H ^ L# 't^-jc ''M HARVARD UNIVERSITY. LIBRARV OF THE MUSEUM OF COMPARATIVE ZOOLOGY IJHRAKV OF LOUIS CAlîOT, U.C., 1858. GIFT OF HENRY B. BIGHLOW HISTOIRE NATURELLE DES QUADRUPEDES OVIPARES ET DES SERPENS. TOME SECOND. HISTOIRE N ATU RELLE DIS UADRUPÈDES OVIPARES ET DES SERPEKS, Q PAR LE Cen LACEPÈDE. TOME SECOND. A PARIS, Chez S AU GK AIN, graveur, rue du Cimetière André-des-Arcs , 3i° lo. L'AN VII DE LA RÉPUBLIQUE. HISTOIRE NATUPlELLE DES QUADRUPÈDES OVIPARES. T R O I S I È ]\I E DIVISION. LÉZARDS Dont la queue est ronde , qui ont cinq doigts aux pieds de devant , et des bandes écailleuses sous le ventre. LE LEZARD GRIS*. JjE lézard gi:is paroît être le plus doux , le plus inuoceiit et l'un des plus utiles de* lézards. Ce joli petit auinial , si commun Lngarilja et sargantana, en Espagne, lan." ^roïa p aiîi. environs de Mouipellier. 6 HISTOIRE NATURELLE dans le pays où nous écrivons , et avec lequel tant de personnes ont joué dans leur enfance, n'a pas reçu de la Nature un vêtement aussi éclatant que plusieurs autres quadrupèdes ovipares ; mais elle lui a donné une parure élégante : sa petite taille est svelte ; son mouvement agile ; sa course si prompte, qu'il échappe à l'œil aussi rapidement que l'oiseau qui vole. Il aime à recevoir la chaleur du soleil ; ayant besoiu d'une température douce , il cherche les abris ; et lorsque , dans un beau jour de printemps, une lumière pure éclaire vivement un gazon en pente, ou une muraille qui augmente la chaleur eu la réfléchissant, on le voit s'étendre sur ce mur, ou sur l'herbe nouvelle, avec une espèce de volupté. Il se pénètre avec dé- lices de cette chaleur bienfaisante ; il marque son plaisir par de molles ondula- tions de sa queue déliée ; il fait briller ses yeux vifs et animés ; ilse précipite comme un trait pour saisir une petite proie , ou pour trouver uu abri plus commode. Bien loin de s'enfuir ù l'approche de l'homme , il paroît le regarder avec complaisance: D E s L L Z A R D s. 7 mais au luoitidre bruit qui rcITiaic , à la cliûte seule d'une feuille, il se roule, tombe et demeure pendant quelques ins- tans comme étourdi par sa chiite ; ou bien il s'élance , disparoît, se trouble, revient, se cache de nouveau, reparoît encore , décrit en un instant plusieurs circuits tor- tueux que l'œil a de la peine à suivre , se replie plusieurs fois sur lui-iuêmc , et se retire enfin dans quelque asyle jusqu'à ce que sa crainte soit dissipée *. Sa tête est triangulaire et applatie ; le dessus est couvert de grandes écailles , dont deux sont situées au-dessus des yeux, de manière à représenter quelquefois des paupières fermées. Son petit museau ar- rondi présente un contour gracieux; les ouvertures des oreilles sont assez grandes; les deux mâchoires égales et garnies de larges écailles ; les dents fines , un peu crochues , et tournées vers le gosier. Il a à chaque pied cinq doigts déliés , et garnis d'ongles recourbés, qui lui servent à * C'est prlncipaleraeut dans les pays chauds que le lézard gris est très -agile , et qu'il exécute les divers mouvemens que uous vcuons de décrire. s HISTOIRE NATURELLE grimper aisément sur les arbres et à courir avec agilité le long des mnrs ; et ce qui ajoute à la vitesse avec laquelle il s'élance, mcizic ^n montant, c'est que les pattes de derrière , ainsi que dans tous les lézards , sont un peu plus longues que celles de devant. Le long de l'intérieur dès cuisses , règne un petit cordon de tubercules , sem- blables par leur forme à ceux que nous avons remarqués sur l'iguo ne ; le nombre de ces petites émincnces varie, et ou en compte quelquefois plus de vingt. Tout est délicat et doux à la vue dans ce petit lézard. La couleur grise que présente le dessus de son corps , est variée par un grand nombre de tacbes blan- châtres, et par trois bandes presque noires qui parcourent la longueur du dos ; celle du milieu est plus étroite que les deux autres. Son ventre est peint de verd clia.'igcant en bleu; il n'est aucune de ses écailles dont le reflet ne soit agréable ; et pour ajouter à cette simple mais riante parure, le dessous du cou est garni d'un collier composé d'écailJes , ordinairemeiit un nombre de sept , un peu plus grandes. DES LÉZARDS. 9 que les voisines , et qui réunissent Téclat et la couleur de l'or. Au reste, dans ce lézard comme dans tous les autres , les teintes et la dist.-ibution des couleurs sont sujettes à varier suivant l'âge , le sexe et le pays : mais le fond de ces couleurs reste à peu près le même *. Le ventre est cou- vert d'écaillés beaucoup plus grandes que celles qui sont au - dessus du corps ; elles y forment des handes transversales, ainsi que dans tous les lézards que nous avons compris dans la troisième division. Il a ordinairement cinq ou six pouces de long , et un demi -pouce de large : et quelle di/Tcrence entre ce petit animal et rénorme crocodile ? Aussi ce prodigieux quadrupède ovipc-re n'est -il presque ja- mais apperçu qu'avec eifroi , tandis qu'on voit avec intérêt le petit lézard gris jouer innocemment parmi les fleurs avec ceux de son espèce, et, par la rapidité de ses agréables évolutions , mériter le nom d'a- glle que Linné lui a donné. On ne craint point ce lézard doux et paisible ; on l'ob- * Nous avons décrit le Iczartl gris d'après de* individus vivans. 10 HISTOIRE NATURELLE serve de près. Il échappe communément avec rapidité , lorsqu'on veut le saisir : mais lorsqu'on Ta pris , on le manie sans qu'il cherche à mordre ; les cufans en font un jouet, et, par une suite de la grande douceur de son caractère , il de- vient familier avec eux. On diroit qu'il cherche à leur rendre caresse pour ca- resse *, il approche innocemment sa bouche de leur bouche ; il suce leur salive avec avidité. Les anciens l'ont appelé Vami de l'homme ; il auroit fallu l'appeler Vami de l'enfance. Mais cette enfance , souvent ingrate ou du moins trop inconstante , ne rend pas toujours le bien pour le bien à ce foible animal ; elle le mutile -, clic lui fait perdre une partie de sa queue très-fra- gile , et dont les tendres vertèbres peuvent aisément se séparer. Cette queue, qui va toujours eu dimi- nuant de grosseur , et qui se termine en pointe , est à peu près deux fois aussi longue que le corps: elle est tachetée de blanc et d'un noir peu foncé , et les pe- tites écailles qui la couvrent forment des anneaux assez sensibles , souvent au nom- D E s L É Z A II D s. ir bre de quatre-vingts. Lorsqu'elle a été bri- sée par quelque accident , elle repousse quelquefois; et suivant qu'elle a été divi- sée en plus ou moins de parties, elle est remplacée par deux et même quelquefois par trois queues plus ou moins parfaites , dont une seule renferme des vertèbres ; les autres ne contiennent qu'un tendon. Le tabac en poudre est presque tou- jours mortel pour le lézard gris : si Von en uiet dans sa bouche , il tombe en con- vulsion, et le plus souvent il meurt bien- tôt après. Utile autant qu'agréable , il se nourrit de mouches , de grillons , de sau- terelles , de vers de terre , de presque tous les insectes qui détruisent nos fruits et nos grains; aussi seroit-il très-avantageux que l'espèce eu fût plus multipliée : ù me- sure que le nombre des lézards gris s'ac- croîtroit , nous verrions diminuer les en- nemis de nos jardins; ce seroit alors qu'on auroit raison de les regarder, ainsi que certains Indiens les considèrent, comme des animaux d'heureux augure, et comme dos signes assurés d'une bonne fortune. Pour saisir les insectes dont ils se nour- 15 HISTOIRE NATURELLE rissent, les lézards gris dardent avec vi- tesse une langue rougeâtrc , assez large , fourchue, et garnie de petites aspérités à peine sensibles , mais qui suffisent pour les aider à retenir leur proie ailée. Comme les autres quadrupèdes ovipares, ils peu- vent vivre beaucoup de temps sans man- ger , et on en a gardé pendant six mois dans une bouteille , sans leur donner au- cune nourriture , mais aussi sans leur voir rendre aucun excrément. Plus il fait chaud , et plus les mouve- mcns du lézard gris sont rapides : à peine les premiers beaux jours du printemps viennent-ils réchauffer Tatmosphère, que le lézard gris sortaut de la torpeur pro- f< nde que le grand froid lui fait éprouver, et renaissant, pour ainsi dire, à la vie avec les zéphirs et les fleurs , reprend sou agilité et recommence ces espèces de joutes , auxquelles il allie des jeux amou- reux. Dès la fin d'avril , il cherche sa fe- melle : ils s'unissent ensemble par des embrasserncns si étroits , qu'on a peine à les distinguer l'un de l'autre; et s'il faut juger de l'amour par la ylvacité de son DES LÉZARDS. i3 expression , le lézard gris doit être un des plus ardcns des quadrupèdes ovipares. La femelle ne couve pas ses œufs, qui. sont presque ronds , et n'ont pas quelque- fois plus de cinq lignes de diamètre : mais comme ils sont pondus dans le temps où la température commence ù être très- douce , ils éclosent par la seule chaleur de Tatmosplière , avec d'autant plus de facilité, que la femelle a le soin de les déposer dans les abris les plus chauds , et , par exemple, au pied d'une muraille tour- née vers le midi. Avant de se livrer à l'amour et de cher- cher sa femelle , le lézard gris se dépouille comme les autres lézards ; ce n'est que revêtu d'une parure plus agréable et d'une force nouvelle , qu'il va satisfaire les dé- sirs que lui inspire le printemps. Il se dé- pouille aussi lorsque l'hiver arrive ; il passe tristement cette saison du froid dans des trous d'arbre ou de muraille, ou dans quelques creux sous terre : il y éprouve un engourdissement plus ou moins grand , suivant le climat qu'il ha- bite et la rigueur de la saison ; et il ne 2 14 HISTOIRE NATURELLE quitte communément cette retraite que lorsque le printemps ramène la chaleur. Cet animal ne conserve cependant pas toujours la douceur de ses habitudes. M. Edwards rapporte , dans sou Histoire naturelle , qu'il surprit un jour un lézard gris attaquant un petit oiseau qui réchauf- foit dans son nid des petits nouvellement éclos. C'étoit contre un mur que le nid étoit placé. L'approche de M. Edwards lit cesser l'espèce de combat que l'oiseau sou- tenoit pour défendre sa jeune famille; l'oiseau s'envola ; le lézard se laissa tom- ber : il auroit peut-être , dit M. Edwards , dévoré les petits , s'il avoit pu les tirer de leur nid. ?,Iais ne nous pressons pas d'at- tribuer une méchanceté qui peut n'être qu'un défaut individuel et ne dépendre que de circonstances passagères , à une espèce foible que l'on a reconnue pour innocente et douce. Ou a fait usage des lézards gris en mé- decine; oiî les a employés, aux environs de Madrid , dans des maladies graves * : * On a vanté les propric'tés des k'zards gris, prlucipaleuient conire les muiadies delà peau, les D E s L E Z A R D s. i5 la société royale a reçu des individus de Tespèce dont se servent les médecins espa- gnols ; ils ont été examinés par J\LM. Dau- henton et Mauduit , et un de ces lézards a été déposé au Cabinet du roi : il ne diffère du lézard gris de nos provinces que par des nuances de couleur très -légères , et qui sont la suite presque nécessaire de la diversité des climats de la France et de TEspague. Il paroît qu'on doit regarder comme une variété du lézard gris, uu petit lézard très-agile , et qui lui ressemble par la con- formation générale du corps, par celle de la queue , par des écailles disposées sous la gorge en forme de collier, et par des tubercules placés sur la face intérieure des cuisses. M. Pallas Fa appelé lézard i^'éloce dans le supplément latin du voyage qu'il a publié en langue russe. Ce petit lézard est d'une couleur cendrée , rayée longitudinalemeut , semée de points roux sur le dos et bleuâtres sur les côtés, où cancers, les maux qui demandent que le sang soit épuré, eic. Voyez h te sujet les avis et insiructions publiés par la société royale de médecine de Paris. j6 histoire naturelle l'on voit aussi des taches noires. Ou le rencontre parmi les pierres , auprès du lac d'Inderskoi , et dans les lieux les plus déserts et les plus chauds ; il s'élance , suivant M. Pallas , avec la rapidité d'une flèche. D E s L E Z A R D s. 17 ADDITION A L'ARTICLE DU L É Z A R. D GRIS. IVl. de Scpt-Foutaiues, que nous avons déjà cité plusieurs fois , et qui ne cesse de concourir à ravancement de Thistoire jiaturelle , nous a communiqué Tobser- vation suivante , relativement à la repro- duction des lézards gris. Le 17 juillet 1783, il partagea un de ces animaux avec un instrument de fer ; c'étoit une femelle , et à l'instant il sortit de son corps sept jeunes lézards, longs depuis onze jusqu'à treize lignes , entièrement formés , et qui cou- rurent avec autant d'agilité que les lé- zards adultes, La portée étoit de douze ; mais cinq petits lézards avoient été blessés par rinstruQient de fer, et ne donnèrent que de légers signes de vie. M. de Scpt-Fontaines avoit bien voulu joindre à sa lettre un lézard de respècc ,8 HISTOIRE NATURELLE de la femelle sur laquelle il avoit fait son ÎLvvaùon , et cet iadividu «e d.tfero. en rien des lézards gris que nous avons ' On';e«t donc croire qu'il e„ est des lézard gris comme des sa!ama,idres te,- •estres ; que quelquefois les femel es pon- dtn teul o?ufs et les déposent dans des tdr.iU alnités, ainsi que ro,Uccnl^u- ,ie„..s naturalistes, et ^-'^ '^ ''"" ^^ f ' les petits éclosent dans le Tcutre de la inèie. 7cm n 1 J\u^ 2i) LE I.KZARl) V^RT. j jf -iLUifUtr -s DESLEZARDS. 19 LE L E Z A Pv D Y E R D ^. jLj a Nature, en formant le lézard vcrd , paroît avoir suivi les mêmes proportions que pour le lézard gris : mais elle a tra- Taillc d'après un module plus considé- rable ; elle n'a fait , pour ainsi dire , qu'agrandir le lézard gris , et le revêtir d'une parure plus belle. C'est dans les premiers jours du prin- temps que le lézard vcrd brille de tout * Krauthun , aux environs de Vienne ea Au- triche; lagarlo etfardncJio, en Espagne; lazer, aux environs de ISIontpellier. Linnaens ne regarde le k'zard verd que comme une variéié du lûzard gris ; naais, indépendamment d'autres raisons, la grande différence qui se trouve entre les dimensions de ces deux lézards, et les observations que nous avons faites plusieurs fois sur ces animaux vivans, ne nous permettent pas de les rapporter à la même espèce. \ 20 HISTOIRE NATURELLE son éclat , lorsqu'ayant quitté sa vieille peau , il expose au soleil sou corps éinaillé des plus yives couleurs. Les rayons qui rejaillissent de dessus ses écailles , les dorent par reflets ondoyans : elles étin- celleut du feu de Ténieraude ; et si elles ne sont pas diaphanes comme les crys- taux , la réflexion d'un beau ciel qui se peint sur ces lames luisantes et polies, compense rcffct de la transparence par lin nouveau jeu de lumière. L'œil ne cesse d'être réjoui par le verd qu'oftre le lézard dont nous écrivons l'histoire ; il se rem- plit, pour ainsi dire , de son écl^t , sans jamais en être ébloui. Autant la couleur de cet animal attire la vue par la. beauté de ses reflets , autant elle l'attache par leur douceur ; on diroit qu'elle se répand sur l'air qui l'environne , et qu'en s'y dé- gradant par des nuances insensibles , elle se fond de manière à ne jamais blesser , et à toujours enchanter par une variété agréable, séduisant également, soit qu'elle xespleudisse avec mollesse au milieu de grands flots de lumière , ou que , ne ïcnvoyaut qu'une foiblc clarté , elle pré- D E s L É Z A R D s. 2r sente des teiulcs aussi suaves que déli- cates. Le dessus du corps de ce lézard est d'uu vcrd plus ou moins mêlé de jaune , de gris , de brun , et même quelquefois de rouge ; le dessous est toujours plus blan- châtre. Les teintes de ce quadnipède ovipare sont sujettes à varier; elles pâlis- sent dans certains temps de Tannée , et sur-tout après la mort de l'animal ; mais c'est principalement dans les climats chauds qu'il se montre avec l'éclat de l'or et des pierreries ; c'est là qu'une lumière plus vive anime ses couleurs et les multiplie. C'est aussi dans ces pays moins éloignés de la zone torride , qu'il est plus grand, et qu'il parvient quelque- fois jusqu'à la longueur de trente pou- ces *. L'individu que uous avous décrit et qui a été envoyé de Provence au Ca- binet du roi , a vingt pouces de longueur, en y comprenant celle de la queue, qui est * Note coiniuiiniquée par M. de la Tour-d' Aiguës, président à mortier au parlement de Provence, et dont les lumières sont aussi connues que sou zèle pour l'avancement des sciences. 22 HISTOIRE NATURELLE presque égale à celle du corps et de la tête ; le diamètre du corps est de deux pouces dans rendroit le plus gros. Le dessus de la tête , comme dans le lézard gris , est couvert de grandes écailles arrangées symétriquement et placées à côté Tune de l'autre. Les bords des mâ- choires sont garnis d'un doubie rang de grandes écailles. Les ouvertures des oreilles sont ovales ; leur grand diamètre est de quatre lignes , et elles laissent appercevoir la membrane du tympan. L'espèce de collier qu'a le lézard verd , ainsi que le lézard gris, est formé, dans l'Individu envoyé de Provence au Cabinet du roi , par onze grandes écailles. Celles qui cou- vrent le dos sont les plus petites de toutes : elles sont hexagones ; mais les angles en étant peu sensibles , elles pa- roisscnt presque rondes. Les écailles qui sont sur le ventre, sont grandes , hexa- gones , beaucoup plus alongées , et for- ment trente demi - anneaux ou bandes transversales. Treize tubercules s'étendent le long de la face intérieure de chaque cuisse; ils^ D E s L Ê Z A R D s. ^2.3 sont creux , et nous avons vu ù leur extrémité uu inamelon très - apparent , et qui s'élève au-dessus des bords de la petite cavité du tubercule dont il paroît sortir. La fente qui forme Fanus , occupe une très-grande partie de la largeur du corps. La queue diminue de grosseur de- puis l'origine jusqu'à la pointe; elle est couverte d'écaillés plus longues que larges, plus grandes que celles du dos , et qui forment ordinairement plus de quatre- yingt-dix anneaux. La beauté du lézard verd fixe les regard* de tous ceux qui l'appercoivent : mais il semble rendre attention pour attention ; il s'arrête lorsqu'il voit l'homme ; on diroit qu'il l'observe avec complaisance , et qu'au milieu des forêts qu'il habite , il a une sorte de plaisir à faire briller à ses yeux ses couleurs dorées , comme dans nos jardins le paon étale avec orgueil l'émail de ses belles plumes. Les lézards verds jouent avec les enfans , ainsi que les gris : lorsqu'ils sont pris et qu'où les excite les uns contre les autres , ils s'attaquent et se mordent quelquefois avec acharnement. 24 HISTOIRE NATURELLE Plus fort que le lézard gris , le verd se bat contre les serpeus : il est rarement vainqueur. L'agitation qu'il éprouve et le bruit qu'il fait lorsqu'il en voit appro- cher , ne viennent que de sa crainte: mais on s'est plu à tout anoblir dans cet être distingué par la beauté de ses couleurs ; on a regardé ses raouvemens comme une marque d'attention et d'atta- chement ; et l'on a dit qu'il avertissoit l'homme de la présence des serpens qui pouvoient lui nuire. Il recherche les vers et les insectes; il se jette avec une sorte d'avidité sur la salive qu'on vient de cracher , et Gesner a vu un lézard verd boire de l'urine des enfans. 11 se nourrit aussi d'œufs de petits oiseaux , qu'il va chercher au haut des arbres, où il grimpe avec assez de vitesse. Quoique plus bas sur ses pattes que le lézard gris , il court cependant avec agi- lité , et part avec assez de promptitude pour donner un premier mouvement de surprise et d'effroi , lorsqu'il s'élance au milieu des broussailles ou des feuilles «èches. Il saute très-haut ; et comme il D E s L É Z A R D s. ^5 €st plus fort ^ il est aussi plus hardi que le Iczartl gris : il se détend contre les chiens qui l'attaquent. L'lial)itude de saisir par l'endroit le plus sensible, et par conséquent par les narines , les diverses espèces de serpens avec lesquelles il est souvent en guerre , fait qu'il se jette au museau des chiens ; et il les y mord avec tantd'olwlination, qu'Use laisse emporter et mcuie tuer plutôt que de desserrer les dénis : iuais il paroît qu'il ne faut point le regarder comme venimeux , au moins dans les pays tempérés , et qu'où lui a attribue faussement des uiorsures mortelles ou dangereuses. Ses habitudes sont d'ailleurs assez sem- l)lables à celles du lézard gris ; et ses œufs sont ordinairement plus gros que ceux de ce dernier. Les Africains se nourrisseiit de la chair des lézards verds. Mais ce n'est pas seu-; lemcnt dans les pays chauds des deux contincns qu'on trouve ces lézards ; ils habitent aussi les contrées très-tempérées , et même un peu septentrionales, quoi- qu'ils y soient moins uQuibreux et moin* 5 26 HISTOIRE NATURELLE grands. Ils ne sont point étrangers Ziux. parties méridionales de la Suède , non plus qu'au Kauitschatka , où , malgré leur beauté , un préjugé superstitieux fait qu'ils inspirent l'effroi. Les Kamtschadales les regardent comme des envoyés des puis- sances infernales: aussi s'empressent-ils , lorsqu'ils en rencontrent , de les couper par morceaux ; et s'ils les laissent échap- per , ils redoutent si fort le pouvoir des divinités dont ils les regardent comme les représentans , qu'à chaqvie instant ils croient qu'ils vont mourir , et meurent même quelquefois , disent quelques voya- geurs , à force de le craindre. On trouve aux environs de Paris une variété du lézard verd , distinguée par une bande qui règne depuis le sommet de la tête jusqu'à l'extrémité de la queue, et qui s'étend un peu au-dessus des pattes , sur-tout de celles de derrière. Cette bande est d'un gris fauve , tachetée d'un bruu foncé , parsemée de points jaunâtres, et bordée d'une petite ligne l)lancliâtre. Nous avons examiné deux individus vivans de cette variété j ils pavoissoicut jeunes , et D E s L É Z A R D s. 27 ccpeiidaut ils étoieiit déjà de la taille des lézards gris qui ont allcint presque tout leur développement. En Italie on a donné avi lézard verd le nom de stelllon , que Ton a aussi attri- bué à la salamandre terrestre, ainsi qu'à d'autres lézards. C'est à cause des taches de couleurs plus ou moins vives dont est parsemé le dessus du corps de ces ani- maux , et qui les font paroître comme étoiles , qu'on leur a transporté un nom que nous réservons uniquement , avec M. Linné et le plus grand nombre des naturalistes , à un lézard d'Afrique , très- diQércnt du lézard verd , et qui a toujours été appelé stellion '. Nous plaçons ici la notice d'un lézard ^ que l'on rencontre en Amérique , et qui 1 On trouve dans la description du muséum de Kirchcr une notice et une figure relatives à un k- zard pris dans un bois des Alpes, et appelé stellion d'il aile, qui nous paroît être une variété du lézard verd. Reriim naturalium Historia , exi.flentium in miiseo Kircheriano ^ Romoe,l773j pag. 40. Stellion d'Italie. * Oulla ouna , par les Caraïbes. 28 HISTOIRE NATURELLE a quelques rapports avec le lézard verd. Catesby eu a parlé sous le nom de lézard perd de la, Caroline; Rochcfort, et, après lui, Ray, l'ont désigné par celui A^ gohe- mouche. Ce joli petit animal n\i guère que cinq pouces de long ; quclques'indi- Yidusmémedecette espèce , et les femelles sur-tout, n'ont que la longueur et la gros- seur du doigt : mais s'il est inférieur par sa taille à notre lézard verd , il ne lui cède pas en beauté. La plupart de ces gobe-mouches sont d'un vc/d très-vif; il y en a qui paroisseut écla^^ans d'or et d'argent ; d'autres sont d'un verd doré , ou peints de diverses couleurs aussi bril- lantes qu'agréables, lis deviennent très- utiles en délivrant les habitations des mouches , des ravets et des autres in- sectes nuisibles. Rien n'approche de l'in- dustrie, de la dextérité, de l'agilité avec lesquelles ils les cherchent , ies poursui- Tcnt et les saisissent. Aucun animal n'est plus patient que ces charinans petits lé- zards ; ils demeurent quelquefois immo- biles pendant une demi-journée, en atten- dant leur proie ; dès qu'ils la voient , ils. D E s L É Z A R D s. 25 s'claucciit couiiiic un liait , cUi liant des arbres , où ils se plaisent à grimper. Les œufs qu'ils pondent sont do la grosseur d'un pois ; ils les couvrent d'un peu de terre , et la chaleur du soleil les fait éclore. Ils sont si familiers , qu'ils entrent hardi- ment dans les appartcmens ; ils courent lucme par-tout si librement et sont si peu craintifs , qu'ils montent sur les tables ])endaut les repas ; et s'ils apperçoivent quoique insecte , ils sautent sur lui , et passent, pour Tattcindre , jusque sur les habits des convives: mais ils sont si pro- pres et si jolis , qu'on les voit oans peine traverser les plats et toucher les mets. Rien ne manque donc au lézard gobe- mouche poitr plaire ; parure , beauté , agilité , utilité , patience , industrie , il a tout reçu pour charmer l'œil et inté- resser en sa faveur. Mais il est aussi dé- licat que richement coloré ; il ne se montre que pendant l'été aux latitudes un peu élevées , et il y passe la saison de rhiver dans des crevasses et des trous d'arbre où il s'engourdit. Les jours chauds et sereins qui brillent quelquefois pendant 3o HISTOIRE NATURELLE l'hiver , le rauimeut au point de le faire sortir de sa retraite ; mais le froid reve- nant tout d'un coup , le rend si foible , qu'il u'a pas la force de rentrer dans sou asyle , et qu'il succombe à la rigueur de la saison. Quelqu'agile qu'il soit, il n'échappe qu'avec beaucoup de peine à la poursnite des chats et des oiseaux de proie. Sa peau ne peut cacher entiè- ïemcnt les altérations intérieures qu'il subit ; sa couleur change comme celle du caméléon , suivant l'état où il se trouve , ou , pour mieux dire , suivant la tempé^ rature qu'il éprouve. Dans un jour chaud, il est d'un verd brillant ; et si le lende- main il fait froid , il paroît d'une cou- leur brune. Aussi , lorsqu'il est mort , l'éclat et la fraîcheur de ses couleurs disparoisscnt , et sa peau devient pâle et livide. Les couleurs se ternissent et changent ainsi dans plusieurs autres espèces de lézards ; c'est ce qui produit cette grande diversité dans les descriptions des auteurs qui se sont trop attachés aux couleurs des quadrupèdes ovipares , et c'est ce qui D E s L É Z A K D s. 3ï a répandu une grande confusion dans lu nomenclature de ces animaux. 11 y a quelque ressemblance entre-les habitudes du gobe-mouche et celles d'un autre petit lézard du nouveau monde , auquel on a donné le nom A-anoîis , qu'on a appliqué aussi à beaucoup d'autres lézards. Nous rapportons ce dernier au goitreux, qui vit dans les mêmes contrées \ Comme nous n'avons pas vu le gobe-mouche , nous ne savons si Ton ne devrolt pas le regarder de même , comme cle la même espèce qaG le goitreux, au lieu de le considérer comme une variété du lézard verd. M. François Cetti , dans son Histoire des amphibies et des poissons de la Sar- daigne , parle d'un lézard verd très-com- mun dans cette île , et qu'on y nomme eu certains endroits tiliguerta et caliscer- tula : il ne ressemble entièrement ni au lézard verd de cet article , ni à l'améiva , dontnousallonstraiter^. M. Cetti présume ' Vo)ez Pariicle du goitreux. 2 11 est iniportaut crobserver que la longueur cle la queue des lézards , sa forme ctagée ou verti- tilléc, ainsi que le ngmbre des bandes ccailkuse^ ^2 HISTOIRE NATURELLE que ce tiligucita est une espèce nouvcHe, intermédiaire entre ces deux 16:iards : il nous paroît cependant , d'après ce qu'en dit cet liabile naturaliste , qu'on pourroifc le regarder comme une variété du lézard verd , s'il a au - dessous du cou une espèce de demi-coîlier composé de grandes écailles , ou comme une variété de l'a- méiva , s'il n'a point ce demi-collier. qui recouvrent le ventre de ces animaux, sont des caractcrcs variables ou sans précision. Nous nous en sommes convaincus par l'inspection d'un grand nombre d'individus de plusieurs espères : aussi c'avons-uous pas cru devoir les employer pour dis- tingueras divisions des lézards l'une d'avec l'auire; nous ne nous en sommes servis pour la distinction des espèces, que lorsqu'ils ont indiqué des diffé- rences irts-considérablesj et d'ailleurs nous n'avons jamais assigné à la rigueur telle ou telle propor- tion, ni tel ou lel nombre, pour une marque cous'- taute d'une diversité d'espèce, et nous avons déter- miné au contraire rigoureusement et avec précision la forme et l'arrangement des écailles de la queue. 15 E s LÉZARD S. 33 LE CORDYLE. Ok trouve cil Afrique et en Asie un Ic'zard auquel M. Linné a appliqué exclu- sivement le nom de cordyle , qui hii a été donué par quelques voyageurs , mais dont on s'est aussi servi pour désigner la dragonne , ainsi que nous Tavons dit. Il paroît qu'il habite quelquefois dans l'Europe méridionale, et Eay dit l'avoir rencontré auprès de Montpellier. Nous allons le décrire d'aprca les individus conservés au Cabinet du roi. La tête est trcs-applatic , élargie par- derrière , et triangulaire ; de grandes écailles en revêtent le dessus et les côtés ;^ les deux mâchoires sont couvertes d'un double rang d'autres grandes écailles , et armées de très-petites dents égales , fortes €t aiguës. Les trous des narines sont petits -, les cuiverturcs des oreilles étroites , et situées 34 HISTOIRE NATURELLE aux deux bouts de la base du triaugle dont le museau est la pointe. Le corps est très-applati ; le veutre est revêtu d'écaillés presque quarrées et assez grandes , qui y forment des demi- anneaux, ou des bandes transversales ; les écailles du dos sont aussi presque quar- rées , mais plus grandes ; celles des côtés étant relevées en carène , font paroître les flancs hérissés d'aiguillons, La queue est d'une longueur à peu près égale à celle du corps ; les écailles qui la revêtent , présentent une arête sail- lante , qui se termine en forme d'épine alongée et garnie , des deux côtés, d'uu très-petit aiguillon : ces écailles étant longues et très-relevées par le bout , for^ ment des anneaux très - sensibles , fes- tonnés, assez éloignés les uns des autres , et qui font paroître la queue comme étagée. Nous en avons compté dix-neuf sur un individu femelle dont la queue étoit entière. Les écailles des pattes sont aiguës , et relevées par une arête. Il y a cinq doigts garnis d'ongles aux pieds de devant et à ceux de derrière. D E s L E Z A R D s. S5 La couleur des écailles est bleue , et plus ou moins mêlée de cliâtain , par taches ou par bande*. M. Linné dit que le corps du cordyle n'est point hérissé ( corpore lœuigato ) .* cela ne doit s'entendre gae du dos et du rentre , qui eu effet ne le paroissent pas , lorsqu"'on les compare avec les pattes , les côtés , et sur-tout avec la queue. Le long de l'intérieur des cuisses , régnent des tubercules comme dans Tiguane , le lézard gris , le lézard verd , etc. Une variété de cette espèce a les écailles du corps beaucoup plus petites que celles des autres cordyles. 