Pong. ne ” RATURELLE. MATIÈRESàGÉNÉRALES. Ed, NE { : TOME DOUZIÈME. + 1 £ ISTOIRE ELLE NAT URELL E Par BUFFON, DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. » MATIERES GÉNÉRALES. TOME DOUZIEME. Vire, : R es +7 4 C7? 7 nsonian f stitu, — RICHMOND COLLECTION. À LÀ LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE DE P. DIDOT L’AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 5, ET Firmin DIDOT , RUE DE THIONVILLE N° 116. AN VII. — 1799. rer ag A 4 } \ YA PAST ME OEIL M € 4 k: | # À A 4 : LUE | es î À = Ê : À $ L 4 l'ai Ps À fi HISTOIRE NATURELLE. DES MINÉRAUX. ML TER. — , O. trouve rarement les metaux sous leur forme métallique dans le sein de la terre; ils y sont ordinairement sous une forme mi- néralisée, c’est-à-dire , altérée par le mé- lange intime de plusieurs matières étran- gères, et la quantité des métaux purs est trés-petite en comparaison de celle des mé- taux mineralisés; car, à l’exception de l'or, qui se trouve presque toujours dans l’état de métal, tous les autres mélaux se présentent E i >. “ 6. HISTOIRE | NATUREL Le feu en en. 2 liquéfiant et ssh ki oute la masse des matières terrestres. du globe, a sublimé en même temps les subs- tances métalliques, et leur a laissé d’abord leur forme propre et particulière : quelques unes de ces substances métalliques ont con- servé cette forme native; mais la plupart l’ont perdue par leur union avec dés matières étrangères et par l’action des élémens hu- mides. Nous verrons que la production des métaux purs et celle des métaux mélangés de matière vitreuse par le feu primitif, sont: contemporaines , et qu'au contraire les mé- taux minéralisés par les acides et travaillés par l’eau sont d’une formation postérieure. Tous les métaux sont susceptibles d’être sublimés par l’action du feu; l’or, qui est le plus fixe de tous, ne laisse pas de sesublimer par la chaleur *, et il en est de même de tous: les autres métaux et minéraux métalliques: ainsi, lorsque le feu primitif eut réduit en verre les matières fixes de la masse terrestre, ” Voyez les preuves, tome IX des Matières gé- nérales ; page r12, dans la note. : BP OC DAS MINERAUX 1 % substances métalliques se sublimèrent et furent par conséquent exclues de la vitrifi- cation générale ; la violence du feu les tenoit élevées au-dessus de la surface du globe; elles ne tombèrent que quand cette chaleur ex- trême, commençant à diminuer, leur per- mit de rester dans un état de fusion sans être sublimées de nouveau. Les métaux qui, comme le fer et le cuivre, exigent le plus de feu pour se fondre, dûrent se placer les pre- miers sur la roche du globe encore tout ardente. L'argent et l’or, dont la fusion ne suppose qu'un moindre degré de feu , s’éta- blirent ensuite et coulèrént dans les fentes perpeudiculaires de cette roche déja consoli- dée; ils remplirent les interstices que le quartz décrépité leur offroit de toutes parts, et c'est par cette raison qu'on trouve l’or et J'argent vierge en petits filets dans la roche quartzeuse. Le plomb et l’étain, auxquels il ne faut qu'une bien moindre chaleur pour se liquéfier, coulèrent long-temps après ou se convérlirent en chaux, et se placèrent de mème dans les fentes perpendiculaires. Enfin tous ces métaux , souvent méles et réunis ensemble , y formèrent les filons primitifs a 8 HISTOIRE NATURELLE des mines primordiales, qui toutes sont mé langees de plusieurs. minéraux métalliques. \ Et le mercure, qu'une médiocre chaleur vo- latilise, ne put s'établir que peu de temps avant la chûte des eaux et des autres matières également volatiles. Quoique ces dépôts des différens métaux Se soient formés successivement et à mesure que la violence du feu diminuoit, comme ils se sont faits dans les mêmes lieux, et que. les fentes perpendiculaires ont été le récep- tacle commun de toutes les matières métal- liques fondues ou sublimées par la chaleur intérieure du globe, toutes les mines sont. mélées de différens métaux et minéraux mé- talliques ; en effet il y a presque toujours plusieurs métaux dans la même mine : on trouve le fer avec le cuivre, le plomb avec J'argent, l’or avec le fer, et quelquefois tous ensemble; car il ne faut pas croire, comme bien des gens se le figurent, qu'une mine d'or ou d'argent ne contienne que l’une ou l'autre de ces matières : il suffit, pour qu’on lui donne cette dénomination , que la mine soit mêlée d’une assez grande quantité de l'un ou de l’autre de ces métaux, pour être DES MINÉRAUX. 9 travaillée avec profit; mais souvent et pres- que toujours le métal précieux y est en moindre quantité que les autres matières minérales ou métalliques. | on: Quoique les faits subsistans s'accordent parfaitement avec les causes et les effets que je suppose, on ne manquera pas de con- tester cette théorie de l'établissement local des mines métalliques : on dira qu’on peut se tromper en estimant par comparaison et jugeant par analogie les procédés de la Na- ture; que la vitrification de la terre et la sublimation des métaux par le feu primitif n'étant pas des faits démontrés, mais de simples conjectures , les conséquences que j en tire ne peuvent qu'être précaires et pu- _rement hypothétiques : enfin l’on renouvel- lera sans doute l’objection triviale si souvent répétée contre les hypothèses , en s’écriant qu’en bonne physique il ne faut ni compa- raisons ni systèmes. Cependant il est aisé de sentir que nous ne Counoissons rien que par comparaison, et que nous ne pouvons juger des choses et de leurs rapports qu'après avoir fait une or- donunance de ces mêmes rapports, c’est-à * \” Ç Ro se HISTOIRE NATURELLE dire un système. Or les grands procédés de ‘e la Nature sont les mêmes en tout; et lors- qu’ils nous paroissent opposés , contraires où seulement différens, c’est faute de les avoir saisis et vus assez généralement pour les bien comparer. La plupart de ceux qui observent _ les effets de la Nature, ne s’attachant qu’à quelques points particuliers, croient voir des variations et même des contrariétés dans ses opérations; tandis que celui qui l’embrasse par des vues plus générales, reconnoit la simplicité de son plan, et ne peut qu'admirer l'ordre constant et fixe de ses combinaisons, et l’'uniformité de ses moyens d'exécution ; grandes operations, qui, toutes fondées sur des lois invariables, ne peuvent varier elles- mêmes ni se contrarier dans les effets. Le. but du philosophe naturaliste doit donc être de s'élever assez haut pour pouvoir déduire d'un seul effet général, pris comme cause ,. tous les effets particuliers. Mais pour voir la Nature sous ce grand aspect , il faut l’avoir examinée, étudiée et comparée dans toutes les parties de son immense étendue. Assez de génie, beaucoup d'étude, un peu de jiberté de penser, sont trois attributs sans DES MINÉRAUX. 11 lesquels on ne pourra que défigurer la Na- ture, au lieu de la représenter : je l’ai sou- vent senti en voulant la peindre, et malheur à ceux qui ne s’en doutent pas! leurs tra vaux, loin d'avancer la science , ne font qu'en retarder les progrès; de petits faits, des objets présentés par leurs faces obliques ou-vus sous un faux jour, des choses mal entendues , des methodes scholastiques , de grands raisonnemens fondés sur une méta- physique puérile ou sur des préjugés, sont les matières sans substance des ouvrages de l'écrivain sans génie; ce sont autant de tas de décombres qu’il faut enlever avant de pouvoir construire. Les sciences seroient donc plus avancées si moins de gens avoient écrit; mais lamour-propre ne s’opposera-t-il pas toujours à la bonne foi? L’ignorant se croit suffisamment instruit; celui qui ne l’est qu'a demi, se croit plus que savant, et tous s’imaginent avoir du génie ou du moins assez d'esprit pour en critiquer les productions ; on le voit par les ouvrages de ces écrivains qui n'ont d'autre mérite que de crier contre les systèmes, parce qu’ils sont non seulement incapables d’en faire, mais Joie A AR LR 0 nn 4 2 HISTOIRE NATURELLE ds peut-être même d'entendre Ja vraie signis Hication de ce mot, qui les épouvante où les humilie : cependant tout système n'est qu'une combinaison raisonnée, une ordon- nance des choses ou des idées qui les repré- sentent; et c’est le génie seul qui peut faire cette ordonnance, c’est-à-dire, un système en tout genre, parce que c'est au génie seul qu'il appartient de généraliser les idées ‘par- ticulières, de réunir toutes les vues en un faisceau de lumière, de se faire de nouveaux apperçus, de saisir les rapports fugitifs, de rapprocher ceux qui sont éloignés , -d’en former de nouvelles analogies , de s élever enfin assez haüt et de s'étendre assez loin pour embrasser à la fois tout l’espace qu’il a rempli de sa pensée : c’est ainsi que le gé- nie seul peut former un ordre systématique des choses et des faits, de'leurs combinaisons respectives , de la dépendance des causes et des effets, de sorte que le tout rassemble, réuni, puisse présenter à l'esprit un grand tableau de spéculations suivies , ou du moins un vaste spectacle dont toutes les scènes se lient etse tiennent par des idées conséquentes et des faits assortis. à PETOPNE Ke - Al 1 DES MINÉRAUX. 13 Je crois donc que mes explications sur Yaction du feu primitif, sur la sublimation des métaux, sur la formation des matières witreuses , argilleuses et calcaires, sont d’ac- cord avec les procédés de la Nature dans ses plus grandes opérations, et nous verrons que _ l’ensemble de ce systême et ses autres rap- ports seront encore confirmés par tous les faits que nous rapporterons dans la suite, en traitant de chaque métal en particulier. Mais pour ne parler ici que du fer, on ne peut En douter que ce métal n'ait com- mencé à s'établir le prérhier sur le,globe, et peu de temps après la consolidation du quartz, puisqu'il a coloré les jaspes et les crystaux de feld-spath, au lieu que l'or, l'argent, ni les autres métaux, ne paroissent pas être entrés comme le fer dans la subs- tance des matières vitreuses produites par le feu primitif : et ce fait prouve que lefer, _ plus capable de résister à la violence du feu, s’est en eflet établi le premier et dès le temps de la consolidation des verres de nature; car le fer primordial se trouve toujours intime- ment mêlé avec la matière vitreuse, et il a formé avec elle de très-grandes masses et : 2 14 HISTOIRE NATURELLE même des montagnes à la. surface du globe 3 4 tandis que les autres métaux, dont l'éta- # blissement a été postérieur , n’ont occupé 4 que les intervalles des fentes perpendiculaires de la roche quartzeuse dans lesquelles ilsse trouvent par filons et en petits amas *, Aussi n’existe-t-il nulle part de grandes. masses de fer pur et pareil à à notre fer forgé, ni même semblable à nos fontes de fer, et à peine peut-on citer quelques exemples de petits morceaux de fonte ou régule de fer trouvés -dans le sein de la terre, et formés sans doute accidentellement par le feu.des volcans , comme l’on trouve aussi et plus fréquemment des morceaux d’or, d'ansene et de cuivre, qu'on reconnoit évidemment avoir été fondus par ces feux souterrains. La substance du fer de nature n’a donc jamais été pure, et, dès le temps de la con- solidation du globe, ce métal s’est mêlé avec la matière vitreuse, et s’est établi en grandes * Pline dit avec raison que de toutes les subs- sances métalliques , le fer est celle qui se trouve eù plus grandes masses, et qu’on a vu des montagnes qui eu étoient entièrement formées. DES MINÉRAUX. 15 masses dans plusieurs endroits à la surface, et jusqu'à une petite profondeur dans l'in- térieur de la terre. Au reste, ces grandes masses ou roches ferrugineuses ne sont pas également riches en métal; quelques unes donnent soixante-dix ou soixante — donze pour cent de feren fonte, tandis que d'autres n’en donnent pas quarante ; et l’on sait que cette fonte de fer qui résulte de la fusion des mines n’est pas encore du métal, puis- qu'avant de devenir fer elle perd au moins un quart de sa masse par le travail de l’afñ- nerie : on est donc assuré que les mines de fer en roche les plus riches ne contiennent guère qu’une moitié de fer, et que l’autre moitié de leur masse est de matière vitreuse; on peut mème le reconnoître en soumettant ces mines à l’action des acides qui en dis- solvent le fer et laissent intacte la substance vitreuse. , D'ailleurs ces roches de fer que l’on doit. regarder.comme les mines primordiales de ce métal dans son état.de nature, sont toutes attirables à l’aimant *; preuve évidente * Comme toutes les mines de Suède sont très- 16 HISTOIRE NATURELLE qu’elles ont été produites par l’action du feu, et qu’elles ne sont qu’une espèce de fonte impure de fer, mélangée d’une plus ou moins grande quantité de mätière vitreuse. Nos mines de fer en grains, en ocre ou en rouille, quoique provenant originairement des détri- mens de ces roches primitives, mais ayant été formées postérieurement par l'intermède de l’eau , ne sont point attirables à l’aimant, à moins qu'on ne leur fasse subir une forte impression du feu à l'air libre *. Ainsi La attirables à l’aïmant, on se sert de la boussole pour les trouver, Cette méthode est fort en usage , et elle est assez sûre, quoique les mines de fer soient sou- vent enfouies à plusieurs toises de profondeur ; mais elle seroit inutile pour la recherche de la plupart de nos mines de”fer en grains, dont la formauion est due à l’action de l’eau, et qui ne sont point atti- rables à l’aimant , avant d’avoir subi l'acuon du feu. Fi * Les mines de fer en grains ne sont en général point attirables à l’aimant ; il faut, pour qu'elles le deviennent, les faire griller à un feu assez vif et à l'air libre. J’en aï fait l'expérience sur la mine de Villers, près de Montbard , qui se trouve en sacs, entre des rochers calcaires , et qui est en grains assez + - DES MINÉRAUX. 17 propriété d'être attirable à l’aimant appar- tenant uniquement aux mines de fer qui ont passé par le feu, on ne peut guère se refuser à croire que ces énormes rochers de fer attirables à l’aimant n'aient en effet subi la violente action du feu dont ils por- tent encore l'empreinte, et qu'ils n'aient été produits dans le temps de la dernière incan- descence et de la première condensation du globe. gros : ayant fait griller une once de cetie mine à feu ouvert, et l’ayant fait broyer et réduire en poudre, l’aimant en a tiré six gros et demi; mais ayant fait mettre une pareille quantité 4 cetie mine dans un creuset couvert et bien bouché , qu’on a fait rougir à blanc, et ayant ensuite écrasé cette mine ainsi grillée, au moyen d’un marteau, l’aimant n’en a tiré aucune partie de fer, tandis que dans un autre creuset mis au feu en même temps, ét qui p’étoit pas bouché, cette méme mine réduite ensuite en poudre par le marteau, s’est trouvée aussi atti- rable par l’aimant que la première. Cette expé- rieuce m'a démontré que le feu seul , ou le feu fixe, ne suffit pas pour rendre la mine de fer attirable x l’aumant, et qu'ilest nécessaire que le feu soit libre et animé par l’air pour produire cet effet. | 2 v sh Vs » ; PART Aa Ua DS CT Eu LT AU dut Ÿ 18 HISTOIRE NATURELLE Les masses de l’aimant ne paroissent dif- férer des, autres roches de fer qu'en ce qu'elles ont été exposées aux impressions de l'électricité de l’atmosphère, et qu’elles ont en même temps éprouvé une plus grande ou plus longue action du feu, qui Les a rendues magnétiques par elles-mêmes et au plus haut degré; car on peut donner le magnétisme à. tout fer ou toute matière ferrugineuse, non seulement en la tenant constamment dans la même situalion, mais encore par le choc et. par le frottement, c’est-à-dire, par toute cause ou tout mouvement qui produit de Ia chaleur et du feu. On doit donc penser que les pierres d'aimant étant de la même nature que les autres roches ferrugineuses, leur grande puissance magnétique vient de -ce qu’elles ont été exposées à l'air, et travaillées plus violemment ou plus long-temps par la ilamme du feu primitif. La substance de l’aimant paroît même indiquer que le fer qu'elle contient a été altére par le feu, et réduit en un état de régule très-diffcile à fondre, puisqu'on ne peut traiter les pierres d’aimant à uos fourneaux , ni les fondre avantageusement pouren tirerdu fer, comme DES MINÉRAUX. :x19 l'on en tire de toutes les autres pierres fer- rugineuses ou mines de fer en roche, en les faisant auparavant griller et concasser *. _ Toutes les mines de fer en roche doivent donc être regardées comme des espèces de fontes de fer, produites par le feu primitif; mais on ne doit pas compter au nombre de ces roches primordiales de fer celles qui sont mélées de matière calcaire : cesont des mines secondaires, des concretions spathiques, en masses plus ou moins distinctes ou confuses, et qui n'ont été formées que postérieurement par l’intermède de l’eau. Aussi ne sont-elles point attirables à l’aimant ; elles doivent être placées au nombre des mines de seconde et: peut-être de troisième formation. De même il ne faut pas confondre avec les mines pri- mitives, vitreuses et attirables à l’aiment, * On trouve quelquefois de laimant blanc qui ne paroît pas avoir passé par le feu, parce que toutes les matières ferruginenses se colorent au feu en rouge brun ou en noir; mais cet aimant blanc n’est peut-être que le produit de la décomposition d’un aimant primitif, réformé par l’intermède de Peau. Voyez ci-après larucle de l'amant. et VOTES EMNEESS A de à ù | 20 HISTOIRE NATUREELE ù celles qui, ayant éprouvé l'impression du feu dans les volcans, ont acquis cette pro- priété qu’elles n’avoient pas auparavant. Enfin il faut excepter encore les sables fer- rugineux et magnétiques, tels que celui qui est mêlé dans la platine, et tous ceux qui se trouvent mélangés dans le sein de la terre, soit avec les mines'de fer en grains, soit avec d’autres matières; car ces sablons ferrugi- neux , attirables à l’aimant, ne proviennent que de la décomposition du mâchefer ou résidu ferrugineux des végétaux brûlés par le feu des volcans ou par d’autres incendies. On doit donc réduire le vrai fer de na- ture, le fer primordial, aux grandes masses des roches ferrugineuses attirables à l’aimant, et qui ne sont mélangées que de matières vitreuses. Ces roches se trouvent en plus grande quantité dans les régions du Nord que dans les autres parties du globe. On sait qu'en Suëéde, en Russie, en Sibérie, ces mines magnétiques sont très-communes , et qu'on les cherche à la boussole. On prétend aussi qu'en Lapponie la plus grande partie du terrain n’est composée que de ces masses ferrugineuses. Si ce dernier fait est aussi vrai DES MINÉRAUX. dé. que les premiers, il augmenteroit la proba- bilite deja fondée ,. que la variation de l’ai- guille aimantée provient de la différente dis- tance et de la situation où l'on se trouve, relativement au gisement de ces grandes masses magnétiques. Je dis la variation de. l'aiguille aimantée, car je ue prétends pas. que sa direction vers les poles doive ètre uniquement attribuée à cette même cause: je suis persuadé que cette direction de l’aimant est un des effets de l’électricité du globe, et que le froid des résions polaires influe plus qu'aucune autre cause sur la direction de aimant *. Quoi qu’il en soit, il me paroît certain que les grandes masses des mines de fer eu roche ont été produites par le feu primitif, . comme lesautres grandes juasses des matières vitreuses. On demandera peut-être pourquoi ce premier fer de nature produit par le feu ne se présente pas sous la forme de métal ; pourquoi l’on ne trouve dans ces mines au- cune masse de fer pur et pareil à celui que nous fabriquons à nos feux. J’ai prévenu * Voyez ci-après l’article de l’aimant. j Nu fs Un AE SE 22 HISTOIRE NATURELLE ph cette question en prouvant que * le fer ne 5 prend de la ductilité que parce qu'il a été comprimé par le marteau : c’est autant la main de l’homme que le feu qui donne au fer la forme de métal, et qui change en fer ductile la fonte aigre, en épurant cette fonte, et en SR de plus près les parties métalliques qu’elle contient. Cette fonte de fer, au sortir du fourneau, reste, comme nous l'avons dit, encore mélangée de plus d'un quart de matières étrangères : elle n’est donc, tout au plus, que d’un quart plus pure que les mines en roche les plus riches, qui par conséquent ont été mêlées par moitié de matières vitreuses dans la fusion opérée par le feu primitif. On pourra insister en retournant l’objec- tion contre ma réponse, et disant qu'on trouve quelquefois de petits morceaux de fer pur ou natif dans certains endroits, à d'assez grandes profondeurs, sous des rochers ou des couches de terre qui ne paroissent pas avoir été remuées par la main des * Voyez le quatrième Mémoire sur la ténacité du fer, tome V des Matières générales, page 227. PAS. GT mr DE DES MINÉRAUX. 23 ‘hommes, et que ces échantillons du travail de la Nature, quoique rares, suffisent pour prouver que notre art et le secours du mar- teau ne sont pas des moyens uniques ni des instrumens absolument nécessaires, ni par conséquent les seules causes de la ductilité et de la pureté de ce métal, puisque la Na- ture, dénuée de ces adminicules de notre art, ne laisse pas de produire du fer assez semblable à celui de nos forges. Pour satisfaire à cette instance, il suffira d'exposer que par certains procédés nous pou- vons obtenir du régule de fer sans instru- mens ni marteaux, et par le seul effet d’un feu bien administré et soutenu long-temps au degré nécessaire pour épurer la fonte sans Ja brûler, en laissant ainsi remuer par le feu , successivement et lentement, les molé- - cules métalliques, qui se réunissent alors par une espèce de départ ou séparation des matières hétérogènes dont elles étoient mé- / o . langées. Ainsi la Nature aura pu , dans cer- taines circonstances, produire le même effet: mais ces circonstances ne peuvent qu'être extrémement rares, puisque par nos HUPre . procédés, dirigés à ce but, on ne réussit qu’à _ force de précautions. 24 HISTOIRE NA TURELLE | Ce point, également intéressant pour l his- ÿ toire de la Nature et pour celle. de l'art, exige quelques discussions de détail, dans lesquelles nous entrerons volontiers par la ! raison de leur utilité. La mine de fer jetée dans nos fourneaux’ élevés de vingt à vingt- cinq pieds, et remplis de charbons ardens, ne se liquéfie que quand elle est descendue à plus des trois quarts de cette hauteur; elle ‘tombe alors sous le vent des soufflets, et achève de se fondre au-dessus du creuset qui la reçoit, et dans lequel on la tient pendant quelques heures, tant pour en accumuler la quantité, que pour la laisser se purger des matières hétérogènes qui s’écoulent en forme de verre impur qu’on appelle lairier. Cette matière , plus légère que la fonte de fer, en surmonte le bain dans le creuset; plus on tient la fonte dans cet état en continuant le feu, plus elle se dépouille de ses impure- tés: mais comme l’on ne peut la brasser au- tant qu’il le faudroit, ni même la remuer aisément dans ce creuset, elle reste nécessai- rement encore mêlée d’une grande quantité de ces matières hétérogènes, en sorte que les meilleures fontes de fer en contiennent plus DES MINÉRAUX. 25 d'un quart, et les fontes communes près d’un tiers, dont il faut les purger pour les convertir en fer *. Ordinairement on fait, au bout de douze heures, ouverture au creuset; la fonte coule, comme un ruisseau de feu, . dans un long et large sillon, où elle se con- solide en un lingot ou gzeuse de quinze cents à deux millelivres de poids : on laisse ce lingot se refroidir au moule, et on l'en tire pour le conduire sur des rouleaux, et le faire entrer, par l’une de ses extrémités, dans le foyer de l’affinerie, où cette extré— mité, chauffée par un nouveau feu, se ra- mollit et se sépare du reste du lingot : l’ou- vrier perce et pétrit avec des 72rgards ? cette loupe à demi liquéfiée, qui, par ce travail, s’épure, et laisse couler, par le fond du foyer, 1 Dans cet épurement même de la fonte, pour la convertir en fer par le travail de l'afinerie et par la percussion du marteau , 1l se perd quelques portions de fer que les matières hétérogènes entraînent avec elles, et on en retrouve une partie dans les scories de l’affinerie. ? On appelle ringards des barreaux de fer poin- tus par l’une de leurs extrémités. ; $ dx > * >. \F AE VS mor RAM T TE de OT KA W ji CELA LRU NRA Fe à 26 . HISTOIRE NATURELLE une partie de la matière hétérogène que le À feu du fourneau de fusion n’avoit pu séparer: ensuite l’on porte cette loupe ardente sous le marteau, où la force de la percussion fait sortir de sa masse encore molle le reste des substances impures qu'elle contenoit; et ces mèmes coups redoublés du marteau rappro— chent et réunissent en une masse Solide et, plus alongée les parties de ce fer que l’on vieut d'épurer, et qui ne prennent qu’alors la forme et la ductilité du métal. Ce sont là les procédés ordinaires dans le travail de nos forges ; et quoiqu’ils paroissent assez simples, ils demandent de l’intelli- sence, et supposent de l'habitude et même des attentions suivies. L’onne doit pas traiter autrement les mines pauvres qui ne donnent que trente ou mème quarante livres de fonte par quiutal : mais avec des mines riches en métal, c’est-à-dire, avec celles qui donnent soixante-dix , soixante ou même cinquante- cinq pour cent, on peut obtenir du fer, et même de l'acier, sans faire passer ces mines par l’état d’une fonte liquide et sans les cou- ler en lingots; au lieu des hauts fourneaux entretenus en feu sans interruption pendant LL L DES MINÉRAUX. 27 plusieurs mois,'il ne faut pour ces mines riches que de petits fourneaux, qu'on charge et vide plus d’une fois par jour. On leur a donné le nom de fourneaux à la catalane: ils n’ont que trois ou quatre pieds de hau- teur ; Éeukc de Stirie en ont dix ou douze; et quoique la construction de ces fourneaux à la catalane et de ceux de Stirie soit diffé- rente, leur effet est à peu près le même; au lieu de gueuses ou lingots d’une fonte coulée, on obtient dans ces petits fourneaux des massets ou loupes formées par coagulation, et qui sont assez épurées pour qu'on puisse les porter sous le marteau au sortir de ces “ourneaux de liquation : ainsi la matière de ces massets est bien plus pure que.celle des gueuses, qu'il faut travailler et purifier au feu de l’affinerie avant de les mettre sur l’enclume. Ces massets contiennent souvent de l'acier, qu'on a soin d’en séparer, et le reste est du bon fer ou du fer mêlé d’acier. Voilà donc de l'acier et du fer, tous deux produits par le seul régime du feu, et sans que l’ouvrier en ait pétri la matière pour la dépurer; et de mème, lorsque dans les hauts fourneaux on laisse quelques parties de fonte + RE TM EN 28 HISTOIRE NATURELLE se recuire au feu pendant plusieurs semaines, cette fonte, d’abord mélée d’un tiers ou d’un quart de substances étrangères, s’épure au poiut de devenir un vrai régule de fer que commence à prendre de la ductilité. Ainsi la Nature a pu et peut encore, par le feu des volcans , produire des fontes et des régules de fer semblables à ceux que nous obtenons dans ces fourneaux de liquation sans le se- cours du marteau ; et c’est à cette cause qu'on doit rapporter la formation de ces morceaux de fer ou d'acier qu’on a regardés comme natifs, et qui, quoique très-rares, ont suffi pour faire croire que c’étoit là le vrai fer de : la Nature, tandis que dans la réalité elle n’a formé, par son travail primitif, que des roches ferrugineuses, toutes plus impures que les fontes de notre art. : Nous donnerons dans la suite les procédés par lesquels on peut obtenir des fontes, des: aciers et des fers de toutes qualités : l’on verra pourquoi les mines de fer riches peu- vent être traitées différemment des mines pauv res; pourquoi la méthode catalane, celle - _de Stirie et d’autres, ne peuvent être avan- tageusement employées à la fusion de nos Le En a DES MINÉRAUX. 29 mines en grains; pourquoi, dans tous les cas, nous nous servons du marteau:pour achever de consolider le fer, etc. Il nous suffit ici d’avoir démontré par les faits que le feu primitif n’a point produit de fer pur sem- blable à notre fer forgé, mais que la quau- _ tité toute entière de la matière de fer s’est mêlée, dans Le temps de la consolidation du globe , avec les substances vitreuses , et que c'est de ce mélange que sont composées les roches primordiales de fer et d’aimant ; qu’enfin , si l’on tire quelquefois du sein de la terre des morceaux de fer, leur forma- tion , bien postérieure , n’est due qu'à la main de l'homme , ou à la rencontre fortuite d’une mine de fer dans le gouffre d’un volcan. Reprenant doncl'ordre des premierstemps, nous jugerons aisément que les roches ferru- gineuses se sont consolidées presque en même temps que les rochers graniteux se sont for- més, c'est-à-dire, après la consolidation et la reduction en débris du quartz et des autres premiers verres. Ces roches sont composées e molécules ferrugineuses, intimement : unies, ayèc la matière vitreuse ; elles ont d'abord été fondues ensemble; elles se soni 3 L ensuile consolidées par le refroidissement, 39 HISTOIRE NATURELLE « sous la forme d’une pierre dure et pesaute; elles ont conservé cette forme primitive dans tous les lieux où elles n’ont pas été exposées à l’action des élémens humides : mais les parties extérieures de ces roches ferrugi- meuses s'étant trouvées, dès le temps de la première chüûte des eaux, exposées aux im— pressions dés élémens humides, elles se sont converties en rouille et en ocre; cetterouiile, détachée de leurs masses, aura bientôt éte transportée, comme les sables vitreux, par le mouvement des eaux, et déposée sur le fond de cette première mer, lequel, dans la suite, est devenu la surface de tous nos con- tinens. roches ferrugineuses, la matière du fer s’est trouvée répandue sur toutes les parties de læ surface du globe, et par conséquent cette matière est entrée, avec les autres élémens de la terre, dans la composition des végétaux et des animaux, doût les détrimens s'étant ensuite accumulés, ont formé la terre végég tale, dans laquelle la mine de fer en grains s’est produite par la réunion de ces mêmes \ Par cette décomposition des premières A: . DES MINÉRAUX. 3 particules ferrusineuses disséminées et con- tenues dans cette tefre, qui, comme nous l’avons dit *, est la vraie matrice de la plu- part des minéraux figurés, et en particulier des mines de fer en orains. | La grande quantité de rouille détachée de la surface des roches primitives de fer, et transportée par les eaux, aura dû former aussi des dépôts particuliers en plusieurs en- droits : chacune de nos mines d’ocre est un dé ces anciens dépôts; car l’ocre ne diffère de la rouille-de fer que par le plus ou moins de terre qui s'y trouve mêlée. Et lorsque la décomposition de ces roches primordiales s'est opérée plus lentement, et qu’au lieu de se convertir en rouille srossière , la matière ferrugineuse a été atténuée et comme dis- soute par une action plus lente des élemens humides, les parties les plus fines de cette matière ayant été saisies et entrainées par l'eau, ont formé par stillation des concré- tions ou stalactites ferrugineuses, dont la plupart sont plus riches en métal que les mines en grains et en rouille, * Voyez l'article de la Zerre régélale, tome X des Matières générales, page 201, AL ui CT TS de FA NT 32. HISTOIRE NATURELLE , On peut réduire toutes les mines de Fe de seconde formation à ces trois états, de mines en grains, de mines en ocre ou en rouille , et de mines en concrétions. Elles ont égale ment été produites par l’actionet l’intermède de l’eau; toutes tirent leur origine de la de- composition des roches primitives de fer, de la même manière que les grès, les argilles et les schistes proviennent de la décomposition des premières matières vitreuses. J'ai démontré, dans l’article de La terre vévétale *, comment se sont formés les Jgrains de la mine de fer : nous les voyons, pour ainsi dire, se produire sous nos yeux, par la réunion des particules ferrugineuses disséminées dans cette terre végétale; et ces grains de mine contiennent quelquefois une plus grande quantité de fer que les roches de fer les plus riches; mais comme ces grains sont presque toujours très-petits, et qu'il n’est jamais possible de les trier un à un, ni de les séparer en entier des terres avec les- quelles ils sont mélés, sur-tout lorsqu'il s’agit * Histoire naturelle des minéraux , tome x . page 20€ et suiv« DES, ,MINÉRAUX. | 33 de travailler en grand, ces mines en grains me rendent ordinairement par quintal que de trente-cinq à quarante-cinq livres de fonte et souvent moins , tandis que plusieurs mines en roche donnent depuis cinquante jusqu’à soixante et au-delà : mais je me suis assuré, par quelques essais en petit, qu'on auroit au moins un aussi grand produit em me faisant fondre que le grain net de ces mines de seconde formation. Elles peuvent être plus ou moins riches en métal, selon que chaque grain aura reçu dans sa compo- sition une plus ou moins forte quantité de substance métallique, sans mélange de ma- tières hétérogènes ; car de la même manière que nous voyons se former des stalactites plus ou moins pures dans toutes les matières terrestres, ces grains de mine de fer, qui sont de vraies stalactites de la terre végétale imprégnée de fer, peuvent ètre aussi plus ou moins purs, c'est-à-dire, plus ou moins chargés de parties métalliques; et par cou- séquent ces mines peuvent être plus riches en métal que le minéral en roche, qui, ayant été formé par le feu primitif, con- tient toujours une quantité considérable de 34 HISTOIRE NATURELLE k matière vitreuse. Je dois inême ajouter que | les mines en stalactites et en masses con— 4 crètes en fournissent un exemple sensible : | elles sont, comme les mines en grains, for- | mées par l’intermède de l’eau; et quoiqu’elles M soient toujours mêlées de matières hétéro= ; gènes, elles donnent assez ordinairement Hhe) 1 plus'grande quantité de fer que la plupart” des mines de première formation, Ainsi toute mine de fer, soit qu’elle ait été produite par le feu primitif, ou travaillée par l’eau, est toujours mélangée d’une plus ou moius grande quantité de substances hé- térosènes ; seulement on doit observer que dans les mines produites par le feu, le fer est toujours mélangé avec une matière vi= w treuse, tandis que dans celles qui out été formées par l’intermède de l’eau, le mélange est plus souvent de matière calcaire *. Ces * « Les mines de fer de Rougei en Bretagne sont « eu inasses de rocher, de trois quaris de lieue d’é- , « tendue, sur quinze à dix-huit pieds d'épaisseur, « disposées en bancs horizontaux ; elles sont de « seconde formation, et sont en même temps mêlées … « de matières silicées ». Je ne cite cet exemple que DES MINÉRAUX. 35 dernières mines, qu’on nomme spathiques * à cause de ce mélange de spath ou de pariies calcaires, ne sont point attirables à l’aimant, parce qu'elles n’ont pas été produites par le feu, et qu’elles ont été, comme les mines en grains ou en rouille, toutes formées du dé- triment des premières roches ferrugineuses qui ont perdu leur magnétisme par cette dé- composition: néanmoins, lorsque ces mines secondaires , formées par l’intermède de l'eau, se trouvent mêlées de sablons ferru- gineux qui ont passé par le feu, elles sont alors attirables à l’aimant, parce que ces sablons , qui ne sont pas susceptibles de rouille, ne perdent jamais cette propriété d’être attirables à l’aimant. pour faire voir que les mines de seconde forma- tion se trouvent quelquefois mêlées de matières vi- 1reuses ; mais, dans ce cas, ces malières vitreuses sont elles-mêmes de seconde formation. Ce fait m'a été fourni par M. de Grignon, qui a observé ces mines en Bretagne. * Il ya néanmoins quelques unes de ces mines attirables à l° aimant, dans le Dauphiné et dans les Py rénées. \ 36 - HISTOIRE NATURELLE | La fameuse montagne d’Eisenartz en Stirié, haute de quatre cent quatre- Ya toises , est presque toute composée de minéraux fere rugineux de différentes qualités; on en tire, de temps immémorial, tout le fer et l’acier qui se fabriquent dans cette contrée; et l’on a observé que le minéral propre à faire de l'acier étoit différent de celui qui est propre à faire du bon fer. Le minéral le plus riche en acier, que l’on appelle p£Zinf, est blanc, fort dur, et difhcile à fondre : mais il devient D HARETE “DUPN rouge ou noir et moins dur ên s'effleuris- sant dans la mine même. Celui qui est le plus propre à donner du fer doux, est le # plus tendre; il est aussi plus fusible, et quel- . L2 LA >» * 4 quefois environné de rouille ou d'ocre. Le noyau et la masse principale de cette mon- tagne sont sans doute de fer primordial pro- duit par le feu primitif, duquel les autres minéraux ferrugineux ne sont que des exsu- dations , des concrétions, des stalactites plus ou moins mélangées de matière calcaire, He pyrites, et d’autres substances dissoutes où délayées par l’eau, et qui sont entrées dans la composition de ces masses secondaires lorsqu'elles se sont formées. } 4 DES MINÉRAUX. 37 De quelque qualité que soient les mines de Fer en roches solides, on est obligé de les con- casser et de les réduire en morceaux gros comme des noisettes, avant de les jeter au fourneau : mais pour briser plus aisément les . blocs de ce minéral ordinairement très-dur, on est dans l'usage de les faire griller au feu; _ on établit une couche de bois sec, sur laquelle on met ces gros morceaux de minéral, que l’on couvre-d’une autre couche de bois; puis un second lit de minéral, et ainsi alternati- vement jusqu à cinq ou six pieds de hauteur; _et après avoir allumé le feu, on le laisse con- sumer tout ce qui est combustible et s’étein- dre de lui-même. Cette première action du feu rend le minéral plus tendre; on le cOn— casse plus aisément , et il se trouve plus dis- posé à la fusion qu'il doit subir au fourneau. Toutes les roches de fer qui ne sont mélan- gées que de substances vitreuses, exigent qu’on y joigue une certaine quantité de matière cal- caire pour en faciliter la fonte; celles au con- traire qui ne contiennent que peu ou poiné de malière vitreuse, et qui sont mélangées de substances calcaires, demandent l’addi- tion de quelque matière vitrescible, telle que Mat, gén, XII. e & 38 HISTOIRE NATURELLE Ja terre limoneuse, qui, se fondant aisément, aide à ta fusion de ces mines de fer, et sem pare des parties FR dns elles sont mé À lanoées. Les mines qui ont été Soit par le few primuilif sont, comme nous l'avons dit, toutes attirables à l’aimant, à moins que l’eau ne es ait décomposées et réduites en rouille, em ocre, en grains ou en concrétions; car elles perdent dès lors cette propriété magnétique : cependant les mines primitives ne sont pas les seules qui soient attirables à l’aimant ; toutes celles de seconde formation qui au+ ront subi l’action du feu, soit dans les vol- eans , soit par les incendies des forêts, sont également et souvent aussi susceptibles de de 4 ‘2 | | 72 cette attraëtion; en sorte que si l’on s’en te- noit à cette seule propriété, elle ne suffroit pas pour distinguer les mines ferrugineuses de première formation de toutes les autres qui, quoique de formation bien postérieure, sont egalement attirables à l’aimant; mais ik CPE ES y a d’autres indices assez certains par les-\ quels on peut les reconnoître. Les matières ferrugineuses primitives sont toutes en très- grandes masses, et toujours intimement mé- DES MINÉRAUX. % ces de matière vitreuse; celles qui ont été produites postérieurement par Les volcans ou par d’autres incendies, ne se trouvent qu ‘en petits morceaux, et le plus souvent en pail- lettes et en sablons; et ces sablons ferrugi- neux et très-attirables à l’aimant sont ordi- nairement bien plus réfractaires au feu que la roche de fer la plus dure. Ces sablons on£ apparemment essuyé une si forte action du feu, qu'ils ent, pour ainsi dire, changé de nature et perdu toutes leurs propriétés mé talliques ; car il ne leur est resté que la seule qualité d'être attirables à l’aimant, qualité communiquée par le feu, et qui, comme Von voit, n’est pas essentielle à toute matière ferrugineuse, puisque les mines qui ont été formées par l’intermède de l’eau en sont dé- pourvues ou dépouillées, et qu'elles ne re- prennent ou n’acquièrent cette propriété ma- gnétique qu'après avoir passé par je feu. Toute la quantité, quoiqu'immense, du fer disséminé sur le globe, provient donc originairement des débris et détrimens des grandes masses primitives , dans lesquelles la substance ferrugineuse est mèlée avec la matière vitreuse et s’est consolidée avec elle: Ào HISTOIRE NATURELLE mais ce fer disséminé sur la terre se trouve dans des états très-différens, suivant les i im pressions plus ou moins fortes qu’il a subies par l’action des autres élémens et par le mélange de différentes matières. La décom-— position la plus simple du fer primordial est sa conversion en rouille : les faces des roches ferrugineuses exposées à l’action de l'acide âérien, se sont couvertes de rouille; et cette xouille de fer, en perdant sa propriété ma-— gnetique., a néanmoins conserve ses autres qualités, et peut même.se convertir en métal plus aisément que la roche dont elle tire son origine. Ce fer reduit en rouille, et trans- porte dans cet état par les eaux sur toute la surface du globe, s'est pays ou moins mêlé avec la terre végétale ; il s’y est uni et atténué ÿ au point d'entrer avec là séve dans la composi- tion de la substance des végétaux, et, par une suite nécessaire, dans celle des animaux : les uns et les autres rendent ensuite ce fer à la terre par la destruction de leur corps. Lors- que cette destruction s’opère par la pourri- ture, les particules de fer provenant des êtres organisés n'en sont pas plus magnétiques , et ne forment toujours qu'une espèce de DES MINÉRAUX. 4er rouille plus fine et plus ténue que la rouille grossière dont elles ont tiré leur origine : mais si la destruction des corps se fait par le moyen du feu, alors toutes les molécules fer- rugineuses qu'ils contenoient , reprennent , par l’action de cet élément, la propriété d'être attirables à l’aimant , que l'impression des élémens humides leur avoit Ôtée; et comme il y à eu, dans plusieurs lieux de la terre, de grands incendies de forêts, et presque par- tout des feux particuliers, et des feux encore plus grands dans les terrains volcanisés, on ne doit pas être surpris de trouver à la sur- face et dans l’intérieur des premières couches de la terre des particules de fer attirables à l’aimant, d'autant que les detrimens de tout le fer fabriqué par la main de l’homme, toutes les poussières de fer produites par le frotte- ment et par l'usure, conservent cette pro- priété tant qu’elles ne sont pas réduites en rouille. C’est par cette raison que dans une mine dont les particules en rouille, ou les grains, ne sont point attirables à l’aimant, 1l se trouve souvent des paillettes ou sablons magnétiques, qui, pour la plupart, sont noirs, et quelquefois brillans comme du / Le HISTOIRE NATURELLE ji mica. Ces sablons, quoique ferrugineux, : ne sont ni susceptibles de rouille, ni dissolubles : par les acides , ni fusibles au feu : : ce sont des t à particules d’un fer qui a été brûlé autant qu'il peut lêtre, et qui a perdu, par uue trop longue ou trop violente action du feu, . toutes ses qualités, à l'exception de la pro- . EU AP AU. à à prieté d’être attiré par l’aimant, qu’il a con- servée où plutôt acquise par li SH ne de cet élément. | Il se trouve donc dans le sein de la terre beaucoup de fer en rouille, et une certaine quantité de fer en paillettes attirablés à l’ai- mant. On doit rechercher le premier pour le fondre, et rejeter Le second , qui est presque infusible. Il y a, dans quelques endroits, d'assez grands amas de ces sablons ferrugi- neux que des artistes peu expérimentés ont pris pour de bonnes mines de fer, et qu'ils ont fait porter à leur fourneau, sans se dou- ter que cette matière ne pouvoit s'y fondre. Ce sont ces mèmes sablons ferrugineux qui se trouvent toujours mêlés avec la platine, et qui font même partie de la substance de ce mineral. Voilà donc déja deux états sous lesquels se En + ù ARE 4 DES MINÉRAUX. 33 présente le fer disséminé sur la terre; celui d'une rouille qui n’est point attirable à l’ai- _ mant et qui se fond aisément à nos four- _neaux, et celui de ces paillettes ou sablons magnétiques qu'on ne peut réduire que très- difficilement en fonte. Mais, indépendam- ment de ces deux états, les mines de fer des seconde formation se trouvent encore sous plusieurs autres formes, dont la plus remar- quable, quoique la plus commune, est en grains plus ou moins gros : ces grains ne sont point attirables à l’'aimant, à moins qu’ils ne renferment quelques atomes de ces sablons dont nous venons de parler; ce qui arrive assez souvent lorsque les grains sont gros. Les ætites ou géodes ferrugineuses doivent être mises au nombre de ces mines de fer en grains, et leur substance est quelquefois mê= lée de ces paillettes attirables à l’aimant. La Nature emploie les mêmes procédés pour la formation de ces géodes ou gros grains que pour celle des plus petits : ces derniers sont ordinairement les plus purs; mais tous, gros et petits, ont au centre une cavité vide ou remplie d’une matière qui n'est que peu où point métallique ; et plus les grains sont 44/7 HISTOIRE NATUREL gros, plus est grande proportionnellement la 4 quantité de cette matière impure qui se trouve dans le centre. Tous sont composés de plu- … sieurs couches superposées et presque concen- triques ; et ces couches sont d'autant plus riches en métal, qu’elles sont plus éloignées *du centre. Lorsqu'on veut mettre au four- neau de grosses géodes , il faut en séparer cette matière impure qui est au centre,’en ° les faisant concasser et laver. Mais on doit employer de préférence les mines en petits grains, qui sont aussi plus communes et plus ® riches que les mines en géodes ou en très: 20 grains. Comme toutes nos mines de fer en grains ont été amenées et déposées par les eaux de la mer, et que, dans ce mouvement de trans- port, chaque flot n'a pu se charger que de matières d’un poids et d’un volume à peu près égal, il en résulte un effet qui, quoique maturel, a paru singulier; c’est que, dans chacun de ces dépôts, les grains sont tous à irès-peu près égaux en grosseur, et sont en même temps de la même pesanteur spéci- fique. Chaque minière de fer a donc son grain particulier : dans les unes les grains soné DES MINÉRAUX. 