*^ ,.o/iacea y J. M.) . . . 37 La Loche licorne {Cob. monocct'os ^ J. M.). . . 38 La Loche verdâtre {Cob. chlorosoma^ J. M.) . 3 8 La Loche à anneaux {Cob. zonata^ nob.) ... 39 La Loche des pierres {Cob. rupecula ^ nob.). . 40 Xlj TABLE. La Loche marbrée (Coh. marmorala^ Heck.). La Loche rayée {Coh. vittata^ Heckel). . . . La Loche à brides {Coh. frœnata^ Heckel). . La Loche panthère {Coh. panthera^ Heckel). La Loche très-belle {Coh. insignis^ Heckel) . La Loche tigrée {Coh. tigris ^ Heckel). . . . Pages. Planch. 42 43 44 44 45 Le Misgurne {Coh. fossilis^ Linn.) 46 La Loche de rivière {Coh. tceiiia^ Linn.). ... 58 La Loche Guntea {Coh. Guntea^ Buch.). ... 67 La Loche amnicole {Coh. amnicola^ nob.) ... 68 La Loche des montagnes {Coh. moiitana^ nob.) 69 La Loche aiguillonnée {Coh. aculeata, nob.). . 70 La Loche cucura {Coh. cucura^ Buch.) .... 70 La Loche gongota {Coh. gongota^ Buch.). . . 71 La Loche Botie {Coh. Botia^ Buch.) 72 La Loche bulgara {Coh. hiilgara^ Bnch.). ... 74 La Loche d'Hasselt {Coh. Hasselti^ nob.). . . 74 La Loche Pangia {Coh. Pangia^ Buch.) .... 76 La Loche oblongue {Coh. ohlonga^ K. et V. H.) 76 La Loche de Kuhl {Coh. Kuhlii^ nob.) .... 77 La Loche thermale {Coh. ihermalis^ nob.) ... 78 La Loche à gouttelettes {Coh. guttataj J. M.) . 79 La Loche à museau effilé {C. phoxocheila^ J. M.) 79 La Loche brunâtre {Coh. suhfusca^ nob.). . . 80 La Loche scaturigine {Coh. scaturigina ^ Buch.) 8i La Loche geto {Coh. getOj Ham.) 84 TABLE. XIJJ Pages. Planch. La Loche Dario {Coh. Dario ^ Biich.) 85 La Loche géante (^Coh. grandis^ Botia grandis ^ Gray) 86 La Loche raalaptérure (Cob. malapteriira ^ nob.) 88 523 CHAPITRE XX. Des Balitores {Balitora^ Gray) 91 Le Balitore à museau rouge {Balitora erjthro- rhina^ nob.) 93524. Le Balitore ocellé {Bal. ocellata, nob.) .... 96 Le Balitore pavonin (Bal. pai^onma^ nob.). . . 97 Le Balitore rayé (Bal. lineolata^ nob.) gg Le Balitore de Bruce (Bal. Bruceî, Gray). . . 101 Le Balitore tacheté (Bal. ?naculata, Gray). . . 102 Le Balitore nason (Bal. nasuta^ J. M.) . . . . io3 CHAPITRE XXL Des PoEciLiEs , des Cyprinodons , des Fundules , des Hydrargyres et Grundules io5 Des P0ECILIES (Pœcilia) . 112 La Pœcilie de Surinam ( Pœcilia Surinamensis^n.) 120 La Pœcilie à une tache (Pœc. unimacula^ Val.) 128 La Pœcilie à museau en coin (Pœc. sphenops^ n.) 1 3o 5 2 5 La Pœcilie de Saint-Domingue (Pœc. Domini- censisj nob.) i3i5 26 La Pœcilie ponctuée (-Pûîc. pmcto^a, nob.). . . i33 La Pœcilie grêle (Pœc. gj'acilis y noh.) i33 La Pœcilie à plusieurs raies (Pœcilia multilineata^ Lesueur) . . 134 XIV TABLE. Pages. Plancli. La Pœcilie de Schneider (Pœcilia Schneideri^ Val.) 1 3 5 Des MoLLiÉNisiEs {Mollienisia^ Lesueur). . . . La Molliénisie aux larges nageoires (Mollieni'sia latipina^ Lesueur) Des CyprinodonSj Lacép., ou Lebias, Cuvier. . Le Cyprinodon de Cagliari {Cjprinodon calari- taniiSj nob.; Lehias calaritana^ Bonelli) . . Le Cyprinodon rubanné (Cjpr.fasciatusy nob.; Lebias Jasciata j Val.) Le Cyprinodon d'Espagne (Cjpr. IberuSj nob.) Le Cyprinodon à croissant (Cjpr. lunatus^ nob.; Lehias lunatus ^ Ehr.) Le Cyprinodon de Moïse {Cjpr. Moseas^ nob.) Le Cyprinodon d'Aranion {Cjpr. Haminonis ^ n.) Le Cyprinodon mentonnier (Cjpr. mento , Heck.) Le Cyprinodon varié {Cjpr. ^imriegaius ^ Lacép.) Des FtiNDULEs (Lacépède) Le Fundule cacao {Fiindulus cœnicolus^ nob.). Le Fundule à ventre blanc (Fundulus pisculen- tusj nob.) Le Fundule rayé de noir {Fundulus nigrofas- ciatiiSj nob.) Le Fundule à petites zones {Fund. zonatus ^ n.) Le Fundule à petites ceintures {Fund. cingulatus, nob.) Le Fundule des sources {Fund.fontkola^ nob.) 3? 39 527 45 5i 5 6 60 628 61 68 529 69 71 73 78 19 ^3o 90 93 96 97 98 TABLE. XV Pages. Plan cil Le Fundule du Brésil (Fund. Brasiliensis ^ iiob.) 199 Le Fundule multifascié (Fund. multifasciatus ; Hjdrargjra midtifasciata ^ Lesueur) .... 200 Des Hydrargvres (Lacépède) 201 L'Hydrargyre SAvampine {Hjdrargyra swampina^ Lacép.) 2o3 L'Hydrargyre printannière {Hjdr. vemalis ^ n.) . 206 L'Hydrargyre de Mai (Jfydr. Majalis^ nob.) . . 207 L'Hydrargyre d'Espagne {Hjdr. Hispanica^ n.) 214 53i Des Grundules (G run du lus ^ nob.) 216 Le Guapucha (^Grundulus Bogotensis ^ nobis; Pœcdia Bogotensis ^Mwmh.) ...*..... 216 CHAPITRE XXIL Des Orestias ...221 L'Orestias de Cuvier (^Orestias Cui^ieri^ nob.) . 226 5 32 La Bbga ou Boguilla (Orest. Pentlandii^ nob.). 2 3o 5 33 Le Veie Key (Oî^est. Humboldtii y nob.) 2 33 5 34 L Orestias de Jussieu (Ore^yf. /«^yj-Ze/j nob.). . . 2 35 5 35 L'Orestias d'Agassiz (07'ei■^ ^^«j'i'/^/ïj nob.) . . 2 38 5 36 L Orestias de Muller {Orest. Mulleri, nob.) . . 240 L Orestias d'Owen (Orest. Oweniij nob.) ... . 241 L'Orestias blanc (Orest. albus ^ nob.) 242 537 L'Orestias jaune (Ore>yf. /«to/^, nob.) 243 CHAPITRE XXIIL Des Anableps 245 L'Anableps de Gronovius (Anahl. Gronom^ n.) 252 5 38 et 539 XVJ TABLE. Pages. Plancli. L'Anableps aux yeux rapprochés {Anahl. coarc- tatus^ iiob.) 266 540 L'Anableps grêle (^nahl. elongatus ^ nob.). . . 267 641 LIVRE DIX-NEUVIÈME. Des Ésoces ou Lucioïdes 269 CHAPITRE PREMIER. Des Brochets (^Esox) 277 Du Brochet commun (Esox lucius^ Linn.). . . 279 Le Brochet austral (£sox australis ^ nob.). . . 323 Le Brochet estor (Esox estor^ Lesueur) . . . . 324 642 Le Brochet réticulé {Esox reticulatus ^ Les.) . . 327 Le Brochet américain (Esox americanus^ Lacép. ; Esox iiiger^ Lesueur) 329 Le Brochet à collier (Esox phaleratus ^ ^^y) • 33 3 Le Brochet vermiculé (Esox vermiculatus ^ Les.) 333 Le Brochet rayé (Esox lineatus^ Les.) 3 35 Le Brochet depraude (Esox depraudus^ Les.). 3 36 Le Brochet rembruni (Esox lugubrosiis^ Les.). 338 CHAPITRE IL Des Galaxies 340 La Galaxie truitée (Galaxias truttaceus, Cuv.). 344 643 La Galaxie écriture (Gai. scriba^ nob.) .... 347 La Galaxie sablée (Gai. attenuatus ^ nob.; Mesites attenuatuSy Jennyns) 34B La Galaxie fasciée (Gai. fasciatus ^ nob.). . . . 35 o La Galaxie de Forster (Gai. Forsteri^ n.; Esox alepidotus ^ Forst.) 35i TABLE. XV IJ P.ngis. Planct. La Galaxie maculée (Gai. maculatus^ nob.; Me- sites maculatusj Jennyns) 355 La Galaxie alpine (Gai. alpinus^ nob.; Mesites alpinus^ Jenn.) 35 6 CHAPITRE IIL Du genre Microstome, et en particulier du Micro- slomG ax^erïlQ (Micro stoma argenteum^ïioh. ) 35 8 544 CHAPITRE IV. Des Stomias, et en particulier du Stomias boa (Stomias boa) ...368 545 Le Stomias de Field (Stomias Fieldii, nob.). • 378 CHAPITRE V. Des Panchas (Panchax) 3 80 Le Pancha rayé (Panchax lineatunij nob.). . . 38 1 546 Le Pancha de Buchanan (Panch. Bucîianani^ n.) 383 Le Pancha de Kuhl (Panch. Kiihliij nob.). . . 384 Le Pancha peint (Pancha pictum^ nob.). . . . 3 85 CHAPITRE VL Des Vandellies (Fandellia ^ nob.), et en parti- culier du f^andellia cirrhosa 386 347 CHAPITRE VIL Des Orphies (Belone ^ Cuv.) 38g L'Orphie vulgaire (Belone 'vulgari'Sj nob.). . . 3gg L'Orphie aiguille (Belone acus ^ Risso) 414 L'Orphie de Cantraine (Bel. Cantrainii, nob.) . 418 18. b XVIlj TABLE. Pages. Plancb. L'Orphie du Sénégal (Bel. SenegalensiSj nob.). 421 L'Orphie à caudale tronquée (Bel. truncaia^ Les.) 422 L'Orphie ardéole (Belone ardeola^ nob.) . . . 426 L'Orphie tiinucu (Bel. timucuj nob.) 426 L'OrT^hiehécassme (Bel. scolopacina y nob.) . . 428 L'Orphie à casque (Bel. galeata^ nob.) .... 429 L'Orphie caraïbe (Bel. carihœa^ Les.) 43o L'Orphie au bec ouvert (Bel. hians^ nob.). . . 432 .648 L'Orphie ciganelle (Bel. ciconella^noh.) . . . . 436 L'Orphie carénée (Bel. carinata^ nob.) .... 437 L'Orphie géranie (Bel. gerania^ nob.) 437 L'Orphie de Lesueur (Bel. argalus^ Les.) ... 439 L'Orphie crocodile (Bel. crocodilus ^ Les.) . . . 440 549 L'Orphie de d'Urville (Bel. Vri^ilUi^ nob.). . . 444 L'Orphie anastomelle (Bel. anastomella j nob.) . 446 L'Orphie annelée (5e/. annulataj nob.) . . . . 447 5 5o L'Orphie aux points noirs (Bel. melanostigma ^ Ehr.) 460 L'Orphie à queue plate (Bel. platura^ Rupp.) . 45 i L'Orphie entaillée (Bel. incisa j nob.) 461 L'Orphie ocellée (Bel. caudimaculata ^ nob.). . 462 L'Orphie cancila (Bel. cancila^ nob.) 45 5 L'Orphie trachure (Bel. trachura, nob.). . . . 456 CHAPITRE Vin. Des ScoMBRÉsocEs (Scomhresox y Lacép.) . . . 4 5o LeScombrésocecainpérien (Scombresox Camperij Lacép.) 464 55 1 Le Scombrésoce de Rondelet (Scombr. Rondeletiiy nob.) 472 TABLE. XIX Pages. Planch. Le Scoiubrésoce coutelet {Scoinhr. scutellatus ^ Les.) 47 7 Le Scombrésoce équirostre (Scomhr. equirostrunij Les.) 470 Le Scombrésoce de Forster (Scoinbr. Forsteri^ n.) 481 ADDITION AU GENRE Loche. La Loche à queue d'anguille (Cobitis anguilli- caudatUy Cantoi) 482 SUPPLEMENT au tome xv. Des Trtchomyctères (7'/7c^o/?y^cferMJj nob.). . 486 Le Trichomyctère pointillé (Trich. punctatus^ n.) 488 552 Le Trichomyctère aréole {Trich. areolatusj nob.) 492 Le Trichomyctère tacheté {Trich. maculatusj n.) 493 Le Trichomyctère noirâtre {Trich. nigricansj n.) 494 Le Trichomyctère rivulé (Trich. rii^uïatusj nob.) 495 Le Trichomyctère de l'Inca (T/^c/z. /«c^). . . . 496 Le Trichomyctère grêle (Trich. gracilis^ nob.) . 497 Le Trichomyctère barbatule ( Trich. harhatula , nob.) 498 De I'Erémophile {Eremophilus^ Humb.) .... 498 L'Eréraophile de Mutis (Eretn. Mutisii^ Humb.) . 5 00 55 3 ERRATUIVl. Page 487, ligne 10. Ju lieu de l'absence et ces mêmes na- geoires, lisez: l'absence de ces mêmes nageoires. HISTOIRE DES POISSOI^S- SUITE DU LIVRE DÎX-HUÏTIÈME. CYPRINOÏDES. CHAPITRE XIX. Les Loches {Cobitis). Le nom de cohitis, sous lequel Ai tedi a réuni les petites loches de nos eaux douces, était, chez les Grecs, un de ceux des nombreux fretins que les pécheurs de ce temps appe- laient collectivement Aphya. C'est Athénée* qui nous a transmis l'expression de ¥^œl?)tris, en l'appliquant à la seconde espèce d Aphye, la première étant nommée Aphritis. Un peu plus loin, dans le même chapitre^ du banquet des savants, Dorion appelle g-v)>Jîroff l'Aphye cobite, 1. Ath., Deipn., !iv. VII, p. 284, F, '2. P. 285, A, B. 18. 4 LIVRE XVIII. CYPRINOIDES. à la fin de ce genre. I^a description trop vague du naturaliste liollandais ne permet d'en dé- terminer ni le genre ni l'espèce. M. Cuvier avait rétal)li, dans le Règne ani- mal, le genre Cobitis tel qu'Artedi l'avait créé; lorsque les voyageurs ou les naturalistes, qui ont suivi l'élan donné aux sciences natu- relles par les bienfaits de la paix, eurent l'idée de le modifier. On voit, en effet, dans les ma- nuscrits envoyés de Java par Kuhl, que cet infortuné zoologiste croyait déjà pouvoir sé- parer les Cobitis en Nemacheilus et en Acan- thophthabnus, frappé qu'il était de la différence existant entre les loches à sous-orbitaire lisse et celles à sous-orbitaire mobile et changé en une véritable épine souvent double. Cette idée, que la mort de ce voyageur empêcha de mettre en publication, se présenta aussi à M. Gray '. Ce savant a établi un genre Botia^ pour réunir les espèces à sous-orbitaire épi- neux, et laissa pour Cobitis les espèces à sous-orbitaire lisse. M. Agassiz^ suivit aussi le même système dans son mémoire sur les cyprins du lac de 1. Illust. of Ind. Zool. 2. Description de quelques Cyprins du lac de Neuchâtel , dans les Mém. fie la soc. de Neuch. i834. CHAP. XIX. LOCHES. 5 Neuchâtel. Il divisa le genre d'Arlcdi en AcANTHOPSis et en Cobitis. Ces divisions ont été adoptées par la plupart des naturalistes de l'époque. Il semblerait cependant que le sa- vant ichthyologiste de Neuchâtel n'aurait considéré, pour en fonder les diagnoses, que les espèces d'Europe. Voici les remarques que l'on peut faire sur l'opposition de leurs carac- tères. Pour mieux faire apprécier ces remar- ques, je vais d'abord reproduire ici le texte même de mon célèbre ami M. Agassiz. « AcAiNTHOPSis. Corps comprimé — premier «sous-orbitaire acéré, fourchu et mobile — « dents pharyngiennes très-pointues et sur une „ rangée — des barbillons très-courts autour «de la bouche — caudale arrondie. « CoBrris. Corps cylindracé — sous-orbitaires «lisses — dents pharyngiennes taillées en bi- «seau — des barbillons nombreux autour de «la bouche — caudale arrondie.'' Si le cobitis tœnia , type du premier groupe, a le corps comprimé, il faut bien faire attention que plusieurs espèces étran- gères h sous-orbitaire épineux ont le corps tout aussi rond que beaucoup de nos loches franches. L'expression de premier sous-orbi- taire acéré opposée à celle de sous-orbitaires lisses est une légère inexactitude anatomique; 6 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. car dans le plus grand nombre des loches il n'y a qu'un seul sous-orbitaire. La longueur des barbillons des loches épi- neuses varie tellement, que la brièveté de ces tentacules devient caractéristique pour quel- ques espèces, mais non pas pour le genre. Il n'y a généralement que six à huit barbillons. On pourrait croire, en disant que la bouche est entourée de barbillons nombreux, qu'il y a un nombre plus considérable de ces or- ganes. Enfin, la forme arrondie de la caudale convient à quelques espèces, il est vrai, mais il y en a aussi qui ont la caudale coupée car- rément et d'autres l'ont fourchue. C'est même, comme nous le verrons tout à Theure, pour avoir attaché trop d'importance à la forme de cette nageoire, que M. J. M'clelland a fait un genre particulier des espèces à caudale bilobée. Mais ce qui a une bien autre impor- tance que les observations faites sur des points de détails, c'est que le Cohitis fossilis détruit par son organisation la séparation des deux genres. M. Agassiz le laisse dans ses cohitis , ce qui implique qu'il n'a pas vu que le sous-orbi- taire de ce poisson est acéré, mobile. L'on peut observer, en y regardant de près, et avec beau- coup d'attention, une petite fente au-dessous de l'œil, dans laquelle on sent la pointe os- CHAP. XIX. LOCHES. 7 seuse de cette pièce de la face. Le Cohitisfossilis appartient donc autant à un genre qua l'autre. Ce sont les raisons qui m'ont empêché de suivre la méthode de mon savant ami , et qui m'ont tait laisser le genre tel qu'Artedi l'avait établi. C'est en effet à ce père de l'ich- thyologie qu'il faut en reporter la création. Je ne devine pas pourquoi, dans le mémoire cité plus haut, l'auteur a voulu le faire re- monter jusqu'à Rondelet. Il me semble que l'ichthyologiste de Montpellier, si habile or- dinairement, ne doit pas être cité à ce sujet, car il y a laissé le tout dans une assez grande confusion. En tête de son article' de cohite Jliwiatili, fait sur la loche franche , il a placé la figure de je ne sais quel petit cyprin , que Von pourrait considérer comme celle d'une jeune ablette; la longueur de l'anale, et l'ondulation de la hgne latérale me le font croire. Puis, au chapitre suivant^, il donne une figure des plus fautives du cobitis tœnia, et une autre d'une petite loche franche, autant qu'on peut en juger par la longueur des bar- billons, et dont il fait dans le texte une troi- sième espèce de cohitis. Belon n'a pas mieux 1. De fisc- fiuv., p. 2o5, ch. XXVI. 2. Ejusd. ibid. , p. 2o4, ch. XVII. 8 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. connu ou plutôt na pas parlé de nos loches, puisqu'à Texemple des Grecs il ne cite le co- hitis que parmi les espèces d'Aphyes. Les au- teurs qui suivent jusqu'à 1 époque d'Artedi ne peuvent être mentionnés qu'aux articles de l'espèce dont ils traitent; car ils n'avaient en- core aucune idée de ce que nous appelons des genres. M. Nordmann' a adopté les idées de M. Agassiz sur les subdivisions, en les admettant comme faciles à saisir pour les espèces d'Eu- rope, et en ne décidant rien pour les loches exotiques. Il n'a donc pas non plus sufEsamment examiné le cobitis fossilis. 11 faut d'ailleurs re- connaître, que l'idée de se servir du caractère, en apparence si important, et pris du sous- orbitaire mobile , épineux et extérieur dans un cas, G.xe, lisse et caché sous la peau dans l'autre, est d'une séduisante application; aussi a- 1- elle été suivie en Angleterre et en Alle- magne par des auteurs du plus grand mérite. M. J. M'clelland a été dirigé par un autre principe dans son mémoire sur les cyprinoïdes de l'Inde; car c'est d'après la forme de la cau- dale qu'il a subdivisé le genre de Linné en deux autres : les Cobitis à caudale arrondie. 1. Faun, pont. , p. 4*^^- CHAP. XIX. LOCHES. 9 elles ScHiSTLRA à caudale fourchue. Ses pre- miers essais ont paru dans le Journal de la Société asiatique de Calcutta \ et il les a re- produits dans son grand travail sur les cypri- noïdes de l'Inde^. Les observations que je donnerai à la fin des articles descriptifs, prou- veront comment ces divisions sont établies sur des bases peu solides. 11 suffit de rappeler ici que la forme arrondie ou fourchue de la caudale n'influe en aucune façon sur l'orga- nisation du poisson, qu'elle n'apporte aucune modification physiologique importante; c'est tout simplement un excellent caractère d'es- pèces. Il n'y a pas de doute que, si le caractère des sous-orbitaires épineux ou sans épine était constant, il n'aurait une valeur zoologique beaucoup plus grande; mais M. M'clelland n'en a tenu compte que pour établir des dif- férences spécifiques. Il me paraît donc convenable, de ne pas changer le genre d'Artedi , et j'y ajouterai les nombreuses et nouvelles espèces que les recherches des naturalistes ont fait découvrir depuis Linné jusqu'à ce jour. Les loches sont caractérisées par leur 1. Journ. Soc. as. Calcutta, t. VII, p. 941 et suiv. 2. Asiat, research., J. XIX, part- 11. 1 0 LIVRE XVIÏI. CYPRINOÏDES. bouche petite et sans dents, entourée de barbillons, dont le nombre paraît varier de quatre à huit. La fente des ouïes est rckiuitc à une petite ouverture verticale sur le haut de l'opercule , à cause de l'adhérence sous l'isthme de la gorge et autour de l'ossature de l'épaule de la membrane branchiostège, dont les rayons sont au nombre de trois seule- ment; le sous-orbitaîre entièrement caché sous la peau ou prolongé en une épine plus ou moins saillante , ne forme plus ordinaire- ment autour de l'œil cette petite chaîne os- seuse que l'on trouve dans les autres poissons. La dorsale n'a aucun rayon solide. Les écail- les sont petites, perdues souvent dans les mu- cosités de la peau. Je n'ai observé aucune espèce dépourvue d'écaillés, mais plusieurs ob- servateurs parlent de loches tout à fait privées de ces parties tégumentaires. Malgré l'assertion des auteurs respectables qui ont avancé ce fait, j'ai lieu d'en douter; car les loches sont des cyprinoïdes , qui sont tous écailleux. Elles appartiennent aussi à cette famille, parce qu'elles n'ont pas de pharyngiens supérieurs. Ce genre ainsi caractérisé, comprend les trois seules loches d'Europe, et les nombreuses espèces de l'Inde. Je ne connais pas de loches originaires d'autres contrées; l'Afrique ni l'Ame- CHAP. XIX. LOCHES. 1 1 rique n'en ont pas jusqu'à présent fournies. Toutes ces espèces ont un canal intestinal court, sans cœcums, un foie assez volumineux, la rate petite, les organes génitaux assez dé- veloppés, ainsi que le système urinaire. Quant à la vessie aérienne , elle offre dans le plus grand nombre des espèces une particularité fort notable, qui consiste dans l'inclusion de cet organe, dans une ampoule osseuse formée par le développement de la grande vertèbre des cyprinoïdes. Cette singulière organisation, découverte par Schneider dans le cohitis fossilis , se reproduit dans presque toutes les loches. On ne connaît que deux ou trois espèces qui fassent exception à ce trait carac- téristique. J'ai vérifié sur l'une d'elles appor- tée de rinde cette particularité observée par J. M'clelland. Sa vessie aérienne est unicj[ue, membraneuse, allongée, fusiforme, et sem- blable à celle des autres poissons. Cette excep- tion nous apprend que la vessie aérienne des cobitis, ramenée à l'état ordinaire est simple, composée d'une seule ampoule , et qu'elle diffère, sous ce rapport, de celles des cyprins. Si dans les autres organes de ces espèces on trouvait quelques signes différentiels et carac- téristic[ues, on pourrait alors séparer ces loches à vessie aérienne libre de celles qui ont la ves- 1 2 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. sie renfermée dans une cavité osseuse j mais rien à l'extérieur ne justifie cette distinction, que M. M'clelland jugeait peut-être conve- nable d'établir, puisqu'il avait composé le nom (ïhjnienophjsa y pour désigner ce genre. Une autre modification au genre de Linné avait été proposée par Lacépède, qui, ayant cru que Bloch attribuait des dents aux os maxillaires de cette loche , en fit le genre MiSGURNE. Déjà Guvier^, dès la première édition du Règne animal , avait réformé ce genre mal conçu. Depuis, M. Agassiz^ a donné une ex- plication très-fine du sens que l'on doit attri- J3uer aux expressions de Blocli; mais toutefois en y laissant glisser quelques légères inexac- titudes. Il a remarqué avec raison que Blocb, par une singulière confusion anatomique , a appelé Kinnlade tout os qu'il a vu armé de dents, que ce fut un maxillaire ou un pha- ryngien. C'est une explication qu'il faut ad- mettre, quand on compare les différens pas- sages de Bloch , et notamment ce qu'il dit des mâchoires dentées de la carpe, mais l'ex- pression allemande n'en reste pas moins très- 1. Cuvier, Règne animal, 1817, p. 197. 2. Descript. de quelq. espèces de cj'piins du lac de Neuchàtel, Mémoire de la Société d'hist. nal. de Ncuch. i834; p- 4- CHAP. XIX. LOCHES. 13 fautive. D'ailleurs M. Cuvier n'a pas négligé de chercher les dents pharyngiennes; car, au con- traire, il dit positivement que les os pharyn- giens inférieurs des loches sont assez fortement dentés. Enfin, Lacépède n'a ni traduit, ni transposé les expressions de l'auteur allemand; car il a toujours travaillé sur l'édition française que Bloch a publiée lui-même à Berlin, et où il y a même assez de lacunes, pour qu'il soit utile de recourir quelquefois au texte étranger. Lacépède avait laissé dans son genre des cobitis les deux espèces linnéennes, et il y a ajouté une nouvelle, d'après les renseigne- ments qu'il avait reçus de M. Noël de la Mo- rinière. Il est évident que ce dernier avait induit M. de Lacépède en erreur. La note de M. Noël, retrouvée dans ses papiers, mon- tre qu'il avait sous ses yeux une jeune lote {gadus Iota), prise, comme il arrive très-sou- vent, avec les loches. En cherchant à faire cette rectification, je suis arrivé à en trouver une autre. C'est que le cjpi^in vej^ddtre n'est établi par Lacépède que sur une mauvaise figure de la tanche commune {cjprinus tinca) qui lui avait été également communiquée par M. Noël de la Morinière. M LIVRE XVIII. CYrRINOÏDES. La Loche franche. {Cobitis barhatula, Linn. ) Quand on tient dans un vase les deux espèces de loches de nos pays, il est toujours aisé de distinguer parmi elles la loche franche à sa tête large et aplatie; à la longueur des bar- billons étendus au devant et de chaque côté du museau; à la saillie des yeux, assez mobiles; à la longueur des pectorales; et enfin à la petite tache noire qui existe sur la partie inférieure de l'insertion des rayons de la caudale : le fond de la couleur, quoique différent, n'offre pas toujours une colo- ration assez tranchée pour qu'on ne puisse pas con- fondre les deux espèces. La tête fait le cinquième de la longueur totale. On peut dire que le corps est un peu comprimé sur les côtés, et arrondi au devant de la dorsale. La ligne du profil, depuis les yeux jusqu'à la na- geoire du dos, est droite; mais en avant des yeux elle est un peu plus soutenue. Le museau est en ogive, à peine moitié aussi large que la tête l'est à la nuque. De son voile labial saillent les quatre barbillons supérieurs. Les deux externes sont deux fois au moins aussi longs que les deux internes. Ceux de l'angle de la bouche sont égaux aux barbillons externes. Au tiers de l'espace compris entre l'œil et le bout du museau, on voit s'élever la CHAP. XIV. LOCHES. 15 papille de l'ouverture antérieure de la narine; la pos- térieure, un peu au-dessous, est près de l'œil. Celui-ci, rond, mobile et saillant, a le cinquième de la lon- gueur de la tête en diamètre. Sous la peau lisse et muqueuse qui revêt la tête, on ne voit à l'extérieur ni le sous-orbitaire, ni aucunes pièces operculaires; je ne puis non plus apercevoir au-dessous de l'œil le moindre indice de fente, ni même de pore qui correspondrait au sous-orbitaire. Toute l'ossatin-e de l'épaule est de même cachée sous la peau : comme les ouies sont peu fendues, et que d'ailleurs la fente est oblique en dessous, on ne peut pas la voir, malgré le mouvement assez rapide que le poisson imprime à ses opercules. Quand il est tranquille au fond de l'eau, il tient ses pectorales étendues horizontalement et dirigées un peu en ar- rière : le premier rayon est simple et large; le second a l'éventail oblique d'arrière en avant; les autres ont, au contraire, leur bord dirigé obliquement et en dedans, ce qui rend la nageoire assez pointue. Sa longueur égale celle de la tête: les ventrales sont d'un tiers plus courtes, et elles sont plus pointues. L'anale est petite et arrondie. La caudale a ses lobes arrondis, mais ils ne sont séparés vers le bord que par une simple échancrure; la dorsale est petite et coupée carrément. B. 3; D. 9; A. 6; C. 20; P. 10: V. 9. Il faut y regarder avec le plus grand soin, pour ne pas dire que le corps de cette loche soit sans écailles. Elles sont un peu plus faciles à voir le long de la ligne latérale, avec le secours d'une forte loupe, 46 LIVRE XVIIl. CYPRINOÏDES. que sur les autres parties du dos ou du ventre- Cependant, quand la peau est desséchée, les écailles apparaissent d'une manière évidente sous forme de petits points. La couleur est un verdâtre sablé de points pigmen- taires noirs; devenant quelquefois assez abondants et serrés, principalement sur les côtés, pour former des séries de taches noires ou verdâtres foncées. Les pectorales sont jaunes, tiquetées de noirâtre; les ven- trales sont plus pâles. La dorsale et la caudale ont la membrane transparente et beaucoup plus tachetée, principalement sur la dernière de ces deux nageoires. Les barbillons sont jaunâtres et quelquefois orangés. Comme je l'ai dit plus haut, une tache noire existe h la base du lobe inférieur de la caudale. Souvent une petite bandelette ou zone blanche indique la fm de la queue et le commencement de la na- geoire. On voit un trait brun tiré de l'œil au bout du museau. J'ai donné le nombre des rayons branchiostèges. La bouche est petite, et le dessous de la gorge est plat. La langue est petite, échancrée en avant. Les pharyngiens sont petits , et portent huit ou dix dents en crochets sur un seul rang. Nos plus grands individus ont quatre pouces de long; mais ils sont rares de cette taille, d'ordinaire ils n'ont que trois pouces. Le foie se montre à l'ouverture de l'abdomen, divisé en lobes enroulés sur la partie supérieure et dilatée de l'intestin, de manière à former, avec ce viscère et la rate cachée sous le bord postérieur CHAP. XIX. LOCHES. 17 gauche, une masse assez grosse sous les pectorales et dans la région antérieure de la cavité du ventre. La vésicule du fiel est petite et sur le haut du bord droit du foie. L'œsophage, qui s'engage dans les lobes hépatiques, se porte d'abord un peu vers la droite, et paraît dans une ouverture circulaire que laissent entre elles les divisions du foie. Après s'être un peu dilaté, sans avoir pourtant d'étranglement qui marque son origine, l'estomac remonte en travers pour passer dans le côté gauche, et l'on voit de nouveau le tube digestif entre les lobes droits der- rière la vésicule du fiel; l'intestin se replie, se porte par quelques courbures vers le côté gauche, puis il fait deux replis et suit les deux ovaires jusqu'à l'anus. Ces deux organes occupent près des trois quarts de la longueur de la cavité abdominale. Les œufs sont excessivement petits. En ouvrant le ventre, on ne voit pas de vessie aérienne dans la longueur de la cavité abdominale, parce qu'elle est contenue dans le renflement de la grande vertèbre. Les reins sont réunis sur presque toute leur lon- gueur, qui égale la moitié de celle du rachis abdo- minal. Les deux longs uretères, divisés à leur ori- gine, se réunissent bientôt en un seul cordon, qui débouche dans une vessie urinaire oblongue. Quant au squelette, il faut avoir soin de l'étudier, malgré sa petitesse, à cause des particularités ostéo- logiques très-curieuses qu'il offre. Nous allons, par son étude détaillée, compléter la description zoolo- gique de cette espèce, 18. 2 1S LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. Le crâne est un peu plat, et n'a pas de crête inter- pariétale sensible. Sa base est arrondie; son occipital inférieur donne en arrière deux apophyses assez longues, dirigées vers la grande vertèbre et rappelant la forme du basilaire de nos carpes. Mais comme il n'y pas de tubercule pour recevoir les pharyngiens inférieurs, cette apophyse basilaire n'offre pas de sur- face creuse comme celle de nos cyprins. L'ethmoïde et le vomer ne sont pas comprimés, et n'ont pas de lames élevées. Les intermaxillaires, sans dents, ont des branches montantes de longueur ordinaire, et les maxillaires sont assez larges. Il y a au devant de l'œil un seul sous-orbilaire. Quelque soin que j'aie mis à chercher cette chaîne osseuse composée de quatre pièces dans les cyprins, je n'ai vu qu'un seul os caché sous la. peau. Il faut même beaucoup d'at- tention pour le trouver. Il est rhomboïdal , plus haut que long. Sa surface exlerne est relevée par une petite carène; il n'y a aucun prolongement pour donner naissance à l'épine que j'observe dans les autres espèces. La colonne épinière se compose de quarante-deux vertèbres, ainsi distribuées : dix-sept caudales, vingt-deux abdominales partant des côtes, et précédées de trois autres réunies pour former la grande vertèbre des cyprinoïdes. La première a une crête épineuse assez longue pour aller toucher à l'occipital. Ses deux apophyses transverses se dila- tent en une lame courbe qui s'étend sur les côtés. La seconde forme, par l'élargissement de ses apo- physes, la double sphère osseuse des Loches. L'ex- trémité devient un petit tubercule élevé sur le côté de CHAP. XIX. LOCHES. 49 la boule creuse, au-dessus de la fente qui la sépare de la troisième vertèbre. Je ne vois pas d'apophyse épineuse à celle-ci; mais ses apophyses transverses s'étendent en lames recourbées en devant, et vont compléter, avec celles de la vertèbre précédente, l'enveloppe osseuse de la vessie aérienne. C'est une sorte d'hypertrophie des lames verti- cales de la carpe. Elles cachent un très-petit style osseux, long tout au plus d'une demi-ligne, qui est l'os de Webber. Ces lames osseuses font, sous la colonne vertébrale, une double cavité, dont la sépa- ration est mieux marquée à l'intérieur qu'au dehors. Elle contient l'organe qui, malgré sa place, a tant de ressemblance avec la vessie natatoire des poissons, que Schneider et ses successeurs ont eu raison de le considérer comme telle. Cette petite vessie a des parois argentées et doubles : j'ai pu, malgré la peti- tesse, séparer la lame interne de l'externe, qui est fibreuse. Dans la loche franche, il y a deux vessies, accolées l'une à l'autre, séparées par un étranglement très-étroit, mais communiquant par un canal trans- versal qui m'a paru donner en dessous le conduit dirigé vers l'œsophage. J'ai dit que, malgré la place de cet organe, il fallait bien le regarder comme la vessie aé- rienne. Tous les naturalistes sont d accord pour ranger les cobitis dans les cyprinoïdes; mais tous ceux-ci ont une grande vessie aérienne, divisée et située en arrière de l'appareil os- seux de la grande vertèbre. Pour déterminer 20 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. la vessie des cobitis , il fallait aller prendre ses analogies dans la famille des siluroïdes. On ne doit pas cependant oublier que dans les espèces de cette famille la vessie n'est pas complètement enfermée dans les appendices de la grande vertèbre. C'est dans Gesner ' que se trouve le pre- mier bon dessin de notre loche franche , parce que, comme il le dit lui-même, la figure de Rondelet est très-défectueuse. Belon n'en a pas donné, et Aldrovande, simple copiste de Rondelet , n'a pas plus aidé les naturalistes. Il faut donc négliger les premières citations d'Artedi. Willughby^ lui-même, tout en étant fort exact, n'a pas fait une anatomie des Loches aussi détaillée qu'à l'ordinaire. Klein "^ a publié de cette seule espèce une assez bonne figure, en la plaçant dans ses Enchelyopus, avec l'anguille et le goujon. Il en existe deux représentations dans le manuscrit de Baldner, cité par Willughby ; l'une d'elle appartient à une variété jaune et dorée, que je n'ai jamais rencontrée dans la Seine. 1. De aquat. , Francf. , 620, p. 4o4- 2. Willughbj, De fisc, p. 265, ch. XXV. 3. Miss, quart., p. 69, n." 3, pi. i5, fig. 4- CHAP. XIX. LOCHES. 2i Duhamel^ dit aussi fort peu de choses sur ce cyprinoïde, dont il a donné une passable lîgure. Maisigli^, en la représentant sous le nom de fundulus , me paraît donner une idée trop grande de ce poisson; du moins nous ne le voyons jamais atteindre à de telles dimen- sions. Bloch^ a laissé une bonne description de cette petite espèce, accompagnée d'assez bonnes notes sur ses habitudes et son usage comme aliment : il l'appelle loche franche. Ce poisson s'avance assez haut vers le Nord; toutefois si nous le trouvons cité dans le Fauna suecica'^, c'est que Linné fait connaître qu'il a été importé dans le lac Mœlar par le roi Frédéric I, qui fit venir d'Allemagne les loches nécessaires à cette acclimatation. Je le trouve aussi mentionné dans flchthyologie de M. Nilsson ^ , mais comme un des plus rares. Millier le cite sans aucune remarque dans le Fauna danica^, et ensuite nous le retrouvons dans toute l'Allemagne, la Hollande, la Bel- gique, l'Angleterre, la France et l'Italie. Aussi 1, Traité des pêch. j part. Il, sect. III, p. 52i,S' 3,pi. 2 7,fig. 3. "2. Mars. Danub., p. 74, tab. 25, fig. i. 3. Bloch , pi. 3i, fig. 3. — 4. Linn. , Faun. suec. , p. 124, \\.° 332, vel edit. Retzio , p. 342, n.° 85. 5. Prod. ichth. Scand. , p. 35. 6. Faun. dan. prod., p. 47? n-" 4oi. 22 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. les divers ichthyologistes de ces pays citent cette espèce dans leurs Faunes. M. Selys Longchamps', M. Nenning% M. Reisinger^ sur le continent; etPennant^ Turton^ Flem- ming^ et Jennyns'' la comptent dans leurs monographies, et, outre les figures de Bloch et de Duhamel, il faut citer aussi celle de Do- novan^ Elle me paraît cependant bien rousse, et les barbillons sont trop gros. L'auteur a ou- blié la tache du lobe inférieur de la caudale. M. YarelP a aussi une élégante figure de notre loche , mais il a trop échancré la nageoire de la queue. M. Nordmann '° cite aussi le co- bitis harhatula comme abondant dans toutes les rivières du Caucase; et, avant lui, Pallas le donnait comme très-commun en Russie, en Sibérie et en Crimée. Il place aussi la loche dans les rivières ou ruisseaux de la Perse et au-delà du Caucase, mais elle y devient plus grande qu'en Europe. Cet illustre zoologiste dit qu'elle manque dans le Kamtschatka. 1. Faune belge, p. igS, n." 9. 2. Die Fische des Bodensees , p. i3, n." 5. 3. Ichth, Hung., p. 24, n." 1. — 4. Brit. ZooL, p. aS;. 5. Brii. Faun., p. io3, n." 89. 6. An. Kingd., p. 189, n.° 89. 7. Anim. vert., p. 4 16, i»-" 97- 8. Donoy., Bril.fish., pi. XXII. — 9. Bril. fish. , p. SjO. 10. Nortlm., Faun, font., p. 470, n." a. CHAP. XIX. LOCHES. 23 La Ejoche de nos pays se nomme en anglais Loach ou Loche, et quelquefois Beardie. Le nom allemand le plus commun est Sclimerle ou Grûndel, qui varient tous deux en ceux de Schmerlin^ ou de Schmerlein, de Grundling ou Bartgriindling. En danois on les change en Smerling; en suédois en Grônling. Pallas dit pour la Russie Peskas et Stolbez, pour l'Es- thonie IVeisgrios, et pour la Tartarie it-Baljk [piscis caninus). Tous ces auteurs s'accordent à dire que la loche vit d'insectes et de vers aquatiques; qu'elle fraie en Mai, et qu'elle multiplie beau- coup. Sa chair est légère, de digestion facile, quoique un peu grasse. Suivant Rudolphi^ \ Echinorynchus clan- ceps des caryophyllées , des bothriocéphales, des ascarides, sont les helminthes de notre loche franche. Après avoir donné la description de la loche franche [cohitis harhatida), je vais passer de suite h celle des espèces qui se rapprochent le plus de la nôtre , à cause de l'absence d'un sous-orbitaire épineux, et qui forment pour les auteurs, sectateurs de la méthode de M. Agassiz, le genre cohitis. 24 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. La Loche Nurga. {Cobitis nurga, Nordm.^). M. Nordmann a placé près du cobitis har- batula la description un peu courte d'une espèce voisine de la loche franche ; elle en diffère par une tête plus large et plus bombée. La tête est con- tenue sept fois dans la longueur totale. Le museau, obtus, descend brusquement du front; il porte six barbillons, quatre attachés au voile supérieur, dont deux sont plus longs. D. 8; A.... C. 20; P. 12; V. 7. La tête et la base des nageoires sont d'un beau jaune citron, le reste du corps est parsemé de noirâtre. Le dos est plus foncé ainsi que les nageoires. La caudale est échancrée en forme de croissant. M. Nordmann a fait connaître cette espèce d'après cette courte notice, qu'il devait à M. le professeur Rrynicki à Charkow, qui l'a découverte dans la rivière de Podcounrock, près de Paitigorsk. 1. Faun. font., p. 470. CHAP. XIX. LOCHES. 25 La Loche a bandes. {Cohids fasciatay nob.) J'ai reçu de M. Temminck, pour le Cabinet du Roi, une petite loche de Java, qui manque d'épine sous-orbitaire comme notre loche franche. La longueur de la tête est comprise six fois dans celle du corps. Le dessus du crâne est large et plat. Le sourcil est soutenu, et deux fois et demie aussi large que le diamètre est long, ce qui ne fait guère que le sixième de la longueur de la tête. Les deux ouvertures de la narine sont rapprochées; l'antérieure est tubuleuse, plus près de l'œil que du bout du museau. Les lèvres sont épaisses et comme plissées. La bouche est sans dents. Les barbillons supérieurs, au nombre de quatre, et les inférieurs de deux, sont longs à peu près comme la moitié de la tête; cependant les deux mi- toyens, plus fins, sont aussi les plus courts. La dor- sale est assez large; la caudale est fourchue et grande. D. 10; A. 6; G. 19; P. 12; V. 1. D'après le dessin fait sur le poisson vivant et envoyé de Java par MM. Kuhl et Van Hasselt, la couleur est jaune, avec une vingtaine de petites bandes noires transversales descendant du dos pour s'évanouir sous le ventre, qui est blanchâtre. La cau- dale est jaune très- vif; les autres sont plus pâles, aucunes n'ont de taches. Les barbillons sont orangés. L'individu que je décris a deux pouces huit 26 LIVRE XVllI. CYPRINOÏDES. lignes de longueur. Je vois que les naturalistes qui l'ont envoyé en Europe, l'avaient trouvé dans les environs de Buitenzorg , et qu'ils avaient l'intention de le considérer comme d'un genre distinct, sous le nom de Nœma— cheilus fasciatus. J'ai conservé leur nom spéci- fique, mais je n'ai pas tenu compte du premier, car il n'y a aucune raison de séparer cette espèce du genre des cobitis. La Loche a sous-orbitaires. {Cohilis siiborbitalis, nob.) J'ai acheté à Amsterdam, parmi d'autres poissons venant de Java, une petite loche différente de la précédente, parce qu'elle a le corps plus allongé, le museau plus pointu, l'inler- valle entre les yeux plus étroit. Elle n'a pas d'épines sous l'œil. Elle a toutefois, comme la précédente, la chaîne des petits osselets sous-orbitaires distincte et complète. Je ne connais que ces deux loches ainsi conformées. Je ne pense pas cependant qu'il soit né- cessaire d'établir pour elles un genre particulier, car le reste de leur organisation les place fort bien parmi les autres loches. L'espèce décrite dans cet article a la caudale fourchue. Les ventrales sont assez allongées. D. 10; A. 6;C. 19; P. 11; V. 8. La couleur est olivâtre; le dos porte au-dessus de la ligne latérale une série de taches obliques CHAP. XIX. LOCHES. 27 d'avant en arrière et de bas en haut; la dorsale a des petits points, les autres sont incolores. L'exemplaire que je décris est long de deux pouces huit lignes. La Loche aux barbes d'or. {Cohitis chrjsolaimos , K. et V. H.) MM. Kuhl et Van Hasselt ont envoyé de Java, au musée royal de Leyde, une autre petite loche, dont les formes sont semblables à celles des précé- dentes, mais dont les ventrales sont un peu moins longues. Il n'y a d'ailleurs qu'un seul sous-orbitaire. D. 10; A. 1, etc. Le corps et les nageoires n'offrent aucunes taches ni stries. Les teintes sont donc unies dans cette es- pèce; mais, à en juger par les naturalistes qui l'ont observée vivante, elle paraît différer des précédentes par la couleur dorée des barbillons. Les individus cédés au Cabinet du Roi par M. Temminck, ont deux pouces quatre lignes. La Loche spiloptère. {Cobitis spiloptera, nob.) est une petite espèce sans épine sous-orbitaire, à corps assez rond, à museau obtus et court, à tête déprimée, dont les 28 LIVRE XVm. CYPRINOÏDES. yeux sont presque sur le dessus du front. Les bar- billons, au nombre de six, sont courts. La caudale est carrée; les autres nageoires arrondies. D. 10; A. 7; C. 19; P. 10; V. 7. Le corps est brun, traversé par onze bandes plus foncées. Une tache noire se fait remarquer sur la base des trois premiers rayons de la dorsale. Une raie noire colore l'insertion des rayons de la cau- dale, qui est jaune. Il a quelques points sur la dor- sale. Les autres nageoires n'ont pas de taches. Nous avons un grand nombre d exemplaires ^ tous de deux pouces de long, originaires des eaux douces de Cochinchine. On les doit aux recherches de M. Diard. La Loche sablée. {Cobitis arenata , T\oh.') Cette petite espèce taisait partie des collec- tions envoyées de l'Inde après la mort de Jac- quemont. ' Elle a le dos arqué, le profil du ventre droit, six barbillons courts, les yeux petits sur le haut du profil de la joue. Un sous-orbitaire en trapèze allongé le long du museau, étendu jusque sous l'œil, et don- nant en arrière un angle pointu que l'on pren- drait, après un examen peu attentif, pour une épine. Mais il n'y a rien en cela qui ressemble à l'épine 1. Va)., dans Jacquemont, Poiss., pi. i5, fig. i. CHAP. XIX. LOCHES. 29 des loches à sous-orbiiaire mobile. Elle appartient donc au groupe des premières loches. D. 10; A. 6; C. 19; P. 12; V. 7. La couleur est roussâ^re, avec des points fins sur les opercules, nuageux sur le corps, et plus dessinés sur la caudale. La longueur de ce petit poisson est de deux pouces. La Loche aux petites veivtrales. {Cohitis micropus , nob. ) M. Gernsert, consul de France en Chine, a donné, parmi d'autres poissons curieux de ce pays, une loche assez grande à corps comprimé, dont l'épaisseur est des deux tiers de la hauteur qui est comprise sept fois et quelque chose dans la longueur totale. La courbure du dos est plus arquée que celle du ventre; la tête est courte, comprimée. L'œil est petit , situé sur le haut de la joue et sur la moitié de la longueur de la tête. Le museau terminé en pointe, la bouche très-peu fendue. Il y a quatre longs barbillons au bord qui recouvre la lèvre supérieure. On en observe un autre, assez long, inséré à l'angle de la mâchoire inférieure , dont la lèvre, large et pendante, a vers le milieu une profonde échancrure. De chaque côté de cette entaille est un petit barbillon comme dans notre misgurne. Cette espèce lui ressemblerait donc beaucoup si elle avait un sous-orbitaire épineux. Mais avec quelque 50 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. soin que je l'aie regardée, je n'ai vu aucune ouver- ture au-dessous de l'œil comme l'espèce d'Europe en a une. La dorsale de notre poisson chinois est reculée sur le dos; la ventrale, très-petite, est insérée sous l'aplomb du premier rayon de la nageoire du dos. La caudale, arrondie, a deux carènes charnues sur le dos ou sur la base de la queue, qui semble augmenter la longueur de la nageoire ou simuler une sorte d'adipeuse. L'anale est petite et ronde; la pectorale est aussi une petite nageoire. D. T; A. 6; C. 17; P. 12; V. 7. Les écailles sont au nombre de cent soixante-dix au moins entre l'ouïe et la caudale. Une d'elles, isolée , paraît ronde, échancrée vers le milieu, couverte de stries rayonnantes d'un point qui n'est pas central, et celles-ci sont croisées par des lignes très-fines, concentriques et parallèles au bord de l'écaillé. La couleur est un vert olivâtre foncé sur le dos, pâle sous le ventre. Les flancs sont couverts de neuf à dix rangées de points ou de traits noirâtres que l'on retrouve sur toutes les nageoires. Cette loche atteint à six pouces de lon- gueur. Elle ne doit pas être rare en Chine, car je la trouve figurée dans plusieurs recueils venus de ce pays. Six ou sept individus sont très -bien représentés dans ce cahier oblong de peintures chinoises, d'où M. de CHAP. XIX. LOCHES. 51 Lacépède a emprunté plusieurs espèces, re- connues dans les diverses collections envoyées au Muséum. Il n'a pas fait usage de cette planche placée au folio 36 du cahier. Le dos est vert, le ventre plus ou moins jaune, tout le corps et les nageoires sont tachetés, les barbillons sont de longueur médiocre; et les nageoires répondent assez bien à celles de notre exemplaire. Je retrouve aussi cette même espèce, quoique moins exactement dessinée, dans le recueil que j'ai déjà cité plusieurs fois, et que je dois à la générosité de S. A..R. la princesse Marie d'Orléans. Je la reconnais aussi dans l'imprimé ja- ponais. Il y a cinq individus sur la page 26 de ce livre : le dos est couvert de points gris assez foncé, et le ventre est couleur de chair, ainsi que les barbillons. C'est d'ailleurs le même habitus. On voit donc que cette espèce est bien connue des auteurs chinois. D'après les explications remises à M. Cuvier par M. x\belRemusat, je puis dire que le nom chinois de cette loche est Doséo ou Doziaou, En consultant d'autres dessins chinois, que je dois à l'amitié de M. Dussumier, je suis déjà en mesure d'avancer qu'il existe dans les eaux douces de ce pays une autre loche, re- marquable par la longueur de ses barbillons 32 LIVRE XVin. CYPRINOÏDES. mitoyens, les deux qui suivent sont un peu plus courts, et enfin, les deux autres sont petits. Le corps, brun verdâtre, est couvert de nom- breux ocelles rapproches. Si les nageoires de ce poisson étaient mieux représentées, je n'hé- siterais pas dès à présent à établir cette es- pèce par un nom spécifique. ha Loche savona. {Cohitis savona, H. Buch.') L'Inde nourrit encore plusieurs espèces du genre des loches, qui ne me sont connues que par les ouvrages de M. Buchanan ou de M. J. M'clelland. Parmi celles du premier de ces auteurs, je trouve plusieurs espèces qui paraîtraient man- quer d'écaillés et d'épines sous-orbitaires. Ce second caractère les rendrait donc voisines de notre loche fianche d'Europe. Je suis d'ail- leurs tout porté à croire que les écailles existent sur la peau de ces poissons comme pour celles des individus de notre pays , ou, comme je l'ai dit, leur présence est difficile à constater. Toutes les loches sans épines de M. Buchanan n'ont que six barbillons. 1. Buch., Gang, fish., p. 357, n." 9. CHAP. XIX. LOCHES. 53 Celle qu'il a nommée Savona^ a le corps com- primé, pointu; le museau demi-ovale, déclive; quatre barbillons à la mâchoire supérieure; deux autres à l'angle de la bouche. La ligne latérale est étroite. D. 10; A. 6; C....; P. 10; V. 6. Les pectorales sont plus courtes que la tête; la caudale est en croissant. Le dos est brun, avec des bandes transversales jaunes; le ventre est blanc. Les yeux sont dorés; la caudale est couverte de petits points. Le cobitis savona est nommé par les In- diens Savon Khorka; il vient de la rivière Kosi, où il croît jusqu'à deux pouces. M. J. M'clelland a fait de cette loche un de ses schistura; il la représente d'après le des- sin de Buclianan, et sa description repose sur les mêmes documens. * La Loche Turi. {Cobitis Turio, H. Buch.^) La Turi a, d'après M. Buclianan, Le corps comprimé; le dos élevé, arqué. La tête moyenne, en demi-ovale; point d'épines sous-orbi- 1. J. M'cl., As. res., vol. XIX, p. 3o8 et 4^2, tab. 53, fig. 3. 2. Ham. Buch., Gang.fish., p. 358, n." 8o. i8. 3 54 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. taires; six barbillons, dont deux à l'angle de la bouche. La dorsale est avant le milieu du dos ; les pectorales sont pointues; les ventrales petites et la caudale échancrée. D. 8; A. 7; C. 19; P. 12 ; V. 8. Le dessus du corps argenté est couvert de taches nuageuses irréguHères; le dessous est transparent. Les yeux sont noirs, avec un cercle doré autour de la pupille. D'après la figure de M. M'clelland, le dos est jaune pâle, couvert de nuages gris; la dorsale porte quatre ou cinq séries de points noirâtres. La caudale a quatre bandes transversales foncées, M. Buchanan a trouvé cette loche dans le Brahmaputra, où elle a deux à trois pouces. Je ne sais pourquoi M. J. M'clelland ' a changé le nom de M. Buchanan en celui de cobitis gibbosa. Cette espèce prouve, combien le genre schistura de cet auteur est peu fondé; car si, au lieu d'étendre la caudale, le dessi- nateur l'avait un peu fermée, elle serait évi- demment celle d'un poisson de ce dernier genre nominal, et non pas d'un cobitis. 1. As. res. , Yol. XIX , p. 3o4 , et p. 456 , tab. 52 , fig. 7. CHAP. XIX. LOCHES. 55 La Loche Bilturi. (Cobitis Billurio , H. Buch.^) Cette loche, que Buchanan indique dans sa description, comme ne différant que très- peu de la précédente, et pour ainsi dire que par le nombre des rayons, a cependant des formes très-distinctes , si l'on en juge par la figure publiée par M. J. M'clelland. ^ En effet, elle a le corps alongé; le dos presque droit, ou très-élevé au devant de la dorsale; cette nageoire plus longue et moins haute; la pectorale plus large; la caudale échancrée. D. 14; A. T; C. 19; P. 14; V. 8. La couleur est brune sur le dos, avec des taches nuageuses; le dessous est argenté. Un petit ocelle noir se voit sous l'avant-dernier rayon de la nageoire du dos et un autre de chaque côté de la queue. La dorsale porte trois lignes noirâtres longitudinales, et la caudale cinq à six transversales, M. Buchanan lui a laissé son nom indien, BU luri. Il l'a trouvée dans la Brahmaputra avec la précédente. L'adjectif ajouté au nom de celle-ci par les pécheurs, prouve que ces 1. Buch., Gang.fish., p. 358, n.° lo. 2. Asiat. res., vol. XIX, p. 3o4, et p. 436, pi. 5i, fig. 6. 56 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. hommes habitués à voir les poissons de ce fleuve, savent bien distinguer ces deux espèces. M. J. M'clelland a changé ce nom en celui de cobitis ocellata. On pourrait lui demander, comme pour la précédente, pourquoi il n'a pas placé cette espèce dans son genre des Schistura. La Loche Rhorika. [Cobitis Corica, H. Buch.') Le Khorika porte six barbillons et n'aurait pas d'écaillés; son corps est arrondi; sa queue en coin; un sillon lon- gitudinal est tracé sur le dos; la dorsale est sur le milieu de la longueur du corps; la pectorale est plus longue que la tête; la caudale est fourchue. D. 9; A. 6: C. 19; p. 11; V. 7. Il y a un rang de taches le long du corps, et d'autres éparses sur le dos, composées de la réunion de points noirs. Le fond est bleuâtre; le ventre est blanc argenté, ainsi que les yeux. M. M'clelland a compté les rayons un peu autre- ment que Buchanan. Il dit D, 10; A. 7; C. 10 (c'est sans cloute une faute d'impression : il faut lire C. 19); P. 11 ; V. 9. Il en fait un Schistura, à cause de la forme de la caudale, et il a changé le nom en Sch. punctala. 1. Gang.fish., p. 359, n." 12. CHAP. XIX. LOCHES. 57. Le nom de M. Buchaiian est celui des pê- cheurs du Kosi, où il a pris ce poisson, qui y atteint deux pouces. Le chirurgien écossais l'a péché dans l'Assam. La Loche paon. {Cobitis Pavonacea, J. M.) M. J. M'clelland a encore ajouté quelques espèces à celles que nous trouvons dans M. Buchanan. La première à citer , à cause de sa taille , qui égale près de quatre pouces, est le cobitis pavonacea^ dont le corps alongé est traversé par vingt demi- bandes grises sur un fond vert. La dorsale et la caudale sont finement rayées. A la base de cette dernière na- geoire il y a un ocelle noir. D. 17; A. 6; C. 20; P. 13; V. 9. Le museau, assez épais, n'a pas d'épines j il porte quatre barbillons; il y en a deux à l'angle de la bouche. L'estomac de cette espèce est en croissant, dont le bord concave est dirigé en avant. Le pylore est en arrière : l'intestin commence à la moitié de la longueur du corps; après un pli court, il arrive à l'anus. Cette espèce vient de l'Assam. 1. Ind. cyp. As. tes., l. XIX, p. 5o5 , et p. 437> p'- ^2 , fig. i 38- LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. ha Loche licorne. {Cobitis monoceros, J. M.) Cette autre espèce, sans sous-orbitaire épi- neux et à six barbillons, se distingue des précédentes par une épine redressée sur le bout du museau. La tête mesure le quart de la longueur totale. D. 12} A. 6j C. 18} P. 12} V. 8. La couleur du corps est jaune verdâtre à reflets argentés; les opercules sont plus verts. Il n'y a au- cunes bandes ni taches sur le tronc; mais les na- geoires dorsales et anales sont rayées de brun. La splancbnologle ressemble à celle de nos loches. Les colons ont dit à M. M'clelland * que le nom vulgaire de ce poisson n'est pas différent de celui du cobitis chlorosoma^ dont les couleurs et la forme sont cependant tout autres, ainsi que le prouve la figure de l'auteur écossais. Ce poisson vient de l'Assainj la figure lui donne trois pouces quatre lignes. La Loche verdâtre. {Cobitis chlorosoma, J. M.^) Cette petite espèce a 1. Ind. cjp. As. tes., t. XiX, p. 5o5, et p. 4^8, pi. 52, fig, 2. 2, Ibidem, p. 5o5, et p. 4^7, pi. 62, fig. 3. CHAP. XIX. LOCHES. 59 le front plus relevé, le corps plus court que la pré- cédente, dont elle se distingue aussi par l'absence d'épine sur le bout du museau et par la brièveté de ses barbillons; elle n'a pas non plus le sous- orbitaire épineux. Les barbillons sont au nombre de SIX. D. 11; A. 6; C. 18; P. 12; V. 8. Un vert brillant, nuage d'olive rembruni, colore le dos au-dessus de la ligne latérale. Les nageoires sont rouges; la dorsale et l'anale barrées de brun. Cette espèce habite les étangs et les fonds sablonneux des rivières du haut Assam; on l'appelle Bali Botea, comme le cobitis mo- noceros : la figure a deux pouces dix lignes. La Loche a anneaux. (Cobitis zonatUj nob.) Parmi les espèces sans épines sous-orbitai- res, à six barbillons et à caudale fourchue, ce qui les avait fait classer dans le genre du schistura de M. J. M'clelland, je place les espèces suivantes. D'abord le schistura zonata^ qui a le corps en- touré par onze anneaux, détachés par leur couleur verte foncée sur le fond vert clair du corps. Les oper- 1. J. M'cl., Ind. cyp. As. res., vol. XIX, p. 3o8, et p. 44» > pi. 55, fig. 1. 40 LIVRE XVIH. CYPRINOIDES. cules sont argentées; les nageoires transparentes et sans taches. D.ll;A.6;C.n;P.ll;V.8. On trouve cette espèce dans les étangs du Muttuc, district de l'Assam supérieur. La figure a un peu plus de deux pouces. La Loche des pierres. {Cohitis rupeculot nob.; Schistura rupecula, J, M.^) Cette loche, dont la caudale est peu profondément échancrée, n'a pas d'épines sous-orbitaires. Son museau porte six barbillons. D. 85 A. 75 C. ITj P. 10; V. 8. Les pectorales et les ventrales sont arrondies. Le corps, gris-verdâtre, est entouré par quatorze bandes transversales d'un assez beau jaune citron. La caudale porte trois bandelettes verticales. Cette espèce a été trouvée parleD.^Macleod dans les ruisseaux qui descendent des mon- tagnes du Simla; on la voit aussi dans les ma- rais stagnants du haut Assam. M. J. M'clelland considère celle-ci comme une variété, qui offre quelques différences dans les nombre des rayons. D. 9; A. 6; c. 17; P. 12; V. 8. 1. Ind. cyp. y/s. res., vol. XIX, p. 5og, el p. 44') pi. 57,fi<(. 3. CHAP. XIX. LOCHES. A\ Il serait possible qu'elle fut d'une espèce distincte. La Loche marbrée. ( Cohids marmorata. ^ ) M. Heckel a fait connaître plusieurs espèces de loches des Indes. Il adopte les idées de M. Agassiz sur les genres à établir parmi ses poissons , et il divise les cobitis d'Agassiz en deux groupes j certaines espèces ayant le corps couvert de petites écailles perdues dans la mu- cosité épaisse qui se coagule sur la peau; et les autres n'ont aucune écaille. Je n'ai pas vu de ces loches sans écailles. C'est à la seconde de ces divisions qu'appartiennent les deux loches décrites dans le travail sur les poissons rapportés de Cachemire par M. le baron de Hugel. Celle nommée loche marbrée par M. Heckel a la forme de notre loche franche (cobiiis barbatula). Le museau porte six barbillons assez longs. La tête est oblongue, à peu près du cinquième de la lon- gueur totale; le profil du dos soutenu au-devant de la dorsale; le ventre un peu arrondi. La hauteur est comprise six fois et demie dans la longueur totale. La dorsale est haute; la caudale arrondie. D. 10; A. 7;C. 22; P. 10; V. 7. 1. Fische nus Kaschmir, i858, p. 7G , B, pi. XII, fig. i et 2. 42 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. Le fond de la couleur du poisson conservé dans l'esprit de vin était un gris verdàtre, avec des taches irrégulières, tantôt ondulées, tantôt circulaires. Une bandelette longitudinale s'étend de la base de la dor- sale à la caudale, de chaque côté de la crête du tron- çon de la queue; mais la carène du dos, au-devant de la nageoire, n'a pas de taches. Il y a deux rangs de points sur la dorsale, des points et des petites taches irrégulières sur la caudale, sur l'anale et sur la ven- trale; les pectorales n'ont pas de taches. Cette espèce reste à la taille de notre cohi- tis barbatula, les habitans de Cachennre l'ap- pellent Tschottiir. La Loche rayée. {Cobitis vittata , Heckel-O Cette seconde espèce paraît un peu plus petite que la précédente, mais elle lui ressem- ble par sa figure, ses proportions, la structure des nageoires et le nombre de leur rayons. Le fond de la couleur au-dessus de la ligne laté- rale paraît un gris verdàtre, et au-dessous un blanc à reflets jaunâtres. Tout le corps est tacheté de points nombreux irréguliers, réunis souvent en petites taches qui forment neuf ou dix raies transversales derrière la dorsale. Outre les nombreux points qui existent sur toutes les nageoires , la dorsale et la caudale ont 1. Fische aus Kaschmir, p. 8oj pi. XII, fig. 5 et 4- CHAP. XIX. LOCHES. 