à UN es 1 rt À k ( HISTOIRE NATURELLE. ni . MATIÈRES GÉNÉRALES. TOME DYX-HUITIÈME NT a 24 % °X 2.4 F +4 NATURELLE x Par BUFFON. # 428 DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. RS CS MATIÈRES GÉNÉRALES. TOME DIX-HUITIEME. v, 13 sonia Inst A sf; 147 { PR RICHMOND ‘COLLECTION. # À LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE DE P. DIDOT L'AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N°5, et FR min DIDOT , RUE DE THIONVILLE, N° 116, AN VII, — 1799 To « . ; j | om. PLARIO TS augure: P. L'or 16. Î Dauguer- É PT 7 + AT SAN AE (Ur ?) - [se \ $ Parque P. 7L | Î Daugret.S P Tom1é , RAS Rs nn Dee qe dE pr 1 CRU IA ï ns AE Y 7 | È { val CARNET t > N » à : < 4 Ju ÿ s 1 î Zone 16. = DE Ne am * re eu” à . nt NS Er CR À Re Ne les d ne TN SE IFR SE | É NE Rue, CE pere 1 Loauguet- d. HISTOIRE NATURELLE. HISTOIRE DES ANIMAUX. CHAPITRE PREMIER. Comparaison des animaux et des végétaux. Dixs la foule d'objets que nous présente ce vaste globe dont nous venons de faire la description, dans le nombre infini des diffe- rentes productions dont sa surface est cou= verte et peuplée, les animaux tiennent le premier ravg, tant par la conformité qu’ils 1 / 6 HISTOIRE NATURÉLLE ont avec me | que par la supériorité que . nous leur confoissons sur les êtres végétans ou inauimés. Les animaux ont, par. leurs seus , par leur forme, par leur mouvement, beaucoup plus de rapports avec les choses qui les environnent , que n’en ont les végé- taux ; ceux-ci, par leur développement, par leur figure , par leur accroissement et par Jeurs D Rctdite parties, ont aussi un plus grand nombre de rapports avec les objets extérieurs que n’en ont les minéraux ou les pierres , qui n’ont aucune sorte de vie ou de mouvement , et c'est par ce plus grand : ombre de rapports que l'animal est reelle- ment au-dessus du végétal , et le végétal au- dessus du minéral. Nous-mêmes , à ne con- sidérer que la partie matérielle de notre être, nous ne sommes au-dessus des animaux que par quelques rapports de plus, tels que ceux que nous donnent la langue et la main ; et, quoique les ouvrages du Créateur soient en eux-mêmes tous également parfaits, l’ani- mal est , selon notre facon d’appercevoir, l'ouvrage le plus complet de la Nature, ét l'homme en est le chef-d'œuvre. _ En effet, que de ressorts, que de forces; DES ANIMAUX. 7 que de machines et de mouvemens sont ren- fermés dans cette petite partie de matière qui compose le corps d’un animal ! que de rapports, que d'harmonie, que de corres- pondance entre les parties ! combien de combinaisons , d’arrangemens , de causes, d'effets , de principes , qui tous concourent au même but, et que nous ne connoissons que par des résultats si diffisiles à com- prendre, qu’ils n’ont cessé d’être des mer- véilles que par l'habitude que nous avons prise de n’y point réfléchir ! Cependant , quelqu'admirable que cet ouvrage nous paroisse, ce n’est pas dans l'individu qu'est la plus grande merveille, c’est dans la succession, daus le renouvelle- ment et dans la durée des espèces que la Na- ture paroît tout-à-fait inconcevable. Cette faculté de produire son semblable, qui réside dans les animaux et dans les végétaux, cette espèce d'unité toujours subsistante et qui _paroît éternelle , cette vertu prôcréatrice qui s'exerce perpétuellement sans se détruire jamais , est’ pour nous un mystère dont il semble qu’ilne nous est pas permis desonder la profondeur. >» ES , 8 HISTOIRE NATURELLE Car la matière inanimée, cette pierre; ; cetie argille qui est sous nos pieds, a bien + quelques propriélés ; son existence seule en suppose un très-grand nombre, et la malière la mains organisée ne laisse pas que d'avoir, en vertu de son existence, une infinité de rapports avec loutes les autres parties de l'univers. Nous ne dirons pas, avec quelques philosophes , que la matière, sous'‘quelque. forme qu’elle soil, connoit son existence et ses facultés relatives ; cette opinion tient à ‘une question de métaphysique que nous ne nous proposons pas de traiter ici: il nous suMira de faire sentir que n’ayant pas nous- mêmes la connoissance de tous les rapports que nous pouvons avoir avec les objets exté rieurs, nous ne devons pas douter que la matière inanimée n'ait infiniment moins de . celte connoissance, et que d’ailleurs nos sensations ne ressemblant en aucune façon aux objets qui les causent, nous devons con- clure par analogie que la matière inanimée n’a uisentiment,nisensation, ni conscience d'existence , et que de lui attribuer quelques uues de ces facultes , ce seroit lui donner celle de penser, d'agir et de sentir à peu | à | \ DES ANIMAUX. « près dans le même ordre et de la même façon que nous pensons , apissONS et sentons ; ce qui répugne autant à la raison qu'a la reli- gion. Nous devous donc dire qu’étant formés de terre et composés de poussière , hous ayons en effet avec la terre et la poussière des rap- ports communs qui nous lient à la matière en général ; telles sont l'étendue, l’impénétras bilité, la pesanteur, elc.: mais comme nous n'appercevons pas ces rapports purement matériels, comme ils ne font aucune im- pression au-dedans de nous mêmes, comime ils subsistent sans notre participation , et qu'après la mort ou avant la vie ils existent et ne vous affectent point du tout, on ne peut pas dire qu'ils fassent partie de notre être. C’est donc l’organisation , la vie, l'ame, qui fait proprement notre existehce : la ma- tière considerée, sous ce point de vue, en est moins le sujet que l'accessoire ; c’est une enveloppe étrangère dont l'union nous est inconnue et la presence nuisible, et cel ordre de pensées qui coustitue notre être, en est peut-être tout-a-fait i:dépendaut. Nous existons donc sans savoir comment , x HISTOIRE NATURELLE et nous pensons sans savoir pourquoi; mais quoi qu'il en soit de notre manière d’être ow de sentir, quoi qu’il en soit de la vérité ou “de la fausseté, de l’apparence ou de la réalité de nos sensations, les résultats de ces mêmes sensations n’en sont pas moins certains par rapport à nous. Cet ordre d'idées, cette suite de pensées qui existe au dedans de nous- mêmes , quoique fort différente des objets qui les causent, ne laisse pas que d’être l’af- fection la plus réelle de notre individu , et de nous donner des relations avec les objets. ? extérieurs, que nous pouvons regardercomme des rapports réels, puisqu'ils sont invaria- bles et toujours les mêmes relativement à nous. Ainsi nous ne devons pas douter que les différences ou les ressemblances que nous appercevons entre les objets, nesoient des différences et des ressemblances certaines et réelles dans l’ordre de notre existence par æapport à ces mêmes objets : nous pouvons donc légitimement nous donner le premier rang dans la Nature; nous devons ensuite donner la seconde place aux animaux; la troisième aux végétaux, et {enfin la der- nière aux minéraux: car quoique nous ne \ — DES ANIMAUX. ax distinguions pas bien nettement les qualités que nous avons en vertu de notre animalité, de celles que nous avons en vertu de la spi- ritualité de notre ame, nous ne pouvons guèêre douter que les animaux élant doués , comme nous, des mêmes sens, possédant les _ mêmes principes de vie et de mouvement, eË faisant une infinité d'actions semblables aux nôtres , ils n'aient avec les objets extérieurs des rapports du même ordre que les nôtres, et que par conséquent nous ne leur ressem- blions réellement à bien des égards. Nous dif- férons beaucoup des végétaux ; cependant Mnous leur ressemblons plus qu’ils ne ressem- blent aux minéraux, et cela parce qu'ils ont _ uue espèce de forme vivante, une organisa- tion animée, semblable en quelque façon à la nôtre , au lieu que les minéraux n’ont aucun organe. 1 Pour faire donc l’histoire de l'animal, il. faut d’abord ‘reconnoitre avec exactitude: l’ordre général des rapports qui lui sont propres , et/distinguer ensuite les rapports qui lui sont communs avec les végétaux et les minéraux. L'animal n’a de commun avee le minéral que les qualités de ia matière 42 HISTOIRE NATURELLE . prise généralement :sa substance a les mêmes 4 proprietés virtuelles ; elle est étendue ; pe sante, impénétrable, comme tout le reste de la matière ; mais son économie est toute différente. Le minéral n’est qu'une matière brute , inactive, insensible, n'agissant que par la contrainte des lois de la mecanique , n'obéissant qu'a la force géneralement re=- paudue dans l'univers, sans organisation ; sans puissance , denuée de toutes facuites , même de celle de se reproduire ; substance informe , faite pour être foulée aux pieds par les homines et les animaux, laquelle, mal= gré le nom de métal précieux, n’en est. paÿ® moins méprisée par le sage, et ne peut avoir qu'une valeurarbitraire, loujours subordon=. née à la volonté et dépendante de la conven- tion des hommes. L'animal reunit toutes les puissances de la Nature; les forces qui l'a= niment lui sont propres et particulières ; 1 veut , il agit, il se determine , if opère, 1E communique par ses seus avec les objets les plus éloignés ; son individu est un centre où tout se rapporte, un point où l'univers en= tier se réfléchit, un monde en raccourch: yoilà les rapports qui Lui sont propres à DES ANIMAUX. 13 , ceux qui lui sont communs avec les vé- gétaux, sont les facultés de croître, de se développer, de se a et de se mul- tiplier. | La différence la plus apparente entre les animaux et les végétaux paroit être cette fa— culté de se mouvoir et de changer de lieu, dont les animaux sont doués, et qui n’es£ pas donnée aux végétaux. Il est vrai que nous ne connoissons aucün végétal qui ait le mouvement progressif ; ‘mais nous voyons plusieurs espèces d'animaux, comme les huîtres , les galles-insectes, etc. auxquelles ce mouvement paroiît avoir été refusé: cette différence n'est donc pas générale et né cessaire. Une différence plus SE voie pourroit se tirer de la faculté de seutir, qu’on ne peut. guère refuser aux animaux, et dont il semble que les végétaux soient privés : mais ce mot sentir renferme un si graud nombre d’ idées, qu'on ne doit pas le prononcer avant que d'en avoir fait l'analyse ; car si par sentir. nous entendons seulement faire une action de mouvement à l’occasion d’un choc ou * d’une résistance , nous trouverons que la 2. CHR TR ON EL PT ER A SE AUOT NI 4 HISTOIRE NATURELLE plante appelée sensitive est capable de cette espèce de sentiment, comme les animaux. Si au contraire on veut que sentir signifie appercevoir et comparer des perceptions, nous ne sommes pas sûrs que les animaux aient cette espèce de sentiment; et si nous accordons quelque chose de semblable aux chiens , aux éléphans, etc. dont les actions semblent avoir les mêmes causes que les nôtres, nous Je refuserons à une infinité. d'espèces d'animaux, etsur-tout à ceux qui nous paroissent être immobiles et sans ac- tion : si on vouloit que les huîtres, par exemple, eussent du sentiment comme les chiens, mais à un degré fort inférieur , pourquoi n’accorderoit-on pas aux végétaux. ce même sentiment, dans un degré encore au- dessous ? Cette différence entre les animaux et les végétaux non seulement n’est pas générale, mais même n’est pas bien décidée. | Une troisième différence paroît être danse la manière de se nourrir. Les animaux, par le moyen de quelques organes extérieurs, saisissent les choses qui leur conviennent; ils vont chercher leur pâture, ils choisissent leurs alimens : les plantes au contraire pa« DES ANIMAUX. 15 roissent être réduites à recevoir la nourriture que la terre veut bien leur fournir; il semble que cette nourriture soit toujours la même ; aucune diversité dans la maniere de se la procurer , aucun choix dans l'espèce ; l’hu- midité de la terre est leur seul aliment.'Ce- pendant, si l’on fait attention à l’organisation et à l’action des racines et des feuilles, on reconnoîtra bientôt que ce sont-là les orsanes extérieurs dont les végétaux se servent pour pomper ja nourriture : on verra vi les ra- cines se détournent d’un obstacle ou Fd'une veine de mauvais terrain pour aller chercher la boune terre; que même ces racines se äi- visent, se multiplient ,et vont jusqu’à chan- ger de forme pour procurer de la nourriture à la plante: la différence entre les animaux et les végétaux ne peut donc pas s'établir sur Ja manière dont ils se nourrissent. _ Cet examen nous conduit à reconnoître évidemment qu'il n'y a aucune différence absolument essentielle et générale entre les animaux etJes vésétaux, mais que la Nature descend par degrés et par nuances impercep- tibles d'un animal qui nous paroît le plus parfait à celui qui l’est Le moins, et de celui- #6 HISTOIRE NATURELLE ci au végétal. Le-polype d’eau douce sera, sf. l’on veut, le dernier des animaux et la pre mière des plantes. “ FR En effet, après avoir examiné les diffé- xences , si nous cherchons lés ressemblances des animaux et des végétaux, nous en trou— verons d’abord une qui est générale et très. essentielle : c’est Ia faculté commune à tous deux de se reproduire; faculté qui suppose : plus d'analosie et de choses semblables que nous ne pouvons l'imaginer , et qui doit nous faire Croire que pour la nature les animaux et les végétaux sont des êtres à peu près du même ordre. Une seconde ressemblance peut se tirer du développement de leurs parties, propriété qui leur est commune; car les végétaux ont, aussi-bien que les animaux, la faculté de croître ; et si la manière dont ils se deve- loppent est différente , elle ne l’est pas tota- lement ni essentiellement, puisqu'il y a dans les animaux des parties très-considérables , comme les os, les cheveux, les ongles , les cornes, elc. dont le développement est une vraie végétation , et que dans les premiers temps de sa formation le fœtus végète plutôt qu'il ne vit. | " 10 * DES ANIMAUX. 17 Une troisième ressemblance , c’est qu’il y a des animaux qui se reproduisent comme les plantes, et par les mêmes moyens : la multiplication des pucerons, qui se fait sans accouplement , est semblable à celle des plantes par les graines , et celle des polypes, qui se fait en les coupant, ressemble à la multiplication des arbres par boutures. On peut donc assurer avec plus de fonde- ment encore, que les animaux et les vésé- taux sont des êtres du même ordre, et que la Nature semble avoir passé des uns aux autres par des nuances insensibles, puisqu'ils ont entre eux des ressemblances essentielles et générales, et qu’ils n’ont. aucune différence qu'on puisse regarder comme telle. Si nous comparons maintenant les ani- maux aux végétaux par d’autres faces, par exemple , par le nombre, parle lieu, par la grandeur , par la forme, etc. nous en tirerons de nouvelles inductions. Le nombre des espèces d'animaux est beau- coup plus grand que celui des espèces de plantes ; car dans le seul penre des insectes il y a peut-être un plus grand nombre d’es— pèces, dont la plupart échappent à nos yeux, ‘ 5: P1 8 HISTOIRE NATURELLE \ qu'il n’y a d'espèces de plantes visibles sur ‘Ja : surface de la terre. Les animaux même se ressemblent en général beaucoup moins que . les plantes, et c’est cette ressemblance entre es plantes qui fait la difficulté de les recon- noître et de les ranger; c’est-là ce qui a donné naissance aux methodes de botanique , AUX- quelles on a, par cette raison, beaucoup plus travaillé qu’à celles de la zoologie, parce que les animaux ayant en effet entre eux des dif- férences bien plus sensibles que n’en ont les plantes entre elles , ils sont plus aisés à re- connoitre et à distinguer, pie faciles ànom- mer et à décrire. D'ailleurs il y a encore un avantage pour reconnoitre les espèces d'animaux et pour les distinguer les uns des autres, c'est qu’on doit regarder comme la mêine espèce celle qui, au moyen de la copulation , se perpetue et ‘onserve la similitude de cette espèce, et comme des espèces différentes celles qui, par les mêmes moyens, ne peuvent rien. produire ensemble; de sorte qu'un renard sera une espèce différente d’un chien, sien effet par la copulation d’un mâle et d'une femelle de ces deux espèces 1l ne résulte riens L |: : L Pod , AT wà, OÙ U 1 eu y fr; | x - DES ANIMAUX. 14 et quand même il en résulteroit un animal mi-parti,. une espèce de mulet, comme ce mulet ne produiroit rien, cela sufhroit pour établir que le renard et le chien ne seroient pas de là même espèce , puisque nous avons supposé que pour constituer uné espèce, 1 falloit une production continue, perpétuelle, invariable, semblable, en un mot, à celle des autres animaux. Dans les plantes on n’a pas le mème avantage : car quoiqu’on ait prétendu y reconnoître des sexes, et qu'on ait établi des divisions de genres par les par- ties de la fécondation , comme cela n’est ni aussi certain ni aussi apparent que dans Les animaux , ét que d’ailleurs la production des plantes se fait de plusieurs autres façons, où les sexes n’ont point de part et où les par- ties de la fécondation ne sont pas nécessaires, on wa pu employer avec succès cetle idée, et ce n’est que sur une anaiogie mal enten- due qu'on a prétendu que cette méthode sexuelle devoit nous faire distinguer toutes les espèces différentes de plantes. Mais nous xrenvoyons l’examen du fondement de ce sys- tême à notre Histoire des végétaux. Le nombre des espèces d'animaux est done 7 à ! to HISTOIRE SATURELLE ET plus grand que celui des espèces de plantes mais il n’en est pas de même du nombre. d'individus dans chaque espèce: dans les ani- | maux , comme dans les plantes, le nombre d'individus est beaucoup plus grand dans le petit que dans le grand ; l'espèce des mouches est peut-être cent millions de fois plus nom=! breuse que celle de l’éléphant; ei de même, #l y a en général beaucoup plus d'herbes que d'arbres, plus de chiendent que de chênes. Mais si l’on compare la quantité d'individus des animaux et des plantes, espèce à espèce, on verra que chaque espèce de plante est plus abondante que chaque espèce d'animal : par exemple , les quadrupèdes ne produisent qu'un petit uombre de petits, et daus des. intervalles de temps assez considérables ; les arbres au contraire produisent tous les ans une grande quantité d'arbres de leur espèce: On pourra me dire que ma comparaison n'est pas exacte, et que pour la rendre telle . äl faudroit pouvoir comparer la quantité de graines que produit uu arbre, avec la quan= tité de germes que peut contenir la semence d'un animal , et que peut-être on trouveroit alors que les animaux sont encore plus abon- | DES ANIMAUX. 24 dans en germes que les végétaux ; mais si l’on fait attention qu'il est possible, en ra- massant avec soin toutes les graines d’un arbre, par exemple , d’un orme, et en les semant, d’avoir une centaine de milliers de petits ormes de la production d’une seule année, on m'avouera aisément que quand on prendroit le même soin pour fournir à un cheval toutes les jumens qu'il pourroit saillir en un an, les résultats seroient fort differens dans la production de l’animal et dans celle du fégétal. Je n’examine donc pas la quantité des germes : premièrement, parce que dans ies animaux nous ne la connoissons pas ; et en second lieu, parce que dans les végétaux 1l y a peut-être de même des germes séminaux comme dans les animaux , et que la graine n'est point un germe, mais une production aussi parfaite que l’est le fœtus d'un animai , à laquelle, comme à celui= ci,1l ne manque qu’un plus grand dévelop- pement. On pourroit encore m'opposer ici la pro- _digieuse multiplication de certaines espèces d'insectes, comine celle des abeilles ; chaque femelle produit trente ou quarante mille 2 HISTOIRE NATURELLE Les mouches. Mais il faut observer que je parle du général des animaux comparé au général des plantes : et d’ailleurs cet exemple des abeilles , qui peut- être est celui de la plus grande multiplication que nous connoissions dans les animaux, ne fait pas une preuve contre ce que nous avons dit ; car des trente ou quarante mille mouches que la mère abeille produit, il n’y en a qu’un très-petit. nombre de femelles , quinze cents ou deux mille mâles , et tout le reste ne sont que des mulets, ou plutôt des mowthes neutres, sans sexe, et incapables de produire. Il faut avouer que dans les insectes, les poissons, les coquillages , il y a des éspèces qui paroissentêtre extrèmementabondantes; les huîtres , les harengs , les puces, les han netons-,y-etc. sont peut-être en aussi grand nombre que les mousses et les autres plantes les plus communes : mais à tout prendre, on remarquera aisément que la plus grande partie des espèces d'animaux est moins abondante en individus que les espèces de plantes; et de plus on observera qu’en compa- raut la multiplication des espèces de plantes gntire.elles, il n’y a pas des différences aussi { AC my | DES ANIMAUX. 23 srandes dans le nombre des individus que dans les espèces d'animaux , dont les uns engeudrent un nombre prodigieux-de petits, et d’autres n’en produisent qu'un très-petit nombre ; au lieu que, dans les plantes, le nombre des productions est toujours fort grand dans toutes les èspèces. Il paroit , par ce que nous venons de dire, que les espèces les plus viles, les plus ab- jectes, les plus petites à nos yeux, sont les plus abondantes en individus , tant dans les animaux que dans les plantes, À mesure que les espèces d'animaux nous paroissent plus parfaites, nous les voyons réduites à un moindre nombre d'individus. Pourroit-on croire que de certaines formes de corps, comme celles des quadrupèdes et des oiseaux, de certains organes pour la perfection du sen- timent , coûteroient plus à la Nature que la” production du vivant et de l’organisé, qui nous paroit si difficile à concevoir ? | Passons maintenant à la comparaison deg animaux et des végétaux pour le lieu, la grandeur et la forme. La terre est le seul lieu où les véseétaux puissent subsister : le plus grand nombre s’élève au-desfus de la PA :4 HISTOIRE NATURELLE sout entièrement couverts de terre ; quelques autres , en petit nombre, croissent sur les eaux : mais tous ont besoin , pour exister , : d’être placés à la surface de la terre. Les animaux au contraire sont bien plus généras lement répandus : les uns habitent la sur- face , et les autres l’intérieur de la terre: ceux-ci vivent au fond des mers, ceux-là : surface du terrain, et y est attaché par des racines qui le pénètrent à une petite pro- : fondeur. Quelques uns , comme les truffes, PET 7 fe Te h les parcourent à une hauteur médiocre; il … y en a dans l'air, dans l’intérieur des plantes, dans le corps de l’homme et des autres ani- … maux , dans les liqueurs ;- on en trouve. jusque dans Les pierres ( les dails ).