45 aussi petits que la graine de moutarde; dans d'autres, ils sont comme de la graine de na- vette, et dans d'autres ils‘sont gros comme des pois. Et les sables ou graviers, soit cal- caires , soit vitreux, qui ont été transportés par les eaux avec ces grains de fer, sont aussi du même volume et du même poids que les grains , à très-peu près, dans chaque minière. Souvent ces mines en grains sont mélées de sables calcaires, qui, loin de nuire à la fu- sion , servent de casfine ou fondant : mais quelquefois aussi elles sont enduites d’une terre argilleuse et grasse , si fort adhérente aux grains , qu'on a grande peine à la sépa- rer par le lavage; et si cette terre est de l’ar- gille pure, elle s'oppose à la fusion de la -mine , qui ne peut s’opérer qu’en ajoutant - une assez grande quantité de matière cal- caire. Ces mines mélangées de terres afta- chantes qui demandent beaucoup plus de tra- vail au lavoir et beaucoup plus de feu au fourneau , sont celles qui donnent le moins de produit relativement à la dépense. Cepen- dant, en général , les mines en grains coûtent moins à exploiter et à fondre que la plupart des mines en roches, parce que celles-ci > 46- HISTOIRE NATURELLE exigent de grands travaux pour être tirées de leur carrière, et qu’elles ont besoin d’être : grillées pendant plusieurs jours avant d'être | concassées et jetées au fourneau de fusion. Nous devons ajouter à cet état du fer en 4% grains, celui du fer en stalactites ou con crétions continues , qui se sont formées, soit par l'agrégation des grains, soit par la disso= lution et le flux de la matière dont ils sont composés, soit par des dépôts de toute‘autre matière ferrugineuse, entrainée par la stilla- tion des eaux. Ces concrelions ou stalactites ferrugineuses sont quelquefois trés-riches ent métal, et souvent aussi elles sont mêélées de: substances étrangères , et sur-tout de ma- tières calcaires, qui facilitent leur fusion , et rendent ces mines précieuses par le peu de dépense qu’elles exigent, et le bon produit qu'elles donnent. $ On trouve aussi des mines de fer A L de bitume et de charbon de terre ; mais il: est rare qu’on puisse en faire usage, parce qu'elles sont presque aussi combustibles que ce charbon, et que souvent la matière ferru- gineuse y est réduite en pyrites, et s'y trouve en trop petite quantité pour qu'on puisse l'extraire avec profit. LS rennes DES MINÉRAUX. 47 - Enfin le fer disséminé sur la terre se trouvé encore dans un état très-différent des trois _ états précédens:; cet état est celui de pyrite, minéral ferrugineux, dont le fond n’est que du fer décompose et intimement lié avec la substance du feu fixe qui a été saisie par l’a- cide. La quantité de ces pyrites ferrugineuses est peut-être aussi grande que celle des mines de fer en grains et en rouille: ainsi, lorsque les détrimens du fer primordial n'ont été attaqués que par l'humidité de l’air ou l’im- pression de l’eau, ils se sont convertis en rouille ; en ocre, ou formes en stalactites et en grains; et quand ces mêmes détrimens ont subi une violente action du feu, soit dans les volcans, soit par d'autres incendies, ils ont été brûlés autant qu'ils pouvoient l'être, et se sont transformés en mächefer, en sablons et paillettes attirables à l’aimant : mais lorsque ces mêmes détrimens, au lieu d'être travaillés par les élémens humides ou par le feu, ont éte saisis par l'acide chargé de la substance du feu fixe, ils ont, pour ainsi dire, perdu leur nature de fer, et ils ont pris la forme de pyrites, que l’on ne doit pas compter au nombre des vraies mines de fer, de 48 | HISTOIRE NATURELLE quoiqu elles contiennent une grande quantité de matière ferrugineuse parce que le fer y étant dans un état de destruction et intimes ment uni ou combiné avec l'acide et le feu fixe, c’est-à-dire , avec le soufre , qui est le destructeur du fer, on ne peut ni séparer ce métal ni le rétablir par les procédés ordi- naires; 1l se sublime et brüle au lieu de ‘#ondre,.et même une assez petite quantité de pyrites jetées dans un fourneau avec la mine de fer suffit pour en gâter la fonte. On doit donc éviter avec soin l'emploi des mines imélées de parties pyriteuses, qui ne peuvent donner que de fort mauvaise fonte et du fer très-cassant. | Mais ces mèmes pyrites dont on ne peut guère tirer les parties ferrugineuses par le moyen du feu, reproduisent du fer en se décomposant par l'humidité; exposées à l'air; ellés commencent par s’effleurir à la surface, et bientôt elles se réduisent en poudre : leurs parties ferrugineuses reprennent alors la forme de rouille, et dès lors on doit compter ces pyrites décomposées au nombre des autres mines de fer ou des rouilles disséminées dont FN | | v4 DES MINÉRAUX,. 49 se forment les mines en grains * et en cou _crétions. Ces concrétions se trouvent quel- quefois mélangées avec de la terre limoneuse, et même avec de petits cailloux ou du sable vitreux ; et lorsqu'elles sont mélées de ma- tières calcaires, elles prennent des formes sem- blables à celle du spath, et on les a dénom- mées zz2nes spathiques. Ces mines sont ordi- nairement très-fusibles , et souvent fortriches en metal; quelques unes, comme celle de Conflans en Lorraine, sont en assez grandes * Quelques minéralogistes ont même prétendu que toutes les mines de fer en grains et en Concré- tions doivent leur origine à la décomposition des pyrites. Je dois observer que cette opinion seroit Arop exclusive ; la destruction des pyrites maruales, m'est pas la seule cause de la production des mines en concrétions Ou en grains, puisque tous les détri- mens des matières ferrugineuses doivent les pro- duire également, et que d’ailleurs la décomposi- tion el la dissémination universelle de la matière fer- - » Le: VAS TE. TP7 1 ? : rugineuse par l’eau ont précédé nécessairement Ja formation des pyrites, qui ne sont en effet produites que dans les lieux où la matière ferrugineuse , Pa- cide et le feu fixe des détrimens des végéiaux et des animaux, se sont trouvés réunis. 5 CR CLS LR LE ENNIEE 0 fo HISTOIRE NATURELLE masses et en gros blocs, d’un grain serré ne d une couleur tannée. Ce mineral est rempli de crystallisations de spath, de bélemnites ” de cornes d’ammon , etc. ; il est Lrès-riche , et donne du fer de bonne qualité. Il en est de même des mines de fer crystal- lisées auxquelles on a donné le nom d’£éma- files, parce qu'il s'en trouve souvent qui. sont d’un rouge couleurde sang. Ces hematites crystallisées doivent être cond comme des stalactites des mines de fer sous lesquelles elles se trouvent : elles sont quelquefois éten- dues en lits horizontaux d’une assez grande épaisseur, sous des couches beaucoup plus épaisses de mineen rouille ou en ocre * ; ;et l'on * Je crois qu’on doit rapporter à ces chutes d'hématites en grandes. masses, la mine de fer qui se tire à Rouez dans le Maine , et de laquelle M.de Burbure m’a envoyé la description suivante :’« Cette « mine, située kicinq quarts de lieue de Silé-lez « Guillaume, est très-riche ; elle est dans une terre « ocreuse qui à plus de trente pieds d'épaisseur ; il « part de la parte in{érieure de cette mine plu= « sieurs filons qui, en sevfoncant, vont aboutir à æ de gros blocs isolés de mine de fer; ces blocs se « rencontrent à vingt où vingt-six pieds de profou= ; DES MINÉRAUX. 4 75e voit évidemment que ces hématites sont pro- : duites par la stillation d’une eau chargée de molécules ferrugineuses qu’elle a détachéesen passant à travers cette grande épaisseur d'ocre ou de rouille. Au reste, toutes les hématites « deur, et sont composés de particules ferrugi- « neuses, qui paroissent être sans mélange ; ils ont « aussi des ramifications qui, en_se prolongeant, «< vont se joindre à d’autres masse de mine de fer, « moins pures que ces premiers blocs, parce qu’elles «< renferment dans l’intérieur de petites pierres qui « y sont incorparées et intimement unies : néan= « moins les forgerons leur trouvent une sorte de « méri!e qui les fait préférer aux autres masses ler- « rugineuses plus homogènes ; car si elles renferment « moins de ler, elles ont l'avantage de se fondre plus « aisément à cause des pierres qu'elles renferment,, « et qui en facilitent la fusion ». C’est à cette même sorte de mine que lon peut rapporter celles aux- quelles on donne le nom de mines tapées, qui sont des mines de concrétions en masses et couches, et qui gisent souvent sous les mines en ocre où en rouille , et qui, quoiqu’en grands morceaux , sont ordinairement plus riches en métal; la plupart sont spathiques ou mélangées de matitres calcaires. € Note communiquée par M. de Grignon. ) — So. HISTOIRE NATURELLE ne sont pas rouges ; il y en a de brur même de couleur plus foncée : mais lorsqu'on les réduit en poudre, elles prennent toutes, une couleur d’un rouge plus ou moins vif,et l'on peut les considérer en général conime l’un des derniers produits de la décomposi- tion du fer par l’intermède de l’eau. Les hématites, les mines spathiques et autres concrétions ferrugineuses, de quelques substances qu’elles soient mêlées, ne doivent pas être confondues avec les mines du fer primordial ; elles ne sont que de seconde ou de troisième formation. Les premières roches de fer ont été produites par le feu primitif, et sout toutes intimement mélangées de ma= tières vitreuses. Les détrimens de ces pre- mières roches ont formé les rouilles et les ocres que le mouvement des éaux a transpor- tées sur toutes les parties du globe; les parti- cules plus ténues de ces rouilles ferrugineuses ont été pompées par les végétaux, et sont entrées dans leur composition et dans celle des animaux, qui les ont ensuite rendues à la terre par la pourriture et la destruction de leur corps. Ces mêmes molécules ferrugi- peuses ayant passé par Le corps des êtres orga- ve | / LS DES MINÉRAUX. 53 misés, ont conservé une partie des élémens du feu dont elles étoient animées pendant qu'ils étoient vivans; et c’est de la réunion de ces molécules de fer animées de feu que se sont formées les pyrites, qui necontiennent en effet que du fer, du feu fixe et de l'acide, et qui d’ailleurs, se présentant toujours sous une forme régulière, n’ont pu la recevoir que par l'impression des molécules orga- niques encore actives dans les derniers rési- dus des corps organisés ; et comme les végé- taux produits et détruits dans les premiers âges de la Nature étoient en nombre im-— mense, la quantité des pyrites produites par leurs résidus ést de même si considérable, qu'elle surpasse en quelques endroits celle des mines de fer en rouille et en grains, et les pyrites se trouvent souvent enfouies à de plus grandes profondeurs que les unes et les autres. C’est de la décomposition successive de ces pyrites et de tous les autres détrimens du fer primordial ou secondaire que se sont ensuite iormées les concrétions spathiques et les mines en masses ou én grains, qui toutés sont de seconde et de troisième formation; 5 "* AREA A EE ATX LEURS DS FE en À 54 HISTOIRE NATURELLE «ar, indépendamment des mines en: roitle ou en grains qui ont autrefois été transpor— tées, lavées et déposées par les eaux de la 7 mer, indépendamment de celles qui ont été produites par la destruction des pyrites et par celle de tout le fer dont nous faisons usage, ou.ne peut douter qu’il ne se forme encore tous Les jours de la mine de fer en grains dans la terre végétale , et des pyriles dans toutes les terres imprégnées d'acide, et que par con- séquent les mines secondaires de fer ne puissent se reproduire plusieurs fois de la même manière qu’elles ont d’abord eté pro- duites , c’est-à-dire, avec les mêmes molé- cules ferrugineuses provenantoriginairement des détrimens des roches primordiales de fer, qui se sont mélées daus toutes les matières brutes et dans tous les corps organises, et quiont successivement pris toutes les formes sous lesquelles nous venons de les présenter. Aiusices differentes transformations du fer , A 14 ° : n'empèchent pas que ce metal ne soit um dans la Nature , comme tous les autres mé- taux : ses mines , àila vérité, sont plus su jettes à varier que: toutes les autres mines métalliques ; et comme elles sont en même FE DÉS MINÉRAUX. 53 temps les plus difficiles à traiter, et que les expériences , sur-tout en grand , sont longues et très-coûteuses, et que les procédés, ainsi que les résultats des routines ou méthodes ordinaires , sont très-différens les uns des autres, bien des gens se sont persuades que la Nature, qui produit par-tout le même or, le mème argent, le même cuivre, le même \ plomb , le même étain, s’étoit prêtée à une exception pour le fer, et qu’elle en avoit for- me de qualités très-différentes, non seule- ment dans les divers pays , mais dans les mêmes lieux. Cependant cetteidéen’est point du tout fondée ; l'expérience m'a démontré que l'essence du fer est toujours et par-tout la même *, en sorte que l’on peut, avec les plus mauvaises mines, venir à bout de faire. des fers d'aussi bonne qualité qu'avec les meilleures : il ne faut pour cela que purifier ces mines en les purgeant de la trop grande quantité de matières étrangères qui s’y trou- vent ; Le fer qu’on en tirera sera dès lorsaussi bon qu'aucun autre. * Voyez ce que j'ai dit à ce sujet, Partie erpel rimentale, quatrième Mémoire et suiv. 56. HISTOIRE NATURELLE. Mais, pour arriver à ce point de perfec= +. tion , il faut un traitement différent, suivant | la nature de la mine : ; 1l faut l'essayer en. petit et la bien connoître avant d’en faire usage en grand, et nous ne pouvons donner sur cela que des conseils généraux , qui trou- veront néanmoins leur application particu- lière dans un très - grand nombre de cas. Toute roche primordiale de fer, ou mine en roche mélangée de matière vitreuse, doit être grillée pendant plusieursjours ,etensuite concassée en très - petits morceaux avant d’être mise au fourneau; sans cette première préparation, qui rend le minéral moins dur, on ne viendroit que très-diflicilement à bout de le briser, et il refuseroit même d'entrer en fusion au feu du fourneau, ou n’y entre- roit qu'avec beaucoup plus de temps : il faut toujours y mêler une bonne quantité de cas- tine ou matière calcaire. Le traitement de ces mines exige donc une plus grande dépense que celui des mines en grains , par la con- sommation plus grande des combustibles employés à leur réduction; et à moïns qu'elles ne soient, comme celles de Suède, très-riches f en mélal, ou que les combustibles ne soient RS NT Sr Un ne De at DES MINÉRAUX. 5, à très-bas prix, le produit ne suffit pas pour payer les frais du travail. Il n'en est pas de même des mines en con- crétions et en masses spathiques ou mélangées de matières calcaires ; 1l est rarement néces- saire de les griller * : on Les casse aisément au sortir de leur minière, et elles se fondent avec une grande facilité et sans addition, sinon d’un peu de terre limoneuse ou d'autrè matière vitrifiable lorsqu'elles se trouvent trop chargées de substance calcaire. Ces mines sont donc celles qui donnent le plus de pro- duit relativement à la dépense. Pour qu'on puisse se former quelque idée du gisement et de la qualité des mines pri- mordiales ou roches de fer, nous croyons devoir rapporter ici les observations que M. Jars, de l’académie des sciences , a faites * Il y a cependant, dans les Pyrénées et dans le Dauphiné , des mines spathiques où la matière cal- caire est si tutimement unie , et en si grande quan- tité, avec la substance ferrugiveuse, qu'il est né- cessaire de les griller, afin de réduire en chaux cette matière calcaire que l’on en sépare ensuite par le lavage; maïs ces sortes de mines ne font qu’une légère exception à ce qui vient d’être dite 56 HISTOIRE NATURELL LE ASS dans ses Voyages. «En Suède, dit-il , la PAT « de Nordmarck, à trois lieues au nord de « Philipstadt, est en filons perpendiculaires, « dans une montagne, peu élevée au milieu « d'un très-large vallon ; les filons suivent «la direction de la montagne, qui est du « nord au sud, et ils sont presque tous à très- « peu près parallèles : ils ont en“quelques « endroits sept ou huit toises de largeur. Les \ « montagnes de ce district, et même de toute « cette province, sont de granit; mais les « filons de mine de fer se trouvent aux envi- «rons, dans une espèce de pierre bleuâtre et « brunâtre : cette pierre est uuie aux filons « de fer comme le quartz l’est au plomb, au «cuivre, etc. Lorsque le granit s'approche « du filon , il le dérange et l’oblitère; ainsi « les filons de fer ne se trouvent point dans « le granit : le meilleur indice est le mica « blanc et noir à grandes facettes; on est « presque toujours sûr de trouver au-dessous « du minéral riche. Il y a aussi de la pierre « calcaire aux enviroris des granits . maisle « fer ne s'y trouve qu'en rognons , et non pas « en filons ; ce qui prouve qu'il est de seconde « formation dans ces pierres calcaires. Le SERRES = pes DES MINÉRAUX. 5g « mineral est attirable à l’aimant : ilest très- « dur, très-compacte et fort pesant : il donne « plus de cinquante pour cent de bonne fonte. « Ces mines sont en masses, ét on les travaille &« coImine nous exploitons nos carrières les « plus dures avec de la poudre. | «Les mines de Presberg, à deux lieues à « l’orient de Philipstadt, sont de même en « filons et dans des rochers assez semblables «à ceux de Nordmarck :; ces filons sont « quelqueféis accompagnés de grenats, de « schorl, et d’une pierre micacee assez sem- « blable à la craie de Briançon : ils sont situés « dans une presqu ile environnée d’un très- «grand lac; ils sont parallèles, et vont, « comme la presqu'ile, du nord au sud. «On dédaigne d'exploiter les filons qui «n’ont pas au moins une toise d'épaisseur : « le minéral rend en général ciiquante pour « cent de fonte. Les filons sont presque per- « pendiculaires, et les différentes mines ont « depuis douze jusqu'à quarante toises de -« profondeur. «On fait griller le minéral avant de le «jeter dans les hauts fourneaux , qui ont « environ vingt-cinq pieds de hauteur; on le « fond à l’aide d’une castine caicaire. 6o HISTOIRE NATURELLE . «Les mines de Danemora, dans la pro= « vince d'Upland, à une lieue d’Upsal, sont « les meilleures de toute la Suède. Le miné- « ral est communément uni avec une ma- W ï « tière fusible ! , en sorte qu'il se fond seul et. « sans addition de matière calcaire. Ces mines « de Danemora sont au bord d'un grand lac ; « les filons en sont presque perpendiculaires «et parallèles dans une direction commune « du nord-est au sud-ouest : quoique tous les « rochers soient de granit, les filons de fer « sont toujours, comme ceux des mines pré- « cédentes, dans une pierre bleuätre ?. Il y a 1 J’observerai que si cette mine est de première formation , la matière dont le minéral est mélangé et qui lui est intimement unie , ne doit pas être cal= caire, mais que ce pourroit être du feld-spath ou du schorl, qui non seulement sont très-fusibles par eux-mêmes, mais qui communiquent de la fusibi- lité aux substances dans lesquelles ils se trouvent in- _— corporés. 2 M, Jars ne dit pas si cette pierre bleue est vi- treuse ou calcaire ; sa couleur bleue provient certai= nement du fer qui fait partie de sa substance, et je pr ésume que sa fusibilité peut provenir du feld- spatl be te" 2% DES MINÉRAUX. 6x « actuellement dix mines en exploitation sur « trois filons bien distincts ; la plus profonde « de ces mines est exploitée jusqu'à quatre- « vingts toises de profondeur ; elleest, comme « toutes les autres, fort incommodée par les « eaux : on Îles exploite comme des carrières « de pierres dures , en faisant au jour de « très - grandes ouvertures. Le minéral est « très-attirable à l'aimant’; ou lui donne sur « tous Les autres la préférence pour être con- « verti en acier : on y trouve quelquefois de « Vasbeste. On exploite ces mines tant ayec « la poudre à canon qu'avec de grands feux « de bois allumés, et l’on jette ce bois depuis . É rc et du schorl qui s’y trouvent mêlés, et qu’elle ne contient point de substance calcaire à laquelle on pourroit attribuer sa fusibiliié : ma présomption est fondée sur ce que cette mine descend jusqu’à quatre- vingts toises dans un terrain qui rest environné que de granit, et où M. Jars ne dit pas avoir observé des bancs de pierre calcaire ; il me paroît donc que cette mine de Danemora est de première formalion, comme celles dé Presberget de Nordmarck , et que, quoiqu’elle soit plus fusible, elle ne contient que de la matière vilreuse , comme toutes les auires mines de fer prumitives, G 6 HISTOIRE NA FUN « le dessus de la grande ouverture. A « l'extraction de ces pierres de fer en quare « tiers plus ou moins gros, on en impose de « deux pieds de hauteir sur une couche de « bois de sapin de deux pieds d'épaisseur, et « l’on couvre le minéral d’un pied et demi ? « de poudre de charbon, et ensuite on met le « feu at bois : le minéral, attendri par ce | «grillage, est broyé sous un marteau où « bocard, après quoi on le jette au fourneau « seul et sans addition de castine. » : Dans plusieurs endroits , les mines de fet en roche sont assez magnétiques pour qu'on puisse les trouver à la boussole ; cet indice est l'un des plus certains pour distinguer les mines de première formation par le feu, de celles qui n'ont ensuite été formées que par ! l'intermède de l'eau : mais de quelque ma- } nière et par quelque agent que ces mines l aient été travaillées , l'élément du fer est } toujours le même, et l'on peut, en y mettant tous les soins nécessaires , faire du bon fer avec les plus mauvaises mines ; tout dépend du traitement de la mine et du régime du feu, tant au fourneau de fusion qu’à l'affi- nérie. DES MINÉRAUX. % 67 6 WP Hal l’on sait maintenant fabriquer le fer dans presque toutes les parties du monde, nous pouvons donner ici l’énumération des mines de fer qui se travaillent actueliement chez tous les peuples polices. On connoît en France celles d'Allevard en Dauphiné, qui sont en masses concrètes, et qui donnent de très-bon fer et d'assez bon acier par la. fonte , que l’on appelle acier de rive. «J'ai «vu, dit M. de Grignon, environ vinotfilons « de mines spathiques dans les montagnes «d’Allevard; il y en a qui ont six pieds et «plus de largeur sur une hauteur incom- «mensurable : ils marchent régulièrement «et sont presque tous perpendiculaires. On « donne le nom de 72aillat à ceux des filons « dont le minérai fond aisément et donne du « fer doux ; et l’on appelle ive les filons dont « le minerai ‘est bien moins fusible et pro- « duit du fer dur. C’est avec le mélange d'un « tiers de zzaz/lat sur deux tiers de rive qu’on « fait fondre la mine de fer dont on fait «ensuite de bon acier connu sous le nom « d'acier de rive.» Les mines du Berri , de la Champagne, de la Bourgogne ; de la Franche-Comté, du 64. HISTOIRE NATURELLE | Nivernois, du Languedoc , et de quelques autres provinces de France, sont , pour la plupart, en rouilleeten grains ; et fournissent la plus grande partie des fers qui se con- somment dans le royaume. En sénéral, peut dire qu’il y a en France des mines de fer de presque toutes les sortes : celles qui sont en masses solides se trouvent non seu= lement en Dauphiné, mais aussi dans le Roussillon , le comté de Foix, la Bretagne et la Lorraine; et celles qui sont en grains ou en rouille , se présentent en grand nombre dans presque toutes les autres provinces de ce royaume. | L'Espagne a aussi ses mines de fer, dont quelques unes sont en masses concrètes, qui. se sont formées de la dissolution et du détri— ment des masses primitives ; d’autres qui fournissent beaucoup de vitriol ferrusineux, et qui paroissent être produites par l’inter— mêde' de l’eau chargée d'acide : il y en a d’autres en ocre et en grains dans plusieurs endroits de la Catalogne, de l’Arragon, etc. En Italie, les mines de fer les plus célèbres sont celles de l’île d'Elbe ; on en a fait récem- ment de longues descriptions, qui néan- ? | À ” 7 Vel, 1, '07 À "DES MINÈÉRAUX. 65 moins sont assez peu exactes. Ces mines sont ouvertes depuis plusieurs siècles , et four- nissent du fer à toutes les provinces méri- dionales de l'Italie. Dañs la Grande-Bretagne, il se trouve beau- coup de mines de fer; la disette de bois fait que depuis long-temps on se sert de charbon de terre pour Les fondre : il faut que ce char- bon soit épuré lorsqu'on veut s’en servir, sur-tout à l’affinerie; sans cette préparation, il rendroit le fer très-cassant. Les principales mines de fer de l’Ecosse sont près de la bour- gade de Carrou ; celles de l'Angleterre se trouvent dans le duché de Cumberland et dans quelques autres provinces. Dans le pays de Liége, les mines de fer sont presque toutes mêlées d'argille, et dans le comté de Namur elles sont au contraire mélangées de matière calcaire. La plupart des mines d'Alsace et de Suisse gisent aussi sur des pierres calcaires : toute la partie du mont Jura, qui commence aux confins du territoire de Schaffouse , et qui s'étend jus- ; qu’au comté de Neufchatel, offre en plusieurs endroits des indices certains de mines de fer. Toutes les provinces d'Allemagne ont de 6 PA CAL À DFA Le ur du ks À 71e | 66 HIS FE OIRE NATURELLE même leurs mines de fer, soit en roche, de A grains , en ocre, en rouille ou en concrétions : 5 celles de Stirie et de Carinthie L dont nous avons parlé, sont les plus fameuses : ; mais il y en a aussi de très-riches daus le Tirol,. la Bohème, la Saxe, le comté de Nassau Siegen, le pays d'Hanovre, etc. M. Guettard fait mention des mines de fer de la Pologne, et il en a observé quelques unes; elles sont pour la plupart en rouille, et se tirent presque toutes dans les marais ou dans les lieux bas; d’autres sont, dit-il, en petits morceaux ferrugineux, et celles qui se trouvent dans les collines sont aussi à peu près de même nature. | Les pays du Nord sont les plus abondans en mines de fer : les voyageurs assurent que la plus grande partie des terres de la Lappo- nie sont ferrugineuses. On a aussi trouve des mines de fer en Islande et en Groenland. En Moscovie, dans les Russies et en Sibe- rie, les mines de fer sont trés-communes, et font aujourd'hui lFobjet d'un commerce im- portant; car on en transporte le fer en grande quantité dans plusieurs provinces de l'Asie et de l'Europe, et même jusque dans nos ue de France, Res. PPS RSS Er DE DES MINÉRAUX. 6 En Asie, le fer n’est pas aussi commun dans les parties méridionales que dans les contrées septentrionales. Les voyageurs disent qu'il y a très-peu de mines de fer au Japon, et que ce métal y est presque aussi cher que le cuivre : cependant à la Chine le fer est à bien plus bas prix ; ce qui prouve que les mines de ce dernier metal y sont en plus grande abondance. On en trouve dans les contrées de l’Inde, à Siam , à Golconde et dans l’ile de Ceylan. L'on connoît de même les fers de Perse, d'Arabie, et sur-tout les aciers fameux con- nus sous le nom de damas, que ces peuples savoient travailler avant même que nous eussions, en Europe, trouvé l’art de faire de bon acier. En Afrique , les fers de Barbarie et ceux _ de Madagascar sont cités par les voyageurs ; 11 se trouve aussi des mines de fer dans plu- sieurs autres contrées de cette partie du monde, à Bambuk, à Congo, et jusque chez les Hottentots. Mais tous ces peuples, à l’ex- ception des Barbaresques, ne savent travail- ler le fer que très-grossièrement ; et il n’y a ni forges ni fourneaux considérables dans 6 - HISTOIRE NATURELLE toute l'étendue de l'Afrique ; du moins les “a relateurs ne font mention que des fourneaux nouvellement établis par le roi de Maroc, pour fondre des canons de cuivre et de fonte de fer. : | | Il y a peut-être autant de mines de fer dans le vaste continent de l'Amérique que dans les autres parties du monde ; et il paroît qu'elles sout aussi plus abondantes dans les contrées du nord que dans celles du midi : nous avons même forme, dès le siècle préceé- dent, des etablissemens considérables de four- neaux et de forges dans le Canada, où l’on fabriquoit de très-bon fer. Il se trouve de même des mines de fer en Virginie, où les Anglois ont etabli depuis peu des forges; et comime ces mines sont tres-abondantes et se tirent aisément, et presque à la surface de la terre, dans toutes ces provinces qui sont ac— tuellement sous leur domination , et que d’ailleurs le bois y est trés-commun, ils peu- vent fabriquer le fer à peu de frais; et ils ne désespèrent pas, dit-on, de fournir ce fer de V’Amerique au Portugal, à la Turquie, à Afrique, aux Indes orientales, et à tous les pays où s'étend leur commerce. Suivant les RS RE ee é Lier ri .__, JÉRNTE R , 10 we. _ DES MINÉRAUX. 69 voyageurs, on à aussi trouvé des mines de fer dans les climats plus meridionaux de ce nouveau continent, comme à Saint-Domin- eue, au Mexique, au Pérou, au Chili, à la Guiane et au Bresil; et cependant les Mexi- cains et les Péruviens, qui étoient les peuples les plus policés de ce continent, ne faisoient aucun usage du fer, quoiqu'ils eussent trouvé l'art de fondre les autres métaux; ce qui ne doit pas étonner , puisque dans l’ancien con- -tinent il existoit des peuples bien plus an- ciennement civilisés que ne pouvoient l'être les Américains, et que néanmoins il n'y à pas trois mille cinq cents ans que les Grecs ont, les premiers, trouvé les moyens de fondre la mine de fer, et de fabriquer ce métal dans l'ile de Crète. La matière du fer ne manque donc en au- cun lieu du monde: mais l’art de la travailler - est si difficile, qu’il n’est pas encore univer- sellement répandu, parce qu’il ne peut être avantageusement pratiqué que chez les na-. tions les plus policées, et où le gouverne- ment concourt à favoriser l’industrie: car, quoiqu'il soit physiquement très-possible de faire par-tout du fer de la meilleure qualité, de HISTOIRE NATUREL comImne je m’en suis assuré par expérience, 1l y a tant d’ obstacles S. Fin : | et moraux qui s ‘opposent à cette RES de l’art, que dans l’état présent des choses on, ne peut guère l espérer, Pour en donner un exemple, supposons combustibles. et tirer avantage de ses mines. | Cet établissement , qui exige toujours une grosse mise de fonds, et qui demande autant d'économie dans la dépense que d'intelligence dans les constructions , pourroit rapporter à ce propriétaire environ dix pour cent, si la manutention en etoit administrée par lui- même. La peine et les soins qu’exige la con- duite d’une telle entreprise, à laquelle il faut se livrer tout entier et pour long-temps, le forceront bientôt à donner à ferme ses mines, (A » un homme qui, dans sa propre terre, ait ües - mines de fer et des charbons de terre; ou des ‘1 bois en plus grande quantité que les habitans de son pays ne peuvent en consommer : il lui viendra tout naturellement dans l'esprit l'idée d'établir des forges pour consumer ces ses bois et ses forges ; ce qu’il ne pourra faire qu’en cédant moitié du produit : l'intérêt de sa mise se réduit dès Lors à cinq au lie æ : ; : - et nn “. + + RER. Sd Se DU DES MINÉRAUX \ »r de dix pour cent. Mais le très-pesant imp6e dont la fonte de fer est grevee au sortir du fourneau , diminue si considérablement le bénefice, que souvent le propriétaire de la . forge ne tire pas trois pour cent de sa mise, à moins que des circonstances particulières et très-rares ne lui permettent de fabriquer ses fers à bon marché et de les vendre cher *,. Un autre obstacle moral tout aussi oppose ; quoiqu indirectement, à la bonne fabrica- tiou de nos fers, c’est le peu de preference * J’ai établi dans ma terre de Buffon un haut fourneau avec deux forges : l’une a deux feux et deux marteaux , et l’autre a un feu et un marteau: jy ai joint une ue une double batterie, deux mar- tinets , deux becards, eic. Toules ces constructions … faites sur mon propre terrain ei à mes frais, m'ont ” x 4 . , À LM 20080 ES coûté plus de trois cent mille livres ; je les a faites avec attention et économie ; j'ai ensuile Conduit! pen« dänt douze aus toute la manutention de ces usines : je w’ai jamais pu tirer les intérêts de ma muse au _ denier vingt; et après douze ans d'expérience, j'ai donné à ferme toutes ces usines pour six mille cinq cents livres : ainsi je n’ai pas deux et demi pour cent de mes fonds, tandis que l’impôt en produit à ‘très-peu près autant et saus mise de fonds à la caisse 72 HISTOIRE NATURELLE À qu’on donne aux bonnes manufactures, et le peu d'attention pour cette branche de. com _merce qui pourroit devenir. l’une des plus É importantes du royaume, et qui languit par. ; la liberté de l'entrée des fers étrangers. Le mauvais fer se fait à bien meilleur compte que le bon, et cette différence est au moins du cinquième de son prix : nous ne ferons donc jamais que du fer de qualité médiocre, tant que le bon et le mauvais fer seront éga- : Jement grevés d'impôts, et que les étrangers aous apporleront, sans un impôt propor— » tionuel, la quantité de bons fers dont on ne peut se passer pour ceftains ouvrages. D'ailleurs les architectes et autres gens chargés de régler les mémoires des ouvriers qui emploient le fer dans les bâtimens et dans la construction des vaisseaux, ne font pas assez d'attention à la différente qualité des … fers ; ils ont un tarif général et commun sur À du domaine. Je ne cite ces faits que pour mettre en gs arde contre des spéculations 1llusoires les gens qui pensent à faire de semblables établissemens, et pour laive voir en même temps que le gouvernement, qu eu re le profit le plus uet, leur doit protecuon. : Cr EE = nl ue LA Bénin nr ais : JRSRES DES MINÉRAUX. 73 lequel ils règlent indistinctement le prix du fer, en sorte que les ouvriers qui l’emploient pour leur compte dédaienent le bon, et ne prennent que le plus mauvais et le moins cher : à Paris sur-tout, cette inattention fait que dans les bâtimens on n’emploie que de mauvais fers; ce qui en cause ou précipite la ruine. On sentira toute l’étendue de ce pré- judice , si l’on veut se rappeler ce que j'ai prouvé par'des expériences *; c'est qu'une barre de bon fer a non seulement plus de durée pour un long avenir, mais encore quatre ou cinq fois plus de force et de résistance actuelle qu'une pareille barre de mauvais fer. Je pourrois m'étendre bien davantage sur les obstacles qui, par des réglemens mal en- tendus , s'opposent à la perfection de l’art des forges en France : mais, dans l’histoire naturelle du fer, mous devons nous borner à le considérer dans ses rapports physiques, en exposant non seulement les différentes formes saus lesquelles 1l nous est présenté par la Nature, mais encore toutes les différentes * Voyez, Partie expérimentale, Mémoire sur la ténacité du fer, tome V. ne HIST OIRE NATURELLE manières de traiter les mines et les fontes de fer pour en obtenir du bon métal. Ce point de vue physique, aujourd’ hui contrarié par, 3 les obstacles moraux dont nous venons de parler, est néanmoins la base réelle sur la= quelle on doit se fonder pour la conduite des travaux de cet art, et pour changer ou modi= \ fier les réglemens qui s’opposent à nos succès en ce genre. ; Fi | Nous w’avons en France que peu de ces A roches primordiales de fer, si communes dans les provinces du Nord, et dans lesquelies élément du fer est toujours mêle et intime- meut uni avec une matière vitreuse. La plu- part de nos mines de fer sont en petits grains ou en rouille, et elles se trouvent ordinaire: ment à la profondeur de quelques pieds : elles sont souvent dilatées sur un assez grand Le pace de terrain, où elles out été déposées par lesanciennesalluvions des eaux avant qu'elles eussent abandonné la surface de nos conti- nens. Si ces mines ne sont méêlées que de sables calcaires, un seul lavage ou deux suf- firont pour les en séparer, et Les rendre pro= pres à être mises au fourneau : la portion de. sable calcaire que l’eau n'aura pas emportée k DES MINÉRAUX. 75 servira.de castine; il n’en faudra point ajou- ter, et la fusion de la mine sera facile et prompte : on observera seulement que quand la mine reste trop chargée de ce sable cal- caire, et qu’on n’a pu l'en séparer assez en la lavant ou la criblant, il faut alors y ajouter au fourneau une petite quantité de terre limoneuse, qui, se convertissant en verre, fait fondre en même temps cette matière cal- caire superilue, et ne laisse à la mine que la quantité nécessaire à sa fusion; ce qui fait la bonne qualité de la fonte. Si ces mines en grains se trouvent au con- traire mêlées d’argille fortement attachée à leurs grains, et qu'on a peine d'en séparer par le lavage, il faut le réitérer plusieurs fois, et donner à cette mine au fourneau une assez grande quantité de castine : ceite ma-— tière calcaire facilitera la fusion de la mine en s'emparant de l’argille qui enveloppe le grain, et qui se fondra par ce mélange. Il en sera de même si la mine se trouve mélée de petits cailloux ; la matière calcaire accélérera leur fusion : seulement on doit laver, cribler et vanner ces mines, afin d'en séparer, au- tant qu'il est possible, les petits cailloux z 56 HISTOIRE NATURELLE JET “qui souvent y sont en trop grande quanti Fu J'ai suivi l'extraction et le traitement de. ces trois sortes de mines : les deux premiêies étoient 67 zappes, c'est-à-dire, dilatées"dans une assez grande étendue de terrain ; la’ der- nière , mêlée de petits cailloux, étoit auton- à traire ex nids ou en sacs, dans les fentes.per- pendiculaires des bancs de pierre caléaire. Sur une vingtaine de ces mines ensachées dans les rochers calcaires, j'ai constamment observe qu’elles n’étoient mêlées que de‘petits cailloux quartzeux, de calcédoines et de sables vitreux, mais point du tout de graviers ou « de sables calcaires, quoique ces mines fussent environnées de tous côtes de bancs solides de pierres calcaires dont elles remplissoient Les 4," intervalles ou fentes perpewdiculaires à d’as- ? sez grandes profondeurs, comme de cent, cent cinquante et jusqu'à deux cents pieds :: n ces fentes, toujours plus larges vers la su ficie du terrain, vont toutes en se rétrecis à mesure qu'on descend , et se terminent par la réunion des rochers calcaires dont les bäncs deviennent continus au-dessous. Ainsi, quand ce sac de mine étoit vidé, on. pouvoit:exa- miner du haut en bas et de tous côtés les DES MINÉRAUX. parois de la fente qui la contenoit ; elles étoient de pierre purement calcaire, sans aucun mélange de mine de fer ni de petits cailloux : les bancs étoient horizontaux, et l’on voyoit évidemment que la fente perpen- diculaire n’étoit qu'une disruption de ces bancs, produite par la retraite et le dessé- chement de la matière molle dont.ils étoient d’abord composés ; car la suite de chaque banc se trouvoit à la même hauteur de l’autre côté de la fente , et tous étoient de même par- faitement correspondans du haut jusqu’en bas de la fenté. J'ai de plus observé que toutes les parois de ces fentes étoient lisses et comme usées par le frottement des eaux, en sorte qu’on ne peut guère douter qu'après l’établissement de la matière des bancs calcaires par lits ho- rizontaux , les fentes perpendiculaires ne sé sgent d'abord formées par la retraite de cette Matière sur elle-même en se durcissant; après quoi ces mêmes fentes sont demeurées vides, et leur intérieur , d'abord battu par les eaux 1 n'a reçu que dans des temps postérieurs les mines de fegjqui les remplissent. Ces transports paroissent être les derniers 7 4 58 commencé par! étendre les pee et pro, sables vitreux sur la roche du globe, et.sur toutes les matières solides NE par le feu primitif ; les schistes se sont formés par le desséchement des argilles, et les grès par Ja reunion des sablons quartzeux; ensuite les poudres calcaires ,; produites par les débris des premiers coquillages , ont forme les bancs de pierre, qui sont presque toujours posés au-dessus des schistes et des argilles , et en même temps les détrimens des végétaux des- cendus des parties les plus élevées du globe . s ’ . Ê ne it ont formé les veines de charbons et de bi- itumes; enfin les derniers mouvemens de la mer, peu de temps avant d'abandonner la surface de nos collines, ont amene dans les: fentes perpendiculaires des bancs calcaires ces mines de fer en grains qu'elle a lavés et séparés de la terre végétale, où ils s’étoiemt formés, comme nous l'avons expliqué*. Nous observerons encore que ces mines qui * Voyez, dans le tome X des Matières gené= rales, l'article qui a pour titre, dege Te T'erre végé= : tale. F 4 fl + DES MINÉRAUX #7 se trouvent ezsachées dans les rochers cal- caires, sont communément en grains plus gros que celles qui sont dilatées par couches sur une grande étendue de terrain* : elles n'ont de plus aucune suite , aucune autre correspondance entre elles que la direction de ces mêmes fentes, qui, dans les masses calcaires, ne suivent pas la direction géné rale de la colline, du moins aussi régulière- ment que dans les montagnes vitreuses ; en sorte que quand on a épuisé un de ces sacs de mine, l’on n’a souvent nul indice pour eti trouver un autre. La boussole ne peut ser- vir ici; car ces mines en grains ne font au- cun effet sur l'aiguille aimantée, et la direc- tion de la fente n’est qu'un guide incertain : car, dans la même colline, on trouve des PR dont la plus grande dimension hori- zontale s’étend dans des directions très-diffé- rentes et quelquefois opposées; ce qui rend la recherche de ces mines très-équivoque et * Ce n’est qu'en quelques endroits que l’on trouve de ces mines dilatées en gros grains sur une grande étendue de terrain. M. de Grignon en a recounu quelques unes de telles en Franche-Comté. go leur an à: si 4. assuré, Si RAA a, 1 qu'il seroit fort imprudent d’établir un four- À neau dans un lieu où l’on n’auroit que de ces mines en sacs, parce que ces sacs étant une fois épuises, on ne seroit nullément assuré d'en trouver d’autres : Les plus considérables de ceux dont j'ai fait l'extraction, ne‘conte- noient que deux ou trois mille muids de mine, quantité qui suffit à peine à la consom- mation du fourneau pendant huit ou, dix mois. Plusieurs de ces sacs ne contenoient que quatre ou cinq cents muids, et l’on est toujours dans la crainte de n’en pas trou— ver d’autres après les avoir épuisés; il faut donc s'assurer s’il n’y a pas à proximité, c’est-à-dire, à deux ou trois lieues de distance du lieu où l’on veut établir un fourneau, d'autres mines en couches assez étendues pour pouvoir être moralement sûr qu'une extrac- tion continuce pendant un siècle ne les épui- sera pas : sans cette prévoyance, Ja matière métallique venant à manquer, tout le travail cesseroit au bout d’un temps, la forge péri- roit faute d’aliment, et l’on seroit oblige de détruire tout ce que l’on auroit édifie. Au reste, quoique le fer se reproduise en LE DES MINÉRAUX. Su grains sous nos yeux dans la terre végétale, c’est en trop petite quantité pour que nous puissions en faire usage; car toutes les mi- _mières dont nous faisons l'extraction, ont été amenées , lavees et déposées par les eaux de la mer lorsqu'elle couvroit encore nos conti- neus. Quelque grande que soit la consomma- tion qu'on a faite et qu’on fait tous les jours de ces mines, il paroiït néanmoins que ces anciens dépôts ne sont pas, à beaucoup près, épuisés , et que nous en avons en France pour un grand nombre de siècles, quand même la consommation doubleroit par les encourage- mens qu’on devroit donner à nos fabrications de fer : ce sera plutôt la matière combustible qui manquera, si l’on ne donne pas un peu plus d'attention à l'épargne des bois, en favo- risant l'exploitation des mines de charbon de terre. Presque toutes nos forges et fourneaux ne sont entretenus que par du charbon de bois x * Les charbons de chêne, charme, hêtre et autres bois durs, sont meilleurs pour le fourneau de fusion ; et ceux de tremble, bouleau et autres ‘A bois mous, sont préférables pour l’affiuerie ; maïs SE SN RES de EN Sage F4 FAT PANIAMAER HAS NERO 8: HISTOIRE NATURELLE et comme il faut dix-huit à vingt ans d'âge au bois pour être converti eu bon charbon, ou doit compter qu'avec deux cent cinquante | arpens de bois bien économisés , l’on peut: faire annuellement six cents ou six cent cin- quante milliers de fer : il faut donc pour l’en- trelien d’un pareil établissement, qu'il y ait. au moins dix-huit fois deux cent es ou quatre mille cinq cents arpens à portée, c’est-à-dire , à deux ou trois lieues de dis- tance, indépendamment d’une quantité égale . ou plus grande pour la consommation du pays. Dans toute autre position, l’on ne il faut laisser reposer pendant quelques mois les charbons de bois durs. Le charbon de chêne em- ployé à l’affinerie rend le fer cassant ; mais au four- neau de fusion , c’est de tous les charbons celui qui portele plus de mine : ensuite c’est le charbon de hêtre , celui de sapin, et celui de châtaignier, qui de tous en porte le moins, et doit être réservé, avec Jes bois blancs, pour l’affinerie, On doit tenir séche- ment et à couvert tous les charbons ; ceux de bois blancs sur-tout s'altèrent à l'air et à la plie dans très-peu de temps; le charbon des jeunes chênes 4 depuis dix-huit jusqu’à trente ans d’âge, est celui qui brûle avec le plus d’ardeur. DES MINERAUX. 83 pourra faire que trois on quatre cents mil- liers de fer par la rareté des bois; et ‘toute forge qui ne produiroit pas trois cents mil- lrers de fer par an, ne vaudroit pas la peine d'être établie ni maintenue:: or c'est le cas d’un grand nombre deces établissemens faits dans les temps où le bois étoit plus commun, où on ne le tiroit pas par le flottage des pro- - vinces éloignées de Paris, où enfin: la popu lation étant moins grande, la consommation du bois, comme de toutes les autrès denrées, étoit moindre ; mais maintenant que toutes ces causes et notre plus grand luxe ont con- couru à la disette du bois, on sera force de s'attacher à la recherche de. ces anciennes forêts enfouies dans le sein de la terre, et ‘qui, sous une forme de matière minérale, ont retenu tous les principes de la combus- tibilité des végétaux, et peuvent les suppléer mon seulement pour l'entretien des feux et des fourneaux nécessaires aux arts, mais en- core pour l’usage des cheminées et des poêles de nos maisons, pourvu qu’on donne à ce charbon minéral les préparations conve-- nables. î * Les inines en rouille ou en ocre, celles en L'OPPRIEN grains, et les mines spathiques ou en con< crétions, sont les seules qu'on puisse ericore _traiter avantageusement dans la plupart de nos provinces de France, où le bois n’est pas fort abondant; car quand même on y décou= vriroit des mines de fer primitif, c’est-à-dire ,- de ces roches primordiales, telles que celles des contrées du Nord, dans lesquelles la subs- tance ferrugineuse est intimement mêlée avec la matière vitreuse, cette découverte nous seroit peu utile, attendu que le traitement de ces mines exige près du double de con- sommation de matière combustible ; puis- qu'on est obligé de ies faire griller au feu pendant quinze jours ou trois semaines, avant de pouvoir les concasser et les jeter au four- neau ; d’ailleurs ces mines en roche, qui sont en masses trés-dures , et qu’il faut souvent tirer d’une grande profondeur, ne peuvent être exploitées qu'avec de la poudre et de grands feux, qui les ramollissent ou les font éclater : nous aurions donc un grand avan- tace sur nos concurrens étrangers , si nous avions autant de matières combustibles; çar avec la mème quantité nous ferions le double de ce qu’ils peuvent faire, puisque l'opération <= DES MINÉRAUX. . 