43 une bandelette parallèle à leur bord , qui est jaune. Le long de la ligne latérale et par le milieu du côté il y a une bandelette longitudinale brune foncée. Ce petit poisson se nomme Guma dans le langage des pécheurs de Cachemire. M. Heckel a remarqué que les femelles n'ont pas les ven- trales tachetées. La Loche a brides. ( Cohitis frœnata , Heckel.^ ) Le savant ichlhyologiste de Vienne a fait connaître d'autres espèces dans sa descrip- tion des poissons de la Syrie, récoltés par M. Th. Rotschy, du musée de Vienne, et publiées dans la seconde partie du premier volume du voyage de M. Russegger. Celle-ci aie corps comprimé en arrière; la tête obtuse, du sixième de la longueur totale. La dorsale est quadrilatère; la caudale un peu échancrée. D. 11; A. 7; C. 17; P. 14; V. 7. Une bandelette noire va comme une sorte de bride du bout du museau à l'œil. Le dessus de la tête et la partie antérieure du tronc sont ponctués de noir; sur la portion postérieure et sur la caudale ce sont des taches. La dorsale est ponctuée. Cette petite espèce, longue de trois pouces 1. Fische Syriens, j). g6, tab. 12, fig. 1. 44 LIVRE XVIII. CYPRINOIDES. à trois pouces et demi, vient du Tigiis, ou l'a prise à Mossul^ elle s'appelle Tetaj. La Loche panthère. {Cohitis paiithera, Heckel.O Le corps est cylindrique et comprimé du côté de la queue. La tête est un peu pointue et cinq fois et demie dans la longueur totale; elle a six barbillons. La dorsale et l'anale sont arrondies; la caudale est coupée carrément. D. 10; A. -IjC. 17; P. ^; V. 1. La tête est couverte de petits points, un peu plus gros sur le front. Le dos est chargé de taches ir ré- gulières noires et serrées. La base de la caudale est noire; la nageoire, ainsi que celle du dos, sont ponc- tuées. Ce poisson, long de trois pouces, vient des environs de Damas. La Loche très- belle. (Cobitis imignisj HeckeL^^) Le corps est très-grêle, cylindrique en avant et comprimé en arrière. La tête, petite et pointue, est contenue six fois et demie dans la longueur totale. D. 10; A. 7; C. IT; P. H; V. 7. 2. Fische Syriens, p. 97, lab. Xll, fig. 2. 1. Ibidem, %. 5. CHAP. XIX. LOCHES. 45 Le corps est marbré de taclies noires; la caudale échancrée de noir à la base et traversée par deux bandelettes. On en voit aussi deux sur la dorsale. Les autres nageoires sont sans taches ni rayures. La longueur varie de trois pouces à trois pouces et demi; le poisson vient de Damas. La Loche tigrée. {Cobitis tigris , Heckel.) La forme du corps ressemble à celle du cobitis frœnata; mais la têie est moins pointue. La dorsale est plus large, surtout à la base. D. 11; A. 7; C. 17; P. 10; V. 7. Sur les exemplaires encore bien conservés tirés de l'alcool, le fond de la couleur est d'un blanc jau- nâtre : quatorze ou seize anneaux verticaux bruns entourent le corps. La caudale a la base noire, et le reste de sa surface ponctué ou rayé; il y a aussi quelques points sur la dorsale. Le musée de Vienne a reçu cette loche du fleuve Rueik près Alep, oii on la nomme Kehudi, c'est-à-dire, le bleuâtre, ce qui fait présumer à M. Heckel cjue pendant sa vie la couleur de la peau tirait sur le bleu. Ce zélé naturaliste indique en note une cinquième espèce de loches, de Damas, qu'il 46 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. nomme cobitis leopardus; mais il ne la tlëcrit pas encore avec assez de détails pour en par- ler ici. Le MiSGURNE. {Cobitis Jbssilis y Linn.) Cette loche est évidemment intermédiaire entre la loche franche, décrite au commence- ment de ce cliapitre, et la suivante, le co- bitis tœnia , que les ichthyologistes modernes ont cru devoir séparer , comme genre , des précédentes. D'autres plus anciens , comme Lacépède, en réunissant le cobitis barbatiila et le cobitis tœnia dans un même genre, les avaient éloignées toutes deux du cobitisfossilis. Rien ne prouve plus l'incertitude, de laquelle on ne peut plus sortir, quand on veut donner de l'importance à des détails, et faire ainsi un trop grand nombre de coupes. Ce que tous les naturalistes ont négligé de remarquer, faute d'avoir suffisamment étudié la squelette, c'est de reconnaître et de signaler la très-petite fente en forme de pore allongé et étroit, si fou peut s'exprimer ainsi, qui marque sous l'œil la place correspondante à l'extrémité aiguë du sous-orbitaire; premiers rudimens des caractères singuliers de la plupart CHAP. XIX. LOCHES. 47 des loches. Le reste des détails, tels que la con- formation des lèvres et l'insertion des barbil- lons, la distribution des couleurs, montre com- bien sont réelles les affinités de ces animaux. Il n'est pas, jusqu'à la tâche caudale, qui ne se trouve ici placée entre les deux lobes. La hauteur du tronc égale la longueur de la tête, et est comprise sept fois et trois quarts dans la lon- gueur totale. L'épaisseur est des cinq septièmes de cette hauteur. Les côtés sont arrondis, de sorte que la coupe du tronc a la forme d'un ovale assez ré- gulier. La tête est comprimée, mais les joues sont arrondies, ainsi que le dessus du crâne, qui est plus étroit que celui de la loche franche, mais plus large que celui de la loche de rivière. Les yeux sont petits, à peine du sixième de la longueur de la tête , et situés au milieu de la joue, mais un peu vers le haut. Les deux ouvertures de la narine sont près de l'œil, et l'antérieure seule est tubuleuse. Le museau est arrondi, saillant au-dessus et un peu au devant de la bouche. Il y a quatre tentacules sur le voile, et un plus long à l'angle de la bouche. La lèvre supérieure est d'ailleurs assez charnue. L'inférieure est élargie en une membrane échancrée à la symphyse, et bilobée de manière à simuler de petits barbillons. L'interne est plus court que l'autre, de sorte qu'en observant le poisson vivant quand il fait flotter ses barbillons, on lui en compte aisément dix. Comme dans les loches, on ne voit de l'appareil 48 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. operculaire que le bord des ouïes, encore soni-elles peu fendues. La membrane branchiosiège n'a que trois rayons comme dans la loche franche. On ne sent à l'extérieur aucune trace de sous- orbilaire ; mais en disséquant avec soin l'on découvre cet os sous les téguments, et l'on trouve un petit osselet en stylet grêle, mobile, qui représente en raccourci et sans développement extérieur, l'épine de la loche de rivière. La bouche n'a pas de dents, et je ne vois pas de langue saillante et libre. Les pharyngiens sont petits, et armés de dix à douze petites dents crochues. La dorsale est reculée sur le dos au delà de la moitié du corps; elle répond aux ventrales, qui sem- blent la dépasser un peu. Ces nageoires sont petites, et éloignées de l'anale à peu près d'une fois leur longueur. Celle-ci ressemble assez à la dorsale, mais elle est un peu moins haute. La caudale est arrondie. Les pectorales sont lancéolées. B. 3; D. 1; A. 6; C. 16; P. lOj V. 6. Le corps est couvert de petites écailles bien plus visibles dans cette espèce, à cause de la taille des in- dividus, que dans nos petites loches. On peut en estimer le nombre à cent trente-cinq ou cent qua- rante rangées. Il y a sous la poitrine comme un petit plastron nu, et sous le ventre comme des plis obli- ques et en chevron. La couleur est un gris plus ou moins vaseux, sur lequel se trouvent semées des lâches, ou plutôt des points formés eux-mêmes de la réunion nom- breuse de points pigmentaires d'un brun verdâtre CHAP. XIX. LOCHES. 49 plus OU moins intense. De ces points plusieurs sont serrés de manière à former quatre lignes longitu- dinales brunes plus ou moins foncées : l'une sur le dos, deux autres moyennes réunies par des points bruns plus pâles, et une quatrième sur le bord du ventre. Le dessus du crâne, les joues, les lèvres, les barbillons, la dorsale et la caudale en portent de nombreux. L'anale est sablée de quelques petits. Il y en a quelques-uns sur les pectorales. Les ven- trales seules me paraissent blanches. Les viscères de ce cobitis apparaissent d'une sim- plicité remarquable, à cause de l'absence de replis du tube digestif et de la petitesse du foie. L'œso- phage et l'estomac, dilatés et cylindriques, égalent le tiers de l'intestin. Après le pylore il fait de suite un coude, et se rend ensuite droit, et sans la plus légère ondulation, à l'anus, et se tenant entre les deux ovaires. Le foie enveloppe l'estomac. Il est divisé en deux lobes. Le plus épais des deux est le droit; il loge dans son échancrurela vésicule du fiel. Le lobe gauche est plus mince et plus court. Les deux ovaires étaient pleins. Les œufs, petits comme de la graine de pavot, formaient une masse remplissant toute la longueur de la cavité abdominale. Les reins sont deux longs rubans festonnés ou comme divisés à chaque articulation des vertèbres depuis la grande jusqu'à la fin de l'abdomen. La description du squelette va compléter les rap- prochements existant entre cette loche et la loche de rivière. Le misgurne a le crâne semblable à celui de celle 18. 4 50 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. dernière espèce. Les frontaux sont étroits entre les yeux. Le trou interpariétal, ou, comme l'appellent quelques anatomistes, le forarnen Honiianum , est oblong et très-étroit. L'interpariétal ne donne pas de crête saillante. Les mastoïdiens sont également sans crêtes. L'arrière du crâne est donc à peu près lisse et arrondi. L'occipital supérieur se porte en arrière, et a de chaque côté, entre les mastoïdiens et au- dessus des occipitaux latéraux, deux trous mastoï- diens ronds et assez grands. L'ethmoïde s'élève en avant par une lame mince et tranchante sur le devant du crâne. Le sous-orbitaire se prolonge en arrière en une épine au delà de la moitié de l'orbite; et elle donne de sa base une petite épine courte et aiguè qui reste cachée sous les téguments; de sorte, qu'à la longueur près, c'est tout à fait l'osselet épineux de la loche de rivière. L'angle externe du frontal antérieur a aussi une petite pointe dirigée à peu près dans le même sens que l'épine du sous-orbitaire. La caisse est également épineuse. Son épine est au bord pos- térieur, le long du préopercule. On voit donc que le cobllis fossilis , placé dans le genre des cobitis et éloigné des prétendus acan- thopsis, est une des loches dont les os de la face sont des plus épineux. L'appareil operculaire ne se montre aussi que dans le squelette. L'opercule a son angle articulaire sail- lant et assez large, son bord supérieur droit, son angle arrondi et très-obtus. Le bord antérieur des- cend verticalement et est tout droit; l'inférieur est très-concave, ce qui rend l'angle très-aigu et en fait CHAP. XIX. LOCHES. 51 presque une épine. Le sous-opercule est petit et remplit l'arc du bord inférieur de l'opercule. Son bord libre est presque droit. Le préopercule est plus compacte, plus épais, eta la forme d'une grande lame arquée qui se rejoint à celle du côté opposé sous l'isthme de la gorge. L'interopercule est petit et étroit. C'est aussi sur le squelette qu'il faut étudier les maxillaires pour se faire une juste idée de leur forme. Ce sont deux larges plaques en losanges, dont l'angle obtus et inférieur se termine en une petite épine j les intermaxillaires ont les branches horizontales minces, et la verticale termine le bout du museau. Revenons maintenant vers l'arrière du crâne. Le basilaire donne en arrière deux petites lan- guettes apophysaires qui laissent entre elles un petit irou ovale , correspondant par sa direction au trou du renflement de la grande vertèbre, très- remarquable par sa composition. A cause de la grandeur de toutes les parties dans lesquelles on peut la décomposer ces pièces se voient mieux. La première a, comme toutes les vertèbres, un corps allongé, au-dessus duquel est l'anneau vertébral qui donne passage à la moelle épinière. La voûte de cet anneau est formée par les deux pédicules de l'apo- physe épineuse, qui est ici une large lame simulant une crête osseuse. Les deux pédoncules s'élargissent en une plaque osseuse composée de trois pièces, dont une va s'articuler près du bord supérieur du trou occipital avec l'occipital même; les deux au- tres pièces se portent sur les côtés et laissent entre elles et les apophyses iransverses un vide dans lequel 52 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. est caché l'osselet de Webber. Les apophyses épi- neuses s'élargissent en dessous en deux lames caver- neuses à plusieurs points d'ossification, et remontant sur les côtés pour aller rejoindre les lames de l'apo- physe épineuse , elles complètent l'anneau osseux de la vertèbre entre le crâne et le bord antérieur des lames osseuses. Il y a de chaque côté un trou pour le pas- sage des nerfs. Les lames des apophyses transverses portent elles-mêmes des apophyses styliformes assez longues, que l'on prendrait aisément pour des côtes. Elles ne m'ont pas paru être un os distinct. La seconde vertèbre a pour apophyse épineuse une crête beaucoup plus étroite. Les deux arêtes postérieures s'élargissent de chaque côté en une petite lame qui se porte en avant, y devient un os cellu- leux étendu sur les apophyses iransverses. Celles-ci s'arrondissent par une lame osseuse, criblée d'un nombre considérable de petits trous, ce qui lui donne l'apparence d'un réseau des plus élégants. Une dépres- sion médiane, à la face inférieure, semble la diviser en deux parties, comme pour rappeler la symétrie de ces pièces osseuses; car il n'y a qu'une seule cavité. Sur les côtés l'on voit saillir une petite pointe, ves- tige d'apophyses transverses. Le corps de la vertèbre est engagé en dessous dans ce réseau osseux, mais deux faces articulaires sont complètement libres. Au-dessous de l'antérieure est un trou rond qui va communiquer avec deux autres pratiqués de chaque côté de la face articulaire pos- térieure; mais il n'y a pas de trou immédiatement sous le corps vertébral. De chaque côté du trou de CHAP. XIX. LOCHES. 53 la face antérieure, il y a un autre petit qui commu- nique dans la boule. Celle-ci est plus largement ou- verte sur le côté. En arrière il y a trois autres petites ouvertures, une médiane, et deux latérales qui s'ou- vrent aussi dans la boule. L'osselet de Webber a la forme d'un petit hameçon: il est plat, courbé en arrière et en dedans, et donne en avant deux apophyses pointues et divergentes. Il est petit, et on ne peut le voir qu'après avoir sé- paré l'apophyse épineuse de la première vertèbre et de ses dépendances. La troisième vertèbre ressemble aux suivantes. On en compte trente et une, portant des côtes et constituées en vertèbres abdominales. Pour compléter cette colonne épinière, il faut y ajouter les dix-sept caudales. Ces vertèbres ont les deux cônes articulaires assez longs, et très-rétrécis à leur point de réunion pour former le corps de l'os. C'est dans le renflement qu'existe la vessie aérienne , globuleuse, formée par ses deux membranes : l'une externe fibreuse, l'autre interne membraneuse, don- nant par le trou médian de la face postérieure de la vertèbre un petit conduit allant à l'œsophage. Schneider a donc bien observé cet appareil ; mais ni lui, ni aucun autre naturaliste, n'avait encore décrit la complication osseuse des apophyses vertébrales qui renferment cette vessie. On voit que cette grande vertèbre rappelle ce que la nature nous a déjà montré dans les silures et dans les carpes; mais avec des différences qui prouvent qu'il n'y a aucune espèce d'unité de composition. S6 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. Fish^urn; il le décrit assez bien après l'avoir vu à Nuremberg et ensuite à Ratisbonne; mais je ne sais pas trop pourquoi il i'a com- paré aux lamproies, ce qui a empêché son esprit de saisir les vrais rapports de ce poisson. La plus fidèle représentation de cette espèce est une des meilleures figures de Marsigli ' , il l'appelle Pissgurn, d'après les Allemands, riverains du Danube, et il ajoute que d'autres disent Peisker ou Beisecker, ou Pfeifer, ce qu'il fait venir de pfeifen [ûiïiex) ^ parce que, quand on prend ce poisson, il se contourne et il fait entendre un bruit semblable à une sorte de sifflet. Il est très-vrai que, quand on prend notre misgurne vivant, il fait toujours entendre un bruit très-distinct; mais je dois ajouter que nos petites loches rubannées [co- hitis tœnia) font la même chose. Après qu'Artedi et Linné eurent introduit l'espèce sous le nom de cohitisfossilis, à cause de son habitude de s'enfouir sous la vase, ce qui avait été raconté à Gesner, avec un peu d'exagération et de merveilleux, par un mé- decin de son temps, le D.' Fabricius, Bloch est venu en publier une très-bonne figure^. 1. Mars., Danub., p. 09, pi. i3, fig. 1, 2. Bl., pi. 3i, %. I. CHAP. XIX. LOCHES. 57 et en donner l'histoire dans son chapitre des loches; c'est sa première espèce. Nous avons déjà expliqué comment Lacépède, ayant mal compris le sens de Bloch, qui d'ailleurs s'était lui-même fort mal exprimé, a cru devoir faire un genre de ce poisson. Nous avons aussi insisté dans notre description sur son affinité avec le cobitis tœnia , qui, avec la plus grande ressemblance , a les mêmes ha- bitudes. Nous voyons ce poisson s'avancer jusqu'en Belgique, où M. Selys en fait sa pre- mière espèce des cobitis. Mais il ne paraît exister ni dans le nord de FEurope, ni dans aucune partie de l'Angleterre; car, ni Linné, ni Muller, ni M. Nilson n'en font mention. Aucun ichthyologiste anglais n'en parle; on ne doit pas citer Willughby, qui ne l'a vu qu'en Allemagne. Je ne sache pas qu'il ait jamais été rencontré en France, ni dans le midi de l'Europe ; mais on le voit habiter vers l'est. A l'autorité de Marsigli il faut ajouter que M. Reisinger* le dit rare dans le Danube, mais commun dans les eaux de la Hongrie. Pallas^, qui ne l'a pas vu dans la Sibérie, l'a trouvé dans les versants vers la Baltique, 1. Ichih. Hun g., p. 27. 2. Faun. Ross, asiat. , p. 166, n." 127. 58 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. la Caspienne et la mer Noire. Les Russes lui donnent le même nom qu'à la lamproie, FFjiin. M. Nordmann^ le place dans tous les petits couraus d'eau de la Russie méridionale. Il va- rie considérablement, et cet auteur croit que le cohitis Furstembergii de M. Fitzinger, ou le cohitis variahilis de Parreys n'est pas une espèce distincte. Il paraît cependant que M. Agassiz est d'une autre opinion. Tous les auteurs s'accordent à dire, que cette grande loche a la chair dure, sèche et de mauvais goût. La Loche de rivière. {Cohitis tœnia, Linn.) La seconde espèce des loches, que nous trouvons en abondance dans la Seine, et qu'on appelle plus particulièrement la loche de rivière, quoique la loche franche y soit tout aussi commune, se distingue facilement des précédentes, et se reconnaît à sa tête plus pointue et très-comprimée, ce qui rend son front très-étroit; à la petitesse des barbillons, dont les antérieurs sont si courts qu'on ne les voit pas sur l'animal vivant quand il se tient sur le sable; 1. Faun. Pont,, p. 4t'9' CHAP. XIX. LOCHES. 59 à ses pectorales plus courtes, et enfin à la tache noire qui existe de chaque côté de la base du lobe supérieur de la caudale , c'est-à-dire , que la tache est tout à fait à l'opposé de celle qui caractérise la loche fianche. Si maintenant nous examinons avec détails cette loche dé rivière, voici les caractères que nous lui trouvons. La hauteur du tronc ne fait guère que le double de l'épaisseur, et le huitième de la longueur totale. La caudale égale aussi en longueur cette mesure. La tête j est six fois et quelque chose. La tète comprimée n'a en épaisseur que le cinquième de sa longueur. Les yeux sont un peu saillants sur les côtés; leur diamètre est six fois et quelque chose dans la lon- gueur de la tête. Ils sont éloignés du bout du mu- seau de plus de trois fois leur diamètre. On ne voit rien à l'extérieur qui montre la chaîne des osselets sous-orbitaires. Elle est d'ailleurs réduite à un seul os mobile, que l'animal redresse à volonté, et qui se cache dans une petite fente pratiquée sous l'œil et derrière l'ouverture postérieure de la narine. L'extré- mité libre du sous-orbitaire est une double épine, dont l'inférieure est plus longue que l'autre, et qui sort, à la volonté de l'animal, de la rainure, où il la tient cachée quand il est tranquille. Cette fente s'étend lors de la protraction de l'épine, et elle couvre un ligament fixé au bord postérieur de l'ouverture; elle est moins visible sur l'animal vivant que sur celui qui est contracté par l'alcool. La bouche est très-petite en dessous; le voile membraneux du mu- seau est petit et ne porte que les deux très-courts 60 LIVRE XVIII. GYPRINOÏDES. barbillons moyens. Les deux autres sont sur la lèvre supérieure, tout près du postérieur, qui esta l'angle même de la bouche, La lèvre supérieure est presque confondue avec le voile, et peu épaisse; mais l'infé- rieure est libre et devient une membrane ilottanle sous la bouche. Cette lèvre est divisée en deux par une échancrure sous la symphyse; chaque lobe offre en- core un commencement de subdivision. Cet organe est donc très-semblable à celui du misgurne d'Alle- magne. La membrane branchiostège n'a que trois rayons. Les ouïes sont peu ouvertes. Le premier rayon de la dorsale est inséré au milieu de la dislance du bout du museau à la tache caudale. L'attache de la ventrale répond à ce premier rayon du dos. L'anale est au milieu de l'espace entre la nageoire paire inférieure et la tache de Ja queue. La nageoire caudale est cou- pée carrément, mais ses angles sont arrondis. B. 3; D. 8; A. 6; C. 15; P. 8; V. 7. Les écailles sont excessivement petites et peu vi- sibles sous la couche épaisse des mucosités qui les enduit, et qui rend le poisson aussi glissant que l'anguille. Le fond de la couleur sur le dos est un gris ver- dâtre, devenant plus foncé dans les nombreux points pigmentaires, souvent réunis en taches disposées en séries longitudinales, dont les principales, par leur grandeur et par leur teinte presque noire, dominent sur le corps, et forment une bandelette longitu- dinale composée de douze gros points arrondis. Un trait festonné, grisâtre, sépare ces taches d'une ban- delette d'un vert grisâtre, au-dessus duquel est une CHAP. XIX. LOCHES. 61 autre sorte de bandelette avec des taches verdâtres et transversales sur le dos. Le dessus de la tête, les joues, la dorsale et la caudale sont couverts de points verdâtres, composés eux-mêmes d'un sablé plgmen- taire souvent plus foncé. La tache noire et en crois- sant se dessine toujours d'une teinte bien tranchée sur la base du lobe supérieur de la caudale. Les points de la caudale forment, quand les rayons sont rap- prochés, trois à quatre bandelettes brunes verticales. Les pectorales et les ventrales ont un peu de jaunâtre; le reste est blanc. A l'intérieur, l'examen des viscères montre que cette espèce a le canal digestif droit, sans circon- volution, et bordé dans la moitié de sa longueur, à droite et à gauche, par les deux lobes du foie, qui sont d'un beau rouge. Sous la bride qui réunit ces deux lobes, l'intestin est un peu renflé; c'est la seule apparence d'estomac. La vésicule du fiel est grosse, verte, et située dans la bifurcation du foie sous l'estomac. Les œufs sont gros comme des petits grains de millet, et occupent toute la longueur de la cavité abdominale. Ils sont séparés de l'intestin par un repli argenté du péritoine qui est très-visible, non-seule- ment à cause de sa couleur blanche , mais aussi à cause de son épaisseur. Quant à la vessie aérienne, elle est renfermée dans la petite boule osseuse qui forme les apophyses de la grande vertèbre. Nous avons donc à parler du squelette. Ce qui nous frappe d'abord dans le crâne, c'est son étroi- tesse. Le trou interpariélal est long, la crête inter- 62 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. pariétale est très-petite, les deux trous des occipitaux latéraux sont assez grands. En avant du frontal on remarque la hauteur de la crête osseuse, due à une lame tranchante et élevée de l'ethmoïde. Le vomer est long et étroit, et son chevron dépasse de beau- coup l'ethmoïde. Les palatins sont très-grêles. Ils donnent aussi sur le côté une petite apophyse sail- lante en épine pointue au devant de la grosse épine sous-orbitaire. Le basilaire donne également en arrière une double apophyse, qui se prolonge sous la grande vertèbre. Celle-ci est composée de trois autres. Une première, petite, donnant sur le côté, et vers l'arrière une longue apophyse étendue au delà de l'apophyse transverse de la seconde vertèbre. Cet os porte une longue crête ou lame osseuse unie à l'apophyse épi- neuse de la vertèbre suivante. L'apophyse transverse est changée en une lame convexe, plus grande que dans la loche franche, et terminée en une pointe aiguë qui dépasse de beau- coup la petite boule formée par les apophyses de ces vertèbres , et qui contient la vessie aérienne. La colonne vertébrale se compose ensuite de trente- huit vertèbres , dont vingt-sept poiir l'abdomen. Nos plus longs individus ont quatre pouces. Je les trouve en abondance dans la Seine; ils peuvent très-bien vivre dans un baquet où l'on a mis du sable, et dont on change l'eau souvent. Je les ai observes dans cette captivité, et je vois qu'ils ont l'habitude de se tenir ca- chés dans le sable, de manière a ne laisser CHAP. XIX. LOCHES. 65 sortir que le bout du museau, les deux yeux et un peu du vertex. Le reste de la tête, les ouïes, sont enfoncés avec le corps. Si on les touche, ils se retirent pour enfoncer le corps tout entier, mais si on ne les tourmente pas, elles ressortent bientôt à la même place. Si on les touche plusieurs fois, elles cheminent sous le sable et finissent à sortir un peu loin de l'endroit où ils étaient d'abord. Ces loches sont voraces, et se nourrissent principalement de petits vers. Nous avons reçu cette espèce de tous les pays de l'Europe : ainsi je l'ai prise dans le lac de Tegel chez M. de Humboldt; M. Agassiz nous l'a donnée du Danube à Munich; M. Savigny l'a rapportée de Milan et de Naples; M. le comte Borromeo l'a envoyée au Muséum parmi les poissons du lac Majeur; M. Major l'a expé- diée du lac de Genève, et nous l'avons reçue dernièrement d'Espagne, par les soins de M. le D.'^ Tellieux. Outre son nom de loche de rivière, nous Connaissons pour noms vulgaires, celui de SternazzOy qui nous a été transmis par M. Major, et celui deForarjuada, par M. le comte Borromeo. M. le D.'' FiKppi l'appelle Usellina. Ce poisson, abondant dans l'Europe, a été aussi souvent représenté et décrit que le cohitis harhatula. G4 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. C'est encore dans Gesner* que nous en trouvons la première bonne peinture car Ron- delet, et Aldrovande, son copiste, n'en ont donné qu'une ligure à peu près nulle, tant elle est mauvaise. Willughby^ cite deux fois cette espèce, et a soin de ne pas négliger le dessin du manuscrit de Baldner, qui est excel- lent. Ce pécheur lui donne déjà le nom alle- mand de Steinhisser , et dit qu'il est plus rare que la loche franche, ce qui n'est pas la même chose dans notre Seine. Les deux espèces y sont aussi abondantes l'une que l'autre, et je crois que l'espèce dont il est question dans cet article, y est au moins plus facile à prendre que la première. Duhamel n'en fait pas mention; mais Marsigli^ en donne une représentation assez bonne. Bloch'^ en a donné une meilleure figure, où la tache caudale a été cependant négligée, et l'histoire qu'il a laissée du poisson est assez complète. Toutes les Faunes spéciales de l'Allemagne et de l'Angleterre en font mention. Ainsi Linné ^, dans le Fauna siiecica, et Nilson^ 1. De aqiiatil., p. 4o6. 2. De pisc, liv. IV, p. 265, ch. 26 et 27. 3. Mars., Danub., p. 5, pi. 4, fig. 2. 4. Bl., pi. 3i, fig. 2. — 5. Faun. suce. 6. Prod. ichtk. Scand. CIIAP. XIX. LOCHES. 65 dans son Iclitliyologie scandinavffj-le donnent comme abondant, soit dans le lac de Maelar, soit dans les rivières et les ruisseaux, où il se tient isole. Mais il vit en troupes dans le fleuve Lidan de Vestrogotbie, et dans le Kôpingea en Scanie. MùUer^ le cite dans le Fauna clanica. Cette espèce serait donc la seule locbe originaire de la partie septentrionale de l'Europe. Elle existe aussi en Belgique , et M. Selys Longcbamps, ayant adopté les di- visions génériques de M. Agassiz, l'appelle acantJiopsis tœnia. En Angleterre MM. Pen- nant et Donovan n'en font pas mention; mais Turton% Flemming^ et Jennyns"^ la nom- ment le Gî^oundling des Anglais. M. Yarell ^ lui conserve ce nom vulgaire. Il a cru de- voir aussi, à l'exemple de M. Gray, la consi- dérer comme d'un genre distinct, et il l'ap- pelle avec son prédécesseur Botia tœnia. La figure est petite, très-ressemblante, mais l'au- teur y a oublié la tache caudale. M. Nenning n'en parle pas dans son Histoire des poissons du lac de Constance; mais je la trouve dans 1. Zool. dan., prod. , p. 47 > n.° l\02. 2. Brit. Faun., p. io3, n.° go. 3. An. Kingd. , p. 189, n.° 70. 4. An. vert., p, 497, "•" 9^* 5. Brit. fish. , p. 38i. 18. G6 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. riclîthyologie liongioise de M. Reisingei '. Pal- las ^ lui laisse le nom linnéen , et Fa suivie dans toute la Russie sous les noms de Podkamesch- nik, Mulœfka, et Malefka; sur l'Aldan et le Govyma sous la dénomination de Morshogbn, en Sibérie de Munga^ chez les Tunguses de Baikal de Chiihika, à Chatanga de Schoekde- koer, et chez les Buret de Chochor-Schirachin. Elle existe encore dans tous les ruisseaux à fond pierreux, qui descendent des montagnes, surtout de Sibérie, des monts Ourals, et de la chaîne australe du Caucase : elle aime aussi les eaux stagnantes où croît le ceratophilus. M. Nordmann' cite également ce poisson dans sa Faune pontique sous le nom di^acan- thopsis tœnia, Agass. Je partage l'opinion de ce savant zoologiste quand il croit que le cohitis caspia de M. Eichwald n'est qu'une variété de notre espèce. J'ai vu dans la Seine de ces cohitis, où les taches sont réunies en une seule et unique bandelette. La loche de rivière fraie en Mai; tous les auteurs s'accordent à dire que sa chair est maigre, sèche et de mauvais goût. 1. Ichth. hongr. , p. 26. 2. Faun. Ross, asiat. , III, p. 166, n." 126. 3. Fauh. pont., p. 468. CHAP. XIX. LOCHES. 67 La Loche guntea. {Cohitis Gunlea, Buch.) Nous avons reçu cette espèce par M. Alfred Duvaucel. Elle a la tête petite, comprimée et assez semblable à celle de notre loche de rivière; mais le corps est beaucoup plus trapu, à cause de sa largeur, de son épaisseur et de sa brièveté. L'œil est petit, avec un sous-orbitaire à deux épines. Il y a quatre barbillons au-dessus d'une très-petite bouche, et deux à l'angle; la lèvre inférieure est libre et frangée. Les nageoires sont petites. D. 7; A. 6; C. 19; P. 8; V. 1. On voit que ce poisson, couvert de très-petites écailles, avait le corps rayé longitudinalement par une bande médiane noire, avec quelques taches nuageuses au-dessus de la ligne latérale. Les nageoires sont ponctuées. Ces détails de forme conviennent parfaite- ment à la figure que M. J. M'clelland * a don- née du cobitis Guntea de Buchanan. Mais cependant cetichthyologiste compte un rayon de plus que moi aux nageoires. Je dois avouer que notre exemplaire n'est pas très-bien con- servé. Ces auteurs , qui l'ont vue fraîche , disent 1. As. res., vol. XIX, pi. 2, fig. 3. 68 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. que celte loche est olive en dessus, avec des nuages plus foncés, que la bande est couleur de vert -de -gris, que la dorsale et la caudale ont leurs rayons tachetés, et que les autres nageoires sont d'une couleur métaUique rem- brunie. Ce poisson abonde dans tout le Bengale et l'Assam. Notre individu est long de trois pouces et demi. Je crois retrouver la même espèce dans un plus petit individu des étangs de Calcutta, rapporté par M. Dussumier. Ce naturaliste le dit fauve avec des taches vertes; ce sont d'ail- leurs les mêmes formes. M. Dussumier indi- que dans ses notes que les Indiens mjmgent ce poisson. La Loche amnicole. {Cohitis amnicola, nob.) Nous avons aussi du Bengale une petite loche à sous-orbitaire épineux assez long et bifide , qui a six barbillons et les lèvres de notre cobitis tœnia. Le corps est plus comprimé et plus court. Les nageoires sont petites et arrondies. D. 9j A. Ij C. IT; P. 7; V. 6. CHAP. XIX. LOCHES. 69 Les rayons de la caudale seuls sont couveris de petits points bruns et serrés. Les autres nageoires et le corps sont d'une teinte uniforme. A cause de la ressemblance de cette espèce avec notre loclie de rivière, je l'ai appelée cohitis amnicola. Nos exemplaires ont deux pouces sept lignes; ils viennent du Bengale: c'est M. Bélanger qui les a donnes au Cabinet du Roi. La Loche des montagnes. {Cohitis montana, Schistura montandj M'cll.) Cette autre espèce n'a qu'une épine sous-orbitairej la pectorale paraît assez large; la caudale est un peu échancrée. D. 8; A. 6îC. 18; P. 10; V. 8. Le corps est entouré par douze anneaux gris dé- tachés sur le fond gris jaunâtre du dos, et sur le blanc du ventre. La dorsale et la caudale ont une raie de points noirâtres. Une bande noire foncée colore la base de celte dernière nageoire. Cette petite espèce a été découverte par le docteur M'ieod dans les petits ruisseaux qui descendent des montagnes de Simla. M. J. M'clelland*, qui la trouva une des plus allongées de ce genre, en a fait un de ses schistura. 1. Ind. cyp.j As. res. , vol. XIX, p. Soj, et p. 44ojpl- ^7, fig. 1. 70 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. La Loche aiguillonnée. (Cobitis aculeata, Schistura acideata, J. M.) Je trouve encore indiqué dans M. J. M'clel- land deux loches, rangées par lui, à cause de leur caudale fourcbue, parmi ses schistura. Il a donné à l'une un nom assez impropre pour une loche; mais, ne connaissant pas assez le poisson, je préfère ne pas changer l'expression de l'auteur écossais. Il caractérise cette espèce par une crête tran- chante, osseuse entre les yeux, et des raies nua- geuses sur les côtés. D. 8; A. 7; C....; P. 9. L auteur ne dit rien autre de ce poisson de l'Assam ; il ne l'a pas figuré. La Loche cucura. (Cobitis cucura, Buch-O Cette jolie petite espèce, décrite par M. Buchanan% et dont le dessin a été publié par M. J. M'clelland,^ a le corps comprimé, la tête petite, obtuse, plus étroite que le tronc. Deux épines courtes sous l'œil , 1. Gang. fish. , p. 552. 2. Ind. cyp. As. res. , vol. XIX, p. 3o3 , el p. 4^4 > pi- 5i, fig 2. CHAP. XIX. LOCHES. 71 la dorsale sur le milieu du dos, la pectorale plus courte que la tête, la caudale ronde, l'anale carrée. D. 9; A. 7; C. 15; P. 9; V. 6. Le fond est blanc, avec des taches sur le dos et sur les côtés, formant des nuages noirâtres ou des barres irrégulières en travers. M. Buchanan a trouvé ce poisson dans le Rosi, où il atteint rarement trois pouces. Cet auteur assure que le corps est dépourvu d'é- cailles visibles, ce qui tient à leur extrême petitesse. M. J. M'clelland dit, que les pécheurs le nomment Chota Kukura. C'est une assez grande loche, qui atteint six pouces j elle vient des rivières du nord du Bengale dans les montagnes. Le second de ces naturalistes l'a trouvée dans les petits cours d'eau très-lents, à fond sablonneux, de l'Assam supérieur. L'anatomie de ce poisson ressemble à celle de nos loches. La Loche gongota. {Cohitis gongota, Buch.') Le nom de cette espèce s'est changé en celui de cohitis oculata dans le travail de M. J. M'clelland.^ 1. Gang.fish., p. 35i. 2. Ind. cyp., As. res., vol. XIX, p. 3o3, et p. 423, pi. 5i , fig. i » 72 LIVRE XVIII. CYPRmOÏDES. Son sous-orbitaire a deux pointes courtes et fortes. Le museau porte six barbillons. La tête est ovale, plus étroite que le tronc; la bouche circulaire, avec des barbillons placés à égale distance l'un de l'autre, quatre en haut et deux à l'angle de la bouche. Le plus grand axe de la pupille est vertical; la dorsale est reculée sur le dos; les pectorales sont arAondies; les ventrales plus petites ; la caudale est courte comme l'anale. D. 11; A. 8; C. 17; P. 10; V. 6. Les écailles peu visibles; la ligne latérale par le mi- lieu du côté. Le fond de la couleur est blanc, nuage de taches grises en dessus, et argenté en dessous. La dorsale et la caudale sont barrées. M. M'clelland colore les joues et les nageoires en jaune; il donne à la caudale deux larges raies de cette couleur. La Loche Botie. {Cohitis Botia, Buch.) Une des loches épineuses de l'Inde n'a qu'une épine sous-orbitaire. C'est le cohitis Botia de M. Buchanan. * Elle a le corps comprimé, couvert de petites écailles. L'épine est forte et non divisée. Quatre bar- billons à la lèvre supérieure et deux à l'angle de la bouche. La dorsale est vers le milieu; la caudale est large et en éventail. D. 14; A. 8; C. 15; F. 13; V. 8. 1. Gang.fish., j>. 35o. CHAP. XIX. LOCHES. 73 Une bande longitudinale, argentée, se dessine de chaque côté sur le fond vert olive du corps. Le dos est couvert de taches nuageuses. Les nageoires et la tête sont rougeâtres. La dorsale et la caudale portent trois à quatre rangées de points. M. Buchanan a trouvé le Botia dans les rivières du nord-est du Bengale; ce poisson a les mêmes qualités nutritives que nos loches. M. J. M'clelland^ en a donné une figure, en changeant le nom en celui de cobitis hirnu- cronata. Quelques autres loches à sous-orbitaires épineux ont huit barbillons. Ces espèces sont en général remarquables par leur corps ar- rondi et allongé, et par la position reculée de la dorsale sur le dos de la queue, entre l'inse-tion des ventrales et celle de l'anale. Le cobitis niontana, dont j'ai parlé plus haut d'après le Mémoire sur les cyprinoides de l'Inde, est tout-à-fait de cette forme. Aussi je soupçonne que cette espèce doit avoir huit barbillons. Voici les observations tirées des ouvrages de M. Buchanan et de J. M'clelland. Je n'ai décrit, d'après nature, qu'une seule espèce, conservée dans le Cabinet du Roi. 1. Ind. cjp,, As. res., p. 3o/|, et p. 435, pi. 5i, fig. 4- 7 A LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. La Loche bulgara, (Cobitis bulgara j Buch.') est un petit poisson , dont le corps est comprimé, la tête plus étroite que le tronc, la bouche petite, un peu protractile, avec huit barbillons j l'épine sous-orbitaire divisée Jusqu'à la racine j les yeux, rapprochés l'un de l'autre, ont une pupille circulaire; la caudale est coupée en crois- sant. D. 7; A. 7;C. 11; P. 7? V. 7. M. Buchanan dit le corps sans écailles. Le dos est d'une couleur olive pâle, tacheté de maculatures plus foncées; le dessous est argenté. La dorsale et la caudale sont rayées longitudinalement. Le Bulgara ne dépasse pas deux pouces ; il vient de la rivière Kosi. M. J. M'clelland^ a donné une figure de ce bulgara, en le considérant comme une espèce de ses Schistura. La Loche d'Hasselt. (Cobitis Hasselti, nob.) J'ai trouve parmi les dessins envoyés. de Java, par MM. Ruhl et Van Hasselt, une pe- 1. Gang.fish., p. 356. 2. Ind. cyp., As. tes., vol. XIX, p. 007, pi- 53, fig. 2. CHAP. XIX. LOCHES. 75 tite loche qui me semble voisine de la pré- cédente, à cause de la petitesse de ses nageoires. Le museau me paraît plus arrondi et plus gros, l'œil excessi- vement petit; la caudale est échancrée. D. "i; A.l; C. 19, etc. Le dos, vert olivâtre, est tacheté de brun; la cau- dale a des petits traits verticaux; la dorsale et les autres nageoires ont des traits interrompus; le ventre est jaunâtre. La longueur de l'individu dessiné est d'un pouce six lignes. Il vient de la rivière Tjelan- kakan. Il faudrait voir sur la nature si la bouche a six ou huit barbillons; je crois plutôt à ce dernier nombre. La Loche pangia. (Cobitis Pangia, Buch.^) Ce poisson semble appartenir à une autre forme générique ; car il a , comme les espèces suivantes, le corps un peu plus rond que les loches ordinaires. Cependant on voit, par les expressions de M. Buchanan, qu'il rentre en- core dans ce genre. Le corps, d'égale hauteur partout, est un peu comprimé. Les yeux sont très -petits, les narines 1. Gang. fish. , p. 355. 76 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. tubulaires. La dorsale est reculée sur le dos, de ma- nière à répondre entre la ventrale et l'anale; celle-ci est très-petite. Il en est de même des deux nageoires paires. La caudale est arrondie. D. 7; A. 1; C. 18; P. 10; V. 6. La couleur est rougeâtre, et, suivant M. M'clelland, de teinte vive de cannelle. M. Buchanan a trouvé le pangja dans les rivières du nord-est du Bengale; on le mange. Il vient à trois ou quatre pouces de long. M. J. M'clelland* a changé le nom de ce pois- son en celui de cobitis cinnamomea. La Loche oblongue. {Cobitis oblongciy K. et V. H.) Je trouve aussi dans les dessins de Kulil et Van Hasselt la figure de deux espèces voi- sines du pangya de Buchanan, mais dont la caudale est échancrée. L'une d'elles avait reçu des naturalistes hollandais le nom de cobitis oblonga. Elle a en effet le corps allongé, rond; la dorsale reculée entre l'insertion des ventrales et de l'anale. L'œil est très-petit, et le peintre a représenté très- nettement une épine sous-orbitaire. Le corps est 1. Ind. cyp. As. res. , v. XIX, p. 5o4, cl p. 4Ô9, pi. 5o, fipf. 5. CHAP. XIX. LOCHES. 77 brun foncé en dessus; jaunâtre en dessous, avec des reflets couleur de chair. La caudale est très-rembrunie, avec un liséré jaune. Les autres nageoires sont rosées; la dorsale a le bord noirâtre. Le poisson dessine a deux pouces et demi; il paraît commun à Java, car on le dit des environs de Buitenzorg et des autres rivières. La Loche de Kuhl. {Cobitis Kuhlii, nob.) Je dédierai à la mémoire de mon ami Kuhl cette espèce, voisine de la précédente par la forme allongée de son corps, par la position de sa dorsale, par l'échancrure de sa caudale; mais qui en diffère par la brièveté de ses barbillons, par la petitesse des nageoires; et dont le corps est traversé, sur un fond jaime plus ou moins orangé, par douze bandes brunes. La caudale a la base de la même cou- leur que les bandes, et le liséré jaune. La dorsale, l'anale et la ventrale sont également jaunes. La pec- torale est grise. Ce poisson n'a que deux pouces; il vient des ruisseaux des environs de Batavia. On voit que Kuhl avait eu l'idée de séparer les espèces à sous-orbitaires épineux des autres loches, puisqu'il avait nommé celui-ci Acan- thoplithahnus fasciatus, tandis qu'il aurait donné aux espèces sans épine le nom de Nemacheilus, 78 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. La Loche thermale. {Cohitis thermaliSy nob.) Nous possédons dans la collection du Mu- séum une de ces petites loches, caractéri- sées par les huit barbillons qui entourent un museau comprimé j la tête l'est aussi, mais le tronc est plutôt arrondi. Ces barbillons sont très-courts : il y en a quatre pour la lèvre supérieure, un à chaque angle de la bouche; la lèvre inférieure a le bord libre, frangé, et donne un barbillon. Les yeux sont petits; sous eux est une petite épine mobile, simple. La caudale est arrondie. D. 8; A. 7;C. 19^ P. 7; V. 6. Ce très-petit poisson a un trait grisâtre tiré du bout du museau vers l'œil; des points noirs sur la dorsale; une tache noire, ocellée sur la base du lobe supérieur de la caudale, qui est traversée par trois bandes noires, courtes et parallèles au bord. Le corps a quelques points gris, sur un fond gris ar- genté. Nous en avons reçu un assez grand nombre d'individus longs d'un pouce cinq lignes, et qui tous viennent des eaux chaudes de Gania à Ceylan. Ils ont été rapportés et donnés par M. Regnault, chirurgien à bord de la corvette la Chevrette. CHAP. XIX. LOCHES. 79 Je trouve aussi dans le travail fait sur la famille des cyprinoïdes de l'Inde, l'indication de quatre espèces distinctes des précédentes, parce qu'elles n'ont que quatre barbillons. Deux, à caudale arrondie , ont été laissées parmi les cohids, et deux autres, à caudale un peu échancrée plutôt que fourchue, ont été con- sidérées comme du genre schistura. La Loche a gouttelettes. {Cobitis guttata, J. M.^) Ceue loche à quatre barbillons, et sans épines sous-orbitaires, a le dos d'une belle couleur verte chargée de petits points ; le ventre est argenté. D. 8; A....; C L'espèce aurait, d'après la ligure, le museau épais, arrondi; les barbillons assez visibles, du quart de la longueur de la tête ; des points sur la caudale et la dorsale, et un petit irait noir par le milieu de la largeur du corps. Elle vient du Haut-Assam. La Loche a museau effilé. {Cobitis phoxocheila y J. M.^) M. M'clelland dit 1. Ind. cyp.f As. rw., vol. XIX, p. 3o5, etp. 438, pi. Ba, fig. 5. 2. Ibidem, p. 3o5 , et p. 459, pi. Sa , fig. 4. 80 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. que la tête de cette curieuse espèce est relevée obli- quement, comme celle d'un de sespérilampesj et que l'arête du front, entre les yeux, est tranchante et osseuse; les côtés sont comprimés; il n'y a pas d'épines sous-orbitaires. La caudale est arrondie. D. 8; A. 6; C. 16; P. 8; V. 6. Une raie nuageuse va de la tête à la caudale par le milieu du corps, qui est jaunâtre, au-dessus et argenté dessous; il n'a pas de taches, La caudale a plusieurs rayures verticales. Les autres nageoires sont incolores. Cette espèce a été trouvée dans les monta- gnes du Mishmëe,par M. Grifïith, La Loche brunâtre. ( Cohitis subfusca , nob. ) M. J. M'clelland^ avait fait un schistura de cette petite loche à caudale fourchue. Elle n'a pas d'épines sous-orbitaires; quatre ten- tacules garnissent le devant de la bouche; les yeux sont rapprochés sur le tranchant fort étroit de l'arête du crâne, comme dans la précédente. D. 11; A. 7; C. 17; P. 11; V. 7. Le fond de la couleur est jaune, et dix bandes grises entourent le tronc. Les nageoires sont trans- parentes et de la teinte du corps. Cette espèce habite les eaux tle l'Assam supérieur. 1. Ind. typ.y As. res., vol. XIX , p. 3o8, et p. 445 , pi. 53 , fig. 5. CHAP. XIX. LOCHES. 81 La Loche scaturigine. {Cobitis scaturigina, Buch.) Le même auteur a encore placé dans le genre des schistiira un poisson qu'il n'a pas vu, mais dont il a eu connaissance par un dessin laissé par Buchanan, et dont ce voya- geur n'a pas fait usage dans son Histoire des poissons du Gange. Ceue espèce, sans épines sous-orbilaires , aurait, a en juger parle dessin, les nageoires inférieures plus larges que la précédente; la dorsale moins haute de l'avant, et plus étendue; les bandes du corps plus larges, et nuageuses sur le tronçon de la queue. Les rayons de la dorsale ont vers le milieu un petit point noir; la caudale est rosée sur les bords. Je ne la crois pas aussi voisine de la pré- cédente, que le pense M. M'clelland ' , et je crois même que cette espèce doit avoir six barbillons. Dans le Mémoire sur les cyprins de l'Inde on a reproduit le dessin de M. Bu- chanan. Enfin, il y a des loches qui ont la vessie aérienne membraneuse , semblable à celle des autres poissons, au lieu d'être, comme 1. Ind. cyp., As. res., vol. XIX, p. 5o8, et p. 443, pi. 53, fig. 6. i8, 6 82 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. dans les nôtres, rentermée dans la sphère osseuse qui lui est fournie par la grande vertèbre. De ces loches les unes ont six bar- billons, une autre en a huit, toutes trois ont le sous - orbitaire épineux. J'ai examiné sur la nature une de ces espèces, le cobitis geto de Buchanan. La dissection ma fait trouver une vessie oblongue, étroite et simple, comme celle d'une espèce de la famille des dupées. M. M'clelland dit, que la vessie est divisée en deux par un septum longitudinal ; je n'ai rien vu de semblable. Cet auteur avait pensé que l'on devrait peut-être séparer du genre ces espèces à vessie aérienne différente de celle de la plupart des loches indigènes ou étran- gères, et il a proposé, pour désigner cette nouvelle coupe par le nom d'HYMENOPHYSA. ' La loche geto, que j'ai examinée avec le plus grand soin, ne présente aucun caractère générique, traduisant à l'extérieur cette diffé- rence de conformation, et qui justifierait une séparation. L'auteur dont j'examine le travail, pour l'ap- précier à cause de sa grande importance et non pour en faire la critique, n'a pas songé que les variations de la vessie aérienne sont 1. Ind. cjpr. . As. res. , vol. XIX, p. 3oG et p. 444- CHAP. XXI. LOCHES. 85 des plus grandes dans des espèces voisines, constituant cependant les genres les plus na- turels. Pour ne citer qu'un seul exemple , mais le plus connu de tous les naturalistes, je rappellerai que le maquereau ordinaire de nos côtes de l'Océan n'a pas de vessie natatoire, tandis que cet organe existe dans l'espèce que M. de Laroche a nommée scomber pneu- mat opiioriis. Si la présence ou l'absence de la vessie ne peuvent être caractéristiques pour établir des genres en icbtliyologie, à plus forte raison les variations que présentera cet organe, quand il existe, ne doivent pas servir à la diagnose de ces coupes, qui deviendraient tout-à-fait arbitraires. On diviserait presque à l'infini les sciènes, si l'on tenait compte des nombreuses différences de la vessie. Des trois espèces pourvues de cet organe, deux sont voisines l'une de l'autre; leur prin- cipale différence consiste dans le nombre de leurs barbillons; je ne connais la troisième que parla figure publiée par M. Gray; elle est entiè- rement distincte de toutes les autres loches, par sa taille et par ses couleurs. Je la laisse à la suite du groupe. Je vais commencer par décrire le cohitis getOj, parce que je puis faire cette description d'après nature. H4 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. La Loche geto. {Cohitis geto, Ham. Biicli., pi. 1 1, fîg. 96.) Le Muséum doit la possession de cette petite loche à M. Alfred Duvaucel. Elle a le corps comprimé, le museau obtus, la tête comprise quatre fois et demie dans la longueur totale; le diamètre de l'œil du quart de la longueur de la tête. Les barbillons, au nombre de huit, sont placés ainsi qu'il suit. Les quatre antérieurs sont réunis au bout du museau : deux sont à l'angle de la bouche et appartiennent à la lèvre supérieure; deux autres sont sous la symphyse de la lèvre inférieure. La caudale est fourchue; les autres nageoires sont très-peu étendues. D. 11; A. 7; C. 19; P. 13; V. 8. Les écailles sont si petites, qu'on ne les voit qu'à la loupe. Mais elles n'en existent pas moins; de sorte que l'assertion de M. Buchanan, qui dit que le corps est dénué d'écaillés, est tout-à-fait erronée. Je suis tenté de croire qu'il en est de même pour toutes les espèces indiquées comme nues et sans écailles. Le sous-orbltaire porte deux fortes épines. Le corps est traversé par sept bandes d'un vert foncé; teinte qui s'étend sur le vertex, et un peu sur le bord de l'opercule. Dans les deux exemplaires que possède le Muséum, je vols deux bandes noires transversales sur les lobes de la caudale, et un vestige de bande noirâtre sur la dorsale. Je me suis déterminé à appeler cette loche CHAP. XIX. LOCHES. 85 du nom de cobitis geto, parce que je trouve dans le Mémoire de M. M'clelland, qu'il a vu de ces poissons avec deux barres sur la cau- dale; toutefois il nen représente qu'une seule dans sa figure , ainsi que M. Buchanan le dit dans sa description. En faisant l'anatomie de ce poisson, j'ai trouvé un foie gros, cachant des intestins, semblables à ceux de nos loches, et une ves- sie aérienne simple à parois argentées assez épaisses, alongée en un fuseau très-pointu aux deux bouts. Cette vessie simple communique avec l'intestin par un canal excessivement délié, qui part de son extrémité. Au-dessus de cet organe sont les reins, situés comme à l'ordinaire. M. M'clelland observe que les geto de l'As- sam diffèrent de ceux du Bengale, mais que ces différences ne sont pas assez fortes pour donner lieu à l'établissement d'espèces dis- tinctes. M. Buchanan a trouvé le geto dans les ma- rais du nord-est du Bengale. La Loche dario. ( Cobitis Dario , Buch.^ ) Cette autre espèce, très-voisine de la pré- 1. Gang, fish., p. 354, lalj- 2g, fi<>. 96. 86 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. cédente par les formes et par la distribution des couleurs, a le corps comprimé, le profil du dos plus arqué que celui du ventre, la têle demi-ovale, et une double épine sous chaque œil. Le museau n'a que six bar- billons. D. 11; A. 7; C. 18; P. 13; V. 8. Les couleurs sont disposées par bandes transver- sales, composées de taches noires détachées sur un fond jaune. La caudale porte des bandes inter- rompues j les autres nageoires n'ont aucunes taches ni rayures. Oïl trouve le Dari dans les rivières du nord du Bengale; il croît à deux ou trois pouces. M. M'clelland' a parlé du cobitis Dario avec ses schistura; il l'a trouve dans les grandes rivières de l'Assam, et l'a vu atteindre huit à dix pouces. La Loche géante, {Cobitis grandis, Botia grandis , Gray.), a reçu cette épithète de M. Gray', parce qu'il la comparait à nos petites espèces d'Europe. Ce zoologiste, n'ayant observé avec soin que deux de nos Loches , avait cru , comme 1. hid. cyp., /Is. ns., t. XIX, p. jo6, cl p. 444? p'- ^' , H- ^■ 2. m. oflml. ZooL, by Maj. gen. Hardwick, part. X. CHAP. XIX. LOCHES. 87 M. Agassiz , devoir les distinguer en deux genres, et avait emprunté au langage des pécheurs du Bengale , d'après M. Buchanan , pour désigner les espèces à sous-orbitaire épi- neux, le nom de Botia; de sorte que ce poisson a reçu sur la planche de l'ouvrage sur la zoologie de l'Inde, du major général Hardwick, la dénomination de Botia grandis. C'est, en effet, une des plus grandes loches connues; cependant nous avons cité que le cohitis Dario atteindrait à huit ou dix pouces. Cette espèce ne l'emporte donc point en cela sur d'autres, nous allons toutefois conserver le nom après avoir fait cette remarque. Cette loche a le corps gros et trapu, assez sem- blable, sous ce rapport, à celui de nos tanches. La hauteur du tronc, égale à la longueur de la tête, fait le quart de celle du corps jusqu'à la fourche de la caudale. La tête est pointue, le museau arrondi, l'œil petit. Les deux épines du sous-orbitaire sont très- grosses. Quatre barbillons sont au bout du nez; deux à l'angle de la bouche , et deux à la symphyse de la mâchoire Inférieure, mais attachés à la lèvre. La dor- sale, sur le milieu du corps, est coupée obhquement. L'anale est pointue; la caudale est fourchue, ses deux lobes sont larges et terminés en pointe. Sur un fond olivâtre, violacé sur les flancs, et foncé sur le dos, le corps est couvert de nombreuses taches carrées, Irrégulières. La lèle est violette, avec 88 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. des taches jaunes. Les lèvres, l'œil et l'épine sont de cette couleur. Toutes les nageoires sont jaunes. La dorsale a des barres longitudinales et verticales grises j le bord est roux. La caudale a quatre bandes verticales de taches grises et le bord roussâtre. L'anale a une barre grise près de sa base, et trois séries de points plus pâles, et un peu de roux sur le bord. La ventrale a les mêmes dessins. La pectorale a quatre raies grises, verticales. La figure représente un poisson long de sept pouces. M. Gray dit qu'on le nomme Almorali dans l'Inde. C'est une loche sous tous les rapports : M. M'clelland remarque que c'est la seule espèce tachetée dans ce groupe. ha Loche malaptérure. {Cobitis malapterura y nob.) M. Aucher Éloy a envoyé de Syrie, au Ca- binet du Roi, une loche, que l'on pourrait considérer comme le type d'un genre distinct, si on n'étudiait pas l'ensemble de son organi- sation. C'est pour cela que j'en parle dans un paragraphe à part. Elle se distingue, en effet, do toutes les espèces que j'ai examinées, CHAP. XIX. LOCHES. 89 par la grandeur et par l'épaisseur des mâchoires. La supérieure fait saillie vers le milieu en une sorte de petit cuilleron, et l'inférieure, arrondie, est éclian- crée dans le milieu. Une muqueuse épaisse recouvre ces parties osseuses, qui portent des lèvres charnues et larges. Il y a six barbillons, quatre à la mâchoire supérieure et deux à l'angle de la bouche. Les ouïes sont largement fendues. Il n'y a pas d'épines sous-or- bitairesj mais la joue est percée d'une assez grande quantité de petits pores blancs. La longueur de la tête fait, à peu de choses près, le cinquième de la longueur totale. L'œil est petit, assez haut sur le profil; et presque sur le dessus de la tête. Les deux narines , rapprochées des yeux , sont ouvertes sur le haut du crâne. La dorsale, arrondie, s'élève sur le milieu de la distance du bout du museau à la naissance de la caudale; celle-ci, arrondie, est égale à la longueur de la tête. Les autres nageoires sont petites et rondes. D. 8} A. 7;C. 21; P. 9; V. 6. Sur presque tout le dos de la queue un repli de la peau s'élève plus que dans aucune autre loche, et y forme, comme une seconde nageoire, une sorte de nageoire adipeuse. Le corps, quoique très-lisse, est couvert d'écaillés très-petites , qu'on ne découvre qu'à la loupe et avec le plus grand soin. La couleur du poisson , conservé dans l'alcool , est grise, avec de nombreuses rivulations blanches. En cherchant à voir les écailles avec une forte loupe, on remarque que le centre de chacune porte un petit poinl brun, et que le bord reste blanchâtre; 96 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. c'est ce qui détermine la couleur grise de tout le corps. Une bandelette noire colore la base de la caudale, qui est, ainsi que la dorsale, pointillée de noirâtre. La pectorale et la ventrale sont, en dessus, grises, avec des points plus foncés, et en dessous, d'une couleur jaunâtre uniforme. En examinant les parties internes, on trouve à cette loche des pharyngiens armés de dents, comme notre misgurne; un canal intestinal simple, à petite courbure , et une vessie aérienne , contenue dans une boîte osseuse, semblable à celle de nos loches. On ne peut donc se refuser à placer l'espèce dont je traite dans le genre des loches, tout en la considérant comme une des plus sin- gulières, à cause du rudiment de nageoire adipeuse sur la caudale : ce qui montre les affinités des loches avec les siluroïdes , en même temps que la forme des mâchoires donne un second caractère non moins remarquable; mais, pour tout le reste, il est évident que ce poisson est une loche. CHAP. XX. BALITORES. 