- Par l’usage du microscopeon prétend avoir. découvert un très-grand nombre de nouvelles espèces d'animaux fort différentes entre elles. Il peut paroître singulier qu’à peine on ait … pu reconnoitre une ou deux espèces de plantes nouvelles par le secours de cet ins- trument : la petite mousse produite par la. moisissure est peut-être la seule plante mi- croscopique dont on ait parlé. On pourroié douc croire que la Nature s'est refusée à. DES ANIMAUX. 23 produire de très- petites plantes, tandis qu’elle s’est livrée aveg profusion à faire naître desanimalcules : mais nous pourrions nous tromper en adoptant cette opinion sans examen ; et notre erreur pourroit bien venir en partie de ce qu’en effet les plantes se ressemblant beaucoup plus que les ani- maux, il est plus difficile de les reconnoître et d’en distinguer les espèces, en sorte que cette moisissure que nous ne prenons que pour une mousse infiniment petite , pour- roit être une espèce de bois ou de jardin qui seroit peuplé d’un grand nombre de plantes très-différentes , mais dont les différences échappent à nos yeux. Ilest vrai qu'en comparant la grandeur des animaux et des plantes, elle paroitra assez inégale : car 1l y a beaucoup plus loin de la grosseur d’une baleine à celle d’un de ces prétendus animaux microscopiques, que du chène le plus élevé à la mousse done nous parlions tout-à-l’heure ; et quoique la srandeur ne soit qu'un attribut purement relatif , il est cependant utile de considérer les termes extrèmes où la Nature semble s être bornée. Le sraud paroit être assez égal 3 36 HISTOIRE NATUR RELLE dans les animaux et de les plantes ; ; une. grosse baleine et un gros arbre sont d'un volume qui n’est pas fort inégal, tandis qu'en petit on a cru voir des animaux dont un millier réunis n'égaleroient pas en vo- lume la petite plante de la moisissure. | Au reste, la différence la plus générale et la plus sensible entre les animaux et les Végétaux, est celle de la forme : celle des auimaux, quoique variée à l'infini , ne res- semble point à celle des plantes; et quoique les polypes, qui se reproduisent comme les plantes, puissent être regardés comme faisant la nuance entre les animaux et les vésetaux, non seulement par la façon de se reproduire, mais encore par la forme extérieure, on peut cependant dire que la figure de quelque aninal que ce soit est assez différente de la forme extérieure d’une plante pour qu’ilsoit difficile de s’y tromper. Lesanimiaux peuvent, à la vérité, faire des ouvrages quiressemblent à des plantes ou à des fleurs : mais jamais les plantes ne produiront rien de semblable à un animal; ét ces insectes admirables qui produisent et travaillent le corail, n’au- roient pas été méconnus et pris pour des DES ANIMAUX. 27: Fleurs, si, par un préjugé mal fondé, on n'eût pas regardé Le corail commeuneplante. Ainsi les erreurs où l’on pourroit tomber en comparant la forme des plantes à celle des animaux , ne porteront jamais que,sur un petit nombre de sujets qui font la nuance entre les deux ; et plus on fera d'observa- tions, plus on se convaincra qu'enire les animaux et les végétaux, le Créateur n’a pas mis de terme fixe ; que ces deux genres d'êtres organisés ont beaucoup plus de pro priétés communes que de différences réelles ; que la production de l'animal ne coûte pas plus, et peut-être moins, à la Nature, que celle du végétal ; qu’en général la production des êtres organisés ne lui coûte rien ; et qu'enfiu le vivant et l’animé , au lieu d’être un degré métaphysique des êtres , est une propriété physique de la matière. L 4 8 HISTOIRE NATURELL l ul Lu AGE | . AR CHA P. LEUR ERRR De la reproduction en général. \. Ex AMINONS de plus près cette propriété commune à l’animal et au végétal, cette’ puissance de produire son semblable, celte. chaine d’existences successives d'individus qui constitue l'existence réelle de l'espèce; et sans nous attacher à la génération de l’homme ou à celle d’une espèce particulière d'animal, voyons en général les phénomènes de la reproduction, rassemblons des faits pour nous donner des idées, et faisons l’énu- mération des différens-moyens dont la Na- ture fait usage pour renouveler les êtres or- ganisés. Le premier moyen, et, selon nous : le plus simple de tous, est de rassembler dans un être une infinité d’êtres organiques sem blables , et de composer tellement sa subs- fance , qu'il n'y ait pas une partie qui ne | 02 nS DES ANIMAUX. 29 : gontienne un germe de la même espèce, et qui par conséquent ne. puisse elle - même devenir un tout semblable à celui dans lequel elle est contenue. Cet appareil paroit d’abord supposer une dépense prodigieuse et entrai- ner la profusion : cependant ce n’est qu'une magnificence assez ordinaire à la Nature , et qui se manifeste mème dans des espèces com- munes et inférieures, telles quesont les vers, les polypes, les ormes, les saules , les gro— setliers, et plusieursautres plantes etinsectes dont chaque partie contient un tout qui, par le seul développement, peut devenir une plante ou un insecte. En considérant sous ce point de vue les êtres organisés et leur re- production , un individu n’est qu'un tout _ uniformément organisé dans toutes ses par ties intérieures, un composé d’une infinité de figures semblables et de parties similaires, un assemblage de germes ou de petits indi- vidus de la même espèce , lesquels peuvent tous se développer de la même façon , sui- vant les circonstances, et former de nou- veaux touts composés comme le premier. En approfondissant cette idée, nous allons trouver aux végétaux el aux animaux un 9 ss 30 HISTOIRE NATURELLE ‘rapport avec les minéraux, que mous ne soupçonnions pas. Les sels et quelques autres minéraux sont composés de parties sem— blables entre elles et semblables au tout qu’elles composent. Un grain de seb inarin est un cube composé d’une inhnité d'autres cubes que l’on peut reconnoitre distinete- : ment au microscope ; ces petits cubes sont eux-mêmes composés d’autres cubes qu’on apperçoit avec un meilleur microscope, et l’on ne peut guère douter que les parties primitives et constituantes de ce sel ne soient aussi des cubes d’ une pelitesse es échappera toujours à nos veux ; et même à notre ima- gination. Les animaux et les plantes qui peuvent se multiplier et se reproduire par toutes leurs parties, sont des corps organisés composés d’autres corps organiques sem blables, dont les parties primitives et cons- tituantes sont aussi organiques et semblables, et dont nous discernous à l’œil la quantité accumulée , mais dont nous ne pouvons appercevoir les parties primitives que par le raisonnement et par l'analopie que nous venons d'établir. Cela nous-conduit # croire qu'il y a däns DES ANIMAUX. 33 Ja Nature une infinité de parties organiques actuellement existantes, vivantes, et dont la substance est la même que celle des êtres organisés, comme il ya une infinité de par- ücules brutes semblables aux corps bruts que nous connoissons, et que commeilfaut peut- être des millions de petits cubes de sel accu- mulés pour faire l'individu sensible d’un grain de sel marin, il faut aussi des millions de parties organiques semblables au tout pour former un seul des germes que contient l'individu d’un orme on d’un polype; et comme il faut séparer, briser et dissoudre un cube de sel marin pour appercevoir, au moyen de la crystailisation , les petits cubes dont il est composé , 1l faut de même sépa- rer les parties d’un orme ou d’un polype pour reconnoilre ensuite , au moyen de la. végétation ou du développement, les petits ormes ou les petits polypes contenus dans ces parties. \ La difficulté de se prêter à cette:idée me peut venir que d’up préjugé fortement établi dans l’esprit des hommes: on croit qu'iln’y a de moyens de juger du composé que par le simple, et que pour connoitrela constitution d 82 HISTOIRE NATURELLE organique d’un être, 1l faut le réduire à des : parties simples et non organiques ; ; en sorte F qu'il paroît plus aisé de concevoir. comment | un cube est nécessairement composé d’autres cubes, que de voir qu’il soit possible qu'un polype soit composé d’autres polypes. Mais examinons avec attention, et voyons ce qu'on doit entendre par le simple et par le com- posé ; nous trouverons qu’en cela, comme en tout, le plan de la Nature est bien dif- férent du canevas de nos idées. | Nos sens, comme l’on sait, ne nous donnent pas des notions exactes et complètes des choses que nous avons besoin de connoître. Pour peu que nous voulions estimer , juger, comparer, peser, mesurer, etc, nous sommes obligés d’avoir recours à des secours étran- gers , à des règles, à des principes, à des usages , à des instrumens , etc. Tous ces adminicules sont des ouvrages de l'esprit hu- main , et tiennent plus ou moins à la re- duction ou à l’abstraction de nos idées. Cette abstraction , selon nous, est le simple des choses , et la difficulté de les réduire à cette ‘abstraction fait le composé. L’étendue, par exemple , étant une propriété générale et M x / DES. ANIMAUX. “1.2 shairatée de la matière, n’est pas un sujet fort composé : cependant, pour en juger, nous avons imagine des étendues sans pro fondeur, d’autres étendues sans profondeur et sans largeur , et même des points qui sont des étendues sans étendue. Toutes ces abstrac- tions sont des échafaudages pour soutenir notre jugement. Et combien n’avons-nous pas brodé sur ce petit nombre de définitions qu'emploie la géométrie! Nous avons appelé simple tout ce qui se réduit à ges définitions, et nous appelons composé tout ce qui ne peut s'y reduire aisément; et de là un triangle, un quarreé , un cercle, un cube, etc. sont pour nous des choses simples, aussi-bien que toutes les courbes dont nous connois- sons les lois et la composition géomélrique : mais toùt ce que nous ne pouvons pas ré- duire à ces figures et à ces lois abstraites, nous paroit composé ; nous ne faisons pas attention que ces lignes, ces triangles , ces pyramides, ces cubes, ces globules, et toutes ces figures géométriques, n’existent que dans notre imagination; que ces figures ne sont que notre ouvrage , et qu’elles ne setrouvent peut-être pas daus la Nature; ou tout au moins que sielles s’y trouvent, c’est parce | que toutes les formes possibles s’y trouvent, et qu'il est peut-être plus difficileet plus rare de trouver dans la Nature les figures simples d'une pyramide équilatérale, ou d’un cube exact, que les formes composées d'une plante ou d'un animal. Nous prenons done par-tout l'abstrait pour le simple, etle réel pour le composé. Dans la Nature,au contratre, l’abs- trait n’existe point; rien n’est simple, et tout est composé. Nous ne pénétrerons jamais dans la structure intime des choses: dès lors mous ne pouvons guère prononcer sur ce qui est plus ou moins composé; nous n'avons d'autre moyen de le reconnoître que par le plus ou le moins de rapport que chaque chose paroïit avoir avec nous et avec le reste de l'univers ; et c’est suivant cette façon de juger que l'animal est à notre-egard plus composé que le végétal, et le végétal plus que le minéral. Cette notion est juste par. rapport à nous: mais nous ne savons pas si, dans la réalité, les uns ne sont pas aussi simples ou aussi composés que les autres, et nous ignorons si un globule ou un cube coûte plus ou moins à la Nature qu'un germe DES ANIMAUX. % eu une partie organique quelconque. Si nous voulions absolument faire sur cela des con- jectures, nous pourrions dire que les choses les plus communes , les moins rares et les plus nombreuses, sont celles qui sont les plus simples : mais alors les animaux seroient peut être ce qu’il y auroit de plus simple, puisque le mombre de leurs espèces excède de beaucoup celui de espèces de plantes ow de minéraux. \ “Mais sans nous arrêter plus long-temps à cette discussion, il suffit d’avoir montré que les idées que nous avons communément du simple ou du composé, sont des idées d’abs- traction, qu'elles ne peuvent pas s’appliquer à la composition des ouvrages de la Nature, et que lorsque nous voulons réduire tous les êtres à des élémens de figure régulière, ou à des particules prismatiques ;, cubiques, olo- buleuses , etc., nous mettons ce qui n’est que dans notre imagination à la place de ce qui est réellement ; que les formes des par- ties constituantes des différentes choses nous sont absolument inconnues , et que par conséquent nous pouvons supposer et croire qu'un être orsanisé est tout composé de É :HisTOSE sat SE parties organiques semblables, aussi-bien que Ÿ nous supposons qu’un cube est composé d'autres cubes:nous n'avons, pour en juger, d'autre règle que l'expérience; de la mème façon que nous voyons qu’un cube de sel marin est composé d’autres cubes , nous voyons aussi qu'un orme n’est qu un Com- posé d’autres petits ormes, puisqu'en pre- nant un bout de branche, ou un bout de racine , ou un morceau de bois séparé du trouc , ou la graine , il en vient également un orme ; 1l en est de même des polypes et de quelques autres espèces d'animaux qu’on peut couper et séparer dans tous les sens en différentes parties pour les multiplier ; et puisque notre règle pour juger est la même, pourquoi jugerions-nous différemment ? __ Îl me paroït donc très-vraisemblable, par les raisonnemens que nous venons de faire, qu’il existe réellement dans la Nature une infinité de petits êtres organisés , semblables en tout aux grands êtres organisés qui figu— rent dans le monde; que ces petits êtres orga- nises sont composés de parties organiques vivantes qui sont communes aux animaux et aux végétaux ; que ces parties organiques Le P DES ANIMAUX. 3% sont des parties primitives et incor ruptibles: que l'assemblage de ces parties forme à nos yeux des êtres organisés, el que par consé-— uen la reproduction ou la génération n’est qu'un changement de forme. qui se fait et s'opère par la seule addition de ces parties semblables, comme la destruction de l’être organisé se fait par la division de ces mêmes parties, On n’en pourra pas douter lorsqu'on aura vu les preuves que nous en donnons. dans les chapitres suivans ; d’ailleurs, si nous réfléchissons sur la manière dont les arbres croissent , et si nous examinons comment d'une quantité qui est si petite ils arrivent à un volume si considérable , nous trouve rons que c’est par la simple addition de petits êtres organisés semblables entre eux et au tout. La graine produit d’abord un petit arbre qu’elle contenoit en raccourci; au sommet de ce petit arbre il se forme un bou- ton qui contient le petit arbre de l’année sui- vante, et'ce bouton est une partie organique semblable au petit arbre de la première an- née ; au sommet du petit arbre de la seconde année 1l se forme de même un bouton qui contient le petit arbre de Ja troisième aunée ; : Mer, gén, XVIII. & 36 HISTOIRE NAT URELLE et ainsi de suite tant que V arbre croît en hate teur , et même tant qu’il végète , il se forme à l’extrémité de toutes les branches , des bou- tons qui contiennent en raccourci de petits arbres semblables à celui de la première an née : il est donc évident que les arbres sont composes de petits êtres organisés semblables, et que l'individu total est formé par l’assem- blage d’une multitude de petits individus semblables. | Mais, dira-t-on , tous ces petits êtres orga= nisés semblables étoient-ils contenus dans la graine, et l’ordre de leur développement y étoit-il tracé? car il paroît que le germe qui s'est développé la première année , est sur monté par un autre germe semblable, léquel ne se développé qu’à la seconde année; que celui-ci l’est de même d’un troisième qui ne se doit développer qu’à la troisième année ; et que par conséquent la graine contient réellement les petils êtres organisés qui doivent former des boutons ou de petits arbres au bout de cent et de deux cents ans, c’est-à-dire, jusqu’à la destruction de l'indi- vidu : il paroît de même que cette graine contient non seulement tous Les petits êtres DES ANIMAUX. 39 organisés qui doivent constituer un jour l’in- dividu , mais encore toules les graines , tous les individus et toutes les graines des graines, et toute la suite d'individus jusqu’à la des- truction de l’espèce. C’est ici la principale difficulté et Le point que nous allons examiner avec le plus d’at- tention. Il est certain que la graine produit, par le seul développement du germe qu’elle contient, un petit arbre la première année, et que ce petit arbre étoit en raccourci dans ce germe: mais il n’est pas également, cer tain que le bouton qui est le germe pour la seconde année , et que les germes des années suivantes , non plus que tous les petits êtres orgauisés et les graines qui doivent se succé- der jusqu’à la fiu du monde ou jusqu’à la destruction de l'espèce, soient tous contenus dans la première graine ; cette opinion sup- pose un progrès à l'infini, et fait de chaque individu actuellement existant une source de générations à l'infini. La première graine contenoit toutes les plantes de son espèce qui se sont déja multipliées , et qui doivent se multiplier à jamais ; le premier homme eontenoit actuellement et individuellement Pire AN ser, a ke $ ” 7 4 HISTOIRE NATURELLE tous les hommes qui ont paru et qui paroi- tront sur la terre; chaque graine, chaque animal, peut aussi se multiplier et produire à l'infini, et par conséquent contient, aussi- bien que la première graine ou le premier animal, une postérité infinie. Pour peu que. nous nous laissions aller à ces raisonnemens, nous allons perdre le fil de la vérité dans le labyrinthe de l'infini; et au lieu d’éclaircir. et de résoudre la question, nous n'aurons fait que l’envelopper et l'éloigner : c'est. mettre l’objet hors de la portée de ses yeux, et dire ensuite qu'il n’est pas possible de le Mort “Arrêtons-nous un peu sur ces idées de progrès et de développement à l'infini : d’où nous viennent-elles? que nous représentent elles? L’idée de l'infini ne peut venir que de l’idée du fini ; c’est ici un infini de succes- sion , un iñfini géométrique; chaque indi- vidu est une unité, plusieurs individus font un nombre fini, et l'espèce est le nombre infini. Ainsi, de la même façon que l’on peut démontrer que l'infini géométrique n'existe point, on s’assurera que le progrès ou le dé- veloppement à l'infini n'existe point non DES ANIMAUX. 4 4 plus ; que ce n’est qu’une idée d’abstraction , uu retrauchemeut à l’idée du fini, auquel on ête les limites qui doivent nécessairement terminer toute grandeur *, et que par consé- queut on doit rejeter de la philosophie toute opinion qui conduit nécessairement à l’idée de l'existence actuelle de l'infini géométrique ou arithmetique. L Il faut donc que les partisans de cette opi- nion se réduisent à dire que leur infini de _ succession et de multiplication n’est en effet qu’un nombre indéterminable ou indefini, un nombre plus grand qu'aucun nombre dont nous puissions avoir uneidée, mais qui n’est point infini; et cela étant entendu, il faut qu'ils nous disent que la première graine ou une graine quelconque, d'un orme, par exemple, qui ne pèse pas un grain, contient en effet et réellement toûtes les parties orga- niques qui doivent former cet orme et tous les autres arbres de cette espèce qui paroi- tront à jamais sur la surface de la terre :. mais par cette réponse que nous expliquent- J . L . e o. D * On peut voir la démonstration que jen ai don- née dans la préface de la traduction des Fluxions de Neswion, page 7 et suiv.. # } 4 HISTOIRE NATURELLE ils ? n'est-ce pas couper le nœud au lieu de le délier , éluder la question quand il faut la résoudre ? | | Lorsque nous demandons comment on ‘ peut concevoir que se fait la reproduction des êtres, et qu’on nous répond que dans le premier être cette reproduction étoit toute faite, c’est non seulement avouer qu’on C4 ignore comment elle se fait, mais encore renoncer à la volonté de le concevoir. On de- mande comment un être produit son sem— blable; on répond: C'est qu'il étoit tout pro- duit. Peut-on recevoir cette solution ? car qu'il n’y ait qu'une génération de l’un à Yautre , ou qu’il y en ait un million, la chose est ésale, la même difficulté reste; et bien join de la résoudre , en l'éloignant on y joint uue nouvelle obscurité par la supposition qu'on est obligé de faire du nombre infini de germes tous contenus dans un seul. J'avoue qu’il est ici plus aisé de détruire que d'établir, et que la question de ia repro- duction est peut-être de nature à ne pouvoir être jamais pleinement résolue: mais dans ce cas on doit chercher si elle est telle en ellet, et pourquoi nous devons la juger de _ DES ANIMAUX. 43 cette nature: en nous conduisant bien dans cet examen, nous en découvrirons tout ce qu’on peut en savoir, ou tout au moins nous reconnoitrons nettement pourquoi nous de- vons l’iguorer. : Il y a des questions de deux espèces, les unes qui tiennent aux causes premières ; les autres qui n'ont pour objet que les effets par- &iculiers : par exemple, si l’on demande pour- quoi la matière est impénétrable, on ne ré- pondra pas, ou bien on répondra par la question même, en disant, La matière est impenétrable par la raison qu’elle.e fimpé- netrable : et il en sera de même de toutes les qualités générales de la matière : pourquoi est-elle étendue , pesante , persistante dans son état de mouvement ou de repos ? on ne pourra jamais répondre que par la question même , Elle est telle, parcé qu’en effet elle est telle : et nous ré serons pas étonnes que l’on ne puisse pas répondre autrement, si nous y faisons attention; car nous sentirons bien que pour donner la raison d’une chose, il faut avoir un sujet différent de la chose, duquel sujet on puisse tirer cette raison :.0r tontes Les fois qu’on nous demandera la 2 Ci 1 À ( ? 