35 HISTOIRE NATURELLE L'HEXAGONE. iVl. Linné a fait connoître ce lézard, qui habite en Amérique. Ce qui forme un des caractères distiuctifs de l'hexagone , c'est que sa queue , plus longue de moitié que le corps , est comprimée de manière à. présenter six«ôtés et six arêtes très-vives. 11 est aussi fort reconnoissable par sa tête , qui paroît comme tronquée par-derrière , et dont la peau forme plusieurs rides. Les écailles dont son corps est revêtu , sont pointues et relevées en forme de carène , excepté celles du ventre ; il les redresse à volonté , et il paroît alors hérissé de pe- tites pointes ou d'aiguillons; sous sa gueule sont deux grandes écailles rondes 5 sa cou- leur tire sur le roux. Nous n'avons pas vu ce lézard , et nous pouvons seulement présumer que son ventre est couvert de bandes transversales et écailleuses. Si cela n'est point, il faudra le placer parmi les lézards de la division suivante. To om . 2 P/ 'J.Pao :\7. aL, L AMEIVA JPaufiètS' D E s L E Z A R D s. Sy L ' A M É I V A. Cj'est un des quadrupèdes ovipares dont riiisloire a été le plus obscurcie : premiè- rement, parce que ce nom û'améiua ou d'améim a été donné à des lézards d'es- pèces différentes de celle dont il s'agit ici : secondement, parce que le vrai améiva a été nommé diversement en difïéreiites contrées ; il a été appelé tantôt témapara , tantôt /û/f/ec , tantôt tamacoiin , noms qui ont été en même temps attribués à des espèces différentes de Taméiva , particu- lièrement à riguane : et troisièmement enfin , parce que cet animal-étant très- sujet à varier par ses couleurs , suivant les saisons , l'âge et le pays, divers individus de cette espèce ont été regardés comme formant autant d'espèces distinctes. Pour répandre de la clarté dans ce qui concerne cet animal , nous conservons uniquement ce nom d'awfVVa ù un lézard qui se trouve Cvifans. II. 4 33 HISTOIRE NATURELLE daus l'Ainérique tant septentrionale que méridionale , et qui a beaucoup de rap- ports avec les lézards gris et les lézards verds de nos contrées tempérées ; on peut iiiême , au premier coup d'œil , le con- fondre avec ces derniers : mais pour peu qu'on rexamine , il est aisé de Ten dis- tinguer. 11 en diffère en ce qu'il n'a point au-dessous du cou cette espèce de demi- collier , formé de grandes écailles , et qu'ont tous les lézards gris , ainsi que les lézards verds ; au contraire , la peau , revêtue de très-petites écailles, y forme un ou deux plis. Ce caractère a été fort bien saisi par M. Linné ; mais nous de- vons ajouter à cette différence celles que nous avons remarquées dans les divers individus que nous avons vus, et qui sont conservés au Cabinet du roi. La tête de l'améiva^est, en général, plus alongée et plus comprimée par les côtés ; le dessus en est plus étroit, et le museau plus pointu. Secondcmeut , la queue est ordinairement plus longue en proportion du corps. Les améivas parviennent d'ail- leurs il une taille presque a.ussi considc- D E s L É Z A R D s. 3; rablc que les lézards verds de nos pro- \inces méridionales. L'individu que nous décrivons, et q«i aétcenvoycdeCayenne par M. Léchevin , a vingt-un pouces de longueur totale , c'est-à-dire , depuis le bout du museau jusqu'à l'extrcuiitc de la queue , dont la longueur est d'un pied six lignes ; la circonférence du corps, à l'endroit le plus gros , est de quatre pouces neuf lignes ; les mâchoires sont fendues jusque derrière les yeux, garnies d'un double rang de grandes écailles , comme dans le lézard verd , et armées d'un grand nombre de dents très-fines , dont les plus petites sont placées vers le bout du mu- seau , et quL ressemblent un peu à celles de l'iguane ; le dessus de la tête est cou- vert de grandes lames, comme dans les lézards verds et dans les lézards gris. Le dessus du corps et des pattes est garni d'écaillcs à peine sensibles; mais celles qui revêtent le dessous du corps sont grandes , quarrécs , et rangées eu bandes transversales. La queue est entou- rée d'anneaux composés d'écaillés , dont la figure est celle d'un quarré long. Le 40 HISTOIRE NATURELLE dessous des cuisses présente un rang de tubercules. Les doigts, longs et séparés les uns des autres, sont garnis d'ongles assez forts. La couleur de l'amélya varie beaucoup suivant le sexe , le pays , Page , et la teml perature de l'atmosphère , ainsi que nous 1 avons dit ; mais il paroît que le fond eu est toujours verd ou grisâtre , plus ou înoms diversifié par des taches ou des raies de couleurs plus vives , et qui , étant quel- quefois arrondies de manière à le faire paroître œillé , ont fait donner le nom à'ar^us à l'améiva , ainsi qu'au lézard Terd.Peut-étreraméivaforme-t-il, comme les lézards de nos coutrées , une petite fa- mille, dans laquelle on dcvroit distinguer les gris d'avec les verds ; mais ou n'a point encore foit assez a'oJDservations pour que nous puissions ricu établir à ce sujet. . Ray et Rochefort ont parlé de lézards qu'ils ont appelés ano/is ou a^whs . qui pendant le jour sont dans un mouve- ment continuel, et se relireiit peudant la nuit dans des creux , d'où ils fout cnteudrs DESLEZARDS. 41 une strideur plus forte et plus iiisuppoi'- table que celle des cigales. Coïiiine ce nom iï'anolis ou d'anoles a été donne à plu- sieurs sortes de lézards , et que Ray ni B.ocliefort n'ont point décrit, de manière à oter toute équivoque , ceux dont ils ont fait mention , nous invitons les voyageurs à observer ces animaux, sur Tespèce des- quels on ne peut encore rien dire. Nous devons ajouter seulement que Gronovius a décrit , sous le nom (Vano/is , un lézard de Surinam , évidemment de la mêuie es- pèce que Tamélva deCayeune, dont nous Tenons de donner la description. L'améiva se trouve non seulement eu Amérique , mais encore dans Tancieu continent. J'ai vu un individu de cette espèce qui avoit été apporté des grandes Indes par M. le Cor , et dont la couleur étoit d'un très-beau verd plus ou moins mêlé de jaune. 42 HISTOIRE NATURELLE LE LION. Voici remblcme de la force applique à la foiblesse , et le nom du roi des ani- maux donné à un bien petit lézard. On peut cependant le lui conserver , parce que ce nom est aussi souvent pris pour le signe de la fierté que pour celui de la puissance. Le lézard-lion redresse presque toujours sa queue en la tournaiirt en rond. Il a Tair de la hardiesse , et c'est apparem- ment ce qui lui a fait donner par les An- glois le surnom de liofij que plusieurs naturalistes lui ont conserve. Il se trouve dans la Caroline. Son espèce ne diffère pas beaucoup de celle de notre lézard gris. Trois lignes blanches et autant de lignes noires régnent de chaque côté du dos , dont le milieu est blanchâtre ; il a deux rides sous le cou ; le dessous des cuisses est garni d'un rang de petits tubercules , comme dans l'iguane , le lézard gris , le D E s L É Z A R D s. 48 lézard vcrd , Tamciva , etc. ; la queue se tcruihie iuseiisiblcmeiit eu pointe. Le lézard -lion u'cst point dangereux; il se tient souvent dans des creux de ro- clicr , sur le bord de la mer. Ce n'est pas seulement dans la Caroline qu'on le ren- contre , uiais encore à Cuba , à Saint-Do- mingue , et dans d'autres îles voisines. Avant les jambes alongées , il est très- agile , conime le lézard gris, et court avec une très-grande vitesse ; uiais ce joli et innocent lézard n'en est pas moins la proie des grands oiseaux de mer , à la poursuite desquels la rapidité de sa course ne peut le dérober. 44 HISTOIRE NATURELLE LE GALONNE. V^E Iczard habite dans Fancieii coiiti- neut , où on le trouve aux Indes et eu Guinée ; il est aussi en Amérique, et il y a au Cal)inet du roi deux individus de cette espèce qui ont été euvojés de la Martinique. C'est avec raison que M. Linné -assure que le galonné a un grand nombre de rapports avec Tamciva : il est beau- coup moins grand ; mais les écailles qui revêtent le dessous du corps, forment également des bandes transversales dans ces deux lézards. Le dessous des cuisses est garni d'un rang de tubercules, comme dans l'iguane , le lézard gris , le lézard Tcrd , le cordj'Ie , l'aujéiva, etc. 11 a la queue menue et plus longue que le corps. Il est d'un verd plus ou moins foncé, et le long de son dos s'étendent huit raies blanchâtres , suivant M. Linné. Nous eu avous compté neuf sur les deui'iudiYUîus D E s L E Z A R D s. 45 qui sout au Cabinet du roi. Les pattes sont mouchetées de blanc. 11 paroît que ce lézard est sujet à varier par le uouibre et la disposition des raies qui régnent le long du dos. -M. d'Antic a eu la bonté de nous faire voir un petit quadrupède ovipare qui lui a été envo} é de Saint - Domingue , et qui est une va- riété du galonné. Ce lézard est d'une cou- leur très-foncée ; il a sur le dos onze raies d'un jaune blanchâtre, qui se réunissent de manière à n'en former que sept du côté de la tête , et dix vers Torigine de hi queue , sur laquelle ces raies se perdent insensiblement. Ce sont là les seules diffé- rences qui le distinguent du galonné. Sa longueur totale est de six pouces , et celle de la queue de quatre pouces une ligne. 46 HISTOIRE NATURELLE LE LÉZARD CORNU. L.E lézard , qui se trouve à Saint-Do- iiungue , a les plus grands rapports avec Tiguaiie ; il lui ressemble par la gran- deur , par les proportions du corps , des pattes et de la queue , par la forme des écailles , par celle des grandes pièces écail- leuses qui forment sur son dos et sur la partie supérieure de sa queue une crête semblable à celle de Figuane. Sa tête est conformée comme celle de ce dernier lézard; elle montre également, sur les côtés , des tubercules très-gros , très-sail- lans , et finissant en pointe*. Les dents ont leurs bords divisés en plusieurs petites pointes , comme celles des iguanes uu peu gros. Mais le lézard cornu diffère de Tiguane, en ce qu'il n'a pas sous la gorge * J'ai vu deux k'zards cornus; l'un de ces deux individus n*avcit pas de gros tubercules sur les cotés de la téic. D E s L Ê Z A R D s. 47 nue grande poche garnie d'une mem- 33rane et d'une sorte de crête écailleuse ; d'ailleurs la partie supérieure de sa tête présente , entre les narines et les yeux , quatre tubercules de nature écailleuse , assez gros et placés au-devant d'une corne osseuse , conique , et revêtue d'une écaille d'une seule pièce ^ L'amateur distingué qui a bien voulu nous donner un lézard de cette espèce ou variété, nous a assuré qu'on la trou voit en très -grand nombre a Saint-Domingue. Nous avons nommé ce lézard le cornu , jusqu'à ce que de nou- velles observations aient prouvé qu'il forme une espèce distincte , ou qu'il n'est qu'une variété de l'iguane. M. l'abbé Bon- naterre , qui nous a le premier indiqué ce lézard, se propose d'en publier la figure et la description dans V Encyclopédie mé- i/iodique ^. ' L'un des deux lézards cornus que j'ai examinés, et qui font mainteuaut partie de la collection du roi, a trois pieds sept pouces de longueur totale, et sa corne est haute de six lignes. * Si le lézard cornu forme uue espbce distincte, il faudra le placer dans la troisième division du genre des lézard:^ , à la suite de l'jyuane. ^8 HISTOIRE NATURELLE LA TÊTE-ROUGE'. Cjette espèce de lézard se trouve dans rîledeSaitit-Christop]ie,etc'cstM.Badier qui a bieu voulu nous en communiquer la description. La tête-rouge a cinq doigts à chaque pied , et le dessous du ventre garni de demi -anneaux écailleux , et par conséquent elic doit être comprise dans la troisième division du genre des lézards ^. Elle est d'un vcrd très - foncé et mêlé de Lruu; les cotés et une partie du dessus de la tête sont rouges , ainsi que les côtés du cou ; la gorge est blanche , la poitrine noire ; le dos présente plusieurs raies ^ Pilori j ittc -rouge. , ^nolis de ierre. Ce nom à*anolis a été donué en Amérique ù plusieurs lézards , ainsi que nous l'avons vu dans VHistoire naturelle des quadru* ■pèdes ovipares, 2 Voyez notre table méiliodiquc des quadrupèdes ovipares. D E s L É 7. A R D s- 49 iioîres, transversales et ondées; sur les côtés du corps s'étend une bande longitu- dinale, composée de plusieurs lignes noires transversales ; le ventre est coloré par bandes longitudinales, en uoir , eu bleu et en blanchâtre. Le dessus de la tête est couvert d'écaillcs plus grandes que celles qui garnissent le dos ; on voit sous les cuisses une rangée de petits tubercules , comme sur le lézard gris et plusieurs autres lézards. L'individu décrit l^ar M. Badicr avoit lui pouce de diamètre dans l'endroit le plus gros du corps , et un pied un pouce onze lignes de longueur totale ; la queue étoit entourée d'anneaux écailleux , et longue de sept pouces huit lignes ; les ïambes de derrière , mesurées jusqu'au premier article des doigts , av oient deux pouces une ligne de longueur. Suivant M. Badier , la tète-rouge par- vient à une grandeur trois fois plus con- sidérable. Elle se nourrit d'insectes. 5o HISTOIRE NATURELLE LE LÉZARD QUETZ-PALÉO. 1 EL est le nom queporte au Brésil cette espèce de lézard , dont M. l'abbé Nollin , directeur des pépinières du roi , a bien Toulu m'envoyer un individu. Ce qua- drupède ovipare est représenté dans Seba ( tome I , planche XCVII, fig. 4 ) , et M. Laurent en a fait mention sous le nom de cordyle du ^/e^// (page 52 ) ; mais nous -n'avons pas voulu en parler avant d'en avoir vu un individu , et d'avoir pu dé- terminer nous-mêmes s'il formoit une espèce ou une variété distincte du cor- dyle, avec lequel il a beaucoup de rap- ports , particulièrement par la conforma- tion de sa queue. Nous sommes assurés maintenant qu'il appartient à une espèce très-diiierente de celle du cordyle; il n'a point le dos garni d'écaiiles grandes et quarrées comme le cordvle , ni le ventre couvert de deini- anneaux écaiJleux : il DES LEZARDS. 5î doit donc être conipiis dans la quatrième division des lézards , tajidis que rcspcce du cordyle fait partie de la troisième. Sa tête est applatie par-dessus, comprimét^ par les côtés, d'une forme un peu trian- gulaire, et revêtue de petites écailles*: celles du dos et du dessus des jambes sont encore plus petites ; et comme elles sont placées à côté les unes des autres , elles font paroîtrc la peau chagrinée. Le ventre et le dessous des pattes présentent des écailles un peu plus grandes , mais pla- cées de la même manière , et assez dures. "Plus de quinze tubercules percés à leur ex- trémité garnissent le dessous des cuisses ; d'autres tubercules , plus élevés , très- forts , très -pointus et de grandeur très- inégale, sont répandus sur la face exté- rieure des jambes de derrière : on en voit aussi quelques uns très-durs , mais moins hauts , le long des reins de Tanimal , et sur les jambes de devant auprès des pieds. * Les dénis du queiz-palco sont plus pcliles à mesure qu'elles sont plus près du mu«ean. J'en ai compté plus de trente ù chaque maclioire. Elles sont assez serrées. 52 HISTOIKE NATURELLE La queue de ce lézard est revêtue de très - grandes écailles , relevées par une arête , très-poinlues , très-piqviantes , et dispo>ées en anneaux larges et très- dis- tincts les uns des autres. Cette forme , qui lui est commune avec le cordyle , Jointe à celle des écailles tjui revêtent le dessus et le dessous de sou corps , suffisent pour le faire distinguer d'avec les autres lézards déjà connus. L'individu que M. Tabbé Nollin m'a fait parvenir , avoit plus d'un pied cinq pouces de longueur totale , et sa queue éloit longue de plus de liuit pouces. Le dessus de son corps étoit gris , le dessous blanchâtre , et la queue d'un brun très-foucé. To.'n . 2 r/3. Paa ô3 /LE CAMELEON, ^ LE MABOUYA. Jpa.ci.ft S D E s L E Z A R D s. 55 QUATRIÈME DIVISION. LÉZARDS Qui ont cinq doigts aux pieds de de- vaut y sans bandes transi^ersales sous le corps. LE CAMÉLÉON*. J-iE nom du caméléon est fameux. On. remploie métaphoriquement , depuis long-temps , pour désigner la vile flat- terie. Peu de gens savent cependant que le caméléon est un lézard ; et moins de personnes eucore connoisscnt \ç^^ traits qu'il présente et les qualités qui le dis- * Chamœleo y en latin; taiiah ou houiah j eu Barbarie, suivaui M. Sliavv. 54 HISTOIRE NATURELLE tingiient. Ou a dit que le caméléon clian- geoit souvent de foiiue , qu'il n'avoit point de couleur en propre , qu'il prcnoit celle de tous les objets dont il approchoit , qu'il en étoit par-là une sorte de miroir lidèle , qu'il ne se nourrissoit que d'air. Les anciens se sont plus à le répéter ; ils ont cru voir dans cet être qui n'étoit pas le caméléon , mais un animal fantas- tique produit et embelli par l'erreur , une image assez ressemblante de plu- sieurs de ceux qui fréquentent les cours : ils s'en sont servis comme d'un objet de comparaison pour peindre ces bommes bas et rampans qui , n'ayant jamais d'avis à eux, sachant se plier à toutes les formes, embrasser toutes les opinions , ne se re- paissent que de fumée et de vains projets. Les poètes sur- tout se sont emparés de toutes les images fournies par des rap- ports qui , n'ayant rien de réel , pou- voi.ent être aisément étendus : ils ont paré des charmes d'une imagination vive les ^ diverses comparaisons tirées d'un animal qu'ils ont regardé comme faisant par crainte ce que l'on dit que tant de DES LÉZARDS. 55 courtisans fout par goût. Ces images agréables ont été copiées , multipliées , animées par les beaux géuics des siècles les plus éclairés. Aucun animal ne réunit, sans cloute , les propriétés imaginaires auxquelles nous devons tant d'idées riantes ; mais une fiction spirituelle ne peut qu'ajouter au charme des ouvrages où sont répandues ces peintures gra- cieuses. Le caméléon des poètes n'a point existé pour la Nature ; mais il pourra exister à jamais pour le génie et pour limagination. Lorsque cependant nous aurons écarté les qualités fabuleusesattribuées au camé- léon , et lorsque nous Taurons peint tel qu'il est , on devra le regarder encore comme un des animaux les plus intéres- sans aux yeux des naturalistes , par la singulière conformation de ses diverses parties, par les habitudes remarquables qui en dépendent , et même par des propriétés qui ne sont pas très-difié- rcntcs de celles qu'on lui a faussement attribuées '^. * On peut voir dans Pline les venus clnnic'ricjues 56 HISTOIRE NATURELLE On trouve des cauiclcous de plusieurs tailles assez dilléreutes les unes des autres. Les plus grands n'ont guère plus de qua- torze pouces de longueur totale. L'indi- vidu que nous avons décrit , et qui est conserve avec beaucoup d'autres au Ca- binet du roi , a un pied deux pouces trois lignes , depuis le bout du museau jus- qu'à rextréniité de la queue , dont la lon- gueur est de sept pouces. Celle des pattes , y compris les doigts , est de trois pouces. La tête , applatie par-dessus , l'est aussi parles côtés : deux arêtes élevées partent du museau , passent presque immédiate- ment au-dessus des yeux , en suivent à peu près la courbure, et vont se réunir en pointe derrière la tcte ; elles y ren- contrent une troisième saillie qui part du sommet de la tête , et deux autres qui viennent des coins de la gueule ; elles forment, toutes cinq ensemble , une sorte de capuchon , ou , pour mieux dire, de pyramide ù cinq faces , dont la pointe est que les anciens attribuoient au caméléon. On troii- verj aussi dans Gesncr ions les conies ridicules qu'ils ont publics au sujet de cet animal. D E s L É Z A R D s. ^7 tournée eu arrière. Le cou est très-courl* Le dessous de la tête et la gorge sont comme gon liés, et représentent une espèce de poche , mais moins grande de beau- coup que celle de Tiguane. La peau du caméléon est parsemée de petites cminenccs connue le chagrin: elles sont très-lisses , plus marquées sur la tête, et environnées de grains presque imperceptibles. Un rang de petites pointes coniques règne en forme de dentelure sur les saillies de la tête , sur le dos , sur une partie de la queue et au-dessous du corps , depuis le museau jusqu'à l'anus. Sur le bout du museau , qui est un peu arrondi, sont placées les narines, qui doi- vent servir beaucoup à la respiration do l'animal ; car il a souvent la bouche fer- mée si exactement, qu'on a peine à dis- tinguer la séparation des deux lèvres. Le cerveau est très-petit et n'a qu'une ligne ou deux de diamètre. La tête du caméléon ne présente aucune ouverture particulière pour les oreilles , et IMM. de l'académie des sciences , qui disséquèrent cet animal , crurent qu'il étoit ^irivé de l'organe de / 53 HISTOIRE NATURELLE rouïe , qu'ils n'apperçurent point dans ce lézard , mais que M. Camper vient d'y découvrir. C'est une nouvelle preuve de la foiblesse de rouïe dans les quadru- pèdes ovipares , et vraisemblablement c'est une des causes qui concourent à produire l'espèce de stupidité que Ton a attribuée au caméléon. Les deux mâchoires sont composées d'un os dentelé qui tient lieu de véri- ' tables dents "*". Presque tout est particulier dans le caméléon : les lèvres sont fendues même au-delà des mâchoires , où leur ouverture se prolonge en bas : les yeux sont gros et très-saillans ; et ce qui les distingue de ceux des autres quadru- pèdes , c'est qu'au lieu d'une paupière qui puisse être levée et baissée à volonté , ils sont recouverts par une membrane chagrinée , attachée à l'œil-, et qui eu suit tous les mouvemens. Cette mem- * Nous nous sommes assurés de Texisience de cet os deuielé, par l'inspeciioa des sqùelcLtcs de caméléon que l'ou a au Cabiuct du roi. Prospec Alpiu a nié , eu quelque i.orle, l'existeuce de tel us. D E s L É Z A R D s. 69 braiic est divisée par une fente horizon- tale , au travers de laquelle ou appercoit une prunelle vive , brillante, et couiuie hordée de couleur d'or. Les lézards , et tous les quadrupèdes ovipares eu général , ont les 3-cux très- bons. Le sens de la vue , ainsi que nous l'avons dit , paroît être le premier de tous dans ces animaux , de uième que dans les oiseaux. Mais les caméléons doivent jouir par excellence de cette vue exquise : il semble que leur sens de la vue est si fin et si délicat , que sans la membrane qui revêt leurs yeux , ils se- roient vivement offensés par la lumière éclatante qui brille dans les climats qu'ils liabitcnt. Cette précaution qu'on diroit que la Nature a prise pour eux , ressem- ble à celle des Lappons et d'autres babi- tans du Nord , qui portent au-devant de leurs yeux une petite planche de sapin fendue , pour se garantir de l'éclat éblouissant de la lumière fortement réflé- chie par les neiges de levirs campagnes : ou plutôt ce n'est point pour conserver la linesse de leur vue , qu'il leur a été 6o HISTOIRE NATURELLE donné des membranes; mais c'est parce qu'ils ont reçu ces membranes préserva- trices , que leurs yeux, moins usés, moins vivement ébranlés , doivent avoir une force plus grande et plus durable. Non seulement le caméléon a les yeux enveloppés d'une manière qui lui est par- ticulière , mais ils sont mobiles indépen- damment Tun de l'autre : quelquefois il les tourne ,de manière que l'un regarde eu arrière, et l'autre en avant ; ou bien de l'un il voit les objets placés au-dessus de lui , tandis que de l'autre il àppercoit ceux qui sont situés au-dessous. II peut par-là considérer à la fois un plus grand espace ; et , sans cette propriété singu- lière , il seroit presque privé de la vue malgré la bonté de ses yeux , sa pru- nelle pouvant uniquement admettre les rayons lumineux qui passent par la fente très-courte et très-étroite que présente la membrane chagrinée. Le caméléon est donc unique dans sou ordre , par plusieurs caractères très- remarquables : mais ceux dont nous ve- nons de parler , ne sont pas les seuls qu'il D E s L É Z A R D s. 6r présente ; sa laugue , dont on a comparé la forme à celle d'un ver de terre , est ronde , longue communément de cinq ou six pouces , terminée par une sorte de gros nœud , creuse , attachée à une espèce de stylet cartilagineux qui entre dans sa cavité et sur lequel Tanimal peui la retirer , et enduite d'une sorte de Ternis visqueux qui sert au caméléon à retenir les mouches , les scarabées , les sauterelles , les fourmis et les autres in- sectes dont il se nourrit , et qui ne peu- vent lui échapper , tant il la darde et la retire avec vitesse. Le caméléon est plus élevé sur ses jam- l)cs que le plus grand nombre des lézards ; il a moins Tair de ramper lorsqu'il mar- che : Aristotc et Pline l'avoient remarqué. Ha, à chaque pied , cinq doigts très- longs, presque égaux, et garnis d'ongles forts et crochus; mais la peau des jambes s'étend jusqu'au bout des doigts , et les réunit d'une manière qui est encore par- ticulière à ce lézard, JSon seulement cette peau attache les doigts les uns aux autres, uuiis elle les enveloppe , et en forme 6 62 HISTOIRE NATURELLE coninie deus paquets , Tun de trois doigts, et Tautre de deux ; et il y a cette différeuce ^ entre les pieds de devant et ceux de derrière , que , dans les premiers , le paquet extérieur est celui qui lie con- tient que deux doigts , tandis que c'est Topposé dans les pieds de derrière *. Nous avons vu , à Tarticle de la dra- gonne, combien une membrane de moins entre les doigts influoit sur les mœurs de ce lézard , et , en lui donnant la fa- cilité de grimper sur les arbres , reu- doit ses habitudes différentes de celles du crocodile, qui a les pieds palmés. Nous avons observé en général , qu'un léger changement dans la conformation des pieds devroit produire de très- grandes dissemblances entre les mœur^» des divers quadrupèdes. Si Ton considère , d'après cela , les pieds du caméléon réunis d'une * Quelques auteurs ont écrit qu'il y avoit des espèces de cainéJcous dont les cibq doigts de chaque pied étoient séparés les uns des autres. Ils auront certaineraeut pris pour des caméléons d'autres lé- zards, et, par exeiuple, des tapayes y dont la téie ressemble eu effet uu peu à celle du caméléon. D E s L E Z A R D s. 63 inaiiière parllciilicrc , recouverts par umi coutiiiiialioii de la peau des jambes , et divisés eu deux paquets , où les doigts sout rapproches et collés , pour ainsi dire , les uns contre les avitres , on ne sera pas étonne de rcxtrêine difiéréncc qu'il y a entre les habitudes naturelles tote et de PU ne. La ponte de cet animal est de neuf à douze œufs : nous en avons compté dix dans le ventre d'une femelle envoyée du Mexique au Cabinet du roi. Us sont ovales, revêtus d'une membrane mollasse comme ceux des tortues marines, des iguanes, etc. Ils ont à peu près sept ou huit li-nesdans leur plus grand diamètre. Lorsqu'on transporte le caméléon en 76 HISTOIRE NATURELLE vie dans les pays un peu froids , il refuse presque toute nourriture ; il se tient im- mobile sur une branche , tournant seu- lement les yeux de teuips eu temps , et il périt bientôt. On trouve le caméléon dans tous les climats chauds, tant de Tancien que du nouveau continent , au Mexique , en Afrique, au cap de Bonne -Espérance, dans rilc de Ceylan , dans celle d'Am- bolue , etc. La destinée de cet animal paroît avoir été d'intéresser de toutes les manières. Objet , dans les pays ancien- nement policés, de contes ridicules , de fables agréables , de superstitions ab- surdes et burlesques , il jouit de beau- coup de vénération sur le bord du Séné- gal et de la Gajnbie. La religion des nègres du cap de Monté leur défend de tner les caméléons , et les oblige à les secourir lorsque ces petits animaux, trcmblans le long des rochers dont ils cherchent à descendre , s'attachent avec peine par leurs ongles , se retiennent avec leur queue, et s'épuisent, pour ainsi dire, çiivî^ins efforts : mais quand ces animaux DES LÉZARDS. 77 sont morts, ces incmcs iicgrcs font sécher leur chair et la mangent. Il y a au Cabinet du roi deux caméléons , l'un du Sénégal , et Taulre du cap de Bonne-Espérance, qui n'ont pas sur le derrière de la tcte cette élévation trian- gulaire , cette sorte de casque qui dis- tingue non seulement les caméléons d'E- gypte et des grandes Indes , mais encore ceux du Mexique. Les caméléons diffèrent aussi quelquefois les uns des autres par le plus ou le moins de prolongation de la petite dentelure qui s'étend le long du dos et du dessous du corps. On a , d'après cela, voulu séparer les uns des autres, comme autant d'espèces distinctes , les caméléons d'Egypte , ceux d'Arabie , ceux du iMexique , ceux de Ceylan , ceux du cap de Bonne-Espérance , etc. ; mais ces légères différences, qui ne changent rien aux caractères d'après lesquels il est aisé de'reconnoître les caméléons , non plus qu'à leurs habitudes, ne doivent pas nous empêcher de regarder l'espèce du camé- léon comme la même dans les diverses coûtrées qu'il fréqueutCj quoiqu'elle soit; l 7S HISTOIHE NATURELLE quelquefois uu peu altcréc par riiiflueiîco du clhuat , ou par d'autres circoustauces, et qu'elle se montre avec quelque variété dans sa forme ou dans sa grandeur , sui- Tant Tàge et le sexe des individus. M. Parsons a donné , dans les TransaC' lions philosophiques , la figure et la des- cription d'un caméléon qui avoit été ap- porté à un de ses amis , parmi d'autres objets d'histoire naturelle , et dont il ignoroit le pays natal. Cet animal ne dif- féroit , d'une manière remarquable , des autres caméléons , tant de l'ancien que du nouveau monde ^ que par la forme du casque que nous avons décrit. Cette partie saillante ne s'étendoit pas seule- ment sur le derrière de la tète dans le caméléon de M. Parsons , mais elle se di- Tisoit par -devant en deux protubérances crénelées qui s'élevoient obliquement et s'avancoient jusqu'au-dessus des narines. Ce ne sera qu'après de nouvelles observa- tions sur des individus semblables , que l'on pourra déterminer si le caméléon très-bien décrit par M. Parsons apparte- lïoit à une race constante , ou ne tormoit qu'une varie te individuelle. D E s L É Z A R D s. 71J LA QUEUE-BLEUE. -Lia queue-bleue habite pilucipalemcuc la Caroline. Ce lézard se retire souvent clans les creux des arbres. Il n'a qu'envi- ron six pouces de longueur. Il est brun ; son dos présente cinq raies jaunâtres et longitudinales ; et ce qui sert sur -tout à le distinguer , c'est la couleur bleue de sa queue menue et couununément plus longue que le corps. Catesby dit que plu- sieurs liabitans de la Caroline prétendent qu'il est venimeux; mais il assure n'avoir été témoin d'aucun fait qui pût le prou- ver. On devroit peut-être rapporter à cette espèce un lézard du Brésil dont Ray parle d'après Marcgrave , et qui se nomme ame- ticima. Suivant la description que Ray en donne, il est long de deux pouces ; son dos est couvert d'écaillés gris cendré • \ 8o HISTOIRE NATURELLE sa tcte , ses côtes , ses cuisses , le sont d'ccailles jaunes ; et sa queue l'est d'é- cailles bleues. Les Brasiliens le regardent comme venimeux. DES LEZARDS. 8t L'AZURE. j-i' \ z u R É se trouve eu Afrique ; ses écailles pointues le fout paroître hérissé de petits piquans. Un caractère d'après lequel il est aisé de le recouuotlre , et qui lui a fait donner le nom qu'il porte , est la couleur bleue dont le dessus de ik)n corps est peint, et qui forme une espèce do manteau azuré. Sa queue est courte. 