91 CHAPITRE XX. Des Balitores {Balitora, Gray). Le genre nouveau de poisson, dont il va être traité dans ce chapitre, a été découvert dans les eaux douces de Java par MM. Ruhl et Van Hasselt. Ces infatigables zoologistes avaient reconnu les caractères particuliers de ces cyprinoides, et ils avaient envoyé trois espèces accompagnées de dessins élégans faits d'après nature. Le nom qu'ils avaient imaginé n'a pas été imprimé. Ils auraient appelé leur nouveau genre Homaloptera. Depuis la mort de ces deux savans, M. Gray, chargé de la partie ichthyologique de la Zoo- logie indienne du major -général Hardwick, a trouvé deux espèces de ce genre, et il les a publiées sous le nom de Balitora Brucei et Balitora maculosa. Les figures données par M. Gray sont assez reconnaissables pour dé- terminer des espèces; mais elles ne sont pas exemptes de tout reproche; car il a oublié les barbillons de l'une d'elles, et il n'en fait figurer grossièrement que quatre à la se- conde; ceux des angles de la bouche ayant été oubliés. Cependant, comme M. Gray a déjà fait paraître depuis long-tenq>s ce nom de 92 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES: Balitora, emprunté de Buchanan, j'ai ciu devoir l'accepter, afin de ne pas augmenter encore d'un synonyme nouveau la nomencla- ture déjà assez complexe de ces poissons j car M. J. M'clelland n'a pas eu la rnéme réserve que moi. Il a changé le nom de Balitora en celui de Plat j car a, qui signifie tête plate. Voilà donc des poissons à peine connus des ichthyologistes , qui auraient déjà reçu trois noms. Ils sont voisins des loches parleur bouche sans dents, garnis de petits barbil- lons; mais ils en diffèrent par leur tête aplatie, par la grandeur de leur pectorale et de leur ventrale, dont les os huméraux ou pelviens forment de larges plaques osseuses, qui donnent attache à la nageoire, de manière à ce qu'elle s'étale horizontalement, comme celle des callionymes. Le corps est couvert d'écaillés visibles en dessus; mais la région pectorale et ventrale est nue. Ils ont un canal intestinal simple, court; l'estomac est grand, rond, et distinct du reste du canal alimentaire. Ils n'ont pas de vessie natatoire. Nous ne connaissons qu'un petit noml)re d'espèces de ce genre, toutes indiennes. CHAP. XX. BALITORES. 95 Le Balitore a museau rouge. {Balitora erjthrorhina , nob.) MM. Kuhl et Van Hasselt avaient envoyé cette espèce au Musée royal de Leyde, sous le nom de Homaloptera erjthrorhina. La forme du corps ressemble beaucoup à celle de nos aprons du Rhône. L'endroit le plus épais du tronc répond à la base de la dorsale , où la hau- teur, égale à l'épaisseur, est comprise six fois dans la longueur totale. Le museau est pointu, coupé en ogive. La ligne du profil monte insensiblement jus- qu'à la dorsale; elle est un peu soutenue au-dessus de l'orbite, un peu plus en arrière de la nuque, de sorte que cette ligne est légèrement ondulée. Elle descend rapidement à partir de la nageoire, ce qui fait que la hauteur de la queue n'est plus que des deux cinquièmes de celle du tronc. Le dessous de la tête et de la poitrine est plat. La ligne du profil inférieur est légèrement et régulièrement concave. La longueur de la tête est un peu plus courte que le tronc n'est élevé. Les deux yeux sont presque verticaux, tant le cercle de l'orbite entame la ligne du profil. Ils sont petits; car leur diamètre n'est guère que le sixième de la longueur de la tète; ils ne sont pas écartés l'un de l'autre de trois fois leur diamètre. Les deux ouvertures de la narine sont si rapprochées, qu'elles semblent confondues, et elles sont tout près de l'œil. 94 LIVRE XVIII. CYPRIN.OÏDES. On ne voit à rexlérieur, ni le sous - orbitaire ni aucune pièce de l'appareil operculaire. L'ouverture de la bouche est tout-à-fait en dessous et en arc de cercle. La lèvre supérieure reçoit exac- tement l'inférieure. Il y a deux tentacules très-courts à l'angle de la bouche, et quatre autres plus courts au-dessus de la lèvre supérieure. Les mâchoires n'ont aucune dent. L'isthme de la gorge est très-large , et il est encore augmenté parce que la membrane branchios- tège ne se replie pas sous l'opercule. Les rayons sont au nombre de trois j les deux externes sont larges et aplatis; le troisième est grêle et rond. Les dents pharyngiennes sont pointues, sur un seul rang. J'en ai vu cinq. La ceinture humérale forme un cercle solide et épais, sur lequel les pectorales, insérées par une sorte de pédicule, s'étalent horizontalement, comme celles des callionymes, par exemple. Les nageoires, étendues, sont plutôt quadrilatères que rondes. Le premier rayon est un peu plus fort que les autres. Sous l'aplomb de la dorsale on voit les ventrales, qui sont, par conséquent, insérées aux deux cinquièmes de la longueur du corps ; elles s'étalent horizontalement comme les pectorales, et elles ont à peu près la même forme. La dorsale a le bord concave ; elle est plus basse de l'arrière que de l'avant. Assez loin en arrière est implantée l'anale, nageoire étroite, et deux fois aussi haute que longue. La caudale est profondément fourchue, et ses lobes sont égaux et pointus. B. 3; D. 10; A. 6; C. 2b; P. 15; V. 9. Les écailles sont petites. J'en compte quatre-vingts , CHAP. XX. BALITORES. 9S rangées entre l'ouïe et la caudale; elles sont rondes, ont leurs petites carènes longitudinales saillantes au-delà du bord, ce qui les rend comme dentelées j elles ont d'autres stries rayonnantes, et des stries circulaires. Dans l'alcool, le poisson est devenu roussâtre. On voit encore une suite de traits noirs sur le milieu des rayons de la dorsale, y formant par leur réunion une bandelette. Il y en a une semblable sur l'anale; la caudale est aussi tachetée en travers sur ses lobes ; les nageoires paires ont des taches brunes foncées et irrégulières. D'après le dessin fait sur la nature vivante, les couleurs sont peu altérées sur le corps et sur les nageoires; les membranes de l'ouverture des narines seules sont décolorées. MM. Kuhl et Van Hasselt les représente rouges. L'estomac est dilaté en un assez grand sac , à pa- rois tout-à-fait membraneuses et transparentes, à travers lesquelles on pouvait facilement apercevoir les insectes dont le poisson fait sa nourriture. Du haut de l'estomac et sur le côte' droit naît l'intestin, qui descend le long du renflement stomacal, se con- tourne pour remonter sous le viscère, et passe dessus pour se rendre droit à l'anus. Le foie est très-petit et réduit à un lobe mince, qui remplit l'anse de la première portion repliée de l'intestin. Les ovaires de la femelle que j'ai disséquée, étaient volumineux, et remplissaient plus des quatre cinquièmes de la cavité abdominale. Il n'y a pas de vessie aérienne. J'ai compté dix-neuf vertèbres abdominales. Les côtes sont assez fortes. 96 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. Le plus grand individu reçu au Cabinet du Roi, par les soins généreux de M. Temminck, est long de quatre pouces neuf lignes. Je ne vois, d'ailleurs, sur cet individu au- cune trace de taches sur le dos de la queue, tandis que deux autres poissons, longs de trois pouces, ont des taches rondes et plus rousses que le fond. Ces taches s'effacent-elles avec l'âge ? Il n'y a pas sur ceux-ci de bandelettes latérales, même effacées. Enfin, la distance entre l'extrémité des pectorales et le bord des ventrales les distingue de l'espèce suivante. Ces petits poissons viennent des environs de Buitenzorg. Le Balitore ocellé. {Balitora ocellata, nob.) Les mêmes naturalistes ont aussi envoyé de Java, près de Buitenzorg, sous le nom de Ho- maloptera ocellata, une seconde espèce, dis- tincte de la précédente parce que la pointe des pectorales touche au bord de la ven- trale; elle a la tête plus courte, le museau plus rond , les yeux plus petits et plus écartés. Les na- geoires paires plus arrondies, quand elles sont éta- lées; les pectorales conservent une forme elliptique; l'anale plus ronde et moins haute, et la caudale sim- plement écliancrée. CHAP. XX. BALITORES. 97 D. 9; A. 6; C. 23; P. 17; V. 9. Le corps est tellement plus raccourci que les écailles, quoique plus petites, ne sont qu'au nombre de soixante-dix dans la longueur. La peau du dessous de la gorge et du ventre est nue et sans écailles. La ligne latérale est très-visible, droite et tracée par le milieu du côté. Il y a, comme dans l'espèce précédente , les mêmes barbillons au bout du museau et à l'angle de la bouche, qui est aussi en dessous et sans dents. Dans l'alcool, la couleur paraît rousse, avec cinq taches rondes noires sur le dos de la queue, en ar- rière de la dorsale, et avec trois autres nuageuses au- devant de la nageoire. Le dessus du crâne est grivelé de noirâtre. Une bandelette longitudinale noire va de l'opercule à la caudale. Les nageoires sont tachetées ou rayées de noir. Vivant, le corps a le fond ver- dâtre, avec les taches noires foncées telles que je viens de les indiquer. Il y a de l'orangé à la pec- torale et à la caudale. Ce petit poisson, long de deux pouces huit lignes, vient de Buitenzorg. Nous devons aussi cet exemplaire à M. Temminck, directeur du Musée de Leyde. Le Balitore pavonin. {Balitora pavoninay nob.) J'ai encore observé dans les collections de ces deux zélés naturalistes, une autre espèce, i8. 7 98 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. qu'ils me paraissent avoir confondue avec la précédente, à cause de la ressemblance des couleurs. Ce poisson a le corps plus alongé; la lête plus étroite et plus pointue de l'avant; les yeux plus grands et plus bas sur les côtés de la joue; les pectorales courtes et tra- pézoïdales; les ventrales arrondies; la caudale plus échancrée, avec le lobe inférieur plus long; l'anale plus carrée. D. 10; A. 6;C.22;P.18;V.9. En dessous on remarque la petitesse de la bouche, la largeur et l'épaisseur de la lèvre, ainsi que la briè- veté des barbillons. Tout le ventre, jusqu'à l'anus, est nu, sans aucunes écailles. Celles des flancs et du dos sont petites, mais solides et imbriquées. Une carène relevée sur cliacune dépasse le bord, et les rend un peu âpres : elles sont plus grandes que dans les deux autres espèces; car je n'en compte que soixante- cinq rangées sur un corps plus alongé. Tout le dessus est noirâtre. Au-devant de la dor- sale il y a des points ronds et noirs. En arrière de cette nageaire, cinq grandes taches ou ocelles noires, encore mieux dessinées que dans l'espèce précé- dente, à cause du cercle blanc qui les entoure, donnent cependant à ce poisson de la ressemblance avec l'autre. Les nageoires sont tachetées de noir. Il n'y a pas de bandelettes longitudinales. Le Balitore pavonin que j'ai ouvert était une fe- melle. Ses œufs et ses ovaires sont bien moins gros que ceux du précédent. L'estomac est plus court et CHAP. XX. BALITORES. 99 plus globuleux, de sorte que le pli de l'intestin se fait au-delà de ce viscère, à peu près à la moitié de la longueur de la cavité abdominale. Le reste de l'intestin passe de même sur l'estomac, et se continue droit jusqu'à l'anus. Il n'y a pas non plus de vessie aérienne. Le péritoine était noir. Les vertèbres abdo- minales sont au nombre de seize. J'ai déterminé l'espèce précédente en com- parant le dessin de M. Ruhl avec l'individu de sa collection. Je ne crois pas qu'il ait figuré celle établie ici, et qui est différente par sa forme et par ses couleurs, puisqu'elle n'a pas les pectorales aussi longues, et de bande noire sur les côtés. L'individu donné par M. Temminck est long de quatre pouces. Le Balitore rayé. {Balitora lineolata, nob.) M. Diard a envoyé de la Cochinchine une autre espèce de ces balitores, très-différente des précédentes par son corps raccourci, par la grandeur de ses pectorales, dont la pointe recouvre les ventrales, par la brièveté de son museau arrondi, et, enfin, par la forme singu- lière des tentacules. Les barbillons supérieurs sont plats et frangés sur 100 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. les bords; ceux de l'angle de la bouche sont Irès- pelits et simples. D. 9; A. 5; C. 23; P. 22; V. 18. Tout le dessous du corps est sans écailles. Celles de la queue sont larges, plus grandes que celles de la région du dos et de la pectorale. Sur un fond gris, le corps a cinq raies noires longitudinales. Les pectorales et les ventrales en ont quatre ; la caudale a quatre ou cinq, et il y a trois séries de points sur la dorsale. Dans ce petit poisson le canal intestinal devient long, et se plie huit à dix fois sur lui-même, en s'enroulant comme celui d'un têtard de grenouille. L'estomac est petit comme un gros grain de che- nevis. Le duodénum naît d'en haut et de sa droite. Le foie a peu de grosseur; les ovaires étaient assez petits, quoique les œufs fussent gros et développés; mais ces organes ont peu de place, parce que la masse intestinale remplit presque tout l'abdomen. Il n'y a pas de vessie natatoire. Ces poissons n'ont que deux pouces de long, et la largeur des pectorales est de onze lignes. Parmi tous ces poissons, voisins des loches, mais qui s'en éloignent par leur forme géné- rale, il n'y en a pas de plus singulier que ce petit cyprinoïde, qui ressemble à une squa- tine {squalus squatina, Linn.), vue avec un verre rapetissant; c'est la comparaison la plus juste que l'on puisse en faire. J'ai cependant CHAP. XX. BALITORES. 101 choisi pour nom spécifique un trait rappe- lant la coloration du corps, parce qu'elle est aussi fort caractéristique, et constante dans tous les individus de cette espèce. Le Balïtore de Bruce. {Balitora Brucei , Gray.) Il y a dans les Illustrations de la zoologie indienne du major-génëral Hardvvick la figure de deux espèces, voisines de celles que je viens de décrire. La première, que M. Gray, auteur de la partie scientifique de cet ouvrage, a dédiée à Bruce, sous le nom de Balitora Brucei\ res- semble un peu au Balitora ocellata; car elle a, comme celui-là, les pectorales grandes et louchant presque au bord des ventrales; mais elle en diffère par son museau plus rétréci, par sa queue aussi longue au moins que celle du Balitora pavonina. Le corps est gris foncé, tacheté de noir. Les nageoires sont rousses, avec des rayures noires. Les yeux, rouges, sont entourés d'un cercle noir. M. J. M'clelland '^ donne cette espèce dans ses Cyprinoïdes de l'Inde, d'après l'ouvrage de 1». Graj, Illustrât, of Ind. Zool. by Major, gen. Hardtvick ^ b. 5, fig. 1. •2. J. M'cl., . pi. XLIX , fig. 1, lab. 5, fig. 1. "2. J. M'cl., Ind. cyp.y /Is. res,, vol. XIX, p. 299, et p. 428, 102 LIVRE XVIII. CYPRINOIDES. M. Giay , et il en copie la figure; car il n'a pas vu lui-même ce poisson. Ce zoologiste n'a pas figuré de tentacules autour de la bouche; mais on ne saurait douter qu'il n'y en eût de petits comme dans les congénères. L'espèce vit dans les grands ruisseaux qui descendent des montagnes de l'Inde. he Balitore tacheté. {Balilora maculata, Gray.) La seconde espèce a ' le corps plus court et plus rond. La tête est très- raccourcie , arrondie ; les yeux petits , écartés et reculés près de la nuque. La pectorale, large et ovalaire, ne touche pas à la ventrale, qui est ronde; la dorsale, basse, est arrondie; l'anale est petite et coupée carrément; la caudale est échancrée, et ses deux lobes sont égaux. Les écailles sont petites, La couleur est un gris-jaunâtre, tacheté de noir; celle de la tête est bleuâtre; la caudale, grise, a le milieu brun orangé, avec deux rangées verticales de points noirs. Les autres nageoires, sans aucunes taches, ont les rayons blancs, et une teinte très- pâle, un peu jaunâtre sur la membrane. L'auteur marque les quatre barbillons de la mâ- choire supérieure de cette espèce; mais il oublie ceux de l'angle de la bouche. 1. Graj, Ind. Zool. of Maj. gen. Hardwick , lab. 5, fjg. 2. CHAP. XX. BALITORES. 103 M. J. M'clelland a vu ce poisson. Il lui compte ainsi les rayons : D.8; A. 6; C. 19; P. H; V. 9. Il a observé que l'estomac et l'intestin for- ment un tube charnu, continu, pas plus long que le corps. La figure donnée par cet auteur' est une copie de celle de M. Gray : c'est le Pla- tjcara maculata des cyprinoides de l'Inde. Il faisait partie des collections recueillies dans les montagnes du Boutan par M. Griffith. Le Balitore nason. {Balitora nasiita^ J. M.) M. J. M'clelland donne encore, sous le nom de Platycara nasuta, une espèce distincte de toutes les précédentes , et qui pourrait bien être le type d'un genre particulier. Son caractère le plus apparent consiste dans son museau, subitement déprimé entre les yeux , et creusé d'une large fossette entre les narines. Le corps, gros et cylindrique, est recouvert de trente-quatre rangées longitudinales d'écaillés sur huit de hauteur. Les nombres sont : D. 10; A. 6;C. 15; P. 16; V. 9. Ce poisson, long de six pouces, a été trouvé 1. Ind. cyp., As. res., t. XIX, p. 299, et p. 427, pi. xux, fig. 2. 104 LIVRE XVIII. CYrRINOÏDES. par M. Giifïith dans les montagnes du Rasydeh. L'auteur a d'abord décrit et figuré ce poisson sous le nom de Platjcara nasuta, dans le Journal de la société asiatique du Bengale ^, et il a reproduit le dessin et la description , sans y rien changer, dans le mémoire sur les cyprinoïdes de l'Inde''. Le dos et les nageoires sont verdâtres; le ventre est blanc. La figure de la tête, vue en dessous, quoique un peu embrouillée , montre que la bouche est ouverte sous la saillie du museau; mais on n'y a in- diqué aucuns barbillons. Les nageoires paires paraissent larges et carrées, sans se toucher. A en juger par la figure du dessus de la tête, je serais assez porté à croire que ce poisson n'est pas du même genre que les autres bali- tores, et je lui réserverais le nom de Platicara; mais il faudrait avoir vu l'animal pour me pro- noncer plus positivement; c'est pourquoi je l'ai laissé provisoirement à la suite des autres espèces. 1. Journ. As. soc. of Bengal. , vol. VII, part. II, i838, p. 947, pi. LV, fig. 2 , a, b. 2. Ind. cyp.. As. res., vol. XIX;, pi. lvii, p. 3oo et 428. CHAP. XXI. POECILIES, ETC. CHAPITRE XXI. 105 Des PœcilieSy des Cyprinodons, des Fun- dulesy des Hydrargfres et Grundides. Les ichlhyologistes qui liront le nouveau travail consigné dans la suite de ces articles, verront, en le comparant aux premiers essais de M. Cuvier dans le Règne animal, ou à ceux que j'ai insérés dans les Recherches de zoologie et d'anatomie comparée de M. de Humboldt, avec quel soin j'ai refondu la monographie de ces petits poissons. Plus j'ai examiné et décrit avec détails les nombreuses espèces de ces genres, et plus je me suis convaincu que ces poissons ne doivent pas être séparés de la famille des Cyprinoïdes, si l'on veut conserver dans la méthode le rang que doit garder la coupe aip^elée famille , et si l'on ne veut pas la faire descendre à la position de celle du genre; c'est-à-dire, qu'en partant de l'espèce comme premier échelon, le genre est placé au se- cond rang et la famille au troisième. Les genres réunis dans le dix-huitième livre de notre Ichthyologie, ont tous, dans l'ordre des Malacoptérygiens abdominaux, les caractères nets et naturels d'une structure de mâchoires semblables; les intermaxillaires soutenantàeux 106 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. seuls l'arcade supérieure de la bouche, les deux maxillaires Formant, derrière ceux-ci, un arc concentrique, et la mâchoire inférieure complétant le cercle de l'ouverture orale. Ces caractères, joints à ceux qui circonscrivent l'ordre auquel appartient cette tamille , la dis- tinguent nettement et suffisamment des autres malacoptérygiens abdominaux. Un grand nom- bre de genres et de groupes variés, se com- posera de poissons sans dents aux mâchoires j mais la nature fera reparaître ces organes sur les mandibules de plusieurs autres. Elle montre par là au naturaliste que les dents ne peuvent être considérées, dans cette famille, comme un caractère de première valeur à cause de la profusion des formes génériques ou spécifiques qui apparaissent avec des mâchoires inermes. Les caractères anatomiques de tous ces cy- prinoïdes viennent, par leur similitude, con- firmer leurs rapprochements. Cependant un très-célèbre ichthyologiste a eu une manière devoir difFérente de la mienne. M. Agassiz, dont j'honore le talent autant que j'aime le caractère , a cru devoir faire une famille de cyprinoïdes composée seulement des cyprins subdivisés en nombreux genres, et des Loches, également partagées. Il a établi ensuite, sous le nom de Cyprinodontes, une CHAP. XXI. POECILIES, ETC. 407 seconde l^mille, composée des anableps, des pœcilies, des cyprinodons et des genres voi- sins. D'abord je me hâte de dire qu'au Tond il n'y a pas entre nous de véritable dissentiment, il n'y a que de simples nuances dans l'ap- préciation de la valeur des caractères pour agrandir ou resserrer le cercle des familles naturelles. Dans le mémoire où M. Agassiz a commencé à émettre l'idée de diviser nos cy- prinoïdes en deux familles, il a caractérisé comme nous le groupe auquel il réservait ce nom, en ajoutant à la diagnose de la famille l'absence des dents. En un mot, il n'a pas considéré qu'il dût exister des cyprinoïdes avec des dents aux mâchoires. En passant en revue la série des poissons, on voit que les dents des mâchoires (je ne parle pas ici des palatines, des vomériennes ou des pha- ryngiennes) varient beaucoup dans les familles et quelquefois même dans les genres les plus naturels. Les mulles dans les percoïdes, les caranx parmi les scombéroïdes , les muges , offrent la preuve de ce que j'avance. C'est par l'étude des espèces faite une à une, avec autant de peine que de persévérance, que l'on arrive à bien saisir ces nuances; à ap- précier le degré de la valeur du caractère. L'on ^ 08 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. s'affranchit ainsi de beaucoup d'entraves dans l'échafaudage de la classification méthodique. L'on comprend alors que, pour caractériser les familles naturelles , il ne faut pas toujours employer le même organe. Les dents, qui nous fournissent de bonnes caractéristiques pour les Percoïdes opposées à celles des Sciénoïdes, n'ont plus la même valeur pour les Scombéroïdes, chez lesquels la nature a, sans contredit, donné plus d'im- portance aux organes du mouvement. En ne perdant jamais de vue ces principes, on fonde des familles naturelles ; en ne voulant pas astreindre toute une classe à être subdivisée en groupes par la valeur d'un seul caractère, on n'établit pas une méthode artificielle, tout en ayant pour but la fondation d'une classi- fication en familles naturelles. Il faut ensuite se demander si le caractère que l'on prend pour signaler la famille, pourra être traduit à l'extérieur de manière à ce que le naturaliste qui étudie avec détails, et selon les principes établis , ne reste pas embarrassé , ou quelquefois même dans l'impossibilité d'appliquer la diagnose que vous lui indiquez comme rigoureuse. Ces observations ne nous laissent pas long-temps incertains sur le parti à suivre pour les cyprinoïdes. CHAP. XXI. POECILIES, ETC. 109 Un des plus savaiis zoologistes de l'Europe, M. le prince de Caniuo, a présenté une longue série de familles comme une classification méthodique des poissons. Pour les cyprins, il n'a fait autre chose que de suivre les idées de M. Agassiz, et il divise nos cyprinoides en Cjrprinidœ et en Pœcilidœ, au lieu de dire, comme le célèbre naturaliste de Neufchâtel, Cyprinoides et Cyprinodontes. Chaque famille comprend des sous -divi- sions. La première a deux sous- familles, les Cjprinini et les Leuciscini : je ne vois pas qu'il soit très -facile de faire rentrer sous la cliagnose donnée par l'auteur, les Carpes et les Cobitis qui doivent y appartenir à cause de leur bouche à barbillons; et comment il établit qu'une carpe a le corps couvert d'é- cailles plus rares que le gardon; celui-ci, à cause de l'absence des barbillons, étant un de ses Leuciscini • si d'ailleurs il veut dire que la carpe avec ses grandes écailles n'en a qu'un petit nombre sur le corps, que fera-t-il alors des barbeaux {cjprinus barbus ^ Linn.), par exemple, ou de la tanche {cjp. tinea, Linn.). La seconde sous-famille est subdivisée en deux : l'une, les anableptini, pour Xanableps tetrophthalmus de Bloch, dont le caractère, tiré de la forme remarquable de la cornée , est 410 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. celui du genre, et il est le seul; car la seconde phrase de la diagnose, convient à la majeure partie des pœcilini de l'auteur, qu'il caractérise en disant : Maxilîœ depressœ, protractiles ^ caractère qui n'appartient qu'aux Pœcilies seules : il ne peut être réellement donne aux autres genres de cette famille. Si l'on veut tenir compte des rayons de la membrane branchiostège , on arrive alors à poser des caractères négatifs, ce qui est non-seulement vague, mais même, selon moi, contraire aux principes de la saine philoso- phie, les caractères devant exprimer ce qui existe. Ces réflexions me paraissent suffisantes pour faire comprendre que ces règles et ces prin- cipes de classification sont les véritables : je multiplierais les preuves par des exemples de détails, faciles à prendre dans la seule classe des poissons, mais je ne puis le faire ici sans donner trop d'extension à cette discussion , qui deviendrait alors une digression. Je laisse donc les genres dont il va être traité successivement, dans la famille des cy- prinoïdes, parce que toutes les espèces ont le bord de l'ouverture de la bouche limité par les seuls intermaxillaires, que les maxil- laires décrivent derrière ceux-ci un arc sem- CHAP. XXI. POECILIES, ETC. iH blable, sans porter jamais de dents; que le palais est toujours lisse; que le canal intestinal est simple, en général alongë, étroit, d'un dia- mètre presque égal dans toute sa longueur. Toutes ces espèces ont une vessie natatoire simple. Un seul genre américain, mais dont la place est encore incertaine , celui qui ren- ferme le Guapuclia, a la vessie aérienne dou- ble. Si ce dernier poisson est bien placé, cette observation aura une haute importance; car elle rattache les cyprinoides sans dents et à vessie aérienne double, à ceux dont les mâ- choires sont dentées et dont la vessie aérienne est simple. Si l'on voulait arguer de là que le caractère de la simplicité de la vessie doit entramer la séparation de ces genres d'avec les autres cy- prinoides, que l'on réfléchisse que la nature montre la même répétition, la même combi- naison de formes intérieures dans les salmo- noïdes, dont il y a autant de genres à vessie aérienne simple qu'à vessie aérienne double, La plupart des espèces des genres voisins des pcecilies, sont vivipares. Cette particularité de leur organisation est connue depuis très- longtemps , comme je le démontrerai à leur article. Cependant il ne faut pas dire que toutes le soient. i 1 2 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. Un fait anatomique, qui paraît se rattacher le plus souvent à la viviparité, mérite d'être signalé. C'est que les poissons de ces genres dans lesquels j'ai constaté, parla dissection, la faculté de reproduire leurs petits vivans, n'ont qu'un seul ovaire. Il ne faut pas cepen- dant oublier que la perche de nos eaux dou- ces, poisson bien connu pour être ovipare et pour pondre ses œufs d'une manière toute particulière, n'a aussi qu'un seul ovaire; d'un autre côté, les anableps, qui sont les plus vivi- pares de tous les poissons, ont deux ovaires. Que l'on ne se hâte donc pas en histoire natu- relle d'établir des lois générales, quelque sé- duisans que soient les résultats généraux. Le plus grand nombre de ces poissons fourmille dans les eaux douces ou saumâtres de l'Amérique. Cependant on en trouve en Europe et en Afrique. DES POECILIES. Le nom de pcecilie (pœcilîa) a été employé dans nos catalogues ichthyologiques parBloch. Dans son édition posthume cet auteur dé- signe sous ce nom un genre assez mal défini, et dans lequel il a réuni plusieurs espèces qui ont dû être placées dans des coupes CHAP. XXI. POECILIKS. i 1 3 diffëreiîtes ; ce qui est l'ordinaire pour les genres de cette ichthyologie. Ce nom grec ne désignait pas chez les anciens un poisson en particulier, mais il avait été employé comme ëpithète d'une ou de plusieurs espèces parées de couleurs variées. Il est impossible de les déterminer aujourd'hui. Bloch, auteur de ce genre, n'a vu que la pre- mière espèce, le pœcilia vivipara : elle m'est inconnue. Celles qui suiventsont d'abord deux doubles emplois d'un même poisson : le pœci- lia cœnicola et le pœcilia fasciata étant évi- demment la même chose; le pœcilia maj alis est d'un genre différent. Quant au pœcilia fusca, tiré des manuscrits de Forster, nous avons déjà reconnu, par l'examen du dessin de ce savant naturaliste, dont la copie nous a été communiquée par M.™^ Lee (Formerly Bowdich ), que c'est notre éleotris nigra ^ Nous serions tout-à-f'ait con- firmé dans cette détermination , s'il nous restait quelques doutes à cet égard par la lecture de la description entière. Cette prétendue pœci- lie, faite par le savant compagnon de Cook, sous la dénomination de cohitis pacijtca^ les naturalistes peuvent la consulter aujourd'hui, 1. Cuv. et Val., Poissons, t. XII, p. 235. i8. 8 ]]A LIVRE XVIII. CyPRINOÏDES. dans la publication des œuvres du célèbre voyageur, par M. Lichtenstein. Nous remar- quons cependant que le zoologiste de Berlin a oublié de citer notre détermination à côté de celle de Blocli. Forster avait eu une sin- gulière idée en comparant un poisson à deux dorsales au cohitis lieteroclita , dont il ne se faisait pas une idée claire; mais l'auteur du genre Éleotris a été encore plus éloigné de la vérité en le mettant dans ses pcecilies. Enfin, Bloch termine par l'espèce indé- chiffrable du cohitis japonica d'Houttuyn. Lorsque M. Cuvier publia la première édition de son Règne animal, il avait cru reconnaître le pœciliavii'ipara de Schneider dans un petit poisson qu'il tenait de Levaillant. Cet ornitho- logiste , qui s'est rendu célèbre par ses Voyages au cap de Bonne-Espérance , était retourné à Surinam, sa patrie, et en avait rapporté di- verses collections d'oiseaux, de reptiles et de poissons. C'est ce qui explique comment il a publié, dans son Histoire des oiseaux d'Afrique, plusieurs espèces américaines. Il céda h M. Cu- vier ses collections ichthyologiques, qui furent données par cet illustre savant à la collection du Jardin des plantes, dont il aimait à enrichir toutes les parties. Je me suis servi des mêmes exemplaires pour rectifier dans mon travail sur CHAP. XXI. POECILIES. 115 ce genre de Cypiinoïdes les déterminations et les caractères qui avaient été assignés à ce groupe. En faisant ces cliangemens, j'ai com- posé et caractérisé tout autrement le genre des Pœcilies, dont j'ai seulement emprunté le nom à Bloch. J'ai alors commis une erreur en étu- diant sur des exemplaires assez mal conservés les très-petites dents de ces poissons, et en disant que les mâchoires n'en portent qu'une seule rangée. M. Duvernoy^ m'a rectifié sur ce point dans un mémoire sur le développe- ment de la pœcilie. Peu de temps après la publication de mon travail, M. Lesueur faisait connaître^ une nou- velle espèce de ce genre. Mais les naturalistes ont jusqu'à présent né- gligé de rapporter la première observation sur ces poissons vivipares. Elle est cependant assez complète pour l'époque oii elle a été publiée. On la trouve consignée dans une lettre écrite de Mexico à l'Académie des sciences par don Joseph- Antoine de Alzate y Ramirez, corres- pondant de la savante compagnie. Elle est citée dans la relation du Voyage en Cali- fornie , entrepris pour l'observation du passage 1. Ann. des sciences nat. , Mai et Juin i844j p- 3i3 et suiv. 2. Ann. des sciences nat. phil., 1821. 116 LIVRE XVllI. CYl'RINOÏDES. de Vénus sur le soleil en 1769, par l'abbë Chappe d'Auteioche. Cet astronome, membre de l'Académie, mourut encore jeune, pendant son expédition. La publication de son voyage en Californie parut en 1772 par les soins de Cassini fils. C'est a la suite des relations éta- blies par ces savans académiciens avec le Mexique, que Cassini reçut de don Alzate des petits poissons d'un lac de Mexico avec des détails sur leur organisation remarquable et sur leurs mœurs. Fougeronx de Bondaroy, neveu de Duliamel , et qui devait à ce titre payer son tribut à l'ichthyologie , donna à son collègue Cassini une note pour l'intelli- gence de lalettre de don Alzate, en yjoignant une figure de ces poissons, gravée dans la rela- tion du voyage. Il aurait fallu ajouter bien peu de choses, comme on va le voir, pour établir sur ces documens la description zoolo- gique d'une espèce restée encore inconnue aux iclîtliyologistes. Nous n'avons pas retrouvé ces petits poissons qui furent déposés à l'Académie, et qui pourraient être encore conservés dans le Cabinet du Roi , puisque nous avons pu nous-mêmes décrire et disséquer ceux du Ca- nada qui avaient été envoyés à BufFon en 1750. Voici ce que dit Fougeroux : «Ils (ces poissons conservés dans l'eau-de- CHAP. XXI. POECILIES. 117 «vie) ont la peau couverte de très-petites « écailles j leur longueur varie depuis un pouce «jusqu'à dix-huit lignes; ils n'ont guère que « cinq à sept lignes dans leur plus grande lar- «geur: ils ont de chaque côté une nageoire a „ (la pectorale ) , deux autres b sous le ventre «(la ventrale), une unique d (anale) derrière « l'anus c, qui se trouve entre la nageoire h et «la nageoire unique dy la queue e (caudale) «n'est pas fourchue; enfin ce poisson a un ai- «leron/sur le dos, un peu au-dessus de la «nageoire r/. " Si les nombres des rayons, la forme des mâchoires, la nature des dents, la couleur du corps eussent été ajoutés à cette courte notice, on aurait eu une description com- plète. Mais la figure est si vague, que je n'ai pas osé faire prendre rang à cette curieuse espèce ; je n'aurais certainement introduit qu'un nom de plus dans l'ichthyologie. Je laisse donc à un autre le soin de recueillir et de décrire ce poisson , qui multiplie dans un lac d'eau douce voisin de la ville de Mexico; je le crois du genre Pœcilie , quoique je lui trouve , d'après la figure, la dorsale et l'anale un peu longues. Transcrivons maintenant les dé- tails sur leurs mœurs communiqués à Cassini: ,( Je vous envoie des poissons vivipares à 118 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. «écailles, dont je vous avais précédemment « donné notice. Voici ce que j'ai observé en « eux cette année. Si on presse avec les doigts «le ventre de la mère, on en fait sortir les pe- « tits avant le temps j en les examinant au «microscope, on y observe la circulation du « sang telle qu'elle doit être dans un poisson «déjà grand. Si l'on jette ces petits poissons «dans l'eau, ils nagent aussi bien que s'ils « avaient vécu depuis long-temps dans cet élé- « ment. Les mâles ont les nageoires et la queue «plus grandes et plus noires, de sorte qu'à la « première vue on peut facilement distinguer « les deux sexes. La manière de nager de ces « poissons est singulière ; le mâle et la femelle «nagent ensemble sur deux lignes parallèles; ,(la femelle toujours en- dessus, le mâle en- « dessous. Ils conservent entre eux une distance «constamment uniforme, et un parallélisme « parfait. La femelle ne fait pas un mouvement, «soit de côté, soit vers le fond, qui ne soit à « l'instant imité par le mâle. '' Je suppose que ces poissons sont des pceci- lies, parce que M. Cuvier m'a laissé parmi des dessins copiés d'un grand recueil manuscrit mexicain, deux figures représentant une pœ- cilie et peut-être l'espèce de don Alzate, et qui, sans aucun doute, sont aussi vivipares. CHAP. XXI. POECILIES. i i 9 Les caractères spécifiques ne sont pas assez nets pour établir aussi, d'après elles, une es- pèce zoologique : on ne peut en tirer que des conjectures très-proclies de la vérité. Le même recueil contenait aussi le dessin d'un poisson voisin de ces genres, long de six a sept pouces, à caudale arrondie, à mâchoire inférieure saillante, à pectorales et à ventrales de moyenne grandeur et qu'on a nommé cjpri- niis viviparus. C'est encore un poisson inconnu. J'ai déjà dit que mon travail sur ces genres avait pour premier point de départ le désir de déterminer l'espèce représentée dans un dessin fait à Santa -Fé de Bogota par M. de Humbolclt. Je sépare aujourd'hui le Guapucha des pœcilies, et je donne à son article les raisons qui me le font considérer comme d'un genre différent. Dans cette monographie des pœcilies je ne faisais connaître, d'après nature, que deux espècesj aujourd'hui je porte à sept le nombre de celles décritesd'aprèsnature.Toutes, ainsi que les autres prises dans les auteurs, sont américaines, et elles me paraissent appartenir, pour la plupart, à l'Amérique équinoxiale. Les caractères de ce genre consistent dans la forme particulière des mâchoires dépri- mées, horizontales et protractiles , formées en haut par les intermaxillaires seuls j ils portent. 1 20 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. ainsi que la mâchoire inférieure, une bande composée d'une rangée extérieure de dents mobiles et crochues, et d'une seconde ban- delette de dents en velours; le palais est lisse, mince, mou et charnu; les pharyngiens ont des dents en crochets sur plusieurs rangs; la membrane branchiostège est soutenue par cinq rayons; les intestins sont longs et sim- ples ; la vessie aérienne unique. Toutes les pœcilies paraissent vivipares. ha PoECiLiE DE Surinam. {Pœcilia Surmamensis , nob.) Je commence la description des espèces de ce genre par celle que j'ai nommée autrefois Pœcilia Surina jnensis\ A l'époque de la pre- mière mention de ce poisson, je me deman- dais si l'espèce était réellement distincte du pœcilia vii^ipara de Bloch. Je n'avais alors que les individus rapportés par Levaillant, et en assez médiocre état de conservation, pour craindre de n'en pas bien saisir les caractères. Aujourd'hui que le Cabinet du Roi possède un grand nombre de ces poissons de toutes grandeurs , et aussi bien conservés que s'ils sortaient de Veau, il ne peut plus y avoir de 1. Val. apud Humb., Observ. de zool. et d'anat. comparée, t. II, p. i58, pi. II, fig. 1, 1817. CHAP. XXI. POECILIES. 121 doute sur la nature de cette espèce; elle est d'ailleurs mieux établie depuis que M. Duver- noy a fait connaître plusieurs traits importans de son organisation et de son développement. Ce petit poisson a la tête aplatie et déprimée, ce qui rend le museau un peu cunéiforme; le profil supérieur monte par une courbe peu soutenue vers la dorsale, qui est petite, reculée sur la seconde moitié du corps et au-dessus de l'anale. Le profil du ventre est très -arqué, redressé subitement derrière l'anus; les deux lignes qui circonscrivent la queue sont presque parallèles, et assez éloignées. Cet écarte- ment rend celte partie du corps assez élevée. La plus grande hauteur du tronc, mesurée à l'insertion des ventrales, est le tiers de la longueur du corps, la caudale non comprise. La longueur de cette nageoire égale celle de la tête, et le cinquième de la longueur totale. La hauteur de la queue est comprise six fois et quelque chose dans le corps entier. L'aplatissement de la tête se continue au-delà de la nuque, de sorte que le corps est assez épais. Il ne devient comprimé qu'à la région de la dorsale. La plus grande épais- seur fait les deux tiers de la hauteur. L'œil est assez «rand , car son diamètre égale presque le tiers de la longueur de la tête ou la moitié de l'espace qui les sépare sur le front. Il n'y a qu'un seul sous- orbitaire , petit osselet carré qui couvre l'espace entre l'œil et l'angle de la bouche. Quand le poisson nage, cet os est tout- à- fait en- dessous. Le méplat supérieur du nmseau est élargi à l'extrémité, et de chaque côté par l'os nasal, qui est aussi assez large 122 LIVRE XVIII. CYPRINOIDES. et carré. Sur l'angle que font ces deux plans, on trouve en avant les deux ouvertures de la narine , l'une près de la bouche, l'autre, plus large, tout contre le bord antérieur de l'orbite. Les niâchoires seules sont dépourvues d'écaillés. Le dessus de la tête, ainsi que les joues, en ont d'aussi grandes que celles du corps. On voit cependant sous leur transparence les quatre pièces operculaires, qui ressemblent à celles des cyprins. La membrane branchiostège se replie sous le bord de l'opercule : elle est soutenue par cinq rayons , dont les deux internes sont très -grêles, et les trois autres sont plats. La fente des ouïes est ordinaire; la bouche est petite et fendue en travers, et horizontalement au bout du museau; les intermaxillaires bordent toute la partie supérieure; une lèvre assez épaisse cache le rang de petites dents coniques, pointues et régulières dont cet os est garni ; le maxillaire est petit, caché en partie sous le bord antérieur du sous-orbitaire : on n'en voit, quand la bouche est fermée, que l'extrémité en dessous et à côté de la branche de la mâchoire inférieure; celle-ci a ses branches courtes, aplaties et élargies le long du bord dentaire. La conformation de cette bouche est tout-à-fait celle des muges. Les intermaxillaires et la mandibule inférieure portent seuls des dents de deux natures; celles qui suivent le bord externe de l'os sont toutes égales, serrées Tune contre l'autre, droites à leur base et courbées en crochets à l'extrémité : elles sont mobiles comme celles de beaucoup de poissons de genres et de familles diverses : CHAP. XXI. POECILIES. '125 telles sont celles des salarias ou des synodontes. Je les ai vues s'abaisser quand on tire sur la lèvre; mais je n'ai pas observé qu'elles se relevassent par une sorte de mouvement de ressort, ainsi que M. Duvernoy l'a décrit. La lèvre qui les recouvre est épaisse, et forme derrière celte rangée externe de dents une sorte de gencive ou bourrelet charnu, garni de papilles, entre lesquelles il y a une seconde bandelette de dents nombreuses en carde très -fine, coniques, pointues à l'extrémité , mais peu acérées et comme grenues; ces dents tombent souvent : elles ont été parfaitement observées par M. Duvernoy ^ dans son Mémoire sur le développement de la Pœcilie. Cet habile anatomiste a également, bien vu les pharyngiens et leur dentition; les supérieurs for- ment deux plaques elliptiques, retrécies en avant et portant des petites lames élevées en travers sur là base du pharyngien. Elles sont mobiles et armées de six à huit petites dents aiguës et coniques. Ces petites lamelles, serrées à côté les unes des autres avec peu de régularité, sont minces et jaunâtres. M. Duvernoy les croit subcartilagineuses; par leur as- pect fibreux, elles ne me paraissent pas devoir être distinguées du reste des os. Les pharyngiens inférieurs forment, par leur réunion, un triangle conique, dont la pointe est dirigée en avant. Les dents sont semblables aux supérieures. La dorsale est petite, sa base égale la hauteur du rayon le plus haut; le bord est légèrement convexe. 1. Duv. , Mém. cité, p. 555. Ôi 124 LIVRE XVIII. CYPRINOIDES. L'anale est plus étroite et plus haute que la dorsale j la caudale est arrondie , les nageoires paires sont ordinaires. B. 6; D. Tj A. 7j C. 24; P. 13 5 V. 6- Les écailles sont larges, lisses : j'en compte vingt- quatre rangées entre l'ouïe et la caudale : avec une très-forte loupe on peut observer les seize rayons de l'éventail sur une écaille du milieu des côtés, et les très-fines stries concentriques dont la surface est rayée. Le bord radical est coupé carrément? l'autre est en demi-cercle. Je n'ai pu réussir à trouver la ligne latérale, car il ne faut pas prendre pour elle les quatre ou cinq lignes formées de deux stries longitudinales que l'on voit à la loupe et par reflets sur les premières ran- gées des côte's. La couleur est verdàtre, plus ou moins dore'e au centre des écailles, dont le bord est vert rembruni, ce qui fait paraître le poisson recouvert d'un réseau noirâtre. Le ventre des femelles pleines devient orangé; la dorsale a une petite tache noirâtre sur les rayons du milieu; le reste est gris, plus ou moins pointillé de noirâtre. C'est aussi la couleur de la caudale, dont le bord supérieur ou inférieur a une tache noire près de l'insertion des rayons : les autres nageoires sont pâles. Le gonflement du ventre des pœcilies est dû au développement de l'ovaire, à cause de la viviparité de ces poissons; aussi est-on frappé de la grosseur de cet organe unique quand on ouvre l'abdomen. Le conduit oviducal, qui semble lui servir de pédon- j(0 CHAP. XXI. POECILIES. 125 cule, est assez long pour être facileinenl distingué. L'ovaire occupe toute la longueur de la cavité ab- dominale : il n'y a qu'un très-petit espace au-devant de lui et derrière le diaphragme. L'inteslin se porte à gauche de l'ovaire, jusqu'au milieu de la longueur de l'abdomen : il se replie et remonte alors pour passer sous le diaphragme vers l'hypocondre droit, d'oii il se contourne cinq fois sur lui-même en faisant des plis courts. Il con- stitue alors un petit peloton semblable à celui que nous observons dans un grand nombre de poissons à intestins longs et enroulés, ou à celui des têtards de nos grenouilles. Ce tube digestif est quatre fois aussi long que le corps quand il est étendu et développé, ainsi que l'a représenté M. Duvernoy^j le foie est très- petit, aplati et divisé en lobules qui s'engagent entre les premiers plis de l'intestin. La rate est très-petite et cachée entre les replis du tube digestif M. Duvernoy, qui a décrit avec tant de soin les diverses parties du fœtus des pœcilies , a compté quatre-vingts de ces œufs dans l'ovaire disséqué par lui. Ces viscères sont tous contenus dans un repli du péritoine, dont la face interne est recouverte d'un pigment du noir le plus intense, tandis que la face externe brille du plus bel éclat d'argent mât. En détachant avec soin ce péritoine, on découvre au-dessus de lui et sous la colonne épinière abdo- minale une grande cavité ovale, dans laquelle on 1. Annales des sciences naturelles, 3.* série, Zoologie, t. I, pi. xvn, fig. 1. i26 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. voit flouer sous l'eau la membrane excessivement mince et argentée de la vessie aérienne, organe sim- ple; et qui ne communique pas, je crois, avec l'in- testin ; cependant je ne suis pas sûr du contraire. Au-dessus sont les reins, qui n'occupent que la moitié environ de la longueur de la cavité abdomi- nale, et qui donnent deux longs uretères rappro- chés, et formant une dilatation assez sensible avant de déboucher dans la vessie urinaire, qui est petite etbilobée, M. Duvernoy a remarqué que les cornes de la vessie des petits fœtus sont plus longues que celles de la vessie de l'adulte. J'ai trouvé dans l'intestin des débris de vé- gétaux, mêlés à des portions d'insectes. M. Duvernoy a observé dans son exemplaire des fourmis presque entières. La longueur du plus grand de ces poissons est de trois pouces ou de o",o82 ; mais leur taille ordinaire n'est guère que deux pouces à deux pouces et demi. J'ai trouvé des œufs déve- loppés près à éclore dans des individus de quinze lignes seulement. Le dessus du crâne est toul-à-fait aplati, et l'on voit sur le squelette que l'élargissement du dessus de la tête est dû surtout à la grandeur des os sour- ciliers des cyprins. H y a une très -petite et très- courte crête occipitale, deux petits trous occipitaux latéraux et deux petites fosses mastoïdiennes de cha- que côté. C'est donc un crâne de cyprin. Je compte quinze vertèbres abdominales et treize caudales. CHAP. XXI. POECILIES. 127 Nous possédons dans le Cabinet du Roi les exemplaires de cette pœcilie, rapportes de Su- rinam par Levaillant. Depuis, il a été trouvé des individus de cette espèce dans une col- lection de poissons envoyés deBabia au Musée de Genève par M. Blanchet, et dont M. Mori- cand nous a cédé des doubles. Enfin, plus récemment M. Alexandre Rousseau , l'un des préparateurs des laboratoires de zoologie , cbargé d'une mission à la Martinique, en a rapporté un assez bon nombre pris dans cette île. Comme ils sont frais et bien conservés, ils m'ont donné les moyens de rectifier les omis- sions de mon premier travail. Ils proviennent des réservoirs d'eau douce du Jardin bota- nique de cette colonie. On sait dans cet établissement qu'ils y ont été importés de Cayenne. Je dois même faire remarquer à ce sujet qu'on les a confondus avec les gouramy [Osphromenus olfax , Lac), qui, par ordre de M. Clermont-Tonnerre , ministre de la ma- rine 5 ont été transportés des colonies in- diennes dans celles d'Amérique. Ce ministre avait donné cette commission à un de nos plus habiles officiers de marine , M. le baron de Mackau, devenu lui-même aujourd'hui mi- nistre de la marine. Les gouramys furent d'abord importés à "128 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. Cayeiine, et ils ont passé de là dans les îles de la Martinique et de la Guadeloupe. K\ec eux on y a porté des pœcilies, qui ont été prises pour des jeunes du poisson de l'Inde. Je ne fais ces remarques que pour prévenir contre des rapports rédigés par ordre de la marine ou du gouvernement de la colonie de la Martinique. Les personnes instruites qui les ont faits, ne connaissant pas du tout Ticlithyo- logie, ont confondu les deux poissons, et ont appliqué aux gouramys ce qui ne convient qu'aux pœcilies. Comme l'erreur se répand ordinairement plus vite que la vérité, ces ré- flexions préviendront peut-être contre la pro- pagation de fausses allégations, si on venait à les tirer de quelques cartons. Nous en con- cluons, pour l'iclithyologie, que la pœcilie habite aussi à Cayenne, et nous la voyons donc sur la côte depuis la Guyane hollan- daise jusqu'à Bahia vers le sud. La POECILTE A UNE TACHE. {Pœcila unimaculata , Val. ^) J'ai fait connaître depuis long -temps une seconde espèce de ce genre, très -voisine de la précédente ; 1. Apud Humboldt, Recueil d'observat. de zoologie et d'ana- toniie comparée, t. II, p. i58, pi. LI, fig. 2, 1817. CHAP. XXI. POECILIES. 129 Elle a cependant le museau un peu plus long et plus gros; la ligne du profil du dos un peu plus convexe ; la dorsale moins reculée ; l'anale plus pointue; d'ailleurs les nombres sont les mêmes, et la forme de la caudale, de la pectorale et de la ventrale sont semblables. D. 7 j A, 7 , etc. Je compte vingt-sept rangées d'écaillés le long des flancs; la ligne latérale est assez difficile à voir; le fonds de la couleur du corps est semblable à celui de notre première espèce, mais il y a sur le côté, à la septième ou à la huitième rangée d'écaillés, une tache noire bien marquée; la dorsale, l'anale et la caudale manquent de taches. Le canal intestinal de cette pœcille se montre dans la partie antérieure de l'abdomen sous la masse ova- rique, replié cinq fois sur lui-même. Il est plus long que celui de la précédente espèce. Les œufs, déve- loppés et prêts à éclore, m'ont aussi paru plus gros; d'ailleurs le péritoine est de même argenté extérieu- rement, et couvert en dedans d'une couche très- dense de pigment noir. Il y a aussi une vessie aérienne membraneuse dans la même position et sous les mêmes enveloppes que dans la précédente espèce, mais elle m'a paru plus petite. Nos plus grands exemplaires n'ont que deux pouces trois lignes. Ils ont été rapportés des environs de Rio -Janeiro par M. Delalande. Depuis, M. Gaudichaud, lors de son passage i8. 9 i 50 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. à Rio , a retrouvé des individus de cette espèce qu'il a donnes au Muséum en i832. La POECILIE A MUSEAU EN COIN. {Pœcilia sphenops, nob.) Une troisième espèce, découverte depuis mon premier travail sur ce genre, se distingue des deux autres par son museau déprimé et lout-à-fait aminci en coin; la ligne du profil du dos est quelquefois droite, quelquefois un peu courbe, selon la contraction du corps par l'alcool. La fente de la bouche est tout -à- fait en dessus; la dorsale, reculée sur le dos de manière à ce que le premier rayon soit au milieu de la longueur totale, a le bord arrondi. L'anale est sous la dorsale ; son premier rayon ré- pond au quatrième de la nageoire supérieure : elle est pointue. La caudale , coupée carrément , a les angles arrondis. La pectorale est ronde; les ven- trales sont petites, D. 9; A. 8;C. 29; P. 14; V. 6. Il y a trente -deux rangées d'écaillés : chacune a, comme celles des autres espèces, le bord radical droit, l'autre bord en demi -cercle; l'éventail n'a que onze à douze rayons très -courts; le reste de la surface est marqué de stries concentriques moins fines que dans les deux autres pœcilies. La ligne latérale est facile à voir : elle est un peu convexe CHAP. XXI. POECILIES. 4 5i et tracée par le tiers de la hauteur. La couleur est un vert rembruni, sans bordure aux écailles, dix à douze petits traits verticaux descendent du dos, s'arrêtent à la ligne latérale et deviennent plus vi- sibles de chaque côté de la queue qu'en avant de la dorsale. Cette nageoire et la caudale sont tachetées de petits points noirâtres; les autres nageoires sont incolores. J'ai trouvé, dans cette pœcilie, l'œsophage se por- tant dans l'hypocondre gauche jusqu'à moitié de la longueur de la cavité abdominale. Le canal digestif se replie alors et remonte le long de l'œsophage en diminuant de diamètre; il passe dans le côté droit du ventre, s'enroule sur lui-même en faisant cinq tours de droite à gauche et autant en sens inverse, et il se rend ensuite droit à l'anus, entre les premiers pUs , sous les lobes grêles et même du foie. L'ovaire unique, le péritoine, la vessie nata- toire, les reins, sont comme dans les autres espèces. Nous avons reçu, au Cabinet du Roi, un assez grand nombre d'individus de cette es- pèce pêches près de la Vera-Crux. Leur taille ne dépasse pas deux pouces trois lignes. La PoEciLiE DE Saint-Domingue {Pœcilia Dominicensis , nob.) est une quatrième espèce,. également décou- verte depuis peu de temps. i 32 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. Sa tête et son museau ressemblent beaucoup à ces mêmes parties chez notre première pœcilie, mais elle a la queue plus étroite et plus longue; les na- geoires sont petites , arrondies. D. 8; A. 7;C. 27 5 P. 14; V. 6. Je compte vingt- huit rangées d'écaillés entre l'ouïe et la caudale. Une écaille a le bord radical droit avec dix -sept rayons à l'éventail. La partie nue est finement chagrinée, les bords sont plus délicatement striés. Le fond de la couleur est verdâtre, avec un fin réseau noirâtre. H y a une tache rembrunie sur la dorsale; la caudale a deux bandes verticales grisâtres très-pâles, les autres nageoires sont incolores. C'est une très-petite espèce : les individus très-nombreux, que j'ai vus, ne dépassent pas vingt lignes. Les viscères de cette pœcilie ressemblent à ceux des autres espèces. L'individu, long de quinze lignes, que j'ai ouvert, avait déjà les œufs développés, de manière à montrer des petits tout formés. Ils ont été envoyés au Cabinet du Roi par M. Ricord, qui les a recueillis à Saint-Do- mingue. CHAP. XXI. POECILIES. 155 La POECILIE PONCTUÉE. {Pœcilia punctata , nob.) M. d'Oibigny a recueilli aux environs de Montevideo une petite pœcilie dont la queue est alongée, l'anale longue et pointue, la caudale coupée carrément. Le corps est brun, avec quatre ou cinq rangées longitudinales de petits points noirs. D. 9; A. 6; C. 19, etc. Il y a trente et une écailles sur les côtés. C'est un petit poisson long de quinze lignes, et bien caractérisé par ses points et par son anale. La POECILIE GRÊLE. {Pœcilia gracilis j nob.) Le même voyageur a aussi rapporté de ces contrées une autre petite espèce à queue un peu plus longue, plus grêle et plus étroite que celle des précédentes. Elle a la dorsale et l'anale courtes, la caudale en ovale alongé. D. 7 ; A. 9 , etc. Le corps est vert, avec une série de neuf points noirs par le milieu des flancs : le dernier est à la base de la caudale. 154 LIVRE XVm. CYPRlNOÏDES. J'ai trois individus de la taille de quinze lignes, qui ont tous les mêmes caractères; je crois donc qu'ils sont d'une espèce réellement distincte par les formes et par les couleurs. La Pœcilie a plusieurs raies. {Pœcilia midtilineata , Lesueur.) M. Lesueur a fait connaître une autre espèce de ce genre, observée dans les eaux douces des environs de la Nouvelle-Orléans. Elle a le corps comprimé, le dos peu élevé, la queue longue, assez haute; l'abdomen gros et sail- lant dans les femelles; la tête, aplatie en dessus, est assez courte; la dorsale plus longue que haute; la caudale large ; l'anale courte. D. 14j A. 9; C. 26; P. 16: V. 6. La couleur est jaune. Une tache à la base de chaque écaille forme plusieurs séries de lignes , plus foncées dans les mâles que dans les femelles. Le dos est plus rembruni, et le ventre est pâle et souvent irisé. La dorsale, jaunâtre, offre plusieurs lignes couleur terre d'ombre, réunies souvent en mailles hexagonales près du dos. Les pectorales, les ventrales et l'anale sont blanches dans les mâles et jau- nâtres chez les femelles. La caudale, ronde, est variée de teintes légères de jaune et de bleuâtre, et avec plusieurs séries de taches brunes dans les mâles. Ces petits poissons vivipares se tiennent en CHAP. XXI. POECILIES. ' 155 troupes assez nombreuses, à l'entrée du canal qui communique au lac Pontcbartrain, sur les fonds sablonneux ; ils s'éloignent peu du ri- vage et des racines qui peuvent leur servir de retraite. Ils sont aussi très -communs dans les Bayons. Ils troublent l'eau en agitant la vase à la moindre peur: ils se cachent parmi les herbes; après quelques instans on les voit reparaître, souvent poursuivis par une MoUié- nisie. Ils ne dépassent pas un pouce et demi ou deux pouces. Long-temps avant d'étudier les mœurs de ces petits poissons , M. Lesueur avait, en 1 82 1 , fait connaître cette espèce dans le Journal de Philadelphie ^ d'après des individus rapportés de l'est de la Floride par MM. Machère, Ord, Say et T. Féale. La PoECiLiE DE Schneider. {Pœcilia Schneideri, Val.) Est-ce bien une pœcilie que le poisson décrit et figuré par Bloch dans l'édition de Schneider^ sous le nom de Pœcilia vivipara ? Je n'en suis pas certain; mais ne sachant où le 1. Lesueur, Journ. of the acad. of ncii. se. of phil. Janv. 1821, pi. I. "2. Bloch et Sclineidei , p. 452, pi. lxxxvi . fig. 2. 