sente les propriétés du feu animé par l'air: la corrosion par les acides minéraux n'’est- elle pas une espèce de brûlure? la saveur acide, amère ou âcre de tous les sels, n’est- ’ tu A EAU è F\ CUS ; CALE : DES MINÉRAUX. 15e élle pas un indice certain de la présence et de l’action d’un feu qui se développe, dès qu'il peut, avec l'air, se dégager de la base aqueuse ou terreuse à laquelle il est uni? et cette saveur, qui n'est que la mise en liberté de l'air et du feu, ne s’opère-t-elle pas par le contact de l’eau et de toute matière aqueuse, telle que la salive, et mème par l'humidité de la peau ? Les sels ne sont donc corrosifs et même sapides que par le feu et l’air qu'ils contiennent. Cette vérité peut se démontrer encore par la grande chaleur que produisent tous les acides minéraux dans leur mélange avec l’eau, ainsi que par leur résistance à l’action de la forte gelée. La présence du feu et de l’air dans le principe salin me paroît donc très-évidemment dé- montrée par les effets, quand même on regarderoit avec Stahl l'acide vitriolique comme l'acide primitif et le premier prin- cipe salin; car l'air s’en dégage en même temps que le feu par l’intermède de l’eau, comme dans la pyrite, et cette action de l'humidité produit non seulement de la cha- Jeur, mais une espèce de flamme intérieure et de feu réellement actif, qui brûle en 47 tel CP PET \« “252 HISTOIRE NATURELLE corrodant toutes les substances auxquelles V'acide peut s'unir, et ce n’est que par le moyen de l'air que le feu contracte cette uuion avec l’eau. ss L'acide aérien altère aussi bu les sucs extraits des végétaux; il produit le vinaigre et le tartre; il forme dans les animaux l’acide auquel on a donné le nom d'acide phospho- rique. Ces acides des végétaux et des ani- maux , ainsi que tous ceux qu'on pourroit regarder comme intermédiaires, tels que l'acide des citrons, des grenades , de l’oseille, e. ceux des fourmis, de la moutarde, etc. tirent également leur origine de l'acide aérien modifié dans chacune de ces subs- tances par la fermentation, ou par le mé- lange d’une plus ou moins grande quantité d'huile; et même les substances dont la sa- veur est douce, telles que le sucre, le miel, le lait, etc. ne diffèrent de celles qui sont aigres et piquantes, comme les citrons, le vinaigre, etc. que par la quantité et la qua- lite du mucilage et de l'huile qui enveloppe l'acide; car leur principe salin est le même, et toutes leurs saveurs, quoique si diffé— rentes, doivent se rapporter à l'acide pri= DES MINÉRAUX. 153 mitif, et à son union avec l’eau, l’huile et la terre mucilagineuse des substances ani- males et végétales. On adoucit tous les acides , et même l'acide vitriolique, en les mélant aux substances huileuses , et particulièrement à l’esprit-de- R vin; et c’est dans cet état huileux, mucila- sineux et doux, que l'acide aérien se trouve dans plusieurs substances végétales, et dans les fruits dont l'acidité ou la saveur plus douce ne dépend que de la quantité d’eau, d'huile et de terre atténuée et mucilagi- neuse dans lesquellés cet acide se trouve combiné. L’acide animal appartient aux vé- gélaux comme aux animaux; car on le tire _ de la moutarde et de plusieurs autres plantes, aussi-bien que des insectes et autres ani- maux : on doit donc en inférer que les acides animaux et les acides végétaux sont les mêmes, et qu'ils ne diffèrent que par la quantité ou la qualité des matières avec les- quelles ils sont mêlés; et en les examinant en particulier, on verra bien que le vinaigre, par exemple, et le tartre étant tous deux des produits du vin , leurs acides ne peuvent | différer essentiellement; la fermentation a 3:54 HISTOIRE NATURELLE seulement plus développé celui du vinaigre; et l’a même rendu volatil et presque spiri- tueux. Ainsi tous les acides des animaux ou des végétaux, et mème les acerbes, qui ne sont que des acides mêlés d’une huile amère, tirent leur première origine de l'acide aérien. 3 FAURE Les acides minéraux sont beaucoup plus forts que les acides animaux et végétaux. « Ces derniers acides, dit M. Macquer, re- « tiennent toujours de l'huile, ax lieu que « les acides minéraux n’en contiennent point « du tout». Il me semble que cette der- nière assertion doit être interprétée; car il faut reconnoître que si les acides minéraux, dans leur état de pureté, ne contiennent aucune huile, ils peuvent , en passant à l’état de sel, par leur union avec diverses terres, se charger en même temps de parties hui- leuses; et en effet, la matière grasse des sels dans les eaux-mères paroît être une’ subs- tance huileuse, puisqu'elle se réduit à l’état charbonneux par la combustion. Les sels minéraux contiennent donc une huile qui paroît leur être essentielle ; et celle qui se trouve de plus dans les acides tirés des ani- de 1 DES MINÉRAUX. . r155 maux et des végétaux, ne leur est qu’acces- soire. C’est probablement par l'affinité de cette matière grasse avec les huiles végétales et les graisses animales, que l'acide minéral peut se combiner dans les végétaux et dans. les animaux. dk Les acides et les alcalis sont des principes salins, mais ne sont pas des sels : on ne les trouve nulle part dans leur état pur et sim- ple, et ce n’est que quand ils sont unis à quelque matière qui puisse leur servir de base, qu'ils prennent la forme de sel, et qu'ils doivent en porter le nom; cependant les chimistes les ont appelés ses simples, et ils ont nommé sels neutres les vrais sels. Je n’ai pas cru devoir employer cette déno- mination, parce qu'elle n’est ni nécessaire ui précise; car si l’on appelle seZ zeutre tout sel dont la base est une et simple, il faudra donner le nom d’Aépar aux sels dont la base n’est pas simple, mais composée de deux matières differentes, et donner un troisième, quatrième , cinquième nom , etc. à ceux dont la base est composée de deux, trois, quatre, etc. matières différentes. C’est là le défaut de toutes les nomenclatures métho+ 14 (x56 HISTOIRE NATURELLE diques ; elles sont forcées de disparoitre dés & que l’on veut les appliquer aux objets réels de la Nature. Nous donnerons donc le nom de sel à toutes les matières dans lesquelles le prin+ cipe salin est entré, et qui ont une saveur sensible ; et nous ne présenterons d’abord que les sels qui sont formés par la Nature, soit en masses solides dans Le sein de la terre, soit en dissolution dans l'air ét dans l’eau. On peut appeler se/s fossiles ceux qu’on tire de la terre : les vitriols, l’alun, la sélénite, le natron , l’alcali fixe végétal, le sel ma- rin, le nitre, le sel ammoniac, le borax, et mème le soufre et l’arsenic, sont tous des sels formés par la Nature. Nous tâcherons de reconnoître leur origine et d'expliquer leur formation, en nous aidant des lumières que la chimie a répandues sur cet objet plus que sur aucun autre, et les reunissant aux faits de l’histoire naturelle qu'on ne doit jamais en séparer. La Nature nous offre en stalactites Lu vitriois du fer, du cuivre et du zinc; l’alun en filets crystallisés; la sélénite en gypse . APE : % aussi crystallisé; le natron en masse solide DES MINÉRAUX. 157 et pure, ou simplement mêlé de terre; le sel marin en crystaux cubiques et en masses immenses; le nitre en efflorescences crystal- lisées ; le sel ammoniac en poudre sublimée par les feux souterrains; le borax en eau gélatineuse, et l’arsenic en terre métallique. Elle a d’abord formé l'acide aérien par la seule et simple combinaison de l'air et du feu : cet acide primitif s’étant ensuite com- biné avec toutes les matières terreuses et mé- talliques, a produit l'acide vitriolique avec la terre vitrifiable, l’arsenic avec les ma- tières métalliques , l'acide marin avec les substances calcaires, Facide nitreux avec les détrimens putréfiés des corps organisés; il a de même produit les alcalis par la végéta- tion , l’acide du tartre et du vinaigre par la fermentation ; enfin 1l est entré sous sa propre forme dans tous les corps organisés. L'air fixe que l’on fre des matières calcaires, celui qui s'élève par la première fermenta- tion de tous les végétaux, ou qui se forme par la respiration des animaux, n’est que ce même acide aérien qui se manifeste aussi par sa saveur dans les eaux acidules, dans les fruits, les lésumes et les herbes : il a 14 x58 HISTOIRE NATURELLE Rte donc produit toutes les substances salines ; il s’est étendu sur tous les règnes de la Na= ture; il est le premier principe de toute sa- veur, et, relativement à nous, 1l est pour l'organe du goût ce que la lumière et les cou- leurs sont pour le sens de la vue. Et les odeurs, qui ne sont que des saveurs plus fines, et qui agissent sur l’odorat, qui n'est qu'un sens de goût plus délicat, pro- viennent aussi de ce premier principe salin, qui s’exhale en parfums agréables dans la plupart des végétaux ,eten mauvaises odeurs dans certaines plantes et dans presque tous les animaux : il s'y combine avec leurs huiles grossières ou volatiles : il s’unit à leur graisse, à leurs mucilages; il s’élabore avec leur séve et leur sang; il se transforme en acides aigres, acerbes ou doux, en alcalis fixes ou volatils, par le travail de l’organi- sation auquel il a grande part; car c’est, après le feu, le seul agent de la Nature, puis- | que c’est par ce principe salin que tous les corps acquièrent leurs propriétés actives, non seulement sur nos sens vivans du goût et de l’odorat , mais encore sur les matières brutes et mortes, qui ne peuvent être attaquées et DES MINÉRAUX. 15 dissoutes que par le feu ou par ce principe salin. C’est le ministre secondaire de ce grand et premier agent qui, par sa puissance sans bornes, brûle, fond ou vitrifñie toutes les substances passives, que le principe salin, plus foible et moins puissant, ne peut qu'at- taquer, entamer et dissoudre, et cela parce que le feu y est tempéré par l’air auquel il est uni, et que quand il produit de la cha- leur où d’autres effets semblables à ceux du feu , c'est qu’on sépare cet élément de la base passive dans laquelle il étoit renfermé. Tous les sels dissous dans l’eau se crystal- lisent en forme assez régulière , par une évaporation lente et tranquille; mais lorsque l’évaporation de l’eau se fait trop prompte- ment , ou qu'elle est troublée par quelque mouvement extérieur, les crystaux salins ne se forment qu'imparfaitement et se groupent confusément. Les différens sels donnent des crystaux de figures différentes : ils se pro- duisent principalement à la surface du li- quide , à mesure qu’il s’évapore ; ce qui prouve que l’air contribue à leur formation, et qu elle ne dépend pas uniquement du rap- prochement des parties salines qui s’unissent, 0 BAULS TANT QUE C4 IL DEL COR 4 0 EN: xéo HISTOIRE NATURELLE a la vérité, par leur attraction mutuelle mais qui ont besoin pour cela d’être mises en liberte parfaite: or elles n’obtiennent cette. liberté entière qu’à la surface du liquide, parce que sa résistance augmente avec sa densité par l’évaporation, en sorte que les parties salines se trouvent, à la vérité, plus voisines par la diminution du volume du liquide; mais elles ont en même temps plus de peine à vaincre sa résistance, qui aug— mente dans la même proportion que ce vo— lume diminue : et c’est par cette raison que toutes les crystallisations des sels s’opèrent plus efficacement et plus abondamment à la surface qu'à l’intérieur du liquide en évapo= ration. h 7 Mere Lorsque l’on a tiré par ce moyen tout le sel en crystaux que le liquide chargé de sel peut fournir, il en reste encore dans l’eau- mère; mais ce sel y est si fort engagé avec Ja matière grasse, qu'il n'est plus susceptible de rapprochement de crystallisation; et même si cette matière grasse est en très“ grande quantité, l'eau ne peut plus en dissoudre le sel : cela prouve que la solu- bilité dans l’eau n’est pas’une propriété in= / DES MINÉRAUX. 56e hérente et essentielle aux substances salines. Il en est du caractère de la crystallisation comme de celui de la solubilité : la propriété de se crystalliser n’est pas plus essentielle aux sels que celle de se dissoudre dans l’eau ; et l’un de nos plus judicieux physiciens ; M. de Morveau, a eu raison de dire « que la « saveur est le seul caractère distinctif des « sels, et que les autres propriétés qu’on a «voulu ajouter à celle-ci pour perfectionner « leur définition, n’ont servi qu’à rendre plus «incertaines les limites que l’on vouloit «fixer....., la solubilité par l’eau ne con- «venant pas plus aux sels qu'à la gomme «et à d'autres matières. Il en est de mème « de la crystallisation , puisque tous les corps « sont susceptibles de se crystalliser en pas- « sant de l’état liquide à l’état solide; et il «en est encore de même, ajoute-t-il, de la « qualité qu’on suppose aux sels de n'être « point combustibles par eux-mêmes ; car « dans ce cas le nitre ammoniacal ne seroit « plus un sel. » Nos définitions, qui pèchent si souvent par défaut, pèchent aussi, comme l’on voit, quelquefois par excès; l’un nuit au com- 14 7 Ÿ s À a6s HISTOIRE NATURELLE plément, et l’autre à la précision de l’idée qui représente la chose; et les énumérations qu’on se permet de faire ‘en conséquence de cette extension des définitions, nuisent en- core plus à la netteté de nos vues, et s’op- posent au libre exercice de l'esprit en le sur- chargeant de petites idées particulières , souvent précaires , en lui présentant des mé- thodes arbitraires qui l’éloignent de l’ordre réel des choses, et enfin en lempêchant de s'élever'au point de pouvoir généraliser les rapports que l'on doit en tirer. Quoiqu'on puisse donc réduire tous les sels de la Nature à un seul principe salin, et que ce principe primitif soit, selon moi, l’acide aérien , la nombreuse énumeération qu'on a faite des sels sous différens noms, ne pouvoit man- quer de s'opposer à cette vue générale : on a cru jusqu’au temps de Stahl, et plusieurs chimistes croient encore , que les principes salins dans l'acide nitreux et dans l'acide marin sont très-differens de celui de l'acide vitriolique, et que ces mêmes principes sont non seulement differens, mais opposés et contraires dans les acides et dans les alcalis; er n'est-ce pas admettre autant de causes DES MINÉRAUX. +63 qu'il y a d'effets dans un même ordre de choses ? c’est donner la nomenclature pour la science, et substituer la methode au génie. | | De la même manière qu’on a fait et compté trois sortes d'acides relativement aux trois règnes, les acides minéraux, végétaux et animaux, on compte aussi trois sortes d’al- calis, le minéral, le végétal et l'animal, et néanmoins ces trois alcalis doivent se réduire à un seul, et même l’alcali peut aussi se ramener à l'acide, quoiqu’ils paroissent op- posés, et qu'ils agissent violemment l'un contre l’autre. Nous ne suivrons donc pas, en traitant des sels, l'enumération très-nombreuse qu’on en a faite en chimie, d'autant que chaque jour ce nombre peut augmenter, et que les com- binaisous qui n’ont pas encore été tentées , pourroient donner de nouveaux résultats salins dont la formation, comme celle de la plupart des autres sels, ne seroit due qu'à notre art ; nous nous contenterons de pre- senter les divisions générales , en nous atta- chant particulièrement aux sels que nous offre la Nature, soit dans le sein et à la JAN RENAN ERA ANR LS 4 a x64 HISTOIRE NATURELLE surface de la terre, soit au sommet de ses. volcans *. 4e ke Nous venons de voir que la première 1 * Si l'on veut se satisfaire à cet égard, on peut | consulter la table c-jointe, que mon illustre ami , ; M. de Morveau, vient de publier. Cette nomen- clature , quoique très-abrégée, paoîtra néanmoins encore assez nombreuse. | | J'ableau de nomenclature chimique, contenant È les principales dénominations analogiques ; et des exemples de formation des noms ut SES. RÈGNES ACIDES Les sels formés de ces : 4 4 acides prennent les noms génériques de DES TROIS /Méphitique , ou} Méphites. : RÈGNES. air fixe. Vitriolique. Vitriols. Nitreux. Nitres. Muriatique , où! Muriates.\ Minéral..... du sel marie. Régalin. Répaltes. A rsenical. À rseniates. Boracin , ou sel, Borax. sédatif. | Fluorique , ou Fluors. du spath fluor.| : - DES MINÉRAU X. 165 division des acides et des alcalis en miné— raux , végétaux et animaux, est plutôt une partition nominale qu'une division réelle, puisque tous ne sont au fond que la même substance saline, qui, seule et sans secours, entre dans les végétaux et les animaux, et qui attaque aussi la plupart des matières L RÈGNES. LAËCTUOES Les sels formés de ces acides prennent les noms génériques de DES TROIS / Acéteux, ou vi-| Acètes. REGNES. naigre. ( Tartareux , o|Tartres. du tartre. Oxalin, ou delOxaltes. V’égetal....…. lPoseille. Saccharin, ou du! Sacchartes. sucre. Curin , ou du ci-| Citrates. tron. Lignique, ou du] Lignites, bois. Phosphorique. Phosphates, Formicin,oudes| Formiates. fourmis. Ænimal....,.€ Sébacé, ou dulSébates, suif. Galactique, ov| Galactes. du lait. 166 HISTOIRE NATURELLE. vitrifiables , calcaires et métalliques: ce n’est que relativement à ce dernier effet qu’on lui a donne le nom d’acide minéral; et comme Bases ou substances Exemples pour la qui s’unissentaux classe acides. des vitriols. Exemples pris de diverses classes. Phlogistique. |Soufre vitrio-|Soufreméphitique, lique ,ousou-| ou plombagine. fre commun. Alumine , owl Vitriol alumi- Nitre alumineux. terre de l’ar-| neux,ow alun. gille. | Calce , ou terre| Vitriol calcaire ,| Muriate calcaire. calcai re, ou sélénite. Magnésie. Vitriol magné-| Acète de magnésie. sien , ou sel d’Epsom. Barote, outerre! Vitriol baroti-|Tartre barotique. du spath pe-| que, ou spath sant. pesant. Potasse, ou al-| Vitriol de po-| Arseniate de po« cali A vé-| tasse,outartre| tasse. gétale AVES - Soude, ou al-|Vitriol de soude, | Barax de soude, où cali fixe mi-| ouseldeGlau-! borax commun. néral. ber. Ammoniac,ou| Vitriol ammo-|Fluorammoniacal. alcali volatil.| njiacal. _ DES MINÉRAUX. 167 cette division en acides minéraux, végétaux et animaux, a été universellement adoptée, je ne sais pourquoi l’on n’a pas rappelé Bases ou substances} Exemples pour la Exemples pris de quis’unissentaux classe Cale PAPA acides. des vitriols, : 0” Or. Vitriol d'or. Régalte d’or. Argent. Vitriol d’argent.| Oxalte d’argent. Plaune. Vitriol de pla-|Saccharte de pla- : tune. tine. Mercure. Vitriol de mer-|Citrate de mer- cure, cure, Cuivre. Vitrioldecuivre,| Ligmite de cuivre. ou vitriol de Chypre. Plomb. itrlol] de |Phosphate de plomb. plomb. Étain. Vitriol d'étuin. | Formiate d'étain, Fer. Vitriol de fer ,| Sébaste martial. ou couperose verte. Antimoine (au|Vitriol antimo-! Muriate antimo= lieu de ré-| nial. nial, ou beurre gule d’). d’antimoine. Bismuth. Vitrio] de bis-[Galacte de bis muth. muthb. Zinc. Vitriol de zinc, Borax de zinc. ou couperose blanche. | h D LRETUITAEN Ja M M Ed # 168 HISTOIRE NATURELLE. puisqu'il n’est produit que par la putréfac- tion des corps organisés : cependant om le compte parmi les acides minéraux, parce qu'il est le plus puissant après l'acide vitrio- 20 mr DER Bases ou substances Exemples pour la Exemples pris de qui s'unissent aux classe divertes classes: acides, des vitriols. Arsenic. Vitriol d’arse-| Muriate d’arsenic. niC. à Cobalt. Vitriol de co-|Saccharte de co- balt. | balt. | Nickel. TVitriol de nic-lFormiate de nic- * kel, f T: kel: : Manganèse. Vitriol de man-[Oxalte de manga- ganèse. nèse. Esprit-de-vin. [Ether vitrio- Éther lignique , ox lique. éther de Goet- thing, etc. etc. : Les dix-huit acides, les vingt-quatre bases et les produits de leur union , forment ainsi quatre cent soixante-quatorze dénominations claires et métho- diques, indépendamment des hépars, ou composés à trois parties , dont les noms viennent encore dans ce systême, comme képar de soude, hépar ammo- riacal, pyrite a’argent, elc.etc. VIN Et € , : \ Le. ( l'acide nitreux à l'acide végétal et animal, DES MINÉRAUX. r69 ‘hique; mais cette puissance même et ses autres propriétés me semblent démontrer que. c’est toujours le même acide, c'est-à-dire l'acide aérien, qui a passé par les végétaux et par Les animaux dans lesquels il s’est exalté avec la matière du feu par la fer- meutation putride de leurs corps, et que c’est par ces combinaisons multipliées qu’il a pris tous les caractères particuliers qui le dis- tinguent des autres acides. | Dans les végétaux, lorsque l’acide aérien se trouve mêlé d'huile douce ,-ou enveloppé de mucilage, sa saveur est agréable et su- crée : l'acide des fruits, du raisin , par exemple, ne prend de l’aigreur que par la fermentation , et néanmoins tous les sels tirés des végétaux contiennent de l’acide , et ils ne diffèrent entre eux que par les qualités qu’ils acquièrent en fermentant et qu’ils em- pruntent de l'air en se joignant à l'acide qu’il contient ; et de même que tous les acides’ végétaux aigres ou doux , acerbes ou sucrés, ne prennent ces saveurs différentes que par les premiers effets de la fermentation, l’acide nitreux n’acquiert ses qualités caustiques et corrosives que par cette même fermentation, | 18 | & 4 ‘ NEA À | bre LINE 1709 HISTOIRE NATURELLE portée au dernier degré, c’est-à-dire à la putréfaction : seulement nous devons ob- server que l'acide animal entre peut-être autant et plus que le végétal dans le nitre; car comme cet acide subit encore de nou- velles modifications en passant du végétal à l'animal, et que tous deux se trouvent réu- nis dans les matières putréfées, ils S'y Tas— semblent, s’exaltent ensemble, et, se combi- nant avec l’alcali fixe végétal, ils forment le nitre dont l'acide, malgré toutes ces trans- formations , n’en est pas moins essentielle- ment le même que l’acide aérien. Tous les acides tirent donc leur première origine de l'acide aérien, et 1l me semble qu'on ne pourra guère en douter si l’on pèse toutes les raisons que je viens d'exposer, et auxquelles je n’ajouterai qu’une considéra- tion qui est encore de quelque poids. On conserve tous les acides, mème les plus forts et les plus concentrés, dans des flacons ou vaisseaux de verre: ils entameroient toute autre matière ; or, dans les premiers temps, le globe entier n’étoit qu’une masse de verre sur laquelle les acides minéraux, s’ils eussent existé, n'auroient pu faire aucune impres- DES MINÉRAUX. 17t sion, puisqu'ils n’en font aucune sur notre verre : l'acide aérien, au contraire, agit sur le verre, et peu à peu l’entame, l’exfolie, le décompose et le réduit en terre; par consé- quent cet acide est le premier et Le seul qui ait agi sur la masse vitreuse du globe; et comme il etoit alors aidé d’une forte cha- leur , son action en étoit d'autant plus prompte et plus pénétrante; il a donc pu, en se mêlant intimement-avec la terre vitrifiée, produire l'acide vitriolique qui n’a plus d'action sur cette même terre, parce qu’il en contient et qu'elle lui sert de base : dès lors cet acide, le plus fort et le plus puissant de tous, n’est néanmoins ni le plus simple de tous ni le premier formé; il est le second dans l’ordre de formation , l’arsenic est le troisième, l’acide marin le quatrième, etc. parce que l'acide primitif aérien n’a d’abord pu saisir que la terre vitrifiée, ensuite la terre metallique *, puis la terre calcaire, etc. à mesure et dans le même ordre que ces * Les mines spathiques et les malachites con< tiennent notamment une très-grande quantité d’a- cide aérien. - « * Mein" LE SE NE MR CLS VE xs HISTOIRE NATURELLE matières se sont établies sur la masse du globe vitrifié : je dis à mesure et dans le même ordre, parce que les matières métal- liques sont tombées les premières de l’at- mosphère où elles étoient reléguées et éten- dues en vapeurs; elles ont rempli les inters- tices et les fentes du quartz et des autres verres primitifs, où l'acide aérien les ayant saisies a produit l’acide arsenical ; ensuite après la production et la multiplication des coquillages, les matières calcaires, formées de leurs débris, se sont établies, et l’acide aérien les ayant pénétrées a produit l’acide marin ; et successivement les autres acides et les alcalis après la naissance des animaux et des végétaux ; enfin la production des acides et des alcalis a nécessairement précédé la for- mation des sels, qui tous supposent la com- _binaison de ces mêmes acides ou alcalis avec une matière terreuse ou métallique, laquelle leur sert de base et contient toujours une certaine quantité d'eau qui entre dans la crystallisation de tous les sels; en sorte qu'ils sont beaucoup moins simples que les acides ou alcalis, qui seuls sont les priu- cipes de leur essence saline. 