2} M À OS À D L PAR n 44 HISTOIRE NATURELLE raison d’une cause générale, c’est-à-dire, d'une qualité qui appartient'sénéralement à tout ; des lors nous n'avons point de sujet à qu elle n'appartienne point, par conséquent rien qui puisse nous fournir une raisoh , et dès lors il est démontré qu'il est inutile de la chercher , puisqu'on iroit par-là contre la supposition, qui est que la qualité est géné rale, et qu’elle appartient à tout. Si l’on demande au contraire la raison d'un effet particulier, ou la trouvera tou- jours dès qu’on pourra faire voir clairement que céteffet particulier dépend immédiate- ment des causes premières dont nous venons de parler , et la question sera résolue toutes les fois que nous pourrons répondre que l'ef- fet dont il s’agit tient à un effet plus géne- ral; et soit qu'il y tienne immédiatement, ou qu'il y tienne par un enchaînement d’autres effets, la question sera également résolue, pourvu qu’on voie clairement Ja dépendance de ces effets les uns des autres, et les rapports qu'ils ont entre eux. Mais si l’effet particulier dont on demande la raison ne nous paroitpas dépendre de ces effets généraux , si non seulement il n’en L DES ANIMAUX. 45 dépend pas , mais même s’il ne paroît avoir aucune analogie avec les autres effeis parti- culiers, dès lors cet effet étant seul de son espèce , et n'ayant rien de commun avec les autres eflets , rien au moins qui nous soit connu, la question est insoluble, parce que pour donner la raison d’une chose, il faut avoir un sujet duquel on la puisse tirer, et que n’y ayant iei aucun sujet connu qui ait quelque rapport avec celui que nous voulons expliquer , il n’y a rien dont on puisse tirer cette raison que nous cherchons. Ceci est le contraire de ce qui arrive lorsqu'on demande la raison d’une cause générale ; on ne la trouve pas , parce que tout a les iméin es qua— lités ; et au contraire on ne trouve pas la raison de l'effet isolé dont nous parlons, parcé que rien de connu n’a les mêmes qualités: mais la différence qu'il y a entre l’un et Jautre, c’est qu'il est démontré, commeon l'a vu , qu'on ne peut pas trouver la raison d'uu effet général, sans quoi il ne seroit pas général, awlieu qu’on peut espérer de trou- ver un jour la raison d’un effet isolé, par la découverte de quelque autre effet relatif au premier que nous ignorons, et qu'on pourra À 6 HISTOIRE NATURELLE trouver ou pr hasard ou par des expé- xiences. ; | Il y a encore une autre espèce de question qu'on pourroit appeler gestion de fait : par exemple, pourquoi y a-t-il des arbres? pour- quoi y a-t-il des chiens? pourquoi y a-t-il des puces ? etc. Toutes ces questions de fait sont insolubles ; car ceux qui croient y ré- pondre par des causes finales, ne font pas attention qu’ils prennent l'effet pour la cause; le rapport que ces choses ont avec nous n’in- fluant point du tout sur leur origine, la con- venance morale ne peut jamais devenir une raison physique. Aussi faut-il distinguer avec soin les ques- tions où l’on emploie le pourquoi, de celles où l’on doit employer le comment, et encore de celles où l’on ne doit employer que le combien. Le pourquoi est toujours relatif à Ja cause’de l'effet ou au fait même, le com- ment est relatif à la façon dont arrive l'effet, et le combien n’a de rapport qu'à la mesure de cet effet. ” Tout ceci étant bien entendu , examinons maintenant la question de la reproduction des êtres. Si l’on nous demande pourquoi les A M RNA TT ST MTS Û je ; ‘ # h ent DES ANIMAUX. 47 animaux et les végétaux se reproduisent , nous reconnoitrons bien clairement que cette demande étant une question de fait, elle est dès lors insoluble, et qu’il est inutile de chercher à la résoudre: mais si l’on demande comment les animaux et les végétaux se re produisent , nous croirons y satisfaire en faisant l'histoire de la génération de chaque animal en particulier, et de la reproduction de chaque végétal aussi en particulier. Mais lorsqu'après avoir parcouru toutes les ma nières d'engendrer son semblable , nous au- rons remarqué que toutes ces histoires de la génération , accompagnées même des obser— vations'les plus exactes, nous apprennent seulement les faits sans nous indiquer les causes, et que les moyens apparens dont la Nature se sert pour la reproduction, ne nous paroissent avoir aucun rapport avec les effets qui en résultent, nous serons obligés de changer la question , et nous serons réduits à demander, quel est douc le moyen caché que la Nature peut employer pour la repro- duction des êtres ? | Cette question, qui est la vraie, est, comme l’on voit, bien différente de la première ei 48 HISTOIRE NATURELLE _de la seconde : elle permet de chercher ét | d'imaginer; et dès lors elle n’est pas inso- Jüble, car elle ne tient pas immédiatement à ane cause générale : elle n’est pas non plus une pure question de fait ; et pourvu qu'on puisse concevoir un moyen de reproduction, l’on y aura satisfait : seulement il est néces= saire que ce moyen qu’on imaginera dépende des causes principales, ou du moins qu'iln y répugne pas; et plus il aura de rapport avec les autres effets de la Nature, mieux il sera fondé. i Par la question mème, il est donc permis de faire des hypothèses et de choisir celle qui nous paroîtra avoir le plus d’analogie avec les autres phénomènes de la Nature: mais il faut exclure du nombre de celles que nous pour- rions employer, toutes celles qui supposent la chose faite; par exemple , celle par la- quelle on supposeroit que dans le premier germe tohs les germes de la même espèce étoient contenus, ou bien qu’à chaque repro- duction 1l ÿ a une nouvelle création , que c’est un effet immédiat de la volonté de Dieu: et cela, parceque ces hypothèses se réduisent à des questions de fait, dont il n’est pas/poss Lé [1 71 de ._ 2DES ANIMAUX. 49 sible de trouver les raisons. Il faut auséi re- jeter toutes les hypothèses qui auroient pour objet les causes finales, comme celles où l’on diroit que la reproduction se fait pour que le vivant remplace le mort, pour que la terre soit toujours également couverte de végétaux et peuplée d'animaux , pour que l’homme trouve abondamment sa -subsistance , etc., parceque ces hypothèses, au lieu deroulersur les causes physiques de l'effet qu'on cherche à expliquer, ne portent que sur des rapports arbitraires et sur des convenances morales. En même temps il faut se défier de ces axiomes absolus , de ces proverbes de phy- sique que tant de gens ont mal-à-propos em- ployés comme principes: par exemple, ilne se fait point de fécondation hors du corps, nulla foœcundatio extra corpus; tout vivant vient d’un œuf; toute génération suppose des sexes, eic. Îl ne faut jämais prendre ces maximes dans un sens absolu, et il faut pen- ser qu’elles signifient seulement que cela est ordinairement de cette façon plutôt que d’une autre, | Cherchons donc une hypothèse qui n’ait aucun des défauts dont nous ne dé par- So HISTOIRE NATURELLE ler, et par laquelle on ne puisse tomber danis M aucun des inconvéniens que nous venons d'exposer ; et si nous ne réussissons pas à expliquer la mécanique dont se sert la Na- ture pour opérer la reproduction, au moins nous arriverons à quelque chose de plus vrai-. semblable que ce qu'on a dit jusqu'ici. De la même façon que nous pouvons faire | des moules par lesquels nous donnons à l’ex- térieur des corps telle figure qu’il nous plait, supposons que la Nature puisse faire des moules par lesquels elle donne non seule- ment la figure extérieure, mais aussi la forme intérieure : ne seroit-ce pas un moyen par lequel la reproduction pourroit être opérée ? Considérons d’abord sur quoi cette suppo- sition est fomdée , examinons si elle ne ren— ferme rien de contradictoire, et ensuite nous verrons quelles conséquences on en peut tirer. Comme nos sens ne sont juges que de l'extérieur des corps, nous comprenons net- tement les affections extérieures et les diffe— rentes figures des surfaces , et nous pouvons imiter la Nature et rendre les figures exte— rieures par différentes voies de représenta- SSSR PE | DES ANIMAUX. M tion , comme la peinture, la sculpture et Les moules: mais quoique nôs sens ne soient juges que des qualités extérieures, nous n'a- vons pas laissé de reconnoître qu’il y a dans les corps des qualités intérieures , dont quel- ques unes sont générales, comme la pesan- teur; cette qualité ou cette force n’agit pas relativement aux surfaces, mais proportion- nellement aux masses, c’est-à-dire, à la quantité de matière. Il y a donc dans la Na- ture des qualités , même fort actives, qui pénètrent les corps jusque daus les parties jes plus intimes : nous n’aurons jamais une idée nette de ces qualités, parce que, comme je viens de le dire, elles ne sont pas exté- rieures, et que par conséquent elles ne peu- ventépas tomber sous nos sens; mais nous pouvons en comparer les effets ,’et il nous : e ‘ 49 à à DES ANIMAUX. 57° pourroit être converti en matière organique d'une seule espèce. La puissance active de la Nature ne seroit arrêtée que par la resistance des matières , qui, n'étant pas tontes de l’es- pèce qu'il faudroit qu’elles fussent pour être susceptibles de cette organisation, ne se con- vertiroient pas en substance organique; et “cela même nous prouve que la Nature ne tend pas à faire du brut, mais de l’orsa- nique , et que quand elle n'arrive pas à ce but, ce n’est que parce qu’il y a des incon- yéniens qui s’y opposent. Ainsi il paroit que son principal dessein est en eïfet de produire des corps organisés , et d’en produire le plus qu’il est possible ; car ce que nous ayons dit de la graine d’orme peut se dire de tout autre germe, etil seroit facile de démontrer que si, à commencer d'aujourd'hui, on faisoit éclore tous les œufs de toutes les poules , et que pendant trente ans on eût soin de faire éclore de mêine tous ceux qui viendroient, sans détruire aucun de ces animaux ,au bout de ce temps il y en auroit assez pour couvrir la surface entière de la terre, en les mettant tout près les uns des autres. | Fu réfléchissant sur cette espèce de calcul, 58 HISTOIRE NATURELLE on se familiarisera avec cette idée singulière, | que l’organique est l’ouvrage le plus ordi- à maire de la Nature, et apparemment celui qui lui coûte le moins. Mais je vais plus Join : il me paroît que la division générale qu'on devroit faire de la matière, est zzatière * DR givante et matière morte, au lieu de dire matière organisée et matière brute : le brut n’est que le mort; je pourrois le prouver par cette quantité énorme de coquilles et d’autres dépouilles des animaux vivaus qui font la principale substance des pierres , des mar- bres , des craies et des marnes, des terres, des tourbes, et de plusieurs autres matières que nous appelons brutes , ét qui ne sont que les débris et les parties mortes d'animaux ou de végétaux ; mais une réflexion qui me pa-— roit être bien fondée, le fera peut-être mieux sentir. Après avoir médité sur l'activité qu’a la Nature pour produire des êtres organisés , après avoir vu que sa puissance à cet égard n’est pas bornée en elle-même, mais qu’elle est seulement arrêtée par des inconvéniens æt des obstacles extérieurs , après avoir re- gonuu qu'il doit exister une infinité de par- é < ù | DÉS ANIMAUX. pe 5g ties organiques vivantes qui doivent pro- duire le vivant, après avoir montré que le vivant est ce qui coûte le mojns à la Nature, je cherche quelles sont les causes principales de la mort et de la destruction, et je vois qu'en général les êtres qui ont la puissance de convertir la matière en leur propre subs- tance, et de s’assimiler les parties des autres ètres , sont les plus grands destructeurs. Le feu , par exemple, a tant d'activité, qu'il tourne en sa propre substance presque toute la matière qu'on lui présente; il s’assimile et se rend propres toutes les choses combus- tibles : aussi est-il le plus grand moyen de destruction qui nous soit connu. Les ani- maux semblent participer aux qualités de la flamme; leur chaleur intérieure est une es- pèce de feu: aussi après la flamme les ani- maux sont les plus grands destructeurs , et ils assimilent et tournent en leur substance toutes les matières qui peuvent leur servir d’alimens, Mais quoique ces deux causes de destruction soient très-considérables , et que leurs effets tendent perpétuellement à l’a-' néantissement de l’organisation des êtres, la eause qui la reproduit est infiniment plus ‘60 HISTOIRE NATURELLE puissante et plus active; il semble qu elle è ‘emprunte de la destruction même >. des | moyens pour apérer la reproduction ; puisque l'assimilation qui est une cause de mort, est en même temps un moyen nécessaire pour produire le vivant, = Détruire un être organisé, n'est, comme nous l'avons dit , que séparer les parties or- ganiques dont il est composé ; ces mêmes parties restent séparées jusqu’à ce qu’elles soient réunies par quelque puissance active : mais quelle est cette puissance? celle que les animaux et les végétaux ont des assimiler la matière qui leur sert de nourriture, n est— elle pas la même, ou du moins n’a-t-elle pas ” beaucoup de rapport avec celle qui doit opé- rer la reproduction ? D i CS ré A “ DES ANIMAUX, , 6: ee ee EE BA BITRE EL * De la nutrition et du développerient. …. PRE A D me >) ; L corps d’un animal est une espèce de moule intérieur , dans lequel la matière qui sert à son accroissement se modèle et s’assi- mile au total; de manière que sans qu'il arrive aucun changement à l'ordre et a à proportion des parties, il en résulte cepen- dant une augmentation dans chaque partie prise séparément, et c'est celle augmenta- tion de volume qu’on appelle développement, parce qu'on a cru en rendre raison en disant que l’animal étant formé en petit comme il l’est en grand, il n'étoit pas difficile de con- cevoir que ses parties se développoieut à mesure qu’une matière accessoire venoit / augmenter proportionnellement chacune de ses parties. Mais cette même augmentation, ce déve 6: “ | + 6 HISTOIRE KATURELLE Jloppement , si on veut en avoir une idéé | nette, comment peut-il se faire, si ce n’est en considérant le corps de l’auimal, et mème chacune de ses parties qui doivent se déve- lopper , comme autant de moules intérieurs qui ne reçoivent la matière accessoire que dans l’ordre qui résulte de la position de toutes leurs parties? Et ce qui prouve que ce développement ne peut pas se faire, comme on se le persuade ordinairement, par la seule addition aux surfaces, et qu’au contraire ik s'opère par une susception intime et qui pénètre la masse, c’est que, dans la partie qui se développe , le volume et la masse aug mentent proportionnellement et sans chan- ger de forme : dès lors il est nécessaire que la matière qui sert à ce développement pés nètre, par quelque voie que ce puisse être , l'interieur de la partie, et la penètre dans toutes les dimensions; et cependant il est en même temps tout aussi nécessaire que cette pénétration de substance se fasse dans un certain ordre et avec une certaine mesure, telle qu'il n'arrive pas plus de substance à un point de l’intérieur qu’à un autre point, saus quoi certaines parties du tout se déve» re Se / ER À DES ANIMAUX. 63 Topperoient plus vite que d’autres , et dés Jors la forme seroit altérée. Or que peut-1l y avoir qui prescrive en effet à la matière accessoire cette règle , et qui la contraigne à arriver également et proportionnellement à tous les points de l’intérieur , si ce n’est le moule intérieur ? s Il nous paroït donc certain que le corps de l'animal ou du végétal est un moule inté- rieur qui a une forme constante , mais dont la masse et le volume peuvent augmenter proportionnellement, et que l'accroissement, ou, si l’on veut , le développement de l’ani- mal ou du végétal, ne se fait que par l’ex- tension de ce moule dans toutes ses dimen- sions extérieures et intérieures ; que cette extension se fait‘par l’intus-susception d’une malière accessoire et étrangère qui pénètre dans l’intérieur , qui devient semblable à la forme, et identique avec la matièredu moule. Mais de quelle nature est cette matière que l'animal ou le végétal assimile à sa substance? quelle peut être la force ou la puissance qui donne à cette matiere l’activité et le mouve- ment nécessaire pour pénétrer le moule inté- xieur? et s’1] existe une telle puissance, ne 64 HISTOIRE KATURELLE sé | seroit-ce pas par une puissance semblable. que le moule intérieur lui-même pourroit ètre reproduit ? | Ces trois questions renferment, comme Yon voit, tout ce qu’on peut demander sur ce sujet, et me paroissent dépendre les unes des autres, au point que je suis persuadé qu'on ne peut pas expliquer d’une manière satisfaisante la reproduction de l'animal et. du végétal, si l’on n’a pas une idée claire de la façon dont peut s’opérer ia nutrition : il faut doncexaminer séparément ces troisques- tion , afin d’en comparer les conséquences. La première, par laquelle on demande de quelle nature est cette matière que le végé- tal assimile à sa substance, me paroïit être, en parlie résolue par les raitsonnemens que mous avons faits, et sera pleinement démon- trée par des observations que nous rappor- terons dans Les chapitres suivans. Nous ferons voir qu'il existe dans la Nature une infinité de parties organiques vivantes ; que les êtres organisés sont composés de ces parties orga- niques; que leur production ne coûte rien à la Nature , puisque leur existence est cons- … | k faute et invariahble; que les causes de des- 4 DES ANIMAUX. . 60 truction ne font que les séparer sans les dé- truire : ainsi la matière que l’animal ou Île végétal assimile à sa substance, est une ma- _lière organique qui est de la même nature que celle de l'animal ou du végétal, laquelle par conséquent peut en augmenter la masse et le volume sans en changer la forme et sans altérer la qualité de la matière du moule, puisqu'elle est en effet de la même forme et de la même qualité que celle qui le cons- tite. Ainsi, dans la quantité d’alimens que Vanünal prend pour soutenir sa Vie et pour entretenir le jeu de ses organes, et dans la séve que le végétal tire par ses racines etpar ses feuilles, il y en a une grande partie qu’il rejette par la transpiration , les sécrétions et les autres voies excrétoires, et il n’y en a qu'une petite portion qui serve à Ja nourri- ture intime des parties et à leur développe- ment. Îl est très-vraisemblable qu'il se fait dans le corps de l'animal ou du végétal une séparation des parties brutes de la matière des alimens et des parties organiques; que les premières sont emportées par les causes dont nous venons de parler ; qu’il n'y aque les parties organiques qui resient dans le 5 OUR \ SARL TAN ARTE ' FA PONT RTS OO FAO net I : ' av VUE i a 66 HISTOIRE NATURELLE corps de l'animal ou du végétal, et que la distribution s'en fait au moyen de quelque puissance active qui les porte à toutes les parties dans une proportion exacte , et telle . qu'il n'en arrive ni plus ni moins qu il ve. faut pour que la nutrition , l’accroissement ou le développement se fassent d’une manière à peu près égale. | C’est ici la seconde question. Quelle peut être la puissance active qui fait que cette ma- tière organique pénètre le moule intérieur, el se joint ou plutôt s’incorpore intimement avec lui? [Il paroît par ce que nous avons dit dans le chapitre précédent, qu’il existe dans la Nature des forces comme celle de la pe- santeur, qui sont relatives à l’intérieur de la matière, et qui n’ont aucun rapport avec les qualités extérieures des corps, mais qui agissent sur les parties les plus intimes et qui les pénétrent dans tous les points. Ces forces , comme nous l'avons prouvé, ne pourront jamais famber sous nos sens, parce que leur action se faisant sur l’inté- rieur des corps, çt nos senis ne pouvant nous représenter que ce qui se fait à l'extérieur, elles ne sont pas du geure des choses que DES ANIM'AUX. 67 “ous puissions appercevoir ; il faudroit pour cela que nos yeux , au lieu de nous repre- senter les surfaces, fussent organisés de fa- çon à nous représenter les masses des corps, et que notre vue pût pénétrer dans leur structure et dans la composition intime de Ja matière : il est donc évident que nous n'aurous jamais d'idée nelte, de ces forces pénétrantes , ni de la manière dont elles agissent ; mais en même temps 1} n’est pas moins certain qu’elles existent, que c'est par leur moyen que se produisent la plus srande partie des effets de la Nature, et qu'on doit en particulier leur attribuer l'effet de Ja nutrition et du développement, puisque nous sommes assurés qu'il nese peut faire qu'au moyen de là pénétration intime du moule intérieur : car de la mème façon que la force de la pesanteur pénètre l’intérieur de ioute matière , de même la force qui pousse ou qui attire les parties organiques de la nourriture, pénètre aussi dans l’inté- rieur des corps organisés , et les y fait, en- trer par son action; et comme ces corps ont une certaine forme que nous avons ap- pelée le moule intérieur , les parties orga- niques, poussées par l’action de la force pé= 68 HISTOIRE NATURELLE | nétrante, ne peuvent y entrer que dans un certain ordre relatif à cette forme ; ce qui ; par conséquent, ne la peut pas changer ” imais seulement en augmenter toutes les dimensions tant extérieures qu'intérieures, et produire ainsi l'accroissement des corps L” organisés et leur développement ; et si das . ce corps organisé, qui se développe par ce 1 moyen, 1lse trouve une ou plusieurs par ties semblables au tout, cette partie ou ces parties, dontla forme intérieure et extérieure est semblable à celle du corps entier , seront celles qui opéreront la reproduction. Nous voici à la troisième question. N'est- ce pas par une puissance semblable que le moule intérieur lui-mème est reproduit ? Non seulement c'est une puissance sem blable, mais il paroit que c’est la même puissance qui cause le développement et la” reproduction; car il suffit que dans le corps organisé qui se développe, il y ait quelque partie semblable au tout, pour que cette partie puisse un jour devenir elle-même ün corps organisé tout semblable à celui dont elle fait actuellement partie. Dans le à À ‘1 ÿ D 7] DES ANIMAUX. 