CEgAT # ut an > Y 1 Me À NET " Y HISTOIRE NATURELLE DES POISSONS. v ne” PPT O CR EE DE L’IMPRIMERIE DE DOUBLET. _ é VPN [L Pr Ed à { % | & . : 3: NATURELLE DES POISSONS, Par M. ve Comre pe LACEPÉDE. RARAAAAAAAAE LUI AAA VAR SUITE ET COMPLÉMENT DES ŒUVRES DE BUFFON. TOME SECOND. AVEC VINGT-QUATRE NOUVELLES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE. # 1241252 PARIS 9 RAPET,RURr sAINT-ANDRÉ-DES-ARCS, N°. 41. , e an dy eo rR Éditeur du TEMPLE DE LA GLoirE, ou les Fastes militaires de la France, ouvrage in-folio, avec figures. 1019, éd /ATIAE : | « Ms "+ . HUSPFOTRE 7 NATURELLE. PR LARAAA VIRE MUR AURAS AN AA UE AS AAA AAA AAA AAA AA VE A2 RAR VARIANT POISSONS. DISCOURS SUR LA NATURE DES POISSONS. Le génie de Buffon, planant au-dessus du globe, a compté, dé- crit, nommé les quadrupèdes vivipares et les oiseaux ; 1l a laissé de leurs mœurs d’admirables images. Choisi par lui pour placer quelques nouveaux dessins à la suite de ses grands tableaux de la Nature, j'ai tâché d'exposer le nombre, les formes et les habitudes des quadrupèdes ovipares et des serpens. Éssayons maintenant de terminer l’histoire des êtres vivans et sensibles connus sous le nom d'animaux à sang rouge, en présentant celle de l'immense classe des poissons. Nous allons avoir sous les yeux les êtres les plus dignes de l’at- tention du physicien. Que l'imagination, éclairée par le flam- beau de la science , rassemble en effet tous les produits organisés de la puissance créatrice; qu’elle les réunisse suivant l’ordre de leurs ressemblances ; qu’elle en compose cet ensemble si vaste, dans lequel, depuis l’homme jusques à la plante la plus voisine de la matière brute, toutes les diversités de forme, tous les degrés de composition , toutes les combinaisons de force , toutes les nuan- ces de la vie, se succèdent dans un si grand nombre de directions différentes et par des décroissemens si insensibles. C’est vers le milieu de ce système merveilleux d’innombrables décradations à) 5 Lacepède. 2. À 2 HISTOIRE NATURELLE. que se trouvent réunies les diflérentes familles de poissons dont nous allons nous occuper; elles sont les liens remarquables par lesquels les animaux les plus parfaits ne forment qu’un tout avec _ces légions si multipliées d'insectes, de vers, et d’autres animaux peu composés, el avec ces tribus non moins nombreuses de végé- taux plus simples encore. Elles participent de l’organisation , ces propriétés, des facultés de tous; elles sont comme le centre où aboutissent tous les rayons de la sphère qui compose la Na- ure vivante, et montrant, avec tout ce qui les entoure, des rap- ports plus marqués, plus distincts, plus éclatans, parce qu'elles en sont plus rapprochées, elles reçoivent et réfléchissent bien plus fortement vers le génie qui observe, cette vive lumière que la comparaison seule fait jaillir, et sans laquelle les objets seroient pour l'intelligence la plus active comme s'ils n’exis- toient pas. Au sommet de cet assemblage admirable est placé l'homme, le chef-d'œuvre de la Nature. Si la philosophie, toujours empressée de l'examiner et de le connoître, cherche les rapports les plus pro- pres à éclairer l’objet de sa constante prédilection, où devra-t-elle aller les étudier, sinon dans les êtres qui présentent assez de res- semblances et assez de différences pour faire naître, sur un grand nombre de points, des comparaisons utiles? On ne peut com- parer ni ce qui estsemblable en tout, ni cequi diffère en tout; c'ess donc lorsque la somme des ressemblances est égale à celle des dif- férences , que l'examen des rapports est le plus fécond en véritéss c'est donc vers le centre de cet ensemble d’espèces organisées, et dont l'espèce humaine occupe le faite, qu'il faut chercher les êtres avec lesquels on peut la comparer avec le plus d'avantages ; el c'est vers ce même centre que sont groupés les êtres sensibles dont nous allons donner l’histoire. Mais de cette hauteur d’où nous venons de considérer l’ordre dans lequel la Nature elle-même a , pour ainsi dire, distribué tous les êtres auxquels elle a accordé la vie , portons-nous un instant nos regards vers le grand et l’heureux produit de l'intelligence hu- maine; jetons-nous les yeux sur l’homme réuni en société; cher- chons-nous à connoïître les nouveaux rapports que cet état de 1a plus noble des espèces lui donne avec les êtres vivans qui l'en- vironnent; voulons-nous savoir ce que Part, qui n’est que la Nature réagissant sur elle-même par la force du génie de son plus bel ouvrage, peut introduire de nouveau dans les relations DISCOURS SUR LES POISSONS. 5 qui lient l’homme civilisé avec tous les animaux : nous ne trou- verons aucune classe de ces êtres vivans plus digne de nos soins et de notre examen que celle des poissons. Diversité de familles, grand nombre d'espèces , prodigieuse fécondité des individus , fa- cile multiplication sous tous les climats, utilité variée de toutes les parties, dans quelle classe rencontrerions-nous et tous ces titres à l'attention , et une nourriture plusabondante pour l'homme, et une ressource moins destructive des auires ressources, et une ma= üière plus réclamée par l’industrie, et des préparations plus répan- dues par le commerce? Quels sont les animaux dont la recherche peut employer tant de bras utiles, accoutumer de si bonne heure à braver la violence des tempêtes, produire tant d'habiles et d’in= trépides navigateurs , et créer ainsi pour une grande nation les élémens de sa force pendant la guerre , et de sa prospérité pente dant la paix ? Quels motifs pour étudier l’histoire de ces remarquables et si nombreux habitans des eaux ! Transportons-nous donc sur les rivages des mers, sur les bords du principal empire de ces animaux irop peu connus encore. Choisissons, pour les mieux voir, pour mieux observer leurs mouvemens , pour mieux juger de leurs habitudes , ces plages, pour ainsi dire, privilégiées , où une température plus douce, où la réunion de plusieurs mers, où le voisinage des grands fleuves, où une sorte de mélange des eaux douces et des eaux salées, où des abris plus commodes, où des alimens plus convenables ou plus multipliés, attirent un plus grand nombre de Poissons : mais plutôt ne nous contentons pas de considérations trop limitées, d’un spectacle trop resserré; n'oublions pas que nous devons pré- senter les résultats généraux nés de la réunion de toutes les obser- vations particulières; élevons-nous par la pensée et assez haut au-dessus de toutes les mers, pour en saisir plus facilement l'en semble , pour en apercevoir à la fois un plus grand nombre d’ha- bitans; voyons le globe, tournant sous nos pieds, nous présenter successivement toute sa surface inondée, nous montrer les êtres à sang rouge qui Vivent au milieu du fluide aqueux qui l’envi- ronne; et pour qu'aucun de ces êlres n'échappe, en quelque sorte, à notre examen, pénétrons ensuite jusque dans les profondeurs de l'océan, parcourons ses abimes, et suivons, ; usque dans ses retraites les plus obscures, les animaux que nous voulons so1= mettre à nolre examen. { & HISTOIRE NATURELLE, Mais si nous ne craignions pas de demander trop d’audace , nous dirions : Ce n’est pas assez de nous étendre dans l’espace : il faut encore remonter dans le temps; 1l faut encore nous trans-+ porter à l'origine des êtres ; 1l faut voir ce qu'ont été dans les ages antérieurs les espèces, les familles que nous allons décrire ; il faut juger de cet état primordial par les vestiges qui en restent, pac les monumens contemporains qui sont encore deboul; il faut mon- trer les changemens successifs par lesquels ont passé toutes les formes, tous les organes, toutes les forces, que nous allons com- parer ;1l faut annoncer ceux qui les attendent encore : la Nature, en effet, immense dans sa durée comme dans son étendue, ne se compose-t-elle pas de tous les momens de l'existence, comme de tous les points de l’espace qui renferme ses produits ? Dirigeons donc notre vue vers ce fluide qui couvre une si grande partie de la lérre : il sera, si je puis parler ainsi, nouveau pour le naturaliste qui n'aura encore choisi pour objet de ses méditations que les animaux qui vivent sur la surface sèche du globe , ou s'élèvent dans l'atmosphère. Deux fluides sont les seuls dans le sein desquels il ait été per - mis aux êtres orgamisés de vivre, de croître, et de se reproduire: celui qui compose l'atmosphère , et celui qui remplit les mers et les rivivres, Les quadrupèdes, les oiseaux, les reptiles, ne peuvent; conserver leur vie que par le moyen du premier; le second est nécessaire à tous les genres de poissons. Mais il y a bien plus d'a- nalogie, bien plus de rapports conservateurs entre l'eau et les poissons, qu'entre l'air et les oiseaux ou les quadrupèdes. Com bien de fois, dans le cours de cetle histoire, ne serons-nous pas convaincus de cette vérité! et voilà pourquoi, indépendamment de toute autre cause, les poissons sont de tous les animaux à sang rouge ceux qui présentent dans leurs espèces le plus grand nom- bre d'individus, dans leurs couleurs l'éclat le plus vif, et dans Leur vie la plus longue durée. Fécoridité, beauté, existence très-prolongée, tels sont les trois altributs remarquables des principaux habitans des eaux : aussi l'ancienne mythologie grecque, peut-être plus éclairée qu'on ne l'a pensé sur les principes de ses inventions, et toujours si riante dans ses images, a-t-elle placé au milieu des eaux le berceau de da déesse des amours, et représenté Vénus sortant du sein des éndes au muilieu de poissons resplendissans d'or et d'azur, qu'elle DISCOURS SUR LES POISSONS. 5 ui avoit consacrés *. Et que l’on ne soit pas étonné de cette allé- : gorie instructive autant que gracieuse : il paroît que les anciens. Grecs avoient observé les poissons beaucoup plus qu'ils n'avoient étudié les autres animaux; ils les connoissoient mieux ; ils les pré féroient , pour leur table, même à la plupart des oiseaux les plus recherchés. Ils ont transmis cet examen de choix, cette connois- sance particulière , et cette sorte de prédilection , non-seulement aux Grecs modernes, qui lesont conservés long-temps, mais encore aux Romains, chez lesquels on les remarquoit , lors même que la servitude la plas dure, la corruption la plus vile, et le luxe le plus insensé, pesoient sur la tête dégradée du peuple qui avoit conquis le monde; ils devoient les avoir reçus des antiques na- tions de l'Orient, parmi lesquelles ils subsistent encore : la proxi- imité de plusieurs côtes et la nature des mers qui baignoïent leurs rivages, les leur auroient d’ailleurs inspirés ; et on diroit que ces goûts, plus liés qu’on ne le croiroit avec les progrès de la civili- sation , n'ont entièrement disparu en Europe et en Asie que dans ces contrées malhenreuses où les hordes barbares desauvages chas- seurs sortis de forêts septentrionales purent dompter par le nom- bre, en même temps que par la force, les habitudes , les. idées.et les affections des vaincus. Mais, en coniemplant tout l'espace occupé par ce fluide aw milieu duquel se meuvent les poissons , quelle étendue nos re gards n’ont-ils pas à parcourir Quelle immensité, depuis l'équa- teur jusqu'aux deux pôles. de la terre, depuis la surface de l'océan jusqu’à ses plus grandes profondeurs ! Et indépendamment des vastes mers, combien de fleuves , de rivitres, de ruisseaux, de fontaines, et, d’un autre côté, de lacs, de marais, d’étangs, de viviers, de mares même , qui renferment une quantité plus où moins considérable des animaux que nous voulons examiner ! Tous ces lacs, tous ces fleuves, toutes ces rivières, réunis à l’an- tique océan, comme autant de parties, d’un même tout, présen- tent autour du globe une surface bien plus étendue que les con-. tinens qu'ils arrosent, et déjà bien plus connue que ces mèmes, continens , dont l’intérieur n'a répondu à la voix d'aucun obser- vateur, pendant que des vaisseaux conduits par le génie et le courage ont sillonné toutes les plaines des mers non envahies par les glaces polaires. 2 Voyez particulierement l’article du coriphène doradon. 6 HISTOIRE NATURELLE. De tous les animaux à sang rouge, les poissons sont donc ceux dont le domaine est le moins circonscrit. Mais que cette immen- sité, bien loin d’efirayer notre imagination, l’anime et l’encou- rage. Et qui peut le mieux élever nos pensées , vivifier notre in- telligence, rendre le génie aitenüif, et le tenir dans cette sorte de contemplation religieuse si propre à l'intuition de la vérité, que le spectacle si grand et si varié que présente le système des in- nombrables habitations des poissons ? D’un côté, des mers sans bornes, et immobiles dans un calme profond ; de l’autre, les on- des livrées à toutes les agitations des courans et des marées : ici, les rayons ardens du soleil réfléchis sous toutes les couleurs par les eaux enflammées des mers équatoriales; là , des brumes épaisses reposant silencieusement sur des monts de glaces flottans au mi= lieu des longues nuits hyperboréennes : tantôt la mer tranquille, doublant le nombre des étoiles pendant des nuits plus douces et sous un ciel plus serein; tantôt desnuages amoncelés, précédés par de noires ténèbres, précipités par la tempête, et lançant leurs fou- dres redoublés contre les énormes moutagnes d'eau soulevées par les vents : plus loin, et sur les continens , des torrens furieux roulant de cataractes en cataractes ; où l’eau limpide d’une rivière argentée , amenée mollement, le long d’un rivage fleuri, vers un lac paisible que la lune éclaire de sa lumière blanchatre. Sur les mers, grandeur, puissance, beauté sublime, tout annonce la Nature créatrice ; tout la montre manifestant sa gloire et sa ma- gruficence : sur les bords enchanteurs des lacs et des rivières, la Nature créée se fait sentir avec ses charmes les plus doux ; Fâme sémeut; l’espérance l’échauffe ; le souvenir l'anime par de tendre regrets, et la livre à eette affection si touchante, toujours si favora- ble aux heureuses inspiralions. Ah! au milieu de ce que le sen- Ument a de plus puissant, et de ce que le génie peut découvrir de plus grand et de plus sublime , comment n'être pas pénétré de cette force intérieure , de cet ardent amour de la science que les obstacles, les distances et le temps, accroissent, au lieu de le dimi- nuer ? * Ce domaine, dont les bornes sont si reculées, n’a été cepen- dant accordé qu'aux poissons considérés comme ne formant qu'une seule classe. Si on les examine groupe par groupe, on: verra que presque toutes les familles parmi ces animaux parois- sent préférer chacune un espace particulier plus ou moins étendu. Âu premier conp d'œil, on ne voit pas aisément comment les. DISCOURS SUR LES POISSONS. 7 Î eaux peuvent présenter assez de diversité , pour que les différens senr es, el mème quelquefois les différentes espèces de poissons, soient retenus par une sorte d’attrait particulier dans une plage plutôt que dans une autre. Que l'on considère, cependant , que l'eau des mers, quoique bien moins inégalement échauflée aux différentes latitudes que l'air de l'atmosphère, offre des tempé- ratures très-variées, surtout auprès des rivages qui la bordent , et dont les uns, brûlés par un soleil très-voisin, réfléchissent une chaleur ardente, pendant que d’autres sont couverts de neiges, de frimas et de glaces; que l'on se souvienne que les lacs, les fleuves et les rivières, sont soumis à de bien: plas grandes iné- galités de chaleur et de froid; que l'on apprenne qu'il est de vastes réservoirs naturels auprès des sommets des plus hautes montagnes, et à plus de deux mille mètres au-dessus du niveau de la mer, où des poissons remontent par les rivières qui en dé- coulent, et où ces mêmes animaux vivent, se mulliplient et prospèrent *; que l’on pense que les eaux de presque tous les lacs, cles rivières et des fleuves, sont très-douces et légères, et celles des mers, salées et pesantes : que l’on ajoute, en ne faisant plus d'attention à cette division de l'océan et des fleuves, que les unes sont claires et limpides, pendant que les autres sont sales et li- moneuses ; que celles-ci sont entièrement calmes, tranquilles, et, pour ainsi dire, immobiles, tandis que celles-là sont agitées par des courans , bouleversées par des marées ; précipitées en cas- cades, lancées en iorrens, on du moins entrainées avec des vi- tesses plus ou moins rapides et plus:ou moins constantes : que l'on évalue ensuite tous les degrés que l’on peut compter dans la rapidité, dans la pureté, dans la douceur et dans la chaleur des eaux; et qu'accablé sous le nombre infini de produits que. peu- vent donner toutes les combinaisons dont ces quatre séries de nuances sont susceptibles , on ne demande plus comment les mers et les continens peuvent fournir aux poissons des habitations très-variées, et un très-grand nombre de séjours de ‘choix. Mais ne descendons pas encore vers les espèces particulières des animaux que nous voulons connoître , ne remarquons même anne, ÉD EEE PO 1 Notte adressée de Bagnières , le 13 nivose de l’an 5, à NM. de Laccpède, par M. Ramond, membre associé de l’Institut national, professeur d'histoire natu- relle a Tarbes, et ,si avantageusement connu du public par ses Voyages dans. les Alpes et dans les Pyrénées. ; 8 HISTOIRE NATURELLE. pas encore les différens groupes dans lesquels nous les distribue- rons; ne les voyons pas divisés en plusieurs familles , placés dans divers ordres : continuons de jeter les yeux sur la classe entière; exposons la forme générale qui lui appartient, et auparavant voyons quelle est son essence, et déterminons les caractères qui la distinguent de toutes les autres classes d'êtres vivans. On s'apercevra aisément, en parcourant cette hisioire, qu'il ne faut pas, avec quelques naturalistes, faire consister le carac- tère distinctif de la classe des poissons dans la présence d'écailles plus ou moins nombreuses , n1 même dans celle de nageoires plus ou moins étendaes, puisque nous verrons de véritables poissons paroître n'être absolument revêtus d'aucune écaille, et d'autres être entièrement dénués de nageoires. Il ne faut pas non plus chercher cette marque caractéristique dans la forme des organes de la circulation , que nous trouverons, dans quelques poissons, semblables à ceux que nous avons observés dans d’autres classes que celle de ces derniers animaux. Nous nous sommes assurés, d’un autre côté, par un très-grand nombre de recherches et d’exa- mens, qu'il étoit impossible d'indiquer un moyen facile à saisir, invariable , propre à tous les individus, et applicable à toutes les époques de leur vie, de séparer la classe des poissons des autres êtres organisés, en n'employant qu’un signe unique, en n'ayant recours, en quelque sorte, qu’à un point de la conformation de ces animaux. Mais voici la marque constante, et des plus aïsées à distinguer, que la Nature à empreinte sur tous les vérilables poissons; voici, pour ainsi dire, le sceau de leur essence. La rou- geur plus où moins vive du sang des poissons empêche, dans tous les temps et dans tous les lieux , de les confondre avec les in- sectes, les vers, et tous les êtres vivans auxquels le nom d’ani- maux & sang blanc a été donné. IH ne faut donc plus que réunir à ce caractère un second signe aussi sensible, aussi permanent, d’après lequel on puisse, dans toutes les circonstances, tracer d'une main sûre une ligne de démarcation entre les objets ac- tuels de notre étude, et les reptiles, les quadrupèdes ovipares, les oiseaux , les quadrupèdes vivipares, et l’homme, qui tous ont reçu un sang plus ou moins rouge, comme les poissons. VI faut surtout que cette seconde marque caractéristique sépare ces dernie rs d’avec les cétacées, que l’on a si souvent confondus avec eu X, et qui néanmoins sont compris parmi les animaux à mamelles, au milieu ou à la suite des quadrupèdes vivipares, avec DISCOURS SUR LES POISSONS. 9 lesquels ils sont réunis par les liens les plus étroits. Or l’homme, les animaux à mamelles, les oiseaux , les quadrupedes ovipares, les serpens, ne peuvent vivre, au moins pendant long-temps, qu'au milieu de l'air de l'atmosphère , et ne respirent que par de véritables poumons, tandis que les poissons ont un organe res- piratoire auquel le nom de branchies a été donné , dont la forme et la nature sont très-différentes de celles des poumons, et qui ne peuvent servir, au moins long-temps ,.que dans l'eau , à en- tretenir la vie de l'animal. Nous ne donnerons donc le nom de poisson qu'aux êtres organisés qui ont le sang rouge et respirent par des branchies. Otez-leur un de ces deux caraclères, et vous n'aurez plus un poisson sous les yeux; privez-les, par exemple, de sang rouge , et vous pourrez considérer une sépie , ou quelque autre espèce de ver, à laquelle des branchies ont élé données. Rendez-leur ce sang coloré, mais remplacez leurs branchies par des poumons ; et quelque habitude de vivre au milieu des eaux que vous présentent alors les objets de votre examen, vous pour- rez les reléguer parmi les phoques, les lamantins, ou les cétacées ; mais vous ne pourrez, en aucune maniere, les inscrire parmi les animaux auxquels cette histoire est consacrée. Le poisson est donc un animal dont le sang est rouge, et qui respire au milieu de, l’eau par le moyen de branclues. Tout le monde connoît sa forme générale; tout le monde sait qu'elle est le plus souvent allongée, et que l’on distingue l’enseni- ble de son corps en trois parties, la tête, le corps proprement dit, et la queue, qui commence à l'ouverture de l'anus. Parmi les parties extérieures qu'il peut présenter, il en est que nous devons, dans ce moment, considérer avec le plus d'atien- tion , soit parce qu’on les voit sur presque tous les animaux de la classe que nous avons sous les yeux, soit parce qu'on ne les trouve que sur un très-petit nombre d’autres êtres vivans et à sang rouge, soit enfin parce que de leur présence et de leur forme dépendent beaucoup la rapidité des mouvemens, la force de la natation, et la direction de la route du poisson : ces parties remarquables sont les nageoires. On ne doit , à la rigueur, donner ce nom de nagecires' qu'à des organes composés d’une membrane plus ou moins large, haute et épaisse, et soutenue par de petits cylindres plus ou moins mo- biles, plus ou moins nombreux, et auxquels on a attaché le nom de rayons, parce qu'ils paroissent quelquefois disposés comme des 7 HISTOIRE NATUREMLE. rayons autour d’un centre. Cependant il est des espèces de pois- sons sur lesquelles des rayons sans membrane ,ou des membranes sans rayons, ont reçu, avec raison, et par conséquent doivent conserver la dénomination de nageoires, à cause de leur posi- tion sur l'animal , et de l’usage que ce dernier peut en faire. Mais ces rayons peuvent être de différente nature : les uns sont durs et comme osseux ; les autres sont flexibles, et ont presque tous les caractères de véritables cartilages. Examinons les rayons que l’on a désignés par le nom d’os- SEUX: Il faut les distinguer en deux sortes. Plusieurs sont solides, allongés, un peu coniques, terminés par une pointe piquante; ils semblent formés d’une seule pièce : leur structure, si peu com- posée, nous a déterminés à les appeler rayons simples, en leur conservant cependant le nom d’aiguillons, qui leur a été donné par plusieurs naturalistes , à cause de leur terminaison en piquant fort et délié. Les autres rayons osseux, au lieu d’être aussi sim- ples dans leur construction, sont composés de plusieurs petites pièces placées les unes au-dessus des autres; ils sont véritablement articulés, et nous les nommerons ainsi. Ces petites pièces sont de petits cylindres assez courts , et ressem- blent, en miniature, à ces tronçons de colonnes que l’on nomme tambours, et dont on se sert pour consiruire les hautes colonnes des vastes édifices. Non-seulement les rayons articulés présentent une suite plus ou moins allongée de ces tronçons ou petits cylin- dres, mais à mesure que l’on considère une portion de ces rayons plus éloignée du corps de l'animal , ou, ce qui est la même chose, de la base de la nageoire, on les voit se diviser en deux; chacune de ces deux branches se sépare en deux branches plus petites ; lesquelles forment aussi chacune deux rameaux ; et cette sorte de division, de ramification et d'épanouissement, qui, pour tons les rayons, se fait dans le même plan, et représente comme un éventail, s'étend quelquefois à un bien plus grand nombre de séparations et Ge bifurcations successives. Ces articulations , qui constituent l'essence d’un tirès-grand nombre de rayons osseux, se retrouvent et se montrent de I2 même manière dans les cartilagineux; mais pour en bien voir les dispositions, 11 faut regarder ces rayons cartilagineux contre le jour, à cause d’une espèce de couche de nature cartilagmeuse et DISCOURS SUR LES POISSONS. TE transparente, dans laquelle elles sont comme enveloppées *. Au reste, tous les rayons tant osseux que cartilagineux , tant simples qu'’articulés, sont plus ou moins transparens, excepté quelques rayons osseux simples et très-forts que nous remarquerons sur quelques espèces de poissons, et qui sont le plus souvent entière- ment opaques. Nous avons déjà dit qu'il y avoit des poissons dénués de na- geoires ; lesautres en présentent un nombre plus ou moins grand, suivant le genre dont ils font partie , ou l’espèce à laquelle ils ap- partiennent. Les uns en ont une de chaque côté de la poitrine; et d’autres, à la vérité tres-peu nombreux, ne montrent pas ces nageoires pectorales , qui ne paroissent jamais qu’au nombre de deux, et que l’on a comparées, à cause de leur position et de leurs usages , aux extrémités antérieures de plusieurs animaux, aux bras de l’homme, aux pattes de devant des quadrupèdes , ou aux ailes des oiseaux. Plusieurs groupes de poissons n’ont aucune nageoire au-dessous de leur corps proprement dit; les autres en ont, au contraire, une ou deux situées ou sous la gorge, ou sous la poitrine , ou sous Je ventre. Ce sont ces nageoires inférieures que l’on a considérées comme les analogues des pieds de l’homme, ou des paites de der- rière des quadrupedes. On voit quelquefois la partie supérieure du corps et dela queue des poissons absolument sans nageoires; d’autres fois on compte une, ou deux, ou même trois nageoires dorsales ; l'extrémité de la queue peut montrer une nageoire plus où moins étendue, ou n’en présenter aucune ; et enfin le dessous de la queue peut être dénué ou garni d’une ou de deux nageoires , auxquelles on a donné le nom de nageoires de l'anus. Un poisson peut donc avoir depuis une jusqu’à dix nageoires, ou organes de mouvement extérieurs et plus ou moins puissans. Pour achever de donner une idée nette de la forme extérieure des poissons, nous devons ajouter que ces animaux sont recou- verts par une peau qui, communément, revêt toute leur surface. Cette peau est molle et visqueuse; et quelque épaisseur qu’elle puisse avoir, elle est d'autant plus flexible et d'autant plus enduite d’une * On peut reconnoître particulièrement cette disposition dans les rayons des nageoires pectorales de la raie batis, de la raie bouclée, et d’autres poissons du wCive genre. 12 HISTOIRE NATURELLE. matière gluante qui la pénètre profondément , qu’elle paroït sout tenir moins d’écailles, ou être garnie d’écailles plus petites. Ces dernières productions ne sont pas particulières aux ani- maux dont cet ouvrage doit renfermer l’histoire : le pangolin et le phatagin parmi les quadrupèdes à mamelles, presque tous les quadrupèdes ovipares, et presque tous les serpens, en sont revé- tus, et cette sorte de tégument élablit un rapport d'autant plus remarquable entre la classe des poissons et le plus grand nombre des autres animaux à sang rouge, que presque aucune espèce de poisson n’en est vraisemblablement dépourvue. À la vérité, il est quelques espèces parmi les objets de notre examen , sur lesquelles l'attention la plus soutenue, l’oeil Le plus exercé, et mème le mi- croscope, ne peuvent faire distinguer a ucune écaille pendant que l'animal est encore en vie, et que sa peau est imbibée de cette mu- cosilé gluante qui est plus où moins abonda nte sur tous les pois- sons; mais lorsque l'animal est mort et que sa peau a été naturel- lement ou artificiellement desséchée, il n’est peut-être aucune espèce de poisson de laquelle on ne pût, avec un peu de soin:, détacher de très-petites écailles qui se sépareroiïent comme une: poussière brillante, et tomber oient comme un amas de irès-pe- tites lames dures, dia phanes et éclatantes. Au reste, nous avons plusieurs fois, et sur plusieurs poissons qu e l’on auroit pu regar- der comme absolument sans écailles, répété avec succès ce pro- cédé, qui, même dans plusieurs contrées , est employé dans des arts très-répandus, ainsi quon pourra le voir dans la suite de cette histoire. La forme des écailles des poissons est tres-diversifiée. Quelque- fois la matière qui les compose s’éten d en pointe, et se façonne. en aiguillon; d’autres fois elle se tuméfie , pour ainsi dire, se con- glomère, et se durcit en callosités, ou s'élève en gros tubercules : mais le plus souvent elle s’étend en lames unies ou relevées par une arête. Ces lames, qui portent, avec raison, le nom d'écailles proprement dites, sont ou rondes, ou ovales, où hexagones; une partie de leur circonférence est quelquefois finement dentelée : sur quelques espèces, elles sont clair-semées et très-séparées les unes des autres; sur d'autres espèces, elles se touchent; sur d’au- tres encore, elles se recouvrent comme les ardoises placées sur nos loits. Elles communiquent au corps de l'animal par de petits vaisseaux dont nous montrerons bientôt l'usage; mais d’ailleurs. elles sont attachées à la peau par une partie plus ou moins grande è DISCOURS SUR LES POISSONS. 15 de leur contour. Et remarquons un rapport bien digne d’être observé. Sur un grand nombre de poissons qui vivent au milieu de la haute mer, et qui, ne s’approchant que rarement des riva- ges, ne sont exposés qu'a des frottemens passagers, les écailles sont retenues par une moindre portion de leur circonférence ; elles sont plus attachées, et recouvertes en partie par l'épiderme, dans plusieurs des poissons qui fréquentent les côtes, et que l’on a nommés lttoraux ; et elles sont plus attachées encore, et re- couvertes en entier par ce même épiderme, dans presque tous ceux qui habitent dans la vase, et y creusent avec eflort des asiles assez profonds. Réunissez à ces écailles les callosités, les tubercules, les aiguil- lons dont les poissons peuvent ètre hérissés ; réunissez-y surtout des espèces de boucliers solides , et des croûtes osseuses , sous les- quelles ces animaux ont souvent une portion considérable de leur corps à abri, et qui les rapprochent, par de nouvelles confor- mités, de la famille des tortues, et vous aurez sous les yeux les différentes ressources que la Nature a accordées aux poissons pour les défendre contre leurs nombreux ennemis, les diverses armes qui les protègent contre les poursuites multipliées auxquelles ils sont exposés. Mais ils n’ont pas reçu uniquement la conformation qui leur éloit nécessaire pour se garantir des dangers qui les me- nacent; 1l leur a été aussi départi de vrais moyens d'attaque, de véritables armes offensives, souvent même d'autant plus redou- tables pour l'homme et les plus favorisés des animaux, qu’elles peuvent être réunies à un corps d’un très-grand volume, et mises en mouvement par une grande puissance. Parmi ces armes dangereuses, jetons d'abord les yeux sur les dents des poissons. Elles sont , en général, fortes et nombreuses. Mais elles présentent différentes formes : les unes sont un peu co- niques ou comprimées , allongées, cependant pointues, quelque- fois dentelées sur leurs bords, et souvent recourbées ; les autres sont comprimées , et terminées à leur extrémité par une lame tran- chante; d'autres enfin sont presque demi-sphériques, ou même presque entièrement aplaties contre leur base. C'est de leurs diffé- rentes formes, et non pas de leur position et de leur insertion dans tel ou tel os des mâchoires, qu'il faut tirer les diversnoms que l’on peut donner aux dents des poissons, et que l’on doit conclure les usages auxquels elles peuvent servir. Nous nommerons, en conséquence , dents moluires celles qui, étant demi-sphériques 34 HISTOIRE NATURELLE. ou très-aplaties, peuvent facilement concasser, écraser, broyer les corps sur lesquels elles agissent; nous donnerons le nom d'’ir- cisives aux dents comprimées dont le côté opposé aux racines présente une sorte de lame avec laquelle l'animal peut aisément couper, trancher et diviser, comme l’homme et plusieurs qa- drupèdes vivipares divisent, tranchent et coupent avec leurs dents de devant; et nous emploierons la dénomination de laniaires pour celles qui, ailongées, poinlues, et souvent recourbées, ac- crochent, retiennent et déchirent la proie de l'animal. Ces der- nières sont celles que l’on voit le plus fréquemment dans la bou- che des poissons ; il n’y à même qu'un très-petit nombre d'espèces qui en présentent de molaires ou d’incisives. Au reste, ces trois sortes de dents incisives, molaires , ou laniaires, sont revêlues d’un émail assez épais dans presque tous les animaux dont nous publions l'histoire ; elles différent peu d’ailleurs les unes des autres par la forme de leurs racines, et par leur structure intérieure, qui en général est plus simple que celle des dents des quadrupèdes à mamelles. Dans les laniaires, par exemple, cette structure ne présente souvent qu’une suile de cônes plus ou moins réguliers, emboités les uns dans les autres, et dont le plus intérieur ren- ferme une assez grande cavité , au moins dans les dents qui doi- vent être remplacées par des dents nouvelles, et que ces derniè- res, logées dans cette même cavité, poussent en dehors en se développant. Mais ces trois sortes de dents peuvent être distribuées dans plusieurs divisions , d’après leur manière d’être attachées et la place qu’elles occupent; et par là elles sont encore plus séparées de celles de presque tous les animaux à sang rouge. En eflet, les unes sont retenues presque immobiles dans des alvéoles osseux où du moins très-durs; les autres ne sont main- tenues par leurs racines que dans des capsules membraneuses, qui leur permettent de se relever et de s’abaisser dans différentes directions, à la volonté de l'animal, et d'être ainsi employées avec avantage, ou tenues couchées et en réserve pour de plus grands eflorts. D'un autre côté, les mächoires des poissons ne sont pas les seules partes de leur bouche qui puissent être armées de denis : leur palais peut en être hérissé ; leur gosier peut aussi en être garni; et leur langue même, presque toujours attachée, dans la plus grande partie de sa circonférence, par une membrane qui la lie DISCOURS SUR LES POISSONS. 15 anx portions de la bouche les plus voisines ; peut être plus adhé- rente encore à ces mêmes portions, et montrer sur sa surface des rangs nombreux et serrés de dents fortes et acérées. Ces dents mobiles ou immobiles, de la langue, du gosier , du palais et des mâchoires, ces instrumens plus ou moins meurtriers, peuvent exister séparément, ou paroître plusieurs ensemble , ou être tous réunis dans le même poisson. Et toutes les combinai- sons que leurs différens mélanges peuvent produire, et qu'il faut multiplier par tous les degrés de grandeur et de force, par toutes les formes extérieures et intérieures , par tous les nombres, ainsi que par toutes les rangées qu'ils peuvent présenter, ne doivent- elles pas produire une très-grande variété paru les moyens d’at- taque accordés aux poissons ? Ces armes offensives , quelque mullipliées et quelque dange- renses qu'elles puissent être , ne sont cependant pas les seules que la Nature leur ait données : quelques-uns ont reçu des piquans longs, forts et mobiles, avec lesquels ils peuvent assaillir vive- ment et blesser profondément leurs ennemis; et tous ont été pourvus d’une queue plus ou moins déliée, mue par des mus- cles puissans, et qui, lors même qu’elle est dénuée d’aiguillons et de rayons de nageoires, peut être assez rapidement agitée pour frapper une proie par des coups vioiens et redoublés. Mais , avant de chercher à peindre les habitudes remarquables des poissons, examinons encore un moment les premières causes des phénomènes que nous devrons exposer. Occupons-nous eh- core de la forme de ces animaux; et en continuant de renvoyer l'examen des détails qu'ils pourront nous offrir aux articles par- ticuliers de cet ouvrage, jetons un coup d'œil général sur leur conformation intérieure. À Ja suite d’un gosier quelquefois armé de denis propres à re- tenir et déchirer une proie encore en vie, et souvent assez ex- tensible pour recevoir des alimens volumineux, le canal intes- tinal, qui y prend son origine et se termine à l'anus, s’élargit et reçoit le nom d'estomac. Ce viscère , situé dans le sens de la lon- gueur de l'animal, varie dans les différentes espèces par sa figure, sa grandeur, l'épaisseur des membranes qui le composent , le nombre et la profondeur des plis que ces membranes forment; il est même quelques poissons dans lesquels un étranglement très- imarqué le divise en deux portions assez distinctes pour qu'on ait dit qu'ils avoient deux estomacs, et il en est aussi dans lesquels D HISTOIRE NATURELLE. = 474 a plie sa contexture, au lieu d'être membraneuse, est véritablement musculeuse. 1 L’estomac communique par une ouverture avec l'intestin pro- prement dit ; mais, entre ces deux portions du canal intestinal, on voit , dans le plus grand nombre de poissons , des appendices ou tuyaux membraneux , cylindriques , creux , ouverts unique- ment du côté du canal intestinal, et ayant beaucoup de ressem- blance avec le cocum de l’homme et des quadrupèdes à ma- melles. Ces appendices sont quelquefois longues et d’un plus petit diamètre que l'intestin, et d’autres fois assez grosses et très- courtes. On en compte, suivant les espèces que l’on a sous les yeux , depuis un jusques à plus de cent. L'intestin s’éiend presqu’en droite ligne dans plusieurs pois- sons, et particulièrement dans ceux dont le corps est très-allongé ; il revient vers l'estomac, et se replie ensuite vers l'anus, dans le plus grand nombre des autres poissons; et, dans quelques-uns de ces derniers animaux, il présente plusieurs circonvolutions , et est alors plus long que la tête, le corps et la queue considérés ensemble. On a fait plusieurs observations sur la manière dont s'opère la digestion dans ce tube intestinal; on a particulièrement voulu savoir quel degré de température résultoit de cette opération, et lon s’est assuré qu'elle ne produisoit aucune augmentation sen- sible de chaleur. Les alimens , qui doivent subir, dans l’intérieur des poissons, les altérations nécessaires pour être changés d’abord en chyme, et ensuite en chyle , ne sont donc soumis à aucun agent dont la force soit aidée par un surcroît de chaleur. D'un autre côté, l'estomac du plus grand nombre de ces animaux est composé de inembranes trop minces pour que la nourriture qu'ils avalent soit broyée, triturée et divisée au point d’être très-facile- ment décomposée; il n’est donc pas surprenant que les sucs diges- tüifs des poissons soient , engénéral, très-abondans et très-actils. Aussi ont-ils, avec une rale souvent triangulaire, quelquefois allongée , toujours d’une couleur obscure, et avec une vésicule du fiel assez grande, un foie très-volumineux, tantôt simple, et tantôt divisé en deux ou en trois lobes , et qui, dans quelques- uns des animaux dont nous traitons, est aussi long que l'abdomen. Cette quantité et ceite force des sucs digestifs sont suriout né- cessaires dans les poissons qui ne présentent presque aucune sinuosité dlans leur inteslin, presque aucun appendice auprès DISCOURS SUR LES POISSONS. 17 du pylore, presque aucune dent dans leur gueule, et qui, ne ne pouvant ainsi ni couper, ni déchirer, ni concasser les subs- tances alimentaires , ni compenser le peu de division de ces subs- tances par un séjour plus long de ces mêmes matières nutritives dans un estomac garni de petits cœcums, ou dans un intestin très-sinueux el par conséquent très-prolongé, n’ont leurs ali- mens exposés à la puissance des agens de la digestion, que dans ‘état et pendant le temps le moïns propres aux altérations que ces alimens doivent éprouver. Ce seroit donc toujours en raison inverse du nombre des dents , des appendices de l'estomac, et des circonvolutions de l'intestin, que devroit être, tout égal d’ail- leurs , le volume du foie, si l'abondance des sucs digestifs ne pou- voit être suppléée par un accroissement de leur activité. Quel- quefois cet accroissement d'énergie est aidé ou remplacé par une faculté particulière accordée à l'animal. Par exemple, le brochet, _et les autres ésoces, que l’on üoit regarder comme les animaux de proie les plus funestes à un très grand nombre de poissons , et qui, consommant une grande quantité d’alimens, n'ont cependant reçu ni appendices de l’estomac, ni intestin très-contourné, ni foie des plus volumineux, jouissent d’une faculté que l'on a de- puis long-temps observée dans d’autres animaux rapaces, et sur- tout dans les oiseaux de proie les plus sanguinaires ; ils peuvent rejeter facilement par leur gueule les différentes substances qu’ils ne pourroient digérer qu'en les retenant très-long-temps dans des appendices ou des intestins plusieurs fois repliés qui leur manquent, ou en les attaquant par des sucs plus abondans ou plus puissans que ceux qui leur ont été départis. Nous n'avons pas besoin de dire que, de l’organisation qui donne ou qui refuse cette faculté de rejeter, de la quantité et du pouvoir des sucs digestifs, de la forme et des sinuosités du canal intestinal, dépendent peut-être , autant que de la nature des subslances avalées par l'animal, la couleur et les autres qualités des excrémens des poissons ; mais nous devons ajouter que ces produits de la digestion ne sortent du corps que irès-ramollis, parce qu'indépendamment d'autre raison, ils sont toujours mê- lés , vers l'extrémité de l'intestin , avec une quantité d’urine d’au- tant plus grande, qu'avant d'arriver à la vessie destinée à la réunir, elle est filtrée et préparée dans des reins très-volumineux , placés presque immédiatement au-dessous de l'épine du dos, divi- Lacepède. 