83 HISTOIRE NATURELLE LE G R I S O N. JLl est aisé de distinguer ce lézard , qui se trouve daus les contrées orientales , par des verrues qui sont distribuées , sans aucun ordre , sur sou corps , par sa cou- leur grise tachetée de roussâtre , et par sa queue à peine plus longue que le corps , et que des bandes disposées avec une sorte d'irrégularité rendent inégale- ment étagée. DESLEZARDS. 83 L ' U M B R E. Xj * r M B R E , qui se trouve dans plusieurs contrées chaudes de TAuiérique , a la tête très-arrondie ; Tocciput est chargé d'une callosité assez grande et dénuée d'écaillés ; la peau qui est sur la gorge forme un pli profond. La couleur du corps est nébuleuse. Les écailles étant relevées en arête , et leur sommet étant aigu , le dos paroît strié. La queue est ordinaire- ment plus longue que le corps. 84 HISTOIRE NATURELLE LE PLISSE. XJE plissé a Tocciput calleux comme Tuiiibre ; mais la peavi qui est sur la gorge forme deux, plis au lieu d'uu. 11 diffère encore de Tumbre par plusieurs traits : des écailles coniques font paroître sa peau chagrinée ; le dessus des yeux est comme à demi crénelé ; derrière les oreilles sont deux verrues garnies de pointes ; sur la partie antérieure du dos règne une petite dentelure formée par des écailles plus grandes que les voisines , et qui lie le plissé avec le galéotc et l'agame; une ride élevée s'étend de chaque côlé du cou jus- que sur les pattes de devant , et se replie sur le niilicu du dos ; les doigts sont alon- gés , garnis d'ongles applatis , et couverts par-dessous d'écaillcs aiguës ; la queue est ronde , et ordinairement plus longue que le corps. Le plissé se trouve dans Icj* ludcs. DES LÉZARDS.^ 05 C'est à ce lézard qu'il paroît qu'on doit rapporter celui que iNI. Pallas a nommé hélloscope dans le supplément latin de son Voyage en différentes parties de l'empire de Russie. 11 habite les provinces les moins froides de ce vaste empire ; on le trouve communément sur les collines dont la température est la plus chaude , exposé aux rayons du soleil , la tête élevée , et souvent tournée vers cet astre. Sa course €st très-rapide. «6 HISTOIRE NATURELLE L ' A L G I R E. J.L n'est souveut que de la loilgueur du doigt ; les écailles du dos , relevées en 4 carène , le font paroître un peu hérissé. Sa queue diminue de grosseur jusqu'à l'extrémité , qui se termine en pointe. Il est jaune sous le corps , et d'une couleur plus sombre sur le dos, le long duquel s'étendent quatre raies jaunes. 11 n'a point sous le ventre de bandes transversales. L'espèce de l'algire n'est pas réduite à ses petites dimensions par défaut de cha- leur , puisque c'est dans la Mauritanie et dans la Barbarie qu'il habite. C'est de ces contrées de l'Afrique qu'il fut envoyé par M. Brander à M. Linné , qui l'a fait con- noître ; et l'on ne peut pas dire que les côtes septentrionales de l'Afrique étant 3)lus échau liées qu'humides , l'ardente sé- cheresse des contrées où l'on trouve l'al- gire , influe sur son volume, et qu'il n'a B E s L E Z A 11 D s. 87 une très - petite taille que parce qu'il manque de cette humidité si nécessaire à plusieurs quadrupèdes ovipares, puisque Toii conserve au Cabinet du roi un algire enlièreuient semblable aux lézards de son espèce , et qui cependant a été envoyé de la [.ouisiaue , où riiumidité est aussi grande que la chaleur est vive. M. Shavv a écrit que Ton trouve très- fréquemment eu Barbarie , sur les haies et dans les grands chemins , un lézard nommé zennoumêah. 11 n'indique point la grandeur de cet animal : il dit seule- ment que sa queue est longue et menue, que le fond de sa couleur est d'un bruu clair, qu'il est rayé d'un boutàFautre, et qu'il présente particulièrement trois ou quatre raies jaunes. Peut-être ce lézard est- il un algire. Au reste , il paroi t que l'algire se trouve aussi dans les contrées méridionales de l'empire de Russie , et que Ton doit regar- der comme une variété de ce lézard, celui que M.Pallas a nommé lézard ensanglanté ou couleur de sang , qui ressemble presque eu tout ù l'algire , et qui a quatre raie* 88 HISTOIRE NATURELLE blauches sur le dos , mais dont la queue; cendrée par-dessus et blanchâtre à Fex- trémité , est par-dessous d'uu rouge d'é~ carlate. D E s L É Z A R D s. 89 LE STELLION XiA queue de ce lézard est communé- ment assez courte, et diminue de gros- seur jusqu à l'extrémité. Les écailles qui la couvrent sont aiguës et disposées par anneaux ; d'autres écailles petites et pointues revêtent le dessus et le dessous du corps , qui d'ailleurs est garni , ainsi que la tête , de tubercules aigus ou de piquans plus ou moins grands. Bien loin d'avoir une forme agréable , le stellion ressemble un peu au crapaud , sur-tout par la tête , de même que le tapaye , avec lequel il a beaucoup de rapports , et dont quelques auteurs lui ont donné les divers 310ms. Mais si ses proportions déplaisent , ses couleurs charment ordinairement la .vue ; il présente le plus souvent un doux * Sleïlione larentole , en plusieurs endroits (Tlialie; pistilloni, eu plusieurs autres endroits du même pays 5 tapajaxin , eu Afnq^ue. Qo HISTOIRE NATURELLE mélange de blanc , de noir , de gris , et quelquefois de vcrd ^ dont il est conint^ ^ marbre. Il habite l'Afrique , et il n'y est pas con- finé dans les régions les plus chaudes, puisqu'il est également au cap de Bonne- Espérance et en Egypte*. On le rencontre aussi dans les contrées orientales et dans les îles de l'Archipel, ainsi qu'eu Judée et en Syrie, où il paroi t , d'après Belon , qu'il devient très-grand. M. François Cetti dit qu'il est assez commun en Sardaigne, et qu'il y habite dans les maisons : on l'y nomme tarentole, ainsi que dans plusieurs provinces d'Italie ; et c'est une nouvelle preuve de l'emploi qu'on a fait pour plu- sieurs espèces de lézards , de ce nom de tarentole, donné , ainsi que nous l'avons dit, à une variété du lézard verd. Mais c'est sur-tout aux environs du Nil que les stellions sont eu grand nombre. On en trouve beaucoup autour des pyramides et des anciens tombeaux qui subsistent encore sur l'antique terre d'Egypte. Ils * L'iiidiviclu fjue nous avons déciit a été ap- •porié d'i'gjpie au Cabinet du roi. : D E s L E Z A R D s. gt s'y logent dans les intervalles que laissent les difl'éreus lits de pierre , et ils 8"*^ nonr- risseut de mouches et d'inseetes ailés. On diroit que ces pyramides , ces éter- nels monuuieus de la puissance et de la Tanité humaines , ont été destinées à présenter des objets extraordinaires en plus d'un genre. C'est en eflet dans ces vastes mausolées qu'on va recueillir avec soin les cxcrémens du petit lézard dont nous traitons dans cet article. Les anciens, qui en faisoient usage , ainsi que les Orientaux modernes, leur doiinoient le nom de crocodilea , apparemment parce qu'ils pensoient qu'ils venoient du croco- dile ; et peut-être ces excrémens n'au- roicnt-ils pas été aussi recherchés, si l'on avoit su que l'animal qui les produit n'é- toit ni le plus grand ni le plus petit dCvS lézards : tant il est vrai que les extrêmes en imposent presque toujours à ceux dont les regards ne peuvent pas embrasser la chaîne entière des objets. Les modernes , mieux instruits , ont rapporté ces excrémens au stellioii , à uu lézard qui n'a rien de très-remarquable ; 92 HISTOIRE NATURELLE mais déjà le sort de cette juatière abjecte étoit décidé, et sa valeur vraie ou fausse étoit établie. Les Turcs en ont fait une grande consommation ; ils s'en fardoient le visage ; et il faut que les stellions aient été bien nombreux en Egypte , puisque pendant long-temps on trouvoit presque par-tout , et en très - grande abondance , cette matière , que Ton nommoit stcrcus lacerîi ainsi que crocodilea. To//i ■ -2 . rr4.rui/o:\. LE se IN QUE il 'iur/'J' DES LÉZARDS. 93 LE SCINQUE*. V^E lézard est fameux depuis long -teiupç par la vertu remarquable qu'on lui a attribuée. On a prétendu que , pris inté- rieurement , il pouvoit ranimer des forces éteintes, et rallumer les feux de Tamour malgré les glaces de l'àgc et les suites fu- nestes des excès : aussi lui a-t-on déclaré en plusieurs endroits et lui fait-on encore une guerre cruelle. Les paysans d'Eg\ pte prennent un grand nombre de scinques, qu'ils portent au Caire et à xA.lexandrie , d'où on les répand dans différentes con- trées de l'Asie. Lorsqu'ils viennent d'être tués , on en tire une sorte de jus dont on se sert dans les maladies ; et quand ils ont été desséchés , on les réduit en poudre , qu'on emploie dans les mêmes vues que les sucs de leur chair. Ce n'est pas seule- * Scincus , en lado. 94 HISTOIRE NATURELLE ment en Asie , mais même en Europe ,' qu'on a eu recours à ces moyens désavoués par la Nature, de suppléer par des ap- parences trompeuses à des forces qu'elle refuse , de hâter le dépérissement plutôt que de le retarder , et de remplacer par des jouissances vaines , des plaisirs qui ne valent que par un sentiment que tous les secours d'un art mensonger ne peuvent faire naître *. Il n'est pas surprenant que ceux qui n'ont vu le scinque que de loin , et qui Tont apperçu sur le bord des eaux , l'aient pris pour un poisson ; il en a un peu l'ap- parence par sa tète , qui semble tenir im- médiatement au corps, et par ses écailles assez grandes , lisses , d'une forme s-em- blablc , tant au-dessus qu'au-dessous du corps , et qui se recouvrent comme les ardoises sur les toits. La mûcboirc de des- sus est plus avancée que celle de des- * Hasselqiiist dit que l'on apporte ]es scinques de I Egvple supérieure et de l'Aiabic à Alexandrie, d'où on les envoie à Venise et à Marseille, et de li dans les difFcreris endroits de l'Europe. D E s L E Z A R D s. 95 sous ; la queue est courte et comprimée par le bout. La couleur du scinque est d'un roux plus ou moins fonce , blanchâtre sous le corps , et traversée sur le dos par des bandes brunes. Mais il en est de ce lézard comme de tous les autres animaux dont la couverture est trop f'oible ou trop mince pour ne point participer aux ditiérentes altérations que Tintéricur de Tanimal éprouve. Les couleurs du scinque se ter- ]iissent et blanchissent lorsqu'il est mort ; et dans Tétat de dessiccation et d'une sorte de salaison où on l'apporte en Europe , il paroi t d'un jaune blanchâtre et comme argenté. Au reste , les couleurs de ce lé- zard , ainsi que celles du plus grand nombre des animaux , sont toujours plus vives dans les pays chauds que dans les pays tempérés: et leur éclat ne doit-il pas augmenter en effet avec l'abondance de la lumière, la vraie et l'unique source pre- mière de toutes sortes de couleurs ? M. Linné a écrit que les scinques n'a- voient point d'ongles. Tous les individus que nous avons examinés paroissoieut eu 96 HISTOIRE NATURELLE avoir ; mais comme ces animaux étoieut desscchés , nous ne pouvons rien assurer à ce sujet. Au reste , notre présomptiou se trouve confirmée par celle d'un bon observateur , M. François Cetti. On trouve le scinque dans presque toutes les contrées de l'Afrique, en Egypte, eu Arabie, en Libye, où on dit qu'il est plus grand qu'ailleurs , dans les Indes , et peut- être même dans la plupart des pays très- chauds de l'Europe. Non seulement son. habitation de choix doit être déterminée par la chaleur du climat , mais encore par l'abondance des plantes aromatiques dont on dit qu'il se nourrit. C'est peut- être à cet aliment plus exalté , et par- conséquent plus actif, qu'il doit cette vertu stimulante qu'on auroit pu sans doute employer pour soulager quelques maux * , mais dont il ne falloit pas se ser- vir pour dégrader le noble feu que la Nature fait naître, en s'cllorcant en vain * Pline dit que le sciuque a éié regardé comme un remède contre les blessures fiaites par Azî> flèches cmpoisouuées. DESLEZAUDS. 97 de le rallumer lorsqu'une passion impru- dente Ta éteint pour toujours. Le seinque vit dans Teau , ainsi qu'à terre. On l'a cependant appelé crocodile terrestre , et certainement c'est un crand abus des dénominalions que l'application du nom de cet énorme animal à un petit lézard qui n'a que sept ou huit pouces de longueur. Aussi Prosper Alpin pense-t-il que le seinque des modernes n'est pas le lézard désigné sous le nom de crocodile terrestre par les anciens, particulièrement par Hérodote , Pausanias , Dioscoride , et célébré pour ses vertus actives et sti- mulantes : il croit qu'ils avoient en vue un plus grand lézard , que l'on trouve , ajoute-t-il , au-dessus de Memphis, dans des lieux secs , et dont il donne la figure. Mais cette figure ni le texte n'indiquant point de caractère très-précis , nous ne pouvons rien déterminer au sujet de ce lézard mentionné par Alpin. Au reste, la forme et la brièveté de sa queue em- péclicnt qu'on ne le regarde comme de la même espèce que la dragonne , ou lo tupinambis , ou l'iguane. <)8 HISTOIRE NATURELLE LE M A B O U Y A. i .1 IV. lézard dont il est ici question a une très-grande ressemblance avec le scinque ; il n'en diffère bien sensiblement à Texté- rieur que parce que ses pattes sont plus courtes en proportion du corps, et parce que sa mâchoire supérieure ne recouvre pas la mâclioire inférieure comme celle du scinque. U n'est point le seul quadru- pède ovipare auquel le nom de mabouyà ait été donné : les voyageurs ont appelé de même un assez grand lézard , dont nous parlerons sous le nom de doré, et qui a aussi beaucoup de ressemblance avec le scinque , mais qui est distingué de notre mabouya en ce que sa queue est plus longue que le corps , tandis qu'elle est beaucoup plus courte dans le lézard dont nous traitons. Le mabouya paroît être d'ailleurs plus petit que le doré. Leurs habitudes diffèrent D E s L É Z A R D s. 99 u beaucoup d'çgards ; et couinie ils ha- ])itciit dans le nicuic pays , on ne peut pas les regarder couiiue deux variétés dé- pciidautcs du cliuiat : nous les considére- rojisdonc comme deux espèces distinctes, jusqu'il ce que de nouvelles observations délruiscut notre opinion à ce sujet. Ce noui de mabouya , tiré de la langue des sauvages de l'Amérique septentrionale, dé>ignc tout objet qui inspire du dégoût ou de l'horreur; et à moins qu'il ne soit relatif aux habitudes du lézard dont il est ici question , ainsi qu'à celles du doré , il ne nous paroît pas devoir convenir à ces animaux , leur conformation ne pré- sentant rien qui doive rappeler des images très-désagréables. Nous l'adoptons cepen- dant , parce que sa vraie signification peut être regardée comme nulle, peu de gens sachant la langue des sauvages d'où il a été tiré , et parce qu'il faut éviter avec soin dejtnultiplier sans nécessité les noms donnés aux animaux. Nous le conservons de préférence au lézard dont nous par- lons , parce qu'il n'en a jamais reçu d'autre , et que le grand mabouya a été 100 HISTOIHE NATURELLE nommé le o'o/eparM.Liunc et par d'autres naturalistes. La tête du mabouya paroît tenir immé- diatemeut au corps, dont la grosseur di- minue insensiblement du côté de la tête et de celui de la queue. 11 est tout couvert par-dessus et par-dessous d'écaillés rbom- boïdales , semblables à celles des pois- sons : le fond de leur couleur est d'un jaune doré ; plusieurs de celles qui gar- nissent le dos sont quelquefois d'uue cou- leur très-foncée, avec une petite ligne blanche au milieu. Des écailles noirâtres forment de chaque côté du corps une bande longitudinale ; la couleur du fond s'éclaircit le long du côté intérieur de ces deux bandes , et on y voit régner deux autres bandes presque blanches. Au reste, la couleur de ces écailles varie suivant l'habitation des mabouyas : ceux qui de- meurent au milieu des bois pourris , dans les endroits marécageux, aijisi que dans les vallées profondes et ombragées, où les rayons du soleil ne peuvent point parve- nir, sont presque noirs; et peut-être leurs couleurs justilicnt-cllcs alors, jusqu'à ua DES L È Z A E D S. ïoi certain point, ce qu'on a dit dclcur aspect, que Ton u voulu trouver liideux. Leurs écailles paroissent enduites dliuile, ou d'une sorte de vernis. Le museau des inabouyas est obtus; les ouvertures des oreilles sont assez grandes ; les ongles crochus ; la queue est grosse , énioussce , et très-courte. L'individu con- servé au Cabinet du roi a huit pouces de long. Les inabouyas décrits par Sloane étoient beaucoup plus petits , parce qu'ils ii'avoient pas encore atteint leur entier développement. Les mabouyas grimpent sur les arbres , ainsi que sur le faîte et les chevrons des cases des Nègres et des Indiens : mais ils se logent communément dans les crevasses des vieux bois pourris ; ce n'est ordinairement que pendant la chaleur qu'ils en sortent. Lorsque le temps me- nace de la pluie , on les entend faire beau- coup de bruit , et ou les voit même quel- quefois quitter leurs habitations. Sloane pense que Thumidité qui règne dans l'air, aux approches de la pluie, gonfle les bois, et en diminue par conséquent les inter- 102 HISTOIRE NATURELLE vallcs au point d'incommoder les ma- houyas, et de les obliger à sortir. Indc- pcndammeut de cette raison , que rien ne force à rejeter , ne pourroit-ou pas dire que ces animaux sont naturelleuîcnt sensibles à llinniidité ou à la sécheresse , de même que les grenouilles , avec les- quelles la plupart des lézards ont de grands rapports , et que ce sont les im- pressions que les inabouyas reçoivent de l'état de ratmosphère , qu'ils expriment par leurs mouvemens et par le bruit qu'ils font ? Les Américains les croient venimeux, ainsi que le doi'é , avec lequel il doit cire aisé , au premier coupad'œil , de les confondre; mais cependant Sloane et Brovsn disent qu'ils n'ont jamais pu avoir une preuve certaine de rexistence de leur venin. 11 arrive seulement quel- quefois qu'ils se Jettent avec hardiesse sur ceux qui les irritent, et qu'ils s'y atta- chent assez fortement pour qu'on ait de ^a peine à s'en débarrasser. C'est principalement aux Antilles qu'on les rencontre. Lorsqu'ils sont trcs-petiN» , ils dcvicmient quelc|uefgis lu proie d'aul- DES LÉZARDS. to3 maux qui ne paioissciit pas au premier coup d'œil devoir être bien dangereux: pour eux. Sloane prétend en avoir vu un à demi dévoré par une de ces grosses araignées qui sont si communes dans les contrées chaudes de l'Amérique. On trouve aussi le mabouya dans TancicTi monde : il est très-commun dans rîle de Sardaigne , où il a été observé par M. Fran- çois Cetti , qui ne l'a désigné que par les noms sardes de tUigi/gu et tiiingnni. Ce naturaliste a fort bien saisi ses traits de ressemblance et de diflerence avec le scinque ; et comme il ne connoissoit point le mabouya d'Amérique mentionné dans Sloane, Rocbefort et du Tertre , et qui est entièrement semblable au lézard de Sardaigne , qu'il a comparé au scinque, il n'est pas sur})renant qu'il ait pensé que son lézard n'avoit encore été indiqué par aucun auteur. M.Thunberg, savant professeur d'Upsal, Tient de donner la description d'un lézais^ qu'il a vu dans Hle de Java , et qu'il compare , avec raison , au doré , ainsi qu'au scinque , eu disant cependant qu'iî ï04 HISTOIRE NATURELLE diffère de l'un et de rautrc , et sur-tout du premier , dont il est distingué par la grosseur et la brièveté de sa queue. Cet animal ne nous paroît être qu'une variété du mabouya , qui dès - lors se trouve eu Asie , ainsi qu'en Europe et en Amé- rique. L'individu vu par M. Thunbcrg étoit gris cendré sur le dos , qui présen- toit quatre rangs de taches noires mêlées de taches blanches , et de chaque côté duquel s'éteudoit une raie noire. M. Afze- lius , autre savant Suédois , a vu dans^ la collection de M. Baettiger , à Vesteras , un lézard qui ne diSéroit de celui que I\r. Thunberg a décrit , que parce qu'il ii'avoit pas de taches sur le dos , et que les raies latérales étoicnt plus noires et plus égales. / To//i . 2. //./>./? . 2 IA:^ SPUTATT.irns. ipiicfutr s DES LEZARDS. io5 LE DORE. Cj'est m. Linné qui a donné à ce Iczaid ]c nom que nous lui conservons ici. Ce quadrupède ovipare est très-commun eu Amérique, où il a été appelé , par Roche- fort , brochet de terre , et où il a aussi élé iiouuné inaboiiya : mais comme le pre- mier de ces noms présente une idée fausse , f et que le second a été donné à un autre lézard dont nous avons déjà parlé , et auquel il a été attribué plus générale- ment , nous préférons la dénomination employée par M. Linné. Le doré a beau- coup de rapports , par sa conformation , avec le scinque , et sur-tout avec le mabouya : il a de même le cou aussi gros que le derrière de la tctc ; mais il est ordinairement plus grand, et sa queue est beaucoup plus longue que le corps , au lieu qu'elle est plus courte dans le scinque et dans le mabouya. D'ailleurs jcG HISTOIRE* NATURELLE la mâchoire supérieure n'est pas plus avaucée que rinfcrieure , comiue daus le sciuque ; les ouvertures des oreilles sont très- grandes et garnies à Tintérieur de petites écailles qui les font paroître un peu festonnées. Ces caractères réunis le séparent de Tespèce du scinque et de celle du niabouya ; mais il leur ressemble ■ cependant assez pour avoir été comparé u un poisson , comme ces derniers lézards, et particulièrement pour avoir reçu le nom de brochet de terre , ainsi que nous Tenons de le dire. U est couvert par-dessus et par-dessous de petites écailles arrondies, striées et brillantes : ses doigts sont armés d'ongles assez forts, La couleur de sou corps est d'un gris argenté , tacheté d'o- rangé , et qui blanchit vers les côtés *. Comme celles de tout animal , la vivacité de ses couleurs s'efface lorsqu'il est mort : mais , tandis que la chaleur de la vie les anime, elles brillent d'un éclat très-vif qui donne une couleur d'or au roux dont il est peint ; et c'est de là que vient son * Suivant Brovrii , sa couleur est souvent sale el; yajée irausversalcuicpt. ÎD E s L É Z A R D s. lo^ nom. Ses couleurs parolsv.ciit d'autant plus brillantes, que son corps est enduit d'une humeur visqueuse qui fait Teflet d'un vernis luisant. Cette sorte de vernis, joint à la nature de sou habitation , Tont fait appeler salamandre ; mais nous ne regardons comme de vraies salaman- dres que les lézards qui n'ont pas phis de quatre doigts aux pieds de devant» Linné a écrit qu'on le trouv^oit dans Tîle de Jersey , près les côtes d'Angleterre. A la yérité , il cite , à ce sujet, Edvsards ( tab. 5247 ); et le lézard qui y est représenté, est très-différent du doré. Il vit dans l'île de Chypre : mais c'est principalement eu Amérique et aux Antilles qu'il estrépandu. Il habite les endroits marécageux ; on le rencontre aussi dans les bois. Ses pattes sont si courtes , qu'il ne s'en sert , pour ainsi dire , que pour se traîner , et qu'il rampe comme les serpens , plutôt qu'il ne marche comme les quadrupèdes. Aussi les lézards dorés déplaisent-ils par leur démarche et par tous le mouvemens , quoiqu'ils attirent les yeux par l'éclat de leurs écailles et la richesse de leurs cou- loS HISTOIRENATURELLE leurs. Mais on les rencontre rarement ; ils ne se montrent guère que le soir , temps apparemment où ils cherchent leur proie : ils se tiennent presque toujours cachés dans le fond des cavernes et dans les creux des rochers , d'où ils font eu- tendre pendant la nuit une sorte de coas- sement plus fort et plus incommode que celui des crapauds et des grenouilles. Les plus grands ont à peu près quinze pouces de long. Brown ait qu'il y en a de deux pieds. L'individu que nous avons décrit , et qui est conservé au Cabinet du roi , a quinze pouces huit lignes de longueur , depuis le bout du museau jusqu'à l'extré- mité de la queue , qui est longue de onze pouces une ligne. Les jambes de derrière ont un pouce onze lignes de long ; celles de devant sont plus courtes, comme dans les autres lézards. Suivant Sloane , la morsure du dore est regardée comme très-venimeuse , et on rapporta à ce naturaliste que quel- qu'un qui avoit été mordu par ce lézard , étoit mort le lendemain. Les habitan.s des Antilles dirent géncralemenlù Brown DES L L Z A R D S. 1C9 cju'il n'y avoit point (ranimai qui put ccliapper à lu iiiort après avoir clé mordu par le doré ; mais aucun fait po- sitif à ce sujet ne lui fut communiqué par une personne dii^ne de foi. Peut-élre est-ce le uoni de salamandre qui a valu au doré , comme au scinque , la réputa- tion d'être Teniuieux , d'autant plus qu'il a un peu les habitudes des vraies sala- mandres , vivant , ainsi que ces lézards, sur terre et dans l'eau. Cette réputation l'aura fait povirsuivre avec acliarncnient; et c'est de la guerre qu'on lui aura faite que sera venue la crainte qui l'oblige à fuir devant l'homme. Il paroît aimer les viandes un peu corrompues; il recherche communément les petites espèces de crabes de mer; et la cïureté de la croûte qui rcvct ces crabes ne doit pas l'empê- cber de s'en nourrir , son estomac étant entièreuient musculeux. En tout, cet ani- mal, bien plus nuisible qu'avantageux, qui fatigue l'oreille par ses sons lorsqu'il ne blesse pas les yeux par ses mouvemens désagréables , n'a pour lui qu'une vaine iio HISTOIRE NATURELLE richesse de couleurs, qu'il dérobe mêiîie aux regards en se tenant dans des re- traites obscures , et eu ne se luontraut que lorsque le jour s'enfuit. D E s L E Z A R D s. m LE T A P A Y E. jLN ous conservons à ce lézard le nom de tapaye que M. Daubeuton lui a donné, par contraction du nom tapayaxiii , par lequel on le désigne au Mexique et dans la nouvelle Espagne. Cet animal, qui a de grands rapports avec le stellion , est remarquable par les pointes aiguës dont «on dos est hérissé. Son corps, que Fou croiroit gonflé , est presque aussi large que long ; et c'est ce qui lui a lait con- server par M. Linné le nom à^orbiculaire, 11 n'a point de bandes transversales sous le ventre ; la queue est courte; les doigts sont recouverts d'écaillés par-dessus et par" dessous; le fond de la couleur est d'un gris blaiic plus ou moins tacheté de brun ou de jaunâtre. H y a dans cette espèce une variété distinguée par la forme triangu- laire de la tête , assez semblable à celle du caméléon , et par une sorte de bou- ïiJi HISTOIRE NATURELLE rlier qui eu couvre le dessus. Oji a donné le nom de tapayaxiti au stellioii qui ha- bite en Afrique ; et comme le stellion et le tapaye ont des piquans plus ou Hîoins grands et plus ou moins aigus , il n'est pas surprenant que des voyageurs aient, à la première vue, donné le niêiue nom à deux animaux assez différcns cependant par leur conformation pour constituer deux espèces distinctes. Le ta- paye n'est point agréable à voir ; il a , parla grosseur et presque toutes les pro- portions de son corps, une assez grande ressemblance avec un crapaud qui auroit nue queue, et qui seroit armé d'aiguil- lons : aussi Seba lui en a-t-il donné le nom. Mais sa douceur fait oul)lier sa dif- formité , dont l'effet est d'ailleurs dimi- nué par la beauté de ses couleurs. Il semble n'avoir de piquans que pour se défendre; il devient familier ; ou peut le manier sans qu'il cherche à mordre ; il a même l'air de désirer les caresses ; et l'on diroit qu'il se plaît à être tourné et re- tourné. 11 est très-sensible dans certaines parties de son corps , comme vers le^ D E s L E Z A R D s. it^ narines et les yeux ; et les voyageurs as- surent que pour peu qu'on le touche dans ces endroits , ou y fait couler le sang. Il liabite dans les montagnes. Cet aniuial , qui ne fait point de mal pendant sa vie, est utile après sa mort; on l'emploie avec succès en médecine , scellé et réduit eu poudre. 10 1T4 HISTOIRE NATURELLE LE STRIÉ. IVl. Lin lié a le premier parlé de ce lézard, que Ton trouve à la Caroline, et qui lui avoit été envoyé par M. le docteur Gar- deu. La tète de ce quadrupède ovipare est marquée de six raies jaunes, deux entre les yeux , une de chaque côté sur Tceil , et une également de chaque côté au-des- sous ; le dos est noirâtre; cinq raies Jaunes ou blanchâtres s'étendent depuis la tête jusqu'au milieu delà queue. Le ventre est garni d'écaillés qui se recouvrent comme les tuiles des toits , et forment des stries. La queue est une fois et demie plus longue que le corps , et n'est point éta- gée. ment le té- guixin, c'est que plusieurs plis obtus et relevés règjient de chaque côté du corps , depuis la tête jusqu'aux cuisses : on voit aussi trois plis sous la gorge. C'est au Brésil , suivant l'article de Seba indiqué par M. Linné, qu'on trouve ce lézard , dont le nom téguixin a été donné au tupinambis par quelques auteurs. DES LÉZARDS. 127 LE TRIANGULAIRE. V^'est clans TÉgypte qu'habite lo lézard à queue triangulaire. Ce qui le distingue des autres , c'est la foruie de pyramide à trois faces que sa longue queue présente à son extrémité. Le long de sou dos s'é- tend une bande formée par quatre ran- gées d'écaillés qui diflèrent par leur figure de celles qui les avoisiuent. Ces détails suffiront pour faire reconnoître ce lézard par ceux qui l'auront sous leurs veux. Il yit dans des endroits marécageux et voi- sins du Nil. Il a beaucoup de rapports dans sa conformation avec le scinque. C'est M. Hasselquist qui en a parlé le pre- mier. Les Egyptiens ont imaginé un conte bien absurde à l'occasion du triangulaire : ,ils ont dit que les œufs du crocodile ren- fcriuoicut de vraib crocodiles lorsqu'ils 128 HISTOIRE NATURELLE ctoient déposés dans l'eau , cl qu'ils pro- duisoiciîtles petits lézards dont il est ques- tion dans cet article , lorsqu'au contraire ils étoicnt pondus sur un terrain sec. DES LÉZARDS. 129 LA DOUBLE-RAIE. V>E lézard , que l'on rencontre en Asie, est commun cuient très-petit; la queue est très-iongue relativement au corps. Deux raies d'un jaune sale s'étendent de chaque côté du dos, qui présente d'ail- leurs six rangées longitudinales de points noirâtres. Ces points sont aussi répandus sur les pieds et sur la queue, et ils forment six autres lignes sur les cotés. Le corps est arrondi et épais. Scba avoit reçu dcCejlan un individu de celte espèce. Suivant cet auteur, les œufs de ce lézard sont de la grosseur d'un petit pois. i3o HISTOIRE NATURELLE LE SPUTATEUR. JN ous avons décrit ce lézard d'après un individu envoyé de Saint -Doiiiingue ù JM. d'Aulic , et que ce naturaliste a bien voulu nous communiquer. Sa longueur totale est de deux pouces, et celle de la queue d'un pouce. 11 n'a point de demi- anneaux sous le corps. Toutes ses écailles sont luisantes ; la couleur en est blan- châtre sous le ventre , et d'un gris va- rié de brun foncé sur le corps. Quatre bandes transversales d'un brun presque noir régnent sur la tète et sur le dos ; une au Ire petite bande de la uicme cou- leur borde la mâchoire supérieure ; et six autres bandes semblables foriuent comme autant d'anneaux autour de la queue. 