456 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. placer mieux, je le maintiens provisoirement à la suite du genre. Il a le corps comprimé; la tête couverte d'écaillés , plate et large en dessus ; la bouche étroite ; une ran- gée de dents petites et fines comme des soies; la caudale est fourchue. B. 6; D. 7; A. 7; C. 20; P. 12; V. 6. Le nombre des rayons branchiostèges et même ceux de la dorsale et de l'anale ne sont pas de nos pœcilies. Bloch le colore de jaunâtre, avec cinq larges bandes transversales brunes. C'est un poisson long de deux pouces, qui vit dans les eaux douces de Surinam. Dès 1817 , dans mon travail publie dans le Recueil des observations de zoologie de M. de Humboldt, j'ai changé l'ëpithète de vivipara en celle de Schneideri, parce que toutes les espèces de ce genre sont vivipares. Si le poisson décrit par Bloch n'est pas une pœcilie, ce qui est probable , il en est au moins fort voisin, et Bloch s'est bien assuré que son poisson est vivipare. Il faut espérer que nous le recevrons un jour. Je ne trouve dans l'Ichthyologie de la Guyane, du chevalier Robert H. Schomburgk, aucun poisson qui lui ressemble. CHAP. XXI. POECILTES. i 37 La MOLLIÉNISIE. {Mollienisia , Lesueur.) M. Lesueur observa et décrivit le premier ce curieux et intéressant poisson des eaux douces des États du sud de l'Amérique septentrio- nale. Ayant reconnu qu'il devait constituer un genre nouveau, et étant toujours prêt à épan- cher les sentimens de sa tendre et constante amitié pour Pérou , partout où sa vie de voya- geur infatigable le portait, il le dédia à M. Mol- lien , l'un des ministres des finances de Napo- léon qui, concurremment avec Gaudin, a tant contribué à établir l'ordre admirable de cette partie de l'administration. A l'époque de ce voyage en Amérique, M.Mollien n'était plus un des conseillers du gouvernement. Mais ce n'est pas au ministre puissant et possesseur d'un haut crédit que M. Lesueur a voulu donner une preuve de son souvenir reconnaissant; c'est au seul protecteur de l'ami qu'il a perdu que notre naturaliste a envoyé d'un autre hémi- sphère le gage de sa gratitude. Ayant bien vu les caractères génériques du poisson, l'ayant décrit avec exactitude, quoi- que d'une manière un peu concise, et ayant joint à sa description une figure fort exacte, 158 LIVRE XVllI. CYPRINOÏDES. M. Lesueur a laisse un travail assez complet; aussi le genre qu'il a créé , a-t-il été adopté par les naturalistes. Les Molliénisies sont voisines des pœcilies; elles en ont les dents, la bouche, les rayons branchiostcges, le canal intestinal; mais elles en différent par plusieurs caractères faciles à saisir. Le plus remarquable est la position de l'anale avancée entre les ventrales, qui sont peu reculées en arrière. Cependant, comme les os du bassin sont libres et sans attache avec la ceinture humérale, ces poissons sont encore des abdominaux. Ils auraient pu être considérés comme des thoraciques par des observateurs qui nauraient tenu compte que de l'insertion des nageoires paires inférieures. Une large et longue dorsale , une caudale di- latée, complètent les caractères extérieurs des Molliénisies. La position avancée de l'anale a rendu la cavité abdominale très-courte; par ' conséquent elle n'est pas grande. Cependant la nature y a placé un intestin alongé et enroulé sur lui-même un plus grand nombre de fois que celui des pœcilies. Pour arriver à cette constitution, elle a rejeté en arrière la plus grande partie de la vessie aérienne, en la rendant fourchue, et en faisant pénétrer entre les muscles coccygiens inférieurs les CHAP. XXI. POECILIES. 159 deux grosses cornes de cet organe. Nous avons déjà eu d'autres exemples de cette forme re- marquable. N'ayant ouvert que deux mâles, je n'ai pu savoir si ce poisson est vivipare. On ne connaît encore qu'une espèce de ce genre, que le naturaliste, à qui on en doit l'établissement, a nommée MOLLIÉNISIE AUX LARGES NAGEOIRES. {Mollienisia latipina, Lesueur.) En voici une description un peu plus dé- taillée que celle qui a été insérée dans le Jour- nal de Philadelphie.' Ce petit poisson a le corps presque rectangulaire, tant la queue a de hauteur. En effet, celle du tronc, prise au-devant des ventrales, fait le tiers de la lon- gueur du corps, la caudale non comprise. Celle de la queue est les trois quarts de celle du tronc. La longueur de la caudale est contenue quatre fois et demie dans la longueur totale. L'épaisseur du tronc ne mesure pas tout-à-fait la moitié de la hauteur. Le profil du ventre est plus concave que celui du dos n'est convexe. La longueur de la tête égale celle de la caudale. Le dessus du crâne est plat, le museau est comprimé en coin. La bouche est petite, pro- tractile, fendue horizontalement; la mâchoire infé- rieure dépasse un peu la supérieure; les dents sont 1. Lesuciir, ouvr. cite/ t. II, pi. HT, rali. Janv. 1821. "140 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. sur deux rangs; les externes sont en crochets, et derrière elles on voit une petite bande de dents en velours. En un mot, c'est sous tous les rapports une bouche conformée comme celle des pœcilies. L'œil fait presque le tiers de la longueur de la tête. Le cercle de l'orbite est tangent à la ligne du profil du front. Le préopercule est étroit, l'opercule, un peu convexe, est plus large. J'ai disséqué avec soin la membrane branchiostège , et je suis sûr qu'elle a constamment cinq rayons. Les nageoires sont aussi remarquables par leur étendue que par leur position. La dorsale , élevée sur la nuque, occupe la moitié de la longueur entre J'œil et la caudale; mais à cause de la hauteur des rayons et de l'éventail qu'ils font, le bord libre me- sure les deux tiers au moins de la longueur totale du corps. La hauteur des rayons antérieurs égale celle du corps sous eux. La caudale est arrondie et large; la pectorale est de moyenne taille; le second rayon de la ventrale est alongé en un petit filet, les autres rayons sont courts. C'est entre la base de ces deux nageoires qu'est insérée l'anale, nageoire très- courte, dont le second rayon est alongé et élargi. La pointe de la membrane de ce rayon se termine par une petite ampoule. Je la retrouve sur tous mes exemplaires : je n'ai encore rien vu de semblable dans aucun autre poisson. Je n'y aperçois aucune ouverture; ce n'est pas, comme je le croyais, le méat des organes génitaux ou urinaires ; car j'en ai vu les orifices à la base du premier rayon de la nageoire, derrière celle du rectum, comme à l'ordi- CHAP. XXI. POECILIES. 141 iiaire. Le troisième rayon est aussi long que le se- cond , mais il est grêle comme les autres. Les trois suivans sont très -courts. B. 5; D. 14; A. 6; C 28; P. 12; V. 6. Je suis très -sûr de l'exactitude de ces chiffres, quoiqu'ils diffèrent un peu de ceux de M. Lesueur. Voici ceux de ce célèbre voyageur : B. 4 ou 5;D. 14; A. 6; C....; P. 16; V. 16. Il est évident qu'il y a une faute d'impression pour ce dernier nombre, et j'ai compté la pectorale sur plusieurs individus. Les écailles sont implantées sur trente rangées entre l'ouïe et la caudale; une d'elles a le bord radical droit avec vingt rayons à l'éventail; la surface libre est marquée de fines stries concentriques. Le poisson conservé dans l'alcool a les écailles du dos colorées en gris bleuâtre dans le centre et en noir sur le bord. Chacune porte un trait noir foncé et alongé, ce qui forme le long des flancs des lignes interrompues dont on compte ainsi sept ran- gées : il y en a une ou deux de plus sur la queue ; les jflancs et le ventre sont dorés. La dorsale est rayée longitudinalement sur sa moitié inférieure par quatre lignes flexueuses noires. Au-dessus il y a, entre les rayons, des taches noires oblongues et verticales, et enfin des points grisâtres dans l'éventail du rayon. La membrane qui réunit les deux premiers est noire ; la caudale a un liséré de cette couleur; entre les rayons supérieurs il y a des taches noires alternant avec des points gris- bleuâtres; entre les rayons inférieurs il n'y a que 142 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. des irails bleuâtres longitudinaux sans points noirs , les autres nageoires sont blanches sans aucune tache. Il résulte de l'ensemble et de la disposition de ces couleurs que le poisson , même après sa mort, est agréablement grivelé. Il paraît que pendant la vie ce petit cyprinoïde brille de belles nuances rouges dorées, selon les obser- vations communiquées par M. Nuttal. En effet je trouve, dans des notes envoyées par M. Le- sueur avec les poissons du lac Pontchartrain , pour nous faire connaître ses observations ichthyologiques, une description des couleurs faite sur le poisson frais. L'auteur s'exprime ainsi : Les écailles portent à leur base une petite tache brune alongée, ce qui forme, sur la longueur du poisson , plusieurs lignes interrompues. Le bord de l'écaillé est brun roux , et comme le fond de la cou- leur générale est argenté, le corps semble couvert d'une sorte de réseau sur un fond irisé de vert, de violet, de rose; on dirait autant de petites pierres précieuses. Le dos, le dessus de la tète et les oper- cules sont plus foncés. La dorsale ne le cède pas en couleur; car sur son fond jaune se détache un réseau de plusieurs lignes rousses et de belles taches bleues, entourées dun liseré jaune, et surmontées de plu- sieurs autres lignes rousses et en zig-zag. H y a plu- sieurs individus qui portent sur le corps de belles taches tranversales bleues. On en voit encore la trace CHAP. XXI. POECILIES.- 143 sur quelques-uns de ceux conservés dans l'alcool. La caudale a le centre d'un beau jaune orangé : du roux, avec plusieurs séries de petites taches blanches, co- lore le lobe supérieur , tandis que l'inférieur a le centre d'un beau blanc, tranchant avec le bord noir de la nageoire. Les pectorales sont jaunes , les ventrales et l'anale blanches. M. Lesueur ajoute qu'on peut regarder ce petit poisson comme l'un des plus beaux des eaux stagnantes des Bayous. Voici mes observations sur la splanchno- logie : L'intestin de ce petit poisson est long et enroulé onze fois sur lui-même; quand il est déroulé, il est au moins quatre fois aussi long que le corps. Le foie est très-petit. L'individu que j'ai disséqué était un mâle. J'ai observé les deux laitances rejeiées dans le fond de la cavité abdominale. Celle-ci est petite, car elle ne fait guère que le sixième de la longueur totale. Les viscères que je viens de nommer étaient enveloppés dans un péritoine argenté , noirci par un sablé assez abondant de points pigmentaires noirs. Au-dessus est une vessie aérienne qui se prolonge en deux longues et grosses cornes dans une cavité pratiquée entre les muscles de la queue, au-delà des interépineux de l'anale, qui ne prennent qu'un très-petit espace en arrière de la dernière vertèbre abdominale, à cause de la brièveté de la nageoire. L'uretère suit, comme à l'ordinaire, le premier in- terépineux de l'anale et passe entre les cornes de la vessie. iAA LIVRE XVm. CYPRINOÏDES. La longueur de nos individus est de deux pouces six à huit lignes. Les collections du Muséum en sont rede- vables à M. Lesueur, qui les a envoyés du lac Pontchartrain, près de la Nouvelle -Orléans. Ce zélé naturaliste dit que l'espèce est très- commune dans tous les étangs d'eau douce de la Louisiane. Il n'a pu l'étudier qu'en i83o, quoiqu'il en ait donné la première notice en 1821. En les pécbant dans le lac, M. Lesueur a cru remarquer que les Molliénisies ne vivent pas en troupes comme les Pœcilies ou les Cyprinodons; elles vont par petites bandes de quatre, de six au plus, s'arrêtent, se tien- nent souvent tranquilles à la surface de l'eau. Elles s'élancent quelquefois avec rapidité après les autres espèces, les poursuivent avec ardeur, et les forcent ainsi à sauter hors de l'eau; d'autres fois elles se mêlent dans leurs troupes, paraissant alors être en bonne intel- ligence avec elles. Souvent aussi ces Mollié- nisies nagent derrière une bande de Cyprino- dons ou de Pœcilies, et on dirait alors qu'elles s'établissent comme gardiennes du troupeau. On les voit chasser et rallier celles qui s'écar- tent; de temps à autre elles en poursuivent quelques individus avec plus d'acharnement. CHAP. XXI. CYPRINODONS. 145 et viennent ensuite reprendre leur place der- rière la troupe. M. Lesueur ajoute que les mœurs de celte espèce devraient encore être étudiées par des observations plus suivies, qu'il n'a pu le faire en se promenant sur les bords du lac. DES CYPRINODONS, Lacép.^ OU LEBIAS, Cuv. C'est en examinant les manuscrits de Bosc, et en les comparant, soit avec les travaux de Lacépède, soit avec la nature, que je me suis convaincu que le genre Cjprinodon a été fondé par Lacépède sur le même poisson qui a servi à M. Cuvier pour établir son genre Lebias. Il est impossible de ne pas reconnaître sur le dessin original de Bosc, gravé dans Lacé- pède sous le nom de Cyprinodon varié, le poisson que j'ai nommé Lebias rhomhoidalis. En établissant cette espèce dans mon Mémoire sur cette famille (voyez Humboldt, Observ. zool, t. II), je n'avais pas encore vu le dessin de Bosc, et M. Cuvier, qui ne le possédait pas non plus, n'avait pu déterminer la gravure assez mauvaise que M. de Lacépède a laissé paraître dans son Ichthyologie: comme je sui- vais , à l'époque de la publication de mon travail, les leçons de mon maître, je crus alors le genre des Lebias convenablement établi; 18. 10 146 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. et j'étais d'autant plus fondé à le croire, que, comparant alors avec la nature les caractères exprimés dans le Règne animal, je les trouvais parfaitement exacts. Cette forme de dents à couronne dentelée est tellement remarquable,si facile à saisir, que tous les ichthyologistes ont, sans exception, distingué les poissons qui vien- nent se placer dans les Lebias. Cuvier dit, dans la note de ce genre (t. II, p. 199, 1817), que les espèces sont nouvelles. Je me hâtais de les publier; l'une d'elles paraissait effec- tivement pour la première fois dans nos catalogues ichlbyologiques, c'est mon Lehias fasciata, que feu M. Delalande rapportait tout récemment des environs de Rio Janeiro. L'autre vient d'être citée aux premières lignes de cet article, c'est mon Lehias rhoniboidalis. Aujourd'hui que je connais mieux les pois- sons de la collection qu'il y a vingt-huit ans, je n'ai presque plus de doute sur l'origine de cet individu. En le comparant aux autres pois- sons qui sont entrés dans les collections du Muséum après la mort de M. Rose, je n'hésite pas à dire que les deux petits Lehias rhorn- boidalis qui ont servi à ma description , avaient été donnés à M. de Lacépède par M. Rose, qui les avait pris à la Caroline. Ils faisaient partie de ces nombreuses légions de ces petits cypri- CHAP. XXI. CYPRINODONS. 147 noïdes sur lesquels Bosc avait fait la descrip- tion et la figure devenus dans Lacépède le genre Cyprinodon, et comme espèce, le Cj~ prinodon varié. Cette iflentitë étant reconnue, il devient facile de rectifier les erreurs qui se sont suc- cède sur ce genre et de se tirer de la confusion , source de toutes ces erreurs. Il faut pour cela revenir à la première édi- tion du Règne animal. M. Guvier y établit le genre des Lehias , puis au-dessous il cite les Cyprinodons de Lacépède, mais avec un caractère que ni cet auteur, ni Bosc, n'avaient indiqué. Ces deux naturalistes ont dit que leur Cyprinodon avait des dents très -courtes aux mâchoires. M. Cuvier a ajouté que ..les dents sont en «velours, et la rangée antérieure en crochets. «Ils en ont de coniques, assez fortes, aux « pharynx. On leur compte quatre rayons aux %• 7. "2. iSy«., p. 43, n." 1. 246 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. tête, vue de face F, me parait aussi avoir été faite d'après l'espèce à yeux écarlés^ mais alors, dans le u.° 7 , la saillie du museau est trop grande, les orbites sont trop hauts et trop près : on voit donc que la détermination spécifique de cette figure est difficile , incertaine; et cepen- dant elle a été choisie pour être copiée dans l'Encyclopédie afin de représenter l'Anableps. Quant à la description, il est aisé de recon- naître qu'elle n'est pas du nombre de celles rédigées par Artedi ; on y remarque beau- coup d'inexactitudes 5 et ce qu'il y a d'exact, est présenté sans méthode et d'une manière obscure. L'auteur dit que les lèvres peuvent se retirer sous la partie antérieure du palais : il désigne ainsi la saillie des branches horizon- tales des maxillaires; les narines antérieures et tubuleuses sont appelées des petits filamens pendans, qui, examinés de près, ne sont autre chose que les plis relâchés de la membrane réunissant les deux lèvres entre elles. On ne compte que trois rayons à l'anale; les viscères étaient en mauvais état, et l'auteur n'a pu déterminer si l'appendice anale est le caractère du sexe mâle ou femelle. La description ana- tomique de cette verge, oii l'on a trouvé des 1. Pag. 12, n." 32, pi. I, fig. 1,2, 5. CHAP. XXIII. ANABLEPS. 247 bulles remplies de matière jaune et gluante , semblable à celle qui entoure l'aiguillon des guêpes et des bourdons, est aussi vague et aussi mauvaise que celle de l'œil. Gronovius, dans son Muséum et dans le Zoophjlaciuni^ ^ a donné une figure beaucoup meilleure et tout-à-fait caractérisée de notre première espèce, celle qui a les yeux le plus écartés : son individu était une femelle. 11 n'y aurait aucune observ'ation à faire sur le texte descriptif, s'il n'avait pas compté un rayon de trop à la membrane branchiostège; erreur que Walbaum a reproduite dans son édition d'Artedi, et que Linné a aussi copiée dans la X.^ édition du Sjstema natiirœ. C'est d'après l'autorité de Gronovius et d'Artedi, que Linné a introduit ce poisson dans ses œuvres. Mais soit que le prétendu barbillon de la bouche l'ait induit en erreur, soit plutôt parce qu'il est évident que ce grand zoologiste ne s'était pas fait une idée arrêtée du genre Cobitis, il introduisit notre Anableps comme la première espèce des Cobitis , prenant le nom générique d'Artedi pour en faire la dé- nomination spécifique A\x poisson. On doit remarquer que Linné ajoute, dans 1. Pag. 117, n." 36o, tab. I, %. 1, 2, 3. 248 LIVRE XVIII. CIPRINOÏDES. sa XII."^ édition : cirrus utrincjue (id sinus oris , quasi tentaculuni. Toutes ces petites erreurs résultent de ce que Linné n'avait pas étudié ce poisson d'après nature. Bloch' et Lacépède'', à la même époque, reprirent l'examen de notre poisson ; mais il faut avouer qu'aucun de ces ichthyologistes ne fit un travail achevé. Le premier des deux reprend bien le genre Anableps d'Artedi ; mais dès les premières lignes de son article on voit qu'il ne l'a pas compris. En effet , il dit que ce genre ne contient que deux espèces, celle figurée dans le Thésaurus de Seba, et le co- hitis heteroclita. Nous avons vu, il est vrai, que dans son édition posthume il a placé ce- lui-ci parmi ses pœcilies^ mais il n'en résulte pas moins que l'association des deux espèces a gâté le genre fort bien senti par Artedi. Bloch, qui possédait un assez bon nombre d'individus de ce poisson, sans doute à cause de ses rapports avec Amsterdam, a représenté un mâle et une femelle de ces poissons; mais le trait est aussi lourd que l'enluminure est de fantaisie. Il me paraît probable qu'il a fait dessiner notre Anableps Grono^ii; mais le 1. Bl., XI.^ part. , p. 3 , pi. 56i. 2. Hist. des poissons, 5 vol. in-4.% ^798 à i8o5. CHAP. XXIIl. ANABLEPS. 241) museau est représenté beaucoup trop long^ la fente de la bouche est mal placée; le tube de la narine n'est pas bien inséré, et l'on ne sent pas du tout la voûte osseuse et relevée de l'orbite; l'œil lui-même est mal indiqué; et quant aux détails anatomiques de l'organe mâle de ce poisson, on verra, en les compa- rant avec nos figures, combien celles de Bloch sont loin d'une suffisante exactitude. La description des Anableps fourmille de fautes. Il dit que le palais et la langue sont hérissés de dents; ce qui est tout-à-fait erroné : la muqueuse de ces parties est garnie de petites papilles ; mais ni le palatin ni le vomer ne portent aucune dent. Il ne reconnaît pas la nature du tube de la narine, de sorte qu'en en faisant un barbillon, il dit que les narines sont solitaires de chaque côté de la bouche. Sa description dé l'œil est vague, obscure; mais on ne peut nier qu'il n'ait mieux vu les parties internes de l'œil que M. de Lacépède. Ce savant en a fait cependant le sujet d'un mémoire, lu devant l'Académie des sciences et inséré dans le t. II des Mém. de l'Institut. Plus préoccupé de donner une explication des phé- nomènes physiques de la marche des rayons de lumière dans l'œil du poisson, que d'une véri- tal)le description anatomique, M. de Lacépède 250 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. en caractérise fort mal la double ouverture pupillaire, le prolongement de la conjonctive qui passe sur le raphé des deux cornées, etc. Ce qui m'étonne, c'est que M. Cuvier n'ait pas pris le temps d'examiner lui-même avec plus de détails qu'il ne l'a fait, un poisson aussi remarquable, de sorte qu'il parle de bandes transverses pour séparer les cornées et la pupille, d'après le travail de son collègue; ce n'est pas certainement contraire à la vérité, mais ce n'est pas assez précis. D'ailleurs, M. Cuvier a laissé passer, dans sa courte des- cription, une inexactitude assez grande, quand il a dit que les os du nez forment le bord antérieur du museau et recouvrent ainsi les intermaxillaires. Je démontrerai que les os du nez ne sont pas à la place que M. Cuvier leur assigne, et qu'il a méconnu les maxillaires. J. F. MeckeP a donné, en 1818, une ana- tomie plus précise de l'œil des Anableps, mais il n'a pas distingué suffisamment fespèce dont il a parlé; j'ai lieu de croire qu'il a disséqué \Anahleps Gronovii. L'analyse qui précède, montre à quel point en étaient nos connaissances sur les Ana- bleps, lorsque je vins à mon tour traiter cette 1. Deutsch. Arch. fur Physiologie, vol. IV, p. 124. CHAP. XXIII. ANABLEPS. 251 question. Je crois que les Anableps doivent être classés à la suite des pcecilies et des cypri- nodons dans la grande famille des cyprinoides, parce que les maxillaires ne portent pas de dents, et qu'ils ne concourent pas à former le bord du cercle oral : ce sont les intermaxil- laires seuls qui y contribuent. Les dents de la rangée extérieure sont mobiles comme celles des pcecilies. Ce genre est caractérisé en outre par la forme particulière et remarquable du museau, par la saillie des yeux, par la dispo- sition remarquable et unique parmi les verté- brés de leurs yeux. La dorsale , reculée sur lanière de la queue, bien au-delà de l'anale, montre que nous marchons de plus en plus vers la famille des Brocbets : le rôle même que la nature fait jouer aux maxillaires des Anableps , me semble aussi une preuve de cette affinité \ cependant elle n'emploie pas encore ces os de la bouche comme elle le fera dans la famille suivante. Tous mes prédécesseurs ont cru à une seule espèce d'Anableps : M. MuUer, cepen- dant, a déjà reconnu, d'après les individus de la collection de Berlin, qu'il existe dans les eaux douces de l'Amérique une seconde espèce de ce genre. Je ne crois pas qu'il l'ait encore décrite^ c'esfc^ d'ailleurs une de celles 252 LIVRE XVIII. CYPRINOIDES. que je possède. Mais les collections du Mu- séum en renferme encore une autre. Toutes trois ont été confondues jusqu'à présent sous le nom diA. tetrophthalmus. Cette dénomination doit être réformée, par la raison que je viens de donner, et parce que l'épithète caractérise le genre, mais non une espèce en particulier. Tous les naturalistes s'accordent h désigner les Anableps sous le nom de Gros-jeux. M. Les- chenault a observé que ces poissons nagent, la moitié de l'œil hors de l'eau j qu'ils sortent souvent de cet élément; qu'ils cheminent en rampant sur la vase; qu'ils s'y enfoncent pen- dant le temps des sécheresses; qu'ils préfèrent les savanes inondées aux grands cours d'eau. Ce voyageur, qui a mangé de ces Gros- yeux, ne les estime pas. Zv' Anableps de Gronovius. {Jnahleps Gronoviiy nob.) Puisqu'il faut maintenant donner des déno- minations particulières aux différentes espèces d' Anableps, j'appellerai du nom de Gronovius, celle figurée avec assez d'exactitude par cet auteur pour que l'on ne puisse douter de la détermination. Elle se distingue an premier coup d'œil des CHAP. XXIII. ANABLEPS. 253 autres par lecartement des yeux, elle a aussi le museau plus court, le corps plus large et plus trapu, et les écailles plus larges. En voici , d'ailleurs, la description détaillée : Dans ce poisson la surface du crâne est lisse et plane; elle ne paraît creusée en 'gouttière que par le redressement de la voûte des orbites. La dépression de la tèie s'étend sur le dos , jusque vers le milieu de la longueur totale, où le corps commence à être comprimé; et en dessous, elle se fait sentir jusqu'à l'anus. Cette forme générale donne à l'Anableps des proportions différentes de celles de tous les autres cyprinoides. La hauteur du tronc, prise à la région des pectorales, n'est pas moitié de la largeur au même endroit; la hauteur aux ventrales mesure les trois cinquièmes de la largeur; et sous la dorsale, la hau- teur devient plus que double. L'intervalle entre les deux pectorales est le sixième de la longueur totale; la hauteur du tronçon de la queue sous la dorsale est à peu près le dixième de celle même longueur. La tête, plate en dessus et en dessous, a les cotés mi-plats , et le plan de ces deux surfaces est oblique et incliné de dehors en dedans sous le crâne, de sorte que la région inférieure de la tête est plus étroite que la supérieure. Le museau est comprimé en coin ; le bord est formé par les maxillaires et non par les os du nez, qui n'y concourent pas. L'os de la mâchoire est coudé à angle presque droit; la poriion supérieure est élargie, plate, à bord arqué sur le devant, sans branche montante; car on ne saurait raisonnablement prendre pour cette partie de 254 LIVRJi XVIII. CYPRINOÏDES. l'os la portion horizontale dont je parle, et qui cache entièrement tout l'intermaxillaire. La branche externe du maxillaire se place derrière l'angle de la bouche; elle est aplatie, triangulaire; l'extrémité est dirigée un peu en avant. Quand la bouche est fermée, le bord terminal du museau est formé par les deux pièces osseuses ({écrites tout à l'heure. Il faut tirer de dessous les intermaxillaires, qui s'abaissent un peu, pour ouvrir la bouche. Ces deux os labiaux sont petits, arqués, simples. Leur branche montante est réduite à un petit tubercule : ils portent des lèvres assez épaisses; elles reçoivent, comme des es- pèces de gencives, la rangée externe de dents, dont on voit les trous alvéolaires sur le bord supérieur de l'os. Les dents de cette première rangée sont mobiles. L'os en a d'ailleurs d'autres serrées sur une bande en velours, d'où l'on voit que la den- tition de l'Anableps ressemble beaucoup à celle des pœcilies. Le palais est lisse et sans dents. La langue est réduite à un très -petit tubercule. Les dents pharyngiennes sont sur deux plaques, en haut et en bas. Le pharyngien supérieur est un disque plus large que l'inférieur. Les dents sont coniques, pointues, serrées en velours; mais on ne peut pas dire qu'elles soient grenues. Les singuliers yeux, et l'orbite non moins remar- quable de l'Anableps, sont sur les côtés et sur le dessus du crâne, à la fin de la première moitié de la longueur de la tête. Les yeux sont écartés dans cette espèce; car la largeur prise d'un bord supérieur et externe d'un orbite à celui du côté opposé est égale CHAP. XXIII. ANABLEPS. 255 à deux fois et un tiers la hauteur de l'orbite j l'espace du iVoiit entre la base des deux orbites égale leur hauteur. Cet orbite est formé par le bord externe du fron- tal, dont la suture est facile à trouver sur le devant, et pour la plus grande partie par le surcillier, os déjà grand dans la carpe, et qui prend un développe- ment proportionnel plus considérable dans la pœcilie. Si l'orbite est ainsi protégé en dessus, il ne l'est plus du tout en dessous que par les parties molles; car le sous- orbitaire est porté en avant, et touche à peine à la circonférence orbitaire. Les deux diamètres de l'œil sont égaux; mais la bride de la conjonctive, qui passe sur la cornée, ne la divise pas en deux par- ties égales : la supérieure est plus grande que l'in- férieure, et comme la bride est formée d'une lame étroite, dont les deux bords sont arqués et à cour- bures opposées, on peut dire que les deux cornées de l'oeil sphérique de l'Anableps sont elliptiques, et que la supérieure est plus large que l'inférieure. J'ai disséqué avec beaucoup de soin, pour recon- naître les os de la face qui sont autour de l'œil. Je puis affirmer qu'il n'y a qu'un seul sous-orbitaire, osselet à peu près circulaire, à surface caverneuse, et ar- ticulé avec le nasal; celui-ci s'étend en une palette caverneuse sur le dessus du museau, derrière le maxillaire, de sorte qu'il ne touche pas même le bord antérieur de cet os, et que, par conséquent, il ne contribue en rien, comme je viens de le dire, à former le bord antérieur du museau. De son angle interne et postérieur l'os du nez donne une lan- 256 LIVRE XVIÏI. CYPRINOÏDES. guette apophysaire, pliée elle-même en gouttière, parce qu'elle est caverneuse, qui s'étend sur le dessus du crâne, le long du frontal. Dans l'espace entre l'œil, le sous-orbiiaire et le nasal, on trouve la cavité de la narine, et son ouverture postérieure qui est une fente étroite, assez longue et oblique de dedans en dehors, et d'arrière en avant. L'ouver- ture antérieure est à l'extrémité d'un tube papillaire, que l'on prendrait pour un rudiment de barbillon, et qui est attaché au bord externe du nasal et dirigé vers le bas. La peau, étendue sur les tubérosités qui séparent le sous-orbitaire du nasal, est percée de plusieurs pores, parmi lesquels je cherchais d'abord, et inutilement, le trou antérieur de la narine. L'oper- cule et le sous -opercule, cachés sous les écailles, forment une grande plaque bombée, au-devant de laquelle on voit le bord caverneux du préopercule ; l'interopercule est caché sous le bord horizontal de l'os précédent. Les ouïes sont largement fendues; il y a cinq rayons à la membrane branchiostège. La ceinture humérale est très- large; mais on ne peut s'en faire une juste idée que sur le squelette. On dislingue difficilement sur le poisson frais le sursca- pulaire, os grêle, élargi en petite palette et courbé en arc, pour embrasser le tronc depuis la base du crâne, près de la ligne médiane, jusque vers l'angle posté- rieur de l'opercule, et s'articuler avec l'huméral. Le bord de cet os, ainsi que celui du cnbital, sont en- tièrement cachés sous l'opercule et la membrane branchiostège. Le radial et le cubital font une large fosse remplie par les muscles du bras et cachés par CHAP. XXIII. ANABLEPS. 257 les écailles, qui s'étendent même sur la base de la pectorale. Celte nageoire est large, elliptique quand elle est étalée; sa longueur égale celle de la tête. La ventrale est de moitié plus courte; elle est insérée un peu en avant de la moitié de la longueur totale- La caudale est arrondie; la moitié de sa surface est écailleuse. La dorsale est petite, rejetée sur l'arrière du tronçon de la queue, bien plus loin que l'anale. Dans la femelle, celte nageoire est arrondie et sem- blable à la dorsale; mais, dans le mâle, elle a une autre forme, à cause de l'appendice attaché le long du premier rayon, et des écailles qui le recouvrent; les rayons sont insérés derrière cette sorte de verge. B. 6;D. 9; A. 9; C. 28; P. 22j V. 6. On peut compter cinquante à cinquante-cinq ran- gées d'écaillés entre l'ouie et la caudale, selon que l'on avance plus ou moins sur les petites écailles qui garnissent la nageoire de l'extrémité du corps. Une écaille est irrégulièrement circulaire; elle a dix à douze rayons à l'éventail, et toute la surface marquée de fines stries concentriques, de sorte que l'on ne distingue la portion radicale de la partie libre que par les rayons de l'éventail. La couleur est un vert doré rembruni , à peu près semblable à celle de nos perches de rivière sur le dos. Elle s'afTaibllt insensiblement pour devenir blanche ou légèrement argentée sous le ventre. Les flancs portent trois ou quatre raies longitudinales brunes. Quand on ouvre l'abdomen de la femelle on est l8. 17 258 LIVRE XVIIÏ. CYPRINOÏDES. frappé de la grandeur et de la grosseur de l'ovaire : il occupe, en effet, plus des trois quarts de la cavité de l'abdomen ; il cache presque tout le canal digestif, car on ne voit que l'extrémité du rectum qui passe dans la fourche des deux sacs. En avant de l'or- gane de la reproduction est le foie : ce viscère n'a qu'un seul lobe, dont la plus grosse partie est située sous l'œsophage; il se prolonge ensuite dans le côté gauche en une pointe Irièdre assez longue; car elle se porte au-delà de l'ovaire du même côté, et dépasse la moitié de la longueur de la cavité abdominale. En soulevant le viscère, on trouve, à droite, une vésicule du fiel fort grosse, à parois fortes, que l'on prendrait pour un appendice cœcal du canal digestif. Je vois sur le foie l'œsophage et l'estomac, qui ont le même diamètre, et ne sont pas distincts. Près de la pointe du foie le canal digestif fait un premier pli, en reve- nant le long du bord tranchant de l'organe hépa- tique. Arrivé sous la partie élargie de ce viscère, l'intestin se recourbe, descend en faisant plusieurs sinuosités, se replie de nouveau à peu de distance de l'anus, remonte vers le bord du foie en suivant aussi les ondulations de l'anse précédente, se recourbe alors dans le second pli de l'intestin, et se rend à peu près droit à l'anus en s'engageant entre les deux ovaires, le rectum restant libre dessous. Le péritoine est d'un brun chocolat foncé , presque noir dans la femelle, et gris sablé de points pigmentaires chez le raalç. En le fendant, on trouve une assez grande vessie aérienne, dont les parois sont très-minces et, comme de coutume, argentées : elle ne communique CHAP. XXIII. ANABLEPS. 259 pas dans l'adulte avec le canal digestif. Les reins, qui sont au- dessus, forment deux cordons assez minces le long de la colonne vertébrale; ils sont découpes en autant de petits lobes qu'il y a de côtes, et chacun de ces lobules est composé de petites granulations. Les uretères sont deux longs tubes grêles, attachés aux reins dans presque toute la longueur du viscère. Us se terminent dans ce poisson tout autrement que dans les autres. Dans le mâle, les uretères donnent dans la vessie fibreuse, dans laquelle les laitances versent la liqueur séminale; dans la femelle, c'est à l'extré- mité del'oviducte. On doit se rappeler que, dans tous les autres poissons, l'urine sort par un orifice dis- tinct de celui de l'ovaire ou des laitances. La différence d'organisation que je signale ici entre les sexes porte cependant sur des caractères encore plus saillans. Le mâle se reconnaît à l'extérieur à un gros ap- pendice conique, redressé derrière l'ouverture arron- die et plissée de l'anus. On sent même à l'extérieur que cette sorte de verge est soutenue par un os; c'est l'interépineux de l'anale. Ce corps porte, en arrière, la nageoire entière, qui se trouve ainsi cachée entre l'oi'gane mâle et le dessous de la queue, quand l'os n'est pas redressé. La peau qui recouvre la verge est couverte d'écaillés, semblables à celles du corps, dirigées dans le même sens; des palettes écailleuses couronnent l'extrémité : la présence, la nature et la disposition de ces tégumens prouvent qu'il ne peut y avoir intromission de la verge du mâle dans l'utérus de la femelle, et par conséquent, s'il y a un 260 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. accouplement nécessaire à la fécondation des œufs dans l'intérieur de la femelle, il ne peut se faire que par une simple juxtaposition de l'extrémité de la verge du mâle dans la fente alongée et vulviforme des sacs ovariens de la femelle. Si l'on ouvre ce cône pour en découvrir l'organisation, on est frappé de sa structure complexe; mais il faut, avant de le décrire , dire un mot des testicules ou laitances : ces deux corps sont irrégulièrement trièdres, lobés, pointus vers l'anus et élargis vers le milieu de l'abdomen. La laitance gauche est plus grosse et plus longue que la droite; celle-ci est plus con- tournée, et elle se replie sur elle-même près de l'extrémité postérieure. Chaque testicule débouche par un canal court et large à la face inférieure de la vessie, qui reçoit les uretères par sa face dorsale. Cette vessie a des parois blanches, fibreuses, très- solides; elle est boursouflée; elle est contenue dans la base du gros cône qui simule la verge; elle se prolonge en un long canal à parois blanches et fibreuses dans le cône, et s'ouvre à son extrémité entre les palettes écailleuses mentionnées plus haut, en se terminant par un tube capillaire. La com- munication entre la vessie et les sacs de Jla laitance est des plus manifeste par la simple insufflation. Cet organe est renforcé et maintenu par des brides aponévrotiques très-fortes, croisées en sens divers, et qui donnent attache aux aponévroses ou aux fibres tendineuses des muscles coniques longitu- dinaux, qui font l'office d'ischio - caverneux, et qui doivent manifestement dans leurs contractions CHAP. XXIIT. ANABLEPS. 2G'I exercer une pression très- forte sur celte vessie. On peut donc la considérer comme une vessie urinaire, parce qu'elle reçoit les uretères, et en même temps comme une sorte de vésicule séminale, où le canal déférent des testicules verse la laitance. Ce fluide sé- minal sera donc lancé et projeté avec force par une éjaculation rapide lors de la fécondation : c'est un des appareils les plus curieux que j'aie encore dissé- qué dans les poissons. Quant à la femelle, ses ovaires sont doubles; mais le gauche est beaucoup plus gros que le droit; celui-là ne dépasse pas cependant la portion élargie du foie. Il n'y a guère que sept à huit œufs fécondés et déve- loppés dans l'utérus de chaque femelle. L'œuf, dans cette incubation utérine, s'enveloppe de membranes qui constituent de grandes mailles d'un tissu cellu- laire divisant l'intérieur du sac ovarien. La cellule qui contient un œuf fécondé s'aggrandit et finit par former une sorte de chorion. On peut tirer de l'in- térieur de l'ovaire un fœtus tout formé, en le laissant enveloppé dans une membrane extérieure, tout-à-fait indépendante du fœtus et de sa membrane vitelline. C'est de tous les poissons qui me sont jusqu'à présent connus, celui dont les petits naissent les plus grands; car ceux que j'ai tirés de l'ovaire d'une fe- melle longue de huit pouces, avait déjà deux pouces trois lignes; ils avaient donc plus du quart de la longueur de la mère. A celte taille ils ont le corps complètement formé, tel qu'il le sera dans le reste de leur vie : il est tout couvert d'écaillés; cependant, une ligne tracée le long de la ligne médiane, naissant 262 LIVRE XV m. cyprinoïdes. un peu au-delà des ventrales et continuée jusqu'à l'anus, n'est pas encore recouverte par les tégumens cornés et imbriqués du reste du corps : c'est la marque du raphé par où la vésicule vilelline est rentrée dans l'abdomen. On pourrait dire de cette ligne qu'elle est une sorte de nombril linéaire. On ne trouve plus aucun vestige de la vésicule ombilicale dans l'intérieur du corps du poisson, où tous les viscères digestifs sont déjà complètement formés •' le foie, le tube intestinal, avec ses circonvolutions, n'offrent aucune différence, si on les compare avec les mêmes viscères de l'adulte. Il n'y a encore aucun vestige des organes sexuels. La vessie aérienne est dé- veloppée et pleine d'air; elle a son canal de communi- cation de l'état fœtal; ce canal s'obstrue ensuite dans l'adulte : c'est d'ailleurs ce que l'on observe dans un très-grand nombre de poissons. J'ai examiné des fœtus plus petits, qui n'avaient encore atteint qu'un pouce deux lignes. La vésicule ombilicale est d'une grosseur remarquable, puisqu'elle a cinq lignes de diamètre. A cet âge le poisson est déjà si bien formé que l'on peut reconnaître les caractères distinclifs des espèces. La colonne épinière a vingt-cinq vertèbres abdo- minales portant des côtes, et vingt-six caudales. Il faut remarquer aussi dans ce poisson que les os pelviens sur lesquels s'articulent les ventrales, sont écartés l'un de l'autre, sans la suture de réunion qui existe dans les autres poissons. On conçoit que cela devait être ainsi à cause de la grosseur et du nombre des fœtus. J'ai examiné avec beaucoup d'attention f œil extraor- CHAP. XXIII. ANABLEPS. 265 dinaire de l'Anableps : il y a deux cornées , séparées par une bandelelte à peu près horizontale, formée par la conjonctive. On peut la reconnaître facilement par sa couleur roussâtre, due aune quantité considérable de points pigmentaires. Cette bandelelte, plus colorée sur les bords que vers ses extrémités , cerne chaque cornée. La supérieure est plus grande que l'inférieure; elle est moins convexe, et le plan qui fait la section de cet arc de sphère est oblique de dehors en dedans, et dans une direction qui regarde la faCe supérieure du crâne, tandis que le plan de section delà seconde est oblique en dessous et de dehors en dedans, par rapport «au même plan du crâne. Ces deux cornées montrent bien aussi leur séparation à la face interne ou dans la chambre antérieure de l'œil. Une arête longitudinale, dans la même direction que la bride externe de la conjonctive, fait une saiUie facile à reconnaître dans l'œil, et les parois de la cornée deviennent plus épaisses le long de cette arête. Ces deux cornées, réunies en une seule lame à deux cour- bures, par leurs parties moyennes, sont enchâssées dans le grand trou rond de la sclérotique, comme c'est l'ordinaire pour une cornée simple de tout autre œil. Cette sclérotique est solide, cartilagineuse, • uniformément ronde, et tapissée en dedans de ses membranes. J'y ai vu la grosse glande de Ruyscli, de sorte qu'il n'y a dans le fond de l'œil aucune particularité remarquable. Un vitré, qui m'a paru simple, remplit la cavité du globe, et en avant il est creusé d'une petite fossette, où repose enfermé dans sa capsule le cristallin. Mais cet organe présente une 264 LIVRE XVIII. CYPFJiXOÏDES. conformation dilTérenie de celle du ciislallin des aulres poissons. Il en est de même de la membrane de l'iris et de l'ouverture de la pupille. En effet, cette membrane est attachée par son bord circulaire autour du grand trou de la sclérotique, qui enchâsse le cercle de la cornée. Son ouverture puplllaire, très -grande, se trouve rétrécie et divisée en deux trous par deux languettes, qui partent, l'une du bord antérieur, l'autre du bord postérieur du cercle de la pupille, convergent l'une vers l'autre en se dirigeant vers le centre, et finissent par se toucher et même j)ar s'imbriquer; l'anlérieine passant sur le bord libre de la postérieure. Comme ces deux palettes ont le bord arrondi, il en résulte, qu'en s'enchevêlrant ainsi, elles laissent au-dessus et au-dessous d'elles deux ouvertures, deux sortes de pupilles, dont les bords désunis ne sont plus ronds; la supérieure a pour limite un arc concave supérieurement, et deux arcs convexes appartenant aux bords de chaque palette, et le trou puplllaire est cerné de la même manière. Les deux palettes ne se divisent pas en deux parties égales à l'ouverture de la pupille; aussi le trou supérieur est-il plus grand que l'inférieur. Le cristal- lin, placé derrière ce singulier appareil de l'iris n'est pas parfaitement rond; il a en dessous une petite saillie convexe, qui répond à l'ouverture inférieure de la pupille. Ceux qui se sont occupés de l'analomie des poissons ne pourront se lasser d'admirer les res- sources infinies que la nature tire dans une même classe de matériaux seniblables, et comment elle trouve la variété infinie dans l'uniformité. Quand CHAP. XXIII. ANABLEPS. 2G5 elle a du modifier l'ouverture de la pupille des yeux des raies, de la plupart des pleuronectes , des ura- noscopes, elle a fait sortir du bord de l'ouverture de la pupille une languette de la même nature que la membrane de l'iris, et qui s'avance vers le centre du trou. Souvent les bords de cette membrane sont découpés en laciniures plus ou moins profondes. Le physiologiste explique facilement la fonction de cette membrane additionnelle. La nature voulant modifier pour d'autres besoins commandés par le genre de vie des Anableps, l'ouverture de la pupille, va employer les même membranes, mais elle en fait naître deux au lieu d'une. L'étude des fœtus de nos Anableps montre le développement successif de la formation de ces cloisons. Ainsi, dans les petits, longs d'un pouce, la cornée, très- transparente, est à peine divisée par la bandelette longitudinale de la conjonctive. On commence à voir le trou ayant une apparence de o de chiffre mal fermé. La pupille est à peine modifiée par l'alongement des bords du cercle de l'iris. Dans ceux de deux pouces, les deux membranes se sont alongées et se touchent. Le trou de la pupille a la figure d'un 8 de chiffre complet : c'est dans le poisson adulte que les deux trous sont plus séparés, et deviennent distincts l'un de l'autre, parce que les deux membranes se recouvrent. Nous avons fait celte description sur des individus venus de Cayenne. Nous avons reçu un mâle par les soins de M. Poiteau : l'individu est long de neuf pouces. Des femelles, longues 266 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. de huit pouces et venues du ménie lieu, oui été données au Muséum par M. le professeur Lacordaire. Z;'Anableps aux yeux rapprochés. {Anahleps coarctatus , nob.) On a cru jusqu'à nous, qu'il n'y avait qu'une seule espèce d'Anableps : en voici cependant une seconde, bien caractérisée. Celle-ci a le corps plus grêle et plus alongé que celui de la précédente. L'épaisseur est le septième de la longueur totale. La hauteur de la queue mesure la moitié de la largeur du tronc. L'intervalle entre les deux yeux est de moitié plus court que dans l'espèce précédente. Les yeux paraissent un peu plus saillans ; le museau, alongé en ogive, est plus avancé, parce que le bord des maxillaires recouvre davantage la bouche. Les dents paraissent plus fortes ; il y a de même une narine tubuleuse. La pectorale est plus longue, car elle approche davantage de la ventrale. D. 10; A. 9; C. 26; P. 22; V. 6. Les écailles sont beaucoup plus petites; il y en a quatre-vingt-huit rangées. Une écaille a neuf rayons à l'éventail; deux rangées d'épines sur deux plans au bord libre, et le reste de la surface est couvert de stries concentriques. La couleur est verte foncée sur le dessus du corps, et blanche dessous. Je ne vois pas de rayures. CHAP. XXIII. ANABLEPS. 267 Dans cet Anableps, les deux cornées sont très- inégales : la supérieure est de beaucoup plus grande que l'autre; les deux palmettes de l'iris sont petites, se louchent à peine, naissent en bas du cercle de la pupille; de sorte que l'ouverture supérieure est aussi beaucoup plus grande que l'inférieure. Le cristallin est gros et aplati sur le devant. Nos individus ont sept pouces et demi : ils viennent de Gayenne, et sont dus aux re- cherches de M. Le Prieur. Z'Anableps grêle. {Anahleps elongatus, nob.) Le même M. Le Prieur a envoyé de Gayenne, et sous le nom de Gros-jeuxy une troisième espèce de ce genre. Elle a le dos plat et large; le tronc beaucoup plus long, la queue est aussi plus grêle; l'ogive du mu- seau plus pointue; la saillie des maxillaires plus grande; les yeux rapprochés comme dans la seconde espèce; mais l'orbite me paraît plus haut, et son bord plus droit. Les nombres des rayons sont les mêmes. D. 10; A. 9, etc. Les dents sont un peu plus fines et sur une bande plus large. Les écailles sont plus grandes que celles de l'espèce précédente; car sur un corps beaucoup plus alongé je ne compte guère que le même nombre 268 LIVRE XVIII. CYPRINOÏDES. de rangées : une d'elles est plus ovale , a le même nombre de rayons à l'éventail et des stries concen- triques dessus; mais les épines du bord libre sont beaucoup moins prononcées. La couleur est semblable à celle du précédent. Les deux cornées de cet Anableps sont plus égales; cependant l'inférieure est encore la plus petite. Les deux palmelies de l'iris ne se touchent pas; le trou supérieur est ovale et oblong; l'inférieur est presque rond. M. Le Prieur a vu ce poisson ramper sur la vase. L'individu décrit a dix pouces et demi de longueur. LIVRE DIX-NEUVIEME. DES ÉSOCES. La famille des Brochets, ou, comme a dit M. Cuvier, des Esoces, correspond mainte- nant au genre de ce nom, tel qu'il avait été conçu par Artedi. Ce père de richthyologie avait réuni a son Esox rostro pla^ioplateo deux autres espèces qui sont de la même famille, si elles ne sont pas du même genre. Il faut d'ailleurs observer que le genre Esooc était vaguement caractérisé. Le nombre des rayons de la membrane branchiostège varie d'une espèce à l'autre. La seconde phrase du caractère générique ne présente rien d'arrêté, puisqu'elle signale seulement un corps oblong, avec une nageoire peu grande à l'extrémité du dos , près de la queue. Linné modifia cette diagnose, sans la rendre beaucoup plus sûre. Il partit d'une tête aplatie en dessus , avec une mâchoire supérieure déprimée et un peu plus courte : il n'y a que trois des neuf espèces inscrites sous ce nom géné- rique qui répondent à ce dernier caractère; dans les autres c'est tout le contraire, aussi 270 LIVRE XIX. dès la seconde espèce , Linné dit : maxilla superiore longiore. Mais ce n'est pas là le moindre défaut d'un genre, que Linné n'a pas du tout compris. Il y a associé, déjà dans sa dixième édition, et sans y rien changer dans la douzième, les espèces les plus disparates. Ainsi, YEsox sphjrena est un percoïde, du genre Sphyrène-, XEsoxosseus, un lépisostée; \Esox vulpes, un butirin; XEsox synodus, un poisson mutilé probablement du genre Saurus; XEsox hepsetus est un composé de deux poissons différens, l'un un anchois et l'autre un clupéoïde, voisin de nos melettes; enfin, XEsox gymnocephaliis est assez diffi- cile à déterminer; mais il y a tout lieu de croire que Linné notait quelque erylhriniis. Le travail de Gmelin n'était pas de nature à débrouiller cette confusion d'espèces; le genre y est adopté tel qu'il se trouvait dans la dou- zième édition, en y ajoutant, d'après Forster, mais sous la dénomination erronée ^Esox argenteus, une Galaxie ; XEsox marginatus , hémiramphe tiré de Forskal ; mais XEsox viridis, emprunté à Catesby, est un lépisostée; XEsox chilensis m'est tout-à-fait inconnu, et je le crois indéterminable. Bloch essaya de refondre ce genre, en prenant pour caractère la position de la nageoire du dos : il carac- ÉSOCES. 271 tërisa son Esox par une dorsale opposée à l'anale, et fit un genre Sjnodus, pour y réunir les espèces portant une dorsale sur le milieu du dos, en avant de l'insertion de l'anale. Il fut alors conséquent avec lui-même, en plaçant dans le genre Esox les trois lépisostees, les deux de Linné, et un troisième pris dans Parra. Il eut le tort d'y faire figurer \Esox hepsetus^ Y Esox gyninocephalus , et de placer à la fin, comme une espèce douteuse, l'espèce de Forster, et de la confondre avec un autre poisson de ce même savant, erreur un peu débrouillée par Schneider qui cite la seconde espèce à la fin de son nouveau genre Sjnodus. Celui-ci aurait été du moins bien composé, s'il n'avait pas commencé par les deux espèces (ÏEsox sjnodus et Esox vulpes; car toutes les autres sont du même genre, des Érythrinus de Gronovius. Le nom seul eût été l'objet d'une faible critique. M. de Lacépède apporta aussi un sentiment scientifique, analogue à celui de Bloch, dans la réforme du genre Linnéen. Il distingua, avec raison, le brochet américain de celui d'Europe, et il aurait bien composé son genre, s'il n'y eut ajouté, sous le nom ^Èsoce clii- rocentre, pris dans Gommerson, un poisson de la famille des clupés, et s'il n'y eût pas 272 LIVRE XIX. laissé \Esox viridis; ce qui est assez étonnant, puisqu'il est l'auteur du genre Lép!SOStée,dans lequel se range le poisson de Catesby à côté de \Esox osseus. Lacépède a d'ailleurs accepté le genre Sy- node, en ne le composant pas tout-à-fait comme Bloch, mais en y mêlant avec les érytbrins plusieurs espèces disparates. Tel était l'état des connaissances des auteurs méthodistes, lorsque M. Cuvier vint réformer la classification de cette famille des vertébrés. Ce grand zoologiste a porté son attention sur la constitution de la mâchoire supérieure de ces malacoptérygiens abdominaux , sur l'absence de l'adipeuse et sur celle des cœcums au canal intestinal. Il a établi comme genre de la famille des Ésoces, ceux qui joignent à la présence des deux derniers caractères, celui d'avoir encore le bord de la mâchoire supé- rieure formé par l'intermaxillaire, ou du moins quand il ne le forme pas tout entier, le maxil- laire est sans dents et caché dans l'épaisseur des lèvres; enfin, ajoute- t-il, tous ceux que nous connaissons, les microstomes exceptés, ont la dorsale opposée à l'anale. Partant de ces caractères, il a réservé le nom de Brochet (Esojc) aux espèces voisines de l'espèce d'Eu- rope, et dont on va lire les caractères dans ÉsocEs. 275 le chapitre premier. Il a séparé les Orphies {Esojc Belone) et les Hémiramphes (Esojc Brasiliensis) des autres ésoces de Bloch ou de Lacépède , il a adopté le genre Scom- bresoce de ce dernier naturaliste, il a créé les genres Galaxies, Stomias et Microstomes. Tous sont voisins les uns des autres, de la même famille, et, dans cette classification, j'ai suivi les rapports saisis par l'auteur du Hègne animal. Presque tous ces poissons ont le maxillaire sans dents : il faut même insister sur ce caractère. Je retire de la famille des ésoces le genre Salanx de M. Cuvier, attendu que j'ai vu la nageoire adipeuse qui avait échappé à l'obser- vation de cet illustre zoologiste. M. MuUer, à qui j'avais communiqué notre exemplaire , n'a pas trouvé cette petite nageoire. Je crois que cela tient à ce que ce célèbre naturaliste, cherchant à partir de diagnoses basées sur d'autres principes que les miens, n'a pas assez de confiance dans la seule puissance des carac- tères tirés de la forme, de la position et de l'armature des maxillaires desmalacoptérygiens abdominaux. Les Salanx ont le maxillaire armé de dents assez longues. C'est après les avoir vues que j'ai pensé à chercher fadipeuse, pe- tite et difficile h trouver sur un individu un 18. 18 274 LIVRE XIX. peu desséché par l'action d'un alcool trop con- centré. Néanmoins je me suis assuré de son existence : ainsi, les salanx sont de la famille des salmonesj je ne conserve aucune incerti- tude à leur égard. Je crois qu'il en est de même des cbau- liodes , voisins des Scopèles , et i^oti pas des Stomias. M. Cuvier a aussi placé dans les Ésoces le genre Alépocéphale de M. Risso. La présence de cœcums assez nombreux autour du pylore font que ce poisson, malgré la position de sa dorsale, appartient à une autre famille. M. Risso avait déjà exprimé cette opinion, que M. Cuvier n'a pas suivie. Je viens de citer le mémoire du savant physiologiste de Berlin sur la classification des poissons. On y trouve que la famille des Ésoces ne se compose plus pour lui que des genres Esox et JJinhra. Je ne partage pas son opi- nion à l'égard de ce dernier genre. Je crois pouvoir démontrer que le petit et curieux poisson du lac Neusiedle est le représentant en Europe des Érythrins de l'Amérique mé- ridionale: c'est auprès d'eux que je le placerai. Le même savant a retiré les Galaxies de la famille des Ésoces. Si les Microstomes sur les- quels M. Muller ne paraît pas avoir des idées ÉSOCES. 275 fort arrêtées, se rapprochent des brochets, il faut bien laisser avec eux les Galaxies. L'étude des genres et des espèces de la fa- mille des ésoces est des plus intéressantes et des plus instructives pour bien connaître le groupe des malacoptérygiens abdominaux. Un examen approfondi des Brochets montre com- ment se lient les grandes familles de cet or- dre, comment ses subdivisions se fondent les unes dans les autres, comment en quelque sorte elles ne sont que des modifications d'un seul type. En effet, le caractère tiré de la position de la dorsale, opposée à l'anale, existe déjà dans les Fundules, les Hydrargyres. On peut même dire qu'il est exagéré dans les Anableps, dont la nageoire du dos est plus reculée que celle de fanus. Mais tous ces poissons ont une bouche entièrement bordée par les intermaxillaires, sans que le maxillaire y concoure aucunement. Les Lépisostées ont une bouche faite sur le plan de celle des Or- phies. Le maxillaire est sans dents; la dorsale est opposée à l'anale; ce seraient des Esoces s'ils n'avaient pas les cœcums nombreux qui constituent un canal alimentaire de Clupéoï- des. Il en est de même des Alépocéphales. Les stomias lient les ésoces aux salmones par les scopèles^ et les genres de ceux-ci, pourvus 27 (y LIVRE XIX. ÉSOCES. d'une adipeuse, se réuniront aux cyprinoïdes par les saurus et les aulopes, qui, avec cette seconde nageoire, ont le bord de la mâchoire supérieure formé par des intermaxillaires, sans le concours des maxillaires. Enfin, les siluroï- des et les cyprinoïdes se tiennent de près par l'intermédiaire des cobitis. Ces nouvelles observations viennent s'ajduter à celles que j'ai déjà présentées dans les dis- cussions sur l'établissement de ces nombreuses familles ou sous-familles, qui n'ont vraiment plus qu'une valeur générique dans un grand ordre naturel. CHAP. I. BROCHETS. 