2. 2 18 IHISTOIRE NATURELLE. sés en deux dans quelques poissons, et assez étendus dans pres que tous pour égaler l'abdomen en longueur. Cette dernière sé: crétion est cependant un peu moins liquide dans les poissons que dans les aulres animaux ; et n'a-t-eile pas cette consistance un peu plus grande, parc: qu'elle participe plus où moins de la nature huileuse que nous remarquerons dans toutes les parties des animaux dont nous publions l'histoire ? Maintenant ne pourroïi-on pas considérer un moment la tota- lité du corps des poissons comme une sorte de long tuyau ; aussi peu uniforme dans sa cavilé intérieure que dans ses parties ex- ternes ? Le canal intestinal, dont les membranes se réunissent, À ses deux extrémités, avec les tégumens de l'extérieur du corps, représenterott la cavilé allongée ét Lortueuse de cette espèce de tube, Et que l'on ne pense pas que ce point de vue füt sans uti- lité. Ne pourroit-il pas servir, en eflet, à mettre dans une sorte d’évidence ce grand rapport de conformation qui lie tous les êtres animés , ce modèle simple et unique d’après lequel l'existence des êtres vivans a été plus ou moins diversifiée par la puissance créatrice ? Et dans ce long tube , dans lequel nous transformons, pour ainsi dire, le corps du poisson, n’aperçoit-on pas à l'instant ces longs tuyaux qui composent Ja plus grande partie de l’orga- nisation des animaux les plus simples, d'un grand nombre de polypes ? Nous avons jeté les yeux sur la surface extérieure et sur la surface interne de ce tube animé qui représente, un instant, pour nous, le corps des poissons. Maïs les parois de ce tuyau ont une épaisseur; c'est dans cette épaisseur qu’il faut pénétrer; c'est là qu'il faut chercher les sources de la vie. Dans les poissons, comme dans les autres animaux, les véri= tables sucs nourriciers sont pompés au travers des pores dont les membranes de l'intestin sont criblées, Ce chyle est attiré et recu par une portion de ce système de vaisseaux remarquables, dis- séminés dans toutes les parties de l'animal, liés par des glandes propres à élaborer le liquide substan üel qu'ils transmettent, et qui ont reçu le nom de vaisseaux lactés ou de vaisseaux lym- phatiques, suivant leur position , ou, pour mieux dire, suivant la nature du liquide alimentaire qui les parcourt. | Les bornes de ce discours et le but de cet ouvrage ne nous per- mettent pas d'exposer dans tous ses détails l'ensemble de ces vaisseaux absorbans , soit qu'ils contiennent une sorte de lait DIS GOURS SUR LES POISSONS. 19 que Î lon nomme cyle, ou qu'ils renferment une [y nrphe nour- ricière; nous ne pouvons pas montrer ces canaux sinueux qui pénetrent jusques à toutes les cavi ités, se répandent aupr ès de tous les organes, arrivent à un si grand n ombre de points de la surface, sucent, pour ainsi dire, partout les fluides surabondans auxquels ils atteignent, se réunissent, se séparent, se divisent, font parvenir, jusqu'aux glandes qu'ils paroïissent composer par leurs circonvolutions, les sucs hétérogènes qu'ils ont aspirés, les y modifient par le mélange, les ÿ vivifient par de nouvelles com- binaisons, les y élaborent par le temps , les portent enfin con- venablement préparés jusqu’à deux réceptacles, et les poussent, par un orifice garni de valvules , jusque dans la veine cave , presque à l’endro:t où ce dernier conduit ramène vers le cœur le sang qui aservi à l'entretien des différ entes parties du corps de te Nous pouvons d're sçulement que cette or ganisation., cette distribution, et ces cileis si dignes de l'attention du phy- siologiste , «ot très-angiogues , dans'les poissons, aux phéno- mènes et aux conformations de ce genre que l’on remarque dans. les autres animaux à sang rouge. Les vaisseaux absorbans sont même plus sensibles dans les poissons ; et c'est principalement aux observations dont ces organes ont été l’objet dans les ani- maux dont nous recherchons la nature, qu'il faut rapporter une grande partie des progrès que l’on a fan assez récemment.dans la connoissance des vaisseaux Hnpbs paques ou lactés, et..des glandes conglobées des autres animaux és “ Le sang des poissons ne sort donc de re veine cave, pour en, trer dans le cœur, qu'après avoir reçu des vaisseaux absorbans les différens sucs qui seuls peuvent donner à ce fluide la faculté de nourrir les diverses parties du corps qu'il arrose : mais il n’a pas encore acquis toutes les qualités qui luï sont nécessaires pour entretenir la vie ; il ‘faut qu'il aille encore dans les organes r'espi- ratoires recevoir un des élémens essentiels de son essence. Quelle est cependant la route qu'il suit pour se porter à ces organes, et pour se distribuer ensuite dans les différentes parties du corps? Quelle est la composition de ces mêmes organes ? Montrons rapi- dement ces deux grands objets. : Le cœur, principal instrument de la circulation , presque tou- 1 L'on trouvera particulierement des descriptions très-bien faites et de beawx dessins des vaisseaux absorbaps des poissons dans le grand ouvrage que le savant Monro a publié sur ces animaux. 20 HISTOIRE NATURELLE. jours contenu dans une membrane très-mince que lon nomme péricarde, et variant quelquefois dans sa figure, suivant l'espèce que l'on examine, ne renferme que deux cavités : un ventri- cule, dont les parois sont très-épaisses , ridées , et souvent par- semées de petits trous ; et une oreillette beaucoup plus grande, placée sur le devant de la partie gauche du ventricule, avec lequel elle communique par un orifice garni de deux valvules *. C’est à cette oreillette qu'arrive le sang avant qu'il soit transmis au ventricule ; et il y parvient par un ample réceptacle qui cons- titue véritablement la veine cave, ou dn moins l'extrémité de cette veine, que l’on a nommé sinus veineux, qui est placé à la partie postérieure de l'oreillette, et qui y aboutit par un trou, au bord duquel deux valvules sont attachées. Le sang, en sortant du ventricule, entre par un orifice que deux autres valvules ouvrent et forment , dans un sac artériel ou très- grande cavité que l’on pourroit presque comparer à un second ventricule, qui se resserre lorsque le cœur se dilate, et s'épanouit au contraire lorsque le cœur est comprimé, dont les pulsations peuvent être très-sensibles, et qui, diminuantde diamètre , forme une véritable artère, à laquelle le nom d’aorte a été appliqué. Cette artère est cependant l’analogue de celle que l’on a nom- mée pulmonaire dans l’homme, dans les quadrupèdes à mamelles, et dans d’autres animaux à sang rouge. Elle conduit, en eflet, le sang aux branchies, qui, dans les poissons , remplacent les poumons proprement dits; et pour le répandre au milieu des diverses portions de ces branchies dans l’état de division néces- saire , elle se sépare d’abord en deux troncs, dont l’un va vers les branchies de droite , et l’autre vers les branchies de gauche. L'un et l'autre de ces deux troncs se parlagent en autant de branches qu'il y a de branchies de chaque côté, et il n'est aucune de ces branches-qui n’envoie à chacune des lames que l’on voit dans une branchie un rameau qui se divise, très-près de la sur- face de ces mêmes lames, en un très-grand nombre de ramifica- tions, dont les extrémités disparoissent à cause de leur ténuité. Ces nombreuses ramifications correspondent à des ramifica- tions analogues , mais veineuses, qui, se réunissant successive- ment en rameaux et en branches, portent le sang réparé, et, sense ES * Toutes les fois que nous emploierons dans cet ouvrage les mots antérieur, énférieur, postérieur, supéréeur, etc. , nous supposerons le poisson dans sa po- fition la plus naturelle, c’est-a-dire, dans lai situation horizontale. DISCOURS SUR LES POISSONS. ot pour ainsi dire, revivifié par les branchies, dans un ironc uni- que, lequel, s’avançant vers la queue le long de l’épine du dos, fait les fonctions de la grande artère nommée aorte descendante dans l’homme et dans les quadrupèdes, et distribue dans presque toutes les parties du corps le fluide nécessqre à leur nutrition. La veine qui part de la branchie la plus antérieure ne se réu- nit cependant avec celle qui tire son origine de la branchie la plus voisine, qu'après avoir conduit le sang vers le cerveau et les principaux organes des sens ; mais il est bien plus important encore d'observer que les veines qui prennent leur naissance dans les branchies, non-seulement transmettent le sang qu’elles contiennent au vaisseau principal dont nous venons de parler, mais encore qu'elles se déchargent dans un autre tronc qui se rend directement dans le grand réceptacle par lequel la veine cave est formée ou terminée. Ce second tronc, que nous venons d'indiquer, doit être consi- déré comme représentant la veine pulmonaire, laquelle , ainsi que tout le monde le sait, conduit le sang des poumons dans le cœur de l’homme, des quadrupèdes , des oiseaux et des reptiles. Une partie du fluide ranimé dans les branchies des poissons va donc au cœur de ces derniers animaux, sans avoir circulé de nou- veau par les artères et les veines ; elle repasse donc par les bran- chies, avant de se répandre dans les différens organes qu’elle doit arroser et nourrir , et peut-être même va-t-elle plus d’une fois, avant de parvenir aux portions du corps qu'elle est destinée à entretenir, chercher dans ces branchies une nouvelle quantité de principes réparateurs. Au reste, le sang parcourt les routes que nous venons de ira- cer avec plus de lenteur qu'il ne circule dans la plupart des ani- maux plus rapprochés de l’homme que les poissons. Son mou- vement seroit bien plus retardé encore, s’il n’étoit dû qu’aux impulsions que le cœur donne , et qui se décomposent et s’anéan- tissent , au moins en grande partie, au milieu des nombreux circuits des vaisseaux sanguins, et sil n'étoit pas aussi produit par la force des muscles qui environnent les artères et les veines. Mais quels sont donc ces organes particuliers que nous nom- mons branchies *, et par quelie puissance le sang en reçoit-il le principe de la vie ? 3 Ces organes ont été aussi appelés ouiesÿ mais nous avons supprimé cette der. >» AP HISTOITE NATURELLE. Ils sont bien plus variés que les organes respiratoires des ani- maux que l'on à regardés comme Ft. parfaits. Ils peuvent dif- férer, ên effet , les uns des autres, suivant la famille de poissons que l’on examine, non-seulement par leur forme , mais encore pir le nombre et par des dimensions de leurs parties. Dans quel- ques espèces ; 1ls consistent dans des poches où bourses compo- sées de membranes plissées * , sur la surface desquelles s'étendent les ranufications artérielles et veineuses dont j'ai déjà parlé ; et jusqu’à présent on a compté , de chaque côté de la tête, six ou ‘scpt de ces poches ridées et à grande superficie ?. Mais le plus souvent les branchies sont formées par plusieurs ares solides et d’une courbure plus ou moins considérable. Cha- cun de ces arcs appartient à une branchie particulière. Le long de la partie convexe, on voit quelquefois un seul rang , mais le plus communément deux'rangées de petites lames plus ou moins solides et flexibles; et dont la figure varie sui- vant le genre et quelquefois suivant lespèce. Ces lames sont d’ail- leurs un peu convexes d’un côté, et un peu concaves du côté opposé, apoliquées l’une contre Fautre, attachées à l'arc, liées ensemble , recouvertes par des membranes de diverses épaisseurs, ordinaireme nt garnies de petits poils plus ou moins apparens et plus nombreux ‘sur la face convexe que sur la face concave, et revêlues, sur leurs surfaces, de ces ramifications artérielles et veineuses si mullipliées, que nous avons déjà décrites. La partie concave de l'arc ne présente pas de lames ; maïs elle montre où des protubérances courtes et unies, ou des tubérosités rudes et arrondies , ou des tubercules allongés , ou des ee ons, ou de véritables EIIGRE assez courts. | Tous les arcs sont élastiqnes et garnis vers leurs extrémités de muscles qui peuvent; suivant lé besoin de l'animal , augmenter momentanément leur courbure, ou leur imprimer d’autres mou- vemens. à Leur nombre, ou, ce qui est la même chose, le nombre des branchies , est de quatre de chaque côté dans presque ious les poissons : quelques-uns cependant n'en ont que trois’ à droite ‘et DOS: OR OR JE RRS RUN E je 7 CYLELEN RO POSE SEATIRRR ESSOR" PE nière dénomination comme impropre, partant d’une fausse supposition, et puu- vant faire naître des erreurs, où au moins des équivoques et«de l'obscurité. 1 Voyez l’article du pétromyson lamproïe. 2 Ilya sept branchies de chaque côté dans les pétromyzons, et six dans lea gastrobranches, « DISGOURS SUR LES POISSONS. 23 trois à gauche *; d’autres en ont cinq *. On connoït une espèce de squale qui en a six, une seconde espèce de la mème famuile qui en présente sept; et ainsi on doit dire que l'on peut con 1pter en tout, dans les animaux que nous observons, depuis six jus- qu’à quatorze branchies : peut-être néanmoiïns y a-t-1l des pois- sons qui n'ont qu'une ou deux branchies de chaque côté de la iète. Nous devons faire remarquer encore que les proportions des dimensions des branchies avec ceiles des autres parlies du corps ne sont pas les mêmes dans toutes les fanniles de poissons ; ces or- ganes sont moins étendus dans ceux qui vivent habituellement au fond des mers ou des rivières, à demi enfoncés dans le sable ou dans la vase, que dans ceux qui parcourent en nageant de grands espaces , et s'approchent souvent de la surface des eaux *. Au resie, quels que soient la forme, le nombre et la gran. deur des branchies, elles sont placées, de chaque côté de la tête; dans une cavilé qui n’est qu'une prolongation de l'intérieur de la gueule; ou, si elles ne sont composées que de poches plissées, chacune de ces bourses communique par un ou deux orifices avec ce même intérieur, pendant qu’elle s'ouvre à l'extérieur BR un aulre orifice. Mais, comme nous décrirons en détail * les lé- geres différences que L contexture de ces organes apporte dans l'arrivée du fluide nécessaire à la respiration des poissons, ne nous occupons maintenant que des branchies qui appartiennent au plus grand nombre de ces animaux, et qui consistent prin- cipalement dans des arcs solides et dans une ou deux rangées de petites lames. Souvent l’eau entre par la bouche, pour parvenir jusqu'à la cavité qui, de chaque côté de la têle, renferme les branches ; et lorsqu'elle a servi à la respiration , et qu’elle doit être remplacée Par un nouveau fluide, elle s'échappe par un orifice latéral, aus Re LA L2 1 Les tétrodons. 2 Les raies et la plupart des squales. , 3 De grands naturalistes , et même Linné , ont eru pendant jono-temps que les poissons cartilaginenx avoient de véritables poumons , en même temps que des branchies , et ils les ont en conséquence sépaiés des auties poisions en leur don nant le nom d’amplibies nageurs. L'on tronvera, daus les articles relatifs aux iliodons, l’origine de cette erreur , dont on a dü la prenuère d’Azyr et a M. Bronssonnet, # Dans l'article du pétromyson lamprers. réiutation à Vicqz 24 HISTOIRE NATURELLE. quel on a donné le nom d'ouverture branchiale *. Dans quel- ques espèces , dans les pétromyzons, dans les raies, et dans plu- sieurs squales , l’eau surabondante peut aussi sortir des deux ca- vités et de la gueule par un ou deux petits tuyaux ou évents, qui, du fond de la bouche, parviennent à l'extérieur du corps vers le derrière de la tête. D’autres fois l’eau douce ou salée est introduite par les ouvertures branchiales, et passe par les évents ou par la bouche lorsqu'elle est repoussée en dehors ; ou si elle pénètre par les évents, elle trouve une issue dans l'ouverture de la gueule, ou dans une des branchiales. L’issue branchiale de chaque côté du corps n’est ouverte ou fermée dans certaines espèces que par la dilatation ou la com- pression que l'animal peut faire subir aux muscles qui envi- ronnent cet orifice ; mais communément elle est garnie d’un oper- cule ou d’une membrane, et le plus souvent de tous les deux à la fois. L'opercule est plus ou moins solide, composé d’une ou de plu- sieurs pièces , ordinairement garni de petites écailles , quelque- fois hérissé de pointes ou armé d’aiguillons ; la membrane, placée en lout ou en partie sous l'opercule, est presque toujours sou- tenue , comme une nageoire, par des rayons simples qui varient en nombre suivant les espèces ou les familles , et, mus par des muscles particuliers, peuvent, en s’'écartant ou en se rapprochant les uns des autres, déployer ou plisser la membrane. Lorsque le poisson veut fermer son ouverture branchiale, il abat son opercule, 1l étend au-dessous sa membrane, il applique exacte- ment et fortement contre les bords de l'orifice les portions de la circonférence de la membrane ou de l’opercule qui netiennent pas à son corps; ila, pour ainsi dire, à sa disposition, une porte un peu flexible et un ample rideau, pour clore la cavité de ses branchies. Mais nous avons assez exposé de routes, montré de formes, développé d'organisations ; il est temps de faire mouvoir les res- sorts que nous avons décrits. Que les forces que nous avons in- diquées agissent sous nos yeux ; remplaçons la matière inerte ? Dans le plus grand nombre de poissons, il n’y a qu'une ouverture branchiale de chaque côté de la tête : mais, dans les raies et dans presque tous les squales, il yena cinq à droite, et cinq à gauche; il y en a six dans nne espèce particulière de squale, et sept dans une autre espèce de la méme famille, ainsi que dans tons les pétromyzons. DISCOURS SUR LES POISSONS. 25 par la matière productive, la substance passive par l'être actif, le corps seulement organisé, par le corps en mouvement; que le poisson reçoive le souffle de la vie ; qu'il respire. En quoi consiste cependant cet acte si important, si imvolon- taire , si fréquemment renouvelé, auquel on a donné le nom de respiration ? Dans les poissons, dans les animaux à branchies , de même que dans ceux qui ont reçu des poumons, il n'est , cet acte, que l'ab- sorption d’une quantité plus ou moins grande de ce gaz oxy- gène qui fait partie de l'air atmosphérique , et qui se retrouve jusque dans les plus grandes profondeurs de la mer. C'est ce gaz oxygène qui, en se combinant dans les branchies avec le sang des poissons, le colore par son union avec les principes que ce fluide lui présente , et lui donne, par la chaleur qui se dégage, Je degré de température qui doit appartenir à ce liquide : et comme, ainsi que tout le monde le sait, les corps ne brülent que par l'absorption de ce même oxygène, la respiration des poissons , semblable à celle des animaux à poumons, n’est donc qu'une combustion plus ou moins lente; et même au milieu des eaux , nous voyons se réaliser cette belle et philosophique fic- tion de la poésie ancienne, qui, du souffle vital qui anime les êtres, faisoit une sorte de flamme secrète plus ou moins fugitive. L'oxygène, amené par l’eau sur les surfaces si multipliées, et par conséquent si agissante , que présentent les branchies, peut aisément parvenir jusqu’au sang contenu dans les nombreuses ramificalions artérielles et veineuses que nous avons déjà fait connoître. Get élément de la vie peut , en effet, pénétrer facile- ment au travers des membranes qui composent ou recouvrent ces petits vaisseaux sanguins; il peut passer au travers de pores trop petits pour les globules du sang. On ne peut plus en douter depuis que l’on connoît l'expérience par laquelle Priesiley a prouvé que du sang renfermé dans une vessie couverte même avec de la graisse n’en étoit pas moins altéré dans sa couleur par Vair de l'atmosphère, dont l'oxygène fait partie ; et l’on a su de plus par Monro , que lorsqu'on injecte , avec une force modérée, de l’huile de térébésithie colorée par du vermillon, dans l'artère branchiale de plusieurs poissons , et particulièrement d'une raie récemment morte,une portion de l'huile rougie transsude au iravers des membranes qui composent les branchies, et ne les déchire pas. 26 - HISTOIRE NATURELEE., Mais cet oxygène qui s'introduit jusque dans les. petits vais= seaux des branchies , dans quel fluide les poissons peuvent-ils le puiser ? Est-ce une quantité plus ou moins considérable d'air at- mosphérique disséminé dans l'eau, et répandu jusque dans les abimes les plus profonds de l'océan , qui contient tout l'oxygène qu'exige le sang des poissons pour être revivifié ? ou pourroit- on croire que l’eau, parmi les élémens de laquelle on compte l'oxygène, est décomposée par la grande force d’affinité que doit “exercer sur les principes de ce fluide un sang irès-divisé et ré- pandu sur les surfaces multiphées des branchies ? Cette question est importante ; elle est liée avec les progrès de la physique ani- male : nous ne terminerons pas ce discours sans chercher à jeter quelque jour sur ce sujet, dont nous nous sommes occupés les premiers , et que nous avons disculé dans nos cours publics, des lan 3; continuons cependant, quelle que soit la source d'où découle cet oxygène, d'exposer les phénomenes relalifs à la res- piration des poissons. Pendant l'opération que nous examinons, le sang de ces ani- maux non-seulement se combine avec le gaz qui lui donne la couleur et la vie, mais encore se dégage, par une double dé- composition , des principes qui l'altèrent. Ces deux effets pa- roissant, au premier coup d'œil, pouvoir être produits au milieu de l'atmosphère aussi-bien que dans le sein des eaux, on ne voit pas tout d’un coup pourquoi, en général, les poissons ne vivent dans lair que pendant in temps assez court, quoique ce der- nier fluide puisse arriver plus facilement jusque sur Jeurs bran- chies, et leur fournir bien plus d'oxygène qu'ils n'ont besoin d'en recevoir. On peut cependant donner plusieurs raisons de ce fait remarquable. Premièrement, on. peut dire que l'atmo- sphère, en leur abandonnant de l'oxygène avec plus de promp- ütude où en plus grande quantité que l'eau, est pour leurs branchies ce que l'oxygène très-pur est pour les poumons de l'homme, des quadrupèdes, des oiseaux et des reptiles; l'action vitale est trop augmentée au milieu de l'air, la combustion trop précipitée, l'animal, pour ainsi dire, consumé. Secondement , les vaisseaux artériels et veineux, disséminés sur Jes surfaces branchiales , n'étant pas contenus dans l'atmosphere par la pres- sion d’un fluide aussi pesant que l’eau , cèdent à Paction du sang devenue beaucou p plus vive, se déchirent, produisent la des- truction d'un des organes essentiels des poissons , causent bientôt DISCOURS SUR LES POISSONS. or leur mort; et voilà pourquoi, lorsque ces animaux périssent pour avoir été pendant long-temps hors de l’eau des mers ou des ri- vitres, on voit leurs branchies ensanglantées. ‘Froisièmement enfin, l’air , en desséchant tout le corps des poissons, et particu- lièrement le principal siége de leur respiration, diminue et même anéantit cette humidité, cetle onctuosité, cette souplesse dont ils jouissent dans l’eau , arrête le jeu de plusieurs ressorts, hâte la rupture de plusieurs vaisseaux et particulierement de ceux qui appartiennent aux branchies, Aussi verrons-nous dans le cours de cet ouvrage , que la plupart des procédés employés pour con- server dans l'air des poissons en vie se réduisent à les pénétrer d’une humidité abondante , et à préserver surtout de toute des- siccation l’intérieur de la bouche , et par conséquent les bran- chies; et, d’un autre côté, nous remarquerons que l’on parvient à faire vivre plus long-temps hors de l'eau ceux de ces ani- maux dont les organes respiratoires sont le plus à labri sous un opercule et une membrane qui s'appliquent exactement contre les bords de l'ouverture branchiale, ou ceux qui sont pourvus , et, pour ainsi dire, imbibés d’une plus grande quan- tité de matière visqueuse. Cette explication paroîlra avoir un nouveau degré de force , si l'on fait-attention à un autre phénomène plus important en- core pour le physicien. Les branchies ne sont pas, à la rigueur, le seul organe par lequel les poissons respirent : partout où leur sang est lrès-divisé , et très-rapproché de l’eau , il peut , par son affinité , tirer directement de ce fluide, ou de lair que celte même eau contient, l'oxygène qui lui est nécessaire. Or non seulement les tégumens des poissons sont perpétuellement en- vironnés d’eau , mais ce même liquide arrose souvent l'intérieur de leur canal intestinal, y séjourne même; et comme ce canal est entouré d’une irès-grande quantité de vaisseaux sanguins , 1l doit s’opérer dans sa longue cavité, ainsi qu'à la surface exié-. rieure de Vanimal, une absorpüon plus ou moins fréquente d'oxygene, un dégagement plus ou moins grand de principes corrupteurs du sang. Le poisson respire donc et par ses branchies et par sa peau, et par son tube intestinal : et le voilà lié, par une nouvelle ressemblance , avec des animaux plus parfaits. Au reste, de quelque manière que le sang oblienne l'oxygène, c’est lorsqu'il a été combiné avec ce gaz , qu'ayant reçu d'ailleurs des vaisseaux absorbans les princives de la nutrition, 1l jouit de 238 HISTOIRE NATURELLE, ses qualités dans toute leur plénitude. C'est après cette union que, circulant avec la vitesse qui. lui convient dans toules les parties du corps, il entretient, répare, produit, anime, vivifie. C'est alors que, par exemple, les muscles doivent à ce fluide leur. accroissement, leurs principes conservateurs, et le maintien de Pirritabihité qui les caractérise. Ces organes intérieurs de mouvement ne présentent , dans les poissons, qu’un très-petlit nombre de différences générales et sensibles, avec ceux des autres animaux à sang rouge. Leurs tendons s’insèrent, à la vérité, dans la peau; ce qu’on ne voit ni dans l’homme, ni dans la plupart des quadrupèdes : mais on re- trouve la même disposition non-seulement dans les serpens qui sont re vêtus d'écailles , mais encore dans le porc-épic et dans le hérisson , qui sont couverts de piquans. On peut cependant dis- tinguer les muscles des poissons par la forme des fibres qui les composent, et par le degré de leur irritabilité *. En effet, ils peuvent se séparer encore plus facilement que les muscles des animaux plus composés , en fibres très-déliées ; et comme ces fi- brilles , quelque ténues qu’elles soient , paroissent toujours apla- ties et non cylindriques, on peut dire qu’elles se prêtent moins à la division que l’on veut leur faire subir dans un sens que dans un autre, puisqu'elles conservent toujours deux dia- mètres inégaux; ce que lon n'a pas remarqué dans les muscies de l’homme, des quadrupèdes, des oiseaux, ni des reptiles. * Nous croyons devoir indiquer dans cette note le nombre et la place des prir- eipiux muscles des poissons. Premierement , on voit régner de chaque côté du corps un muscle qui s'étend depuis la tête jusqu’à l’extrémité de la queue, et qui est composé de plusieurs mus- cles trausversaux, semblables les uns aux antres, parallèles entre eux, et placés cbliquement. Secondement, la partie supérieure du corps et de la queue est recouverte par deux museles longitudinaux, que l’on a nommés dorsaux , et qui occupent l'inter- valle laissé par les muscles des côtés. Lorsqu'il ÿ a une nageoire sur le dos, ces muscles dorsaux sont interrompus à l'endroit de cette nagcoïre, et par conse- quentil y en quatre au lieu de deux ; on en compte six, par une raison sembia- ble, lorsqu'il y'a deux nageoires sur le dos, cthuit, lorsqu’on voit treis nageoires dorsales. Froisièmement, les muscles latéraux se réunissent au-dessous du corps propre- ment dit; mais au-dessous de la queue, ils sont séparés par deux muscles longitu- divaux qui sont interrompus et divisés en deux paires , lorsqu'il y a une seconde nageoire de l’anus. Quatrièemement , la tête présente plusieurs muscles, parmi lssquels on en dis- DISCOURS SUR LES POISSONS. 29 De plus, l'irritabilité des muscles des poissons paroïit plus grande que celle des autres animaux à sang rouge; ils cèdent plus aisément à des stimulans égaux. Et que l’on n’en soit pas étonné : les fibres musculaires contiennent deux principes; une matière terreuse , et une matière glutineuse. L'irritabilité pa- roît dépendre de la quantité de cette dernière substance ; elle est d'autant plus vive que cette matière glutineuse est plus abondante, ainsi qu'on peut s’en convaincre en observant les phénomènes que présentent les polypes, d’autres zoophytes , et en général tous les jeunes animaux. Mais parmi les animaux à sang rouge , en est-il dans lesquels ce gluten soit plus répandu que dans les poissons ? Sous quelque forme que se présente cette substance dont la présence sépare les êtres organisés d’avec la ma- tière brute, sous quelque modification qu'elle soit, pour ainsi dire, déguisée , elle se montre dans les poissons en quantité bien plus considérable que dans les animaux plus parfaits ; et voilà pourquoi leur tissu cellulaire contient plus de cette graisse hui- leuse que tout le monde connoît ; et voilà pourquoi encore toutes les parties de leur corps sont pénétrées d’une huile que l'on retrouve particulièrement dans leur foie, et qui est assez abondante dans certaines espèces de poissons, pour que l’indus- trie et le commerce l’emploient avec avantage à satisfaire piu- sieurs besoins de l’homme. C'est aussi de cette huile, dont l'intérieur même des pois- tingue quatre plus grands que les autres, dont deux sont placés au-dessons des yeux, et deux dans la mâchoire inférieure. On remarque aussi celni qui sert a dé- ployer la membrane branchiale, et qui s'attache, par un tendon particulier, à chacun des rayons qui soutiennent cette mermbrane. Cinquièmement , chaque nageoïre pectorale a deux muscles releveurs placés sur la surface externe des os que l’on a comparés aux clavicules et aux omoplates, et deux abaisseurs situés sous ces mêmes os. Sixièmement , les rayons des nageoires du dos et de l’anus ont également chacun quatre rayons , dont deux releveurs occupent la face antérieure de l’os qui retient le rayon et que l’on nomme aëleron, et dont deux abaisseurs sont attachés aux côtés de ce même aileron, et vont s’insérer obliquement derrière la base du rayou qu’ils sont destinés a coucher Le long du corps ou de la queue, Septiemement , trois muscles appartiennent à chaque nageoire inférieure : celui qui sert à l’étendre couvre la surface externe de l’aileron, qui représente une par- tie des os du bassin ; et les deux autres qui l’abaissent partent de la surface interne de cet aileron. Huitièmement enfin , quatre muscles s’attachent à la nageoire de la queue : un droit et deux obliques ont recu le nom de supérieurs ; et l’on nomme inférieur , à cause de sa position , le quatrième de ces muscles puissans. 50 HISTOIRE NATURELLE. sons est abreuvé, que dépend la transparence plus où moins grande que présentent ces animaux dans des portions de leur corps souvent assez étendues, et même quelquefois un peu épaisses. Ne sait-on pas, en effet, que, pour donner à une ma- tière ce degré d'homogénéité qui laisse passer assez de lumière pour produire la transparence, il safit de parvenir à l’imprégner d’une huile quelconque? et ne le voit-on pas tous les jours dans les papiers huilés avec lesquels on est souvent forcé de chercher à remplacer le verre? Un autre phénomène très-digne d'attention doit être rapporté à cette huile, que l'art sait si bien, et depuis st long-temps ex- traire du corps des poissons ; c’est leur phosphorescence. En effet, non-seulement leurs cadavres peuvent, comme tous les animaux et tous les végétaux qui se décomposent , répandre , par une suite de leur altération et des diverses combinaisons que leurs principes éprouvent, une lueur blanchätre que tout le monde connoït: non - seuiement ils peuvent pendant leur vie, ctparticulièrement dans les contrées torrides, se pénétrer pendant le jour d’une vive lumière solaire qu'ils laissent échapper pen- dant la nuit, qui les revêt d’un éclat très-brillant, et en quelque sorte d'une couche de feu, et qui a éié si bien observée dans. le Sénégal par M. Adanson ; mais encore ils tirent de cette matière huileuse, qui s’insinue dans touies leurs parties, et qui est un de leurs élémens , la faculté de paroître revêtus, indé- pendamment de tel ou tel temps et de teile ou telle tempéra- ture, d’une lumière qui, dans les endroits où ils sont réunis en. très-grand nombre, n’ajoute pas peu au magnifique spectacle que présente la mer lorsque les diférentes causesqui peuvent en rendre la surface phosphorique agissent ensemble et se dé- ploient avec force. Ils augmentent d'autant plus la beauté de cette immense illumination que Ja poésie a mélamorphosée en. appareil de fète pour les divinités des eaux, que leur clarté aroît de très-loin, et qu'on l'apercoit tres-bien lors même qu'ils sont à d'assez grandes profondeurs. Nous tenons d’un de nos plus savans confrères, M. Borda , que des poissons nageant à près de sept mètres au-dessous de la surface d’une mer calme , ont été vus très-phosphoriques. : Cette huile ne donne pas uniquement un vain éclat aux pois-. sons; elle les maintient au milieu de l’eau contre l’action alté- rante de ce fluide. Mais, indépendamment de cette huile con- DISCOURS SUR LES POISSONS. 51 ‘sérvairice , une substance visqueuse, analogue à cette matière huileuse , mais qui en diffère par plusieurs caractères et par con- séquent par la nature ou du moins par la proportion des prin- cipes qui la composent, est élaborée dans des vaisseaux particu- liers, transporiée sous les légumens extérieurs, et répandue à la surface du corps par plusieurs ouvertures. Le nombre, la position , la forme de ces ouvertures, de ces canaux déférens, de ces organes sécréteurs, varient suivant les espèces ; mais, dans presque tous les poissons, cette humeur gluante suinte particulièrement par des orifices distribués sur différentes parties de la tête, et par d'autres orifices situés le long du corps et de la queue, placés de chaque côté, et dont l'ensemble a reçu le nom de /igne latérale. Cette ligne est plus sensible , lorsque le poisson est revêtu d'écailles facilement visibles, parce qu'elle se compose alors, non-seulement des pores excréteurs que nous venons d'indiquer, mais encore d’un canal formé d'autant de petits tuyaux qu'il y a d’écaiiles sur ces orifices , et creusé dans l'épaisseur de ces mêmes écailles. Elle varie d’ailleurs avec les espèces , .non-seulement par le nombre, et depuis un jusqu’à trois de chaque côté, mais encore par sa longueur, sa direction , sa courbure, ses interruptions , et les piquans dont elle peut être hérissée. Cette substance visqueuse , souvent renouvelée, enduit tout l'extérieur du poisson , empêche l’eau de filirer au travers des tégumens , et donne au corps, qu'elle rend plus souple, la fa- culté de glisser plus facilement au milieu des eaux , que cette sorte de vernis repousse, pour ainsi dire. L'huile animale qui, vraisemblablement, est le principe éla- boré pour la production de cette humeur gluante, agit donc di- rectement ou indirectement, et à l’extérieur et à l’intérieur des poissons ; leurs parties même les plus compactes et les plus dures portent l'empreinte de sa nature , et on retrouve son influence, et même son essence , Jusque dans la charpente solide sur laquelle s'appuient toutes les parties molles que nous venons d’exa- miner. 4 Cette charpente, plus où moins compacte, peut être cartila- gmeuse ou véritablement osseuse. Les pièces qui la composent présentent, dans leur formation et dans leur développement , le même phénomène que celles qui appartiennent au squelette des animaux plus parfaits que les poissons; leurs couches inté- 32 HISTOIRE NATURELLE. rieures sont les premières produites, les premières réparées , les premières sur lesquelles agissent les diflérentes causes d'ac- croissement. Mais lorsque ces pièces sont cartilagineuses, elles diffèrent beaucoup d’ailleurs des os des quadrupèdes , des oi- seaux et de l'homme. Enduites d’une mucosité qui n’est qu’une manière d’être de l’huile animale si abondante dans les poissons elles ont des cellules, et n’ont pas de cavité proprement dile : elles ne contiennent pas cette substance particulière que l'on a nommée moelle osseuse dans l’homme , les quadrupèdes et les oiseaux : elles offrent l’assemblage de différentes lames. Lorsqu'’elles sont osseuses , elles se rapprochent davantage, par leur contexture, des os de l’homme , des oiseaux et des quadru- pèdes. Mais nous devons renvoyer au Discours sur les parties solides des poissons tout ce que nous avons à dire encore de la charpente de ces derniers animaux : c’est dans ce discours parti- . culier que nous ferons connoître en détail la forme d’une portion de leur squelette, qui, réunie avec la tête, constitue la prin- cipale base sur laquelle reposent toutes les parties de leur corps. Cette base, qui s'étend jusqu’à l'extrémité de la queue, consiste dans une longue suite de vertèbres qui , par leur nature carti- lagineuse ou osseuse, séparent tous les poissons en deux grandes sous-classes; celle des cartilagineux, et celle des osseux *. Nous montrerons, dans le discours que nous venons d'annoncer , la figure de ces vertèbres, leur organisation , les trois conduits longitudinaux qu’elles présentent; la gouttière supérienre, qui reçoit la moelle épinière ou dorsale; le tuyau intérieur, alter- nativement large et resserré, qui contient une substance géla- tineuse que l’on a souvent confondue avec la moelle épinière ; et la gouttière inférieure, qui met à l’abri quelques-uns des vaisseaux sanguins dont nous avons déjà parlé. Nous tâcherons de faire observer les couches, dont le nombre augmente dans ces vertèbres à mesure que l'animal croit ; les nuances remar- quables , et, entre autres, la couleur verte qui les distinguent dans quelques espèces. Nous verrons ces vertèbres, d’abord très-simples dans les cartilagineux, paroïtre ensuite dénuées de côtes , mais avec des apophyses où éminences plus ou moins saillantes et plus ou moins nombreuses , à mesure qu'elles ap- partiendront à des espèces plus voisines des osseux, et êlré * Voyez l’article intitulé De Ze nomenclature des poissons. DISCOURS SUR LES POISSONS. 53 enfin , dans ces mêmes osseux , garnies d’apophyses presque tou= jours liées avec des côtes, el quelquefois même servant de sou tien à des côtes doubles. Nous examinerons les parties solides de la tête , et particulièrement les piéces des mächoires ; celles qu’on a comparées à des omoplates et à des clavicules; celles qui, dans quelques poissons auxquels nous avons conservé le nom de si- lures , représentent un véritable sternum ; les os ou autres corps durs que l’on a nommés aïlerons, et qui retiennent les rayons des nageoires; ceux qui remplit les os connus dans l’homme et les quadrupèdes sous la dénomination d'os du bassin, et qui, attachés aux nageoires inférieures, sont placés d'autant plus près ou d'autant plus loin du museau, que l’on a sous les yeux tel ou tel ordre des animaux que nous voulons étudier. C'’est'alors enfin que nous nous convaincrons aisément que les différentes portions de la charpente varient beaucoup plus dans les poissons que dans les autres animaux à sang rouge, par leur nombre, leur forme, leur place, leurs proportions et leur couleur. Hâtons cependant la marche de nos pensées. Dans ce moment, le poisson respire devant nous; son sang circule , sa substance répare ses pertes; il vit. Il ne peut plus être confondu avec les masses inertes de la matière brute; mais rien ne le sépare de l’insensible végétal : il n’a pas encore cette force intérieure , cet attribut puissant et fécond que l’animal seul possède; trop rapproché d’an simple automate, il n’est animé qu'a demi. Complétons ses facultés ; éveillons tous ses or- games; pénétrons-le de ce fluide subtil, de cet agent merveil- leux, dont l'antique et créatrice mythologie fit une émanation du feu sacré ravi dans le ciel par l’'audacieux Prométhée : il n’a reçu que la vie ; donnons-lui le sentiment. Voyons donc et la source et le degré de cette sensibilité dé- partie aux êtres devenus les objets de notre attention particu- lière ; ou , ce qui est la même chose, observons l’ensemble de leur système nerveux. Le cerveau, la première origine des nerfs, et par conséquent des organes du sentiment , est très-petit dans les poissons, rela- tivement à l'étendue de leur tête : il est divisé en plusieurs lobes ; mais le nombre, la grandeur de ces lobes , et leurs sé- parations, diminuent à mesure que l’on s'éloigne des cartila- gineux , particulièrement des raies et des squales , et qu’en par- courant les espèces d’osseux dont le corps très-allongé ressemble, Lacepède. 