69. où nous considérons le développement du corps entier , cette partie dont la forme in-— térieure et extérieure est. semblable à celle du corpsentier,ne se développant quecomme partie daus ce premier développement, elle ne présentera pas à 1105 yeux une fisure sen- sible que nous puissions comparer actuelle- ment avec le corps entier: mais si on la sépare de ce corps et qu'elle trouve de Ia nourriture, elle commencera à se dévelop per comme corps entier, et nous offrira bientôt une forme semblable, tant à l'exté— rieur qu'à l'intérieur, et deviendra par ce second développement un être de là même espèce que le corps dont elle aura été sépa- rée:ainsi dans les saules et dans les polypes, comme 1l y a plus de parties organiques semblables au tout que d’autres parties, chaque morceau de saule ou de polype qû’on retranche du corps entier, devient un saule ou uu polype par ce second développement. _ Or un corps organisé dont toutes les par- ties seroient semblables à lui-même, comme ceux que nous venons de citer, est un corps dont l'organisation est la plus simple de toutes , comme nous l'avons dit dans le pre- 1 7o HISTOIRE NATURELLE ! £ 9 w AR WE NA LE AT L'ART S A4 STOTENESR y à a Se A 4 j mier chapitre ; car ce n'est que la répétition de la même forme , et une composition de figures semblables toutes organisées de même; et c’est par cétte raison que Les corps les plus - simples, les espèces les plus imparfaites sont celles qui se reproduisent le plus aisément et le plus abondamment; au lieu que si un : corps organisé ne contient que quelques perR | ties semblables à lui-même, alors il n’y-a que ces parties qui puissent arriver au second développement, et par conséquent la repro- duction ne sera ni aussi facile ni aussi abon- dante dans ces espèces qu'elle l’est dans celles dont toutes les parties sont semblables au tout ; mais aussi l’orsanisation de ces corps sera plus composée que celle des corps dont toutes les parties sont semblables, parce que le corps entier sera composé de parties à la vérité toutes organiques, mais différem- ment organisées ; et plus il y aura dans le corps organisé de parties différentes du tout et différentes entre elles, plus l'organisation de ce corps sera parfaite, et plus la repro- duction sera difficile. | È Se nourrir, se développer et se reproduire, sont donc les eflets d’une seule et même 4 ( PR à €” À | DES ANIMAUX. Es câuse : le corps organisé se nourrit par les parties des alimens qui lui sont analogues, il se développe par la susception intime des parties organiques qui lui conviennent, et _ ilse reproduit, parce qu'il contient quel- ques parties organiques qui lui ressemblent. Îl reste maintenant à examiner si ces parties organiques qui lui ressemblent, sont venues däns le corps organisé par la nourriture, où bien si elles y étoient auparavant. Si nous supposons qu'elles y étoient auparavant , nous retombons dans le progrès à l'infini des parties ou germes semblables contenus les uns dans les autres; et nous avons fait voir l'insuffisance et Les difficultés de cette hypo- thèse. Ainsi nous pensons que les parties semblables au tout arrivent au corps orga- nisé par la nourtiture; et il nous paroît qu'on peut, après ce qui a été dit, concevoir . Ja manière dont elles arrivent et dont les molécules ofganiques qui doivent les for- mer, peuvent se réunir. IL se fait, comme nous l'avons dit, une séparation de parties dans la nourriture : celles qui ne sont pas organiques, et qui par conséquent ne sont point analogues à Pani- 72 HISTOIRE NATURELLE mal ou au végétal, sont rejetées hors du corps organisé par la transpiration et par les autres voies excrétoires ; celles qui sont or= ganiques restent et servent au développe ment et à la nourriture du corps organisé : mais dans ces parties organiques il doit Y avoir beaucoup de variété, et des espèces de parties organiques très-différentes les unes des autres; et comme chaque partie du corps organisé reçoit les espèces qui lui con- viennent le mieux , et dans un nombre et une proportion assez égale, il est très-naturel d'imaginer que le superflu de cette matière: organique qui ne peut pas pénétrer les par- iies du corps organisé, parce qu'elles on£ reçu tout ce qu’elles pouvoient recevoir; que ce superflu, dis-je , soit renvoyé de toutès les parties du corps dans un ou plusieurs endroits communs, où toutes ces molécules organiques se trouvant réunies, elles forment de petits corps organisés semblables au pre- mier, et auxquels il ne manque que les moyens de se développer; car toutes les parties du corps organisé renvoyant des parties organiques semblables à celles dont elles sont elles-mêmes composées ; il est DES ANIMAUX. 73 nécessaire que de Ja réunion de toutes ces parties il résulte un corps organise sem blable au premier. Cela étant entendu, ne . peut-on pas dire que c’est par cette raison que dans le teimps de l'accroissement et du développement, les corpsorganisés ne peuvent encore produire ou ne produisent que peu, parce que les parties qui se développent, absorbent la quantité entière des molécules organiques qui leur sont propres, et que À n’y ayant point de parties superflues , il n'y én a point de renvoyées de chaque partie du corps, et par conséquent il n’y a encore . aucuñe reproduction ? | Cette explication de la nutrition et de la reproduction ne sera peut- -être pas reçue de ceux qui ont pris pour fondement de leur philosophie, de n’admettre qu’un certain nombre de principes mécaniques, el de re— jeter tout ce qui ne dépend pas de ce petit nombre de principes. C’est là, diront-ils, cetie grande différence quiest entre la vieille-- philosophie et celle d'aujourd'hui : il n’est plus permis de supposer des causes, il faut rendre raison de tout par les lois de la mé- canique, et il n’y a de bounes explications Mar gén, XVI1I. 7 54 HISTOIRE NATURELLE que celles qu’on en peut déduire; et comme | celle que vous donnez de la nutrition et de la reproduction n'en dépend pas, nous ne devons pas l’admettre. J'avoue que. je pense bien différgnment de ces RhtGs Se il me semble qu'en n’admettant qu'un certain nombre de principes mécaniques , ils n’ont pas senti combien ils rétrécissoient la philo- sophie ; et ils n’ont pas vu que pour un phénomène qu'on pourroit y rapporter, 1ly en avoit mille qui en étoient indépendar L'idée de ramener l'explication de tous les phénomènes à des principes mécaniques est assurément grande et belle; ce pas est le : plus hardi qu’on püt faire en philosepiée et c’est Descartes qui l’a fait. Mais cette idée n’est qu’un projet ; et ce projet est-il fonde? Quand même il le seroit,, avonis-nous les moyens de l’exécuter ? Ces principes meca- | niques sont l'étendue de Ia matière, son impénétrabilité , son mouvement, sa figure | xtérieure , sa divisibilité, la communica- tion du mouvement par la voie de l’impul- sion , par l’action des ressorts, etc. Les idées particulières de chacune de ces qualités de la matière nous sont venues par les sens, et DUUNDES ANIMAUX. |: 75 mous les avons regardées comme principes , parce que nous avons reconnu qu'elles étoient séuérales, c’est-à-dire, qu’elles appartenoient ou pouvoient appartenir à toute la matière: mais devons-nous assurer que ces qualités soient les seules que la matière ait en effet? ou plutôt ne devons-nous pas croire que ces qualités que nous prenons pour des principes, ne sont autre chose que des façons de voir ? et ne pouvons-nous pas pénser que Si nos sens étoient autrement conformés, nous reconnoîtrions dans la matière des qualites très-différentes de celles dont nous venous de faire l’énumération ? Ne vouloir admettre dans la matière que les qualités que nous lui connoissons , me paroit une prétention vaine et mal fondée. La matière peut avoir beaucoup d’autres qualités générales que nous ignorerons toujours ; elle peut en avoir d'autres que nous découvrirons, comme celle de la pesanteur , dont on a dans ces derniers temps fait une qualité générale , et avec rai- son , puisqu'elle existe également dans toute la matière que nous pouvons toucher, et même dans celle que nous sommes réduits à ne connoitre que par le rapport de nos yeux: AU te Fe RE r£ de ï HISTOIRE NA TURELLE chacune de ces qualités générales dote | un nouveau principe tout aussi mécanique qu'aucun des autres, et l’on ne donnera ja- mais l’explication ni des uns ni des autres, La cause de l'impulsion, ou de tel autre principe mécanique reçu, sera toujours aussi impossible à trouver que celle de. l'attraction ou de telle autre qualité générale qu'on pour- roit découvrir ; et dès lors n'est-il pas très- raisonnable de dire que les principes meca- niques ne sont autre chose que les effets ge néraux que l’expériefce nous a fait remar- quer dans toute la matière , et que toutes les fois qu’on découvrira, soit par des réflexions, soit par des comparaisons , soit par. des me- sures ou des expériences, un nouvel effet général, on aura un nouveau principe mé canique qu’on pourra employer avec autant de sûreté et d'avantage qu'aucun des autres? Le défaut de la philosophie d’Aristote étoit d'employer comme causes tous les effets par- ticuliers; celui de celle de Descartes est de ne vouloir employer comme causes qu'un petit nombre d’effets généraux, en donnant l'exclusion à tout le reste. Il me semble que \ la philosophie sans défaut seroit celle où l’on PA ee ER SUR EE 1 > / DES ANIMAUX, 7e n'emploieroit pour causes que des effets gé- _ méraux, mais où l’on chercheroit en même temps à en augmenter le nombre, en tächant de généraliser les effets particuliers. J'ai admis dans mon explication du déve- loppement et de la reproduction, d’abord les principes mécaniques reçus, ensuite celui de Ja force pénetrante de la pesanteur qu’on est obligé de recevoir ; et par analogie, j'ai cru pouvoir ‘dire qu’il y avoit d'autres forces pénétrantes qui s’exerçoient dans les corps organisés , comme l'expérience nous en as- sure. J'ai prouvé par des faits que la matière tend à s'organiser, et qu’il existe un nombre dnfai de parlies organiques. Je n’ai donc fait que généraliser les observations, sans avoir rien avancé de contraire aux principes mé-— caniques à lorsqu'on entendra par ce mot ce que l’on doit entendre en effet, c’est-à-dire” les effets généraux de la Nature, ss : à oi (Re AR OU Pe CT T LG TRAME At MT RAIN [ 4h 1 x j 174 58 HISTOIRE NATUREL LLE { LOTS Ce 4 L CHAPITRE IV. De la génération des animaux. jai Co MME l’organisation de l'homme et des animaux est la plus parfaite et la plus com- posée, leur reproduction est aussi la plus difficile et la moins abondante: car j'excepte ici de la classe des animaux ceux qui, comme - les polypes d’eau douce, les vers, etc. se reproduisent de leurs parties séparées, comme les arbres se reproduisent de boutures, ou les plantes par leurs racines divisées et par, caieux ; j'en excepte encore les pucerons et les autres espèces qu'on pourroit trouver , qui se multiplient d'eux-mêmes et sans co- pulation. Il me paroît que la reproduction des animaux qu'on coupe , celle des puce- rons, celle des arbres par les boutures, celle. des plantes par racines ou par caïeux, sont suffisamment expliquées par ce que nous. "DES ANIMAUX. 9 avons dit dans le chapitre précédent : car pour bien entendre la manière de cette repro- duction , il suit de concevoir que dans la mourriture que ces êtres organisés tirent , ik - y a des molécules organiques de différentes espèces ; que, par une force semblable à celle qui produit la pesanteur, ces molécules orsa- niques pénètrent toutes les parties du corps organisé, ce qui produit le développement et fait la nutrition ; que chaque partie du corps organisé , chaque moule intérieur, n’admeët que les molécules organiques qui lui sont propres ; et,enfin que quand le développe= ment et l’accroisseinent sont presque faits en entier , le surplus des molécules organiques qui y servoient auparavaut , est renvoyé de chacune des parties de l’individu dans un ou plusieurs endroits , où se trouvant toutes rassemblées , etles forment par leur réunion un ou plusieurs petits corps organisés ; QUE doivent être tous semblables au premier in- dividu , puisque chacune des parties de eet individu à renvoyé les molécules organiques qui lui étoient les plus analogues, celles qui aurotent servi à sou développement s’il n’eñt pas été fait, celles qui par leux similitude. vC Rd: y n UNE MORE) \ ii d \ A7 à LT der FAN a dy w À né # PONT AA 80 . te De NATURELLE peuvent servir à la nutrition, celles a qui ont à peu près la même forme. organique | que ces parties elles-mêmes. Ainsi dans toutes les espèces où un seul individu produit son semblable, il est aisé de tirer l’ explication de Ja reproduction , de celle du développement | et de la nutrition. Un puceron, par exemple, ou un oignon, reçoit, par la nourriture, des. molécules organiques et des molécules brutes ; la séparation des unes et des autres se fait dans le corps de l’animal ou de la-plante : tous deux rejettent par différentes voies ex— crétoires les parties brutes ; les molécules organiques restent : celles qui sont les plus. analogues à chaque partie du puceron ou de l'oignon , pénètrent ces parties qui sont au- tant de moules intérieurs différens les uns des autres, et qui n’admettent par consé- \quent que les molécules organiques qui leur conviennent ; toutes les parties du corps du puceron et de celui de l'oignon se dévelop- pent par cette intus-susception des molécules : qui leur sont analogues; et.lorsque ce deve- loppement est à un certain point, que le puceron a grandi et que l'oignon a grossi assez pour être un puceron adulte et un DES ANIMAUX. | 81 oignon for me , Bi quantité de molecules or- » ganiques qu’ils continuent à recevoir par la nourriture , au lieu d’être ‘employée au deé- veloppement de leurs différentes parlies , est . renyoyée de chacune de ces parties dans un ou plusieurs endroits de leur corps, où ces molécules organiques se rassemblent et se réunissent par une force semblable à celle | qui leur faisoit pénétrer les différentes parties du corps de ces individus ; elles forment par leur réunion un ou plusieurs petits corps organisés , entièrement semblables au puce- ron ou à l'oignon ; et lorsque ces petits corps organisés sont formés, il ne leur manque plus que les moyens de se développer; ce qui se fait dès qu'ils se trouvent à portée de la nourriture : les petits pucerons sortent du corps de leur père.et la cherchent sur les feuilles des plantes ; on sépare de l’oignon son caïeux , etil la trouve dans le sein de la lerre: ns Mais comment appliquerons-nous ce raie sonnement à la génération de l’homme et des animaux qui ont des sexes, et pour laquelle il est nécessaire que deux individus concourent ? On entend bien, par ce qui 4 \ # 14 4 y ? | }, D à è TUE W4 82 HISTOIRE NAT Had PT vient d’être dit, comment chaque individu peut produire son semblable: mais on ne ‘4 conçoit pas comment deux individus , l'un mâle et l'autre femelle , en produisent un” troisième qui a constamment l’un ou l’autre * » de ces sexes ; il semble même que la théorie qu’ on vient de donner nous éloigne de l'ex- plication de cette espèce de génération , qui cependant est celle qui nous intéresse le plus. Avant que de répondre à cette di ; je ne puis m'empêcher d'observer qu’une des premières choses qui m’aient frappé lorsque j'ai commencé à faire des réflexions suivies sur la géuération, c'est que tous ceux qui ont fait des recherches et des systèmes sur cette matière, se sont uniquement attachés à la génération de l’homme et des animaux ; ils ont rapporté à cet objet toutes leurs idées, et, n'ayant considéré que cette génération particulière , sans faire attention aux autres espèces de générations que la Nature nous offre, ils n’ont pu avoir d'idées générales sur la reproduction ; et comme la génération de l’homme et des animaux est de toutes les espèces de générations la plus compliquée, #4 DES ANIMAUX. 83 ils ont eu un graud désavantage dans leurs recherches, parce que non seulement ils ont attaqué le point le plus difficile et le phéno- mène le plus compliqué, mais encore parce qu'ils n’avoient aucun sujet de comparaison dont il leur: füt possible de tirer la solution de la question : c’est à cela principalement que je crois devoir attribuer le peu de succès de leurs travaux sur cette matière , au lieu que je suis persuadé que par la route que j'ai prise on peutarriver à expliquer d’une ma- uière satisfaisante les phénomènes de toutes les espèces de generations. Celle de l’homme va nous servir d'exemple. Je le prends dans l’enfance, et je conçois que le développement ou l’accroissement des dif iérentes parties de son corps se faisant par la pénétration intime des molécules organiques analogues à chacune de ces parties, toutes ces molécules organiques sont absorbées dans le premier âge et entièrement employées au développement ; que par conséquent il n’y -en a que peu ou point de superflues, tant que le développement n’est pas achevé, et que c'est pour cela que les enfans sont incapables rU engendrer. Mais lorsque Le corps a pris la 84 HISTOIRE NAT UMÉLE ES plus grande etre de son accroissement , 4 | commence à n’avoir plus besoin d’une aussi grande quantité de molécules organiques pour se développer ; le superflu de ces mêmes molécules organiques est donc renvoyé de chacune des parties du corps dans des ré- servoirs destinés à les recevoir: ces réservoirs sont les testicules et les vésicules séminales : C’est alors que commence la puberté, dans le temps, comine on voit, où le développement du corps est à peu pres achevé ; tout indique alors la surabondance de la nourriture; la voix change et grossit ; la barbe commence à paroître; plusieurs autres parties du corps se couvrent de poil, celles qui sont destinées à la génération prennent un prompt accrois- sément ; la liqueur séminale arrive et rem- plit les réservoirs qui lui sont préparés ; et lorsque la plénitude est trop grande, elle force , même sans aucune provocation et. pendant le sommeil , la résistance des vais- seaux qui la contiennent, pour se répandre au dehors : tout annonce donc dans le mäle une surabondance defourriture dans le temps que commence la puberté. Celle de la femelle est encore plus précoce, et cette surabon- :° DES ANIMAUX. SM à dance ‘y est même plus marquée par cette évacuation périodique qui commence el finst en même temps que la puissance d'engeu- drer, par le prompt accroissement du sein, et par un changement dans les parties de la génération, que nous expliquerons dans la suite *. Je pense donc que les molécules organiques -renvoyées de toutes les parties du corps daus _ les testicules et dans Les vésicules séminales du mâle , et dans les testicules ou dans telle autre partie qu’on voudra de la femelle, y forment la liqueur sémninale, laquelle daus l'un et l’autre sexe est, comme l’on voit, uue espèce d'extrait de toutes les parties du corps : ces molecules organiques, au lieu de . Se réunir et de former dans l’individu même de petits corps organisés semblables au grand, comme dans le puceron et dans l'oignon, ne peuvent 1ci-se réunir en effet que quand les liqueurs séminales des deux sexes se mêlent ; et Lorsque dans le mélange qui s’en fait, il _se trouve plus de molécules organiques du mäle que de la femelle , il en résulte un * Voyez ci-après l'histoire naturelle de l’homme, erucle Je la puberté, LES 8 86 HISTOIRE NATURELLE mâle ; au contraire s it ya plus de. particules organiques de la femelle que du mâle, il se forme une petite femelle. herbe de Au reste, je ne dis pas que, dans pra individu mâle et femelle, les molécules or- ganiques renvoyées de toutes les parties du corps ne se réunissent pas pour former dans ces mêmes individus de petits corps organi- sés : ce que je dis, c’est que lorsqu'ils sont réunis, soit dans le mâle, soit dans la fe- melle ; tous ces petits corps organisés ne peuvent pas se développer d'eux-mêmes, qu'il faut que la liqueur du mälé rencontré celle de la femelle, et qu'il n’y a en effet que ceux qui se forment dans le mélange des deux liqueurs séminales qui puissent se dé- velopper; ces petits corps mouvans, auxquels on a donné le nom d’azimaux spermatiques, qu'on voit au microscope dans la liqueur sé- minale de tous lés animaux mâles, sont peut-être de petits corps organisés provenant: de l'individu ‘qui les contient, mais que d'eux-mêmes ne peuvent se développer ni rieu produire. Nous ferons voir qu'il y en & de semblables dans la liqueur séminale des femelles ; nous indiquerons l'endroit où l’on | DES ANIMAUX. "ANS. trouve cette liqueur de la femelle. Mais quoi- que la liqueur du mâle et celle de la femelle contiennent toutes deux des espèces de petits corps vivans et organisés , elles ont besoin l'une de l’autre, pour que les molécules orga- niques qu’elles contiennent puissent se réunir et former un animal. On pourroit dire qu “1 est ER ne et même fort vraisemblable , que les molécules organiques ne produisent d’abord par leur réunion qu'une espèce d'ébauche de l'animal, un petit corps organisé, dans lequel il n’y a que les parties essentielles qui soient for- mées. Nous n’entrerons pas actuellement dans le détail de nos preuves à cet égard : nous nous contenterons de remarquer que les prétendus animaux spermatiques dont nous venons de parler , pourroient bien n'être que très-peu organisés; qu'ils ne sont tout au plus que l’ébauche d’un étre vivant; ou, pour le dire plus clairement ,ces préten- dus animaux ne sont que les parties orga— niques vivantes dont nous avons parlé, qui sont communes aux animaux et aux vêge- taux , ou tout au plus ils ne sont que la première réunion de ces parties organiques. 88 . HISTOIRE NATURELLE. - Mais revenons à notre principal objet. Je sens bien qu'on pourra me faire des difficul- tés particulières du même genre que la diff- cuité générale, à laquelle j'ai répondu dans le chapitre précédent. Cominent concevez- vous, me dira-t-on, que les particules orga- niques superflues puissent être renvoyées de toutes les parties du corps, et ensuite qu’elles puissent se réunir lorsque les liqueurs sémi- nales des deux sexes sont mélées ? d’ailleurs est-on sûr que ce mélange se fasse ? n’a-t-on pas même prétendu que la fémelle ne four- nissoit aucune liqueur vraiment séminale ? est-il certain que celle du mäle entre dans la matrice ? etc. dt Je réponds à la première question , que si l’on a bien entendu ce que j'ai dit au sujet de la péneéttation du moule intérieur par les . molécules organiques dans la nutrition ou le développement, on concevra facilement que ces molécules organiques ne pouvant plus pénétrer les parties qu'elles pénétroient au— paravant , elles seront nécessitées de prendre uue autre route, et par conséquent d'arriver qûelque part, comme daus les testicules eë les vésicules séminales, et qu’ensuite elles DÉS ANIMAUX. 