§ i -i [7F3f ^ iî 2. 1 HARVARD UNIVERSITY LIBRARY OF THE Muséum of Comparative Zoology HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS D'EAU DOUCE. EMBRYOLOGIE. HISTOIRE NATURELLE DES POISSOIVS D'EAU DOUCE DE L'EUROPE CENTRALE; PAR L. AGASSIZ. I2mîB3^1î(ï)lL(D(BIII§i 3)IS^ ^iilLmDÎÎIâ^ PAR C. VOGT. NEUCHATEL , AUX FRAIS nr. l'auteur. IMPRIMERIE d'o, PETITPIERRE. 1842. PREFACE. Le volume que nous publions aujourd'hui est le fruit d' observations faites, pendant deux hivers consécutifs, sur l'embryon de la Palëe (Cof^egonus Palœa Cm. y, poisson de la famille des Salmones, habitant le lac de Neuchàtel. Dans le but de rendre son Histoire naturelle des poissons deou douce de rEuroj^e centrale aussi com- plète que possible, M. Agassiz s'était décidé à j compren- dre Tanatomie et l'embryologie. Il voulut bien m'inviter à l'aider dans cette lâche, et nous commençâmes en commun nos observations sur les esi^èces de la famille des Salmo- nes, vers la fin de l'année 1839. Cependant des travaux plus pressans empêchèrent plus tard M. Agassiz d'y con- sacrer tous ses soins, et comme ce genre d'étude exigeait Il PRÉFACE. des observations non interrompues et trop fréquentes pour que l'un ou l'autre eût pu se dispenser d'y vouer tout son temps, je fus charge' d'achever seul ce travail. En me con- fiant une tâche aussi honorable , mon célèbre ami n'est cependant point resté étranger à mes recherches. Nous avons discuté ensemble les faits capitaux , à mesure que l'observation me les révélait; souvent même nous les avons examinés de nouveau en commun, et lorsque j'eus rédigé mon travail, c'est encore lui qui a bien voulu le revoir. Quelque incomplète qu'elle soit , cette monographie con- tribuera , je l'espère , à éclaircir quelques points encore obscurs du développement de l'embrvon des poissons. Les quatre premières planches ont été dessinées et gra- vées pendant l'hiver de 1839 à 1840 ; mais des obstacles imprévus m'empêchèrent de les livrer aussitôt au public ; et je m'en félicite aujourd'hui, parce que de cette manière j'ai été à même de donner plus d'extension à mon travail, en commençant une seconde éducation l'hiver suivant. Pendant le premier hiver, j'avais étudié particulièrement les formes diverses de l'embryon et les modifications suc- cessives que subit la circulation ; le second hiver je m'ap- pliquai plus particulièrement à suivre le développement des tissus , et je cherchai à me rendre compte des premiers états de la vie embryonique. Il en est résulté que les quatre premières et les trois dernières planches représentent tout un cycle de développement; car, n'étaient les circonstances que je viens de mentionner, j'eusse sans doute préféré de placer à la suite les unes des autres toutes les figures qui se rapportent à la même époque. PREFACE. III Dans l'ouvrage même , j'ai préfère de'crire successive- ment le de'veloppemenl des diflerens systèmes d'organes, que de poursuivre pas à pas l'ensemble des modifications; ce qui aurait eu le désavantage de trop disséminer des faits relatifs à un seul ordre de choses, et aurait de beaucoup augmenté le volume de ce livre , tout en le rendant plus diffus. D'ailleurs la tâche que nous nous étions imposée était moins d'étudier l'ensemble du développement que la manière dont se forment et se développent les différens or- ganes; et des expériences réitérées m'avaient appris que la durée du développement de l'embryon et même celle des différens organes, loin d'être fixe, est au contraire soumise à une foule d'influences qui en retardent ou en activent la marche ; et l'histoire de la circulation nous en fournit un exemple frappant ; car il est démontré que les globules san- guins sont plus ou moins précoces suivant la quantité de lumière que les embryons reçoivent, sans que pour cela le développement des autres organes en souffre d'une manière sensible. J'ai d'ailleurs suppléé à l'inconvénient de la mé- thode que j'ai suivie, en ajoutant à la fin du livre un abré- gé chronologique de l'histoire du développement. Je me suis surtout appliqué à décrire l'embryologie du poisson en elle-même, sans m' arrêter beaucoup aux théo- ries existantes. Je n'ai pas cru non plus qu'il fût néces- saire de comparer tous les points du développement de la Palée avec celui des autres classes d'animaux. L'embryo- logie, envisagée comme science, n'a guère été jusqu'à pré- sent que l'histoire du développement de l'œuf de la poule, et l'on s'est généralement borné à indiquer les différences IV PRÉFACE. qu'on remarquait à l'égard de certains organes dans d'au- tres animaux, souvent sans avoir fait une e'tude spe'ciale de ces dernières; ce qui a donné lieu plus d'une fois à des rap- prochemens inexacts. Pour établir l'embryologie sur des bases solides, il n'y a, selon moi, qu'une manière de pro- céder; c'est de remonter, comme on l'a fait dans l'anato- mie comparée, du simple au composé et de ne déduire des règles générales qu'autant que l'on a acquis une connais- sance spéciale des différens types. Cette méthode, inusitée jusqu'à présent dans l'embryo- logie, est celle que nous avons suivie dans l'étude du déve- loppement de la Palée ; et comme il entre dans les vues de M. Agassiz de traiter en détail toutes les familles de pois- sons d'eau douce , de la même manière que nous l'avons fait pour la famille des Salmones , nous espérons que les lacunes de cette première monographie embryologique pourront être peu à peu comblées par l'étude anatomique, zoologique et embryologique des poissons d'eau douce en général. J'ai été sobre de citations, ne voulant pas fatiguer mes lecteurs par une inutile érudition, comme il n'arrive que trop souvent dans des ouvrages d'ailleurs fort estimables. J'aime à croire que ceux qui ont fait des études embryolo- giques suivies, n'en reconnaîtront pas moins le soin que j'ai mis à me familiariser, autant qu'il a été en mon pou- voir, avec les matériaux existans, et j'ose espérer qu'aucun de mes prédécesseurs dans la carrière embryologique ne trouvera dans cet ouvrage matière à réclamation; car si, dans la description de la formation des différens organes. PRÉFACE. V j'ai souvent rapporte des laits connus, sans nommer les auteurs qui ont fait les mômes observations sur d'autres animaux, ce n'est point dans le but de m'en approprier la de'couverte , mais uniquement pour ne point entrer dans des de'tails comparatifs qu'il m'aurait été difficile d'éviter à cause des différences plus ou moins grandes qui existent toujours entre les diverses classes du règne animal. Je n'a- joute d'ailleurs aucune importance aux questions de prio- rité, qui me paraissent aussi indignes de la véritable science qu'elles sont souvent funestes dans leurs effets. La description anatomique de l'appareil génital et de la manière dont il contribue à la formation des œufs, trouvera sa place dans l'anatomie des Salmones, qui fera le sujet de l'une des livraisons prochaines. Dans l'ouvrage que nous offrons maintenant au public, je n'ai cru devoir traiter que du développement du germe. Ce sera également dans la partie anatomique de cet ouvrage que nous traiterons des difîérences qu'on remarque dans les poissons, suivant leur âge , autant qu'elles sont appréciables avec les matériaux que nous possédons maintenant. J'ai dessiné d'après nature toutes les figures de cette mo- nographie ; et comme elles ont, pour la plupart, été faites à l'aide d'un microscope composé qui, comme on sait, ren- verse tous les objets , j'ai fait lithographier mes dessins dans la même position , au lieu de les faire reproduire à l'aide d'un miroir ; de sorte que mes planches représentent la véritable position des organes , telle qu'elle existe dans l'embrjon et non point comme le microscope la montre. Ceci est surtout important lorsqu'il s'agit de déterminer VI PREFACE. la position de différens organes, du cœur, par exemple, relativement à la ligne médiane. Quant a l'exe'cution lithographique, je me flatte qu'elle pourra rivaliser avec celle de bien des planches en cuivre ; aussi me fais-je un devoir d'en témoigner toute ma recon- naissance à l'artiste habile au burin duquel elles sont dues. M. Sonrel, de la lithographie de M. INicolet, à INeuchâ- tel, a su reproduire avec un rare bonheur les détails les plus minutieux de mes dessins, sans nuire à l'eflet de l'en- semble. Les numéros des figures continuent d'une planche à l'autre, et les mêmes signes sont partout employés dans le même sens, pour indiquer les diflerentes parties du corps. Il en est résulté un grand nombre de lettres et de chifli-es qui sont indiqués sur la planche explicative qui accompagne l'atlas; mais cet inconvénient est compensé par un avantage réel, c'est que l'on ne sera pas obligé d'avoir recours à l'explication des planches pour comprendre chaque figure prise isolément. Neuchàtel, (juillet 1842) L'Auteur. % ' • %■ • ...*^ ^^ CHAPITRE I. L^CETF AVANT LA FECONDATION. Lorsqu'on examine l'ovaire des Palées à l'époque du frai , ou quelque temps auparavant, on trouve les œufs les plus petits et les plus jeunes enfermés dans le parenchyme des feuillets de l'ovaire. Les plus petits sont imperceptibles à l'œil nu et même à la loupe ; ce n'est qu'à l'aide d'un grossissement considérable qu'on parvient à les découvrir dans le tissu de l'ovaire , au milieu des œufs plus développés. Privé de micro- mètre, lorsque j'ai fait ces premières observations , je n'ai pas pu mesurer la grandeur de tous ces œufs; mais il est certain qu'elle varie beaucoup , comme on peut le voir par les six premières figures de PI. ï , qui représentent six œufs , dont le développement n'est pas achevé. Tous ces œufs sont dessinés sous le même grossissement, ensorte qu'ils donnent une idée juste des rapports de leur accroissement. La membrane vitellaire (g) et le vitellus (6) avec ses granu- les [d) forment la masse principale de l'œuf. La. membrane vitellaire [g] est tendue, élastique et capable de subir une assez forte pression. Quant aux parties constitutives de son tissu , il m'a été impossible de les reconnaître même 1 2 L OEUF SOUS le plus fort grossissement; je l'ai constamment trouvée claire et transparente , sans aucune trace de fibres ni de cel- lules ; ses bords déchirés ne montraient aucune trace de dente- lures ni de fibres. C'est, du reste, le caractère de toutes les mem- branes cellulaires, et l'on pourrait déjà en conclure de prime abord la nature de la membrane vitellaire. Le viteUus (b) est clair et transparent comme la membrane vitellaire elle-même , sans aucune trace de coloration. Il se fige dans l'eau et dans l'esprit devin, et forme une masse grenue d'apparence laiteuse, absolument comme le jaune des œufs développés. J aurai soin d'indiquer par la suite l'effet que produit sur le vilellus dos œufs mûrs le contact des différens corps et surtout des liquides. Habituellement on observe des ac- cumulations irrégulières do petits corps opaques et foncés [d] flot- tant dans l'intérieur du vilellus. Leur nombre est variable sui- vant les œufs ; cependant il m'a paru s'augmenter à mesure que l'œuf approchait de la maturité. Lorsque fœuf a atteint un cer- tain volume , ces petits corps remplissent le vitellus à tel point que toutes les autres parties de l'œuf en paraissent recouver- tes. Je les ai souvent vus groupés en très-grand nombre au- tour de la vésicule germinative, tandis qu'il n'y en avait que peu dans les autres parties du vitellus (fig. 3 et 4). L'extrême petitesse de ces granules ne m'a pas permis d'en bien examiner la nature; cependant j'ai remarqué, à faide de très-forts gros- sissemens, que les plus grands n'étaient point solides, mais qu'ils paraissaient entourés d'un anneau très-foncé, tandis que le milieu était clair (fig. 6). (On sait que les petits globules adi- peux et les gouttelettes d'huile les plus petites se présentent sous cette forme au foyer du microscope). Or, comme fœuf mûr renferme, ainsi que nous le verrons plus tard, une quantité de gouttelettes d'huile, il ne me paraît pas douteux que ces gra- nules ne soient ces mêmes gouttelettes dans leurs premiers ru- AVANT LA IKCO.NDATIOX. 3 diinens, de manière que nous aurions ici, dès l'origine de Tœuf, le même phénomène qui, plus tard, excite à un si haut degré l'attention du physiologiste dans le cours du développement de l'emhryon ; je veux parler de la confluence de ces gouttelettes dhuile en quelques grandes gouttes, qui, par la suite, ser- vent à l'alimentation de l'embryon. Et , en effet, on ne com- prendrait pas , sans cela, l'apparition soudaine de î gouttelettes d'huile dans l'œuf mùr , puisque, à part ces granules foncés, le vitellus n'est nullement adipeux, mais se rapproche au con- traire davantage, par sa manière d'être , des liquides albumi- neux. Outre le vitellus, le petit œuf renferme encore deux autres élémens qui, dans ces derniers temps , ont attiré d'une manière particulière l'attention des naturalistes , la vésicule germinative (vesicula Purkinjei) fig. 1-5 (c) avec la lâche germinative ou plutôt les taches germinatives , attendu que , dans l'œuf de la Palée, comme dans celui de tous les poissons osseux, ces ta- ches sont multiples. La vésicule germinative s'est toujours présentée à moi sous la forme d'une vésicule circulaire, limpide et très-délicate, se déchirant généralement avant la membrane vitellaire, lorsque je soumettais l'œuf à une certaine pression ; et sa pellicule est tellement fine , qu'une fois crevée, il m'était impossible de la reconnaître. Cette vésicule est rarement placée au milieu de l'œuf; je l'ai trouvée habituellement située sur l'un ou sur l'autre de ses côtés et ordinairement très- rapprochée de la face supérieure de la membrane vitellaire; cependant je ne l'ai jamais vue réellement accolée à cette membrane. Je ne la crois donc pas adhérente à cette dernière ; j'attribue bien plutôt sa position supérieure à son poids spé- cifique, qui, étant plus léger que celui du vitellus, fait ([u'elle doit flotter entre ce dernier et la membrane vitellaire , et gagner le point le plus élevé , dans quelque position que 4 l'œuf l'œuf se trouve placé. Or comme, pour bien voir, il est néces- saire de serrer un peu l'œuf sous le compresseur, l'on comprend que cette vésicule soit généralement excentrique. Les taches germinatives que contient la vésicule germinative, au nombre de six à douze, sont entourées d'un liquide trés-limpide : ce sont en général de petites vésicules transparentes comme la vésicule germinative elle-même, mais de forme moins circulaire. Je les ai souvent vues comme attachées à la membrane de celte dernière ; d'autres fois , j'ai cru les apercevoir flottant libre- ment. Il est intéressant d'observer l'accroissement du petit œuf. Le vitellus et la membrane vitellaire sont évidemment les parties qui croissent le plus rapidement ; mais la vésicule ger- minative et les taches germinatives augmentent aussi, quoique dans des proportions moins considérables. On a nié cette crois- sance de la vésicule germinative ; mais elle est si évidente dans l'œuf de la Palée qu'elle ne saurait échapper à l'obser- vateur le plus superficiel. Je regrette de n'avoir pu , faute de micromètre, indiquer les rapports de grandeur entre l'œuf, la vésicule germinative et les taches germinatives dans les diffé- rentes phases du développement de l'œuf. Mais, comme les figu- res de 1-5 sont dessinées sous un même grossissement, et que d'aillears j'ai eu plusieurs fois l'occasion de placer plu- sieurs petits œufs , l'un à côté de l'autre, sous le foyer , il m'a été facile de comparer la grandeur relative des vésicules ger- minatives et du vitellus ; ensorte que, s'il s'est glissé quelques erreurs dans l'appréciation de leur grandeur relative , elles ne sauraient du moins être que très-insignifiantes. J'ai vu des œufs , dont la vésicule germinative était aussi grande qu'un autre œuf placé à côté (comparez les fig. 3 , 4 et 5 avec la iig, 1) ; d'où je conclus qu'elle grandit le plus dans les pre- mières périodes de l'œuf^ mais que cet accroissement se ralentit AVANT LA lÉCO.NDATlON. 5 à mesure qu'elle atteint une certaine dimension. Le vitellus et les gouttelettes d'huile augmentent au contraire continuel- lement de volume. Les taches germinatives croissent tout aussi bien que les vésicules germinatives ; mais il est plus difficile de s'en assurer, à cause de leur grande diversité ; car l'on ren- contre dans des vésicules de même dimension des taches de grandeur très-inégale. Ce qui me fait cependant croire à un accroissement de ces taches , c'est que , dans les plus petits œufs que j'ai examinés (fig. 1), elles ne me sont apparues que comme de très-petits points , visibles seulement sous le plus fort grossissement, tandis que dans la plupart des œufs plus grands, elles étaient d'un diamètre beaucoup plus considérable. D'ailleurs on comprendrait difficilement comment de nom- breuses taches de la grandeur de celles de fig. 4 et 5 pour- raient avoir place dans une vésicule comme celle de fig. 1. Le mode d'accroissement de l'œuf primitif dans l'ovaire, tel que venons de l'exposer , me paraît propre à jeter quelque jour sur la manière dont on doit envisager l'œuf en lui-même. M. Schwann dans son ouvrage sur la conformité de structure et de croissance des animaux et des plantes (*) , s'est de- mandé si la vésicule germinative de l'œuf était une jeune cellule se développant librement dans une cellule-mère (l'œuf) et dont la tache germinative serait le noyau ou cytoblaste, ou bien si l'œuf n'était pas plutôt une cellule normale dont le noyau serait formé par la vésicule germinative , qui renfermerait la tache germinative à l'état de nucléolule. Ces deux manières de voir rencontrent de graves difficultés , et Schwann lui-même n'a pas osé décider la question. On a cru voir une confirmation (*) Microscopische Liitersuchungen ûber die Ubereinstimmung in der Structur und der Wachstlium der Thiere und Pfianzen , 8<*. Berlin, 1859. — Les Annales des sciences naturelles, janvier i842 , ontreproduit l'extrait que M. J. 3IuHer :i donné de cet ou\riige dans son Jrchn- fUr .inatomie , ett. 6 l'oeuf (le la première Je ces opinions dans les observations plus récen- tes de M. Barry sur le développement de l'œuf du lapin (*) , ce naturaliste ayant démontré que, au lieu de crever ou d'être ré- sorbée après la fécondation, la vésicule germinative se remplit de cellules qui deviennent la base de l'embryon futur ; mais il est à remarquer qu'à cette époque, on n'avait encore signalé aucun exemple de cellules se développant dans le noyau. Ce n'est en effet que dans les cellules-mères que peuvent se former de jeunes cellules ; car d'après l'opinion généralement reçue , le cytoblaste est envisagé comme un tout complet dont le dévelop- pement est aclievé, et qui, par conséquent , ne peut être assu- jetti qu'à une résorption , mais qui ne saurait donner lieu à de nouveaux corps dans son intérieur. Je reviendrai plus tard sur la formation et le développement de la cellule animale en général , et je montrerai que l'opinion d'après laquelle les cyto- blastes seraient toujours les précurseurs des cellules, n'est nul- lement fondée dans la nature, mais qu'au contraire le noyau est dans beaucoup de cas une jeune cellule se développant dans la cellule-mère et que le nucléolule lui-même n'est autre cbose qu'une cellule de seconde génération formée dans le noyau. En partant de ce point de vue, toutes les difficultés dis- paraissent dans l'étude du développement de l'œuf. Voici comment je conçois sa formation : il se forme dans une cavité de l'ovaire une cellule , la vésicule germinative , et dès qu'elle a acquis une certaine taille, on voit se former autour d'elle une seconde cellule, la membrane vitellaire, qui renferme la première ; il se forme en même temps dans l'intérieur de la cellule germinative un nombre considérable déjeunes cellules, les taches germinatives , qui tantôt restent tellement petites et (*) llescarclies in Knibryology. Philosophieal ïiaiisaclioiis. I.S'iO. Tdiiic H , linge o!29 ol siiiv. AVAM LA l'ÉrONDATION. 7 jj;roiipéos ensemble, qu'elles ne forment qu'une seule tache d'ap- parence grenue, comme c'est le cas chez les animaux vertébrés supérieurs, mais tantôt aussi sont isolées les unes des autres, formant alors ces taches germinatives multiples que l'on ob- serve chez la plupart des animaux sans vertèbres , et dans les vertébrés chez les poissons osseux et les batraciens. Il paraît en effet que M. Rodolphe Wagner (*) a observé ce mode de for- mation de l'œuf primitif chez un Agrion , où il a trouvé , dans les extrémités eflilées de l'ovaire , des vésicules limpides conte- nant un corpuscule simple, d'apparence solide, et il en a conclu que la vésicule germinative, ainsi que la tache germinative , étaient de formation primitive , et que ce n'était que plus tard que la membrane vitellaire se formait alentour. Cette dernière cellule (la membrane vitellaire), qui renferme la vésicule ger- minative de formation plus ancienne, se développe avec une ra- pidité excessive , tandis que la cellule primitive , dans l'attente de la fécondation, ne s'accroît que lentement et paraît de plus en plus petite, relativement à la membrane vitellaire. Ceci nous explique suffisamment la grandeur proportionnellement très- considérable de la vésicule germinative dans les jeunes œufs et son accroissement lent pendant la maturation de l'œuf avant la fécondation. On s'explique également de celte manière l'ac- croissement des taches germinatives qui n'est en aucune façon approprié au rôle que veut lui faire jouer M. Schwann , soit qu'on les envisage comme des noyaux ou comme des nucléo- lules de cellules. Il m'est impossible de dire ce que deviennent par la suite la vésicule et les taches germinatives; car dés que les œufs sont assez grands pour pouvoir être aperçus à la loupe entre les feuille^ de l'ovaire, sous la forme de petits points , les granules (*) Prodromus historiae gcncralionis. Fol. Lipsijr. 1856. Page 9, Fig. IS. 8 l'oeuf huileux (lu vitellus occupent tout l'espace de l'œuf, qui perd à peu près sa transparence sous le microscope (lig. 0), et il est impossible de distinguer plus longtemps ces deux organes. En crevant l'œuf, la vésicule germinative se déchire ordinaire- ment et les parties albumineuses du vitellus se ligent en une masse opaque et grenue qui rend également toute observation impossible. Quand l'œuf a atteint un diamètre d'environ '/» de ligne, il s'échappe des parois de l'ovaire, en les déchirant, et tombe dans la cavité abdominale. Nous reviendrons sur cette sécré- tion dans la description anatomique de l'ovaire ; il nous suffit pour le moment de savoir que les œufs, gisant dans la cavité abdominale de la Palée , sont mûrs et susceptibles d'être fé- condés. L'intérieur des œufs mûrs est de nouveau parfaitement dia- phane et laisse apercevoir, à l'œil nu , un liquide transparent, dans lequel se voient de petites gouttelettes jaunes qui donnent aux œufs , lorsqu'ils sont réunis en masse , une teinte jau- nâtre. La surface des œufs est lisse , mais sans aucune trace de cet enduit visqueux qui permet à })eaucoup d'autres œufs de poissons de s'attacher aux plantes et aux pierres. L'œuf de la Palée, comme celui de tous les Salmonidés , est livré entiè- rement au gré des vagues. Le microscope ne montre , dans l'œuf, d'autres parties que celles qui sont visibles à l'œil nu ; on n'aperçoit qu'une seule memhrane entourant l'œuf (fig. 7 et 8 a) ; le vitellus est par- faitement limpide (6) et les gouttelettes d'huile nagent à la sur- face de ce dernier {e). La membrane extérieure (a) de l'œuf, qui correspond évidem- ment à la membrane coquilh'cre de l'œuf des oiseaux , est assez épaisse et élastique , de manière qu'il faut une certaine pres- sion pour faire crever un œuf mûr. Si l'on examine celte AVANT LA FÉCONDATION. 9 membrane sous un fort grossissement , l'œuf étant intact , on trouve qu'elle présente un aspect granuleux très élégant, qui résulte d'une quantité de petites figures annulaires , réunies comme les mailles d'un fdet (fig. 7 et 8). Cette réticulation est extrêmement délicate et visible seulement sous un jour favorable; elle s'étend sur l'œuf entier et même sur les goutte- lettes d'huile, de manière qu'elle paraît faire partie intégrante de la membrane externe. 11 est très-difficile , lorsqu'on examine la membrane co- quillière isolée , de reconnaître cette réticulation ; on n'en aperçoit que çà et là quelques traces. Mais un phénomène plus remarquable frappe l'observateur , lorsqu'il considère cette membrane sous un fort grossissement : elle a alors l'apparence du chagrin, et cet aspect particulier paraît résulter d'une quan- tité de petits points opaques, qui sont répartis d'une manière régulière à sa surface. Traités à l'acide muriatique, ces points deviennent plus transparens et ressemblent alors à de peti- tes verrues. M. Valentin m'a fait remarquer combien cette for- mation ressemblait à celle de la carapace des écrevisses d'eau douce , qu'il a également trouvée composée de membranes , présentant, sous un fort grossissement, des points tout-à-fait semblables (*). Il s'est convaincu, en outre, que, dans l'écre- visse , ces points sont de petits tubes placés verticalement et remplis de calcaire, et que la membrane traversée par ces tu- bes est composée de cellules régulièrement polyédriques. Dans l'œuf de la Palée, la membrane coquillière est trop mince pour qu'il soit possible d'arriver à des résultats précis sur la nature de ces points et de leur contenu calcaire , avec les moyens de grossissement que nous possédons maintenant. Toutefois, leur position , leur manière d'être et leur apparence réticulée doi- (*) Repertorium fiir Anatomie und Physiologie. Tom. I, pag. ^22. 2 1 0 l'oeuf vent naturellement faire supposer une structure analogue à celle (les tubes de la carapace des écrevisses. Il paraîtrait ainsi que la membrane coquillière est une membrane celluleuse com- posée, formée de la réunion de cellules aplaties, qui ne se déposent autour de l'œuf primitif que vers l'époque de sa ma- turité ; la présence de ces petits tubes , qui traversent la mem- brane , expliquerait suffisamment l'absorption de l'eau dans l'intérieur de la membrane coquillière. Au premier abord , il semble que la membrane extérieure ou coquillière (^oj entoure immédiatement le vitellus(6); cepen- dant, il résulte des modifications que l'œuf subit dans l'eau, que la membrane vitellaire existe aussi ; mais elle est tellement adhérente à la face interne de la membrane coquillière , qu'il est impossible de l'en distinguer si l'œuf n'a pas séjourné un certain temps dans l'eau. 11 résulte de cette adhérence que l'œuf de la Palée ne contient aucune trace d'albumen aussi long- temps qu'il est encore enfermé dans le ventre de la mère , car, dans ce cas , il devrait se trouver entre la membrane vitellaire et la membrane extérieure. La membrane vitellaire [g) elle-même est une membrane très-mince et transparente, sans texture apparente ; au moins je n'y ai pas remarqué la moindre trace de cellules ; elle est imperméable pour l'eau , ce que n'est point la membrane co- quillière ; mais elle ne résiste pas aux acides, puisque le vitel- lus se coagule instantanément lorsqu'on met l'œuf en contact avec un acide. Elle est de plus l'enveloppe primitive de l'œuf, et ce n'est que plus tard que la membrane coquillière s'étend autour d'elle ; aussi avons -nous indiqué dans nos des- sins ces deux membranes par des lettres différentes. Je n'ai pas pu observer le moment de la formation de la membrane coquillière dans le Coregonus palœa , mais bien dans un autre poisson de la même famille , le Salmo Umbla. Là , j'ai ren- AVANT LA FÉCONDATION. H contré , à côté d'œufs non mûrs , composés uniquement de la membrane vitellaire , de la vésicule germinalive et des taches germinatives , d'autres œufs un peu plus grands, montrant une double membrane, en même temps que les taches et la vésicule germinatives étaient encore visibles. La membrane extérieure, très-peu distante de l'intérieure, était évidemment la membrane coquilliére en voie de formation. Les œufs étaient trop petits pour que j'aie pu distinguer si les cellules primitives, dont se forme cette membrane , étaient plus distinctes qu'elles ne le sont par la suite. Le vitellm proprement dit (6) ressemble , par ses propriétés extérieures, moins au jaune qu'à l'albumen des œufs d'oiseaux. C'est un liquide parfaitement limpide, homogène, visqueux, sans aucune trace de cellules ou d'autres corpuscules , comme il s'en trouve dans le vitellus d'autres animaux. J'insiste d'une manière toute spéciale sur ce point, parce qu'il est d'une im- portance capitale pour la théorie de la formation de l'embryon, et nous verrons plus tard qu'en aucun cas il ne s'y forme des cellules. Son pouvoir de réfraction est plus fort que celui de l'eau; sa pesanteur spécifique est aussi beaucoup plus consi- dérable, puisque l'œuf, malgré ses parties huileuses, tombe aussitôt au fond du vase. Lorsqu'on crève un œuf dans l'eau , on voit à l'instant même la masse entière du vitellus se trans- former en une matière blanchâtre, lactée, opaque et filamen- teuse, qui n'a plus aucune ressemblance avec la substance vitellaire de l'œuf intact. Voulant m'assurer si c'était réelle- ment l'effet de l'eau , j'ouvris un œuf au foyer du microscope, et j'y mêlai une goutte d'eau , pendant que j'observais le vitellus: partout où les deux liquides entrèrent en contact, il en résulta à l'instant même une quantité de petits granules opaques , qui furent affectés pendant longtemps d'un mouve- ment moléculaire très-prononcé. Ces granules étaient si petits 1 2 l'oeuf que , sous mon plus fort grossissement , ils ne m'apparurent que comme de petits points foncés et leur nombre considérable me prouva suffisamment que ce n'étaient pas des nucléolules de- venus libres par l'effet de l'eau qui aurait fait crever les parois des cellules ; car, en se représentant chacun de ces petits corps enveloppés d'une cellule , il en serait résulté que l'œuf entier aurait eu un volume au moins dix fois aussi grand que le vo- lume réel du vitellus. Cette manière d'être du vitellus vis-à-vis de l'eau est très-importante à connaître , parce qu'elle est la cause principale des modifications que l'œuf subit lorsqu'il se corrompt. Une autre partie essentielle du vitellus consiste dans les gout- telettes dliuile qui nagent à sa surface (c). L'huile qu'elles contiennent est d'un beau jaune de paille, très-claire, transpa- rente et tachant distinctement le papier: vues au microscope, ces gouttelettes se distinguent de la masse vitellaire propre- ment dite par leurs bords foncés , tandis que le centre est plus clair, ce qui est une conséquence de leur plus grande ré- fraction. Cependant, ces bords noirs ne sont pas aussi tranchés dans l'œuf même, que lorsque les gouttelettes nagent librement dans l'eau ; car , à raison de leur pesanteur spécifique moins considérable, elles se trouvent refoulées par le vitellus et aplaties par la pression contre la face interne de la membrane vitel- laire. Cette pesanteur spécifique moins considérable des gout- telettes est aussi la cause qui fait qu'elles s'accumulent toute* sur un seul point de l'œuf, où elles forment une espèce de disque qui est toujours tourné en haut , aussi longtemps que l'œuf reste dans l'eau , d'où il résulte un inconvénient assez grave pour l'observateur, surtout lorsque plus tard le jaune devient mobile : alors le disque huileux se porte continuelle- ment en haut de quelque manière que l'on tourne l'œuf. Telles sont les parties de l'œuf que l'on observe avant la AVANT LA FÉCONDATION, 13 fécondation. Une fois arrivé à sa maturité, je n'ai plus trouvé en lui aucune trace de la vésicule germinative , quoique l'on ne puisse douter de son existence jusqu'à la fécondation. Il semble en effet résulter des recherches qui ont été faites sur d'autres animaux vertébrés , que la vésicule germinative se maintient au milieu du disque huileux et que les nombreuses taches germinatives qu'elle contient continuent à se développer après la fécondation et représentent ainsi la base cellulaire de l'embryon. J'essaierai de démontrer plus tard, par Vexamen des cellules primitivesderembryon,quecesontréellementles taches germinatives qui forment la première base de l'être qui se développe dans l'intérieur de l'œuf. En résumant sous un point de vue général tout ce qui vient d'être dit sur la nature de l'œuf du poisson et les modifications qu'il subit, il en résulte : que l'œuf primitif doit être envisagé comme une cellule , dont l'enveloppe est la membrane vitel- laire ; celle-ci renferme un contenu liquide, le vitellus , dans lequel sont réparties, comme un dépôt alimentaire, les goutte- lettes d'huile. Au milieu du vitellus flotte une autre cellule, la vésicule germinative , et dans celle-ci , une seconde géné- ration de cellules , les taches germinatives. Plus tard, d'autres cellules se développent autour de l'enveloppe vitellaire de l'œuf et forment une membrane continue, d'une structure parti- culière , la membrane coquillière , qui par conséquent n'est pas primitive, mais ne peut être envisagée que comme un acces- soire de l'enveloppe ou cellule primitive. Des observations ul- térieures devront nous apprendre laquelle de ces cellules qui se trouvent ainsi renfermées l'une dans l'autre , est la cellule pri- mitive. D'après les observations de M. R. Wagner, que nous avons citées , ce serait la vésicule germinative , autour de la- quelle se forme la cellule vitellaire. CHAPITRE II. FÉCONDATION ; CONDITIONS DU DEVELOPPEMENT ; MALADIES DE L'ŒUF ; METHODE D'OBSERVATION. Dans son ouvrage sur le développement des poissons, M. Baer se plaint généralement de la difficulté de se procurer du frai propre à servir à l'observation du développement em- bryologique. 11 ne songea pas à opérer la fécondation artifi- ciellement. C'est Rusconi qui, le premier, eut recours à ce procédé, en l'appliquant à l'œuf de la Tanche , dont il a décrit le développement (*). Quoique l'opération de la fécondation artificielle soit très-facile, et, malgré la précision avec laquelle elle permet de déterminer la durée du développement de l'em- bryon dans l'œuf, le procédé de Rusconi était resté à peu près inconnu à la plupart des naturalistes. Nous-mêmes, en commen- çant nos essais , nous n'avions aucune connaissance du travail du savant italien , et ce n'est que longtemps après , lorsque le développement de nos œufs fut achevé, qu'ayant lu ses obser- vations dans les Archives de Mûller , nous pûmes comparer sa (*) Archiv fiir Anatomie , etc. von Millier, 1856, page 278 et suiv. FÉCONDATION, ETC. 15 méthode avec la nôtre. L'industrie avait cependant déjà tiré parti de ce procédé ; car en Allemagne, on a commencé à mul- tiplier de cette manière , avec un plein succès , dès la fin du siècle passé , les saumons , les truites et les carpes, et mainte- tenant la même chose se pratique en Angleterre , pour les sau- mons. On ne saurait donc trop recommander ce procédé aux embryologistes , d'autant plus qu'il s'applique surtout aux pois- sons , dont l'étude rencontre en général les plus grandes dif- ficultés. La famille des Salmonidés est peut-être de toutes les familles de poissons celle qui est la plus appropriée à l'étude du déve- loppement embryogénique par voie de fécondation artificielle. La plupart des espèces ne se pèchent guère qu'à l'époque du frai ; mais alors on trouve ordinairement le mâle et la femelle ensemble, et l'on peut toujours facilement savoir si les œufs sont parvenus à l'état de maturité; car, dans ce cas, ils ont quitté l'ovaire et se trouvent dans la cavité abdominale. Il suffit alors de serrer un peu les parois du ventre pour voir s'échapper de l'ouverture sexuelle un jet d'œuf très-abondant, tandis que lorsque les œufs sont encore renfermés dans l'ovaire, on ne parvient nullement à les exprimer. De plus, l'œuf des Salmonidés, étant ordinairement pondu à l'approche de l'hiver, par une température très-basse , ne se développe que très- lentement, et l'observateur a tout le temps de suivre à son aise toutes les phases de son développement. Il peut comparer et dessiner toutes les circonstances remarquables que présen- tent ses diverses métamorphoses , tandis que dans les autres familles de poissons, les Cyprins par exemple, le développement s'opère avec une telle rapidité que le dessinateur le plus habile a à peine le temps d'en représenter quelques phases. La méthode que nous avons suivie est très-simple. On sait que les Palées fraient toujours par paires et qu'elles annoncent leur 16 FÉCONDATION, ETC. présence aux pêcheurs en sautant l'une contre l'autre, au-dessus de la surface de l'eau. C'est dans ce moment que s'effectue la fécondation, parl'éjaculation simultanée des œufs et du sperme. Aussitôt qu'une paire de ces poissons se prenait dans le filet , on la retirait pour nous l'apporter dans un vase contenant quelques pouces d'eau. Imitant ce qui se passe naturellement chez ces poissons, nous commencions par exprimer les œufs de la femelle; puis, par une pression semhlable, nous faisions jail- lir la liqueur spermatique du mâle, qui donnait à l'eau une teinte blanchâtre , et nous remuions le tout jusqu'à ce que nous pussions présumer que le mélange était parfait. Nous in- troduisions ensuite les œufs dans un sac de mousseline acces- sible de tous côtés à l'eau. Ce sac était jeté au lac, et, pour qu'il ne devînt pas le jouet des vagues, nous avions soin de l'attacher à un pieu ou bien d'y suspendre une grosse pierre qui le main- tenait en place. Plus tard, nous trouvâmes toutes ces précau- tions inutiles ; car les œufs se développaient tout aussi bien dans des vases que nous tenions dans nos appartemens, pourvu que la température ne fût pas trop élevée et que l'on eût soin de renouveler l'eau plusieurs fois tous les jours. La qualité de l'eau que l'on emploie exerce une influence très-sensible sur le développement des œufs ; et je crois qu'il est nécessaire, pour les amener à terme, de les maintenir dans la même eau dans laquelle le poisson a l'habitude de frayer. J'ai fait l'expérience que les œufs de la Truite saumonée, qui fraie dans les rivières , se gâtent dans l'eau du lac et que ceux de la Palée, qui fraie dans le lac même, ne prospèrent pas dans l'eau des rivières ; de même, je n'ai pu réussir à amener à terme , dans l'eau du lac , les œufs du Brochet de marais qui, dans nos contrées, fraie plus tôt que le brochet du lac, quoique ces deux poissons ne diffèrent pas spécifiquement. Une autre condition nécessaire au développement des œufs, FÉCONDATION , ETC. 17 cest de les remuer souvent. Un repos absolu les tuerait né- cessairement. J'ai perdu des milliers d'œufs pour avoir mis trop de soin à les préserver contre le choc des vagues, tandis que ce furent précisément ceux que j'y avais laissés exposés qui pros- pérèrent le mieux. J'ai de même remarqué que ceux qui res- taient tranquillement au fond d'une cuvette , se développaient plus lentement que ceux qui servaient journellement à des observations microscopiques, et de tous mes embryons, celui qui , pendant un mois , passa tous les jours plusieurs heures sous le microscope exposé à la lumière concentrée d'un mi- roir concave sortit le second de son enveloppe. Comme les œufs des Salmonidés sont dépourvus d'une enve- loppe visqueuse , ils roulent facilement au fond de l'eau , et il importe à leur développement qu'ils soient isolés. Le mieux est de les conserver dans des cuvettes à fond plat , de manière qu'ils ne se touchent pas. Il est en outre nécessaire de les re- muer plusieurs fois par jour et de les nettoyer avec un pinceau très-fin , afin de les préserver d'une maladie contagieuse qui m'en a enlevé plusieurs centaines . et qui consiste dans le dé- veloppement d'une végétation particulière à leur surface , dont il sera question plus tard. Il faut avoir soin d'éviter les variations subites de tempéra- ture ; des variations graduelles ne sont pas préjudiciables. à moins que la température n'arrive à un degré trop élevé. Le frai qui servait à nos observations était dans des cuvettes , exposé à l'air et à toutes les variations de température de l'hi- ver. J'ai même trouvé plusieurs fois, le matin, l'eau des cuvettes gelée et les œufs pris dans la glace , ce qui ne les empêcha pas d'arriver à terme. Je crus cependant remarquer que ce froid les avait un peu relardés, car, pendant deux jours, je ne constatai aucun progrès dans leur développement. Je pense par conséquent que la température qui convient le mieux 3 18 FÉCONDATION, ETC. au (léveloppomeut de la Palée , c'est une chaleur de -f- \'^ à + 8° R. Lorsqu'un œuf se gâte, le premier signe de décomposition se manifeste par une apparence grenue toute particulière du germe, telle que je l'ai représentée fig. 13. Le germe devient semi-transparent et prend une apparence laiteuse à l'œil nu. Sous un fort grossissement , les cellules du germe paraissent alors opaques, irrégulières et coagulées, absolument comme lorsqu'on les met en contact avec de l'acide. Le germe est ordinairement seul affecté par la décomposition , tandis que le vitellus et le disque adipeux demeurent complètement in- tacts. Dans l'origine , je fus tenté d'envisager cette modifica- tion comme un progrès du développement embryogénique ; mais je m'aperçus bientôt que je m'étais trompé et qu'il ne s'a- gissait que du premier état de la décomposition. Souvent aussi l'on remarque d'autres formes, telles que fig. 15 et 16 : une masse grenue , semi-transparente , d'apparence laiteuse , re- couvre un disque adipeux, dont l'on reconnaît cependant encore les gouttelettes. Il peut alors arriver que , trompé par les in- dications de Baumgârtner , qui prétend que, dans la Truite, l'embryon se forme de la substance des gouttelettes d'huile , l'on croie apercevoir la membrane du germe, et l'on pour- suit d'un œil impatient toutes les modifications de ce corps par- ticulier. Cependant, l'on finit par s'apercevoir de l'erreur, et l'on acquiert enfin la certitude que tout œuf qui présente une tache blanchâtre opaque quelconque, est gâté et qu'il n'y a que les œufs parfaitement transparens qui soient succeptibles d'un développement embryonique. C'est du moins ce que m'ont ap- pris mes observations sur plusieurs milliers d'œufs , dont la plupart se sont corrompus. Mais la cause principale de toute décomposition résulte évi- demment de l'eau qui s'introduit dans l'intérieur de la mem- FÉCONDATION, ETC. 19 braiie vilcllaire. J'ai cité plus haut quelques circonstances qui parlent , il est vrai, en faveur de l'imperméabilité de la mem- brane vitellaire; mais il paraît que l'irritation de la fécondation est nécessaire pour maintenir cette propriété. Si la féconda- tion n'a pas lieu ou que des influences délétères , de mau- vaise eau ou des variations de température en empêchent les effets en tuant l'œuf, la membrane vitellaire cède enfin à l'ac- tion de l'eau , celle-ci s'introduit çà et là dans l'œuf par les endroits les plus accessibles et modifie d'abord les cellules em- bryouaires ; la substance vitellaire se coagule , et il en résulte ces taches et ces formes si variées qui caractérisent l'œuf en décomposition. Ce qui me fait croire que c'est bien l'eau intro- duite de cette manière dans l'œuf qui est la principale cause de ces taches , c'est leur identité complète avec le vitellus coagulé dans l'eau, et cette autre circonstance, que les taches qui sont en voie de se former , se fixent par une base large sur un point quelconque de la membrane vitellaire , tandis que leur som- met est tourné vers l'intérieur, de manière à affecter une forme conique et indistinctement limitée, comme si l'on avait fait un trou dans la membrane pour y laisser pénétrer une goutte d'eau. Lorsque la décomposition est plus avancée , la membrane vitellaire crève quelquefois, le vitellus s'échappe en formant de petits amas irréguliers , et l'on voit des lambeaux membraneux opaques flotter çà et là dans l'œuf et embrasser quelques gra- nules adipeux. D'autres fois , ces granules flottent librement et se coagulent en masses grenues compactes, de couleur jau- nâtre et de forme circulaire. La membrane vitellaire se dis- sout complètement ; la membrane coquillière résiste plus long- temps : elle se recouvre de moisissure et finit par crever égale- ment , en laissant échapper son contenu , qui se précipite au fond du vase, tandis que la graisse coagulée se ramasse à la 20 FÉCONDATION, ETC. surface où elle devieDt le repaire d'une quantité d'infusoires qui vivent au milieu de la moisissure. Une maladie particulière et terrible des œufs , ainsi que des embryons nouvellement éclos , c'est une espèce particulière de moisissure qui se développe à leur surface. Ce n'est que dans ces derniers temps que l'on s'est occupé de ces parasites végé- taux, et chaque jour nous apporte de nouveaux renseignemens sur leur histoire. On ne s'étonnera donc pas que j'aie observé et étudié avec soin cette moisissure. Elle m'a d'ailleurs enlevé plusieurs centaines d'œufs, et ce n'est qu'à force de les essuyer et de les isoler que je suis parvenu à conserver le petit nombre d'embryons dont j'avais besoin pour poursuivre mes observa- tions. Lorsque les œufs commencent à être attaqués, on s'aper- çoit, même à l'œil nu, que leur transparence diminue. Les taches laiteuses, dont nous avons parlé plus haut et qui indiquent la décomposition, ne se montrent pas ; mais toute la surface offre une teinte sale , comme si une matière visqueuse s'y était dé- posée. Sous le microscope, l'œuf paraît couvert de petits grains opaques très-serrés, qui, lorsque la lumière est intense, pren- nent une teinte blanchâtre. On voit en outre çà et là quelques petits fds à la surface ; cependant l'on parvient encore à enlever cette matière et à sauver l'embryon en nettoyant convenable- ment l'œuf avec un pinceau très-fourni ; mais si l'on néglige de prendre cette précaution , l'on est tout étonné de voir les progrès que la maladie fait du jour au lendemain. De longs fds transparens , réunis souvent en bouquet ou placés au- tour de l'œuf comme des rayons , l'entourent de toute part. Sa pesanteur spécifique a diminué, et ce n'est que lentement qu'il arrive au fond du vase. Il est alors inutile d'essayer d'enlever ces fils, qui sont tellement adhérens à la membrane coquillière qu'ils résistent au pinceau. La membrane coquillière elle-même est devenue beaucoup plus faible et crève à la moindre })res- FECOM) ATI ON , ETC. 21 sioii. Examinée au microscope, cette moisissure se compose de longs fils Iransparens et articulés , souvent renllés à leur extrémité extérieure; les divers articles sont remplis d'une quantité innombrable de ces mêmes petits granules que nous venons de signaler plus haut et qui sont les sporules au moyeu desquelles cette plante se propage. L'embryon est alors ordinairement mort ou il est très-malade ; les pulsations du cœur sont moins fréquentes, les divers organes sont atrophiés ou irrégulièrement développés. J'ai vu des monstres de toute espèce parmi ces embryons malades. Le mode d'accroissement de ces moisissures me paraît tout-à-fait analogue à celui que M. Hannover a étudié sur les Tritons (*). La même moisissure se rencontre aussi sur les jeunes poissons, et peut-être est-ce la même plante qui affecte souvent les vieux poissons et qui les fait mourir. J'ai vu un embryon qui, après être sorti parfaitement sain de l'œuf et après avoir nagé pen- dant huit jours dans le vase qui le contenait, fut tout-à-coup atteint de cette moisissure. Elle commença par la queue , se communiqua ensuite aux nageoires , puis à la peau exté- rieure et aux muscles. La corde dorsale, mince et rappetissée, paraissait isolée au milieu de cette masse de fils. Ce petit pois- son vécut ainsi pendant huit jours ; il était ordinairement étendu au fond du vase et faisait des mouvemens trés-violens, dès qu'on lui louchait la queue. Celle-ci était déjà à moitié détruite, lorsqu'il se forma une tache de moisissure sur le pé- ricarde et une autre au dessus des yeux. Le petit animal était à peine vivant et ne faisait plus aucun mouvement; mais je voyais encore, sous le microscope, son cœur battre sous la moisissure; ce ne fut que le dixième jour après l'explosion de la maladie qu'il succomba. (*) Arcliixcs (le Miillor de 18."!), pagi' ô.")8 et suiv. 22 FÉCONDATION, ETC. Toutes ces maladies avaient tellement réduit notre provision d'œufs, pendant le premier hiver de nos observations, qu'a- près quinze jours il me restait à peine vingt embryons. L'époque du frai était passée et je voyais arriver le moment où , faute de matériaux, je serais forcé d'interrompre ces recherches. Je dus donc songer au moyen d'observer l'embryon sans briser son enveloppe. Le procédé que j'employai dans ce but ne m'a pas seulement permis de continuer mes observations sans préjudice pour l'animal; mais il m'a encore offert cet autre avantage, de pouvoir observer journellement le même embryon. Toutes les phases du développement de l'organisme ont ainsi pu être appréciées avec une précision beaucoup plus grande, et je n'ai pas couru le risque de confondre les différens termes de l'ac- croissement, comme cela arrive souvent, lorsqu'on est obligé de sacrifier un œuf pour chaque observation. Cet avantage est sur- tout inappréciable pour l'étude de la circulation ; aussi toutes les figures de la seconde et de la troisième planche sont-elles des- sinées d'après un seul et même individu ; ce qui ne l'a pas em- pêché d'éclore le second; preuve que les fatigues qu'il eut à supporter en passant tous les jours plusieurs heures sous le microscope n'avaient en aucune façon nui à son développement. Voici maintenant quelques détails sur les précautions que j'ai prises pour observer convenablement. Je commençai par placer mon œuf dans un verre concave enchâssé dans un an- neau métallique. Je remplis d'eau la concavité du verre , dont le diamètre égalait à peu près la hauteur de l'œuf, et j'y plaçai ce dernier ; je recouvris ensuite le tout d'une plaque de verre, en évitant qu'aucune bulle d'air ne restât dedans. De cette ma- nière, l'œuf était complètement entouré d'eau sans subir aucune pression. Renversant alors l'appareil de manière que la plaque de verre se trouvât en bas et le verre concave en haut (ce qui ne peut se faire qu autant que la plaque de verre et 1 anneau mé- FÉCONDATION, ETC. 23 tallique joiguent parfaitement) , je plaçais le tout sous le mi- croscope et je pouvais observer ainsi des heures entières. Lors- que je voulais changer la position de l'œuf, je n'avais qu'à bou- ger un peu le verre concave, et j'arrivais sans peine à examiner l'embryon de tous les côtés. La concavité de mon verre ne con- tenant que très-peu d'eau, j'avais soin de la changer toutes les demi-heures en replaçant mon œuf pour quelques minutes dans le grand vase. Bientôt cependant, je m'assurai que ce pro- cédé ne suffisait pas pour toutes les observations. La lumière du jour ne se concentrait pas assez sur un même point , pour permettre de saisir bien tous les détails des parties intérieures, qui sont souvent très-transparentes. La forme sphérique de la membrane extérieure réfractait trop les rayons lumineux , ce qui faisait qu'une grande partie de la circonférence de l'œuf paraissait opaque et indistincte. J'eus en conséquence recours à la lumière artificielle, qui convenait en effet mieux au but que je me proposais : tous les contours se présentèrent dès-lors d'une manière bien plus précise qu'à la lumière du soleil ; les ombres étaient mieux marquées et la circonférence se trouvait aussi bien éclairée que le centre. Dans les observations difficiles, je faisais habituellement usage du diaphragme, et alors tous les organes apparaissaient avec une clarté et une précision telle, que je pouvais en saisir en détail toutes les parties , sans qu'il me restât aucun doute sur leur superposition. Dans mes dessins , les contours sont quelquefois plus tranchés et les ombres plus intenses que dans la nature ; mais c'est une exagération qu'il est impossible d'éviter à cause de l'extrême transparence de toutes les parties. Pour y remédier, je me suis appliqué à maintenir toujours les mêmes proportions de lumière et d'ombre , et j'espère ainsi avoir prévenu toute cause d'erreur à cet égard. Les microscopes qui ont servi à mes observations, sont, l'un de Frauenhoferà Munich, appartenant à M. Agassiz, 21 FÉCONDATION, ETC. et l'autre de Schieck et Pistor à Berlin , excellent instrument , dont j'ai dû la communication à l'obligeance de M. Godet. Les mêmes observations furent continuées l'année suivante et, guidé par l'expérience, je réussis cette fois à élever un nombre bien plus considérable d'embryons. J'accordai moins d'impor- tance au développement des formes extérieures et pus ainsi consacrer tout mon temps à observer la formation des cellules et leur mode d'aggrégation dans les divers organes. Je ne m'étendrai pas ici sur la manière dont il faut observer, sup- posant que tous les naturalistes qui connaissent l'usage du microscope sont familiers avec ces procédés. Mais il ne sera pas inutile de dire un mot sur la manière dont il faut ouvrir les œufs pour ne pas endommager l'embryon ou le vitellus. L'é- lasticité extrême de la membrane coquillière et la mollesse de la membrane vitellaire , ainsi que de tous les tissus embryo- naires présentent de grandes difficultés et, pour les surmonter, j'avais soin de fixer l'œuf sous l'eau , au moyen d'une fine ai- guille que j'introduisais dans ses parois, en évitant avec soin toute lésion de la membrane vitellaire ou de l'embryon. L'œuf étant ainsi suspendu à l'aiguille, je coupais, au moyen de fins ciseaux, la membrane coquillière derrière l'aiguille ; il en résul- tait ainsi une ouverture de forme lenticulaire qui se laissait fa- cilement agrandir. Il est indispensable de faire cette opération sous l'eau, car autrement la membrane coquillière conflue sur la trancbe de l'incision avec la membrane vitellaire et il est presque impossible de les dégager. Sous l'eau , cet inconvé- nient n'est pas à craindre , car l'eau tient les deux membranes assez éloignées pour que l'on puisse pénétrer avec l'instrument dans l'intervalle. Dans l'étude des cellules embryonaires , il est essentiel d'é- viter le contact de l'eau qui les modifie instantanément. Le meilleur procédé consiste à placer le vitellus avec l'embryon FÉCONDATIOX, ETC. 25 sur un verre, après l'avoir extrait de la membrane coquil- liére. Il est alors facile de faire toutes les observations que l'on désire, en ouvrant le vitellus et en maintenant les cellules em- bryonales dans le liquide même du vitellus, qui ne les attaque en aucune manière. 4 CllAPlïRE III. DE L'ŒUF FECONDE ET DU GERME. On sait que la fécondation s'opère d'une manière fort sim- ple chez les poissons ovipares. Au moment où la femelle dépose ses œufs dans l'eau , le mâle les asperge de sa semence, il en résulte que dans un accouplement aussi incomplet , une quan- tité d'œufs restent sans fécondation , surtout chez les poissons où le contact n'est pas immédiat. La fécondation artificielle a , au contraire, l'avantage de mettre tous les œufs sans exception en contact avec le sperme et d'opérer ainsi pour tous la fécon- dation. Quant au sperme, quoiqu'on en connaisse exactement les parties constitutives et , bien que l'on sache qu'il est la con- dition indispensable de toute fécondation, on ne sait cependant presque rien du rôle que les différentes parties de cette liqueur jouent dans la fécondation. Je me suis donné toutes les peines possibles pour savoir comment se comportent, dans la fécon- dation, les animalcules spermatiques de la Palée, mais en vain. C'est pourquoi je vais passer immédiatement aux modifications que l'œuf subit après la ponte. Quant aux zoospermes eux- mêmes , nous les décrirons en traitant de l'anatomie des tes- ticules. DE l'oeuf fécondé EÏ DU GERME. 27 Le premier jour qui suit la ponte, les modifications que l'on remarque sont les mêmes pour tous les œufs , qu'ils soient fé- condés ou non, car elles résultent en grande partie d'influences physiques qui n'ont aucun rapport avec le développement de la vie. Aussi est-il impossible de dire , pendant les premières heures , si l'œuf est fécondé ou non. Ce n'est que plus tard, que l'apparition du germe , dans les œufs fécondés , et les si- gnes de décomposition décrits ci-dessus , dans les autres, per- mettent de les distinguer les uns des autres. A peine déposé dans l'eau , fœuf commence à se gonfler, la membrane coquillière se présente bientôt sous la forme d'un anneau séparé du vitellus, par un espace transparent qui in- dique la présence d'un liquide (/") entre elle et la membrane vitellaire. Le vitellus, avec sa membrane, nage dans ce liquide, s'y meut librement et y tournoyé indépendamment de cette der- nière, dès que Ion roule l'œuf, mais de telle manière que le dis- que huileux est toujours tourné en haut. A cette époque, il est par conséquent difficile d'observer l'œuf d'un autre côté que du côté du disque huileux et il faut une certaine pression pour le fixer ou pour le tourner dans un autre sens. Le liquide (/') in- termédiaire entre les membranes coquillière et vitellaire est par- faitement incolore , limpide et non attaquable par les réactifs chimiques ; du moins n'ai-je jamais remarqué le moindre chan- gement. Ce liquide me paraît être tout simplement de l'eau, qui peut-être est introduite par l'effet de l'absorption capillaire des tubes de la membrane coquillière décrits ci-dessus et qui se dé- pose entre cette dernière et la membrane vitellaire. Ce qui sem- ble surtout devoir le faire supposer, c'est le fait que ce liquide, ainsi que l'eau , trouble et coagule le vitellus. Par sa position, ce liquide correspond évidemment à l'albumen de l'œuf des oi- seaux, quoiqu'il en diffère par sa formation et sa structure. En effet, il n'est pas étonnant que dans la Palée, qui n'a point d'ovi- 28 DE l'oeuf fécondé ducle, la formation d'un liquide correspondant à l'albumen dépende de circonstances physiques , qui surviennent après la ponte, tandis que l'oiseau prépare déjà l'albumen dans l'inté- rieur de l'oviducte. Les fig. 9 et 10 de Tab. I représentent l'œuf peu d'heures après la ponte , lorsqu'il est arrivé au maxi- mum du gonflement résultant de l'imbibition de l'eau au tra- vers de la membrane coquillière (*). Les modifications qui accompagnent le développement em- bryonaire commencent aussitôt après le frai. Mais il est di- gne de remarque que ces modifications ne supposent pas né- cessairement la fécondation; seulement, si les œufs n'ont pas été fécondés , la marche de ces modifications se trouve bientôt arrêtée ou bien devient irrégulière. 11 paraîtrait, par consé- quent, que la simple sortie des œufs de la cavité abdominale suffit pour déterminer en quelque sorte le développement pro- gressif du germe , mais qu'il faut en même temps l'action de la fécondation pour maintenir et mûrir le développement. L'inspiration de l'eau par la membrane coquillière n'est pas arrivée à son terme, que déjà l'on voit se former un renflement vésiculaire {h) transparent, qui recouvre le disque huileux comme une petite colline (fig. 11, 12, 99 et suivantes), et dans lequel l'on a beaucoup de peine à découvrir une formation gra- nulée. Vu de profil, la base du renflement, d'abord très-petite (fig. 11), occupe , lorsque celui-ci est parvenu à sa plus grande hauteur, à peu prés le quart du pourtour du vitellus ; elle re- (*) Dans un ouvrage qui yient de paraître sur le développement du Gobius flu- mfifis , ouvrage qui contient de précieuses observations malheureusement trop souvent défigurées par de faux raisonnemens, l'auteur, M. Filippo de Filippi, parallélise le liquide vitellaire avec l'albumen de l'œuf d'oiseau, au lieu d'y voir l'analogue du jaune ; et cependant il existe aussi dans l'œuf de ce poisson une membrane coquillière imbibée d'eau qui , au reste, ce me semble, aurait dû lui faire connaître la véritable signification du liquide dans lequel le vitellus flotte. ET DU GERME. 29 présente alors exactement un segment do sphère (fig. 12). Au bout de peu de temps , le milieu s'aplatit et paraît même un peu enfoncé, tandis que les bords deviennent plus roides. Le renflement occupe invariablement le milieu du disque huileux , mais ne frappe pas le regard lorsqu'on néglige de tourner l'œuf ; car il est si transparent , qu'on ne le remarque pas d'en haut , et ses bords passent insensiblement à la mem- brane vitellaire qui a l'air de le recouvrir (fig. 12). Lorsqu'on ouvre l'œuf et que l'on examine le contenu du renflement sous un fort grossissement , on y trouve , à côté d'un liquide gélatineux et visqueux , une quantité de petites vessies transparentes , de dimension très- variable (^ fig. 100). Plus ces vésicules sont grandes , et plus leur contour est dé- licat et la membrane qui les entoure fine ; les petites , au contraire , sont d'une apparence plus granulaire et leurs bords sont mieux accusés ; mais leur intérieur n'en est pas moins transparent. Il est facile de s'assurer de la forme spbérique de ces petites vésicules, en les roulant sur le verre. Mais c'est en vain que l'on cherche à connaître la nature de leur contenu ; de quelque manière qu'on les traite , on les trouve toujours parfaitement transparentes et remplies d'un liquide qui paraît être le même que celui dans lequel elles flottent. Dans l'eau , ces vésicules disparaissent bientôt , sans laisser aucune trace de leur présence , et le liquide se coagule de la même manière que le vitellus. Le renflement change cependant de forme; tandis que d'un côté le profil présente encore le même contour qu'auparavant, on découvre de l'autre côté un léger enfoncement sur son mi- lieu. En même temps, les bords sont devenus plus roides, le renflement entier a pris une forme plus massive et l'appa- rence granulaire est plus distincte (fig. 101). En tournant l'œuf, on s'aperçoit bientôt qu'un léger sillon flanqué de deux 30 DE l'oeuf fécondé éuiiiieuces allongées , occupe le milieu du renflement. Ce sillon, qui va d'abord en diminuant de profondeur vers ses extrémités, se rétrécit peu à peu, devient plus profond et plus accusé. 11 a alors la forme d'une fissure qui semble séparer les deux éminences latérales jusqu'au fond ; mais avant qu'il ait pénétré aussi profondément, on voit apparaître un second sillon qui coupe le premier à angle droit et qui, d'abord peu profond , comme le premier, s'enfonce insensiblement dans la masse , ensorte que le renflement que nous pouvons appeler dès maintenant le germe, se compose de quatre collines d'égale grandeur, séparées par un sillon en croix (fig. 102 et 103). Bientôt apparaît encore un autre sillon , parallèle au second , ensorte que le germe paraît divisé en six collines, et le renfle- ment présente par conséquent , d'un côté , un sillon et deux éminences latérales (fig. 104), et de l'autre, deux sillons qui séparent une éminence médiane de deux éminences latérales. Il y a par conséquent six collines, cbacune des deux éminences primitives étant divisée en trois. Peu à peu les sillons changent aussi de forme ; l'ouverture supérieure se rétrécit , et bientôt ils n'apparaissent plus que comme des fissures traversant la masse. Un nouveau sillon parallèle vient maintenant diviser l'é- minence médiane (fig. 105), et il en résulte une double série de collines. Vers le milieu du second jour, le germe a presque repris sa forme primitive ; seulement son renflement est plus haut , sa surface est plus aplatie et ses bords s'élèvent presque verticalement au dessus du vitellus. Les sillons se sont trans- formés en fissures ; il y en a trois dans un sens et deux dans l'autre , qui s'entrecoupent à angle droit, ensorte que îe dis- que entier se trouve composé de douze collines (fig. 106). Peu à peu ces divisions se multiplient à tel point que les car- rés qu'elles forment deviennent presque innombrables. A la fin du second jour, le germe prend la forme d'un segment de ET DU GEUME. 31 sphère qui s'élève comme la cornée sur l'œil, et se compose d'une quantité de petites facettes circulaires ou de petites mo- lécules sphériques ( fig. 107) résultant de la division multi- pliée en tout sens. Il est focile, malgré la grande transparence du germe em- bryonique , de distinguer au microscope ces différens sillons et éminences; ils se présentent d'une manière bien plus distincte encore lorsqu'on met l'embryon en contact avec un acide ; mais il faut dans ce cas que l'acide soit excessivement raréfié, au point que le goût acidulé en soit à peu près insensible à la langue. L'embryon, avec ses nombreuses divisions , se présente alors sous la forme d'une mûre, reposant sur le vitellus (fig. 1 08). L'acide contracte les différentes éminences , les rend opaques , et les sillons qui les séparent en deviennent d'autant plus larges et plus distincts. Vers le troisième jour, les derniers sillons ont disparu et la surface du germe est aussi lisse qu'auparavant ; mais sa trans- parence a considérablement diminué par suite du développe- ment des cellules embryonaires qui s'est opéré dans l'intérieur, à mesure que les sillons se modifiaient (fig. 109). Rusconi (*) a déjà démontré, en 1836, l'existence des sillons que nous venons de décrire dans l'œuf de la Tanche. Je les trouve également dans des dessins que M. Agassiz fit exécuter en 1831 pour servir à l'embryologie de la Perche. Il n'y a pas jusqu'au nombre et à la position des renflemens tels que les indique Rusconi qui ne correspondent avec ce que j'ai observé moi-même ; seulement, ce naturaliste ne mentionne pas le mo- ment où il y a deux, ni celui où il y a six collines; il n'en a vu que quatre et huit placées sur deux rangs. Il est par conséquent hors de doute que la classe des poissons ne fait pas exception (*) Biblioteca italiana, tom. 79. 32 DE l'oeof fécondé à la règle générale , quant à la présence des sillons dans le germe embryonaire. On sait que ces sillons ont été observés dans les Mammifères, les Reptiles, les Mollusques, les Méduses et les Polypes , et il est probable que bientôt ils seront connus dans toutes les classes du règne animal. Il eut été intéressant pour moi de pouvoir vérifier également dans la classe des poissons un autre pliénoméne connu depuis longtemps pour les Mollusques et observé par Bischoff (*) sur les Mammi- fères et que cet auteur envisage comme commun à toute la série animale; je veux parler du mouvement rotatoire du vitellus au moyen d'un épitliélium vibratile qui se développe à sa surface ; mais je ne l'ai jamais observé dans les œufs de la Palée, qui semblent au contraire se maintenir toujours dans la même position, le disque huileux étant tourné en haut. On se demande tout naturellement quelle est la cause de la formation de ces sillons dans le germe embryonique. Résultent- ils d'un développement intérieur, ou bien doit-on les attribuer à une cause extérieure qui les imprimerait à la surface de l'em- bryon? Pour décider cette question, il importe de se rappeler l'origine du germe et ses élémens constitutifs. Nous avons vu (pag. 29) que les premiers vestiges du germe embryonique se composent de vésicules transparentes de diffé- rentes grandeurs et remplies de liquide. Si nous examinons de nouveau ce même germe après la formation des sillons, nous verrons que l'intérieur a complètement changé. On dé- couvre déjà à travers la membrane coquillière, au moyen d'un fort grossissement , une accumulation considérable de grandes vésicules au dessus du vitellus et sur le disque huileux, vési- cules qui présentent un aspect très-élégant , lorsqu'on examine l'œuf d'en haut (fig. 110). Si l'on ouvre l'œuf, on s'assure bientôt (*) Aicliiv fiir Aiialoiiiio uiul Physiologie, von Millier, 1841 , pag. \h. ET DU GEIIME. 33 que les vésicules que l'on avait aperçues à travers la mem- brane coquillière, ne sont pas remplies de liquide comme auparavant , mais que diverses modifications se sont opérées dans leur intérieur. On distingue trois formations diverses qui semblent se succéder de dehors en dedans , quoique leur suc- cession soit difficile à reconnaître à cause de la mollesse du germe. Au milieu du germe, dans le voisinage immédiat du vitellus, se trouvent de petites vésicules circulaires, remplies d'un con- tenu grenu, dans lequel flotte quelquefois une seconde vésicule , (Og. 111) ; preuve que ce sont de véritables cellules animales, douées d'un noyau. Cependant ce noyau n'est que trés-faible- ment indiqué , tandis que la membrane extérieure ou la mem- brane cellulaire est trés-distincte. Les granules de l'intérieur ne sont pas , à ce qu'il paraît , des corps solides , mais il est au contraire probable que ce sont des gouttelettes grais- seuses; car il n'y a que les plus petites qui ressemblent à un point noir, tandis que les plus grandes se présentent sous la forme d'anneaux opaques entourant un espace transparent, forme que nous avons mentionnée plus haut comme propre aux gouttes d'huile du vitellus dans le commencement de leur apparition. Ces cellules que nous appellerons cellules embrijo- naires pour les distinguer des cellules en pavé qui forment les couches extérieures, quoique très-rapprochées, ne se touchent pas ; mais il y a entre elles une quantité assez notable d'un liquide gélatineux (la substance intercellulaire), et même dans leur position naturelle elles conservent la forme de vésicules creuses qui leur est propre. On remarque à l'extérieur de ces cellules une couche d'au- tres cellules plus grandes qui, en se réunissant en pavé, s'apla- tissent et prennent ainsi parfois une forme hexagonale (iig. 1 12). Jl est rare qu'elles contiennent une substance granulaire; le 5 34 DE LOELF FÉCONDÉ plus souvent on n'y découvre qu'un ou deux noyaux , dont les contours sont généralement arrondis , rarement compri- més, mais bien accusés. Le contour des parois extérieures, joint à une ombre qui régne le long du bord , donne à ces noyaux presque l'apparence de corps solides. Il m'a été im- possible de découvrir un contenu quelconque à l'intérieur de ces noyaux. Enfin les couches les plus extérieures du germe présentent les formes les plus variées ; ce sont de grandes cellules, renfer- mant des noyaux trés-développés dans leur intérieur (fig. 113 et 114). Tantôt parfaitement rondes, tantôt pyriformes, étran- glées au milieu, ou comprimées par l'effet de leur juxta-position, ces cellules montrent toutes un , deux et jusqu'à trois noyaux dans leur intérieur. Ces noyaux sont en général ronds , mais souvent aussi ils sont de forme ovale, pyriformes ou bien étranglés au milieu , et, quoique plus petits que les noyaux de la couche moyenne, relativement à l'enveloppe extérieure, qui les entoure comme un ample manteau , leur grandeur absolue n'en est pas moins plus considérable, et l'on trouve même beaucoup de noyaux qui sont plus grands que les cellules mêmes de la couche moyenne. Les grands noyaux , à leur tour , renferment souvent un second petit corps qui est le nucléolule (fig. 1 14). Ses contours sont bien circonscrits, et le plus souvent il se présente comme un point clair au milieu du noyau. Il est généralement rond , et ce n'est que par exception qu'il paraît déformé. Ses dimen- sions sont variables. Le plus souvent il est très-petit , plus petit même que les noyaux des cellules de la couche moyenne ; mais parfois aussi il acquiert un développement considérable et remplit presque toute la cavité du noyau ; néanmoins sa taille se maintient toujours dans un certain rapport avec celle de ce dernier , et Ion ne trouve de grands nucléolules que Eï DU GERME. 35 dans les grands noyaux, tandis qu'ils sont petits dans les pe- tits, s'ils ne manquent pas complètement. On découvre parfois, mais rarement, dans les grandes cel- lules , un contenu granulaire à côté des noyaux ; mais ces granules n'ont jamais l'apparence de corps solides ; ils se pré- sentent au contraire toujours sous la forme d'anneaux opaques, ce qui indique suffisamment que ce sont des vésicules de nature huileuse. En traitant l'œuf à l'acide raréfié, on voit d'abord les noyaux devenir irréguliers, granuleux et opaques; en même temps la membrane ou parois des cellules se ride insensiiilement, jusqu'à ce que toute la cellule ne présente plus qu'une tache irrégulière d'apparence grenue. J'ai représenté dans ma fig. 115 quelques- unes des cellules de la seconde couche (fig. 112j, traitées à l'a- cide muriatique. Je dois à l'obligeance de mon ami , M. le professeur Valentin de Berne, les fig. 111 à 114 qui représentent ces différentes formes de cellules, et comme ce sont exactement les mêmes formes que j'ai eu l'occasion d'observer en nature, j'ose me flatter qu'on voudra bien voir dans cette conformité une preuve de l'exactitude de mes observations. Avant que la forme de mûre du germe dont nous avons parlé plus haut se soit développée, les cellules embryonaires (fig. 100) se trouvent mélangées avec des cellules en pavé de la catégorie de celles de fig. 1 1 1 et 1 12. Il y en a peu de la gran- deur de fig. 113 et celles pourvues de noyaux et de nucléolules, comme les représente la fig. 114, manquent complètement. Si nous considérons maintenant les cellules du germe embryonique dans leurs rapports entre elles et avec les modifications de formes survenues successivement , il de- vient évident que ces changemens, et notamment les sillons et les collines sont dus à V accroisse nient des cellules et non pas à 36 DE j/OEUF FÉCONDÉ uue division provenant d'une cause extérieure , et voici pour- quoi. Dans l'origine , il n'existe que de petites cellules trans- parentes et imparfaitement développées ; le germe embryonique est à peine en relief; peu à peu cependant il s'enfle, non pas d'une manière uniforme , mais en occasionnant de petites col- lines sur différens points. Les cellules se dilatent et en gran- dissant se développent davantage ou s'accroissent plus rapide- ment dans les collines que dans les sillons intermédiaires. Par l'effet de l'accroissement qui continue toujours , les collines se multiplient, se serrent et se superposent, ce qui rétrécit de plus en plus les sillons, jusqu'à ce qu'ils soient complètement effa- cés par l'effet de ce développement cellulaire qui s'opère de la base vers la surface , et quand le germe est redevenu uni» on peut s'assurer que les cellules ont également subi un dé- veloppement analogue dans leur intérieur. Chez la Palée, les sillons ne sont donc pas, comme l'a prétendu un observateur récent (*) pour l'œuf de grenouille, des avant-coureurs de la formation des cellules , mais bien plutôt la première phase de la vie cellulaire à laquelle l'embryon entier doit son existence. En admettant , d'après ces observations , d'après celles de Rusconi sur l'œuf de la Tanche et celles de M. Agassiz sur l'œuf de la Perche, que les choses se passent de la même manière dans toute la classe, je dirai que l'œuf des poissons se distingue de beaucoup d'autres, et en particulier de ceux de la grenouille, en ce que les sillons n'affectent que le germe et nullement le vitellus, et qu'ils ne sauraient en effet se former d'une autre manière, puisque , dans l'œuf de la Palée , le vitellus est com- plètement dépourvu de cellules. Ces particularités nous con- duisent ainsi à jeter un coup d'œil sur la formation primitive du germe embryonique. (*) Bergmann dans Mùllers Archiv fiir Aiiaioinic tiiid Physiologie, IS'iO, p.îW. ET 1)0 (]EKME. 37 Avant la matiirilé de l'œuf, la vésicule germinative est située,, ainsi que nous l'avons démontré ci-dessus, au milieu des gra- nules du vitellus qui deviennent plus tard les gouttes d'huile de 1 œuf mûr. 11 est probable, quoiqu on n'ait pas pu s'en as- surer par l'observation , que cette vésicule se trouve encore à la même place dans l'œuf mûr, c'est-à-dire au milieu du disque huileux. C'est de ce point que s'élève le premier vestige du germe , ainsi que nous venons de le démontrer. Nous devons en outre admettre, comme une conséquence de ce qui précède, que, pendant le développement de l'œuf dans l'ovaire, la vessie germinative, ainsi que les taches germinatives, croissent très- peu et que ces dernières, après avoir été granuleuses, prennent plus tard une forme annulaire, ce qui prouve que ce sont des vessies creuses. Si nous ajoutons à ceci que, d'après les recher- ches de M. Barry (*) sur l'œuf des Mammifères, la vessie germi- native se remplit, après la fécondation, de cellules qui forment la base de l'embryon futur , et que les cellules primitives du germe ne sont que des vésicules creuses , exactement sembla- bles aux taches germinatives et quant à la forme et quant au contenu , nous serons en droit d'en conclure que les cellules du germe embryomque se développent des taches germinatives , que par conséquent les taches germinatives sont en réalité les véritables cellules emhryonaires primitives, et que, dans les poissons, elles forment à elles seules le premier rudiment de l'embryon. Aussi longtemps que l'œuf séjourne dans l'ovaire, l'accrois- sement de ces parties, qui cependant sont la base de l'em- bryon futur, n'est que peu sensible. La ponte et la fécondation qui survient aussitôt après sont les conditions de leur déve- loppement. Les taches germinatives s'accroissent rapidement et deviennent des cellules ordinaires qui occupent toute la ca~ (*) Philosophical TransacUons, 1. c. 38 DE l'oeuf fécondé vite de la cellule mère , la vésicule germinative. Il est pro- bable qu'au moment où le germe commence à s'élever sensible- ment, la membrane délicate de la vésicule germinative existe encore et enveloppe la masse des jeunes cellules. Mais il est probable aussi qu'elle crève plus tard et qu'elle est résorbée à mesure que les cellules résultant des taches germlnatives se développent. Mais revenons au développement du germe que nous ve- nons de poursuivre jusqu'à la disparition des sillons. Ainsi que nous l'avons dit , le germe a , à cette époque , une forme hémisphérique, comme avant la formation des sillons ; mais il est en même temps beaucoup plus élevé et plus opaque , cir- constance qu'il faut attribuer à l'agglomération des cellules et des granules (tig. 13 109). Il est placé sur le vitellus à peu près comme la cornée sur le bulbe de l'œil , occupant toujours le milieu du disque huileux , qu'il recouvre en grande partie , sinon entièrement. Les modifications qui surviennent maintenant consistent es- sentiellement dans l'élargissement du germe, et il semble que cet élargissement est moins le résultat de modifications sur- venues dans les cellules , que d'un déplacement dans leur ag- glomération, car le germe s'aplatit de plus en plus pendant cette transformation. Bientôt le germe s'étend sur tout le disque hui- leux et vu de profil il présente de fortes saillies qui surmon- tent le vitellus ( fig. 116). Quoique son pourtour soit encore circulaire, on aperçoit cependant, d'un côté, une agglomération plus considérable de cellules , tandis que le côté opposé est plus aplati. Le germe ressemble alors en quelque sorte à un em- bryon embrassant le vitellus. Cependant on peut s'assurer, en tournant l'œuf dans plusieurs sens , ou en le durcissant par des acides, qu'il n'existe encore aucun axe longitudinal qui détermine l'agglomération d'apparence céphalaire que l'on ET DU GEUME. 