2. 5 B4 HISTOIRE NATURELLE. par sa forme extérieure, à celui d'un serpent, ainsi que celles dont la figure est plus ou moins conique, on arrive aux fa- milles de -ces mêmes osseux qui, telles que les pleuronectes , présentent le plus grand aplatissement. Communément la partie intérieure du cerveau est un peu brune, pendant que l’extérieure ou la corticaleest blanche et grasse. La moelle épinière, qui part de cet organe, et de laquelle déri- vent tous les nerfs qui n’émanent pas directement du cerveau , s'étend le long de la colonne vertébrale jusqu’à l'extrémité de la queue ; mais nous avons déjà dit qu'au lieu de pénétrer dans l'intérieur des vertèbres , elle en parcourt le dessus, en traver- sant la base des éminences pointues , ou apophyses supérieures , que présentent ces mêmes vertèbres. Il n'est donc pas surprenant que, dans les espèces de poissons dont ces apophyses sont un peu éloignées les unes des autres à cause de la longueur des ver- tèbres , la moelle épinière ne soit mise à l’abri sur plusieurs points: de la colonne dorsale, que par des muscles, la peau et des écailles. Mais l'énergie du système nerveux n'est pas uniquement le produit du cerveau ; elle dépend aussi de la moelle épinière ; elle réside même dans chaque nerf, et elle en émane d'autant plus. que l’on est plus loin de l’homme et des animaux très-composés, et plus près par conséquent des insectes et des vers, dont les dif- férens organes paroissent plus indépendans les uns des autres dans leur jeu et dans leur existence. Les nerfs des poissons sont aussi grands à proportion que ceux des animaux à mamelles ; quoiqu'ils proviennent d’un cerveau beaucoup plus petit. Tâchons cependant d'avancer vers notre but de la maniere la plus prompte et la plus sûre, et examinons les organes parti- culiers dans lesquels les extrémités de ces nerfs s’épanouissent , qui reçoivent l'action des objets extérieurs, et qui, faisant éprou- ver au poisson toutes les sensations analogues à sa nature, com- plètent l'exercice de cette faculté , si digne des recherches du philosophe, à laquelle on a donné le nom de sensibilité. Ces organes parliculiers sont les sens. Le premier qui se pré- sente à nous est l’odorat. Le siége en est très-étendu , double, et situé entre les yeux et le bout du museau, à une distance plus ou moins grande de cette extrémité. Les nerfs qui y aboutissent partent immédiatement du cerveau , forment ce qu’on a nommé la première paire de nerfs, sont très-épais, et se distribuent, DISCOURS SUR LES POISSONS. 35 dans les deux'siéges de l’odorat, en un très-grand nombre de ramifcations, qui, multipliant les surfaces de la substance sensi- tive, la rendent susceptible d’être ébranlée par de très - foibles impressions. Ces ramifcations se répandent sur des membranes très-nombhreuses, placées sur deux rangs dans la plupart des car- tilagineux , particulièrement dans les raies, dispasées en rayons dans les osseux, et garnissant l’intérieur des deux cavités qui renferment le véritable organe de l'odorat. C’est dans ces cavités que l’eau pénetre pour faire parvenir les particules odorantes dont elle est chargée, jusqu’à l'épanouissement des nerfs olfac- üfs; elle y arrive, selon les espèces, par une ou deux ouvertures Jongues, rondes ou ovales; elle y circule, et en est expulsée pour faire place à une eau nouvelle , par les contractions que l'animal peut faire subir à chacun de ces deux organes. Nous venons de dire que les yeux sont situés au-delà mais assez près des narines. Leur conformation ressemble beaucoup à celle des yeux de l’homme, des quadrupèdes, des oiseaux et des reptiles; mais voici les différences qu’ils présentent. Ils ne sont garantis n1 par des paupières n1 par aucune membrane cligno- tante; cette humeur que l’on nomme aqueuse, et qui remplit l'intervalle situé entre la cornée et le cristallin, y est moins abondante que dans les animaux plus parfaits ; l'humeur vitrée, qui occupe le fond de l’intérieur de l'organe , est moins épaisse que dans les oiseaux , les quadrupèdes et l’homme ; le cristallin est plus convexe, plus voisin de la forme entièrement sphérique, plus dense, pénétré, comme toutes les parties des poissons , d’une substance huileuse , et par conséquent plus inflammable. Les vaisseaux sanguins qui aboulissent à l'organe de la vue sont d'ailleurs plus nombreux, ou d’un plus grand diamètre , dans les poissons que dans la plupart des autres animaux à sang rouge ; el voilà pourquoi le sang s’y porte avec plus de force, lorsque son cours ordinaire est lroublé par les diverses agitations que l'animal peut ressentir. Au reste, les yeux ne présentent pas à l'extérieur la même forme, et ne sont pas situés de même dans toutes les espèces de poissons. Dans les unes ils sont très-petits , et dans les autres assez grands; dans celles-ci presque plats, dans celles-là très- convexes ; dans le plus grand nombre de ces espèces , presque ronds; dans quelques-unes, allongés ; tanlôt très - rapprochés et placés sur le sommet de la iète, tantôl très-écarlés et occupant 56 HISTOIRE NATURELLE les faces latérales de cette même partie, tantôt entore trts-voisihs et appartenant au même côté de l'animal; quelquefois disposés de manière à recevoir tous les deux des rayons de lumière réfléchis pa le mème objet, et d’autres fois ne pouvant chacun embrasser qu'un champ particulier. De plus , ils sont, dans certains pois- sons, recouverts en partie , et mis comme en sûreté, par une pe- tite saillie que forment les tégumens de la tête; et, dans d'autres, la peau s'étend sur la totalité + ces organes, qui ne peuvent plus être aperçus que commeau travers d’un voile plus ou moins épais. La prunelle enfin n’est pas toujours ronde ou ovale; mais on la voit quelquefois terminée par un angle du côté du museau *. A la suite du sens de la vue, celui de l’ouïe se présente à notre examen. Les sciences naturelles sontmaintenant trop avan- cées pour que nous puissions employer même un moment à réfuter l'opinion de ceux qui ont pensé que les poissons n'enten- - doient pas. Nous n’annoncerons donc pas comme aulant de preuves de la faculté d'entendre dont jouissent ces animaux, les faits que nous indiquerons en parlant de leur mstinct ; nous ne dirons pas que, dans tous les temps et dans tous les pays, on a su qu'on ne pouvoit employer avec succès certaines manières de pêcher qu’en observant le silence le plus profond *; nous n’ajou- terons pas, pour réunir des autorités à des raisonnemens fondés sur l'observation , que plusieurs auteurs anciens allribuoïent celte faculté aux poissons, et que particulièrement Aristote paroît de- voir être compté parmi ces anciens naturalistes : mais nous allons faire connoître la forme de l'organe de l’ouïe dans les animaux dont nous voulons soumettre toutes les qualités à nos recherches. Dès 1673, Nicolas Stenon de Copenhague a vu cet organeel en a indiqué les principales parties ; ce n’est cependant que depuis les travaux desanatomistes récens, Geoffroy le père, Vicq-d’Azyr, Cam- ? Les yeux du poisson que l’on a nommé enableps, et duquel on a dit qu'il avoit quatre yeux, présentent une conformation plus remarquable encore et plus différente de celle que montrent les yeux des animaux plus composés. Nous avons fait connoître la véritable organisation des yeux de cet anableps, dans un Mé- moire lu l’année dernière à l’Institut national : elle est une nouvelle preuve des résultats que ce discours renferme ; et on en trouvera l’exposition dans la suite de set ouvrage. 2 Parmi plasieurs voyageurs que nous pourrions citer à l’appui de faits dont il n'est personne , au reste, qui n'ait pu être témoin , nous choisissons Bellon, qui dit que lorsque, dans le Propontide, on veut prendre les poissons endormis ; on évite tous les bruits par lesquels ils pourroient étre réveillés. DISCOURS SUR LES POISSONS, 37 per, Monro, etScarpa,que nous en connoissons bien la construction. Dans presque aucun des animaux qui vivent habituellement dans l’eau, et qui reçoivent les impressions sonores par l'inter- médiaire d’un fluide plus dense que celui de l'atmosphère ; ON ne voit ni ouverture extérieure pour l'organe de l'onïe, ni oreille externe, ni canal auditif extérieur, ni ner du tympan, ni cavité du même nom, ni passage aboutissant à l’intérieur de la bouche et connu sous Te nom de érompe d'Eustache, ni osse- lets auditifs correspondans à ceux que l’on a nommés enclume, marteau ,. Où étrier , ni limaçon, ni communication intérieure désignée par la dénomination de fenétre. ronde. Ces parties manquent, en eflet, non - seulement dans les poissons, mais en- core dans les salamandres aquatiques où à queue plate, dans un grand nombre de serpens *, dans les crabes, et dans d’autres animaux à sang blanc, tels que les sépies, qui ont un organe de l’ouïe, et qui habitent au milieu des eaux. Mais les poissons n'en ont pas moins reçu, ainsi que les serpens. dont nous venons de parler, un instrument auditif, composé de plusieurs parties. très - remarquables, tres - grandes et très- distinctes. Pour rneux faire connoitre ces. diverses portions, examinons-les d’abord dans les poissons cartilagineux. On voit premièrement, dans l'oreille: de plusieurs de ces derniers animaux, une ouverture formée par une membrane tendue et élastique , ou par une petite plaque car- tilagineuse et semblable ou très-analogue à celle qu’on nomme fenêtre ovale dans les quadrupèdes et dans l’homme. On aperçoit ensuite un vestibule qui se trouve dans tous les cartilagineux, et que remplit une liqueur plus ou moins aqueuse; et auprès se montrent également, dans tous ces poissons, trois canaux com- posés d’une membrane transparente el cependant ferme et épaisse, que l’on a nommés deri-circulaires , quoiqu'ils forment pres- qu'un cercle, et qui ont les plus grands rapports avec les trois canaux membraneux que l’on découvre daris l’homme et dans les quadrupèdes *. Ces tuyaux demi- circulaires, renfermés dans une cavilé qui n’esl qu'une continuation du vestibule, et qu'ils divisent de manière à produire une sorte de labyrinthe, sont plus grands à proportion que ceux des quadrupèdes et de l'homme ; ? Les serpens ont cependant un os que l’on pourroit comparer à un des osselets auditifs, et qui s'étend depuis la mâchoire supérieure jusqu’à l’ouverture intcs rjeure appelée fenêtre ovale. ." 4 Voyez le bel ouvrage de Scarpa sur les sens des animaux. 38 HISTOIRE NATURELLE. contenus souvent en partie dans des canaux cartilagineux que Jon voit surtout dans les raies, et remplis d’une humeur parti- culière , ils s’'élargissent en espèce d’ampoules , qui reçoivent la pulpe dilatée des ramifications acoustiques, et doivent être com= prises parmi les véritables stéges de l’ouïe. Indépendammeni des trois canaux , le vestibule contient trois petits sacs inégaux en volume, composés d’une membrane mince, mais ferme et élastique, remplis d’une sorte de gelée ou de lymphe épaissie, contenant chacun un où deux petits corps cartilagineux, lapissés de ramifications nerveuses trés-déliées, et pouvant être: considérés comme autant de siéges de sensations sonores. Les poissons osseux et quelques cartilagineux, tels que la lo- phie baudroie, n’ont point de fenêtre ovale; mais leurs canaux demi-circulaires sont plus étendus, plus larges et plus réunis les uns aux autres. Ils n’ont qu’un sac membraneux , au lieu de: irois : mais cette espèce de poche, qui renferme un ou deux corps durs d’une matière osseuse où crétacée , est plus grande, plus remplie de substance gélatineuse ; et d’ailleurs, dans la ca- vité par laquelle les trois canaux demi-circulaires communiquent ensemble , on trouve le plus souvent un pelit corps semblable fé ceux que contiennent les petits sacs. Il y a donc dans l'oreille des poissons , ainsi que dans celle de l'homme, des quadrupèdes, des oiseaux et des reptiles , plusienrs siéges de Fouïe. Ces divers siéges n'étant cependant que des éma- nations d’un rameau de la cinquième paire de nerfs, lequel, dans les animaux donfÿgnous exposons l'histoire, est le véritable ner£ acoustique , 1is ne doivent produire qu'une sensation à la fois, lorsqu'ils sont ébranlés en même temps, au moins s'ils ne sont pas aliérés dans leurs proportions, ou dérangés dans leur action , par une cause constante ou accidentelle. Au reste, l'organe de l’ouïe, considéré dans son ensemble, est double dans tous les poissons , comme celui de la vue. Les deux oreilles sont contenues dans la cavité du crâne, dont elles occupent de chaque côté l'angle le plus éloigné du museau; et comme elles ne sont séparées. que par une membrane de la portion de cette cavité qui renferme le cerveau , les impressions sonores ne peu- vent-elles pas être communiquées très-aisément à ces deux or- ganes par les parties solides de la tête, par les portions dures qui les. evoisinent , et par le hquide que l'on trouve dans l'intérieur de: ses parles solides ? DISCOURS SUR LES POISSONS. 3% T1 nous reste à parler un moment du goût et du toucher des poissons. La langue de*ces animaux étant le plus souvent pres- que entièrement immobile, et leur palais présentant fréquem- ment , ainsi que leur langue , des rangées très-serrées et très- nombreuses de dents, on ne peut pas supposer que leur goût soit très-délicat ; mais il est remplacé par leur odorat, dans lequel on peut le considérer en quelque sorte comme transporté. Il n’en est pas de même de leur toucher. Dans presque tous les poissons, le dessous du ventre, et surtout l’extrémité du mu- seau , paroissent en être deux siéges assez sensibles. Ces deux organes ne doivent, à la vérité, recevoir des corps extérieurs que des impressions très-peu complètes, parce que les poissons ne peuvent appliquer leur venire ou leur museau qu’à quelques parties de la surface des corps qu'ils touchent ; mais ces mêmes organes font éprouver à l’animal des sensations très-vives , et Yavertissent fortement de la présence d’un objet étranger. D'ail- leurs ceux des poissons dont le corps allongé ressemble beaucoup par sa forme à celui des serpens, et dontla peau ne présente au- cune écaille facilement visible, peuvent , comme les reptiles, en- tourer même par plusieurs anneaux les objets dont ils s'appro- chent ; et alors non-seulement l'impression communiquée par une plus grande surface est plus fortement ressentie, mais les sensations sont plus distinctes, et peuvent être rapportées à un objet plutôt qu'à un autre. On doit donc dire que les poissons ont reçu un sens du toucher beaucoup moins imparfait qu'on n’a pu être tenté de le croire; il faut même ajouter qu'il n'est , en quelque sorte, aucune partie de leur corps qui ne paroisse très-sensible à tout attouchement ; voilà pourquoi ils s'élancent ‘avec tant de rapidité lorsqu'ils rencontrent un corps étranger qui les effraie ; et quel est celui qui n'a pas vu ces animaux se dérober ainsi , avec la promptitude de l'éclair, à la main qui commençoit à les atteindre ? Mais il ne suffit pas, pour connoître le degré de sensibilité qui a été accordé à un animal, d'examiner chacun de ses sens en particulier : 1l faut encore les comparer les uns avec les autres ; il faut encore les ranger suivant l’ordre que leur assigne le plus ou le moins de vivacité que chacun de ces sens peut offrir. Pla- çons donc les sens des poissons dans un nouveau point de vue ; et que leur rang soit marqué par leur activité. Il n'est personne qui, d’après ce que nous venons de dire, ne 40 HISTOIRE NATURELLE. voit sans peine que l’odorat est le premier des sens des poissons. Tout le prouve, et la conformation de l'organe de ce sens, et les faits sans nombre consignés en partie dans celte histoire, rap- portés par plusieurs voyageurs , et qui ne laissent aucun doute sur les distances immenses que franchissent les poissons attirés par les émanations odorantes de la proie qu’ils recherchent , ou repoussés par celles des ennemis qu'ils redoutent. Le siége de cet odorat est le véritable œï des poissons ; il les dirige au milieu des ténèbres les plus épaisses, malgré les vagues les plus agitées, dans le sein des eaux les plus troubles, les moins perméables aux rayons de la lumière. Nous savons, 1} est vrai, que des objets de quelques pouces de diamètre placés sur des fonds blancs, à trente ou trente-cinq brasses de profondeur, peuvent être aperçus faci- lement dans la mer *; mais il faut pour cela que l'eau soit tres- calme : et qu'est-ce qu'une trentaine de brasses, en comparaison des gouflres immenses de l'océan , de ces vastes abîmes que les pois- sons parcourent, et dans le sein desquels presque aucun rayon solaire ne peut parvenir, surtout lorsque les ondes cèdent à lim- pétuosité des venis, et à toutes les causes puissantes qui peu- vent, en les bouleversant , les mêler avec tant de substances opaques ? Si l'otlorat des poissons étoit donc moins parfait, ce ne seroit que dans un petit nombre de circonstances qu'ils pour- roient rechercher leurs alimens, échapper aux dangers qui les menacent, parcourir un espace d'eau un peu étendu : et com- bien leurs habitudes seroïient par conséquent différentes de celles que nous allons bientôt faire connoitre ! Cette supériorité de l’odorat est un nouveau rapport qui rap- proche les poissons non-seulement de la classe des quadrupèdes, mais encore de celle des oiseaux. On sait, en effet, maintenant que plusieurs familles de ces derniers animaux ont un odorat très- sensible; et 1l est à remarquer que cet odorat plus exquis se trouve principalement dans les oiseaux d’eau et dans ceux de rivage *. Que l'on ne croie pas néanmoins que le sens de la vue soit très-foible dans les poissons. A la vérité, leurs yeux n’ont ni pau- pières , ni membrane clignotante ; et par conséquent ces ani- t Notes manuscrites communiquées à M. le comte de Lacepède par plusieurs habiles marins, et principalement par feu son ancien collègue le courageux Ker- _saint. 4 Consultez Scarpa, Gattoni et d’autres observateurs. DISCOURS SUR LES POISSONS. 41 maux n'ont pas reçu ce double et grand moyen qui a été dé- parti aux oiseaux et à quelques autres êtres animés, de tempérer l'éclat trop vif de la lumière, d'en diminuer les rayons comme par un voile, et de préserver à volonté leur organe de ces exer- cices trop violens ou trop répétés qui ont bientôt affoibli et même détruit le sens le plus actif. Nous devons penser, en effet, et nous tirerons souvent des conséquences assez étendues de ce principe, nous devons penser, dis-je, que le siége d’un sens, quelque par- faite que soit sa composilion, ne parvient à toute l’activité dont son organisation est susceptible, que lorsque , par des alterna- tives plus ou moins fréquentes , 1l est vivement ébranlé par un très-grand nombre d’impressions qui développent toute sa force, et préservé ensuite de l’action des corps étrangers, qui le prive- roit d’un repos nécessaire à sa conservation. Ces alternatives, produites, dans plusieurs animaux dont les yeux sont très-bons, par une membrane clignotante et des paupières ouvertes ou fer- mées à volonté, ne peuvent pas être dues à la même cause dans les poissons ; et peut-être, d’un autre côté, contestera-t-on qu’au moins dans toutes les espèces de ces animaux, l'iris puisse se dila- ter ou se resserrer, et par conséquent diminuer ou agrandir l’ou- verture dont :l est percé, que l'on nomme prunelle, el qui introduit la lumière dans l'œil, quoique l’inspection de la con- texture de cet iris puisse le faire considérer comme composé de vaisseaux susceptibles de s’allonger ou de se raccourcir. On n’ou- bliera pas non plus de dire que la vision doit être moins nette dans l'œil du poisson que dans celui des animaux plus parfaits, parce que, l’eau élant plus dense que l'air de l'atmosphère, la réfraction, et par conséquent la réunion que peuvent subir les rayons de la lumière en passant de l’eau dans l'œil du poisson, doivent être moins considérables que celles que ces rayons éprou- vent en entrant «le l'air dans l'œil des quadrupèdes ou des oi- seaux ; car personne n'ignore que la réfraction de la lumiere, et la réunion ou l’image qui en dépend , est proportionnée à la dif- férence de densité entre l'œil et le fluide qui l'environne. Mais voici ce que l’on doit répondre. Le cristallin des poissons est beaucoup plus convexe que celui des oiseaux , des quadrupèdes et de l’homme ; il est presque sphé- rique : les rayons émanés des objets et qui tombent sur ce cris- tallin forment donc avec sa surface un angle plus aigu : ils sont donc, tout égal d'ailleurs, plus détournés de leur route, plus ré- 42 HISTORE NATURELLE. fractés, plus réunis dans une image ; car cette déviation à Taquele le nom de réfraction a été donné est d'autant plus grande que Vangle d'incidence est plus petit. D'ailleurs le cristallin des pois- sons est, par sa nature, plus dense que celui des animaux plus parfaits ; son essence augmente done la réfraction. De plus, on sait maintenant que plus une substance transparente est inflam- mable, et plus elle réfracte la lumière avec force. Le cristallin des poissons, imprégné d’une matière huileuse , est plus com- bustible que presque tous les autres cristallins ; 1l doit done, par cela seul , accroître la déviation de la Iumière. Ajoutons que, dans plusieurs espèces de poissons, l'œil pent être retiré à volonté dans le fond de l'orbite, caché même en parlie sous le bord de l'ouverture par laquelle on peut l’aperce- voir, garanti dans cette circonstance par cette sorte de paupière immobile ; et ne manquons pas surtout de faire remarquer que les poissons , pouvant s’enfoncer avec promptitude jusque dans les plus grandes profondeurs des mers et des rivières, vont cher- cher dans l'épaisseur des eaux un abri contre une lumière trop vive, et se réfugient , quand ils le veulent, jusqu'à cette distance de la surface des fleuves et de l’océan où les rayons du soleil ne peuvent pas pénétrer. Nous devons avouer néanmoins qu'il est certaines espèces, particulièrement parmi les poissons serpentiformes , dont les yeux sont constamment voilés par une membrane immobile ,assez épaisse pour que le sens de la vue soit plus foible dans ces animaux que celui de l’ouïe, et même que celui du toucher : mais, en général, voici dans quel ordre la Nature a donné aux poissons les sources de leur sensibilité ; l'odorat, la vue, l’ouïe, le tou- cher, et le goût. Quatre de ces sources, et surtout les deux pre- mières , sont assez abondantes. Cependant le jeu de l'organe res- piratoire des poissons leur communique trop peu de chaleur ; celle qui leur est propre est trop#foible ; leurs muscles lempor- tent trop par leur force sur celle de leurs nerfs ; plusieurs autres causes , que nous exposerons dans la suïle, combattent par une puissance trop grande les effets de leurs sens, pour que leur sen- sibihté soit aussi vive que l’on pourroit être tenté de le croire d'après la grandeur, la dissémination , la division de leur système nerveux’. Il en est sans doute de ce système dans les poissons ? Les fibres de la rétine , e’est-a-dire, les plus petits rameaux du nerf optique, sont, dans plusieurs poissons , 1,166,400 fois plus déliés qu’un cheveu: DISCOURS SUR LES POISSONS. && comme dans les autres animaux; son énergie augmende avec sa division, parce que sa vertu dépend du fluide qu'il récéle, et qui, très-voisin du feu électrique par sa nature, agit, comme ce dernier fluide, en raison de l'accroissement de surface que produit une grande division : mais cette cause d’activité est assez contre-balancée par les forces dirigées en sens contraire que: nous venons d'indiquer pour que le résultat de toutes les facultés des poissons, qui constitue le véritable degré de leur animalité, les place, ainsi que nous l'avons annoncé au commencement de ce discours, à une distance à peu près égale des deux termes de la sensibilité, c’est-à-dire, de l’homme et du dernier des ant- maux. C'est donc avec une vivacité moyenne entre celle qui ap- partient à l’homme et celle qui existe dans l'animal qui en dif- fère le plus, que s’exécutent dans le poisson ce jeu des organes des sens qui reçoivent et transmettent au cerveau les impressions des objets extérieurs, et celui du cerveau, qui, agissant par les nerfs sur les muscles, produit tous les mouvemens volontaires dont les diverses parties du corps peuvent être susceptibles. Mais ce corps des poissons est presque toujours paré des plus belles couleurs. Nous pouvons maintenant exposer comment se produisent ces nuances si éclatantes, si admirablement contras- iées, souvent distribuées avec tant de symétrie, et quelque- fois si fugitives. Ou ces teintes si vives et si agréables résident dans les tégumens plus ou moins mous et dans le corps même des poissons, indépendamment des écailles qui peuvent recou- vrir l'animal ; ou elles sont le produit de la modification que la lumière éprouve en passant au travers des écailles transparentes ; ou il faut les rapporter uniquement à ces écaïlles transparentes ou opaques. Examinons ces trois circonstances. Les parties molles des poissons peuvent par elles-mêmes pré- senter toutes les couleurs. Suivant que les ramifications arté- rielles qui serpentent au milieu des muscles et qui s’'approchent de la surface extérieure, sont plus ou moins nombreuses et plus ou moins sensibles, les parties molles de l'animal sont blanches ou rouges. Les différens sucs nourriciers qui circulent dans les: vaisseaux absorbans , où qui s'insinuent dans le tissu cellu- aire, peuvent donner à ces mêmes parties molles la couleur jaune ou verdâtre que plusieurs de ces liquides présentent le plus souvent. Les veines disséminées dans ces mêmes portions 4% HISTOIRE NATURELLE. peuvent leur faire présenter toutes les nuances de bleu , de violet et de pourpre ; ces nuances de bleu et de violet, mêlées avec celles de jaune, ne doivent-elles pas faire paroître ious les de- grés du vert ? et dès-lors les sept couleurs du spectre solaire ne peuvent-elles pas décorer le corps des poissons , être disséminées. en taches, en bandes, en raies, en petits points , suivant la place qu'occupent les matières qui les font naitre, montrer toutes les dégradations dont elles sont susceptibles selon l'intensité de la cause qui les produit, et présenter toutes ces apparences sans le concours d'aucune écaille ? Si des lames très-transparentes, el, pour ainsi dire, sans cou- leur, sont étendues au-dessus de ces teintes, elles n’en changent pas la nature; elles ajoutent seulement , comme par une sorte de vernis léger, à leur vivacité ; elles leur donnent l'éclat bril- lant des métaux polis , lorsqu'elles sont dorées ou argentées ; et si elles ont d’autres nuances qui leur soient propres, ces nuances se mêlent nécessairement avec celles que l’on aperçoit au travers de ces plaques diaphanes, et 1l en résulte de nouvelles couleurs , ou une vivacité nouvelle pour les teintes conservées. C'est par la réunion de toutes ces causes que sont produites ces couleurs. admirables que l’on remarque sur le plus grand nombre de pois- sons. Aucune classe d’animaux n’a été aussi favorisée à cet égard ; aucune n’a reçu une parure plus élégante, plus variée, plus riche : et que ceux qui ont vu, par exemple, des zées, des ché- todons, des spares , nager près de la surface d’une eau tranquille. et réfléchir les rayons d’un soleil brillant, disent si jamais l'éclat des plumes du paon et du colibri, la vivacité du diamant , la splendeur de l'or, le reflet des pierres précieuses , ont été mêlés. à plus de feu , et ont renvoyé à l'œil de l'observateur des images. plus parfaites de cet arc merveilleusement coloré dont l’astre du jour fait souvent le plus bel ornement des cieux. Les couleurs, cependant , qui appartiennent en propre aux plaques transparentes ou opaques, n'offrent pas toujours une seule nuance sur chaque écaille considérée en particulier : cha- cune de ces lames peut avoir des bandes, des taches, ou des rayons disposés sur un fond très-différent ; et en cherchant à concevoir la manière dont ces nuances sont produites ou main- tenues sur des écailles dont la substance s’altère, et dont , par conséquent, la matière se renouvelle à chaque instant, nous ren- DISCOURS SUR LES POISSONS. &S eontrons quelques difficultés que nous devons d'autant plus cher- cher à lever, qu’en les écartant nous exposerons des vérités utiles au progrès des sciences physiques. Les écailles, soit que les molécules qui les composent s'étendent en lames minces, se ramassent en plaques épaisses , se groupent en tubercules, s'élèvent en aiguillons , et que, plus ou moins mélangées avec d'autres molécules, elles arrêtent ou laissent pas- ser facilement la lumière , ont toujours les plus grands rapports avec les cheveux de l’homme, les poils, la corne , les ongles des quadrupèdes , les piquans du hérisson et du porc-épic, et les plumes des oiseaux. La matière qui les produit, apportée à la surface du corps ou par des ramifications artérielles, ou par des vaisseaux excréteurs plus ou moins liés avec le système général des vaisseaux absorbans, est toujours très-rapprochée , et par son origine, el par son essence, et par sa contexture, des poils, des ongles , des piquans et des plumes. D'habiles physiologistes ont déjà montre les grandes ressemblances des cheveux, des on- gles, des cornes, des piquans et des plumes, avec les poils. En comparant avec ces mêmes poils les écailles des poissons, nous trouverons la même analogie. Retenues par de petits vaisseaux, attachées aux tégumens comme les poils, elles sont de même très- peu corruptibles ; exposées au feu , elles répandent également une odeur empyreumatique. Si l’on a trouvé quelquefois dans l'épiploon et dans d'autres parties intérieures de quelques qua- drupèdes , des espèces de touffes, des rudimens de poils, réunis et conglomérés , on voit autour du péritoine, de la vessie nata- toire et des intestins des argentines, des ésoces, et d’autres pois- sons, des élémens d’écailles très-distincis, une sorte de poussière argentée, un grand nombre de petites lames brillantes et qui ne différent presque que par la grandéur des véritables écailles qu'elles sont destinées à former. Des fibres , ou des séries de mo- lécules , composent les écailles ainsi que les poils ; et enfin, pour ne pas négliger au moins tous les petits traits, de même que, dans l'homme et dans les quadrupèdes, on ne voit pas de poils sur læ paume des mains ni des pieds, on ne rencontre presque jamais d’écailles sur les nageoires , et on n’en trouve jamais sur celles que l’on a comparées aux mains de l'homme, à ses pieds, ou aux paltes des quadrupèdes. Lors donc que ces lames si senblables aux poils sont attachées à la peau par toute leur circonférence, on conçoit aisément com 46 HISTOIRE NATURELLE ment, appliquées contre le corps de l'animal par toute leur sur face inférieure , elles peuvent communiquer dans les divers points de cette surface avec des vaisseaux semblables ou différens par leur diamètre, leur figure , leur nature et leur force, rece- voir par conséquent dans ces mêmes points des molécules diffé- rentes ou semblables, et présenter ensuite une seule couleur , où offrir plusieurs nuances arrangées symétriquement , ou dissémi- nées sans ordre. On conçoit encore comment , lorsque les écailles ne tiennent aux tégumens que par une parlie de leur contour, elles peuvent être peintes d’une couleur quelconque, suivant que les molécules qui leur arrivent par l'endroit où elles touchent à la peau réfléchissent tel ou tel rayon, et absorbent les autres. Mais comme, dans la seconde supposition où une partie de la circon- férence des plaques est libre, et qui est réalisée plus souvent que la première, on ne peut pas admettre autant de sources réparatrices que de points dans la surface de la lame, on ne voit pas de quelle manière cette écaille peut paroître peinte de plusieurs couleurs répandues presque toujours avec beaucoup d'ordre. On admettra bien , à la vérité, que lorsque ces nuances seront dispersées en rayons et que ces rayons partiront de l'endroit où l’écaille est , . pour ainsi dire , collée à la peau, 1l ÿ aura dans cet endroit plu- sieurs vaisseaux différens l’un de l’autre; que chaque vaisseau , en quelque sorte, fournira des molécules de nature dissemblable, et que la matière jaillissant de chacun de ces tuyaux produira, en s'étendant , un rayon d’une couleur qui constrastera plus ou moins avec celle des rayons voisins. Mais lorsque les couleurs présenteront une autre distribution ; lorsque, par exemple, on verra , sur l’écaille, des tâches répandues comme des gouttes de pluie, ou rapprochées de manière à former des portions de cercle dont les ouvertures des vaisseaux seront le centre, comment pourra-t-on comprendre que naissent ces régularités ? Nous ne croyons pas avoir besoin de dire que l'explication que nous allons donner peut s’appliquer , avec de légers changemens, aux poils, aux cornes, aux plumes. Quoi qu’il en soit cependany voici ce que la Nature nous paroit avoir déterminé. En montrant la manière dont peuvent paroître des taches, nous exposerons la formation des portions de cercle colorées. En effet, il suffit que ces taches soient toutes à une égale distance des sources des molécules , qu’elles soient placées autour de ces sources , et qu'elles soient si nombreuses qu'elles se touchent DISCOURS SUR LES POISSONS. 49 June l'autre, pour qu'il y ait à l'instant une portion de cercle colorée. 11 y aura un second arc, si d’autres taches sont situées d'une manière analogue , plus près ou plus loin des vaisseaux nourriciers; et l’on peut en supposer plusieurs formés de même. Nous n'avons donc besoin que de savoir comment un jet de ma- tière, sorti d’un vaisseau déférent , peut, dans son cours , mon- trer plusieurs taches plus ou moins égales en grandeur, plus ou moins semblables en nuance. Ne considérons donc qu’un de ces rayons que l’on distingue aisément lorsqu'on regarde une écaille contre le jour , et qui, par le nombre de ses stries transversales, donne celui des accroisse- mens ou des réparalions successifs qu'il a éprouvés ; réduisons les diflérens exemples que l’on pourroit citer à un de ceux où l'on ne trouve que deux nuances placées alternativement : l’ori- gine de ces deux nuances élant bien entendue, il ne resteroit aucun doute sur celle des nuances plus nombreuses que l'on ren- contreroit dans le mème jet. Supposons que ces deux nuances soient le vert et le jaune; c'est-à-dire, ayons sous les yeux un rayon vert deux fois taché de jaune, ou, ce qui est la même chose, un rayon d’abord vert, ensuite jaune, de nouveau vert, et enfin jaune à son extrémilé. Les vaisseaux nourriciers qui ont produit ce jet ont d’abord fourni une matière jaune par une suite de leur volume, de leur figure ,.de leur nature, de leur affinité : mais pourroit-on croire que , lors de la première formation de l’écaille , ou à toutes les époques de ses accroissemens et de son entretien, le volume, la digure , la nature ou l’aflinité des vaisseaux déférens, ont pu changer de manière à ne donner que des molécules vertes après en avoir laissé jaillir de jaunes? pourroit-on ajouter que ces vais- seaux éprouventensuite de nouveaux changemens pour ne laisser échapper que des molécules jaunes ? et enfin admeltra-t-on de nouvelles altérations semblables aux secondes, et qui ne permet- tent plus aux vaisseaux de laisser sorlir que des molécules modi- fiées pour réfléchir des rayons verts? N'ayons pas recours à des métamorphoses si dénuées de preuves et même de vraisemblance. Nous savons que , dans les corps organisés, les couleurs particu- lières et différentes du blanc ne peuvent naître que par la pré- sence de la lumière , qui se combine avec les principes de ces corps. Nous le voyons dans les plantes, qui blanchissent lorsque la lumière neleséclaire pas; nous le voyons dans les quadru pèdes, 48 HISTOIRE NATURELLE. dans les oiseaux, dansles reptiles, dont la partie inférieure du corps, comme la moins directement exposée aux rayons du soleil, est toujours distinguée par les teintes Les plus pâles : nous le voyons dans les poissons, dont les surfaces les plus garanties de la lumière sont dénuées des riches couleurs départies à ces animaux ; et nous ouvons le remarquer même , au moins le plus souvent, dans chaque écaille en particulier. Lorsqu’en ellet les écailles se recou- vrent comme les ardoises placées sur les toits, la portion de la lame inférieure, cachée par la supérieure , n’est pas peinte des nuances dont le reste de la plaque est varié , et on voit seulement quelquefois, sur la surface de cette portion voilée, des agglomé- rations informes et brillantes formées par ces molécules argentées, celle poussière éclatante, ces petites paillettes, ces vrais rudi- mens des écailles , que nous avons vus dans l’intérieur des pois- sons , et qui, portés et répandus à la surface, peuvent se trouver entre deux lames, gènés et même bizarrement arrêtés dans leur cours. La nature, la grandeur et la figure des molécules écail- leuses ne suffisent donc pas pour que telle ou telle couleur soit produite; il faut encore qu’elles se combinent plus ou moins intimement avec une quantité plus ou moins grande de fluide lumineux. Ceite combinaison doit varier à mesure que les molé- cules s’altérent; mais plus ces molécules s’éloignent des vaisseaux déférens, plus elles se rapprochent de la circontérence de l’écaille , plus elles s’'écartent du principe de la vie, et plus elles perdent de l'influence de cette force animale et conservatrice, sans laquelle elles doivent bientôt se dessécher , se déformer, se décomposer , se séparer même du corps du poisson. Dans l'exemple que nous avons choisi , les molécules placées à l’origine du rayon et non encore altérées ont la nature, le volume, la figure , la masse , la quantité de fluide lumineux convenables pour donner la cou- leur verte; moins voisines des vaisseaux réparateurs , elles sont dénaturées au point nécessaire pour réfléchir les rayons jaunes; une décomposition plus avancée introduit dans leur figure, dans leur pesanteur, dans leur grandeur, dans leur combinaison, des rapports tels, que la couleur verte doit paroître une seconde fois ; et enfin des changemens plus intimes ramè nent le jaune à l’ex- trémité de la série. Quelqu'un ignore-t-1l , en effet, que plusieurs causes réunies peuvent produire les mêmes eïlets que plusieurs autres causes agissant ensemble et très-diflérentes , pourvu que dans ces deux groupes la dissemblance des combinaisons com- DISCOURS SUR LES POISSONS. 4g pense les différences de la nature ? et d’un autre côté, ne remar- que-t-on pas aisément qu’au lieu d'admettre sans vraisemblance des changemens rapides dans des vaisseaux nourriciers, dans des organes essentiels, nous n’en exigeons que dans des molécules ex- pulsées, et qui, à chaque instant, perdent de leur propriété en étant privées de quelques-unes de leurs qualités animales ou or- ganiques ? De quelque manière et dans quelque partie du corps de l’ani- mal que soit élaborée la matière propre à former ou entretenir les écailles, nous n'avons pas besoin de dire que ses principes doivent être modifiés par la nature des alimens que le poisson préfire. On peut remarquer particulièrement que presque tous les pois- sons qui se nourrissent des animaux à coquille présentent des couleurs trés-variées et très-éclatantes. Et comment des êtres or- ganisés, tels que les testacées, dont les sucs teignent d'une ma- nière très-vive et très-diversifiée l'enveloppe solide qu'ils forment, ne conserveroient-1ls pas assez de leurs propriétés pour colorer d’une manière très - brillante les rudimens écailleux dont leurs produits composent la base ? L'on conclura aussi très-aisément de tout ce que nous venons d'exposer, que, dans toutes les plages où une quantité de lumière plus abondante pourra pénétrer dans le sein des eaux , les po’ssons se montreront parés d’un plus grand nombre de riches nuances. Eten effet, ceux qui resplendissent comme les métaux les plus polis , ou lé gemmes les plus précieuses, se trouvent parlicu- lièrement dans Ces mers renfermées entre les deux tropiques, et dont la surface est si fréquemment inondée des rayons d’un soleil régnant sans nuage au-dessus de ces co! trées équatoriales, et pouvant, sans contrainte , ÿ remplir latmosph re de sa vive splendeur. On les rencontre aussi, ces poissons d_ corés avec tant de magnificence , au milieu de ces mers polaires où d's montagnes de glace, et des neiges éternelles durcies par le froid, réfléchissent, inatitulieit par des milliers de surfaces et rendent éblouissante la lumière que’la lune et les aurores boréales répandent pendant les longues nuits des zones glaciales, et celle qu'y verse le soleil pendant les longs jours de ces plages hyperboréennes. Si ces poissons qui habitent au milieu où au-dessous de masses congelées, mais fréquemment illuminées et resplendissantes , l'emportent par la variété et la beauté de leurs couleurs sur ceux des zones tempérées, ils cèdent cependant en richesse de parure Lacepède, 2. 