11 n'y a pas d'ouverture apparente pour les oreilles. La langue est plate, large, et un peu fendue à l'extrémité. Le sommet {le lu tète et le dessus du museau sont D E s L É Z A R D s. i3r blanchâtres, tachetés de noir ; les pattes variées de gris, de uoir et de blanc. Il y a à chaque pied cinq doigts qui sont gar- nis par-dessous de petites écailles, et ter- minés par une espèce de pelote ou de petite pljique ccailleuse , sans ongle sen- sible. I\I. Sparnian a déjà fait connoîfre cette espèce de lézard , dont il a trouvé plu- sieurs individus dans le cabinet d'histoire naturelle de M. le baron de Geer , donné à racadéniie de Stockholm. Ces individus ne diffèrent que très-légèrement les uns des autres , par la disposition de leurs taches ou de leurs bandes. Ils avoient été euvovés , en 1765 , à M, de Geer par M. Acrelius , qui demcuroit à Philadel- pliie , et qui les avoit reçus de Saint- Eustache. M. Acrelius écrivit à M. de Geer que Je sputatcur habite dans les contrées chaudes de l'Amérique ; on Vy rencontre dans les maisons , et parmi les bois de charpente : on l'y nomme wood-slave. Ce lézard ne nuit à personne lorsqu'il n'est point inquiété : mais il ne faut l'observer î32 HISTOIRE NATURELLE qu'avec précaution , parce qu'on rirrit^ aisément. Il court le long des murs ; et M quelqu'un , en s'arrètant pour le re- garder , lui inspire quelque crainte , il s approche autant qu'il peut de celui qu'il prend pour son ennemi;, il le considère avec attention , et lance contre'lui une espèce de crachat noir, assez venimeux pour qu'une petite goutte fasse enfler la partie du corps sur laquelle elle tombe. On guérit cette enflure par le moyen de 1 espnt-de-vin ou de l'eau-de-vie du sucre mêles de camphre, dont on se ser-t aussi en Amérique contre la piqûre des scorpions Lorsque l'animal s'irrite , on voit quel- quefois le crachat noir se ramasser dans les coins de sa bouche. C'est de la faculté qu'a ce lézard de lancer par sa gueule une humeur venimeuse , que M. Sparmaii a tire le nom de spumor qu'il lui a donné et qui signifie c/vzr/.e./,-. Nous avons cru ne devoir pas le traduire , mais le remplacer i3ar le mot spr^iateur qui le rappelle. Ce Iczard ne sort ordinairement de son trou queix-ndant le jour. M. Sparman a fait dessiner de très-petits oeufs cendrés , ta- DES L E Z A R I) S. i33 cîietés de brun et de noir , qu'il a regardes comme ceux du sputateur , parce qu'il les a trouvés dans le même bocal que les individus de cette espèce qui iaisoicnt partie de la collection de M. le baron de Geer. Nous croyons devoir parler ici d'un petit lézard semblable au sputateur par la grandeur et par la forme. Nous pré- sumons qu'il n'en est qu'une variété , peut-être même dépendante du sexe. Nous l'avons décrit d'après un individu envoyé de Saint-Domingue à M. d'Antic avec le sputateur ; et ce qui peut faire croire que ces deux lézards habitent presque tou- jours ensemble , c'est que M. Sparmau l'a trouvé dans le même bocal que les sputateurs de la collection de M. de Geer : aussi ce savant naturaliste pense-t-il , comme nous , qu'il n'en est peut-être qu'une variété. L'individu que nous avons décrit a deux pouces deux lignes de lon- gueur totale, et la queue quatorze lignes; il a , ainsi que le sputateur , le bout des doigts garni de pelotes éeailleuses , que nou* n'avons remarquées dans aucun 12 î34 HISTOIRE NATURELLE V autre lézard. Sa couleur, qui est le sei^ caractère par lequel il difîère du sputa- tèur, est assez viniforme : le dessous tlu corps est d'un gris sale , mêlé de couleur dfc chair, ec le dessus d'uu gris un peu l^lus foncé, varié par de très-petites ondes d'un brun noirâtre , qui forment des raies longitudinales. L'individu décrit par M. Sparinan diRcroit de celui que nous avons vu , en ce que le bout de la queue ctoit dénué d'écaillés , apparemment par une suite de quelque accident. To//l . 2, . PZ-.Fao ^^S J Ji 'ai'juS. d D E s L É Z A R U s. i35 CINQUIÈME DIVISION, LÉZARDS ^ Dont les doigts sont garnis par-dessous de grandes écailles j qui se recouvrent comme les ardoises des toils \ LE GECKOS JlJt. tous les quadrupèdes ovipares dont uous pul)lioiis rhistoire , voici le premier qui paroisse renfermer un poison mortel, Nous n'avons vu , en quelque sorte, jus- qu'ici les animaux se développer , leurs ' On peut voir, dans la planche qui rcprcsenie le gecko, l'arraugenient de ces écailles au-dessous ilcs doigis. * Tockaie, par les Siamois. i36 HISTOIRE NATURELLE propriétés augmenter et leurs forces s'ac- croître , que pour ajouter au nombre des êtres ylvam , pour contre-balancer l'acticru destructive des élémeus et du temps : ici la Nature paroi t , au contraire , agir contre elle-même , elle exalte dans un lézard doïit l'espèce n'est que trop fé- conde , une liqueur corrosive , au point de porter la corruption et le dépérisse- ment dans tous les animaux que pénètre cette humeur active ; au lieu de sources de reproduction et de vie , on diroit qu'elle ne prépare dans le gecko que des principes de mort et d'anéantissement. Ce lézard funeste, et qui mérite toute notre attention par ses qualités dange- reuses , a quelque ressemblance avec le caméléon : sa tête , presque triangulaire , est grande eu comparaison du corps; les yeux sont gros ; la langue est plate , revêtue de petites écailles , et le bout en est échancré. Les dents sont aiguës et si fortes, suivant Bontius , qu'elles peu- vent faire impression sur des corps très- durs , et même sur l'acier. Le gecko est presque eulicrcment couvert de petites DES LEZARDS. 1^7 Termes plus ou uioiiLS saillantes ; le dessous des cuisses est garni d'un rang de tubercules élevés et creux , couinic dans riguane, le lézard gris , le lézard verd , l'aniéiva , le cordyle , le marbré , le ga- lonné , etc. Les pieds sont remarquables par des écailles ovales plus ou moins échancrées dans le milieu , aussi larges que la surface inférieure de ces mêmes doigts , et disposées régulièrement au- dessus les unes des autres comme les ardoises ou les tuiles des toits ; elles revêtent le dessous des doigts , dont les côtés sont garnis d'une petite membrane, qui eu augmente la largeur , sans cepen- dant les réunir. M. Linné dit que le gecko n'a point d'ongles ; mais dans tous les individus conservés au Cabinet du roi , nous avons vu le second , le troi- sième , le quatrième et le cinquième doigt de chaque pied garnis d'un ongle très-aigu , très-court et très-recourbé ; ce qui s'accorde fort bien avec l'habitude de grimper qu'a le gecko , ainsi qu'avec la force avec laquelle il s'attache aux divers for|)s qu'il touche. 12 133 HISTOIRE NATURELLE 11 en est doue des lézards comme d%iii- très animaux bien diflércns , et par exemple , des oiseaux : les uns ont les doigts des pieds entièrement divisés • ^'autres les ont réunis par une peau plus' ou moins lâche ; d'autres , ramassés en cieux paquets 5 et d'autres enfin ont leurs cloigts^ libres , mais cependant garnis d'une membrane qui en augmente la surface. La queue du gecko est communément un peu plus longue que le corps ; quel- quefois cependant clic est plus courte : elle est ronde , menue , et couvcite d'an- neaux ou de bandes circulaires tiès-sen- siMcs ; chacune de ces bandes est com- posée de plusieurs rangs de très-pcîites écailles, dans le nombre et dans l'arran- gement desquelles, on n'observe aucune rcgiilarité , ainsi que nous nous en som- mes assurés par la comparaison de plu- sieurs individus : c'est ce qui explique les diftereuces qu'on a remarquées dans les ■ descriptions des naluralistes, qui avoicnt compté trop cxaclemcnt dans un seul individu les ran.^s et le nombre de ce.^ tiès-pctites écailles. 4f D E s L É Z A R D s. iS^ SaWnnl Bontiiis , la couleur du gecko est d'un verd clair , tacUeté d\m rouge très-éclalaiit. Ce même observateur dit qu'où appelle ^eciio le lézard dont nous nous occupons , parce que ce mot imite le cri qu'il jette lorsqu'il doit pleuvou', sur-tout vers la fin du jour. On le trouve en Egypte , dans l'Inde , à Amboine , aux autres îles Moluques , etc. Il se tient de préférence dans les creux des arbres à demi pourris , ainsi que dans les en- droits humides ; ou le rencontre aussi quelquefois dans les maisons , où il ins- pire une grande frayeur , et où on s'em- presse de le faire périr. Bontius a écrit en effet que sa morsure est venimeuse , au point que si la partie affectée n'est pas retranchée ou brûlée , on meurt avant peu d'heures. L'attouchement seul des pieds du gecto est même très-dangereux , et empoisonne, suivant plusieurs voya- geurs , les viandes sur lesquelles il mar- che : l'on a cru qu'il les infectoit par son ui-ine , que Bontius regarde comme un poison des plus corrosifs ; mais ne seroit-ce pas aussi par l'humeur qui peut 140 HISTOIRE NATURELLE suinter des tubercules creux placés siir la face inférieure de ses cuisses ? Son sang et sa salive , ou plutôt une sorte . d'écume, une liqueur épaisse et jaune, qui s'épanche de sa bouche lorsqu'il est irrité , ou lorsqu'il éprouve quelque affec- tion violente , sont regardés de même comme des venins mortels , et Bontius , ainsi que Valentyn , rapportent que les habitans de Java s'en servoient pour em- poisonner leurs flèches. llasselquist assure aussi que les doigts du gecko répandent un poison , que ce lézard recherche les corps imprégnés de sel marin , et qu'en courant dessus il laisse après lui un venin très-dangereux. 11 vit , au Caire , trois femmes près de mourir , pour avoir mangé du fromage récemment salé, et sur lequel un gecko avoit déposé son poison. 11 se convainquit de Tâcrcté des exhalaisons des pieds du gecko , en voyant un de ces lézards courir sur la main de quelqu'un qui vouloit le prendre : toute la partie sur laquelle le gecko avoit passé , fut cou- verte de peiiles pustules , accompagnée» D E s L É Z A R D s. ï4i de rongeur , de chaleur , et d'un peu de douleur , comme celles qu'on éprouve quand on a touché des orties. Ce té- moignage formel vient à Tappui de ce que Bontius dit avoir vu. H paroît donc que , dans les contrées chaudes de l'Inde et dJrÉgypte , les geckos contiennent nu poison dangereux , et souvent mortel ; il n'est donc pas surprenant qu'on fuie leur approche , qu'on ne les découvre qu'avec horreur , et qu'on s'efforce de les éloigner ou de les détruire. 11 se pour- roi t cependant que leurs qualités mal- faisantes variassent suivant les pays , les saisons, la nourriture, la force et l'état des individus *. Le gecko , selon Hasselquist , rend un son singulier, qui ressemble un peu à celui de la grenouille , et qu'il est sur- tout facile d'entendre pendant la nuit. 31 est heureux que ce lézard , dont le venin est si redoutable , ne soit pas silen- cieux , comme plusieurs autres quadru- * Les Indiens préiendcnt que la racine de cu- ruraa (terre niériie ou safran indien) est un très- hon reiukle coutre la morsure du gecko. '42 HISTOIRE NATURELLE pcdes ovipares , et que ses cris ,rès-dis- tu,ets et pamcuUers puissent avenir de son approehe et faire éviter ses dan- gereux poisons. De. qu'il a plu , il sort de sa retraue ; sa démarebe est assez iente : ,1 va à la cl.a.se des fourmi, et des vers C'est à ton que Wurfi.ai„iu, a prétendu dans son livre intitulé Sala- mandrohgia . que les geckos ne pon- do.ent point. Leurs œufs sont ovales et communément de la grosseur d'une n'oi- »ette : on peut en voir la figure dans la plauehe de Seba déjà ci.ée. Les femelles ont som de les couvrir d'un peu de terre après les avoir déposés ; et la chaleur dt! soleil les fait édore. Les mathémaliciens Jésuites envoyés dans les Indes orientales par Louis XIV ont acerit et figuré un lézard du royaume <^e b,am , nommé tociaie . et qui e'st évi- demment le même que le gecko. L'indi- Tidu qu'ils ont examiné , avoit un pied s« lignes de long , depuis le bout du museau jusqu'à l'extrémité de la queue. 1-es Siamois a,,pellcnt ce lézard toclale . pour uuitcr le cri qu'il jette ; ce qui D E s L É Z A R D 5. 148 prouve que le cri de ce quadrupède ovi- pare est composé de deux sons proférés durement , difficiles à rendre , et que Ton a cherché à exprimer, tantôt par tockaie , tantôt par gecko. 144 HISTOIRE NATURELLE LE GECKOTTE. JN ous conservons ce nom à un lézard qui a une si grande ressemblance avec le gecko , qu'il est très-difficile de ne pas les confondre Tun avec l'autre , quand on ne les examine pas de près. Les natu- ralistes n'ont même indiqué encore aucun des vrais caractères qui les distinguent. JM. Linné seulement a dit que ces deux lézards ont le même port et la même forme , mais que le geckotte , qvi'il ap- pelle le mauritaiiique , a la queue étagée , et que le gecko ne Ta point. Cette difïé- lence n'est réelle que pendant la jeunesse du geckotte : lorsqu'il est un peu âgé , sa queue est au contraire beaucoup^oius étagée que celle du gecko. Ces deux quadrupèdes ovipares se res- semblent sur-tout par la conformation de leurs pieds. Les doigts du geckotte sont , comme ceux du gecko , garnis de D E s L Ê Z A R D s. 14$ ineinLiaii'CS , qui 11c les rcuiiisseiit pas, mais qui eu élargissent la surface ; ils sont également revêtus par-dessous d'un, rang d'écaillcs ovales , larges , plus ou moins écliancrées , et qui se recouvrent comme les ardoises des toits. Mais , eu examinant attentivement un grand nom- bre de geckos et de geckottes de divers pays , conservés au Cabinet du roi , nous avons vu que ces deux espèces diffcroient constamment Tune de l'autre par trois caractères très-sensibles : premièrement j le gcckotte a le corps plus court et plus épais que le gecko ; secondement , il n'a point au-dessous des cuisses un rang de tubercules comme le gecko ; et troisième- ment , sa queue est plus courte et plus grosse.' Tant qu'il est encore jeune, elle 5tiSt recouverte d'écaillés , cbargées cha- cune d'X^U. tubercule en forme d'aiguillon, et qui ,"par leur disposition , la font pa- roîLre garnie d'anneaux écailleux : mais à jnttyureiquc l'animal grandit , les an- neaux les pli|s voisins de l'extrémité de la qvieu/îç;disparoissea.t ; bientôt il n'en reste .plus. que quelques-uns près de sou Ï45 HISTOIRE NATURELLE origine, qui s'oblitèrent eiifm comme leS Siutres , de telle sorte que quand l'animal e^t parvenu à peu prèf-s à sou entier déve- loppement , ou n'eu voit plus aucun autour de la queue : elle est alors beau- coup plus grosse et plus courte en pro- portion que dans le premier âge ; et «lié ii'est plus couverte que de très-petite« écailles , qui ne présentent aucune ap- parence d'anneaux. Le geckotte est le seul lézard dans lequel on ait remarqué cet^hangement successif dans les écailles de la queue. Las tubercules ou aiguil- lons qui la revêtent pendant qu'if est jeune , se retrouvent sur le corps de ce lézard , ainsi que sur les pattes : ils sont plus ou moins saillaus; et sur certaines parties , telles que le derrière de la tête le cou, et i^s côtés du corps , ils sont ronds , pointus , entourés de tubei-(?iilès plus petits , et disposés en forme de rosette. Le geckotte habite presque les *toêiiies pays que le gecko ; ce qui empécli-e de regarder ces deux animaux comMte deux vaiiété&de la même espèce, produit es par D E s L É Z A K D s. i47 une différence, de climat. Ou le trouve dans rîlc d'Amboiuc , dans les Indes , et en Barbarie , d^où M. Brandcr Ta envoyé à M. Linné. L'on peut voir , au Cabinet du roi , uu très-petit quadrupède ovipare , qui y a été adressé sous le nom de lézard de Saint-Domingue; c'est évidemment un geckotte ; et peut-être cette espèce se trouve-t-elle en effet dans le nouveau inonde. On la rencontre vers les con- trées tempérées , jusque dans la partie méridionale de la Provence , ou elle est très-commune* On l'y appelle tarante , nom qui a été donné au stellion , et à une variété du lézard verd , ainsi que nous l'avons vu. On le trouve dans les masures et dans les vieilles maisons , où il fuit les endroits frais , bas et humides , et où il se tient communément sous les toits. Il se plaît à une exposition chaude ; il aime^le soleil: il passe l'hiver dans des fentes et dans des crevasses , sous les tuiles , sans y * Note comiminiquce par M. Olivier, qui a bien voulu nous faire part des observaiioiis qu'il a faites sur les liabitLides de cette espèce de Lzard. 148 HISTOIRE NATURELLE éprouver cependant uu eugourdisseraeiit parfait ; car , lorsqu'on le découvre , il cherclie à se sauver , en marchant lour- dement. Dès les premiers jours du prin- temps , il sort de sa retraite , et va se réchauffer au soleil ; mais il ne s'écarte pas beaucoup de son trou , et il y rentre au moindre bruit. Dans les fortes cha- leurs , il se meut fort vite, quoiqu'il n'ait jamais l'agilité de plusieurs autres lézards. 31 se nourrit principalement d insectes. Il se cramponne facilement par le moyeu de ses ongles crochus et des écailles qu'il a sous les pieds : aussi peut-il courir , non seulement le long des murs , mais encore au-dessous des planchers ; et M. Oli- vier, que nons venons de citer , l'a vu demeurer immobile pendant très-long- temps sous la voûte d'une église. Il resseinl)le" donc au gecko par ses habitudes , autant que par sa forme. On a dit qu'il étoit venimeux , peut-être à cause de tous ses rapports avec ce dernier quadrupède ovipare , qui , suivant un très-grand nombre de voyageurs, répand. \in poisou uicrtci. M. Olivier assure cepcur D E s L E Z A R D s. 149 daiit qu'aucune observation ne le prouve , et que ce lézard cherche toujours à s'é-» chapper lorsqu'on le saisit. Les geckottes ne sortent point de leur trou lorsqu'il doit pleuvoir : mais jamais ils n'annoncent la pluie par quelques cris, ainsi qu'on l'a dit des geckos ; et M. Olivier en a souvent pris avec des pinces , sans qu'ils fissent entendre aucun sou. 13 i5o HISTOIRE NATURELLE LA TETE-PLATE. J-N ous nommons ainsi un lézard qnt n'a encore été indiqué par aucun natu- raliste. Peu de quadrupèdes ovipares sont aussi remarquables par la singularité de leur conforuiation. Il paroît faire la nuance entre plusieurs espèces de lézards : il semble particulièrement tenir le milieu entre le caméléon , le gecko et la sala- mandre aquatique ; il a les principaux caractères de ces trois espèces. Ca tète , sa peau et la forme générale de son corps ressemblent à celles du caméléon ; sa queue à celle de la salamandre aquatique , et ses pieds à ceux du gecko : aussi aucun lézard n'est-il plus aisé à reconnoître , à cause de la réunion de ces trois caractères saillans; il en a d'ailleurs de très-marqués, qui lui sont particuliers. Sa tête , dont la forme nous a suggéré le nom que nous donnons à ce lézard , est r/SPno jSo DES LÉZARDS.- i5f très-applatie ; le dessous en est entière- ment plat. L'ouverture de la gueule s'é- tend jusqu'au-delà des yeux ; les dents sont très - petites et en très - grand nombre ; la langue est plate , fendue , et assez semblable à eellc du gecko. La mâchoire inférieure est si mince , qu'au premier coup d'oeil on seroit tenté de croire que l'animal a perdu une portion de sa tête , et que cette niâeboire lui man-que, La tète est d'ailleurs triangu- laire , comme celle du caméléon ; mais le triangle qu'elle forme est très-alongé, et elle ne présente point l'espèce de casque ni les dentelures qu'on remarque sur cette dernière. Elle est articulée avec le corps, de munière à former en-dessous un angie obtus ; ce qui ne se retrouve pas dans la plupart des autres quadrupèdes ovi- pares. Elle est très-grande ; sa longueur est à peu près la moitié de celle du corps. Les yeux sont très-gros et très-proérai- nens ; la cornée laisse appercevoir fort distinctement l'iris , dont la prunelle con- ^ste en une fente verticale , comme celle des ycui du ^ccko , et qui doit être tièîi? i52 HISTOIRE NATURELLE susceptible de se dilater , ou de se con- tracter , pour recevoir ou repousser la lumière. Les narines sont placées pres- que au bout du uiuseau , qui est mousse, et qui fait le sommet de l'espèce de triangle alongé formé par la tête. Les ouvertures des oreilles sont très-petites ; elles occupent les deux autres angles du triangle , et sont placées a:uprcs des coin^ de la gueule. La peau du dessous du cou forme des plis : le dessous du corps est entièrement plat. Les quatre pieds du lézard à tète plate sont chacun divisés en cinq doigts : ces doigts sont réunis à leur origine par la peau des jambes, qui les recouvre par-dcs-. sus et par-dessous ; mais ils sont ensuite très-divisés , sur-tout ceux de derrière , dont le doigt intérieur est séparé des autres , comme dans beaucoup de lézards, de manière à représenter une sorte de pouce. Vers leur extrémité , ils sont gar- nis d'une membraue qui les élargit , comme ceux du gecko et du geckotte ; et à cette même extrémité , ils sont revetii» par-dessous de lames ou ccailles qui s,e D E s L E Z A R D s. i53 recouvrent comme les ardoises des toits : elles sont corauiuncnieut au nombre de vingt, et placées sur deux rangs qui s'é- cartent un peu l'un de l'autre au bout du doigt; le petit intervalle qui sépare CCS deux rangs , renferme un ongle trèf- crocliu , très-fort , et replié en-dessous. La queue est menue , et beaucoup plus courte que le corps; elle paroît très-large et très-applatie , parce qu'elle est revêtue d'une membrane qui s'étend de chaque côté, et lui donne la forme d'une sorte de rame. Il est aisé cependant de distin- guer la véritable queue que cette mem- brane recouvre , et qui présente par-des- sus et par-dessous une petite saillie lon- gitudinale. Cette partie membraneuse n'est point , comm.e dans la salamandre aquatique , placée verticalement ; mais elle forme des deux côtés une large bande horizontale. La peau qui revêt la tète , le corps , les pattes et la queue du lézard à tête plate, tant dessus que dessous, est garnie d'un très-grand nombre de petits points sail- laus , plus o-u moins apparcns ,*qui sa 104 HISTOIRE NATURELLE touchent et la font paroître chagrinée; et ce qui constitue un caractère jusqu'à présent particulier au lézard ù tête plate , c'est que la partie supérieure de tout le corps est distinguée de la partie infé- rieure par une prolongation de la peau qui règue en forme de membrane frangée depuis le bout du museau jusqu'à l'ori- gine de la queue , et qui s'étend égale- ment sur les quatre pattes, dont elle dis- tingue de même le dessus d'avec le des- sous. Ce lézard n'a encore été trouvé qu'en Afrique ; il paroît fort commun à Mada- gascar, puisque l'on peut voir dans la collection du Cabinet du roi quatre in- dividus de cette espèce envoyés de cette île. Cette collection en renferme aussi un cinquième que M. Adanson a rapporté du Sénégal ; et c'est sur ces cinq individus , dont la conformation est parfaitement semblable , que j'ai fait la description que l'on vient de lire. Le plus graiid a de longueur totale huit pouces six lignes, et la queue a deux pouces quatre lignes de longueur. Aucun naturaliste n'a en- D £ s L É Z A R D s. 355 rore rien écrit touchant cet animal -.mais il a été vu à Madagascar par M. Bruyères, de \ii société ro3-ale de Montpellier , qui a bien voulu me communiquer ses obser- vations au sujet de ce quadrupède ovi- pare. La couleur du lézard à tète plate n'est jioint fixe , ainsi que celle de plu- sieurs autres lézards ; mais elle varie comme celle du caméléon , et présente successivement ou tout à la fois plusieurs nuances de rouge, de jaune , de verd et de bleu. Ces effets observés par M. Bruyères nous paroissent dépendre des différens états de l'animal , ainsi que dans le ca- méléon ; et ce qui nous le persuade , c'est que la peau du lézard à tête plate est presque entièrement semblable à celle du caméléon. Mais dans ce dernier, les va- riations ie ■ 2 . Fl.J2.FA TROIS-DOTGTS . D E s L È Z A R D s. 187 HUITIÈME DIVISION. LÉZARDS Qui ont trois ou quatre doigts aux -pieds de devant , et quatre ou cinq aux pieds de derrière. LA SALAMANDRE TERRESTRE*. Il semble que plus les objets de la cu- riosité de riiomme sont éloignés de lui , et plus il se plaît à leur attribuer des * Salamandra, en latin; salamanguesa et salamantegua , en Espagne 5 samabras ou saam^ Iras, par les Arabes; le sourd, dans plusieurs provinces de France; Mande, dans le Languedoc Cl la Provence; pluvine , en Dauplainc ; lai^ernc, i88 HISTOIRE NATURELLE qualités merveilleuses , ou du moins à supposer à des degrés trop élevées celles dont ces êtres, rarement bien connus jouissent réellement. L'imagination a be- soin , pour ainsi dire , d'être de temps eu temps secouée par des merveilles. L'homme veut exercer sa croyance dans toute sa plénitude ; il lui semble qu'il n'en jouit pas d'une manière assez libre quand il la soumet aux lois de la raison : ce n'est que par les excès qu'il croit en user; et il ne s'en regarde comme véritablement le maître que lorsqu'il la refuse capricieu- sement à la réalité , ou qu'il l'accorde aux êtres les plus cbimériques. Mais il ne peut exercer cet empire de sa fantaisie que lorsque la lumière de la vérité ne tombe que de loin sur les objets de cette croyance arbitraire; que lorsque l'espace, le temps ou leur nature les séparent de nous; et voilà pourquoi parmi tous les dans le Lyonnols ; suisse ^ en Bourgogne; mirùJ, dans le Poiiou ; alehrenne ou arrassade , diins plusieurs autres provinces de France ; mouron , en Normandie; salewander, en Flandre; puntcr- maalj en f|uelc|ues endroits d'Allemagne. 1) E s L É Z A R D s. 189 ordres trcniiiiiaux , il n'en est peut-être aucun qui ait donné lieu à tant de fables que celui des lézards. Nous avons déjà vu des propriétés aussi absurdes qu'imagi- naires accordées à plusieurs espèces de ces quadrupèdes ovipares : mais nous voici maintenant à Thistoire d'un lézard pour lequel riinagination humaine s'est sur- passée; on lui a attribué la plus merveil- leuse de toutes les propriétés. Tandis que les corps les plus durs ne peuvent échap- per à la force de l'élément du feu , on a voulu qu'un petit lézard non seulement ne fût pas consumé par les flammes, mais parvînt même à les éteindre; et comme les fables agréables s'accréditent aisé- ment , l'on s'est empressé d'accueillir celle d'un petit animal si privilégié , si supérieur à l'agent le plus actif de la JSature, et qui devoit fournir tant d'ob- jets de comparaison à la poésie , tant d'emblèmes gaîans ù l'amour, tant de brillantes devises à la valeur. Les anciens ont cru à cette propriété de la salamandre: désirant que son origine fût aussi surpre- iiautc que sa puissance j et voulant rca-. 190 HISTOIRE NATURELLE liser les fictions ingénieuses des poètes ^ ils ont écrit qu'elle devoit son existence au plus pur des élémens , qui ne pouvdit la consumer, et ils Tout dite fille du feu , en lui donnant cependant un corps de glace. Les modernes ont adopté les fables ridicules des anciens ; et comme on ne peut jamais s'arrêter quand on a dépassé les bornes de la yraisemblance , on est allé jusqu'à penser que le feu le plus- Tiolent pouvoit être éteint par la sala- mandre terrestre. Des charlataiîs ven- doicnt ce petit lézard , qui , jeté dans le plus grand incendie , devoit , disoient- ils , en arrêter les progrès. 11 a fallu quo des physiciens , que des philosophes prissent la peine de-prouver par le fait ce que la raison seule auroit du démontrer; et ce n'est que lorsque les lumières de la science ont été très-répandues , qu'on a cessé de croire à la propriété de la .--ala- mandre. Ce lézard, qui se trouve dans tant de pays de l'ancien monde, et mèfue à de très -hautes latitudes, a été cependant très-peu observé , parce qu'on le voit rare- D E s L É Z A R D s. lyi iceiit lioi-s de son trou , et i>arce qu'il a , pciidaut long-teuips , inspiré une assez graude frayeur. Arislote même ne paroît eu parler que comme d'uu animal qu'il ne connoissoit presque poiut. Il est aisé à distinguer de tous ceux, dont uous nous sommes occupés , par la conformation particulière de ses pieds de devant , où il n a que quatre doigts , tandis qu il eu a cinq ù ceux de derrière. Un des plus grands individus de cette espèce conservés au Cabinet du roi a sept pouces cinq lignes de longueur, de- puis le bout du museau jusqu'à Forigine, de la queue , qui est longue de trois pouces huit lignes. La peau n'est revêtue d'aucune écaille sensible ; mais elle est garnie d'une grande quantité de mame- lons , et percée d'vm grand nombre de petits trous, dont plusieurs sont très-sen- sibles à la vue simple , et par lesquels dé- coule une sorte de lait qui se répand or- dinairement de manière à former un vernis transparent au-dessus de la peau naturellement sèche de ce quadrupèd© ovipare. 192 HISTOIRE NATURELLE Les yeux de la salamandre sont placés à la partie supérieure de la tête, qui est un peu applatie ; leur orbite est saillante dans l'intérieur du palais , et elle y est presque entourée d'un rang de très-pe- tites dents , semblables à celles qui gar- nissent les uiâclioires. Ces dents éta- blissent un nouveau rapport entre les lézards et les poissons , dont plusieurs espèces ont de même plusieurs dents placées dans le fond de la gueule. La couleur de ce lézard est très-fon- cée ; elle prend une teinte bleuâtre sur le ventre, et présente des taches jaunes assez grandes, irrégulières, et qui s'étendent sur tout le corps , même sur les pieds et sur les paupières. Quclqvies unes de ces taches sont parsemées de petits points noirs , et celles qui sont sur le dos se touchent souvent sans interruption, et forment deux lojigues bandes jaunes. La. figure de ces taches a fait donner le nom de stellion à la salamandre , ainsi qu'au lézard vcrd , au véritable stellion , et au geckottc. Au reste, la couleur des sala- uuuidrcs terrestres doit être sujette ù D E s L É Z A R D s. icjS Tarier; et il paroît qu'on en trouve dans les bois humides d'Allemagne qui sont toutes noires par-dessus et jaunes par-des- sous. C'est à cette variété qu'il faut rap- porter , ce me semble , la salamandre noire que M. Laurenti a trouvée dans les Alpes , qu'il a regardée comme une es- pèce distincte, et qui me paroît trop res- sembler par sa forme à la salamandre ordinaire pour en être séparée. La queue presque cylindrique paroît divisée en anneaux par des rcnflemens d'une substance très-molle. La salamandre terrestre n'a point de côtes , non plus que les grenouilles , aux- quelles elle ressemble d'ailleurs par la forme générale de la partie antérieure du corps. Lorsqu'on la touche, elle se. couvre promptementde cette espèce d'en- duit dont nous avons parle; et elle peut également faire passer très-rapidement sa peau de cet état humide à celui de séche- resse. Le lait qui sort par les petits trous que l'on voit sur sa surface , est très- acre ; lorsqu'on en a mis sur la langue , ou croit sentir une sorte de cicatrice ù J7 194 HISTOIRE NATURELLE Fendroit où il a touche. Ce lait , qui est regardé comme un excellent dépilatoire , ressemble un peu à celui qui découle des plantes appelées tWiymales et des eu- phorbes. Quand on écrase, ou seulement quand on presse la salamandre , elle ré- pand d'ailleurs une mauvaise odeur qui lui est particulière. Les salamandres terrestres aiment les lieux humides et froids , les ombres épaisses , les bois touffus des hautes montagnes , les bords des fontaines qui coulent dans les. prés; elles se retirent quelquefois en grand nombre dans le» creux des arbres, dans les haies , au-des- sous des vieilles souches pourries; et elles passent riiivcr des contrées trop élevées en latitude , dans des espèces de terriers où on les trouve rassemblées, et entortil- lées plusieurs enseml-le. La salamandre étant dépourvue d'on- gles, n'ayant que quatre doi'4;ts aux pieds de devant, et aucun avantage de con- formation ne remplaçant ce qui lui man- que , ses mœurs doivent être et sont ea «Het tjèi-diSérentes de celles de la plu- DES L É Z A II D S. igS part (les lézards. Elle est très-lciite dans sa marche : bien loin de pouvoir grim- per avec vitesse sur les arbres, elle paroît le plus souvent se traîner avec peine à la surface de la terre. Elle ne s'éloigne que peu des abris qu'elle a choisis ; elle passe sa vie sous terre , souvent au pied des vieilles murailles. Pendant rétc , elle craint Tardcur du soleil , qui la dessé- cheroit ; et ce n'est ordinairement que lorsque la pluie est prête à tomber , qu'elle sort de son asyle secret, connue par une sorte de besoin de se baigner et de s'imbiber d'un élément qui lui est analogue. Peut-être aussi trouve-t-elle alors avec plus de facilite les insectes dont elle se nourrit. Elle vit de mouches , de scarabées , de limaçons et de vers de terre. Lorsqu'elle e^t en repos , elle se; replie souvent sur clle-incmc comme les serpens. Elle peut rester quelque temps dans l'eau sans y périr ; elle s'y dépouiîie d'une pellicule mince d'un cendré ver- dâtre. On a même conservé des sala- mandres, pendant plus de six mois, dans de l'eau de puits : on ne leur dounoit 196 HISTOIRE NATURELLE aucune nourriture ; on avoit seulement le soin de changer souvent Peau. On observe que toutes les fois qu'on plonge une salamandre terrestre dans l'eau , elle s'efforce d'élever ses narines au-dessus de la surface , comme si elle clierchoit Pair de l'atmosphère ; ce qui est une nouvelle preuve du besoin qu'ont tous les quadrupèdes ovipares de respi- rer pendant tout le temps où ils ne sont point engourdis *. La salamandre ter- restre n'a point d'oreilles apparentes ; et en ceci elle ressemble aux serpens. On a prétendu qu'elle n'entendoit point ; et c'est ce qui lui a fait donner le nom de sourd dans certaines provinces de France: on pourroit le présumer , parce qu'on ne lui a jamais entendu jeter aucun cri , et qu'en général le silence est lié avec la surdité. Ayant donc peut-être un sens de moins, et privée de la faculté de communiquer ses sensations aux animaux de son es- pèce , même par des sons imparfaits , * Yoyez le Discours sur la nature des cjuadrt!