23 DES MINÉRAUX: 173 … Ceci étoit écrit, ainsi que la suite de cette histoire naturelle des sels, et j'étois sur le point de livrer cette partie de mon ouvrage à l'impression, lorsque j'ai reçu (au mois de juillet de cette année 1782), de la part de M. le chevalier Marsilio Landriani, de Mi-- lan, le troisième volume de ses opuscules physico-chimiques , dans lequel j'ai vu avec toute satisfaction, que cet illustre et savant physicien a pensé comme moi sûr l’acide primitif : il dit expressément « que « l'acide universel, élémentaire, primitif, « dans lequel peuvent se résoudre tous les « acides conuus jusqu’à ce jour , est l'acide « méphitique, cet acide qui étant combiné « avec la chaux vive, l’adoucit et la z2er— « ralise. qui mèlé avec les eaux les rend « acidules et pétillantes; c’est l'air fire de « Black , le gaz méphitique de Macquer, « l'acide atmosphérique de Bergman. » M. le chevalier Landriani prouve som assertion par des expériences ingénieuses ; il a pensé avec notre savant académicien, A. Lavoisier, que l’air fixe, ou l’acide mé- phitique, se forme par la combinaison de l'air et du feu, et1l conclut par dire : « Il me 15, 174 HISTOIRE NATURELLE « paroît hors de doute, 1°. que l’air déphlo- « gistiqué, au moment qu’il s’élève des corps « capables de le produire, se change en air « fixe, s’il est surpris par le phlogistique « dans le moment de sa formation ; «2°. Que comme il résulte des expériences . «que les acides nitreux, vitriolique, marin, « phosphorique, arsenical , unis à certaines «terres, peuvent se changer en air déphlo- « gistiqué , lequel de son côté peut aise- « ment se convertir en air fixe; et comme « d'autre part l’acide du sucre, celui de ta « crème de tartre, celui du vinaigre, celui « des fourmis, etc. peuvent aussi aisément «se convertir en air fixe par le moyen de « la chaleur , il est assez démontré que tous «les acides peuvent être convertis en air «fixe , et que cet air fixe est peut-être « l'acide universel, comme étant le plus «commun et se rencontrant le plus fré- « quemment dans les diverses productions « de la Nature. » ; Je suis sur tout cela du même avis que M. le chevalier Landriani, et je n’ai d'autre mérite ici que d’avoir reconnu, d’après mon système général sur la formation du globe, * fr DES MINÉRAUX. 175 que le plus pur et le plus simple dés acides avoit dû se former le premier par la combi- naison de l’air et du feu, etque par conséquent on devoit le regarder comme l'acide primi- tif dont tous les autres ont tiré leur origine : mais je n’étois pas en état de démontrer par les faits, comme ce savant physicien vient de le faire, que tous les acides, de quelque espèce qu'ils soient , peuvent être convertis eu cet acide primitif, ce qui confirme victo- rieusement mon opinion ; car cette conver- sion des acides doit être réciproque et com- mune, en sorte que tous les acides ont pu être formés par l'acide aérien, puisque tous peuvent être ramenés à la nature de cet acide. Il me paroît dr ‘us certain que jamais, tant par ma théoiie que par les expériences de M. Landriani, que l’acide aérien, c’est-à- dire, l’air fixe ou fixé par le feu, est vrai- ment l'acide primitif, et le premier principe salin dont tous les autres acides et alcalis tirent leur origine; et cet acide uniquement composé d’air et de feu n’a pu former les autres substances salines qu'en se combinant avec la terre et l’eau : aussi tous les autres 356 HISTOIRE NATURELLE, SRE acides contiennent de la terre et de l’eau; et L la quantité de ces deux élémens est. plus 4 grande dans tous les sels que celle de l'air - et du feu; ils prennent différentes formes selon les doses respectives des quatre élé- mens, et selon la nature de la terre qui leur | ; sert de base; et comme la proportion de la quantité des quatre élémens dans les prin- ‘cipes salins, et la qualité différente de la terre qui sert de base à chaque sel, peuvent. toutes se combiner les unes avec les autres, le nombre des substances salines est si grand, qu'il ne seroit guère possible d’en faire une * exacte éenumération : d'ailleurs toutes les combinaisons salines faites par l’art de la chimie, ne doivent pas être mises sur le compte de la Nature; nos premières consi- dérations doivent donc tomber sur les sels qui se forment naturellement, soit à la sur- face , soit à l’intérieur de la terre : nous les. -: examinerons séparément, et les présenterons ‘ successivement en commençant par les sels vitrioliques. ACIDE VITRIOLIQUE RUN ET RO ES: Crr acide est absolument sans odeur et sans couleur; il ressemble à cet égard parfaite ment à l’eau : néanmoins sa substance n’est pas aussi simple, ni même, comme le dit Stahl , uniquement composée des seuls élé- mens de la terre et de l’eau; il a été formé par l'acide aérien , il en contient une grande quantité , et sa substance est réellement composée d'air et de feu unis à la terre vitri- fiable, et à une très-petite quantité d’eau qu'on lui enlève aisément par la concentra- tion; car 1l perd peu à peu sa liquidité par la grande chaleur, et peut prendre une forme concrète * par la longue application d’un . * Quelques chimistes ont donné le nom d’Aurle de vitriol glaciale à cet acide concentré au point d'être sous forme concrète. À mesure qu’on le con« ji 4 178 HISTOIRE NATURELLE FU feu violent : mais, dès qu’il est concentré , il attire puissamment l'humidité de l'air, et par l'addition de cette eau il acquiert plus de volume; il perd en même temps quelque chose de son activité saline : ainsi l’eau ne réside dans cet acide épuré qu’en très petite quantité, et il n’y a de terre qu’autant qu’il en faut pour servir de base à l'air et au feu, qui sont fortement et inti- mement unis à cette terre vitrifiable. j Au reste, cet acide et les autres acides mi= néraux ne se trouvent pas dans la Nature centre , 11 perd de sa fluidité, il file et paroît gras au toucher comme l’huile : on l’a, par cette raison, nommé huile de »itriol, mais très-improprement; car il n’a aucun caractère spécifique des huiles, ni linflammabilité. Le toucher gras de ce liquide semble provenir, comme celui du mercure, du grand rapprochement de ses parties ; et c’est en effet, après le mercure, le liquide le plus dense qui nous soit connu : aussi, lorsqu'il est soumis à la violente action du feu , 1l prend une chaleur beaucoup plus grande que l’eau et que toutautre liquide; et comme il est peu volatil et point inflammable, il a lappa- rence d’un corps solide pénétré de feu et presque en incandescence. DES MINÉRAUX. 179 seuls et dégagés, et on ne peut les obtenir qu'en les tirant des substances avec lesquelles ils se sont combinés, et des corps qui les contiennent. C’est en décomposant les py- rites , les vitriols, le soufre, l’alun et les bitumes, qu'on obtient l'acide vitriolique * : toutes ces matières en sont plus ou moins imprégnées ; toutes peuvent aussi lui servir de base: et il forme avec elles autant de différens sels, desquels on le retire toujours sous la même forme et sans altération. On a donné le nom de sifriol à trois sels métalliques , formés par l’union de l'acide vitriolique avec le fer, le cuivre et le zinc; * Ce n’est pas que la Nature ne puisse faire dans ses laboratoires tout ce qui s'opère dans les nôtres ; si la vapeur du soufre en combustion se trouve ren- fermée sous des voûtes de: cavernes, l'acide sulfu- reux s'y condensera en acide vitriolique. M. Joseph Baldassari nous offre même à ce sujet une très-belle observation. Ce savant a trouvé dans une grotie du territoire de Sienne, au milieu d’une masse d’incrus- tation déposée par les eaux thermales des bains de Saint-Philippe , «un véritable acide vitriolique pur, « naturellement concret, et sans aucun mélange de « substances étrangères... ». p 180 HISTOIRE NATURELLE mais on pourroit, sans abuser du nom, Vé- tendre à à toutes les substances dans lesquelles | la présence de l’acide vitriolique se mamifeste d’une manière sensible. Le vitriol du fer est verd, celui du cuivre est bleu, et celui du : zinc est blanc : tous trois se trouvent dans le sein de la terre, mais en petite quantité, et il paroit que ce sont les seules matières mé- talliques que la Nature ait combinées avec cet acide ; et quand même on seroit parvenu par notre art à faire d’autres vitriols metal- liques, nous ne devons pas les mettre au nombre des substances naturelles, puisqu'on n’a jamais trouvé de vitriols d’or, d'argent, de plomb, d'étain, ni d’antimoine, de bis= muth, de cobalt, etc., dans aucun lieu, ! soit à la surface, soit à l’intérieur de la terre. Le vitriol verd ou le vitriol ferrugineux, appelé vulgairement cozperose, se présente dans toutes les imines de fer où l’eau char- gée d’acide vitriolique a pu pénétrer. C’est sous les glaises ou les plâtres que gisent ordi-. nairement ces mines de vitriol, parce que. les terres argilleuses-et plätreuses sont im- prégnées de cet acide, qui, se mêlant avec | DES MINÉRAUX. rêc l’eâu des sources souterraines, ou même avec l’eau des pluies, descend par stillation sur la matière ferrugineuse, et, se combinant avec elle, forme ce vitriol verd qui se trouve tan- tôt en masses assez informes , auxquelles on donne le nom de pierres atramentaires À, et tantôt en stalactites plus ou moins opaques; et quelquefois crystallisées.\ La forme de ces crystaux vitrioliques est rhomboïdale , et assez semblable à celle dés crystaux du spath . calcaire. C’est donc dans les mines de fer de seconde et de troisième formation , abreuvées par les eaux qui découlent des matières argilleuses et plâtreuses, qu'on rencontre ce vitriol natif dont la formation suppose non seulement la décomposition de la matière ferrugineuse , mais encore le mélange de l’a- cide en assez grande quantité. Toute matière ferrugineuse imprégnée de cet acide donnera * Parce qu’elles servent, comme lé vitriol lui- mème, à composer les diverses sortes de teintures noires ou d'encre , atramentum. C’est l’étymologie que Pline nous en donne lui-mème : Diluendo, dit-1} en parlant du vitriol, #4 atramentum tingendis coriis ,unde atramenti sutorii nomens Mat, gén, XH. 18 PT 0 NÉS TISEN DE MAC VENT a à (0 182 HISTOIRE NATURELLE du vitriol : aussi le tire-t-on des pyrites martiales en les décomposant par la _calcina- |. D tion ou par l'humidité. 1 FR Cette pyrite, qui n’a aucune saveur il son état naturel, se décompose, lorsqu’ elle est exposée long-temps à l'humidité de l'air, en une poudre saline, acerbe et stiptique ; en lessivant cette poudre pyriteuse , on en re- tire du vitriol par l’évaporation et le refroi- dissement. Lorsqu'on veut en obtenir en grande quantité, on entasse ces pyrites les unes sur les autres à deux ou trois pieds - d'épaisseur ; on les laisse exposées aux im- pressions de l'air pendant trois ou quatre aus , et jusqu'à ce qu'elles se soient réduites en poudre : on les remue deux fois par an pour accélérer cette décomposition ; on re- cueille l’eau de la pluie qui les lessive pen- dant ce temps, et on la conduit dans des chaudières où l’on place des ferrailles qui s’y dissolvent en partie par l’excès de l’acide ; ensuite on fait évaporer cette eau, et le vitriol se présente en crystaux *, * Dans le grand nombre de fabriques de vitrio] de fer, celle de Newcastle en Angleterre est remar- PR DES MINÉRAUX. 183 On peut aussi tirer le vitriol des pyrites par le moyen du feu, qui dégage, sous la forme de soufre, une partie de l’acide et du feu fixe qu’elles contiennent : on lessive en- suite la matière qui reste après cette extrac- tion du soufre ; et pour charger d'acide l’eau de ce résidu , on la fait passer successivement sur d'autres résidus également dessoufrés , après quoi on l’évapore dans des chaudières de plomb. La matière pyriteuse n’est pas épuisée de vitriol par cette première opéra— tion ; on la reprend pour l’étendre à l’air, et au bout de dix-huit mois ou deux ans elle fournit, par une semblable lessive, de nouveau vitriol. Il y a dans quelques endroits des terres qui sont assez mêlées de pyrites décomposées pour donner du vitriol par une seule lessive. Au reste, on ne se sert que de chaudières de plomb pour la fabrication du vitriol, parce que l'acide rongeroit le fer et le cuivre. Pour reconnoître si la lessive vitriolique est assez chargée, il faut se servir d’un pèse-liqueur ; dèsque cetinstrument indiquera que la lessive quable par la grand e pureté du vitriol qui s’y pro- duit. | 284 HISTOIRE NATURELLE contient vingst-huitoncesde vitriol, on pourra. la faire évaporer pour obtenir ce sel en crys- taux. Il faut environ quinze jours pour opérer” cette crystallisation, et l’on a observé qu'elle réussit beaucoup mieux pendant l berer qu'en été. Nous avons en France quelques mines de vitriol naturel. « On en exploite, dit M. de « Gensanne , une au lieu de /a Fonds, près « Saint-Julien de Valgogne ; le travail y est «conduit avec la plus grande intelligence : « le minéral y est riche et en grande abon- « dance, et le vitriol qu’on y fabrique est « certainement de la première qualité ». II doit se trouver de semblables mines dans tous les endroits où la terre limoneuse et fer- rugineuse se trouve mêlée d’une grande quan- tité de pyrites décomposées. Il se produit aussi du vitriol par les eaux sulfureuses qui découlent des volcans ou des solfatares. « La formation de ce vitriol , dit « M. l'abbé Mazéas, s’opère de trois façons. « La première, par les vapeurs qui s'élèvent « des solfatares et des ruisseaux sulfureux : « ces vapeurs, en retombant sur les terres « ferrugineuses , les recouvrent peu à peu : RS sde. © DES MINÉRAUX. 185 «d’une eflorescence de vitriol..….. La seconde « se fait par la filtration des vapeurs à tra- « vers les terres : ces sortes de mines four- « nissent beaucoup plus de vitriol que les premières ; elles se trouvent communé- « ment sur le penchant des montagnes qui « contiennent des mines de fer, et qui ont « des sources d’eau sulfureuses. La troisième « manière est lorsque la terre ferrugineuse « contient beaucoup de soufre : on s’apper- « çoit, dès qu’il a plu , d’une chaleur sur la « surface de la terre, causée par une fermen- « tation intestine..….. Il se forme du vitriol « en plus ou moins grande quantité dans ces « terres. » DAT Le it bleu, dont A base est le cuivre, se forme comme le vitriol de fer ; on ne le trouve que dans les mines secondaires où le cuivre est déja décomposé, et dont les terres sont abreuvées d’une eau chargée d’acide vi- triolique. Ce vitriol cuivreux se présente aussi en masses ou en stalactites, mais rare- ment crystallisées , et les crystaux sont plus souvent dodécaëèdres qu'hexaèdres ou rhom- boïdaux. On peut tirer ce vitriol des pyrites cuivreuses et des autres minérais de ce metal, 1B 40 À 186 HISTOIRE NATURELLE qui sont presque tous. dans l'état pyriteux. Ler CAR On peut ‘aussi employer des débris ou rognures de cuivre avec l’alun pour faire ce’ vitriol. On commence par jeter sur ces mor- ceaux de cuivre du soufre pulvérisé; on les met ensemble dans un four, et on les plonge ensuite dans une eau où l’on a fait dissoudre de l’alun : l’acide de l’alun ronge et détruit les morceaux de cuivre; on transvase cette eau dans des baquets de plomb lorsqu'elle est suffisamment chargée, et en la faisant éva- porer on obtient le vitriol qui se forme en beaux crystaux bleus'. C'est de cette appa— reuce crystalline ou vitreuse que le nom même de vifriol est dérive?. ; 1 Pline a parfaitement connu cette formation des crystaux du vitriol , et même 1l en décrit le procédé LA Le ? LA & mécanique avec autant d'élégance que de clarté : Fit in Hispaniæ puteis, dit-il, id genus aquæ ha=" bentibus.… Decoquitur.… et in piscinas ligneas funditur. Immobilibus super has transtris depen- dent restes ; quibus adhærescens limus , vitreis acinis imaginem quamdam uvæ reddit. Color est cæruleus perquäm spectabili nitore, vitrumque esse creditur. ue 2? Les Grecs, qui apparemment connoissoient PRIE SP © à DES MINÉRAUX. 187 Le vitriol de zinc est blanc ,-et se trouve aussi en masses et en stalactites dans les mi- nières de pierre calaminaire ou dans les blendes ; il ne se présente que très-rarement en crystaux à facettes : sa crystallisation la plus ordinaire dans le sein de la terre est en filets soyeux et blancs. On peut ajouter à ces trois vitriols metal- liques , qui tous trois se trouvent dans l’in- térieur de la terre, une substance grasse, à laquelle on a donné le nom de beurre fossile , et qui suinte des schistes alumineux : c’est une vraie stalactite vitriolique ferrugineuse, qui contient plus d'acide qu'aucun desautres vitriols métalliques ; et, par cette raison, M. le baron de Dietrich a cru pouvoir avancer que ce beurre fossile n’est que de l'acide vitriolique concret. Mais si l’on fait attention que cet acide ne prend une forme concrète qu'après une très-forte concentra- tion et par la continuité d’un feu violent, et mieux le vitriol de cuivre que celui de fer, a voient donné à ce sel un nom qui désignoit son affinité avec ce premier métal ; c’est la remarque de Pline: Græci cognationem œris nomine fecérulitissei AA enim chalcantum. 188 HISTOIRE NATURE ELLE. qu’au contraire ce beurre vitriolique se foéthe e, comme les autres stalactites, par l’intermède de l’eau, il me semble qu’on ne doit pas. hésiter à Le rapporter aux vitriols que la Na- ture produit par la voie humide. | "0h Après ces vitriols à base métallique ; on 4 doit placer les vitriols à base terreuse, qui; pris généralement , peuvent se réduire à deux : le premier est l’alun, dont la terre est argilleuse ou vitreuse ; et le second est le gypse, que les chimistes ont appelé sélénite, et dont la base est une terre calcaire. Toutes les argilles sont imprégnées d’acide vitrio- lique , et les terres qu'on appelle a/ymineuses ne diffèrent des argilles communes qu’en ce qu'elles contiennent une plus grande quan- tité de cet acide : l’alun y est toujours en. particules éparses , et c’est très - rarement qu'il se présente en filets crystallisés ; on le retire aisément de toutes les terres et pierres argilleuses en les faisant calciner et ensuite lessiver à l’eau. Le gypse, qu’on peut regarder comme un vitriol calcaire ,; se présente en stalactites et en grands morceaux crystallisés dans toutes les carrières de plâtre. DES MINÉRAUX. 189 Mais lorsque la quantité de terre contenue daus l’arsille et dans le plâtre est trés-grande en comparaison de celle de l’acide , 1l perd en quelque sorte sa propriété la plus distinc- tive; 1l n’est plus corrosif, il n’est pas même sapide : car l’argille et le plâtre n'affectent pas plus nos organes que toute autre matière; et, sous ce point de vue , on doit rejeter du nombre des substances salines ces deux ma- tières , quoiqu’elles contiennent de l'acide. Nous devons, par la même raison, ne pas compter au nombre des vitriols ou substances vraiment salines toutes les matières où l’a- cide en petite quantité se trouve non seule- ment mêle avec l’une ou l’autre terre argil- leuse ou calcaire, mais avec toutes deux, comme dans les marnes et dans quelques autres terres et pierres mélangées de parties vitreuses, calcairés , limoneuses et métal- liques : ces sels à double base forment un second ordre de matières salines auxquelles on peut donner le nom d’Aépar. Mais toute matière simple, mixte ou composée de plu- sieurs substances différentes, dans laquelle l'acide est engagé ou saturé de manière à n’être : pas senti n1 reconnu par la saveur, ne doit TC HISTOIRE NATURELLE ni ne peut être comptée parmi les sels sans abuser du nom ; car alors presque toutes les matières du globe seroient des sels, puisque presque toutes contiennentune certaine quan: tité d’acide aérien. Nous devons ici fixer nos idées par notre sensation : toutes les matières insipides ne sont pas des sels ; toutes celles , au contraire, dont la saveur offense , irrite ou flatte le sens du goût, seront des sels, de quelque nature que soit leur base, et en quelque nombre ou quantité qu’elles puissent ètre mélangées. Cette propriété est generale, essentielle, et même la seule qui puisse ca- ractériser les substances salines, et les sépa- rer de toutes les autres matières. Jedisle seul caractère distinctif des sels; car l’autre pro- priété par laquelle on a voulu les distinguer, c'est-a-dire , la solubilité dans l’eau, ne leur. appartient pas exclusivement ni générale- ment, puisque les sommes et même les terres se dissolvent égaleinent dans toutes liqueurs aqueuses, et que d’ailleurs on connoit des sels que l’eau ne dissout point, tels que le soufre, qui est vraiment salin, puisqu'il contient l'acide vitriolique en grande quan- tile, De DES MINÉRAU X. 19E Suivons donc l’ordre des matières dans lesquelles la saveur saline est sensible; et, ne considérant d'abord que les composés de l’a- cide vitriolique, nous aurons, dans les mi- néraux, les vitriols de fer, de cuivre et de zinc , auxquels on doit ajouter l’alun , parce que tous sont non seulement sapides, inais même corrosifs. * L’acide vitriolique, qui par lui- même est fixe , devient volatil en s’unissant à la matière du feu libre, sur laquelle il a une action très-marquée, puisqu'il la saisit pour former le soufre, et qu’il devient volatil avec lui dans sa combustion. Cet acide sulfureux volatil ne diffère de l’acide vitriolique fixe que par son union avec la vapeur sulfureuse dont il répand l'odeur ; et le mélange de cette vapeur à. l'acide vitriolique, au lieu d’aug- menter sa force, Ja diminue beaucoup : car cet acide, devenu volatil et sulfureux, a beaucoup moins de puissance pour dissoudre; son affinité avec les autres substances est plus foible ; tous Les autres acides peuvent le décomposer, et de lui-même il se décompose par la seule évaporation. La fixité n’est donc point une qualite éssentielle à l'acide vitrio= 5 HISTOIRE NATURELLE k ‘ lique; il peut se convertir en acide aérien, | puisqu'il devient volatil et se laisse put aol en vapeurs sulfureuses. L’acide sulfureux fait seulement plus d’ef- fet que l'acide vitriolique sur les couleurs tirées des végétaux et des animaux; ul les altère et même les fait disparoître avec le temps , au lieu que l'acide vitriolique fait reparoître quelques unes de ces mnèmes cou- leurs, et en particulier celle des roses. L’a: cide sulfureux les détruit toutes ; et c’est d’après cet effet qu’on l’emploie pour donner à 1 \] | aux étoffes la plus grande -blancheur et le : plus beau lustre. L'acide sulfureux me paroît être l’une des nuances que la Nature a mises entre l'acide vitriolique et l’acide nitreux; car toutes les propriétés de cet acide sulfureux le rap- prochent évidemment de l’acide nitreux, et tous deux ne sont au fond que le même äcide aérien, qui, ayant passé par l’état d’acide vitriolique , est devenu volatil dans l'acide sulfureux, et a subi encore plus d’altération | avant d’être devenu acide nitreux par la pu- tréfaction dés corps organisés. Ce qui fait la principale différence de l'acide sulfureux et | DES MINÉRAUX. 193 de l'acide nitreux, c’est que le premier es£ beaucoup plus chargé d’eau que le second , et que par conséquent il n’est pas aussi for- tement uni avec la matière du feu. Après les vitriols métalliques, nous devons considérer les sels que l'acide vitriolique a formés avec les matières terreuses, et parti- culièrement avec la terre argilleuse qui sert de base à l’alun; nous verrons que cette terre est la même que celle du quartz, et nous en tirerons une nouvelle démonstration de la conversion réelle du verre primitif en argille. 17 LIQUEUR DES CAILLOUX. J'ax dit et répété plus d’une fois dans le cours de mes ouvrages, que l’argille tiroit son origine de la décomposition des grès et des autres débris du quartz réduits en pou- y 4 C7 uT, Ft 4 à : 4 : 1 * dre , et atténués par l’action des acides et l'impression de l’eau; je l'ai même démou- tré par des expériences faciles à répéter, et par lesquelles on peut convertir en assez peu de temps la poudre de grès en argille, par la simple action de l’acide aérien et de l’eau : j'ai rapporté de semblables épreuves sur le verre pulvérisé; j'ai cité les observations réitérées et constantes qui nous ont égale- ment prouvé que les laves les plus solides des volcans se convertissent en terre argil- leuse, en sorte qu’indépendamment des re= cherches chimiques et des preuves qu'elles peuvent fournir , la conversion des sables vitreux en argille m'étoit bien démontrée. Mais une vérité tirée des analogies géné- rales fait peu d'effet sur les esprits acçou- Rs HISTOIRE NATURELLE. 