8 _du grillage consomme presque autant de com- bustible que celle de la fusion ; et, comme je l’ai souvent dit , il ne tient qu’à nous d’avoir d'aussi bon fer que celui de Suède, dès qu’on ne sera pas force; comme on l’est aujour- d'hui, de trop épargneï le bois, ou que nous pourrons y suppleer par l'usage du charbon de terre épure. _ | La bonne qualité du fer provient princi- palement du traitement de la mine avant et après sa mise au fourneau. Si l’on obtient une très-bonne fonte, on sera déja bien avancé pour faire d'excellent fer. Je vaisindiquer, le plus sommairement qu'il me sera possible, les moyens d'y parvenir, et par lesquels jy suis parvenu moi-même, quoique je n’eusse sous ma main que des mines d’une très-me-— diocre qualite. | IL faut s'attacher, dans l'extraction des mines en grains , aux endroits où elles sont les plus pures; si elles ne sont mêlées que d'un quart ou d'un-tiers de matière étran- gère , on doit encore les regarder comme bonnes : mais si ce mélange hétérogène est de deux tiers ou de trois quarts, il ne sera guère possible de les traiter ayantageuse- | 8 86 HISTOIRE NATURELLE ue ment, et l’on fera mieux de les négliger et. de chercher ailleurs; car il arrive toujours que , dans la même minière, dilatée sur une étendue de quelques lieues de terrain , il se trouve des endroits où la mine est beaucoup plus pure que dans d’autres, et de plus, la portion inférieure de la minière est commu- nément la meilleure : am contraire, dans les minières qui sont en sacs perpendiculaires, © la partie supérieure est toujours la plus pure, et on trouve la mine plus mélangée à mesure que l’on descend. Il faut donc choisir , et dans les unes et dans les autres, ce qu’elles auront de mieux, et abandonner le reste si l'on peut s’en passer. : — Cette mine , extraite avec choix, sera con duite au lavoir pour en séparer toutes les inalières terreuses que l’eau peut délayer, et qui entrainera aussi la plus grande partie des sables plus menus ou plus légers que les grains de la mine ; seulement il faut être attentif à ne pas continuer le lavage dès qu’on s'apperçoit qu'il passe beaucoup de mine avec le sable*, ou bien il faut recevoir ce: * Ce seroit entrer dans un trop gxand détail, que 3 * DES MINÉRAUX. Sy sable mêlé de mine dans un dépôt d’où l’on puisse ensuite le tirer pour le cribler ou le vanner , «afin de rendre la mine assez nette pour or la méler avec l'autre. On doit de même cribler toute mine lavée qui reste encore chargée d’une trop grande quantité de sable ou de petits cailloux. En général, plus on épurera la mine par les lotions ou par le crible, et moins on consommera de combustible pour la fondre, et l’on sera plus que dédommagé de la dépense qu’on aura faite pour cette préparation de la mine par sou produit au fourneau *. de donner ici les proportions et les formes des dif= . férens lavoirs qu’on a iuaginés pour nettoyer les mises de fer en grains, et les purger des matières étrangères, qui quelquefois sont tellement unies aux grains, qu’on a grande peine à les en détacher. Le lavoir foncé de fer et per de petits trous, inventé par M. Robert, sera très-utile pour les mines ainsi mélées de terre grasse et attachante ; maïs pour toutes les autres mines qui ne sont mélangées que de sable calcaire on de petits cailloux vitreux, les la- voirs les plus simples suffisent ei niême doivent être prélérés. * Les cribles cylindriques , longs de quatre à y 1 2 & 83 HISTOIRE NATURELLE. : La mine épurée à ce point peut être con \ fiée au foufneau avec certitude d’un bon pro- | duit en quantité et en qualite ; une livre ets, demie de charbon de bois sufhira pour pro- duire une livre de fonte, tandis qu'il faut : uue livre trois quarts et quelquefois jusqu’à ï deux livres de charbon lorsque la mine est restée trop impure : si elle n’est mêlée que de petits cailloux ou de sables vitreux on fera bien d'y ajouter une certaine quantité de matière calcaire, comme d’un sixième ou d'un huitième par chaque charge, pour en faciliter la fusion ; si au contraire elle est trop mêlée de matière calcaire, on ajou- cinq pieds sur dix-huit ou vingt pouces de diamètre , montés en fl de fer sur un axe à rayons, sont les plus expéditifs et les meilleurs ; j’en ai fait cons- truire plusieurs et je m'en suis servi avec avantage: un enfant de dix ans suffit pour tourner ce crible, dans lequel le minérai coule par une trémie ; le sablon le N plus fin tombe au-dessous de la tête du crible, les À grains de mine tombeut dans le milieu , et les plus gros sables et petits cailloux vont au-delà par Peffet de la force centrifuge : c’est de tous les moyens le plus sûr pour rendre Ja mine aussi nette qu'il est possible. | \ DES MINÉRAUX: 8 tera une petite quantité, comme d’un quin- _Zième ou d'un vingtième, de terre Hmo-— neuse, ce qui suflira pour en accélérer la fusion. | Il y a beaucoup de forges où l’on est dans l'usage de mêler les mines de différentes qua- - lités avant de les jeter au fourneau; cepen- dant on doit observer que cette pratique ne t être utile que dans des cas particuliers : il ne faut jamais mélanger une mine très- fusible avec une mine réfractaire, non plus qu’une mine en gros morceaux avec une mine en très-petits grains, parce que l’une se fondant en moins de temps que l’autre, 1 arrive qu'au moment de la coulée, la mine réfractaire ou celle qui est en gros morceaux n’est qu'à demi fondue ; cequi donne une mau- vaise fonte dont les parties sont mal liées : il vaut donc mieux fondre seules les mines, de quelque nature qu’elles soient, que de les mélemavec d'autres qui seroient de qua- lités très-différentes. Mais comme les mines en grains sont à peu pres de la même nature, la plus ou moins grande fusibilité de ces mines ne vient pas de la différente qualité des grains, et ne provient que de la nature 8 90 HISTOIRE NATURELLE des terres et des sables qui y sont mêlés. el ce sable est calcaire, la fonte sera facile; s se est vitreux ou arsilleux, elle sera nait cile : on doit corriger l’un par l’autre lors- que l’on veut mélanger ces mines au four- neau ; quelques essais sufhisent pour recon- noitre la quantité qu’il faut ajouter de lune pour rendre l’autre plus fusible. En général, . le mélange de la matière calcaire à la ma- tière vitreuse les rend bien plus fusibles qu'elles ne le seroient séparément. Dans les mines en roche ou en masse, ces essais sont plus faciles ; il ne s’agit que de trouver celles qui peuvent servir de fondant . aux autres. Il faut briser cette mine massive en morceaux d'autant plus petits qu’elle est plus réfractaire. Au reste, les mines de fer qui contiennent du cuivre doivent ètre reje- tées , car elles ne donneroient que du fer très-cassant. La conduite du thrisné demande tout, autant et peut-être encore plus :d’ attention que la préparation de la mine. Après avoir laisse le fourneau s’échautffer lentement pen- dant trois ou quatre jours, en imposant suc- eessivement sur le charbon une petite quan r DES MINÉRAUX. y tité de mine ( environ cent livres pesant), on met en jeu les soufflets en ne leur don- nant d’abord qu’un mouvement assez lent ( de quatre ou cinq foulées par minute); ou commence alors à augmenter la quantité de la mine, et l’on en met, pendant les deux premiers jours , deux ou trois mesures (d’en- Viron soixante livres chacune) sur six me- sures de charbon (d'environ quarante livres pesant), à chaque charge que l’on impose au fourneau; ce qui ne se fait que quand les charbons enflammés dont il est plein ont baissé d'environ trois pieds et demi. Cette quantité de charbon qu’on impose à chaque charge étant toujours la même, on augmen- _tera graduellement celle de la mine d’une demi-mesure le troisième jour, et d'autant chaque jour suivant, en sorte qu'au bout de - huit ou neuf jours on imposera la charge complète de six mesures de mine sur six me- sures de charbon : mais il vaut mieux, dansie commencement, se tenir au-dessous de cette proportion que de se mettre au-dessus. On doit avoir l'attention d'accélérer la vi- tesse des souïflets en même proportion à peu près qu'on augmente la quantité de mine, et 02 HISTOIRE NATURELLE l'on pourra porter cette vie jusqu’à dix. coups par minute, en leur supposant trente pouces de foulée , et jusqu’à douze coups si la foulée n’est que de vingt-quatre ou vingt- cinq pouces. Le régime du feu dépend de la couduite du vent, et de tous deux dépendent la célérité du travail et la fusion plusou moins parfaite de la mine : aussi dans un fourneau bien construit tout doit-il être en juste proportion ; la grandeur des soufflets, la lar- geur de l’orifice de leurs buses, doivent être réglées sur la capacité du fourneau : une trop petite quantité d’air feroit languir le feu, une trop grande le rendroit trop vif et dévo- rant ; la fusion de la mine ne se feroit, dans le premier cas, que très-lentement et impar- faitement, et dans le second, la mine n’au- roit pas le temps de se liquéfier ; elle brüle- ‘ roit en partie, au lieu de se fondre en entier. On jugera du résultat de tous ces effets combinées par la qualité de la zzatte ou fonte de fer que l’on obtiendra. On peut couler toutes les neuf à dix heures ; mais on fera mieux de mettre deux ou trois heures de plus entre chaque coulée : la mine en fusion tombe comme une pluie de feu dans le creu- tt ÿ + DES MINÉRAUX. 93. set, où. elle se tient en bain, et se purifie d'autant plus qu’elle y séjourne plus de temps ; les scories vitrifiées des matières étrangères dont elle étoit mêlée surnagent le métal. fondu , et le défendent en même temps _de la trop vive action du feu , qui ne man- queroit pas d’en calciner la surface. Mais comme la quantité de ces scories est toujours irès-considérable , et que leur volume bour- souflé s’éleveroit à trop de hauteur dans le creuset, on a soin de laisser couler et même de tirer cette matière superflue, qui n’est que du verre impur , auquel on a donné le nom de laitier, et qui ne contient aucune partie de métal lorsque la fusion de la mine se fait bien : on peut en juger par la nature même de ce laitier ; car s’il est fort rouge, s’il coule difhcilement, s'il est poisseux ou mêlé de mine mal fondue , il indiquera le mauvais travail du fourneau : il faut que ce laitier soit coulant et d’un rouge léger en sortant du fourneau ; ce rouge que le feu lui donne s’évanouit au moment qu'il se refroidit, et | il prend différentes couleurs suivant les ma- tières étrangères qui dominoient dans le mé- lange de la mine. 10 SNS NES UT 2 150 FUUOATIENNES ut 94 HISTOIRE NATURELLE On pourra donc toutes les douze dire | obtenir une gueuse ou lingot d'environ deux milliers ; et si la fonte est bien liquide et d’une belle couleur’de feu, sans être trop étincelante, on peut bien augurer de sa qua- lité : mais on en jugera mieux en l'exami- nant après l'avoir couverte de poussière de u charbon, et l’avoir laissé. refroidir au moule ! pendant six ou sept heures ; ;-s1 fe lingot est: très-sonore , s'il se casse aisément sous la « masse, si la matière en est blanche et com- | posée de lames brillantes et de gros grains à facettes , on prononcera sans hésiter que cette fonte est de mauvaise ou du moins de très- médiocre qualité, et que, pour la convertir en bon fer, le travail ordinaire de l’affinerie ne seroit pas suffisant. Il faudra done tâcher de corriger d'avance cette mauvaise qualite de la fonte par le traitement au fourneau : pour cela, on diminuera d'un huitième où même d'un sixième la quantité de mine que l’on impose à chaque charge sur la même 1 quantité de charbon , ce qui seul suffira pour M changer la qualité de la fonte ; car alors on obtiendra des lisgots moins sonores, dont la matière, au lieu d’être blanche et à gros. Rs. Tr Ne | DES MINÉRAU X. 95 grains, sera grise et à petits grains serrés ; et si l'on compare la pesanteur spécifique de “ces deux fontes, celle-ci pesera plus de cinq cents livres le pied cube, tandis que la pre- mière n’en pesera guère que quatre cent soixante-dix ou quatre cent soixante-quinze ; et cette fonte grise à grains serrés donnera du bon fer au travail ordinaire de l’affinerie, où elle demandera seulement un peu plus de temps et de feu pour se liquéfier. Il en coûte donc plus au fourneau et plus à l'afinerie pour obtenir du bon fer que pour en faire du mauvais, et j estime qu'avec la même nine la différence peut ‘aller à un quart en'sus. Si la fabrication du mauvais fer coûte cent francs par millier, celle du bon fer coûtera cent vingt-cinq livres; et malheureusement dans le commerce on ne paye guère qué 10 livres de plus le bon fer , et souvent même on le néglige pour n’acheter que le mauvais. Cette différence seroit encore plus grande si l'on ne regagnoit pas quelque chose dans la conversion de la bonne fonte en fer; il n’en faut qu'environ quatorze cents pesant, tandis qu il faut au moins quinze et souvent seize cents d'une mauvaise fonte pour faire un SE re de fer. 0e 4 MN, pourroit donc faire de la bonne fonte et fa- briquer du bon fer: mais l’ impôt dont il est grevé force la plupart de nos maîtres de forges à négliger leur art, et à ne rechercher que ce qui peut diminuer la dépense et augmenter M la quantité; ce qui ne peut se faire qu’en altérant la qualité. Quelques uns d’entre eux, pour épargner la mine, s'étoient avisés de faire broyer les crasses ou scories qui sortent . du foyer de l’afhinerie , et qui contiennent une certaine quantité de fer intimement mêlé avec des matières vitrifiées ; par cette addi= û \108 tion., ils trouvèrent d’abord un bénéfice con- sidérable en apparence : le fourneaü rendoit beaucoup plus de Feet ; mais elle étoit si 14 N # 1 he 44 ÿ 1 mauvaise, qu'elle HE 4 à l’afinerie ce À qu’elle avoit gagné au fourneau, et qu'après cette perte, qui compensoit le bénéfice, ou plutôt le réduisoit à rien, il y avoit encore w tout à perdre sur la qualité du fer, qui parti cipoit de tous les vices de cette mauvaise fonte ; ce fer étoit si cendreux, si cassant qu'il ne pouvoit être admis dans le com- merce. ALT | Au reste, le produit en fer que peut don- — # 1% wi d n L À. ù, LL k ’ | DES MINÉRAUX. y» ner la fonte, dépend aussi beaucoup de la manière de la traiter au feu de l’afhnerie. &« J'ai vu, dit M. de Grignon, dans des forges « du bas Limousin, faire avec la même fonte « deux sortes de fer: le premier , doux, d’ex- « cellente qualité et fort supérieur à celui «du Berri ; on y emploie quatorze cents « livres de fonte : le second est une combi- «naison de fer et d'acier pour les outils « aratoires, et l’on n’emploie que douze cents « livres de fonte pour obtenir un millier de « fer ; mais on consomme un sixième de « plus de charbon que pour le premier. Cette « différence ne provient que de la manière « de poser la tuyère, et de préserver le fer « du contact immédiat du vent ». Je pense qu’en effet, si l’on pouvoit, en affinant la fonte , la tenir toujours hors de la ligne du vent, et environnée de manière qu’elle ne füt point exposée à l’action de l'air , ils’en brüleroit beaucoup moins, et qu'avec douze cents ou tout au plus treize cents livres de fonte on obtiendroit un millier de fer. La mine la plus pure, celle même dont on a trié les grains un à un, est souvent intimement mêlée de particules d’autres ; 9 98 HISTOIRE NATURELLE meéfauxou demi-métaux, et particulièrement | de cuivre et de zinc. Ce premier métal, qui est fixe, reste daus la fonte ; et le zinc, qui est volatil, se sublime ou se brûle, à La fonte blanche, sonore et cassante, que je réprouve pour la fabrique du bôn fer , n’est guère plus propre à être moulée; elle se boursoutle au lieu de se condenser par la retraite, et sé casse au moindre choc : mais la fonte blanchätre et qui commence à tirer au gris, quoique très-dure et encore assez aigre , est très-propre à faire des colliers d'arbres de roues , des enclumes, et d’autres grosses masses qui doivent résister au frotte- ment ou à la percussion. On en fait aussi des boulets et des bombes : elle se moule aisé- ment et ne prend que peu de retraite dans le. moule. On peut d’ailleurs se procurer à moindres frais cette espèce de fonteau moyen de simples fourneaux à réverbère *, sans P * C'est la pratique commune en plusieurs pro- vinces de la Grande-Bretagne, où l'on fond et coule : de cette manière les plus belles fonies moulées et des inasses de plusieurs milliers en gros cylindres ct autres formes. Nous pourrions de même faire a. EE Pre nr TE ve 9 DES ir RTE Ms LS RES PE BA hg miage D à ES. i PERRIER NT done En DT PC L PONRE € nn NÉ ne DES MINÉRAUX. sonfflets , et dans lesquels on emploie le char- bon de terre plus ou moins épuré. Comme ce combustible donne une chaleur beaucoup plus forte que celle du charbon de bois, la mine se fond et coule dans ces fourneaux aussi promptement et en plus grande quan tité que dans nos hauts fourneaux, et on a l'avantage de pouvoir placer ces fourneaux par-tout, au lieu qu’on ne peut établir que usage de ces cran dans les lieux où le charbon de terre est à à portée. M. le marquis de Luchet m ‘a écrit qu'il avoit fait essai de cette méthode dans les provinces du comté de Nassau. « J’ai mis, dit-il, « dans un ‘ourneau construit.selon la méthode an- « gloise, cinq quintaux de mine de fer ; et au bout « de huit heures, la mine étoit fondue ». Je suis convaincu de la vérité de ce fait, que M. de Luchet opposoit à un fait également vrai, et que j'ai rap- porté. Voyez l’Zntroduction à l’ Histoire des miné- raux, tome IV des Matières générales, page 103. C'est que la mine de fer ne se fond point dans nos fourneaux de réverbère, même les plus puis- sans, tels que ceux de nos verreries et glaceries; la différence vient de ce qu on la chauffe avec du bois . dont la chaleur n’est pas à beaucoup près aussi forie que celle du charbon de terre. : { ; Fe ROSES 100 HISTOIRE NATURELLE sur des courans d’eau nos grands fourneaux à soufflets : mais cette fonte faite au charbon de terre dans ces fourneaux de réverbère ne donne pas du bon fer, et les Anglois, tout industrieux qu’ils sont, n’ont pu jusqu'ici parvenir à fabriquer des fers de qualité même médiocre avec ces fontes , qui vraisemblable- ment ne s’épurent pas assez dans ces four- neaux ; et cependant j'ai vu et éprouvé moi- même qu'il étoit possible, quoiqu’assez diffi- cile , de faire du bon fer avec de la fonte fondue au charbon de terre dans nos hauts fourneaux à soufflets, parce qu’elle s’y épure davantage que dans ceux de réverbère. Cette fonte faite dans des fourneaux de réverbère peut utilement être employée aux ouvrages moulés: mais comme elle n’est pas assez épurée, on ne doit pas s’en servir pour. les canons d'artillerie ; il faut, au contraire, la fonte la plus pure, et j'ai dit ailleurs * qu'avec des précautions et une bonne con- duite au fourneau , on pouvoit épurer la * Voyez, Partie expérimentale, tome VI page 268, Mémoire sur les moyens de perfectionner les : éanons de fonte de fer. DES MINÉRAUX. 10€ fonte au point que les pièces de canon, au lieu de crever en éclats meurtriers, ue fe- roient que se fendre par l'effet d’une trop forte charge, et dès lors résisteroient sans peine et-sans altération à la force de la poudre aux charges ordinaires. Cet objet étant dé grande importance, mé- riteuneattention particulière. Il faut d’abord baunir le préjugé où l’on étoit, qu'il n’est pas possible de tenir la fonte de fer en fusion pendant plus de quinze ou vingt heures, -qu'en la gardant plus long-temps elle se brûle, qu'elle peut aussi faire explosion, qu’on ne peut donner au creuset du fourneau une assez grande capacité pour contenir dix ou douze milliers de fonte, que ces trop grandes di- mensions du creuset et de la cuve du four- - neau en altéreroient ou même en empêche- roient le travail, etc. ; toutes ces idées, quoi- que très-peu fondées, et pour la plupart fausses , ont été adoptées : on a cru qu'il fal- loit deux et même trois hauts fourneaux pour pouvoir couler une pièce detrente-sixetmême de vingt-quatre, afin de partager en deux ou même en trois creusets la quantité de fonte nécessaire, et ne Ja tenir eu fusion que dix # $ us x & LA 7% J NRET NS NU pe \ l'aeal HISTOIRE NATURELLE huit ou vingt heures. Mais, pd meut des mauvais effets de ‘cette méthode Rep et mal conçue, je puis assurer que j'ai tenu pendant quarante-huit heures sept milliers de fonte en fusion dans mou fourneau, sans qu'il soit arrivé le moindre inconvénient, sans qu’elle ait bouillonné plus qu’à l'ordinaire, sans qu’elle se soit brüû- lée, etc. *, et que j'ai vu clairement que si ! | RE LS * Ayant fait part de mes observations à M. le vicomte de Morogues , et lui ayant demandé le ré- sultat des expériences iaites à la fonderie de Ruelle en Angoumois, voici l'extrait des réponses qu’il eut la bonté de me. faire : X « On a fondu à Ruelle des canons de vingt : « quatre à un seul fourneau; le creuset devoit con: « tenir sept nulle cinq cents ou huit mille de ma- « tière : la fusion de la fonte ne peut pas être égale « dans deux fourneaux différens, et c’est ce qui doit « déterminer à ne couler qu’à un seul fourneau. « On emploie environ quarante-buit heures pour « la ‘usion de sept mille cinq cents où huit nulle de « matière pour un canon de vingt-quatre; et lon « emploie vingt-trois à vingt-quatre heures pour Ja « fusion de trois mille cinq cents pour un canoû de « huit: ainsi la fonte du gros canon ayant été le à JU DES MINÉR AUX. 103 la capacité du creuset , qui s’étoit fort aug- mentee par un feu de six mois, eût été plus grande, j'aurois pu y amasser encore autant « double du temps dans le creuset, il est évident « qu’elle a dû se purifier davantage. « 1] nest pas à craindre que la fonte se brule, « lorsqu'elle est une fois en bain daus le creuset. À « la vérité, lorsqu'il y a trop de charbon , et par con- « séquent trop de feu et trop peu de mine dans le « fourneau , elle se brûle en partie au lieu de fondre « en entier ; la fonte qui en résulte est brune, po- « reusg et bourrue, et n’a pas la consistance m1 la « dureté d'une bonne fonte : seulement il faut avoir « attention que la fonte dans le bain soit toujours *« couverte d’une certaine quantité de laitier. Cette « fonte bourrue dont nous venons de parler, est « douce et se fore aisément ; mais, comme elle à «peu de densité et par conséquent de résistance, « elle nest pas bonne pour les canons, « La fonte grise à petits grains doit être préférée « à la fonte trop brune qui est trop tendre, et à la « fonte blanche à gros grains qui est trop dure et « Lrop impure. « {1 faut laisser le canon refroidir lentement dans « son moule, pour éviler la sorte de trempe qui « ne peut que donner de Paigreur à la matiere du 104 HI STOIRE NATURELLE bu de milliers de matière en fusion , qui n 'auroit” rien souffert en la laissant toujon rs Surmon- ice du laitier nécessaire pour la défendre de Ÿ y À ] « canon : bien des gens croient néanmoins que cetie « surface extérieure, qui est la plus dure : donne « beaucoup de force au canon. « I] n'y a pas long - nes que l’on tourne les « pièces de canon, et qu’on les coule pleines pour « les forer ensuite. L’avantage, en les coulant pleines, A est d'éviter les chambres qui se forment dans tous A les canons coulés à noyau. L’avantage de les « tourner consiste en ce qu'elles seront parfaite- « ment centrées et d'une épaisseur égale dans toutes L] les parties correspondantes : le seul inconvénient A du tour est que les pièces sont plus sujettes à la. rouille que celles dont on n’a pas entamé la sur- « face. pd * « La plus grande difficulté est d'empêcher le ca- \! « uon de s’arquer dans le moule; or le tour remé- A petites imperfections du moule. « La premitre couche qui se durcit dans la fonte « d’un canon est la plus extérieure; l'humidité et « Ja fraîcheur du moule lui donnent une trempe « qui pénètre à une ligne ou une ligne et demie dans, « les pièces de gros calibre, et davantage daus ceux 54 die à ce défaut et à tous ceux qui proviennent des. A LAS DES MINÉRAUX. 105 la/trop grande action du feu et du contact de l'air : cette fonte, au contraire, tenue pen- dant quarante-huit heures dans le creuset, « de petit calibre, parce que leur surface est pro- _« porüonpellement plus grande relativement à leur « masse : or cette enveloppe trempée est plus cas- « sante; quoique plus dure que le reste de la ma- « tière, elle ne lui est pas aussi bien intimement « ue, et semble füre un cercle concentrique , assez « disunct du reste de la piece; elle ne doit donc pas « augmenter la résistance de la pièce. Mais si l’on « craint encore de diminuer la résistance du canon « en enlevant l'écorce par le tour, il n’y aura qu'à « compenser cette diminution en donnant deux où « trois lignes de plus d'épaisseur au canon. “«Ona observé que la matière est meilleure dans « la culasse des pièces que dans les volées, et cette « matière de la culasse est celle qui a coulé la pre- « Imière et qui est sortie du fond du creuset, et. « Qui, par conséquent, a été tenue le plus long- « lermps en fusion; au contraire la masseloite du « Canon, qui est la matière qui coule la der-. « mère , est d’une mauvaise qualité et remplie de « SCOries. | | « On doit observer que si l'on veut fondre du « canon de vingt-quatre à un/seul fourneau, il seroit + nl VE étoit que Hate et el épurée ; elle pesoit cinq ceut douze livres le pied cube, | tandis que les fontes grises ordinaires qu’on travailloit alors à mes forges, ne pesoient que quatre cent quatre-vingt-quinze livres, et que les fontes blanches ne pesoient que quatre cent soixante-douze livres le pied cube *. Il peut donc y avoir une différence « mieux de commencer par ne donner au creuset « «que les dimensions nécessaires pour couler du « dix-huit, et laisser agrandir le creuset par lac « Lion du feu , avant de couler du vingt-quatre, et « par la même raison on fera l’ouvrage pour cou- « ler du vingt-quätre , qu’on laissera ensuite agran- « dir pour couler du trenie-six.» * J'ai fait ces épreuves à une très-bonne et grande balance hydrostatique, sur des morceaux cubiques de fonte de quatre pouces, c’est-à-dire , de soixantie- quatre pouces cubes, tous également tirés du milieu des guéuses , et ensui'e ajustés par la lime àces di- mensions. M. Brisson, dans sa table des pesan- teurs spécifiques, donne cinq cent quatre livres © sept onces six gros de poids à un pied cube de fonte, cinq cent quarante - cinq livres deux onces quatre gros au fer forgé, et cinq cent dgarnie sept livres quatre onces à l” acrer, | PR Ve Me. rues Ve ré n ARE 4 QUE DES MINÉRAUX. ro de plus de trente-cinq livres par pied cube, c'est-à-dire, d'un douzième environ sur la pesanteur spécifique de la fonte de fer; et comme sa résistance est tout an moins pro- _ portionnelle à sa densité, il s'ensuit que Les pièces de canon de cette fonte dense résiste- ront à la charge de douze livres de poudre, tandis que celles de fonte blanche et légère éclateront par l'effort d’une charge de dix à ouze livres. Il en est de même de la pureté de la fonte : elle est, comme sa resistance, plus que proportionnelle à sa densité; car ayant comparéle produit en fer de ces fontes, j'ai vu qu'il falloit quinze cent cinquante des premières, et seulement treize cent vingt de la fonte épurée qui pesoit cinq cent _ douze livres le pied cube, pour faire un mil- lier de fer. Quelque grande que soit cette différence, je suis persuadé qu’elle pourroit l'être encore plus, et qu'avec un fourneau construit exprès pour couler du gros canon, dans lequel on ne verseroit que de la mine bien préparée, et a laquelle on donneroit en effet quarante- huit heures de séjour dans le creuset avec un feu toujours égal, on obtiendroit de Ia de crever en A Pr ne fast que se de À comme les canons de bronze, par une trop. ! forte charge. ‘ Car la fonte n’est dans du vrai qu'une matle de fer plus ou moins mélangée de matières vitreuses : il ne s’agiroit dojic que de purger cette matte de toutes les parties hetérogènes, et l’on auroit du fer pur; mais comme cette séparation des parties hétérogènes ne peut se faire complétement par le feu du fourneau, et qu'elle exige de plus le travail de l’homme et la percussion du marteaw, tout ce que l'on peut obtenir par le régime du feu le mieux conduit , le plus long-temps soutenu, est une fonte en régule encore plus épurée que celle dont je viens de parler. Il faut pour cela briser en morceaux cette première fonte, et la faire refondre. Le produit de cette seconde fusion sera du régule, qui est une matière mitoyenne entre la fonte et le fer. Ce régule approche de l’état de métallisation ; il est un peu ductile , ou du moins il n’est ni cassant, ni aigre, ni poreux, comme la fonte ordi- # … DES MINÉRAUX. ro maire; il est au contraire très-dense, très compacte, très-résistant, et par conséquent très-propre à faire de bons canons. C’est aussi le parti que l’on vient de prendre pour les canons de notre marine On casse en morceaux.les vieux canons ou les gueuses de fonte, on les refond dans des fourneaux d'aspiration à réverbere : la fonte s’épure et se convertit en régule par cette seconde fu- sion. On a confié la direction de ce travail à M. Wilkinson, habile artiste anglois, qui a très-bien réussi. Quelques autres artistes françois ont suivi la même méthode avec succés, et je suis persuadé qu’on aura doré- navant d'excellens canons, pourvu qu’on ne s’obstine pas à les tourner ; car je ne puis être ici de l’avis de M. le vicomte de Mo- rogues !, dont néanmoins je respecte les lu- mières , et je pense qu'en enlevant par le - tour l'écorce du canon, on Jui Ôôte sa cui rasse, c'est-à-dire, la partie la plus dure et la plus résistante de toute sa masse ?. 3 Voyez la note précédente. 2 Voicice que m'a écrit à ce sujet M. de la Be- Jlouze, conseiller au parlement de Paris, qui a fuit Mat, gén. XII. 19 cube; et comme le fer forgé pèse + cent » , À Tax pr À ñ » à expériences el des. hs PT TT 2 ses | pèse He de cinq cétts trente ivre le + 4 forges du Nivernois : « Vous regardez, monsieur, « comme fait certain, que la fonte la plus dense est > PES; PA NE LR PROPRES 2 1 « la ineilleure pour faire des canons ; J'ai hésité y. ., en, Na » « long-temps sur cette vérité, et Javois! pense das « bord que la fonte première ,, comme étant:plus « « légère et conséquemment plus élasuqué, cédant « plus facilement à l'impulsion de la poudre, der « vroil être moins sujette à casser que la fonte ,se= A. : ‘coup fr. pesante, À « Je n'ai décidé le sieur Frerot N les faire a fonte refondue que parce qu’en Angleterÿe on ne les « fait que de cette facon ; cependant en France on. «ve les fond que de fonte premie l'E La fonte 8 refondue est beaucoup plus pesante ; car elle pèse cinq cent vingt à cinq cent trente livres, au lieu 4 que l’autre ne pèse que ang cents vies le PI cuhe...… « Vous avez grande raison , monsieur, de dire 2 « qu’il ne faut pas tourner les canons. . La partie « extérieure ‘des canons, c’est-à-dire l'enveloppe, « est toujours la plus dure , et ne se fond jamais au > ‘conde, c'est-à-dire, la fonte relondue qui est beau= ” À DES MINÉRAUX. 11e quarante-cinq ou cinq cent quarante-six livres, et que. la meilleure fonte ne pèse que cinq cent douze, on voit que le régule est. « fourneau de réverbère, et sans le ringard on re « tireroit presque les pièces figurées comme elles « étoient lorsqu'on les a mises au fourneau. Cette « enveloppe se convertit presque toute en fer à l’af- « finerie; car avec onze cents ou onze: cent cin= « quante livres de fonte on fait un millier de très- « bon fer. tandis qu’il faut quatorze cents ou « quinze cents livres de notre fonte première pour « avoir un millier de fer... NL « Vous desireriez, monsieur, qu'on pût couler « les canons avec la fonte d’un seul fourneau ; mais” « le poids en est trop considérable, et je ne crois « pas que le sieur Wilkinson les coule à Indret avec « le jet d’un seul fourneau , sur-tout pour les canons « de vingt-quatre. Le sieur Frerot ne coule que des « canons de dix-buit avec le jet de deux fourneaux « de pareille grandeur et dans la même exposition ; “ il coule avec un seul fourneau les canons de douze : + mais il a toujours un fourneau pres de la fonte, « duquel 1l peut se servir pour achever ie canon; « et le surplus de la fonte du second fourneau s’em= « ploie à couler de petits canons ; on ne fait pour cela que détourner le jet lorsque le plus gros canon est < coulé, » ! (æ2 HISTOIRE NATÜRELLE ÿ > ” . à » qe A \ if e ki dans l’état intèrmédiaire et moyen entre Ia. fonte et le fer. On peut donc être assuré que les canons faits avec ce regule non seulement résisteront à l'effort des charges ordinaires, mais qu'ayant en même temps un peu de ductilité, ils se fondront au lieu d'éclater à de trop fortes charges. On doit préférer ces nouveaux fourneaux | d'aspiration à nos fourneaux ordinaires , parce qu'il ne seroit pas possible de refondre la fonte en gros morceaux dans ces derniers, et qu'il y a un grand avantage à se servir des premiers, que l’on peut placer où l’on veut, et sur des plans élevés, où l’on a la facilité de creuser des fosses profondes pour établir le moule du canon sans craindre l’humi- dité ; d’ailleurs il est plus court et plus facile de réduire la fonte en régule par une seconde fusion que par un très-long sejour dans le creuset des hauts fourneaux : ainsi l’on à très-bien fait d'adopter cette methode pour fondre les pièces d'artillerie de notre ma rine *. * La fonderie royale que le ministre de la ma= rine vient de fre établir près de Nantes en Bre+ * DÉS MINÉRAUX 713 La fonte épurée autant qu’elle peut l'être dans un creuset, ou refondue une seconde fois, devient donc un régule qui fait la nuance ou l’état mitoyen entre la fonte et le fer : ce régule, dans sa première fusion, coule à peu près comme la fonte ordinaire; mais lorsqu'il est une fois refroidi, il devient pres- que aussi infusible que le fer. Le feu des vol- cans a quelquefois formé de ces régules de fer , et c’est ce que les minéralogistes ont appelé mal-à-propos fer natif; car, comme nous l'avons dit, le fer de natureest toujours mêlé de matières vitreuses, et n'existe que dans les roches ferrugineuses produites par. le feu primitif. La fonte de fer tenue très-lons-temps dub lecreuset, sans être agitée et remuée de temps en temps, forme quelquefois des boursouflures ou cavités dans son intérieur, où la matière se crystallise *. M. de Grignon est le premier tague , démontre la supériorité de cette méthode sur toutes celles qui étoient en usage auparavant , et qui étolent sujettes aux inconvéniens dont nous venons de faire mention. | * J’ai fait un essai sur la cryctallisation de la fuite de ler, que je crois devoir rapporter ici. Cet essai a 10 Fe tra HISTOIRE NATURELLE y qui ait observé ces crystallisations du régule LE fait, dans un très grand creusêt ‘dé molybdène è sur 1 une masse d'environ deux cent cinquante livres de fonte : on avoit pratiqué vers le bas de ce creuset un trou de huit à neuf lignes de diamètre , que l’on avoit ensuite bouché avec de la terre de coupelle : ce creu- set fut placé sur une grille et entouré au bas de charbons ardens, tandis que la partie supérieure étoit défendue de la chaleur par une table circulaire de brique; on remplit ensuite le creuset de fonte liquide; et quand la surface supérieure deceite fonte, qui étoit exposte à l'air, eut pris de la consistance, On ouvrit promptement le bas du creuse : il coula d’un seul jet plus de moitié de la fonte encore rouge, et qui laissa une grande cavité dans l’intérieur de toute la masse, Cette cavité se trouva hérissée de ir. s-petits crystaux, dans lesquels on distinguoit, à la loupe , des faces disposées en octaèdres : mais la plupart éloient comme des trémies creuses, puis- qu’avec une barbe de plume elles se détachoïent et tomboient en petits feuillets comme les mines de fer micacées ; ce qui néanmoins est éloigné des belles rio de M. de Grignon, et annonce que, dans cette opération, le refroidissement fut encore trop prompt; car, il est bon de le répéter, ce n'est que par an refroidissement très-lent que la foute eu fusion peut prendré une forme erystallisée, ‘ DES MINÉRAUX. 215 de fer, et l’on a reconnu depuis que tous les métaux et les régules des demi-métaux se crystallisoient de même à un feu bien dirigé et assez long-temps soutenu, en sorte qu'on ne peut plus douter que la crystallisation, prise généralement, ne puisse s’opérer par l'élément du feu comme par celui de l’eau. Le fer est de tous les métaux celui dont, l’état varie le plus; tous les fluides, à l’ex- ception du mercure, l’attaquent et le ron- gent ; l'air sec produit à sa surface une rouille légère, qui, en se durcissant, fait l'effet d’un vernis impénétrable et assez ressemblant au vernis des bronzes antiques : l’air humide forme une rouille plus forte et plus profonde, de couleur d’ocre ; l’eau produit avec le temps, sur le fer qu’on y laisse plongé, une rouille noire et légère. Toutes les substances salines font de grandes impressions sur ce métal, et le convertissent en rouiile : le soufre fait fondre en un instant le fer rouge de feu, et le change eu pyrite. Enfin l’action du feu détruit le fer, ou du moins l’altère, dès qu’il a pris sa parfaite métallisation : un feu très- veéhément le vitrifie; un feu moins violent, mais loug-temmps continué, le réduit en col- 16 HISTOIRE NATURELLE cotar pulverulent; et lorsque le feu est à si | | moindre degré, il ne laisse pas d’attaquer à la longue la substance du fer, et en réduit la surface en lames minces et en écailles. La fonte de fer est également susceptible de des- truction par les mêmes élémens; cependant l’eau n’a pas autant d'action sur la fonte que sur le fer, et les plus mauvaises fontes, c’est-à-dire, celles qui contiennent le plus de parties vitreuses , sont celles sur lesquelles l'air humide ses eau font le moins d’impres- sion. C Après avoir exposé les différentes qualités de la fonte de fer, et les differentes altéra- tions que la seule action du feu peut lui faire subir jusqu’à sa destruction , il faut reprendre cette fonte au point où notre art la convertit en une nouvelle matière que la Nature ne nous offre nulle part sous cette forme, c’est- à-dire, en fer et en acier, qui, de toutes les substances métalliques, sont les plus diffi- ciles à traiter, et doivent, pour ainsi dire, toutes leurs qualités à la main et au travail -de l'homme : mais ce sont aussi les matières qui, comme par dédommagement, lui sont les plus utiles et plus nécessaires:que tous:les # de à DES MINÉRAUX. 119 autres métaux, dont les plus précieux n'ont de valeur que par nos conventions, puisque les hommes qui ignorent cette valeur de côn- vention donnent volontiers un morceau d’or pour un clou. En effet, si l’on estime les matières par leur utilité physique, le sauvage a raison ; et si nous les estimons par le travail qu'elles coûtent, nous trouverons encore qu’il n'a pas moins raison. Que de difficultés à vain- cre ! que de problèmes à résoudre! combien d'arts accumulés les uns sur les autres ne faut-il pas pour faire ce clou ou cette épingle dont nous faisons si peu de cas! D’abord de toutes les substances métalliques la mine de fer est la plus difficile à fondre*: il s’est passé * Il y a quelques mines de cuivre pyriteuses qui sont encore plus longues à traiter que la mine de fer ; il faut neuf ou dix grillages préparatoires à ces mines de cuivre pyriteuses, avant de les réduire en mattes, el faire subir à cette matte l’action succes- sive de trois, quatre et cinq feux avant d'obtenir -du cuivre noir ; enfin il faut encore fondre et pu= rifier ce cuivre noir, avant qu'il devienne cuivre rouge, et tel qu’on puisse le verser dans le com- amerce : ainsi certaines mines de cuivre exigent encore plus de travail que les mines de fer pour 118 HISTOIRE NATURELLE bien des siècles avant qu’on en ait trouvé les moyens. On sait que les Péruviens et les Mexicains n’avoient en ouvrages travaillés que de l’or, de l'argent, du cuivre, ét point de fer; on sait que les armes des anciens peuples de l'Asie n’étoient que de cuivre, et tous les auteurs s'accordent à donner l’im- portante découverte de la fusion de la mine de fer aux habitans de l’île de Crète, qui, les premiers, parvinrent aussi à forger le fer dans les cavernes du mont Ida, quatorze cents ans environ avant l'ère chrétienne. Il faut en effet un feu violent et en grand volume pour foudre la mine de fer et la faire couler en lingots, et il faut un second feu tout aussi violent pour ramollir cette fonte; 1l faut en même temps la travailler avec des ringards de fer avant de la porter sous le marteau pour la forger et en faire du fer; en sorte qu'on n’imagine pas trop comment ces Cré- tois, premiers inventeurs du fer forgé, ont pu travailler leurs fontes, puisqu'ils n'a- être réduites en métal ; mais ensuite le cuivre se prête bien plus aisément que le fer à toutes les formes qu on veut lui donner. ® DES MINÉRAUX. rr9 voient pas encore d'outils de fer. Il est à croire qu'après avoir ramolli les fontes au feu , ils Les ont de suite portées sous le mar- teau , où elles n'auront d’abord donné qu’un fer très-impur, dont ils auront fabriqué leurs premiers instrumens ou ringards, et qu'ayant ensuite travaillé la fonte avec ces iustrumens ; 1ls seront parvenus peu à peu au point de fabriquer du, vrai fer: je dis peu à peu; car, lorsqu'après ces difficultés vain- cues on a forgé cette barre de fer, ne faut-il pas ensuite la ramollir encore au feu pour la couper :sous des trauchans d'acier ‘et Ja séparer em petites verges ? ce qui suppose d’autres machines, d’autres fourneaux, puis enfin uwesart particulier pour réduire ces werges en clous, et un plus grand artsi l’on veut en: faire des épingles. Que de temps, que de travaux successifs ce petit exposé ue nous offre:t-1l pas! Le cuivre, qui, de tous les métaux après le fer, est le plus difficile à trailer, n'exige pas à beaucoup près autant de travaux et de machines : combinées : comme: plus ductile et plus souple , il se prête à toutes les formes qu'on veut lui don- ner; mais onsera toujours étonné que d'une 10 HISTOIRE NATURELLE terre métallique, dont on ne peut faire LE le feu le plus violent qu’ une fonte aigre et cassante, on soit parvenu, à force d’autres feux et de machines appropriées, à: tirer et réduire en: fils déliés cette matière revêche, qui ne devient métal et ne prend de la duc- tilité que sous les efforts de nos mains. Parcourons, sans trop nous arrêter, ‘Ja suite des opérations qu’exigent: cès travaux, Nous avons indiqué ceux dela. fusion des mines : ou coule la fonte en gros lingots ou gueuses dans un sillon de quinze à vingt pieds de longueur sur sept à huit pouces de profondeur, et ordinairement. on les laisse se coaguler et se refroidir dans cette espèce de moule qu’on a soin d’humecter aupara- vant avec de l’eau; les surfaces inférieures du lingot prennent une trempe par cette hu- midité, et sa surface supérieure se trempe aussi par l'impression de l'air. La matière en fusion demeure donc encore-liquide dans l’intérieur: du lingot , tandis que ses faces extérieures ont deja pris de la solidité par le refroidissement : l'effort de cette:chaleur, beaucoup plus forte en dedans et au centre qu’à la circonférence du lingot, le force à ls ee / Î DES MINÉRAUX. 12r se courber, sur-tout s’il est de fonte blanche ; et cette courbure se fait dans le sens où il y a le moins de resistance, c’est-à-dire en haut, parce que la résistance est moindre qu'en bas et vers les côtés. On peut voir dans mes Me- moires * combien de temps la matière reste liquide à l’intérieur après que les surfaces se sont cousolidées. D'ordinaire on laisse la gueuse ou lingot se refroidir au moule pendant six ou sept heures , après quoi on l’eulève, et on est obligé de le faire peser pour payer un droit très-onéreux d'environ six livres quinze sous par millier de fonte; ce qui fait plus de dix livres par chaque millier de fer : c'est le -double du salaire de l’ouvrier, auquel on ne paye que cinq livres pour la façon d’un mil- lier de fer; et d’ailleurs ce droit que l’on per- coit sur les fontes, cause encore une perte réelle et une grande sêne par la nécessité où l’on est de laisser refroidir le lingot poux le peser, ce que l’on ne peut faire tant qu’il est rouge de feu ; au lieu qu’en le tirant du Li Voyez le Mémoire sur la fusion des mines de fer, tome VI, page 207. | Ù 1 à MY ” | Ci HE x22 HISTOIRE NATURELLE NU moule au moment qu'il est consolidé, etle ? mettant sur des rouleaux de pierre pour en- ù. trer encore rouge au feu de l’affinerie, on épargneroit tout le charbon que l’on con somme pour le réchauffer à ce point lorsqu'il est refroidi. Or un impôt qui-non seulement grève une propriété d'industrie qui devroit étrelibre, telleque celle d’un fourneau, mais | qui gène encore le progrès de l’art, et force en même temps à consommer plus de ma- tière combustible qu’il ne serait nécessaire ; cet impôt, dis-je, a-t-1l été bien assis, et | doit-il subsister sous une administration éclairée ? Après avoir tiré du moule le lingot re- froidi , on le fait entrer, par l’une de ses ex- trémités, dans le feu de l’affinérie, où il se ramollit peu à peu, et tombe ensuite par morceaux, que le forgeron réunit et pétrit avec des ringards, pour en faire une loupe de soixante à quatre-vingts livres de poids: dans ce travail, la matière s’épuré'et laisse couler des scories par le fond du foyer. Enfin, lorsqu'elle est assez pétrie, assez maniée eË chauffée jusqu’au blanc, on la tire du feu de l'afhinerie avec de grandes tenailles, et on la s! RL À, AL DES MINÉRAUX. 