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Lo ni + " AUS 1 # _ ie Li Era oi Den me 4 LAN (et Ni au "A ne TA 1 à 1e | wi vi il nu qi ui | (A lu : Riou du L A LUE di NEA NET ge" ne AT FANS NE (A ti) NN ! (ON PER Au JR Ro D A f (hi, Pa fa “he L'PAER 1 il A ! ; c CHI Al vu Di au CRT F AAA | ty 4 ‘la: (a Dan | D: l | l % is 4 t 4 (8 "A | AE 1# £ * ni A L ‘144 QUE A: | pi 2 pi ON AUES LU cn HAE à DT 4 | \ . Din 40 h (NE 1 Li ni 4 ! ju ‘ Hits Hi Le, d es t JAN DU | NW : L 1 re Lu ne A k } i e Era vu FL Leu CRE < : in ji LM } ni do” un a (Or AM MATE Ml Ve Le « UE 1h: \UR 1 to (UNE + 110 Ai r [a cu ('N w 0 4, A Na \# Lh 1h [ot ? eue di 14 pl Dis Lt 4 LE Ro ni A LAS di FA. sh Rn ie Fi à fe Rp sa y : nue vi NEO Fi J trie ai M) PA E | 4 LU ( ji Ms A 403 Niue À SHOEAT 7 ù. lot ÿ} a } toi | NA A La : di A qu De CURE 4 AA ture JUS LA # WE L pi Ar Le Ï AR fi Ar - Le V ru = ui A ù ‘w à te FLE Va al NA : : (à LL 07 l [ LE | cb MNT our ex PAU "x. ‘ni ; f Hit null tes (ANNEE à Ds, | POPTEN DA. 1 pi y ee AAA } : NR hs dr) | PA. 1h4 to il : AU A La Re Write ) ù ir ae TRS mn, | M o ja A0TE We ji tn kr nai 1 + : 21} 2 # #, NME 1H ti TE a: 1 Da HR à (: one dr ARR LS Hate Lai a | 4 Lu TL . "| ST UE) NES DCR. TiUR (TE on 2 , \ M DA . 17 | ai à. if L'RPUF Fra pi 1 ui os ra : LUS Al Dual |. MU tu IAE | Me ONE te | Re LS 1 * : APR AU PR [LETS (LP RS : A à ee H:L:S,. TO. L,R:E NATURERBLE, HÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE. DES P OLS:SON.S . EE ——————— ——_ TOME TROÏISTÈ ME ES O NN DO US 'C KR E T M PA RS: DurarrT, Imprimeur-Libraire et édite rue des Noyers, N° 22; Cnrez | CE k | BERTRAND; Libraire, quai des Augusti N° 55. A ROUEN, Chez Vazzée , frères, Libraires , rue Beffroi, N° 2 A STRASBOURG, Chez LrevrauLrT, frères, Imprimeurs-Librair A LIMOGES, Chez Buarcras, Libraire. A MONTPELLIER, Chez ViD4Az, Libraire. A MONS, Chez Hoyxors, Libraire. Et chez les principaux Libraires de l’Europe. ISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE, CS POTSSONS; A JRAGE faisant suite à l'Histoire naturelle, générale particulière , composée par Lrcrerc DE Burron, et ve ise dans un nouvel ordre par C. S. SonNiNI, avee s Notes et des Additions. PAR CC S& SONNINI, :MBRE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES ÊT LITTÉRAIRES. TOME TROISIÈME. Un M AAA N a \Te > ea a va] AD AURAS Se JE L'IMPRIMERIE DE F. DUFART. A N'UNE Nota. L'on a omis, par inadvertenct de placer le nom de Lacépède en tête € Discours sur la nature des poissons , vol. page 57, quoique la Table de ce mên volume indiquât que ce Discours füt loi vrage de ce naturaliste. M'TSTO TR E NATURELLE MES. PO TS SO NS! DIVISION DE LACÉPÈDE. PREMIÈRE SOUS-CLASSE. POISSONS CARTILAGINEU X. Les parties solides de l’intérieur du corps ; cartilagineuses. PREMIÈRE DIVISION. M'orssons qui m'ont ni opercule, ni membrane des branchies. PREMIER ORDR E. Poissons apodes, ou qui n'ont pas de nageoires ventrales. PREMIER GENRE. LES PETROMYZONS. Sept ouvertures branchiales de chaque côté du ‘cou, un évent sur la nuque, pis de | nageoires pectorales, À 5 6 Hu ST OIRE PREMIÈRE ESPÈCE. LE PÉTROMYZON LAMPRO1E.— Vingt rangées de dents ou environ. SECONDE ESPÈCE. LE PÉTROMYZoN PRICKA. — La seconde nageoire du dos anguleuse et réunie avec ceile de la queue. TROISIÈME ESPÈCE. LE PÉTROMYZON LAMPROYON.— La se- conde nageoire du dos très-étroite, et non anguleuse ; deux appendices de chaque côté du bord postérieur de la bouche. QUATRIÈME ESPÈCE. LE PÉTROMYZON PLANER. — Le corps annelé ; la circonférence de la bouche garnie de papilles aiguës. : CINQUIÈME ESPÈCE. LE PÉTROMYZON ROUGE. — Les yeux très-petits ; la partie de l’animal dans la- quelle les branchies sont situées, plus grosse que le corps proprement dit ; les nageoires du dos très-basses ; celle de la queue lan- céolée ; la couleur générale d'un rouge de sang, ou d’un rouge de brique. SIXIÈME ESPÈCE. LE PÉTROMYZON suCcET. — L'ouverture DES LAMPROÏIES 9% de la bouche très-grande, et plus large que la tête ; un grand nombre de dents petites et couleur d'orange ; neuf dents doubles auprès du gosier. SEPTIÈME ESPÈCE. LE PÉTROMYZON ARGENTÉ. ( Petromyzor argenteus.) — Les dents Jaunes et placées très-avant dans la bouche ; la mâchoire inférieure garnie de dix dents pointues , très-voisines l’une de l'autre, et arrangées sur une ligne courbe; d’autres dents carti- lagineuses, et placées des deux côtés d’uné plaque également cartilagineuse ; la tête alongée ; la ligne latérale très - visible ; la dorsale très-échancrée en demi-cercle ; la caudale lancéolée ; la couleur argentée. HUITIÈME ESPÈCE. LE PÉTROMYZON SEPTŒUIL. ( Petromyzon septœuil.) — Le diamètre longitudinal de l'ouverture de la bouche, plus long que le plus grand diamètre transversal du corps ; l’ensemble du corps et de la queue presque conique ; la dorsale très -peu découpée et très-arrondie dans ses deux parties ; la caudale spatulée ; la partie supérieure de l'animal d’un gris plombé, et l’inférieure d’un blanc jaunâtre. À 4 6 HIS: T'O IR'E NEUVIÈME ESPÈCE: LE PÉTROMYZON Noïr.(Pétromyzon niger. — L'ouverture de la bouche très- petite ; l’ensemble du corps et de la queue presque cylindrique jusqu’à une petite dis- tance de la caudale ; les deux parties de la dorsale très-arrondies ; chacune de ces par- tes presque aussi courte que la caudale ; cette dernière nageoire spatulée ; la partie supérieure du poisson d’un beau noir; les côtés et la partie inférieure d’un blanc d'argent très-éclatant. DES LAMPROIES. g LED LANMPROIES (I) k F IDÈLE aux principes que j'ai adoptés, de n’admettre dans mes ouvrages que des expressions françaises, et d’en écarter , au- tant qu'il est possible , celles que l’on puise dans les langues anciennes , et dont on fait depuis quelque tems un usage vraiment immodéré , je restituerai à ce premier genre de poissons le nom de Zamproie , sous lequel il est connu dans notre langue , et j’aban- donnerai le mot. grec pétromyzon , que quel- ques auteurs modernes ont employé , et qüe les anciens grecs ne connoissoient pas. L'on ne sait point, en effet, d’une manière précise, comment ce peuple de lantiquité appeloit les lamproies ; les littérateurs ne sont pas d'accord à ce sujet ; mais lon sait que le mot pétromyzon est d'invention toute nouvelle ; Linnæus, je crois, est le premier qui s’en soil servi; 1l est composé (1) Les pétromyzons de Lacépède et de quelques autres auleurs d'ichthyologie. 16 HAESTOLR EF de deux mots grecs qui signifient szce-pierre ou léche- pierre. Le nom latin lampetra ou lambreda a la même origine et dérive des mots /ambere, lécher, et petra, pierre; cette dénomination a rapport à l'habitude com- mune à toutes les espèces de lamproies , de s'attacher aux rochers avec beaucoup de force (1). Ces poissons ont la forme des serpens ; leur tête est oblongue , leur corps long et arrondi, et leur peau nue, lisse et extré- mement glissante. Ils ont un évent sur le derrière de la tête; et, ce qui les distingue des autres poissons, ils ont, au lieu d’ouïes, sept ouvertures de chaque côté du cou; ce sont les orifices de l'organe de la respiration. À ces ouvertures correspondent autant de petites bourses elliptiques , sur lesquelles sctend une peau rougeâtre et plissée; elles sont placées les unes derrière les autres, s’avancent dans une direction oblique, et n'ont aucune communication entre elles ; mais chacune de ces bourses ou petils sacs, que l’on peut appeler respiratoires, a une (1) Gesner et Aldrovande pensent que le mot latin lampetra vient d’alabès, qui, en grec, veut dire un corps glissant qui échappe à la main, d’où l’on a fait aéabastrum , pour signifier le marbre le plus poli. DES LAMPROIES. 11 ouverture en dehors et deux en dedans ; l'eau entre par la première et sort par les deux autres, ou par la bouche ; et lorsque les lamproies sont attachées aux rochers où aux autres substances submergées,au moyen de leurs lèvres et de leurs dents, l’eau sort par l’évent de la nuque de la même ma- nière que les cétacés la font jaillir par les évents qu'ils ont sur la tête. Les lamproiïes ont des dents jaunûtres , deux nageoires cartilagineuses sur le dos, et une nageoire à l'extrémité de la queue ; il n’y en a point au ventre. Nous connoissons neuf espèces de lam- proies, que nous examinerons dans autant d'articles. 12 HEFSTOIRE L] L'A: AMP ROTE PROPREMENT:DIETE (à): PREMIÈRE ES PÉCE. Voyez la figure 1, planche T. vers auteurs ont cru reconnoître Ja lamproie dans le poisson que Galien vit (1) Lamproie et quelquefois Zamproye. L’on n’est pas certain du nom que ce poisson portoit chez les anciens grecs. En latin , /ampetra ou lampedra. Par quelques auteurs, plota fluta, asterias, hirudo, muræna, vermis marinus. En anglais, lamprey et lamprey -ell. En allemand, /amprete. Fn hollandais, zée-lamprey. En italien, lampreda. En espagnol, lam- prea. À Malte, 27 mustilla. Sur les bords de la Loire, lamprei. À Bordeaux, la lamproie encore petite s'appelle pibale. Mustela sive lampetra. Belon, de Aquat. Hb.7, pag. 75; et édition française, pag. 66 , avec une mauvaise figure. — Gesner, de Aquatilibus , Hib. 5, pag 696, avec une mauvaise figure. Lampetra. Salvian. Aquat. animal. histor. pag. 63, fig. tab. 4. Lamproie. Rondelct , Histoire des poissons, liv. 15, ÿ | | | | eve el . CA INDAUT IA d° n 719.1. YA LAMPROIE 79.2. (x bouche over . 4 L'ig 3. tRTRUT ed Of pures T'es es, LT. 4 Corp arr RMELRE Un | SR LR n, { MORO EL et ENT RE CO" UNS k 4 À, ES tr ’ ct) PE Ÿ #4: À Ne 2: CA wi ’ A0 où À : DES LAMPROIES. 15 à Rome, et qu'il appelle galexias (1). Mais ce qu'en dit cet ancien médecin est trop peu précis, pour que lopinion puisse se chap. 3, pag. 310 de l’édition française , avec une mauvaise figure. Lampctra major. Aldrovand. de Piscibus, lib. 4, pag. 556, avec une mauvaise figure. — Schwenck- feld, Theriotr. siles. fol. 451. — Charlet. Onom. Mol. 163 ,.n°.3. Lampetra. Jonston , Hist. nat. de piscib. pag. 79. _ A lamprey or lamprey-eel. Willaghb. Fist. pisc. lib. 4, cap. 2, 6 2, pag. 105, fig. 2, tab. G. 2. — British zool. tom. III, pag. 76, fig. 27. tab. 8. — Ray , Synops. piscium, pag. 55. Petromyzon ore intüs papilloso, pinn& dorsali posteriore a caud& distincté... petromyzon marinus, Lin. edit. Gmel. gen. 129, sp. 1. — Faun. suecic. edit. Retzii, pag. 302. Petromizon ordinibus dentium circiter viginti.... petromizon maculosus. Artedi , Gen. piscium , ord. 4, gen. 42, Sp. 2. La marbrée. Daubenton, Encyclopédie méthodique. — Bonaterre , planches du même ouvrage. La lamproie. Bloch, Histoire nat. des poissons, 5° partie, pag. 51, fig. pl. LxxvII. Le pétromyzon lamproie. Lacépède , Hist. nat. des poissons , tom. Ï ,in-4°, pag. 3, fig. pl. 1. (1) De Alimentis, clas. 2, fol. 350, À. Voyez, à ce sujet, l’histoire des poissons, par Salvien , fol. 63 et 64, où sont rassemblies toutes les probabilités 14 HTSTOIRE fixer à cet égard. Il en est de même de la conjecture de ceux qui pensent que la lamproie a été indiquée par Dorion dans Athénée , sous la dénomination de muraina potamia, murène des fleuves (1); dans Pline, sous les noms de /umbric marin (2), et de ver d’eau (5); par Strabon, lorsqu'il parle de sangsues de sept coudées et à ouïes percées, qui naissent dans un certain fleuve de la Lybie (4). 1lest plus probable que la lamproie est l’écheneis d'Oppien. «Elle se plaît, dit-il, dans la haute mer ; elle est longue d’une coudée , de couleur brune, semblable à l’an- guille, ayant la bouche en dessous , aiguë, et recourbée comme la pointe d’une hame- con; les marins en content des choses mer- veilleuses et incroyables pour ceux qui n’en auroient pas été les témoins. Ce poisson met sa bouche contre un navire, comme s'il vouloit le dévorer , et de quelque force du rapprochement de la lamproie et du galexias de Galicn. Belon avoit précédemment établi la même opinion. (1) Liv. 7, chap. 512. (2) Hist. nat. lib. 9, cap. 20. (5) Zbid, lib. 9, eap. 15. (4) Idem , ibidem. DES LAMPROIES. 35 ée vaisseau soit poussé par les vents ou les rames, l’écheneis l’arrête et le retient (1)». Ce qu'Oppien rapporte de son écheneis convient parfaitement à la lamproie , si l’on en excepte les fables qui en terminent la courte description. L'amour du merveilleux, cette sorte d'inquiétude dans l'imagination, qui se plait à être frappée par des choses nouvelles et extraordinaires , est de tous les âges ; on ne cesse de le reprocher aux anciens ; mais , si des connoissances plus exactes nous éloignent de beaucoup d’opi- nions fausses, et même absurdes, que lanti- quité adoptoit , nous n’en sommes pas moins avides du merveilleux , ni moins disposés à laccueillir. Si l’on en croyoit des auteurs plus _ modernes qu'Oppien, les faits que ce poële naturaliste raconte de la lamproie ne pour- roient être révoqués en doute, puisqu'ils | attestent les avoir vérifiés. Un homme grave, d’une vaste érudition et d’un grand sens, Gesner , dit qu’en partant de Rome, à la suite du cardinal de Fournon , la galère qui les portoit avec beaucoup de célérité fut tout à coup arrêtée ; l’on chercha long-tems d’où pouvoit venir un changement aussi subit, (1) Halieuticon , liv. 1 , pag. 9 16 *'‘ÆAES TONIR EE et l’on découvrit enfin une lamproie qui. s’étoit attachée au gouvernail; on la prit, on la mangea , et le vaisseau fendit les eaux avec autant de rapidité qu'auparavant. Gesner, qui se doutoit bien qu’un fait de cette nature trouveroit difficilement des gens disposés à y ajouter foi, prend le soin de prévenir que de nobles personnages, avec lesquels il naviguoit, l'ont vérifié comme lui (1). Rondelet cile aussi, sur ce sujet , sa propre expérience ; il assure avoir re- connu que , si la lamproie applique son museau contre une galère, elle l’arrêtera(2). Mais je m'arrête aussi; et si quelquefois je fais mention des égaremens de la crédulité et des écarts de l'imagination, c’est que ce sont des points qui ne sont pas inutiles à l’histoire de la science de la Nature , ni {r) De Aquatilibus, lib. 5, p. 698. (2) Histoire des poissons, liv. 15, pag. 512. — « Le naturel de ce poisson est de s'attacher aux pierres et rochers moussuz, tant de mer que d’eau doulce : et encore à l’entour des navires fraîchement poissées ; de sorte que les mariniers ont quelquefais grand’'peine à retirer et redresser leurs tymons et gouvernaulx, quand ceste beste y attachée , tire au contraire ». ( Belon, de la Nature et diversité des poissons , liv. 1, pag..66.) même DES LAMPROIES. 17 méme à l'histoire des sociétés humaines ; la lecture de celle-ci seroit moins pémble, si les pages qui la Coiposent ne présentoient que le tabieau des erreurs de l'esprit, au lieu de la peinture des vices du cœur eb des effets de la perversité de lame. Ce n’est pas seulement aux vaisseaux que les lamproies se collent par la bouche ; elles 'attachent, de même aux bois submergés , 4x rochers couverts par les eaux de la ner , même à de grands poissons » qu'elles abandonnent que lorsqu'ils sont morts Gb): L'on dit qu’elles choisissent de préférence. és navires dont la carène a été nouvelle- nent enduite, de goudron (2). La force avec aquelle ces poissons adhèrent aux différens °rps est assez grande pour que l’on soit blisé d'employer quelques efforts pour les n détacher. On a vu une lamproie du poids e trois livres soutenir en l'air avec sa bouche ne pierre qui en pésoil douze (3): C’est par ? Moyen . d’une espèce de succion que les unproies se fixent aussi fortement ; leurs RP ETS PO pe se nn à à né (x): Belon , à l'endroit ci-dessus. cité. — Gesner , CO Suprà citato. (2) Gunner, Act. nidr. 4 (5) Pennant, British zool, tom. LIT, pag. 78. Poiss. ToME III. B 18 HIS T'OUIR E lèvres sont souples et très-mobiles, et l’évent qu'elles ont à la nuque leur donne la facilité de rejeter l’eau entrée par les ouvertures de leurs sacs respiratoires , sans qu'elles aient besoin d’avoir la bouche libre. Elles sont d’ailleurs douées d’une force considé- rable dans les: muscles et d’une grande vita- lité; les plus fortes blessures ne les font point mourir. Elles peuvent perdre de très- grandes portions de leur corps sans être’ à l'instant privées de la vie; et l’on en a vu, à qui il ne restoit que la tête et le devant: du corps , coller encore leur bouche avec force , pendant plusieurs heures, à des subs- tances dures qu'on leur présentoit (1). La conformation de la bouche aide beau-| coup à cette puissance d'adhésion ; placée un! peu au dessous de lPextrémité du museau, son orifice est arrondi, et néanmoins un peu oblong ; elle n’est point ouverte trans- versalement comme celle ‘des autres pois- sons , mais elle est creusée presque circu= laiïrement comme celle d’une sangsue ; les lèvres épaisses, charnues, et, comime je viens de le dire, souples et mobiles, fibreuses , déchiquetées sur leurs bords, et comme (1) Lacépède, Histoire du pétromyzon lamproie, DES LAMPROIES. 9 spongieuses , s'appliquent exactement à la surface des corps, et semblent les sucer. Plusieurs rangées de dents, communément au nombre de vingt, sont disposées en cercle dans l’intérieur de la bouche. Il y a cinq ou six dents à chaque rangée ; elles sont séparées les unes des autres, un peu re- courbées et très-aigués , creuses et de couleur jaune orangée. Ce ne sont pas de simples excroissances cartilagineuses comme la dit Linnæus (1), et comme d’autres l'ont répété ; leur substance est osseuse et ne diffère point de celle des dents des autres animaux. Mais ce qui les distingue véritablement, c’est la mauicre dont elles sont enchâssées ; elles ne tiennent point à des mächoires osseuses ; elles sont seulement maintenues dans des capsules charnues. Outre ces rangées, l’on en voit une autre , formée en ligne droite de six dents qui se touchent, à la partie pos- térieure de la bouche. Deux autres dents, plus grosses que les autres, se remarquent sur le devant et en haut de la bouche ; enfin la langue , qui est courte et échancrée en croissant , est encore armée sur ses bords de très-petites dents en forme de scie. (1) Syst. nat. B 2 20 ÉLAHSTT OO L'RE {Voyez la figure de la bouche de la lam- proie, planche TI, fig. 2.) Avec un appareil en apparence si for- midable, la lamproie , qui se nourrit de substances animales, n’attaque que les êtres les plus foibles; elle fait sa proie ordinaire de vers marins et de petits poissons ; elle se contente même de cadavres d'animaux aquatiques, et de toute autre chair morte (1) Cette foiblesse dans les moyens de subsis- tance indique celle de ses ressources. Se: dents ne tiennent qu’à la chair, et elles ne sont point soutenues par des alvéoles osseux. en sorte que, quoique très-nombreuses el ctrès-aiguës , elles n’ont aucune solidité e semblent ne servir au poisson que pour sé -coller et se fixer avec force à des corps solides. Ne pouvant attaquer elle-même, la lam: proie ne sait pas mieux se défendre; ellé ne présente auçune résistance à ses ennemis et si elle leur échappe, c’est par la fuite e la retraite dans quelque trou obscur où elle se glisse, et où les loutres, ainsi que let CRE © (1) Rondelet s’est trompé en disant que les lam: _proies ne vivoient que &’eau et de bourbe. (Est. de” poissons, liv. 15, pag. 511.) DES LAMPROIES. 2T poissons voraces, tels que le silure et le brochet, ne peuvent la suivre. La tête de la lamproie est arrondie ; alongée , et de la même grosseur que le corps, mais elle s’amincit vers la bouche. Les yeux sont petits, ronds et enfoncés ; Piris est jaune ; pointillé de noir. Au dessus et au dessous de chaque œil sont deux lignes horisontales de petits trous, orifices de ca- naux qui pénètrent assez avant. Il y a cinq de ces trous à la rangée supérieure, et quatre seulement à celle qui est placée au dessous de l'œil. Plusieurs naturalistes ont regardé ces petites ouvertures comme les orifices des organes de Fouïe et de Fodorat (x). Sur le derrière de la tête, entre les deux yeux, est un évent, où conduit fistuleux, entouré d’une membrane un peu saillante, et ouvert jusques dans la bouche; c’est par ce canal (1) « Ces petites ouvertures paroissent être Îles orifices des canaux destinés à porter à la surface du corps cette humeur visqueuse , si nécessaire à presque tous les poissons pour entretenir la souplesse de leurs membres , et particulièrement à ceux qui, comme les pétromyzons (les lamproiïes) ne se meuvent que par des ondulations rapidement exécutées. » { Lace- pède , Hist. nat, des poissons, tom. Ï , pag. 7.) B 5 + 22 HLSTOIRE que l’eau , entrée par les trous qui conduisent aux cellules respiratoires , jaillit lorsque le! poisson a la bouche fermée, ou plutôt ap- pliquée contre quelque corps. Ces trous sont disposés en ligne droite , qui commence derrière l'œil de chaque côté; le premier et le dernier sont plus petits que les autres. Les anciens les nommoient des yeux, et c'est encore aujourd’hui leur dénomination vulgaire. L'on a vu précédemment le jeu | et l’usage de ces organes de la respiration, | ui ne sont, à proprement parler, ni des 9 poumons, n1 des ouïes, mais qui font les | fonctions des uns et des autres. Cetie con- formation ne se retrouve dans aucun autre genre de poissons. (Voyez la fig. 3, pl. 1). aaaaaaa sont les orifices des conduits | pulmonaires. bbbDbEbE b sont les conduits pulmonaires qui aboutissent aux orifices. Ces conduits sont composés de plusieurs canaux, unis ensemble au nombre de douze à quatorze par chaque conduit. Si l’on bouche les orifices avec de la cire liquide , on s’aper- çoit bientôt que le mouvement des bourses pulmonaires diminue , et que le poisson ne tarderoit pas à périr suffoqué; dès que l’on DES LAMPROIES. 29 retire la cire, ces espèces de poumons re- prennent leur mouvement naturel (1). : On ne peut mieux comparer le corps de la lamproie qu’à celui d’un serpent ; c’est la même forme cylindrique, très-alongée, ter- mince par une queue dont l'épaisseur di- minue sensiblement jusqu’à son extrémité. Ce n’est pas le seul rapport que les lamproies aient avec les serpens : il y en a d’autres non moins frappans, tels que le mécanisme de la respiration ; la conformation des parties intérieures ; la privation des nageoires au ventre et à la poitrine, parties correspon- dantes aux pieds des autres animaux, qui manquent également aux serpens; les replis et les portions d’arc que la lamproie décrit en nageant, et en imitant dans les eaux la marche ondoyante et tortueuse des serpens ; enfin , plusieurs habitudes communes (2). (1) Observations anatomiques sur la lamproie et ses poumons, et sur l’anguille, par Olaïis Jacobæus. { Collection académique, partie étrangère , tom. IV, pag. 564.) (2) L’ingéuieux auteur de l'Histoire naturelle des reptiles et des poissons a tracé, de main de maître, les rapprochemens qui existent entre les lamproies et les serpens. ( Voyez Lacépède , Histoire du pétro- myzon lamproie.) B 4 24 2 HESTOIR E Des deux nageoires qui sont sur le dos de la lamproie , la première ne prend son origine qu'aux deux tiers environ de la Jongueur du corps; elle est courte et s’ar- | rondit en arc de cercle ; la seconde en est | fort peu éloignée , s'élève moins, s’alonge davantage, et prenant à sa naissance touie sa hauteur , diminue sensiblement jusques près de la nageoire de la queue, dont elle est séparée, mais seulement par un petit inter- valle (1).Ces deux nageoires ont peu de kau- teur : celle de la queue est courte et arrondie. Tout le poisson est couvert d’une peau lisse, visqueuse, mais ferme et dure, et si glissante qu’il est difiicile à retenir dans la main. L’enduit muqueux dont cette peau est comme vernissée , de même qu’une grande force dans les muscles, sont les nioyens puis- sans que la Nature a donnés aux lamproies pour exécuter avec aisance et rapidité les mouvemens les plus compliqués. La couleur dominante de cette enveloppe glutineuse est (1) C’est de cette disposition de la seconde na- geoire du dos relativement à la nageoire de la queue, que Linnæus a fixé le principal caractère distinctif de la lamproie proprement dite. ({ Syst. nat. Zoco citato. ) Cependant la même disposition est come mune à d’autres poissons du mème genre. DES LAMPROIES. 25 le verdâtre mêlé de brun sur la tête, au sommet de laquelle se trouve ordinairement une tache ronde et blanche ; le ventre est blanc ou blanchâtre. Des taches bleuâtres et blanches, irrégulières, et plus rapprochées sur le dos que sur les côtés, rendent la lamproie comme marbrée, d’où ce nom lui a été donné par quelques naturalistes (1 ). Quelquefois ce poisson est Jaunâtre, avec des marbrures verdâtres. Les nageoires du dos sont d’un jaune mêlé de rouge , ou brunes et variées d’orangé; celle de la queue est bleuâtre. Les parties les plus solides du corps de la lamproie ne consistent que dans une suite de vertébres entièrement dénuées de côtes, dans une sorte de longue corde cartilagineuse eë flexible, qui renferme la moëlle épinière , et qui compose l’une des charpentes animales les plus simples (2). Auprès du gosier on (1} Daubenton, Bonaterre, etc. (2) Lacépède, à l’endroit précédemment cité. — « lle est sans os ; au lieu d’arestes 6 de neuds de l’espine du dos , ha une cartilage continue, dans laquelle i a de la mouelle que nous appelons la corde; au printems est tendre , en esté dure, é lors com- mence à n’estre en si grand pris ». (Rondelet, Elis- toire des paissons , lib. 12, chap. 5, pag. 311.) 26 HTS TOIRE découvre un corps fourchu qui a du mou- vement ; sur ce corps 1l y en a un autre charnu , marqué sur ses côtés de deux taches oblongues et noirâtres (1). La fig. 3 de la planche I, a, représente ce corps charnu ; bb sont les deux taches noirâtres. Derrière la langue commence le canal alimeniaire, étroit à ses deux extrémités, et s’élargissant dans son milieu; il s'étend jusqu'à l’anus sans aucune circonvolution, et il n’a ni appendices, ni plis pour retenir la nourriture. L’enveloppe du cœur, ou le péricarde, est épaisse, dure et cartilagineuse ; Foreillette est grosse et communique au cœur par un canal placé dans le milieu; la veine-cave sort de la partie la plus large du cœur. Le foie est oblong ; sa couleur est un verd de mer, et il n’a qu’un lobe, sui- vant l'observation de Redi (2); il n’y a point de vésicule du fiel (3). L'on prétend que , dans les femelles, le foie est d’un verd plus foncé que dans les mâles. Une (1) Olaüs Jacobæus, Collection académique, /oce suprà citato. (2) Observations de Redi sur les animaux vivans qui se trouvent dans les animaux vivaus. ( Collection académique , partie étrangère , pag. 5oo.) (3) Rondelet , Hist. des poissons, pag. 317. DES LAMPROIES. 27. sorte de conduit parcourt la cavité inté- rieure de l’intestin dans toute sa longueur; ce conduit n’est autre chose qu’une veine qui sort du foie et qui pénètre dans l’intes- tin à l’endroit de son adhérence au foie; elle a une glande et une valvule à son in- sertion ; après avoir parcouru d'un bout à Vautre la capacité de l'intestin, elle en perce de nouveau la tunique et sort pour aller se joindre à une grosse artère, qui serpente dans toute la longueur du veutre de la lamproie. Dans les femelles, les ovaires occupent presque toute la cavité du ventre; ils con- sistent en pelits disques ou en plaques très- minces, qui sont attachées en arrière, le long de l’épine du dos, à un vaisseau comme à un lacet (1). [ls se terminent par un pelit canal cylindrique et saillant hors du corps de l'animal, à l'endroit de l’anus (2). Les œufs sont de la grosseur de graines de pavot et de couleur d'orange ; mais, dès qu’ils sont secs, ils deviennent si petits qu'il est im- possible de les compter (3). (1) Bloch, Hist, nat. de la lamproie. (2) Lacépède, Hist. du pétromyzon lamproie. (5) Bloch, à l’endroit cité. 28 HISTOIRE Lorsque, dans nos latitudes boréales, le printems vient donner le signal de la repro- duction de tous les êtres, l’heure de la Nature se fait entendre jusqu'au fond des abîmes : alors les lamproies, abandonnant leurs sombres retraites, s’éloignent des ro- chers qui leur servent d'asile au milieu des mers, et, pressées par le plus doux, comme le plus impérieux des besoins, elles entrent dans nos fleuves et nos rivières, les femelles pour y déposer leurs œufs et les mâles pour les féconder. Les petits, qu’à Bordeaux on appelle pibales (1), gagnent la mer avec les vieilles lamproiïes qui ont échappé aux filets des pêcheurs, pour entreprendre de nou- veau , à la même époque , ce voyage des eaux salées aux eaux douces, quelque dan- gereux el quelque destructeur qu'il soit pour leur espèce. C’est en effet le tems du frai que homme, toujours habile à saisir tous les moyens de destruction, choisit pour tendre des en- bûches aux lamproies ; le moment de leur multiplication devient celui où elles périssent en plus grand nombre. On leur fait une guerre très-aciive , tant sur les côtes que {1) Rondelet, Hist. des poissons, pag. 311. DES LAMPROIES. 29 dans les eaux des fleuves et des rivières. Leur char, quoique assez molle et un peu visqueuse , ne laisse pas d’être très-délicaie, sur-tout lorsqu'elles sortent de la mer pour venir habiter les eaux douces; mais le sé- jour dans cette demeure passagère en di- minue la bonne qualité, et elles ne sont plus aussi esimées quand elles retournent dans leur habitation maritime. Les pêcheurs appellent lamproie cordee celle qui, étant prise en mauvaise saison, est devenue dure et sèche. Ces poissons sont fort estimés à Romé, et ils sy vendent quelquefois à un très- haut prix. Paul Jove, qui a fait, en 1524, un petit livre latin sur les poissons du Fibre, rapporte que les grands de Rome payoient souvent une lamproie dix pièces d’or, prin- cipalement au printems; et Platine, qui a beaucoup écrit sur la cuisine de la Rome moderne, s'élève ayec indignation contre le luxe des tables qui régnoit de son tems à la cour des papes et dans les maisons opu- lentes, où l’on servoit des lamproies ache- tées cinq, six, sept et jusqu'à vingt pièces d'or. La manière la plus ordinaire d’apprèter ces poissons consistoit à les faire mourir dans du vin de Candie, à leur mettre une mus- 50 HISTOIRE cade dans la bouche , et un clou de girofle dans chacune des ouvertures des ouïes ou des canaux respiratoires, à les rouler sur elles-mêmes dans une casserolle ; et après y avoir ajouté des amandes pilées, de la mie de pain, du vin de Candie et des épices, à les faire cuire à petit feu. Aujourd’hui on accommode les lamproies d’une manière plus simple et en même tems plus délicate. Le mâle passe pour être meilleur que la femelle, et celle-ci vaut mieux avant d’être débarrassée de ses œufs qu'après son frai. Les médecins n’ont pas manqué de disserter au sujet des propriétés de la chair de la lamproie comme aliment. Les uns ont dit que c'éloit un mets très-sain; d’autres lont condamné , parce qu'ils y voyoient une nourriture pernicieuse, et même en quelque sorte venimeuse; ceux-ci ont recommandé de plonger les lamproies dans du vin géné- reux, de les y laisser mourir et de les faire cuire avec une bonne quantité d'épices, afin de corriger la malignité qu'ils suppo- soient à cette espèce de poissons. Il est ar- rivé en cetle occasion ce qui arrive presque toujours en pareille circonstance ; pendant que des docteurs écrivoient sur les bonnes ou mauvaises qualités des lamproies, les DES LAMPROIES. 51 amis de la bonne chère et les médecins eux-mêmes admettoient ces poissons sur leurs tables et ne s’en lrouvoient pas incom- modés. Quand la lamproie est grasse, elle peut faliguer les estomacs un peu délicats, moins cependant que languille. On a aitri- bué la mort d'Henri I‘, roi d'Angleterre, à un repas dans lequel il avoit trop mangé de lamproie (1); mais de quoi ne peut-on pas mourir lorsque l'on en fait excès? et la puissance des rois ne lient pas toujours contre une indigestion. L'on tire, dit-on, du foie des lamproies une couleur verte très-belle et très-durable. Sa graisse, suivant les auteurs de matière médicale, est émolliente et adoucissante ; on en frotte légèrement le visage et les mains de ceux qui ont la petite-vérole, afin que la peau ne soit pas marquée. Plusieurs auteurs, et Rondelet le premier, ont écrit que la durée de la vie de la lam- proie ne passoit pas deux ans (2); quelques- uns ont cherché à expliquer ce prétendu phénomène par la nourriture peu substan- telle, l’eau et la vase ramollie, dont ils æ (1) Bloch , à l’endroit précédemment cité. (2) Histoire des poissons, pag. 311. 52 HISTOIRE croyoient que celte espèce 5€ contentoit ; en sorte qu'ils donnoieut à un fait faux une cause également imaginaire. Quoique lon ne connoisse pas précisément le nombre d’aunées que la Nature accorde aux lam- proies, et que les pièges du pêcheur leur laissent rarement parcourir, 1l est certain qu’elles fournissent une plus longue carrière que quelques auteurs ne Font pensé. L'on en peut juger par les dimensions auxquelles ces poissons parviennent, et qui ne laissent pas d’être considérables. L’on en prend assez souvent de trois pieds de long, d'environ cinq pouces de diamètre près de la partie an- térieure du corps, et de trois livres de poids ; loch assure qu'il s'en rencontre quelque- fois de grosses comme le bras, et qui pe jusqu'à six livres (1). L'espèce de la lamproie RTE | dite est nombreuse et se trouve dans presque toutes les mers; cependant ces poissons fré- quentent de Se aps et sont beaucoup plus communs dans les mers du nord que dans celles du midi. Aux mois de mars { d'avril et de mai ils entrent dans la plupart ee ee om ee (1) Bloch, Hist. nat. de la lamproie, DES /TAMPEROTES. 33 des fleuves et des rivières de France, d’An- gleterre , d'Allemagne, de Suède, etc. Ils sont plus rares dans la Baltique et dans le détroit d'Aresund (1). Jove en a fait men- tion en traitant des poissons du lac Claris. Les fleuves d'Italie, et particulièrement le Tibre, reçoivent aussi les lamproïes ; mais, quoiqu'’elles habitent la partie occidentalé de la Méditerranée , 1l ne paroît pas qu’elles s’avancent à l’orient, c’est-à-dire, dans la mer de Grèce. Kæmpfer les a retrouvées sur les côtes du Japon, où elles portent le nom de yaatzmo unagi (2). Enfin d’autres voyageurs les ont vues sur les plages méri- dionales de F Amérique (3). (1) Lin. Faun. suec. edit. Retzii, pag. 502. (2) Voyage au Japon, tom. I. (3) Le lamper est une espèce de lamproie, comme celle qu’on prend dans la Tamise; celle de Surinam est d’une forme ronde et peu grosse, mais glutineuse et très-grasse ; elle est d’un bleu verdâtre , avec des taches jaunes, excepté sous le ventre qui est blanc. Ce poisson, comme le saumon, fréquente la mer et Îles rivières. » ( Voyage à Surinam et dans liatérieur de la Guiane , par le capitaine Stedman, traduit par Henry, tom. ji ) pag. 28.) Avant Stedman, Philippe Férmin avoit hr de Poiss. Tome III. \C EE 54 HISTOIRE En Angleterre on prend une srande quan- tité de lamproies avec les saumons et les aloses, poissons qui remontent également les rivières à la même époque. Dans la saison où elles sout rares, on les paye jusqu’à une guinée Ja pièce; et la ville de Glocester est dans l’usage de présenter tous les ans, vers les fêtes de Noël, un pâté de lam- proies au roi de la Grande-Bretagne (1). Dans les pays où l’on pêche un trop grand! nombre de ces poissons, pour que l’on puisse les consommer frais, on les conserve en les faisant griller et les mettant dans des barils avec du vinaigre et des épices; on les envoie la lamproie comme d’un poisson de la mer et des rivières de la Guiane hollandaise. ( Description dé la colonie de Surinam , tom. 11, p. 266.) Mais l’on ne doit pas confondre avec la lamproie le poisson des environs du Para, auquel M. de la Condamine applique cette dénomination , et qui a, dit-il, la même propriélé que la torpille. ( Relation abrégée d’un voyage dans l’intérieur de l'Amérique méri- dionale , pag. 154.) Ce poisson électrique n’est point une espèce de lamproie; on le nomme à Cayenne anguille tremblante, et il en sera question dans la suite de cet ouvrage. (1) Block, /oco suprà citato. DES LAMPROILES. 55 ansi dans d'aulrés pays pour être servies sur la table des riches. À Hambourg on les sale, et à Danizick on les fume pour les conserver et les transporter (1). PÉCHÉS DE LA LAMPROIE, : L'on se sert, pour pêcher les lamproies, de rasses et Ex louves. * La nasse (2) est une sorte dé panier faît de jonc, d’osier ou d'autre bois flexible : comme il est à claire-voie, l’eau passe aisé- ment, mais lé poisson est retenu par les baguettes. Ce panier a un ou plusieurs gou- lèts , composés de brins d’osier déliés et souples, très-fins ef élastiques, dont les bouts ne sont point retenus par des traverses, ei sorte qu'ils sont assez flexibles pour ne point former d’obstacle à l'entrée du pois- son dans la nasse ; mais aussitôt qu'il est éntré en les écartant, ils $ë rapprochent les uns des autres et lui présentent leurs pointes 2 © (1) Aldrovand. de Piscib. p. 542. és (2) En anglais, «a bow-net, on weel. En allemand, fischreussen. En ilalien , rassu. On lui donne diffe- rens noms en France : nässe, nasson , nanse, bire, bouteille, ruche , panier, boutterolle, etc. C 36 ÉIS TOIRE réunies qui l'émpéchent de sortir. La fig. 2! de la planche 11 représente ces goulets un\ peu en grand au dessus de À , qui est une + coupe de la nasse B, fig. 2. Les nasses n'étant point pliantes comme ! les filets le sont, on y ménage une ouver- | ture pour en relirer le poisson, quelquefois | au bout opposé au goulet, comme en a, fig. 5, et d’autres fois vers le milieu, comme. = PR, er 2 La en CO, fig. 2. Ces ouvertures se ferment avec une petite trappe, retenue .au corps de la nasse, tout le tems qu’elle est dans l’eau, et que l’on n’ouvre que quand on en relire. le poisson. On fait des nasses de différentes formes, et de différentes grandeurs. Voyez les fig. 1, 2,5, 4 et 5. Celles dont se servent les pé- EEE de Nantes, pour prendre les lam-. proies, ont la forme d’un cône. A l’un des, bouts est un goulet qui se resserre beau- coup, et que l'on présente au courant le plus rapide. | | 4 A lembouchure de aie rivières 3 omme celle de la Loire, l'on construit, en bois et. en pierres, des chaussées sur lesquelles on établit les nasses. Des pieux, enfoncés en travers de la riviére,, dans les: endroits où le flot se fait sentir à chaque A Q297 FSI 7 “' AU? Ÿ NN ù AN i N WE AU N \ ANA NN E Vevvardw. DIFFERENTES FORMES. S DE 4 [ AR NASSI 5e 4. Z?g. 6. YILE , T'APPELE EOUX + 4 4 ] T 1 DES LAMPROIES. 37 marée , maintiennent des pierres sèches que Jon jette entre eux, et qui en surmonte la tête d’un pied au moins. On profite, pour se livrer à ce travail, des eaux basses de l'été; mais dans le tems de la pêche des lamproiïies, qui commence à Noël, si le tems est convenable, et sil n’y a point de glace, il y a sur ces chaussées jusqu’à dix, douze, quinze et même vingt pieds d’eau. Ces pêcheries s'appellent duits. On y place des nasses d'environ six pieds de long, à ventre fort gros et à large ouverture. Les baguettes ou tiges, dont elles sont formées, doivent être assez serrées pour qu'on ne puisse placer les doigts entre deux sans les forcer un peu. Le dessous doit être plat, et le soulet, qui commence dès l'entrée, va presaue jusqu’au bout, où la nasse forme une pelite gorge, et où il y a une espèce . d’anse ou d’organeau aussi d’osier. Il y a tout à fait au fond une ouverture bouchée , dans les unes avec un tampon de paille ou de foin, dans les autres avec une petite porte d’osier arrêtée avec une che- ville ; c’est par là que les pêcheurs tirent hors des nasses les lamproies qui s’y sont prises. Pour tendre les nasses el les placer sur | C5 58 HA ST'OIHR E les duits, les pécheurs passent dans l'ansé osier où lorganeau un lien d'osier tors qu'ils nomment fresseau, el qui est en forme de cordage et long de cinq à six brasses. A l'autre bout du tresseau ils attachent une grosse pierre de cent à cent cinquante livres pesant, qui sert d’ancre, et que lon pose à mont du duit. Chaque nasse a son tresseau et sa pierre ; on l’arrête sur le duit de ma- nière que l'ouverture en soit exposée à la mer. Ces instrumens restent trois ou quatre mois à l’eau. Lorsque les pêcheurs relèvent les nasses pour en retirer les lamproies qui y sont en- trées , 1is accrochent avec une hampe ou galfe lé tresseau, sans être obligés de remuer la pierre, et ils replacent de même les nasses après qu'ils ont pris les lamproies. Ils ne manquent pas de les visiter une fois par jour. Un duit porte quarante à soixante nasses, se touchant l’une l’autre par leurs côlés. La louve ou loup, qu’il ne faut pas con- fondre avec le verveux double, auquel on donne aussi le nom de /op dans quelques endroits, est une espèce de filets en nappe, dont les mailles ont ordinairement seize à dix-sept lignes en carré, et dont le milieu DES LAMPROIES. 5% forme une poche. Voyez la figure 6, pl. IT. On tend ce filet avec trois grandes perches À BC, dont l’une A est haute de douze à quinze pieds, et doit rester à la place où on Va fichée ; les deux autres se dépiquent toutes les fois que l’on veut prendre le pois- son qui est dans le filet. Voici comment les pêcheurs nantais se servent de ce filet pour pêcher dans leur rade à ‘une demi-lieue au plus de terre : il présente à l’eau son ouverture À B; aux deux bouts qui répondent aux perches A et B, il a trois brasses de chüte; mais au milieu ou au fond, qui répond à la perche C, il n’en à que huit; en sorte qu'il forme en EL ure grande bourse. L'ouverture À B est de douze à treize brasses. Pour tendre ce filet, on amarre à la perche À une aussière de trente à quarante brasses de longueur. Une corde un peu plus grande que louverture du filet s'étend de la perche À à la perche B; on mouille en avant un petit grapm F', dont le cablot G a dix ou douze brasses de long, et qui sert à retenir la pêcherie contre l'effort du courant. On amarre aux deux perches À et B les aussières D et H. Afin que le filet fasse mieux le sac , on le tend de manière que la marée l’eñtonne dans C 4 40 HISTOIRE son fond et la perche C le soutient. Com- munément le filet ne porte pas sur le ter- rain ; il n’a presque jamais ni de flotte, ni de lest ; on le tend une heure après le com- mencement de la marée , et on le relève une heure avant qu'elle ne se retire. Le filet tendu, les pêcheurs se tiennent dans un pelit bateau derrière la perche C. Lorsqu'ils veulent prendre le poisson, on démonie la perche B, on dépique celle du milieu C , on dégage les bras de la perche À, et or tire le filet dans le bateau, en le pliant en deux, suivant sa longueur, pour mieux retenir le poisson. Cette pêche se fait égale- ment le jour comme de nuit; les grandes marées, aussi bien que les tems calmes, sont les momens les plus favorables. Quelquefois on se sert d’un filet appro- chant du loup, mais moins grand, lesié et flotié , et qu’on tient à la main; on lui donne ordinairement trois ou quatre brasses de longueur , et une brasse et demie ou deux brasses de chûte ; on l’attache par les ex- trémités à deux perches de quinze à vingt pieds de long. Deux hommes nus, tenant chacun une de ces perches, vont sur les sables de la côte à marée montante, eb entrent dans la mer le plus avant qu'ils DES LAMPROIES. 41 peuvent , ayant souvent de l’eau jusqu'au cou. Ils présentent au flux leur filet auquel l'effort de l’eau donne une courbure sem- blable à celle d’une voile enflée par le vent. Lorque ces pêcheurs voient arriver vers eux une grosse lame qui pourroit les couvrir, ils s'élèvent au dessus en s'appuyant sur la perche qu’ils tiennent, et dont le pied s'enfonce dans le sable. Dès qu’ils sentent qu'il y a des poissons dans le filet, ils rap- prochent les deux perches l’une de lautre pour envelopper les poissons ; et après les avoir retirés du filet , ils recommencent la méme manœuvre tant que la marée le leur permet ; ils se rapprochent du rivage à mesure que la mer s'élève , et ils ne cessent de pêcher que lorsqu'elle les force à se retirer. On se sert encore, pour la pêche des lamproies dans la Loire, d’un filet que, par cette raison , l’on appelle lampresse. C'est une espèce de demi-folle (1), dont les mailles n’ont qu’un pouce et demi d’ouver- ture , et qui ont vingt-huit brasses de lon- gueur sur six pieds de haut. Les lamproies qui proviennent des lam- œ (1) Cette sorte de filets sera décrite dans la suite, 42 HISTOIRE presses et des louves sont plus estimées que celles qui se pèchent avec les nasses, parce que le poisson est retiré sur le champ de ces filets; au lieu que celui qui se prend dans les nasses, peu de tems après qu’elles ont été visitées, s’y fatigue beaucoup par les efforts qu’il fuit pour sortir, ce qui le maigrit extrémement. DES LAMPROIES. 45 ————— te rar DR: L'OURLUA. ‘SECONDE ESPÈCE DE LAMPROIE. LE PÉTROMYZON PRICKA (1), PAR LACÉPÈDE. N. B. Il est nécessaire de se rappeler que Lacépède a adopté le mot pétromyzon pour désigner les lamproies. Cr pétromyzon diffère de la lamproie par quelques trails remarquables. Il ne parvient jamais à une grandeur aussi considérable , (1) En Allemagne, prick, brike , neunauge. En Au- triche , neunauvel. En Pologne, minog. En Russie, minogoi. En Estonie, si/muhd, uchsa, silmad. En Suède , nattino et neunogen. En Angleterre, lampern et lamprey-cel. Lamproie pricka. Daunbenton , Encyclop. méthod. Petromyzon fluviatilis. Lin. édit. de Gmel. Nein-oga, natting. Taun. suec. p. 106. (Le nom vulgaire de nein-oga , neinauge , neuf yeux , que l’on donne dans presque tout le nord aux pétromyzons, ainsi que celui de jaatzmo unagis, huit yeux, dont on se sert dans le Japon pour ces mêmes animaux, et de même que plusieurs autres noms analognes, doivent venir de quelque erreur plus on moins an- 44 HISTOIRE | puisqu'on n’en voit guére qui aient plus de quatre décimètres ( environ quinze pouces }| ————————— cienne , qui aura fait considérer comme des yeux les trous respiratoires que Jon voit de chaque côté du corps des pétromyzons, et que quelques auteurs ont indiqués comme étant au nombre de huit, et même de neuf.) Petromyzon unico ordine denticulorum minimorum in limbo oris præœter inferiores majores. Artedi , gen. 64, syn. 80, sp. 99. | La petite lamproie. Bloch, part. III, pag. 54, PL OLXANVIEr HO 1e La lamproie branchiale. Bonaterre, planches de l'Encyclopédie méthodique. Petromyzon fluviatilis, steen sue , negen oyen, negen ogen , lamprette, Müller, Prodrom. pag. 37, n° 307. Petromyzon, prick, negen oog. Gronov. Mus. 1, p. 64, n° 114. Zooph. p. 38. Mustela. Plin.liv.o, chap. 17. Mustela fluviatulis. Belon , Aquat. p. 75. Lampetra subcinerea , maculis carens. Salvian, Aquat, p. 62. Lampetra, alterum genus. Gesner , Aquat. p. 5g7. Larpreda. Icon. anim. p. 326. Lampetra, medium genus. Willughby, Ichth. p. 106, tab. gen. 2, fig. 1; et gen. 5, fig. 2. | Lampetra , medium genus. Ray, Syn. piscium, 1-29, 047: Lampetra fluviatilis. Aldrov. p. 587. — Jonston, DES LAMPROIES. 45 de longueur , tandis qu'on a pêché des lam- proies longues de deux mètres ( six pieds ; ou à peu prés ). D'ailleurs les dents qui gar- nissent la bouche de la pricka ne sont ni en même nombre n1 disposées de même que celles de la lamproie. On voit d’abord un seul rang de très-petites dents placées sur la circonférence de l'ouverture de la bouche. Dans l’intérieur de ce contour, et sur lé devant, paroît ensuite une rangée de six dents également très-petites ; de chaque côté et dans ce même intérieur sont trois dents échancrées ; plus près de l'entrée de la bouche on aperçoit sur le devant une defñt où un o$ p. 104, pl. xxvuir, fig. 11. — Schone, p. 41. — Charlet. p. 159, n° 7. Lampetra fluviatilis media. Schwenckf. & heriotr, siles. p. 532. rai unagi. Kæmpfer, Voyage dans le Japon, tom. I, p.156 ,.pl. x1r, fig. 2. His Rzaczyhski, p 154: Lamproie. Fermin, Histoire naturelle de Suria nam, p. 85. The. lever lamprey. Pennant, Brit. zoolog. 3} Ps. 79, plicwiir, fig. 2. | Neunaugel. Marsigli, 4, p.2,tab. 1, fig. 4. Pro Kramer, Du do SORT. 1. | ch ele Klein, Miss. pisc. 3, p. 29, n° 1, tab. 1, fig. 3. 46 HISTOIRE épais et en croissant, et sur le derrière uû os alongé, placé en travers, et garni de sept petites pointes; plus loin encore des bords extérieurs de la bouche , on peut remar- quer un second os découpé en sept pointes ; et enfin à une plus grande profondeur se trouve une dent ou pièce cartilagineuse. De plus, la seconde nageoire du dos touche celle de la queue, se confond avec celte der+ nière au lieu d’en être séparée comme dans la lamproie , présente un angle saillant dans son contour supérieur; et enfin les couleurs de la pricka sont différentes de celles du pétromyzon lamproie. Sa tête est verdûâtre, ses nageoires sont violettes ; le dessus du corps est noirâtre , ou d’un gris tirant sur le bleu ; les côtés présentent quelquefois une nuance jaune ; le dessous du corps est d’un blanc souvent argenté el éciatant ; et au lieu de voir sur le dos des taches plus ou moins vives comme sur la lamproie, on y remarque dé pelites raies transversales et ondulantes. Mais, dans presque tous les autres points de la confie extérieure et intérieure, les deux pétromyzons que nous: comparons l'un avec l’autre ne paroissenit être que deux cop ies d’un même modèle. | Les yeux ont également, dans les deux DES LAMPROIES. 4%) espèces, un iris de couleur d’or ou d'argent, et parsemé de pelits points noirs, et sont également voilés par une membrane trans- parenie , qui est une prolongalion de la peau qui recouvre la tête. Une tache blanchâtre ou rougeûtre paroit auprès de la nuque de la pricka. comme auprès de celle de la lamproie. I n’y a dans la pricka n1 nageoires pec- torales ni nageoires ventrales ; celles du dos sont soutenues , comme dans la lamproie , par des cartilages très - nombreux, assez rapprochés, qui se divisent vers leur som- met , et dont on ne peut bien reconnoître la contexture qu'après avoir enlevé la peau qui les recouvre. La pricka à en outre tous ses viscères conforinés conime ceux de la lamproie. Son cœur , son foie , ses ovaires, ses vésicules séminales sont semblables à ceux de ce der- nier poisson. Comme dans ce pétromyzon le tube intestinal est sans appendices et presque sans sinuosités , l'estomac est fort, musculeux , et capable de produire, avec des sucs gastriques très-actifs, les promptes digestions que paroît exiger un canal alimen- taire presque droit. Et pour terminer ce parallèle ; le pétromyzon pricka respire , 18 HISTOIRE comme la lamproie , par quatorze petites bourses semblables à celles de ce dermer animal. Montraut d’ailleurs, comme ce car- tilagineux, un nouveau rapport avec les animaux qui ont de véritables poumons, il fait correspondre des gonflemens et des con- tractions alternatifs d’une grande partie de son corps aux dilatations et aux compressions alternatives de ses organes respiratoires. D'après tant de ressemblances, qui ne croiroit que les habitudes de la pricka ont la plus grande conformité avec celles de la lamproie ? Cependant elles diffèrent les unes des autres dans un point bien remarquable, dans lhabitalion. La lamproie passe une grande partie de l’année, et particulièrement la saison de lhyver, au milieu des eaux salées de l'Océan ou de la Méditerranée : la pricka demeure pendant ce même items, et dans quelque pays qu’elle se trouve, au milieu des eaux douces des lacs de l’intérieur des continens et des îles ; et voilà pourquoi plusieurs naturalistes lui ont donné le nom de /luviatile , qui rappelle l'identité de na- ture de l’eau des lacs et de celle des fleuves, pendant qu'ils ont appelé la lamproie le pétromyzon marin. Nous n'avons pas besoin de faire remar- quer DES LAMPROIES. 49 quer de nouveau ici que parmi les pétro- myzons, ainsi que dans presque toutes les familles de poissons, les espèces marines, quoique très - ressemblantes aux espèces fluviatiles , sont toujours beaucoup plus graudes (1); et nous ne croyons pas non plus devoir replacer dans cet article les con- Jectures que nous avons déjà exposées sur la cause qui détermine au milieu des eaux de la mer le sejour d'espèces qui ont les plus grands caractères de conformité dans leur organisalion extérieure et intérieure avec celles qui ne vivent qu'au milieu des eaux des fleuves ou des rivières (2). Maïs, quoi qu'il en soit de ces coujectures , la même puissance qui oblige, vers le retour du prin: tems, les famproies à quitter les plages ma- rimes, et à passer dans les fleuves qui y portent leurs eaux, contraint également, ef vers la même époque , les pétromyzons pricka à quitter les lacs dans le fond desquels ils ont vécu pendant la saison du froid, et à s'engager dans les fleuves et dans les ri- vières qui sy jettent ou en sortent. Le même besoin de trouver une température conve- (1) Voyez le Discours sur la nature des poissons. (2) Zbid. Poiss. Tome IIT, ; D 5o HISTOIRE nable, un aliment nécessaire, et un sol assez voisin de la surface de l’eau pour être ex- posées à l'influence des rayons du soleil, dé- termine les femelles des pricka, comme celles des lamproies , à préférer le séjour des fleuves et des rivières à toute autre habitation, lors- qu’elles sont pressées par le poids faligant d’un très-grand nombre d'œufs; et l'attrait irrésistible qui contraint les mâles à suivre les femelles encore pleines, ou les œufs qu'elles ont ponduset qu’ils doivent féconder, agissant également sur les pétromyzons des lacs et sur ceux de la mer, les pousse avec la même violence et vers la même saison dans les eaux courantes des rivières et des fleuves. Lorsque lhyver est près de régner de nouveau, toutes les opérations relatives à la ponte sont terminées depuis long-tems ; les œufs sont depuis long-tems non seule- ment fécondés, mais éclos ; les jeunes pricka ont atteint un dégré de développement assez grand pour lutter contre le courant des fleuves, et entreprendre des voyages assez longs. Ils partent presque tous alors avec les pricka adultes, et se rendent dans les diffé- rens lacs d’où leurs pères et mères étoient venus dans le printems précédent , et dont DES LAMPROIES. 5x le fond est la véritable et constante habi- tation d’hyver des pétromyzons, parce que ces carlilagineux y trouvent alors, plus que dans les rivières, et la température et la nourriture qui leur conviennent. Au reste, on rencontre la pricka non seulement dans un très-grand nombre de contrées de l’Europe et de l'Asie, mais encore de l'Amérique, et particulièrement de l'Amérique méridionale. On a écrit que sa vie étoit très-courte et ne s'étendoit pas au delà de deux ou trois ans (1). Il est impossible de concilier cette assertion avec les faits les plus constans de Yhistoire des poissons (2); et d’ailleurs elle est contredite par Îles observations les plus précises failes sur des individus de cette espèce. Les pricka, ainsi que les lamproies ; peuvent vivre hors de l’eau pendant un tems assez long. Cette faculté donne la fa- cilité de les transporter en vie à des dis- tances assez grandes des lieux où elles ont été pêchées; mais on peut augmenter celte facilité pour cette espèce de poisson, ainsi (1) Voyez Ph. IL. Statius Müller. (2) Discours sur la nature des poissons. D 2 ba HS TO LR € que pour beaucoup d’autres, en les tenant, pendant le transport , enveloppées dans de la neige ou dans de la glace (1). Lorsque ce secours est trop foible, relativement à l’éloi- gnement des pays où l’on veut envoyer les pricka, on renonce à les y faire parvenir en vie : on a recours au moyen dont nous avons parlé en traitant de la lamproiïe; on les fait griller, et on les renferme dans des tonneaux avec des épices et du vinaigre. Exposées aux poursuites des mêmes en- nemis que la lamproie, elles sont d’ailleurs recherchées non seulement pour la nour- riture de l’hoinme, comme ce dernier pé- tromyzon, mais encore par toutes les grandes associations de marins qui vont à la pêche. de la morue, du turbot, et d’autres poissons, pour lesquels ils s’en servent comme d’appât;: ce qui suppose une assez grande fécondité dans cette espèce , dont les femelles con- üennent en eflet un très- grand nombre. d'œufs. CU RRRE RS UT OST RRNN EUR I EURE À (1) Histoire des cyprins , et Histoire naturelle des poissons, par Bloch. DES LAMPROÏES. b5 LE LAMPROYON TROISIÈME ESPÈCE DE LAMPROIE. “ LE PÉTROMYZON LAMPROYON (1); PAR LACÉPÉÈDE. Si la lamproie est le pétromyzon de la mer , et la pricka celui des lacs, le lamproyon (1) Lamprillon et chatillon dans plusieurs dépar- temens méridionaux de France. Sept-œæil, daus plu- sieurs déparlemens du nord. Bäünd-lamprey , dans plusieurs cantons de l’Angiletcrre. Petromyzon branchialis. Lin. édit. de Gmel. Lamproie branchiale. WDaäubenton , Encyclopédie méthodique. | Petromyzon corpore annuloso , appendicibus utrin- que duobus in margine oris. Artedi , gen. 42, syn. go. Petromyzon branchkialis. Lin -aehl, Lin. Fauna Suecica , 292: — Wulff, Ichth. borus. p. 15, n° 20. Vas-igle. Müller, Prodrom. zvol. dan. pag. 57, n° 30744 Uh-len. Kramer, Elenclr. p. 483. Petromyzon corpore aunuiato, ore lobato. Bloch, 3, pl. LxXxXVI, fig, 2. D 5 54 HISTOIRE est véritablement le pétromyzon des fleuves et des rivières. Il ne les quite presque Jja- mais, comme la pricka et la lamproie, pour aller passer la saison du froid dans le fond des lacs ou dans les profondeurs de la mer. Ce n’est pas seulement pour pondre ou fé- Lamproie branchiale. Bonaterre , planches de l’En- cyclopédie. Peiromyson. Gronov. Zoophyt. p. 38, n° 160. — Klein, Miss. pisc. 3 , p.350, n° 4. Mustela fluviatilis min. Belon, Aquat. p. 75. ZLampetra parva et fluviatilis. Gesner, Aquat. p. 289. Icon. anim. p. 286. Thierb. p. 159, à. Lampetra minima. Aldrov. p. 550. Lampern , or pride of the Isis. Willughby , Ichth. P: 104. Lampetra cæca. Id. tab. g, 5, fig. 1. — Ray, Syuops. pisc. p. 55, n° 2,4. Lampreta , neunage. Yonston , tab. 28 , fig. to. The pride. Pennant, Brit. zool. 3, p.80, pl. virr, fe. Lamproÿyon ct lamprillon. Rondelet , Histoire des poissons, pl. 11, p+ 202. Querder, schlamquerder. Schwenckf. Theriotr. siles. p. 423. Der kieferwurm. Müller, 1. s. 53 p.254. Pride. Pilot. Oxfordsh. p/209, t 10. Lamproyon. Valmont de Bomare , Dictionnaire d'histoire naturelle. DES LAMPROIES. 55 conder ses œufs qu'il se trouve au milieu des eaux courantes ; il passe toute l’année dans les rivières ou dans les fleuves ; il y exécute toutes les opéralions auxquelles son organisation l’appelle : il ne craint pas de s’y exposer aux rigueurs de l’hyver; et s'il sy livre à des courses plus ou moins longues, ce n’est point pour en abandonner le séjour, mais seulement pour en parcourir les diffé- rentes parties, et choisir les plus analogues à ses goûts et à ses besoins. Aussi mérile- roit-il l’épithète de fluviatile bien mieux que la pricka, à laquelle cependant elle a été donnée par un grand nombre de naturalistes, mais à laquelle nous avons cru d'autant plus devoir l’ôter, qu’en lui conservant le nom de pricka, nous nous sommes conformés à usage des habitans d’un grand nombre de contrées de l’Europe, et à lopinion de plu- sieurs auteurs très-récens. Pour ne pas in- troduire cependant une nouvelle confusion dans la nomenclature des poissons, nous n'avons pas voulu donner le nom de fluriatile au pétromyzon qui nous occupe, €t nous avons préféré de le désigner par celui de lamproyon, sous lequel il est connu dans D 4 56 HISTOIRE plusieurs pays et indiqué dans plusieurs ouvrages. Ce pétromyzon des rivières est conformé à l'extérieur ainsi qu’à l'intérieur comme celui des mers; mais il est beaucoup plus petit que la lamproie, et même: plus court et plus mince que la pricka; 1l ne parvient ordinairement qu'à la longueur de deux décimètres (un peu plus de sept pouces ). D'ailleurs les muscles et les tégumens de son corps sont disposés et conformés de ma- nière à le faire paroïtre comme annelé; ce qui lui donne une nouvelle ressemblance avec les serpens, et particulièrement avec les amphisbènes et les céciles (1). De plus, ce n'est que dans l'intérieur et vers le fond de sa bouche que lon peut voir cinq ou six dents et un osselet demi-cireulaire; ce qui à fait écrire par plusieurs naturalistes que Je lamproyon étoit entièrement dénué de dents. 