39 croit remarquer en examinant le germe de profil. Ce n'est qu'un renflement du germe sur un point qui n'est pas le centre. Plus le germe envahit le vitellus et plus le renflement dont nous venons de parler devient excentrique ( en prenant pour centre le milieu du disque huileux). Il se détache aussi tou- jours plus de la partie dilatée du germe , qui , à cette époque occupe à peu prés la moitié du vitellus. Celui-ci parait lui- même plus ou moins modifié en ce sens qu'il n'est plus entiè- rement sphérique , mais affecte peu à peu une forme ovale dont le plus grand diamètre coïncide avec le milieu du germe et dont l'extrémité pointue est opposée à ce dernier (fig. 117). La formation des cellules est si considérable que même sous un faible grossissement, on parvient, quoiqu'avec peine, à sai- sir sa limite. En effet , sur les points où les cellules sont ag- glomérées , le vitellus prend une apparence grenue qu'il n'a point sur les parties non couvertes des cellules (fig. 117). Dès que les cellules ont envahi à peu prés la moitié du vi- tellus , elles cessent de se dilater, pour subir un changement intérieur très-notable : le germe se divise en deux parties , Yembryon proprement dit et la vessie viiellaire. A ce moment, le vitellus est encore plus allongé et affecte une forme ovale couronnée à son sommet par le disque huileux. En examinant le germe de profil comme auparavant ( fig. 118), on voit, d'un côté, une masse opaque faisant saillie au dessus du disque huileux , et de l'autre côté un renflement vésiculaire transpa- rent. Ces deux corps avancent un peu vers l'intérieur du vi- tellus et paraissent séparés au milieu par une saillie du dis- que huileux ; on dirait alors deux bras embrassant la partie supérieure du vitellus. La partie vésiculaire est parfaitement claire , limpide et uniformément arrondie (fig. 1 18 et 1 1 9) ; le renflement opaque, en revanche, paraît un peu aplati au milieu 40 DE l'oeuf fécondé et s'enfonce plus avant dans l'intérieur du vilellus. Mais il y a en même temps un passage si insensible entre ces deux par- ties , qu'il est impossible de tracer une ligne de démarcation , et l'on voit distinctement qu'elles sont adhérentes entre elles au dessus du vitellus (fig. 118). Si nous considérons maintenant le développement des cel- lules qui déterminent cette séparation , nous y reconnaîtrons également des cbangemens notables : la partie embryonaire ne présente plus, dans la conformation de ses cellules, ces dif- férences que l'on remarquait dans le germe , vers la fin de la formation des sillons. Les cellules renferment maintenant une substance finement grenue ou bien des noyaux distincts ; mais toutes n'ont pas de nucléolules , bien qu'elles soient à peu prés d'égal volume. D'un autre côté, ces cellules sont recouvertes d'une couche membraneuse composée de cellules en pavé très- limpides , ayant au moins le double de la grandeur des cellules embryonaires , mais renfermant rarement de jeunes cellules. Ces cellules membraneuses forment une triple et quadruple couche , s'aplatissent mutuellement par la pression qu'elles exercent l'une sur l'autre et affectent souvent la forme d'un tissu cellulaire hexagonal semblable à celui des plantes. Leur membrane doit être trés-élastique , car dés qu'on les isole , elles reprennent aussitôt leur forme circulaire ou ovale. J'ai pu sou- vent m'assurer de la manière la plus positive de leur nature vésiculaire, car, en ayant examiné quelques-unes qui étaient comprimées latéralement , je reconnus distinctement leurs pa- rois enfoncées (fig. 123). Ces cellules membraneuses ne for- ment pas seulement la couche superficielle de la partie embryo- naire , mais elles constituent aussi à ellesnseules la partie vé- siculaire , et si cette dernière est transparente , c'est parce qu'elles ne contient pas de cellules granulaires , mais bien un liquide transparent et gélatineux , recouvert seulement de cette ET DU GERME. 41 couche épithéliale de cellules aplaties. 11 va sans dire que cette couche de cellules eu pavé recouvre aussi la couche celluleuse qui s'étend entre la partie embryonaire proprement dite et la vésicule ; mais ici il se trouve en dessous toujours aussi quelques couches de véritables cellules erabryonaires à contenu granuleux munies de noyaux. G CHAPITRE W. L'EMBRYON JUSQU'A LA FERMETURE DU SILLON DORSAL. Ainsi que nous l'avons fait observer dans le chapitre précé- dent, les sillons et, en partie, l'agglomération des cellules autour du vitellus, ne doivent être considérés que comme un état pré- paratoire de l'embryon. C'est pourquoi nous avons envisagé toutes les modifications qui les accompagnent comme propres au développement du germe. Le véritable développement em- bryonique ne commence qu'à partir de la division du germe en deux parties, l'embryon et la vessie vitellaire, division que nous avons mentionnée à la fin du chapitre précédent. Jusqu'à cette époque, l'embryon n'est qu'un simple renflement des cel- lules. On pourrait croire que les cellules elles-mêmes sont douées d'un certain mouvement qui les rend aptes à se réunir en un point donné , puisque si elles se formaient spontané- ment en place , on ne comprendrait pas pourquoi la vessie vi- tellaire , qui était encore remplie de cellules granulaires quel- ques heures auparavant, se serait subitement vidée; mais un pareil mouvement des cellules serait difficile à expliquer dans l'état actuel de nos connaissances. Peut-être ces changemens ne sont-ils qu'apparens et dépendans de la naissance subite d'un l'embryon jusqu'à la fermeture du sillon dorsal. 43 grand nombre de cellules sur un point quelconque , tandis que sur un autre point elles disparaissent ; ce qui pourrait alors faire supposer qu'elles émigrent d'un point à l'autre. L'embryon occupe la même place que le renflement du germe et n'est qu'une forme plus enflée de ce dernier ; on le recon- naît d'en haut, sous un faible grossissement, à une tache fine- ment granulaire (fig. 119); mais l'agglomération des cellules en couches s'est étendue un peu au delà du disque huileux et recouvre à peu près les deux tiers du vitellus. Le développement ultérieur de l'embryon fait des progrès très-rapides. Après quelques heures , il s'est déjà considéra- blement étendu , et la direction longitudinale prédomine déjà sensiblement (fig. 120). En l'examinant de profil, on est frappé de son peu d'épaisseur (qui est même plus faible qu'au com- mencement de sa formation), combinée avec son extension con- sidérable du côté inférieur, vers la partie du vitellus qui n'est pas envahie par le réseau des cellules (J). Ses rapports avec la vessie vitellaire sont complètement changés; au lieu de passer de l'une à l'autre par une transition insensible (fig. 118), ces deux parties sont maintenant profondément séparées et leurs bords ne font plus que se toucher. On dirait même , lorsque l'on compare entre elles les fig. 118 et 120, que l'embryon et la vessie ont glissé le long des flancs du vitellus pour être plus dia- métralement opposés. Mais lorsque l'on examine les choses de plus près, on s'assure bientôt que cette opposition des deux parties résulte de l'extension de l'embryon vers le côté diamé- tralement opposé à la vessie; car à cette époque, l'embryon n'est pas encore séparé de la couche celluleuse , qui occupe la plus grande partie du vitellus, et ses contours ne sont encore indiqués que par une plus grande accumulation des cellules, il est facile de se faire une juste idée du rapport de l'embryon avec la couche celluleuse et la vessie , en mettant l'œuf en contact avec un 44 l'embryon jusqu'à la fermeture acide très-raréfié. Les cellules se coagulent avant les autres par- lies de l'œuf et deviennent opaques. Si l'on examine alors l'œuf sur un fond noir, en saisissant le moment où le vitellus est en- core transparent, tandis que les cellules sont déjà opaques, on aura une figure , telle que celles de fig. 121 et 122. L'accumu- lation la plus considérable correspond à l'embryon et au bord de la couche celluleuse, au dessus de laquelle se voit la partie en- core transparente du vitellus; mais la teinte claire s'efface peu à peu prés de l'embryon et près de la vessie ; car les cellules en pavé dont est formée cette dernière deviennent également opaques, quoique un peu plus tard que les cellules embryonaires. Si l'on essaie maintenant, en roulant l'œuf, d'obtenir une projection de l'embryon sur un plan horizontal , on remarque qu'il s'est allongé et qu'il passe de tous côtés à la couche celluleuse. La partie libre du vitellus que la couche celluleuse n'a pas encore envahie apparaît alors sous la forme d'un trou, autour duquel la substance cellulaire paraît également épaissie (fig. 122) , et que nous nommerons dorénavant le trou vitellaire (J) . Il résulte de ces faits que , dans le poisson , comme dans la poule, la première apparition de l'embryon a lieu sous la forme d'un renflement linéaire et uniforme des cellules qui for- ment la substance embryonaire ; ensorte que cette bande pri- mitive , comme l'appelle M. de Baer (*) , existe aussi dans le poisson. Et , en effet , elle n'a été révoquée en doute que par un observateur récent; mais je ne pense pas avec M. de Baer qu'elle soit l'avant-coureur de la colonne vertébrale, ni la forme primitive du système cérébro-spinal, comme l'ont cru d'autres anatomistes. Elle est plutôt l'expression de la première ten- dance des cellules embryonaires à se rassembler autour d'un (*) Dans le Manuel de Physiologie, par Burdach. Lcipsick , 1828. Toni. II, page 242. DU SILLON DORSAL. 45 axe longitutlinal ( celui de l'embryon) ; et, de fait, l'embryon n'existe qu'à partir de l'apparition de la bande primitive, tan- dis qu'auparavant le réseau diffus des cellules ne trahit encore aucune tendance à se fixer en un point déterminé. Reichert(*), mu sans doute par un désir d innovation poussé à l'excès, a voulu nier l'existence de cette bande dans la poule, en l'attri- buant à une illusion d'optique, résultant du reflet du sillon dorsal encore très-peu profond. Il ne m'appartient pas d'affirmer la présence de cette bande dans l'embryon de la poule, puisqu'elle a été démontrée par M. de Baer et par M. Valentin ; mais, en ce qui concerne les poissons, je puis confirmer son existence avec une pleine et entière certitude. Reichert paraît s'être laissé in- duire en erreur par l'apparition du sillon dorsal dans fembryon de la poule , et cette erreur est en effet très-concevable , puis- qu'ici l'apparition de ce sillon suit immédiatement celle de la bande primitive et que celte dernière n'a qu'une existence très-passagère. Mais dans la Palée, où il existe souvent un intervalle d'un jour entre ces deux formes , on a suffisamment le temps de se convaincre de l'existence de la bande primitive. A mesure que l'embryon se développe à l'opposite de la vessie vitellaire, la bande primitive s'évase de plus en plus et fait enfin place à d'autres modifications ; et quand l'opposition de l'embryon et de la vessie vitellaire est assez complète pour qu'une ligne tirée par le milieu de l'une et de l'autre corres- ponde au diamètre de fœuf , le sillon dorsal est déjà tellement avancé qu'il est presque impossible de ne pas l'apercevoir. C'est ce moment de l'embryon que représentent les fig. 20, 21, 22 et 124. Les cellules embryonaires sont maintenant toutes rassemblées autour de l'axe de l'embryon, car celles qui recouvrent le vitel- (*) Das Entwickclungslcbeii iiii ^^ irl)elllik'noulu'. Berlin, 1840. Page 105. 46 LEMBllYON jusqu'à LA FERMETURE lus et la vessie vitellaire ne sont que de grandes cellules en pavé sans noyau , qui , sous un faible grossissement, semblable à celui des figures que nous venons de mentionner, demeurent complètement inaperçues. 11 suffit alors de tempérer un peu la lumière au moyen du diaphragme pour distinguer exactement les contours de l'embryon. Ils ne sont indistincts qu'à l'extré- mité postérieure , dans le voisinage du trou vitellaire , où il se forme encore de nouvelles cellules sur le bord de la couche celluleuse. On distingue maintenant fort bien la partie cépha- laire, le tronc et la partie caudale , et l'embryon entier pa- raît divisé en deux parties égales par un sillon longitudinal qui règne le long du dos et qui est flanqué de deux éminences 'atérales. La partie céphalaire de l'embryon (fig. 20 et 21^), qui est la plus volumineuse, se présente , vue en face (fig. 21), comme une masse irrégulièrement carrée, occupant à peu près un sixième de la circonférence du vilellus ; sa largeur est deux et demi fois plus considérable que sa hauteur ; ses contours sont légèrement convexes du côté du vitellus, et celui-ci montre une petite impression en cet endroit. Les côtés s'enflent en se recourbant légèrement et passent à la face supérieure, qui est un peu déprimée, en formant un angle arrondi ; tandis que la face inférieure , en contact avec le vitellus , est plus anguleuse (fig. 21). Lorsqu'on examine l'extrémité céphalaire de profil, on voit qu'elle n'est pas tronquée verticalement, mais oblique- ment et en arrière , tandis que latéralement elle passe à la partie moyenne de l'embryon , en décrivant une courbe légère (fig. 20). La dépression de la partie cépha'aire ou la partie antérieure du sillon dorsal (n) est très-faible, et les renflcmens qui la bor- dent, et que nous désignerons sous le nom de carènes dorsales [m), sont très-peu sensibles {ïi<^. 21); mais la dépression devient de DU SILLON DORSAL. 47 plus on plus profonde, à mesure qu'elle passe à la partie moyenne ; en même temps , les carènes deviennent plus sail- lantes et leur base plus étroite, de manière qu'elles atteignent leur plus grande hauteur et le sillon sa plus grande profondeur au milieu de la partie moyenne de l'embryon (fig. 22.) En même temps , les carènes se rapprochent à mesure qu'elles s'é- lèvent et le sillon se rétrécit en conséquence (fig. 22 , 124). Cependant, quelle que soit sa profondeur, ce sillon ne pénètre jamais jusqu'au vitellus et ne sépare point l'embryon en deux parties distinctes ; mais il a toujours pour base une partie de la substance embryonaire qui empêche la division. La hauteur des carénés, comparée à la profondeur du sillon, augmente d'a- vant en arriére, mais non pas la hauteur absolue de l'embryon , celle-ci est même moindre en arrière que la hauteur absolue de la tête. Le microscope ne suffit pas pour donner une idée exacte de l'extrémité postérieure de l'embryon ; il faut pour cela avoir re- cours aux acides, à moins que l'on ne veuille se contenter d'un à peu prés , tel que le représente la fig. 22 , tandis qu'en en- durcissant l'embryon au moyen de l'acide, on voit fort bien que le sillon ne se termine pas de la même manière en arriére qu'en avant ; au lieu de s'élargir et de s'évaser il conserve une largeur à peu prés constante jusqu'à son extrémité , mais son fond s'élevant insensiblement, il finit par devenir à peu prés plat (fig. 124). La partie libre du vitellus, que nous avons appelée le trou vitellaire, est entouré d'un anneau assez élevé qui se dégrade insensiblement en dehors , tandis qu'à l'intérieur ses parois sont presque verticales. On dirait que cet anneau est la continuation des deux carènes qui accompagnent le sil- lon (fig. 124). C'est de ce trou vitellaire (J) que Rusconi (*) disait qu'il de- (*) Archives de Millier, 1856, pajç. 203 et suiv. 48 l'embryon jusqu'à la fermeture -venait plus tard l'anus du poisson. Les observations qui suivent montreront que cette opinion est complètement erronée et qu'elle ne repose que sur ce fait, que ce trou occupe en effet la place que doit occuper plus tard l'anus à l'extrémité du tronc; mais il ne résulte pas encore de cette coïncidence qu'il se trans- forme réellement en anus; jusqu'ici il ne fait qu'indiquer l'ex- trémité du tronc , car la queue n'apparaît que plus tard. Pendant que ces modifications ont lieu , les cellules ne pa- raissent subir aucun changement sensible ; plus tard encore le développement paraît se borner essentiellement à la disposition des divers organes , en particulier du système nerveux et de ses enveloppes, et l'on voit toujours les petites cellules era- bryonaires avec leur noyau, recouvertes aux différens âges par les cellules en pavé de la couche épidermoïdale. Relchert (*) qui , le premier, a essayé de baser un système de développement embryonique sur les cellules , envisage le développement de la couche épidermoïdale comme la pre- mière formation qui se manifeste et il la fait dériver immédia- tement du vitellus. Mais il résulte des faits que nous avons signalés , que , dans la Palée au moins , les cellules de cette couche ne sont qu'une modification des cellules embryonaires primitives et ne proviennent pas directement du vitellus ; aussi ne sont-elles pas les seules qui envahissent le vitellus, comme le prétend M. Reichert ; cet envahissement s'opère de con- cert avec les cellules embryonaires. Elles n'occupent !e vitellus en entier que lorsque les cellules embryonaires se sont retirées pour se rassembler dans la bande primitive autour de l'axe de l'embryon futur. Cette tendance des cellules embryonaires à se réunir autour de l'axe longitudinal se fait aussi remarquer plus tard ; les (*) Das Entwickelungslebcn. etc. DU SILLON DORSAL. 40 carènes latérales qui bordent le sillon , deviennent de plus en plus saillantes ; les bords du trou vitellaire s'enflent toujours plus; la base de l'embryon qui touclie le vilellus se rétrécit à vue d'œil et paraît toujours plus distinctement séparée de l'en- veloppe épidermoïdale de ce dernier. En même temps, l'embryon empiète par sa base sur le vitellus , de manière que, vu de cer- tains côtés, celui-ci offre une impression assez considérable. Cet empiétement est une preuve manifeste en faveur de cette ten- dance de concentration que nous venons de signaler ; cependant il ne faut pas en chercher la cause unique dans les cellules embryonaircs ; il faut encore tenir compte du développement d'un organe nouveau , savoir : de la corde dorsale Çp) , dont nous traiterons plus tard. Les modifications les plus importantes ont lieu dans la forme et dans les parois du sillon lui-même; aussi méritent-elles une attention particulière, eu égard à leur importance pour la suite. Nous avons vu que le sillon, au moment de se former, n'est pas encore circonscrit exactement en avant, mais qu'il se perd du côté de l'extrémité céphalaire en une faible dépression qui ne permet pas d'en déterminer exactement la forme (fig. 21,1 24). Bientôt cependant ces conditions changent , et les carènes de- viennent aussi saillantes et aussi prononcées vers l'extrémité céphalaire que partout ailleurs ; tandis que le sillon présente ici une forme très-particulière ((ig. 125); il se ferme en avant pour former une pointe obtuse et arrondie qui cependant est un peu plus large que le sillon au milieu de l'embryon (x, fig. 125). Cette pointe passe, au moyen d'un étranglement à peine sen- sible, à un élargissement considérable qui est presque circulaire et correspond à l'endroit où la base de l'extrémité céphalaire est la plus large [y, fig. 125). En arrière, cet élargissement est suivi d'un étranglement beaucoup plus considérable que celui qui le sépare de la pointe (jî), et les carènes qui forment l'é- 7 50 l'embryon jusqu'à la fermeture Iranglement sont recourbées d'une manière beaucoup plus brusque. L'islbme n'est cependant pas considérable et un se- cond élargissement ( z , fig. 125) succède au premier, dont il n'est que la répétition ; mais il est beaucoup plus oblong que le premier et sa largeur excède fort peu celle de la pointe. En revanche, sa longueur est à peu près égale à celle de l'élargis- sement principal. Il se confond en arrière avec le sillon («) qui n'a point perdu sa forme de gouttière , quoiqu'il soit sensible- ment plus profond , les carènes latérales s'étant élevées d'une manière notable. Une grande activité se manifeste en même temps sur le pourtour du trou vitellaire ; les cellules s'accumulent ici de toutes parts; il paraît même qu'il y en a qui s'élèvent de l'in- térieur et nous voyons en effet dans la fig. 125 ce trou sensi- blement rétréci ; bientôt il va disparaître complètement , pen- dant la métamorphose suivante. La transformation de la partie céphalaire du sillon en plu- sieurs divisions distinctes est le premier indice du système nerveux central composé du cerveau et de la moelle épiniére. Cette transformation n'est pas caractérisée par une nouvelle formation de cellules, ni par l'apparition de cellules d'une struc- ture particulière. Les cellules qui forment ce premier rudiment du système nerveux sont les mêmes que celles du reste de la masse em- bryonaire ; des cellules épidermoïdales forment le revêtement extérieur et des cellules embryonaires la base des carènes du sillon : en outre , l'on voit apparaître simultanément de nou- velles cellules destinées à devenir la base d'un nouveau sys- tème qui se manifeste en même temps que la partie céphalaire du sillon et se circonscrit d'une manière plus précise ; je veux parler de la corde dorsale (p). Si l'on examine à cette épo- que un embryon sous un assez fort grossissement , on voit dis- DU SILLON DORSAL. 51 tiuctement au fond du sillon , dans la direction de l'axe lon- gitudinal > une série de cellules particulières (fig. 126) qui se distinguent des autres cellules embryonaires par leur gran- deur et par leur apparence plus opaque; elles sont rondes, bien moins élastiques et moins distinctement circonscrites que les cellules épidermoidales ou embryonaires ; elles crèvent facilement sous le compresseur et se déchirent en lambeaux irréguliers. Leur teinte opaque résulte d'une quantité de petits points et de grains assez volumineux, qu'elles contiennent dans leur intérieur ; mais je n'y ai pas oliservé de noyau. J'ignore quels sont les rapports directs de ces cellules avec la corde dorsale ; tout ce que je puis dire, c'est qu'elles sont si- tuées à l'endroit que celle-ci occupera plus tard et placées en séries comme si elles étaient enfilées ; mais il n'en existe plus aucune trace dès que la corde dorsale apparaît. Se confondent- elles en une masse homogène pour former la corde dorsale, ou bien ne faut-il voir en elles que les avant-coureurs de cette dernière, destinés à être résorbés dès qu'elle apparaît? C'est ce qu'il m'est impossible de décider d'après les données que je possède maintenant. Je n'ai jamais vu les deux choses simul- tanément ; aussi longtemps que j'ai observé les cellules , je n'ai remarqué aucune trace de la corde dorsale , et lorsque celle-ci se montrait , les cellules avaient disparu ; je n'ai pas non plus découvert dans l'intérieur de la corde dorsale quoi que ce soit qui eût pu me dire ce qu'elles étaient devenues. CHAPITRE V. DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL. Nous avons poursuivi dans le chapitre précédent le déve- loppement du sillon dorsal jusqu'au moment de sa séparation en plusieurs parties , premier indice de la formation du sys- tème nerveux central. Nous aurons maintenant à examiner ce système dans toutes ses phases, jusqu'au développement com- plet du cerveau dans le poisson adulte. On a beaucoup discuté pour savoir quelle interprétation il fallait donner au sillon et aux carènes qui le bordent. Il est évident que cette question ne pourra être résolue aussi long- temps que l'on posera en principe que le germe de tout or- gane, tel qu'il apparaît dans l'embryon, contient déjà le rudi- ment de toutes les parties qui composeront plus tard cet or- gane. La plupart des organes de l'embryon ne sont, dans l'origine , que des accumulations irrégulières de cellules des- tinées à se développer plus tard , en suivant des phases di- verses. Souvent, il eA vrai, le premier germe d'un organe con- tient déjà des cellules particulières qui déterminent dès le principe une distinction dans la structure primitive de cet organe. Mais souvent aussi ces différences n'existent pas, et il DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL. 53 n'y a alors que la disposition tics cellules embryonaires qui , en se groupant d'une manière déterminée , constituent la première trace d'un organe ou d'un système d'organes. Le rudiment du système nerveux central , représenté par le sillon dorsal et les carènes qui l'accompagnent , est dans ce cas. La forme des cellules est ici la même que dans les autres parties de l'em- bryon, et leur disposition constitue seule les différences. Or, en pareil cas , comment savoir à laquelle des parties qui consti- tueront plus tard le système nerveux et ses enveloppes , les différentes cellules correspondent? Une partie deviendra des muscles , une autre des tendons , une autre des os et d'autres enfin des fibres nerveuses ou des cellules ganglionaires : on ne peut donc pas dire que les carènes , y compris le sillon , soient le système nerveux central ou son enveloppe; ils ne sont que les analogues de ces parties quant à la forme. Reicbert s'appuyant sur les recherches qu'il a faites sur les embryons de la grenouille et de la poule , prétend que les deux carènes sont les deux moitiés du système nerveux séparées par la corde dorsale (*). Il pense que ces deux moitiés se com- posent , dans l'origine , de couches membrane uses de cellules disposées de chaque côté de la corde dorsale et que c'est en s'épaississant qu'elles forment les carènes. Ces couches de cel- lules sont , selon lui , séparées du reste de la masse embryo- naire par une fissure , mais les cellules elles-mêmes ne diffèrent pas des autres cellules embryonaires. On voit que cette opi- nion n'est pas applicable aux poissons; car, ainsi que nous l'a- vons fait observer ci-dessus , les carènes existent longtemps avant que l'on aperçoive la moindre trace de la corde dorsale, et ne peuvent donc pas être séparées par cette dernière. De plus, la corde dorsale n'est point à jour dans le sillon , comme cela (*) Rcichert , das Entwickcluiii!;sli.'l)cii. iiaj;. l'2 54 DÉVELOPPEMENT paraît être le cas dans la grenouille , d'après M. lleichert ; elle est au contraire recouverte d'une accumulation considé- rable de cellules qui la séparent du fond du sillon. 11 en résulte que, dans le poisson, les carènes étant adhérentes entre elles par une large base , il ne saurait être ici question ni d'un ru- diment divisé ni de moitiés primitives du système nerveux cen- tral. Mais , si dans les poissons, les cellules des carènes étaient réellement séparées de celles qui sont en dessous par une fis- sure, et qu'il y eût ainsi dans l'embryon un rudiment particu- lier du système nerveux , ce qui n'est pas , on pourrait alors plutôt comparer ce rudiment à une gouttière à bords recour- bés en haut ; mais rien n'autoriserait à l'envisager comme composé de deux moitiés. Avant de passer à la description des différentes formes qu'affectent successivement le rudiment nerveux central, il est important de dire un mot des rapports qui existent entre la couche épidermoïdale de cellules en pavé [g) et le sillon. Les cellules épidermoidales recouvrent uniformément tout l'em- bryon, sans prendre part à la formation des carènes et du sillon , qui ne dépendent que des cellules embryonaires. Elles sont étendues sur les renflemens et les dépressions et les sui- vent aussi longtemps que leur relief n'est pas trop inégal ; mais dès que les carènes deviennent plus saillantes et se rappro- chent davantage , en rendant par la même le sillon plus pro- fond et plus étroit, la couche épidermoïdale se détache du fond du sillon et ne forme plus qu'un toit au dessus de lui , sous le- quel les carènes tendent à se rapprocher. Ce n'est donc pas la partie de la couche épidermoïdale tapissant les parois du sillon , qui est saisie par les carènes qui se rapprochent et isolée du reste de la couche pour former le revêtement inté- rieur du canal , dans lequel le sillon se transforme, comme l'a prétendu M. Reichert ; mais les cellules épidermoïdalea res- DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL. 55 tent en dehors et ne forment, après la réunion des carènes comme avant, que le revêtement le plus extérieur, sans être compris dans l'intérieur du tube. Nous avons quitté le sillon et les carènes , au moment où se montraient les premiers indices de la tête. Nous y avons distingué trois espaces distincts, séparés par des étranglemens : une pointe arrondie [x], que nous nommerons le prosencéphale , et qui correspond en partie aux hémisphères des mammifères ; un second élargissement assez considérable (j/), le mésencéphale, représentant les corps quadrijumeaux ; un troisième élargisse- ment bien moins large, mais assez long (s), V épencéphak , qui devient le cervelet et la mœlle allongée. Nous voyons par conséquent se manifester déjà dans les premiers rudimens du système nerveux central , le type de cer- veau qui est particulier aux poissons et dans lequel la formation hémisphérique, si prépondérante dans les autres vertébrés, disparaît en quelque sorte au profit des corps quadrijumeaux et du cervelet, qui sont non-seulement plus considérables, mais aussi plus variés. La petitesse des hémisphères dans les poissons ne résulte donc pas d'un développement arrêté, mais elle est déjà prévue dans le rudiment du cerveau. Le prosencéphale [x) paraît d'abord s'élargir considérable- ment (figure 127); mais il se rétrécit de nouveau, à me- sure que la carène qui l'entoure s'élargit en dedans et tend à le recouvrir (fig. 128). L'on remarque en même temps une division plus tranchée entre lui et le mésencéphale. D'a- bord, les carènes ne faisaient qu'une légère courbe , pour passer à ce dernier; mais plus elles se voûtent en dedans et plus leur angle postérieur fait saillie de ce côté, sous la forme d'une pointe obtuse (fig. 128), qui s'élargit de plus en plus (fig. 129) et s'avance enfin jusqu'au milieu du mésen- céphale , séparant ainsi la moitié de ce dernier des parties 56 LE DÉVELOPPEMENT latérales qui se Iransforment en yeux (Hg. 133). Dans ce mo- ment, le proseneéphale affecte la forme d'une pointe allonfi^ée et obtuse, qui, quoiqu'elle ne dépasse pas de beaucoup le bord antérieur du mésencépliale , n'en a pas moins augmenté en longueur, puisqu'elle est profondément séparée en arrière des deux sinus du mésencépliale. Le mésencépliale est soumis à des variations notables. Il représente d'abord une cavité presque spliérique (fig. 125); mais il s'élargit simultanément avec le prosencépbale , quoique dune manière plus sensible dans sa partie postérieure, et le tout prend alors une forme assez semblable à un fer de lance (fig. 127). En même temps que cet élargissement a lieu , l'ex- trémité postérieure s'étend d'une manière d'autant plus pro- noncée vers l'épencépliale que les carènes se rapprocbenl davantage sur la ligne médiane , entre la masse cérébrale mé- diane et la masse cérébrale postérieure. Il arrive ainsi qu'in- sensiblement les angles postérieurs du mésencéphale s'étendent en forme d'aile (fig. 128) ; en même temps que les carènes du prosencépbale commencent aussi à s'élever d'une manière plus brusque vers la ligne médiane. Néanmoins le diamètre an- térieur du mésencépbale est encore moins considérable que son diamètre postérieur, et ses parties latérales sont légèrement déprimées de dehors en dedans (fig. 128). Cet état fait bientôt place à un autre. Au lieu d'être enfoncé, le bord extérieur de- vient au contraire convexe et présente un rcnllement qui trahit aussitôt sa destination, qui est de devenir le rudiment des yeux (fig. 129). Grâce à l'empiétement ci-dessus mentionné des carènes entre le prosencépbale et le mésencéphale et à la sépa- paration de plus en plus profonde entre le mésencéphale et l'épencépliale , les sinus oculaires se détachent toujours plus et apparaissent bientôt comme une formation particulière dont le développement nous occupera dans le chapitre suivant. DU SYSTEME NERVEUX CENTRAL. Ô 1 JJépencéphak , d'abord petit et lenticulaire , s'élargit de plus en plus , mais d'une manière uniforme ; ensorte , qu'en général, il maintient sa forme primitive jusqu'au moment où les sinus des oreilles commencent à se détacher. L'accroisse- ment, dans le sens de la longueur, cesse alors pour faire place à un accroissement dans le sens de la largeur, de manière que le tout affecte bientôt uue forme un peu oblongue, mais en gé- néral régulièrement carrée (fig. 129). Cependant il arrlvequ'ici, comme dans le mésencéphale , le diamètre postérieur l'emporte sur le diamètre antérieur ; et comme l'embryon est assez ré- tréci en cet endroit, on ne découvre qu'une bande renflée très- étroite entre la cavité épencéphalique et le bord de l'embryon. Examinée de profil , cette partie se présente comme un trou rond, entouré d'un anneau plus clair ; c'est le rudiment primitif de l'oreille (fig. 23, 38 et 131). Peu à peu, ce rudiment com- mence à se détacher comme celui de l'œil , par l'avancement des carènes vers la ligne médiane (lîg. 133) (*). (*) Pour empêcher ([uc Ton n'interpi-ète mal mes observations , je dois ap- peler ici l'attention sur quelques points de vue généraux desquels je désire ([ue l'on juge ma manière de voir. C'est une loi, à ce qu'il parait, générale, de l'em- bryologie des Vertébrés, (ju'il existe trois vessies cérébrales primitives que nous avons appelées prosencéphale , mésencéphale et épencépliale , d'après les déno- minations allemandes de M. Baer , et ([ui donnent chacune lieu à l'un des or- ganes des sens, réunis dans la tétc : la première au nez, la seconde aux jeux, et la troisième aux oreilles. Chacune de ces vessies cérébrales primitives peut se diviser eu plusieurs parties, et c'est ce qui détermine les différences si considé- rables qui existent dans la structure cérébrale des différens types de vertébrés : tantôt c'est l'une, tantôt l'autre des vessies, ou même telle ou telle de leurs parties qui se développent d'une manière prépondérante et donnent lieu à des formations compliquées , tandis que les autres sont plus négligées. Ce développe- ment prépondérant de l'une ou de l'autre partie du cerveau semble déjà se mani- fester de très-bonne heure dans les embryons des vertébrés et détruire ainsi ])ar des formations secondaires variées, la simplicité du plan primitif qui est sans doute le même dans tous les vertébrés, en le soustrayant aux regards de l'obser- vateur. De là aussi les interprétations si variées et si contradictoires que l'on a 8 58 DÉVELOPPEMENT Telles sont les phases de développement que nous sommes parvenu à observer en durcissant l'œuf artificiellement. Pour connaître la nature et le rôle des carènes ou des renflcmens solides qui entourent les espaces remplis de liquide, il est indispensable d'observer l'embryon à l'état vivant ; car on ne saurait sans cela bien apprécier leur rapport réciproque. Les parties qui recouvrent les cavités et les sillons sont les plus difficiles à bien observer par ce procédé ; car, ou bien elles sont trop délicates et par conséquent ne s'aperçoivent pas suf- fisamment, alors même qu'elles sont durcies, ou bien elles deviennent trop opaques lorsqu'elles sont plus avancées et ca- chent ainsi à l'œil les cavités inférieures. L'élargissement des espaces cérébraux contraste dans l'ori- gine, d'une manière frappante, avec cette tendance de centra- lisation autour d'un axe longitudinal , qui ne cesse pas de se manifester dans l'embryon. Tandis que ce dernier s'arrondit latéralement et se rétrécit à sa base (fig. 23) en se détachant du vitellus, les élargissemens latéraux du mésencéphale ne se main- tiennent pas au même niveau, mais s'abaissent de chaque coté ; ensorteque ces élargissemens, qui sont les rudimens des yeux, apparaissent comme deux renflemens de forme ovale, séparés au milieu par une fissure (fig. 23 et 24). En avant de ces ren- ilemens s'élève, comme une petite pointe, le prosencépbale , entouré de ses carènes (fig. 24) ; et au dessus, occupant le données aux espaces cérébraux des embryons. Dans la Palée, le plan primitif se maintient assez long-temps dans son intégrité pour qu'on ne puisse pas s'y trom- per , bien (juc le prosencéphale reste considérablement en arrière , et que les deux antres acquièrent une prépondérance marquée , le mésencéphale par le dé- veloppement et l'intercalation des diverses parties des corps quadrijumeaux, et l'épencéphale par la formation du cervelet, si considérable chez les poissons. Mais ces modifications du plan primitif, si caractéristiques soit pour l'espî'cc, soit pour la classe, ne sauraient cependant changer l'interprétation que nous avons donnée de ces diverses parties. DU SYSrÈ3IE NERVEUX CENTRAL. 59 haut (le la tète, s'élève la carène médiane qui sépare les rudiniens des yeux du mésencéphale proprement dit. Les ca- rènes ou renflemens qui entourent lepencéphale, ne sont pas plus saillantes que les carènes dorsales qui forment le sillon ; aussi se confondent-elles avec ces dernières dans les figures de profil (fig. 24). Plus les rudimens des yeux se détachent, soit par l'empié- tement des carènes antérieure et postérieure, soit par l'élé- vation de la masse cellulaire du fond , qui fait que peu à peu ils prennent l'apparence de deux lobes placés sur les deux côtés de la tête (fig. 26), plus le mésencéphale se détache sous la forme d'un dos saillant , parce que les carènes qui le bor- dent et le séparent du rudiment des yeux, se rapprochent en se gonflant sur la ligne médiane (fig. 26 et 28). Les prolon- gemens des carènes latérales qui séparent le mésencéphale de l'épencéphale se distinguent par leur hauteur comme par leur apparence massive; ils deviennent ainsi le point le plus mar- quant du système cérébral : d'autant plus qu'ils se dévelop- pent, ainsi que nous le verrons plus tard, au dessus du centre de la courbure céphalique. Prosencèphale {x). Malgré sa forme simple, le développement de cette partie du cerveau est beaucoup plus difficile à poursuivre dans les poissons que le développement des autres parties cé- rébrales, par la raison que l'organe des sens qui en dépend ' le nez, est beaucoup plus en rapport avec le système dermique, et parce qu'il paraît, en effet, que le rudiment des nerfs olfactifs ne se détache que fort tard et insensiblement des tissus envi- ronnans. L'organe olfactif est en effet intimement uni au sys- tème dermique; son rudiment principal ne se détache pas de la partie cérébrale correspondante , comme c'est le cas de l'oreille et de l'œil ; mais ce n'est qu'après que l'organe olfactif s'est formé aux dépens du système dermique, que la partie corres- 60 DÉVELOPPEMENT pondante du cerveau vient en quelque sorte à sa rencontre et complète ainsi , par sa réunion avec la formation du système dermique, l'organe olfactif. Nous avons poursuivi le prosencépliale avec les carènes qui entourent sa cavité intérieure jusqu'au moment où il com- mençait à se détacher du mésencéphale par suite de l'empiéte- ment de ces mêmes carènes vers la ligne médiane (fig. 129, 133). Par l'effet de cet empiétement, comme aussi par le dé- veloppement démesuré des yeux qui en gênent le développement des deux côtés, le prosencépliale affecte une forme étroite et lancéolée qui s'avance comme une pointe entre les deux yeux (fig. 28, 30, 129, 133). Les carènes latérales qui le bor- dent ne s'élèvent que faiblement au dessus du bord supérieur des yeux, et se ferment en ne laissant qu'une petite cavité mé- diane ; aussi , en examinant l'embryon en face , voit-on très- bien cette cavité passer sans interruption à la cavité du mésen- céphale, qui est plus vaste (fig. 33). Mais ce que le prosencépliale perd en largeur , il le gagne en longueur, car il s'avance consi- dérablement du côté antérieur et inférieur, à mesure que la tête se développe. La courbure céphalique , dont nous parlerons plus tard, acquiert en même temps une prépondérance de plus en plus marquée. Tandis que des deux côtés la masse solide du prosencéphale se prolonge en avant et se voûte près de la ligne médiane pour s'y rencontrer, on voit apparaître, sur la limite entre le prosen- céphale et le mésencéphale, immédiatement au dessus de la dé- pression transversale qui sépare ces deux parties , un nouvel organe qui, à vrai dire, n'appartient pas à la masse cérébrale proprement dite, mais qui cependant lui est si intimement uni, qu'on ne saurait le passer sous silence en traitant de cette der- nière ; je veux parler de l'organe que l'on a appelé la glande jn- néale des poissons (?). C'est un renflement opaque de cellules assez DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL. 6f grantles et fort semblables aux cellules du feuillet muqueux que Dous décrirons plus lard, et dont se forment les intestins. Ces cel- lules sont remplies d'un contenu granuleux, et comme elles sont agglomérées sur un point, elles s'aperçoivent facilement sous uu faible grossissement, surtout lorsqu'on place l'embryon de profil (ç, fig. 49, 56, 58). Cette agglomération de cellules est située exactement sur la ligne en croix formée par la fente longitu- dinale des organes cérébraux et le sillon qui sépare le prosen- cépliale du mésencéphale. On peut par conséquent l'envisager à bon droit comme indiquant l'endroit de cette séparation. Je n'ai pas remarqué d'autres modifications de cet organe dans tout le cours du développement, si ce n'est qu'il augmente de volume avec l'accroissement de l'embryon, et que les cellules cartilagineuses de l'enveloppe crânienne l'entourent de plus en plus, jusqu'à ce qu'elles le soustraient entièrement à l'obser- vation. Cette glande singulière m'a toujours présenté, dans tous les embryons que j'ai examinés , les mômes cellules opaques , remplies d'une substance granuleuse. Un peu avant l'apparition de la glande pinéale, on remarque, à la face inférieure de la tête, deux légers enfoncemens de la peau, premier rudiment des cavités nasales, et l'on dirait que le prosencépbale s'allonge pour les rencontrer. A l'intérieur, les carènes du prosencépbale sont fermées en voûte et parais- sent séparées en deux moitiés par un profond sillon sur la ligne médiane ; plus ces deux moitiés se rapprocbent des cavités nasales, situées sur les flancs de la face intérieure du corps, et plus elles semblent diverger. Il est à remarquer que leur plus grand développement n'est pas là où l'on remarque plus tard les hémisphères qui, comme on sait, sont petits chez les poissons ; mais, au contraire, prés de l'extrémité qui regarde les cavités nasales et qui est elle-même enflée en forme de massue. Il est probable que ces prolongemens clavellés , que l'on remarque 62 DÉVELOPPEMENT surtout bien de profil (fig. 137, 140), sont creux, comme dans les autres vertébrés; mais leur petitesse m'a empêché d'en acquérir la certitude (fig. 42). Ils sont vus moins distincts d'en haut ou d'avant , car ici , leur courbure autour de l'extrémité de la tête, ainsi que les parties diverses, qui sont situées dessous et en arrière causent de fréquentes illusions d'optique. Bientôt cependant ces renflemens clavellés atteignent le fond des cavités nasales et entrent en rapport plus direct avec elles ; ils se gonflent, s'étendent, à ce qu'il paraît, en forme d'éventail, autour de leur base et s'allongent de plus en plus , à mesure que les cavités nasales se rapprochent de l'extrémité céphalique, jusqu'à ce que , arrivés à la face supérieure de la tête, qui est leur place définitive dans le poisson adulte, ils y forment deux cylindres droits qui sont les nerfs olfactifs. Mais ils n'acquiè- rent cette forme droite qu'après l'éclosion de l'embryon ; avant cette époque , les cavités nasales occupent encore la face infé- rieure ou l'extrémité de la tête. Je n'ai pu observer de quelle manière le nerf olfactif se com- porte pour envoyer ses nombreuses ramifications dans la mem- brane muqueuse des cavités nasales. Mésencéphaîe (y). Nous avons poursuivi plus haut cette partie du cerveau jusqu'au moment où les rudimens latéraux des yeux s'en détachent d'une manière sensible, bien qu'il existe encore une ouverture spacieuse qui communique entre les cavités des deux parties. Nous poursuivrons le développement des yeux en traitant de l'organe de la vue , et nous n'aurons à nous occuper ici que du mésencéphaîe proprement dit , situé entre les deux sinus oculaires. Cette partie se divise de nou- veau , dans le cours de la vie embryonique, en deux parties emboîtées l'une dans l'autre , mais cependant très-faciles à séparer, \a. voùle , de laquelle se forme la partie supérieure des soi-disant hémisphères des poissons, savoir le fornix , le D[I SYSTÈME NERVEUX CENTRAL- 63 corps calleux, et peul-êlrc les colliculcs optiques et les lobes inférieurs; et les quadrijumeaux ^ dont se développent ces corps singuliers situés dans la cavité des mésencéphales des poissons adultes. Il est probable, d'après les observations de Ratbke sur la couleuvre à coUi^, que l'bypophyse ou glande pituitaire se forme d'une autre manière que les autres parties du cerveau , tandis que l'entonnoir appartient probablement encore à la masse cérébrale proprement dite du mésencépliale. La voûle du mésencéphale représente, dans le poisson adulte, une vessie fermée presque de toutes paris, mais marquée au milieu d'une incision profonde. La cavité est en grande partie ,detbe remplie en dessous et en arrière par les lobes quadrijumeaux \ et oculaires , ensorte qu'il ne reste qu'un petit espace libre , qui communique avec les autres ventricules du cerveau, en passant sous les quadrijumeaux. Le développement embryonique de cette partie suit , d'une manière frappante , le type général , que nous avons déjà re- connu dans la formation du prosencépbale : les masses solides , formées de cellules qui naissent du liquide qui remplit les ca- vités, s'agglomèrent et croissent à partir de la base, le long des parois pour se rencontrer sur la ligne médiane et s'y joindre au moyen de commissures. Les cavités qui résultent de ce mode de formation se remplissent peu à peu de cellules so- lides, qui surgissent du fond ou des flancs. Dès que les sinus oculaires sont complètement séparés du mésencéphale , ce dernier affecte une forme allongée et étroite qui cependant s'élargit considérablement en arrière , où il est séparé de l'épencéphale par les angles saillans des carènes latérales, tout en communiquant avec lui au moyen d'une ouverture assez considérable. Les carènes qui bordent le mé- sencéphale ne font qu'une légère saillie au dessus de cette der- nière, dans le voisinage des yeux, surtout lorsqu'on examine 64 DÉVELOPPEMENT l'embryon tic profil (fig. 31 et 130). Elles s'élèvent d'une ma- nière plus sensible eu arrière , et sont séparés des carènes de l'épencépbale par un profond sillon transversal placé juste au dessus de la plus grande élévation de la courbure céphalique (fig. 136, 13T, 31). Au dessus de ces carènes s'élève, sous la forme d'une couche membraneuse cellulaire, l'enveloppe crânienne , qui ferme la fente médiane ( Cette dernière existe encore parce que les carènes latérales n'ont pas encore com- plété leur voûte sur le milieu). On voit très-bien d'en haut et par la face antérieure, que les carènes se rencontrent sur la ligne médiane, dans l'espace entre les yeux, taudis qu'à la par- tie postérieure du mésencéphale, ils divergent beaucoup plus, pour se recourber de nouveau vers la ligne médiane en formant ainsi la séparation entre le mésencéphale et l'épencéphale (fig. 32). Les parties des carènes qui forment la voûte sont beaucoup plus minces que les parties latérales partant de la base du cer- veau ; aussi disparaissent-elles a peu près complètement au con- tact des acides , ce qui fait que l'espace non encore recouvert par la voûte paraît toujours beaucoup plus grand par ce pro- cédé qu'il ne l'est en réalité. Les deux voûtes latérales opposées ne tardent cependant pas à se rencontrer sur la ligne médiane où elles se confon- dent. Elles déterminent en même temps une saillie de plus en plus forte au dessus des yeux; et, au lieu de se dégrader obli- quement en avant, comme auparavant, elles prennent une forme de plus en plus arrondie ; la partie supérieure s'épaissit, et c'est sans doute en s'épaississant ainsi qu'elles donnent lieu aux parties , que M. Gottsche (*) , dans son travail sur le cer- veau des poissons osseux , a nommées fornix et corps calleux. (*) Archiv fiir Anatomic uiid Physiologie von J. MiiUer. Année 1855, p. 244 cl 4'43. DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL. 65 Cet épaississcmcnt de la partie supérieure de la voûte qui ac- compagne le sillon longitudinal est facile à voir sous un faible grossissement, mais seulement de profil et dans sa partie supé- rieure ; tandis que les parois latérales ne s'aperçoivent pas dans cette position à cause de leur minceur (fig. 34 , 36, 38, 136, 137); l'on dirait qu'une bande naissant derrière les an- gles des carènes qui séparent le mésencépbale de l'épencéphale, suit la voûte supérieure du crâne d'arrière en avant, et que cette bande ne se déploie que plus tard vers le bas pour se réunir à la base du niésencépliale et en former ainsi les parois latérales. Cette illusion ne peut être évitée qu'autant que l'on fait usage de forts grossissemens. La cavité intérieure est restée pendant ce temps à peu prés la même, c'est-à-dire qu'elle est étroite entre les yeux et largement semi-circulaire en arrière; sa forme n'est modifiée que plus tard par l'accroissement des quadrijumeaux. Je ne possède pas d'observations exactes sur les masses soli- des qui forment la base du mésencéphale et qui représentent les lobes inférieurs , Ventonnoir et Yhijpopkyse ou glande pitui- laire du poisson adulte. Leur position cachée derrière les yeux opaques et au milieu des cartilages du crâne m'a tou- jours empêché d'en poursuivre le développement. Il s'est cepen- dant élevé dans ces derniers temps une controverse relativement à la formation de l'hypophyse; je n'en étais dès-lors que plus im- patient de me procurer des renseignemens positifs à cet égard ; mais tous les moyens que j'ai mis en œuvre , tel que le durcis- sement par les acides , les coupes longitudinales et transver- sales , l'ahlation des yeux , etc. , ont échoué devant la petitesse et la mollesse de mes embryons. Voici comment Rathke se représente le développement de la glande pituitaire (*) : il se (*) Entwickhiiigsgcschichtc dor Nat or ; page SI. — Arcliiv fiir Auatoiiiif iiml Physiologie, von "Millier. ViKu'e !Sr)S. Page 'iS-2. 9 66 n^VELOPPEMEN'T forme dans le lolî tle la cavité buccale un prolongement céeal de la n.uqiieu^e d;ngê on liant >ors le cerveau , proloniiement qui Uwerse la base du crâne et est muni d une large ouverture venap; aboui'r dans la cavlîé buccale. CetiC ouverture se ferme pei'î à pe;*"î j jsqu'à ce que le cul de sac soit complètement sé- paré de la nuu^aeuse de la bouclie ; il se confond a'ors avec l'en- tomo'»" céi'ébi\ ' descendu de la base du mésencéphale et forme, de concert a rec Uii. liiypopbyse. Les anses laiérales de la base du cràae ( vo'r chap. 7 ) ■«"écarlent dans le voisinage de l'entonnoir pou- l'oi^per passage à c^ cul de sac de la muqueuse, lîeicbert (*) pense ra contra're qae la glande pituilaire se forme de l'extré- mité pntérieu'e de 'a coule dorsale qui, apcès s'être séparée par suite de Voss"!icaîion annulaire de la seconde vertèbre crà- p'onne , devierd'a'tl b\popluse. Il rejette en coi^séqt'encecom- p'ètenient hi ma cbe du développement tel qi'.e lîalbke l'a ob- servé. Bien que je ne possède pas d'observations précises qui m'au- loriseni à prononcer entre les deux antagonistes, je puis ce- penda^ît aflirmer qu une transformation et une séparation de l'extiéniMé de la corde dorsale . tel'e que Reichert nous la re- présente, non. pas l'eu dans 'a Palée. En revanche. '' est par- faitement Via' que 'es deux anses 'atérales de la base d j crâne, s éca»"teu. coasidérabknrent à l'endroit de l'entonnoir cérébr?! . laissant entre eUes in espace circula've vide, espace que j'ai loujou*"? trou.é levèiu delà membrane buccale, mais dans lequel jV^ cru remiirquer uae fois l'hypophyse détachée, sous la forme d'un petit corps globuleux. Si je n'ai pa^ pu suivre les phases du développement du ce' de sac muqueux et de sa trans- formaiioD . te' es que Ralbke ne les a pas seulement décrites . ma»s aussi iigr ées (^ ) , je su^> cependant tout-à-fait porté . (*) Das tnlwickiang:i.leben im >* irbeUhierreich. Pag. 52. (**» tntwick.lunfsg^>cbichte der Natter. PI. 7. fig. 7. DU SMIÊME >'£;iVEIJX CZMZ \L. 67 fl'uprès les observations cï-dej^ua , à nac ranger à son avis. Les t?!!u'es de la corde dorsale o.ic d'ailleurs une foime si par- ticulière que je ne pense pas qce j'easse pu les îréconnaître, s'il s'en élait détaché une partie pour sjb'r une transformation tel'e que l'exigerait le développcmeni de 1 hypophyse. Les quadn'jumeaux s éléveni , a'osi que nous l'avons dit plus haut , des parois intérieures de la cavllé du mésepcéph?'e en arriére et en bas et la rempUssent inseas-blement de leur masse solide. L'organe des quadrijumeaux n'existe pas en- core, que déjà la voûle est prés de se fermer en haut, aîTectaDt une forme à peu prés semblable à celle que piéseDierait le podce opposé à l'index, forme qui esc trés-d'sl'ncte, grâce a la transparence des paro'is latérales et auxconlours très-accusés du fond Ct de ia voûte. BienLôt cependant , les qdadrijuœeaux se montrent sous la forme d'un pelit reoflemenî sur la paroi pos- térieure qdl fa't sadl'e en dedans (fig. 46, 56 et 58j. En même temps s'élève un second renflement de la base du mésencéphale, et, comme toute la base du cerveau est maiuienant beaucoup plus d'siincte qu auparavant , on dirait quelle s'est élevée au dessus des yeux. A mesure que le tubercu'e . qui séléve des parois postérieures empiéie sur l'avant et que la voûle, d'abord allongée, s'arrondit, l'espace intérieur se remplit à peu prés complètement; l'espace étroit et diversement contourné qui, dans le poisson adulte, occupe le mésencéphale et communique avec le ventricule de l'épencéphale en passant sous la base du cervelet, reste seul vide. Le renflement du fond s'élève bien moins sensiblement et il semble même qu'il dégénère en quel- que sorte , car il n'en reste qu une faible partie sur le fond du ventricule mésencéphalique ; peut-être est-ce cette partie qui forme ce que l'on a appelé dans les poissons les œllicules oph- tiialnuques. Les nombreuses dentelures dont les quadrijumeaux sont affectés à leur face supérieure chez la Palée adulte ne se 68 DÉVELOPPEJIEXT forment à ce qu'il paraît que longtemps après léclosion de l'embryon. De même aussi il paraît que ce n'est qu'après cette époque que le sillon profond qui sépare le mésencéphale du cervelet et qui , dans le poisson adulte , se prolonge d'arrière en avant jusqu'à l'extrémité des quadrijumeaux , acquiert son dé- veloppement; car pendant l'époque embryonique, je ne l'ai ja- mais vu autrement que transversal , derrière le cervelet et non pas se prolongeant en avant. Epencéphale (z). Cette dernière section du cerveau se laisse di- viser, comme la précédente, en deux parties, l'une comprenant les parties qui composent le cervelet et l'autre le véritable epencéphale, de la partie postérieure duquel se détachent les rudimens des oreilles. Il y a entre l'épencéphale et le mésen- céphale une sorte d'opposition, en ce sens que, tandis que c'est la partie postérieure de l'épencéphale qui se détache pour former les oreilles , l'œil se forme plutôt de la partie antérieure du mésencéphale ; dans le premier cas , la masse cérébrale croît d'avant en arrière , dans le second , d'arrière en avant. Une différence essentielle consiste cependant dans l'absence de voûte sur la cavité de l'épencéphale; on n'en remarque des rudimens qu'à l'endroit où le cervelet prend naissance. Ceixekt. Dès que les vessies auditives sont complètement détachées du cerveau , on voit s'élever presque immédiatement après et avec une rapidité étonnante, les carénés qui séparent la cavité du mésencéphale de celle de l'épencéphale ; en même temps , l'on voit un sillon transversal les entamer de haut en bas et les séparer de plus en plus (fig. 34, 38, 42). Au delà , les carènes sont bien moins saillantes, et les deux saillies laté- rales ont l'air de deux piliers verruqueux qui , s'élevant sur les parois de la fente dorsale , ne sont recouverts que par les enveloppes transparentes du crâne et forment une courbe lé^'ère vers la ligne médiane , pour se réunir en voûte sur le DU SYSTÈME NERVEUX CENTllAL. 69 canal inlcrmédiaire entre le quatrième ventricule et la cavité du mésencéphale qui, à cette époque, est encore largement bâillante en haut (fig. 32). Bientôt la fissure qui séparait les extrémités courbées de ces piliers , disparaît. Les deux moitiés latérales se rencontrent sur la ligne médiane, où elles se con- fondent en formant une commissure d'abord étroite (fig. 39 , 5i z), mais qui s'élargit à mesure que le développement s'a- vance et se consolide de plus en plus et de tous côtés par l'ad- jonction de nouvelles cellules (fig. 55 , 60) , réduisant peu à peu la communication des deux cavités à un étroit canal . tel que nous le trouvons cbez le poisson adulte. Celte commissure voûtée se distingue d'une manière frappante de toutes les autres parties du cerveau par sa blancheur qui contraste fortement avec la teinte grisâtre des autres parties de l'embryon , surtout lorsqu'on l'examine d'en haut (fig. 55 , 60 , ;î). Pendant longtemps on n'observe d'autres changemens dans cette commissure , si ce n'est qu'elle augmente dans toutes les dimensions. Vers la fin de la vie embryonique , elle ne se re- courbe pas seulement en arrière ('fig. 140, 155) ; mais l'on voit encore les piliers latéraux s'épaissir et s'enfler en arrière; ce qui fait que, lorsqu'on examine l'embryon d'en haut, on dirait que le cervelet est composé de trois lobes, de deux latéraux et d'un moyen (fig. 55) ; mais, en réalité, cette apparence n'est due qu'à l'épaississement des piliers latéraux et à la saillie de la commissure moyenne. Cette même forme se retrouve chez l'adulte dans le prolongement en forme de calotte du cervelet qui s'étend sur la fosse deltoïde et dans les cordons latéraux de la moelle allongée, qui, comme on sait, sont assez épais. Uépencéphale proprement dit ne subit que de très-faibles modifications. Les carènes latérales ne se réunissent jamais en un arc complet sur la ligne médiane , puisque le quatrième ventricule reste à découvert, quoique, à l'état adulte, il soit 70 DËVELOPPEMEINT réduit à uae féale assez peu considérable par l'effet du renfle- ment la'iéral des carènes qui se sont transformées en cordons latéraax de la moë^'e. Mais on n'en remarque pas moins au comoiencemert quelque chose de frappant dans ces carènes la- térales de la moelle allongée : au moment où les nageoires pectorales commencent à faire saillie , il se forme sur les ca- rènes médullaires p'usieurs petits renflemens tuberculeux, or- dinairement trois ou quatre de chaque cô'é («^ fig. 31, 32, 34); mais ils disparaissent bientôt et la surface des carènes laiéra'es de l'épencépha^e est aussi lisse après qu'avant. Ce fait est remar- quable en ts que chez quelques poissons qui ont les pectorales trés-développôes , comme par exemple c'-^z )::; Triglss, ces renflemens tuberculeux persistent pendant toute \i\ vie. Quant à la moelle épinière , je n'ai pas pu en faire l'objet d'observations spéciales. Il est à présumer que son développe- ment s opère de la même manière que chez les autres vertébrés, c'est-à-dire que les carènes se rapprochent de plus en plus sur la ligne médiane et finissent par fermer complètement le sillon dorsal. Je me suis assuré par des coupes d'embryons plus âgés (fig. 92 à 98) que la fente supérieure, qui est le reste du sillon dorsal, pénétre encore à une grande profondeur dans la moelle épinière et est même assez large. Le développement du tissu de la substance cérébrale elle- même présente le plus de difficultés à l'observation. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, le germe du système nerveux cérébral est formé des mêmes petites cellules granulaires qui composent l'embryon eniier. Quand, plus tard, les parois du crâne et les revêteraens exiérieurs acquièrent un tissu cellulaire propre, les formes des cellules primitives semblent peu se modifier dans la substance cérébrale, et ce n'est que par aggrégation ainsi que par la formation de nouvelles cellules au milieu du liquide qui remplit les espaces cérébraux, que la vie semble se mani- DU SYSTÈME NEKi^EUX CENTRAL. 71 fester dans cet organe. Je n'ai jamais observé la moindre trace de fibres dans la substance cérébrale avant les dernières périodes delà vie embvyoDique ; il n'y a /ait que des cellules agglomérées dont le noyau augmentait de dimension et devenait toujours plus distinct à mesure que les cel'ules étaient p'as extérieures. Dans le liquide renfermé par la masse cel'uleuse, flottaient des ceUdles semblables ; mais e'Ies étaient pljs petHes, plus trans- parentes et avaient des noyaux moins distincts. C'étaient sans doule de jeunes cel'ules se formant dans le liquide pour aug- menter la masse cérébrale en se fixant à la paroi interne de l'aggloméraiion déjà existante. CHAPITRE VI. DEVELOPPEMENT DES ORGANES DES SENS 1^ DE l'oeil. Le développement des organes des sens en général et celui del'ceil en partitulier sont encore entourés de bien des ténèbres. Le peu de solidité de leurs élémens , la finesse des différens tissus qui les composent , bref toutes les circonstances qui en rendent l'anatomie si difficile dans l'animal adulte , se réunis- sent à un degré bien plus liant, dès qu'il s'agit de poursuivre leur développement. Cependant , dans la Palée que nous étu- dions, la grande transparence du corps en général a contribué de son côté à éclaircir plusieurs points obscurs des premières époques du développement embryonique ; plus tard, le déve- loppement excessif du piment noir ne m'a pas permis de voir ce qui se passait dans l'intérieur de l'œil et la petitesse des em- bryons m'a empêché de faire des coupes et d'autres dissections. Nous avons quitté les dnus oculaires au moment où ils for- maient , de chaque côté du mésencéphale , deux élargisse- mens latéraux (fig. 23, 129). Vus de coté, ils se présentent sous la forme de deux grandes sadlies ovales , dont le plus DÉVELOPPEMENT DES ORGANES DES SENS. 73 grand diamètre est dans le plan de l'axe du corps (fig 24). La couche épidermoïdale s'étend encore par dessus les contours de ces sinus, en recouvrant d'en haut leur ouverture qui n'est qu'une continuation latérale de la fente longitudinale de tout le cerveau et du mésencéphale en particulier. Les preniiers germes de l'œil représentent par conséquent deux élargissemens latéraux ouverts en haut et communiquant par une gouttière avec le mésencéphale qui est également ouvert en haut (fig. 127, 128 , 129, 133). Le fond du sinus oculaire et de la gouttière est formé de petites cellules embryonaires , les mêmes qui forment le germe du système nerveux central. Je dois surtout insister sur ces deux points, la séparation primitive des deux sinus oculaires et la forme en gouttière, parce que, d'après les recherches de Huschke (*) sur l'embryon de la poule , l'on est en général disposé à admettre l'unité primitive des deux sinus oculaires, qui formeraient une vessie située au dessous du mésencéphale, entre celui-ci et le vitellus,, et dont la séparation s'opérerait dans toutes les classes des vertébrés , au moyen d'un sillon empiétant de bas en haut. Je ne saurais avoir la prétention d'exprimer une opinion quelconque sur les animaux vertébrés supérieurs , mais dans les poissons au moins , je puis affirmer que les sinus oculaires sont situés dès l'origine sur les côtés de la tête et profondément séparés par la cavité même du mésencéphale. Il est vrai qu'ils ne sont pas dans le même plan horizontal que le mésencéphale ; ils se courbent latérale- ment vers le vitellus , par suite du peu de largeur de la base de l'embryon ; mais cette courbure n'est pas encore une réu- nion à la face inférieure du mésencéphale. Il se peut que chez les oiseaux, cette courbe des sinus ocu- (*) De pectinis in oculo aviuui potostalr. ,Icii:io 1S27. — Archivos cle Sleckel. 10 Année 18ô2. Pag. 7> el sun 74 DÉVELOPPEMENT laires se développe jusqu'à confondre les rudimens oculaires en un seul, qui devrait être situé au dessous de la base du mé- sencéphale; mais chez les poissons la courbe n'est que rudimen- taire, et c'est peut-être aussi la cause pourquoi la cyclopie est beaucoup plus fréquente chez les vertébrés supérieurs que chez les poissons. J'ai examiné des centaines d'embryons de Palée , parmi lesquels se trouvaient de nombreuses monstruosités , entre autres des inflexions de la colonne vertébrale et même des difformités du cerveau ; mais jamais je n'ai rencontré un exemple de cyclopie , quelque peine que je me sois donnée à cet effet , tandis que parmi les embryons de poules et de mam- mifères , on rencontre fréquemment des cyclopes sinon tout-à- fait développés au moins imparfaits. Après que l'œil s'est circonscrit comme tel, les agglomérations latérales de cellules qui limitent sa gouttière du côté du cer- veau convergent de toutes parts vers le haut pour se former en voûte et transformer la gouttière en une vessie close. La couche épidermoïdalc qui revêt l'intérieur de la cavité se dé- tache de son fond et est soulevée par l'accroissement des cel- lules de la m^me manière que dans le cerveau , de sorte que l'œil présente en peu de temps une vessie complète, remplie de liquide. Cette vessie est entourée d'une substance cellulaire assez solide, qui est elle-même revêtue d'une membrane très-mince de cellules épidermoïdales en pavé (fig. 130). Les vessies ocu- laires communiquent avec le cerveau au moyen d'une tige épaisse et très-creuse. Leur forme , vue de profil , est presque circulaire, et leurs flancs passent aux masses embryonaires en- vironnantes, sans être circonscrites d'une manière bien précise; vues d'en haut, elles paraissent plus longues que larges et un peu aplaties en dehors. Au dessus de leur bord supérieur s'élè- vent les carènes latérales du mésencéphale et en avant le proscncéphale qui est courbé en bas (fig. 30, 31 , 32). Les DES OKGANES DES SENS. 75 cellules épiJermoïdales en pavé qui recouvrent les vessies ocu- laires s'étendent uniformément sur toute leur surface et ne pa- raissent diminuer de grandeur que vers le haut. Le bord infé- rieur de ces vessies se confond avec la base même de l'embryon et ne montre pas la moindre trace d'une excavation ni d'une fente, qui cependant devrait exister, si la fente choroïdale était déterminée par la configuration primitive de l'œil. Nous verrons par la suite que cette fente n'est autre chose que le résultat du développement de la choroïde, car dans la Palée au moins, elle ne se montre que fort tard, longtemps après l'apparition de l'œil. Peut-être faut-il attribuer à des différences dans la configura- tion et la position du rudiment oculaire chez les vertébrés supé- rieurs le fait que, chez ces animaux, la fissure choroïdale existe déjà dès la première apparition du rudiment oculaire. Les agglomérations de cellules qui constituent les parois des vessies creuses des yeux ne sauraient être envisagées comme les représentans de l'un ou l'autre tissu de l'œil parfait , comme l'ont prétendu quelques auteurs qui y ont surtout vu le germe de la rétine. Les cellules dont ces agglomérations se composent sont les mêmes que celles du reste du corps , et il ne dépend que de leur position et du caractère vital qui est im- primé à chaque cellule , lesquelles formeront tel ou tel tissu élémentaire, car elles fournissent, à l'exception du cristallin et de la conjonctive , tous les autres tissus constitutifs de l'œil aussi bien que les diverses enveloppes, tels que les membranes extérieures , la choroïde , l'iris , le corps vitré , la rétine et peut-être aussi l'orbite avec ses muscles et son tissu graisseux. Les rapports du système dermoïdal avec l'organe de la vue sont des plus remarquables chez les poissons. Il existe même à cet égard une gradation très-frappante entre les divers or- ganes des sens , qui , chez les poissons , restent plus fidèles à leurs vocations primitives , tandis que chez les animaux su- 76 DÉVELOPPEMENT périeurs , les sens entrent en corrélation avec d'autres organes et prennent des fonctions qui leur étaient étrangères dans l'ori- gine ; c'est ainsi que , dans les vertébrés supérieurs , l'odorat se marie intimement avec la respiration , et l'oreille entre en rapport intime avec la cavité buccale. Cbez les poissons, au contraire , chaque organe des sens est isolé , et c'est pour- quoi les rapports variés de ces sens avec le système dermoïdal sont particulièrement frappans chez eux. L'oreille est de tous les organes le plus indépendant , car, à aucune époque de la vie embryonaire , elle n'est en rapport avec le système dermoïdal. En revanche , le sens de l'odorat se forme presque exclusivement de ce système ; dans l'origine , il lui appartient exclusivement , et ce n'est que plus tard qu'il entre en rapport avec le système nerveux. Entre les deux extrêmes est placé l'œil : dérivés dans l'origine du système nerveux, ses tissus se combinent bientôt avec le système dermoïdal, et s'enchevêtrent à tel point avec lui qu'il est difflcile de distinguer, dans l'ani- mal adulte, ce qui doit être attribué au premier rudiment fourni par le système nerveux et ce qui est dû à l'adjonction du système dermoïdal. Cette participation du système dermoïdal à la formation de l'œil ne se fait pas attendre longtemps. Il se forme au milieu du sinus oculaire, une fossette peu profonde, qui semble le résultat d'une pression extérieure (() ( lig. 130 ) et qui est recouverte des mêmes cellules en pavé de la couche épider- moïdale qui tapisse uniformément son fond ( fig. 130 ). Peu- à-peu, cette fossette se rétrécit et devient plus profonde (fig. 132 d'avant , fig. 133 d'en haut) et bientôt ce n'est plus qu'une bourse dont l'ouverture devient toujours plus étroite (fig. 38). Après quelques jours , les cellules épidermoïdales se sont de nouveau refermées sur ce sac, et il est impossible de découvrir aucune trace de l'ouverture précédente. DES ORGANES DES SENS. 77 De cette modification, que déjà Iluschke (*) a observée chez le poulet, résulte une vessie globuleuse parfaitement transparente, adjacente à la membrane épidermoïdale et occupant le milieu de la vessie oculaire, bref le cristallin (7^). D'abord très-mou, voire même liquide et composé seulement d'une mince couche a^o^yé de cellules en pavé , il se consolide très-vite et apparaît alors sous la forme d'une boule solide composée de grandes cellules épidermoïdales transparentes et tendant à s'enfoncer de plus en plus dans l'intérieur de la cavité de l'œil. Il paraît , d'après Huschke , qu'il est fort difficile d'observer cette métamorphose chez le poulet , attendu qu'elle s'opère en très-peu de temps ; à l'exception de M. Ammon(**), aucun ob- servateur n'avait vérifié jusqu'ici la théorie de ce naturaliste, et des anatomistes du premier rang, tels que M. Valentin , avaient vainement cherché à s'édifier sur ce sujet par l'autopsie chez le poulet. Dans la Palée, il s'écoule deux à trois jours depuis l'origine jusqu'à la fermeture de la bourse, et la présence de grandes cel- lules épidermoïdales dans son voisinage rend l'enfoncement et la formation du cul-de-sac si évidens que même des personnes étrangères à l'embryologie, auxquelles je fis voir mon embryon sous un fort grossissement , s'étonnèrent de ce grand trou dans l'œil. Je me suis appliqué à suivre avec d'autant plus de soin toutes les phases de cette transformation, que j'étais sur d'a- vance d'en retirer d'utiles enseignemens sur le développement des organes formées par involution en général ; aussi puis-je wi^vv e maintenant confirmer avec une entière certitude les données de Huschke ; j'ai même trouvé une concordance si frappante entre les observations de cet auteur sur le poulet et les miennes sur (*) Archives de Meckcl. Année 18ô2. Page 5 et suiv. (**) Zeibclnift fiir Ophlhnlniologic. toni. IIl, 1853. Page ô'+l et suiv, 78 I)ÉVEL0PPE3IENT la Palée , que j'aurais pu transcrire littéralement une partie de sa description , sans craindre de me mettre en contradiction avec mes propres recherches. A peine le cul-de-sac du cristallin est-il fermé que d'impor- tantes modifications se manifestent dans l'intérieur de l'œil in- dépendamment du système dermoïdal. Le système tégumen- taire de la choroïde commence par s'isoler de la masse nerveuse proprement dite qui est la rétine. La fente de l'œil ( le colo- bome de l'iris [^) ) se développe. Il est très -facile de s'assurer au changement particulier que subissent à cette époque les cel- lules épidermoïdales, dans le voisinage des yeux (voy. chap. 8), que le système dermoïdal ne prend aucune part au développe- ment de la choroïde , puisqu'on voit ses cellules se mainte- nir au dessus de celles de la choroïde. Mais si le système dermoïdal ne participe pas à la for- mation de la choroïde , l'apparition du corps vitré semble , en revanche, être intimement liée à celle de la choroïde, quoi- que je n'aie pu m'assurer exactement de quelle manière. Souvent l'on reconnaît encore l'ouverture du cul-de-sac du cristallin , sous la forme d'un petit trou au milieu de l'œil (fig. 38), que déjà la paroi externe qui entoure le globe oculaire commence à se séparer en deux parties distinctes ( fig. 136 ). Vers le bas , cette séparation n'est nullement tranchée , et le contour de l'œil lui-même disparaît en quelque sorte dans la masse cellulaire environnante. Vers le haut, l'œil est fort bien limité du côté du cerveau, et l'on voit, à quelque distance de la limite extérieure, une seconde ligne semi-circulaire entourer le cristallin et se confondre de nouveau avec le contour exté- rieur, à peu près à la hauteur du diamètre horizontal de ce dernier (fig. 136(3, «)(*). (*) Par erreur, la ligne P est ici conduite trop loin jusqu'au cristallin : elle devrait s'arrêter de\ant. DES ORGANES DES SENS. 79 Du point de réunion part une ligne de démarcation qui, tou- chant presque le cristallin, rencontre la ligne opposée au dessus de ce dernier, et forme avec elle une ogive (fig. 136, 137). On dirait alors, en examinant l'œil de profd, qu on a placé au des- sus du cristallin un petit chapeau muni d'une incision , des- tiné à mettre ce dernier en évidence (fig. 137). Les deux bras de cette ogive forment à peu près les côtés d'un triangle équi- latéral , qui convergent d'abord comme pour former une voûte, puis se replient en dehors pour éviter le cristallin ; en sorte que la dislance qui sépare le sommet du triangle du cristallin est à peu près égale à la moitié du diamètre de ce dernier. Toute cette formation ne descend pas plus bas que le cristallin lui- même , en sorte que les extrémités du chapeau et le bord infé- rieur du cristallin sont situés sur la même ligue (fig. 1 36 et 1 37) . On ne saurait douter que tout cet espace en forme de cha- peau et le sinus triangulaire qui le recouvre ne représentent l'enveloppe encore imparfaite de la choroïde, tandis que la ligne intérieure représente le bord du corps vitré. Ce dernier (fig. 33 e) conserve la forme d'un croissant à peu près pendant toute la vie embryonique ; il entoure le cristallin par derrière comme une coupe (fig. 137, 140), mais la déposition subite du piment noir empêche d'en observer ultérieurement le développement et la composition ; son origine même est encore entourée de quel- ques ténèbres , car nous ignorons si c'est une substance parti- culière indépendante des autres ou s'il est le résultat de l'invol- vure du cristallin. Cette question ne pourra être décidée que sur des animaux doués d'yeux assez grands pour permettre des coupes transversales , et chez lesquels le piment sera moins abondant. Il est plus facile de poursuivre le développement de la cho- roïde (p). Le piment noir qui se développe dans ses cellules la fait distinguer avec une grande précision à travers les mem- 80 DÉVELOPPEMEXT branes extérieures de l'œil. Elle envahit assez rapidement le cristallin ; les extrémités du chapeau qu'elle formait dans l'o- rigine , s'arquent de plus en plus vers le bas , embrassent le cristallin de près et touchent bientôt son bord extérieur de toutes parts, excepté en haut où le sommet de l'ogive ne se ferme que plus tard , et en bas où les deux côtés du croissant sont en- core fort distans et déterminent ainsi la fente de l'œil ou le co- lobome («j qui ne disparaît que peu de temps avant l'éclosion (fig. 137, 140, 143 et 32). Ce colobome n'est donc pas une condition de la formation du premier rudiment oculaire chez les poissons , puisqu'il ne commence à se former qu'après l'in- volvure du crystallin. Il est bien plutôt la conséquence pure et simple de la manière dont la choroïde se comporte dans son accroissement ou plutôt dans la différenciation de ses cellules d'avec celles du premier rudiment de l'œil. Comme ce déve- loppement s'accomplit de haut en bas , il en résulte que les cellules choroïdales doivent se former en dernier lieu à l'endroit le plus bas de l'œil , par conséquent là où est située la fente. Une autre conséquence de cette séparation des cellules de la choroïde (séparation qui semble être parallèle au développement du corps vitré) , c'est qu'aussi longtemps que la fente existe , le cristallin a l'air d'être plus rapproché du bord inférieur de l'œil que du bord supérieur ; car, selon toute apparence, les cellules choroïdales sont une sorte de démembrement de cette couche de cellules embryonaires qui entourait la vessie oculaire en- core simple; en se détachant, elles suivent le contour de cette couche dans toute son étendue, et on dirait même que la cho- roïde se forme de la partie extérieure de cette couche, la partie intérieure étant réservée pour former la rétine , tandis que les cellules formant la sclérotique ne se déposent que plus tard entre la choroïde et la couche épidermoïdale en pavé , ({ui re- couvre le tout. DES OllGANES DES SENS. 81 Voici comment s'opère le développement des cellules de pi- ment de la choroïde. Dans l'origine , la choroïde se compose , comme le rudiment primitif de l'œil, de simples cellules em- bryonaires. Mais dès que la choroïde commence à se déta- cher, il se forme des cellules plus grandes et plus plattes , dans l'intérieur desquelles se développe une substance particu- lière qui se présente d'abord sous la forme de petits grains noirs (fîg. 137). Peu à peu, les cellules se remplissent de cette matière ; on voit en même temps disparaître la membrane celluleuse primitive, et l'on ne reconnaît les cloisons primitives des cellules qu'aux espaces transparens qui forment une sorte de réseau entre les taches noires (fig. 142). Lorsque l'embryon est prés d'éclore, il est difficile de reconnaître encore quelques traces des cellules ; toute la choroïde est alors parsemée de pe- tits points de piment devenus libres par la disparition des cellules. Cependant, lorsqu'il se forme du piment nouveau , c'est toujours , même chez les poissons adultes , dans de nou- velles cellules qui n'en contiennent d'abord que quelques grains, comme chez l'embryon. La déposition du piment dans les cel- lules a lieu dans le même sens que l'accroissement de la cho- roïde, c'est-à-dire, de haut en bas , mais elle est un peu plus tardive que ce dernier, et le croissant est déjà à peu près fermé, lorsque les cellules d'en haut commencent à se remplir, tandis que les cellules de l'angle inférieur prés de la fente, sont en- core parfaitement limpides et transparentes (fig. 137 et 140). Dès que la fente de la choroïde est fermée et que les cel- lules de piment ont envahi l'endroit qu'elle occupait, Vins commence à se détacher de la choroïde pour figurer comme membrane indépendante. Jusqu'ici , la choroïde suit dans son accroissement la forme générale de l'œil, et, progressant d'a- vant en arrière, elle limite de plus en plus la pupille , d'abord Irès-large ; mais dès qu'elle est assez développée pour que 11 82 DÉVELOPPEMENT son bord libre dépasse sensiblement le cristallin , et que l'ou- verture visuelle e^t plus petite que ce dernier, sa partie anté- rieure commence à se détacber de l'enveloppe extérieure ou de la cornée à laquelle elle était jusque là adhérente, pour se retirer vers le fond de l'œil (fig. Il, 153 et 154). Cette mé- tamorphose me parait être en rapport intime avec l'enfonce- ment du cristallin lui-même au fond de l'œil; jusque-là et aussi long-temps que la choroïde ne s'était pas repliée , le cristallin avait été adhérent à la cornée ; maintenant il com- mence à se retirer de plus en plus pour se cacher au fond de l'œil , et c'est de cette manière que se forme cet espace entre la cornée et l'iris , qu'on a nommé la chambre antérieure de l'œil. Cependant ce retrait n'indique nullement le terme de la vie embryonique ; car l'on voit encore longtemps après l'é- closion, le bord antérieur du cristallin s'avancer comme un segment de sphère dans la chambre antérieure de 1 œil (fig. 90 et 155). La tendance de la choroïde à se recourber pour former 1 iris est si forte, que cette dernière paraît encore enfoncée vers le fond de l'œil à l'époque de l'éclosion , ce qui donne à la chambre antérieure une forme lenticulaire ; tandis que , chez le poisson adulte , l'iris repose presque verticalement sur l'axe de l'œil. En même temps que la choroïde se détache de la cornée pour former l'iris, on voit une formation particulière de cellules se développer sur toute la surface de cette membrane, et déter- miner cet éclat métallique qui excite à si juste titre l'admiration. Avant la formation de ces cellules , la choroïde ne présente qu'une teinte noire foncée, mais d'autant plus intense que les cellules de piment sont plus développées. Si l'on examine main- tenant le jeune poisson sur un fond noir, on découvre sur la choroïde des points argentés, brillans, qui ne tardent pas à se développer, et qui, lorsque l'embryon approche de son terme. DES ORGANES DES SENS. 83 donnent lieu aux plus belles teintes métalliques. La cause de cet éclat réside, comme l'a démontré M. Ehrenberg, dans une quantité de petites paillettes oblongues,pour la plupart pointues à leur extrémité, et qui ne sont autre cbose que des cellules aplaties, d'une formation épithélienne particulière, étendues sur la choroïde. Ce sont ces petites paillettes semi-transparentes et trés-minces, qui, par la réfraction et la polarisation diverse de la lumière, déterminent l'éclat métallique ci-dessus men- tionné. Il n'est pas encore bien démontré que ce soient réelle- ment des cellules, et je n'ai pas non plus réussi à poursuivre leur développement; cependant leur ressemblance avec les cellules épithéliennes aplaties d'autres régions, entre autres avec celles de la peau , est si grande que je n'hésite pas un instant à les envisager comme une formation analogue. L'apparition de la membrane sclérotique ne paraît s'opérer quavec la séparation de l'iris; au moins je n'ai jamais re- marqué, avant cette époque, rien qui indiquât son existence. En tout cas, la cornée et la sclérotique ne différent encore que très-peu dans leurs tissus à l'époque de l'éclosion ; aussi pas- sent-elles de l'une à l'autre s.ins limites distinctes. La scléro- tique est tout aussi transparente que la cornée elle-même , et les fibres cartilagineuses, ainsi que les écailles osseuses qu'elle contient dans le poisson adulte , n'apparaissent que plus tard , longtemps après l'éclosion. Je n'ai pu faire aucune observation sur le développement de la rétine et du nerf optique. Il est cependant vraisemblable que la première se forme dans l'origine de la couche interne du rudiment oculaire ; elle représenterait par conséquent une vessie globuleuse, communiquant avec la cavité du mésencé- phale au moyen d'une tige creuse qui serait le nerf optique. 