277 CHAPITRE PREMIER. Des Brochets. Le genre auquel nous réservons avec M. Cuvier le nom spécial ÔlEsox se reconnaît à l'aplatissement et à la largeur d'un museau arrondi en ellipse, dont la mâchoire infé- rieure, plus longue, forme la pointe^ la supé- rieure est bordée par des petits intermaxillaires dentés entre lesquels s'avance le chevron élargi du vomer, et par de longs maxillaires sans dents. La gueule est d'ailleurs une des plus armées que l'on puisse étudier dans les pois- sons. Il y a dents sur les palatins, sur le vo- mer, sur les os de la langue , sur les pharyngiens supérieurs et inférieurs. Tous ces os deviennent des herses à pointes longues et acérées, des- tinées à saisir la proie pour assouvir les appétits carnassiers des espèces de ce genre. La dorsale est unique, reculée vers l'extré- mité du corps et opposée à l'anale. La cau- dale est peu fourchue. On conçoit que ces trois nageoires verticales , ainsi rapprochées à la partie postérieure d'un corps cylindrique assez long, donnent à ce poisson de grands et puissants moyens de propulsion; ce qui était aussi nécessaire à un être vorace et chas- 278 LIVRE XIX. ÉSOCES. seur que les dents dont sa gueule est hérissée. Ces poissons ont un pharynx et un œso- phage très -large, un estomac très -grand, continué avec la première portion du tube digestif; ses parois sont un peu épaisses. L'in- testin est de longueur moyenne et sans cœ- cums^ il se replie deux fois. La laitance et l'ovaire sont très-développés; aussi les brochets multiplient- ils beaucoup. La vessie natatoire est très -grande. Elle communique dans le haut de lœsophage avec le tube digestif, par un canal aérien large et court. Je ne vois, pour caractériser les brochets d'une manière précise, que la forme de leur museau et la largeur des os palatins ou vo- mériens hérissés de dents en cardes plus ou moins longues. La position de la nageoire dor- sale au-dessus de l'anale devient un caractère plus général. On a cru pendant long- temps qu'il n'exis- tait qu'une seule espèce de ce genre, celle d'Europe : elle est répandue en abondance vers les contrées du nord et du nord-est de ce continent, et on la voit s'avancer presque vers les frontières de TAsie; elle passe aussi dans les lacs septentrionaux de l'Amérique du Nord. On sait aujourd'hui que les eaux douces de ces continens nourrissent un assez CHAP. I. BROCHETS. 279 grand nombre d'espèces difFérentes; mais on n'en a pas encore observé dans les eaux de rAmérique équinoxiale ou australe. Le bro- chet, qui ne se trouve déjà plus en Espagne, n'existe pas non plus dans les eaux deTAfrique, soit au nord soit au sud de l'Atlas. Il est aussi très-digne de remarque, que les eaux si abon- dantes en cyprinoides de la péninsule de l'Inde, ne nourrissent aucun brochet. J'ai lieu de croire que ce genre a ses repré- sentans dans les eaux douces de la Nouvelle- Hollande; car Pérou et Lesueur ont rapporté de leur voyage aux Terres australes, une espèce particulière de brochet. Du Brochet commun. {Esox Lucius , Linn.) On doit s'étonner que les anciens ne nous aient laissé, pour ainsi dire, aucun document sur un poisson aussi abondant en Europe que le brochet. Cependant si le catalogue des es- pèces de l'Asie mineure, qui avait été com- muniqué à Forskal par un savant médecin , est exact, on doit en conclure l'existence, dans ce pays, d'un poisson que les Grecs auraient pu connaître. Le nom ^esox y qu'Artedi et Linné ont pris pour sa dénomination géné- rique, est une seule (bis cité dans Pline comme 280 LIVRE XIX. ÉSOCES. exemple d'un grand poisson, comparable au thon par sa taille '. Malgré Faulorité du père Hardouin, je ne vois pas sur quoi l'on se fonde pour regarder Yesojc du Rhin comme le bro- chet, ou pour croire, avec Ducange, que ce soit le saumon. Les noms italiens de litcio ou de luzzOj par lesquels on désigne encore dans cette contrée notre brochet, donnent de la force à la sup- position que les Latins du temps d'Ausone le nommaient luciiis^ et que c'est bien à lui qu'il faut rapporter ces vers du poème de la Moselle : ^ Lucius y obscuras iili^a cœnoaue lacunas Ohsidet. Hic nullos mensarum lectits ad'usus^ Feri>et Jiimosis oUdo nidore popiuis. Mais pourquoi le poète dit-il que le lucius était méprisé? cela ne se rapporte pas avec nos goûts d'aujourd'hui. Je sais bien que Rondelet n'a pas manqué de distinguer la chair du bro- chet des lacs de celle des fleuves, et de donner de la supériorité au goût de celui-ci; mais je crois qu'il a un peu exagéré cette différence. Ce savant'', ainsi que Relon "^j Salviani \ 1. PJ., liv. JX, ch. XV^ p. 5o5, edit. ad usum Delphini. -. Ans., Moj. , vers laS/p. 378. 3. Rondcicl, De pisc. fluv. , eh. XIII, p. 188. 4. Belon , De aquat. , p. 296 6. Salv., Aquat,, p. g^ el qS. CHAP. I. BROCHETS. 284 Aldrovande', ont laissé chacun une figure du brochet. Les premiers l'ont rapporté au hicius d'Ausone. Aldrovande est le seul qui ait pensé à ïesox de Pline, et c'est de lui que le père Hardouin a tiré son interprétation. Gesner"" a reproduit la figure d' Aldrovande, et Willughby "^ celle de Salviani. D'ailleurs, la description du second porte un caractère d'exactitude remarquable, et est remplie de détails anatomiques qui rendent son ouvrage si utile. «(Ces auteurs avaient tous pensé que l'on pouvait supposer que ^o^C^'^vyxog , cité dans Athénée^ parmi d'autres poissons du Nil, était notre brochet. Cette détermination ne peut être exacte, car le brochet ne vit pas dans le Nil. M. Geoffroy Saint-Hilaire a cru que l'on était plus près de la vérité en cherchant \o^vf^vy%os dans une espèce de Mormyre. Tel était l'état de la science, lorsque Artedi fonda le genre Esox, et fit de notre poisson sa première espèce , nommée par Linné Esox lucius. Depuis ce temps presque tous les auteurs qui se sont occupés de Ficlithyologie euro- 1. Aîdiov., De fisc, p. 63o. — 2. Gesnei , De pisc, p. 5oo. 3. Willughbj, p. 256. 4. Deipn., liv. VII, ch. XVII, p. 5i2. 282 LIVRE XIX. ÉSOCES. péenne, ont parlé de ce poisson aussi remar- quable par sa taille que par sa voracité. En voici la description détaillée, d'après la méthode que nous nous sommes tracée. Le brochet a le corps alongé, cylindrique, à profil droit; le dos est un peu aplati. La plus grande hauteur du corps est environ le septième de la longueur totale. L'épaisseur, prise au même endroit, fait les deux tiers de la hauteur. La hauteur de la queue mesure les deux cinquièmes de celle du corps au point le plus élevé- La tête est alongée : S'i longueur est comprise à peu près quatre fois dans celle du corps. Le front et le museau sont aplatis; en arrière des yeux, près de la nuque, le dessus de la tête est légè- rement creusé; il y a quatre gros pores en cet endroit. L'œil est au milieu de la longueur de la tête, tout-à-fait sur la ligne du profil du front : il n'est pas grand; son diamètre est le onzième de la lon- gueur de la tète. Le sous-orbilaire se compose de quatre pièces. L'antérieure est très-alongée; elle est presque aussi longue que le tiers de la longueur de la tête; elle forme en arrière le quart du bord de l'orbite, et de là elle se prolonge en une pointe qui s'avance vers le bout du museau, entre les os du nez et les intermaxillaires. La seconde et la troi- sième pièce sont étroitement réunies en une pièce quadrilatère, qui complète le bord inférieur de l'or- bite. Au-dessus de celle-là il y en a une quatrième, fort petite, à peine visible sous la peau. Au-dessus CHAP. I. BROCHETS. 283 de l'œil il y a u" petit repli de la peau qui forme comme une sorte de paupière, et qui est soutenu par un os sourcillier, comme dans les carpes. Le long du bord il y a dix pores, dont les antérieurs sont assez petits. Le préopercule est assez grand, il descend assez bas sur la joue. Son bord inférieur est droit; le postérieur est ondulé. Le limbe est assez large, et il a six gros .pores disposés le long de son bord. L'opercule est presque aussi grand que le préo- percule : il est carré. Le bord supérieur est percé de trois gros pores; l'inférieur est droit et articulé avec le subopercule, qui est alongé. L'interopercule est étroit, alongé, un peu courbé, il se porte de l'angle antérieur et inférieur de l'opercule jusqu'à l'angle postérieur de la mâchoire inférieure. Les deux ouvertures de la narine sont grandes, arrondies, placées au-devant de l'œil, aux trois- quarts de la distance du bout du museau à l'œil. Les os du nez sont étroits et alongés, et placés sur le front , entre les frontaux antérieurs et la pièce antérieure du sous-orbitaire. La mâchoire supérieure est un peu plus courte que l'inférieure. La fente de la bouche se prolonge en arrière jusqu'à la moitié de la longueur de la tête. Le maxillaire est fort long et double; il ne porte pas de dents, ni même de repli de la peau, que l'on puisse comparer aux lèvres. Les intermaxillaires sont très-courts; ils n'occu- pent que le quart antérieur de la longueur de la fente 284 LIVRE XIX. ÉSOCES. de la bouche. Ces os portent des dents médiocres, pointues, disposées irrégulièrement sur un seul rang; ils sont séparés l'un de l'autre par la saillie de la pointe du vomer, qui forme à l'extrémité du museau une pointe triangulaire. Il résulte de cette articulation que les intermaxillaires n'ont pas de branches montantes; que, par conséquent, la mâ- choire n'est point protractile; mais quand l'animal ouvre sa large gueule, l'amplitude de l'ouverture est augmentée, parce que le maxillaire est attaché à une peau très-lâche, qui permet à l'os de s'abaisser et de se porter même un peu en avant. Les palatins sont deux larges plaques alongées, mobiles et hérissées de dents fortes et très- acérées; celles de la rangée interne sont les plus grosses : il V en a aussi sur tout le vomer; celles du chevron sont longues et pointues; les autres sont plus fines, et la bande qu'elles occupent sur le corps de l'os est à peu près égale dans toute son étendue. La mâchoire inférieure est très-forte; ses branches sont larges et hautes; ses lèvres sont très-épaisses; elle est, armée en avant de dents très-longues, poin- tues, comprimées et tranchantes des deux côtés, qui sont des armes vraiment terribles; il y a aussi quel- ques dents en cardes très-fortes, mais elles sont de beaucoup plus petites que les dents latérales. Il y a sous la mâchoire inférieure cinq pores de chaque côté, et un impair sous la symphyse. La langue est libre, large, échancrée à sa pointe; elle porte quatre écussons alongés , couverts de dents en carde, assez fines sur le devant. CHAP. I. BROCHETS. 285 La fente des ouies est très-grande. La membrane brancliiostège est large et soutenue par quatorze rayons forts. Le bord de la membrane remonte le long de l'opercule, et en forme le bord membra- neux; lequel est assez épais. Les arceaux des bran- chies sont très-grands, et ils s'attachent de chaque côté de la langue, à d'assez grands intervalles l'un de l'autre. Il n'y a pas de branchie operculaire. Le bord antérieur des pharyngiens est couvert d'âpretés assez grosses. Les pharyngiens, inférieurs et supérieurs, sont aussi hérissés d'assez fortes dents en grosse carde. Le surscapulaire est grand, large, articulé tout- à-fait sur le dessus du crâne, le long du bord de l'opercule. Le scapulaire est attaché sur le côté du corps, le long du bord postérieur de l'opercule, qui bat un peu sur lui : c'est un os d'une forme styloïde. L'huméral est très- grand, arqué; sa pointe supé- rieure remonte presque aussi haut que le haut du scapulaire, de sorte que ces deux os s'articulent latéralement. La pectorale s'insère presque sous la gorge; elle est arrondie, peu longue, car elle n'a que le dixième de la longueur du corps. ■ Ce qui donne un caractère particulier au brochet, c'est la position si reculée de sa dorsale , qui est presque au-dessus de l'anale : ces deux nageoires sont forts courtes; elles commencent îi s'élever sur le dernier tiers de la longueur totale. 286 LIVRE XIX. ÉSOCES. La dorsale est plus longue que haute. Son bord libre est arrondi. Les rayons croissent jusqu'au sep- tième, et ils diminuent vers le dix-liuitième. L'anale a la même forme que la dorsale; c'est le huitième rayon qui est le plus long. Elle est un peu plus reculée. La caudale est fourchue : ses deux lobes sont égaux et arrondis. Les ventrales sont attachées au milieu du corps ; elles sont égales aux pectorales. Les nombres des rayons sont : B. 14 ; D. 20 ; A. 18 j C. 19 ; P. 15 ; V 11. Les écailles qui recouvrent le corps du brochet sont petites, et elles paraissent l'être encore beau- coup plus qu'elles ne le sont en effet, parce qu'elles sont presque entièrement cachées sous la peau , qui est assez épaisse. Les écailles ne se voient que comme des points enfoncés sur la peau; il y en a cent trente-cinq dans la longueur, et environ quarante dans la hauteur. Chaque écaille est très- mince, à bord libre, entier, arrondi, et elle a trois festons sur le bord radical. Il n'y en a pas de particulière dans l'aisselle des nageoires paires. Le dessus de la tête, la face, la mâchoire inférieure et la membrane branchiale en sont dépourvus. Le préopercule en est tout couvert, et l'opercule n'en a que sur la moitié supérieure; mais le bas de l'os, le subopercule, l'interopercule et le limbe du préopercule sont nus. Le dos du brochet est vert-foncé ; les flancs sont verts, à leflels dorés et marbrés de grandes taches CHAP. I. BROCHETS. 287 ovales-alongées, vert pâle, un peu dorées. Tout le dessous est blanc. Les nageoires sont rougeâires , les impaires sont tachetées de vert foncé. D'ailleurs les couleurs varient beaucoup, selon les fonds, les cours d'eau; car il y en a qui sont presque noirs sur le dos. L'œsophage du brochet forme une sorte de jabot alongé, qui descend jusque vers le tiers de la lon- gueur de l'abdomen. Ses parois sont minces et peu plissées : au-delà, le tube digestif prend des parois plus épaisses, musculeuses, ridées, et qui ressemblent beaucoup au ventricule succenturié des oiseaux. Il se prolonge en se rétrécissant jusque vers les quatre cinquièmes de l'abdomen, où le canal digestif devient très-étroit, en conservant ses plis et son épaisseur. Une augmentation de dureté marque la valvule du pylore. L'intestin se courbe alors, remonte vers le diaphragme, et arrivé sous la partie antérieure et renflée du foie, il se recourbe de nouveau pour se rendre droit à l'anus. La longueur du tube di- gestif est une fois et un quart celle du corps. Le foie est de couleur jaune-pâle : il n'y a qu'un seul lobe. La vésicule du fiel est attachée sur sa partie antérieure. Le canal cholédoque est assez long, et donne dans le second repli de l'intestin. La rate est grosse, trièdre, noue, et attachée près du pylore. Les épiploons sont très-gros. Les ovaires sont deux grands sacs oblongs. En les insufflant, on voit que ses œufs sont attachés sur la partie inférieure du sac. La vessie aérienne occupe de même presque toute l'étendue de la portion supérieure de la cavité ab- 288 LIVRE XIX. ESOCES. domiiiale. Un canal gros et court s'ouvre dans le haut de l'œsophage par un assez large trou , sans aucunes papilles, de sorte que l'air de la vessie doit s'échapper très-aisément de l'intérieur de cet organe. Les reins sont minces en avant ; ils se réunissent en arrière en un fort lobe, qui se porte au-delà de l'anus. La vessie urinaire est petite et réduite à un seul tube. Je compte quarante -trois vertèbres abdominales et vingt caudales. Les dix premières vertèbres ont l'apophyse épineuse plus forte que celles des ver- tèbres suivantes, La première et la seconde sont larges, comprimées et se touchent; la troisième, un peu moins haute de l'avant, donne un stylet en arrière, qui s'alonge peu à peu, se confond succes- sivement avec la base de l'apophyse, et finit -par devenir la seule apophyse longue et grêle des ver- tèbres suivantes. Les cinq premières vertèbres ont de plus à la base de l'apophyse épineuse une apo- physe transverse de chaque côté, saillante au-dessus de la petite apophyse transverse ordinaire qui porte la côte. Je ne compte que quarante côtes à partir de la troisième vertèbre. Les huit premières vertè- bres caudales ont sur le milieu du côté un petit tubercule saillant, apophyse qui augmente la puis- sance des muscles coccygiens. Je n'en vois aucune trace sur les onze dernières vertèbres; mais on com- mence à les voir se prononcer sur les sept ou huit dernières vertèbies abdominales. I^es trois ou quatre dernières vertèbres caudales ont les apophyses épi- neuses, supérieures et inférieures, élargies , soudées ensemble, et font parleur réunion la grande vertèbre CHAP. I. BROCHETS. 289 flabellifornie, qui termine l'épine de la pluj)ari des poissons, et supporte les rayons épineux de la caudale. Les interépineux de la dorsale et de l'anale sont pour la plupart contigus. Pour compléter maintenant la description du squelette, il faut décrire la tête avec détail. Le crâne est aplati , sans crêtes saillantes en dessus; celle que nous appelons externe, forme ici réelle- ment le bord externe du crâne; les autres ne se montrent qu'à l'occiput. La partie du crâne, derrière les orbites, est large et quadrangulaire; entre les orbites elle se rétrécit un peu; au-devant d'eux il se rétrécit encore davantage, et s'alonge en un museau étroit, à bords parallèles, et qui s'élargit un peu au bout. Les frontaux principaux occupent presque toute sa longueur, couvrant la plus grande partie du museau par leurs prolongemens , et ne laissant en arrière d'eux, jusqu'à la crête occipitale, que des pariétaux et un interpariétal peu considérables. Les frontaux antérieurs et postérieurs sont placés sous les bords du frontal principal, avant et en arrière de l'orbite; mais à la suite du postérieur, le mastoïdien déborde ce frontal principal , occupe tout le bord extérieur du crâne, et dépasse même par son apophyse la crête occipitale. Les occipitaux externes sont entièrement à la face occipitale, qui est peu élevée. L'interpariétal y descend entre eux. Leur saillie est peu considé- rable, et la crête de l'interpariétal, qui est toute à la face occipitale, est fort peu de chose. 8. 19 290 LIVRE XIX. ÉSOCES. Il y a de chaque côlé, en arrière, une fosse pro- fonde, ayant en dessus le pariétal, en dehors et en dessous, le mastoïdien, et en dedans et en arrière, l'occipital externe. Cette fosse, très-différente de celle qu'on voit en dessous dans la carpe, n'a pas son fond ossifié; il n'est rempli que par un cartilage. Au reste , plusieurs poissons , nommément les sciènes, ont un trou à cet endroit-là. Il n'y a pas de rocher. En dessous, l'occipital latéral et la grande aile occupent les côtés du crâne immédiatement sous le mastoïdien et le frontal postérieur. L'aile orbitaire est médiocre. Le sphénoïde règne en ar- rière jusque sous le basilaire, et en avant il se porte aussi loin que les frontaux. La' plus grande partie de l'eihmoïde est repré- sentée par une lame cartilagineuse, qui unit dans cette partie rétrécie, que j'ai appelée museau, les avances étroites des frontaux avec le sphénoïde, et qui porte de chaque côté de son extrémité anté- rieure un petit point ossifié, situé entre les parties correspondantes du nasal et du vomer. Le vomer est très-considérable : c'est une lame élargie en avant et toute hérissée de dents. Les nerfs olfactifs passent par deux trous de la masse cartilagineuse, qui re- présente l'ethmoïde, et percés tout près du frontal antérieur. Les naseaux sont couchés sur chaque bord du museau, formé par les avances des frontaux; ils s'élargissent en avant, ainsi que le museau lui-même. Le sphénoïde antérieur, très-petit os à trois branches, est suspendu dans la membrane antécérébraje et in- terorbitaire, sans s'articuler fixement, ni avec le CHAP. I. BROCHETS. 294 sphénoïde ni avec les ailes orbitaires. La cavité pitui- taire est très-considérable. Il y a de chaque côté un espace cartilagineux, assez étendu, borné en avant par le frontal postérieur, en dessous par la grande aile, en dessus et en arrière par le mastoïdien. L'espace membraneux interorbitaire est plus long que haut, et s'abaisse en avant. L'oreille du brochet a été l'objet de l'étude des anatomistes, a. cause de la particularité remarquable qu'elle offre dans l'appendice du sinus médian des canaux semi-circulaires verticaux , et dans lequel ils ont reconnu de l'analogie avec des parties différentes de l'oreille des autres vertébrés, selon les vues des auteurs, et suivant aussi qu'ils en avaient fait une ana- tomie plus ou moins exacte. L'oreille du brochet est située, comme celle des autres poissons osseux, dans la cavité du crâne, à droite et à gauche du cerveau, et entre la cinquième et la huitième paire; elle est cependant séparée et distincte de cet organe par les membranes qui, d'une part enveloppent le cerveau et la matière graisseuse et albumineuse de l'encé- phale, et de l'autre, par la membrane propre à l'oreille, et qui forme sa capsule interne, de sorte qu'il n'est pas exact de dire, ainsi que l'a écrit M. Breschet, que le liquide contenu dans les sacs des canaux semi-circulaires ou le liquide de Cotugno soit mêlé et confondu, je ne dirai pas avec le li- quide céphalo-rachidien, car ce liquide n'existe pas dans le poisson, mais avec celui dans lequel baigne le svstème cérébro-spinal de ces vertèbres. D'ailleurs, M. Breschet a très -bien reconnu la disposition des 292 LIVRE XIX. ÉSOCES. canaux semi-circulaires de leurs ampoules el du sinus médian qui réunit les deux verticaux. Ce sinus mé- dian se prolonge en avant en un tube renflé anté- rieurement, dans lequel on trouve un petit lapilhis. Au-dessus du sinus est le sac ordinaire de l'oreille, de forme ovale, pointu en avant, et qui contient deux lapilli; un premier, assez grand pour le remplir presque en entier, et un second, petit, situé derrière et un peu au-dessous de l'autre. En arrière et sur le côté interne on trouve, dans une petite fosse du mastoidien et vers le canal vertébral, un second sac oblong, terminé par un col ou canal très-mince, assez long, qui adhère au grand sac assez fortement, pour que l'on puisse les tirer ensemble de la cavité auditive du crâne, mais qui ne communique point avec l'intérieur de cet analogue du vestibule. La cavité de cette petite poche supplémentaire est remplie d'un liquide albumineux , contenant des molécules de carbonate de chaux. On les aperçoit plus facilement quand on a fait coaguler, par l'immersion dans l'al- cool , le liquide du petit sac. Le canal du col de ce petit appendice communique avec le sinus médian. Je m'.n suis assuré en y faisant passer des petites bulles d'air. Scarpa, d'ailleurs, l'avait vu au moyen du mercure. Je puis donc, d'après mes recherches, affirmer que Comparetti et Huschke ont très-bien vu cet organe, que Scarpa a eu raison de dire qu'il était un appendice des canaux semi- circulaires, c'est-à- dire, une sorte de prolongement, si l'on veut du sinus médian; que Casserio avait avancé avec raison qu'il communiquait avec le sinus médian; qu'il ad- CHAP. I. BROCHETS. 295 lierait au grand utricule auriculaire j mais qu'il a eu tort de croire à la communication de ces deux sacs entre eux; que M. Breschet a eu tort de le repré- senter dans son Mémoire, pi. XIII, fig. 4? comme étant distinct du sac auditif. Je puis affirmer, que ce sac est tout-à-fait libre en arrière; je n'ai pu trouver les adhérences indiquées d'abord par Camper, puis par M. Cuvier , et je ne partage pas l'avis de ces grands anatomistes, qui considèrent cet organe comme un ligament que Camper a nommé Tensor bursœ. On volt même dans les dlfférens passages des ouvrages de M. Cuvier, qui se rapportent à cette partie de l'oreille du brochet, que ce grand homme n'avait pas une idée très-arrêtée sur cet organe. Les anato- mistes qui ont adopté les idées émises dans les leçons de l'anatomie comparée, et qui, d'après elles, ont répété que cet organe était propre et spécial au bro- chet, se sont trompés; car les recherches anatomi- ques de M. Breschet ont fait reconnaître un organe semblable dans plusieurs autres poissons. La fonction de cet organe accessoire a été le sujet des conjectures de la plupart des sa- vans que je viens de citer. M. Breschet a discuté avec beaucoup de savoir et de saga- cité les opinions émises avant lui, et je ne puis mieux faire que de renvoyer mes lecteurs au mémoire de ce savant académicien; mais, si je suis de son avis, en ne considérant pas ce petit sac comme un rudiment de limaçon ou de quatrième canal semi-circulaire, je ne puis 294 LIVRE XIX. ÉSOCES. admettre avec cet habile professeur qu'il soit un vestige de la communication entre le la- byrinthe membraneux des poissons et la vessie aérienne. Je démontrerai dans le livre suivant que, malgré les assertions les plus positives à ce sujet, et malgré les figures qui en ont été données par M. Breschet lui-même, cette communication n'existe pas. J'ai injecté la vessie aérienne de l'alose, par exemple; cet organe, loin de se bifurquer en deux canaux, se termine en avant en une pointe unique. Je n'essaie donc ici que de présenter des observations anatomiques plus exactes que celles de mes devanciers; mais je ne hasarde aucune explication sur la fonction de cet organe, parce qu'elle m'est complète- ment inconnue. A la suite du mémoire anatomique de notre savant confrère de l'Académie des sciences sur l'oreille du Brochet, on peut d'ailleurs consulter, pour connaître les autres parties de l'anatomie de ce poisson, la figure fort bonne du squelette, donnée par Spix dans son Cephalogenesis\ celle de la coupe du crâne ^ et des pièces détachées ^ M. Bojanus en a 1. PI. I, fig. IX. — 2. PI. II, lig. IX. 3. PI. V, fig. 10. CHAP. 1. BROCHETS. 295 publié une autre dans l'Isis ' ) M. Rosenthal en a aussi représenté plusieurs parties dans ses planches ichthyotomiques''j mais ce sont sans contredit les plus négligées de cet estimable ouvrage. M. Van der Howen a aussi décrit avec détails l'ostéologie de ce poisson. M. Gilt a aussi fait, en 1882, une très-bonne disser- tation sur la névrologie du brochet : cet ou- vrage orné d'une planche, a été couronné par l'Académie de Bruxelles. Outre nos brochets des rivières de France, nous en avons reçu de l'Elbe par M. Nitsch; du lac de Zugpar M. Major; de ceux de Genève, par M. DecandoUe ; de Gomo, par M. Pent- land ; de Trasimène, par M. Canali. M. Savigny nous l'avait procuré de Bologne : nous en pos- sédons de beaux exemplaires des eaux douces de la Russie par la gracieuse obligeance de S. A. I. M."'' la grande-duchesse Hélène; M. de Humboldt l'a rapporté de son voyage vers la Sibérie orientale. Le brochet fraie au mois de Février dans la Seine. J'ai observé qu'il y croît très-vite : au bout de trois mois, il a sept à huit pouces de long; à un an, plus d'un pied; à deux ans. 1. m." Cahier de 1818, pi. VII, %. 6. 2. U.» Cahier, pi. V. 2î)G LIVRE XIX. ÉSOCES. deux pieds et demi j il croît ensuite plus len- tement : il n'est pas rare d'en prendre de trois pieds; ou en pêche quelquefois de cinq pieds et davantage. Des notes semblables avaient déjà été recueillies dans la basse Seine par M. Noël de la Morinière , qui les avait communi- quées à M. de Lacëpède. On en trouve aussi d'analogues dans l'Ichthyologie de M. Reisin- ger, et en général dans les ouvrages de la plu- part des naturalistes qui ont étudié l'histoire naturelle du brochet. De même que les cyprins, le brochet ne se porte pas vers les latitudes septentrionales aussi haut que les saumons. Ainsi, ni Fabri- cius, ni Mohr, ni Faber ne le citent pas dans leur Faunes du Groenland ou de l'Islande. Il n'est pas non plus mentionné par Low, dans sa Faune des Orcades; mais déjà Linné l'a compté dans le Faiina suecica % et il le donne comme un des poissons abondans des lacs ou des fleuves de la Laponie. M. Nils- son "^ fait observer que ce poisson n'habite pas les eaux alpines de la Scandinavie; qu'il est plus abondant sur les côtes orientales que sur les rives occidentales de la péninsule; qu'on 1. Faun. suec, [>. ii4, n." 5o4. 2. Ichth. Scnnd. , p. 3G. CHAP. I. BROCHETS. 21)7 le voit de même dans quelques golfes de la Baltique; mais que jamais il nenlre dans la mer qui baigne les côtes occidentales. M. Ekstrôm ' a décrit également le brochet comme un des poissons du Morko, et il ne fait que reproduire les observations de ses prédéces- seurs. Le même zoologiste en a publié une bonne et élégante figure dans l'Histoire des Poissons Scandinaves "" faite avec M. Fries. Muller a aussi mentionné le brochet dans le Fauna danica ^. Dans le catalogue que S. M. le Roi de Danemarck avait envoyé à M. Cu- vier, et qui est déjà cité si souvent dans cet ouvrage, je vois reproduire l'observation que le brochet a été rencontré, mais rarement dans les eaux marines. Il ne faut pas oublier, à côté de cette citation, de répéter que les eaux de la mer Baltique sont moins salées que celles de l'Océan. On dit aussi qu'on a remarqué dans le nord de l'Ecosse que le Brochet existe dans tous les lacs qui com- muniquent avec la mer orientale. Ils y sont en moins grande quantité c[ue dans ceux de la côte occidentale qui regarde les Hébrides. Les différens naturalistes de l'Allemagne sep- 1. Fisch. von Mark., p. 78. 2. Scand. fiskor, liv. U, p. 49 > pi. 10. 3. Prod. faun. Dan., p. 49 > "•"4 19- 298 LIVRE XIX. ÉSOCES. tentrionale citent aussi notre poisson. Wulff' et Siemsen'' l'ont signalé dans leurs Opuscules sur les poissons de la Prusse et du Mecklen- bourg; mais avec moins de détails que Bloch. Les auteurs qui ont écrit en Suisse , tels que MM. Hartmann^, pour les poissons de toute l'Helvétie ; Jurine^, pour ceux du lac de Ge- nève, et Nenning^ pour ceux du lac de Con- stance, mentionnent le brochet et ses habitudes voraces. Il est aussi inscrit dans l'Ichthyologie hongroise de M. Reisinger*" : l'espèce est donc aussi connue vers les parties orientales de cette grande contrée de l'Europe. Bien que nous ayons reçu ce poisson de différens lacs de l'Italie, je ne le trouve pas indiqué dans les ouvrages publiés récemment dans ce pays. Les auteurs du i5.^ siècle ont dit, d'après Amatus Lusitaniens, que le bro- chet n'habite pas les eaux douces de l'Es- pagne, et Cornide semble confirmer par son silence cette remarquable absence du brochet au-delà des Pyrénées. Il est également digne de remarque que le 1. Icht. Boruss., p. 38, 11." 49- 2. Fische Meckl., p. 62, n.° 1. 3. Ichtli. helvétique, p. 162. 4. Mém. sur les poiss. du lac Léman, p. 201 , n." 21, pi. i5. 5. Fische des Bodensees , p. i4j n." 7. 6. Reisinger, Prod. uhlh. Hiing., p. 47 et 48. CHAP. I. BROCHETS. 2D9 brochet, aujourd'hui si commun dans tous les lacs ou rivières d'Angleterre, ne paraît y être devenu très-abondant que vers la fin du xiii.*" siècle. C'est ce que l'on doit conclure des ju- dicieuses critiques de M. Yarell et de M. Noël de la Morinière sur les assertions de plusieurs auteurs qui les ont précédés. Après l'époque de Willughby, on trouve une assez bonne figure du brochet dans l'His- toire des poissons de table par Lléazar Albin* : on ne peut lui reprocher que l'exagération des taches rondes parsemées sur le corps. Cet au- teur affirme que le brochet a été introduit en Angleterre sous le règne de Henri VHl, en 1537. A cette époque un brochet coûtait le double d'un agneau élevé dans la maison jus- qu'en Février. C'est probablement d'après cet ouvrage que Flemming^ et Donovan^ placent à cette date l'introduction de notre poisson dans les eaux de leur pays. Pennant et Turton cependant n'en parlent pas. M. Jennyns"", con- traire à ces opinions, le regarde comme indi- gène, quoiqu'on suppose ordinairement, dit- il, que l'introduction de l'espèce ait eu lieu 1. El. Albin, Hist. of ihe escul. fish.^ p. 24. "1. Flem. Brit. an., p. i84, 11° 55. 3. Brit.fish.,\o\. V, pi. CIX. 4. yfn. Kîngd. , p. 4» 7- 500 LIVRE XIX. ÉSOCES. SOUS le règne de Henri VIII. M. Yarell', sans se prononcer sur l'introduction du brochet en Angleterre , fait du moins remarquer la rareté du poisson à cette époque , par la cita- tion des faits suivans : Sous le règne d'Edouard I.""', à la fin du xiii.^ siècle, ce prince fixa, dans l'ordonnance de i 288, le prix du brochet plus haut que celui du saumon frais, et dix fois plus élevé que celui du turbot ou de la morue. Ce poisson était alorsl'objet d'une pèche réglée dans la rivière de Thetford; il n'était permis qu'aux seuls habitans du bourg de l'acheter pour leur consommation. Il trouve encore des preuves semblables de la grande valeur du brochet sous le règne d'Edouard III, de Richard II dans les différens actes rendus pour régler la vente ou l'accaparement du poisson. Je puis cependant ajouter qu'en i356, Bail- leul, prisonnier d'Edouard III, pécha dans l'étang de Haitfield, enYorkshire, quarante- cinq brochets, dont cinq avaient trois pieds de longueur^; que Ton servit le brochet dans les festins splendides donnés par George Ne- vil, archevêque de Cantorbéry; que M. Yarell a trouvé notre poisson mentionné dans le fa- 1. Brit.fish., JJ. 385. 2. Dalrjinple, Annals of Scotland , M, p- 276. CHAP. I. BROCHETS. 50 I meux livre de Saint-Albans sur l'art de la péclie. Enfin, M. Noël de la Morinière ' rapporte un passage de Léland (de rébus hritannicis collectanea I, p. 5 80), où il est parlé d'un brochet de très-grande taille pêche dans le lac de Ramsey, sous Edgar, roi d'Angleterre, par conséquent dans le x.^ siècle. Il ne faut pas oublier toutefois que, sous Henri VIII, un brocheton se vendait encore plus cher qu'un chapon gras. Aussi existe-t-il un statut de la fille de Henri VIII, de i558, qui défend de détruire le frai du brochet, dont on faisait une pêche abusive, puisque les brochetons servaient alors à la nourriture des chiens et des porcs. Ainsi on peut suivre l'existence et l'impor- tance du brochet en Angleterre plus de deux cents ans avant l'époque où plusieurs auteurs ont cru devoir fixer l'importation du poisson dans la Grande-Bretagne. Le rapprochement de ces difFérens passages prouve que le poisson dont nous faisons l'histoire n'est devenu abon- dant que par suite des sages ordonnances rendues , sous les règnes de Henri VIII et d'Elisabeth, pour assurer la conservation d'un produit aussi important. 1. Noël Morin., Pêch. I, p. 565. 502 LIVRE XIX. ÉSOCES. Pallas' constate l'existence du brochet dans tous les fleuves, les rivières ou les lacs de l'em- pire russe, et dans ceux de l'Asie orientale, l'Indigirka, le Chatanga et l'Amur. Il le fait vivre aussi dans la mer Glaciale et dans la Cas- pienne; mais il dit qu'il manque à là Crimée et au Ramtschatka. Je le vois cependant indi- qué dans la Faune pontique de M. Nordmann, qui remarque, d'après M. Krinycki, que les brochets de la mer d'Azof paraissent un peu différens des nôtres. Je lis aussi le nom de Yesojc Lucius inséré parmi les poissons de Milet^, mais sous le nom de Trigle. Ce nom me laisse quelques doutes sur l'exactitude de la détermination du poisson pris pour un brochet, et c'est ce qui m'a fait présenter cette assertion avec incertitude au commencement de ce chapitre. Gmelin avait dit, en citant Schœpf, que notre brochet vivait dans l'Amérique septentrionale. Déjà M. de Lacépède avait cru devoir distin- guer ce poisson d'Amérique de celui des eaux douces de l'Europe, à cause de la différence assez grande qui existe dans le nombre des rayons. 1. Zool. Ross, asiat. , p. .336, n." 242. 2. Forsk., Caialog. fisc Milet , apud Faun. nrab., p. XVIII et XIX. CHAP. I. BROCHETS. 505 S'il ne faut pas confondre, en effet, le pois- son des eaux de New -York vu par Scliœpf, avec l'espèce d'Europe, il n'est pas moins vrai que celle-ci a été observée par le docteur Richardson dans son voyage à travers le nord de l'Amérique septentrionale. Il en a rapporté un du lac Huron, que j'ai examiné avec M. Cu- vier : on ne pouvait douter que cet individu ne fût de la même espèce que le brochet d'Europe. Tous les auteurs s'accordent sur sa grande voracité; aussi M. de Lacépède le nomme-t-il le requin des eaux douces : non-seulement il dévore un grand nombre de poissons de son espèce ou des autres fluviatiles; mais les petits mammifères, les oiseaux aquatiques, les rep- tiles ne sont pas à l'abri de ses attaques. On peut dire qu'il se jette sur tout ce qui remue; aussi a-t-on noté plusieurs exemples de bles- sures graves faites aux mains ou aux jambes de personnes occupées à laver ou à marcher dans l'eau. Pennant cite déjà ce trait remar- quable de voracité : un brochet a englouti la tête d'un cygne au moment où ce palmipède plongeait son long cou sous l'eau , et les deux animaux y trouvèrent la mort. Une autre fois on a vu un brochet disputer à une loutre une grosse carpe déjà prise par ce mammifère re- doutable aux poissons. 304 LIVRE XTX. ÉSOCES. Quelques auteurs ]) rétendent que les per-- ches , particulièrement celles des lacs d'Ecosse , auraient été détruites parles brochets. On peut cependant remarquer que les deux espèces existent simultanément dans beaucoup de lacs ou d'étangs d'étendue peu considérable. D'au-- très économistes croient que la perche nuit au brochet parce qu'elle en mange les œufs ou le frai. On se rend aisément compte de la grande puissance destructive de cet abdominal, quand on examine les armes redoutables que nous avons décrites avec détail en faisant connaître les différentes parties de sa tête. La grandeur de l'animal contribue aussi h augmenter sa force. Ainsi il n'est pas rare de voir des bro- chets de cinq pieds et du poids de vingt à trente livres. Les grandes pièces d'eau du comté de Norfolk, à quelques milles au nord de Yarmouth , Horsea Mère et Heigham Sounds, sont célèbres par le grand nombre de brochets d'excellente qualité et de taille assez forte. M. Yarell a relevé plusieurs pêches faites dans ces grands lacs, d'où il résulte qu'en quatre jours on a pu prendre deux cent cinquante-six brochets, pesant ensemble onze cent trente-cinq livres, et qui donnaient, dans les différens jours, une moyenne de vingt-huit à trente-quatre livres par brochet. CHAP. I. BROCHETS. 505 Pallas porte aussi à la même taille et au même poids les brochets des grands lacs dans lesquels se rassemblent les eaux des steppes de Baraba, dans le gouvernement de Tobolsk, entre l'Irtisch et l'Oby. Pendant l'hiver on en prend une telle quantité sous la glace, qu'on ne peut les vendre qu'à très-bas prix, et on les porte au loin après qu'ils sont gelés. M. Yarell répète que les lacs d'Ecosse ont produit des brochets de cinquante-cinq livres de poids, et ceux d'Irlande en ont fourni de soixante et dix livres. Cet observateur si exact ne dit pas cependant en avoir vu de ce poids , ce qui n'induirait pas à admettre que ces poissons eussent eu plus de huit à neuf pieds. Ces rapports sont fort éloignés de celui que tous les naturalistes ont pris plaisir à copier dans Gesner, au sujet du brochet de dix-neuf pieds, péché, assure-t-on, en i497 ^ Kaisers- lautern, et dont le squelette aurait été con- servé à Mannheim avec l'anneau de cuivre doré que l'empereur Frédéric II avait attaché à l'ouïe du poisson. Déjà INoél de la Morinière avait écrit dans ses notes que la grandeur du brochet de l'em- pereur Frédéric était une de ces exagérations que l'on se plaît à répéter sans en faire d'abord fobjet d'une saine critique. 18. 20 306 LIVRE XIX. ÉSOCES. Or, en comparant les versions des diffërens auteurs ou annalistes les plus rapproches de l'époque assignée à cette pêche, on voit quels doutes peuvent rester encore sur cette expé- rience. Frédéric II était un prince instruit, aimant et protégeant les lettres et les sciences. Les manuscrits qu'il apporta de l'Orient, les tra- ductions des œuvres d'Aristote, de Ptolémée, des traités de Galien , faites par son influence , son livre de Arte venandi cuni anbus , qui a occupé les loisirs du célèbre J. Got. Schneider, suffisent pour prouver la culture littéraire de cet empereur et son amour pour l'histoire naturelle. On raconte donc qu'il fit mettre dans un étang de son château de plaisance, construit à Raiserslautern, un brochet, après avoir fait attacher à l'opercule un anneau de cuivre doré, portant un second anneau plus grand , avec une inscription grecque qui devait faire con- naître combien d'années aurait vécu le pois- son, quand il serait péché. Si l'expérience, attribuée généralement à Frédéric II, était bien prouvée, elle aurait une importance réelle en donnant un fait po- sitif dont le naturaliste devrait tenir compte dans la question si curieuse de la longévité CHAP. I. BROCHETS. 507 des animaux, et eu particulier de celle des poissons. La pèche du poisson aurait eu lieu, suivant les annalistes, en j497- Gesner, qui vivait dans un temps assez peu éloigné pour qu'il ait pu en connaître encore des témoins oculaires, nous a transmis l'inscription grecque gravée autour du grand anneau : El 1^1 sKsTvos l%ôvç rocvry AZ/xv^/ yrccvroTT^ûoroç èyrr Il y ajoute la traduction qui en a été faite par Jean Dalbourg, évéque de Worms : E^o sum nie piscis liuic stagno omnium priinus impositus per mundi rectoris Federici secundi manus, die quinto ohtohris M CC XXX. ' Ainsi, d'après l'inscription de l'anneau, le poisson aurait été tenu par l'empereur Fré- déric II. Mais Gesner fait sortir le poisson d'une pèche d'un étang voisin de la ville im- périale d'Heilbronn, en Souabe. Lehmann^ place aussi la pêche près d'Heil- bronn, et il rapporte que la figure de ce pois- son, peint de grandeur naturelle, se voyait de son temps, ainsi que le dessin de l'anneau, î. Nomencî. aquat., p. 3 16. Tiguri, i56o. 2 Lehmann, Chronica der freien Reichssladt Speier, iSga. 508 LIVRE XIX. ÉSOCES. dans une tour élevée sur le chemin qui con- duit de Heilbronn à Spire. Crusius% dans ses Annales de Souabe, pré- tend aussi que le poisson fut péché dans les environs d'Heilbronn, quoiqu'il ait trouvé dans plusieurs manuscrits que la pêche de ce brochet eût lieu à Raiserslautern. Il n'en incline pas moins cependant pour la première de ces villes, parce qu'elle possède la peinture de l'animal; autrement, ajoute-t-il, il faudrait que Frédéric II eût mis en même temps plu- sieurs brochets dans différentes pièces d'eau, et qu'on les eût tous péchés la même année. Freher (Marquard), contemporain de Cru- sius, assure que le poisson fut pris à Raisers- lautern, 011 l'empereur Frédéric II aimait à se délasser des fatigues de la guerre. Il observe "^ que, vers 1612, l'étang s'appelait encore Kaj- serwag (l'étang de l'empereur), et que l'on voyait dans le château de Lautern la repré- sentation d'un brochet, dont la longueur, exprimée par une ligne noire, répondait à dix-neuf pieds. On y avait joint une inscrip- tion en allemand pour indiquer la grandeur du poisson mis dans l'étang de Lautern en 1 Crusius, ylnn. Suevici, II, p. 25 — 26. Francf. i5g4 et iSgG. 2 Origines palaiinœ , II, p. 54. Heidelberg-, i6i3. CHAP. I. BROCHETS. 509 î23o par l'empereur Frédéric II, et porté en- suite à Heidelberg le 9 Novembre i497' H ajoute, que l'on conservait dans le Cabinet palatin l'anneau de cuivre doré, détaché de l'opercule du brochet, et auquel d'autres pe- tits anneaux étaient fixés à la circonférence.' On voit que l'inscription allemande mise comme légende de la peinture représentant le brochet, a été évidemment composée d'a- près celle gravée sur l'anneau de cuivre doré. Freher, d'ailleurs , a transcrit l'inscription grecque en lettres capitales , comme si elle était en style lapidaire : EIMI EKEINOC IX0TC O THN AIMNHN UANTOnP^iTOC EIAHOA AIA TOT KOCMHTOPOC a)EAHPIKOY B TAC XEIPAC EN TH Ë" HMEPA TOT OKTHRPIOT Â". C^ À". 1 Voici le jaassage de Marq. Freher per quod (siagmun) ipse fiuvius Lutra transcurrens , molamque impellens , maximos et sopidissimos pîsces nuirit , et in his Lucium, quem cultorem stag- norum Aiisonius vocat. De hujus aulem longitudine et captura tes- timonium perhibet velus pictura in arce ihi visenda , piscem ipsum ingentem torquatum exhibens , et lineœ nigrœ XIX pedes longœ adscriptum habens. « Diss ist die Grosse des Hechts so Kaiser Friderich dièses Namens der ander, mit seiner Hand zum ersten in den JVag zu Laulern gesetzt , und mit solchem Ring bezeichnet hat anno i23oj wurd gen Heidelberg gebracht den 6ien Novembris 1497,- ^^^ ^^ darin gewesen war 267 Jahr.^^ Torques quoque , sive mavis , annulus collaris, œneus et deauratus , cum minusculis annulis circumquaque insertis ( qui etiam hodie in cimeliarcheis palatinis et merilo asservatur) adpictus est et adscriptus „ hoec est forma annuli « quem Lucius gessil in collo ad CCLX VII annos , qui capius anno if^MCCCCXCVII Luirœ ex stagna et Heidelbergam perlatus VI „ novemhris hora posl meridiem secundn, " . 51 0 LIVRE XIX. ÉSOCES. Il faut faire attention qu'elle offre déjà quel- ques variantes avec celle rapportée par Gesner. Il faut aussi remarquer que Crusius attribue à l'empereur Frédéric I.'''^, Barberousse le grand, père de Frédéric II, l'établissement de l'étang de Kaiserslautern. Radevick^ dit aussi positi- vement que ce prince fit bâtir la maison de plaisance de Kaiserslautern, qu'il y forma un étang, le peupla de poissons, etc. Giinther% poète allemand, qui a écrit en vers latins l'his- toire des hauts faits de cet empereur, parle dans son poème ^ du séjour de Frédéric Bar- berousse à son château de Kaiserslautern. Ces différents passages historiques condui- sent à se demander si le brochet pris à Kai- serslautern, et mis le premier dans l'étang par les mains d'un Frédéric, n'y aurait pas été jeté par l'empereur Frédéric Barberousse, contrai- rement à l'indication de l'inscription grecque de l'anneau qui attribue le fait à Frédéric II. Ces incertitudes laissent donc beaucoup de doutes sur la véracité de ce récit, copié depuis dans presque tous les ouvrages d'ich- lliyologie. Elles ont donné lieu aux différentes 1. Rad. apudOttonis episcopi frisigensis cronicon , I, 269; II, 34o. 2. Guntli., Poema de gestis Friderici I. 3. Rursus vangiomun cainpos Luthramqiie redsii , Regalesf/ue sihi quos siruxerat ipse pénates Incoluit CIIAP. I. BROCHETS. 511 versions des naturalistes modernes, selon les auteurs qu'ils ont copiés et les dates qu'ils ont adoptées : ainsi Pennant a suivi Gesner, tandis que M. de Lacépède rapporte à Frédéric Bar- berousse la mise du brochet dans l'étang de Lautern. D'autres voulant concilier ces contradictions apparentes, ont admis, avec M. Hartmann de Saint-Gall, que Lehmann, Crusius et Gesner ignoraient que le brochet représenté dans la for- teresse d'Heilbronn , avait été péché dans le lac de Constance en i6i6. Ces auteurs ont oublié que Gesner est mort en 1 565 et Crusius en 16075 ces deux savans n'ont donc pas pu connaître la pèche de 1616. La relation de Hartmann* prouve seulement que l'expérience, fort incer- taine de Frédéric, aurait été renouvelée. En effet, Bock ^ en a conservé un autre exemple : il rapporte, comme un fait certain, qu'on pécha dans la Meuse, en 1610, un brochet qui avait un anneau de cuivre à l'opercule sur lequel 1. In dem Schlosse Helkbrunn , hey Salzburg, befindet sich das Gemàlde eines sehr grossen Hechis , welcher 1616 zu Constanz am Bodensee, im Rkeîn unter der RheinbriicJc gefangen worden ist , i/nJ 64 Gangfisch im Leibe gehabt hat (Hartmann, Versuch elner Beschreibung des Bodensees , p. i53). 2. Bock , Versuch einer wirthschaftlichen Naturgeschichte von dem Konigreich Ost - und JV^estpreussen , IV, 1618. .^12 LIVRE XIX. ÉSOCES. étaient gravés le nom de la ville de Stavereii et le millésime i44^- Il faut à ce sujet se souvenir, que l'usage de mettre des anneaux aux opercules des poissons avait lieu dans plusieurs contrées de l'Allemagne. En Bohème, quand il naissait un fils dans une famille riche, on semait autre- fois des pépins de poires ou de pommes , on ornait la tête ou la queue des carpes, âgées d'un an , d'anneaux d'or en signe de l'allégresse produite par la naissance d'un héritier. Il me parait très-démontré que, dans tous ces récits il y a de l'exagération; que l'amour du merveilleux a fait grossir les objets, afin de leur donner plus d'importance et d'accroître leur renommée. On a dit que le squelette du grand brochet de Frédéric avait été conservé dans la cathédrale de Mannheim. Un des ana- tomistes les plus célèbres de l'Allemagne m'a assuré que le nombre des vertèbres de ce squelette était si considérable qu'elles ne pro- venaient pas d'un seul et même individu. Cependant on peut encore citer quelques exemples de très -grands ])rochets. Ebert * rapporte qu'en 173g on attrapa, dans le lac Balaton, en Hongrie, un brochet monstrueux 1. Eberl, Nnturkhre, W , ,"182. CHAP. I. BROCHETS. 315 dont la tète était hérissée de mousse, que l'on prit pour des poils. L'animal avait une forme si hideuse, que personne n'en voulut manger, et il fut abandonné aux chiens. Je dois une partie de ces documens que j'ai vérifiés, aux notes recueillies par M. Noël de la Morinière, pour la publication de son His- toire naturelle des pèches si malheureusement restée inachevée. Tous les naturalistes modernes s'accordent à dire que la longévité du brochet est très- grande : Reisinger le fait vivre plus de cent ans. Le brochet multiplie beaucoup j déjà Bald- ner, dans le manuscrit de la bibliothèque de Strasbourg, a écrit qu'il a compté cent qua- rante-huit mille œufs dans une femelle : Bloch approche beaucoup de ce nombre. En France on regarde généralement les œufs de ce pois- son comme malfaisans, et Reisinger dit même que leur ingestion dans l'estomac cause une sorte de choléra. Cependant on les prépare en Russie comme une sorte de caviar, et Bloch dit, qu'en les mêlant avec des sardines, on compose un mets excellent, connu dans la marche de Brandebourg sous le nom de Netzin. Quoique le brochet ne puisse pas vivre hors de feau aussi long-temps que la carpe, il a 514 LIVRE XIX. ÉSOCES. cependant la vie très -dure. Il supporte très- bien, dit-on, l'opération de la castration, et alors il engraisse beaucoup. La chair de ce poisson est ferme et de bon goût, surtout quand il est hors du frai : pen- dant ce temps elle est beaucoup moins bonne. Il nage en serpentant, et souvent avec une grande rapidité; mais il reste aussi pendant fort long-temps dans une complète immobi- lité, surtout pendant la chaleur. Les pêcheurs disent qu'il dort. Cette habitude lui est sou- vent nuisible ; car on le prend alors facilement avec des harpons de formes variées, selon les localités. On le pêche aussi avec différents filets, ou à l'hameçon. En général, il se débat moins dans le filet que la carpe; mais il faut bien s'en méfier si on veut le prendre, car il mord souvent cruellement : ses dents coupent comme des rasoirs. On fait, dans le lac de Cirknitz, en Car- niole, une pêche particulière dont nous n'o- mettrons pas de dire un mot, à cause des circonstances qui l'accompagnent. On sait que les eaux de ce lac s'écoulent cha- que année par des cavités souterraines, et que ce curieux phénomène géologique a lieu vers la première quinzaine de Juillet. Le moment du départ des eaux est une véritable fête pour CHAP. I. BROCHETS. 315 les liabitaiis des villages voisins du lac , à cause de la pèche abondante qu'il procure. On s'aperçoit de la diminution des eaux par l'apparition des sommets inégaux de certains rochers, et l'on s'empresse d'en donner un avis général par le son d'une cloche : on voit alors accourir les hommes et les femmes de tous âges, munis d'un filet attaché à une longue perche. On se hâte d'autant plus que la pèche du lac est défendue pendant tout le reste de l'année; il faut donc profiter du départ des eaux. Les pêcheurs savent, par expérience, qu'un retard de quelques heures peut faire manquer la pèche autour des ou- vertures par lesquelles les eaux du lac trouvent à s'écouler, attendu que les poissons sont eux- mêmes entraînés par la rapidité du courant de l'eau, qui s'engouffre avec fracas dans les entonnoirs par où elle se perd. Presque tous les poissons ont été entraînés quand il n'y a plus que deux brasses de profondeur. Il n'est pas permis à tout paysan carniolais d'y pêcher. Chacune des dix-huit ouvertures du lac appartient à un concessionnaire qui a le droit d'y prendre du poisson, ou qui le vend à plusieurs autres pêcheurs qui jettent chacun à leur tour le filet. Suivant la rétribution donnée par le pêcheur, le fermier cède le 516 LIVRE XIX. ÉSOCES. droit de tendre plusieurs Fois le filet. Quand tous les locataires de la pêche ont fini, toutes les personnes qui se présentent peuvent indis- tinctement fouiller le peu d'eau qui reste et même la vase, où l'on prend encore quelque- fois des poissons assez gros. Des paysans se hasardent à descendre dans l'intérieur des cavités pour y continuer la pêche j mais ils sont bientôt forcés de quitter à cause des écrevisses et des sangsues qui viennent attaquer les jambes nues des pê- cheurs. Parmi les poissons du lac de Girknitz, les brochets sont les plus nombreux et les plus gros : on en prend beaucoup du poids de qua- rante livres. On rapporte que, vers le milieu du xvii.^ siècle, le lac nourrissait un brochet, devenu si imposant par sa taille, qu'on le remettait à l'eau toutes les fois qu'on le prenait; mais, quand les Chartreux eurent acheté le droit de pêche dans le lac, ce doyen de l'espèce ne trouva plus grâce devant eux, et il fut servi sur la table des religieux. ' Sans attribuer au brochet une très-grande finesse du sens de fouie, je rappellerai ici les 1. Noël fie la Morinière, Notes mss. CHAP. T. BROCHETS. 31 7 observations recueillies par Bloch sur la faci- lite d'apprivoiser ce poisson, et de l'habituer, comme nos carpes et autres espèces d'orne- ment de nos viviers, à venir chercher, quand on l'appelle , la nourriture qu'on veut lui donner. On cite entre autres un brochet qui avait été mis dans un des bassins du Louvre, du temps de Charles IX, et qui venait à la voix de l'homme prendre la proie qu'on lui offrait. Ce que j'ai dit plus haut, d'après M. Yarell, montre quel avantage on peut tirer de ce poisson dans l'accroissement des richesses à tirer d'un grand étang bien empoissonné. Le brochet offre cet avantage qu'il se développe bien dans les eaux ombragées ou froides, où les carpes ne prospèrent pas bien. Il est bon d'avoir du brochet dans un grand étang où il y a beaucoup d'ables, et en général de blan- chailles, parce qu'il en détruit beaucoup ; mais il ne faut pas croire qu'il soit utile de tenir beaucoup de ce poisson destructeur dans un étang où l'on veut élever des carpes pour en accroître le profit du propriétaire. Le brochet détruit l'alevin des carpes, blesse souvent les grosses qu'il ne peut pas toujours avaler^ il les tourmente par une chasse continuelle et il les empêche d'engraisser. A moins d'avoir des 318 LIVRE XIX. ÉSOCES. pièces d'eau d'une immense étendue , telles que celles d'Angleterre , il faut détruire le brochet dans un petit étang, comme un car- nassier dangereux. On conçoit qu'un poisson aussi commun, aussi utile , aussi grand , soit connu par un nom particulier dans chaque langue. On sait que les Allemands l'appellent Heclit, en dé- signant par des épithètes particulières les in- dividus de différentes tailles ou ceux pris à diverses époques de l'année. En Anglais c'est Pikey pour les adultes, et Pikerill quand ils sont petits. A ces noms , presque vulgaires en Europe , j'indiquerai ceux des autres contrées. Les Suédois disent Giàdda^ d'après le Fauna suecicaj ou Gàdda, suivant MM. Nilsson, Fries et Ekstrom. Ce dernier auteur ajoute que les jeunes se nomment Gdddslinska ou Gàddîyna. Les Danois ont une dénomination fort voisine : on trouve dans Miiller Giedde^ et le prince royal de Danemarck a écrit dans son catalogue Gede et Gei. M. Reisinger le dit nommé en hongrois Kôrônséges; mais Pallas le nomme , chez ces mêmes peuples, Csùka^ nom assez rapproché de celui des Russes , qui est ScJits- chûka, et des peuples slaves de Rasca , qui est Stukha. Chez les Tartares de Casan ou l'appelle Tschortauj chez les Raschkirs, Sortant chez CHAP. I. BROCHETS. 319 les peuples de Jacut, Soj^don, quand il est adulte, et Sordochai quand on parle d'un brocheton. Pallas ajoute encore les noms de Zuruchai en Mongolie ; de Tschurochai pour les Burètes; de Tschéri à Perm; de Zibé ^owx les Votiaks; de Sart pour les Ostiaks et les Vogouls; de Pûrro ou de Djoedalle pour les Samoïèdes; de TuVzi^œ à Tawiskoï; àe Pjtscha pour les Ostiaks de Laak. Plusieurs autres noms des peuplades de la steppe des Tungouses sont encore cités par Pallas, ils montrent l'abon- dance du brochet dans les eaux de toute la Russie asiatique sibérienne. Le brochet est sujet à des maladies assez fréquentes. Nous en avons conservé un qui avait le fond de la couleur d'un blanc pâle très-remarquable, et le corps tout couvert de taches rouges : les pêcheurs donnent à cette maladie le nom de petite vérole, et leur com- paraison est assez juste; car rien ne ressemble plus à la couleur d'un variole dans les premiers jours de l'invasion, que ces poissons ainsi ta- chetés. Cet individu avait été pris en seine à l'automne. M: G. L. Hartmann ', de Zurich, qui a tou- jours eu soin de tenir note des épizooties ob- 1. Ichthyol. helv. , p. iG8, 1827. 320 LIVRE XIX. ÉSOCES. servëes dans les poissons, et qui regarde avec raison que les observations faites sur les mala- dies d'un animal complètent son Histoire na- turelle, quand elles sont rédigées avec critique et exactitude, rapporte plusieurs faits de mala- dies qui auraient sévi sur les l^rochets du lac des Quatre cantons en 1790, surtout dans les enviions du village de Fltilen. Une autre épi- zootie, antérieure à celle-ci, a frappé le lac de Constance, et surtout finférieur, en 1777. Les poissons morts venaient flotter sur l'eau; ils se gâtaient promptement. J'ai été témoin, en 1822, d'une épizootie sur les poissons, et principalement sur les brochets de l'étang de Saint -Gratien, près d'Enghien, dans la vallée de Montmorency. La surface du lac était couverte de poissons morts ou mourans : les brochets avaient le corps cou- vert de taches rouges ; je les aurais pris de loin pour des Saumons bécards {Salmo lia- matus, nob.), si je n'avais fait attention qu'à la couleur du corps. Les perches, les carpes et les autres cyprins du lac furent aussi atteints; mais en bien moins grand nombre que les brochets. Je passais alors tous mes instans à Épinay dans la maison de M. de Lacépède, dont j'étais laide-naturaliste. J'ai vu vendre ces poissons à très-bon compte ; ils furent emportés par les CHAP. I. BROCHETS. 52'l nombreux habitans de celte vallée si peuplée et d'une culture si riante. Je n'ai pas entendu porter la moindre plainte sur les suites de cette alimentation. Cette observation se rap- porte tout-à-rait à celles de Hartmann. Mon célèbre confrère et ami, M. Rayer, a recueilli déjà ces notes dans son savant Mémoire sur les maladies des poissons/ Outre ce genre de maladies encore mal déterminées, le brochet est tourmenté par de nombreux parasites, et il fait vivre plusieurs helminthes. Bloch a laissé quelques faits à ce sujet, et ils ont été réunis en plus grand nombre par Rudolphi^ Ce savant helmintho- logiste cite dix espèces dentozoaires de genres divers, et quelques autres cystoïdes douteux trouvés dans notre poisson ; des cucullans , des ascarides, des échinorhynques, des dis- tomes, des trisenophores y sont souvent ob- servés. Pallas a signalé une très- belle variété de ce poisson, qui est peut-être d'une espèce distincte. Il dit^ qu'il a vu dans l'Onone et les autres fleuves à fond pierreux et rocheux 1. Rajer, Arch. de méd. coinp. , t. I, p. 268. 