1 a aussi le bord pestérieur de sa bouche divisé en deux lobes, et les nageoires du dôs très - basses ; et terminées par une ligne courbe, au lei de présenter un'‘angle. Ses YEUX , voilés par une membrane, sont Si Houon Mae -iipalteron,: dnvryetitel \ SRE EU (2 Voyez l'Histoire naturelle des serpens. DES LAMPROIES. 57 d'ailleurs très-petits ; et c’est ce qui a fait que quelques naturalistes fui ont donné l'épithète d'aveugle (1), en la réunissant cependant, par une contradiction et un dé- faut dans la nomenclature assez extraordi- naires, avec le nom de reuf-yeux (neunauge) employé pour presque tous les pétromy- zons (2). Le corps très-court et très-menu du lamproyon est d’un diamètre plus étroit dans ses deux bouts que dans son milieu, comme celui de plusieurs vers ; et les cou- leurs qu'il présente sont le plus souvent le verdâtre sur le dos, le jaune sur les côtés, et le blanc sur le ventre, sans taches ni raies. Sa marère de vivre dans les rivières est semblable à ceile de la pricka et de la lam- proie dans les fleuves, dans les lacs où dans la mer : il s'attache à différens corps solides; et même, faisant quelquefois passer facile- ment l'extrémité assez déliée de son museau au dessous de Popercule et de la membrane des branchies de grands poissons, ilkse cram- (1) Lampetra væœca, seu oculis carens. Ray, Sy- nopsis 36. ; (2) ÆEaneophthalmos cæcus. Willusbby, p. 107. 58 HIS T'OFRE ponne à ces mêmes branchies, et voilà pourquoi Linnæus l’a nomimé pétromyzon branchial. Il est très-bon à manger; et, perdant la vie peut-être plus difficilement encore que les autres pétromyzons qui le surpassent en grandeur , on le recherche pour le faire ser- vir d’appât aux poissons qui n'aiment à faire leur proie que d'animaux encore vivans. DES LAMPROIES. 5g mm A LE. PL ANER. QUATRIÈME ESPÈCE DE LAMPROIE. LE PETROMYZON PLANER (1). PAR LACÉPÉDE. Daxs toutes les eaux on trouve quelque espèce de pétromyzon ; dans la mer, la lam- proie, dans les lacs la pricka, dans les fleuves le lamproyon. Nous allons voir le planer habiter les très-petites rivières. C’est dans celles de la T'huringe qu’il a été découvert par le professeur Planer d’'Érford; et c’est ce qui a engagé Bloch à lui donner le nom de planer, qu'une reconnoissance bien juste envers ceux qui ajoulent à nos connoissances en histoire naturelle nous commande de conserver. Plus long et plus gros que le (1) Le planer. Petromyzon corpore annulato , ore papilloso. Bloch, 3, pag. 47, n° 4, pl. zxxxVIIt, fig. 3. LPetromyzon Planeri. Lan. édit. de Gmelin. Lamproie planer, Bonaterre, planches de l’En- cyclopédie méthodique, 60 HTS°T O'ER E lamproyon, ayant les nageoires dorsales plus hautes, maïs paroissant annelé comme ce dernier cartilagineux, il est d’une couleur olivâtre, et distingué de plus des autres pétromyzons par les petits tubercules ou verrues aiguës qui garnissent la circonfé- rence de l’ouverture de sa bouche, par un ‘ang de dents séparées les unes des autres, qui sont placées au delà de ces verrues, et par une rangée de dents réunies ensemble, que l’on aperçoit au delà des dents isolées. Lorsqu'on plonge le planer dans de l'alcool un peu affoibli, il y vit plus d'un quart d'heure en s'agitant violemment, et en té- moignant, par les mouvemens convulsifs qu’il éprouve, l’action que l'alcool exerce particulièrementsur ses organes respiratoires. TP ET tt nnnEn nn DES LAMPROIES. 61 LA LAMPROIE ROUGE. CINQUIÈME ESPÈCE. LE PÉTROMYZON ROUGE (1), PAR LACÉPEDE. Nous donnons ce nom à un pétromyzon dont le savant et zélé naturaliste, le citoyen Noël, de Rouen, a bien voulu nous envoyer un dessin colorié. Ce poisson se trouve dans la Seine, et est connu des pêcheurs sous le nom de sept-œil rouge, à cause de sa cou- leur, ou d’aveugle, à cause de lextrême pelitesse de ses yeux. On se représentera aisément l’ensemble de ce carüilagineux, qui a beaucoup de rapport avec le lamproyon, si nous ajoutons à ce que nous avons dit de cet animal daus le tableau des pétromyzons, que l'ouverture de la bouche du rouge est (1) Petromyzon ruber. 62 HSTOTRE beaucoup plus petite que le diamètre de la partie du poisson dans laquelle les branchies sont renfermées; que la surface supérieure de la tête, du corps et de la queue offre une nuance plus foncée que les côtés, et que des teintes sanguinolentes se font par- ticulièrement remarquer auprès des ouver- tures des organes de la respiration. DES LAMPROÏIES. 63 - —————— oo oo a 2 LA LAMPROIE SUCET. SIXIÈME ESPÈCE. LE PÉTROMYZON SUCET (1), PAR LACÉPÉDE. Cesr encore au citoyen Noël que nous devons la description de ce pétromyzon, que les pêcheurs de plusieurs endroits situés sur les rivages de la Seine inférieure ont nommé sucet (2). Il se rapproche beaucoup du lamproyon, ainsi que le rouge; mais il diffère de ces deux poissons, et de tous les autres pétromyzons déjà connus, par des traits très-distincts. Sa longueur ordinaire est de deux déci- mètres (un peu plus de sept pouces). Son corps est cylindrique ; les deux na- geoires dorsales sont basses, un peu adi- peuses, et la seconde s'étend presque jusqu’à celle de la queue. 2202 I UT 2 À DR (1) Petromyzon sanguisuga. \ 2) Lettre du citoyen Noël au citoyen Lacépède, y à. P du mois de prairial , an 7. P 7 64 His TOIRE La tête est large; les yeux sont situcs assez loin de l'extrémité du museau, plus sxands à proportion que ceux du lam- proyon, el recouverls par une continuation de la peau de la tête : l'iris est d’une cou- eur uniforme, voisine de celle de l'or ou de celle de l'argent. | Le citoyen Noël, dans la description qu'il a bien voulu me faire parvenir, dit qu'il n'a pas vu d'évent sur la nuque du sucet. Je suis persuadé que ce pétromyÿzon n'est pas privé de cet orifice particulier, et que la petitesse de cette ouverture a empêché le citoyen Noël de la distinguer, malgré lhabileté avec laquelle ce naturaliste ob- serve les poissons. Mais, si le sucet ne pré- sente réellement pas d'évent, il faudra retrancher Ja présence de lorgane auquel on a donné ce nom, des caractères géné- riques des pétromyzons, diviser la famille de ces cartlagineux en deux sous-genres, placer dans le premier de ces groupes Îles pétromyzons qui ont un évent; composer le second de ceux qui n’en auroient pas: inscrire par conséquent, dans le premier sous-genre, la lamproie, la pricka, le lam- proÿyon, le planer, le rouge , et réserver le sucel pour le second sous-genre, Au DES LAMPROIES. 65 Au reste, l'ouverture de la bouche du sucet est plus étendue que la tête n’est large, et des muscles assez forts rendent les lèvres extensibles et rétractiles. -. Dans l’intérieur de la bouche on voit un grand nombre de dents petites, de- couleur d'orange , et placées dans des cellules char- nues. Neuf de ces dents qui entourent cir- culairement l'entrée de l’œsophage, sont doubles. La langue est blanchâtre, et garnie de, petites dents ; et au devant de ce dernier organe on aperçoit un os demi-cigoulaire; d'une teinte 'orangée,, et hérisséi. de. Fo pointes. ,,, La, forme de cet os et la présence de Br dents doubles autour du gosier .sufh- roient seules pour distinguer le sucet. de.la lamproie ; de la pricka , du lamproyon,.du fase et.du rouge. | .. Les pêcheurs de Quev y ; commurie | auprès de Jaquelle le suoet..a été partieu- | Hièrement observé, . disent :tous-qu'on ne voit. ce poisson que dans_les. saisons où l’on pêche les clupées aloses. Soit que.ce cartila- gineux habite sur les haut-fonds voisins de l'embouchure de la Seine, soit qu'il s’aban- donne, pour ainsi dire, à l’action des marées, et qu'il remonte dans la rivière, comme les Poiss. Tome ILI. : 66 2 HÉO S TCOLIR EE lamproies, ce sont les aloses qu'il rechierche et qu'il poursuit. Lorsqu'il peut attemdre une de ces clupées, il s'attache à l'endroit de son ventre dent les tégumens sont Îé plus tendres, et par conséquent à la portion la plus voisme des œufs où de la faite :s8 cramponnanl , pour ainsi dire, avec ses dents et ses lèvres, il se nourrit de la même ma- nière qué les vers auxquels on à donné le nom de sangsues ; il suce le sang du pois son aveé avidité, et il préfère tellément éet aliment X'tout autre que son canal intestinal est presqüe toujours rempli d’üne quantité de sang considérable, dans laquelle on ‘né distingue aucüne! âutre sübstance’ futritive. “Les pêcheürs croient avoir observé que; lorsque les sucéts, dont l'habitude que nous venons d'exposer a facilement nidiqué Jé nom, attaquent des saumons, au lieu ‘dé s'attacher à des aloses ‘ils ne peuveñt pas se procurer tout le sang qui leur est néces= saire, parce qu'ils percent assez difficilement la peau dés saumons, et ils montrent alors par leur | la sorte dé. disette ‘qu ais éprouvent. SE F2 DES LAMPROIES. 6 me ——- —— _ —— A 1 mm mm, LA LAMPROIE ARGENTÉE, LA SEPTQUILLE £&T LA LAMPROFTE NOIRE. SEPTIÈME , HUITIÈME Er NEUVIÈME ESPÈCES, LE PÉTROMYZON ARGENTÉ (1), © LE PÉTROMYZON SEPTŒUIL (2), 8er LE PÉTROMYZON NOIR (5) PAR LACÉPÉDE. Le docteur Bloch avoit recu de T'ran- quebar deux individus da pétromyzon ar- genté, dont les yeux sont très-grands . les (r) Petromyzon arsenteus. Bloch, pl. cocoxv, fig. 2. (2) Pétromyzon sept-œuil. Grosse sept-œuille. Noël, notes mannscrites. (5) Petromizon niger. — Petite sept-œuille. dem, ibid. Cousue, sur les bords de la rivière de Cailly, qui se jette dans la Seine , au dessous de Rouen. Ætreteur, sur les bords de la Rille , qui passe à Pont- Audemer. E 2 68 HISTOIRE tégumens extérieurs très - minces, et les rayons des nageoires si déliés qu'on ne peut en savoir le nombre. L’anus est deux fois plus éloigné de la tète que de la caudale. Le septœuil et le noir se trouvent parti- culièrement dans les eaux de la Seine, dans T'Epte et dans l Audelle. C’est principalement auprès du Pont-de-lArche qu’on en fait une pêche abondante. Nous les faisons con- noître d’après les notes que le citoyen Noël de Rouen a bien voulu nous adresser. On les y nomme grosse et petite septœuille... La chair du pétromyzon septœuil est plus molle et d’un goût moins agréable que celle du noir. On prenoit autrefois dans l'Eure, auprès de Louviers, de ces noirs ou petits septœuils , qui étoient d’une couleur plus foncée , plus courts, plus gras , plus re- cherchés, et vendus plus cher que ceux de la Seine. DES RAIES: 69 LA DE Est) Du quatrième ordre des POISSONS, PAR LACÉPEDE. QUATRIÈME ORDRE (1) Poissons abdominaux , OU qui ont des nageoires placées sous l'abdomen. SECOND GENRE. LES RAIES. Cinq ouvertures branchiales de chaque côté du dessous du corps ; la bouche située dans la partie inférieure de la tête; le corps très-aplati. PREMIER SOUS-GENRE. Les dents aiguës; des aiguillons sur le corps ou sur la queue. (1) Nous avons déjà vu, dans l’article intitulé Nomenclature des poissons, que l’on ne connoissoit encore aucune espèce de ces animaux dont on pût former un second et un troisième ordre dans la première division des cartilagineux. E 3 50 HISTOIÏIRÉ PREMIÈRE ESPÈCE. La Ra1e Baris.— Un seul rang dai- guillons sur la queue. SECONDE ESPÈCE. LA RAIE OXYRINQUE.—- Une rangée d’aiguillons sur le corps et sur la queue. ,. TROISIÈME ESPÈCE. LA RAIE MIRALET. — Le dos lisse; quel- ques aiguillons auprès des yeux ; trois rangs d’aiguillons sur la queue. QUATRIÈME ESPÈCE. LA RAIE cHARDON. — Tout le dos garni d’épines ; un rang d’aiguillons auprès des yeux; deux rangs d’aiguillons sur la queue. MACINQUIEME ESPECE LA RAIE RONCE. — Un rang d’aiguillons sur le corps et trois sur la queue. SIXIÈME ÉSPÈCE. LA RAIE CITAGRINÉE. — Des tubercules sur le devant du corps; deux rangées d’é- pines sur le museau et sur la queue. SEPTDIEME ESPÈCE. LA BAIE MUSEAU-POINTU. (Raja rostraia.) — Le museau pointu; le dessus du museau et du corps trés-lisse; trois rangs de piquans DES: RCA EF ES. 7 sur la queue ; deux nageoires dorsales, pe- tites et arrondies, auprès de l'extrémité de la queue; point de nageoire caudale. HUITIÈME ESPÈCE. LA RAIE coucou. ( Raja cuculus.) — La tête courte et petite ; le dessus du mu- seau et du corps dénué de piquans; la partie antérieure du corps élevée ; un ou plusieurs aiguillons dentelés, longs et forts, à la queue, qui est très-déliée. SECOND SOUS-GENRE. Les dents aiguës ; point d’aiguillons sur le corps, 11 sûr ld queue. ‘# NEUVIÈME ESPÈCE. LA RAIE TORPILLE.— Le corps presque ovale ; deux nageoires dorsales. TROISIÈME SOUS-GENRE. Les dents obtuses ; des aiguillons sur le corps ou sur la queue. DIXIÈME ESPÈCE. LA RAïE AIGLE. — Un aiguillon dentelé et une nageoire à la queue ; cette dermère partie plus longue que le corps. E 4 52 HISTOIRE ONZIÈME ESPÉÈÉCÉ. LA RAIE PASTENAQUE. — Un aïguillon dentelé; point de nageoire à la queue; cette dernière partie plus longue que le corps. DOUZIÈME ESPÈCE. LA RAI LYMME. — Un aiguiilon revêtu de peau à la queue; cette dernière partie garnie, vers son extrémité, d'une mem- brane longitudinale. TREIZIÈME ESPÈCE. LA RAIE SEPHEN. — Un grand nombre de tubercules sur la tête, le dos et la partie antérieure de la queue. QUATORZIÈME ESPÈCE. LA RAIE BOUCLÉE. — Un rang d’aiguillons recourbés sur le corps et sur la queue. QUINZIÈME ESPÈCE. LA RAIE THOUIN. — Le museau très-pro- longé, et garni, ainsi que le devant de la tête, de petits aiguillons. SEIZIÈME ESPÈCE. LA RATE BOHKAT. — Trois rangs d’ai- guillons sur la partie antérieure du dos; la première nageoire dorsale, située au des- sus des nageoires ventrales. DES RATES: 70 DIX-SEPTIÈME ESPÈCE. La RAIE cuvVIER. — Un rang d’aiguillons sur la partie postérieure du dos; trois ran- gées d’aiguillons sur la queue ; la première nageoire dorsale située vers le milieu du dos. DIX-HUITIÈME ESPÈCE. LA RAIE RHINOBATE. —- Le corps alongé; un seul rang d’aiguillons sur le corps. DIX-NEUVIÈME ESPÈCE. LA RAIE TUBERCULÉE. (Raja tuberculata.) — Cinq tubercules blancs, émaillés et très- durs sur le dos, et cinq autres tubercules semblables sur la queue. VINGTIÈME ESPÈCE. LA RAIE ÉGLANTIER. ( Raja eglanteria.) — Une rangée longitudinale de petits aiguil- lons sur le dos, qui d’ailleurs est parsemé d’épines encore plus courtes; plus de trois rangs longitudinaux de piquans recourbés sur la queue. Espèces dont la forme des dents n’est pas encore connue , eb qui n'ont point d'ai- guillons. VINGT-UNIÈME ESPÈCE. LA RAIE FABRONIENNE. (Raja fabro- rniana.)— Deux grandes appendices sur le 74 HISTOIRE: devant de la tête ; chaque nageoire pectorale aussi longue que le corps proprement dit, très étroile et occupant par sa base la por- tion des côtés de l’animal comprise entre Ia tête et le milieu du corps. VINGT-DEUXIÈME ESPÈCE. LA RAIR BANKSIENNE. ( Raja banksiana.) — Deux appendices sur le devant de la tête; point de nageoire sur le dos, ni au bout de la queue; chaque nageoire pecto- rale plus longue que le corps proprement dit, trés-étroite, et à peu près également éloignée, dans son axe longitudinal et dans sa pointe, de la tête et de la queue; les yeux placés sur la partie supérieure de la ièle. VINGT-TROISIÈME ESPÈCE. LA RAIE NÈGRE. (Raja nigra.) — Le museau pointu; l’ensemble du corps et de la queue formant une losange; un rang de piquans, étendu depuis la partie antérieure du dos jusqu'au bout de la queue; uné autre rangée de piquans ordinairement plus séparés les uns des autres, sur chaque côté de la queue, qui est très-déliée; toute la partie supérieure du poisson d’un noir plus ou moins foncé. mena DÉS RAÏIES. 75 Espèces dont la forme des dents n’est pas encore connue, et qui ont des aiguillons. VINGT-QUATRIÈME ESPÈCE. LA RAI MosAÏQuE. (Raja picta.) — Le museau un peu avancé ; un rang d’aiguillons, étendu depuis la nuque jusqu'à l’extrémité de la queue ; deux ou trois piquans au de- vant de chaque œil; un ou deux piquans derrière chaque évent; une série longitudi- nale de cinq ou six piquans de chaque côté de l’origine de la queue ; la couleur jaunâtre ; des taches blanches, petites et arrondies; plusieurs séries doubles, tortueuses, et pla- cées symétriquement ; des points blancs ou blanchâtres. NINGT-CINQUIÈME ESPÈCE. LA RAIE ONDULÉE. ( Raja undulata.) — Le museau un peu pointu; une rangée de piquans, étendue depuis la tète jusques vers extrémité de la queue; deux aiguillons au devant et derrière chaque œil ; un aiguillon situé auprès de la tête et de chaque côté de la rangée de piquans qui règne sur le dos; un grand nombre de raies sinueuses, et dont plusieurs se réunissent les unes aux autres. 76 HISTOIRE Espèces dont la forme des denis n'est pas encore connue, et qui n'ont pas d’'ai- guillons. VINGT-3IXIÈME ESPÈCE. LA RAIE APTÉRONOTE, (Raja apteronota.) …— Le museau pointu et très-avancé ; point de nageoire dorsale : un sillon longitudinal au devant des yeux ; un sillon presque sem- blable entre les deux évents ; la couleur rousse. VINGT-SEPTIÈME ESPÉCE. LA RAIE FRANGÉE. (Raja fimbriata.) — Deux grandes appendices sur le devant de la tête; la tête, le corps et les pectorales formant ensemble une losange presque par- faite ; les deux côtés de la queue, de la partie postérieure du corps et de celle des pecto- rales, garnis de barbillons ou de filamens; point de nageoire ni de bosse sur le dos. QUATRIÈME SOUS-GENRE. Les dents obtuses ; point d’aiguillous sur le corps, ni sur la queue. VINGT-HUITIÈME ESPÈCE. LA RAIE MOBULAR. — Deux grandes appendices vers le devant de la tête; la queue sans nageoire. DES RAIES. 77 Espèces dont la forme des dents n’est pas encore connue, et qui ont des aiguillons. VINGT-NEUVIÈME ESPÈCE. La RAIE SCHOUCKIE. — Des aïiguillons très -éloignés les uns des autres; un grand nombre de tubercules. TRENTIÈME ESPÈCE. LA RAIE CHINOISE. — Le corps un peu ovale ; le museau avancé et arrondi : “trois aiguillons derrière chaque œil; plusieurs aiguillons sur le dos; deux rangées d’aiguil- lons sur la queue. Espèces dont la forme des dents n’est pas encore connue , et qui n'ont pas d’ai- guillons. TRENTE-UNIÈME ESPÈCE. LA RAIE GRONOVIENNE.— Le corps presque ovale; une seule nageoire dorsale. TRENTE7DEUXIÈME ESPÈCE. LA RAIE MANATIA. — Deux appendices sur le devant de la tête; point de nageoire dorsale ; une bosse sur le dos. 78 HISTOIRE LA RAGE BATIS,(), PAR LACÉPÈDE. Voyez la figure de cette raie, vue en dessus ef er dessous , pre II, igure 1 1 et 2. Lors raies sont, comme les pétromyzons { lamproies }, des poissons: cartilagineux ; elles ont de même leurs branchies dénuées (1) Flassade , couverture, vache marine ; dans plusieurs départemens méridionaux. ré Raja batis. Lin. édit. de Gmel. " Raie coliart. Daubenton, Encyclop. méthod. Raja varia, dorso medio glabro , unico aculeorum ordine in cauda. Artedi, gen. 73,syn. 102. Raja caudä tantivn aculeatä. Bloc h, Hist. natu- relle des poissons, 5° partie , pag. 54, pl. LXXIX. Raie coliart. Bonaterre , planches d'histoire natu relle de l'Encyclopédie méthogique. | Batis. Aristote , liv. 1, chap. Fe lib. 2, chap. 13; Hv. 5, chap. 5 RE 6,chap.ioetr1; iv. 6’, ee 15, et liv. 9, et dk 37. Aliai. lib. 16, cap. 15, pag. gare : Oppian. lib. r, pag. 5, b, et lib. 2, pag. Bs. Athen. lib. 7, pag. 286. Rayte, ie et rubas. Cub. KHv. 35, chap. 74 et 77 , pag. 07, À , et 88, b. 1. RAIF BATIS ve en desru. A 2. LA MEME vxe en desfel , V. Tardien . DES RATES. 79 de membraue et d’opercule. Elles offrent encore d’autres grands rapports avec ces amimaux daus leurs habitudes et dans leur conformation ; et cependant quelle diffé- rence sépare ces deux genres de poissons ! quelle distance, sur - tout, entre le plus petit des pétromyzons ( lamproies ), entre le lamproyon et les grandes raies, particu- fièrement Ja raie batis, dont nous allons nous occuper ! Le lamproyon n’a souvent > Raja undulata sive cinerea. Aldrovand. lib. 3, gap. bo , pag. 452. :: ,. Raja devis. Schoney. p. 58. , Raja undulata. Jonston, hb. 1,.tit. 1, cap. 3; 2. 5,punct.5. Raja undulata. Charlet. pag. 130. 11 gutre raie à bec point. Rondelet', première par tie, liv. 32, pag: 275. 1) ICer :Gronov. Mus. 1 ; n° 145: Zooph, n°157, tirer in Pont corporis parte versus alas ALT Klein » Mis. pisc. 5, pag. 37, n° 14. . Belon, Aquat. pag. 89. | “Lœviraja Salv. Aquat. pag. 149. ‘/Gesner, Aquat. pag. 792, Ie. an. p. 50. Fhierb. pag. 96. — Willugh. Jchth. p.69, tab c, 4. Oxyrinehus major. Ray, Pisc. pag.:26 , n° 3. .. Sate. Pennant , Zoologie britannique, vol. IT, pa, AE LS AA PA _Raie au bec pointu. Valmont de Bomare , Diction- haire “4 histoire naturelle. 80 HISTOIRE que quelques centimètres ( quelques pouces ) de longueur sur un de diamètre : les srandes raies ont quelquefois plus de cinq mètres ( quinze pieds ou environ ) de longueur sur deux ou trois (six ou neuf pieds ou à peu près ) de large. Le lamproyon pèse tout au plus un hectogramme ( quelques onces Ve lon voit, dans les mers chaudes des deux continens, des raies dont le poids surpasse dix myriagramines (deux cent cinq livres}. Le corps du lamproyon est cylindrique et très-alongé ; et si l’on retranchoit la queue des raies, leur corps, aplati et arrondi dans presque tout son contour, présenteroit l’image d’un disque. Souple, délié, et se pliant faci- lement en divers sens, le lamproyon peut, en quelque sorte, donner un mouvement isolé et indépendant à chacun de ses mus+ cles : le corps de la raie, ne se prêtant que difficilement à des plis, ne permettant en général que de légères inclinaisons d’une partie sur une aulre, el presque toujours étendu de la même manière, ne se meut que par une action plus universelle et plus uniformément répartie dans les diverses portions qüi le composent. ‘Dans quelque saison de l’année que l’on observe les lam= proyons ét les autres pélromyzons ( lam- | | proies), DES RATES. 81 _proies ), on ne les voit jamais former aucune sorte de société : 1l est au contraire un tems de l’année , celui pendant lequel le plus impérieux des besoins est accru ou provoqué par la chaleur nouvelle , où les raies s’ap- pariant , le mâle se tenant auprès de la femelle pendant an tems plus ou moins long , et se réunissant, peut-être seules entre tous les poissons, d’une inanière assez intime, forment un commencement d'association de famille , et ne sont pas étrangères, comme presque tous les autres habitans des eaux, aux charmes de la volupté partagée, et d’une sorte de tendresse au moins légère et mo- mentanée. Les jeunes pétromyzons ( lam- proies ) sortent d'œufs pondus depuis un nombre de jours plus ou moins grand par leur mère : les jeunes raies éclosent dans le ventre même de la leur , et naissent toutes formées. Les pétromyzons ( lamproies ) sont très-féconds ; des milliers d'œufs sont pondus par les femelles, et fécondés par les mâles : les raies ne donnent le jour qu'à un petit à la fois, et n’en produisent chaque année qu'un nombre irès - peu considérable. Les pétromyzons ( lamproies } se rapprochent des couleuvres vipères par leur organe res- piratoire , les raies par leur manière de venir Poiss. Tone 11L F 82 HISTOIRE à la lumière. Une seule espèce de pétro- myzon (lamproie) ne craint pas les eaux salées, mais ne se retire dans le sein des mers que pendant la saison du froid : toutes les espèces de raies vivent au contraire sous tous les climats et dans toutes les saisons au milieu des ondes de l'Océan ou des mers Méditcrranées. Qu'il y a donc loin de nos arrangemens artificiels au plan sublime de la toute - puissance créatrice , de celles de nos méthodes dont nous nous sommes le plus efforcés de combiner tous les détails, avec l'immense et admirable ensemble des productions qui composent ou embellissent le globe ; de ces moyens nécessaires , mais défectueux , par lesquels nous cherchons à aider la foiblesse de notre vue, l’inconstance de notre mémoire , et l’imperfeciion des signes de nos pensées, à la véritable expo- sition des rapports qui lient tous les êtres, et de l’ordre que l’état actuel de nos con- noissances nous force de regarder comme le plus utile, à ce tout merveilleux où la Nature, au lieu de disposer les objels sur ‘une seule ligne, les a groupés, réunis et enchaïnés dans tous les sens par des relations innombrables ! Retirons cependant nos re- gards du haut de cette immensité dont la DES RATES. 85 vue a tant d’attraits pour notre imagination : et, nous servant de tous Îles moyens que art d'observer a pu inventer jusqu'à pré- sent, portons notre atlention sur les êtres soumis maintenant à notre examen , et dont Ja considération réfléchie peut nous conduire à des vérités utiles et élevées. C’est toujours au milieu des mers que les raies font leur séjour; mais, suivant les différentes époques de l’année, elles chan- sent d'habitation au milieu des flots de VOcéan. Lorsque le tems de la fécondation des œufs est encore éloigné, et par consé- quent pendant que la mauvaise saison règne encore, c’est dans les profondeurs des mers qu’elles se cachent pour ainsi dire. C’est là que , souvent immobiles sur un fond de sable ou de vase, appliquant leur large corps -sur le limon du fond des mers, se tenant en embuscade sous les algues et les autres plantés marines, dans les endroits assez voisins de la surface des eaux pour que la lumière du soleil puisse y parvenir et dé- velopper les germes de ces végétaux, elles méritent , loin des rivages , l’'épithète de pélagiennes qui leur a été donnée par plu- sieurs naturalistes. Elles la méritent encore, cette dénomination de pélagiennes , lors- F 2 84 HISTOIRE qu'après avoir attendu inutilement dans leur retraite profonde l'arrivée des animaux dont elles se nourrissent , elles se traînent sur cette même vase qui les a quelquefois recouvertes en partie, sillonnent ce limon des mers et étendent ainsi autour d’elles leurs embüches et leurs recherches. Elles méritent sur-tout ce nom d’habitantes de la haute mer, lors- que, pressées de plus en plus par la faim, ou effrayées par des troupes très-nombreuses d’ennemis dangereux, ou agitées par quelque autre cause puissante, elles s'élèvent vers la surface des ondes, s’éloignent souvent de plus en plus des côtes, et se livrant, au milieu des régions des tempêtes , à une fuite précipitée , mais le plus fréquemment à une poursuite obstinée et,à une chasse terrible pour leur proie, elles affrontent les vents et les vagues en courroux, et, recourbant leur queue , remuant avec force leurs larges nageoires, relevant leur vaste corps au dessus des ondes , et le laissant retomber de tout son poids, elles font jaillir au loin et avec bruit l’eau salée et écumante. Mais, lorsque le tems de donner le jour à leurs petits est ramené par le printems, ou par le com- mencement de l'été, les mâles ainsi que les iemelles se pressent autour des rochers qui DES RAIES. 85 bordent les rivages ; et elles pourroient alors être comptées passagèrement parmi les pois- sons hittoraux. Soit qu’elles cherchent ainsi auprès des côtes l’asile, le fond et la nour- riture qui leur conviennent le mieux, ou soit qu'elles voguent loin de ces mêmes bords , elles attirent toujours l’attention des observateurs par la grande nappe d’eau qu’elles compriment et repouissent lou d'elles, et par l'espèce de tremblement qu'elles communiquent aux flots qui les environnent. Presque aucun habitant des mers, si on excepte les baleines, les autres célacés , et quelques pleuronectes , ne pré- sente en effet-un corps aussi long , aussi large et aussi aplati, une surface aussi plane et aussi étendue. Tenant toujours déployées leurs nageoires pectorales, que l’on a com- parées à de grandes ailes, se dirigeant au milieu des eaux par le moyen d’une queue très - longue , très- déliée et très - mobile, poursuivant avec promptilude les poissons qu’elles recherchent, et fendant les eaux pour tomber à l’improviste sur les animaux qu’elles sont près d'atteindre , comme l'oiseau de proie se précipite du haut des airs ; il n’est pas surprenant qu’elles aient été assinilées, dans le moment où elles cinglent avec vilesse ; 86 HISTOIRE près de la surface de l'Océan, à un très- grand oiseau, à un aigle puissant , qui, les ailes étendues, parcourt rapidement les di- verses régions de l'atmosphère. Les plus forts et les plus grands de presque tous les pois- sons, comme l'aigle est le plus grand et le plus fort des oiseaux ; ne paroissant, en chassant les animaux marins plus foibles qu’elles, que céder à une nécessité impé- rieuse et au besoin de nourrir un corps vo- lumineux ; n’imimolant pas de victimes à une cruauté inutile ; douées d’ailleurs d’un instinct supérieur à celui des autres poissons osseux ou carlilasineux , les raies sont en effet les aigles de la mer ; l'Océan est leur domaine comme l'air est celui de laigle ; et de même que l'aigle, s'élançant dans les profondeurs de l’aimosphère , va chercher, sur des rochers déserts et sur des cîimes escarpées, le repos après la victoire, et la jouissance non troublée des fruits d’une chasse laborieuse ; elles se plongent, après leurs courses et leurs combats, dans un des abimes de la mer, et trouvent dans cette retraite écartée un asile sûr et la tranquille possession de leurs conquêtes. il n'est donc pas surprenant que, dès le siècle d'Aristote, une espèce de raie ait reçu DES RAIES. 87 Je nom d’aigle marine, que nous lui avons conservé. Mais, avant de nous occuper de celte espèce, examinons de près la batis, lune des plus grandes, des plus répandues et des plus connues des raies, et que l’ordre que nous avons cru devoir adopter nous offre la première. L'ensemble du corps de la batis présente un peu la forme d’une losange. La pointe du museau est placée à l’angle antérieur ; les rayons les plus longs de chaque nageoire pectorale occupent les deux angles latéraux , et l’origine de la queue se trouve au sommet de l’angie de derrière. Quoique cet ensemble soit très-aplati, on distingue cependant un léger renflement tant dans le côté supérieur que dans le côté inférieur , qui trace, pour ainsi dire, le contour du corps proprement dit, c’est-à-dire, des trois cavités de la tête, de la poitrine et du ventre. Ces trois cavités réunies n’occupent que le milieu de la lo- sange, depuis l'angle antérieur jusqu’à celui de derrière , et laissent de chaque côté une espèce de triangle moins épais, qui compose une des nageoires pectorales. La surface de ces deux nageoires pectorales est plus grande que celle du corps proprement dit, ou des irois cavités principales; et quoiqu’elles soient F 4 85 HISTOIRE recouvertes d’une peau épaisse , on peut cependant distinguer facilement, et nee compter avec précision, sur-tout vers angle Jatéral de ces larges parties, un grand nombre de ces rayons cartilagineux , composés et articulés, dont nous avons exposé la con- texture (1). Ces rayons partent du corps de Vanimal, s'étendent , en divergeant un peu, jusqu’au bord des nageoires ; et les diffé- rentes personnes qui ont mangé de la raie batis, et qui ont dù voir et mamier ces longs rayons, ne seront pas peu étonnées d'ap- prendre qu’ils ont échappé à l'observation de quelques naturalistes, qui ont pensé, en conséquence, qu'il n’y avoit pas de rayons dans les nageoires pectorales de la batis. Aristote lui-même, qui cependant a bien connu et très-bien exposé les principales habitudes des raies (2), ne croyant pas que les côtés de la batis renfermassent des rayons, ou ne considérant pas ces rayons comme des caractères distinctifs des nageoires, a écrit qu'elle n’avoit point de nageoires pectorales, (1) Discours sur la nature des poissons. (2) Aristot. Hist. anim. lib. 2, c. 15. — Lib.5, C4 et5. — Lib.6, cap. 10 et 11. — De generation animal, lib, 5 , cap. 7 et 11. DESIRAÏTES. 8g et qu'elle voguoit en agitant les parties la- térales de son corps (1). La tête de la batis, terminée par un museau un peu pointu, est d’ailleurs engagée par derrière dans la cavité de la poitrine. L’ou- verture de la bouche, placée dans la partie inférieure de la tête, et même à une dis- tance assez grande de l'extrémité du mu- seau , est alongée et transversale, et ses bords sont cartilagineux et garnis de plu- sieurs rangs de dents très-aiguës et crochues. La langue est très - courte, large, et sans aspérités. Les narines, placées au devant de la bouche , sont situées également sur la partie inférieure de la tête. T’ouverture de cet organe peut être élargie ou rétrécie à la volonté de lanimal, qui d’ailleurs, après avoir dinunué le diamètre de cette ouver- ture, peut la fermer en totalité par une membrane particulière attachée au côté de lorifice le plus voisin du milieu du museau, et laquelle s'étendant avec facilité jusqu’au bord opposé, et s’y collant, pour ainsi dire, peut faire Poffice d’une sorte de soupape , et empêcher que l’eau chargée des émana- (a) Aristot. Hist. nat. lib. 1, c. 5, go HISTOIRE tions odorantes ue parvientie jusqu'à un organe très-délicat dans les momens où la batis n’a pas besoin d’être avertie de la pré- sence des objets extérieurs, et dans ceux où son système nerveux seroit douloureusement affecté par une action trop vive et trop constante. Le sens de l’odorat étant, s Fon peut parler ainsi, le sens de la vue des poissons, et particulièrement de la batis (1), cette sorte de paupière leur est nécessaire pour soustraire un organe très-sensible à Îa fatigue ainsi qu’à la destruction, et pour se livrer au sommeil, de même que l’homme et les quadrupèdes ne pourroient, sans Îa véritable paupière qu'ils étendent souvent au devant de leurs yeux, ni éviler des veilles trop longues et trop multiphées, nm con- server dans toute sa perfection et sa délica- iesse celui de leurs organes dans lequel s'opère la vision, Au reste, nous avons déja exposé la con- formation de l'organe de lodorat dans les poissons , non seulement dans les osseux, mais encore dans les cartilagineux, et parti- culièrement dans les raies (2). Nous avons (1) Discours sur la naiure des poissons, (2) 1dem. ES M AM ESS. 9L vu que, dans ces derniers animaux, l’inté- rieur de cet organe éloit composé de plis membraneux et disposés transversalement des deux côtés d’une sorte de cloison. Ces plis ou membranes aplatis sont garnis, dans la batis et dans presque toutes les espèces de raies, d’autres membranes plus petites qui les font paroître comme frangés. Ils sont d’ailleurs plus hauts que dans presque tous les poissons connus, exceplé les squalles; et comme la cavité qui renferme ces mem- branes plus grandes et plus nombreuses , ces surfaces plus larges et plus multipliées, ést aussi plus étendue que les cavités ana- logues dans la plupart des autres poissons os- seux et cartilagineux, il n’est pas surprenant que presque toutes les raies, et particulie- rement la batis, aient le sens de l’odorat bien plus parfait que celui du plus grand nombre des habitans des mers ; et voilà pourquoi elles accourent de très-loin, ou remontent de très - grandes profondeurs, pour dévorer les animaux dont elles sont avides. + L'on se souviendra sans peine de ce que nous avons déjà dit de la forme de Foreille dans les -poissons, et particulièrement dans 92 EL IT © ERYE les raies (1). Nous n'avons pas besoin de | répéter ici que les cartilagineux, et parti- culièrement la batis, éprouvent la véritable sensation de l’ouïe dans trois petits sacs qui contiennent de petites pierres où une ma- tière crétacée, et qui font partie de leur oreille intérieure, ainsi que dans les am- | poules ou renflemens de trois canaux presque: | circulaires et membraneux , qui y repré- sentent les trois canaux de l’oreille de l’homme appelés canaux demi-circulaires. C’est dans ces diverses portions de l'organe de louie que s’épanouit le rameau de la cinquième paire de nerfs, qui, dans les poissons , est le vrai nerf acoustique; et ces trois canaux membraneux sont renfermés en partie dans d’autres canaux presque circulaires, comme les premiers, mais cartilagineux, et pouvant mettre à l'abri de plusieurs accidens les ca- naux bien plus mous autour des ampoules desquels on voit s'épanouir le nerf acous- tique. | | Les yeux sont situés sur la parlie supé- rieure de la tête, et à peu près à la même distance du museau que l’ouverture de Ja (1) Discours sur la nature des poissons. DES RAIES. 95 bouche. Ils sont à demi-saillans, et garantis en partie par une continuation de la peau qui recouvre la tête, et qui, s'étendant au dessus du globe de l'œil, forme comme une sorte de petit toit, et Ôteroit aux balis la facilité de voir les objets placés verticale- ment au dessus d'elles, si elle n’étoit souple et un peu rétractile vers le milieu du crâne, C’est cette peau, que l’animal peut déployer ou resserrer, et qui a quelques rapports avec la paupière supérieure de l’homme et des quadrupèdes , que quelques auteurs ont ap- pelée paupière, et que d’autres ont comparée à la membrane clignotante des oiseaux. Immédiatement derrière les yeux , mais un peu plus vers les bords de la tête, sont deux trous ou évents qui communiquent avec l’intérieur de la bouche. Et comme ces trous sont assez grands , que les tuyaux dont ils sont les orifices sont larges et très- courts, et qu'ils correspondent à peu près à l’ouverture de la bouche, il n’est pas sur- prenant que lorsqu'on tient une raie batis dans une certaine position, et par exemple contre le jour, on apercoive, même d’un peu loin, et au travers de l'ouverture de la bouche et des évents, les objets placés au delà de l'animal, qui paroît alors avoir recu 94 H'ES:TOIRE deux grandes blessures, et avoir élé percé d’un bord à l’autre. Ces trous, que l'animal a la faculté d'ouvrir ou de fermer par le moyen d’une membrane très-extensible, que Fon peut comparer à une paupière, ou, pour mieux dire, à une sorte de soupape, servent à la batis au même usage que lévent de la lamproie. C’est par ces deux orifices que cette raie admet ou rejette l’eau nécessaire ou suraboudante à ses organes respiratoires, lorsqu'elle ne veut pas employer l'ouverture de sa bouche pour ‘porter l’eau de la mer dans ses branches, ou pour l'en retirer. Mais, comme la batis, non plus que les autres raies, n’a pas l’ha- bitude de s'attacher avec la bouche aux rochers, aux bois, n1 à d’autres corps durs, il faut chercher pourquoi ces deux évents supérieurs, que l’on retrouve danses squalles, mais que l’on n’aperçoit d’ailleurs dans aucun genre de poissons, paroissent nécessaires aux promptes el fréquentes aspirations et expi- ralions aqueuses sans lesquelles les raies cesseroient de vivre. Nous allons voir que les ouvertures des branchies des raies sont situées dans le côté inférieur de leur corps. Ne pourroit-on pas, en conséquence, supposer que le séjour assez DES RATES. 95 long que font les raies dans le fond des mers, où elles tiennent la parte inférieure de leur corps appliquée contre le Himon ou le sable, doit les exposer à avoir, pendant une grande partie de leur vie, ouverture de leur bouche ou celles du siège de la respiration collées en quelque sorte contre la vase, de manière que l’eau de la mer ne puisse y parvenir ou en jaillir qu'avec peme, et que si celles de ces ouvertures qui peuvent être alors obs- truées n’étoient pas suppléées par les évents placés dans le côté supérieur des raies, ces animaux ne pourroient pas faire arriver Jusqu'à leurs organes respiratoires l’eau dont ces organes doivent être périodiquement abreuvés ? Ce siège de la respiration, auquel les évents servent à apporter ou à ôter l’eau de la mer, consiste, de chaque côté, dans une cavité assez grande qui communique avec celle du palais, ou, pour mieux dire, qui fait partie de cette dernière, et qui s'ouvre à l'extérieur, dans le côté inférieur du corps, par cinq trous ou fentes trans- versales que l'animal peut fermer et ouvrir en étendant ou retirant les membranes qui revêtent les bords de ces fentes. Ces cinq ouvertures sont situées au delà de celle de <= 06 HISTOIRE la bouche , et disposées sur une ligne un peu courbe, dont la convexité est tournée vers le côté extérieur du corps; de telle sorte que ces deux rangées, dont chacune est de cinq fentes, représentent, avec les- pace qu’elles renferment au dessous de {a tête, du cou et d’une portion de la poitrine de l'animal , une sorte de disque ou de plastron un peu ovale. Dans chacune de ces cavités lalérales de la batis sont les branchies proprement dites, composées de cinq cartilages un peu courbés et garnis de membranes plates très-minces, très - nombreuses , appliquées l’une contre l'autre, et que l’ona comparées à des feuillets; lon compte deux rangs de ces feuillets ou membranes très-minces et très-aplaties sur le bord convexe des quatre premiers carti- lages ou branchies, et un seul rang sur le cinquième ou dernier. Nous avons déjà vu (1) que ces mem- branes très - minces contiennent une très- ghande quantité de ramifications des vais- seaux sanguins quiaboutissentaux branchies, soit que ces vaisseaux composent les der- (1) Discours sur la nature des poissons. nières DES RAÏIES. 97 nières extrémités de l'artère branchiale, qui se divise en autant de rameaux qu’il y a de branchies, el apporte dans ces organes de la respiration le sang qui a déjà circulé dans tout le corps, et dont les principes ont be- soin d’être purifiés et renouvelés; soit que ces mêmes vaisseaux soient l’origine de ceux qui se répandent dans toutes les parties du poisson, et y distribuent un sang dont les élémens ont recu une nouvelle vie. Ces Vaisseaux SaHguins, qui ne sont composés, dans les membranes des branchies, que de parois Lrès-minces et facilement perméables à divers fluides, peuvent exercer, ainsi que : nous l'avons exposé, une action d’autant plus grande sur le fluide qui les arrose, que la surface présentée par les feuillets des branchies, et sur laquelle ils sont dissémines, est très- grande dans tous les poissons , -à proportion de l'étendue de leur corps. En effet, les raies ne sont pas les poissons dans lesquels les membranes branchiales offrent la plus grande division , ni par conséquent le plus grand développement; et cependant mn très - habile anatomiste , le professeur Monro d’Edimbourg, a trouvé que la sur- face de ces feuillets, dans une raie batis de grandeur médiocre, étoit égale à celle du Poiss. Tome III. G 98 HISTOIRÉ corps humain. Au reste, la partie extérieure de ces branchies, ou, pour mieux dire, des feuillets qui les composent, au lieu d’être isolée relativement à la peau, ou au bord de la cavité qui l’avoisine , comme le sont les branchies du plus grand nombre de pois- sons, et particulièrement des osseux, est assujeltie à cetie même peau ou à ce même bord par une membrane très-mince. Mais celte membrane est trop déliée pour nuire à la respiration , et peut tout au plus en modifier les opérations d’une manière ana- logue aux habitudes de la bals. Cette raie a deux nageoires ventrales pla- cées à la suite des nageoires pectorales, auprès et de chaque côté de l’anus, que deux autres nageoires , auxquelles nous donnerons le nom de nageoires de l'anus, touchent de plus près, et entourent pour ainsi dire. Il en est même environné de manière à pa- roître situé, en quelque sorle, au milieu d’une seule nageoire qu'il auroit divisée en deux par sa position, et que plusieurs na- turalistes ont nommée en effet, au singulier, nageoire de l’anus. Mais ces nageoires, tant de l’anus que ventrales , au lieu d’être situées perpendiculairement ou très-obliquement , comme dans la plupart des poissons, ont DES RAIES. où une situation presque entièrement horison- tale, et semblant être, à certains égards, une continuation des nageoires pectorales , servent à terminer 1 forme de losange très- aplatie que présente l’ensemble du corps de la batis. De plus, la nageoire ventrale et celle de l'anus, que l’on voit de chaque côté du corps, ne sont pas véritablement distinctes l’une de l’autre. On reconnoît, au moins le plus sou- vent, en les étendant, qu’elles ne sont que deux parties d’une même nageoire, que la même membrane les revêt, et que la gran- deur des rayons, plus longs communément dans la portion que l’on a nommée ventrale, peut seule faire connoître où commence une portion et où finit l’autre. On devroit donc, à la rigueur , ne pas suivre lusage adopté par les naturalistes qui ont écrit sur les raies , et dire que la batis n’a pas de nageoires de l'anus , mais deux longues nageoires ventrales qui environnent l'anus par “ extrémités postérieures. Entre la queue et ces nageoires ventrales et de l'anus, on voit dans les mâles des batis, et de chaque côté du corps, une fausse na- geoire , ou plulôt une longue appendice, dont nous devons particulièrement au professeur G 2 100 EI S T0 PÉE Bloch, de Berlin, de connoître organisation précise et le véritable usage (1). Les nageoires venirales et de l'anus, quoique beaucoup plus étroites et moins longues que les pec- torales, sont cependant formées de même de véritables rayons cartilagineux , com- posés , articulés, ramifiés, communément au nombre de six, et recouverts par la peau qui revêt le reste du corps. Mais les appendices dont nous venons de parler ne contiennent aucun rayon. Filles renferment plusieurs petits os ou cartilages : chacune de ces appendices en présente onze dans son intérieur, disposés sur plusieurs rangs. D’a- bord quatre de ces parties cartilagineuses sont attachées à un grand caïrlilage trans- versal, dont les extrémités soutiennent les nageoires ventrales, et qui est analogue, par sa positionet: par ses usages , aux os nommés os du bassin dans l’homme et dans les quadrupèdes.: À Ja suite de ces quatre cartilages, on-en:voit deux autres dans l’in- térieur de l’appendice; et à ces deux en succèdent cinq autres de diverses formes. L'appendice contient d’ailleurs, dans son côté extérieur ; ‘un canal ouvert à son ne * (4) Bloéh, Histoire naturelle des poissons. DES RAITES. 101 extrémité postérieure, ainsi que vers som extrémité antérieure , et qui est destiné à transmettre une liqueur blanche et gluante, filtrée par deux glandes que peuvent com- primer les muscles des nageoires de l'anus. L'appendice peut êtrefléchie par l’action d’un muscle qui, en le courbant, le rend propre à faire l’oflice d’un crochet ; et lorsque la batis veut cesser de s’en servir, 1l se rétablit par une suite de l’élasticité des onze carti- lages qu’il renferme. Lorsqu'il est dans son état naturel, la liqueur blanche et gluti- neuse s'échappe par l’ouverture antérieure; mais , lorsqu'il est courbé, cet orifice supé- rieur se trouve fermé par le muscle fléchis- seur, et la liqueur gluante parcourt toute la cavité du canal, sort par le trou de l’ex- trémilé postérieure, et, arrosant la partie ou le corps sur lequel s'attache le bout de cette espèce de crochet, prévient les incon- véniens d’une pression trop forte. La position de ces deux appendices que les mâles seuls présentent , leur forme, leur organisation intérieure , la liqueur qu, suinte par le canal que chacune de ces ap- pendices renferme, pourroient faire par- tager l'opinion que Linnæus à eue pendant quelque tems, et l’on pourroit croire qu'ils C3 102 HArTS TO rRE composent les parties génitales du mâle! Mais, pour peu que l'on examine les parties intérieures des batis, on verra qu'il est même superflu de réfuter ce sentiment. Ces appen- dices ne sont cependant pas inutiles à l’acte de la génération ; elles servent au mâle à retenir sa femelle, et à se tenir pendant un tems plus ou moins long assez près d'elle pour que la fécondation des œufs puisse avoir lieu de la manière que nous expose- rons avant de terminer cet article. Entre les deux appendices que nous ve- nons de décrire, ou , pour nous expliquer d'une manière apolicable aux femelles aussi bien qu'aux mâles, entre les deux nageoires de l'anus, commence la queue, qui s'étend ordinairement jusqu’à une longueur égale à celle du corps et de la tête. Elle est d’ailleurs presque ronde, très-déliée , très-mobile , et terminée par une pointe qui paroît d'autant plus fine, que la batis n’a point de nageoire caudale (1) comme quelques autres raies, et n'en présente par conséquent aucune au bout de cette pointe. Mais vers la fin de la queue, et sur sa partie supérieure , on voit deux petites nageoires très -séparées lune AE 5 ns Da oi 7 yen a lee (1) Discours sur La nature des poissons. DES RAIES. 103 de l’autre, et qui doivent être regardées comme deux véritables nageoires dorsales(1), quoiqu'elles ne soient pas situées au dessus du corps proprement dit. La batis remue avec force et avec vitesse cette queue longue, souple et menue , qui peut se fléchir et se contourner en différens sens. Elle l’agite comme une sorte de fouet, non seulement lorsqu'elle se défend contre ses ennemis, mais encore lorsqu'elle attaque sa proie. Elle s’en sert particulièrement lorsqu’en embuscade dans le fond de la mer, cachée presque entièrement dans le limon, et voyant passer autour d’elle les animaux dont elle cherche à se nourrir, elle ne veut ni changer sa position, ni se débarrasser de la vase ou des algues qui la couvrent, ni quitter sa retraite et se livrer à des mouve- mens qui pourroient n'être pas assez prompis, sur-tout lorsqu'elle veut diriger ses armes contre les poissons les plus agiles. Elle em- ploie alors sa queue; et, la fléchissant avec promptitude , elle atteint sa victime et la frappe souvent à mort. Elle lui fait du moins des blessures d'autant plus dangereuses, que (:) Discours sur la nature des poissons. G 4 104 HISTOIRE cette queue , mue par des muscles puissans ; présente de chaque côté et auprès de sa racine un piquant droit et fort, et que d’ailleurs elle est garnie dans sa partie su- périeure d’une rangée d’'aiguillons erochus. Chacun de ces aiguillons, qui sont assez grands, est attaché à une pelite plaque car- tilagineuse, arrondie, ordinairement con- cave du côté du crochet , et un peu convexe de lauire, et qui, placée au dessous de Îa peau, est maintenue par ce tégument et retient l’aiguillon. Au reste l’on voit autour des yeux plusieurs aiguillons de même forme, mais beaucoup plus petits. La peau qui revêt et la tête et le corps, et la queue , est forte, tenace, et enduite d’une humeur gluante qui en entretient la souplesse et la rend propre à résister sans altération aux attaques des ennemis des raies, et aux effets du fluide au milieu duquel: vivent les balis. Ce suc visqueux est fourni par des canaux placés assez près des tégu- mens, et distribués sur chaque côté du corps et sur-lout de la tête. Ces canaux s'ouvrent à la surface par des trous plus ou moins sensibles, et l'on en peut trouver une des- cription très-détaillée et très-bien faite dans MES RATES. 105 le bel ouvrage du professeur Monro sur les poissons (1). La couleur générale de la batis est, sur le côté supérieur, d’un gris cendré, semé de taches noirâtres, sinueuses, irrégulières, les unes grandes , les autres petites, et toutes d’une teinte plus ou moins faible: le côté inférieur est blanc , et présente plusieurs rangées de points noirâtres. Les batis, ainsi que toutes les raies , ont en général leurs muscles beaucoup plus puissans que ceux des autres poissons (2); c’est sur-toul dans la partie antérieure de leur corps que l’on peut observer cette su- périorilté de forces musculaires, et voilà pourquoi elles ont la faculté d'imprimer à leur museau différens mouvemens exécutés souvent avec beaucoup de promptitude. (r}rPasioh; plivi et vie (2) Voyez, dans le tome septième des Mémoires des savans étrangers , présentés à l’académie des sciences de Paris, ceux de Vicq-d’Azyr, qu’une mort prématurée a enlevé à l’anatomie et à l’histoire naturelle , pour ia gloire et les progrès desquelles il avoit commencé un des plus vastes monumens que l'esprit humain eût encore conçus, et à la mémoire duquel j'aime à rendre un hommage public destime et de regrets. 106 HISTOIRE Mais non seulement le museau de la batis est plus mobile que celui de plusieurs pois- sons osseux ou cartilagineux, il est encore le siège d’un sentiment assez délicat. Nous - avons vu que, dans les poissons , un rameau de la cinquième paire de nerfs étoit le vé- ritable nerf acoustique. Une petite branche de ce rameau pénètre de chaque côté dans l'intérieur de la narine , et s'étend ensuite jusqu’à l'extrémité du museau (1), qui, dés-lors, doué d’un plus grande sensibilité , et-pouvant d’ailleurs, par sa mobilité , s’ap- pliquer , plus facilement que d’autres mem- bres de la batis, à la surface des corps dont elle s'approche , doit être pour cet animal un des principaux sièges du sens du toucher. Aussi , lorsque les batis veulent reconnoître les objets avec plus de certitude, et s'assurer de leur nature avec plus ce précision, en approchent-elles leur museau , non seule- ment parce que sa partie inférieure contient l'organe de l’odorat , mais encore parce qu’il est l’un des principaux et peut - être le plus actif des organes du toucher. Cependant une considération d’une plus (1) Consultez l'ouvrage de Scarpa sur les sens des animaux , et particulièrement sur ceux des poissons. DES RAIES. 107 haute importance et d’une bien plus grande étendue dans ses conséquences se présente ici à notre réflexion. Ce toucher plus par- fait, dont la sensation est produite dans la batis par une petite branche de la cinquième paire de nerfs; cinquième paire dont, à la verité , un rameau est le nerf acoustique des poissons, mais qui, dans l'homme et dans les quadrupèdes, est destinée à s’épa- nouir dans le siège du goût , ne pourroit-il pas être regardé par ceux qui savent dis- tinguer la véritable nature des objets d'avec leurs accessoires accidentels ; ne pourroit:l pas, dis-je, être considéré comme une espèce de supplément au sens du goût de la batis? Quoi qu’il en soit de cette conjecture, l’on peut voir évidemment que la partie antérieure de la tête de la batis, non seulement présente l'organe de l’ouïe, celui de lodorat, et un des sièges principaux de celui du toucher, ‘mais encore nous montre ces trois organes intimement liés par ces rameaux du nerf acoustique, qui parviennent jusques dans les narines , et vont ensuite être un siège de sensations délicates à l’extrémité du mu- seau. Ne résulte-t-il pas de cette distribution du nerf acoustique , que non seulement les trois sens de l’ouie, de lodorat, et du 108 HISTOIRE toucher, très-rapprochés par une sorte dé juxtaposition dans la partie antérieure de la tête, peuvent être facilement ébranlés à la fois par la présence d’un objet exté- rieur dout ils doivent dès -lors donner à Vanimal une sensation générale bien plus étendue , bien plus vive et bien plus dis- tincte, mais encore que, réunis par les ra- meaux de la cinquième paire qui vont de Fun à l’autre, et les enchainent ainsi par des cordes sensibles , ils doivent recevoir souvent un mouvement indirect d’un objet qui , sans celle communication nerveuse , p’auroit agi que sur un ou deux des trois sens , et teuir de cette commotion intérieure la faculté de transmettre à la batis un sen- timent plus fort, et même de céder à des impressions extérieures dont Fleffet auroit été nul sans cette espèce d’agitation interne due au rameau du nerf acoustique ? Main- tenant , si l’on rappelle les réflexions pro- fondes et philosophiques faites par Buffon dans l’histoire de l'éléphant, au sujet de la réunion d’un odorat exquis et d’un toucher délicat à extrémité de ia trompe de ce grand animal , trés-digne d’atiention par la supé- riorité de son instinct ; si l’on se souvient des raisons qu’il a exposées pour établir un DES RATES. 