11 est probable qu'à mesure que le corps vitré se développe, la paroi antérieure de celte vessie est refoulée en dedans , 84 DÉVELOPPEMENT ce qui détermine cette forme capulaire qui la distingue dans le poisson adulte , et que c'est de cette paroi refoulée que se forme la couche de la rétine qui contient les baguettes (v. l 'ana- tomie) et qui touche au corps vitré. Si l'on songe que le globe de l'œil n'est d'abord autre chose qu'une anse creuse du mésen- céphale, qui se détache de plus en plus de ce dernier, on s'ex- plique en quelque sorte cette forme de vessie pédiculée qu'af- fectait la rétine lorsqu'elle n'était encore qu'une couche cellu- leuse revêtant la cavité intérieure de l'œil. J'ai, en effet, remarqué une fois cette forme dans l'œil droit d'un embryon, et je l'ai représenté dans la fig. 39. 2** DE l'oreille. Ainsi que nous l'avons fait remarquer en traitant du déve- loppement du cerveau , la vésicule auditive , dans son état primitif, fait partie de l'épencéphale , dont elle n'est qu'un simple prolongement latéral. Elle est à l'épencéphale ce que l'œil est au mésencéphale. Cependant il existe une différence essentielle dans les rapports réciproques de ces organes , différence qui disparaît chez les animaux supérieurs et même chez quelques poissons, mais qui se montre à un haut degré dans la famille qui nous occupe et qui consiste en ce que, chez la Palée , comme chez la plupart des poissons osseux , le système dermoidal ne participe pas à la formation de l'organe auditif. Aussi , ces animaux sont-ils dépourvus de toutes ces parties qui, chez les animaux supérieurs , compliquent si fort l'étude du développement de l'oreille, tels que la cavité tympanique, la trompe d'Eustache et le conduit auditif externe. Il leur manque tout l'appareil conducteur: ils n'ont que l'appareil sensitif, composé du labyrinthe , du vestibule et des canaux semi-circu- laires. Mais si , par l'absence de tout rapport avec le système dermoidal , le développement de l'oreille du poisson se trouve DES OUGANES DES SEiNS. 85 singulièrement simplifié comparativement à l'oreille des ani- maux supérieurs, l'étude n'en est pas pour cela plus facile, car la position très-profonde de l'organe fait qu'on ne l'aperçoit (jue d'une manière très-imparfaite de l'extérieur, et la dissection ne peut conduire à une étude bien approfondie , à cause de l'extrême mollesse des embryons et de leur très-petite di- mension. Les premiers vestiges de l'organe auditif se montrent de très-bonne heure, peu de temps après l'œil, lorsque l'on com- mence à apercevoir dans celui-ci la formation du cristallin. On découvre alors, au dessus de l'extrémité céphalaire de la corde dorsale, mais à une si grande distance de l'œil que l'on croi- rait avoir à faire à un tout autre organe que l'oreille, un es- pace clair, de forme sub-circulaire ou ovale et entouré d'un bourrelet saillant, mais mince (i; fig. 29, 31). L'espace ovale intérieur ainsi circonscrit est si transparent , que l'on est d'abord tenté de le prendre pour un trou entouré d'un bord renllé. Mais en observant plus attentivement, on trouve que la couche dermoïdale est étendue par dessus , qu'elle est intègre et qu'il n'existe absolument aucune ouverture. En examinant l'embryon d'en haut, on découvre bientôt la cause de cette singulière apparence (fig. 129) : on voit alors que l'épencéphale s'est considérablement élargi dans sa partie postérieure , et qu'il touche presque à l'épiderme externe de l'embryon par les angles arrondis et en cul de sac de cet élargissement laté- ral. C'est ce qui fait que cet élargissement, lorsqu'on l'exa- mine de profil, a l'apparence d'un trou, d'autant plus qu'il ne contient qu'un liquide transparent , tandis que la substance plus solide des carènes dorsales qui l'entourent apparaît sous la forme d'un bourrelet renflé. Il y a cependant quelque chose de remarquable dans ce renflement, c'est qu'il se montre marqué de fines stries qui divergent comme des rayons d'un centre, et 86 DÉVELOPPEMENT semblent pénétrer le bourrelet de part en part (Hg. 136). Ces stries semblent formées de la même manière que celles qui se montrent simultanément sur la corde dorsale (fig. 136), et il est probable qu'elles proviennent de la même cause , c'est-à-dire d'une disposition linéaire des nombreuses cellules embryonaires qui commencent à se confondre (voyez cbap. 7 le développe- ment de la corde dorsale). De même que la vessie oculaire, la vessie auditive que nous venons de décrire, n'est, dans l'origine, qu'un élargissement latéral du cerveau , communiquant avec l'épencéphale , au moyen d'une ouverture aussi large qu'elle-même ; mais bientôt elle commence à se détacher, parce que les carénés de l'épen- céphale empiètent de tous côtés sur son ouverture et finissent par former une voûte, ainsi que cela a lieu pour l'œil. Cette voûte devient bientôt si considérable , que la vessie auditive , vue d'en haut, apparaît avec son contenu transparent et liquide comme une vessie entièrement séparée de l'épencéphale par un large pont opaque (fig. 32, 135 et 144). Ce n'est que lorsque ce pont s'est consolidé au point que le canal sous-jacent (le nerf auditif encore creux) ne représente plus qu'une ouverture très-étroite, que commencent à se montrer les autres parties de l'intérieur de la vessie auditive, qui a conservé jusqu'à présent sa forme primitive. La première chose que l'on aperçoit dans l'espace limpide de la vessie , c'est une accumulation d'une masse finement gre- nue', qui bientôt commence à se séparer en deux groupes , e* que sa complète opacité rend déjà distincte sous un faible gros- sissement ( fig. 42 , 52 ). En les examinant avec de plus forts objectifs , ces petits corps ont une apparence cristalline ; ils ne sont pas entièrement ronds , mais entourés de lignes angu- leuses noires et épaisses ; souvent on trouve quatre à six de ces corpuscules réunis en un seul groupe ( fig. 145 et suiv. ). Us DES ORGANES DES SENS. 87 sont ordinairement rapprochés du centre de la vessie auditive et situés dans le voisinage de la paroi qui forme le fond de la vessie du côté du cerveau. L'un des groupes est un peu plus en avant, l'autre un peu plus en arriére. Peu à peu les corpus- cules de ces groupes , d'abord isolés , se confondent en un tout uniforme qui devient un corps irrégulièrement arrondi , mar- qué de fentes et d'incisions extérieures, résultat du contact des cristaux entre eux. Lorsqu'on comprime l'embryon entre deux plaques de verre , ces petits corps crèvent en occasion- nant un léger bruit de décrépitation. Ce sont là les concré- tions anorganiques , les otolithes du labyrinthe des poissons , composées de carbonate de chaux, qui, dans la plupart des au- tres animaux, sont remplacées par une quantité de cristaux floconneux et microscopiques flottant dans le liquide du laby- rinthe. Il est évident que ces concrétions calcaires sont égale- ment, chez l'embryon, une agrégation de cristaux d'abord très- petits ; car les grains isolés que l'on observe , même sous un faible grossissement, indiquent déjà par leur forme irrégulière, qu'ils ne sont pas une cristallisation primitive, mais seulement des géodes formées par l'agglomération d'une quantité de petits cristaux. Il faut que ces géodes soient bien importantes pour l'organe auditif, puisqu'elles apparaissent de si bonne heure. D'un autre côté, elles servent de point de repère pour recon- naître les diverses parties de l'oreifle. Quand ces otolithes existent encore à l'état de concrétions cristallines isolées, on remarque déjà, dans l'intérieur delà ves- sie auditive , les rudimens d'une organisation plus compliquée. On commence par découvrir comme une ombre légère au milieu de l'espace limpide : c'est une agglomération horizontale d'une substance finement grenue qui paraît légèrement recourbée vers le haut par devant et par derrière, parallèlement aux con- tours extérieurs de la vessie auditive ( (ig. 142 ). Ce sont pro- 88 DÉVELOPPEMENT bablement des cellules qui s'amassent en formant une rangée très-serrée. Cependant je ne saurais donner à cet égard des renseignemens précis, car, sous le scalpel, le tout disparais- sait , sans laisser la moindre trace d'une forme précise. On voit en même temps , au dessus de la vessie auditive et recou- vrant son bord supérieur, une légère vésicule circulaire à ce qu'il paraît, ou au moins un espace transparent et limpide qui est distinctement circonscrit (fig. 142). Insensiblement les con- tours de cette vésicule prennent , dans le cours du développe- ment, un relief plus marqué et la vésicule paraît fortement en- cadrée ; j'ai même une fois vu (fig. 145) le bord inférieur de cet encadrement se prolonger derrière la vessie auditive ; de sorte qu'il avait l'air d'une anse attachée au labyrinthe. Plus tard , je n'ai revu cette vésicule que sous la forme d'un espace circulaire et transparent, entouré d'un encadrement solide et blanchâtre. L'encadrement devint toujours plus large dans le cours du développement, taudis que l'espace intérieur se rétré- cissait; en même temps les contours du bord paraissaient tou- jours moins distincts à l'extérieur (fig. 146 et 149), et il était évident qu'à mesure que le crâne devenait plus cartilagineux , l'encadrement de la vésicule participait à cette transformation en cartilage ; la vésicule elle-même disparut sans laisser au- cune trace de sa présence , et l'espace qu'elle occupait fut envahi par l'accroissement de la substance cartilagineuse. Je ne doute pas que cette vésicule propre à la première moitié de la vie embryonique ne corresponde au sachet calcaire que Rathke décrit dans les embryons de la couleuvre à collier (*). Ce même naturaliste envisage certainement avec raison comme l'analogue de ce sachet, le conduit rempli de calcaire qui com- munique avec l'extérieur et que l'on trouve près du labyrinthe, (♦) Enhvicklungsgescliichtc der Natter, pa?;. 8'M>t Hii. T,il). (>. fit;. 2r>, 27, 2S. DES ORGANES DES SENS. 89 rhez les Raies et les Requins. 11 n'est certainement pas sans intérêt de savoir que ce même organe se trouve dans les em- bryons des poissons osseux aussi longtemps que leur squelette est encore cartilagineux. Il est vrai qu'il n'est que rudimen- taire et dépourvu de calcaire , et qu'il disparaît par la suite. Autant les métamorphoses de cette petite vésicule du laby- rinthe sont faciles à suivre, autant j'ai éprouvé de difficultés à poursuivre le développement du labyrinthe lui-même et de ses appendices , et je dois convenir que c'est moins pour en donner une explication , que dans l'espoir de fournir aux observateurs futurs quelques points de repère utiles, que j'ai dessiné la plu- part des figures de Tab. 6, qui sont relatives au développement du labyrinthe. Je ne saurais non plus dire positivement de quelle manière naissent le vestibule , les ampoules et les ca- naux semi-circulaires. J'envisageai dans l'origine l'encadrement opaque de la vési- cule auditive du labyrinthe, dont il vient d'être question, comme le premier rudiment des canaux semi-circulaires , d'autant plus que je le vis se recourber aux deux extrémités en se consoli- dant, et présenter ainsi en avant un grand anneau et en arriére un petit qui semblaient réunis en bas par une pièce moyenne solide. Pendant que ces modifications avaient lieu, la vésicule prenait une forme plus carrée ; l'encadrement devenait plus solide et l'on vit apparaître , en avant de l'anneau antérieur, un second encadrement compris également dans l'espace de la vessie auditive ( fig. 145 ). Ces anneaux me parurent être les ampoules naissantes , et je ne doutais pas de voir s'en détacher bientôt les canaux semi-circulaires ; mais je ne tardai pas à m'apercevoir que je m'étais trompé , car il devint évident que ces anneaux et ces bandes n'étaient ni les ampoules , ni les rudimens des canaux semi-circulaires , mais qu'ils apparte- naient à la formation d'un blastéme solide qui se rassemblait 12 90 DÉVELOPPEMENT dans riotérieur de la vessie auditive, pour y former, en péné- trant latéralement dans l'intérieur , les supports cartilagineux de l'organe auditif. Bientôt on put s'assurer d'une manière évi- dente que ce blastème se transformait réellement en cellules cartilagineuses ( Gg. 147 à 150); c'étaient évidemment les mêmes bandes que j'avais vues d'en bas ( fig. 166 ) se présen- ter comme de minces lames cartilagineuses, qui servaient main- tenant d'appui aux canaux semi-circulaires. Je devais dès-lors envisager comme représentans du labyrinthe , les différens es- paces qui se trouvaient entre ces bandes et le contour externe de la vessie auditive. Cette opinion se trouve aussi confirmée par le fait suivant : dans l'origine , les bandes cartilagineuses n'avaient été visibles que dans l'intérieur de la vessie auditive ; maintenant on voyait aussi se développer à sa face extérieure une agglomération d'une substance solide qui , d'abord très- mince, s'élargit insensiblement et montra bientôt la plus belle structure cartilagineuse. Cette agglomération avait une forme triangulaire ; l'un des côtés du triangle s'élevait jusqu'au som- met de l'organe auditif, vers l'endroit où avait existé la vési- cule ci-dessus décrite ; le second et le troisième côtés étaient dirigés en bas vers l'angle antérieur et postérieur de l'organe auditif; cependant ils ne paraissaient pas atteindre le bord externe, mais se perdaient en cbemin (fig. 148 ). Sous l'in- fluence du développement de ce triangle , la forme du laby- rinthe se changea complètement et devint elle-même triangu- laire (fig. 149 vue de profil) , et je pus maintenant songer à déterminer d'une manière plus précise les objets divers qui se trouvaient dans l'oreille elle-même. Il était évident que la substance cartilagineuse , dont la connexion avec la boîte crâ- nienne ne pouvait plus être douteuse, était le côté antérieur du pilier qui reste en partie cartilagineux, même dans les poissons adultes et autour duquel sont disposés les canaux semi-circu- DES OUGANES DES SENS. 91 culaires. L'espace entre ce pilier et le hord anlérieur du bour- relet, qui s'était aussi transformé en cartilage, était le canal semi-circulaire antérieur, l'espace opposé longeant le bord postérieur du bourrelet, le caual postérieur, tandis que l'es- pace du canal extérieur se trouvait en dessous , le long du bord inférieur du bourrelet ( fig. 149 ). Les endroits où les canaux semi-circulaires se recourbent vers l'intérieur, se présentent, lorsqu'on les examine de profd, sous la forme de grands trous tels qu'ils sont représentés dans les fig. 149 — 151. Il résulte de ceci que les canaux semi-cir- culaires devaient être dans l'origine très -larges, presque droits et fort peu arqués; leur conformation générale dépen- dait sans doute moins d'eux-mêmes que du développement ex- ubérant de la masse cartilagineuse qui les entoure et qui , en empiétant vers l'intérieur de la vessie auditive d'abord simple , y déterminait ces diverses sinuosités que les canaux semi-circu- laires et le vestibule remplissent. Il suffit de comparer un ins- tant entre elles les fig. 149, 150, 151 et 157 pour se faire une idée de ces rapports. Plus l'embryon est jeune et plus les canaux semi-circulaires du labyrinthe sont larges , et l'on se demande dès lors com- ment ces canaux naissent de la vessie auditive si simple dans l'origine. Cette question a donné lieu à une controverse entre deux célèbres anatomistes qui se trouvent en opposition assez directe. M. Valentin (*) envisage les canaux semi-circulaires comme formés par des culs de sac partant du vestibule, se ren- contrant pour se confondre et former ainsi des canaux creux , dont chacun serait composé, dans l'origine, de deux culs de sac arqués et réunis par leurs extrémités. Ces canaux ainsi formés seraient d'abord très-larges , mais se rétréciraient (*) llaiulljiuh lier Entwickeliuigsgt'schichlc, pag. 207. 92 DÉVELOPPEMENT de plus en plus , tandis que les ampoules ne seraient que les restes de leurs élargissemens primitifs. Ratlike(*), en revanche, s'exprime de la manière suivante : « Je suis disposé à croire que chacun des canaux semi-circulaires est le résultat d'un pli du vestibule, que les deux feuillets du pli dont la convexité est tournée en dehors se rapprochent, se confondent et qu'enfin leur substance se trouve tellement résorbée, une fois qu'ils sont soudés, que le canal nouvellement formé est séparé à sa partie moyenne de l'endroit où il s'était formé, et devient ainsi en quelque sorte étranger au vestibule. » Mes observations, si elles ne confirment pas directement f opinion de Rathke, sont au moins contraires à celles de Valentin, et l'explication la plus naturelle me paraît être : que l'agglomération du blastème qui donne naissance au tissu cartilagineux de la boîte crâ- nienne et qui entoure la vessie auditive pénètre dans cette der- nière, et qu'en y accumulant quelques substances solides, ce tissu cartilagineux refoule les membranes celluleuses qui forment le revêtement intérieur de la vessie auditive; ces membranes for- cées de se plisser par suite de cet envahissement , se soudent sur leurs points de contact et représentent ainsi les espaces branchus qui, dans l'origine, excèdent de beaucoup la subs- tance solide; mais peu à peu cette dernière augmente, empiète sur les canaux semi-circulaires , et les réduit à ces faibles di- mensions qu'ils présentent dans le poisson adulte. Cependant fexplication que nous venons de donner n'est pas la seule qui soit admissible. Ce qui frappe tout d'abord dans le poisson adulte , c'est que les canaux membraneux sont beau- coup plus minces que les espaces dans lesquels ils sont cir- conscrits. La diminution de volume qui a lieu dans le cours du développement embryonique ne peut pas être due uniquement (*) Entwickelungsgcschichte der Natter, pag. 83. DES OUGAi\ES DES SENS. 93 à l'envahissement des parties solides, car, dans ce cas, les ca- naux membraneux devraient occuper exactement leur gouttière; peut-être que les membranes qui forment les canaux semi-cir- culaires ne se déposent-elles que fort tard, car, durant la pre- mière formation des canaux serai-circulaires, on n'observe pas la moindre trace d'un double contour indiquant la limite entre les canaux semi- circulaires cartilagineux et les arcs mem- braneux qui y sont enfermés (iig. 149), tandis que plus tard (Gg. 150 et 151) nous découvrons dans l'intérieur des es- paces semi-circulaires, qui sont encore assez larges, des bandes ombrées que j'envisage comme les limites des canaux mem- braneux. Le canal membraneux postérieur paraît même avoir subi, dans la fig. 150, une inflexion qui n'est point encore partagée par l'encadrement ; il semble ainsi devancer par son propre développement, la forme que l'envahissement des niasses cartilagineuses lui prescrit plus tard. Quelle que soit, en définitive, l'explication qu'on en donne, il est certain que , vers l'époque de l'éclosion , les canaux semi-circulaires membraneux , sans être aussi parfaits et aussi sveltes que chez le poisson adulte, sont cependant très-distincts. Quant au développement des ampoules du vestibule et du la- byrinthe, il m'a été impossible de le poursuivre d'une manière distincte. Il est probable que leur forme résulte aussi de l'envahissement des substances solides qui les entourent, comme cela a lieu à l'égard des arcs semi-circulaires ; cependant je ne possède aucune donnée précise à ce sujet. Les changemens de position que l'oreille subit dans le cours de la vie embryonique sont intimement liés au développement de la forme de l'embryon lui-même, dont nous traiterons dans un chapitre suivant. Ce déplacement apparent de l'oreille d'ar- rière en avant , par lequel elle se rapproche de l'œil , dépend du raccourcissement f:;énéral que subit la partie postérieure de 94 DÉVELOPPEMENT la tèlG , qui était excessivement allongée dans l'origine. Si ce raccourcissement frappe particulièrement dans l'oreille , c'est parce que, dans l'origine, la distance entre celle-ci et l'œil était très-considérable , tandis que , vers la fin de la vie em- bryonique, ces deux organes sont à peu près contigus. 3<^ DU NEZ. En traitant du développement du cerveau et en particulier du prosencépbale, nous avons déjà mentionné la position par- ticulière du nez , par rapport au système dermoïdal , et décrit le développement du nerf olfactif, ainsi que sa progression gra- duelle vers la cavité olfactive. Nous n'aurons donc qu'à dé- crire ici le développement du nez lui-même qui est très-simple. Le nez (11) apparaît plus tard que les autres organes des sens, à peu près à l'époque où l'involvure du cristallin se ferme. C'est d'abord une petite fossette ou bien une légère impression à la face inférieure du museau (fig. 136) , qui , le plus souvent ne se distingue que par une ombre légère ; et , comme sa po- sition n'est pas très-favorable à l'observation, il arrive que souvent on ne l'aperçoit pas du tout. Cette fossette ne présente d'ailleurs rien de remarquable dans son développement , et les cellules épidermoïdales avec leurs larges mailles revêtent uni- formément sa surface ; mais ce qu'il y a de plus frappant c'est la position de cette fossette : tandis que l'on est babitué à chercher, chez les poissons osseux adultes, la cavité nasale à la face dorsale de la tète à une plus ou moins grande distance du museau , nous trouvons ici son premier rudiment à la face ven- trale assez loin du bord antérieur, et il nous est facile d'observer de la manière la plus frappante le déplacement insensible des cavités nasales pendant tout le développement des poissons dans l'œuf et hors de l'œuf. Pendant ce déplacement , dont nous rapporterons les détails, chapitre XI, de la forme ejclèn'eure , DES ORGANES DES SENS. 95 et qu'il est d'ailleurs plus facile de poursuivre au moyen des fig. 84 , 85 , 86, 88, 89, 90 et 91 qu'en le décrivant minu- tieusement, l'intérieur de la cavité se modifie également, en donnant lieu à des cellules particulières qui sont probablement la base des lames élégantes dont se compose la muqueuse du nez dans le poisson adulte. La forme de la cavité nasale n'est jamais parfaitement circu- laire, mais un peu ovale, à bords enflés, ensorle que, suivant la position du poisson, elle apparaît tantôt comme un ovale, tantôt comme un croissant. D'abord, elle est tout-à-fait vide et ne paraît revêtue que de cellules épidermoïdales ; mais bientôt l'on voit surgir de son fond de grandes cellules allongées et transpa- rentes , qui en occupent tout l'espace et paraissent dispo- sées comme des rayons autour d'un axe central (fig. 158 et 160). Ces cellules sont excessivement serrées, et la diffé- rence entre les rayons et l'axe consiste uniquement en ce que, dans ce dernier, les cellules sont irrégulièrement entassées, tandis qu'elles sont linéaires dans les rayons. L'accumulation de ces cellules est quelquefois si considérable que la cavité nasale se présente sous la forme d'un petit bourgeon à la face supérieure de la tête , exactement comme elle se montre aussi chez quelques poissons ossseux pendant l'âge adulte , par exemple, chez les anguilles. Bientôt cette structure celluleuse disparaît de nouveau ; les cellules semblent se confondre entre elles pour former la mem- brane muqueuse. L'axe perd son apparence celluleuse , et , au lieu de cette quantité innombrable de rayons qui s'y ratta- chaient, on n'aperçoit plus que quelques plis; c'est ainsi que peu de mois après l'éclosion , l'organe olfactif en est déjà au même point que dans le poisson adulte. CHAPITRE VIÏ. DÉVELOPPEMENT DU SQUELETTE. P LA CORDE DORSALE, La corde dorsale est la base de la charpente solide de l'em- bryon ; c'est comme telle qu'elle apparaît de très-bonne heure, tandis que les autres parties du squelette ne se développent que dans une époque plus reculée de la vie embryonique. Elle est située exactement au milieu de l'axe de l'embryon, et représente par conséquent une ligne autour de laquelle les divers organes se disposent en leurs lieux et places respectifs. Elle est sous ce rapport un organe de la plus haute importance ; sa pré- sence dans les embryons de toutes les classes de vertébrés , et sa persistance pendant toute la vie chez quelques-uns, tandis que chez d'autres elle disparait tantôt avant tantôt après l'éclo- sion, indiquent suffisamment des fonctions importantes dans les types inférieurs des vertébrés aussi bien que dans les em- bryons de tout l'embranchement. Elle présente une sorte d'an- tagonisme avec le développement de la charpente osseuse , et sous ce rapport elle joue en quelque sorte, vis-à-vis de cette dernière, le rôle que beaucoup d'autres organes embryonaires. DÉVEVOPPEMENT DU SQUELETTE. 97 entre autres les corps de Wolff, jouent vis-à-vis des reins, c'est-à-dire qu'elle est lavant-coureur d'autres organes destinés à paraître plus tard et avec le développement desquels elle commence à disparaître. De pareils avant-coureurs ne sont pas sans rapport avec l'organe qui les remplace dans l'organisme plus développé: il existe entre eux une corrélation intime et nécessaire, et souvent la substance des avant-coureurs est employée à la formation des organes qui succèdent. C'est en particulier le cas de la corde dorsale : elle est l'avant-coureur de la colonne vertébrale et plus particulièrement des corps des vertèbres. Or, si l'on considère, d'une part, la disparition graduelle de ses cellules et, d'autre part, leur participation à la construction de la colonne vertébrale dans son ensemble , mais non pas à celle de la substance osseuse même des vertèbres , (chez les poissons adultes les corps intervertébraux gélatineux sont les restes de la corde, ensorte que sa participation di- recte ne saurait être niée), on conviendra que la corde dorsale et le système vertébral, tout en formant deux tissus primitifs différens, sont pourtant intimement unis, que l'un est la con- dition nécessaire de l'autre , et que c'est par conséquent à tort qu'un auteur récent (*) a voulu nier leur liaison. Les premiers rudimens de la corde dorsale semblent consister en une espèce particulière de grandes cellules opaques, qui appa- raissent dans l'axe de l'embryon à l'époque où les sinus des yeux commencent à se détacher du mésencéphale (voyez chap. IV). Ces cellules (fig. 126) se distinguent au premier abord de toutes les autres cellules embryonaires ; elles ont des dimensions dou- bles de celles des cellules épidermoïdales , quadruples de celles des cellules embryonaires, et sont remplies de points opaques enfoncés dans une masse gélatineuse et qui paraissent être en- (•) Roiclicrt . iln-i r-nUvirkcliiiig-ilebcn . pag. 7A . 13 98 DÉVELOPPEMENT tourés (l'une membrane celluleuse très-mince. Je conclus ceci du fait que les cellules, lorsqu'on les crevait, se divisaient en plusieurs parties irrégulières, comme des corps à moitié solides. Ces cellules forment une rangée uniforme le long de l'axe de l'embryon, à l'endroit où la corde dorsale paraîtra plus tard. Bien qu'allignées, elles ne se touchent cependant pas , mais sont isolées et assez distantes les unes des autres, ensorle qu'elles ne forment pas une chaîne continue. J'en comptai en- viron vingt dans un embryon de douze jours. La position de ces cellules semble indiquer un certain rapport avec la corde dorsale. Quel est ce rapport? C'est ce dont je n'ai pu m'assurer, car, après avoir existé d'une manière invariable pendant deux jours à peu prés, elles disparurent tout d'un coup et furent remplacées par la corde dorsale, qui apparut comme un cordon continu , entourée d'un fourreau plus solide, sans que j'eusse pu découvrir la moindre transition entre ces deux états de choses. ïl semble cependant résulter d'observations faites sur les Batraciens , en particulier sur le crapaud accoucheur et le Triton alpestris (*), que la corde dorsale n'est pas formée directement de ces cellules, mais bien de cellules embryonaires ordinaires , et que les cellules dont nous venons de parler sont de nouveau résorbées avant l'apparition de la corde. J'ai vu dans les Batraciens ci-dessus , les cellules embryonaires ordi- naires remplies de globules alimentaires se ranger en cordon , s'aplatir, et les parois cellulaires être résorbées , ensorte qu'il ne restait comme base de la corde dorsale que les globules ali- mentaires qui , déposés en forme de paillettes graisseuses, sur- passaient de beaucoup le volume du contenu liquide des cel- lules. Il est probable que la formation de la corde est la même (*) Untci'suchungen ùber die Entwicklungsgeschichte des Àlytes obsiriricans von C. Vogl. Solpure, 18'4l. Pag. 'il et suiv. DU SQUELETTE. 99 dans les poissons ; les stries transversales que cet organe montre aux premières époques paraissent au moins être les représen- tans des cloisons cellulaires de la masse embryonaire. Quoiqu'il en soit, dès que la corde dorsale (p) apparaît comme telle, elle représente un cordon cylindrique intérieur et continu d'une structure assez ferme, se terminant du côté de la tête en une pointe obtuse entre les rudimens de l'oreille , mais se con- tinuant à travers tout le tronc en conservant une épaisseur égale, et se perdant insensiblement au milieu des cellules erabryonaires de la queue, sans que son extrémité soit circonscrite d'une ma- nière précise (fig. 27, 136, p). Ce cordon est entouré d'une gaine [r) transparente et très-mince , mais cependant solide (fig. 139, 140, r). Aussi loin que la corde dorsale est distincte- ment séparée des cellules embryonaires, elle montre une quantité de sfnes ^ransfersa/es très-fines, fort serrées et linéaires (fig. 136), à l'égard desquelles je ne saurais dire si elles ap- partiennent à la gaîne ou au contenu. Il est probable, d'après les observations que j'ai faites sur les Batraciens , qu'elles affectent le contenu et sont les indices des parois des cel- lules , qui étaient contenues dans l'intérieur et qui ont dis- paru avec la formation du cordon. Le cordon est parfaite- ment transparent, et l'on n'aperçoit dans son intérieur aucune trace de contenu nutritif ni de noyaux ou quoi que ce soit qui, outre les stries, put rappeler une ancienne structure cellulaire; circonstance qui s'explique f;icilement par le fait que les cellules embryonaires de la Palée n'ont que des noyaux très-délicats, et que leur contenu nutritif n'est que faiblement granuleux ou bien ne présente aucune trace de granules. La gaîne ne paraît être que la couche extérieure solide du cordon : l'un et l'autre sont intimement unis, et, à cette époque, on ne réussit que très-difficilement à les séparer, alors même (ju'on emploie une forte pression (fig. 38), tandis que plus tard 1 00 DÉVELOPPEMENT il suffit (l'entamer la corde pour en voir sortir le cordon , la gaîue restant vide. Lorsque la gaîne crève, les stries transver- sales disparaissent et l'on n'en retrouve plus la moindre trace, ni dans le contenu, ni sur la gaine. De même aussi le cordon ne montre aucune trace d'une structure celluleuse , après avoir été extrait de la gaîne. C'est une masse homogène et uniforme. Cette uniformité de structure n'est cependant pas de longue durée. Après quelques jours, on voit apparaître, même sous un faible grossissement , quelques taches qui , lorsqu'on les examine de plus près , se trouvent être des espaces vides dans la masse gélatineuse du cordon. D'abord, elles ne sont que peu nombreuses et la masse gélatineuse les surpasse de beaucoup en grandeur (fig. 137, 138). Elles se forment d'abord prés de l'extrémité céphalaire de la corde et se propagent de là en ar- rière, ce qui explique pourquoi l'on trouve souvent des em- bryons chez lesquels les espaces vides sont assez nombreux près de la tête , tandis que près de la queue , la corde dor- sale est encore complètement massive (fig. 140). La forme de ces espaces vides est généralement ovale à leur naissance ; leur plus grand diamètre est perpendiculaire à l'axe de la corde. On ne remarque pas qu'ils soient séparés par des parois particulières ; ou dirait au contraire des vésicules d'air en- fermées dans une masse fondue. Curieux de connaître exac- tement une structure aussi frappante , je mis tous les moyens en œuvre pour m'expliquer leur nature. Je commençai par séparer la corde dorsale du reste de la substance embryo- naire et j'essayai de la couper en plusieurs endroits, afin d'en extraire le cordon par la pression ; mais, à ma grande surprise, les espaces vides ne se fondaient ni ne disparaissaient. Au con- traire, dès qu'ils quittaient la gaîne, ils se dilataient , deve- naient globuleux et affectaient la forme de vessies rondes , nageant dans un liquide (fig. 138). Je ne pouvais plus douter DU SQUELETTE. 101 mainlenant que ce ne lussent des cellules , et je remarquai en effet qu'ils étaient entourés d'une membrane excessivement mince, mais cependant assez forte et élastique, qui les em- pêchait de crever sous la pression. Je vis aussi que ce n'étaient point des vessies vides, mais qu'ils étaient remplis d'un liquide gélatineux, quoique moins consistant , à ce qu'il me sembla, que le reste de la masse. J'avais ainsi acquis la certitude que ces vésicules étaient des cellules organiques commençant à se développer dans la substance gélatineuse de la corde dorsale. Je n'y reconnus jamais la moindre trace de noyau, quoique je me sois donné toutes les peines imaginables pour en trouver , car, à cette époque, j'étais encore convaincu qu'aucune cellule ne pouvait exister sans noyau ; mais malgré tous mes efforts je dus convenir que j'avais sous les yeux des cellules qui s'étaient développées sans l'intervention d'un cytoblaste. Ces nouvelles cellules se développèrent d'une manière très- sensible aux dépens de la masse gélatineuse qui disparaissait à vue d'oeil. Bientôt cette dernière se trouva réduite à quelques petits espaces intercellulaires qui persistèrent plus longtemps aux endroits où les parois de plusieurs cellules se touchaient, qu'ailleurs. La disparition de cette substance gélatineuse, véritable subs- tance intercellulaire , a lieu en raison directe de l'accroissement des cellules de la corde dorsale et de la séparation du cordon intérieur de la gaîne , car, plus les cellules se dilatent, plus leurs parois se rapprochent , et plus aussi la masse celluleuse se détache de la gaîne, ensorte que chez les embryons dont tout le contenu de la corde est déjà transformé en cellules, il suffit d'une coupe transversale et d'une légère pression pour le faire sortir tout entier de la gaîne. On voit alors que les cellules ont pris, par le seul effet de la pression, une forme voisine du dodécaèdre, ensorte qu'elles ressemblent à un beau tissu 102 DÉVELOPPE.^ÎEM végétal, et comme l'on distingue au moyeu dun fort grossis- sement les parois de toutes les cellules, on se convainc qu'elles ne se confondent jamais pendant la vie embryonique , mais qu'elles demeurent toujours parfaitement isolées. Leur trans- parence est parfaite ; leur contenu , une gélatine plus ou moins solide. Ce n'est que vers la fin de la vie embryonique que l'on voit apparaître çà et là des noyaux (fig. 168) qui, étant suspendus à la paroi de la cellule-mère, font l'effet de petites vésicules pâles et transparentes ; mais on ne remarque jamais un pareil noyau libre en dehors des cellules entre la gaîne de la corde dorsale et son contenu, pas plus qu'on n'en aperçoit dans l'intérieur des cellules pendant les deux premiers tiers de la vie embryonique; ils n'apparaissent qu'à l'époque de la maturité presque complète de l'embryon. Je n'ai que peu de choses à dire du développement de la corde dorsale et de son contenu quant à la forme. C'est toujours le même cordon grandissant à mesure que l'embryon se dé- veloppe; cependant, vers la fin delà vie embryonique, la partie postérieure de la corde affecte une forme particulière qui ne se développe entièrement qu'après l'édosion, et qui mérite d'autant plus de fixer l'attention qu'elle rappelle une forme analogue dans beaucoup de poissons fossiles ; ïextrémitè cau- dale de la corde se courbe en haut (fig. 85, 86 , 89) , de ma- nière que la nageoire caudale, au lieu d'être à l'extrémité de la corde dorsale, paraît au contraire fixée à la face ventrale de cette courbe. Je reviendrai plus tard, en traitant de la forme extérieure de l'embryon , sur les conséquences que l'on peut tirer de cette conformité entre la corde dorsale de l'embryon et des poissons des anciennes époques géologiques. A l'époque de l'éclosion ou un peu plus lard, la corde dor- sale commence à dépérir dans la même direction que s'était opérée sa croissance, c'est-à-dire d'avant en arriére. Le déve- DU SOCIELETTE. 103 loppement trés-énergique et très-rapide de cellules cartila- gineuses autour et dans l'intérieur de la gaîne paraît influer beaucoup sur la résorption de ses cellules , ce qui fait que son extrémité céphalaire devient toujours plus étroite et plus pointue entre les masses cartilagineuses de la base du crâne. Cette résorption s'opère toutefois d'une manière très-uniforme, et l'on ne remarque nulle part le moindre étranglement dans la base du crâne. Au lieu d'être obtuse à son extrémité, la corde dorsale se termine maintenant en pointe, et son extrémité effdée pénétre librement dans l'espace intermédiaire entre les deux anses latérales du crâne qui donnent passage à l'hypo- physe (fig. 166). Mais comme à cette époque et au moment où cette résorption de la corde commence , l'hypophyse est dé- tachée depuis longtemps, et que d'ailleurs elle est déjà complè- tement développée lorsque l'extrémité de la corde est encore dans son intégrité parfaite, nous devons rejeter une fois pour toutes, comme dénuée de tout fondement, l'hypothèse de Pieichert qui prétend que l'extrémité antérieure de la corde dorsale se transforme en hypophyse en se détachant du reste de la corde. 2° LA GAINE DE LA CORDE DORSALE ET LES VERTÈBRES. Dans tous les organes en voie de développement , les diffé- rentes parties qui les composent sont, dans l'origine, beaucoup plus adhérentes entre elles et avec la masse embryonaire qui les entoure que plus tard, ce qui fait que leurs contours se dis- tinguent d'une manière bien moins précise. Il en est de même de la gaîne de la corde dorsale. D'abord, on la distingue à peine du cordon qui occupe son intérieur; ce nest que lorsque les cellules commencent à se développer qu'elle se montre comme un organe particulier, séparé de la masse intérieure, et quand les cellules sont complètement développées et que la substance inlcrcollulaire de l'intérieur est presque entièrement 1 04 DÉVELOPPEMENT résorbée, il suffit d'une légère pression sur une coupe trans- versale pour faire sortir le contenu de la gaine. Dés qu'elle est complètement isolée, la gaîiie se présente sous la forme d'un tube transparent, assez épais, qui , de même que les artères , conserve encore sa forme tubulée , alors même qu'on en a éloigné le contenu. Elle se moule exactement sur le cordon , l'entoure d'une manière uniforme de tous côtés et est beaucoup plus mince près des extrémités qu'au milieu. Son tissu est composé de petites cellules irréguliéres et sans noyau, qui ont souvent l'air d'être rostrées (fig. 138). Il paraît qu'elles se réunissent plus tard pour former des fibres. Ce qui donne surtout à la gaine de la corde son importance, c'est qu'elle est en quelque sorte la condition d'existence des vertèbres. Non seulement elle soutient la colonne vertébrale et les cartilages de la tête à leur origine, mais elle prend encore une part active à la formation de ces organes, et l'on peut faci- lement s'assurer que les mêmes phases que l'anatomie comparée nous révèle dans les poissons cartilagineux, eu nous montrant les corps des vertèbres comme des anneaux plus ou moins complets, appliqués sur la gaîne de la corde dorsale, sont aussi parcourues dans le développement embryonique de la Palée. Mais il faut bien distinguer entre ce que nous appelons ver- tèbres dans le poisson adulte, c'est-à-dire ces pièces osseuses ou cartilagineuses destinées à donner un support à tout le corps et à la moelle épinière en particulier, et les divisions vertébrales, telles qu'elles existent dans les embryons. Ces dernières sont le fait général, l'expression d'une loi constante d'après laquelle se forment tous les vertébrés. Les vertèbres des poissons adultes, au contraire, sont des anneaux solides, dont la présence dé- pend du type particulier de chaque espèce ; aussi, leur forme et la substance dont ils sont composés varient-elles dans presque chaque espèce. DU SQUELETTE. 105 Les divisions vertébrales apparaissent de très-bonne heure chez la Palée , presque en même temps que la corde dorsale , et lorsque le sillon dorsal commence à se fermer (fig. 23 et 31). Ce sont de fines lignes, déterminées , à ce qu'il paraît, par une plus grande accumulation de cellules embryonaires , qui, sem- blables à des cloisons transversales , pénétrent la masse entière jusqu'à la corde. Ces divisions s'étendent en avant jusque dans le voisinage de la vessie auditive ; mais il n'en existe jamais la moindre trace dans la tète môme. D'abord , elles ne sont visibles qu'au milieu du corps (fig. 23, 27) ; peu à peu elles progressent en avant jusque près de l'oreille et en arriére jusque vers la queue , aussi loin que celle-ci est formée, mais elles n'en- vahissent son extrémité que lorsque cette dernière a atteint toute sa longueur relativement au corps. D'abord ces lignes sont toutes droites et perpendiculaires à l'axe de la corde (fig. 136). Mais peu à peu et à mesure que le développe- ment s'achève , elles deviennent obliques et se courbent en formant un angle dont le sommet est dirigé en avant et cor- respond exactement à la ligne médiane de la corde (fig. 140). Plus le poisson grandit et plus il est facile de se convaincre que ces lignes anguleuses et en zig-zag qui résultent des divi- sions vertébrales primitives, correspondent aux feuillets fibreux qui, dans le poisson adulte, divisent le grand muscle latéral en autant d'anneaux qu'il existe de vertèbres. Ces divisions vertébrales ne sont donc pas des organes par- ticuliers , comme on pourrait le croire au commencement du développement (fig. 27) ; elles ne se distinguent pas par un tissu particulier du reste de la substance embryonaire , mais sont au contraire des divisions générales de cette partie du tronc qui préside aux mouvemens ; tandis que les organes sen- sitifs et végétatifs (le système nerveux et les intestins) , de même que la corde et la tête, n'en sont nullement affectés. Le 14 1 06 DÉVELOPPEMENT type des vertébrés consiste par conséquent uniquement dans ces anneaux de séparation qui se forment autour d'une corde dorsale, et nullement dans le développement d'une tète séparée ou d'autres pièces solides du squelette, telles que les vertèbres cartilaofineuses ou osseuses. Ce fait se trouve vérifié de la ma- nière la plus positive dans le Branchiostoma îuhricum Costa (Am- phioxus lanceolatus Yarrell) , poisson de la famille des Cyclos- tomes, qui, malgré le manque total de vertèbres articulées et de tête, n'en est pas moins un vertébré, puisqu'il possède une corde dorsale sur laquelle se dessinent les contours en zig-zag des séparations vertébrales (*). Le développement des vertèbres osseuses , tel qu'il se montre dans la Palée , a moins de rapport avec l'apparition des divi- sions vertébrales qu'on ne serait tenté de le croire. Il est vrai que leur nombre se correspond de la manière la plus exacte , puisque la Palée , ainsi que tous les poissons osseux , a autant de feuillets fibreux dans le muscle latéral que de ver- tèbres ; mais l'analogie cesse en partie , dès que l'on songe que les feuillets fibreux sont flxés au milieu du corps des vertèbres et des apophyses ; que par conséquent chaque vertèbre osseuse correspond à deux séparations vertébrales , savoir à la moitié de celle qui la précède et à la moitié de celle qui la suit. Le centre du développement des anneaux osseux est donc la ligne circulaire dans laquelle la division vertébrale atteint la corde dorsale ; c'est ici que se montrent les premières traces des cartilages, ainsi que les apophyses ; c'est ici aussi que la vertèbre atteint sa plus grande épaisseur, et c'est l'accroisse- ment depuis ce point de centralisation qui donne aux corps des vertèbres des poissons cette forme particulière qui fait qu'ils res- semblent à deux cônes creux se touchant par leurs sommets. (*) Rathkp. Bemerkurigeu iiber den Bau des Ampliioxiis lanceolatus. Krenigs- bcrg , IS'd , et J. Millier, Monatsbericht der Académie zu Berlin. Décembre IS'il . DU SQL'ELETTE. 107 Les premières traces de la formation du tissu cardlayineux et de l'ossification qui en résulte , se montrent chez la Palée , comme chez tous les autres poissons osseux, simultanément sur la face externe et sur la face interne de la gaine de la corde (iig. 168 et 1 68 a). M. J. Mullér(*) a prouvé par ses recherches sur les vertèbres des poissons adultes que ce type de formation est probablement propre à tous les poissons osseux , et ses conclusions se trouvent pleinement justifiées par l'embrvolo- gie; car si l'on saisit le moment favorable, on peut voir dans la gaîne cordale, au moyen de coupes transversales , les deux anneaux qui se durcissent et contiennent dans leur inté- rieur la partie 6breuse de la gaîne. Cependant ces deux anneaux n'ont pas la même texture. L'intérieur , c'est-à-dire celui qui embrasse immédiatement le noyau de la corde, est très-mince et presque corné ; il passe , à ce qu'il semble , im- médiatement au tissu osseux sans avoir été cartilagineux. L'extérieur, au contraire, se compose de cellules cartilagi- neuses très-caractéristiques, répandues dans le tissu de la gaîne, et qui empiètent insensiblement sur ce dernier. A la face ex- térieure de ces anneaux est attachée la substance celluleuse des muscles ; cependant il est plus facile de les séparer de ces derniers que de la gaîne cordale ; car Vanneau cartilagineux est intimement lié à cette dernière. Il est probable que cet état , dans lequel les deux anneaux, l'extérieur et l'intérieur, en- tourent un reste de la gaîne cordale encore fibreuse, passe très-vîte. Le tissu fibreux de la gaîne se transforme en car- tilage, et bientôt la gaîne ne forme plus qu'un tissu cartila- gineux homogène, dans lequel la différence entre l'anneau extérieur et l'anneau intérieur ne s'observe plus. L'articulation de deux corps de vertèbres correspond tou- (*) Vergleichende Anatoniie der .Myxinoiden. Cahier 1 et 5. i08 DÉVELOPPEMENT jours au milieu de l'espace entre deux divisions vertébrales primitives, ensorte que chaque feuillet tendineux du grand muscle latéral repose sur le milieu d'un corps de vertèbre. Les principales apophyses des vertèbres se développent autour du corps des vertèbres dans le plan des lames tendineuses , et c'est pourquoi les apophyses supérieures et inférieures , les côtes et les arêtes musculaires sont toutes situées dans l'épais- seur même de ces feuillets tendineux. C'est ce qui nous explique pourquoi tous ces processus des vertèbres sont dirigés d'avant en arrière conformément à la courbe des lignes vertébrales. Le tissu osseux de tous ces organes, tels que corps de ver- tèbres, arcs et apophyses, ne se développe que très-tard. Je ne l'ai jamais vu dans la Palée , car les jeunes Palées que j'avais fait éclore n'atteignirent pas l'âge nécessaire. Des Sau- mons de trois mois n'avaient point encore leurs apophyses os- siGées, quoique les corps des vertèbres le fussent déjà. Les corps de vertèbres de la Palée se forment d'une seule pièce annulaire ; aussi n'ai-je jamais observé cette division en plu- sieurs pièces que M. de Baer (*) dit avoir reconnue chez les Cyprins. 11 se pourrait que le canal muqueux de la peau exté- rieure, qui apparaît de très-bonne heure, déterminât une illu- sion d'optique que cet observateur aura peut-être prise pour une ligne de séparation des corps de vertèbres. A mesure que le jeune poisson grandit , l'ossification , ainsi que je l'ai fait remarquer plus haut , ne se borne pas seule- ment à l'épaisseur de la gaîne cordale , mais la masse cartila- gineuse et osseuse s'augmente de plus en plus en dedans , en refoulant le n; yau de la corde, dont il ne reste, dans le poisson adulte, que la masse celluleuse que l'on rencontre dans les cavités des doubles cônes. Les cellules cordales elles-mêmes (*) Untersucluiiigen ùber dieEnlwickhingsgeschiililP der Fischc. Leipzig, 1853. DU SQUELETTE. 109 sont résorbées par l'effet de celte transformation insensible ; elles ne parlicipent nullement à la formation du cartilage des vertèbres et ne sont susceptibles d'aucun développement ul- térieur. Les ligamens intervertébraux du poisson adulte sont les restes de la gaîne dorsale primitive. 3° LE CRANE. Sous la dénomination de crâne, nous comprenons les enve- loppes solides du cerveau et des trois organes des sens ; toutes les autres pièces qui composent la tête du poisson et qui servent plus particulièrement à faciliter les fonctions de la digestion et de la respiration seront examinées dans la section suivante. L'extrémité antérieure de la corde dorsale s'étend jusque entre les deux vessies auditives et pénétre, comme une flèche acérée, dans une masse compacte de cellules embryonaires qui, de leur côté, passent insensiblement à la gaîne cordale. D'abord, on n'observe aucune trace distincte entre la gaîne cordale et cet amas de cellules , qui, du reste , ne diffère pas, par sa struc- ture, de la substance qui entoure tous les organes de la tête, sous la couche épidermoïdale ; c'est le même blastème compacte, composé de cellules embryonaires, qui est la base de tous les organes de la tête, entre la peau et le cerveau. Comme tous les autres tissus, il est tendre et délicat au moment de son apparition, et ce n'est que lentement et insensiblement qu'il acquiert plus de solidité. A cette époque , il ne peut pas encore être question d'une forme particulière de cette substance , car elle est moulée d'une part sur la forme extérieure de la tête, et d'autre part sur celle du cerveau. Ce n'est que plus tard , lorsque les parties de la tête se sont déjà rapprochées et que l'oreille et l'épencéphale sont situés à peu prés dans le même plan, que se développent les cellules 110 DÉVELOPPEMENT cartilagineuses dont nous examinerons la formation plus bas , et qui donnent à la tête plus de solidité et une forme plus précise. Avant cette époque , on n'observe entre les vessies auditives situées à l'extrémité antérieure de la corde, qu'une masse de blastème épaissi , qui s'étend en droite ligne de la corde dorsale vers l'œil (r, fîg. 36, 136, 137), pénétre de bas en haut dans l'écbancrure située à la base du cerveau entre le mésencéphale et l'épencéphale , et paraît se terminer en avant par une large échancrure dans le voisinage de l'hy- pophyse , à peu près sur la ligne médiane entre les deux yeux (flg. 144). Je n'ai pas pu faire d'observations suivies sur ce blastème; j'ai cru remarquer qu'il se composait de cellules em- bryonaires accumulées , formant un cytoblastème secondaire , car en disséquant l'embryon , cette substance foncée disparais- sait , sans laisser aucune trace distincte de sa présence. Plus tard la base du crâne présente la structure suivante : la gaîne de la corde , qui jusque là avait été cylindrique , com- mence à s'élargir vers son extrémité antérieure , entre les vessies auditives ; elle s'aplatit en même temps, et en se con- fondant avec la masse de blastème compacte dont nous venons de parler, elle représente une plaque cartilagineuse étroite et allongée qui occupe tout l'espace entre les vessies auditives, et que nous nommons pour cette raison la plaque nuchale. Or comme , par l'effet du raccourcissement de la partie anté- rieure de la tête dans l'embryon déjà très-développé (fig. 166) , (dont nous traiterons dans un autre chapitre), la base de l'é- pencéphale , qui est occupée par cette plaque , est presque aussi considérable que l'espace qui sert de soutien aux deux autres parties cérébrales , il en résulte que la plaque cartilagineuse paraît, en somme, beaucoup plus longue que large, ce qui est tout à fait l'inverse de ce que l'on observe chez d'autres ani- maux . où le labyrinthe de l'oreille atteint des dimensions bien DU SQUELETTE. 1 l 1 moins considéral)les relativement au crâne. Celte plaque est en même temps assez plate pour que le cordon de la corde appa- raisse dans son milieu presque à nu (fig. 16G). En avant, elle s'étend jusqu'à la limite entre le mésencéphale et lépencéphale, par conséquent jusqu'à la courbure céphalique, qui, à la vé- rité, est très-peu développée chez les poissons ; mais elle ne dé- passe pas , à ce qu'il paraît, l'extrémité antérieure de la corde dorsale, ensorte que la plaque cartilagineuse qui sert d'ap- pui à l'épencéphale se trouve divisée eu deux parties latérales par le cordon qui traverse son milieu. Je n'ai du moins ja- mais remarqué un passage ou un pont s'étendant plus loin que la corde et réunissant les deux parties de la plaque en avant de la corde , comme c'est le cas chez la plupart des autres vertébrés. Au contraire, l'extrême pointe de la corde, composée seulement de quelques cellules rabougries, pénètre librement dans l'espace lenticulaire qui sert de passage à l'hy- pophyse ; elle n'est entourée d'aucune espèce d'enveloppe , en- sorte que cet espace n'est pas entièrement fermé par du cartilage en arrière ( lig. t66). Le bord des parties latérales de la plaque qui est tourné du côté de cet espace ne m'a jamais paru épaissi ; j'ai encore moins trouvé une branche montante dans le sillon qui sépare le mésencéphale de l'épencéphale ; il m'a au con- traire semblé que le bord s'évanouissait peu à peu vers l'es- pace qui donne passage à l'hypophyse ; c'est sans doute pour cette raison que les poissons sont dépourvus de ce renflement cartilagineux que Rathke (*) a appelé l'anse moyenne du crâne et qui, chez les vertébrés supérieurs, s'insinue entre le mésen- céphale et l'épencéphale. La séparation de la plaque nuchale en deux parties latérales n'est encore qu'indiquée en arriére entre les deux vessies audi- (*) Entwicklungsgeschichte clerNatler (Coluber natrix). Page 7o. 112 DÉVELOPPEMENT tives par la corde, qu'elle apparaît déjà complètement terminée en avant, au moyen de l'hypophyse dont le sac, qui s'étend de- puis le mésencéphale jusqu'à la cavité buccale , réunit la base du cerveau à la muqueuse de la bouche. La forme aplatie se perd complètement, et, au lieu d un cartilage continu, nous avons ici deux bandes cartilagineuses latérales entourant l'hy- pophyse comme d'un arc , et servant d'appui au mésencéphale (fig. 166 k). Rathke (*) désigne ces bandes cartilagineuses sous le nom à'anses latérales du crâne , et il semble en effet qu'elles sont aussi développées chez la Palée que chez la Couleuvre , tandis qu'elles frappent moins chez les Batraciens, à cause de la forme raccourcie du mésencéphale ; cependant elles ne sau- raient pas non plus passer inaperçues chez ces derniers. Chez la Palée elles sont sinon cylindriques, du moins plus arrondies que les deux feuillets de la plaque servant d'appui à i'épencé- phale. L'espace qu'elles laissent libre pour le passage de l'hy- pophyse est beaucoup plus considérable que l'hypophyse elle- même, ensorte que non-seulement le mésencéphale tout entier, mais encore la plus grande partie du prosencéphale, repose sur la membrane étendue entre les anses ( la membrane muqueuse de la cavité buccale) et non pas sur du cartilage. L'espace que ces anses latérales circonscrivent , n'est pas rond , mais plutôt allongé et lenticulaire , son plus grand axe étant dirigé d'avant en arrière. Leur largeur est peu considérable relativement à leur longueur: aussi s'adaptent-elles exactement dans les gouttières profondes qui séparent les deux yeux du cerveau (fig. 166). En avant , les deux anses du crâne se réunissent de nouveau sous le prosencéphale pour ne former qu une seule plaque in- divise qui s'étend jusqu'à l'extrémité antérieure du museau et (*) Enhvirkhingsgp>chirhto (Irr NMitPv. Pag. 7'i. DU SQUELETTE. 113 sert d'appui à tous les cartilages et os de la face. La longueur de celte plaque antérieure, que nous appelons la plaque fa- ciale du crâne , est bien moins considéralde que la longueur des deux anses latérales ou de la plaque nucliale ; en revanche, elle les surpasse toutes deux en largeur et en épaisseur. Elle a probablement une forme plus ou moins cubique, et semble en quelque sorte élargie par ses processus latéraux qui servent d'appui aux yeux (fig. 166). Le rudiment cartilagineux de la base du crâne se présente par conséquent sous une toute autre forme chez l'embryon que chez le poisson adulte. C'est une bande cartilagineuse étroite relativement à la tête, percée, au milieu, d'un trou arrondi et divisée en arrière en deux parties par la corde dorsale , de ma- nière qu'il ne forme une masse continue qu'en avant. La pré- sence de l'hypophyse et les différens processus qui partent de la base du crâne déterminent les rapports de ces différentes parties avec le système nerveux central et avec les pièces osseuses du crâne adulte. La plaque nuchale sert d'appui à l'épencéphale , les anses latérales au mésencéphale et la plaque faciale au prosencéphale ; la même division se reconnaît aussi dans les appendices du cerveau ou organes des sens , puisque les pro- cessus de la plaque nuchale sont essentiellement destinés à l'oreille , ceux des anses latérales à l'œil et ceux de la plaque faciale au nez. Cependant, on observe déjà ici un passage in- sensible, et tous ces processus , quoique d'abord profondément séparés, se soudent sur les côtés de la tête et finissent par remplir peu à peu les vides, et par former une boîte cartilagi- neuse continue qui est le crâne. Le développement cartilagineux le plus remarquable a lieu dans les jjrocessus latéraux de la plaque nuchale destinés à en- velopper l'organe auditif et l'épencéphale. Eu examinant le crâne d'en bas (fig. 166) , on voit de chaque côté de la plaque 15 114 DÉVELOPPEMENT nuchale deux ailes rliomboïdales, de substance cartilagineuse, qui naissent en arrière , au dessus du sixième arc branchial , (celui qui, dans le poisson adulte, forme les os pharyngiens) , s'élargissent en avant et se terminent en un bord onduleux, au même niveau que la pointe de la corde dorsale et la fausse branchie. Ces deux ailes ne forment pas une masse continue ; elles paraissent , au contraire , percées de plusieurs cavités , parmi lesquelles on distingue particulièrement celle du laby- rinthe et du vestibule, aux ololithes qui y sont enfermés, tandis que les supports cartilagineux des canaux semi-circu- laires se reconnaissent à leur courbure particulière. Il semble même que la transformation en cartilage du blastème qui entoure les canaux semi-circulaires part des parties latérales de ces ailes , en ce sens que l'on voit d'abord naître dans le cytoblastème des bandes cartilagineuses étroites , séparant de larges espaces qui se remplissent peu à peu de cellules cartila- gineuses, et déterminant ainsi la forme des canaux semi-cir- culaires (voy. chap. VI). Mais avant que ces espaces soient remplis , il se forme une paroi cartilagineuse (dont les cellules se voient au fond de fig. 166) qui les recouvre d'en haut, et avec laquelle les cartilages des canaux semi-circulaires se com- binent pour composer la masse presque informe d'os et de car- tilages qui, chez le poisson adulte, reçoit les parties membra- neuses de l'oreille. Le processus latéral des anses latérales est loin de présenter une masse aussi compacte. Il se présente sous la forme d'une croix irrégulière, dont le pilier médian court d'avant en arrière parallèlement aux anses du crâne, entre celles-ci et le bord intérieur de l'œil. Il est Irés-rapproché de ce dernier et com- munique en arrière avec le cartilage auditif, et en avant avec le prolongement de la plaque faciale. Il détache au milieu, à l'endroit où les anses latérales du crâne se rapprochent de DU SQUELEll E. 1 1 5 nouveiui, deux branches latérales, une à l'intérieur qui com- munique avec les anses du crâne, et l'autre à l'extérieur qui va rejoindre le bord de l'orbite. La plus grande masse de substance cartilagineuse est accumulée au centre du processus , là où les quatre bras se rencontrent ; les bras eux-mêmes sont minces et étroits, surtout celui qui est dirigé vers les anses. Le bras pos- térieur rencontre le cartilage de l'oreille à la base des sup- ports des deux canaux semi-circulaires antérieurs (le supérieur et l'extérieur). Ce processus n'est pas situé exactement dans le même plan que celui de la plaque nuchale , mais en examinant le crâne d'en bas, on voit qu'il se courbe un peu en dehors et en haut, de manière que la partie de la base du crâne qui corres- pond aux anses, fait une saillie vers la cavité buccale. Sa forme en croix détermine plusieurs espaces irréguliers , remplis d'un blastème non cartilagineux et recouvert par la membrane mu- queuse de la bouche. Le plus grand de ces espaces est limité parle bras inféro-postérieur, par l'anse latérale du crâne et par le cartilage de l'oreille; il est situé à côté du trou de l'hypo- physe. L'espace situé en avant de l'hypophyse et limité par le bras intérieur et antérieur, ainsi que par la plaque faciale du crâne, est, au contraire, divisé en deux par la saillie du pro- cessus crânien de la plaque nasale. Le processus de la plaque faciale est le seul de cette division qui prenne une part directe à la formation de la base du crâne (fig. 166). Il est peu développé relativement aux autres, petit et en forme de sabre ; il part du bord externe de la plaque faciale , et , se continuant en arriére parallèlement aux anses latérales du crâne , il divise en deux parties l'espace situé entre le bras intérieur et le bras antérieur du processus moyen. Les deux divisions antérieures du cerveau (le prosencéphale et le mésencéphale) ne reposent pas par conséquent sur un 116 DÉVELOPPEMENT tissu absolument solide, mais bien sur un tissu réticulé, de subs- tance cartilagineuse, tandis que l'épencépliale , grâce au déve- loppement excessif de la plaque cartilagineuse qui le soutient, ainsi que l'oreille , acquièrent une base très-solide. La voûte crânienne est beaucoup plus difficile à observer que la base du crâne. Nous avons déjà eu l'occasion de faire remarquer ci-dessus que le blastème épais qui précède la subs- tance cartilagineuse est surtout accumulé sur les rétrécisse- mens intermédiaires entre les divisions du cerveau et les organes des sens. C'est aussi en ces endroits qu'a lieu la première for- mation des cartilages. Cette formation va progressant d'arrière en avant ; l'épencépbale commence par se recouvrir complète- ment , tandis que le mésencéphale ne présente d'abord que des bandes cartilagineuses qui entourent l'œil et s'enfoncent entre les deux sillons qui séparent ce dernier du mésencépbale, jus- qu'à ce que cette partie du cerveau se trouve aussi complètement recouverte par une plaque cartilagineuse qui est d'abord ex- cessivement mince et délicate. Le prosencéphale se recouvre à son tour d'une enveloppe qui part essentiellement de la plaque faciale. Un antagonisme remarquable nous est offert ici entre l'bypophyse (^, iîg. 166) et la glande pinéale (?, fig. 153): tandis que la première pénètre en bas à travers la boîte crâ- nienne en communiquant avec la muqueuse de la bouche , la glande pinéale la dépasse en haut, pour aller communi- quer avec la peau, car elle est située dans un trou circulaire de la voûte crânienne, et, quoique ses rapports avec la mem- brane extérieure qui la recouvre , ne paraissent pas être aussi intimes que ceux de l'hypophyse avec la membrane muqueuse , elle n'en est pourtant séparée que bien tard par los frontal, et, même chez le poisson adulte, elle paraît dt-jà à nu après l'enlè- vement de l'os frontal, qui, chez les Truites , ne recouvre pas immédiatement le cerveau. DU SQUELETTE. 117 Il serait tout aussi difficile et inutile de décrire la forme des Uancs et de la Yoûte du crâne que de décrire dans tous ses détails le crâne cartilagineux d'un Requin. Le crâne d'un Requin donne en effet l'idée la plus juste de ce qu'est celui de la Palée un mois après son éclosion (je ne saurais dire les mo- difications qu'il subit plus tard n'ayant pas réussi à élever mes petites Palées au delà de ce terme); l'enveloppe crânienne entière qui entoure le système nerveux central et les organes des sens , semble former une masse indivise de substance car- tilagineuse, moulée, en dedans, sur les contours du cerveau et des organes des sens et présentant en dehors de nombreuses saillies , des cavités et des processus destinés à la fixation des muscles et des autres organes qui en dépendent. Cependant il y a cette différence entre notre poisson et le Requin , que chez ce dernier la boîte du crâne est également solide de toutes parts , tandis que chez l'embryon , les divers processus que nous venons d'indiquer ne sont pas suffisamment larges pour former une boîte complète. Mes embryons ne sont pas arrivés jusqu'à l'entier dévelop- pement de tous les différens os. J'ai bien vu , vers la dernière époque de leur vie, des amas de substance osseuse se former dans les cellules de la plaque faciale et des anses du crâne , mais ces amas n'étaient pas assez distincts pour représenter des os isolés. J'aurai par conséquent peu de choses à dire sur les changemens que subissent les différens os du crâne et sur la manière dont ils se forment. Voici ce que j'ai pu observer : Chez la Palée adulte , une bonne partie du crâne persiste à l'état cartilagineux , même dans un âge très-avancé , et nous démontrerons plus tard, en traitant de l'anatomie de ce poisson, que les parties cartilagineuses prennent une grande part à la for- mation de la boîte crânienne. Il est vrai que chez la Palée adulte le nombre des os qui participent à la boîte crânienne est peu con- 118 DÉVELOPPEMENT sidérable ; ce sont particulièrement les diverses ailes du sphé- noïde et les occipitaux (N*^5,8, 10, 11, 14et 15 des planches de Cuvier) ; le reste de la boîte reste cartilagineux, et le plus grand nombre des os crâniens ne sont représentés que par des plaques reposant à la surface de l'enveloppe cartilagineuse, et qui évi- demment ne servent qu'à donner à cette dernière plus de soli- dité. En effet, les frontaux, les pariétaux, le sphénoïde, le vomer et l'éthmoïde (N" 1, 2, 3, 4, 6, 7, 9, 16 de Cuvier) ne sont autre chose que des plaques recouvrant le crâne cartilagineux ; aussi les enlève-t-on facilement sans endommager le moins du monde la forme intérieure de la cavité crânienne et sans mettre à nu la moindre parcelle du cerveau. Reichert (*), en appelant l'at- tention sur ce fait , propose d'envisager ces plaques , non pas comme des os du crâne , mais comme des os du derme ne ser- vant qu'à fortifier l'enveloppe. Mais il est à remarquer, ainsi que nous le verrons en traitant de l'anatomie des Salmones, que plusieurs des os énumérés ci-dessus ne se développent pas à la face supérieure entre la boîte crânienne et la peau, mais bien à la face inférieure de la base du crâne, entre celle-ci et la mem- brane muqueuse de la bouche, et dont l'ablation n'endommage ni ne met à nu en aucune façon le cerveau. Or, d'après l'opinion de Reichert , il faudrait également les envisager comme des os de la membrane muqueuse et non pas comme des os du crâne. Nous trouvons enfin d'autres os qui présentent un caractère mixte, en ce que la moindre partie de leur substance participe à la formation de la cavité du crâne, tandis que la plus grande partie s'étend en éventail sous la forme d'une plaque protectrice. Les rapports de ces plaques prolectrices avec la masse de la substance cartilagineuse ne sont pas les mêmes chez tous les pois- (*) Vergleichende Entwicklungsgeschichte des Kopfes der nackten Amphibien, iK'bst deii Bildungsgesetzen des Wirbclthicr - Kopfes im Âllgeineiiieu vou Dr. C.-B. Kc'icliert. Kœnigsberg, 18r>S. Pag. ^12 et suh . DU SQUELETTE. 119 sons, et l'on peut démontrer que le même os , qui reste à l'état de plaque chez l'un , participe en grande partie à la formation de la boîte crânienne chez l'autre , puisqu'il se développe aux dépens de la substance cartilagineuse qu'il recouvre. On est par conséquent forcé de reconnaître que toutes ces formations osseuses extérieures, que Reichert a voulu séparer du crâne , sont intimement liées à son développement, quoiqu'elles y pren- nent une part plus secondaire chez l'un que chez l'autre. On peut probablement admettre comme règle générale à cet égard, que dans le principe tous les os du crâne, sans exception, sont de semblables plaques protectrices de la boîte cartilagineuse du crâne, et que le développement de la substance osseuse a lieu de dehors en dedans ; ensorte que plus l'enveloppe crânienne s'ossifie et plus aussi la substance osseuse paraît à la face inlé- rïeure de la cavité cérébrale , tandis que dans les types infé- rieurs on remarque peu ou point de substance osseuse à l'in- térieur, et seulement des plaques protectrices. Tout en tenant compte de ces faits, trés-imporlans sans doute, nous devons en même temps faire remarquer combien le crâne du poisson adulte ressemble peu à la conformation primiti^'^ du crâne dans l'embryon. Il suffira, pour s'en con- vaincre, de comparer notre fig. 166 avec les dessins du sque- lette des Salmones dans la 3*^ livraison de cet ouvrage. Malgré cette dissemblance on n'en retrouvera pas moins dans ces der- niers la formation embryonaire , pourvu que l'on consente à faire abstraction des différentes pièces osseuses et cartilagi- neuses, pour n'avoir égard qu'à l'ensemble. Lorsque l'on enlève toute la partie supérieure du crâne et que l'on en extrait le cerveau et les labyrinthes des oreilles, on re- marque au milieu de la cavité crânienne un trou rond , dans lequel était situé l'hypophyse. Il est évident que les os qui en- tourent cette cavité sont nés des anses latérales , et que la ca- 120 DÉVELOPPEMENT vite elle-même n'est que le reste de l'ancien trou entre les anses du crâne, qui donnait passage à l'hypophyse. En partant de là comme d'un point fixe (qui correspond au milieu de l'os sphé- noïde principal , N^ 6 Cuvier) , il nous sera facile d'étahlir les rapports d'identités suivans : nous reconnaîtrons les anses la- térales dans les masses osseuses de la grande aile (Cuvier N° 1 1) qui entourent la cavité , le processus latéral des anses dans l'arc plus grand qui occupe l'espace entre le cerveau et l'œil, et qui est formé en arrière par la grande aile et en avant par la petite aile (Cuvier N^ 14) ; enfin , nous aurons dans le fron- tal postérieur (Cuvier N^ 4) la branche extérieure de ce même processus. Le sphénoïde antérieur (Cuvier N^ 15) et le frontal antérieur ( Cuvier N^ 2 ) ainsi que les liens cartilagineux qui existent encore entre ces deux os chez le poisson adulte, devront dès-lors être envisagés comme formés de la plaque faciale, et les parties situées derrière la grande aile , comme nées de la plaque nuchale et de son processus auditif. On le voit, ces divisions empruntées à l'observation de la tête de l'embryon ne correspondent nullement à ce que nous enseignerait l'ostéologie du poisson adulte, si elle ignorait l'his- toire des cartilages et du développement embryonique. Il en résulte, en particulier, que le sphénoïde principal est tout aussi bien une plaque protectrice pour la face inférieure que les fron- taux le sont pour la face supérieure du crâne. Il déborde toutes les autres divisions embryonaires , puisque, naissant au milieu de la plaque nuchale , il s'étend bien avant jusque dans la pla- que faciale. Une anomalie semblable existe dans les deux ailes de l'os sphénoïde (N** 1 1 et 14) ; car la suture qui unit ces deux os correspond exactement au milieu des deux anses latérales du crâne ; on pourrait en conclure que les grandes ailes sont nées en partie de la plaque nuchale , et les petites en partie de la plaque faciale. De semblables contradictions se manifestent DU SQUELETTE. 