123 jette sur le sol pour la frapper de quelques coups de masse, et en séparer, par cette pre mière percussion , les scories qui souvent s’attachent à sa surface, et en même temps pour en rapprocher toutes les parties inté- rieures, et les préparer à recevoir la percus- sion plus forte du gros marteau, sans se dé tacher ni se séparer; après quoi on porte avec les mêmes tenailles cette loupe sous un mar- teau de sept à huit cents livres pesant, et qui peut frapper jusqu'à cent dix et cent vingt coups par minute, mais dont on ménage le mouvement pour cette première fois, où il ne faut que comprimer la masse de la loupe par des coups assez lents: car, dès qu'elle a perdu son feu vifiet blanc, on la reporte au _ foyer de J’affinerie pour lui donner une se- conde chaude ; elle s’y épure encore, et laisse couler de nouveau quelques scories; et lors- qu’elle est une seconde fois chauffée à blanc, on la porte de même du foyer sur l’enclume, et on donne au marteau un mouvement de plus eu plus accéléré, pour étendre cette pièce de fer en une barre ou bande, qu’on ne peut achever que par une troisième, quatrième, * et quelquefois une cinquième chaude. Cette x 24 HISTOIRE N CATURELLE - percussion du. marteau pute la fonte en faisant sortir au dehors les matières étran= gères dont elle étoit encore mêlée, et elle rapproche en même temps, par une forte compresstôn, toutes les parties du métal, qui, quand il est pur et bien traité, se présente en. fibres nerveuses toutes dirigées dans le sens de la longueur de la barre, mais qui n’offre au contraire que de gros grains ou des lames à facettes, lorsqu'il n’a pas été assez épuré, soit au fourneau de fusion, soit au foyer de l'affinerie ; et c’est par ces caractères très— simples que l’on peut toujours distinguer les bons fers des mauvais en les faisant cassers ceux-ci se briseut au premier coup de masse, tandis qu’il en faut plus de cent pour casser une pareille bande de fer nerveux, et que souvent même il faut l'entamer avec un ci- seau d'acier pour la rompre. Le fer une fois forgé devient d'autant plus difhcile à refondre, qu’il est plus pur et en plus gros volume ; car on peut assez aisément faire fondre les vieilles ferrailles réduites en plaques minces ou en petits morceaux. Il en est de même de la limaille ou des écailles de fer ; on peut en faire d’excellent fer, soit Rae 7e Le de à RE à ë Al «y ” fi, : PA DES MINERAUX. 125 pour le tirer en fil d'archal, soit pour en faire des canons de fusil, ainsi qu’on le pratique depuis long-temps en Espagne. Comme c’est un des emplois du fer qui demande le plus. de précaution , et que l’on n’est pas d'accord sur la qualité des fers qu’il faut préférer pour faire de bons canons de fusil, j’ai tâché de prendre sur cela des connoissances exactes, et j'ai prié M. de Montbeillard, lieutenant colonel d'artillerie, et inspecteur des armes à Charleville et Maubeuge , de me communi- quer ce que/sa longue expérience lui avoit appris à ce sujet On verra dans la note ci- dessous *, que les canons de fusil ne doivent * Le fer qui passe pour le plus excellent, c’est-à« dire, d’une belle couleur blanche tirant sur le gris, “entièrement composé de nerfs ou de couches hori- zontales, sans mélange de grains, est de tous les fers celui qui convient le moins : observons d'abord qu’on chauffe la barre à blanc pour en faire la macquette, qui est chauffée à son iour pour faire la lame à canon ; cette lame est ensuite roulée dans sa longueur , et chauffée blanche à chaque pouce et demi deux ou trois fois, et souvent plus, pour souder le canon : que peut-il résulter de toutes ces chaudes’ainsi multüipliées sur chaque point, et qua 11 \ RATS FAR SRE SARL ERRER RER + c “4 126 HISTOIRE NATURELLE pas être faits, comme on pourroit l'imagis ner, avec du fer qui auroit acquis toute sa perfection ) Mais he avec du fer qui sont indispensables ? ? Nous avons SapE ii fer par- ; fait et tout de nerf: s’il est parfait, il n jo plus rien à gagner , et l’action d’un feu aussi violent ne peut que lui faire perdre de sa qualité, qu'il ne reprend Jamais en entier, malgré le recuit qu’on lui donne. Je concois donc que le feu, dirigé par le vent des soufflets, coupe les nerfs en travers, qui deviennent des grains d’une espèce d’autant plus mauvaise que le jer a été chauffé blanc plus souvent, et par con= séquent plus desséché : j'ai fait quelques expériences qui confirment bien cette opinion. Ayant fait tirer plusieurs lames à canon du quarré provenu de la loupe à Paffinerie, et les ayant cassées à froid, je les trouvai toutes de nerfet de la plus belle couleurs je Bs faire un morceau de barre à la suite du même lopin, duquel je fis faire des lames à canon , qui, cassées à froid, se trouvèrent mi-parties de nerfs et de grains; ayant fait tirer une barre du reste du quarré , je la pliai à un bout et la corroyal, et en ayant fait faire des macquettes et ensuite deslames, elles ne présentèrent plus que des grains à leur frac- ture et d’une qualité médiocre... Étant aux forges de Mouzen, je fs: Fôre une ES CE DES MINÉRAUX. 129 puisse encore en acquérir par le feu qu’il doit subir pour prendre la forme d un canon de Fusil. macquette et une lame au bout d’une barre de fer, presque toutes d’un bon grain avec très-peu de nerf : l’extrémité de la lame cassée à iroid a paru mêlée de beaucoup de nerf, et le canon qui en a été fa- pee a phié comme de la baleine ; on ne l’a cassé qu'à l’aide du ciselet et avec la plus grande diffi- culté : la fracture étoit toute de nerf. Ayañt vu un canon qui cassa comme du verre en le frappant sur une enclume, et qui montroiten totalité de très- gros et vilains grains sans aucune “parue de nerf, on m'a présenté la barre avec la- quelle la macquette et la lame qui awoient produit ce canon avolent été faites, laquelle étoit entières ment de très-beau nerf; où a tiré une macquette au bout de cette barre sans la plier et corroyer ,'la- quelle s’est trouvée de nerf avec un peu de grain ; ayant phé et corroyé le reste de cette barre dont on fit une macquette, elle a montré moins de nerfet plus de grains que celle qi avoit pas été corroyée. Suivous cette opération : la barre étoit toute de nerf; la macquette tirée au bout sans la doubler avoit déja un peu de grains ; celle urée de la même barre phée et corroyée avoit encore plus de grains, et à AM) » “ : Ÿ ( . Mais revenons au fer qui vient d’être forgé , ct qu'on veut préparer pour d’autres usages encore plus communs : si on le destine à être fendu dans sa longueur pour en faire des clous et autres menus ouvrages, il faut que les bandes v’aient que de cinq à huit lignes d'épaisseur, sur vingt-cinq à trente de lar- geur ; on met ces bandes de fer dans un four- enfin un canon provenant de cette barre pliée et corroyée étoit tout de grains larges et brillans comme le mauvais fer, et elle a cassé comme du verre. Néanmoins je ne prétends pas conclure de ce que je viens d'avancer, qu’on doive préférer pour la fabrication des canons de fusil, le fer aigre et cas- sant; je suis bien loin de le penser : mais je crois ‘pouvoir assurer, d'après un usage journalier et constant, que le fer le plus propre à cette fabrica- uon est celui qui présente , en le cassant à froid, Je, tiers ou la moitié de nerf, et les deux autres tiers eu la moitié de grains d’une bonne espèce, petits, sans ressembler à ceux de l'acier, et blancsen tirant sur le gris ; la partie nerveuse se détruit ou s’alière aux différens feux successifs que le fer essuie sur chaque point, et la partie de grain devient nerveuse en s'étendant sous le marteau, et remplace l’autre. Les axes de fer qui supportent nos meules de ei. DES MINÉRAUX. 129 neau dé réverbère qu’on chauffe au feu de bois ;-et lorsqu'elles ont acquis un rouge vif de feu , on les tire du fourneau et on les fait passer , les unes après les autres, sous les es- patards ou cylindres pour les applatir, et ensuite sous des taillans d'acier , pour les fendre en longues verges quarrées de trois, _ cinq et six lignes de grosseur. Il se fait une prodigieuse consommation de ce fer en verge 2 grès, pesant sept à huit milliers, étant faits de dif- férentes mises rapportées et soudées les unes d’après les autres, on a grand soin de mélanger, pour les fabriquer , des fers de grains et de nerf : si on n’em- ployoit que celui de nerf, il n’y a point d’axe qui ue cassat. AR Le canon de fusil qui résulte du fer ainsi mi- paru de grains et de nerf, est excellent et résistera à de très-vives épreuves... Si on a des ouvrages à faire avec du fer préparé en échantillon, de ma- nière que quelques chaudes douces suffisent pour fabriquer la pièce , le fer de nerf doit être préféré à tous les autres, parce qu’on ne risque pas de l’al- iérer par des chaudes vives et répétées, qui sont k LA e r nécessaires pour souder. (Vote communiquée par M. de Montbeillard , lieutenant-colonel d'artil= lerte, ) 130 HISTOIRE NATURELLE et il y a plusieurs forges en France où HR 1 en fait annuellement quelques centaines de " milliers. On préfère pour le feu de ce four- neau ou four de fenderie, les bois blancs et mous aux bois de chène et autres. bois durs , parce que la flamme en est plus douce, et que le bois de chêne contient de l’acide qui ne laisse pas d’altérer un peu la qualité du fer : c’est par cette raison qu’on doit, autant qu'on le peut, n’employer le charbon de chêne qu’au fourneau de fusion, et garder les charbons de bois blanc pour les affiueries et pour Les fours de fenderie et de batterie; car la cuisson du bois de chêne en charbon ne lui enlève pas l’acide dont il est chargé; | et eu général le feu du bois radoucit l’aigreur BL PTE \ du fer, et lui donne plus de souplesse et un ‘ peu plus de ductilité qu’il n’en avoit au sor- tir de l'affinerie dont le feu n’est entretenu que par du charbon. L’on peut faire passer à la fenderie des fers de toute qualité : ceux qui sont les plus aigres servent à faire de petits clous à latte qui ne plient pas, et qui doivent être plutôt cassans que souples; les verges de fer doux sont pour les clous des maréchaux, : et peuvent être passées par la filière pour | 3 DES MINÉRAUX. . r&3r faire du gros fil de fer, des anses de chau- dière , etc. ; | Si l'on destine les bandes de fer forgé à faire de la tôle, on les fait de même passer au feu de la fenderie: et au lieu de les fendre sur leur longueur, on les coupe en travers dès qu’elles sont ramoliies par le feu ; ensuite on porte ces morceaux coupés sous le marti- net pour les élargir; après quoi on les met dans le fourneau de la batterie, qui est aussi de réverbère, mais qui est plus large etmoins long que celui de la fenderie, et que l’on chauffe de mème avec du bois blanc; on y laisse chauffer ces morceaux de fer, et on les en tire en les mettant les uns sur lesautres, pour Jesélargirencoreen les battant à plusieurs fois sous un gros marteau , jusqu'à les reduire en feuillets d’une demi-ligne d'épaisseur ; il faut pour cela du fer doux. J'ai fait de la très- bonne tôle avec de vieilles ferrailles ; nean— moins le fer ordinaire, pourvu qu’il soit ner- veux , bien szé et sans pailles, donnera aussi de la bonne tôle en la faisant au feu de bois, au lieu qu'au feu de charbon ce mème er ne donneroit que de la tôle cassante. Il faut aussi du fer doux et nerveux : pour * 04 £ Fa ù : ein à x32 HISTOIRE NATURELLE \ faire au martinet du fer de cinq ou six lignés, à bien quarré, qu’on nomme du carillon, et _ des verges ou tringles rondes du même dia- mètre. J'ai fait établir deux de ces martinets, dont l’un frappe trois cent douze coups par minute : cette grande rapidité est doublement avantageuse , tant par l’épargne du combus- tible et la célérité du travail, que par la per- fection qu’elle donne à ces fers. Enfin il faut un fer de la meilleure qua- | lité, et qui soit en même temps très-ferme et très-ductile pour faire du fil de fer; et il y a quelques forges en Lorraine, en Franche- Comté, etc. où Le fer est assez bon pour qu’il puisse passer successivement par toutes les filières, depuis deux ligues de diamètre jus- qu’à la plus étroite, au sortir de laquelle le fil de fer est aussi fin que du crin. En général, le fer qu'on destine à la filière doit être tout de nerf et ductile dans toutes ses parties; ik doit être bien szé, sans pailles, sans souf- flures et sans grains apparens. J'ai fait venir des ouvriers de la Lorraine allemande pour en faire à mes forges, afin de connoître la différence du travail et la pratique nécessaire pour forger ce fer de filerie : elle consiste NO DES MINÉRAUX. 19 principalement à purifier la loupe au feu de l’affiuerie deux fois au lieu d’une, à donner à la pièce une chaude ou deux de plus qu'à l'ordinaire , et à n’employer dans tout le tra- vail qu'une pétite quantité de charbon à la fois ; réitérée souvent, et enfin à ne forger des barreaux que de douze ou treize lignes en quarré, en les faisant suer à blanc à chaque chaude. J’ai eu, par ces procédés, des fers que j'ai envoyés à différentes fileries, où ils ont eté tirés en fil de fer avec succès. Il faut aussi du fer de très-bonne qualité pour faire la tôle mince dont on fait le fer- blanc : nous n'avons encore en France que quatre manufactures en ce genre, dont celle de Bains en Lorraine est la plus considérable*, On sait que c’est en étamant la tôle, c’est-à- dire, en la recouvrant d’étain, que l’on fait le fer-blanc : il faut que l’étoffe de cette tôle soit * Il s’en étoit élevé une à Morambert en Franche- Comté, qui n'a pu se soutenir, parce que les fer- miers-généraux n’ont pas voulu se relâcher sur au- cua des droits auxquels cette manufacture étoit assu- jettie comme étant établie dans une province répu- iée étrangère. 12 LA 4 NA . TUBES \ à A) Le à] ’ : La 116 \ù | ns EU PURES | ue pu a34 HISTOIRE ‘NATU RELLE {d:: homogène et très-souple, pour qu’elle puisse se plier et se rouler sans se fendre ni se ger- cer, quelque mince qu’elle soit. Pour arriver à ce point, on commence par faire de la tôle à la manière ordinaire, eton la bat successi- vement sous le marteau , en mettant les feuilles en doublons les unes sur les autres, jusqu’au nombre de soixante.quatre ; et lors- qu’on est parvenu à rendre ces feuilles assez minces, on les coupe avec de grands ciseaux pour les séparer, les ébarber et les renüre quarrées ; ensuite: on plonge ces feuilles une à une dans des eaux szres ou aigres pour les décaper, c'est-à-dire, pour leur enlever la petite couche noirâtre dont se couvre le fer chaque fois qu'il est soumis à l’action du feu , et qui empécheroit l’étain de s'attacher au fer. Ces eaux aigres se font au moyen d’une certaine quantité de farine de seigle et d'un peu d’alun qu’on y mêle; elles enlèvent cette couche noire du fer; et lorsque les feuilles sont bien nettoyées, on les plonge verticalement dans un bain d’étain fondu et mèlé d’un peu de cuivre : il faut auparavant recouvrir le bain de cet étain fondu, avec une couche épaisse de suif ou de graisse, EE" DES MINÉRAUX. 135 pour empècher la surface de l’étain de se ré- duire en chaux. Cette graisse prépare aussi les surfaces du fer à bien recevoir l’étain , et on en retire la feuille presque immédiate- ment après l'avoir plongée , pour laisser égoutter l’étain supertlu; après quoi on la frotte avec du son sec, afin de la dégraisser; . etenfinil ne reste plus qu’à dresser ces feuilles de fer élameées avec des maillets de bois, parce qu'elles se sont courbées et voilées par la cha- leur de l’étain fondu. On ne croiroit pas que le fer le plus souple et le plus ductile füt en mème temps celui qui se trouve le plus propre pour être con verti en acier, qui, comme l’on sait, es£ d'autant plus cassant qu’il est plus parfait; néanmoins l’étoffe du fer dont on veut faire de l'acier par cémentation, doit être la même _que celle du fer de filerie, et l'opération par laquelle on le convertit en acier , ne fait que hacher les fibres nerveuses de ce fer, et lui donner encore un plus grand degré de pureté, en même temps qu’il se pénètre et se charge de la matière du feu qui s’y fixe. Je m’en suis assuré par ma propre expérience; jai fait établir pour cela un grand fourneau d’as- x36 HISTOIRE NATURELLE piration , et d’autres plus petits, afin de mé nager la dépense de mes essais, et j'ai obtenu des aciers de bonne qualité, que quelques ouvriers de Paris ont pris pour de l'acier d'Angleterre : mais j'ai constamment observé qu'on ne réussissoit qu'autant que le fer étoit pur, et que, pour être assuré d’un succès constant, il falloit n’employer que des fers de la plus excellente qualité, ou des fers rendus tels par un travail approprié; car les fers ordinaires, même les meilleurs de ceux qui sont dans le commerce, ne sont pas d’une qualité assez parfaite pour être convertis par la cémentation en bon acier; et si l’on veut ne faire que de l’acier commun, l’on n'a pas besoin de recourir à la cémentation:; car, au lieu d'employer du fer forgé, on obtiendra de l’acier comme on obtient du fer, avec la seule fonte , et seulement en variant les pro- cédés du travail, et les multipliant à l’afñ- nerie et au marteau. On doit donc distinguer des aciers de deux sortes : le premier, qui se fait avec la fonte de fer ou avec le fer même, et sans cémenta- tion ; le second, que l’on fait avec le fer en em- ployant un cément : tous deux se détériorent DES MINÉRAUX. 137 ‘également, et perdent leur qualité par des chaudes réitérées ; et la pratique par laquelle on a cru remédier à ce défaut en dounant à chaque morceau de fer la forme de la pièce qu’on veut convertir en acier, a elle-même son inconvénient; car celles de ces pièces, comme _sabres, couteaux, rasoirs, etc., qui sont plus minces dans le tranchant que dans le dos, seront trop acier dans la partie mince, ef trop fer dans l’autre; et d’ailleurs les petites boursouflures qui s'élèvent à leur surface rendroient ces pièces défectueuses. Il faut de plus que l’acier cémenté soit corroyé, sué et soude pour avoir de la force et du corps; en sorte que ce procédé de forger les pièces, avant de les mettre dans le cément, ne peut convenir que pour les morceaux épais dont on ne veut convertir que la surface en acier. Pour faire de l'acier avec la fonte de fer, il faut commencer par rendre cette fonte aussi pure qu’il est possible ayant de la tirer du fourneau de fusion ; et pour cela, si l’on met huit mesures de mine pour faire de la fonte ordinaire, 1l n’en faudra mettre qué six par charge sur la même quantité de charbon, / + . afin que Ja fonte en devienne meilleure. On 12 l 138 HISTOIRE NATURELLE pourra aussi la tenir plus long- -temps en bain dans le creuset, c’est-à-dire, quinze ou seize . heures , au lieu de douze; elle achevera pEn= dant ce temps de s’épurer : ensuite on la cou- lera en petites gueuses ou lingots; et pour la depurer encore davantage, on fera fondre une seconde fois ce lingot dans le feu de l'affinerie : cette seconde fusion lui donnera la qualité nécessaire pour devenir du bon À 1 acier au moyen du travail suivant. On remettra au feu de l’affinerie cette fonte épurée pour en faire une loupe qu’on portera sous le marteau lorsqu'elle sera rougie à blanc ; on la traitera comme le fer ordinaire, mais seulement sous un plus petit marteau, parce qu il faut aussi que la loupe soit assez petite, c’est-à-dire, de vingt-cinq à trente livres seulement ; on en fera un barreau quarré de dix ou onze lignes au plus; eb lorsqu'il sera forgé et refroidi, on le casserà en morceaux longs d'environ un pied, que l’on remettra au feu de l’affinerie, en les ar- rangeant en forme de grille, les uns sur les autres : ces petits barreaux se ramoiliron € par l'action du feu, et se souderont ensemble ; l’on en fera une nouvelle loupe, que l'on tra- RE DES MINÉRAUX. 139 vaillera comme la première, et qu'on por- era de même sous le marteau pour en faire un nouveau barreau qui sera peut-être déja de bon acier; et même, si la fonte a été bien épurée, on aura de l’acier assez bon dès la première fois : mais supposé que cetteseconde fois l’on n'ait encore que du fer, ou du fer mêlé d'acier , il faudra casser de nouveau le barreau en morceaux, et en former en- core une loupe au feu de l’afhinerie, pour la porter ensuiteau marteau, et obtenir enfin une barre de bon acier. On sent bien que le déchet doit être très-considérable, et d’ail- leurs cette méthode de faire de l'acier ne réussit pas toujours; car il arrive assez sou— vent qu’en chauffant plusieurs fois ces petites barres on n’obtient pas de l'acier, mais seu- lement du fer nerveux : ainsi je ne conseil- lérois pas cette pratique, quoiqu’elle m'ait réussi, vu qu’elle doit être conduite fort dé- licatement , et qu’elle expose à des pertes. Celle que l’on suit en Carinthie pour faire de même de l'acier par la seule dépuration de la fonte, est plus sûre, et même plus simple. On observe d’abord de faire une pre- mière fonte, la meilleure et la plus pure r4o HISTOIRE NATURELLE qu'il se peut : cette fonte est coulée en foss, : c’est-à-dire, en gâteaux d'environ six pieds de long sur un pied de large, et trois à quatre pouces d'épaisseur. Cette /oss est portée et présentée par le bout à un feu animé par des soufflets, qui la fait fondre une seconde fois, et couler dans un creuset placé sous le foyer. Tout le fond de ce creuset est rempli de poudre de charbon bien battue; on en garnit de même les parois, et par-dessus la fonte l’on jette du charbon et du laitier pour la couvrir : après six heures de séjour dans le creuset *, la fonte étant bien épurée de son laitier, on en prend une loupe d'environ cent quarante à cent cinquante livres, que l’on porte sous le ‘marteau pour être divisée en deux ou trois 72assefs, qui sont ensuite chauffés et éfirés en barres, qui, quoique brutes, sont de bon acier, et qu’ilsne faut que porter à la batterie pour y recevoir des chaudes successives, et être mises sous le martinet qui leur donne la forme. Il me * Six pour la première loupe, et seulement cmg ou quatre pour les suivantes, le creuset étant plus embrasé. DES MINÉRAUX. TAC paroît que le succès de cette opération tient essentiellement à ce que la fonte soit envi- | ronnée d’une épaisseur de poudre de char- bon , qui , de cette manière, produit une sorte de cémentation de la fonte, et la sature de feu fixe, tout comme les bandes de fer forgé en sont saturées dans la cémentation proprement dite, PE à nous allons exposer les procédés. Cette conversion du fer en acier, au moyen de la cémentation, a été tentée par nombre d'artistes , et réussit assez facilement dans de petits fourneaux de chimie : mais elle pré- sente plusieurs difficultés lorsqu'on veut tra- vailler en grand; et je ne sache pas que nous ayons en France d’autres fourneaux que celui de Néronville en Gâtinois, où l’on conver- tisse à la fois jusqu'à soixante-quinze et quatre-vingts milliers de fer en acier , et encore cet acier n est peut-être pas aussi par— fait que celui qu’on fait en Angleterre: c’est ce qui a déterminé le gouvernement à char- ger M. de Grignon de faire, dans mes forges et au fourneau de Néronville, des essais en grand , afin de connoître quelles sont les provinces du royaume dont Les fers sont les Cl WE 0 Nr A VAUT si PAS E { US LAN | #42 “HISTOIRE NATURE LLE plus propres à être convertis en acier vit Re voie de la cémentation. Les résultats de ces” expériences ont été imprimés dans le Jour- nal de Physique du mois de septembre 1782; _on en peut voir l'extrait dans la note ci- dessous *: et voici ce que ma propre expé= * En 1780, M. de Grignon fat chargé par le gou+ vernement de faire des expériences en grand, pour déterminer quelles sont les provinces: du royaume qui produisent les fers les plus propres à être con= vertis en acler par la cémentation, M. le comte de Buffon offnit ses forges et le grand fourneau qu’il avoit fait construire pour les mêmes opérations, et ou y fit arriver des fers du comté de Foix, du Roussillon , du Dauphiné, de l'Alsace, ie la Franche-Comté, des Trois -Évêchés , de Cham- pagne, de Berri, de Suède, de Russie et d'Espagne. Tous ces fers furent réduits au même échantillon, et placés dans la caisse de cémentation ; leur poids total étoit de quarante mille sept cent deux livres, et on les enveloppa de vingt-quatre pieds cubes de poudre de cémentation : on mit ensuite Je feu au fourneau , et on le soutint pendant cent cinquante- sept heures consécutives , dont trente-sept heures de peut feu, vingt-quatre de feu médiocre , et quatre- vingt-seize heures d’an feu si actif, qu’il foncit les, \ a Re DES MINÉRAUX.. r43 rience m'avoit fait connoître avant ces der- niers essais. | J'ai fait chauffer au feu de bois , dans le briques du revêtissement du fourneau, du dia- phragme , des arceaux ,.et de la voûte supérieure où sont les tuyaux aspiratoires.….. Lorsque le fourneau fut refroidi, et que le fer fut retiré de la caisse, on en constala le poids qui se trouva augmenté de soixante-une livres : mais une partie de cette augmentation de poids provient de quelques parcelles de matières du cément, qui restent attachées à la surface des barres M. de Grignon, pour constater précisément l’accroisse- went du poids acquis par la cémentation , soumit, dans une expérience subséquente , cinq cents livres de fer en barres, bien décapé, et il fit écurer de même les barres au sortir de la cémentatiôn, pour enlever la matière charbonneuse qui s’y étoit atta= chée , et il se trouva six livres et demie d’excédant ù qui ne peut ètre attribué qu’au principe qui conver= tit le fer en acier ; principe qui augmente non seu- lement le poids du fer, mais encore le volume de dix lignes et demie par cent pouces de longueur des barres , indépendamment du soulèvement de l’étoffe du fer qui forme les ampoules que M. de Grignon attribue à l'air, et même à l’eau interposée dans le 144 HISTOIRE NATURELLI sn fourneau de la fenderie, plusieurs bandes | de mon fer de la meilleure qualité, et ul | avoit été travaillé comme les barreaux qu'on | fer ; et s'il étoit possible d'estimer le poids de cet air et de l’eau qüe la violente chaleur fait sortir du fer, le poids additionnel du Principe qui se combine au fer dans sa conversion en acier > S€ trouveroit encore plus considérable. | Le fourneau de Buffon , quoique très-solidement construit, s'étant trouvé détruit par la violence du feu, M. de Grignon prit le parti d'aller à la manu- , _ facture de Néronville, faire une autre suite d’expé- | riences qui lui donna les mêmes résultats € qu il avoit obtenus à Buffon. Les différentes qualités des fers soumis à la cé mentation ont éprouvé des modifications différentes et dépendantes de leur caractère particulier. Le premier effet que l’on appercoit, est cette multitude d’ampoules qui s'élèvent sur les surfaces cette quantité est d'autant plus grande, que l’étoffe du fer est plus désunie par des pailles , ae gercures et des fentes. | Les fers les mieux étoffés, dont la pâte est pleine et homogène , sont moins sujets aux ampoules : ceux qui n’ont que lapparence d’une belle fabrication, c'est-à-dire, qui sont bien unis ; bien sués au-dehors, w/1 49 DES MINÉRAUX. ‘145 envoyoit aux fileries pour y faire du fil de fer, et j'ai fait chauffer au même feu et en même temps d’autres bandes de fer moins mais dont l’affinage primitif n’a pas bien lié la pâte; ‘ sont sujels à produire une très-grande quantité de bulles. - ñ: _ Les fers cémentés ue sont pas les seuls qui soient sujets aux ampoules ; les tôles et les fers noi rs pré= parés pour l'éiamage sont souvent défectueux pour les mêmes causes. MALE | La couleur bleue, plus où moins forte, dont se couvrent les surfaces des barres de fer soumises à la cémentation , est l’effet d’une légère décomposition superficielle ; plus cette couleur est intense, plus on a lieu de soupconner Pacier de vivacité, c’est-à-dire de supersaturation : ce défaut s’annonce aussi par un son aigu que rend l'acier poule lorsqu'on le frappe; le son grave au contraire annonce dans l’a cier des parties ferreuses , et le bon acier se connoît par un son soutenu , ondulant et timbré. Le fer cémenté, en passant à l'état d'acier, de- vient sonore, et devient aussi très-fragile, puisque l'acier poule ou boursouflé est plus fragile ‘que l’acier corroyé et trempé, sans que le premier ait été refroidi par un passage subit du chaud au froid : Je ‘er peut donc être rendu fragile par deux causes Mat. gén, XII. 19 pour hrs commerce ; d ai fait dur: à à chaud 14 toutes ces bandes en morceaux longs de deux L diamétralement opposées , qui sont le feu et l’eau; car le fer ne devient acier qua par une supersalu= ration du feu fixe, qui en s ’incorporant avec les molécules du fer, en coupe et rompt h fibre , et la convertit en grains plus ou moins fins ; et c'est ce feu fixe, introduit dans le fer cémenté, qui en aug- mente le poids et le volume. | M. de Grignon observe que tous les défauts dent : le fer est taché, et qui proviennent de la fabrication même ou du caractère des mines, ne sont point dé: truits par la cémentation; qu’au contraire ils ne deviennent que plus apparens ; que c’est pour cette raison que si l'on veut'obtenir du bon acier par la cémentation , il faut nécessairement choisir les meil- Jeurs fers, les plus parfaits, tant par leur essence que par leur fabrication, puisque la cémentation ne purifie pas le fer, et ne lui enleve pas les corps hétérogènes dont il peut être allié ou par amalgame ou par interposition : l’acier, selon lui, n’est point un {er plus pur, mais seulenient un er supersaluré de feu fixe, et il y à autant d’ aciers défectueux que de mauvais fers. ( M. de Griguon observe les degrés de perfection Pen M D US OR UN RS 1 fe 1 ES < S à À LL... CN NT M Se MR. PUS MS. … out Me F DES MINÉRAUX. ray -pieds, parce que la caisse de mon premier - fourneau d'essais, où je voulois les placer pour les convertir en acier, n’avoit que deux pieds des différens fers convertis en acier dans l’ordre sui vant. | Les fers d'Alsace sont ceux de France qui pro- duisent les aciers les plus fins pour la pâte; mais ces aciers ne sont pas si nets que ceux des fers de roche de Champagne, qui sont mieux fabriqués que ceux d'Alsace. Quoique les fers de Berri soient en général plus doux que ceux de Champagne et de Bourgogne , 1ls ont donné les aciers les moins nets , parce que leur étoffe n’est pas bien liée; et il a remarqué qu'en général les fers les plus doux à la lwe , tels que ceux de Berri et de Suède , donnent des aciers beaucoup plus vifs que les fers fermes à la lime et au marteau , et que les derniers exigent une cémeutation plus continuée et plus active. Il a reconnu que les fers de Sibérie donnoient un acier très-difficile à traiter, et défectueux par la désunion de son étoffe ; que ceux d’Espagne donnent un acier propre à des ouvrages qui exigent un beau poli ; et . 11 conclut qu’on peut faire de très-bon auier fin avec les fers de France, en soignant leur fabrication. TI désigne en même temps les provinces qui fournissent les fers qui sont les plus susceptibles de meilleur LA “HISTOIRE NATURELÉE et demi de longueur sur dix-huit pouces de. largeur et autant de hauteur. On commença par mettre sur le fond de la caisse une couche de charbon en poudre de deux pouces _d'é- paisseur , sur laquelle on plaça une à une les: petites bandes de fer de deux pieds de lon- gueur , de manière qu’elles ne se touchoient pas , et qu’elles étoient séparées les"unes des autres par un intervalle de plus d’un demi- pouce; on mit ensuite sur ces bandes une autre couche d’un pouce d'épaisseur de poudre de charbon , sur laquelle on posa de même d'autres bandes de fer , et ainsi alternative- ment des couches de charbon et des bandes de fer, jusqu’à ce que la caisse fût remplie, à acier dans l’ordre suivant : Alsace, Champagne , Dauphiné, Limosin, Roussillon, comté de Foix, Franche-Comté, Lorraine, Berri et Bourgogne. I! seroit fort à desirer que le gouvernement don- nât des encouragemens pour élever des manufac- tures d’acier dans ces différentes provinces, non seulement pour l'acier par la cémentation, mais aussi pour la fabrication des aciers naturels, qui sont à meilleur compte que les premiers, et d’un ‘plus. grand usage dans les arts, sur-tout dans les arts de. première nécessité, DES MINÉRAUX. «149 trois pouces près, dans toute sa hauteur : on remplit ces trois derniers pouces vides, d’a- bord avec deux pouces de poudre de charbon, sur laquelle on amoncela, en forme de dôme, autant de poudre de grès qu'il pouvoit en. tenir sur la caisse sans s’ébouler. Cette cou- verture de poudre de grès sert à préserver là poudre de charbon de l'atteinte et de la com- munication du feu. Il faut aussi avoir soin que les bandes de fer ne touchent , ni par les côtés ni par les extrémités , aux parois de la caisse , dont elles. doivent’ être éloignées et séparées par une épaisseur de deux pouces de poudre de charbon. On a soin de prati- quer dans le milieu d’une des petites faces de la caisse une ouverture où l’on passe par Je dehors une bande de huit ou dix pouces de longueur et de même épaisseur que les autres, pour servir d'indice ou d’éprouvette : car en retirant cette bande de fer au bout de quelques jours de feu, on juge par son état de celui des autres bandes renfermées dans la caisse, et l’on voit, en examinant cette bande d’épreuve , à quel point est avancée la conversion du fer en acier. | Le fond et les quatre côiés de la caisse 13 15 HISTOIRE NATURELLE doivent être de grès pur ou de très- bonnes 4 briques bien jointes et bien lutées avec de l'argille. Cette caisse porte sur une voûte de briques, sous laquelle s’étendla flammed’un feu qu’on entretient continuellement sur un tisar a l'ouverture de cette voûte, le long de laquelle on pratique des tuyaux aspiratoires, de six pouces en six pouces , pour attirer la flamme et la faire circuler également tout autour de la caisse, au-dessus de laquelle doit être une autre voûte où la flamme, après avoir circulé, est enfin émportée rapi- dement par d'autres tuyaux d'aspiration aboutissant à une grande et haute cheminée. Après avoir réussi à ces premiers essais, j'ai fait construire un grand fourneau de mênre forme , et qui a quatorze pieds de longueur sur neuf de largeur et huit de hauteur , avec deux tisars en fonte de fer, sur lesquels on met le bois, qui doit être bien sec, pour ne donner que de la flamme sans fumée. La voûte inférieure communique alentour de la caisse par vingt-quatre tuyaux aspira- toires , et la voûte supérie’re communique à la grande cheminée par cinq autres tuyaux. Cette cheminée est élevée de trente pieds au- . PAS DES MINÉRAUX. 15 dessus du fourneau, et elle porte sur de grosses gueuses de fonte. Cette construction démontre assez que c’est un grand fourneau d'aspiration où l'air, puissamment attiré par le feu, anime la flamme et la fait circuler avec la plus grande rapidité ; on entretient ce feu sans interruption pendant cinq ou six jours, et dès le quatrième on tire l’éprou- vette pour s'assurer de l'effet qu’il a produit sur les bandes de fer qui sont dans la caisse de cémentation.: on reconnoîtra , tant aux petites boursouflures qu'à la cassure de cette bande d'éprenve , si le fer est près ou loin d’être converti en acier ; et, d’après celte counoissance , l’on fera cesser où continuer le feu; et lorsqu'on jugera que la conversion est achevée, on laissera refroidir le fourneau ; après quoi on fera une ouverture vis-à-vis le dessus de la caisse, et on en tirera les bandes de fer qu'on y avoit mises , et qui dès lors seront converties en acier. , En comparant ces bandes les unes avec les autres, jai remarqué, 1°: que celles qui étoient de bon fer épuré avoient perdu toute apparence de nerf, et présentoient à leur . x / . . cassure un grain très-fin d'acier , tandis que ] ne 152. HISTOIRE NATURELLE les bandes de fer commun conservoient en= core de leur étoffe de fer, ou ne présentoient qu’un acier à gros grains ;y2°. qu'il y avoit à l'extérieur beaucoup HET et de plus grandes boursouflures sur les bandes de fer. commun. que sur celles de bon fer; 3°. que les bandes. voisines des: parois de la caisse n’étoient pas aussi bien converties en acier que les bandes situées au milieu de la caisse, et que demême les extrémités de toutes les bandes étoient de moins bon acier que les parties du milieu. Le fer, daus cet état, au sortir.de la caisse de cémentation, s’appelle de l'acier boursou- flé :ilfaut ensuite le chauffer très-doucement, etue lui donner qu'un rouge couleur.de cerise pour le porter sous le martinet et l’etendre en petits barreaux ; car, pour peu qu’on le chauffe un peu trop, il s’éparpille, et l’on ne peut le forger, Il y a aussi des précautions à prendre pour le tremper. Mais j'excéderois les bornes que je me suis prescrites dans mes ouvrages sur l'histoire naturelle, si j'entrois dans de plus grands détails sur les différens arts du travail du fer ; peut-être même trou- vera-t-on que je me suis déja trop étendu, sur l’objet du fer en particulier : je me bor- Er À DES MINÉRAUX. 253 nerai donc aux inductions que l’on peut tirer de ce qui vient d’être dit. : Il me semble qu’on pourroit juger de la bonne ou mauvaise qualité du fer par l'effet de la cémentation ; on sait que le fer le plus pur est aussi le plus dense , et que le bon acier l’est encore plus que le meilleur fer : ainsi l'acier doit être regardé comme du fer encore plus pur que le meilleur fer; l’un et J’autre ne sont que le même métal dans deux états différens, et l'acier est, pour ainsi dire, un fer plus métallique que le simple fer : il est certainement plus pesant, plus magné- tique, d’une couleur plus foncée, d’un grain beaucoup plus fin et plus serré , et il devient à la trempe bien plus dur que le fer trempé ; il prend aussi le poli le plus vif et le plus beau : cependant, malgré toutes ces difflé- rences, on peut ramener l’acier à son premier état de fer par des cémens d’une qualité con- traire à celle des cémens dont on s’est servi pour le convertir en acier , c’est-à-dire, en se servant de matières absorbantes , telles que les substances calcaires, au lieu de ma- tières inflammables, telles que la poudre de charbon dont on s’est servi pour le cémenter, 154 HISTOIRE NATURELLE Mais dans cette conversion du fer en acier, quels sont les élémens qui causent ce chan- gement, et quelles sont les substances de peuvent le subir ? Indépendamment des ma- tières vitreuses, qui sans doute restent dans … le fer en petite quantité , ne contient -il pas aussi des particules de zinc et d’autres ma- tières hétérogènes ? Le feu doit détruire ces molécules de zinc, ainsi que celles des ma- tières vitreuses , pendant la cémentation , et par conséquent elle doit achever de purifier le fer. Mais il y a quelque chose de plus; car si le fer, dans cette operation qui change sa qualité, ne faisoit que perdre sans rien acquérir, s’il se délivroit en effet de toutes ses impuretés sans remplacement, sans ac- quisition d'autre matière, il deviendroit né- cessairement plus léger : or je me suis assuré que ces bandes de fer, devenues acier par la cémentation, loin d’être plus légères, sont spécifiquement plus pesantes, et que par nr io: elles acquièrent plus de mâtière qu'elles n’en perdent ; dès lors quelle peut donc être cette matière, si ce n’est la subs- tance même du feu qui se fixe dans l’intérieur. du fer, et qui contribue encore plus que là er | / he ; te DES MINÉRAUX. 155 _ bonne qualite ou la pureté du fer à l'essence del acier ? La trempe produit dans le fer et l'acier des changemens qui n’ont pas encore élé assez observés ; et quoiqu’on puisse ôter à tous deux l'impression de la trempe en les recui- sant au feu, et les rendre à peu près tels | qu'ils étoient avant d'avoir été trempés, ilest pourtant vrai qu’en les trempantet Les chauf- fant plusieurs fois de suite, on altère leur qualité. La trempe à l’eau froide rend le fer cassant ; l’action du froid pénètre à l’inté- rieur, rompt et hache le nerf, et le convertit en grains. J'ai vu dans mes forges que les ouvriers, accoutumés à tremper dans l’eau la partie de la barre qu'ils viennent de for- ger , afin de la refroidir promptement, ayant, dans un temps de forte gelée, suivi leur ha- ‘bitude et trempe toutes leurs barres dans l’eau presque glacée, elles se trouvèrent cassantes au point d’être rebutees des marchands : la moitié de la barre qui n’avoit point été | trempée étoit de bon fer nerveux , tandis que l'autre moitié qui avoit été trempée à la glace n avoit plus de nerf, et ne présentoit qu’un mauvais grain. Celte expérience est très-cer- il y et de deux cents barres se la s se ‘1 conde moitié étoit la seule bonne, et l« on fut obligé de casser toutes ces barres par le milieu, ;. et reforger toutes les parties qui avoient été. irempées, afin de leur rennes le nerf qu’ elles avoient perdu. À l'égard des effets de la rome: sur l'acier, personne ne les a mieux observés que M. Perret; et voici les faits, ou plutot les effets essentiels que cet habile artiste a reconnus. « La trempe change la forme des pièces « minces d'acier; elle les voile et les courbe «en différens sens; elle y produit des cas- « sureset des gerçures: ces derniers effets sont : « très-communs, et néanmoins très-préju-. « diciables. Ces défauts proviennent de ce que « l'acier n’est pas forgé avec assez de régula- « rite; ce qui faitque, passant rapidement du « chaud au froid , toutes les parties ne re- Î « çoivent pas avec égalité l'impression du: « froid. Il en est de mème si l'acier n’est pas ! « bien pur, ou contient quelques corps étran- . « gers ; ils produiront nécessairement des « cassures. .:. Le bon acier ne casse à la pre- « mière trempe que quand il est trop écroui mn. DES MINÉRAUX. 157 « par le marteau ; celui qu'on n’écrouit point « du tout, et qu'on ne forge que chaud, ne « casse point à la première trempe; et l'on «doit remarquer que l'acier prend du gon- « flement à chaque fois qu'on le chauffe... « Plus on donne de trempe à l’acier, et plus «il sy forme de cassures; car la matière «de lacier ne cesse de travailler à chaque _« trempe. L’acier fondu d'Angleterre se gerce « de plusieurs cassures , et celui de Stirie « Non seulement se casse, mais se crible par « des trempes réitérées...... Pour prévenir « l'effet des cassures , il faut chauffer couleur « de cerise la pièce d'acier, et la ni « dans du suif, en Fly laissant jusqu'à ce « qu’elle ait perdu son rouge. On peut, au « lieu de suif, employer toute autre graisse ; « elle produira le même effet, et préservera « l'acier des cassures que la trempe à l’eau «ne manque pas de produire. On donnera, « si l’on veut, ensuite une trempe à l’ordi- « naire à la pièce d’acier, ou l’on s’en tien- « dra à la seule trempe du suif. L'artiste doit « tâcher de conduire son travail de manière « qu’il ne soit obligé de tremper qu’une fois; « car chaque trempe altère de plus en plus i4 158 HISTOIRE NACRE « la matière de l'acier. Au reste, la trempe Li « au suif ne durcit pas l'acier, et par consé- | « quent ne sufhit pas pour les instrumens < tranchans, qui doivent être trés-durs : ainsi « il faudra les tremper à l’eau après les avoir « trempés au suif. On a observé que la trempe « à l'huile végétale Jouer plus de dureté que | ‘« la trempe au suif ou à toute autre graisse «animale; et c’est sans doute parce que « l'huile contient plus d'eau que la graisse, » _ L’écrouissement que l’on donne aux mé- taux les rend plus durs, et occasionne en par* ticulier les cassures qui se font dans Le fer et l'acier. La trempe augmente ces cassures, et ne manque jamais d'en produire dans les par- ties qui ont été Les plus zécrouies, et qui sont par conséquent devenues les plus dures. L'or, l'argent, le cuivre, battus à froid , s’écrouis- sent, et deviennent plus durs et plus élas- tiques sous les coups réitérés du marteau. Il n’en est pas de même de l’étain et du plomb, qui, quoique battus fortement et long-temps, ne prennent point de dureté ni d’élasticité;. on peut même faire fondre l’étain en le fai- saut frapper sous un martinet prompt; et au rend le plomb si mou et si chaud, qu'il NX pe | "à F S 2 a DES MINÉRAUX. 