109. rapport uécessaire entre lintelligence de Véléphant et la proximité de ses organes du toucher et de lodorat, ne devra-t-on pas penser que la balis et les autres raies, qui présentent assez près l’un de l’autre non seulement les sièges de l’odorat et du tou- cher, mais encore celui de l’ouïe, et dont un rameau de nerfs lie et réunit intime- ment tous ces organes, doivent avoir un änslinct très-remarquable dans la classe des poissons ? De plus, nous venons de voir que l’odorat de la batis, ainsi que des autres raies , étoit bien plus actif que celui de la plupart des habitans de la mer; nous savons, d’un autre côté (1), que le sens le plus dé- licat des poissons , et celui qui doit influer avec le plus de force et de constance sur leurs affections , ainsi que sur leurs habi- tudes, est celui de l’odorat; et nous devons conclure de cette dernière vérité, que le poisson dans lequel l'organe de lodorat est le plus sensible , doit, tout égal d’ailleurs, présenter le plus grand nombre de traits d’une sorte d'intelligence. En réunissant toutes ces vues, on croia donc devoir attri- buer à la batis, et aux autres raies con- (1) Discours sur la nature des poissons, 110 FAN SAELO EL RNE formées de même, une assez grande supé- riorité d’instinct ; et en effet , toutes ces observations prouvent qu’elles lemportent par les procédés de leur chasse , l’habileté dans la fuite, la finesse dans les embuscades, la vivacité dans plusieurs affections , et une sorte d'adresse dans d’autres habitudes, sur presque toutes les espèces connues de pois- sons et particulièrement de poissons osseux. Mais continuons l'examen des différentes portions du corps de la batis. Les parties solides que l’on trouve dans l'intérieur du corps, et qui en forment comme la charpente, ne sont m1 en très- grand nombre, ni très-diversifiées dans leur conformation. Elles consistent premiérement dans une suite de vertèbres cartilagineuses qui s'étend depuis le derrière de la tête jusqu'à l’extré- mité de la queue. Ces vertèbres sont cylin- driques, concaves à un bout, convexes à l'autre, emboitées l’une dans l’autre, et cependant mobiles, et d'ailleurs flexibles ainsi qu'élastiques par leur nature, de telle sorte qu'elles se prêtent avec facilité, sur- tout dans la queue, aux divers mouvemens que l'animal veut exécuter. Ces vertébres sont garnies d’éminences ou. apophyses DES RAIES. “an supérieures et latérales, assez serrées contre les apophyses analogues des vertèbres voi- sines. Comme c’est dans l’intérieur des bases des apophyses supérieures qu'est située la moëlle épinière , elle est garantie de beau- coup de blessures dans des éminences carii- lagineuses ainsi pressées l’une contre l’autre ; et voilà une des causes qui rendent la vie de la batis plus indépendante d’un grand nombre d’accidens que celle de plusieurs autres espèces de poissons. On voit aussi un diaphragme carlilagi- neux, fort, et présentant quatre bianches courbées, deux vers la partie antérieure du corps, et deux vers la postérieure. De ces deux arcs ou demi-cercles, lun embrasse et défend une partie de la poitrine, l’autre enveloppe et maintient une portion du ventre de la batis. On découvre enfin dans l'intérieur du corps un cartilage transversal assez gros, placé en decà et très-près de l'anus, et qui, servant à maintenir la cavité du bas-ventre, ainsi qu'a retenir les nageoires ventrales , doit être, à cause de sa position et de ses usages, comparé aux os du bassin de l’homme et des quadrupèdes. Ce qui ajoute à cette analogie, c’est qu’on trouve de chaque côté, 112 HISTOIRE et à l'extrémité de ce grand cartilage trans- versal, un cartilage assez long et assez gros, articulé par un bout avec le premier, et par l'autre bout avec un lroisième cartilage moins long et moins gros que le second. Ces second et troisième cartilages font partie de la nageoire ventrale, de cette nageoire que lon regarde comme faisant lPoflice d’un des pieds du poisson. Attachés Fun au bout de l'autre, ils forment, dans cette disposition , le premier et le plus long des rayons de la nageoire : mais ils ne présentent pas la contexture que nous avons reinar- quée dans les vrais rayons carlilagineux ; ils ne se divisent pas en rameaux; ils ne sont pas composés de petits cylindres placés {es uns au dessus des autres : ils sont de véritables cartilages ; et ce qui me paroïit très-digne d'attention dans ceux des poissons qui se rapprochent le plus des quadrupèdes ovipares, et particulièrement des tortues, on pourroit à la rigueur, et sur-tout en considérant la manière dont ils s’inchinent l’an sur l’autre, trouver d'assez grands rap- ports entre ces deux cartilages et le fémur et le tibia de l’homme et des quadru- pèdes vivipares. L’estomac est long, large et plissé: le canal DE $ “RAI TS. 113 “canal intestinal court et arqué. Le foie, gros et divisé en trois lobes, fournit une huile blanche et fine; il y a une sorte de pancréas et une rate rougeûtre. Cette réu- nion d'une rate, d’un pancréas et d’un foie huileux et volumineux est une nouvelle preuve de lexistence de cette vertu très- dissolvante que nous avons reconnue dans les différens sucs digestifs des poissons; vertu très-active, utile à plusieurs de ces animaux pour corriger les effets de la briéveté du canal alimentaire, et nécessaire à tous pour compenser les suites de la température or- dinaire de leur sang, dont la chaleur natu- relle est très-peu élevée. Le corps de la batis renferme trois ca- vités ,que nous retrouverons en tout ou en parlie dans un assez grand nombre de pois- sons, et que nous devons observer un mo- ment avec quelque attention. l’une est située dans la partie antérieure du crâne, au devant du cerveau; la seconde est con- tenue dans le péricarde, et la troisième occupe les deux côtés de laodomen. Cette dernière cavité communique à lextérieur ‘par deux trous placés l’un à droite et l’autre à gauche vers l’extrémité du reclum; et 5 Poiss. Tome IIL.:'": : H 114 HI SAT Oo RE ces trous sont fermés par une espèce de valvule que l’animal fait jouer à volonté. On trouve ordinairement dans ces cavités, et particulièrement dans la troisième, une eau salée, mais qui renferme le plus souvent beaucoup moins de sel marin ou de muriate de soude que l'eau de la mer n’en tient communément en dissolution. Cette eau salée, qui remplit la cavité de Pabdomen, peut être produite dans plusieurs circons- tances par l’eau de la mer, qui pénètre par les trous à valvule dont nous venons de parler, et qui se mêle dans la cavité avec une liqueur. moins chargée de sel, filtrée par les organes et Îles vaisseaux que le ventre renferme. Nous pouvons aussi con- sidérer cette eau que lon observe dans la cavité de l'abdomen, ainsi que celle que présentent les cavités du crâne et du péri- carde, comme de l’eau de mer, transmise au travers des enveloppes des organes et des vaisseaux voisins, ou de la peau et des muscles de l'animal, et qui a perdu dans ce passage au milieu de ces sortes de cribles, et par une suite des affinités auxauelles elle peut avoir été sounuse, une parlie du sel qu'elle tenoit en dissolution. il est aisé de voir que cette eau, à demi- dessalée au DES RATES. - 115 moment où elle parvient à lune des trois cavités, peut ensuite $e répandre dans les vaisseaux et les organes qui lavoisinent, en suintant, pour ainsi dire, par les petits pores dont sont criblées les membranes qui composent ces organes el ces vaisseaux ; MAIS voilà tout ce que l’état actuel des observa- tions faites sur les raies, et particulièrement sur la batis, nous permet de conjecturer relativement à l’usage de ces trois cavités de l'abdomen, du péricarde et du crâne, et de cette eau un peu salée qui imprègne presque tout l’intérieur des poissons marins dont nous nous occupons, de même que l'air pénètre dans presque toutes les parties des oiseaux dont latmosphère est le vrai séjour. _ Nous ne devons pas répéter ce que nous avons déjà dit sur la nature et la distribu- tion des vaisseaux lymphatiques des pois- sons, et particulièrement des raies ; mais nous devons ajouter à l'exposition des par- ties principales de la batis, que les ovaires sont cylindriques dans les femelles de cettè espèce : les deux canaux, par lesquels les œufs s’avancent vers l’anus à mesure qu'ils grossissent, sont le plus souvent jaunes, et leur diamètre est d'autant plus grand qu’il H 2 116 Hi STOTrTRE est plus voisin de l'ouverture commune par laquelle les deux canaux communiquent avec l'extrémité du rectum. Ces œufs ont une forme singulière , très- différente de ceile de presque tous les autres œufs connus, et particulièrement des œufs de presque tous les poissons osseux ou car- tilagineux. Ils représentent des espèces de bourses ou de poches composées d’une membrane forte et demi-transparente, qua- drangulaires, presque carrées, assez sem- blables à un coussin, ainsi que l'ont écrit Aristote et plusieurs autres auteurs (1}, un peu aplaties, et terminées dans chacun de leurs quatre coins par une petite appendice assez courte que lon pourroit comparer aux cordons de la bourse. Ces petites appen- dices un peu cylindriques et très-déliées sont souvent recourbées l’une vers l’autre ; celles d’un bout sont plus longues que celles de l'autre bout, et la poche à laquelle elles sont attachées a conimunémient six ou neuf cen- timètres (deux ou trois pouces ou environ) de largeur, sûr une longueur à peu près égale. Il n'est pas surprenant que ceux qui . (1) Rondelet, première partie, iv. 12, p. 2714 PPS RATES ‘ai n’ont observé que superficiellement des œufs d’une forme aussi extraordinaire, qui ne les ont pas ouverts, et qui n’ont pas vu dans leur intérieur un fœtus de raie, n’aient pas regardé ces poches ou bourses comme des œufs de poissons, qu'ils les aient consi- dérées comme des productions marines par- ticulières, qu'ils aient cru même devoir les décrire comme une espèce d'animal. Et ce qui prouve que cette opinion assez natu- relle a été pendant long-tems très-répandue, c'est que l’on a donné un nom particulier à ces œufs, et que plusieurs auteurs ont appelé une poche ou coque de raie, mus marinus, rat marin (1). Ces œufs ne sont pas en très-grand nombre dans le corps des femelles, et ils ne s’y développent pas tous à la fois. Ceux qui sont placés le plus près de l’ouverture de l'ovaire sont les premiers formés au point de pouvoir être fécondés ; lorsqu'ils sont (r) Les grecs modernes, les turcs, et quelques autres orientaux, regardent, dit-on, la fumée qui s'élève d'œufs de batis et d’autres raies jetés sur des charbons, et qui parvient , par le moyen de certaines précautions, dans la bouche et dans le nez, comme un très-bon remède contre les fièvres intermittentes, H 35 138: HESTOIRE devenus, par cette espèce de maturité, assez pesans pour gèner la mère et l’'avertir, pour ainsi.dire, que le tems de donner le jour à des petits approche, elle s’avance ordinairement vers les rivages, et y cherche ou des alimens particuliers, ou des asiles plus convenables, ou des eaux d’une tem- péraiure plus analogue à son état. Alors le. mâle la recherche , la saisit, la retourne avec soin , se place auprès d'elle de ma- nière que leurs côtés inférieurs se corres- pondent, se colle en quelque sorte à son corps, s’accroche à elle par le moyen des appeñndices particulières que nous avons décrites, la serre avec toutes ses nageoires ventrales et pectorales, la retient avec force pendant un tems plus ou moins long, réa- lise ainsi un véritable accouplement ; et se tenant placé de manière que son anus soit très-voisin de celui de sa femelle, 1l laisse, échapper la liqueur séminale, qui, péné- tirant jusqu'à FPovaire de celle contre laquelle 1F se presse, y'féconde les deux ou trois premiers œufs que rencontre cette liqueur aclive, et qui sont assez développés pour en recevoir l'influence. Cependant les coques fécondées achèvent de grossir; et les œufs moins avancés, rece- rte —— EE — . DES RAÏES. 11q vant aussi de nouveaux dégrés d’accroisse- ment , deviennent chaque jour plus propres à remplacer ceux qui vont éclore , et à être fécondés à leur tour. Lorsqu’enfin les fœtus, renfermés dans les coques qui ont recu du mâle le principe de. vie, sont parvenus au désré de force et dé: grandeur qui leur est nécessaire pour soïtir de leur enveloppe , ils la déchirent dans lé ventre même de leur mère, ét parviennent. à la lunnére tout formés, comme les petits de plusieurs serpens et de plusieurs qua- drupèdes rampans qui n’en sont pas moins ovipares (1). | D'autres œufs, devenus maintenant trop gros pour pouvoir. demeurer dans le forid des ovaires, sont, pour ainsi dire , chassés par un organe qu'ils comprimént ; et re-° poussés vers l'extrémité la plus large de ce même organe, ils y remplacent les coques qui viennent d’éclore , et dont l’enveloppe | déchirée est rejetée par l'anus à la suite de la jeune raie. Alors une seconde fécon- dation doit avoir lieu ; la femelle souffre dè nouveau l'approche du mâle ; et toutes Dee ee a (1) Voyez l’histoire naturelle des serpens et celle des quadrupèdes ovipares. EH 4 120 ÉTST O IRET les opérations que nous venons d'exposer se succèdent jusques au moment où les ovaires sont entièrement débarrassés de bourses ou de coques trop grosses pour la capacité de ces organes. L'on a écrit que cet accouplement du mâle et de la femelle se répétoit presque tous les mois pendant la belle saison ; ce qui supposeroit peut-être que près de trente jours s’écoulent entre le moment où l'œuf est fécondé et celui où il éclot, et que par conséquent il y a , dans l'espèce de la batis, une sorte d’incubation intérieure de près de trente jours. Au reste , dans tous ces accouplemens successifs, le hasard seul ramène le même mâle auprès de la même femelle; et si les raies ou quelques autres poissons nous mon- trent au milieu des eaux l’image d’une sen- sibihité assez active, que nous offrent éga- lement au sein des flots les divers cétacés, les phoques, les lamantins, les oiseaux aqua- tiques , plusieurs quadrupèdes ovipares , et particulièrement les tortues marines, avec lesquelles l’on doit s’'apercevoir fréquem- ment que les raies ont d'assez grands rap- ports, nous ne verrons au milieu de la classe des poissons, quelque nomhreuse qu’elle BD'ËÉ'S: RAIES. 121 soit ; presque aucune apparence de préfé- rence marquée , d’attachement de choix, d'affection pour ainsi dire désintéressée , et de constance même d’une saison. Il arrive quelquefois que les œufs non fécondés grossissent trop promptement pour pouvoir demeurer aussi long-tems qu’à l’or- dinaire dans la portion antérieure des ovaires. Poussés alors contre les coques déjà fécon- dées, ils les pressent et accélérent leur sortie ; et lorsque leur action est secondée par d’autres causes, il arrive que la batis mère est obligée de se débarrasser des œufs qui ont reçu la liqueur vivifiante du mâle, avant que les fœtus en soient sortis. D’autres cir- constances analogues peuvent produire des accidens semblables ; et alors les jeunes raies éclosent comme presque tous les autres pois- sons, c’est-à-dire, hors du ventre de la fe- melle : les coques , dont elles doivent se dégager, peuvent même être pondues plu- sieurs jours avant que le fœtus ait assez de force pour déchirer l'enveloppe qui le ren- ferme ; et, pendant ce tems plus ou moins long , il se nourrit, comme sil étoit encore dans le ventre de sa mère, de la substance alimentaire contenue dans son œuf, dont 129 HISTOIRE l'intérieur présente un jaune et un blanc irès-distincts lun de l'autre. T'on n’a pas assez observé les raies batis pour savoir dans quelle proportion elles croissent relativement à la durée de leur développement, ni pendant combien de tems elles continuent de grandir : maïs 1l est bien prouvé par les relations d’un très- grand nombre de voyageurs dignes de foi, qu’elles parviennent à une grandeur assez considérable pour peser plus de dix myria- grammes ( deux cents livres où environ) {1}, et pour que leur chair suffise à rassasier plus de cent personnes (2). Les plus grandes sont celles qui s’approchent le moins des rivages habités, même dans le tems où le besoin de pondre , ou celui de féconder les œufs, les entraine vers les côtes de la mer : lon ‘ ré (1) On peut voir, dans Labat et dans d’autres voya- geurs, ce qu'ils disent de raies de quatre mètres (envi ron douze pieds ) de loñgsgueur ; mais des observations récentes ct assez multipliées attribuent aux batis une longueur plus étendue. On peut voir aussi, dans. VHistoire naturelle de la France fonte, par. Barrtre, la desc ription da mouvement communiqué anx eaux de la mer par les grandes raies , et dont mons avons parlé au commencement de cet article, (2) Consaltez Willugbby. » \ men anses DPÉISSRATDES 123 diroit que la difficulté de cacher leur grande surface et d'échapper à leurs nombreux ennemis dans des parages trop fréquentés , les tient éloignées de ces plages: mais quoi qu'il en soit , elles satisfont de desir , qui les presse dans le priutems , de s'approcher des rivages , en s’avançant vers les bords écartés d’iles très-peu peuplées, ou de por- tions de continent presque désertes. C’est sur ces côtes où les navigateurs peuvent _ être contraints par la tempête de chercher un asile, et où tant de secours leur sont refusés par la nature, qu'ils doivent trouver avec plaisir ces grands animaux , dont un très-pelit nombre suffit pour réparer, par un aliment aussi sain qu’agréable, le$ forces de l'équipage d’un des plus gros vaisseaux. . Mais ce n'est pas seulement dans des mo- _ mens de détresse que la batis est recherchée : sa chair blanche et délicate est regardée, dans toutes les circonstances, comme un mets excellent. À la vérilé, lorsque cette raie vient d'être prise, elle a souvent un goût et une odeur qui déplaisent ; mais, lorsqu'elle a été conservée pendant quelques jours, el sur-tout lorsqu'elle a été transportée à d'assez grandes distances, cette odeur €t ce goût se dissipent, et sont remplacés par 124 HISTOIRE un goût très-agréable. Sa chair est sur-tout trés-bonne à manger après son accouple- ment ; et si elle devient dure vers l'automne, elle reprend pendant Thyver les qualités qu’elle avoit perdues. On pêche un très-grand nombre de batis sur plusieurs côtes ; et il est même des rivages où on en prend une si grande quantité, qu’on les y prépare pour les envoyer au loin, comme la morue et d’autres poissons sont préparés à Terre-Neuve, ou dans d’autres endroits. Dans plusieurs pays du nord, et parliculière- ment dans le Holstein et dans le Schleswig, on les fait sécher à l'air, et on les envoie ainsi desséchées dans plusieurs contrées de l'Europe , et particulièrement de lAlle- magne (1). | | (1) Les pêcheurs du Schleswig et du Holstein font sécher aussi à l’air l'estomac dé la raïe batis et le mangent ensuite en guise de morue. Ils font avec le foie de ce poisson une huile fine et blanche ; la chair est également blanche. On prend une grande quantité de raies batis dans les environs de Heiligeland , principalement au mois de jnin. Elles sont aussi fort abondantes sur les côtes de la Hollande ; le peuple en fait une grande consommation; le reste passe en Flandre et dans le Brabant. DES RAIES. 32 Examinons maintenant les différences qui séparent la batis des autres espèces de raies. Cette espèce , aussi bien que celles du même genre, qui vivent dans les eaux de la Méditerranée, sont connues en Sardaigne sous la dénomination générique de zirulia. Ces poissons n’ont presque aucune valeur chez les sardes, qui ne peuvent en soutenir l’odeur forte et sauvagine, et il n’y a que les ouvriers et les pauvres qui en mangent. ( Voyez Cetti, Pesci di Sardegna , pag. 56.) L'on a observé qu'à mesure que les dents des raies, et même que celles des chiens de mer et des tétrodons , s’usent devant, celles de derrière se déve- loppent pour leur succéder; mais dans le plus grand nombre le remplacement se fait verticalement à la manière ordinaire, avec cette différence que la racine se soude à la mâchoire , et qu’il n’y a que la couronne qui tombe en se séparant du reste de l’os qui demeure dans l’alvéole. La dent nouvelle monte daus le creux de la racine de l’ancienne. ( Bulletin de la Société philomatique , n° 52, pag. 26.) Mais une observation bien importante et bien singulière , si elle avoit été vérifiée , est celle de Othon Helbigius, qui prétend avoir reconnu que les raies, ou au moins quelques espèdes de ce genre, sont sujetles à l'écoulement périodique ,; comme les femmes et les femelles des singes. ( Observation envoyée de Batavia sur différentes curiosités des Indes, dans les Ephémérides des curieux de la 126 HISTOIRE | Nature , année 1678; et Collection académique, partie étrangère, tom. IIE, p. 447) Le mâle de la raie batis est appelé , dans Aristote, à batos, et la femelle à batis. L'espèce est nommée en Allemagne, glattroche ; à Heiligeland , éepel ; baumrochen quand le poisson est gros, séelen quand il est très- gros ; skata en Islande; en Danemark, toe-hale, en Norwège, plet-rokken; en Hollande, gladderog ; en Angleterre, skate et stair; en Espagne, luida ; à Malte, raja ; à Rouen, bavosa. SONNINI. DES RAIES. 127 À LA RAIE À BEC POINTU. LA RAIE OXYRINQUE (1)(2), PAR LACÉPÉDE. SECONDE ESPÉCE. C’est dans FOcéan , ainsi que dans Îa Méditerranée, que l’on rencontre cette raie , qui a de très-grands rapports avec la (1) Alesne , dans quelques départemens méridio- maux. Sof, gilioro, flossade , perosa rasa, dans plu- sieurs contrées d'Italie. ZLéntillide |, sur quelques côtes de France baignées par la Méditerranée. Raja mucosa , raja bavosa. | Raie alène. Daubenton , Encyclop. méthod. Raja oxyrinchus. Lin. édit. de Gimel. Raja aculeorum ordine unico in dorso caudaque. ‘Bloch, Histoire naturelle des poissons, troisième partie, pag. 57 ,n° 2, pl. zxxx. Raie alène. Bonaterre, planches de lPEncyclop. méthodique. Raja varia, tuberculis decem in medio dorsi. Artedi, gen. 72, SYn. 101. Leiobatus pustulis inermibus , etc. etc. etc. Klein, Miss. pisc. 3, pag. 54, n° 8: 128 HISTOIRE batis. Elle en diffère cependant par plu- sieurs caractères, et particulièrement par les aiguillons que l’on voit former un rang, non seulement sur la queue, comme ceux Raie au long bec, oxyrinchos. Rondelet , première partie , liv. 12, chap. 6. MWiraletus. Belon , Aquat. p. 70. Raja. Salvian. Aquat. pag. 148 , d. 150. — Jonston, Pise. p. 55, pl. x, fig. 1 et 2. — Aldrovand. Pisc. p. 450. — Gesner, Aquat. p. 709. Icon. anim. p. 129. — Willughby , Ichth. p. 71, tab. d. 1. Raja oxyrinchos major. Ray , Pisc. p. 26, n° 3. Sharp nosed ray. Pennant , Brit. zool. 3, p. 64, 9,2. Glattroche. Gesn. Thierb. p. 68, b. Raie au long bec. Valmont de Bomare, Diction- naire d'histoire naturelle. | (2) Raja dorso lævi, caud& suprà tuberculis decem aculeatâ...... raja oxyrinchos. Brunnich , Ichthyo- logia massiliensis , pag. 2. Les indications de cette espèce , données par Lin- næus et Artedi, sont fort incertaines. Le dernier particulièrement paroit avoir confondu cette raie avec d’autres espèces, dont il a fait autant de variétés de celle-ci. { Synonym. piscium, pag. 101.) La raie à bec pointu se nomme en grec, oxyrinchos; en allemand, spiéznase ; en anglais , #hite- cunt et maids ; en italien , raia , sot, perosa rosa et gilioro ; en espagnol , manta ou quilt ; en Languedoc, alène ; et encorc à Marseille , matratze. SonnNint. que MES RAITES. 129 que présente la batis, mais encore sur le dos. Elle a le devant de la iète terminé par une pointe assez aiguë pour mériter le nom d’oxyringue où beé pointu , qu'on lui donne depuis long-tems. Auprès de chaque œil on aperçoit trois grands aiguilions ; le dos en montre quelquefois deux très-forts ; et l’on en distingue aussi un assez grand nombre de petits et de foibles répandus sur toute la surface supérieure du corps. Quel- quefois la queue du mâle est armée non seulement d’une , mais de trois rangées d’aiguillons. L'on voit assez souvent d'ail- leurs les piquans qui garnissent la queue du mâle ou celle de la femelle , plus longs et plus gros les uns que les autres, et placés de manière qu'il s’en présente alternati- vement un plus grand et un moins grand. Au reste , nous croyons devoir prévenir ici que plusieurs auteurs ont jeté de la confu- sion dans l’histoire des raies, et les ont supposées divisées en plus d'espèces qu’elles n’en forment réellement, pour avoir regardé la disposition, le nombre, la place, la figure et la grandeur des aiguillons comme des caractères toujours constans et toujours distinctifs des espèces. Nous nous sommes assurés , en examinant une assez grande Poiss. ToueE III. I 230 HT SE O0 FRE quantité de raies d'âge, de sexe et de pays. différens , qu’il n’y a que certaines dislri- butions et certaines formes de piquans qui ne varient ni suivant le climat , ni suivant le sexe, ni suivant l’âge des individus , et qu'il ne faut s’en servir pour distinguer les espèces qu'après un long examen et une comparaison attentive de ce trait de con- formation avec les autres caractères de Panimal. Le dessous du corps de l’oxyrinque est blanc, et le dessus est le plus souvent d’un gris cendré, mêlé de rougeûtre , el parsemé de taches blanches , de points noirs, et de petites taches foncées qui, semblables à des lentilles, l’ont fait nommer lentillade dans quelques-unes de nos provinces méri- dionales. On a vu des oxyrinques de deux mètres et trois décimètres (environ sept pieds) de long , sur un peu plus d’un mètre et six décimètres (cinq pieds ou à peu près) de large. La chair de lespèce que nous décrivons est aussi bonne à manger que celle de la batis (1). D + D RS NV OP AN un, pas CO ÉUIPR ER 3 ; . . e 4 (1) L'on fait une pêche considérable de raies à bec L DES RATES. 194 pointu , dans la mer du Nord, principalement près de Heiligeland. En Angleterre, ce poisson porte le nom de maids, jusqu’à ce qu’il ait propagé; alorsil prend celui de whithe cunt. Je dois observer que, selon Bloch, l’on ne fait pas grand cas de la chair de la raie à bec pointu , comme étant plus mauvaise que celle de la raie batis. ( Hist. nat. des poiss.) Au reste, cette diversité d’opinions au sujet de la bonne ou mauvaise qualité de la chair des raies dépend des lieux où on les mange. Sur les côtes , ces poissons sont généralement méprisés, et ce n’est que lorsqu'ils ont été gardés pendant quelque tems , et sur-tout lorsqu'on les a transportés à quelque distance, qu’ils deviennent un mets délicat. Un auteur sarde , qui vient de publier une Histoire de la Sar- daigne , a été fort étonné, à son arrivée à Paris, de voir que l’on servoit sur les meilleures tables de la raie, poisson si dédaigné en Sardaigne ; il la trouva excellente , principalement en hyver, au lieu qu'il n’auroit pu en souffrir l’odeur dans son pays. (Tom. II, pag. 255.) De là vient encore qu’on lit, dans Athénée , la réponse que fit Dorion à quelqu'un qui vantoit la bonté de la chair des raies : « Oui; dital, c’est comme si on mangeoit une robe bouillie », SonNNiINz; ï 2 152 HISTOIRE ——__—————_—_— —————— LA RAIE MIRALET (1)(2).. Czrrs raie, que l’on trouve dans Îa Méditerranée , présente un assez grand (1) Mirallet, sur quelques côtes françaises de Îa Méditerranée. Barracol, sur quelques bords de la mer Adriatique , et particulièrement à Venise. Ar- zilla , à Rome. Miraillet. Daubenton , Encyclop. méthod. Raja miraletus. Lin. édit. de Gmel. Miraillet. Bonaterre, planches de l’Enc. méth. Raja dorso ventreque gladbris, aculeis ad oculos, éernoque eorum ordine in cauda. Mus. Adolp. Fr. 2, pag. 50. — {dem. Artedi, gen. 72, spec. 101. — Gronov. Zoophyt. 155. Dasybatus in utroque dorsi latere maculä magn& oculi simili , etc. Klein , Miss. pisc. 3 , p. 55, n° 2. Raja stellarés. Salvian. Aquat. p: 150. Raja oculata. Jonston, Pisc. tab. 10, fig. 4. — Willughby , Ichth. 72. Raja levis oculata. Raj. Pisc. p. 27. Raie oculée, raie miraillet. Rondelet , première partie, liv. 12, chap. 8. Raie lisse & miroir, ou miraillet. Valmont de Bomare, dictionnaire d'histoire naturelle. (2) Raja caud& tripliciter aculeaté, alis suprà D'ES RATES. 133 nombre d’aiguillons ; mais ils sont disposés d’une manière différente de ceux que lon observe sur la batis et l’oxyrinque. Premiè- rement de petits aiguillons sont disséminés au dessus et souvent au dessous du museau. Secondement on en voit de plus grand: autour des yeux, et la queue en montre trois longues rangées. Quelquefois on en compte deux grands , et isolés sur la partie antérieure de la ligne du dos, et assez près des yeux ; et quelquefois aussi les deux rangées extérieures que l’on remarque sur la queue ne s'étendent pas, comme le rang du milieu, jusqu’à l’extrémité de cette par- tie. Chacune de ces rangées latérales est aussi, sur quelques individus , séparée du rang intérieur par une suite longitudinale de piquaus plus courts et plus foibles ; ce qui produit sur la queue cinq raugées d’ai- guillons grands ou petits, au lieu de trois rangées. Au reste, non seulement l’on voit ocellatis...... raja miraletus. Brunnich , Ichthyol. massil. p. 2. Raja dorso dypterigio , aculeorum ordine solitario , caud& gracili pinnat& , ordine aculeorum terno , rostro subaculeato. Gronov. Zooph. 155. SONNINI. I 3 134 HISTOIRE sur cette même partie les deux nageoires auxquelles nous avons conservé Île nom de dorsales ; mais encore son extrémité, au lieu de finir en pointe comme Îla queue de la batis, est terminée par une troisième nageoire. Le dessus du corps du miralet est d’un brun ou d’un gris rougeñâtre, parsemé de taches dont les nuances paroiïssent varier suivant l’âge , le sexe ou les saisons ; et lon voit d’ailleurs sur chacune des nageoires pectorales une grande tache arrondie, ordi- nairement couleur de pourpre , renfermée dans un cercle d’une couleur plus ou moins foncée , et qui, comparée par les uns à un miroir , a fait donner à l'animal, dans plu- sieurs de nos provinces méridionales, le nom de petit miroir, miralet où miraïllet, et, paroissant à d’autres observateurs plus sem- blable à un œil, à un iris avec sa prunelle, a fait appliquer à la raie dont nous traitons, lépithète d’oculée (ocellata ). Mais , si la Nature a donné aux miralets celte sorte de parure, elle ne paroît pas leur avoir départi la grandeur. On n’en trouve communément que d'assez petits ; et d’ailleurs leur chair ne fournit pas un aliment aussi sain ni aussi agréable que celle DES RAÏIES. 135 de la batis ou celle de loxyrinque. ( Raie à bec pointu) (1). 3 (1) Cette espèce paroît confinée dans les eaux de la Méditerranée; elle est, dit Rondelet, de chair dure et de mauvaise nourriture. En général , les raies qui se tiennent en haute mer et approchent rarement des rivages ‘ont bien meilleur goût , et sont plus délicates que celles qui viveut habi- tuellement sur les côtes limoneuses, où leur chair contracte une mauvaise qualité et une saveur désa- gréable. SONNINI. | 136 HISTOIRE \ LA RAIE CHARDON (1). QUATRIÈME ESPÈCE. Crrre raie est hérissée de piquans, ce qui l’a fait comparer au chardon et au (1) Raie chardon, raie à foulon. En anglais, white horse, c’est-à-dire , cheval blanc. En danois, valker- rokke. En islandais, éindabikia. En groenlandais, taralikisak et aglernak. Raie nommée fullonica. Rondelet , Hist. des pois- sons , Liv. 12, chap. 16, pag. 283 , avec une mauvaise figure. Raja fullonica. Gesner, de Aquatil. lib. 3, p. 958. — Aldrovand. de Piscib. lib. 3, cap. 62 , avec une figure. — Jonston , Hist. nat. piscium, p. 22. — Charlet. Onomazt. pag. 150. Raja aspera nostras, the white horse dicta. Wil- Jugbb. Hist. piscium, li. 5, cap. 17 , pag. 76. ar Synops. piscium, pag. 26. Raja dorso toto aculeato, aculeorum ordine sim- plici ad oculos, duplici in caudä.... raja fullonica. Lin. edit. Gmel. gen. 150 , sp. 5. — Artedi, Piscib. gen. 45, sp. 6, Additam. f. 6. et Synonym. gen. 45, sp. 6. faie chardon. Daubenton , Encyclop. méthod. — DES RAIES. 137 peigne dont on se sert pour fouler les draps (1). Ces pointes , semées sur presque toule la surface supérieure du poisson , ne sont pas de la même longueur ; les plus grandes occupent le milieu: du dos et le dessus de la queue, où elles forment deux ou trois rangées. De plus, il y a trois autres aiguillons auprès de chaque œil, un en de- vant et deux derrière. Tous ces piquans sont larges à leur base, et leur extrémité se recourbe vers la queue du poisson. Il a le bec assez long et pointu, le dessus du corps d’un blanchâtre mêlé de brun, avec des taches noirâtres, et le dessous d’un beau blanc, qui prend une légère teinte de rougeûtre sur le ventre. On trouve cette espèce dans presque toutes Bonaterre, ibid, — Lacépède, Hist. nat. des pois- sons, tom. I, Raja dorso toto aculeato, dentibus acutis. Oth. Fabr. Faun. groenland. p. 125, n° 87. (1) Fullonica par nous est nommé ceste raie, à cause que par-tout , aux aéles, au corps, en la tête, en la queue , elle est toute pleine d’éguillons, comme l'outil duquel les foulons accoustrent les draps, qui est tout fait de pointes de fer. », ( Rondelet , à l’en- droit ci-devant cité.) 136 CLS O ERIE les mers d'Europe. Ses œufs sont jaunes et sont formés dans l’ovaire au mois d'avril. Elle se nourrit de petits poissons et de che- vrettes. Elle ne quitte pas facilement le fond de la mer; et lorsqu'elle veut changer de place, elle avance par un mouvement ver- tical de ses nageoires, et, en même tems, par l'agitation horisontale de sa queue. Elle est commune dans les anses les plus pro- fondes des côtes du Groenland, particuliè- rement daus le golfe de Tunnudliorbik. Sa chair est dure, et dans ces contrées hyper- boréennes, on ne la mange qu’à demi-cor- rompue (1). Artedi distingue deux variétés dans cette espèce ; cependant il soupçonne que ces va- riétés peuvent bien ne pas exister réellement. {1) Oth. Fabr. Faun. Groenland. p. 126. DES R AXES. 159 VAJRATÉ RONCE () (2), BAR IL AGÉPÉDE:. CUT NN MADEUE M ELLES PL CE: Cr poisson est bien nommé; de toutes les raies comprises dans le sous-genre qui nous occupe, la ronce est en effet celle qui est armée des piquans les plus forts, et qui en présente le plus grand nombre. Indé- pendamment d’une rangée de gros aiguillons, (1) Raja rubus. Lin. édit. de Gmel. Raja ordine aculeorum in dorso unico , tribusque in cauda. Bloch, Histoire naturelle des poissons, 3, PIS PAXXTIT CE DXXXIN. Dasybatus elevatus, spinis clavis ferreis similibus ; dasybatus clavatus rostro acuto ; dasybatus rostro acutissimo ; etc. Klein, Miss. pisc. 3, p.356, n° 6, 7 et 6. Raie ronce. Bonaterre , planches de l’Enc. meth.'T Raja propriè dicta. Belon, Aquat. p. 70. Raiïe cardaire. Wondelet, première partie, iv. 13, chap. 14. — Gesner, Aquat. p.795 — 707. Icon. an, p. 155 — 157. Thierb. p. 71, 72. — Aldrovand. Pisc. p. 459 — 462.— Willughb..Ichth. p. 74 — 58, 140 HISTOIRE que l’on a comparés à des clous de fer; et qui s'étendent sur le dos; indépendam- ment encore de trois rangées semblables qui règnent le long de la queue, et qui, réumies avec la rangée dorsale , forment le carac- tère distinctif de cette espèce , on voit ordi- nairement deux piquans auprès des narines. On en compte six autour des yeux, quaire sur la partie supérieure du corps, plusieurs rangs de moins forts sur les nageoires pec- torales, dix très-longs sur le côté inférieur de l’animal ; tout le reste de la surface de cetie raie est hérissé d’une quantité innom- brable de petites pointes; et, comme la plante dont elle porte le nom, elle n'offre aucune partie que l’on puisse toucher sans les plus grandes précautions (3). tab. d,2 ,fig. 1, 3et 4.— Ray, Pise. p. 26, n°2 — 5. Jonston , Pisc. tab. 10, fig. 5,0, tab. 2 , fig. 2, b. Rough ray. Pennant, Brit. zool. 3, p. 66, n° 3. {aie cardaire, raja spinosa. Valmont de Bomare, Diction. d'histoire naturelle. (2) En allemand, dornroche. En anglais, rough ray. En Languedoc, cardaire. SONNI%I. (5) L'ouverture de la bouche de la ronce est large; ses mâchoires sont gernies de plusieurs dents en forme de coin et pointues. SONNINI: j DIF5S5 R'A I E:S. 14 Mieux armée que presque toutes lesautres raies, elle attaque avec plus de succès, et se défend avec plus d'avantage; d’ailleurs ses habitudes sont semblables à celles que nous avons exposées en traitant de la bats; et on la trouve de même dans presque toutes les mers de l’Europe (1). Le dessus de son corps est jaunâtre , ta- cheté de brun ; le dessous blanc; liris de ses yeux noir; la prunelle bleuâtre. On compte de chaque côté trois rayons dans la nageoire appelée ventrale, six dans celle à laquelle le nom d’anale a été donné; et c’est dans cette espèce particulièrement que lon voit avec de très-grandes dimensions ces appendices ou crochets que nous avons décrits en traitant de la batis, et que pré- sentent les mâles de toutes les espèces de raies (2). (1) Cette espèce est plus commune dans les mers du Nord, et on la pêche souvent à Hambourg. SON NINI. (2) Plusieurs ichthyologistes n’ont pas distingue la ronce de la raie chardon, ni même de la raie bouclée, tandis que d’autres , tel'que Rondelet, l’ont présentée sous différens noms, comme formant des espèces séparées. Il faut néanmoins convenir que quelques races, dans le genre des raies, n’ont pas 142 Hi 5TOFRIE encore été assez observées, pour assurer que Rondelet n’a pas eu raison d’en multiplier les espèces. C’est avee la raie ronce , la raie chardon et quel- ques autres raies desséchées, que des charlatans forment des figures fort singulières, qu’ils donnent pour des squelettes d'animaux nouveaux et extra- ordinaires. Des naturalistes en ont été les dupes et ont publié, dans leurs ouvrages, les représenta- tions de ces monstres factices , comme appartenant à des êtres réellement existans. ( Voyez Belon, Gesner, Aldrovande , Jonston, Ruysch , etc. etc.) SONNINI. DES RAIES 145 om LA RAIE CHAGRINÉE (1)(2), PAR LACÉPÉÈDE. SIXIBME ESPÈCE. L: corps de ce poisson est moins large, à proportion de sa longueur, que celui de la plupart des autres raies. Son museau est long, pointu, et garni de deux rangs d’ai- guillons. On voit quelques autres piquans placés en demi-cercle auprès des yeux, dont l'iris a la couleur du saphir. Les deux côtés de la queue sont armés d’une rangée d’ai- gullons ou d’épines, entremélés d’un grand nombre de petites pointes. Le dessous du corps est blanc; et le dessus, qui est d’un brun cendré, présente, sur-tout dans sa partie antérieure, des tubercules semblables à ceux qui revêtent la peau de plusieurs squales, particulièrement celle du requin, et qui font donner à ce tégument le nom de peau de chagrin. (1) Pennant, Zool. britan. tom. IT, p. 84 , n° 34. — Raie chagrinée. Honaterre, pl. de l'Enc. méth. (2) Raja corpore anticè tuberculato : duplici acu- leorum ordine in rostro et in caud&.... raja tuber- culata. Bonaterre , loco suprà cituto. SonNint. 144 HISTOIRE PRE RE EE EN EN TES \ LA RAIE MUSEAU -POINTU (1), ET LA RATE -CO UCOU, (6), PAR LACÉPÈDE. SEPTIÈME ET HUITIÈME ESPÈCES. $ j C’rsr d’après des notes très-bien faites, des dessins très-exacts, ou des individus bien conservés, envoyés par le savant et zélé citoyen Noël de Rouen, que nous fai- sons connoître les sept raies dont nous venons de donner le tableau. La raie museau - pointu a beaucoup de rapports avec l’oxyrinque ; mais, indépen- damment des traits vérilablement distinctifs de ces deux poissons, la première ne par- vient guère qu'au poids de deux ou trois kilogrammes (environ cinq ou six livres ), pendant que l’oxyrinque pèse souvent jusqu'à douze ou treize myriagrammes (environ deux cent soixante livres ). La couleur de (1) Raja rostrata. Petite raie à bec. (2) Raja cuculus, cette 7 DŒÆES RAIES. PA cette même raie à museau pointu est d'um gris léger. J'ai recu du citoyen Noël deux individus de cétte espèce, l’un mâle, et l’autre femelle. La femelle différoit du mâle par de petits aiguillons qu’elle avoit au dessous du museau et à la circonférence du corps. La partie supérieure de la raie coucou est bleuâtre, ou d’un brun fauve, et l’infé- rieure d'un blanc sale. T'ouverture de la bouche est petite ; mais les orifices des na- rines sont grands, et l'animal peut les dilater d’une manière remarquable. On voit dans l'intérieur de la gueule, au delà des dents de la mâchoire supérieure, une sorte de cartilage dentelé, placé transversalement. Les raies coucous sont moins rares vers les côtes de Cherbourg qu'auprès de l’embou- chure de la Seine. On en pêche du poids de quinze kilogrammes (trente-six livres ). Le tissu de leur chair est très-serré. La forme de leurs dents , qui sont aiguës, ne permet * pas de les confondre avec les raies aigles, ni avec les pastenaques, malgré les grandes ressemblances qui les en rapprochent. Poiss. Tour IIL. K. 146 HISTOIRE Rd es, LA RAIE TORPILRE Wa) (2), PAR LACÉPÈDE. N-E UV ILÈME ÆES PÉCE. Voyez la Jigure planche I V. LL: forme, les habitudes et une propriété remarquable de ce poisson l’ont rendu de- puis long-lems lobjet de lattention des (1) A Marseille , éroupille, dormilliouse. Dans plu- sieurs départemens méridionaux, poule de mer. À Bordeaux , tremoise. Sur les côtes voisines de Saint- Jean-de-Luz, icara. À Gênes, tremorise, batte potta. A Rome, ochiatella oculatella. En Angletare , cramp fish. _ Aie torpille. Daubenton , Encyclop. méthod. Raja torpedo. Liu. édit. de Gimelin. — Bloch, : pi. CXXIII. . Raïe torpille, Bonat. planches de l’'Enc. méth. | Raja tota lævis. Artedi, gen. 75, SYN. 102 — Mus. Adol, Fr, 2, plz *— Gron. Zooph. 155, tab. 9, Ba. — Aristsdies,c. 154 15 3 1. 5,,c,6, 11: 1:65 c. T0:5-11 >» 1 308:0..97. — Ælian. L'r,.c 56: 15 c.37,1.9,c. 14. — Oppian. lib. 1, p. 5; 1.2, p. 52. — ÂAthen. lib.’ 7, pag. 314. . N'arcos. Cub. bb. 3 , cap. 62, fol. 85. Torpedo. Plin. 1. 9, c. 16, 24, 42, 51 ;-et 1. 52, C. 114 — P, Joy, c. 28 , p. 100. 7 IV. De ere del. à = = SM = — VE = == EEE Ï = HE <5 = | S& = — = ESS == == = ES 1. LA TORPILEE . 2.LA RAIE BOUCLEE . DES RAÏIES. 147 physiciens. Le vulgaire l’a admiré, redouté, Torpille. Rondelet , p. 1, liv. 12, chap. 18. Occhiatella. Salvian. f. 142, 145. — Jonston, l.r, tit 1, cap. 3, &. 5, puuct. 1, tab. 0, fig. 5, 4. — Charlet. p. 129. — Matthiol. in Diosc. L. 2,c. 15, p. 288. — Balk. Musc. prince. 38. — Mus. berler. p. 57 ; tab. 26. — Blas. Anat. anim. p. 505. — Redi, Exper. p. 55. — Kæmpfer , Amænit. exoc. p. 509, tab. 510. — Mus. richter. p. 368. — J. Scortia nat. et auct. Nil ,Âsr,:c 7, p. 46. Narcocion demptä caud& circularis. Klein, Miss. Pisc-. 9,08, n 1. Torpedo maculis pentagonicè positis nigris. Shaw. T'rav. app. p. 61 , n° 55. Torpedo. Ray. — Willughby, p. 81. Torpedo oculata prima, torpedo maculosa , et tor- pedo maculosa supina. Gesner ( germ.) fol. 74 B, et 75 a. . Torpedo Salviani maculosa. Aldrovand. Nb. 5, Cap. 45, pag. 417: Torpedo oculata. Belen. Torpedo | torpigo, stupescor. Lemery, Dictionn. des drogues simples, p. 887. Cramp-ray. Pennant , Brit. zool. tom. ITT, p. 67. Torpille , torpède, tremble. Duhamel, Traité des pèches, seconde partie, neuvième section, chap. 3, pag. 286 , pl. xrrr. Raja torpedo. Tota lœvis. Brunn. Pisc. mass. p. 1. — Barthol. Acta hafn. 5, obs. 97. — Réaumur; Mémoires de l’académie des sciences de Paris, 1714 — Pringle, Dis, on the torpedo , Loud. 1774. K 2 148 HISTOTRE métamorphosé dans un animal doué d’un pouvoir presque surnaturel; et la réputation de ses qualités vraies ou fausses s’est telle- ment répandue, même parmi les classes les moins instruites des différentes nations, que son nom esi devenu populaire, et la nature dé sa force, le sujet de plusieurs adages. La tête de la torpille est beaucoup moins dis- tinguée du corps proprement dit et des nageoires pectorales, que celle de presqué ioutes les autres raies; el l’ensemble de son corps, si on en relranchoit la queue, res- sembleroit assez bien à un cercle, ou, pour (2) La torpille. En grec , narke , expression qui , de même que le nom latin torpedo, rendu en français par torpille, désigne l’engourdissement , la éorpeur que cause ce, poisson, En allemand, zitéerfisch et zilterrochen. En hollandais, brio ach , Stompvisch, ziddervisch et trillroch. En anglais , crampfisch ; eleçtrie ray. ct torpedo. En. portugais , viola. En arabe , riad. En persan, /erzmachi. À Venise, sgram- pho. En Sardaigne, torpedine, À Gênes, tremorise et'batte porta. En Dalmatie, éernat. Dans lArchipel de la Grèce, moudiastra. Au Brésil, para. Au cap de Bonne-Espérance, crampec. Eucore à Marseille, estorpijo. Sur une grande partie de. nos côtes dé l'Océan, érermble et dormispliose, .… Raja corpore plano , ovato, lœvi, caudato.... É raja torpeda., Brunaich,, Ichtbyol. massil. p. 1. SONNINL. DES CRAN ES. 149 mieux dire, à un ovale dont on auroit supprimé un segment vers le milieu du bord antérieur. L'ouverture supérieure de ses évenis est ordinairement entourée d’une membrane plissée qui fait paroître cet orifice comine dentelé. Autour de la parie supé- rieure de son corps et auprès de l’épine dor- sale, on voit une assez grande quantité de petits trous d’où suinte une liqueur mu- queuse plus ou moins abondante dans tous les poissons, et qui ne sont que les ouver- tures des canaux ou vaisseaux particuliers destinés à lransmeltre ce suc visqueux aux différentes portions de la surface de l'animal. Deux nageoires nommées dorsales sont pla- cées sur la queue, et l'extrémité de cette partie est garnie d’une nageoire divisée, pour ainsi dire, par cette mème extrémité, en deux lobes, dont le supérieur est le plus grand. La torpille est blanche par dessous; mais Ja couleur de son côté supérieur varie sui- vant l’âge, le sexe et le climat. Quelquefois cette couleur est d’un brun cendré, ét quelquefois elle est rougeâtre; quelques in- dividus présentent une seule nuance, et d’autres ont un très-grand nombre de taches. Le plus souveñt on en voit sur le dos cinq KR 5 150. HISTOTRE trés-grandes, rondes, disposées comme aux cinq angles d’un pentagone, ordinairement d’un bleu foncé, entourées tantôt d’un cercle noir, tantôt d’un cercle blanc, tantôt de ces deux cercles placés l’un dans l’autre, ou ne montrant aucun cercle coloré. Ces grandes taches ont assez de rapports avec celles que l'on observe sur le miralet : on les a com- parées à des yeux; elles ont fait donner à l'animal l’épithèté d’æillé; et c’est leur ab- sence, ou des variations dans leurs nuances et dans la disposition de leurs couleurs, qui ont fait penser à quelques naturalistes que lon devoit compter quatre espèces diffé- rentes de torpille, ou du moins quatre races constantes dans cette espèce de raies (1) (2). (1) Voyez l'ouvrage de Rondelet, à l'endroit déjà cité. (2) La première espèce que Rondelet a distinguée est celle qui a sur le dos cinq grandes taches, sem- blables à des yeux , et entourées d’un cercle blanc et d’un autre noir. La seconde espèce a des taches noires , rondes , disposées de la même manière que les taches de la première, mais sans cercle. Les taches de la troisième espèce sont de différentes formes et semées sans ordre; enfin la quatrième n’a point de taches. Sur quelques torpilles, les taches sont disposées DES RAIES. 5 L'odorat de la torpille semble être beau- coup moins parfait que celui de la plupart des autres raies et de plusieurs autres pois- sons carlilagineux ; aussi sa sensibilité paroit- elle beaucoup moindre. Elle nage avec moins de vitesse; elle s’agite avec moins d’impé- tuosité ; elle fuit plus diMicilement; elle pouisuit plus foiblement ; elle combat avec moins d’ardeur; et, avertie de bien moins loin de la présence de sa proie ou de celle de son ennemi, on diroit qu’elle est bien plus disposée à être prise par les pêcheurs, ou à succomber à la faim, ou à périr sous la dent meurtrière de très-gros poissons. Elle ne parvient pas non plus à une grandeur aussi considérable que la batis et quelques autres raies ; on n’en trouve que très - rarement et qu’un bien petit nombre d’un poids supérieur à vingt-cinq kilo- grammes (soixante livres, ou environ) (1), dans deux lignes parallèles , trois devant et trois der- rière. Le dos de quelques autres, outre les cinq taches noires, est marqué de blanc. L'on ne peut décider si ces dissemblances proviennent de l’âge où du sexe , ou si on doit les regarder comme l'effet de la différence d’espèces. SONNINI. (1) M. Walsh, membre du parlement d’Angle- terre, et de la société de Londres, prit, dans Îa K 4 152 EI SAT0OFERE et ses muscles paroissent bien moins forts à proportion que ceux de la batis. Ses dents sont lrès-courtes ; la surface de son corps ne présente aucun piquant ni aiguillon. Petite, foible, indolente, sans armes, elle seroit donc livrée sans défense aux voraces habitans des mers dont elle peuple les profondeurs, ou dont elle habite les bords; mais, indépendamment du soin qu’elle a de se tenir presque toujours cachée sous le sable ou sous la vase, soit lorsque la belle saison l’attire vers les côtes , soit lorsque le froid l’éloigne des rivages et la repousse dans les abimes de la haute mer, elle a reçu de la Nature une faculté par- üculière bien supérieure à la force des dents, des dards, et des autres armes dont elle auroit pu êlre pourvue ; elle possède la puis- sance remarquable et redoutable de lancer, pour ainsi dire, la foudre ; elle accumule dans son corps et fait jaillir le fluide élec- trique avec la rapidité de léclair; elle im- baie de Tor, une torpille qui avoit quatre pieds de long , deux pieds et demi de large, et quatre pouces et demi dans sa plus grande épaisseur ; elle pesoit cinquante-trois livres (O£ torpedos fonnd on the coast of England, p.4.) DE S CASLIENS. 155 prime une commotion soudaine et paraly- sante au bras le plus robuste qui s’avance pour la saisir, à l’amimal le plus terrible qui veut la dévorer ; elle engourdit pour des instans assez longs les poissons les plus agiles dont elle cherche à se nourrir; elle frappe quelquefois ses coups invisibles à une distance assez grande , et par cette ac- lion prompte, et qu'elle peut souvent re- nouveler , annuiant les mouvemens de ceux qui l’attaquent et de ceux qui se défendent contre ses efforts, on croiroit la voir réaliser au fond des eaux une partie de ces prodiges que la poésie et la fable ont attribués aux fameuses enchanteresses dont elles avoient placé lempire au milieu des flots, ou près des rivages. Mais quel est donc dans la torpille lor- gane dans lequel réside cette électricité particulière ? et comment s'exerce ce pou- . voir que nous n'avons encore vu déparli à aucun des animaux que l’on trouve sur l'échelle des êtres, lorsqu'on en descend Îles dégrés depuis l’homme jusques au genre des raies ? De chaque côté du crâne et des branchies est un organe particulier qui s'étend com- munément depuis le bout du museau jusqu’à 154 HISTOIRE ce cartilage demni-circulaire qui fait partie du diaphragme , et qui sépare la cavité de . Ja poitrine de celle de l'abdomen. Cet organe aboutit d’ailleurs, par son côté extérieur , presque à l’origine de la nageoire pectorale. 11 occupe donc un espace d'autant plus grand relativement au volume de l’animal, qu'il remplit tout l'intérieur compris entre la peau de la partie supérieure de la torpille, et celle de la partie inférieure. On doit voir aisément que la plus grande épaisseur de chacun des deux organes est dans le bord qui est tourné vers le centre et vers la ligne dorsale du poisson , et qui suit dans son contour toutes les sinuosilés de la tête et des branchies contre lesquelles il s'applique. Chaque organe est attaché aux parties qui l’'environnent par une membrane cellulaire dont le tissu est serré, et par des fibres tendineuses , courtes, fortes et droites, qui vont depuis le bord extérieur jusqu’au car- üilage demi-circulaire du diaphragme. Sous Ja peau qui revêt la partie supérieure de chaque organe électrique, on voit une espèce de bande éiendue sur tout l’ergane, composée de fibres prolongées dans le sens de la longueur du corps, et qui, exceplé ses bords, se confond, dans presque toute DES RAIES. 155 sa surface supérieure, avec le tissu cellulaire de la peau. Immédiatement au dessous de cette bande on en découvre une seconde de même na- ture que la première, et dont le bord inté- rieur se mêle avec celui de la bande supé- rieure , mais dont les fibres sont situées dans le sens de la largeur de la torpille. Cette bande inférieure se continue dans l'organe proprement dit par un très-srand nombre de prolongemens membraneux qui y forment des prismes verticaux à plusieurs pans, ou, pour mieux dire , des tubes creux, perpendiculaires à la surface du poisson, et dont la hauteur varie et diminue à mesure qu'ils s’éloignent du centre dé l'animal ou de la ligne dorsale. Ordinairement la hau- teur des plus longs tuyaux égale six ving- tièmes de la longueur totale de l'organe ; celle des plus petits en égale un vingtième, el leur diamètre, presque le même dans tous, est aussi d’un vingtième, ou à peu prés. Les formes des différens tuyaux ne sont pas toutes semblables ; les uns sont hexa- gones, d’autres pentagones, et d’autres carrés; quelques-uns sont réguliers, mais le plus grand nombre est d’une figure irrégulière. 156 HAS TO IRE Lesprolongations membraneuses quicom- posent les pans de ces prismes sont très- déliées , assez transparentes , élroitement unies l’une à l’autre par un réseau lâche de fibres tendineuses qui passent oblique- ment et transversalement entre les tuyaux; et ces tubes sont d’ailleurs attachés ensemble par des fibres fortes et non élastiques qui vont directement d’un prisme à l’autre. On a compté, dans chacune des deux organes d’une grande torpille, jusqu’à près de douze cents de ces prismes. Au reste, entre la partie inférieure de Forgane et la’peau qui revèôt le dessous du corps du poisson , on trouve deux bandes entièrement semblables à celles qui recouvrent les extrémités supé- rieures des tubes. Non seulement la grandeur de ces tuyaux augmente avec l’âge de la torpille, mais eacore leur nombre s’accroit à mesure que Vanimal se développe. Chacun de ces prismes creux est d’ailleurs divisé dans son intérieur en plusieurs inter- valles par des espèces de cloisons horison- tales , composées d’une membrane déliée et très-transparente, paroissant se réunir par leurs bords, attachées dans l’intérieur des tubes par une membrane cellulaire très- DES RAÏES. 15} fine, communiquant ensemble par de petits vaisseaux sanguins, placées l’une au dessus de l’autre à de très-petites distances, et formant un grand nombre de petits inters- tices qui semblent contenir un fluide. De plus, chaque organe est traversé par des artères, des veines, et un grand nombre de nerfs qui se divisent -dans toutes sortes de directions entre les tubes, et étendent de petites ramifications sur chaque cloison , où 1ls disparoissent (1). T'el est le double instrument que la Nature a accorde à la Lorpille ; tel est le double siège de sa puissance électrique. Nous venons de voir que ; lorsque cette raie est parvenue à un certain dégré de développement, les deux organes réunis renferment près de deux mille, quatre cents tubes, Ce grand assemblage de: tuyaux représente les batteries électriques , si bien connues des physiciens modernes ; et que composent des bouteilles fulminantes, appelées bouteilles de Leyde, disposées dans (1) Ceux qui désiréront des détails plus étendus sur les organes qe nons venons de déérire , pourront ajouter aux résullats de nos observations ceux qu'ils trouveront dans excellent ouvrage de J. Hunter, intitulé : Observations anatomiques sur ld torpille. 158 H:15 TO LR'E ces batteries de la même manière que les tubes dans les organes de la torpille, beau- coup plus grandes à la vérité, mais aussi bien moins nombreuses. Voyons maintenant quels sont les effets de ces instrumens fulminans; exposons de quelle manière la torpille jouit de son pou- voir électrique. Depuis très-long-tems on avoit observé , ainsi que nous l’avons dit, cette curieuse faculté (1); mais elle étoit encore inconnue dans sa nature et dans (1) Parmi les anciens , Hippocrate est le premier qui parle de la torpille, mais il ne fait pas mention de la commotion que ce poisson excite dans ceux qui le touchent. Cependant Platon, presque contempo- rain d’Hippocrate , a connu la propriété électrique de la torpille, car, dans un dialogue , il fait dire à Socrate : «Tu m’as étourdi par tes objections, comme la torpille, poisson de mer aplati, étourdit ceux qui la touchent ». Aristote a dit, au Liv. 9, chap. 57 de l'Histoire des animaux, que quand la torpille veut prendre quel-. ques poissons , elle se cache dans le sable et dans Je limon , et qu'elle engourdit les poissons qui passent au dessus d’elle. «Tout autant qu’elle en engourdit , ajoute Aristote, elle les prend; c’est un fait dont on a des témoins oculaires». Plus loin, le philosophe grec dit que l’engourdissement que canse la torpille est assez conuu, et qu'elle le fait éprouver aux hommes DES RAÏIES. 159 plusieurs de ses phénomènes, lorsque Redi chercha à en avoir une idée plus nette que les savans qui l’avoient précédé. 1l voulut éprouver la vertu d’une torpille que lon venoit de pêcher. & A peine lavois-je tou- chée et serrée avec la main, dit cet habile observateur (1), que j'éprouvai dans celte parlie un picotement qui se communiqua dans le bras et dans toute l’épaule, et qui fut suivi d’un tremblement désagréable, et mêmes. ( Voyez les notes sur l’histoire des animaux d’Aristote , par Camus , tom. II , p. 800.) Théophraste , Tiphilus , Pline , Plutarque et d’autres auteurs anciens out parlé de la torpille ; mais les passages de leurs ouvrages seroient assez inutiles à rassembler; ils n’apprennent rien. Oppien est celui de tous les anciens qui semble indiquer avec plus de précision l’endroit du corps de la torpiile d’où sortent les émanations électriques. Natura torpedo datum , proprium quoque membris. Hæc gravis et mollis, suut nullæ in corpore j'igre Vires , et nimium piemitur gravitate natantem Nou credas: liquidis ita clam subrepit in undis. At duo se tollunt distenta per ilia rami. Qui fraudem pro robore habent , piscemque tuentur. Quos si quis tractat, perdit per membra vigorem, Sanguine concreto rigidos nec commovet artus. Volvuntur subito contracto in corpore vires. ALIRTICON. lib. 2, v. 62. SONNINI, (1) Experimenta circa res diversas naturales, 160 ÉL'MS'E O TRE d’une douleur accablante et aiguë dans le coude, en sorte que je fus obligé de retirer aussitôt la main ». Cet engourdissement à été aussi décrit par Réaumur, qui a fait plusieurs observations sur la raié torpille. « Il est très-différent des engourdissemens ordinaires, à écrit ce savant naturaliste; on ressent dans toute létendue du bras une espèce d’étonnement qu’il nest pas possible de bien peindre ,; mais lequel (autant que les sentimens peuvent se faire connoître par comparaison) a quelque rapport avec la sensation douloureuse que Fon éprouve dans le bras lorsqu'on s’est frappé rudement le coude contre quelque corps dur (1) ». Redi, en continuant de rendre compte de ses expériences sur la raie dont nous écri- vons l’histoire, ajoute : & La même impres- sion se renouveloit toutes les fois que je m'obstinois à toucher de nouveau Ja torpiile. Il est vrai que la douleur et le tremblement diminuérent à mesure que la mort de la torpille approchoit,: Souvent même je n’é- prouvois plus aucune sensation semblable aux premières; et lorsque la torpille fut A 0 de 0 (1) Mémoires de l'académie des sciences, année 17140" décidément DESMRMATES. 164 décidément morte, ce qui arriva dans les- pace de trois heures, je pouvois la manier en sûreté, et sans ressentir aucune impres- sion fâcheuse. D’après cette observation , je ne suis pas surpris qu'il y ait des gens qui révoquent cet effet en doute, et regardent l'expérience de la torpille comme fabuleuse ; apparemment parce qu'ils ne l’ont jamais faite que sur une torpille morte ou près de mourir »4 Mais ce n’est pas seulement lorsque la torpille est trés - affoiblie et près d’expirer qu'elle ne fait plus ressentir de commotion électrique; il arrive assez souvent qu’elle ne donne aucun signe de sa puissance invisible, quoiqu’elle jouisse de toute la plénitude de ses forces. Je l'ai éprouvé à la Rochelle ; en 1777, avec trois ou quatre raies de cette espèce qui n’avoient été pêchées que depuis très-peu de tems, qui étoient pleimes de vie dans de grands baquets remplis d’eau, et qui ne me firent ressentir aucun coup que près de deux heures après que j'eus com- mencé de les toucher et de les manier en différens sens. Réaumur rapporte même; dans les Mémoires que je viens de citer , qu’il toucha , impunément et à plusieurs re- prises, des torpilles qui étoient encore dans Poiss. Tome IJ1. L 3162 MISTOIRE la mer, et qu’elles ne lui firent éprouver leur vertu engourdissante que lorsqu'elles furent fatiguées en quelque sorte de ses attou- chemens réitérés. Mais revenons à la narra- tion de Redi, et à l’exposition des premiers phénomènes relatifs à la torpille, et bien observés par les physiciens modernes. « Quant à l'opinion de ceux qui prétendent que la vertu de la torpille agit de lom, a écrit encore Redi, je ne puis prononcer ni pour ni contre avec la même confiance. Tous les pêcheurs affirment constamment que cette vertu se communique du corps de la torpille à la main et au bras de celui qui la pêche par l’intermède de la corde du filet et du bâton auquel il est suspendu. L'un d'eux m'assura même qu'ayant mis une torpille dans un grand vase, et étant sur le point de remplir ce vase avec de l'eau de mer qu’il avoit mise dans un second bassin, il s’étoit senti les mains engourdies, quoique légèrement. Quoi qu'il en soit, je n'oserois nier le fait; je suis même porté à le croire. Tout ce que je puis assurer, c’est qu’en approchant la main de la torpille sans la toucher, ou en plongeant mes mains dans Veau où elle étoit, je n’ai ressenti aucune impression. Il peut se faire que la torpille, DES RATES. 