4 à ceux qui vivent dans les eaux échautlées de la zone torride. Dans ces pays, dont l'atmosphère est brülan te, la chaleur ue doit- elle pas donner une nouvelle activité à la lumière, accroître la force atlractive de ce fluide, faciliter ses combinaisons avec la malière des écailles, et donner ainsi naïssance à des nuances bien plus éclatantes et bien plus diversiliées ? Aussi, dans ces climats où lout porte l'empreinte de la puissance solaire, voit-on quel- ques espèces de poissons montrer jusque sur la portion décon- verte de la membrane de leurs branchies, des élémens d'écailles luisantes, une sorte de poussière argentée. Mais ce n’est qu'au milieu des ondes douces ou salées que les poissons peuvent présenter leur décoration élégante ou superbe. Ce n’est qu'au milieu du fluide le plus analogue à leur nature, que , jouissant de toutes leurs facultés, ils animent leurs cou- leurs par tous les mouvemens intérieurs que leurs ressorts peuvent, produire. Ce n’est qu’au milieu de l’eau qu'indépendamment du vernis huileux et transparent élaboré dans leurs organes , leurs nuances sont émbellies par un second vernis que forment les couches de liquide au travers desquelles on les aperçoit. Lorsque ces animaux sont hors de ce fluide, leurs forces dimi- nuent, leur vie s’afloiblit, leurs mouvemens se ralentissent , leurs couleurs se fanent , le suc visqueux se dessèche; les écailles n’é- tant plus ramollies par cette substance huileuse, ni humectées par l'eau , s’altèrent ; les vaisseaux destinés à les réparer s’obstruent, et les nuances dues aux écailles ou au corps mème de l’animal changent etsouvent disparoissent, sans qu'aucune nouvelle teinte indique la place qu’elles occupoient. Pendant que le poisson jouit , au milieu du fluide qu'il pré- fire , de toute l’activité dont il peut être doué, ses teintes offrent aussi quelquefois des changemens fréquens et rapides, soit dans leurs nuances, soit dans leur ton, soit dans l’espace sur lequel elles sont étendues. Des mouvemens violens , des sentimens plus ou moins puissans, tels que la crainte ou la colère, des sensations soudaines de froid ou de chaud, peuvent faire naître ces altéra- tions de couleur, très-analogues à celles que nous avons remar- quées dans le caméléon ainsi que dans plusieurs autres animaux; mais il est aisé de voir que ces changemens ne peuvent avoir lieu que dans les teintes produites , en tout ou en partie, par le sang et les autres liquides susceptibles d’ètre pressés ou ralentis dans leur cours. DISCOURS SUR LES POISSONS. 51 Maintenant nous avons exposé les formes extérieures et les or- ganes intérieurs du poisson; ilse montre dans toute sa puissance et dans toute sa beauté. Il existe devant nous, il respire, il vit, il est sensible. Qu'il obéisse aux impulsions de la Nature , qu'il déploie toutes ses forces , qu'il s'offre dans toutes ses habitudes. À peine le soleil du printemps commence-t-il de répandre sa chaleur vivifiante , à peine son influence rénovatrice et irrésis- tible pénétre-t-elle jusque dans les profondeurs des eaux, qu ‘un organe particulier se développe et s'agrandit dans les poisson males. Cet organe, qui est double, qui s'étend dans la partie su- périeure de labdomen, qui en égale presque la longueur , est celui qui a reçu le nom de luite. Séparé, par une membrane, des portions qui lavoisinent, 1l paroit composé d’un très - grand nombre de petites cellules plus distinctes à mesure qu’elles sont plus près de la queue : chacun de ses deux lobes renferme un canal qui en parcourt la plus grande partie de la longueur, et qui est destiné à recevoir , pour ainsi dire , de chaque UE une liqueur blanchâtre et Léa qu’il TS Jusqu’auprès de l’a- nus. Cette liqueur , qui est la matière séminale ou fécondante , se reproduit périodiquement. À mesure qu’une nourriture plus abondante et la chaleur active de la saison nouvelle augmentent cette substance , elle remplit les cellules de l'organe que nous dé- crivons, les gonfle, les étend , et donne aux ie lobes ce grand accroissement qu'ils présentent , lorsque le temps du frai est ar- rivé. Ce développement successif n’est quelquefois terminé qu’au bout de plusieurs mois; et pendant qu'il s'exécute , la matière dont la production loccasione , n’a pas encore toute la fluidité qui doit lui appartenir : ce n’est que graduellement, et même par parties, qu'eile se perfectionne , s’amollit, se fond , màrit, pour ainsi dire, devient plus blanche , liquide, et véritablement propre à porter L mouvement de la vie dans les Fe qu'elle doit arroser. C’est aussi vers le milieu ou la fin du printemps que les ovaires des femelles commencent à se remplir d'œufs encore presque im- perceptibles. Ces organes sont au nombre de deux dans le plus grand nombre de poissons, et réduits à un seul dans les autres. Renfermés dans une membrane comme les laites, ils occupent dans l'abdomen une place analogue à celle que les luites remplis- sent, et en égalent à peu près la longueur. Les œufs qu'ils renfer- ment croissent à mesure que les laites se tuméfent ; et dans la plus grande partie des familles dont nous faisons l'histoire , leur volume 52 HISTOIRE NATURELLE. est très-petit, leur figure presque ronde , et leur nombre si im- mense, qu'il est plusieurs espèces de poissons, et particulière ment des gades, dont une seule femelle contient plus de neuf millions d'œufs *. Ces œufs , en grossissant, compriment chaque Jour davantage les parties intérieures de la femelle , et la surchargent d’un poids qui s’accroit successivement. Cette pression el ce poids produisent bientôt une gêne , une sorte de malaise et même de douleur, qui doivent nécessairement être suivis de réactions involoñtaires ve- nant d'organes intérieurs froissés et resserrés, et d’eflorts spon- tanés que l'animal doit souvent répéter pour se débarrasser d’un très-grand nombre de petits corps qui le font soufirir. Lorsque ces œufs sont assez gros pour être presque m&rs, c'est-à-dire, assez développés pour recevoir avec fruit la liqueur prolifique du mâle, ils exercent une action si vive et sont devenus si lourds, que la femelle est contrainte de se soustraire à leur pesanteur et aux eflets de leur volume. Ils sont alors plus que janiais des corps, pour ainsi dire, étrangers à l'animal; ils se détachent mème facilement les uns des autres : aussi arrive-t-il souvent que si l'on tient une femelle près de pondre dans une situation verticale et la tête en haut, les œufs sont entraînés par leur propre poids, coulent d'eux-mêmes, sortent par l'anus; et du moins on n’a besoin d’aider leur chute que par un léger frottement qu’on fait éprouver au ventre de la femelle, en allant de la tête vers la queue *. j C'est ce frottement dont les poissons se procurent le secours, lorsque la sortie de leurs œufs n’est pas assez déterminée par leurs efforts intérieurs. On voit les femelles froisser plusieurs fois leur ventre contre les bas-fonds, les graviers , et les divers corps durs qui peuvent être à leur portée ; et les mâles ont aussi quelquefois recours à un moyen semblable pour comprimer leur laite, et en EEE EE 1 Comme ces œufs sont tous à peu près égaux quand ils sont arrivés au même degré de développement, et qu'ils sont également rapprochés les uns des autres, on peut en savoir facilemeut le nombre, en pesant la totalité d’un ovaire, en pe- sant ensuite une petite portion de cet organe, en comptant les œufs renfermés dans cette petite portion , et en multipliant le nombre trouvé par cette dernière opération , autant de fois que le poids de la petite portion est contenu dans celui de l'ovaire. 2: Notes manuscrites envoyées à Buffon, en 1758, par J. L. Jacobi, lieutenant des miliciens du comté de Lippe-Deimold en Westphalie. DISCOURS SUR LES POISSONS. 53 faire couler la liqueur fécondante qui tient ces organes gonflés , gêne les parties voisines, et fait éprouver au poisson des sensations plus ou moins pénibles on douloureuses. A cette époque voisine du frai, dans ce temps où les ovaires sont remplis et les laites très-tuméfiées, dans ces momens d’em- barras et de contrainte, il n’est pas surprenant que les poissons aient une partie de leurs forces enchaînée, et quelques-unes de leurs facultés émoussées. Voilà pourquoi il est alors plus aisé de les prendre, parce qu’ils ne peuvent opposer à leurs ennemis que moins de ruse, d'adresse et de courage; et voilà pourquoi encore ceux qui habitent la haute mer s’approchent des rivages ou re- montent les grands fleuves, et ceux qui vivent habituellement au milieu des eaux douces s'élèvent vers les sources des rivières et des ruisseaux, ou descendent au contraire vers les côtes mari- times. Tous cherchent des abris plus surs; et d’ailleurs tous veu- lent trouver une température plus analogue à leur organisation, use nourriture plis abondante ou plus convenable, une eau d'une qualité plus adaptée à leur nature et à leur état, des fonds commodes contre lesquels ils puissent frotter la partie inférieure de leur corps de la nranière la plus favorable à la sortie des œufs et de la liqueur laitense, sans trop s'éloigner de la douce chaleur de la surface des rivières ou des plages voisines des rivages ma- rins , et sans trop se dérober à l'influence de la lumière, qui leur est si souvent agréable et utile. Sans les résultats de tous ces besoins qui agissent presque tou- jours ensemble, il écloroit un bien plus petit nombre de poissons. Les œufs de ces animaux ne peuvent, en effet, se développer que lorsqu'ils sont exposés à tel ou tel degré de chaleur, à telle ou telle quantité de rayons solaires, que lorsqu'ils peuvent être aisément retenus par les aspérités ou la nature du terrain contre des flots trop agités ou des courans trop rapides; et d’ailleurs on peut assurer, pour un très-grand nombre d'espèces, que si des matières altérées et trop aclives s’attachent à ces œufs, et n'en son! pas assez promplement séparées par le mouvement deseaux, ces mêmes œufs se corrompent et pourrissent, quoique fécondés depuis plusieurs jours *. L'on diroit que plusieurs femelles, particulièrement celles du ons DIE à 24 Om D RME LS EE CENT VITE RETRO URSS UR. 1 Notes de‘'I. L. Jacobi, déja citées, 54 HISTOIRE NATURELLE. genre des salmones , sont conduites par leur instinct à préserver Icurs œufs de cetie décomposition, en ne les déposant que dans des endroits où ils y sont moins exposés. On les voit, en effet, se frotter à plusieurs reprises et en diflérens sens contre le Fond de Vean, y préparer une place assez grande , en écarter les substances molles, grasses et onctueuses, n'y laisser que du gravier ou des cailloux bien netioyés par leurs mouvemens, et ne faire tomber leurs œuf que dans cette espèce de nid. Mais, au lieu de nous presser d'admettre dans ces animaux une tendresse maternelle trés-vive el très-prévoyante, croyons que leur propre besoin les détermine à l'opération dont nous venons de parler, et que ce n'est que pour se débarrasser plus facilement et plus complète- ment du poids quiles blesse, qu’elles passent el repassent plusieurs fois sur le fond qu'elles préferent , et entrainent, par leurs divers froitemens, la vase et les autres matières propres à décomposer les œufs. Ils peuvent cependant, ces œufs, résister plus long-temps que presque toules les autres parties animales et molles à la corruption et à la pourriture. Un habile observateur * a, en effet; remarqué que quatre ou cinq jours de séjour dans le corps d’une salle morte ne suflisoient pas pour que leur altération commençat. Il a pris les œufs mürs d’une truite morte depuis quatre jours et déjà puante; 1] les a arrosés de la liqueur laiteuse d’un mâle vivant; il en a obtenu de jeunes traites très-bien conforinées, Le même physicien pense que la mort d’un PÉISROE mäle ne doit pas em- pêcher le fluide laiteux de cet animal &’être prolifique ; tant qu'il conserve sa fluidité. Mais, quoi qu'il en soit, à peine les femelles se sont-elles débarrassées du poids qui les tourmentoit, que quel- ques-unes dévorent une parlie des œufs qu’elles viennent de pondre , et c’est ce qui a donné lieu à l'opinion de ceux qui ont cru que certaines femelles de poissons avoient un assez grand soin de leurs œufs pour les couver dans leur gueule : d’autres avalent aussi avec avidité la liqueur laiteuse des mâles, à mesure qu'elle est répandue sur des œufs déjà déposés , et voilà l'origine du soupçon erroné auquel n’ont pu se soustraire de modernes et de très-grands naturalistes, qui ont cru que les poissons femelles pourroient bien être fécondées par la bouche. Le plus grand nombre de femelles abandonnent cependant leurs œufs dès le TS Pen ane a En O2 z J, L. Jacobi. DISCOURS SUR LES POISSONS. 55 moment qu'elles en sont délivrées : moins contraintes dans leurs facultés, plus libres dans leurs mouvemens, elles vont, par de nouvelles chasses, réparer leurs pertes et ranimer leurs forces. C'est alors que les mâles arrivent auprès des œufs laissés sur le sable ou le gravier : ils accourent de irès-loin, attirés par leur odeur; un sentiment assez vif paroît même les animer. Mais cette sorte d’aflection n'est pas pour des femelles déjà absentes : elle ne les entraîne que vers les œufs qu'ils doivent féconder. {ls s’en nourrissent cependant quelquefois , au lieu de chercher à leur donner la vie; mais le plus souvent ils passent et repassent au- dessus de ces petits corps organisés, jusqu'à ce que les fortes im- pressions que les émanations de ces œuf font éprouver à leur odorat , le premier de leurs sens, augmentant de plis en plus le besoin qui les aiguillonne, ils laissent échapper de leurs laites pressées le suc aclif qui va porter le mouvement dans ces œufs encore inanimés. Souvent mème l'odeur de ces œufs est si sensi- ble pour leurs organes, qu'elle les aflecte et les attire, pendant que ces petits corps sont encore renfermés dans le ventre de la mere; on les voit alors se mêler avec les femeiles quelque temps avant la ponte, et, par les différens mouvemens qu'ils exécutent autour d'elles , montrer un empressementdonton pourroit croire ces dernieres l'objet, mais qui n'est cependant dirigé que vers le fardeau qu'elles portent. C'est alors qu'ayant un désir aussi vif de se débarrasser d’une liqueur laiteuse très-abondante, que les femelles de se délivrer des œufs encore renfermés dans leurs ovai- res, ils compriment leur ventre, comme ces mêmes femelles, contre les cailloux, le gravier et le sable, et, par les froitemens fréquens et variés qu'ils éprouvent contre le fond des eaux, pa- roissent , en ne travaillant que pour s’exempter de la douleur, aider cependant la mère auprès de laquelle ils se trouvent, et creusent, en eflet , avec elle, et à ses côtés , le trou dans lequel les œnfs seront réunis. Àjoutons à ce que nous venons d'exposer, que l'agitation des eaux ne peut empêcher que très-rarement la liqueur séminale du mâle de vivifier les œufs, parce qu’une très-petite goutte de celte liqueur blanchâtre suit pour en fécender un grard rnom- bre. D'ailleurs les produits de la même ponte sont presque tou- jours successivement, où à la fois, l’objet de l’empressement de plusieurs mâles. Nous n'avons pas besoin de réfuter l'erreur dans laquelie sont 56 . HISTOIRE NATURELLE. tombés plusieurs naturalistes très-estimables, et particulièrement Rondelet , qui ont cru que l’eau seule pouvoit engendrer des pois- sons, parce qu'on en a trouvé dans des pièces d’eau où l'on n’en avoit jeté aucun, où l’on n’avoit porté aucun œuf, et qui n’a- voient de communication ni avec la mer, ni avec aucun lac ou étang, ni avec aucune rivière. Nous devons cepeudant, afin d'expliquer ce fait observé plus d’une fois, faire faire attention à la facilité avec laquelle des oiseaux d’eau peuvent transporter du frai de poisson , sur les membranes de leurs pattes, dans les pièces isolées dont nous venons de parler. Mais si nous venons de faire l'histoire de la fécondation des œufs dans le plus grand nombre de poissons, il est quelques es- pèces de cesanimaux parmi les osseux , et surtout parmi les car- ülagineux, qui présentent des phénomènes différens dans leur reproduction. Faisons connoître ces phénomènes. Les femelles des raies, des squales, de quelques blennies, de quelques silures, ne pondent pas leurs œufs : ils parviennent dans le ventre de la mère à tout leur développement; ils y gros- sissent d'autant plus facilement qu'ils sont, pour ainsi dire, cou- vés par la chaleur intérieure de la femelle; 1ls y éclosent, et les pelits arrivent tout formés à la lumière. Les poissons dont l'espèce se reproduit de cetite manière ne doivent pas cependant être comptés parmi les animaux zivipares ; car , ainsi que nous l'avons fait observer dans l’Æistoire des serpens, on ne peut donner ce nom qu'à ceux qui, jusqu'au moment où ils viennent au Jour, ürent immédiatement leur nourriture du corps même de leur mere, tandis que les ovipares sont, jusqu’à la même époque, renfermés dans un œuf qui ne leur permet aucune communica- tion avec le corps de la femelle, soit que ce même œuf éclose dans le ventre de la mère, ou soit qu'il ait été pondu avant d'éclore : mais on peut distinguer les poissons dont nous venons de parler par l'épithète de vipères, qui ne peut que rappeler un mode de reproduction semblable à celui qui leur a été attribué, et qui ap- parlient à tous les serpens auxquels la dénomination de wipére a été appliquée. Dans le plus grand nombre de ces poissons vipères, les œufs non-seulement présentent une forme particulière que nous ferons connoître dans celle histoire, mais montrent encore une gran- deur très-supérieure à celle des œufs des autres poissons. Devant d'ailleurs atteindre à tout leur volume dans l'intérieur du corps DISCOURS SUR LES POISSONS. 57 de la mère, ils doivent être beaucoup moins nombreux que ceux des femelles qui pondent ; et en effet leur nombre ne passe guère cinquante. Mais si ces œufs, ioujours renfermés dans l’intérieur de la femelle, contiennent un embryon vivant, ils doivent avoir été fé- condés dans ce même intérieur ; la liqueur prolifique du mâle doit parvenir jusque dansles ovaires. Les mâles de cesanimaux doivent donc rechercher leurs femelles , être attirés verselles par une affec- tion bien plus vive, bien plus intime, bien plus puissante , quoi- que peut-êlre la même dans son principe que celle qui porte les au- tres poissons mâles auprès des œufs déjà pondus; s’en approcher de très-près, s'unir étroitement à elles, prendre la position la plus fa- vorable au but de ce véritable accouplement , et en prolonger là durée jusqu’à l'instant où leurs désirs sont remplis. Et tels sont, en effet, les actes qui précèdent ou accompagnent la fécondation dans ces espèces particulières. Il est même quelques-unes de ces espèces dans lesquelles le mâle a reçu une sorte de crochets avec lesquels il saisit sa femelle, et la retient collée, pour ainsi dire, contre la partie inférieure de son corps , sans qu'elle puisse par- venir à s'échapper *. Dans quelques autres poissons , tels que les syngnathes et Île silure ascite, les œufs sont à peine développés qu’ils sortent du corps de la mère; mais nous verrons, dans la suile de cet ou- vrage , qu'ils demeurent attachés sous le ventre ou sous la queue de la femelle, jusqu’au moment où ils éclosent. Ils sont donc vivifiés par la liqueur séminale du mâle, pendant qu'ils sont encore retenus à l'intérieur, ou du moins sur la face infé- rieure du corps de la mère; il n’est donc pas surprenant qu'il y ait un accouplement du mâle et de la femelle dans les syn- gnathes et dans le silure ascite, comme dans les raies, dans les squales, dans plusieurs blennies , et dans quelques autres pois- sons. Le temps qui s'écoule depuis le moment où les œufs déposés par la femelle sont fécondés par le mâle, jusqu’à celui où les petits viennent à la lumière, varie suivant les espèces; mais 1l ne paroît pas qu'il augmente toujours avec leur grandeur. Il est quelquefois de quarante et même de cinquante jours, et d’autres fois 1l n’est que de huit ou de neuf. Lorsque c'est au bout de neuf jours que le poisson doit éclore , on voit, dès le 3 Voyez les articles des raies et des syuales. 58 HISTOIRE NATURELLE. second jour, un petit point animé entre le jaune et le blanc. On peut s'en assurer d'autant plus aisément , que tous les œufs de poisson sont membraneux, et qu'ils sont clairs et transpa- rens , été pénétrés par la liqueur laiteuse. Au troisième jour, on distingue le cœur qui bat, le corps qui est attaché au jaune , et la queue qui est libre. C'est vers le sixième jour que l'on aperçoit au travers des portions moîiles de lem- bryon, qui sont très-diaphanes, la colonne vertébrale, ce point d'appui des parties solides, et les côtes qui y sont réunies. Au septième jour, on remarque deux points noirs qui sont les Yeux : le défaut de place oblige le fœtus à tenir sa queue repliée; mais il s’agite avec vivacité, et tourne sur lui-même en entrainant le jaune qui est attaché à son ventre, et en montrant ses na- geoires peclorales, qui sont formées les premières. Enfin , le neuvième jour, un effort de la queue déchire la membrane de l'œuf parvenu alors à son plus haut point d'extension et de ma- turilé. L'animal sort la queue la première, dégage sa tête, res- pire par le moyen d’une eau qui peut parvenir jusqu'à ses branchies sans traverser aucune membrane, et, animé par un sang dont le mouvement est à l'instant augmenté de près d’un tiers *, il croit dans les premières heures qui succèdent à ce nouvel état, presque autant que pendant les quinze on vingt jours qui les suivent. Dans plusieurs espèces, le poisson éclos conserve une partie du jaune dans une poche que forme la par- tie inférieure de son ventre. Il tire pendant plusieurs Jours unc pan ie de sa subsistance de cetle matière, qui bientôt s’épuise ; et à mesure aw’elle diminue , la bourse qui la contient s’affaisse, s’atténue et disparoîit. L'animal grandit ensuite avec plus ou inoins de vitesse, selon la famille à laquelle il appartient *; et 1 On compte soixante pulsations par minute dans un poisson éclos, et quarante dans ceux qui sont encore renfermés daus l’œuf. 2 Nous avons appris; par les observations publiées par le phrases HS Eæ- derstræm , dans les Mémoires de l'académie de Stockholm , qu'un brochet me- suré et pesé à différens âges, a présenté les poids et les longueurs suivars : À x an, 1 */, once de poids 2 ans, 10 pouces de long, 4 onces. 3 16 8 4 21 20 6 30 48 3 48 320 DISCOURS SUR LES POISSONS. 53 lorsqu'il est parvenu au dernier terme de son développement , il peut montrer une longueur de plus de dix mètres *. En com- parant le poids, le volume et la figure de ces individus de dix mètres de longueur, avec ceux qu’ils ont dû présenter lors de la sortie de l'œuf, on trouvera que, dans les poissons, la na- ture augmente quelquefois la matière plus de seize mille fois, et la dimension la plus étendue plus de cent fois. Il seroit im- portant pour les progrès des sciences naturelles de rechercher dans toutes les classes d'animaux la quantité d’accroissement , soit en masse , soit en volume, soit en longueur , soit en d’au- tres dimensions , depuis les premiers degrés jusqu'aux dernières Hinites du développement, et de comparer avec soin les résultats, de tous les rapports que l’on trouveroit. Au reste, le nombre des grands poissons est bien plus con- sidérable dans la merque dans les fleuves et les rivières ; et l’on peut observer d'ailleurs que presque toujours, et surlout dans les espèces féroces, les femelles, comme celles des oiseaux de proie; avec lesquels nous avons déjà vu que les poissons carnas- siers ont une analogie très-marquée, sont plus grandes que les males. Quelque étendu que soit le volume des animaux que nous examinons , ils nagent presque tous avec une très-grande faci- lité. Ils ont, en effet, reçu plusieurs organes particuliers pro- pres à les faire changer rapidement de place au milieu de l'eau qu'ils habitent. Leurs mouvemens dans ce fluide peuvent se réduire à l’action de monter ou de descendre, et à celle de s’a- vancer dans un plan horizontal, ou se composent de ces deux actions. Examinons d’abord comment ils s'élèvent ou s'enfon+ cent dans le sein des eaux. Presque tous les poissons, excepté. ceux qui ont le corps très-plat, comme les raies et les pleu- ronectes, ont un organe intérieur situé dans la partie la plus haute de l'abdomen, occupant le plus souvent toute la longueur de cette cavité, fréquemment attaché à la colonne vertébrale, et auquel nous conservons le nom de vessie natatoire. Gelle vessie est membraneuse et varie beaucoup dans sa forme, sui- vant les espèces de poissons dans lesquelles on lobserve. Elle est toujours allongée : mais tantôt ses deux extrémités sont pointues , et tantôt arrondies; et tantôt la partie antérieure se * Consultez l’article du sguale requin, et celui du squale très-grand. 60 HISTOIRE NATURELLE. divise en deux prolongations : quelquefois elle est partagée trans- versalement en deux lobes creux qui communiquent ensemble, quelquefois ces deux lobes sont placés longitudinalement à côté l'un de l’autre; il est même des poissons dans lesquels elle pré- sente trois et jusqu’à quatre cavités. Elle communique avec la partie antérieure , et quelquelois , mais rarement , avec la par- tie postérieure de l'estomac, par un pelit tuyau nommé canal pneumatique, qui aboutit au milieu ou à l’extrémité de la vessie, la plus voisine de la tète lorsque cet organe estsimple, mais qui s'attache au lobe postérieur lorsqu'il y a deux lobes placés lun devant l'antre. CG conduit varie dans ses dimensions, ainsi que dans ses simuosilés. Il transmet à la vessie nalatoire, que l'on a aussi nominée vessie @érienne ,; Un gaz quelconque, qui la gonfle , l'étend, la rend beaucoup plus légère que l'eau, et donne au poisson la faculté de s'élever an milieu de ce liquide. Eorsqu'au contraire l'animal veut descendre , il comprime sa vessie nalatoire par le moyen des muscles qui environnent cet organe ; le gaz qu'elle contient s'échappe par le conduit pnen- matique, parvient à l'estomac, sort du corps par la gueule, par les ouvertures branchiales, ou par l'anus; et la pesanteur des parties solides ou molles du poisson entraine l'animal plus ou moims rapidement au fond de l’eau. Cet effet de la vessie natatoire sur l'ascension et la descente des poissons ne peut pas être révoqué en doute, puisque indépen- damment d'autre raison, et ainsi qu'Artedi l’a annoncé, il n’est person ne quine puisse éprouver que lorsqu'on perce avec adresse, et par le moyen d’une aiguille convenable, la vessie aérienne d'un poisson vivant, il ne peut plus s'élever au milieu de l'eau , a moins qu'il n'apparlienne à ces espèces qui ont reçu des muscles assez forts et des nageoires assez étendues pour se passer, . dans leurs monvemens, de tout autre secours. Il est même des contrées dans lesquelles l’art de la pêche a été très-cultivé, et où on se sert depuis long-temps de celte altération dela vessie na- taloire pour empêcher des poissons qu'on veut garder en vie dans de grands baquets, de s'approcher de la surface de l'eau, et des’élancer ensuite par-dessusles bords de leur sorte de réservoir. Mais quel est le gaz qui s'introduit dans la vessie natatoire ? Notre savant et célèbre confrère M. Fourcroy a trouvé de l'azote dans l'organe aérien d’une carpe ; d’un autre côté, le doc- teur Priestley s’est assuré que la vessie natatoire de plusieurs DISCOURS SUR LES POISSONS. 6 poissons contenoit, dans le moment où 1l l’a examinée, de loxy- gène mêlé avec une quantité plus ou moins considérable d’un autre gaz, dont il n’a pas déterminé la nalure; on lit dans les Annales de chimie, publiées en Angleterre par le docteur Dun- kan, que le docteur Francis Rigby Brodbelt, de la Jamaïque, n’a reconnu dans la vessie d'un xiphias espadon que de l'oxygène très-pur; et enfin celle de quelques tanches, que J'ai examinée, renfermoit du gaz hydrogène. Il est donc vraisemblable que, suivant les circonstances dans lesquelles on observera la vessie atrienne des poissons, pendant que leur corps n'aura encore éprouvé aucune‘altération, ou leur cadavre étant déja très-cor- rompu, leur estomac étant vide ou rempli d'alimens plus ou moins décomposés, leurs facultés n'étant retenues par aucun obstacle ou étant afloiblies par la maladie, on trouvera, dans leur organe natatoire, des gaz de différente nature. Ne pour- roit-on pas dire cependant que le plus souvent cet organe se remplit de gaz hydrogène? ne pourroit-on pas supposer qua l’eau , décomposée dans les branchies, fournit au sang l'oxygène nécessaire à ce fluide; que lorsque l'animal n’a pas besoin de gonfler sa vessie aérieñne, le second principe de l'eau , lhydro- gène, rendu libre par sa séparation d'avec l'oxygène , se dissipe par les ouvertures branchiales et par celle .de la bouche, ou se combine avec différentes parties du corps des poissons , dont l’ana- lyse a donné en eflet beaucoup de ce gaz, et que lorsqu'au con- traire le poisson veut étendre l'organe qui doit l’élever , ce gaz hydrogène , au lieu de se dissiper ou de se combiner, se préci- pite par le canal pneumatique que les muscles ne resserrent plus, et va remplir une vessie qui n’est plus comprimée, et qui esi s'luée dans la partie supérieure du corps ? Sans cette décom- position de l’eau, comment concevoir que le poisson, qui dans une minute gonfle et resserre plusieurs fois sa vessie, trouve à l'instant, à la portée de cet organe, la quantité de gaz qu'il as- pire et rejette ? Comment même pourra-t-il avoir à sa disposi- tion , dans les profondeurs immenses qu’il parcourt, et dans des couches d’eau éloignées quelquefois de l'atmosphère de plus de six mille mètres, une quantité d'oxygène suffisante pour sa res- piration ? Doit-on croire que leur estomac peut être rempli de malières alimentaires qui, en se dénaturant, fournissent à la vessæ aérienne le gaz qui la gonfle, lorsqu'elle n’est jamais si fréquemment-ni si complètement étendue que dans les instans . 62 HISTOIRE NATURELLE, où cet estomacest vide, et où la faim qui presse l'animal l'6- blige à s'élever , à s'abaisser avec promptitude , a faire avec ra- pidité de longues courses, à se livrer à de pénibles recherches ? Cette décomposition, dont la chimie moderne nous indique maintenant tant d'exemples, est-elle plus difficile à admettre dans des êtres à sang froid à la vérité , mais très-actifs et assez sensibles, tels que les poissons, que dans les parties des plantes , qui séparent également l'hydrogène et l'oxygène contenus dans l'eau ou dans l'humidité de l'air? Les forces animales ne rendent- elles pas toutes les décompositions plus faciles, mème avec une chaleur beaucoup moindre? Ne peut-on pas démontrer dail- leurs que la vessie naia toire ne diminue par sa dilatation la pe- santeur spécifique de l'animal, qu'autant qu'elle est remplie d’un fluide beaucoup plus léger que ceux que renferment les autres cavités contenues dans le corps du poisson, cavités qui se res- serrent à mesure que celle de la vessie s'agrandit, ou qu'autant que l'agrandissement momeñntané de cet organe d’ascension pro- duit une augmentation de volume dans la totalité du corps de l'animal ? Peut-on assurer que cet accroissement dans le volume total a toujours lieu ? Le gaz hydrogène , en séjournant dans la vessie nataloire ou dans d’autres parties de l’intérieur äu poisson, ne peut-il pas, selon les circonstances, se combiner de maniere à perdre sa nature, à n'être plus reconnoissable , et, par exemple, à produire de l'eau ? Ge fait ne seroit-il pas une réponse aux ob- jections les plus fortes contre la décomposition de l'eau , opérée par les branchies des poissons ? Si ces animaux périssent dans de l’eau au-dessus de laquelle on fait le vide, ne doit-on pas rapporter ce phénomène à des déchiremens intérieurs et à la soustraction violente des différens gaz que leur corps peut ren- fermer ? Quelque opinion qu'on adople sur la décom position de l’eau dans l'organe respiratoire des poissons , peut-on expliquer ce qu'ils éprouvent dans les vases placés sous le récipient d’une machine pneumatique, autrement que par des soustractions de gaz ou d’autres fluides qui , plus légers que l'eau , sont détermi- nés, sous ce récipient vide d'air, à se précipiter , pour ainsi dire, à la surface d'un liquide qui n’est plus aussi com primé * ? Lors- PRE nr EEE 3 Un poisson renferme dans le vide pendant plusieurs heures paroît d’abord en vironné de bulles, particulièrement auprès de la bouche et des branchies; il nage ensuite renversé sur le dos, et le ventre gonflé ; il est enfin immobile et roide : mais, DISCOURS SUR LES POISSONS. 65 qu'on est obligé de briser la croûte de glace quirecouvre un étang afin de préserver de la mort les poissons qui nagent au-dessous , n'est-ce pas plutôt pour débarrasser l'eau renfermée dans laquelle ils vivent, de tous les miasmes produits par leurs propres éma- nations, où par le séjour d'animaux ou de végétaux corrompus, que pour leur rendre l'air atmosphérique dont ils r’ont aucun besoin ? N'est-ce pas pour une raison analogue qu'on est obligé de renouveler de temps en lemps, et surtout pendant les grandes chaleurs, l'eau des vases dans lesquels on garde de ces animaux ? Et enfin , l'hypothese qne nous indiquons n’a-t-elle pas été pres- sentie par J. Mayow, ce chimiste anglais de la fin du dix-sep- tième siècle, qui a deviné, pour ainsi dire , plusieurs des bril- lantes découvertes de la chimie moderne, ainsi que l’a fait ob- server, dans un Mémoire lu il y a près de deux ans à l'Institut national de France, le citoyen Fourcroy , lun de ceux qui ont le plus contribué à fonder et à étendre la nouvelle théorie chimique * ? Mais rinsistons pas davantage sur de pures conjectures ; con- tentons-nous d’avoir indiqué aux chinustes et aux physiciens un beau sujet de travail, et ne donnons une grande place dans le tableau dont nous nous occupons, qu'aux traits dont nous croi- rons êlre sûrs de la fidélité. Plusieurs espèces de poissons , telles que les balistes et les té- trodons *, jouissent d’une seconde propriété très-remarquable , qui leur donne une grande facilité pour s'élever et s’abaisser au milieu du fluide qu'ils préférent : ils peuvent, à leur volonté et avec une rapidité assez grande, gonfler la partie inférieure de leur ventre, y introduire un gaz plus léger que l’eau , et donner ainsi à leur ensemble un accroissement de volume, qui diminne leur pesanteur spécifique. Il en est de cette faculié comme de celle de dilater la vessie natatoire; tontes les deux sont bien plus utiles aux poissons au milieu des mers qu'au milieu des fleuves mis dans de l’eau nouvelle exposée à Vair , il reprend ses forces ; son ventre cepen- dant reste retiré, et ce n’est qu’au bout de quelques heures qu’il peut nager et se tenir sur son ventre. Voyez Boyle. 1 Atque hinc est quod pisces aquam, perinde ut animalia terrestria auram vulgarem, vicibus perpetuis hauriant egerintque ; quo videlicet aereum aliquod vitale, AB AQUA, veluti alias ab aura, secretum , in cruoris massain trajiciatur. (J: Mayow.) 2 Voyez, dans ce volume, l’histoire des £étrodons et celle des balistes. 6% HISTOIRE NATURELLE. et des rivières, parce que l'eau des mers étant salée , et par con- séquent plus pesante que l’eau des rivières et des fleuves, qui est douce, les animaux que nous examinons peuvent avec moins d'efforts se donner, lorsqu'ils nagent dans la mer, une légèreté égale ou supérieure à celle du fluide dans lequel ils sont plongés. Il ne suffit cependant pas aux poissons de monter et de des- cendre ; il faut encore qu'ils puissent exécuter des mouvemens vers tous les points de l'horizon , afin qu’en combinant ces mou- vemens avec leurs ascensions et leurs descentes , ils s’avancent dans toute sorte de directions perpend iculaires, inclinées ou pa- rallèles à la surface des eaux. C’est principalement à leur queue qu'ils doivent la faculté de se mouvoir ainsi dans tous les sens ; c'est cette partie de leur corps, que nous avons vue s’agiter même dans l’œuf, en décüirer l'enveloppe et en sortir la prem'ère, qui, selon qu’elle est plus ou moins longue, plus où moins libre, plus ou moins animée par des muscles puissans, pousse en avant avec plus ou moins de force le corps entier de l'animal. Que lon regarde un poisson s'élancer au milieu de l'eau, on le verra frap- per vivement ce fluide, en portant rapidement sa queue à droite et à gauche. Celle partie, qui se meut sur la portion pos- térieure du corps, comme sur un pivot, rencontre obliquement les couches latérales du fluide contre lesquelles elle agit ; elle laisse d’ailleurs st peu d'intervalle entre les coups qu’elle donne d’un côté et de l’autre, que l'effet de ses impuls'ons successives équivaut à celui de deux actions simultanées; et dès-lors il n’est aucun physicien qui ne voie que le corps, pressé entre les deux réactions obliques de l'eau, doit s'échapper par la diagonale de ces deux forces, qui se confond avec la direction du corps et de la téle du poisson. Il est évident que plus la queue est aplatie par les côtés, plus elle tend à écarter l'eau par une grande sur. face, et plus elle est repoussée avec vivacité, el contraint l'ani- mal à s’'avancer avèc promptitude. Voilà pourquoi plus la na- geoire qui lermine la queue el qui est placée verticalement pré- sente une grande étendue, et plus elle accroît la puissance d'un levier qu’elle allonge et dont elle augmenteles poinis de contact. Voila pourquoi encore toutes les fois que j'ai divisé un genre de poissons en plusieurs sous-genres, j'ai cru attacher à ces groupes secondaires des caractères non-seulement faciles à saisir, mais encore imporians à considérer par leurs liaisons avec les habi- tudes de l'animal, en distinguant ces familles subordonnées par 6 DISCOURS SUR LES POISSONS. 65 la forme de la nageoire de la queue, ou très-avancée en pointe; ou arrondie , ou rectiligne, ou creusée en demi-cercle, où profonr dément échancréé en fourche. | C’est en se servant avec adresse de cet organe puissant, en va- riant l’action de cette queue presque toujours si mobile ; en ac- croissant sa vitesse par toutes leurs forces, ou en tempérant sa rapidité, en la portant d’un côté plus vivement que d’un autre, en la repliant jusque vers la tête et en la débandant ensuite comme un ressort violent, surtout lorsqu'ils nagent en partie au-dessus de la surface de l’eau , qué les poissons accélerent , re tardent leur mouvement, changent leur direction, se tournent, se retournent, se précipitent, s'élèvent, s’'élancent au-dessus du fluide auquel ils appartiennent, franchissent de hautes cataractes, et sautent jusqu'à plusieurs mètres de hauteur *. La queue de ces animaux, cet instrument ue d’at- taque ou de défense, est dé aussi non-seulement le premier gouvernail, mais.encore la principale rame des poissons; ils en aident l'action par leurs nageoires pectorales. Ces dernières na- geoires, s'étendant ou se resserrant à mesure que les rayons qui les soutiennent s’écartent ou se rapprochent, pouvant d’ailleurs être mues sous diflérentes inclinaisons et avec des vitesses très- inégales, sérvent aux poissons non-séulément pour hâter leur mouvement progressif, mais encore pour le modifier, pour tour- ner à droile ou à gauche, et même pour aller en arrière lors- qu'elles se déploient en repoussant l’eau antérieure, et qu’elles se rephent an contraire en frappant l’eau opposée à cette dernière. En tout, le jeu et l'effet de ces nageoires pectorales sont très- semblables à ceux des pieds palmés des oies, des canards, et des autres oiseaux d’eau; et 1l en est de même de ceux des nageoires inférieures; dont l'action est cependant ordinairement moins grande que celle des nageoires pectorales , parce qu'elles pré- sentent presque toujours une surface moins étendue. À l'égard des nageoires de l'anus, l’un de leurs principaux usages est d bisier le centre de gravité de l’amimal, et de le maintenir d’une manière plus stable dans la position qui lui con- vient le mieux. Lorsqu'elles s'étendent jusque vers la nageoïre caudale, elles Z Articles des squales et des salmones. Lacepède. 2. 