- pl-des ovipares. D E s L É Z A R D s. i 97 elle doit être réduite à un bien moindre degré d^instinct : aussi est-elle stupide, et uo^'n pas courageuse , comme on Va écrit. Elle ne brave pas le danger, ainsi qu'on Ta prétendu ; mais elle ne Tappcrcoit point : quelques gestes qu on fasse pour Terirayer, elle s'avance toujours sans se détourner de sa route. Cependant, comme aucun animal n'est privé du sentiment nécessaire à sa conservation , elle com- prime , dit-on , rapidement sa peau lors- qu'on la tourmente, et fait rejaillir contre ceuKqui l'attaquent, le lait acre que cette peau recouvre. Si on la frappe , elle com- mence par dresser sa queue -, elle devient ensuite immobile , comme si elle etoit saisie par une sorte de paralysie: car il ne faut pas , avec quelques naturalistes , attribuer à un animal si dénué d'mstmct assez de finesse et de ruse pour contre- faire la morte , ainsi qu'ils l'ont écrit. Au reste, il est difficile de la tuer -, elle est très-vivace : mais trempée dans du vi- naigre , ou entourée de sel en poudre , elle périt bientôt dans des convulsions , ainsi que plusieurs autres lézards^ et les \ers. 1^8 HISTOIRE NATURELLE Il semble quO l'on ne peut accorder a lin être une qualité cliimériqiu; sans lui refuser en même temps une propriété réelle. On a regardé la froide salamandre comme un animal doué du pouvoir mira- culeux de résister aux flammes, et même de les éteindre : mais en même temps on ]'a rabaissée autant qu'on l'avoit élevée par ce privilège unique. On en a fait le plus funeste des animaux. Les anciens , et même Pline, l'ont dévouée à une sorte d'anathême , en la considérant comme celui dont le poison étoit le plus dange- reux : ils ont écrit qu'en infectant de sou venin presque tous les végétaux d'une vaste contrée , elle pouvoit donner la mort à des nations entières. Les modernes ont aussi cru pendant long-temps au poi- son de la salamandre ; on a dit que sa morsure étoit mortelle, comme celle de la vipère; on a cherché et prescrit des re- mèdes contre son venin : mais enfin on a eu recours aux observations, par les- quelles on auroit dû commencer. Le fa- meux Bacon avoit voulu engager les phy- sirieiis à s'assurer de l'existence du veniu D E s L E Z A R D s. 199 de la salauiaiidrc ; Gcsncr prouva , par l'expérience, qu'elle ne inordoit point^ cle quelque manière qu'on cbercliât ii l'irriter ; et Wurfbainius lit voir qu'on pouvoit impunément la toucher , ainsi que boire de l'eau des fontaines qu'elle iiabite. M. de Maupertuis s'est aussi oc- cupe de ce lézard : en recherchant ce que pouvoit être sou prétendu poison , il a démontré, par l'expérience , l'action des flammes sur la salamandre, comme sur les autres animaux; il a remarqué qu'à peine elle est sur le feu, qu'elle pa- roît couverte de gouttes de sou lait , qui , raréfié par la chaleur , s'échappe par tous les pores de la peau, sort en plus grande quantité sur la tète , ainsi que sur les ma- melons , et se durcit sur-le-champ. Mais on n'a certainement pas besoin cle dire que ce lait n'est jamais assez abondant pour éteindre le moindre feu. ]M, de Maupertuis , dans le coins de ses expériences, irrita en vain plusieurs salamandres : jainai>< aucune n'ouvrit la bouche; il fallut la leur ouvrir par force. Cojumc les dents de ces lézards sont 200 HISTOIRE NATURELLE très-petites, ou eut beaucoup de pciuc à trouver uu auiinal dout la peau fût assez fine pour être entamée par ces dents. Il essaya inutilement de les faire pénétrer dans la chair d\m poulet déplu- mé ; il pressa eu vain les dents contre la peau: elles se dérangèrent plutôt que de Tentamer. 11 parvint enfin à faire mordre par une salamandre la cuisse d'un poulet dont il avoit enlevé la peau. Il fit mordre aussi par des salamandres récemment prises la langue et les lèvres d'un chien, ainsi que la langue d'un coq d'Inde : au- cun de ces animaux n'éprouva le moindre accident. M. de Maupertuis fit avaler eu- suite des salamandres entières ou coupées par morceaux à un coq d'Inde et à un cliien, qui ne parurent pas en soulfrir. I\I. Laurenti a fait depuis des expé- riences dans les mêmes vues : il a forcé des lézards gris à mordre des salamandres, et il leur en a fait avaler du lait; les lé- zards sont morts très-promptement. Le lait de la salamandre pris intérieurement pourroit donc être funeste et même mor- tel ù certains animaux , sur-tout aux plui DES LEZARDS.' 201 petits ; mais il 11e paroît pas nuisible aux grands animaux. On a cru pendant long-temps que les salamandres n'avoieut point de sexe, et que chaque individu étoit en état d'en- gendrer seul son semblable , comme dans plusieurs espèces de vers. Ce n'est pas la fable la plus absurde qu'on ait imaginée au sujet des salamandres. Mais si la ma- nière dont elles Tiennent à la lumière n'est pas aussi merveilleuse qu'on l'a écrit, elle est remarquable en ce qu'elle difière de celle dont naissent presque tous les autres lézards, et en ce qu'elle est ana- logue ù celle dont voient le jour les seps ou chalcides , ainsi que les vipères et plu- sieurs espèces de serpens. La salamandre mérite par-là l'attention des naturalistes, bien plus que par la fausse et brillante réputation dont elle a joui si long-temps. M. de IMaupertuis ayant ouvert quelques salamandres, y trouva des œufs, et en inème temps des petits tout formés : les œufs étoient divisés en deux grappes alon- gées , et les petits étoient renfermés dans deux espèces de tuyaux trauspareus *, ih 202 HISTOIRE NATURELLE étoieut aussi bien cou formés et bien plus agiles que les salamandres adultes. La salamandre met donc bas des petits venus d'un œuf éclos dans son ventre , ainsi que ceux des vipères. Mais d'ailleurs on a écrit qu'elle pond , comme les sa- lamandres aquatiques , des œufs ellip- tiques , d'où sortent de petites salaman- dres sous la forme de têtard. Nous avons souvent vérifié le premier fait, qui d'ail- leurs est bien connu depuis long-temps : mais nous n'avons pas été à même de vérifier le second. Il seroit intéressant de constater que le même quadrupède pro- duit ses petits , en quelque sorte , de deux manières différentes ; qu'il y a des œufs que la mère pond, et d'autres dont le fœtus sort dans le ventre de la sala- mandre , pour demeurer ensuite ren- fermé avec plusieurs autres fœtus dans une espèce de membrane transparente, jusqu'au moment où il vient à la lii- jnière. Si cela étoit, on devroit disséquer des salamandres à diflerentes époques très-rapprocliées , depuis le moment où elles s'accouplent jusqu'à celui où elles D E s L É Z A R D s. 2o3 mettent l)as leurs petits ; Tou suivioit avec soin raccroisseuieut successif de ces petits venus à la lumière tout formés ; on le compareroit avec le développement de ceux qui sortiroicnt de Tœuf hors du ventre de leur mère, etc. Quoi qu'il en soit, la salamandre femelle met bas des petits tout formés , et sa fécondité est très-grande : les naturalistes ont écrit de- puis long-temps qu'elle faisoit quarante ou cinquante petits ; et ]M. de Maupcr- tui.< a trouvé quarante-deux petites sala- mandres dans le corps d'une femelle , et cinquante-quatre dans une autre. Les petites salamandres sont souvent d'une coideur noire , presque sans taches, qu'elles conservent quelquefois pendant toute leur vie, dans certaines contrées où on les a prises alors pour une espèce par- ticulière , ainsi que nous l'avons dit. M. Thunberg a donné , dans les JWe- moires de l'académie de Suède, la descrip- tion d'un lézard qu'il nomme lézard du Japon, et qui ne paroît dilférer de notre salamandre terrestre que par l'arrange- jlucat de *es couleurs. Cet animal est 204 HISTOIRE NATURELLE presque noir, avec plusieurs taches bLin- châtres et irrégulières, tant au-dessus du corps qu'au-dessus des pattes. Le dos pré- sente une bande d'un blanc sale , divisée en deux vers la tête, et qui s'étend eu- suite irrégulièrement et en se rétrécis- sant jusqu'à l'extrémité de la queue. Cette, bande blanchâtre est semée de très-petits points ; ce qui forme un des caractères distinctifs de notre salamandre terrestre. Nous croyons donc devoir considérer le lézard du Japon décrit par M. Thunberg, comme une variété constante de notre salamandre terrestre , dont l'espèce aura pu être modifiée par le climat du Japon. C'est dans la plus grande île de cet empire nommée Niphoii , que l'on trouve cette variété : elle y habite dans les mon- tagnes et dans les endroits pierreux ; ce qui indique que ses habitudes sont sem- blables c\ celles de la salamandre terrestre, et confirme notre conjecture au sujet de l'identité d'espèce de ces deux animaux. Les Japonois lui attribuent les mêmes propriétés que celles dont on a cru pen- dant loug-temps que le scinque étoit D E s L É Z A R D s. 2o5 doué , ainsi qu'on les a attribuées eu Eu- rope à la salamandre à queue plate; ils la regardent comuic un puissant stimulant et un remède très-actif : aussi trouve-t-ou aux environs de Jédo un grand nombre de ces salamandres du Japon , sécliées et suspcudues aux planchers des boutiques. rfî 2o6 HISTOIRE NATURP:LLE ADDITION A L'ARTICLE DE LA SALAMANDRE TERRESTRE. JN ous plaçons ici uu extrait d'une lettre qui nous a été adressée par dom Saint- Julien , Bénédictin de la congrégation de Cluni. On y trouvera des observations intéressantes relativement à la manière dont les salamandres terrestres viennent au jour. « Je trouvai à la fin du printemps de « l'année dernière 1787 une superbe sala- « maiidre terrestre ( de l'espèce appelée « scorpion dans la basse Guienne , et qu'on « y confond même quelquefois avec cet « insecte ) . • . Elle avoit un peu plus de « huit pouces depuis le bout du museau « jubc^u'à l'extrémité de la queue. La gros- « scur de son t^ entre me fît espérer de B E s L E Z A R D s. 207 « trouver quelque éclaircisseuicnt sur la « géncratiou L cartilagineux et dentelés , au nombre de quatre de chaque coté, et qui sont analogues à Torgane des poissons que Ton a appelé ouïes. Ils communiquent tous à la même cavité; ils sont séparés les uns des autres, et recouverts de chaque côte par un panneau qui laisse passer les houppes frangées. A mesure que Tanimal grandit, ces espèces d'aigrettes diminuent et disparoissent ; les panneaux s'attachent à la peau sans laisser d'ouverture ; les demi-anneaux se réunissent par une mem- brane cartilagineuse ; et la salamandre perd Torgane particulier qu'elle avoit étant jeune. Il paroit qu'elle s'en sert , comme les poissons des ouïes , pour filtrer l'air que l'eau peut contenir , puisque quand elle en est privée, elle vient plus souvent respirer à la surface des étangs. Nous avons vu que les lézards changent de peau une ou deux fois dans l'année: la salamandre aquatique éprouve dans sa peau des changemens bien plus fréquens; et en. ceci elle a un nouveau rapport avec les grenouilles, qui se dépouillent 220 HISTOIRE NATURELLE très-souvent, ainsi que nous le verroii.c. Etant douée de plus d\ictivité dans Tété, et même dans le printemps, elle doit consommer et réparer en moins de temps une grande quantité de forces et de substance; elle quitte alors sa peau tous les quatre ou cinq jours, suivant certains auteurs, et tous les quinze jours ou trois semaines , suivant d'autres na- turalistes , dont l'observation doit être aussi exacte que celle des premiers , la fréquence des dépouillemeus de la sala- mandre à queue plate devant tenir à la température, à la nature des alimens, et à. plusieurs autres causes accidentelles. Un ou deux jours avant que l'animal change de peau , il est plus paresseux qu'à l'ordinaire. Il ne paroît faire aucune attention aux vers et aux insectes qui peuvent être à sa portée , et qu'il avale avec avidité dans tout autre temps. Sa peau est comme détachée du corps eu plusieurs endroits , et sa couleur se ternit. L'animal se sert de ses pieds de devant pour faire une ouverture à sa peau , au- tour de ses mâchoires ; il la repousse D E s L É Z A R D s. 221 ensuite successivenieut au-dessus de sa tête, jusqu'à ce qu il puisse dégager ses deux pattes, qu il relire Tune après Pautre. Il continue de la rejeter en arrière , aussi loin que ses pattes de devant peuvent atteindre; mais il est obligé de se frotter contre 1rs pierres et les graviers , pour sortir à demi de sa vieille enveloppe, qui bientôt est retournée , et couvre le derrière du corps et la queue. La sala* mandre aquatique saisissant alors sa peau avec sa gueule, et en dégageant Tune après rauUe les pattes de derrière , achève de se dépouiller. Si Ton examine la vieille peau , on la trouve tournée à l'envers ; mais elle n'est déchirée en aucun endroit. La partie qui revètoit les pattes de derrière , paroît comme un gant retourné, dont les doigts sont entiers et bien marqués ; celle qui couvroit les pattes de devant , est ren- fermée dans l'espèce de sac que forme la dépouille : mais on ne retrouve pas la partie de la peau qui recouvroit les yeux , comme dans la vieille enveloppe de plu- sieurs espèces de serpens ; on voit deux 19 :i22 HISTOIRE NATURELLE trous à la place , ce qui prouve que les yeux de la salamandre ne se dépouillent pas. Après cette opération , qui dure ordi- nairement une heure et demie, la sala- mandre aquatique paroît pleine de vi- gueur, et sa peau est lisse et très-colorée. Au reste, il est facile d'observer toutes les circonstances du dépouillement des sala- mandres aquatiques , qui a été très-bien décrit par M. Baker , en gardant ces lézards dans des vases de verre remplis d'eau. M. Dufay a vu sortir par l'anus de quelques salamandres une espèce de tube rond , d'environ une ligne de diamètre^ et long à peu près comme le corps de l'animal. La salamandre étoit un jour entier à s'en délivrer , quoiqu'elle le tirât souvent avec les pattes et avec la gueule. Cette membrane , vue au microscope , paroissoit parsemée de petits trous ronds , disposés très-régulièrement : l'un des bouts conteuoit un petit os pointu , assez dur , que la membrane entouroit , et auquel elle étoit attachée ; l'autre bout présentoit deux petits bouquets de poils , qui parois- «joient au uiicioscope revêtus de petite* DES L É Z A _R D S. 228 franges, et quL sortoicnt par deux trous voisins run de Tautrc. U nxe semble que M, Uufay a conjecturé avec raison que cette membrane pouvoit être la dépouille de quelque viscère qui avoit éprouvé , ainsi que Ta pensé lliistorien de l'aca- démie , une altération semblable à celle que Ton observe tous les ans dans Festo- mac des crustacées. On trouve souvent la légère dépoudlc de la salamandre aquatique flottante sur la surface des marais; Thiver , sa peau éprouve , dans nos contrées, des altéra- tions moins fréquentes-, et ce n^est guère que tous les quinze jours que cette salamandre quitte son enveloppe pour en reprendre une nouvelle : ayant moins de force pendant la saison du froid , il ii^est pas surprenant que les changemens qu elle subit soient moins prompts , et par conséquent moins souvent répétés. Mais il suffit qu'elle quitte sa peau plus d une fois pendant Tbiver , à des lati- tudes assez hautes , et par conséquent qu'elle y en refasse une nouvelle pen- dant cette saison rigoureuse , pour qu'où 224 HISTOIRE NATURELLE doive dire que la plupart des salamandres à queue plate ne s'engourdissent pas tou- jours pendant les grands froids de nos climats , et que , par une suite de la température un peu plus douce qu'elles peuvent trouver auprès des fontaines , et dans les différens abris qu'elles choisis- sent , il leur reste assez de mouvement intérieur , et de chaleur dans le sang , pour réparer par de nouvelles produc- tions la perte des anciennes. L'on ne doit pas être étonné que cette reproduction de la peau des salamandres à queue plate ait lieu si fréquenunent. L'élément qu'elles habitent ne doit-il pas en effet ramollir leur peau, et contribuer u l'altérer ? M. Dufay dit , dans le Mémoire dont nous avons déjà parlé , que quelquefois les salamandres aquatiques ne pouvant pas dépouiller entièrement une de leurs pattes , la portion de peau qui y reste se corrompt , et pourrit la patte , qui tombe en entier , sans que l'animal en meure. Elles sont très-sujettes , suivant lui , à perdre ainsi quelques uns de leurs T) E s L É Z A R D s. 225 doigts ; et ces accidcns arrivent plus sou- veut aux pattes de devant qu'à celles de derrière. L'accouplement des salamandres aqua- tiques ne se fait point ainsi que celui des tortues et du plus grand nombre de lé- zards : il a lieu sans aucune intromission , comme celui des grenouilles ; la liqueur prolifique parvient cependant jusques aux canaux dans lesquels entrent les œufs en sortant des ovaires de la femelle , de même qu elle y pénètre dans les lézards. Les salamandres à queue plate réunissent donc les lézards et les grenouilles par la manière dont elles se multiplient , ainsi que par leurs autres habitudes et leur conformation. 11 arrive souvent que cet accouplement des salamandres à queue plate est précédé par une poursuite , répétée plusieurs fois, et mêlée à une sorte deieu. On diroit alors qu'elles tendent à, augmenter les plaisirs de la jouissance par ceux de la recherche , et qu'elles con- noissentla volupté des désirs. Elles prélu- dent par de légères caresses ù une union nlus intime; elles semblent s'éviter d'a^ 226 HISTOIRE NATURELLE bord , pour avoir plus de plaisir à se rapprocher ; et lorsque , dans les beaux jours du printemps , la Nature allume le feu de Pamour , même au milieu des eaux , et que les êtres les plus froids ï;e peuvent se garantir de srf flamme , on voit quelquefois sur la yase couverte d'eau qui borde les étangs , le mâle de la salamandre , pénétré de Tardeur vivi- iiante de la saison nouvelle , chercher avec empressement sa femelle , jouer , courir avec elle , tantôt la poursuivre avec amour , tantôt la précéder , et lui fermer ensuite le passage , redresser sa crête , courber sou corps , relever son dos, et former ainsi une espèce d'arcade, sous laquelle la femelle passe en courant, comme pour lui échapper. Le mâle la poursuit ] elle s'arrête : il la regarde fixe- ment ; il s'approche de très-près ; il re- prend la même posture ; la femelle repasse sous l'espèce d'arcade qu'il forme, s'en- fuit de nouveau pour s'arrêter encore. Ces jeux amoureux, plusieurs fois répétés, se changent enfin en étroites caresses, La feuiellc, comme lassée d'échapper si sou> D E s L É Z A R D s. 227 vent , s'arrête pour ne plus s'enfuir ; le mâle se place à côté d'elle , approche sa tête , et éloigne sou corps souvent jusqu'à un pouce de distance. Sa crête flotte nonchalamment ; son anus est très- ouvert ; il frappe - queuse. La plupart n'ont que quatre doigts aux pieds de devant , et par ee caractère se lient avec les salamandres; quelques uns, au lieu de n'avoir que cinq doigts aux pieds de derrière , comme le plus grand nombre des lézards , en ont six , plus ou moins marqués. Les doigts, tant des pattes de devant que de celles de derrière, sont séparés dans plusieurs de ces quadrupèdes ovipaf-es, et réunis dans d'autres par une membrane, comme ceux des oiseaux à pieds palmés , tels que les oies , les ca- nards , les mouettes , etc. Les pattes de derrière sont , dans tous les quadrupèdes ovipares sans queue , beaucoup plus lon- gues que celles de devant : aussi ces ani- maux ne marchent - ils point , ne s'a- vancent jamais que par sauts , et ne se servent de leurs pattes de derrière que comme d'un ressort qu'ils plient et qu'ils laissent se débander ensuite pour s'élancer à une distance et à une hauteur plus ou inoins grandes. Ces pattes de derrière sont remarquables . eu ce que le tarse est près- 246' HISTOIRE NATURELLE que toujours aussi long que la jambe pro- prenieut dite. Tous les animaux qui composent cette classe ont d'ailleurs une charpente osseuse bien plus simple que ceux dont nous ve- nons de parler. Us n'ont point de côtes, non plus que la plupart des salamandres ; ils n'ont pas même de vertèbres cervi- cales, ou du moins ils n'en ont qu'une ou deux : leur tête est attachée pres- que immédiateuient au corps , comme dans les poissons , avec lesquels i^ ont aussi de grands rapports par leui-s -''abi- tudes, et sur-tout par la manière dont ils se multiplient *. Ils n'ont aucun organe extérieur propre à la génération : les foetus ne sont pas fécondes dans le corps de la femelle ; mais à mesure qu'elle pond ses ceufs , le mâle les arrose de sa liqueur pro- * Les quadi-upèdes ovipares sans queue man- quent de vessie proprement diïe, de même que les lézards, le vaisseau qui conàent leur urine difFéranfc des vessies proprement dites, non seulement par 5a forme et par sa grandeur, mais eutorc par sa position , ainsi que par Je nombre et la nature des canaux avec lesquels ii communique. DES OVIPARES SANS QUEUE. 247 liûquc , qu'il lance par Taiius. Les petits paroisseiit pendant long-temps sous une espèce d'en-veloppe étrangère , sous une forme particulière, èi laquelle on adonné le nom de têtard , et qui ressemble plus ou moins à celle des poissons; et ce n'est qu'à mesure qu'ils se développent , qu'ils acquièrent la véritable forme de leurs espèces. Tels sont les faits généraux communs à tous les quadrupèdes ovipares sans queue. Mais si on les examine de plus près, ou verra qu'ils forment trois troupes bien distinctes , tant par leurs habitudes que par leur conformation. Les premiers ont le corps alongé , ainsi que la tète, l'un ou l'autre anguleux et relevé en arêtes longitudinales ; le bas du ventre presque toujours délié, etles pattes très-longues ; le plus souvent la longueur de celles de devant est double du dia- mètre du corps vers la poitrine, et celles de derrière sont au moins de la longueur de la tète et du corps. Ils présentent des proportions agréables ; ils sautent avec -^igilité. Bien loin de craindjc la lumière 248 HISTOIRE NATURELLE du jour , ils aiment à s'imbiber des rayon? du soleil. Les seconds , plus petits en général que les premiers , et plus sveltes dans leurs proportions , ont leurs doigts garnis de petites pelotes visqueuses , à Taidej des- quelles ils s'attaclient , même sur la face inférieure des corps les plus polis. Pou- vant d'ailleurs s'élancer avec beaucoup de force , ils poursuivent les insectes avec vivacité jusque sur les branches et les feuilles des arbres. Les troisièmes ont , au contraire , le corps presque rond , la tête très-convexe , les pattes de devant très-courtes ; celles de derrière n'égalent pas quelquefois la longueur du corps et de la tête ; ils ne s'é- lancent qu'avec peine. Bien loin de re- chercher les rayons du soleil , ils fuient toute lumière : ce n'est que lorsque la nuit est venue qu'ils sortentdeleurs trous poux aller chercher leur proie. Leurs yeux sont aussi beaucoup mieux conformés que ceux des autres quadrupèdes ovipares sans queue , pour recevoir la plus foible clarté ; el lorsqu'on les porte au grand >oiU" j leur DES OVIPArxES SANS QUEUE. 24*^ priinctlesc contracte, et ne présente qu'une fente aloui^ce. lis diflèrent donc autant des premiers et des seconds, que les hiboux et les chouettes dilTcrent des oiseaux de jour. Nous avons donc cru devoir former trois genres dillcrens des quadrupèdes ovipares sans queue. Dans le premier, qui renferme la gre- nouille commune , nous plaçons douze espèces , qui toutes ont la tête et le corps alongés , et l'un ou Tautre anguleux. Nous comprenons dans le second genre la petite grenouille d'arbre , connue eu France sous le nom de raine on de rainette, et six autres espèces , qu'il sera aisé de distinguer par les pelotes visqueuses de leurs doigts. Nous composons enfin le troisième genre , dans lequel se trouve le crapaud commun , de quatorze espèces , dont le corps ni la tête ne sont relevés en arêtes saillantes. Ces trente -trois espèces, qui forment les trois genres des grenouilles, des raines et des crapauds, sont les seules que nous 25o KISTOIRE NATURELLE, comptions dans la classe des quadrupèdes ovipares sans^queue, et auxquelles nous avons cru , d'après la comparaison exacte des descriptions des auteurs , ainsi que d'après les individus conservés au Cabinet du roi , devoir réduire toutes celles dont les naturalistes et les voyageurs eut fait mention. PREMIER GENRE. Quadrupèdes ovipares sans queue, dont la tcte et le corps sont alongés ^ et Vun ou l'autre anguleux. GRENOUILLES. LA GRENOUILLE COMMUNE. Cj'e s t un grand malheur qu'vme grande ressemblance avec des êtres ignobles ! Les grenouilles communes sont eu apparence si conformes aux crapauds , qu'où ne peut aisément se représenter les unes sans penser aux autres ; on est tenté de les comprendre tous dans la disgrâce à la- quelle les crapauds ont été condamnés, et de rapporter aux premières les habi- tudes basses, les qualités dégoûtantes, les propriétés dangereuses des seconds. 252 HISTOIRE NATURELLE Nous aurons peut-être bien de la peine à donner à la grenouille commune la place qu'elle doit occuper dans Tespritdes lecteurs , comme dans la Nature : mais il n'en est pas moins vrai que s'il n'avoit point existé de crapauds, si Ton n'avoit jamais eu devant les yeux ce vilain objet de comparaison , qui enlaidit par sa res- semblance autant qu'il salit par son ap- proche , la grenouille nous paroîtroit aussi agréable par sa conformation que dis- tinguée par ses qualités , et intéressante par les phénomènes qu'elle présente dans les diverses époques de sa vie ; nous la verrions comme un animal utile dont nous n'avons rien à craindre , dont l'ins- tinct est épuré , et qui , joignant à une forme svelte des membres déliés et sou- ples , est paré des couleurs qui plaisent le plus à la vue , et j](Vésente des nuances d' alitant plus vives , qu'une humeur vis- queuse enduit sa peau et lui sert de ver- nis. Lorsque les grenouilles communes sont hors de l'eau, bien loin d'avoir la lace contre terre , et d'être bassement accrou. DES GRENOUILLES. 253 pîe^ dans la lange comme les crapauds ^ elles ne vont que par sauts très -élevés; leurs pattes de derrière, en se pliant et en se débandant ensuite , leur servent de ressort , et elles y ont assez de force pour s'élancer souvent jusqu'à la hauteur de quelques pieds. On diroit qu'elles cherchent Télément de Tair comme le plus pur ; et lors- qu'elles se reposent ù terre, c'est toujours la tète haute , leur corps relevé sur les pattes de devant , et appuyé sur les pattes de derrière ; ce qui leur donne bien plu- tôt l'attitude droite d'un animal dont l'ins- tinct a une certaine noblesse, que la po- sition basse et horizontale d'un yil rep- tile. La grenouille commune est si élastique et si sensible dans tous ses points, qu'on ne peut la toucher^ et sur-tout la prendre par ses pattes de derrière, sans que tout de suite son dos se courbe avec vitesse, et que toute sa surface montre , pour ainsi dire , les mouvemens prompts d'uu animal agile qui cherche à s'échapper. Son museau se termine eu pointe j les 254 HISTOIRE NATURELLE veux sont gros, brillans et entourés d'im cercle couleur d'or ; les oreilles placée» derrière les yeux , et recouvertes par une membrane ; les narines vers le sommet du museau-, et la bouche est grande et sans dents-, le corps , rétréci par-derrière, pré- sente sur 1g dos des tubercules et des as- pérités. Ces tubercules , que nous avon» remarqués si souvent sur les quadrupèdes ovipares, se trouvent donc non seule- ment svir les crocodiles et les très-grand* lézards , dont ils consolident les dure» écailles , mais encore sur des quadrupède* foibles, bien plus petits, qui ne présentent qu'une peau tendre, et n"ont pour dé- fense que Télément qu'ils habitent, et i'asyle où ils vont se réfugier. Le dessus du corps de la grenouilla commune est d'un verd plus ou moins foncé ; le dessous est blanc. Ces deux couleurs , qui s'accordent très-bien et forment un assortiment élégant , sont relevées par trois raies jaunes qui s'é- tendent le long du dos ; les deux de* côtés forment une saillie , et celle du mi- lieu présente uw cûntfaifc une espèce de DES GRENOUILLES. 255 siUou. A ces couleurs jaune , Tcrte et blanche , i soient formés. Secondement , cet embryon à demi développé est renfermé dans une mem- brane, et, pour ainsi dire, dans un second œuf très-souple et trcs-îranspar«nt , au- * Pline, Rondelet, et plusieurs autres naiura- lifics, ont prétendu que la queue de la jeune gre- Hoinlle se rcnf]t)il en rlcux pour fornier les pattes de derriîre. Cctfc opinion est foutraiie à l'obser- latiou id plus cons-anic. DES GRENOUILLES. 