2. Rudolphi, Syn. ent., p. 782. 3. Faun. ross. asiat. , vol. III, p. 307. 18. 2 1 322 LIVRE XIX. ÉSOCES. de la Daourie, un brochet semblable au notre par sa forme et son aspect général, dont le dos était brun, les flancs étaient couverts, sur un fond cendré et argenté, de taches nom- breuses, égales, arrondies, noirâtres, semées sans ordre; le ventre seul et le dessus de la tête étaient blanc de neige. Les nageoires étaient variées de lignes semblables à des caractères effacées ; la dorsale et l'anale avaient la longueur des lobes de la caudale fourchue. Voici les nombres pris dans le célèbre ouvrage de ce grand naturaliste. D. 14j A. 14; C ; P. 12; V. 10. Ils sont assez différents de ceux des nageoires de notre brochet, pour faire croire à une distinction spécifique. Il est fâcheux que de nouveaux renseigne- mens ne soient pas venus s'ajouter à la trop courte description faite pendant le voyage de Pallas. M, Tilésius a mis une note fort extraordi- naire à l'article de XEsox luciiis du Fainia rosso-asiatica. 11 dit avoir vu prendre plu- sieurs fois, en 1806 et en 1807, à Pétersbourg, dans la Neva, des brochets avec un barbillon sous la mâchoire inférieure, comme le Gadus callarias ou le dorsch. Il paraît qu'il n'a pas conservé d'exemplaires d'une aussi considérable variété. Il en avait fait faire un dessin, pour CHAP. I. BROCHETS. 325 que son ami, M. SevastianofF, habile zoologiste russe, connu par plusieurs mémoires sur les poissons de la mer des Indes, et, entre autres, sur les gomphoses, fût en état de déterminer ces brochets barbus, que ni lui ni aucun autre zoologiste n'ont reviis après lui. Il me parait hors de doute qu'il y a eu quelque méprise. Le Brochet austral. {Esooc australis , nob.) On conserve depuis long- temps, dans le Cabinet du Roi',- un brochet qui provient du voyage de Përon : il ressemble tellement à celui de nos rivières, que j'ai hésité long- temps à le considérer comme d'une espèce distincte. Cependant, en le comparant à un brochet de même taille de notre pays, je lui trouve les différences suivantes : Le corps du brochet austral est beaucoup plus trapu et plus haut; la hauteur est contenue six fois dans la longueur totale : elle y est sept fois dans celui d'Europe. La têie est comprise trois fois et trois quarts dans le brochet antarctique, et elle est quatre fois dans celui d'Europe. Les écailles du pre- mier sont un peu plus grandes; je n'en compte que cent rangées entre l'ouïe et laicaudale; les branches de la mâchoire, et surtout de l'inférieure, parais- sent plus larges. Cet ensemble de différences légères 524 LIVRE XIX. ÉSOCES. donne à ce poisson une physionomie différente de celle du brochet de nos eaux douces. Les nombres des rayons des nageoires sont les mêmes; mais la caudale de l'étranger me paraît un peu moins échancrée. Les marques que Pérou a mises sur sou poisson sont celles qui indiquent la terre de Diémen pour patrie des animaux ainsi dési- gnés. Nous n'avons, d'ailletirs, aucunes autres notes sur cet intéressant poisson. L'individu, long d'un pied six lignes, est conservé dans les galeries depuis i8o3. Le CROCHET ESTOR. {Esox eslor,ljes\xe\xv.^) Les eaux douces de l'Amérique septentrio- nale nourrissent des brochets d'espèces diffé- rentes de celles d'Europe. M. Lesueur en a distingué plusieurs, et a envoyé les trois sui- vantes au Muséum d'histoire naturelle. L'une d'elles a, comme notre brochet d'Europe, le bas de l'opercule et le sous-opercule nus et sans écailles; mais elle a les dents, et surtout celles de la mâchoire inférieure, beaucoup plus grandes : en les examinant en détail, on trouve encore les différences 1. Journ. se. nat. of Phil. , vol. I, p. 4 13; 1818. CHAP. I. BROCHETS. 325 suivantes : les dents de la rangée interne des pala- tins et celles* des mâchoires sont plus grosses; les antérieures sont surtout très -fortes. Je remarque celles du chevron du vomer, à cause de leur gran- deur, mais celles du corps de l'os sont implantées sur une bande beaucoup plus étroite- les dents avancent aussi davantage sur la langue. D. 21; A. 20, etc. Je compte sur mon individu desséché cent trente- cinq rangées d'écaillés le long du corps. Un grand nombre sont échancrées; les couleurs ressemblent beaucoup à celles de notre brochet. M. Richardson porte le nombre des e'cailles de la ligne latérale à cent soixante -deux, et en trouve quarante-cinq rangées dans la hauteur. Notre individu a deux pieds deux pouces : il vient du lac Érié j on en prend de trois pieds et davantage. La description de cette espèce a paru dans le Journal des sciences de Philadelphie (loc. cit.). Les noms qu'on lui donne comniunëment sont ceux de pike ou de pickerell, d'origine anglaise, et de maskallon^e pour les Indiens; mais que M. Richardson écrit maskinon^é , et M. Dekay, niuskellun^é. M. le docteur Richardson a observé dans le lac Huron, avec le brochçt ordinaire, cette espèce américaine. Ce célèbre voyageur l'a rapportée de Penetanguishem, sur les bords 326 LIVRE XIX. ÉSOCES. du grand lac, où il est plus rare que dans le lac Erié et les autres grands étangs du sud du Canada. Il ne l'a pas rencontrée dans les ri- vières qui versent leurs eaux dans la baie d'Hudson ou dans la mer Polaire. Un observateur canadien, M. Todd, lui a dit que, pendant la saison du frai, l'Estor remonte dans les rivières afïïuentes du lac Simkoe, où il se nourrit de poissons et de petites boules vertes et gélatineuses, qui se forment et se développent sous l'eau. Ce brochet atteint au poids de vingt-huit livres : on le préfère, pour la table, à l'espèce ordinaire {commun pike). Je ne sais pas si, par cette expression , M. Richardson entend le brochet d'Europe, ou s'il veut parler du com- mun pike des Américains : ce serait alors à Yesojc reticulatus qu'il aurait comparé cet esox estor. Je crois cependant qu'on a pensé à Vesoa: lucius. M. le docteur Dekay ' cite aussi cette espèce dans sa Faune de New-York : il indique , en synonymie, une description du docteur Mit- chill, de 1824, sous le nom d'esojc masf/ui- nou^j. Outre les lacs Érié ouHuron, M. Dekay sait qu'on trouve aussi ce brochet à Monte- 1. Dckaj, Faun. JSe^v-York, t. Ili, p. 222. CHAP. I. BROCHETS. 327 zuma, dans la contrée de Cayuga, et il dit, d'après M. Rirtland, que les individus des eaux occidentales sont préférables, à cause de l'ex- cellente qualité de leur chair. Le Brochet réticulé. {Esooc reticulatus , iMSweuY.'^) Une seconde espèce ressemble encore plus à l'espèce européenne que la précédente, parce qu'elle a les dents à peu près de même gros- seur; cependant la bande vomérienne est plus étroite : elle s'en distingue encore par un caractère extérieur facile à saisir et plus important; c'est que l'opercule et le sous-opercule sont entièrement recouverts d'é- cailles; celles du corps sont en même nombre que sur notre brochet. J'en compte cent vingt rangées. D. 13; A. 17, etc. Le dos est vert-noirâtre très-foncé ; le ventre blanc- jaunâtre, et la couleur rembrunie du dos descend en une sorte de réseau ou de mailles sur les côtés. Un large trait noir va du bord inférieur de l'orbite sur la joue, en passant près de l'articulation de la mâchoire inférieure. Le plus grand de nos individus est long de deux pieds. M. Lesueur les a envoyés du marché de Philadelphie, où ils paraissent depuis Mars jusqu'en Octobre. 1. Journ. se. of jihiL , t. I, i8i8, p. 4i4> »•" 2. 328 LIVRE XIX. ÉSOCES. Il avait été péché dans la rivière de Gon- necticut : on y en prend du poids de sept livres. M. Lesueur a cru que le docteur Mit- chill avait parlé de cette espèce sous le nom d'esojc liicius'j mais celui-ci se rapporte à un autre brochet, dont nous traiterons tout à l'heure. Nous en avons reçu un autre exemplaire, envoyé de Charleston (Caroline du sud), par M. le docteur Ravenell. Suivant M. Storer', ce poisson, un des plus beaux de l'État de Massachusets , est connu sous le nom de pikei^ell 11 peuple les étangs et les rivières, et est très-estimé pour la table. M. Dekay ^ le compte aussi parmi les espèces de la Faune de New-York. Il lui donne une longueur de trois pieds. Ou le pèche pendant toute l'année; mais il est plus estimé pendant l'hiver dans l'État de New-York. Cet auteur croit que l'espèce est commune dans les États de l'est et du centre de la répubUque de l'Amérique du nord, et qu'on la trouve aussi dans rOhio; mais il ne pense pas qu'elle gagne les grands lacs des contrées septentrionales. Il a regardé le brochet du lac Sarratoga, 1. Reports of fish. of Massachusets , p. 97. 2. Dekaj, Faun. Neti'-York, t. 111, p. 225, pi. 34, fig. 107. CHAP. I. BROCHETS. 32Î) décrit par M. Lesueur sous le nom d'esojc nigery comme une variété de cet esox reticu- latus. Dans mon opinion , il faut rapporter à un autre ésoce cette espèce nominale, ainsi qu'on va le voir dans Farticle suivant : J'observe encore que M. Dekay ' a cru de- voir considérer, comme pouvant être une variété de cette espèce, celle que le docteur Mitchill se proposait de nommer esox trede- cini radiatuSy ou the fedej^ation pike, parce qu'il n'aurait cru y trouver que treize rayons à l'anale comme à la dorsale. Je suivrai l'avis de M. Dekay, parce que je compte plus sur l'exactitude de ce naturaliste que sur celle de Mitchill. Le Brochet américain. {Esox americanus , Lacép.; Esooc iiiger, Lesueur.-) Notre zélé compatriote a encore envoyé une troisième espèce, qu'il a cru nouvelle. Elle avait été déjà indiquée par Schœpt', vue par M. Bosc, et nommée par M. de Lacépède. Ce brochet a l'opercule et le sous- opercule écail- leux comme le précédent, mais la dorsale et l'anale ont beaucoup moins de rayons. 1. Dekaj, Faun. Nen>-York, t. III, p. 225. 2. Journal des se. nal. Phil., t. I^ p. 4»5. 330 LIVRE XIX. ÉSOCES. D. 13; A. 11. Outre cette différence dans le nombre des rayons, il en existe encore une autre dans les écailles. J'en compte le même nombre de rangées qu'à notre brochet; mais celles-ci ont une carène longitudi- nale, ce qui forme douze à quinze séries de lignes relevées qui caractérisent bien cette espèce; les écailles du ventre sont lisses. Les couleurs diffèrent aussi; car le dos est noir ou d'un vert-bouteille tellement foncé, qu'il paraît de la première teinte; des traits verticaux en grand nombre, descendent sur la couleur pâle ou blanche des côtés et du ventre , et dessinent des rayures qui donnent à ce poisson un aspect tout différent de celui du brochet réticulé. Il a aussi le trait noir sous l'oeil. Ce poisson vient du lac Sanatoga. M. Le- sueur en a retrouvé d'autres à Franklin-Mine, dans l'État de New-Jersey. L'individu est petit : il n'a que sept pouces et demi. Nous en avons reçu trois autres de même taille par M. Milbert. J'ai tout lieu de croire que j'ai sous les yeux l'espèce indiquée par Scliœpf ', comme notre brochet, et dont Gmelin fit la variété ^ de Vesojc lucius. Lacépède la nomme Brochet américain, Esox aniericanus. Je m'étonne que ce célèbre 1. Schœpf, Naturf., lom. 20, p. 26. CHAP. I. BROCHETS. 331 ichlliyologiste n'ait pas fait usage d'une des- cription, accompagnée d'un dessin fort recon- naissable, que M. Bosc lui avait confiée; car je l'ai retrouvée dans les papiers que je dois à son amitié. Voici les nombres indiqués par M. Bosc. B. 13j D. 12; A. 12; C. 20; P. 13; V. 8. Ils se rapprochent beaucoup de ceux que nous avons comptés. La couleur est indiquée : brune sur le dos, grisâtre sur les côtes et blanche sous le ventre; de nom- breuses raies plus ou moins foncées descendent du dos sur les flancs, en se dirigeant obliquement vers la partie antérieure. ^ Enfin, ce naturaliste ajoute que son poisson est extrêmement voisin de notre brochet d'Eu- rope et qu'il en a toutes les habitudes. Il vit abondamment dans toutes les rivières de la Caroline, où il acquiert une grandeur consi- dérable. Sa chair est peu différente de celle du brochet commun : elle est fort estimée. M. Lesueur l'a pris aussi dans l'État de la Caroline du sud, et croyant l'espèce nouvelle, il l'a nommée Esox ni^ery parce qu'il a en- tendu les pécheurs lui donner le nom de Black pike. Ce que nous avons dit plus haut, explic[ue pourquoi nous n'avons pas conservé cette 332 LIVRE XIX. ÉSOCES. nouvelle dénomination , qui ne doit plus pren- dre rang que parmi les synonymes de cette espèce. Je trouve dans les notes de cet habile na- turaliste, qu'il Ta vue aussi dans la rivière Cumberland. Cette espèce n'est pas indiquée par M. Storer dans son travail sur les poissons du Massachu- sets; mais elle est commune et abondante dans l'État de New-York. Déjà le docteur Mit- chill', dans son Mémoire sur les poissons de New-York, la considère comme de la même sorte que \Esox liicius, et la publie sous ce n§m, malgré la différence du nombre des rayons et la diversité des couleurs. M. Dekay, s'étant trompé sur \esox niger de M. Lesueur, a donné l'espèce décrite dans cet article sous un nom nouveau, esox fas- ciatus^y et sa figure confirme, par son élégance et sa correcte exactitude, le rapprochement déduit de la lecture de la description. Les individus de cette espèce ne paraissent pas devenir aussi grands que ceux des pré- cédentes ; ils sont très-communs dans les étangs et les rivières de Long-Island. L'auteur de la 1. Mitchill, Fish. of New-York, Trans. philos, of Nciv-York, t. I, i8i4 j p- 44o. 2. Dekaj, Faun. New-York, t. Ul, p. 224, pi- 34, %• »io. CHAP. I. BROCHETS. 333 Faune de New-York croit que le docteur Mit- clîill avait le projet de nommer ce poisson Esojc scomherius. Il est fort heureux que ce me'moire supplémentaire des poissons de New- York n'ait pas reçu une plus grande publicité : il aurait encore augmenté la confusion de toutes ces synonymies. Le Brochet a collier. {Esox phaleratiLS, SayJ) M. Lesueur a terminé le mémoire descriptif de ses nouvelles espèces de brochet par une simple note sur un de ces poissons, nommé par M. Say Esox phaleratus ; parce qu'il a le corps brun avec une bande fauve sur les vertèbres, et trois ou quatre fascies lousses. M. Say a découvert cette espèce dans une excursion de Piccolata à Saint- Augustin, dans l'est des Florides. Le pays était encore inondé en partie, et Tindividu a été trouvé sur la route desséchée après le retrait des eaux. Le Brochet vermiculé. {Esooc vermiculatus y Lesueur, mss.) Après ces espèces américaines que j'ai exa- 1. Saj a;07/c? Lesueur , Journ. se. ofPhiL, vol. i , p. 4i6, n.° 4- 334 LIVRE XIX. ÉSOCES. minées et comparées entre elles et avec notre brochet européen, je trouve clans les notes que M. Lesueur a communiquées au Jardin du Roi^ la description de plusieurs autres espèces, que je vais indiquer d'après ce voya- geur. Il a décrit sous le nom placé en tête de cet article , Un ésoce distingué de VEso.v reliculaius , avec le- quel il a plus de rapports qu'avec notre Eso.v ame- ricanus (Esoa: niger, Lesueur), à cause de la dis- position des bandes, qui sont étroites, sinueuses et U'ansversales. Une bande noire de chaque côté du museau se termine en avant de l'œil; une autre, transverse, part du bord inférieur de l'orbite et des- cend obliquement vers les rayons branchiostèges. Le fond général de la couleur est d'un noirâtre olive, passant au jaunâtre sur les flancs, la gorge et l'abdo- men. Le dessous de la queue est blanc; la pectorale est jaime pâle; la ventrale rougeâtre; la dorsale brune, mêlée de roussâtre; l'anale et la caudale de cette dernière couleur seulement; le lobe supérieur de celle-ci est plus brun; les bandes ou les raies du corps et de la queue ont des teintes bleues. Les femelles se reconnaissent à leur ventre plus gros et à leurs vermiculations plus étroites et plus serrées : elles n'ont aussi que la seule bande verticale sous l'œil; la forme générale est d'ailleurs semblable à celle de notre brochet. D. 16; A. 13; C. 19%, etc. CHAP. I. BROCHETS. 355 M. Lesueur a observé cette espèce dans les petits Creeks qui communiquent avec le Wa- bash : les individus avaient de huit à dix pouces; mais il croit qu'ils deviennent beau- coup plus grands. Le Brochet rayé. {Esooc lineatus y Lesueur, rass.) M. Lesueur a observé dans les bas- fonds où les eaux séjournent après la crue du Wa- bash, des petits individus du genre Esox, de trois à quatre pouces de longueur, dont les couleurs difFèrent des précédens. Le dessus de la tête et du dos, presque au tiers de la longueur du corps, est d'un brun inégal ou nuageux, et sur ce fond ressort une bande jaune satinée assez brillante, qui passe à travers les yeux. Sur le dos on voit une ligne d'une faible teinte oli- vâtre, la gorge, l'abdomen et le dessous de la queue sont blancs; il y a une tache à la base des rayons de la caudale. M. Lesueur a vu ces individus au commen- cement de Mai de l'année 1827; puis il en a trouvé des variétés, remarquables par des taches claires, éparses sur le dos. Vers la fin du même mois, notre voyageur a eu occasion d'en ren- contrer un autre individu, semblable, pour les teintes et les raies, et du double plus grand. 336 LIVRE XTX. ÉSOCES. Il a pensé que la constance de ces couleurs se répétant sur des individus de tailles assez variées, devenait un caractère spécifique, et il en avait tiré le nom spécifique de poisson, en écrivant dans ses notes Esox fasciatus. J'ai rappelé plus haut que M. Dekay a publié sous ce nom une autre espèce. Quoiqu'on ne puisse pas conserver ce nom , j'ai cru devoir changer l'épithète de M. Lesueur en celle mise en tête de cet article, afin d'éviter toute source de confusion. Le Brochet depraude. {Esox depraudus y Lesueur, mss.) Ce brochet a le corps court et moins élancé que celui de \esox est or ou de \esox reti- culatus. La lête et le museau paraissent pointus; la mâ- choire inférieure dépasse la supérieure et est un peu relevée; la gueule est armée de fortes dents comme les autres brochets; les yeux sont grands et proémi- nens; l'opercule a des stries rayonnantes, de forme quadrangulaire; il surmonte un sous-opercule étroit et droit; l'interopercule est petit et il a ses bords ondulés; le préopercule est grand et arqué; les pec- torales sont larges et ovales; la dorsale assez haute et placée un peu plus avant que l'anale, d'ailleurs plus petite; la caudale est très-courte et légèrement échancrée; les écailles sont petites, avec une légère CHÂP. I. BROCHETS. 337 dépression en V. Celte dépression est d'un brillant métallique, et reflète l'argent et des couleurs irisées qui donnent un très- bel aspect à ce poisson. Il y a des écailles sur les opercules. Voici les nombres tels que M. Lesueur les a comptés. B. 16; D. 22; A. 21; C. 19-'/„; P. 18; V. 10. La couleur est d'un vert brunâtre foncé sur le dessus du corps, et passant au gris clair et cendré, à reflets verdâtres sur les cotés; le ventre est blan- châtre; de nombreuses taches oblongues, alongées ou rondes, plus ou moins régulières et pressées entre elles, forment des sortes de bandes longitudinales sur le corps; les nageoires, rouges ou orangées, sont couvertes de taches noires. C'est un beau et grand poisson, qui paraît rare dans le Wabash; car M. Lesueur n'en a vu que le seul individu dessine et décrit pen- dant son séjour sur les bords de cette rivière. Il a été pris au mois de Novembre par M. More-Fount Leroy, qui le porta à M. Lesueur lors de la visite qu'il lui fit à New-Harmony. Je paie, au nom de notre voyageur, le tribut de la gratitude des naturalistes pour la libéra- lité avec laquelle le propriétaire américain a communiqué ce beau poisson à M. Lesueur. Je dois faire remarquer ici qu'à l'époque où M. le D.'^ Richardson nous envoya, au retour de l'expédition du capitaine Franklin, l8. 22 538 LIVRE XIX. ÉSOCES. les poissons ramassés dans ce pénible voyage, je ne connaissais, ainsi que M. Cuvier, que \esojc reticulatus de Lesueur, et que nous le distinguions de notre brochet d'Europe, parce que celui-ci a le bas de l'opercule nu. Depuis que l'on a reconnu l'existence de ce caractère dans plusieurs autres espèces américaines, je vois qu'il faut tenir compte d'autres caractères, et en comparant cette description avec celle du D.'^ Richardson , donnée sous le nom ô^Esox estoj^y je crois que l'on pourrait reconnaître dans le poisson du lac Huron plus d'affinité et de ressemblance même avec ïesox depraudus qu'avec \esox estor. Les nombres sont les mêmes; les écailles sont très-petites, puisque M. Richardson en compte cent soixante-deux rangées longitudinales; le corps est très-bril- lant. C'est donc un point qui reste encore à examiner maintenant, afin de rectifier peut- être la détermination que nous avons nous- même donnée à M. le D.' Richardson. Le Rrochet rembruni. {Esox lugubrosus, Lesueur, mss.) Enfin, je trouve encore dans les notes de M. Lesueur, la description d'un brochet qui me paraît très-voisin du précédent. Cependant il en diffère. CHAP. I. BROCHETS. 559 M. Lesueur dit que cette espèce est dis- tincte, parce que sa tête est plus courte et que sa queue est plus longue; les couleurs aussi ne permettent pas de les confondre. On trouve ce poisson dans les eaux qui coulent sur le calcaire secondaire des monta- gnes du district de Cumberland , à Crabb- orcher [FFhite countj) : la description a été faite sur un individu empaillé, long de deux pieds onze pouces, conservé dans le cabinet de M. Troost, professeur de minéralogie et de chimie au collège de Nashville (Etats de Tenessée), et qui a enrichi la science de ses belles observations sur les ortlioceras et sur les genres voisins. L'espèce devient plus grande et dépasse quatre pieds. 540 LIVRE XIX. ÉSOCES. CHAPITRE 11. Des Galaxies. Le genre Galaxie est une création de M. Guvier; il l'a établi sur un petit poisson, rap- porté de la Nouvelle-Hollande par MM. Pérou et Lesueur, et qui y a été ensuite retrouvé par MM. Quoy et Gaimard. Ces deux chirur- giens de la marine royale nous apprirent que le poisson de Pérou vivait dans les eaux douces de la terre de Van-Diemen. L'auteur du Règne animal caractérisa ce nouveau genre par une bouche peu tendue, par la présence de dents pointues et médiocres aux palatins, aux deux mâchoires, par quelques fortes dents crochues sur la langue, et enfin par un corps sans écailles apparentes. Cette dernière partie du caractère ne me semble pas assez nette, car il n'existe aucune écaille sur toutes les espèces que j'ai vues. La peau est tout-à-fait nue; les écailles ne sont pas cachées sous une mucosité épaisse comme celles de l'anguille. Les intermaxillaires sont courts et n'atteignent pas l'angle de la bouche ; ils portent une lèvre épaisse, charnue, qui dépasse l'os et cache la partie inférieure du maxillaire : c'est ce qui a fait dire à M. Cuvier CHAP. II. GALAXIES. 341 que le bord supérieur de la bouche est pres- que en entier forme par l'intermaxillaire. On ne saurait dire cependant que le maxillaire, caché sous le bord du sous-orbitaire quand la bouche est fermée, ne contril:)ue pas à bor- der l'ouverture orale. La disposition des os de la mâchoire supérieure des Galaxies est intermédiaire entre la structure de la bouche des cyprins et celle des trois familles d'abdo- minaux dont il nous reste à parler. Les Galaxies ont d'ailleurs la dorsale reculée sur le dos de la queue et opposée à l'anale. Les rayons supplémentaires de la caudale sont cachés dans l'épaisseur de la peau. Les intes- tins sont semblables à ceux des brochets. Gomme eux , ces poissons vivent dans les eaux douces : c'est du moins le cas des espèces observées à la Nouvelle- Hollande ou à la Nouvelle-Zélande. MM. Lesson et Garnot en ont trouvé une espèce sur les bords de la mer des Malouines, parmi les galets et les touffes de fucus. Une espèce de ce genre a été découverte et parfaitement décrite par Forster à fépoque où le capitaine Cook, dans sa grande circum- navigation, aborda, en 1773, à la Nouvelle- Zélande. Sa description, publiée par Bloch, ne fut reconnue qu'à l'époque où M. Cuvier S42 LIVRE XIX. ÉSOCES. détermina le poisson rapporté par Péron. Notre grand zoologiste le nomma Esox trut- taceus, en ajoutant que c'était peut-être \Esox argenteus de Forster. Il a été plus positif dans la seconde édition du Règne animal, en dis- tinguant dans le genre Galaxie son Esox truttaceus de Y Esox alepidotus de Forster. Nous venons de voir avec quels matériaux M. Cuvier a établi le genre dont je traite dans ce chapitre. M. Jennyns en a retrouvé trois espèces dans les collections faites par M. Darwin pendant la campagne du Beagle. Frappé avec beaucoup de raison de la ressemblance qui existe entre ces abdominaux et les fundules ou les pœcilies, il considéra ces petits poissons d'eau douce comme de la grande famille des cyprin oïdes de M. Cuvier. Il ne songea pas à retrouver dans ces petits malacoplérygiens des représentans du genre Galaxie, laissé par cet auteur dans les ésoces : c'est Fexplication naturelle de rétablissement de son genre Mé- sites *. M. Jennyns en a exposé les caractères avec lucidité, en a saisi les rapports et les affinités avec la plus grande justesse. Je crois seulement qu'il a exagéré un peu l'importance des intermaxillaires dans la structure de la 1. Jtiinjiis Zool. of ihe l'oj. ofihe Bengale fis h. , p. 118. CHAP. II. GALAXIES. 343 bouche. Les intermaxillaires sont plus courts que ceux des cyprinoïdes. C'est la lèvre, seule détachée d'eux, qui semble, par son épais- seur, continuer Tos jusqu'à l'extrémité du maxil- laire. D'ailleurs, je répète que je regarde les cyprinoïdes liés presque insensiblement à la fa- mille des ésoces. M. Millier a vu, comme moi, et contraire- ment au sentiment de M. Jennyns, que la galaxie na pas tout le bord de la bouche formé par l'intermaxillaire seul. A cause de la parti- cularité des organes génitaux, le célèbre ana- tomiste de Berlin incline à rapprocher ce genre de la famille des salmones, distincts cependant par d'autres caractères encore que par ceux mentionnés dans le Mémoire sur la classification des poissons. M. Miiller, ne trou- vant pas la réunion des galaxies aux ésoces, conforme à sa manière de voir, en fait une famille distincte. J'ai déjà dit que je ne jugeais pas cette séparation fondée sur des caractères assez t^anchés. A Fépoque de la publication de la grande et belle édition du Règne animal, ornée de planches, nous étions occupés de la rédaction des premières familles traitées dans notre ïch- thyologie, et nous n'avions pas encore étudié avec détail les nombreux poissons réunis dans 344 LIVRE XIX. ÉSOCES. les Cabinets du Roi, à la suite des expéditions de MM. Duperrey ou Dumont d'Ui ville. C'est la raison pour laquelle le poisson , figure dans cet atlas pour représenter une Ga- laxie, étant encore confondu avec Vesojc trut- taceus, a été ainsi nommé, quoiqu'il soit de l'espèce que nous connaissons aujourd'hui pour le Misetes attenuatus de M. Jennyns; il faudra donc changer cette détermination. Je viens de faire aujourd'hui l'étude spéciale de ce genre : j'ai découvert plusieurs espèces nouvelles, que je publierai successivement avec celles, dont la description n'avait pas encore été écrite selon notre méthode. La Galaxie trtjitée. {Galaocias truitaceus , Cuv.) Si l'on ne peut dire que le Galaxias trut- taceiis soit la première espèce connue de ce genre , puisque déjà Forster avait observé l'une de celles qui peuplent les eaux douces de la Nouvelle-Zélande, on doit regarder que la Galaxie truitée a été la première espèce rapportée d'une manière positive à ce genre; car il a été établi d'après elle. Depuis Pérou, MM. Quoy et.Gaimard l'ont retrouvée à la terre de Van-Diemen. CHAP. II. GALAXIES. 345 La forme arrondie du corps et la disposition des taches font ressembler ce poisson à une petite truite. Le museau est gros et rond ; les deux mâchoires sont à peu près égales, cependant l'inférieure semble terminée par un petit tubercule ou crochet mou, qui rappelle encore la conformation des truites. La longueur de la tête est comprise quatre fois dans la distance du bout du museau à l'insertion de la cau- dale; laquelle est contenue sept fois et demie dans la longueur totale. L'œil, gros et saillant sur les côtés, • a un diamètre égal au quart de la longueur de la tète, il est éloigné du bout du nez d'une fois son dia- mètre. Le sous-orbilaire et les pièces operculaires sont cachés sous la peau nue de tout le poisson. Je ne vois qu'un seul sous-orbitaire, situé au-devant de l'œil, et recouvrant en partie le maxillaire. Il y a deux gros pores sur le bord antérieur; deux autres à l'articulation de la mâchoire inférieure; quatre sur une ligne verticale le long du bord montant du préopercule; deux sur le devant du nez, et cinq au-dessus de chaque œil. La narine antérieure est percée dans une petite papille tubulaire; les deux intermaxillaires, la mâchoire inférieure, les deux palatins et la langue portent des dents ; elles sont simples, coniques, acérées, un peu courbées. Les quatre premières delà langue sont les plus longues, et forment quatre crochets assez forts; il y en a cinq de chaque côté; celles des palatins, sur un seul rang, sont implantées sur le bord interne près du vomer, qui n'en a aucune. Chaque palatin a sept dénis coniques. La dorsale est toul-à-fait reculée 346 ■ LIVRE XIX. ÉSOCES. sur le dos de la queue, opposée à l'anale; ces deux nageoires sont arrondies; la seconde est un peu plus large que la première. La caudale est coupée carré- ment; la pectorale est elliptique; la ventrale est triangulaire. B. 9; D. 11; A. 14j C. 17; P. 14; V. 7. La couleur de nos individus , conservés dans l'alcool, est un roussâtre plus ou moins foncé, semé de points ronds noirs, disposés par bandes verticales plus ou moins régulières, entre lesquels on voit des points plus petits, et enfin, un sablé pigmen- taire noirâtre très-fin. La dorsale, l'anale et les ven- trales sont bordées de noir. D'après le dessin frais que M. Quoy a eu la bonté de nous communiquer, le dos est gris verdâtre; les flancs jaunâtres; le ventre pâle; les nageoires, roussâtres, sont bordées de n6ir. Une bande de cette couleur traverse la queue près des insertions de la caudale. Les gros points sont des ocelles bleus, entourés d'un cercle de cette cou- leur. La lèvre supérieure est noire. L'individu de Péron est long de quatre pouces et quatre lignes. Ceux de M. Quoy n'ont que trois pouces à trois pouces et demi. Péron et Lesueur n'ont laissé aucune note sur ce poisson, qui vit, selon M. Quoy, dans les eaux douces de la terre de Van-Diemen. CHAP. II. GALAXIES. 34!^ La Galaxie écriture. {Galaxia scriba, nob.) Il y a encore à la Nouvelle-Hollande une autre espèce de ce genre. Elle a le corps plus grêle; le museau plus court j l'intervalle entre les yeux plus large; ceux-ci sont plus gros et plus saillans; les dents sont beaucoup plus fines et plus courtes; les deux antérieures de la langue seules sont grandes et en crochets; les gros pores de la tête ont la même disposition que dans l'espèce précédente; la dorsale est arrondie, mais plus haute et plus courte que l'anale; celle-ci est plus longue que celle de l'espèce précédente. La caudale est carrée. D. 11; A. 15; C. 16; P. 14j V. 7. La longueur de la tête est comprise cinq fois dans la longueur totale ; la hauteur du tronc y est dix fois ; le diamètre de l'œil n'est que deux fois et demi dans la longueur de la tête. Toute la peau est sans écailles; elle est jaunâtre, mêlée de roussâtre sur le dos, et des points noirs de la plus grande finesse font par leur réunion des petites lignes flexueuses, irrégulières sur le dos et les flancs. La dorsale et l'anale sont grisâtres; la caudale a une grande tache à la base, et le bord est jaunâtre; il y a aussi quelques lignes flexueuses sur les opercules. L'individu a près de trois pouces; il a été rapporté du port Jackson par MM. Lesson et 348 LIVRE XIX. ÉSOCES. Gamot, médecins de l'expéditioii commandée par M. le capitaine Duperiey. La Galaxie sablée. {Galaocias atienualus ^ nob.; Mesites attcnuatiis , Jennyns.) Une troisième espèce vient aussi de ce continent. Elle a le museau plus aigu; les yeux moins sail- lans; le corps aussi gréle; les dents de la langue et des mâchoires très- fines; la caudale à deux lobes; la dorsale arrondie; l'anale petite; les rayons anté- rieurs un peu plus longs que les derniers. D. 11; A. 6;C. 17; P. 12; V. 7. Le corps, de couleur jaune, a au-dessus de la ligne latérale des points noirs, marqués sur les lignes des chevrons musculaires, ces points sont plus mar- qués sous l'œil, sur l'attache de l'opercule, sur la région pectorale; il y en a une série impaire le long du dos, et on en remarque quelques-uns sous la ligne moyenne du ventre. Tout le corps au-dessus de la ligne latérale est sablé de points pigmentaires très-fins. Nous en avons un grand nombre d'exem- plaires rapportes des eaux douces de la terre de Van-Diemen par MM. Quoy et Gaimard. Us ont quatre pouces environ de longueur. Pendant leur seconde campagne, les mêmes CHAP. II. GALAXIES. 349 naturalistes ont retrouvé cette espèce au port Western ; ils en ont rapporté deux petits exemplaires, qi^ ont des points noirs sous le bord de l'œil, que je ne vois pas si bien mar- qués sur les précédens. Je les crois cependant de la même espèce. J'ai dit plus haut , et je crois nécessaire de répéter à cet article spécial qu'à l'époque où les planches destinées à illustrer le Règne animal' ont été faites, je ne croyais encore qu'à une seule espèce de galaxie vivant dans les eaux douces des terres Australes. Cette observation explique comment cette espèce a été donnée pour le Galaxias truttaceus. La figure ne donne pas moins les caractères du genre 5 mais elle représente le Galaxias attenuatus. M. Darwin l'a également rapportée de la même île^ et l'espèce a été décrite et figurée par M. Jennyns''; il l'indique d'un brun ver- dâtre sur le dos, et devenant plus pâle sous le ventre, tout le corps étant couvert de petits points peu foncés. 1. Règne anim., édit. Crochard, Poissons, pi. 97, fig. 2. 2. Jenn^ns, Zool. of the voy. of the Beagle fishes , p. 121 , pi. XXII, fig. 5. 550 LIVRE XIX. ÉSOCES. La Galaxie fasciée. ( Galaocias fasciatus ^ nob. ) Les eaux douces de la Nouvelle-Zélande nourrissent aussi leurs espèces de galaxie. Le Cabinet du Roi en possède une de la baie des îles. Elle a le museau un peu plus pointu; les dénis des mâchoires aussi fines; mais celles de la langue sont plus fortes. La dorsale et l'anale rondes et hautes, surtout la seconde; la caudale carrée; la pectorale elliptique, et la ventrale arrondie est plus longue que dans aucune autre espèce. D. 11 5 A. 13, etc. Le corps est traversé par douze à quatorze lignes blanchâtres sur un fond roussâtre , qui était proba- blement verdâtre sur le poisson frais. Les nageoires sont incolores. Une tache bleu -foncé est au-dessus de la pectorale. Nous devons les trois individus, longs chacun de trois pouces, à MM. Quoy et Gaimard; mais je trouve dans leurs notes que ces pois- sons atteignent à neuf pouces. Lesson etGarnot en ont aussi rapporté, et l'un de leurs indi- vidus est plus grand; il a quatre pouces et vm tiers. Des baleiniers leur avaient donné ces poissons à la Conception du Chili. Les indigènes de la Nouvelle-Zélande ont CHAP. II. GALAXIES. 351 désigné ces Galaxies, sous le nom de Para, aux compagnons de M. Dumont d'Urville. La Galaxie de Forster. {Galaxias Forsteri, nob.; Esox alepidotus , Forst.) C'est auprès de ces deux espèces que nous plaçons celle observée par Forster, en l'j'jS, dans les mêmes lieux, et qu'il a nommée Esox alepidotus. Nous ne pouvons plus aujourd'hui conserver une épithète qui convient à toutes les espèces du genre. Celle-ci a le corps semblable aux précédentes. Les nombres des rayons sont à peu près les mêmes. La dorsale est haute, arrondie; l'anale, également ronde, est plus étendue sous la queue, mais moins haute. La caudale a l'extrémité de ses lobes arrondie; la ventrale est assez large et tronquée. Voici les nombres tirés de Forster : B. 9 ou 10; D. 11; A. 16; G. 20; P. 14; V. 7. Dans le texte , le savant voyageur dit quie le corps est brun en dessus; mais sur la figure, tirée de la bibliothèque de J. Banks, il est peint en vert rembruni et couvert de taches jaunes onduleuses, imitant des caractères d'écriture. Il lui donne neuf pouces de longueur; c'est celle de nos truites ordinaires. On lit dans la description publiée par les ordres de l'Académie rovale des sciences de 352 LIVRE XIX. ÉSOCES. Berlin, et par les soins de M. Lichtenstein ', que ce poisson fut pris à lliameçon dans les lacs d'eau douce de la Nouvelle-Zélande. Sa chair fut trouvée bonne par les matelots de la Résolution, qui appelèrent cette espèce du nom de la truite, sans doute à cause de sa forme et de ses taches. Forster l'a indiquée plutôt que dénommée zoologiquement dans la narration de son Voyage "", se réservant sans doute de renvoyer à la description détaillée qu'il en avait prise sur les lieux. Cette simple indication servit cependant à Gmelin pour établir d'après elle une espèce qu'il ajouta au genre Esox de Linné. Il me paraît toutefois probable qu'il confondit la note relative à notre galaxie avec une autre, prise dans le second volume de la relation de Forster. A cet endroit ce célèbre voyageur mentionne une espèce toute différente de celle indiquée dans le premier volume ; elle est d'une île fort éloignée, et elle est indi- quée par le nom d'£!yojr argenteus. Cette dénomination fut celle adoptée par Gmelin, 1. J. R. Forster, Descr. animal, curante Lichtenstein, p. 1^2, 1844. 2. A voyage round ihe JVorld, in-4-° Londres, 1777, t. I, p. iSg. CHAP. II. GALAXIES. 555 pour désigner le poisson de la Nouvelle- Zélande j la citation du Sjstema naturœ (Forst. , Iter circa orbem , vol. I.", p. i Sg) répond en effet à notre seule galaxie; il n'y avait là qu'une simple transposition de mots. M. de Lacépède,sans autre guide que Gmelin, introduisit aussi cet Esojc argenteiis dans la liste, réduite d'après ses principes, des es- pèces de son genre Ésoce. Mais Bloch , qui possédait cependant les descriptions originales et détaillées de Forster, fit dans son Système posthume une grave confusion , reconnue et signalée par Schneider pour la plus grande partie; mais sur laquelle il reste encore des éclaircissements à donner. Voici le peu de mots de Forster au sujet de YEsojc argenteus ' : « Nos pécheurs furent « très-heureux; ils prirent trois cents livres pe- « sant de mullets et d'autres poissons; puis il « ajoute en note : particularlj a sort cormnon « in the West Indies , and tliere called Ten « pounders {^Esox argenteus n. s.).'' Cette courte indication montre que Forster avait parfaitement reconnu le poisson qu'il signale sous ce nom, en le comparant à une espèce très-voisine des mers des Antilles et des côtes i. Forster. loc. cit., t. II, p. 282. 18. 23 354 LIVRE XIX. ESOCES. du Brésil, et qui est, ainsi que l'autre, du genre que M. Guvier a appelé Glossodonte. La description manuscrite de la Galaxie est faite sous le nom fort caractéristique di^Esox alepidotus. La figure de la bibliothèque de Banks, dont M. R. Brown a laissé prendre une copie pour notre ouvrage, est désignée sous le même nom. Rien n'est plus clair. Bloch, cependant, reprend la phrase diagnostique de YEsox argenteus de Gmelin, en y ajoutant des épithètes tirées évidemnlent de la description de Forster; puis il persiste à confondre avec le poisson de la Nouvelle-Zélande, celui décrit à Otaïti; il altère même la description faite sur les lieux par le compagnon de Gook, et pour compléter la confusion , il applique la déno- mination vulgaire d'un poisson américain à celui de la Nouvelle-Zélande. Schneider, en rectifiant une partie des er- reurs commises par Bloch , a cru devoir placer YEsojc argenteus dans le genre Sjnodus de l'ichthyologiste de Berlin. Gette association ne faisait qu'ajouter à la mauvaise conception du genre Synode. CHAP. II. GALAXIES. 355 La Galaxie maculée. {Galaxias maculatus^ nob.; Mesites maculatus , Jennyns.) Nous avons aussi reçu une galaxie des Ma- louines. Elle ressemble au G. attenuatus par son ensemble. Elle a la dorsale coupée carrément, plus haute que longue; l'anale, plus étendue, est plus basse; la caudale est fourchue. D. 10; A. 14; etc. Le corps est couvert de grosses taches brunes sur un fond jaunâtre. Vues à la loupe, on observe que ces taches sont formées de la réunion de petits points pigmentaires. M. Lesson nous apprend que ce petit poisson a été trouvé sous les galets et dans les touffes de fucus des côtes des Malouines. L'individu, long de trois pouces et un tiers, a été rapporté par les compagnons de M. le capitaine Duperrey. M. Jennyns a décrit' cette espèce sur un individu pris par M. Darwin dans une mare d'eau douce de la péninsule de Hardy, à la 1. Jennjns, Zool. of ihe voyage ofihe Bengale fish. , p. 119, pi. XXII, fig. 4. 556 LIVRE XIX. ÉSOCES. Terre-de-Feu ; mais ce voyageur a trouvé ces poissons plus communs dans les eaux douces de la rivière de Santa- Cruz de Patagonie. Il a vu le nombre des rayons de la dorsale varier de douze à dix. Les exemplaires des naturalistes anglais sont un peu plus petits que celui de MM. Lesson et Garnot. Ceux-ci disent positivement avoir trouve le leur parmi les touffes de fucus; ce qui doit faire croire que ces petits poissons peuvent vivre dans les eaux saumâtres, si ce n'est tout-à-fait dans la mer. La ligure de M. Jennyns ne laisse rien à désirer, tant elle est parfaite. La Galaxie alpine. {Galaxias alpinus , Mesites alpimis, Jennyns.') Les mêmes naturalistes ont encore fait con- naître une autre espèce de la Terre-de-Feu. M. Jennyns la décrit comme très-semblable à la précédente, mais avec les yeux plus grands, et les dénis antérieures de la langue plus fortes. La couleur, dans l'alcool, paraît être un brun verdâlre, devenant plus foncé sur le dos. Tout le corps est sans taches, avec un très- fin sablé noi- 1. Loc. cit., p. 121. CHAP. II. GALAXIES. 357 râtre, seulement visible avec le secours de la loupe. Le ventre paraît avoir été blanc. D. lOj A. 16^ C. 16; P. 13; V. 7. Cette espèce prise dans les eaux douces des hauteurs de la Teire-de-Feu à la péninsule Hardy, est bien certainement distincte de la précédente 5 mais elle paraît très-voisine de l'espèce originaire de la Nouvelle-Zélande. M. Jennyns en a vu deux exemplaires longs de deux pouces cinq lignes. 358 LIVRE XIX. ÉSOCES. CHAPITRE III. Du genre Microstome , et en particulier du Microstome argenté {microstoma argejîteum, iiob.). Le poisson, sujet du chapitre actuel, avait échappé aux observations des ichthyologistes antérieurs au dix-neuvième siècle. Ses singu- liers caractères sont cependant combinés de manière à piquer la curiosité du naturaliste et à rendre fort difficile de trouver la place qu'il faut lui assigner. L'éclat d'argent poli dont il brille et qui résiste à faction de la lumière, comme à celle de l'alcool, devrait faire penser qu'on n'aurait pas laissé cette espèce dans l'oubli. Mais la manière de vivre de notre poisson explique cette longue omis- sion. 11 paraît qu'il vit parmi les bandes innom- brables d'anchois, presque aussi brillans que lui, et avec lesquels il reste confondu. Malgré les nombreuses inexactitudes de la description que M. Risso en publia dans la première édition de fichthyologie de Nice, nous sommes sûrs qu'il a été indiqué dans cet ouvrage sous le nom de Gasteropelecus CHAP. III. MICROSTOMES. 359 niicrostorna , ou de Serpe à petite bouche ' ; parce que M. Risso a envoyé au Muséum d'histoire naturelle , vers 1 8 1 2 , un exemplaire de cette espèce étiqueté par lui, et que l'on conserve encore dans le Cabinet du Roi. Ce que cet auteur dit de son museau court et arrondi, de sa nuque plane, de ses lèvres cartilagineuses, très-minces et rétractiles, de sa mâchoire inférieure, plus avancée que la supérieure, de la petitesse de sa bouche, de la grandeur des yeux et de leur iris argenté, convient assez bien au poisson. On peut en- core admettre que la description des dents a été faite d'après l'individu que nous avons sous les yeux, et nommé, par M. Risso lui-même. Serpe microstome ; mais les écailles minces et argentées ne sont pas striées et ne tombent pas facilement; elles sont, au contraire, assez adhérentes ; la couleur uniforme et argentée n'est pas d'un gris bleuâtre tirant sur le noir à la région dorsale, et d'un argent azuré vers le ventre : la ligne latérale n'est pas courbe. Notre poisson n'a pas deux dorsales, quoique M. Risso compte les dix rayons de la première et les cinq de la seconde. Il me paraît hors de doute que M. Risso a fait ici , ce qui lui 1. Risso, Ichth. de Nice i/'"édit., i8io, p. 356. 360 LIVRE XIX. ÉSOCES. est arrivé d'ailleurs plusieurs fois. Il a composé la description d'une espèce avec des particu- larités observées sur deux poissons tout-à-fait différens. Je suis d'autant plus porté à croire à cette confusion que l'auteur donne, comme nom vulgaire de l'espèce, la dénomination de Maire (ïampIo\^ay qui est aussi celle de toutes les autres Scopèles ou Serpes décrites dans les deux éditions de cet ouvrage. - D'un autre côté je vois reparaître, dans la seconde édition de l'ichthyologie nicéenne, le nom de Maire d'amplo^a, comme dénomina- tion vulgaire d'un poisson voisin des saurus et dontM.Risso faitle genre Macrostome, l'espèce étant nommée macrostoma angustidens. ' Dans cette rnéme édition l'auteur met à la suite des scopèles une seconde division d'ab- dominaux acantboptérygiens, où il range les Atbérines, les Spbyrènes , les Paralepis , et enfin le genre actuel, les Microstomes de Guvier, et l'espèce dont nous nous occupons, sous le nom de Microstonie arrondie [Microstoma rotundata)^ et sous lequel il cite en synonymie la première édition, page 356, c'est-à-dire, son Gasteropeîeciis microstoma^ et le Règne animal, première édition, page i84- Cette 1. Rissii, Iclilh. cir Nice, 2." criit., p. 448- CHAP. III. MICROSTOMES. 561 seconde citation ne laisse donc plus de doute sur la détermination que nous venons de faire de la Serpe microstome de la première édi- tion. Cependant le nom vulgaire de l'espèce est changé en celui de Yassou. Mais, de plus, ce que M. Risso a fait dans cette seconde édi- tion m'est entièrement inexplicable, après ces deux citations. En effet, la caractéristique du genre signale une première dorsale située un peu en arrière des ventrales , et il ne parle plus de la seconde nageoire du dosj plus bas il ajoute : «les nageoires dorsales sont trans- parentes '', et trois lignes au-dessous, « i .^^' n. d., dix rayons, i.^ peu visibles." Comment cette fois n'a-t-il pas pu compter les cinq rayons de cette nageoire, si bien indiqués dans la pre- mière édition? D'ailleurs, comment concilier cette remarque d'une nageoire peu visible avec la figure n." 36 de cet ouvrage? Le dessin représente un poisson qui aurait une seconde nageoire adipeuse sans rayons apparens, haute de deux lignes, large d'une ligne, et beaucoup plus visible que celle de beaucoup de saurus. Celte figure est une des plus mauvaises de cet ouvrage. La tête a été faite très-probablement d'après celle du niicrostoma j mais la dorsale est insérée au-dessus, et même un peu en avant des ventrales 5 les écailles sont épaisses, 562 LIVRE XIX. ÉSOCES. imbriquées , striées longitudinalement 5 elles ne ressemblent en rien à celles du micros- tome. On dirait que l'auteur a mis la tête d'un individu de ce genre sur un corps de quelque saurus. Après avoir donné dans les remarques quel- ques détails de mœurs, M. Risso termine par cette réflexion : « Ce poisson est assez rare • «c'est dans cette famille qu'il doit être placé, « et non dans celle des ésoces. "' Il aurait bien du donner les motifs de sa détermination, et nous démontrer comment un poisson à une seule dorsale, dont tous les rayons sont arti- culés, le canal intestinal simple et sans cœ- cum, peut être associé aux percoïdes, dont il le rapproche, ou même aux athérines. M. le prince de Canino n'a cité notre pois- son que d'après M. Risso , ou plutôt d'après M. Cuvier, dont il suit tout-à-fait la méthode pour la composition fautive de la famille des ésoces. Il remarque la ressemblance extérieure du microstome avec les athérines, en obser- vant que les intestins sont ceux des brochets. Il n'en dit pas davantage, et je crois qu'il a évité par ce silence d'ajouter une confusion de plus aux précédentes; car il cite pour espèce unique le Microstoma angustideiis de Risso , c'est-a-dire, qu'il associe à l'espèce du genre CHAP. m. MICROSTOMES. 305 Microstome le nom du poisson dont M. Risso a fait le genre Macros tome. M. Millier ne se prononce pas sur le genre , sujet de ce chapitre; mais il laisse croire, d'après le peu de mots qu'il en dit, que le poisson du Muséum, que je lui ai laissé exa- miner, ne serait pas du genre Microstome de Risso, tandis que c'est exactement le même poisson. Après ces observations préliminaires je passe à la description de l'espèce qui a servi de véri- table type au genre établi par M. Cuvier ' - Le corps est arrondi, la hauteur l'emporte peu sur l'épaisseur; elle est contenue dix fols dans la longueur totale. La tête a la partie supérieure élargie et un peu sillonnée; les côtés élevés, le dessous très- étroit, et le museau petit et arrondi. L'œil est très- grand : son diamètre horizontal est un peu plus long que le vertical. Il est compris deux fois et demie dans la longueur de la tête, qui est elle- même contenue cinq fols et un tiers dans la lon- gueur totale. Le sous-orbitaire est très- mince et composé de trois pièces. La première forme un grand arc, étendu depuis le bord antérieur du maxillaire, qu'il recouvre, jusqu'au bord du préopercule, entiè- rement caché aussi par cet os. La seconde et la troi- sième pièce, mince et assez large pour cacher aussi l'espace préoperculaire, complètent le bord de l'or- 1. Règne animal, i."'édit., 1817. 364 LIVRE XIX. ESOCES. bile. On ne voit donc d'abord de l'appareil opercu- laire que l'opercule et le sous-opercule. Le premier est triangulaire, arrondi vers l'angle, sillonné de très-fines stries longitudinales et à peu près du tiers de la longueur de la tête. Le sous-opercule est petit, étroit et en segmens d'arcs triangulaires, pointu sous l'angle de l'opercule , qui agrandit le couvercle de la branchie. En soulevant le sous-orbitaire, on voit que la branche antérieure du préopercule a son bord un peu caverneux , et qu'elle est longue à cause de la brièveté de la mâchoire inférieure. Les ouïes sont assez bien fendues ; la membrane est soutenue par quatre rayons : je les ai comptés avec le plus grand soin sur plusieurs individus. Celui qui touche l'opercule est assez long, élargi, terminé en lame de sabre très-pointue; on le confondrait facilement par sa forme avec le sous-opercule, mais l'insertion fera toujours distinguer le premier de ces deux os. Le second rayon a la même forme; le troisième et le quatrième sont élargis à l'extrémité et ressemblent à de petites palettes. La bouche est très-petite; l'arcade supérieure est formée par de petits intermaxillaires sans dents et par des maxillaires également édentés, élargis en petites lamelles arrondies sur les côtés, rentrans sous le sous-orbitaire, et dont le bord antérieur contribue sans aucun doute à former le bord de la mâchoire supérieure. La mâchoiie inférieure semble dépasser un peu la supérieure. Ses branches, très-courtes, sont hautes et bordées de petites dents coniques serrées, adhé- CHAP. III. MICROSTOMES. 565 renies à l'os, et formant une sorte de petite scie. Le vomer s'avance jusque sur le bord de la mâ- choire, et si près d'elle, que dans les mouvemens de cet os il paraît former le bord de la bouche. Son extrémité est arquée et hérissée de petites dents courtes , coniques , recourbées et pointues. Les palatins n'ont aucunes dents; je n'en vois pas non plus sur les pharyngiens, mais les râtelières des branchies sont longues et acérées. La langue, adhérente entre les branches de la mâchoire, est si courte qu'on ne la voit qu'avec attention. La dorsale n'est pas opposée à l'anale , mais elle est insérée un peu en arrière des ventrales et sur le troisième tiers de la longueur du corps, la caudale non comprise. On voit donc qu'elle est assez recu- lée : elle est haute de l'avant, basse de l'arrière; les deux premiers rayons simples, les autres fourchus. L'anale est petite, basse; la caudale est fourchue; la pectorale est étroite, alongée; les ventrales sont moins longues et plus arrondies. B. 4; D, 11; A. 8; G. 23'/^;?. 8; V. 10. Les écailles sont si minces qu'elles n'ont l'aspect que de simples membranes. Je crois qu'il y en a une quarantaine dans la longueur et quatre à cinq dans la hauteur. Elles sont donc assez grandes : celles de la ligne latérale, qui est droite, sont plus épaisses et plus visibles. Sous cette pellicule d'écaillés membraneuses est un pigment dense et épais, brillant sur tout le corps de l'argent le plus beau. Les nageoires, transparentes, ont une teinte jaunâtre. 566 LIVRE XIX. ÉSOCES. Les intestins forment un canal simple d'épaisseur presque égale dans toute sa longueur. Il descend d'abord jusques au-delà de la moitié de la longueur de l'abdomen; il remonte sous le diaphragme, se re- plie pour se rendre droit à l'anus. La vessie aérienne, longue et argentée , occupe toute la longueur de la cavité abdominale. Les reins sont gros et aussi longs que la vessie aérienne. Le foie est divisé en deux lobes ; le péritoine est brun , assez foncé. Nos individus ont sept pouces de longueur. Outre celui que nous tenons de M. Risso et qui vient des mers de Nice, nous en avons reçu de ce même endroit par M. Laurillard ; un autre , très-bel exemplaire , originaire de Sardaigne, a été envoyé par feu M. Bonelli, professeur de zoologie à Turin. M. Bibron a trouvé l'espèce à Messine, et M. Benoist en a donné dernièrement un autre individu, qui vient également de la Sicile. Malgré la présence de ce brillant poisson dans ces mers, M. Rafinesque n'en parle pas. Tel est le poisson qui a servi à M. Cuvier pour fonder le genre Microstome. 11 s'est trompé sur le nombre des rayons de la mem- brane branchiostège , qu'il ne porte qu'à trois, tandis qu'il y en a quatre. Il est inutile de dire que cette erreur a été copiée par ceux qui n'ont fait que citer d'après le livre, sans recourir à l'observation de la nature. CHAP. m. MICROSTOMES. 367 Le microstome a certainement la dorsale unique moins reculée que les brochets ; je crois cependant qu'il faut le laisser à côté des galaxies, à cause de la forme de la bouche, les maxillaires contribuant à former, pour une petite partie, il est vrai, le bord de son ouverture. C'est un de ces êtres mixtes, diffi- ciles à placer, mais qui va mieux dans cette famille que dans toute autre , et pour lequel on ne peut faire une famille à part; car elle n'aurait pour diagnose que les caractères gé- nériques de ce poisson. 368 LIVRE XIX. ÉSOCES. CHAPITRE lY. Du genre Stomias. Voilà encore un poisson fort curieux, dont la découverte est due aux recherches de M. Risso; mais il l'a aussi mal fait connaître que le précédent. Pour être bien certain des rap- prochemens que je vais faire, il a fallu avoir sous les yeux l'individu envoyé au Cabinet du Roi par M. Risso lui-même, et la facilité de le comparer à d'autres exemplaires du même port, déposés dans le Muséum par plusieurs naturalistes. Il rangea' d'abord cette espèce dans le genre Esox à la suite de l'orphie [Esox BelonCy Lin«».)j mais dans un second sous- genre, auquel cette orphie n'appartenait pas, parce que le nouveau poisson aurait eu la cau- dale arrondie : c'est une première faute, car la caudale est fourchue. Cette inexactitude est loin d'être la plus importante. Le poisson reçut alors le nom diEsox Boa. Il est assez jus- tifié par la forme des dents, qui rappellent, en effet, un peu celles des serpens. D'ailleurs M. Risso a beaucoup exagéré cette ressem- 1. Risso, Ichllijol. deîSice, i ."■ édit. , 1810, p. 33i, pi. X, %. 34. CHAP. IV. STOMIAS. 5(>9 blance, quand il a dit que l'on pourrait croire, en voyant ce poisson, à un composé artificiel, formé d'une tête de reptile mise sur le corps d'un brochet. Toute la structure de la tête est celle d'un poisson et non pas d'un opliidien. Mais M. Risso a commis une très-grave omis- sion en ne décrivant pas le très-long barbillon attaché sous l'extrémité de fos lingual, et qui est conservé sur l'individu du Cabinet du Roi, donné par M. Risso. Il dit à tort que la langue est lisse, que la dorsale est falciforme. La li- gure, jointe à cette description, est médiocre, mais cependant reconnaissable. C'est en étu- diant ce même exemplaire que M. Cuvier a établi le genre Stomias. Cet illustre zoologiste a parfaitement saisi les cara.ctères de ce singulier poisson ; il a re- connu les dents linguales que M. Risso lui avait refusé j mais il a complètement oublié, comme son prédécesseur, le très -long barbillon. J'ai peine à m'expliquer cet oubli; car M. Cuvier a dessiné lui-même la tête du stomias avec les branches de la mâchoire inférieure écartées, pour voir la forme remarquable des dents. M. Risso a repris le genre Stomias pour la seconde édition' de son Ichthyologie, en ne 1. Risso, Ichth. de Nice, 2." édit., pi. III, p. 44o, lig. l\o. 18. 24 570 LIVRE XIX. ÉSOCES. corrigeant ])oint dans son texte les erreurs de la première édition, et en donnant une nou- velle figure du poisson , mais beaucoup plus défectueuse que la première; car la forme de la tête, celle des dents, des nageoires dorsale et anale, sont tout-à-fait inexactes; le corps paraît couvert de larges écailles imbriquées à la manière des autres poissons, et quoiqu'il ait cette fois représenté la caudale fourchue, son contour est entièrement imaginaire : il a d'ail- leurs oublié encore le barbillon. Cette seconde édition de l'ouvrage de M. Risso est de 1827. Au mois de Novembre de cette même an- née, ce zélé zoologiste envoyait à M. Cuvier un dessin ou croquis colorié d'un stomias, sur lequel le barbillon était alors observé et re- présenté avec exactitude, jusque dans les dé- tails des fîlamens de l'extrémité. Je vois dans cette lettre, conservée avec soin par M. Cuvier, que l'auteur de l'Ichthyologie de Nice croyait toujours à l'absence du barbillon chez le Sto- mias Boa, qu'il caractérise par cette expres- sion, mandibula iniberhi, opposée au caractère niandihula harhata d'un nouveau Stomias. Cette correspondance explique comment M. Cuvier, persistant aussi dans la croyance que le Stomias Boa manque de cirrhe sublingual, a nommé, dans la seconde édition du Règne CHAP. IV. STOMIAS. 