5 66 HISTOIRE NATURELL£. augmentent la surface de la queue, el par conséquent elles con» courent à la vitesse de la natation; elles peuvent aussi changer sa direction, en se déployant ou en se repliant alternativement en tout ou en partie, et en mettant ainsi une inégalité plus ou moins grande entre l'impulsion communiquée à droite , et celle qui est reçue à gauche. Si les nageoires dorsales règnent au-dessus de la queue, elles influent, comme celles de l'anus, sur la route que suit l'animal et sur la rapidité de ses mouvemens; elles peuvent aussi, par leurs diverses ondulations et par les différens plansinclinés qu’elles présentent à l'eau et avec lesquels elles frappent ce fluide, aug- menter les moyens qu'a le poisson pour suivre telle ou telle di- rection ; elles doivent encore , lorsque le poisson est exposé à des courans qui le prennent en travers, contre-balancer quelquefois l'effet des nageoires de l'anus, et contribuer à conserver l'équili- bre de l'animal : mais le plus souvent elles ne tendroient qu'à dé- truire cet équilibre, et à renverser le poisson, si ce dernier ne pouvoit pas, en mouvant séparément chaque rayon de ces na- geoires , les rabaisser et même les coucher sur son dos dans leur totalité, ou dans celles de leurs portions qui lui offrent le plus d'obstacles. Je n'ai pas besoin de faire remarquer comment le jeu de la queue et des nageoires , qui fait avancer les poissons , peut les porter en haut ou en bas, indépendamment de tout gonflement du corps et de loute dilatation de la vessie natatoire, lorsqu’au moment de leur départ leur corps est incliné, et leur tète élevée au-dessus du plan horizontal , ou abaissée au-dessous de ce même plan. On verra , avec la même facilité, que ceux de ces animaux qui ont le corps très-déprimé de haut en bas, tels que les raies et les pleuronectes, peuvent, tout égal d’ailleurs, lutter pendant plus de temps et avec plus d'avantage contre un courant rapide, pour peu qu'ils tiennent la partie antérieure de leur corps un peu élevée, parce qu'alors ils présentent à l’eau un plan incliné que ce fluide tend à soulever; ce qui permet à l'animal de n’em- ployer presque aucun effort pour se soutenir à telle ou telle hau- teur, mais de réunir toutes ses forces pour accroître son mouve= ment progressif *. Et enfin on observera également sans peine Ar ï Ilest à remarquer que ces poissons très-aplatis manquent de vessie nata- toire. DISCOURS SUR LES POISSONS. 67 que si le principe le plus actif de la natation est dans la queue, c'est dans Ja trop grande longueur de la tête, et dans les prolon= gations qui l'étendent en avant, que se trouvent les principaux obstacles à la vitesse; c’est dans les parties antérieures qu'est la cause retardatrice , dans les postérieures est au contraire la puis- sance accélératrice ; et le rapport de cette cause et de cette puis- sance détermine la rapidité de la natation des poissons. De cette mème proportion dépend par conséquent la facilité ‘plus où moins grande avec laquelle ils peuvent chercher lali- ment qui leur convient. Quelques -uns se contentent, au moins souvent, de plantes marines , et particulierement d'algues: d’au- ires vont chercher dans la vase les débrie des corps organisés, et c'est de ceux-c1 que l’on a dit qu'ils vivoient de limon : il en est encore qui ont un goût tres-vif your des oraines et d’autres parties de végétaux terrestres ou fluviatiles : maisle plus grand nombre de poissons préférent des vers marins, de rivière ou de terre, des insectes aquatiques, des œufs pondus par leurs femelles, de jeunes individus de leur classe, et en général tous les animaux qu'ils peuvent rencontrer au milieu des eaux, saisir et dévorer sans éprouver une résistance trop dangereuse. Les poissons peuvent avaleï, dans un espace de temps trés-court, une très-grande quantité de nourriture; mais ils peuvent aussi vivre sans manger pendant un irés-grand nombre de jours 5 même pendant plusieurs mois , et quelquefois pendant plus d’un an. Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons déjà dit sur Jes causes d’un phénomène semblable, en traitant des quadrupèdes ovipares et des serpens, qui quelquefois sont aussi plus d’un an sans prendre de nourriture. Les poissons dont les vaisseaux san guins, ainsi que ceux des reptiles et des quadrupèdes ovipares, sont parcourus par un fluide très-peu échaulté, et dont le corps est recouvert d’écailles, ou de tégumens visqueux et huilés , doi- vent habituellement perdre trop peu de leur substance pour avoir besoin de réparations très-copieuses et très-fréquentes : mais non-seulement ils vivent et jouissent de leur vivacité ordinaire malgré une abstinence très-prolongée, mais ces longs jeünes ne les empêchent pas de se développer, de croître, et de produire dans leur tissu cellulaire cette matière onctueuse à laquelie le nom de graissea êté donné. On conçoit très-aisément comment il suffit à un animal de ne pas laisser échapper beaucoup de substance, pour ne pas diminuer tres-sensiblement dans son volume ou \ 68 | HISTOIRE NATURELLE. dans ses forces, quoiqu'il ne reçoive cependant qu'une quantité extrêmement pelite de matière nouvelle : mais quil sétende, qu'il grossisse , qu'il présente des dimensions plus grandes et une masse plus pesante, quoique n'ayant pris depuis un très-long temps aucun aliment, quoique n'ayant introduit depuis plus d’un an dans son corps aucune substance réparatrice et nutritive, on ne peut le comprendre. I faut donc qu'une matière véritable- ment alimentaire maintienne et accroisse la substance et les forces des poissons pendant le temps plus ou moins long où l’on est as- suré qu'ils ne prennent d’ailleurs aucune portion de leur nour- riture ordinaire ; celte matière les touche, les environne, les pé- nètre sans cesse. 11 n’est en effet aucun physicien qui ne sache maintenant combien l’eau est nourrissante lorsqu'elle a subi cer- taines combinaisons ; et les phénomènes de la panifieation, si bien développés par les chimistes modernes ; en sont surtout une très- grande preuve *. Mais c'est au milieu de cette eau queles poissons sont continuellement plongés ; elle baigne toute leur surface ; elle parcourt leur canal intestinal; elle remplit plusieurs de leurs ca- vilés ; et, pompée par les vaisseaux absorbans, ne peut-elle pas éprouver, dans les glandes qui réumissent le système de ces vais- seaux, où dans d’autres de leurs organes intérieurs, des combi- maisons et décompositions telles, qu’elle devienne une véritable substance nutritive et augmentative de celle des poissons? Voilà pourquoi nous voyons des carpes suspendues hors de l'eau, et auxquelles on ne donne aucune nourriture, vivre iong-lemps, et même s’engraisser d’une manière très - remarquable, si on les arrose fréquemment , et si on les entoure de mousse ou d’autres végétaux qui conservent une humidité abondante sur toute la surface de ces animaux *. Le fluide dans lequel les poissons sont plongés peut donc non- seulement les préserver de cette sensation douloureuse que lon a nommée soif, qui provient de la sécheresse de la bouche et du 1 Nous citerons particulierement les travaux de notre confrère M. Par- mgntier. 4 2 On pourroit expliquer de même l’accroissement que l’on a vu prendre pendant es jeûnes très-prolongés, à des serpens et à quelques quadrupèdes ovipares, qui, à la vérité, ne vivent pas dans le sein des eaux, mais habitert ordinairement an milieu d’une atmosphère chargée de vapeurs aqueuses, et qui auront puisé dans l'humidité de l'air une nourriture semblable à celle que les poissons doivent à jeu douce ou salée. DISCOURS SUR LES POISSONS. 69 œanal alimentaire, et qui par conséquent ne doit jamais exister au milieu des eaux, mais encore entretenir leur vie, réparer leurs pertes , accroître leur substance; et les voilà liés, paride nou- veaux rapports, avec les végétaux. Il ne peut cependant pas Les délivrer , au moins totalement, du tourment de la faim : cet aiguil- lon pressant agile surtout les grandes espèces, qui ont besoin d’alimens plus copieux, plus actifs et plus souvent renouvelés ; et telle est la cause irrésistible qui maintient dans un état de guerre perpétuel la nombreuse classe des poissons, les fait conti- nuellement passer de l'attaque à la défense et de la défense à l'at- taque, les rend tour-à-tour tyrans et victimes, et convertit en champ de carnage la vaste étendue des mers et des rivières. Nous avons déjà compté les armes offensives et défensives que fa Nature a départies à ces animaux, presque tous condamnés à d'éternels combats. Quelques-uns d'eux ont reçu, pour atteindre ou repousser leur ennemi, une faculté remarquable : nous l’ob- serverons dans la raie torpille, dans un tétrodon , dans un gym- note, dans un silure. Nous les verrons atteindre au loin par une puissance invisible , frapper avec la rapidité de l'éclair, mettre en mouvement ce feu électrique qui, excité par l'art du physi- cien, brille, éclate, brise ou renverse dans nos laboratoires, et qui, condensé par la Nature, resplendit dans les nuages et lance la foudre dans les airs. Cette force merveilleuse et soudaine, nous Ja verrons se manisfester par l'action de ces poissons privilégiés, comme dans tous les phénomènes conntüs depuis long-temps sous le nom d’électriques, parcourir avec vitesse tous les corps con- ducteurs d'électricité, s'arrêter devant ceux qui n’ont pas reçu cette qualité conductrice, faire jaillir des étincelles *, produire de violentes commotions, et donner une mort imprévue à des victimes éloignées. Transmise par les nerf, anéantie par la sous- traction du cerveau, quoique l'animal conserve encore ses fa- cultés vitales, subsistant pendant quelque temps malgré le re- tranchement du cœur, nous ne serons pas étonnés de savoir RS De PAR A LU cn MN 2 Lis 1 Depuis l'impression de l’article de la torpille, nous avons appris, par un nouvel ouvrage de M. Calvani, que les espérances que nous avons expo sées dans l'histoire de cette raie , sont déjà réalisées; que le gymnote électrique n’est pas le seul poisson qui fasse naître des étincelles visibles, et que, par le moyen d’un microscope, on en a distingué de produites par Pélectricité d’une torpille. Consultez les Mémoires de Galvani adressés à Spallanzani, et imprimés à Bolo gne en 1707. 70 HISTOIRE NATURELLE. 4 ! qu'elle appartient à des poissons à un degré que l’on n’a point observé encore dans les autres êtres organisés, lorsque nous réflé- chirôns que ces animaux sont imprégnés d’une grande quantité de matière huileuse , très-analogue aux résines et aux substances dont ie frottement fait naître tous les phénomènes de l'électricité *. On à écrit que plusieurs espèces de poissons avoient reçu, à la place de la vertu électrique, la funeste propriété de renfermer un poison actif Cependant , avec quelque soin que nous ayons exa- miné ces espèces, nous n'avons trouvé ni dans leurs dents, ni dans leurs aigwillons, aucune cavité, aucune conformation ana- logues à celles que l'on remarque, par exemple, dans les dents de la couleuvre vipère, et qui sont propres à à faire pénétrer une liqueur délétère jusqu'aux vaisseaux san guins d’un animal blessé; nous n'avons vu auprés de ces aiguillons ni de ces dents aucune poche, aucun organe contenant un suc particulier et vénéneux ; nous n'avons pu découvrir dans les autres parlies du corps aucun réservoir de matière corrosive , de substance dangereuse; et nous noûs sommes assurés, ainsi qu'on pourra s’en convaincre dans le cours de cette histoire, que les accidens graves produits par la morsure des poissons,ou par l’action de leurs piquans, ne doivent être rapportés qu'à la nature des plaies failes par ces pointes ou par les dents de ces animaux. On ne peut pas douter cependant que, dans certaines contrées , particulièrement dans celles qui sont lrès-voisines de la zone torride, dans la saison des chaleurs, ou dans d’autres circonstances de temps et de lieu, plusieurs des animaux que nous étudions ne renferment souvent, au moment où on les prend, une quantité assez considérable d’alimens véné- neux et même mortels pour l'homme, ainsi que pour plusieurs oiseaux ou quadrupèdes , et cependant très-peu nuisibles ou in- nocens pour des animaux à sang froid, imprégnés d'huile, remplis de sucs digestifs d’une qualité particulière , et organisés comme les poissons. Cette nourriture redoutable pour l'homme peut consister, par exemple , en fruits du mancenillier, ou d’autres végétaux, et en débris de plusieurs vers marins, dont les ebservateurs connois- sent depuis long-temps l'activité malfaisante des sucs. Si des pois- sons ainsi remplis de substances dangereuses sont préparés ‘sans. précaution, s'ils ne sont pas vidés avec le plus grand soin, ils doivent produire les effets les plus funestes sur l'homme, les oiseaux où les. 5 Voyez l’article de la torpille, et surtout celui du gymuote électrique. DISCOURS SUR LES POISSONS. 72 quadrupédes quien mangent. On peut même ajouter qu'une lon- gue habitude de ces alimens vénéneux peut dénaturer un poisson, au point de faire partager à ses muscles, à ses sucs, à presque toutes ses parties, les propriétés redoutables de la nourriture qu'il aura préférée, et de le rendre capable de donner la mort à ceux qui mangeroient de sa chair, quand bien même ses intestins auroient été nettoyés avec la plus grande attention. Mais 1l est aisé de voir que le poison n'appartient jamais aux poissons par une suite de leur nature; que si quelques individus le recelent, ce n’est qu’une matière étrangère que renferme leur intérieur pendant des ins- tans souvent très-courts; que si la substance de ces individus en est pénétrée, 1ls ont subi une altération profonde; et il est à re- marquer, en conséquence, que lorsqu'on parcourt le vaste en- semble des êtres organisés , que l'on commence par l'homme, et que, dans ce long examen, on observe d’abord les animaux qui vivent dans l'atmosphère, on n’aperçoit pas de qualités véné- neuses avant d’être parvenu à ceux dont le sang est froid. Parmi les animaux qui ne respirent qu’au milieu des eaux , la limite en- deçà de laquelle on ne rencontre pas d'armes n1 de liqueurs em- poisonnées , est encore plus reculée, et l’on ne voit d'êtres véné- neux par eux-mêmes que lorsqu'on a passé au-delà de ceux donk le sang est rouge. Continuons cependant de faire connoître tous les moyens d'at- taque et de défense accordés aux poissons. Indépendamment de quelques manœuvres particulières que de petites espèces mettent en usage contre des insectes qu’elles ne peuvent pas attirer jus- qu'à elles, presque tous les poissons emploient avec constance et avec une sorte d’habileté les ressources de la ruse; il n’en est presque aucun qui ne tende des embüches à un être plus foible ou moins attentif. Nous verrons particulièrement ceux dont la tête est garnie de petits filamens déliés et nommés barbillons , se cacher souvent dans la vase, sous les saillies des rochers , au milieu des plantes marines, ne laisser dépasser que ces barbillons qu'ils agitent et qui ressemblent alors à de petits vers; tâcher de séduire par ces appâts les animaux marins ou fluviatiles qu'ils ne * pourroient atteimdre en nageant qu’en s’exposant à de trop lon- gues fatigues; les attendre avec patience, et les saisir avec promp- tilude au moment de leur approche *. D’autres, ou avec leur Dee 3 Les acipensères qui ont plusieurs barbillons peuvent se tenir d'autant plus pà | HISTOIRE NATURELLE bouche *, ou avec leur queue *, ou avec leurs nageoires infé- rieures rapprochées en disque , ou avec un organe particulier situé au-dessus de leur tête “, s’attachent aux rochers, aux bois flottans, aux vaisseaux, aux poissons plus gros qu'eux, et indé- pendamment de plusieurs causes qui les maintiennent dans cette position, y sont retenus par le désir d’un approvisionnement plus facile, ou d’une garantie plus sûre. D'autres encore , tels que les anguilles , se ménagent dans des cavités qu'ils creusent, dans des ierriers qu’ils forment avec précaution , et dont lesissues sont pratiquées avec une sorte de som, bien moins un abri contre le froid des hivers, qu'un rempart bonté des ennemis plus forts ou mieux armés. Ils les évitent aussi quelquefois ces ennemis dange- reux, en employant la faculté de ramper que leur donne leur corps très-allongé et serpenliforme, en s’élançant hors de l’eau et en allant cher éte pendant quelques instans , loin de ce fluide, non-seulement une nourriture qui leur plaît, et qu'ils y trou- venten plus grande abondance que dans la mer ou dans les fleuves, mais encore un asile plus sûr que toutes les retraites aquatiques. Ceux-ci, enfin , qui ont reçu des nageoires pectorales trés-étendues, très-mobiles , et composées de rayons faciles à rap- procher ou à écarter, Séliguéenté dans l'atmosphère pour échap- per à une poursuile ee frappent l'air par une grande sur- face, avec beaucoup de rapidité, et, par un déploiement d’ins- irument ou une vitesse d'action moindres dans un sens que dans unautre , se soutiennent Pendant quelques momens au-dessus des nn aisément cachés en partie sous des algues, ou de la vase, que je viens de voir dans l’esturgeon, et que l’on trouvera vraisemblablement dans tous les autres acipen- sères , deux évents analogues à celui des pétromyzons , ainsi qu'a ceux des raies et des squales. Chacun de ces deux évents consiste dans un petit canal un peu demi- circulaire, placé au-devant de l’opercule des branchies, et situé de telle sorte, que son orifice externe est très-pres du bord supérieur de l’opercule, et que son ouverture interne est dans la partie antérieure et supérieure de la cavité bran- chiale , auprès de l’angle formé par le cartilage sur lequel Popercule est atta- ché. Ces évents de l’esturgeon ont été observés , par M. Cuvier et par moi, sur un individu d’environ deux mètres de longueur, dans lequel on a pu aussi distinguer aisément de petites côtes cartilagineuses. Par ce double ca- ractère, l’esturgeon lie de plus près les raies et les squales avec les osseux, ainsi que nous le ferons remarquer dans le Discours sur les parties solides de l’intérieux * des poissons. T7 Les pétromyzons. Z Quelques murènes et les murénophis. 3 Les cycloptères te. 4 Les échénéis. DISCOURS SUR LES POISSONS. 73 eaux , et ne retombent dans leur fluide natal qu'après avoir par- couru une courbe assez longue. 11 est des plages où 1ls fuient ainsi en troupe et où ils brillent d’une lumière phosphorique assez sensible, lorsque c’est au milieu de l'obscurité des nuits qu'ils s'efforcent de se dérober à la mort. Ils représentent alors, par leur grand nombre, une sorte de nuage enflammé, ou, pour mieux dire, de pluie de feu; et l’on diroit que ceux qui, lors de l'origine des mythologies, ont inventé le pouvoir magique des anciennes enchanteresses , el ont placé le palais et l'empire de ces redoutables magiciennes dans le sein ou auprès des ondes, connoissoient et ces légions lumineuses de poissons volans, et cet éclat phosphorique de presque tous les poissons, et cette es- pèce de foudre que lancent les poissons électriques. Ce n’est donc pas seulement dans le fond des eaux, mais sur la terre et au milieu de l'air, que quelques poissons peuvent trou- ver quelques momens de sûreté. Mais que cette garantie est passa- gere ! qu’en tout les moyens de défense sont inférieurs à ceux d'attaque ! quelle dévastation s'opère à chaque instant dans les mers et dans les fleuves ! combien d’embryons anéantis, d’indi- vidus dévorés ! et combien d’espèces disparoîtroient, si presque toules n’avoient reçu la plus grande fécondité, si une seule fe- melle , pouvant donner la vie à plusieurs millions d'individus, ne suflisoit pas pour réparer d'immenses destructions ! Cette fe- condité si remarquable commence dans les femelles lorsqu'elles sont encore trés-jeunes; elle s'accroit avec leurs années, elle dure pendant la plus grande partie d’une vie qui peut être très-éten- due; et si l’on ne eompare pas ensemble des poissons qui vien- pent au jour d’une manière différente, c'est-à-dire, ceux qui éclosent dans le ventre de la femelle, et ceux qui sortent d'un œuf pondu , on verra que la Nature a établi, relativement à ces animaux, une loi bien différente de celle à laquelle elle a soumis les quadrupèdes, et que les plus grandes espèces sont celles dans lesquelles on compte le plus grand nombre d'œufs. La Nature a donc placé de grandes sources de reproductions où elle a allumé la guerre la plus constante et la plus cruelle; mais l'équilibre né- cessaire entre le pouvoir qui conserve, et la force consommatrice qui n’en est que la réaction, ne pourroit pas subsister, si la Na- ture, qui le maintient, négligeoit, pour ainsi dire, la plus courte durée ou la plus petite quantité. Ce n’est que par cet emploi de tous les instans et de tous les efforts qu’elle met de l'égalité entre 74 HISTOIRE NATURELLE. . les plus petites et les plus grandes puissances : et n'est-ce pas là le secret de cette supériorité d'action à laquelle l’art de l’homme ne peut atleindre que lorsqu'il a le temps à son commandement ? Cependant ce n’est pas uniquement par des courses très- limitées que les poissons parviennent à se procurer leur proie, ou à se dérober à leurs ennemis. Ils franchissent souvent de très-grands intervalles ; ils entreprennent de grands voyages ; et, conduits par la crainte, ou excilés par des appétits vagues , eniraînés de proche en proche par le besoin d’une nourriture plus abondante où plus substantielle, chassés par les tempêtes, transportés par les courans , atlirés par une température plus convenable, ils traversent des mers immenses ; ils vont d’un continent à un autre, et parcourent dans tous les sens la vaste étendue d'eau au milieu de laquelle la Nature les a placés. Ces grandes migrations, ces fréquens changemens, ne présentent pas plus de régularité que les causes fortuites qui les produisent; ils ne sont soumis à aucun ordre : ils n’appartiennent point à l’es- pèce; ce ne sont que des actes individuels. Il n’en est pas de même de ce concours périodique vers les rivages des mers, qui précède le temps de la ponte et de la fécondation des œufs. Il n'en est pas de même non plus de ces ascensions régulières , exécutées chaque année avec tant de précision , qui peuplent, pendant plus d'une saison , les fleuves, les rivières, les lacs et les ruisseaux les plus élevés sur le globe, de tant de poissons attachés à l'onde amère pendant d’autres saisons , et qui dépen- dent non-seulement des causes que nous avons énumérées plus baut, mais encore de ce besoin si impérieux pour tous les ani- maux, d'exercer leurs facultés dans toute leur plénitude, de ce mobile si puissant de tant d’actions des êtres sensibles, qui imprime à un si grand nombre de poissons le désir de nager dans une eau plus légère, de lutter contre des courans, de sure monter de fortes résistances , de rencontrer des obstacles difi- ciles à écarter , de se jouer, pour ainsi dire, avec les torrens et les cataractes, de trouver un aliment moins ordinaire dans la substance d’une eau moins salée, et peut-être de jouir d’au- tres sensations nouvelles. IL n’en est pas encore de même de ces rétrogradalions , de ces voyages en sens inverse, de ces des- centes qui de l’origine des ruisseaux, des lacs, des rivières et des fleuves, se propagent vers les côtes maritimes , et rendent à l'océan tous les individus que l’eau douce et courante avoit at- DISCOURS SUR LES POISSONS. 75 tirés. Ces longues allées et venues, cette affluence vers les ri- vages , cette retraite vers la haute mer, sont les gestes de l’espèce entière. Tous les individus réunis par la même conformation , soumis aux mêmes causes , présentent les mêmes phénomènes. 11 faut néanmoins se bien garder de comprendre parmi ces voyages périodiques, constalés dans tous les temps et dans tous les lieux, de prétendues migrations régulières, indépendantes de celles que nous venons d'indiquer, et que lon a supposées dans quelques espèces de poissons, particulièrement dans les maquereaux et dans les harengs. On a fait arriver ces animaux . en colonnes pressées, en légions rangées, pour ainsi dire, en ordre de bataille, en troupes conduites par des chefs. On les a fait parlir des mers glaciales de notre hémisphère à des temps détermi- nés, s'avancer avec un concert toujours soutenu , s'approcher successivement de plusieurs côtes de l'Europe, conserver leur dis- position , passer par des détroits, se diviser en plusieurs bandes, changer de direction, se porter vers l’ouest, tourner encore et revenir vers le nord, toujours avec le même arrangement , et, pour aimsi dire, avec la même fidélité. On a ajouté à cette narration ; on en a embelli les détails ; on en a tiré des consé- quences multiphées : et cependant on pourra voir dans les ou- vrages de Bloch, dans ceux d’un très-bon observateur de Rouen, M. Noël , et dans les articles de cette histoire relatifs à ces poissons , combien de faits très-constans prouvent que lors- qu'on a réduit à leur juste valeur les récits merveillenx dont nous venons de donner une idée, on ne trouve dans les ma- quereaux et dans les harengs que des animaux qui vivent , pen- dant la plus grande partie de l’année, dans les profondeurs de la haute mer, et qui, dans d’autres saisons , se rapprochent , comme presque tous les autres poissons pélagiens, des rivages les plus voisins et les plus analogues à leurs besoins et à leurs désirs. Au reste, tous ces voyages périodiques ou fortuits, tous ces déplacemens réguliers , toutes ces courses irrégulières , peu- vent être exécutés par les poissons avec une vitesse très-grande et très-long-temps prolongée. On a vu de ces animaux satta- cher, pour ainsi dire, à des vaisseaux destinés à traverser de vasles mers , les accompagner , par exemple, d'Amérique en Europe, les suivre avec constance malgré la violence du vent qui poussoit les bâtimens, ne pas les perdre de vue, souvent 76 HISTOIRE NATURELLE. les précéder en se jouant, revenir vers les embarcations , alles en sens contraire , se retourner, les atteindre, les dépasser de nouveau, et, regagnant , après de courts repos, le temps qu'ils avoient, pour ainsi dire, perdu dans cette sorte de halte, arriver avec les navigateurs sur les côtes européennes. En réunissant ces faits à ceux qui ont été observés dans les fleuves d'un cours irès-long et très-rapide , nous nous sommes assurés , ainsi que nous Le ecrans dans l’histoire des saumons, que les poissons peuvent présenter une vitesse telle, que, dans une eau tran- quille , ils parcourent deux cent quatre-vingt-huit hectomètres par heure, huit mètres par seconde, c'est-à-dire, un espace douze fois plus grand que celui sur lequel les eaux de la Seine s'étendent dans le mêmé temps, et presque égal à celui qu’un renne fait franchir à un traîneau également dans une seconde. Pouvant se mouvoir avec cette grande rapidité, comment les poissons ne vogueroient-ils pas à de grandes distances, lors- qu'en quelque sorte aucun obstacle ne se présente à eux ? En effet, ils ne sont point arrêtés dans leurs migrations, comme les quadrupèdes , par des forêts impénétrables , de hautes mon- tagnes , des déserts brûlans ; ni comme les oiseaux , par le froid de l'atmosphère au-dessus des cimes congelées des monts les plus élevés : 1ls trouvent, dans presque ioutes les portions des mers, et une nourriture abondante , et une température à peu près égale. Et quelle est la barrière qui pourroit s'opposer à leur course au milieu d’un fluide qui leur résiste à peine , et se divise si facilement à leur approche ? D'ailleurs, non-seulement ils n'éprouvent pas, dans le sein des ondes, de frottement pénible, mais toutes leurs parties étant de très-peu moins légères que l'eau, et surtout que l’eau salée, les portions supérieures de leur corps , soutenues par le hquide dans lequel elles sont plongées, n’exercent pas une très-grande pression sur les inférieures, et l'animal n'est pas contraint d'employer une grande force pour contre-balancer les effets d’une pesanteur peu node ble. Les poissons ont cependant besoin de se livrer de temps en temps au repos et même au sommeil. Lorsque, dans le moment où ils commencent à s'endormir, leur vessie natatoire est très- gonflée et remplie d’un gaz très-léger , ils peuvent être soutenus à diliérentes hauteurs par leur seule légéreté, glisser sans efloris entre deux couches de fluide, et ne pas cesser d’être plorigés DISCOURS SUR LES POISSONS, 77 dans un sommeil paisible, que ne trouble pas un mouvement très-doux et indépendant de leur velonté. Leurs muscles sont néanmoins si iritables, qu'ils ne dorment profondément que lorsqu'ils reposent sur un fond stable, que la nuit règne, ou qu'éloignés de la surface des eaux, et cachés dans une retraite obscure, ils ne reçoivent presque aucun rayon de lumière dans des yeux qu'aucune paupière ne garantit, qu'aucune membrane clignotante ne voile, et qui par conséquent sont toujours ouverts. Maintenant, si nous portons notre vue en arrière, et si nous comparons les résultats de toutes les observations que nous venons de réunir , et dont on trouvera les détails et les preuves dans la suite de cette histoire, nous admettrons dans les pois- sons un instinct qui, en s'afloiblissant dans les osseux dont le corps est très-aplati, s'anime au contraire dans ceux qui ont un cor ps serpentiforme , s'accroît encore dans presque tous les cartilagineux , el peut-être paroîtra; dans presque toutes les espèces, bien plus vif et bien plus étendu qu’on ne lauroit pensé. On en sera plus convaincu , lorsqu'on aura reconnu qu'avec très-peu de soins on peut les apprivoiser , les rendre familiers. Ce fait, bien connu des anciens , a été très-souvent vérifié dans les temps modernes. Il ÿ a, par exemple , bien plus d’un siècle que l’on saitque des poissons nourris dans des bassins d’un jardin de Paris, désigné par la dénomination de Jardin des © Tuileries, accouroïient lorsqu'on les appeloit , et particulière- ment Îorsqu'on, prononçoit le nom qu’on leur avoit donné. Ceux à qui l'éducation des poissons n’est pas étrangère, n’igno- rent pas que, dans les étangs d’une grande partie de l’Alle- magne, on, accoutume les iruites, les carpes et les tanches à se rassembler an, son d’une cloche, et à venir prendre la nourri- ture qu'on leur idestine. On a mème observé assez souvent ces habitudes , pour savoir que les espèces qui ne se contentent pas de débris d'animaux ou de végétaux trouvés dans la fange, ni même de petits vers, ou d'insectes aquatiques, s'apprivoisent plus promptement, et sattachent, pour ainsi dire, davantage à la main qui les nourrit, parce que, dans les bassins où on les renferme, elles ont plus besoin d'assistance pour ne pas man- quer de l'aliment qui leur est nécessaire. À Ja vérité, leur organisation ne leur permet de faire en- tendre aucune voix; ils-ne peuvent proférer aucun cri, ils 78 HISTOIRE NATURELLE. n'ont reçu aucun véritable instrument sonore ; et s'il est quel- ques-uns de ces animaux dans lesquels la crainte ou la sur- prise produisent une sorte de bruit, ce n’est qu'un bruissement assez sourd, un sifllement imparfait , occasioné par les gaz qui sortent avec vitesse de leur corps subitement comprimé, et qui froissent avec plus ou moinsde force les bords des ouver- tures par lesquelles ils s’échappent. On ne peut pas croire non plus que, ne formant ensemble aucune véritable société, ne s’entr'aidant point dans leurs besoins ordinaires, ne chassant presque jamais avec concert, ne se recherchant en quelque sorte que pour se nuire, vivant dans un état perpétuel de guerre , ne s'occupant que d'attaquer ou de se défendre, et ne devant avertir ni leur proie de leur approche ri leur ennemi de leur fuite , ils aient ce langage imparfait , cette sorte de panlomime que l’on remarque dans un grand nombre d'animaux, et qua naît du besoin de se communiquer des sensations irès-variées. Le sens de l’ouïe et celui de la vue sont donc à peine pour eux ceux de la discipline. De plus, nous avons vu que leur cerveau étoit petit, que leurs nerfs étoient gros ; et l'intelligence paroît être en raison de la grandeur du cerveau, relativement au diamètre des nerfs. Le sens du goût est aussi trèssémoussé dans ces animaux ; mais c'est celui de la brutalité. Le sens du tou- cher, qui n'est pas très-obtus dans les poissons, est au contraire celui des sensations précises. La vue est celui de l'activité, et Jeurs yeux ont été organisés d’une manière très-analogue au fluide qu’ils habitent. Et enfin , leur odarat est exquis ; l’odorat, -ce.sens qui sans doute est celui des appétits violens , ainsi que mous le prouvent les squales, ces féroces tyrans des mers , mais qui, considéré , par exemple , dans l’homme, a été regardé aveo tant deaison par un philosophe célèbre , par Jean - Jacques Rousseau , comme le sens de l’imagination, et qui , n'étant pas moins celui des sensations douces et délicates, celui des tendres souvenirs, est encore celui que le poète de l'amour a recommandé de chercher à séduire dans l’objet d’une vive affection. Mais, pour jouir de cet instinct dans toute son étendue, il -faut que rien n’afloiblisse les facultés dont il est le résultat. Elles -s'émoussent cependant, ces faculiés, lorsque la température des eaux qu'ils habitent devient trop froide, et que le peu de cha- eur que leur respiration et leurs organes intérieurs font naître n'est point suffisamment aidé par une chaleur étrangère. Les DISCOURS SUR LES POISSONS. 79 poissons qui vivent dans la mer ne sont point exposés à ce froid engourdissement, à moins qu'ils ne s’'approchent irop de cer- taines côtes dans la saison où les glaces les ont envahies. Ilgtrou- vent presque à to utes les latitudes, et en s’élevant ou s’abais- sant plus ou moins dans l'océan , un degré de chaleur qui ne descend ‘guère au-dessous de celui qui est indiqué par douze sur le thermomètre dit de Réaumur *. Mais dans les fleuves, dans les rivières , dans les lacs, dont les eaux de plusieurs, sur- tout en Suisse | font constamment descendre le thermomètre, suivant l’habile observateur Saussure, au moins jusqu’à quatre ou cinq degrés au-dessus de zéro, les poissons sont soumis à presque toute linfluence des hivais particulièrement auprès ces pôles. [ls ne peuvent que d'fictlenrent se sousiraire à cette torpeur, à ce sommeil profond dont nous avons tâché d'exposer les causes, la nature et les effets, en traitant des quadrupèdes ovipares et des serpens. C’est en vain qu'à mesure que le froid pénètre dans leurs retraites, ils cherchent les endroits les plus abrités, les plus éloignés d’une surface qui commence à se geler, qu'ils creusent quelquefois des trous dans la terre, dans le sable, dans la vase, qu'ils s’y réunissent plusieurs, qu'ils sy amon- cellent, qu'ils s’y pressent; ils y succombent aux effets d’une trop grande diminution de chaleur; et s'ils ne sont pas plongés dans un engourdissement complet, ils montrent au moins un de ces degrés d’afloiblissement de forces que l’on peut compter depuis la diminution des mouvemens extérieurs jusqu’à une rès-grande torpeur. Pendant ce long sommeil d'hiver , ils perdent d'autant moins de leur substance, que leur engour- dissement est plus profond ; et plusieurs fois on s’est assuré qu'ils n'avoient dissipé qu'environ le dixième de leur poids. Cet effet remarquable du froid, cette sorte de maladie pério- que , nest pr s la seule à laquelle la Nature ait condamné les poissons. Plusieurs espèces de ces animaux peuvent , sans doute, vivre dans des eaux thermales échauflées à un degré assez élevé, quoique cependant je pense qu'il faut modérer beaucoup les résultats des observations que l'on a faites à ce sujet ; mais en 1 Voyez le quatrième volume des Voyages du respectable et célèbre Saussure , et l'ouvrage de R. KirWan, de la Société de Londres , sur l’estimation de la tem pérature de différens degrés de latitude. Cet ouvrage a été traduit en francais par M. Adet, 80 HISTOIRE NATURELLE. général les poissons périssent, où éprouvent un état de mal+ aise très-considérable , lorsqu'ils sont exposés à une chaleur très- vive et surlout irès- rune. Hs sont tourmentés par des in- sectéSfet des vers de plusieurs espèces qui se logent dans leurs intestins, où qui s'atlachent à leurs bise Üne mauvaise nourriture les incommode. Une eau trop froide, provenue d’une fonte de peige trop rapide, une eau trop peu souvent renou- velée et trop imprégnée de miasmes nuisibles, ou trop chargée de molécules putrides, ne fournissant à leur sang que des prin- ira insuflisans ou funestes, et aux autres parlies de leur corps, qu’un aliment trop peu analogue à leur nature, ieur donne différens maux très-souvent mortels, qui se manifestent par des pustules ou par des excroissances. Des ulcères. peuvent atüssi être produits dans leur foie et dans plusieurs autres de leurs organes intérieurs; et enfin une longue vieillesse les rend sujets à des altérations et à des dérangemens nombreux et quelquefois délétères. Malgré ces diverses. maladies qui les menacent, et dont nous traiterons de nouveau en nous occupant de l'éducation des pois sons domestiques; malgré.les accidens graves et fréquens aux- quels les exposent. la place qu'occupe leur moelle épiniere, et la nature du canal qu'elle, parcourt, ces animaux vivent pendant un très-grand nombre d'années, lorsqu'ils ne succombent pas sous la dent d’un ennemi, ou ne tombent pas dans les filets de l'homme. Des observations exactes prouvent, en effet, que leur vie .peut s'étendre au-delà de deux ‘siècles; plusieurs ren- seignemens portent même à croire qu'on a vu des poissons âgés de Pres de trois cents ans. El comment les poissons ne seroient- ils pas à l'abri de plusieurs causes de mort naturelles on acciden- telles ? comment leur vie ne seroit-elle pas plus longue que celle de tous les autres animaux? Ne pouyant pas connoître l'alter- | native de l'humidité et de la sécheresse, délivrés le plus souvent des passages subits de la chaleur vive à un froid rigoureux, per- pétuellement entourés d’un fluide ramollissant , pénétrés. d’une huile abondante, composés de portions légères et peu compactes, réduits un sang peu échauffé, foiblement animés par quelques- uns de leurs sens, soutenus par l’eau au milieu de présque tous leurs mouvemens, changeant de place sans beaucoup d'efforts , peu agités dans leur intérieur, peu froissés à l’extérieur, en tout peu fatigués, peu usés, peu altérés , ne doivent-ils pas con- DISCOURS SUR LES POISSONS. a server très-lons-temps une grande souplesse dans leurs parties, et n’éprouver que très-tard cette rigidité des fibres, cet endur- cissement des solides, cette obstruction des canaux, que suit tou- jours la cessation de la vie? D'ailleurs, plusieurs de leurs organes, plus indépendans les uns des autres que ceux desanimaux à sang chaud , moins intimement liés avec des centres communs, plus ressemblans par là à ceux des végétaux, peuventètre plus profon- dément altérés, plus gravement blessés, et plus completement détruits, sans que ces acuidens leur donnent la mort. Plusieurs de leurs parlies peuvent même être reproduites lorsqu'elles ont été emportées, et c'est un nouveau trait de ressemblance qu'ils ont avec les quadrupèdes ovipares et avec les serpens. Notre confrere Broussonnet a montré que, dans quelque sens qu'on coupe une nageoire , les membranes se réunissent facile- ment , et les rayons, ceux même qui sont articulés et composés de plusieurs pièces, se renouvellent et reparoissent ce qu'ils étoient, pour peu que la blessure ait laissé une petite portion de leur origine. Au reste, nous devons faire remarquer que le temps de la reproduction est, pour les différentes sortes de na- geoires , très-inégal , et proportionné, comme celui de leur pre- mier développement, à l'influence que nous leur avons assignée sur la natation des poissons : et comment , en effet, les nageoires _ les plus nécessaires aux mouvemens de ces animaux, et par con- séquent les plus exercées, les plus agitées, ne seroient-elles pas aussi les premières formées et les premières reproduites? Nous verrons dans cette histoire, que lorsqu'on a ouvert le ventre à un poisson pour lui enlever la laite ou l'ovaire, et l'engraisser par cetle sorte de castration, les parties séparées pour cetle opération se reprennent avec une grande facilité, quoique la blessure ait été souvent profonde et étendue; et enfin nous devons dire ici que c’est principalement dans les poissons que l’on doit s'attendre à voir des nerfs coupés se rattacher et se repro- duire dans une de leurs parties, ainsi que Cruikshank, de la So- ciété de Londres, les a vus se relier et se régénérer dans des animaux plus parfaits, sur lesquels il a fait de très-belles ex- périences. Tout se réunit donc pour faire admettre dans les poissons, ainsi que dans les quadrupèdes ovipares et dans les serpens, une très-grande vitalité ; et voila pourquoi il n'est aucun de leurs Lacepède, 2. 