89 se peuvent réunir pour former un petit être organise, par la même puissance qui leur faisoit pénétrer les différentes parties du corps auxquelles elles étoient analogues; car vouloir, comme je l’ai dit, expliquer l’écono- mie animale et les différens mouvemens.du corps humain, soit celui de là circulation du sang ou celui des muscles, etc. par les seuls principes mécaniques auxquels les mo- dernes voudroient borner la philosophie, cest précisément la même chose que si un homme, pour rendre compte d’un tableau, se faisoit boucher les yeux et nous racontoit tout ce que le toucher lui feroit sentir sur la. toile du tableau: car il est évident que ui la circulation du sang, ui le mouvement des _ muscles, ni les fonctions animales, ne peu- .vent s’expliquer par l'impulsion , ni par les autres lois de la mécanique ordinaire ; il est tout aussi évident que la nutrition , le déve- loppement et la reproduction se font par. d’autres lois : pourquoi donc ne veut-on pas admettre des forces pénétrantes et agissantes, sur les masses des corps, puisque d'ailleurs nous en avous des exemples dans la pe- ssnteur des corps , dans les attractions 1 : M ec hi yo HISTOIRE NATURELLE innonétiques , dans les affinités chimiques ? et comme nous sommes arrivés, par la force des faits et par la multitude ét l'accord constant et uniforme des observations, au point d’être assurés er ’il existe dans la Na- ture dés forces qui n’agissent pas par la voie d'impulsion, pourquoi n’emploierions-nous pas ces forces comme principes mécaniques ? pourquoi les exclurions-nous de l'explication : des phénomènes que nous savons qu’elles produisent ? pourquoi veut-on se réduire à n’employer que la force d'impulsion ? n’est-ce pas vouloir juger du tableau par le toucher ? n'est-ce pas vouloir expliquer les phéno- mêues de la masse par ceux de la surface , la force pénétrante par l’action superficielle ? n'est-ce pas vouloir se servir d'un sens, tan- dis que c’est un autre qu'il faut employer ? n'est-ce pas enfin borner volontairement sa faculté de raisonner sur autre chose que sur les effets qui dépendent de ce pelit nombre de principes mécaniques auxquels ou s’est réduit ? Mais ces forces étant une fois admises, n'est-il pas très-naturel d'imaginer que Les parties les plus analogues seront Celles qui f DES ANIMAUX. OË se réuniront et se lieront ensemble intime- ment ; que chaque partie du corps s’appro- priera les molécules les plus convenables , et que du superflu de toutes ces molécules il se formera une matière séminale qui. contiendra réellement toutes les molécules _ mécessaires pour former un petit corps organisé, semblable en tout à celui dont cette matière séminale est l'extrait ? une force toute semblable à celle qui étoit néces- saire pour. les faire pénétrer dans chaque partie et produire le développement, ne suf- fit-elle pas pour opérer la réunion de ces molécules organiques , et les assembler en effet en forme organisée et semblable à celle. du corps dont elles sont extraites ? __ Je conçois done que dans les alimens que nous prenons, il y a une grande quantité de. molécules organiques; et cela n’a pas besoin d'être prouvé , puisque nous ne vivons que d'animaux ou de végétaux, lesquels sont des. êtres organisés : je vois que dans l'estomac et les intestins il se fait une séparation des par- lies grossières et brutes, qui sont rejetées par les voies excrétoires ; le chyle, que je reparde comme l'aliment divisé, et dont La 4 \ LL 92 HISTOIRE NATURELLE dépuration est commencée, entre dans les veines lactées, et de là est porté dans le saug , avec lequel il se mêle; le sang trans- porte ce chyle dans toutes les parties du … corps ; il continue à se dépurer, par le mou- vement de la circulation, de tout ce qui lui restoit de molécules non organiques : cette matière brute et étrangère est chassée par ce mouvement , et sort par les voies des sécré- tions et de la transpiration ; mais les molé- cules organiques restent, parce qu ’en effet elles sont analogues au sang, et que dès lors il ÿ a une force d’affinité qui les retient. Ensuite, comme toute la masse du sang passe plusieurs fois dans toute l'habitude du corps , je conçois que dans ce mouvement de circulation continuelle chaque partie du corps attire à soi les molécules les plus ana- logues et laisse aller celles qui le sont le moins ; de cette façon toutes les parties se développent et se nourrissent , non pas ,. comme on le dit ordinairement, par une simple addition de parties et par une aug- mentation superficielle, mais par une péné- tration intime , produite par une force qui agit dans tous les points de la masse : e6 TR POS IN DES ANIMAUX. 93 lorsque les parties du corps soût au point de développement nécessaire, et qu’elles sont presque entièrement remplies de ces molé- cules analogues ; comme leur substance est devenue plus solide, je conçois qu'elles per- dent la faculté d'attirer ou de recevoir ces molécules, et alors la circulation continuera de les emporter et de les présenter successi- vement à toutes les parties du corps ; les- _ quelles ne pouvant plus les admettre, il est nécessaire qu’il en fasse un dépôt quelque part,comme dans les testicules et Les vésicules séminales. Ensuite cet extrait du male étant porté dans l'individu de l’autre sexe, se mêle avec l'extrait de la femelle ; et par une force semblable à la première, les molécules qui se conviennent le mieux , se réunissent, ek forment par celte réunion un petit corps organisé semblable à l’un ou à l’autre de ces individus, auquel il ne manque plus que le développement, qui se fait ensuite dans la matrice de la femelle. . La seconde question, savoir si la femelle a en eflet une liqueur séminale, demande uu peu de discussion : quoique nous soyons eu état d'y satisfaire pleinement, j’observerai Fr: 84 A avant tout, comme une chose certaine , que ; la manière dont se fait l'émission de la se- mence de la femelle, est moins marquée que dans le mâle; car cette émission se fait ordi- nairement en dedans : Quod intra se semen Jjacit, femina vocatur; quod in hac jacit, mas , dit Aristote , art. 18 , De animalibus. Les anciens, comme l’on voit, doutoient si peu que les femelles eussent une liqueur sé— miuale, que c’étoit par la différence de l’e- inission de cette liqueur qu’ils distinguoient le mâle de la femelle : mais les physiciens qui ont voulu expliquer la génération par les œufs on par les animaux spermatiques : ont insinué que les femelles n’avoient point de liqueur séminale ; que comme elles ré- paudent différentes liqueurs, on a pu se tromper si l'on a pris pour la liqueur sémi- nale quelques unes de ces liqueurs, et que la supposition des anciens sur l'existence d’une . liqueur séminale dans la femelle étoit desti- tuée de tout fondement. Cependant cette liqueur existe ; et si l’on en a douté, c’est qu'on a mieux aimé se livrer à l'esprit de système que de faire des observations, et que d'ailleurs il n’étoit pas aisé de reconnoître” 1 DES ANIMAUX. 95 précisément quelles parties servent de réser- voir à cette liqueur séminale de la femelle : celle qui part des glandes qui sont au col de la matrice et aux environs de l’orifice de J'urètre, n'a pas de réservoir marqué; et comme elle s'écoule au dehors, on pourroit croire qu'elle n’est pas la liq ueur prolifique, puisqu'elle ne concourt pas à la formation du fœtus, qui se fait dans la matrice : la vraie liqueur séminale de la femelle doit avoir un autre réservoir, et elle réside en effet dans ube autre partie , comme nous le ferons voir : elle est même assez abondante, quoi- qu'il ne soit pas nécessaire qu'elle soit en grande quantité, non plus que celle du mâle, pour produire un embryon ; il suffit qu'une petite quantité de cette liqueur mâle puisse entrer dans la matrice, soit par son orificé, soit à travers le tissu membraneux de celte partie, pour pouvoir former un fœtus , si cette liqueur mâle rencontre la plus petite . goutte de la liqueur. femelle. Ainsi les obser- vations de quelques anatomistes qui ont pré- tendu que la liqueur He. 1 du mâle n’en: troit point dans la maffice , ne font rien contre ce que uous ayons dit, d'autant plus : . sit lié B M Nu L C4 ) 96 HISTOIRE NATURELLE que d’autres anatomistes, fondés sur ‘d’ autres observations , ont prétendu le contraire : mais tout ceci sera discuté et développé avari= tageusement dans la suite © : + Après ‘avoir satisfait aux objections , voyons les raisons qui peuvent servir de preuves à notre explication. La première se tire de l’analogie qu'il y a entre le dévelop pement et la reproduction: l'on né peut pas expliquer le développement d’une manière satisfaisante, sans employer les forces péné- trantes et les affinités ou attractions que nous avons employées pour expliquer la for- mation des petits êtres organises semblables aux grands. Une seconde analogie , c’est que la nutrition et la reproduction sont toutes deux non seulement produites par la même cause efliciente , mais encore par la même case matérielle ; ce sont les parties orga- niques de la nourriture qui servent à toutes ‘ deux ; et la preuve que c’est le superflu de la matière qui sert au développement qui est le sujet matériel de la reproduction, c’est que le corps ne coffmence à être en élat de produire que quand il a fini de croître, et l’on voit tous les jours dans les chiens et Les DES ANIMAUX. 97 autres animaux, qui suivent plus exactement que nous les lois de la Nature, que tout leur accroissement est pris avant qu'ils cherchent à se joindre ; et dès que les femelles devien= nent en chaleur , ou que les mâles com mencent à chercher la femelle, leur déve- loppement est achevé en entier, ou du moins presque en entier : c’est même une remarque pour connoître si un chien grossira ou non; car on peut être assuré que s’il est en état d’engendrer, il ne croitra presque plus. Une troisième raison qui me paroît prou- ver que c'est le superflu de la nourriture qui forme la liqueur séminale, c’est que les eunuques et tous les animaux mutilés gros- sissent plus que ceux auxquels il ne manque rien : la surabondance de la nourriture ne pouvant être évacuée faute d'organes, change l'habitude de leur corps; les hanches et les genoux des eunuques grossissent. La raison m'en paroit évidente : après que leur corps a pris l'accroissement ordinaire, si les molé- cules organiques superflues trouvoient une issue, comme dans les autres hommes, cet ac— croissement n'augmenteroit pas davantage ; mais comme il n'y a plus d'organes pour 9 £ 98 HISTOIRE NA \ TURELLE l'émission de la liqueur séminale , cette même liqueur, qui n’est que le superflu de la matière qui servoit à l'accroissement, | reste et cherche encore à développer davan- tage les parties : or on sait que l’accroisse- ment des os se fait par les extrémités qui sont molles et spongieuses, et que quand les os ont une fois pris dela solidité, ils ne sont plus susceptibles de développement ni d ex- tension , et c "est par cette raison que ces mo- lécules superîflues ne continuent à développer que les extrémités spongieuses des os ; ce qui fait que les hanches , les genoux, etc. des eu- nuques grossissent considérablement , parce que les extrémités sont en effet les dernières parties qui s’ossifient. LE Mais ce qui prouve plus fortement que tout le reste la vérité de notre explication, est la ressemblance des enfans à leurs pas rens: le fils ressemble, en général, plus à son père qu’à sa mère , et la fille plus à sa mère qu'à son père, parce qu'un home ressemble plus à un homme qu'à une femme, etqu’une femme ressemble plus à unefemme qu’à un homme, pour l’habitude totale du corps : mais pour les traits et pour les hahi- DES ANIMAUX. * ‘98 ‘tudes particulières, les enfans ressemblent tautôt au père, tantôt à la mère; quelque- …“ fois même ils ressemblent à tous deux : 1ls auront , par exemple, les yeux du père et la. bouche de la mère, ou le teint de la mère et la taille dn père; ce qu’il est impossible de concevoir , à moins d'admettre que les deux parens ont contribué à la formation du corps de l’enfant, et que par conséquent il y a eu uu mélange des deux liqueurs séminales. J'avoue que je me suis fait à moi-même beaucoup de difficuïtés sur les ressemblances, et qu'avant que j'eusse examiné müûürement la question de la génération , je m'étois pré venu de certaines idées d’un système mixte, où j'employois les vers spermatiques et les œufs des femelles , comme premières parties organiques qui formoient le point vivant , auquel, par des forces d’attraction, je sup- posois , comme Harvey, que les autres par ties venoient se joindre dans un ordre synime- -trique et relatif ; et comme dans ce système il me sembloit que je pouvois expliquer d'une manière vraisemblable tous les phéno- meues , à l'exception des ressemblances , je cherchois des raisons pour les combattre et \ y ar di | KT D MA +00 HISTOIRE NATURELLE pour en douter, et j'en avois mème trouvé . de très-spécieuses , et qui m’ont fait illusion Jong-temps, jusqu’à ce qu'ayant pris la peine d'observer moi-même, et avec toute l'exac-_ titude dont je suis capable, un grand nombre de familles, et sur-tout les plus nombreuses, je n’ai pu résister à la multiplicité des preuves, . et ce n’est qu'après m'être pleinement con- vaincu à cet égard, que j'ai commencé à pen- ser différemment et à tourner mes vues du côté que je viens de les présenter. D'ailleurs, quoique j’eusse trouvé des moyens pour échapper aux argumens qu'on m'auroit faits au sujet des mulâtres , des métis et des mulets, que je croyois devoir regarder , les uns comme des variétés super- ficielles, et [es autres comme des monstruo- sités, je ne pouvois m'empêcher de sentir que toute explication où l’ou ne peut rendre raison de ces phénomènes, ne pouvoit être satisfaisante ; je crois n’avoir pas besoin d’a- vertir combien cette ressemblancé aux pa- rens, ce mélange de parties de la même espèce dans les métis, ou de deux espèces differentes dans les mulets, confirment mon explication. - - DES ANIMAUX. Jos Je vais maintenant en tirer quelques con-" séquences. Dans la jeunesse la liqueur sémi- nale est moins abondante, quoique plus pro= voquante : : sa quantité Hu at jusqu'à un certain âge, et cela parce qu'à mesure qu on avance en âge, les parties du corps deviennent plus solides ,admettent moins de nourxiture, en renvoient par conséquent une plus grande quantité; ce qui produit une plus grande abondance de liqueur séminale : aussi, lors- que les organes extérieurs ne sont. pas usés!, les personnes du moyen âge, et mème les vieillards, engendrent plus aisément que.les jeunes gens. Ceci est évident dans le genre végétal : plus un arbre est âge, GR 1l pro birte fruit ou de graine , par la même rai- son que uous venons d'exposer. Des jeunes gens qui s’épuisent, et qui par des irritations forcées déterminent vers les organes de la génération une plus grande quantité. de liqueur séminale qu’il n’en ar- xiveroit naturellement , commencent par çesser de croître ; ils maigrissent et tombent enfin dans le marasme , et cela parce qu'ils perdent par des évacuations trop souvent xéitérées la substance nécessaire à leux 9 62. HISTOIRE NA TURELLE, accroissement et à la nutrition de toutes Les » parties de leur corps. Ceux dont le corps ‘est imaigre sans-être décharne , ou charnu sans être gras, sont beaucoup plus vigoureux que ceux qui de- : viennent gras; et dès que la surabondance de la nourriture a pris cetle route et qu’elle. commence à former de la graisse, c'est tou— jours aux dépens de la quantité de la liqueur séminale et des autres facultés de la géneéra- tion. Aussi, lorsque uon senlement l'accrois- sement de toutes les parties du corpsest entiè- rement achevé, mais que les os sont devenus solides dans toutes leurs parties, que les car- tilages commencent à s’ossifier, que les mem- branes ont pris toute la solidite qu'elles pou- voient prendre , que toutes les fibres sont devenues dures et roides , el qu’enfin toutes les parties du corps ne peuvent presque plus admettre de nourriture, alors la graisse aug- inente considérablement, et(la quantité de : la liqueur séminale diminue, parce que le superflu de la nourriture s'arrête däns toutes les parties du corps, et que les fibres n'ayant presque plus de souplesse et de ressort, ne peuvent plus le renvoyer, comme anpara- DES ANEMAUX. ) + 103 vant, dans les réservoirs de la génération. La liqueur séminale nou seulement de- vient, comme je l’ai dit, plus abondante jusqu'à un certain âge, mais elle devient aussi plus épaisse , et sous le même volume elle contient une plus grande quantité de matière , par la raison que FACUROIS EURE du corps diminuant toujours à mesure qu’on avance en âge, il y a une plus grande sura- bondance de nourriture , et par conséquent une masse plus considerable de liqueur sé- minale. Un homme accoutumeé à observer, et qui ne m'a pas perinis de le nommer, m'a assuré que, volume pour volume, la liqueur séminale est près d’une fois plus pesante que le sang, et par couséquent plus pesante spé- cifiquement qu'aucune autre liqueur du corps. : Lorsqu'on se porte but l'évacuation de la liqueur séminale donne de l’ appétit ,eton sent bientôt le besdin de réparer par une nourritære nouvelle la perte de l’ancienne ; d’où l’on peut conclure que la pratique de mortification la plus efficace contre la luxure est l’abstinence et le jeûne. fl me reste beaucoup d’autres choses à dire 204 HISTOIRE NATURELLE sur ce sujet, que je renvoie au dhapitté de l'histoire de l’homme: mais avant que de finir celui-ci, je crois devoir faire encore quelques observations. La plupart des ani- maux ne cherchent la copulation que quand leur accroissement est pis presque en entier; ceux qui n’ont qu'un temps pour le rut ou pour le frai, n’ont de liqueur séminale que dans ce temps. Un habile observateur * a vu se former sous ses yeux, non seulement cette liqueur dans la laite du calmar, mais. même les petits corps mouvans-et organisés en forme de pompe, les animaux sperma- tiques , et la laite elle-même : il n’y en a point dans la laite jusqu’au mois d'octobre, qui est le temps du frai du calmar sur les. côtes de Portugal, où il a fait cette observa- tion ; et dès que le temps du frai est passé , on ne voit plus ni liqueur séminale ni vers. spermatiques dans la laite, qui se. ride, se dessèche et s’oblitère, jusqu’à ce que, l’année. suivante , le superflu de la nourriture viené former une nouvelle laite et la remplir comine l'année précédente. Nous aurons. #4 M. Ncedhama ; - DES ANIMAUX. 105 éccasion de faire voir dans l’histoire du cerf les différens effets du rut, le plus général est lexténuation de l'animal; et dans les espèces d'animaux dont le rut ou le frai n’est pas fréquent ef ne se fait qu’ à de srands ipter- valles de temps, Fr exténuation du corps est d'autant plus grande que l'intervalle du temps est plus considérable. Comme les femmes sont plus petites et plus foibles que les hommes, qu’elles sont d'un tempérament plus délicat et qu'elles mangent beaucoup moins , il est assez na- turel d'imaginer que le superflu de la nour- riture n’est pas aussi abondant dans les femmes que dans les hommes , sur-tout ce superflu organique qui contient une si grande quantité de matière essentielle: dès lors elles auront moins de liqueur séminale ; cette liqueur sera aussi plus foible et aura moins de substance que celle de l'homme ; et puisque la liqueur seminale des femelles contient moins de parties organiques que celle des males , ne doit-il pas résulter du mélange des deux liqueurs un plus grand nombre de mâles que de femelles ? c’est aussi ce qui arrive, et dont on croyoit qu’il étoit impos- NIVE EAN COUT SC MOMENT EE ET RU PR k UR th | Mu s "+ FE 06 HISTOIRE NATURELLE sible de donner une raison. Il naît environ ‘un seizième d’enfans mâles de plus que. de femelles , , et on verra dans Ja suite que la _mêine cause produit le même effet dans toutes les espèces d’'animauxsur lesquelles: on a pu faire cette observation. DES A Na UX. | Fo? CHAPITRE V. Æxposition des systémes sur la génération. Praron dans le Timée explique non seu- lement la génération de l’homme, des ani- maux , des plantes, des élémens , mais _ même celle du ciel et des dieux, par des simulacres réfléchis , et par des images ex- traites de la Divinité créatrice, lesquelles, par un mouvement harmonique , se sont arrangees selon les propriétés des nombres dans l’ordre le plus parfait. L'univers, selon lui, est un exemplaire de la Divinité: le temps, l'espace, le mouvement, la matière, sont des images de ses attributs ; les causes secondes et particulières sont des dépendances des qualités numériques et harmoniques de ces simulacres. Le monde est l'animal par excellence, l’être animé le plus parfait; pour avoir la perfection complète, il étoit néces- saire qu'il contint tous les autres animaux, F AAA OA 18 HISTOTM UE eu c’est-à-dire , toutes y représentations pos-. sibles et toutes les formes imaginables de la faculté créatrice : nous somries l’une de ces formes. L’essence de toute génération con— siste dans l'unité d'harmonie du nombre trois, ou du triangle, celui qui engendre , celui dans lequel on engendre , et celui qui est engendré. La succession des individus dans les espèces n’est qu’une image fusilive de l'éternité immuable de cette harmonie triangulaire, prototype universel de toutes les existences et de toutes les générations : c’est pour cela qu'il a fallu deux individus pour en produire un troisième; c'est-là te qui constitue l’ordre essentiel du père et de la mêre, et la relation du fils. Ce philosophe est un peintre d'idées ; c’est une ame qui, dégagée de la matière , s'élève dans le pays des abstractions, perd de vue les objets sensibles, n’apperçoit, ne contemple et ne rend que l’intellectuel. Une seule cause, un seul but, un seul moyen, font le corps entier de ses perceptions ; Dieu comme cause, la perfection comme but , les repré- sentations harimoniques comme moyens: quelle idée plus sublime ! quel plan de phr- Sr \ DES ANIMAUX. +0ÿ Adsohie. plus simple ! quelles mere plus nobles ! mais quel vide ! quel désert de spé éulation ! Nous ne sommes pas en effet de pures intellisences ; ; nous n'avons pas la puissancé dé donner une existence réelle aux objets dont nôtre ame eé£. remplie , lies à ur inâtière, ou plutôt dépendans de ce qui” cause nos sensations ; lé réel ne sera jamais produit par Pabstrait. Je réponds à Platon dans sa langue : : « Le Créateur réalise tout cé « qu'il conçoit, ses perceptions engendrent « l'existence ; l’être créé n’äpperçoit au con « traire qu’en retranchant à la réalité, et lé ‘« néant est la production de sès idées. » Rabaissons-nous donc sans regret à une philosophie plus matérielle; et en noustenant dans la sphère où la Nature semble nous avoir confinés , examinons les démarches téméraires et le vol rapide de ces esprits qui veulent en sortir. Toute cette philosophie pythagoricienne, puremert intellectuelle , ne roule que sur deux principes , dont l’un est faux et l’autre précâire ; ces deux prin cipes sont la puissance réelle des abstractions, et l'existence ‘actuelle des causes finales. Prendre les nombres pour des êtres Re Mat, gén À X VIIE, 16 ne ro HISTOIRE NATURELLE ae dire que l’unité numérique est un individu. géneral , qui non seulement représente em effet tous les individus, mais même qui peu leur communiquer l'existence ;, prétendre que cette unité numérique a de plus l’exer— cice actuel dela puissance d’ engendrer réel- lement uue autre unité numérique à peu près semblable à elle-même ; constituer par- là deux individus, deux côtés d’un triangle x qui ne peuvent avoir de lien et de perfection . que par le troisième côté de ce triangle, par un troisième individu qu ils een CA né- cessairement ; regarder les nombres , les lignes géométriques , les abstractions méta— physiques , comme des causes efficientes , réelles et’ physiques ; en faire dépendre la formation des élémens, la génération des animaux et des plantes., et tous les phéno- mènes de Ja Nature , me paroiït être le plus grand abus qu'on pût faire de la raison , et le plus grand obstacle qu’on pût mettre à à l’a vancement de nos connoissances. D'ailleurs, quoi de plus faux que de pareilles supposi= tions ? J’accorderai , si l’on veut , au divin Platon et au presque divin Malebranche (car Platon l’eût regardé comme son simulacre à — 4 ‘ # : — Lre | \ de DES ANIMAUX. : 1 en philosophie) que la matière n'existe pas réellement , que les objets extér ieurs ne sont que des effigies idéales de la faculté créatrice, que nous voyons tout en Dieu: en peut-il résulter que nos idées soient du même ordre que celles du Créateur, qu elles puissent en effet produire des existences ? ne sommes _ nous pas dépendans de nos sensations ? Que les objets qui les causent soient réels ou non, que celte cause de nos sensations existe au dehors ou au dedans de nous , que ce soi£ , dans Dieu ou dans la matière que nous _voyions tout, que nous importe? en sommes: nous moins sûrs d'être affectés toujours de la même façon par de certaines causes , t tou— jours d’une autre façon par d’autres 1 ICS rapports de nos sensations n ’ont-ils pas une suite, un ordre d'existence, et un fondement de relation nécessaire entre eux ? C’est donc -cela qui doit constituer les principes de nos connoissances , c'est-là l'objet de notre phi- losophie, et tout ce qui ne se rap porte point à cet objet sensible, est vain, inutile, et faux daus l'application. La supposition d’une har- monie triangulaire peut-elle faire la subs- tance des élémens ? la forme du feu est-elle , xis HISTOIRE NATURELLE comme le dit Platon , un triangle eu ; iée L. la lumière et la chaleur des propriétés de ce | triangle ? ? l’air et l’eau sont-ils des triangles rectangles et équilatéraux ? et la forme de \’ élément Lerrestre est-elle un quarré ‘ parce qu'étant le moins parfait des quatre élémens, il s'éloigne du triangle autant qu'il est pos- sible , sans een en perdre l'essence ? Le père et la mère n’engendrent-ils un en-— fant que pourterminer un triangle? Ces idées platoniciennes f grandes au premier coup d'œil, ont deux aspects bien différens : dans à la spéculation elles semblent partir de prin- cipes nobles et sublimes ; dans l'application elles ne peuvent arriver qu'à des consé— quences fausses et puériles, | Est-il bien difficile en effet de voir que nos idées ne viennent que par les sens ; que les choses que nous regardons comme VReUee et comme existantes, sont celles dont nos sens nous outtoujours rendu le même témoignage dans toutes Les occasions ; que celles que nous pignons pour certaines, sont celles qui arri- vent et qui se présentent toujours de la même façon; que cette façon dont elles se présentent ne dépend pas de nous , non plus que de la DES ANIMAUX "118 forme sous laquelle elles se présentent ; que par conséquent nos idées, bien loin de pou-. voir être les causes des choses, n’en sont que les effets ; et des effets tres-particuliers , des effets d'autant moins semblables à la chose _ particulière , que nous les généralisons da- vautage ; qu’enfin nos abstractions mentales ne sont que des êtres négatifs, qui n'existent, même intellectuellement, que par le retran- chement que nous faisons des qualités sen- sibles aux êtres réels ? Dès lors ne voit-on pas que les abstractions ne peuvent jamais devenir des principes ni d'existence ni de connoissances réelles ;qu'au contraire ces connoissances ne peuvent venir que des résultats de nos sensations comparés, ordonnes et suivis; que ces résultats sont ce au’on appelle l’expérience , Source unique de toute science réelle ; que l'emploi de tout autre principe estun abus, et que tout édifice bâti sur des idées abstraites est un tempie élevé à l'erreur ? | | Le faux porte en philosophie une sionifi- cation bien plus étendue qu'en morale. Dans la morale une chose est fausse uniquement pirce-qu'ee n'est pas dela façon dout en, : | is YT4 HIST OIRE NA TURELLE la représente: le faux métaphysique consiste \ 4 non seulement à n'être pas de la façon dont on le.représente, mais même à ne pouvoir être d’une façon quelconques “4 est dans cette espèce d'erreur du premier. ordre que sont tombes les Platoniciens, les Sceptiques et les Égoïstes , Chacun selon les objets qu'ils ont considérés : aussi leurs fausses suppositions ont-elles obscurci la lumière naturelle de la vérité, offusqué la raison, et retardé l’avan- cement de la philosophie. Le second principe employé par Platon et par la plupart des spéculatifs que je viens de citer, principe même adopté du vulgaire et de quelques philosophes modernes, sont les causes finales. Cependant, pour réduire çe principe à sa juste valeur, il ne faut qu’un moment de réflexion : dire qu'il y a de la lumière, parce que nous avons des yeux ; qu'il y a des sons , parce que nous avons des oreilles ; ou dire que nous avons des oreilles et des yeux , parce qu’il y a de la lumière ét des sons , n'est-ce pas dire la mème chose , ou plutôt que dit-on ? trouvera-t-on jamais rien par cette voie d’ explication ? ne voit-on pas. que ces causes, finales ne sont que des. ” DES ANIMAUX. 115 rapports arbitraires et des abstractions mo- rales, lesquelles devroient encore imposer moins que les abstractions métaphysiques ? car leur origine est moins noble et plus mal imaginée ; et quoique Leibnitz les ait élevées au plus haut point sous le nom de raison suffisante , et que Platon les ait représentées par le portrait le plus flatteur sous le nom de la perfection , cela ne peut pas leur faire perdre à nos yeux ce qu’elles ont de petit et de précaire : en connoit-on mieux la Nature et ses effets, quand on sait que rien ne se fait sans une raison suffisante, ou que tout se fait en vue de la perfection ? Qu'est-ce que la raison suffisante ? qu'est-ce que la perfec- tion ? ne sont-ce pas des êtres moraux créés par des vues purement humaines?ne sont-ce pas des rapports arbitraires que uous avons généralisés ? sur quoi sont-ils fondés ? sur des convenances morales, lesquelles, bien loin de pouvoir rien produire de physique et de réel, ne peuvent qu’altérer la réalité et confondre Les objets de nos sensations, de nos perceptions et de nos connoissances, avec ceux de nos sentimens, de nos passions et de Hs volontés. 10 HISTOIRE NATÜRELE E. Été: JL y auroit beaucoup de choses, à (dire ne ce sujet aussi-bien que sur celui des abstrac- tions mélaphysiques; mais je ne prétends : pas faire ici un traité de philosophie, et je reviens à la physique, que les idées de Platon sur la génération universelle m'avoient fait oublier. Aristote , aussi grand philosophe que Platon , et bien meilleur physicien , au lieu de se perdre, comme lui, dans la région des hypothèses, s’appuie au contraire sur des observations, rassemble des faits et parle une jangue plus inteigible : la matière, qui n'est qu’une capacité de recevoir les formes , prend dans la génération une forme semblable : à celle des individus qui la four- nissent; et à l'égard de la génération parti- culière des animaux qui ont des sexes, son sentiment est que le mâle fournit seul le principe prolifique, et que la femelle ne donne rien qu’on puisse regarder comme tel : car quoiqu'il dise ailleurs, en parlant des auimaux en général , que la femelle Te— paud une liqueur its au dedaris de soi- * Vorez Aristotw, De gen. lib. I, cap. 20; et Lib. IX, cap. 4. / _… Hu HUSSte | “DES ANIMAUX. Try même, il paroît qu'il ne regarde pas celle liqueur séminale comme un principe proli- fique, et cependant , selon Jui, la femelle fournit toute la matière nécessaire à la gé- neération ; cette matière est le sang menstruel, qui sert à la formation, au développement et à la nourriture du fœtus : mais le prin- cipe eMcientexiste seulement dans la hqueur … séminale du mâle, laquelle n'agit pas comme matière, mais comme cause. Averroës, Avi- cenne, et plusieurs autres philosophes qui ont suivi le sentiment d'Aristote, ont cherché des raisons pour prouver que les femelles n’avoient point de liqueur prolifique; ils ont dit que com me les femelles avoient la liqueur menstiruelle , et que cette liqueur étoit neé— cessaire ef sufisante à la génération, il ne paroit pas naturel de leur en accorder une autre, et qu’on pouvoit penser que ce sang. menstruel est en effet la seule liqueur four- nie par les femelles pour la génération, puisqu'elle commençoit à paroître dans le temps de la puberté, comme la liqueur sé- minale du mâle commence aussi à paroitre dans ce temps : d’ailleurs, disent=ils , si Ja Femelle a réellement une liqueur séminale et } Base comme calé a dus Donrquet | les femelles ne produisent-elles pas d elles : inêmes et sans l'approche du mâle, puis- qu'elles contiennent le principe prolifique, | | aussi-bien que la matière nécessaire pour la nourriture et pour le développement de l'embryon ? Cette dernière raison me semble être la seule qui mérite quelque attention. Le sang menstruel paroît être en effet nécessaire à l’'accomplissement de la génération, c’est à-dire, à l'entretien, à Ja nourriture et au développement du fœtus ; mais il peut bien n'avoir aucune part à la première formation qui doit se faire par le mélange des deux liqueurs également prolifiques : les femelles peuvent donc avoir, comme lés mâles , une liqueur séminale prolifique por la forma- tion de l'embryon , et elles auront de plus ce sang menstruel pour la nourriture et le développement du fœtus: mais il est vrai’ qu'on seroit assez porté à imaginer que la femelle ayant en effet une liqueur séminale, qui est un extrait , comme nous l'avons dit, de toutes les parties de son corps, et ayant : de plus tous les moyens nécessaires pour le developpement, elle devroit produire d'elle 2e, E \ DES ANIMAUX, ‘ 119 Fr mêine ( de RajelLes sans communication avec le mâle ; il faut mème avouer que cette rai- son métaphysique que donnent les Aristoté= liciens pour prouver que les femelles n'ont point de liqueur prolifique : Po devenir _ l'objection la plus considérable qu’on puisse _ faire contre tous les systèmes de la généra- tion, et en particulier contre notre explica- N tion. Voici cette objection. | Supposons , me dira-t-on, comme vous croyez l'avoir prouvé, que ce soit le superfiu des molécules organiques semblables à chaque partie du corps, qui ne pouvant plus être admis dans ces parties pour Les développer, en est renvoye dans les testicules et Les vési= cules séminales du mâle : pourquoi, par les forces d’affinité que vous avez supposées, ne forment-elles pas là de petits êtres organisés semblables en tout au mâle? et de même, pourquoi les molécules organiques , ren voyées de toutes les parties du corps de là femelle dans les testicules ou dans la matrice de la femelle, DE forment-elles pas aussi des corps organisés semblables en tout à la fe= -melle ? et si vous me répondez qu'il y a ap parence que lés liqueurs séminales du mâle ae pi LE RUE i Va, ML "a w 330 HISTOIRE. NATURELLE et de la femelle contiennent eu effet dtdciinie des. embryons tout formés, que. la liqueur du mâle ne contient que des mâles , que celle de la femelle ne contient que des femelles : mais que tous ces petits êtres organisés pére .Tissent faute de développément , et qu iln'y a que ceux qui se forment actuellement par le mélange des deux liqueurs séminales qui puissent se développer et venir au monde maura-t-on pas raison de vous demander pourquoi cette voie de génération, qui est la , 48 plus compliquée, la plus difficile.et la moins: abondante en productions , est celle que la Nature a préférée et préfère d’une manière st marquée, que presque tous les animaux se multiplient par cette voie de la communiva- tion du mâle ayec la femelle? car, à l’excep- tion du puceron, du polype d’eau douce, et des autres animaux qui peuvent se multi plier d'eux-mêmes ou par la division et la . séparation des parties de leur corps , tous les autres animaux ne peuvent produire leur semblable que par la communication de deux individus. + Je me contenterai de répondre à présené que Ja chose étant en eslet telle qu’on vient DÉS ANIMAUX: | F21 de le dire, les animaux, pour la plus grande partie, ne se produisant qu'au moyen du concours du mâle et de la femelle, l’objec— tion devient une question de fait ;, à laquelle, comme nous l'avons dit dans le chapitre IT, il n’y a d'autre solution à donner que celle du fait même. Pourquoi les animaux se pro- duisent-iks par le concours des deux sexes ? La réponse.est, parce qu’ils se produisent en effet ainsi. Mais, insistera-t-on, c'est la voie de reproduction la plus compliquee , même suivant votre explication. Je l'avoue: mais cette voie la plus compliquée pour nous est apparemment la plus simple pour la Na- ture ; et si, comme nous l'avons remarqué, il faut regarder comme le plus simple dans la Nature ce qui arrive le plus souvent, cette voie de génération sera dès lors la plus sim ple; ce qui w’empêche pas que nous ne de= vions la juger comme la plus composée , parce que nous ne la jugeons pas en elle- même , mais seulement par rapport à nos idées et suivant les connoissances que nos sens et nos réflexions peuvent nous en. donner. | ; Au reste, il est aisé de voir que ce sentis 12 SUNPIE dENRPR AE APR PNR CE De AR à TE 0 nn ROM à ce NO CANCER AUTO ON EE AL A ? RAD HS PNR ES TS he 2 | % ; ; 4 f « f et ES cs RO AE #22 HISTOIRE NATURELLE ment particulier des Aristotéliciens, qui pré tendoient que les femelles n’avoient aucune liqueur prolifique, ne peut pas subsister, sk l'on fait attention aux ressemblances des en- fans à la mère , des mulets à la femelle qui les produit , des metis et des mulôtres qui _tous prennent autant et souvent plus de la mère que du père; si d’ailleurs on pense que « , # . "3 les organes de la génération des femelles. sont, comme ceux des mâles , conformés de façon à préparer et recevoir la liqueur sémi- nale , on se persuadera facilement que cette liqueur doit exister , soit qu’elle réside dans les vaisseaux spermatiques, ou dans les testi= cules, ou dans les cornes de la matrice , où que ce soit cette liqueur qui, lorsqu'on la provoque , sort par les lacunes de Graaf, tant aux environs du col de la matrice, qu'aux environs de l'orifice externe de l’u- rètre. | Mais il est bon de développer ici plus em détail les idées d’Aristote au sujet dé la gé- nération des animaux, parce que ce grand philosophe est celui de tous les anciens qui a le plus écrit sur cette matière et qui l’a trai- tée le plus généralement. Il distingue les ani- ani Re ÿ APE Le , MAN Ÿ * \ pr DES AN IMAUX. 123 maux en irois espèces: les uns qui ont du sang, et qui, à l'exception, dit-1F, de quel- ques uus, se multiplient tous par la copula- tion ; les autres qui n’ont point de sang, qui étant mâles et femelles en même temps pro- duisent d'eux-mêmes et sans copulation ; et enfin ceux qui viennent de pourriture et qui me doivent pas leur origine à des parens de mème espèce qu'eux. À mesure que j expo serai ce que dit Aristote, je prendrai la liberté de faire les remarques nécessaires, et la pre- mière sera qu'on ne doit point admettre . cette division : car quoiqu’en effet toutes les espèces d'animaux qui ont du sang soient composées de mâles et de femelles, 1l n’est peut-être pas également vrai que les animaux qui n'ont point de sang soient pour. la plu- part en même temps mäles et femelles ; car nous ne connoissons guère que le Aa | sur da terre , et les vérs, qui soient dans ce cas , et qui soient en effet mâles et femelles, et nous-ne pouvors pas assurer que tous les coquillages aient les deux sexes à la fois , : aussi-bien que tous les autres animaux qui . m'ont point de sang; c’est ce que l’on verra -dans l’histoire particulière de ces animaux : JOUE RE NN INR INR 4 + 24 HISTOIRE NATURELLE et à l'égard de ceux qu’il dit provenir de la … pourriture , comme il n’en fait pas l’'énumé- ration ,il y auroit bien des exceptions à faire; car la plupart des espêces que les anciens £royoient engendrées par la pourriture, - vieunent ou d'un œnf ou d’un ver , comme les observateurs modernes s’en sont assurés, IL fait ensuite une seconde division des animaux; savoir , ceux qui ont la faculté de se mouvoir progressivement , comme de marcher, de voler , de nager, et ceux qui ne peuvent se mouvoir progressivement. Tous ces animaux qui se meuvent et qui ont du sang, ont des sexes : mais ceux qui, comme les huîtres , sont adhérens , ou qui ne se meuvent presque pas, n'ont point de sexe, et sont, à cet égard, comme les plantes ; ce n'est, dit-il, que par la grandeur ou par quelque autre différence qu’on lesa distingués en mäles et femelles. J'avoue qu'on n'est pas encore assuré que les coquillages aiént des sexes : il y a dans l'espèce des huîtres des individus féconds , et d’autres individus qui ne le sont pas ; les individus féconds se dis- insuent à celte bordure déliée qui envi sonne le corps de l'huître , et on les appelle : (iAUnE di PT ù DES ANIMAUX. ‘125$ les mê&les. Il nous manque sur cela beaucoup d'observations qu’Aristote pouvoit avoir, mais dont il me paroiît qu’il donne ici un resultat trop général. Mais suivons. Le mâle , selon Aristote, { renferme le principe du mouvement géné- ratif, et la femelle contient le matériel de la génération. Les organes qui servent à la fouction qui doit la précéder ,sont différens, suivant les différentes espèces d'animaux : les principaux sont les testicules dans les mâles , et la matrice dans ies femelles. Les quadrupèdes , les oiseaux et les cétacés ont des testicules ; les poissons et les serpens en sont privés , mais ils ont deux couduits propres à recevoir la semence étà la préparer: et de même que.ces parties essentielles sont doubles dans les males ,» Mar, gén, XVIII. _ 92 J 290 HISTOIRE NATURELLE. SU Li ComMmE j'étois persuadé non seulement par ma théorie, mais aussi par l’examen que j'avois fait des observations et des découvertes de tous ceux qui avoient travaillé avant moi sur cette matière, que la femelle a, aussi- bien que le mâle, une liqueur séminale et vraiment prolifique, et que je ne doutois pas que le réservois de cette liqueur ne fût la ca- vité du corps glanduleux du testicule, où les. anatomistes prévenus de leur système avoient voulu trouver l'œuf, je fis acheter plusieurs chiens et plusieurs chiennes, et quelques lapins mâles et femelles, que je fis garder et nourrir tous séparément les uns des autres. Je parlai à un boucher pour avoir les portières de toutes les vaches et de toutes les brebis qu’il tueroit, je Penpageai à me les apporter dans le moment même que la bête viendroit d’expirer; je m'assurai d’un chi- rurgien pourfaire les dissections nécessaires ; et afin d’avoir un objet de comparaison pour la liqueur de la femelle ; je commèençai par observer de nouveau La liqueur séminale 1 DES ANIMAUX. 207 d'un chien , qu'il avoit fournie par une émission naturelle; j'y trouvai (planche IV, figure 19) les mêmes corps en mouvement que j y avois observés auparavant ; ces corps trainoient après eux des filets qui ressem- bloient à des queues dont ils avoient peine à se débarrasser ; ceux dont les queues etoient les plus courtes, se mouvoient avec plus d'agilité que les autres; ils avoient tous, plus ou moins , un mouvement de balance— ment vertical ou de roulis; et en general leur mouvement progressif, quoique fort sensible et très-marqué, n’éloit pas d’une grande rapidité. A XNA PENDANT que j'étois :occupé à celle observation, l'on disséquoit une chienne vivante, qui étoit en chaleur depuis quatre où cinq jours, et que le male n’avoit point approchée. On trouva aisément les testicules qui sont aux extrémités des cornes de la ma- irice ; 1ls étoient à peu près gros corume des avelines. Ayant examiné l’un de ces testi- 27 gulies , Jy trouvai un corps glanduleux , 22 292 HISTOIRE NATURELLE xouge, proéminent et gros comme un pois ; ce corps glanduleux ressembloit parfaitement à un petit mamelon, et il y avoit au dehors de ce corps glanduleux une fente très-vi- sible, qui étoit formée par deux lèvres, dont . J'une avançoit en dehors un peu plus que l’autre. Ayantentr'ouvéert cette fente avec un stylet, nous en vimes dégsoutter de Ia liqueur que nous recueillimes pour la porter au mi- croscope , après avoir recommandé au chi- rurgien de remettre les testicules dans le corps de l'animal qui étoit encore vivant, afin de les tenir chaudement. J'examinai donc cette liqueur au microscope, et du pre- mier coup d'œil j’eus la satisfaction d’y voir (planche IV, figure 20) des corps mouvans avec des queues, qui étoient presque abso- lument semblables à ceux que je venois de voir dans la liqueur séminale du chien. MM. Needham et Daubenton, qui observèrent après moi, furent si surpris de cette ressem- blance, qu'ils ne pouvoient se persuader que ces animaux spermatiques ne fussent pas ceux du chien que nous venions d'observer; ils crurent que j avois oublié de changer de porte-objet , et qu’il avoit pu rester de la DES ANIMAUX. 