1:59 paroît aussi prêt à se fondre. Mais je ne crois pas, avec M. Perret, qu'il existe une matière particulière que la percussion fait entrer dans le fer, l'or, l'argent et le cuivre, et que l'étain ni le plomb ne peuvent recevoir : ne sufñt-il pas que la substance de ces premiers métaux soit par elle-même plus dure que celle du plomb et de l’étain, pour qu'elle le devienne encore plus par le rapprochement de ses parties? La percussion du marteau ne peut produire que ce rapprochement; et lors- que les parties intégrantes d’un métal sont elles-mêmes assez dures pour ne se point écraser, mais seulement se rapprocher par la percussion, le métal écroui deviendra plus dur et mème élastique, tandis que les mé- taux, comme le plomb et l'étain, dont la substance est molle jusque dans ses plus petits atomes, ne prendront ni dureté n1 ressort, parce que les parties intégrantes étant écra- sées par la percussion , n’eu seront que plus molles, ou plutôt ne changeront pas de na- ture m1 de propriété, puisqu'elles s’étendront au lieu de se resserrer et de se rapprocher. Le marteau ne fait donc que comprimer le métal en détruisant les pores ou interstices 160 HISTOIRE NATURELLE qui étoient entre ses parties intégranteé , ef c’est par cette raison qu'en remettant le ) métal écroui dans le feu , dont le premier effet est de dilater toute substance, les inters- tices se rétablissent entre les parties du mé- tal, et l’effet de l'ecrouissement ne subsiste ‘ plus. Mais pour en revenir à la trempe, il est certain qu’elle fait un effet prodigieux sur le fer et l'acier. La trempe dans l’eau très-froide rend , comme nous venons de le dire, le meilleur fer tout-à-fait cassant; et quoique cet effet soit beaucoup moins sensible lorsque l’eau est à la température ordinaire, il est cependant très-vrai qu’elle influe sur la qua- lité du fer, et qu’on doit empécher le forge- ron de tremper sa pièce encore rouge de feu pour la refroidir, et même il ne faut pas qu’il jette une grande quantité d'eau dessus en la forgeant, tant qu’elle est dans l’état d'incandescence. Il en est de même de l’a- cier , et l'on fera bien de ne le tremper qu'une seule fois dans l’eau à la température ordinaire. Dans certaines contrées où le travail du fer est encore inconnu, les Nègres, quoique. eZ LA DES MINÉRAUX. t6c les moins ingénieux de tous Les hommes, ont néanmoins imaginé de tremper le bois dans Phuile ou dans des graisses dont ils le laissent s’imbiber; ensuite ils l’enveloppent avec de grandes feuilles, comme celles de bananier , et mettent sous de la cendre chaude les instrumens de bois qu’ils veulent rendre tranchans : la chaleur fait ouvrir les pores du bois, qui s’imbibe encore plus de cette graisse; et lorsqu'il est refroidi, 1l pa- roit lisse, sec, luisant, et il est devenu st dur, qu’il tranche et perce comme une arme de fer : des zagaies de bois dur et trempé de cette façon, lancées contre des arbres à la distance de quarante pieds, y entrent de trois ou quatre pouces, et pourroient traverser le corps d'uu homme; leurs haches de bois trempées de mème, tranchent tous les autres bois. On sait d’ailleurs qu’on fait durcir le bois en le passant au feu, qui lui enlève l'humidité qui cause en partie sa mollesse. Ainsi dans cette trempe à la graisse ou à l'huile sous la cendre chaude , on ne fait que substituer aux parties aqueuses du bois une substance qui lui est plus analogue, et qui en rapproche les fibres de plus près. 14 162 HISTOIRE N ATURELLE | Ov L'acier trempé frès- dur, c'estä-dire à l'en froide , est en même temps très-cassant; on | 1 ne s’en sert que pour certains ouvrages, et en particulier pour faire des outils qu’ou appelle brwnissoirs, qui, étant d’un acier ‘à plus dur que tous les autres FR , servent. à lui donner le dernier poli *: AULEL) Au reste, on ne peut donner le‘poli vif, brillant et noir, qu’à l'espèce d'acier qu’on appelle acier fondu, et que nous tirons d'An- gleterre. Nos artistes ne connoissent pas les moyens de faire cet excellent acier. Ce n'est * On sait que c’est avec de la potte ou chaux: d'étain délayée dans de lesprit-de-vin que l'on ‘ + Ql NU 0 te & at 1 polit l'acier; mais les Anglois emploient un autre : procédé pour lui donner le poli noir et brillant dont ils font un secret. M. Perret, dont nous venons de parler, paroït avoir découvert ce secret ; du moins il est venu à bout de polir l’acier à peu pas aussi bien qu’on le polit en Angleterre. Il faut pour cela broyer la potée sur une plaque de fonte de fer bien unie et polie : on se sert d’un brunissoir de bois de noyer, sur lequel on colle un morceau de peau de buffle, qu'on a précédemment lissé avec la pierre ponce , et qu'on imprègne de potée délayée à l'eau-de-vie. Ce polissoir doit être monté sur une < . 4 PAT \ DES MINÉRAUX. 163 pas qu'en général il ne soit assez facile de: fondre l'acier; j'en ai fait couler à mes four- neaux d'aspiration plus de vingt livres en fusion très-parfaite : mais la difficulté con- siste à traiter et à forger cet acier fondu; cela demande les plus grandes précautions, cat ordinairement il s’éparpille en étincelles au seul contact de l’air, et se réduit en poudre sous le marteau. Dans les fileries, on fait les filières, qui doivent être de la-plus grande dureté, avec une sôrte d'acier qu'on appelle acer sauvage: roue de cinq à six pieds de diamtre pour donner un mouvement plus vif. La mauère que M. Perret a trouvée la meilleure pour polir parfaitement l'acier, est l'acier lui-même fondu avec du soufre , et ensuite réduit en poudre. M. de Grignon assure que le colcotar retiré du vitriol après la distillation de l’eau« forte, est la matière qui donne le plus beau polinoir à l'acier : 1l faut laver ce colcotar encore chaud plu- sieurs fois, et le réduire au dernier degré de finesse 1 . . . ». "Re x par la décantation ; il faut aussi qu’il soit entière- ment dépouillé de ses parties salines qui forme- roient des taches bleuâtres sur le poli. 1] paroît que M. Langlois est de nos artistes celui qui a le mieux f L2 LI L] ’ x L] L] réussi à donner ce beau poli noir à l'acier. 164 HISTOIRE NATUREËLI on le fait fondre; et au moment qu’il se coa R gule, on le frappe légèrement avec un mar. teau à main; et à mesure quil prend du corps, on lechauffe et on le forgeen augmen- tant graduellement la force et la vitesse de: la percussion, et on l’achève en le forgeant ® au martinet. On prétend que c’est par ce … procédé que les Anpglois forgent leur acier fondu; et on assure que les Asiatiques tra vaillent de même leur acier en pain, quiest « aussi d'excellente qualité. La fragilité de cet acier fondu est presque égale à celle du verre; c'est pourquoi il n’est bon que pour certains outils , tels que les rasoirs , les lancettes, etc. qui doivent être très-tranchans, et prendre le plus de dureté et Le plus beau poli : mais il ne peut servir aux ouvrages qui, comme les lames d'épée, doivent avoir du ressort; et c'est par cette raison que dans le Levant comme en Europe les lames de sabre et d'épée se font avec un acier mélangé d’un peu d’étoffe de fer, qui lui donne de la souplesse et de l’élasticité. Les Orientaux ont mieux que nous le petit art de damasquiner l'acier ; cela ne se fait pas en y introduisant de l’or ou de l'argent, ” DES MINERAUX. 165 comme on le croit vulgairement, mais par le seul effet d’une percussion souvent réite- rée. M. Gau a fait sur cela plusieurs expé- riences, dont il a eu la bonté de me commu- niquer le résultat *. Cet habile artiste, qui a LA * Monsieur , de retour à Klingensthal, j'ai fait, comme j'ai eu l’honneur de vous le promettre à Montbard , plusieurs épreuves sur l’acier, pour en fabriquer des lames de sabre et de couteaux de chasse de même étoffe el de même qualité que celles de Turquie connues sous le nom de damas; les résultats de ces différentes épreuves ont toujours été les mêmes, et je profite de la permission que vous m'avez donnée de vous en rendre compte. Après avoir fait travailler et préparer une cer- _taine quantité d'acier propre. à en faire du damas, j'en ai destiné un tiers à recevoir le double de l’ar- gent que } y emploie ordinairement ; dans le second tiers, } y ai mis la dose ordinaire , et point d'argent du tout dans le dernier uers. J’ai eu l'honneur de vous dire, monsieur , de quelle facon je fais ce mélange de l’argent avec de: l'acier ; j'ai augmenté de précautions pour mieux enfermer l’argent; et comme j'ai commencé mes épreuves par les petites barres ou plaques qui en 7. tenoient le double, en donnant à celles du dessus. ÿ porté notre manufacture des armes blanches à un grand point de perfection, s’est con—. vaincu avec moi que ce n’est que par le tra- et du dessous le double d'épaisseur des autres, Je les ai fait chauffer au blanc bouillant, et ce n’a été qu'avec une peine infinie que louvrier est venu à bout de les souder ensemble ; elles paroissoient à l'intérieur l'être parfaitement, et on ne voyoit point sur l’enclume qu’il en fut sorti de Pargent : la réunion de ces plaques n’a donné un lingot de neuf pouces de long sur un pouce d'épaisseur et autant de largeur. | J’ai ensuite fait remettre au feu ce lingot pour en former une lame de couteau de chasse : cest dans celle opération, en appletissant et en alongeant ce lingot, que les défauts de soudure qui étoient dans l'intérieur se sont découverts ; et quelque soin que l'ouvrier y ait donné , il n’a pu forger cette lame sans beaucoup de pailles. | J’ai fait recommencer cette opération par quatre fois différentes , et toutes les lames ont été pailleuses sans qu’on at pu y remédier; ce qui me persuade qu'il y est entré beaucoup d’argent. Les barres dans lesquelles je n’aï mis quela dose ordinaire d'argent, et dont les plaques du dessus et du dessous n’avoient pas plus d’épaisseur que les A1 | DES MINÉRAUX. 167 yail du marteau et par la réunion de différens aciers mêlés d’un peu d’étoffe de fer, quel’on vient à bout de damasquiner les lames de _ autres, ont toutes bien soudé et ont donné des lames sans pailles ; 1l s’est trouvé sur l’enclume beaucoup d'argent fondu qui s’y étoit attaché. À l'égard des barres forgées sans argent, alles ont été soudées sans aucune difficulté comme de l'a- cier ordinaire, et elles ont donné de très- belles lames. Pour connoître si ces lames sans argent avoient les mêmes qualités pour lè tranchant et la solidité que celles fabriquées avec de l’argent, j'ai essayé le tranchant de toutes mes forces sur des nœuds de bois de chêne qu’elles ont coupés sans s’ébré- cher; j en ai ensuite mis une à plat entre deux barres * de fer sur mon escalier, comme vous l’avez vu faire sur le vôtre, et ce n’a élé qu'apres lavoir long- temps tourmentée dans tous les sens que je suis parvenu à la déchirer. J’ai donc trouvé à ces lames le même tranchant et la même ténacité. Il semble- roit d’après ces épreuves, | 1°, Que sil reste de lPargent dans l’auier , il est impossible de le souder dans les endroits où il se irouve. | 2°. Que lorsqu'on réussit à souder parfaitement des barres où 1l y a de l'argent, il/faut que cet argent 568 HI STOIRE NATURELLE Re _ sabre, et de leur donner en mêmeitemps le. tranchant, l’élasticité et la ténacité néces= | saires; il a reconnu comme moi que ni l'or ni l’argent ne peuvent produire cet effet. Il me resteroit encore beaucoup de choses à dire sur le travail et sur l'emploi du fers je me suis contenté d’en indiquer les princis qui est en fusion lorsque acier est rouge - blanc, s’en soit échappé aux premiers coups de marteau, soit par les jointures des barres posées les unes sur les autres, soit par les pores alors ouverts de l’acier : lorsque les plaques sont plus épaisses, l'argent fondu: se répand en partie sur l ’enclume , et il est impos= sible de souder les endroits où il en reste. A ET. de Un 3°. L'argent ne communique aucune vertu à l’a- cier , soit pour le tranchant, soit pour la solidité; et ” l'opinion du public, qui avoit décidé mes recherches, et qui attribue au mélange de l’acier et de l’argent la bonté des lames de Damas en "Furquie, est sans fondement , puisqu en décomposant un morceau. voüs-même, monsieur, vous n'y avez pas [rouvé plus d'argent que dans la lame de même étoffe laite ici, dans laquelle il en éioit cependant entré. 4° Le tranchant étonnant de ces lames et leur solidité ne proviennent, ainsi que les dessins qu’elles présentent, que du mélange des différens aciers DES MINÉRAUX. 169 paux objets : chacun demanderoit un traité particulier , et l’on pourroit compter plus de cent aris ou métiers tous relatifs au travail de ce métal, en le prenant depuis ses mines jusqu’à sa conversion en acier et sa fabrica- tion en canons de fusil, lames d'épée, res- qu'on y.emploie, et de la facon qu’on les travaille ensemble. \ Pour que vous puissiez, monsieur, en juger par vous-même, et rectifier mes idées à ce sujet, j'en- voie à mon dépôt de l’arsenal de Paris, pour vous être remises à leur arrivée, 1°, Une des lames forgées avec les lingots où 1l y avoit le double d’argent, dans laquelle je crois qu'il y en a encore, parce qu'elle n’a pu être bien sou- dée, et que vous voudrez bien faire décomposer après avoir fait éprouver son tranchant et sa solidité; 2°, Une lame forgée d’un lingot où }'avois mis moilié d'argent , bien soudée , et sur laquelle j'ai fait graver vos armoiries ; 3°. Une lame fabriquée d’une barre d’acier tra- vaillée pour damas , daus laquelle il n’est point en- tré d'argent : vous voudréz bien faire mettre cette lame aux plus fortes épreuves, tant pour le tran« chant sur du bois, qu’en essayant sa résistance en l2 forçant entre deux barres de fer. * 19 ni due la RATIO) ‘de ces 21 En à suivant les 4 rapports naturels qui les font dépendre les uns des autres ; le reste appartient moins à l’histoire de la Nature qu’à ’à celle des progrès de notre industrie. SR a Mais nous ne devons pas oublier de faire mention des principales propriétés du fer et de l'acier, relativement à celles des autres métaux. Le fer, quoique très-dur , n’est pas fort dense; c’est, après l’étain, le plus léger . de tous. Le fer commun, pesé dans l’eau,ne perd guère qu’un huitième de son poids, et ne pèse que cinq cent quarante-cinq ou cinq cent quarante-six livres Le pied cube*. L’acier pèse cinq cent quaraute-huit à cinq cent * On a écrit et répété par-tout que le pied cube, de fer pèse cinq cent quatre- vingts livres; mais cette estimation est de beauconp trop forte. M. Bris-. son s’est assuré, par des épreuves à la balance by- drostatique , que le fer forgé, non écroui1 comme écroui , ne pèse Également que cinq cent quarante- . . . . Là cinq livres deux ou trois onces le pied cube, et que le pied cube d'acier pèse cinq cent quarante-huit | livres : on s’étoit donc trompé de trente-ciuq livres, en estimant cing cent quatre-vingts livres le poids: d'un pied cube de fer, DES MINÉRAUX. rx quarante-neuf livres, et il est toujours spe- cifiquement un peu plus pesant que le meil- leur fer : je dis le meilleur fer; car en géné- ral ce métal est sujet à varier pour la ‘den- sité, ainsi que pour la ténacité, la dureté, l’élasticité, et il paroit n’avoir aucune pro- prieté absolue que celle d’être attirable à l’ai- ment; encore cetie qualité magnétique est- elle beaucoup plus grande dans l’acieretdans certains fers que dans d’autres : elle augmente aussi dans certaines circonstances, et dimi- nue dans d’autres; et cependant cette pro- priété d'être attirable à aimant paroitappar- tenir au fer, à l'exclusion de toute autre ma- tière ; car nous ne connoissons dans la Nature aucun metal , aucune autre substance pure qui ait cette qualité magnétique, et qui puisse même l’acquérir par notre art: rien au contraire ne peut la faire perdre au fer, tant qu'il existe dans son état de métal ; et non seulement 1l est toujours attirable par Vaimant, mais il peut lui-même devenix aimant; et lorsqu'il est une fois aimanté, il attire l’autre fer avec autant de force que aimant même *. | * Voyez ci-après l'arücle de l’armant. Lys CSTRONNE NES Ne Va A celui dont la ténacité est da pis aa selon Musschenbroeck, un fil de fer d’un dixième de pouce de diamètre peut soutenir un poids de quatre cent cinquante livres sans se rompre : mais jai reconnu par ma propre expérience qu'il y a une énorme différence entre la ténacité du bon et-du mauvais fer* ; 1 N té et quoiqu on choisisse le meilleur pour le passer à la filière , on trouvera encore des différences dans la ténacité des différens fils de fer de mème grosseur ; et l’on observera généralement que plus le fil de fer sera fin, plus la ténacité sera grande à proportion. Nous avons vu qu'il faut un feu très-vio-: lent pour fondre le fer forgé, et qu'en même temps qu'il se fond, il se brûle et se calcine en partie, et d'autant plus que la chaleur est plus forte ; en le fondant au foyer d’un mi- roir ardent, on le voit bouillonner, brûler, jeter une flamme assez sensible, et se chan- ger en mâchefer : cette scoïie conserve la qualité magnétique du fer après avoir perdu. toutes les autres propriétés.de ce métal. * Voyez le Mémoire sur la ténacité du Jr tome V, page 227. 1er 4 TPE * DES MINÉRAUX. 173 Tous les acides minéraux et végétaux agissent plus ou moins sur le fer et l'acier: l'air, qui, dans son état ordinaire , est tou- jours chargé d'humidité, les réduit en rouille; l'air sec ne les attaque pas de même et ne fait qu'en ternir la surface : l’eau la ternit da- vantage et la noircit à la longue ; elle en di- vise et sépare les parties constituantes ; et l'on peut, avec de l’eau pure, réduire ce métal en:une poudre très-fine *, laquelle néanmoins. est encore du fer dans son état de métal ; car elle est attirable à l’aimantet se dissout comme le fer dans tous les acides. Ainsi ni l’eau ni l'air seuls n’ôtent au fer sa qualité magnétique ; il faut le concours de ces deux élémens, ou plutôt l’action de l’acide aérien, pour le réduire en rouille qui n’est plus attirable à l'’aimant. * Prenez de la limaille de fer nette et brillante ; mettez-la dans un vase; versez assez d’eau dessus pour la couvrir d’un pouce ou deux; faites-la re- muer avec une spatule de fer jusqu’à ce qu’elle soit réduite en poudre si fine , qu’elle reste suspendue à la surface de l’eau : cette poudre est encore du vrai fer très-attirable à l’aunant. xs 174 HI STOIRE are a L’acide nitreux dévore le fer au tant qu ik le dissout : il le saisit d’ abord avec la ses. 4 grande violence ; et lors même que cet acide en est pleinement saturé , son activité ne ‘se 74 ralentit pas : il dissout le nouvéan fer qu’on lui présente en laissant précipiter le premier. L'acide vitrielique, même affoibli, dissout aussi le fer avec effervescence et chaleur, et les vapeurs qui s'élèvent de cette dissolution sont très-inflammables. En la faisant évapo- rer et la laissant refroidir, on obtient des crystaux vitrioliques verds , qui sônt connus sous le nom de couperose*. L’acide marin dissout très- bien le fer, et l'eau régale encore mieux. Ces acides nitreux et marin, soit séparement, soit conjointe- ment, forment avec le fer des sels qui, quoi- que métalliques, sont déliquescens ; mais dans quelque acide que le fer soit dissous, ou peut toujours l’en séparer par le moyen des alcalis ou des terres calcaires : on peut aussi ke précipiter par le zinc, etc. Le soufre , qui fait fondre le fer rouge en un instant, est plutôt le destructeur que le * Voyez ci-devant l’article du »itrcol. “té Mid | 44 Re h. “4 | | «DES MINÉRAUX, 175 dissolvant de ce métal ; il en change la nature et le réduit en pyrite. La force d’affinité entre le soufre et le fer est si grande, qu'ils agissent violemiment l’un sur l’autre, mêimne sans le secours du feu ; car, dans cet état de pyrite, ils produisent eux-mêmes de la chaleur et du feu , à l’aide seulement d’un peu d’humi- dite. | Peer De quelque manière que le fer soit dissous ou décompose, il paroit que ses précipiles et ses chaux en safran , en ocre, en rouille, etc. sont tous colorés de jaune, de rougeûtre ou de brun : aussi emploie-t-on ces chaux de fer pour la peinture à l'huile et pour les émaux. ; Enfin le fer peut s’allier avec tous lesautres métaux, à l'exception du plomb et du mer- cure. Suivant M. Geller, les affinités du fer sont dans l’ordre suivant : l'or, l'argent, le cuivre; et, suivant M. Geoffroi, le régule d'antimoine , l'argent, le cuivre et le plomb, Mais ce dernier chimiste devoit exclure le plomb et ne pas oublier l’or, avec lequel le fer a plus d’affinité qu'avec aucun äutre mé- tal; nous verrous même que ces deux mé- taux, le fer et l’or, se trouvent quelquefois hi : WE " \ X $ 4 A nf j fr N * Voyez ci-après l’article de la “la à . : r Ve | DRE | à é \ es £ H ". \ é « 2 Ù : LI x , f " . L ® { ne - | k L] L { ge” | LI À . \ . y / \ LR Û L pe +» 1% Rat Ps DE L’OR. À üTANT nous avons vu le fer subir de transformations et prendre d'états différens, soit par les causes naturelles, soit par les effets de notre art; autant l’or nous paroïtra fixe, immuable et constamment le même sous notre main comme sous celle de la Na- ture. C’est de toutes les matières du globe la plus pesante, la plus inaltérable, la plus te- mace, la plus extensible; et c’est par la réu— nion de ces caractères prééminens que, dans tous les temps, l'or a été regardé comme le métal Le plus parfait et le plus précieux : il est devenu le signe-universel et constant de la valeur de toute autre matière, par un consentement unanime et tacite de tous les peuples policés. Comme il peut se diviser à Finfini saus rien perdre de son essence, et même sans subir la moindre altération, il se trouve disséminé sur la surface entière du globe, mais en molécules si ténues, que sa présence n’est pas sensible. Toute la couche « : RON 158 HISTOIRE NATURELLE de la terre qui recouvre le globe en ORAN Ni | mais c’est en si petite quantité, qu'on ne. |: l’apperçoit pas et qu'on nepeutle recueillir: W il est plus apparent, quoiqu’encore en très- ! pelite quantité, dans les sables entraînés par les eaux et détachés de la masse des rochers qui le recèlent ; on le voit quelquefois briller dans ces sables, dont il est aisé de le séparer par des lotions réitérées. Ces paillettes cha- riées par les eaux, ainsi que toutes les autres particules de l’or qui sont disséminées sur la terre, proviennent également des mines pri- mordiales de ce metal. Ces mines gisent dans les fentes du quartz, où elles se sont établies peu de temps après la consolidation du globe : souvent l'or y est mêlé avec d’au- tres métaux, sans en être altére; presque toujours il est allié d'argent, et néanmoins il conserve sa nature dans le melange, tandis que les autres métaux , corrompus et miné- ralisés , ont perdu leur première forme avant de voir le jour, et ne peuvent ensuite la re prendre que par le travail de nos mains : l'or, au contraire, vrai metal de nature, a été forme tel qu'il est; il a été fondu ou sublimé par l’action du feu primitif, et s’est ee DES MINÉRAUX. 179 établi sous la forme qu’il conserve encore aujourd'hui; il n’a subi d'autre altération que ceile d’une division presque infinie, car il ne se présente nulle part sous une forme minéralisée : on peut même dire que, pour minéraliser l'or, il faudroit un concours de circonstances qui ne se trouvent peut-être pas dans la Nature, et qui lui feroient perdre ses qualités Les plus essentielles; car il ne pourroit prendre cette forme minéralisée qu'en passant auparavant par l'état de préci- pité; ce qui suppose précédemment sa disso- lution par la réunion des acides nitreux et marin : et ces précipites de l’ot ne conservent pas les grandes propriétés de ce métal; ils ne sont plus inaltérables, et ils peuvent être dissous par les acides simples. Ce n’est donc que sous cette forme de précipité que l'or pourroit être mineralisé; et comme il faut la réunion de l'acide nitreux et de l'acide marin pour eu faire la dissolution, et ensuite un alcali ou une matière métallique pour opérer le précipite, ce seroit par le plus grand des hasards que ces combinaisons se trouveroient réunies dans le sein de la terre, et que ce métal peurroit être dans un état de minéra- lisation naturelle. QE | Ë 180 HISTOIRE NATURELLE L'or ne s’est établi sur le globe que quel: -que temps après sa consolidation, et même après l'établissement du fer, parce qu'il ne w peut pas supporter un aussi grand degré de » Feu sans se sublimer ou se fondre : aussi ne s'est-il point incorporé dans la matière vi- treuse; il a seulement rempli les fentes du … quartz, qui toujours lui sert de gangue :Vor À s’y trouve dans son état de nature, et sans autre caractère que celui d’un métal fondu; ensuite il s’est sublimé par la continuité de : cette première chaleur du globe, et il s’est répandu sur la superficie de la terre en atomes impalpables et presque impercep- tibles. Les premiers dépôts ou mines primitives de cette matière précieuse ont done dû perdre de leur masse et diminuer de quantité, tant que le globe a conservé assez de chaleur pour en opérer la sublimation; et cette perte con- tinuelle, pendant les premiers siècles de la grande chaleur du globe, a peut-être contri- bué, plus qu'aucune autre cause, à la rareté de ce métal, et à sa dissémination univer- selle en atomes infiniment petits : je dis uni- verselle, parce qu'il y a peu de matières à SES La , ii DES MINÉRAUX. 18t Ja surface de la terre qui n’en contiennent une petite quantité; les chimistes en ont trouvé dans la terre végétale, et dans toutes les autres terres qu’ils ont mises à l’épreuve*. Au reste, ce métal, le plus dense de tous, est en même temps celui que la Nature a produit en plus petite quantité. Tout ce qui est extrème est rare, par la raison mème qu’il est extrême : l’or pour la densité, le diamant pour la dureté, le mercure pour la volatilité, étant extrêmes en qualité ,. sont rares en quantité. Mais pour ne parler ici que de l'or, nous observerons d'abord que quoique la Nature paroisse nous le présenter sous differentes formes , toutes néanmoins ne diffèrent les unes des autres que par la quan- tité et jamais par la qualité, parce que ni le feu, ni l’eau, ni l’air, ni même tous ces élémens combinés, n’altèrent pas son * L'or trouvé par nos chimistes récens dans la terré végétale, est une preuve de la dissémination universelle de ce métal, et ce fait paroît avoir été, connu précédemment; car Boerhaave parle d’un programme présenté aux États-généraux, sous ce titre : De arte extrahendi aurum è qualibet terra. Orrensl. Mat. gén, XII. 16 182 HISTOIRE NATURELLE F . 10 : e e 4 Fe l essence , et que les acides simples, qui dé- : truisent les autres métaux, ne peuvent l'en- tamer *. je En général, on trouve l’or dans quatre états différens, tous relatifs à sa seule divisibilité; savoir, en poudre, en paillettes, en grains, et en filets séparés ou conglomérés. Les mines primordiales de ce métal sont dans les hautes montagnes, et forment des filons dans le quartz jusqu’à d’assez grandes profondeurs ; elles se sont établies dans les fentes perpen- diculaires de cette roche quartzeuse, et l’or * M. Tillet, savant physicien de Paradiinte des sciences, s’est assuré que l’acide mitreux , rectifié autant qu'il est possible, ne dissout pas un seul atome de l’or qu’on lui présente. À la vérité, l’eau- forte ordinaire semble attaquer un peu les feuilles d’or par une opération forcée, en faisant bouillir, par exemple, quatre ou cinq onces de cet acide sur un demi-gros d’or pur réduit en une lame très- mince, jusqu’à ce que toute la liqueur soit réduite au poids de quelques gros : alors la petite quantité d’acide qui reste, se trouve chargée de quelques particules d’or ; mais le métal y est dans Pétat de gi Re et non pas véritablement dissous , puis= qu’au bout de quelque temps, il se précipite au fond ! 19e: SRE , À ! VA { DES MINÉRAUX. 183 y est toujours allié d'une plus ou moins - grande quantité d'argent : ces deux métaux y sont simplement mélangés et font masse commune; ils sont ordinairement incrustés en filets ou en lames dans la pierre vitreuse, et quelquefois ils s’y trouvent en masses et en faisceaux conglomérés. C’est à quelque distance de ces mines primordiales que se trouve l'or en petites masses, en grains, en pépites, etc. et c’est dans les ravines des >». . montagnes qui en recèlent les mines, qu'on le recueille en plus grande quantite : on le trouve aussi en paillettes et en: poudre dans du flacon, quoique bien bouché, ou bien 1l surnage à la surface de la liqueur avec son brillant métal- lique , au beu que, dans une véritable dissolution, telle qu’on l’opère par l’eäu régale, la combinaison du métal est si parfaite avec les deux acides réunis , qu’il ne les quitte jamais de lui-même. D’après ce - rapport de M. Tillet, il est aisé de concevoir que VPacide nitreux , forcé d’agir par la chaleur, n’agit ici que comme un corps qui en frotteroit un autre, et en détacheroït par conséquent quelques parti- cules , et dès lors on peut assurer que cet acide ne peut ni dissoudre ni même attaquer Por par ses propres forces. Mat, gén. XII. # les sables que roulent les torrens et les rivières qui descendent de ces mêmes mon- tagnes, et souvent cette poudre d’or est dis- persée et disséminée sur les bords de ces ruisseaux: et dans les terres adjacentes *. Mais soit en poudre, en paillettes, en grains, en filets ou en masses, l'or de chaque lieu est toujours de la mème essence, et ne dif- fère que par le degré de pureté : plus il est divisé, plus il est pur, en sorte que s'il est à vingt karats dans sa mine en montagne, les poudres et les paillettes qui en provien- nent sont souvent à vingt-deux et vingt-trois karats, parce qu’en se divisant ce métal s’est épure et purgé d'une partie de son alliage naturel. Au reste, ces paillettes,et ces grains, qui ne sont que des débris des mines pri- mordiales, et qui ont subi tant de mouve- mens, de chocs et de rencontres d’autres matières, n’en ont rien souffert qu'une plus * Wallerius compte douze sortes d’or dans les sables; mais ces douze sortes doivent se réduire à uve seule, parce qu’elles ne diffèrent les unes des autres que par la couleur, la grosseur ou la figure, et qu’au fond c’est toujours le même or. we. ve. DES MINÉRAUX. 285 grande division; elles ne sont jamais inté-— rieurement altérées , quoique souvent re- couvertes à l'extérieur de matières étran- gères. ; PI L'or le plus fin, c'estàdire, le plus épuré par notre art, est, comme l’on sait, à vingt- quatre karats : mais l’on n’a jamais trouvé d’or à ce titre dans le sein de la terre, et dans plusieurs mines il n’est qu’à vingt et même à seize et quatorze karats, en sorte qu’il con- tient souvent un quart et même un tiers de mélange; et cette matière étrangère qui se trouve originairement alliée avec l'or, est une portion d'argent, lequel, quoique beau- coup moins dense et par conséquent moins divisible que l'or, se réduit néanmoins en molécules tres-ténues. L'argent est, comme l'or, inaltérable, inaccessible aux efforts des élémens humides, dont l’action détruit tous les autres métaux ; et c’est par cette préro- gative de l’or et de l'argent qu’on les a tou- jours regardés comme des métaux parfaits, et que le cuivre, le plomb, l’étain et le fer, qui sont tous sujets à plus ou moins d’alté- ration par l'impression des agens extérieurs, sont des métaux imparfaits en comparaison 16 É er 1 1 FM ét es De FN mu» Ÿ à D ut 186 HISTOIRE NATURELLE des deux premiers. L’or se trouve donc allié d'argent, même dans sa mine Ja plus riche et sur sa gangue quartzeuse; ces deux mé—= taux , presque aussi parfaits, aussi purs l’un que l’autre, n’en sont que plus intimement unis : le haut ou bas aloi de l’or natif dépend donc principalement de la petite ou grande quantité d'argent qu’il contient. Ce n’est pas que l'or ne soit aussi quelquefois mèlé de cuivre et d’autres substances métalliques *: mais ces mélanges ne sont, pour ainsi dire, qu'extérieurs; et à l’exception de l'argent, l'or n’est point allié, mais seulement con- tenu et dissémine dans toutes les autres ma- tières métalliques ou terreuses. Ou seroit porté à croire, vu l’affinité ap- parente de l'or avec le mercure et leur forte attraction mutuelle, qu’ils devroient se trou- ver assez souvent amalgamés ensemble; ce-= pendant rien n’est plus rare, et à peine y * Par exemple, l’or de Guinée, de Sofala, de Malaca, contient du cuivre et très-peu d’argent, et le cuivre des mines de Coquimbo au Pérou con- tient, à ce qu’on dit, de l'or sans aucun mélange d'argent. | DES MINÉRAUX. 187 àa-t-il un exemple d’une mine où l'on ait trouvé l’or pénétré de ce minéral fluide. Il me semble qu’on peut en donner la raison d'après ma théorie ; car, quelque afhnité qu'il y ait entre l'or et le mercure, il est certain que la fixité de l’un et la grande volatilité de l'autre ne leur ont guère permis de s'établir en même temps ni dans les mêmes lieux, et que ce n'est que par des hasards postérieurs - à leur établissement primitif, et par des cir- constances très-particulières, qu'ils ont pu se trouver mélanges. | L'or répandu dans les sables, soit en pou- dre , en paillettes ou en grains plus ou moins gros, et qui provient du débris des mines primitives, loin d’avoir rien perdu de son essence, a donc encore acquis de la purete. -Les sels acides, alcalins et arsenicaux , qui rongent toutes les substances métalliques, ne peuvent entamer celle de l'or. Ainsi, dès que les eaux ont commencé de détacher et d’en- traîner les minérais des différens métaux, tous auront été altérés , dissous, détruits par l'action de ces sels ; l’or seul a conservé son essence intacte , et il a même défendu celle de l'argent, lorsqu'il s’y est trouvé mêlé en suffisante quantité. 168 HISTOIRE NATURELLE L'argent, quoiqu’aussi parfait que l'or à plusieurs égards, ne se trouve pas aussi com- munément en poudre ou en paillettes dans les sables et les terres. D’où peut provenir cette différence, à laquelle ilme semblequ’on n’a pas fait assez d'attention ? Pourquoi les : terrains au pied des montagnes à mines sont- ils semés de poudre d’or ? Pourquoi les torrens qui s’en écoulent roulent-ils des paillettes et des grains de ce métal, et que l’on trouve si peu de poudre, de paillettes ou de grains d’ar- gent dans ces mêmes sables, quoique les mines d’où découlent ces eaux contiennent souvent beaucoup plus d'argent que d'or? N'est-ce pas une preuve que l’argent a été détruit avant de pouvoir se réduire en pail- lettes , et que les sels de l'air, de la terre et des eaux l’ont saisi, dissous, dès qu'il s’est trouvé réduit en petites parcelles, au lieu que ces mêmes sels ne pouvant attaquer l'or, sa substance est demeurée intacte lors même qu'il s’est réduit en poudre ou en atomes impalpables ? Eu considérant les propriétés générales ï | particulières de l’or, on a d’abord vu qu'il étoit le plus pesant et par conséquent le . -wthétstiss DES MINÉRAUX. 189 plus dense des métaux *, qui sont eux-mêmes les substances les plus pesantes de toutes les matières terrestres. Rien ne peut altérer ow * La densité de l'or a été bien déterminée par M. Brisson , de l’académie des sciences. L'eau dis- tillée étant supposée peser 10000 livres, il a vu que l'or à 24 karats, fondu et non battu, pèse 19258r livres 12 onces 3 gros 62 grains, et que par consé- quent un pied cube de cet or pur peseroit 1348 hvres 1 once o gros 67 grains; et que ce même or à 24 karats, fondu et battu, pèse relativement à l'eau 193617 livres 12 onces 4 gros 28 grains, en sorte que le pied cube de cet or peseroïit 1355 livres 5 onces o gros 60 grains. L’or des ducats d’Hollande approche de très-près ce degré de pu- reté; car la pesanteur spécifique de ces ducats est de 10350 livres 12 onces 4 gros 25 grains, ce qui donne 1354 livres 10 onces : gros 2 grains pour le poids d’un pied cube de cet or. J observerai que pour avoir au juste les pesanieurs spécifiques de toutes les mauvres, 1l faut non seulement se servir d’eau distillée; mais que pour connoître exactement le poids de cette eau, il faudroit en faire disuller une assez grande quantité, par exemple, assez pour remplir un vaisseau cubique d’un pied de capacité, peser ensuite le tout, et déduire la tare du vaisseau ; 199 HISTOIRE NAT | changer dans l'or cette qua ité. prééminente. On peut dire qu’en général la densité consti- tue l’essence réelle de toute matière brute, cela seroit plus juste que si l’on n’employoit qu’uu vaisseau de quelques pouces cubiques de capacité : il faudroit aussi que le métal fût absolument pur, ce qui n'est peut-être pas possible, mais au moins le plus pur quil se pourra. Je me suis beaucoup servi d’un globe d’or, raffiné avec soin , d’un pouce de diamètre, pour mes expériences sur le progrès de la chaleur dans les corps; et en le pesant dans l’eau commune, j'ai vu qu’il ne perdoit pas + de son poids : mais probablement cette eau étoit bien plus pesanie que l’eau distillée. Je suis donc très- satisfait qu'un de nos habiles’ physiciens ait déter- miné plus précisément cette densité de l'or à 24 karats, qui, comme l’on voit, augmente de poids pa la percussion : mais étoit-il bien assuré que cet or fût absolument pur? 1l est presque impossible | d’en séparer en entier Pargént que la Nature y à mélé ; et d’ailleurs la pesanteur de l'eau mème dis- tillée varie avec la température de Patmosphère ; et cela laisse encore quelque incertitude sur la mesure exacte de Ja densité de ce métal précieux. Ayant sur cela communiqué mes doutes à M. de Morveau, il a pris la peine de s'assurer qu'un pied cube d’eau - DES MINÉRAUX. 195 et que cette première propriété fixe en même - temps nos idées sur la proportion de la quan- tité de l'espace à celle de la matière sous un disullée pèse 7r livres 9 onces 5 gros 8 grains + de grain, l'air étant à la température de ra degrés. L'eau, comme l’on sait , pèse plus ou moins, suivant qu'il fait plus froid ou plus chaud, et les différences qu’on a trouvées dans la densité des dif- férentes matières soumises à l’épreuve de la balance hydrostatique, viennent non seulement du poids - absolu de l’eau à laquelle on les compare, mais encore du degré de la chaleur actuelle de ce liquide ; et c’est par cette raison qu’il faut un degré fixe , tel que la température de 12 degrés, pour que le ré- sultat de la comparaison soit juste. Un pied cube d'eau distillée, pesant donc toujours, à la tempé- rature de 12 degrés, 7r livres 7 onces 5 gros ae _. grains , il est certain que si l'or perd dans l’eau > le son poids, le pied cube de ce métal pèse 1358 livres r once r gros 8 2 grains, et je crois cette estimation Lrop lorte ; ear, comme je viens de le dire, le globe d'or très-fin , d’un pe de diamètre, dont je me suis servi, ne perdoit pas ;; de son poids dans de l’eau qui n’étoit pas distillée , et par Mare ne il se por que dans l’eau distillée il n’eût perdu que + 2, et dans ce eus ( +5 À) le pied cube d'or ne 192 HISTOIRE RATORELLE volume donné. L’or est le terme extrême de cette proportion, toute autre substance occu- » pant plus d'espace; il est donc la matière par excellence, c’est-à-dire, la substance qui de toutes est la plus matière; et néanmoins ce corps si dense et si compacte, cette matière dont les parties sont si rapprochées, si ser-. rées , contient peut-être encore plus de vide que de plein, et par conséquent nous de- montre qu'il n'y a point de matière sans pores, que le contact des atomes matériels n’est jamais absolu ni complet, qu’enfin il n'existe aucune substance qui soit pleine- ment matérielle, et dans laquelle le vide ou l'espace ne soit interposé, et n’occupe autant et plus de place que la matière mème. Mais, dans toute matière solide, ces atomes peseroit réellement que 1340 livres 9 onces 2 gros 25 grains : il me paroît donc qu’on a exagéré la densité 2 lor, en assurant qu’il perd dans l’eau plus de Æ de son poids , et que c’est tout au plus s’il er —, auquel cas le pied cube peseroit 1358 livres. Ceux qui assurent qu’il n’en pèse que 1348, et. s À A 3. , “ a) jaeus en même temps qu il perd dans l’eau entre et L de son poids, ne se sont pas appercus que ces as résultats sont démeutis l’un par l’autre. = DES MINÉRAUX. 193 matériels sont assez voisins pour se trouver dans la sphère de leur attraction mutuelle, et c’est en quoi consiste la ténacité de toute matière solide ; les atomes de même nature sont ceux qui se réunissent de plus près : ainsi la ténacité dépend en partie de l’ho- mogénéité. Cette vérité peut se démontrer par l'expérience ; car tout alliage diminue ou détruit la ténacité des métaux : celle de l'or est si forte, qu'un fil de ce métal, d’un dixième de ligne de diamètre, peut porter, avant dese rompre, cinq cents livres de poids ; aucune autre matière métallique ou terreuse ne peut en supporter autant. La divisibilité et la ductilité ne sont que des qualités secondaires qui dépendent en “partie de la densité et en partie de la ténacité: ou de la liaison des parties constituantes. L'or, qui, sous un même volume, contient plus du double de matière que le cuivre , sera par cela seul une fois plus divisible ; et comme les parties intégrantes de l’or sont plus voisines les unes des autres que dans toute autre substance, sa ductilité est aussi la plus grande, et surpasse celle des autres métaux dans une proportion bien plus grande 17 Ta 4 k k 194 HISTOIRE NATURELLE que celle de la densité ou de la ténacité, pârcé que la ductilité, qui est le produit de ces deux causes, n’est pas en rapport simple à June ou à l’autre de ces qualités, maisen | raison composée des deux. La ductilité sera donc relative à la densité multipliée par la ténacité; et c’est ce qui, dans l'or, rendcette ductilité encore plus grande à PRÉPARER que dans tout autre métal. Cependant la forte ténacité de l'or , et sa ductilité encore plus grande, ne sont pas des propriétés aussi essentielles que sa densité ; elles en dérivent et ont leur plein effet tant que ‘rien n'’intercepte la liaison des parties constituantes , tant que l’homogéunéité sub siste, et qu'aucune force ou matière étran— gère ne change la position de ces mêmes par- ties : mais ces deux qualités qu’on croiroit essentielles à l'or, se perdent dès que sa subs- tance subit quelque dérangement dans son intérieur ; un grain d'arsenic ou d’étain jeté sur un marc d’or en fonte, ou même leur vapeur, suffit pour altérer toute cette quan-. tité d’or, et le rend aussi fragile qu'il étoit … auparavant tenace et ductile. Quelques chi- mistes ont prétendu qu'il perd de même sa DES MINÉRAUX. 195 ductilité par les matières inflammables, par exemple , lorsqu’étant en fusion il est im- médiatement exposé à la vapeur du charbon ; mais je ne £rois pas que cette opinion soit fondee. | L'or perd aussi sa ductilité par la percus- sion ; il s’écrouit, devient cassant, sans addi- tion ni mélange d’aucunematière ni vapeur, mais par le seul dérangement de ses parties intégrantes : ainsi ce métal, qui de tous est le plus ductile, n’en perd pas moins aisément sa ductilité; ce qui prouve que ce n’est pointune propriété essentielle et constante à la matière métallique, mais seulement une qualité rela- tive aux differens états où elle se trouve, puisqu'on peut Ini ôter par l’écrouissement et lui rendre par le recuit au feu cette qua- lite ductile alternativement, et autant de fois qu’on le juge à propos. Au reste, M. Brisson, de l’academie des sciences , a reconnu par des expériences très - bien faites, qu’en même temps que l’écrouissement diminue la ducti- lité des métaux, il augmente leur densité, qu'ils deviennent par conséquent d’une plus grande pesanteur spécifique, et que cet excé- dant de densité s’évanouit par le recuit. LEUR EU PET CURE \#} Na DA 196 HISTOIRE NATURELLE : La fixitéau feu, qu’on régardeencore comme une des propriétés essentielles de l’or, n’est pas aussi absolue ni même aussi grande qu’on le croit vulgairement, d’après les expériences de Boyle et de Kunckel ; ils ont, disent-ils, tenu pendant quelques semaines de l’or en fusion sans aucune perte sur son poids : ce= pendant je suis assuré, par des expériences faites dès l’année 1747*, à mon miroir de réflexion , que l'or fume et se sublime en vapeurs, même avant de se fondre; on sait d'ailleurs qu’au moment que ce métal devient rouge, et qu’il est sur le point d'entrer en fusion , il s’élève à sa surface. une petite flamme d’un verd léger : et M. Macquer, notre savant professeur de chimie, a suivi les progrès de l'or en fonte au foyer d’un miroir réfringent, et a reconnu de même qu'il continuoit de fumer et de s’exhaler en vapeur ; il a démontré que cette vapeur étoit métallique, qu’elle saisissoit et doroit l’ar- gent ou les autres matières qu’on tenoit ah dessus de cet or fumant. Il n’est donc pas douteux que l'or ne se sublime en vapeurs . . . { * Voyez les Mémoires sur les miroirs ardens, tomes V et VE. DES MINÉRAUX. r97 metalliques , non seulement après, mais même avant sa fonte au foyer des miroirs ardens : ainsi ce n’est pas la très- grande violence de ce feu du soleil qui produit cet effet, puisque Ta sublimation s'opère à un degré de chaleur assez médiocre, et avant que ce métal entre en fusion; dés lors, si les expériences de Boyle et de Kunckel sont exactes, l’on sera forcé de convenir que l'effet de notre feu sur l'or n’est pas le même que celui du feu solaire, et que s’il ne perd rien au premier , il peut perdre beaucoup et peut” être tout au second. Mais je ne puis m’empé- cher de douter de la réalité de cette différence d'effets du feu solaire et de nos feux, et je présume que ces expériences de Boyle et de Kunckel n’ont pas été suivies avec assez de précision pour en conclure que l'or est abso- Jument fixe au feu de nos fourneaux. L'opacité est encore une de ces qualités qu’on donne à l’or par excellence au-dessus de toute autre matière; elle dépend, dit-on, de la grande densité de ce métal : la feuille d’or la plus mince ne laisse passer de la lu- mière que par les gerçures accidentelles qui s’y trouvent. Si cela étoit, les matières les 37 198 HISTOIRE NATURELLE plus denses seroient tou; jours les plus opaques ; F mais souvent on observe le contraire, et l’on connoit des matières très-légères qui sont entièrement opaques , et des matières pesantes qui sont transparentes. D'ailleurs les feuilles de l'or battu laissent non seulement passer de la lumière par leurs gerçures acciden- telles, mais à travers leurs pores, et Boyle a, ce me semble, observé le premier que cette lumière qui traverse l'or est bleue : or les rayons bleus sont les plus petits atomes de Ja lumière solaire ; ceux des rayons rouges et jaunes sont les plus gros ; et'c’est peut-être par cette raison que les bleus peuvent passer à travers l’or réduit en feuilles, tandis que les autres, qui sont plus gros, ne sont point admis ou sont tous réfléchis ; et cette lumière bleue étant uniformément apparente sur toute l’étendue de la feuille, on ne peut dou- ter qu'elle n'ait passé par ses pores et non par les gerçures. Ceci n’a rapport qu’à l’effet ; mais pour la cause, si l’opacité, qui est le contraire de la transparence, ne dépendoit que de la densité, l’or seroit certainement le eorps le plus opaque, comme l’air est le plus transparent : mais combien n'y a-t-1l pas Le Li 71 DES MINÉRAUX. 