195. fumées à ne juger que par les résultats de leur methode particulière : aussi la plupart des chimistes doutent encore de cette con- version; et néanmoins les résultats bien en- tendus de leur propre méthode me semblent confirmer cette même vérité aussi pleine- ment qu'ils peuvent le desirer; car, après avoir séparé dans l’aroille l'acide de sa base terreuse , ils ont reconnu que cette base étoit une terre vitrifiable ; ils ont ensuite com- biné, par le moyen du feu, le quartz pulvé- risé avec l’alcali dissous dans l’eau, et ils ont vu que cette matière précipitée devient soluble comme la terre ‘de l’alun par l'acide vitriolique; enfin ils en ont formé un com- posé fluide qu'ils ont nommé liqueur des cailloux. « Une demi-partie d’alcali et une « partie de quartz pulvérisé, fondues en- « semble, dit M. de Morveau, forment un « beau verre transparent, qui conserve sa « solidité. Si on change les proportions, et « que l’on mette, par exemple, quatre par- « ties d'alcali pour une partie de terre quart- « zeuse, la masse fondue participera d’au- «tant plus des propriétés salines; elle sera « soluble par l’eau, ou même se résoudra. Fe & Fr n VPN APRES 7 KE Vie \ 4 TENTE \ À . : {: ? AIT Ag, $ à 2 x < o x AC 196 HISTOIRE NATU RELLE | «spontanément en liqueur par l humidité « de l'air : c'est ce que l'on nomme Zigueur + « des cailloux. Le quartz y est tenu en dis- « solution par l’alcali, au point de passer « par le filtre. « Tous les acides, et même Jen chargée « d'air fixe, précipitent cette liqueur des cail- « loux , parce qu’en s ’unissant à l’alcali, ils «le forcent d'abandonner la terre. Quand « les deux liqueurs sont concentrées , il se «fait une espèce de miracle chimique, « c'est-à-dire que le mélange devient solide. « On peut conclure de toutes lés expériences « faites à ce sujet, 1°. que la terre quart= Jet, q «zeuse éprouve, pendant sa combinaison «avec l’alcali, par la fusion, une altération « qui la rapproche de l’état de l’argille , et la « rend susceptible de former de l’alun avec « l’acide vitriolique ; 2°. que la terre argil- « leuse et la terre quartzeuse, altérées par la « vitrification , ont une affinité marquée, . « même par la voie humide, avec l’alcali « privé d'air, etc..... Aussi l’argille et l’alun « sont bien réellement des sels vitrioliques « à base de terre vitrifiable .... « L'argille est un sel avec excès de terre... : \ | 4 DES MINÉRAUX. 197 « et il ést certain qu’elle contient de l'acide « vitriolique, puisqu'elle décompose le nitre «et le sel marin à la distillation. On dé- « montre que sa base est alumineuse, en « saturant d'acide vitriolique l’argille dis- « soute dans l’eau, et formant ainsi un véri- .« table alun ; on fait passer enfin l’alun à « l’état d’argille, en lui faisant prendre uue « nouvelle portion de terre alumineuse, pré- « cipitée et édulcorée. Il faut l’employer tan- « dis qu'elle est encore en bouillie, car elle « devient beaucoup moins soluble en séchant; « et cette circonstance établit une nouvelle « analogie entre elle et la terre précipitée de « la liqueur des cailloux. » _ Cette terre qui sert de base’ à l’alun, est argilleuse : elle prend au feu, comme l’ar- gille, toutes sortes de couleurs ; elle y de- vient rougeâtre, jaune, brune, grise, ver— dâtre, bleuâtre, et mème noire; et si l’on précipite la terre vitrifiable de la liqueur des cailloux, cette terre précipitée a toutes les propriétés de la terre de l’alun : car en l’unis- sant à l'acide vitriolique on en fait de l’alun; ce qui prouve que l’argille est de la même essence que la terre vitriñable ou quart- zeuse. | ei M En NET 198. HISTOIRE NATURELLE « Ainsi les recherches chimiques, bien loin de.s’opposer au fait réel de la conversion des verres primitifs en argille, le démontrent encore ipar leurs résultats, et il est certain que l’argille ne diffère du quartz ou du grès réduits en poudre que par l’atténuation des molécules de cette poudre quartzeuse sur laquelle l'acide aérien, combiné avec l’eau, agit assez long-temps pour les pénétrer, et | enfin les réduire en terre. L’acide vitriolique, ! ne produiroit pas cet effet, car il n’a point d'action sur le quartz ni sur les autres ma- tières vitreuses ; c’est donc à l’acide aérien qu'on doit l’attribuer : son union d’une part avec l'eau , et d’autre part le mélange des poussières alcalines avec les poudres vi- ireuses, Jui donnent prise sur cette même matière quartzeuse. Ceci me paroit assez clair, même en rigoureuse chimie, pour es- pérer qu'on ne doutera plus de cette conver- sion des verres primitifs en argille, puisque toutes les argilles sont mélangées des débris de coquilles et d’autres productions du même genre, qui toutes peuvent, fournir à l'acide aérien l’intermède alcalin nécessaire à sa prompie action sur la matière vitrifiables DES MINÉRAUX. r9 D'ailleurs l'acide aérien , seul et sans mé- lange d’alcali, attaque avec le temps toutes les matières vitreuses ; car le quartz, le crys- tal de roche ct tous les autres verres produits par la Nature, se ternissent, s’irisent et se décomposent à la surface par la seule im- pression de-l’air humide, et par conséquent la conversion du quartz en argille a pu s’opé- rer par la seule combinaison de l’acide aérien et de l’eau. Ainsi les expériences chimiques prouvent ce que les observations en histoire naturelle m'avoient indiqué; savoir, que l’argille est de la même essence que le quartz, et qu'elle n'en diffère que par l’atténuation de ses molécules réduites en terre par l’im- pression de l'acide primitif et de l’eau. Et ce même acide aérien, en agissant dès les premiers temps sur la matière quartzeuse, y a pris une base qui l’a fixé et en a fait l’acide le plus puissant de Tous, l'acide vi- triolique, qui, dans le fond, ne diffère de acide primitif que par sa fixité, et par la masse et la force que lui donne la substance vitriliable qui lui sert de base; mais l’acide aérien étant répandu dans toute l'étendue de l'air, de la terre et des eaux, et le globe “AREA AIAOEE TORTUES 200 HISTOIRE NATURELLE. entier n'étant dans le premièr temps qu’ une À masse vitrifiée, cet acide primitif a pénétré À toutes les poudres vitreuses, et les ayant. atténuées , ramollies et humectées par son union avec l’eau, les a peu à peu décompo- sées, et enfin converties en terres argilleuses. / Pacs ALUN. L'icror aérien s'étant d'abord combiné _ avecles poudres du quartz et des autres verres primitifs, a produit l’acide vitriolique par son union avec cette terre vitrifiée, laquelle s'étant ensuite convertie et réduite en argille par cette action même de l’acide et de l’eau, cet acide vitriolique s’y est conservé et s’y manifeste sous la forme d’alun, et l’on ne peut douter que ce sel ne soit composé d’acide vitriolique et de terre argilleuse. Mais cette terre de l’alun est-elle de l’argille pure, comme M. Bergman et d’après lui la plupart des chimistes récens le prétendent? Il me semble qu'il y à plusieurs raisons d'en douter, et qu’on peut croire avec fondement que cette argille qui sert de base à l’alun n’est pas pure, mais mélangée d’une certaine quantité de terre limoneuse et calcaire, qui toutes deux contiennent de l’alcali. 1°. Deux de nos plus savans chimistes , MM. Macquer et Baumé, ont reconnu des 1 à ELOR EL TO TL ANNEES # AS NN EATEN) k nn) "A 20% HISTOIRE NATURELLE. indices de substances alcalines dans cette 1 terre. « Quoiqu’essentiellement argilleuse, « dit M. Macquer, la terre de l’alun paroît « cependant exiger un certain degré de cal- «cination, et z2éme le concours des sels al-. « calis, pour former facilement et abondam- « ment de l’alun avec de l’acide vitriolique . «et M. Baumé est parvenu à réduire l’alun «en une espèce de sélénite, en combinant «avec ce sel la plus grande quantité possible . «de sa propre terre ». Cela me paroît indi- quer assez clairement que cette terre qui sert de base à l’alun, n’est pas une arpgille pure, mais une terre vitreuse mélangée de RARES! alcalines et calcaires. | . M. Fougeroux de Bondaroy, l’un de nos savans académiciens, qui a fait une très- bonne description de la carrière dont on tire l'alun de Rome, dit expressément : «Je re- « garde cette pierre d’alun comme calcaire, « puisqu'elle se calcine au feu.... La chaux « que l’on fait de cette pierre a la propriété « de se durcir sans aucun mélange de sable « ou d’autres terres, lorsqu'après avoir éte … « humectée on la laisse sécher ». Cette obser- vation de M.-de Bondaroy semble démontrer. #4 | DES MINÉRAUX. 203 que les pierres de cette carrière de la Toffa, _ dont on tire l’alun de Rome, seroient de la même nature que nos pierres à plâtre, si la matière calcaire n’y étoit pas mèlée d’une plus grande quantité d’argille. Ce sont, à mon avis, des marnes plus argilleuses que calcaires, qui ont été pénétrées de l'acide vitriolique, et qui par conséquent peuvent fournir également de l’alun et de la sé- lénite. 5°. L'alun ne se tire pas de l’argille blanche et pure , qui est de première formation, mais des glaises ou argilles impures, qui sont de seconde formation , et qui toutes con- tiennent des corps marins, et sont par.con- séquent mélangées de substances calcaires, et souvent aussi de terre limoneuse. 4°. Comme l’alun se tire aussi des pyrites, et mème en grande quantité, et que les py- rites contiennent de la terre ferrugineuse et Hhimoneuse , 11 me semble qu’on peut en infe- rer que la terre qui sert de base à l’alun est aussi mélangée de terre limoneuse; et je ne sais si le grand boursouflement que ce sel prend au feu ne doit être attribué qu’à la raréfaction de son eau de crystallisation;, et 204 HISTOIRE NATURELLE … si cet effet ne provient pas, du moins en. partie, de la nature de la terre limoneuse, qui, comme je l’ai dit, se boursoufle au feu, tandis que l’argille pure y prend de la re- traite. ; 5°. Et ce qui me paroît encore plus décisif. c'est que l'acide vitriolique, même le plus concentré, n'a aucune action sur la terre vi. trifiable pure, et qu’il ne l’attaqué qu'autant qu’elle est mélangée de parties alcalines. IL n’a donc pu former l’alun avec la terre vitri- fiable simple ou avec l’argille pure , puisqu'il n’auroit pu les saisir pour en faire la base de ce sel, et qu’en effet il n'a saisi l'argile qu’à cause des substances calcaires ou limo- neuses dont cette terre vitrifiable s’est trou- vée melangée. | Quoi qu'il en soit, il est certain que toutes les matières dont on tire l’alun, ne sont ni purement vitreuses ni purement calcaires ou limoneuses, et que Les pyrites, les pierres d’alun etles terres lumineuses , contiennent non seulement de la terre vitrifiable ou de l’argille en grande quantité, mais aussi de la terre calcaire ou limoneuse en petite quantité. Ce n’est que quand cette terre de l’alun a été \ f DES MINÉRAUX. 205 travaillée par des opérations qui en ont sé- pare les terres calcaires et limoneuses, qu’elle a pu devenir une arsille pure sous la main de nos chimistes. Cependant M. le baron de Dietrich prétend « que la pierre qui fournit « l’alun et que l'on tire à la Tolfa, est une « véritable argille, qui ne contient point, « ou très-peu, de parties calcaires; que la «petite quantité de sélénite qui se forme « pendant la manipulation, ne prouve pas « qu'il y ait de la terre calcaire dans la pierre «d’alun..... et que la chaux qui produit la « sélénite peut trés-bien provenir des eaux « avec lesquelles on arrose la pierre après « l'avoir calcinée ». Mais quelque confiance que puissent mériter les observations de cet habile minéralogiste, nous ne pouvons nous empêcher de croire que la terre dont on retire l’alun ne soit composée d’une grande quantité d’argille et d’une certaine portion de terre limoneuse et de terre calcaire. Nous me croyons pas qu'il soit nécessaire d’insister sur les raisons que nous venons d'exposer, et qui me semblent décisives : l'impuissance de l’acide vitriolique sur les matières vitri- fiables , suffit seule pour démontrer qu'il n'a | 18 VASTE n Î MY CAN EUR, P 4 LU 206 HISTOIRE NATURELLE pu former l’alun avec l’argille pure. A | l’acide Mo a existé De avant Valun, qui n’a pu être produit qu'après la naissance -des coquillages et des végétaux , puisque leurs détrimens sont entrés dans sa \ composition. La Nature ne nous offre que très-rarement eten bien petite quantité de l’alun tout formé. On a donné à cet alun natif le nom d'alun de plume, parce qu’il est crystallisé en filets qui sont arrangés comme les barbes d’une plume. Ce sel se présente plus souvent en effloresceuce de formes différentes, sur la surface de quelques minéraux pyriteux; sa saveur est acerbe et stiptique, et son action très-astringente. Ces effets, qui pro- viennent de l’acide vitriolique , démontrent qu'il est plus libre et moins saturé dans l’alun que dans la sélénite, qui n'a point de saveur sensible, et en général le plus ou moins d'action de toute matière saline dépend de cette difference : si l'acide est pleinement saturé par la matière qu'il a saisie, comme dans l’argille et le gypse, il n’a plus de sa- veur; et moins il est saturé, comme dans l’alun et les vitriols métalliques, plus il est ‘DES MINÉRAUX. 2o7 corrosif. Cependant la qualité de la base dans chaque sel influe aussi sur sa sayeuret son action; car plus la matière de ces bases est dense et pesante, plus elle acquiert de masse et de puissance par son union avec l'acide, et plus la saveur du sel qui en résulte a de force. Ru Il n’y a point de mines d ain proprement dites, puisqu'on ne trouve nulle part ce sel en grandes masses, comine le sel marin, ni même en petites masses, comme le vitriol; mais on le tire aisément des argilles qui portent le nom de ferres alumineuses, parce qu'elles sont plus chargées d'acide, et peut- être plus inélangées de terre limoneuse ou calcaire que les autres argilles. Il en est de même de ces pierres d’alun dont nous venons de parler, et qui sont argillo-calcaires; on le retire aussi des pyrites, dans lesquelles l'acide vitriolique se trouve combiné avec la terre ferrugineuse et limoneuse. La simple _ lessive à l’eau chaude suffit pour extraire ce sel des terres alumineuses; mais il faut laisser effleurir les pyrites à l'air, ainsi que ces pierres d'alun, ou les calciner au feu et les réduire en poudre ayant de les lessiver pour en obtenir l'alun. * 208 HISTOIRE ER 70 L’eau bouillante dissout ce sel plus promp- | } tement et en bien plus grande quantité que J'eau froide; il se crystallise par l’évapora- tion et Le refroidissement. La figure de ses. crystaux varie comme celle de tous les autres sels. M. Bergman assure néanmoins que quand la crystallisation de l’alun n’est pas troublée , il forme des octaëèdres parfaits * transparens et sans couleur, comme l’eau. Cet habile et laborieux chimiste prétend aussi s'être assuré que ces crystaux con tiennent trente-neuf parties d'acide vitrio— lique, seize parties et demie d’argille pure, et quarante-cinq parties et demie d'eau. Mais je soupçonne que dans son eau, et peut-être même dans son acide vitriolique, il est resté de la terre calcaire ou limoneuse; car il est certain que la base de l’alun en contient. * M. Desmeste dit, avec plus de fondement ce me semble, «que ce sel se crystallise en effet en « octaèdres rectangles lorsqu’il estavec excès d'acide, « mais que la forme de ces octaèdres varie beau- « coup ; que leurs côtés et leurs angles sont souvent « tronqués, et que d'ailleurs il a vu des Crystaux d’alun parfaitement cubiques, et d’autres rec= tangles. » 8 DES MINÉRAUX. 2oÿ L’acide, quoiqu’en si grande quantité rela- tivement à celle de la terre qui lui sert de base , est néanmoins si fortement uni avec cette terre, qu on ne peut l’en séparer par le feu le plus violent : il n’y a d’autre moyen de les désunir qu’en offrant à cet acide des alcalis, ou quelques matières inflammables avec lesquelles à ait encore plus d'affinité qu'avec sa terre. On retire par ce moyen Yacide vitriolique de l’alun calciné; on en forme du soufre artificiel, et du pyrophore qui à la propriété de s’enflammer par le seul contact de l'air. L’alun qui se tire des matières pyriteuses s'appelle dans le commerce a/un de glace ou alun de roche : il est rarement pur, parce qu’il retient presque toujours quelques par- ties métalliques, et qu’il est mèlé de vitriol de fer. L’alun connu sous le nom d’a/un de Rome est plus épuré et sans mélange sen- sible de vitriol de fer, quoiqu'il soit un peu rouge : on le tire en Îtalie des pierres alu- mineuses de la carrière de la Tolfa. Il y a de semblables carrières de pierres d’alun en Angleterre, particulièrement à Whitby, dans le comté d'Yorck, ainsi qu’en Saxe, en | 18 |2ro HISTOIRE NATURELLE L'ULe À ; EX 007 Suède, en Norvége ; et dans les pays de Hesse et de Liége * de même que dans quel- ques provinces d'Espagne. On extrait l’alun dans ces différentes mines à peu prés par les, mêmes procédés qui consistent à faire effleu- rir à l'air, pendant un temps suffisant, la. terre ou pierre alumineuse, à la lessiver en suite, et à faire crystalliser l’alun par Péva- poration de l’eau *. L’alun de Rome est celui qui est le plus estimé, et qu’on assure être le plus pur. Tous les aluns sont, comme l’on voit, des productions de notre art, et le seul sel de cette espèce que la Nature nous offre tout formé, est l’alun de plume, qui ne se trouve que dans des cavités où suintent et s’évaporent les eaux chargées de ce sel en dissolution. Cet alun est très-pur ; mais nulle part il n’est en assez grande quantité pour faire un objet de commerce, et encoré moins * Dans quelques unes de ces exploitations on fait griller le minérai ; mais, comme le remarque très- bien M. Jars, cette opération n’est bonne que pour celles de ces mines qui sont tres-pyriteuses, et seroit pernicieuse dans les autres, où la combustion détrui- roit une portion de lalun , et qu'il suffit de laisser fleurir à Pair, où elles échauffent d’elles-mémess. a 2 Y DES MINÉRAUX. a1t pour fournir à la consommation que l’on fait de l’alun dans plusieurs arts et métiers. Ce sel a en effet des propriétés utiles, tant pour la médecine que pour les arts, et sur- tout pour la teinture et la peinture. La plu- part des pastels ne sont que des terres d’alun teintes de différentes couleurs. Il sert à la teinture en ce qu’il a la propriété d'ouvrir les pores et d'entamer la surface des laines et des soies qu’on veut teindre, et de fixer les couleurs jusque dans leur substance; il. sert aussi à la préparation des cuirs, à lisser le papier , à argenter le cuivre, à blanchir l'argent, etc. : mis en suffisante quantité sur. la poudre à canon, il la préserve de l’humi- _ dité et même de linflammation ; il s’oppose aussi à l’action du feu sur le bois et sur les autres matières combustibles , et les empèche de brüler si elles en sont fortement impré- guées : on le mêle avec le snif pour rendre les chandelles plus fermes; on frotte d’alun calciné les formes qui servent à imprimer les toiles et papiers, pour y faire adhérer les cou- leurs ; on en frotte de mêmé les balles d’im- primerie pour leur faire prendre l'encre, etc. Les Asiatiques ont, avant Les Européens, F \ 2 HISTOIRE NATURELLE . - fait usage de l’alun ; les plus anciennes fa= briques de ce sel étoient en Syrie et aux en- virons de Constantinople et de Smyrne, dans le temps des califes, et ce n’est que vers le milieu du quinzième siècle que les-Italiens transportèrent l’art de fabriquer l’alun dans 114 + 1 "it AN leur pays, et que l’on découvrit les mines. alumineuses d’Zsckia, de Viterbe , etc. Les Espagnols établirent ensuite, dans le seizième siècle, une manufacture d’alun près de Car- thapène, à Æ/mazaran, et cet établissement subsiste encore. Depuis ce temps, on a fabri- qué de l’alun en Angleterre , en Bohème et dans d’autres provinces de l'Allemagne; et aujourd’hui on en connoiît sept manufac— tures en Suêde , dont la plus considérable est celle de Garphyttau dans la Noricie. Il y a en France assez de mines pyriteuses et même assez de terres alumineuses pour qu'on pût y faire tout l’alun dont on a besoin sans l'acheter de l’étranger; et néanmoins je n’en connois qu'une seule petite manufac- ture en Roussillon , près des Pyrénées : ce- pendant on en pourroit fabriquer de même en Franche - Comté, où il y a une grande quantité de terres alumineuses à quelque DES MINÉRAUX. 213 distance de Norteau. M. de Gensanne, qui a reconnu ces terres, en a aussi trouve en Vi- varais , près de la Gorce. « Plusieurs veines « de cette terre alumineuse sont, dit-il, par- « semées de charbon /ayef, et l’on y trouve par intervalles de l’alun natif ». Il y a aussi près de Soyon des mines de Couperose et d’a- lun. On voit encore beaucoup de terres alu- mineuses aux environs de Roquefort et de Cascastel; d’autres près de Cornillon , dans le diocèse d'Uzès , dans lesquelles l’alun se forme naturellement : mais combien n’avons- nous pas d’autres richesses que nous foulons aux pieds, non par dédain ni par défaut d’in- dustrie, mais par les obstacles qu'on met ou le peu d'encouragement que l’on donne à toute entreprise nouvelle ! 1 o V4 (UE PM AUTRES COMBINAISONS \ DE L’ACIDE VITRIOLIQUE. à Lite ai Nous venons de voir que cet acide, le plus fort et le plus puissant de tous, a saisi les terres aroillenses et calcaires, dans lesquelles il se manifeste sous la forme d’alun et de sélénite; que l'argille et le plâtre, quoi- qu'imprégnés de cet acide, n’ont néanmoins aucune saveur saline, parce qu'il y a excès -dée terre sur la quantité d'acide , et qu'il y est pleinement saturé; que l’alun , au con- traire , dont la base n’est que de la terre argil- leuse mélée d'une petite portion de terre alcaline, a une saveur stiptique et des effets astringens, parce que l'acide n'y est pas sa- turé; qu'il en est de mème de tous les vitriols métalliques, dont la base étant d’une matière plus dense que la terre vitreuse ou calcaire, a donné à ces sels plus de masse et de puis- sance, Nous avons vu que les terres alumi- LR pe. PRE De ) HISTOIRE NATURELLE. 215 neuses ne sont que des argilles mélangées et plus fortement imprégnées que les autres d'acide vitriolique; que l’alun, qu'on peut regarder comme un vitriol à base terreuse, retient dans ses crystaux une quantité d'eau plus qu’égale à la moitié de son poids, et que cette eau n'est pas essentielle à sa subs- tance saline , puisqu'il la perd aisément au feu sans se décomposer ; qu’il s'y boursoufle comme la terre limoneuse, et qu'en même temps qu'il se laisse dépouiller de son eau, il retient très-fixement l’acide vitriolique, et devient , après la calcination, presque aussi corrosif que cet acide même. Maintenant, si nous examinons les autres matières avec lesquelles cet acide 55 trouve combiné, nous reconnoitrons que l’alcali minéral ou marin, qui est le seul sel al- cali naturel, et qui est universellement re- pandu , est aussi le seul avec lequel l'acide vitriolique se soit naturellement combiné sous la forme d’un sel crystallisé, auquel on a donné le nom du chimiste G/auber. On trouve ce sel dans l’eau de la mer , et géné- ralement dans toutes les eaux qui tiennent du sel gemme ou marin en dissolution ; mais 216 HISTOIRE NATURELLE la Nature n’en a formé qu’une très-petite quantité en comparaison de celle du sel gemme ou marin , qui diffère de ce sel de Glauber en ce que ce n’est pas l’acide vitrio- lique , mais l'acide marin qui est uni avec l’alcali dans le sel marin, qui, de tous les! sels naturels, est le plus abondant. Lorsque l’on combine l'acide vitriolique avec l’alcali végétal, il en résulte un sel crystallisable, d’une saveur amère et salée, auquel on a donné plusieurs noms ditférens , et singulièrement celui de fartre vitriolé. Ce sel, qui est dur et qui décrépite au feu, ne se dissout que difficilement dans l’eau, et ne se trouve pas crystallisé par la Nature, quoi- que tous les sels formés par l'acide vitrio- lique puissent se crystalliser. FA L’acide vitriolique qui se combine dans les terres vitreuses, calcaires et métalliques, et se présente sous la forme d’alun , de sélé- nite et de vitriol , se trouve encore combiné dans le sel d'Epsom avec la magnésie, qui est une terre particulière différente de l’ar- gille, et qui Paroit aussi avoir quelques pro- priétés qui la distinguent de la terre calcaire. En la supposant mixte et composée des deux, ° » DES MINÉRAUX. 