163 lorsqu'elle est encore pleine de vigueur dans Ja mer, et que sa vertu n’a éprouvé aucune dissipation, produise tous les effets rapportés par les pêcheurs ». Redi observa de plus que la vertu de la torpiile n’est jamais plus active que lorsque cet animal est serré fortement avec la main, et qu'il fait de grands efforts pour s'échapper. _ Indépendamment des phénomènes que nous venons d'exposer, il remarqua les deux organes parliculiers situés auprès du crâne et des branchies, et que nous veneus de décrire; et il conjectura que ces organes _devoient être le siège de la puissance de la torpille. Mais, lorsqu'il voulut remonter à la cause de l’engourdissement produit par cette raie, il ne trouva pas dans les con- noissances physiques de son siècle les secours nécessaires pour la découvrir; et se corfor- mant, ainsi que Perrault et d’autres savans, à la manière dont on expliquoit de son tems presque tous les phènomènes, il eut recours à une infimité de corpuscules qui sortent continuellement, selon lui, du corps de la torpille, sont cependant plus abon- dans dans certaines circonstances que dans d’autres, et engourdissent les membres dans lesquels ils sinsinuent, soit parce qu'ils s’y 9 164 EU S TO KR:E précipitent en trop grande quantité, soit parce qu'ils s’y trouvent des routes peu assorties à leurs figures. Quelque inadmissible que soit cette hypo- thèse, on verra aisément, pour peu que lon soit familier avec les théories élec- triques, qu’elle n’est pas aussi éloignée de la vérité que celle de Borelli, qui eut re- cours à une explication plus mécanique. Ce dernier auteur distinguoit deux états dans la torpille : l’un où elle est tranquille, l’autre où elle s’agite par un violent trem- blement; et 1l attribue la commotion que l’on éprouve, en touchant le poisson, aux percussions réitérées que cette raie exerce, à l’aide de son agitation, sur les tendons et les ligamens des articulations. Réaumur vint ensuite ; mais, ayant ob- servé la torpille avec beaucoup d'attention, et ne l'ayant jamais vue agitée du mouve- ment dont parle Borelli, même dans l’ins- tant où elle alloit déployer sa puissance, il adopta une opinion différente , quoique rapprochée, à beaucoup d'égards, de celle de ce dernier savant. € La torpiile, dit-1l, n’est pas absolument plate; son dos, ou plutôt tout le dessus de son corps, est un peu convexe. Je remarquai DES KR 'ATTES. 165 que, pendant qu'elle ne produisoit ou ne vouloit produire aucun ergourdissement dans ceux qui la touchoient, son dos gar- doit la convexité qui lui est naturelle. Mais se disposoit-elle à agir, insensiblement elle diminuoit la convexité des parties de son corps qui sont du côté du dos, vis-à-vis de la poitrine ; elle aplatissoit ces parties; quel- quefois même de convexes qu’elles sont , elle les rendoit concaves : alors l'instant éloit venu où l’engourdissement alloit s'emparer du bras ; le coup étoit prêt à partir, le bras se trouvoit engourdi; les doigts qui pres- soient le poisson étoient obligés de lâcher prise ; toute la partie du corps de l'animal qui s’éloit aplatie redevenoit convexe. Mais, au lieu qu’elle s’étoit aplatie insensiblement, elle devenoit convexe si subitement qu’on n’apercevoit pas le passage d’un élat à lautre..... Par la contraction lente qui est l'effet de laplalissement, la torpille bande, pour ainsi dire, tous ses ressorts; elle rend plus courts tous ses cylindres; elle aug- mente en même tems leurs bases. La con- traction s’est-elle faite jusqu'à un certain point, tous les ressorts se débandent, les fibres longitudinales s’alongent; les transver- sales, ou celles qui forment les cloisons, se L 5 166 HASTOITRE raccourcissent ; chaque cloison, tirée par les fibres longitudinales qui s’alongent, pousse en haut la matière molle qu'elle contient, à quoi aide encore beaucoup le mouvement d’ondulation qui se fait dans les fibres trans- versales lorsqu'elles se contractent. Si un doigt touche alors la torpille, dans un ins- tant il recoit un coup, ou plutôt il reçoit plusieurs coups successifs de chacun des cylindres sur lesquels 1l est appliqué..... Ces coups réitérés donnés par une matière moile ébranlent les nerfs; ils suspendent ou changent le cours des esprits animaux ou de quelque fluide équivalent; ou, si on l'aime mieux encore, ces coups produisent dans les nerfs un mouvement d’ondulation qui ne s'accommode pas avec celui que nous devons leur donner pour mouvoir le bras. De là naît l'impuissance où l’on se trouve d'en faire usage , et le sentiment douloureux ». Aprés cette explication , qui, malgré les erreurs qu'elle renferme relativement à la cause immédiate de l’engourdissement , ou, pour mieux dire; d’une commotion qui n'est qu'une secousse électrique, montre les mouvemens de contraction et d'extension que la torpille imprime à son double organe DES RAIES. 167 lorsqu'elle veut paralyser un être vivant qui la touche. Réaumur rapporte une expé- rience qui peut donner une idée du dégré auquel s'élève le plus souvent la force de lélectricité de la raie dont nous traitons. Il mit une torpille et un canard dans un vase qui contenoit de l’eau de mer, et qui étoit recouvert d’un linge, afin que le canard ne püt pas s’envoler. L'oiseau pouvoit respirer trés - librement, et néanmoins au bout de quelques heures on le trouva mort : il avoit succombé sous les coups électriques que lui avoit portés la torpille; il avoit été, pour ainsi dire, foudroyé par elle. Cependant la science de l'électricité fit des progrès rapides, et fut cultivée dans tout le monde savant. Chaque jour on cher- cha à en étendre le domaine; on retrouva la puissance électrique dans plusieurs phéno- mènes dont on n’avoit encore pu donner aucune raison satisfaisante. Le docteur Bancroft soupconna l'identité de la vertu de la torpille, et de l’action du fluide élec- trique ; et enfin M. Walsh, de la société de Londres, démontra cette identité par des expériences très-nombreuses qu'il fit auprès des côtes de France, dans l’île de Ré, et qu'il répéta à la Rochelle, en présence des L 4 168 HISTOIRE membres de l'académie de cette ville (1). Voici les principales de ces expériences (2). (1) Of the electric property of the torpedo. London , 1774. (2) Je ne dois pas passer sous silence l’opinion d’un anglais , qui a cru trouver la cause de la com- motion excitée par la torpille dans le magnétisme. Voici les expériences par lesquelles il a prétendu appuyer son sentiment à ce sujet : elles ont été publiées à la suite d’une Dissertation en anglais sur le pian, par le docteur Godefroi Wils Schilling, et traduites dans le Journal de physique du mois de septembre 1772. « La commotion que la torpille donne à l’homme qui la touche, est sans contredit surprenante. La ressemblance de cette commotion avec les effets de l'électricité, a fait comparer ce poisson par plusieurs physiciens avec la bouteille de Leyde , et les a portés à croire que tous ses effets dépendent de sa vertu élec- trique. Je n’admettrai ni ne rejetterai cette opinion; peut-être trouvera-t-on, dans les observations sui- vantes, un motif de plus pour l’admettre, Cette raison paroîtra sur-tout démonstraiive à ceux qui pensent que la vertu électrique et la force magnétique recon- noissent le même principe. J’ai eu, au mois de juillet de l’année 1764, une torpille de six pouces de lon- gueur et d’un pouce d'épaisseur, sur laquelle j'ai répété des expériences avec l'attention la plus scru- puleuse, » Ce poisson fut placé dans un baquet assez grand DES RAIES. 169 On posa une torpiile vivante sur une ser- viette mouillée. On suspendit au plancher, ———— —— —_—— ——_—_—_—_—_—_— re © À pour pouvoir y nager commodément. [1 excitoit de si fortes commotions que tous ceux qui le touchèrent perdirent pour un moment la faculté de mouvoir leur bras et le sentiment dans cette partie. » J’avois alors deux pierres d’aimant , l’une natu- relle et l’autre artificielle ; à l’une des deux étoit suspendu un poids de quatre onces. Après avoir enlevé ce poids, j'approchois laimant du poisson placé dans l’eau sur une table, et je vis le poisson se mouvoir aussitôt dans toutes ses parties, quoiqu'il ne fût touché par aucun corps; ayant approché Vaimant de plus près, je vis avec étonnement ce poisson faire des efforts pour s’enfuir; mais, pour pousser plus loin mon expérience, j'appayai mon aimant sur l’eau dans laquelle le poisson nageoit. Ea torpille s'étant agitée pendant près d’une heure de plusieurs manières différentes, s’approcha enfin de plus en plus de Paimant , et s’attacha à lui de la même manière que le fer s’y attache. Ce spectacle me frappa tellement que j’appelai à lPinstant tous mes amis , afin de les rendre témoins de ce plhéno- mène ; M. Stok , docteur en médecine et excellent physicien, fut du nombre. « Nous séparâmes le poisson d’avec l’aimant par le moyen d’un instrument de bois et avec beaucoup de précautions, parce que personne n’osoit le tou- cher. Il paroissoit d’abord se séparer de lui-même pour ainsi dire, mais à contre cœur ; il étoit lan- guissant , et lorsqu'il fut à une certaine distance , 1l 170 HASTOIRE et avec des cordons de soie, deux fils de laiton : tout le monde sait que le laiton, reprit sa première vigueur. Alors un des assistans le toucha sans sentir aucune commotion. Peu de jours après , il s’'approcha de nouveau de l’ainant , comme s’il en étoit attiré ; il demeura attaché pendant près de demi-heure, après quoi il quitta l’aimant de lui-même ; alors on pouvoit le toucher impunément : Paimant n’empêcha pas le poisson de prendre sa nourriture, quoique suspendu dans l’eau. » Après avoir retiré celte pierre de l’eau , nous Ja trouvâmes couverte de petites particules ferru- gineuses , comme lorsqu'on approche lPaimant de la Hmaille de fer. Ce nouveau phénomène angmenta notre surprise et fit naître de nouvelles conjectures. Je jetai la torpille dans un autre baquet où j'avois fail mettre de petits poissons , des vers et des mor- ceaux de pain. Le poisson en est devenu plus vigou- reux , et on pouvoit alors le toucher impunément, Je voulus recommencer mes expériences au bout de quelques Jours, mais je m’aperçus que la torpille n’avoit plus aucune vertu. Huit jours après, ayant observé la même chose, je m’avisai de jeter de la limaille de fer dans l’eau où étoit la torpille , Ctrelte ne tarda pas à recouvrer sa vertu. Quelques jours après, elle produisit sur mes doigts une commotion assez forte, mais elle ne parvint pas jusqu’au coude. » L’aimant étant approché de nouveau, le poisson s’y attacha comme la première fois; il n’y demeura pas aussi long-tems, ct il ne causa plus dans la suite de commotions sensibles au bras de ceux qui le tou- DES CROATIES. 171 ainsi que tous les métaux, est un très-bon conducteur d'électricité, c’est-à-dire, qu'il conduit ou transmet facilement le fluide électrique , et que la soie est au contraire non conductrice, c’est-à-dire, qu’elle op- pose un obstacle au passage de ce même fluide. Les fils de laiton employés par M. Walsh furent donc, par une suite de leur suspension avec de la soie, isolés, ou, ce qui est la même chose , séparés de toute substance perméable à l'électricité ; car l'air, au moins quand il est sec, est aussi un très- mauvais conducteur électrique. chèrent. Depuis ce tems, je n’ai laissé échapper aucune occasion d'examiner ce magnétisme. J’ai observé que la grosseur du poisson contribuoit beau- coup à l’augmentation de sa vertu, et que celle-ci étoit proportionnée à l’autre. J’ai approché l’aimant d’une torpille de six pieds de longueur, mais fort mince; elle a demeuré très-long-tems avaut de s’y attacher; enfin elle s’y est unie au bout de vingt- quatre heures. Les plus petites m'ont toujours paru moins rebelles contre l’aimant. À la première ap- proche de cette pierre, elles éprouvent une plus forte attraction ; jai même vu une torpille de quatre pieds de long et d’environ un pied d'épaisseur, n’être point du tout affectée par mes aimans. On parviendroit peut-être à Les attirer avec des aimans plus forts ». SONNINI. 172 HISTOTRE Auprès de la torpille étoient huit per- sonnes disposées ainsi que nous allons Îe dire, et isolées par le moyen de tabourets faits de matières non conductrices, et sur lesquels elles étoient montées. Un bout d’un des fils de laiton étoit ap- puyé sur la serviette mouillée qui soutenoit la torpille, et l’autre bout aboutissoit dans un premier bassin plein d’eau (1). La pre- mière personne avoit un doigt d’une main dans le bassin où étoit le fil de laiton, et un doigt de lautre main dans un second bassin également rempli d’eau; la seconde personne tenoit un doigt d’une main dans le second bassin , et un doigt de l’autre main dans un troisième; la troisième plongeoit un doigt d’une main dans le troisième bassin, et un doigt de l’autre main dans un quatrième, et ainsi de suite, les huit personnes com- muniquoieut l’une avec l’autre par le moyen de l’eau contenue dans neuf bassins. Un bout du second fil de laiton étoit plongé dans le neuvième bassin; et M. VValsh ayant pris l’autre bout de ce second fil mé- tallique, et l'ayant fait toucher au dos de a DR se (1) Nous n’avors pas besoin d'ajouter que l’eau est un excellent conducteur. MES RAIES. 175 Ja torpille, il est évident qu'il y eut à lins- tant un cercle conducteur de plusieurs pieds de contour, et formé sans interruption par la surface inférieure de lanimal, la ser- vielte mouillée, le premier fil de laiton, le premier bassin, les huit personnes, les huit autres bassins, le second fil de laiton, et le dos de la torpille. Aussi les huit personnes ressentirent-elles soudain une commotion qui ne différoit de celle que fait éprouver une batterie électrique que par sa moindre force ; et, de même que dans les expé- riences que l’on tente avec cette batterie, M. Walsh, qui ne faisoit pas partie du cercle déférent ou de la chaîne conductrice, ne recul aucun coup, quoique beaucoup plus près de la raie que les huit personnes du cercle. Lorsque la torpille étoit isolée, elle fai- soit éprouver à plusieurs personnes isolées aussi quarante où cinquante secousses suc- cessives dans l’espace d'une minute et demie: ces secousses éloient toutes sensiblement égales; et chaque effort que faisoit animal pour donner ces commotions éloit accom- pagué d’une dépression de ses yeux, qui, très-saillans dans leur état naturel, ren- troient alors dans leurs orbites, tandis que 174 HISTOIRE le reste du corps ne présenltoit presque aucun mouvement très-sensible (1). Si l'on ne touchoit que lun des deux organes de la torpille, il arrivoit quelque- fois qu’au lieu d’une secousse forte et sou- daine, on n’éprouvoit qu'une sensation plus foible , et pour ainsi dire plus lente ; on ressentoit un engourdissement plutôt qu’un coup; et quoique les yeux de lanimal fussent alors aussi déprimés que dans les momens où il alloit frapper avec plus d'énergie et de rapidité, M. Walsh présumoit que l’en- gourdissement causé par cette raie provient d’une décharge successive des tubes très- nombreux qui composent les deux sièges de son pouvoir , tandis que la secousse su- bite est due à une décharge simultanée de tous ses tuyaux. Toutes les substances propres à laisser passer facilement le fluide électrique, et qu'on a nommées conductrices, transmet- (1) Kæmpfer a écrit ( Amænit. exot. 1712, p.514) que l’on ponvoit , en retenant son haleine , se garantir de la commotion que donne la torpille; mais M. Walsh, et plusieurs autres physiciens qui se sont occupés de l'électricité de cette raie, ont éprouvé que cette précaution ne diminuoit en aucune manière la force de la secousse produite par ce poisson électrique. L DES RATES. 175 toient rapidement la commotion produite par la torpille ; et tous les corps appelés non conducteurs , parce qu'ils ne peuvent pas livrer un libre passage à ce même fluide, arrêtoient également la secousse donnée par la raie, et opposoient à sa puissance un obstacle insurmontable. En. touchant, par exemple , l'animal avec un bâton de verre, ou de cire d'Espagne , on ne res- sentoit aucun effet; mais on étoit frappé violemment lorsqu'on mettoit à la place de la cire ou du verre une barre métallique ou un corps très-mouillé. Tels sont les principaux effets de l’élec- tricité des torpilles, très-bien observés et très-exactement décrits par M. VValsh, et obtenus depuis par un grand nombre de physiciens. Ils sont entièrement semblables aux phénomènes analogues produits par l'électricité naturelle des nuages , ou par Pélectricité artificielle des bouteilles de Leyde et des autres instrumens fulminans. De même que la foudre des airs ou la foudre bien moins puissante de nos laboratoires, l'électricité de la torpille, d'autant plus forte que les deux surfaces des batteries fulmi- nantes sont réunies par un contact plus grand et plus immédiat, parcourt un grand i76 HAS T'ORRE cercle, traverse tous les corps conducteurs; s'arrête devant les substances non conduc- trices , engourdit ou agite violemment, et met à mort les êtres sensibles qui ne peuvent se soustraire à ses coups que par l'isolement, qui les garantit des eflets terribles des nuages orageux. Une différence très-remarquable paroît cependant séparer cette puissance des deux autres : la torpille , par ses contractions, ses dilalations, et les frottemens qu’elles doivent produire dans les diverses parties de son double organe, charge à l'instant les milliers de tubes qui composent ses batteries ; elle y condense subitement le fluide auquel elle doit son pouvoir, tandis que ce n’est que par des dégrés successifs que ce même fluide s'accumule dans les plateaux fulminans, ou dans les batieries de Leyde. D'un autre côté , on n’a pas pu jusqu’à présent faire subir à des corps légers sus- pendus auprès d’une Lorpille les mouve- mens d'attraction et de répulsion que leur imprime le voisinage d’une bouteille de Leyde ; et le fluide électrique, lancé par celte raie, n’a pas pu, en parcourant son cercle conducteur, traverser un intervalle assez grand d’une partie de ce cercle à une autre , DES RAIES. 177 autre, et être assez condensé dans cet espace pour agir sur le sens de la vue, produire la sensation de la lumière, et paroître sous la forme d’une étincelle. Mais on ne doit pas désespérer de voir de très-grandes tor- pilles faire naître dans des tems favorables, et avec le secours d’ingénieuses précautions, ces derniers phénomènes que l’on a obtenus d’un poisson plus électrique encore que la torpille, et dont nous donnerons l’histoire en traitant de la famille des gymnotes , à laquelle il appartient (1). On doit s'attendre d'autant plus à voir ces effets produits par un individu de l’espèce que nous examinons, qu'il est aisé de calculer que chacune des deux principales surfaces de l'organe double et électrique d’une des plus larges torpilles pêchées jusqu’à présent devoit présenter une étendue de cent décimètres ( près de vingt- neuf pieds ) carrés ; et tous les physiciens savent quelle vertu redoutable l'électricité artificielle peut imprimer à un seul plateau fulminant de quatorze décimètres carrés (1) Voyez le Discours sur la nature des poissons, et l’article du gymnote électrique , vulgairement connu sous le nem d’anguille de Cayenne, ou de Surinam. ai Poiss, Tome III. M 178 HISTOIRE ( quatre pieds carrés ou environ ) de sur face (1). (1) Des expériences nouvelles ont été faites sur la propriété singulière et curieuse de la torpille; elles sont trop importantes pour être omises , CL lee com= pletteront l’histoire d’un poisson sHBre. Je rapporterai d'abord les recherches d’un grand observateur, de l’abbé Spallanzani. Spallanzani a eu occasion d'observer deux torpilles dans la Méditerranée. Ses observations s'accordent avec celles de M. Walsh.Il a reconnu , comme ce savant, que la sensation occasionnée par la torpille est très- différente d’un simple engourdissement ; il a vu aussi que, lorsqu'on place la torpille sur une lame de verre , elle donne un coup beaucoup plus fort; mais sl n’a pas été plus heureux que lui pour découvrir V’étincelle au moment du choc. Cependant il n’hésite point à regarder tous les phénomènes que présente ce poisson cemme un effet de l'électricité : il appelle par-tout commotion le coup qu’il lance. Il se fonde à cet égard sur la parfaite ressemblance de la sen- sation que la torpille occasionne , avec celle que fait éprouver la bouteille de Leyde, et sur la plus grande force du choc, lorsqu'on place la torpille sur une lame de verre; mais il n’entreprend point d'expliquer quelles sont les modifications que le fluide électrique subit dans le corps de cet animal , et comment il y est mis cn jen. Comme il n’a eu en sa possession que deux tor- pilles , il n’a pas pu répéter toutes les expériences que M. Walsh a exécutées ; mais il en a fait quelques- A reste, ce n’est pas seülement dans la nes qui lui sont propres. & En irritant le dos de la #orpille, j'obtenois, dit-il, la secousse , soit qu’elle füt hors de l’eau, soit qu’elle y fût plongée. La secousse se faisoil sentir, où à une seule main, ou à toutes les deux, suivant que j’en appliquois ou une seule , où l’une et l’autre sur le dos du poisson. Si, au lieu d'irriter le dos, je piquois légèrement la poi- trine » 7€ récevois également une commotion, mais pas aussi élément qu’en piquant le dos. Si j’irri- tois lé dés d’une main, et la poitrine de l’autre , celle- Jà recevoit la commotion, et non pas duase Mais lorsque j’irritois Le dos avec deux doigts d’une main, &t avec Îles huit autres doigts la poitrine, alors c’est du côté de la poitrine que partoit la secousse. Jai obtenu tous ces résultats , sans m'être jamais isolé , et il étoit aussi indifférent que le poisson le fût on ne le fût pas... J’ai rapporté cette suile de faits, non pour ‘éontredire la belle théorie des deux états différens de Pélectricité , découverts sur la torpille par M. Walsh, mais pour là soumettre au jugement des physiciens qui cultivent cette branche naissante d’expériences physiologico-électriques ». | Quelques minutes avant que les torpilles expi- rassént , elles offrirent à l’ohservateur un fait assez curieux. Les secousses ne se firent plus sentir alors, comme auparavant ; par intervalles ; elles se chan- gèrent en une batterie continuelle de petits coups ässez légers. « Supposez, ce sont ses termes , que ÿ'eusse sous Îles doigts un cœux actuellement en pul-, M 2 180 ETS T O FRE Méditerranée et dans la partie de l'Océan sation , et vous aurez quelque idée de ce phénomène bizarre , à l’exception que ce cœur n’auroit produit sur moi aucune sensation douloureuse, là où ces petites secousses occasionnoient sur une main une véritable douleur , qui ne s’étendoit pas au delà des doigts. La batterie dura sept minutes ; et pendant ce court espace de tems, mes doigts ressentirent trois cent seize secousses; puis elles s interrompirent , et alors je n’éprouvai Ale que quelques secousses lan- guissantes.toutes les deux ou trois Are jusqu’à ce que la torpille fût morte ». M. Spallanzani nous apprend encore cet autre fait intéressant , que la torpille est capable de donner la secousse électrique , non seulement lorsqu'elle est née et qu’elle nage dans l’eau, mais aussi lorsqu'elle est encore comme fœlus renfermé dans le sein mater- nel. 1l en disséqua une à l'instant où elle venoit d’expirer : c’étoit une femelle. T1 vit dans son ovaire des œufs presque ronds et de différentes grandeurs; et en ouvrant deux vaisseaux qui aboutissoient au rectum , il trouva deux fœtus parfaitement formés qu’il détacha de Jeurs enveloppes, et qu’il soumit aux mêmes épreuves qu'ilavoit faites sur leur mère; ils Ini donnèrent une véritable secousse , petite à la vérité , mais très-sensible, et qui le devint plus encore lorsqu’ il les isola sur une ne de verre. | En 1792, Guisan répéta les expériences de Walsh, de Willamson, d’Ingenhouz , etc. et son travail servit à confirmer celui des premiers observateurs. 11 a cons- taié que la propriélé électrique dans la torpille ne qui baigne les côtes de l'Europe , que l’on survivoit pas au battement du cœur, et il a aperçu la lumière de létincelle électrique dans l’obscurité; il a vu cette étincelle avec facilité, l’a fait voir à beaucoup de personnes, ainsi que les aigrettes lumi- neuses que l’on observe souvent dans les expériences de l'électricité. Une lettre de Vassali-Eandi à J. C. Delamétherie, publiée en 1799 dans le Journal de physique , annonce que ce physicien se propose de vérifier les faits avan- cés par les observateurs qui Pont précédé. « Je crois, dit-il, que je trouverai quelques vérités parmi les fables qu’Aristote , Pline , Théophraste et leurs com- mentateurs ont débitées sur la torpille. Je tâcherai de réduire à leur juste valeur les relations singulières que Schilling et Kæmpfer nous ont laissées sur cet objet ». Spallanzani avoit fait voir à Vassali , dès 1702, ses grandes tables sur l’anatomie des organes électri- ques de la torpille , et lui avoit dit qu'ayant essayé de couper les trois grands faisceaux nerveux , qui , en se divisant , viennent embrasser les prismes remplis de matière molle qui composent la plus grande partie du corps de la torpille , il observa que le poisson perdoit la propriété de donner des secousses; ce qui fait dire à Vassali que dans la torpille les nerfs expri- ment l’électricité contenue dans les muscles , et qu’au contraire, lorsqu'on n’avoit point touché aux nerfs, on obtenoit encore de petites secousses de cet animal, même quelque tems après sa mort. Vassali expose ensuite sa théorie en peu de mots, dans les termes suivans : M 3 182 HISTOIRE: trouve la torpille ; on rencontre aussi cetié ‘ « Je soupçonne que les poissons secouans ont Îa faculté de condenser le fluide électrique dans une partie de leur corps , et que dans la posilion ordinaire de leurs organes intérieurs , ce fluide est retenu par un voile cohibent , qui devient ensuite déférent par la raréfaction, où par laddition des humeurs, et laisse passer l’électricité condensée chaque fois que le poisson veut donner la secousse. Dans cette théorie, l'air et la nourriture fourmiroient l'électricité, comme aux autres animaux (Journal de physique, germinal an 7, pag. 359), et les organes électriques seroicnt la partie du corps dans laquelle se condenseroit le fluide électrique : le milicu , dans lequel vit la tor- pille, ne sauroit présenter aucun obstacle à cette théorie , soit à cause de la structure de l'animal , qus par la nature de l’eau relativement à l'électricité. » Je ne chercherai pas à prouver la première de ces propositions, ayarrt en elle-même le plus grand dégre de probabilité , comme je l’ai dit dans la lettre sus- mentionnée ; elle démontre aussi que les différentes parties de l’animal ont dans le même tems des élec- tricités contraires ; et la dénomination d’organes électriques , qui,a été donnée par les auteurs aux muscles décrits par Redi et Fern@n, me paroït con frmer la seconde; car ils ne donnèrent ce nom aux muscles des poissons secouans qu'après avoir été persuadés que la secousse étoit électrique , et qu’elle venoit de ces organes. Je pourrois encore appuyer mon assertion par la nature même des organes de la torpiile , qui sont composés d'un très- grand nombre DES" RATES. 183 raie dans le golfe Persique , dans la mer de tuyaux hexagones et pentagones ( Hunter en compta 1182 dans un seul muscle d’une torpille longue de près d’un mètre [ trois pieds |), lesquels se partagent , selon Réaumur , en plusieurs autres tuyaux ou cellules remplis d’ane matière blanche et glutineuse , qui paroît propre à retenir l'électricité. Si on examine ensuite la structure du gymnote, com- posé en grande partie de mucilage qui se fond entre les doigts, et la surface de son corps couverte de petits points jaunâtres, lesquels sont autant d’orifices de petits tuyaux, dont le plus grand nombre se trouve sur la tête et sur les autres parties qui donnent les plus fortes secousses, on conviendra qu’elle s'accorde parfaitement avec mon opinion sur la cause de ce phénomène. » L’effort que fait la torpille avant de donner Ia secousse , la contraction de son corps, qui, de con- vexe qu'il étoit, devient concave, et la dépression de ses yeux, qui a lieu en même tems, peuvent expliquer la modification du voile cohibent ét la sortie du fluide électrique. Personne n’ignoré com- bien nos organes intérieurs sont modifiés par les passions et par la volonté ; on sait en outre que leg corps perdent de leur capacité pour conténir léléc- tricité , à proportion que leur volume diminue ; de 1& il doit donc s’ensuivre , dans la torpille , la plus grande condensation de l'électricité par la diminution de son volume , et la modification du voilé cohibent , produite par la volonté ou par. la passion dans un méme tems ; en conséquence la secousse ne sera M 4 184 HISTOIRE Pacifique, dans celle des Indes , auprès du cap de Bonne - Espérance , et dans plusieurs autres mers (1). qu'un effet des lois connues du fluide électrique et de la physique animale; le décroissement des secousses ‘ successives, leur défaut fréquent et enfin total suivent aussi les mêmes lois. L'observation d’Abilgaard, qui a galvanisé , à Naples, la torpille , et n’y a observé aucune irritation particulière (Humboldt, pag. 284), peut encore appuyer l’action de la volonté dans les phénomènes de ce poisson ». SONNINI:. (1) L'on a remarqué que les torpilles qui vivent dans les eanx de la Méditerranée ont le dos d’un rouge de brique , et que celles des mers du Nord sont d’un gris brun ; toutes sont blanches sur la face inférieure. Elles se tiennent dans les fonds vaseux ct sablonneux , et se cachent souvent dans le sable même des rivages; l’on assure qu’elles sont alors plus vigoureuses, et donnent des commotions plus fortes que quand elles sont dans l’eau. De tous les petits poissons dont elles font leur pâture , les loches de rivière sont ceux qu’elles préfèrent ; on les prend, comme les autres raies, à l’hameçon et aux filets ; elles ont aussi une grande vitalité, car on peut les conserver vivantes hors de l’eau pendant plus de vingt-quatre heures. Les anciens avoient une toute autre opinion que les modernes au sujet de la chair de la torpille. Ils se sont accordés à la regarder comme un bon mets, et même comme ayant des proprielés salutaires. BÉES RATES. 185 Hippocrate dit que c’est un aliment sain, et il con- seille de la manger rôtie lorsqu'on est attaqué de l’hydropisie qui provient de l’obstruction du foie. Galien en parle en plusieurs endroits de ses ou- vrages et toujours avec éloge ; il en recommande l’usage aux épileptiques , et il la faisoit appliquer sur la tête , pour diminuer les douleurs de cette partie; Dioscoride la conseilloit aussi contre les rhumatismes. Suivant Platon, c’est un mets agréable, et Athénée assure que les torpiiles du Nil sont très- délicates. Il est vrai que les anciens, qui aimoient en général les assaisonnemens de haut goût , faisoient ordinairement cuire les torpilles avec de l’huile, du vin , des herbes aromatiques et un peu de fromage. De nos jours, la torpille passe pour un mauvais poisson ; il est en effet de chair molle et sentant la vase ; et il ny a que les gens peu aisés qui en mangent. Les abissins font un singulier usage de la torpille pour la guérison de la fièvre. On lie le malade très- étroitement sur une table , et on lui applique le pois- son successivement sur tous les membres; cette opé- ration fait cruellement souffrir celui que l’on y soumet, mais elle le délivre de la fièvre. SONNINI: 186 HISTOIRE ae = LA RAIE AIGLE (a, PAÉOCACÉPEDE DIXFÈME ESPÈCE. C'rsr avec une sorte de fierté que ce grand animal agite sa large masse au milieu des eaux de la Méditerranée et des autres mers qu'il habite; et cette habitude, jointe (1) Dans plusieurs départemens méridionaux de France, glorieuse , pesce ratto , rate penade ( chauve souris), tare-franke, faucon de mer, eraso e ferraza. Sur la côte de Gênes , rospo ( crapaud). Sur d’autres côtes d'Italie , aquila. Baie mourine. Daubenton , Encycl. méthod. Raja aquila. Lin. édit. de Gmel, — Mus. Ad. Fr. 2, Det. Raja caudé pinnaté, aculeoque unico. Bloch, Hist. des poissons , part. 3 , p. 59, n° 3 ,pl. zxxxr. Raie mourine. Bonat. pl. de l’Encycl. méthod. Raja corpore glabro , aculeo longo , serrato in caudé& pinnata. Artedi, gen. 72,syn, 100. Leiobatus capite exserto , etc. Klein , Miss. pisc. 3, p.33, n° 4. — Arist. Hist. anim. hb. 5, c. 5. — Plin. ist. mundi, lib. 9, cap. 24. — Salvian. Aquat. p. 146 D, 147. — Aldrov. Pise. p. 438 — 440. 1% Jonston, Pisc. p. 55, tab. 9, fig. 8 et 9. — Willughb: DES RATES. 187 à la lenteur que cette raie met quelquefois dans ses mouvemens, et à l'espèce de gra- vité avec laquelle on diroit alors qu’elle les mens Ichth. p. 64, tab. c. 2, app. tab. 10. — Raj. Pisc. p. 25. — Belon , Aquat. p. 97. Aquila marina. Gesner, Aquat. p.75. Icon. anim; por, 1222 Dhierb. p.67, 68 , paral.,p. 38. Pastinaea ( secunda species ), Rondelet, première partie , Liv. 12, chap. 2. Pastenaque (troisième espèce), ou aigle-poisson. Valmont de Bomare , Dict. d’hist. naturelle. Raja aculeata , pastinaca marina dicta. Plumier, Dessins enluminés sur vélin , déposés dans la biblio- thèque da museum d'histoire naturelle. (2) Les anciens donnoient le nom d’aigle à une espèce de raie; mais il n’est pas prouvé qu’ils aient appliqué cette dénomination au poisson qui fait le sujet de cet article. Ce que lon trouve dans leurs ouvrages ne consiste qu’en de simples indications dont on ne peut tirer des inductions certaines. Aristote ne parle de l’aietos, l'aigle, que pour dire qu’il est du nombre des selagues. { Hist. des anim. liv. 5, cap.5, traduct. de Camus.) Pline se contente d'écrire que dans le geure des poissons plats il y à une espèce que les grecs appellent aigle. (Hist. nat. lb. 9, cap. 24.) L’aieios, suivant Oppien , se mêle avec les autres poissons cartilagineux (liv. 1, v. 642.). 11 n’est pas possible, d’après des notices aussi su- perficielles, de se former une idée de la confor- mation du poisson aigle des anciens , et l'application 188 HIS T'OLRE exécute, lui a fait donner l’épithète de glo- rieuse sur plusieurs rivages (1). La forme et la disposition de ses nageoires pectorales , terminées de chaque côté par un angle aigu, et peu confondues avec le corps proprement dit, les a d’ailleurs fait comparer à des ailes que Îles modernes ont voulu en faire à quelques espèces de raies n’est fondée que sur des conjectures extrèémement vagues ; il seroit donc inutile de s’y arrêter. C’est l’oxypterides , pastinaca marina lævis altera de Columna , cap. 1, p. 5, tab. 2. La raie aigle est appelée en Allemagne , mceradler ; en Hollande, zee-vhermuis , pulsteert, deicle; à Hambourg, quaadrorhen, c’est.à-dire , mauvaise raie ; en Angleterre , sea eagle; à Rome et à Naples, agui- lone ; à Malte, harmiema ; en Sardaigne, pesce aqguila ; à Marseille, Zancette. Raja corpore glabro , aculeo lonso serrato in caud& pinnalä... raja aquila. Brunnich , Ichth. massil. p. 2. SONNINI. (1) C’est ce qu’a fort bien exprimé Rondelet dans son vieux et naïf langage. « Elle nage lentement , dit-il, é comme en gravité, d’où en Languedoc a esté nommée glorieuse. E ainsi qu’un cheval vigou-. reux, bien pansé , bien harnaché, marche bravement, é rue contre ceux qui s’approchent; ainsi la glorieuse nageant de telle sorte, pique de son éguillon les poissons nageans près elle». (ist. des poissons ; liv. 12, chap. 2.) SoNNINE plus particulièrement encore que celles des autres espèces de raies : elles en ont recu plus souvent le nom ; et comme leur étendue est très-grande, elles ont rappelé l'idée des oiseaux à la plus grande envergure, et la raie que nous décrivons a été appelée aigle dès les premiers tems où elle à été obser- vée (1). Ce qui a paru ajouter à la ressem- blance entre l’aigle et le poisson dont nous traitons, c’est que cette raie a aussi la tête beaucoup plus distincte du corps que presque toutes les autres espèces du même genre, et que cette partie plus avancée est terminée par un museau alongé et très-souvent peu arrondi. De plus, ses yeux sont assez gros et très-saillans ; ce qui lui donne un nouveau trait de conformité, ou du moins une nou- velle analogie avec le dominateur ds airs, avec l’oiseau aux yeux les plus perçans. C’est principalement sur les côtes de la Grèce, dans ces pays favorisés par la Nature, où une heureuse imagination ne rapprochoit les êtres que pour les embellir ou les ennoblir Yüun par l’autre, que la raie dont nous trai- tons a été distinguée par le nom d'agle ; (r) Voyez ma note au commencement de cet article. SONNINL 290 LIST O FRE mais , sûr d’autres rivages , des pêcheurs grossiers, dont les concepiions moins poé- tiques n’enfantoient pas des images aussi nobles ni aussi gracieuses, n’ont vu dans cette tète plus avancée et dans ces yeux plus saillans que les ÿeux et la tête d’un animal dégoûtant, que le portrait du cra- paud , et ils l'ont nommé crapaud de mer. Cette tête, que l’on à comparée à deux objeis si difiérens l’un de l’autre, présente au reste, par dessus et par dessous, au moins le plus souvent , un sillon plus ou moins étendu et plus ou moins profond. Les denis, comme celles de toutes les raies du sous- genre qui nous occupe, sont plates et dis- posées sur plusieurs rangs. On a écrit que la raie aigle n’avoit pas dé nageoires ventrales, parce que celles de ses nageoires qui sont les plus voisines de l’anus ne sont pas doubles de chaque côté, et ne montrent pas une sorte d’échancrure qui puisse les faire considérer comme divisées en deux parties , dont lune seroit appelée rageoire ventrale , et lauire nageoire : de Fanus : mais, en recherchant où s'attachent les cartilages des nageoires de la raie aigle, qui se rapprochent le plus de l’origme de la queue, on s'aperçoit aisément qu’elle a de DES RATIES. 191 véritables nageoires ventrales, mais qu’elle manque de nageoires de l’anus. La queue, souvent deux fois plus longue que la tête et le corps, est très - mince , presque arrondie , très-mobile , et terminée, pour ainsi dire, par un fil très-délié. Quel- ques observateurs ont vu dans la forme, la longueur et la flexibilité de cette queue, les principaux caractères de la queue des rats ; ils se sont empressés de nommer rat de mer la raie qui est l’objet de cet article, tandis que d’autres, réunissant à cet attribut celui de nageoires semblables à des ailes, ont vu un ral ailé, une chauve-souris, et ont nommée la raie aigle chauve - souris marine. On connoît maintenant l’origine des diverses dénominations de rat, de chauve- souris , de crapaud, d’aigle , données à la raie dont nous parlons ; et comme il est impossible de confondre un poisson avec un aigle, un crapaud, un rat ou une chauve- souris, nous aurions pu sans 1nconvénient conserver indifféremment l’une ou lautre de ces quatre désignations: mais nous avons préféré celle d’aigle comme rappelant la beauté, la force et le courage, comme em- ployée par les plus anciens écrivains , et 192 HISTOIRE comme conservée par le plus grand nombre des naturalistes modernes. La queue de la raie aigle ne présente qu'une petite nageoire dorsale placée au dessus de cette partie, et beaucoup plus près de son origine que de l’extrémité opposée. Entre cette nageoire et le petit bout de la queue, on voit un gros et long piquant , ou plutôt un dard très-fort, et dont la pointe est tournée vers l’extrémité la plus déliée de la queue. Ce dard est un peu aplati, et dentelé des deux côtés comme le fer de quelques espèces de lances: les pointes dont il est hérissé sont d’autant plus grandes qu’elles sont plus près de la racine de ce fort aiguillon; et comme elles sont tournées vers cette même racine, elles le rendent une arme d'autant plus dangereuse qu’elle peut pénétrer facilement dans les chars, et qu’elle ne peut en sorlir qu'en tirant ces pointes à contre-sens, et en déchirant profondément les bords de la blessure. Ce dard parvient d’ailleurs à une longueur qui le rend encore plus redoutable. Plusieurs naturalistes, et notamment Gronovius, ont décrit des ai- guillons d’aigle qui avoient un décimètre (quatre pouces ou à peu près) de longueur ; Pline DES RATES. 195 Pline a écrit que ces piquans étoient quel- quefois longs de douze ou treize centimètres ( cinq pouces ou environ } (1), et j'en ai me- suré de plus longs encore. Cette arme se détache du corps de la raie après un certain Lems; c’est ordinairement au bout d’un an qu’elle s’en sépare, suivant quelques observateurs; mais, avant qu’elle tombe , un nouvel aiguillon et souvent deux commencent à se former, et paroissent comme deux piquans de remplacement auprès de la racine de l’ancien. 1l arrive même quelque- fois que l’un de ces nouveaux dards devient aussi long que celui qu'ils doivent remplacer, et alors on voit la raie aigle armée sur sa queue de deux forts aïguillons dentelés. Mais cette sorte d’accident, cette augmen- tation du nombre des piquans ne conshtue pas même une simple variété, bien loin de pouvoir fonder une diversité d’espèce , ainsi que l’ont pensé plusieurs naturalistes , tant anciens que modernes, et particuliè- rement Aristote (2). (1) Pline, liv. 9, chap. 48. (2) Il en est de même de la longueur plus ou moins grande de la queue , caractère qui a servi à quelques naturalistes pour distinguer deux espèces de raies Poiss. TouEe III. N 194 HA ST © IERTE Lorsque cette arme particulière est Im- troduite très-avant dans la main, dans le bras, ou dans quelque autre endroit du corps de ceux qui cherchent à saisir la raie aigle ; lorsque sur-tout elle y est agitée en différens sens, et qu'elle en est à la fin violemment retirée par des efforts muili- pliés de l'animal, elle peut blesser le pé- rioste, les tendons, ou d’autres parties plus ou moins délicates, de manière à produire des inflammations, des convulsions, et d’au- tres syinplômes alarmans. Ces terribles effets ont été bientôt regardés comme les signes de la présence d’un venin des plus actifs ; et comme si ce n'étoit pas assez que d'allri- buer à ce dangereux aiguillon dont la queue de la raie aigle est armée, les qualités re- doutables , mais réelles , des poisons, on à bientôt adopté sur sa puissance delétère les faits les plus merveilleux, les cenies les plus absurdes. On peut voir ce qu'ont écrit de ce venin mortel Oppien, Elien, Pline; car, relativement aux eflets fuuestes que em = aigles. ( Aldrovaude, Willughby, Ray, etc.) Mais cette différence est purement accidenteile et ne suffit pas sans doute pour former des espèces séparées. SONNINI. DÉS RAÏNES. 195 nous indiquons, ces trois auteurs ont en- tendu par leur pastenaque ou leur raie tri- gone, non seulement la pastenaque propre- ment dite, mais la raie aigle , qui a les plus grands rapports de conformation avec cette dernière. Non seulement ce dard dentelé a paru aux anciens plus prompt à donner la mort quelesflèches empoisonnées des peuples à demi-sauvages; non seulement ils ont cru qu'il conservoit sa vertu mal-faisante long- tems après avoir été détaché du corps de la raie; mais son simple contact tuoit l’ani- mal le plus vigoureux, desséchoit la plante la plus vivace, faisoit périr le plus gros arbre dont il attaquoit la racine. C'étoit larme terrible que la fameuse Circé remettoit à ceux qu’elle vouloit rendre supérieurs à tous leurs enneïhis ;'et quels effets plus redou- tables, selon Pline, que ceux que produit cet aiguillon, qui pénètre dans tous les corps avec la force du fer et activité d’un poison funeste ? Cependant ce dard, devenu l’objet d’une ‘si grande crainte , h'agit que mécaniquement sur l’homme ou sur les animaux qu’il blesse. Et sans répéter ce que nous avons dit (à) (1) Discours sur la nature des poissons. N 2 196 HISTOIRE des prétendues qualités vénéneuses des pois- sons, l’on peut assurer que lon ne trouve auprés de la racine de ce grand aiguillon aucune glande destinée à filtrer une liqueur empoisonnée; on ne voit aucun vaisseau qui puisse conduire un venin plus ou moins puissant jusqu’à ce piquant dentelé ; le dard ne renferme aucune cavilé propre à trans- mettre ce poison jusques dans la blessure ; et aucune humeur particulière n’imprègne ou n’humecte cette arme, dont toute la puissance provient de sa grandeur, de sa dureté, de ses dentelures, et de la force avec laquelle l'animal s’en sert pour frap- per (1). (1) Plusieurs naturalistes, parmi lesquels il faut compter Linnæus , assurent que l’aiguillon des raies cst très-venimeux ; les marins et les pêcheurs en sont convaincus ; quand ils trouvent de ces poissons dans leurs filets, ils s'empressent de leur couper la queue et de la jeter à la mer. Cependant il est constaté, par les expériences récentes de Spallanzani, que l’arme:vraiment dangereuse des raies n’a rien de veni- meux , et que les maux qu’elle cause et qui peuvent même faire mourir , sont un effet de sa structure, par laquelle ses piquans pénètrent dans les chairs et les déchirent quand cet animal la retire. Au surplus, puisque les blessures faites par les aiguillons des DES RAIES. 199 Les vibrations de la queue de la raie aigle peuvent en effet être si rapides, que l'aiguillon qui y est attaché paroisse en quelque sorte lancé comme un javelot, ou décoché comme une flèche, et recoive de celte vitesse, qui le fait pénétrer très-avant dans les corps qu'il atteint, une action des plus délétères. C’est avec ce dard ainsi agité, el avec sa queue déliée et plusieurs fois contournée , que la raie aigle atteint, saisit, cramponne , retient et met à mort les ani- maux qu'elle poursuit pour en faire sa proie, ou ceux qui passent auprès de son asile, lorsqu’à demi-couverte de vase elle se tient en embuscade au fond des eaux salées. C’est encore avec ce piquant très-dur et dentelé qu'elle se défend avec le plus d'avantage contre les attaques auxquelles elle est expo- sée; et voilà pourquoi , lorsque les pêcheurs yaies sont si fortes qu’elles peuvent donner la mort, peu importe pour leur effet que ces armes si terribles introduisent ou non quelque venin dans les chairs ; les pêcheurs ont toute raison de les redouter , et ils ne se trompent que sur la cause des maux qu'ils éprouvent lorsqu'ils en sont atteints. Il est défendu en Sardaigne de vendre la raie aigle avec le piquaut de sa queue. SONNINI:. N 5 198 ES TOTRE ont pris une raie aigle, ils s'empressent de séparer de sa queue l'aiguillon qui la rend si dangereuse. Mais, si sa queue présente un piquant si redouté, on n’en voit aucun sur son corps. La couleur de son dos est d’un brun plus ou moins foncé, qui se change en olivâtre vers les côtés, et le dessous de l'animal est d’un blanc plus ou moins éclatant. Sa peau est épaisse, coriace, et induite dune li- queur gluante. Sa chair est presque toujours dure (1); mais son foie, qui est très-volu- mineux et très-bon à manger, fournit une grande quantité d'huile (2). Au reste, on trouve les raïes aigles beau- coup plus rarement dans les mers septen- trionales de l’Europe que dans la Méditer- (1) Elle a quelquefois une mauvaise odeur, et toujours elle est difficile à digérer ; il n’y a que les gens de la basse classe qui en mangent, parce que n'étant pas recherchée par les riches c’est un mets à bas prix. Les pauvres même ne s’en nourrissent que quand le poisson est jeune. L’on voit beaucoup de ces petites raies qui ne pèsent guère plus de deux livres, dans les marchés de Rome. SONNINI. (2) La couleur du foie est jaunâtre. Il est divisé en deux lobes, dont l’un est grand et rond , et l’autre petit et alongé. SONNINI. … COMES:R A TES. 109 ranée et d’autres mers situées dans des climats chauds ou tempérés; et c’est particulièrement dans ces mers moins éloignées des tropiques que l’on en a pèché du poids de quinze my- riagrammes (plus de trois cents livres) (1). Nous avons trouvé, parmi les papiers du célébre voyageur Commerson , un dessin qui représente une raie. Cet animal, figuré par Commerson, est évidemment de l'espèce de la raie aigle ; mais il en diffère par des caractères assez remarquables pour former une variété très-distincte et plus ou moins constante. Premièrement, la raie de Commerson, à laquelle ce naturaliste avoit donné le nom de mourine , qui a été aussi applique à la raie aigle par plusieurs auteurs ,a la tête beaucoup plus avancée et plus distincte des nageoires pectorales et du reste du corps que l’aigle que nous venons de décrire ; secondement, la nageoire dorsale, située sur la queue, et (1) J'ai vu beaucoup de raies aigles sur les rivages de l'Egypte. Ces raies préfèrent les fonds vaseux, et comme les autres espèces , elles se nourrissent de petits poissons et d’autres animaux aquatiques. SONNINI. N 4 200 HISTOIRE l’aiguillon dentelé qui l'accompagne , sont beaucoup plus près de l’anus que sur la raie aigle ; et troisièmement, le dessus du corps, au lieu de présenter des couleurs d’une seule nuance, est parsemé d’un grand nombre de petites taches plus ou moins blanchätres. C’est dans la mer voisine des îles de France et de Madagascar qu’on avoit pêché cette variété de la raie aigle dont Commerson nous a laissé la figure. HES RATES. 201 a — — LA RAIE NARINARI (i). ONZIÈME ESPÈCE. P; R M1 les espèces de raies qui se trouvent au Brésil, il en est une qui porte le nom de narinari pinima; elle a beaucoup de rapports avec l’espèce précédente , de la- quelle la plupart des naturalistes ne l'ont point séparée. Willughby a rapporté dans un chapitre particulier la description même de Marcgrave (2); ce qui fait conjecturer que l’auteur anglais considéroit ce poisson comme une espèce distincte. Artedi s’est contenté de faire de la narinari une simple variété dans l'espèce de l'aigle (3). Cepen- dant, si on examine avec attention , dans l'ouvrage de Marcgrave, la description et (1) Narinari brasiliensibus. Marcgr. Hist. nat. bras. hbi44, p'a175. Raja narinari, Marcgravii. Artedi, Gen. pisc. gen. 45, sp. 6, var. a. Raja narinari, corpore lævi, supr& chalibeo ; maculis albis numerosis. Nov. act. Stockh. tom. II. (>) Hist. pisc. lib. 3, cap. 3, p. 66. (5) Loco suprà citato. 202 HISTOIRE la figure de cette raie du Brésil, l’on hésite à la réunir avec l'espèce précédente, et l’on sera peut-être disposé à partager mon sen- üment au sujet de ce poisson, qui me paroît être d’une espèce particulière. En effet. au nuheu des traits de ressem- blance qui existent vraiment entre la raie aigle et celle-ci, il est facile de saisir des disparités saillantes ; et au nombre de ces disparilés, je ne compterai pas même la privation de dents que Marcgrave attribue à la narinari (1), parce que cette asser- tion peut être une erreur de ce naturaliste. Je ne remarquerai pas non plus que la nari- nari porte un double piquant à la queue; ce caractère, ainsi qu'on l’a vu dans l’his- toire de la raie aigle, n’ayant rien de cons- tant ni de décisif, et ne pouvant pas même constituer une simple variété. Mais la raie du Brésil, suivant Marcgrave, a de petits yeux, tandis que ceux de l'aigle sont gros et saillans. La petite nageoire de la queue est, dans la première raie , tout à fait à Vorigine de cette partie, et vers son milieu dans la seconde ; les piquans de la première, longs de trois doigts, ont la forme d’hamecons (1) Os edentulum , Hist. bras. loco suprà citato. D'ES RATES: 209 de pêche, et ceux de la seconde sont presque droits; la couleur de la première est en dessus d’un gris de fer, parsemé de taches blanches ; celle de la seconde est un brun plus ou moins foncé, sans aucune tache ; enfin, la chair de la narinari est de bon goût, et celle de la raie aigle est très-mauvaise. JI me paroît que ces disconvenances suffisent pour que cette dernière espèce ne soit plus confondue avec la narinari. Le corps de celle-ci acquiert un grand volume. Marcgrave assure que quarante hommes peuvent aisément se rassasier avec un seul de ces poissons. La narinari se trouve aussi dans la mer qui baigne les côtes limoneuses de la Guiane. Les français qui y sont établis la nomment raie chauve-souris (1). (1) Barrère, France équinox. pag. 178. Raja pinnis triangularibus, alas vespertilicnis referentibus. Nari- nari pinima Marcsr. Raie chauve-souris. 20% AS TOLREÉE LA RAIE PASTENAQUE (1) (2}, PAR LACÉPÉDE. DOUZIÉÈÉME ESPÈCE. EE forme et les habitudes de cette raie sont presque en tout semblables à celles de la raie aigle que nous avons décrite. Mais (1) Auprès de Bordeaux, pastinaque, tareronde. Sur les côtes de France voisines de Montpellier, pastenago et vastango. À Rome , bruccho. Sur la côte de Gênes, ferrazza. En Sicile , bastonago. En Dal- matie, uéuglia. Eu Angleterre , fire flaire. Par plu- sieurs auteurs, éuréur. Raiïie pastenague. Daubent. Encyci. méthod. Raja pastinaca. Lin. édit. de Gmel. Raja caud& apterygi&, aculeo sagittato. Bloch, Hist. nat. des poiss. troisième partie, pl. LXxxx11. — Artedi, gen. 71, syn. 100. Raie pastenague. Bonat. pl. de l’Encycl. méth. — Mus. Ad. Fr. 2, p. 51 *. — Müller , Prodr. zool. dan. pag. 57, n° 510. — Gron. Mus. 1 , 141. Zooph. 158. Leiobatus, in medio crassus, etc. Klein, Miss. pisc. 5 ,p. 55, n° 5. — Aristot. Hist. anim. lib. 1, cap. 5. Pastinaca. Plin. Hist. mand. lib. 9, cap. 24 , 42. Pastenague. Rondelet , 1° partie, Liv. 12, chap. 1. Pastinaca, Saly. Aquat. p. 144, 145. — Gesner, DES RAIES. 205 voici les traits principaux par lesquels la pastenaque diffère de ce dernier poisson. Son museau se termine en pointe au lieu d’être plus ou moins arrondi; la queue est moins longue que celle de la raie aigle , à proportion de la grandeur du corps, quoique cependant elle soit assez étendue en lon- gueur , très-mince et très-déliée ; et enfin cetle même partie non seulement ne pré- Aquat. p. 679. Icon. anim. p. 121 , 122. Thierb. p. 63 a. Pastinaca marina. Jonston, Pisc. p. 32, tab. 9, fig. 7. Pastinaca marina lœvis. Ray, Pise. p. 24. — Bel. Aquat. p. 95. Pastinaca marina nostra. Aldrov. Pise. p. 426. Pastinaca marina prima. Willughb. Ichth. p. 67, tab. c. 3. Gej. Kæmpfer, Voy. au Japon, p. 155. Sting ray. Pennant , Brit. zool. tom. III, p. 71, n° 6. Pastinaca marina oxyrinchos. Schonev. p. 56. Pastenaque. Valmont de Bomare , Dictionnaire d'histoire naturelle. (>) La pastenaque. En grec , tragon et érygon. En latin moderne , brucchus et pastinaca. En allemand, stechroche et grone topel. En hollandais , pyéstaart. En danois, kokkel. À Gênes, ferraza et euccio. Au Japon , gaz. SONNINI. 206 EAST O LR FE sente point de nageoire dorsale ‘auprès de laiguillon dentelé dont elle est armée, mais même est entièrement dénuée de na- geoires (1). (1) L’aiguillon de la pastenaque est redouté par les pêcheurs comme celui de la raie aigle; ce que l’on a dit de ce deruier , et ce que j'en ai écrit moi-même convient également au piquant de la raie de cet article. ( Voyez ma note à la page 106.) I1 est cependant des pays où les pêcheurs ne montrent aucune frayeur à l’aspect de cette raie, que presque tous les autres ne touchent qu'avec une excessive précaution. Bloch (Histoire naturelle des poissons , art. de la pastenaque ) cite à ce sujet les pè- cheurs de Heiligeland, qui né la craignent point. Les esclavons remédient à la piquure de la raie aigle et de la pastenaque par le fie! blanc, comme ils disent, du calmar , connu d’eux sous le nom presque latin lighna ou d’oligagn. ( Voyage en Dalmatie par M. Fortis, tome II, pag. 178.) Ce savant ajoute que le meilleur remède est de lier fortement la partie piquée, et de scarifier la blessure pour en faire sortir le sang empoisonné. Nota, que, quand M. Fortis écrivit son voyage, il n’avoit pu avoir connoissance des expériences de Spallanzani , qui prouvent que ‘Veffet du piquant de la raie est purement. mécanique, et ne porte avec lui dans les plaies aucune espèce de venin. L'on ne peut douter que ce ne soit de la pastenaque ou de la raie aigle que doit s’entendre le passage MES (RATES. 