371 animal, un Stomias barhatus, espèce pure- ment nominale, et mal caractérisée, puisque le barbillon n'est pas attaché sous la symphyse de la mâchoire inférieure. On voit aussi par là comment M. Cuvier, si religieux à rendre à chacun le fruit de ses œuvres, attribue à M. Risso la découverte des deux poissons. D'ail- leurs, pour éviter toute espèce de doute, je ne dois pas omettre d'ajouter que M. Risso a aussi envoyé ce dernier poisson au Cabinet du Roi, et il est facile de se convaincre de l'identité spécifique de celui-ci, et de celui communiqué en 1812. Après ces deux auteurs, je ne trouve le se- cond Stomias mentionné que dans la Faune d'Italie 5 mais ce Stomias barhatus est- il bien le même que celui de M. Risso ? Je le crois; M. le prince de Canino aurait alors décrit et figuré un individu en mauvais état de conservation. On sait, en effet, qu'il est rare de trouver en- tiers ces poissons délicats, puisque cet habile zoologiste assure qu'ils vivent dans des grandes profondeurs, dont ils ne sortent qu'à la suite des tempêtes, qui les rejettent sur la plage, avec les Scopèles et les autres salmonoïdes voi- sins de ceux-ci. Je dois croire à l'identité spé- cifique des poissons des deux auteurs itaUens, parce que je suis redevable à l'extrême obli- 572 LIVRE XIX. ÉSOCES. geance de M. le prince Charles Bonaparte de deux exemplaires siciliens de Stomias harha- tus. Ils sont nommés par lui, et ils ont tous les deux les ventrales allongées, et la dorsale sou- tenue par dix-huit rayons, comme les stomias de Nice. Les autres nageoires ont les mêmes nombres de rayons; ainsi il est bien certain que les deux poissons de Messine sont de la même espèce que ceux de M. Risso. Après ces observations, je vais donner une description détaillée de ce curieux poisson. Il a le corps alongé, étroit et comprimé; sa hau- teur est comprise onze fols et demie ou douze fois dans la longueur totale. L'épaisseur n'est guère que le cinquième de la hauteur. La longueur de la tête est huit fois dans celle du poisson. La mâchoire inférieure ajoute cà cette longueur, parce qu'elle dé- passe beaucoup la supérieure ; car la distance du bout du nmseau, prise aux intermaxillaires jusqu'à la nuque, ne fait guère que la moitié de la première mesure de la tête. L'œil, de grandeur moyenne, n'est pas éloigné de l'extrémité de la mâchoire supérieure d'une fois son diamètre. Il y a un peu plus de deux diamètres en arrière. Le sous-orbitaire est très-mince et excessivement petit; presque toute la partie mobile de la joue est ici formée par le préopercule, dont le bord et le limbe forment une carène arquée, qui descend jus- qu'au bas de l'angle de la mâchoire inférieure. L'oper- cule et le sous-opercule confondus, sont réduits à CHAP. IV. STOMIAS. 375 une très-étroite lamelle recouvrant une fente bran- chiale très-large. La bouche est aussi très-ouverte; les iniermaxillaires bordent le devant de la mâchoire supérieure : ils sont longs, grêles, très -étroits et cachés en partie sous les maxillaires. Ceux-ci les dépassent d'environ le quart postérieur de leur lon- gueur, de sorte que les deux os de la mâchoire con- courent à former le bord de la mâchoire supérieure. La gueule est formée sur le plan de celle des brochets. Les pédicules des intermaxillaires sont courts; la bouche s'agrandit plus par l'écartement de l'extrémité des os et par la mobilité de la mâchoire inférieure, que par la protractilité des iniermaxillaires. Ces os portent peu de dents, qui sont coniques, aiguës, courbées et tout-à-fait comparables à celles des serpents. Il y a deux grandes moyennes, et sur le bord de l'os, distantes l'une de l'autre, trois ^autres : une petite, une plus forte, mais moins que les mitoyennes, et enfin une quatrième, plus petite que la troisième, mais plus grande que la seconde. Le maxillaire est bordé de très -fines dentelures à partir du point où il se croise avec l'intermaxillaire. La mâchoire inférieure est courbée et saillante au- devant de la supérieure : elle se porte en arrière jusque sous l'aplomb de la ligne des branchies. Elle a six à sept dents de chaque côté , une mitoyenne forte , puis une seconde plus longue que la précé- dente, suivie d'une autre petite; la quatrième rede- vient aussi longue que la première; les suivantes sont petites. Elles ressemblent par leur éloignement et |)ar leur forme à celles d'en haut. 374 LIVRE XIX. ÉSOCES. Il y a encore d'autres petites dents crochues qui paraissent derrière celles que nous venons d'indi- quer à la mâchoire supérieure , surtout entre les grands crochets du milieu; puis je trouve deux cro- chets sur le chevron du vomer, et sur le devant de chaque palatin deux dents pointues. La langue porte aussi sept à huit dents, et enfin les râtelières des branchies deviennent ici des cro- chets écartés semblables à toutes ces dents. Les ouïes sont très -largement fendues; la mem- brane branchiostège est soutenue par dix-sept petits rayons; sous l'extrémité antérieure de l'os lingual pend un barbillon charnu, arrondi, et qui, dans l'état de contraction causé par l'alcool , est compris huit à neuf fois dans la longueur totale. Il est ter- miné par trois petits filamens charnus et coniques. La ceinture humérale est très-étroite; au-dessus de l'insertion de la pectorale elle s'élargit un peu. Cette nageoire est étroite et un peu moins longue que le corps n'est haut. Les ventrales sont attachées au second tiers du corps ; elles sont étroites, très- effilées, presque deux fois aussi longues que la pec- torale. La dorsale commence au dernier cinquième de la longueur totale. L'étendue de sa base est un peu moindre que la hauteur du tronc : elle répond à la longueur de la pectorale. Elle est double de la hauteur des plus longs rayons , qui sont tous assez roides, un peu courbés en arrière. Ils se séparent aisément sur leur longueur dans les deux branches dont se compose tout rayon. L'anale répond , par sa forme et par son insertion , à la dorsale : elle est CHAP. IV. STOMIAS. 375 seulement un peu plus longue, parce qu'elle com- mence un peu avant et finit un peu après cette na- geoire. Elle n'a cependant que le même nombre de rayons, mais ils sont plus écartés. Après ces deux nageoires commence le tronçon de la queue, qui est très -étroite : elle a moins du quart de la hauteur. La caudale est fourchue, mais à lobes courts et étroits. B. 17; D. 18'; A. 19; C. 29; P. 6; V. 5. Les écailles sont encore beaucoup plus minces, plus réduites à l'état de membrane que dans le micro- stome. C'est à peine si elles se touchent, de sorte qu'elles ne présentent plus ici cet aspect imbriqué des autres poissons. Ce sont plutôt des compartimens hexagonaux à peu près réguliers, disposés en ran- gées obliques sur cinq à six dans la hauteur du tronc, et dont on compte soixante -douze dans la longueur entre l'ouïe et la caudale. Je ne vois pas de ligne latérale j la couleur est un bleu noirâtre, très -foncé sur le dos et sur le ventre, mais plus clair sur les flancs, à cause de l'argenté dont brillent les hexagones des côtes. Le long du ventre il y a de chaque côté de sa carène, depuis l'attache du bar- billon jusqu'à la caudale, deux rangées de points métalliques brillans et argentés à reflets dorés. Un très -petit point de même couleur existe sur la mem- brane branchiostège entre chaque rayon. Les nageoires 1. Sur l'individu de M. Cuvier la dorsale est mutilée; il lui reste cependant treize rajons, et on peut facilement voir la place des cinq autres sur les interépineux qui les portaient; mais je les ai comptés sur le second individu, donné par M. Coste, qui a sa nageoire bien entière. 576 LIVRE XIX. ÉSOCES. sont blanches, avec un très- fin sable noir sur les rayons seulement. Enfin les barbillons, en couleur de chair, devenant rose plus vif à son extrémité di- latée 3 les filamens sont pointillés de noir. La splanchnologie du stomias est très-cu- rieuse. A l'ouverture de l'abdomen on trouve un foie très- petit, avec une vésicule du fiel étroite, mais assez longue. Le canal alimentaire est un large sac à pa- rois très-minces, comme transparentes, étendu du pharynx à l'anus sans faire aucun repli ; rien ne marque l'estomac et l'intestin. Il n'y a plus ici de séparations. On conçoit comment ce poisson, de petite taille , peut cependant avaler une sardine tout entière, à cause de la largeur de sa gueule, de ses dents crochues qui la retiennent, et du grand sac où elle va être engloutie. Les ovaires forment deux très-longs sacs étroits. Le péritoine, qui revêt cette partie de l'abdomen, est du noir velouté le plus in- tense. En soulevant cette membrane, on découvre une vessie aérienne étroite, mais aussi longue que l'abdomen. [j'individu envoyé de Nice, en 1812, par M. Risso, est durci par un séjour prolongé dans un alcool trop concentré. Il est long de six pouces quatre lignes, et la longueur de la portion de barbillon restante est de cinq lignes. Un second exemplaire a été rapporté du même endroit en 1823 par M. Savigny : il a été étiqueté par M. Risso Stomias boa. Il CHAP. IV. STOMIAS. 377 est long de six pouces dix lignes, et le bar- billon a neuf lignes de longueur. Le troisième exemplaire a été envoyé par M. Risso, comme son stomias barhatus. Il est long de huit pouces, et son barbillon a treize lignes de longueur. Cet individu avait avalé une sardine , que l'on voit encore tout entière par les déchi- rures des parois abdominales; son ventre est très -distendu, et comme les ventrales sont cassées près de leur attache, l'individu res- semble beaucoup à la figure de la Faune ita- lienne. Enfin, nous avons eu encore sous les yeux des exemplaires longs de dix pouces et six ou dix lignes, rapportés de Nice par MM. Laurillard et Coste, et envoyés d'Italie par M. le prince de Canino. C'est donc par la comparaison de sept exem- plaires de différentes tailles et dans diverses conditions de préservation que nOus avons écrit cette description et cette discussion sur un poisson rare, curieux, et qui a été jusqu'à présent fort incomplètement décrit et connu. Je vois l'espèce, nommée dans la première édition de Risso, Masca dei amploa, et dans la seconde, Vipera de mar. Au nom presque semblable de Vipera di mare, M. le prince de Canino ajoute celui de Pisci dias>ulu. 578 LIVRE XIX. ÉSOCES. Les pêcheurs siciliens redoutent les stomias, et les accusent même d'être venimeux; ce qui n'est très-probablement qu'une erreur causée par la peur et par l'ignorance. Le Stomias de field. {Stomias Fieldii, nob.) Lorsque les voyageurs naturalistes conti- nueront à explorer l'Atlantique, ils trouve- ront dans cet immense bassin des stomias. M. Cuvier a reçu du docteur Mitchill de New -York le dessin d'un petit poisson long de vingt lignes, qui a le corps très -aminci de l'arrière, la tête très- grosse, la gueule très-grande, de très-fortes dents pointues et crochues aux deux mâchoires , la peau nue, les pectorales et les ventrales longues et étroites, la caudale arrondie, la dorsale basse, deux fois plus longue que l'anale, qui est un peu plus reculée que la nageoire du dos ; un long barbillon pend sous la gorge. D'ailleurs, la description de Mitchill n'est pas très-complète. Il prétend n'avoir vu qu'un seul rayon branchiostège, pas de dents sur la langue ni sur le palais. Ces caractères ne me paraissent pas probables ; mais s'ils étaient exacts , ce poisson serait d'un genre différent CHAP. IV. STOMIAS. 379 des siomias. Il a été envoyé sous le nom (ÏEsojc cirrhatus. On le conserve au Musée de New- York sous cette dénomination. Il a été pris par le capitaine Field pendant sa traversée de Mogador à New -York, en Mai 18.9. 580 LIVRE XIX. ÉSOCES. CHAPITRE Y. Des Panchas {Panchax). Je désignerai par ce nom générique, em- prunté à Hamilton Buchanan, un genre de petits poissons de l'Inde que quelques natu- ralistes pourront bien me reprocher de mettre dans cette famille. En voici d'abord la raison : c'est que le maxillaire est rejeté derrière la branche descendante de l'intermaxillaire, de manière à ne toucher au bord de la bouche que par son extrémité inférieure; aussi, quand j'ai d'abord examiné ces petits poissons, ai-je cru qu'ils devaient prendre place auprès des fundules et des cyprinodons; mais, comme je crois qu'ils ont des dents au palais, j'ai pensé mieux faire en les plaçant à la suite des bro- chets : ils en ont d'ailleurs le museau élargi et déprimé, les ouïes fendues, la dorsale petite et reculée au-delà de l'anale sur le dos de la queue. Hamilton Buchanan a fait connaître une de ces espèces des étangs du Bengale sous le nom d^Esox panchax: nous en avons reçu une autre espèce des marais de Bombay. J'ai lieu de croire que le genre habite aussi à Java. Je le conclus de l'examen des dessins CHAP. V. PANCHAS. 381 envoyés par MM. Rulil et Van Hasselt. L'une de ces espèces tient de très -près à celles du continent indien. Il y a aussi dans les eaux de cette grande île une autre espèce, voisine des deux précédentes. Celle-ci a la dorsale plus avancée que les autres, l'anale plus longue; elle pourra bien devenir le type d'un autre genre. Le Pancha rayé. {Panchaoc lineatiim, nob.) Je commencerai par décrire l'espèce que j'ai examinée sur nature. Le Muséum en pos- sède quatre individus de petite taille, mais assez bien conservés. Sa forme générale res- semble beaucoup h celle du. poisson de Java; mais celui-ci ne paraît pas avoir le rayon de la ventrale prolongé en filet; les bandes lon- gitudinales n'y sont pas exprimées. Voici d'ailleurs la description de ce petit poisson : Il a le museau mince et déprimé tout- à -fait en cône. La longueur de la tête est le quart de celle du corps entier ; l'œil est assez gros ; son diamètre est trois fois et demie dans la longueur de la tête ; sa distance du bout du museau au bord de l'orbite surpasse ce diamètre d'un quart ; le préopercuîe descend droit, peu en arrière de l'œil , s'élargit vers son angle arrondi, et touche presque sous l'isthme 382 LIVRE XIX. ÉSOCES. à celui du côté opposé, de sorte que le bord infé- rieur s'écarte en avant de celui du côté opposé pour rejoindre la branche horizontale de la mâchoire inférieure, qui est élargie comme la supérieure. Cet élargissement résulte de l'aplatissement des branches des intermaxillaires au-devant des pédicules de ces os. Ces pédicules sont assez longs, ce qui rend la mâchoire protractile. Vers l'angle de la mâchoire les branches se courbent brusquement, pour des- cendre vers l'angle de la bouche le long des maxil- laires. Ceux-ci, grêles et étroits, contribuent pour bien peu à former le bord de la bouche. Les deux mâchoires sont garnies d'une bande étroite de petites dents, dont les extérieures saillent autour de l'os, et semblent un rang de cils, tant elles sont fines. Les ouïes sont très-fendues ; je leur compte cinq rayons. La pectorale est arrondie et dépasse l'insertion de la ventrale. Celle-ci a le second rayon externe pro- longé en fil ; la dorsale est reculée sur le quatrième cinquième du dos; l'anale est étendue, et son troi- sième avant-dernier rayon répond au premier de la dorsale : la caudale est arrondie. B. 5; D. 8; A. H; C. 19; P. 14; V. 5. La ligne latérale me paraît très-courte ; je compte trente à trente -deux rangées d'écaillés sur le côté. La tête et les opercules sont écailleux, comme le reste du corps. Le corps est d'une couleur verte, comme nos perches ou nos ables, et à partir de la ventrale, deux lignes noires descendent du milieu du corps jusque sous le ventre, et forment des demi- ceintures sur cette partie postérieure du tronc. Les CHAP. V. PANCHAS. 385 dernières bandes traversent quelquefois tout le Iron- oon de la queue. Les nageoires sont piquetées de noir. Les poissons restent petits : nos plus grands individus ont deux pouces. Ils ont été pris aux environs de Bombay par M. Dussumier et par M. Polydore Roux. Le Pancha de Buchanan. {Panchax Buchanani, nob.) M. Buchanan a décrit, sous le nom ^Esox pancliaxy un petit poisson représenté pi. ÏII, fig. 60 de son ouvrage. Il est évidemment du même genre que le précédent. Il a la tête courte, obtuse, demi-ovale, couverte d'écaillés; la bouche large, étendue en travers les mâchoires arrondies, presque égale; les lèvres très- minces, à peine existantes; des dents crochues, assez grandes pour la taille du poisson ; les opercules écail- leux; le dos large; le ventre comprimé; point de ligne latérale visible ; des écailles assez grandes, rudes et adhérentes ; la dorsale reculée sur l'arrière de l'anale, arrondie; l'anale longue; la caudale ar- rondie, les ventrales petites, les pectorales au milieu de la hauteur du côté aussi longue que la tête. Voici les nombres comptés par M. Buchanan; je crois qu'il a oublié un des rayons branchiostèges, B. 4; D. 6; A. 14; C. 16: P. 16; V. 6. 584 LIVRE XIX. ÉSOCES. Sa couleur est vert foncé en-dessus, blanche en- dessous; une tache argentée est sur le dessus de la tête, une autre au devant de la dorsale, qui porte sur la base de ses rayons un point noir : la caudale est bordée de cette même teinte. Ce petit poisson se nomme Pcmgchak chez les Bengalis. Il est très-commun dans les étangs et les marais du Bengale, et ne dépasse pas deux pouces. 11 vit très -long temps hors de l'eau. Le Pancha de Ruhl. {Panchaoc Kuhlli , nob.) Je trouve dans les dessins de Kuhl et Van Hasselt la figure d'un petit poisson évidem- ment très-voisin de ceux-ci : Il a les mêmes formes, la dorsale placée de même; la caudale, ovoïde, paraît plus longue , la dorsale un peu plus pointue, l'anale plus étendue et plus haute de l'arrière; les dents sont assez fortes. D. 8; A. 16; C. 25; P. 9; V. 6. Les ventrales n'ont pas de rayon prolongé en filet. Ces naturalistes disent qu'ils ont trouvé ce poisson dans les étangs auprès de Batavia. Il est long de deux pouces. CHAP. V. PANCHAS» 585 Le Pancha peint. {Panchaoc pictum, nob.) Une autre espèce, due aux observations des mêmes voyageurs, a le corps comprimé, la bouche plus petile et moins déprimée; la dorsale haute, étroite, répondant aux premiers rayons de l'anale, et dépassant la hauteur du tronc mesuré sous la nageoire : elle est au miHeu de la longueur totale du corps, mais en arrière des ventrales. Celles-ci sont assez avancées pour être insé- rées sous l'attache des pectorales. Ces nageoires, d'ail- leurs pédonculées, sont un peu rejetées en arrière. L'anale est étendue sous toute la longueur de l'abdo- men; elle finit tout auprès de la caudale, sans se confondre avec celle-ci. Cette nageoire est plus haute . de l'arrière que de l'avant; la caudale est arrondie. Le premier rayon des ventrales est alongé en filet. D. 9; A. 20; C. \1; P. 8; V. 6. Les écailles sont assez fortes. La couleur est un ioux brillant et jaunâtre sur le dos, rosé sous le ventre : les joues sont orangées. Deux grandes taches brunes, l'une sous la dorsale, l'autre plus avancée, se dessi- nent sur le dos. Une bandelette noire est tirée de l'œil à la caudale : il y a, de plus, une ligne assez foncée au-dessous, et une troisième, mais effacée, au-dessus. Les nageoires sont roses, la dorsale pointillée de noir, la caudale et l'anale bordées de cette couleur. Ce petit poisson, long de deux pouces, est nomme par les Javanais Sading- Fetang. Il vient des environs de Buitenzorg. l8. 2D 386 LIVRE XIX. ÉSOCES. CHAPITRE YI. Des Vandellies {Vandellia, nob.), et en particulier du Kandellia cirrhosa, nob. Je crois qu'il faut placer dans le voisinage de ces genres un très -singulier poisson, qui est probablement originaire d'Amérique. Le Cabinet du Roi n'en possède que trois exem- plaires; encore ne sont-ils pas très-bien con- servés : cependant on peut encore reconnaître et décrire les caractères remarquables qu'ils portent, et qui semblent empruntés aux Cal- lyonymes, aux Cobitis et aux espèces de la famille des Ésoces. Ce petit poisson a le corps alongé, arrondi, aminci sur le devant, a cause de la dépression de la tête et du museau; et sur l'arrière du corps il est comprimé. La plus grande hauteur, égale à la longueur de la tête, est le dixième de la longueur totale. La tête a le museau aplati, proéminent, la nuque un peu soutenue. La largeur de celle-ci est à peu près double de la hauteur , et égale à sa longueur; le dessous est aplati, de sorte que la figure générale est à peu près triangulaire. La bouche est petite et tout-à-fait en- dessous; la mâchoire infé- rieure est échancrée dans le milieu, arrondie et sou- tenue sur les côtés. Les lèvres sont assez épaisses. A l'angle de la bouche il y a un barbillon charnu. Je CHAP. VI. VANDELLIES. 387 ne crois pas qu'il y ait de dents aux mâchoires, mais sur le chevron du vomer, qui avance, comme dans le microstome , jusqu'au bord des intermaxillaires, il y a un petit groupe de cinq dents pointues et en crochets, dont la mitoyenne est la plus longue ; puis viennent les deux latérales, un peu plus courtes, et enfin l'externe, qui est la plus petite. L'oeil est très- petit, et répond au devant de la bouche. Les ouïes sont très-peu fendues, et en-dessous. Aux deux tiers de la longueur de la joue on voit le bord du préo- percule, ou plutôt son angle j qui est armé d'épines , au nombre de six à huit, assez fortes, recourbées en dessous : je n'ai pas pu compter les rayons de la membrane branchiostège. Les pectorales sont aussi comme attachées en dessous , et s'écartent sur les côtés de la poitrine, quand elles ouvrent l'éventail de leurs rayons, à la manière des nageoires des cal- lyonymes. Les ventrales, extrêmement petites, sont rejetées au dernier tiers du tronc ; la dorsale est tra- pézoïdale et plus reculée que les ventrales. L'anale répond aux derniers rayons de la dorsale j la caudale est petite et tronquée. D. 8; A. 10; G. 24; P. 8; V. 6. Je ne vois aucune trace d'écaillés sur la peau , qui est mouchetée , et ressemble tout-à-fait à celle de notre loche franche. La longueur de nos exemplaires est de deux pouces neuf ligues. Je sais que cette description est incom- plète , mais telle quelle est, on y trouve la 588 LIVRE XIX. ÉSOCES. preuve que ce poisson ne rentre dans aucun des genres connus. Sa dorsale, plus avancée que l'anale, est cependant plus en arrière que les ventrales. Comme elle est très-reculée sur le dos , je me suis déterminé à placer les Vandellies provisoirement à la suite de mes lucioides incertains. Ces petits poissons avaient été envoyés, il y a fort long-temps, à M. de Lacépède par M. Vandelli, professeur d'histoire naturelle à Lisbonne , en 1 808. Ils étaient mêlés aux lori- caires et aux hypostomes, dont nous avons parlé en traitant des siluroïdes. CHAP. VII. ORPHIES. 389 CHAPITRE VII. Des Orphies {Belone, Cuv.) Les nombreuses espèces qui sont aujour- d'hui réunies dans le genre Orphie [Belone), ont toutes été confondues par les naturalistes antérieurs à M. Cuvier en une seule, qui avait reçu dans les catalogues systématiques le nom dEsojc Belone. Si ces ichthyologistes avaient cependant comparé entre elles les différentes citations qu'ils mettaient à la suite l'une de l'autre comme synonymie d'un même être, ils auraient dû être frappés des différences nombreuses et générales que pré- sentent lesjfigures ou les détails de descrip- tions que leur avaient laissés leurs devanciers. Ces différences auraient paru bien plus grandes encore, s'ils avaient comparé entre eux les individus de pays différens, ou si même, sans quitter les côtes d'Europe, ils avaient étudié avec détail les différens traits de l'organisation de ces animaux. Pour nous qui avons le bon- heur d'avoir à notre disposition la plus riche collection ichthyologique du monde, nous avons reconnu vm nombre considérable d'es- pèces nouvelles, et la plupart de celles que O90 LIVRE XIX. ÉSOCES. nos prédécesseurs avaient prises dans les livres pour les confondre ensemble. C'est à M. Cuvier que l'on doit l'établisse- ment de ce genre dès la première édition du Règne animal : il l'a parfaitement caractérisé en reconnaissant que les intermaxillaires for- ment tout le bord de la mâclioire supérieure, qui se prolonge, ainsi que l'inférieure, en un long museau; que l'une et l'autre est garnie de petites dents. Pour être plus exact, il faut ajouter, que ces dents sont sur une bande plus ou moins étroite aux deux mâ- choires; que celles du bord interne sont écar- tées, coniques, plus longues que les autres, terminées en pointe acérée, et que le reste de la bandelette n'est plus composé que d'âpretés étendues le plus souvent sur la face externe de la branche de la mâchoire inférieure. Ces âpretés sont toujours visibles, parce qu'il n'y a pas de lèvres; un seul appendice mou et charnu, qui termine l'extrémité de la sym- physe , est le représentant de ces organes. Les dents coniques de la mâchoire supérieure se cachent entre les branches de l'inférieure quand la bouche est fermée; celles d'en bas se placent de chaque côté du bec et restent visibles. D'après l'observation que j'ai faite sur l'espèce de nos côtes, dont le vomer est CHAP. VII. ORPHIES. 39i hérissé de petites dents, l'on ne peut plus dire avec M. Cuvier, dans la diagnose générale de ce genre, que leur bouche n'a point d'autres dents. Je dois cependant faire tout de suite remarquer que toutes les autres espèces ont le palais lisse : les dents pharyngiennes sont disposées sur deux petites plaques sur le haut de l'œsophage; elles sont pointues et plus ai- gués que celles du pharyngien inférieur; toutes sont plutôt coniques qu'elles ne sont de véri- tables dents en pavé. Quoique le bec soit formé par le seul prolongement des inter- maxillaires , il faut observer que les maxillaires qui se soudent avec eux, concourent aussi à former la base supérieure de ce bec, sous les os du nez, et sur les côtés auprès de la com- missure : l'espèce de talon de ces deux os est recouvert généralement, en totalité ou en partie, par le sous-orbitaire, qui se prolonge toujours d'une manière notable au devant de l'œil : le préopercuie et l'opercule forment dans ces poissons deux très-larges plaques, celle faite par l'opercule est agrandie par le sous-opercule soudé avec lui, l'interopercule est petit et caché sous le reste de l'appareil operculaire. Les ouïes sont largement fendues ; la mem- brane branchiostège est soutenue par douze 392 LIVRE XIX. ÉSOCES. rayons. L'isthme de la gorge est toujours très- étroit, et dans quelques espèces, à corps très- comprimé, il est complètement caché entre les branches de la mâchoire inférieure, qui se touchent. Les os du crâne se réunissent en-dessus en un casque dur, creusé dans le milieu dune cannelure, et diversement sculpté ou sillonné sur les côtés; les mastoïdiens, qui se portent fort en arrière des occipitaux, rendent cette sorte de casque osseux plus ou moins profon- dément échancré, et dans cette échancrure pénètrent les muscles de la nuque et du dos, qui viennent s'insérer sur la région occipitale. Les variations que ce crâne nous offre, soit dans les proportions de sa largeur par rapport à sa longueur, soit dans la cannelure, dans les stries ou dans les ciselures, fournissent en général de très-bons caractères spécifiques. Le corps des orphies est alongé, couvert de petites écailles plus ou moins caduques, suivant les espèces; les nageoires dorsale et anale opposées l'une à l'autre, sont rejetées sur l'arrière du corps comme dans le brochet. La caudale est ordinairement fourchue et elle a cela de remarquable que dans le plus grand nombre des espèces le lobe inférieur est plus long que le supérieur. CHAP. VII. ORPHIES. 395 Les viscères ressemblent aussi à ceux des Ésoces. Us consistent en un canal intestinal sans aucun appendice cœcal. La vessie natatoire est grande et ne m'a pas offert de communi- cation avec l'œsophage. Un autre caractère des plus singuliers con- siste dans la coloration verte des os, non- seulement des deux orphies des côtes d'Eu- rope, m-ais du plus grand nombre des espèces de ce genre : ainsi nous voyons que cette remarque a été déjà faite par Willughby, mais postérieurement par Renard, par Russel, et cette observation a été reproduite par Bloch, par Lacépède et par d'autres naturalistes. Mais les deux auteurs que je viens de citer ont répété en même temps une assertion er- ronée que Bloch a prise sans doute dans Wil- lughby, sans dire h quelle source il la puisait et qu'il altérait en y ajoutant. En effet, le savant ichtyologiste anglais s'exprime ainsi : Spina dorsi viridis saltein a coctione. Cet anatomiste n'avait donc observé la couleur verte des os que sur des poissons cuits, et sans rechercher s'ils étaient de même couleur sur des poissons frais. C'est là le sens de l'ad- verbe saltem. Bloch dit d'une manière plus positive que toute fépine du dos, les côtes ^t les arêtes prennent cette couleur lorsqu'on 594 LIVRE XIX. ÉSOCES. les cuit ou qu'on les fume ^ il réfute par cette expression générale une assertion très-inexacte de Valmont de Bomare, qui avait dit qu'une seule entre toutes les vertèbres devenait verte. M. de Lacëpède, en racontant ce fait, em- belli par l'ëlègance de sa plume, ajoute encore quelque chose à cette erreur. Lorsque, dit- il, ces côtes et ces vertèbres sont exposées à une chaleur très-forte, elles deviennent vertes. Linné semble attribuer cette couleur à la phosphorescence : ossa noctu lucent viridia. Le fait est que la couleur est tout-à-fait in- hérente aux os; que d'après des expériences que j'ai faites, elle est plus intense avant la cuisson qu'après. Cette remarquable colora- tion n'est pas d'ailleurs un phénomène isolé parmi les poissons, car elle a été observée dans d'autres espèces de genres très-différens. M. de Lacépède cite les blennies, et nos lec- teurs ont pu remarquer que j'ai signalé la cou- leur verte et très- foncée qui teint les os de toutes les espèces de Cheilines. Les espèces d'orphies sont très -répandues sur la surface de la terre. Nous en connaissons dans notre Océan septentrional et dans la Mé- diterranée. L'Atlantique en nourrit, soit sur la côte d'Afrique, soit sur celle des Etats-Unis, soit dans la mer des Antilles et du Brésil. Les CHAP. VII. ORPHIES. 395 mers de l'Inde ont dans leurs divers parages jusque vers les terres australes, des espèces non moins variées. Celles-ci nous offrent même cet habitat remarquable , qu'elles vivent dans les eaux douces de la presqu'île de l'Inde , en même temps qu'elles sont dans les eaux marines qui baignent ces côtes. Déjà Russel et Bucbanan avaient consigné cette observation , que M. Dus- sumier a récemment confirmée. Voilà donc de nouveaux poissons à inscrire dans le catalogue de ceux qui, habitant ces deux natures d'eau différentes, servent à démontrer que la dis- tinction entre les poissons marins et les pois- sons d'eau douce est aussi arbitraire que celle que l'on a essayée de faire entre les mollus- ques ou les coquilles protectrices du corps mou et délicat de ces animaux qui vivent dans les différentes eaux. En rédigeant l'histoire des poissons de la famille des Brochets que je compose, on le voit, un peu autrement que M. Cuvier, je me suis demandé si je ne ferais pas bien de réunir en une famille particulière les genres Belone scoinhresox et Hemiramphus , et de suivre en quelque sorte fexemple qui m'était donné par M. le prince de Canino. Ce savant n'a pas hé- sité, en effet, à former une sous-famille de ses Esocidœ f qu'il a appelée Belonini. J'aurais 396 LIVRE XIX. ÉSOCES. fondé le caractère de la famille nouvelle sur une considération d'organisation plus élevée que lui, qui n'a fait que répéter les légères erreurs échappées dans le Règne animal sur la constitution du bec ou sur la forme des dents. Je vois dans les trois genres cités ce fait remarquable que les intermaxillaires et les maxillaires sont soudés ou réunis en une seule pièce; mais la liaison entre les hémiramplies et les exocets est si grande , qu'on ne peut isoler ces derniers des précédens, et surtout des hémiramphes, dont nos dernières espèces ont déjà les pectorales alongées. Or, la bouche des exocets rentre dans les conditions de celles des brochets ordinaires. J'ai donc cru em- brasser tous ces genres dans leur ensemble, en les laissant groupés dans une seule famille, comme M. Cuvier l'a fait. Je ne place cepen- dant pas, comme mon illustre maître, les Mormyres dans ce groupe , parce qu'ils ont des appendices cœcales au pylore. Le nom de Belone, par lequel Linné a dé- signé la seconde espèce d'Ésoce inscrite par Artedi, est un nom grec, (^sKovri (rac.j, (^shoç , dard) qui, dans son acception propre, signifie aiguille, et que Ton trouve cité plusieurs (ois dans Aristote. En rapprochant les différens CHAP. VII. ORPHIES. 397 passages dans lesquels ce grand naturaliste signale plusieurs traits de son Belone , on ac- quiert promptement la conviction qu'il par- lait du Syngnathe et non de l'Orphie. En effet, si l'on trouve ces f^sKovr; cités d'une ma- nière vague et peu caractérisée parmi des poissons qui vivent en troupes ' , ou qui ont la vésicule du fiel placée près du foie'', ou qui pondent leurs œufs pendant l'hiver^, on ne peut plus avoir d'incertitude sur l'espèce dont parlait Aristote , quand il nous présente le (2)sAovri comme un poisson dont le ventre se fend pour la ponte; que cette fente ne le fait pas périr et dont la blessure guérit"*. Il reproduit^ le même fait et en termes aussi clairs dans le livre de la génération des ani- maux que dans l'histoire des animaux^. Aussi Rondelet n'a- 1- il pas manqué de dire du syngnathe, qu'il désigne sous le nom de se- conde espèce d'aiguille , qu'elle est le (èsXovri d'Aristote. Mais ce qui me paraît extraordi- naire, c'est que cet ichthyologiste ne se soit 1. Arist. , Hist. anim., liv. IX, ch. II, p. 9a 5, B. 2. Ejusd. ibîd. , liv. II, ch. XV, p. 789, E. 3. Liv. V, ch. XI, p. 839, D. 4. Liv. VI, ch. XIII, p. 8G9, E, et p. 870, A. 5. De gêner, anim., liv. III, ch. IV, p. iio3, A. 6. Hist. anim., liv. VI, ch. XVII, p. 873, E. 598 LIVRE XIX. ÉSOCES. pas contenté de caractères précis pour tra- duire l'expression grecque et qu'il ait voulu appliquer sans aucun motif le nom de dsKovvi à notre orphie. Je ne puis l'expliquer qu'en supposant qu'il se sera laissé tromper par la dénomination d'aiguille donnée à l'orphie, et qu'il aura voulu retrouver dans Aristote un poisson auquel le nom vulgaire de son temps, conservé encore aujourd'hui, pouvait être donné par les anciens. On trouve aussi dans Athénée^ que Dorion établit que \e''Scc(ptç est le même poisson qu'A- ristote appela [^èAovtj. Il ajoute un trait remar- quable qu'on ne peut attribuer aux orphies, c'est de manquer de dents. On doit donc éga- lement en conclure que le 'fcc^piç d'Oppien'' est aussi le syngnathe. Cette interprétation explique alors l'épithète (ïoiChsvvy]ç (sans mu- cosité) que quelques auteurs ont donné comme un nom spécifique de poisson. Cet adjectif désigne très-nettement et fort exac- tement la nature de la peau coriace osseuse des syngnathes, et ne saurait être employé pour les orphies, dont la peau est lisse et tout autant muqueuse que celle de la plupart des 1. Ath., Deipn., liv. VII, p. Sig, D. 2. 0pp., Hal. , liv. 1, vers 172, p. i56, et liv. 111, vers 177, p. 278. CHAP. VII. ORPHIES. 399 poissons. Je vois bien que Rondelet veut l'expliquer par la sécheresse de la chair de l'orphie; mais cette interprétation me paraît bien peu naturelle. Pline' n'a fait que tra- duire littéralement Aristote en ce qui touche le mode de frayer des Belone ou des Aciis. Artedi a copié sans aucune sorte de cri- tique les citations grecques d'après Rondelet, et sans remonter aux sources originales, et la plupart des auteurs ont ensuite pris leur érudition dans le Sjnonymia piscium. C'est une nouvelle preuve de la légèreté avec la- quelle les déterminations des noms qui nous sont venus des auteurs anciens ont été faites. Mais comme le nom de Belone est aujour- d'hui adopté d'une manière précise, nous ne le changerons pas, après avoir fait remarquer qu'il n'aurait pas dû être appliqué à nos poissons. Z;'Orphie vulgaire. {Belone vulgaris, nob.) Tous les ichthyologistes ont jusqu'à présent confondu l'espèce des côtes de l'Océan avec celle de la Méditerranée, mais le caractère important que j'ai trouvé dans la présence des dents au vomer rend cette distinction spéci- 1. Plin. , Hist. nat. , liv. IX, ch. LI, p. 535. 400 LIVRE XIX. ÉSOCES. fique tout-à-fait nécessaire. Toutelois en con- sidérant l'ensemble du poisson et en le compa- rant à toutes les autres espèces, on voit que ce caractère n'a pas assez d'importance pour faire distinguer génériquement l'orphie de la Man- che de l'espèce méditerranéenne. Je reviendrai tout à l'heure sur ce sujet dans la description de cette seconde espèce. Il résulte de cette distinction que la synonymie des deux Belone est assez difficile à établir et que l'on ne peut en quelque sorte avoir d'autre guide que le lieu d'origine des individus décrits par les auteurs. Je dois donc supposer que Rondelet, Salviani, Aldrovande, ont parlé de notre se- conde espèce. La figure originale de Gessner lui appartient également, car il l'avait reçue de Venise. Je reparlerai donc de ces auteurs dans le second article et j'arrive ainsi à Willughby ', qui a donné, d'après Tyson, quelques obser- vations sur l'espèce des côtes d'Angleterre, en même temps qu'il a beaucoup emprunté pour son texte à Rondelet et à Salviani, et qu'il a même copié la figure de ce dernier. Ainsi donc cet auteur n'est pas encore un de ceux que l'on doit citer comme parlant exclusive- ment de l'espèce de l'Océan. 1. Will., liv. 4, ch. XIV, p. 23 1, tab. P. 2, fig. 4- CHAP. VII. ORPHIES. 401 Bloch et M. de Lacépède, qui ont suivi tout-à-fait les erremens de l'ichthyologiste de Berlin, entassent une synonymie non moins complexe, car ils ajoutent aux citations des auteurs précedens, celles que Marcgrave , Va- lentin. Renard, Nieuhof et Forskal leur four- nissaient en décrivant des espèces tout-à-fait différentes. Cependant Bloch, dans son Sys- tème posthume, distinguait d'une manière plus nette et comme variété celle de l'Amé- rique septentrionale décrite par Schœpf, celle du Japon indiquée par Houltuyn et celle de la mer Rouge, le Chorarn de Forskal. 11 faut de plus remarquer que le savant Schneider dit que l'espèce de la côte de Coromandel, reçue de Tranquebar sous le nom tamoul de Kockminn, caractérisée par une tache noire sur la queue et vivant dans les fleuves ou les lacs, doit être considérée comme une espèce distincte. Mais cette observation était restée sans application jusqu'à nous, et pour en re- venir au Belone dont il s'agit, on ne peut pas savoir laquelle des deux orphies européennes a été décrite par Bloch. Mais avant d'aller plus loin, passons à la description méthodique de fespèce des côtes de la Manche. 18. 26 402 LIVRE XIX. ÉSOCES. L'orphie a le corps très-alongé, presque anguil- liforme; le dos est un peu aplali, les côtés sont ar- rondis et le ventre tout- à-fait platj la séparation de la face ventrale d'avec les côtés, est marquée par une carène longitudinale - naissant sous la gorge , et continuée jusqu'à la racine du lobe inférieur de la caudale, en passant par- dessus l'insertion de la ventrale. Le tronçon de queue, au-delà de la dor- sale et de l'anale, est aplati en dessous et en dessus et comprimé sur les côtés, de sorte que la queue est véritablement tétraèdre. La hauteur du corps est presque double de l'épais- seur, et comprise dix- sept fois depifis l'extrémité du museau jusqu'au bout du lobe inférieur de la 'caudale. La tête de l'orphie mesure le tiers de la longueur du corps, la caudale non comprise, et cette même distance contient cinq fois la longueur du bec, pris depuis l'extrémité de la mâchoire infé- rieure jusqu'à l'angle de la commissure. La mâchoire supérieure est plus courte d'un hui- tième que l'inférieure. Ce sont les interraaxillaires qui forment l'extré- mité et la plus grande longueur de ce bec prolongé et remarquable de l'orphie, de sorte que la nature reproduit ici et avec les mêmes élémens, cette forme curieuse et singulière des mâchoires dont elle nous a offert déjà l'exemple dans l'espadon ou dans les gomphoses. A la base de l'intermaxillaire et près de l'angle de cet os, on voit, soudé avec lui, le maxillaire, lequel dépasse un peu le premier de ces deux os, de manière à contribuer, comme dans CHAP. VII. OBPHIES. 403 les poissons de la famille des Ésoces, à former un peu du bord de la mâchoire supérieure; mais le développement excessif des inlermaxillaires cache en quelque sorte le maxillaire, sur lequel s'avancent en dessus les os propres du nez, qui sont aussi assez alongés. D'ailleurs le talon des maxillaires se trouve recouvert par le sous-orbitaire. Il résulte de la con- formation et de la soudure des intermaxillaires entre eux et avec les maxillaires, que la mâchoire supé- rieure n'a au-devant du crâne qu'un simple mou- vement de bascule , qui lui est communiqué par celui de la mâchoire inférieure. Celle-ci a ses deux branches étroites et prolongées, et la symphyse est terminée par une sorte de lèvre en appendice char- nu, long de deux à trois lignes. Les deux mâchoires rapprochées forment un bec assez long, déprimé vers l'extrémité, et un peu soutenu vers la base, à partir de trois fois le diamètre de l'œil. Le dessus du crâne est aplati; il y a même une légère canne- lure dans le milieu; la surface des os, cachée sous un épidémie très-mince, est diversement et faible- ment ciselée; il est profondément échancré en ar- rière, oii les muscles du dos viennent prendre leur insertion. Les côtés des joues sont plans, un peu inclinés en dedans, de sorte que l'intervalle des deux mâchoires inférieures, ou, si l'on veut, l'isthme, n'a guère que le tiers du dessus du crâne entre les deux yeux. L'intervalle qui sépare ces deux organes est égal au diamètre longitudinal de l'orbite , lequel est un peu plus grand que le vertical. L'œil est d'ailleurs AOA LIVRE XIX. ÉSOCES. de moyenne grandeur ; sa largeur est comprise quatre fois entre l'angle de la bouche et le bord de l'opercule, et six fois dans la longueur de la mâ- choire inférieure , en comptant de l'angle de la bou- che. L'extrémité de la mâchoire inférieure répond au bord postérieur de l'œil. Au-devant de cet organe existe un seul et grand sous-orbitaire , placé obli- quement, comme nous l'avons déjà dit, sur le talon des intermaxillaires. Son bord antérieur est festonné en S. Le supérieur, plié en chevron, laisse entre lui et l'orbite un assez large enfoncement pour la cavité nasale. Le bord qui cerne l'orbite est faiblement ca- verneux. Le préopercule se dessine faiblement vers le milieu de l'intervalle , entre l'œil et la fente de l'ouïe. L'opercule, assez intimement réuni au sous- opercule, forme une grande lame mince et comme écailleuse. L'interopercule est très -petit. Les dents de la mâchoire supérieure sont coniques, très-pointues et disposées sur une bande étroite, de manière que les plus longues et les plus fortes soient sur le bord interne. Je ne vois à la mâchoire infé- rieure qu'une seule rangée de dents coniques, un peu plus grosses que les supérieures, et inégales entre elles quand la bouche est fermée. Elles se tiennent en dehors de la rangée des dents supé- rieures, en sorte qu'elles sont seules visibles, tandis que celles de la mâchoire supérieure pénètrent dans une rainure creusée le long de la branche de la mâchoire inférieure. Elles deviennent cependant un peu plus nombreuses, et sur une bande étroite près de la commissure: j'en compte environ quatre-vingts à la mâchoire supérieure. CHAP. Yll. ORPHIES. 405 Dans l'orphie de l'Océan européen, le vomer porte à son extrémité une petite plaque ovoïde, hérissée de dents coniques à pointes mousses. Cette petite carde est très -visible à l'œil nu, et me paraît avoir jusqu'à présent échappé aux observateurs. Les ouïes sont assez largement fendues; l'isthme est long et étroit. La langue est assez longue, libre et creusée en gouttière. Les pharyngiens supérieurs forment deux petites plaques garnies de dents mous- ses et grenues, et beaucoup plus petites que celles des pharyngiens inférieurs; elles sont coniques, à pointes obtuses, et à peu près semblables à celles du vomer. La cavité triangulaire que presque tous les ich- thyologlstes ont regardé comme la narine, porte une papille élevée à bords épais et frangés, et près de laquelle sont les trous presque imperceptibles des ouvertures de la narine. La membrane branchioslège est assez étroite et soutenue par douze rayons; les derniers sont larges et aplatis en forme de croissant; dans l'état de repos elle est entièrement cachée sous les opercules et entre les branches de la mâchoire inférieure. . L'ossature de l'épaule ne se montre à l'extérieur que par un limbe étroit de l'huméral; le radial et le cubital étant, quoique larges, cachés presque entiè- rement sous la peau et sous les muscles. Le mas- toïdien est assez libre, rugueux et attaché près du bord supérieur de l'opercule. La pectorale est une nageoire courte, mais haute; car elle égale presque la hauteur du corps : quand les rayons sont étalés. 406 LIVRE XIX. ÉSOCES. elle paraît tronquée; l'angle inférieur seul est arrondi, parce que les cinq à six derniers rayons sont plus courts que les supérieurs, et diminuent eux-mêmes graduellement. La ventrale triangulaire est tronquée comme la pectorale et insérée au milieu de la longueur du tronc. La dorsale, et l'anale qui lui correspond, com- mencent au-delà du troisième tiers du tronc. Les premiers rayons sont un peu plus longs que les sui- vans : ils ont leurs bords coupés en lame de faux. La caudale, en croissant, a le lobe inférieur un peu plus long que le supérieur. B. 12; D. 18; A. 21; C. 17; P. 12; V. 6. La ligne latérale est à peine visible : elle est située plus près du dos que du ventre; le nerf qui la suit est délié comme un crin de cheval. Les écailles tom- bent facilement; elles paraissent plus grandes sur la ligne du dos que sur les côtés. Celles de la carène saillante entre les flancs et le ventre sont fortes , lisses, très -adhérentes. Un trou oblique de la face supérieure à l'inférieure traverse le milieu de ces écailles, et les rend ainsi très -semblables à celles de la ligne latérale des carpes et généralement 'des autres poissons. Je me suis cependant assuré qu'au- cun filet nerveux ne suit le tracé de cette carène , tandis que j'ai vu le rameau du nerf de la huitième paire le long du dos. Les couleurs sont d'un beau vert sur le dos, iri- sées et nuancées de teintes violettes; une large bande argentée borde la teinte du dos et la sépare de celle CHAP. VII. ORPHIES. 407 des flancs, laquelle est légèrement verdatre et recou- verte d'une belle lame d'argent; le ventre et les joues brillent d'une belle teinte d'argent pur à reflets irisés ou nacrés. Le dessous de la mâchoire inférieure est rosé ou couleur de chair assez vive. La dorsale est grise, noirâtre vers le bord; ses rayons sont verts; la caudale est grise; les autres nageoires sont blanchâ- tres; l'iris de l'œil est argenté. En faisant l'élude splanchnologique de ce poisson, j'ai observé les particularités suivantes. Le foie de l'orphie est situé presque entièrement à gauche. Il descend jusqu'au tiers environ de la longueur de l'abdomen. La vésicule du fiel est ob- longue. L'intestin se rend en ligne directe de la bouche à l'anus sans faire aucun repli, ni avoir aucun ren- flement pour marquer l'estomac. Sa velouté est très- fine sur toute la longueur. Il diminue de diamètre à mesure que l'on approche de l'anus. Au dernier sixième de sa longueur il y a une valvule étroite en forme de bourrelet. Il n'y a point d'appendices cœcales. La rate est petite et noirâtre : elle est placée vers le haut un peu au-dessous de la terminaison du foie. La vessie natatoire est très- grande, simple, sans lobules, sans communication avec le canal digestif Je n'ai pas vu de canal aérien. Les ovaires sont deux grands sacs qui occupent aussi toute la longueur de l'abdomen. Ils sont rem- plis d'œufs très-gros, jaunâtres et iransparens, à peu près d'une ligne et demie de diamètre, flottant dans 408 LIVRE XIX. ÉSOCES. la cavité de ces sacs; il y en a beaucoup d'autres plus petits, moins transparens, qui sont attachés aux parois. Les reins occupent également toute la longueur de l'abdomen j la vessie aérienne leur est fort ad- hérente. Le cœur est petit et trièdre. Pour compléter cette description de l'orphie j'ajoute que le squelette a une colonne vertébrale composée de quatre-vingts vertèbres, dont cinquante -deux soutiennent des côtes et les vingt- huit autres sont réservées pour la queue. Bloch compte quatre-vingt- huit vertèbres, mais je puis affirmer que c'est une erreur, qui a été reproduite par M. de Lacépède; car j'ai vérifié les nombres que je donne sur plusieurs squelettes. Les apophyses épineuses ont la base dila- tée en une petite lamelle triangulaire; le reste de l'apo- physe est grêle, styloide, semblable aux autres arêtes. Les côtes sont fines; au-dessus des côtes abdomi- nales, chaque apophyse transverse donne attache à une petite arête horizontale. Les interépineux de la dorsale et de l'anale n'offrent rien de remarquable. Quant aux os de l'épaule , nous voyons en arrière de l'huméral un très-large cubital formant une espèce d'arc, au-dessus duquel se trouve placé un radial quadrilatère avec un trou très-grand. Les os du carpe sont petits. Le styléal est court , grêle , horizontal et pourrait être facilement pris pour un rayon détaché de la pectorale. Les os pelviens sont aussi remar- quables, parce qu'ils portent auprès de l'insertion de CHAP. VII. ORPHIES. 409 la nageoire une lamelle osseuse triangulaire , relevée en éventail sur le côté du ventre. Nos plus loDgs individus ont deux pieds sept pouces. Ils nous viennent fréquemment de Dieppe, de Fécamp, d'Abbeville; je les ai observés sur les marchés de Caen, de Boulogne et de Paris. M. d'Orbigny nous en a envoyé de La Rochelle. Cette espèce est donc répandue sur tout le littoral de la Manche ou de l'Océan qui baigne les côtes de France. Nous la voyons aussi remonter dans les mers septentrionales jusque sur les côtes d'Is- lande, d'où M. Gaimard en a rapporté deux" exemplaires, déposés dans le Cabinet du Roi, et chez lesquels la plaque des dents vomé- riennes est plus prononcée que dans aucun de nos autres individus. Artedi ' n'a pas établi l'espèce , et surtout celle de notre Océan septentrional, d'une manière aussi nette qu'on devait l'attendre d'un aussi habile ichthyologiste , à cause des synonymies fautives qu'il a réunies dans sa diagnose. Linné, tout en copiant les nombreuses erreurs de synonymie, a cependant précisé 1 Art., Syn. fisc, p. 27, n." 2. 4 1 0 UVR£ XIX. ÉSOCES. l origine de son Esojc belone, en le prenant dans 1 Océan septentrional pour 1 inscrire dans le Fauna Suecica '■. C'est évidemment d après cet ouvrage que Ion voit paraître cette espèce dans la dixième et dans la douzième édition du Sjstenia naturœ, quoique l'illustre auteur de cette œuvre immortelle cite Artedi. Je ne crois pas que l'orphie savance plus haut que llslande vers le Nord, car Fabricius ne la mentionne pas dans le Fauna Grœnlandica ^ et M. Reinhardt ne la pas inscrite non plus dans son Essai sur lichthv ologie du Groenland. Mais Mohr^ en parle dans son Histoire natu- relle de llslande. Faber ' la cite aussi dans ses poissons d Islande , sous le nom de Belone rostrata; il a seulement le tort de mêler à sa synonymie les citations de Briinnich et de Risso. M. ISilsson la compte aussi dans sa Faune de .Scandinavie. "* MuUer" la inscrite dans le Fauna Danica, et Ascanius en donne une assez bonne figure. Je la trouve aussi dans 1 histoire des poissons du Morko par M. Ekstrom.^' 1. Liiiii. , Faun. Siuc. , p. ii4. n/' 3o5. 2. Mo\iT, Hist. nat. deTLsI., p. 82, n.'' i4o. 3. Fab. , Fische Lsi., p. i^ju. 4. NiLcorps. 458 LIVRE XIX. ÉSOCES. La couleur paraît avoir été d'un bleu roussâtre sur le dos; tout le ventre, ainsi que les joues, sont blancs. Nous possédons deux exemplaires de cette espèce longs de quinze à seize pouces; ils ont été pris à File de l'Ascension par MM. Quoy et Gaimard pendant le relâche qu'y a fait M. d'Urville en 1829. CHAP. VIII. SCOMBRÉSOCES. 459 CHAPITRE VIII. Des ScoMBRÉsocES {Scombresox y Lacép.) C'est à Rondelet que l'on doit la connais- sance du poisson de la Méditerranée qui est devenu plus tard, mais par suite d'autres documens fournis à M. de Lacépède , le type d'un genre nommé Scombrésoce par cet il- lustre savant. La figure de Rondelet est par- faitement reconnaissable, et l'on doit s'étonner qu'Artedi et Linné l'aient laissé dans l'oubli. M. de Lacépède lui-même a été sur le point d'imiter le silence de ces auteurs, car il dit positivement qu'il ne doit la connaissance de ce poisson qu'à la description détaillée et au dessin qui lui furent envoyés par Adrien Camper. J'ai retrouvé dans les papiers de M. de Lacépède les pièces originales que le fils du célèbre anatomiste de Groningue avait en- voyées au continuateur de Buffon. Les ré- flexions qui précèdent la description d'Adrien Camper sont vraiment très-remarquables; elles montrent les difficultés que les naturalistes éprouvent à classer les différens êtres de la nature quand ils veulent suivre les préceptes des méthodes artificielles. Adr. Camper crut que Rondelet seul avait parlé de ce poisson. On 460 LIVRE XIX. ESOCES. ne peut cependant douter que Belon n'eu ait aussi laissé une figure, mais celle-ci est à la vérité fort incorrecte et beaucoup moins bonne que celle de Rondelet. C'est elle pour- tant qui a été reproduite dans Aldrovande, dans Gessner et dans Willughby. Ces auteurs ayant laissé de côté Rondelet, n'ignoraient pas toutefois ces travaux, puisque Aldrovande fait observer que son poisson a le bec droit, tandis que Rondelet a un peu redressé celui qu'il a fait dessiner, et que Belon l'a au contraire courbé par en bas. Gessner se demande si \Acus altéra niinoi^ de Belon n'est pas le même que le Sauras de Rondelet; il en fonde l'affinité dans les pinnules caudales, mais en le regardant comme distinct. On voit donc, par cet exposé, que les trois grands ichthyologistes du seizième siècle avaient connu le Scombré- soce et en avaient laissé des figures de valeur différente , quant à leur exactitude. Cependant M. de Lacépède aurait bien pu ne pas attendre la communication de Camper pour connaître ce singulier Lucioide; car Pen- nant en donna, dans son Voyage en Ecosse, une figure reconnaissable sans être très-exacte, et qu'il a reproduite dans la Zoologie britan- nique. On ne doit pas s'étonner de trouver le scombrésoce figuré par les ichthyologistes an- CHAP. VIII. SCOMBRÉSOCES. 4G'I glais, car, de l'aveu de tous, l'espèce n'est pas très- rare dans quelques-unes de leurs l)aies. Les poissons qui appartiennent à ce genre sont remarquables par un ensemble de carac- tères qui paraît emprunté à plusieurs autres genres de familles fort différentes. A n'exami- ner que l'ensemble général des formes, ou pourrait dire que les Scombrésoces sont des Orphies depuis la tête jusqu'au dernier rayon de leurs nageoires dorsale et anale, auxquelles on aurait ajouté la caudale d'un maquereau. On trouverait encore des caractères empruntés à un troisième genre en examinant les bran- chies, qui, par la disposition et la grandeur des ratelures pectinées et par la largeur de l'ouverture des ouïes, ressemblent beaucoup à l'appareil branchial d'un Hareng ou d'une Alose. Il faut même que l'on saisisse une cer- taine ressemblance générale entre le Hareng et le Scombrésoce, puisque les Anglais don- nent à celui-ci pour l'mie des dénominations vulgaires le nom de Egyptian Herring. Mais en étudiant en détail chacune des parties, l'on voit cependant qu'elles ont des caractères pro- pres qui les font distinguer de celles qu'on leur compare dans les autres poissons. Le bec des Scombrésoces est constitué parle prolongement des deux intermaxillaires. 462 LIVRE XIX. ÉSOCES. et par l'alongement des branches de la mâ- choire inférieure, qiii dépasse toujours la su- périeure : ces os sont juxtaposés plutôt que complètement réunis; aussi n'est-il pas rare de voir des exemplaires chez lesquels ces parties sont séparées l'une de l'autre, surtout après une macération plus ou moins continue dans l'alcool. Ce bec est si grêle et si délicat qu'il se déforme facilement. Dans les indivi- dus bien conservés je l'ai toujours vu droit ou très-légèrement redressé. Nous en possédons un qui l'a relevé, à peu près autant que cela est indiqué sur le dessin de Camper; mais je n'en ai jamais vu qui aient le bec courbé vers le bas, à la manière de celui représenté par Belon. Ce qui me fait dire que c'est une défor- mation, c'est que j'en ai signalé une tout-à-fait semblable à cette dernière dans un individu de l'espèce de Belone truncata. Les dents sont d'une finesse extrême et sur un seul rang ; il n'y en a point au palais ni sur la langue. La dorsale et l'anale sont recu- lées sur l'arrière du corps, opposées l'une à l'autre et suivies de petites pinnules, dont le nombre varie suivant les espèces. De chaque côté du ventre il existe une carène écail- leuse semblable à celle des orphies, mais qui s'efface près de l'anale et ne s'élève jamais CHAP. VIII. SCOMBRÉSOCES. 463 sur la queue. Le canal intestinal de ces ani- maux n'est formé que d'un conduit conique assez ample en avant, rétréci près de l'anus; il est droit et sans aucune circonvolution ni appendice ccecal : cette disposition avait déjà été signalée par Rondelet. D'après les auteurs qui ont examiné le scombrésoce sur le frais, il ne paraît pas que les os soient de couleur verte ainsi qu'on l'ob- serve chez les orphies. J'ai découvert dans ce genre une disposition anatomique des plus remarquables, quoique quelque chose de semblable ait été observé auparavant dans d'autres genres de poissons, tels que les polynèmes, les sebastes et les ma- quereaux. L'on sait que M. de Laroche a fait connaître que le maquereau de la Méditerra- née, très-voisin de celui de l'Océan, en diffère par le caractère notable de la présence d'une vessie natatoire, organe qui manque au pre- mier. Les ichthyologistes qui m'ont précédé avaient cru à l'identité spécifique des scom- brésoces de nos deux mers. En disséquant l'une et l'autre de ces espèces, j'ai observé dans ceux de nos côtes une vessie natatoire, qui manque à ceux de la Méditerranée : ce caractère m'a fait séparer ces deux poissons, d'ailleurs semblables à l'extérieur. 