217 elle approche beaucoup plus de la craie que de l’argille. Cetie terre zzagnésie ne se trouve point en grandes masses comme Îles argsilles, les craïes , les plâtres, etc. ; néanmoins elle est melee dans plusieurs matières vitreuses et:calcaires : on l'a reconnue par l'analyse chimique dans les schistes bitumineux, dans les terres platreuses, dans les marnes, dans les pierres appelées serpentines } dans l'an pelite; et l'on a observe qu’elle forme à la surface et dans les interstices de ces matières un sel amer fort abondant. L'acide vitrio- lique est comibiné dans ce sel. jusqu'à satura- 4 - tion; et lorsqu'on l’en retire en lui offrant un aicali, la magnésie qui lui servoit de basé se présente sous la forme d'une terre blanche, légère, sans saveur , et presque sans ducti- lite lorsqu'on la mêle avec l’eau. Ces proprié- tés lui sont communes avec les terres cal- caires imprégnées d'acide vitriolique, dont. sans doute la magnésie retient encore quel- ques parties après avoir été precipitée de la dissolution de son sel; elle se rapproche encore plus de la nature de 1a terre calcaire ; en ce qu'elle fait une srande effervescence avec tous les acides , et qu'elle fournit de : Mat, gen, XI. 19 ES 18 HISTOIRE NATURELLE ._mêmé une très-grande quantité d’ air fixe « on d'acide aérien, et qu'après avoir perdu cet air par la calcination,, elle se dissout comme la chaux dans tous les acides : seulement cette magnésie calcinée n’a pas la causticité de la chaux, et ne se dissout pas de inême lorsqu'on la mèle avec l’eau ; ce qui la rap- proche de la nature du plâtre. Cette différence de la chauxfvive et de la magnésie calcinée _ semble provenir de la plus grande puissance $ “avec laquelle la chaux retient l'acide aérien , “que la ealcination n’enlève qu’en partie à la Dire calcaire ; et qu'elle enlève en plus grande quantité à la magnésie. Cette terre n’est donc au fond qu’une terre calcaire, qui, d'abord imprégnée, comme le plâtre, d'acide vitriolique, se trouve encore plus abondamment fournie d'acide aérien que la pierre calcaire ou le plâtre; et ce dernier acide est la seule cause de la différence des propriétés de la magnésie et des qualités par- ticulières de son sel : il se forme en grande quantité à la surface des matières’ qui con — tiennent de la magnésie; l’eau des pluies où des sources le dissout et l'emporte dans les eaux dont on le tire par l'évaporation; et ce _ NIDES MINÉRAUX.: 219 sel forme de l'acide vitriohique à base de magnésie, a:pris son nom de la fontaine d'Epsom.en Angleterre, de l’eau de laquelle on le tire en grande quantité. M.Brownrigg assure-avoir trouvé du sel d'Epsom crystal lisé dans lesmines decharbon de Whitehaven:; 1] étoit en petites masses solides, transpa— rentes, et en filamens blancs argentins, tan- tôt réunis, tantôt isolés ; dont quelques uns avorent jusqu à trois pouces de longueur. La saveur de ce sel n’est pas piquante; elle est même fraîche, mais: suivie d’un'arrière- goût. amer ; sa qualité n’est point astringente: 1l est donc en tout très:différent de Yalun : et comme il diffère aussi de la sélénite par sa saveur et par sa solubilité dans l'eau , on a juge que la magnésie qui lui sert de base étoit une terre entièrement différente de l’âr- gilletet de la craie, d'autant queicette même maghésie combinée avec d’autresatitdes ,tels que l'acide mitreux ou celui du vinaigre ; donne encore des sels diférens-de:cenx que Pargille ;;: ou:la; terre calcaire; donne en les combinant avec: ces mêmes acides: Mais si l'on compare ces différences avec les rapports ctileswressemblances que nous venons d’indi* b, a HISTOIRE NATURE: LLE quer entre la terre calcairesét là pan ten on ne poufra douter, ceme sémble, qu’elle ne soit au fond une vraie terre. calcaire; d’ A= bord pénétréé d'acide: vitriolique ; et ensuite modifiée par l’acide aérien, et peut-étreaussi par l'alcali vegetal ; : dont -elle pes avoir plusieurs proprietes. Ho -: La seule chose qui pourroit faire penser que cetté terre imagnésie est inêlée d'une petite quantité d’argille , c’est que, idans.les matières argilleuses , elle est si fortemént unie à la terre alumineuse, qu'on:a de la peine à l’en séparer ; mais cet-effet: prouve seulement que,la terre de l’alun n'est pas une argille pure , et qu'elle contient une cer- taine quañtité deitérre alcaline. Ainsi, tout considéré , je: reparde la magnésie comme une sorte de platre ; ces deux matières sont égalemeut imprégnees d'acide vitriolique, elles ontiles: mêmés propriétés ‘essentielles : et quoique la magnésiene se présente-pas em grandes: mäâsses-cobime le: plätre:; ‘elle: :est peut-être ren aussi grande; quautité®sur" la terre étdans l'eau; car onen retire descendres de tous les végétaux , et plus abondamment des eayx-mères, du nitre-et:du:sekamaxin': ’ ; : DiS MINÉRAUX: : 2% autre th que ce n’est au fond qu'une terre caleire modifiée par la végétation et da putréfction. | - L'acie vitriolique, en se nf avec a hules végetales, a formé les bitumes et — s’est pleinement saturé ; car il n’a plus au— cure action-sur-le bitume, qui n'a pas plus dé, saveur sensible que l’argille et le plätre, dans lesquels cet: acier est de même pleine- ment saturé. : NAUR A Si l’on expose à l’action FA Yicidi nil les substances végétales et animales dans leur état naturel: il'agit à pew près comme le «feu ; sil estbieñiconcentré . 1l les déssèche, «les crispe.et les réduit presque à l’état-char- « bonneux ; etde là on peut juger qu'il en «-altère souvent les principes en mênietemps «qu'il les sépare ».-Céci-prouve bien que cet acide n’est pas uniquement composé des prini= cipes aqueux et terreux, comme Stahl ét ses disciples l'ont prétendu , mais qu’il contient aussi une grande quantité d'air actif et de feu, réel. Je crois devoir insister ici sur ce que j'ai déja dit à ce sujet, parce que le plus grand nombre des -chimistes pensent que l'acide vitriolique est l'acide primitif, et 19 | em. © CS HISTOIRE NA' TÜR EL ii que , pour: le: prouver: Pr O4 ramener: ou d'en rapprocher 'tôti}es antées acides. Or leur grand maiîtré ‘enghjimie voulu établir sa théorie debséls 4x deux à idées, dont l’une est générale ; l’autr partis eulière ::la première, que l'acide vitridique est l'acide universel et le seul principe sin qu’il y ait dans la Nature} \étique toutes bes autres substances salines ;acides ou alcalines ne sont que des modifications de cetacide alté- ré, enveloppé, déguisé par des ‘substances ac- cessoires. Nous n'avons pas adopté cette idée’; qui néanmoins a leineritedeise rapprôcheridé la simplicité de la Nature. L'acide vitriolique sera ,si l’on veut , le second acide ; mais l’acide aérien est le premier, non seulement dans Fordre de leur formation, maisencore parce qu’il est le plus pur et le plus simple detous, n'étant composé que d'air et de feu, tandis que l’acide vitriolique et tous les autres acides sont mêlés de terre et: d’eau.: Nous nous croyons donc fondés à regarder l'acide aérrei comme l'acide primitif, et nouspensons qu’il faut substituer cette idée à celle de ce grand chimiste, qui lepremier asenti‘qu'on devoit amener tous les acides à un seul acide pri- AVS: MEN ÉMRA VX! 233 itif eéversel.. Mais sæ seconde SuUpposi- tiôn ; que acide. universel n’est composé que deTre:et d'eau, merpeut se soutenir, non selemèntrparce que les effets ne s’ac- cordes: point avec! la cause supposée, mais entoe parce ‘que: cette idée particulière-et sewhdâire me-paroit épposée :et:mêème con _ waïreàtoutetheéorie:, puisqu'alors l'air etle #eu:Plesdeux principaux agens dela Nature, sérotent:exclus de:toute substance essentiel- lemrent saline et réellement active, attendu que toutes ne-contiendroient:que:ce même principe salin , uniquement: NEA deterre etilemisumpeot augh e%200imou 7 Wie Dans la réalité, l'acide est; après le: feu F l'agént le plus actif de la Nature; et c’est par le feu et par l'air contenus dans sa substance qu’il est actif, et qu’il le devient encore plus lorsqu'il estaidé de la chaleur; ou lorsqu’H se trouve combiné avec-des substances qui contiennent elles-mêmes beautoup d’air ét de feu, comme dans le nitre : il dévient, au contraire ,; d'autant plus foible qu’il estmêlé d'une plus grande quantité d’eau ; comme dans les crystaux d’alun, la crême de tartre, les sels ou les sucs des plantes fermentées on non fermentées, etc. 214 HISTOLRETNATUN + US -: Les. chihisies: ont :avéc: pape les substances \salimes pair “elles jémesides matières quiine sont sales que grdemés ange des prin@pes salins avec d'au.es sulsss tances, «Fous les acides etsalca lis : DUNEN, « vepelauxietanimaux ; tant fixes querçla- de fermentätion contiennent du tartre tout for- Mé ; aväñt même d'avoir fermenté: : il se trouve en'srandelquantité dans tous les sücs du raisin et des autres fruits”sûérés : ainsi Von doit resarder le tartre comme un pro- duit immrédiat {de la ‘végétation ; qui ne souffre poiné d'altération par la: ferinenta- tion ;* puisqu'il se préséntéi sous: sa même. forme daus les résidus du vin et du vinaigre après la-distillation. 4 2% De‘tartie est donc un dépôt salin qui se 236 tisvos RE NATUREUL séparé peu à peu des liqueurs vineuses, et prénd une forme concrète et presque prèr— reuse, dans laquelle on distingue néanmoins quelqués parties crystallisées:t la:saveur du tartre, quoiqu ‘acide , est «encore. sensrble- ment vireuse; les chimistes ‘ont donné le nom de c7éme,de tartre au.sel crystallisé que l'on en:tire, et ce sel n’est pas snnple;, il est combiné avec l'alcali végétal. L'acide :con- tenu dans ce,sel de tartre. se.sépare de sa base par la.seule action du feu; il s'élève en, grande quantité et sous..sa .forine, propre d'acide aérien, et.la malière:qui reste:après cette. séparation, est une.terre.-alcaline:.qui ailes mêmes propriétés que.Falcalifixe végé- tal : la preuve évidente que l'acide aérien est le principe salin de l'acide du:tartre, c'est qu'en-essayant de le recueillir, al: fau expo sion et brise les yaisseaux. be où ati Le sel de tartre n’attaque pas les matières vitreuses ; eb néanmoins il 3sé:combine et formermnt sel avec:la terre:de FPalun “autre preuve rque; œætterterre qui /sert-de; base à l'alun ,; n’est pas une. terre, vitreusè pure , mais mélangée de parties alcalines,,:calcaires eu limoreuses; car l'acide du tartre agié DES MINÉRAUX. 237 avec une grande puissance sur les substances calcaires, et il s’unit avec effervescence à l'alcali fixe végétal ; ils forment ensemble un sel auquel les chimistes ont donné le nom de sel végetal. Il] s'unit de même et fait effervescence avec l’alcali mineral , et ils donnent ensemble un autre sel connu sous le nom de se/ de Seignette; ces deux sels sont au fond de la mème essence, et ne diffèrent pas plus l’un de l’autre que l’alcali végétal ne diffère de l’alcali minéral, qui, comme nous l'avons dit, sont essentiellement les mêmes. Nous ne suivrons pas plus loin les combinaisons de la crème de tartre , et nous observerons seulement qu’elle n’agit point du tout sur les huiles. Au reste, le sel du tartre est l’un des moins solubles dans l’eau; il faut qu’elle soit bouillante , et en quantité vingt fois plus grande que celle du sel, pour qu’elle puisse le dissoudre. Les vins rouges donnent du tartre plus ou moins rouge, et les vins blancs du tartre grisatre , et plus ou moins blanc; leur saveur est à peu près la même et d’un goût aigrelet plutôt qu'acide. 238. HISTOIRE NATURELLE PS . Le sucre, dont la saveur est si agréable , est meanmoins un sel essentiel que l’on peut tirer en plus ou moins grande quantité de plusieurs végétaux : il est l’un des plus dis- solubles dans l’eau ; et lorsqu'on le fait crys- talliser avec précaution , il donne dé beaux crystaux : c'est ce sucre purifié que nous appelons sucre candi. Le principe acide de ce sel est encore évidemment l’acide aërien; car le sucre étant dissous dans l’eau pure, fermente, et cet acide s’en dégage en partie par une évaporation spiritueuse ; le reste demeure fortement uni avec l’huile et la terre mucilagineuse , qui-donnent à ce sel sa saveur douce et agréable. M. Bergman a obtenu un acide très-puissant en combinant le sucre avec une grande quantité d'acide ni- treux : mais cet acide composé ne doit point être regardé comme l'acide principe du sucre, puisqu'il est formé par le moyen d’un autre acide qui en est très-différent; et quoique les propriétés de l'acide nitreux et de cet acide saccharin ne soient pas Les mêmes, on nedoit pas en conclure, avec ce savant chimiste, que ce même acidesaccharin n’ait rien emprunté de l’acide nitreux qu’on est obligé d'em= . ployer pour Le former. DES MINÉRAU X. 239 Les propriétés les mieux constatées et les plus évidentes des acides animaux, sout les mêmes que celles des acides végétaux, et dé— montrent sufisamment que le principe salin est le même dans les uns et les autres ; c’est également l'acide aérien , différemment mo- difié par la végétation ou par l'organisation animale, d'autant que l’on retire cet acide de plusieurs plantes aussi-bien que des ani- maux. Les fourmis et la moutarde fournissent le même acide et en grande quantité. Cet acide est certainement aérien, car il est très-volatil ; et si l’on met en distillation une masse de fourmis fraiches et qui u’aura pas eu le temps de fermenter, une grande partie de l'acide animal s'en dégage et se volatilise sous sa propre forme d'air fixe ou d'acide aérien; et cet acide recueilli et séparé de l’eau avec laquelle 1l a passé dans la dis- tillation , a les mèmes propriétes à peu pres que l'acide du vinaigre : il se combine de même avec les alcalis fixes, et forme des sels qui , par l'odeur urineuse, décèlent leur origine animale. Les chimistes récens ont donné le nom d'acide phosphorique à l'acide qu’ils ont tiré, Y 240 HISTOIRE NATURELLE : non seulement de l'urine et des excrémens : mais même des os et des autres’ parties solides des animaux : mais il en est à peu près de cet acide phosphorique des os comme de l’acide du sucre, parce qu’on ne peut obtenir le premier que par le moyen de l'acide vitriolique , et le second par celui de l'acide nitreux; ce qui produit des acides composés, qui ne sont plus les vrais acides du sucre et des os, lesquels considérés en eux-mêmes et dans leur simplicité se rédui- ront également à la forme d'acide aérien; et s’il est vrai, comme le dit M. Proust, qu'on ait trouvé de l’acide phosphorique dans des mines de plomb blanches, on ne pourra guère douter qu'il ne puisse tirer en partie son origiue de l'acide vitriolique. Un de nos habiles chimistes * s’est atta+ * M. Brongniard , démonstrateur en chimie aux écoles du Jardin du roi. M a fait sur ce sujet un grand' nombre d'expériences par lesquelles 1l a reconnu que l'acide phosphore est D par une modification de l’acide aérien, qui s’en dégage en quantité considérable, dans la décomposition de l'acide phosphorique, et même dans sa concen- atiou. Si on fait brüler du phospho re en vaisseaux \ DES MINÉÈRAUX. 24r _ chèçà prouver par plusieurs expériences , contre les assertions d’un autre habile chi- muiste , que l'acide phosphorique est tout formé dans les animaux, et qu’il n’est point le produit du feu ou de la fermentation. Cela se peut , et je serois même très-porté à le clos , on obtient une très-grande quantité d’air fixe ou acide aérien, et en même temps l’acide phos- phorique coule le long des parois des r'ÉCIpIEns ; CE, même acide, soumis ensuite à l’action du feu dans une cornue de verre, donne des vapeurs abondantes et presques incoercibles. Si au lieu de faire bruler ainsi le phosphore , on lexpose seulement à l’ac- tion de l'air dans une atmosphère tempérée et hu- mide , le phosphore se décompose en brülant pres- que imsensiblement ; il donne une flamme très- légère, et laisse échapper une très-grande quantité d’air fixe : on peut s’en convaincre en imbibant un linge d'une solution alcaline caustique ; au bout d'un certain laps de temps, l’alcali est saturé d’a- cide aérien et crystallisé très - parfaitement. Ces expériences prouvent d’une manière convaincante , que l'acide phosphorique est le résultat d’une mo- dification particulière de l’acide aérien , qui ne peut avoir lieu qu'au moyen de la végétation et de Paui- malisation. 21 242 HISTOIRE NA croire, pourvu que l’on convienne nie tel + acide phosphorique tout formé dans les … animaux ou dans les excrémens, n ’est pas absolunrent le même que celui qu’on en tire en employant l'acide vitriolique, dont la combinaison ne peut que l’altérer et l’élôi- guer d'autant plus de sa forme originelle d'acide aérien, que le traväil de l’organisa- tion suffit pour le convertir en acide phos- phorique, tel qu’on le rètire de l'urine, sans le secours de l'acide vitriolique ni d'aucun autre acide. À ALCALIS ET LEURS COMBINAISONS. 7 D: la même manière qu’on doit réduire tous les acides au seul acide aérien, on peut aussi lui ramenér les alcalis, en les rédui- sant tous à l’alcali minéral ou marin; c’est même le seul sel que la Nature nous pre- $eute dans un état libre et non reutralisé: on connoit cet alcali sous le nom de zZatron ; il se forme contre les murs des édifices, où sur la terre et les eaux dans les climats chauds. On m'en a envoyé de Suez des morceaux assez gros et asseZ purs; cepen- dant il est ordinairement mêlé de terre cal- caire *. Ce sel, auquel on a donné le nom * Le natron qui nous vient d'Égypte se tire de deux lacs, lun voisin du Caire , et l’autre à quelque distance d'Alexandrie; ces lacs sont secs pendant neuf mois de l’année , et se remplissent en hiver d'une eau qui découle des éminences voisines : cette d'alcali minerais pourroit, comme ie nitred. h) être placé dans le règne végétal; puisqu'i ilest … de la même nature que l’alcali qu’on tire de ” plusieurs plantes qui croissent dans les terres voisines de la mer, et que d’ailleurs il paroît se former par le concours de l’acide aérien, et à peu près comme le salpêtre ; mais celui- ci ne se présente nulle part en masses ni même en morceaux solides, au lieu que le natron, soit qu’il se forme sur la terre ou sur l’eau, devient compacte et même assez solide. bas Les anciens ont parle du natron sous, le nom de zifre : sur quoi le P. Hardouin se trompe, lorsqu'il dit que le zifrum de Pline est exactement la méme chose que notre eau saline n’est pas limpide, mais trouble et rou- gcâtre ; les premitres chaleurs du printemps la font évaporer, et le natron se forme sur le sol du lac . d'où on Je tire en morceaux solides et grisâtres , qui devieuvent pins blancs en les exposant à l’air pour les laisser s égoutter: On a donné le nom de sel mu ral au patron qui se fornie contre les vieux anus ? il est ordmairement mêlé d’une grande quantré de substance calcaire ; et dans cet état il est neutra+ lisé, : ! 9 DES MINÉRAUX. 245 sulpétre; car il est clair que Pline, sous le nom: de zifre, parle du natron , qui se forme, dit-il, dans l’eau de certains lacs- d'Égypte» vers Memphis et Naucratis, et cpii à la-propriété qu’il lui attribué de con- -server les corps; à sa causticité, augmentée par )lasfalsification qu'en faisoient dès lors les Égyptiens en y mélant de la chaux, on le reconnoit évidemment pour l’aleali minéral oinatrôn, bien différent du vrai nitre où salpètre.: | | On Lt: le natron dans le Levant aux mêmes usages que nous employons la soude, etces:deux alcalis sont en effet de même nature; Nous tirions autrefois du natron d'Alexandrie, où s’en fait le commerce; et siwcesel alcalin étoit moins cher que le selLde soude ; auquel il peut suppléer , et que nous tirons aussi de l'étranger, ilne faudroit pas abandonner ce commerce ne paroit languir: its La plupart des propriétés de cet alcali mi- néral: sont les mêmes que celles de l’alcali fixe végétal , et ils ne diffèrent entre eux que pär quelques effets, qu’on peut attribuer à l'union plus intime de Ja base terreuse dans 21 v alcali nimes que doi n VA récétal 4 mais tous deux sont essentiellement:de: da: anême mature, UN à rad am ë ART EE C'est dé la cendre: ent sa qui icon tiennent du sel marin que l’on-obtient l'a | cali fixe végétal en grande quantité;et quoi-* que tiré des. végétaux , il est le mêmeiqui! l'alcali minéral ou marin : la différence! del leurs effets n’ést bien sensible queisur-dlesr acides végétaux et sur les huilés ,: dont ils’ font des sels de différentes sortes ; et dessa= vous plus ou moins fermes: 0165 2 «0 On obtient donc par la combustions'ett l'incinération des plantes qui croissent prés de la mer ,-et qui par conséquent sont: im! prégnées de sel marin ; on obtient ; dis-je, en: grande quantité l'alcali minéral'ou marin 4 qui porte le nom de soude et qu'on pres dans plusieurs arts et métiers. 1Qù On distingue dans lecommercedeux sortes, de soudes : la première qui provient: dela! combustion des kalis et autres plantes iter- restres qui croissent dans les climats chauds et dans les terres voisines de la mer; la se- conde qu'on se procure de même par la combustion et la réduction en cendres des: * DES MINÉRAUX. 247 jucus, des algues, et des autres plantes qui croissent dans la mer même; et néanmoins la première soude contient beaucoup plus d'älcali marin que la: seconde ;' et ce sel aleali est, comme nons l'avons dit, 'le mème que le natron. Ainsi la Nature sait, former. ce sel encore mieux que l'artise ir nos soudes: nesont jamais pures; eh gnt-toujours mêlées: de plusieurs autred sur:tout dersel: marin; souvent iennent aussi des parties ferruginé Bt d'autres. matières terreuses qui ne sOnbmpie - C'est-par son alcali fixe que da sonde pro duit tous ses effets : ce sel ser de fondant dans les verreries, et de détergent: dans Jes, blanchisseries.: avec les huiles! il for mie. les. sayons ;-elt.. Au restel{ on peut employer:la sonde: telle qu’elle-est, sans en tirer le sel, silon ne veut faire que du,verre commun; mais il la faut épurer pour, faire des verres blanes et des 'glaces:: Le sel. marin., ont Palcali de la soudeest:presque toujours mêlé, ne nuit point à la vitrification , parce qu'il est tres-fusible, etrqu’il ne peut que faciliter la fusion des sables vitreux, et entrainer Jes. impuretés dont ils peuvent être:souillés:: 1e 148: HISTOIRE NATU: fiel du verre, ms s'élève au-dessus de verre. . fondu, n’est qu'un PE de ces impuretés. ét des sels. 1) s0e su Marotg: É 4 : L’alcali fixe végétal ou minéral doit égales méñt sa Fétihasonolhe travail de la Natüre® dans la végétation; car oule peut tirer légas lement de tousiles végétaux, dans lesquels ib est seuileiment lus ou moins grandé quarts: tité. Ceïse ‘lorsqu'il'est pr, se pré sente 'soûs e d’une poudre blanche; mais non c sée: sa saveur'est si vios lente ets hStique; qu'il brüleroit’ et can“ tériseroi angue sion le goûtoit sans_le délayer auparavant dans une grañde quantité d’eau : il'attire l'humidité dé Pair’ en!sp standé abondance ,! qülil se résout-en eauif Cét'alcali qu’on appelle fre; ne. l'est néan mins qu'à un feu: très-modéré ; :ear il se vo latilise à un few violent; et cela:prouve assez que: la chaleur peut le’convertir en :alcali vôlanL, set que tous deux sont au fond-derla même esserice. L'alcati fixe a plus ‘dei puis= sance que‘les autres sels pour wvitrifier: les substances terreuses où'métallidwes; al les fait fondre et les convertit presque-toutes en. vetre solide-et transparent: : ‘0: * DES MINÉRAUX.. 