207 La pastenaque paroît répandue dans un plus grand nombre de mers que la raie suivant d’un voyage moderne en Afrique: « Il est dan- gereux (sur la côte d’Angole) de pêcher à la seine; on court le risque d’être piqué par la éorpille , espèce de raie électrique dont la queue est armée d’un dard La piquure de ce poisson est fort dangereuse ; elle est ordinairement suivie d’un gonflement considérable dans la partie piquée, accompagné de douleurs cui- sautes, cet état dure plusieurs jours ; l’acide neutre en triomphe ». ({ Voyage à la côte occidentale d’A- frique , par De Grandpré, tome T, pag. 36.) La tor- pille n’a point daiguillon ni sur.le. corps, ni à la queue. Le piquant si dangereux de la pastenaque sert de scie à quelques peuplades sauvages de l’Amérique. fl passe au Japon, suivant Kæmpfer , comme un spéci- fique contre la morsure des serpens , si on en frotte la plaie; les japonais en portent toujours sur eux; mais ils prétendent que cette propriété de l’aisuillon n’exis- teroit pas s’il n’avoit pas élé retranché à l’animal vivant. La pastenaque connoît l'avantage que lui donne une arme si terrible ; elle en blesse les poissons afin de les saisir avec plus de facilité; Pline assure même qu’elle ne craint pas d'attaquer le requin. Ce qui a été dit, dans l’article précédent , au sujet de la qualité de la. chair et du foie de la raie aigle convient également à la pasten:que. SONNINI, 208 HIISITO ERE aigle, et ne semble pas craindre le froid des mers du nord (1). Son piquant dentelé est souvent double et même triple, comme celui de la raie aigle: (1) Les pastenaques sont communes dans la Médi- terranée ; j’en ai vu pêcher de fort grosses dans l’ar- chipel de Grèce, où les insulaires les nomment salakie. T’on en prend aussi quelquefois sur les rivages de la Crimée , au rapport de M. Pallas. ( Nouveau Voyage dans les gouvernemens méridio- naux de l’empire de Russie , 1802 , tom. IT, p. 400.) Cette espèce habite les eaux de presque toutes les mers de l’Europe et de l'Amérique ; et elle se trouve en si grand nombre sur quelques points de la nouvelle Hollande , que le capitaine Cook donna le nom de baie des pastenaques à un de ses mouillages sur la côte de ce continent. Comme la pastenaque ne craint point le froid des mers du Nord, il est probable que c’est cette espèce que l’équipage du capitaine Billings prit à la ligne le long du vaisseau dans le canal du prince Williams, sur la côte mord - ouest de l'Amérique. Cette raie étoit fort grosse , et lorsque les russes la hâloient à bord, les naturels du pays s’avancèrent avec fureur, et c’étoit à qui pourroit la percer de sa Jance; ils disoient que ce poisson étoit le diable. (Voyage dans le nord de la Russie asiaiique , etc. par le commo- dore Billings, traduit par Castéra , tom. 1, p. 577.) SONNIKL. nous DÉS RATES, 20ÿ hous croyons en conséquence devoir rap- porter à celte espèce toutes les raies qu’on n’en a séparées jusqu’à présent qu'à cause d’un aiguillon triple ou double. D'un autre côté, la nuance des couleurs, ét même la présence ou l’absence de quelques taches ne peuvent être regardées comme des carac- tères constans dans les poissons, et particu- lièrement dans les cartilagineux , qu'après un très-grand nombre dobservations répé- tées en différens tems et en divers lieux. Nous ne considérerons donc, quant à pré- sent, que comme des variétés plus ou moins constantes de la pastenaque, les raies qu’on n’a indiquées comme d’une espèce différente qu’à cause de la dissemblance de leurs cou- leurs avec celles de ce cartilagineux. Au reste, il nous semble important de répéter plusieurs fois dans nos ouvrages sur l’histoire naturelle, ainsi que nous l'avons dit très- souvent dans les cours que nous avons donnés sur cette science, que toutes les fois que nous sommes dauis le doute sur l'identité de l'espèce d'un animal avec celle d’un ‘autre , nous aimons mieux regarder le premier comme une variété que comme une espèce distincte de celle du second. Nous préférons de voir le tems venir, par des observalions nou- Poiss. Tome III. O 210 ILES T O0 LR.E velles, séparer tout à fait ce quenous n'avions en quelque sorte distingué qu'à demi, plutôt que de le voir réunir ce que nous avions séparé ; nous desirons qu on ajoute aux listes que nous donnons des productions natu- relles , et non pas qu’on en relranche; et nous chercherons toujours à éviter de sur- charger la mémoire des naturalistes d'espèces nominales, et le tableau de la Nature de figures fantastiques (1). (1) Quelque fondée que soit l’opinion de Tacépède, j'avoue que je ne la partage point. Le mot variété est presque toujours d’une acception vague en histoire na- tarelle , et je crois qu’il ne doit être employé qu'avec quelque circohspection. Si les dissemblances qui sé- parent un animal d’un autre animal ne dépendent que de la différence du sexe ou de l’âge, ils forment une seule et unique espèce , et l’on ne peut pas dire que lun soit une variété de l’autre. Si des dissemblances entre des animaux très-voisins, et même de la même espèce, se perpétuent constamment , elles constituent une race plutôt qu'une variété. Enfin, lorsqu'il ne s’agit que de différences individuelles, dues à quelqne accident, et qui ne se propagent pas, c’est bien une variété; mais, comme elle n’est que passagère et for- tuite, elle mérite rarement que Pen en fasse mention. Ii est donc trés - dificile de fixer d’une manière pré- cise si un animal est une variété d’un autre, dans quelque sens que s’entende ce mot; et cela devient impossible quand on n’a que des notions incertaines DES EAMES, où sur un des objets de comparaison, et quelquefois sur tous les deux. Prononcer , en ce cas, qu’il ne s’agit que de variétés de la même espèce, e’est risquer de confondre deux objets qui peuvent être réellement distincts ; engourdir, pour ainsi dire, l’observation, qui ne cherchera pas à s’appesantir sur de simples Variétés , et retarder peut-être la connoïssance d’est pèces intéressantes, quoique très = rapprochées, par leurs attributs extérieurs, d'espèces déjà observées, Tout en rendant hommage à la solidité des raison-: nemens du grand, naturaliste dans l’ouvrage duquel: je trace ces foibles notes, ils ne m’ont pas convaincu, et j'ai suivi une route toute opposée : j'ai toujours pensé qu'à moins d’une certitude acquise de liden-. tité de deux êtres voisins , il valoit mieux les décrire séparément comme des espèces distinctes. Par ce moyen on appellé l’attention à leur sujet, et l’on a plus d’intérèt, plus de curiosité à les examiner , que si on les croit à peù près les mêmes. Du moment que l’on est forcé de remettre la décision au tems et à l’obsérvation , il vaut mieux exciter célle - ci et ne pas trop prolonger l'autre ; et lon w’évile pas tou- jours , ce me semble ; ce double inconvénient par la méthode contraire, c’est-à-dire, en ne parlant d’un objet peu connu que pour le réunir à celui qui l’est déjà D’après ces éoisidérations , je platerai à la suite de la pastenaque, mais comme espèces distinctes," quoique -Voisines ; plusieurs raies que ELacépède a réunies dans lé même aïticlé et dont il n’a dit qu’un mot, parce qu’il les a jugées, avec beaucoup de vrai= semblance; dé La même éspèce que la pastenaque. SONNINI. spi Q 2 19 HISTOIRE MAR AIE XLTAVELE (i. TRÉIZLIÈME ESPÈCE. ÂÀ Naples on nomme altavela une raie qui a de nombreuses ressemblances avec la pastenaque ; ce qui a engage la plupart des ichthyologistes à la présenter comme une simple variélé de cette espèce (2), tandis que d’autres Font jugée d'espèce différente (3 ). C’est ceite incertitude, que de nouvelles (i ) Pastinaca marina altera pteryplateia, altavelæ Neapoli dicta. F. Colum. Obs. de Aquat. cap. 2, p. 4. — Willughb. IMist. pisc: lib. 3, cap. 2, pag. 65. — Ray, Pise. ET ETES Raja corpore glabro , aculeis duobus posticè serratis in, dorso apterygio..:. raja altavela. Lin. Syst. nat. edit. Gme!. gen. 150:,.8p:.7 » var. b. Raie pastenague artavelle, var. b. Daubent. Encyc. mé thod. Raiïe pastenague , artavelle. Bonaterre, planches de PEncycl. méth. Raja corpore glabro , aculeis sæpe Dibes. posticè serratis in cauda apterygia. Artedi , Gen. pisc. gen. 45, sp. 4; et Synonym. p. 100. (2) Linnæus , Artedi , gen. Daubenton, Lacé-. pède , etc. (5) Fo WilngEby, Artedi, Synonym. etc. DS RATES. 213 observations n’ont pas encore fait dispa- roître, qui m'engage à traiter de l’altavèle dans un article particulier , jusqu’à ce que mieux connue elle demeure définitivement séparée, ou que l’on soit obligé de la réunir à la pastenaque (1). Columna est le premier qui ait donné la figure et la descriplion de l’altavèle (2). Il dit que les pêcheurs napolitains lui assurèrent que cette raie s’élevoit au dessus des eaux par une espèce de vol; ce qui le fit rire, et il eut raison. Elien, qui n’omettoit dans ses écrits aucune des fables ni aucun des bruits populaires de son tems, avoit fait le mème conte au sujet de la pastenaque, et il est probable que personne n’en rioit a lDnS La tête de ce poisson est plus petite, proportion gardée, que celle de la pasie- naque; son cerps est aussi moins élevé et moins alongé dans sa parlie antérieure, mais plus aminci au dessous des nageoires. La forme de ce poisson est un rhombe dont les angles sont plus grands et plus obtus que dans la pastenaque, et il n’acquiert jamais (1) Voyez ma note à la fin de l’article précédent. (2) Loco suprà cilato. : O 3 1% HISTOIRE ni un volume, ni un poids aussi considé- rables. La queue est moins longue que la moitié du corps; elle est armée de deux piquans dentelés comme une scie, dont l'antérieur, qui est le plus court, est creusé dans son milieu , d’un bout à l’autre , par un sillon profondément tracé. Il y a trois sillons semblables sur le second aiguillon, Les pêcheurs vendent facilement lalta- vèle, parce que sa chair, assez recherchée, n'est point désagréable au goût (1). (1) Columna , /0co citato. DES RATES. 215 LA RAIE OUARNAK (1). \ QUATORZIÈME ESPÉCE. Læ voyageur naluraliste Forskoœl a indiqué cette raie comme une variété de la raie sephen, dont il sera bientôt question ; mais elle se rapproche davantage de la paste- naque. C’est un poisson de la mer Rouge, que les arabes nomment oarnak; sa queue n’a point de nageoires ; mais on y voit un et quelquefois deux piquans. Tout son corps est parsemé de taches sur un fond argenté. (1) Raja, arab. uarnatk. Forskæl, Faun. ægypt. arab.in°: 16: 0. Raja tota maculata. Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. 130, SP. 7 » Var. g. Raja uarnak. Artedi, Gen. pisc. gen. 45, sp. 15, var: a. L'uarnak. Bonaterre , planches de l’'Encycl. méth. page 4: 9 4 216 HISTOIRE LA RATE | N'RIN AR NH. QUINZIÈME ESPÈCE. Fa y a une grande conformité de noms entre ceite raie et la précédente; 1l y en a aussi dans leurs formes : elles ont beau- coup de traits communs entre elles, aussi bien qu'avec la pastenaque; ce qui a engagé plusieurs naturalistes à n’en faire que des väriétés de la même espèce. Arnak est le nom que les arabes donnent à cette raie, qui vit dans les eaux de la mer Rouge. Forskœl la observée à Loheia , sur la côte orientale de ce grand golfe ; et le peu de mots que le naturaliste danois en a écrit composent jusqu'à présent toute (1) Raja dentibus granulatis; corpore orbiculato, argenteo ; caudé tereti , apterygia , spinis duabus... raja arnak. Forskœl, Fauna ægypt. arab. pag. 9, n° 15, c. — Artedi, Gen. pisc. gen. 45, species dubiæ, n° 23. — Lin. Syst. nat. edit. Gmel. gen. 130, Sp. 14. | DES RAIES. 217 son histoire (1). Ce n’en est pas assez, sans doute, pour assigner avec quelque exacti- iude la vraie place de ce poisson d’une mer encore peu fréquentée, et pour décider sil constitue une espèce distincte et séparée , ou sil n’est qu'une variété d'âge, de sexe, d'accident, ou enfin une race particulière. Les denis de larnak sont granuleuses; la forme de son corps est arrondie, et de la même couleur argentée que l’ouarnak ; sa queue déliée et sans nageoires est armée de deux aiguillons. Artedi a rangé cette raie, ainsi que la pré- cédente , au nombre des espèces encore peu connues et douteuses (2). (1) Ces mots se réduisent à ceux de la phrase ci-dessus. (2) Gren, pisc. loco citato. 215 HISTOIRE ee D LA RALEHSCHERTE (D) SEIZIÈME ESPÈCE. J'asrÈéce ainsi la dénomination , omm es scherit, que porte en Arabie, suivant Forskœl, cette troisième raie de la mer Rouge. Ce voyageur lui a reconnu beaucoup de ressemblance avec les raies arnak et ouarnak ; il ajoute qu’elle a la queue déliée et couverte de taches. | Des détails aussi peu étendus ne peuvent passer que poux une indicalion aux obser- vateurs. (1) Raja caudé tereti, maculatä... raja omm es scherit. Forskœl , Faun. ægypt. arab. p. 9, n° 12, à. — Lin. Syst. nat. edit. Gmeél. gen. 150, sp. 15. — Artedi , Gen. pisc. gen. 45, sp. 24, dubia. Le scherit. Bonaterre, planches de l’Encycl. méth. pag. C. DES RAIES. 219 * D SE Le TRS LATE F RER PT ER SSREX LATRAIE MUBE (x DIX-SEPTIÈME ESPÈCE. Cerre-cr , qui habite la même mer que les précédentes, est beaucoup plus rare. Elle s'approche inoins souvent du rivage que les autres , et lorsqu'elle quitte la haute mer, ce n’est jamais que dans l’obscurité des nuits. Cette différence d’habitudes la distingue assez des raies ouarnak, arnak, et omm es scherit. La raie mule a été observée à Dsjidda par Forskæl ; il lui a trouvé le ventre blanc et la queue arrondie , déliée, et variée de différentes couleurs. Son aiguillon passe, parmi les arabes, pour être très-dangereux. (1) Raja caudé tereti, variegaté ; venére niveo... raja mula. Foxskœl, Faun. ægypt. arab, pag. 9, n° 10, Raja subtüs nivea , caudé tereti, variegaté.., raja mula. Lin. édit. Gmel. gen. 150, sp. 18 , dubta. La mule. Bonat. planches de l’Encycl. méth. p. 6. Raja mula. Artedi, Gen, pisc. gen. 45, sp. 26, dubia. ( 250 EI ST O LRE PÉCHES DESVRADES., Les raies se pêchent aux haims ou hame- cons et aux filets. Le haim est un crochet de métal ( ordi- nairement de fer ) ou bien d’épine , et qu’on fait quelquefois en os. Quand il est garni d’un appät ou amorce convenable à l'espèce de poisson auquel on le jette , il prend le nom d’hamecon. | Comme la raie est un poisson vorace, qui se nourrit principalement de petits poissons et de chevreites , 1ls seront la meilleure amorce dont on puisse se servir pour garnir le haim qu’on jette aux raies de quelque espèce qu'elles soient ; et comme par leur forme plate et l'habitude qu’elles ont de se tenir au fond de la mer, elles sont diff- ciles à tirer hors de l’eau , il faut que lhamecon soit solidement attaché à une ligne très-forte faite de fanons de baleines ou de petites lanières de la peau du grand phoque : c’est du moins ce que pratiquent les pêcheurs groenlandais, suivant Othon Fabricius, Fauna groenlandica, page 126. DES RATES. 221 Pour faire celte pêche en grand, on garnit un moyen cable d'une multitude de ces lignes hameçonnées et jusqu'à dix à douze mille : on le jette en mer à trente brasses au moins de la côte; et pour indiquer les- pace qu'il occupe , on y atlache dans sa Jongueur , et de distance en distance , plus ow moins éloignées , des signaux de liège qui liennent à de pelites cordes assez longues pour ne point empêcher le cable de gagner le fond. Cette pêche , qui se pratique dans la Mé- diterranée et particulièrement sur les côtes d'Italie, rapporte beaucoup ; mais, si elle produit du poisson plus frais que celui qu’on prend aux filets, elle a cependant cela de très - désavantageux que les haïms devant êlre garnis de petits poissons et quelquefois de dix à douze par chaque haim, il en ré- sulte une grande destruction de frai de poissons, que les pêcheurs sont d’ailleurs obligés de se procurer à prix d'argent : en sorte que ces amorces sont coûteuses et tendent à diminuer les espèces , ce qui doit faire préférer la pêche au filet dont nous llons parler. On pêche les raies au filet qu’on appelle 299 HISTOIRE folle (1): ila deux brasses ou environ dix pieds de hauteur ou chûte; sa longueur, varie et peut avoir de six à dix-huit brasses. Ses mailles ont six pouces en carrée, faites de fil fort. Relativement à la manière d'étendre ce filet, il y en a de trois sortes :. folle simple, folle flottée et BB IS , et folle à la mer. On nomine ce filet folle, parce qu il n'est pas fortement fixé au fond , mais seulement. par le lest de quelques si qui em BY de surnager en totalité, et le tien- ent tendu dans l’eau, sans l’erapêcher d'y élre agité; el parce que ses maiiles étant larses et flexibles et faisant des poches dont l'agitation de l’eau varie les formes, il en prend lui-même de différentes, tant dans sa longueur que dans sa Den | La folle simple, c’est-à-dire, _eñ une seule pièce , s'étend sur des piquets de quatre à cinq pieds de haut, à la distance d'environ deux à trois brasses l'an de l’autre. On. amnarre la folle aux piquets par le haut et par le bas, au moyen d’un tour mort qui (1) En quelques endroits, la folle est appelée Tieux ÿ. précisément parce qu’elle sert à prendre des raies En allemand, weitmaschigte sackgarn. z ASELSSIN à? Ke 7 à ml Sa: « SQ RSI RSS je we NS xt EN RN ® N N mare fe Enr 2 RE RE ET Te ve à h se De eve re PDirant ef, LA FOLLE . DES RATES. 223 n’est qu’un simple lour croisé sans nœud : ce filet s'étend un bout vers la haute mer et l'autre bout vers la terre ; quelquefois on donne à un des bouts la figure d’une crosse, et cela par le moyen des piquets. Pour tendre la folle simple, il faut être deux; mais un seul pêcheur: peut tendre la folle flotiée, dont on peut voir les dé- tails à la planche V. La tête de ce filet, fait d’un bon fil de chanvre assez délié, est bordée par une ra- lingue A, qui est un funin ou quarantenier (c’est-à-diré, cordage de médiocre grosseur), de douze à quinze fils ; laquelle ralingue passe à travers des rondelles de liège B , qu'on met à environ douze pieds les unes des autres. Le pied du filet est bordé par deux pareils funins CC , entre lesquels sont amarrés avec des lignes fines les cailloux D qui forment le lest: on les met à environ, trois pieds les uns des auties. Mais, pour que les deux cordes CC ne se coulent pas June sur l’autre quand on les met à l’eau, il faut avoir l'attention de mettre leurs torts en sens contraire. + Pour faire en grand la pêche à la folle , Ë plusieuts pécheursse réunissent, conviennent de la part qu'ils auront dans le produit, 22% EPST OTLRE laquelle est ordinairement proporlionnée au nombre de pièces de folles qu'ils mettent dans celte société momentanée; ils frèlent une barque dont le maître , ainsi que les hommes de service , ont aussi une part con- venue ; alors, pour joindre les différentes pièces de folles apportées par les pêcheurs associés, et en faire ce qu’ils appellent une tessure , on attache aux deux extrémités de la ralingue d'en bas une grosse pierre percée, ou cablière 1 garnie d’une anse ou estrope de corde K, qui sert aussi à attacher une corde ou orin L à l’autre bout de laquelle est amarrée une bouée formée de douves de barriques comme M ou de morceaux de lèges comme N. On voit en O les signaux que portent les bouées : ce sont de petits pavillons qui servent à faire apercevoir de plus loin les bouées qui flottent sur la sur- face de l’eau. En P est une petite cablière : on en met quelquefois de distance en dis- tance, sur la ralingue d'en bas, quand les tessures sont fort longues. Q est un grapin avec son cablot S.Ce grapin sert à rechercher au tend de l’eau une partie de la tessure, quand par accident elle est restée à la mer. R est un autre petit grapin qui est quel- duefois encapelé sur le premier. Test un gafiot DES RATES. 2$5 gaffot pour harponner et tirer à bord de très-gros poissons, Quand on tend les folles au bord de la mer, on les place ou entre les rochers où sur les sables, au pied des bancs, ou dans les fonds qui se trouvent entre les bancs, qu’il y ait de l’eau ou qu’il n’y en ait pas; quand la mer est retirée. Alors ce filet, qui est sédentaire, se tend un peu en demi- cercle : si on le place sur un terrain dur ou dans un endroit d’où l’eau né se retire pas éntièrement après le reflux , on ajoute quelques cablières aux cailloux qui lestent le pied du filet. Si le terrain est de sable, on y‘enfonve.le pied du filet, et le haut ou tête du fièt est soutenu ‘par les flottes et par des’ lignes nommées bandingues , qui tiennent d'un bout à la tête du filet , et dont l’autre est fixé dans le sable à une distance convenable pour maintenir la flotte debout et l'empêcher de céder au courant, Le tems des grandes marées d'été est le plus propre à cette sorte de pêche, et les folles qu’on y emploie ont moins d’étendué que celles dont on fait usage à une certaine distance des bords de la mer. URL. Quant à la pêche qui se fait avec des folles plus avant dans la mer et sur Îles Poiss. Tome III. P 220 LI 5 M O PR'E grands fonds, comme elle a pour objet de prendre de gros poissons, les filets qu’on y emploie. ont la maille plus ouverte ; ce qui rend le filet moins coûteux, plus léger et plus propre, par une plus grande sou- plesse , à envelopper aisément le poisson. Dans cette grande pêche, chaque pièce de folle peut avoir jusqu’à dix-huit brasses de longueur et huit pieds de chüûte : et les ma- telots, réunis quelquefois au nombre de seize , en fournissent jusqu’à dix-huit pièces, ce qui donne à ce filet une lieue et souvent plus d’étendue. D’après cela, on conçoit qu'outre le moyen indiqué plus haut pour réunir les pièces de folles, et comme une si grande étendue donne plus de prise au mouvement de la mer sur le filet , il est nécessaire de multiplier davantage les floites et les cablières. Il faut éviter de jeter ce grand filet sur «les fonds de roches , de crainte d’être trop souvent obligé de faire usage des grappins R Q indiqués dans la première figure. Les meilleurs fonds sont ceux de rocaille, de galets, et ceux: où il croit des plantes ma- rines. | La saison la plus favorable pour cette pêche est le printems et l'automne. Le tems ms. -à/ D'PS: RATES. 227 convenable est quand la marée commence à porter au vent. On jette la tessure sous le vent , et on la laisse trois nuits en place, à moins qu'ayant tendu loin de la côte, l'approche d’une tempête ne fasse craindre aux pêcheurs de perdre leurs filets, auquel cas ils les relèvent au bout de trente - six heures. Si le tems est bon, ils relèvent éga- lement de nuit comme de jour ; mais pour éviter toute surprise , il est bon qu’ils res- tent sur leurs filets, et que dans la crainte d’un gros tems , outre la grosse cablière , qui est amarrée au boul forain avec la bouée, ils en meltent encore une au milieu de la tessure , et une troisième à six pieds de Fautre bout de la tessure, et cette dernière, ils l’attachent au cable de l’ancre de leur barque ou bateau. L'opération de jeter la tessure à la mer est difficile ; celle de l'en retirer est plus difficile encore et demande jus de pré- caution. D’abord quand les pêcheurs mettent leur tessure à la mer, quatre d’entre eux descendent à la cale où le filet est serré sur Parrière du grand mât : deux hommes qui se placent sur le pont, près de l’écoutille, recoivent ce filet et le donnent à deux autres qui sont appuyé sur le bord. Derrière eux P 2 228 HAS TOILRE sont deux forts matelots à califourchon sur le bord, et qui jelitent à la mer les pièces de filets à mesure qu'on les leur présente. Entre ces hommes les uns se donnent de main en main le pied du filet chargé de cailloux , les autres la tôle garnie de ses flottes, afin que la tessure se place à la mer dans une position verticale, et que le filetine se torde pas. Une partie de l'équipage se repose pour être en état de reprendre la place de ceux des travailleurs qui se trouvent fatigués. Quand les pècheurs veulent relever leur filet, ils lèvent l'ancre, la mettent à bord ; ensuile ils hâlent le cordage qui répond de lancre à la folle ; par ce moyen ils amènent la premiére pièce de folle , et de suite toutes les autres qui se tiennent. Pendant cette opéralion et à mesure que chaque pièce de foile arrive à bord, un des plus forts ma- telois , placé près de lescubier de stribord, est occupé à gaïler les gros poissons qui se présentent ; et si par malheur la tessure vient à se rompre, on se sert des grappins Q et KR pour retirer ce qui, est reslé à la mer. Tout l'équipage est employé dans cette opération. Aux environs de Marennes et sur les oôles de Bretagne, on emploie aussi à la DES RAIES. 229 pêche de la raie et autres poissons plats des dragues que les saintongeois et poitevins nomment chalus. C’est un filet de forme carrée longue , ayant huit brasses .d’ou- verture, qui se réduit au fond à cinq à six brasses de largeur; les mailles ont leurs dimensions inégales , et vont en se rétré- cissant à mesure qu’elles approchent du fond. L'ouverture du chalu est chargée par en bas d’un cordage de deux pouces de grosseur et de plus d’une livre de plomb par brasse. Le haut est garni d’une ligne d’un quart de pouce de grosseur et portant des flottes en assez grand nombre pour maintenir l'ou- verture de cette espèce de sac. La corde plombée et ia ligne chargée de flottes sont amarrées à deux échalons ou genouiliets de bois, et on attache, tant aux échalons qu'aux cordages, une cablière pour tirer le filet à fond.On emploie ce filet, qui se traîne, dans une profondeur d'eau depuis huit à dix brasses jusqu'a trente et quaranle. Quand les pêcheurs ont pris beaucoup de raies dans des momens où la vente n’en est pas avantageuse , ils les conservent en leur passant une ligne dans la gueule et dans un des trous des ouïes. Ils attachent cette ligne "3 250 H:T$5 T O EFR':E par chaque bout à des pieux éloignés , et de manière que la ligne soit lâche , et le tout placé dans le fond d’un parc qui ne sèche point. Sur la côte de Quimper, on étend les pe- tites raies sur le rivage pour les faire sécher, en évitant qu'elles ne soient mouillées par la pluie; car l’eau douce les fait noircir, et les met hors de vente ; on envoie ce poisson ainsi préparé à Nantes. Les gens de la cam- pagne en font une grande consommalion , sur-tout pendant les vendanges. On vend séparément les têtes , que l’on nomme goules rondes ; on en fait des paquets de vingt têtes ; elles sont regardées par ceux qui en font usage comme un mets délicat. On prend aussi les raïes à la seine , espèce de filet dont on trouvera la description dans la suite de cet ouvrage. DES RAIES. 232 LA RAIE LYMME (i)(), PAR LACÉPÉDE. DIX-HUITIÈME ESPÈCE. C’est dans la mer Rouge que le voyageur Forskœl a trouvé cette raie, qu’il a le premier fait connoître (3). Flle ressemble beaucoup à la raie aigle, ainsi qu’à la pas- tenaque ; elle a les dents aplaties comme ces deux raies et tous les cartilagineux qui composent le même sous-genre : mais ex- posons les différences qu’elle montre. Le corps proprement dit, et les nageoires pec- torales, forment un ensemble presque ovale; (1) Raja lymma. Lin. édit. de Gmelin. Raie lymme. Bonaterre , planches de l’'Encyclop, méthodique. Raja corpore ovali testaceo, maculis cæruleis , caud& pinnat& , aculeo unico... raja lymma. Forskæl] , Faun. arab. p.17, n° 1B. (2) Raja lymma. Artedi , Gen. pisc. gen. 45, sp. 14, additans. Nota, que cet ichthyologiste rapproche la lymme de la raie ronce. SONNINI. (5) I l’a décrite à Loheïa, ville d'Arabie, sur le bords de la mer Rouge. SOonNNini. P 4 25%. AI ST OTREÉ la partie postérieure des nageoires pecto? rales est terminée par un angle plus ou . moins ouvert; les nageoires ventrales sont arrondies , et toute la partie supérieure du dos est d’un brun tirañt sur la couleur de brique, parsemé d’une grande quantité de taches bleues, ovales, et inégales en grandeur. La queue est un peu plus longue que le corps, et garnie vers le milieu de sa longueur d’un et quelquefois de deux aïguillons, longs, larges, dentelés comme ceux de la raie aigle et de la pastenaque, et revêtus à leur base d’une peau d’un brun bleuâtre. Depuis son origine jusqu’à ces aiguillons , la queue est un peu aplatie, blanche par dessous et rougeâtre dans sa partie supérieure , où l’on voit régner deux petites bandes bleues et longitudinales ; et depuis les piquans jusqu’à son extrémité, qui est blanche et très-déliée, elle est toute bleue, comprimée par les côtés, et garnie en haut et en bas d’une petite membrane frangée qui représente une na- geoire, et qui est plus large au dessous qu’au dessus de la queue. | La lymme n’a point de nageoire dorsale ; et par là elle se rapproche plus de la pas- tenaque , qui en est dénuée , que de la raie aigle qui en présente une. DES RATES. 233 C'est à cette jolie espèce qu'il faut rap- porter une raie pêchée par Commerson aux environs des îles Praslin, et à laquelle il a donné le nom de raie sans piquant (à), parce qu’en eflet elle n’en présente aucun sur le dos, non plus que les individus ob- servés par Forskœl. Ce naturaliste a fait de cette raie sans aiguillon sur le corps une description très - détaillée , qui fait partie des manuscrits déposés dans le museum d'histoire naturelle, et qui s'accorde presque dans tous les points avec celle que nous venons de donner d’après Forskoœæl. La seule différence entre ces deux descriptions, c’est que Commerson parle d'une rangée de petits tubercules , qui règne sur la partie la plus élevée du dos et s'étend jusqu'à la queue , et de deux autres tubercules semblables à des verrues , et placés l’un d’un côlé et Vautre de l’autre, de lorigine de cette dernière partie. Au reste, parmi les individus qui ont été l’objet de l’attention de Commerson , un (1) Raja lœvis è testaceo fuscescens, gutlis cæru- leis innumeris prono corpore sparsis, aculeis gemints in media cauda. Commerson , ouvrage manuscrit sur la Zoology , quatrième cahier , 1708. 254 ÉCES'T'O4LRE avoit près de cinq décimètres ( un pied six pouces huit lignes) de longueur totale (1)... Au reste nous ne croyons pas avoir besoin de dire que le mâle est distingué de la fe- melle par deux appendices placées auprès de ‘Janus, et semblables à ceux que nous avons fait connoître en traitant de la bats. La lymme, que quelques naturalistes ont crue confinée daus la mer Rouge, habite donc aussi une partie de la mer des Indes. On doit la trouver dans d’autres mers, sur-lout aux environs des tropiques; et en effet il vient d'arriver de Cayenne, au mu- seum d'histoire naturelle , une petite col- lection de poissons parmi lesquels j'ai re- connu un individu de l’espèce de la lymme. Ces poissons ont été envoyés par le citoyen Le Blond, voyageur naturaliste, qui nous a appris, dans des notes relatives aux ani- maux qu'il a fait parvenir au museum, que l'individu, que nous avons considéré comme une lymme, avoit été pris au moment où il venoit de sortir de l'œuf , mais où il étoit encore dans le ventre de sa mère. Les raies _ (1) Forskœl dit que la lÿmme de la mer Rouge atteint à peine la longueur d’un pied, ( Faun. ægypt. arab. loco citato.) SONNINE, DES RAIES. 235 de la même espèce, dit le citoyen Le Blond, qui les appelle raies rouges, à cause de la couleur de la partie supérieure de leur corps, semblable par conséquent ou presque sem- blable à celle des lymmes d'Arabie ou des environs des îles Praslin , sont très- bonnes à manger lorsqu'elles sont jeunes , et par- viennent quelquefois au poids de dix ou quinze myriagrammes ( deux ou trois cents livres ou environ). Au reste, le petit individu arrivé de l'Amérique méridionale avoit la queue trois fois plus longue que le corps et la tête, et par conséquent beaucoup plus longue que les Iyÿmimes d'Afrique et d'Arabie. Mais tous les autres traits de la conformation réunissant ces cartilagineux de la mer Rouge et des îles Praslin avec les raies rouges de Cayenne, on peut tout au plus regarder ces dernières comme une variété dans l'espèce des raies rougeûtres des îles Praslin et d’Ara- bie ; mais on n’en doit pas moins les consi- dérer comme appartenant à lespèce de la lymme , qui dès - lors se trouve dans les eaux chaudes de Asie, de l'Afrique et de l'Amérique. 236 HISTOIRE CLS CE ER RE TE 7 PR EE 7 F ÉA RATE SEPHEN (1) (2), | PAR LACÉPÉDE. DIX-NEUVIÉME ESPÈCE. D ANS cette même mer Rouge où Forskcæl a trouvé plusieurs variétés de la pastenaque et la raie Iymme, ce voyageur a vu aussi la sepheu. Elle a de très - grands rapports de conformation avec la raie aigle, la paste- naque et la lymime ; mais elle en diffère par des caractères assez nombreux pour qu'elle constitue une espèce distincte. Sa couleur est, sur le corps, d’un cendré brun, et par dessous d’un blanc rougeätre. (1) Raja sephen. Lin. edit. de Gmelin! Raie sif. Bonat. planches de l'Encycl. méth. Raja corpore suborbiculato , caud4 duplo longiore subiüs alatä, suprà aculeis duobus longis , utrimque serratis. Forskoœl, Faun. arab. p. 17, u° 16. (2) Raja sephen. Artedi, Gen. pisc. gen. 45, sp. 15, additam. Les arabes de l’Yemen l’appellent sæfén ; à Loheia ils prononcent syfen ; et lorsque le poisson est de grande taille, ils le distinguent par la dénomina- tion de sif, SONNINIL. DES RATES. 237 Elle parvient à une grandeur très-considé- rable, puisqu'on a vu des individus de cette espèce dont les nageoires peclorales et le corps réunis avoient trente-six décimêtres (onze pieds) où à peu près de largeur. L/ex- irénuté postérieure des nageoires pectorales est arrondie , et, dans plusieurs des positions ou des mouvemens de l'animal, cache en partie les nageoires ventralés, qui sont très- petites à proportion du volume de la raie. Malgré la grande étendue du corps, la queue est deux fois plus longue que le corps proprement dit, comme celle de la raie aigle , et.est armée de même d’un ou deux aiguillons assez longs , forls , dentelés des deux côtés,.et revêlus enpartie d’une peau épaisse : mais , au lieu d’être entièrement dénuée de nageoires et de petits piquans; comme la queue de la pastenaque ; au leu de présenter une nageoire dorsale, comme celle de la raie aigle, ou de montrer, sans aucune petite pointe , une sorte de nageoire particulière composée d’une. membrane longue et étroite, comme la queue de la: lymme , elle est garuie, depuis la place des deux grands dards, jusqu’à son bout le plus délié, d’une rangée longitudinale de très- 230 HAS !T'O CRE petits aiguillons qui règnent sur sa partie su- périeure , et d’une membrane longue , étroite et noire, qui s'étend uniquement le long de sa partie inférieure. L'un de ses caractères véritablement dis- tinctifs est d’avoir le dessus du corps et la partie supérieure de la queue, jusqu’à la base des deux pointes dentelées , couverts de tubercules plats, au milieu desquels on en distingue trois plus grands que les autres, d’une forme hémisphérique, d’une couleur blanchâtre, et formant au milieu du dos un rang longitudinal. Presque tout le monde connoît cette peau dure, forte et tuberculée, employée dans le commerce sous le nom de galuchat, que Von peint communément en verd, et dont on garnit l'extérieur des boîtes et des étuis les plus recherchés. Cette peau a aussi reçu le nom de peau de requin ; et c’est par cette dénomination qu’on a voulu la distinguer d’une peau couverte de tubercules beau- . coup plus petits, beaucoup moins estimée, destinée à revêtir des étuis ou des boîtes moins précieuses, appelée peaux de chiens de mer, et qui appartient en effet au squale ou chien de mer, désigné par le nom de DES RAIES. 239 roussette (1). Ceux qui ont observé une dépouille de requin savent que le galuchat présente des tubercules plus gros et plus ronds que la peau de ce squale, et ne peut pas être cette dernière peau plus ou moins préparée. C’est donc une fausse dénomina- ton que celle de peau de requin donnée au galuchat. Mais j'ai desiré de savoir à quel animal 1l falloit rapporter cette production, qui forme une branche de commerce plus étendue qu’on ne le pense, et qui nous par- vient le plus souvent par la voie de PAn- gleterre. J'ai examiné les prétendues peaux de requin déposées dans les magasins où vont se pourvoir les faiseurs d’étuis et de boîtes ; et quoïiqu'aucune de ces peaux ne montrât en entier le dessus du corps et des nageoires pectorales, et ne présentât qu’une portion de la partie supérieure de la queue, je me suis assuré sans peine qu’elles étorent les dépouilles de raies sephens. Elles ne con- sistent que dans la partie supérieure de la tête, du corps et du commencement de Îa queue; mais autour de ces portions tuber- culées , et les seules employées par les fai- seurs d’étuis, il y a assez de peau molle (1) Voyez l'article du squale roussette. 540 HISTOIRE pour quon puisse être convaincu qu’elles ne peuvent provenir que d’un poisson car- tilagineux, et même d’une raie; et d’ailleurs elles offrent la même forme, la même gros- seur, la même disposition de tubercules que la sephen ; elles présentent également les trois tubercules hénusphériques et blan- châtres du dos. A la vérité, toutes les pré- tendues peaux de requin que j'ai vues, au leu de montrer une couleur uniforme , comme les sephens observées par Forskœæl, étoient parsemées d’un grand nombre de taches inégales, blanches, et presque rondes; mais l’on doit savoir déjà que, dans presque toutes les espèces de raies, la présence d’un nombre plus ou moins grand de taches ne peut consiiiuer tout au plus qu’une variété plus ou moins constante (1). Ces tubercules s'étendent non seulement au dessus du corps, mais encore au dessus d’une grande partie de la tête. Ils s’avancent presque jusqu'à l'extrémité du museau, et entourent l'endroit des évents et des yeux, dont ils sont cependant séparés par un in- tervalle. 1 (Qi) Voyez sur ce sujet ma note à la pag. 210. : SONNEN On DÉS RAIES. 241 On reçoit d'Angleterre de ces dépouilles de sephens, de presque toutes les grandeurs, jusqu'à la longueur de soixante-cinq cen- timètres ( deux pieds) ou environ. La peau des sephens parvenues à un développement plus étendu ne pourroil pas être employée comme celle des pelites, à cause de la gros- seur trop considérable de ses tubercules. Sur une de ces dépouilles, la partie tuberculée qui couvre la tête et Le corps avoit cinquaute- quaire centimètres (un pied sept pouces ) de long, et deux décimètres ( sept pouces) dans sa plus grande largeur; et celle qui revêtoit la portion du dessus de la queue, la plus voisine du dos, étoit longue de deux décimètres (sept pouces) ou à peu près (1). J’ai pensé que l’on apprendroit avec plaisir dans quelle mer se trouve le poisson dont la peau, recherchée depuis long-tems par plusieurs artistes, nous a été jusqu'à présent apportée par des étrangers qui nous ont laissé ignorer la partie de lanimal qui la fournit. 11 est à présumer que l’on rencon- trera la sephen dans presque toutes les mers placées sous le même climat que la mer (1) On peut voir, dans les galeries du museum d'histoire naturelle , une de ces dépouilles de sephen. Poiss. Tome III. Q 249 EL: TT O0 ER'E Rouge ; et nous devons espérer que nos navigateurs , en nous procurant directement sa peau tuberculée , nous délivreront bientôt d'un des tributs que nous payons à l’industrie étrangère (1). a —— (1) Un critique très-ingénieux a prétendu que c’étoit une erreur de voir, dans la dépouille de la raie sephen, la matière du galuchat le plus recherché dans le commerce. « Galuchaz, dit ce critique avec beaucoup d’esprit et de gaîté, est le nom d’un ouvrier de Paris, qui demeuroit dans la rue du Harlay. Cet ouvrier walloit à la pêche ni du requin, ni de la roussette , ni de l’aiguillat, ni du sephen; il w’alloit à la chasse ni de Ponagre , ni du sagri, mais il ache- toit des peanx de sagri, d’onagre, de roussette et de requin ; 1l avoit inventé l’art de polir ces peaux, de les blanchir, de les teindre et de les employer avec éclat dans sa profession de gaînier. Il étoit même parvenu à surpasser le sagrinage ou chacrinase des arabes ; et il l’appliquoit avec un égal succès à leurs quadrupèdes et aux nôtres. À moins de déterminer le grand et le petit chien de mer, à veuir habiter la Seine , je ne vois pas qu'il soit possible d’ajonter à la branche d’industrie que créa cet ouvrier si re- nommé et si digne de l’être ». (Observations d’un dialecticien sur les quatre-vingt-onze questions adres- sées par l'institut national de France à l'institut d'Egypte. Paris, an 7 , p. 14, quest. 18.) D'un autre côté, il me paroïît difficile que les anglais, non plus que toute autre nation européenne, D E $S (RATES. 249 Voilà donc quatre raies, l'aigle , la pas- tenaque , la Iymme et la sephen, dont la queue ést armée de piquans dentelés. Ces dards , également redoutables dans ces dif- érentes espèces de poissons cartilagineux , lés ont fait regarder toutes les quatre comme venimeuses ; mais les mêmes raisons qui nous ont moniré que l'aigle et la pastéenaque ne contenoient aucun poison doivent nous faire peuser que l'arme de la sephen et de la lymme ne distille aucun venin, et west à cräindre que par ses effets mécaniques. aient pu tirer de la mer Rouge des dépouilles de pois- sons d'aucune espèce, dans un tems où la navigation cette mer étoit inconnue aux vaisseaux d'Europe. Pendant mon voyage en Egypte, voyage uniquement consacré aux recherches, je n’ai pas ouï dire que les arabes pèchassent la raie sephen pour en faire un objet de commerce, et je n’ai point vu de peaux de ces poissons dans les boutiques de cette ville, où l’on trouve en abondance toutes les denrées de l’Arabie. L'on peut remarquer aussi que Forskœl, qui a décrit la raie sephen sur les côtes mêmes de lArabie, et qui en parle assez longuement dans sa faune ægyp- tiaco-arabique , ne dit pas un mot de ses propriétés ni de ses usages, ce qu’il n’eût pas manqué de faire, s'il eût va que, dans le pays où on la pêche, on en tirât d'autre parti que pour la nourriture des hommes. SONNINI. Q 2 24% HISTOIRE ef DA RAIE BOUCDÉE (1) (}; PAR. L'ACÉPÉDE VINGTIÉÈME ES PEÉCE. Voyez la figure, planche 1V, fig. 2. Cire raie, à laquelle on a donné le nom de bouclée, ou de clouée, à cause des gros aiguillons dont elle est armée, et qu'on a comparés à des clous ou à des crochets, habite dans toutes les mers de l’Europe. Elle y parvient jusqu'à la longueur de quatre (1) Dans plusieurs départemens méridionaux , raie ‘ clouée, clavelade. En Angleterre , thornback et maids. Raie bouclée. Daubent. Encycl. méth. Raja clavata. Lan. édit. de Gmel. Raja ordine aculeorum unguiformium ; unico in dorso caudaque. Bloch , Hist. des poiss. en allemand, troisième partie, p.65, n° 5 ,pl. zxxxtt, Raja clavata. Faun. suec. 293. — It. Wsoth. 175. Raja aculeata, dentibus tuberculosis , curtilagine transversa in ventre. ÂArtedi, gen. 71, syn. 99; sp. 103. Raïe bouclée. Bonat. planches de l’Encycl. méih. — Gronov. Mus. 1 , 140. Zooph. 154. Dasybatus céavatus , corpore toto maculis albidis DES RATES. 245 mètres (plus de douze pieds). Elle est donc une des plus grandes; et comme elle est en même tems une des meilleures à manger, elle est, ainsi que la batis, très-recherchée par les pêcheurs : l’on ne voit même le plus souvent dans les marchés d'Europe que la rotundis, etc. Klein, Miss. pise. 3 , p. 35, n° 4, tab. 4, nf 7. Raja clavata. Act. sien. 4, p. 353. Raie bouclée, Rondelet, première partie, liv. 12, chap. 12. Raja clavata. Gesn. Aquat. 795. — Willughby, Ichih. 74. — Raj. pisc. 26. Baie bouclée. Belon, Aquat. p: 70. T'hornback. Pennant , Zool. brit. 3, p. 69, n° 5. Raie bouclée. V almont de Bomare , Dict. d'histoire naturelle. — Duhamel, Traité des pêches, seconde partie, sect. g, p. 280. (>) La raie bouclée. En allemand , steinroche , nagelroche. En hollandais, roc. En danois, rokke, rokkel. En suédois, rocka. En norvégien, somrokke, somskatte. En islandais, tènda- bukia. En italien, perosa, petrosa. En espagnol, pescado. À Marseille, clavellado , et dans quelques endroits , roussée, Raja aculeata dentibus tuberculosis, cartilagine transversä abdominali... raja clavata. Brunnich , Ichth. massil. p. 3. Raja minima, clavata , caud& longissimd. Jabe- birete Marcgravii ; raie bouclée. Barrère , France équi- noxiale, p. 178. SONNINI: Q 3 246 HISTOIRE bouclée et la batis. Elie ressemble à la batis par ses habitudes, excepté le tems de sa ponte, qui paroît plus retardée et exiger une saison plus chaude ; elle est aussi à beaucoup d'égards conformée de même. La couleur de la partie supérieure de son corps est ordinairement d’un brunâtre semé de taches blanches, mais quelquefois blanche avec des taches noires. La tête est un peu alongée, et le museau pointu ; les dents sont petites, plates, en losange , disposées sur plusieurs rangs, et très-serrées les unes contre les autres. La queue, plus longue que le corps, et un peu aplatie par dessous, présente, auprès de son extrémité la plus menue, deux pe- tites nageoires dorsales, et une véritable nageoire caudale qui la termine. Chaque nageoire ventlrale , organisée comme celles de la batis, offre également deux portions plus larges l’une que lautre, et qui paroissent représenter, l’une une na- geoire ventrale proprement dite, et l’autre une nageolre de l'anus. Maïs ce n’est qu'une fausse apparence ; et ces deux porlions, dont la plus large a communément trois rayons cartilagineux, et l’autre six, ne forment qu'une seule nageoire. D'ÉS' RATES. 247 Presque toute la surface de la raie bou- clée est hérissée d’aiguillons. Le nombre de ces piquans varie cependant suivant le sexe et les parages fréquentés par lanimal ; il paroît aussi augmenter avec l’âge. Mais voici quelle est en général la disposition de ces pointes sur une raie bouclée qui a attemt un dégré assez avancé de développement. Un rang d’aiguillons grands, forts et re- courbés, atlachés à des cartilages un peu lenticulaires, durs, et cachés en grande partie sous la peau qui les retient et affermit les piquans, règne sur le dos, et s'étend jus- qu’au bout de la queue. L'on voit deux piquans semblables au dessus et au dessous du bout du museau. Deux autres sont placés au devant des yeux, et trois derrière ces organes ; quaire autres très-grands sont si- tués sur le dos, de manière à y représenter les quatre coins d’un carré, et une rangée d’aiguillons moins forts garnit longitudinale- ment chaque côté de la queue. Ce sont toutes ces pointes plus où moins longues, dures el recourbées que l’on a comparées à des clous, à des crochets. Mais, indépendamment de ces grands piquans , le dessus du corps, de la tête et des nageoires pectorales présente des aiguillons plus petits, de longueurs inc- Q 4 248 HPSTOIRE gales, et qui, lorsqu'ils tombent, laissent à leur place une tache blanche comme les piquans grands et crochus. Et enfin on voit, sur la partie inférieure de la raie bouclée, quelques autres pointes encore plus petites et plus clair-semées. Cette tache blanche qui marque l’endroit que les aiguilions séparés du corps avoient ombragé, recouvert, et privé de linfluence de la lumière, cette place décolorée n’est- elle pas une preuve de ce que nous avons exposé sur les causes des différentes couleurs que les poissons présentent , et des dispo- sitions que ces nuances affectent (1)? Le foie de la raie bouclée est divisé en trois lobes, dont celui du milieu est le moins grand, et les deux latéraux sont très-longs : il est très-volumineux ; il fournit une grande quantité d'huile que les pêcheurs de Nor- vège recueillent particulièrement avec beau- coup de soin. La vésicule du fiel, rougeûtre, alongée et triangulaire , est entre le lobe du milieu du foie et lestomac. Ce dernier viscère est assez grand, alongé, (0) Discours sur la nature des poissons , et plusieurs autres ariicles de cette histoire. DES RAIES. 49 et situé du côté gauche de labdomen. Il se rétrécit & se recourbe un peu vers le pylore, qui est très-étroit, et n'est garni d'aucune appendice. Au delà du pylore lé canal intestinal s’élargit , el parvient à l’anus sans beaucoup de sinuosités. Mais pourquoi nous étendre davantage sur un poisson que l’on a si souvent entre les mains, que lon peut si aisément con- noître, et qui a tant de rapports avec la batis, dont nous avons examiné très-en détail et la forme et la manière de vivre (1)? (x) L'on trouve, dans la dernière édition des Synonymes des poissons, par Artedi , une description très - exacte de la raie bouclée. J’en donne ici la traduction avec d’autant plus de raison que cet ouvrage d’Artedi est fort rare en france. La tête et tout le corps de la raie bouclée sont extrêmement aplatis ou sont plats de part et d’autre. Le corps , à l’exception de la queue, est presque de forme carrée; la queue est longue, déliée, mais cependant aplatie de part et d'autre. Le ventre, ou la partie inférieure , est entière- ment plat ; le dos , aussi aplati, offre cependant sur le milieu une légère convexité. Les yeux, placés à la partie supérieure du corps et assez éloignés du museau, sont un peu saillans et couverts par le haut d’une peau simple et nue 250 HISTOIRE Qu'il nous suffise donc d’ajouter que l'on La prunelle et l'iris ne se dirigent point en haut, mais vers les côtés ou horisontalement. La prunelle est d’un noir verdâtre, l'iris d’un blanc argenté. À Ja partie supérieure de la pupille est un oper- cule élégamment frangé sur ses hords, qui cède à la pression du doigt en se retirant »t s'étendant jus- qu’à couvrir le crystallin; il est Jyhérique, trans- parent et un peu dur avant que lèé oisson ne soit cuit, ! “ # De part et d’autre est un trou peu oblons, placé presque transversalement à la partie posté- rieure des yeux, et dont le bord antérieur est légè- rement strié, et, comme une espèce de valvule, recouvre presque entièrement l’ouverture qui, à sa partie poslérieure, est intérieurement nue et unie. Ces trous ont intérieurement un double conduit ; car 1° ils vont s’ouvrir en ligne droite par un grand trou en devant de la bouche; et 2° par leur partie pos- térieure ils répondent aux ouïes et communiquent à leurs ouvertures internes. Leur usage est donc de respirer et de rejeter l’eau ; et ils concourent aux mouvemens des ouïes et à la circulation du sang. Les narines grandes , placées en dessous et situées un peu en avant de la bouche, n’ont qu’une seule, mais large ouverture ; elles communiquent par leur partie inférieure à la bonche même, et elles sont à demi- recouvertes par la membrane ; mais elles sont libres antérieurement , et à leur côté extérieur se présente une petite valvule. Leur conduit intérieur est d’une “grande capacité , oblong et arrondi; üne mémbrane DES R'AIES. 25 pêche les raies bouclées comme les autres rayée où percée de lignes transversales, à trawers lesquelles passe une humeur muqueuse, en forme le fond. La bouche est en dessous et tranversale, assez grande et à une égale distance des yeuxet du museau, Chaque mâchoire est garnie de tubercules granuleux, rhomboïdaux et serrés; le palais est uni; la langue est courte, mais très-large et très-mince. Sous la mâchoire supérieure ou antérieure sont intérieurement deux espèces de valvules, dont les parties recourbées en dedans ou se rapprochant du palais sont libres. Les ouvertures des ouïcs sont, de part et d'autre, au nombre de cinq ; elles sout petites , placées sur les côtés de la poitrine , et sur une ligne presque droite, au dessous, mais loin de la bouche; elles touchent par leur extrémité au diaphragme ; extérieurement elles ne sont point rondes , mais transversales relativement à la longucur du eorps. Le dos ou la partie supérieure est toute brune ou d’un brun pâle et varié par des taches nom- breuses, rondes et blanchâtres; quelquefois cette partie est blanchâtre , tachetée de noir et enduite de viscosité ; le ventre est entièrement blanc. Le dos ou toute la partie supérieure est entière- ment hérissée d'innombrables piquans , petits et dirigés en arrière. La partie inférieure est, pour l'ordinaire , lisse et unie. Chacun des côtés se termine par une grande na- 252 HISTOIRE raies, avec des cordes flottantes, des folles ; des denu-folles, et des seines. geoire qui tient lieu des nageoires pectorales rela- tivement aux autres poissons. L’extrémité de ces nageoires se termine en angle un peu pointu. Leurs rayons cartilagineux se distinguent très - facilement dans le poisson frais, mais sur - tout dans celui qui est dépouillé ; ils sont formés de nœuds élégamment disposés. La nagéoire du ventre est unique de chaque côté ; elle s’étend horisontalement depuis l'anus ou le com- mencement de la queue, de la même manière que des nageoires pectorales. La forme de ces nageoires est singulière ; car , à leur partie supérieure, ou voisine des nageoires latérales , elles se terminent en une grande apophyse intérieurement remplie de rayons cartilagineux; mais, à leur partie inférieure , c'est-à-dire, au commencement de la queue, il y a deux petites apophyses molles et dépourvues de carlilages. La partie intérieure de ces nageoires se joint à la naissance de la queue par une membrane mince. Il n’y a point de nagcoire anale. La queue est un peu plus longue que le corps entier ; elle est déliée, mais non cylindrique ; elle est très-peu arrondie en dessus et presque plate en dessous. A l'extrémité de la queue , en dessus , sont deux petites nageoires au milieu desquelles sortent sou- vent deux petits aiguillons, 1 y a deux piquans tant en dessus qu’en dessous, à l’extrémité du museau ; cependant ces piquans DES RAÏIES. 253 Lorsque la bouclée a été prise, on la conserve pendant quelques jours, ainsi que manquent, pour l'ordinaire, aux femelles et aux poissons jeunes. Les piquans crochus sont disposés ainsi qu’il suit : a° une rangée de trente s’étend'en ligne droite, depuis le commencement, et quelquefois depuis le milieu du dos jusques vers l’extrémité de la queue; 2° il y en a deux devant les yeux et le plus souvent trois derrière; 3° souvent quatre grands piquans sont sur la partie antérieure du dos, arrangés en carré; mais quelquefois il n’y en a que deux postérieurs, sur-tout dans les jeunes poissons ; 4° une ligne unique de petites pointes, plus apparentes sur les grandes raies, se remarque sur chaque côté de la queue; 5° le museau en dessous, au milieu et sur les côtés, est hérissé de très-petites pointes qui peuvent être comparées aux épines du rosier. Le ventre est comme divisé en deux parties ou demi-cercles ; la supérieure est la poitrine, l’inférieure est l’abdomen. Dans quelques poissons de cette espèce l'arc de ces demi-cercles est marqué par de petites pointes; un cartilage dur , transversal et qui s'aperçoit dis- tinctement de l'extérieur, les distingue et forme la séparation de la poitrine et du ventre. L’anus est placé longitudinalement entre les na- geoires du ventre, un peu au dessus de l’origine de la queue; il est à peu près ovale. Deux petits trous se remarquent à la partie infé- rieure de l'anus ; ils ont sûrement un conduit commun 254 HISTOIRE _ presque tous les poissons du même genre ; afin que sa chair acquière de la délicatesse, et perde toute odeur de marécage ou de avec les vésicules séminales dans les mâles et avec les ovaires dans les femelles. I y a cinq branchies de chaque côté , dont les ouvertures extérieures communiquent intérieure- ment avec de beaucoup plus grandes , oblongues et transversales. La partie intérieure de ces ouïes est couverte de chaque côté de très-petites pointes; la partie convexe dans les quatre branchies inférieures est composée d’une donble rangée de feuillets; la supérieure , c’est-à-dire, la plus rapprochée des yeux, n’a qu'un simple feuillet. Le cœur est aplati, peu grand , placé au bas de la poitrine , dans une cavité particulière et séparée de la gorge. 11 y a un diaphragme épais entre la poitrine et l’abdomen. Le foie, placé au haut de l’abdomen, est grand, divisé en trois lobes, dont celui du milieu est le plus petit, et les deux latéraux fort longs. La rate est rougeâtre , oblongue et triangulaire, placée sous le Kobe du milieu du foie et attachée au ventricule. Le ventricule est oblong et a une assez grande capacité ; il est au côté gauche de l’abdomen ; sa partie inférieure , au dessus du pylore, est étroite et se replie vers le haut. Le pylore est étroit et n’a aucune appendice. L’intestin est plus ample sous le pylore ; il va presque droit jusqu’à l’anus. I y a DES R'ACISES. 255 marine. Sur plusieurs côtes, on recherche beaucoup de jeunes et très- petites raies bouclées que l’on nomme rayons, raielons , ralillons, et dans quelques ports, papillons : dénominations dont on se sert aussi quel- quefois pour désigner des morceaux détachés de grandes raies desséchées , et préparées pour de longs voyages (1). © ORAN UN ee une appendice oblongue, étroite et sans ouverture. Les reins oblongs, d’un rouge obscur , sont placés au bas de l'abdomen de chaque côté de l’épine dorsale. Deux viscères blancs, oblongs , aplatis , placés de chaque côté de l’épine du dos, sont ou les ovaires, ou les vésicules séminales. Le bas de l’épine du dos et le cartilage intérieur de la quene sont divisés en petites vertèbres. La moëlle épinière passe par la partie supérieure de l’épine du dos. Le crâne est oblong et formé d’un cartilage unique ou continu. SonNNiIni. (1) Les raies bouclées sont fort communes dans les mers du Nord; c’est an mois de juin et de juillet qu’on les prend en plus grande quantité, parce qu’alors elles s’approchent des rivages pour y déposer leurs petits au milieu des herbes marines. Les habitans de la Norvège ne pêchent ces poissons que pour tirer du foie l’huile dont ils se servent ; ils font sécher la chair et la vendent aux étrangers pour l’approvi- sionnement des vaisseaux. En Islande on mauge les raies bouclées à demi-corrompues. Barrère a indiqué mal à propos le /abebirète du 256 HISTOIRE Brésil, comme étant de la même espèce que la raie bouclée. ( Hist. nat. de la France équinox. p. 178.) Dans les descriptions que Marcgrave a faite du jabe- birète , il ne fait aucune mention des piquans dont la raie bouclée est couverte et qui forme son attribut le plas saillant. ( Voyez Marcgrave, Hist. nat. bras. lib. 4, p. 179.) SONNINI. LA DES RATES. 257 mr , PA. DO DIN: PAR LACÉPÈDE. VINGT-UNIÈME ESPÈCE. Carre belle espèce de raie, très-remar- quable par sa forme , ainsi que par la dispo- sition de ses couleurs, et dont la description n’a encore élé publiée par aucun naturaliste, est un des innombrables trophées de la va- leur des armées françaises. L’individu que nous avons fait graver fait partie de la cé- lèbre collection d’objets d'histoire naturelle conservée pendant long-tems à la Haye, cédée à la France par la nation hollandaise son alliée , après que la victoire a eu fait flotiter le drapeau tricolor jusques sur les bords du Zuyderzée, el qui décore main- tenant les galeries du museum d'histoire na- turelle de Paris. Ces précieux objets ayant été recueillis en Hollande et transportés en France par les soins de deux de mes col- lègues, les professeurs Thouin et Faujas Saint-Fond, que le gouvernement français avoit envoyés au milieu de nos légions con- quérantes pour accroilre le domaine des Poiss., Tome III. R. 258 HAS TD ERE sciences naturelles, pendant que nos braves soldats ajoutoient à notre territoire, j'ai cru devoir chercher à perpétuer les témoignages de reconnoissance qu'ils ont reçus des na- turalistes, en donnant leurs noms à deux des espèces de poissons dont on va leur devoir la connoissance et la publication (1). J'ai distingué en conséquence par le nom de faujas une des lophies dont nous allons donner l’histoire, et par celui de tkouin la raie dont nous nous occupons dans cet article. La raie thouin a les dents aplaties, et disposées sur plusieurs rangs, comme celles de toutes les raies comprises dans le troi- sième et dans le quatrième sous-genre. Son museau , beaucoup plus transparent que celui de la plupart des autres raies, est terminé par une prolongation souple assez étendue, et plus longue que l'intervalle qui sépare les deux yeux. Le dessus du corps et des nageoires pec- torales est d'une couleur noire ou très-foncée ; mais le museau est d’un blanc de neige très- éclatant, exceplé à son extrémité, où 1l est (1) Voyez Particle relatif à la nomenclature des poissons, DB S R'AMIES. 259 brun, et dans le milieu de sa longueur , où il présente la même couleur obscure. etle rate longitudinale brune s'étend sur le devant de la tête, qui, dans tout le reste de sa partie enr est d’un blanc très- pur; et elle s’y réunit à la couleur très- foncée de l’entre-deux des yeux, de la partie postérieure de la tête, et du dessus du Corps. … Tout le dessous de l'animal est d’un beau blanc. Les yeux sont recouverts presque à demi _ par une prolongation de la peau de la tête, comme ceux de la batis, et derrière ces organes on voit de très-grands évents. L'ouverture des narines , située oblique- ment au dessous du museau et au devant de la bouche, présente la forme d’un ovale ii: égulier et très-alongé, et est assez grande pour que son diamètre le plus long soit égal à plus de la moitié de celui de la bouche. Celte ouverture aboutit à un organe com- posé de membranes plissées et frangées, dont nous avons fait graver la figure, et dont le nombre et les surfaces sont assez considérables pour le rendre très-délicat. Et comme, d’un autre côté, nous venons de voir que le museau, ce principal organe du KR 2 260 HISTOÏTRE toucher des raies, est très-prolongé, trés- mobile, et par conséquent très-sensible dans Ja raie thouin, nous devons présumer que ce dernier poisson jouil d’un toucher et d’un odorat plus actifs que ceux de la plupart des autres raies, el doit avoir par conséquent un sentiment plus exquis et un instinct plus étendu. La queue est à peu près de la longueur de la tête et du corps pris ensemble ; mais, au lieu d’être très - déliée comme celle de presque toutes les raies, elle présente à son origine une largeur égale à celle de la partie postérieure du corps à laquelle elle s'attache. Son diamètre va ensuite en diminuant par dégrés insensibles jusqu’à l'extrémité, qui s'insère, pour ainsi dire, dans une nageoire. Celte derniére partie termine le bout de la queue, et le garnit par dessus et par dessous, mais en ne composant qu’un seul lobe et en formant un triangle dont le sommet est dans le bas. Indépendamment de cette nageoire cau- dale, on en voit deux dorsales, à peu près de la même grandeur, un peu triangulaires et échancrées dans celle de leurs faces qui est opposée à la tête. La première de ces deux nageoires dorsales est placée beaucoup DES RATES. 