12 t encore dans la plupart des autres os, et il s'en faut de beaucoup que toutes les sutures correspondent au point où elles devraient être d'après les divisions embryonaircs du crâne. Ces faits doivent exercer une influence majeure sur les con- sidérations philosopliiques que l'on peut tirer de l'observation de la structure du crâne et de la composition de sa charpente. Nous ne pouvons donc pas nous dispenser de dire quelques mots sur ce sujet , d'autant plus que l'étude de l'embryologie nous a conduit à des opinions assez différentes de celles qui dominent généralement. A la suite des recherches nombreuses des anatomistes alle- mands et français , on s'est peu à peu familiarisé avec l'idée de considérer le crâne comme un prolongement de la colonne ver- tébrale. On a prétendu que le crâne entier se laissait ramener à des vertèbres, et qu'il en était par conséquent composé. Mais l'on ne s'est pas borné à ces généralités , on a encore voulu trouver dans tous les os de la tête, des parties ou des rudimens de vertèbres, et le nombre des vertèbres et les pièces qu'on leur rapporte ont donné lieu à de fort longues discussions sans que l'on ait réussi à s'entendre. Une utilité réelle est cependant résultée de ces contestations ; c'est que l'on a étudié avec beau- coup plus de soin qu'on ne l'avait fait auparavant le crâne des vertébrés en général. Mais l'embryologie qui, seule, eût pu donner des renseignemens positifs n'a été que trop né- gligée , quoique l'on ait invoqué souvent les observations faites sur les embryons d'animaux supérieurs pour tenter la solution du problème. Nous trouvons dans la formation des vertèbres trois momens principaux qu'il importe de bien distinguer (je ne m'occupe ici que des corps de vertèbres et non pas des apophyses ) , savoir : leur formation sous forme (Vanneau ou de demi - anneau , autour de la corde dorsale ; leur développement dans la gaine ](> i 22 DÉVELOPPEMENT OU sur la gaîne de la corde dorsale ; et l'apparition de dm'siam vertébrales , qui précédent celles des vertèbres solides dans les parties molles de l'embryon. Essayons de poursuivre ces trois phases dans leur succession, et voyons si elles se retrouvent sur le crâne à une époque quelconque. Plus nous remontons vers l'origine de l'embryon et plus les trois divisions primitives de la tête , telles qu'elles sont dé- terminées par la triplicité du cerveau , des organes des sens et par les divisions de la base cartilagineuse du crâne , sont dis- tinctes. Mais si l'on ne peut méconnaître ces divisions primitives, il suffit d'un coup-d'œil jeté sur l'embryon , pour s'assurer qu'elles résultent plutôt du groupement des divers organes , que d'une séparation morphologique comme celle qui dé- termine les séparations vertébrales. Les divisions vertébrales cessent à quelque distance de l'oreille et elles sont si bien caractérisées , les premières comme les dernières , qu'il serait difficile de les méconnaître si elles existaient effectivement sur le crâne. D'ailleurs elles sont construites sur un tout autre plan que les différentes régions de la tête et ses processus. Il suffira d'examiner un instant les figures qui représentent les projec- tions de la membrane germinative et les divisions primitives du crâne , telles que les montre en particulier la pi. 5 , et de les comparer avec les figures des autres planches qui repré- sentent les divisions vertébrales primitives pour n'avoir aucun doute à cet égard. Je suppose même que cet examen compara- tif sera plus parlant que ne pourrait l'être une longue analyse ; aussi croyons-nous pouvoir poser en fait , que le crâne de l'em- bryon ne présente pas , comme le tronc , des divisions vertébrales. Nous trouvons dans la corde dorsale , cette partie caractéris- tique de l'embryon des vertébrés , une autre raison de rejeter lopinion dominante. La corde dorsale nous fait faire un pas de plus vers le crâne, puisqu'elle nous révèle dans la plaque DU SyUELETïE. 121) nufhalo une veilébre de plus. Partout et chez tous les em- bryons, elle s'étend jusque entre les deux vessies auditives, mais jamais au delà , et c'est vouloir faire violence à la vérité au prolit d'une opinion préconçue, que de prétendre , comme l'a fait un auteur récent , qu'on peut la poursuivre jusque dans la plaque faciale du crâne. Je reconnais que nous sommes obli- gés d'admettre la formation de vertèbres aussi loin que s'étend la corde dorsale, puisqu'elle ne se montre nulle part sans don- ner lieu à des divisions vertébrales , et que nulle part il ne se forme des vertèbres sans l'apparition préalable de cet organe , à l'exception toutefois des vertèbres de la tête qui sont préci- sément celles que nous nous refusons d'admettre comme ver- tèbres. Rathke(*) a donc, selon nous, parfaitement raison, lors- qu'il range la corde dorsale parmi le petit nombre de critères qui doivent faire distinguer les vertébrés des invertébrés. Nous devons dés-lors envisager la plaque nuchale comme une véri- table vertèbre, modifiée, il est vrai, dans sa formation et son développement par ses fonctions particulières. Or, comme la corde dorsale cesse avec la plaque nuchale , nous ne pou- vons plus envisager comme vertèbres les parties de la tête qui sont au delà , telles que les anses latérales du crâne et la plaque faciale, puisqu'elles n'ont aucun rapport avec la corde. Considérons enfin la formation des corps de vertèbres comme anneaux complets ou demi-anneaux , en faisant abstraction de la gaîne cordale. Il résulte de la description que nous avons donnée ci-dessus de la plaque nuchale, que cet organe a la même origine et la même destination que les autres vertèbres , et qu'il doit par conséquent être envisagé comme une véritable vertèbre; (nous verrons plus bas pourquoi il n'est pas séparé des autres parties de la tête par une division transversale analogue (*) BL'iiierkuiigen iihcr den Bau dos AniphioMis laïu-enhitus. Kœiiigsberg, I8'il. 124 1)ÉVEL0PPE3IENT aux autres divisions vertébrales). Mais peut-on imaginer quelque chose qui ressemble moins à une vertèbre que les deux anses la- térales du crâne? Qui a jamais vu une vertèbre percée d'un trou vertical par le milieu ? La plaque faciale est encore bien plus dissemblable. Aussi suis-je convaincu qu'il est impossible, même avec la meilleure volonté du monde, de trouver dans ces or- ganes la moindre preuve en faveur de l'opinion que je combats. Je me résume, et je dis qu'il n'existe dans le crâne qu'une seule vertèbre , la vertèbre occipitale ; tout ce qui est en avant doit être envisagé comme un prolongement de cette vertèbre destiné , comme la vertèbre occipitale elle-même , à servir d'appui aux organes des sens et particulièrement à l'oreille. C'est pourquoi cette vertèbre est incomplète en avant, et de même que la dernière vertèbre caudale n'est séparée des autres qu'en avant , son extrémité postérieure étant en même temps l'extrémité de l'animal entier, de même, nous devons envisager la vertèbre occipitale comme limitée seulement par l'extrénnité antérieure de la tête. Enfin, ce qui corrobore encore l'opinion que nous venons d'émettre sur l'interprétation qu'il faut donner à la construction du crâne, c'est l'observation qu'on a faite sur le Branchiostoma lubricum Costa, iYAmjjhioxus lanceolatus Yar- rell), le plus imparfait de tous les vertébrés. Il est possible que dans ce singulier Cyclostome, la vertèbre de la tête existe ; dans ce cas , elle est sans doute modifiée ; mais le prolongement de cette vertèbre en tête n'existe pas , puisque les anses latérales et la plaque faciale, ainsi que le cerveau et les organes des sens manquent complètement. L'Ampbioxus lanceolatus est un vertébré sans tête , qui n'a des vertèbres que la corde dorsale et les divisions vertébrales primitives. DU SQUELETTE. 125 ■ï^ DÉVELOPPEMENT DES PAUTIES SOLIDES DU SYSTÈME VISCÉRAL. Nous réunissons sous ce chef toutes les parties cartilagineuses ou osseuses qui, dans le poisson, servent à former et à protéger les organes de la tête qui président à la nutrition et à la respi- ration , c'est-à-dire l'appareil maxillaire et l'appareil bran- chial avec la langue et le système operculaire. Nous croyons avec d'autant plus de raison pouvoir réunir ces différens groupes d'os sous le simple nom de pièces viscérales de la tête, qu'ils ne sont pas séparés d'une manière bien distincte durant le développement embryonique. Les parties cartilagineuses qui supportent la bouche et la ca- vité branchiale se développent assez tard, comme en général les bases cartilagineuses de la tête. Cette solidification tardive est en rapport intime avec la grande mobilité de la conformation de la face , car ce sont précisément ces parties qui , à l'époque de l'éclosion de l'embryon , ressemblent le moins à ce qu'elles seront dans l'âge adulte. Néanmoins l'interprétation de ces différentes pièces cartilagineuses offre bien moins de difficultés que celles du crâne , par la raison fort simple que la compo- sition embryonaire primitive ne se trouve pas masquée ou mo- difiée par une ossification postérieure sous la forme de plaques et de centres d'ossification irréguliers , comme cela a lieu pour le crâne. A l'exception de quelques os plus ou moins intime- ment liés au crâne, chaque cartilage correspond déjà à l'os qui s'en développera par la suite. Les os qui se montrent lorsqu'on ouvre la gueule d'un Sal- monide sont : à la partie supérieure , les intermaxillaires (N° 17, Cuvier) et les maxillaires supérieurs (N*' 18), formant un arc armé de dents; plus loin l'os palatin (N" 22), également armé, avec l'os ptérygoide (N" 25) qui est dépourvu de dents, 126 DÉVELOPPEMENT et au milieu de ces deux arcs , formant une espèce de carène médiane, le vomer armé (N^ 16), auquel succède le corps du sphénoïde (N° 6) , qui ne l'est pas. Nous avons déjà insisté plus haut, en traitant de la structure du crâne, sur l'importance de ce dernier os comme revêtement des anses latérales du crâne, et l'on peut également trouver dans la fig. 166 la base cartilagineuse des autres os formant le toit de la cavité buccale. La plaque faciale du crâne correspond évidemment par ses proportions à tous les os et cartilages qui , chez le poisson adulte, composent le vomer, l'intermaxillaire et l'ethmoïde, et il paraît, que cette charpente osseuse si com- plexe est le résultat d'une séparation postérieure , ou bien de la formation de plaques osseuses protectrices ; car en faisant une coupe longitudinale du crâne d'une Palée adulte, on voit que tous ces os ne sont que des os plats , recouvrant un noyau car- tilagineux, dans l'excavation duquel sont situées les cavités nasales. Les processus latéraux de la plaque faciale donnent probablement naissance aux palatins et ptérygoïdiens internes ; peut-être aussi les processus latéraux des anses médianes du crâne prennent ils part à leur formation. Les maxillaires supé- rieurs et peut-être aussi les intermaxillaires, que je n'ai jamais vus dans mes embryons sous la forme de pièces osseuses ou car- tilagineuses à part, ne sont pas, à ce qu'il paraît, en rapports aussi intimes avec la plaque faciale, mais semblent au contraire se former d'un blastème particulier, et, si je ne me trompe, le maxillaire supérieur se transforme immédiatement en os , sans avoir préalablement passé par l'état cartilagineux, ou bien sa place est occupée dans l'embryon par une plaque cornée, qui ferait par la suite place au véritable maxillaire supérieur. En tout cas, il est de fait qu'avant qu'il existe la moindre trace de véritables cartilages dans la partie antérieure du crâne, on aperçoit, à quelque distance du bord extérieur de la lèvre su- DU SQUELETTE. 127 périeure , de chaque côté une carène en forme de S qui fait une forte saillie à l'intérieur et oppose une bien plus grande résis- tance à la pression que toutes les autres parties de l'embryon (15 fig^. 166). Ces carènes ont l'air de se toucher sur la ligne médiane ; au moins il semble qu'un pli de la membrane mu- queuse les réunit, et sous le microscope, elles semblent aussi claires et aussi transparentes qu'une lame solide et incolore. Je ne saurais dire de quelle manière elles naissent ; ou bien je n'en voyais aucune trace, ou bien elles étaient déjà complètement développées. Il est évident qu'elles occupent la place du maxil- laire supérieur, et, en effet, l'embryon nouvellement éclos s'en sert comme d'un organe de préhension pour saisir et entamer sa proie. Mais ne seraient-elles pas peut-être une armure pro- visoire de l'embryon dépendant du système dermoïdal et dis- paraissant plus tard? C'est ce dont je n'ai pu m'assurer d'une manière certaine, mes embryons ne s'étant pas conservés assez longtemps pour me permettre de poursuivre cette métamor- phose. En tout cas, l'analogie parle en faveur d'une pareille armure provisoire, car nous savons qu'il existe chez les Batra- ciens des dents cornées particulières , formées du système der- moïdal ; nous savons aussi que les serpens ont de véritables dents embryonaires et les poulets un revêtement corné de la lèvre su- périeure, qui tous disparaissent quelque temps après l'éclosion. L'appareil qui ferme en bas la cavité buccale forme un sys- tème de pièces osseuses qu'il serait difficile de séparer sans faire violence à la nature : ce sont le maxillaire inférieur et ses différentes pièces, les arcs osseux attachés aux os de la langue, et enfin les os temporaux (N*' 26 , 27 , 23 , 31 de Cuvier) , qui sont intercalés entre les mâchoires et les os qui font partie de l'appareil operculaire. Le maxillaire inférieur se montre, chez l'embryon, sous In forme de deux bandes cartilagineuses en forme de S , que dé- 128 DÉVELOPPEMENT borde le bord antérieur de la lèvre (fig. 167). Parleur forme, ces deux bandes ressemblent beaucoup aux deux carènes du maxillaire supérieur ; cependant elles s'en distinguent par leur composition, car elles ne contiennent que des cellules car- tilagineuses , et par le rapprocbement plus complet des deux arcs qui sont disposés de telle manière que lorsque la bouche se ferme , les maxillaires inférieurs ne rencontrent pas les supérieurs, mais bien l'espace circonscrit par ces derniers. Ces bandes maxillaires sont presque cylindriques et ressemblent beaucoup aux mâchoires des Requins. Leur extrémité anté- rieure se rencontre en formant un arc ; leur extrémité posté- rieure au contraire , semble s'articuler avec deux pièces cartila- gineuses cylindriques qui se prolongent vers l'appareil opercu- laire. Je n'ai pas pu, à cause du bas-àge de mes poissons, savoir si ces pièces correspondent au jugal et au tympanique (N<^ 26 et 27 Cuvier) , et si par conséquent la bande cartilagineuse du maxillaire inférieur se divise ultérieurement pour former ces diverses parties , ou bien si ces bandes cartilagineuses cons- tituent déjà la partie articulaire du maxillaire inférieur, en sorte que le jugal et le tympanique ne feraient que se consoli- der plus tard. L'analogie que présentent, sous ce rapport, les Plagiostomes , chez lesquels le maxillaire inférieur cartilagi- neux se compose d'une seule pièce me fait pencher pour la pre- mière opinion. Le maxillaire inférieur commence au reste à s'ossifier de très-bonne heure, et l'on voit se former, dans les cel- lules cartilagineuses et autour d'elles , des dépôts opaques de substance osseuse , lorsqu'il n'en existe encore dans aucun autre os ; mais la plus grande partie du cartilage reste encore en forme de bâton rond dans la cavité de la mâchoire inférieure chez f adulte , de sorte que dans cet os aussi l'ossification semble vouloir imiter la formation du crâne , en formant une plaque protectrice en dehors du véritable cartilage embryonaire. DU SQUELETTE. 129 On voit apparaître derrière le maxillaire inférieur une longue pièce cartilagineuse impaire, occupant tout l'espace entre celui- ci et les nageoires pectorales. De cette pièce, qui ferme la partie inférieure de la cavité viscérale de la tête , partent six bandes cartilagineuses cylindriques, qui, en s'arquant en haut, déterminent en quelque sorte autant de cercles qui entourent la cavité buccale. Ces arcs, par suite de la forme infundibuli- forme de cette cavité , se raccourcissent insensiblement d'avant en arriére. Cinq de ces arcs atteignent seuls la base cartilagi- neuse du crâne, et s'y fixent aux côtés de la plaque nuchale. Le plus grand , qui est le premier, vient aboutir au revête- ment extérieur de la peau où il rencontre l'appareil opercu- laire, complétant ainsi l'anneau qui entoure la cavité viscé- rale. En avant de ce premier arc , la carène médiane est for- tement enflée en forme de chapeau , dont la convexité pénètre dans l'espace circonscrit par le maxillaire inférieur (fig. 167). En tenant compte de cette forme particulière du premier arc et de la position des parties environnantes , on arrive facilement à l'interprétation de ces bandes cartilagineuses. La carène im- paire représente toute la série d'os et de cartilages qui , chez le poisson adulte , porte les arcs branchiaux et les os pharyn- giens , depuis l'os lingual jusqu'au dernier cartilage hyoïdien (N° 41, 53, 54, 55 Cuvier); le premier arc forme les deux bras latéraux de l'os hyoïde (N° 37, 38 , 39, 40 Cuvier) ; les quatre arcs suivans sont les véritables arcs branchiaux , por- tant les branchies. Le dernier petit arc enfin forme l'arc pha- ryngien , qui perd ses rapports primitifs avec la respiration dans le poisson adulte , tandis qu'il porte de véritables feuillets branchiaux chez l'embryon. Tous ces arcs, en naissant, ne sont composés que d'une seule pièce qui est une bande cartilagi- neuse cylindrique ; mais ils s'articulent d'une manière mo- bile avec la plaque nuchale du crâne d'une part (fig. 166) et 17 1 30 DÉVELOPPEMENT avec la carène linguale de l'autre (fig. 167). De même aussi la carène entière avec l'os lingual ne forme qu'une seule et même pièce. La mobilité de l'appareil entier n'en est pas pour cela moindre que dans le poisson adulte, à cause de l'élasticité des pièces cartilagineuses. Plus tard, l'ossificatiou des différentes parties nécessite des facettes articulaires particulières, et les os, pour conserver leur mobilité , sont obligés de se diviser en plusieurs pièces. Quant aux jn'èces ojiercuîaires (14), leurs rudimens remon- tent aux premières époques de la vie embryonique , mais leur développement n'a lieu que fort tard. Avant que les fentes bran- chiales proprement dites n'apparaissent, on voit, à quelque distance de l'œil, sur le côté du cou , une duplicature de la peau d'abord très-peu saillante, mais séparée du corps par une fente qui pénètre profondément dans l'intérieur, et ressemble , à s'y méprendre, à une fente branchiale (fig. 42 , 46 , 49 , 51, 55, 56, 57 /). Cette duplicature est d'abord située au milieu de l'es- pace entre l'œil et l'oreille, ensorte qu'elle sépare la partie étroite du cou, dans laquelle se forment les arcs branchiaux, de la tête qui est plus large. A cette époque , la fente est encore perpendiculaire à l'axe de l'embryon , ainsi que cela se voit surtout bien d'en haut (fig. 55) ; mais peu à peu la duplicature se déploie en arriére , dépasse les véritables fentes branchiales qui s'étaient formées en attendant, et devient ainsi le premier rudiment membraneux de l'opercule ; la fente qui la séparait des branchies elles-mêmes, devient par là de plus en plus paral- lèle à l'axe embryonaire. J'ai vu ainsi de la manière la plus dis- tincte ce revêtement membraneux, qui , en haut et en bas passe immédiatement à la peau , s'étendre en arriére , recouvrir l'une après l'autre les branchies (fig. 84 , 85 , 153 , 154 , 155) et at- teindre peu à peu ses dernières limites au dessous de l'oreille. Au moment de l'éclosion de l'embryon , il n'y a que deux bran- DU SQLELIilTE. 131 clîies qui soient recouvertes; mais six semaines après, l'oper- cule a atteint son dernier développement (fig. 89). C'est alors seulement que l'on voit les diverses pièces qui le composent, ainsi que les rayons delà membrane l>ranchiostègue, se dessiner sur ce revêtement qui , jusque là , n'était que membraneux. Ce développement est très-facile à poursuivre, et il n'en faut pas davantage pour prouver de la manière la plus évidente que les os de l'appareil operculaire n'ont pas le moindre rapport avec l'organe auditif, mais appartiennent exclusivement au système dermoïdal. L'opinion entièrement erronée qui voudrait paralléliser les os operculaires avec les petits os de l'oreille chez les animaux supérieurs , se trouve par conséquent condamnée d'une manière tout aussi absolue par les faits embryologiques que par les résultats de l'anatomie comparée. 5^ DÉVEL0PPE3IENT DES ORGANES LOCOMOTEURS EXTÉRIEURS. Parmi les organes locomoteurs des poissons , les uns ap- partiennent au type général des organes locomoteurs des ver- tébrés , bien que modifiés par la destination particulière qui leur est assignée ; ce sont les nageoires peclorales que l'on peut envisager comme correspondant aux extrémités antérieures des vertébrés supérieurs , et peut-être aussi les nageoires ventrales qui pourraient être les analogues des extrémités postérieures. Les caudales, les dorsales et les anales , en revanche, n'entrent point dans le plan général des extrémités; ce sont des organes particuliers dont la formation dépend du genre de vie particulier de l'animal. Nous verrons pourquoi l'on pourrait aussi envisager les nageoires ventrales, que l'on prend généralement pour les extrémités postérieures , comme des organes particuliers, pro- pres aux poissons seulement. Le rudiment de la nageoire pectorale (y-) apparaît de très- bonne heure dans l'embryon. Peu de temps après la formation 1 32 • DÉVELOPPEMENT du cœur, on découvre derrière le petit bouton que forme le ru- diment de cet organe, un second renflement qui empiète sur l'espace péricardial sous la forme d'un triangle arrondi (fig. 36 etl37j7.). Peu à peu, la base de ce lobe saillant se détacbe ; son bord extérieur s'arrondit et il prend la forme d'un carré à angles obtus (fig. 38). Jusque-là, la nageoire avait été inclinée en bas ; maintenant elle se relève , probablement par le rac- courcissement de la base qui la tenait fixée au corps de l'em- bryon et qui commence à devenir plus solide. C'est maintenant un organe en forme d'aile , arrondi en haut et formant en bas un angle pointu en se perdant dans le derme , là où le ductus Cuvieri regagne le cœur. Avant de s'être relevé , la nageoire a quelque ressemblance avec le lobe assez large et informe qui représente , dans l'embryon de la poule , le rudiment de l'ex- trémité antérieure. A celte époque , on n'observe encore aucune division dans l'organe ; c'est une masse uniforme de petites cel- lules embryonaires grenues, recouvertes par les grandes cellules de l'épiderme , qui sont ici particulièrement distinctes. Mais dès que le rudiment de la nageoire se détache , il commence à être soumis à un mouvement tremblotant continuel , et quel- quefois l'embryon s'en sert pour donner de violens coups , lorsqu'il veut se tourner dans l'œuf; à partir de cette époque, on commence aussi à reconnaître dans l'organe deux parties distinctes , une partie centrale épaisse et une partie périphé- rique plus mince (fig. 42, 46, 56, 142). La périphérie est par- faitement transparente, et, vue sous un fort grossissement, elle se montre composée de grandes cellules épidermoïdales, qui , étant rangées en cercles sur les rayons d'un centre commun , lui donnent une apparence crénelée et onduleuse. La partie centrale est bien aussi recouverte de cellules dermoïdales ; mais l'on remarque dans son intérieur une accumulation épaisse de cellules embryonaires très-serrées qui . pour la plupart , UU SQUELETTE. 133 se sont déjà dissoutes en un cytohlastéme secondaire. La pé- riphérie s'étend très-rapidement en arriére et ses dimensions dépassent bientôt celles de la partie centrale. Une rangée de cellules en forme de rosette succède à l'autre (fig. 66) , et leur agglomération est si distincte , même sous un faible grossis- sement , que je les pris, dans l'origine, pour des écailles. Bientôt ces lignes s'effacent de nouveau par la fusion des cel- lules , et l'on voit apparaître , dans la partie périphérique , les premiers indices des rayons qui sont disposés comme de fines lignes ombrées autour d'un centre (fig. 71) (nous décri- rons le développement de ces rudimens de rayons en traitant des nageoires impaires). Avec les premiers indices des rayons, l'organe entier change de forme, et de semi-circulaire qu'il était, il prend une forme plus spatuliforme qu'il conserve dans le poisson adulte, et si sa forme est plus ronde au moment de l'éclosion elle n'en a pas moins le même contour qu'elle pré- sente dans le poisson adulte ; le petit poisson la relève laté- ralement et la maintient dans un mouvement continuel (fig. 85, 88 et 89). La partie centrale que nous venons de mention- ner ci-dessus ne grandit pas dans la même proportion que les rayons, et le développement semble s'y concentrer dans le tissu intérieur. Nous avons dit qu'elle se distingue de bonne heure par l'opacité de son blastéme épaissi , comparé à la trans- parence de la partie extérieure qui correspond aux rayons ; bientôt , en effet , l'on voit se développer en elle des cellules cartilagineuses qui s'étendent horizontalement, et qui , par leur disposition régulière, ne le cèdent en rien aux cellules des plantes. Aussi longtemps que la base de la nageoire est à l'état cartilagineux, il n'y a qu'une seule plaque simple et indivise, et de même que dans le crâne , la division ne s'opère qu'avec l'ossification. La ceinture thoracique qui porte la nageoire pec- torale et sépare les branchies et le péricarde de la cavité ab- 134 DÉVELOPPEMENT dominale paraît se développer de la même manière que le maxillaire, supérieur. On l'aperçoit de très-bonne heure, sous la forme d'un pli saillant de la peau, à l'extérieur du ductus Cuvieri, dont elle suit la direction , en descendant le long du Lord antérieur du vitellus , depuis le dos jusque vers l'angle postérieur du péricarde. Entre cette ceinture et l'opercule, qui est encore imparfait , se voient les branchies non recouvertes et le cœur (fig. 142 , 71 , 85 , 89 et 90). A mesure que le vi- tellus s'éloigne de la région du cœur, l'angle que les ceintures thoraciques forment en se réunissant sous le cœur devient plus saillant (fig. 88, 89 et 90). La branche horizontale de l'humérus (N*' 48 deCuvier) qui recouvre latéralement le cœur, n'apparaît , à ce qu'il paraît , que plus tard , de même que la ceinture qui, d'abord indivise, se partage eu plusieurs pièces lorsque survient l'ossification. Les nageoires impaires , savoir la dorsale, l'adipeuse, l'anale et la nageoire embryonaire du ventre naissent toutes d'une nageoire continue, qui entoure toute la circonférence posté- rieure du poisson à l'état d'embryon et n'est interrompue que par l'anus. Nous nous arrêterons plus longuement sur la trans- formation insensible de cette nageoire simple en plusieurs nageoires verticales , lorsque nous traiterons de la forme du poisson en général , et nous nous bornerons à décrire ici le développement des rayons aussi loin qu'il nous est connu. On ne distingue d'abord , comme dans le bord de la nageoire pectorale , que les grandes cellules dermoïdales qui ne sont qu'une duplicature du derme; mais bientôt l'on remarque, entre les deux feuillets de cette duplicature, une quantité de petites cellules transparentes, sans noyau , qui forment parfois des rangées régulières, mais souvent aussi sont irrégulière- ment accumulées. Ces cellules ne tardent pas à perdre leur forme globuleuse; elles se ramifient de tous côtés, et parfois DU SQUELETTE. 135 d'une manière si prononcée que le corps de la cellule disparaît presque complètement (fig. 142). J'ai rarement vu, même dans les cellules de piment que l'on cite comme étant les plus ir- régulières , des passages aussi variés de la forme globuleuse à celle de cellules ramifiées. Cette ramification des cellules part du corps et s'étend vers le bord de la duplicature ; là les cellules ramifiées ne forment que des réseaux isolés , tandis qu'elles constituaient une masse épaisse composée de plusieurs couches superposées près du corps. Peu à peu les branches latérales de ces ramifications disparaissent, et il ne reste qu'une ramification verticale en haut et en bas; une partie des cel- lules se réunit en lignes continues , tandis que les autres dis- paraissent , et l'on voit ainsi se former des rayons linéaires qui divergent en dehors , mais qui se confondent en un seul tronc vers la base. Chaque fibre d'un rayon de nageoire se com- pose de plusieurs rangées linéaires de cellules , et il est plus que probable que les différens renflemens que l'on observe dans les rayons du poisson adulte , sont les indices des cellules primi- tives qui se sont juxtaposées. A la base du rayon , toutes ces fibres sont confondues. Les ventrales n'apparaissent que longtemps après l'éclosion ; leur apparition se manifeste de chaque côté de l'intestin par deux petits prolongemens de la peau à côté de la nageoire ventrale erabryonaire (fig. 89) ; prolongemens que l'on dis- tingue fort bien dans les coupes transversales sous la forme de deux petits lobes (fig. 94). On y reconnaît, comme dans les pectorales, les deux parties principales, la base ou le Ironc et les rayons ; mais ce n'est qu'après plusieurs mois qu'elles prennent leur véritable forme et leur taille relative. Jamais il n'existe la moindre communication entre ces nageoires et le reste du squelette, comme cela a lieu pour la ceinture des pec- torales. C'est pour cette raison, comme aussi à cause de leur po- 136 DÉVELOPPEMENT ■ sition variable, que je penche à considérer les ventrales comme (les organes locomoteurs propres aux poissons, et non pas comme les vrais analogues des extrémités postérieures des ver- tébrés supérieurs, attendu que ces dernières, alors même qu'elles sont à l'état rudimentaire, comme chez certains serpens , com- muniquent cependant toujours avec la colonne vertébrale au moyen d'os pelviques, et occupent toujours la même place sur les côtés de l'anus, ce que l'on ne saurait dire des ventrales des poissons. Si malgré ces considérations on voulait persister à envisager ces organes comme des extrémités postérieures , on ne pourrait , en tout cas , considérer leur base comme un rudiment pelvique; on pourrait tout au plus y voir un pied rudimentaire. 6*^ DÉVELOPPEMENT DU TISSU CARTILAGINEUX. Le tissu cartilagineux est en général d'une grande impor- tance dans l'histoire embryologique, à cause de la facilité avec laquelle on distingue ses cellules , la grande solidité de ces mêmes cellules et des métamorphoses particulières qu'elles subissent. Chez les poissons , le développement de ce tissu paraît être beaucoup plus simple que chez les animaux supé- rieurs où il est quelquefois très-compliqué. Partout où il y aura des cartilages, leur position est indiquée d'avance par une grande quantité de cellules embryonaires, qui sont ordinairement si serrées, qu'on reconnaît facilement leur accumulation sous le microscope , à leur plus grande opacité. Peu à peu ces cellules se confondent ; leurs parois et leurs noyaux disparaissent et il ne reste qu'un tissu épais rempli de corpuscules moléculaires, qui ne trahit aucun vestige d'une structure celluleuse. C'est dans cet épais blastème, résultat de la fusion des cellules embryonaires et qui est par conséquent un véritable cytoblastème secondaire, que les cellules cartila- DU SQUELETTE. 137 gineiises apparaissent de la manière suivante : de petites vési- cules transparentes et limpides, entourées chacune d'une enve- loppe particulière , se montrent d'abord à une certaine distance ■ les unes des autres , absolument comme les cellules de la corde dorsale (voyez p. 100) , mais sans avoir jamais cette apparence parfaitement limpide et vitrée qui caractérise les cellules de cette dernière, car elles contiennent pour la plupart un noyau. Bientôt elles acquièrent une taille telle, qu'elles se touchent et, suivant leur juxtaposition, échangent leur forme ronde contre une forme polyédrique ; cependant la substance intercellulaire est encore visible sous un fort grossissement et se présente sous la forme de bandes étroites entre les parois des cellules. Le noyau affecte alors , dans la plupart des cellules , la forme d'un corpuscule arrondi , grisâtre, délicatement circonscrit et ordi- nairement adhérent à la paroi de la cellule. Je n'ai pu savoir si ce noyau naissait avec ou après les parois cellulaires , car il est très-difficile à distinguer, les cellules cartilagineuses étant beaucoup plus petites chez les poissons que chez les animaux supérieurs. Dés que les cellules cartilagineuses en sont arrivées au point que leurs parois se touchent de tous côtés , de manière à li- miter leur développement ultérieur, leur intérieur subit des modifications particulières qui rendent les cellules primitives presque méconnaissables. Leurs parois se confondent si inti- mement entre elles et avec la substance intercellulaire que l'on ne distingue plus d'enveloppe particulière. Mais cette fusion s'opère d'une manière moins simple qu'on ne le pense : ce ne sont pas seulement les parois des cellules qui disparais- sent en permettant à la substance intercellulaire et aux pa- rois de se confondre ; on remarque préalablement un épaissis- sement des parois au moyen d'un dépôt de substance plus solide à'ia face intérieure , et l'on croirait parfois que ce dé- 18 1 38 DÉVELOPPEMENT put est très-concentré et qu'il revêt toute la face intérieure des cellules. Quelquefois aussi la paroi celluleuse n'est épais- sie que d'un coté , et l'autre semble persister dans sa minceur primitive (fig. 163). Lorsque la fusion sopère en dernier lieu du côté épaissi , on voit le reste de l'enveloppe cellulaire re- couvrir le pourtour intérieur comme d'un chapeau. La cavité cellulaire est toujours très-marquée , opaque , à bord foncé dans ses parois épaissies ; elle paraît vide, et, tandis qu'avant lepaississement de la paroi celluleuse toute la cavité était remplie d'une gélatine très-serrée , il s'est maintenant formé un vide qui est entouré de couches plus solides, confondues avec la paroi cellulaire. Il est probable que c'est la matière plastique contenue dans la gélatine des cellules qui est employée à la formation de ces nouvelles couches. Cet épaissement des parois des cellules cartilagineuses , qui a lieu en même temps que leur cavité se vide, me paraît être un procédé tout-à-fait semblable à celui qui est connu dans la physiologie végétale sous le nom de lignification des cellules végétales ; le contenu cellulaire , d'abord liquide , se dépose contre la paroi de la cellule , tandis que la cellule elle-même se desséche et devient creuse. Cependant la dessication n'est pas aussi considérable que dans les cellules des plantes ; c'est plutôt un simple épais- sement du contenu primitivement liquide. Les noyaux dispa- raissent pendant ces modifications sans laisser aucune trace de leur présence. J'ai cru d'abord qu'ils s'étendaient , devenaient creux et remplaçaient ainsi la cavité cellulaire , ce qui expli- querait pourquoi les cavités, d'abord opaques, deviennent trans- . parentes. C'est en effet de cette manière que les choses sem- blent se passer chez les Batraciens, mais quant aux poissons, comme on ne rencontre pas chez eux de forme intermédiaire, je crois qu'il faut chercher une autre interprétation du phé- nomène. DU SQUELETTE. 139 Grâce au développement que nous venons d'indiquer , le cartilage en est bientôt au point que l'on n'y reconnaît plus de cellules, mais seulement quelques cavités. Dans les carti- lages qui s'ossifient, les choses n'arrivent pas à ce point, car le dépôt de sels calcaires , qui rend les os solides et rigides , commence avant que cette dernière période du développement des cartilages n'ait lieu. Je n'ai pas poursuivi assez loin l'os- sification pour pouvoir m'étendre sur ce sujet, mais je ne puis m'empêcher de signaler ici un vaste champ pour les recherches futures : on sait qu'il n'est pas encore entièrement démontré que les soi-disant corpuscules osseux ou accumulations rami- fiées de calcaire que Ton rencontre dans tous les os , soient des noyaux de cellules creux ou des cavités cellulaires d'où partent des canaux poriques remplis de calcaire ; mais tous les observa- teurs sont d'accord pour convenir qu'ils se développent dans l'intérieur des cellules ; chez les poissons, au contraire , les ac- cumulations de calcaire semblent se former en dehors des cel- lules dans la substance intercellulaire. Les plus vieux embryons que j'ai vus, m'ont montré dans la mâchoire inférieure, dans les anses latérales et dans la plaque faciale du crâne, des masses grenues foncées (fig. 166, 167) qui, évidemment, n'avaient pas été déposées dans l'intérieur des cellules cartilagineuses , mais bien à la face extérieure des parois celluleuses, dans la substance intercellulaire même. Ces masses opaques étaient-elles réelle- ment des dépôts de substance calcaire? C'est ce que je ne sau- rais affirmer d'une manière positive ; mais nous verrons dans l'anatomie générale des os du poisson adulte , qu'il y a des faits qui parlent en faveur de l'existence d'accumulations de sels cal- caires en dehors des cellules. Le développement des cellules cartilagineuses et leur trans- formation en substance osseuse ont lieu d'une manière beau- coup plus simple chez les poissons que chez les animaux supé- 140 DÉVELOPPEMENT DU SQUELETTE. rieurs , entre autres les Batraciens. On ne voit pas que dans les Salmones les noyaux deviennent creux , ni que les cellules cartilagineuses primitives disparaissent entièrement pour faire place à une seconde et peut-être à plusieurs générations de cel- lules dont l'une remplacerait l'autre, comme c'est le cas chez les Batraciens. Toutes les métamorphoses se bornent ici au simple épaisisssement et à la fusion de la paroi celluleuse, qui chez les Batraciens n'est que le premier pas vers des métamorphoses plus complètes. CHAPITRE VlII. DEVELOPPEMENT DE LA PEAU ET DES MUSCLES. L'un des ctiractères particuliers du germe consiste dan^ la formation d'un revêtement cellukux général, composé de grandes cellules transparentes en pavé , qui recouvrent non seulement l'embryon mais encore le vitellus entier, A mesure que ce revêtement se développe, la membrane vitellaire se perd in- sensiblement. Cette nouvelle couche épithélienne suit tous les contours , les saillies et les retraits de la surface du corps et du vitellus ; mais sa manière d'être près des ouvertures buc- cale et anale , ainsi que prés des autres organes formés par involvure, mérite quelques considérations. En traitant du développement de l'œil, nous avons fait voir que le cris- tallin n'est autre chose qu'une involvure de cette couche cellu- leuse , qui , se détachant insensiblement de la surfacs, pénètre au fond de l'œil et y prend une vie particulière. Cette même couche épithélienne s'involve d'une manière semblable près des cavités buccale et branchiale et ne revêt pas seulement la surface entière jusqu'au gosier, mais forme encore, à l'ou- verture de la gueule , de véritables lèvres membraneuses qui manquent au poisson adulte. Ces lèvres sont assez prononcées 142 DÉVELOl'J'EiMENT à la mâchoire supérieure et à la mâchoire inférieure , qu'elles débordent considérablement , et l'on voit au premier instant qu'elles sont composées de duplicatures de cette couche de grandes cellules épithéliennes (fig. 166 et 167). La nageoire membraneuse qui entoure tout le tronc de l'embryon n'est autre chose qu'une duplicature semblable de cellules épidermoïdales, entre les feuillets de laquelle se développent plus tard les rayons des nageoires. L'enveloppe péricardiale, au moment où l'embryon commence à se détacher du vitellus , n'est qu'une simple couche de cette membrane ceîluleuse, qui , de la région du cou passe immédiatement au vitellus, sans toucher le cœur, et représente ainsi un élargissement vésiculaire sous lequel le cœur est caché. Plus tard , lorsque l'embryon se détache da- vantage du vitellus , cet élargissement de la membrane exté- rieure s'applique d'une manière plus intime contre les parois latérales du cou et de la ceinture thoracique. Le foie et la par- tie antérieure de la cavité abdominale sont enveloppés d'une semblable couche épithélienne, passant immédiatement du corps au vitellus, La région anale ne présente point d'involvure sem- blable à celle de l'ouverture buccale , ni une duplicature en forme de lèvre. Dans l'origine et avant l'ouverture de l'anus , la formation épithélienne est étendue uniformément par dessus toute cette région, et l'ouverture ne se forme que plus tard. La vie cellulaire ne paraît pas être très-active dans la mem- brane épidermoïdale ; son but principal est de former autour de l'embryon une couche qui soit impénétrable à l'influence délétère du liquide albumineux , qui , comme nous l'avons dit au Chap. III, détruit les cellules embryonaires, en figeant leur contenu. C'était d'abord la membrane vitellaire qui pro- tégeait les cellules embryonaires et le vitellus contre cette in- fluence de l'albumen ; plus tard , lorsque le développement embryonique détruit cette membrane , l'einbrvon se crée lui- DE LA PEAU ET DES MUSCLES. 143 même une couche protectrice au moyen de ces cellules en pavé, qui recouvrent partout les véritables cellules embryonaires. Dans les premiers temps du développement embryonique , on voit encore des noyaux dans les cellules, mais plus tard, il n'y a plus qu'un réseau de cellules aplaties , diversement dé- formées et dépourvues de noyaux (fig. 136 et 138) , mais qui au reste n'ont rien de particulier. Ces cellules persistent pen- dant toute la durée de la vie embryonique et encore longtemps après , conservant toutes leurs propriétés , sans changer no- tablement de forme ni de dimension. Cette formation épitlié- lienne n'est donc pas un phénomène passager , et je suis même porté à croire que les poches épithéliennes , dans lesquelles se forment et se développent les écailles du poisson adulte , ne sont autre chose que cette même membrane épidermoïdale plissée ; c'est du moins ce que je crois pouvoir conclure du fait suivant : deux jeunes Saumons âgés d'un mois, n'ayant point encore d'é- cailles, montraient cependant déjà les rudimens des poches des écailles : les ayant examinés , j'ai trouvé ces poches composées des mêmes cellules épithéliennes que montre la formation épi- dermoïdale aux premières époques de la vie embryonique. Quelques parties de la couche épithélienne présentent cepen- dant des cellules particulières qui méritent d'être examinées de plus prés: ce sont d'abord les cellules ramifiées à piment noir qui se trouvent presque dans toutes les régions de l'em- bryon ; d'autres cellules non ramifiées à piment brun qui ne se développent que dans la région de la tête et du cou , et enfin les cellules étoilées qui figurent quelques temps dans la région nuchale, et disparaissent de nouveau sans laisser aucune trace de leur présence. Les cellules à piment noir apparaissent à peu près vers le milieu de la vie embryonique ; ce sont en général les plus grandes qui se montrent dans le poisson. On voit d'abord dans 1 44 DÉVELOPPEMENT le voisinage du foie, sur le vitellus et dans une ligne qui lonoe le dos, de petites cellules transparentes qui s'élargissent insen- siblement et montrent des noyaux distincts. Peu à peu ces cel- lules se dilatent en différens sens, et donnent lieu à des ramifi- cations diverses qui se terminent par des traits très-fins, et, en même temps que ces ramifications se forment , le corps de la cellule grandit considérablement. Le piment noir lui-même s'ac- cumule dans l'intérieur sous forme de très-petits grains, doués d'un mouvement moléculaire très-vif, et en si grande quantité que le noyau, qui est ordinairement appliqué contre l'une des parois de la cellule, en est entièrement recouvert. Le plus sou- vent ces cellules sont isolées, ou bien elles sont rangées en séries le long du dos et de l'intestin (fig. 76 , 85 , 88 , 89) , et il n'y a guère que près du rudiment du foie où elles forment parfois un réseau continu, lorsque les extrémités de leurs ramifications se toucbent. Leurs noyaux sont d'abord simples et d'une teinte grisâtre, comme sont d'ordinaire les noyaux ; ce n'est que long- temps après, et lorsque les cellules ont atteint tout leur déve- loppement, que l'on voit se former dans l'intérieur de ces noyaux des nucléolules sous la forme de petites vésicules transparentes. D'ordinaire, il n'y a qu'un noyau et un nucléolule dans une cellule primitive ; mais parfois aussi on en rencontre qui ont deux noyaux et plusieurs nucléolules dans ces noyaux (fig. 161). Je me suis assuré de la manière la plus positive que le nucléo- lule n'est pas le point primitif autour duquel se forme succes- sivement le noyau de la cellule. Il paraît au contraire que le noyau et la cellule apparaissent en même temps , tandis que le nucléolule ne se montre que lorsque la cellule est déjà bien avancée dans son développement. En quelques endroits, particulièrement dans le voisinage du foie, ces cellules pimentées ne se maintiennent que quel- que temps , et disparaissent de nouveau vers l'époque de l'é- DE LA PEAU ET DES MUSCLES. 145 closion. Leur résorption s'opère , à ce qu'il paraît , de la manière suivante : les corpuscules moléculaires noirs dispa- raissent insensiblement, et la couleur noire de la cellule se transforme en un gris de plus en plus clair; peu à peu l'enve- loppe extérieure disparaît , les ramifications deviennent moins distinctes ; plus tard, le corps de la cellule est lui-même résorbé, et bientôt on ne voit plus que le noyau entouré d'une teinte nébuleuse et grise qui se perd dans le parencbyme sans limite précise. Le noyau lui-même prend tout-à-fait l'apparence d'une cellule; il devient transparent, vésiculaire, et perd de plus en plus son apparence grisâtre et grenue. Le nucléolule se dilate et finit par atteindre à peu près la grandeur du noyau ; il a alors tout-à-fait l'apparence d'une vésicule transparente et creuse ; et si l'on vient à examiner la cellule de piment à cette époque , on aura une cellule transparente et limpide (l'ancien noyau) entouré d'une teinte grisâtre (le reste du piment), et dans l'intérieur un grand noyau transparent , qui n'est que l'ancien nucléolule. La cellule du noyau disparaît à son tour, le nucléolule seul persiste encore quelque temps sous la forme d'une petite vésicule simple, et finit par devenir aussi invisible. 11 paraît, par conséquent, que la résorption du noyau primitif qui devient une véritable cellule, est occasionnée par le déve- loppement excessif du nucléolule contenu dans son intérieur. Les cellules à piment brun ne se trouvent que dans le voisi- nage de la tête et du cou , où elles occupent tout l'espace au- dessous de la base du crâne et de la corde dorsale , s'étendant jusque vers le cœur et même jusqu'à la ceinture thoracique ; mais elles ne dépassent guère la corde dorsale vers le baut. Elles sont surtout très-distinctes sur la partie antérieure du sac péricardial ainsi que sur le rudiment de l'opercule (fig. 56 , 154, 142), et suivent même la couche épithélienne jusqu'au fond de la cavité buccale et vers les ouvertures des fentes bran- 19 1 M) DEVELOPPEMENT chiales (fio. 166). Elles apparaissent d'assez bonne heure , même avant les cellules de piment noir , et se distinguent de ces dernières par l'absence de toute ramification et par le déve- loppement particulier de leur contenu. Sous un faible grossis- sement, on remarque d'abord sur Fopercule des taches grenues d'un jaune brun, qui s'étendent bientôt sur toutes les régions que nous venons de mentionner; sous un grossissement plus fort , les cellules de la couche épidermoïdale paraissent remplies de fines granules d'un brun foncé. D'abord, il est vrai, on n'aper- çoit que quelques-unes de ces granules, tantôt dans l'une, tan- tôt dans l'autre cellule ; mais elles finissent par envahir toutes les cellules et se présentent alors comme des taches d'un brun rou- geâtre. Quoique très-petites , ces granules sont cependant plus grandes que celles du piment noir, de forme plus ou moins cir- culaire et ressemblent assez à de fines gouttelettes d'huile. Les cellules elles-mêmes grandissent considérablement à mesure qu'elles se remplissent de ces granules, mais leurs parois n'en sont pas moins distinctes ; cependant elles n'atteignent jamais les dimensions des cellules à piment noir. Quant au noyau, nous avons vu qu'il n'existe pas. Ces cellules se maintiennent assez longtemps dans cet étal; elles ne disparaissent que vers l'éclosion , par suite d'une métamorphose particulière : la paroi des cellules paraît de moins en moins distincte et enfin elle se perd complètement. Les granules ne subissent d'abord aucune modification , mais bientôt on en voit ça et là une se dilater et prendre une apparence vésiculaire eu même temps qu'elle perd sa coloration. Parfois il n'y a qu'une granule dans une cellule, mais souvent aussi on en voit cinq ou six se développer dans la même cellule aux dépens des autres granules qui disparais- sent insensiblement. Il arrive ainsi qu'après un certain temps, on ne remarque plus que des vésicules isolées qui sont beau- coup plus petites que les cellules primitives , complètement DE LA PEAU ET DES MUSCLES. 1 'il limpides el transparentes, entourées tantôt d'un côté seulemeni, tantôt de tous côtés de quelques granules pimentées qui per- dent de plus en plus leur teinte brune. Enfin arrive le moment où il ne reste que les différentes vésicules, qui , suivant leur origine, sont tantôt isolées , tantôt plus rapprochées et en- tourées d'une substance intercellulaire sans structure distincte. Ces vésicules ne contiennent jamais de noyaux ou d'autres formations intérieures ; aussi disparaissent-elles bientôt , el quelque temps après leclosion , il n'en existe plus aucune trace. J'ai représenté dans la fig. 164 une série de ces cellules dans les différentes phases de leur développement, telles qu'on les observe sur l'embryon près d'éclore. Ce développement est surtout remarquable , parce que le contenu des cellules subit des métamorphoses qui lui sont particulières en ce que des granules nutritives deviennent des cellules indépendantes. Les cellules étoilées sans piment sont en quelque sorte l'op- posé des cellules pimentées brunes, et occupent, comme celles- ci, les parties inférieures, ainsi que les parties supérieures de la tête et de la nuque (voy. fig. 142). Elles ne se distinguent ni par un contenu particulier, ni par des métamorphoses ex- traordinaires , mais seulement par leur forme ramifiée qui rap- pelle les cellules à piment noir, et ne sont que des modifi- cations des cellules épitheliennes en pavé. Aussi sont-elles très-éphémères. Les écailles qui distinguent d'une manière si frappante la peau des poissons, n'apparaissent que fort lard, longtemps après l'éclosion. Mes embryons n'ont pas vécu assez longtemps pour me permettre d'observer leur développement; mais dans une série de jeunes Saumons que M. Agassiz avait rapportés d'Angleterre, et parmi lesquels ils s'en trouvait de tous les âges, depuis l'éclosion jusqu'à l'âge de deux ans, j'ai pu voir que les plus jeunes (fig. 170, 171) ne montraient encore que les rudi- 1 48 DÉVELOPPEMENT mens des poches dans lesquelles les écailles se forment, taudis que les suivans, qui avaient trois mois (Gg. 172), montraient déjà des écailles entièrement développées ; j'ai représenté quel- ques-unes de ces écailles sous un très-fort grossissement dans les fig. 173 à 175. Si l'on compare ces écailles avec celles de Tab. 1 a et de Tab. 2 de la V^ Livraison de cet ouvrage, qui sont des écailles de Saumon adulte, on sera frappé de la grande différence qui existe entre ces différens âges. Les lames con- centriques si nombreuses chez l'adulte sont en très-petit nombre dans la jeune écaille ; mais les lignes qui indiquent les bords des différentes lames sont aussi continues que chez les vieux poissons, et l'on n'a aucun indice qui pût faire supposer que ces lignes soient composées de cellules isolées ; au contraire, les li- gnes lamellaires semblent même être plus uniformes et continues chez les jeunes écailles que chez celles qui ont atteint tout leur développement. On reconnaît aussi dans les jeunes écailles la petite lame centrale qui est l'origine de l'écaillé, et qui paraît souvent beaucoup plus petite que l'espace circulaire vide, situé au centre des écailles adultes usées. Quant aux lignes rayon- nantes qui s'entrecroisent avec les lignes lamellaires concen- triques , elles sont tout aussi difficiles à expliquer sur les jeunes écailles que sur les écailles adultes ; l'opinion de M. Mandl (*) sur l'origine et la composition des écailles ne se confirme pas plus ici que sur les poissons adultes, à l'égard desquels elle a été réfutée complètement par M. Agassiz (**) ; elle n'en paraît même maintenant que plus arbitraire. C'est au reste un point sur lequel nous reviendrons plus tard , en traitant de l'ana- tomie. Le canal sécréteur de la" ligne latérale se montre peu de (*) Annales des sciences nadirclles. Année l,S,"59. Toine XI. (**) Annales des sciences nafurelles. Année 18^(0. Tome \III el XIV. DE LA PEAU ET DES MUSCLES. 149 leiups après l'éclosion, sous la forme d'une longue ligne con- tinue allant de la tête à l'anus. Il coïncide exactement avec le milieu de la corde dorsale, ensortc qu'en l'examinant super- ficiellement sous un faible grossissement , il est très-facile de se tromper et de le prendre pour une ligne de séparation , tra- versant les corps de vertèbres (fig. 88 et 89), Je suppose que c'est cette apparence trompeuse qui a induit M. de Baer en er- reur et lui a fait prétendre que les vertèbres des poissons se composaient dans l'origine de ^deux demi-anneaux séparés ho- rizontalement. Je n'ai pas pu m'assurer de quelle manière se forment les différens petits tubes qui composent la ligne laté- rale à cause de leur extrême finesse. Les muscles ne sont pas des organes dont le développement soit très-précoce. Ainsi que nous l'avons fait remarquer plus haut, leur apparition définitive est partout précédée de petites cellules à noyaux. Les divisions vertébrales, ainsi que les feuil- lets tendineux qui pénètrent jusqu'aux parties solides, sont les points d'attache des fibres musculaires , en sorte que toute la masse des muscles recouvrant les flancs du corps se trouve sé- parée en autant d'anneaux qu'il y a de feuillets tendineux, chaque anneau musculaire remplissant l'espace entre deux feuil- lets tendineux. Or, comme ces feuillets correspondent au mi- lieu des corps de vertèbres, il y a, pour chaque articulation des vertèbres , un anneau musculaire, et la totalité de ces anneaux correspond à celle des vertèbres elles-mêmes. Les grands muscles latéraux des poissons ne représentent donc pas un seul muscle divisé par de nombreuses inscriptions tendineuses, mais bien autant d'anneaux musculaires qu'il y a de vertèbres. Ces muscles maintiennent chez les poissons leur position primitive, tandis que chez les animaux supérieurs ils se divisent en une quantité de faisceaux isolés, comme, par exemple, chez les ser- pens, ou bien ils sont refoulés conformément au développement 150 DÉVELOPPEMENT DE LA PEAU ET DES MUSCLES. des extrémités antérieure et postérieure. Chez les animaux su- périeurs et chez l'homme, cette disposition simple des muscles embryonaires ne se maintient que dans le petit nombre de muscles dorsaux et abdominaux qui sont séparés par des lames tendineuses. Dans l'origine , on ne remarque aucune régularité dans l'ac- cumulation des cellules embryonaires destinées à former les muscles. Ce n'est que vers le milieu du développement embryo- nique que l'on observe une disposition linéaire de ces celllules, et bientôt après on voit se développer les stries transversales qui , dans le poisson adulte caractérisent les fibres des muscles volontaires. Il m'a été impossible d'en suivre toutes les trans- formations, à cause de l'extrême délicatesse des cellules embryo- naires et des fibres musculaires primitives. Ce qui est certain , c'est qu'avant que les cellules soient disposées en fibres linéaires, l'embryon exécute déjà des mouvemens très-énergiques et très- rapides. CHAPITRE IX. DEVELOPPEMENT DES INTESTINS. 1^ DU CANAL INTESTINAL. En représentant, dans le chapitre premier, le vitellus comme l'une (les parties essentielles de l'œuf, nous avons en même temps fait remarquer que celui de la Palée ne montre au- cune trace de cellules , mais qu'il se présente toujours comme une substance homogène alhumineuse, avec des gouttelettes d'huile d'une teinte jaunâtre. Avant de décrire les différentes phases du développement que subissent les intestins de la cavité abdominale , je dois insister encore une fois d'une manière spéciale sur cette particularité; car il importe de ne point la perdre de vue , si l'on ne veut pas s'exposer à de graves er- reurs. On comprend en effet qu'un vitellus dépourvu de cellules doit exercer une autre influence sur le développement des in- testins que s'il était composé de cellules. Aussi bien , s'il fallait s'en rapporter aux assertions d'un auteur récent qui fait dériver non seulement l'intestin , mais encore l'embryon tout entier des cellules du vitellus , autant vaudrait renoncer de prime abord à l'étude de l'embryologie du poisson. 1 52 DÉVELOPPEMENT Pour poursuivre le développement de rintestin dès son ori- gine, il importe de remonter aux premières époques de la vie embryonique , alors que l'embryon n'est encore qu'une agglo- mération à peu près informe de cellules recouvraut la surface du vitellus. A cette époque, les rudimens du système nerveux central, les deux principaux organes des sens , la corde dorsale et les divisions vertébrales existent, et la couche épidermoïdale, qui part de l'embryon , a déjà envahi la plus grande partie du vitellus; l'embryon en est à peu près à l'état de fig. 27 et 28 ; la partie qui touche le vitellus est large ; le dos est peu saillant et ne dépasse nulle part le vitellus ; l'extrémité céphalaire , ainsi que l'extrémité caudale sont encore appliquées contre ce dernier. Si l'on examine l'embryon sous un fort grossissement , on découvre sur la face tournée vers le vitellus , entre la corde dorsale et le liquide vitellaire, une couche épaisse de cellules jMrlîcuIières , qui s'étendent sur toute la longueur du tronc et disparaissent insensiblement vers la tête. Isolées , ces cellules apparaissent toutes beaucoup plus grandes que les cellules embryonaires , quoique moins grandes que celles de la couche dermoïdale. Elles sont distinctes des unes et des autres, car elles n'ont pas seulement un noyau , mais ce noyau contient aussi le plus souvent un nucléolule. Ces cellules sont ordinairement rondes , quelquefois un peu allongées , mais le plus souvent elles ne contiennent que peu ou point de substance nutritive grenue. Leurs noyaux sont ronds, limpides et transparens ; leurs nucléolules seulement visibles au moyen de forts grossis- semens et sous la forme de simples points noirs. Dans l'o- rigine , ces cellules ne sont pas serrées , et l'on ne remarque pas une adhérence bien marquée entre elles , en sorte que leur forme ronde n'est en aucune façon modifiée par leur agglomé- ration (lig. 1 38) ; elles ne forment pas des groupes particuliers, mais bien une couche uniforme. Je ne saurais dire si elles sont DES INTESTINS. 153 bciignées par le liquide vilellaire , ou si elles en sont séparées par une membrane , leur petitesse et leur peu de consistance ne m'ayant pas permis de faire des recherches suivies à ce sujet ; cependant je suis porté à croire qu'elles sont en con- tact immédiat avec ce liquide, ce qui n'empêche pas qu'elles n'adhèrent d'une manière très-prononcée au reste de la subs- tance embryonaire et en particulier à la corde dorsale, car, en ouvrant le sac du vitellus , je n'ai jamais vu une seule de ces cellules être entraînée par le liquide ; elles restaient toujours en place , accolées à la substance embryonaire. Le premier changement que l'on aperçoit dans cette agglo- mération de cellules, c'est leur séparation en deux couches superposées, dont l'une est plus rapprochée de la corde et l'autre du vitellus. Entre les deux, il y a un espace assez con- sidérable en forme de fente , qui s'étend depuis l'anus jusque vers la courbure nuchale, et qui paraît être vide(fig. 136). Cet espace ressemble si fort à l'intérieur d'un tube , que lorsque j'observai pour la première fois cette séparation , je crus avoir sous les yeux la cavité de l'intestin , et je pris les deux couches pour les parois du tube intestinal ; mais le développement ul- térieur de l'embryon m'apprit bientôt que je m'étais trompé , puisque la couche supérieure se transforme en reins (10) , et que c'est la couche inférieure, qui devient Y intestin (1 et 2). Quit- tons pour le moment la couche supérieure pour ne nous oc- cuper que de l'intestin. Il résulte de ce que nous venons de dire que , dans l'origine, Vintestin (1 , fig. 136) se compose d'une couche celluleuse aplatie et légèrement concave en bas, qui est étendue par dessus le vitellus. Peu à peu cette cruche se développe, la queue se forme, le tronc se détache du vitellus , et les bords de la couche celluleuse de l'intestin se recourbent vers le vitellus , en formant d'abord, vers ce dernier, une gouttière ouverte 20 154 DÉVELOPPEMENT qui peu à peu se change en cylindre creux , en se fermant d'arrière en avant. En même temps , ces cellules , qui d'a- bord étaient si distinctes , se transforment en fibres claires et transparentes , et , quoique contenant , dans une seule et môme couche , toutes les différentes membranes de l'intestin , elles ne forment cependant qu'un tube simple , dont l'extrémité postérieure est encore fermée comme un cécum du côté de l'anus, tandis qu'en avant, là où il n'est pas encore détaché complètement du vitellus, l'intestin conserve encore cette forme de gouttière, qui se remarquait d'abord dans toute sa longueur. C'est dans le voisinage de la nageoire pectorale , entre celle-ci et le foie, c'est-à-dire, à l'endroit où vient aboutir, durant toute la vie embryonaire , le canal vûeUaire , que cette forme aplatie persiste le plus longtemps. Sa transformation en un tube cy- lindrique n'est point, à ce qu'il paraît , un effet purement mé- canique du dégagement insensible du vitellus, quoique ces deux modifications soient parallèles ; elle me paraît bien plutôt être le résultat d'un mouvement particulier des cellules ; car comment expliquerait-on sans cela la formation du canal in- testinal buccal , à l'égard duquel il ne peut être question d'un pareil dégagement? Avant que la transformation de l'intestin en un cylindre creux n'ait atteint la ceinture thoracique, on voit paraître une nouvelle formation : à cette époque, les cellules dont nous ve- nons de parler sont accumulées en quantité considérable sous la nageoire pectorale qui commence à se dégager ; elles sont em- ployées d'une part à la continuation du tube intestinal vers la cavité buccale , et d'autre part à la formation du foie qui se déve- loppe en cet endroit. Le tube intestinal , tout en s'arrondissant, se divise en deux bras , l'un qui se prolonge en droite ligne en avant et devient ainsi Vintestin buccal [2), l'autre qui se prolonge en bas vers cette partie de l'accumulation de cellules, qui repose DES INTESTINS. 155 sur le vitellus, et représente les premiers rudiiuens des canaux hiliaires. On ne découvre d'abord, dans cette accumulation cel- luleuse, que la cavité assez étroite de l'intestin , qui se courbe en forme de crochet au dessus des cellules destinées à former le foie (fig. 143 w). La base de ce crochet faisant saillie en bas , se prolonge insensiblement dans les cellules du foie, qui res- semblent à un essaim d'abeilles (fig. 143). Bientôt ces cellules s'écartent d'elles-mêmes en plusieurs endroits et occasionnent des espaces vides assez grands , dont les prolongemens s'éten- dent de tous côtés dans l'accumulation cellulaire (iîg. 141). Nous poursuivrons ailleurs, en traitant du foie, le développe- ment ultérieur de ces rudimens des canaux biliaires; pour le moment , nous ne nous occuperons que de la formation de la branche antérieure de l'intestin , c'est-à-dire . de {'intestin buc- cal (2). Cette partie de l'intestin qui d'abord s'étend à peine au- delà du foie, se prolonge toujours plus en avant jusque dans la région de la ceinture ihoracique , où elle se termine en cécum. On voit distinctement que cette progression du tube n'est nullement un envahissement de l'intestin , s'insinuant eu quelque sorte machinalement dans la tête , comme on pour- rait le croire , mais que ce sont plutôt les cellules qui s'écartent d'elles-mêmes et se referment du côté du vitellus dont elles sont déjà au moins détachées, sinon entièrement séparées. C'est prés de la ceinture thoracique , par conséquent tout près de l'extrémité cécale du tube intestinal, que vient aboutir le canal vitellaire qui établit maintenant Tunique communication entre l'intestin et le vitellus ; si ce canal n'est pas visible , c'est parce qu'il est recouvert par l'extrémité antérieure du tube intestinal, par le ductus Cuvieri et la ceinture thoracique. Linleslin représente par conséquent , à cette époque de la vie embrvonique, un tube allongé d'égale largeur, à parois assez 156 DÉVELOPPEMENT épaisses , s'étendaut de l'anus à la ceinture ihoracique , fermé à ses deux extrémités , mais ayant deux ouvertures en bas , l'une qui communique avec le canal vitellaire et l'autre avec le foie (lig. 87). Pour l'ordinaire , on n'aperçoit plus aucune trace des cellules qui , dans l'origine , composaient 1 intestin ; toutes sont métamorphosées, et les parois de l'intestin sont devenues une membrane solide qui se distingue par sa blancheur (fig. 142), lorsque l'on place le foyer du microscope de manière à voir la coupe de l'intestin. Ces parois sont beaucoup plus épaisses et plus solides, relativement à la cavité qu'elles entourent, qu'elles ne le seront plus tard. Il est vrai qu'elles s'élargissent un peu près du foie , mais c'est pour se rétrécir de nouveau vers la ceinture thoracique, et lorsqu'on examine l'embryon sous un faible grossissement , les parois et les plis de cet élargissement paraissent ordinairement si transparens et si blancs (fig. 46 et 56 ) , qu'on a de la peine à reconnaître leur véritable signifi- cation. Le développement ultérieur du tube intestinal est assez simple: après quelque temps, l'anus se montre à l'extérieur; en même temps, le tube buccal pénètre dans la cavité de la bouche, pro- bablement en résorbant la cloison qui ferme le fond de la ca- vité branchiale. Ces ouvertures de l'anus et de la cavité buc- cale une fois percées , l'intestin forme un tube simple et droit, allant de la bouche à l'anus , avec un petit élargissement au milieu, là où vient aboutir le canal cholédoque (fig. 87w). C'est cet élargissement qui, en se plissant en zig-zag , se trans- forme,après l'éclosion, en estomac et en duodénum, de manière qu'il en résulte celle forme en hameçon de l'estomac , qui se voit presque dans tous les poissons adultes. Le développement des différentes membranes de l'intestin et en particulier de la membrane muqueuse et de la membrane musculaire, n'a pas pu être observé en détail. En revanche. DES INTESTINS. 157 l'enveloppe péritonique de l'intestin et du mésentère est très- simple chez les poissons. Ainsi que nous l'avons vu en trai- tant de son origine , le tube intestinal repose d'abord immé- diatement sur les reins du poisson ; mais bientôt il se forme une couche celluleuse simple, qui se transforme insensiblement en une couche fibreuse. Cette couche tapisse la face intérieure des parois abdominales et passe immédiatement à la face anté- rieure des reins qu'elle recouvre , séparant ainsi les reins du reste de la cavité abdominale ; c'est le péritoine fibreux externe des poissons. Il se forme ensuite, à la face interne de ce péritoine fibreux , une seconde couche épithélienne plus mince. Vers le haut, là où l'intestin est en contact avec les reins , la formation épithélienne passe immédiatement à ces derniers , sans envelopper complètement l'intestin ; de là elle se continue le long de la paroi abdominale ; et comme l'intestin est ouvert en avant et en arrière et qu'il fait déjà corps en ces en- droits avec les parois qui l'enferment, il en résulte que la for- mation épithélienne passe aussi immédiatement à la paroi ab- dominale. Cette formation se présente par conséquent sous la forme d'un sac fermé de toutes parts , dans lequel l'intestin semble avoir été introduit d'en haut. Près de l'anus , ce sac forme une duplicature qui descend d'abord librement vers la ligne mé- diane du ventre, et se confond peu à peu avec cette partie de la formation épithélienne qui tapisse la face interne de la paroi ab- dominale. Vers le haut, là où les feuillets vont de l'intestin à la face externe des reins , il se forme, par suite du revêtement in- complet de l'intestin et des reins, un espace pyramidal pointu en arrière, destiné à loger la vessie natatoire. Vers l'extrémité pos- térieure de la cavité abdominale , le développement précoce de la vessie urinaire interrompt en quelque sorte le trajet uniforme du mésentère , par la raison que les feuillets qui montent vers les reins revêtent préalablement les faces latérales de la vessie 158 DÉVELOPPEMEINT iirinaire. Les rapports du foie semblent être à peu prés les mêmes ; la paroi du foie forme en quelque sorte le pont sur le- quel passent les duplicatures qui se dirigent vers les parois ab- dominales. On voit par ce qui précède que, dans l'origine , il ne sau- rait être question du mésentère proprement dit , puisque les deux feuillets , au moyen desquels l'intestin est fixé à la co- lonne vertébrale, ou plutôt au péritoine fibreux, sont d'abord peu rapprocbés. Plus tard , longtemps après l'éclosion , l'état des choses change par suite du développement des organes sexuels, qui, en pénétrant dans la cavité abdominale, y déter- minent de nombreux enchevêtremens et des formations mésen- tériques , dont nous examinerons le trajet en détail en traitant de l'anatomie du poisson adulte. Les fonctions de l'intestin commencent longtemps avant l'éclosion. Dès la seconde moitié de la vie embryonique , on voit très-bien , sous le microscope, le mouvement péristaltique s'exécuter d'avant en arriére, absolument comme dans un animal ouvert vivant ; ces mouvemeus sont même souvent plus énergiques que dans le poisson adulte. On voit distinctement les substances alimentaires circuler dans l'intestin, et je ne suis pas le seul qui ait vu des gouttelettes d'huile détachées du grand réservoir que contient le vitellus , passer dans l'intestin et y progresser insensiblement. J'ai aussi plusieurs fois remarqué dans l'intestin de lembryon, de jolis cristaux jaunes, sans doute des cristaux de stéarine , qui venaient probablement de la même source. Il n'est par conséquent pas douteux que le vi- tellus ne soit réellement digéré ; aussi les excrémens ne man- quent-ils pas. On trouve presque dans tous les œufs des amas plus ou moins considérables d'une substance grenue qui a tout- à-fait l'apparence du vitellus coagulé par le contact de l eau , cl qui , en s'allachanl aux nageoires caudales et pectorale» , DES INTESTINS. 159 nécessite de la part du poisson qui cherche à s'en déharasser, des mouvemens]fréquens et hrusques. Or, comme j'ai remarqué une suhstance semhlahle clans la partie terminale de l'intestin et que j'ai \u s'en échapper par l'anus , je ne doute pas que ce ne soit là le résidu non digéré du liquide vitellaire que l'em- hryon rejette. Ces observations suffiront pour montrer comhien est erronée l'opinion de M. Filippi (*) qui, bien qu'ayant remarqué dans le Gobîus fluviaiîlis , la tige au moyen de laquelle le vitellus communique avec l'intestin , ne la croit cependant pas creuse, et nie par conséquent le passage du vitellus dans l'intestin. 2° LE VITELLUS. Nous avons décrit dans le chap. F"" les rapports de la mem- brane vitellaire avec l'œuf. L'existence de cette membrane , pendant la vie embryonique , est de courte durée, car la couche celluleuse qui part de l'embryon a à peine envahi le vitellus , que déjà la membrane vitellaire a disparu pour faire place à cette dernière. Le vitellus lui-même ne subit que des modifications peu no- tables dans le cours du développement embryonique; c'est toujours le même liquide transparent et incolore qui existait déjà avant la ponte ; sa réaction contre l'eau est la même; l'ap- parence et la couleur du contenu huileux n'ont changé en rien , et l'on ne remarque en général des changemens que dans l'agglomération de ce contenu huileux. On sait que, dans l'ori- gine , fhuile était accumulée en petites gouttelettes , formant autour de la vésicule germinative et au-dessous de la vessie vitellaire un disque continu , qui , par suite de sa moindre pe- (*) Memoria suUo sviluppo dcl Ghiozzo tFAcqua dolce (Gobiiis fluviatilis) del Dottor Filippo di Filippi. Milaiio IS'il. Aimali uiiiversali di incdicina. Août 1 60 DÉVELOPPEMENT sauteur spécifique, était toujours tourné en haut de quelque ma- nière que l'on plaçât l'œuf. Peu à peu les différentes gouttelettes d'huile se réunissent en une seule grande goutte. Il y a même beaucoup de poissons chez lesquels cette forme existe dès l'origine , et l'œuf de la Perche, entre autres, ne montre qu'une seule grande goutte d'huile , que M. Garus appelle le réservoir huileux. Cette grande goutte d'huile conserve, relativement à l'embryon, la même position qu'avait le disque huileux ; elle est invariablement située dans le voisinage de la tête, vis-à-vis du foie. A mesure que le vitellus se retire, la goutte d'huile se rapproche de plus en plus du corps, et, à l'époque de l'éclosion , alors que tout le vitellus est rentré dans l'abdomen et enfermé par les parois abdominales , elle est située derrière le péricarde , où elle oc- cupe, avec le foie qui est derrière elle, le bord supérieur du vitellus (Gg. 83). La goutte d'huile se maintient dans cette po- sition, près du canal vitellaire qui aboutit à l'intestin , aussi longtemps qu'elle existe (e, fig. 88 , 89, 90 et 87) ; or nous voyons qu'elle persiste longtemps après l'éclosion , alors que tout le liquide vitellaire est depuis longtemps absorbé ; à cette époque , elle est encore située à la face supérieure du foie entre celui-ci et le péricarde, et il paraît qu'elle n'est entièrement résorbée que vers la fin du second mois après l'éclosion. Avant celte époque , lorsque le liquide vitellaire a déjà complètement disparu , les divers organes se montrent dans la succession sui- vante, d'avant en arrière : le cœur , la goutte d'huile, l'élar- gissement de l'intestin (fig. 87, 89, 90). La vessie biliaire avec le canal cholédoque (ce dernier se voit dans la fig. 87), occupe par conséquent la face opposée du foie , la face concave qui regarde l'intestin, taudis que la goutte d'huile est à la face con- vexe qui est tournée en bas. 11 suffit d'indiquer cette position relative des organes entre eux, tels qu'ils sont représentés dans DES INTESTINS. IGI les figures que je viens de citer, pour se convaincre que l'opi- nion de Carus (*) , qui prétend que la goutte d'huile se trans- forme immédiatement en vessie biliaire , est complètement in- exacte et dépourvue de toute base réelle, ainsi que l'a démontré depuis longtemps M. de Baer. Les rapports du vùellm avec l'embryon sont de la plus haute importance, au point de vue morphologique, comme au point de vue physiologique. Dans l'origine, le vitellus surpasse de beaucoup en grandeur l'embryon ; celui-ci n'est qu'une petite agglomération de cellules, entourant comme un demi-cercle le vitellus, auquel il est accoUé par la membrane vitellaire ; mais peu à peu la couche celluleuse, qui part du germe embryonique , envahit tout le vitellus ; la membrane vitellaire disparaît par suite de cet envahissement , et l'on peut dire qu'à cette époque l'embryon domine déjà le vitellus ; aussi commence-t-il , dès ce moment , à se dégager et à devenir tou- jours plus indépendant. La queue apparaît dans ces entrefaites, mais le vitellus ne s'en maintient pas moins dans les mêmes rapports avec l'embryon ; car c'est moins par étranglement que par un accroissement de la partie postérieure du tronc que cet organe se forme. Toutefois, à mesure que l'intestin prend une forme tubulaire , le vitellus se sépare de plus en plus de l'em- bryon , et tandis que dans l'origine , l'embryon reposait sur le vitellus par toute sa face ventrale, depuis la pointe du museau jusqu'à l'anus , il commence maintenant à se détacher par ses deux extrémités ; la cavité abdominale se ferme de plus en plus en arriére, et le pli qu'on aperçoit entre elle et le vitellus , em- piète toujours plus sur le devant, comme s'il était refoulé par un instrument obtus. Un second pli est refoulé de la même manière, de la pointe du museau en arrière. La tête d'abord, (*) Erliintpnuijjsltit'ohi /iir vori;lc'i<-liPii. 