24 : Les cendres de nos foyers contiennent de V’alcali fixe végétal, et c’est par ce sel qu’elles nettoient et détergent le linge par la lessive. Cet. alcali que fournissent les cendres des végétaux , est fort impur; cependant on en fait beaucoup dans les pays où le bois est abondant : on le connoît dans les arts sous le nom de pofasse; et quoiqu’impur, il est d'un grand usage dans les verreries, daus la teinture, et dans la fabrication du salpêtre. . C'est sans fondement qu'un de nos chi- mistes a prétendu que le tartre ne contient point d’alcali : cette opinion a été bien ré- futée par M. Bernard. L’alcali fixe se trouve tout formé dans les végétaux; et le tartre, qui n’est qu'un de leurs résidus, ne peut manquer, d'en contenir; et d’ailleurs la lie de vin brûlée et réduite en cendres fournit une grande quantité d’alcali aussi bon et même plus pur que celui de la soude. . C’est par la combinaison de l'acide marin avec l’alcali minéral que s’est formé le sel marin ou sel commun, dont nous faisons un si grand usage. Il se trouve non seulement dissous dans l’eau de toutes les mers et de plusieurs fontaines, mais il se présente en. ‘ 250 HISTOIRE NATURELLE 4 core en masses solides et en trèsgrandsamas | dans le sein de la terre; et quoique l'acide de ce sel, c’est-à-dire, l’acide marin, pro- vienne originairement de l'acide aérien, comme tous les autres acides, il a des pro- priétés particulières qui l’en distinguent; il est plus foible que les acides vitriolique et vitreux, et on l’a regardé comme le troi= sième dans l’ordre desacides minéraux. Cette - distinction est fondée sur la différence dé leurs effets : l’acide marin est moins puis- sant, moins actif, que les deux premiers, parce qu’il contient moins d'air et de feu, et d'ailleurs 1l acquiert des proprietés parti- culières par son union avec l’alcali;: et s’il étoit possible de le dépouiller et de le séparer en entier de cette base alcaline, peut-être reprendroit-il les qualités de l’acide vitrio- lique ou de l’acide aérien, qui, comme nous l'avons dit , est l’acide primitif, dont la forme ne varie que par les différentes com- binaisons qu’il subit ou qu’il a subies en s’unissant à d’autres substances. L'acide marin diffère de l’acide vitriolique en ce qu'il est plus léger, plus volatil, qu'il a de l'odeur, de la couleur, et qu’il produit dE # | DES MINÉRAUX. 25e des vapeurs. Toutes ces qualités semblent indiquer qu’il contient une bonne quantité d'acide aérien provenant du détriment des corps organisés. Îl diffère de l’acide nitreux par sa couleur qui est d’un jaune mêlé de rouge, par ses vapeurs qui sont blanches, par son odeur qui tire sur celle du safran, et parce qu'il a moins d’affinité avec les terres absorbantes et les sels alcalis. Enfin cet acide marin n’est pas susceptible d’un aussi grand degré de concentration que les acides vitriolique et nitreux, à cause de sa volatihté, qui est beaucoup plus grande. Au reste, comme l'alcali minéral ou marin et l'alcali fixe végétal sont de la même na- ture, et qu'ils sont presque universellement répandus, on ne peut guère douter que l’al- cali ne se soit formé, dès les premiers temps après la naissance des végétaux, par la com binaison de l'acide primitif aérien avec les détrimens des substances animales et VÉgé- tales. Il en est de mème de l'acide marin, qui se trouve combiné daus des matières de ioute espèce; car, indépendamment du sel commun dont il fait l’essence avec l’alca!i minéral , il se combine aussi avec les alcalis + 252 HISTOIRE NATU F | | végétaux et animaux fixes ou volatils, » et à f se trouve dans les substances calcaires d dans : les matières nitreuses, et même dans quel ques substances métalliques comme dans la mine d'argent cornée ; enfin il forme le sel ammoniac lorsqu'il s’unit avec l’alcali vo- latil par sublimation dans le feu des volcans. L’alcali minéral et l’aicali végétal, qui sont au fond les mèmes, sont aussi tous deux fixes : le premier se trouve presque pur dans le natron, et le second se tire plus abondam- ment des cendres du tartre que de toute autre matière végétale. On leur donne la dénomination d’a/calis caustiques, lorsqu'ils prennent en effet une plus grande causticité par l’addition de l’acide aërien contenu dans les chaux terreuses ou métalliques : par cette union ces alcalis commencent à se rappro- cher de la nature de l’acide. L’alcali volatil appartient plus aux animaux qu'aux vége- taux; et lorsqu'il est de même imprégné de l'acide aérien , il ne peut plus se crystalliser, ui même prendre une forme solide; et dans cet état on l’a nomme a/cali fluor. L’acide phosphorique paroît être l'acide le plus actif qu'on puisse tirer des animaux. : ù DES MINÉRAUX. 253 Si l'on combine cet acide des animaux avec l'alcali volatil, qui est aussi leur alcali le plus exalté, il en résulte un sel auquel les chimistes récens ont donné le nom de se/ microcosinique, et dont M. Bergman a cru devoir faire usage dans presque toutes ses analyses chimiques. Ce selest en même temps ammoniacal et phosphorique; et lorsque l'acide du phosphore se trouve combiné avec une substance calcaire, comme dans les os des animaux , il semble que les propriétés salines disparoissent ; car ce sel phospho- rique à base calcaire n’a plus aucune saveur sensible. La substance calcaire des os fait sur Vacide phosphorique le même effet que la craie sur l'acide vitriolique. Cet acide ani- mal , et l'acide végétal acéfeux ou fartareux , contiennent sensiblement beaucoup de cet air fixe ou acide aérien, duquel ils tirent leur origine. Mat. gén. XI. 22 SEL MANS ET SEL GEMM E. L'rau de là mer conticntiihe srande quantité d’acide et d’alcali, puisque le sel qu'on en retire en la faisant évaporer est composé des deux : elle est aussi imprégnée de bitume ; et c’est ce qui fait qu’elle est en même temps saline et amère. Or le bitume est composé d’acide et d'huile; et d’ailleurs la decomposition de tous les corps organisés dont la mer est peuplée, produit une im- mense quantité d'huile. L'eau marine con- tient donc non seulement les acides et les alcalis, mais encore les huiles et toutes les matières qui peuvent provenir de la décom- position des corps , à l’exception de celles que ces substances prennent par la putréfac- tion à l’air libre; encore se forme-t-1l à la surface de la mer, par l’action de l'acide aérien , des matières assez semblables à celles #] « HISTOIRE NATURELLE. 255 qui sont produites sur la terre par la dé- composition des animaux et des végétaux. La formation du sel marin n’a pu s’opérer qu'après la production de l’acide et de l’al- cali, puisqu'ils en sont les substances cons- tituantes. L’acide aerien a été forme, dès les premiers temps après l'établissement de l'atmosphère, par le simple mélange de l'air et du feu; mais l’alcali n’a été produit que dans un temps subséquent par la décompo- sition des corps organisés. L’eau de la mer n'étoit d’abord que simplement acide ou même acidule ; elle est devenue plus acide et salée par l’union de l’acide primitif avec les alcalis et les autres acides: ensuite elle a pris de l’amertume par le mélange du bi- tume, et enfin elle s’est chargée de graisse et d'huile par la décomposition des corps de tous les cétacés, poissons et amphibies, dont la substance est, comme l’on sait, plus hui- leuse que celle des animaux terrestres. Et cette salure, cette amertume et cette huile de l’eau de la mer n’ont pu qu’aug- menter avec le temps, parce que tous les fleuves qui arrivent à ce grand réceptacle des eaux sont eux-mêmes chargés de parties 256 HISTOIRE NATUREL : salines , bitumineuses et huileuses, que la terre leur fournit, et que toutes ces matières étant plus fixes et moins volatiles que l’eau, l’évaporation ne les enlève pas; leur quan- tité ne peut donc qu’augmenter, tandis que celle de l’eau reste toujours la même, puis- que les eaux courantes sur la terre ramènent à la mer tout ce que les vapeurs poussées par les vents lui enlèvent. On doit encore ajouter à ces causes de. l'augmentation de là salure des mers la quantité considérable de sel que les eaux qui filtrent dans l’intérieur de la terre dissolvent et détachent des masses purement salines, qui se trouvent en plusieurs lieux, et jus- qu'à d'assez grandes profondeurs. On a donne le nom de se/ gemme à ce sel fossile. El est absolument de la même nature que celui qui se tire de l’eau de la mer par l’évaporation. Il se trouve sous une forime solide, concrète et cryslallisée en amas immenses, dans plusieurs régions du globe, et notamment en Pologne, en Hongrie, en Russie et en Sibérie. On en trouve aussi en Allemague, daus les environs de Halle près de Saltz- bourg, dans quelques provinces de LlEs- dise ; | DES MINÉRAUX. 257 pagne *, et spécialement en Catalogne, où * Près de Villena, à quelques lieues d'Alicante, 3l y a un marais d’où l’on tire le sel pour la con- sommation des villages voisins, et, à quatre lieues de là, une montagne isolée, toute de sel gemme couvert seulenient d’une couche de plâtre de diffé rentes couleurs. . . . | Il y a beaucoup de salines dans la juridiction de Mingraänilia ; on travaille à quelques unes et non aux autres : le sel semme qu’on en tire est excellent, parce que cette espèce est toujours plus salée que celle qui se fait par évaporation, y ayant moins d’eau dans sa crystallisation. . . . À une demi-hiene de là, on descend un peu pour entrer dans un terrain de plâtre où sont quelques collines. . . Au bas de la couverture de plâtre, 1l y a un banc de sel gemme dont on ne sait point la profondeur, parce que quand les excavations passent trois cents pieds, il en coûte beaucoup pour tirer le sel, et que quelquefois le terrain s'enfonce ou se remplit d'eau : alors on creuse de nouveaux puits ; car tout l’endroit est une masse énorme de sel mêlé en certaines places avec un peu de terre de plâtre, et dans d’autres, pur et rougcâtre, et le plus souvent crystallin. . . Dans la mine de Cardona,, au contraire, il n’y a point de plâtre, et cependani 22 l'on voit , près de la ville dé Cardone *, une le sel en est si dur et si bien crystallisé, que l’on en fait des statues, de petits autels, et des meubles curieux. Celui de Mingranilla est dur aussi, mais moins que celui de Cardona, parce qu'il se casse comme quelques spaths fragiles. . . Cette mine à dû être couverte anciennement d’une épaisseur de plus de huit cents pieds de matières étrangères, que les eaux ont peu à peu entraînées dans les lieux les plus bas. . ,. | Dans une montagne où est le village de Valliera, ou trouve une mine de sel gemme qui paroît hors de terre; du côté de l'entrée, et à environ vingt pas en dedans, on voit que le sel qui est blanc et abondant a pénétré dans les couches de plâtre. Certie mine peut avoir environ quatre cents pas de lon- gueur, et différentes galeries latérales en ont plus de quatre-vingts, soutenues par des piliers de sel qui la font ressembler à une église gothique : le sel suit la direction de Ja colline en penchant un peu au nord, comme les veines du plâire; ce sel n'a qu'environ cinq pieds de haut, . . Il paroît avoir rongé différentes couches de plâtre et de margue (inarne), pour se placer où il est, quoiqu'il reste cependant assez de ces matières. Au bout de Ja principale galerie. . . on voit que 4 | DES MINÉRAUX. 259 montagne entière de sel. En d’autres endroits les amas de sel gemme forment des bancs d’une très-grande épaisseur sur une étendue de deux ou trois lieues en longueur et d’une largeur indéterminée, comme on l’a observé la bande de sel descend jusqu’au vallon, et passe à la colline qui est vis-à-vis. . . La voûte de cette mime est de plâtre... Ensuite il y a deux pouces de sel blanc, séparé du plâtre par quelques filons de terre saline ; après 1l y a trois doigts de sel pur et deux de sel de pierre, et une bande de terre ; ensuite une autre bande bleue suivie de deux pouces de sel ; après quoi il y a des bandes alternatives de terre ct de sel crystallin jusqu’au lit de Ja mine aui est de plâtre : descendant au vallon et montant aux collines qui sont vis-à-vis, les bandes de terre sont d’un bleu obscur, et les lits de sel sont de couleur blanche. Cette mine est très-élevée eu égard à la mer, parce que depuis Bayonne on monie toujours pour y arriver. ( Histoire naturelle d'Espagne , par M. Bowles, page 376 et suiv.) * La ville de Cardone est située au pied d’une montagne de sel, qui est presque coupée perpendi= culairement du côté de la rivière : cette montagne : est une masse énorme de sel solide de quatre ou ao HISTOIRE NA AT _ dans la mine de Wieliczka en Ralobel 2 est la plus tele de toutes celles du Nord. Les bancs de sel y sont surmontes de plu= sieurs lits de glaises, mêlées, comme les e fs P autres glaises, d’un peu de sable et de débris de coquilles et autres productions marines. cinq cents pieds de haut, sans raies ni fentes, ni couches, et il n’y a point de plâtre aux environs; elle a une lieue de circuit... On ignore ja profon- deur du sel, qui pour l’ordinaire est blanc ; il y en a aussi du rouge... d'autre d'un bleu clair: mais ces couleurs disparoïissent lorsque le sel est écrasé, car dans cet état 1l est blanc... | La superficie de la montagne est grande, cepen- dant les pluies ne font pas diminuer le sel: la x1- vière quicoule au pied est néanmoins salée ; et quand il pleut, la salaison augmente et fait mourir le pois- son : mails ce mauvais effet ne s'étend pas à plus de trois lieues, après quoi le poisson se porte aussi . bien qu'ailleurs. ( Histoire naturelle d'Espagne, par M. Bowles, page 410 et suiv.) Les anciens ont parlé de ces montagnes de sel de Espagne : Est, dit Aulu-Gelle, in his regionibus ( Hispa- niæ ),mons ex sale mero magnus ; quantum de- mas, lantm adcrescit, (Aulu-Gelle, liv. IT, chap. 22, ex Cetone.) | DES MINÉRAUX. aér L’argille ou glaise contient l’acide, et les corps marins contiennent l'alcali. On pour- roit donc imaginer qu'ils ont fourni l’alcali nécessaire pour former avec l’acide ce sel fossile : mais lorsqu'on jette les yeux sur l'épaisseur énorme de ces bancs de sel, on voit que quand même la glaise et les corps marins qu'elle renferme se seroient entièrement de- pouillés de leur acide et de leur alcali, ils n'auroient pu produire que les dernières couches superficielles de ces bancs, dont l'épaisseur étonne encore plus que leur éten- due. 11 me semble donc que pour concevoir la formation de ces masses immenses de sel pur, il faut avoir recours à une cause plus puissante et plus ancienne que celle de la stillation des eaux et de la dissolution des sels contenus dans les terres qui surmontent ces salines. Elles ont commencé par être des marais salans, où l’eau de la mer en stagna- tion a produit successivement les couches de sel qui composent ces bancs, et qui se sont déposées les unes sur les autres à mesure qu'elles se formoient par l’évaporation des eaux qui arrivoient pour remplacer les pre- mières, et quilaissoient de même déposer leur Li tu 262 HISTOIRE NATURELLE sel après l’évaporation ; en sorte que dans le temps où la chaleur du globe étoit beaucoup plus grande qu’elle ne l’estaujourd’hui , lesel a dû se former bien plus promptement et plus abondamment qu’il ne se forme dâns nos marais salans : aussi ce sel gemme est-il com- munément plus solide et plus pur que celui que nous obtenons en faisant évaporer les eaux salées ; 1l a retenu moins d’eau dans sa crystallisation ; il attire moins l’humidité de l'air, et ne se dissout qu'avec beaucoup de temps dans l’eau, à moins qu'on n’aide la dissolution par le secours de la chaleur. On vient de voir, par les notes précé- dentes, que ces grands amas de sel gemme se trouvent tous, ou sous des couches de glaise et de marne, ou. sous des bancs de plâtre, c’est-à-dire, sous des matières dépo- sées et transportées par les eaux, et que par conséquent la formation de ces amas de sel est à peu près contemporaine aux dernières alluvions des eaux, dont les dépôts sont en effet les plaises mèlées de craie et les plâtres, matières dont la substance est analogue à celle du sel marin, puisqu'elles contiennent en méme temps l'acide et l’alcali qui font PTE" ke] il DES MINÉRAUX. 263 l'essence de sa composition. Cependant, je le répète, ce ne sont pas les parties salines con- tenues dans ces bancs argilleux , imarneux et plâtreux, qui seules ont pu produire ces énormes dépôts de sel gemme, quand même ces bancs de terre auroient été de huit cents pieds plus épais, comme le dit M. Bowles ; et ce ne peut être que par des alternatives d’alluvion et de desséchement , et par une évaporation prompte,que ces grandes masses de sel ont pu s’accumuler. Pour faire mieux entendre cette formation successive, supposons que le sol sur lequel porte la dernière couche saline füt alterna- tivement baigne par les marées, et que pen- dant les six heures de l’alluvion du flux la chaleur fût alors assez grande, comme elle l’etoit en effet, pour causer, dans cet inter- valle de six heures, la prompte évaporation de quelques pouces d'épaisseur d’eau : il se sera dès lors formé sur ce sol une première couche de sel de quelques lignes d'épaisseur, et, douze heures après, cette première couche aura été surmontée d’une autre produite par la même cause; en sorte que dans les lieux eù la marée s’élevoit à une grande hauteur, LA NT MN NS 1 64 HISTOIRE NATURELLE les amas de sel ont pu prendre presque au+ tant d'épaisseur. Cette cause a certainement produit un tel effet dans plusieurs lieux de la terré, et particulièrement dans ceux où les amas de sel ne sont pas d’une très-srande épaisseur, et quelques uns de ces amas sem- blent offrir encore la trace des ondes qui les ont accumulés: mais dans les lieux où ces amas sont épais de cinquante et peut-être de cent pieds, comme à Wieliczka en Pologne, et à Cardone en Catalogne, on peut encore supposer très-légitimement une seconde cir- coustance qui a pu concourir comme cause avec la première. Cette circonstance s’est trouvée dans les lieux où la mer formoit des anses ou des bassins, dans lesquels son eau stagnante devoit s’évaporer presque aussi vite qu’elle se renouveloit, où bien s’éva= poroit en entier lorsqu'elle ne pouvoit être. renouvelée. On peut se former une idée de ces anciens bassins de la mer et de leur pro- duit en sel par les lacs salés que nous con- noissons en plusieurs endroits de la surface de la terre : une chaleur double de celle de la température actuelle causeroit en peu de temps l’entière évaporation de l’eau , et lais- DES MINÉRAUX. 265 seroit au fond toute la masse de sel qu’elie tient en dissolution, et l’épaisseur de ce dé- pôt salin seroit proportionnelle à la quantité d’eau contenue dans le bassin et enlevée par l’évaporation; en sorte, par exemple , qu’en supposant huit cents brasses ou quatre mille pieds de profondeur au bassin , on auroit au moins cent pieds d'épaisseur de sel après l'évaporation de cette eau, qui, comme l’on sait, contient communément un quaran— tième de sel relativement à son poids. Je dis cent pieds ax moins, car ici le volume augmente plus que proportionnellement à la masse. Je ne sais si cette augmentation rela- tive a été déterminée par des expériences; mais je suis persuadé qu'elle est considérable, tant par la quantité d’eau que le sel retient dans sa crystallisation, que par Les matières grasses et terreuses dont l’eau de la mer est toujours chargée , et que l’évaporation ne peut enlever. Quoi qu'il en soit, les vues que je viens de présenter sont suffisantes pour concevoir Ja formation de ces prodigieux dépôts de sel sur lesquels nous croyons devoir donner en- core quelques détails importans. Voici l’ordre 29 266 HISTOIRE NATURELLE des différens bancs de terre et de pierre qu’ on trouve avant de parvenir au sel dans les mines de Wieliczka. «Le premier lit, celui qui s'é- « tend jusqu’à l'extérieur de la mine , est de «sable, c’est-à-dire, un amas de grains fins «arrondis, blancs, jaunâtres, et même rou- « geàtres. Ce banc de sable est suivi de plu- «sieurs lits de terre argilleuse plus ou moins « colorée ; mais le plus ordinairement ces « terres ont la couleur de rouille de fer. Ces A «lits de terre , à une certaine profondeur, «sont séparés par des lames de pierre que « leur peu d'épaisseur , jointe à leur couleur «mnoirâtre , feroit regarder comme des ar- « doises ; ce sont des pierres feuilletées.. On « descend d’abord dans le premier étage par «une espèce de puits de huit piedsen quarré, «ayant deux cents pieds de France de pro- « fondeur , au lieu de six cents, comme on «a voulu le dire... On y trouve une cha- « pelle taillée dans la masse du sel, et qui @ peut avoir environ trente pieds de longueur « sur vingt-quatre de largeur, et dix-huit de «hauteur. Tous les ornemens et les images « de cette chapelle sont aussi faits avec du « sel... Il n’y a que neuf cents pisds de pro- ‘|, Lydie SAUTER RS Tn > DES MINERAUX. 267 « fondeur depuis le sommet de la mine jusque « dans l’endroit le plus profond... Et il est « étonnant qu’on ait voulu persuader le pu- «blic qu'il y avoit dans cette mine une « espèce de ville souterraine , puisqu'il n’y a «dans les galeries que quelques petites « chambres qui sont destinées à enfermer « les outils des ouvriers lorsqu'ils s’en vont « le soir de la mine... Plus on pénètre pro- «fondément dans ces salines, plus l’on « trouve le sel abondant et pur : si l’on ren- «contre quelques couches deterre, elles n'ont «ordinairement que deux à trois pieds d'é- « paisseur et fort peu d’étendue. Toutes ces « couches sont d'une glaise plus ou moins « sableuse. | «On n’a point trouvé jusqu'à présent dans « ces mines aucune production volcanique ,: « telle que soufre, bitume, charbon mine- « ral, etc., comme il s’en trouve dans les « salines de Halle, de la haute Saxe et du « comté de Tirol. On y trouve beaucoup de «coquilles , principalement des bivalves et « des madrépores..…. «Je n'assurerai pas que ces mines aient, « comme on le dit , trois lieues d’étendue 268 HISTOIRE NATURELLE « en tout sens... Mais il y a lieu de croire « qu’elles communiquent à celles de Bochnia « (ville à cinq millesau levantde Wieliczka), «où l’on exploite le même sel. Le travail de « Wieliczka a toujours été dirigé du côté de « Bochnia, et celui de Bochnia du côté de « Wieliczka , jusqu’en 1772, qu'on se trouva « arrêté de part et d'autre par un lit de terre « marneuse, ne contenant pas un atome de «sel... Mais l'administration ayant dirige « l'exploitation du côté du midi, on trouva « du sel beaucoup plus pur... « On detache ce sel de la masse, en blocs « qui ont ordinairement sept à huit pieds de « longueur sur quatre de largeur et deux « d'épaisseur ; on emploie pour cela des coins « de fer, et on opère à peu près de la manière «qu'on le fait dans nos carrières pour en « tirer la pierre de taille... Lorsque ces gros « blocs sont ainsi détachés , on les divise en «trois ou quatre parties, dont on fait des « cylindres pour faciliter le transport... «Les morceaux de sel que l’on trouve quel- « quefois dans cette mine de Wieliczka, se « rencontrent par cubes isolés dans les couches « de glaise, sans affecter demarcherégulière, és P | UNDÉS MINÉRAUX: : 269 « et quelquefois formaut des bandes de deux « à trois pouces d'épaisseur dans la masse du « sel ; mais celui qui se trouve en grains dans « la plaise est toujours le plus beau, et on « conduit presque tout ce sel blane dans l’en- « droit que l’on appelle /a chancellerie, qui « est un bureau où travaillent quatrecommis « pendant la journée. Tout ce qui orne celte « chancellerie , comme tables , armoires ,etc., « est en sel... Avec les morceaux de sel blanc « les plus transparens, on travaille de jolis « ouvrages quiont différentes formes , comme « des crucifix , des tables, des chaises, des « tasses à cafe, des canons montés sur leurs «affüts , des montres, des salières, etc. » Nous ne pouvons douter qu'il n'y ait en France des mines de sel gemme, puisque nous y counoissons un grand nombre de fontaines salées , et dans nos provinces même les plus éloignées de la mer : mais la recherche de ces mines est prohibée , et même l'usage de l’eau qui en découle nous est interdit par une loi fiscale , qui s'oppose au droit si légi- time d'user de ce que la Nature nous offre avec profusion; loi de proscription contre l’aisance de l’homme et la santé des animaux ; - pr) FRA qui, comme nous, Anne + PRET aux bienfaits de la mère commune, et qui, faute de sel, ne vivent et ne se multiplient qu’à demi ; loi de malheur, ou plutôt sentence de mort contre les générations à venir, qui n’est fondée que sur le mécompte et sur l'ignorance , puisque le libre usage de cette denrée, si nécessaire à l’homme et à tous les êtres vivans, feroit plus de bien et devien- droit plus utile à l'État que le produit de la prohibition ; car il soutiendroit et augmen- teroit la vigueur , la santé, la propagation, Ja multiplication des hommes et de tous Les animaux utiles. La gabelle fait plus de mal à l'agriculture que la grèle et la gelée: les bœufs, les chevaux , les moutons, tous nos premiers aides dans cet art de première nécessite et de réelle utilité, ont encore plus besoin que nous de ce sel qui leur étoit offert comme l'assaisonnement de leur insipide herbage, et comme un préservatif contre l'humidité putride dont nous les voyons périr; tristes réflexions que j’abrége en disant que l’anéan- tissement d’un bienfait de la Nature est un crime dont l’homme ne se füt jamais rendu coupable s'il eût entendu ses véritables in- téretls. 