6 82 HISTOIRE NATURELLE. muscles qui, de même que ceux de ces deux dernières classes d'animaux, ne soit encore irritable, quoiqueséparé de leur corps, et long-temps après qu'ils ont perdu la vie. Que l’on rapproche maintenant dans sa pensée les différens objets que nous venons de parcourir, et leur ensemble formera un tableau général de l'état actuel de la classe des poissons. Mais cet état at-il toujours été le même ? C'est ce que nous exami- nerons dans un Discours particulier , que nous consacrerons à de nouvelles recherches. Ne tendant point alors, pour ainsi dire, à pénétrer dans les abimes des mers, nous nous enfoncerons dans les profondeurs de la terre; nous irons fouiller dans les différentes couches du globe, et recueillir, au milieu des débris qui attestent les catastrophes qui l'ont bouleversé, les restes des poissons qui vivoient aux époques de ces grandes destructions. Nous examinerons , et les empreintes, et les portions conservées dans presque toute leur essence, où converlies en pierres, des diverses espèces de ces animaux ; nous les comparerons avec ce que nous connoissons des poissons qui dans ce moment peuplent ‘les eaux douces et les eaux salées. L'observation nous indiquera les espèces qui ont disparu de dessus le globe , celles qui ont été reléguées d’une plage dans une autre, celles qui ont été légère- ment ou profondément modifiées, et celles qui ont résisté sans altération aux siècles el aux combats des élémens. Nous inter- rogerons, sur l'ancienneté des changemens éprouvés par la classe des poissons, le temps qui, sur les monts qu'il renverse, écrit l'histoire des âges de la Nature. Nous porterons surtout un œil altentif sur ces endroïts déjà célèbres pour les natura- listes, et où se trouvent réunies un très-grand nombre de ces empreintes ou de ces pétrifications de poissons. Nous étudierons surtout la curieuse collection de ces animaux que renferme dans ses flancs ce Bolca, ce mont véronais, connu depuis plusieurs années par les travaux de plusieurs habiles ichthyologistes, fa- meux maintenant par les victoires des armées françaises, tant de fois triomphantes autour de sa cime. Faisant enfin remarquer les changemens de température que paroïtront indiquer pour telle ou telle contrée les dégénérations ou l'éloignement des es- pèces, nous tâcherons, après avoir éclairé l'histoire des poissons par celle de Ja terre , d'éclairer l’histoire de la terre par celle des. poissons. Indépendamment de ces altérations très-remarquables que. | DISCOURS SUR LES POISSONS. 83 peuvent présenter les espèces de poissons , les forces de la Nature dérangées dans leur direction , ou passagèrement changées dans leurs proportions, font éprouver à ces annmaux des modifica- tions plus ou moins grandes, mais qui, ne portant que sur quelques individus, ne sont que de véritables monstruosités. On voit souvent , el surtout parmi les poissons domestiques, dont les formes ont dû devenir moins constantes , des individns sortir de leurs œufs et quelquefois se développer , les uns difformes par une trop grande extension ou un trop grand rétrécissement de certaines parties, les autres sans ouverture de la bouche, ou sans quelqu'un des organes extérieurs propres -à leur espèce ; ceux-ci avec des nageoires de plus, ceux-là avec deux têtes ; ceux-là encore avec deux têtes, deux corps, deux queues, et composés de deux animaux bien formés, bien distincts, mais réunis sous divers angles par le côté ou par le ventre. La con- noissance de ces accidens est irès-ulile ; elle découvre le jeu des ressorts ; elle montre jusqu'a quel degré l'exercice des fonctions animales est augmenté , diminué ou anéanti par la présence ou l'absence de différens organes. f Cependant la force productive non-seulement réunit , dans ses aberrations, des formes qne l’on ne trouve pas communément ensemble, mais encore peut souvent, dans sa marche régulière, et surtout lorsqu'elle est aidée par l'art, rapprocher deux espèces différentes , les combiner , et de leur mélange faire naître des in- dividus diflérens de l'un et de l'autre. Quelquefois ces individus sont féconds et deviennent la souche d’une espèce métive, mais constante, et distincte des deux auxquelles on doit rapporter son origine. D’autres fois ils peuvent se reproduire, mais sans trans- mettre leurs traits caractéristiques; et les petits auxquels ils donnent le jour rentrent dans l’une ou dans l’autre des deux ‘espèces mères. D’autres fois enfin ils sont entièrement stériles, et avec eux s'éteint tout produit de l’anion de ces deux espèces. Ces différences proviennent de l'éloignement plus où moins grand qui sépare les formes et les habitudes des deux espèces primi- tives. Nous rechercherons dans celte histoire les degrés de cet éloignement , auxquels sont attachés les divers phénomènes que nous venons de rapporter , et nous tâcherons d'indiquer les ca- ractères d’après lesquels on pourra ne pas confondre les espèces anciennes avec celles qui ont été formées plus récemment." Mais comme le devoir de ceux qui cultivent les différentes ! 84 HISTOIRE NATURELLE. branches des sciences naturelles est d'en faire servir les fruits à augmenter les jouissances de l’homme , à calmer ses douleurs et à diminuer ses maux, nous ne terminerons pas cet ouvrage sans faire voir, dans un Discours et dans des articles particuliers, tout ce que le commerce et l'industrie doivent et peuvent de- voir encore aux productions que fournit la nombreuse classe des poissons. Nous prouverons qu'il n’est presque aucune partie de ces animaux qui ne soit utile aux arts , et quelquefois même à celui de guérir. Nous montrerons leurs écailles revêtant le stuc des palais d'un éclat argentin, et donnant des perles fausses, mais brillantes, à la beauté; leur peau, leurs membranes, et surtout leur vessie natatoire ,se métamorphosant dans cette colle que tant d'ouvrages réclament, que tant d'opérations exigent, que la médecine n’a pas dédaigné d’employer; leurs arêtes et leurs vertèbres nourrissant plusieurs animaux sur des rivages très-étendus ; leur huile éclairant tant de cabanes et assouplissant tant de matières ; leurs œufs, leur laite et leur chair, nécessaires au luxe des festins somptueux, et cependant consolant l’infortunée sur l'humble table du pauvre. Nous dirons par quels soins leurs différentes espèces deviennent plus fécondes, plus agréables au * goût , plus salubres , plus propres aux divers climats ; comment on les introduit dans les contrées où elles étoient encore incon- nues ; comment on doit s’en servir pour embellir nos demeures, et répandre un nouveau charme au milieu de nos solitudes. Quelle extension , d’ailleurs, ne peut pas recevoir cet art si im- portant de la pêche , sans lequel 1l n’y à pour une nation, ni pavigation sûre, ni commerce prospère, n1 force maritime , et par conséquent ni richesse n1 pouvoir ! Quelle nombreuse po- pulation neseroit pas entretenue par l'immense récolte que nous pouvons demander tous les ans aux mers, aux fleuves, aux ri- vières, aux lacs, aux viviers, aux plus petits ruisseaux ! Les eaux peuvent nourrir bien plus d'hommes que la terre. Et com- bien d’exemples de toutes ces vérités ne nous présenteront pas, et les hordes qui commencent à sortir de l’état sauvage, et les peuples les plus éclairés de l'antiquité, et les habitans des Indes orientales, et ces Chinois si pressés sur leur vaste territoire, et plusieurs nations européennes, particulièrement les moins éloi- gnées des mers septentrionales ! Nous venons d'achever de construire la base sur laquelle re- posera le monument que nous cherchons à élever. Gravons sur NOMENCLATURE DES POISSONS. 85 une de ses faces: Le zèle le consacre à la science, à linstant mémorable où la victoire entasse les lauriers sur la tête auguste de la patrie triomphante. Puissions-nous encore y graver bientôt : La constance l’a terminé après l’époque immortelle où la grande nation , couronnée, par la paix, des épis de l’abondance, de olive des talens , et des palmes du génie , a donné le repos au monde, et reçu le bonheur des mains de la vertu ! AMAANARANAIAARAARANAAANAY AAAAAAAAARANAAYAARAAAIANUNNY ARMANARNAAI AI RARRARRS NOMENCLATURE ET TABLES MÉTHODIQUES DES POISSONS. nee us aise qui auront lu le Discours qui précède verront aisément pourquoi nous avons commencé par diviser la classe des pois- sons en deux sous-classes : celle des cartilagineux, et celle des osseux. Nous avons ensuite partagé chaque sous-classe en quatre divisions , fondées sur la présence ou Fabsence d’un opercule ou d’une membrane placés à l'extérieur, et cependant servant à compléter l'organe de la respiration, le seul qui distingue les poissons des autres animaux à sang rouge. On sent combien il a été heureux de trouver des signes aussi faciles à saisir, sans blesser l'animal, dans un des accessoires importans de son or- gane le plus essentiel. Chaque division présente quatre ordres analogues à ceux que le grand Linné avoit introduits parmi les animaux qu'il regar- doit seuls comme de véritables poissons. Nous avons assigné à chacun de ces quatre ordres un caractère simple et précis; et nous montrerons, dans un Discours sur les parties intérieures et solides des poissons, que ce caractère, nécessairement lié avec l'absence ou la posilion des os que l'on a comparés à ceux du bassin , indique de grandes différences dans la conformation intérieure. Nous comptons donc huit divisions et trente-deux ordres dans la classe des poissons. Mais les quatre divisions sont établies dans chaque sous-classe sur la présence ou l'absence des mêmes par- ties extérieures et de deux seules de ces parties; de plus, les 86 . HISTOIRE NATURELLE. quatre caractères qui séparent les quatre ordres de chaque divi- sion sont absolument les mêmes dans ces huit grandes tribus. On a donc le double avantage d’une distribution des plus symé- triques, ainsi que du plus petit nombre de signes qu’on ait em- ployés jusqu'à présent ; el par conséquent on a sous {es yeux le plan que Yon peut embrasser dans son ensemble et retenir dans ses détails avec le plus de facilité. Le tableau qui suit cet article présente cette distribution en deux sous-classes, en huit divisions, et en trente-deux ordres: il comprend aussi les genres des cartilagineux. Nous donnerons, dans un des volumes suivans, la table des genres des osseux ; que nous n'avons pas voulu publier dès aujourd’hui, afin de pouvoir y insérer les genres qui pourront être découverts par mous ou par d’autres naturalistes avant la fin de l'impression de cés deux volumes. On trouvera, à la tête de l’histoire de chaque genre, un ta- bleau de toutes les espèces qu'il renferme; et enfin l'histoire des poissons sera terminée par une table méthodique complète de loutes les divisions , de tous les ordres , de tous les genres et de toutes les espèces de ces animaux, dont nous avons reconnu bien plus de mille espèces. L'on verra quelques ordres ne présenter encore aucun genre décrit. Mais j'ai cru devoir donner au plan général loute Ja ré- gularité et toute l'étendue dont il étoit Jan et que la Nature me sembloit commander. D'ailleurs, je n’ai pas voulu que ma méthode düt être renouvelée à mesure qu'on découvrira un plus grand nombre de D j'ai désiré qu elle püt servir à inscrire toutes les espèces qu’on observera à lavenir; et j'ai été d'autant plus confirmé dans cette idée, que , depuis que j'ai commencé à faire usage de la table que je publie, plusieurs genres récemment connus sont venus, pour ainsi dire, en rem- plir quelques lacunes. J’ai adopté avec empressement l’usage de très-habiles natu- ralistes du Nord, qui ont désigné plusieurs espèces nouvellement observées, par des noms de savans, et particulièrement de na- turalistes célèbres; j'ai désiré avec eux de consacrer ainsi à la reconnoissance, el à laamiration, des espèces plulôt que des genres, parce que j'ai voulu que cet hommage füL presque aussi durable que leur gloire, les noms des espèces étant, pour ainsi dire, invariahles, et ceux des genres pouvant au contra aire chan- NOMENCLATURE DES POISSONS. 87 ger avec les nouvelles méthodes que le progres de la science en- gage à préférer. Nous avons proposé pour chaque genre des caractères aussi exacts et aussi peu nombreux que nous l'a permis la conforma- tion des animaux compris dans cette famille ; nous avons dit, dansle Discours que lon vient de lire , que lorsque nous avons divisé ces gronpes en sous-genres , nous nous sommes presque toujours dirigés d’après la forme, et par conséquent d’après l’in- fluence d’un des principanx instrnmens de la natation des pois- sons. Nous devons ajouter que, pour favoriser les rapprochemens et servir la mémoire , nous avons tâché, dans presque tous les genres, de faire reconnoitre les sous-genres ou genres secon- daires par là combinaison de la présence ou de l'absence des inêmes signes, ou par les diverses modilications des mèênres or- ganes. Au reste, nous ne nous sommes déterminés à adopter les ca- ractères que nous avons préférés pour les sous-classes, les divi- sions, les ordres, les genres, les sous-genres et les espèces, qu'après avoir examiné dans un très-grand nombre de ces espèces, el comparé , avec beaucoup d’altention, plusieurs mâles et plu- sieurs femelles de divers pays et d'âges difiérens, 88 HISTOIRE NATURELLE Cv A AV AR AY MU AV UV UV VU VU MAVAU UU UUVUUV MAVRA RAA RAA US PREMIÈRE SOUS-CLASSE. POISSONS CARTILAGINEU X. Les parties solides de lintérieur du corps, cartilagineuses. PREMIÈRE DIVISION. Poissons qui n’ont ni opercule ni membrane des branchies. PREMIER ORDRE. Poissons apodes, ou qui n’ont pas de nageoires ventrales. PREMIER GENRE. LES PÉTROMYZONS. Sept ouvertures branchiales de chaque côté du cou, un évent sur la nuque, point de nageoires pectorales, ESPÈCES. CARACTERES. J. LE PÉTROMYZON ingt rangées de dents ou environ. LAMPROIE. PAoe ë La seconde nageoire du dos anguleuse . LE PÉTROMYZON P é A PU ET PNR ne et réunie avec celle de la queue. La seconde nageoire du dos très-étroite » LE PÉTROMYZON et non anguleuse; deux appendices LAMPROYON. de chaque côté du bord postérieur de la bouche. Ca Le corps annelé; la circanférence de . LE PÉTROMYZON PL À é vie RES 4 DEAD A | EUANER la bouche garnie de papilies aiguës. Le DU PÉTROMYZON LAMPROIE. 89 PRAARANAAA ARARAA AAA VA A AAA AAA VA AAA AA VA VUS AR LA VAE VA LAALAANA AAA LE PÉTROMYZON LAMPROIE:. Cssr une grande et belle considération que celle de toutes Îles formes sous lesquelles la Nature s'est plue, pour ainsi dire, à faire paroître les êtres vivans et sensibles. C'est un immense et admirable tableau que cet ensemble de modifications successives par lesquelles l’animalité se dégrade en descendant de l'homme, et en parcourant toutes les espèces douées de sentiment et de vie jusqu'aux polypes, dont les organes se rapprochent le plus de ceux des végélaux , et qui semblent être le terme où elle achève de s’'affoiblir, se fond et disparoît pour reparoitre ensuite dans la sorte de vitalité départie à toutes les plantes. L'étude de ces dé- croissemens gradués de formes et de facultés est le but le plus 1im- “portant des recherches du naturaliste, et le sujet le plus digne des méditations du philosophe. Mais c'est principalement sur les endroits où les intervalles ont paru les plus grands, les transi- tions les moins nuancées, les caractères les plus contrastés, que l'attention doit se porter avec le plus de constance ; et comme c'est au milieu de ces intervalles plus étendus que l’on a placé avec raison les limites des classes des êtres animés, c'est nécessaire- ment autour de ces limites que l’on doit considérer les objets avec le plus de soin. Cest là qu’il faut chercher de nouveaux anneaux pour lier les productions naturelles. C’est là que des conforma- tions et des propriétés intermédiaires, non encore reconnues, pourront, en jetant une vive lumière sur les qualités et les formes qui les précéderont ou les suivront dans l'ordre des dé- gradations des êtres , indiquer leurs relations, déterminer leurs ellets et montrer leur étendue. Le genre des pétromyzons est donc de tous les genres de poissons, et surtout de poissons carti- lagineux, l’un de ceux qui méritent le plus que nous les obser- vions avec soin et que nous les décrivions avec exactitude. Placé, L À “ ? Lampetra et lampreda, eu latin ; /ampreda, en Italie; lamprey, ou lamprey eel, en Angleterre ; lampretee, en Allemagne; prbale, dans quelques -_ départemens méridionaux de France, et dans la première ou la seconde année de sa vie. + go HISTOIRE NATURELLE en eflet , à la tête de la grande classe des poissons , occupant l'ex- irémité par laquelle elle se rapproche de celle des serpens, il l'attache à ces animaux non-seulement par sa forme extérieure et par plusieurs de ses habitudes, mais encore par sa conforma- tion interne , et surtout par l’arrangement et la contexture des diverses parties du siége de la respiration, organe dont la com- position constitue l’un des véritables caractères distinctifs. des poissons. . On diroit que la puissance créatrice, après avoir, en formant les reptiles, élendu la matière sur une très-grande longueur , après l'avoir contournée en cylindre flexible, lavoir jetée sur la partie sèche du globe , et ly avoir condamnée à s'y traîner par des ondulations successives sans le secours de mains, de pieds, ni d’aucun organe semblable, a voulu, en produisant le pétromyzon , qu'un être des plus ressemblans au serpent peu- plât aussi le sein des mers ; Frs de même, qu’arrondi éga- lement, qu'aussi souple, qu’aussi privé de toute partie corres- pondante : à des pieds ou à des mains, il ne se müt au milieu des eaux qu'en se pliant en arcs asile fois répétés , et ne put que ramper au travers des ondes. On croiroit que, pour faire naïtre cet ètre si analogue, pour donner le jour au pétromyzon, le plonger dans les eaux de Focéan, et le placer au milieu des ro- chers recouverts par les flots, elle n’a eu besoin que d’approprier Je serpent à un nouveau fluide, que de modifier celui de ses or- ganes qui avoit été façonné pour latmosphére au milieu de la- quelle il devoit vivre, que de changer la forme de ses poumons, d’en isoler les cellules, d'en multiplier les surfaces et de lui don- ner ainsi la faculté d'obtenir de l’eau des mers ou des rivières les principes de force qu'il n’auroit dus qu’à Fair atmosphérique. Aussi l'organe de la respiration des pélromyzons ne se retrouve- t-il dans aucun autre genre de poissons ; el presque autant éloi- gné par sa forme des branchies parfaites que de véritables pou- mons , il est cependant la principale différence qui sépare ce pre- nier genre des carlilagineux de la classe des serpens. Voyons donc de plus près ce genre remarquable ; examimons surtout l'espèce la plus grande des quatre qui appartennent à ce groupe d'animaux, et qui sont les seules que l’on ait recon- nues jusqu’à présent dans cette famille. Ces quatre éspèces se res- semblent par tant de points, que les trois les moins grandes ne paroissent que de légères aliérations de la principale, à laquelle DU PÉTROMYZON LAMPROIE. ot par conséquent nous consacrerons le plus de temps. Observons donc de près le pétromyzon lamproie, et commençons par sa forme extérieure. Au-devant d’un corps tres-long et cylindrique, est une tête étroite et allongée. L'ouverture de la bouche , n'étant contenue par aucune parte dure et solide, ne présente pas toujours le même contour ; sa conformation se prête aux différens besoins de l'animal : mais le plus souvent sa forme est ovale ; et c’est un peu au-dessous de l'extrémité du museau qu'elle est placée. Les dents un peu crochues, creuses , et maintenues dans de simples cellules charnues, au lieu d’être attachées à des mâchoires os- seuses, sont disposées sur plusieurs rangs et s'étendent du centre à la circonférence. Communément ces dents forment vingt ran- gées , et sont au nombre de cinq ou six dans chacune. Deux autres dents plus grosses sont d’ailleurs placées dans la partie an- térieure de la bouche ; sept autres sont réunies ensemble dans la partie postérieure ; et la langue, qui est courte et échancrée en croissant, est garnie sur ses bords de très-petites dents. Auprès de chaque œil sont deux rangées de petits trous, l’une de quatre et l’autre de cinq. Ces petites ouvertures paroissent être les orifices des canaux destinés à porter à la surface du corps cette humeur visqueuse , si nécessaire à presque tous les pois- sons pour entretenir la souplesse de leurs membres, et particu- hèrement à ceux qui, comme les pétromyzons, ne se meuvent que par des ondulations rapidement exécutées. La peau qui recouvre le corps et la queue, qui est très-courte, ne présente aucune écaille visible pendant la vie de la lamproie, et est toujours enduite d’une mucosité abondante qui augmente Ja facilité avec laquelle l'animal échappe à la main qui le presse et qui veut le retenir. Le pétromyzon iamproie manque , ainsi que nous venons de le voir, de nageoires pectorales et de nageoires ventrales ; il a deux nageoires sur le dos, une nageoire au-delà de l'anus, et une quatrième nageoire arrondie à l’extrémité de la queue : mais ces quatre nageoires sont courtes et assez peû élevées ; et ce n'est presque que par la force des muscles de sa queue et de la partie postérieure de son corps, ainsi que par la faculté qu'il a de se plier promptement dans tous les”sens et de serpenter au milieu des eaux, qu’il nage avec constance et avec vitesse. La couleur générale de la lamproie est verdâtre, quelquefois. 92 HISTOIRE NATURELLE marbrée de nuances plus ou moins vives ; la nuque présente souvent une tache ronde et blanche ; les nageoires du dos sont orangées , et celle de la queue est bleuâtre. : Derrière chaque œil , et indépendamment des neuf petits tous que nous avons déjà remarqués , on voit sept ouvertures moins petites , disposées en ligne droite comme celles de l'instrument à vent auquel on a donné le nom de fläte : ce sont les orifices des branchies, ou de l'organe de la respiration. Cet organe n'est point unique de chaque côté du corps,comme dans tous les autres genres de poissons ; il est composé de sept parties qui n'ont l’une avec lPautre aucune communication immédiate. Il consiste, de chaque coté, dans sept bourses on petits sacs, dont chacun répond, à l'extérieur, à l'une des sept ouvertures dont nous venons de par- ler, et communique du côté opposé avec l'intérieur de la bouche par un ou deux petits trous. Ces bourses sont inclinées de der- rière en avant, relativement à la ligne dorsale de l'animal ; elles sont revêtues d’une membrane plissée, qui augmente beaucoup les points de contact de cet organe avec le fluide qu’il peut con- tenir; et la couleur rougeâtre de cette membrane annonce qu'elle est tapissée non-seulement de petits vaisseaux dérivés des arlères branchiales, mais encore des premières ramifications des autres vaisseaux, par lesquels le sang, revivifié, pour aimsi dire, dans le siége de la respiralion , se répand dans toules les portions du corps qu'il anime à son tour. Ces diverses ramifications sont assez multipliées dans la membrane qui revet les bourses respiratoires , pour que le sang, réduit à de trés-petiles molécules, puisse exercer une lrès-grande force d’affinité sur le fluide conteau dans les quatorze petits sacs, et que toutes les décompositions et es combinaisons nécessaires à la circulaliotr et à la vie puissent y être aussi facilement exécuiées que dans des organes beaucoup plus divisés, dans des parties plus adapiées à lhabitation ordi- haire des poissons, et dans des branchies telles que celles que nous verrons dans tous les autres genres de ces animaux. El se pourroit cependant que ces diverses compositions et décompo- silions ne fussent pas assez promptement opérées par des sacs ou bourses bien plus semblables aux poumons des quadrupèdes , des oiseaux et des reptiles, que les branchies du plus grand nombre de poissons ; que les pétromyzons souffrissent lorsqu'ils ne pour- roient pas de temps en temps, et quoiqu’a des époques très-éloi- gneées l'une de l'autre, remplacer le fluide des mers et des rivières DU PÉTROMYZON LAMPROIE. 93 par celui de l'atmosphère ; et cette nécessité s'accorderoit avec ce qu'ont dit plusieurs observateurs, qui ont supposé dans les pé- tromyzons une sorte d'obligation de s'approcher quelqnelois de la surface des eaux, et d’y respirer pendant quelques momens l'air atmosphérique. On pourroit aussi penser que c'est à cause de la nature de leurs bourses respiratoires, plus analogue à celle des véritables poumons que celle des branchies complètes, que les pétromyzons vivent facilement plusieurs jours hors de l'eau. Mais, quoi qu'il en soit, voici comment l’eau circule dans cha- cun des quatorze petits sacs de la lam proie. Lorsqu'une certaine quantilé d’eau est entrée par la bouche dans la cavité du palais, elle pénètre dans chaque bourse par les orifices intérieurs de ce petit sac, et elle en sort par l’une des qua- torze ouvertures extérieures que nous avons comptées. Il arrive souvent au contraire que lanimal fait entrer l'eau qui lui est nécessaire par l’une des quat orze ouvertures , et la fait sortir de la bourse par les orifices intérieurs qui aboutissent à la cavité du palais. L'eau parvenue à cette dernière cavité peut s'échapper par la bouche, ou par un trou ou évent que la lamproie, ainsi que tous les autres pétromyzons, a sur le derrière de la tête. Cet évent, que nous retrouverons double sur la tête de très-grands poissons cartilagineux , sur celle des raies et des squales, est ana- Jogue à ceux que présente le dessus de la tête des cétacées , et par lesquels ils font jaillir l'eau de la mer à une grande hauteur, et forment des jets d'eau que l'on peut apercevoir de loin. Les pé- tromyzons peuvent également, et d’une manière proportionnée à leur grandeur et à leurs forces, lancer par leur évent Peau sur- abondante des bourses qui leur tiennent lieu de véritables bran- chies. Et sans ceite issue particulière, qu'ils peuvent ouvrir ét fermer à volonté en écarlant ou rapprochant les membranes qui en garnissent la circonférence, ils seroient obligés d’inlerrompre très-souvent une de leurs habitudes les plus constantes”, qui leur a fait donner le nom qu'ils portent :, celle de s'attacher par je moyen de leurs fèvres souples et très-mobiles, et de leurs cent ou cent vingt dents fortes et crochues, aux rochers des rivages, aux bas-fonds limoneux , aux bois su bmergés , et à plusieurs autres corps : Au reste, 1l est aisé de voir que c’est en élargis- Re ? Pétromyzon signifie suce-pierre. * Les pétromyzons peuvent ainsi s'attacher avec force à diférens corps. Ou a + HISTOIRE NATURELLE sant où en comprimant leurs bourses branchiales , ainsi qu’en ouvrant ou fermant les orifices de ces bourses , que les pétro- myzons rejettent l’eau de leurs organes , où l'y font pénétrer. Maintenant, si nous jetons les yeux sur l’intérieur de ia lam- proie , nous lrouverons que les parties les plus solides de son corps ne consistent que dans une suite de vertébres entièrement dénuées de côtes, dans une sorte de longue corde cartilagineuse et flexible qui renferme la moelle épinière, et qui, composant l'une des charpentes animales les plus simples, établit un nou- veau rapport entre le genre des pétromyzons et celui des sépies, et forme ainsi une nouvelle liaison entre la classe des poissons et la nombreuse classe des vers. Le canal alimentaire s'étend depuis la racine de la langue jus- qu'a l'anus presque sans sinuosités , et sans ces appendices ou petits canaux accessoires que nous remarquerons auprès de l’es- tomac d’un grand nombre de poissons; et cette conformation, qui suppose dans les sucs digestifs de la lamproiïe une force très- active’ , leur donne un nouveau trait de ressemblance avec les serpens *. L'oreillette du cœur est très-grosse à proportion de létendue du ventricule de ce viscère. Les ovaires occupent dans les femelles une grande partie de la cavité du ventre, et se terminent par un petit canal cylindrique et saillant hors du corps de l'animal , à l'endroit de l’anus. Les œufs qu'ils renferment sont de la grosseur de graines de pavot, et de couleur d'orange. Leur nombre est tres-considérable. C’est pour s’en débarrasser, ou pour les féconder lorsqu'ils ont élé pon- dus, que les lamproies remontent de la mer dans les grands fleuves, et des grands fleuves dans les rivières. Le retour du prin- temps est ordinairement le moment où elles quittent leurs re- traites marines pour exécuter cette espèce de voyage périodique. Mais le temps de leur passage des eaux salées dans les eaux douces est plus où moins retardé ou avancé suivant les changemens qu'éprouve la température des parages qu’elles habitent. Elles se nourrissent de vers marins ou fluviatiles , de poissons vu une lamproie qui pesait quinze hectogrammes (trois livres) enlever avee sa bou- che un poids de six kilogrammes (douze livres ou à peu près). 1 Voyez le Discours sur la nature des poissons. à 2 Voyez l'Histoire naturelle des serpens, et particulièrement le Discours sux la nature de ces animaux. ” DU PÉTROMYZON LAMPROIE. 95 très-jeunes, et, par un appétit contraire à celui d’un grand nom- bre de poissons, mais qui est analogue à celui des serpens , elles se contentent aisément de chair morte. Dénuées de fortes mâchoires, de dents meurtrières, d’aiguil- lons acérés, n'élant garanties ni par des écailles dures, ni par des _tubercules solides, ni par une croûte osseuse, elles n’ont point d'armes pour attaquer, et ne peuvent opposer aux ennemis qui les poursuivent que les ressources des foibles, une retraite quel- quefois assez constante dans des asiles plus où moins ignorés, l'agi- lité des mouvemens, et la vitesse de la fuite. Aussi sont-elles fréquemment la proie des grands poissons, tels que l’ésoce bro- chet et le silure mâle, de quadrupèdes tels que la loutre et le chien barbet , et de l’homme , qui les pêche non-seulement avec les instrumens connus sous le nom de 7zasse * et de louve? , mais encore avec les grands filets. Au resle, ce qui conserve un grand nombre de lamproies , malgre les ennemis dont elles sont environnées , c’est que des blessures graves, et mème mortelles pour la plupart des poissons, ne sont point dangereuses pour les pétromyzons; et même, par une conformité remarquabie d'organisation et de facultés avec les serpens, et particulièrement avec la vipère , ils peuvent per- dre de très-grandes portions de leur corps sans être à l'instant privés de la vie ; et l’on a vu des lamproies à qui il ne restoit * On nomme ainsi une espèce de panier d’osier ou de jonc, et fait à claire- voie, de manière à laisser passer l’eau et à retenir le poisson. La masse a un ou plusieurs goulets composés de brins d’osier que l’on attache en dedans de telle sorte qu’ils soient inclinés les uns vers les autres. Ces brins d’osier sont assez flexibles pour être écartés par le poisson, qui pénètre ainsi dans la masse; mais lorsqu'il veut en sortir, les osiers présentent leurs pointes réunies qui lui fermens le passage. 2 On appelle Zouve ou loup une espèce de filet en nappe, dont le milieu fornte une poche, et que l’on tend verticalement sur trois perches, dont deux soutien- rent les extrémités du filet, et dont la troisième , plus reculée, maintient le mi- lien de cet instrument. On oppose le filet au courant de la marée ; et lorsque le poisson y est engagé, on enlève dun sol deux des trois perches, et on amène le filet dans le bateau pêcheur. Quelquefois on attache le filet sur deux perches par les extrémités. Deux hom- mes tenant chacun une de ces perches s’avancent au milieu des eaux de la mer en présentant à la marée montante l’ouverture de leur filet, auquel l’effort de l’eau donne une courbure semblable à celle d’une voile enflée par le vent. Quand il y a des poissons pris dans le filet, 1ls achevent de les y envelopper en rapprochant les deux perches l’une de l’autre. 96 ‘HISTOIRE NATURELLE plus que la tête et la partie antérieure du corps, coller encore leur bouche avec force, et pendant plusieurs heures, à des sub- tances dures qu’on leur présenloit. Elles sont d'autant plus recherchées par les pêcheurs, qu’elles parviennent à une grandeur assez considérable. On en a pris qui pesoient trois kilogrammes (six livres où environ ); et lorsqu'elles pèsent quinze hectogrammes (trois livres ou environ ), elles ont déjà un mètre (trois pieds ou à peu près) de longueur *. D'ail- leurs leur chair, quoiqu’un peu difficile à digérer dans cer- taines circonstances, est très-délicate lorsqu'elles n'ont pas quitté depuis long- temps les eaux salées; mais elle devient dure et de mauvais goûl lorsqu'elles ont fait un long séjour dans l'eau douce, et que la fin de la saison chaude ou tempérée ramène le temps où elles regagnent leur habitation marine *, suivies, pour ainsi dire, des petits auxquels elles ont donné le jour. L'on pêche quelquelois un si grand nombre de lamproies, qu’elles ne peuvent pas être promptement consommées dans les endroits voisins des rivages auprès desquels elles ont élé prises ; on les conserve alors pour des saisons plus reculées ou des pays plus éloignés auxquels on veut les faire parvenir, en les faisant griller et en les renfermant ensuite dans des barils avec du vinai- gre et des épices. Au reste, presque tous les climats paroissent convenir à la lamproie : on la rencontre dans la mer du Japon, aussi-bien que dans celle qui baigne les côtes de l'Amérique méridionale ; elle habite la Méaiterranée Ÿ, et on la trouve dans l'Océan ainsi que dans les fleuves qui s’y jettent, à des latitudes irés-éloignées de l’équateur. 1 Il est inutile de réfuter l'opinion de Rondelet et de quelques autres auteurs, qui ont écrit que la lamproie ne vivoit que deux ans 2 Suivant Pennant, la ville de Glocester ; dans la Grande-Bretagne, est dans l'usage d'envoyer tous les ans, vers les fêtes de la Noël, un pâté de lamproies au roi d'Angleterre. La difficulté de se procurer des pétromyzons pendant l'hiver, saison durant laquelle 1ls paroissent très-peu fréquemment près des rivages, a yraisembiablement déterminé le choix de la ville de Glocester. 3 Elle étoit connue de Galien, qui en a parlé dans son Traité des alimens ; et il paroît que c’est à ce pétromyzon qu'il faut rapporter ce quiest dit dans Athénée d’une murène fluviatile . ce que Strabon a écrit de sangsues de sept coudées et à branchies percées, qui remontoient dans un fleuve de la Libye, et peut-être même le vrai mêlé de faux et d’absurde qu'Oppien a raconté d’une espèce de pois- son qu'il nomme echeneës. DU PÉTROMYZON PRICKA. 97 AAA AA AAA AAA AAA AAA AAA AA AAA MAAAAAANAUES LE PÉTROMYZON PRICKA :. | Ce pétromyson diffère de la lamproie par quelques traits re- marquables. Il ne parvient jamais à une grandeur aussi consi- dérable, puisqu'on n’en voit guére qui aient plus de quatre dé- cimètres (environ quinze pouces) de longueur, tandis qu’on a pêché des lamproies longues de deux mètres ( six pieds, ou à peu près). D'ailleurs les dents qui garnissent la bouche de la pricka ne sont ni en même nombre n1 disposées de même que celles de la famproie. On voit d'abord un seul rang de très-petites dents pla- cées sur la circonférence de l'ouverture de la bouche. Dans l’in- iérieur de ce contour et sur le devant paroit ensuite une rangée de six dents également très-petites; de chaque côté et dans ce mème intérieur sont trois dents échancrées ; plus près de l'entrée de la bouche, on aperçoit sur le devant une dent ou un os épais et en croissant , et sur le derrière un os allongé, placé en travers, et garni de sept petites pointes ; plus loin encore des bords exté- rieurs de la bouche , on peut remarquer un second os découpé en sept pointes; et enfin à une plus grande profondeur se trouve une dent ou pièce cartilagineuse. De plus, la seconde nageoiïre du dos touche celle de la queue, se confond avec cette dernière au lieu d’en être séparée comme dans la lamproiïe, présente un angle saillant dans son contour supérieur ; et enfin les couleurs de la pricka sont diflérentes de celles du pétromyzon lamproiïe. Sa tête est verdâtre, ses nageoires sont violettes; le dessus du corps est noirâtre, ou d’un gris tirant * Prick, brike, neunauge, en Allemagne; neunaugel, en Autriche ; minop, en Pologne ; minoggi, en Russie; si/muhd, uchsa, silmad , en Estonie; nat- ting , et neunogen, en Suède; lampern , et lamprey cel, en Angleterre. Le nom vulgaire de nein-oga, neinauge ( neuf yeux ), que l’on donne dans presque tout Le Nord aux pétromyzons, ainsi que celui de Jaatzmo unagi ( huit yeux ), dont on se sert dans le Japon pour ces mêmes animaux, et de même que plusieurs autres noms analogues, doivent venir de quelque erreur plus ou moins ancienne, qui aura fait considérer comme des yeux les trous respiratoires que l’on voit de chaque côté du corps des pétromyzons, et que quelques auteurs ont indi- qués comme étant au nombre de huit , et même de neuf, ZLacepède. 2. 7 98 HISTOIRE NATURELLE sur le bleu ; les côtés présentent quelquefois une nuance jaune ; le dessous du corps est d’un blanc souvent argenté et éclatant ; et au lieu de voir sur le dos des taches plus ou moins vives comme sur la lamproie, on y remarque de petites raies transversales et ondulantes. Mais dans presque tous les autres points de la conformation ex- térieure et intérieure, les deux pétromyzZons que nous comparons l'un avec l’autre ne paroissent être que deux copies d’un même modele. Les yeux ont également, dans les deux espèces, un iris de cou- leur d’or ou d’argent, el parsemé de petits points noirs, et sont également voilés par une membrane transparente, qui est une prolongation de la peau qui recouvre la tête. Une tache blanchâtre ou rougeâtre paroît auprès de la nuque de la pricka comme auprès de celle de la lamprote. Fi n’y a dans la pricka ni nageoires peclorales n1 nageoires ven- trales : celles du dos sont soutenues, comme dans la lamproie, par des tartilages très-nombreux, assez rapprochés, qui se divi- sent vers leur sommet , et dont on ne peut bien reconnoitre la contexture qu'après avoir enlevé la pean qui les recouvre. La pricka a en outre tous ses viscères conformés comme ceux de la lamproie. Son cœur , son foie , ses ovaires , ses vésicules sé- minales , sont semblables à ceux de ce dernier poisson. Comme dans ce pétromyson , le tube intestinal est sans appendices et presque sans sinuosilés; l'estomac est fort musculeux, et capable de produire, avec des sucs gastriques très-actifs , les promptes di- gestions que paroit exiger un canal alimentaire presque droit. Ét pour terminer ce parallèle, le pétromyzon pricka respire, comme la lamproiïe, par quatorze pelites bourses semblables à celles de ce derniér animal. Montrant d’ailleurs, comme ce cartilagineux , un nouveau rapport avec les animaux qui ont de véritables poumons, il fait correspondre des gonflemens et des contractions alternatifs d’une grande partie de son corps aux dilatations et aux com- pressions alternatives de ses organes respiraloires. D’après tant de ressemblances, qui ne croiroit que les habi- tudes de la pricka ont la plus grande conformité avec celles de la lamproiïe ? Cependant elles différent les unes des autres dans un point bien remarquable, dans l'habitation. La lam proie passe une grande partie de l’année, et particulièrement la saison de l'hiver, au milieu des eaux salées de l'Océan ou de la Méditerranée : la DU PÉTROMYZON PRICKA. 58 pricka demeure pendant ce même temps, el dans quelque pays qu'elle se trouve, au nulieu des eaux douces des lacs de l'intérieur des continens et des iles; et voilà pourquoi plusieurs naturalistes lui ont donné le nom de fluviatile ; qui rappelle l'identité de na- ture de l'eau des lacs et de celle des fleuves, pendant qu’ils ont appelé la lamproie le pétremyzon marin. Nous n'avons pas besoin de faire remarquer de nouveau ici que parmi les pétromyzons, ainsi que dans Presque loutes Les familles de poissons, les espèces marines, quoique très-ressemblantes aux espèces fluviatiles, sont toujours beaucoup plus grandes !: ét nous ne croyons pas non plus devoir rejlacer dans cet article les conjectures que nous avons déjà ex posées sur la cause qui déter- mine au milieu des eaux de la mer le séjour d'espèces qui ont les plus grands caractères de conforinité dans leur organisation ex- térieure el intérieure avec celles qui ne vivent qu’au milieu des eaux des fleuves ou des rivières *. Mais, quoi qu’il en soit de ces conjectures, la même puissance qui oblige vers le retour du prin- temps les lamproies à quitter les plages niani imes; et à passer dans les fleuves qui y portent lenrs eaux, contraint également, et vers la même époque, les pétromyzons prickas à quitter les laés dans le fond desquels ils ont vécu pendant la saison du fi oid, et à s'engager dans les fleuves et dans les rivières qui s'y jettent ou en sortent. Le même besoin de trouver une température convez= nable, un aliment nécessairé , et un sol assez voisin de la surface de l’eau pour être exposé à l'influence des rayons du soleil, dé termine les femelles des prickas, comme celles des lamproies, 4 préférer le séjour des fleuves et des rivières à ioute autre habita= tion , lorsqu'elles sont pressées par le poids fatisant d’un très- grand nombre d'œufs; et l'attrait irrésistible qui contraint les mâles à suivre les femelles encore pleines , ou les œufs qu’ellks ont pondus et qu’ils doivent féconder, agissant également sur les pé- tromyzons des lacs et sur ceux de la mer, les pousse avec la meme violence et vers la même saison dans les eaux courantes des ri- vières et des fleuves. | Lorsque l'hiver est prés de régner de nouveau, toutes les Opé< rations relatives à la ponte sont terniinées depuis long-temps ; les œufs sont depuis long-temps non-seulement fécondés, mais éclos; x Voyez le Discours sur da nature des poissons. 