19y d'exemples du contraire? Le crystal de roche, - si transparent, n'est-il pas plus dense que la plupart des terres ou pierres opaques ? Et s1 l'on attribue la transparence à l'homogéneité, l'or, dont lès parties paroissent être homo- gènes, ne devroit-il pas être très-transparent ? Il mesemble donc que l’opacité ne dépend ni de la densité de la matière, ni de l’homogé- néitée de ses parties, et que la première cause de la transparence est la disposition régulière des parties constituantes et des pores; que quand ces mêmes parties se trouvent dispo- sées en formes régulières, et posées de ma- nière à laisser entre elles des vides situés dans la mème direction, alors la matiere doit être. transparente , et quelle est au contraire nécessairement opaque dès que les pores ne sont pas situés dans des directions correspon- dantes. Et cette disposition qui fait la transpa- rence s'oppose à la ténacité : aussi les corps transparens sont en général plus friables que les corps opaques; et l’or, dont les parties sont fort homogènes et la ténacité très-grande, u'a pas ses parties ainsi disposées : on voit en le rompant qu’elles sont, pour ainsi dire, \ RS Ka! nl Eù \Q RE HR ; A 200 HISTOIRE NATURELLE engrenées les unes dans les autres ; elles pré. sentent au microscope de petits angles prise matiques , saillans et rentrans. C’est donc de cette disposition de ses parties constituantes que l'or tient sa grande opacité, qui du reste ne paroît en effet si grande que parce que sa densité permet d'étendre en une surface im- mense une très-petite masse, et que la feuille d'or, quelque mince qu’elle soit, est tou- jours plus dense que toute autre matière. Cependant cette disposition des vides ou pores dans les corps n’est pas la seule cause qui puisse produire la transparence ; le corps transparent n’est, dans ce premier cas , qu'un crible par lequel peut passer la lumière : mais lorsque les vides sont très-petits, la lumière est quelquefois repoussée au lieu d’être admise ; il faut qu'il y ait attraction entre les parties de la matière et les atomes de la lumière pour qu'ils la pénètrent ; car l'on ne doit pas considérer ici les pores comme des gerçures ou des trous, mais comme des interstices d'autant plus petits et plus serrés que la matière est plus dense : or, si les rayons de lumière n'ont point d’affinité avec le corps sur lequel ils tombent, ils seront réfléchis = f x. _" ._ DES MINERAU X. 20E et ne le pénétreront pas. L'huile dont on humecte le papier pour le rendre transpa- rent, en remplit et bouche en même temps les pores : elle ne produit donc Ja transpa- rence que parce qu'elle donne au papier plus d'affinitée qu’il n’en avoit avec la lumière, et. l'on pourroit démontrer par plusieurs autres exemples l’effet de cette attraction de trans- mission de la lumière, ou des autres fluides dans les corps solides ; et peut-ètre l’or, dont la feuille mince laisse passer les rayons bleus de la lumiere à l'exclusion de tous les autres rayons , a-t-il plus d'affinité avec ces rayons bleus , qui dès lors sont admis, tandis que les autres sont tous repoussés. Toutes les restrictions que nous venons de faire sur la fixité, la ductilité et l’opacité de l'or, qu'on a regardées comme des propriétés trop absolues, n'empêchent pas qu’il n’ait au plus haut degré toutes les qualites qui carac- térisent la noble substance du plus parfait métal ; car il faut encore ajouter à sa préé- minence en densité et en ténacité, celle d’une essence indestructible et d’une durée presque éternelle. Il est inaltérable, ou du moins plus durable , plus impassible qu'aucune autre 202 HISTOIRE NATURELLE substance ; il oppose une résistance invin- cible à l’action des élémens humides, à celle du soufre et des acides les plus puissans’, et des sels les plus corrosifs : néanmoins nous. avons trouvé par notre art non seulement les moyens de le dissoudre, mais encore ceux de le dépouiller de la plupart de ses qualités ; et si la Nature n’en a pas fait autant, c’est que la main de l’homme, conduite par l’es- prit, a souvent plus fait qu’elle : et sans sortir de notre sujet, nous verrons que l'or dissous, l’or précipité, l’or fulminant, etc., ne se trouvant pas dans la Nature, ce sont autant de combinaisons nouvelles , toutes résultant de notre intelligence. Ce n’est pas qu'il soit physiquement impossible qu’il y ait dans le sein de la terre de l’or dissous, préci- pité et minéralisé , puisque nous pouvons le dissoudre et le précipiter de sa dissolution, et puisque dans cet état de précipité il peut être saisi par les acides simples comme Îles autres métaux, et se montrer par conséquent sous une forme minéralisée ; mais comme cette dissolution suppose la réunion de deux acides, et que ce précipité ne peut s’opérer que par une troisième combinaison, il n'est d sé DES MINÉRAUX. 203 pas étonnant qu'on ne trouve que peu ou point d’or minéralisé dans le sein de la terre*, tandis que tous les autresmétaux seprésentent presque toujours sous cette forme, qu’ils reçoivent d'autant plus aisément qu'ils sont plus susceptibles d’être attaqués par les sels de la terre et par les impressions des élémens humides. On n’a jamais trouvé de précipités d’or, ni d’or fulminant , dans le sein de la terre : la raison en deviendra sensible si l’on consi- dère en particulier chacune des combinai- sons nécessaires pour produire ces preécipi- tés; d’abord on ne peut dissoudre l’or que par deux puissances réunies et combinées , _l'acite nitreux avec l'acide marin, ou le soufre avec l’alcali ; et la réunion de ces deux substances actives doit être trèes-rare dans Ja Nature, puisque les acides et les alcalis, * L'or est minéralisé , dit-on, dans la mine de Nagiach; on prétend aussi que le zinopel ou 51 nople provient de la décomposition de l’or faite | par la Nature, sous la forme d’une terre ou chaux couleur de pourpre : mais je doute que ces faits soient bien constatés. 204 HISTOIRE NATURELLE tels que nous les employons, sont eux-mêmes des prod de notre art, et que le soufre natif n’est aussi qu’un produit des volcans. Ces raisons sont les mêmes et encore plus fortes pour les précipités d’or; car il faut une troisième combinaison pour le tirer de sa dissolution , au moyen du melange de quelque autre matière avec laquelle Le dissol: vant ait plus d'affinité qu'avec l'or; et en- suite, pour que ce précipité puisse acquérir la propriété fulminante , il faut encore choi- sir une matière entre toutes les autres qui peuvent également précipiter l'or de sa disso= lution : cette matière est l’alcali volatil, sans lequelilne peut devenir fulminant; cetalcali volatil est le seul intermède qui dégage subi- tement l’air et cause la fulmination; car s’il n’est point entré d’alcali volatil dans la dis- solution de l'or, et qu’on le précipite avec l’alcali fixe ou toute autre matière, il ne sera pas fulminant: enfin il faut eucore lui com- muniquer une assez forte chaleur pour qu’ik exerce cette action fulminante : or toutes ces conditions réunies ne peuvent se ren— contrer daus le sein de la terre, et dès lors ik est sûr qu’on n'y trouvera jamais de l'ar D. / \ DES MINÉRAUX. 205 Fulminant. On sait que l’explosion de cet or fulminant est beaucoup plus violente que celle de la poudre à canon, et qu’elle pour- roit produire des effets encore plus terribles, et même s’exercer d’une manière plus insi- dieuse, parce qu'il ne faut ni feu, ni même une étincelle, et que la chaleur seule, pro- duite par un frottement assez léger, suffit pour causer une explosion subite et fou- droyante. On a, ce me semble, vainement tenté l’ex- plication de ce phénomène prodigieux; ce- pendant, en faisant attentién à toutes les circonstances, et en comparant leurs rap- ports, il me semble qu’on peut au moins en tirer des raisons satisfaisantes et très-plau- sibles sur la cause de cet effet : si dans l’eau régale, dont on se sert pour la dissolution de l'or, il n’est point entré d’alcali volatil, soit sous sa forme propre, soit sous celle du sel ammoniac, de quelque manière et avec quelque intermède qu’on précipite ce métal, il ne sera ni ne deviendra fulminant , à moins qu'on ne.se serve de l’alcali volatil pour cette précipitation ; lorsqu'au contraire la dissolution sera faite avec le sel ammo- 13 ! Fr) S Je Ar, EE RATER 7 : VA Q LE Fr NS k à El 206 HISTOIRE NATURELLE niac, qui toujours contient de l’alcali vola til, de quelque manière et avec quelque intermède que l’on fasse la précipitation, l'or deviendra toujours fulminant. Il est donc assez clair que cette qualité fulminante ne lui vient que de l’action ou du mélange de l’alcali volatil, et l’on ne doit pas être incertain sur ce point, puisque ce précipité fulminant pèse un quart de plus que l’or dont il est le produit; dès lors ce quart en sus de matière étrangère qui s’est alliée avec l'or dans ce précipité, n’est autre chose, du moins en grande partie, que de l’alcali vo- latil: mais cet alcali contient, indépendam- ment de son sel, une grande quantité d’air inflammable, c'est-à-dire, d’âir élastique mélé de feu; dès Lors il n’est pas surprenant que ce feu ou cet air inflammable contenu dans l’alcali volatil, qui se trouve pour un quart incorpore avec l'or, ne s’enflamme en effet par la chaleur, et ne produise une ex- plosion d'autant plus violente que les mo-: lécules de l’or dans lesquelles il est engagé sont plus massives et plus résistantes à l’ac- tion de cet élément incoercible, et dont les effets sont d'autant plus violeus que les DES MINÉRAU X. 207 résistances sont plus grandes. C’est par cette même raison de l'air inflammable contenu. dans l’or fulminant, que cette qualité ful- minante est détruite par le soufre mêlé avec ce précipité; car le soufre, qui n’est que la matière du feu fixée par l’acide, a la plus grande affinité avec cette mème matière du feu contenue dans l’alcali volatil : il doit donc lui enlever ce feu, et dés lors la cause de l'explosion est ou diminuée ou même anéantie par ce mélange du soufre avec l’or fulminant. Au reste, l’or fulmine avant d’être chauffé jusqu’au rouge, dans les vaisseaux clos comme en plein air : mais, quoique cette chaleur nécessaire pour produire la fulmi- nation ne soit pas très-grande, il est certaiñ qu'il n’y a nulle part, dans le sein de la terre, un tel degré de chaleur, à l'exception des lieux voisins des feux souterrains, et que par conséquent il ne peut se trouver d'or fulminant que dans les volcans, dont il est possible qu’il ait quelquefois augmenté les terribles effets; mais, par son explosion même, cet or:fulmirant se trouve tout-à- coup anéanti, ou du moins perdu et dispersé 28 HISTOIRE NATURELLE en atomes infiniment petits*. Il n’est donc pas étonnant qu'on n'ait jamais trouvé d’or fulminant dans la Nature , puisque, d'une part, le feu ou la chaleur le détruit en le faisant fulminer , et que, d'autre part, il ne pourroit exercer cétte action fulminante dans l’intérieur de la terre, au degré de sa température actuelle. Au reste, on ne doit * M. Macquer, après avoir cité quelques exemples . funestes des accidens arrivés par la fulminauon de l'or à des chimistes peu attentifs ou trop courageux, dit qu'ayant fait fulminer dans une grande cloche de verre une quantité de ce précipiié assez petite pour n’en avoir rien à craindre, on a irouvé, après la détonation, sur les parois de la cloche, l’or en nalure que cette détonation n’avoit point altéré. Comme cela pourroit induire en erreur, je crois devoir observer que celte matière qui avoit frappé contre les parois du vaisseau et s’y étoit attachée, n’étolt pas, comme il le dit, de l’or en nature, mais de l'or précipité; ce qui est fort différent, puisque celui-ci à perdu la principale propriété de sa nature, qui est d’être inaltérable , indissoluble par les acides simples, et que tous les acides peuvent au contraire altérer et même dissoudre ce préci= LUTTE | : 0e L DES MINÉRAUX. 209 pas oublier qu’en général les précipités d’or, lorsqu'ils sont réduits, sont à la vérité tou- jours de l’or; mais que dans leur etat de pré- cipite , et avant la réduction , ils ne sont pas» comme l’or même, inalterables, indestruc- tibles, etc. Leur essence n’est donc plus la mème que celle de l’or de uature : tous les acides mineraux ou végétaux, et même les simples acerbes , tels que la noix de galle, agissent sur ces précipités et peuvent Les dis- soudre, tandis que l’or en métal n’en éprouve aucune altération; les précipités de l’or res- semblent donc, à cet égard, aux metaux im- parfaits , et peuvent par conséquent être altérés de même et minéralisés. Mais nous venons de prouver que les combinaisons né- cessaires pour faire des précipités d’or n’ont guère pu se trouver dans la Nature, et c’est sans doute par cette raison qu’il n'existe réellement que peu ou point d’or minéralisé dans le sein de la terre; et s’il en existoit, cet or miuéralisé seroit en effet très-différent de l’autre: on pourroit Le dissoudre avec tous: les acides , puisqu'ils dissolvent les précipités dont se seroit formé cet or minéralisé. 11 ne faut qu'une petite quantité d'acide 18 210 HISTOIRE NATURELLE marin mêlée à l'acide nitreux pour dis- soudre l’or; mais 14 meilleure proportion est de quatre parties d'acide nitreux, et une par- | tie de sel ammoniac. Cette dissolution est d’une belle couleur jaune; et lorsque ces dis- solvans sont pleinement saturés, elle devient clairè et transparente; dans tout état, elle teint en violet plus ou moins foncé toutes les substances animales : si on la fait éva- porer, elle donne en se refroidissant des crystaux d’un beau jaune transparent; et si l’on pousse plus loin l’évaporation au moyen de la chaleur, les crystaux disparoissent, et il ne reste qu’une poudre jaune et très-fine qui n’a pas le brillant métallique. Quoiqu'on puisse précipiter l'or dissous dans l’eau régale avec tous les autres mé- taux , avec les alcalis, les terres calcaires, etc. c’est l’alcali volatil qui, de toutes les matières connues, est la plus propre à cet effet; il réduit l'or plus promptement que les alcalis fixes ou les métaux : ceux-ci changent la couleur du précipité; par exemple, l’étain lui donne la belle couleur pourpre qu’on emploie sur nos porcelaines.- L'or pur a peu d'éclat, et sa couleur jaune U DES MINÉRAUX. 215 est assez matte; le mélange de l'argent le blanchit, celui du cuivre le rougit; le fer lui communique sa couleur; une partie d’a- cier fondue avec cinq parties d’or pur, lui donne la couléur du fer poli. Les bijoutiers se servent avec avantage de ces mélanges pour les ouvrages où ils ont\besoin d'or de différentes couleurs. L'on connoît en chimie des procédés par lesquels on peut donner aux précipités de l’or les plus belles cou- leurs, pourpre, rouge, verte, etc. : ces cou- leurs sont fixes et peuvent s’employer dans les émaux; le borax blanchit l’or plus que tout autre mélange, et le nitre lui rend la couleur jaune que le borax avoit fait dispa- roitre. | Quoique l'or soit le plus compacte et le plus tenace des métaux, il n’est néanmoins que peu élastique et peu sonore : il est très- flexible, et plus mou que l’argent , le cuivre, et le fer, qui de tous est le plus dur; il n’y a que le plomb et l’étain qui aient plus de mollesse que l’or, et qui soient moins élas- tiques ; mais quelque flexible qu'il soit, on .a beaucoup de peine à le rompre. Les voya- geutrs disent que l'or de Malaca, qu'on croit Rp RSR nt | ou { * “2 HISTOIRE NATURELLE venir de Madagascar, et qui est presque tout blanc, se fond aussi promptement que du plomb. On assure aussi qu’on trouve dans les sables de quelques rivières de ces contrées, des grains d'or que l’on peut couper au cou- teau, et que même cet or est si mou, qu'il peut recevoir aisément l’empreinte d’un ca- chet ; il se fond à peu près comme du plomb, et l’on prétend que cet or est le plus pur de tous : ce qu'il y a de certain, c'est que plus. ce métal est pur et moins il est dur; il n’a, dans cet état de pureté, ni odeur ni saveur sensible, même après avoir été fortement frotté ou chauffé. Malgré sa mollesse , il est cependant susceptible d’un assez grand degré de dureté par l’écrouissement, c’est-à-dire, par la percussion souvent réitérée du HAE teau , ou par la compression successive ét forcée de la filière; il perd même alors une grande partie de sa ductilité et devient assez cassant. Tous les métaux acquièrent de même un excès de dureté par l’écrouisse- ment : mais on peut toujours détruire cek effet en les faisant recuire au feu, et l’or, qui est le plus doux, le plus ductile de tous, ne laisse pas de perdre cette ductilité par une DES MINÉRAUX. 213 forte et longue percussion; il devient non seulement plus dur, plus élastique, plus sonore, mais même il se gerce sur ses bords lorsqu'on lui fait subir une extension forcée sous-les rouleaux du laminoir : néanmoins il perd par le recuit ce fort écrouissement plus aisément qu'aucun autre métal; 1l.ne faut pour cela que le chauffer, pas même jusqu’au rouge, au lieu que le cuivre et le fer doivent être pénétrés de feu pour perdre leur écrouissement. Après avoir exposé les principales proprié- tés de l'or, nous devons indiquer aussi les moyens dont on se sert pour le séparer des autres métaux ou des matières hétérogènes avec lesquelles il se trouve souvent mêle. Dans les travaux en grand , on ne se sert que du plomb, qui, par la fusion , sépare de l'or toutes ces matières étrangères en les scori= fiant ; on emploie aussi le mercure , qui, par amalgame , en fait, pour ainsi dire, l’ex- trait en s’y attachant de préférence. Dans les travaux chimiques, on fait plus souvent usage des acides . «Pour séparer l’or de toute «autre matière métallique, on letraite, dit « mon sayant ami, M. de Morveau, soit avec s4 HISTOIRE NATURELLE « des sels quiattaquent les métaux imparfaits « à l’aide d’une chaleur violente, et qui s’ap- « proprient mème l'argent qui pourroit lui « être allié, tels que le vitriol , le nitre et le « sel marin ; soit par le soufre ou par l’anti- « moine, qui en contientabondamment ; soit «enfin par la coupellation , qui consiste à « mêler l'or avec le double de son poids envi- «ron de plomb, qui, en se vitrifiant, en— « traîne avec lui et scorifie tous les autres « métaux imparfaits; de sorte que le bouton « de fin reste seul sur la coupelle, qui absorbe «dans ses pores la litharge de plomb et les «autres matières qu'elle a scorifiées ». La coupellation laisse donc l’or encore allié d'argent : mais on peut Îles séparer par le moyen des acides qui n'attaquent que l’un ou l’autre de ces métaux; et comme l'or ne se laisse dissoudre par aucun acide simple ni par le soufre, et que tous peuvent dissoudre l'argent, on a, comme l'on voit, plusieurs moyens pour faire la séparation ou le départ de ces deux métaux. On emploie ordinaire- ment l'acide nitreux ; il faut qu'il soit pur, mais non pas trop fort ou concentré : c’est de tous les acides celui qui dissout l'argent DES MINÉRAUX. 215 avec plus d'énergie et sans aide de la chaleur, ou tout au plus avec une petite chaleur pour commencer la dissolution. En général, pour que toute dissolution s’o- père, il faut non seulement qu'il y ait une grande affinitéentrele dissolvant etla matière à dissoudre, mais encore que l’une de ces deux matières soit fluide pour pouvoir pénétrer l’autre, en remplir tous Les pores, et détruire par la force d’afhinité celle de la cohérence des parties de la matière solide. Le mercure, par sa fluidité et par sa très-grande affinité avec l'or , doit être regardé comme l’un de ses dis- solvans ; car il le pénètre et semble le diviser dans toutes ses parties : cependant ce n’est qu'uneunion, une espèce d'alliage , et non pas une dissolution; et l’on a eu raison de donner à cet alliage le nom d’arzalgame, parce que J'amalgame se détruit par la seule évapora- tion du mercure , et que d’ailleurs tous les vrais alliages ne peuvent se faire que par le feu , tandis que l’amalgame peut se faire à froid , et qu’il ne produit qu’une union par- ticulière , qui est moins intime que celle des alliages naturels ou faits par la fusion : et en effet, cet amalgame ne prend jamais d'autre LI 216 HISTOIRE NATURELLE \: solidité que celle d’une pâte assez molle, toujours participant de la fluidité du mer- cure, avec quelque métal qu’on puisse lunir A \ A ou le mêler. Cependant l’amalosame se fait encore mieux à chaud qu'à froid : le mercure, quoique du nombre des liquidés, n’a pas la propriété de mouiller les matières terreuses, ni même les chaux métalliques : il ne con- tracte d'union qu'avec les métaux qui sont sous leur forme de métal; une assez petite quantité de mercure suffit pour les rendre friables, en sorte qu’on peut dans cet état les réduire en poudre par une simple tritura- tion , et avec une plus grande quantité de mercure on en fait une pâte, mais qui n’a. ni cohérence ni ductilité : c’est de cette ma- nière très-simple qu’on peutamalgamer l'or, qui, de tous les métaux, a la plus grande affinité avec le mercure ; elle est si puis- ante, qu’on la prendroit pour une espèce de magnétisme. L'or blanchit dès qu'il est tou- ché par le mercure, pour peu même qu'il en reçoive les émanations : mais dans les métaux. qui ne s'unissent avec lui que difficilement, il faut, pour le succès de l’amalgame , em ployer le secours du feu, en réduisant d'a- ” DES MINÉRAUX. 17 bord le métal en poudre très-fine , et faisant ensuite chauffer le mercure à peu près au point où il commence à se volatiliser : on fait en même temps et séparément rougir la poudre du métal, et tout de suite on la tri- ture avec le mercure chaud. C’est de cette manière qu'on l’amalgame avec le cuivre ; mais l’on ne connoit aucun moyen de lui faire contracter union avec le fer. Le vrai dissolvant de l’or est, comme nous l'avons dit, l’eau régale composée de deux acides, le nitreux et le marin; et comme s’il falloit toujours deux puissances réunies pour domter ce métal, on peut encore le dis- soudre par le foie de soufre , qui est un com- posé de soufre et d’alcali fixe. Cependant cette dernière dissolution a besoin d’être aidée , et ne se fait que par le moyen du feu. On met l’or en poudre trés-fine ou en feuilles brisées dans un creuset, avec du foie de soufre ; on les fait fondre ensemble , et l’or disparoît dans le produit de cette fusion : mais en faisant dissoudre dans l’eau ce même produit , l’or y reste en parfaite dissolution, et 1L.est aisé de le tirer par précipitation. Les alliages de l'or avec l’argentetlecuivre Mat. gén, XII: 19 218 HISTOIRE NATURELLE. 4 sont fort en usage pour les monnoies et poux les ouvrages d’orfévrerie ; on peut de mème l’allier avec tous les autres métaux : mais tout alliage lui fait perdre plus ou moins de sa ductilité, et la plus petite quantitéd’étain, ou même la seule vapeur de ce métal, suffisent La pour le rendre aigre et cassant ; l’argent est celui de tous qui diminue le moins sa très- grande ductilité. | L'or naturel et natif est presque toujours allié d'argent en plus ou moins grande pro- portion ; cet alliage lui donne de la fermeté et pâlit sa couleur : mais le mélange du cuiyre l’exalte, la rendd'un jaune plus rouge, et donne à l’or un assez grand degré de du- reté ; c'est par cette dernière raison que, quoique cet alliage du cuivre avec l’or en diminue la densité au-delà des proportions du mélange , il est néanmoins fort en usage pour les monnoies, qui ne doivent ni se plier, ni s’effacer , ni s'étendre, et quiauroient tous ces inconvéuiens s1 elles étoient fabriquées d'or pur. Suivant M. Geller , l’alliage de l’or avec le plomb devient spécifiquement plus pesant, et il y a pénétration entre ces deux métaux > DES MINÉRAUX. 219 tandis que le contraire arrive dans l’alliage de l’or et de l’etain, dont la pesanteur speci- fique est moindre : l’alliage de l’or avec le fer devient aussi spécifiquement plus léger ; il n’y a donc nulle pénétration entre ces deux metaux, mais une simple union de leurs parties, qui augmente le volume de la masse, au lieu de le diminuer, comme le fait la pé- nétration. Cependant ces deux métaux, dont les parties constituantes ne paroissent pas se réunir d'assez près dans la füsion , ne laissent pas d’avoir ensemble une grande affinité; car l'or se trouve souvent, dans la Nature, mêlé avec le fer, et de plus il facilite au feu la fu- sion de ce métal. Nos habiles artistes de- vroient donc mettre à profit cette propriété de l'or, et le préférer au cuivre, pour souder les petits ouvrages d'acier qui demandent le plus grand soin et la plus grande solidité ; et ce qui semble prouver encore la grande affinité de l’or avec le fer, c’est que quand ces deux métaux se trouvent alliés, on ne peut les séparer en entier par le moyen du plomb; et 1l en est de même de l'argent allié au fer, on est obligé d'y ajouter du bismuth pour achever de les purifier. ae CN On et RTE TOPPANPTEENR RRENENE AITEE SE FT OR RON ET PR ER à F RE SRE LE AE di 220 HISTOIRE NATURELLE L'alliage de l'or avec le zinc produit un composé dont la masse est spécifiquement plus pesaute que la somme des pesanteurs spécifiques de ces deux matières composantes ; il y a donc pénétration dans le mélange de ce métal avec ce demi-meétal, puisque le-vo- lume en devient plus petit : on a observé la même chose dans l’alliage de l’or et du bis- muth. Au reste, on a fait un nombre prodi- gieux d’essais du mélange de l’or avec toutes les autres matières métalliques , que je ne pourrois rapporter ici sans tomber dans une trop grande prolixite. Les chimistes ont recherché avec soin :les ainites de ce métal, tant avec les substances naturelles qu'avec celles qui ne sont que le produit de nos arts; et il s’est trouvé que ces affinités étoient dans l’ordre suivant. 1°. l’eau régale, 2°. le foie de soufre, 3°. le mercure, 4. l’éther , 5°. l'argent , 6°. le fer, 7°. le plomb. L'or a aussi beaucoup d’affinité avec les substances huileuses, volatiles et atté- nuées, telles que les huiles essentielles des plantes aromatiques, l’esprit-de-vin, et sur— tout l’éther; il en a aussi avec les bitumes liquides, tels que le naphte et le pétrole: DES MINÉRAUX. 2 d'où l'on peut conclure qu’en général c’est avec les matières qui contiennent le plus de principes inflammables et volatils que l’or a le plus d’affinité; et dès lors on n’est pas en droit de regarder comme une chimère ab- surde l'idée que l’or rendu potable peut pro- duire quelque effet dans les corps organisés, qui, de tous les êtres, sont ceux dont la subs- tance contient la plus grande quantité de matière inflammable et volatile, et que, par conséquent , l'or extrêmement divisé puisse y produire de bons ou de mauvais effets, suivant les circonstances et les différens états où se trouvent ces mêmes corps organisés. 11 me semble donc qu’on peut se tromper en prononçant affirmativement sur la nullité des effets de l’or pris intérieurement, comme remède, dans certaines maladies, parce que le médecin ni personne ne peut connoitre tous les rapports que ce métal très-atténué peut avoir avec le feu qui nous anime. Il en est de même de cette fameuse re- cherche appelée Ze grand œuvre, qu’on doit rejeter en ‘bonne morale, mais qu’en saine - physique l’on ne peut pas traiter d’impossible. On fait bien de dégoûter ceux qui voudroient 1947 A 222 HIST OIRE NATURELLE se livrer à ce travail pénible et ruineux, qui, même füt-il suivi du succès, ne seroit utile en rien à la société : mais pourquoi pronon- cer d’une manière décidée que la transmu-— tation des métaux soit absolument impos- sible, puisque nous ne pouvons douter que toutes les matières terrestres, et même les. élémens , ne soient tous convertibles; qu’in- dépendamment de cette vue spéculative, nous connoissons plusieurs alliages dans lesquels la imatière des métaux se pénètre. et aug- mente de densité? L’essence de l'or consiste dans la prééminence de cette qualité; et toute matière qui par le mélange obtiendroit le même degré de densité, ne seroit-elle pas dé l'or? Ces métaux mélangés, que l’alliage rend spécifiquement plus pesans par leur pénétration réciproque, ne semblent-ils pas nous indiquer qu'il doit y avoir d'autres combinaisons où cette pénétration étant en- core plus intime, la densité deviendroit plus grande ? On ne connoissoit ci-devant rien de plus dense que le mercure après l'or; mais on a recemment découvert la platine : ce minéral nous présente l’une de ces combinaisons où es DES MINÉRAUX. 223 la densité se trouve prodigieusement aug- mentée , et plus que moyenne entre celle du mercure et celle de l’or. Mais nous n’avons aucun exemple qui puisse nous mettre en droit de prononcer qu'il y ait dans la Nature des substances plus denses que l'or, ni des moyens d'en former par notre art : notre plus grand chef-d'œuvre seroit en effet d'augmen- ter la densité de la matière, au point de lui donner la pesanteur de ce métal; peut-être ce chef-d'œuvre n'est-il pas impossible, et peut-être mème y est-on parvenu; car, dans le grand nombre des faits exagérés ou faux qui nous out été transmis au sujet du gard œuvie, 11 y en a quelques uns dont il me paroît assez difficile de douter : mais cela ne mous empêche pas de mépriser et même de condamner tous ceux qui, par cupidité, se hivrent à cette recherche, souvent même sans avoir les connoissances nécessaires pour se couduire dans leurs travaux ; car il faut avouer qu'on ne peut rien tirer des livres d'alchimie; ni la Table hermétique, ni la Tourbe des philosophes, ni Philalèthe, et quelques autres que j'ai pris la peine delire*, é ” ; KT ) * Je puis même dire que j’ai vu un bon vombre k 4 Ù JAATE RO APE Aa ee 0e ‘di 224 HISTOIRE NATURELLE ‘ 10 et même d'étudier , ne m'ont présenté que des obscurités, des procédés inintelligibles te où je n'ai rien apperçu, et dont je n'ai pu .rien conclure, sinon que tous ces chercheurs de pierre philosophale ont regardé le mercure comme la base commune des metaux, et sur- tout de l’or et de l'argent. Becher, avec sa terre mercurielle, ne s'éloigne pas beaucoup de cette opinion; il prétend même avoir trouvé le moyen de fixer cette base commune des métaux. Mais s’il est vrai quele mercure ne se fixe en effet que par un froid extrême, il n’y a guère d'apparence que le feu des four- neaux de tous ces chimistes ait produit le même effet : cependant on auroit tort de nier absolument la possibilité de ce changement d'état dans le mercure, puisque, malgré la fuidité qui lui paroit être essentielle, 1l est dans le cinabre sous une forme solide, et que nous ne savons pas si sa substance ou sa Va e : - ee re AR TO PTE NS ne Te CEE de ces messieurs adeptes, dont quelques uns sont venus de fort loin pour me consulter, disoïient-ils, et me faire part de leurs travaux ; mais tous ont bientôt été dégoûtés de ma conversation par mon peu d’enthousiasme. DES MINÉRAUX. 25 peur, mêlée avec quelque autre matière que le soufre, ne prendroit pas une forme encore plus solide, plus concrète et plus dense. Le projet de la transmutation des métaux et celui de la fixation du mercure doivent donc être rejetés, non comme des idées chimériques ni des absurdités, mais comme des entreprises téméraires , dont le succès est plus que dou- teux. Nous sommes encore si loin de con- noître tous les effets des puissances de la Nature , que nous ne devons pas les juger exclusivement par celles qui nous sont con- nues, d'autant que toutes les combinaisons possibles ne sont pas, à beaucoup près, épui- sées, et qu’il nous reste sans doute plus de choses à découvrir que nous n’en connois- sons. En attendant que nous puissions pénétrer plus profondément dans le sein de cette Na- ture inépuisable, bornons-naus à la contem- pler et à la décrire par les faces qu’elle nous présente: chaque sujet, mème le plus simple, ne laisse pas d’offrir un si grand nombre de rapports, que l’ensemble en est encore très- difficile à saisir. Ce que nous avons dit jus- qu ici sur Por, n’est pas, à beaucoup près, { 226 HISTOIRE NATUR ELLE tout ce qu’on pourroit en dire; me négli- geons, s'il est possible, aucune observation, aucun fait remarquable sur ses mines, sur la manière de les travailler, et sur les lieux où on les trouve. L'or, dans ses mines primi- tives , est ordinairement en fhlets, en ra-- meaux, en feuilles , et quelquefois crystallisé en très-petits grains de forme octaëdre. Cette crystallisation, ainsi que toutes ces ramifi- cations, n’ont pas été produites par l’inter- mède de l’eau, mais par l’action du feu pri- mitif qui tenoit encore ce métal en fusion : il a pris toutes ses formes dans les fentes du quartz, quelque temps après sa consolida- tion. Souvent ce quartz est blanc, et quel- quefois il est teint d’un jaune couleur de corne; ce qui a fait dire à quelques minéra- Jogistes qu'on trouvoit l'or dans la pierre de corne comme dans le quartz : mais la vraie pierre de corne étant d'une formation posté- rieure à celle du quartz, l'or qui pourroit s’y. trouver ne seroit lui-même que de seconde formation ; l'or primordial, fondu ou su- blimé par le feu primitif, s’est logé dans les fentes que le quartz, déja décrépité par les agens extérieurs, lui offroit de toutes parts, DES MINÉRAUX. 227 et communément il s’y trouve allié d'argent, parce qu’il ne faut qu’à peu près le même degré de chaleur pour fondre et sublimer ces deux métaux. Ainsi l'or et l'argent ont oc- cupé en même temps les fentes perpendicu- laires de la roche quartzeuse, et ils y ont en commun formé les mines primordiales de ces métaux : toutes les mines secondaires en ont successivement tiré leur origine quand les eaux sont venues dans la suite attaquer ces mines primitives, et en détacher les grains et les parcelles qu’elles ont entraînés et dé- posés dans le Lit des rivières et dans les terres adjacentes; et ces débris métalliques, rap- prochés et rassemblés, ont quelquefois formé des agrégats, qu'on reconnoit être des ou- vrages de l’eau, soit par leur structure, soit par leur position dans les terres et les sables. Il n’y a donc point de mines dont l’or soit absolument pur; il est toujours allié d’ar- gent : mais cet alliage varie en différentes proportions, suivant les différentes mines*; * Pline parle d’un or des Gaules qui ne contenoit qu'un frente-sirième d'argent. En admettant le fait, cet or seroit le plus pur qu’on eût jaruais trouvé. AN eh Nain 228 HISTOIRE NATURELLE et dans la plupart il ya béaiicoie plus d’ ar gent que d’or; car comme la quantité de Mere s’est trouvée surpasser de beaucoup celle de l'or, les alliages naturels résultans ï de leur mélange sont presque tous composés d’une bien plus grande quantité F'ATERAI que . d’or. Ce métal mixte de première formation est, comme nous l'avons dit, engagé dans un roc quartzeux auquel il est étroitement uni; pour l'en tirer, il faut donc commencer par broyer la pierre, en laver la poudre pour en séparer les parties moins pesantes que celles du métal, et achever cette séparation par le \ . \ moyen du mercure, qui, s’'amalgamant avec les particules métalliques , laisse à partde restant de la matière pierreuse : on enlève ensuite le mercure en donnant à cette masse amalgamée un degré de chaleur suffisant pour le volatiliser; après quoi il ne reste plus que la portion métallique , composée d'or et d'argent : on sépare enfin ces deux métaux, autant qu’il est possible, par les opérations du départ, qui cependant ne laissent jamais l'or parfaitement pur *, comme s’il etoit * Je crois cependant qu'il n’est pas impossible Fe | \ DES MINÉRAUX. 229 | impossible à notre art de séparer en entier ce que la Nature a réuni; car de quelque manière que l’on procède à cette séparation de l'or et de l'argent, qui, A la Nature, ne sont le plus souvent qu’une masse com- mune , ils restent toujours mêlés d’une petite portion du métal qu’on tâche d’en separer*, de séparer absolument l’ar et l'argent l’un de l’autre en mulupliant les opérations et les moyens, et qu’au moins: on arriveroit à une approximation si grande, qu'on pourroit regarder comme nulle la porüon presque infiniment petile de celui qui res- teroit contenu dans l’autre. * M. Cramer, dans sa Docimasie, assure que si le départ se fait par l’eau-forte, il reste toujours une petite portion d’argent unie à l’or, et de même que quand on fait le départ par l’eau réoale , 1l reste toujours une petite portion d’or unie à l’argent, et 1] estime cetie proportion depuis un deux-centième jusqu’à un cent-cinquantième, M. Tillet observe qu’il est très-vrai qu’on n’ob- tient pas de l'or parfaitement pur par la voie du départ , mais que cependant il est possible de par- venir à ce but par la dissolution de l'or fin dans l’eau régale, ou par des cémentations réitérées. 20 | J } 230 HISTOIRE NATURELLE. 0 de sorte que ni l’or ni l'argent ne sont jamais dans un état de pureté absolue. Cette opération du départ, ou séparation de l'or et de l'argent, suppose d’abord que la masse d’alliage ait été purifiée par le plomb, et qu’elle ne contienne aucune autre matière métallique, sinon de l’or et de l’ar- gent. On peut y procéder de trois manières différentes, en se servant des substances qui, soit à chaud, soit à froid, n’attaquent pas l'or, et peuvent néanmoins dissoudre l’ar- gent. 1°. L’acide nitreux n’attaque pas l’or et dissout l'argent; l'or reste donc seul après la dissolution de l’argent. 2°. L’acide marin, comme l'acide nitreux, a la vertu de dis- soudre l'argent sans attaquer l'or, et par. couséquent la puissance de les séparer : mais le départ par l’acide nitreux est plus complet | et bien plus facile; il se fait par la voie hu- mide et à l’aide d’une très-petite chaleur, au lieu que le départ par l'acide marin, qu’on appelle départ concentré, ne peut se faire que par une suite de procédés assez difficiles. 3°, Le soufre a aussi la même propriété de dissoudre l'argent sans toucher à lof, mais ce n’est qu’à l’aide de la fusion, c'éstà-dire, a” | < ER NY DES MINÉRAUX. 23r d'une chaleur violente; et comme le soufre est très-inflammable, et qu'il se brüle et se volatilise en grande partie en se mêlant au métal fondu, on préfère l’antimoine pour faire cette espèce de départ sec, parce que le soufre étant uni dans l’antimoine aux pare ties régulines de ce demi - métal, il résiste plus à l’action du feu, et pénètre le métal en fusion , dans lequel il scorifie l’argent et laisse l'or au-dessous. De ces trois agens, J'acide nitreux est celui qu'on doit préférer *, * MM. Brandt, Schæffer, Bergmann et d’autres, ayant ayancé que l'acide nitreux , quoique très-pur , pouvoit dissoudre une certaine quantité d’or, et cet eet paroiïssant devoir influer sur la sûreté de l’im- portante opération du départ, les chimistes de notre académie des sciences ont été chargés de faire des expériences à ce sujet ; et ces expériences ont prouvé que l'acide nitreux w’attaque point ou très-peu l’or, puisqu’après en avoir séparé l'argent qui y étoit allé, et dont on connoissoit la proportion, on a toujours retrouvé juste la même quantité d’or. Ce- pendant ils ajoutent, dans le rapport de leurs épreuves, « qu'il ne faut pas conclure que, dans « aucun Cas , l’acide nitreux ne puisse faire éprouver « à l'or quelque très-foible déchet. L’acide nitreux 4 232 HISTOIRE NATURELLE Ja manipulation des deux autres étant pa À difficile et la purification plus incomplète | { que par le premier. | On doit observer que pour faire par T acide nitreux le départ avec succès, il ne faut pas que la quantité d’or contenue dans l'argent soit de plus de deux cinquièmes; car alors cet acide ne pourroit dissoudre les parties d'argent, qui, dans ce cas, seroient défen— ; dues et trop couvertes par celles de l'or! pour- être attaquées et saisies. S'il se trouve donc. plus de deux cinquièmes d’or dans la masse | dont on veut faire le départ, on est obligé de la faire fondre, et d’y sue autant d’ ar- gent qu'il en faut pour qu'il n y ait en effet que deux cinqnienae d’or dans cette nouvelle masse : ainsi l’on s’assurera d’abord de cette proportion, et il me semble que cela seroit « Je plus pur se charge de quelques particules d’or: « INais nous pouvons assurer que les circonstances « nécessaires à la production de cet effet sont ab- « solument étrangères au départ d'essai ; que dans « ce dernier, lorsqu'on le pratique suivant les règles « et l’usage recu, il ne peut jamais y avoir le moindre « déchet sur l'or. » ar” # DES MINÉRAU X. 233 facile par la balance hydrostatique, et que ce moyen seroit bien plus sûr que la pierre de touche et les aiguilles alliées d’or et d'ar- gent à différentes doses, dont se servent les essayeurs pour reconnoitre cette quantilé | dans là masse de ces métaux alliés. On a donc ‘eu raison de proscrire cette pratique dans les monnoies de France *: car ce m'est au vrai qu un tâtonnement dont il ne peut résulter qu'une estimation incertaine, tandis que par, Ja différente pesanteur spécifique de ces deux melaux on auroit un résultat précis de la proportion de la quantite de chacun dans la masse alliée dont on veut faire le départ. Quoi qu'il en soit, lorsqu'on s’est à peu près assure de cette proportion , et que l’or n’y est * M. Tillet m'écrit, à ce sujet, qu’on ne fait point usage des fouchaux pour le travail des mon- noies de France; le titre des espèces n’y est cons- iaté que par l’opéralion de l’essai ou du départ. Les orfévres emploient, il est vrai, le touchau dans leur maison Commune ; mais ce n’est que pour les menus ouvrages en si petit volume, qu’ils offrent à peine la matière de l’essai en règle, et qui sont incapables de supporter le poincon de marque. : \ g 20 1] :34 HISTOIRE NATURELLE que pour un quart ou au-dessous, on doit employer de l’eau-forte ou acide nitreux bien. pur, c’est-à-dire, exempt de tout autre acide, et sur-tout du vitriolique et du marin; on verse cette eau-forte sur le métal réduit en grenailles ou en [âmes très-minces : il en faut un tiers de plus qu'il n’y a d’argent dans l’alliage. On aide la dissolution par un peu de chaleur, et on la rend complète en renouvelant deux ou trois fois l’eau-forte, qu'on fait même bouillir avant de la séparer de l'or, qui reste seul au fond du vaisseau, ét qui n’a besoin que d’être bien layé dans l’eau chaude pour achever de se nettoyer des petites parties de la dissolution d'argent at- tachées à sa surface; et lorsqu'on a obtenu l'or, on retire ensuite l’argent de la disso- Jution , soit en le faisant précipiter, soit en distillant l’eau-forte pour la faire servir une seconde fois. Toute masse dont on veut faire le départ par cette voie ne doit donc contenir que deux cinquièmes d’or au plus sur trois cin- quièmes d'argent; et, dans cet état, la cou- leur de ces deux métaux alliés est presque aussi blanche que l'argent pur; et loin qu’une DES MINÉRAUX. 235 plus grande quantité de ce dernier métal nuisit à l’effet du départ, il est au contraire d'autant plus aisé à faire; que la proportion de l'argent à l'or est plus grande. Ce n’est que quand il y a environ moitié d’or dans l'alliage, qu'on s'en apperçoit à sa couleur, qui commence à prendre un œil de jaune foible. Pour reconnoître au juste l’aloi ou le titre de l'or, il faut donc faire deux opérations: d'abord le purger, au moyen du plomb, de tout mélange étranger, à l'exception de l’ar- gent, qui lui reste uni, parce que le plomb ne les attaque ni l’un ni l’autre; et ensuite il faut faire le départ par le moyen de l’eau- forte. Ces opérations de l'essai et du départ, quoique bien connues des chimistes, des monnoyeurs et des orfévres, ne laissent pas d’avoir leurs difficultés par la grande pré- cision qu'elles exigent, tant pour le résime du feu que pour le travail des matières, d'autant que par le travail le mieux conduit on ne peut arriver à-la séparation entière de ces métaux; car 1l restera toujours une petite portion d'argent dans l'or le plus 236 HISTOIRE NATURELLE he raffiné, comme une portion de Pire dans dt l'argent le plus épuré *. : Nous ne pouvons nous dispenser de parler ni. des différens emplois de l’or dans les arts, et de l’usage ou plutôt de l’abus qu’ on en | fait par un vain luxe, pour faire briller nos | vêtemens, nos meubles et nos appartemens ; en donnant la couleur de l’or à tout ce qui n’en est pas, et l’air de l’opulence aux ma- tières les plus pauvres; et cette ostentation se montre sous mille formes différentes. Ce - qu'on appelle or de couleur n’en a que l’ap- * J’observerai ici, avec M. Tillet, qu’on a tort de négliger la petite quantité d'argent que la litharge entraîne toujours dans la coupelle ; car cette quan- uté négligée donne lieu à des rapports constam- ment faux de la quantité juste d’argent que con- tiennent intrinséquement les lingots dont les es- sayeurs établissent le titre. Ce point assez délicat de dotimasié à été traité dans plusieurs Mémoires \ insérés dans ceux de l’académie des sciences, et notamment dans un Mémoire de M. Tillet, qui se trouve dans le volume de l’année 1769 : on y voit clairement de quelle conséquence il pourroit être qu’on ne négligeñt pas la petite quantité defin que Ja coupelle absorbe. « MADESMINÉERAUX 235 parence; ce n’est qu'un simple vernis qui ne contient point d'or, et avec lequel on peut néanmoins donner à l'argent et au cuivre la couleur jaune et brillante de ce précieux métal. Les garnitures en cuivre de nos meubles, les bras, les feux de’chemi- née, etc. sont peints de ce vernis couleur d’or, ainsi que les cuirs qu’on appelle dorés, et qui ne sont réellement qu'étamés et peints ensuite avec ce vernis doré. À la vérité, cette fausse dorure diffère beaucoup de la vraie, et il est très-aisé de les distinguer; mais on fait avec le cuivre réduit en feuilles minces une autre espèce de dorure, qui peut en imposer lorsqu'on la peint avec ce même vernis cou- leur d'or. La vraie dorure est celle où l’on emploie de l'or : il faut pour cela qu’il soit réduit en feuilles très-minces ou en poudre fort fiue; et pour dorer tout métal il suffit d'en bien nettoyer la surface, de le faire chauffer, et d’y appliquer exactement ces feuilles ou cette poudre d’or, par la pression et le frottement doux d’une pierre hématite, qui le brillante et le fait adhérer. Quelque _ simple que soit cette manière de dorer, il y eu à une autre peut-être encore plus facile; c'est d'étendre sur le métal qu’ on veut mari un amalgame d’or et deimercure, de le chauf. fer ensuite assez pour faireexhaler en vapeurs le mercure, qui laisse l'or sur le métal, qu'il ne s'agit plus que de frotter avec le brunis- | soir pour le rendre brillant : 1l y a encore d’autres manières de dorer. Mais c’est peut- être déja trop en histoire naturelle que de donner les principales pratiques de nos arts. Mais nous laisserions imparfaite cette his- toire de l’or, si nous ne rapportions pas ici tous les renseignemens que nous avons Te ‘cueillis sur les différens lieux où se trouve ce métal. Il est, comme nous l'avons dit, universellement répandu, mais en atomes infiniment petits, et il n’y a que quelques | endroits particuliers où il se présente en par- ticules sensibles et en masses assez palpables pour être recueillies. En parcourant dans cette vue les quatre parties du monde, on: verra qu'il n’y a que peu de mines d'or pro- prement dites dans les régions du Nord, quoiqu'il y ait plusieurs mines d'argent, qui pfesque toujours est allié d’une petite quan- tité d’or. Il se trouve aussi très-peu de vraies mines d’or dans les climats tempérés; il y Li 5 NE x : HE L | t« KT À fa DES MINÉRAUX. 