293 liqueur du chien, ou bien que le cure-dent avec lequel nous avions ramassé plusieurs gouttes de cette liqueur de la chienne, pou- voit avoir servi auparavant à celle du chien. M. Needham prit donc lui-même un autre porte-objet, un autre cure-dent , et ayant été chercher de Ja liqueur dans la fente du corps glanduleux , 1l l’examina le premier et y revit les mêmes animaux, les mêmes corps en mouvement , et il se convainquit avec moi, non seulement de l’existence de ces animaux spermatiques dans la liqueur séminale de la femelle, maïs encore de leur ressemblance avec ceux de la liqueur sémi- nale du mâle. Nous revimes au moins dix fois de suite et sur différentes gouttes, les mêmes phénomènes; car il y avoit une assez bonne quantité de liqueur séminale dans ce corps glanduleux , dont la fente péné- iroit dans une cavité profonde de près de trois lignes. DQP CAE LE À AYANTensuiteexaminél'autre testicule, jy trouvai un corps glanduleux dans son 25 254 HISTOIRE NATURELLE état d'accroissement; mais ce corps n'étoit pas mûr : il n'y avoit pointide fente à Fex- iérieur ; il étoit bien plus petit et bien moins rouge que le premier; et l'ayant ouvertavec un scalpel, je w’y trouvai aucuneliqueur : il . < » lye y avoit seulement une espèce de petit pli dans l’intérieur, que jejugeai être l’origine de la cavité qui doit contenir la liqueur. Ce second testicule avoit quelques vesicules Jymphatiques très-visibles à l'extérieur; je perçai l’une de ces vésicules avec une lan: cette, et ilen jaillit une liqueur claire et limpide, que j'observai tout de suife am mi- croscope : elle ne contenoit rien de semblable à celle du corps glanduleux ; c'étoit une matière claire, composée de très-petits glo- bules qui étoient sans aucun mouvement. Ayant répété souvent cette observation, comme on le verra dans la suite, je m'assu- rai que cette liqueur que renferment les vésti: cules, n’est qu’une espèce de Iymphe qui me contient rien d’animé, rien de semblable à ce que l’on voit dans la semence dela femelle, qui se forme et qui se perfectionne dans le corps glanduleux. _ RO DES ANIMAUX. 295 ‘ D'OR. MA PE CEE QUINZE jours après je fis ouvrir une autre chienne qui étoit en chaleur depuis sept ou huit jours, et qui n’avoit pas été appro- chée par le mâle; je fis chercher les ‘testi- cules.: ils sont contigus aux extrémités cles cornes de la matrice. Ces cornes sont fort Jongues; leur tunique exterieure enveloppe les testicules , et ils paroissent recouverts de cette membrane comme d’un capuchon. Je trouvai sur chaque testicule un corps glan- duleux en pleine maturité : Le premier que jexaminat etoit entr'ouvert, et 1l avoit un conduit où un canal qui pénétroit dans Île testicule, et qui étoit rempli de fa liqueur séminale ; le sécond étoit un peu plus proé- minent et plus gros, et la fente ou le canal qui contenoit la liqueur, étoit au-dessous du muamelon qui sortoit au dehors. Je pris de ces deux liqueurs; et les ayant comparées, je les trouvai tout-à-fait semblables. Cette liqueur séminale de la femelle est au moins aussi liquide que celle du mâle. Ayant en- suite examiné au microscope ces deux 206 HISTOIRE NATURELLE liqueurs tirées-des deux testicules ,j’y trouvai (planche IV, figure 21) les mêmes corps en. mouvement ; je revis à loisir les mêmes phénomènes que j’avois vus auparavant dans {a liqueur séminale de l’autre chienne: je vis de plus plusieurs globules qui se remuoient très-vivement, qui tächoient de se dégager du mucilage qui les environnoit , et qui emportoient après eux des filets ou des queues; il y en avoit une aussi grande quantité que. dans la semence du mâle. : # 1 XX dk JEexPRIMAIr de ces deux corps glan- duleux toute la liqueur qu'ils contenoient ; et l’ayant rassemblée et mise dans un pelit crystal de montre , il y en eut une quantité suffisante pour suivre ces observations pen-— dant quatre ou cinq heures : je remarquai qu’elle faisoit un petit dépôt au bas, ou du moins que la liqueur s'y épaississoit un peu. Je pris une goutte de cette liqueur plus épaisse. que l’autre; et l’ayant mise au microscope, je reconnus ( planche IV, figure 22) que la . partie mucilasineuse de la semence s'éloit Le DES ANIMAUX. 207 condensée , et qu’elle formoit comme un tissu continu. ÀÂu bord extérieur de ce tissu, et dans une etendue assez considérable de sa circonférence , il y avoit un torrent ou un courant qui paroissoit composé de globules qui couloient avec rapidité : ces globules avoient des mouvemens propres; 1ls étoient même très-vils, très-actifs, et ils parois- soient être absolument dégagés de leur enve- loppe mucilagineuse et de leurs queues. Ceci ressembloit si bien au cours du sang lors- qu'on l’observe dans les petites veines trans- parentes, que, quoique la rapidité de ce cou- rant de globules dela semence fût plusgrande, et que de plus ces globules eussent des mou- vemens propres et particuliers, je fus frappé de cette ressemblance ; car ils paroissoient non seulement être animés par leurs propres forces , mais encore être poussés par une force commune, et comme contraints de se suivre en troupeau. Je conclus de cette ob— servation et de la IXme et XIfme, que quand le fluide commence à se coaguler ou à s’é- paissir, soit par le desséchement ou par quelques autres causes , ces globules actifs xompeunt et déchirent les enveloppes mucila- LA * 4 LS AN: E dé MAR: à + À - 400 | Y à | ah * Le 1 # 228 HISTOIRE NATURELLE gineuses dans lesquelles ils sont contenus, _ et qu'ils s’échappent du côté où la liqueur est demeurée plus fluide. Ces corps mouvans n’avoient alors ni lilets ni rien de semblable à des queues : ils étoient, pour la plupart, ovales, et paroissoient un peu applatis par— dessous; car ils n’avoient aucun mouvement \ e . L] 4 02 de roulis, du moins qui fût sensible. XX 3 LEs cornes de la matrice étoient, à l’exté- rieur, mollasses, et elles ne paroissoient pas être remplies d'aucune liqueur. Je les fis ouvrir longitudinalement, et je n'y trouvai qu’une très-petite quantité de liqueur ;1l y en avoit cependant assez pour qu'on püt la ramasser avec un cure-dent. J'observai cette liqueur au microscope: c'étoit la même. que celle que j'avois exprimée des corps glandu- Jeux du testicule; car elle étoit pleine de globules actifs qui se mouvoient de la même façon , et qui étoient absolument semblables en tout à ceux que j'avois observés dans la Jiqueur tirée immédiatement du corps glan- duleux : aussi ces corps glanduleux sont DES ANIMAUX. z9g posés de façon qu'ils versent aisément celle liqueur sur les cornes de la matrice, et je suis persuadé que, tant que la:chaleur des chiennes dure, et peut-être encore quelque temps après , 1l y a une stillation ou un dégouttement continuel de cetteliqueur, qui tombe du corps glanduleux dans les cornes de la matrice, et que cette stillation dure jusqu'à ce que le corps glanduleux ait épuisé les vésicules du testicule auxquelles il cor-- respond ; alors il s’affaisse peu à peu, il s’ef- face, et il ne laisse qu’une petite cicatrice rougeätre qu'on voit à l'extérieur du testi- cule. >. (bal FE JE pris cette liqueur séminale qui étoit dans l’une des cornes de la matrice , et qui contenoit des corps mouvans ou desanimaux spermatiques, semblables à ceux du mâle; et ayant pris en même temps de la liqueur séminale d’un chien, qu'il venoit de fournir par une émission naturelle , et qui conte- noit aussi, comme celle de ia femelle, des: corps en mouvement, j'essayai de mêler ces. À d h 4 POI PPT TA heu ® Led LA s Ÿ PER COCHE + x ; %o HISTOIRE NATURELLE. deux liqueurs en prenant une petite goutte” de chacune ; et ayant examiné ce mélange au microscope, je ne vis rien de nouveau, la liqueur étant toujours la même, les corps en mouvement les mêmes : ils étoient tous si semblables , qu'il n’étoit pas possible de distinguer ceux du mâle et ceux de la fe- inelle ; seulement je crus m'appercevoir que leur mouvement étoit un peu ralenti : mais, à cela près, je ne vis pas que ce mélange eût” produit la moindre altération dans la li- queur. X XX IE AYANT fait disséquer une autre chienne. qui étoit jeune, qui n aVoit pas porté, et qui n’avoit point encore éle en chaleur, je ne trouvai sur l’un des testicules qu'une petite protubérance solide , que je reconnus aisé ment pour être l’origine d’un corps glandu- leux qui commençoit à pousser, et quiauroié pris son accroissement dans la suite; et sun l’autre testicule, je ne vis augun indice du corps glanduleux. La surface de ces testiculesh éloit lisse et unie, et on ayoit peine à y VOLE DES ANIMAUX. 3ot à l'extérieur les vésicules lymphatiques, que je trouvai cependant fort aisément en faisant séparer les tuniques qui revêtent ces testicules : mais ces vésicules n’étoient pas considérables ; et ayant observé la petite quantité de liqueur que je pus ramasser dans ces testicules avec le cure-dent, je ne vis que quelques petits globules sans aucun mouve- ment, et quelques globules beaucoup plus gros et plus applatis, que je reconnus aisé— ment pour être les globules du sang dont cette liqueur étoit en effet un peu mêlée. RU EE T: Dans une autre chienne qui étoit encore plus jeune , et qui n'avoit que trois ou quatre mois , il n y avoit sur les testicules aucune apparence du corps glanduleux; ils étoient blancs à l'extérieur, unis, sans aucune pro- tubérance , et recouverts de leur capuchon comme les autres : il y avoit quelques petites vésicules, mais qui ne me parurent contenir que-peu de liqueur , et même la substance intérieure des testicules ne paroissoit être que de la chair assez semblable à celle d’un 26 MAS ÿ $- | AR 32 HISTOIRE NATURELLE . ris de veau , et à peine ponvoit-on remarquer quelques vésicules à l'extérieur, ou plutôt à la circonférence de cette chair. J’eus la curio- silé de comparer l’un de ces testicules avec celui d'un jeune chien de même grosseur à peu près que la chienne; ils me parurent tout-à-fait semblables à l’intérieur : la subs— tance de la chair étoit, pour ainsi dire, de la même nature. Je ne prétends pas contredire, par cetle remarque, ce que les anatomistes nous ont dit au sujet des testicules des mâles, qu’ils assurent n’être qu’un peloton de vais- seaux qu’on peut devider, et qui sont fort menus et fort longs; je dis seulement que l'apparence de la substance intérieure des testicules des femelles est semblable à celle des testicules des mâles, lorsque les corps glanduleux n’ont pas encore poussé. X XXE Me O X m'apporta une portière de vache qu’on veuoit de tuer; et comme il y avoit prés d'une demi-lieue de l'endroit où on l’avoit tuée jusque chez moi, on enveloppa cette portière daus des linges chauds, et on la mt DES ANIMAUX. 303 dans un panier sur un lapin vivant, quiéloit lui-même couché sur du linge au fond du panier; de cette manière elle etoit, lorsque je la reçus, presque aussi chaude qu’au sortir du corps de l'animal. Je fs d'abord chercher les testicules, que nous n’eûmes pas de peine à trouver ; ils sont gros comme de petits œufs de poule, où au moins comme des œufs de gros pigeons. L’uu de ces testicules avoit un corps glanduleux gros comme un gros pois, qui étoit protubérant au dehors du testicule, à peu près comme un petit mamelon : mais ce corps glanduleux n’étoit pas perce ; il n’y avoit n1 fente ni ouverture à l’extérieur; 1 étoit ferme et dur. Je Le pressai avec les doigts; il n’en sortit rien. Je l’examinai de près et à la loupe, pour voir s'il n’avoit pas quelque petite ouverture imperceptible ; je n’eu apperçus aucune : il ayoit cependant de profondes racines dans la substance inté- rieure du testicule. J’observai, avant que de faire entamer ce testicule , qu’il y avoit deux autres corps glanduleux à d’assez grandes distances du premier ; mais ces corps glan- duleux ne commençoient encore qu’à pous- ser : 11s étoient dessous la membrane com 304 HISTOIRE NATURELLE mune du testicule; ils n’étoient guère plus gros que de grosses lentilles : leur couleur étoit d’un blanc jaunätre, au lieu que celui qui paroissoit avoir percé la membrane du testicule, et qui étoit au dehors, étoit d’un rouge couleur de rose. Je fis ouvrir longitu- dinalement ce dernier corps glanduleux, qui , approchoit, comme l’on voit, beaucoup plus de sa maturité que les autres ; j’examinai avec grande attention l'ouverture qu'on ve- noit de faire , et qui séparoit ce corps glan- duleux par son milieu ; je reconnus qu'il y avoit au fond une petite cavité: mais ni cette cavité, ni tout le reste de la substance de ce corps glanduleux, ne contenoient aucune li- queur ; je jugeai donc qu'il étoit encore assez éloigné de son entière maturité. X X X V. L'AUTRE testicule n’avoit aucun corps glanduleux qui füt proéminent au dehors, et qui eût percé la membrane commune qui recouvre le testicule ; il y avoit seulement deux petits corps glanduleux qui commen- goient à nabtre el à former chacun une petite DES ANIMAUX. 305 protubérance au-dessous de cette membrane. Je les ouvris tous les deux avec la pointe du scalpel ; il n’en sortit aucune liqueur : c’e- toient des corps durs , blanchätres, un peu teints de jaune ; on y voyoit à la loupe quel- ques petits vaisseaux sanguins. Ces deux testicules avoient chacun quatre ou cinq vé- sicules Jymphatiques, qu’il étoit très-aisé de distinguer à leur surface ; 1l paroissoit que la membrane qui recouvre le testicule, étoit plus mince dans l’endroit où étoient ces vési- cules , et elle étoit com me transparente. Cela me fit juger que ces vésicules contenoient une bonne quantité de liqueur claire et lim- pide; et en effet, en ayant percé une dans son milieu avec la pointe d’une Jancette, la liqueur jaillit à quelques pouces dedistance : et ayant percé de mème les autres vésicules, je ramassai une assez orande quantité de cette liqueur pour pouvoir l’observer aisé- ment et à loisir; mais je n’y découvris rien du tout. Cette liqueur est une Iymphe pure, très-transparente , et dans laquelle je ne vis que quelques globules très-petits, et sans aucune sorte de mouvement. Après quelques heures , j'examinai de nouveau CEE liqueur a Ab | 806 HISTOIRE NATURELLE des vesicules ; elle me parut étrekla mème; il n'y avoit rien de différent , si ce n’est un peu moins de transparence dans! quelques parties de la liqueur. Je continnai à l’exaini- ner pendant deux jours, jusqu’à ce qu'elle fût desséchée, et je n’y reconnus aucune alteration , Aucun changem ent,aucun mou- vementf. EX XCUTE AEUE HurT jours après on m'apporta deux autres portières de vaches qui venoientd’être tuces , et qu'on avoit enveloppées et trans- portées de la même façon que la première. On m'assura que l’une étoit d’une. jeune vache qui n'avoit pas encore porté , et que l'autre étoit d'une vache qui avoit fait plu- sieurs veaux, et qui cependant n'eéloit pas vieille. Je fis d'abord chercher les testicules de cette vache qui avoit porté , et je trouvai sur l’un de ces testicules un corps glandu- leux, gros et rouge comme une bonne cerise : ce corps paroissoit un peu mollasse à l’extre- mité de son mamelon; j y distinguai très- aisément trois petits trous où il étoit facile DES:ANIMAUX. ‘ 3o7 d'introduire un crin. Ayant un peu pressé ce corps glanduleux avec les doigts, il en sortit une petite quantité de liqueur que je-portal sur-le-champ au tmicroscope; et j'eus la sa- tisfaction d’y voir ( planche IV, figure 22) des globules mouvans, mais différens de ceux que j'avois vus dans les autres liqueurs séminales : ces globules étoient petits et obscurs; leur mouvement progressif, quoique fort distinct et fort aise à reconnoitre, étoit cependant fort lent; la liqueur n'étoit pas épaisse. Ces globules mouvans n'avoient aussi aucune apparence de queues oude filets, et ils n’étoient pas à beaucoup près tous en mouvement; il y en avoit un bien plusgranid. nombre qui paroissoient très-seimblables aux autres , et qui cependant n'avoient aucun mouvement. Voilà tout ce que je pus voir dans cette liqueur que ce corps glanduleux- m'avoit fournie. Comme il n’y en avoit qu'une très-petite quantité qui se dessécha bien vite, je voulus presser une seconde fois le corps glanduleux ; mais il ne me fournit qu’une quantité de liqueur encore plus petite, et mêlée d’un peu de sang:j y revis les petits globules en mouvement; et leur diamètre L Ed : 38 HISTOIRE NATURELLE comparé à celui des globules du sang qui étoit mêlé dans cette liqueur , me parut être au moins quatre fois plus petit que celui de ces globules sanguins. ER UNE" CE corps glanduleux étoit situéà l’une des extrémités du testicule , du côte de la corne de la matrice, et la liqueur qu'il préparoit et qu’il rendoit, devoit tomber dans cette corne : cependant ayant fait ouvrir cette corne de la matrice, je n'y trouvai point de liqueur dont la quantité fût sensible. Ce corps glanduleux pénétroit fort avant dans le testicule, et en occupoit plus du tiers de la substance intérieure. Je le fis ouvrir et se- parer en deux longitudinalement ; j'y trou- vai une cavité assez considérable , mais en— tièrement vide de liqueur. IL y avoit sur le inème testicule , à quelque distance du gros corps glanduleux , un autre petit corps de même espèce, mais qui commençoit éncore à naître, et qui formoit, sous la membrane de ce testicule, une petite protubérance de la grosseur d’une bonne lentille. Il y avoit DES ANIMAUX. 309 aussi deux petites cicatrices, à peu près de la même grosseur d’une lentille, qui for- moient deux petits enfoncemens, mais très- superficiels ; ils étoient d’un rouge foncé. Ces cicatrices étoient celles des anciens corps glanduleux qui s’étoient oblitérés. Ayant ensuite examine l’autre testicule de cette même vache qui avoit porté, j y comptai quatre cicatrices et trois corps glanduleux, dont le plusavancé avoit percéla membrane; il n’étoit encore que d’un rouge couleur de chair, et gros comme un pois; il étoit ferme et sans aucune ouverture à l'extrémité , et 1l ne contenoit encore aucune liqueur : les deux autres étoient sous la membrane: et quoique gros comme de petits pois, ils ne paroissoient pas encore au dehors ; ils étoient plus durs que le premier, et leur couleur étoit plus orangée que rouge. Il ne restoit sur le premier testicule que deux ou trois vésicules Ilymphatiques bien apparentes , parce que le corps glanduleux de ce testicule, qui étoit arrivé à son entière maturité, avoit épuisé les autres vésicules, au lieu que sur le second testicule, où le corps glanduleux avoit encore pris que le quart de son LH ve Gi ON “fl Aou à UP 4e NOUS Lee PU FU use 3:50 HISTOIRE NATURELLE accroissement, il ÿ avoit un beaucoup plus grand nombre de vésicules lymphatiques : j en comptai huit à l'extérieur de ce testicule; et ayant examiné au microscope la liqueur de ces vésicules de l’un et de l’autre testicule, je ne vis qu'une matière fort transparente et qui ne contenoit rien de mouvant, rien de semblable à ce que je venois de voir dans:la liqueur du corps glanduleux. | XX: XV EEE J'EXAMINATr ensuite les testicules de l’autre vache qui n’avoit pas porté; ils étotent cependant aussi gros, et peut-être un peu plus gros que ceux de la vache qui avoit porté : maisilest vrai qu'il n’y avoit point de cicatrices wi sur l’un ni sur l’autre de ces testicules ;: l’un étoit même absolument lisse, sans protubérance , el fort blanc : on distinguoit seulement à sa surface plusieurs endroits plus clairs et moins opaques que le reste, et c'étoient les vésicules lymphatiques qui yétloient en grand nombre; on pouvoit en compter aisément jusqu'à quinze : mais il n'y avoit aucun indice de la naissance des ‘DES ANIMAUX. 311 corps glandulenux. Sur l’autre testicule, je reconnus les indices de deux corps glan- duleux, dont l’un commençoit à naître, et l'autre étoit déja gros comme un petit pois un peu applali; ils étoient tous deux recou- verts de la membrane commune du testicule, comme le sont tous les corps elanduleux dans le temps qu'ils commencent à se former. Il y avoit aussi sur ces testicules un grand nombre de vésicules Iymphatiques; j'en fis/ sortir avec la lancette de la liqueur que j’exa- minai, et quine contenoit rien du tout ; et ayant percé avec la mème lancette les deux petits corps glanduleux, il n'en sortit que du sang. ALAN RU X, JE fis couper chacun de ces testicules en quatre parties , tant ceux de Ia vache qui n’avoit pas porté , que ceux de la vache qui voit porté; et les ayant mis chacun sépa- rément dans des bocaux, j'y versai autant d’eau pure qu’il en falloit pour les couvrir ; et après avoir bouche bien exactement les bocaux , je laissai cette chair infuser pen- LA Er NRA Lit } . : : | 5 3r2 HISTOIRE NATURELLE 4 dant six jours : après quoi ayant examiné au - microscope l’eau de ces infusions, j'y vis (planche IV, figure 23) une quantité innom- brable de petits globules mouvans; ils étoient tous, et dans toutes ces infusions, extrême ment petits, fort actifs, tournant la plupart en rond et sur leur centre ; ce n’étoit, pour ainsi dire, que des atomes, mais qui se mou- voient avec une prodigieuse rapidité , et en tout sens. Je les observai de temps à autre pendant trois jours;ils me parurent toujours devenir plus petits, et enfin ils disparurent à mes yeux par leur extrème petitesse le troisième jour. 22 ‘le, ON m'apporta les jours suivanstrois autres portières de vaches quivenoient d’être tuées. Je fis d’abord chercher les testicules pour voir s’il ne s’en trouveroit pas quelqu'un dont le corps glanduleux fût en parfaite maturité. Dans deux de ces portières je ne trouvai sur les testicules que des corps glanduleux en accroissement , les uns plus gros , les autres plus petits; les uns plus, les autres moins DES ANIMAUX. 