3 did. ige HISTOIRE NATURELLE les jeunes prickas ont atteint un degré de développement assez grand pour pouvoir lutter contre le courant des fleuves etentre- prendre des voyages assez longs. Elles partent presque toutes alors avec les prickas adultes, et se rendent dans les différens lacs d’où leurs pères et mères étoient venus dans le printemps précédent , et dont le fond est la vérilable et la constante habitation d’hiver de ces pétromyzons parce que ces carlilagineux y trouvent alors, plus que dans les rivières, et la température et la nour! riture qui leur conviennent. Au reste, on rencontre la pricka non-seulement dans un très -orand nombre de contrées de l’Europe et de l'Asie, mais encore de l'Amérique , et particulièrement de l'Amérique méri- dionale. On a écrit que sa vie éloit tres-courte et ne s’étendoit pas au- delà de deux ou trois ans. Il est impossible de concilier cette as- serlion avec les faits les plus constans de l’histoire des poissons ?; et d’ailleurs elle est contredite par les observations les plus pré- cises faites sur des individus de cette espèce. Les prickas, ainsi que les lamproiïes, peuvent vivre hors de l'eau pendant un temps assez long. Cette faculié donne la facilité de Les transporter en vie à des distances assez grandes des lieux où elles ont été pèchées ; mais on peut augmenter cette facilité pour cette espèce de poisson , ainsi que pour beaucoup d’autres, en les tenant, pendant le transport, enveloppées dans de la neige, ou dans de Ja glace. Lorsque ce secours est trop foible, relative- ment à l'éloignement des pays où lon veut envoyer les prickas, on renonce à les y faire parvenir en vie : on a recours au moyen dont nous avons parlé en traitant de la lamproie ; on les fait gril- ler , et on les renferme dans des tonneaux avec des épices et du vinaigre posées aux poursuites des mêmes ennemis que la lamproie, elles sont d’ailleurs recherchées non-seulement pour la nourriture de l’homme, comme ce dernier pétromyzon , mais encore par toutes les grandes associations de marins qui vont à la pêche de la morue , du turbot, et d’autres poissons, pour lesquels ils s'en ser- vent comme d'appät; ce qui suppose une assez grande fécondité dans cette espèce, dont les femelles contiennent en effet un très- grand nombre d'œufs. Do PP ED t Discours sur la nature des poissons. DU PÉTROMYZON LAMÆeROYON. 104 RAA AAA AAA AAA AV AE LUE VUE VE VB AAA VU ULR VRAVUUVR LUEUR LUE LULU LV LE PÉTROMYZON LAMPROYON :. S la lamproie est le pétromyzon de la mer, et la pricka celui des lacs, le lamproyon est véritablement le pétromyzon des fleuves et des rivières. Il ne les quitte presque jamais, comme la pricka et la lamproie, pour aller passer la saison du froid dans le fond des lacs ou dans les profondeurs de la mer. Ce n’est pas seulement pour pondre ou féconder ses œufs qu'il se trouve au milieu des eaux courantes; 1l passe toute l’année dans les rivières ou dans les fleuves; 1il y exécute toutes les opérations auxquelles son organisa- tion l'appelle; il ne craint pas de s’y exposer aux rigueurs de l'hiver ; et s’il s’y livre à des courses plus ou moins longues, ce n'est point pour en abandonner le séjour , mais seulement pour en parcourir les différentes parties , et choisir les plus analogues à ses goûts et à ses besoins. Aussi mériteroit-il l’épithète de /2u- viatile bien mieux que la pricka , à laquelle cependant elle a été donnée par un grand nombre de naturalistes, mais à laquelle nous avons cru d'autant plus devoir l’ôter, qu’en lui conservant le nom de pricka , nous nous sommes conformés à l'usage des ha- bitans d’un grand nombre de contrées de l'Europe, et à l'opi- nion de plusieurs auteurs très-récens. Pour ne pas introduire ce- pendant un nouvelle confusion dans la nomenclature des pois- sons , nous n'avons pas voulu donner le nom de fluviatile au pé- tromyzon qui nous occupe , et nous avons préféré de le désigner par celui de /amproyon, sous lequel il est connu dans plusieurs pays et indiqué dans plusieurs ouvrages. Ce pétromyzon des rivières est conformé à l'extérieur ainsi qu’à l'intérieur comme celui des mers : mais il est beaucoup plus petit que la lamproie , et même plus court et plus mince que la pricka ; il ne parvient ordinairement qu'à la longueur de deux décimè- tres (un peu plus de sept pouces). D'ailleurs les muscles et les tégumens de son corps sont disposés et conformés de manière à 1 Lamprillon et chatillon, dans plusieurs départemens méridionaux de France ; sept-œil, dans plusieurs départemens du nord ; &Zind lampreyÿ, dans plusieurs cantons de l'Angleterre. , to2 HISTOIRE NATURELLE. le faire paroître comme annelé ; ce qui lui donne une nouvelle ressemblance avec les serpens et particulièrement avec les am- phisbènes et les céciles ‘. D: plus, ce n'est que dans l’intérieur et vers le fond de sa bouche que l'on peut voir cinq ou six dents et un osselet demi circulaire ; ce qui à fait écrire par plusieurs na- turalistes que le lamproyon étoit entièrement dénué de dents. Il a aussi le bord postérieur de sa bouche divisé en deux lobes, et les nageoires du dos très-basses, et terminées par une ligne courbe, au lieu de présenter un angle. Ses yeux, voilés par une membrane, sont d'ailleurs très-pelils ; et c'est ce qui a fait que quelques naturalistes lui ont donné l'épithete d’aveugle, en le réunissant cependant, par une contradiction et un défaut dans la nomenclature assez extraordinaires, avec le nom de neu/-yeux ( neunauge ) employé pour presque tous kes pélromyzons. Le corps trés-court et très-menu du lamproyon est d’un diamètre plus étroit dans ses deux bouts que dans son milieu , comine ce- lui de plusieurs vers; et les couleurs qu'il présente sont, le plus souvent, le v1câtre sur le dos, le jaune sur les côtés, et le blane sur le ventre, sans taches ni rates. Sa manière de vivre dans les rivières est semblable à celle de la pricka et de la lamproie dans les fleuves, dans les lacs, où dans la mer , 1} s'attache à différens corps solides ; et même faisant quel- quefois pa ser facilement l'extrémité assez déliée de son museau au-dessous de Fopercule et de la membrane des branchies de grands poissons, 1l se cramponne à ces mêmes branchies , et voilà pourquoi Linné l’a nommé pétromyzon brancliiul. Il est très-bon à manger; et, perdant la vie peut-être plus difficilement encore que les autres pélromyzons qui le surpas- sent en grandeur, on le recherche pour le faire servir d’appât aux poissons qui n'aiment à faire leur proie que d'animaux en- core VIVans. PARA ANR LUNA TALR VER NAAAAR À LA AARARS VRAI AE EAN VS VUS à AE AAA MAUVE EUR LE PÉTROMYZON PLANER. Dis toutes les eaux on trouve quelque espèce de pétromyzon: dans la mer la lamproie, dans les lacs la pricka, dans les fleuves 3 Voyez l'IListoire naturelle des serpens. Tome 2 | [I] lretre pinx ; ete Coignet Se’. 4 1.Le Petromyzon planer ........ Page 102. ; o.] Pe 4 = PA see Lee RoMyZ ON ENONCE T EE MMANCEAES 104. 3-Le Petromyron.sucets. UP CET oO Le 4. La tete endessous avec la bouche et les dentr AE 1] , SUPPLÉMENT DES PÉTROMYZONS. 103 le lamproyon. Nous allons voir le planer habiter de très-petites rivicres. C'est dans celles de la Thuringe qu’il a été découvert par 1e professeur Planer d'Erford ; et c'est ce qui a engagé Bloch à lui donner le nom de planer, qu’une reconnoïssance bien juste en- vers ceux qui ajoutent à nos connoissances en histoire naturelle nous commande de conserver. Plus long et plus gros que le lam- proyon ,ayant les nageoires dorsales plus hautes, mais paroiïssant annelé comme ce dernier cartilagineux , il est d’une couleur oli- vâtre, et distingué de plus des autres pétromyzons par les petits tubercules ou verrues aiguës qui garnissent la circonférence de l'ouverture de sa bouche, par un rang de dents séparées les unes des autres , qui sont placées au - delà de ces verrues, et par une rangée de dents réunies ensemble, que l’on aperçoit au-delà des dents isolées. Lorsqu'on plonge le planer dans de l'alcool un peu affoibli., il y vit plus d’un quart d'heure en s’agitant violemment et en témoignant, par les mouvemens convulsifs qu'il éprouve , l'ac- tion que l'alcool exerce particulièrement sur ses organes respi- xatoires. AAA AAA AAA AAA AA AA RAA VAR AREA AVR AE AAA AAA AAA AAA AS AAA | SUPPLÉMENT AU TABLEAU DU GENRE DES PÉTROMYZONS. a ESPÈCES; CARACTÈRES.' Les yeux très-petits ; la partie de l’ani- mai dans laquelle les branchies sont situées , plus grosse que le corps pro- r pénal les nageoires du dos tres asses ; celle de Ja queue , lancéolée ; © Ja couleur générale, d’un rouge de sang , ou d’un rouge de brique. 5... PÉTROMYZON ROUGE. L'ouverture de la bouche très-grande, et plus large que la tête ; un,grand ô. PÉTROMYZON sUCET. nombre de dents petites et couleur d'orange; neuf dents doubies auprès du gosier. io4 HISTOIRE NATURELLE LE PÉTROMYZON ROUGE :. Nous donnons ce nom à un pétromyzon dont le savant et zélé naturaliste M. Noël, de Rouen, a bien voulu nous envoyer un dessin colorié. Ce poisson se trouve dans la Seine’, et est connu des pêcheurs sous le nom de sept-œil rouge à cause de sa couleur, ou d’aveugle à cause de l'extrême petitesse de ses yeux. On se représentera aisément l'ensemble de ce cartilagineux, qui a beau- coup de rapports avec le lamproyon, si nous ajouions à ce que nous venons de dire de cet animal dans le supplément au tableau des pétromyzons , que l'ouverture de la bouche du rouge est beau- coup plus petite que le diamètre de la partie du poisson dans la- quelle les branchies sont renfermées ; que la surface supérieure de la tête , du corps et de la queue, offre une nuance plus fon- cée que les côtés, et que des teintes sanguinolentes se font parti- culièrement remarquer auprès des ouvertures des organes de la respiration. RARARARRSAS AURA AR AR RAA RAA RAA RAS AR A RAA UE VAR AAA AA AAA VUE déco dct : + LE PÉTROMYZON SUCET :. a Ce encore à M. Noël que nous devons la description de ce pé- tromyzon, que les pêcheurs de plusieurs endroits situés sur les rivages de la Seine inférieure ont nommé sucet Ÿ. Il se rapproche beaucoup du lamproyon, ainsi que le rouge ; mais il diffère de ces deux poissons, et de tous les autres pétromyzons déjà connus, par des traits très-distincts. Sa longueur ordinaire est de deux décimètres. Son corps est cylindrique; les deux nageoires dorsales sont 2 Petromyzon ruber. ? Petro myzon sanguïsuga. 5 Lettre de M. Noël à M. le comte de Lacepède, du meis de prairial an 7. DU PÉTROMYZON SUCET. ins basses, un peu adipeuses, et la seconde s'étend presque jusqu'à celle de la queue. La tête est large; les yeux sont situés assez loin de l'extrémité du museau , plus grands à proportion que ceux du lamproyon , et recouverts par une continuation de la peau de la tête; l'iris est d’une couleur uniforme voisine de celle de l'or ou de celle de l'argent. M. Noël , dans la description qu’il a bien voulu me faire par- venir, dit qu'il n’a pas vu d’évent sur la nuque du sucet. Je suis persuadé que ce pétromyzon n’est pas privé de cet orifice parti- culier , et que la petitesse de cette ouverture a empêché M. Noël de la distinguer, malgré l’habileté avec laquelle ce naturaliste ob- serve les poissons. Mais si le sucet ne présente réellement pas d'évent, 1l faudra retrancher la présence de l'organe auquel on a donné ce nom, des caractères génériques des pétromyzons ; divi- ser la famille de ces cartilagineux en deux sous-genres; placer dans le premier de ces groupes les pétromyzons qui ont un évent; composer le second de ceux qui n'en auroiïent pas; inscrire, par conséquent , dans le premier sous-genre, la lamproiïe, la pricka, le Ifiproyon , le planer, le rouge, et réserver le sucet pour le second sous-genre. Au reste, l'ouverture de la bouche du sucet est plus étendue que la tête n’est large; et des muscles assez forts rendent les lèvres extensibles et rétractiles. Dans l’intérieur de la bouche, on voit un grand nombre de dents petites, de couleur d'orange, et placées dans des cellules charnues. Neuf de ces dents qui entourent circulairement l'en- trée de l'oœsophage sont doubles. La langue est blanchätre, et garnie de pelites dents; et au-devant de ce dernier organe on aperçoit un os demi-circulaire , d’une teinte orangée, et hérissé de neuf pointes. La forme de cetos, et la présence de neuf dents doubles autour du gosier , sufhroient seules pour distinguer le sucet de la lam- proie, de la pricka , du lamproyon, du planer et du rouge. Les pêcheurs de Quevilly , commune auprès de laquelle le sucet a éle particulièrement observé, disent lous qu'on ne voit ce pois- son que dans les saisons où l’on pêche les clupées aloses. Soit que ce cartilagineux habite sur les hauts-fonds voisins de l'embou- chure de la Seine, soit qu’il s'abandonne, pour ainsi dire , à l’ac- tionedes marées, et qu'il remonte dans la rivière, comme les 106 HISTOIRE NATURELLE lamproies, ce sont les aloses qu'il recherche et qu’il poursuit. Lorsqu'il peut atteindre une de ces clupées, il s'attache à l'en- droit de son ventre dont les tégumens sont le plus tendres, et par conséquent à la portion la plus voisine des œufs ou de la laïte : se cramponnanl, pour ainsi dire, avec ses dents et ses lèvres, il se nourrit de la même manière que les vers auxquels on a donné le nom de sangsues ; il suce le sang du poisson avec avidité ; et il préfère tellement cet aliment à tout autre, que son canal m- testinal est presque toujours rempli d’une quantité de sang con- sidérable , dans laquelle on ne distingue aucune autre substance nutritive. Les pécheurs croient avoir observé que lorsque les sucets, dont l'habitude que nous venons d'exposer a facilement indiqué le nom , attaquent des saumons , au lieu de s'attacher à des aloses, ils ne peuvent pas se procurer tout le’sang qui leur est néces- saire, parce qu'ils percent assez difhcilement la peau des saumons ; et ils montrent alors par leur maigreur la sorie de disette qu’ils éprouvent. PARA AAA AA AA AA LE AAA VUE VAE VU VUE LE ALL RAR VA AAA AAA QUATRIÈME ORDRE, | Poissons abdominaux, ou qui ont des nageoires placées sous l'abdomen. SECOND GENRE. LÉS RAIES. Cinq ouvertures branchiales de chaque côté du dessous dr corps ; la bouche située dans la partie inferieure de la téêle; de corps très-aplalr. PREMIER SOUS-GENRE. Les dents aiguës, des aiguillons sur le corps ou sur la queue. ESPÈCES. CARACTÈREFS. 1. ELA RATE BATIS: Un seut rang d’aiguillons sur fa queue. Une rangée d’aiguillons sur ke corps ët 3. LA RAIE OXYRINQUE. sur la queue. 1 Nous avons déja vu, dans l’article intitulé Nomenclature des poissons, que l'on ne connoissoit encore aucune espèce de ces animaux dont on püt former ur second et un troisième ordre dans la première division des cartilagineux. DES RAIES. ha RSPÈCES. | CARACTÈRES. Le dos lisse; quelques aiguillons au- 3. LA RAIE MIRALET. près des yeux ; trois rangs d’aiguil- lons sur la queue. Tout le dos garni d’épines; un rang £&. LA RATE CHARDON. d’aiguillons auprès des yeux; deux rangs d’aiguillons sur la queue. Un raug daiguillons sur le corps et trois sur la queue. Des tubercules sur le devant du corps ; 6. La RAIE CHAGRINÉE. deux rangées d’épines sur le museau et sur la queue. SECOND SOUS-GENR E. £es dents aiguës ; point d'aisuillons sur le corps ni sur la queue. 5. LA RATE RONCE. ESPÈCES. CARACTÈRES. e corps presque ovale; deux nageoires L 7. LA RAIE TORPILLE. Z I dorsales. TROISIÈME SOUS-GENRE. Les dents obruses ; des aiguilluns sur le corps ou sur la queue. ESPÈCES. CARACTÈRES. Un aiguillon dentelé et une nageoire 8, LA RAÏIE AIGLE. a la queue; cette dernière partie plus longue que le corps. Un aiguillon dentelé; point de nageoire |, 9. LA RAIE PASTENAQUE. a la queue ; cette dernière partie plus longue que le corps. celte dernière partie garnie, vers son extrémité , d’une membrane lon- gitudinale. 30. LA RAIE LYMME. Le aiguillon revêtu de peau à la queue; Cinq tubercules blancs , émaillés et tres-durs , sur le dos, et cinq autres + tubercules semblables sur la queue. 31. LA RAIE TUBERCULÉE. Une rangée longitudinale de petits aï- guillons sur le dos, qui d’ailleurs est parsemé d’épines encore plus cour- tes; plus de trois rangs longitudi- naux de piquans recourbés , sur la q nucue. x2. LA RAIE ÉGLANTIER. { Un grand nombre de tubercules sur la 14. LARAIE SEPHEN, tête, le dos, et la partie antérieure de la queue. L 108 . HISTOIRE NATURELLE \ ESPÈCES. CARACTÈRES.- Un rang d’aiguillons recourbés, sur I LA ) € 14. LA RAIE BOUCLÉE. corps et sur la queue. Le museau très-prolongé, et garui, 15. LA RAIE THOUIN. ainsi que le devant de la tête , de petits aiguillons. Wie rangs d’aiguillons sur la partie antérieure du dos; la première na- geoire dorsale située au-dessus des nageoires ventrales. 16. LA RAIE BOHKAT Un rang d’aiguillons sur la partie pos- térieure da dos; trois rangées d’ai- 17. LA RAIE CUVIER. guillons sur la queue ; la première nageoire dorsale située vers le mi- heu du dos. e corps allongé, un seul rang d'aiguil- il e - E A ? 18. LA RAIE RHINOBATE lons sur le corps. QUATRIÈME SOUS-GENRE. Les dents obtuses; point d'aiguillons sur le corps ni sur l@ queue. ESPÈCES. CARACTERES. Deux grands appendices vers le devant 19. LA RAIE MOBULAR. de la tête ; la queue sans nageoire. Espèces dont la forme des dents n’est pas encore connue , et que ont des aïguillons ESPÈCES. CARACTÈRES. Des aiguillons très-éloignés les uns des 90. LA RAIE SCHOUKŸYE. autres ; un grand nombre de tuber- cules. Le corps un peu ovale ; le museau | avancé et arrondi; trois aiguillons 21. LA RAIE CHINOISE. derrière chaque œil ; plusieurs aiguil- lons sur le dos; deux rangées d’ai- guillons sur la queue. Espèces dont la forme des dents n’est pas encore connue , et qui n'ont pas d'aiguillons. ESPÈCES. CARACTERES. Le corps presque ovale ; une seule na- SAR 0 RO! NE. i 2 La RAIE GRONOVIENN geoire dorsale. Deux appendices sur le devant de la 3. LARAIE MANATIA. tête, point de nageoire dorsale ; une bosse sur le dos. [ DE LA RAIE BATIS. 109 ESPÈCES. CARACTÈRES. Deux grands appendices sur le devant de la tête; chaque nageoire pecto- rale aussi longue que le corps pro- 24, LA RAIE FABRONIENNE, prement dit, très-étroite , et occu— pant par sa base la portion du côté de Vanimal comprise entre la tête et le milieu du corps. : Deux appendices sur le devant de la tête ; point de nageoire sur le dos, nx au bout de la queue ; chaque nageoire pectorale plus longue quele corps pro- LA RAIE BANKSIENNE. prement dit, très étroite, et a peu près également éloignée, dans son axe lon- gitudinal et dans sa pointe, de latête et de la queue ; les yeux placés sur la partie supérieure de la tête. ; RAA AMAR AR RAIN RAA AR APE UV AREAS LA RAIE BATIS :. Cr Es raies sont, comme les pétromyzons, des poissons cartilagi- neux; elles ont de même leurs branchies dénuées de membrane et d’opercule. Elles offrent encore d’autres grands rapports avec ces animaux dans leurs habitudes et dans leur conformation ; et cependant quelle différence sépare ces deux genres de poissons! quelle distance surtout entre le plus petit des pétromyzons , entre le lamproyon, et les grandes raies, particulièrement la raie batis dont nous allons nous occuper ! Le lamproyon n’a souvent que quelques centimètres de longueur sur un de diamètre : les grandes raies ont quelquefois plus de cinq mètres ( quinze pieds ou environ ) de longueur sur deux ou trois ( six ou neuf pieds, ou à peu près ) de large. Le lamproyon pèse tout au plus un het- togramme ( quelques onces ): l’on voit, dans les mers chaudes des deux continens, des raies dont le poids surpasse dix myria- grammes ( deux cent cinq livres). Le corps du lamproyon est cylindrique et très-allongé; et si l'on retranchoiït la queue des ARE + tr Fassade, couverture, vache marine, dans plusieurs départemens méri- dionaux. » 110 HISTOIRE NATURELLE . raies, leur corps, aplati et arrondi dans presque tout son con- tour, présenteroit l’image d'un disque. Souple , délié, et se pliant facilement en divers sens, le lamproyon peut, en quelque sorle, donner un mouvement isolé ét indépendant à chacun de ses muscles : le corps de la raie, ne se prêtant que difficilement à des plis, ne permettant en général que de légères inclinaisons d’une partie sur une autre, et presque toujours étendu de la même ma- nière, ne se meut que par une action plus universelle et plus uniformément répartie dans les diverses portions qui le compo- sent. Dans quelque saison de l'année que l'on observe les lam- proyons et les autres pétromyons, on ne les voit jamais former aucune sorte de société : il est au contraire un temps de l’année, celui pendant lequel le plus impérieux des besoins est accru où provoqué par la chaleur nouvelle, où les raies s'appariant , se tenant le mâle auprès de la femelle pendant un temps plus ou moins long, et se réunissant, peut-être seules entre tous les pois- sons , d’une manière assez intime, forment un commencement d'association de famille ; et ne sont pas étrangères , comme pres- que tous les autres habitans des eaux ; aux charmes de la volupté partagée, et d’une sorte de tendresse au moins légère et momentanée. Les jeunes pétromyzons sorteni d'œufs jondus depuis un nombre de Jours plus ou moins grand par leur mère : les jeunes raies éclosent dans le ventre même de la leur : et naissent toutes formées. Les pétiomyzons sont très-féconds; des milliers d'œufs sont pondus par les femelles, et fécondés par les males : les raies ne donnent le jour qu’à un petit à la fois, et n’en produisent, chaque année, qu’un nombre très-peu con- sidérable. Les pélromyzons se rapprochent des couleuvres Vi pères par leur organe respiratoire; les raies par leur mañiere de venir à la lumière Une seule espèce de pétromÿson ne craint pas les eaux salées, mais ne se retire dans le sein des mers qué pendant la saison du froid- toutes les espèces de raies vivent, au contraire, sous tous les climats et dans toutes les saisons, au milieu des ondes de l'Océan ou des mers méditerranées. Qu'il y a donc loin de nos arrangemens artificiels au plan su- blime de la toute-puissance créatrice; de celles de nos méthodes dont nous nous sommes le plus core de combiner tous les dé- tails, avec l'immense et admirable ensemble des productions qui composent ou embellissent le globe; de ces moyens nécessaires, mais défectueux, par lesquels nous cherchons à aider la foiblesse - { DE LA RAIE BATIS. it ile notre vue, l’inconstauce de notre mémoire, et l'imperfection des signes de nos pensées, à la véritable exposition des rapports qui lient tousles êtres; etde l'ordre que l’état actuel de nos connoissances nous force de regarder comme le plus utile , à ce tout merveilleux où la Nature, au lieu de disposer les objets sur une seule ligne, les a groupés, réunis el enchaînés dans tous les sens par des rela- tions innombrables! Retirons cependant nos regards du haut de cette immensité dont la vue a tant d’attraits pour notre imagina- tion ; et, nous servant de tous les moyens que l’art d'observer a pu inventer jusqu’à présent, portons notre attention sur les êtres soumis maintenant à notre examen, et dont la considération ré- fléchie peut nous conduire à des vérités utiles et élevées. C'est toujours au milieu des mers que les raies font leur séjour ; mais, suivant les différentes époques de l'année, elles changent d'habitation au milieu des flots de Focéan. Lorsque le temps de la fécondation des œufs est encore éloigné, et parconséquent pendant que la mauvaise saison règne encore, c’est dans les profondeurs des mers qu’elles se cachent, pour ainsi dire. C’est là que, sou- vent immobiles sur un fond de sable ou de vase, appliquant leur large corps sur le limon du fond des mers, se tenant en embus- cade sous les algues et les autres plantes marines, dans les en- droits assez voisins de la surface des eaux pour que la lumière du soleil puisse y parvenir et développer les germes de ces végétaux, elles méritent, loin des rivages , l'épithète de pélagiennes qui leur a été donnée par plusieurs naturalistes. Elles la méritent encore, cette dénomination de pélagiennes, lorsqu’après avoir attendu inutilement dans leur retraite profonde l’arrivée des ani- maux dont elles se nourrissent, elles se traînent sur cette même vase qui les a quelquefois recouvertes en partie, sillonnent ce li- mon des mers, et étendent ainsi autour d’elles leurs embûches et leurs recherches. Elles méritent surtout ce nom d’habitantes de la haute mer, lorsque, pressées de plus en plus par la faim, ou effrayées par des troupes très:nombreuses d’ennemis dangereux, ou agitées par quelque autre cause puissante, elles s'élèvent vers la surface des ondes, s’éloignent souvent de plus en plus des cô- tes, et, se livrant, au milieu des régions des tempêtes, à une fuite précipitée , mais le plus fréquemment à une poursuite obstinée et à une chasse terrible pour leur proie, elles affrontent les vents et les vagues en courroux, et, recourbant leur queue, remuant 119 HISTOIRE NATURELLE avec force leurs larges nageoires, relevant leur vaste corps au- dessus des ondes , et le laissant retomber de tout son poids, elles font jaillir au loin et avec bruit l’eau salée et écumante. Mais lorsque le temps de donner le jour à leurs petits est ramené par le printemps, ou par le commencement de l'été, les mâles ainsi que les femelles se pressent autour des rochers qui bordent les ri- vages ; et elles pourroient alors être comptées passagèrement parmi les poissons littoraux. Soit qu’elles cherchent ainsi auprès des côtes l'asile, le fond et la nourriture qui leur conviennent le mieux, ou soit qu'elles voguent loin de ces mêmes bords, elles attirent toujours l'attention des observateurs par la grande nappe d’eau qu’elles compriment et repoussent loin d'elles , el par l’es- pèce de tremblement qu'elles communiquent aux flots qui les environnent. Presque aucun habitant des mers, si on excepte les baleines, les autres cétacées , et quelques pleuronectes , ne présente, en effet, un corps aussi long , aussi large et aussi aplati, une surface aussi plane et aussi étendue. Tenant toujours déployées leurs nageoires peciorales, que l’on a comparées à de grandes ailes, se dirigeant au milieu des eaux par le moyen d’une queue très-longue , très-déliée et très-mobile, poursuivant avec promptitude les poissons qu’elles recherchent, et fendant les eaux pour tomber à l’improviste sur les animaux qu’elles sont près d'atteindre, comme l'oiseau de proie se précipite du haut des airs, il n’est pas surprenant qu’elles aient été assimilées, dans le moment où elles cinglent avec vitesse près de la surface de l'océan, à un très-grand oiseau, à un aigle puissant, qui, les ailes étendues , parcourt rapidement les diverses régions de l'atmosphère. Les plus forts et les plus grands de presque tous les poissons, comme l'aigle est le plus grand et le plus fort des o1- seaux, ne paroissant, en chassant les animaux marins plus foi- bles qu’elles, que céder à une nécessité impérieuse et au besoin de nourrir un corps volumineux, n’immolant pas de victimes à une cruauté mutile, douées d’ailleurs d’un instinct supérieur à celui des autres poissons osseux ou cartilagineux, les raies sont en effet les aigles de la mer; l'océan est leur domaine, comme l'air est celui de l'aigle ; et, de même que l'aigle, s'élançant dans les pro- fondeurs de l'atmosphère , va chercher , sur des rochers déserts et sur des cimes escarpées , le repos après la victoire, et la jouis- sance non troublée des fruits d’une chasse laborieuse , elles se DE LA RAIE BATIS. 113 jongent, après leurs courses et leurs combats, dans un des abîmes de la mer, ettrouvent dans cette retraite écartée un asile sûr ct latranquille possession de leurs conquêtes. Il n'est donc pas surprenant que, dès le siècle d’Aristote, una espèce de raie ait reçu le nom d’aigle marine, que nous lui avons conservé. Mais, avant de nous occuper de cette espèce , exami- nons de près la batis, l'une des plus grandes, des plus répandues et des plus connues des raies, et que l'ordre que nous avons cri devoir adopter nous offre la première. L'ensemble du corps de la batis présente un peu la forme d’une losange. La pointe du museau est placée à l'angle antérieur ; jes rayons les plus longs de chaque nageoire pectorale occupent les deux angles latéraux , et l'origine de la queue se trouve au som- met de l'angle de derrière. Quoique cet ensemble soit très-aplati , on distingue cependant un léger renflement tant dans le côté su- périeur que dans le côté inférieur, qui trace, pour ainsi dire, le contour du corps proprement dit, c’est-à-dire, des trois cavités de la tête, de la poitrine et du ventre. Ces trois cavités réunies n'occupent que le milieu de la losange, depuis l'angle antérieur jusqu'à celui de derrière, et laissent de chaque côté une espèce de triangle moins épais, qui compose une des nageoires pectorales, La surface de ces deux nageoires pectorales est plus grande que celle du corps proprement dit, ou des trois cavilés principales ; et quoiqu'’elles soient recouvertes d’une peau épaisse , on peut ce- pendant distinguer assez facilement et même compter avec pré- cision , surtout vers l’angle latéral de ces larges parties, un grand nombre de ces rayons cartilagineux, composés el articulés , dont nous avons exposé la contexture*. Ces rayons partent du corps de l’animal , s'étendent, en divergeant un peu , jusqu’au bord des nageoires; et les différentes personnes qui ont mangé de la raie batis , et qui ont dù voir et manier ces longs rayons, ne seront pas peu étonnées d'apprendre qu'ils ont échappé à l’observation de quelques naturalistes, qui ont pensé, en conséquence, qu'il n’y avoit pas de rayons dans les nageoires pectorales de la batis. Aristote lui-même, qui cependant a bien connu et très-bien ex- posé les principales habitudes des raies, ne croyant pas que les côtés de la batis renfermassent des rayons, ou ne considérant pas ces rayons comme des caractères distinctifs des nageoires , a écrit 1 Discours sur la nature des poissons. Lacepède. 2. 8 114 HISTOIRE NATURELLE qu’elle n'avoit point de nageoires pectorales, et qu'elle voguoit en agitant les parties latérales de son corps. La tête de la batis, terminée par un museau un peu pointu, est d’ailleurs engagée par derrière dans la cavité de la poitrine. L’ou- verture de la bouche, placée dans la partie inférieure de la tête, et même à une distance assez grande de l'extrémité du museau , est allongée et transversale, et ses bords sont cartilagimeux et garnis de plusieurs rangs de dents très-aignës et crochues. La langue est irès-courte , large, et sans aspérités. Les narines, placées au-devant de la bouche, sont situées éga- lement sur la partie inférieure de la tête. L’ouvertnre de cet or- gane peut être élargie ou rétrécie à la volonté de l'animal, qui d’ailleurs , après avoir diminué le diamètre de cette ouverture, peut la fermer en totalité par une membrane particulière attachée au côté de lorifice, le plus voisin du milieu du museau, et la- quelle, s'étendant avec facilité jusqu'au bord opposé, et s'y col- lant, pour ainsi dire, peut faire l'office d’une sorte de soupape, et empêcher que l'eau chargée des émanations odorantes ne par- vienne jusqu'à un organe très-délicat, dans les momens où la batis n'a pas besoin d’être avertie de la présence des objets exté- rieurs, et dans ceux où son système nerveux seroit douloureuse- ment affecté par une action trop vive et trop constante. Le sens de l’odorat étant, si l’on peut parler ainsi, le sens de la vue des poissons, et particulièrement de la batis * , cette sorte de paupière leur est nécessaire pour soustraire un organe trés-sensible à la fatigue ainsi qu’à la destruction, et pour se livrer au repos et au sommeil, de même que l’homme et les quadrupèdes ne pour- roient, sans la véritable paupière qu'ils étendent souvent au-de- vant de leurs yeux , ni éviter des veilles trop longues et trop mul- tipliées, ni conserver dans toute sa perfection et sa délicatesse celui de leurs organes dans lequel s'opère la vision. * Au reste, nous avons déja exposé la conformation de l’organe de l'odorat dans les poissons, non-seulement dans les osseux, mais encore dans les cartilagineux , et particulièrement dans les raies *. Nous avons vu que, dans ces derniers animaux , l’inté- 1 Discours sur la nature des poissons. J 2 Discours sur la nature des poissons. — La planche qui représente la raie thouin montre aussi d’une manière très-distincte l’organisation intérieure de l'organe de l’odorat dans la plupart des raies et des autres poissons cartila« gineux. DE LA RAIE BATIS. 118 rieur de cet organe étoit composé de plis membraneux et disposés transversalement des deux côtés d’une sorte de cloison. Ces plis où membranes aplatis sont garnis, dans la batis, et dans pres- que toutes les espèces de raies, d’autres membranes plus petites qui les font paroître comme frangés. Ils sont d’ailleurs plus hauts que dans presque tous les poissons connus, excepié les squales ; et comme la cavité qui renferme ces membranes plus grandes et plus nombreuses , ces surfaces plus larges et plus multipliées, est aussi plus étendue que les cavités analogues dans la plupart des aulres poissons osseux et cartilagineux , il n'est pas surprenant que presque toutes les raies , et parliculièrement la batis, aient le sens de l'odorat bien plus parfait que celui du plus grand nombre des habitans des mers; et voilà pourquoi elles accourent de très- loin , ou remontent de très-grandes profondeurs, pour dévorer dés animaux dont elles sont avides. L'on se souviendra sans peine de ce que nous avons déjà dit de la forme deloreille dans les poissons, et particulièrement dansles raies ‘. Nous n'avons pas besoin de répéter ici que les carlilagi- neux , et particulièrement la batis, éprouvent la véritable sensa- tion de l’ouïe danstrois petits sacs qui contiennent de petites pierres ou une matière crélacée, et qui font partie de leur oreille inté- rieure, ainsi que dans les ampoules ou renflemens de trois ca- haux presque circulaires et membraneux, qui y représentent les trois canaux de l'oreille de l'homme, appelés canaux demi-circu- daires, C'est dans ces diverses portions de l’organe de l’ouïe que s'épanouit le rameau de la cinquième paire de nerfs, qui, dans les poissons, est le vrai nerf acoustique ; et ces trois canaux meémbraneux sont renfermés en partie dans d'autres canaux pres- que circulaires , comme les premiers , mais carlilagineux , et pouvant mettre à l'abri de plusieurs accidens les canaux bien plus mous aulour des ampoules desquels on voit s'épanonir le nerf acoustique. Les yeux sont situés sur la partie supérieure de la tête, et à peu près à la même distance du museau que l'ouverture de la bouche. Ils sont à demi saillans, et garantis en partie par une continuation de la peau qui recouvre la tête, et qui, s'étendant au-dessus du globe de l'œil , forme comme une sorte de petit toit, et Ôteroit aux batis la facilité de voir les objets placés verticale- & Discours sur la nature des poissons. 116 HISTOIRE NATURELLE ment au-dessus d’elles , si elle n'éloit souple et un peu rétractile vers le milieu du crâne. C’est cette peau , que l'animal peut dé- ployer ou resserrer , et qui a quelques rapports avec la paupière supérieure de l’homme et des quadrupèdes, que quelques auteurs ont appelée dure et que d’autres ont comparée à la mem- brane clignotante des oiseaux. [Immédiatement derrière les yeux, mais un peu plus vers les bords de la tête, sont deux trous ou égents qui communiquentavec Tintérieur de la bouche. Et comme ces trous sont assez grands, que les tuyaux dont ils sont les orifices sont larges et très-courts, et qu'ils correspondent à peu près à l’ouverture de la bouche, ii n'est pas surprenant que lorsqu'on tient une raie batis dans une certaine position , et par exemple contre le jour, on aper- coive mème d'un peu loin, et au travers de l'ouverture de la bouche et des évents, les objets placés au - delà de l'animal, qui paroit alors avoir reçu deux grandes blessures, et avoir élé percé d’un bord à l'autre Ces trous , que l'animal a la faculté d'ouvrir ou MR mer par le moyen d’une membrane très-extensible, qaË l'on peut com- parer à une paupier e, on, pour mieux HP à une sorte de sou- Pb servent à la TA au mème usage que Pen: de la lam proie à ce pétromyzon. C’est par ces deux te que celte raie admet ou rejette l’eau nécessaire ou surabondante à ses organes respira- toires , lorsqu'elle ne veut pas employer l’ouverture de sa bouche pour portier l'eau de la mer dans ses branchies , ou pour l'en retirer. Mais comme la batis, non plus que les autres raies, n’a pas l'habitude de s'attacher avec la bouche aux rochers , aux bois ni à d’autres corps durs, 1l faut chercher pourquoi ces deux évents supérieurs, que l’on relrouve dans Îes squales, mais que l’on m'apercoit d’ailleurs dans aucun genre de poissons , paroiïssent nécessaires aux promptes et fréquentes aspirations et expirations aqueuses sans lesquelles les raies cesseroient de vivre. Nous allons voir que les ouvertures des branchies des raies sont situées dans le côté inférieur de leur corps. Ne pourroit-on pas , eñ conséquence , supposer que le séjour assez long que font les raie dans les fond des mers, où elles tiennent la partie infé- rieure de leur corps appliquée contre le limon ou le sable, doit les exposer à avoir pendant une grande partie de leur vie l’ou- verture de leur bouche , ou celles du siége de la respiration col- lées en quelque sorte contre la vase , de manière que l’eau de la DE EA RAÏIE BATIS. 117 merne puisse y parvenir, Où en jailir qu'avec peine , el que si celles de ces ouvertures qui peuvent être alors obstuées n’étoient pas suppléées par les évents placés dans le côté supérieur des raies, ces animaux ne pourroient pas faire arriver noue leurs or- ganes respiratoires , l'eau dont ces organes doivent être périodi- quement abreuvés ? Ce siège de la respiration, set les évents servent à apporter ou à Ôter l'eau de la mer, consiste, de chaque côté, dans une cavité assez grande qui communique avec celle du palais, ou, pour mieux dire, qui fait partie de cette dernière, et qui s'ouvre à l'extérieur , dans le côté inférieur du corps, par cinq irous ou, fentes transversales que animal peut fermer et ouvrir en élendant ou retirant les membranes qui revêtentles bords de ces fentes. Ces cinq ouvertures sont situées au-delà de celle de la bouche, ct dis- posées sur une ligne un pen courbe, dont la convexité est lour- née vers le eôlé extérieur du corps; de telle sorte que ces deux rangées , dont chacune est de cinq fentes , représentent, avec l'espace quelles renferment au-dessous de la tête, du cou et d’une portion de la poitrinede l'animal, une sorte de disque on de plas- iron un peu ovale. | Dans chacune de ces vavités latérales de la batis sont Îes bran- chies proprement dites, composées de cinq cartilages un peu eourbés, et garnies de membranes plates très-minces, très-nom- breuses , appliquées l’une contre l’autre, et que lon a compa- vées à des feuillets; on compte deux rangées de ces fémillets ou membranes très-minces et très-aplaties, sur le bord convexe des quatre premiers cartilages ou branchies, et un seul rang sur le cinquième ou dernier. Nous avons déjà vu * que ces membranes lrès-minces contien- nent une très-grande quantité de ramifications des vaisseaux sanguins qui aboutissent aux branchies, soit que ces vaisseaux composent les dernières extrémités de l'artère branchiale, q ui se divise en autant de rameaux qu’il y a de branchies, et apporte dans cesorganes de la respiration le sang qui a déjà circulé dans tout le corps, et dont les principes ont besoin d’être puriliés et renouvelés; soit que ces mêmes vaisseaux soient l'origine de ceux qui se répandent dans loutes Îles parties du poisson , et y distri-. buent un sang dont les élémens ont reçu une nouvelle vie. Ces mt z Discours sur la nature des poissons, 118 HISTOIRE NATURELLE vaisseaux sanguins, qui ne sont composés dans les membranes des branchies que de parois très-minces et facilement perméables à divers fluides, peuvent exercer , ainsi que nous l'avons exposé, une action d'autant plus grande sur le fluide qui les arrose , que la surface présentée par les feuillets des branchies, et sur laquelle ils sont disséminés , est très-grande dans tous les poissons , à pro- portion de l'étendue de leur corps. En effet, les raies ne sont pas les poissons dans lesquels les membranes iles offrent la plus grande division , ni par conséquent le plus grand dévelop- pement ; et cent die un irès-habile analomiste , le professeur Monro d’ Édimbourg , a trouvé que la surface de ces feuillets, dans une raie batis de grandeur médiocre, étoit égale à celle du corps humain. Au reste, la partie extérieure de ces branchies, ou, pour mieux dire, des feuillets qui les composent , au lieu d’être isolée relativement à la peau , ou au bord de la cavité qui J'avoisine , comme le sont les branchies du plus grand nombre de poissons et particulièrement des osseux , est assujettie à cette mème peau ou à ce même bord par une membrane très-mince. Mais cette membrane est trop déliée pour nuire à la respiration, et peut tout au plus en modifier les opérations d’une maniere analogue aux habitudes de la bats. Cette raie a deux nageoires ventrales placées à la suite des na- geoires peclorales , auprès et de chaque côté de Fanus , que deux autres nageoires , auxquelles nous donnerons le nom de nayeoires de l'anus , touchent de plus près, et entourent, pour aïnsi dire. il en est même environné de manière à paroilre situé, en quelque sorte, au milieu d’une seule nageoire qu’il auroit divisée en deux par sa position , et que plusieurs naturalistes ont nommée en effet, au singulier, nageoire de l’anus. Mais ces nageoires, tant de Janus que ventrales, au lieu d’être situées perpendiculairement ou très-obliquement, comme dans la plupart des poissons, ont ume situation presque entièrement horizontale , et, semblant être à certains égards une continuation des nageoires peclorales, ser- vent à termimer la forme de losange très-aplatie que présente l'ensemble du corps de la batis. De plus, la nageoire ventrale et celle de l'anus , que l'on voit de chaque côté du corps, ne sont pas véritablement distinctes l’une de l’autre. On reconnoit, au moins le plus souvent, en les étendant, qu’elles ne sont que deux parties d’une même nagcoire, que la même membrane les revêt, et que la grandeur des rayons, DE LA RAIE BATIS. 