23 = : en a seulement quelques unes où l’on a ren- contré de petits morceaux de ce métal massif: mais, dans presque toutes, l'or n’est qu'en petite quantité dans l'argent, avec lequel il est toujours mêlé. Les mines d’or les plus riches sont dans les pays les plus chauds, et particulièrement dans ceux où les hommes me se sont pas anciennement établis en so- _ciété policée, comme en Afrique et en Amé- rique; car 1l est très-probable que l’or est le premier métal dont on se soit servi : plus remarquable par son poids qu'aucun autre, et plus fusible que le cuivre et le fer, il aura bientôt été reconnu , fondu, travaillé. On peut citer pour preuve les Péruviens et les Mexicains, dont les vases et les instrumens étoient d'or, et qui n’en avoient que peu de cuivre et point du tout de fer, quoique ces métaux soient abondans daus leur pays: leurs arts n'étoient, pour ainsi dire, qu’ébauchés, parce qu'eux-mêmes étoient des hommes nouveaux , et qui n’étoient qu’à demi policés depuis cinq ou six siècles. Ainsi, dans les premiers temps de la civilisation de l’espèce humaine, l'or, qui, de tous les métaux, s’est présente le premier à la surface de la terre, 240 HISTOIRE NATURELLE ou à de petites profondeurs, a été recueilli employé et travaillé, en sorte que dans les pays peuplés et civilisés plus anciennement que les autres, c’est-à-dire, dans les régions septentrionales et tempérées, il n’est resté. pour la postérité que le petit excédant de ce qui n’a pas élé consommé; au lieu que dans ces contrées méridionales de l'Afrique et de l'Amérique, qui n’ont été peuplées que les dernières, et où les hommes n’ont jamais été policés, la quantité de ce metal s’est trouvée toute entière, et telle, pour ainsi dire, que la Nature l’avoit produite et confiée à la terre encore vierge. L'homme n’en avoit pas encore déchiré les entrailles, son sein étoit à peine effleuré, lorsque les conquérans du nouveau monde en ont forcé les habitans à la fouiller dans toutes ses parties par des tra- vaux immenses : les Espagnols et Les Portu- gais ont, en moins d'un siècle, plus tiré d'or du Mexique et du Bresil que les naturels du pays n’en avoient recueilli depuis le premier temps de leur population. La Chine, dira- t-on, semble nous offrir un exemple con- traire; ce pays, très-anciennement policé, est encore abondant en mines d'or, qu’on ! S: | DES MINÉRAUX. 247 dit être assez riches : mais ne dit-on pas en même temps avec plus de vérité que la plus grande partie de l'or qui circule à la Chine vient des pays étrangers ? Plusieurs empe- reurs chinois, assez sages, assez humains, pour épargner la sueur et ménager la vie de leurs sujets , ont défendu lextraction des mines dans toute l’étendue de leur domina- tion * : ces défenses ont subsisté long-temps, et n’ont été qu'assez rarement interrompues. Il se pourroit donc en effet qu'il y eût encore à la Chine des mines intactes et riches, comme dans les contrées heureuses où les hommes n’ont pas été forcés de les fouiller : car les travaux des mines, dans le nouveau monde, ont fait périr , en moins de deux ou trois siècles, plusieurs millions d'hommes ; et cette plaie énorme faite à l'humanité, loin de nous avoir procuré des richesses réelles, n’a servi qu’à nous surcharger d’un poids aussi lourd qu'inutile. Le prix des denrées étañt toujours proportionnel à la quantité du métal qui n’en est que le signe, * Les anciens Romains avoient eu la même sagesse. é 1 É TEA 242 HISTOIRE NATURELLE l'augmentation de cette quantité est plutôt un mal qu'un bien ; vingt fois moins d’or et d'argent rendroient le commerce vingt fois plus léger, puisque tout signe en grosse uasse, toute représentation en grand vo- lume, est plus pénible à transporter, coûte plus à manier et circule moins aisément qu'une petite quantité qui représenteroit également et aussi bien la valeur de toute chose. Avant la découverte du nouveau monde 1l y avoit réellement vingt fois moins d'or et d'argent en Europe; mais les denrées coûütoient vingt fois moins. Qu’avons-nous donc acquis avec ces millions de métal? Ja charge de leur poids. | Et cette surcharge de quantité deviendroit encore plus grande, et peut-être immense, si la cupidité ne s’opposoit pas à elle-même des obstacles, et n’étoit arrêtée par des bornes qu'elle ne peut franchir. Quelqu'ardente qu'ait été dans tous les temps la soif de l'or, on n’a pas toujours eu les mêmes moyens de l’étancher; ces moyens ont même dimi- nuüé d'autant plus qu’on s’en est plus servi: par exemple, en supposant, comme nous le faisons ici, qu'ayant la conquête du Mexique CEE LT. L jus 12 «7 dr ] t DES MINÉRAUX. 243 et du Pérou il n’y eût en Europe que la vingtième partie de l'or et de l'argent qui s’y trouve aujourd'hui, il est certain que le profit de l’extraction de ces mines étrangères, dans les premières années pendant lesquelles on a doublé cette première quantité, a été plus grand que le profit d’un pareil nombre d’années pendant lesquelles on l’a triplé, et. encore bien plus grand que celui des années subséquentes. Le bénéfice réel a donc dimi- nué en même proportion que le nombre des années s’est augmenté, en supposant égalité de produit dans chacune; et si l’on trouvoit actuellement une mine assez riche pour en tirer autant d’or qu'il y en avoit en Europe avant la découverte du nouveau monde, le profit de cette mine ne seroit aujourd’hui que d’un vingtième, tandis qu’alors il auroit élé du double. Ainsi plus on a fouillé ces mines riches , et plus on s’est appauvri : ri- chesse toujours fictive et pauvreté réelle dans le premier comme dans le dernier temps; masses d'or et d'argent, signes lourds, mon- noies pesantes, dont loin de l’auomenter on devroit diminuer la quantité en fermant ces mines comme autant de souffres funestes à d FALL RU A 244 HISTOIRE KATURERLE. Yhumanité, d' autant qu'aujourd'hui ot produit suffit à peine pour la subsistance des malheureux qu’on y emploie ou condamne: | mais jamais les nations ne se confédérerônt pour un bien général à faire au genre hu- main, et rien ici ne peut nous consoler; sinon l’espérance très-fondée que dans quel- ques siècles, et peut-être plus tôt, on sera forcé d'abandonner ces affreux travaux, que l'or même, devenu trop c commun, ne N pve plus payer. En attendant, nous sommes obligés de suivre le torrent, et je manquerois à mon cbjet, si je ne faisois pas ici mention de tous les lieux qui nous fournissent ou peuvént nous fournir ce métal, lequel ne deviendra vil que quand les hommes s’anobliront par des vues de sagesse dont nous sommes encore bien éloignés. On continuera donc à chercher l'or par-tout où il pourra se trouver, sans faire attention que si la recherché coûte à peu près autant que tout autre travail, ln y a nulle raison d'y employer des hommes qui, par Ja culture de la terre, se procureroient une subsistance aussi sûre, etaugmenterorent en mème temps la richesse réelle, le vrai / Ne | DES MINERAUX. 245 ‘bien de toute société, par l'abondance des denrées, tandis que celle du métal ne peut y produire que le mal de la disette et d'un sur- croit de cherté. ‘ = Nous avons en France plusieurs rivières ou ruisseaux qui charient de l’or en paillettes, que l’on recueille dans leurs sables ; etils’en trouve aussi en paillettes et en poudre dans _ les terres voisines de leurs bords. Les cher- cheurs de cet or, qu’on appelle orpailleurs, saoneroient autant et plus à tout autre mé- tier; car à peine la récolte de ces paillettes d'or va-t-elle à vingt-cinq ou trente sous par jour. Cette même recherche, ou plutôt cet emploi du temps étoit, comme nous venons ‘de le dire, vingt fois plus profitable du temps des Romains, puisque l’orpailleur pouvoit alors gagner vingt fois sa subsistance : mais à mesure que la quantité du métal s’est aug- mentée, et sur-tout depuis la conquête du nouveau monde, le même travail des orpail- leurs a moins produit, et produira toujours de moins en moins ; en sorte que ce petit métier déja tombé, tombera tout-à-fait, pour peu que cette quantité de métal augmente encore. L'or d'Amérique a donc enterré l'or | 21 il a fait le même tort à l'Espagne, dont les intérêts bien entendus auroient exigé qu'on | n’eût tiré des mines de l'Amérique qu’autant d’or qu’il en falloit pour fournir les colonies, et en maintenir la valeur numéraire en Eu- rope, toujours sur le mème pied à peu près. Jule-Cesar cite l'Espagne et la partie méri- dionale des Gaules comme très-abondantes en or : elles l’étoient en effet, et le seroient encore , si nous n'avions pas nous-mêmes changé cette abondance en disette, et dimi- nué la valeur de notre propre bien en rece- vant celui de l'étranger. L'augmentation de toute quantité ou denrée nécessaire aux be- soins ou utile au service de l'homme est certainement un bien; mais l'augmentation du métal qui n’en est que le signe, ne peut pas être un bien, et ne fait que du mal, puis- qu'elle réduit à rien la valeur de ce même métal dans toutes les terres et chez tous les peuples qui s’en sont laissé surcharger par des importations étrangères, Autant il seroit nécessaire de donner de l’encouragement à la recherche et aux tra- vaux des mines des matières combustibles et ; 2 À 2 L1 1% 4 Le DES MINÉRAUX. 24 des autres minéraux si utiles aux arts et au bien de la société, autant il seroit sage de faire fermer toutes celles d’or et d'argent, et de laisser consommer peu à peu ces masses trop énormes sous lesquelles sont écrasées nos caisses , sans que nous en soyons plus riches ni plus heureux. Âu reste, tout ce que nous venons de dire ne doit dégrader l’or qu'aux yeux de l’homme sage, et ne lui ôte pas le haut rang qu'il tient dans la Nature; il est le plus parfait des me- taux, la première substance entre toutes les substantes terrestres, et il mérite à tous égards l'attention du philosophe naturaliste : c’est dans cette vue que nous recueillerons ici les faits relatifs à la recherche de ce métal, et que nous ferons l’énumération des différens lieux où il se trouve. En France, le Rhin, le Rhône, l’Arve, le Doubs, la Cèze, le Gardon, l’Arriége, la Ga- ronne, le Salat, charient des paillettes et des grains d'or qu’on trouve dans leurs sables., sur-tout aux angles renirans de ces rivières. Ces paillettes ont souvent leurs bords arron- dis ou repliés; et c’est par-là qu'on les dis- tngue encore plus aisément que parle poids, la même couleur, et ont même plus de bril- Jant que celles d’or. On trouve aussi d'assez gros grains d’or dans les rigoles formées par les eaux pluviales, dans les terrains monta- gueux de Fériès et de Bénagues. On a vu de ces grains, dit M. Guettard, qui pesoient une demi-once : ces grains et paillettes d’or sont accompagnés d'un sable ferrugineux. ILajoute- que dès qu'on s'éloigne de ces montagnes seulement de cinq ou six lieues, on ne trouve plus de grains d’or, mais seulement des pail- lettes très-minces. Cet académicien fait en- core mention de l’or en paillettes qu'on a trouvé en Languedoc et dans Le pays de Foix. M. de Gensanne dit aussi qu'il y en a dans plusieurs rivières des diocèses d'Uzés et de Montpellier: ces grains et paillettes d’or qui se trouvent dans les rivières et terres adja- centes, viennent, comine je l'ai dit, des mines renfermées dans les montagnes voi- sines; mais on ne connoit actuellement qu'un très-pelit nombre de ces mines en montagnes*. * Le pays des Tarbelliens, que quelques uns disent être le territoire de Tarbes , d’autres celui de 248 HISTOIRE NATURELLE | \ des paillettes de mica, qui quelquefois sontde de 2 4 | DES MINÉRAUX. 24 Ii y en a une dans les Vosges , près de Stein- graben , où l’on a trouvé des feuilles d’or Vierge d'un haut titre, dans un spafh fort blanc ; une autre à Saint-Marcel-lès-Jussé en * Franche-Comté, que l’éboulement des terres _ n’a pas permis de suivre. Les Romains out travaillé des mines d’or à la montagne d’Orel en Dauphiné; et l’on connoiît encore aujour- d'hui une mine d’argent tenant or à l'Her- mitage , au-dessus de Tain, et dans la mon- tagne du Pontel en Dauphiné. On en a aussi _ reconnu à Banjoux eu Provence; à Londat * à Rivière et à la mon tagne d’'Argentière , dans * Je comté de Foix; dans le Bigorre, en Limo- sin, en Auvergne, et même en Normandie et dans l’île de France. Toutes ces mines et plusieurs autres étoient autrefois bien con- nues et mème exploitées : mais l’'augmen- tation de la quantité du métal venu de Pétran- ger a fait abandonner le travail de ces mines, dont Le produit n’auroit pu payer la dépense, ” tandis qu’anciennement ce même travail étoit . très-profitable. - Dax, produisoit autrefois de l'or, suivant le témoi- gage de Strabon. | vs (ACTES HU \ 260 HISTOIRE NATURELLE En Hongrie, il y a plusieurs mines d’ o7 à: dont on tireroit un grand produit, si ce mé-= : tal n’étoit pas devenu si commun. La plu- . part de ces mines sont travaillées depuis long- temps, sur-tout dans les montagnes de Crem- nitz et de Schemnitz, où l’on trouve encore de temps en temps quelques nouveaux filons : il yen avoit sept en exploitation dans le temps d’Alphonse Barba, qui dit que la plus riche étoit celle de Cremnitz ; elle est d’une grande étendue, et l’on assure qu’on y travaille de- puis plus de mille ans; on l’a fouillée dans plusieurs endroits à plus de cent soixante brasses de profondeur. IL y a aussi des mines d’or en Transilvanie , dans lesquelles on a trouvé de l’or vierge. Rzaczynski parle des mines des monts Krapacks, et entre autres d’une veine fort riche dont l'or est en poudre. En Suède, on a découvert quelques mines d'or; mais le minérai n’a rendu que la trente- deuxième partie d’une once par quintal. Enfin on a aussi reconnu de l'or en Suisse, dans plusieurs endroits de la Valteline, et particulièrement dans la montagne de l’'Oro, qui en a tiré son nom. L'on en trouve aussi dans le canton d'Underwald. Plusieurs ri Le eee 0e VON EE ue: | nt dv su 4 : Û | DES MINÉRAUX. 25 vières dans les Alpes en roulent des pail- lettes ; le Rhin dans le pays des Grisons, la Reuss, l’Aar et plusieurs autres, aux can- tonus de Lucerne, de Soleure, etc. Le Tage et quelques autres fleuves d'Espagne ont été célébrés par les anciens, à cause de l’or qu'ils roulent ; et il n’est pas douteux que toutes ces paillettes et srains d’or que l’on trouve dans les eaux qui découlent des Alpes, des Pyré= nées et des montagnes intermédiaires , ne proviennent des mines primitives renfermées dans ces montagnes, et que si l’on pouvoit suivre ces courans d’eau chargés d'or jusqu’à leur source, on ne seroit pas éloigné du lieu qui les recèle : mais, je le répète, ces tra- vaux seroient maintenant très-inutiles, et leur produit bien superflu. J’observerai seu- lement, d'après l'exposition qui vient d’être faite, que les rivières aurifères sont plus sou- vent situées au couchant qu'au levant des montagnes. La France, qui.est à l’ouest des Alpes , a beaucoup plus de cet or de trans port que l'Italie et l'Allemagne, qui sont situées à l’est. Nous verrons, par l'examen des autres régions où l’on recueille l'or en paillettes, si cette observation doit être pré- sentée comme un fait général. | LA NOR SOS PRIENN ARE ARC MECME 1 PA HEC VE 252 HISTOIRE NATURELLE La plupart des peuples de l’Asie ont ann | ciennement tiré de l’or du sein de la terre, F. soit dans les montagnes qui produisent ce métal , soit dans les rivières qui en charient les débris. Il y en a une mine en Turquie,à peu de distance du chemin de Salonique à Constantinople, qui, du temps du voyageur … Paul Lucas, étoit en pleine exploitation, et . affermée par le grand-seigneur. L'île de Thassos, aujourd’hui Tasso, dans l’Archipel, étoit célèbre chez les anciens, à cause de ses riches mines d’or : Hérodote en parle, et dit aussi qu'il y avoit beaucoup d'or dans Jes montagnes de la Thrace, dont l’une s’éboula par la sape des grands travaux qu'on yavoit … faits pour en tirer ce métal. Ces mines de l'île de Tasso sont actuellement abandonnées ; ; mais il y en a une dans le milieu de l'ile 4 Chypre, près de la ville de Nicosie, d’où l'on tire encore beaucoup d’or. | À Dans la Mingrélie, à six journées de Teflis, il ya des mines d’or et d'argent; on en trouve aussi dans la Perse, auxquelles il paroiît qu’on a travaillé anciennement : mais on les a aban: données comme en Europe, parce que la dé- pense excédoit Le produit ; etaujourd'hui tout “ D'ESIMINÉRAUX. 7! 253 l'or et l'argent de Perse vient des pays étran- gers. | Les montagnes qui scparent le Mogol de la Tartarie, sont riches en mines d’or et d’ar- gent : les habitans de la Buckarie recuneillent ces métaux dans le sable des torrens qui tom- bent de ces montagnes. Dans le Thibet, au- delà du royaume de Cachemire, 1l y a trois montagnes, dont l’une produit de l'or, la seconde des grenats, et la troisième du lapis : il ya àussi de l'or au royaume de Tipra et daus plusieurs rivières de la dépendance du Grand-Lama, et la plus grande partie de cet or est transportée à la Chine. On a reconnu des mines d’oret d'argent dans le pays d’Azem, sur les frontières du Mogol. Le royaume de Siam est l'un des pays du monde ouù l’or pa- roit être le plus commun; mais nous n’avous aucune notice sur les mines de cette contrée. La partie de l’Asie où l’on trouve le plus d’or est l'ile de Sumatra : les habitans d'Achem en recueilleut sur le penchant des montagnes, dans les raÿines creusées par les eaux; cet or est en pelits morceaux, et passe pour être très- pur. D'autres voyageurs disent au contraire que. cet or d'Achem est de très-bas aloi, Mer. gén. XII. 22 254 HISTOIRE NATUREËLE même plus bas que celui de la Che: ds. ajoutent qu il se trouve à l’ouest ou sud= à D, ouest de l’ile, et que quand les Hollandois vont y chercher le poivre, les paysans leur : en apportent une bonne quantité : d'autres … = k LB QU V à mines d'or dans la même île se trouvent aux environs de la ville de Tikon; mais aucun voyageur n'a donné d'aussi bons renseigne- … mens sur ces mines que M. Herman Grimm, qui a fait sur cela, comme sur plusieurs autres sujets d'histoire naturelle , de trés- bonnes observations. | L'ile de Célèbes ou de Macassar produit aussi de l'or, que l’on tire du sable des ri- vières. IL en est de même de l’ile de Bornéo; et dans les montagnes de l'ile de Timor il se trouve de l’or très-pur. Il y a aussi quel- ques mines d'or et d'argent aux Maldives, à Ceylan, et dans presque toutes les îles de la mer des Indes jusqu'aux îles Philippines, d’où les Espagnols en ont tiré une quantité assez considérable. Dans la partie méridionale du continent de l'Asie, on trouve, comme dans les Îles, de très-riches mines d’ ar::à Camboie, à Ja Cochinchine, au Tunquin, à la Chine, où ‘ f 1 A 4 À k ‘ : DES MINÉRAUX. 255 Plusieurs rivières en charient : mais, selon les voyageurs, cet or de la Chine est d'assez bas aloi; ils assurent que les Chinois ap- portent à Manille de l'or qui est très-blanc, tres-mou , et qu'il faut allier avec un cin- quième de cuivre rouge pour lui donner la couleur et la consistance nécessaires dans les _ arts. Les iles du Japon et celle de Formose sont peut-être encore plus riches en mines d'or que la Chine. Enfin l’on trouve de l’er jusqu’en Sibérie; en sorte que ce métal, quoi- que plus abondant dans les contrées méridio- nales de l'Asie, ne laisse pas de se trouver aussi dans toutes les régions de cette grande partie du monde. | Les terres de l'Afrique sont plus intactes et par conséquent plus riches en or que celles de l'Asie. Les Africains en général, beaucoup _ moins civilisés que les Asiatiques, se sont rarement donné la-peine de fouiller la terre à de grandes profondeurs ; et quelqu’abon- dantes que soient les mines d’or dans leurs montagnes , ils se sont contentés d’en re- eueillir les débris dans les vallées adjacentes, . qui étoient et même sont encore trés-riche- ment pourvues de ce métal. Dès l’année 256 HISTOIRE NATURELLE 1442, les Maures, voisins du cap. Baiadon offrirent de la poudre d’or aux Portugais, ee \ c'etoit la première fois que les Européens eussent vu de J’or en Afrique. La recherche de ce métal suivit de près ces offres; car en 1461 on fit commerce de l’or de la Mina (or de la mine), au cinquième degre de latitude nord, sur cette mème côte qu’on a depuis nommée /a côte d'Or. Il y avoit néanmoins de l’or dans les parties de l'Afrique ancien- nement connues , et dans celles qui avoient été découvertes long-temps avant le cap Ba- jador : mais 11 y a toute apparence que les mines n’en avoient pas été fouillées, nimème recounues ; car le voyageur Roberts est le premier qui ait indiqué des mines d'or dans les îles du cap Verd. La côte d'Or est encore aujourd'hui l’une des parties de l'Afrique ‘qui produit la plus grande quantité de ce métal : la rivière d'Axim en charie des pail- lettes et des grains qu'elle dépose dans le sable en assez grande quantité pour que’les Nègres prennent la peine de plonger et de » tirer ce sable du fond de l'eau. On recueille aussi. beaucoup d'or par le lavage dans les terres du royaume de Kanon, à l'est et au Æ \ DES MINÉRAUX. PL D nord-est de Galam, où il se trouve presqne à la surface du terrain. Il y en a aussi dans le royaume de Tombut, ainsi qu'à Gago et à Zamfara. IL y en a de même dans plusieurs endroits de la Guinée, et dans les terres voi- sines de la rivière de Gambra, ainsi qu’à la côte des Dents. Il y a aussi un grand nombre de mines d’or dans le royaume de Butna, qui s étend depuis les montagnes de la Lune jusqu’à la rivière de Maguika, et un plus grand mombre encore dans le royaume de Bambuk. Tavernier fait mention d’un morceau d’or naturel, ramifé en forme d’arbrisseau, qui seroit le plus beau morceau qu’on ait-jamais vü dans ce genre, si son récit n'est pas exa- géré. Pyrard dit aussi avoir vu une branche d'or massif et pur, longue d'une coudée, et branchue comme du corail, qui avoit été trouvée dans la rivière de Couesme ou Coua- ma, autrement appelée rivière noire, à Sofala. Dans l’Abissinie , la province de Goyame est celle aù se trouvent les plus riches mines d'or. On porte ce métal, tel qu'on le tire de la mine, à Gondar, capitale du royaume, et on l'y travaille pour le purifier et le fondre LS : | 2 #4 _2#8 HISTOIRE NATURELLE: en lingots. Il se trouve aussi en Éthiopie he. À près d'Helem, de l’or disséminé dans les premières couches de la terre, et cet: or est très-fin. Mais la contrée de l'Afrique la plus riche, ou du moins la plus anciennement célèbre par son or, est celle de Sofala et du Monomotapa. On croit, dit Marmol, que le pays d'Ophir, d’où Salomon tiroit l’or pour orner son temple, est le pays même de So- fala. Cette conjecture seroit un peu mieux fondée en la faisant tomber sur la province du Monomotapa qui porte encore actuelle- ment le nom d’Opzur ou pare Quoi qu'il en soit, cette abondance d’or à Sofala et dans le pays d’Ofur au Monomotapa ne paroit pas encore avoir diminué, quoiqu'il y ait toute apparence que de temps immémorial la plus grande partie de l’or qui circuloit dans les provinces orientales de l'Afrique, et mème en Arabie, venoit de ce pays de Sofala. Les principales mines sont situées dans les montagnes, à cinquante lieues et plus de distance de la ville de Sofala : les eaux qui découlent de ces montagnes entraînent une infinité de paillettes d’or et de grains assez gros. Ce métal est de même très-commun à DES MINÉRAUX. 259 Mozambique. Enfin l'ile de Madagascar par- ticipe aussi aux richesses du continent voi- sin : seulement il paroît que l’or de cette île est d'assez bas aloi, et qu'il est mêlé de quelques matières qui le rendent blanc et lui donnent de la mollesse et plus de fusi bilité. L'on doit voir assez évidemment, par cette énumération de toutes les terres qui ont pro- duit et produisent encore de l'or, tant en Europe qu'en Asie et en Afrique, combien peu nous étoit nécessaire celui du nouveau monde; il n’aservi qu'à rendre presque nulle la valeur du nôtre ; il n'a même augmenté que pendant un temps assez court la richesse de ceux qui le faisoient extraire pour nous l'apporter. Ces mines ont englouti les nations américaines et deépeuplé l'Europe. Quelle différence pour la Nature et pour l'humanité, si les myriades de malheureux qui ont péri dans ces fouilles profondes des entrailles de la terre, eussent employé leurs bras à la cul- ture de sa surface! ils auroient changé l'as- pect brut et sauvage de leurs terres informes en guérets réguliers, en riantes campagnes, aussi fécondes qu'elles étoient stériles et 260. HISTOI RE NATURELLE F ANT Le LATE , Mi A ANGL METS AUUAUA IN Ÿ M N ne ie SEE NT à \ V 10H qu'elles le sont encore : mais les conquérans.… ont-ils jamais entendu la voix de Ja sagesse, ni même le cri de la pitié! leurs seules vues sont la déprédation et la destruction; ils se permeitent tous les excès du fort contre le foible; la mesure de leur gloire est celle de leurs crimes, et leur triomphe l’opprobre de la vertu. En dépeuplant ce nouveau monde, ils l'ont défiguré et presque anéanti; les vic- times sans nombre qu’ils ont immolées à leur cupidité mal entendue, auront toujours . des voix qui réclamerontà jamais contre leur cruauté : tout l’or qu'on a tiré de l'Amérique pese peut-être moins que le sang Run qu'on y a répandu. Comme cette terre étoit de toutes la plus nouvelle, la plus intacte et la plus récem— ment peuplée, elle brilloit encore, 1l y a trois siècles, de tout l'or et l'argent que la Nature y avoit versé avec profusion : les na- turels n’en avoient ramassé que pour leur commodité, et non par besoin ni par cupi- dite ; 1ls en avoient fait des instrumens, des vases, des ornemens, et non pas des mon- noies ou des signes de richesse exclusifs : ils en estimoient la valeur par l'usage, et au- } 4 LE | 0 « - À" - DES MINÉRAUX: 26 roient préféré notre fer, s’ils eussent eu l’art de l'employer. Quelle dut être leur surprise lorsqu'ils virent des hommes sacrifier la vie de tant d’autres hommes, et quelquefois la leur propre, à la recherche de cet or, que souvent ils dédaignoient de mettre en œuvre! Les Péruviens rachetèrent leur roi, que ce- - pendant on ne leur rendit pas, pour plu- sieurs milliers pesant d'or; les Mexicains en avoient fait à peu près autant, et furent trompés de même; et pour couvrir l'horreur \ de ces violations , ou pJutôt pour étoutfer les germes d'une vengeance éternelle, on finit par exterminer presque en entier ces malheu- _reuses nations ; car à peine reste-t-il la mil- lième partie des anciens peuples auxquels appartenoient ces terres, sur lesquelles leurs descendans , en très-petit nombre, lan- guissent dans l’esclavage, ou mènent une vie fugitive. Pourquoi donc n’a-t-on pas préféré de partager avec eux ces terres qui faisoient leur domaine? pourquoi ne leur en céderoit- on pas quelque portion aujourd'hui, puis- qu'elles sont si vastes et plus d’aux trois quarts incultes, d'autant qu’on n’a plus rien à redouter de leur nombre? Vaines représen- 262 HISTOIRE NATURELLE | . 4 4 , # fations, hélas! en faveur de l'humanité! le philosophe pourra les approuver; mais les hommes puissans AUÉRATES ils de en tendre ? Laissons donc cette morale affligeante, à . laquelle je n’ai pu m'empêcher de revenir à la vue du triste spectacle que nous présentent les travaux des mines en Amérique : je n’en dois pas moins indiquer ici les lieux où elles se trouvent, comme je l'ai fait pour les autres parties du monde; et, à commencer par l'ile de Saint-Domingue, nous trouve- rons qu’il y a des mines d’or dans une mon- tagne près de la ville de Sant-Tago-Cavallero, et que les eaux qui en descendent entraînent et déposent de gros grains d’or; qu'il y en a de même dans l'ile de Cuba, et dans celle de Sainte-Marie, dont les mines ont été de- couvertes au commencement du siècle der- nier. Les Espagnols ont autrefois employé un grand nombre d'esclaves au travail de ces mines : outre l’or que l’on tiroit du sable, il s’en trouvoit souvent d'assez gros morceaux, comme enchäâssés naturellement dans les ro- chers. L'ile de la Trinité a aussi des mines et des rivières qui fournissent de l'or. ‘ \ -. DES MINÉRAUX. 263 Dans le continent, à commencer par l’isthme de Panama, les mines d’or se trou- vent en grand nombre; celles du Darien sont les plus riches, et fournissent plus que celles de Veragua et de Panama. Indépendamment du produit des mines en montagnes, les ri- vières de cet isthme donnent aussi beaucoup d’or en grains, en paillettes et en poudre, ordinairement mèlé d’un sable ferrugineux qu'on en sépare avec l’aimant. Mais c’est au Mexique où l’or s’est trouvé répandu avec le plus de profusion. L'une des mines les plus fameuses est celle de Mezquital, dont nous avons déja parlé. La pierre de cette mine, dit M. Bowles, est un quartz blanc mêlé en moindre quantité avec un quartz couleur de bois ou de corne, qui fait feu contre l'acier : on y voit quelques petites taches vertes, lesquelles ne sont que des crystaux qui ressemblent aux émeraudes en groupes : et dont l’intérieur contient de petits grains _ d’or. Presque toutes les autres provinces du Mexique ont aussi des mines d'or, ou des mines d'argent plus ou moins mêlé d’or. Selon le même M. Bowles, celle de Mezquital, quoique la meilleure, ne donne au quintal :64 HISTOIRE NATURELLE que trente onces d'argent et vingt-deux Ro d’or et demi. Mais il y a apparence qu'il a été mal informé sur la nature et le produit " de cette mine; car si elle ne tenoit en effet que vingt-deux grains d’or et demi sur trénte onces d'argent par quintal, ce qui ne feroit pas six grains d’or par marc d'argent, on n’en feroit pas le départ à la monnoie de Mexico, puisqu'il est réglé par les ordon- nances qu'on ne séparera que l'argent tenant par marc vingt-sept grains d'or et au-dessus, et qu'autrefois il falloit trente grains pour. qu’on en fit le départ; ce qui est, comme l’on voit, une très-petitequantité d’or en com- paraison de celle de l'argent; et cet argent du Mexique, restant toujours mêlé d’un peu d’or, même après les opérations du départ, est plus estimé que celui du Pérou, sur-tout plus que celui des mines de Sainte-Pécaque;, | que l’on transporte à Compostelle. Rp Les relateurs s'accordent à dire que la pro: À vince de Carthagsène fournissoit autrefois beaucoup d'or ,et l’on y voiteñcoredes fouilles et des travaux très-anciens; mais ils sont. actuellement abandonnés. C'est au Pérou que. le traya:l de ces mines est aujourd’ hui en. Si | 750 UE / DES MINÉRAUX. 265 pleine exploitation. Frézier remarque seule- ment que les mines d'or sont assez rares dans la partie méridionale de ce royaume, mais que la province de Popayan en est rem- plie, et que l’ardeur pour les exploiter semble être toujours la même. M. d'Uiloa dit que chaque jour on y découvrede nouvellesmines qu'on s'empresse de mettre en valeur, et nous ne pouvons mieux faire que de rappor- ter ici ce que ce savant naturaliste péruvien a écrit sur les mines de son pays. « Les par- « tidos ou districts de Ce, de Buga, d’A1- « maguer et de Barbocoas , sont , dit-il, les « plus abondans en métal, avec l'avantage «que l'or y est très-pur, et qu'on n’a pas « besoin d'y employer lé mercure pour le « séparer des parties étrangères. Les mineurs « appellent z2:2as de caxa celles où le miné- « ral est renferme entre des pierres. Celles de « Popayan ne sont pas dans cet ordre; car « l'or s’y trouve répandu dans les terres et «les sables... : Dans le bailliage de CAoco, « outre les mines qui se traitent au lavoir, « il s'en trouve quelques unes où le minérai « est enveloppé d’autres matières métalliques «et de sucs bitumineux dont on ne peut le 23 A AU 266 HISTOIRE NATURELLE « séparer qu’au moyen du mercure. La pla « tine est un autre obstacle qui oblige quel- « quefois d'abandonner les mines : on donne « ce nom à une pierre si dure, que , ne pou- « vant la briser sur une enclume d’acier ni la « réduire par calcination, on ne peut tirer « le minérai qu'elle renferme qu'avec un tra- « vail et des frais extraordinaires. Entre « toutes ces mines, il y en a plusieurs où l’or « est mêlé d’un sombac aussi fin que celui de « l'Orient, avec la propriété singulière de ne «jamais engendrer de verd-de-gris et de « résister aux acides. « Dans le bailliage de Zaruma au Pérou, «l'or des mines est de s1 bas aloi, qu'il n’est « quelquefois qu’à dix-huit et même à seize « karats ; mais cette mauvaise qualité est « réparée par l’abondance.... Le gouverne- «ment de Jaën de Bracamoros a des mines « de la mème espèce, qui rendoïent beaucoup «il y a un siècle. . .... Autrefois il y avoit « quantité de mines d'or ouvertes dans la « province de Quito , et plus encore de mines « d'argent... On a recueilli des grains d'or « dans les ruisseaux qui tirent leur source de « la montague de Pitchincha; mais rien ne. DES MINÉRAUX. 267 « marque qu’on y ait ouvert des mines..:.. « Le pays de Pattactanga, dans la juridic- « tion de Æiobarmnba , est si rempli de mines, « qu'en 1743 un habitant de cette ville avoit « fait enregistrer pour son seul compte dix- « huit veines &'or et d'argent, toutes riches « et de bon aloi. L'une de ces mines d’argent « rendoit quatre-vingts marcs par cinquante « quintaux de minérai, tandis qu’elles passent « pour riches quaud elles en donnent huit à « dix marcs..….. Il y a aussi des mines d'or et « d'argeut dans les montagnes de la juridic- « tion de Czença , mais qui rendent peu. « Les gouvernemens de Quixos et de Hacas « sont riches en mines; ceux de Marinas et « d'Atamès en- ont aussi d'une grande va- « leur... Les terres arrosées par quelques « rivières qui tombent dans le Maragnon , et « par les rivières de Saznt-Iago et de Mira, « sont remplies de veines d’or. » Les anciens historiens du nouveau monde, et entre autres le P. Acosta, nous ont laissé quelques renseignemens sur la manière dont Ja Nature a disposé l’or dans ces riches con- trées ; on le trouve sous trois formes diffé- rentes : 1°. en grains ou pépifes, qui sont des DD 268 HISTOIRE NATURELLE morceaux massifs et sans: mélange jar | métal; 2°. en poudre; 3°. dans des pierres. à «J'ai vu, dit cet historien, quelques unes « de ces pépites qui pesoient plusieurs livres. « L'or, dit-il, a par excellence sur les autres « métaux de se trouver pur et sans mélange ; « cependant, ajoute-t-il, on trouve quelque- « fois des pépites d’argent tout-à-fait pures : mais l'or en pépites est rare en comparai- sou de celui qu’on trouve en poudre. L'or en pierre est une veine d’or infltrée dans la pierre, comme je l’ai vu à Carumna, « dans le gouvernement des salines...…. Les « anciens ont célébré les fleuves qui rou- « loient de l'or; savoir , le Tage en Espagne, « le Pactole en Asie, et le Gange aux Indes « orientales. Il y a de même dans les rivières « des iles de Barlovento, de Cuba, Porto-rico « et Saint-Domingue, de l’or mêlé dans leurs « sables... Il s’en trouve aussi dans les tor- vens au Chili, à Quito, et au nouveau « royaume de Grenade, L’or qui a le plus de « réputation est celui de Caranava au Pé- « rou , et celui de Faldivia au Chili, parce : « qu'il est très-pur et de vingt-trois karats et « demi. L'on fait aussi état de l'or de Yera- Pn € ”s € La) € Lan (e ”" La] Len] ” C La 1 4 ; ter F pe Lt - DÉS MINÉRAUX. 269 & ga, qui est très-fin : celui de la Chine et _ «des Philippines qu'on apporte en Amérique «n'est pas à beaucoup près aussi pur.» Le voyageur Wafer raconte qu'on trouve de mème une grande quantité d’or dans les sables de la rivière de Coguimbo au Pérou, et que le terrain voisin de la baie où se dé- charge cette rivière dans la mer, est comme poudré de poussière d’or , au point, dit-il, que quand nous y Mmarchions, nos habits en éloient couverts ; mais cette poudre étoit si menue , que c’eût été un ouvrage infini de vouloir la ramasser. «La même chose nous «arriva, continue-t-il, dans quelques autres « lieux de cette mème côte, où les rivières « aménent de cette poudreavécle sable; mais -« l’or se trouve en paillettes et en grains plus « gros à mesure que l’on remonte ces rivières «aurifères vers leurs sources.» Au reste, il paroît que les grains d’or que l’on trouve dans les rivières ou dans les terres adjacentes, n'ont pas toujours leur brillant jaune et métallique ; ils sont souvent teints d'autres couleurs , brunes, grises, etc. : par exemple, on tire des ruisseaux du pays d’4- recaja de l'or en forme de dragées de plomb, 25 ” FIRE 4H 270 HISTOIRE NATURELLE | et qui ressemblent à ce métal par leur cou. leur grise; on trouve aussi de cetor gris dans les torrens de Coroyeo : celui que les eaux. roulent dans le pays d’Arecaja, vient proba- blement des mines de la province de Cara- baja , qui en est voisine; et c’est l’une des contrées du Pérou qui est la plus abondante. en or fin, qu'Alphonse Barba dit être de vingt-trois karats trois grains , ce qui seroit à très-peu près aussi pur que notre or le mieux raffiné. Les terres du Chili sont presque aussi: riches en or que celles du Mexique et du Pérou. On a trouvé à douze lieues vers l’est de la ville de la Conception, des pépites d’or, dont quelques unes étoient du poids de huit ou dix marcs, et de très-haut aloi. On tiroit autrefois beaucoup d’or vers Angol, à dix ou douze lieues plus loin ,-et l’on pourroit en recueillir en mille autres endroits ; car tout cet or est dans une terre qu’il suffit de laver. Frézier , dont nous tirons cette indication, en a donné plusieurs autres , avec un égal discernement , sur les mines des diverses pro- viuces du Chili. On trouve encore de l'or dans Les terres qu'’arrosent le Maragnon, l'O- pen DES MINÉRAUX. 258 rénoque, etc. ; il y en a aussi dans quelques endroits de la Guiane. Enfin les Portugais ont découvert et fait travailler depuis près d’un siècle les mines du Bresil et du Para- guai, qui se sont trouvées, dit-on, encore plus riches que celles du Mexique et du Pe- rou. Les mines les plus prochaines de Rio- Janeiro, où l’on apporte ce métal, sont à une assez grande distance de cette ville. M. Cook dit qu'on ne sait pas au juste où elles sont situées , et que les étrangers ne peuvent les visiter, parce qu'il y a une garde conti- nuelle sur les chemins qui conduisent à ces mines: on sait seulement qu'on en tire beau- coup d'or, et que les travaux en sont diffi- ciles et périlleux ; car on achète annuelle- ment , pour le compte du roi, quarantemille Nègres qui ne sont employés qu’à les ex- ploiter. Dr | Selon l'amiral Anson, ce n’est qu'au com- mencement de ce siècle qu’on a trouvé de l'or au Bresil: On remarqua que les naturels du pays se servoient d'hamecons d’or pour la. pêche, et on apprit d'eux qu'ils recueilloient cet or dans les sables et graviers que les pluies et les torrens détachoient des montagnes. «Il 2 HISTOIRE NATURELLE tel. «ya, dit ce voyageur, de l'or ds « dans les terres basses ,' mais qui paye à « peine les frais de la recherche, et les mon- « tagnes offrent des veines d’or engagées dans” « les rochers; mais le moyen le plus facile «de se procurer de l’or, c'est de le prendre « dans le limon des torren$ qui en charient. « Les esclaves employes à cet ouvrage doivent «fournir à leurs maîtres un huitième d’once «par jour; le surplus est pour eux, et ce. « surplus les a souvent mis en état d acheter «leur liberté. Le roi a droit de quint sur « tout l'or que l’on extrait des mines, ce qui « va à trois cent millelivres sterling par an, « et par conséquent la totalité de l'or extrait « des mines chaque année est d’un million « cinq cent mille livres sterling , sans comp- «ter l’or qu’on exporte en contrebande, «et qui monte peut-être au tiers de cette «somme.» | Nous n'avons aucun autre indice sur ces mines d’or si bien gardées par les ordres du roi de Portugal; quelques voyageurs nous disent seulement qu’au nord du fleuve Ju- jambi il y a des montagnes qui s'étendent de trente à quarante lieues de l’est à l’ouest sur [ = DES MINÉRAUX. 273 dix à quinze lieues de largeur ; qu’elles ren- ferment plusieurs mines d'or; qu'on y trouve aussi ce métal en grains et en poudre, et que son aloi est communément de vingt-deux karats : ils ajoutent qu’on y rencontre quel- quefois des grains ou pépites qui pèsent deux ou trois onces. . Il résulte de ces indications, qu’en ÀÂme- rique comme en Afrique, et par-tout ail- leurs où la terre n’a pas encore été épuisée par les recherches de l’homme, l'or le plus pur se trouve , pour ainsi dire, à la surface du terrain , en poudre, en paillettes ou en grains, et quelquefois en pépites, qui ne sont que des grains plus gros et souvent aussi purs que des lingots fondus; ces pépites et ces grains, ainsi que les paillettes et Les poudres, ne sont que les débris plus ou moins brisés et atténués par le frotiement de plus gros morceaux d’or arrachés par les torrens et détachés des veines métalliques de première formation : ils sont descendus en roulant du baut des montagnes dans les vallées. Le quartz et les autres gangues de l'or, entrai- nés en même temps par le mouvement des eaux , se sont brisés, et ont, par leur frotte l M Cr ya 274 HISTOIRE N ATURELLE ment, divisé, comminué ces morceaux ‘44 à métal, qui dès lors se sont trouvés isolés, et. se sont arrondis en grains ou atténués en paillettes par la continuité du frottement dans l’eau ; et enfin ces mêmes paillettes encore plus divisées ont formé les poudres plus ou moins fines de ce métal. On voit aussi des agrégats assez grossiers de parcelles d’or qui paroissent s'être réunies par la stil- lation et l’intermède de l’eau, et qui sont plus ou moins mélangées de sables ou de ma- tières terreuses rassemblées et déposees dans quelque cavité, où ces parcelles métalliques n’ont que peu d'adhésion avec la terre et le sable dont elles sont mélangées ; mais toutes ces petites masses d'or, ainsi que les grains Ê les paillettes et les poudres de ce métal, tirent également leur origine des mines pri- mordiales, et leur pureté dépend en partie de la grande division que ces grains métal- liques ont subie en s’exfoliant et se commi- nuant par les frottemens qu’ils n’ont cessé d’essuyer depuis leur séparation de la mine jusqu'aux lieux où ils ont été entraînés : car cet or arraché de ses mines et roulé dans le sable des torrens a été choqué et divisé par DIS l IN US L! DES MINÉERAUX. 275 tous les corps durs qui se sont rencontres sur sa route; et plus ces particules d’or au- ront été atténuées, plus elles auront acquis de pureté en se séparant de tout alliage par cette division mécanique, qui, dansl'or, va, pour ainsi dire, à l'infini : il est d'autant plus pur qu'il est plus divisé; et cette différence se remarque en comparant ce métal en pail- lettes ou en poudre avec l’or des mines ; car il n’est qu'à vingt-deux karats dans les meil- leures mines en montagnes, souvent à dix- neuf ou vingt, et quelquefois à seize et même à quatorze, tandis que communément l'or en paillettes est à vingt- trois karats, et ra- rement au-dessous de vingt. Comme ce mé- tal est toujours plus ou moins allié d'argent dans ses mines primordiales, et quelquefois d'argent mêlé d’autres matières métalliques, la très -grande division qu’il éprouve par les frottemens, lorsqu'il est détaché de sa mine, le sépare de ces alliages naturels, et le rend d'autant plus pur qu'il est réduit en atomes plus petits; en sorte qu'au lieu du bas aloi que l'or avoit dans sa mine, il prend unplus haut titre à mesure qu'il s’en éloigne , et cela par la séparation, et, pour ainsi dire, » ! x, Q 7" Mae par le départ mecanique de toute matiere : étrangère. | Il y a donc double avantage à à ne > recueillir l'or qu'au pied des montagnes et dans les eaux courantes qui en ont entrainé les par- ties détachées des mines primitives : ces par- _ties détachées peuvent former par leur accu- mulation des mines secondaires en quelques endroits. L’extraction du métal, qui, dans ces sortes de mines, ne sera mêlé que de sable ou de terre, sera bien plus facile que dans les mines primordiales, où l’orse trouve * "À Ÿ “4 toujours engagé dans le quartz et le roc le plus dur. D'autre côté, l’or de ces mines de seconde formation sera toujours plus pur que le premier ; et vu la quantité de ce métal dont nous sommes actuellement surcharges , on devroit au moins se bornér à ne ramasser | que cet or déja purifié par la Nature, et, réduit en poudre, en paillettes on en grains, . et seulement dans les lieux où le produit de ce travail seroit évidemment au-dessus de sa : We dépense. ) DE D'ARGENT. Nov s avons dit que, dans la nature primi- tive, l'argent et l’or n’ont fait généralement qu'une masse commune » toujours composée ide l’un et l’autre de ces métaux, qui même ne se sont jamais complètement séparés, mais seulement atténués, divisés par les agens extérieurs , et réduits en atomes si petits , que l'or s’est trouvé d’un côté, et a laissé de l’autre la plus grande partie de l’ar- gent; mais, malgré cette séparation d'autant plus naturelle qu’elle est plus mécanique, nulle part on a trouve de l’or exempt d’ar- gent, ni d'argent qui ne contint un peu d’or. Pour la Nature, ces deux métaux sont du mème ordre, et elle les a doués de plu- sieurs attributs communs; car, quoique leur densité soit très-différente *, leurs autres * « Un pied cube d’argent pêse 720 livres; un pied « cube d’or, 1348 livres. Le premier ne perd dans « l'eau qu'un onzitme de son poids , et l’autre entre 2 278 HISTOIRE NATURELLE propriétés essentielles sont les mêmes : . 1 a hs sont également inaltérables el Apiesques « un dix-neuvième et un vingtième ». ( Dictionnaire de chimie, artcles de l'or et de l’argent.) J'obser- | verai que ces proportions ne sont pas exactes ; Caf en supposant que l’or perde un dix-neuvième et demi de son poids , et que l’argent ne perde qu’un onzième, si le pied cube d'or pèse 1348 livres, le pied cube d'argent doit peser 960 livres seize tren- tièmes. M. de Bomare, dans son Dictionnaire d'his- ioire naturelle, dit que le pouce cube d'argent pèse 6 onces 5 gros 26 grains, ce qui ne feroit qu’un peu plus de 918 livres le pied cube, tandis que dans sa Minéralogie, tome IT, page 2ro, 1l dit que le pied cube d'argent pèse r1523 onces, ce qui fait 720 livres 3 onces pour le pied cube. Les esti- wations données par M. Brisson sont plus justes : le pied cube d’or à 24 karats, fondu et non battu, pèse, selon lui, 1348 livres r once 4r grams, et le pied cube d’or à 24 karats, fondu et battu, pèse 1355 livres 5 onces 6o grains ; le pied cube d’argent à r2 deniers, fondu et non battu, pèse 733 livres 3 onces 1 gros b2 grains, et le pied cube du même argent à 12 deniers, c'est-à-dire, aussi pur qu'il est possible, pèse, Eau il est forgé ou battu 1735 À Livres 11 onces 7 gros 43 grains. DES MINÉRAUX. 