261 plus près du corps que sur presque toutes les autres raies; on la voit à peu près au tiers de la longueur de la queue, à compter de l’anus, et la seconde nageoire est siluée vers les deux tiers de cette même longueur. Le dessus de la tête et de la prolongation du museau est garni d’un très-grand nombre de petits aiguillons tournés vers la queue, et beaucoup plus sensibles sur les portions colorées en brun que sur celles qui le sont en blanc. D'ailleurs, le dessus et le dessous du corps et de la queue sont revêtus de petits tubercules plus rapprochés et moins saillans sur la partie inférieure de la queue et du corps. De plus, lon voit une rangée de tubercules plus gros, et terminés par un aiguillon tourné vers la queue , s'étendre depuis les évents jusques à la seconde na- geoire dorsale , et l’on aperçoit encore autour des yeux quelques-uns de ces derniers tuber- cules. Les nageoires pectorales sont un peu si- nueuses , et arrondies dans leur contour ; et les ventrales, à peu près de la même largeur dans toute leur étendue , ne peuvent pas être considérées comme séparées en portion ventrale et en portion anale. Les nageoires latérales sont beaucoup plus diffi- R 3 262 HISTOIRE ciles à confondre que dans presque toutes les autres raies , avec le corps proprement dit , qui, d’un autre côté, beaucoup moins distingué de la queue, donne à la thouin un caractère que nous n'avons retrouvé que dans la rhinobate , où on le verra repa- roître d’une manière encore plus marquée. Mais, malgré cette conformation, l’ensemble de l'animal est très-plat, et beaucoup plus déprimé que celui de la rhinobate. D'ETS' À AIES. 263 à mms “LA RAIE BOHKAT (1)(2), PAR LACEPEIDE. VINIGT +: DEUXIÈME: ESPÈCE. Crrre raie , que Forskœl a vue dans la mer Rouge, et qu'il a le premier fait con- noître, a, comine fa raie thouin, la queue garnie de lrois nageoires : une , divisée en deux lobes , placée à l'extrémité de-cette partie , et par conséquent véritablement caudale ; et les autres deux dorsales. De même que sur la thouin , ces deux nageoires dorsales .sont beaucoup plus avancées vers la tête que sur un très-graud nombre de raies ; elles en sont même plus rapprochées (1) Raja pinné caudæ bilcb& , aculeorum ordine dorsi initio triplici, dein simplici, pinn4 dorsi prim& supra pinnas veniralis. Forskoœæl, Faun. arab. p. 18, 7,17. Raja djiddensis. Tin. édit. de Gmel. Raie bohkat. Bonat. pl. de l'Encycl. méthod. (2) C’est à Loheia que cette raie porte le nom de bohkat ; les arabes lui donnent généralement celui de rget et quelquefois encore celui d’erab. Raja djiddensis. Artedi, Gen. pise. gen. 45, sp. 16, additam. SoNNiINt. R 4 264 HISTOIRE que dans la raie thouin, puisque la première de ces deux nageoires est située au dessus des nageoires ventrales , et par conséquent de l'anus, et quelquefois prend son origine encore plus près des yeux ou des évenis. Un des individus observés par Forskoœæl avoit plus de deux mètres de longueur. La cou- leur de sa partie supérieure étoit d’un cendré pâle , parsemé de taches ovales et blan- châtres ; et celle de sa partie inférieure d’un blanchäire plus ou moins clair, avec quel- ques raies inégales brunes et blanches auprès de l'anus. Le dos s’élevoit un peu au devant de la première nageoire dorsale; les na- geoires pectorales , triangulaires, et termi- nées dans leur bord extérieur par un angle obtus , étoit quatre fois plus grandes que les ventrales. On apercevoit un rang de piquans autour des yeux, trois rangées d’ai- guillons sur la partie antérieure du dos, et une rangée de ces pointes s'étendoit d’une nageoire dorsale à l’autre. La raie bohkat est, selon Forskoœl, très- bonne à manger (1). (1) Forskœl a vu à Loheia et à Dsjidda des individus de ceile espèce qui avoit deux aunes de long ; mais ce voyageur danois entend l’aune de son pays plus petite DES RAIES. 265 que la nôtre. Les pècheurs de la mer Rouge prétendent que cette espèce ne se montre jamais sur d’autres rivages de l’Arabie qu'aux environs de Hedsjas, et qu'on ne la voit jamais sur les côtes de Suez et de Mokka ; ce qui, d’après les observations de Forskæl, est une erreur. La chair de la bohkat est assez bonne à manger , et les arabes sont dans la persuasion que son foie, de même que celui du requin, est un remède pour guérir les maladies vénériennes. Au reste, la raie bohkat est une de celles qui vivent le plus souvent dans la haute mer et ne se rap- prochent guères des côtes que pour se débarrasser de leurs petits SonNNnini. 266 HISTOIRE DATE A TUE CPAS EIRE EN PAR ACEPÉEDE VINGT-TROISIÈME ‘ESPÈCE. J E nomme ainsi cette raie, parce que j'en dois la connoissance à mon savant con- frère le professeur Cuvier, menibre de l’Institut national. Il 4 bien voulu, dès le mois de mars 1792, m'envoyer, du dépar- tement de la Seine inférieure , le dessin et la description d’un individu de cette espèce qu'il avoit vu desséché. La raie cuvier a beaucoup de rapport avec la thouin , et sur- tout avec la bohkat, par la position de sa première nageoire dorsale. Cette nageoire est en effet très - rapprochée des veux, comme celles de la thouin et de la bohkat. Mais, ce qui sépare ce poisson des autres raies déjà connues , et forme même son caractère distinctif le plus saillant, c’est que celte même nageoire dorsale est sitüée non seulement au dessus des nageoires ventrales , ou à une petite distance de ces nageoires » et vers ja tête, comme sur la bohkat, mais qu'elle est implantée sur le dos, vers le DES RATES. 267 milieu des nageoires pectorales , et plus près des évents que de l’origine de la queue. Cette place de la première nageoire dorsale #st un nouveau lien entre la raie cuvier, et par conséquent tout le genre des raies, et celui des squales, dont plusieurs espèces ont la première nageoire dorsale très-proche de la tête. Le museau de la raie que nous décrivons est pointu ; les nageoires pectorales sont très- grandes et anguleuses ; les nageoires ven- trales se divisent chacune en deux portions, dont l’une représente une nageoire ventrale proprement dite, et l’autre une nageoire de l'anus. Les appendices qui caractérisent le mâle sont très-courtes, et d’un très-pelit diamètre. La queue , très-mobile, déliée, et à peu près de la longueur de la tête et du corps pris ensemble , est garnie à son extrémité d’une petite nageoire caudale , et présente de plus, sur la partie supérieure de cette même extrémité, deux petites na- geoires contiguës l’une à l’autre, ou pour mieux dire, une seconde nageoire dorsale, divisée en deux lobes, et qui touche la caudale. On ne voit aucun piquant autour des yeux; mais une rangée d’aiguillons s'étend 268 HES TE O MARIE) à depuis la première nageoire dorsale jusqu’à origine de la queue , qui est armée de irois raugées longitudinales de pointes aiguës. Au reste la partie supérieure de lPanimal est parsemée d’une grande quantité de taches foncées et irrégulières. La nageoire dorsale, qui se fait remarquer sur celle raie, est ün peu ovale, plus longue que large , et un peu plus étroite à sa base que vers le milieu de sa longueur, à cause de la divergence des rayons dont elle est composée. Sa place, beaucoup plus rapprochée des évents que celle des premières nageoires dorsales de la plupart des raies, avoit donné quelques soupçons au citoyen Cuvier sur la nature de cette nageoire : il avoit craint qu'elle ne fût ;e produit de quelque super- cherie , et n’eût élé mise artificiellement sur le dos de Findividu qu’il décrivoit. « Cepen- dant un examen attenüf, m’a écrit dans le tems cet habile observateur (1}, ne me montra rien d’artificiel ; et le possesseur de de cette raie, homme de bonne foi, m’assura (1) Lettre du citoyen Cuvier au citoyen Lacé- pède, datée de Fiquainville près de Vallemont , dé- partement de la Seine inférieure , le 9 mars 1702. DES RAIES 269 avoir préparé cet animal tel qu’on le lui avoit apporté du marché ». Mais, quand même 1l faudroit retrancher de la raie cuvier cette première nageoire dorsale, elle seroit encore une espèce dis- tincte de toutes celles que nous connoissens. En effet la raie avec laquelle elle paroît avoir plus de ressemblance est la ronce ; eile en diffère néanmoins par plusieurs traits et par- ticulièrement par les trois caractères suivans : Premièrement elle n’a point , comme la ronce, de gros piquans auprès des narines, autour des veux, sur les côtés du dos, sur la partie inférieure du corps, ni de petits aiguillons sur ses nageoires pectorales et sur tout le reste de sa surface. Secondement , les appendices qui dis- tinguent les mâles sont très-petites, tandis que les appendices des raies ronces mâles sont très-longues et trés-grosses , sur - tout vers leur extrémité. Et troisièmement , la raie ronce et la raie cuvier n’appartiennent pas au même sous- genre , puisque la ronce a les dents pointues et aiguës, et que la cuvier les a arrondies comme la pastenaque et la raie bouclée, sui- vani les expressions employées par mon con- frère dans la lettre qu’il nv'a adressée dès 1792. 270 HMS TOKRE LA RAIE RHINOBATE (i)(2), PAR MA CEre0T VINGT-QUATRIÈME ESPÈCE. Crrre raie se rapproche de la cuvier et de la bohkat par la position de sa premiere ue ——— à ; (1) Raie rhinobate. Daubent. Encycel. méthod. fiaja rhinobatos. Lin. édit. de Gmel. Raie rhinobate. Bonat. planches de l’Encyclop. méthodique. Raja oblonga, unico aculeorum ordine in dorso. Mus. Ad. Fr. 2, p. 24. — Artedi, gen. 10 , syn. 99. Raja dorso dipterygio , aculeorum ordine solitario , caudà latä pinnat& inermi , rostro trigono productiore. Gronov. Zoophyt. 156. — Bel. Pisc..78. Squats raja , seu rhinobatos. Gesn. Pise. 903. Rhinobato, seu squatina raja. Salvian. Pise. 153: — Willugbby, 79. — Ray, Pisc. 28. (2) En grec, rinobatos ,et en latin, squatroraia.Ces deux noms dérivent de opinion où étoient les anciens au sujet de cette raie ; c’étoit, suivant eux, un animal métis issu du mélange de la raie , en grec, batos ,et du squale ange, en grec, rinos , et en latin, sqguatina. Ces deux carlilagineux étoient les seuls entre les poissons | d'espèces différentes qui produisissent ensemble; et pour que le nom de rhinobate füt mieux appliqué et Ia fable mieux fondée, l’on avoit cru remarquer que ce DES RAIES. 271 uaseoire dorsale ; elle a de grandes ressem- blances avec la thouin par cette mème position, et par plusieurs autres particula- rités de sa conformation extérieure; et comme elle est le plus alongé de tous les poissons de son genre, elle se réunit de plus près que les autres raies, avec les squales, et sur-tout avec le squale ange, qui, de son côté, présente plus de rapports que les autres squales avec la famille des raies. Les nageoires pectorales de la rhinobate sont moins étendues, à proportion du vo- lune total de l'animal, que celies des autres espèces de son genre. Cette conformation la lie encore avec l'ange; et, en tout, ce squale et cette raie offrent assez de parties semblables pour que l’on ait cru, dès le tems d’Aristote, que l’ange s’accouploit avec les raies, que cette union étoit féconde, et que le produit de ce mélange étoit un ani- mal moitié raie et moitié squale, auquel on De poisson étoit raie par les parties antérieures , et squale ange par les parties postérieures. ( Voyez Arist. Eist. ani. lib. 6, c. 113 Pline, Hist. nat. lib.9, c.5r , etc.) À Gênes et à Venise la rhinobate s'appelle squa- frolin. Belon s'étonne avec raison que cette raie n’ait point de nom en français, quoiqu’elle ne soit pas rare dans nos mers, SONNINI: 272 HISTOIRE avoit en conséquence donné le nom com- posé de rhino-batos (1). Pline a partagé cette opinion (2) : elle a été adoptée par plusieurs auteurs bien postérieurs à Pline; et elle a servi à faire donner ou conserver à la rhinobate la dénomination de squatina- raja, le squale ange ayant été appelé sgua- tire par plusieurs naturalistes. La rhinobate est cependant une espèce existante par elle-même, et qui peut se renouveler sans altération, ainsi que toutes les autres espèces d'animaux que l’on n’a pas imaginé de regarder comme mélives. Elle est véritablement une raie; car son corps est plat par dessous ; et, ce qui forme le véritable caractère distincüif par lequel les raies sont séparées des squales, les ouver- tures de ses branchies ne sont pas placées sur les côtés, mais sur la partie inférieure du corps. Son museau est très-alongé et très-étroit ; le bord de ses évents présente quelquefois deux espèces de petites dents; elle a deux nageoires dorsales un peu conformées comme le fer d’une faux, et placées à peu près (1) Batos, en grec, veut dire raie, ‘ (2) Hist. nat. liv. 9, chap. 51. comme DES RAÏIES. 273 comme celles de la bohkat. La première de ces deux nageoires est en effet située au dessus des nageoires ventrales, et la seconde un peu plus près de l'extrémité de la queue que de la première. Une troisième nageoire, une véritable nageoire caudale, garnit le bout de la queue; et cette dernière partie, de la même grosseur à son origine que la partie postérieure du corps, ne diminue de diamètre jusqu'à son extrémité que par des dégrés insensibles. La surface de l'animal est revêtue d’une grande quantité de tuber- cules ; et une rangée d'autres tubercules forts et aigus, ou, pour mieux dire, de pointes, part de l’entre-deux des yeux, et s'étend jusqu'à la seconde nageoire dorsale. La partie supérieure de l'animal est d’une couleur obscure, et le dessous d'un blanc rougeûlre. Telle est la véritable rh'nobate, l'espèce que nous avons fait dessiner et graver d’après un individu de plus d'un mètre (un peu plus de trois pieds) de longueur, con- servé dans le museum national d'histoire naturelle. La courte description que nous venons d'en faire, d’après ce même indi- vidu , sufhiroit pour que personne ne la confondit avec la raie thouin : cependant, Poiss. Tone IIL. : 274 | HT ST OER'E afin d'éviter toute erreur, mettons en oppo- silion quelques principaux caractères de ces deux poissons cartilagineux ; on n’en con- noîitra que mieux ces deux espèces remar- quables de la famille des raies. Premièrement, la couleur du dessus du museau et du reste de la tête de la rhino- bate ne présente qu’une seule teinte : le museau et le devant de la tête de la thouin offrent une nuance très-foncée et un blanc très-éclatant , distribués avec beaucoup de régularité , et contrastant d’une manière frappante. Secondement , l'angle que présente l’ex- irémité du museau est beaucoup plus aigu dans la rhinobate que dans la thouin, et Ja base de l’espèce de triangle que forme ce museau est par conséquent beaucoup moins étendue. Troisièmement, la surface supérieure de cette même partie et du devant de la tête n’est point hérissée de petits aiguillons sur la rhinobate, comme sur la thouin. Quatrièmement , la forme des pointes qui règnent le long du dos de la raie que nous décrivons dans cet article, est souvent dif- férente de celle des piquans dont le dos de la thouin est armé. DES RATES. 275 ‘ Cinquièmement, le dessus du corps de la rhinobate est moins aplati que celui de la thouin. Sixièmement, le corps de la rhinobate ne commence à diminuer de diamètre que vers les nageoires ventrales : celui de la thouin montre cette diminution vers le mi lieu des nageoires pectorales. Septiémement, les nageoires pectorales de Ja rhinobate ne présentent pas le même contour, et sont moins rapprochées des ventrales que celles de la thouin. Huitièmement, une membrane quelque- fois frangée , quelquefois sans découpure , s'étend longitudinalement de chaque côté de la rhinobate, et marque, pour ainsi dire, la séparation de la partie supérieure de l'animal d’avec l’inférieure : on ne voit rien de semblable sur la raie à laquelle nous la comparons. Neuviémement, la première nageoire dorsale de la rhinobate est située beaucoup plus près des évents que celle de la raie thouin. Et dixiémement enfin, la nageoire de la queue de la rhinobate , au lieu d'être peu échancrée comme celle de la thoum, est divisée en deux lobes très-marqués, dont S 2 876 HISTOIRE le supérieur est beaucoup plus grand que l'inférieur. Ces deux raies sont donc éloignées l’une de l’autre par dix caractères distinctifs : et comment confondre ensemble deux espèces que tant de dissemblances séparent? Des variétés plus ou moins constantes de la rhinobate ou de la thouin pourront bien se placer , pour ainsi dire, entre ces deux ani- maux, et, par quelques ‘altéralions dans la conformation que nous venons d'exposer , servir en apparence de points de communi- cation, et même les rapprocher un peu : mais de trop grands intervalles resteront toujours entre ces deux espèces pour qu’on puisse les identifier. La rhinobate, ayant le museau plus délié; et par conséquent plus mobile que la thouin, doit avoir le toucher pour le moins aussi exquis, et la sensibilité aussi vive que cette dernière (1). Au reste, c’est à l’espèce de la rhinobate que nous rapportons, avec le professeur Gmelin (2), la raie halavi (3), décrite par CE — (1) La rhinobate est commune dans la mer de Naples et dans le golfe Adriatique. Sonxini. (2) Lin. édit. de Gmelin. \ DES RAÏES. 277 Forskœl dans sa Faune d'Arabie, et qui ne présente aucun trait d’après lequel on doive l’en séparer (4). mme (3) Raja halavi. Forskœæl , F'aun. arab. p-19, n° 18, Raie halavi. Bonat. pl. de l’'Encycl. méthod. (4) Artedi (Gen. pisc. gen. 45, sp. 17, additam.) rapproche l’halavi de la bohkat. Forskœl lui-même, tout en convenant que cette raie a beaucoup de res- semblance avec la rhinobate de Linnæus, ne reconnoit pas l'identité de ces deux animaux, et finit par compa- rer plus particulièrement sa raie halavi avec la raie bohkat. Quoi qu’il en soit, afin que l’on puisse en faire avec plus d’exactitude la comparaison exacte, je place ici la description de l’halavi , que Forskæl a faite à Dsjidda, sur les bords arabiques de la mer Rouge : ; Prœcedenti djiddensi adeo similis , ut sequentibus signis ab illa dividenda sit : congruit figura COFPOTIS ; capitis , oculorum , narium, oris, foraminum ocula- rium et branchialium atque colore sub corpore. Diffe- rentia est : a) color supernè cinereus, flavescens : pinnæ pallidè-flavæ : b) margo prominens , evidens , integerrimus , inctplens eadem regione cum pinn& dorso prima : ©) corpus supertus scabrum tuberculis, qui versus medium dorsum elatiores atque ad interiorem oculorum marginem , ubi aculeorum fere sistunt for- mam : d) Aculei dorsali serie ferè unica eunt, inCi- piente post oculos , desinente antè pinnam dorsalem pri- mam; post illam aculei non, sed tubercula majora. Ab initio hujus seriei utrinque extat callus lateralis ,elatus, S 9 278 HISTOIRE aculeis aliquot armatus : e) Pinnæ pect. non trian- gulares , sed extüs rotundæ , semicordatæ , et simui cum capite figuram cordatam ferentes : {) P. ventr. incipiunt antè apicem posticum pectoralium , semi ovatæ ; lateriinteriori ( in nostra et unica quam vidi) in singula pinna ventr. junctus erat appendix linea- ris, compressus , subcartilagineus, @ pinnæ apice liber : supernè sulco longitudinali ad latus exterius : juxta apicem utroque latere perforatus ,: pinna sesqui- longior. Relatum mihi est hos appendices in femellis non adesse, sed geniéalia marium esse ; quod mirum mihi videtur, ignaro hujus structuræ in aliis rajis : g) P. dorsalis prima post apicem appendicum sita in à parte corporis , triangularis , pone vix excisa , nequa- quam biloba : h) P. d. secunda loco medio inter priorem et caudam ; pauld major dorso anteriore ; ejusdem verd figuræ : i) P. caudæ illam ambit, tamen non nisi ovata, obliquo margine pone, non bilobo. Faun. ægypt. arab. pag. 19 et 20. Sonnini. DES RAÏIES. 279 LA RAIE TUBERCULÉE (1), PAR LACÉPÉDE, VINGT-CINQUIÈME ESPÈCE. Czr animal a les dents très-obtuses ; il présente d’ailleurs des tubercules pointus , ou aiguillons très-forts, sur le corps et sur la queue; il doit donc être compris dans le troisième sous-senre que nous avons établi dans le genre des raies, et dont les caractères distinctifs consistent dans la forme obtuse des dents, et dans la présence daiguillons plus ou moins nombreux sur la queue ou sur le corps. Le bout du museau de ce cartilagineux est pointu. L/ensemble, formé par le corps proprement dit, et par les nageoires pec- torales , présente un rhombe assez régu- lier. La queue est longue et déliée : elle est d’ailleurs armée d’un aiguillon très-long, dentelé de deux côtés, et dont les petites dents, semblables à celles d’une scie , sont de plus tournées vers la base de ce piquant. (1) Raja tuberculata. SA 280 HISTOIRE La tuberculée n’a aucune nageoire sur le dos ; le dessus de la plus grande partie de sa queue n’en montre pas non plus; cepen- dant, comme dans l'individu que j'ai eu sous les yeux l'extrémité de cette portion de l’arnimal avoit été détruite par un acci- dent , il se pourroit que l'espèce que nous décrivons eût une petite nageoire supérieure vers le bout de la queue. | L'animal ne présente que dix aïguillons, indépendamment de celui qui est dentelé ; ces protubérances sont des tubercules plus ou moins pointus, assez gros, très-durs, trés-blancs, et comme émaillés. Cinq de ces tubercules sont très-rapprochés, et forment sur le dos une rangée longitudinale ; les autres sont placés sur la queue , plus près du dos que du grand aiguillon dentelé, et à des distances inégales les uns des autres. Pour peu qu’on jette les yeux sur le ta- bleau du genre des raies que nous avons publié, on verra que celle dont nous dé- crivons les formes à beaucoup de rapports, par son aiguillon dentelé et par sa queue déliée, avec la raie aigle, la pastenaque, la lymme, et que, d’un auire côté, elle se rapproche, par ses tubercules, de la raie sephen, dont j'ai découvert que la dépouille BES RATES. 281 étoit apportée en France sous le nom de peau de requin , pour y servir à fabriquer le plus beau galuchat, celui qui est à grains très-gros et très-aplatis (1). C’est donc entre la lynime et la sephen qu'il faut placer la rale que nous venons de faire conuoître ; et le caractère spécifique qui la sépare tant de l'aigle, de la pastenaque et de la lymme, que de la sephen et de toutes les raies ins- crites dans le troisième sous-genre, est le nombre des tubercules émaillés et très- durs, dont j'ai tiré le nom que je lui ai donné. ) Je n'ai pu juger de la couleur de cette espèce, à cause de l’état de dessèchement dans lequel étoit lindividu que j'ai vu, et qui avoit à peu près quatre décimètres ( en- viron quinze pouces ) de longueur. Elle vit dans les mers voisines de Cayenne; et l’in- dividu que j'ai examiné m’a été envoyé par le citoyen Leblond. (1) Voyez ma note à l’article de la raie sepheu, page 242 de ce volume. SONNINI. 282 HISTOIRE Ed LA RAIË ÉGLANTIER Vi). PAR LACÉPÉDE. VINGT-5IXIÈME ESPÈCE. Lr citoyen Bosc, connu depuis long-tems par la variété de ses connoissances en his- toire naturelle, par son zèle infatigable pour le progrès des sciences, et par sa manière habile et fidèle d'observer et de décrire, a eu l'attention de me faire parvenir, de l'Amérique septentrionale , des dessins et des descriptions de plusieurs poissons encore inconnus des naturalistes. Il a bien voulu me faire témoigner en même tems, par notre confrère commun, le professeur Alexandre Brongniard, le desir de voir ce travail publié dans l'Histoire des poissons. J’ai accepté avec empressement l'offre agréable et utile (1) Raja eglanteria. Raja eglanteria. — Raja dentibus obtusis, corpore rhombeo , aculeato , aculeis minutis, caud& bipinnaté, spinis numerosis muricat@. — Habitat in mari Ame- ricam alluente. Bosc, manuscrits communiqués. B'E:St R'AT ETS. 283 du citoyen Bosc. Je ferai donc usage des descriptions qu’il na envoyées, ainsi que des dessins qu'il a faits lui-même, et qui ont été gravés avec soin sous mes yeux; et la raie églantier est un de ces poissons dont le public devra la connoissance à ce savant naturaliste. Le corps de la raie églantier présente à peu près la forme d’un rhomboïde dont toutes les parties saïllantes seroient émous- ses; il est parsemé d’épines très-courtes, souvent même peu sensibles, excepté sur le milieu du dos, où l’on voit une rangée longitudinale de petits aiguillons qui ont deux ou trois centimètres (environ douze pouces ) de longueur. Les yeux sont saillans; l'iris est blanc ; le museau obtus; la langue courte, large, lisse ; la forme des dents plus ou moins ar- rondie ; la queue presque aussi longue que le corps, et garnie de plusieurs rangs lon- gitudinaux d'épines recourbées de différentes grandeurs, et dont les plus longues forment les trois rangées du milieu et des côtés. À l'extrémité de cette queue est une petite nageoire , auprès de laquelle on voit, sur la face supérieure de cette même partie de l'animal , une autre nageoire que l’on doit 284 HMS TOTRE: nommer dorsale, d’après tout ce que nous avons dit, quoiqu’elle ne soit pas placée sur le corps proprement dit de la raie églantier. On compte cinq rayons à chaque nageoire ventrale. | La raie que nous décrivons est d’une couleur brunâtre en dessus, et blanche en dessous. Elle est assez commune dans la baie de Charles-T'own: elle y parvient à un demi- mètre (dix-huit pouces) de largeur. D’après les traits de conformation que nous venons d'exposer, on ne sera pas étonné que , sur notre tableau méthodique, nous placions la raie églantier entre la raie tuber- culée et la raie bouclée. DES RAIES. 28) LA RAIE FABRONIENNE (Es PAR LACÉPÉDE. VINGT-SEPTIÈME ESPÈCE. LA raie mobular et la raie manatia né sont pas les seules qui parviennent à une grandeur, pour ainsi dire, gigantesque : nous connoissons maintenant deux autres raies qui présentent aussi de très-grandes dimen- sions, et qui d’ailleurs se rapprochent de la mauatia et de la mobular par plusieurs traits de leur conformation, et particulièrement par un caracière dont on ne retrouve pas d’analogue sur les autres cartilagineux du même genre. Ces deux autres raies sont la fabronienne et la banksienne. Nous allons les faire connoître successivement. Un in- dividu de la première de ces deux espèces a été pris dans la partie de la mer Médi- terranée voisine de Livourne, et on le conserve maintenant dans le museum de Florence. Nous en devons un dessin et une ps on nier ss il, ip, te ci UNS (1) Raja fabroniana. Raja vacea , aux environs de Livourne. 286 HAE S © O TR'E courte description à l’habile naturaliste et ingénieux physicien Fabroni, l’un de ceux qui dirigent ce beau museum de "Toscane, ainsi qu'un des savans envoyés à Paris par les gouvernemens étrangers pour y travailler, avec l’Institut national, à la fixation défini- tive des nouveaux poids et mesures de la république française ; et voilà pourquoi nous avons cru devoir donner à cette espèce de carlilagineux le nom de raie fabronienne, qui exprimera notre reconnoissance. L'in- dividu qui fait partie de la collection de Florence a quatre mètres ( douze pieds), ou environ, d'envergure, c’est-à-dire, depuis la pointe d’une nageoire pectorale jusqu’à celle de l’autre nagcoire latérale. L'espace compris entre le bout du museau et l’ori- gine de la queue est à peu près de deux mètres (six pieds). L'envergure est donc plus que double de la longueur du corps proprement dit, tandis que ces deux dimen- sions sont égales dans la mobular, celle de toutes les raies avec laquelle on pourroit être le plus tenté de confondre la fabro- nienne. Chaque nageoire pectorale est d’ail- leurs très-étroite, et la base du triangle que présente sa surface , au lieu de s'étendre depuis la tête jusqu’au commencement de DES RATES. 287 la queue, ainsi que sur la mobular, ne s'étend que jusques vers le milieu de la longueur du corps. Le bord antérieur de chaque nageoire latérale est d’ailleurs con- vexe, et le bord postérieur concave; ce qui est différent de ce qu’on voit dans la mo- bular , où le bord de devant et le bord de derrière de la nageoire pectorale présentent Jun et l’autre une convexité auprès du corps, et une concavité auprès de la pointe de la nageoire. Lorsqu'on regarde la fabronienne par dessous, on aperçoit deux nageoires ven- trales et deux portions de la nageoire de lPauus ; lorsque la mobular est également vue par dessous, les nageoires ventrales cachent une portion des nageoires pecto- rales, et on ne distingue pas de nageoire de Panus. La queue ayant élé tronquée, par un accident particulier , dans l’individu de la collection de Toscane, nous ne pouvons rien dire sur la forme de cette partie dans la raie fabronienne. Mais ce qui mérite particulièrement Fat- tention des naturalistes, c’est que le devant de la tête de la fabronienne est garni, comme le devant de la tête de la mobular et de la manatia, de deux appendices longues, étroites \ 2838 HISTOIRE et mobiles, qui prennent naissance auprés des orbites des yeux, et que l’on a compa- rées à des cornes. Chacune de ces appen- dices a quaranle-cinq centimètres (un pied quatre pouces ), ou environ, de longueur, à compter de lorbite, et par conséquent à peu près le quart de la longueur du: corps et de la tête considérés ensemble ; elle est donc beaucoup plus courte, à proportion des autres parties de l’animal, que les appen- dices de la mobular, lesquelles ont de lon- sueur prés du tiers de celle de la têle et du corps réunis. D'après le dessin qui m'a éié remis, et une note écrite sur ce même dessin, les deux appendices de la fabronienne sont deux espèces d’ailerons ou de nageoires composés de plusieurs portions cartilagineuses réunies par des membranes ou d’autres parties molles, organisés de manière à pouvoir se déployer comme un éventail, et servant à l’animal non seulement à tâter devant Îui, mais encore à approcher sa nourriture de sa bouche. Voilà donc dans la mobular, dans la ma- nalia et dans la fabronienne , une confor- malion particulière que nous allons retrouver dans la banksienne, mais que nous ne con- noissons DES RAIES. 28d hoissons dans aucune autre espèce de poisson un organe particulier du toucher, un ins- trument remarquable d’appréhension , une sorte de main propre à saisir les objets avec plus ou moins de facilité ; et cette faculté extraordinaire altribuée à ces appendices, si dignes par-là de l'observation des physiolo- gistes, est une nouvelle preuve de linstinct supérieur qui, tout égal d’ailleurs, nous a paru devoir appartenir aux raies qui offrent ces protubérances. Au reste, la grandeur de la raie que nous décrivons , et la ressemblance vague des cornes des ruminans avec de grandes por- tions saillantes placées sur la tête, alongées, un. peu cylindriques, et souvent contour- nées , ont fait donner à la fabronienne le nom de raie vache par plusieurs pêcheurs des côtes de la Toscane. Poiss. Tome 11H. T 2q0 AT SIT OUR E LA RAIE BANKSIENNE (1), PAR LACÉEPÉDE VINGT-HUITIÈME ESPÈCE. Lis célèbre naturaliste Fabroni ayant adressé au chevalier Banks, président de la société de Londres, une lettre relative à la raie que nous venons de décrire, cet illustre savant Jui fit parvenir, avec sa réponse, une notice et un dessin d’une autre grande raie remarquable, comme la mobular, la manatia el la fabronienne, par de longues appendices placées sur le devant de la tête. Fabroni a bien voulu mettre à ma disposition ce dessin et celte notice ; et en m'en servant pour le complément de l’histoire des cartilagineux, : je me suis empressé de distinguer cette raie par le nom de banksienne, alin de donner un témoignage public de la gratitude qu’ont inspirée à tous les amis de l’humanité les progrès que le respectable président de la société de Londres a fait faire aux sciences (1) Raja banksiane. DES RATES. 291 naturelles, et les marques d’estime qu’il n’a cessé de donner, dans toutes les circons- tances , à ceux de mes compatriotes qui se sont dévoués, comme lui, au perfectionne- ment des connoïssances humaines. La banksienne n’a point de nageoire sur le dos, ni au bout de la queue; cette con- formation la sépare de la mobular et de la manatlia. Elle en est aussi séparée par d’autres caractères. Chaque nageoire pectorale, plus longue que le corps proprement dit , est plus étroite encore dans la plus grande partie de son étendue et relativement aux diffé- rentes dimensions des autres parties de Pani- mal, que les nageoires pectorales de la fa- bronienne ; elle représente un triangle 1s0- cèle , dont la base repose sur un des côtés du corps à une distance à peu près égale de la tête et de la queue, et dont le sommet est aussi à peu près également éloigné de la queue et de la tête. k Les yeux, au lieu d être ‘situés sur les _ côtés de la tête, comme dans la fabromenne, la manaiia et la mobular, sont placés sur la surface supérieure de cetté partie de la raie. On voit trois taches longues, étroites, lon- gitudinales, inégales et irréguhères, derrière EE 3 3q2 HE STE O LRE les yeux; trois autres semblables auprès de l'origine de la queue , et deux autres éga- lement semblables auprès de la base de chaque nageoire peclorale, Le chevalier Banks dit, dans sa note ma- nuscrite, que le dessin de l'animal Jui est parvenu des Indes crientales ; que les marins donnent à cette raie le nom de diable de mer, et qu'elle parvient à un volume st considérable, qu’un individu de la mème espèce, pris sur les côtes de la Barbade, n’a pu être tiré à terre que par le moyen de sept paires de bœufs. C’est la réunion d’une grandeur peu commune , d’une force ana- lague , et d’une tête en apparence cornue, qui aura fait nommer la banksienne diable de mer, aussi bien que la mobular. Au reste, il paroït que la manatia et la banksienne n’ont encore été observées que dans les mers chaudes de l’ancien ou du nouveau conti- nent, pendant qu’on a pêché la mobular et la fabronienne près des rivages septentrio- naux de la mer Méditerranée (1). (4) Je rapporterai à l’article de la manatia ce que les voyageurs ont dit , et ce que j’ai vu moi-même, au sujet de ces énormes raies, que les navigateurs appellent diables de mer. SONNINI, à Dans le dessin envoyé par le chevalier Banks, on voit un barbillon, ou irès-long filament, à l'extrémité de chacune des ap- pendices de la tête; on a même représenté un petit poisson embarrassé et retenu par la raie au milieu de plusieurs contours de Vun de ces filamens. Mais Banks pense que ces barbillons déliés n’ont jamais existé que dans la tête du dessinateur. Nous partageons d'autant plus l'opinion de ce savant, que le dessin qu’il a envoyé au physicien Fabroni n'a pas élé fait sur l'animal tiré à terre et observé avec facilité, mais sur ce poisson nageant encore auprès de la surface de la mer ; et voilà pourquoi nous avons desiré qu’on retranchât ces filamens dans la copie de ce dessin que nous avons fait faire; voilà pourquoi encore nous n'avons choisi, pour désigner cette espèce, que des caractères sur lesquels il est impossible à un œil'un peu altentif de se méprendre même au tra- vers d’une couche d’eau assez épaisse , et sur-tout quand il s’agit d’un poisson en quelque sorte gigantesque. Quoi qu’il en soit, si des observations exactes infirment ce que l’on doit être porté à conclure de linspection du dessin transmis par Banks à Fabroni, il T 8 29% HA STORE sera très-aké, d’après ce qui est dit au sujet de la mobular, de la manatia et de la fa- bronienne, d'indiquer les véritables traits distinctifs de la grande raie à appendices, dont on a fait parvenir, au président de la société de Londres, un dessin fait dans les Indes orientales, ou de la rapporter à la fabronienne , ou à la manatia, ou à la mobular. DES RAIÉS. 295 LA RAIE NÉGRE (1), PAR LACÉPÈDE. VINGT-NEUVIÈME ESPÈCE. Ox ne voit que rarement cette raie auprès de l'embouchure de la Seine. On la prend avec les raies bouclées, les oxyrinques , et d’autres raies plus ou moins blanches, dont les nuances font ressortir la couleur noire dont elle est peinte. Ses dents sont mame- lonnées ou aplaties. Le sillon longitudinal de son museau est d’une couleur plus foncée que ses autres parties. Le dessous du poisson est très- blanc et très-doux au toucher ; il présente d’ailleurs une teinte bleuâtre vers les nageoires pectorales. Au reste , un pè- cheur a dit au citoyen Noël, qu'il avoit pris des individus de cette espèce noirs par . dessous comme par dessus. La peau , qui (1) Raja nicra. Raiïe-rat , par les pêcheurs des environs de l’em- bouchure de la Seine. T4 296 HISTOIRE est légèrement chagrinée , est aussi très- épaisse , et s’enlève facilement en entier ; après la cuisson de lanimal. La chair est ferme et peu agréable au goût. La raie nègre , dont le citoyen Noël a eu la bonté de m'envoyer un dessin que j'ai fait graver, pesoit soixante-cinq hectogrammes (environ treize livres), et avoit été pêchée par une barque de Honfleur. | DES RATES, o om, mm ee S LA RAIE MOSAIQUE (1), ET LA RAIE ONDULÉE (2), PAR LACÉPÉDE. TRENTE ET TRENTE-UNIÈME ESPÈCES. LA distribution remarquable des couleurs dont la mosaïque est ornée , a fait donner à ce poisson le nom que j'ai cru devoir lui conserver. C’est la plus belle des raies; mais vraisemblablement elle n’est pas la meil- leure, puisqu'elle est restée inconnue jus- qu'à présent, quoique habitant entre les rivages si fréquentés de la France et de l'Angleterre. Les mâles ont des appendices d’une très-grande longueur. La parure de londulée est moins riche que celle de la mosaïque ; mais elle est peut- être plus élégante, tant la couleur grisätre qu’elle montre se marie agréablement avec les teintes grises et douces des bandelettes qui serpentent ou plutôt ondulent sur sa surface supérieure. (1) Raja mosaica. (2) Raja undulata. 208 HISTOIRE LA RAIE APTÉRONOTE (1), PAR LACÉPÉÈDE. TRENTE-DEUXIÈME ESPÈCE. L>ss nageoires pectorales de cette raïe sont très-grandes relativement aux autres parties de l’animal. Si l’on retranchoit ces nageoires, la tête et le corps de l’aptéronote ressem- bleroient à deux ovales irréguliers et presque égaux, placés au devant l’un de lautre. Cette forme se fait même apercevoir malgré la présence de ces pectorales, qui sont très- distinctes , et qui doivent réunir, à leurs dimensions étendues, des mouvemens assez rapides pour donner une grande vitesse à la natation du poisson. On doit aussi remar- quer la forme cylindrique ou plulôt conique de la queue, qui s’avance, pour ainsi dire, au milieu du corps proprement dit, Jusques vers le diaphragme. (1) Raja apteronata. DES RAIES. 209 (LA TRATE FRANGÉE.(r}, PAR LACÉPÉDE. TRENTE-TROISIÈME ESPÈCE. La conformation de cette raie mérite Vattention des naturalistes. Le citoyen Noël m'en a fait parvenir un dessin que j'ai fait graver , et que l’on avoit trouvé dans les papiers de M. de Montéclair , officier supé- rieur de la marine française. Ce capitaine de vaisseau commandoit le Diadéme, de 74 canons , dans la guerre d'Amérique ; et une note, écrite sur le dessin que j'ai entre les mains, annonce que le poisson représenté avoit été pris à bord de ce vaisseau de guerre, à trois heures après midi , le 25 juillet 1782, à 38 dégrés 58 minutes de latitude septen- trionale , et à 42 dégrés 10 minutes du mé- ridien de Paris. D'après une échelle jointe au dessin, cette raie frangée , vue par le capitaine de vais- seau Montéclair, avoit cinq mètres et demi (environ dix-sept pieds ) de longueur depuis (1) Raja fimbriata, 300 ETS TO E le bout du museau jusqu’à l’extrémité de la queue qui , d’après le dessin , avoit été vrai- semblablement un peu tronquée. La pointe extérieure d’une nageoire pectorale étoit éloignée de la pointe de l’autre nageoire de la poitrine , de près de six mètres (environ dix-huit pieds). Voilà donc une raie dont le volume doit être comparé à celui de la mobular , de la manatia, de la fabronienne et de la bank- sienne. La frangée est d’ailleurs liée à ces quatre énormes rates par un rapport bien remarquable : elle a sur le devant de la tête , et de même que ces quatre grands cartilagineux, deux appendices, deux ins- trumens du toucher, deux organes propres à reconnoïtre et même à saisir les objets. Nous devons donc compter mainteuant cinq raies gigantesques , qui réunissent à beau- coup de force des attributs extraordinaires, une source particulière d'instinct, de ruse, d'habileté dans quelques manœuvres, et forment comme une famille privilésiée au milieu d'un genre très-nombreux. La frangée se distingue des autres raies géans par les traits que nous avons indiqués dans notre tableau des poissons de ce genre. Ajoutons à ces traits que la queue est trés- DES RAIES. 301 déliée ; que la longueur de cette partie excède le tiers de la longueur totale ; que l'extrémité latérale de chaque pectorale se termine en pointe ; que cette pointe est mobile en différens sens, à la volonté de animal , et que la couleur de la partie supérieure du poisson est d’un brun très- foncé et tirant sur le noir (1). (1) Bartram a désigné cette raie frangée, qu’il appelle grande raie noire ; il dit que ce poisson , aussi bien que le requin , sont d’insatiables cannibales, très-importuns pour les pêcheurs de la côte de la Géorgie. ( Voyage dans les parties sud de l'Amérique septentrionale, par Williams Bartram, tom. 1, pag. 133 de la traduction française.) SONNInt. 302 HISTOIRE LA RAIE MOBULAR (), PAR LACEPRDE: TRENTE-QUATRIÈME ESPÈCE. Î C'ssr Duhamel (2) qui a fait connoître cetie énorine espèce de poisson cartilagi- veux, dont un individu, du poids de plus de vingt- neuf myriagrammes (six cents livres), fut pris en 1723 dans la man- drague (3) de Montredon, près de Marseille. (1) Æaie cornue, raie squatina. Raie ange de mer, à cause de la forme de ses nageoires appelées ailes, Par les caraïbes, mobular. Aux Antilles, diable de mLer. Raie mobular. Duhamel], Traité des pêches, seconde partie , sect. 9, chap. 3, p. 293. Raie mobular. Bonaterre, planches de l’Encyclop. méthodique. (2) Voyez l’ouvrage déjà cité. (3) La mandrague , ou madrague, est une espèce de grand parc composé de filets, et qui reste tendu dans la mer pendant un tems plus ou moins long. Ce parc forme une vaste enceinte distribuée par des cloisons en plusieurs chambres disposées à la suite lPune de l’autre, et qui portent différens noms, sui- Vant le pays où la mandrague est établie. Les filets DES RAIES. 309 Cette raie, supérieure en volume et en poids à toules celles que nous venons de décrire, en est encore distinguée par sa forme exté- rieure. L'individu pèché à Montredon avoit plus de trente-quatre décimètres (dix pieds et demi) de longueur totale ; et sa tête, dont la partie antérieure étoit terminée par une ligne presque droite, présentoit, vers les deux bouts de cette ligne , une appendice étendueen avant, étroite, terminée en pointe, et longue de six décimètres (un pied onze pouces). Chaque appendice avoit l'apparence d’une longue oreille extérieure , et en a recu AE RSR ER PQ AL RARE SAN OR A POS LEP TRUE LE LAN SIÇRURR qui forment l’enceinte et les cloisons, sont soutenus, dans la situation qu’ils doivent présenter , par des flottes de liège, maintenus par un lest de pierres, et arrêtés de plus par une corde dont une extrémité est allachée à la tête de la mandrague, et l’autre amarrée à une ancre. On place entre l’enceinte et la côie une longue cloison de filet, nommée cache, ou chasse, que les poissons suivent , et qui les con- duit daus la mandrague, où ils passent d’une chambre dans une autre jusqu’à ce qu’ils soient parvenus dans la dernière, que l’on nomme chambre de la mort. 11 y a des mandragues qui ont jusqu’à mille brasses de longueur (*). (*).Je donnerai des détails plus étendus sur la mandrague, à l’article du #4on, SONNINT, 50% HISTOIRE le nom, quoiqu'elle ne renfermât aucun or- gane que l’on püt supposer le siège de Pouïe ; et voilà pourquoi on a nommé la mobular raie à oreilles. D'un autre côté , comme ses deux appendices ont été comparées à des cornes ; on l'a appèlée raie cornue : et cependant elle n’a ni cornes ni oreilles; elle n'a reçu que des appendices alongées. Les yeux dé la raie mobular, prise auprès de Marseille, occupoient les extrémités de la face antérieure de la tête : on les voyoit presque à la base et sur le côté extérieur des apperdices ; el leur position étoit par- là très-analogue à celle des yeux du squale marteau et du squalé pantouflier. l'ouverture de la gueule, située au des- sous de la tête , avait plus de quatre déci- mètres (un pied trois pouces) de large ; et fon apercevoit un peu au delà les dix ouvertures branchiales disposées de la même manière que celles des autrés raies. e chaque côté du corps et de la tête pris ensemble, on voyoit une nageoire pec- torale très-grande , triangulaire , et dont la face antérieure , formant un angle aigu avec ja direction de l’appendice la plus voisine, se terminoit à l'extérieur par un autre angle aigu dont le sommet se recourboit vers la pointe DES RAIES. 305 Pointe de l’appeñndice. Cette face antérieure avoit près de trois pieds de longueur ; et l'étendue qu’elle donnoit à Ja nageoire, ainsi que la conformation qui résultoit de la posi- lion de cette face, rendoit Ja nageoire pec- torale beaucoup plus semblable à l'aile d’un énorme oiseau de proie que celles des autres raies déjà connues. eu | Le miliewdu dos étoit un peu élevé , et représentoit une sorte de pyramide très- basse, mais à quatre faces, tournées l’une vers la tête, l'autre vers la queue, el les deux autres vers les côtés. | Entre la face postérieure de cette pyra- mide et l’origine de la queue, on voyoit une nageoire dorsale alongée et inclinée en arriére ; et cette position de la nageoire dor- “sale rapprochoit l'individu figuré dans l'ou- vrage de Duhamel, de la raie cuyier, de la bohkat, de la rhinobate, et de la raie thouin. Les nageoires ventrales avoient près de quatre décimètres (un pied deux pouces) de long ; et la queue, très-déliée , terminée en pointe , et entièrement dénuée de na- geoires , éloit longue de plus de quatorze décimètres (quatre pieds six pouces). Aucune portion de la surface de cet Poiss. Tome IIL. V 306 ETS TOR TE animal ne présentoit de tubercules ni de piquans. Au reste, la mobular habite le plus sou- vent dans l'Océan. On l’y trouve auprès des Acores , ainsi qu'aux environs des Antilles, où elle a reçu le nom que nous avons cru devoir lui conserver. Duhamel , après l'avoir décrite , parle d’une autre raie qu’il en rapproche , mais dont il n’a pas publié un dessin qu’il avoit reçu , et dont il s’est contenté de dire, pour montrer les différences qui la distinguoient de la mobular, qu’elle avoit le corps plus alongé et les nageoires pectorales plus petites que ce dernier cartilagineux. Nous comparerons aussi la mobular avec la manatia , qui, par son immense volume, ainsi que par sa conformation, a de irès- grands rapports avec la mobular. Mais sui- vons l’ordre tracé dans le tableau que nous avons donné de la famille des raies. rs LA RAIE SCHOUKIE (ae PAR LACÉPÈDE. TRENTE-CINQUIÈME ESPÈCE. Forsrar., en parlant de cette raie qu'il avoit vue dans la mer Rouge, s’est contenté d'indiquer, pour le caractère distinctif de ce poisson, les aiguillons un peu éloignés les uns des autres dont elle est armée ; mais ce qui montre que sa peau est hérissée de tubercules plus ou moins petits et très-serrés les uns contre les autres, c’est que, selon le même naturaliste , on se sert de la peau de cette schoukie , dans la ville arabe de Suaken , pour revêtir des fourreaux de (1) Raja schoukie. Lin. édit. de Gmelin. Baja schoukie. Forskæœl, Faun. arab. p. 9, n° 16. _ Raie schoukie. Bonaterre , planches de l’Encyclop. méthodique. C) Raja , schoutie, aculeis remotiusculis. Forsk. Artedi, Gen. pisc. gen. 45, n° 26, sp. dubia. Forskœl a vu cette raie à Dsjidda , port de la mer Rouge, en Arabie, SoxNnini. V a 308 HASITO PRE sabre , comme on revêt en Europe des four- reaux d'épée ou des étuis avec des dépouilles _ de squales garnies de tubercules plus ou moins durs. Ces callosités où tubercules de la schoukie, réunis avec ses aiguillons , ne permettent pas de la confondre avec aucune autre espèce de raie déjà décrite par les auteurs. DES RAI ES. 30Q LARAIE MACHUÈLE (1), TRENTE-SIXIÈME ESPÈCE. J E sépare celle raie que Lacépède a indi- quée dans son histoire de la schoukie, comine n'étant pas assez bien décrite pour que l’on puisse la rapporter à une raie déjà bien connue , ou la considérer comme une espèce distincte (2) Le même motif m'engage au contraire à la séparer et à la présenter comme une espèce particulière , jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’elle n’est point différente d’une espèce déjà connue (5). (1) Raja corpore oblongo, lævi; capite depresso aculeato , pinnä caudali bilobä...... raja machuelo. Osbeck, Fragment. ichthyol. hispan. — Nov. act, n. c. 4, O9. Raja corpore inermi; capite aculeato, ore termi- nali....raja Osbeki. Artedi, Gen. pisc. gen. 45, sp. 12, additam. La machuèle. Bonat. planch. de l'Encycl. méthod. pag. 6. | | (2) Lacépède , Histoire des poissons ,tom. I, in-4; pag. "153. (5) Voyez ma note à la pag. 210. V 5 310 HISTOIRE Ce que l’on sait de la raie machuële est dû au naturaliste Osbeck. II l’a vue dans la mer Méditerranée, près des côtes de l'Espagne, où elle porte le nom de machuelo. Elle a le corps oblong, la tête aplatie, d’un ovale presque rond et armée d’aiguillons. Le reste du corps, dénué de piquans , est brun en dessus, avec des taches blanchâtres, et d’un blanc rougeâtre en dessous; la bouche est placée non pas en dessous , mais à l’extré- mité du museau, et la mâchoire supérieure est plus avancée que l’inférieure; entre cette mâchoire et la lèvre il y a un intervalle assez grand pour qu’elles ne tiennent point l’une à l’autre. L'on distingue deux rangées de dents aiguës et épaisses ; les nageoires latérales ont une forme rhomboïdale , et s’attachent au corps du poisson , à peu près comme les ailes d’un oiseau ; enfin la nageoire de la queue est divisée en deux lobes. La lon- gueur du corps est ordinairement d’un pied et plus. Cette description que j'abrège encore me semble suffisante , pour que l’on soit fondé à considérer la machuële comme une espèce différente des raies connues. DES RAIES. Sir a —— — LA RAIE CHINOISE, PAR ' LACÉPEDME TRENTE-SEPTIÈME ESPÉCE. LA collection d'histoire naturelle que renfermoit le museum de la Haye, et qui, cédée à la France par la nation hollandaise, est maintenant déposée dans les galeries du museum de Paris, comprend un recueil de dessins en couleurs exécutés à la Chine, et qui représentent des poissons dont les uns sont déjà très-connus des naturalistes ; mais dont les autres leur sont encore en- tièrement inconnus (1). Les traits des pre- miers sont rendus avec trop de fidélité pour qu’on puisse douter de lexactitude de ceux sous lesquels les seconds sont dessinés ; et les caractères de tous ces animaux sont d’ailleurs présentés à l’œil de manière qu'il est très - aisé de les décrire. Jai donc cru (1) Ce recueil compose une suite de dessins plus larges que hauts, réuuis ensemble; et c’est l’avant- dernier numéro qui représente la raie chinoise. V & 312 AISTO FRE devoir enrichir mon ouvrage et la science par l’exposition des espèces figurées dans ce recueil, et qui n’ont encore été inscrites sur aucun catalogue rendu public : et parmi ces espèces, nouvelles pour les naturalistes, se trouve une raie à laquelle j'ai donné le nom de chinoise, pour indiquer le pays dans lequel son image a été représentée pour la première fois , et sur les rivages duquel elle doit avoir été observée. La raie chinoise est d’un brun jaunâtre par dessus, et d’une couleur de rose foible par dessous. L’ensemble de la tête, du corps et des nageoires pectorales, est un peu ovale; mais le museau est avancé , en présentant cependant un contour arrondi. C’est prin- cipalement la réunion de cette forme gé- nérale, un peu rapprochée de celle de la torpiile , avec le nombre et la disposition des aiguillons dont nous allons parler , qui distingue la chinoise des autres raies décrites par les auteurs. On voit trois piquans der- rière chaque œil; on en compte plusieurs autres sur le dos ; et d’ailleurs deux rangées d'autres pointes s'étendent le long de Ja queue. Celte dernière partie est terminée par une nageoire caudale divisée en deux DES RATES. 313 lobes , dont le supérieur est un peu plus grand que linférieur , et sa partie supé- ricure présente deux nageoires dorsales. Le dessin n'indique point si les dents sont aplaties ou pointues; et par conséquent nous ne pouvons encore rapporter à aucun des quatre sous-genres, que nous avons établis dans la famille des raies, ce poisson chinois dont les couleurs sont très-agréables (1). (1) C’est peut-être à cette espèce qu'il faut rap- porter les raies extrêmement grandes des mers du Japon , et dont les peaux sont très-estimées par les japonais pour faire des fourreaux de cimeterre. (Gemelli Carreri, Voyage autour du monde, tom. V,, pag. 166.) Sonninr. 314 HES TOIRE ÉCRIRE DR ER een mme nn | LA RAIE GRONOVIENNE (1), PAR LACEPEDE. 4 4 TRENTE-HUITIEME ESPECE. O x trouve aux environs du cap de Bonne- Espérance cette raie que Gronovius a fait connoitre. Elle montre de très-grands rap- ports avec la torpille. Elle a, comme ce dernier poisson, la tête, le corps et les na- geoires pectorales conformés de manière que leur ensemble représente presque un ovale ; et d’ailleurs on ne voit de piquans sur aucune parlie de sa surface, non plus que sur celle de la torpille : mais l’on voit sur la queue de la torpille deux nageoires dorsales , et la partie supérieure de la queue de la gronovienne n’en présente qu’une. Le dos de la gronovienne est un peu convexe; la partie inférieure de son corps est au coniraire très - plate. Les nageoires ventrales sont grandes ; elles ont un peu (1} Gronov. Zooph. 152. Raja capensis, Lin. édit. de Gmelin. DES RATES. 325 la forme d’un parallélogramme , et n’ont aucune portion qu'on puisse appeler na- geoire de l'anus. A l'extrémité de la queue est une nageoire caudale divisée en deux lobes. On n’a encore vu que des gronoviennes d'un diamètre peu considérable; et l’on ignore si, conformée comme la torpille, la raie que nous décrivons jouit aussi, comme cette dernière, de la faculté de faire ressentir des commotions électriques plus ou moins fortes. 916 HES TOIRE LA RATE M A NMATI À; PAR LACÉPÉDE. TRENTE-NEUVIÈME ESPÈCE. Ets reçu, il y a plusieurs années, un dessin que j'ai fait graver, et une courte description, écrite en italien, d’une raie qui a beaucoup de ressemblance avec la mo- bular, et qui, comme ce dernier cartilagi- neux , parvient à une très-grande longueur. L’individu, dont on m'a envoyé dans le tems la figure, avoit plus de cinq mètres (quinze pieds huit pouces) de long, depuis la partie antérieure de la tête jusqu’à l’ex- itrénuté de la queue. Le corps proprement dit, et les nageoires pectorales, considérés ensemble, offroient une losange assez régulière , dont la diagonale, qui marquoit la plus grande largeur de lani- mal, étoit longue de près de trois mètres ou neuf pieds. Chaque nageoire pectlorale représentoit ainsi un triangle isocèle, dont la base s’'appuyoit sur le corps proprement dit, et dont le sommet très-aigu, placé à l'extérieur, répondoit au milieu du dos. DES RAÏIES. 319 À l'angle antérieur de la losange étoit la tête, d'un volume assez petit relativement à celui du corps, et terminée par devant par une ligne presque droite. Cette ligne avoit près d’un demi-mètre, ou un pied et demi de longueur, et à chacun de ses bouts on voyoit une appendice pointue, étroite, en forme d'oreille extérieure, semblable à celles que nous avons décrites sur la mobu- lar, et longue de dix pouces, où près de trois décimètres, à compter du bout du museau de la manatia. Chacune de ces deux ‘appendices s’étendoit au dessous de la tête jusqu’à l'angle de la bouche le plus Voisin ; mais on ne remarquoit dans ces excroissances ni cavité, ni aucun organe qui püt les faire considérer même, au premier coup d'œil, comme les sièges de loute. L'ouverture de la bouche, située dans la partie inférieure de la tête, n’étoit séparée de l'extrémité du museau que par un inter- valle de quinze centimètres (de cinq à six pouces), et n’avoit que trois décimètres (dix pouces ou environ) de largeur ; les narines étoient placées au devant de cette ouverture; et les deux yeux létoient de chaque côté de la tête, un peu plus près du 318 HiSIT OR E bout du museau que louverture de la bouche. Derrière chaque œil, à l'endroit où le côté de la tête proprement dite se réu- nissoit avec la nageoire peclorale, on dis- tinguoit un évenl. On ne voyoit d’aiguillon sur aucune por- tion de la surface de lanimal ; mais sa partie supérieure , recouverte d’une peau épaisse , s’élevoit au milieu du dos en une bosse semblable à celle du chameau, sui- vant l’auteur de la description qui m'est parvenue. Les nageoires ventrales étoient petites et recouvertes en partie par les nageoires pec- torales ; et 1l n’y avoit aucune nageoire dor- sale ni sur le corps, ni sur la queue, qui étoit très-étroite dans toute son étendue, et terminée par une nagoire fourchue. Cette nageoire caudale paroît horisonlale dans le dessin que j'ai fait graver; mais je crois que cetle apparence ne vient que d’une défectuosité de ce même dessin. Il est donc bien aisé de distinguer la ma- natia de la mobular. Ces deux raies, que leur volume étendu rapproche lune de Vautre, sont cependant séparées par quatre caractères très-remarquables. Les appendices du devant de la tête sont DES RAIES. 319 beaucoup plus courtes sur la manatia que sur la mobular, à proportion de la lon- gueur totale de l'animal, puisqu'elles ne sont sur la manatia que le dix-neuvième de cette longueur totale, tandis que sur la mobular elles en sont le cinquième, ou à peu près. Les nageoires pectorales sont conformées si différemment sur la manatia et sur la mobular que, dans ce dernier cartilagineux, l'angle extérieur de ces nageoires est au niveau des yeux, et dans la manatia au niveau du milieu du dos. Il y a une nageoire dorsale sur la mobu- Jar : il n’y en a point sur la manatia. Enfin la queue de la mobular n'est ter- minée par aucune nageoire, et l’on en voit une fourchue au bout de la queue de la mana!tia. La couleur de la partie supérieure de la raie que nous cherchons à faire con- noître est d’un noir plus ou moins foncé , et celle de la partie inférieure d’un blanc assez éclatant. La forme, la mobilité et la sensibilité des appendices de la tête de la manata doivent faire de ces prolongations, des sortes de tentacules qui, s'appliquant avec facilité à la surface des corps, augmentent la déli- 320 HIS AT :O ER E catesse du sens du toucher , et la. vivacité de l'instinct de cette raie ; et comme un sens plus exquis, et par conséquent des ressources plus multipliées pour l'attaque et pour la défense , se trouvent joints 1ci à un volume des plas grands et à une force très-considé- rable , il n’est pas surprenant que sur les rivages de l'Amérique voisins de l'équateur qu’elle fréquente , elle ait reçu le nom de manatia , presque semblable à celui de ma- nati,imposé dans les mêmes contrées à un autre habitant des eaux , très-remarquable aussi par l'étendue de ses dimensions, ainsi que par sa puissance , au lamantin (1) décrit par Buffon. C’est à cause de cette force , de ce volume et de cet instinct, qu'il faut par- ticuhèrement rapporter à la manatia ce que Barrère (2) (3) et d’autres voyageurs ont dit (1) Trichecus manatus, mamm: brut: Lin. edif. de Gmelin. | (2) Histoire naturelle de la France équinoxiale, par Barrère. (3) Barrère désigne deux espèces de ces grandes raies : Vune qu'il appélle raye monstrueuse; raja omniutn maximé-ore ampéissino, p: 176; et la seconde qu’il nomme raye diable ; raia maxima, circinata el cornuta, pag, 177. « C’est, dit Barrère, un poisson de mer monstrueux, long de plus de vingt pieds; ül de DES RATES. 