1 l'or, A +478 | ” © ‘4 \ 22 = É DES MINÉRAUX. 27e Les mines de sel se présentent dans tons les pays où l’on a la liberté d’en faire usage ; il y en a tout autant en Asie qu'en Europe, et le despotisme oriental, qui nous paroit si pesant pour l'humanité, s’est cependant abs- tenu de peser sur la Nature. Le sel est com- mun en Perse et ne paye aucun droit ; les salines y sont en grand nombre, tant à la surface que dans l’intérieur de la terre. On voit aux environs d'Astracan une montagne de sel gemme, où les habitans du pays, et même les étrangers , ont la liberté d'en prendre autant qu’il leur plait. Il y a aussi des plaines immenses qui sont, pour ainsi dire, toutes couvertes de sel : on voit une semblable plaine de sel en Natolie, Pline dit'que Ptolémée, en plaçant son camp près de Péluse , découvrit sous le sableune coùche de sel que l’on trouva s'étendre de l'Égypte à l'Arabie. La mer Caspienne et plusieurs autres lacs sont plus ou moins salés*. Ainsi, * Pline, en parlant de rivières salées, qu'il place à près de la mer Caspienne, dit que le sel forme une croûte à la surface, sous laquelle le fleuve coule, comme 51] étoit glacé; ce qu’on ne peut néanmoins 272 HISTOIRE N A1 URE: | dans les terres les plus clhirales à l'Océan , l'on ne manque pas plus de sel que dans les contrées maritimes , et par-tout il ne coûte que les frais de l’extraction ou de l’évapora- tion. En Afrique, il y a peut-être encore plus de mines de sel qu’en Europeet en Asie: les voyageurs citent les salines du cap de Bonne - Espérance ; Kolbe sur -tout s'étend beaucoup sur la manière dont s’y forme le sel, et sur les moyens de le recueillir. En Abissinie, il y a de vastes plaines toutes cou- vertes de sel, et l’on y connoit aussi des mines de sel gemme ; il s’en trouve de même aux îles du cap Verd, au cap Blanc ; et comme Ja chaleur est excessive au Sénégal, en Guinée, et dans toutes les terres basses de l'Afrique , le sel s’y forme par une évapora- tion prompte et presque continuelle. Il s’en forme aussi sur la côte d'Or, et il y a des entendre que des mers et des anses, où leau tran- quille et dormante, et baissant dans les chaleurs , donnoit Jieu à la voûte de sel de se former... Sed et summa fluminum durantur 1n salem, amne reliquo veluii sub gelu fluente, ut apud Caspias porias, quæ sahs flumiua appellantur. a: \eu + | DES MINÉRAUX. 273 mines de sel gemme au Congo. En géntral, l'Afrique , comme la région la plus chaude de la terre , a peu d’eau douce , et presque tous les lacs et autres eaux stagnantes de cette partie du monde sont plus ou moins salés. L'Amérique , sur-tout dans les contrées méridionales , est assez abondante en sel ma- rin ; il s’en trouve aussi dans les îles, et no- tamment à Saint-Domingue et sur plusieurs côtes du continent , ainsi que dans les terres de l’isthme de Panama, dans celles du Perou, de la Californie , et jusque dans les terres Magellaniques. Il y a donc du sel dans presque tous les pays du moude, soit en masses solides à l’in- térieur de la terre, soit en poudre crystalli- sée à sa surface, soit en dissolution dans les eaux courantes ou stagnautes. Le sel en masse ou en poudre crystallisée ne coûte que la peine de le tirer de sa mine, ou celle de le recueillir sur la terre : celui qui est dissous dans l’eau ne peut s’obtenir que par l’évapo- ration ; et dans les pays où les matières com- bustibles sont rares, on peut se servir avan. tageusement de la chaleur du soleil , et même 274 HISTOIRE NATURE Li AE l’augmenter par des miroirs ardens el la masse de l’eau salée n’est pas considé- rable ; et l’on a observé que les vents secs font autant et peut-être plus d’effet que le soleil sur la surface des marais salans. On voit, par le témoignage de Pline, que les Germains et les Gaulois tiroient le sel des fontaines salées par le moyen du feu; mais le bois ne leur coûtoit rien, ou si peu, qu'ils n’ont pas eu besoin de recourir à d’autres moyens : aujourd'hui, et même depuis plus d'un siècle, on fait le sel en France par la seule évaporation , en attirant l’eau de la mer dans de grands terrains qu’on appelle des marais salans. M. Montel a donné une description très-exacte des marais salans de Pécais dans le bas Languedoc. On ne fait à Pécais qu’une récolte de sel chaque année, et le temps nécessaire à l’évaporation est de quatre ou cinq mois , depuis le commmence- ment de mai jusqu’à la fin de septembre. Il y a de mème des marais salans en Pro- vence, dans lesquels on fait quelquefois deux récoltes chaque année, parce que la chaleur et la sécheresse de l’été y sont plus grandes ; et comme la mer Méditerranée n’a ni flux 01 ati DES MINÉRAUX. 275 reflux, il y a plus de sûreté et moins d’in- convéniens à établir des marais salans dans son voisinage que dans celui de l'Océan. Les seuls marais salans de Pécais, dit M. Montel, rapportent à la ferme générale sept ou huit millions par an. Pour que la récolte du sel soit regardée comme bonne, 1l faut que la couche de sel produite par l’évaporation suc- cessive pendant quatre à cinq mois, soit épaisse de deux pouces et demi ou trois pouces. Il est dit dans la Gazefie d'agriculture, «qu’en « 1779 11 y avoit plus de quinze cents hommes « employés à recueillir et entasser le sel dans « les ,marais de Pécais : indépendamment de « ces salines et de celles de Saint-Jean et de « Roquemaure, où le sel s'obtient par in- « dustrie , il s’en forme tout naturellement « des quantités mille fois plus considérables « dans les marais qui s'étendent jusqu’auprès « de Martigues en Provence. L’imagination « peut à peine se figurer la quantité éton- « mante de sel qui s’y trouve cette année : « tous les hommes, tous les bestiaux de l’Eu- « 7ope ne pourroient la consommer en plu- « sieurs années, et 1l s’en forme à peu près « autant tous jes ans. 276 HISTOIRE NATURELLE « Pour garder, ce n’est pas dire conserver, « mais bien perdre tout ce sel, il y aura une « brigade de gardes à cheval, nommée dans «le pays du nom sinistre de brigade noire, «laquelle va campant d’un lieu à un autre « etenvoyant journellement des détachemens « de tous les côtés. Ces gardes ont commencé «à camper vers la fin de mai; ils resteront « sur pied, suivant la coutume, jusqu’à ce «que les pluies d'automne aient fondu et « dissipé tout ce sel naturel. » | On voit, par ce récit, qu’on pourroit épar- gner le travail des hommes, et la dépense des digues et autres constructions nécessaires au maintien des marais salans, si l’on vouloit profiter de ce sel que nous offre la Nature : il faudroit seulement l’entasser comme on entasse celui qui s’est déposé dans les marais salans, et le conserver pendant trois ou quatre ans, pour lui faire perdre son amertume et son eau superflue. Ce n’est pas que ce sel, trop nouveau, soit nuisible à la santé, mais il est de mauvais goût; et tout celui qu’on débite au public dans les greniers à sel, doit, par les réglemens, avoir été jacfuré deux ou trois aus auparavant. ? ' U DES MINÉRAUX. 277 Malgrél’inconvénientdes marées, on n’a pas laissé d'établir des marais salans sur l’Océan comme sur la Méditerranée , sur-tout dans le bas Poitou, le pays d'Aunis, la Saintonge, la Bretagne et la Normandie : le sel s’y fait de mème par l’évaporation de l’eau marine. «Or on facilite cette évaporation , dit M. « Guettard, en faisant circuler l’eau autour « de ces marais , et en la recevant ensuite « dans de petits quarrés qui se forment au « moyen d'espèces de vannes : l’eau, par son « séjour, s y évapore plus ou moins prompte- «ment, et toujours proportionnellement à « la force de la chaleur du soleil ; elle y dé- « pose ainsi le sel dont elle est chargée». Cet académicien décrit ensuite avec exactitude les salines de Normandie dans la baie d’Avran- ches , sur une plage basse où le mouvement de la mer se fait le moins sentir, et donne le temps nécessaire à l’évaporation. Voici l’ex- trait de cette description : On ramasse le sable chargé de ce dépôt salin, et cette re- colte se fait pendant neuf ou dix mois de l'année; on ne la discontinue que depuis la fn de décembre jusqu’au commencement d'avril... On transporte ce sable méle de 2% 278 HISTOIRE NATURELLE sel dans un lieu sec, où on en fait de gros tas u en forme de spirale; ce qui donne la facilité … de monter autour pour les exhausser autant. qu'on le juge à propos : on couvre ces tas. avec des fagots, sur lesquels on met un en- duit de terre grasse pour empêcher la pluie de pénétrer... Lorsqu'on veut travailler ce sable salin, on découvre peu à peu le tas; et à mesure qu'on eniève le sable, on le lave dans une fosse enduite de glaise bien battue et revètue de planches, entre les joints des— quelles l’eau peut s'écouler. On met dans cette fosse cinquante ou soixante boisseaux de ce sable salin, et on y verse trente ou trente- cinq seaux d'eau ; elle passe à travers Le sable et dissout le sel qu’il contient : on la conduit par des goultières dans des cuves quarrées de trois pieds, qui sont placées dans um bàti- ment qui sert'à l'évaporation ; on examine avec une éprouvelte si cette eau est assez chargée de sel; et si elle ne l’est pas assez, on enlève Je sable de la fosse eton y en remet de nouveau. Lorsque l’eau se trouve suffisam-— ment salée, on la transvase dans des vais- seaux de plomb qui n’ont qu'un ou deux pouces de profondeur sur vingt-six pouces de di | DES MINÉRAUX. 270 longueur et vingt-deux de largeur; on place ces plombs sur un fourieau qu’on échauffe avec des fagots bien secs : l’évaporation se fait en deux heures. On remet alors de la nouvelle eau salée dans les vaisseaux de plomb , et on la fait évaporer de même. La quantité de sel que l’on retire en vingt-quatre heures , au moyen de ces opérations répé- tées , est d'environ cent livres dans trois vais- seaux de plomb des dimensions ci-dessus. On donne d’abord un feu assez fort, et on le. continue ainsi jusqu'à ce qu'il se forme une petite fleur de sel sur l’écume de cette eau; on enlève alors cette écume et on ralentit le feu. L’évaporation étant achevée, on remue le sel avec une pelle pour le dessécher ; on le jette dans des paniers en forme d’entonnoir, où il peut s’égoutter. Ce sel, quoique tiré par le moyen du feu, et dans un pays où le bois est cher , ne se vend guère que 3 liv. 105. les cinquante livres pesant. Il y a aussi en Bretagne soixante petites fabriques de sel par évaporation, tiré des vases et sables de la mer, dans lesquels on mêle un tiers de sel gris pour le purifier et porter les liqueurs à quinze sur cent. 250 HISTOIRE NATURELLE On fait aussi du sel en grand dans quel- ques cantons de cêtte même province de. Bretagne; on tire des marais salans de la baie de Bourgneuf seize ou dix-sept mille muids de sel, et l’on estime que ceux de Guérande et du Croisic produisent , année commune, environ vingt-cinq mille muids. En Franche-Comté, en Lorraine, et dans plusieurs autres contrées de l’Europe et des autres parties du monde, le sel se tire de J'eau des fontaines salées. M. de Montigny, de l’académie des sciences, a donné une bonne description des salines de la Franche- Comté, et du travail qu’elles exigent. Voici l'extrait de ses observations: « Les eaux, dit « M. de Montigny, de tous les puits salés, «tant de Salins que de Montmorot, con- « tiennent en dissolution, avec le sel marin « ou sel gemme , des gypses ou sélénites gyp- « seuses; des sels composés de l'acide vitrio- u lique engagé dans une base terreuse; du « sel de Glauber; des sels déliquescens, « composés de l'acide marin engage dans une « base terreuse ; une terre alcaline très- « blanche, que l’on sépare du sel gemme lors- « qu’on le tient long-temps en fusion dans L DES MINÉRAUX. 28: « un creuset; enfin une espèce de glaise très- « fine, et quelques parties grasses, bitumi- : « neuses , ayant une forte odeur de pétrole. « Toutes ceseaux portent un principealcalin « surabondant..…. Elles ne sont point mêlées « de vitriols métalliques... | «Les sels en petits grains, ainsi que les sels « en pain, se sont également trouvés chargés « d'un alcali terreux...…. Ainsi ces sels ne « sont pas, comme le sel marin, dans un « état de neutralité parfaite. « Le sel à gros grains de Montmorot est le « seul que nous ayons trouve parfaitement « neutre... Ce sel à gros grains est tiré des « mêmes eaux que le sel à petits grains ; mais « il est formé par une évaporation beaucoup « plus leute : 1l vient en crystaux plus gros, « très-réguliers, et en même temps beaucoup « plus purs... Si les eaux des fontaines salées «ne contenoient que du sel gemme en dis- « solution, l'évaporation de ces eaux, plus «lente ou plus prompte, n’influeroit en « rien sur la pureté du sel... On ne peut done « séparer les matières étrangères de ces sels « de Franche-Comté que par une très-lente « évaporation ; et cependant c’est avec les sels 24 282 HISTOIRE. NATU « à petits grains, faits par une ÉD EM 1 À « évaporalion , que° l'on fabrique tous les « sels en pain, dont l'usage est senéral dans « toute la Franche-Comté... On met les « pains de sel qu'on vient de fabriquer ; sur « des lits de braises ardentes , où ils restent « pendant vingt-cinq, trente et même qua- « rante heures, jusqu'à ce qu’ils arent acquis «la sécheresse et la dureté necessaires pour « résister au transport *..….. Le mélanve de « sel de Glauber, de gypse, de bitume et de « sel marin à base terreuse, qui vient par «la réduction de ces eaux, est d’une amer- « tume inexprimable...…. | «La saveur et la qualité du sel marin sont « fort altérées par le mélange du gypse, lors- « que les eaux ne reçoivent pas assez de cha- * Nous devons observer que cette pratique de mettre le sel à l'exposition du feu pour le durcir, est très-préjudiciable à la pureté et à la qualité du sel : 1°. Parce que pour mouler le sel, il faut qu’il soit bumecté de son eau-mère, que le feu ne fait que des- sécher en agglutinant la masse saline, et cette eau- mère est une partie impure qui reste dans le sel. 2°, Une partie du gypse se décompose ; son acide \ , LE 2 ä DES MINÉRAUX. 283 . «leur pour en opérer la séparation , et la « quantite du gypse est fort cousidérable dans « les eaux de Salins...….. Le gypse de Salins « reud le sel d’un blanc opaque, et le gypse « de Montmorot lui donne sa couleur grise. « Lorsque les eaux sont foibles en salure « comme celles de Montmorot, on a trouvé « le moyen de les concentrer par une mé- _« thode ingénieuse et qui multiplie l’évapo- « ration sans feu.» Ces fontaines salées de la Franche-Comté qui fournissent du sel à toute cette province et à une partie de la Suisse, ne sont pas plus abondantes que celles qui se trouvent en Lorraine, et qui s’exploitent dans les pe- tites villes de Dieuze, Moyenvic et Château- vitriolique agit sur la base.du sel marin , le déna- ture et le rend amer. 3°. Le sel marin le plus pur recoit une altéra- tion très-sensible par la calcination ; 1l devient plus caustique ; une parle de l’acide s'en dissipe et laisse une base terreuse, qui procède de la décomposition de lalcali minéral. La décomposition du sel est si seusible, que l’on ne peut rester dans les étuves du grillage , à cause des vapeurs acides qui en la poitrine et les yeux. ) 284 HISTOIRE VATUREBLE. Salins , toutes situées le long de la vale À qu'arrose la rivière de Seille. À Rosières , "0 LR: É LA dans la même province, étoit une saline des plus belles de l’Europe par l'étendue de son bâtiment de graduation ; mais cette saline est détruite depuis environ vingt ans. À Dieuze, non plus qu'à Moyenvic et à Chà- teau-Salins, on n’a pas besoin de ces grands bâtimens ou hangars de graduation pour évaporer l’eau, parce que d'elle-même elle est assez chargée pour qu’on puisse, en la soumettant immediatement à l’ébullhtion, en tirer le sel avec profit. Il se trouve aussi des sources et fontaines salées dans le duché de Bourgogne et dans plusieurs autres provinces, où la ferme géne: rale entretient des gardes pour empêcher le peuple de puiser de l’eau dans ces sources. Si l'on refuse ce sel aux hommes, on devroit au moins permettre aux animaux de s’abreuver de cette eau, en établissant des bassins dans lesquels ces mêmes gardes ne laisseroient entrer que les bœufs et les moutons, quiont autant et peut-être plus besoin que l’homme de ce sel pour prévenir les maladies de pour- riture qui les font périr ; ce qui, je Le répète, . À DES MINÉRAUX. 285 cause beaucoup plus de perte à l'État que la vente du sel ne donne de profit. Dans quelques endroits, ces fontaines sa- lées forment de petits lacs ; on en voit un aux environs de Courtaison, dans la princi- pauté d'Orange. « Des hommes, dit M. Guet- « lard, intéressés à ce qu’on ne fasse point. « d'usage de cette eau, ordonnent de érépi- « grer et mêler ainsi avec la terre le sel qui « peut, dans la belle saison, se crystalliser «sur les bords de cet étang. L'eau en est « claire et limpide, un peu onctueuse au « toucher , d'un goût passablement salé. Ce « petit lac est éloigné de la mer d'environ « vingt lieues. S'il n’étoit dû qu'à une masse « d’eau de mer restée dans cet endroit , bien- « tôt la seule évaporation auroit suffi pour le « tarir. Ce lac ne reçoit point de rivière ; il « faut donc nécessairement qu'il sorte de son « fond des sources d’eau salées pour l’entre- « tenir. » Dans d’autres pays, où la Nature, moins libérale que chez nous, est en même temps moins insultée , et où on laisse aux habitans la liberté de recueillir et de solliciter ses bienfaits, on a su se procurer, et, pour ainsi £ RE Et Ms RTE Ha qe 286 HISTOIRE NATURELLE dire, créer des sources salées là oùiln’enexis- toit pas , eu conduisant, par de grands etin- genieux travaux , des couts d’eau à travers des couches de terre ou de pierres imbues ou imprégnees de sel, que ces eaux dissolvent et dont elles sortent chargées. C'est à M. Jars que nous devons la connoissance et la des- cription de cette singulière exploitation qui se fait dans le voisinage de la ville de Halle en Tirol. « Le sel , dit-il, est mélange dans : « cette mine avec un rocher de la nature dé « l'ardoise , Qui en contient dans tous ses lits «ou divisions... Pour extraire le sel de cette « masse, on commence par ouvrir une gale- «rie, en partant d'un exdroit où le rocher & est ferme, et on l'avance d’une vingtaine « de toises; ensuite on en fait une seconde « de chaque côté d'environ dix toises, et « d’autres encore qui leur sont parallèles, de « sorte qu'il ne reste dans cet espace que des « piliers distans les uns des autres de cinq « pieds, et qui ont à peu près les mêmes « dimensions en quarré, sur six pieds de «hauteur, qui est celle des galeries. Pen- & dant qu’on travaille à ces excavations , « d’autres ouvriers sont occupés à faire des DES MINÉRAU x. 287 &« mortoises ou entailles de chaque côté de la « galerie principale, qui a été comniencée « dans le rocher ferme, pour y placer des « pièces de bois et y former une digue qui « serve à retenir l’eau ; et dans la partie in- « férieure de cette digue on laisse une ouver- « ture pour y mettre une bonde ou un robi- « net. Lorsque le tout est exactementbouché, «on y fait arriver de l'eau douce par des « tuyaux qui partent du sommet de la mon- « tagne ; peu à peu le sel se dissout à mesure « que l’eau monte dans la galerie... Dans quel- «ques unes des excavations de cette mine, « l’eau séjourne cinq, six et même douze « mois avant que d'être saturée ; ce qui dé- « pend de la richesse de la veine de sel et de « l'étendue de l’excavation.….. Ce n’est que « quand l’eau estentièrementsaturée que l’on « ouvre les robinets des digues pour la faire « couler et la conduire par des tuyaux de « bois jusqu’à Halle, où sont les chaudières « d’évaporation.» Dans les contrées du Nord où l’eau de la mer se glace, on pourroit tirer le sel de cette eau en la recevant dans des bassins peu pro- fonds, et la laissant exposée à Ia gelée; le sel EE VO HOMME PORT 2 1 AN 4 288 HISTOIRE NATURELLE abandonne la partie qui se glace et se con- “centre dans la portion inférieure de l’eau, qui, par ce moyen assez simple, se trouve beaucoup plus salée qu’elle ne l'étoit aupara- vank£. I1 semble que la Nature ait pris elle-même le soin de combiner l'acide et l’alcali pour former cé sel qui nous est le plus utile, Le plus nécessaire de tous, et qu'elle l’ait en même temps accumulé, répandu en immense quantité sur la terre et dans toutes les mers ; l'air même est imprégné de ce sel; il entre dans la composition de tous les êtres orga- nisés ; il plait au goût de l’homme et de tous les animaux; il est aussi reconnoissable par sa figure que recommandable par sa qualité: il se crystallise plus facilement qu'aucun autre sel, et ses crystaux sont des cubes presque parfaits * ; il est moins soluble que plusieurs autres sels , et la chaleur de l’eau, même bouillante, n’augmente que trés-peu sa solubilite : néanmoins il attire si puissam- ment l'humidité de l'air, qu'il se réduit en * Les grains figurés en trémies sont de petits cubes groupés les uns contre les autres. $ DES MINÉRAUX. 289 liqueur si on le tient dans des lieux très-hu- mides:; il décrépite sur le feu par l'effort de l'air qui se dégage alors de ses crystaux, dont l'eau s’évapore en mème temps : et cette eau de crystallisation qui, daus certains sels, comme l’alun , paroît faire plus de la moitié de la masse saline, n’est dans le sel marin qu'en petite quantité; car, en le faisant cal- ciner et même fondre à un feu violent, il n’éprouve aucune decomposition , et forme une masse opaque et blanche, également saline, et du même poids à peu près * qu’a= vant la fusion ; ce qui prouve qu’il ne perd au feu que de l'air, et qu’il contient très-peu d’eau. | LE Ce sel, qui ne peut être décomposé par le feu , se décompose néanmoins par les acides vitriolique et nitreux , qui , ayant plus d’affinité avec son acide, s’en saisissent et lui font abandonner sa base alcaline : autre preuve que les trois acides , vitrivlique , ni- treux et marin, sont de la même nature au fond, et qu’ils ne different que par les * Le sel marin ne perd qu'un huit-centième de son poids par la calcinauon. Mat. gén, XI. | 25 290 HISTOIRE NATURELLE Le modifications qu’ils ontsubies. Aucun de ces trois acides ne se trouve pur dans le seïn de la terre ; et lorsqu'on les compare, on voit que l'acide marin ne diffère du vitriolique qu’en ce qu’il est moins pesant et plus vola til, qu'il saisit moins fortement les subsa tances alcalines , et qu’il ne forme presque toujours avec elles que des sels déliquescens : il ressemble à l'acide nitreux par cette der- nière propriété, qui prouve que tous deux sont plus foibles que l’acide vitriolique, dont on peut croire qu'ils se sont formés, en ne perdant pas de vue leur première origine, qu'il ne faut pas confondre avec leur forma- tion secondaire et leur conversion réciproque. L'acide aérien à été le premier formé; il n’est composé que d’air et de feu. Ces deux éléemens, en se combinant avec la terre vi- trifiée, out d’abord produit l'acide vitrio- lique ; ensuite l'acide marin s’est produit par leur combinaison avec les matières cal- caires ; et enfin l'acide nitreux a été formé par l'union de ce mème acide aérien avec la - terre limoneuse et les autres débris putréfiés des corps organisés. Comme l'acide marin est plus volaul que \ DES MINÉRAUX. 