21 1 62 DÉVEL0PPE3IEN r cl plus tard le cou se détachent de la surface du \'itellus ; ce- pendant le cœur, qui est encore attaché par son hord postérieur au vitellus , et qui n'échange que lentement sa position verti- cale contre une position horizontale, le cœur , dis-je, est cause que le pli antérieur se dégage hien plus lentement que le pos- térieur. Néanmoins, vers l'époque de l'éclosion , le dégagement est déjà tellement avancé des deux côtés , qu'il n'y a d'autre adhérence avec le vitellus que celle du canal vilellaire. La posi- tion de ce canal diffère beaucoup de ce qu'elle est dans d'autres classes des vertébrés; il aboutit dans l'intestin buccal, immédiate- ment derrière le dernier arc branchial, qui perd par la suite ses branbhies et devient un arc pharyngien ; il est par conséquent tellement antérieur , qu'on dirait qu'il débouche plutôt dans le pharynx que dans l'estomac; l'embouchure est très-loin de l'endroit où se forme la vessie natatoire (fig. 87), Le dégage- ment progressif du vitellus ressort de la manière la plus dis- tincte des fig. 33, 136, 34, 39, 42 , 140, 46, 142, 56, 82, 85 et 88 (*). Il faut cependant distinguer deux particularités importantes dans le dégagement du vitellus, le sac vùellaire interne, formé par les membranes de l'intestin, qui passent à la surface du vi- tellus, au moyen du canal vitellaire, et le sac vitellaire externe, résultant de cette couche celluleuse qui part de l'enveloppe épidermoïdale de l'embryon pour recouvrir tout le vitellus, et que les embryologistes ont désigné sous le nom de plaques ab- dominales. (*) M. Filippi prétend que, dans le Gohius fliwiatilis,\e vitellus correspond au foie ; cette étrange assertion a droit de surprendre tous ceux qui se sont occupés d'embryologie; aussi n'est-ce qu'après avoir étudié les figures qui accompagnent son mémoire, que je suis parvenu à découvrir la cause de celte interprétation. Il en résulte tout simplement que l'auteur, induit en erreur par la position du vi- tellus intérieur situé devant le foie , a pris le vitellus pour le foie , et le foie pour la vessie biliaire. Mvtnorin suUc syilappo (kl (jhiozzo iV.icqua dolcc. DES IMESTIXS. I G3 Nous avons indiqué , en traitant des cellules particulières dont se forme l'intestin , les limites de cette couche qui occupe l'espace entre la corde dorsale et le vitellus. En avant et en arrière, ses limites sont assez tranchées , mais il n'en est pas de même sur les côtés, et il semble que sur le vitellus même, elle se confonde avec les cellules en pavé, qui recouvrent toute sa surface. Toutefois, il n'est guère possible de distinguer dans les premiers temps une seconde couche , partant des cellules de l'intestin et qui envelopperait le vitellus (fig. 136). Il en est autrement plus tard, quand l'intestin, se formant en tube, se dégage du vitellus. Si alors l'on vient à examiner l'an- gle du pli qui sépare la partie postérieure de l'intestin du vitellus, au moment où le dégagement est encore peu avancé, on voit, sur la tranche du corps , là où commence à se former la na- geoire ventrale embryonaire, la duplicature de la couche épi- dermoïdale passer immédiatement au vitellus et s'y confondre avec ce revêtement particulier, composé de cellules en pavé, qui date des premiers temps du développement embryonique (fig. 140). Un peu en avant de ce pli , on voit le pli formé par la membrane de l'intestin passer également à la surface du vitellus, y former une seconde enveloppe, celle que nous avons nommée le sac vitellaire interne. En attendant , des cellules à noyaux particulières et assez grandes sont apparues sur le vitellus ; d'abord sporadiques, elles envahissent plus tard le vitellus entier et fournissent la matière principale du sang. Il est probable que ces cellules sont la continuation directe de la couche intestinale , quoiqu'elles ressemblent peu aux cellules qui constituent l'intestin. La formation du foie commence à peu près à cette époque. A partir de ce moment, le développement du sac vitellaire in- terne marche rapidement et bientôt la communication entre l'intestin et le vitellus en est réduit au canal vitellaire. Le 164 DÉVELOPPEMENT dégageûient de la paroi abdominale ne s'opère pas avec la même rapidité ; très-serrée autour de l'intestin , à la par- tie postérieure du tronc, là où se trouve la nageoire ventrale embryonaire , elle se renlle en forme de vessie plus en avant, au dessus du foie, ensorte qu'il se forme ici un large sac bombé , rempli de liquide , à travers lequel on découvre les intestins abdominaux lorsqu'on tient l'embryon de profil (Tig. 142). La ceinture thoracique , à laquelle la couche épi- dermoïdale adhère fortement , forme la cloison antérieure de cet élargissement et le sépare du sac péricardial , qui est formé de la même manière et dont nous parlerons plus tard en trai- tant du cœur. Cet élargissement atteint la corde, d'où il s'étend en formant un grand arc à peu près jusqu'à la moitié de l'es- pace entre l'anus et le foie , où il gagne de nouveau le vitellus (fig 142). Sa transparence est si grande qu'on peut fort bien ne pas l'apercevoir; mais en examinant l'embryon dans une position telle, que l'on voie la tête d'en haut, il est facile d'en reconnaître les limites et l'étendue ; et l'on acquiert aisément la certitude qu'il regagne le vitellus à peu prés au milieu de ce dernier, ce qu'il n'est pas possible de distinguer en tenant l'embryon de profd. Comme ce renflement est égal des deux côtés , l'embryon a l'air de reposer au sommet d'un cône équi- latéral, à large base (fig. 57). Les portions de l'enveloppe épi- dermoïdale générale, qui forment ces deux sacs , celui du pé- ricarde et celui du ventre, sont les analogues de ce queRathke(*) a appelé, dans les animaux supérieurs, les membranes de réu- nion [membranœ reunîentes), et en particulier de la membrane de réunion inférieure; au moins n ai-je remarqué aucune autre trace de cette dernière. Le renflement en forme de sac de la couche épidermoidale atteint sa plus grande élévation à peu (*) Milliers Arthiv. ISïS. p. ôfil. DES INTESTINS. 1 65 près au milieu de la vie embryonique , après quoi il com- mence à décliner, et à l'époque de l'éclosion , il est de nou- veau appliqué immédiatement contre les entrailles et le vitel- lus, où il forme les parois abdominales. Ce renflement me semble destiné à faciliter l'emprisonne- ment complet du vitellus entre les parois abdominales; tandis que chez la plupart des vertébrés supérieurs et chez beaucoup de poissons , en particulier chez les Placoïdes , le vitellus est suspendu à une tige, autour de laquelle les parois abdominales se referment insensiblement, jusqu'à séparer le sac vitellaire du corps. Les choses se passent différemment chez les Salmones et chez la plupart des poissons osseux : l'intestin se détache sans doute aussi du vitellus et ne communique avec lui que par le canal vitellaire ; mais le vitellus n'en est pas pour cela séparé de l'abdomen, et les parois abdominales , loin d'en exclure une partie , l'enveloppent au contraire de toute part et le reçoivent dans leur cavité (fig. 87, 88 et 89). D'abord , il fait saillie sous la forme d'une grande vessie ronde , ce qui n'empêche pas qu'il ne soit entouré par le prolongement des parois abdominales. Plus tard , il diminue de volume , bien que le liquide qu'il ren- ferme soit encore assez abondant. Pour donner une idée exacte des modifications que subit le vitellus avant de rentrer tout-à-fait dans l'intestin , j'ai repré- senté, de grandeur naturelle (fig. 170, 171) , deux jeunes Sau- mons avec le vitellus tel qu'il se présente chez ces poissons. 11 n'est pas rond comme dans la Palée , mais allongé et se ter- mine en arriére en une pointe obtuse qui fait une forte saillie hors du ventre. Néanmoins, l'espace par lequel il touche la pa- roi abdominale est encore considérable et l'ouverture destinée à le recevoir, loin d'être réduite à un trou ombilical , est au con- traire très-grande ; aussi le vitellus finit-il par s'y retirer com- plètement. Les parois abdominales , là où elles passent au 1 66 DÉVELOPPEMENT vitellus sont déjà sensiblement développées dans la dernière période de la vie embryonique ; il s'y dépose même une subs- tance musculaire au dessous de la couche celluleuse , qui d'a- bord était seule, La partie inférieure du vitellus , au contraire, n'est composée que des deux minces couches celluleuses , la membrane épidermoïdale et les cellules sanguines ; aussi est- elle très-mince et délicate. Ce n'est que lorsque le vitellus in- térieur a diminué au point de ne former plus aucun renflement particulier, que les parois abdominales se ferment complète- ment au moyen des tissus musculaires et tendineux. 3^ LA BOUCHE ET LA CAVITÉ BRANCHIALE. Il ne saurait être question de bouche et de cavité branchiale, aussi longtemps que l'embryon repose à plat sur le vitellus et qu'il y adhère au moyen de la couche épithélienne tendue (fig. 136). Sa face ventrale ne présente alors qu'une surface uniforme, formée, dans sa partie postérieure, par les cellules de l'intestin et, dans sa partie antérieure, par le bord infé- rieur de l'œil et l'extrémité de la tête. La formation des cavités qui nous occupent ici , ne commence qu'au moment où l'em- bryon se détache du vitellus, en arriére, par la séparation suc- cessive de l'intestin qui réduit de beaucoup la communication entre ce dernier et le vitellus , et en avant, par la formation du cœur et du sac péricardial. Nous n'aurons à nous oc- cuper ici que des modifications qui surviennent dans la tête et dans la région uuchale, entre l'extrémité de la bouche et la ceinture thoracique. Dans cette région , la masse erabryonaire repose de si près sur le vitellus que la base du cerveau et des yeux n'en est séparée que par une légère accumulation de cel- lules , destinée à former plus tard la base du crâne et les par- ties molles qui la séparent de la cavité buccale. De même , il n'y a que peu de cellules einbryonaires derrière l'oreille, sous DES INTESTINS. 167 la corde dorsale ; mais le cœur u'en commence pas moins à s'i- soler (fig . 34) , sous la forme d'un petit amas de cellules , fai- sant saillie vers le vitellus ; la région du cou , sous lequel cet isolement a lieu, s'élève en se détachant du vitellus, tandis que l'extrémité du museau repose encore sur le vitellus , ainsi que la région de la ceinture thoracique. Il se forme autour du cœur un espace vide, conique, enveloppé seulement par la couche épidermoïdale et dont l'axe coïncide avec celui du cœur (fig. 36 et 136) ; cet espace est le sac péricardial, et c'est dans son intérieur que l'on aperçoit les premières traces de la ca- vité branchiale. On découvre en même temps, entre l'oreille et l'œil , au dessus du cœur, une légère accumulation de cellules embryonaires qui s'étend sous le hlastème épaissi de la base du crâne, et dans laquelle s'insinue la pointe du cœur : c'est le rudiment primitif de la cavité branchiale. Peu à peu ce rudiment, d'abord presque informe, se dessine d'une manière plus nette ; la ceinture thoracique se circonscrit en même temps que l'oreille se rapproche de l'œil par l'effet du rétrécissement du crâne , et le rudiment branchial prend la forme d une large bande se prolongeant en droite ligne de l'œil vers la ceinture thoracique et recouverte de cellules de la couche épidermoï- dale (fig. 140 et 38). Cette bande ne tarde pas à faire des progrès dans son développement : une division transversale apparaît ; la partie destinée à former la cavité buccale , se sépare de la cavité branchiale , et l'on voit , au dessous de l'oreille, entre celle-ci et le cœur, une fente pénétrer en droite ligne dans l'intérieur, divisant la duplicature membraneuse qui est destinée à devenir l'opercule et dont nous avons décrit le développement dans le chap. VII, (fig. 42, 46, 51 , 55 et 146). La portion de la bande qui , après cette séparation , occupe l'espace entre l'oreille et la ceinture thoracique, est beaucoup plus étroite que celle qui est située en avant de la fente. D'à- 168 DÉVELOPPEMENT bord on la prendrait pour une couche simple et plate, de même que la couche celluleuse, qui forme la base de l'intestin ; mais bientôt il se forme, dans son intérieur, à peu près de la même manière que dans l'intestin, c'est-à-dire, par l'écarteraent des cellules dans toutes les directions , un tube dont le canal in- térieur est assez distinct. Ce tube, le premier rudiment de la cavité branchiale (2, fig. 142), communique directement avec l'intestin lui-même, sans que nous sachions au juste mainte- nant de quelle manière cette communication s'établit. Est-ce la partie antérieure de l'intestin buccal qui , en progressant en avant , pénètre dans la bande , et s'y creuse une cavité , ensorte qu'il n'y aurait jamais de cloison entre la cavité bran- cliiale et l'ésophage , ou bien la cavité branchiale se forme-t- elle indépendamment de l'intestin, pour ne communiquer avec lui que plus tard , après que la cloison a été résorbée? C'est ce qu'il m'a été impossible de déterminer. L'analogie parle ce- pendant en faveur de cette dernière opinion par la raison que, chez les animaux supérieurs et en particulier chez les Ba- traciens, la cavité branchiale est d'abord fermée en arriére par une cloison et ne communique que plus tard avec le tube in- testinal. En avant, la cavité branchiale se continue directement dans la cavité buccale dont elle n'est que la continuation en arrière. Dès que le canal de la cavité buccale est formé à l'intérieur, on aperçoit aussi les fentes branchiales qui entament ses parois latérales et pénètrent dans son intérieur. La première de ces fentes branchiales est située derrière le rudiment de l'opercule que nous avons mentionné ci-dessus ; elle pénètre de plus en plus dans l'intérieur, comme si on l'y avait enfoncée au moyen d'un instrument tranchant (I, lig. 55) ; peut-être aussi la paroi latérale de la cavité se résorbe-t-elle de dedans eu dehors, à l'en- droit correspondant et facilite ainsi la communication à travers DES INTESTINS. 169 la paroi latérale. A peine cette première fente , qui sépare la cavité branchiale de la cavité buccale , est-elle formée , qu'il en paraît une seconde (fig. 142) , une troisième , une quatrième , une cinquième (fig. 155), à égale distance les unes des autres, ensorte que la dernière est fort rapprochée de la ceinture tho- racique. Les dimensions de ces fentes diminuent d'avant en arrière , et la dernière mesure à peine le tiers de la longueur de la première. Toutes sont légèrement courbées en S ; elles traversent la paroi latérale de la cavité branchiale , mais non pas la paroi inférieure; les fentes correspondantes des deux côtés ne se rencontrent donc pas sur la ligne médiane inférieure , mais il existe entre elles une bande intermédiaire de substance embryonaire dont la longueur s'accroît d'avant en arrière (fig. 155) : c'est cette même bande dans laquelle se forment plus tard, par ossification, les pièces osseuses de l'os hyoïde qui portent les arcs branchiaux. Les fentes elles- mêmes sont d'abord très-fines, comme si on les avait faites avec un fin scalpel , et l'on voit distinctement les cellules épithé- liennes de la couche celluleuse déborder sur les bords pour ta- pisser les parois des fentes (fig. 142, II, III). Les bandes de substance embryonaire situées entre les fentes, et destinées à devenir par la suite les arcs branchiaux, sont d'abord larges et lamellaires; leur largeur semble même excéder de beaucoup leur épaisseur dans la première période de leur formation (fig. 155) ; mais par la suite, à mesure que les fentes s'élargis- sent, les arcs s'arrondissent et prennent insensiblement la forme qu'ils affectent dans le poisson adulte (fig. 90). Comme les fentes sont au nombre de cinq , il en résulte qu'il y a quatre de ces bandes intermédiaires , qui toutes se dirigent oblique- ment d'arrière en avant, en s'arquant autour de la cavité bran- chiale. Or comme les antérieures augmentent toujours, à mesure que la têle se développe , tandis que les postérieures , dont le 22 170 DÉVELOPPEMENT développement est gêné par le cœur qui s'interpose d'en bas entre elles , demeurent plus petites, il en résulte que toute la cavité branchiale prend une forme d'entonnoir en arrière. Aussi longtemps que les arcs branchiaux se présentent sous la forme de larges bandes, on remarque à leur surface une accumulation de cellules embryonaires pour la plupart à demi confondues dans la masse et recouvertes par les cellules en pavé de la couche celluleuse; il existe aussi au milieu de chacun des arcs un vaisseau qui, décrivant une courbe simple sans ramification, conduit le sang du bulbe aortique en haut vers l'aorte. De pareils vaisseaux arqués n'existent pas seulement sur les quatre arcs branchiaux ; on en remarque aussi en avant, là où nais- sent les cornes latérales de l'os hyoïde , de même qu'en ar- rière , au delà de la cinquième fente , là où se formeront plus tard les os pharyngiens. On voit même se développer en cet endroit de véritables franges branchiales, comme sur les vé- ritables arcs branchiaux ; aussi , si les os pharyngiens n'ont aucun rapport avec la respiration dans le poisson adulte, on ne saurait en dire autant des embryons , chez lesquels leur parti- cipation à la respiration ne saurait être niée. Je n'hésite par conséquent pas à envisager les os pharyngiens comme une cinquième paire d'arcs branchiaux, d'autant plus qu'ils attei- gnent, comme les autres, la base du crâne et s'y rattachent d'une manière incontestable chez l'embrvon. Ainsi que nous l'avons vu au chapitre du squelette , les pièces solides du système branchial , tels que les arcs branchiaux et les os pharyngiens se développent assez tard et ne sont , dans l'origine, que de simples arcs cartilagineux cylindriques. Les franges branchiales dans lesquelles se dispersent les vaisseaux sanguins qui servent à la respiration dans le poisson adulte apparaissent plus tard encore ; ce sont de simples crochets qui, à ce qu'il paraît, sont formés d'une duplicature du revêtement DES INTESTINS. 171 épilhélien des arcs branchiaux et contiennent, dans l'origine, chacun un seul arc vasculaire (hg. 90). Les arêtes cartilagi- neuses qui supportent ces franges dans le poisson adulte, n'exis- tent pas dans l'embryon et n'apparaissent que longtemps après l'éclosion. Je n'ai jamais observé , dans les embryons de la Pa- lée, d'épithélium vibratile, ni de ces appendices hliformes des branchies, tels qu'il en existe chez les embryons des Raies et des Requins. Le développement de la cavité buccale diffère à plusieurs égards de celui de la cavité branchiale. La cavité buccale se forme de la partie antérieure de cette même bande de substance enibryo- naire , dont la partie postérieure devient la cavité branchiale. Cette bande ne s'étend d'abord que jusque sous l'oeil , où elle forme un petit renllement qui n'est visible qu'autant qu'on place l'embryon dans une position convenable (fig. 142, 143). Lors- qu'on examine la tête de l'embryon par devant, de manière à voir autant que possible sa face inférieure , on remarque que la substance qui , de profil , paraît comme une bande, a plutôt la forme d'une gouttière , qu'elle est concave à l'intérieur et bor- dée de deux courtes carènes latérales qui se prolongent en ar- rière et passent à la bande indivise de la cavité branchiale, dans le voisinage de la première fente branchiale (fig. 59 et G5). A cette époque , la cavité buccale est par conséquent représentée uniquement par la gouttière qui longe la face inférieure de la tète et l'ouverture du canal alimentaire ; la bouche est située au fond de cette gouttière , là où les carènes latérales rencon- trent le tube de la cavité branchiale. Pour mieux faire com- prendre cette structure dans son ensemble , je la comparerai à une plume dont le bec représenterait la cavité rudimentaire de la bouche et le tuyau la cavité branchiale. La cavité buccale est tapissée, dans toute son étendue, à l'in- (èrieur comme à l'extérieur, de cellules de piment brun. Sa li- 1 72 DÉVELOPPEMENT mite postérieure est indiquée par une bande étroite de substance embryonaire située en avant de îa première fente branchiale, et dans laquelle se développeront plus tard les cornes latérales de l'os hyoïde. Le développement ultérieur de la gouttière en une cavité fermée est très-simple. La bande étroite de l'os hyoïde, qui formait la première cloison de la cavité branchiale en bas , s'avance insensiblement vers le devant de la tête et ferme ainsi la gouttière primitive qui prend une forme de plus en plus tubu- laire ; en même temps, l'ouverture buccale progresse toujours plus vers les yeux, et il arrive un moment où la gouttière qui d'abord ne se prolongeait pas au-delà des yeux , se ferme in- sensiblement jusque dans cette région. C'est alors aussi que se forment, sur les côtés et à la base de la cavité buccale, les diverses bandes cartilagineuses maxillaires, dont nous avons décrit le développement dans le chapitre du squelette. Pendant la forma- tion de ces pièces solides , que recouvre un revêtement continu de la peau , la bouche demeure quelque temps stationnaire , et, à l'époque de l'éclosion , elle est encore située entre les yeux (fig. 86, 154), affectant la forme d'une ouverture transversale arquée, située à la face inférieure de la tête et formée absolu- ment comme l'ouverture buccale d'un Requin ou d'une Raie. Après l'éclosion, la bouche progresse sensiblement en avant; un mois plus tard , elle est déjà près de la limite antérieure de la tête (fig. 90) , et je ne doute pas qu'après trois mois elle ne coïncide avec la pointe du museau , comme dans le poisson adulte. La région dans laquelle se développent les cornes de l'os hyoïde est pourvue , dans l'origine , de vaisseaux sanguins ar- qués, comme ceux des vrais arcs branchiaux. Mais comme il ne se forme ici ni fentes ni franges branchiales, on ne sau- rait appeler les pièces correspondantes de véritables arcs bran- chiaux ; ce sont plutôt , pour me servir de l'expression im- DES INTESTINS. 173 propre de M. Reichert , des arcs viscéraux ; aussi n'atteignent- ils pas la base du crâne , ce qui est cependant le véritable critère de tout arc branchial. Il est vrai que les cornes de l'os hyoïde pos- sèdent quelques franges branchiales rudimentaires (fig. 166, z) qui persistent encore dans le poisson adulte sous la forme de pseudo-branchies ; mais elles ont perdu leur véritable significa- tion , en ce qu'elles ne servent plus à la respiration ; elles ne sont qu'un rete mirabile préparatoire de la glande choroïdale , ainsi que cela résulte des belles recherches de M. J. Millier (*). Ces pseudo-branchies qui , vers l'époque de l'éclosion , appa- raissent sous la forme de feuillets plissés, cachant de nombreuses ramifications vasculaires , sont fixées à la base du crâne , à l'en- droit où les cornes de l'os hyoïde devraient se fixer au crâne (fig. 166) ; elles sont dès l'origine tout aussi rabougries et rudi- mentaires que l'arc branchial lui-même , dont elles font partie. La cavité buccale est, comme l'on sait , complètement inerme chez la Palée adulte , et ce sont les bords tranchans des mâ- choires qui font en quelque sorte l'office de dents. Les embryons, au contraire, ont cela de remarquable , que leur bouche pré- sente une armure dentée vers l'époque de l'éclosion ; cette ar- mure n'a , il est vrai , sa racine que dans la membrane mu- queuse, mais elle sert, on n'en peut pas douter, aux jeunes poissons à saisir leur proie , qui se compose de Monocles , de Cypris et d'autres petits crustacés. Ces dents (fig. 166, 167) sont saillantes , coniques , pliées en arrière en forme de petits crochets , très-fortes et robustes , ensorte qu'elles résistent à la pression mieux que toutes les autres parties de l'embryon. On y reconnaît distinctement la substance dentaire extérieure et la cavité intérieure, occupée probablement par un sachet dentaire ; (*) Vergleichende Anatomie der Myxinoïden. '(* partie. Mémoires de l'Académie do Berlin, IR'iO. 174 DÉVELOPPEMENT leur petitesse ne m'a pas permis de faire des recherches sur leur structure. La distribution de ces dents est remarquable : elles sont pres- que toutes situées à la base du crâne ; deux grandes dents cro- chues sont placées en avant, immédiatement derrière le maxil- laire supérieur, sur la plaque faciale du crâne ; une ou deux occupent la racine de chaque arc branchial , et enfin il y en a plusieurs sur l'arc pharyngien , en haut et en bas , ce qui fait que le passage de la cavité buccale à l'intestin est complètement garni de dents. Il n'y en a point aux maxillaires inférieurs , et , à l'exception de l'arc pharyngien , toutes les parties qui ferment d'en bas la bouche et la cavité branchiale en sont dépourvues. 4^ LES ÉVOLVUllES DE l'iNTESTIN. Nous comprenons sous cette dénomination trois organes dif- férens qui relèvent réellement de l'intestin et qui sont, dans le poisson adulte, les appendices pyloriques, la vessie natatoire et le foie. Je n'ai pas pu observer les appendices pyloriques , par la raison qu'ils n'existent pas encore à l'âge de deux mois , chez la Palée ; ils ne semblent se former que beaucoup plus tard , peut-être seulement avec les organes sexuels. L'apparition de la vessie natatoire et du foie remonte au contraire à l'époque embryonique , ensorte que ces organes ont pu être étudiés dans tout leur développement. En traitant du développement du tube intestinal, nous avons fait remarquer qu'à mesure que la couche de cellules destinée à la formation des intestins se transforme en tube intestinal , par l'écartement des cellules, ce même tube se bifurque derrière la ceinture thoracique , en un endroit où les cellules sont très- nombreuses , et que c'est la branche supérieure qui forme la continuation directe du tube intestinal , tandis que la branche inférieure se transforuie en canal cholédoque. Ce développement DES INTESTINS. 175 ra'ayant semblé de nature à jeter quelque jour sur les formations par évolvure en général, que l'on a essayé de révoquer en doute dans ces derniers temps , je me suis appliqué à le poursuivre avec une attention toute particulière, et voici les résultats que j'ai obtenus : Les cellules du foie (w) forment d'abord un amas informe, épais et très-serré, sans aucune trace de cavité ((ig. 1 43). Ce sont absolument les mêmes cellules qui composent aussi l'intestin ; quant à leur dimension , elles tiennent à peu près le milieu entre les cellules embryonaires et les cellules épider- moïdales ; quelquefois elles sont rostrées et le plus souvent elles contiennent , dans leur intérieur , un noyau et un nucléo- lule distincts (fig. 138). Bientôt cependant, on observe quelques cavités au milieu de cette accumulation de cellules ; une large ou- verture conduit de l'élargissement du tube intestinal, situé au des- sus du foie, dans un canal en apparence cécal, qui pénètre dans le foie et détache à droite et à gauche des ramifications cécales. Souvent je n'ai cru apercevoir qu'un seul canal principal , au- quel venaient aboutir toutes les ramifications latérales ; d'autres fois je vis plusieurs canaux latéraux aboutir non pas au canal principal, mais directement dans le tube intestinal (fig. 141). J'ai pu observer distinctement , dans plusieurs embryons , tous les passages entre le petit crochet , premier indice de ces cavités (fig. 143), et le canal déjà ramifié, tel que je l'ai représenté dans la fig. 141 : je me suis convaincu de cette manière, que ces ramifications ne naissent pas isolément dans la substance cellu- leuse pour entrer plus tard en communication avec le canal principal, mais que toutes les cavités partent du canal principal pour s'étendre dans toutes les directions. Bientôt ces ramifica- tions se trouvèrent être si nombreuses qu'il me fut impossible de les poursuivre sous le microscope. Le foie appliqué d'un côté contre l'intestin , de l'autre contre le vitellus , avait maintenant l'air d'une éponge trouée de tous côtés, ce qui ne m'empêcha pas 176 DÉVELOPPEMENT de distinguer fort bien çà et là les grandes cavités des canaux principaux et les terminaisons cécales des petits, qui donnaient à la masse entière une apparence grenue, lorsqu'on l'examinait sous un faible grossissement (fig. 142). Ce qui gêne quelque- fois l'observateur, c'est le développement du réseau vasculaire qui envahit insensiblement le foie, mais qui cependant n'est point antérieur au foie lui-même , comme l'a prétendu à tort M. Carus, sans doute pour n'avoir pas aperçu les premières agglomérations des cellules du foie ou pour les avoir mal inter- prétées. Le développement et les ramifications ultérieures des canaux glandulaires n'offrent pas un intérêt bien vif, une fois que l'on connaît leur mode de formation par évolvure. La forme du foie varie peu aux différentes époques du dé- veloppement. C'est d'abord , comme je l'ai fait remarquer plus haut, un amas arrondi de cellules, adhérant, d'une part à l'élargissement de l'intestin , et, d'autre part, au vitellus ; mais sa face inférieure se dégage insensiblement de ce dernier , à mesure que celui-ci entre dans les parois abdominales, entre le foie et la ceinture thoracique. Ou voit alors , dans la partie antérieure du foie, une grande échancrure , dans laquelle se loge le reste du vitellus (fig. 88) ; sa face concave est encore maintenant appliquée contre l'intestin et particulièrement contre cette partie élargie du tube intestinal qui est destinée à devenir plus tard l'estomac et le duodénum. A mesure que le vitellus se résorbe , le foie se rapproche du cœur, et c'est ainsi que le canal cholédoque , d'abord très-court , s'allonge insen- siblement. La vessie biliaire n'est pas encore visible à cette époque , bien que le foie ait acquis sa forme définitive (fig. 87). L'évolvure de la vessie natatoire (16) s'opère d'une manière toute différente de celle du foie, et ce n'est que dans l'embryon éclos qu'on en observe les premiers rudimens. On voit alors, en dégageant l'intestin , un petit amas de cellules reposer sur DES INTESTINS. 177 la paroi postérieure de l'ésophage, tout près de l'élargissement intestinal qui devient l'estomac. D'abord cet amas de cellules est trés-solide et de forme semi-circulaire , mais bientôt il s'al- longe en arriére et prend la forme d'une bourse à fond assez large et à col rétréci (16. fig. 87). Les cellules sont de vraies cellules intestinales. Il se forme , dans l'intérieur de ce groupe de cellules une cavité isolée, qui d'abord n'existe que dans la partie renflée en forme de massue, mais qui finit par ga- gner également la partie rétrécie. Pendant longtemps , cette cavité est isolée et sans aucune communication avec la ca- vité intestinale ; les cellules qui l'environnent sont rangées en pavé et se fondent en une membrane épaisse et solide. Ce n'est que deux ou trois semaines après l'éclosion , que la cavité de la vessie natatoire entre en communication avec l'intestin ; c'est un moment critique pour le jeune poisson qui cherche alors à gagner la surface de Teau et y avale une si grande quan- tité d'air, que la vessie natatoire remplit presque à elle seule toute la cavité abdominale ; et comme cet air l'empêche de plonger, il reste immobile à la surface de l'eau. Beaucoup de poissons meurent à la suite de cette dilatation excessive et mo- mentanée ; d'autres rendent de nouveau l'air inspiré , que l'on voit s'échapper de leur bouche sous forme de grosses bulles. J'ai vu souvent le même embryon renouveler plusieurs fois cet exercice, et il faut bien qu'à cette époque la vessie natatoire soit douée d'une grande élasticité , car je l'ai souvent trouvée , dans la jeune Palée , réduite à l'espace de fig. 87 , après qu'elle avait rempli toute la cavité abdominale jusqu'en arrière, lorsqu'elle était remplie d'air. 5° LES REINS. Ainsi que nous l'avons dit en traitant de l'intestin, il n'existe, au commencement du développement des intestins , qu'une 23 178 DÉVELOPPEMENT seule grande couche celiuleuse , située entre le vitellus et la corde dorsale ; c'est cette couche qui forme la base des deux principaux organes de l'abdomen , de l'intestin et des reins. Nous avons également fait remarquer que cette couche celiu- leuse se bifurque au moyen d'une fente longitudinale et que la partie inférieure se transforme en canal intestinal , tandis que la supérieure forme les reins. Après avoir étudié le dé- veloppement du tube intestinal, il ne nous reste plus qu'à examiner la formation des reins. Nés avec l'intestin, les rems (10) doivent être envisagés comme le premier organe sécréteur de l'embryon. Ils forment, au moment de leur séparation d'avec les cellules de l'intestin , une longue couche d'épaisseur moyenne , qui commence au dessus de l'anus par une accumulation assez considérable de cellules, puis , en s'amincissant, se prolonge le long de la corde dorsale et se termine par une accumulation analogue dans la ceinture thoracique, près de l'épaule (fig. 136, 140, 142). Les cellules qui forment la couche des reins restent visibles bien plus longtemps que celles de l'intestin , et j'ai souvent vu des cellules isolées de cette couche se détacher et passer dans le courant du sang de l'aorte. Les cellules destinées à former Vurétre (o) , se consolident les premières et d'une manière si rapide , que le plus souvent cet organe acquiert sa forme tu- bulaire avant l'intestin, dont il se distingue par ses parois plus claires. L'on observe en outre , dès l'origine , immédiatement au dessus de l'anus, un élargissement de l'urètre, par lequel se termine cet organe (lig. 38 et 142). La vessie apparaît plus tard au même endroit , et l'on pourrait fort bien prendre le change sur ces deux organes et envisager l'élargissement dont nous venons de parler comme la vessie , n'était cette circons- tance que, par la suite, vers le milieu de la vie embryonique (fig. 67, 71 , 76"), cet élargissement disparaît complètement , DES INTESTINS. 17!) ensorle que l'urètre se trouve réduit à un lilel très-fin. Ce n'est que plus tard , vers l'époque de l'éclosion , que l'on voit re- paraître , à la même place , un autre élargissement qui est la vessie (fig. 85, 8G et 89). J'en conclus que le premier élar- gissement de l'urètre a une signification particulière ; je l'en- visage comme un rudiment postérieur de la vessie allantoïde , vessie qui, chez les animaux supérieurs, se forme par évolvure de l'intestin et dont la vessie des mammifères adultes repré- sente la dernière modification. En effet, les poissons ayant la vessie à la face dorsale de l'intestin , il en résulte que l'al- lantoïde , quand même elle se développerait, ne pourrait pas entrer dans les mêmes rapports avec l'intestin que chez les ani- maux supérieurs; mais elle n'en est pas moins à l'état rudi- men taire dans l'élargissement de l'urètre que nous venons de mentionner. Mais revenons à l'wrèfrc; c'est un tube allongé, fermé en arriére , s'étendant jusqu'à l'extrémité antérieure des reins , où il paraît être également fermé , de même que dans tout son trajet, le long de la face antérieure de ces derniers (fig. 142). Il se forme par conséquent indépendamment des canaux des reins et d'une manière analogue à celle du tube intestinal , puisque ce sont des cellules d'abord très-serrées, qui s'écartent pour former une cavité fermée de tous côtés , et ce n'est que plus tard qu'il entre en communication , d'une part , avec les canaux des reins, et d'autre part, avec l'anus. D'après 1 ana- logie on devrait croire qu'il se forme deux urètres et qu'ils con- fluent en bas dans le voisinage de l'anus; mais il est très-difficile d'arriver à une certitude à cet égard, puisque l'un recouvre ordinairement l'autre , lorsqu'on examine l'embryon de profil. Cependant j'ai vu quelquefois d'une manière distincte les deux urètres sur des coupes et sur l'embryon lui-même , lorsqu'il était dans une position favorable (fig. 36 et 93). 180 UÉVELOPPEME.>r DES INTESTINS. Il est plus difGcile de poursuivre le développement du tissu des reins, que celui d'autres organes, à cause de leur position qui ne change pas pendant tout le développement. Cependant , j'ai pu massurer que lorsque la structure celluleuse a disparu , au point que l'on n'en reconnaît plus une seule cellule , l'on voit, dans les reins , diverses cavités isolées , qui deviennent insen- siblement des canaux et communiquent avec l'urètre , comme c'est aussi le cas d'autres glandes. Quant à leur forme, les reins ne se modifient pas dune manière sensible, depuis leur appa- rition jusqu'à l'état adulte. Les reins ont évidemment une autre signification chez les poissons osseux que chez les animaux supérieurs ; ils ne corres- pondent pas aux véritables reins de ces derniers , mais bien plutôt à leurs avant-coureurs embryoniques, les corps de TFolff. Cette opinion a déjà été émise avant moi , et elle se trouve ici confirmée par l'apparition précoce de ces mêmes corps isolés , par le développement de leurs canaux sécréteurs et par leur po- sition et leur extension le long de la colonne vertébrale , qui rappellent à tous égards les corps de Wolff. L'accumulation con- sidérable de cellules à l'extrémité antérieure de ces corps est encore plus prononcée chez les Batraciens , où ils disparaissent aussi à làge adulte. C'est ainsi que la persistance des corps de Wolff pendant toute la vie devient un caractère important de la classe des poissons, qui la distingue de tous les autres animaux. CHAPITRE X. DEVELOPPEMENT DU SYSTEME SANGUIN. 1° LE COEUR. Je me suis attaché à étudier avec une attention toute par- ticulière les premières phases du développement de cet or- gane central , afin de m'assurer jusqu'à quel point tout ce que l'on a dit à ce sujet est fondé. On prétend généralement que , chez l'embryon du poulet , le sang se dirige dans une direction donnée avant que le cœur se meuve et même avant qu'il soit formé. On est même allé plus loin , et l'on s'est autorisé de cette opinion pour en conclure , contrairement aux résultats si précis de MM. Magendie et Poiseuille, que le sang était doué , chez certains animaux , d'un mouvement indépendant de l'ac- tion du cœur. Or, ce qui est vrai pour l'animal adulte, l'est aussi pour l'embryon, et , après ce que j'ai été à même d'obser- ver, je me crois en droit d'affirmer qu'il n'existe aucune cir- culation sans le mouvement du cœur. Il est vrai , ainsi que l'a fait observer M. Valentin (*) , que dans l'embryon du poulet, il (*) Handbuch der Ell\^ickclungsgcschichtc des .Meiischcii mit \ crgleichendci' Rùcksicht der Entwickelung der Saiigelhicic uud Aogcl. Berlin, 18ôo, pag. 290. 1 82 DÉVELOPPEMENT est presque impossible de dire si le mouvement du sang part de l'aire vasculaire de la membrane germinative ou du cœur. « Les premières contractions du cœur se font, dit-il, sans qu'on remar- que le moindre mouvement dans l'aire vasculaire ; mais il est à remarquer que ce dernier espace n'est jamais assez trans- parent pour permettre de porter un jugement sur les premiers mouvemens du sang répandu dans sa masse. D'un autre côté, chez les embrvons de la Perche, le cœur semble entrer en ac- tivité avant que les vaisseaux sanguins se dispersent dans le corps et sur le vitellus ; cependant l'extrême transparence des embryons de poisson doit nous rendre très-circonspects dans les conclusions que nous pourrions nous croire autorisés à tirer de ces faits. » J'insiste surtout sur cette dernière observation de M. Va- lentin, parce que mes propres observations sur l'œuf de la Palée confirment pleinement ce que ce savant anatomiste a dit de l'embryon de la Perche. J'ai observé pendant sept jours les mouvemens du cœur, sans apercevoir la moindre trace de circulation. J'ai vu les contractions de cet organe avant qu'il y eût une cavité; plus tard, j'ai remarqué, dans cette même cavité, des cellules sanguines presque solitaires qui étaient chas- sées et roulées à peu près comme un piston dans une pompe foulante et qui , à chaque mouvement de systole , venaient frapper contre l'extrémité supérieure du tube du cœur, et , à chaque mouvement de diastole , étaient refoulées vers la partie inférieure de ce tube, où elles recommençaient leur évolution. J'ai eu l'occasiGn d'appeler sur ce fait remarquable l'atten- tion de plusieurs de mes amis scientifiques , entre autres de M. Agassiz et de M. Miescher, de Bàle, qui l'ont observé avec le plus grand intérêt, et je me crois dès-lors en droit d'ad- mettre comme un fait démontré, quil existe des mouvemens du cœur avant fapparilion du sany et que tout mouvement du sanij DU SYSTÈ.ME SANGUIN. 183 dans l'embryon est déterminé par le cœur. Malgré les difficultés que présentent les recherches de ce genre, l'on m'accordera, je l'espère, que des observations continuées pendant sept jours sur les mêmes individus sont suffisantes pour conduire à des résultats positifs. Le premier rudiment du cœur apparaît, dans l'œuf de la Palée, à peu près vers le milieu de la troisième semaine après la fé- condation (fig. 33). On voit alors se former, dans l'enfoncement que lembryon détermine sur le vitellus, derrière la courbure cépbalique, à une distance à peu près égale de l'œil et de l'oreille, une accumulation de cellules embryonaires (}) péné- trant profondément dans l'enfoncement du vitellus , dont cette accumulation occupe le centre. Ces cellules sont séparées par un étranglement, d'un second groupe de cellules, qui est si- tué immédiatement au dessous de la vessie auditive et qui forme le rudiment de la nageoire pectorale (a). La saillie de l'embryon contre le vitellus , produite par l'accumulation des cellules dont nous parlons , n'est visible que de profil , et même dans cette position, elle n'est pas toujours distincte, attendu qu'elle est en partie cachée par les bords saillans de l'enfon- cement du vitellus. Dans l'origine, cette accumulation de cel- lules n'est qu'imparfaitement séparée des cellules embryonaires, et les cellules épidermoïdales se confondent également avec elle. Mais plus l'accumulation grandit (et l'accroissement en est très-rapide , à tel point que ses dimensions surpassent bien- tôt celles du rudiment de la pectorale) , plus les cellules qui la composent se détachent des cellules épidermoïdales , en formant un tissu indépendant, qui les entoure comme un sac. Quand la séparation de ces deux tissus celluleux , de la peau et du cœur, est un peu avancée, on observe les premières contrac- tions du cœur, qui est maintenant très-reconnaissable à ses mouvemens et à sa forme particulière. J 84 DÉVELOPPEMENT Le cœur représente à cette époque un corps solide, allongé, sans aucune cavité (fig. 34). 11 est placé verticalement sur l'axe du corps, ensorte qu'une ligne tirée par son milieu passerait exactement par le centre du vitellus. Dans cette position , il oc- cupe le centre de l'enfoncement du vitellus, que nous venons de mentionner ci-dessus, et son extrémité supérieure est attachée à l'angle de la courbure céphalique de l'embryon. Le vitellus s'élève des deux côtés par dessus le cœur, de manière que pen- dant longtemps, on ne peut le voir qu'à travers les bords saillans de l'enfoncement vitellaire , entre lesquels il est en quelque sorte caché. Sa forme est allongée, un peu arquée, pointue vers l'embryon, aplatie et élargie vers le vitellus, où il a en quel- que sorte sa base. Vu de profil , il n'est pas entièrement droit, mais sa forme est plutôt celle d'un S ; son extrémité pointue est tournée en avant vers la tête ; mais son bord antérieur est un peu arqué en arrière ; son bord postérieur est sensiblement convexe, ce qui le fait paraître renflé au milieu. Il se rétrécit du côté du vitellus et présente ici une base patelliforme assez sensible, qui repose sur la membrane vitellaire, mais dont les contours ne sont pas circonscrits d'une manière bien précise : il semble au contraire qu'elle se perd insensiblement dans une couche celluleuse inférieure au revêtement épidermoïdal du vi- tellus et dont les cellules , bien que destinées au développement ultérieur du cœur et du sang, n'ont cependant pas encore une forme précise. Lorsqu'on examine le cœur sous un fort grossissement, on reconnaît distinctement les différentes cellules dont il se com- pose et qui représentent comme autant de rangées de perles (fig. 137.) Ainsi que nous l'avons dit, ces cellules ne différent eu rien de celles de la masse embryonaire ; seulement elles sont moins serrées et adhèrent, à ce qu'il paraît, entre elles au moyen d'une substance intercellulaire gélatineuse, dans la- DU SYSTÈME SANGUIN. 185 quelle elles sont enfoncées. Néanmoins, chaque cellule con- serve longtemps son indépendance et ce n'est que fort tard qu'elles se rangent en fibres celluleuses et en véritables fibres musculaires. Aussi distingue-t-on pendant longtemps chaque cellule de ses voisines. Il n'existe aucune cavité dans la subs- tance celluleuse (fig. 34) ; les cellules sont , au contraire, par- tout accumulées de la même manière ; ce qui n'empêche pas quon n'aperçoive des contractions bien avant qu'il n'existe de cavité. A la vérité, ces contractions sont lentes ; on n'en compte guère que quinze ou dix-huit par minute , mais elles sont assez régulières et commencent à la base élargie du cœur, d'où elles se propagent lentement en avant. Elles ne ressemblent en rien aux contractions vermiformes de l'intestin, mais rappellent bien plutôt celles des fibres musculaires, telles qu'on les observe sous le microscope dans les insectes , c'est-à-dire , que le cœur com- mence par se recourber en arriére prés de sa base , et le mou- vement se continue ainsi d'une manière ondulatoire de bas en haut du côté de l'embryon. Ces mouvemens sont fort distincts de ceux que le cœur affecte par la suite , lorsqu'il est pourvu d'une cavité. A cette époque , les deux parois opposées se re- plient en dedans comme dans les contractions de l'intestin , ou plutôt elles se rétrécissent en forme d'anneau , et ce rétré- cissement se continue vers le haut; maintenant, au contraire, on voit un enfoncement se former vis-à-vis de l'endroit où se montre un repli, tandis que la forme normale se rétablit en bas. Quels sont les rapports des cellules avec ces contractions ? c'est ce que je n'ai pas pu déterminer. Je n'ai jamais remarqué en elles aucun changement pendant ces mouvemens , ni élar- gissement , ni rétrécissement ; c'était plutôt la masse entière du cœur qui était affectée dans son ensemble, et les différentes cel- lules ne semblaient y prendre qu'une part passive. Bientôt cependant, les cellules commencent par s'écarter au 24 1 86 DEVELOPPEMENT milieu du cœur pour se consolider davantage sur les parois ex- térieures. Cet écartement détermine au centre une cavité , dont la forme correspond en général à celle du contour du cœur (fig. 36, 37, 38) ; c'est-à-dire qu'elle se termine en pointe vers le haut , s'élargit plus bas , se rétrécit de nouveau prés de la base et atteint enfin une largeur considérable à la base même, là où elle touche le vitellus. C'est ici que se forment les premiers rudimens des vaisseaux ou en d'autres termes les sinus veineux du cœur; le blastème cellulaire de la base devient creux et se divise en deux feuillets dont le supérieur se continue dans les parois du cœur, tandis que l'autre repose immédiatement sur le vitellus et se continue dans la couche celluleuse dont se forme principalement le sang et que nous nommons la couche hématogène du vitellus. La cavité du cœur se compose mainte- nant de deux parties : l'une large et aplatie (V), repose sur le vitellus , et aboutit , sous un angle à peu près droit , dans l'autre, celle du cœur proprement dit, qui est verticale et co- nique (-»," fig. 36 et 38). La forme extérieure du cœur est modi- fiée en ce sens, que sa partie moyenne s'est notablement renflée et présente une circonférence plus grande que le col et la tige réunis. Le changement le plus remarquable que l'on observe par suite de ces modifications , consiste dans les rapports tout dif- férens du cœur avec les parties environnantes. Lors de sa pre- mière apparition la courbe céphalaire était encore très-pronon- céé et l'extrémité antérieure de la tête enfoncée de telle ma- nière dans le vitellus , que la voûte de ce dernier cachait à peu près toute la partie inférieure de lœil (fig. 31 et 34) ; en même temps , la saillie formée par le blastème du cœur et de la na- geoire pectorale empiétait à tel point sur le vitellus , que le cœur se trouvait placé verticalement dans l'enfoncement cor- respondant , sans que son extrémité supérieure dépassât le bord DD SYSTÈME SANGUIN. 187 du vitellus , et la couche épidermoïdale passait par dessus son col pour se continuer immédiatement sur le vitellus (fig^. 136). Maintenant , au contraire , l'embryon et le vitellus s'écartent spontanément et laissent entre eux un espace vide , recouvert par un sac de la couche épidermoïdale et destiné à donner pleine liberté aux mouvemens du cœur. On ne saurait douter que cette singulière métamorphose n'ait lieu de la manière suivante. La couche épidermoïdale dont nous avons décrit ci-dessus l'ac- croissement , constituait , avant la formation du cœur, un re- vêtement uniforme du vitellus s'étendant horizontalement sur ce dernier en partant des flancs de l'embryon , au niveau de la corde dorsale. A mesure que le cœur se développe, la courbe cé- phalique qui, à son apparition, était assez prononcée (lig. 31, s), disparaît assez vite; la courbe nuchale (Gg. 31, <) devient plus prononcée et le sommet de l'angle formé par elle s'élève au dessus du globe vitellaire. A l'extrémité de la tête , au con- traire , la partie inférieure de l'embryon reste adhérente à la surface du vitellus aussi longtemps que le maxillaire inférieur et les appareils hyoïde et branchial ne sont pas encore formés ; il en est de même dans la région du foie, où la ceinture thora- cique réunit l'embryon au vitellus, et c'est ainsi qu il se forme entre la tête et le foie un grand espace conique dont la base re- pose sur le vitellus , dont le sommet correspond à la courbe nuchale , et au milieu duquel le cœur est suspendu librement et exécute sans gêne tous ses mouvemens. Cet espace est re- couvert par la couche épidermoïdale celluleuse qui forme un sac étendu par dessus tout l'espace dans lequel se montrent les premières traces de la couche hématogène du vitellus. C'est ce sac de la couche épidermoïdale que nous avons nommé le sac péricardial (iig. 136, 137, 142). Il est vrai qu'il est à peine vi- sible lorsqu'on examine l'embryon de profd , car la membrane celluleuse est si mince qu'il échappe complètement à l'œil dans 1 88 DÉVELOPPEMENT cette position ; mais si l'on examine l'embryon dans une posi- tion telle que le représente la fig. 57 , il suffira d'un coup d'œil pour se rendre compte des particularités que nous venons d'in- diquer. On distingue alors fort bien la coupe de l'espace conique circonscrit par la membrane celluleuse [v. fig. 57) , et l'on voit distinctement le contour extérieur du vitellus passer sans in- terruption de cet espace à la ceinture thoracique de l'embryon. Le sac péricardial est tout-à-fait analogue au sac abdominal que nous avons décrit en traitant de l'intestin , et ces deux espaces se confondraient certainement si la membrane celluleuse qui les forme n'était fixée à la ceinture tboracique. Le sac péricar- dial paraît rempli d'un liquide clair et transparent dans lequel j'ai vu souvent des cellules isolées mises en mouvement par les bat- temens du cœur, absolument comme dans le cœur lui-même. A côté de ces modifications, la séparation de l'embryon du vitellus et le raccourcissement du crâne déterminent à leur tour des changemens particuliers dans la position du cœur vis-à-vis de l'embryon. La pointe du cœur se trouve refoulée plus en ar- rière ; elle est dirigée vers l'oreille, et l'axe du cœur, au lieu de coïncider avec le milieu du vitellus et du cerveau, est tellement déplacé , qu'il correspond maintenant à une ligne passant par l'oreille et le centre du réservoir buileux , c'est-à-dire que sa pointe est en arriére et sa base en avant (fig. 36). Cette position est d'autant plus remarquable que , peu de temps après , le cœur, après s'être rapproché du corps, a de nouveau sa base en arrière et sa pointe en avant , se plaçant ainsi de nouveau dans l'axe du corps , après avoir formé avec lui un angle rectangle et plus tard un angle obtus. A mesure que la cavité du cœur se développe , le sang com- mence à apparaître. Cette cavité est évidemment remplie d'un liquide clair et transparent, dans lequel flottent quelques vési- cules de sang , au nombre de trois ou quatre , et dont les mou- DIT SYSTÈME SANGUIN. 189 vemeiis iudiquent suttisamment que l'espace qui les renferme est une cavité close, car on les voit se porter alternativement contre la pointe dn cœur , dans les mouvemens de contraction, et contre la base, dans les mouvemens de dilatation , faisant toujours la même route sans jamais changer de direction. J'ai passé des heures entières à examiner cette rotation, sans qu'une seule de ces vésicules se fût échappée de la cavité du cœur. C'est au reste un sujet sur lequel nous reviendrons en traitant de la formation du sang. Bientôt la circulation commence à s'établir , et avec elle sur" viennent de nouvelles modifications dans la forme du cœur. Jusqu'ici , le cœur présentait un renflement vésiculaire mé- dian , une base plate et une tige amincie (fig. 136 et 38) ; sa position était à angle droit avec l'axe de l'embryon ; mainte- nant , au contraire , les divisions ultérieures commencent à se montrer, eu même temps que sa position change considérable- ment. Le courant artériel qui part du cœur est d'abord simple et ne se ramifie que plus loin. La pointe du cœur devient le bulbe de l'aorte et la partie vésiculaire , le ventricule , mais sans que ces cavités se séparent. Il n'en est pas de même de la partie veineuse ou de l'oreillette. Les veines du corps et du vi- tellus se réunissent de chaque côté en un courant principal , se déversant par une embouchure particulière dans l'oreillette qui, par suite de cette disposition particulière, se divise dans sa par- tie postérieure en deux sinus, les ductusCuvieri. Voici quelle est à peu près à cette époque la forme du cœur (fig. 42, 44, 46, 49, 142 et 143) : son extrémité supérieure ou le bulbe aor- tique (i^'"), qui est situé à peu près verticalement sous l'oreille et caché dans la masse embryonaire , est assez mince et un peu voûté en arrière. Cette voûte et l'enfoncement correspondant de la face antérieure obligent le sang à prendre sa direction en 1 90 DÉVELOPPEMEXT avant. Dans 1 origine , cette partie du cœur pas«e au second espace qui est le ventricule [■]> ") , sans qu'il y ait une limite bien tranchée entre les deux (fig. 42 et 44) ; mais peu à peu le ventricule se détache du bulbe , dont la base se dilate, tandis que sa pointe s'allonge insensiblement , devient plus mince (Gg. 49 et 72) et prend ainsi absolument la même forme que dans le poisson adulte (fig. 86). C'est aussi de la même manière que se forme le ventricule (> ") : il n'est d'abord que la conti- nuation du bulbe de l'aorte, dont il ne se distingue que par sa largeur beaucoup plus considérable , et il présente en arriére une large ouverture , par laquelle il communique avec f oreil- lette (-^ ') (fig. 42) ; mais peu à peu il se sépare de l'oreillette aussi bien que du bulbe de l'aorte , et commence à prendre une forme de plus en plus vésiculaire (fig. 49 et 72). Toutefois, les étranglemens ne se correspondent pas exactement ; mais comme les cavités naissent de plis onduleux , elles se débor- dent dans Torigine , et ce n'est que peu à peu qu'elles se pla- cent vis-à-vis les unes des autres. Cette disposition frappe au premier coup d'oeil , lorsqu'on compare la fig. 49 avec la fig. 72. L'étranglement antérieur qui , dans la première de ces figures, sépare le ventricule du bulbe de l'aorte , est situé à peu près à l'opposite du renflement du bulbe , de même que l'étranglement inférieur entre le ventricule et l'oreillette est op- posé au renflement inférieur du ventricule ; dans la fig. 72 au contraire , tous les étranglemens se correspondent et re- présentent par conséquent trois régions distinctes et bien sépa- rées. L'étranglement qui sépare le ventricule de l'oreillette n'est pas uniforme de tous côtés , mais se développe davantage sur le côté gauche que sur le côté droit , ensorte qu'à une cer- taine époque de la vie embryonique , peu de temps avant l'éclo- sion , le côté gauche fait une forte saillie en arriére, ce qui reporte la communication entre le ventricule et l'oreillette tout- DU SYSTÈME SANGUIN. 191 à-fait à droite , où elle est située un peu avant l'étranglement (fig. 75). Mais dés que, après l'éclosion, le cœur commence à se retourner, le côté gauche du ventricule devient le côté inférieur et la saillie bursiforme prend insensiblement une forme pyra- midale qui caractérise le ventricule du poisson adulte. Par suite de ce déplacement, l'ouverture veineuse du ventricule, qui d'abord était située à droite, se trouve transférée en haut et en avant. L'oreillelie {.^ ') subit peu de changemens importans dans sa forme. Ainsi que nous l'avons dit, elle naît de la base pa- telliforme du cœur ; et c'est cette circonstance , ainsi que le développement primitif très-considérable des veines vitellaires, qui fait qu'elle est appliquée si intimement contre le vitellus , et que le sang , pour arriver au ventricule et au bulbe de l'aorte , est obligé de décrire un angle droit. Les deux sinus veineux , qui forment son extrémité postérieure , sont tournés en haut et appliqués contre l'embryon, en dedans de la ceinture thoracique , où ils reçoivent les veines jugulaires et , plus tard, les veines cardinales. Ces deux sinus sont d'abord placés presque verticalement sur l'oreillette proprement dite , surtout lorsqu'on examine l'embryon de côté (fig. 42, 46, 49) ; mais plus le cœur se serre contre l'embryon , et plus ils sont refou- lés en arriére , ensorte que l'angle qu'ils forment avec l'axe longitudinal de ce dernier, s'efface de plus en plus (fig. 56, 72), jusqu'à ce qu'à la fin l'oreillette se présente sous la forme d'un large espace , prolongé de chaque côté en un tube, descendant le long des ceintures thoraciques ; ces tubes sont les ductus Cuvieri. Pendant que le vitellus se dégage toujours plus de la région du cou et que la charpente de la langue et des branchies se dé- veloppe, l'oreillette, d'abord si fortement appliquée contre le vitellus , commence à se détacher de ce dernier et prend une î 92 DÉVEL0PPE5IENÏ position toujours plus rapprochée de la colouue vertébrale, en même temps que les ductus Cuvieri se raccourcissent ; mais elle ne prend aucune part à la rotation du cœur ; ce qui fait que les ductus Cuvieri se maintiennent aussi dans leur position horizontale. La contraction du cœur d'avant en arrière exerce, en revanche, une très-grande influence sur eux et sur la masse du sang qu'ils renferment. D'abord, et aussi longtemps que l'oreillette adhérait encore par toute sa face inférieure au vi- tellus , le courant sanguin était obligé de monter verticale- ment dans le ventricule ; mais à mesure qu'elle se rapproche de la colonne vertébrale , l'angle devient toujours plus obtus et sa direction se rapproche toujours plus de celle du ventricule; il arrive ainsi que , par l'effet du déplacement des différentes par- ties du cœur, le ventricule se trouve placé insensiblement au- dessous de l'oreillette (Og. 89 et 90) , et le résultat de cette po- sition est que le courant de l'oreillette est obligé de se re- courber en bas et même en arriére pour regagner le ventricule. Les rapports du cœur et de ses différentes parties avec l'axe du poisson sont de la plus haute importance , et des opinions très-divergentes ont été publiées à ce sujet par MM. Rathke et de Baer, qui, il est vrai, ont choisi pour leurs recherches des poissons appartenant à des genres différens. M. Rathke (*) , dans son Embryologie de la Baveuse vivipare {lilennius vivi- parus Cuv.), prétend que les différentes parties du cœur sont situées de manière que l'oreillette occupe le côté droit, le ven- tricule , le côté gauche. M. de Baer (**), au contraire , observa une position toute différente du cœur dans la petite Brème [Abramis Blicca) ; il suppose que la position toute contraire à celle des vertébrés en général, que Rathke avait remarquée dans (*) AbhaïKlluiigeu zur BikUings-und Eiitwickelungsgescbichte der Thiere. 2*^ part. pag. 5ô , fig. 29-55. (**) Untersuchutigen iiber die Entwickelungsgeschichte der Fisclie , p. 26. DU SYSTÈME SANGUIN. 193 la Baveuse, était due à l'influence du vitellus. M. Ratlike , de son côté, confirme dans un ouvrage plus récent (*) ses pré- cédentes observations et ajoute que l'on remarque, chez les Syngnathes , une position semblable du cœur dans les derniers temps de leur développement , tandis qu'au commencement le ventricule et l'oreillette sont situés l'un derrière l'autre. La déviation du plan général était dès-lors démontrée pour certains poissons, et la Palée m'en fournit un autre exemple. Voici quelle est la position que j'ai observée dans l'embryon de la Palée (fîg. i3, 51 , 55, 75, 86 et 90). Le cœur est en général toujours plus rapproché du côté droit que du côté gauche ; il ne gagne la ligne médiane que plus tard , et jamais sa masse principale n'est du côté gauche, si ce n'est après l'éclosion. Une fois que les trois divisions sont bien distinctes, la masse principale du cœur occupe le côté droit , quand le bulbe de l'aorte est très-contracté (fig. 51) et que l'oreillette et le ventricule se remplissent de nouveau de sang. L'oreillette est alors dilatée à gauche ; sa paroi droite présente un lé- ger enfoncement; sa paroi gauche et convexe, au contraire, ne dépasse un peu la ligne moyenne que dans sa partie posté- rieure, là où elle passe au ductus Guvieri gauche. A l'état très- dilaté, le côté gauche du ventricule est séparé de l'oreillette par une profonde échancrure , et comme le ventricule paraît éga- lement voûté à droite , on peut dire que sa forme entière est presque globuleuse. Cependant , il n'est pas distinctement sé- paré de ce dernier côté, mais passe insensiblement à l'oreillette; son bord externe droit atteint presque le bord extérieur de l'embryon. Le bulbe de l'aorte est placé comme un petit bou- ton au sommet et son ouverture est dirigée vers la ligne mé- diane. (*) Eiilwickelung:igeschichlr dos- Natlrr, pn";. .">(). -25 i 94 DÉVELOPPEMENT Dans cet état de dilatation , la forme totale du cœur paraît plus ramassée que de coutume et ses différentes parties plus rapprochées les unes des autres. Dès que la contraction com- mence , la position du cœur change quelque peu (fig. 55) ; celui-ci s'étend considérablement et tend à gagner la ligne médiane , quoique sa masse principale soit encore du côté droit , et comme l'oreillette ne se contracte pas simultanément avec les autres parties d'avant en arrière, à cause des deux sinus latéraux par lesquels elle est fixée , mais seulement latéralement , il en résulte qu'elle s'allonge beaucoup plus que le ventricule; et sa paroi gauche, ainsi que celle du ventri- cule, qui se contracte d'une manière plus sphérique, dépasse légèrement la ligne médiane. Le renflement de la paroi gauche de l'oreillette , qu'on aperçoit au moment de la dilatation , est remplacé au moment de la contraction par un enfonce- ment, et c'est, en revanche, la paroi droite qui se renfle ; l'é- chancrure du côté gauche entre le ventricule et l'oreillette est aussi plus profonde et correspond maintenant au sinus de droite, ensorte que la communication entie l'oreillette et le ventricule est presque entièrement fermée. Le ventricule lui-même , glo- buleux et réduit à son minimum de dimension , dépasse la ligne médiane du côté gauche. Il en résulte qu'à l'état de contrac- tion . loreillelte est renflée à droite et le ventricule à gauche (fig. 55), et qu'au moment de la contraction, une grande partie du cœur se porte sur le côté gauche de l'embryon , tandis que dans la dilatation presque toute sa masse se voit du côté droit. On saisira facilement ces différens rapports en comparant les fig. 51 et 55. Bientôt ces rapports, qui d'abord n'étaient visibles que pen- dant la contraction , deviennent permanens , le cœur se rap- proche de la ligne médiane , mais de telle sorte que son bord ^^auche seul la dépasse dans toutes les positions, tandis que sa DU SYSTÈME SANGUIN. 195 masse principale reste toujours du côté droit. L'oreillette pré- sente maintenant un renflement considérahle à droite ; et le petit renflement (fig. 75) que la paroi gauche de l'oreillette offre encore , provient uniquement de ce que le choc du cou- rant veineux est plus fort à droite qu'à gauche ; aussi ce renfle- ment n'existe-l-il qu'autant que l'oreillette est dilatée et dis- paraît avec la contraction. A l'état d'expansion, la paroi droite de l'oreillette passe sans interruption à la paroi du ventricule , tandis que l'échancrure qui les sépare à gauche est très-pro- fonde ; à l'état de contraction , au contraire , la paroi droite et la paroi gauche de l'oreillette se rapprochent tellement que le passage de celle-ci au ventricule en est presque fermé : alors aussi la paroi du ventricule est fortement renflée à gauche; à droite , elle est légèrement arquée dans l'état d'expansion , plus aplatie dans l'état de contraction ; le hulbe de l'aorte enfin est mieux séparé du ventricule à droite qu'à gauche. Le cœur en est à cet état peu de temps avant l'éclosion. Une nouvelle phase commence plus tard , qui complique la position de cet organe. Je veux parler de la rotation du cœur, qui se manifeste dans les premières époques qui suivent l'éclosion. Cette rotation s'effectue d'une manière diamétralement oppo- sée à ce qu'elle est chez les autres animaux ; au lieu de la paroi droite du ventricule, c'est la paroi gauche qui devient l'infé- rieure. On comprendra aisément ce renversement , en compa- rant les figures 75 et 86, avec le cœur d'un poisson adulte. Chez les embryons , l'étranglement qui sépare le ventricule de l'oreillette est à gauche et le canal par lequel ces deux cavités communiquent, à droite; dans le poisson adulte , au contraire, le canal de communication est au bord supérieur du ventricule et l'oreillette est placée au dessus de ce dernier. Il est vrai que , dans le poisson adulte , les différentes par- lies du cœur se sont superposées , de manière que l'oreil- 190 DÉVELOPPEMENT letle repose au dessus du ventricule et que sa communicaliou avec le ventricule se trouve en avant , sur le côté postérieur de ce dernier. Mais , en réalité , ceci n'influe que peu ou point sur la rotation ; il résulte d'ailleurs de l'étude de l'embryon nou- vellement éclos (fig. 86), que la rotation s'accomplit bien avant la superposition , pendant que les parties du cœur sont encore de champ. En effet, à l'époque de l'éclosion , la pointe posté- rieure du ventricule dépasse à peine le bord antérieur de l'o- reillette, et vues de profil , les deux cavités sont encore à peu près en droite ligne (fig. 85) ; et pourtant la rotation du cœur s'est déjà effectuée, et l'écliancrure entre le ventricule et l'o- reillette se trouve déjà à la face inférieure du cœur. Ce n'est qu'après l'éclosion que l'oreillette tend à regagner le haut , tandis que le ventricule s'étend, au contraire, en bas, en même temps que sa pointe se développe en arrière. Il arrive ainsi que dans un embryon d'un mois (fig. 89 , 90 , 91) , les deux cavités sont presque superposées verticalement , et que vue d'en bas l'oreillette est presque entièrement cachée par le ventricule. De cet état au développement complet du cœur, tel qu'il existe dans le poisson adulte , il n'y a qu'un pas , ainsi que cela ré- sulte des données ci-dessus. Les rapports du péricarde et du vitellus avec le cœur ne sont pas non plus sans importance. Nous avons vu plus haut com- ment, par suite du développement considérable de la courbe nuchale et de la disparition de la courbe céphalique, ainsi que par suite du dégagement de l'embryon du vitellus , le cœur se trouve enfermé dans un grand sac conique , dont le sommet coïncide avec la pointe du cœur, dont la base repose sur le vi- tellus et dont les parois sont formées par le prolongement de la couche épidermoidale de l'embryon. A mesure que l'intestin et les parois du ventre se détachent du vitellus, le maxillaire in- férieur et l'appareil hyoïde se développent aussi de leur côté , DU SYSTÈME SANGUIN. 197 ce qui fait que la tète se dégage toujours plus de la surface du vitellus. Par suite de ce dégagement, le vitellus est refoulé en arrière et se reporte vers le canal vitellaire qui aboutit dans l'intestin , derrière la ceinture tlioracique, tandis que la cour- bure nuchale s'efface insensiblement. Toutes ces circonstances font que le vilellus se serre contre l'embryon à l'endroit du cœur, et c'est sans doute dans ce rapprochement du corps et du vitellus qu'il faut chercher la cause pour laquelle le cœur échange insensiblement sa position verticale primitive contre une position horizontale. Il en résulte que le sac péricardial se rétrécit insensiblement ; peu à peu le maxillaire inférieur et l'appareil hyoïde se dé- tachent du vitellus , et ce dégagement qui s'opère d'avant en arrière, rapetisse de plus en plus le sac péricardial, dont la po- sition, de verticale qu'elle était, devient, comme celle du cœur, horizontale et parallèle à l'axe de l'embryon. La base du cône s'est retirée avec le vitellus en arrière et sa pointe est portée en avant, et c'est ainsi que le cône péricardial prend insensiblement la forme que nous lui connaissons dans le poisson adulte , sa base étant tournée vers la cavité abdominale et son sommet vers la tête. Les bras horizontaux de la ceinture thoracique s'allongent en même temps et se consolident des deux côtés du sac péricardial , sous la forme de plaques destinées à protéger les tissus du péricarde. La membrane la plus interne du sac péricardial qui , comme l'on sait , tapisse , dans le poisson adulte , le cœur et l'espace péricardial de la même manière que le péritoine tapisse l'intestin et les parois du ventre, semble se former de la manière suivante : des cellules se déposent dans le liquide qui remplit dans l'origine le sac péricardial et y forment une couche continue qui tapisse le cœur et les parois du sac péricardial. Ce qui semblerait surtout le prouver, c'est que ce liquide , que l'on observe très-bien dans le commence- 198 DÉVELOI'PE.MENT ment de la formation du sac péricardial , disparaît avec la for- mation de cette couche interne du péricarde , et qu'il n'en existe plus aucune trace dans le poisson adulte. 2» DÉVELOPPEMENT DU SANG ET DES VAISSEAUX SANGUINS. Le développement du sang et de ses cellules en particulier est de toutes les parties de l'embryologie celle qui a le plus fixé l'attention des anatomistes et donné lieu aux opinions les plus contradictoires. Aussi, rien ne semble plus difficile que d'arri- ver à la connaissance de l'origine de ces cellules , qui , à peine formées , sont déjà entraînées dans le courant du sang oii elles subissent de nombreuses modifications , tout en poursuivant leur chemin à travers le corps de l'embryon. On ne doit donc pas trop s'étonner des hypothèses bizarres qui ont été propo- sées pour expliquer ces modifications ; car avant de connaître la nature cellulaire de tous les tissus embryonaires , on n'avait aucun point de repère pour les observations que l'on avait été à même de faire jusque-là sur les cellules du sang. M. Schuîlz (*), le premier, a fait sur le développement des cellules du sang dans le poisson des observations importantes. Les observa- tions de M. Baumgàrtner (") sont plus anciennes, mais elles pèchent par le manque de précision ; aussi ont-elles conduit leur auteur à des résultats trop hasardés pour mériter une grande confiance. M. Schuitz a cherché à prouver que , dans la Perche et les Cyprins, les globules du vitellus se transforment en noyaux autour desquels se forme plus tard une enveloppe cellulaire, absolument comme M. Schleiden décrit le dévelop- pement des cellules des plantes ; il présente en outre les noyaux comme fixés à la face interne de l'enveloppe, avant d'occuper le milieu de la cellule , et envisage en général le vitellus comme (*) Das System der Circulation. Stuttgardt . 183f). Pag. ô'i. (**) lîcoliarhluiigoii iibor die >cr\on iiiid das Jilnt. rroi'ourj; , lsr>(). DU SYSTÈME SANGUIN. 199 le laboratoire où se forment les cellules du sang , et les granules de ce vitellus comme les noyaux de ces cellules. C'est de cette manière au moins qu'il nous représente le développement des cellules du sang dans le poulet. Il en est autrement des Batra- ciens , chez lesquels , d'après le même auteur, la formation des cellules offre un type très-différent. M. Schwann (*) al- lègue le développement des cellules du sang, tel qu'il a été décrit par M. Schullz, comme une preuve en faveur des lois établies par lui et M. Scbleiden sur le développement des cel- lules en général. Nous croyons devoir appeler dès ici l'attention sur une dif- ficulté de cette manière de voir, c'est que M, Schullz comprend sous le nom de globules vitellaires , tantôt les noyaux des cel- lules vitellaires (dans le poulet) , tantôt le contenu grenu de ces cellules (dans la grenouille) , et il est probable que, dans les poissons dont il parle, il entend par-là les cellules elles-mêmes qui sont très-petites. 11 confond ainsi sous cette dénomination trois objets très-différens. En outre, le mode de formation des cellules sanguines tel qu'il est décrit par cet auteur ne s'accorde guère avec la théorie de M. Sch\^ann , qui veut que chaque cellule se forme au moyen d'un noyau, qui s'entoure d'une membrane cellulaire. En effet, en supposant les observations de M. Schullz exactes , nous aurions ici deux cas fort différens à considérer, l'un où, dans le développement des cellules du sang chez le poisson, une cellule (vitellaire), deviendrait le noyau (d'une cellule sanguine) , et l'autre où, dans le dévelop- pement du sang chez le poulet, un noyau sorti de sa cellule (d'une cellule vitellaire) s'entourerait d'une autre cellule (san- guine). Ces deux cas sont, comme on le voit, incompatibles avec la théorie de M. Schwann. (*) Mic^o^c(>j)isclle Uiitcrsuchiiiigieu. I'h'j:. 77. 200 DÉVELOPPEMENT M. Valentin (*} envisage les corpuscules du sang chez l'a- dulte non pas comme des cellules , mais comme des noyaux , et les noyaux comme des nucléolules , en s'appuyant surtout sur le peu de sensibilité des corpuscules de l'embryon pour l'acide acétique, cette différence étant, selon lui, le caractère général des noyaux , et c'est à cette opinion que mes recherches m'ont aussi conduit. Si j'ai bien compris la théorie un peu diffuse de M. Rei- chert (**) , cet auteur envisage chez les grenouilles le foie et le pancréas , et, chez le poulet, l'aire vasculaire comme le la- boratoire du sang ; il prétend que les cellules du sang nais- sent comme une nouvelle génération dans les cellules-mères du vitellus. Il combat dès-lors les indications de M. Schwann sur la formation des cellules du sang dans le poulet , et prétend qu'il est impossible de distinguer les cellules primitives du sang des autres cellules embryonaires. M. Filippi (***) interprète encore d'une autre manière la for- mation du sang dans le Boulercau [Gobim fliwiatili$). Suivant cet auteur, les gouttes d'huile de l'œuf, d'abord très-grandes et peu nombreuses, se diviseraient en fines gouttelettes qui s'en- toureraient d'une membrane , et deviendraient plus tard les noyaux des cellules du sang dans l'embryon. Il voit dans ce mode de développement la confirmation des recherches d'Ascher- son (****) qui prétend que toutes les fois que des substances grais- seuses entrent en contact avec une substance albumineuse, il se forme une membrane celluleuse autour de la graisse. Mais ce qui prouve bien que cette théorie n'est en aucune façon applicable aux cellules du sang des Salmones, c'est le fait que les goulte- (*) Dans 11. \\ap;no:' Lelirbuch der Physiologie, 1809. Pag. ir)^. (**) Das Eat\vicklu!!gslebcn , Pag. 25 et l^iO. . (***) Memorie suUo sviliippo del Ghioz?.;) d'Aciiua dolco. Milan . IS'i I. (♦***) Archives de iMiiller. 18'(0. Pag. 'l'i. J)U SYSTÈME SANGUIN. 