321 de très-grandes raies des mers américaines s’élance hors de l’eau à une certaine hauteur , et se laissant tomber tout à coup , 1l fait un bruit épou- vantable ; 11 se bat avec l’espadon ». Les navigateurs rencontrent quelquefois de ces raies énormes, principalement dans les mers de la zone Torride. « Grand bruit parmi les matelots, raconte le spirituel auteur d’un Voyage à Siam, fait en 1685 et 1686; on a crié tout à coup, voilà Le diable, il faut lavoir. Aussitôt tout s’est réveillé, tout a pris les armes : on ne voyoit que piques, harpons et mons- quets. J’ai couru moi-même pour voir le diable, et J'ai vu un gros poisson qui ressemble à une raie, hors qu’il a deux cornes comme un taureau. 4l a fait quelques caracoles, toujours accompagné d’un poisson blanc, qui de tems en tems va à la petite guerre, et vient se remettre sous le diable : et entre ses deux cornes il porte un petit poisson gris, qu'on appelle le pilote du diable, parce qu’il le conduit et le pique quand il voit du poissor ; et alors le diable part comine un trait. Je vous conte ce petit manège parce que je viens de le voir. Nous étions à six dégrés de la ligne ». ( Page 28.) Sparrman, étant précisément sous le Tropique, vit un animal marin, qui avoit sept à huit pieds de long, connu des matelots sous le nom de diable de mer. Dans un voyage que le même naturaliste avoit fait précédemment en Chine, il avoit rencontré un de ces monstres, et en lexaminant , il le reconnut pour être une espèce de raie. (Voyage au cap de Poiss. Tome III. X Lé 599 HISTOIRE et équinoxiales, qui, s’élançant avec effort Bonne - Espérance, par Sparrman, traduct. francç* tom. 1, pag. 4.) L'on assure que cette raie est fort dangereuse pour les pêcheurs qui recherchent les perles dans les mers de l’Inde. C’est peut - être une espèce de ces raies diables de mer que Pagès a voulu désigner lorsqu'il parle d’une raie monstrueuse du cap de Bonne-Espérance , qui , en ayant avalé une autre , large de huit pouces et prise à la ligne , ne put la dégorger de son estomac. ( Voyage autour du monde , tom. 11, p: 115.) À trois cent cinquante-cinq dégrés de longitude , dix dégrés, quinze minutes de latitude nord , pendant le calme , Levaillant découvrit autour de son vaisseau trois diables de mer , nageant isolément et entourés chacun de ces petits poissons qui précèdent ordinai- rement les requins, et que, par cette raison, les gens de mer ont nommés pilotes. Tous trois portoient en outre , sur chacune de leurs cornes, ou espèces de bras alongés , formant un croissant au devant de leur tête, un poisson blanc, de la grosseur du bras, long d’environ dix-huit pouces, et qui paroissoit être comme en faction. Levaillant décrit ainsi les manœuvres de ces deux poissons : « On eût dit que les deux vedeltes ne se plaçoient ainsi que pour veiller à la sûreté de lanimal, pour l’avertir des dangers qu’il couroit , et diriger ses mouvemens par les leurs. S’approchoit-il trop près du vaisseau, ils quittoient leur poste, et nageant avec vivacité devant lui, ils l’obligecient de s’éloisner. S’élevoit-il trop au dessus de Peau, ils passoicnt et repassoient sur son DES RAÂIES. 325 à uñe certaine hauteur au dessus de Ia : A | dos, jusqu’à ce qu'il se fût enfoncé davantage. Si au contraire il s’enfonçoit trop, alors ils disparois- soient ; et on cessoit de les voir » Parce que sans doute ils le touchoient en dessous comme, dans l’occasion précédente, ils lavoient touché en dessus; aussi lé Voyoit-on anssitôt remonter vers la surface de Ja mer et les deux factionnaires reprenoient leur poste ; chacun sur leur corne ». (Second Voyage dans l’inté: rieur de l'Afrique , tom. IX, p. 513. ) Je ne sais si ce n’est pas prêler à ces petits pois- Sons une prévoyance et une sagacilé que peut-être ils u’ont pas. Le rôle de sentinelles vigilantes, de conducteurs sans cesse cn mouvement pour diriger un animal que rien n'empêche de se conduire Jui- même, les rend fort intéressans , sans doute; mais jaime mieux y voir une cause plus simple et plns naturelle, c’est-à-dire, le besoin de chercher unëé nourriture dans les déjectious de la raie. Quoi qu’il en soit, l’une des trois raies diables fut prise par l’équipage du vaisseau sur lequel Levail- lant étoit passager; c’étoit la plus petite. Elle avoit vingt-huit pieds dans sa plus grande largeur, sur vingt - un de long , depuis l'extrémité des cornes jusqu’à celle de la queue. Cette queue, grosse en proportion du corps, avoit vingt-deux pouces de longueur, La bouche, placée absolument comme telle de là raie, étoit assez large pour avaler aisé ment un homme tout ceutier, La peau, blanche sous le ventre, avoit sur le dos les couleurs brünes qui sont propres à la raie; Enfin on éstima que Fani- X à 924 HISTOIRE surface de l'Océan , et se laissant ensuite retomber avec vitesse, frappent les ondes mal pouvoit peser au moins deux mille. { Voyage de Levaillant , à l'endroit cité. ) «Je me flattois , ajoute ce voyageur célèbre , que peut-être on pourroit attra- per quelqu'un des petits poissons qui servoient de vedettes aux deux autres; car les deux monstres, malsré tout le prix qu'avoit fait notre capture, ne s’étoient pas éloignés. On employa , vis à-vis des conducteurs, différentes sortes d’amorces ; mais ce fut en vain : aussitôt que l’hameçon tomboit à l’eau, ils venoient le reconnoître et retournoient tout aussi- tôt à leur poste ». ( Pag. 517.) Ce dernier fait prouve ce que je viens de dire tout à l'heure, que ce n’est point pour avoir le plaisir de conduire les raies que ces poissons Îes accompagnent, et qu’ils n'ont d'autre but que de trouver dans les déjections de îa raie une nourriture qui leur est propre exclusivement, puis- qu’ils ne touchent à aucune autre. Enfin , dans le cours de mes navigations , je n’ai eu qu’une seule fois l’occasion de voir une de ces raies monstrueuses dont il s’agit ; c’étoit au delà du Tro- pique et non loin de la côte occidentale de l'Afrique ; le calme régnoit depuis plusieurs jours. Cet énorme cartilagineux se montra à fleur d’eau et vint se ranger tout à fait contre le bord du navire , qui n’étoit que du port de cent soixante tonneaux. Aussi cet épou- vantable animal me parut plus long et plus large que le vaisseau même. On lui lança plusieurs harpons qui ne produisirent d’autre effet que de Île faire dis« paroitre , en sorte que je n’eus pas le tems de l’exaz DES RAIES. 325 avec bruit et par une surface très - plate, très-longue et très-large, et les font rejaillir très-au loin et avec vivacité. Passons maintenant à l’exposition du genre de cartilagineux qui ressemblent le plus aux raies que nous venons de décrire. miner beaucoup, ni le cannonier de disposer une pièce pour lui lancer un boulet. La vue de ce mons- trueux animal avoit répandu la frayeur dans Péqui- page, ct je ne doute pas en effet qu’il ne pût faire beaucoup de mal à de petits bâtimens. 5 SONNINI.. X 5 926 HISTOIRE TAB BAU Du cinquième ordre des POoIssons, PAR LACÉPÉDÉ. RRCO IS TEME “ORNRE LE StS:Q VA PES." Cire, ou six, ou sept ouvertures bran- chiales de chaque côté du corps. PREMIER SOUS-GENRE. Une nageoire de l’anus, sans évents. PREMIÈRE ESPÈCE. LE SsQUALE REQUIN. — Les dents lrian- gulaires , et dentelées des deux côtés. SECONDE ESPÈCE. LE SQUALE TRÈS-GRAND. — Les dents un peu coniques et sans dentelures. TROISIÈME ESPÈCE. LE SQUALE GLAUQUE.— Les dents apla- tes de devant en arrière, triangulaires et sans dentelures ; le dessous du corps glauque; une fossette à l'extrémité du dos, | DES SQUALES. 327 QUATRIÈME ESPÈCE. LE SQUALE LOKG-NEz. — Un pli longi : tudinal de chaque côté de la queue. CINQUIÈME ESPÈCE. LE SQUALE PHILIPP. — Quelques dents arrondies; un fort aiguillon à chaque na- geoire dorsale. SIXIÈME ESPÈCE. LE SQUALE PERLON. — Sept ouvertures branchiales de chaque côté. | SEPTIÈME ESPÈCE LE SQUALE POINTILLÉ. (Soualus punc- tulatus.) — De petits points blancs sous le corps et sous la queue; la couleur de la partie inférieure de lani mal plus nn: que celle de la partie supérieure. SECOND SOUS-GENRE. Une nageoire de l’anus, et deux évents. HUITIÈME ESPÈCE. LE SQUALE ROUSSETTE. — Les narines garnies d’une appendice vermiculaire; les dents dentelées et garnies, aux deux bouts de leur base, d’une pointe dentelée. NEUVIÈME ESPÈCE. LE SQUALE ROCHIER. — Deux lobes aux X 4 528 HISTOIRE narines; les nageoires du dos égales l’une à l’autre. DIXIÈME. ESPÈCE. LE SQUALE MILANDRE.— Les dents presque triangulaires, échancrées et den- telées. : ONZIÈME ESPÈCE. LE SQUALE ÉMISSOLE.— Les dents petites el très-obtuses. DOUZIÈME ESPÈCE. LE SQUALE BARBILLON. — Une appen- dice vermiforme aux narines: des écailles grandes et unies sur le corps. TREIZIÈME ESPÈCE. LE SQUALE BARBU. — Le tour de l’ou- verture de la bouche garni d’appendices vermiformes. QUATORZIÈME ESPÈCE. LE 5QUALE Ticré. — Des bandes noires et transversales sur le corps, des barbillons auprès de l’ouverture de la bouche. QUINZIÈME ESPÈCE. LE SQUALE GALONNÉ.— Sept bandes noirâtres et longitudinales sur le corps. SEIZIÈME ESPÈCE. LE SQUALE æœiLLé.— Une tache noire DES SQUALES. 329 entourée d’un cercle blanc de chaque côté du cou. DIX-SEPTIÈME ESPÈCE. LE SQUALE I1SABELLE.—/La première nageoire du dos placée au dessus des na- geoires ventrales. DIX -HUITIÈME ESPÈCE. LE SQUALE MARTE AU.— La tête et le corps représentant ensemble un marteau. DIX-NEUVIÈME ESPÈCE. LE SQUALE PANTOUFLIER. — La tôle festonnée par devant, et un peu en forme de cœur. VINGTIÈME ESPEÈCÉ. LE sQUALE RENARD. — Le lobe supé- rieur de la nageoire de la queue, de la longueur du corps. 4 VINGT-UNIÈME ESPÈCE. LE SQUALE GRIsET.— Six ouvertures branchiales de chaque côté. TROISIÈME SOUS-GENRE. Deux évents, sans nageoires de Panus,. VINGT-DEUXIÈME ESPÈCE. LE sQUALE AIGUILLAT. — Un aiguilion 330 HISTOIRE à chaque nageoire du dos; le corps très alongé. VINGT-TROISIÈME ESPÈCE. LE SQUALE SAGRE.— Le dessous du corps nonâtre ; les narines placées dans Ia partie antérieure de la tête. VINGT-QUATRIÈME ESPÈCE. LE SQUALE HUMANTIN. — Le corps un peu triangulaire. VINGT-CINQUIÈME ESPEÈÉCE. LE sSQUALE LICHE.—Les deux nageoires du dos sans aiguillon ; la seconde plus grande que la première; les nageoires ventrales grandes, et placées très-près de la queue. VINGT-SIXIÈME ESPÈCE. LE SQUALE GRONOVIEN.— Les deux nageoires du dos sans aiguillons; la pre- mière , plus éloignée de la tête que les na- geoires ventrales; la seconde, placée très- loin de la première. VINGT-SÈPTIÈME ESPÈCE LE SQUALE DENTELÉ. — Une rangée de tubercules un peu gros, s'étendant depuis les yeux jusqu'à la première nageoire dor- sale; des taches rousses et irrégulières sur la partie supérieure du corps et de la queue. DÉS: SQUAILES. 33: NMINCT-HULTILEMBLESPÉECE. LE SQUALE BoUucLÉ.— Des tubercules gros et épineux sur tout le corps. VINGT-NEUVIÈME ESPÈCE, LE SQUALE ÉCAILLEU x. —Le corps revêtu d'écailles ovales et relevées par une arête. TRÉNTIÈME ESPÈCE. LE SQUALE scir. — Le museau très- alongé, et garni de dents de chaque côté. TRENTE-UNIÈME ESPÈCE. LE SQUALE ANGE.— Les nageoires pec- torales trés-grandes, el échancrées par de- vant; le corps un peu aplati. TRENTE- DEUXIÈME ESPÈCE. LE SQUALE ANISODON. — Le museau très-alongé, et garni, de chaque côté, de dents très-inégales ; un long filament placé au dessous de chaque côté du museau. 932 HIS TÉIRÉ LE RE OMAN Foyez la figure, planche VI, fig. 1 ; fig. 2, mâchoire du requin ; fig. 3, une de ses dents. LE SQUALE REQUIN (i}(2), PAR, LACEFPEDE. PREMIÉRE) ESP E C &. Les squales (3) et les raies ont les plus grands rapports entre eux; ils ne sont en quelque sorte que deux grandes divisions de la même famille. Que l’on déplace en (1) Sur quelques côtes de l'Océan européen, re- quiem , lamia , lamie , frax. Sur quelques rivages du nord de l'Europe, kaj. En Hollande , Aaye. En Dane- mark, haafisk, hauwkal. En Islande, Laakal. En Angleterre, white shark. Chien de mer requin. Daubenton , Encycl. méthod. Squalus carcharias. Lin. édit. de Gmelin, Squalus corpore cinereo , dorso lato. Bloch, Hist. nat. des poissons, quatrième partie, édition alle- mande , p.53,n° x19. Squalus dorso plano, dentibus plurimis ad latera serratis, Arted. gen. 70 , syn. 98. — Ot. Fabric. Faun. Groenl. p.127. — Müller, Prodrom. zoolog. danic. De Jeve Wet Brant d', 1. LE REQUIN 9. SA MACHOIRE. 3. UNE DE SES DENTS AMENER [ PALIN, ‘| x i » - * abri fn Û De Pie * ré L \ , R ? +) 3 PP RS VS 44 LE LES Das RCE PPS LCLE-2 7 TE Mr De de Ed cu 6 2 us à A : k , 4" “T2: 24: F FLO + d - aus” ft. " A | a “ u , + 0: #4 MTL x £ ue ." 4 1,3 7 é A x ( , 2" Te LR : d j : FR 2. OL. e 4 } ; & : * i ; L - { é = | + nl à &) ba = + Et : | | j L : w À | 1® 7 : Ps F d L = 1 : D ÉS"SQU ALES. 13553 effet les ouvertures des branchies des raies; que ces ozifices soient transportés de la p. 55, n° 316. — Gunner, Act. nidros. 2, p. 370, tab. 10 et 11; Chien de merrequin. Bonat. planches de l’Encycl. méthod. — Gronov. Mus. 1, 158. Zooph. 145. — Browne , Jam. p.458, n° 2. Cynocephalus albus. Klein, Miss. pisc. 5, p. 5, n° 1. — Aristot. Hist. anim. lib. 5, cap. 5; et lib.9, cap. 57. — Piin. Hist. maud. lib. 9, cap. 24. Lamie. Rondelet , première partie , lib. 13, ch. 11. — Athen. Hb.7, p. 506 — 510. — Helon, Aquat. p.58. — Gesn. Aquat. p. 175. Icon. anim. p. 151 — 153. Thierb. p. 81 — 82. Carcharias canis, seu lamia, Aldrovand. Piscib. p.381, 382, 587. — Jonst. Pisc. p. 24, tab. 6, fig. 6. — Fermin, Surin. 2, p. 248. — Datertre, Antil. p- 202. Requin. Broussonet , Mém. de Pacad. des sciences de Paris pour lan 1780, p.670, n° 19. White shartk. Willugbb. Ichth. p. 47, tab. b 7. — Ray, Pise. p. 18. — Brit. zool. 3, p. 82, n° 4. Requin. Valmont de Bomare, Dictionn. d'histoire naturelle. T'iburone. Marcgr. lib. 4. — Nieremb. lib. 19, c. 20. _Piscis Jonæ, seu antropophagus quorumdam. Canis gadens. Salvi. 182. J'ubaron ou hays. Sloan. Voyag. p. 24. — Duhamel, Traité des pêches, seconde partie, sect. 9, chap. 4, értuir :pliærx: Squalus dentibus serratis, multiplici ordine stipatis, 354 His TORRES surface inférieure du corps sur les côtés de l'animal ; qu'on diminue la grandeur des nageoires pectorales; qu'on grossisse dans fove ad basim caudæ lunulatä. Commerson , manus- crits déposés au museum d'histoire naturelle. (2) Le requin. En allemand , menschenfresser et meervielfrass. En suëédois; haa-skierdingen. Eu Nor- vège, haa-skiaerding, haaekiaering, haakal. Chez les lettes, akkalagge. Au Groenland , ekalurksoack. Dans J’évêché de Drontheim, Laa-brand, haa-kiaering. En Arabic, gersch ou kersch. En Sardaigne, il cane carca- ria. À Atioui, île de la mer du Sud, mano. En Itaiie, en Languedoc ; en Provence et en Espagne ;, /amie, À Marseille , ’ami. À Bayonne, frax. Dans Aristote, ce poisson est nommé /amia ; dans Oppien , /amus ; dans Athénée, karcharias et kyon dalailia. Squalus dorso plano, dentibus serratis..... eanis carcharias. Brunnich , Ichthyol. massil. p. 5. SONNINI: (5) Nous avons préféré , pour le genre dont nous allons traiter , le nom de squale, admis par un très- grand nombre de naturalistes modernes, à celui de chien de mer, qui est composé, et qui présente une idée fausse. En effet , les squales sont bien des habi- taus de la mer, mais sont certainement , dans l’ordre des êtres, bien éloignés du genre des chiens. « De Pline , dit Rondelet (première partie, liv. 15; chap. 1), sont nommés squali , quasi squallidi , laïds à voir; et rudes ; car ils sont tout couverts de pear êpre. » DÉS 'SOQUALES ‘35 quelques-uns de ces cartilagineux l’origine de la queue, et qu’on donne à cette origine le même diamètre qu’à la partie postérieure du corps, et les raies seront entièrement confondues avec les squales. Les espèces seront toujours distinguées les unes des au- tres ; mais aucun caractère véritablement générique ne pourra les diviser en deux groupes : on comptera le même nombre de petits rameaux ; mais on ne verra plus deux grandes branches principales s'élever sépa- rément sur leur tige commune. Quelques squales ont, comme les raies, des évents placés auprès et derrière les yeux ; quelques autres ont, indépendam- ment de ces évents, une véritable nageoire de l’anus, très-distincte des nageoires ven- trales, et qu'aucune raie ne présente ; il en est enfin qui sont pourvus de cette même nageoire de lanus, et qui sont dénués d’évents. Les premiers ont évidemment plus de conformité avec les raies que les secouds, el sur-tout que les troisièmes. Nous n’avons pas cru cependant devoir exposer les formes et les habitudes des squales dans Pordre que nous venons d'indiquer, et que l’on pourroit à certains égards regarder comme le plus naturel, La nécessiié de commencer par 336 HISTOIRE montrer les objets les mieux connus et de les faire servir de terme de comparaison, pour juger de ceux qui ont été moins bien et moins fréquemment observés, nous a forcés de préférer un ordre inverse, et de placer les premiers, dans cette histoire, les squales qui n’ont pas d'évents, et qui ont une nageoire de l'anus. | Au reste, les espèces de squales ne dif- férent dans leurs formes et dans leurs habi- tudes que par un petit nombre de points. ous indiquerons ces points de séparalion dans des articles particuliers ; mais c’est en nous occupant du plus redoutable des squales que nous allons tâcher de présenter en quelque sorte l’ensemble des habitudes et des formes du genre. Le requin va être, pour ainsi dire, le Lype de la famille en- lHière; nous allons le considérer comme le squale par excellence, comme la mesure sénérale à laquelle nous rapporterons les autres espèces; et l’on verra aisément com- bien cette sorte de prééminence, due à la supériorité de son volume, de sa force et de sa puissance, est d’ailleurs fondée sur le grand nombre d'observations dont la curio- sité et la terreur qu'il inspire l’ont rendu dans tous les tems l’objet. Ce D'F;S: SQU ALES. 837 Ce formidable squale parvient Jusqu'à une longueur de plus de dix mêtres (trente pieds ou environ); il pèse quelquefois près de cinquante myriagrammes (mille liv.) (1); et il s’en faut de beaucoup que l’on ait prouvé que l'on doit regarder comme exa- gérée l’assertion de ceux qui ont prétendu qu'on avoit pêché un requin du poids de plus de cent quatre-vingt-dix myriagrammes (quatre mille livres) (2). Mais la grandeur n’est pas son seul attri- but : il a reçu aussi la force et des armes meurtrières, et féroce autant que vorace, impélueux dans ses mouvemens, avide de sang, et insatiable de proie, 1l est véritable- ment le tigre de la mer. Recherchant sans crainte tout ennemi, poursuivant avec plus d'obstination, attaquant avec plus de rage, combattant avec plus d’acharnement que les autres habitans des eaux; plus dangereux que plusieurs cétacés, qui presque toujours sont moins puissans que lui; inspirant même plus d’effroi que les baleines , qui, moins bien armées, et douées d’appétits bien dif- férens, ne provoquent presque jamais ni (1) Rondelet, à l’endroit déjà cité. (2) Gillius, dans Ray , et d’autres auteurs. Poiss. Tome III. M, 335 PIS TO RCE lhomme, ni les grands animaux; rapide dans sa course, répandu sous tous les cli- mats, ayant envahi, pour ainsi dire, toutes les mers; paroïissant souvent au milieu des tempêtes ; aperçu facilement par l'éclat phosphorique dont il brille, au milieu des ombres des nuits les plus orageuses; mena- çant de sa gueule énorme et dévorante les infortunés navigateurs exposés aux horreurs du naufrage, leur fermant toute voie de salut, leur montrant en quelque sorte leur tombe ouverte, et plaçant sous leurs yeux le signal de la destruction, il n’est pas sur- prenant qu’il ait reçu le nom sinistre qu'il porte, et qui, réveillant tant d'idées lugu- bres, rappelle sur-tout la mort, dont il est le ministre. Reguin est en effet une cor- ruplion de requiem, qui désigne depuis long-tems, en Europe, la mort et le repos éternel, et qui a dù être souvent, pour des passagers effrayés, l'expression de leur cons- ternation, à la vue d’un squale de plus de trente pieds de longueur, et des victimes déchirées où engloulies par ce lyran des ondes (1). Terrible encore lorsqu'on à pu (1) La vraie étymologie du nom du requin se trouve dans l’ancien gothique ; il vient de rick, qui, DES BOUAUIMIE S 65% parvenir à l’accabler de chaînes, se débat tant avec violence au milieu de ses liens, conservant une grande puissance lors même qu'il est déjà tout baigné dans son sang, et pouvant d'un seul coup de sa queue ré- pandre le ravage autour de lui, à linstant même où 1l est près d’expirer, n'est-il pas le plus formidable de tous les animaux auxquels la Nature n’a pas départi des armes empoisonnées ? Le tigre le plus furieux au milieu des sables brülans, le crocodile le plus fort sur les rivages équatoriaux, le serpent le plus démesuré dans les solhitudes africaines, doivent-ils inspirer autant d’ef- froi qu'un énorme requin au milieu des vagues agilées ? Mais examinons le principe de cetle puis- sance si redoutée, et la source de cette voracité si funeste. Le corps du requin est très-alongé , et la peau qui le recouvre est garnie de petits tubercules très - serrés les uns contre les dans l’origine, signifie fort, puissant, et dont on a formé depuis le mot riche, parce qu’à mesure que la société s’est dépravée , nos ancêtres se sont aperçus que richesse et force ou puissance devenoient mal- heureusement des synonymes. SONNINI: M 13 940 HITS TOTRE autres. Comme cette peau tuberculée est très-dure, on lemploie, dans les arts, à polir diflérens ouvrages de bois et d'ivoire; on s’en sert aussi pour faire des liens et des courroies, ainsi que pour couvrir des étuis et d'autres meubles : mais il ne faut pas la confondre avec la peau de la raie sephen (1), dont on fait le galuchat, et qui n’est connue dans le commerce que sous le faux nom de peau de requin, tandis que la véritable peau de requin porte la dénomination très-vague de peau de chien de mer. La dureté de cette peau, qui la fait rechercher dans les arts, est aussi très-ulile au requin, et a dû con- tribuer à augmenter sa hardiesse et sa vo- racité, en le garantissant de la morsure de plusieurs animaux assez forts et doués de dents meurtrières. La couleur de son dos et de ses côtés est d’un cendré brun; et celle du dessous de son corps d'un blanc sale. La tête est aplatie, et terminée par un museau un peu arrondi. Au dessous de cette extrémité, et à peu prés à une distance égale du bout du museau et du milieu des yeux, on voit les narines, organisées dans leur (1) Article de Za raie sephen. DES SQUALES. 34 intérieur presque de la même manière que celles de la raie batis, et qui, étant le siège d’un odorat très-fin et très-délicat , donnent au requin la facilité de reconnoître de loin sa proie, et de la distinguer au mi- lieu des eaux les plus agitées par les vents, ou des ombres de la nuit la plus noire, ou de l’obscurité des abîmes les plus profonds de l'Océan. Le sens de l’odorat étant dans le requin , ainsi que dans les raies et dans presque tous les poissons, celui qui règle les courses et dirige les attaques, les objets qui répandent l’odeur la plus forte doivent être, tout égal d’ailleurs, ceux, sur lesquels il se jette avec le plus de rapidité. Ils sont pour le requin ce qu’une substance très-éclatante, placée au milieu de corps très-peu éclairés, seroit pour un animal qui n’obéiroit qu’au sens de la vue. On ne peut donc guère se refuser à l’opinion de plusieurs voyageurs qui assurent que lorsque des blancs et des noirs se baignent ensemble dans les eaux de l'Océan, les noirs, dont les émanations sont plus odorantes que celles des blancs, sont plus exposés à la féroce avidité du requin, et qu’immolés les premiers par cet animal vo- race , ils donnent le tems aux blancs d’échap- per par la fuite à ses dents acérées. IE 3 342 HIiSTOFR.E pourquoi, à la honte de l'humanité, est-on encore plus forcé de les croire lorsqu'ils racontent que des blancs ont pu oublier les lois sacrées de la Nature, au point de ne descendre dans les eaux de la mer qu’en plaçant autour d’eux de malheureux nègres dont ils faisoient Îa part du requin ? L'ouverture de la bouche est en forme de demi-cercle, et placée transversalement au dessous de la tête et derrière les narines. Elle est très-grande; et l’on pourra juger facilement de ses dimensions , en sachant que nous avons reconnu , d’après plusieurs comparaisons , que le contour d’un côté de la mâchoire supérieure, mesuré depuis l'angle des deux mâchoires jusqu’au sommet de la mächoire d’en haut, égale à peu près le onzième de la longueur totale de lani- mal. Le contour de la mâchoire supérieure d'un requin de trente pieds ( près de dix mètres ) est donc environ de six pieds ou deux mètres de longueur. Queile immense ouverture ! Quel gouffre pour engloutir la proie du requin! Et comme son gosier est d’un diamètre proportionné , on ne doit pas être étonné de lire, dans Rondelet et dans d’autres auteurs , que les grands requins peuvent avaler un homme tout DES: S QU A LE S: 343 entier (1), et que, lorsque ces squales sont morts et gisans sur le rivage , on voit quel- (1) A Nice et à Marseille , dit Rondelet, on a pris autrefois des lamies dans l'estomac desquelles on a trouvé un homme armé tout entier. ( Hist. des pois- sons , Liv. 13, chap. 11.) L'auteur de l’Ichthyologie de Marseille, Brunnich, rapporte que, pendant son séjour dans ce port , on y prit un requin de la longueur de quinze pieds. Deux années auparavant , on avoit tué sur les côtes, entre Cassis et la Ciotat , nn autre requin encore plus grand, On lui trouva daus l'estomac deux thons peu endom- magés , et un homme entier avec son vêtement intact, qui tous paroissoient avoir été dévorés depuis peu de tems. « Capiebatur tempore quo Massiliæ fui, piscis ejus speciei ( squalus carcarias) quindecim pedum longi- tudine. Major duos abhince annos occidebatur hærens in littore urbes inter Cassidem et la Ciotat. Ventriculo tenuit duos scombros thynnos, parum læsos, homi- nemque inétegrum CU vestitu omnino inéactum , omnes ut apparuit breve antè tempus devoratos. T'estes oculati, inter multos alios, fuere dominus Garnier, secretarius regis Galliæ , qui preclarä corallii rubri fabricä urbis Cassidis pauperes sublevebat multos , ué et Rev. dominus Boyer, parochus urbis la Ciotat dictæ; uterque conditione simul ac fide satis pollentes». Brun- nich, fchthyol. Massil. p. 5. En 1785 on apporta à Spallanzani, lors de son passage à Nice, les mâchoires d’un requin, dans l'estomac duquel on avoit trouvé un enfant tout éd 344 ES T'OLR'E quefois des chiens entrer dans leur gueule; dont quelque corps élranger retient les mâ- choires écartées , et alier chercher Jusques entier. (Voyage dans les Deux-Siciles , traduct. franc. tom. IV,p. 250.) L'année dernière, 1802, l’on apprit à Londres, par une lettre authentique de Surinam, que le capi- taine Brown, se trouvant à chasser sur le rivage et à J’embouchure de la rivière de Surinam, aperçut un requin auquel il décocha une flèche dont Panimal fût atteint. Dangereusement blessé , il disparut ; mais le lendemain on l’aperçut à fleur d’eau, à une distance très-peu éloignée du rivage; des bateaux approchèrent alors, et on acheva de le tuer; mais quelle fut la surprise de ceux que la curiosité avoit attirés pour le voir , lorsqu’en l’ouvrant on trouva dans son corps une femme toute entière, à l’exceplion de la tête qui avoil été séparée du tronc. Stenon observa dans la tète d’un requin, pris aux envirous de Jaivourne , que le diamètre transversal de la bouche , mesuré de l’angle d’une mâchoire à Pautre, avoit une coudée de long { mesure de Florence }, et que le second diamètre , perpendiculaire au premier, avoit les quatre cinquièmes d’ane coudée. II n’est donc point étonnant de trouver dans les estomacs de ces animaux des hommes tout entiers. ( Elcm. myolog. ) Et cetie ampleur naturelle de Ja bouche des requins est encore susceptible de s’élendre, comme celle des serpens et des couleuvres, par la grande élasticité des os des mâchoires , qui sont de nature cartilagineuse ; en sorte que cette énorme bouche à laquelle aboutit DESTSOQUMELES. 54 dans l'estomac les restes des alimens dévorés par l’énorme poisson. Lorsque cette gueule est ouverte, on voit au delà des lèvres, qui sont étroites et de la consistance du cuir, des denis plates, triangulaires , dentelées sur leurs bords, et blanches comme livoire. Chacun des bords de cette partie émaillée, qui sort hors des gencives, a communéiment cinq centimètres ( près de deux pouces } de longueur dans les requins de trente pieds. Le nombre des dents augmente avec l’âge de l’auimal. Lorsque le requin est encore très - jeune, un gosier et un estomac également vastes, est suscep- tible de recevoir et d’engloutir les hommes et de grands animaux. Quelques auteurs, frappés de la distension extraor- dinaire de la bouche des requins et de la grande capacité de leur estomac, ont teuté de prouver que ce fut par un animal de cette espèce que Jonas fut avalé ; il est sans doute très-possible qu'un requin eût fait sa proie d’un prophète ; mais les livres saints ajoutent que Jonas sortit de ce gouffre vivant au bout de trois jours , et cela n’est plus dans l’ordre ordinaire. Les ouvrages d'histoire naturelle peuvent bien con- tenir des merveilles, puisque la Nature en est rem- plie ; mais on doit y renoncer à chercher l'explication des miracles. SONNINI. 546 HES TOR E il n’en montre qu'un rang, dans lequel on n’aperçoit même quelquefois que de bien foibles dentelures : mais, à mesure qu’il se développe , il en présente un plus grand nombre de rangées ; et lorsqu'il a atteint un dégré plus avancé de son accroissement et qu'il est devenu adulte , sa gueule est armée , dans le haut comme dans le bas, de six rangs de ces dents fortes, dentelées , et si propres à déchirer ses victimes. Ces dents ne sont pas enfoncées dans des cavités solides ; leurs racines sont uniquement logées dans des cellules membraneuses qui peuvent se prêler aux différens mouvemens que les muscles placés autour de la base de la dent tendent à imprimer. Le requin , par le moyen de ces différens muscles, couche en arrière où redresse à volonté les divers rangs de dents dont sa bouche est garnie ; il peut les mouvoir ainsi ensemble ou séparément; il peut même, selon les besoins qu’il éprouve, relever une portion d’un rang, et en incliner une autre portion ; et, suivant qu'il fui est possible de n’employer qu’une partie de sa puissance, ou qu'il lui est nécessaire d’avoir recours à toutes ses armes, il ne montre qu'un ou deux rangs de ses dents meur- DES SQUALES. 3% trières , ou, les mettant toutes en action, 1] menace et atteint sa proie de tous ses dards pointus et relevés. Les rangs intérieurs des dents du requin, étant les derniers formés , sont composés de dents plus petites que celles que lon voit dans Îles rangées extérieures, lorsque le requin est encore jeune : mais, à mesure qu'il s'éloigne du tems où il a été adulte, les dents des différentes rangées que pré- sente sa gueule sont à peu près de la même longueur , ainsi qu’on peut le vérifier en exaiminant, dans les collections d'histoire naturelle, de très-grandes mâchoires, c’est- à-dire, celles qui ont appartenu à des requins âgés, et sur-tout en observant les requins d’une taille un peu considérable que lon parvient à prendre. Je ne crois pas en con- séquence devoir adopter lopinion de ceux qui ont regardé les dents intérieures comme destinées à remplacer celles de devant, lorsque le requin est privé de ces dernières par une suite d’eflorts violens , de résistances opiniâtres , ou d’autres accidens. Les dents intérieures sont un su pplément de puissance pour le requin : elles concourent, avec celles de devant, à saisir, à retenir, à dilacérer la proie dont il veut se nourrir; mais elles 548 HNMSTOrRE ne remplacent pas les extérieures : elles agissent avec ces dents plus éloignées du fond de la bouche, et non pas uniquement après la chûte de ces dernières; et lorsque celles-ci cèdent leur place à d’autres , elles Ja laissent à des dents produites auprès de leur base et plus ou moins développées, à de véritables dents de remplacement , très- distinctes de celles que l’on voit dans les six grandes rangées, à des dents qui par- viennent plus ou moins rapidement aux dimensions des dents intérieures, et qui cependant très-souvent sont moins grandes que ces dernières, lorsqu'elles sont substi- tuces aux dents extérieures arrachées de la gueule du requin (1). (1) Stenon, ayant remarqué que les dents qui forment les rangs intérieurs de la bouche du requin sont inclinées vers le gosicr, et tellement envelop- pées dans la clair molle et spongieuse des gencives, qu'il faut la couper pour les mettre à découvert, avoue qu'il ne devine point la destination de ces dents si singulièrement disposées, puisque étant en- D ? 1 foncées dans les chairs, elles ne peuvent être d’aucun 2 usage pour broyer les alimens. Celles de la première rangée paroissoient bien à ce célèbre anatomiste servir à relenir la proie et à la diviser, lorsqu'elle est irop volumineuse pour la capacité de l’estomac; mais il ne voyoit point quel pouvoit être l’usage des nom- D'ENS US QU AILIE s . 54 Les dents intérieures tombent aussi, et breuses dents couchées sur les mâchoires du requin, et recouvertes d’une chair molle et spongieuse. (Elem. myol.) Hérissant pensoit, au contraire > que ces dents, plus ou moins ensevelies dans les chairs, sont des dents de réserve , destinées à remplacer celles de la rangée antérieure ; en sorte que, lorsqu'une ou plu- sieurs de ces premières dents viennent à manquer, celles qui sont au dessous se soulèvent et vont occuper leur place. ( Mém. de l’académie royale des sciences de Paris, année 1749.) Enfin Spallanzani a fait plus récemment des obser- vations importantes sur les dents du requin. Elles ont été publiées dans son Voyage dans les Deux- Siciles, élégamment traduit par Toscan, bibliothé- caire du museum d'histoire naturelle de Paris : c’est de cet ouvrage que j'ai tiré le passage suivant. Il faut remarquer que le requin, qui servit aux observations de Spallanzani, n’avoit que six pieds de long sur trois pieds quatre pouces de circonférence ; c’étoit, dit cet habile observateur, un pygmée en comparaison des adultes de son espèce. « La première rangée des dents de la mächoire supérieure saille à peine hors de la bouche; leurs pointes sont légèrement courbées vers l’intérieur du gosier. La seconde rangée est plus inclinée dans le même sens ; les autres rangées sont aplaties sous celles-là, et s’y cachent en partie. Les plus grandes dents ont quatre lignes et demie de long sur trois et demie de large. On voit les mêmes dispositions dans la mâchoire inférieure, excepté que les dents plus pe- tites ne sont pas découpées en manière de scie comme \ 350 ALES T'OMRR E abandonnent , comme les extérieures, l’en- les précédentes. Maïs le dessèchement et la dureté de ces mâchoires auxquelles je ne pouvois toucher sans gâter l’animal, ne me permirent pas d’enlever la chair spongieuse, et de mettre les dents à découvert. » Je revins donc à des machoires isolées que possé- doit le museum de Pavie , et pouvant en disposer avec liberté , j’en pris deux que je fis macérer dans l’eau à l'effet de les ramollir. Voici le résultat de mes obser- vations : les dents de la mâchoire supérieure étoient triangulaires , plates en dehors , à peine convexes en dedans , découpées en manière de scie sur les bords, ayant huit lignes de long sur six lignes de large à leur base : j'entends celles qui avoisinoient la pointe de la mâchoire , ou qui gisoient Jatéralement à quelque distance ; car , pour les autres situées près du gosier, elles étoient beaucoup plus petites. Les rangées s’of- froient au nombre de quatre. Les dents de Ja pre- mière g'élevoient presque verticalement sur le plan de la mâchoire avec leurs pointes recourbées. 1l en manquoit quatre, et on ne voyoit pas qu'elles eussent encore été remplacées par celles de la seconde ran- gée. Cependant un nombre égal de ces dernières, correspondantes aux absentes, s’éloient déja soule- vées et poussées en avant, et on pouvoit juger qu'avec le tems elles auroient pris leurs places. Quant aux autres dents de la seconde rangée, elles étoient cou- chées presque horisontalement et ensevelies dans Ja chair spongiense , ainsi que les dents de la troisième et quatrième rangées. Une sorte de régularité s’offroit dans leur disposition : les dents de la seconde rangée DÉS) SOU DIE s 34) droit qu’elles occupoient , à de véritables reposoient sur les dents de la troisième, et celles-ci sur les dents de la quatrième. Ou remarquoit encore, aprèsavoir enlevé la chair qui couvroit ces dernières, que leur tissu étoit tendre, ou du moins qu’elles n’avoient pas acquis la dureté des autres. » En considérant les dents de la mâchoire infé- rieure , Je n’ai su découvrir d'autre différence , sinon qu’elles étoient proportionnellement plus petites : d’ailleurs elles convenoient dans toutes les circons- tances précédentes, sans en excepter leurs limbes découpés en forme de scie. A la réserve de la pre mière rangée, les trois suivantes étoient plus ou moins ensevelies dans la chair maxillaire. On obser- voit , de plus, deux dents appartenant à la première rangée , rompues à leurs racines; la fossette longue et mince, où elles avoient été implantées, paroissoit déjà remplie en partie par les deux correspondantes de la seconde rangée, qui étoient venues occuper leur place. » Ainsi je restai convaincu que les dents de la seconde rangée dans le squale requin ne lui sont point inutiles , rnateriæ necessitate facti, comme le dit Stenon , mais qu’elles sont destinées par la Nature à suppléer celles de la première rangée quand elles se perdent : observation ingénieuse dont tout le mérite, appartient à Hérissant, mais qui ne m’en a pas pro- curé moins de plaisir en la répétant d’après lui. Comme les dents de la troisième et de la quatrième rangées sont également adhérentes à la chair spongicuse qui est mobile dans les parties antérieures de la bouche, je ne fais aucun doute que, lorsqu'il se rompt des dents 559 HISTOIRE dents de remplacement formées autour de leur racine. de la seconde rangée qui ont déjà pris place dans la pre- mière, celles de la troisième ne viennent les suppléer, et après elles celles de la quatrièine ; de manière que les trois rangées poslérieures peuvent ètre regardées comme les suppléantes de la première. » Pendant que j'examinois ces deux mächoires, et que je considérois l’ample contour de leurs bords, c’est-à-dire , celui même de la bouche de lanimal, contour qui embrassoit alors trente pouces et demi malgré la petitesse des dents dont les plus grandes avoient, comme je l'ai dit, huit lignes de long sur six de large , je me mis à réfléchir sur l’énorme capacité de gosier , et par conséquent de corps, que la Nature a départie à celte espèce de poisson dont les dents fossiles, connues sous la dénomination impropre de glossopètres , atteignent quelquefois la longueur de plusieurs pouces. J’avois en ce moment sous les yeux un de ces glossopètres qui comportoit trente-deux lignes de circonférence à sa base sur trente-cinq de hauteur, et qui, vu sous tous les sens, ne pouvoit être plus semblable aux dents en forme de scie du requin de la collection du museum. Or, si ce deruier animal, dont les dents n’ont que trois lignes et demie de large sur quatre lignes et demie de haut, offre un corps de six pieds de longueur sur trois de largeur , quel étoit donc le volume du requin qui a laissé sa dent gigantesque dans la terre ? quelle bouche énorme! quel gosier ! » Ce n’est pas tout ; j'ai supposé que le glossopètre Les DES SQUALES. 553 Les dents de la mâchoire inférieure pré- sentent ordinairement des dimensions moins grandes et une dentelure plus fine que celles de la mâchoire supérieure. La langue est courte, large, épaisse et carlilagineuse , retenue en dessous par un frein , libre dans ses bords , blanche et rude au toucher comme le palais. Toute la partie antérieure du museau est criblée , par dessus et par dessous, d’une grande quantité de pores répandus sans ordre , très-visibles, et qui, lorsqu'on com- prime fortement le devant de la tête , répan- dent une espèce de gelée épaisse , crystalline et phosphorique , suivant Commerson (1), qui, dans ses voyages, a très-bien observé et décrit le requin. Les yeux sont petits et presque ronds ; la cornée est très-dure ; l’iris d’un verd foncé faisoit partie des grandes dentssituées vers l’extrémité de la mâchoire , et saillantes hors de la bouche; mais, s’il étoit de l’ordre des petites situées vers Îles racines de la mâchoire, la proportion augmenteroit en raison de cette différence ». ( Voyage dans les Deux-Siciles et dans quelques parties des Apennins , par Spallan- gani, traduit de l’italien par Toscan , tom. IV, p. 242 et suiv.) SONNINI. (1) Manuscrits déjà cités. Poiss. Tone IIL Z 354 HEUSTOENRTE et doré; et la prunelle, qui est bleue, consiste dans une fente transversale, Les ouvertures des branchies sont placées, de chaque côté, plus haut que les nageoires pectorales. Ces branchies, semblables à celles des raies , sont engagées chacune dans une membrane très-mince , et toutes présentent deux rangs de filamens sur leur partie con- vexe, excepté la branchie la plus éloignée du museau, laquelle n’en montre qu'une rangée. Une mucosiié visqueuse , sangui- nolente , et peut - être phosphorique, dit Commerson , arrose ces branchies , et les entretient dans la souplesse nécessaire aux opérations relatives à la respiration. Toutes les nageoires sont fermes, roides et cartilagineuses. Les pectorales , triangu- laires, et plus grandes que Îles autres, s’éten- dent au loin de chaque côté, et n’ajoutent pas peu à la rapidité avec laquelle nage le requin, et dont il doit la plus grande partie à la force et à la mobilité de sa queue. La première nageoire dorsale, plus élevée et plus étendue que la seconde, placée au delà du point auquel correspondent les na- geoires pectorales , et égalant presque ces dernières en surface, est terminée dans le haut par un bout un peu arrondi. DES SQUALES. 555 Plus près de la queue, et au dessous du corps, on voit les deux nageoires ventrales, qui s'étendent jusques aux deux côtés de Fanus , et l’environnent comme celles des raies. De chaque côté de cette ouverture on aperçoit, ainsi que dans les raies , un orifice qu'une valvule ferme exactement, et qui, communiquant avec la cavité du ventre, sert à débarrasser l'animal des eaux qui, fHlirées par différentes parties du corps, se ramassent dans cet espace vuide. La seconde nageoire du dos et celle de l'anus ont à peu près la même forme et le mêmes dimensions ; elles sont les plus petites de toutes , situées presque toujours l’une au dessus de. Pautre, et très-près de celle de la queue. Au reste, les nageoires pectorales, dor- sales, venirales, et de l'anus sont terminées en arrière par un côté plus ou moins con- cave, et ne tiennent point au corps dans ioute la longueur de leur base, dont la parlie postérieure est détachée et prolongée en pointe plus ou moims déliée. La nagcoire de la queue se divise en deux lobes très-inégaux ; le supérieur est deux fois plus long que lautre, triangulaire , courhé Z 2 556 EST OR E et augmenté, auprès de sa pointe, d’une petite appendice également triangulaire. Auprès de cette nageoire se trouve sou- vent, sur la queue , une petite fossette faite en croissant, dont la concavité est tournée vers la tête. Au reste le requin a des muscles si puissans dans la partie postérieure de son corps, ainsi que dans sa queue proprement dite, qu’un animal de cette espèce, encore très-jeune , et à peine parvenu à la longueur de deux mètres ou d'environ six pieds, peut, d’un seul coup de sa queue, casser la jambe de l'homme le plus fort. Nous avons vu, dans notre Discours sur la nature des poissons, que les squales étoient, comme les raies, dénués de cette vésicule aérienne, dont la pression et la dilatation donnent, à la plupart des animaux dont nous avons entrepris d'écrire l’histoire, tant de facilité pour s’enfoncer ou s'élever au milieu des eaux; mais ce défaut de vésicule aérienne est bien compensé dans les squales, et par- ticulièrement dans le requin, par la vigueur et la vilesse avec lesquelles ils peuvent mou- voir et agiter la queue proprement dite, cet instrument principal de la natation des poissons (1). Le (1) Discours sur la nature des poissons, DES SQUALES. ‘: 55} Nous avons vu aussi, dans ce même Dis- cours, que presque tous les poissons avoient de chaque côté du corps une ligne longitu- dinale saillante et plus ou moins sensible , à laquelle nous avons conservé le nom de ligne latérale, et que nous avons regardée comme lindice des principaux vaisseaux destinés à répandre à la surface du corps une humeur visqueuse nécessaire aux mou- vemens et à la conservalion des poissons. Cette ligne, que l’on ne remarque pas sur les raies, est très-visible sur le requin, et elle s’y étend communément depuis les ou- vertures des branchies jusqu’au bout de la queue, presque sans se courber, et toujours plus près du dos que de la pe inférieure du corps. Telles sont les formes extérieures du re- quin (1). Son intérieur présente aussi dés particularités que nous devons faire con- noître. (1) Principales dimensions d’un requin. pieds. pouces. lignes. Depuis le bout du museau jusqu’à l’extrémité de la queue, on longueur totale. e e ° 0 e ° 0 e . 0 ° . ° ° 5 7 6 Jusqu’aux narines. : + + + + + « : 5 Jusqu'au milieu des yeux. . . .. T4 558 HISTOIRE Le cerveau est petit, gris à sa surface, pieds.pouces. ligne, Jusqu’au bord antérieur de la bouche. 4 Jusqu’aux angles postérieurs de la DOdPDE et ARE UN ONU AU UE 8 Jusqu'au sommet de la mâchoire pos- Qn CÉRAÉDIT RO MED DR e he 07 21 le ie Ant De fee tte Jusqu'à l’angle antérieur de la base dés nagedirés pectorales & . LL" 7 2 Jusqu'à l’angle postérieur et rentrant de la base des mêmes nageoires. . . . 1 6 6 Jusqu'à l’angle supérieur de la pre- mière ouverture des branchies. . . . 1 I —— de la seconde. , . … 4 .… » 1 2 ——) UC IT LTOMIEME 2120 0 seb LA re Tquétrième. 2% AR RER NS 12 5 delafcinquième:s , .:, ©, Ju Jusqu’à l’angle inférieur de la pre- mière ouverture des branchies. . . . 1 —— de la seconde. . . . . + . . dela "troisieme. 2 ee de ta -quatiième:): + Pi ut be Pa dela cingmeme; 7.1). MONTE Jusqu'à l’angle antérieur de la pre- mière Maggoire dorsale: 5.1/4 5.1 9 Jusqu'à l’angle postérieur et rentrant dela même nageoires. us ut total, 2 a04 Jusqu'à l’angle supérieur de la même PACE EMA RER ER D N Nite CAT Jusqu'à l’angle antérieur des nageoires Aventne, ORAN Res 9 EC D'EÉS:S QU LES. blanchâtre dans son intérieur, et d’une Led 35q pieds. pouces. lignes Jusqu’à langle postérieur et rentrant des mêmes nageoires. . Jusqu'à l'angle extérieur des mêmes maneoires ne te rollers Jusqu'au milieu de l’ouverture de amuse Ci, Us Jusqu’à l’angle antérieur de la base de la seconde nageoire du dos. . . . Jusqu'à l’angle postérieur et rentrant de la base de la seconde nageoire du dos. Jusqu'à l’angle supérieur de la se- conde nagevire du dos. . . . = . . . Jusqu'à la fossette du dessus dé la QuEUR. eo ge CLEMENT Us Jusqu'à l'angle antérieur de la base de ka nageoire de la quene. . . . . . . Jusqu'à l'extrémité du lobe infé- rieur de la nageoire de ia queue. . . Jusqu'à l’angle antérieur de la base de la nageoire de l'anus. . . . . . . Jusqu'à l’angle inférieur de la na- geoire de l'anus. . . . . + + + . : Diamètre perpendiculaire auprès des YEUX UC Ne "ae eee lee —— auprès de la dernière ouverture des branchies/: :. ,". ?, RS = —— auprès de la première nageoire dorsale eat ai NES MR —— auprès de l'anus. . + + + + 2 4 11 16 560 HISTOIRE substance plus moile et plus flasque que Île cervelet. Le cœur n’a qu’un ventricule et une oreillette ; mais cette dernière partie, dont le côté gauche reçoit la veine cave, a une grande capacité. À la droite, le cœur se décharge dans l'aorte, dont les parois sont très-fortes. La valvule qui la ferme est composée de trois pièces presque triangulaires, cartilagineuses à leur sommet, par lequel elles se réunissent au milieu de la cavité de l’aorte, et mobiles pieds pouc. lignes. Diamètre auprès de la nageoire de la A A TT AT A A A M OR 2 Diamètre horisontal auprès des yeux. 5 auprès de la dernière ouverture des: braves 2 Pie EU eur 9 auprès de la première nageoire dorsale, ses TRS CCC STAR 95 —— "auprés de TAnus: Li Li tele 5 —— auprès de la nageoire de la QUERE CALE re SORA CARE" EEE D LMD depuis le bout d’une nageoire pectorale jusqu’au bout de l’autre. . 1 3 6 Gränd'diamètrede l'œil" 4. + .1. 1 4: Petit diamètre de l'œil. | .:, CNE Base des plus grandes dents. . . . 6 Côtés des plus grandes dents. . . . 6 D'ÉIS!S OUAILIE S : 36: dans celui de leurs bords qui est attaché aux parois de ce vaisseau. En s’éloignant du cœur, et en s’avançant vers Ja tête, l’aorte donne naissance , de chaque côté, à trois artères qui aboutissent aux trois branchies postérieures ; et par- venue à la base de la langue, elle se divise en deux branches, dont chacune se sépare en deux rameaux ou artères qui vont ar- roser les deux branchies antérieures. L’ar- tère, en arrivant à la branchie, parcourt la surface convexe du cartilage qui en soutient les membranes , et y forme d'innombrables ramifications qui, en s'étendant sur la sur- face de ces mêmes membranes, y produisent d’autres ramifications plus petites, et dont le nombre est, pour ainsi dire, infini. L'oœsophage , situé à la suite d’un gosier très-large, est très-court , et d’un diamètre égal à celui de la partie antérieure de l’es- tomac. i Ce dernier viscère a la forme d’un sac très-dilatable dans tous les sens, trois fois plus long que large, et qui, dans son état d'extension ordinaire , a une longueur égale au quart de celle de l'animal enter. Dans un requin de dix mètres, ou d'environ 362 HAS TOB8RE trente pieds, l'estomac, lors même qu'il n’est que très-peu dilaté, a donc deux mètres et demi, ou un peu plus de sept pieds et demu dans sa plus grande dimension; et voilà comment on a pu trouver dans de très - grands requins des cadavres humains tout entiers. La tunique intérieure qui tapisse l'estomac est rougeûtre, muqueuse, gluante, et inon- dée de suc gastrique ou digestif. Le canal intestinal ne montre que deux portions distinctes, dont lune représente les intestins grèles, et l’autre les gros intes- tüns de l'homme et des quadrupèdes. La prennère porlion de ce canal est très-courte, et n'a ordinairement qu'un peu plus de trois décimètres, ou un pied de Jong, dans les requins qui ne sont encore parvenus qu'à une longueur de deux mètres, ou d'environ six pieds; et comme elle est si étroite, que sa cavité peut à peine, dans les individus dont nous venons de parler, laisser passer une plume à écrire, ainsi que le rapporte Commerson, l’on doit penser, avec ce savant naturaliste , que le principal travail de la digestion s'opère dans lestomac , et que les alimens doivent être déja réduits à une DES SQUALES. 563 substance fluide pour pouvoir pénétrer par la première partie du canal jusqu’à la se- conde. Cette seconde portion du tube intestinal, beaucoup plus grosse que l’autre , est très- courle ; mais elle présente une structure très-remarquable, et dont les effets com- pensent ceux de sa brièveté. Au lieu de former un tuyau continu, et de représen- ter un simple sac, comme les intestins de presque tous les animaux, elle ne consiste que dans une espèce de toile très-grande , qui s'étend inégalement lorsqu'on la dé- veloppe, et qui, repliée sur elle-même en spirale , composant ainsi un tube assez alongé, et maintenue dans cette situation unique- ment par la membrane interne du péritoine, présente un grand nombre de sinuosilés propres à retenir ou à absorber les produits des alimens. Cette conformalion, qui équi- vaut à de longs intestins, a été très-bien observée et très- bien décrite par Com- mersol. Le foie se divise en deux lobes très-alongés et inégaux. Le lobe droit a communément une longueur égale au tiers de la longueur totale du requin; le gauche est plus court à peu près d’un quart, et plus large à sa base. 364 HISTOIRE La vésicule du fiel, pliée et repliée en forme de $, et placée entre les deux lobes du foie, est pleine d’une bile verte et fluide. La rate, très-alongée, tient par un bout au pylore, et par l'autre bout à la fin de lPintestin grèle; et sa couleur est très-variée par le pourpre et le blanc des vaisseaux san- guins qui en parcourent la surface (1). : La grandeur du foie et d’autres viscères, l'abondance des liquides qu'ils fournissent , la quantité des sucs gastriques qui inondent l'estomac, donnent au requin ue force di- gestive active et rapide : elles sont les causes puissantes de cette voracilé qui le rend si terrible , et que les alimens les plus copieux semblent ne pouvoir appaiser ; mais elles ne sont pas les seuls aiguillons de cette faim dévorante. Commerson a fait à ce sujet une observation curieuse que nous allons rap- porter. Ce voyageur à toujours trouvé dans (1) Commerson a observé , dans le mâle ainsi que dans la femelle du requin, un viscère particulier, situé dans le bas-ventre , enveloppé et suspendu dans la membrane intérieure du péritoine , semblable à la rate par sa couleur et par sa substance, mais très- petit, en forme de cylindre très - étroit et très- alongé , et ‘ouvrant, par un orifice très-resserré , près de lanus et dans le gros intestin. DES SQUALES. 565 l'estomac et dans les intestins des requins un très-grand nombre de tænia, qui non seulement en infestoient les cavités, mais pénétroient et se logeoient dans les tuniques intérieures de ces viscères. Il a vu plus d’une Tois le fond de leur estomac gonflé et en- flannné par les efforts d’une multitude de pelits vers, de véritables tænia, renfermés en partie dans les cellules qu'ils s’étoient pratiquées entre les membranes internes, ei qui, s'y retirant tout entiers lorsqu'on les fatiguoient , conservoient encore la vie quelque tems après la mort du requin. Nous n'avons pas besoin de montrer com- bien cette quantité de piquures ajoute de vivacité aux appétits du requin. Aussi avale- t-1l quelquefois si goulument, et se presse- t-il tant de se débarrasser d’alimens encore mal digérés, pour les remplacer par une nouvelle proie, que ses intestins , forcés de suivre en partie des excrémens imparfaits et chassés trop tôt, sortent par l'anus, et paroissent hors du corps de l'animal d’une longueur assez considérable (1) (2). (1) Manuscrits de Commerson déjà cités. (2) L'on peut prendre une idée de la voracité presque insatiable du requin , en se rappelant que le 566 HIS TOPRE Dans le mâle, les vaisseaux spermatiques, ou la laite, sont divisés en deux portions, poisson de cette espèce, dont Brunnich fait mention, avoil dans l’estomac un homme et deux thons entiers, et que vraisemblablement il s’approchoit du rivage pour y trouver quelque nouvelle proie. ( Voyez ma note à la page 548.) Il n’est pas rare, suivant Cetti ( Pesci de Sardegna, pag. 70), de prendre des requins dans les filets arran- gés pour la pêche des thons, et ils sont, pour les pêcheurs , des ennemis très-redoutables. On en trouve quelquefois dans ces filets, sur les côtes de Sardaigne, qui pèsent jusqu’à trois ou quatre mille livres, et dans l’intérieur desquels il y a huit à dix thons. Muller (Zoolog. Dan. prodrom. pag. 38.) dit que, près de l’île de Sainte-Marguerite , l’on prit un requin qui pesoit quinze cents livres, et qu’en l’ouvrant, on trouva dans son corps un cheval tout entier, qui avoit apparemment élé jeté d’un vaisseau dans la mer. Et cette monstrueuse gloutonnerie des requins s’exerce même sur leur propre espèce. Ils s’entre- dévorent lorsqu'ils trouvent l’occasion desesurprendre. Leem raconte qu’un lapon , ayant pris un requin, J’attacha à son canot; mais bientôt après il ne trouva plus sa capture , sans qu’il püt savoir comme elle avoit disparu. Muis quelque tems après , ce même lapon s’empara d’un autre requin plus gros, dans Vestomac duquel il trouva celui qu’il avoit perdu. Les gens de mer connoissent bien l’excès de voracilé D ESS S Q ÙU A TEE S. 367 et ont une longueur égale au tiers de celle de l'animal considéré dans son entier. Le ———— qui porte les requins à se manger les uns les autres; et dans les parages où ces animaux abondent, ils deviennent pour les équipages un sujet de spectacle et d’amusemeut , à la vérité un pen trop sanguinaire et trop cruel pour plaire à d’autres qu’à des marins, long -tems privés de tout divertissement, el dont l'habitude des dangers les plus effrayans endurcit le caractère. « Les requins, dit un des derniers navigateurs , sont très-nombreux près de l’île des Cocos, plus bardis et plus voraces que je ne les ai vus en aucun endroit ; assemblés en banc dans la baie, ils suivent tous les mouvemens des canots, s’élancent sur leurs rames el sur tout ce qui tomboit par accidént ou étoit jeté à la mer. Ils saisissoient souvent le poisson que nous pêchions à l’hameçon , avant qu’on püt le tirer hors de l’eau; et ce qu'il y a de plus singulier, lors- qu'un d’entre eux étoit pris avec le harpon, et que les antres s’apercevoient qu’il ne pouvoit plus se défendre lui-même , il étoit attaqué et mis en pièces, ct dévoré vivant par ses compagnons. Nos gens les harceloient de conps de harpons, de piques , etc., et leur faisoient de profondes blessures; mais rien ne pouvoit les écarter, ni les empêcher de renouveler leurs attaques contre celui qui étoit pris , et ils finis- soient par le dévorer jusqu'aux os. Nous avons remar- qué , eu cette occasion , que c’est une erreur de croire que le requin est obligé ile se tourner sur le dus pour 568 H1S T OER:E : : “ requin mâle a d’ailleurs, entre chaque na- geoire de l’auus et celte dernière ouverture , une appendice douze fois plus longue que saisir sa proie ; ceux-ci n’avoient aucun besoin d’exé- cuter ce mouvement. » L'état de guerre, qui subsiste entre les marins et ces animaux voraces, fournit d’abord beaucoup d’amu- sement à l'équipage. Les matelots prenoient un requin au harpon, ou de quelque autre manière , pour régaler les autres avec celui-là; mais ce divertissement avoit le fâcheux effet de les attirer en grand nombre autour du vaissean ; et sachant que le maître d'équipage et un des midshipmen avoient pensé en être les victimes, et que peu s’en fallût qu’ils n’eussent été arrachés du canot par un requin d’une taille énorme qu’ils avoient harponné au milieu d’une cinquantaine de ces mons- tres, je crus nécessaire de défendre à lavenir cette espèce de jeu qui , indépendamment des conséquences funestes qu’il pouvoit avoir, étoit trop cruel pour qu’on le regardât sans peine. Ces requins paroissoient être de trois espèces différentes. Les plus nombreux étoient tigrés et marqués de belles raies sur les côtés ; les autres bruns ou bleus; et, ce qui est singulier, quoique ceux des deux premières espèces fussent dévorés par les autres aussitôt qu’ils étoient pris, si un requin bleu étoit pris et même tué , et sa chair coupée en morceaux et jetée au reste de la troupe, elle n’y touche pas ». ( Voyage de Vancouver, tom. 111, pag. 596 de la traduction française. ) SONNINI. large, DES SQUALES. 