273 quel il y a iiiu' ouverluie qui peut don- ner passage à la uounituic. Mais de ces deux faits le premier ne doit être cousi- dcrc que counne un très-léger cliange- uient, et, pour ainsi dire, une simple abréviation dans la durée des premières opérations nécessaires au développement des animaux qui viennent d'un œuf: cette manière particulière peut avoir lieu sans que le fœtus en soufire , parce que le têtard n'a presque pas liesoin de force ni de membres }>our les divers uiouve- mens qu'il exécute dans Peau qui le sou- tient, et autour de la substance transpa- rente et glaireuse où il trouve à sa portée une nourriture analogue ù la foiblesse de ses organes. A l'égard de cette espèce de sac dans lequel la grenouille ainsi que la raine et le crupaud sont renfermés pendant les premiers temps de leur vie sous la forme de têtard, et qui présente une ouverture pour que la nourriture puisse parvenir au jeune animal , on doit, ce jne semble , le considérer comme une espèce de second a-uf, ou, pour mieux dire, de seconde 274 HISTOIRE NATUPvELLE enveloppe dont Tanijual ne se dégage qu'au moment qui lui a été véritable- ment fixé pour éclore : ce n'est que lors- que la grenouille ou le crapaud font usage de tous leurs membres, que Ton doit les regarder comme véritablement éclos. Ils sont toujours dans un œuf tant qu'ils sont sous la foruie de têtard : mais cet œuf est percé, parce qu'il ne renferme point la nourriture nécessaire au fœtus, et parce que ce dernier est obligé d'aller chercher sa subsistance, soit dans l'eau, soit dans la substance glaireuse qui flotte avec l'apparence d'une matière nua- geuse. Le têtard, à le bien considérer, n'est donc qu'un œuf souple et mobile qui ])eut se prêter à tous les mouvemens de l'embryon. Il en seroit de même de tous les œufs, et même de ceux de nos poules, si, au lieu d'être solides et formés d'une substance crétacée et dure , ils étoient coiuposés d'une membrane très-molle, très -flexible et transparente. Le poulet qui y seroit contenu pourroit exécuter cjuciques mouvemens , quoique renfermé DES GRENOUILLES. 275 dans cette enveloppe , qui se préteroit à sou action ; il le pourroit sur-tout , si ces jnouvemcns n étoicut pas contrariés par les aspérités des suriaces et les inégalités du terrain , et si , au contraire, ils avoient lieu au milieu de Teau, qui soutiendront roeuf et le fœtus , et ne leur opposeroit qu'une foihle résistance. Ces mouvemens seroient comme ceux d'un petit animal qu'on renfcrmeroit dans un sac d'une ma- tière souple. Que se passe-t-il donc réellement dan? le développement des grenouilles , ainsi que des autres quadrupèdes ovipares sans queue? Leurs œufs ont plusieurs enve- loppes : les plus extérieures , qui envi- rounentie globule noir et blanchâtre , ne subsistent que quelques jours; la plus intérieure, qui est très -molle et très- souple , peut se prêter à tous les mouve- mens d'un animal qui à chaque instant acquiertde nouvelles forces; elle s'étend à mesure qu'il grandit ; elle est percée d'une ouverture, que l'on u'auruit pas dû appeler })ouche ; car ce n'est pas pré- cisément un organt particulier, mais ua 276 HISTOIRE NATURELLE passage pour îa nourriture nécessaire à la jeune grenouille, au jeune crapaud, ou à la jeune raine; et comme les œufs des grenouilles , des raines et des crapauds , sont communément pondus dans Peau qui, pendant le printemps et Tété, est inoins chaude que la terre et l'air de Tat- inospbère , ils éprouvent une chaleur moins considéi-able que ceux des lézards et des tortues, qui sont déposés sur les rivages , de manière à être échauffés par les rayons du soleil : il n'est donc pas sur, prenant que, par exemple, les petites gre- nouilles soient renfermées dans leurs enveloppes pendant deux mois ou envi- ron , et que ce ne soit qu'au bout de ce temps qu'elles éclosent véritablement en quittant la forme de têtard , tandis que les lézards et les tortues sortent de leurs œufs après un assez petit nombre de jours. A l'égard de la queue qui s'oblitère dans les grenouilles, dans les crapauds et dans les raines , ne doivent-ils pas perdre facilement une portion de leur corps qui Ji'eit ssouteuue par aucune partie oss.euse. DES GRENOUILLES. 277 *t qui d'ailleurs , toutes les fois qu'ils nagent, oppose ù Teau le plus d'aelion et de résistance? Au reste, cette sorte de tendance de la Nature à donner une queue aux grenouilles, aux crapauds et aux raines , ainsi qu'aux lézards et aux tortues , est une nouvelle preuv^e des rap- ports qui les lient, et , en quelque sorte , de l'unité du modèle sur lequel les qua- drupèdes ovipares ont été formés. Les couleurs des grenouilles communes ne sont jamais si vives qu'après leur ac- couplement; elles pâlissent plus ou moiii» ensuite, et deviennent quelquefois assez ternes et assez rousses pour avoir fait croire au peuple de plusieurs pays, que, pendant l'été, les grenouilles se uiéta- luorphosent en crapauds. Lorsqu'on ne blesse les grenouilles que dans une seule de leurs parties , il est très-rare que toute leur organisation s'en ressente , et que l'ensemble de leur mé- canisme soit dérangé au point de les faire périr. Bieu plus, lorsqu'on leur ouvre le corps , et qu'on en arrache le cœur et les «iitraillesj elles uc coiiscrveut pas moiusj -y-t ^fô HISTOIRE NATURELLE pciulant quelques iiioinens, leurs uioute- mens accoututnés ; elles les conservent aussi pendant quelque temps lorsqu'elles ont perdu presque tout leur sang; et si, dans cet état, elles sont exposées à l'ac- tion engourdissante du froid, leur sensi- bilité s'éteint , mais se ranime quand le froid se dissipe très-promptement, et elles sortent de leur torpeur, comme si elles ii'avoient éprouvé aucun accident. Aussi , malgré le grand nombre de dangers aux- quels elles sont exposées, doivent- elles communément vivre pendant un temps assez long relativement à leur volume. Les grenouilles étant accoutumées à demeurer un peu de temps sous l'eau sans respirer, et leur cœur étant conformé de manière à pouvoir battre sans être mis en jeu par leurs poumons comme celui des animaux mieux organisés , il n'est pas surprenant qu'elles vivent aussi pendant un peu de temps dans un vase dont on a pompé l'air, ainsi que l'ont éprouvé plu-^ sicui's physiciens , et que je l'ai éprouvé souvent moi-même. On peut même croire que l'éipèce de itial-aise ou de doultiHi' DES GRENOUILLES. 279 quelles ressentent lorsqu'on comincnce ù ôter l'air du récipient, tient plutôt à la dilatation subite et forcée de leurs Tais- seaux , produite par la raréfaction de l'air renferme dans leur corps , qu'au défaut d'un nouvel air extérieur. 11 n'est pas surprenant , d'après cela , qu'elles vivent plus long-temps que beaucoup d'autres animaux, ainsi que les crapauds et les salamandres aquatiques, dans des vases dont l'air ne peut pas se renouveler. Les grenouilles sont dévorées par les serpens d'eau , les anguilles, les brochets, les taupes, les putois, les loups *, les oiseaux d'eau et de rivage, etc. Comme elles fournissent un aliment utile , et que même certaines parties de leur corps forment un mets très-agréable , on les rcclierclie avec soin. On a plusieurs ma- nières de les pêcher : on les prend avec des filets à la clarté des ilambeaux, qui les efiVaient et les rendent souvent comme immobiles ; ou bien on les pêche à la ligne avec des hameçons qu'on garnit de * JM, Daubcnton en a trouve dans l'esioicae d'iua loup. 23o HISTOIRE NATURELLE vers , d'insectes , ou simplement d'un morceau d'étoffe rouge ou couleur de chair: car, ainsi que nous l'avons dit, les grenouilles sont j];oulues ; elles saisissent avidement et retiennent avec obstination tout ce qu'on leur présente. M. Bourgeois rapporte qu'en Suisse on les prend d'une manière plus prompte par le moyen de grands râteaux, dont les dents sont lon- gues et serrées: on enfonce le râteau dans l'eau , et on ramène les grenouilles à terre , en le retirant avec précipitation. On a employé avec succès en médecine les différentes portions du corps de la grenouille, ainsi que son frai, auquel on fait subir différentes préparations , tant pour conserver sa vertu pendant long- temps , que pour ajouter à l'efficacité de ce remède. La grenouille commune habite presque tous les pays. On la trouve très -avant vers le Nord , et même dans la Lapponie suédoise; elle vit dans la Caroline et dans Ja Virginie , où elle est si agile , au rap- port de plusieurs voyageurs, qu'elle peut, en sautant , franchir un intervalle de qaiuze ù dix-huit pieds. DES GRENOUILLES. iSt Nous allons maintenant présenter ra- pidement les détails relatifs aux grc- iiouilies diflérentes de la grenouille coni- niune , et que l'on rencontre dans nos contrées ou dans les pays étrangers; nous allons les considérer comme des espèces distinctes : peut - être des observations plus étendues nous obligeront-elles dans la suite à en regarder quelques unes comme de simples variétés dépendantes du climat , ou tout au plus comme des races constantes; nous nous contenterons de rapporter les difîérences qui les sépa- rent de la grenouille commune , tant dans leur conformation que dans leurs liabitudes. Ùé 282 HISTOIRE NATURELLE LA ROUSSE. Il est aisé de distinguer cette grenouille d'avec les autres , par une tache noire qu'elle a entre les yeux et les pattes de devant. Elle paroît , au premier coup d'oeil , n'être qu'une variété de la gre- nouille commune ] mais comme elle habite dans le même pays, comme elle vit , pour ainsi dire , dans les mêmes étangs , et qu'elle en diffère cependant constamment par quelques unes de ses habitudes et par ses couleurs , on ne peut pas rapporter ses caractères distinc- tifs à la différence du climat ou de la température , et l'on doit la considérer comme un© espèce particulière. Elle a le dessus du corps d'un roux obscur , moins foncé quaiul elle a renouvelé sa peau , et qui devient comme marbré rer« le milieu dt, l'été; le ventre est blanc DES GRENOUILLES. ^83 et tacheté de noir ù mesure qu'elle vieillit ; les cuisses sout rayées de brun. Elle a au bout de la langue une petite échaucrure dont les deux pointes lui servent à saisir les insectes, qu'elle retient en même temps par Tespcce de glu dont sa langue est enduite , et sur lesquels elle s'élance comme un trait , dès qu'elle les voit à sa portée. Ou Ta appelée la muette . par comparaison avec la grenouille com- mune, dont les cris désagréables et sou- vent répétés se font entendre de très- loin. Cependant , dans le temps de son accouplement ou lorsqu'on la tourmejite, elle pousse un cri sourd , semblable à une sorte de grognement , et qui est plus fréquent et moins foible dans le mule. Les grenouilles rousses passent une grande partie de la belle saison à terre. Ce n'est que vers la lin de l'automne qu'elles regagnent les endroits maréca- geux ; et lorsque le froid devient plus vif, elles s'enfoncent dans le limon du fond des étangs , où elles demeurent engouidits jusqu'au retour du printenips. 5:154 HISTOIRE NATURELLE Mais , lorsque la chaleur est revenue , elles sont rendues à la vie et au mouvement: les jeunes regagnent alors la terre pour y chercher leur nourriture ; celles qui sont âgées de trois ou quatre ans , et qui out atteint le degré de développe- ment nécessaire à la reproduction de leur espèce , demeurent dans Teau jusqu'à ce que la saison des amours soit passée. Elles sont les premières grenouilles qui s'accouplent, comme les premières rani- Hiées : elles demeurent unies pendant quatre jours ou environ. Les grenouilles rousses éprouvent , avant d'être adultes , les mêmes change- inens que les grenouilles communes; mais il paroît qu'il leur faut plus de temps pour les subir, et que ce n'est qu'à peu près au hout de trois mois qu'elles ont la forme qu'elles doivent conserver pendant toute leur vie. Vers la fin de juillet , lorsque les petites grenouilles sont entièrement écloses et ont quitté leur état de têtard , elles vont rejoindre les autres grenouilles rousses dans les bois et dans les campagnes. Elles DES GRENOUILLES. ^85 partent le soir, voyagent toute la nviit, et évitent d'étrcla proie des oiseaux vo- raccs en passant le jour sous les pierres et sous les diiîérens abris qu'elles ren- contrent, et en ne se remettant en chemin, que lorsque les ténèbres leur rendent la sûreté. Cependant , malgré cette espèce de prudence, pour peu qu'il vienne à pleu- voir, elles sortent de leurs retraites pour s'imbiber de Teau qui tombe. Comme ellessont très-fécondes et qu'elles pondent ordinairement depuis six cents jusqu'à onze cents œufs , il n'est pas surprenant qu'elles se montrent quel- quefois en si grand nombre , sur-tout dans les bois et les terrains bumides , que la terre en paroît toute couverte. La multitude des grenouilles rousses qu'on voit sortir de leurs trous lorsqu'il pleut , a donné lieu à deux fables : l'on a dit , non seulement qu'il pleuvoit quel- quefois des grenouilles , mais encore que le mélange de la pluie avec des grains de poussière pouvoit les engendrer tout d'un coup-, Ton ajoutoit que ces gre- jiouilles ainsi tombées des nues , ou pro- â86 HISTOIRE NATURELLE duiles d'une manière si japide par un mélange si bizarre , s'en alloient aussi promptement qu'elles étoient venues , et qu'elles disparoissoient aux premiers rayons du soleil. Pour peu qu'on eût voulu découvrir ^ la vérité , on les auroit trouvées , avant la pluie , sous des tas de pierres et d'au- tres abris , ou on les auroit vues cachées de nouveau après la pluie , pour se dé- rober à une lumière trop vive: mais on auroit eu deux fables de moins à ra- conter ; et combien de gens dont tout le mérite disparoît avec les faits mer- veilleux ! On a prétendu que les grenouilles rousses étoient venimeuses : on les mange cependant dans quelques contrées d'Al- lemagne ; et M. Laurenti ayant fait mor- dre une de ces grenouilles par de petits lézards gris , sur lesquels le moindre venin agit avec force , ils n'en furent point incommodés. Elles sont en très - grand nombre dans l'île deSardaigne , ainsi que dans presque toute l'Europe ; il paroît qu'on les trouve dans l'Amérique scptcn- DES GRENOUILLES. 287 tnoiialc, et qu'il faut leur rapporter les grenouilles appelées grenouilles de terre par Catesby , et qui habitent la Virginie et la Caroline. Ces dernières paroisscnt préférer pour leur nourriture les insectes qui ont la propriété de luire dans les ténè- bres , soit que cet aliment leur convienne mieux, ou qu'elles puissent Pappercevoir et le saisir plus facilement lorsqu'elles cherchent leur pâture pendant la nuit. Catesb}^ rapporte en eflet qu'étant dans la Caroline , hors de sa maison , au com- mencement d'une nuit très-chaude , quel- qu'un qui l'accompagnoit , laissa tomber de sa pipe un peu de tabac brûlant qui fut saisi et avalé par une grenouille de terre , tapie auprès d'eux , et dont l'hu- meur visqueuse dut amortir l'ardeur du tabac. Catesby essaya de lui présenter un petit charbon de bois allumé , qui fut avalé et éteint de même. Il éprouva constamment que lés grenouilles terres- tres saisissoient tous les petits corps en- flammés qui étoient à leur portée , et il conjectura j d'aprèscela, qw'eUes dévoient a88 HISTOIRE NATURELLE recherclier les vers ou les insectes luisaiis qui brilleut en grand nombre , pendant les nuits d'été , dans la Caroline et dans la Virginie. DES GRENOUILLES. 289 LA PLUVIALE. Cette grenouille est couverte de ver- rues ; ce qui sert à la distinguer d'ayec les autres. La partie postérieure du corps est obtuse et parsemée en dessous de petits points. Elle a quatre doigts aux pieds de devant, et cinq doigts un peu séparés les uns des autres aux. pieds de derrière. On la trouve dans plusieurs contrées de rEurope.Elles^-inoutre souvent en grand nombre après' les pluies du printemps ou de rété, ainsi que la grenouille rousse ; et c'est de là qu'est tiré le nom de plu- viale , que M. Daubenton lui a donne , et que nous lui conservons. On a fait sur son apparition les mêmes contes ridicules que sur celle de la grenouille rousse. Ovipares, j j. 290 HISTOIRE NATURELLE LA SONNANTE. Un trouve en Allemagne une grenouille qui , par sa forme , ressemble un peu plus que les autres au crapaud commun, mais qui est beaucoup plus petite que ce der- nier. Un de ses caractères distinctifs est un pli transversal qu'elle a sous le cou. Le fond de sa couleur est noir ; le dessus de sou corps est couvert de points saillans, le dessous marbré de blanc et de noir. Les pieds de devant ont quatre doigts divisés, et ceux, de derrière en ont cinq réunis par une membrane. On conserve au Ca- binet du roi plusieurs individus de cette espèce. On la nomme la sonnante , à cause d'une ressemblance vague qu'on a trou- vée entre son coassement et le son des cloches qu'on entendroit de loin. Sa forme et son habitation l'ont fait appeler quel- quefois arapaud des marais, _ Tûfn ■ -2 IV jS ■ jl^f_>? D E s R A I N E s. ^" existence qu'elles y ont reçue , et qu elles sont poussées par une sorte d'instmct a ,,e donner le jour à de petits êtres sem- blables à elles que dans les asyles favo- rables où ils trouveront en naissant la nourriture et la sûreté qui leur ont été nécessaires à elles-mêmes dans les pre- miers mois où elles ont vécu; ou plutôt encore c'est à l'eau qu'elles retournent dans le temps de leurs amours , parce que ce n'est que dans l'eau qu'elles peuvent s'unir de la manière qui con- vient le mieux à leur organisation. Les raines ne vivent dans les bois que pendant le temps de leurs chasses ; car c^cst aussi au fond des eaux et dans le limon des lieux marécageux qu'elles se cachent pour passer le temps de l'hiver et de leur engourdissement. On les trouve donc dans les étangs des la fin du mois d'avril, ou au commence- ment de mai : mais , comme si elles ne pouvoient pas renoncer , même pour un temps très-court, aux branches qu e es ont habitées , peut-être parce qu elles ont besoin d'y aller chercher l'aliment 3i6 HISTOIRE NATURELLE qui leur convient le plus lorsqu'elles sont entièrement développées, elles choisissent les endroits marécageux entourés d'arbres: c'est là que les mâles gonflant leur gorge , qui devient brune quand ils sont adultes, poussent leurs cris rauques et souvent répétés , avec encore plus de force que la grenouille commune. A peine Fun d'eux fait-il entendre son coassement reten- tissant, que tous les autres mêlent leurs sous discordans à sa voix; et leurs cla- meurs sont si bruyantes, qu'on les pren- droit de loin pour une meute de chiens qui aboient , et que , dans les nuits tranquilles , leurs coassemens réunis sont quelquefois parvenus jusqu'à plus d'une lieue , sur-tout lorsque la pluie étoit prête à tomber. Les raines s'accouplent comme les gre- nouilles : on apperçoit le mâle et la fe- melle descendre souvent au fond de l'eau pendant leur union , et y demeurer assez de temps; la femelle paroît agitée de mouvemcns convulsifs, sur-tout lorsque le moment de la ponte approche; et le mâle y répond en approchant plusieurs. D F, S R A INES. 017 fois rcxtrémitc de son corps, de manière à féconder plus aisément les œufs à leur sortie. Quelquefois les femelles sont délivrées, en peu d'heures , de tous les œufs qu'elles doivent pondre ; d'autres fois elles ne s'en débarrassent que dans quarante-huit heures , et uiême quelquefois plus de temps : mais alors il arrive souvent que le mâle lassé , et peut-être épuisé de fatigue , perdant son amour avec ses désirs , abandonne sa femelle , qui ne pond plus que des œufs stériles. La couleur des raines varie après leur accouplement : elle est d'abord rousse , et devient grisâtre tachetée de roux ; elle est ensuite bleue , et enfin verte. Ce n'est ordinairement qu'après deux mois que les jeunes raines ont la forme qu'elles doivent conserver toute leur vie ; mais dès qu'elles ont atteint leur dévelop- pement , et qu'elles peuvent sauter et bondir avec facilité , elles quittent les eaux et gagnent les bois. On fait vivre aisément la raine verte dans les maisons . eu lui fournissant une 3r8 HISTOIRE NATURELLE ternpératuie et une uourritiiie conve-* îiables. Comme sa couleur varie très-sou- vent, suivant l'âge, la saison et le cli- mat , et comme lorsque l'animal est mort, le verd du dessus de son corps se change souvent en bleu , nous présumons que l'on doit regarder comme une variété de cette raine celle que M. Boddaert a dé- crite sous le nom de grenouille à deux couleurs. Cette dernière raine faisoit partie de la collection de M. Schlosser , et avoit été apportée de Guinée. Ses pieds n'étoicnt pas palmés ; ses doigts étoient garnis de pelotes visqueuses : elle en avoit quatre aux pieds de devant, et cinq aux pieds de derrière, La couleur du dessus de son corps étoit bleue , et le jaune régnoit sur tout le dessous. Le museau étoit un peu avancé ; la tête plus large que le corps , et la lèvre supérieure un peu fendue. On rencontre la raine verte en Europe , en Afrique et en Amérique. Mais , indé- pendamment de cette espèce, les pays étrangers offrent d'autres quadrupèdes D E s R A 1 N E s. 3r^ ovipares sans queue, et a%'cc des plaques visqueuses sous les doigts. Nous allons présenter les caractères particuliers de ces diverses raines. 32P HISTOIRE NATURELLE LA BOSSUE. vJn trouve dans l'île de Lemiios nue raine qu'il est aisé de distinguer d'avec les autres , parce que sur son corps arrondi et plane s'élève une bosse bien sensible. Ses yeux sont saillans ; et les doigts de ses pieds , garnis de pelotes gluantes comme celles de la raine com- mune , sont en même temps réunis par une membrane. Elle est la proie des serpens. 11 paroît que cette espèce, qui appartient à l'ancien continent , se ren- contre aussi à Surinam ; mais elle y a subi l'influence du climat , et y forme une variété distinguée par les taches que le dessus de son corps présente. D E s R A I N E s. 3^1 LA BRUNE. CïTTr raine, que M. Laurenti a le premier décrite , sans indiquer son pays natal , mais qui nous paroît devoir ap- partenir à l'Europe , e^t distinguée d'avec les autres par sa couleur brune , et par des tubercules en quelque sorte déchi- queté» qu'elle a sous les pieds. La raine ou grenouille d'arbre dont parle Sloane sous le nom de rana arhorcd maxima, et qui habite la Jamaïque, pourroit bien être une variété de la brune; sa couleur est foncée comme celle de la brune. A la vérité , elle ^est tachetée de verd , et elle a de chaque ct.té du cou une espèce de sac ou de vessie conique ; mais les différences de cette raine qui vit en Amérique , avec la In-une qui paroît habiter l'Europe , pourroicnt être rappor- tées à l'innuencc du climat , ou à celle de la saison des amours , qui , dans presque tous les animaux , rend plu- sieurs parties beaucoup plus apparentes 322 HISTOIRE NATURELLE LA COULEUR-DE-LAIT. JifiiLE habite eu Amérique : sa couleur est d'un blanc de ucige , avec des taches d' vin blanc moins éclatant; le bas-ventre présente des bandes d'une couleur cen- drée pâle ; l'ouverture de la gueule est très-grande. Une variété de cette espèce , au lieu d'avoir le dessus du corps d'un blanc de neige , l'a d'une couleur bleuâtre un peu plombée. D E s R A I N E s. 323 LA FLUTE USE. i_>«ETTE espèce a le corps d'un l)lanc de neige suivant M. Laurenti , de cou- leur jaune suivant Seba , et tacheté de rouge. Les pieds de derrière sont palmés , et le mâle , en coassant , fait enfler deux Ycssies qu'il a des deux côtés du cou , et que Ton a comparées à des flûtes. Sui- vant Seba , elle coasse mélodieusement : mais je crois qu'il ne faut pas avoir l'oreille très-délicate pour se plaire à la mélodie de la flûteuse. Cette raine se tait pendant les jours froids et pluvieux , et son cri annonce le beau temps ; clic est opposée en cela à la grenouille commune, dont le coassement est au contraire un indice de pluie. Mais la sécheresse ne doit pas agir également sur les animaux dans deux climats aussi différens que ceux de l'Europe et de l'Amérique méridionale. Le mâle de la raine couleur-de-lait ne 324 HISTOIRE NATURELLE j3/>unoit-iI pas avoir aussi deux vessies , qu'il n'eufleroit et ne rciidroit apparentes que dans le temps de ses amours , et dès- lors la llùteu.se ne devroit-elle pas être regardée comme une variété delà coulcur- de-lait ? D E s R A I N E s. 325 L'ORANGÉE. J-j E corps de cette raiue est jauue , avec une teinte légère de roux , et son dos est comme circonscrit par une file de points roux plus ou moins foncés. Seba dit qu'elle ne diffère de la flûteuse que par le défaut des vessies de la gorge. Elle ■vit à Surinam. On rencontre au Brésil une raine dont le corps est d'un jaune tirant sur la cou- leur de l'or. Sou dos est , ù la vérité, pa- naché de rouge , et on l'a vue d'une mai- greur si grande , qu'oii en a tiré le nom de raine squelette qu'on lui a donné : mais les raines , ainsi que les grenouilles , sont sujettes à varier beaucoup , par l'abon- dance ou le défaut de graisse , ujéuie dans un très-court espace de temps. Nous pensons donc que la raine squelette , vue dans d'autres momens que ceux où elle g été ob'^ervcc , u'auroit pi-ut-ôtre pus 326 HISTOIRE NATURELLE paru assez maigre pour foriner une espèce différente de Torangée , mais simplement une variété dépendante du climat , ou d'autres circonstances. D E s R A I N E s. S27 LA ROUGE. kJs la troiirc en Amérique ; elle a la tète grosse , ronverture de la gueule graude , et sa couleur est rouge. M. le comte de Buffou a fait mcu- tlou , daus riiistoire des perroquets aj)- pclés cricÂs , d'un petit quadrupède ovi- pare sans queue de T Amérique méridio- nale , dont se servent les Indiens pour donner aux plumes des perroquets une belle couleur rouge ou jaune ; ce qu'ils appellent tapirer. Ils arrachent pour cela les plumes des jeunes cricks qu'ils ont enlevés dans leur nid; ils en frottent la place avec le sang de ce quadrupède ovi- pare ; les plumes qui renaissent après cette opération , au lieu d'être vertes , comme auparavant , sont jaunes ou rouges. Ce quadrupède ovipare sans queue vit com- munément dans les bois. 11 j a au Ca- ])iiict du roi plusieurs individus de cette 3^8 HISTOIRE NATURELLE. espèce , conservés dans respiit-de-vin ^ d'après lesquels il est aisé de voir qu'il est du genre des raines, puisqu'il a des pla- ques visqueuses aubout des doigts; ce qui s'accorde fort bieu avec Thabilude qu'il a de demeurer au milieu des arl)res. 11 paroît que la couleur de cette raine tire sur le rouge ; elle présente sur le dos deux bandes longitudinales, irrégulières , d'un blanc jaunâtre , ou nicnie couleur d'or. 11 me semble qu'on doit regarder cette jolie et petite raine comme une Tariété de la rouge, ou peut-être de l'oran- gée. Combien les grenouilles , les cra- pauds et les raines ne varient-ils pas , suivant l'âge , le sexe , la saison et Tabon- dance ou la disette qu'ils éprouvent ! La laine à tapirer a , comme la rouge , la tête grosse en proportion du corps , et l'ouverture de la gueule est grande. Au reste , il est bon de remarquer que nous retrouvons sur les raines de l'xVmé- rique méridionale les belles couleurs que la Nature y a accordées aux grenouilles , et qu'elle y a prodiguées aussi avec tant de magnificence auxoiseanx, aux insectes et aux papillons. T R O I s I E lAI E GENRE, Quadrupèdes ovipares sans queue, qui ont le corps ramassé et arrondi. CRAPAUDS. LE CRAPAUD COMMUN *. J-Jepuis long-temps ropinion a flétri cet animal dégoûtant, dont l'approche révolte tous les sens. L'espèce d'horreur avec laquelle on le découvre, est pro- duite même par l'image que le souvenir en retrace; beaucoup de gens ne se le représentent qu'en éprouvant une sorte de frémissement , et les personnes qui ont le tempérament foible et les nerfs déli- cats , ne peuvent en lixcr l'idée sati» * Bujo f en latin; toatl , en angluJs. 38 \ 33o HISTOIRE NATURELLE croire sentir dans leurs veines le froid I glacial que Ton a dit accompagner Tat- touchement du crapaud : tout en est vi- lain , jusqu'à son nom, qui est devenu le sigue d'une basse difformité. Ou s'étonne toujours lorsqu'on le voit constituer une espèce constante , d'autant plus répandue que presque toutes les températures lui conviennent , et en quelque sorte d'au- tant plus durable que plusieurs espèces voisines se réunissent pour former avec lui une famille nombreuse. On est tenté de preudre cet animal informe pour un produit fortuit de Fliumidité et de la pounûture , pour un de ces jeux bizarres qui échappent à la Nature ; et on n'ima- gine pas comment cette mère commune, qui a réuni si souvent tant de belles pro- portions à tatit de couleurs agréables , et qui même a donné aux grenouilles et aux raines une sorte de grâce, de gentillesse et de parure , a pu imprimer au crapaud une forme si hideuse. Et que l'on ne croie pas que ce soit d'après des cojiventions arl:>itraires qu'on le regarde comme un des ctrcs les plus dcfavora!)lcnicnt traités: DES CRAPAUDS. 33r il paroît vicie dans toutes ses parties. S'il a des pattes, elles n'élèveut pas sou corps disproportioiiiic au-dessus de la fange qu'il habite. S'il a des yeiix , ce n'est point , en quelque sorte , pour recevoir une lumière qu'il fuit. Mangeant des lierbes puantes ou vénéneuses , caché dans la vase , tapi sous des tas de pierres, retiré dans des trous dérocher , sale dans son habitation, dégoûtant par ses habi- tudes, dillornie dans son corps, obscur «lans ses couleurs, infect par son haleine, ne se soulevant qu'avec peine, ouvrant, lorsqu'on l'attaque , une gueule hideuse, n'ayant pour toute puissance qu'une grande résistance aux coups qui le frap- pent, que l'inertie de la matière , que l'opiniâtreté d'un être stupide , n'em- ployant d'autre arme qu'une liqueur fé- tide qu'il lance, que paroît- il avoir de bon , si ce n'est de chercher , pour ainsi dire, à se dérober à tous les yeux, eu fusant la lumière du jour? Cet être ignoble occupe cependant une n^^QZ grande place dans le plan de la Na- ture : elle l'a répandu avec bien plus de 332 HISTOIRE N A T U R E L L R profusion que beaucoup d'objets chéris de sa complaisance maternelle. Il semble qu'au physique , comme au luoral , ce qui est le plus uiauvais , est le plus facile à produire ; et , d'un autre coté, on diroit que la Nature a voulu, par ce frappant contraste, relever la beavité de ses autres ouvrages. Donnons donc dans cette his- toire une place assez étendue à ces êtres sur lesquels nous sommes forcés d'arrêter •■un uioment Tattention : ne cherchons même pas à ménager la délicatesse ; ne craignons pas de blesser les regards, et tâchons de montrer le crapaud tel qu'il est. Son corps , arrondi et rama«;sé , a plutôt l'air d'un amas informe et pétri au ha- zard , que d'un corps organisé , arrange avec ordre, et fait sur un modèle. Sa couleur est ordinairement d'un gris li- vide, tacheté de brun et de jaunâtre; quelquefois, au commencement du prin- temps, elle est d'un roux sale, qui de- vient ensuite, tantôt presque noir, tantôt olivâtre , et tantôt roussâtre. 11 est encore enlaidi par un grand nombre de verrues. DES CRAPAUDS. 