279 indestructibles ; l’un et l’autre peuvent subir l'action de tous les élémens sans en être alté- rés; tous deux se fondent et se subliment à peu près au même degré de feu!; ils n'y perdent guère plus l’un que l’autre? ; ils résistent à toute sa yiolence, sans se con-— vertir en chaux; tous deux ont aussi plus de ductilité que tous les autres métaux ; seu- lement l'argent, plus foible en densité et moins compacte que l'or, ne peut prendre 1 On est assuré de cette sublimation de lor et de l'argent, non seulement par mes expériences au miroir ardent, mais aussi par la quantité que l’on en recueille dans les suies des fourneaux d’affinage des monnoies, * | ? Kunckel ayant tenu de l’or et de l’argent pen- dant quelques semaines en fusion , assure que l’ox n’avoit rien perdu de son poids; mais il avoue que l’argent avoit perdu quelques grains. Il a mal-à- propos oublié de dire sur quelle quantité. 3 L'argent tenu au foyer d’un miroir ardent se couvre, comme l’or, d’une pellicule vitreuse ; mais M. Macquer , qui a fait cette expérience, avoue qu’on nest pas encore assuré si cette vitrification provient des métaux ou de la poussière de l'air. ( Dictionnaire de chimie, article argent.) ! 5% HISTOIRE NATURELLE autant d'extension * ; et de même, quoiqu’ Fa ne soit pas DE d’une véritable rouille par les impressions de l'air et.de l’eau, il oppose moins de résistance à l’action des acides, et n’exige pas, comme l'or, la réu-— nion de deux puissances actives pour entrer en dissolution; le foie de soufre le noircit et le rend aigre et cassant : l'argent peut done être attaqué dans le sein de la terre plus fortement et bien plus fréquemment que * « Un fil d’argent d’un dixième de pouce de « diamètre ne soutient, avant de rompre, qu'un « poids de 27 livres, au lieu qu’un pareil fil d’or « soutient 5oo livres... On peut réduire un grain « d'argent en une lame de trois aunes , c’est-à-dire « de 126 pouces de longueur sur 2 pouces de lar- « geur, ce qui fait une étendue de 252 pouces quar- « rés, et dès lors avec une once d'argent, c’est-à- « dire 576 grains, on pourroit couvrir un espace « de 504 pieds quarrés. » (Expériences de Muss- chenbroek.) Il y a certainement ici une faute d'impression qui tombe sur les mots deux pouces de largeur : ce fi] d'argent n’avoit en effet que 2 lignes, et non pas 2 pouces, et par conséquent 26 pouces quarrés d’é- tendue , au lieu de 126 ; d'après quoi l’on voit que : Fe ee RES te PE A Pe Re 4 F DES MINÉRAUX. eBr | Tor, et c'est par celte raison que l’on trouve assez communément de l'argent minéralisé, tandis qu'il est extrèmement rare de trouver l'or dans cet état d’altération ou de minéra- hsation. « L'argent, quoiqu’un peu plus fusible que l'or , est cependant un peu plus dur et plus sonore: le blanc éclatant de sa surface se ternit et même se noircit, dès qu'elle est exposée aux vapeurs des matières inflam- 576 grains ou 1 once d'argent ne peuvent en effet s'étendre que sur 104 et non pas sur 5o4 pieds | quarrés, et c’est encore beaucoup plus que la den- sité de ce métal ne paroît l'indiquer, puisqu'une once d'or ne s’étend que sur 106 pieds quarrés : dès lors, en prenant ces deux faits pour vrais, la ducuilité de ” largent est presque aussi grande que celle de lor, quoique sa densité et sa ténacité soient beaucoup moindres. [l y a aussi toute apparence qu’Alphonse Barba se trompe beaucoup, en disant que l’or est cinq fois plus ductile que l'argent : il assure qu’une once d'argent s'étend en un fil de 2400 aunes de longueur ; que cette longueur peut êlre couverte par 6 grains et deini d’or , et qu'on peut dilater l’or au point qu'une once de ce métal couvrira plus de dix arpens de terre. sé 282 HISTOIRE NATURELLE mables , telles que celles du soufre , du char- ù bon, et à la fumée des substances animales ; : si même il subit long-temps l'impression de ces vapeurs sulfureuses, il se minéralise, et devient semblable à la mine que l’on connoit sous le nom d'argent vitré Les trois APTAONS communes à l’or et à Li argent, qu'on a toujours regardes comme les seuls metaux parfaits, sont la ductilité, la fixite au feu , et l’inaltérabilité à l'air et dans l'eau. Par toutes les autres qualités l’ar- gent diffère de l'or, et peut souffrir des changemens et des altérations auxquels ce premier métal n’est pas sujet. On trouve, à la vérité, de l'argent qui, comme l'or, n’est point minéralise, mais c'est proportionnel- lement en bien moindre quantité; car, dans ses mines primordiales, l'argent, toujours allié d’un peu d'or, est très-souvent mélangé d’autres matières metalliques, et particuliè- rement de plomb et de cuivre : on regarde même comme des mines d'argent toutes celles de plomb ou de cuivre qui contiennent une certaine quantité de ce métal ; et dans les mines secondaires produites par la stilla- tion et le dépôt des eaux, l'argent se trouve 1 En ee » " Te MR RSR REY | 4 ": ET » , DES MINÉRAUX. 283 souvent attaqué par les sels de la terre, et se presente dans l'état de minéralisation sous différentes formes ; on peut voir par les listes des nomenclateurs en minéralogie, et particulièrement par celle que donne Walle- rius , combien ces formes sont variées, puis- qu'il en compte dix sortes principales, et quarante-neuf variétés dans ces dix sortes : je dois cependant observer qu'ici, comme dans tout autre travail des nomenclateurs, 1l y a toujours beaucoup plus de noms que de choses. Dans la plupart des mines secondaires, l'argent se présente en forme de minérai pyriteux, c’est-à-dire , mêlé et pénétré des principes de soufre, ou bien altéré par le foie de soufre, et quelquefois par l’arsenic *. *« La mine d'argent rouge est minéralisée par « l’arsenic et le soufre ; elle est d’un rouge plus ou « inoïns vi!, tantôt transparente comme un rubis, « iantôt opaque et plus ou moins obscure : elle est «-crystallisée de plusieurs manières ; la plus ordi- « nare est en prismes hexaèdres, terminés par des « pyramides obtuses ». ( Lettres de M. Demeste, tome IT , page 437.) J'observerai que c’est à cette mine qu'il faut 284 HISTOIRE NATURELLE ET. L'acide nitreux dissout l'argent sable puis » à samment qu'aucun autre; l'acide vitriolique le précipite de cette dissolution, et forme avec lui de très-petits crystaux qu’on pour roit appeler du vifriol d’arsgent; Vacide ma- rin, qui le dissout aussi, en fait des crystaux plus gros, dont la masse réunie par la fu- L LA L - à sion se nomme a/genft corné, parce qu'il est à demi transparent comme de la corne. La Nature a produit, en quelques endroits, de l'argent sous cette forme; on en trouve en Hongrie, en Bohème et en Saxe, où il y'a des mines qui offrent à la fois l’argent natif, l'argent rouge, l’argent vitré, et l’argent corné. Lorsque cette dernière mine n'est point altérée, elle est demi-transparente et d'un gris jaunätre; mais si elle a été atta- quée par des vapeurs sulfureuses , ou par le rapporter la seconde variété que M. Demeste a rapportée à Ja mine d’argent vitreux, puisqu'il dit lui-même que ce n’est qu'une modificanon de da mine d'argent rouge, et que cetle mine vitreuse contient encore un peu dense qu'elle s’égrène sous le couteau, loin de s’y couper. Voyez idem , page 4104 PE RPS; DES MINÉRAUX.. 285 foie de soufre, elle devient opaque et d’une : couleur brune. L'argent minéralisé par l’a- cide marin se coupe presque aussi facile- ment que de la cire : dans cet état il est très- fusible; une partie/se volatilise à un certain degré de feu, ainsi que l'argent corné fait artificiellement, et l’autre partie qui ne s’est point-volatilisée se revivifie très-prompte- ment. Le soufre dissout l’argent par la fusion, et le réduit en une masse de couleur grise; et cette masse ressemble beaucoup à la mine d'argent vitré, qui, comme celle de l’argent corné, est moins dure que ce métal, et peut se couper au couteau. L'or ne subit aucun de ces changemens : on ne doit donc pas être étonné qu’on le trouve si rarement sous une forme minéralisée, et qu'au contraire dans toutes les mines de seconde formation , où les eaux et les sels de la terre ont exercé leur action , l’argent se présente dans différens états de minéralisation et sous des formes plus ou moins altérées; il doit même être souvent mêlé de plusieurs matières étrangères métalliques ou terreuses, tandis que dans son élat primordial il n’est allié qu'avec l’or, où AA TL en à 1e di 286 HISTOIRE NATURELLE mêlé de cuivre et de plomb. Ces trois métaux M: sont ceux avec lesquels l’ argent paroît avoir le plus d’affinité; ce sont du moins ceux avec lesquels il se trouve plus souvent uni dans sou état de minérai. Il est bien plus rare de trouver l'argent uni avec le mercure, quoi- qu'il ait aussi avec ce fluide métallique une aMnité très-marquée. À Suivant M. Geller, qui a fait un grand travail sur l’alliage des métaux et des demi- métaux, celui de l’or avec l’argent n'aug- mente que très-peu en pesanteur spécifique; il n’y a donc que peu ou point de pénétra= tion entre ces deux métaux fondus ensemble: mais dans l’alliage de l’argent avec le cuivre, qu'on peut faire de même en toute propor- tion , le composé de ces deux métaux devient spécifiquement plus pesant , tandis que l’al- liage du cuivre avec l’or l’est sensiblement moins. Ainsi, dans l’alliage de l'argent et du cuivre, le volume diminue et la masse se resserre, au lieu que le volume augmente par l'extension de la masse dans celui de l'or et du cuivre. Au reste, le mélange du cuivre rend également l'argent et l’or plus sonores et plus durs, sans diminuer de beaucoup leur 5 | | "DES MINÉRAUX. 2B7 ductilité ; on prétend même qu’il peut la leur conserver, lorsqu'on ne le mêle qu’en petite quantité, et qu'il defend ces métaux contre les vapeurs du charbon, qui, selon nos chimistes, en attaquent et diminuent la qua- lité ductile : cependant, comme nous l'avons déja remarque a l’article de l’or, on ne s’ap- perçoit guère de cette diminution de ductilité causée par la vapeur du charbon; car il est d'usage, dans les monnoies, lorsque les creu- sets de fer , qui contiennent jusqu'à deux mille cinq cents marcs d'argent, sont pres- que pleins de la matière en fusion, il est, dis-je, d'usage d'enlever les couvercles de ces creusets pour achever de les remplir de char- bou, et d’eutretenir la chaleur par de nou- veau charbon dont le métal est toujours re- couvert, sans que l’on remarque aucune diminution de ductilité dans les lames qui résultent de cette fonte. L'argent allié avec le plomb ainsi qu'avec l’étain , devient spécifiquement plus pesant ; mais létain enlève à l’argent comme à l’or sa ductilité : le plomb entraine l'argent dans la fusion, et le sépare du cuivre; il a donc plus d’affinité avec l'argent qu'avec le cuivre. 208 HISTOIRE NATURELLE M. Geller, et la plupart des chimistes mo "+ lui, ont dit que le fer s’allioit aussi très bien à Parent Ce fait m’ayant paru dou. teux, j'ai prié M. de Morveau de le vérifier : ; il s’est assuré, par l'expérience, qu’il.ne se fait aucune union intime, aucun alliage entre le fer et l'argent; et j'ai vu moi-même, en voulant faire de l'acier damassé, que cest deux métaux ne peuvent contracter aucune union. PRG On sait que tous les métaux imparfaits peuvent se calciner et se convertir en une sorte de chaux, en les tenant long-temps en fusion , et les agitant de manière que toutes. leurs parties fondues se présentent successi- vement à l'air; on sait de plus que tous aug-. mentent de volume et de poids en prenant cet état de chaux. Nous avons dit et répété* que cette augmentalion de quantité prove- noit uniquement des particules d’air fixées par le feu , et réunies à la substance du métal qu'elles ne font que masquer, puisqu'on peut. toujours lui rendre son premier état en * Voyez le Discours qui sert d’introduction à l'histoire des minéraux. DES MINÉRAU X. 289 présentant à cet air fixé quelques matières inflammables avec lesquelles il ait plus d’afinité qu'avec le métal : dans la combus- tion , cette matière inflammable dégage l’air fixé, l’enlève, et laisse par conséquent le métal sous sa première forme. Tous les mé taux imparfaits et les demi-métaux peuvent ainsi se convertir en chaux : mais l’or et l’ar- gent se sont toujours refusés à cette espèce de conversion , parce qu'apparemmernt ils ont moins d'afinite que les autres avec l’air, et que, malgré la fusion qui tient leurs par- ties divisées , ces mêmes parties ont néan- moins entre elles encore trop d'adhérence pour que l’air puisse les séparer et s’y incor- porer; et cette résistance de l’or et de l’argent à toute action de l'air donne le moyen de purifier ces deux métaux par la seule force du feu; car il ne faut, pour les dépouiller de toute autre matière, qu’en agiter la fonte, afin de présenter à sa surface toutes les par- ties des autres matières qui y sont contenues, et qui bientôt, par leur calcination ou leur combustion , laisseront l’or ou l’argent seuls en fusion et sous leur forme métallique. Cette manière de purifier l’ox et l'argent étoit Mat, gén, XII. 2h 290 HISTOIRE NATURELLE anciennement en usage: maison atrouvéune - façon plus expéditive en employant leplomb, … qui, dans la fonte de ces métaux, détruit, ou plutôt sépare et réduit en scories toutes les autres matières métalliques * dont ils peu- vent être mélés; et le plomb lui-même se scorifant avec les autres métaux dont il s’est saisi, il les sépare de l'or et de l'argent, les : entraine, ou plutôt les emporte et s'élève | avec eux à la surface de la fonte, où ils se calcinent et se scorifient tous ensemble par ie contact de l'air, à mesure qu'on remue la matière en fusion, et qu’on en découvre suc- cessivement la surface, qui ne se scorifie= roit ni ne se calcineroit, si elle n’étoit in- cessamment exposée à l’action de l'air libre: il faut donc enlever ou faire écouler ces sco- ries à mesure qu’elles se forment; ce qui se fait aisément , parce qu’elles surnagent et surmontent toujours l'or et l’argent en 4 1 * Il n’y a que le fer qui, comme nous l’avons dit à l’article de l'or, ne se sépare pas en entier par le moyen du plomb ; il faut, suivant M. Pœrner, y ajouter du hismuth pour achever de scorifier le fer. M : DES MINÉRAUX. zur fusion. Cependant on a encore trouvé une manière plus facile de se débarrasser de ces scories, en se servant de vaisseaux plats et évasés qu'on appelle covpelles , et qui, étant faits d’une matière sèche, poreuse et résis- tante au feu, absorbe dans ses pores les sco- ries , tant du plomb que des autres minéraux métalliques , à mesure qu'elles se forment ; en sorte que les coupelles ne retiennent et ne conservent dans leur capacité extérieure que le métal d’or ou d'argent, qui, par la forte attraction de leurs parties constituantes, se forme et se présente toujours en une masse globuleuse appelée bouton de fin. Il faut une plus forte chaleur pour tenir cé métal fin en fusion que lorsqu'il étoit encore mêlé de plomb; car le bouton de fin se consolide pres- que subitement au moment que l'or ou l’ar- gent qu’il contient, sont entièrement puri- fiés : on le voit donc tout-à-coup briller de l’éclat métallique; et ce coup de lumière s'appelle coruscation dans l’art de l’affineur, dont nous abrégeons ici les procédés, comme ne tenant pas directement ici à notre objet. On a regardé comme argent natif tout celui qu'on trouve dans le sein de la terre sous: sa D 292 HISTOIRE NATURELLE forme de métal; mais dans ce sens il faut ÿ en distinguer de deux en comme nous | l'avons fait pour l’or : la première sorte d'argent natif est celle qui provient de la fu- sion par le feu primitif, et qui se trouve quelquefois en grands morceaux, mais bien plus souvent en filets ou en petites masses feuilletées et ramifiées dans le quartz et autres matières vitreuses ; la seconde sorte d'argent natif est en grains, en paillettes ou en pou-. dre, c’est-à-dire, en débris qui proviennent de ces mines primordiales, et qui ont été détachés par les agens extérieurs, et entraînés au loin par le mouvement des eaux. Ce sont ces mêmes débris rassemblées qui, dans cer- tains lieux, ont formé des mines secondaires d'argent, où souvent il a changé de forme en se mineralisant, L'argent de première formation est ordi- nairement incrusté dans le quartz; souvent il est accompagné d’autres métaux et de matières étrangères en quantité si considé- rable, que les premières fontes, même avec le secours du plomb, ne sr pas pour le purifier. Aprés les mines d'argent natif, les plus DES MINÉRAUX. 203 riches sont celles d'argent corné et d'argent vitre : ces mines sont brunes, noirâtres ou grises ; elles sont flexibles, et mème celle d'argent corné est extensible sous le mar- teau, à peu près comme le plomb : les mines d'argent rouge, au contraire, ne sont pas extensibles, mais cassantes; ces dernières mines sont, comane les premières, fort riches en métal, Fr . Nous allons suivre le même ordre que dans l'article de l'or, pour l'indication des lieux où se trouvent les principales mines d’où l'on tire l'argent. En France, on connoissoit assez anciennement celles des montagnes des Vosges , ouvertes dès le dixième siècle, et d'autres dans plusieurs provinces, comme en Languedoc, en Gévaudan et en Rouergue, dans le Maine et dans lFAngoumois; et nou- vellement on en a trouvé en Dauphiné qui ont présenté d'abord d'assez grandes richesses; M. de Gensanne en a reconnu quelques autres dans le Languedoc : mais le produit de la plu- part de ces mines ne paieroit pas la dépense de leur travail; et dans un pays coname la France, où l’on peut employer les hommes à des trayaux vraiment utiles, on feroit un 25 AE ALERT RE RNCS à TE Rue AE AN Ed RE pa sta J QE EN ELA 294 HISTOIRE NATURELLE À bien réel en défendant ceux de la fouille des: mines d’or et d'argent, qui ne peuvent pro- duire qu’une richesse fictive et toujours dé- croissante. | | ge En Espagne , la mine de Gwadalcanal dans la Sierre Morena, ou montagne noire, est l’une des plus fameuses ; elle a été tra- vaillée dès le temps des Romains, ensuite abandonnée, puis reprise et abandonnée de nouveau, et enfin encore attaquée dans ces deruiers temps. On assure qu’autrefois elle a fourni de très-grandes richesses, et qu’elle n'est pas à beaucoup près épuisée : cepen- dant les dernières tentatives n’ont point eu de succès, et peut-être sera-t-on forcé de re- noncer aux espérances que donnoit son au- cienne et grande célébrité. «Les sommets des « montagnes autour de Guadaleanal, dit « M. Bowles, sont tous arrondis, et par-tout « à peu près de la même hauteur; les pierres « en sont fort dures, et ressemblent au grès « de Turquie (cos Turcica)..…..…. I] y a deux « filons du levant au couchant, quise rendent « à la grande veine dont la direction est du « nord au sud; on peut la suivre de l’œik dans « un espace de plus de deux cents pas à la 2 DES MINÉRAUX. 295 « superficie. À une lieue et demie au couchant « de Guadalcanal, il y a une autre mine dans « un roc élevé : la veine est renversée, c’est- « à-dire qu’elle est plus riche à la ‘superficie « qu'au fond ; elle peut avoir seize pieds « d'épaisseur , et elle est, comme les préce- _ « dentes, composée de quartz et de spath. À _« deux lieues au levant de la même ville, il « y a une autre mine dont la veine est élevée « de deux pieds hors de terre, et qui n’a que « deux pieds d'épaisseur. Au reste, ces mines, « qui se présentent avec de si belles appa- « rences, sont ordinairement trompeuses : « elles donnent d’abord de l'argent ; mais en « descendant plus bas, on ne trouve plus que « du plomb». Ce naturaliste parle aussi d’une mine d'argent sans plomb, située au midi et à quelques lieues de distance de Za/arnea. Il y a une mine d’argent dans la montagne qui est au nord de Zograso, et plusieurs autres dans les Pyrénées, qui ont été travail- lées par les anciens, et qui maintenant sont abandonnées *. Il y en a aussi dans les Alpes * L’avarice a été souvent trompée par le succès des exploitations faites par les Phéniciens , les Car- “ HISTOIRE ? NATUR | et en plusieurs endroits de la Suisse. nu | Scheuchzer, Cappeler et Guettard, en ont fait inention ; et cé sont sans doute ces hautes montagnes des Pyrénées et des Alpes : qui renferment les mines primordiales d’or et d'argent, dont on trouve les débris en pail= lettes dans les eaux qui en découlent. Toutes. les mines de seconde formation sont dans les. lieux inférieurs au pied de ces montagnes, thaginois et les Romains. Les premiers, au rapport. de Diodore de Sicile, trouvèrent tant d’or et d’ar- gent dans les Pyrénées, qu'ils en mirent aux ancres de leurs vaisseaux ; on tiroit en trois jours un talent euboïque en argent, ce qui montoit à huit cents ducats. Enflammés par ce récit, des parlicu=. liers ont tenté des recherches dans la parue sep= tentriouale des Pyrénées; ils semblent avoir ignoré que le côté méndional a Loujours été regardé comme le plus riche en métaux. Tite-Live parle de l'or et de l'argent que les mines de Huesca four- nissoient aux Romains. Les monts qui s'alongent vers le nord jusqu’à Pampelune sont fameux, sur- vant A house Barba, par la quantité d'argent. qu'on en a tirée ; ils s'étendent aussi vers l'Ébre, dont la richesse est vantée par Aristote et par Clau- dien. ee” :à ÿ | DES MINÉRAUX. 297 et dans les collines formées originairement par le mouvement et le dépôt des eaux du vieil Océan. Les mines d'argent qui nous sont les mieux connues en Europe, sont celles de l’Alle- magne ; il y en a plusieurs que l’on exploite depuis très-long-temps, et l’on en découvre assez fréquemment de nouvelles. M. de Justi, . savant minéralogiste, dit en avoir trouve six en 1751, dont deux sont fort riches, et sont situées sur les frontières de la Stirie. Selon lui, ces mines sont mêlées de substances cal- caires en grande quantité, et cependant il assure qu'elles ne perdent rien de leur poids lorsqu'elles sont grillées par le feu, et qu'it ne s’en élève pas la moindre fumée ou vapeur pendant la calcination. Ces assertions sont difficiles à concilier; car il est certain que toute substance calcaire perd beaucoup de son poids lorsqu'elle est calcinée , et que par conséquent cette mine d'Anuaberg, dont parle M. de Justi, doit perdre en poids à pro- portion de ce qu'elle contient de substance calcaire. Ce savant minéralogiste assure qu’il existe un très-grand nombre de mines d’ar- gent muneéralisé par l'alcali : mais cette opi- _ 298 HISTOIRE NATUREL uion doit être interprétée; car l'alcali En | ne pourroit opérer cet effet, tandis que le foie de soufre, c’est-à-dire, les principes du soufre réunis à l’alcali peuvent le produire; et comme M. de Justi ne parle pas du foie de soufre, mais de l’alcali simple, ses expé- riences ne me paroissent pas concluantes; car l’alcali minéral seul n’a aucune action sur l'argent en masse; et nous pouvons très- bien entendre la formation de la mine blan- che de Schemnitz par l’intermède du foie de soufre. La Nature ne paroît donc pas avoir fait cette opération de la manière dont le prétend M. de Justi; car quoiqu'il n'ait point reconnu de soufre dans cette mine, le foie de soufre, qui est, pour ainsi dire , répandu par-tout, doit y exister, comme il existe non seulement dans les matières terreuses, mais dans les substances calcaires, et autres ma- tières qui accompagnent les mines de seconde formation. En Bohème, les principales mines d'argent sont celles de Saint-Joachim; les filons en sont assez minces, et la matière en est très- dure, mais elle est abondante en métal : les anines de Kuttenberg sont mélées d'argent À & + DES MINÉRAUX. 299 et de cuivre; elles ne sont pas si riches que celles de Saint-Joachim. On peut voir dans les ouvrages des minéralogistes allemands la description des mines de plusieurs autres provinces, et notamment de celles de Tran= silvanie, de la Hesse et de Hongrie. Celles de Schemnitz contiennent depuis deux jus- qu'à cinq gros d'argent, et depuis cinq jus— qu’à sept deniers d’or par marc, non compris une once et un gros de cuivre qu’on peut en tirer aussi. | Mais il n’y a peut-être pas une mine en Europe où l’on ait fait d'aussi grands travaux que dans celle de Salsberg en Suède, si la | description qu’en donne Regnard n’est point exagerée : il la décrit comme une ville sou- terraine, dans laquelle il y a des maisons , des écuries et de vastes emplacemens. « En Pologne, dit M. Guettard ,» Les forêts « de Leibitz sont riches en veines de métaux, « indiquées par les travaux qu'on y a faits « anciennement. Il y a au pied de ces mon- « lagnes une mine d'argent découverte du « temps de Charles XII. » Le Danemarck , la Norvége, et presque toutes les contrées du Nord, ont aussi des mines d'argent, dont RUE unes sont fort | uit riches; et nous avons au Cabinet de sa ma jesté de très-beaux morceaux de mine d'ar- À $ gent, que le roi de Danemarck actuellement 4 régnant a eu la bonté de nous envoyer. n? s'en trouve aussi aux iles de Féroé et en. Islande. d Dans les parties septentrionales de r Asie, les mines d'argent ne sont peut-être pas plus . rares ni moins riches que dans celles du. nord de l'Europe. On a nouvellement publié. à Pétersbourg un tableau des mines de Si- bérie, par lequel il paroît qu’en cinquante- huit années on a tiré d’une seule mine d’ar- gent douze cent seize mille livres de ce. métal, qui tenoit environ une quatre-ving= tième partie d’or. Il y a aussi une autre. mine dont l'exploitation n'a commencé qu’en 1748, et qui, depuis cette époque jus= qu’en 1771, a donné quatre cent mille livres d'argent, dont on a tiré douze mille sept cents livres d’or. MM. Gmelin et Muller font mention , dans leurs voyages, des mines d'argent qu’ils ont vues a Argunsk, à quels que distance de la rivière Argum. Ils disent qu'elles sont dans une terre molle, et à une … Seri DES MINÉRAUX. 3 petite profondeur ; que la plupart se trouvent situees dans des plaines environnées de mon- tagnes, et qu'on rencontre ordinairement au-dessus du minérai d'argent une espèce de chaux de plomb, composée de plus de plomb que d'argent. | Il y a aussi plusieurs mines d'argent à la Chine, sur-tout dans les provinces de Jun- nan et de Sechuen : on en trouve de même à la Cochinchine, et celles du Japon paroissent être les plus abondantes de toutes. On con- noît aussi quelques mines d'argent dans l’in- térieur du continent de l’Asie. Chardin dit qu'il n’y a pas beaucoup de vraies mines d'argent en Perse, mais beaucoup de mines de plomb qui contiennent de l'argent : il ajoute que celle de Renan, à quatre lieues d'Ispahan, et celles de Kirman et de Mazan- deran , n’ont été négligées qu’à cause de la disette du bois, qui, dans toute la Perse, rend trop dispendieux le travail des mines. Nous ne connoissons guère les mines d’ar- gent de l’Afrique : les voyageurs, qui se sont fort étendus sur les mines d’or de cette partie du monde, paroissent avoir négligé de faire mention de celles d'argent; ils nous disent 26 = 302 HISTOIRE NATURELLE seulement qu'on en trouve au cap Verd, au Congo, au Bambuk, et jusque deu le pays des Hottentots. | Mais c’est en Amérique où nous trouverons un très-grand nombre de mines d'argent, plus étendues, plus abondantes, et travaillées plus en grand qu’en aucune autre partie du monde. La plus fameuse dé toutes est celle’ de Potosi au Pérou. «Le minérai, dit M. « Bowles , en est noir, et formé dans la même « sorte de pierre que celle de Freyberg en « Saxe ». Ce naturaliste ajoute « que la mine « appelée Æosicle, dans le Pérou, est de la e même nature que celles de Rothgulden-erz « etd'Andreasberg dans le Hartz, et de Sainte- « Marie-aux-mines dans les Vosges. » Les mines de Potosi furent découvertes en 1545, et l’on n’a pas cessé d'y travailler de- puis ce temps, quoiqu'il y ait quantité d'au tres mines dans cette même contrée du Pérou. Frézier assure que de son temps les mines d’argentles plus riches étoient cellesd’Oriero, à quatre-vingts lieues d’Arica; et il dit qu’en 1712 on en découvrit une auprès de Cusco, qui d’abord a donné près de vingt pour cent. de métal, mais qui a depuis beaucoup dimi- DES MINÉRAUX. 303 mue, ainsi que celle de Potosi. Du temps d’'Acosta, c’est-à-dire, au commencement de l’autre siècle, cette mine de Potosi étoit, sans comparaison, la plus riche de toutes celles du Pérou : elle est située presque au sommet des montagues dans la province de Charcas , et il y fait très-froid en toute saison. Le sol de la montagne est sec et stérile; elle est en forme de cône , et surpasse en hauteur _ toutes les montagnes voisines; elle peutavoir une lieue de circonférence à la base, et son sommet est arrondi et convexe. Sa hauteur au-dessus des autres montagnes qui lui ser- vent de base, est d'environ un quart de lieue. Au-dessous de cetie plus haute montagne il y en a une plus petite, où l’on trouvoit de l'argent en morceaux épars; mais, dans la pre- miére , la miue est dans une pierre extrême- ment dure : ona creusé de deux cents s/ades, où hauteur d'homme, dans cette montagne, sans qu'on ait été incommodé des eaux ; mais ces mines étoient bien plus riches dans les parties supérieures, et elles se sont appau- vries, au lieu de s’anoblir, en descendant. Parmi les autres mines d'argent du Pérou, celle de Turco, dans le corrégument de \ * Li MONS be 4 APE UN GANT Ê un ? ne t NU NÉ 304 HISTOIRE NATURELLE Cavanga , est très-remarquable , parce que le métal forme un tissu avec la pierre très apparent à l'œil. D’autres mines d'argent dans cette même contrée ne sont ni dans la pierre ni dans les montagnes, mais dans le. sable, où il suffit de faire une fouille pour ‘trouver des morceaux de ce métal, sans autre mélange qu'un peu de sable qui s’y est attaché. Frézier , voyageur trés-intelligent, a donné une assez bonne description de la manière dont on procède au Pérou pour exploiter ces mines et en extraire le metal. On commence par concasser le minerai, c’est-à-dire, les pierres qui contiennent le metal; on les broie ensuite dans un moulin fait exprès; on crible cette poudre, et l’on remet sous la meule les gros grains de minérai qui restent sur le crible ; et lorsque le minérai se trouve mêlé de certains minéraux trop durs qui l'empêchent de se pulvériser, on Le fait calciner pour le piler de nouveau; on le moud avec de l’eau, et on recueille dans un réservoir cette boue liquide, qü’on laisse sé- cher; et pendant qu’elle est encore molle, on en fait descaxons, c’est-à-dire, de grandes DES MINÉRAUX. 305 tables d’un pied d'épaisseur et de vingt-cinq quintaux de pesanteur; on jette sur chacune deux cents livres de sel marin, qu'on laisse s'incorporer pendant deux ou trois jours avec la terre; ensuite on l’arrose de mercure, qu'on fait tomber par petites gouttes; 1l en faut une quantité d'autant plus grande que le minérai est plus riche, dix , quinze et quelquefois vingt livres pour chaque table. Ce mercure ramasse toutes les particules de l'argent. On pétrit chaque table huit fois par jour, pour que le mercure les penètre en entier , et an d'échauffer le mélange; car un peu de chaleur est nécessaire pour que le mercure se saisisse de l’argent, et c’est ce qui fait qu’on est quelquefois obligé d'ajouter de la chaux pour augmenter la chaleur de cette mixtion : mais 1l ne faut user de ce secours qu'avec grande précaution; car si la chaux produit trop de chaleur , le mercure se vola- tilise , et emporte avec lui une partie de l'argent. Dans les montagnes froides, comme à Lipès et à Potosi ; on est quelquefois obligé de pétrir le minérai pendant deux mois de suite, au lieu qu'il ue faut que huit ou dix jours dans les contrées plus tempérées : on 24 306 HISTOIRE NATURELLE est même forcé de se servir de fourneaux pour échauffer le mélange et presser l’'amal- game du mercure, dans ces contrées où le. froid est trop grand ou trop constant. Pour reconnoître si le mercure a fait tout son effet, on prend une petite portion de la grande table ou caxon, on la délaye et lave dans un bassin de bois ; la couleur du mercure qui resteau fond indique son effet : s’ilest noi-. râtre, on juge que le mélange est trop chaud, et on ajoute du sel au caxon pour le refroidir ; mais si le mercure est blanchâtre ou blanc, on peut présumer que l’amalgame est fait en entier : alors on transporte la matière du caxon dans des lavoirs où tombe une eau cou- rante; on la lave jusqu’à ce qu’il ne reste que le métal sur le fond des lavoirs , qui sont garnis de cuir. Cet amalgame d'argent et de. mercure, que l’on nomme pella, doit être mis dans des chausses de laine pour laisser égoutter le mercure; on serre ces chausses, et on les presse même avec des pièces de bois pour l'en faire sortir atftant qu'il est pos- sible; après quoi, comme il reste encore beaucoup de mercure mêlé à l'argent, on verse cet amalgame dans un moule de bois DES MINÉRAUX. 307 en forme de pyramide tronquée à huit pans, et dont le fond est une plaque de cuivre per- cée de plusieurs petits trous. On foule et presse cette matière pel/a dans ces moules pour en faire des masses qu’on appellepignes. On lève ensuite le moule, et l’on met la pigne avec sa base de cuivre sur un grand vase de terre rempli d'eau, et sous un chapiteau de même terre, sur lequel on fait un feu de charbon, qui fait sortir en vapeur le mer- cure contenu dans la pigne; cette vapeur tombe dans l’eau, et y reprend la forme de mercure coulant : après cela, la pigne n’est plus qu’une masse poreuse, friable, et com- posée de grains d'argent contigus, qu'on porte à la monnoie pour la fondre. Frézier ajoute à cette description dont je viens de donner l'extrait , quelques autres faits intéressans sur la différence des mines ou minérais d'argent : celui quiest blanc et gris , mêlé de taches rousses ou bleuâtres , est le plus commun dans les minières de Lipès; on y distingue à l'œil simple des grains d’ar- gent, quelquefois disposés dans la pierre en forme de petites palmes. Mais il y a d’autres minerais où l'argent ne paroît point, entre ts 53 | 1 MES A VTT S Ro td bi à à LA 4 308 HISTOIRE NATURELLE autres un minérai noir, dans lequel on n’ap- perçoit l'argent qu’en raclant où entamant sa surface : ce minérai, qui a'si peu d’appa- - rence, et qui souvent est mêlé de plomb, ne laisse pas d’être souvent plus riche et coûte moins à travailler que le minérai blanc; car, comme il contient du plomb qui enlève à la fonte toutes les impuretés, l’on n’est pas obligé d’en faire l’amalsame avec le mercure. C'étoit de ces minières d'argent noir que les anciens Péruviens tiroient leur argent. IL y a d’autres minérais d'argent de couleurs dif- férentes : un qui est noir, mais devient rouge en le mouillant ou le grattant avec du fer; il est riche, et l'argent qu’on en tire est d’un haut aloi : un autre brille comme du talc, mais il donne peu de métal : un autre, qui n’en contient guère plus, est d’un rouge jau- nâtre ; on le tire aisément de sa mine en petits morceaux friables et mous: 1l y a aussi du minérai verd qui n’est guère plus dur, et qui paroît être mêlé de cuivre. Enfin on trouve de l'argent pur en plusieurs endroits; mais ce n’est que dans la seule mine de Co- tamito, assez voisine de celle de Potosi, où l'on voit des fils d'argent pur, entortillés comme ceux du galon brûle. ? DES MINÉRAUX. 39 Il en est donc de l'argent comme de l'or et du fer: leurs mines primordiales sont toutes dans le roc vitreux, et ces metaux y sont incorporés en plus ou moins grande quantité, dès le temps de leur première fu- sion ou sublimation par le feu primitif, et les mines secondaires, qui se trouvent dans les matières calcaires ou schisteuses, tirent . évidemment leur origine des premières. Ces mines de seconde et de troisième formation, qu on a quelquefois vues s’augmenter sensi- blement par l’addition du minérai charié par les eaux, ont fait croire que les metaux se produisoient de nouveay dans le sein de la terre, tandis que ce n'est au contraire que de leur décomposition et de la reunion de leurs détrimens que toutes ces mines nou velles ont pu et peuvent encore être formées; et sans nous éloigner de nos mines d'argent du Perou, il s’en trouve de cette espèce au pied des montages et dans les excavations des mines même abandonnées depuis long- tem ps. Les mines d'argent du Mexique ne sont guere moins fameuses que celles du Perou. M. Bowles dit que dans celle appelée 7a/la- # SU PAZ RNA PTT à LEA ! A à 310 HISTOIRE NATURELLE j _ dora, le minérai le plus riche donnoit cin- quante livres d'argent par quintal, le moyen vingtcinq livres, et le plus pauvre huit livres, et que souvent on trouvoit dans cette mine des morceaux d'argent vierge. On es- time même que tout l'argent qui se tire du canton de Sainte-Pécaque est plus fin que celui du Pérou. Suivant Gemelli Carreri, la mine de Santa-Cruz avoit, en 1697, plus de sept cents pieds de profondeur, celle de Na- varo plus de six cents; et l’on peut compter, dit-il, plus de mille ouvertures de mines dans un espace de six lieues autour de Santa- Cruz. Celles de la Trinité ont été fouillées jusqu’à huit cents pieds de profondeur : les gens du pays assurèrent à ce voyageur qu'en dix ou onze années, depuis 1687 jusqu’en 1697, on en avoit tiré quarante millions de marcs d'argent. Il cite aussi la mine de Saint- Matthieu, qui n’est qu’à peu de distance de la Trinité, et qui, n’ayant été ouverte qu'en 1689, étoit fouillée à quatre cents pieds en 1697 : il dit que les pierres métalliques en sont de la plus grande dureté, qu'il faut d’abord les pétarder et les briser à coups de marteau ; que l’on distingue et sépare les r ; Là DES MINÉRAUX. 3rt morceaux qu’on peut faire fondre tout de suite, de ceux qu'on doit auparavant amal- gamer avec le mercure. On broie ces pierres métalliques , propres à la fonte, dans un mortier de fer; et après avoir séparé par des lavages la poudre de pierre autant qu'il est possible, on mêle le minérai avec une certaine quantité de plomb, et on les fait foudre ensemble ; on enlève les scories avec un croc de fer, tandis que par le bas on laisse couler l’argent en lingots, que l’on porte dans un autre fourneau pour les refondre et achever d'en séparer le plomb. Chaque lingot d'argent est d'environ quatre-vingts ou cent marcs; et s'ils ne se trouvent pas au titre prescrit , on les fait refondre une seconde fois ayec le plomb pour les affiner. On fait aussi l'essai de la quantité d'or que chaque lingot d'argent peut contenir, et on l'indique par une marque particulière; s’il s y trouve plus de quarante grains d’or par marc d’ar- gent, on en fait le départ; et pour les autres parties du minérai que l’on veut traiter par l'amalgame , après les avoir réduites en poudre très-fine, on y mêle le mercure, et l'on procède comme nous l’avons dit en par- : AT ESPERANT DE EE At du 3:2 HISTOIRE NATURELLE lant du traitement des mines de Potosi. Le | mercure qu’on y emploie vient d'Espagne cu du Pérou : il en faut un quintal pour séparer mille marcs d'argent. Tout le produit des mines du Mexique et de la nouvelle Espagne doit être porté à Mexico; et l’on assure qu à la fin du dernier siècle ce produit etoit de deux millions de marcs par an, sans compter ce qui passoit par des voies indirectes. Il y a aussi plusieurs mines d'argent au Chili, sur-tout dans Le voisinage de Coquime bo, et au Bresil , à quelque distance dans les terres voisines de la baie de Tous-les-Saints ; l’on en trouve encore dans plusieurs autres endroits du continent de l’Amerique , et même dans les îles. Les anciens voyageurs citent en particulier celle de Saint-Domingue; inais la culture et le produit du sucre et des autres denrées de consommation que l’on tire de cette île, sont des trésors bien plus réels que ceux de ses mines. + Après avoir ci-devant exposé les princi= pales propriétés de l'argent, et avoir eusuite parcouru les différentes contrées où ce méta se trouve en plus graude quantité, 1l ne nous reste plus qu’à faire mention des principaux DES MINÉRAUX. 3:13 faits et des observations particulières que les physiciens et les chimistes ont recueillis en travaillant l'argent et en le sonmettant à un nombre infini d'épreuves. Je commencerai par uu fait que j'ai reconnu le premier. On étoit dans l'opinion que ni l'or ui l’argent mis au feu , et même tenus en fusion , ne _perdoient rien de leur substance ; cependant il est certain que tous deux se réduisent en vapeurs et se subliment au feu du soleil à un degré de chaleur même assez foible. Je l'ai observé lorsqu’en 1747 j'ai fait usage du miroir que javois inventé pour brüler à de grandes distances; j exposai à quarante, cinquante et jusqu'à soixante pieds de dis- tance, des plaques et des assiettes d'argent : je les ai vues fumer long-temps avant de se ‘fondre , et cette fumée étoit assez épaisse pour faire une ombre très - sensible qui se marquoit sur le terrain. On s’est depuis plei- nement convaincu que cette fumée étoit vraiment une vapeur métallique ; elle s’at- tachoit aux corps qu’on lui présentoit, et en argentoit la surface ; et puisque cette subli- mation se fait à une chaleur médiocre par le feu du soleil, il y a toute raison de croire 27 $:4 HISTOIRE NATURELLE qu'elle se fait aussi et en bien plus grande quantité par la forte chaleur du feu de nos fourneaux, lorsque non seulement on y fond ce métal, mais qu’on le tient en fusion pen- dant un mois, comme l’a fait Kunckel. J'ai déja dit que je doutois beaucoup de l’exacti= tude de son expérience, et je suis persuadé que l'argent perd par le feu une quantité sensible de sa substance , et qu’il en perd d'autant plus que le feu est plus violent et appliqué plus long-temps. L'argent offre dans ses ditsoluti bn di fe reus phénomènes dont il est bon de faire i ici mention. Lorsqu'il est dissous par l'acide nitreux, on observe que si l'argent est à peu près pur, la couleur de cette dissolution ;, qui d’abord est un peu verdâtre , devient ensuite très- blanche, et que quand il est mêlé d’une petite quantité de cuivre, elle est constamment verte. Les dissolutions des métaux sont en géné- ral plus corrosives que l’acide même dans lequel ils ont éte dissous : mais celle de l’ars.: gent par l'acide nitreux l’est au plus haut degré ; car elle produit des crystaux si caus= tiques, qu'on à donué à leur masse réunie DES MINÉRAUX. 315 par la fusion le nom de pierre infernale. Pour obtenir ces crystaux , il faut que l’ar- gent et l’acide nitreux aient été employés purs. Ces crystaux se forment dans la disso- lution par le seul refroidissement ; ils n’ont que peu de consistance, et sont blancs et applatis en forme de paillettes : ils se fondent très-aisément au feu\, et long-temps avantd’y rougir ; et c’est cette masse fondue et de cou- leur noirâtre qui est la pierre infernale. Il y a plusieurs moyens de retirer l’argent de sa dissolution dans l'acide nitreux ; la seule action du feu, long-temps continuée, suffit pour enlever cet acide : on peut aussi précipiter le métal par les autres acides, vitriolique ou marin , par les alcalis et par les métaux qui, comme le cuivre, ont plus d’affinité que l’argent avec l'acide nitreux. L'argent, tant qu’il est dans l’état de mé- tal, n’a point d’affinité avec l’acide marin : mais, dès qu’il est dissous, il se combine ai- sément et même fortement avec cet acide ; car la mine d'argent corné paroît être for- mée par l’action de l’acide marin. Cette mine se fond très-aisément, et même se volatilise à un feu violent, NET RAS Là | EE tue "4 3:16 HISTOIRE NATURELLE À L’acide vitriolique attaque l'argent en masse au moyen de la chaleur; il le dissout même complètement ; et en faisant distiller. cette dissolution, l’acide agir dans le réci- pient, et forme un sel qu'on vo” appeler vitriol d'argent. pre | Les acidés animaux et végétaux, comme l'acide des fourmis ou celui du vinaigre, n'atlaquent point l’argent dans son état de métal; mais ils dissolvent très-bien ses re cipilés. Les alcalis n’ont aucune action sur l’ar- gent, ni même sur ses précipités; mais lors- qu’ils sont unis aux principes du soufre, comme dans le foie de soufre, ils agissent puissamment sur la substance de ce metal, qu'ils noircissent et rendent aigre et cassant. Le soufre , qui facilite la fusion de l’argent, doit par conséquent en altérer la substance ;, cependant il ne l'attaque pas comme celle du feret du cuivre, qu'iltransforme en pyrite. L'argent fondu avec le soufre peut en être sé- pare dans un instant par l'addition du nitre,. qui, aprés la détonation, laisse l'argent sans perte sensible ni diminution de poids ; le, nitre ,c‘'uit au contraire Le fer et le cuivre ÉRet. +4 ee à = DES MINÉRAUX. 317 en chaux, parce qu’il a une action directe sur ces métaux , et qu'il n'en a point sur l'argent. | La surface de l'argent ne se convertit point en rouille par l'impression des élemens hu- mides ; mais elle est sujette à se ternir, se noircir et se colorer : on peut même lui donner l’apparence et la couleur de l’or en l'exposant à certaines fumigations, dont on a eu raison de proscrire l'usage pour éviter la fraude. On emploie utilement l'argent battu en feuilles minces pour en couvrir les autres métaux, tels que le cuivre et Le fer ; il suffit pour cela de bien nettoyer la surface de ces metaux et de les faire chauffer : les feuilles d'argent qu'on y applique s’y attachent et y adhèrent fortement. Mais comme les métaux ne s'unissent qu'aux métaux , et qu'ils n’ad- hèrent à aucune autre substance, il faut, lorsqu'on veut argenter le bois ou toute autre matière qui n’est pas métallique, se servir d’une colle faite de somme ou d'huile, dont on enduit le bois par plusieurs couches qu’on laisse sécher avant d'appliquer la feuille d’ar- gent sur la dernière : l'argent n’est en effet x ame me een, us Le 4 DE “ART "A LARÉNEIME OR 318 HISTOIRE NATURELLE. que collé sur l’enduit du bois, et ne lui « uni que par cet intermède, dont on pe toujours le séparer sans le secours de la f sion , et en faisant seulement brûler la col à laquelle il étoit attaché. Quoique le mercure s'attache prompt: ment et assez fortement à la surface de l’a: gent, il n’en pénètre pas la masse à l’int rieur ; il faut le triturer avec ce métal por en faire l’amalgame. IL nous reste encore à dire un mot pa fo meux arbre de Diane, dont les charlatan ont si fortabusé en faisant croirequ’ilsavoier le secret de donner à l'or et à l'argent la fe cultéde croître et de végéter commeles plante néanmoins cet arbre métallique n’est qu’u assemblage ou accumulation des crystau produits par le travail de l’acide nitreux sv l'amalgame du mercure et de l’argent. C« crystaux se groupent successivement les ur sur les autres; et s’accumulant par superpt sition , ils représentent grossièrement la figux extérieure d'une végétation. | Fi Fin du tome douzième. TABLE Jes articles contenus dans ce volume. Histoire naturelle des minéraux» JE fer, page 5. e l'or, r77. e l'argent, 277. DE L'IMPRIMERIE DE PLASSAN, NE LE