56g large, égalant dans sa plus grande dimension ie douzième de la longueur totale du squale, organisé à l’intérieur comme les appeudices des mâles des raies batis, contenant cepen- ‘ant ordinairement un nombre moins grand de parties dures et solides, mais se recour- bant également par le bout, et servant de même à saisir le corps de la femelle, et 4 la retenir avec force lors de l’accouplement: Chacun des deux ovaires de la femelle du requin est à peu près égal en grandeur à Pune des deux portions des vaisseaux sper- matiques du mâle. Le tems où le mâle et la femelle se re- cherchent et s'unissent varie suivant les cli- mais; mais c'est presque toujours lorsque la saison chaude de l’année à commencé de se faire sentir qu'ils éprouvent le besoin impérieux de se débarrasser, lune des oœnfs qu’elle porte , et l’autre de la liqueur des- tinée à les féconder. Ils s’'avancent alors vers les rivages ; ils se rapprochent ; et souvent , lorsque le mâle a soutenu contre un rival un combat dangereux et sanglant ; ils s'ap- pliquent l’un contre l’autre, de manière à faire toucher leurs anus. Maintenus dans cette position par les appendices crochues du mâle, par leurs efforts mutuels, et par une Poiss, Tome II. A a 370 HISTOIRE sorte de croisement de plusieurs nageoires et des extrémités de leur queue, ils voguent dans celte situation contrainte, mais qui doit être pour eux pleine de charmes, jusqu’à ce que la liqueur vivifiante du mâle ait animé les œufs déjà parvenus au dégré de déve- loppement susceptible de recevoir la vie. Et telle est la puissance de cette flamme si active, qui s'allume même au milieu des eaux , et dont la chaleur pénètre jusqu’au plus profond des abimes de la mer, que ce male et celte femelle, qui dans d’autres saisons seroient si redoutables l’un pour l'autre, et ne chercheroiïent qu’à se dévorer mutuellement s'ils étoient pressés par une faim violente , radoucis maintenant, et cé- dant à des affections bien différentes d’un sentiment destructeur , mêlent sans crainte leurs armes meurtrières, rapprochent leurs gueules énormes et leurs queues terribles , et, bien loin de se donner la mort, s’ex- poseroient à la recevoir plutôt que de se séparer, et ne cesseroient de défendre avec fureur l’objet de leurs vives jouissances. Cet accouplement , plus ou moins pro- longé , est aussi répété plus ou moins fré- quemment pendant le tems des chaleurs, soit que le hasard ramène le même mâle DES SQUALES. 34 auprès de la même femelle, ou qu'il les unisse avec de nouveaux individus. Dans celte espèce sanguinaire, le mouvement qui entraine le mâle vers la femelle n’a en effet aucune constance ; il passe avec le besoin qui l’a produit; et le requin, rendu bientôt à ses affreux appétits, moins susceptible encore de tendresse que le tigre le plus fé- roce , ne connoissant ni femelle, ni famille, ni semblable, redevenu le dépopulateur des mers, et véritable image de la tyrannie, ne vit plus que pour combattre, mettre à mort et anéantir. Ces divers accouplemens fécondent suc- cessivement une assez grande quantité d'œufs qui éclosent à différentes époques dans le ventre de la mère; et de ces développemens, commencés après des tems inégaux, il ré- sulte que, même encore vers la fin de l'été, la femelle donne le jour à des petits. On sait que ces pelits sortent du veutre de leur mère au nombre de deux ou trois à la fois, plus fréquemment que les jeunes raies; on a même écrit que ceux de ces squales qui veuoient ensemble à la lumière étoient sou- vent en nombre plus grand que trois ou quatre : mais la longue durée de la saison, pendant laquelle s'exécutent ces sorties Aa 2 392 HISTOIRE successives de jeunes requins, a empêché de savoir avec précision quei nombre de petits une femelle pouvoit melitre au jour pen- dant un printems ou un été. Des observa- tions assez multipliées et faites avec exac- titude paroissent néanmoins prouver que ce nombre est plus considérable qu'on ne la pensé jusqu’à présent ; et l’on n’en sera pas étonné si l’on se rappelle ce que nous avons dit (1) de la fécondité des grandes espèces de poissons , supérieure en général à celle des petites, quoiqu’un rapport contraire ait été reconnu dans les quadrupèdes à mamelles , et que plusieurs grands naturalistes ait été tentés de le généraliser. Je ne serois point éloigné de croire, d’après la comparaison de plusieurs relations qui m'ont été envoyées, que ce nombre va quelquefois au delà de trente. J’ai même reçu une lettre du citoyen Odiot de Saint-Léger , qui m'a assuré (2) avoir aidé à pêcher un requin de plus de trois mètres, ou d'environ dix pieds, de longueur, et dans le corps duquel il avoit trouvé une quarantaine d'œufs ou de petits £ NS (1) Discours sur la nature des poissons. (2) Lettre du citoyen Odiot de Saint - Léger , da 3 juillet 1703. DES SQUALES. 373 squales ; et cette même lettre fait mention de l’asserlion d’un autre marin qui dit avoir vu prendre dans la rade du fort appelé alors Fort-Dauphin, auprès du Cap français (ile Saint-Domingue), une femelle de requin, dans le ventre de laquelle il compta, ainsi que plusieurs autres personnes , quarantc- neuf œufs ou squales déjà sortis de leur enveloppe. Il arrive quelquefois que les femelles se débarrassent de leurs œufs avant qu'ils so'ent assez développés pour éclore ; mais, comme cette expulsion prématurée a lieu moins souvent pour les requins et les autres squales que pour les raies, on a connu la forme des œufs des premiers plus ditflcile- ment que celle des œufs des raies. Ces en- veloppes que l’on a prises pendant long- tems, ainsi que celles des jeunes raies, non pas pour de simples coques, mais pour des animaux particuliers, présentent presque entièrement la même substance, la même couleur et la même forme que les œufs des raies; mais leurs quatre angles, au lieu de montrer de courtes prolongations, sont ter- minés par des filamens extrêmement déliés, et si longs que nous en avons mesuré de cent sept centimètres (près de quarante À a 3 374 LAS T 06 TRE pouces) de longueur, dans les coins d’une coque qui n’avoit que huit centimètres (trois pouces ou environ) dans sa plus grande dimension (1). (1) Les anciens ont écrit que des poissons , et sur-tout les requins , aussi bien que quelques autres espèces de squales, recevoient dans leur estomac leurs petits , lorsque la crainte de quelque danger les obli- geoit à se cacher , et qu’ils les rendoient ensuite sans être endommagés. Rondelet dit avoir trouvé dans l'estomac d’uu squale-renard plusieurs petits encore vivaus, et il en déduit une nouvelle preuve en faveur du sentiment des anciens I] condamne même comme une erreur la persuasion où étoient les pêcheurs , que ces poissons devoient servir de nourriture aux gros; et croyant prévenir tontes les objections, il ajoute que la longueur de la queue n’est point an obstacle à l'introduction des petits dans l’estomac des gros, cette partie étant alors irès-souple , susceptible de se plier en tout sens, et n'ayant point encore acquis cette roideur qu’on observe dans les grands poissons. Gesner, Aldrovande et Ray , en répétant l’opinion de Ron- delet , qui est celle des anciens, ont paru lui donner an certain dégré de vraisemblance. Willis s'efforce de la rendre probable ( Descript. anatomique de l’émis- sole); mais Broussonet le combat et la rejette comme une erreur. ( Voyez les Mémoires de l'académie des sciences , année 1780, et le Journal de physique du mois de janvier 1785 , pag. 54.) Cependant un savant très -estimable , feu le docteur Hermann de Stras- bourg, a entrepris de la défendre ; il se fonda sur des DES SQUATES %A Lorsque le requin est sorti de son œuf, et 2 qu’il a étendu librement tous ses membres, œm— observations faites aux Indes par M. John, et que Bloch lui avoit adressées. Les silures , suivant ces observations, cachent leurs œufs et leurs petits dans la bouche , chose, dit M. John, généralement connue aux Indes, et les pêcheurs trouvant très - souvent tout à la fois des œufs et des petits dans la bouche de ces silures, s’imaginent que c’est par-là qu’ils les mettent au monde. Il semble, ajoute l’observateur , que c’est pour la sûreté de leur progéniture , et pour la mettre à l’abri des animaux voraces, que la Nature a doué ces poissons d’un pareil instinct; instinct par- ticulier et presque unique ; car nous savons que presque généralement les poissons n’ont aucun soin de leurs petits, mais que les espèces carnivores de cette classe avalent indistinctement les petits indi- vidus , sans en excepter ceux auxquels ils ont donné la vie. Le docteur Hermann s'appuie de cette obser- vation pour confirmer le sentiment des anciens au sujet des squales, sentiment qu'il avoit déjà adopté dans ses Tables d’affinité , pag. 300 ; et il en conclut que le fait rapporté sur ces poissons n’est pas fabuleux, comme Broussonet voudroit le faire penser. (Voyez la Lettre de J. Hermann à Millin , dans le Magasin encyclopédique , tom. 1, 1766 , pag. 290.) Ceci prouve que lon est encore bien loin de connoître toutes les opérations de la Nature, qu'il est plus intéressant d'observer que d'en faire des sujets de dissertation. SONNINI. À à 4 376 HISTOTRE il n’a encore que près de deux décimètres ; ou quelques pouces, de longueur; et nous ignorons quel uombre d'années doit s’écou- ler avant qu’il présente celle de dix mètres, ou de plus de trente pieds. Mais à peine a-t-il atteint quelques degrés de cet immense développement, qu’il se montre avec toute sa voracité. Il n'arrive que lentement, et par des différences très - nombreuses, au plus haut point de sa grandeur et de sa puissance : mais il parvient, pour ainsi dire, tout d’un coup à la plus grande intensité de ses appétits véhémens; il n’a pas encore une masse très-étendue à entretenir, ni des armes bien redoutables pour exercer ses fureurs, et déjà il est avide de proie : la féro- cité est son essence et devance sa force. Quelquefois le défaut d’alimens plus subs- tantiels Poblige de se contenter de sépies, de mollusques, ou d’autres vers marins : mais ce sont les plus grands animaux qu'il recherche avec le plus d’ardeur (1); et, par une suite de la perfection de son odorat, ainsi que de la préférence qu’elle lui donne (1) Les phoques, les thons et les morues sont lez gnimaux qu’il recherche de préférence. SONNINI: DES SQUALES. 373 pour les substances dont l'odeur est la plus exaltée, il est sur-tout très-empressé de courir par-tout où lattirent des corps morts de poissons ou de quadrupèdes, et des cadavres humains (1). 11 s'attache, par exemple , aux vaisseaux négriers, qui, malgré les lumières de la philosophie, la voix du vérilable intérêt, et le cri plaintif de humanité outragée, partent encore des (1) Le requin a , dit-on, l’odorat si fin, qu’on peut l’attirer de quatre, ciuq et même six lieues avec quelques lambeaux de chair en putréfaction. Les islandais ont coutume d’attacher à leurs canots nne chaîne terminée par un gros crochet, auquel tient pour appät une tête de veau marin ou un sac plein de charogne. Le sens de l’ouie n’est pas moins délicat dans le requin que celui de lPodorat ; dès qu'il entend la voix des hommes, il sort des profondeurs de la mer, et approche des vaisseaux et des canots. C’est par cette raison que les navigateurs ne voient de ces poissons que pendant les calmes; le bruit des vents et des vagues ne les empêche point alors de recevoir les impressions du son ni les émanalions odcrantes : aussi, lorsque les naturels du Groenland naviguent avec leurs frèles canots formés de peau de requin , et où un seul homme peut se tenir , ils observent le plus grand silence dans les endroits fréquentés par les requins , dans la crainte de devenir les victimes de | ces animaux féroces. SONNINTI. 378 HIS TOPRE côtes de la malheureuse Afrique. Digne compagnon de tant de cruels conducteurs de ces funestes embarcations, 1l les escorte avec constance, il les suit avec acharnement jusques dans les ports des colonies améri- caiues, et, se montrant sans cesse autour des bâtimens, s’agitant à la surface de l’eau, et, pour ainsi dire, sa gueule toujours ou- verte, il y attend, pour les engloutir, les cadavres des noirs qui succombent sous le poids de l'esclavage, ou aux fatigues d’une dure traversée. On a vu un de ces cadavres de noir pendre au bout d’une vergue élevée de plus de six mètres ( vingt pieds) au dessus de l’eau de la mer, et un requin s’élancer à plusieurs reprises vers cette dépouille, y atteindre enfin, et la dépecer sans crainte membre par membre (1). Quelle énergie dans les muscles de la queue et de la partie postérieure du corps ne doit-on pas supposer, pour qu'un animal aussi gros et aussi pesant puisse s'élever comme une flèche à une aussi grande hauteur (2)! Quelle preuve de la force que nous avons cru lui attribuer! Comment être surpris maintenant des autres (1) Manuscrits de Commerson. (2) Discours sur la nature des poissons. DÉS 'SOCGANTES 3% traits de l’histoire de la voracité des requins ? Et tous les navigateurs ne savent-ils pas quel danger court un passager qui tombe dans la mer, auprès des endroits les plus infestés par ces añimaux? S'il s'efforce de se sauver à la nage, bientôt il se sent saisi par un de ces squales qui lentraîne au fond des ondes. Si lon parvient à jeter jus- qu’à lui une corde secourable, et à l’élever au dessus des flots, le requin s’élance et se retourne avec tant de promptitude que, malgré la position de louverture de sa bouche au dessous de son museau, il arrête le malheureux qui se croyoit près de lui échapper, le déchire en lambeaux, et le dévore aux yeux de ses compagnons effrayés. Oh! quels périls environnent donc la vie de l’homme, et sur la terre et sur les ondes! et pourquoi faut-il que ses passons aveugles ajoutent à chaque instant à ceux qui le menacent | On a vu quelquefois cependant des ma- rins surpris par le requin au milieu de l’eau, profiter, pour s'échapper, des effets de cette situation de la bouche de ce squale dans la partie inférieure de sa tête, et de la néces- sité de se retourner, à laquelle cet animal est condamné par cette conformation, lors- 580 HISTOIRE qu'il veut saisir les objets qui ne sont pas placés au dessous de lui. C’est par une suite de cette même néces- sité que, lorsque les requins s’attaquent mutuellement (car comment des êtres aussi atroces, comment les tigres de la mer pour- roient-ils conserver la paix entre eux ?), ils élèvent au dessus de l’eau, et leur tête et la partie antérieure de leur corps; et c'est alors que, faisant briller leurs yeux sanguinolens et enflammés de colère, ils se portent des coups si terribles que, suivant plusieurs voyageurs, la surface des ondes en retentit au loin (à). Un seul requin a suffi, près du bane de Terre-Neuve, pour déranger toutes les opérations relatives à la pêche de la morue, soit en se nourrissant d’une grande quantité des morues que l'on avoit prises, et en éloignant plusieurs des autres, soit en mor- dant aux appâts, et en détruisant les lignes disposées par les pêcheurs. Mas quel est donc le moyen que l'en peui eimployer pour délivrer les mers d’un squale aussi dangereux ? G) Voyez particulièrement Bosman , dans sa Des- exiption de la Gninée. | DES SOUAAMLIE S 5% Hy a, sur les côtes d'Afrique, des nègres assez hardis pour s'avancer en nageant vers uu requin, le harceler, prendre le mo- ment où l'animal se retourne, et lui fendre le ventre avec une arme tranchante (2): qe (1) Quoique la plupart des voyageurs en Afrique aient parlé de l’aitaque du requin à main armée par les nègres comme d’un fait certain , il vient d’être démenti par un voyageur modernc dans les mêmes contrées. De Grandpré assure que c’est un conte. «Il est faux , dit - il , que les noirs de la côte de Guinée aient Je talent de combattre et de vaincre le requin à la uage : ce monstre est d’une force , d’une agilité qui lui donnent sur les hommes une telle supériorité dans son élément ; qu’il n’en voit jamais sans en faire sa proie. Les noirs, quoique assez bons nageurs, sont d’ailleurs si peu courageux, que, loin de chercher à l’attaquer , ils redoutent au contraire de s’exposer à le rencontrer ». Voyage à la côte occidentale d'Afrique, tome Ï, pag. 57.) D’après les Relations du capitaine Dixon , les naturels des îies Sandwich ne craignent point les requins, et les femmes mêmes qui nagent , ainsi que les hommes, avec une agilité surprenante, ne sont nullement intimidés à l’approche d’un de ces grands animaux. Les anglais virent souvent de ces insulaires s’élancer de leurs pirogues dans la mer pour en retirer des entrailles de cochons que nos matelots y avoient jetées, au moment même où un requin cherchoit à s’en emparer. ( Voyage autour du monde, traduct. franç. tom. Il, pag. 105.) SOSNINI: 382 L'LS T OR FE Mais, dans presque toutes les mers, on a recours à un procédé moins périlleux pour pêcher le requin. On préfère un tems calme (1); et sur quelques rivages, comme, par exemple, sur ceux d'Islande (2), on attend les nuits les plus longues et les plus obscures. On prépare un hamecon garni ordinairement d’une pièce de lard, et atta- ché à une chaîne de fer longue et forte (5). (1) C’est toujours pendant le calme que les naviga- teurs voient les requins en pleine mer. (Voyez ma note à la page 577.) SONNINI. (2) Anderson, Histoire naturelle du Groenland, de l'Islande, etc. (3) Lorsqu'un requin se montre en mer près d’un vaisseau , l’on a tout le tems'de faire les préparatifs pour s’en emparer. On prend un croc, un crochet quelconque , pourvu qu'il soit fort et qu’il tienne à un bout de chaîne; on y accroche un morceau de lard , de viande salée ou autre , on le jette à l’arrière du vaisseau , et on l’y attache par un fort cordage. Le bruit , la vue des hommes , la chûte de l’hamecçon grossier qu’on laisse tomber à l’eau sans précaution, n’intimide point le requin; bientôt il s’avance lente- ment vers l’appät, se tourne un peu sur le côté et V’avale : on l’amène ainsi accroché le long d’un des Îlancs du vaisseau , on l’y laisse quelque tems à la traine pour que ses forces s’épuisent , et on le hisse à bord , en prenant garde, lorsqu'il est étendu sur le DES SQUALES. 383 S1 le requin n’est pas très-affamé, il s’'ap- proche de l’appât, tourne autour, l’examine, pour ainsi dire, s’en éloigne , revient, com- mence à l’engloutir, et en détache sa gueule déjà ensanglantée. Si alors on feint de reti- rer l’appât hors de l’eau, ses appétits se réveillent, son avidité se ranime, il se jette sur l’appât, l’avale goulument, et veut se replonger dans les abîmes de l'Océan. Mais, comme 1l se sent retenu par la chaîne, il la tire avec violence pour l’arracher et l’en- trainer : ne pouvant vaincre la résistance qu'il éprouve, il s’'élance, il bondit, il devient furieux ; et, suivant plusieurs relations (25 il s'efforce de vomir tout ce qu’il a pris, et de retourner , en quelque sorte, son esto- mac. Lorsqu'il s’est débattu pendant long- tems, et que ses forces commencent à être épuisées, on tire assez la chaîne de fer vers pont , de ne point approcher de sa queue, dont les derniers mouvemens sont encore très-redoutables , et dont un coup est capable de casser la jambe à un homme. Telle est la manière toute simple , en usage parmi les navigateurs, pour s’emparer des requins que l’on voit souvent autour des vaisseaux, pendant le calme, sur-tout dans les mers de la zone torride. SONNINI. (1) Labat, Voyage en Afrique et en Amérique. 254% His TOÏRE la côte ou le vaisseau pécheur, pour que Îa tête du squale paroisse hors de l'eau ; on «approche des cordes avec des nœuds cou- lans, dans lesquels on engage son corps, que l’on serre étroitement, sur-tout vers l’origine de la queue ; et après lavoir ainsi entouré de liens, on lenlève et on le trans- porte sur le bâtiment où sur le rivage, où l’on n’achève de le mettre à mort qu’en yrenant les plus grandes précautions contre sa terrible morsure et les coups que sa queue peut encore donner. Au reste, ce west que difficilement qu'on lui Ôôte la vie; il résisie sans périr à de larges blessures ; et lorsqu'il a expiré, on voit encore pendant long-tems les différentes parties de son corps donner tous les signes d’une grande irritabilité (2): (1) L'on a va des requins pris au croc, dont j'ai parlé dans ma note précédente, se donner de si vives secousses , qu’ils parvenoient à se dégager en laissant une portion de leur mâchoire. Maïs, ce qui paroïîtroit incroyable, si l’on ne connoïssoit l’affreuse voracité de ces poissons , est ce que raconte Pernetty dans son Voyage aux îles Malouines , tom. 1, pag. 161. Un requin avoit , en se décrochant , rompu une pièce de sa mâchoire , qui resta avec la viande dont on avoit eouvert l’hamegçon. Sans s'étonner ui se rebuter de La D'AS::S QUIA LES: 385 La chair du requin est dure, coriace, de mauvais goût, et diflicile à digérer. Les nègres de la Guinée, et particulièrement ceux de la côte d'Or, s’en nourrissent cepen- dant, et ôtent à cet aliment presque toute sa dureté en le gardant très-long-tems. On mange aussi sur plusieurs côtes de la Méditer- ranée les très-petits requins que l’on trouve dans le ventre de leur mère, et près de venir à la lumière ; et l’on n’y dédaigne pas quelquefois le dessous du ventre des grands requins, auquel on fait subir diverses pré- parations pour lui ôter sa qualité coriace et son goût désagréable. Cetie même chair du bas-ventre est plus recherchée dans plusieurs cet échec , le même requin ayant aperçu l’appât qu’on lui jeta de nouveau , s’élança sur lui , et dévora et le lard et le morceau de sa propre mâchoire, sans être retenu par le crochet, et il revint une troisième fois à la charge. Pendant ces manœuvres d’une insatiable glou- tonnerie, on tira plusieurs coups de fusil sur cet ani- mal si prodigieusement vorace ; maïs , soit que la balle fût mal dirigée, soit qu’elle ne pénétrât pas les chairs,, il n’en fut point troublé , et continua à roderautour de l’appat. Les hameçons que les naturels des îles Sandwich destinent à la pêche du requin , sont faits de bois et très-grauds. SONNINI. Poiss. Tome 111 Bb 586 IL LS) T'OFMRBTE contrées septentrionales, telles que la Nor- vège et l'Islande, où on la fait sécher avec soin, en la ienant suspendue à lair pendant plus d’une année. Les islandais font d'ailleurs un grand usage de la graisse du requin : comme eile a la propriété de se conserver long-tems, et de se durcir en se séchant, ils s’en servent à la place du lard de co- chon, ou la font bouillir pour en tirer de l'huile. Mais c’est sur-tout le foie du requin qui leur fournit cette huile qu'ils nomment thran, et dont un seul foie peut donner un grand nombre de litres ou pintes (1) (2). (1) Suivant Pontoppidan , auteur d’une Histoire naturelle de la Norvège, le foie d’un squale de vingt pieds de longueur fournit communément deux tonnes et demie d'huile. (2) La chair du requin se compose de deux couches, dont l’extérieure est rouge et tendre , et la seconde blanche et moins tendre (Histoire naturelle des pois- sons par Bloch ; Histoire de la lamie ) ; mais ni l’une ni l’autre de ces couches n’est mangeable que pour des hommes affamés, peu délicats , ou privés depuis long-tems d’alimens frais. Les matelots, réduits à ne vivre que de salaisons, trouvent quelquefois un régal dans un plat de requin, et les marins anglais, qui font avec ce poisson ce qu’ils appellent un chouder , ne le trouvent pas mauvais. Quant à moi, à quelque sauce qu'on l’eût apprêté , il m'a toujours paru de fort DÉS SOUALES 4% On a écrit que la cervelle des requins, séchée et mise en poudre, étoit apérilive et mauvais goût , et d'aussi mauvaise odeur. Un certain Archestratus, dans Athénée, plaint fort ceux auxquels le requin inspire du dégoût, parce que ce squale mange les homimes ; il vante, comme un morceau très- délicat, le ventre de ce poisson, et il enseigne la manière de l’accommoder; je doute fort néanmoins qu'avec tout l’assaisonnement que prescrit Arches- tratns, l’on fasse jamais un bon mets d’aucune des parties du requin. Mais, comme les goûts des diffé- rens peuples de la terre ne se ressemblent pas plus que leur physionomie, le requin, tout mauvais qu’il nous paroît, est un aliment agréable pour les naturels des îles Sandwich. Dans les régions du nord, comme en fslande, au Groenland , etc. , on ne mauge la chair du requin que lorsqu'elle est à demi - putréfiée , ce qui ne doit pas la rendre ni plus ragoûtante ni d’une saveur plus agréable. Aussi Othon Fabricius ( Faun. groenland. pag. 129 ) observe-t-il que les groenlandais , quoiqu’en géncral fort peu délicats, ne font pas tous usage de cet aliment. Il est même des circonstances où la chair du requin peut contracter une qualité mal-faisante et même vénéneuse ; l’on en a plusieurs exemples, parmi les- quels j’en citerai un récent. Les papiers publics de Londres, du 22 juillet 1802 , rendirent compte d’un accident arrivé à l'équipage du navire le Reward, capitaine Leach , revenant de la Jamaïque. Sept hommes avoient péri pendant la traversée pour avoir Bb 2 388 ES F'OMRBLE diurétique. On a vanté les vertus des dents de ces animaux, également réduites en poudre, pour arrêter le cours du ventre ; guérir les hémorragies, provoquer les urines, détruire la pierre dans la vessie; et ce sont ces mêmes dents de requin qui, enchâssées dans des métaux plus ou moins précieux, EE ESS PES SN UES MED ASSET LAS DCS UE NS ON NES SE SEE PE GORE EE TS mangé du requin, et prinripalement du foie de ce poisson. Plusieurs d’entre eux éloient devenus fous avant de mourir. Mais cette chair de requin, mauvaise et quelquefois dangereuse comme aliment , coupée par morceaux, est un excellent appât pour la pêche des autres pois- sons , et sur - tout pour celle des crabes ct des écre- visses ; il suffit, pour prendre ces dernicrs, de plonger dans l’eau des paniers où l’on met des morceaux de requin. En Norvège on prépare avec la peau du requin un cuir qui sert à faire des harnoiïs de chevaux; en Hlande on en fait des souliers ; au Groenland on polit avec cette peau les bâtons des tentes, et l’on en fait des sacs pour renfermer le lard des phoques. Le seul avantage de quelque valeur que produise Ja pêche des requins est l'huile qu’on retire de leur foie, Cette huile, qui s'emploie dans les manufactures, par- ticulièrement dans les tanneries et sert à brûler, a été souvent d’un grand secours aux navigateurs qui, dans des voyages de long cours, avoient consommé leurs provisions, pour éclairer l'habitacle. | SONNINI. DÉS: SOU AÏLE S: 38 ont été portées en amulettes pour calmer les douleurs de dents, et préserver du plus grand des maux, de celui de la peur. Ces amulettes ont entièrement perdu leur crédit, et nous ne voyons aucune cause de diffé- rence entre les propriétés de la poudre des dents ou de la cervelle des requins, et celles de la cervelle desséchée ou des dents broyées des autres poissons. Malgré les divers usages auxquels les arts emploient la peau du requin, ce squale seroit donc peu recherché dans les contrées où un climat tempéré, une population nombreuse; el une industrie active produisent en abon- dance des alimens sains et agréables, s1 sa puissance n’étoit pas très-dangereuse. Lors- qu’on lui tend des pièges, lorsqu'on s'avance pour le combattre, ce n’est pas uniquement une proie ulile que lon cherche à saisir , mais un ennemi acharné que l’on veut anéantir, 11 a le sort de tout ce qui inspire un grand effroi : on l’allaque dès qu'on peut espérer de le vaincre ; on le poursuit parce qu’on le redoute; il périt parce qu'il peut donner la mort ; et telle est en tout la des- tinée des êtres dont la force paroît en quelque sorte sans égale. De petits vers, de foibles ascarides tourmentent souvent dans son Bb 5 3q0 HIS TOLRE intérieur le plus énorme requin ; ils déchirent ses entrailles sans avoir rien à craindre de sa prussance. D'autres animaux, presque autant sans défense relativement à sa force, des poissons mal armés, tels que l’échène ré- mora, peuvent aussi impunément s'attacher à sa surface extérieure. Presque toujours, à la vérilé, sa peau dure et tuberculeuse l'empêche de s’apercevoir de la présence de ces animaux ; mais, si quelquefois ils s’ac- crochent à quelque partie plus sensible, le requin fait de vains efforts pour échapper a la douleur; et le poisson qui n’a presque reçu aucun moyen de nuire est pour lui au nuilieu des eaux ce que l’aiguillon d’un seul insecte est pour le ügre le plus furieux au milieu des sables ardens de l'Afrique. Les requins de dix mètres, ou d’un peu plus de trente pieds de longueur, étant les plus grands des poissons qui habitent la mer Méditerranée , et surpassant par leurs di- mensions la plupart des cétacés que l’on voit dans ses eaux, c’est vraisemblablement le squale dont nous essayons de présenter les traits, qu'ont eu en vue les inventeurs des mythologies, ou les auteurs des opinions religieuses adoptées par les grecs et par les autres peuples placés sur les rivages de cette DES SQUALES. 591 mème mer. Il paroît que c’est dans le vaste estomac d'un immense requin qu'ils ont annoncé qu'un de leurs héros ou de leurs demi-dieux avoit vécu pendant trois jours et trois nuits; et ce qui doit faire croire d'autant plus aisément qu'ils ont dans leur récit voulu parler de ce squale, et qu’ils n'ont désigné aucun des autres animaux marins qu'ils comprenoient avec ce poisson sous la dénomination générale de cete, c’est que lon a écrit qu’un très-long requin pouvoit avoir l’œsophage et l'estomac assez étendus pour engloutir de très-grands ani- maux. sans les blesser, et pour les rendre encore en vie à la lumiére. Les requins sont très-répandus dans toutes les mers. Il n’est donc pas surprenant que leurs dépouilles pétrifiées, et plus ou moins entières , se trouvent dans un si grand nombre de montagnes et d’autres endroits du globe autrefois recouverts par les eaux de l'Océan. On a découvert une de ces dépouilles presque complette dans l’intérieur du Monte-Bolca , montagne volcanique des environs de Vé- ronne, célèbre par les pétrifications de pois- sons qu’elle renferme , et qui, devenue depuis le dix-huitième siècle l’objet des recherches de savans véronais , leur a fourni plusieurs Bb 4 1020 RES TOUTE collections précieuses (1),et particulièrement celle que l’on a due aux soins éclairés de M. Vincent Bozza et du comte Jean-Bapliste Gazola. C’est à cette dernière collection qu'apparlient ce requin pétrifié qui a près de sept décimètres ( vingt-cinq pouces six lignes ) de longueur , et dont on peut voir la figure dans l’Ichthyologie véronaise (2), bel ouvrage que publie dans ce moment une société de physiciens de Véronnie. Mais ilest rare de voir , dans les différentes couches du globe, des restes un peu entiers de re- quin ; on n’en trouve ordinairement que des fragmens; et celles des portions de cet ani- mal, qui sont répandues presque dans toutes les contrées, sont ses dents amenées à un état de pétrification plus ou moins complet. Ces parties sont les substances les plus dures de toutes celles qui composent le corps du re- quin ; il est donc naturel qu’elles soient les plus communes dans les couches de la terre. Les premières dont les naturaliles se soient (1) Deux de ces riches collections, formées l’une par Pillustre marquis Scipion Maffei, et l’autre par M. Jean - Jacques Snada , ont appartenu au célèbre Séguier de Nimes, et ont été dans le tems transportées dans cette dernière ville. (2) Seconde partie , pag. 10, pli, fig. r. DES S'QNUARE.S. 39 beaucoup occupés avoient été apportées de île de Malte, où l’on en voit une très- grande quantité ; et comme ces corps pé- trifiés, ou ces espèces de pierres d’une forme extraordinaire pour beaucoup de personnes, se sont liés, dans le tems et dans beaucoup de têtes, avec l’histoire de l’arrivée de Saint- Paui à Malte, ainsi qu'avec la tradition de grands serpens qui infestoient cette île, et que cet apôtre changea en pierres, on a voulu retrouver dans ces dents de requins les langues pétrifiées des serpens métamor- phosés par Saint-Paul. Cette erreur, très- répandue, comme toutes celles qui se sont mêlées avec des idées religieuses, a même été assez générale pour faire donner à ces parlies de requin un nom qui rappelât l’opi- nion que l’on avoit sur leur origine; et on les a distinguées par la dénomination de glossopètres, qui signifie langues de pierres ou pétrifiées. Il auroit été plus convenable de les appeler , avec quelques auteurs, odontopètres, c’est-à-dire, dents pétrifiées , ou ichthyodontes, qui veut dire dents de poisson , ou encore mieux, lamiodontes, dents de lamie ou requin (1). (1) L’on ne trouve peut-être nulle part une plus 304 HISTOMRRE Au reste, on remarque dans quelques cabinets de ces dents de requin, ou lamio- dontes, pétrifiées, d’une grandeur très-con- sidérable. Et comme, lorsqu'on a su que ces dépouilles avoient appartenu à un requin, on leur a attribué les mêmes vertus chimé- riques qu'aux dents de cet animal non pétri- fiées et non fossiles, on voit pourquoi plu- sieurs museum présentent de ces lamiodontes enchâssées avec art dans de l’argent ou du cuivre, et montées de manière à pouvoir êlre suspendues et portées au cou en guise d’amulettes. Il y a, dans le museum national d'his- toire naturelle , une très-grande dent fossile et pétrifiée, qui réunit à un émail assez bien grande quantité de glossopètres qu’à Malte ct en Sicile; jy en ai vu de très-grandes et dont la base approchoit de la largeur de la main. M. Pallas a vu des glossopètres de toutes cran dents et d’un uoir bleuâtre , sur les rives du grand et du petit Souvarisch en Sibérie , dans une argile bleue, sablonneuse et dure. ( Voyage en Russie et dans l'Asie septentrionale , tom. IT , in-4° de la traduction franc. . 404.) Bartram a découvert aussi des dents pétri- fiées de requin en Géorgie, près de Savannah. (Voyage dans les parties sud de l'Amérique septentrionale, traduct. franc. tom. II, p. 85.) Sonnixr. DES SQUALES.. 39 conservé tous les caractères des dents de requin. Elle a été trouvée aux environs de Dax , auprès des Pyrénées, et envoyée dan le tems au museum par M. de Borda. J'ai mesuré avec exactitude la partie émaillée qui, dans l'anunal vivant, paroissoit hors des alvéoles. J'ai trouvé que le plus grand côté du triangle, formé par cette partie émaillée, avoit cent quinze millimètres (quatre pouces trois lignes) de longueur : la note suivante (1) indiquera les autres dimensions. J'ai desiré de savoir quelle grandeur on pouvoit sup- poser dans le requin auquel cette dent a millim. pouc. ligu. (1) Plus grande largeur de la partie émaillée delà dent... ete, go Pa 03 Longueur de la partie émaillée mesu- rée sur le côté convexe , et depuis le sommet de langle saillant jusqu’à celui de l'angle rentrant foriné par la base de cette même partie émaillée. . . . . 82 3 Longueur de la partie émaillée me- surée sur le côté concave , et depuis le sommet de l'angle saillant jusqu’à celui de l'angle rentrant formé par la base de cette même partie émaillée. . . . 82 3 Je n’ai point cherché à connoître les dimensions de la portion non émaillée, parce que je ne pouvois pas être sûr de son intégrité. 396 ETS FOR E appartenu. J'ai, en conséquence, pris avec exactitude la mesure des dents d’un grand nombre de requins parvenus à différens dé- grés de développement. J'ai comparé les dimensions de ces dents avec celles de ces animaux. J'ai vu qu’elles ne croissoient pas dans une proportion aussi grande que la longueur totale des requins, et que lorsque ces squales avoient obtenu une taille un. peu considérable , leurs dents étoient plus petites qu’on ne l’auroit pensé d’après celles. des jeunes requins. On ne pourra déterminer fa loi de ces rapports que lorsqu'on aura observé plusieurs requins beaucoup plus près du dernier terme de leur croissance que ceux que j'ai examinés. Mais il me paroît déjà prouvé, par le résultat de mes recherches, que nous serons en deçà de la vérité, bien lom d’être au delà , en attribuant au requin dont une des dents a été découverte auprès des Pyrénées, une longueur aussi supérieure a celle du plus grand côté de la parte émaullée de cette dent fossile , que la lon- ueur totale d’un jeune requin que j'ai me- suré très-exactement l’emportoit sur le côté analogue de ses plus grandes dents. Ce côlé analogue avoit dans le jeune requin cinq millimètres de long, et lanimal en avoit D ES: $S QU'A LES. 597 mille. Le jeune requin étoit donc deux cents fois plus long que le plus grand côté de la partie émaillée de ses denis les plus déve- loppées. On doit donc penser que le requin dont une portion de la dépouiile a été trou- vée auprès de Dax éloit au moins deux cents fois plus long que le plus grand côlé de la partie émailiée de sa dent fossile. Nous ve- nons de voir que ce côlé avoit cent quinze millimètres de longueur; on peut donc assurer que le requin étoit long au moins de vingt- trois millimètres, ou, ce qui est la même chose, de vingt-trois mètres (soixante-dix pieds neuf pouces ). Maintenant, si nous déterminons les dimens'ons que sa gueules devoit présenter, d’après celles que nous a montrées la bouche d’un nombre considé- rable de requins de différentes tailles, nous verrons que le contour de sa mâchoire su- périeure devoit être au moins de treize pieds trois pouces ( quatre cent vingt-huit centi- mètres )}; et comme les parties molles qui réunissent les deux mâchoires peuvent se prêter à une assez grande extension, on doit dire que la circonférence totale de l’ouver- ture de la bouche étoit au moins de vingt- pieds, et que cette même ouverture avoit près de neuf pieds de diamètre moyen. 398 . ES POBR'E Quel abime dévorani! Quelle grandeur ; quelles armes, quelle puissance présentoit donc ce squale géant qui exerçoit ses ra- vages au milieu de l'Océan, à cette époque reculée au delà des tems historiques, où la nier couvroit encore la France, ou, pour mieux dire, la Gaule méridionale, et baignoit de ses eaux les hautes somnmnités de la chaîne des Pyrénées! Et que l’on ne dise pas que cet animal remarquable étoit de la famille ou du genre des squales, mais qu'il appartenoit à une espèce différente de celle des requins de nos jours. Tout œil exercé à reconnoître les caractères dis- ‘tinctufs des animaux , et sur-tout ceux des poissons, Verra aisément sur la dent fos- sile des environs de Dax non seulement les traits de la famille des squales, mais encore ceux des requins proprement dits. EE si, rejetant des rapports que l’on regarderoit comme trop vagues, on vouloit rapporter cette dent de Dax à un des squales dont nous allons nous occuper, on l’attribueroit à une espèce beaucoup plus petite mainte- nant que celle du requin, et on ne feroit qu’augmenter létonnement de ceux qui ne s'accoutument pas à supposer vingt-trois . mètres (soixante-dix pieds ou environ) de DÉS SOUMIES 54 longueur dans une espèce dont on ne voit aujourd'hui que des individus de dix mètres (trente pieds où environ). _ Au reste, dans ces parties de l'Océan que ne traversent pas les routes du commerce, et dont les navigaieurs sont repoussés par l’äpreté du climat, ou par la violence des tempêtes, ne pourroit-on pas trouver d’im- menses requins qui, ayant jou, dans ces parages écartés, d’une tranquillité aussi par- faite, ou, pour mieux dire, d’une impunité aussi grande que ceux qui infestoient, 1l y a plusieurs milliers d’années, les bords des Pyrénées, y auroient vécu assez long-tems pour y atteindre au véritable dégré d’ac- croissement que la Nature a marqué pour leur espèce? Quoi qu'il en soit, il n’est pas indifférent, pour lhistoire des révolutions du globe, de savoir que les animaux marins dont on trouve la dépouille fossile aux en- virons de Dax, étoient de véritables requins, et avoient plus de soixante-dix pieds de longueur. 400 ETS TOR E oo mm mt LE SQUALE TRES-GRAND (1) (2), PAR L'A CHPEUE S'E CO NO EU EE SE CE. C: squale mérite bien le nom qu'il porte. Il parvient en effet à une grandeur presque (1) Le chien de mer très-grand. Daub. Encyc. méth. Squalus maximus. Lin. édit. de Gmel. Squalus dentibus conicis, pinn4 dorsali anteriore majore. Ot. Fabric. F'aun. groenl. p. 150, n° oo. Le très-grand chien de mer. Broussonet , Mémoires de l’académie des sciences de Paris pour l’an 1780. L e chien de mer très-grand. Bon. pl. de l'Enc. méth. Brugd. Gunner , Act. nidros. 3, p. 55, tom. II *. — Pennaut , Zool. brit. vol. ILE, p. ro1. Principales dimensions du squale très-grand, décrit dans la Zoologie britannique, à l’endroit que nous venons de citer. picds. pouces. LonpuEUrMOtale eus, LES PARNLRE CODE Longueur de la première nageoire du dos. I Longueur des nagcoires pectorales. . . Longueur des nageoires ventrales. . . . Longueur du lobe supérieur de Ia na- seoire. de, queue. ue RUES els en Longueur du lobe inférieur de la même paneoire HP Al SUIS NS uelleir el 20 Ne D À O1 (2) En danois, ryner. Au Groenland, kabsib kannioa. SONNINI. aussi DES SQUATES. %oi aüssi considérable que celle du requin. Il vogue , pour ainsi dire, son égal en volume et en puissance, et il partage en quelque sorte son empire dans les froides mers qu’il habite. Plusieurs auteurs ont même écrit que ses dimensions surpassoient celles du requin : Mais nous somimes persuadés que la supériorité resteroit à ce dernier, si on pouvoit comparer le requin et le très-grand, parvenus l’un et l'autre à leur entier déve- loppement. L'opinion contraire n’a été adop- iée que parce que le très-grand, beaucoup moins répandu dans les mers que le requin, ne s'éloigne guère du cercle polaire. Beau- coup moins troublé, poursuivi, attaqué dans les mers glaciales et reculées qu’il pré- fère , il y parvient assez fréquemment à un dégré d’accroissement très-avancé; et, à proportion du nombre des individus de chaque espèce, il est par conséquent moins ordinaire de rencontrer de vieux requins que de vieux squales très-grands. D'ailleurs on a presque toujours regardé la longueur de dix mètres, ou de trente pieds, comme la limite de la grandeur pour le requin; et ce dernier poisson nous paroiît, d’après tout ce que nous avons dit, pouvoir pré- senter même aujourd'hui, et dans des pa- Poiss. Tome III. Ce 402 HAS T'ONR.FE rages peu fréquentés, une dimension beau- coup plus étendue. Mais, si le très-2grand ne doit être placé qu'après le requin dans l’ordre des gran- deurs et des forces, il précède tous les auires squales, et c’est vers trente pieds qu'il faut supposer l’accroissement ordinaire de cet animal. Les habitudes et la confor- mation de ce poisson ressemblent beaucoup à celles du requin ; mais il en diffère par les denis, qui ne sont pas dentelées, et qui, beaucoup moins aplaties que celles de presque tous les autres squales, ont un peu la forme d’un cône. On en trouve de pétri- fiées, mais beaucoup plus rarement que de celles du requin. La seconde nageoire du dos, plus petite que la première, est d’ail- leurs placée plus près de la tête que la nageoire de lanus; et enfin l'on voit de chaque côté de la queue, et près de sa. nageoire, une sorte d'appendice ou de saillie longitudinale et comme carénée. Au reste, la peau est, comme celle du requin, épaisse, {orte, tuberculeuse, et âpre au toucher (1). (1) La meilleure description que nous ayons du squale très-grand a été donnée par l’évêque Gunner, dans les Mémoires de l’académie de Norvège; elle DES SQUALES. 409 Nous venons de voir que le très-grand ne quiltoit guère les mers glaciales et arc- tiques. Cependant des tempêtes violentes, la poursuite active d’une proie, la fuite devant un grand nombre d’ennemis, ou d’autres accidens le chiassent quelquefois vers des mers plus tempérées. Nous citerons, entre plusieurs exemples de ces migrations, celui d’un squale très-grand dont j'ai vu la dé- pouille à Paris en 1788, et dont on y montra au public Ja peau préparée sous le nom de peau de baleine, jusqu’à ce que le propriétaire de cette dépouiile m’eût demandé le véritable nom de cet animal. Ce poisson avoit échoué sur le sable à Saint-Cast, près de Saint-Malo, en décembre 198%. Il fut remorqué jusqu’à n’est cependant rien moins que complette , au jng- ment de Broussonet. ( Notes sur différentes espèces de chiens de mer.) Ce poisson, qui fréquente les côtes du Groenland, y paroît confiné, suivant Othon Fabricius ( Fauna groenland. p. 130 ), dans les eaux très-profondes du golfe Kakse, dans la partie septentrionale de la colonie de Friderichshaab ; il ne s’y montre que très- rarement et on ne l’y pêche jamais. Ce grand animal ne se contente pas de méduses, comme Linnæus Va dit, mais il se ñourrit de marsouins et d’autres petits cétacés qu’il avale tout entiers. SonNini. Cc 2 40% HISTOIRE ce dernier port, où il fut acheté par le citoyen Delattre, de qui je tiens ces détails. Au moment où ce poisson fut pris, il avoit trente-trois pieds de longueur totale, sur vingl-quatre pieds de circonférence à l’en- droit de sa plus grande grosseur (1). Mais la dessication et les autres préparalions que lon fut obligé de faire subir à la peau avoient réduit cette dépouille à de plus petites dimensions; et lorsque je lexaminar, elle n’avoit plus que vingt-cinq pieds de longueur. En voyant ces restes, on n'étoit pas étonné que les squales très - grands pussent avaler de petits cétacés tout entiers, ainsi que l’ont écrit plusieurs naturalistes (2). MANN NT ‘NRNAER (1) Lettre du citoyen Delattre au citoyen Lacépède, du 20 août 1788. (2) A la fin de l’année dernière, 1802, l’on pêcha a six lieues de Boulogne-sur-Mer un squale très-grand. J1 fut pris à la suite d’un combat de trente-six heures avec une baleine de quatre-vingt-cinq pieds de long, qui, victime aussi de son acharnement , alla échouer sar les côtes d’Angletcrre. Ce squale pesoit environ vingt milliers et avoit trente-un pieds de longueur to- tale , sur vingt-quatre de circonférence ; mais sa peau, desséchee et préparée pour être conservée, n’a plus : que vingi-six pieds de long sur seize de circonférence. Cette énorme dépouille va, me dit-on, être déposée aw. museum d'histoire naturelle à Paris. Sonninr. DÉS SOUA'LES , %oh L'ÉMS Q U ALU RU EU. LE SQUALE GLAUQUE (1)(2), PAR LACÉPÉDE. TROISIÈME ÉSPÉCE. Ce squale présente de très-belles couleurs lorsqu'il est en vie. Tout le dessus de sa tête, de son corps, de sa queue et de ses (1) Dans plusieurs départemens méridionaux , cag- not blanc. En Norvège, haae-brand. En Angleterre, blue shark. d Chien de mer bleu, Daubent. Encycl. méth. Squalus glaucus. Lin. édit. de Gmelin. — Artedi, gen. 69, n° 13, syn. 98. — Müller, Prodrom. zool. dan. p. 39,n° ,518, b. — Gunner, Act. nidr. 4,p.r, tab. 1 , fig. 1. — Voyage en Islande, d’Eggert Olafs fens. — Bloch, Histoire naturelle des poissons, troi- sième partie, pl. LXxxvVI. Squalus ascensionis. Obs. It. chin. p. 385. Chien de mer bleu. Bonat. planches de l’'Encyclop: méthodique. R Cynocephalus glaucus, Klein , Misc. pisc. 3, p. 6; nf 2. Chien de mer bleu, galeus glaucus. Rondelet, première partie, Liv. 13, chap. 5. — Gesner, Aquat: Cc3 G0b URI S T'OMRPE nageoires est de ce bleu verdâtre auquel le nom de glaugue a été donné, et qui est semblable à la nuance la plus ordinaire de toutes celles que présentent les eaux de la mer lorsqu'elles ne sont pas agitées par Îles vents, mi dorées par les rayons du soleil. Ce p. 609. — Willughby, Ichth. 49, tab. B, 8. — Ray, Pisc. p. 20. Squalus glaucus. Ascagne, planches d'histoire naturelle, p.7, pl. xxxt. Chien de mer glauque. Broussonet, Mémoires de l'académie des sciences pour 1780. Blue shark. Pennant , Zool. britan. 3, p. 84, n° 5. Glaucus. Charleton, p. 127. — Duhamel, Traité des pèches, seconde partie , sect. 9, p. 298. Glaucus, id. canis carcharias , vulgo requiem. Plu- : mier , dessins sur vélin du museum d’hist. nat. Cagnot bleu. Valmont de Bomare, Dictionnaire d'histoire naturelle. (2) En allemand , blauer hay. En Norvège, il se nomme encore, ae - moeren. En Islande, Laamer. À Rome, lamiola et canosa. À O-Taïti, mow-otau. En français, le bluet, et quelquefois le grand chien bleu, En Languedoc, cagnot blau, c’est-à-dire, chien bleu, - et non cagnot blanc, comme il est écrit ci-dessus. Dans Elien, ce poisson est désigné sous le nom grec glaukous. Squalus fossul& triansulari in extremo dorso , fora- minibus nullis ad oculos. Artedi , Gen. pisc. gen. 44, 6p. 15 ; et Synonym. pag. 98. SONNINI: DES SQUALES. 407 bleu verdâtre est relevé par le blanc écla- tant de la partie inférieure de l'animal; et comme les anciens mythologues et les poëtes voisins des tems héroïques w’auroient pas manqué de voir dans cette distribution de couleurs la représentation du manteau d’une divinité de l'Océan, ils auroient d’autant plus adopté la dénomination de glauque, employée par les naturalistes pour désigner le squale dont nous nous occupons, qu’en indiquant la nuance qui est propre à sa peau, elle leur auroit rappelé le nom de G/aucus, un de leurs demi-dieux marins. Mais ce dieu de l’onde étoit pour les anciens une puissance tutélaire, en lhonneur de laquelle on sacrifioit sur le rivage lorsqu'on avoit évité la mort au milieu des tempêtes; et le squale glauque est un être funeste, aux armes meurtrières duquel on cherche à se soustraire. En effet, ce squale a non seule- ment reçu la beauté, mais encore eu la grandeur en partage. Ïl parvient ordinaire- ment à la longueur de quinze pieds (près de cinq mètres); et suivant Pontoppidan, qui a écrit l'Histoire naturelle de la Nor- vège, el qui a pu voir un très-grand nombre d'individus de cette espèce, le squale glauque a quelquefois dix brasses de lon- Gc' 4 408 HISTOIRE gueur (1). Il est d’ailleurs très-dangereux; parce que sa couleur empêche qu'on ne le distingue de loin au milieu des eaux, parce qu'il s'approche à l’improviste, et qu'il joint a la force due à sa taille toute celle qu'il peut tenir d'une grande audace (2). (r) C’est- à - dire, cinquante pieds de longueur. Suivant Ascagne , lorsqu'un squale bleu a huit pieds de long , il en a quatre de circonférence, et il pèse deux cents livres. SONNINI. (2) Les squales bleus ou glauques se trouvent dans presque toutes les mers; on les voit dans la Méditer- ranée, la Baltique, la Manche, l'Océan septentrional, la mer d'Amérique, celle des Indes et jusques dans les mers australes. Sur les côtes de France et d’Angle- terre ils suivent les thons qu’ils avalent souvent entiers ; ils donnent aussi la chasse aux aloses , et s’approchent des rivages en même tems que ces pois- sons , lorsqu'ils quittent les eaux amères pour venir fraier dans les eaux douces de nos fleuves et de nos rivières. Les squales der cette espèce ne sont pas moins voraces ni moius hardis que les requins, et sont éga- lement avides de la chair des hommes qu’ils suivent et ne craignent pas d'attaquer. | Quoique ces squales vivent, pour ainsi dire , en commun, dans certains parages, avec des autres espèces du même geure, et particalièrement avec les requins, ils ont , pour se défendre de l’excessive voracilé de ces derniers, quelque propriété que l’on DES SQUALES. 4oq Plusieurs voyageurs, et particulièrement Plumier (1), lui ont appliqué en consé- quence les dénominations que la puissance redoutabie du requin a fait donner à ce dernier , et ils l’ont nommé 7equiem et carcharias. Ses dents triangulaires, alongées et aiguës ne sont pas dentelées comme celles du re- quin , ni un peu coniques comme celles du très-grand : on en trouve de fossiles dans un très- grand nombre d’endroits ; et cela ne doit pas surprendre, puisque le glauque habite à toutes les latitudes, depuis l’ile de V’Ascension jusques aux mers polaires. Sa première nageoire dorsale est plus près de la tête que les nageoires ventrales ; il a une fossette sur la parlie supérieure de lextré- mité de la queue; le lobe supérieur de la ne connoît pas, et qui doit néanmoins être très- saillante pour qu’elle puisse faire impression sur des êtres aussi énormément gloutons que les requins. L'on a vu, dans le fragment de la Relation de Van- couver , que j'ai rapporté à la page 368 de ce volume, Von a vu, dis-je, que les requins et d’autres squales que les marins anglais prenoient plaisir à faire dévorer entre eux, ne touchoient jamais aux squales bleus, quoique coupés par morceaux, SONNINI. (1) Dessins sur vélin déjà cités. 410 HIS T'O'TR'E nageoire caudale est trois fois plus long que Finférieur, et sa peau est moins rude que celle de presque tous les autres squales (1). (1) Je donne ici la description d’un squale bleu , faite sur un individu de cette espèce , long de quatre piedset demi, et conservé dans le museum britannique, par Broussonet : « La tête étoit un peu aplatie, l’ouverture de Îa gueule étoit également éloignée du bout du museau et de la base des nageoires pectorales ; les dents étoient presque triangulaires , alongées, aiguës , sans dente- lures , et tournées vers le fond de la gueule ; les yeux étoient petits et presque ronds , les trous des tempes manquoient ; les nagcoires pectorales étoient grandes et échancrées à leur extrémité ; celles de l’abdomen plus petites, situées autour de l’anus et au delà du milieu du corps ; la première dorsale étoit placée avant l’à-plomb des nageoires abdominales ; elle étoit presque triangulaire ; la seconde , plus petite que la première , étoit au delà de là - plomb de la nageoire de derrière l’anus; celle-ci étoit de la même grandeur que la précédente ; la nageoire de la queue étoit par- tagée en deux lobes , dont linférieur étoit trois fois plus court; la peau étoit lisse et de couleur grise, avec une teinte de bleu; les bords des nageoires étoient noirâtres ». ( Mémoires sur les différentes espèces de chiens de mer , dans ceux de l’académie des sciences et dans le Journal de physique, février, 1785, pag. 121.) Dans les Transactions philosophiques de Londres , année 1776 , on lit une description lrès - détaillée du DES S QU'A LES. 4 squale bleu , par le docteur Guill. Watson; elle est accompagnée d’une figure exacte. La couleur , la forme des dents de ce squale , ajoute Broussonet , et sur-tout une fossette triangulaire , qui se trouve à l’extrémite du dos, fournissent des carac- tères suffisans pour le distinguer des autres espèces. I! faut observer que , dans cette espèce, les dents sont en bien plus petit nombre que dans la plupart des autres squales. | La chair du dedans et du haut de la bouche est molle et spongieuse ; la langue épaisse , large et rude, et l’estomac grand et alongé; la rate s’y attache, et plusieurs petites parties charnues et rondes la com- posent. Le canal intestinal, d’abord mince vers le haut, devient ensuite large et droit. Le foie est gros et consiste en deux lobes, à l’un desquels tient la vési- cule du fiel , qui a une couleur verdâtre. Ce n’est guère qu’à cause du foie que l’on pêche le squale bleu; c’est la seule partie qui soit bonne à manger ; il passe même pour un mets délicat , quand il est cuit au vin ou rôti. Rondelet indique une manière de lapprèter : On le fait bouillir avec de Physsope , des feuilles de laurier et d’autres plantes aromatiques ; on ajoute de la canelle ; de la noix mus- cade et des clous de girofle. L'huile qu’on retire du foie de ce poisson passe pour un bon remède contre les duretés du foie des hommes, et les cendres de l'animal même étoient regardées dans la vieille médecine comme propres à guérir le mal des dents des petits enfans. SONNINI. L'in du troisième Folume. LA DRE De ce qui est contenu dans ce troisième Volume. Pr EMIERE sous-classe, page 5 Les Lamproies, 9 La Lamproie, proprement dite, premiére es- pèce, planche Ï, | 12 Péches de la Lamproie, 35 La Pricka, seconde espèce de Lamproie. — Le Pétromyzon pricka, par Lacépède, 43 Le Lamproyon, troisième espèce de Lam- proie. — Le Pétromyzon lamproyon, par le méme, 53 Le Planer, quatrième espèce de Lamproie. — Le Pétromyzon Planer, par le méme, 5g La Lamproie rouge , cinquième espèce. — Le Pétromyzon Rouge, par le même, 61 — sucet,sixième espèce. — Le Pétromyzon sucet, par le méme, 63 —— argentée, la Septœuille et la Lamprote noire,seplième, huitième et neuvièmeespèces. — Le Pétromyzon argenté, le Pétromyzon septœuil, et le Pétromyzon noir, par le MÊME , 67 TABLE. 413 ‘Tableau du quatrième ordre des Poissons, par le méme, 69 La Raie batis, première espèce, planche AIX, par le même, 76 —— à bec pointu. — La Raie oxyringue, seconde espèce, par le méme, 127 —— /niralet, troisième ‘espèce, 192 —— chardon, quatrième espèce, 196 —— ronce, cinquième espèce, par Lacépéde, 15q —— chagrinee, sixième espèce, par le méme, 143 —— museau-pointu, et la Raie coucou, sep- ième et huitième espèces, par le méme , 144 torpille, neuvième espèce, planche XIX, par le méme, 140 —— aigle, dixième espèce, par le méme, 180 narinari, onziérne espêce, 201 —— pastenaque, douzième espèce, par La- cépéde , | | 204 —— altavèle, treizième espèce, 213 —— ouarnak, quatorzième espèce , 215 —— arnak, quinzième espèce, 216 —— scherit, seizième espéce, 210 —— mule, dix-seplième espèce, 219 Péche des Raiïes, | 226 Planche V , filet folle, 223 414 TABLE. La Rae lymme, dix - huitième espèce, par Lacépède, 251 sephen, dix-neuvième espèce, par le méme , 256 —— bouclée, vingtième espèce , planche AV, par le méme, 2 4 thouin, vingt -unième espèce, par le méme , 257 —— bohkat , vingt-deuxième espèce, par le méme , 263 cuvier, vingt- troisième espèce, par le méme , 266 —— rhinobate, vingt-quatrième espèce, par le méme, 270 tuberculee , vingt-cinquième espèce, par le méme, 279 églantier, vingt-sixième espèce, par le méme , 282 fabronienne , vingt-septième espèce, par le méme, 285 ban£sienne, vingt-huitième espèce , par le méme, 200 —— nègre, vingt-neuvième espèce, par le méme , 295 mosaique , et la Raie ondulee , trente et trente-unième espèces, par le même, 297 aptéronote , trente-deuxiéme espèce, par le méme , 208 TABLE. 415 La Raie frangée, trente-troisième espéce , par le même, 209 —— nobular, trente-quatrième espèce, par le méme, 902 —— schoukie, trente-cinquième espèce, par le même, 307 —— machuéle, trente-sixième espèce, 309 —— chinoise, trente - septiéme espèce, par Lacépède, 911 gronovienne, trente-huitième espèce, par le méme, 214 —— manalia, trente-neuvième espèce, par le méme, 316 Tableau du cinquième ordre des Poissons, par le méme, 3526 Le Requin, planche VI, 332 Le Squale regun , première espèce, par La- cépéde , ibid —— très-grand , seconde espèce, par Le .méImne , 400 —— bleu, — Le Squale glauque, troisième espèce, par le même, 405 Fin de la Table, we E « À HOTTE A pe ‘ ? LUN AUTANT RE AN LUN Vi | ss" DANONE OL: 2 ; | (EM 4 ; LI : | AY NIUE IN” i 4. p. Ua \ AE (y ‘OA ‘ d ; L ; ’ ï L 4 11, Ù An 1 ie ds, . se ’ OS AT ne AT t x » ÿ” à : LAN k | : | ACER À 0 Ji LA NY IR bi re VA | AURA T L A0 ‘+ | 2 #4 dr à A t£ A | 1] LU EG à | '® en GE à À Ru KR S Et Ps Lines t DANS AA CU AAA AN AE run ER : LE nE Less" ë t'! | p "à : | L | ‘Ur, LA Ch AL £ Mae CUT Dit HA 4 NON PANNE TE pi A } (9 A UAU ni ou [TU AN RU AIR Lit \ QE OUVRE RAY AA À (ll y R DA NAN qu . + AE PO L r D L o | & PR | DL Le , eur . LL NUTS t EL re Uni DO nf LA Us : VE LAS | TU AU Le D + RS 0 LP ÿ : cu We}: mS L : | AU. J . L : Ji : L | u U | : ni L n DCE | L L : | A de its IX nm | | à LS OL | : EL) | | : : Re L l et ” | # ; [R mn. L a 1 L 114 è : Le | 1 = cl A2 : d L LL. OURS RE O 1." Lee Ji ” r L + a L l 0: nn | Len "ai : L | AU D | | É A _ Ê "UN ; "22 nn " LR n 41. D NT CR : LC n} "1 Des D 'us _ ; : | AL ANS " L di : h l E | 1 ue RON | HN à D'OISE DES RS DL LR Li LE tp 0 : : | 1. L! 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