33!? ou plutôt clcpustulcs d'un vcvcl noirâtre, ou d'un rouge clair. Une émincnce très- alongéc , faite en forme de rein, molle et percée de plusieurs pores très-visibles, est placée au-dessus de chaque oreille. Le conduit auditif est fermé par une lame uicmbrancuse. Une peau épaisse, dure, et très-diOicile à percer, couvre son dos applati ; son large ventre parOÎt toujours enllé-, ses pieds de devant sont très-peu alongés , et divisés en quatre doigts , tan- dis que ceux de derrière ont chacun six doigts réunis par une membrane*. Au lieu de se servir de cette large patte pour sauter avec agilité, il ne l'emploie qu'à comprimer la vase humide sur laquelle il repose; et au-devant de cette masse, qu'est-ce qu'on distingue? Une tête un peu plus grosse que le reste du corps , connue s'il mauquoit quelque chose ù sa dllVormité ; une grande gueule garnie de mâchoires raboteuses, mais sans dents; des paupières gonflées, et des yeux assez gros , saillans, et qui révoltent par la co- * Le doigt inlcneur est gros, mais trcs-couit n peu sensible dans le squelette 4 HISTOIRE NATURELLE 1ère quiiDaroît souvent ]es animer. On est tout étonné qu'un animal qui ne semble pétri que d'une vile et froide boue, puisse sentir l'ardeur de la colère , comme si la Nature avoit permis ici aux extrêmes de se mêler, afin de réunir dans un seul être tout ce qui peut repousser l'intérêt. Il s'irrite avec force pour peu qu'on le tou- che ; il se gonfle, et tache d'employer auisi sa vaine puissance : il résiste long- temps aux poids avec lesquels on cherche à l'écraser; et il faut que toutes ses parties et ses vaisseaux soient bien peu liés entre eux, puisqu'on a vu des crapauds qui, percés d'outre en outre avec un pieu , ont cepc7idant vécu plusieurs jours, étant fichés contre terre. Tout se ressent de la grossièreté de l'at- mosphère ordinairement répandue au- tour du crapaud , et de la disproportion de ses membres ; non seulement il ne peut point marcher, mais il ne saute qu'à une très-petite hauteur : lorsqu'il se sent pressé, il lance contre ceux qu'il pour- suit, les sues fétides dont il est imbu ; il fait jaillir une liqueur limpide que l'on DES CRAPAUDS. 335 dit cire son urine, et qui, dans certaines fcirconstauces , est plus ou moins luiisible. Il transpire de tout son corps une humeur laiteuse , et il découle de sa bouche une Lave qui peut infecter les herbes et les fruits sur lesquels il passe , de manière à incommoder ceux qui eu mangent sans les laver. Cette bave et cette humeur lai- teuse peuvent être un venin plus ou moins actif, ou un corrosif plus ou moins fort, suivant la température, la saison , et la nourriture des crapauds, Tespcce de ranimai sur lequel il agit , et la nature de la partie qu'il attaque. La trace du crapaud peut donc être , dans certaines circonstances , aussi funeste que son as- pect est dégoûtant. Pourquoi donc laisser subsister un animal qui souille et la terre et les eaux, et même le regard ?iMais com- ment anéantir une espèce aussi féconde et répandue dans presque toutes les con- trées ? Le crapaud habite pour Pordinaire dans les fossés , sur-tout dans ceux où une eau fétide croupit depuis long-temps; on le trouve dans les fuuiiers , dans les cuves , 336 HISTOIRE NATURELLE dans les autres profonds, dans les forêts où il peut se dérober aiséuieut à la clarté qui le blesse en choisissaut de préférence les endroits ombragés, sombres, solitaires, eu s'enfoncaut sous les décombres, et sous les tas de pierres : et combien de fois u'a- t-on pas été saisi d'une espèce d'horreur, lorsque , soulevant quelque gros caillou dans des bois humides, ou a découvert un crapaud accroupi contre terre , ani- mant ses gros yeux, et gonflant sa masse pustuleuse ? > C'est dans ces divers asyles obscurs qu'il se tient renfermé pendant tout le jour, à moins que la pluie ne l'oblige à en sortir. Il y a des pays où les crapauds sont si fort répandus , comme anprès de Car- thagèue et de Porto -Bello eu Amérique, que non seulement lorsqu'il pleut ils y couvrent les terres humides et maréca- geuses , mais encore les rues, les jardins et les cours , et que les habitans de ces provinces de Carthagène et de Porto-Bello ont cru que chaque goutte de pluie étoit changée eu crapaud. Ces animaux pré- D E s C R A P A U D s. 337 sentent luêinc, dans ces contrées du nou- veau monde, un volume considérable; les moins grands ont six pouces de lon- gueur. Si c'est pendant la nuit que la pluie tombe, ils abandonnent presque tous leur retraite, et alors ils paroissent se toucber sur la surface de la terre , qu'on diroit qu'ils ont entièrement enva- bic. On ne peut sortir sans les fouler aux pieds, et on prétend même qu'ils y font des morsures d'autant plus daugercuses, qu'indépendamment de leur grosseur , ils sont, dit-on, très-venimeux. 11 se pour- roit en effet que l'ardeur de ces contrées , et la nourriture qu'ils y prennent, viciât encore davantage la nature de leurs bu- meurs. Pendant Tbiver , les crapauds se réu- jùssent plusieurs ensemble , dans les pays où la température devenant trop froide pour eux, les force à s'engourdir; ils .se ramassent dans le même trou , appa- remment pour augmenter et prolonger le peu de chaleur qui leur reste encore. C'est dans ce temps qu'on pourroit plus facilement les trouver, qu'ils ne pouï- 2f) 338 HISTOIRE NATURELLE roieiit fuir, et qu'il faudroit clierclier à diminuer leur nombre. Lorsque les crapauds sont réveillés de leur long assoupissement, ils choisissent la nuit pour errer et chercher leur nour- riture: ils vivent, comme les grenouilles, d'insectes , de vers , de scarabées , de limaçons ; mais ou dit qu'ils mangent aussi de la sauge, dont ils aiment l'ombre, et qu'ils sont sur-tout avides de ciguë , que l'on a quelquefois appelée le persil du crapaud. Lorsque les premiers jours chauds du printemps sont arrivés , on les entend , vers le coucher du soleil , jeter un cri assez doux : apparemment c'est leur cri d'amour ; et faut-il que des êtres aussi hideux en éprouvent l'influence, et qu'ils paroissent même le ressentir plus tôt que les autres quadrupèdes ovipares sans queue ? Mais ne cessons jamais d'être his- torien fidèle; ne négligeons rien de co qui peut diminuer l'espèce d'horreur aveu laquelle on voit ces animaux ; et en rendant compte de la manière dont ils s'unissent 5 n'omeUons aucun des soins DES CRAPAUDS. 339 qu'ils se donnent, et qnl paroîtroient snp- ])oser en eux des attentions particulières, et une sorte d'airectiou pour leurs fe- melles. C'est en mars ou en avril que les cra- pauds vs'accouplent : le plus souvent c'est dans Teau que leur union a lieu , ainsi que celle des grenouilles et des raines. JMais le mâle saisit sa femelle souvent fort loin des ruisseaux ou des marais ; il se place sur son dos, l'embrasse étroite- ment, la serre avec force : la femelle, quoique surcliargce du poids du mâle , est obligée quelquefois de le porter à des distances considérables; mais ordinaire- ment elle ne laisse échapper aucun œuf que lorsqu'elle a rencontré l'eau. Ils sont accouplés pendant sept ou huit jours, et même pendant plus de vingt, lorsque la saison ou le climat sont froids; ils coassent tous deux presque sans cesse, et le mâle fait souvent entendre une sorte de grognement assez fort, lorsqu'on veut l'arrachera sa femelle, ou lorsqu'il voit approcher quelque autre raale, qu'il sem- ble regarder avec colère , et qu'il tache 340 HISTOIRE N^TUÎlELLE de repousser eu aloiigeaut ses pattes de derrière. Quelque blessure qu'il éprouve , il ne la quitte pas : si on l'en sépare par force , il revient à elle dès qu'on le laisse libre , et il s'accouple de nouveau , quoi- que privé de plusieurs membres , et tout couvert de plaies sanglantes. Vers la lin de l'accouplement, la femelle pond ses œufs ; le mâle les ramasse quelquefois avec ses pattes de derrière , et les entraîne au-dessous de son anus, dont ils paroissent sortir; il les féconde et les repousse en- suite. Ces œufs sont renfermés dans une liqueur transparente , visqueuse , où ils forment comme deux cordons toujours attachés à l'anus de la femelle. Le mâle et la femelle montent alors à la surface de l'eau pour re<;pirer; au bout d'un quart d'heure ils s'enfoncent une seconde fois pour pondre ou féconder de nouveaux œufs ; et ils paroissent ainsi à la surface des marais , et disj:)aroissent plusieurs fois. A chaque nouvelle ponte , les cor- dons qui renferment les œufs s'alongent de quelques pouces : il y a ordinairement neuf ou dix pontes. Lorsque tous les œuf;» DES CRAPAUDS. 341 sont sortis et fécondes , ce qui n'arrive souvent qu'après douze heures, les cor- dons se détachent ; ils ont alors quelque- fois plus de quarante pieds de long; les œufs, dont la couleur est noire , y sont rangés en deux files , et places de ma- nière à occuper le plus petit espace pos- sible : ou a rencontré de ces œufs à see dans le fond de bassins et de fossés dont Tcau s'ctoit évaporée. Les crapauds craignent autatit la lu- mière dans le moment de leurs plaisirs que dans les autres iustans de leur vie : aussi n'est-ce qu'à la pointe du jour, et même souvent pendant la nuit, qu'ils s'unissent à leurs femelles. Les besoins du mâle paroissent subsister quelquefois après que ceux de la femelle ont été sa- tisfaits , c'est-à-dire après la ponte des œufs. M. Roesel eu a vu rester accouplés pendant plus d'un jour, quoique la fe- melle ni le miâle ne laissassent rien sortir de leur corps , et qu'en disséquant la femelle, il ait vu ses ovaires vides. On retrouve donc dans cette espèce la force tyrauuiquc du mâle, qui n'attend pas^ 29 342 HISTOIRE NATURELLE pour s'unir de nouveau à sa femelle ; qu'un besoin mutuel les rassemble par la voix d'un amour commun, mais qui la contraint à servir à ses jouissances lors même que ses désirs ne sont plus partagés ; et cet abus de la force qu'il peut exercer sur elle, ne paroît-il pas exister aussi dans la manière dont il s'eu empare, pendant qu'ils sont encore éloi- gnés du seul endroit où ses jouissances semblent pouvoir être communes à celle qu'il s'est soumise ? 11 se fait porter par elle , et coinmence ses plaisirs , pendant qu'elle ne paroît ressentir encore que la peine de leur union. Nous devons cependant convenir que, dans la ponte , les mâles des crapauds se donnent quelquefois plus de soins que ceux des grenouilles, non seulement pour féconder les œufs, mais encore pour les faire sortir du corps de leurs femelles, lorsqu'elles ne peuvent pas se défaire seules de ce fardeau. On ne peut guère en douter d'après les observations de 31. De- mours sur un crapaud terrestre trouve par cet académicieu dans le Jardin du DES CRAPAUDS. 343 roi, surplis, trouble, sans cire inter- rompu dans ses soins, et non seulement accouplé hors de Tcau , mais encore ai- dant avec ses pattes de derrière la sortie des œufs, que la femelle ne pouvoit pas faciliter par les divers mouvemens qu'elle exécute lorsqu'elle est dans l'eau '. Au reste, des œufs abandonnés à terre ne doivent pas éclore , à moins qu'ils ne tombent dans quelques endroits assez obscurs , assez couverts de vase , et assez pénétrés d'humidité, pour que les petits crapauds puissent s'y nourrir et s'y déve- lopper '^. Les cordons augmentent de volume en même temps et en même proportion que les œufs, qui , au bout de dix ou douze X M. Laurciui a fait une espace parûcuîil're du crapaud obsenc par M. Dcmoui-s ; il lai adonne le nom de h^o ohstreilcans : mais nous ne voyons rien qui doive faire séparer cet animal du crapaud commun. a Les œufs des crapauds se développent, (jnoi- cme la température de l'atmosphlne ne soit (ju'a six degrés au-dessus de zéro du tlicrmoinetrc de lléaumur. 344 HISTOIRE NATURELLE jours, ont le double de grosseur que lors de la poDte ; les globules renfermés dans ces œufs , et qui d'abord sont noirs d'un côté et blanchâtres de l'autre , se cou- vrent peu à peu de linéamcns; au dix- septième ou dix- huitième jour on ap- perçoit le petit têtard ; deux ou (rois jours après il se dégage de la matière visqueuse qui enveloppoit les œufs; il s^effbrce alors de gagner la surface de l'eau , mais il retombe bientôt au fond; au bout de quelques jours, il a de chaque côté du cou un organe qui a quelques rapports avec les ouïes des poissons , qui est divisé en cinq ou six appendices fran- gées , et qui disparoît tout-à-fait le vingt- troisième ou le vingt-quatrième jour. 11 semble d'abord ne vivre que de la vase et des ordures qui nagent dans l'eau ; mais à mesure qu'il devient plus gros , il se nourrit de plantes aquatiques. Son déve- loppement se fait de la même manière que celui des jeunes grenouilles ; et lors- qu'il est entièrement formé, il sort de Tcau , et va à terre chercher les endroits humides. .DES CRAPAUDS. 34S Il en est des crapauds counriuns comme des autres quadrupèdes ovipares: ils sont })caucoup plus grands et beaucoup plus venimeux à mesure qu ils habitent des pavs plus chauds et plus convenables ;i leur nature. Parmi les individus de cette espèee qui sont conservés au Cabinet du roi , il y en a un qui a quatre pouces et dcjui de longueur, depuis le museau jus- qu'à l'anus. On en trouve sur la côte d'Or d'une grosseur si prodigieuse , que lors- qu'ils sont en repos , on les prendroit pour des tortues de terre : ils y sont en- nemis mortels des serpens ; Bosman a été souvent le témoin des combats que se livrent ces animaux. Il doit être curieux de voir le contraste de la lourde masse du crapaud , qui se gonfle et s'agite pesam- ment avec les mouvemens prestes et rapides des serpens , lorsqu'irrilcs tous les deux, et leurs yeux en feu , l'un ré- siste par sa force et son inertie aux ef- forts que son ennemi fait pour l'éloufler au milieu des replis de son corps tor- tueux, et que tous deux cherchent à se donner la mort par leurs morsures et 34^ HISTOIRE NATURELLE leur venin fétide , ou leurs liqueurs cor- rosives. Ce n'est qu'au bout de quatre ans que le crapaud est en état de se reproduire. On a prétendu que sa vie ordinaire n'c- toit que de quinze ou seize ans : mais sur quoi l'a-t-on fondé? avoit-on suivi avec soin le nicmc crapaud dans ses retraites écartées? avoit-on recueilli lui assez p,rand nombre d'observations, pour re- connoître la dnréc ordinaire de la vie des crapauds, indépendamment de tout acci- dent et du défaut de nourriture ? Nous avons au contraire un fait bien constaté, par lequel il est prouvé qu'nn crapaud a vécu plus de trente-six ans : mais la manière dont il a passé sa lonj^uc vie va bien étonner; elle prouve jusqu'à quel point la domesticité peut influer sur quelque animal que ce soit , et sur-tout sur les êtres dont la nature est plus sus- ceptible d'altération , et dans lesquels des ressorts moins compliqués peuvent plus aisément , sans se rompre ou se désunir, être plies dans de nouveaux sens. Ce crapaud a vécu presque toujours dans DES CRAPAUDS. 3^7 une maison où il a clé, pour ainsi dire, élevé et apprivoisé. Il n'y avoit pas acquis, sans cloute, cette sorte d'aftection que Ton remarque dans quelques espèces d'a- nimaux domestiques, et qui étoit trop incompatible avec son orj^anisalion et ses mœurs ; mais il y étoit devenu tami- lier. La lumière des bougies avoit été pen- dant long-temps pour lui le signal du moment où il alloit recevoir sa nourri- ture : aussi non seulement il la voyoit sans crainte, mais même il la reclierchoit. 11 étoit déjà très-gros lorsqu'il fut remarqué pour la première fois ; il habitoit sous un escalier qui étoit devant la porte de la maison ; il paroissolt tous les soirs au îuoment où il appercevoit de la lumière , et levoit les yeux comme s'il eut attendu qu'on le prît et qu'on le portât sur une table, où il trouvoit des insectes, des cloportes , et sur-tout de petits vers qu'il préféroit peut-être à cause de leur agita- tion continuelle; il fixoit les yeux sur sa proie ; tout d'un coup il lancoit sa langue avec rapidité, et les insectes ou les vers y deincuruiciit attachés, à cause de l'hu- 3^8 HISTOIRE NATURELLE meur viscjucusc dont rextréinité de cette langue étoit enduite. Comme on ne lui avoit jamais fait de mal , il ne s'irritoit point lorsqu'on le touchoit ; il devint l'objet d'une curio- sité générale , et les dames même deman- dèrent à voir le crapaud familier. Il vécut plus de trente-six ans dans cette espèce de domesticité ; et il auroit vécu plus de temps peut-être, si un corbeau apprivoisé comme lui ne l'eût attaqué à l'entrée de son trou , et ne lui eût crevé un œil , malgré tous les efforts qu'on fit pour le sauver. 11 ne put plus attraper sa proie avec la même facilité , parce qu'il ne pouvoit juger avec la même justesse de sa véritable place : aussi périt- il de langueur au bout d'un an. Les diflérens faits observés relativement à ce crapaud pendant sa domesticité , prouvent peut-être qu'on a exagéré la sorte de méchanceté et les goûts sales de son espèce. On pourroit dire cependant que ce crapaud habitoit l'Angleterre , et par conséquent à une latitude assez éle- Tce pour que toutes sce mauvaises habi- DES CRAPAUDS. 349 ludes fussent tempérées par le froid. D'ail- leurs trente-six ans de douiestieité, de sû- reté et d'abondance, peuvent bien chan- ger les inclinations d'un animal tel que le crapaud, le naturel des quadrupèdes ovipares paroissant , pour ainsi dire , plus ikxible que celui des animaux mieux organisés. Que Ton croie tout au plus qu'avec moins de dangers à courir , et une nourriture d'une qualité particu- lière, l'espèce du crapaud pourroit être perfeotionnée comme tant d'autres es- pèces. Mais ne faudra-t-il pas toujours recoimoitre dans les individus dont la Nature seule aura pris soin , les vices de conformation et d'habitudes qu'on leur u attribués ? Comme l'art de l'homme peut rendre presque tout utile , puisqu'il change quelquefois en urédicamens salutaires les poisons les plus funestes, on s'esi servi des crapauds en médecine ; on les y a employés de plusieurs uianières et contre plusieurs maux. On trouve plusieurs observations, d'a- près lesquelles il paroîtroit , an premier 5û N 35o HISTOIRE NATURELLE coup d'œil , qu'un crapaud a pu se dé- velopper et' vivre pendant un iiouibre prodigieux d'années dans' le creux d'uu arbre ou d'un bloc de pierre , sans aucune communication avec l'air extérieur. Mais ou ne l'a pensé ainsi que parce qu'on n'avoit pas bien examiné l'arbre ou la pierre , avant de trouver le crapaud dans leurs cavités. Cette opinion ne peut pas être admise ; mais cependant on doit re- garder comme très - sûr qu'un crapaud peut vivre très-long-temps , et même jus- qu'à dix-huit mois , sans prendre aucune nourriture , en quelque sorte sans respi- rer, et toujours renfermé dans des boîtes scellées exactement. Les expériences de M. Hérissant le mettent hors de doute ; et ceci est une nouvelle confirmation de ce que nous avons dit dans notre premier discours touchant la nature des quadru- pèdes ovipares. Voyons maintenant les caractères qui distinguent les crapauds didérens du cra- paud commun, tant en Europe que dans les pays étrangers: il n'est presque aucune latitude où la Nature n'ait prodigué cos P E s CRAPAUDS. 35t Mrcs hideux, dont il semble qu'elle n'a diversitié les espèces que par de nouvelles dlITormUés, co.nnie si elle avoit voulu qu'il ne manquât aueuu trait de laideur à ce genre disgracie. 352 HISTOIRE NATURELLE LE V E P. D. V_/ N trouve auprès de Vienne, dans les cavités des rochers ou dans les fentes obscures des murailles, un crapaud d'un blanc livide , dont le dessus du corps est marqueté de taches vertes légèrement ponctuées , entourées d'une ligne noire , et, le plus souvent, réunies plusieurs en- semble. Tout son corps est parsemé de verrues, excepté le devant de la gueule et les extrémités des pieds ; elles sont li- vides sur le ventre , vertes sur les taches vertes , et rouges sur les intervalles qui séparent ces taclics. Il paroît que les liqueurs corrosives que répand ce crapaud , peuvent être plus nuisibles que celles du crapaud commun :sa respiration est accompagnée d'un gonflement de la gueule. Dans la co- lère, ses yeux étinccllcnt ; et son corps, uuduit d'une humeur visqueuse , répand DES CRAPAUDS. 353 une odeur fétide , sciublable à celle de la inorcUc des boutiques ( solatium nigrum ) , mais beaucoup plus forte. Il tourne tou- jours eu dedans ses deux pieds de devant. Comme il habite le même pays que le crapaud commun , on ne peut décider que d'après plusieurs observations si les différences qu'il présente, quant à ses couleurs , à la disposition de ses verrues, etc. doivent établir entre cet animal et le crapaud commun une diversité d'es- pèce ou une simple variété plus ou moins constante. Suivant M. Pallas , le crapaud verd , qu'il nomme rana sitibunda , se trouve en assez grand nombre aux ciivi- 40US de la mer Caspienne. 31 354 HISTOIRE NATURELLE LE RAYON-VER D. Nous plaçons à la suite du verd ce crapaud , qui pourroit bien n'en être qu'une variété. Il est couleur de chair ; son caractère distinctif est de présenter des lignes vertes, disposées en rayons. Il a été trouvé en Saxe. Nous invitons les naturalistes qui ha- bitent r Allemagne , à rechercher si l'on ne doit pas rapporter au rayon-verd , comme une variété plus ou moins dis- tincte , le crapaud trouvé en Saxe , parmi des pierres , par M. Schrcbcr , et que M. Pallas a fait connoître sous le nom de grenouille changeante. Ce cra^iaud est de la grandeur de la. grenouille commune ', sa tête est arrondie; sa bouche sans dents; sa langue épaisse et charnue ; les paupières supérieures sont à peine sensibles; le dessus du corps est parsemé de verrues. Les pieds de de- 355 DES CRAPAUDS, vant ont quatre doigts -, ceux de derrière cm ont cinq , réunis par une incuibrane. M. Edlcr , de Lubcck , a découvert que ce crapaud change souvent de couleur , ainsi que le caméléon et quelques aulres* lézards; ce qui cliiblit uu nouveau rap- port entre les divers genres des quadru- pèdes ovipares. Lorsque ce crapaud est en uiouvenient, sa couleur est blanche, par- semée de taches d'un beau verd, et ses verrues paroissent jaunes. Lorsqu'il est en repos , la couleur verte des taches se change en un cendré phis ou moins foncé. Le fond blanc de sa couleur devient aussi cendré lorsqu'on le touche et qu'on l'in- quiète. Si on l'expose aux rayons du so- leil dont il fuit la hunière , la beauté de ses couleurs disparoît , et il ne présente . plus qu'une teinte uniforme et cendrée. Un crapaud de la même espèce, trouvé engourdi par M. Schreber , préseutoit entre les taches vertes une couleur de chair semblable à celle du rayon- verd 356 HISTOIRE NATURELLE LE BRUN V-/E crapand a la peau lisse, sans aucune verrue , et marquetée de grandes taches brunes qui se touchent : les plus larges et les plus foncées sont sur le dos, au mi- lieu et le long duquel s'étend une petite bande plus claire. Les ^eux sont remar- quables en ce que la fente que laisse la paupière en se contractant , est située verticalement au lieu de Têtre transver- salement. Sous la plante des pieds de der- rière qui sont palmés , on remarque un faux ongle qui a la dureté de la corne. La femelle est distinguée du mâle par les taches qu'elle a sous le ventre. Ce crapaud se trouve plus fréquem- ment dans les marais qu'au milieu des terres. Lorsqu'il est en colère , il exhale une odeur fétide semblable à celle de l'ail , ou de la poudre à canon qui brûle ; et cette odeur est assez forte pour fairç pleurer. DES CRAPAUDS. 357 Dans l'accouplement , le mâle paroît prendre des soins particuliers pour facili- ter la ponte des œufs de la femelle. Roesel soupçonne qu'il est venimeux; et Actius et Gesner assureiit même qu'il peut don- ner la mort , soit par son souffle empoi- sonné lorsqu'on l'approche de trop près, soit lorsqu'on mange des herbes impré- gnées de son venin. Sans doute l'assertion de Gesner et d'Actius peut être exagérée: mais il restera toujours aux crapauds , et sur-tout au crapaud brun , assez de qua- lités malfaisantes pour justifier l'aversion qu'ils inspirent. Il paroît que c'est le crapaud brun que M. Pallas a nommé rana ridihunda ( gre- aiouille rieuse ) , qui se trouve en grand nombre aux environs de la mer Cas- pienne , et dont le coassement , entendu de loin, imite un peu le bruit que Ton fait en riant. 333 HISTOIRE NATURELLE LE CALAMITE. / v^'rsT encore un crapaud d'Europe qui a beaucoup de resscinblaïue avec le cra- ])aud l)ruTi , mais qui en diflère cependant assez pour constituer une espèce distincte. 11 a le corps un peu étroit. Ses couleurs sont très-diversifîées : sou dos^ qui est olivâtre , présente trois raies longitudi- nales , dout celle du milieu est couleur de soufre , et les deux des cotés, ondulées et dentelées , sont d'un rouge clair, mêlé d'un jaune ])lus foncé vers les parties in- férieures ; les côtés du ventre , les quatre pattes et le tour de la gueule, sont mar- quetés de plusieurs taches inégales et oli- vâtres. Voilà la disposition générale des cou- leurs de la peau , sur laquelle s'élèvent des pustules brunes sur le dos , rouges vers les côtés , d'un rouge pâle près des oreilles , et d'une couleur de chair écla« DES CRAPAUDS. 35^ tante ycis les angles de la bouche, où elles sont groupées. L'extrémité des doigts est noirâtre , et garnie d'une peau dure eouiniedelacorne, qui tient lieu d'ongle à Taniuial. Au-des- sous de la plante des pieds de devant se trouvent deux espèces d'os ou de faux ongles , dont le calamité peut se servir pour s'accrocher : les doigts des pieds de derrière sont réparés. Le calamité se tient , pendant le jour, dans les fentes de la terre et dans les ca- vités des murailles. Au lieu d'clre réduit à ne se mouvoir que par sauts, couime les autres quadrupèdes ovipares sans queue, il grimpe, quoiqu'avec peine , et eu s'ar- rctant souvent. A l'aide de ses faux ongles et de ses doigts séparés , il uionte quelque- fois le long des murs, jusqu'à la hautevu- de quelques pieds , pour gagner sa re- traite. Ou ue trouve pas ordinaireuicnt les calamités seuls dans leurs trous ; ils y sont rassemblés et ramassés au nouibrc de dix ou douze. C'est la nuit qu'ils sortent de leur a^^ylc , el qu'ils vont cii'.reher ii in 26o HISTOIRE NATURELLE nourriture. Pour éloigner leurs enueniis, ils font suinter au travers de leur })cau une liqueur dont l'odeur , semblable à celle de la poudre enilaniinée, est encore plus forte. Au mois de juin, ceux qui ont atteint l'âge de trois ans , et à peu près leur entier accroissement , se rassemblent pour s'ac- coupler sur le bord des marais remplis de joncs , où ils font entendre un coassement retentissant et singulier. Ou pourroit pen- ser que les habitudes particulières de ce* crapauds influent sur la nature de leurs humeurs, et empêchent qu'ils ne soient venimeux; cependant Roesel a prcsuuïc le contraire , parce que , suivant lui , les cigognes , qui sont fort avides de gre- nouilles , n'attaquent point les calamités. DES CRAPAUDS. 36i LE COULEUR-DE-FEU^ iVl. Laurent! a découvert ce crapaud sur les bords du Danube. C'est un des plus petits. Son dos , d'une couleur olivâtre très-foncée , est tacheté d'un noir sale 5 allais le ventre , la gueule , les pattes et la plante des pieds, sont d'un blanc bleuâtre, tacheté d'un beau vermillon , et c'est de là que lui vient son nom. Toute la surface de son corps est parsemée de petites ver- rues. Quand il est exposé au soleil , sa prunelle prend une figure parfaitement triangulaire , dont le contour est doré. Cette espèce est très-nombreuse dans les marais du Danube. Une variété de ce crapaud a le ventre noir, tacheté et ponc- tué de blanc. Ou trouve le couleur-de-fcu à terre pen- dant l'automne. Lorsqu'on rapproche et * Feiier krote , en allemand. Ofij^a'ti . '11, 5ji 362 HISTOIRE NATURELLE qu'il est près de l'eau , il s'y élance avec légèreté , ainsi que les grenouilles ; mais s'il ne voit aucun moyen d'échapper, il s'affaisse contre terre comme pour se ca- cher. Dès qu'on le touche , sa tête se con- tracte et se jette en arrière ; si on le tour- mente , il exhale une odeur fétide , et répand par l'anus une sorte d'écume. Son coassement, qu'il fait entendre sans enfler sa gorge, est une sorte de grognement sourd et entrecoupé , qui quelquefois se prolonge et ressemble un peu , suivant M. Laurenti , à la yoix d'une personne qui rit» Les œufs, hors du corps de la femelle, sont disposés par pelotons , ainsi que ceux des grenouilles , au lieu d'être rangés par files, comme les œufs du crapaud com- mua. Et ce qu'il y a lie remarquable dans les habitudes de ce petit animal , qui semble faire , à certains égards , la nuance entre les crapauds et les grenouilles , c'est qu'au lieu de craindre la lumière , il se plaît, sur le bord de l'eau, à s'imbiber des rayons du soleil. 11 ne paroît pas , d'après les expériences de JM. Laurenti , que Us DES CRAPAUDS. 363 liiiraeurs du couleui-de-feu aient d'autre propriété nuisible que celle d'assoupir certains petits animaux , tels que les lé- zards gris , qui sont très-sensibles à toute sorte de venin, ainsi que nous l'avons déjà dit. 364 HISTOIRE NATURELLE LE PUSTULEUX. vJn trouve dans les Indes ce crapaud , remarquable par ses doigts garnis de tu- bercules semblables à des épiues, et par les vésicules ou pustules qui le couvrent. Sa couleur est d'un roux cendré ; elle est plus claire sur les côtés et svu- le ventre , où elle est tachetée de roux. Il a quatre doigts séparés aux pieds de devant , et cinq doigts palmés aux pieds de derrière. DES CRAPAUDS. 365 LE GOITREUX. ^ o N corps arrondi est d'une couleur rousse. Sou dos est siilonué par trois rides longitudinales ; son bas - ventre paroît enflé ; et cet animal est sur-tout distingué par un gonflement considérable à la gorge. Les deux doigts extérieurs de ses pieds de devant sont réunis. 11 habite dans les Indes. 81 366 HISTOIRE NATURELLE LE BOSSU, -Lia tête de ce crapaud est très-petite , obtuse et enfoncée dans la poitrine. Son corps ridé , mais sans verrues , est très- convexe. Sa couleur est nébuleuse ; son dos présente une bande longitudinale un peu pâle et dentelée. Tous ses doigts sont séparés les uns des autres : il eu a quatre aux pieds de devant , et six aux pieds de derrière. On le trouve dans les Indes orientales, ainsi qu'en Afrique. L'indi- vidu que nous avons décrit a été apporte du Sénégal au Cabinet du roi. 7bjn '2 ■ P/.jSJ'^u/^hO j.luV. JiOSSl . sLK CANNF.T.K ■> - 9 nucr DES CRAPAUDS. 867 LE PIPA*. De tous les crapauds de rAmérique mé- ridionale , Tuu des plus remarquables est le pipa. Le mâle et la femelle sont assez difFérens l'un de Tautre , tant par la gran- deur que par la conformation , pour qu'on les regarde, au premier coup d'œil, comme deux espèces très- distinctes. Aussi, au lieu de décrire l'espèce en général, croyons- nous devoir parler séparément du mâle et de la femelle. Le mâle a quatre doigts séparés aux pieds de devant , et cinq doigts palmés aux pieds de derrière. Chaque doigt des pieds de devant est fendu à l'extrémité en quatre petites parties. On a peine à distinguer le corps d'avec la tête. L'ou- verture de la gueule est très-grande ; les yeux, placés au-dessus de la tête , sont * Curiiruj dans rAmtrit]ue .méridionalr. 