29€ Je nitreux et le vitriolique, on ne peut lé concentrer autant. Il ne s’unit pas de même avec la matière du feu ; mais il se combine pleinement avec les alcalis fixe et volatil: il forme avec le premier le sel marin , et avec le second, un sel Fo. qui se sublime par la chaleur. Quoique l'acide marin ne soit qu'un foible dissolvant en comparaison des acides vitrio- lique et nitreux, il se combine néanmoins avec l'argent et avec le meréure ; mais sa propriété la plus remarquable , c’estqu’étant mêlé avec l’acide nitreux, ils font ensemble ce:que l'acide, vitriolique ne peut faire : ils disselvent l'or; qu'aucun autre dissolvantne peut entamer; et quoique l'acide marin soit moins puissant quelles deux autres, il formé néanmoins. des. sels plus corrosifs avec les substances métalliques ;:il'les dissout presqué toutes avec le temps, sur : tout lorsqu'il est aidé de la chaleur , et il agit mème plus eff: eacement sur leurs chaux que les autres acides, > » Shore 00 . Comme toute la Susléee de la érré a'été sndiarese sous les eaux, et que c’est par les mouvemens de la mer qu'ont été formées 202 HISTOIRE NATURELLE. toutes les couches qui enveloppent le noyau du globe fondu par le feu, il a dû rester ; après la retraite des eaux , une grande quan- tité des sels qui y étoient dissous : ainsi'les acides de ces sels doivent être universelle- ment répandus. On a donne le nom d’ acide néphitique à leurs emtanations volatiles ; cét acide méphitique n’est que notreacidé aérien, qui, sous la,forme d'air fixe, se dégage des sels et enlève ne petite quantité de leur acide particulier; ahquel il’ étoit ‘uni par l'intermede de l’eau : aussi cet acide'sé mani: feste-t-il dans da plupartides: mines sous Ja forme de moufette suffocante ; qui n’est autre chose que de l'air fixe stapnant'dans ces pro fonds souterrains ; et ce phenomièné offre une nouvelle et grande preuve!de la production primitive de l’acide aérien et de” sa disper£ sion uuiverselle dans tousilles règnes dé læ Nature, Toutesikes matières minérales en effervescence et toutes les isubstanées végéz tales ou animales en fermeñtätion! peuvent donc produire également de l'acide mépht= tique; maïs les! seules matières aimäles et végétales en putréfaction produisent assez de cet acide pour donner naissancé”an sel de nitre. “ L Lucio nitreux est moins fixe quel'’acide vitriolique ; et moins volatil que l'acide ma rin ; tous trois sont toujours fluides , et on ne les trouve nulle part dans un état con- éret, quoiqu'on puisse amener à cet etat l’a- aide vitriolique en le concentrant par une chaleur violente : mais il se résout bientôt eu liqueur dès qu'ilest refroidi. Cét acide ne. prend point de-couleur au feu, et il y reste blanc; l'acide marin y devient jaune, et l’a- cide mitreux paroit d'abord. verd : mais sa vapeur, em se mêlant avec l'air , devient rouge , et il prénd lui-même cette couleur rouge par une forte concentration. Cette va- peur que l'acide nitreux exhale, a de l'odeur et colore la partie: vide des vaisseaux de verre dans lesquels on le tient renferme ; comme plus volatil , il est aussi moins pesant que l'acide vitriolique, qui pèse plus du double de l’eau, tandis que la pesanteur 251) 294 HISTOIRE NATURELLE spécifique de l'acide nitreux n’est que de moitié plus grande que celle de l’eau pure. Quoique plus foible à certains égards que l'acide vitriolique, l’acide nitreux ne laisse pas que de le vaincre à Ia distillation en le séparant de l’alcali. Or l'acide vitriolique ayant plus d’aflinité que l'acide nitreux avec l’alcali, comment se peut-il que cet alcali lui soit enlevé par ce second acide ? Cela ne prouve-t-il pas que l'acide aérien réside en grande quantité dans l’acide nitreux, et qu’il est la cause médiate de cette décomposition opposée à la loi commune des affinités? : On peut enlever à tous les sels l’eau qui est entrée dans leur crystallisation:; et sans laquelle leurs crystaux ne se seroient pas formés. Cette eau, ni la forme en crystaux } ne sont donc point essentielles aux sels, puis- qu'après en avoir été dépouillés ; ils ne sont point décomposés, et qu'ils conservent toutes leurs propriétés salines. Le nitre seul se dé- compose lorsqu'on le prive de cette eau de crystallisation; et cela démontre que l'eau, ainsi que l'acide aérien, entrent dans la composition de ce sel, non seulement comme parties intégrantes de sa masse, mais même TIDES MINÉRAUX. 205 comme parties constituantes de sa substance et commeielémens nécessaires à sa forma- tions); ©. Le nitré-est. ns de! tous les ei le moins simyile yet quoique lès chimistes atent abrégé sa définition-en disant que c’est un:sel com- pose d'acide nitreux et d’alcali fixe végétal, il me, paroît que c'est non seulement un composé ,.mais même un s/7composé de l’a- cide aérien par l’eau, la terre et le feu fixe des substances animales et végétales exaltées par la fermentation putride:: il réunit les- propriétés des acides minéraux , végétaux et animaux ;, quoique moins fort que l'acide vitriolique par sa qualité dissolvante, il pro- duit d’autres plus grands effets ; il semble même augmenter la force du plus puissant des élémens en donnant au feu plus de vio- lence.et plus d'activité. L’acide nitreux attaque presque toutes les matières métalliques; il dissout avec autant de promptitude que d'énergie toutes les subs- tances calcaires et toutes les terres mélées des détrimens des végétaux et des animaux ; il forme avec presque toutes des sels déliques- cens; il agit aussi très-fortement sur les 296 HISTOIRE NATURETLE huiles, et: même il les enflamimeéléréqu'il ne est bien concentré : mais en laffoifilissant avec de l’eau et l’unissant à l'huile , ik forme des sels savonneux ; et encle imélänt!, dans cet état aqueux; avec l’espritde=vin:, ils a doucit au: point de perdre presque toüte sont acidité, et l’on-en peut faire une’liqueur éthérée, semblable a l’éther qui se fait'avec l’'esprit-de-vin et l'acide vitriolique.Ceider- nier acide peut prendre: une forme concrète à force de concentration : l'acide: nitreux ; plus volatil, reste toujours liquideets’exhale continuellement en vapeurs; il'attire Vhu= midité de l'air, mais moins fortemerit que l'acide vitriolique. Il en’esttde même de l’ef- fet que ces deux acides produisent en les mé- lant avec l’eau : la chaleur est plus forte et le bouillonnement plus grand par le vitrio- lique que par le nitreux ; celui-ci est nean-— moins très-corrosif , et ce qu’on appelle eau- forte n’est que ce même acide nitreux , affoi= bli par une certaine quantité d’eau: : 91 Cet acide, ainsi que tous les autres, pro- vient originairement de l’acide aérien ;1 et il semble en être plus voisin que les deux autres acides minéraux ; car il est évidemment uni DES MINÉRAUX. 207 à une grande quantité d’air et de feu : la preuve en est que l'acide nitreux nese trouve que dans les matières imprégnées des dejec— tions ou des débris putréfies des végetaux et des animaux, qui contiennent certainement plus d’air et de feu qu'aucun des minéraux. Ce n’est qu'en unissant ces acides mineraux avec l'acide aérien, ou avec les substances qui en contiennent, qu’on peut les amener à la forme d'acide nitreux ; par exemple, on peut faire du nitre avec de l’acide vitriolique et de l'urine : et de mêmei;l’acide sulfureux volatil , qui n’est.que l'acide vitriolique uni avec l'air et le feu, approche autant de la nature de l'acide nitreux qu’il s’éloigüe de celle de l'acide vitriolique, duquel néanmoins il ne diffère que,par ce inélange qui le rend volatil et lui donne l'odeur du soufre qui brûle. De plus, l’acide nitreux et l’acide sul- fureux se ressemblent encore, et diffèrent de Y'acidevitriolique en ce qu’ils altèrent beau- coup plus les couleurs des végétaux qué l’a- cide vitriolique, et que les crystallisations des sels qu'ils forment avec l’alcali se res- semblent entre elles autant qu’elles diffèrent de celle du tartre vitriolé. ? 208 HISTOIRE NATURELLE Tout nous porte donc à croire que l'acide nitreux est moins simple et plus surchargé d'air et de feu que tous les autres acides ; que même, comme nous l'avons dit , ce sel est un surcomposé de feu et d'air aceumulés et concentrés avec une petite portion d’eau et de terre par le travail profond et la chaleur intime de l’organisation animale et végétale ; qu’enfin ces mêmes élémens y sont exaltés et développéspar la fermentation putride. , De tous les sels, le nitre est celui qui se dissout , se détruit et s’évanouit le plus com: plétement ct Le plus rapidement, et toujours avec une explosion qui démontre le combat iutestin:et la puissante expansion des fluides élémentaires , qui.s’écartent et se fuient à l'instant que leurs liens sont rompus. En présentant le phlogistique, c’est-à-dire ; le feu auitmé par l'air, à l'acide vitriolique, le feu, comme nous l’avons dit, se fixe par cet acide, et il'en résulte une nouvelle subs- tance qui est.le soufre. En présentant de même le phlogistique à l'acide du nitre’, il devroit, suivant l’ingénieuse idée de Stahl, se former un soufre mitreux; mais tel'est Fexces du feu renfermé däns cet acide, que _ DES MINÉRAUX. 209 le soufre s’y détruit à l’instant même qu’il se forme , la moindre accession d’un nou- veau feu suffisant pour le dégager de ses liens et le mettre en explosion. Cette détonation du nitre est le plus ter- rible phénomène que la Nature, sollicitée par notre art, ait jusqu ici manifesté. Si le feu de Promethée fut dérobé aux cieux, celui-ci semble pris au Tartare, portant par-tout la ruine et la mort : combiné par un génie funeste , ou plutôt soufflé par le démon de la guerre, il est devenu le grand instrument de la destruction des hommes et de la dévasta- tion de la terre. Ce redoutable effet du nitre enflammé est cause par la propriété qu'il a de s’allumer en un instant dans toutes les parties de sa masse, dès qu’elles peuvent être atteintes par la flamme. La surabondance de son propre feu n'attend que le plus léger contact de cet élé- ment pour s’y réunir en rompant ses liens avec une force et une violence à laquelle rien ne peut résister. L’inflammation de la première particule communiquant son feu à celles qui l’avoisinent, et ainsi de proche en proche dans toute la masse, avec une {Les 3co HISTOIRE NATURELLE concevable rapidité, et dans un instant, pout ainsidire, indivisible, la somme de toutes cés | explosions simultanées forme la détonation totale, d'autant plus redoutable qu’elle est. plus renfermée , et que les résistances qu'on lui oppose sont plus grandes ; car c’est en— core une des propriétés particulières du nitre, et qui décèle de plus en plus sa nature ignée et aérienne, que de brûler et détonner er à vaisseaux clos, et sans avoir besoin , comme. toute autre matière combustible , du contact et du ressort de l'air libre. | La plus grande force de la poudre à canon tient donc à ce que tout son nitre s’enflamme, et s’enflamine à la fois, ou dans le plus petit temps possible. Or cet effet dépend d’abord de la pureté du nitre, et ensuite de la pro portion et de l'intimité de son mélange avec Le soufre et le charbon destinés à porter l’in- flammation sur toutes les parties du nitre. L'expérience a fait connoitre que la meil- leure proportion de ce mélange pour faire la poudre à canon, est de soixante-quinze parties de nitre sur quinze parties et demie de soufre, et neuf parties et demie de char- bon. Néanmoins le charbon et Le soufre ne. DES MINÉRAUX. 30€ contribuent pas par eux-mêmes à l'explosion du uitre; ils ne servent, dans la composition de la poudre, qu'à porter et communiquer subitement le feu à toutes les parties de sa masse; et mème l’on pourroit dans le mé- lange supprimer le charbon, et ne se servir que du soufre pour porter la flamme sur le nitre: car M. Baume dit avoir fait de très- bonne poudre à canon par cette seule mix- tion du soufre et du nitre. » Comme cet usage du nitre ou salpêtre n’est malheureusement que trop universel, et que la Nature semble s'être refusée à nous offrir ce sel en grande quantité, on a cherché des moyens de s’en procurer par l'art, et ce n’est que de nos jours qu'on a tâché de per- fectionner la pratique de ces procédés : c’est l'objet du prix annoncé pour l’année pro- chaine * par l’académie des sciences, sur les nitrières artificielles. Ces recherches auront sans doute pour point de vue d'exposer au libre contact de l'air, sous le plus de surface possible, et dans un degré de température et d'humidité convenables à la fermentation, * Ceci a été écrit dans l’année r58r. 26 302 HISTOIRE NATURELLE un mélange proportionné de matières végé- tales et animales en putréfaction. Les subs< tances animales produisent, à la vérité, du nitre en plus grande abondance que les ma- tières végétales; mais ce nitre formé par la putréfaction des animaux est à base ter- reuse et sans alcali fixe, et les végétaux pu-. tréfiés, ou les résidus de leur combustion, peuvent seuls fournir au nitre cette base d'alcali fixe. À On obtiendra donc du bon nitre toutes les fois qu’on exposera au contact et à l’impres- sion de l’air des matières végétales et ani- males en putréfaction, soit en les mélant avec des terres et pierres poreuses, suivant le procédé que nous indique la Nature en nous offrant le nitre produit dans les plätras et les craies; soit en projetant ces matières sur des fagots ou fascines, ainsi que le pro- pose M. Macquer : supposé néanmoins que ce mélange soit entretenu dans le degré de température et d'humidité nécessaires pour soutenir la fermentation putride ; car cette dernière circonstance n’est pas moins essen- tielle que le concours de l'air pour la pro duction du uitre, même de celui qui se forme naturellement. | DES MINÉRAUX. 303 La Nature n’a point produit de nitre en masse : il semble qu'elle ait, comme nous, besoin de tout son art pour former ce sel; cest par la végetation qu'elle le travaille et le developpe dans quelques plantes, telles que les boraginées, les soleils, etc. : et il est à présumer que ces plantes dans lesquelles le nitre est tout formé, le tirent de la terre et de l’air avec la séve ; car l’acide aérien réside dans l’atmosphère et s'étend à la surface de la terre; il devient acide nitreux en s’unis- sant aux élémens des matières animales et végetales putréfiées , et il se formeroit du nitre presque par-tout si les pluies ne le dissolvoient pas à mesure qu’il se produit : aussi l'on ne trouve du nitre en nature et en quantité sensible que dans quelques endroits des climats secs et chauds, comme en Es- pagne et en Orient, et dans le nouveau con- tinent, au Pérou, sur des terrains de tout temps incultes, où la putréfaction des corps organisés s’est opérée sans trouble, et a été aidée de la chaleur et maintenuëpar la séche- resse. Ces terres sont quelquefois couvertes d'une couche de salpêtre de deux ou trois lignes d'épaisseur; il est semblable à celui que (] 304 HISTOIRE. NATURELLE NON hs d l'on recueille sur les parois des vieux murs, en les balayant légèrement avec un houssoir, # d'où lui vient le nom de sa/pétre de hous- . sage. C'est par la même raison que l’on trouve des couches de salpêtre naturel sur la craie et sur le tuf calcaire dans les endroits. caverneux où ces terres sont à l'abri des pluies: et j'en ai moi-mème recueilli sous des voûtes.et. dans Les cavités des carrières de pierre calcaire où l’eau avoit pénétré ét en- traine ce sel, qui s’étoit forme à!la surface : du terrain. Mais rien ne prouve» mieux ‘la nécessité du concours de l’acide aérien pour la formation du nitre, que les observations de M. le duc: de la Rochefoucauld, l’un de nos plus illustres: et plus savans académi- ciens. Il les a faites sur Le terrain de la mon- tagne de la Roche-Guyon, située entre Mantes et Vernon : cette montagne n’estqu'une masse de craie, dans laquelle on a pratiqué, quel- ques habitations, où l’on a trouvéet recueilli du, nitre en eflorescence et quelquefois: crys- tallisé. Cela n’a rien d’extraordinaire, puis- que ces lieux eétoient habites-par les hommes et les animaux : aussi M. le duc de la Roche- foucauld s'est-il attaché à reconnoitre si la NDES MINÉRAUX, 363 craie de l'intérieur de la montagne contenoit du nitre comme en contiennent ses’ cavités et sa surface; et il s'est convaincu, par des observations exactes et appuyées d’'expé— riences décisives, que ni le nitre ni l'acide nitreux n’existént dans la craie qui n’a pas été exposée aux impressions de l'air; et il prouve, par d’autres expériences, que cette seule impression de l’air sufñt pour produire l'acide nitreux dans la craie. Voilà donc évidemment l'acide nitreux ramené à l'acide aérien; car l'alcali végétal, qui sert'de base au nitre, est tout aussi évidemment produit par là décomposition putride des végétaux, et c’est par cette raison qu’on trouve du nitre tout forme dans la terre végétale et sur la surface spongieuse de la craie, des tufs et des autres substances calcaires *. Mais en général le salpètre naturel n’est nulle part assez abondant pour qu’on puisse en ramasser une * En Normandie, du côté d'Évreux , près du château de M. le duc de Bouillon, il y a une fa- brique de salpêtre entretenue par la lixiviation des raclures de la craie des rochers, que l’on ratisse sept à huit fois par an. 26 306 HISTOIRE NATURELLE grande quantité; et pour y suppléer, on est obligé d'avoir recours à l’art. Une simple lebsive suffit pour le tirer de ces terres où äl se forme naturellement. Les matières qui en contiennent le plus sont les terres crétacées ; et sur-tout les débris des mortiers: et des plâtres qui ont été employés dans-les bâti- mens ,. et cependant on n'en extrait guère qu'une livre par quintal; et comme il s’en fait une prodigieuse consommation, on à cherché à combiner les matières et les cir- constances nécessaires pour augmenter et accélérer la formation de ce sel. t'y En Prusse et en Suède on fait du salpètre en amoncelant par couches alternatives du gazon, des cendres, de la chaux et du chaume: on délaye ces trois premières matières avec de l'urine et de l’eau-mère de salpêtre; 'on arrose de temps en temps d'urine les couches qui forment ce monceau, qu'on établit sous un hangar, à l’abri de la pluie : le salpêtre se forme et se crystallise à la surface du tas en moins d'un an, et on assure qu'il s’en produit ordinairement pendant dix ans. Nous avons suivi cette méthode en France, et on HSE DES MINÉRAUX. 3c+ pourra peut-être la perfectionner *; mais jusqu à ce jour on a cherché le salpêtre dans toutes les habitations des hommes et des animaux} dans les caves, les écuries, les £étables, et dans les autres lieux humides et couverts. C’est une grandé incommodité pour les habitans de la campagne et même pour ceux des villes , et il est fort à desirer que les nitrières artificielles puissent suppiéer à cette recherche, plus vexatoire qu'un impôt. Après avoir recueilli les débris et les terrés où le salpètre se manifeste, on mêle ces ma= tières avec des cendres, et on lessive le melange par une grande quantité d’eau; on fait passer cette eau, déja chargée de sel, sur de nouvelles terrês toujours mêélées de cen- dres, jusqu’à ce qu’elle contienne douze livres de matière saline sur cent livres d’eau; en- suite on fait bouillir ces eaux pour les ré- duire par l’évaporatiôn , et on obtient le nitre qui se crystallise par le refroidisse- * Il y a quatorze ou quinze nitrières artificielles nouvellement établies en Franche-Comté, plusieurs en Bourgogne, et quelques unes dans d’autres pro vinces, 508 HISTOIRE Nr ATURELLE ment. Au lieu de cendres on pourroit: méler ? de la potasse avec les terres nitreuses; car li cendre des végétaux n’agit ici que par sont sel, et la potasse n’est que le. sel de cette cendre. ne 14 mire ka eg ls Au reste, la matière saline ‘dont Les eaux sont chargées jusqu’à douze pourtcent:; est un melange de plusieurs sels, et particuliè- rement de sel marin combiné avecdifférentes bases : mais comme ce sel se précipite et se crystallise le premier, on l’enlève aisément, et on laisse le nitre qui est encore:en disso- lution, se crystalliser lentements1l prend alors une forme concrète, et on le sépare du reste de la liqueur : mais comme, après celte première crystallisation , elle.contient encore du uitre, on la fait-évaporer et re-. froidir une seconde fois pour obtenir le sur- plus de ce sel, qui se manifeste de même en crystaux, après quoiul ne reste que l’eau- mère, dont les sels ne peuvent plus se crys- talliser. Mais ce nitre n’est pas encore assez pur pour en faire de la poudre à canon; il faut le dissoudre et le faire crystalliser une seconde et même une troisième fois, pour lui donner toute la pureté et la blancheur DES MINS RAUX. 309 qu’il doit avoir avant d’être employé à cet usage. | Le nitre s’enflamme sur les charbons ar- dens avec un bruit de sifilement; et lorsqu'on le fait fondre dans un creuset, il fait explo- sion et détonne dès qu'on lui offre quelque matière inflammable, et particulièrement du charbon réduit en poudre. Ce sel purifié est transparent ; il n’attire que foiblement l'humidité de l'air; il n’a que peu ou point d'odeur : sa saveur est désagreable ; néan- moins on l’emploie dans les salaisons pour donner aux viandes une couleur rouge. La forme de ses crystaux varie beaucoup ; ils se présentent tantôt en prismes rayés dans leur longueur, tantôt en rhombes, tantôt en pa- rallélipipèdes rectangles ou obliques. M. le docteur Demeste a scrupuleusement examiné toules ces variétés de figure, et il pensé qu’on pourroit les réduire au parallélipipède . qui est, dit-il, la forme primitive de ce sel. La plupart des sels peuvent perdre leur forme crystallisée, et être privés de leur eau de crystallisation , sans être décomposés, et sans que leuressence saline en soit altérée. Le nitre seul se décompose par le concours \ 1 . F A A 10 CNT Ut HISTOIRE NATURELLE. de l'air lorsqu'il est en fusion ; son eau de crystallisation se réduit en vapeurs et enlève avec elle l'acide, en sorte qu'il ne reste au fond du creuset que de l’alcali fixe; preuvé évidente que l’acide du uitre est le même que J'acide aërien. Au reste, comme le nitre se dissout bien plus parfaitement et en bien plus grande quantité dans l’eau bouillante que dans l’eau froide, il se crystallise plus par le refroidissement que par l’évaporation, et les crystaux seront d'autant plus gros que le refroidissement aura été plus lent. La saveur du nitre n’est pas agréable comme celle du sel marin ; elle est cependant plus fraiche, mais elle laisse ensuite une impression répugnante au goût. Ce sel se conserve à l'air; comme il est chargé d’acide aerien , il n’attire pas celui de l’atmosphère ; il ne perd pas même sa transparence dans un air sec, et ne devient déliquescent que par une surcharge d'humidité. Il se liquéfñe très-aisément au feu, et à un degré de chaleur bien inferieur à celui qui est nécessaire pour le faire rougir: il se fond sans grand mou- vement intérieur et sans boursouflement à l'extérieur, lors mème qu’on pousse la fonte DES MINÉRAUX. 3rt jusqu’au rouge. En laissant refroidir ce nitre fondu , il forme une masse solide et demi- transparente, à laquelle on a donné le nom impropre de crystal minéral; car ce n’est que du nitre qui n’est plus crystallisé, et qui du reste a conservé toutes ses propriétés. L’acide vitriolique et l’arsenic, qui ont encore plus d’affinité que l’acide nitreux avec l’alcali , décomposent le nitre en lui enle- vant l’alcali, sans toucher à son acide; ce qui fournit le moyen de’retirer cet acide du nitre par la distillation. L'alcali qui reste retient une certaine quantité d’arsenic, et c'est ce qu’on appelle zifre fixé par l’arsenic. C’est un trés-bon fondant, et duquel on peut se servir avantageusement pour la vitrilica- tion. Nous ne parlerons pas des autres com- binaisons de l’acidé nitreux, et nous nous réservons de les indiquer dans les articles où nous traiterons de la dissolution des métaux. SEL AMMONIAC. Cr se1,estainsi nommecdetes grec per, qui signifie du sable, parce que les an- ciens ont écrit qu'on le trouvoit dans les sables, qui avoient aussi donné leur nom au temple de Jupiter Ammon. Ceite tradition néanmoins ne s’est pas pleinement confir- mée; car ce n'est qu'au-dessus des volcans et des autres. fournaises souterraines que nous. sommes assurés qu'il se trouve réellement du sel ammoniac formé par la Nature. C’est un composé de l'acide marin et de l’alcali volatil, et cette union ne peut se faire que par le feu ou par l’action d’une grande cha Jeur. On a dit que l’ardeur du soleil, dans les terrains secs des climats les plus chauds, produisoit ce sel dans les endroits où la terre se trouvoit arrosée de l’urine des animaux; : et cela ne paroit pas impossible, puisque l'urine putréfiée donne de l’alcali volatil, et. que la chaleur du soleil, dans un temps de HISTOIRE NATURELLE. 