201 lettes d'huile, d'abord petites et isolées, se réunissent dans le cours du développement en une seule grande goutte. J'ai d'ail- leurs lieu de croire que M. Filippi s'est trompé dans ses ob- servations et qu'il a pris à tort les grandes cellules de la couche épidermoïdale du vitellus pour des gouttes d'huile. D'après mes propres observations , il n'existe , dans l'ori- gine , aucun foyer particulier pour la formation des cellules du sang; mais partout où des vaisseaux doivent se former, des cellules se détachent çà et là et sont emportées par le courant. En conséquence je suppose que toute cellule de l'embryon peut se transformer eu cellule du sang , et que l'uniformité de ces dernières ne leur est acquise que par une série de métamor- phoses subséquentes qui affectent chaque cellule et lui donnent le cachet particulier des cellules du sang. Dès que la cavité du cœur est formée , on voit , ainsi que nous l'avons fait remarquer plus haut, plusieurs cellules iso- lées circuler dans le liquide qu'elle contient. Or , lorsqu'on examine attentivement ces cellules , on trouve qu'elles ne sont autre chose que des cellules de la paroi intérieure du cœur arrachées à cette dernière et mises en mouvement par les con- tractions de cet organe. L'on voit en même temps que les pa- rois intérieures du cœur ne sont pas lisses , mais tuberculeuses , les différentes cellules dont elles se composent faisant plus ou moins saillie à sa surface. Dés lors rien n'est plus naturel que d'admettre que les cellules flottantes, après s'être détachées des parois du cœur, errent dans la cavité encore close. Bientôt ce- pendant l'aorte se développe, et il est alors facile de voir par-ci par-là des cellules tantôt isolées , tantôt réunies par dizaines se détacher de la masse celluleuse du corps de Wolff , s'arrêter dans une anse ou bien s'y mouvoir en cadence jus- qu'à ce qu'elles atteignent le courant qui les entraîne dans son cours. J'ai essayé de représenter dans la fig. 42 quelques-unes 20 202 DÉVELOPPEMENT de ces accumulations de cellules, et comme j'en avais égale- ment vu dans d'autres organes , par exemple dans le cerveau et sur le vitellus , je ne pouvais plus douter que, partout où il se forme des vaisseaux avant que les cellules ne soient agrégées d'une manière déterminée , une partie de ces cellules ne passât dans le sang et que par conséquent il n'existât pas de prime abord un foyer particulier pour la formation des cellules du sang. Un pareil foyer ne se forme , en effet , qu'après que les cellules des différens organes ont subi les modifications qui leur sont propres en s'agrégeant ou en se modifiant conformément aux organes auxquels elles sont destinées, en un mot, dès que les premiers linéamens de la circulation sont établis. Ce foyer particulier est la couche hématogène du vitellus. On pourrait peut-être penser que cette couche hématogéne est le résultat d'une transformation directe de la couche su- perficielle du vitellus en cellules du sang. Mais j'ai déjà eu l'oc- casion de faire observer à plusieurs reprises que le vitellus de la Palée ne contient jamais de cellules, mais seulement un liquide homogène , clair et visqueux. Même à l'époque où la formation du sang est entrée en activité et où l'on découvre im- médiatement au dessous de la couche épidermoïdale du vitellus la couche destinée à former les cellules futures du sang, même alors on ne remarque pas la moindre trace de cellules dans le vitellus, de quelque manière qu'on examine son liquide. La couche hématogène adhère assez fortement à la couche épidermoïdale , et se compose de grandes cellules transparentes très-serrées, qui renferment pour la plupart un noyau distinct. Les vaisseaux vitellaires circulent entre ces cellules qui forment souvent aux anales de ces derniers des amas assez considé- râbles , surtout prés de l'endroit où la veine vitellaire gagne le cœur. J'ai réussi une fois à poursuivre toutes les phases d'une pareille accumulation de cellules : le courant veineux répétait 1)1 SYSTEM h: SANCIIX. '20'^ les pulsations du cœur par suite du voisinage de ce dernier, et chaque mouvement de svstole faisait refluer le sang en ar- rière , ensorte qu'il en résultait un mouvement trés-dislinct de va-et-vient. Je remarquai une accumulation de cellules à l'angle que forme la veine vitellaire pour regagner le cœur, tout près de l'ouverture de la veine. Cette accumulation présentait une forme triangulaire, et, à ma grande surprise, je vis la pointe du triangle suivre tous les mouvemens du sang. J'attribuai d'abord ce fait à une illusion d'optique ; mais plus je m'appliquais à examiner attentivement ce petit amas de cellules et mieux je discernais ses mouvemens. Tout-à-coup le sommet du triangle se détacha , et un groupe de dix à douze cellules fut entraîné dans le courant de la veine ; après quoi les cellules se désuni- rent et passèrent rapidement dans le cœur et dans la circulation. La veine qui s'était considérablement élargie à l'endroit de celte accumulation, se rétrécit peu à peu, à ce qu'il paraît, par l'effet de la contraction et reprit sa forme primitive. Cette observation que j'ai eu l'occasion de répéter plus tard dans les mêmes con- ditions, me paraît être tout-à-fait l'analogue de ce qui se passe dans le cœur et dans l'aorte. Il résulte de ce fait que les cellules de la couche héraatogène passent comme telles dans la circulation du sang. Cependant elles subissent évidemment des modifications notables peu de temps après ; il est même probable que leur enveloppe exté- rieure disparaît , et que le noyau ou la jeune cellule cachée dans la cellule mère, se transforme seule en cellule du sang. Ce qui me le fait supposer, c'est que j'ai toujours trouvé de rares cellules de la couche hématogrène à côté des cellules san- guines ordinaires , qui se laissent facilement distinguer à leur petitesse et à l'absence du noyau , qui est remplacé par une substance alimentaire finement grenue. Or, comme il n'existe pas à ma connaissance de fiuine intermédiaire entre ces deux 204 DÉVELOPPEMEiNT sortes de cellules du sang embryonaire , je suis disposé à croire que les cellules hématogènes entrent entières dans la circula- tion , que leur enveloppe extérieure disparaît pendant leur course , et que la jeune cellule ou le noyau renfermé dans leur intérieur continue, après la disparition de l'enveloppe pri- mitive, sa course comme véritable cellule sanguine. Les noyaux qui se voient plus tard dans les véritables cellules sanguines des embryons peu de temps avant l'éclosion , et qui seraient par conséquent des nucléolules de cellules hématogènes (dont les cellules sanguines étaient dans l'origine les noyaux) , ne se montrent pas avant cette époque. 11 en est de même de la forme aplatie : elle n'apparaît qu'avec la formation du noyau. La formation des cellules du sang dépend beaucoup de cir- constances extérieures ; en voici la preuve : j'avais placé une grande partie de mes embryons dans une cuvette à fond noir, afm de mieux distinguer ceux des œufs qui périraient. En gé- néral, ils se développèrent aussi bien que ceux qui étaient dans les cuvettes à fond blanc , seulement je remarquai que la cir- culation était retardée. On ne voyait que quelques cellules san- guines rares et presque isolées dans les vaisseaux , et même le développement des canaux du sang semblait être en retard , comparativement à celui des autres parties du corps , quoique la rareté des cellules sanguines empêchât presque de les voir pendant longtemps. Je ne pus deviner d'abord la cause de ce re- tard , enfin je la trouvai dans la couleur noire des cuvettes. Je m'empressai de replacer mes embryons dans une cuvette à fond blanc, et au bout de vingt-quatre heures tous les vaisseaux étaient remplis de cellules sanguines et la circulation paraissait admirablement développée. Or, s'il est démontré par là de la manière la plus évidente que la formation du sang dépend de circonstances extérieures , et principalement de la quantité de lumière que les embryons reçoivent, on peut, d'un ^\\\re DU SYSTÈME SANGUIN. 205 côté , en conclure que la vie cellulaire de l'embryon et le dé- veloppement des organes dépendent fort peu de la circulation. Celle-ci n'acquiert son importance qu'après la transformation des cellules en d'autres élémens constitutifs , qui ne peuvent subsister sans une plus ou moins grande quantité de substance alimentaire fournie par le sang. La question de la formation des vaisseaux sanguins et en par- ticulier des vaisseaux capillaires a de nouveau été agitée dans ces derniers temps par M, Schwann (*). Cet observateur habile cherche à démontrer par plusieurs observations que les vais- seaux capillaires naissent de cellules qui se ramifient comme les cellules de piment noir, se combinent par leurs extrémi- tés, communiquent entre elles en résorbant leurs parois qui se touchent , et forment ainsi un réseau continu de canaux. M. Reichert (**) au contraire, pense que les vaisseaux capillaires sont formés ainsi que les grands vaisseaux par la pression opé- rée par les pulsations du cœur contre les agglomérations des cellules embryonnaires. Je commencerai par iiiire remarquer qu'en examinant le vi- tellus au moment où la formation du sang et des vaisseaux vitellaires était très-active (fig. 142) , je vis souvent, entre les masses de cellules sanguines, des espaces irréguliers de toute forme répartis à la surface du globe vitellaire. Je m'assurai que ces espaces vides n'étaient pas entourés de parois particu- lières, et n'étaient par conséquent pas des cellules ramifiées ; et comme ils n'étaient limités que par les cellules environnantes, je ne doutai pas qu'ils ne provinssent du simple écartement des cellules. De pareils espaces ramifiés , semblables à des appendices cécaux , existaient sur les côtés de beaucoup de (*) Microscopischc rnlersucluingen , priu. <83. (**) Fntwirkhiiiîîslpben . pag;. <^0. 206 DÉVELOPPEMENT vaisseaux vitellaires dans lesquels la circulalion du sang élail très-vive. Je vis rarement des cellules sanguines dans ces ap- pendices ; mais lorsqu'il y en avait quelques-unes , elles tour- naient pour la plupart autour de leur axe; d'où je conclus que les espaces qui les contenaient communiquaient réelle- ment avec les vaisseaux. Les vaisseaux vitellaires étaient au reste assez peu nombreux , et se réunissaient le plus souvent en larges mailles limitées pour la plupart d'une manière irrégu- liére et présentant alternativement des élargissemens et des ré- Irécissemens. A mesure que le développement de l'embryon s'avançait, les espaces ramifiés se transformaient insensible- ment en un réseau capillaire à mailles fines, qui finissait par perdre ses contours irréguliers et par présenter l'aspect des ré- seaux capillaires ordinaires. En comparant ces observations avec celles que nous venons de rapporter sur la formation des cellules du sang , il paraît naturel d'en conclure que tous les vaisseaux, depuis les vais- seaux capillaires jusqu'à l'aorte, résultent de ce que les cellules des organes s'écartent , là où les vaisseaux doivent se former, laissant ainsi entre eux des espaces vides qui, en communi- quant entre eux et avec la circulation , deviennent autant de vaisseaux sanguins. Dans l'origine, les parois de ces vaisseaux sont formés tout simplement par les cellules adjacentes qui sou- vent se détaclient , entrent dans le torrent de la circulation , et s'y changent en cellules sanguines, ainsi que nous l'avons fait remarquer plus haut ; mais bientôt ces parois acciden- telles subissent des métamorphoses importantes , en ce que les cellules se solidifient et forment des parois distinctes autour des vaisseaux. La formation des vaisseaux a par conséquent lieu de la même manière que celle du cœur, dont la cavité est éga- lement due à l'écarlement spontané des cellules. L'insuffisance de l'explication de Reichert , qui prétend que la formation des DU SYSTÈME SANGUIN. 20T vaisseaux est due au choc des pulsations du cœur, ressort d'elle- même ; car s'il en était ainsi , pourquoi les vaisseaux se forme- raient-ils toujours à la même place, et pourquoi ne décriraient-ils pas des lignes droites , au lieu de faire des contours si va- riés ? D'ailleurs ce n'est pas par des effets purement mécani- ques que l'on peut espérer se rendre compte des procédés de la nature dans le développement embryonique ; de même que l'accumulation des cellules en un endroit donné et d'après des formes déterminées , pour former tel ou tel organe , ne dépend pas d'une force mécanique , de même ce ne peut être la force mécanique du cœur qui oblige les cellules de s'écarter à tel endroit de préférence à tel autre, pour former un vaisseau. Au reste, l'opinion de M. Reichert n'est que la répétition des idées de Dollinger sur la formation des vaisseaux capillaires et, pour le dire en passant, c'est précisément sur les embryons de poissons que Dollinger prétendait avoir remarqué que les vaisseaux capillaires n'avaient point de parois, et que c'étaient les globules sanguins qui , perçant en quelque sorte la matière animale, y pénétraient jusqu'à ce qu'ils rencontrassent un vais- seau avec lequel ils s'anastomosassent. C'est ainsi que , pour ce savant anatomiste, les vaisseaux embryonaires n'étaient que des vides dans la matière animale qui pouvaient à chaque ins- tant changer, et qui effectivement lui semblaient s'ouvrir et se fermer, suivant que les globules sanguin •; avançaient ou s'arrê- taient dans leur cours. Le peu de solidité des parois primitives des vaisseaux avait aussi été observé depuis longtemps par M. Dollinger ; mais à l'égard du forage des globules sanguins dans la substance em- bryonaire , cet anatomiste semble s'être laissé induire en erreur par quelques faits particuliers , analogues peut-être au fait suivant. En examinant attentivement la circulation du sang dans des embryons d'un certain âge , dont les parois des 208 DÉVELOPPEMENT vaisseaux étaient déjà bien accusés , j'ai vu parfois une cellule sanguine prendre subitement une direction exceptionnelle dans la substance cérébrale et passer dans une autre veine pour disparaître dans le courant. Je pouvais observer pendant long- temps l'endroit par lequel la cellule avait passé , sans qu'une autre cellule la suivît ; mais lorsque cela avait lieu , les sui- vantes prenaient toujours exactement la même route. Il y avait là de quoi piquer ma curiosité , car je n'entrevoyais pas com- ment ces dernières cellules auraient suivi exactement la même voie, si celle-ci n'avait été tracée d'avance ou, en d'autres termes, si des parois particulières n'avaient préexisté. J'employai alors un grossissement plus fort , sous une lumière tempérée , et je vis distinctement la voie indiquée par deux lignes trés-rap- procbées et parallèles , qui entouraient un espace plus clair que les parties environnantes. Ces lignes étaient aussi délicates que bien accusées ; et toutes les fois qu'une cellule sanguine s'insi- nuait entre leurs parois , on voyait d'une part la cellule , élas- tique comme elle Vêtait, s'allonger et devenir ovale ; tandis que, de leur côté, les lignes s'écartaient légèrement pour se rappro- cher de nouveau après le passage de la cellule. J'en conclus que tous les vaisseaux jusqu'aux plus petits devaient avoir des parois distinctes; ces parois étaient, il est vrai, parfois si rap- prochées, que les cellules sanguines avaient de la peine à y pé- nétrer ; mais les vaisseaux s'élargissaient petit à petit, à mesure qu'un plus grand nombre de cellules sanguines venait à y pas- ser, et à la fin il se formait un courant constant. Il est probable que M. Dollinger a vu des faits semblables, et ne découvrant pas ces lignes extrêmement fines, qui bordent un vaisseau ca- pillaire d'une pareille exiguité , il aura cru que la cellule san- guine se frayait un chemin à travers la masse embryonaire. Le mouvement oscillatoire du sang dans les vaisseaux nou- vellement formés, mérite aussi quelque attention. J'avais un DU SYSTÈME SANGUIN. 209 jour observé et dessiné un embryon avec les quatre arcs vas- culaires des branchies ; quelques heures après avoir terminé mon dessin , je replaçai le même embryon sous le microscope , et je vis que le cinquième arc vasculaire était en voie de for- mation. Une série de cellules sanguines étaient placées les unes à côté des autres, comme une rangée de perles, et voguaient en cadence dans l'intérieur de l'arc , en suivant tous les mouve- mens de systole et de diastole, sans passer dans l'aorte. Les quatre autres arcs branchiaux , en revanche , versaient du sang en abondance dans l'aorte , ce qui permettait de les distinguer au premier coup-d'œil de l'arc nouvellement formé. Mais quel- ques heures plus tard le mouvement du sang était aussi éner- gique dans ce dernier que dans les autres. Le mouvement du sang dans les vaisseaux dépend unique- ment du cœur ; les pulsations de l'aorte et des artères sont énergiques, rapides et correspondent aux mouvemens de sys- tole du cœur. Les veines, au contraire, ont un courant uni- forme , qui n'est pas rendu intermittent par des pulsations. Mais aussi longtemps que le cœur n'est qu'imparfaitement dé- veloppé, et même pendant toute la durée de la vie embryo- nique, on découvre dans les troncs veineux voisins du cœur un flux et un rellux continuel , résultant des contractions de ce dernier, par la raison que, les valvules de l'oreillette ne fer- mant pas parfaitement le passage à chaque systole de l'oreil- lette, le sang est refoulé eu arrière dans les veines. Il n'y a pas jusqu'aux artères qui ne se ressentent de celte structure in- complète des valvules ; leur sang ne circule pas seulement par ondes , mais plutôt en zig-zag , si je puis m'exprimer ainsi ; car, à chaque mouvement de diastole du ventricule , le sang artériel est fortement ramené en arriére comme par une pompe aspirante; et souvent même on ne peut déterminer ri- goureusement la direction artérielle qu'en comparant la durée 27 210 DÉVELOPPEMENT des pulsations, le reflux occasionné parla diastole du ventricule étant de beaucoup plus court que le mouvement progressif émanant de la systole. Ces mouvemens particuliers et très-énergiques du sang cons- tituent, avec la direction du courant, le principal critère qui sert à distinguer les veines des artères. Dans certaines circons- tances, ces mouvemens sont même le seul guide que l'on puisse invoquer, entre autres lorsque les veines et les artères ont la même direction et sont trés-rapprochées , tels que l'extrémité de la veine jugulaire et le commencement de l'aorte ; car il n'existe pas la moindre différence entre les artères et les veines, ni dans la teinte , ni dans la nature du sang et de ses cellules. Les pulsations de l'aorte cessent dès que les franges se for- ment dans les branchies. On sait que dans les poissons adultes, il n'y a point de pulsation artérielle, mais que le sang coule d'une manière uniforme ; dans l'embryon au contraire , les pul- sations diminuen linsensiblement à mesure que la circulation capillaire des franges branchiales se développe , jusqu'à ce qu'elles fassent enfin place à un courant uniforme semblable à celui des veines. 3" DÉVELOPPEMENT DE LA CIIICLLÂTION. Le développement de la circulation est de toutes les parties de l'embryologie , celle que j'ai poursuivie avec le plus de sol- licitude. Il faut convenir que si la grande transparence de l'em- bryon facilite d'une part l'étude des voies de la circulation et permet d'en reconnaître les fonctions , cette même transparence et le petit nombre de cellules sanguines charriées dans les vais- seaux sont un obstacle qui empêche souvent, surtout au com- mencement de la circulation, de reconnaître les courans , leur direction, leurs rapports avec les organes environnans, et sur- tout la direction et la position des divers vaisseaux , lorsqu'ils DU SYSTÈME SA>GL1X. 211 sont superposés. Aussi me suis-je fait uu devoir de n'indiquer des vaisseaux sanguins, dans mes dessins , que là où je m'étais assuré qu'il existait réellement un courant. Je n'ai nulle part suppléé les parties intermédiaires d'un vaisseau , et je me suis surtout gardé d'inscrire ceux que je n'avais observés qu'en pas- sant ou d'une manière superficielle. D'ailleurs l'étude de la cir- culation nécessite des observations prolongées qui souvent sont trés-fatigantes pour l'œil. J'ai plusieurs fois fait la remarque qu'après avoir observé pendant des heures entières , mon œil s'était tellement habitué au mouvement des cellules sanffui- nés, que je croyais remarquer des courans de sang partout où je regardais. Cette illusion d'optique me rendit d'autant plus circonspect, et dés que je me sentais fatigué, je cessais l'obser- vation , pour la reprendre lorsque mon œil était reposé. Je vérifiais alors tous les résultats de la première observation avant de les consigner ; et comme c'était le même embryon qui ser- vait presque à toutes mes observations sur la direction des vais- seaux sanguins, j'ai lieu de croire qu'aucune modification im- portante ne m'a échappé et que les résultats que j'ai obtenus reposent sur des faits bien établis. C'est le vingt-septième jour après la fécondation , c'est-à- dire , dix-sept jours après la séparation complète de l'embryon et de la vessie vitellaire, et neuf jours après l'apparition du premier rudiment du cœur, que j'aperçus la première circula- tion complète. A cette époque, la cavité du cœur était formée depuis longtemps; j'y avais déjà souvent observé les mouve- mens de va-et-vient des cellules sanguines , mais ces mouve- mens étaient limités à la cavité intérieure du cœur ; maintenant, je vis des cellules sortir de cette cavité et d'autres entrer par l'extrémité opposée, en formant un courant continu au travers du corps. Je découvris bientôt la connexion intime delà circula- tion entière, telle qu'elle est représentée dans les figures VI , V2 212 DÉVELOPPEMENT et 43 : un fort courant sort du bulbe aortique , monte en droite ligne et se divise , après sa sortie, en deux branches qui conti- nuent leur direction ascensionnelle, et décrivent un demi-cercle de chaque côté de la corde dorsale: ce sont ces vaisseaux que nous nommons les arcs aortiques. L'opacité de la masse em- bryonaire , en cet endroit du corps , empêche de distinguer de proûl la partie de l'arc aortique qui touche à la corde ; mais je la découvris bientôt, en examinant l'embryon d'en haut et, comme la pointe du cœur était un peu tournée à gauche , quoique sa masse principale fût à droite , l'arc gauche se trouva être un peu plus long que le droit ; sous d'autres rap- ports ils étaient parfaitement égaux (fig. 43.) Arrivés au niveau de la colonne vertébrale , chacun des arcs aortiques se divise en deux bras principaux qui suivent des directions diamétralement opposées , l'un se dirigeant le long du tronc en arrière , l'autre le long de la tête en avant. Nous allons commencer par étudier la branche céphalaire ou la carotide primitive. Elle est très-distincte sur le flanc de l'embryon (fig. 42) ; placée au niveau de la corde dorsale , elle se dirige en dehors vers l'œil , et plus elle s'en approche , et mieux elle s'aperçoit. Arrivée au bord postérieur de l'œil , elle se divise en deux branches : la supérieure , ou tarière cérébrale , paraît se diriger en dedans et en haut vers la base du cerveau ; mais elle échappe dans l'origine à l'observation directe, à cause du piment noir de l'œil qui est déjà très-développé à cette époque. Bientôt cependant, on la voit reparaître de nouveau dans le voisinage du sillon qui sépare le mésencéphale de l'épencé- phale, et souvent aussi dans le sillon lui-même et sur la voûte du mésencéphale, entre celui-ci et le crâne (fig. 42, 46 et 49). Les branches des deux côtés se rencontrent sur la ligne médiane , et se transforment tôt après en veine ; elles descen- dent chacune par le côté opposé , où elles regagnent les veines DU SYSTÈME SAïVGmN. 213 jugulaires. Les veines sont toujours placées à l'extérieur des ar- tères, mais le niveau où ces dernières se transforment en veines n'est pas constant. On ne peut rien voir de plus beau que ce mouvement continuel de courans qui montent , ont l'air de se rencontrer, s'entrecroisent , s'évitent et redescendent enfin sur le revers opposé après avoir parcouru leur cycle. La plume et le pinceau sont impuissans à reproduire un pareil spectacle. J'ai cependant essayé d'en indiquer les principaux linéamens dans la fig. 45 , qui représente une époque un peu plus avan- cée du développement embryonique. La seconde branche de la carotide primitive , l'artère ophthal- nuque qui est à peu près égale en grosseur à la branche cérébrale, échappe également à l'observation peu de temps après sa for- mation ; elle suit probablement la paroi postérieure de lœil , pénétre avec le nerf optique dans le bulbe oculaire et après s'être dirigée horizontalement du fond de l'œil vers le cristallin, elle affleure au bord supérieur de ce dernier. Les cellules san- guines jaillissent ici comme une fontaine du fond de l'œil vers le cristallin, et lorsqu'on examine l'œil de profil (fig. 42), on en voit circuler en demi-cercle autour du bord postérieur, et , au moyen de la fente de l'œil , pénétrer en bas pour se répandre selon toute apparence dans la veine vitellaire antérieure , qui les ramène au cœur. Les rapports des artères du corps sont encore plus simples que ceux des artères de la tète. Dès que les deux arcs aortiques ont fourni les carotides primitives, ils se recourbent en dedans et en arrière et, suivant de près le bord inférieur de la corde dor- sale, ils se rapprochent de plus en plus de la ligne médiane et se réunissent près de la ceinture thoracique , pour ne former qu'un seul vaisseau, Yaorte, qui, appliqué contre la face infé- rieure de la corde dorsale, continue son chemin en arriére. C'est ainsi que les deux arcs de l'aorte forment un anneau réel 214 l)ÉVELOPl»E31E>T autour de l'iulestin buccal ; car après s'être bifurques prés de la sortie du bulbe et après avoir entouré l'intestin buccal, ils se rejoignent insensiblement en arriére, au dessus de l'intestin et immédiatement au dessous de la corde dorsale (Gg. 43). Le sang continue maintenant sa route dans le courant simple de l'aorte , le long de la corde dorsale ; mais un phénomène particulier se produit derrière les nageoires pectorales : on îiperçoit ici, dans le courant uniforme, un très-fort remous dont la signification ne m'est pas encore entièrement démon- trée. Quelquefois il me semblait que l'aorte formait ici une anse dirigée en bas , telle que je l'ai représentée dans la fig. 42 , dont les deux bras étaient si rapprochés que le cou- rant descendant d'un côté , et le courant ascendant de l'autre , avaient l'air de former un tournant ; et c'est en effet l'expli- cation la plus naturelle que l'on puisse donner du phéno- mène, d'après la formation ultérieure des artères vitellaires et du foie qui prennent ici leur origine. Cependant l'observation directe ne m'a pas encore fourni la démonstration complète de cette opinion. Au delà de ce remous, le sang continue à cheminer d'une manière uniforme, jusque dans la région de l'anus, où l'aorte détache de chaque côté plusieurs courans , ordinairement deux ou trois principaux , qui , après avoir circonscrit l'intestin , passent sur le sac vitellaire. Un peu au delà de l'anus , l'aorte se recourbe en un arc simple , sans pénétrer dans la queue , et se transformant en veine , elle se divise en deux branches qui se dirigent chacune de son côté en avant , passent immédiatement au sac vitellaire (fig. 42) , et s'y réunissent avec les rameaux antérieurs de l'aorte, ensorte que tout le sang se trouve ici réuni en deux veines considérables , les veines vi- lellaires postérieures, qui se dirigent en avant par dessus le sac vitellaire, vers le cœur (fig. 41). DU SYSTÈME SANGUIN. 215 La position et les rapports de ces veines vitellaires postérieures méritent surtout d'être pris en considération , attendu qu'elles ne durent que peu de temps et subissent bientôt des modifica- tions considérables. Elles naissent, ainsi que nous l'avons in- diqué ci-dessus, de l'anse postérieure de l'aorte et correspon- dent aux branches que celle-ci détache au nombre de trois à cinq, depuis le milieu du corps jusque prés de l'anus, et qui viennent aboutir directement dans les veines. Toutefois, il est à remarquer que les branches de la veine gauche ne sont ni aussi larges , ni aussi nombreuses que celles de la veine droite ; ensorte que le courant est bien plus considérable de ce côté. Dès que les veines se sont constituées comme telles , et avant qu'elles n'aient reçu les branches antérieures , elles prennent une direction divergente en dehors et passent au vi- tellus et particulièrement à la couche hématogène de celui-ci. L'éloignement des deux veines qui courent symétriquement , arrive à son maximum dans la région du foie, où elles se re- plient brusquement vers l'axe du corps et se réunissent à la base du cœur, au dessous des ductus Cuvieri , avec les courans veineux antérieurs du vitellus et avec la veine jugulaire ; en- sorte qu'à cette époque , tout le sang fourni par l'aorte au corps , est ramené au cœur par deux veines latérales , les veines vitellaires postérieures. 11 n'y a point de courant veineux dans la partie postérieure du corps et par conséquent point de veine cave ou veines cardinales. Il en est autrement de la tête. Ainsi que nous l'avons vu en poursuivant les ramifications des carotides dans le cerveau et dans l'œil , chacune de ces branches a sa veine correspondante. On doit envisager comme un courant veineux le courant du cerveau dès qu'il a atteint l'extrémité de l'arc et qu'il re- brousse chemin de l'autre côté. En dehors de l'arlére, chaque arc suit sa direction primitive jusqu'au bord supérieur de l'œil 2 1 6 DÉVELOPPEMENT et se cache même quelque peu derrière celui-ci , ensorle que l'on ne peut voir son passage direct à la veine jugulaire. La veine jugulaire , située au niveau du bord supérieur de la corde dorsale , par conséquent plus haut que la carotide qui est parallèle à son bord inférieur, s'échappe de derrière l'œil en passant sous l'oreille pour se diriger en arrière vers la nageoire pectorale. Arrivée au devant de cette dernière , elle se courbe à angle droit en bas et passe au ductus Cuvieri ; le sang, après avoir traversé ce dernier, se réunit à la base du cœur avec ce- lui des veines vitellaires antérieures et postérieures, pour pé- nétrer ensemble dans l'oreillette. Le courant de l'œil revient au cœur par un tout autre che- min. Après avoir circonscrit le bord du cristallin , on le voit distinctement descendre vers le vitellus par la fente de la cho- roïde; mais son passage au vitellus est masqué en partie par l'œil lui-même (lorsqu'on examine l'embryon d'en haut fig. 41), en partie par l'impression du vitellus et sa saillie latérale ( de profil fig. 42). Cependant on voit la veine vilellaire antérieure arriver assez prés de l'œil pour oser se croire en droit de sup- pléer le petit espace qui manque ; ensorte que l'on peut en con- clure que la veine ophthalmique traverse la fente de l'œil pour gagner le vitellus et que c'est par dessus ce dernier qu'elle ar- rive au cœur, sous la forme de veine vitellaire antérieure. Cette veine vitellaire antérieure forme un arc semblable à celui de la velnevilellairepostérieure,maissensiblementpluspetit (fig. 43). Avant d'atteindre l'oreillette , les deux veines vitellaires se con- fondent avec la veine jugulaire, à la base des ductus Cuvieri. En résumé , voici quelle est la première circulation dans la Palée : un courant simple sortant du bulbe de l'aorte se divise en deux arcs aorliques qui embrassent le pharynx ; ces arcs fournissent, en avant, les carotides, puis se réunissent en un seul tronc au dessus de l'intestin , et au dessous de la co- DU SYSTÈME SANGUIN. 217 lonne vertébrale. Près de l'anus l'aorte se replie sur elle- même et , se divisant en deux veines latérales , elle retourne au cœur par les veines vitellaires postérieures. Les carotides se divisent en deux courans , le courant cérébral , et le courant oculaire, dont le premier regagne le cœur par la veine jugu- laire, et le second par la veine vitellaire antérieure. Cette der- nière , de concert avec la veine vitellaire postérieure et la veine jugulaire, reprend une nouvelle impulsion dans le cœur et en parcourt les différentes cavités pour recommencer de nouveau son cours, en sortant par l'aorte. Bientôt cependant la symétrie si frappante qui se trabit dans la première circulation , commence à s'effacer. Je remarquai dès le second jour de la circulation les changemens suivans (flg. 43 et 45) : la circulation des yeux qui, d'abord, était indépendante de la circulation du cerveau, perdit son indépen- dance et se combina avec cette dernière. Les deux veines vi- tellaires antérieures, qui conduisaient le sang de l'œil à travers la fente cboroïdale, s'oblitérèrent; la veine oplithalmique, au lieu de se diriger en bas, à partir du cristallin , se dirigea en haut et en dehors , passa par dessus la couche de piment , se re- courba en dedans, près du bord supérieur de cette dernière, et , se combinant ici avec la veine cérébrale , vint former avec elle la veine jugulaire. Il est difficile d'observer cette circulation de profil , par la raison que le piment noir empêche de reconnaître les courans ; mais en examinant l'embryon en face, on distingue fort bien le courant qui , de l'œil, monte obliquement en dehors et se recourbe ensuite eu dedans (fig. 42). Ce sont jusqu'ici les seules modifications qui aient été observées à cette époque. Quelquefois , il est vrai , je crus voir quelques cellules san- guines se diriger transversalement de la carotide gauche vers la carotide droite , en passant sous la base du crâne , ainsi que cela est indiqué dans notre fig. 42 ; et si je n'ai pas été à même 28 218 DÉVELOPPEMENT de vérifier ce fait avec toute la précision désirable , il m'a con- firmé dans l'opinion que les vaisseaux sanguins du corps , loin d'apparaître spontanément , se développent au contraire insen- siblement , d'abord sous la forme de canaux très-fins, à travers lesquels passe de temps en temps un corpuscule de sang , mais qui s'élargissent insensiblement jusqu'à permettre le passage d'un courant très-abondant et continu ; car si le courant trans- versal dont je viens de parler, pouvait paraître problématique au premier abord , il était déjà le second jour si distinct, qu'on le remarquait bien mieux que la carotide. Si la circulation du vitellus s'oblitère en avant, il n'en est pas de même en arrière ; ici le côté droit du corps l'emporte sur le côté gauche en ce sens que la veine vitellaire postérieure gauche disparaît, quoique le nombre de ramifications arté- rielles que l'aorte envoie au vitellus avant de gagner l'anus, soit à peu près égal des deux côtés ; mais celles du côté gauche se réunissent après un court trajet sur le vitellus en plusieurs cou- rans qui , en passant sous le corps , se jettent à droite, à peu près au milieu de l'espace entre le foie et l'anus et se réunissent à la veine vitellaire droite (fig. 43). Celle-ci a cependant changé elle-même de position ; elle s'est rapprochée du bord de l'in- testin et ne s'éloigne de ce dernier qu'à l'endroit où les cou- rans veineux de gauche viennent se joindre à elle , décrivant ainsi , pour regagner la base du cœur, un arc à droite par des- sus le vitellus (fig. 48). Les anses postérieures , dans lesquelles se perdait l'aorte, sont devenues plus nombreuses, ainsi que les artères vitellaires ; elles envahissent la partie postérieure de l'intestin et se déversent dans la veine vitellaire droite qui longe la tranche inférieure de l'intestin. J'ai observé, à cette époque , une singulière anomalie dans les courans veineux de la partie postérieure du corps de l'un de mes embryons, anomalie qui n'a été que de courte durée et dont DU SYSTÈME SANGLIX. 219 j'ai essayé de donner une idée dans les lig, 43 et 44 : au lieu d'une seule veine vitellaire droite , réunissant tout le sang de la partie postérieure du corps et des deux côtés du vitellus , comme c'est normalement le cas de la plupart des embryons, il y avait deux courans veineux: le supérieur recevait le sang du tronc par l'extrémité de l'aorte et se dirigeait en avant le long du bord supérieur de l'intestin au dessous de l'aorte ; il s'arquait un peu à droite et aboutissait avec la veine jugulaire dans .'e ductus Cuvieri droit (fig. 44) , formant ainsi une véri- table veine cardinale le long de la corde dorsale ; le second , qui était beaucoup plus considérable, recevait le sang de tous les vaisseaux vitellaires, de ceux de droite comme de ceux de gauche, et venait aboutir à l'oreillette (fig. 43 et 44) , en dé- crivant, à droite, le même arc que la veine vitellaire décrit à l'état normal. La circulation de l'embrvon et celle du vitellus s'étaient par conséquent scindées autant que possible dans la partie postérieure du corps. J'aurais désiré pouvoir poursuivre plus loin cette singulière anomalie, mais j'en fus empêché par la mort de l'embryon , qui survint le lendemain , et les autres individus ne m'ont jamais présenté rien de pareil ; aussi faut-il convenir qu'une pareille disposition est tout-à-fait opposée au plan général , d'après lequel les transformations de la circula- tion ont lieu dans la Palée. Une période importante du développement est comprise entre les fig. 45-56 ; c'est alors que la circulation commence à se montrer dans les arcs branchiaux et qu'une venie porte apparaît après la formation préalable et successive du foie et des arcs branchiaux. Quant à la circulation céphalaire, il est à remarquer qu'à cette époque , le côté droit de ce système acquiert une prépon- dérance marquée sur le côté gauche, à tel point que les artères présentent une asymétrie frappante , si on les compare entre 220 DÉVELOPPEMENT elles. L'arc aortique de droite et la carotide qui s'en échappe charrient une quantité beaucoup plus considérable de cellules sanguines que les vaisseaux correspondans du côté gauche; le courant y est aussi beaucoup plus distinct et moins intermit- tent. Les modifications qui peuvent survenir à cette époque dans la circulation de l'œil ne sont plus observables à cause du pi- ment noir qui est trop abondant. La circulation du cerveau subit , en revanche , les modifi- cations suivantes : l'anastomose transversale des deux carotides, d'abord à peine sensible (fig. 45), est maintenant complètement formée , et l'on voit distinctement le sang se verser de la ca- rotide droite dans la carotide gauche (fig. 47). Cette anasto- mose est située à peu près au même niveau que l'axe horizon- tal des yeux et même visible d'en haut ; ce qui me fait croire qu'elle est plutôt située au dessus qu'au dessous de la base du crâne, c'est-à-dire entre cette dernière et la face inférieure du cerveau, au bord postérieur de l'hypophyse. L'arc cérébral du côté droit remonte à la face intérieure de la voûte crânienne et se divise, avant d'en avoir atteint le sommet, en deux branches, dont l'une, la plus courte, se tourne en dehors où elle se trans- forme en veine cérébrale droite (fig. 47) et vient se verser dans la veine jugulaire , tout en cheminant très-près de l'artère; tandis que l'autre poursuit sa route jusqu'au sommet du crâne, où, se courbant à gauche, elle forme la veine cérébrale gauche, qui aboutit dans la veine jugulaire gauche. L'artère cérébrale gauche , formée de la branche anastomosée ci-dessus men- tionnée et de la carotide gauche, aboutit, de son côté, à la veine cérébrale gauche (fig. 47) , à l'endroit correspondant à celui où l'artère cérébrale droite se change en veine cérébrale droite. Au lieu de deux arcs opposés , comme le représente la fig. 45, il n'en existe donc plus maintenant qu'un seul , l'ar- tère cérébrale droite, recevant dans son courant lartère gauche, DU SYSTÈME SANGUIN. 221 qui est beaucoup plus faible. Vers la fin de cette période, le courant artériel gauche de la tète , et en particulier la carotide gauche, diminuent tellement, qu'on a de la peine à les distin- guer d'en haut (fig. 55). Il faut en quelque sorte inférer leur présence de leur origine ; car le développement considérable de la masse cérébrale recouvre presque en entier leur trajet ulté- rieur, tandis que l'arc formé uniquement par l'artère cérébrale droite, continue d'être très-distinct sur la commissure du cer- velet (fig. 55). Le côté gauche de la tête est en quelque sorte dédommagé de cette infériorité artérielle par un système veineux plus dé- veloppé ; car si les artères sont plus considérables du côté droit, il est bien évident aussi que le sang de l'artère cérébrale droite passe en grande partie dans les veines du côté gauche , soit par la branche transversale anastoraotique , soit par l'arc cé- rébral lui-même , et qu'il n'y a qu'une partie proportionnelle- ment très-faible du sang qui soit ramenée au cœur par la veine cérébrale droite. La veine cérébrale gauche , et particulière- ment la veine jugulaire gauche ont par cela même un diamètre beaucoup plus considérable que celles du côté droit ; la jugu- laire gauche se divise même en deux bras (fig. 155 et 51), dont l'un, se détachant du tronc principal, dans le voisinage de l'oreille , dévie en dedans et en haut et se réunit de nouveau à l'autre branche un peu avant l'extrémité supérieure du ductus Cuvieri (fig. 51). Plus tard, cette branche devient tout-à-fail indépendante de la jugulaire gauche , étant , à ce qu'il paraît , principalement alimentée par l'arc cérébral. Je dois dire ce- pendant que je n'ai pu la poursuivre que jusque dans la ré- gion du cervelet, où elle disparaît complètement sous ce der- nier (fig. 55). Le côté droit ne montre rien de semblable dans cette période de la vie embryonique, et la jugulaire reste cons- tamment simple de ce côté. 222 DÉVELOPPEMENT L'asymétrie que l'on remarque dans les vaisseaux de la tête s'explique en quelque sorte par la circulation du corps. Dans l'origine, les deux arcs aortiques naissant du bulbe de l'aorte étaient à peu près égaux ; maintenant l'arc droit commence à l'emporter de plus en plus en dimension sur le gauche. Il en résulte pour la circulation une différence telle, que je re- marquai souvent , dans la partie gauche de l'aorte , la nais- sance de la carotide et la réunion des deux arcs aortiques en une aorte simple , un mouvement particulier du sang qui , au lieu de se diriger de l'arc vers le point de réunion, s'en allait au contraire de l'aorte vers l'arc et vers la carotide , ainsi que je l'ai indiqué par une flèche dans la tig. 55. Souvent aussi l'arc gauche était si faible qu'il était fort difficile de reconnaître sa présence par l'observation (Og. 51). Il se forme peu de temps après , à l'endroit du remous de l'aorte que nous avons mentionné ci-dessus, tantôt une, tantôt plusieurs artères qui , naissant de l'aorte , se dirigent oblique- ment en bas et en arriére et atteignent le vitellus à l'endroit où l'enveloppe épidermoïdale de celui-ci passe à la nageoire embryonaire du ventre. D'abord entières (fig. 46) , ces artères se ramifient bientôt et forment sur le vitellus un réseau d'un très-beau dessin qui est surtout marqué à fendroit de l'ancien remous , au-dessous et sur les côtés de l'embryon. Les rami- fications de ce réseau se réunissent ensuite de nouveau et pas- sent à la veine vitellaire postérieure droite. Le nombre et la disposition particulière de ces vaisseaux vitellaires sont soumis à de fréquentes variations : plus l'embryon se détache du vi- tellus et plus le réseau artériel progresse vers la tête ; en même temps , les artères vitellaires dont ce réseau procède descen- dent verticalement et gagnent enfin le foie qui n'est encore que rudimenlaire et dans lequel le réseau est destiné à se fixer dé- finitivement. C'est ainsi que l'on voit dès la fin de cette période DU SYSTÈME SANGUIN. 2215 la veine \itellaire postérieure droite , qui maintenant est de- venue veine intestinale inférieure, tout en descendant le Ions du bord inférieur de l'intestin , commencer à se ramifier dans le voisinage du foie ; et sa partie antérieure , située entre le foie et l'oreillette, au lieu d'être, comme auparavant, en commu- nication directe avec sa partie postérieure , communique main- tenant, par l'intermédiaire d'un réseau capillaire, formé par le concours des artères vitellaires et des ramifications de la veine intestinale inférieure (fig. 48, 56). C'est ce réseau intermé- diaire qui, en se logeant dans le foie, va y former les vaisseaux capillaires, situés entre la veine porte , qui conduit le sang des intestins dans le foie, et la veine cave, qui le ramène au cœur. Ce mode de développement nous fournit la preuve la plus ma- nifeste que M. Carus s'est laissé induire en erreur, lorsqu'il prétend , d'après ses observations sur la Perche [Perça fluviali- h's) (*) , que le foie se dépose dans les mailles de ce réseau, et que c'est ce réseau qui sécrète en quelque sorte la substance du foie, laquelle se déposerait successivement autour des canaux du sang. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur nos fig. 46 , 49 et 56 , pour se convaincre que le foie existe comme organe in- dépendant bien avant que l'on y aperçoive la moindre trace de circulation, et que le réseau vasculaire du vitellus ne s'y loge que longtemps après sa formation. Pendant que ces modifications ont lieu, les anses postérieures de l'aorte , au moyen desquelles celle-ci passe au courant vei- neux , deviennent toujours plus nombreuses et plus fines. L'aorte continue à se développer en arrière, au delà de l'anus jusque dans la queue ; mais les veines qui ramènent le sang de cette région , aboutissent encore toutes dans la veine intestinale inférieure (veine vitellaire postérieure droite). Les veines cardi- (*) Erlauferungstafeln ziir vergleichenden Analomie , ô™*" cahier. 224 DÉVELOPPEMENT nales , qui , dans le poisson adulte , ramènent le sang du corps dans le cœur, n'apparaissent que lorsque la circulation bran- chiale est complète. Les fentes et les arcs branchiaux ont en quelque sorte été préparés d'avance dans l'embryon pendant la période que nous venons de décrire. Il s'est formé au milieu de l'espace assez con- sidérable entre l'œil et l'oreille un étranglement que nous avons décrit au chap. VU comme le rudiment de l'appareil operculaire ; et tandis qu'au commencement , les deux arcs aortiques du bulbe montaient à peu près verticalement en em- brassant l'intestin buccal pour se courber en arriére et se ren- contrer dans la région des nageoires pectorales , nous voyons maintenant les deux artères branchiales courir d'abord hori- zontalement en avant, puis se courber brusquement en haut et en arriére en formant deux arcs , du sommet desquels par- tent les carotides , pour se rencontrer enfin dans le voisinage de la nageoire pectorale (fig. 52 et 56). En même temps, la position du cœur relativement à l'embryon s'est considérable- ment modifiée, ainsi que nous l'avons fait observer plus haut, et le bulbe aortique en particulier a pris une position plus in- clinée relativement à l'axe de l'embryon . Toutes ces particularités favorisent la formation des arcs branchiaux. L'on voit peu à peu se former dans l'espace situé derrière l'appareil operculaire des fentes qui divisent cet es- pace en plusieurs arcs concentriques, qui sont les arcs bran- chiaux. On \oit en même temps se développer, sur ces der- niers, autant d'arcs vasculaires , qui conûuent dans l'aorte sous la corde dorsale en embrassant l'intestin obliquement d'a- vant en arrière. Ces arcs vasculaires se forment absolument de la même manière que les autres vaisseaux. Ce sont d'a- bord des canaux très-étroits , qui donnent passage à une cel- lule sanguine , et qui , à mesure qu'ils s'élargissent , en laissent DU SYSTÈME SANGUIN. 225 passer un plus grand nombre qui oscillent dans leur intérieur jusqu à ce qu'un courant continu s'établisse. Ces canaux se for- ment dans l'ordre de leur succession, tels qu'ils se suivent d'a- vant en arrière. J'ai suivi le développement de tous les arcs depuis le moment où le premier commença à paraître, et, dans l'espace de deux jours , j'ai pu passer successivement en revue les cinq arcs, depuis le premier jusqu'au cinquième, et j'ai en outre pu étudier tous les arcs postérieurs dans leur état ru- dimentaire. 11 m'importait surtout de poursuivre les métamorphoses de ces arcs branchiaux ; dans ce but je cherchai à me rendre compte de la disparition des arcs formés antérieurement et de la formation des nouveaux ; mais je rencontrai ici des difficultés inattendues : les taches épaisses de piment brun , dont nous avons parlé au chap. VIII , avaient commencé à se déposer depuis quelque temps dans le rudiment de l'opercule, et bientôt ces cellules colorées prirent un tel développement, que ce ne fut qu'avec la plus grande difficulté que je pus observer l'arc vasculaire caché derrière. A la fin , l'appareil operculaire, s'éteudant toujours plus en arrière, finit par envahir insensible- ment les arcs branchiaux , et le premier véritable arc branchial en particulier se trouva tellement recouvert qu'il eût été facile de le confondre avec les arcs de l'appareil hyoïde. D'un autre côté, les arcs vasculaires des deux côtés , à raison de la faible épaisseur du poisson, étaient très-rapprochés , et il aurait fort bien pu arriver que , dans l'énumération des arcs d'un côté , l'on en eût compris un ou plusieurs du côté opposé , surtout en tenant le poisson de profil. Je me suis appliqué à éviter, autant qu'il a été en mon pouvoir , toutes ces causes d'erreurs , et si , malgré cela, il s'est glissé des inexactitudes dans mon travail, j'ose au moins espérer qu'elles ne porteront pas sur les points capitaux. Je crois en conséquence que les résultats suivans 29 226 DÉVELOPPEMENT peuvent être envisagés comme fondés. Il y a au commence- ment cinq arcs branchiaux ; le premier, qui est le plus fort , existe seul , pendant longtemps , comme arc aortique. Il est situé derrière le rudiment operculaire et longe l'os hyoïde la- téral ; c'est pourquoi nous le désignerons dorénavant sous le nom d'arc hyoïde , tandis que nous l'avons nommé arc aortique, aussi long-temps qu'il alimentait seul l'aorte. C'est ce même arc qui détache la carotide avant sa réunion avec l'aorte; mais il commence à se rétrécir, à mesure que l'appareil operculaire s'étend , et perd enfin sa qualité de vaisseau branchial respi- ratoire. L'artère hyoïde du poisson adulte qui longe l'os hyoïde, est le reste de cet arc branchial embryouique elles ramifications remarquables de cette artère dans la fausse branchie résultent de son ancienne destination embryonaire. Dans le poisson près d'éclore , c'est le second arc vasculaire embryonaire (le premier arc branchial du poisson adulte) qui fournit la carotide ; les second, troisième, quatrième et cinquième arcs persistent tou- jours; ils forment les quatre troncs des vaisseaux branchiaux qui alimentent aussi dans le poisson adulte les quatre arcs de l'appareil branchial. Dès que l'arc hyoïde a disparu , il se forme, peu de temps avant l'éclosiou , un sixième arc qui per- siste après l'éclosion aussi longtemps que le vitellus n'est pas complètement résorbé ; il est garni de franges comme les quatre vrais arcs branchiaux , ensorte qu'il est une véritable branchie pour l'embryon âgé de quelques semaines. Cet arc longe les os pharyngians qui, dans le poisson adulte, ont tout-à-fait perdu leur nature d'arcs branchiaux. L'embryon a par conséquent toujours le même nombre de cinq arcs branchiaux ; car dès que le premier, l'arc hyoïde, a disparu, il est remplacé en arrière par un autre , l'arc pharyngien , qui se perd à son tour dans le poisson adulte. Le nombre des arcs vasculaires est donc en général de cinq ; DL' SYSTÈME SANGUIN. 227 je n'en ai jamais remarqué plus , et rarement moins. Cepen- dant, afin de ne point figurer des vaisseaux que je n'avais pas vus de mes yeux, je n'ai représenté dans les fig. 61, 69 et 71 que quatre arcs branchiaux , bien que la fig. 72 m'eût fourni la preuve qu'à cette époque les cinq arcs primitifs existaient en- core ; seulement Tare hyoïde était à peine visible à cause de l'opacité croissante de l'appareil operculaire. La fig. 77 représente un moment unique dans le dévelop- pement du système branchial : l'arc hyoïde a disparu , mais l'arc pharyngien n'est pas encore complètement formé, de sorte qu'il y a là un arrangement tout-à-fait semblable à celui du poisson adulte. Le poisson éclos a de nouveau cinq arcs bran- chiaux ; seulement le dernier, l'arc pharyngien, est plus faible que les autres (fig. 86). Dans la fig. 91, cet arc a atteint tout son développement et présente absolument les mêmes condi- tions que les vrais arcs branchiaux. M. de Baer {*) a observé jusqu'à sept arcs vasculaires''dans la Brème [Abramis lUi'cca). Le premier reposait sur le premier arc branchial ou l'os hyoïde ; c'était par conséquent évidemment le même que notre premier arc branchial ; les quatre suivans reposaient sur les branchies suivantes; le sixième sur l'arc pharyngien, et le septième enfin passait derrière l'arc pharyn- gien par dessus l'extrémité du pharynx. Ces six premiers arcs ont, comme on le voit , absolument la môme position que ceux de la Palée , avec cette seule différence, que, dans la Brème , il existe simultanément deux faux arcs , l'arc hyoïde et l'arc pharyngien , tandis que dans la Palée il n'y en a jamais qu'un à la fois. Je n'ai jamais observé dans la Palée un arc analogue au septième arc , décrit par M. de Baer, ensorte que la Brème semble ici faire une exception à la règle générale , à moins (*) Unlersucluingeii iiber dii; Kiilu ickelungsgesrhirhle (1er Fische , p. 27. 228 DEVELOPPEMENT que l'observation de M. de Baer ne soit pas rigoureuse; ce que l'on ne peut guère supposer de la part d'un observateur aussi distingué. On sait que , dans le poisson adulte , la respiration s'opère au moyen des réseaux vasculaires , répartis en si grande quan- tité sur les franges branchiales, et que c'est après avoir passé par ce réseau respiratoire que le sang oxigéné est conduit à l'aorte par le moyen des veines branchiales. L'embryon, aussi longtemps qu'il est renfermé dans l'œuf, n'est pas doué d'un réseau respiratoire pareil : les arcs vasculaires des branchies naissent simplement de l'artère branchiale, qui est la continua- tion du bulbe de l'aorte et se réunissent de nouveau au dessus du pharynx, sans se ramifier sur des franges branchiales; mais dés que l'embryon a brisé son enveloppe et qu'il nage librement dans l'eau , on voit des saillies verruqueuses se former sur les arcs branchiaux et s'étendre de plus en plus, ensorte que ceux- ci finissent par avoir la forme d'une scie fortement dentelée en arriére (fig. 88 et 89). Ce sont ces saillies tuberculeuses qui for- ment les rudimens des franges branchiales. Cependant chacun des arcs branchiaux n'a encore qu'une seule rangée de franges tuberculeuses; celles-ci sont d'abord dépourvues de sang, et ce n'est que peu à peu que l'on voit de petites anses partir de l'arc branchial et pénétrer dans leur masse. Je ne prétends pas dire par là que l'arc vasculaire s'infléchisse en autant d'anses particulières ; je me suis au contraire convaincu de la manière la plus évidente que chaque anse n'est qu'une fine branche de l'arc branchial , qui pénètre dans les franges , s'y recourbe et regagne de nouveau le tronc principal. Si donc ces anses doivent être envisagées comme l'origine du réseau branchial, il y a cependant une différence à faire : le sang qui y pénétre pour entrer en contact avec l'eau, ne passe pas de là dans un autre tronc, comme cela a lieu dans le poisson DU SYSTÈME SANGUIN. 220 adulte, où il se rend des artères branchiales dans les veines branchiales ; mais il revient au contraire au même tronc ; d'où il résulte qu'une partie du sang ne passe pas par les anses , mais se rend directement du cœur dans l'aorte. Dans le pois- sou adulte , au contraire , la masse totale du sang est obligée de traverser les réseaux intermédiaires capillaires des franges branchiales, pour aller du cœur dans l'aorte. Il existe, par conséquent , dans l'embryon du poisson un arrangement ana- logue à celui qu'on a signalé dans les embryons des animaux supérieurs, où le sang venant du cœur est aussi en partie dé- tourné des organes de la respiration par des voies de commu- nication qui se referment plus tard. Mes poissons n'ont pas vécu assez longtemps pour que j'aie pu observer de quelle manière les anses simples des franges branchiales se transforment en réseau capillaire respiratoire, tel qu'il existe dans le poisson adulte , ni comment le tronc vas- culaire veineux des arcs branchiaux se détache du tronc ar- tériel. Il est probable cependant que cette séparation s'opère par une division longitudinale du tronc artériel. L'étude des phases ultérieures de la circulation dans la tête présente des difficultés particulières ; la superposition des dif- férentes parties du cerveau et des organes des sens , et l'opacité toujours croissante de la tête , sont autant d'obstacles qu'il faut surmonter, si l'on veut arriver à l'intelligence parfaite de tous les détails. Nous avons poursuivi, dans les pages précédentes, les vaisseaux de la tête jusqu'au moment où, leur asymétrie ayant atteint son plus haut degré, la carotide de droite ame- nait le sang de l'arc aortique droit dans le cerveau et formait à elle seule l'arc cérébral , ensorte que le courant artériel dé- pendait essentiellement de son impulsion , tandis que la caro- tide gauche ne paraissait avoir de l'importance que pour les yeux. En compensation de cette prépondérance du courant ar- 230 DÉVELOPPEMENT tériel du côté droit , le courant veineux était beaucoup plus dé- veloppé du côté gauche, et la jugulaire gauche en particulier l'emportait de beaucoup en grandeur et en ramifications sur celle du côté opposé. Le temps considérable que les branchies mettent à se développer, tandis que l'embryon se prépare à éclore, est en partie employé à ramener la circulation de la tête à une symétrie rigoureuse, telle qu'elle existe dans le pois- son adulte, et à pourvoir toutes les parties de la tète de vais- seaux particuliers , tandis que jusqu'ici il n'avait existé que quelques courans principaux. . La carotide droite conserve bien encore quelque temps sa prépondérance et , tout en formant à elle seule l'arc cérébral prés du cervelet , elle détache une branche qui court en avant le long de la base du crâne , puis se recourbe en arrière sur la limite entre le prosencéphale et le mésencéphale et remonte en haut le long de la voûte du mésencéphale (fig. 71 , 72, 77). Dans l'origine, cette branche n'est qu'une anse qui , arrivée à peu près au milieu du mésencéphale, se recourbe pour entrer dans la jugulaire droite (fig. 63 et 64) ; mais plus tard elle s'étend en arrière pour se verser dans l'arc cérébral sur le cervelet même (fig. 77). Pendant ce temps , la carotide gauche redevient insensiblement conforme à la carotide droite ; l'on voit le sang remonter dans le bras qui correspond à l'arc cé- rébral et passer dans les nombreux vaisseaux capillaires in- termédiaires qui conduisent le sang de l'arc cérébral artériel dans l'arc veineux (fig. 65) ; et bien que l'anastomose existe encore entre les deux carotides , le moment arrive cependant bientôt où les vaisseaux alimentés par la carotide gauche ne le cèdent plus à ceux de droite. A cette même époque , la carotide fournit de nombreuses anses à l'oreille et au tissu reposant sur la base du crâne ; elle détache également des branches antérieures pour le nez , et tout DU SYSTÈME SANGUIN. 23 t ce sang est ramené par des veines adjacentes dans la jugu- laire , dont le courant le long de la tète correspond absolument à la carotide et à ses ramifications (lig. 69, 71, 72, 77, 82). Cependant , d'après une loi assez générale de la position des vaisseaux sanguins , les artères sont situées en dedans et les veines en dehors (fig. 82). Dans l'embryon entièrement développé nous trouvons [enfui la disposition suivante dans la circulation de la tête ; disposi- tion qui correspond exactement à ce que l'on observe dans le poisson adulte (fig. 91). Les carotides se dirigent horizontale- ment en avant, le long du bord inférieur de la corde dorsale, se réunissent près de l'extrémité antérieure de la corde, sur le bord postérieur de l'hypophyse, au moyen d'une anastomose, de laquelle part un arc , l'arc cérébral primitif, qui remonte le long du sillon entre l'épencéphale et le mésencéphale , tandis qu'une seconde branche forme la continuation du tronc pri- mitif en avant, monte le long de la voûte mésencéphalique et fournit des rameaux à l'extrémité buccale. Une troisième branche, enfin, se recourbe en arriére pour alimenter l'o- reille. Avant que les carotides ne se fussent recourbées vers le cerveau , dans le trou de l'hypophyse , le courant oculaire se dirigeait horizontalement sur ce dernier. La jugulaire , maintenant plus rapprochée de la carotide , puisqu'elle court avec elle le long du bord inférieur de la corde dorsale , reçoit le sang de la tète par des branches con- cordantes et parallèles aux artères et le conduit jusqu'à la cein- ture thoracique , où, se repliant à angle aigu, elle débouche dans le ductus Cuvieri. Il n'y a maintenant plus que la veine venant de l'arc cérébral embryonaire qui se verse dans le ductus Cuvieri sans avoir passé par la jugulaire ; cette veine assez^extérieure se dirige obliquement du cervelet en arriére (fig. 91 et 77). *232 DÉVELOPPEMENT En décrivant la veine vïtellaire postérieure qui se transforme en veine porte, nous avons déjà mentionné les veines cardinales, en faisant remarquer qu'elles ne se développent qu'avec la cir- culation branchiale. Il n'existe en effet , avant l'apparition des arcs vasculaires des branchies , aucune trace d'un courant vei- neux dans la queue de l'embryon : on ne remarque, si je puis m'exprimer ainsi , qu'une tendance à une pareille circulation caudale, dans la position de la dernière anse de l'aorte un peu en arrière de l'anus. Mais en même temps que paraissent les arcs branchiaux , on voit aussi l'aorte se prolonger jus- qu'au bout de la queue , accompagnée d'une veine en dessous. Cette formation s'accomplit en un jour (fig. 56 et 57). Il est évident que l'apparition d'une voie de sang sous la partie cau- dale de la colonne vertébrale n'est pas le résultat d'une attrac- tion , qui aurait détourné de sa route un courant voisin du vi- tellus ou de la nageoire. Il n'existe pas dans l'embryon de pareils courans capables d'être attirés. Le vitellus n'a d'ailleurs point de vaisseaux sanguins dans le voisinage de l'anus , et l'opinion de plusieurs auteurs qui regardent la veine caudale comme formée par l'attraction d'une veine vitellaire contre la corde dorsale , doit par conséquent être rejetée. La veine caudale est une nouvelle voie qui apparaît spontanément sans avoir existé préalablement ailleurs sous une autre forme. On ne voit d'abord que très-peu d'anses terminales passer de l'aorte dans cette veine ; mais bientôt il s'en forme davan- tage. La veine que nous nommons , à l'exemple de M. Rathke , veine cardinale , se prolonge en avant sur toute la longueur de la corde dorsale, au dessous de l'aorte, entre celle-ci et les corps de Wolff. Il paraît même quelle est simple dans tout ce trajet; cependant il est assez difficile d'arriver à une certi- tude à cet égard; car d'en haut elle est recouverte en entier DU SYSTÈliE SANGUIN. 233 par le courant de l'aorte et par la corde dorsale , et de profil , ruue des veines recouvrirait l'autre s'il y en avait deux ; car elles seraient en tout cas adjacentes et ne pourraient prendre des chemins différens que dans la région du foie. Si donc la veine, comme nous le croyons, est simple dans la partie pos- térieure du corps , elle devra toujours se bifurquer dans la ré- gion du foie , derrière la nageoire pectorale, et la partie anté- rieure du corps aurait ainsi au moins deux veines cardinales. Chacune de ces veines (fig. 57) est dirigée en avant et en dehors et , se maintenant toujours au même niveau , au bord inférieur de la corde dorsale , elles confluent de leur côté avec la veine jugulaire, à l'extrémité supérieure du ductus Cuvieri. C'est ainsi que la veine jugulaire et la veine cardinale ne forment en quelque sorte qu'un seul courant veineux le long de la colonne vertébrale , courant qui se rencontre dans le ductus Cuvieri , par lequel il arrive droit au cœur. Dans l'origine, la veine cardinale n'a d'autre but que de ra- mener au cœur le sang contenu dans le petit nombre d'anses caudales de l'aorte. Mais bientôt son domaine s'agrandit par suite du développement des vaisseaux intervertébraux. Elle était déjà formée depuis longtemps, lorsque je vis pour la pre- mière fois çà et là une cellule sanguine se détacher du courant de l'aorte, remonter vers le dos, y décrire un arc et redescendre pour rentrer dans son courant ; bientôt après je vis le système des vaisseaux intervertébraux se développer complètement : de toutes parts naissaient, le long de l'aorte, de petites branches artérielles qui remontaient le long des corps de vertèbres et des apophyses, puis se bifurquaient et venaient aboutir dans la veine la plus voisine , en avant et en arriére du petit tronc ar- tériel. Chaque petit tronc artériel partageait ainsi son courant entre les deux troncs veineux les plus rapprochés , et chaque tronc veineux recevait son sang de tleux branches artérielles. 30 234 DÉVELOPPEMENT Rien n'était beau comme les nombreux petits courans que pré- sentait, à cette époque, la partie dorsale du corps de l'em- bryon (fig. 71 et 82) ; mais il était assez difficile de bien re- connaître les rapports de ces petits troncs avec les vertèbres. Cbaque tronc artériel correspondait exactement à deux ver- tèbres , ensorte qu'il y avait en tout autant de canaux sanguins que de vertèbres , puisque à chaque artère correspond une veine. L'alternance entre les veines et les artères était ri- goureuse , de manière que si la première vertèbre avait une artère, la seconde avait une veine, la troisième une artère, etc. Il est inutile de faire remarquer que la conformité était par- faite de chaque côté du poisson ; seulement je crus remarquer qu'il n'y avait pas identité entre la nature des vaisseaux, et telle vertèbre qui portait une veine à droite avait une artère sur le côté gauche. Je crus aussi remarquer des anastomoses , allant d'un côté à l'autre ; cependant je n'ai pas pu m'en assu- rer d'une manière positive, quoique je me sois donné beaucoup de peine à ce sujet. Ce n'est qu'assez tard , à ce qu'il paraît, que le système des vaisseaux intervertébraux se développe au point que chaque vertèbre ait son artère et sa veine , comme cela se voit dans les jeunes poissons âgés de plusieurs semaines (fig. 91). Il paraît cependant qu'une partie de ces canaux , veines et ar- tères, disparaît de nouveau avec l'âge; car chez les Salmones adultes, chaque vertèbre est loin d'avoir son artère et sa veine ; il règne même à ce sujet une assez grande irrégularité. Il ne nous reste plus , pour terminer la description de la circulation , qu'à jeter un coup d'oeil sur les métamorphoses que subissent les canaux sanguins des organes nutritifs et en particulier la circulation mlellaire et hépatique. Il existe de singuliers rapports entre la circulation du foie de l'embrvon et la manière d'être des vaisseaux branchiaux. DU SYSTÈME SANGUIX. 235 Il est évident que l'on ne saurait nier une certaine analogie entre les fonctions du ioie et de la veine porte relativement à l'intestin, et celles des organes respiratoires relativement à tout le corps. Il est certain aussi que la sécrétion des matières sous forme gazeuze. qui s'opère dans les organes de la respiration, présente une certaine corrélation avec la sécrétion biliaire. Or, nous avons démontré ci-dessus que, dans l'embryon du pois- son , il n'y a qu'une partie du sang qui soit soumise à la res- piration dans les franges branchiales, taudis que l'autre partie passe directement du cœur dans l'aorte sans subir cette trans- formation. Il existe quelque chose de semblable à l'égard du foie chez les embryons des poissons ; tandis que dans le pois- son adulte , tout le sang venant de l'intestin passe dans la veine porte, pour subir une transformation particulière dans le foie, l'embryon n'envoie qu'une partie de son sang intestinal se ra- mifier dans le foie ; la plus grande partie passe à côté pour se rendre immédiatement dans le cœur. Ce n'est qu'après l'éclo- siou, à mesure que le vitellus se résorbe et que le sac vitel- laire rentre dans la cavité abdominale, que le courant du sang intestinal se verse en entier dans le foie. Ces rapports du sang avec le foie ressortent de la manière la plus évidente de nos figures G6 , 07, 08 et 71 , qui sont rela- tives à la circulation de la veine porte. La veine intestinale qui a déjà reçu une quantité considérable de petits rameaux pro- venant des ramifications artérielles de l'intestin, coule à la face inférieure de ce dernier , le long de la nageoire embryonaire du ventre , jusque tout près du foie , se recourbe ici à angle aigu en arrière , après avoir détaché quelques petits rameaux dans le foie (fig. 81) et de là se divise en une quantité de petits ra- meaux qui se dispersent tous sur le côté droit du vitellus. Toutes ces branches, si diversement ramifiées, confluent de nouveau avec celles venant du foie en une grande veine qui regagne le 236 DÊVELOPPE31ENÏ cœur par le côté droit du vitellus, en décrivant un grand arc (flg. 68). Cet arc est le même que décrivait la veine intestinale lorsqu'elle fonctionnait encore comme veine vitellaire posté- rieure droite ; aussi une partie du sang de la veine intestinale regagne-t-elle cet arc par un canal direct, sans se ramifier. Plus tard on voit se former partout, entre la veine intesti- nale et l'arc, le réseau vasculaire intermédiaire du côté droit du vitellus (fig. 81) ; lorsque, après l'éclosion, le sac vitellaire rentre dans la cavité abdominale et que son contenu vient à être résorbé, on voit ce réseau intermédiaire entre la partie intestinale et la partie cardiale de la veine intestinale se re- tirer insensiblement dans le foie, et, dés que le vitellus, y compris le réservoir huileux , est complètement résorbé , toutes les branches veineuses ont passé au foie et la circulation por- tale complète se trouve établie dans ce dernier (fig. 91). La veine intestinale postérieure droite se divise par conséquent , dans le cours du développement, par suite de la formation du réseau intermédiaire que nous venons de mentionner, en deux parties: la partie cardiale ', c'est le tronc le plus court, celui qui, dans le poisson adulte, persiste comme veine cave ou veine hépatique , destinée à ramener le sang du foie dans l'oreillette ; et la partie intestinale, qui est représentée dans le poisson adulte par la totalité des veines portales et dont le tronc embryonaire est conservé dans la veine qui se dirige en avant entre les feuillets antérieurs du péritoine, qui servent comme mésen- tère antérieur au rectum. La preuve que c'est de la veine in- testinale que se développe tout le système portai , nous est fournie par sa manière d'être dans les périodes ultérieures , lorsque l'estomac et ses appendices commencent à se détacher du tube intestinal d'abord simple. Aussi longtemps que l'in- testin présente un tube droit , se dirigeant d'une manière con- tinue du canal vitellaire jusqu'à l'anus (par conséquent pendani DU SYSTÈME SANGUIN. 237 toiilc la vie eiubryonique , et jusqu'à la résorption presque complète du sac vitellaire) , la veine intestinale se maintient à la face intérieure du tube qu'elle longe jusqu'au foie ; mais aussitôt que l'inlestiu commence à se renfler dans la région destinée à devenir l'estomac , la forme en crochet de ce dernier se trouve en quelque sorte indiquée d'avance par une courbe de la veine intestinale , dirigée en haut et à droite (fig. 89 et 90). Au moyen de cette déviation , la veine atteint d'une part la face interne du foie où elle aboutit, et, d'autre part, il en résulte une division dans l'intestin, division qui paraît correspondre à l'hameçon de l'estomac. J'ai regretté que mes poissons ne vécussent pas assez longtemps pour me permettre de pour- suivre ce développement de l'estomac et de la veine porte. Les veines de la partie supérieure de l'intestin , particulière- ment celles qui sont situées entre la vessie natatoire et l'in- testin , ne naissent pas de la veine intestinale inférieure, mais se forment insensiblement des nombreuses branches artérielles que l'aorte envoie dans cette partie , et l'on dirait qu'elles se composent de plusieurs pièces dirigées en avant, le long de l'intestin (*). M. Rathke a fait dans ces derniers temps du développement du système veineux des vertébrés le sujet d'une monographie très-intéressante , et cet habile observateur a essayé d'établir sur les faits si nombreux qu'il a recueillis, une loi générale du développement du système veineux chez tous les vertébrés. Mais s'il m'est permis d'en juger d'après mes observations , cette loi devra subir des modifications importantes dans plusieurs de ses parties. Il paraît d'ailleurs que c'est la classe des poissons qui offre le plus de variations dans le développement du système (*) C'est par oncnr que ces veines (inl été colorées connue des artères dans. la figure. 238 DÉVELOPPEMENT •veineux , puisque la Palée, la Baveuse et la Brème présentent des différences si frappantes. Suivant M. Bathke , le sang de tous les vertébrés se réuni- rait, dans l'origine, en quatre troncs principaux, les deux veines jugulaires appartenant à la tête et les deux veines cardiales appartenant au tronc. Mais il est évident que, chez la Palée au moins , les veines jugulaires n'existent pas isolément dans l'origine ; elles résultent au contraire d'un second développe- ment, puisque, ainsi que nous l'avons vu ci-dessus, il se forme dans l'origine deux troncs veineux de chaque côté de la tête, les veines jugulaires pour le sang du cerveau et les veines vitellaires antérieures pour le sang des yeux, quoique la durée de ces dernières soit très-éphémère dans la Palée. Des recher- ches ultérieures nous apprendront si cette courte durée est une loi générale ou si la Palée fait encore ici exception. 11 résulte de l'exposé que nous venons de faire de la circula- tion, que les veines cardinales, comme les appelle M. Rathke, ou les veines caves postérieures des anciens observateurs n'en- trent nullement dans le plan primitif de la circulation de la Palée , mais qu'elles appartiennent au contraire à une époque postérieure du développement, puisqu'elles n'apparaissent qu'a- vec la formation des arcs branchiaux. Les veines vitellaires postérieures (dont la droite devient la veine porte, comme nous l'avons démontré,) sont, dans les premiers temps de la vie embryonique, les seuls canaux qui ramènent le sang du tronc au cœur. Les faits que nous avons signalés démontrent suffisamment qu'il est à peu prés impossible d'établir des règles générales , applicables à toute la classe des poissons , sans avoir étudié en détail les différentes familles ; et si les lois établies par M. Katbke devaient se confirmer , la Palée au moins ferait une exception à la règle générale. DU SYSTÈME SANGUIN. 239 Voici en peu de mots le résumé du développement du cœur et des vaisseaux dans l'embryon de la Palée : le cœur, de massif qu'il était, devient creux et se divise en trois parties distinctes, l'oreillette, le ventricule et le bulbe: ces trois parties, placées d'abord de cbamp , se superposent de manière que l'oreillette se trouve au dessus du ventricule, et que, par l'effet d'une demi- rotation autour de son axe, le côté gaucbe du cœur devient le côté inférieur, La circulation est d'abord parfaitement symé- trique; deux arcs aortiques conduisent le sang du bulbe de l'aorte dans les deux carotides , qui le distribuent au cerveau et aux yeux , puis dans l'aorte qui le porte dans le reste du corps. Le sang du cerveau revient par les jugulaires , celui des yeux par les veines vitellaires antérieures , celui du corps par les veines vitellaires postérieures. Les veines vitellaires antérieures disparaissent, et les jugulaires sont les seuls vaisseaux veineux de la tête. Il survient plus tard une époque d'asymétrie; la veine vitellaire postérieure disparaît du côté gauche , celle de droite devient veine intestinale et, par la suite, veine porte. La carotide droite l'emporte de beaucoup sur celle de gauche , tandis que la jugulaire gauche se développe au détriment de celle de droite. Il se forme, pendant cette période d'asymétrie, des arcs branchiaux et des veines cardinales pour le sang re- venant (lu tronc. La symétrie se rétablit enfin de nouveau entre les vaisseaux de la tête, l'embryon rompt sa coquille, et avec l'établissement d'une véritable circulation respiratoire dans les branchies se développe aussi une circulation hépatique com- plète. CHAPITRE XL CONFORMATION EXTERIEURE DE L'EMBRYON. Le poisson n'affecte pas, clans le cours de son développement, des formes aussi variées que beaucoup d'animaux supérieurs et inférieurs , dont l'embryologie est rendue très-diflicile par cette grande dissemblance qui existe entre l'embrynn et l'a- nimal adulte. Dés que l'embryon se distingue comme tel des autres parties du germe celluleux (et cette époque , comme nous l'avons vu , est indiquée par l'opposition de l'embryon et de la vessie vitellaire , voyez cliap. Ill) , il commence par af- fecter la forme d'une bande allongée , et la tète et le tronc se distinguent aussitôt par la forme différente qu'y affecte le sil- lon dorsal. Cette bande embryouique est recourbée autour du vitellus et apparaît en quelque sorte comme un produit hé- térogène de ce dernier. Les deux extrémités , et particulière- ment l'extrémité céphalaire , sont un peu plus larges que le tronc, et même, au milieu du corps , son diamètre transversal est beaucoup plus considérable que sa hauteur ; mais ces rap- ports de dimension changent bientôt par suite de la fermeture du sillon dorsal. La courbure de l'embryon correspond dans COXFORMATION EXïÉUIElttE DE LEMBRYON. 241 l'origine exacteiuent à la circonférence extérieure du vitellus ; mais dés que le sillon dorsal est fermé et que la corde dorsale est apparue , la courbure de l'embryon n'est plus tout-à-fait parallèle à celle du vitellus; ce dernier ne conserve pas cette forme globulaire pai faite qu'il avait auparavant, mais paraît étranglé par l'embryon et renflé sur les côtés {fig. 30 et 33). L'embryon lui-même est situé dans cet enfoncement du vitellus ; ce qui fait que, de profil , l'on n'aperçoit pas toute sa hauteur ; de sorte que les bords de l'enfoncement vitellaire dépassent et cachent sa base, particulièrement à l'extrémité céphalaire. On remarque alors sur son pourtour extérieur différentes protubé- rances tuberculeuses qui transforment la courbe simple de l'em- bryon en une ligne brisée , présentant trois angles corres- pondant aux tubérosités ; la première de ces brisures , située sur la limite entre le mésencéphale et l'épencéphale , est la courbure céphalaire (.s) ; la seconde , située dans la région qui suit l'oreille , est la courbure nuchale [i] ; la troisième , enfin , qu'on remarque là où paraîtra plus tard l'anus . est la cour- bure dorsale' (u) (fig. 27 et 3î). La courbure céphalaire (s) a rcçu dernièrement par Reichert(*) une importance beaucoup plus grande qu'elle ne le mérite. Cet observateur , s'appuyant sur des observations incomplètes , pense qu'elle existe chez les mammifères , les oiseaux et les reptiles écaillés , mais qu'elle manque aux batraciens et aux poissons : il voit dans cette prétendue différence un caractère essentiel qui divise l'embranchement des vertébrés en deux grands groupes, dont l'un aurait une courbure céphalique , tandis que l'autre en serait dépourvu ; et le degré d'inclinaison de cette courbe serait, selon lui, le critère pour le rang plus ou moins élevé que l'animal devrait occuper dans la série des (*) Eniv. ickolungsgescliichlo fies Kopfes dcr nacliton Vmphibieii. 