368 HISTOIRE NATURELLE très-petits et assez distans l'un de raiitre. La tête et le corps sont très-applatis. La couleur générale en est olivâtre, plus ou moins claire, et semée de très- petites taches rousses ou rougeâtres. La femelle diflère du mâle, en ce qu'elle est beaucoup plus grande. Elle a égale- ment la tête et le corps applatis ; mais la tête est triangulaire , et plus large à la base que la partie aptérieure du corps. Les yeux sont très -petits et Irès-distaiis Vun de l'autre , ainsi que dans le mâle. Elle a de même cinq doigts palmés aux pieds de derrière , et quatre doigts divisés aux pieds de devant ; mais chacun de ces quatre doigts est fendu à l'extrémité eu quatre petites parties plus sensibles que dans le m.âle. Son corps est communé- ment hérissé par-tout de très-petites ver- rues. L'individu femelle qui est conservé au Cabinet du roi , a cinq pouces quatre lignes de longueur , depuis le bout du museau jusqu'à l'anus. Ce qui rend sur-tout remarquable ce grand crapaud de Surinam , c'est la manière dont les fœtus de cet animai DES CRAPAUDS. Sôq croissent , se développent et éclosent. Les pptils du pipa ne sont point eonçus sous la peau du dos de leur mère , ainsi que Ta pensé raademoiselle de Mérian , à qui nous devons les premières observations sur cet animal ; jnais , lorsque les œufs ont été pondus par la femelle et fécon- dés par le mâle de la même manière que dans tous les crapauds , le mâle , au lieu de les disperser, les ramasse avec ses pattes , les pousse sous son ventre , et les étend sut le dos de la femelle, où ils se collent. La liqueur fécondante du mâle fait enfler la peau et tous les tégumens du dos de la femelle , qui forment alors autour des œufs des sortes de cellules. Les œufs cependant grossissent , et doi- vent éprouver , par la chaleur du corps de la mère , un développement plus rapide en proportion que dans les autres espèces de crapauds. Les petits éclosent , et sortent ensuite de leurs cellules , après avoir passé en quelque sorte par Tétat de têtard; car ils ont, dans les premiers temps de leur développement , une queue qu'ils n'ont plus quand ils sont prêts à quitter leurs cellules. 370 HISTOIRE NATURELLE Lorsqu'ils ont abaiidoinié le dos de leur mère , celle-ci , en se frottant contre des pierres ou des végétaux , se dépouille des portions de cellules qui restent encore , et de sa propre peau , qui tombe alors en partie pour se renouveler. Mais la Nature n'a jamais présenté de phénomènes isolés ; Fexpression d'^exfraof- dinaire ou de singuliei' n'est point absolue^ mais seulement relative à nos counois- sances , et elle ne désigne en général qu'un degré plus ou moins grand dans une pro- priété déjà existante ailleurs : aussi la jnanière dont les petits du pipa se déve- loppent, n'est point, à la rigueur, parti- culière à cette espèce ; on en remarque une assez semblable , même parmi les quadrupèdes vivipares , puisque les petits du sarigue ou opossum ne prennent , pendant quelque temps , leur accroisse- ment que dans une espèce de poche que la femelle a sous le ventre. Au reste, il paroît que la chair de ce crapaud n'est pas malfaisante ; et , sui- vant le rapport de mademoiselle de Mé- rian, les nègres en mangent avec plaisir. DES CRAPAUDS. 871 LE CORNU. Ce crapavid, que l'on trouve en Amé- rique, est Tun des plus liideux: sa tête est presque aussi grande que la moitié de sou corps-, l'ouverture de sa gueule est énorme, sa langue épaisse et large; ses paupières ont la forme d'un cône aigu , ce qui le fait paroître armé de cornes dans lesquelles ses yeux seroicnt placés. Lorsqu'il est adulte, son aspect est af- freux ; il a le dos et les cuisses hérissés d'épines. Le fond de sa couleur est jau- nâtre \ des raies brunes sont placées en long sur le dos , et en travers sur les pattes et sur les doigts. Une large bande blan- châtre s'étend depuis la tcte jusqu'à l'a- nus. A Forigine de cette bande, on voit de chaque coté une petite tache ronde et noire. Ce vilain animal a quatre doigts séparés aux pieds de devant, et cinq doigts réunis par une membrane aux 373 HISTOIRE NATURELLE pieds de derrière. Suivant Seba, la femelle difl'ère du mâle , en ce que ses doigts sont tous séparés les uns des autres. Le premier doigt des quatre pieds étant d'ailleurs écarté des autres dans la femelle , donne à ces pieds une ressemblance imparfaite avec une véritable main , réveille une idée de monstruosité , et ajoute à ITior- reur avec laquelle on doit voir cette hi- deuse femelle. Rien eu effet .ne révolte plus que de rencontrer au milieu de la difformité quelques traits des objets que Ton regarde comme les plus parfaits. DES CRAPAUD S. Sy^ L ' A G U A. V^E grand crapaud, que Ton appelle au Brésil aguaquaqiian , et dont le dessus du corps est couvert de petites éuiinences , est d'uu gris cendré semé de taches rous- sâtres, presque couleur de feu. Il a quatre doigts séparés aux pieds de devant , et cinq doigts palmés aux pieds de derrière. L'on conserve au Cabinet du roi un in- dividu de cette espèce, qui a sept pouces quatre lignes de longueur, depuis le bout du museau jusqu'à l'anus. 02 374 HISTOIRE NATURELLE LE MARBRÉ. i->ET animal ressemble un peu à Tagua. Il a , comme ce dernier, quatre doigts di- visés aux pieds de devant, et cinq doigts palmés aux pieds de derrière; mais il pa- roît être communément beaucoup pins petit. D'ailleurs le dessus du corps est marbré de rouge et d'un jaune cendré, et le ventre est jaune , moucheté de noir. DES CRAPAUDS. ojô LE C P^ I A R D. J-j E criard, que Ton trouve à Surinam, est un des plus gros crapauds. Sa peau est mouchetée de livide et de brun , et parsemée de verrues. Les épaules cou- vertes de points saillans , de même que le ventre , sont relevées en bosse , et percées d'une multitude de petits trous. Il c^t aisé de le distinguer du marbré et du pipa que Ton trouve aussi à Surinam, parce qu'il a cinq doigts à chaque pied ; les doigts des pieds de devant sont séparés, et ceux des pieds de derrière à demi pal- més. 11 habite les eaux douces, où il ne cesse de faire entendre son coassement désagréable ; c'est ce qui l'a fait appeler le musicien par M. Linné : mais le nom de criard que lui adonné M. Daubcnton, con- vient bien mieux à un animal dont la voix rauquc et discordante ne peut que 376 HISTOIRE NATURELLE, troubler les concerts harmonieux ou le silence paisible de la Nature , et qui ne peut faire entendre qu'un coassement aussi désagréable pour l'oreille que son aspect l'est pour les yeux. REPTILES BIPEDES. -IN ou s avons vu le seps et le chalcide se rapprocher de rordrc des scrpens par raloiigcuiciit de leur corps et la brièveté de leurs pattes : nous allons maintenant jeter les yeux sur un genre de reptiles qui réunit encore de plus près les serpens et les lézards. Nous ne le comprenons pas parmi les quadrupèdes ovipares , puisque le caractère dislinclif de ce genre est de n'avoir que deux pieds : mais nous le placous entre ces quadrupèdes et les scr- pens. Les reptiles qui le composent dif- fèrent des premiers , en ce qu'ils n'ont que deux pattes au lieu d'en avoir quatre; et ils sont distingués des seconds par ces deux pieds qui manquent à tous les scr- pens. Il seroit d'ailleurs fort aisé de les confondre avec ces derniers , auxquels ils ressemblent par l'alongement du corps , les proportions de la tète et la forme des écailles. 32 SyS HISTOIRE NATURELLE L'on a douté pendant long-temps de l'existence de ces animaux ; et en effet tous ceux que Ton a voulu jusqu'à pré- sent regarder comme des reptiles bipèdes , étoient des seps ou des chalcides qui avoient perdu , par quelque accident , leurs pattes de devant ou celles de der- rière ; la cicatrice étoit sensible ; et ils présentoient d'ailleurs tous les caractères des seps ou des cbakides : ou bien c'é- toient des serpeus mâles que l'on avoit tués dans la saison de leurs amours, lors- qu'au moment d'aller s'unir à leurs fe- melles , ils font sortir par leur anus leur double partie sexuelle , dont les deux portions s'écartent l'une de l'autre, et, étant garnies d'aspérités assez semblables a des écailles , peuvent être prises , au premier coup d'œil , pour des pattes im- parfaites. On nous a souvent envoyé de ces serpeus tués peu de temps avant leur accouplement , et qu'on regardoit comme des scrpens à deux pieds , tandis qu'ils ne diflcroient des autres qu'eu ce que leurs parties sexuelles étoient gonflées et à dé- couvert. C'est parmi ces serpeus surpris DES REPTILES BIPEDES. 879 dans leurs amours , que nous croyons de- voir comprendre celui que JM. Linné a placé dans le genre des angiiis , et qu'il a nommé angiiis bipède. On doit encore rapporter les prétendus reptiles bipèdes dont on a fait mention jusqu'à présent , à des larves plus ou moins développées de grenouilles , de raines , de crapauds et même de sala- mandres , tous ces quadrupèdes ovipares ne présentant souvent que deux pattes dans les premiers temps de leur accrois- sement. Tel est , par exemple , Tanimal que M. Linné a cru devoir placer non seulement dans un genre, mais même dans un ordre particulier, et qu'il a ap- pelé sirène lacertine. 11 avoit été envoyé de Charles-town , par M. le docteur Gar- den , à M. Ellis : il avoit été pris à la Ca- roline , où on doit le trouver assez fré- quemment , puisque les liabitans du pays lui ont donné un nom ; ils rappellent mud inguana. On le trouve communé- ment sur le bord des étangs , et dans des endroits marécageux , parmi les arbres tombes de vétusté , etc. Nous avons 38o HISTOIRE NATURELLE examiné avec soin la figure et la desciip- ti^on que M. EUis en a données dans les ' Transactions philosophiques ; et nous n'a- Tons pas douté un seul moment que cet animal , bien loin de constituer un ordre nouveau , ne fût une larve ; il a les ca- ractères généraux d un animal imparfait, et d'ailleurs il a les caractères particuliers que nous avons trouvés dans les sala- mandres à queue plate. A la vérité, cette larve avoit trente-un pouces de longueur: elle étoit par conséquent beaucoup plus grande qu'aucune larve connue; et c'est ce qui a empêché M. Linné de la regar- der comme un animal non encore déve- loppé. Mais ne doit-on pas présumer que nous ne connoissons pas tous les quadru- pèdes ovipares de l'Amérique septentrio- aiale , et qu'on n'a pas encore décou- vert l'espèce à laquelle appartient cette grande larve ? Peut-être l'animal dans lequel elle se métamorphose , vit-il dans l'eau de manière à n'être appercu que très-difficilement. Cette larve, envoyée ù M. Ellis , manquoit de pieds de derrière ; ceux de devant u'avoient que quatre DES REPTILES BIPÈDES. 38i doigts , ainsi que dans nos salamandres aquatiques; les ongles étoicnt très-petits ; les os des niâcboiies crénelés et sans dents; il y avoit des espèces de bandes au-dessus et au-dessous de la queue ; et de chaque roté du cou étoient trois protubérances frangées , assez semblables à celles qui partent également des deux cotés du cou, dans les salamandres à queue plate. Mais si jusqu'à présent les divers ani- maux que Ton a considérés comme de vrais reptiles bipèdes, doivent être rap- portés à des espèces de quadrupèdes ovi- pares , ou de serpens , nous allons don- ner, dans Tarticle suivant, la descrip- tion d'un animal qui n'a que deux pieds, que l'on doit regarder cependant comme entièrement développé, et qu'il ne faut compter , par conséquent , ni parmi les serpens , ni parmi les quadrupèdes ovi- pares. Nous traiterons ensuite d'un autre bipède qui doit être compris dans le même genre , et que M. Pallas a fait counoître. SS2 HISTOIRE NATURELLE PREMIÈRE DIVISION. BIPÈDES Qui manquent de 'pattes de derrière* LE CANNELE. •'-^ o u s nomiTious ainsi un bipède qui n'a encore été décrit par aucun naturaliste , et dont aucun voyageur n'a fait mention. Il a été trouvé au Mexique par M. Vélas- quès , savant Espagnol , qui Ta remis , pour nous l'envoyer, à M. Polony, habile médecin de Saint-Domingue: et c'est madame la vicomtesse de Fontanges , commandante de cette île , qui a bien voulu l'apporter elle-même en France, avec un soin que l'on ne se seroit pas attendu à trouver dans la beauté , pour DES REPTILES BIPÈDES. 383 un reptile plus propre à Teffrayer qu'à lui plaire. Ce bipède est entièreuicnt privé de pattes de derrière. Avec quelque soin* que nous l'ayons examiné , nous n'avons appercu dans tout son corps aucune cicatrice , aucune marque qui pût fane soupçonner que l'animal eût éprouvé quelque accident , et perdu quelqu'un de ses membres. Il a beaucoup de rapports , par sa conformation générale, avec le lézard que nous avons nommé chalcide ; les écailles dont il est revêtu , sont égale- ment disposées en anneaux: mais il diitère du chalcide , non seulement en ce qu'il n'a que deux pattes , mais encore en ce qu'il a la queue très-courte , au lieu que ce dernier lézard l'a très-longue , en pro- portion du corps. Il est tout couvert d'é- cailles , presque quarrées , et disposées eu demi-anneaux sur le dos, ainsi que sur le ventre ; ces demi-anneaux se corres- pondent de manière que les extrémités des demi-anneaux supérieurs aboutissent à la ligne qui sépare les demi-anneaux inférieurs. C'est par cette disposition qu'il 384 HISTOIRE NATURELLE diffère encore des clialcides , dont les écailles forment des anneaux entiers au- tour du corps. La ligne où se réunissent les demi-anneaux supérieurs et les demi- auueaux inférieurs , présente , de chaque côté et le long du corps , une espèce de sillon qui s'étend depuis la tête jusqu'à Tanus. La queue , au lieu d'être couverte de demi-anneaux , ainsi que le corps , est garnie d anneaux entiers, composés de petites écailles de même forme et de même grandeur qvie celles des demi-anneaux. L'assemblage de ces écailles forme nu grand nombre de stries longitudinales ; la réunion des anneaux produit aussi un très-grand nombre de cannelures trans- versales ; et c'est de là que nous avons tn-é le nom de cannelé que nous donnons au bipède du Mexique. Nous avons compte cent cinquante demi-anneaux sur le ven- tre de cet animal , et trente-un anneaux sur sa queue , qui est grosse et arrondie à l'extrémité. La longueur totale de cet individu est de huit pouces six. lignes ; celle de la queue , d'un pouce ; et sou diamètre , dans sa plus grande grosseur , DES REPTILES BIPÈDES. 385 est de quatre lignes. La tcte a trois lignes de longueur ; elle est arrondie par-de- vant , et on a peine à la distinguer du corps. Le dessus en est couvert d'une grande écaille ; le museau est garni de trois écailles plus grandes que celles des an- neaux, et dont les deux extérieures pré- sentent chacune un très-petit trou, qui est l'ouverture des narines. La mâcboire inférieure est aussi bordée d*écaillcs un peu plus grandes que celles des anneaux ; les dents sont très-petites ; les yeux ù peine visibles et sans paupières : je n'ai pu remarquer aucune apparence de trous auditifs. Les pattes , qui ont quatre lignes de longueur , sont recouvertes de petites écailles , semblables à celles du corps , et disposées en anneaux ; il y a , à chaque pied , quatre doigts bien séparés , garnis d'ongles longs et crochus ; et à côté du doigt extérieur de chaque pied, on apper- coit comme le commencement d'un cin- quième doigt. Nous n'avons pu remar- quer aucun indice de pattes de derrière , ainsi que nous l'avons dit ; aucun anneau du corps ni de la queue n'est interrompu , 00 386 HISTOIRE NATURELLE et rien n'indique que Tanimal ait éprouvé quelque accident , ou reçu la plus légère blessure. L'ouverture de l'anus s'étend transversalement ; et sur son bord supé- rieur , nous avons compté six tubercules percés à leur extrémité , et entièrement semblables à ceux que nous avons vus sur la face intérieure des cuisses de V iguane , du lézard perd , du gecko , etc. La queue du bipède cannelé étant aussi grosse à son extrémité que la tête de cet animal , il a beaucoup de rapports , par sa conformation générale , avec les serpens que M. Linné a nommés amphis^ bènes , dont les écailles sont également disposées en anneaux , les yeux très-peu visibles , la tête et le bout de la queue presque de la même grosseur , et qui manquent aussi de trous auditifs. C'est parmi ce genre d'amphisbènes qu'il fau- droit placer le cannelé s'il n'avoit point deux pattes ; et c'est particulièrement avec ce genre qu'il lie l'ordre des quadru- pèdes ovipares. Comme cet animal a été envoyé au Cabinet du roi dans du talia ^ nous n'avons pu juger de sa couleur u-a- DES REPTILES BIPÈDES. 887 iurelle; mais nous avons présumé qu'elle est ordinairement verdâtre , et plus claire sur le ventre que sur le dos. Nous igno- rons si on le trouve en très-grand nombre au Mexique , et quelles sont ses habi- tudes ; mais nous pensons , d'après sa conformation , assez semblable à celle des seps et des chalcides , que son allure et sa manière de vivre doivent ressembler beaucoup à celles de ces derniers lézardi>. 388 HISTOIRE NATURELLE SECONDE DIVISION. BIPÈDES Qui manquent de pattes de devant. LE SHELTOPUSIK. JN ous donnons ici une notice d'un rep- tile à deux pattes, dont M. Pallas a parle le premier. Nous lui conservons le nom de sheltopusik que lui donnent les habi- 'tans des contrées qu'il habite, quoiqu'ils appliquent anssi ce nom à une véritable espèce de serpent, parce qu'il ne peut y avoir aucune équivoque relativement à deux animaux d'ordres ou du moins de ççenres diflérens. On le trouve auprès du Wolça, dans le désert sablonneux de Na- ryn, ainsi qu'aux environs de Terequm . DES REPTILES BIPÈDES. J89 près du Kuinain. Il deuicure de prélérence dans les vallées ombragées, et où riierbe croît en abondance. Il se cache parmi les arbrisseaux, et fuit dès qu'on Tapprochc. 11 fait la guerre aux petits lézards, et par- ticulièrement aux lézards gris. Sa tète est grande , plus épaisse que le corps ; le mu- seau est obtus ; les bords de la gueule sont revêtus d'écaillés un peu plus grandes que celles qui les touchent; les mâchoires garnies de petites dents , et les narines bien ouvertes. Lesheltopusik a deux pau- pières mobiles et (les ouvertures pour les oreilles , semblables à celles des lézards. Le dessus de la tête est couvert de grandes écailles ; celles qui garnissent le corps et la queue , tant dessus que dessous ,. sont un peu festonnées et placées les unes au- dessus des autres , comme les tuiles sur les toits. De chaque côté du cor[>s s'étend une espèce de ride ou de sillon longitudi- nal ; à Textrcmité de chacun de ces sillons et auprès de Panus , on voit un très -petit pied , couvert de quatre écailles , et dont le bout se partage en deux sortes de doigts un peu aigus. La queue est beaucoup plus OJ 390 HISTOIRE NATURELLE, longue que le corps. La longueur totale du sheltopusik est ordinairement de plus de trois pieds , et sa couleur, qui est assez uniforme sur tout le corps, est d'un jaune pale. On trouvera dans la note suivante ^ les principales dimensions de ce bipède que M. Pallas a disséqué avec beaucoup de soin. pieds, pouces, lignes. * Longueur depuis le bout du museau jusqu'à l'anus i 6 » Longueur de la queue 2 4 » Longueur de la tête, depuis le museau jusqu'aux trous au- diii.'s „ I î^7 Circonférence de la lê'e à sa base » 3 10 Circonférence du corps au-devant de l*anus a 3 5 Cil-conférence de la queue à son o'igi"e a 3 2 Longueur des pieds » » i~ SYNOPSIS METHODICA QUADRUPEDUxM OVIPARORUM. CLASSIS PRIMA. Quadrupèdes ouipari caudati. G E N U S F R I M U M. T E S T U D O. Corpus testa obtectum. DIVISIO PRIMA. Pedibus pinni-formibus ; digitis valde inœquallbus et elougatis. 3PECIES. CHARACTERES. Testudo marina fUnguibiis acuiis planiarum VDLGARIS. ( solitariis. Testudo fSquaniis lestse superioris vi- TIRIDI-SQCAMQSA.l ricJibus. ^92- SYNOPSIS SPECIES. CHARACTEHES. C A OU AN A. /Unguibus acutis plautarum l biiiis. T E S T U D o rNaso Luberculoso instar cor- NASICORNIS. [ uu elevaio. C A R E T T A. Squamis dlsci imbricatis. Ltra. (Testa coriacea, longitudina- I lilei- quiuque-augulatâ. D 1 V I S I 0 S E C U N D A. DlgUls breidorihus et subœquallbus. 5PECIES. CHARACTERES. rjy fTesti supeiiore ni^râ , scu- Testudo I ,,. ^ . . P ' ,. , „ s tcjlis stnatis m medio LUTARI A. I v puuctatis. T £ s T U D O fTesià superiore planinsculâ ORBICULARIS. 1 et orbiculaii. TerraPEN. J"^^'^^ supedore planiuscujâ (, et ovatâ. T SE que rE STU D o r^^"^*^ longitudine testae su- R P E N T I N A. I P^"""^ P"""""^ ^"^^'-^ 'i'''''' V que-dematae. M E T H O D I C A. 893 SPECIES. CHARACTERES. 'Maculis flavis subrubrisquc siiprà caput et tesiani iu- V. ieiioicni. T E S T U D O SCO RP 10 I D ES. 'Testa superiore tribus lineis 1 longitudinalibus elevalâ , TestuDO^ ^ quinque scutellis mcdii doi-si eloDgatis, testa iu- feriore ovatâ. f Testa superiore viridi, flavo Testudo flava. < , , I macuJata. I xtaici superiore plicatili abs- Testudo mollis."^ '■ ^ fTesia ' (. que scutellis. Testa superiore valde cari- natâ ^ niarginibus laiissi- Testudo GR^CA.< j. .. , mis , digiiis mcinbraua coopertis. Testudo JScutellis centre fiavis flavo- GEOMETRICA. \ que radiatis. Scutellis albesccntibus lù- groqiie fascialis, iu medio- TestudO SCABRA.*^ que dorsi valde elevatis j testa inCcriore anticè deu" ticulatâ. 394 SYNOPSIS SPECIES. CHARACTERES. 'Testa supcriore sHbcoidj /"iesta supcriore UDO \ r^ - ^ < lormi , niargine JLATA. I , . , .^ V. clenticulata. Test^ ^^ ... 1 , ^ e admodum DENTICUr {Testa supcriore valde cari- riatâ, scuiellis subviridibus flavoque lineaiis; lesiâ in- leriore ovaià. _, /" Scutellis nigro, alI)o, nur- Testfdo I r ■ • 1- n < puieo ,sul)virjdi, rlavoque MINIATA. 1^ ' ^ vanegatis. _ /-Testa superiore an lice emar- Testudo I . . n giuata ; scuieWis striaiis in ruedioquc puuclatis. BREVICAUDATA. T E S T U D O P UNCT AT A. T E S T U D O SDB RU F A. ( { {' isco osseo punctatoque. Colore subrufo, testa supe- riore depressâ, scutcUis leuuibus. T E S T U D O (Colore subnigro , scutellis SUBNIGRA- 1. crassis valdtque levibus. M E T H O D I C A. SgS G E N U S S E C U N D U M. LACERTUS- Corpus absque testa. DI VISIO PRIMA. Caudd compressa, pedibuk anterioribus quinque-digitatis. SPECIES. CHARACTERES. {Pedjbus posterioribus qua- tuor-digitaiis palmaiisque, colore viridi luteo. CrocodilITS fP^dibus pos-erioribus qua- luor-digitaiis palmatisque. Colore uic^ro. rPedibus posterioribus qua- luor-digitaiis palm.itisque, inatidibulis coarctatis et elongaiis. Caudi-VERBERa. fP^^i'^^s pos-erioribus quin- [ que-digitatis palmaiisque. Pedibus posierionbus quin- squaiuis eretiis »upc^i eau- dam. NIGER. Gavial. 396 SYNOPSIS SPECIES. CHARACTERES. {Peclibus fissis , squamis squa- mulis circumdatis. {Squamis suprà oculos et ab occipiie ad exiremiiateiu caudce erectis. Lacertus CAPITE rCapids parte superiore quasi BIFURGATUS. \ bifui'catâ. {Merabi-auâ iofrà colluin , digiLoi-um articulis penul- tiuns laiioi'ibus. Lacertus JSupr.V humeros biuis uigris- BIMACULATUS. { que maculis. /Duabus sLriis suprà dorsuin, Lacertus ) lateribus plicatis, caudâ suprà duplici carinâ angu- latâ. SU LC AT US. M E T H O D I C A. 897 DIVISIO SECUNDA. Caiidâ rotundâ, pedibus quinque'digitatis , dorso squamis e redis crisîaîo. SPECIES. CHAR^à_jCTERES. {Sacco gulaii deutato, squa- mis à tapÏLe ad exiremi- tatem toiporis ereclis. Basiliscus. Sacco suprà caput trecto. LaCERTUS f Latû ruerabranâ squamisque CRISTATUS. I s uprà caudam ereclis. 'Squamis circà aurium aper- turas ei ab occipite ad me- CalOTES. ^ diuiu dorsi ereclis j un- guium parte superiure ni- grâ. Squamis supr?l partem ante- AgAMA. -^ riurcra dorsi ercctis, oc- cipitisque reversis. Ov parti, 1 1' ^^ 398 SYNOPSIS DIVISIO TERTIA» C j^ „^ l subrubris supra dorsum. Colore subviridi maculato, J A C K I E. \ fcmoribus poslicè et obli- que sttiatis. Quatuor aut quinque lineis loneiiudiualibus elevatis- que suprù dorsum. R A N A Lemkiscata {' { 4o6 SYNOPSIS G E N U S S E C U N D U M. H Y L A. Corpus elongatum , verrucœ vUcosot iiifrà digitos. SPECIES, CHARACTEBES. ÎDorso viridi, duabiis iineis flavis raargiueque vio]aceis à capite ad pcdcs posie- riores proiensis. Hyla GIBBOSA. Gibbo suprk dorsuru. „ f Colore fiisco , pedibus iufrù Hyla Fuscii. J . ' I verrucosis. {Colore albo seu leviter cae- ruleo, abdomiue cinereo fasciato. -, fMaculis rubrJs suprà dor- Hyla tibiatrixJ ^ 1 sum. . rColore flavo; utroque laterc Hyla J dorsi rubro aliquando va- AURANTIACA.j negati , siepius ruforuin l. puncioruin série disiiucto. r Colore rubro , aliquando Hyla RUBRA. \ duabus liueis flavis suprk l dorsuin. M E T H O D ICA. 407 GENUS TERTIU M. B U F O. Corpus coarctatum et rotundatum. SPECIES. CHARACTERES. {Tuberculo reniforiiii abutro que latei-e pouc auris aper- turara. ÎMaculisvlridibus nigro mar- ginatis couuueniibusque* BUFO VIRIDI-f . . . < Lineis viriclibus radiatis. KADIATUS. I /Cutelaevi, raaculis maximîs BUFO FUSCUS.^ fuscisj tuberculo calloso i. infrà pedes posieriores. 'Tribus lineis flavis aut sub- rabrislongiludinalibusque C AL AM I T A. "^ suprà dorsum , tubercubs callosis biuis infrà pedes auterîorcs. _ /Dorso olivaceo uigroque uia- BCFOIGNICOLT" * rUorso oli' ,OR.J , . j culato. 4o8 SYNOPSIS SPECIES. CHARACTERES* _ rTuberculis spinosis suprà BUFO 11- r X < dieitos , pustuJis supra PUSTULOSUS. I ,^ '^ '■ \. dorsuin. IJugulo prominulo; duobus digitis exierioribus pedum, auieriorum , membranâ uuitis. 'Fasciâ longiiudinali pallidâ BurO GIBBOSUS. ^ et demiculaiâ suprà dor- sum gibbusum. "Capite coinpresso latissiino- Pipa. BuFO CORNUTUS. { {Capite coinpresso iatissiino- que, otulis miuiuiis et valde distaniibus. Palpebris superioribus ia I /"Dorso cinereo et rutt A G U A. < , , . 1 rubrocjue inacuJato. luodum coui elevatis. Dorso cinereo et rufo sub- B U F o M ARMOR ATUS. /-Dorso rubro subflavoque J luanuoralo; veutre flavo, matulis nigris. 'Dorso fusco niaculato, hu- lueris elevaiis porosisque, SUFO CLAMOSUS. J pedibus anierioribus pos- icrioribusque qui»que-di- gitans. METHODICA. •40^ REPTILIA BIPEDA. DIVISIO PRIMA. Fecîlhus anîenorlhus. SPECIES; B T7 F O CANALICULATUS. CHARACTERES; 'Squamis dorsi abdominis- cjuesemiannulos , squamis caudae annules intègres componentibus. DIVISIO SECUNDA. Fedibus ijosteiioribus. SPECIES. CHARACTERES. 'Sulco lougitudinali ab u tro- que latere dorsi, apertmu. Sh E L T 0 P U S I K.'^ auriura magnd , caudae lougitudine corporis loa- gitudiiii saltem aequaji. C'A^aris, II» 55 EXPLICATION DE QUELQUES PLANCHES DES DEUV vn LUMES. LA TORTUE franche; JLj E dessin a été fait d'après une Irès-jeune tortue, très-Lien conservée, à laquelle on a supposé uue longueur de, six pieds, pour donner uue idée de la grandeur de Fanimal adulte, dont Ja tête est moins grosse en proportion du corps que dans la figure, et dont le disque présente communément nue ou deux écailles de plus que celui des très- jeunes tortues. LA TORTUE ROUSSATRE. lia tortue est représentée sans queue, parce que cette partie n'avoit pas été conservée dans l'indi- vidu que nous avous fait dessiner. L ' A M É I V A. On a représenté à part le dessous de la tête et 4ÏÎ d'une partie du corps, pour montrer le défaut de grandes ccailles au-dessous du cou. Li SPUTATEUR. V On peut voir dans celle planche la figure du lé- zard envoyé de Saini-Eustaclie avec le sputaieur, et que nous regardons comme une variété de cette espèce. LE GECKO. On a représenté a part le dessous des cuisses , de l'origine de la queue et des pieds, ainsi que la partie aniérieure de la langue.^ LA TÊTE-PLATE. On a représenté un des pieds de devant du lézard, dout on a montré aussi la. tête de face. LE SEPS. On a dessiné un tronçon de seps vu par-dessus, pour montrer la disposition des couleurs cpe pré- sente le dos. Fin du tome second. TABLE Des articles contenus dan<; ce volume^ LES LEZARDS. î'roisième division. ILézards dont la queue esi ronde, qui ont cinq doigts aux pieds de devant j et des bandes e'cailleuscs sous le ventre* Le lézard gris, pCL^e 5. Addition à l'ariicle du lézard gris, 17» Le lézard verd, ig. Le cordyle , 33. L'hexagone, 36. L'améiva, Sy. Le lion, 42. Le galonné, 44. Le lézard cornu, 46. La tête-rouge, 48. Le lézard queiz-paléo , 5o, Quatrième division. Lézards qui ont cinq doigts aux pieds de devant , sans handes transver-, sales sous le corps» Le caméléou, 53. La queue-bleue, 79. L'azuré, 8i. TABLE» 4i3 Le gnson , 8^. ^ 1,'umbre , 83. Le plissé , 84» ti'algire 9 86. liC stellion, Sgi Le st'inqae, g3* Le mabouya , 98* Le doré , 105. Le tapaye, iir; Le strié, 114. Le marbré, Ii5t Le roquet, Il8. Le rouge-gorge, i22; Le go'ireux, i23. Le tégulxin, 126. Le triangulaire, 127. La double-raie, 129. Le sputaieur, i3o. Cinquième division. Lézards dont les doigts sont garnis par-dessous de grandes écailles ^ çui se recoupreni comme les ardoises des toits» Le gecko, i35. Le gectotle, 144. La le te -plate, i5o. Sixième division. Lézards qui n'ont que trois doigts aux pieds de devant et aux piedi ds derrière^ Le seps, lôo. 4T4 TABLE. Le clialcide, 172. Septième division. "Lézards qui ont des mem° hranes enjorme d'ailes» Le dragon, 177. Huitième division. "Lézards qui ont trois ou quatre doigts aux pieds de deçantj et quatre ou cinq aux pieds de derrière, La salamandre terrestre , 187* Addition à l'article de la salamandre ter- restre, 206. La salamandre à queue" plaie, SII» La ponctuée , 235. La qualre-raies 5 236. Le sarroubé , 237. La trois-doigts, 241. Des C[uadrupèdcs ovipares qui n'ont point de queue , 244. Premier genre. Quadrupèdes ovipares sans queue, dont la tête et le corps sont alongés , et l'un ou l'autre anguleux. — GRENOUILLES. La grenouille commune, 25l. La rousse , 282. La pluviale , 289. La soujiaute, 290. TABLE. 4ïS» La bordée, Sçi. La rciiculaire , 292. La paiie-d'oie, 298. L'c'paule armée, 294. La mugissante, 296? 1 La perlée , 3oo. La jackie , 3o2. La galonnée, 304. La grenouille écailleuse, 3o5. Deuxième genre. Quadrupèdes ovipares qui rCont point de queue y et qui ont sous chaque doigt une petite pelote visqueuse. — RAINES. La raine verie ou commune, 809. La bossue, 320. La brune , 821. La couleur-de-lait, 322. La flûteuse , 323. L*orangée, 325. La rouge , 827. Troisièiye genre. Quadrupèdes ovipares sans queue , qui ont le corps ramassé et arrondie — Crapauds. Le crapaud commun , 829, Le vcrd , 352. Le rayou-vcrd, 354. 4i6 TABLE» Le bruu, 356. Le calamité, 358. Le couleur- de-ieu, 36l. Le pustuleux, 364. Le goitreux, 365. Le hossu , 366. Le pipa, 367, Le coruu, Syr» L*agua, 373. Le marbré, 374, Le criard , S75. Reptiles bipèdes, 377* Premilre division. JBipcdcS ^id manquent as. pattes de derrière. Le Cdunelc, 382. Seconde division. Bipèdes qui manquent de pattes de devant» Le sheliopusik , 3S8. Sjnopsis metliodica qndrupcdum cviparorum ,- 391» DE L^IMrKIMERIE DE PLASSAN. ^2*7 S^&S!£ :5 ii j.ifcy*. '^. ^"^ I ^'^; 4-jk!* ^"^i ^/S%Cv^ ^ ' -.mi" '.iii .«*■ 'm ••* . ■ ' j ,«!' !?"*6^- .Wi-^ ii^ #. ■W