464 LIVRE XIX. ÉSOCES. Je vais en donner successivement la des- cription, et y ajouter ensuite celle de plusieurs espèces étrangères ; car ce genre se trouve assez répandu dans les difïërentes mers. Nous savons qu'il en existe à Terre-Neuve, à Sainte- Hélène , à Valparaiso du Chili , au cap de Bonne -Espérance et dans les mers Australes de la Nouvelle-Zélande. Le SCOMBRÉSOCE CAMPÉRIEN. {Scombresojc Camper i , Lacép.) Les naturalistes ayant confondu les deux espèces de Scombrésoces qui vivent dans les mers d'Europe, on conçoit qu'il est aussi dif- ficile de séparer d'une manière bien certaine la synonymie de ces deux poissons que cela nous l'a été pour les deux espèces d'orphies. Toutefois nous procéderons de la même ma- nière, et nous appliquerons au scombrésoce de l'Océan ce que les auteurs qui ont traité des poissons de ces cotes, ont écrit sur l'espèce septentrionale. Nous commencerons donc par reconnaître dans ce poisson le Skipper de Ray ' ; nous croyons aussi que ce que Camper a communi- 1. Syn. pisc. , p. 16^» CHAP. VIII. SCOMBRÉSOCES. 465 que à M. de Lacépècle, relativement au pois- son de son cabinet, se rapporte à notre espèce, parce qu'on peut supposer que le marchand d'Amsterdam avait reçu ce poisson des côtes de la Hollande. 11 ne serait pas cependant im- possible que cet individu ne vînt du cap de Bonne-Espërance, à cause des relations pres- que continuelles de cette colonie avec la mère patrie. Mais ces doutes ne peuvent s'étendre aux Saiiry de Pennant ' qui venaient des côtes d'Ecosse , où ils avaient échoues en grand nombre sur les sables de Leith après une grande tempête du mois de Novembre i-yôS. M. Rackett"" a donné, dans le VIl.^ volume des Transactions de la Société linnéenne, la figure d'un autre exemplaire , échoué aussi après une tempête sur les bords de lile de Portland dans le Dorsetshire. Donovan ^ s'es t aussi procuré un scombrésoce à la suite de circonstances semblables : la figure coloriée de son ouvrage est certainement une des meilleures qui soient restées sur ce poisson. Turton "*, Flemming '% Jennyns ^ le comptent 1. Penn., Tour, of Scot. , 1769. — Brit. zool. , 5, p. SaS. 2. Rack. , Linn. Tiansact., vol. VII, p. 60, tab. 5. 3. Donov. , vol. 5, pi. 116. 4. Turt. , Brit. Faun. , p. io5. 5. Flemm. , Anim. Kingsd., p. 184. 6. Jenn. , Anim. vert., p. 4i8. 18. 3o 466 LIVRE XIX. ÉSOCES. dans leurs Faunes d'Angleterre. M. Yarell l'a aussi très- bien représenté dans son Iclithyo- logie. Linné n'a pas fait mention de cette espèce, ce qui n'a pas empêché Blocli de l'introduire dans son Système posthume sous le nom dUEsox sauruSf en disant, d'après Ray, que l'espèce vit sur les côtes de Cornouailles, et qu'on la trouve aussi, mais rarement, dans la Méditerranée. Il confondait les espèces des deux mers, ainsi que les citations de ses prédé- cesseurs qui peuvent s'y rapporter. La figure de cet ouvrage représente tout aussi bien l'une que l'autre de ces deux espèces de scombrésoces. Le corps de ce poisson est plus alongé que celui d'un maquereau, auquel il ressemble à plusieurs égards , mais il l'est beaucoup moins que celui de l'orphie. La plus grande hauteur du corps se main- tient à peu près égale depuis la tête jusqu'aux na- geoires verticales, lesquelles sont opposées l'une à l'autre, comme dans tous les poissons de la famille des Brochets; la hauteur est cependant comprise dix fois dans la longueur totale , ce qui prouve que le corps est beaucoup moins fuslforme que celui du maquereau; la queue, au-delà des pinnules, est tel- lement rétrécie , que sa hauteur est quatre fois et demie dans celle du tronc. Le bec est droit, extrê- mement grêle; en le mesurant jusqu'à l'angle de la commissure, je le trouve toujours un peu plus long CHAP. VIII. SCOMBRÉSOCES. 467 que le reste de la tête ; car sa longueur atteint tou- jours au-delà de l'insertion de la pectorale, et est comprise six fois et demie dans la longueur totale. La mâchoire supérieure, plus grêle, plus étroite que l'inférieure, est aussi plus courte, ne faisant à peu près que les trois quarts de l'inférieure : elle peut se cacher dans une petite rainure, dont celle-ci est creusée pour la recevoir. L'alongement du bec supérieur e*|^ formé , comme dans l'orphie, par le prolongement des intermaxillaires, et l'on voit très- bien la soudure latérale des maxillaires à la base de ce bec, qui est recouvert par le sous-orbitaire : cet os, mince, quadrilatère, sans échancrure ni festons en avant , a sous la narine une entaille étroite et profonde. L'articulation de la mâchoire infé- rieure dépasse l'angle postérieur de cet os. L'œil est de grandeur médiocre : son diamètre est cinq fois et demie dans la longueur de la joue : il n'est pas recouvert par une paupière adipeuse, comme cela a lieu dans le maquereau, mais cependant un épaississement assez marqué et muqueux de la peau •au-devant de l'oeil s'étend un peu sur le sous-orbi- tairej le préopercule est très-mince, presque entiè- rement soudé; un large feuillet operculaire, com- posé d'un opercule et d'un sous -opercule minces comme une écaille et soudés ensemble ; l'interoper- cule semble se confondre avec l'angle du préoper- cule et l'alonge en arrière, tout en le laissant arrondi. L'isthme de la gorge est tellement étroit que les deux branches de la mâchoire inférieure, ainsi que les deux feuillets operculaires , se touchent en 468 LIVRE XIX. ÉSOCES. dessous. Les ouïes sont très-largement fendues, autant certainement que dans la famille des Clupées. La membrane branchiostège est entièrement cachée sous l'opercule : elle est soutenue par treize rayons. Les branchies *elles- mêmes ont des peignes longs et grêles, et le premier feuillet a pour râtelure des lames pectinées, semblables sous tous les rapports à celles de nos harengs, de sorte que, sous ce rap- port, le scombrésoce se lie par dgjinouvelles affi- nités que nos prédécesseurs n'avaient point signalées, à une troisième famille de poissons. Les dents des deux mâchoires sont d'une très- grande petitesse et toutes égales : elles diminuent cependant un peu à mesure que l'on s'approche de l'extrémité du bec : elles sont disposées sur un seul rang. Le palais est tout- à- fait lisse; les dents pha- ryngiennes sont très-fines et pointues, serrées l'une contre l'autre et un peu inclinées vers le fond. La langue est assez libre dans le fond de la bouche : elle n'a pas de dents. Les narines sont, comme celles de l'orphie, dans un enfoncement triangulaire au- devant de l'œil, et me paraissent s'ouvrir sur le bord libre de la papille qui sépare cet enfoncement en deux petites cavités. L'épaule est en parlie couverte par le bord oper- culaire. La pectorale est attachée à peu près vers le milieu de la hauteur, et à la hauteur de l'angle de la fente des ouïes; le surscapulaire forme une pièce . irrégulièrement trapézoïdale, couchée au-dessus de l'opercule. Le dessus du crâne offre, de la nuque aux yeux, CHAP. VIII. SCOMBRÉSOCES. 469 une surface à peu près plane; il s'arrondli au-devant, ainsi que les deux côtes formées par les mastoïdiens, qui, dépassant de chaque côté la nuque, laissent, comme dans l'orphie, une échancrure assez profonde remplie par les muscles du dos. La dorsale est insérée sur le dernier tiers de la longueur du tronc; cette nageoire est basse, à bords coupés droit, mais inchnés: le dernier rayon semble s'élargir déjà un peu et ressembler aux pinnules. L'anale commence un peu au-devant du premier rayon de la dorsale-: elle est plus basse qu'elle, mais de même forme ; en arrière de ces deux nageoires on voit, sur le dos et sous la face inférieure de la queue, une suite de petites pinnules semblables à celles des scombéroïdes, et en nombre inégal, comme cela a lieu dans les espèces de cette famille; on en compte cinq en dessus et sept en dessous. Il faut toutefois faire attention que le dernier rayon de la dorsale s'élargit un peu en éventail; que son filet postérieur s'alonge un peu, de façon qu'il ressemble assez bien à une fausse plnnule. Je l'aurais même compté comme une fausse nageoire, s'il n'était réuni par une membrane aux autres rayons de la dorsale. D'ailleurs, en me tenant au nombre de cinq et de sept pour les pinnules comptées sur un de ces indi- vidus, je suis d'accord avec Donovan , Jennyns , Yarrell et Pennant. Mais M. de Lacépède a donné, d'après Camper, six pinnules en haut; Flemming ne compte en dessus comme en dessous que six pinnules, mais il fait observer que ce nombre en est variable. La caudale est profondément fourchue et tous ses rayons sont très-distinctement articulés. 470 LIVRE XIX. ÉSOCES. B. 13; D. 12; A. 12; C. 27; P. 12; V. 6. Tout le corps est couvert de petites écailles égales, caduques. Il y a, comme dans les orphies, sous le ventre deux carènes formées d'écaillés peu résis- tantes : elles sont rapprochées l'une de l'autre beau- coup plus que dans l'orphie commune; mais comme on l'observe dans plusieurs espèces étrangères, ces carènes s'évanouissent à la quatrième fausse pinnule : je les crois, comme dans l'orphie, distinctes de la ligne latérale; car je puis suivre celle-ci du haut de l'angle de l'opercule jusqu'à la queue par le mi- lieu du corps du poisson. La couleur, qui se conserve encore assez bien dans les individus de la collection, est un beau bleu d'outre-mer sur le dos et un argenté très-bril- lant sur les côtés et le ventre; la caudale et les pin- nules dorsales sont bleues. La dorsale et la pectorale sont plus pâles; on voit une tache bleue assez foncée à l'aisselle de cette dernière; l'anale, les pinnules inférieures et les ven- trales sont teintes du plus léger bleuâtre. En ouvrant le poisson pour en étudier la splanchnologie, j'ai trouvé un canal intestinal formé d'un simple tube membra- neux, se rendant directement de la gorge à l'anus, sans faire aucun repli, aucune boursoufflure , mais se rétrécissant graduellement et régulièrement : cela est exactement la forme du canal intestinal des sto- mias , avec un peu plus d'épaisseur dans les parois. Le foie est très -petit; au-dessus de ce canal existe, dans toute la longueur de la cavité abdominale, une CHAP. VIII. SCOMBRESOCES. 471 vessie aérienne fusiforme, à parois excessivement minces, brillantes, d'un argenté bleuâtre, et qui, à cause de cette couleur et de sa capacité, ne peut être un seul instant méconnue ou révoquée en doute. Les reins sont assez épais : ils occupent toute la longueur de la portion abdominale de la colonne vertébrale j ils sont maintenus en dessous par une sorte de réseau à mailles assez larges et composé de brides que je crois fournies par le péritoine. C'est une fort singulière disposition que je n'ai encore observée dans aucun autre poisson. Cette description du Scombrésoce campë- rien a été faite d'après un individu long d'un pied environ, qui a été envoyé d'Abbeville au Musée d'histoire naturelle par M. Bâillon. Il avait été pris dans le fond de la baie de Saint-Valéri sur Somme , c'est le seul exem- plaire que nous ayons reçu de la Manche, quoique depuis plus de trente ans l'on re- cherche avec suite et activité les poissons de nos côtes, que les divers zoologistes du Jardin des plantes ont toujours été empressés à mettre dans le Cabinet du Roi. Nous en avons un autre exemplaire de même taille, mais d'origine inconnue, que M. Cuvier s'était procuré en Hollande. Puisque le scombrésoce ne paraît que «i rarement sur nos côtes, et qu'il ne s'est offert sur celles de Cor- nouailles ou d'Ecosse qu'à la suite de grandes 472 LIVRE XIX. ÉSOCES. tempêtes, nous devons croire, avec M. Yarell, qu'il est un poisson voyageur. Il serait, au con- traire, plus abondant, d'après le témoignage de M. Low, vers les Orcades et aussi dans le détroit de Forth, où il en paraît des troupes nombreuses à l'automne. Le SCOMBRÉSOCE DE RoNDELET. {Scombresox Rondeletii, nob.) Nous croyons juste de suivre l'exemple qui nous a été donné par M. de Lacépède, en dé- signant par le nom du célèbre ichthyologiste du seizième siècle, l'espèce de la Méditer- ranée que nous distinguons aujourd'hui. Ce n'est pas que nous trouverons, soit dans Ron- delet, soit dans les auteurs postérieurs même les plus récens le caractère distinctif de notre poisson^ mais la figure du Saurus, que nous devons au naturaliste de Montpellier, doit être nécessairement appliquée à l'espèce de la Mé- diterranée qu'il décrivait. Elle parait rare aux environs de Cette. Rondelet le dit positive- ment, en ajoutant que le scombrésoce lui a été apporté par les pêcheurs de son pays comme un poisson nouveau. Après Rondelet nous sommes obligés d'arriver jusqu'à Rloch, qui indique aussi le scombrésoce comme un pois- CHAP. VIII. SCOMBRÉSOCES. 473 son rare de la mer Méditerranée. Cependant M. Risso, dès sa première édition, citant notre poisson sous le nom que lui a donné M. de Lacépède, le mentionne comme une des es- pèces de passage dans la mer de Nice, dont la migration se ferait régulièrement chaque année en Juillet et en Octobre : à cette époque on en prend des légions nombreuses dans la madrague de ce port. Il répète la même chose dans la seconde édition. M. Rafinesque n'ayant pas voulu, comme il l'avoue, adopter le nom composé de M. de Lacépède, qu'il trouvait complètement con- traire aux lois de la nomenclature zoologique, s'est donné le tort de changer la dénomina- tion significative du zoologiste français en celle de Sajris: c'est un pur néologisme tout- à-fait inutile. Ce qui est plus mauvais encore , c'est que cet auteur a établi cinq espèces no- minales sur de simples variétés de ce même poisson , et que la figure qui représente Tune d'elles, le Sajris liians, est même si défec- tueuse que l'auteur a oublié la nageoire dor- sale. M. le prince de Canino , qui a préféré le nom du naturaliste sicilien à celui que tous les autres zoologistes avaient accepté de M. de Lacépède, a parfaitement reconnu cette inutile multiplication d'espèces j mais ce savant 474 LIVRE XIX. ÉSOCES. zoologiste, croyant encore a l'identitë spéci- fique du poisson de la Méditerranée et de celui de l'Océan, a fait entrer dans sa synony- mie les citations de Pennant et de Lacé- pède, qui ne se rapportent pas cependant aux individus des mers d'Italie. La ligure de la Faune italienne est une des meilleures que l'on ait de ce poisson. Nous en avons aussi donné une figure dans l'Iconogra- phie du Règne animal, pi. 98, n.° i, sous le nom de Scomhresox saurus. Je ne saurais signaler en lui de caractères exté- rieurs fort apparens, malgré l'étude minutieuse et comparative que j'ai faite sur vingt-quatre individus; tous cependant me paraissent avoir les dents plus fines que celles du scombrésoce de l'Océan : j'appelle même l'attention sur cette particularité; car nous avons trouvé comme différence extérieure à peu près appréciable entre le maquereau commun et le scomber pneumalophorus ^ que ce dernier a les dents plus fines; mais nous avons à signaler une dif- férence anatomique fort curieuse, et qui est tout-à- fait inverse de celle qui existe entre le maquereau de l'Océan et celui de la Méditerranée. Tandis que le scombrésoce campérien, celui de l'Océan, a une lon- gue vessie natatoire, il n'en existe aucun vestige dans l'espèce de la Méditerranée, du moins je n'ai pu en voir la trace dans cinq individus de différentes tailles que j'ai ouverts dans le but de rechercher cette vessie, que j'ai trouvée si longue et si apparente dans noire première espèce. CHAP. VIII. SCOMBRÉSOCES. 475 Quant aux pinnules, je les vois extrêmement variables dans nos difFérens individus : ainsi, ceux de Naples m'ont donné le plus généralement cinq pinnules en haut et six en bas ; mais j'en ai qui ont quatre et six -, un autre six et six ; et enfin un a six et sept : ceux de Sardaigne ont cinq et six; ou six et sept; ceux de Nice avaient cinq, septj cinq, six; six, six; et six, sept : mais je n'ai jamais compté, comme M. Risso, un nombre égal en haut et en bas, et seulement de cinq. M. le prince de Canino a re- trouvé les mêmes nombres que M. Risso, que je n'ai pas observé sur nos individus de Messine qui m'ont offert cinq, sept; et six , six. La citation de ces nombres prouve avec quel soin j'ai étudié ces poissons, afin de connaître les variations qu'ils peuvent nous offrir. Nos plus grands individus sont longs de treize pouces: ils ont été rapportés de Naples par M. Savigny. Nous en avons reçu d'autres de Nice, par M. Laurillard ; de Sardaigne, par M. Bonelli; de Messine, par M. Bibron. Nous voyons l'espèce s'avancer jusqu'au cap de Bonne-Espérance. Nous en avons des in- dividus qui nous ont été envoyés de cette pointe australe de l'Afrique par M. Jules Ver- reaux. Cette observation est assez importante , car elle sert à expliquer la figure que l'on trouve dans Barbot' sous le nom de Balahow^ poisson 1. Collect. of travels and vojages , vol. 5, pi. 19, p". 224. 476 LIVRE XIX. ÉSOCES. qu'il dit être peu commun sur la côte de Guinée. Il ne faut pas d'ailleurs oublier que ce nom de Balahow est celui des hëmiramphes chez. tous nos colons; et c'est là ce qui peut expliquer l'observation que ce voyageur a ajoutée à la suite de l'indication sur l'origine de son poisson, quand il dit que ce Balaliow, rare sur la côte d'Afrique, est commun aux Antilles et dans les mers américaines. D'ail- leurs, Barbot avait sous les yeux un individu dont les branches des deux mâchoires s'étaient séparées suivant leur longueur, ce qui lui a fait croire que le poisson avait le bec divisé en fourche. Le nom vulgaire du scombrésoce est à Nice, suivant M. Risso, Gastodello ou bien Gastan- dela. Cet auteur dit que sa chair est coriace; que ce poisson se tient entre deux eaux; qu'ap- paraissant sur les côtes de Nice en Juillet, il les quitte en automne ; que les femelles sont pleines d'œufs pendant l'été. Les noms siciliens donnés par M. Rafinesque et par le prince de Canino sont : Testareda , Cristareda , Cristardedda , Tristaredda et Ristardedda. CHAP. Vlir. SCOMBRÉSOCES. Ml Le SCOMBRÉSOCE COUTELET. {Scombresooc scutellatus , Lesueur). Ce zoologiste a publié, dans le Journal des sciences de Philadelphie, la description de deux espèces de ce genre, dont celle qui va faire le sujet de cet article, lui a été fournie dans les circonstances semblables à celles qui ont procuré à M. Dussumier l'individu que nous allons décrire. Le caractère le plus saillant de cette espèce consiste dans la forme comprimée du corps, qui ressemble, comme la très-bien exprimé M. Lesueur, à une petite lame de couteau. Je vois sa hauteur comprise près de neuf fois dans la longueur totale; la brièveté du museau est aussi non moins remarquable; car la longueur du bec n'est guère que moitié du reste de la tête; le bec supérieur lui-même n'est pas beaucoup plus prolongé que celui de plusieurs hémiramphes. Les dents sont très-petites; la pectorale est atta- chée sur le haut du côté : elle est très-courte; la caudale me paraît fourchue. Je ne compte que cinq pinnules au-dessus de la queue et que six en bas. D. 10; A. 12, etc. La couleur est d'un beau vert sur le dos et le reste du corps est argenté. 478 LIVRE XIX, ÉSOCES. Ce petit poisson, long de deux pouces neuf lignes , a été recueilli par M. Dussumier en le retirant de l'estomac d'une coryphène {Corj- pliœna eqidsetis) qu'il préparait pour ses grandes collections et qu'il venait de pécher à vingt-cinq lieues au nord de Sainte-Hélène. Nous avons un second exemplaire de la même espèce, qui n'a, comme le précédent, que cinq pinnules en haut et six en bas. Il est de même taille; celui-là provient des col- lections que M. Mathieu, colonel d'artillerie, fit à l'Isle-de-France ou pendant sa traversée de retour. Ces deux exemplaires me confirment dans l'opinion que nous avons là sous les yeux l'es- pèce de M. Lesueur, quoique son individu ait été pris fort loin des deux précédens; car celui-ci a été retiré de festomac d'une morue au banc de Terre-Neuve. Je vois bien que M. Lesueur compte six pinnules en haut et sept en bas; mais comme il y a plusieurs autres erreurs * dans cette des- cription, imprimée sans doute à la hâte, je ne puis attacher une grande importance à ces 1. Ainsi la caudale est, par erreur typographique, marquée de l'initiale de l'anale; le nom spécifique de son poisson, qu'il voulait appeler avec raison cultellus (petit couteau), est écrit scutellatum , épitliète que l'on ne peut appliquer à ce poisson. CHAP. VIII. SCOMBRÉSOCES. 479 différences , et je préfère m'en rapporter à la ressemblance générale que m'offre le dessin. D'ailleurs nous voyons varier tellement le nombre des pinnules de l'espèce de nos mers, que nous pouvons bien croire à de sembla- bles variations dans les espèces étrangères. Le SCOMBRÉSOCE ÉQUIROSTRE. {Scomhresox equirostrum , Lesueur). Nous retrouvons la seconde espèce, décrite par M. Lesueur sous le nom que nous lui conservons, dans un individu que M. Gay a rapporté du Chili, et que ce savant voyageur a bien voulu déposer dans le Cabinet du Roi. Ce poisson a les deux mâchoires égales, étroites, grêles et un peu recourbées vers le haut; les dents sont d'une finesse extrême; la longueur du bec fait la moitié de celle de la tête entière, laquelle est comprise trois fois et demie dans la longueur totale. La hauteur du corps n'est que trois fois et demie dans celle de la tête; l'œil est de grandeur médiocre; le sous-orbitaire est mince, étroit, arrondi en avant et en dessous; la pectorale est courte, échancrée; la ventrale est petite; la dorsale est basse; l'anale l'est davantage; la caudale est fourchue. D. 11; A. 13; P. 5^7; C. 27 ; P. 14 ; V. 6. La couleur est un beau bleu d'outre-mer sur le dos, devenant verdâtre sur le dessus du crâne; une 480 LIVRE XIX. ÉSOCES. bande plus pâle sépare, sous la forme d'une large raie, cette teinte foncée de celle un peu moins in- tense, qui commence à la ligne latérale et qui se fond insensiblement dans le blanc du ventre. Les nageoires, ainsi que le dessous de la mâchoire inférieure, ont du brun verdâlre, mêlé à la teinte bleue générale du poisson. L'individu que je décris ici est long de neuf pouces; je le dois à l'obligeante commu- nication que m'en a faite M. Gay. Il a bien voulu me laisser prendre un calque du dessin qu'il en a fait sur le frais, et m'a donné ainsi la possibilité de compléter ma description. En comparant cet exemplaire à la figure de M. Lesueur, il est impossible de douter de leur identité spécifique. Si d'ailleurs le texte de la description insérée dans le Journal des sciences de Philadelphie offre quelques diffé- rences, elles dépendent sans aucun doute de ce qu'elle a été faite d'après un individu des- séché et conservé dans le cabinet de Boston; et M. Lesueur ne dit pas que le poisson eût été péché sur les côtes des États-Unis. Dans sa grande et importante Faune de New-York, M. Dekay a réuni les deux espèces de Lesueur en une seule. Je ne partage pas cette opinion, après l'inspection des individus de la collection du Muséum. Le scombrésoce CHAP. VIII. SCOMBRÉSOCES. 481 ëquirostie est appelé par ce savant et par M. Storer, Billfish. Ne croyant pas devoir adop- ter la dénomination de M. Lesueur, il a dé- signé son poisson sons le nom de Scomhresox Storeri. Il lui donne cinq pinnules au-dessus et au-dessous de la queue. La figure, d'un jaune verdâtre sur le dos et blanche ou légè- rement jaunâtre sur les côtés, offre une ligne bleue longitudinale. M. Storer donne plus de détails sur le Scomb. équirostre que son compatriote, parce que le poisson est plus abondant sur les côtes du Mas- sachussets que sur celles de New-York: il arrive au cap Cod aux environs d'Octobre , un peu plus tôt ou un peu plus tard, suivant la saison: il y est l'objet d'une pêche considérable, parce que les riverains de ce cap l'estiment comme une nourriture fort agréable au goût. Le SCOIVIBRÉSOCE DE FoRSTER. {Scomhresooc Foj^steri, iiob.) Forster nous a Tait connaître , depuis long- temps, qu'il existe sur les côtes de la Nou- velle-Zélande un scombrésoce très-voisin des précédens : quoique ce voyageur nous en ait laissé une description très-détaillée, elle ne peut servir à établir les caractères de l'espèce 18. 3i^^ 482 LIVRE XIX. ÉSOCES. dont il avait donné une synonymie exacte pour l'époque où il écrivait. Voici ce que ce voyageur en dit : ,( Le corps de ce poisson est comprimé et comme lancéolé , couvert de petites écailles ; la tête , peu carrée, est pointue en avant; le bec est alongé en alêne; la mâchoire inférieure est un peu plus longue que l'autre; les dents sont petites, pointues et ser- rées; les narines sont grandes, ouvertes, placées près des yeux et au-dessous d'eux; ceux-ci sont grands, sur le haut de la joue; la membrane branchioslège a douze rayons : il y a cinq pinnules sur le haut de la queue et sept dessous. B. 12; D. 11 ; A. 12 ; Pin. V. et Vil; C 14 ; P. 13; V. 6. «La couleur est un bleu noirâtre sur le dos et argenté sur le reste du corps; les pinnules dorsales sont noires et les dorsales sont blanches; la cau- dale est d'un bleu verdâtre. '' Fors ter a vu ce poisson rejeté sur le rivage après des tempêtes. Ce poisson des mers australes a donc autant de ressemblance dans ses mœurs que dans ses formes avec le sconi- brésoce de notre pôle. ADDITION au genre LOCHE. Après la Loche aux petites ventrales {Cohitis micropus , nob.), page 52 de ce volume, ajoutez : La Loche a queue d'anguille. {Cobitis anguillicaudala j Cantor.) Je veux réparer ici l'oubli que j'ai fait lors de la rédaction de l'histoire des Loches. Je trouve dans l'Ichthyologie du voyage du ca- pitaine Edw. Belcher, rédigée par le J).^ Ri- chardson *, la description et la figure d'une Loche qui avoisine notre Cohitis micropus , en même temps que la forme de sa caudale rappelle à certains égards celle de notre Coh, malapterura. C'est une espèce à corps un peu plus raccourci que le Misgurne , ayant dix barbillons, point d'épines au-dessous de l'œil, environ cent dix rangées d'écaillés entre l'ouverture de l'ouïe et la caudale; la dorsale, au- dessus des ventrales, insérée sur le milieu de la longueur totale; l'anale aux trois quarts de la lon- gueur; la caudale arrondie, précédée d'un nombre assez considérable de petits rayons soutenus par une peau épaisse. 1. Rich., Ichlh. ofSulfur, p. i43, pi. 55, fig. g, lo. 484 ADDITION AU GENRE LOCHE. D. 8; A. 6; C. 15; P. 13; V. 7. La couleur est jaune, tachetée d'olive au-dessus de la ligne latérale et de cendré noirâtre au-dessous; les rayons des nageoires, jaunes et ponctués de noir, ont leur extrémité rouge. Cette espèce qui vient du Chusan, a été établie sous le nom que lui a conservé M. Richardson, par le D/ Cantor. SUPPLEMENT AU TOME XV. Des Trichomyctères. {Trichomjcterus y nob.) Lorsque j'ai rédigé pour le recueil des ob- servations de zoologie de M. de Humboldt une nouvelle description de VÉrémophile , j'ai tracé à la fin et dans quelques mots une description sommaire d'un genre de poissons vivant dans les eaux douces des plaines les plus basses de l'Amérique, au niveau de l'Océan sur les côtes du Brésil. J'ai appelé l'es- pèce unique que je connaissais alors Tluycho- mjcterus nigricansj elle provenait des savantes collections faites par notre confrère M. Auguste Saint-Hilaire. Depuis ce premier essai, M. Gay, botaniste fort instruit et non moins zélé zoo- logiste, a bien voulu me communiquer les dessins et les poissons originaux de trois autres espèces nouvelles du même genre, mais un peu plus australes, et qui ont été prises par ce naturaliste dans les eaux douces des envi- rons de Santiago du Chili. Je reconnus par l'étude de plusieurs espèces de ce genre la valeur des caractères que j'avais indiqués dans ma première note; je me con- firmai dans l'opinion qu'il devait être placé 486 SUPPLÉMENT AU TOME XV. auprès de \ Eremophilus , tellement que je persiste à les appeler encore des Érémophiles à nageoires ventrales ; j'avais aussi à cette époque cru que ces poissons devaient être placés dans la famille des Siluroïdes. Cependant, après avoir réfléchi sur leur forme générale et sur l'absence de la nageoire adipeuse dans des poissons qui doivent pren- dre place auprès des Hétérobranches et des Malaptérures, si on en fait des Siluroïdes, des doutes se sont élevés dans mon esprit, j'ai cru mieux faire en examinant si ces poissons ne devaient pas prendre rang à côté des Loches (Cobitis). C'est là ce qui m'a empêché de publier la description de ces deux genres à la suite des Siluroïdes. Aujourd'hui, que je viens de publier la nombreuse série des espèces de Cobitis à la tête de ce volume, que j'ai pu étudier avec détail l'organisation des Loches, et que mes idées sont plus arrêtées sur la va- leur des caractères de ce genre, je n'hésite plus à considérer de nouveau le Trichomyc- tère et l'Érémophile comme des Siluroïdes, mais qui établiront un nouveau lien entre cette famille et celle des Cyprinoïdes. Je me fonde, pour établir ce rapprochement, sur l'im- portance que l'on doit donner à fabsence de sous -opercules, caractère qui se maintient TRICHOMYCTÈRES. 487 malgré la loi d'unité de composition dans toutes les espèces de Siluroïdes, sous quelque forme que la nature nous les montre. L'ab- sence de nageoire adipeuse ne peut pas avoir la même valeur, puisque nous la voyons man- quer dès les premières espèces de Siluroïdes. Le défaut de ventrales chez l'Érémophile n'a pas plus de valeur pour fixer la place dans les familles naturelles parmi les Siluroïdes, que l'absence et ces mêmes nageoires ne peut en avoir dans celle des Scombres, des ^\en- nies, des Salmones et des Cyprins. Les Tri- clîomyctères sont voisins des Malap'térures , ainsi que le démontre la Icirme générale de leur corps, la dépression de la tête, l'amin- cissement du museau et la forme de leur crâne; mais ils s'en distinguent à l'extérieur par la présence d'une nageoire dorsale insérée sur le milieu du dos, par l'absence de na- geoire adipeusp,*et a l'intérieur par le défaut de vessie aérienne. Les rayons branchiostèges sont au nombre de huit et non de six, comme je les ai com- pris dans mon mémoire. Ayant eu de M. Gay des exemplaires plus grands et mieux conser- vés que celui de M. Auguste Saint-Hilaire, je me suis assuré de l'exactitude de ces nombres. Outre ceux que nous avons reçus de M. 488 SUPPLÉMENT AU TOME XV. Gay, j'en ai aussi un petit individu qui nous est venu de Rio Janeiro, par les soins de M. Menestrier, conservateur du Cabinet de laca- démie impériale de Saint-Pétersbourg. Le Trichomyctère pointillé. {Trichomjcterus p une tu la tus :, nob.) • Nous devons cette première espèce à M. Fontaine. Ce voyageur nous a procuré les plus grands Trichomyctères, et comme ses indivi- dus sont parfaitement conservés, nous com- mencerons notre description par eux. Ces poissons ont la tête aplatie, le museau ar- rondi, aminci et tout- à- fait en cône. Le tronc de- vient plus rond, surtout à cause de la saillie du ventre, puis, vers la queue, le corps devient très- comprimé. Le profil du dos est assez soutenu; la hauteur vers le milieu de l'espace, entre le bout du museau et la dorsale, est six fois et demie dans la longueur totale, à la nuque et^à la queue la hau- teur ne fait guère que la moitié de celle du tronc. La largeur du tronc est plus petite d'un quart que la hauteur, celle de la nuque surpasse d'un tiers la hauteur, et celle de la queue n'est plus que le quart ou même le cinquième de la hauteur. La circonscription du museau, arrondi, est aug- mentée par l'épaisseur de la lèvre supérieure qui recouvre l'inférieure, et elle est un peu élargie vers les anj^les de la bouche où sont implanlés les bar- TRÏCHOMYCTÈRES. 489 billons labiaux. La longueur de la tête est du sixième de la longueur totale. Les yeux sont au milieu de la longueur, et autant écartés l'un de l'autre qu'ils sont éloignés du bout du museau. Ils sont tout-à-fait verticaux et petits, car leur diamètre n'est guère que le huitième de la longueur de la tête. A une distance égale au diamètre oculaire, on voit l'ouverture anté- rieure de la narine, et un peu en arrière la posté- rieure. Celle-ci n'est qu'un trou rond , tandis qu'au bord externe de l'antérieure il y a un tentacule grêle et filiforme, un peu plus long que la moitié de la longueur de la tête. A l'angle de la bouche il y a deux autres bar- billons aussi longs que le tentacule nasal. Ces bar- billons sont lout-à-fait charnus, implantés sur les lèvres, et ne tiennent pas à l'os maxillaire. Ils sont donc semblables à ceux des loches. Je trouve sous la peau, après une dissection faite avec le plus grand soin, un très-peiit stylet osseux, qui est le rudiment d'un sous-orbitaire, mais au lieu d'être au devant de l'œil, comme dans les loches, il est aii bord postérieur de l'orbite. L'opercule, presque entièrement caché sous la peau, ne laisse voir au dehors qu'un faisceau d'é- pines au nombre de quinze environ, dont trois, plus grandes que les autres, bordent sur une même ligne cette pièce osseuse. Le préopercule, assez grêle, est confondu avec la caisse et les ptérygoidiens pour former la grande aile mobile de la joue. Il est lisse, sans épines, et tout-à-fait caché sous la peau. Il n'y a pas de sous- opercule, mais finteropercule est 490 SUPPLÉMENT Au TOME XV. grand et forme sous la tête une plaque oblongue épineuse. Les plus longues espèces, au nombre de douze, sont sur le bord de l'os, et les autres petites, en herse, sont en avant sur deux ou trois rangées, et imbriquées ou enchevretées. La bouche est petite, fendue en travers. Un petit maxillaire très -court et mobile paraît perdu dans l'épaisseur de la lèvre, et les intermaxillaires, ainsi que la mâchoire inférieure, portent une assez large bandelette de dents fines et crochues, plutôt en herse qu'en velours. Le palais est lisse. L'isthme de la gorge est plat et grand. Les ouïes sont largement fendues. La membrane branchiostège a huit rayons branchiaux, dont les quatre derniers, les plus grands, sont aplatis et élargis à leurs extrémités. Les pharyngiens supérieurs sont deux petites pla- ques ovales, qui portent des dents semblables aux épines des pièces operculaires. Les pharyngiens in- férieurs sont très-petits, ont des dents sur un seul rang, et sont semblables à ceux des cobitis. La dorsale est coupée carrément et reculée sur le dos au-delà des ventrales, lesquelles sont elles- mêmes attachées sur la seconde moitié du corps. L'anale est petite au-delà de l'aplomb de la dorsale. La caudale, peu grande, est faiblement échancrée. Si l'on donnait cette partie postérieure du corps isolée à un zoologiste, il la prendrait facilement pour l'arrière du corps d'une des loches de l'Inde, dont M. J. M'clelland a fait ses Schistura. Les pectorales sont petites; leur premier rayon est alongé en fil court; on ne voit aucune ceinture humérale externe. TRICHOMYCTÈRES. 491 B. 8; p. 11; A. 7 ;C. 12 -13— 12; P. 9; V. 5. La peau est sans écailles, mais elle est couverte de petits traits ou rides linéaires croisés en tous sens. La couleur est brune avec de nombreux points bruns qui avancent sur la caudale et même sur la dorsale. Les autres nageoires n'en ont pas. Le dessous de la gorge est aussi d'une teinte uniforme. Le canal intestinal est très-simple et ne fait que deux plis égaux et dans toute la longueur de la cavité abdominale. Le foie ne forme qu'un seul lobe de médiocre grosseur. Les deux ovaires sont telle- ment réunis qu'ils ne paraissent former qu'une seule masse , mais cependant on ne peut insuffler la face de droite par celui de gauche, et vice versa; ils sont donc séparés. Les œufs sont nombreux et petits. Il n'y a aucune vessie aérienne. Le plus long de nos individus vient de la rivière de Lima. Le dessus du crâne est aplati, sans crêtes occi- pitales. Il est étroit en avant comme celui de la plu- part de nos derniers Siluroides. Les occipitaux et les interpariétaux laissent entre eux une fente lon- gitudinale comme nous en avons vu dans les Hété- robranches. L'interpariétal est étroit; les temporaux, les mastoïdiens et les occipitaux latéraux sont élargis, se portent sur les côtés et contribuent à former la voûte du crâne qui cache non-seulement l'appareil pharyngien, mais aussi la plus grande partie de la ceinture humérale : celle-ci est large, ressemble à celle des siluroides en général , mais conmie le pre- mier rayon de la pectorale est faible, le radial n'est 492 SUPPLÉMENT AU TOME XV. pas- aussi développé que celui de beaucoup d'autres siîuroïdes. Je compte trente-sept vertèbres, dont vingt-deux sont abdominales; la seconde vertèbre n'a que de faibles apophyses transverses, ce que l'on devait prévoir, puisqu'il n'y a pas de vessie natatoire. Le Trichomyctèrë aréole. ( Trichomjcteriis areolatus ^ nob.) Une seconde espèce, des côtes du Chili, a le corps plus alongé, plus étroit, plus grêle vers la queue ; la hauteur ne fait guère que le dixième de la longueur totale : la longueur de la tête y est contenue six fois et demie. La tête a la même forme, les yeux aus'si petits, les tentacules nasaux sont un peu plus courts et le barbillon maxillaire supérieur plus long, car il atteint au-delà de l'opercule. Celui-ci a le même faisceau d'épines , ainsi que l'interopercule , mais les pointes me paraissent plus grosses et plus longues. Les dents sont petites et pointues; les lèvres sont épaisses et couvertes de petites papilles granu- leuses. Le premier rayon de la pectorale n'est pas prolongé en fil; cette nageoire est arrondie. La cau- dale est plus petite, et paraît encore plus étroite, parce que le tronçon de la queue en dessus et en dessous est un peu élargi. La dorsale est plus basse; d'ailleurs elle est insérée à la même place. B. 8; D. 13; A. 8; C. 10 — 14 — 8; P. 8; V. 5. Le corps est aussi dénué d'écaillés, mais il faut remarquer que sur la tète, sur le dessous de la gorge, TRICHOMYCTÈRES. 493 sur la base de la pectorale et sur celle de la dorsale, il y a sous la peau un tissu aréolaire que l'on pren- drait aisément pour des écailles. Je les ai regardées au microscope et me suis assuré de leur nature. Les cellules contiennent une graisse huileuse assez abon- dante. La couleur est rousse, avec deux traces de bandelettes longitudinales grises. Nos individus ont quatre pouces et demi; ils viennent de la rivière de San-Jago , et ont été donnés par M. Gay. On l'y nomme Va^re, ce qui montre que les naturels les regardent comme ressemblans aux Silures. Le Trichomyctère tacheté {Trichomjcterus maculatus , nob.) est aussi une petite espèce due aux recherches de M. Gay. Elle a le corps plus arrondi et plus trapu, et la queue plus grêle que les précédentes. Les épines de l'opercule et du sous-opercule sont plus fortes. Le barbillon maxillaire est plus court que la tête et aussi long que le tentacule nasal. La dorsale est basse et longue, l'anale plus arrondie, la pectorale sans filet au premier rayon. D. 15; A. 9; C. 10 — 14 — 8; P. 9; V. 5. Il n'y a pas d'écaillés; tout le dos et les flancs sur un fond jaunâtre sont tachetés de gris bleuâtre; le ventre n'a pas de taches; les nageoires sont trans- parentes. 494 SUPPLÉMENT AU TOME XV. Ces petits poissons, longs de deux pouces et demi, viennent de Santiago du Chili. On l'appelle aussi Va^re. Le Trichomyctère noirâtre. ( Trichomjcterus nigricans , nob.) M. Auguste Saint- Hilaire a rapporté des ruisseaux de Sainte-Catherine du Brésil une espèce de ce genre. C'est même la première que j'aie connue, et sur laquelle j'ai établi, dans mon Mémoire * sur XEremophilus , le genre sous le nom de Trichomjcterus , mais sans le caractériser suffisamment. Cette espèce a les barbillons courts, dépassant à peine, en arrière, les yeux qui sont fort petits. La queue est large et courte; la caudale petite et coupée carrément; le premier rayon de la dorsale alongé en fil. B. 7;D. 11; A. 10; C. 7 — 13 _ 8; P. 9; Y. 5. Je n'ai compté à tort que six rayons branchio- stëges dans le mémoire déjà cité ; mais les ayant sé- parés par la dissection avec le plus grand soin, et sans les détacber entièrement de leur filet muscu- laire, pour être sûr de ne pas en perdre, je n'en ai trouvé que sept sur cet individu. La couleur est noirâtre et uniforme sur tout le dos : elle est plus 1. Nouv. observai, sur VEremophilus , Valenc. apud Humb.^ Rec. d'observ. zool., t. II, p. 347 ^^ "^^8. TRICHOMYCTERES. 495 foncée sur les nageoires. Le dessous de la gorge et la gorge sont blanchâtres. Les viscères ressemblent à ceux de la côte orientale d'Amérique. Les œufs sont beaucoup plus petits. La longueur du poisson est de cinq pouces et demi. M. Menestrier nous en a donné un plus petit exemplaire, et M. Gay nous a com- muniqué un dessin de même grandeur. Le Trichomyctère rivulé. {Trichomjcterus rwulatus , nob.) Si nous avons commencé par connaître les Trichomyctères dans les plaines inférieures de l'Amérique, nous les voyons aussi s'élever dans les Andes du haut Pérou jusque par la hauteur considérable de treize à quatorze mille pieds au-dessus de l'Océan. M. Pentland les a trouvés dans les ruisseaux qui se jettent dans le lac de Titicaca, vaste mer alpine, peuplée par les Orestias sans ventrales, ou dans les affluens de l'Apurimac, l'une des sources de l'Amazone : je n'en ai pas moins de quatre espèces , dues aux recherches du zoologiste aussi distingué que voyageur actif que je viens de citer. Je vais les décrire , en écrivant les noms des provenances de chacune d'elles, tels que j'ai cru les lire dans les notes do M. Pentland. La première espèce a 496 SUPPLÉMENT AU TOME XV. le corps trapu, comprimé surtout vers la partie pos- térieure et couvert d'une peau muqueuse et sans écailles- le barbillon nasal est long et grêle : il atteint au-delà de l'œil; les deux barbillons maxillaires vont aussi loin ; l'œil lui - même est petit ; le faisceau des épines operculaires est peu visible, mais cependant il existe. L'interopercule est alongé et ses épines sont très-saillantes. Les dents, sur une bande étroite, sont coniques et pointues. Les nageoires sont toutes arrondies; la dorsale et l'anale ont peu d'étendue; les ventrales sont petites. D. 8; A. 7, etc. Le corps du poisson est brun, avec des lignes flexueuses et onduleuses blanches, formant des rivu- lations très -marquées. Les viscères de ces poissons ressemblent à ceux de nos autres Trichomyctères. Ils manquent aussi de vessie natatoire. Nos individus ont environ sept ponces de long. Ils viennent du Guasacona. Le Trichomyctère de l'Inca. {Trichomjcterus Incœ, nob.) Une seconde espèce, que M. Pentland m'a fait nommer Trich. Incœ pour rappeler les croyances populaires conserve'es dans le pays, a le corps un peu plus trapu que le précédent, mais d'ailleurs fort semblable; les barbillons sont grêles et filiformes; les épines de l'interopercule paraissent plus nombreuses ; la caudale est coupée plus carré- ment; les autres nageoires sont arrondies. TRICHOMYCTÈRES. 497 D. 8; A. 6, etc. La couleur de ce poisson est verdâtre en dessus, blanchâtre en dessous; le corps et les nageoires sont pointillés de brun. Nos individus ont quatre pouces et demi. Ils viennent du Rio Guatanai à Cuzco. Le Trichomyctère grêle. {Trichomjcterus gracLlis , nob.) Une troisième espèce a le corps sensible- ment plus alongé et les barbillons plus courts que ceux des précédents; mais ces individus leur ressemblent par la troncature de la caudale ou la circonscription arrondie des au- tres nageoires. D. 8; A. 65 etc. La couleur est d'ailleurs rousse verdâtre uniforme et sans aucunes taches. Ce poisson reste petit, car le plus long de nos exemplaires n'a guère que trois pouces. M. Pentland les a trouvés dans le Rio de Azangaro près de Guasacona, dans le Rio de Guatanai 'près de Cuzco, dans le Rio de Pon- tezualo près de Coroico , et enfin dans le lac de la Compucila dans les Andes, à l'ouest de Cuzco, par la hauteur de quatorze mille pieds. 18. 32 498 SUPPLÉMENT AU TOME XV. Le Trichomyctère barbatule. i^Trichomycterus harbatula, nob.) Cette dernière espèce , la * plus petite de toutes, se distingue de la précédente par son corps trapu et raccourci; son museau est plus arrondi; sa nuque est un peu plus soutenue; les barbillons sont courts; en un mot, le poisson ressemble beaucoup à notre Loche des rivières (Co- bitis harhatula)\ les nageoires sont très-petites. D. 8; A. 6, etc. Le corps est roux verdâtre, quelquefois tacheté, mais j'en vois un aussi grand nombre d'individus sans aucunes taches; les nageoires en ont quelques- unes pâles et presque effacées. Nos individus ont de deux pouces et demi à trois pouces : ils viennent du Guasacona et du Rio de Pontezualo près Coroico , par une hauteur de treize à quatorze mille pieds et à une latitude de seize à dix-sept degrés nord. De l'Lrémophile. ( Eremophilus , Humboldt. ) M. de Humboldt' a fait connaître, dans ses Observations zoologiques , un poisson sans ventrales, voisin des précédens, et comme je 1. Humb. , t. I, p. 17, pi. 6. TRICHOMYCTÈRES. 499 l'ai dit, tenant à la (bis des Siluroïdes par l'ab- sence de sous -opercules, et des Loches par l'absence d'adipeuse : c'est auprès des Triclio- myctères, qu'il convient de placer ce singulier poisson qui vit dans des circonstances non moins remarquables que les caractères extraor- dinaires, que son examen fait découvrir au naturaliste j c'est l'une des deux seules espèces de poissons qui vivent dans les eaux de la haute vallée de Bogota. Car selon la remarque importante de l'illustre voyageur, à ces grandes hauteurs de douze à treize cents toises au- dessus du niveau de la mer, où l'on observe encore une belle végétation, de nombreux mammifères et une grande variété d'oiseaux, les eaux douces ne nourrissent que très-peu de poissons. Les habitans de Bogota nomment l'Érémophile Capitan. M. de Humboldt a bien voulu nous faire obtenir un individu entier et un squelette de cette rare et curieuse espèce. On la doit à l'envoi qui en a été fait pour satisfaire aux demandes de l'illustre savant, par notre con- frère et ami M. Boussingault. C'est d'après ces exemplaires que j'ai reproduit une nouvelle description de XEreniopliilus Mutisiif qui a paru dans le second volume des Observations zoologiques, afin d'ajouter quelques traits à 500 SUPPLÉMENT AU TOME XV. la description que M. de Humboldt en avait faite dans des circonstances moins tranquilles. On a dû croire, jusqu'à ce jour, que l'Érë- mophile était une de ces heureuses décou- vertes dues à l'activité et aux recherches infatigables de M. de Humboldt. C'est lui, en effet, qui le premier Fa publié , mais on aurait pu le faire connaître long-temps au- paravant; car Joseph de Jussieu l'avait observé pendant son voyage en Amérique, et un des- sin au trait, parfaitement reconnaissable, a été conservé dans la bibliothèque de son neveu Antoine-Laurent de Jussieu. Ce n'est que dans ces derniers temps que M. Adrien de Jussieu a eu la bonté de m'en donner communication. Voici la description que j'ai rédigée pour notre ouvrage du seul Érémophile connu. M. de Humboldt l'a dédié à un naturaliste célèbre, M. Mutis, qui ouvrait, avec la plus grande libéralité, dans la haute vallée de Bogota ses riches collections aux visiteurs européens. Tv'Érémophile ,DE Mutis. {Eremophilus Mutisii , Humb.) Un corps oblong, assez gros, rond; une petite tête déprimée, une dorsale seulement et sur l'arrière forment les principaux trails de la physionomie de ce poisson. ÉRÉMOPHILE. SOI Sa hauteur au milieu est cinq fois et demie dans sa longueur; son épaisseur au même endroit est des trois quarts de sa hauteur. La longueur de sa tête est six fois et un tiers dans sa longueur totale : elle n'est que d'un cinquième moins large que longue, mais sa hauteur n'excède pas beaucoup le tiers de sa longueur. Sa circonscription horizontale est en demi- ovale. Le museau est déprimé en coin. La bouche au bord antérieur n'a que moitié de la lar- geur de la tête en arrière. La mâchoire supérieure avance un peu plus que l'autre; toutes les deux ont une bande de dents en velours long ou en soies, qui ne s'étend pas sur toute leur largeur. De chaque angle de la bouche parlent deux barbillons attachés immédiatement au-dessus l'un de l'autre, plats et larges à leur base, très -fins à leur extrémité, et du tiers de la longueur de la tête. Le supérieur est le maxillaire, l'inférieur le sous-mandibulaire externe. Il n'y en a point d'interne, mais l'orifice inférieur de la narine en a un , aussi long que ceux des mâ- choires, attaché non loin du bord de la supérieure au tiers de sa largeur. L'orifice supérieur de la narine est entre l'inférieur et l'oeil, qui est au milieu de la longueur de la tête, à saface supérieure, du vingtième de sa longueur en diamètre et par conséquent extrê- mement petit. Il est à neuf ou dix diamètres de son semblable. De chaque côté de la tête en arrière de la joue sont deux plaques épineuses singulières; l'une ronde, plus petite, est à l'extrémité de l'oper- cule; l'autre oblongue, un peu plus en avant et plus bas, est l'interopercule. L'ouie est médiocrement 502 SUPPLÉMENT AU TOME XV. fendue; la membrane des ouïes embrasse l'islhme et s'y attache en dessous; elle est un peu échancrée au milieu et a de chaque côté huit rayons. La tête, la nuque, l'épaule, enveloppées dans la même peau lisse que le reste du corps, ne montrent point leurs os au dehors. La pectorale, attachée assez bas et du huitième ou du neuvième de la longueur totale, n'a point de rayons épineux, mais seulement un rayon articulé non branchu et huit branchies. Il n'y a point du tout de ventrales. L'anus est au-delà du troisième cinquième de la longueur, et a derrière lui un tubercule génital arrondi. L'anale vient un peu après et occupe un onzième de la longueur, et en laisse un sixième ou un septième entre elle et la caudale; sa hauteur égale sa longueur. La dor- sale, à peu près des mêmes dimensions, est un peu plus en avant, et ensorte que son bord postérieur répond sur le milieu de l'anale. La caudale est coupée carrément, du huitième de la longueur totale. Les petits rayons de sa base forment en dessus et en dessous un bord comprimé et convexe. B. 8; D. 11 ; A. 9; C. 12 et plusieurs petits; P. 9; V. 0. Tout ce poisson est enveloppé d'une peau lisse, où l'on voit à peine la ligne latérale. Le fond de sa couleur est un jaune verdâtre pâle; des traits bruns entrelacés formant un réseau à mailles irrégulières, ou une espèce de marbrure à petites taches, cou- vrent toute sa partie supérieure, se résolvent par degrés vers le bas en points isolés, qui deviennent plus rares tout-à-fait en dessous. ÉRÉMOPHILES. 503 Je n'ai pu faire une splanchnologie très- complète de ce curieux poisson. J'ai trouvé un canal intestinal simple, long, replié quatre fois sur lui-même et faisant encore de nom- breuses sinuosités entre chaque pli. L'œsopliage et l'estomac forment un long tube, qui occupe plus des trois quarts de la longueur de la cavité abdominale. L'intestin grêle a un diamètre moitié plus petit que celui de l'œsophage. Non loin de l'anus on voit une petite dilatation terminée par la valvule placée, comme à l'ordinaire, à l'entrée du rectum. Il est court et très-étroit. La veloutée de l'intestin est fme, et les papilles sont serrées en fin velours. Le foie ne doit pas être très-considérable, mais je ne puis en décrire la forme, parce qu'il n'était pas bien conservé. L'individu disséqué était une femelle, dont les ovaires étaient remplis d'une très -grande quantité d'œufs de la grosseur de la graine de pavots. Les sacs formaient deux rubans étroits et pointus en avant, aussi longs que la cavité abdominale elle- même et sont réunis en arrière non loin du cloaque. Ce poisson manque de vessie aérienne, ainsi que M. de Humboldt l'avait déjà remarqué. L'ostéologie de ce poisson présente des par- ticularités non moins curieuses que la des- cription de ses parties extérieures. Le crâne est aplati et recouvert en dessus par un frontal assez petit, profondément entaillé par une échancrure ou fissure longitudinale. Il porte sur 504 SUPPLÉMENT AU TOME XV. l'arrière deux petites crêtes divergentes. Le frontal antérieur est petit; le postérieur est au contraire assez grand et donne en arrière un angle étendu sur les côtés et qui contribue à l'élargissement du crâne. Le mastoïdien est fort petit, et le surscapulaire est réduit à un petit stylet placé en travers sous le crâne. L'élargissement et la forme singulière de la première verlèbre sont vraiment remarquables; elle donne de chaque côté un prolongement tuberculeux creux, qui semble être en communication avec l'intérieur du crâne et pourrait bien être une addition à l'ap- pareil auditif L'huméral est très-grand , creusé et excavé en une large cuiller ; sa partie supérieure est surmontée d'une petite apophyse articulée au devant du tuber- cule de la première vertèbre , dont la face inférieure donne encore attache sur une impression rugueuse au corps de l'huméral. Le radial et le branchial sont très-petits : le premier os du carpe est élargi et aplati. Je n'ai pu voir de sous-orbitaire, quelque soin que j'aie pris à le chercher sous la peau du poisson. Le préopercule est un arc osseux ou peu caverneux, dont on ne voit rien au dehors. L'opercule est irrégulièrement triangulaire et pro- longée en arrière en une apophyse longue et grosse, terminée par les pointes qui saillent au-dessus de la peau. Il n'y a point de sous -opercule. L'inter- opercule a la forme d'un demi-arc aplati, dont le bord externe est également hérissé de pointes. Nous en avons parlé en décrivant l'extérieur du poisson. La première vertèbre est suivie de quarante et une ÉREMOPHILES. 505 autres et cet ensemble est réuni en colonne verté- brale, divisée en deux portions à peu près égales vers l'anus. Les dix-neuf vertèbres antérieures sont abdo- minales et présentent aussi une forme remarquable. Les apophyses épineuses sont médiocres , les trans- versales sont au nombre de deux de chaque côté: l'antérieure a la forme d'une petite palette, placée obliquement sur le côté du corps de la vertèbre ; la postérieure n'est qu'un simple stylet osseux. Les premières côtes sont convexes et aplaties et un peu élargies vers l'extrémité libre. Les autres sont grêles. Telle est la description aussi complète que j'ai pu la faire de rÉrémophile. Ce poisson doit se nourrir de petits crustacés d'eau douce, car j'en ai trouvé des débris dans son estomac. On ne doit pas attribuer l'hétérogénéité de ce poisson à l'élévation à laquelle il vit dans les Cordillères; car, à une hauteur plus con- sidérable , M. de Humboldt a trouvé le Pi- melodus Cjclopum, dont les formes sont tout-à-fait celles des autres siluroïdes vivant sur le littoral de la mer. Nous venons aussi de voir, dans l'article précédent, les trichomyc- tères s'élever des bords de la mer jusque dans les Andes de Cuzco et du haut Pérou. FIN DU TOME DiK-HUITIÈME. EXPLICATION De la planche 559 , représentant l'anatomie de I'Anableps de Gronovius {Anahleps Grononi, nob.) Fig. 1 . Extrémité postérieure du tronc de I'Anableps Gro- Novii, ouverte pour montrer l'organisation de l'appendice mâle. a. L'intestin avec ses replis. h. Le testicule ou la laitance. c. Le canal déférent. d. Le rein. e. L'uretère. /. La vessie fibreuse dans laquelle s'ouvrent le canal déférent c et l'uretère e. g. Le canal de la vessie/ s'ouvrant à l'extrémité de l'appendice mâle. h. Cet appendice, fendu depuis sa base jusque auprès de son extrémité, et montrant les brides aponévrotiques ou musculaires qui agissent contre la vessie /. /. Extrémité de l'appendice et orifice du canal g. k. Palettes squammiformes et cornées qui entou- rent l'orifice i de l'extrémité de l'appendice. /. Quelques rayons de la nageoire anale, m. Parois de l'abdomen rejetées. ti. Nageoire ventrale, o. Nageoire dorsale. p. Tronçon de la queue. Fig. 2. Palettes écailleuses a el b , grossies pour montrer leurs dentelures. Fig. 3. Fœtus retiré de l'ovaire et encore renfermé dans ses membranes. Fig. 4. Fœtus au même point de développement, mais retiré des membranes de l'œuf. Fig. 5. Fœtus plus jeune, auquel adhère encore le sac vilellin dont la membrane a est chargée de stries vas- culiformes, convergeant toutes vers le point h. Fig. 6. Œil de l'Anableps Gronovii ouvert, et dont la cor- née est vue par sa face interne. h. La carène transversale et interne de cette cornée. c et d. Les deux languettes pupillaires appliquées l'une sur l'autre, et séparant le trou de la pupille en deux ouvertures distinctes. Fig. 7. Le cristallin retiré 4e l'œil et montrant sa portion inférieure et saillante a. Fig. 8. Œil de l'Anableps coarctalus ^ dont la cornée a été enlevée pour montrer les deux palmettes pupil- laires et 1 inégahté des deux ouvertures de la pupille. Fig. 9. Œil de l'Anableps elongatus ouvert, pour montrer les deux palmettes pupillaires et la presque- égalité des deux ouvertures de la pupille. AVIS AU RELIEUR POUR PLACER LES PLANCHES. Planches. 620. Cohitis harhatula vis-à-vis la page 14 621. Cobitis chrjsolaimos 26 622. Cohitis spiloptera 28 5 2 3. Cohitis malapterura 90 624. Balitora erythrorhina, 94 5 2 5. Pœcilia spkenops i3o 526. Pœcilia Dominicmsis i3o 627. Mollienisia latipinna 140 528. Cjrprinodon Iherus 168 529. Cjprinodon Moseas 168 5 3o. Fiuiduliis cœnicokis 186 53 1. Hjdrargira hispanica 214 5 3 2. Orestias Ciwieîn 226 5 33. Orestias Pentlandii 2 3o 534. Orestias Humholdtii. 234 5 35. Orestias Jussiei ■ •. 236 5 36. Orestias A gassizii 238 537. Orestias albus 242 5 38. Anahleps Gronouii 252 539. Anatomie à^X Anahleps Groiwm 260 540. Anahleps coarctatus 266 541. Anahleps elongatus 268 542. Esox estor ^24 543. Galaxias truttaceus ^44 544. Microstoma argenteum ; ^^4 545. Stomias boa ^72 l'Iancbes. 646. Panchax lineatum vis-à-vis la page 386 647. f^andellia cirrhosa 386 548. Belone hians 432 649. Belone crocodilu s 440 5 5o. Belone anniilata 448 5 5 1 . Scomhresox Camveri 464 662. Trichomjcterus punctulatus 488 5 5 3. Eremophilus Mutisii 5 00 NB. Nous donnons avec celte livraison la planche 491 : Leuciscus Duvaucelii , oubliée dans la livraison précédente. '•^'*>,- ^ r ■t