242 COxNFOUMATION EXTÉRIEURE vertébrés. On u'a pas besoin de longues recherches pour sentir tout ce qu'il y a d'arbitraire dans de pareilles spéculations ; la nature elle-même se charge d'en faire justice , car , d'une part, il est complètement faux que la courbure céphalaire soit moins prononcée chez les serpens ou chez les oiseaux que chez les mammifères et chez l'homme ; Rathke ayant démontré par ses recherches sur la couleuvre à collier qu'il n'existe aucune gradation semblable. D'un autre côté , s'il est vrai que cette courbe soit moins prononcée chez les batraciens et les poissons que chez les animaux supérieurs , il y a loin de là à une ab- sence complète. Cette courbe est même très-distincte dans les poissons, et pour qu'on ne m'accuse pas de dénigrer à plaisir l'auteur que je combats, je dirai que je ne suis pas le seul qui l'ait remarqué, puisque M. de Baer (*) l'a déjà Cgurée anté- rieurement dans la petite Brème (x\bramis Blicca). Avant que la cavité du crâne ne soit fermée en haut , et lorsque les ca- rènes dorsales circonscrivent encore un espace cérébral large- ment ouvert, on distingue fort bien dans tous les embryons de la Palée , soit qu'on les sorte de leur enveloppe ou qu'on les y laisse , le point culminant entre la seconde et la troisième division cérébrale, et, sous ce point culminant, une inflexion de la ligne basale du crâne qui fait que l'extrémité antérieure de ce dernier paraît plus inclinée vers le vitellus qu'elle ne le serait d'après la direction de l'axe du tronc. Par suite de cette inflexion de l'axe embryonaire , l'enfoncement du vitellus , dans lequel est située la tête de l'embryon, paraît beaucoup plus considérable que celui du tronc ; aussi la face inférieure de l'extrémité céphalaire y est-elle cachée jusqu'à la moitié des yeux (fig, 27, 29, 30, 31 et 32). La courbe elle-même est d'abord très-faible et légèrement in- (**) Entwickelungsgeschichte der Fisclie , (Is;. 9 et 12. DE l'embryon. 243 (liquée; mais elle persiste bien moins longtemps que chez les ani- maux supérieurs. Les poissons forment par conséquent sous ce rapport un contraste réel avec ces derniers , contraste dont il importe de tenir compte, mais auquel on a attribué une valeur exagérée. Quant à la cause qui fait que cette courbe se dé- veloppe d'une manière aussi inégale, je ne saurais en aucune façon l'indiquer. L'opinion de M. Rathke , qui prétend que la formation de la courbe céphalaire est due au développement du squelette cartilagineux , et plus particulièrement à celui du pilier moyen du crâne , qui , en s'élevant verticalement du bord postérieur du trou de l'hypophyse , s'engagerait dans le sillon entre le mésencéphale et l'épencéphale, me paraît erronée, par la raison que , chez les poissons au moins , la courbe cépha- laire disparaît longtemps avant qu'il existe un squelette car- tilagineux formant la base du crâne. Il est vrai que les ani- maux chez lesquels le pilier moyen du crâne manque, ou est faiblement développé, ont ordinairement la courbure cépha- laire faible et que les animaux à courbure céphalaire très-mar- quée ont en revanche le pilier moyen fort développé ; mais il semble que cette grandeur du pilier moyen soit plutôt la con- séquence que la cause de la courbure , attendu que celle-ci existe déjà avant la formation d'un squelette cartilagineux. Il serait plus naturel, à mon avis, de chercher la raison de cette existence éphémère de la courbe chez les poissons dans l'ab- sence de ce même pilier moyen du crâne qui persiste chez les autres animaux. Les courbes nuchale [l) et dorsale [a] ont une durée tout aussi éphémère que la courbe céphalaire. Cependant c'est la courbe nuchale qui persiste le plus longtemps. Dans l'origine, lors de la première apparition de la corde dorsale , elle est si- tuée un peu derrière l'oreille , mais bientôt elle se trouve au dessus , marche et progresse avec elle vers l'œil , de sorte 244 CONFORMATION EXTÉUIEURE qu'elle se confond presque avec la courbe céphalaire en une seule courbe au dessus de l'extrémité de la corde dorsale (fig. 140, 142). La durée plus longue de cette courbe réunie est évidemment déterminée par le fait que la corde dorsale fournit un appui plus solide à la masse du corps que le blastéme épaissi de la base du crâne n'en fournit à la tête. En consé- quence la tête s'infléchit , s'enfonce dans le vitellus et forme , à l'extrémité de la corde dorsale , une légère brisure qui dis- paraît dés que la base du crâne , devenue cartilagineuse, prête à la tète un appui plus solide (fig. 27, 31, 140, 142). La cour- bure dorsale s'égalise la première et a déjà disparu lorsque la queue commence à paraître. C'est dans les premières époques de la vie embryonaire que la disprojjoriion entre la tête et le tronc est la plus frappante. 11 est vrai que cette disproportion serait peu considérable si l'on ne voulait considérer comme faisant partie de la tête que l'é- largissement latéral de l'extrémité antérieure ; mais la position des oreilles nous oblige à envisager comme appartenant à la tête tout ce qui se trouve en avant des oreilles, par conséquent tout le tiers antérieur de l'embryon et davantage. La formation du cerveau et l'apparition du cœur et de la ceinture thoracique nous prouvent d'ailleurs que , de fait , la tête ou mieux la boîte cérébrale ne se ferme que derrière l'oreille et occupe par con- séquent plus d'un tiers de la longueur totale de l'embryon. Il est vrai que cette prépondérance se trouve un peu tempérée lorsqu'on songe que tout ce qui est situé derrière la tête n'est autre chose que le tronc et qu'il n'y a pas encore de queue ; ce qui fait que l'anus est situé presqu'à l'extrémité postérieure. Mais, d'un autre côté , il ne faut pas oublier que la face n'est encore qu'imparfaite et que la tête devra par conséquent s'allonger considérablement, puisque toutes les parties qui, dans le pois- son adulte, sont situées en avant des yeux , n'existent pas en- DE l'embryon. 245 core ou bien sont situées à la face inférieure. En effet, la tête se termine en avant par le bord antérieur du prosencéphale , et par conséquent en un point qui correspond à peu près à l'es- pace intermédiaire entre les yeux, du poisson adulte, puisque, comme nous l'avons vu , les yeux sont plus en arriére dans l'embryon que dans l'adulte. Il en résulte par conséquent que c'est l'espace entre l'œil et l'occiput, si court dans le poisson adulte, qui atteint dans l'em- bryon une longueur si démesurée ; et la distance des yeux aux oreilles suffit pour nous en convaincre au premier coup d'œil (fig, 31, 133 et 13G). Cette distance est en effet si grande que, comme nous l'apprend M. de Baer, un observateur habile, qui n'était pas familier avec les recherches embryologiques , prit pendant longtemps la vessie auditive pour un organe tout différent et chercha vainement l'oreille dans le voisinage des yeux. Ces rapports de la tête et du tronc changent cependant avec le temps. Abstraction faite de l'apparition de la queue qui ajoute considérablement à la longueur du tronc, la tête elle-même devient plus courte , non seulement d'une manière passive en n'augmentant pas , tandis que le tronc augmente , mais aussi directement ; car elle se contracte et ses diverses parties qui d'abord étaient largement espacées , réduisent ainsi de fait la longueur réelle de la tête à mesure qu'elles se rapprochent et se superposent. On pourra poursuivre ces modifications sur- venues dans la forme de la tête , en passant successivement en revue les différentes figures de notre atlas dans lesquelles le rétrécissement entre les oreilles et les yeux est surtout très- frappant. Reste à savoir maintenant quelle est la cause de ce raccourcissement. Lanatoniie comparée nous enseigne que le refoulement et la supcrposilion des différentes parties de la têle et surtout du 246 CONFORftIATION EXTÉRIEURE cerveau , les unes au dessus des autres , accompagne toujours un degré supérieur de développement chez les animaux. Dans le poisson adulte, les différentes parties du cerveau sont placées de champ ; dans les mammifères adultes et dans l'homme , les hémisphères cérébrales s'étendent par dessus les autres parties du cerveau, qui , une fois superposées, n'ont plus la moindre ressemblance avec leur position dans les poissons. Mais, ainsi que nous l'enseigne l'embryologie, la position relative des diffé- rentes parties du cerveau change quelque peu dans le poisson adulte; le cervelet en particulier acquiert un développement exubérant, de manière à recouvrir la fente de l'épencéphale. D'un autre côté, nous observons quelque chose d'analogue dans les parties solides du crâne : la base du crâne se rétrécit à me- sure que l'animal qui se développe appartient à un ordre plus élevé. Or, la même chose a lieu dans l'embryon, et il suffit, pour s'en convaincre , de comparer la longueur extraordinaire de la base du crâne alors qu'elle n'est que typique , avec sa forme ultérieure, lorsqu'elle est cartilagineuse ou lorsqu'elle devient osseuse. Le raccourcissement de la base du crâne et la super- position des différens organes qu'elle renferme et supporte, me paraît donc être une conséquence nécessaire du développement de l'espèce comme de toute la classe en général, et ce raccour- cissement me paraît déterminé dans l'embryon par la solidifi- cation des parties qui en sont affectées. Il m'a d'ailleurs semblé, toutes les fois que j'ai eu l'occasion d'examiner le développe- ment du tissu cartilagineux, que ce développement était tou- jours accompagné d'une contraction sensible du blastéme ; d'où je conclus que le contour primitif et rudimentaire des diffé- rentes parties du crâne , lorsqu'il est encore composé de cel- lules embryonaires ou d'un cytoblaslème épaissi, est beaucoup plus grand que celui de la masse cartilagineuse qui en résulte plus tard, de même que celle-ci est aussi toujours plus étendue DE l'embryon. 247 que l'os qui en résulte. Le raccourcissement graduel de la base du crâne paraît donc avoir sa cause essentielle dans la con- traction des parties qui se solidifient en devenant cartilages et os. 3Iais ce n'est peut-être pas là la cause unique du phénomène que nous signalons. Le redressement graduel de la courbure nucbale doit également être pris en considération , et il est évi- dent , puisque le redressement de cette courbe coïncide avec sa solidification , qu'il doit en résulter un raccourcissement. Mais comme , dans le poisson , la courbe n'est pas très-forte , le ré- sultat du redressement ne doit pas non plus être très-sensible. Il est une autre modification qui relève en partie des mêmes causes et qui est également propre à la partie cépbalaire de l'embryon , avec cette différence cependant que , tandis que la précédente affectait de préférence le crâne , celle-ci se borne plutôt à la face ; je veux parler de la translation du nez et de la bouche. Nous avons fait remarquer précédemment que le premier rudiment du nez apparaît à la face inférieure de la tête et que le nerf olfactif est un long fil qui se courbe autour du museau pour arriver aux fosses nasales situées plus bas (fig. 140, 142, 143). Insensiblement ces fosses nasales s'a- vancent ; à l'époque de l'éclosion on les trouve à l'extrême pointe du museau, et dans le poisson âgé d'un mois, elles sont déjà situées à la face supérieure de la tête , à la même place qu'elles occupent dans le poisson adulte. Par suite de ce déplacement, le nerf olfactif se raccourcit naturellement et échange sa forme arquée contre une ligne droite, telle qu'elle existe dans le pois- son adulte. Cependant ce raccourcissement des nerfs olfactifs n'en est pas pour cela très-sensible, par la raison que, tout en remontant, les fosses nasales sont en même temps reportées eu avant à une plus grande distance des yeux. Ainsi que nous l'avons fait remarquer à plusieurs reprises , la face ne forme 248 CONFOHiMATION' EXIÉUIEIIRE pas , lors de la première apparition de Tembryon , ni long- temps après, un bec saillant en avant des yeux tel qu'il existe dans le poisson adulte. On pourrait même dire que la t"af;e n'existe pas encore en réalité , ou du moins elle n'est que sous les yeux, tandis qu'en avant, le bord antérieur de l'œil forme la limite antérieure de la tète, si toutefois l'on fait abs- traction d'un léger renflement rostre de la masse embryonaire qui , placé entre les yeux , enveloppe le nerf olfactif dans sa courbe et représente le rudiment de la face entière. Peu à peu, la pointe du museau devient plus saillante, surtout pendant la formation et la solidification de la plaque faciale de la base du crâne, parce que des amas de nouvelles cellules destinées à la formation des os de la face viennent se déposer en cet endroit. De cette manière , les fosses nasales de la face extérieure de la plaque faciale sont en quelque sorte transportées ma- chinalement en avant, et leur éloignementdu bord antérieur des yeux va toujours en augmentant. C'est ainsi que la migration des fosses nasales vers la pointe du museau dont elles attei- gnent l'extrémité vers l'époque de l'éclosion , doit être envisa- gée, à mon avis, comme l'accumulation de nouvelles subs- tances en avant des yeux , ou , en d'autres termes , comme le résultat de l'accroissement de la face. Leur translation à la face supérieure de la tête me semble au contraire déterminée par la chondrification et l'ossification de la plaque faciale : celle-ci , comme tous les tissus qui se transforment en cartilage et plus tard en os , se raccourcit en se solidifiant et son centre devient en quelque sorte un centre de rotation autour duquel se meu- vent tous les points situés à la face antérieure et par consé- quent aussi les fosses nasales avec tout l'appareil des maxil- laires supérieurs et des intermaxillaires , qui eux aussi étaient à la face inférieure avant d'atteindre la pointe du museau. Ce qui me semble corroborer encore l'explication (jue je donne ici DE j/j:MlUtYON. 249 de la translation des fosses nasales par la contraction résultant de l'ossification , c'est qu'elle a lieu précisément au moment de l'éclosion , c'est-à-dire à une époque où l'ossification de la plaque faciale et du crâne en général se fait avec la plus grande énergie. La translation de fouverture buccale d'arrière en avant est également déterminée, quant aux parties qui dépendent du crâne , par l'ossification de la plaque faciale ; mais il n'en est pas de même des parties inférieures, telles que le maxillaire inférieur, l'os hyoïde et l'appareil operculaire. L'accroissement de ces dernières paraît dépendre , ainsi que l'accroissement de l'opercule en arrière , d'un développement particulier et indé- pendant , qui ramène graduellement en avant ces parties et re- porte ainsi l'ouverture buccale toujours plus près du bord an- térieur de la face. Il est intéressant de voir comment cette position de l'ouverture buccale à la face inférieure de la tète , sous les yeux, correspond exactement au type des poissons cartilagineux et en particulier des Raies et des Requins qui , sous le rapport du squelette , sont bien inférieurs aux poissons osseux. Une autre analogie entre nos embryons et les poissons car- tilagineux consiste dans la forme allongée du corps et dans l'absence d'un appareil operculaire complet. Mèine à l'époque de l'éclosion , la mâchoire inférieure n'existe qu'à l'état rudi- mentaire, sous la forme d'un arc cartilagineux, et la bouche est encore à la face inférieure. L'os hyoïde n'a pas encore cette forme allongée qu'il affecte plus tard ; c'est une pièce cartila- gineuse plus ou moins arrondie , et les deux branches de la mâchoire inférieure forment un arc bien plus complet que plus lard ; car, à mesure qu'ils se portent en avant , l'espace qui les sépare en arrière se rétrécit et s'allonge , et l'angle de soudure devient toujours plus pointu. Cette progression des pièces infé- :^2 250 CONFORMATION RXTÉHIEURE rieures de la bouche ne demeure pas sans influence sur la posi- tion des arcs branchiaux qui, d'abord verticaux, progressent graduellement par leur base; de telle sorte qu'ils deviennent obliques dans le poisson adulte; leur extrémité inférieure, qui est soudée à l'os hyoïde , étant beaucoup plus avancée que l'ex- trémité postérieure qui touche le crâne. Nous avons étudié jusqu'ici plus particulièrement les modi- fications qui contribuent à façonner la tête ; il nous reste main- tenant à examiner celles qui contribuent à la formation du tronc. Un fait qui sous ce rapport est de la plus haute importance et que nous avons déjà mentionné en traitant du développement de l'intestin , c'est la séparation du tronc et du vùellus et la disparition graduelle de ce dernier, en même temps que le sac vitellaire passe dans la cavité abdominale. Avant l'apparition de l'embryon , le vitellus forme un globe parfaitement rond , dont la forme n'est susceptible d'être modiiiée que par des in- fluences mécaniques. Mais dès que l'embryon commence à s'é- lever au dessus du vitellus, cette forme régulière s'altère, sans que les changemens qui en résultent puissent être attribués aux mouvemens de l'embryon,, qui sont limités dans l'origine à de légères contractions, telles que les produirait un faible res- sort. Il faut , à mon avis , chercher la cause de cette irrégu- larité dans la pression que la masse embryonaire exerce en s'en- fonçant sur la masse vitellaire, pour gagner l'espace nécessaire à son accroissement. La conséquence naturelle de cet enfonce- ment , c'est que le vitellus commence par perdre sa forme sphé- rique et se renfle latéralement, tandis que lembryon occupe une sorte de gouttière qu'il a l'air de s'être creusée lui-même. L'embryon se moule au reste complètement sur le vitellus, et nulle part on ne remarque , à cette époque , entre lui et ce der- nier le moindre espace vide. Ce parallélisme ne dure cependant pas longtemps ; l'embryon tend insensiblement à s'en dégager DE l'embryon. 251 et à placer son tronc dans une position plus tengentiellc , ou plutôt à se courber latéralement. Mais pour que cette tendance puisse se réaliser, il faut que l'embryon soit dégagé en partie ou en entier du \ilellus. Ce dégagement s'opère d'une manière graduelle ; d'abord , la face inférieure de l'embryon formée par la coucbe celluleuse de l'intestin présente une gouttière évasée ; mais par suite de la transformation de cette gouttière en un tube cylindrique, la base de l'embryon, par laquelle celui-ci adhère au vitellus , se rétrécit, et c'est ainsi que, le diamètre vertical venant à l'em- porter sur le diamètre horizontal, le tronc de l'embryon af- fecte cette forme comprimée latéralement qui est particulière au poisson adulte. Nous avons dit plus haut (chap. IX) la manière dont celte transformation de l'intestin en un tube cylindrique contribue au dégagement du vitellus. Cette transformation n'influe que peu ou point sur la forme du vitellus , si ce n'est que l'impres- sion que l'embryon déterminait dans l'origine à la surface de ce dernier, s'efface de nouveau , et que celui-ci reprend sa forme globuleuse qui n'est plus modifiée que par le sac abdo- minal que forme la membrane épithélienne dans la région du foie (voy. chapitre IV). Le dégagement de la cavité buccale s'opère d'une manière un peu différente de celui de l'intestin. Ici aussi l'embryon re- pose , dans l'origine , par une base large et aplatie sur le vitellus ; mais nous avons vu que le dégagement avait lieu simultanément avec la disparition de la courbe nuchale. En Ovitre , la couche celluleuse subit ici d'autres modifications quo sur le tronc , puisqu'elle passe comme un rideau des côtés de la tête sur le vitellus, sans se mouler sur les différentes pièces de la cavité buccale ni sur le cœur. Celte différence me semble occasionnée par la largeur de la lêle, et, quoique 252 CO\FOIl3IATION EXTÉRIEURE celle largeur ne soit pas toujours aussi considérable qu'au com- mencement, il n'en est pas moins vrai que le rétrécissement de la tète n'est jamais aussi sensible que celui du tronc. L'espace qui se dégage est par conséquent moins long en avant qu'en arriére, puisque la région entre la ceinture thoracique et le foie forme le centre vers lequel s'achemine des deux côtés le déga- gement. La partie postérieure du cœur et ses deux ductus Cu- vieri sont encore à cette époque intimement unis au vilellus, puisque c'est par dessus ce dernier que passe la plus grande partie du sang veineux pour se rendre au cœur; et cette circons- tance fait que le vilellus reste plus longtemps attaché à la tête qu'on ne devrait l'attendre, à en juger par la partie postérieure. Peu à peu le dégagement se continue cependant aussi d'a- vant en arriére; la couche épidermoïdale s'applique contre les lianes de la tête et du cou , et le cœur seul reste libre au moyen d'un sac de la membrane épidermoïdale qui joue ici le rôle du péricarde. Si le cœur est cause que le vilellus reste plus longtemps at- taché à l'embryon dans le voisinage de la tête , il importe éga- lement de tenir compte des modilications qui surviennent dans la jmsùion du cœur sous l'influence du vilellus et qui sont en rapports intimes avec la résorption de ce dernier, ainsi qu'a- vec le rapprochement du foie vers la tête , qui en est la con- séquence. On comprend aisément, en effet, que ces organes attachés tous deux à la surface du vilellus , suivent ce dernier dans son dépérissement , et se rapprochent ainsi du canal vitel- laire qui est le centre vers lequel le vilellus tend à se retirer. Par suite de ces modifications, le cœur est amené à échanger sa position d'abord verticale contre une position tout-à-fait ho- rizontale, résultant de ce que ces prolongemens postérieurs sont attirés vers le corps , tandis que sa face inférieure s'éloigne toujours plus du vilellus. DE LEMBUVOX. 253 Le foie avance également par suite de ce dégagement gra- duel d'arrière en avant , pour remplir l'espace occupé aupara- vant par le vitellus , et comme la résorption de celui-ci continue toujours , il arrive un moment où , le vitellus ayant complè- tement disparu , le foie n'est plus séparé du cœur que par le diaphragme, qui est très-mince. Un phénomène assez particulier, c'est l'apparition de la vessie vilellaire que l'on remarque déjà dès les premiers jours du germe. C'est, comme nous l'avons fait remarquer plus haut, un renflement d'une partie du germe qui entre peu de temps après en opposition directe avec le corps de l'embryon et dispa- raît par résorption à mesure que ce dernier se développe. D'a- bord circulaire et hémisphérique, la vessie vitellaire devient plus tard globulaire et présente une pointe arrondie qui fait une saillie notable au dessus de la circonférence du vitellus (fig. 31). Il faut bien se garder de confondre ce produit particulier des cel- lules embryonaires avec un autre endroit non garni de cellules qu'on aperçoit dans l'origine sur le vitellus de la Palée, et que nous avons nommé le trou vitellaire. Il arrive souvent que ce trou vitellaire qui finit par être entièrement envahi par les cel- lules embryonaires, se renfle par suite de la pression qu'exercent les cellules embryonaires autour de lui , et c'est alors qu'il a la plus grande ressemblance avec la vessie vitellaire. Cependant, la position respective de ces deux renflemens les fera toujours suffisamment reconnaître ; le premier (la vessie vitellaire) étant situé à l'opposite du centre de l'embryon, l'autre (le trou vitel- laire), à l'extrémité postérieure du tronc. Il est à remarquer aussi que ni l'un ni l'autre de ces renflemens ne sont de longue durée: le trou vitellaire disparaît avec la formation complète de la couche épidermoïdale de lembryon ; la vessie vitellaire , à l'époque de la formation du cœur. Il nous reste à mentionner I appi>riti(m de la queue et la for- 254 C0NF0R3IAT10N EXTÉRIEURE ination des différentes nageoires. La queue, le principal or- gane locomoteur du poisson , n'existe pas dans le germe em- bryonaire , et ce serait une erreur de supposer qu'elle se dé- gage insensiblement du vitellus comme le tronc. L'embryon n'a d'abord que la tête et le tronc ; et ce dernier se termine dans la région anale aussi long-temps qu'il est adhérent au vitellus. La queue apparaît d'abord sous la forme d'un tuber- cule arrondi à l'extrémité de la courbe embryonique (fig. 136) ; mais bientôt elle commence à s'allonger, en s'arquant, tout en devenant plus plate. Je n'ai pas pu m'assurer positivement si elle est plus fréquemment arquée à droite qu'à gauche ; cependant ce dernier cas me paraît être le plus fréquent. L'embryon s'en sert dés l'origine comme d'un organe locomoteur puissant, et quelques coups de queue lui permettent de se retourner entière- ment dans l'œuf. Lorsqu'on le sort de l'œuf, l'embryon étend sa queue en droite ligne en la recourbant un peu en haut (fig. 42, 46, 140 et 142); mais il faut bien distinguer celte courbure de celle qu'on remarque après l'éclosion ; c'est une courbure uniforme et douce de tout le tronc, y compris la partie caudale ; tandis que la courbure de la queue de l'embryon éclos n af- fecte que la partie postérieure de la corde dorsale. Aussi longtemps que la queue est plus ou moins cylindrique, la peau la serre de très-près , et ce n'est qu'à mesure qu'elle s'aplatit que la nageoire impaire commence à se montrer sur sa tranche, d'abord sous la forme d'une boidure fine et étroite, qui commence dans la région dorsale, un peu au dessus du foie, et, s'élevant graduellement, atteint sa plus grande largeur près de l'extrémité de la queue; de là, elle va en diminuant jusque vers l'anus , où elle est interrompue par l'ouverture de l'intestin ; mais elle ne discontinue pas pour cela : elle se pour- suit au contraire en avant de l'anus , le long de l'intestin, aussi loin que l'embryon est dégagé du vitellus. Pendant long-temps DE L ExMBHYON. 255 ce n'est qu'un pli uniforme de la peau qui ne fait qu'augmenter de largeur à mesure que l'embryon grandit ; mais vers l'époque de l'éclosion , on commence à remarquer quelques échancrures sur son pourtour ; les parties intermédiaires s'élèvent et indi- quent ainsi la tendance de l'embryon à diviser sa nageoire simple en plusieurs nageoires impaires, qui , comme l'on sait» sont au nombre de quatre dans les Salmones, la dorsale , l'adi- peuse, la caudale et l'anale. Dans la Palée , celte séparation n'est indiquée au moment de l'éclosion (fig. 85) que par quelques échancrures très-faibles. Dans le Saumon (fig. 170), les échancrures sont bien plus pro- fondes ; la caudale est de toutes les nageoires celle qui se dé- tache le mieux de ses voisines , tandis que l'échancrure entre la dorsale et l'adipeuse est à peine sensible. Dans l'origine, l'adi- peuse est plus haute que la dorsale ; mais bientôt ces rapports changent. La caudale n'est nullement échancrée, comme dans le poisson adulte, mais au contraire arrondie, et sa plus grande largeur coïncide à peu près avec le prolongement de la corde dorsale : elle ne prend sa forme semi-lunaire que plus tard, après avoir été pendant quelque temps tronquée verticalement, comme elle l'est pendant toute la vie chez quelques espèces de Salmones. Les échancrures entre les nageoires impaires deviennent tou- jours plus profondes avec l'âge et atteignent enfin le bord du tronc. Dès lors il n'y a plus de continuité entre les différentes nageoires impaires , mais elles portent encore longtemps l'em- preinte de leur origine, car elles s'élèvent très-obliquement vers le sommet, le premier rayon étant très-court, le second plus long, et ainsi de suite, jusque vers le milieu de la nageoire et de même sur le revers opposé. A cette époque , la longueur de la nageoire l'emporte encore de beaucoup sur la hauteur, contrairement à ce qui a lieu dans le poisson adulte. Ce mode de développement des nageoires verticales semble être commun 250 CONFORMATION EXTÉRIEURE à tous les poissons ; il a du moins été signalé par M. de Baer dans la Rréme , par M. Carus dans la Perche , par M. Filippi dans le Boulereau (fig. 85, 88, 89, 170, 171, 172). La ventrale primitive impaire disparaît, sans plus subir de modifications , pour faire place aux ventrales paires. Mais sa disparition ne s'opère pas d'une manière aussi rapide qu'on pourrait fattendre ; elle n a lieu que par places, et Ton dirait alors que des lambeaux en ont été arrachés. La courbure de V extrémité de la corde dorsale , qui commence à se manifester dans la Palée peu de temps avant l'éclosion et atteint sa plus grande hauteur à peu près six semaines plus tard, est une autre particularité des embryons qui mérite d'être prise en considération , parce qu'elle disparaît par la suite et n'existe, chez les poissons adultes, que dans les quelques genres de Ganoïdes et de Placoïdes qui vivent encore dans notre épo- que. Ces rapports n'ont point échappé aux observateurs, et M. de Baer en particulier s'exprime ainsi au sujet de la petite Brème : « Je fus très-étonné de voir qu'à partir du cinquième jour, l'extrémité du tronc de la corde dorsale se courbait en haut, ensorte que la caudale qui commençait à se dévelop- per , n'occupait pas précisément l'extrémité du poisson , mais était soudée plus bas vers l'extrémité de la colonne vertébrale ; particularité qui persiste pendant toute la vie chez les poissons cartilagineux. » Cette particularité, de concert avec plusieurs autres traits propres aux embryons , m'a conduit naturelle- ment à examiner les rapports qui existent entre ces modifica- tions et les caractères qui distinguent les poissons fossiles des différentes époques géologiques. Depuis longtemps on a discuté dans des sens très-divers la question de l'analogie entre les phases du développement des animaux vivant maintenant et les changemens qui sont sur- venus dans Tordre de succession des espèces fossiles ; mais faulo DE LE.MBIJVON'. 257 (le reuseignemens précis sur l'un ou l'autre des côtés de la question , ces généralisations sont restées dans un vague très- fôcheux pour les vrais progrès de la science. Sans entrer ici dans des considérations hasardées, sans aborder le domaine encore trop peu cultivé de la plus grande analogie qu'offrent entre elles les différentes parties du corps des poissons fossiles les plus anciens et que l'on pourrait paralléliser avec l'homo- généité des tissus primitifs de l'embryon , je me bornerai à faire ressortir quelques points qui ne sauraient plus être con- testés et qui, je l'espère, feront faire de nouvelles recherches sur l'ensemble de la question. Il est un fait bien connu de tous les anatomistes , c'est que la colonne vertébrale des poissons cartilagineux ne se termine pas de la même manière que celle des poissons osseux : chez les premiers, les corps de vertèbres deviennent successivement plus petits d'avant en arrière et se relèvent plus ou moins vers le bout de la queue, ensorte que la partie de la colonne verté- brale qui porte les rayons de la caudale , forme un angle très-ouvert avec l'axe longitudinale du tronc. 11 résulte de cette disposition une forme toute particulière de la nageoire caudale: au lieu d'être bifurquée symétriquement, elle est simplement bilobée, de telle sorte que le lobe supérieur situé, comme l'in- férieur, sous le prolongement de la colonne vertébrale , s'étend plus en arriére que ce dernier, qui n'est dû qu'à un allongement des rayons antérieurs de ce même côté inférieur des vertèbres. Il résulte de là que la nageoire caudale des Plagiostomes n'a proprement pas de rayons insérés à la face supérieure des ver- tèbres. Chez les poissons osseux , au contraire, la colonne ver- tébrale se termine en arrière par une grande pièce , dont les apophyses en haut et en bas sont fortement dilatées, de ma- nière à former une large plaque verticale , dont le bord pos- térieur est coupé symétriquement, de manière à offrir aux :î:3 258 CONFORMATION EXTÉRIEURE rayons de la nageoire une base d'insertion également déve- loppée au dessus et au dessous du prolongement de la colonne vertébrale. Cette pièce caudale peut être envisagée comme ré- sultant de plusieurs vertèbres soudées ensemble ou bien comme une simple vertèbre dilatée, portant plusieurs apophyses verti- cales. La corde dorsale se continue dans son intérieur, et est également un peu courbée vers le haut , de sorte que , abs- traction faite des anneaux vertébraux osseux , qui entourent la corde, sa conformation serait comme dans les Plagiostomes. Mais les apophyses de cette pièce caudale sont toujours placées de manière que celles de la face supérieure portent la moitié supérieure des rayons de la caudale , et les apophyses infé- rieures les rayons inférieurs ; et il résulte de cette disposition une forme très-régulière de la nageoire caudale , qui se divise en deux lobes d'égale valeur , dont les rayons sont insérés en éventail sur les apophyses épineuses de la dernière vertèbre et répartis de telle sorte que les rayons du lobe supérieur cor- respondent aux apophyses supérieures et ceux du lobe infé- rieur aux apophyses inférieures. Les légères différences de forme et de taille que l'on remarque quelquefois entre ces deux lobes, n'affectent jamais la disposition des rayons ; car même lorsque la nageoire caudale est coupée carrément ou arrondie , elle ne se divise pas moins invariablement en deux parties de dimen- sions à peu près égales, dont la supérieure est insérée sur les apophyses supérieures de la dernière vertèbre. On peut donc envisager cette disposition comme constante chez les poissons osseux , malgré la légère inégalité que l'on observe parfois entre les apophyses supérieures et les inférieures et malgré la courbe dont la corde dorsale est affectée à son extrémité pos- térieure. Un autre fait non moins constant qui résulte des recher- ches de M. Agassiz sur les poissons fossiles , c'est que les pois- DE LEMBUYON. 259 sons fossiles les plus anciens appartiennent à deux ordres seulement, savoir: l'' les Placoïdes , qui embrassent les pois- sons cartilagineux proprement dits , tels que les Cyclostomes, les Squales, les Raies , etc. , et 2^ les Ganoïdes, dont les types de la création actuelle ne sauraient donner une juste idée» mais qui comprennent tous les poissons osseux qui ont existé à la surface de notre globe avant la déposition des terrains cré- tacés. Le petit nombre de cas où l'on a trouvé la partie pos- térieure du corps des Placoïdes fossiles dans un bon état de conservation, ont montré que cette partie de leur squelette était conformée dans les types du monde primitif comme elle l'est maintenant chez les Plagiostomes. Mais il n'en est pas de même des poissons osseux les plus anciens , c'est-à-dire de ceux qui appartiennent à l'ordre des Ganoïdes et que l'on trouve dans les couches de la terre déposées antérieurement aux terrains jurassiques. Loin d'avoir la queue symétrique et la nageoire caudale bifurquée symétriquement, comme leurs représentans modernes, c'est-à-dire comme les espèces qui ont existé du- rant la déposition des terrains jurassiques, crétacés et tertiaires, et comme les espèces de cet ordre qui vivent encore mainte- nant, les Ganoïdes des époques les plus anciennes , c'est-à-dire ceux qui ont existé dès les premiers développemens de la vie organique sur la terre , durant l'époque de la déposition des terrains de transition , des terrains houillers et des terrains triasiques, et dont les espèces sont très-nombreuses, ont tous la caudale simplement lobée et insérée sous un prolongement re- dressé de la colonne vertébrale , prolongement qui e t formé également de vertèbres successivement plus petites, comme chez les Pîagiostomes. Une semblable conformation de la partie terminale de la co- lonne vertébrale chez les plus anciens représentans d'un ordre dont les espèces plus récentes ont la queue terminée d'une '2i^i) CONFORMATION EXTÉUIEUUE manière symétrique, me paraît présenter l'analogie la plus frappante avec la conformation de ces mêmes parties chez l'em- hryon de la Palée et des poissons vivans en général , aux dif- férentes époques de leur développement. On pourra donc dire à l'avenir, en restant rigoureusement dans les limites de l'ob- servation , qu'à certains égards, les espèces fossiles d'une classe parcourent dans leur succession historique des métamorphoses semblables à celles que subissent les embryons en se dévelop- pant ; ou vice-versa , que les embryons des animaux de notre époque passent, dans les différentes époques de leur développe- ment, par des états analogues à ceux que présentent les espèces fossiles dans leur succession ; ou en d'autres termes enfin , que le développement d'une classe dans l'histoire de la terre offre , à divers égards, la plus grande analogie avec le développement d'un individu aux différentes époques de sa vie. La démons- tration de cette vérité est un des plus beaux résultats de la paléontologie moderne. Si j'ai insisté sur un point spécial dans ces comparaisons, c'est qu'ici l'analogie est tellement frappante, qu'elle ne saurait être contredite. On pourrait encore faire d'autres rapprochemens et tirer de la conformation des parties du corps de l'embryon, à dif- férentes époques de sa vie, des inductions instructives pour apprécier les différentes combinaisons de caractères que l'on observe dans la classe des poissons. Ainsi, l'arrangement des nageoires verticales, tel qu'on l'observe chez les Anguilles où elles embrassent tout le tour du poisson d'avant en arrière et d'arrière en avant, combiné avec l'absence de ventrales, doit être envisagé comme un caractère d'infériorité, comparativement aux poissons dont les nageoires verticales sont moins étendues, et à ceux dont les ventrales sont bien développées. Or, c'est en- core un fait digne de remarque que les poissons fossiles anciens, que l'on peut considérer comme les précurseurs des autres ver- DE i/emuiiyon. 201 lêbrés, sonl tous abdominaux , c est-à-dire qu'ils ont tous les ventrales placées au milieu du bord ventral de la cavité abdo- minale. La tète des poissons fossiles étant rarement bien conser- vée , il nest pas possible de déterminer quelle analogie existe entre sa forme dans les types les p'us anciens de cette classe et celle des embryons de nos poissons. 11 résulte cependant des recherches récentes de M. Agassiz que les genres Cephalaspis, Diplopterus, Palseoniscus , Platysomus, Pygopterus, Osteo- lepis, Cheirolepis, etc. , dont quelques parties du crâne et de la face ont pu être rétablies , ont la gueule ouverte en dessous, comme l'embryon de la Palée et comme les Esturgeons et les Goniodontes, que M. Agassiz envisage comme les remplacans, dans notre époque, des Ganoïdes des formations anciennes. 11 n'y a pas jusqu'aux dimensions proportionnelles entre la face et le crâne, qui ne soient en faveur des rapprochemens que nous établissons ici. Tous les poissons des époques anciennes , jus-^ qu'au Jura , ont la tête large, aplatie et brusquement tronquée en avant des yeux, et ce n'est que dans les Aspidorhynchus, les Belonostoma et plusieurs autres genres des terrains jurassiques qu'on commence à rencontrer ces mâchoires allongées en forme de bec , et celle position reculée des yeux causée par le grand développement des os de la face , qui se montre chez beaucoup de poissons de l'époque actuelle et qui ne se développe que fort tard chez les embryons. v CHAPITRE XII. DÉVELOPPEMENT DES TISSUS EN GÉNÉRAL. L'anatomie microscopique avait fait découvrir depuis long- temps , dans les plantes , des formes constitutives particulières, qui se trouvèrent être à peu près partout les mêmes et que l'on désigna sous le nom de cellules , à cause de leur ressemblance avec les cellules que construisent les abeilles. On reconnut que chaque cellule végétale était entourée d'une membrane parti- culière représentant une vésicule ronde , remplie d'un contenu de nature diverse , et l'on s'aperçut en même temps que ces globules creuses, de grandeur variable, suivant les plantes, su- bissaient des modifications notables dans leur forme, tant par la pression qu'elles exercent réciproquement les unes sur les autres, que par suite de leur développement propre, selon leur usage dans l'économie végétale. On reconnut également que toutes les cellules ne subissaient pas les mêmes métamorphoses durant l'accroissement , les unes conservant leurs parois pri- mitives, en changeant plus ou moins déforme, tandis que, dans d'autres, ces mêmes parois s'épaississaient par la déposition de nouvelles masses homogènes ou hétérogènes à leur face in- DÉVELOPPEMENT DES TISSUS EN GÉNÉRAL. 263 térieure, et d'autres encore se fondaient avec leurs voisines ou bien étaient complètement résorbées. C'était à l'anatomie végétale à expliquer tous ces changemens , en nous faisant connaître les rapports des cellules primitives avec les méta- morphoses qu'elles subissent , et avec la substance intercel- lulaire (c'est ainsi qu'on appelait la substance homogène, si- tuée entre les cellules, et qui était plus ou moins considérable selon l'accumulation des cellules) ; c'était à elle à fixer les règles d'après lesquelles les différentes cellules se coordonnent pour former les membranes , les faisceaux vasculaires et le paren- chyme des plantes. Une pareille tâche devait naturellement conduire à des recherches sur la naissance des cellules , car ce n'était qu'en expliquant leur origine qu'on pouvait espérer d'arriver à des notions exactes sur l'accroissement et la vie des plantes. M. Mirbel entra le premier dans cette nouvelle voie , et ses recherches sur les plantes , et particulièrement sur le Marchantia polymorpha (*), le conduisirent à établir plusieurs règles sur les transformations que subissent les cellules. Suivant ce botaniste, les nouvelles cellules se forment tantôt dans les an- ciennes , tantôt dans la substance intercellulaire et tantôt par division ancienne des cellules. Pendant longtemps on se con- tenta de ces résultats ; mais plus tard l'investigation reçut une nouvelle impulsion par les travaux de M. Schleiden (**) , et comme les résultats obtenus par ce savant et l'application qu'en a faite M. Schwann aux tissus animaux ont puissamment réagi sur l'étude des cellules animales , dont le développement n'avait point encore été jusque-là ramené à des lois fixes , je crois utile de donner ici un aperçu de ces recherches. Voici quels sont, en peu de mots, les résultats principaux (*) Annales du Musée, tom. I, pag. 35. (**) Ueber Phytogenesis ; dans les Archives de Millier, année 18:îS , pag. 17)7. 264 DÉVELOPPEMENT (les observations de M. Schleiden sur les cellules végétales. Des corpuscules d'une petitesse telle, qu'on réussit à peine à les apercevoir, même à l'aide d'un fort grossissement, se forment au milieu d'une substance homogène et sans struc- ture , le cytoblastème. Ces corpuscules , qui souvent deviennent creux dans leur développement ultérieur, constituent la base des cellules élémentaires dont sont formés tous les tissus sans exception ; ce sont les nucléohdes. Une nouvelle substance , plus solide que le cytoblastème ambiant, se dépose autour des nucléolules et y forme un nouveau corps , le noyau ou cijto- blasle, qui contient toujours un et parfois aussi plusieurs nu- cléolules. Les noyaux sont pour la plupart spbériques, discoïdes ou lenticulaires, et leur contour varie en général de la forme ovale à la forme spliérique ; i s sont grenus , mais sans que l'on puisse distinguer précisément tous les grains, qui ont ordi- nairement une teinte grisâtre, plus foncée que le cytoblastème ; souvent aussi ils sont d'une teinte argentine et fort difficiles à reconnaître à cause de leur transparence. Leur consistance aug- mente avec l'âge ; d'abord très-petits , ils s'accroissent constam- ment et finissent souvent par atteindre des dimensions assez considérables , qui cependant sont variables selon les différens tissus dans lesquels ils se trouvent. Dès qu'ils ont atteint une certaine taille , il se forme à l'une de leurs faces une vésicule ronde et transparente, qui est appuyée sur le noyau comme le verre d'une montre sur le cadran , et dont la délicatesse est telle , que la membrane dont elle se compose se dissout en très-peu de temps dans l'eau ; mais bientôt celte vésicule grandit tout en acquérant plus de solidité, et le noyau appa- raît alors comme un petit corps enfermé dans son intérieur et appliqué contre l'une de ses parois. Cette membrane vésicu- laire qui entoure ainsi le noyau n'est autre chose que la cellule proprement dite , ou l'enveloppe cellulaire, contenant, outre le DES TISSUS EN GÉNÉRAL. 205 micléolule et le noyau, un liquide généralement rempli de pe- tites granules, qu'on a nommées gramdes nuirùwes , parce que très-souvent elles se perdent pendant que la cellule subit des changeraens ultérieurs. Dans ces cellules se forment de jeunes cellules qui se développent dans le liquide du contenu cellulaire, de la même manière que la cellule-mère s'est développée dans le cytoblastème primitif. Dans les plantes phanérogames , les nouvelles cellules ne se forment que dans l'intérieur des cel- lules-mères , et jamais on n'en voit naître dans la substance intercellulaire. Tous les tissus des plantes se composent dans l'origine de pareilles cellules à noyaux et nucléolules. Tels sont , sans entrer dans le détail des faits nombreux re- latifs à l'anatomie et à la physiologie végétales , que l'auteur énumère en détail, les points capitaux du développement des cellules végétales, tel que le conçoit M. Schleiden. Comme nous l'avons fait remarquer plus haut , tous ces faits seraient peut-être restés sans profit pour l'étude des animaux, si M. Schwann (*) n'avait essayé d'appliquer le même principe à l'embryologie animale. On avait bien déjà remarqué à cet égard de nombreuses analogies entre les animaux et les plantes; mais la plupart des observations étaient restées iso- lées , et c'est sans doute à cause de la grande différence qui existe entre les tissus des deux régnes que les observateurs n'eurent pas l'idée de chercher des cellules modifiées dans les derniers élémens des tissus animaux. Cependant l'observation démontra bientôt ce que l'analogie n'osait supposer , et l'on fmit par reconnaître que, dans leur état jmmitif, tous les tissus se composent de cellules et que les élémens constitutifs de tous les or- fjaneSj quelle que soit leur forme ^ sont nés de cellules. Ou apprit (*) IMinoscopisclie Untorsuclumjrou iibor die l?cl)oiPinstiniiiniiis; in dor Stnicliir lier Pllnn/pii inid dor Thioro. Berlin. ISôl). 26(> DÉVELOPPEMENT bientôt à connaître la forme et les propriétés des cellules primi- tives des différens tissus , et l'on poursuivit avec plus ou moins de soin les métamorphoses que ces cellules devaient nécessaire- ment subir dans leur développement et qui , comme il était facile de le prévoir, se trouvèrent être beaucoup plus variées et d'une influence beaucoup plus marquée sur les formes et la constitution des cellules dans les tissus animaux que dans les véofétaux. Ce nouveau principe une fois posé , de nombreux observa- teurs , et surtout des naturalistes allemands , s'appliquèrent à le vérifier par des recherches diverses et souvent fort difficiles à cause de l'extrême délicatesse des cellules primitives. La for- mation des cellules élémentaires fut adoptée par quelques ob- servateurs, telle que MM. Schleiden et Schwann l'avaient pro- posée pour les plantes , et l'on a même cité des observations , quoique en petit nombre , à l'appui de cette opinion. C'est en partant de ce principe fjénéral que l'on commença l'étude détaillée des différens tissus, qui furent bientôt classés en différens groupes , d'après les métamorphoses successives que subissent leurs cellules primitives. M. Schwann commença par établir cinq groupes de cellules, dans lesquels il ne tint compte que des élémens persistans du corps humain et non pas des tissus embryonaires et de leurs changemens successifs. 11 distingue : 1" Des cellules isolées et indépendantes qui flottent libre- ment dans les liquides, ou qui sont entassées les unes à côté des autres , de manière à être mobiles. De ce nombre sont , d'après M. Schwann, les cellules des différentes sécrétions normales et pathologiques, ainsi que des liquides alimentaires du corps , tels que les corpuscules du sang , de la lymphe , du pus , etc. 2^ Des cellules indépendantes . réunies en tissus continus, DES TISSLS EN GÉxNÉHAL. 267 lois que les dilféreus tissus épilhélieus , les piniens et les for- mations cornées, et, chez les poissons, la corde dorsale dont les cellules persistent pendant toute la vie. Dans tous ces tissus, les cellules sont disposées par rangées, de manière à former des membranes, telles que les différentes membranes épithéliennes, ou bien réunies en masse comme dans la corde dorsale. 3*^ Des tissus dans lesquels les parois des cellules se confon- dent entre elles et avec la substance iotercellulaire : de ce nombre sont les tissus dont la substance intercellulaire est très- solide, comme par exemple les cartilages, les os et les dents. 4^ Des tissus fibreux, dans lesquels les cellules se trans- forment en faisceaux de fibres , par scission des parois. De ce nombre sont, comme l'indique leur nom , la plupart des tissus à fibres solides , tels que les tendons , le tissu coujonctif et le tissu élastique. 5" Des tissus à fibres creuses, composées de cellules alignées dont les parois, en se touchant, se sont confondues et résor- bées, de manière à former des cylindres creux. Tels sont les muscles , les nerfs et les vaisseaux capillaires. Cette division des tissus devait cependant paraître bientôt insuffisante, surtout à la suite des travaux nombreux qui fu- rent entrepris de toute part sur les cellules. Aussi M. Valentin en proposa-t-il une autre plus compliquée , dans laquelle il tint mieux compte des différentes parties constitutives des cellules et de leurs modifications particulières. Il n'entre pas dans notre plan de reproduire toutes ces théories, d'autant plus que nous n'avons à nous occuper ici que des poissons qui ont été tout-à-fait négligés sous le rapport de l'histiogenèse ou du développement des cellules. Au lieu d'esquisser ici les lois générales de l'histiogenèse , pour lesquelles le petit nombre d'observations recueillies jus- qu'ici me paraît insuffisant, nous chercherons de préférence 268 UÉVELOPPEME.M à rassembler sous des points de vue généraux les faits dont les détails sont rapportés dans les chapitres précédens. Là où les faits empruntés au domaine de l'iclithyologie ne suffisent pas pour éclaircir telle ou telle modification , nous aurons re- cours aux observations d'autres naturalistes , et en particulier à celles de MM. Schwann {*) , Valentin (**) et à nos propres re- cherches (***) sur d'autres animaux , en faisant remarquer d'a- vance que nous reconnaissons fort bien toutes les lacunes de notre travail sur la Palée , nous proposant de les compléter par l'étude d'autres genres de poissons dans les monographies sui- vantes de cet ouvrage. Parlons d'abord de la succession génétique des différentes par- ties constitutives des cellules. • Le nucléolule, comme on l'a vu plus haut, constitue , d'après MM. Schleiden et Schwann, la base des cellules. 11 est formé de l'agglomération immédiate des molécules du cytoblasléme et représente le centre autour duquel se développe le cytoblaste et après celui-ci la cellule. Mais pour que cette explication fut exacte , il faudrait que l'on trouvât quelque part , surtout là où de nouvelles cellules se forment dans le cytoblastème , des nucléolules libres, et, à plus forte raison, devrait-on en ren- contrer dans les jeunes cellules de formation récente. Or, je nai pas tardé à me convaincre, à la suite de recherches minu- tieuses, que le nucléolule n'est qu'une formation secondaire, qui n'apparaît que dans un très-petit nombre de cellules , ordi- nairement lorsque celles-ci ont atteint tout leur développement, (*) Loc. cit. (**) Dans «Lehrlmch dcr Physiologie von R. Wagner, p. 86; et dans les Ar- chives de Millier, année 1840, p. 194» : Zur Entwicklung des Muskel-Blutgo- fiiss-und Nervensystemes. (***) Untersiichungen iiher die Entwickcliingsgeschichtc der Gehurtshelfcr- kriite, Alytes nbslctricans. Solcure, 1841. DES TISSUS EN GÉNÉllAL. 269 et qu'il manque dans la plupart des cellules embryonaires. Les seules cellules de l'embryon du poisson dans lesquelles j'ai réussi à découvrir des nucléolules , sont les cellules de la mem- brane épidermoïdale , à une certaine époque, au commence- ment du développement embryologique, les cellules de l'intestin au commencement de la formation de ce dernier , et quelque- fois les cellules du piment noir. Or, je me suis assuré de la manière la plus positive que, dans toutes ces cellules , le nu- cléolule n'est jamais formé en premier lieu ; il n'apparaît au contraire qu'à une époque reculée de la cellule, et je vis en particulier que , dans la coucbe épitliélienne du germe , il n'y avait que les cellules les plus anciennes et les plus extérieures qui eussent des nucléolules , tandis qu'il n'y en avait point dans les coucbes intérieures plus jeunes. Or il est démontré par là que , cbez les poissons au moins, le nucléolule n'est nullement en rapport avec la naissance des cellules. Aussi, en examinant les preuves citées par M. Schwann à l'appui de son opinion , on trouve qu'elles se résument à une seule observation faite sur le cartilage, et encore faut-il remarquer que M. Schwann lui-même nous la présente comme très-douteuse. Je crois en effet avoir démontré dans mes recherches sur les cartilages du crapaud accoucheur , que cette opinion est probablement er- ronée et que l'on aura pris une ancienne cavité cellulaire presque fermée ou un noyau à peu près résorbé d'une ancienne cellule pour le nucléolule d'une cellule naissante. Il me paraît dès lors hors de doute , d'après les observations qu'on possède maintenant , que le nucléolule , loin d'être le rudiment primitif de la cellule , n'est au contraire qu'une formation résultant de l'une des dernières métamorphoses que subissent les cel- lules. Les noyaux sont beaucoup plus fréquens dans les cellules élémentaires des poissons que les nucléolules. Ou en rencontre 270 DÉVELOI'PEMENÏ dans la grande majorité des cellules embryonaires, enlre autres dans les cellules pimentées , dans les cellules cordales , dans les cellules épithéliennes et autres , tantôt à une époque , tantôt à une autre ; et ce simple fait de leur présence presque générale nous indique suffisamment leur importance pour la vie cellulaire. Leur forme extérieure et leur composition diffèrent d'une ma- nière assez frappante dans les divers tissus du poisson : cepen- dant ils se distinguent généralement de ceux des autres ani- maux par leur petitesse et leur transparence. Dans la plupart des cellules de la Palée , le noyau est lisse et lenticulaire ; ce n'est que rarement qu'il montre une teinte grisâtre , et le plus souvent il est semi-transparent, ensorte que l'on croirait fré- quemment qu'il n'est composé, comme les cellules elles-mêmes, que d'une membrane délicate et vésiculaire, renfermant un liquide transparent dans son intérieur. Quant à la question de la préexistence du noyau , on peut inférer de la plupart des tissus de l'embryon qu'il n'existe rien de semblable dans le poisson ; je n'ai du moins jamais ren- contré une trace de noyau dans les cellules du germe , lors de leur première apparition ; c'étaient de simples vésicules, petites, transparentes, composées d'une seule enveloppe mince, ren- fermant un liquide transparent. On ne découvrait les rudimens du noyau qu'après quelques jours , d'abord dans les cellules de la couche la plus extérieure; ces noyaux continuaient à s'accroître sans interruption jusqu'à l'apparition des nucléolules dans leur intérieur , tandis que les cellules des couches inté- rieures du germe ne montraient que de petits noyaux ou bien en étaient complètement dépourvues : plus les cellules gran- dissaient et plus les noyaux se développaient. A ceux qui voudraient prétexter la petitesse de ces noyaux dans les cellules embryonaires , pour soutenir qu'ils existent dés rorigine , je citerai les cellules de la corde dorsale qui soiil DES TISSUS EN GÉNÉUAL. 271 assez graniles et transparentes dès l'origine pour permettre de distinguer toutes les modifications qui se passent dans leur in- térieur. Or, les noyaux n'apparaissent ici que fort tard, et pendant longtemps il n'en existe aucune trace. Les cellules sanguines et les cellules cartilagineuses de la base du crâne démontrent également, quoique d'une manière moins précise, que les noyaux, loin de contribuer à leur formation, n'en sont au contraire que des produits très-tardifs. Ces faits divers ne pouvaient manquer d'exciter en moi des doutes sur la théorie de M. Schwann, et je finis par reconnaître qu'elle ne repo- sait que sur quelques faits peu nombreux et pour la plupart susceptibles d'une autre interprétation. Dans la crainte que les recberches que j'avais faites sur les poissons fussent insuffi- santes pour me faire connaître l'état réel des choses , je diri- geai mon attention sur les batraciens, et je trouvai dans ces animaux, dont les cellules embryonaires, grandes et solides, sont très-appropriées à des recherches embryologiques, la confirmation pleine et entière de mes prévisions , savoir: qu'il n'existe pas une loi générale applicable à la naissance des cel- lules et au rôle que joue le noyau dans cette formation , mais que , suivant les tissus , la formation des noyaux est plus ou moins précoce. Les cellules elles-mêmes enfin offrent les formes et les mo- difications les plus variées dans l'embryon du poisson , et l'on ne saurait douter qu'elles ne constituent la base de tous les tissus. Elles sont en général très-petites, plus petites que chez tous les autres animaux , très-transparentes et claires ; aussi ne contiennent-elles que rarement de la substance alimentaire grenue et solide , mais ordinairement un liquide plus ou moins gélatineux. Il existe à cet égard des différences très-marquées entre les poissons et les batraciens, qui pourtant se rapprochent de ces derniers par leurs caractères zoologiques. Les œufs et •272 1>ÉVEL0PPEME.M les enil)ryons des batraciens sont tellement remplis de grandes cellules renfermant une substance alimentaire foncée et grenue, qu'ils en deviennent opaques. Les cellules embryonaires des poissons sont très-sensibles aux influences et aux réactifs extérieurs , et il n'y en a que très-peu , entre autres les cellules cartilagineuses et cordales , qui fassent exception à la règle. L'eau dissout très-vile les cel- lules embryonaires et ne laisse qu'une substance unitormément granulaire; aussi, lorsque je voulais étudier l'intérieur des cellules,; a vais-je toujours soin de préserver l'embryon du con- tact de l'eau avant d'ouvrir l'œuf. Je l'examinais ordinairement dans le liquide même du vitellus , après avoir ouvert le sac vitellaire, car ce liquide n'exerce aucune influence sur les cel- lules embryonaires. Les membranes délicates et transparentes et les noyaux un peu plus solides des cellules ne subissent non plus aucune altération; tandis que si on les met en contact avec d'autres liquides , ils se figent comme le liquide vitellaire et rendent par là toute observation ultérieure Impossible. Voici ce que j'ai observé à l'égard de la formation primitive des cellules : 1° Chaque cellule naît isolément ^ sous la forme d'une très- petite vésicule, qui se développe et grandit insensiblement. Les poissons nous fournissent des exemples très-frappans de ce déve- loppement, particulièrement dans les cellules de la corde dorsale, dont nous avons décrit la formation au chap, VIL Une particu- larité qui frappe surtout dans ces cellules, c'est qu'elles se déve- loppent librement dans un cytoblastéme homogène, qui n'est pas enfermé dans des parois cellulaires , tandis que les autres cel- lules de l'embryon , dans lesquelles on retrouve le même mode de formation , sont au contraire enfermées dans une cellule- mère, par exemple les taches germinatives avant la fécondation (chap. 1) el les cellules secondaires de piment brun (chap. VIII). DES TISSUS EN (iÉiNÉUAl.. 273 Ces (lerniéros offrent encore un intérêt tout partieulier, en ce qiinne partie des granules nutritives dont elles sont remplies, se transforme en cellules , tandis que l'autre partie est ré- sorbée aux dépens des cellules secondaires en voie de formation. Mais un caractère commun à toutes ces cellules, c'est que, (}uel que soit leur cytoblastème, elles naissent librement et sans 1 intervention d'un noyau ou d'un autre centre de formation ; l'enveloppe cellulaire se développant spontanément par l'effet de sa force vitale propre. Ce mode de formation des cellules, s'il n'est pas le seul, prédomine au moins dans les cellules des poissons. 2" Chaque cellule se forme autour d'un centre donné. Ici il faut cependant tenir compte de plusieurs modifications dépendant de la nature de la substance qui sert de centre ; car il existe à cet égard une foule de variations: les poissons seuls ne m'en ont offert jusqu'ici aucun exemple bien caractérisé. Voici quelles sont les plus importantes de ces modifications. Le noijau ou cytoblaste forme le centre de la cellule. A cet égard , je ne pense pas qu'il soit bien important de rechercher si le noyau existe antérieurement et s'entoure plus tard d'une cellule qui s'élargit graduellement, comme le veut M. Schwann, ou bien s'il naît simultanément avec la cellule dans le cyto- blastème, ensorte qu une partie des molécules, par un mou- vement centripète, contribueraient à la formation du noyau solide , tandis que les autres se réuniraient en une membrane celluleuse , séparées du noyau par un liquide, le contenu cel- lulaire. On pourrait peut-être ranger dans cette catégorie les GÉNÉHAL. 275 (lo phénomènes d'après ce que l'on peut avoir observé clans un cas spécial. L'observation directe doit seule décider du mode de formation des cellules dans chaque type particulier du rèi^ne animal, de même que la formation, le développement et les métamorphoses des tissus de l'animal adulte ont besoin d'être étudiés en détail, si l'on veut s'en rendre un compte exact. La signification du mot cellule est, par conséquent, d'après ce qui vient d'être dit, bien moins restreinte qu'on ne pourrait le supposer. On ne comprend pas seulement par là des tissus vésiculeux formés d'une membrane entourant un contenu de nature diverse et, dans l'origine au moins, un noyau, mais encore tous les corps vésiculaires entourés d'une membrane , sans égard pour leur contenu, qu'il soit gazeux, liquide ou solide. Chaque cellule représente en quelque sorte un orga- nisme à part, et tout en étant assujetties à un développement conforme au plan général et aux tendances particulières de l'organisme dont elles ressortent , elles suivent cependant cha- cune une tendance particulière , et ne perdent leur indépen- dance respective qu'en perdant leur nature de cellule par suite des métamorphoses qu'elles subissent. Pour mieux faire comprendre la valeur de ces métamor- phoses, je les ai divisées en deux catégories, l'une relative à l'enveloppe extérieure des cellules , l'autre aux noyaux ; tout en faisant remarquer que cette division n'est qu'artificielle et ne paraît nullement fondée dans la nature. Il semble, au con- traire, que leurs métamorphoses sont simultanées; car elles s'entraînent et se pénètrent mutuellement. La division que je propose n'a donc d'autre but que de donner une idée plus claire de ce développement en traitant séparément ces diffé- rentes parties. Développement de l'enveloppe cellulaire. Cette enveloppe est extrêmement mince , délicate et line dans toutes les cellules 27() DÉVELOPPEMENT naissantes, et de plus extraordinairement sensible aux in- iluences mécaniques et chimiques , qui la détruisent en un in- stant. En revanche, elle acquiert de la solidité et résiste mieux aux influences du dehors toutes les l'ois que les cellules se sont réunies en tissus , comme cela a lieu dans les différentes for- mations épithéliennes, dans la membrane celluleuse, dans la corde dorsale et dans la couche de piment noir, que ces cel- lules soient réparties isolément , comme celle du piment, ou juxtaposées de manière à former des membranes , comme dans les épithélium , ou enfin agglomérées , comme dans la corde dorsale. L'agglomération des cellules n'entraîne aucun changement ni dans la structure , ni dans la composition de ces enveloppes ; mais leur forme , primitivement globuleuse , subit des changemens divers , suivant leur position. Les cel- lules isolées de piment poussent de tous côtés des pointes et des processus qui se ramifient souvent de la manière la plus variée , et entrent aussi quelquefois en contact entre elles. Reste à savoir si , dans ce cas , les cavités de ces cellules con- fluent aussi par résorption des cloisons. Les cellules groupées en membranes affectent en général une forme aplatie plus ou moins hexagonale Dans les couches les plus récentes, ces cellules sont vésiculaires ou globuleuses, el reprennent en général, par l'effet de leur élasticité, leur forme globuleuse lorsqu oh les isole ; tandis que dans les couches anciennes, qui se trouvent à la surface de la membrane , elles sont ordinairement si plates et leurs parois se sont soudées de telle sorte , qu'il n'existe plus aucune cavité entre elles et qu'elles ne forment que des paillettes plates. Ce sont de pa- reilles cellules épithéliennes anciennes que l'on retrouve , ra- bougries et déformées par la pression , dans la plupart des sé- crétions du corps. La plus grande partie des organes sécréteurs, ou, pour mieux dire, tous sont tapissés à leur fac? intérieure de DES TISSUS EN GÉNÉRAL. 277 cellules épilhélienues qui se réorganisent sans cesse et dont les couches supérieures sont soumises à une déjection continuelle qui les fait tomber dans les liquides sécrétés, avec lesquels elles sont entraînées. Le plus souvent, les noyaux se maintien- nent dans ces épitliélium jusqu'aux époques les plus reculées; dans quelques-uns cependant, par exemple dans les cellules de la membrane épidermoïdale de l'embryon de la Palée, ils ne persistent que peu de temps et disparaissent par l'effet de la résorption. On n'aperçoit ordinairement aucune trace de subs- tance intercellulaire entre les parois des cellules; celles-ci se touchent au contraire immédiatement par leurs parois, qui ont l'air de se confondre ; mais lorsqu'on vient à déchirer une cou- che pareille, on s'assure bientôt que chaque cellule a ses parois particulières. Ce serait un sujet digne d'étude de rechercher de quelle manière ces cellules épilhéliennes adhérent entre elles; car il est impossible que la grande cohérence de plusieurs de ces membranes soit leffet de la simple juxtaposition. D'un autre côté, la substance intercellulaire est si exiguë qu'elle ne saurait déterminer une forte adhérence. Il existe quelque chose de semblable dans les cellules agglomérées en amas de la corde dorsale. Il est vrai que, dans les animaux supérieurs , cet or- gane entre toul-à-fait dans la catégorie des organes embryo- naires ; mais les poissons en conservent toujours quelques traces , faibles , il est vrai , dans les cavités coniques de leurs vertèbres , et la substance gélatineuse qui remplit ces cônes se montre composée , dans les poissons adultes , des mêmes cellules que dans les embryons. La substance intercellulaire est en général plus abondante dans la corde que dans les mem- branes et s'aperçoit surtout bien aux angles des cellules. Malgré cela , les cellules sont ici moins adhérentes que dans les cou- ches horizontales. Il n'existe de noyau que dans les cellules adultes de la corde; encore sont-ils à peine granuleux, d'une 278 DÉVELOPPEMENT teinte très-claire et transparente. On ne remarque pas que l'en- veloppe celluleuse devienne plus solide avec l'âge; sa consis- tance est à peine supérieure à celle du contenu gélatineux et transparent qu'elle entoure. Les épithélium et la corde dorsale sont les seuls tissus dans lesquels les cellules conservent leur forme primitive, même dans le poisson adulte, sans modifier leurs parois. Les cellules vibratiles, qui, depuis leur découverte par MM. Valentin et Purkinje , ont été reconnues dans presque toutes les classes d'animaux, offrent une modification particulière et partielle de l'enveloppe cellulaire. On sait que les cils qui occasionnent les mouveraens vibratiles, sont des appendices très-fins et dé- licats, placés à la face extérieure des cellules vibratiles. qui, comme tous les autres épithélium , forment une couche mem- braneuse, partout où elles se rencontrent. Reste à savoir si les cils naissent par scission de la paroi cellulaire qui se divise et forme des processus particuliers qui deviennent ensuite mo- biles, ou bien si ce sont des produits particuliers de la mem- brane cellulaire, qui reste entière. Quand on fait abstraction des cils , les cellules vibratiles se comportent absolument comme les autres cellules épithéliennes: elles se réunissent, comme ces dernières, en couches membraneuses et montrent des parois distinctes renfermant des noyaux. Chez les poissons, on les retrouve dans l'intérieur des cavités cérébrales , sur les plis de la couche muqueuse du nez, dans les canaux déférens des testicules et dans les oviductes; et lorsque l'oviducte manque, comme dans les Salmones en général , on trouve un épithélium vibratile sur toute la surface intérieure du péritoine et de ses duplicatures. Il existe peut-être aussi , pendant les premiers temps du développement embryonique, des cils vibratiles à la surface extérieure de la membrane épidermoïdale ; mais ils ne peuvent en tout cas être que très-lins et de courte durée , et DES TISSUS EIV GÉNÉRAL. 279 peut-être aussi sont-ils trop peu développés pour pouvoir déter- miner des rotations du vitellus, telles qu'on en rencontre chez beaucoup d'autres animaux, où elles sont dues à la présence de cellules vihratiles sur la surface du globe vitellaire. Au reste , les cellules vihratiles des poissons se distinguent de celles des autres animaux par les mêmes caractères qui distinguent aussi leurs cellules embryonaires : elles sont très-petites , délicates et pour la plupart rondes , tandis que les cellules vihratiles des animaux supérieurs sont parfois cylindriques ou repré- sentent un cône élevé et pointu, dont la pointe est tournée en dedans, et la base, munie de cils vitabriles, en dehors. Il est plus ordinaire de rencontrer des parois cellulaires trans- formées par suite de dépôts à leur face intérieure , que d'en trouver d'intactes. Les fibres musculaires en particulier se com- posent de membranes celluleuses , transformées par une dépo- sition partielle à la face interne. Dans les plantes , ces dépôts intérieurs, qui sont connus sous le nom de lignification, sont en général soumis à des lois déterminées , qui font que les cou- ches lignifiées paraissent déposées en spirale. Les animaux ne montrent pas une disposition aussi régulière des couches in- térieures , et il existe ici , à ce qu'il paraît , des rapports nu- mériques bien plus compliqués. Voici comment se forme , d'après M. Valentin , la fibre musculaire des mammifères (*). L'on aperçoit d'abord, comme dans tous les autres tissus, des cellules embryonaires à noyau simple et à contenu grenu ; plus tard , ces cellules se rangent en série et s'allongent de manière à former des fibres noueuses, qui ressemblent assez à des tiges de conferves articulées. On voit alors apparaître à la face interne de ces fibres qui sont encore divisées par les cloi- sons des parois cellulaires , de fines bandes transparentes qui (*) Archives de Millier, année 48'iO, pag. (t'i et sni\. "^0 DÉVELOPPEMENT suivent toutes une direction longitudinale. Dans l'origine, on distingue , pendant la déposition de ces bandes, un noyau dans chaque cellule isolée. xMais peu à peu le noyau devient de plus en plus clairet transparent; le contenu grenu de la cellule disparaît; les cloisons sont résorbées , et, à la fin, il ne reste qu'un long tube creux rempli de fins fils longitudinaux, trans- parens et réunis en un faisceau par l'enveloppe celluleuse qui les entoure. Cette membrane extérieure et les fils muscu- laires qu'elle renferme, persistent pendant toute la vie, aussi longtemps qu'il y a une fibre musculaire. Les stries transver- sales des muscles volontaires , qui sont, à ce qu'il paraît, des rides de l'enveloppe extérieure , forment la dernière phase de ce développement de la fibre musculaire ; il serait difficile de dire à quelle circonstance particulière il faut les attribuer. Je n'ai pas eu l'occasion de vérifier en détail toutes ces observa- tions ; mais le peu de faits que j'ai recueillis, confirment plei- nement l'explication de M. Valentin , et je n'en ai jamais ren- contré un seul qui lui fût contraire. Les fibres primitives des nerfs offrent un développement analogue. Les cellules embryonaires se réunissent en séries longitudinales qui se transforment en cylindres creux par suite de la résorption des cloisons. On n'a cependant pas encore dé- montré comment le dépôt s'effectue à la face interne de ces cloisons. En tout cas , il ne s'y forme pas des fils, comme dans les fibres musculaires. Ce sont plutôt des bandes entrecroisées, comme celles qu'on rencontre souvent dans les cellules ligni- fiées des plantes. Quoi qu'il en soit, il est maintenant constaté que le tube cylindrique , qui constitue la fibrile primitive des nerfs chez les animaux adultes, n'est pas composé de simples parois cellulaires soudées ensemble. L'enveloppe des cellules est encore moins indépendante dans les tissus solides du corps , tels que les cartilages et les os ; et DES TISSUS EN GÉNÉUAL. 281 l'on pourrait même supposer qu'elle disparaît complètement, si sa substance n'était en partie employée à la formation du tissu , tandis que sa cavité persiste. Nous avons exposé plus haut (chap. Vli) les fonctions de l'enveloppe cellulaire dans la formation des cartilages , et montré qu'elle disparaît en se con- fondant extérieurement avec la substance iutercellulaire, tandis qu'un dépôt solide se forme à sa face interne. Il arrive ainsi un moment où la substance intercellulaire , l'enveloppe de la cellule et le dépôt intérieur ne forment qu'une seule masse ho- mogène. Les dépôts intérieurs sont tout-à-fait analogues aux couches continues de lignification que l'on rencontre dans les cellules des plantes et, de même que dans ces dernières, il ar- rive souvent que le contenu liquide de la cellule est absorbé dans le cours du développement des dépôts et qu'il ne reste qu'un contenu gazeux. D'autres fois, on y rencontre un contenu liquide ou graisseux , dans lequel flottent les grands noyaux , qui ne sont que rarement résorbés. Cette manière d'être des cellules cartilagineuses nous con- duit ainsi à examiner la seconde série de métamorphoses que subit la cellule , et qui entraîne la disparition complète de l'en- veloppe cellulaire. 11 arrive souvent que des cellules , après avoir existé pen- dant un certain temps , se dissolvent insensiblement et finis- sent par disparaître sans laisser aucune trace de leur présence ; le noyau, le contenu et la paroi, tout se transforme en une masse homogène, dans laquelle naissent de nouveau d'autres cellules, et que nous croyons pouvoir désigner, ajuste titre, sous le nom de cytohlmtème secondaire. Cette transformation des cel- lules en cyloldastème secondaire est commune, à ce qu'il paraît, à toutes les cellules embryonaires primitives, qui sont employées à former des organes. Ce ne sont nullement les cellules primi- tives q!ii se Iransformont immédiatement en d'autres cellules. 282 DÉVELOPPEMENT telles que la composition du tissu de l'organe les exige ; mais il y a réellement anéantissement et régénération ; car les cel- lules primitives , après avoir occupé pendant un certain temps la place d'un organe naissant , se fondent en un cytoblas- tème secondaire duquel naissent les cellules du nouveau tissu. Il arrive aussi que, dans certains tissus, ces cellules nou- velles disparaissent à leur tour , pour donner naissance à une troisième génération , et il y a ainsi certains organes, à la for- mation desquels plusieurs générations de cellules ont con- tribué. Toutes sont nées dans des cytoblastémes secondaires formés de la fusion de la génération précédente. Cette formation des cytoblastémes secondaires est en quelque sorte un pas rétrograde , puisque des tissus cellulaires se trans- forment de nouveau en une masse homogène , en un nouveau cytoblastème, et ces transformations successives semblent prin- cipalement avoir lieu dans les organes dont les tissus, à cause de leur solidité , ne sont pas aptes à subir des changemens de forme considérables, tels que les os et les cartilages. Une autre cause de la disparition de l'enveloppe cellulaire , c'est, si je puis m'exprimer ainsi, la vie exubérante de la cel- lule. Il arrive quelquefois que de jeunes cellules se forment au nombre de trois à quatre dans l'intérieur d'une cellule-mère ; l'enveloppe de celle-ci devient alors trop étroite et est insen- siblement résorbée, en même temps que les jeunes cellules s'en échappent pour se développer librement. Cette génération de nouvelles cellules qui entraîne la ruine des anciennes , paraît être très-fréquente dans les plantes ; M. Schleiden prétend même qu'il n'existe pas d'autre mode de formation dans les Phanéro- games et que toutes les nouvelles cellules qui naissent dans le (issu végétal se développent dans l'intérieur d'anciennes cel- lules et nullement dans la substance intercellulaire. Dans les animaux , au contraire , ce mode de génération des cellules et DES TISSUS EN GÉNÉUAI.. 