313 sécheresse; peut équivaloir à l’action d’un feu réel; et comme il y a sur la surface de la terre des contrées où le sel marin abonce, il peut s’y former du sel ammoniac par l'union de l’acide de ce sel avec l’alcali vo- latil de l’urine et des autres matières ani- males ou végétales en putréfaction ; et de même dans les lieux où il se sera rencontré d'autres sels acides, vitrioliques , nitreux, etc. il en aura résulté autant de différens sels ammoniacaux qu'il y a de combinaisons di- verses entre l'acide de ces sels et l’alcali vo- latl ; car quoiqu’on puisse dire aussi qu’il y a plusieurs alcalis volatils, parce qu’en effet ils différent entre eux par quelques qualités qu'ils empruntent des substances dont on les tire , cependant tous les chimistes convien- nent qu'en les purgeant de ces matières étran- gères, tous ces alcalis volatils se réduisent à un seul, toujours semblable à lui-même, lorsqu'il est amené à un point de pureté convenable. De tous les sels ammoniacaux, celui que la Nature nous présente en plus grande quan- tité , est le sel ammoniac formé de l'acide marin et de l’alcali volatil : les autres qui 27 314 HISTOIRE NATURELLE sont composés de ce même alcali avec l'acide « vitriolique , l'acide nitreux ou avec les acides À végétaux et animaux, n’existent pas sur la! terre, ou ne s’y trouvent qu’en si petite quautité, qu’on peut'les négliger dans l’énu-. mération des productions de la Nature. Mais Î de la même manière que l’alcali fixe et mi-. néral s’est combiné en immense quantité avec l’acide marin , comme le moins éloigné: de son essence, et a produit le sel commun, l'alcali volatil a aussi saisi de préférence cet. acide marin plus volatil, et par conséquent plus conforme à sa nature, que les deux autres acides minéraux. Il n’est donc pas impossible que le sel ammoniac se forme dans tous les lieux où l’alcali volatil et le. sel marin se trouvent reunis. Les anciens relateurs out ecrit que l'urine des chameaux. produit sur les sables salés de l'Arabie et de la Libye, du sel ammoniac en grande! quantité: mais les voyageurs récens n'ont ni recherché ni vérifié ce fait, qui néanmoins! me paroit assez probable. Les acides en genéral s'unissent moins in-| timement avec l’alcali volatil qu'avec lest alcalis fixes; et l'acide marin en particulier! DES MINÉRAU X. 315 n’est qu’assez foiblement uni avec l’alcali volatil dans le sel ammoniac. C’est peut-être par cette raison que tous les sels ammonia- caux ont une saveur beaucoup plus vive et plus piquante que les sels composés des mêmes acides et de l’alcali fixe. Ces sels ammoniacaux sont aussi plus volatils et plus susceptibles de décomposition , parce que l'alcali volatil n’est pas aussi fortement uni que l’alcali fixe avec leur acide. On trouve du sel ammoniac tout formé et sublimé au-dessus des solfatares et des vol- cans; et ce fait nous fournit une nouvelle preuve de ce que j’ai dit au sujet des matières qui servent d’aliment à leurs feux; ce sont les pyrites, les terres limoneuses et végé- tales, les terreaux, le charbon de terre, les bitumes, et toutes les substances, en un mot, qui sont composées des détrimens des végé- taux et des animaux , et c’est par le choc de l’eau de la mer contre le feu que se font les explosions des volcans : l'incendie de ces matières animales et végétales humectées d'eau marine doit donc former du sel am- moniac, qui se sublime par la violence du feu ‘et qui se crystallise par le refroidisse- ‘ * Fa Ta: # + N , Ÿ \ 1 316 HISTOIRE NATURELLE ment contre les parois des solfatares ef des volcans. Le savant minéralogiste Cronstedt . dit « qu’il seroit aisé d’assigner l'origine du « sel ammoniac, s’il étoit prouvé que les. « volcans sont produits par des ardoises for- « meées de végétaux décomposés et d'animaux « putréfiés avec l’Aumus ; car on sait , ajoute « til, que les pétrifications ont des principes « qui donnent üuu sel urineux ». Mais les ar doises ne sont pas, comme le dit Cronstedt, de l’umus, ou terre végétale; elles ne sont pas formées de cette terre et de végétaux décomposés, ou d'animaux putréfiés, et les volcans ne sont pas produits par les ardoises: car c’est cette même terre 2zmus, ce sont les detrimens des»végétaux et des animaux dont elle est composée , qui sont les véritables alimens des feux souterrains; ce sont de même les charhons, de terre, les bitumes, les pyrites , et toutes les matières composées ou chargées de ces détrimens des corps organisés, qui causent leur incendie et entretiennent leur feu ;; et ce sont ces mêmes matières qui contiennent des sels urineux ‘en ‘bien plus grande quantité que les pétrifications; enfin | c est-là la véritable origine du sel ammioniac DES MINÉRAUX. 3r7 dans les ‘volcans : il se forme par l'union de l'acide de l’eau marine à l’alcali volatil des matières ânimales'et végétales, et se sublime ensuite par l'action du feu. + Le sel ammoniac et le phosphore sont for- mes par cés! deux mêmes principes salins: l'acide marin, qui seul ne s’unuit pas avec la matière du feu, la saisit dès qu’il est joint à Falcah volatil , et forme le sel ammoniac ou le phosphore, suivant les circonstances de sa combinaison; et même, lorsque l'acide marin ou l’acide nitreux sont combinés avec l’alcali fixe minéral, ils produisent encore le phos- phore; car le sel marin calcaire et le nitre calcaire répandent et conservent de la lu- mière assez long-temps après leur calcina- tion ; ce qui semble prouver que la base de tout phosphore est l’alcali , et que l'acide n’en est que l'accessoire. C’est donc aussi l’alcali volatil, plutôt que l'acide marin, qui fait l’éssence de tous les sels ammoniacaux, puisqu'ils ne diffèrent entre eux que par leurs acides , et que tous sont également for- més par l'union de ce seul alcali : enfin c’est par cette raison que tous les sels ammonia- . “in PAUL ARQUX br sn 4 DE. AT: PE f Bo HISTOIRE NATURELLE : que l’air fixe ou acide aérien pra ‘se con vertir en alcali volatil. : + - voue ox Indépendamment de l’acide aérien, il entre encore de la matière inflammable dans Fal- cali volatil, et par conséquent dans la com- position du sel ammoniac; il fait par cette raison fuser le nitre lorsqu'on les chauffe ensemble : 1l rehausse la couleur de For:sY on le projette sur la fonte de ce métal ; il sert aussi, et par la même cause, à fixer l’étaz mage sur le cuivre et sur le fer. On fait donc un assez graud usage de ce sel; et comme la Nature n’en fournit qu’en très-petite quan- tité, on auroit dû chercher les moyens d'en fabriquer par l’art: mais jusqu'ici on s’est contenté de s’en procurer par le commerce: On le tire des Indes orientales, et sur-tout de l'Égypte, où l’on en fait tous les ans plu- sieurs centaines de quintaux. C’est des dé- jections des animaux et des hommes que l'on extrait ce sel en Égypte. On sait que faute de bois on y ramasse soigneusement les excrémens de tous les animaux: on les mêle avec un peu de paille hachée pour leur don- ner du corps et les faire sécher au soleil; 1ls deviennent combustibles par ce desséche- DES MINÉRAUX. 32r ment , et l'on ne se sert guère d'autres ma- tières pour faire du feu. On recueille avec encore plus de soin la suie que leur com- büstion produit abondamment ; cette suie contient l’alcah volatil et l'acide marin, tous deux nécessaires à la formation du sel am- moniac : aussi ne faut-il que la renfermer dans des vaisseaux de verre, qu’on en remplit aux trois quarts, et qu’on chauffe sraduelle- ment au point de faire sublimer l’alcali vo- latil ; il enlève avec lui une portion de l'acide marin, et ils forment ensemble, au haut du vaisseau, une masse considérable de sel ammomniac. Vingt-six livres de cette suie animale donnent, dit-on, six livres de sel ammoniac. Ce qu'il y a de sûr, c’est que l'Égypte en fournit l'Europe et l'Asie. Néan- moins on fabrique aussi du sel ammoniac dans quelques endroits des Indes orientales ; mais 1l ne nous en arrive que rarement. et en petite quantité. On le distingue aisément de celui d'Égypte; il est en forme de pain de sucre, et l’autre est en masse applatie : leur surface est également noircie de l’huile fuli- _ gineuse de là suie, etil.faut les laver pour les rendre blancs au dehors comme ils le sont : au dedans. Ch, M AT ET RM eu MAS CS Mol Lace An) à D MA 32 HISTOIRE NATURELLE ! La saveur de ce sel est piquante et salée, et en même temps froide et amère ; son odeur péuétrante est urineuse, et il y a toute raison de croire qu'il peut en effet se former dans les lieux où l’aicali volatil de l'urine putré- fiée se combine avec l'acide du sel marin. Ses crystaux sont en filets arrangés en formé de barbes de plume, à peu près comme ceux de l’alun; ils sont plians et flexibles, au lieu que ceux de l’alun sont roides et cassans: Au reste, on peut tirer du sel ammoniac de toutes les matières qui contiennént. du sel marin et de l’alcali volatil. Il y a ‘mème des plantes, comme la moutarde, les choux, etc. qui fournissent du sel ammonïac, parce qu'elles sont imprégunées de ces deux sels. On recueille le sel ammoniac qui se su- blime par l’action des feux souterrains, et même l'on aide à sa formation en amoncelant des pierres sur les ouvertures et fentes par où s’exhalent les fumées ou vapeurs enflam- mées ; elles laissent sur ces pierres une es- pèce de suie blanche et salée, de laquelle on tire du sel marin et du sel ammoniac : quel- quefois aussi cette suie est purement ammo= niacale ; et cela arrive lorsque l'acide marin; DES MINÉRAUX. 323 dégagé de sa base, s’est combiné avec lalcali volatil des substances animales et végétales, qui, sous la forme de bitume, de charbon de terre, etc. servent d’aliment au feu des volcans. Le Vésuve, l'Etna et toutes les sol- fatares en produisent, et l’on en trouve aussi sur les vieux volcans éteints, ou qui brûlent tranquillement et sans explosion. On cite le pays des Calmouks en Tartarie, et le terri- toire d Orenbourg en Sibérie, comme très— abondans en sel ammoniac : on assure que dans ces lieux il a formé d’épaisses incrus- tations sur les rochers, et que même il se présente quelquefois en masses jointes à du soufre ou d’autres matières volcaniques. BF OR ARE . æ 2e Lis borax est un sel qui nous vient de l'Asie, et dont l’origine et même la fabrication ne nous sont pas bien connues. Il paroît néan- moins que ce sel est formé ou du moins ébauché par la Nature , et que les anciens Arabes, qui lui ont donné son nom, savoient le facturer et en faisoient un grand usage: mais ils ne nous ont rien transmis de ce. qu'ils pouvoient savoir sur sa formation dans le sein de la terre, et sur la manière de l’ex- traire et de le préparer ; les voyageurs mo= dernes nous apprennent seulement que ce sel se trouve dans quelques provinces de la Perse, de la Tartarie méridionale, et dans quelques contrées des Indes orientales. La meilleure relation est celle qui a été publiée par l’un de nos plus laborieux et savans naturalistes, M. Valmont de Bomare, par laquelle il pa- roit que ce sel se trouve dans des terres grasses et dans des pierres tendres, arrosées ou peut- être formées du dépôt des eaux qui découlent . » | DES MINÉRAUX. 528 des montagnes à mines métalliques; ce qui semble indiquer que ce sel est en dissolution dans ces eaux, et que la terre grasse ou la pierre tendre ont été pénétrées de cette eau saline et minérale. On appelle #7{a/ ou dorax brut la matière qu'on extrait de ces terres et pierres par la lessive et l’évapora- tion ; et c’est sous cette forime et sous ce nom qu’on l’apporte en Europe, où l’on achève de le purifier. | Dans leur état de pureté, les crystaux du borax ressemblent à ceux de l'alun ; ils contiennent cependant moins d'eau , et en exigent une plus grande quantité pour se dissoudre, et même ils ne se dissolvent bien que dans l’eau chaude. Au feu, ce sel se gonfle moins que l’alun ; mais il s’y liquéfie et s’y calcine de même : enfin il se convertit en une sorte de verre salin, qu’on préfère au borax même dans plusieurs usages, parce qu'étant dépouillé de toute humidité, iln’est point sujet à se boursoufler. Ce verre de borax n’est ni dur ni dense, et il participe moins des qualités du verre que de celles du sel ; il se décompose à l'air , y devient fari- neux ; il se dissout dans l’eau , et donue, Mat, gén, XI, 28 + = * à no js NE cui 326 HISTOIRE NATURELLE par l’évaporation , des crystaux tout sem blables à ceux du borax. Ainsi ce sel, en se vitrifiant, loin de se dénaturer, ne fait que s’épurer davantage et acquérir des proprié- tés plus actives : car ce verresde borax est le plus puissant de tous les fondans; et lors- qu’on le mêle avec des terres de quelque qua- lite qu’elles soient, il les convertit toutes en verres solides et plus ou moins transparens, suivant la nature de ces terres. | Tout ceci paroît déja nous indiquer que le borax contient une grande quantité d’alcali; et cela se prouve encore panl’effet des acides sur ce sel : ils s'emparent de son alcali, et forment des sels tout semblables à ceux qu'ils produisent en se combinant avec l’alcali mi- néral ou marin; et non seulement on peut enlever au borax son alcali par les acides vitriolique , nitreux «et marin, mais aussi par les acides végétaux. Ainsi la présence de l’alcali fixe dans le borax est parfaitement démontrée : mais ce n’est cependant pas cet alcali seul qui constitue son essence saline ; car après en avoir séparé par les acides cet alcali, il reste un sel qui n’est lui-même ni acide ni alcali, et qu'on ne sait comment DES MINERAUX. 325 définir. M: Homberg , de l’académie des ciences , est le premier qui en ait parlé; il pe” nommé se/ sédatif, et ce nom n’a rapport u’à quelques propriétés calmantes que:ce£ © Eu chimiste a cru lui reconnoître : mais « ignore encore quel est le principe salin ce sel singulier ; et comme sur les choses incertaines il est permis de faire des conjec- tures ; et que j'ai ci-devant réduit tous les sels simples à trois sortes, savoir , les acides , les alcalis et les arsenicaux , il me semble qu'on peut soupçonner avec fondement que le sel sédatif a l’arsenic pour principe salin. F «+ D'abord il paroît certain que ce sel existe tout formé dans le borax, et qu'il y est uni vec l'alcali, dont les acides ne font que le dégager , puisqu’en le combinant de nouveau avec l’alcali , on en refait du borax. 2°, Le sel édatif n’est point un acide, et cependant il emble suppléer l'acide dans le borax, puis— u'il y est uni avec l’alcali : or il n’y a dans Nature que l’arsenic qui puisse faire fonc- ion d’acide avec les substances alcalines. 32. On obtient le sel sédatif du borax par su- blimation ; il s’élève et s’attache au haut des Yaisseaux clos en filets déliés ou en lames ne] 3:83 HISTOIRE NATURELLE minces, légères et brillantes ; et c’est sou cette forme qu’on conserve ce sel. On peut aussi le retirer du borax par la simple crys= tallisation ; il paroît être aussi pur que celui! qu’on obtient par la sublimation : car il est également brillant et aussi beau ; il est seu= lement plus pesant, quoique toujours très léger, et l'on nepeut s'empêcher d'admirer la légéreté de ce sel-obtenu par sublimation : un gros , dit M. Macquer, suffit pour emplir un assez grand bocal. 4°. C’est toujours pat le moyen des acides qu'on retire le sel séda- tif du borax , soit par sublimation ou pa crystallisation ; et M. Baron, habile chimiste de l'académie des sciences, a bien prouvi qu’il ne se forme pas, comme on pourroin l'imaginer , par la combinaison actuelle du l'alcali avec les acides dent on se sert pour Im retirer du borax : ainsi ce sel n’est certaine: ment point un acide connu. 5°. Les chimistes ont regardé ce sel comme simple, parce qu'in ne leur a pas été possible de le décomposer il a résisté à toutes les épreuves qu’ils ont pu tenter , et il a conservé son essence sans alé ration. 6°. Ce sel est non seulement le‘plu puissant fondant des substances terreuses Ka DES MINÉRAUX. 39 mais il produit le mème effet sur les matières métalliques. et Ainsi, quoique lesel sédatif paroisse simple, et qu’il le soit en effet plus que le borax, il est néanmoins composé de quelques subs- tances salines et métalliques si intimement unies , que notre art ne peut les séparer ; et je présume que ces substances peuvent être de l’arsenic et du cuivre, auquel on sait que l’'arsenic adhère si fortement, qu’on a grande peine à l'en séparer. Ceci n’est qu’une con- jecture , un soupçon ; mais comme d'une part le borax ne se trouve que dans des terres ou des eaux chargées de parties métalliques, et particulièrement dans le voisinage des mines de cuivre en Perse, et que d’autre part le sel sédatif n’est ni acide ni alcali, et qu’il a plusieurs propriétés semblables à celles de l’arsenic , et qu’enfin il n’y a de sels sim- ples dans la Nature que l'acide, l’alcali et larsenic, j'ai cru que ma conjecture étoit ssez fondée pour la laisser paroître , en la soumettant néanmoins à toute critique, et sarticulièrement à l’arrêt irrévocable de l’ex- périence, qui la détruira ou la tonfirmera. le puis, en attendant, citer un fait qui paroit > D rt Le —. HISTOIRE NATURELLE tions et des EL ttienel réitérées: et ce po | fait suffit pour démontrer que le cuivre est une des substances dont le borax est com posé : mais il sera peut-être plus difficile d'y. reconnoître l’arsenic. AN \ : Le sel sédatif est encore plus fusible, plus vitrifiable et plus vitrifiant que le borax, et, cependant 1l est privé de son alcali, qui, “comme l'on sait, est le sel le plus fondant et le plus nécessaire à la vitrification ; dès lors ce sel sédatif contient donc une matière qui sans être alcaline, a néanmoins la même propriété vitrifiante. Or je demande quelle peut être cette matière, si ce n’est de l” arse=. nic, qui seul a ces propriétés, et qui même peut fondre et vitrifier plusieurs substances que les alcalis ne peuvent vitrifier. # Ce sel se dissout dans l’esprit-de-vin: il donne à sa flamme une belle couleur verte ; ce qui semble prouver encore qu'il est im prégné de quelques élémens métalliques, t particulièrement de ceux du cuivre. Il estu vrai qu’en supposant ce sel composé d’arsenié. MONUTDESMINÉRAUX:. 33r et de cuivre, il faut encore admettre dans sa composition une terre vitrescible capable de saturer l’arsenic et d’envelopper le cuivre ; car ce sel sédatif a très-peu de saveur , et ses effets , au lieu d’être funestes comme ceux de l'arsenic et du cuivre, ne sont que doux et même salutaires. Mais ne trouve-t-on pas la même différence d'effets entre le sublimé cor- rosif et le mercure doux? Un autre fait qui va encore à l'appui de ma conjecture, c’est que le borax fait pâlir la couleur de l'or , et l’on sait que l’arsenic le pâlit ou blanchit de même ; mais on ne sait pas, et il faudroit l'essayer, si en jetant à plusieurs reprises une grande quantité de borax sur l’or en fu- sion , il ne le rendroit pas cassant comme fait l’arsenic. S’il produisoit cet effet, on ne pourroit guère douter que le borax et le sel sédatif ne continssent de l’arsenic. Au reste, il faudroit faire de préférence cet essai sur le sel sédatif qui est débarrassé d’alcali, et qui a, comme le borax, la propriété de blanchir l'or. Enfin on peut comparer au borax le nitre fixé par l’arsenic, qui devient par ce mélange un très-puissant fondant, et qu’on peut employer, au lieu de borax, pouropérer FU EN gs d de 1e 532 HISTOIRE NATURELLE indiquer que Étthe fait partie ai ve Dra mais qu’il adhère si fortement à la base mé-. tallique de ce set, re ne peut l’en ARR Au reste, il n'est pas certain qu’on ne puisse tirer le sel sédatif que du seul borax, puisque M. Hoëffer assure que les eaux du lac Cherchiago, dans le territoire de Sienne en Italie, en fournissent une quantité assez con- sidérable, et cependant 1l ne dit pas que ces mêmes eaux fournissent du borax. | On apporte de Turquie, de Perse, du con- tinent des Indes, et même de l’ile de Ceylan, du #rAal ou borax brut de deux sortes : l’un est mou et rougeâtre, et l’autre est ferme et gris ou verdatre ; on leur enlève ces cou- leurs et l’onctuosité dont ils sont encore im- prégnés en les purifiant. Autrefois les Véni- tiens étoient, et actuellement les Hollandois sont les seuls qui aient le secret de ce petit art, et les seuls aussi qui fassent le com- merce de ce sel; cependant on assure que les Anglois en tirent de plusieurs endroits des Indes , et qu'ils en achètent des Hollandois à Ceylan. | Ee borax bien purifié doit être fort blane L DES MINÉRAUX. 333 et très-léser. On le falsifie souvent en le mélant d’alun : ilporte alors une saveur stip- tique sur la langue ; et volume pour volume, il est bien moins léger que le borax pur, qui n'a d’ailleurs presque point de saveur , et dont les crystaux sont plus transparens que ceux de l’alun. On distingue donc à ces deux carac- tères sensibles le borax pur du borax meé- langé. | La plus grande et la plus utile propriété du borax est de faciliter , plus qu'aucun autre sel, la fusion des métaux : il en rassemble aussi les parties métalliques, et les débarrasse des substances hétérogènes qui s’y trouvent mélées, en les réduisant en scories qui nagent au-dessus du métal fondu : il le défend aussi de l’action del’air et du feu , parce qu’il forme lui-même un verre qui sert de bain au métal avec lequel il ne se confond ni ne se mêle; et comme il en accélère et facilite la fusion, il diminue par conséquent la consommation des combustibles et le temps nécessaire à la fonte ; car 1l ne faut qu’un feu modéré pour qu'il exerce son action fondante. On s’en sert donc avec tout avautage pour souder les métaux, dont on peut, par son moyen, réunir SL LT an # les pièces les ES délicat best li ad. û mer ; il a éminemment cette utile propriété | de réunir et souder ensemble tous pen métaux è durs et difficiles à fondre. «10 Quoiqu'à mon avisde borax contienne de l’arsenic, il est néanmoins autant ami des métaux que l’arsenic se montre leur ennemi; le borax les rend lians et fusibles, et ne leur communique aucune des qualités de l’arse- nic, qui, lorsqu'il est seul et nud, les aigrit et les corrode : et d’ailleurs l’action du borax est subordonnée à l’art , au lieu que l’arsenic agit par sa propre activité, et se trouve répan- du et produit par la Nature dans presque tout le règne minéral; et à cet égard l’arse- mic, comme sel, devroit trouver ici sa place. Nous avons dit que des trois grandes com binaisons salines de l'acide primitifou aérien, la première s’est faite avec la terre vitreuse, et nous est représentée par l'acide vitrio- lique ; la seconde s’est opérée avec la terre calcaire, et a produit l'acide marin; et la troisième, avec la substance métallique , a formé l’arsenic. L’excès de causticité qui le caractérise, etses autres propriétés, semblent F | _ DES MINÉRAUX. RS à en effet tenir à la masse et à la densité de la base que nous lui assignons : mais l’arsenic est un p/ofhée, qui non seulement se montre sous la forme de sel, mais se produit aussi sous celle d’un régule métallique; et c’est à cause de cette propriété qu’on lui a donne le nom et le rang de demi-métal. Ainsi nous remettons à en traiter à la suite des demi- métaux, dont il paroit être le dernier, quoi- : que, par des traits presque aussi fortement marqués , 1l s'unisse et s’assimile aux sels. Nous terminerons donc ici cette histoire naturelle des sels, peut-être déja trop longue. Mais j'ai dû parler de toutes les matières sa- lines que produit la Nature , et je n’ai pu le faire sans entrer dans quelque discussion sur les principes salins , et sans exposer avec un peu de détail les différens effets des acides et des alcalis amenés par notre art à leur plus grand degré de pureté. J'ai tâché d'exposer leurs propriétés essentielles, et je crois qu’on en aura des idées nettes si l’on veut me lire saus préjugés. J’aurois encore plus excéde les bornes que je me suis prescrites, si je me fusse livré à comparer avec Les sels produits par la Nature tous ceux que la chimie a su Des articles contenus dans ce volume. = Histoire naturelle des minérauts D Uu bitume, page b. De la pyrite martiale, 42. Des matières volcaniques, 53. Du soufre, r1r. | Des sels, 144. Acide vitriolique et vitriols, 177: - Liqueur des cailloux, 194. Alun, 2or. Autres combinaisons de l'acide vitriolique, 2r4 A cides des végétaux et des animaux, 232. Alcalis et leurs combinaisons, 243. Sel marin et sel gemme , 254. Du nitre, 293. Se] ammoniac , 312. Borax, 324. DE L'IMPRIMERIE DE PLASSAK, D ne md san pete dt mp M ré | AT 1 6er LEE 24. OP 5» : re 4 + » on fn pe à Su = Re F3, ER Re ee = Æ- LULU 3 9088 0076