313 colorés. On n’avoit pu me dire si ces vaches avoient porté ou non; mais il yavoit grande apparence que toutes avoient été plusieurs fois en chaleur, car il y avoit des cicatrices en assez grand nombre sur tous ces testicules. Dans la troisième portière je trouvai un tes- ticule sur lequel 1il:y avoit un corps glandu- leux gros comme une cerise, et fort rouge ; il étoit gonfié, et me parut être en maturite, Je remarquai à son extrémité un petit trou qui étoit l’orifice d’un canal rempli de li- queur : ce canal aboutissoit à la cavité inte— rieure, qui en étoit aussi remplie. Je pressai un peu ce mamelon avec les doigts, et il en sortit assez de liqueur pour pouvoir l’obser- ver un peu à loisir. Je retrouvai( plancheIV, figure 24) dans cette liquenr , des globules mouvans qui paroissoient être absolument semblables à ceux quej'avois vusauparavant dans la liqueur que j’avois exprimée de même du corps glandulenx d’une autre vache dont j'ai parlé, article XXXVI : il me parut seule- ment qu'ils étoient en plus grande quantité, et que leur mouvement progressif étoit moins lent ; 1ls me parurent aussi plus gros; et les ayant considérés long-temps, j'en vis qué 27 RL A Lu Un | 314 HISTOIRE NATURÉLLE , s'alongeoient et qui changeoient de figure. J'introduisis ensuite un stylet très-fin dans le petit trou du corps glanduleux; il y péné- tra aisément à plus de quatre lignes de pro- fondeur ; etayant ouvert Le long du stylet ce corps glanduleux, je trouvai la cavité inte- rieure remplie de liqueur ; elle pouvoit en contenir en tout deux grosses gouttes. Cette liqueur m'offrit au microscope les mêmes phénomènes, les mêines globules en mouve- ment : mais je ne vis jamais dans cette Li- queur, non plus que dans celle que j'avois observée auparavant, article XXXVI, ni lilamens, ni filets, ni queues, à ces globules. La liqueur des vésicules, que j'observai en suite, ne m'offrit rien de plus que ce que j'avois déja vu les autres fois; c’étoit tou jours une matière presque entièrement trans- parente , et qui ne contenoit rien de mou- vant. J'aurois bien desiré d’avoir de la se— mence de taureau pour la comparer avec celle de la vache : mais les gens à qui je nétois adressé pour cela, me manquèrent de parole. DES ANIMAUX. 315 D. haie ON m'apporta, à différentes fois, plu- sieurs autres portières de vaches : je trouvai dans les unes les testicules charges de corps glanduleux presque mûrs; dans les testicules de quelques autres, je vis que les corps glan- duleux étoient dans différens états d'accrois- sement, et je ne remarquai rien de nouveau, sinon que dans deux testicules de deux vaches différentes je vis le corps glanduleux dans son etat d’affaissement : la base de l’un de ces corps glanduleux étoit aussi large que la circonference d’une cerise, et cette base n’a- voit pas encore diminué de largeur; mais l'extremite du mamelon étoit mollasse, ridee et abattue : on y reconnoissoit aisément deux petits trous par où la liqueur s’étoit écou- Ice; j'y introauisis avec assez de peine un petit crin : mais il n’y avoit plus de liqueur dans le caual, non plus que dans la cavité intérieure, qui étoit encore sensible, comme je le reconnus en faisant fendre avec un scal- pel ce corps glanduleux. L'affaissement du corps glanduleux commence donc par A L AS » Lu Te POUR ” 2 Hi ‘ 316 HISTOIRE NATURELLE partie la plus extérieure, par l'extrémité du mamelon ; il diminue de hauteur d’abord, ! et ensuite il commence à diminuer en lar- geur , comme je l’observai sur un autre tes- ticule, où ce corps glanduleux étoit dimi- nué de près des trois quarts; il étoit pres- que entièrement abattu ; ce n’étoit, pourainsi dire, qu'une peau d’un rouge obscur, qui étoit vide et ridée, et la substance du testi- cule qui l’environnoit à sa base, avoit res- serré la circonférence de cette base et l'a- voit déja réduite à plus de moitié de son diamètre. RE TE Comme les testicules des femelles de lapin sont petits, et qu’il s’y forme plusieurs corps glanduleux qui sont aussi fort petits, je n’ai pu rien observer exactement au sujet de leur liqueur séminale, quoique j'aie fait ouvrir plusieurs de ces feinelles devant moi: j'ai seulement reconnu que les testicules des lapines sont dans des états très-différens les uns des autres, et qu'aucun de ceux que j'ai vus ne ressemble parfaitement à ce que DES ANIMAUX. 317 Graaf a fait graver; car Les corps slanduleux n’enveloppent pas les vésiculés lymphatiques, et je ne leur ai jamais vu une extrémité poin- tue comme il la dépeint. Maïs je n'ai pas assez suivi ce détail anatomique pour en rien dire de plus. CUIPTÉ J'Ar trouvé sur quelques uns des testicules de vaches que j'ai examinés, des espèces de vessies pleines d'une liqueur transparente et limpide : j'en ai remarqué trois qui etoient dans différens états; la plus grosse étoit grosse comme un gros pois, et attachée à la mem brane extérieure du testicule par un pédicule membraneux et fort; une autre un peu plus petite étoit encore attachée de même par un pédicule plus court ; et la troisième, qui étoit à peu près de la même grosseur que la seconde , paroissoit n'être qu'une vésicule lymphatique beaucoup plus éminente que les autres. J'imagine donc que ces espèces de vessies qui tiennent au testicule, ou qui s’en séparent quelquefois , qui aussi deviennent uelquefois d’une crosseur três-considérable q £ 27 318 HIST OIRE NATU RELLE et que les anatomistes ont appelées des 4yda- rides, pourroient bien être de la même nature que les vésicules ly mphatiques du testicule ; car ayant examine au microscope la liqueur que contiennent ces vessies , je la trouvai entierement semblable à celle des vésicules lymphatiques du testicule : c’étoit une li- queur transparente, homogène , et qui ne contenoit rien de mouvant. Au reste, je ne prétends pas dire que toutes les hydatides que l’on trouve ou dans la matrice, ou dans les autres parties de l'abdomen , Soient sem blables à celles-ci ; je dis seulement qu'il m'a paru que celles que j'ai vues attachées aux testicules, sembloient tirer leur origine des vésicules lymphatiques, et qu’elles étoient, en apparence, de la même nature. b GENE et OP RE DANS ce mème temps, je fis des observa- tions sur de l’éau d'huitres, sur de l’eau où l'on avoit fait bouillir du poivre, et sur de l’eau où l’on avoitsimplement fait, tremper du poivre, et encore sur de l'eau où } ’avois.:mIs infuser de la graine d’œiilet ; les bouteilles qui contenoient ces infusions, étoient exac— LA DES ANIMAUX. 319 tement bonchées : au bout de deux jours, je vis dans l’eau d’huîtres une grande quantité de corps ovales et globuleux qui sembloient nager comme des poissons dans un étang, et qui avoient toute l’apparence d'être des animaux ; cependant ils n’ont point de membres, et pas même de queues ; ils étoient alors transparens, gros et. fort vi- sibles : je les ai vus changer de figure sous mes yeux ; je les ai vus devenir successive- ment plus petits pendant sept ou huit jours de suite qu'ils ont duré, et que je les ai ob-— servés tous les jours ; et enfin j'ai vu dans la suite , avec M. Needham,, des animaux si semblables dans une infusion de gelée de veau rôti, qui avoit aussi été bouchée très- exactement, que je suis persuadé que ce ne sont pas de vrais animaux, au moins dans l’acception reçue de ce terme, comme nous l’expliquerons dans la suite. | L'infusion d'œillet m'offrit au . bout de quelques jours un spectacle que je ne pou- vois me lasser de regarder; la liqueur étoit remplie d’une multitude innombrable de globules mouvans, et qui paroissoient ani- nés comme ceux des liqueurs séminales et 320 HISTOIRE NATURELLE de l’infusion de la chair des animaux: ces globules étoient même assez gros les pre- iniers jours, et dans un grand mouvement, soit sur eux-mêmes autour de leur centre, soit en droite ligne, soit en ligne courbe les uns contre les autres : cela dura plus de trois semaines ; ils diminuèrent de grandeur peu à peu, et ne disparurent que par leur extrème petitesse. | | | | Je vis la même chose ; mais plus tard, dans l’eau de poivre bouillie, et éncore la même chose, mais encore plus tard, dans celle qui n’avoit pas bouilli. Je soupçonnai dès lors que ce qu’on appelle fermentation pouvoit bien n'être que l'effet du mounve- ment de cés parties organiques des animaux et des végétaux; et pour voir quelle diffé-. rence il y avoit: entre cétte espèce de fer- mentation et celle des minéraux, je mis au microscope un {ant soit peu de poudre de pierre, sur laquelle on versa une petite goutte d’eau forte; ce qui produisit des phé- nomènes tout différens : c’étoient de grosses bulles qui montoient à la surface et qui obscurcissoient dans un instant la lentille du microscope; c’étoit une dissolution de DES ANIMAUX. 32x parties grossières et massives qui tomboient à côté et qui demeuroient sans mouvement, et 1l n’y avoit rien qu’on püût comparer eu aucune façon avec ce que j'avois vu dans les infusions d’œillet et de poivre. X L V. . J’EXAMINAI la liqueur séminale qui remplit les laites de différens poissons, de la carpe, du brochet, du barbeau : je faisois tirer la laite tandis qu’ils étoient vivans ; et ayant observé avec beaucoup d’attention ces différentes liqueurs , je n’y vis pas autre chose que ce que j'avois vu dans l’infusion d’œillet, c'est-àidire, une grande quantité de petits globules obscurs en mouvement. Je me fis apporter plusieurs autres de ces poissons vi- vans ; et ayaut comprimé seulement en pressant un peu avec les doigts la partie du ventre de ces poissons par laquelle ils ré- pandent cette liqueur, j'en obtins, sans faire aucune blessure à l'animal, une assez grande quantité pour l’observer, et jy vis de même une infinité de globules en mouvement qui étoient tous obscurs, presque noirs et fort petits. 322 HISTOIRE NATURELLE 0 À 4 CNE TE ST AvaAnrT que de finir ce chapitre , je vais rapporter les expériences de M, Needhain sur la semence d’une espèce de sèche appelée calrnar. Cet habile observateur ayant cher- ché les animaux spermatiques dans les laites ce plusieurs poissons différens , les a trouvés d’une grosseur très-considérable dans la laite du calmar ; 1ls ont trois et quatre ligues de lonoueur , vus à l'œil simple. Pendant tout l'éte qu’il disséqua des calmars à Lisbonne , il ne trouva aucune apparence de laite, au- cun réservoir qui lui parût destiné à recevoir la liqueur séminale, et ce ne fut que vers le milieu de décembre qu'il commença à apper- cevoir les premiers vestiges d'un nouveau vaisseau rempli d'un suc laiteux. Ce reser- voir augmenta, s'élendit, et le suc. laiteux, ou la semence qu’il contenoit, y étoit répan- due assez abondamment. En examinant cette semence au microscope, M. Needham n’ap- perçut dans cette liqueur que de petits slo- bules opaques, qui nageoient dans une espèce Ge matière séreuse, sans aucune apparence 62 5 . DES ANIMAUX. 325 de vie; mais ayant examiné, quelque temps après, la latte d’un autre calmar, et la liqueur qu'elle conteñoit, il y trouva des parties orgabiques toutes formées dans plusieurs en- _ droits du réservoir, et ces parties organiques u’étoient autre chose que de petits ressorts faits en spirale ( planche V, figure 1, a'b)et renférmés dans une espèce d’étui transpa- rent. Ces ressorts lui parurent, dès la pre- mière fois, aussi patfaits qu'ils le sont dans la suite ; seulement il arrive qu'avec le temps le ressort se resserré et forme une espèce de vis, dont les pas sont d'autant plus serrés que le temps de l’action de ces ressorts est plus prochain: La tête de l’étui dont nous venous de parler , est une espèce de valvule qui s'ouvre en dehors, et par laquelle on peut faire sortir tout l'appareil qui est con- ienu dans l’étui ; il contient de plus une autre valvule 6, un barillet c, et une subs- tance spongieuse de. Ainsi toute la machine consisté en un étui extérieur & , figure 2, transparent et cartilagineux , dont l’extré— imité supérieure est terminée par une tête arrondie , qui n’est formée que par l’étui lui-même, qui se contourne et fait oMce de EN TEN PERD OUR AR OR ES PEAR uu tuyau transparent, qui renferme le res. sort dont nous avons parlé, une soupape, un barillet et une substance spongieuse ; la vis occupe la partie supérieure du tuyau et de l’étui , le piston et le barillet sont placés au milieu, et Ia substance spongieuse occupe la partie inférieure. Ces machines pompent la, liqueur laiteuse ; la substance spongieuse qu’elles contiennent s’en remplit; et avank que l’animal fraye, toute la laite n’est plus qu'un composé de ces parties organiques qui ont absolument pompé et desseché la liqueur. laiteuse : aussitôt que ces petites machines sortent du corps de l’animal, et qu’elles sont dans l’eau ou dans l'air , elles agissent (planche V, figures 2 et 3);le ressort monte, suivi de la soupape, du barillet et du corps spongieux qui contient la liqueur; et dès que le ressort et le tuyau qui le contient commencent à sortirhors de l’étui, ce ressort se plie, et cependant tout l'appareil qui reste en dedans continue à se mouvoir jusqu'à ce que le ressort, la soupape et le barillet soient entièrement sortis : dès, que cela est fait, tout le reste saute dehors en un instant, PT PTT APT SNA ie Sy AR ! re YE LA . k DES ANIMAUX. 324. et la ligneur laiteuse qui avoit été pompée € qui étoit contenue dans le corps spongieux, 3 po par le barillet, Comme cette observation est très- en lière , et qu'elle prouve incontestablement que les corps mouvans qui se trouvent dans la laite du calmar , ne sont pas des animaux, mais de Aimples machines , des espèces de pompe, j ai cru devoir rapporter ici ce qe en dit M. Needham , chapitre 6 *. « Lorsque les petites machines sont, Er il, « parvenues à leur entière maturité , plu- «sieurs agissent dans le moment qu’elles «sont en plein air: cependant la plupart « peuvent être placées commodément pour « être vues au microscope avant que leur «action commence; et même pour qu’elle « s'exécute , il faut humecter avec une « goutte d’eau l'extrémité supérieure de l’é- « tui extérieur, qui commence alors à sè « développer, pendant que lés deux petits «ligamens qui sortent hors de l’étui, se « contournent et s’entortillent en différentes _ *# Voyez Nouvelles découvertes faites avec le microscope; par M. Necdiam; Leyde, 1747: page 93. | Mat, gén, XVIIE. 29 26 | misro F « façons. En x ‘ < me qui : : | +. nie) y. se à EPS je Li à contre le sommet de l étui ; ce «celles qui sont plus bas, avancent aussi = «semblent être continuellement suivies par | 1 « d'autres qui sortent du piston : je dis qu'elles « semblent être suivies, parce que je ne trois 0 pes qu'elles le soient effectivement; ce n’est Ÿ « qu une simple apparence produite par la na. «ture du mouvement de la vis. Le piston et le « barillet se meuvent aussi suivant la même « direction, et la partie inférieure qui con— « tient la semence , s'étend en longueur et se « meut en même temps vers le haut de l'étui; « ce qu'on remarque par le vide qu’elle laisse «au fond. Dès que la vis, avec le tube dans « lequel elle est renfermée, commence à pa- « roitre hors de l’étui ; elle seé-plie, parce « qu’elle est retenue par ses déux ligamens; & et cepéndant tout l'appareil intérieur con- & tinue à se mouvoir lentement et par de- «grés , jusqu'à ce que la vis , le piston et le « barillet soient entièrement sortis : quand « cela est fait, tout le reste saute dehors en «un moment; le piston #sesépare(plancheV, ES ANIMAUX. 3217 | figure ge barillet c; le ligament appa— «rent, qui est au-dessous de ce dernier, se «gonfle , et acquiert un diamètre égal à « celui de la partie spongieuse qui le suit : « celle-ci, quoique beaucoup plus large que « dans létui, devient encore cinq fois plus | «longue qu'auparavant ; le tube qui ren- « ferme Le tout, s’étrécit dans son milieu, et « forme ainsi deux espèces de nœuds d, e « (planche V, figures 2et3), distans environ « d’un tiers de sa longueur , de chacune de « ses extrémités ; ensuite la semence s'écoule « par le barillet c (figure2), et elle est com- « posée de petits #lobules opaques qui uagent « dans une matière séreuse, sans donner « aucun signe de vie, et qui sont précisé « ment tels que j'ai dit les avoir vus lors- « qu'ils étoient répandns dans le réservoir de «la laite *. Dans la figure, la partie com- * Je dois remarquer que M, Needham r’avoit pas alors suivi ces glohules assez loin; car s’il les cüt observés attentivement , -1l auroit sans doute reconnu qu'ils vienuent à prendre de la vie, ou plutôt de Paca: ité et du mouvement, comme toutes les autres pue organiques des semences animales : : et de MÊME, si dans ce temps 1l eut observé la prennère liqueur laiteuse dans les vues qu’il a eues 328 HISTOIR : NATURELLE « prise entre les deux nœuds d, e ; paroi LS «être frangée ; quand on l’exami i «attention , l’on trouve. que ce ut y fait « paroître telle , c’est que la substance spon+ k _ &gieuse qui est en dedans du tube, est rom- «pue et séparée en parcelles à peu prés « égales. Les phénomènes suivans prouveront « cela clairement. «Quelquefois il arrive que la vis et le tube « se rompent précisément au-dessus du pis- « ton b, lequel reste dans le barillet c (fig. 3) : « alors le tube se ferme en un moment et. « prend une figure conique en se contractant, «autant qu'il est possible, par-dessus l’ex- « trémité de la vis f ; cela démontre qu’il est “ très-elastique en cet endroit, et la manière depuis, d'après ma théorie que je lui ai commu- niquée, je ne doute pas, et il le croit lui-même, qu’il auroit vu entre ces globules quelque mouve- | ment d’approximation, puisque les machines se sont formées de l’assemblage de ces globules : ear on doit observer que les ressorts, qui sont des partiés qui paroissent les premières, sont entièrement dé- tachés du vaisseau séminal quilés contient, et qu’ils pagent librement dans la liqueur; ce qui prouve qu'ils sont formés immédiatement de cette même liqueur, bé > 0ius _ DES ANIMAUX. 32e « dont il s’accommode à la figure de la subs- « lance qu’il renferme , lorsque celle-ci «souffre lé moindre changement , prouve _ «qu'il l’est également par-tout ailleurs. » M. Needham dit ensuite qu'on seroit porté à croire que l’action de toute cette machine seroit due au ressort de la vis; mais il prouve par plusieurs expériences que la vis ne fait, au contraire, qu’obéir à une force qui réside dans la partie spongieuse : dès que la vis.est séparée du reste, elle cesse d’agir et.elle perd toute son activité. L'auteur fait ensuite des réflexions sur cette singulière machine. « Si j'avois vu, dit-il, les animalcules « qu'on prétend être dans la. semence d’un « animal vivant, peut-être serois-je en état « de déterminer si ce sont réellement des «créatures vivantes, ou simplement des « machines prodigieusement, petites, et qui « sont en miniature ce que les vaisseaux du « calmar sont en grand. » Par cette analogie et par quelques autres raisonnemens, M. Needham conclut qu'il y a grande apparence que les vers sperma- tiques des autres animaux ne sont que des eorps organisés, et des espèces de machines 28 imatiques qu’on voit en imeiiÿé D champ du microscope, il y en ait seulement quelques milliers qui agissent et se déve- loppent en même temps ; cela suffira : ‘pout mous faire croire qu'ils sont tous vivans : concevons de même, ajoute-t-il, que le mouvement de chacun de ces vers sperma- tiques dure, comme celui des machines du calinar, environ une demi-minute; aloïs, comme il y aura succession d’action et de machines les unes aux autres, cela pourra durer long-temps, et les prétendus animaux paroîtront mourir successivement. D ail- leurs, pourquoi le calmar seul n’auroit-il dans sa semence que des machines, tandis que tous les autres animaux auroient dés vers spermatiques, de vrais! animaux ? L’analogie est ici d’une si grande force, qu’il ne paroît pas possible de s’y refuser. M. Needham remarque encore très-bien que les observations mêmes de Leeuwénhoeck semblent indiquer que les vers spermatiques ont beaucoup de ressemblance avec les corps a 1e ANIMAUXION S% ‘organ isés de la semence du calimar. J'ai pris, | dit Leeuwenhoeck én parlant de la semence du cabillaud, ces corps ovales pour ceux des _animalcules qui étoient crevés et distendus, ‘parce qu’ils étoient quatre fois plus gros que ‘les Corps des animalcules lorsqu'ils étoient ! ren vie. Et dans un autre endroit, j'ai re- Enargné: dit-il en parlant de la semence ‘du chien, qué ces animaux chängent sou- vent de figure, sur-{out Sp la liqueur dans laquelle ils nagent, $’éväpore; leur mouvement progressif nes étend pas au-delà du diamètre d’un cheveu *. Tout cela étant pesé et examiné, M. Need ‘ham a conjecturé que les prétendus animaux spermatiques: pouvoient bien n'être en effet que des espèces de machines naturelles, des corps bien plus simplement organisés que le corps d’un animal. J'ai vu à son microscope, etavec lui, ces mêmes machines de la laite du calmar, et on peut être assuré que la des cription qu'il en a donnée , est très-fidèle et très-exacte. Ces observations nous font donc voir que la semence est composée de * Voyez Lecuwenhoeck, Arc. Mar. pages 306, -30g et 316. 3 HISTOIRE à NA | parties qui cherchent à s’ 01 produit en. effet dans elle : - organisés ; Anais que.ces Corps | sont pas encore des D à organisés semblables ‘à d'u paint On pourait sRere aus 16 qui servent à perfectionner | ll nale et à la pousser avec force 4 par cette action vive et inté _ pénètre, plus intimement la Has ; femelle. . ‘ ur “de la 1 | ee 3% G <. "à le PERS Fin Fig tome dx -huitibmens | g Lu E- +. ss Ps Des 2 SA ER en _ s VA B L2E Des articles contenus dans ce volume. Histoire des animaux. CmaprTRe PREMIER. Comparaison des animaux et des végétaux, page 5. CHaPiTRe II. De la reproduction en géné= ral, 26. CHAPITRE III. De la nutrition et du déve- loppement , 61. CuapiTRe IV. De la génération des am- maux, 70. CHAPITRE V. Exposition des systémes sur la génération , 107; CuHaPpiTRre VI. Expériences au sujet de la génération , 242+ DE L’'IMPRIMERIE DE PLASSAN. as see 1 GENE v) Le LT AMEN MAO R TE) ue var (} Û In î LUN | 3 9088 00769