283 la résorption de la cellule-iiiôrc qui en résulte , sont bien moins IVéquens; la plupart des cellules naissent , au contraire, dans les cytoblastèmes secondaires. Cependant, Ton pourrait peut- être , à bon droit , ranger dans cette catégorie la formation de l'embryon lui-même , et citer comme exemple toute la série de développement que subit l'œuf à partir de la fécondation. L'œuf non fécondé représente, en effet, une cellule dont la men»- brane vitellaire est l'enveloppe. Outre le contenu vitellaire, qui, dans l'origine, est sans cellules chez tous les animaux et qui con- tinue même à l'être pendant toute la vie embryonaire chez un irrand nombre, entre autres chez la Palée, l'œuf contient lou- jours une seconde cellule , la vessie germinative avec les taches germinatives , dont on ne saurait non plus mettre en doute la nature cellulaire , de sorte qu'il y a réellement ici une triple su- perposition des cellules. Or, dés qu'après la fécondation , les taches germinatives se transforment en cellules embryonaires , la vessie germinative qui les enveloppait disparaît sans laisser de vestige. En même temps, les cellules embryonaires s'étendent et finissent par envahir tout le vitellus, en formant autour de lui une enveloppe composée de cellules épidermoïdales , que nous avons appelée la couche celluleuse : alors aussi disparaît l'en- veloppe primitive de l'œuf; la membrane vitellaire et les nou- velles cellules qui constituent l'embryon finissent par absorber le reste de l'œuf primitif ou du vitellus. A part ce mode de déve- loppement de l'œuf, que l'on retrouve partout dans le règne animal , la formation de nouvelles cellules dans les cellules- mères n'a lieu que très-rarement; elle n'a été observée jusqu'ici que dans la corde dorsale et dans les tissus cartilagineux, et même ces derniers ne montrent que trés-peu de cellules-mères renfer- mant déjeunes cellules. Mais ici encore les jeunes cellules nais- sent isolément sans noyaux préalables et n'acquièrent qu'insen- siblement quelque ressemblance avec les cellules-mères, à mesure 284 DÉVELOPPEAIEXT qu'il se forme des noyaux dans leur intérieur. M. Schwann lui- même , le champion de la théorie de Schleiden appliquée aux animaux, convient qu'il n'a jamais pu apercevoir dans les jeunes cellules de la corde des noyaux enfermés dans les cellules- mères. Dans les cartilages, l'enveloppe cellulaire disparaît par l'effet du développement des nouvelles cellules et se confond avec la substance intercellulaire en une masse homogène. Quant à la disparition de l'enveloppe cellulaire par suite de l'accrois- sement du noyau , nous en parlerons eu traitant des métamor- phoses de ce dernier. La disparition complète de l'enveloppe cellulaire est enfin déterminée par la formation des tissus fibreux du corps , tels que les fibres tendineuses et élastiques et le tissu conjonctif. D'après les observations de M. Schwann, on voit d'abord ap- paraître des cellules simples et rondes , pourvues d'un noyau distinct. Ces cellules s'allongent suivant deux directions , à partir du noyau , de manière qu'elles deviennent plus ou moins fusiformes ; les extrémités de ces prolongemens se divisent en filets , ce qui n'empêche pas que le noyau ne continue à s'ac- croître. Cependant , les divisions des extrémités empiètent tou- jours plus sur le corps de la cellule, jusqu'à ce qu'à la fin celle- ci soit remplacée par un faisceau de fibres sur lequel repose le noyau, d'après M. Schwann. Ce noyau est lui-même bientôt résorbé , ou bien , d'après M. Henle , il se combine avec les autres noyaux , au moyen de processus , et la fibre grossière et épaisse qui résulte de ces uoyaux et qui est très-différente des véritables fibres formées par les cellules, reste accolée au fais- ceau de ces dernières , en suivant la même direction longitu- dinale, ou bien en entourant le faisceau en spirale. Il esta re- gretter que l'on n'ait pas encore tait jusqu'ici des recherches particulières sur le mode de formation des fibres en g;énéral et sur leurs rapports avec les parois cellulaires primitives. Les DES TISSUS EN GÉNÉllAL. 285 nicliiuens des libres se déposent-ils à la face intérieure des cel- lules alignées à la manière des muscles, tandis que les cloisons dispaiaissent , ou bien se formeut-ds par division de la paroi cellulaire ou même par déposition dune substance intercellu- laire à la surface extérieure de l'enveloppe des cellules? C'est ce qu'il nous est impossible de déterminer. En tout cas , il doit être très-difficile , vu l'extrême délicatesse des fibres , de dire quel est le mode de formation que la nature suit dans ce cas. En attendant, il paraît suffisamment démontré par l'observa- tion, que des cellules placées en séries réunies par leurs extré- mités effilées, et gonflées à l'endroit des noyaux, de manière à former des fils noueux, remplacent, dans l'origine, les faisceaux fibreux , et que les enveloppes des cellules élémentaires dispa- raissent insensiblement pendant le développement des fibres qui constituent les tissus fibreux. Métamorphoses du noyau. Ces métamorphoses sont bien moins variées que celles des cellules, mais cependant assez essentielles pour devoir être prises en considération dans la formation des tissus. Le noyau se maintient pendant toute la vie dans la plupart des tissus dans lesquels les cellules persistent comme telles; c'est aussi pour cela qu'on ne le cherche pas en vain dans la corde dorsale et dans les épithélium développés. 61 joue ici le même rôle pendant toute la vie, et sa destinée paraît être intimement unie à celle de la cellule : tantôt il s'abâtardit avec elle (dans les épithélium) et se retrouve alors fané et difforme dans les lambeaux épithéliens rejetés ; tantôt il est résorbé avec elle et disparaît alors de la même manière que les cellules ( dans la corde dorsale). Dans ce second cas , le noyau joue donc un rôle essentiellement passif, et , comme il ne contribue pas à la for- mation des cellules et qu'il ne se modifie en quoi que ce soit dans 286 DÉVELOPPEMENT son développement , il est tout-à-fait impossible, dans l'état ac- tuel de nos connaissances , de dire à quoi il sert. Dans d'autres tissus , le noyau n'est pas aussi passif, mais il prend une part trés-active à la vie cellulaire. Il survit alors à la cellule , et lorsque l'enveloppe de cette dernière a disparu , il devient lui-même cellule et se maintient sous cette forme jus- qu'à sa disparition. Celle transformation du noyau en cellule ac- quiert sa plus grande importance dans la formation embryo- naire du sang, que nous avons décrite au chap.X. M. Valentin avait déjà cberché à prouver par d'autres considérations , que les corpuscules sanguins ne doivent pas être envisagés comme des cellules, mais bien plutôt comme des noyaux flottant libre- ment dans le liquide sanguin, et il appuyait essentiellement cette opinion sur l'indifférence de ces corpuscules pour l'acide acé- tique. Mes propres observations sur la Palée et sur le crapaud accoucheur ne m'ont laissé aucun doute sur l'exactitude de cette manière de voir, bien que la distinction que l'on fait ici entre la cellule et le noyau me paraisse bien moins importante ; car, à mes yeux , le noyau n'est qu'une cellule retardée dans son dé- veloppement, mais capable de reprendre le dessus et de devenir une véritable cellule. Nous ignorons au reste complètement la manière dont s'opère la formation du sang dans l'adulte , de quelle manière les corpuscules sanguins prennent part à la nutrition et quel cycle de métamorphoses ils parcourent en gé- néral pendant leur vie ; dans l'embryon lui-même, nous ne con- naissons que l'origine du sang , mais non pas la manière dont il participe à la nutrition et se régénère continuellement. Le mouvement continuel du sang et les variations qu'il subit dans son cours font qu'il est presque impossible de suivre les diffé- rens corpuscules et leur destination. Je ne saurais non plus dire si les premiers corpuscules détachés de la couche hématogène du vitellus et qui entrent dans la circulation, sous la forme DES TISSUS EN GÉNÉRAL. 287 (le cellules entières , pour perdre plus tard leur enveloppe tout eu continuant à circuler à l'état de noyau , si, dis-je , ces pre- mières cellules sont persistantes ou bien si elles disparaissent aussi vite que les cellules qui proviennent d'autres tissus et sont entraînées dans le courant du sang, lors de la formation des vaisseaux sanguins. La formation du sang nous fournit ainsi un exemple de la manière dont un noyau continue à exister après sa sortie de la cellule primitive. 11 y a aussi des cas où les noyaux , après s'être affranchis de l'enveloppe cellulaire , s'en forment une nouvelle dans le cours de leur développement , ensorte que leur affranchissement n'est que de courte durée. Je n'ai point eu l'occasion d'observer ce mode de développement dans les poissons, mais bien dans les batraciens, chez lesquels il forme la base des cellules embryonaires. Les nombreuses taches ger- minatives se comportent ici, bien qu'on ne puisse nier leur nature cellulaire , comme de véritables noyaux vis-à-vis de la vessie germinative. Lorsque cette dernière disparaît, ces taches se dispersent dans la masse vitellaire sous la forme de petites vésicules rondes et blanches; mais ces vésicules ne demeurent pas longtemps libres ; il se forme autour de chacune d'elles une enveloppe qui n'embrasse pas seulement le noyau de la cel- lule, mais en outre une masse considérable de substance vi- tellaire, et forme ainsi une cellule embryonaire, dont la tache germinative est maintenant le noyau. Une fois entré dans cette nouvelle combinaison , le sort du noyau est lié à celui de la cellule embryonaire; il vit et meurt avec elle. Les cellules embryonaires de la Palée, ainsi que nous l'avons fait remar- quer au chap. P"", se développent d'une autre manière. Le vitellus ne prend aucune part directe à leur formation ; mais les taches germinatives deviennent elles-mêmes des cellules et non pas des noyaux de nouvelles cellules embryonaires. ^lement en communi- DES TISSIS EN GÉNÉRAL. 293 talion et représenlent ainsi un système de canaux ramiliés , ayant une origine semblable et tapissés d'une sorte dépithé- lium, formé de cellules adjacentes. Si nou.> comparons maintenant la composition de Tanimal adulte avec celle de l'embryon , nous trouverons qu'il n'existe plus dans le premier qu'une faible partie des cellules primitives, mais que la masse principale du corps est composée de mus- cles, de nerfs, de peau et d'autres tissus qui sont, il est vrai, formés de cellules , mais dont on reconnaît à peine l'origine , tant ces cellules sont modiliées. Il en résulte une différence essentielle dans le mode d'alimentation des différens tissus et de tout l'organisme ; et nous sommes dés lors obligés d'ad- mettre dans les cellules une vie particulière, qui fait qu'elles suffisent elles-mêmes à leur développement, et que les mo- difications qu'elles subissent , tout en étant subordonnées au plan général de la vie de l'animal, ont cependant un caractère particulier dans chaque cellule. L'enveloppe cellulaire a la faculté de s'approprier par endosmose , sans la coopération du sang ou de tout autre liquide alimentaire extérieur, cer- taines substances qui sont nécessaires à son développement et qu'elle emprunte aux cytoblastèmes et à la substance inter- cellulaire environnante; tandis qu'elle rejette par exosmose d'autres substances qui lui sont devenues inutiles. Chaque cellule représente par conséquent un petit organisme indé- pendant, qui s'assimile des substances étrangères , les éla- bore et rejette celles qui lui sont inutiles ; et , sous ce rap- port , l'embrvon peut se comparer jusqu'à un certain point à un tronc de polype, dont chaque animal , tout en vivant de sa vie propre, est cependant incorporé au tronc commun qui lui imprime son cachet. Cette vie indépendante des cellules n'existe loulefois qu'aussi long-temps qu'elles n'ont pas subi de méta- niorpboses sensibles; on ne la retrouve dans le corps adulte que 294 DÉVELOPPEMENT dans les tissus lorniés par des cellules iDallérées. Ce n'est dés- lors plus un paradoxe que de prétendre que les tissus du corps adulte, formés de cellules non métamorphosées jouissent d'une vie en quelque sorte indépendante de la vie générale du corps ; telles sont en effet les formations épithéliennes qui conti- nuent encore à se développer un certain temps après la mort ; tels sont aussi les cheveux et les ongles , qui croissent aussi long-temps que les cellules , qui existent dans leurs racines , et qui n'ont pas encore acquis leur développement final. Il en est autrement des tissus résultant de la modification et de l'anéantissement des cellules primitives : ceux-là sont de- venus incapables, par suite de cet anéantissement, de continuer leur vie propre ; leur conservation , leur accroissement et leur alimentation rentrent dans les conditions générales de l'orga- nisme ; et comme ces tissus sont les plus nombreux , ils rendent par là même nécessaire , dans l'animal adulte , un principe d'alimentation général, qui leur apporte les substances conve- nables à leur conservation et à leur substitution, et prend celles qui sont devenues inutiles. Ce principe alimentaire, c'est le sang ; et le fait qu'il est indispensable à l'animal adulte est précisément ce qui distingue ce dernier de l'embryon. Nous avons vu en effet qu'aussi long-temps que l'embryon ne se composait que de cellules encore intégres et en pleine vie, le sang ne formait qu'une partie trés-subordonnée de l'orga- nisme, et que tout en se développant en vue de l'avenir, il n'était encore d'aucune efficacité réelle pour la nutrition de 1 embryon en général. Ceci résulte de la manière la plus évi- dente du fait rapporté ci-dessus , savoir que des embryons de Palée, élevés dans des cuvettes à fond noir, se trouvèrent être de beaucoup retardés, non seulement sous le rapport du déve- loppement des vaisseaux sanguins, mais encore sous le rapport de la formation du sang. Au premier abord , il paraît naturel DES TISSUS EIV GÉNÉRAL. 295 (l'en conclure que celte absence tlu sang réagit sur la formation et le développement de l'embryon et de ses tissus et que ceux-ci doivent se trouver également retardés; mais il n'en est rien; au contraire, ces embryons, dépourvus de sang, étaient tout aussi avancés que ceux placés dans des cuvettes à fond blanc qui montraient depuis long-temps une circulation complète. Ils ne commencèrent à dépérir qu'au moment où les métamor- plioses des cellules étaient déjà très-avancées dans beaucoup de tissus ; ce qui rendait ces dernières incapables de subvenir seules à leur nutrition. Les mêmes observations peuvent s'ap- pliquer à la formation de tous les organes; tous sont, dans l'origine, des accumulations de cellules qui se modifient et s'accroissent , sans qu'il existe en elles la moindre trace de cir- culation ; mais dés que les métamorphoses des cellules ont commencé et que les parois cellulaires sont transformées, de manière à ne plus pouvoir présider elles-mêmes à leur nutri- tion , dés ce moment les courans sanguins commencent à se montrer, et c'est en amenant toujours de nouvelles substances aux organes qu'ils entretiennent, qu'ils en facilitent le déve- loppement jusqu'à leur dernier terme. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de m'étendre davantage sur ces faits , qui sont d'ailleurs du ressort de la physiologie, et dont l'analyse détaillée me conduirait bien au delà des limites que je me suis posées dans cet ouvrage. Il me suffira d'avoir ap- pelé l'attention sur ces différences fondamentales qui existent entre la vie et le mode d'alimentation de l'embryon et de l'ani- mal adulte. CHAPITRE \III SYSTÈME GÉNÉRAL DE LA FORMATION EMBRYONIQUE- Il a régné jusqu'au commencement de notre siècle une grande incertitude à l'égard de l'embryologie , ou du moins, si l'on s'en est occupé, c'était plutôt en vue de connaître la forme extérieure des embryons que clans le but de pénétrer dans leur nature intime, qui seule peut expliquer les variations nom- breuses de forme qui surviennent pendant le cours du dévelop- pement. C'est à DoUinger qu'appartient la gloire d'avoir im- primé , le premier, une direction scientifique à l'embryologie, soit par ses propres travaux , soit par Tinfluence qu'il exerça sur les recherches de ses disciples , MM. Pander, d'Alton et de lîaer. Le premier il a défriché ce champ que d'autres ont su rendre dés lors si fertile. Ce fut essentiellement sur l'embryon de la poule que se dirigea l'attention des premiers embryolo- gistes ; et c'était en effet de tous les embryons celui qui sem- blait le plus approprié à ces sortes d'investigations, par la rai- son qu'il était facile de se procurer des œufs fécondés en quantité et que les appareils à couver permettaient d'en avoir de tous les âges. Conformément à la tendance philosophique q!ii do- svsri:.\iE gém';kai. dk i.v i oumaïiox E.MBiivoNiQiE. 297 minait à cette époque l'histoire naturelle , on s'empressa de dé- duire des faits particuliers que l'on venait d'observer, des lois générales que l'on appliqua sans hésitation à tous les autres animaux, soit vertébrés , soit invertébrés. Cette tendance avait sans doute ses avantages , car elle reporta en partie la spécu- lation du domaine de l'abstraction dans celui de l'observation ; mais à côté de ces avantages très-réels, nous ne devons pas nous en cacher les inconvéniens. L'application trop générale que l'on lit des résultats obtenus ne pouvait manquer d'introduire dans le domaine de la science nouvelle des données erronées et plus ou moins contraires à la nature. En somme cependant, les lois générales empruntées à l'étude de l'embryon du poulet par les auteurs que nous venons de mentionner, reposaient sur une base solide , et les observateurs postérieurs n'ont eu qu'à les confirmer en les débarrassant peu-à-peu des inexactitudes dont elles étaient entachées. Le t'ait qu'elles ne subirent aucune modification essentielle par les travaux plus récens des Bur- dach, des îluscbke, des J. Millier, des Uathke, des Valentin et de tant d'autres, est le plus beau témoignage que l'on puisse alléguer en leur faveur. La France et l'Angleterre restèrent d'abord en arrière des travaux embryologiques qui se poursuivaient avec tant de suc- cès en Allemagne, jusqu'à ce que lîarry, en Angleterre , vint enrichir la science de ses belles recherches sur l'embryologie du lapin. Quant à la langue dans laquelle nous écrivons, nous regrettons qu'elle ne compte point d'embryologistes que nous puissions placer au même rang que les auteurs que nous ve- nons de nommer. Voici quelle est en résumé la manière dont on se rendait compte du développement embryologique des animaux , d'a- près les points de vue généraux établis par plusieurs des au- teurs cités : f( 11 existe dans chaque ceuf fécondé un tissu par- 38 298 SYSÏÈ.ME GÉNÉRAL liculier, le bkiModerme, qui est étendu d'une'manière plus ou moins uniforme à la surface du vitellus et qui constitue la base première de l'embryon. Après la découverte de la vésicule ger- minative par Purkinje , l'on crut que le blastoderme se formait soit par l'aplatissement de cette vésicule , ou parce qu'elle crevait et laissait écbapper le liquide qu'elle renfermait. Sui- vant les animaux, ce blastoderme est tantôt continu sous forme de membrane, tantôt divisé et éparpillé par taches sur le vitel- lus (dans plusieurs invertébrés). Pendant le cours du déve- loppement, ces taches se rapprochent , envahissent peu-à-peu le vitellus et l'entourent d'une enveloppe particulière. Dans l'o- rigine , le blastoderme est simple et ne présente qu'une seule couche granuleuse ; mais bientôt il se scinde en plusieurs feuil- lets superposés dans l'ordre de leur épaisseur et dont chacun est destiné à former un certain groupe d'organes. Le plus ex- térieur de ces feuillets , ou le feuillet séreux , donne naissance aux tégumens de l'embryon et du vitellus, ainsi qu'à la peau, aux parties centrales du système nerveux , au squelette , aux muscles volontaires et aux organes des sens. Le feuillet interne qui entoure immédiatement le vitellus et que l'on a appelé bien mal à propos le feuillet muqueux, forme l'intestin avec toutes ses involvures et ses appendices , de même qu'il devient aussi le laboratoire des organes sexuels intérieurs. Dans l'origine, ces deux feuillets existent seuls , mais bientôt il se détache du feuil- let intérieur ou muqueux un troisième feuillet, le feuillet vas- culaire qui se loge entre les deux autres , ensorte que , dans une coupe verticale du blastoderme , ces trois feuillets se pré- sentent de dehors en dedans dans l'ordre suivant : le feuillet séreux, le feuillet vasculaire elle feuillet muqueux, formant ensemble une triple enveloppe autour du vitellus. Le feuillet vasculaire est destiné à former le cœur avec tous ses vaisseaux et le sang , les corps de Wolff et en partie les organes sexuels DE LA FORMATION EMItHYONIOUK. 290 et urinaircs , quoique le feuillet muqueux prenne aussi part à la iorniation de ces derniers. La disposition et les rapports de ces différens feuillets avec le vitellus varient suivant le ran<^ (jue l'animal occupe dans la série, et l'on rencontre même à cet égard des différences assez notables entre les vertébrés. La formation des différens organes fut en général ramenée à des pllssemens , à des enfoncemens ou à des évolvures de ces différens feuillets , quoique l'on reconnût en même temps que les forces mécaniques n'étaient pas seules en jeu dans ces transformations. Quant au rôle que les différentes parties de l'œuf fécondé joue n t dans le développement , l'on n'émit à cet égard que de vagues suppositions, qui n'étaient pour ainsi dire appuyées d'aucune observation directe. On savait , par les recherches de M. Pur- kinje sur la vessie germinative et par les travaux plus récens de MM. Valentin etR. Wagner, que la vessie germinative se trouve toujours dans l'endroit de l'œuf où l'embryon commence à se développer, qu'elle existe dans tous les œufs non fécondés , mais qu'elle devient invisible à mesure que le développement s'a- vance, La tache germinative fut envisagée, dés l'origine, par M. R. Wagner, qui la découvrit le premier, comme la base de l'embryon futur, quoique avec moins de raison qu'on ne l'avait précédemment prétendu pour la vessie germinative , car les différences que l'on remarquait entre les taches germinatives des divers animaux présentaient alors de graves difficultés et l'on pouvait encore moins qu'à l'égard de la vessie germi- native savoir ce que cette tache devenait après la fécondation. En revanche, on connaissait fort bien le vitellus avec ses di- verses granules et ses cellules , telles qu'elles se montrent dans la plupart des animaux, et que l'on envisageait comme la prin- cipale substance alimentaire de l'embryon. Mais les rapports du >ilellus et de ses différentes parties avec l'embryon n'étaient 300 SYSTÈME GÉ.NÉUAL pas encore connus , non plus que la pari que le vilellus el ses cellules prennent à la formation des tissus embryonaires , ni les rapports de ces tissus avec les tissus de l'animal adulte. C'est M. Scliwann qui , le premier, nous en a donné l'explica- tion , par sa découverte des lois générales du développement des cellules. Réunissant en un faisceau tous les faits connus, il nous apprit la signification de ces granules et de ces globules que l'on avait aperçus dans la masse embryonaire , et nous fit connaître en même temps le rôle de la vessie germinalive, de la tache germinative et leurs rapports réciproques. Ces décou- vertes eurent en outre l'avantage de diriger de nouveau l'atten- tion des anatomistes sur ces recherches, et ce furent maintenant les premières phases de l'organisme embryonique et de ses cel- lules que l'on s'appliqua à poursuivre avec un zèle particulier. Il est impossible de prévoir quels seront les résultats de ces nou- veaux efforts. Nous nous contenterons de faire remarquer que différentes tendances se sont déjà manifestées dans cette nou- velle voie et que des opinions très-diverses ont été émises , opinions dont nous allons essayer de donner ici un aperçu , at- tendu qu'elles contrastent plus ou moins avec les idées que l'on s'était faites jusqu'alors du développement embryologique. M. Reichert (*) établit une nouvelle théorie de la formation de l'embryon des vertébrés qu'il essaya d'appuyer sur le déve- loppement de l'œuf de la grenouille et de la poule. Pour cet anatomiste , les globules et les granules vitellaires que Ton con- naissait depuis longtemps dans ces œufs, sont de véritables cel- lules, et le vilellus lui-même n'est composé que d'une réunion de cellules. L'embryon se développe immédiatement du vilellus, par l'arrangement el par les métamorphoses de ses cellules. Le vilellus n'est ainsi en quelque sorte que l'embryon dissout, el (*) Das Ent^^i^klllngslcben im W iiJjeKIiii'iieich. lUrliii , IS'iO. DE LA FOIIIMATION EMBUYOMOLE. '^01 non pas un corps destiné à la nutrilion de l'embryon naissant. S'il existe dans son intérieur quelque substance alimentaire qui n'entre pas dans la composition de l'embryon , ce n'est là qu'un attribut accidentel du vitellus. Les différons organes se forment en se déposant par couches sur le vitellus , et l'on remarque dans ce mode de formation deux types distincts , qui divisent l'embranchement des vertébrés en deux grands groupes. Dans l'un , qui comprend les poissons et les reptiles nus , tous les or- ganes naissent immédiatement du vitellus par couches ; dans le second groupe, qui comprend les reptiles écaillés , les oiseaux et les mammifères, il n'y a que les organes du système ner- veux central et une certaine membrane médiatrice , la mem- brane intermédiaire, qui naissent immédiatement du vitellus. La formation de tous les autres organes relève bien aussi du vitellus, mais par l'intervention de la membrane intermédiaire, intervention quelque peu mystérieuse et que l'auteur lui-même ne définit pas d'une manière précise. 11 est évident que la supposition d'une transformation di- recte du vitellus en embryon par couches , si elle était fondée, rendrait l'ancienne théorie d'un blastoderme , se séparant en trois feuillets superposés, complètement inadmissible. D'après l'ancienne théorie , le vitellus et le blastoderme étaient en quel- que sorte en opposition ; d'après celle de M. Reichert , le vi- tellus et le blastoderme sont synonymes , ou plutôt tout le vi- tellus est blastoderme. Cependant, quelque peine que se soit donnée M. Reichert pour combattre les opinions de ses devan- ciers , il n"a pas pu méconnaître une triple division dans ces couches embryonaires , et, tout en postulant une couche à part pour chaque organe , il a senti la nécessité d'établir trois groupes d'organes, se déposant successivement, et qui , selon lui , seraient liés par des rapports intimes. Il nest pas difficile de reconnaître dans ces trois groupes les trois feuillets du blas- 302 SYSTÈME GÉNÉHAI, toderme, en faisant seulement abstraclion (le quelques (lilïérences dans la répartition des organes. De son groupe du syslème ani- mal naissent le système nerveux central , le squelette, les mus- cles, la peau et les organes des sens. Ce groupe correspond, par conséquent, exactement au feuillet séreux du blastoderme. Du second groupe , qui est le groupe du stjstème sanguin, nais- sent le cœur, le sang, les vaisseaux, les corps de Wolff, le foie et les organes de la respiration. Son troisième groupe, enfin, forme Vinlestin. La seule différence consiste donc en ce que M. Reichert , au lieu d'attribuer la formation du foie et des organes de la respiration au feuillet muqueux , comme le fai- saient ses prédécesseurs, l'attribue au feuillet vasculaire (son système sanguin). Les autres différences sont purement no- minales, La théorie de M. Reichert pèche en outre par un autre point essentiel. M. Reichert prend l'œuf fécondé tel qu'il est au com- mencement de son développement embryonique, sans a voir égard à son histoire antérieure, non plus qu'aux parties qui le consti- tuent avant la fécondation. Il passe ainsi sous silence plusieurs momens essentiels du développement, antérieurs à l'apparition définitive de l'embryon et postérieurs à la fécondation , mais qui ont cependant avec lui les rapports les plus intimes, comme par exemple le sillonage des œufs de la grenouille. La vessie germinative et la tache germinative , ces deux parties essen- tielles de l'œuf, sont entièrement négligées , et il n'est fait au- cune mention spéciale de la part qu'elles prennent au dévelop- pement de l'embryon et des cellules embryonaires. Après cela, faut-il s'étonner que la théorie de M. Reichert présente de grandes lacunes? Nous verrons plus bas combien cette omis- sion des parties essentielles de l'œuf et la part trop considérable que ce naturaliste assigne au vitellus , ont été préjudiciables aux résultats de ses observations sur la formation de l'embrxtn. 1)K LA lOUMATION EMBKYONIQUE. 30li Les recherclies de M. Barry (*) sur l'oeuf du lapin, com- prenant surtout les premières phases du développement de l'embryon et les destinées des diverses parties de l'œuf primitif, ont conduit à des résultats fort différens et, à mon avis , bien plus importans que la théorie de M. Reichert que nous venons de mentionner. D'après M. Barry , la vésicule germinative ne s'aplatit ni ne crève après la fécondation, pour laisser s'échapper le liquide qu'elle contient; elle se remplit au contraire de cel- lules dans lesquelles apparaît à son tour une nouvelle généra- tion de'cellules. Il se forme au centre de la tache germinative, qui, comme l'on sait, est granuleuse et simple chez les mam- mifères^ une vessie claire , remplie d'un liquide transparent (évidemment une cellule simple) ; et peu à peu les parties gra- nuleuses environnantes de la tache germinative se transforment à leur tour en cellules, moins saillantes, il est vrai, que la cellule centrale. La vésicule germinative entière se remplit de cette ma- nière de cellules formées au centre de la tache germinative. En même temps , la vésicule germinative commence par s'éloigner de la face intérieure de l'enveloppe vitellaire, contre laquelle elle était appliquée dans l'œuf non fécondé et se retire vers l'inté- rieur du vitellus , tandis que , d'un autre côté , sa membrane disparaît à mesure que de nouvelles cellules continuent à se former. Cependant l'on voit apparaître, dans la cellule centrale de la tache germinative, deux grandes cellules transparentes, qui se dédoublent continuellement et, au moyen de générations réitérées , finissent par envahir le vitellus et par former ainsi le blastoderme ou le germe. Dès que ces nouvelles cellules ont fait disparaître les cellules de la vessie germinative pour les rem- placer , on voit se former au milieu d'elles une grande cellule elliptique à noyau opaque , creux , à parois épaisses. Ce noyau (*) l'iiildsophiciil Trims;iclioiis. ISriO cl IS'K». 304 SYSTÈME GÉNÉRAL creux est ïemhryon, qui se développe Je la même manière que les cellules de la vessie germinative , c'est-à-dire en donnant naissance dans son intérieur à de nouvelles cellules, qui se propagent à leur tour , ensorle que l'embryon grandit et s'ac- croît continuellement. M. Barry n'a point fait d'éludés sur le développement ultérieur des différens tissus de l'embryon ; mais il résulte de celles de ses observations dont nous venons de donner un aperçu, que la théorie de M. Reichert sur la compo- sition de l'embryon est au moins inapplicable aux mammifères. Les observations de l'auteur anglais conduisent au contraire naturellement à l'opinion que , cbez les mammifères, la vési- cule et la tache germinative sont les premiers rudimens de l'embryon; que les cellules nées dans l'intérieur de la vésicule sont employées à la formation d'un germe distinct du vitellus (le blastoderme), et que la tache germinative représente la base réelle de l'embryon, puisque l'auteur n'indique qu'une seule cellule comme berceau de l'embryon. Cependant nous croyons que cette dernière opinion, ainsi que cette génération réitérée des cellules par paires, devra subir par la suite des modifications , et que ce n'est pas avec une aussi stricte régu- larité que s'opère la formation des cellules embryonaires des mammifères. Aussi les recherches de M. Bischoff (*) sur le premier développement de l'œuf du chien sont-elles assez con- tradictoires à celles de lauteur anglais sur le lapin. La courte description que M. Bischoff a donnée du développement embryo- nique de ce carnassier n'est d'ailleurs , à ce qu'il paraît , qu'une ébauche d'un travail plus étendu , que nous désirerions pour notre part voir paraître le plus tôt possible. D'après mes observations, telles que je les ai exposées dans le cours de cet ouvrage et d'après celles que j ai faites sur le (*) l>;ms \\. \\;i;;nor, l.ohrliiicli dcr Physiologie. Lciiisii^ . ISrïiK DE LA l-OilMATION EMBKYONIQUE. 305 crapaud accoucheur , je crois qu'on peut formuler la marche (lu développement de l'embryon de la Palée de la manière sui- vante ; de nombreuses petites cellules creuses, les taches ger- minalives sont répandues, dés l'origine de l'œuf, dans la vési- cule germinative. Dès que l'œuf est pondu et que la fécondation est accomplie , les taches germinatives grandissent et devien- nent de véritables cellules, qui, plus tard, donnent naissance à des noyaux. On voit en même temps se former dans la vé- sicule germinative de nouvelles cellules simples , semblables aux anciennes taches germinatives , et qui , à mesure qu'elles se développent, entraînent à leur suite la disparition de la cel- lule-mère. C'est ainsi que le germe primitif naît , sans la coopé- ration du vùellus , des cellules préexistantes de la tache germi- native et des nouvelles cellules, formées dans l'intérieur de la vésicule germinative , deux sortes de cellules qu'il est impos- sible de distinguer les unes des autres. Nous avons rapporté en détail, dans cet ouvrage , la marche ultérieure du développe- ment, en faisant remarquer, à réitérées fois, qu'une disposition de l'embryon par couches, se détachant du vitellus, serait chose impossible dans les Corégones , puisqu'il ne se forme jamais de véritables cellules dans l'intérieur du vitellus, mais que celui-ci reste toujours à l'état liquide. Ce liquide est absorbé , il est vrai , à mesure que l'embryon se développe ; mais la for- mation de nouvelles cellules se fait toujours dans l'embryon même, et le liquide vitellaire n'est que la matière dont l'em- bryon se sert pour construire ses nouvelles cellules. Mais s'il est évident que , dans le poisson que nous venons d'examiner, le développement embryouique commence en par- tant de la vésicule germinative, sans que le vitellus y participe d'aucune manière, on ne saurait en dire autant des batraciens, chez lesquels on ne peut méconnaître la coopération du vitellus à la formation dos premiers rudimens de l'embryon , (juoique 39 30G SYSTÈME GÉNÉRAL cette coopération n ait pas lieu de la manière que le veut M. Reichert. Les embryologistes avaient été frappés depuis long-temps de la grandeur extraordinaire de la vésicule germinative dans les œufs mûrs des batraciens , et l'on connaissait également le nombre considérable et le développement des taches germina- tives creuses contenues dans ces vésicules. J'ai démontré à mon tour que, pendant que la vésicule germinative disparais- sait après la fécondation , les taches germinatives se disper- saient sur le vitellus et qu'elles allaient se loger dans la couche corticale de ce dernier. Chaque tache germinative s'entoure ici d'une paroi cellulaire, qui renferme une certaine quantité de substance vitellaire, ensorte que ces cellules embryonaires , formées autour des taches germinatives (qui sont encore ici la base réelle de l'embryon), présentent cependant un contenu mixte, ayant la tache germinative située au centre et étant entourée d'une certaine quantité de liquide vitellaire. Dans le voisinage de ces cellules embryonaires, formées autour des ta- ches germinatives, il se forme successivement d'autres cellules embryonaires, de manière qu'il y a d'abord une vésicule trans- parente , tout-à-fait semblable à une tache germinative qui s'entoure d'une enveloppe cellulaire. Il est à remarquer cepen- dant que ces cellules embryonaires ne se développent que dans la couche corticale du vitellus ; des cellules se montrent bien aussi dans l intérieur du vitellus, mais elles ne prennent au- cune part directe à la formation de l'embryon, et disparaissent pendant le développement, pour former des cytoblastémes se- condaires , à mesure que l'embryon grandit. L'opinion de M. Reichert, qui prétend que les cellules embryonaires se forment comme une nouvelle génération dans les cellules vi- tellaires, est donc inapplicable au crapaud accoucheur. Nous retrouvons au contraire chez les batraciens la même loi qui DE LA FOKMATION EMBHYOMOIE. 307 s'est iiianifeslée dans les autres classes des vertébrés , savoir que le contenu de la vésicule germinative et plus particulière- ment les taches gernainatives, constituent la base de l'embryon , avec cette différence que , chez les batraciens, le vitellus prend une certaine part au développement; ce qui n'a d'ailleurs rien d'étonnant, puisque chaque classe présente des modifications particulières de la règle générale. 11 nous est impossible , à cause des données trop incomplètes que nous possédons , de fixer l'origine du rudiment de l'embryon des oiseaux; cepen- dant il est probable qu'ici aussi les cellules embryonaires nais- sent de la vésicule germinative , pour se mêler plus tard à celles du vitellus. Les recherches précédentes conduisent ainsi toutes au même résultat, qui est de nous représenter la ves||B germinative IfîcJlt^ comme le germe de l'embryon futur ; elles nous forcent même d'admettre dans les poissons l'existence d'un élargissement membraneux de ce germe, qui iinit bientôt par envahir le vi- tellus entier , ou, en d'autres termes, d'un blastoderme. Ce blastoderme , bien qu'il ne soit pas très-consistant , est pour- tant très-nettement séparé du vitellus. Dans les batraciens , il ne saurait être question d'un pa- reil isolement du blastoderme , attendu qu'ici les taches ger- minatives sont répandues sur toute la surface du vitellus, au- quel elles empruntent la matière des cellules qu'elles forment autour d'elles. Il est à présumer qu'un germe , formé de cette manière , diffère beaucoup des autres ; aussi ne remarque-t-on jamais cette division en plusieurs couches ou feuillets super- posés, qui se voit dans la Palée. Il est évident dès lors qu'en théorie l'on est allé trop loin , en supposant toujours trois feuil- lets dans le blastoderme des vertébrés et même dans chaque endroit du germe , et en y rattachant le développement des différens organes ; c'est ce qui a fait que l'on a rencontré, dans 30H SYSTEME GENEUAI. plusieurs parties de l'embryon , des difficultés iusuruiontables, entre autres dans la cavité branchiale et dans les rapports de l'ésophage et de l'anus avec les parties environnantes. L'idée que l'on s'était faite des plissemens , des contouruemens, des superpositions, des évolvures et des involvures de ces feuillets avait quelque chose de trop mécanique pour qu'on pût espérer qu'elle ne rencontrerait pas de graves obstacles dans l'applica- tion. Mais il n'en sera pas moins digne de notre attention de voir s'il n'existe pas en réalité certains rapports qui justifient cette manière de voir. Dans les poissons , il est impossible de nier une certaine divi- sion du germe , quoiqu'elle ne se forme pas absolument comme on l'a prétendu ; car ce n'est pas précisément le germe qui se fendille, mais ce sont plutôt de nouvelles couches celluleuses de nature différente qui apparaissent à côté des anciennes. J'ai plus d'une fois insisté , dans la description détaillée du déve- loppement du germe , sur ce fait , qu'après la formation des rudimens principaux du système nerveux et même du système animal en général, au moyen des petites cellules embryonaires, il se formait , sous ces dernières , entre elles et le vitellus , une couche épaisse de cellules plus grandes , pourvues d'un nucléo- lule et d'un nucleus, et qui, par cela même qu'elles renferment plus de substance ahmeutaire grenue que les cellules embryo- naires, sont beaucoup plus opaques que ces dernières et forment une accumulation épaisse et opaque entre la corde dorsale et le vitellus. L'étude du développement nous a appris que cette couche celluleuse forme la base de l'intestin , de ses appendices glandulaires et des corps de Wolff , tandis que tous les autres organes sont formés des petites cellules embryonaires. On pour- rait donc , à bon droit , appeler cette agglomération de cellules le feuillet muqueux, puisque sa destination est de former l'ni- testin et ses glandes et que cette destination a été de tout tenqis DE LA FORMATION EMBUVOMOIK. 309 envisagée comme le but essentiel du feuillet muqueux. Je n'ai j)as pu observer de divisions ultérieures du germe dans les pois- sons, et je n'ai surtout pas pu reconnaître une coucbe parti- culière de cellules destinées à former le cœur et les vaisseaux du sang. Mais il faut rendre cette justice aux anciens embryo- logistes , qu'ils n'ont jamais indiqué le feuillet vasculaire avec la même certitude que le feuillet séreux et le feuillet muqueux, et que, sans douter précisément de son existence, ils l'ont tou- jours représenté comme intimement lié au feuillet muqueux et comme destiné à se séparer de ce dernier. Dans la Palée , le cœur se forme des mêmes cellules embryonaires que tous les autres organes du feuillet séreux , et tous les tissus sont aptes à former du sang ; cependant la couche hématogène qui en- toure le vitellus est particulièrement propre à cette fonction , d'autant plus qu'elle est étroitement liée à la couche celluleuse de l'intestin; et c'est probablement pour cette raison que les an- ciens embryologistes la faisaient dériver du feuillet muqueux comme feuillet distinct de leur feuillet vasculaire. Mais , pour que cette manière d'envisager la couche hématogéne du vitellus fut vraie , il faudrait aussi que le cœur et les vaisseaux fussent formés des mêmes cellules que la couche hématogène , ce qui n'est pas confirmé par l'observation directe. Il n'existe pas de divisions semblables du germe dans les batraciens ; ici la formation de l'intestin semble être due aux mêmes cellules que celles de tous les autres organes , et j'ai lieu de croire que cette différence est la conséquence de la dissémi- nation du germe. Nous n'avons point encore d'observations complètes et impartiales sur les oiseaux et les mammifères ; cependant je dois faire remarquer que M. Barry dit n'avoir ob- servé nulle part une division du blastoderme en feuillets dans le lapin. Ces faits nous conduisent naturellement à examiner le rôle 310 SYSTÈME GÉNÉRAL qui est assigné au vitellus dans les différentes classes d'animaux et qui varie avec les conditions extérieures du développement. Chez les mammifères où , par suite du développement du pla- centa , le fœtus entre de très-bonne heure en rapport intime avec le système sanguin de la mère et tire de celui-ci son ali- mentation, le vitellus nest en général en activité qu'aussi long- temps que l'œuf n'est pas encore (ixé à la matrice. Dés que cette adhérence s'est effectuée au moyen du placenta , la plus grande partie du vitellus qui n'a pas été employée , est écartée et se sépare comme vésicule ombilicale qui finit par n'avoir plus au- cun rapport avec l'embryon. Il n'existe point de pareils rapports entre l'embryon et la mère chez les autres vertébrés , et si quel- ques-uns mettent au monde des petits vivans , par suite de la rupture des œufs dans les organes sexuels de la mère , l'em- bryon au moins n'entre jamais dans des rapports aussi intimes avec le système sanguin de la mère qu'il l'est dans les mam- mifères au moyen du placenta, et le vitellus est pendant toute la durée de la vie embryonaire, et au moins jusqu'à l'éclosion, la seule ressource alimentaire de l'embryon. C'est le vitellus par conséquent qui fournit la matière de toutes les transforma- tions que subit l'embryon , et c'est pour cette raison qu'il di- minue de plus en plus de volume. Autrefois, on ne voyait dans le vitellus autre chose qu'un approvisionnement de ma- tières alimentaires passant sans autre préparation dans la subs- tance du corps. Mais une pareille théorie ne saurait plus être soutenue , depuis que l'on a reconnu que le vitellus présente une structure cellulaire dans la plupart des animaux. 11 me semble même que l'on pourrait établir, d'après les différences que présente son développement , trois nuances de vitellus , selon que la substance vitellaire participe plus ou moins à la formation du germe. Sous ce rapport, le vitellus des batraciens est évidemment le plus parfait, puisqu'il concourt dés l'origine I>1-: LA FORMATION EMBRYOMOUE. 311 et directement à la formation du germe embryonaire et en ce que sa substance et particulièrement les cellules de sa couche corticale composent directement l'embryon. Mais je dois ajou- ter que celte participation immédiate du vitellus à la formation de lembryon n'a lieu que dans les premiers temps du dé- veloppement ; plus tard le vitellus rentre dans les mêmes rap- ports qu'on lui connaît dans presque tous les autres vertébrés, c'est-à-dire qu'il devient une substance alimentaire, en quelque sorte indépendante et séparée de l'embryon , et qui, loin d'être inerte et sans vie , continue au contraire à se développer de son côté pendant toute la durée de la vie embryonique. En effet, on ne saurait douter que les cellules vitellaires ne préparent leur contenu comme toutes les autres cellules ; mais dès qu'elles doi- vent être employées à l'alimentation , elles retombent en quel- que sorte à l'état de simple substance alimentaire ; leur enve- loppe se brise, et le cytoblastème qui en résulte est absorbé pour servir à d'autres formations. C'est à cet état de simple substance alimentaire que se maintient le vitellus de la Palée et celui de tous les autres animaux chez lesquels il n'existe , dés l'origine, dans l'intérieur du vitellus, au lieu de cellules indépendantes, qu'une substance liquide , claire et homogène. Chez ces ani- maux on trouve par conséquent réalisée l'idée que se faisaient les premiers embryologistes du vitellus en général, savoir, que c'était un cytoblastème homogène absolument dépendant de l'animal , et dépourvu de vie propre, sa substance n'étant em- ployée à la formation des cellules qu'à mesure que l'embryon en a besoin. De l'exposé que nous venons de faire des fonctions du vitel- lus, il résulte cette loi générale applicable à tous les vertébrés, savoir, que le contenu de la vésicule germinative forme la base de l'embryon ou le germe proprement dit ; que le vitellus est on rapport plus ou moins intime avec elle, et que c'est du 312 SYSTÈME GÉNÉUAI. concours de ces deux parties que naît l'embryon. Dans cette influence combinée du vitellus et de la vessie germinative, c'est tantôt l'un, tantôt l'autre, qui l'emporte dans l'influence qu'il exerce sur la formation des tissus embryouaires. Il nous reste à mentionner encore quelques autres particula- rité qui, à ce qu'il paraît , sont communes à tout le règne ani- mal et qui sont encore en partie inexpliquées ; je veux parler de la rotation de l'œuf autour de son axe et du sillonnemenl du germe, deux accidens qui touchent l'œuf en général, et enfin des évolvures et des involvures qui ont trait au développement spé- cial des organes. On connaissait depuis long-temps la rolalion du vitellus au- tour de son axe dans certains invertébrés , entre autres dans les acéphales et dans les limaces , où il est très-facile de l'ob- server. Plus tard, elle fut aussi observée dans les vertébrés, par M. de Baer, dans les batraciens, par M. Bischoff, dans les mammifères, et par M. Rusconi dans le Brochet. Il est démon- tré maintenant que ce phénomène dépend de fines cellules vibratiles qui existent à la surface du vitellus , et qui, en mou- vant leurs cils dans une même direction , font tourner lente- ment et uniformément le globe vitellaire autour de son axe. Dans les batraciens , l'épithélium vibratile forme , comme je m'en suis assuré dans le crapaud accoucheur, la couche ex- térieure de la membrane épidermoïdale ; mais elle n'est bien développée que dans les premiers temps de la vie embryonaire. Dans la Palée , ainsi que dans les Salmones en général, je n'ai pas encore pu observer de rotation , ni aucune trace de cils vibratUes à la surface de la membrane épithélienne ; il est cependant probable qu'elle existe , mais à raison de la peti- tesse des cellules embryouaires , les cils vibratiles doivent né- cessairement être dune petitesse extrême et la rotation qui résulte de leur mouvement doit par conséquent être fort lente, DE LA FORMATION EMBRYONIQUE. 313 ensortc qu'il n'y aurait rien d'étonnant à ce que je ne l'eusse pas aperçue. Quels sont les rapports de cette rotation avec le développement de l'embryon? C'est une question qui attend encore sa solution. Le sillonnement du germe paraît être intimement lié au déve- loppement embryonique, et, à l'exception des mammifères et des oiseaux, on l'a reconnu dans toutes les autres classes du règne animal. Cependant , malgré cette généralité du phénomène , il n'est pas sans intérêt d'étudier les modifications particulières que l'on observe à cet égard dans les différentes classes. On peut dire qu'en général , plus le germe est étendu , plus le rang qu'occupe le vitellus, relativement à l'embryon , est élevé, et plus aussi les sillons sont profonds et larges. Dans la grenouille commune , où les taches germinatives sont disséminées sur toute la surface du vitellus, et où par conséquent le vitellus a les rapports les plus intimes avec l'embryon , le sillonnement s'étend sur toute la surface de ce dernier. Les sillons forment des cercles entiers autour de sa surface et pénètrent si profon- dément, surtout les premiers, qu'ils ont presque l'air de di- viser le vitellus en deux parties. Dans le crapaud accoucheur, le sillonnement est déjà moins considérable ; il n'affecte guère qu'un côté de l'œuf, l'autre moitié restant lisse ; les sillons pénè- trent jusqu'à un tiers du diamètre du vitellus et les taches ger- minatives ne sont dispersées que sur la moitié sillonnée de l'œuf. Dans la Palée enfin , dont le germe est réduit à un petit espace , le sillonnement n'affecte que le germe et ne s'étend nullement sur le vitellus , ainsi que l'a déjà fait remarquer Rusconi pour le Brochet. Il résulte de ces faiis que le dévelop- pement plus ou moins considérable des sillons est en lui-même une preuve de la dissémination plus ou moins grande des ta- ches^ germinatives et de la participation plus ou moins directe du vitellus à la formation de l'embryon ; aussi le sillonnement 40 314 SYSTÈME GÉNÉRAL affecte-t-il exclusivement le germe; il ne s'étend au vitcllus que lorsque celui-ci participe directement à la formation du germe. On pourrait donc être induit, par suite de ces considé- rations , à croire que , puisque cette formation si générale ol si curieuse des sillons est un phénomène à peu près commun à tout germe emhryonique , et puisque , dans la grenouille commune, que Ton a plus particulièrement examinée, ce sillonnement coïn- cide avec le commencement de la formation des cel iules dans le vitellus , on pourrait croire, dis-je, que le sillonnement est la première phase du développement cellulaire dans le germe et dé- pend seulement de ce développement : mais il n'en est rien ; et dans le crapaud accoucheur, le sillonnement apparaît et disparaît avant qu'on aperçoive la moindre trace d'une cellule dans le vitellus ; ce n'est que lorsqu'il a complètement dis- paru, que la formation des cellules commence. Dans la Palée, au contraire, il existe des cellules dans le germe , long-temps avant que les sillons ne se montrent. Dans la grenouille, enfin, les deux phénomènes apparaissent l'un à la suite de l'autre. De pareils faits rendent nécessairement très-difficile l'étude des rapports du sillonnement avec les cellules. L'idée des involvures et des évolvures est étroitement liée à l'opinion que l'on avait dans l'origine des feuillets du blasto- derme, lorsqu'on attribuait le développement des organes de Tembryon uniquement au plissement et au contournement des divers feuillets du blastoderme. On envisageait en particulier toutes les glandes comme le produit d'un pareil plissement , en supposant que la paroi du canal auquel aboutit chaque glande, se repliant comme le doigt d'un gant, formait d'abord un petit sac cécal qui s'allongeait à mesure que le développement avan- çait , se ramifiait et formait ainsi peu à peu les canaux sécré- teurs des glandes , dont les dernières extrémités sont toujours cécales. On envisageait de plus les cavités aboutissant à la DE LA FORMATION EMBRYOMQUE. 315 peau extérieure comme formées de la même manière que les diverses glandes épidermoïdales, et on les désigna sous le nom d'involvure parce que la position de l'ouverture du canal sé- créteur était changée relativement à l'embryon. Les différens passages que l'anatomie comparée faisait remarquer dans les glandes , depuis les plus simples en forme de bourse jusqu'aux ramifications les plus compliquées, semblaient parler en faveur de cette opinion. Mais lorsqu'on eut reconnu la structure cellu- laire de l'embryon, on rejeta avec autant de précipitation cette idée, qu'on s'était empressé de l'adopter auparavant, et l'on ad- mit a pnon qu'une pareille involvure était incompatible avec des cellules. Il est vrai que, prise à la lettre, l'idée des premiers embryologistes sur les involvures n'est guère admissible dans l'état actuel de nos connaissances. Mais il faut bien remarquer que plusieurs de ces savans avaient insisté sur la nécessité de ne pas ajouter à ce terme un sens trop rigoureux, en faisant remarquer qu'il avait besoin d'être expliqué. L'évolvure, di- saient-ils, a lieu de la manière suivante : il se forme, à la sur- face de la partie où le canal sécréteur doit aboutir, une accu- mulation de blastème qui devient creuse, et la petite cavité qui en résulte finit par se mettre en communication avec la grande cavité d'où l'évolvure est partie, en résorbant la paroi qui les sé- pare. Cette manière de voir est en effet fondée dans la nature ; on avait observé cette transformation dans le poumon et dans le foie, et quoiqu'on eut adopté une autre explication de la chose, on n'en conserva pas moins le même nom. Nous avons décrit dans le cours de cet ouvrage trois exemples différens d'évol- vures et d'involvures , celui du cristallin , celui du foie et celui de la vessie natatoire , et chacun de ces trois exemples nous a révélé un type de formation particulier, différent des autres, et dont nous allons essayer de retracer les principaux traits. Lorsqu'on examine l'involvure du cristallin , tel que nous 316 SYSTÈME GÉNÉRAL l'avons décrite au chap. VI , on est tout naturellement porté à en chercher l'explication dans une cause purement mécanique, et quand l'on voit comment la couche épithélienne, d'ahord étendue d'une manière uniforme par dessus le hulbe de l'œil, s'enfonce insensiblement et pénètre de plus en plus profondé- ment en arrière, on éprouve involontairement la tentation de rechercher l'instrument au moyen duquel la couche est ainsi enfoncée; mais cet instrument n'existe pas. Peut-être serait-il , plus naturel d'expliquer ce phénomène si remarquable en sup- posant que le liquide venant à diminuer dans l'espace intérieur de l'œil , par l'effet de la solidification de la rétine , qui a lieu probablement à la même époque, la couche celluleuse est at- tirée en dedans. Quelle que soit en définitive la cause dernière de cette involvure , il est certain qu'elle correspond assez exac- tement à l'idée que s'en faisaient les anciens embryologistes ; car , quoi qu'on en dise , ce sera toujours une membrane con- tinue qui s'enfonce en un endroit déterminé et forme ainsi un sac cécal. La vessie natatoire (voyez chap. IX) se forme d'une manière différente. On sait que l'intestin présente , dans l'origine , un tube continu et qu'il n'existe d'abord aucune trace d'ouverture ou de cul-de-sac à l'endroit où doit se former la vessie nata- toire. Mais tout-à-coup on aperçoit à la face extérieure du tube intestinal une petite accumulation de cellules d'abord so- lides , qui devient creuse d'elle-même par l'écartement de ses cellules et représente dans l'origine une cavité isolée, fermée de tous côtés et séparée de la cavité intestinale. Bientôt la membrane qui sépare les deux cavités est résorbée , et la cavité de la vessie natatoire entre en communication avec l'intestin tout en se dilatant de plus en plus. Il serait difficile , à mon avis , de trouver un exemple plus frappant de ce mode de formation des cavités; c'est aussi celui qui se voit le plus fré- DE LA FOIÎMATIOIV EIVTBRYONIQUE. 317 qiiomment dans le règne animal ; dans presque tous les organes glandulaires, les canaux sécréteurs se foraient comme cavités isolées , avant de pénétrer par résorption des cloisons dans la cavité destinée à recevoir les matières sécrétées. Le foie de la Palée nous offre une autre modification très- essentielle qui n'avait pas encore été observée jusqu'ici ; la glande et le canal destinés à recevoir ses sécrétions se forment simultanément par l'écartement des cellules dans deux direc- tions ; la cavilé supérieure devient l'organe sécréteur, l'infé- rieure le canal cholédoque. 11 ne saurait être ici question d une évolvure analogue à l'involvure du crystallin, puisque ce n'est point une membrane achevée qui s'évolve, mais que c'est au contraire une couche de cellules non encore solidifiée qui forme les cavités qui communiquent entre elles. Ce mode d'évolvure est vraisemblablement le plus rare de tous; cependant je crois pouvoir me porter garant de son existence , parce que j'en ai observé scrupuleusement toutes les phases. D'ailleurs ici , comme partout , les modifications individuelles sont si nom- breuses , qu'on ne devra plus se contenter de dire à l'avenir, que telle ou telle glande se forme par évolvure de telle ou telle cavité ; il faudra encore indiquer en détail la manière dont cette évolvure s'opère. CHAPITRE XIV. APERÇU HISTORIQUE DE LA MARCHE DU DÉVELOPPEMENT, Le mode de description que nous avons suivi en décrivant successivement les différens organes de l'embryon, n'est point de nature à donner une idée exacte de l'effet que produit l'en- semble du corps à chaque époque de la vie embryonaire , puis- que les détails qui constituent l'ensemble, se trouvent dis- persés dans des chapitres différens. C'est pour remédier à cet inconvénient que nous allons essayer de donner ici un court aperçu de l'état de l'embryon à toutes les époques de sa vie , en indiquant à quelle époque les organes commencent à se former et sous quelle forme ils apparaissent d'abord ; ce sera d'ailleurs un moyen de faciliter les voies à ceux qui voudront pousser plus loin ces recherches. Très-souvent , les premiers rudimens des organes sont si délicats, qu'il faut connaître exactement l'endroit où ils apparaîtront , pour les apercevoir. Quant à l'époque de leur apparition , nous l'indiquerons ci-dessous : cependant il ne faudra pas s'y tenir d'une manière trop rigou- reuse ; car je ^ n'ai donné que la moyenne de mes observa- tions, et l'on sait par l'étude d'autres animaux que, de même APERÇU niSTORTOUE DE LA MARCHE DU DÉVELOPPEMENT. 319 que l'époque de leclosion dépend lieaucoup de circonstances extérieures , le développement de certains systèmes peut aussi être tantôt arrêté, tantôt activé d'une manière ou d'une autre. La Palée ne saurait faire une exception à la règle ; aussi ai-je dit, en parlant de l'époque de l'éclosion, qu'elle oscille du soixan- tième au quatre-vingtième jour après la fécondation, pour des poissons fécondés à la même époque. C'est plutôt l'harmonie de l'ensemble que les jours et les heures qui doivent être con- sidérés dans l'étude du développement d'un organe quelconque. A l'époque de la ponte (fig. 78) , l'œuf se compose du vi- "^ tellus , des gouttelettes d'huile disséminées à la surface du vi- tellus et formant comme une sorte de disque , de la vésicule et des taches gcrminatives situées au milieu de ce disque, enfin des membranes vitellaircs et coquillières qui entourent l'œuf , sans qu'il y ait entre elles un espace intermédiaire. Quatre heures après la ponte (fig. 9 et 10) , la membrane coquillière s'est détachée de la membrane vitellaire par suite de l'eau pénéirant par endosmose à travers les pores de la première; elle s'est renflée, et le vitellus nage librement dans sa cavité. Douze heures après la ponte (fig. 11), le germe commence à s'élever du milieu du disque huileux sous la forme d'un petit renflement circulaire. Seize heures après la ponte , le germe se voit sous la forme d'une vessie claire et transparente au dessus du disque hui- leux (fig. 12 et 99). Les cellules dont il se compose sont de petites vésicules délicates et transparentes sans aucune trace de noyau (fig. 100). Vingt heures après la ponte, le germe occupe toute l'éten- due du disque et le sillonnement commence. On aperçoit d'a- bord un large sillon peu profond qui s'étend dans une direction circulaire , mais n'affecte que le germe (fig. 5). Pendant les deuxième et troisième jours (fig. 102 — 109), les sillons se 320 APEKÇU HISTORIQUE développent. Il existe ordinairement déjà au commencement du second jour deux sillons en croix. A la fin du second jour, la forme de mure a atteint tout son développement. Au troi- sième jour , elle s'efface insensiblement et le germe redevient lisse ; mais il est maintenant opaque, à cause de cellules ac- cumulées dans son intérieur. Au quatrième jour (fig. 109 — 115), le germe embryonique représente une hémisphère d'apparence grenue , mais lisse à l'extérieur, reposant sur le disque huileux. Toutes les cellules sont parfaitement développées et toutes ont des noyaux ; celles des couches extérieures sont même pourvues de nucléolules. Du sixième au neuvième jour (lig. 116 — 123), la couche épidermoïdale se détache insensiblement des autres cellules embryonaires , envahit le vitellus, et l'embryon se sépare de plus en plus de la vessie vitellaire. Au commencement de cette époque, le germe représente une large masse enfoncée qui dépasse à peine le bord du disque huileux. A la fin, il n'y a plus qu'un petit espace du vitellus libre , le trou vitellaire ; tout le reste est envahi par la couche épidermoïdale. L'em- bryon est diamétralement opposé à la vessie vitellaire , et c'est dans le sens de sa longueur que les cellules sont le plus en- tassées , là où se forment les bandes primitives. Au dixième jour (fig. 20, 21, 22, 24), le sillon dorsal ap- paraît et prend la forme d'une large gouttière assez profonde, mais indistinctement limitée en avant. L'extrémité céphalaire de l'embryon est large, carrée, tronquée. L'extrémité caudale se perd d'une manière vague dans les carènes entourant le trou vitellaire, qui se rétrécit toujours davantage. La partie dorsale de l'end^ryon est plus rétrécie que ses deux extrémités. Celui-ci est d'ailleurs arqué d'une manière uniforme autour du vitellus , et le sillon dorsal est largement ouvert. Le germe et la vessie vitellaire sont diamétralement opposés. DE LA MARCHE DU DÉVELOPPEMENT. 321 Au onzième et douzième jour (fig. 23 — 26 , 120 — 126) , le sillon dorsal se limite en avant et montre les premières traces des élargissemens qui correspondent aux trois divisions céré- brales. L'espace correspondant au mésencéphale est le plus grand , et , de profil , on le reconnaît facilement à son renfle- ment, qui commence près des sinus oculaires. Le sillon dorsal est fermé en tube sur le dos. Les divisions vertébrales com- mencent à se montrer, mais presque exclusivement sur la face tournée contre le vitellus. La partie encore ouverte du sillon dorsal s'est rétrécie. Les cellules de la coucbe épidermoïdale ont perdu leurs nucléolules et représentent un épithélium en pavé. On remarque dans le germe, à l'endroit où se montrera la corde dorsale , des cellules remplies d'une substance ali- mentaire opaque et grenue. Du treizième au seizième jour (fig. 27 — 32, 127 — 132), les trois divisions cérébrales sont caractérisées de la manière la plus distincte. Les sinus oculaires du mésencépbale sont de plus en plus distincts et se ferment complètement du côté du mésencéphale en se voûtant. La corde dorsale apparaît sous la forme d'un cordon simple , solide et transparent , au mi- lieu de l'embryon. Les divisions vertébrales sont parfaite- ment distinctes. L'extrémité caudale de l'embryon est circon- scrite du côté du vitellus. Le vitellus est entouré de toutes parts par la couche épidermoïdale. Le trou vitellaire a disparu. Vers la fin du seizième jour , on remarque dans l'œil le com- mencement de l'involvure du cristallin. Le rudiment de l'oreille apparaît en même temps sous la forme d'une vésicule ellip- tique avec un espace plus clair au milieu ; elle est située un peu en avant de la courbure uuchale. Celle-ci , ainsi que la courbure céphalaire et la courbure du tronc, sont bien accusées. La vessie vitellaire au contraire est très-réduite. L'épencéphale 41 322 APERÇU HISTORIQUE montre quelques renflemens analogues aux ganglions persis- tans des Trigles. Du dix-septième au vingtième jour ((ig. 33 , 34 , 35 , 133 — 136), la queue commence à se montrer et l'embryon s'en sert pour donner de fortes secousses en la reportant latéralement. La courbe céplialaire s'égalise. L'iuvolvure du cristallin se dé- veloppe et se ferme. La fente choroïdale vient de se former. On distingue fort bien le prosencéphale avec son prolongement vers l'extrémité du museau, le mésencéphale, qui se voûte com- plètement et forme une cavité , et l'épencépliale avec le cervelet qui commence à se former. En avant de l'extrémité de la corde, qui est encore homogène , s'accumule , à la base du cerveau , le blastème épaissi de la base du crâne. Sous la corde dor- sale enfin, entre celle-ci et le vitellus, se forme une couche épaisse de cellules plus grandes que les cellules embryonaires proprement dites et pourvues de noyaux opaques, la couche des cellules intestinales représentant le feuillet muqueux. Cette couche se divise en deux étages , l'un inférieur , des- tiné à former l'intestin , et un supérieur, destiné aux corps de Wolff. L'intestin commence à se transformer en tube, d'arrière en avant , à mesure que l'embryon se dégage de plus en plus du vitellus. Un élargissement (une allantoïde posté- rieure) se montre à l'extrémité du canal sécréteur des corps de Wolff. Le cœur se forme dans un renflement de la masse em- bryonaire du côté du vitellus , au milieu de l'espace entre l'oreille et l'œil. D'abord solide et composé de cellules em- bryonaires simples, il se transforme bientôt en une cavité, dans laquelle on voit des globules de sang monter et descendre en cadence, conformément aux contractions réitérées de cet organe. Le cœur est à angle droit avec l'axe du corps , et re- pose verticalement sur le vitellus, dont il occupe le milieu. Derrière le cœur, on remarque une petite saillie anguleuse, DE LA MARCHE DU DÉVELOPPEMENT. 323 premier vestige de la nageoire pectorale. On voit apparaître sur le vitellus , dans le voisinage du cœur , la couche héma- togène qui donne au vitellus une apparence tachetée. Les pre- mières traces de piment noir se montrent dans la choroïde ; les cellules de piment brun naissent en même temps dans le voisinaffe de l'œil. Les divisions vertébrales sont très-distinctes. La queue grandit. Les premières traces de la nageoire impaire sont formées par la couche épidermoïdale sur le pourtour de l'embryon. La vessie vitellairc disparaît. Du vingt-troisième au vingt-septième jour (fig. 137 — 139), on voit apparaître les premiers rudimens des cavités nasales à la face inférieure de la tête. Le prolongement du prosen- céphale , formant le nerf olfactif, tend à atteindre les cavités nasales. La tête s'élève, se dégage du vitellus par l'effet de l'allongement de la courbure nuchale. Le vitellus commence à se dégager de la tête, et le dégagement du ventre se poursuit, en même temps qu'une nageoire ventrale impaire apparaît, for- mée de la couche épidermoïdale. La choroïde entoure presque tout le bulbe de l'œil ; le colobome de l'iris apparaît sous la forme d'une fente légère. Le blastème épaissi de la base du crâne est très-distinct. Dans la corde dorsale, les cellules se développent sous la forme de petites vésicules isolées, qui grandissent et occupent toute la corde d'avant en arrière. La couche héma- togène s'étend sur le vitellus. La choroïde se reconnaît à l'œil nu, par suite de l'accumulation du piment, et l'on distingue les yeux sous la forme de deux points noirs à travers la mem- brane coquillière. L'intestin et l'urètre sont transformés en tubes complets . ne montrant plus aucune trace de structure celluleuse. L'anus est encore fermé. Du vingt-septième au trentième jour (fig. 41 — 50, 140, 141, 143, 144), la glande pinéale apparaît sous la forme d'une petite accumulation globuleuse de cellules dans l'échancrure 324 APERÇU HISTORIQUE située derrière le prosencéphale. Les formations intérieures du mésencéphale commencent à se montrer. Le blastème épaissi de la base du crâne se circonscrit d'une manière distincte dans le voisinage de l'hypophyse. L'oreille est beaucoup plus rap- prochée de l'œil qu'auparavant. Les premières traces de la cir- culation apparaissent , d'abord sous la forme de deux courans semblables , dont l'un destiné à la tête et l'autre au tronc. Ces courans sortent du cœur par l'aorte et les carotides , et retour- nent au cœur par les veines vitellaires antérieures et posté- rieures. Les deux veines vitellaires antérieures s'oblitèrent les premières, et après elles la veine vitellaire postérieure gauche. La couche hématogène a complètement envahi le vitellus , et il n'existe des ramifications capillaires que sur ce dernier. La nageoire pectorale , qui d'abord était pendante , se relève et se maintient dans un mouvement continuel. La formation des cellules est complète dans la corde dorsale , et la substance intercellulaire a presque entièrement disparu dans cette der- nière. Le foie commence à se former; sa communication avec l'intestin est très-distincte, et des réseaux capillaires se forment dans son intérieur, vers la fin de cette période. La veine vi- tellaire postérieure longe la face inférieure de l'intestin et se recourbe dans le voisinage du foie. La nageoire impaire qui entoure le corps s'accroît. L'on remarque dans les oreilles les premières traces des otolites. Les différentes divisions du cœur se trahissent à l'extérieur, et le rudiment de l'opercule devient de plus en plus distinct. Du trente et unième au quarantième jour (fig. 50 — 68 , 142 , 145, 140, 147) , le nez commence à se dessiner d'une manière distincte- La cavité buccale se forme, et l'on voit des deux côtés les premiers rudimens des mâchoires supérieures , sous la forme de deux prolongemens. La fente choroïdale se ferme , et le développement du piment noir dans les yeux ein- DE LA MAllCIIE DU DÉVELOPPEMENT. 325 pt'che d'en poursuivre l'élude. Les fentes branchiales apparais- sent les unes après les autres , et chacun des arcs branchiaux reçoit un arc vasculaire. A la fin de cette période , il y a cinq arcs, dont le premier est l'arc hyoïde. Les canaux semi-cir- culaires commencent à se former dans l'oreille. Les cellules des muscles se rangent en filets. On voit apparaître les cellules de piment noir dans la couche épidermoïdale du dos. La circu- lation entière subit des modifications importantes en pénétrant aussi dans la queue, où elle donne naissance à une veine car- dinale. La circulation de la tête devient asymétrique; la ca- rotide droite l'emportant sur celle de gauche et la jugulaire gauche sur la droite. L'arc aortique de droite est aussi plus puissant. Il se forme des artères intestinales. Le foie se déve- loppe de plus en plus au détriment de la circulation vitellaire. Les gouttelettes d'huile se réunissent en une seule grande goutte. L'intestin buccal entre en communication avec la ca- vité branchiale. Du quarante et unième au soixantième jour (fig. 71 — 86, 148 — 150), l'embryon est près d'éclore. Le nez se rapproche insensiblement de l'extrémité de la tête. Les bases cartilagineuses de la tête se forment du blastème épaissi de la base du crâne. Dans l'œil , la cornée et la sclérotique se séparent des tissus de la choroïde. L'oreille se rapproche de l'œil. Les parties inté- rieures de l'œil se développent complètement. Le cœur prend une position horizontale , par suite du rapprochement du vitel- lus et du corps, rapprochement qui dépend lui-même de la disparition du sac péricardial et du sac abdominal de la mem- brane épidermoïdale. Le vitellus disparaît à vue d'œil. On aperçoit des mouvemens péristaltiques dans l'intestin et des mouvemens de mastication très-prononcés. La bouche , si- tuée entre les yeux, est transversale. La nageoire embryonaire impaire montre des échaucrurcs dans les endroits où elle est des- 326 APERÇD HISTORIQUE DE LA MARCHE DU DÉVELOPPEMENT, tinée à être résorbée. La circulation vitellaire disparaît, celle du foie ou la circulation de la veine porte s'établit en entier. Le sixième arc branchial , ou l'arc pharyngien , reçoit un arc vasculaire. L'arc hyoïdien a disparu. La tête se resserre à me- sure que la chondrification fait des progrés. Les vertèbres de- viennent cartilagineuses. Les fibres musculaires prennent des stries transversales. Immédiatement après l'éclosion (fig. 87 — 98, 153 — 157), les modifications essentielles sont les suivantes : le vitellus est peu à peu complètement résorbé. La goutte dhuile persiste le plus longtemps , mais elle finit aussi par disparaître. La circu- lation vitellaire passe entièrement au foie et y complète la circulation de la veine porte. Les pièces operculaires se déve- loppent en arriére , et la mâchoire inférieure en avant , sans cependant atteindre l'extrémité du museau. L'extrémité posté- rieure de la corde dorsale se relève. Les nageoires impaires prennent leur contour définitif et reçoivent leurs rayons. Les nageoires pectorales sont très-grandes en proportion. Les franges des vaisseaux capillaires commencent à se développer sur les arcs branchiaux. Le piment métallique de la choroïde apparaît. La vessie natatoire s'évolve. Le squelette cartilagi- neux commence à s'ossifier , et les rudimens des dents appa- raissent dans la bouche. TABLE DES IVÎATIÈBES. Introduction I Chapitre I. L'œuf avant la fécondation 1 Chapitre II. Fécondation ; conditions du développement ; ma- ladies de l'œuf; méthode d'observation. ... 14 Chapitre III. De l'œuf fécondé et du germe 26 Chapitre IV. L'emlîryon jusqu'à la fermeture du sillon dorsal. 42 Chapitre V. Développement du système nerveux central. ... 52 Chapitre VI. Développement des organes des sens 72 1° De l'œ'il 72 2" De l'oreille 84 3'' Du nez 94 Chapitre VII. Développement du squelette 97 1" La corde dorsale 97 2° La gaine de la corde dorsale et les vertèbres. . 103 3" Le crâne 109 4° Développement des parties solides du système viscéral 125 5° Développement des organes locomoteurs extérieurs 131 6° Développement du tissu cartilagineux 136 Chapitre VIII. Développement de la peau et des muscles. . . 141 Chapitre IX. Développement des intestins 151 1" Le canal intestinal 151 2° Le vitellus iJJ9 o'^ La bouche et la cavité branchiale 166 4° Les évolvures de l'intestin 174 5*^ Les reins 177 Chapitre X. Développement du système sanguin 181 1° Le cœur 181 2° Développement du sang et des vaisseaux sanguins. 198 3" Développement de la circulation 210 TABLE DES MATIERES. Chapitre XI. Conformation extérieure de rembryon 3/i() Chapitre XII. Développement des tissus en (jcnéral 2()2 Chapitre XIII. Système général de la formation embryoniqiie . '290 Chapitre XIV . Aperçu historique de la marche du développement 318 ERRATA. Page IV, 1. 5 d'en liaut, dernières, lisez: derniers. i> li, 1. 5 d'en bas, der Waclistluun , Usez: dem Waclislliiim. » 7 , 1. 2 » », feuilles, lisez: feuillets. » 25, 1. 4 d'en haut» embryonales , lisez: embryonaires. » 28, 1. iO d'en bas, vu, lisez: vue. >' 53 , 1. H d'en haut, parois, lisez : paroi. » ^0, 1. 4 d'en bas, ellesnscules, lisez: elles seules. )> ^I , 1. 1 d'en haut, épithéliale, lisez: épithélienne. 11 ho, 1.3 » 11 faire supposer , f/scs : induire en erreur et faire supposer, i> ()3, 1. 11 >i « La cavité, lisez: Cette cavité. 11 65 , 1. 2 d'en bas, cette dernière, lisez: ce dernier. 11 77 , 1. 5 d'en haut , composé, /iscz: entouré. 11 77 , 1. () d'en bas, involution , lisez: involvure. 11 152,1. 12 d'en haut, relevé , lisez: relevée. » 156, 1.17 11 11 la grande solidité , /tsez : de la grande solidité. 11 152, 1. 20 » » dermoïdale, lisez: épithélienne. 11 165, 1. 6 » 11 confonde, lisez: confond. 11 195, 1. 6 11 " et disparaît, lisez: et il disparait. 11 246, 1. 5 11 11 cérébrales. Usez: cérébraux. 11 272, l. 10 11 11 avais-je, Jî'sez : j'avais. «274,1.9 11 » ombragées , Usez : ombrées. 11 319, 1. 10 .1 1. lig. 78, Usez : lig. 7 et 8. n 519, 1. 2 d'en bas, lig. 3 , Usez: lig. tOI. ^, to^^ ^975