119 plus longs communément dans la portion que l'on à nommée ventrale, peut seule faire connoître où commence une portion et où finit l'autre. On devroit donc, à la rigueur, ne pas suivre l’u- sage adopté pie les naturalistes qui ont écrit sur les raies , et dire que la batis n'a pas de nageoires de l'anus , mais deux hace nageoires ventrales qui environnent l'anus par leurs extrémités postérieures. Entre la queue et ces nageoires ventrales et de l’anus, on voit dans les mâles des batis, et de chaque côté du corps , une fausse nageoire , où plutôt un long appendice, dont nous devons par- üculièrement au professeur Bloch , de Berlim, de connoitre l'or- ganisation précise et le véritable usage. Les nageoires ventrales et de l'anus, quoique beaucoup plus étroites et moins longues que les pectorales , sont cependant formées de même de véritables rayons cariülagineux , composés, articulés, ramifés , communé- ment au nombre de six , et recouverts par la peau qui revêt le reste du corps. Mais les appendices dont nous venons de parler ne contiennent aucun rayon. Ils renferment plusieurs petils os ou cartilages; chacun de ces appendices en présente onze dans son intérieur , disposés sur plusieurs rangs. D’abord quatre de ces parties cartilagineuses sont attachées à un grand cartilage- transversal , dont les extrémités soutiennent les nageoires ven- trales, et qui est analogue, par sa position et par ses usages , aux os nommés os du bassin dans l’homme et dans les quadrn- pèdes. À la suite de ces quatre cartilages, on en voit deux aufres dans l’intérieur de l’appendice ; et à ces deux en succèdent cinq autres de diverses formes. L'appendice contient d’ailleurs , dans son côté extérieur , un canal ouvert a son extrémité postérieure, ainsi que vers son extrémité antérieure, et qui est destiné à transmettre une liqueur blanche et gluante, filtrée par deux glandes que peuvent comprimer les muscles des nageoires de l'anus. L'appendice peut être fléchi par l’action d’un muscle, qui, en le courbant , le rend propre à faire l'office d'un crochet ; lorsque la batis veut cesser de s’en servir , 1l se rétablit par une suite de l'élasticité des onze cartilages qu'il renferme. Lors- qu'il est dans son ctat naturel , la liqueur blanche et glutmense s'échappe par l'ouverture antérieure ; mais, lorsqu'il est courbé , cet orifice supérieur se trouve fermé par le muscle fléchisseur , et la liqueur gluante parcourt toute la cavité du canal, sort par le trou de l'extrémité postérieure , et , arrosant la partie ou le 120 HISTOIRE NATURERLE corps sur lequel s'attache le bout de cette espèce de crochet , prévient les inconvéniens d'une pression trop forte. La position de ces deux appendices que les mâles seuls pré- sentent, leur forme, leur organisaiion intérieure , là liqueur qui suinte par le canal que chacun de ces appendices renferme , pourroient faire partager l'opinion que Finné a ene pendant quelque temps, et l'on pourroit croire qu’ils composent les parlies géniiales du mâle. Mais, pour peu que l’on examine les parties intérieures des batis, on verra qu’il est mème superflu de réfuter ce sentiment. Ces appendices ne sont cependant pas inutiles à l'acte de la généralion ; ils servent au mâle à retenir sa femelle, et à se tenir pendant un temps plus ou moins long assez près d'elle pour que la fécondation des œufs puisse avoir lieu de la manière que nous exposerons avant de terminer cet article. Entre les deux appendi ces que nous venons de décrire, ou, pour mous expliquer d’une manière applicable aux femelles aussi bien qu'aux mâles , entre les deux nageoires de l'anus, commence la queue , qui s'étend ordinairement jusqu'a une lon- gueur égale à celle du corps et de la tête. Elle est d’ailleurs presque ronde , irès-déliée , très-mobile , et terminée par une pointe qui paroît d’antant plus fine, que la batis n’a point de nageoire caudale * comme quelques autres raies, et n’en pré- sente par conséquent aucune au bout de cette pointe. Mais vers la fin de la queue, et sur sa partie supérieure, on voit deux petites nageoires très-sépa rées l'une de l’autre , et qui doivent être regardées comme deux véritables nageoires dorsales *, quoi- qu'elles ne soient pas situées aüscessus du corps proprement dit. La batis remue avec force et avec vitesse ceile queue longue , souple et menue, qui peut se fléchir et se contourner en diffé- rens sens. Elle l’agite comme une sorte de fouet, non-seulement lorsqu'elle se défend contre ses ennemis , mais encore lorsqu'elle attaque sa proie. Elle s'en sert particulièrement lorsqu’en em- buscade dans le fond de Ia mer, cachée presque entièrement dans le limon, et voyant p asser autour d'elle les animaux dont ellé cherche à se nourrir, elle ng veut ni changer sa position , ni se débarrasser de la vase ou des algues qui la couvrent, ni quitter sa retraite et se livrer à des mo uvemens qui pourroient ? Discours sur la nature des poissons. 2 [bid. ‘ DE LA RAÏIE BATIS. 121 v'être pas assez prompts, surlout lorsqu'elle veut diriger ses armes contre les poissons les plus agiles. Elle emploie alors sa queue ; et, la fléchissant avec promptitude, elle atteint sa vic- time et la frappe souvent à mort. Elle lui fait du moins des blessures d'autant plus dangereuses, que cette queue , mue par des muscles puissans , présente de chaque côlé et auprès de sa racine un piquant droit et fort, et que d’ailleurs elle est garmie dans sa partie supérieure d’une rangée d’aiguillons crochus. Chacun de ces aiguillons , qui sont assez grands, est attaché à une petite plaque cartilaginense , arrondie, ordinairement con- cave du côté du crochet, et un peu convexe de l’autre , et qui, placée au-dessous de la peau, est maintenue par ce tégument et retient l’aisuillon. Au reste , l'on voit autour des yeux plusieurs aiguillons de même forme, mais beaucoup plus petits. La peau qui revêt et la tête, et le corps, et la queue, est forte, tenace et enduite d’une humeur gluante qui en entre- tient la souplesse, et la rend plus propre à résister sans altéra- tion aux attaques des ennemis des raies , et aux effets du fluide au milieu duquel vivent les batis. Ce suc visqueux est fourni par des canaux placés assez près des tégumens , et distribués sur chaque côté du corps et surtout de la tête. Ces canaux s'ou- vrent à la surface par des irous plus ou moins sensibles, et lon en peut trouver une description très-détaillée et très-bien faite dans le bel ouvrage du professeur Monro sur les poissons. La couleur générale de la batis est, sur Le côté supérieur, d’un gris cendré, semé de taches noirâtres, sinueuses, irrégulières, les unes grandes , les autres petites, et toutes d’une teinte plus ou moins foible : le côté inférieur est blanc, et présente plusieurs rangées de points noirâtres. Les batis, ainsi que toutes les raies, ont en général leurs mus- cles beauconp plus puissans que ceux des autres poissons ? ; c'est surtout dans la partie antérieure de leur corps que lon peut ob- server cette supériorité de forces musculaires, et voilà pourquoi 1 Voyez, dans le tome VII des Mémotres des savans étrangers , présentés à l'Académie des Sciences de Paris, ceux de Vicq-d’Azir, qu'une mort prématurée a enlevé à anatomie et à l’histoire naturelle, pour la gloire et les progrès des quelles il avoit commencé d'élever un des plus vastes monumens que l'esprit hu- main eût encore conçus, et à la mémoire duquel j'aime à reudre un hommage pu- blic d'estime et de regrets. 122 HISTOIRE NATURES elles ont la faculté d'imprimer à leur museau différens mouve- mens exécutés souvent avec beaucoup de promplitude. Mais non-seulement le museau de la batis est plus mobile que celui de plusieurs poissons osseux ou cartilagineux, 1l est encore le siége d'un seniiment assez- délicat. Nous avons vu que, dans les poissons , un rameau de la cinquième paire de nerfs éloit le véri- table nerf acoustique. Une petite branche de ce rameau pénètre de,chaque côté dans l’intérieur dela narine, et s'étend ensuite jus- qu’à l'extrémité du museau *, qui, dés-lors doué d’une plus grande sensibilité, et pouvant d'ailleurs par sa mobilité s'appliquer, plus facilement que d’autres membres de la batis , à la surface des corps dont elle s'approche , doit être pour cet animal un des principaux sieges du sens du toucher. Aussi, lorsque les batis veulent recon- noître les objets avec plus de certitude, et s'assurer de leur nature avec plus de précision, en approchent-elles leur museau, non-seu- lement parce que sa partie inférieure contient l'organe de Fodorat, mais encore pârce qu'il est l’un des principaux et peut-être le plus actif des organes du toucher. Cpendant une considération d’une plus haute importance et d’une bien plus grande étendue dans ses conséquences, se pré- sente ici à notre réflexion. Ce toucher plus parfait dont la sensa- tion est produite dans la batis par une petite branche de la cin- quième paire de nerfs, cinquième paire dont à la vérité un rameau est le nerf acoustique des poissons, mais qui dans l’homme et dans les quadrupèdes est destinée à s'épanouir dans le siége du goût , ne pourroit-il pas être regardé par ceux qui savent distinguer la véritable nature des due d'avec leurs accessoires Lin ne pourroit-1l pas, dis-je, être considéré comme une espèce de sup- plément au sens du goût de la batis? Quoi qu'il en soit de cette conjecture , l’on peut voir évidemment que la partie antérieure de la tête de la batis, non-seulement présente l'organe de l'ouïe, celui de l'odorat , et un des siéges principaux de celui du toucher, mais encore nous montre ces trois organes intimement liés par ces rameaux du nerf acoustique, qui parviennent jusque dans les narines, et vont ensuite être un siége de sensations délicates à Léxtiémité du museau. Ne résulte- me pas de cette distribution du nerf acoustique, que non-seulemeni les trois sens de l’ouïe, de 1 Consultez Pouvrage de Scarpa sur les sens des animaux , et particulièrement sar ceux des poissous. DE LA RAÏIE BATIS. 193 l'odorat et du toucher, très-rapprochés par une sorte de juxta- posilion dans la partie antérieure de la tête, peuvent étre facile- ment ébranlés à la fois par la présence d’un objet extérieur dont ils doivent dès-lors donner à l’animal une sensation générale bien plus étendue , bien plus vive et bien plus distincte, mais encore que, réunis par les rameaux de la cinquième paire qui vont de l'un à l’autre , et les enchaïînent ainsi par des cordes sensibles , ils doivent recevoir souvent un mouvement indirect d’&nobjet qui, sans cette communication nerveuse, n’auroit agi que sur un où deux des trois sens, et tenir de cette commotion intérieure la fa- cullé de transmettre à la batis un sentiment plus fort, et même de céder à des impressions extérieures dont l'effet auroit été nul sans cette espèce d’agilation interne due au rameau du nerf acous- tique ? Maintenant , si l'on rappelle les réflexions profondes et philosophiques faites par Buflon dans l’histoire de l'éléphant , au sujet de la réunion d’un odorat exquis et d’un toucher délicat à l'extrémité de la trompe de ce grand animal, très-digne d’atten- tion par la supériorité de son instinct ; si l’on se souvient des raisons qu'il a exposées pour élablir un rapport nécessaire entre l'intelligence de l'éléphant et la proximité de ses organes du tou- cher et de l’odorat, ne devra-t-on pas penser que la batis et les autres raies, qui présentent assez prés l’un de l’autre non-seule- ment les siéges de l’odorat et du toucher, mais encore celui de l'ouïe, et dont un rameau de nerfs lie et réunit intimement tous ces organes, doivent avoir un insiincl très-remarquable dans la classe des poissons ? De plus, nous venons de voir que l’odorat de la batis, ainsi que des autres raies, étoit bien plus actif que celui de la plupart des habitans de la mer; nous savons, d’un autre côté *, que le sens le plus délicat des poissons, et celui qui doit influer avec le plus de force et de constance sur leurs affections, ainsi que sur leurs habitudes, est celui de l’odorat; et nous de- vons conclure de cette dernière vérité, que le poisson dans le- quel l'organe de lodorat est le plus sensible doit, tout égal d’ail- leurs, présenter le plus grand nombre de traits d’une sorte d'in- telligence. En réunissant toutes ces vues, on croira donc devoir attribuer à la batis, et aux autres raies conformées de même , une assez grande supériorilé d’instinct; et en eflet, toutes les obser- valions prouvent qu’elles lemportent par les procédés de leur 1 Discours sur la nature des poissons. 424 de HISTOIRE NATURELLE chasse, l’habileté dans la fuite, la finesse dans les embuscades, la vivacité dans plusieurs affections, et une sorte d'adresse dans d’au- tres habitudes, sur presque toutes les espèces connues de poissons. et particulièrement de poissons osseux. | Mais continuons l'examen des différentes portions du corps de la batis. | | Les parties solides que l'on trouve dans l’intérieur du corps, et qui en fofment comme la charpente , ne sont ni en très-grand nombre, ni très-diversifiées dans leur conformation. Elles consistent premièrement dans une suite de vertèbres car- tilagineuses qui s'étend depuis le derrière de la tête jusqu’à l’ex- trémité de la queue. Ces vertèbres sont cylindriques, concaves à un bout, convexes à Fautre, emboiïtées l’une dans l’autre, et ce- pendent mobiles , et d'ailleurs flexibles ainsi qu'élastiques par leur nature , de telle sorte qu’elles se prêtent avec facilité, surtout dans la queue, aux divers mouvemens que l'animal veut exécuter. Ces verlèbres sont garnies d’éminences on apophyses supérieures et latérales, assez serrées contre les apophyses analogues des ver- tébres voisines. Comme c’est dans Fintérieur des bases des apo- physes supérieures qu'est située la moelle épinière, elleest garan- te de beaucoup de blessures dans des éminences cartilagineuses ainsi pressées l’une contre l'autre ; et voilà une des causes qui rendent la vie de la batis plus indépendante d’un grand nombre d’accidens que celle de plusieurs autres espèces de poissons. On voit aussi un diaphragme cartilagineux, fort, ei présentant quatre branches courbées , deux vers la partie antérieure du corps, et deux vers la postérieure. De ces deux arcs on demi-cer- cles, l’un embrasse et défend une parte de la poitrine, l’autre enveloppe et maintient une portion du ventre de la batis. On découvre enfin dans l'intérieur du corps un cartilage trans- versal assez gros, placé en-decà et très-près de l'anus , et qui, ser- vant à maintenir la cavité du bas-ventre, ainsi qu’à retenir les nageoires ventrales, doit être, à cause de sa position et de ses usages, comparé aux os du bassin de l'homme et des quadru- pèdes, Ge qui ajoute à cette analogie, c'est qu’on trouve de cha- que côté el à l'extrémité de ce grand cartilage transversal, un cartilage assez long et assez gros, articulé par un bout avec le pre- mier, et par l’eutre bout avec un troisième cartilage moins long eE moins gros que le second. "Ces second et troisième cartilages font partie de la nageoire ventrale, de cette nageoire que lon re- DE LA RAÏIE BATIS. 125 garde comme faisant l'office d’un des pieds du poisson. Attachés l’un au bout de l'autre , ils forment, dans cette disposition , le premier et le plus long des rayons de la nageoire : mais ils ne présentent pas la contexture que nous avons remarquée dans les vrais rayons cartilagineux ; ils ne se divisent pas en rameaux; ils ne sont pas composés de petits cylindres placés les uns au-dessus des autres : ils sont de véritables cartilages; et ce qui me paroît très-digne d'attention dans ceux des poissons qui se rapprochent le plus des quadrupèdes ovipares, et particulièrement des tortues , on pourroit à la rigueur , et surlout en considérant la manière dont ils s’inclinent Pun sur l'autre, trouver d’assez grands rap- ports entre ces deux cartilages, et le fémur et le tibia de l’homme et des quadrupèdes vivipares. L'’estomac est long, large et plissé; le canal intestinal court et arqué. Le foie , gros et divisé en trois lobes, fournit une huile blanche et fine ; il y a une sorte de pancréas et une rate rougeûtre. Ceite réunion d’une rate, d’un pancréas, et d’un foie huileux et volumineux, est une nouvelle preuve de l’existence de cette vertu très-dissolvante que nous avons reconnue dans les différens sucs digestifs des poissons; vertu très-active, utile à plusieurs de ces animaux pour corriger les effets de la briéveté du canal alimen- taire, et nécessaire à tous pour compenser les suites de la tem- péralure ordinaire de leur sang, dont la chaleur naturelle est très-peu élevée. Le corps de la batis renferme trois'cavités , que nous retrouve- rons en tout ou en partie dans un assez grand nombre de pois- sons , et que nous devons observer un moment avec quelque at- tention. L'une est située dans la partie antérieure du crâne, au- devant du cerveau à : seconde est contenue dans le péricarde; et la troisième occupe les deux côtés de l'abdomen. Cette dernière cavité comnnique à l'extérieur par deux trous placés lun à droite et l'autre à gauche vers l'extrémité du rectum ; et ces trous sont fermés par une espèce de valvule que l’animal fait jouer à volonté. On trouve ordinairement dans ces cavités , et particulièrement dans la troisième, une eau salée, mais qui renferme le plus sou- vent beaucoup moins de sel marin ou de muriate de soude que l'eau de la mer n’en tient communément en dissolution. Cette eau salée, qui remplit la cavité de l'abdomen , peut étre produite dans plusieurs circonstances par l'eau de la mer qui pénètre par 120 HISTOIRE NATURELLE les trous à valvule dont nous venons de parler, et qui sé méle dans la cavité avec une liqueur moins chargée de sel, filtrée par les organes el les vaisseaux que le ventre renferme. Nous pouvons aussi considérer cette eau que l’on observe dans la cavité de l’ab- domen , ainsi que celle que présentent les cavités du crâne et du péricarde , comme de l'eau de mer, transmise au travers des en- veloppes des organes et des vaisseaux voisins , ou de la peau et des muscles de l'animal, et qui a perdu dans ce passage au mi lieu de ces sortes de cribles, et par une suite des affinités aux- quelles elle peut avoir été soumise, une partie du sel qu’elle te- noit en dissolution. Il est aisé de voir que celte eau , à demi des- salée au moment où elle parvient à l’une des trois cavités, peut ensuite se répandre dans les vaisseaux et les organes qui l’avoisi- nent, en suintant, pour aïnsi dire, par les petits pores dont sont criblées les membranes qui composent ces organes et ces vaisseaux; mais voilà tout ce que l’état actuel des observations faites sur les raies, et particulièrement sur la batis, nous permet de conjec- turer relativement à l’usage de ces trois cavités de l'abdomen , du péricarde et du crâne, et de cette eau un peu salée qui imprè- gne presque tout l’intérieur des poissons marins dont nous nous occupons, de même que l'air pénètre dans presque toutes les par- ties des oiseaux dont l’atmosphère est le vrai séjour. Nous ne devons pas répéter ce que nous avons déjà dit sur lux nature et la distribution des vaisseaux lymphatiques des pois- sons, et particulièrement des raies; mais nous devons ajouter à l'exposition des parties principales de la batis, que les ovaires sont cylindriques dans les femelles de cette espèce : les deux canaux par lesquels les œufs s’avancent vers l'anus & mesure qu'ils gros- sissent , sont le plus souvent jaunes ; et ieur diamètre est d’au- tant plus grand qu'il est plus voisin de l'ouverture commune par laquelle Les deux canaux communiquent avec l'extrémité du rectum. Ces œufs ont une forme singulière, très-différente de celle de _ presque tous les autres œufs connus, et particulièrement des œufs de presque tous les poissons osseux ou cartilagineux. Ils représen- tent des espèces de bourses ou de poches composées d’une mem brane forte et demi-transparente, quadrangulaires, presquecarrées, assez semblables à un coussin, ainsi que l'ont écrit Aristote et plu- sieursautres anteurs, un peu aplaties, el terminées dans chacun de leurs quatre coins par un petit appendice assez court que l'on pour- DE LA RAIE BATIS. ir xoit comparer aux cordons de la bourse. Ces petits appendices'un peu cylindriques et très - déliés sont souvent recourbés l’un vers l'autre ; ceux d’un bout sont plus longs que ceux de l'autre bout; et la poche à laquelle ils sont attachés a communément six ou neuf centimètres (deux ou trois pouces ou environ ) de largeur, sur une longueur à peu près égale. Il n’est pas surprenant que ceux qui n’ont observé que super- fciellement des œufs d’une forme aussi extraordinaire, qui ne les ont pas ouverts, et qui n'ont pas vu dans leur intérieur un fœtus de raie, n'aient pas regardé ces poches ou bourses comme des œufs de poissons, qu’ils les aient considérées comme des préductions marines particulières, qu’ils aient cru même devoir les décrire comme une espèce d'animal. Et ce qui prouve que cette opinion assez naturelle a été pendant long-temps très-répandue , c’est que l'on a donné un nom particulier à ces œufs, et que plusieurs auteurs ont appelé une poche ou coque de raie mus marinus (rat marin ) *. . Ces œufs ne sont pas en très-grand nombre dans le corps des femelles , et ils ne s’y développent pas tous à la fois. Ceux qui sont placés le plus près de l'ouverture de l'ovaire sont les pre- miers formés au point de pouvoir être fécondés ; lorsqu'ils sont devenus, par cette espèce de maturité, assez pesans pour gêner la mère et l’avertir, pour ainsi dire, que le temps de donner le jour à des petits approche, elle s’avance ordinairement vers les rivages, et y cherche, ou des alimens particuliers, ou des asiles plus convenables, ou des eaux d’une température plus analogue à son état. Alors le mâle la recherche, la saisit , la retourne avec soin , se place auprès d’elle de manière que leurs côtés inférieurs se correspondent, se colle en quelque sorte à son corps, s’accroche.à elle par le moyen desappendices particuliers quenousavonsdécrits, la serre avec toutes ses nageoires ventrales et pectorales, la retient avec force pendant un temps plus ou moins long, réalise ainsi un véritable accouplement; et, se tenant placé de manière que son anus soit très-voisin de celui de sa femelle, il laisse échapper la liqueur sémimale , qui, pénétrant jusqu’à l'ovaire de celle contre t Les Grecs modernes, les Turcs, et quelques autres Orientanx, regardent dit- on , la fumée qui s'élève d'œufs de batis et d’autres raies jetés sur des charbons, et qui parvient, par le moyen de certaines précautions, daus la bouche et dans le uez, comme un très-bon remède contre les fièvres intermittentes. 128 HISTORE NATURELLE laquelle il se presse, y féconde les deux ou trois premiers ocufs que rencontre cetie liqueur active, et qui sont assez développés pour en recevoir l'influence Cependant les coques fécondées achèvent de grossir ; et les œufs moins avancés, recevant aussi de nouveaux degrés d’accroisse- ment, deviennent chaque jour plus propres à remplacer ceux qui vont éclore, et à être fécondés à leur tour. Lorsqu’eufin les fœtus renfermés dans les coques qui ont reçu du mâle le principe de vie sont parvenus au degré de force et de grandeur qui leur est nécessaire pour sortir de leur enveloppe, ils la dde dans le ventre même de leur mére, et parvien- nent à la lumiere tout formés, comme les petits de plusieurs ser- pens et de plusieurs quadrupèdes rampans qui n’en sont pas moins ovipares ‘. D'autres œufs, devenus maintenant irop gros pour pouvoir demeurer dans le fond des ovaires, sont, pour ainsi dire , chassés par un organe qu'ils compriment; et repoussés vers l'extrémité la plus large de ce mème organe, ils y remplacent les coques qui viennent d’éclore, et dont l'enveloppe déchirée est rejetée par Janus à la suite de la jeune raie. Alors une seconde fécondation doit avoir lieu ; la femelle souffre de nouveau l'approche du mâle ; et toutes les opérations que nous venons d'exposer se succèdent jusqu'au moment où les ovaires sont entièrement débarrassés de bourses ou de coques trop grosses pour la capacité de ces organes. L'on a écrit que cet accouplement du mâle et de la femelle se répétoit presque tous les mois pendant la belle saison; ce qui sup- poseroit peut-être que près de trente jours s’écoulent entre le mo- ment où l'œuf est fécondé et celui où 1l éclôt, et que par consé- quent il y a, dans l'espèce de la batis, une sorte d’incubation inté rieure de près de trente Jours. Au reste, dans tous ces accouplemens successifs, le hasard seul ramène le même mâle auprès de la même femelle ; et si les raies ou quelques autres poissons nous montrent au milieu des eaux l'image d’une sensibilité assez active , que nous offrent également au sein des flots les divers cétactes , les phoques, les lamantins, les oiseaux aquatiques , plusieurs quadrupèdes ovipares, et particu- lièrement les tortues marines, avec lesquelles l'on doit s'aperce- 1 Voyez l'Histoire naturelle des serpens eï celle des qguadrupèdes ovi- pares. DE LA RAIE BATIS. 129. voir fr équemmient que les raies ont d'assez grands rapports, nous ñe verrons au milieu della classe des poissons, quelque nombreuse qu'elle soit , presque aucune apparence de préférence marquée, d’ Scbeti de choix , d'affection, pour ainsi dire, désinté= _ ressée, et de constance même d’une saison. [arrive quelquefois que les œufs non fécondés grossissent trop promptement pour pouvoir demeurer aussi long-temps qu’à l’or- dinaire dans la portion antérieure des ovaires. Poussés alors con- tre les coques déjà fécondées , ils les pressent , et accélèrent leur sortie; et lorsque Îeur action est secondée par d’autres causes, il arrive que la batis mère est obligée de se débarrassêr des œufs qui ont reçu la liqueur Pfaute du mâle, avant que les fœtus en soient sortis. D’autres circonstances analogues peuvent pro- duire des accidens semblables; et alors les jeunes raies éclosent comme presque tous les autres poissons, c’est-à-dire, hors du ventre de la femelle : les coques, dont elles doivent se dégager, peuvent même être pondues plusieurs jours avant que le fœtus. ait assez de force pour déchirer l'enveloppe qui le renferme ; et , pendant ce temps plus ou moins long, il se nourrit, comme AL étoit encore dans le ventre de sa mére; de la substance alimen- taire contenue dans son œuf, dont l’intérieur présente un jaune et un blanc très-distincts l’un de l’autre. L'on n’a pas assez observé les raies batis pour savoir dans quelle proportion elles croissent relativement à la durée de leur déve - loppement, ñi pendant combien de temps elles continuent de grandir : mais il est bien prouvé par les relations d’un très-crand nombre de voyageurs dignes de foi, qu’elles parviennent à une grandeur assez considérable pour peser plus de dix myriagram- mes (deux cents livres où environ ) ‘, et pour que leur chair suflise à rassäsier plus de cent personnes. Les plus grandes sont celles quis ’approchent le moins des rivages habités, même dans le temps où le besoin de pondre ou ATX de onde les œufs , les entraîne vers les côtes de la mer; l’on diroit que la difioulié de t On peut voir dans Labat et dans d’autres voyageurs ce qu’ils disent de raies de quatre mètres ( environ douze pieds ) de longueur ; mais des observations ré- centes et assez multipliées attribuent aux batis une longueur plus étendue. On peut voir aussi dans l'Histoire naturelle de la France équinozxiale, _par Bar rère , la description du mouvement communiqué aux eaux de la mer par les Erai- des raies ; et dont nous avons parlé au eommencement de çet artieles Luacepède, 2. . C SR VUE 22 130 HISTOIRE NATURELLE cacher leur grande surface et d'échapper à leurs nombreux enrne= mis dans des parages trop fréquentés, les tient éloignées de ces plages : mais, quoi qu’il en soit, elles satisfont le désir, qui les presse dans le printemps, de s'approcher des rivages, en s’'ayan- çant vers les bords écartés d'îles très-peu peuplées, ou de portions de continent presque désertes. C’est sur ces côtes, où les naviga= teurs peuvent être ‘contraints par la tempête de chercher un asile , et où tant de secours leur sont refusés par la Nature, qu'ils doivent trouver avec plaisir ces grands animaux, dont un très- petit nombre suffit pour réparer, par un aliment aussi sain qu’a- gréable , les forces de l'équipage d’un des plus gros vaisseaux. Mais ce n’est pas seulement dans des momens de détresse que la batis est recherchée : sa chair blanche et délicate est regardée, dans toutes les circoñstances, comme un mets excellent. A la vé- rité, lorsque cetle raie vient d’être prise, elle a souvent un goût et une odeur qui déplaisent; mais lorsqu'elle a été conservée pen- dant quelques jours, et surtout lorsqu'elle a été transportée à d'assez grandes distances, cette odeur et ce goût se dissipent, et sont remplacés par un goût irès-agréable. Sa chair est surtout très-bonne à manger après son accouplement ; et si elle devient dure vers l'automne, elle reprend pendant l'hiver les qualités qu’elle avoit perdues. | On pêche un très-grand nombre de batis sur plusieurs côtes ; et il est même des rivages où on en prend une sigrande quantité, qu’on les y prépare pour les envoyer au loin, comme la morue et d’autres poissons sont préparés à Terre-Neuve ou dans d’autres endroits. Dans plusieurs pays du Nord, et particulièrement dans le Holstein et dans le Schleswig, on les fait sécher à l'air, et on les envoie ainsi desséchées dans plusieurs contrées de l’Europe, et particulièrement de l'Allemagne. Examinons maintenant les différences qui séparent la batis des autres aspèces de raies. ANA AAA AS VV VV AA AR AAA AAA AAA RAY MAMAN VF LA RAÏE OXYRINQUE ge Css dans l'Océan, ainsi que dans la Méditerranée, que l'on rencontre cetle raie, qui a de très- grands rapports avec la batis. < Alesne, dans quelques départemens méridionaux ; sot, gilioro, flossade, DE LA RAIE OXYRINQUE. 132 Elle en diffère cependant par plusieurs caractères, et particu- lièrement par les aiguillons que l’on voit former nn rang, non- seulement sur la queue , comme ceux que présente la batis, mais encore sur le dos. Elle à le devant de la tête terminé par une pointe assez aiguë pour mériler le nom d’oxyrinque ou bec poin- tu, qu'on lui donne depuis long-temps. Auprès de chaque œil \ on aperçoit trois grands aiguillons ; le dos en montre quelquefois deux très-forts ; et l’on en distingue aussi un assez grand nom- bre de petits et de foibles répandus sur toute la surface supérieure du corps. Quelquetois la queue du mâle est armée non-seule- ment d’une, mais de trois rangées d’aiguillons. L'on voit assez souvent d’ailleurs lès piquans qui garnissent la queue du male ou celle de la femelle, plus longs et plus gros les uns que les autres, et placés de manière qu’il s’en présente alternativement un plus grand et un moins grand. Au reste, nous croyons devoir prévenir ici que plusieurs auteurs on! jeté de la confusion dans l’histoire des raies, et les ont supposées divisées en plus d’espèces qu’elles n’en forment réellement, pour avoir regardé Ja disposi- tion , le nombre, la place, la figure et la grandeur des aiguillons, comme des caractères toujours conslans et toujours distinctifs des espèces. Nous nous sommes assurés , en examinant une assez grande quantité de raies , d'âge, de sexe et de pays diflérens, qu'il n’y a que certaines distributions et certaines formes de piquans qui ne varient ni suivant le climat, ni suivant le sexe, ni suivant l'âge des individus, et qu’il ne faut s'en servir pour distinguer les espèces qu'après un long examen et une comparaison attentive de ce trait de conformation avec les autres caractères de l’animal. Le dessous du corps de l’oxyrinque est blanc, et le dessus est le plus souvent d’un gris cendré, mêlé de rongeûtre, et parsemé de taches blanches, de points noirs, et de petites taches foncées, qui, semblables à des lentilles, l’ont fait nommer Zentillade dans quelques-uns de nos départemens méridionaux. On a vu des oxyrinques de deux mètres et trois décimètres (environ sept pieds ) de long, sur un peu plus d’un mètre et six décimètres ( cinq pieds ou à peu près ) de large. La chair de l’espèce que nous décrivons est aussi bonne à man- ger que celle de la batis. mt) perosa rasa, dans plusieurs contrées d'Italie ; Zentillade, sur quelques côtes de France baignées par la Méditerranée ; raja mucosa, raja bavosa. 192 HISTOIRE NATURELLE RAA RAA IUT UE EE MMM EUR UE MUR LAUSAATAE À LAS LA RAIE MIRALET :. Crvre raie, que l'on trouve dans la Méditerranée, présente un. assez grand nombre d'aiguillons ; mais ils sont disposés d’une manière différente de ceux que l’on observe sur la batis et l'oxy- rinque. Premièrement, de petits aiguillons sont disséminés au- dessus et souvent au-dessous du museau. Secondemerit , on en voit de plus grands autour des yeux, et la queue en montre trois ongues rangées. Quelquefois on en compte deux grands, et isolés sur la partie antérieure de la ligne du dos, et assez près des yeux; et quelquefois aussi les deux rangées extérieures que l’on remar- que sur la queue ne s'étendent pas, comme le rang du milieu, jusqu’à l'extrémité de cette partie. Chacune de ces rangées laté- rales est aussi, sur quelques individus , séparée du rang intérieur par une suite longitudinale de piquans plus courts et plus foibles; ce qui produit sur la queue cinq rangées d’aiguillons grands ou petits, au lieu de trois rangées. Au reste, non-seulement l'on voit sur cetle même partie les deux nageoires auxquelles nous avons conservé le nom de dorsales; mais éncore son extrémité, au lieu de finir en pointe comme la queue de la batis, est termi- née par une iroisième nageoire. Le dessus du corps du miralet est d’un brun ou d’un gris rou- geâtre, parsemé de taches dont Îes nuances paroissent varier suivant l’âge, le sexe ou les saisons; et Fon voit d’ailleurs sur cha- cune des nageoires pectorales une grande tache arrondie, ordi- nairement couleur de pourpre, renfermée dans un cercle d’une couleur plus ou moins foncée, et qui, comparée par les uns à un miroir , a fait donner à l'animal, dans plusieurs de nos départe- mens méridionaux , le nom de petit miroir, miralet où rniraillet; et, paroissant à d’autres observateurs plus semblable à un œil, à un iris avec sa prunelle, a fait appliquer à la raie dont nous traitons l'épithète d'oculée ( ocellata ). : Mirallet, sur quelques côtes françaises de Ja Méditerranée ; harracol, sur quelques bords de la mer Adriatique, et particulièrement à Venise; arzé/lu, à Rome. , DE LA RAIE RONCE. 153 Mais si la Nature a donné aux miralets cette sorte de parure, elle ne paroît pas leur avoir départi la grandeur. On n’en trouve communément que d'assez petits; et d’ailleurs leur chair ne four- nit pas un aliment aussi sain ni aussi agréable que celle de la batis ou celle de loxyxinque. RAA AAA VA MAILLE ALI AE AAA VO EAU LAS ASAUA RAA AAA BAIL RAA AA VUS LA RATE CHARDON. ns L: nom de chardon que porte cette raie imdique le grand nombre de petits piquans dont toute la partie sup érieure de son corps est hérissée ; et comme cesaiguillons ont beaucoup de rap- ports avec les dents de fer des peignes dont on se sert pour fou- ler les étofles, on l’a aussi nommée raie à foulon (raja fullo-. nica). Elle a d’ailleurs une rangée d'assez grands aiguillons auprès des yeux, et au moins deux rangées de piquans sur la queue. La couleur du dessus de son corps est d’un blanc jaunûtre, avec des taches noires ou d’une nuance irès-foncée, et celle du dessous du corps est d’un blanc éclatant, qui, réuniravec la nuance blanchâtre du dos, lui à fait donner le nom de cheval blanc ( white horse) dans quelques endroits de l'Angleterre. On la pêche dans presque toutes les mers de l'Europe. AAA AANAAAANAAAAR AAA AAA AAA AAA AAAAARAN AVR LA RAIE RONCE. ” Gi poisson est bien nommé ; de toutes les raies comprises dans le sous-genre qui nous occupe , la ronce est en effet celle qui est armée des piquans les plus forts, et qui en présente le plus grand nombre. Indépendamment d’une rangée de gros aiguillons que l'on a comparés à des clous de fer, et qui s'é- tendent sur le dos ; indépendamment encore de trois rangées semblables qui règnent le long de la queue, et qui, réumies avec la rangée dorsale , forment le caractère distinctif de éette espèce , on voitordinairement deux piquans auprès des narines : on en compte six autour des yeux, quatre sur la partie supé- 134 HISTOIRE NATURELLE rieure du corps, plusieurs rangs de moins forts sur les nageoires pectorales , dix très-longs sur le côté inférieur de l'animal; tout le reste de la surface de cette raie est hérissé d’une quantité innombrable de petites pointes ; et, comme la plante dont elle orte le nom, elle n'offre aucune partie que l’on puisse tou- cher sans les plus grandes précautions. . Mieux armée que presque toutes les autres raies , elle attaque avec plus de succès, et se défend avec plus d'avantage : d’ailleurs ses habitudes sont semblables à celles que nous avons exposées en traitant de la batis ; eton la trouve de même dans presque toutes les mers de l’Europe. Le dessus de son corps est jaunâtre , tacheté de brun : le dessous blanc; l'iris de ses yeux noir; la prunelle bleuatre. On comple de chaque côté trois rayons dans la nageoire appelée ventra!e, six dans celle à laquelle le nom d’anale a été don- née; et c’est dans cette espèce particulièrement que l’on voit avec de très-grandes dimensions ces appendices ou crochets que nous avons décrits en traitant de la batis, et que présentent les males de toutes les espèces de raies. RAR AAA AMLANASAN AAA RAA RAA AAA AAA ARARAUE AA AA AAA AAA AAA NAN AAA RP AAA PARA AE A LA RAIE CHAGRINÉE. L: corps de ce poisson est moins large, à proportion de sa lon- gueur, que celui de la plupart des autres raies. Son museau est long, pointu , et gerni de deux rangs d’aiguillons. On voit quelques autres piquans placés en demi - cercle auprès des yeux dont l'iris a la couleur du saphir. Les deux côtés de la queue sont armés d’une rangée d’aiguillons ou d'épi-# nes, entremélés d’un grand nombre de petites pointes. Le dessous du corps est une ; et le dessus, qui est d’un brun cendré, présente, surtout di sa partie antérieure, des tuber- cules semblables à ceux qui revêtent la peau de plusieurs ent, parüculièrement celle du requin , et qui font donner à ce légument le nom de peau de chagrin. * DE LA RAIE TORPILLE. ,35 RAR VA tAA4AR VAAAA VAR VAS VRAI AA SARA AAA VUE VAS VAS AS LAS AAA MA LUIAAS LEAALALAS LA RAIE TORPILLE *. | ” am Fr; forme, les habitudes et une propriété remarquable de ce poisson , l'ont rendu depuis long-temps l’objet de l'attention des physiciens. Le vulgaire l'a admiré, redouté, métamorphosé dans un animal doué d’un pouvoir presque surnaturel ; et la réputation de ses qualités vraies ou fausses s’est tellement répan- due , même parmi les classes les moins instruites des différentes nalions, que son nom est devenu populaire , et la nature de sa force le sujet de plusieurs adages. Ea tête de la torpille est beaucoup moins distinguée du corps proprement dit et des na- geoires pectorales, que celle de presque toutes les autres raies ; et l'ensemble de son corps, si on en retranchoit la queue, res- _sembleroit assez bien à un cercle, on, pour‘m'eux dire, à un ovale dont on auroit supprimé un segment vers le milieu du bord aniérieur. L'ouverture supérieure de ses évents est ordi- nairement entourée d’une membrane plissée, qui fait paroitre cet orifice comme dentelé. Autour de la partie supérieure de son corps et auprès de l'épine dorsale, on voit une assez grande quantité de petits trous d'où suinte une liqueur muqueuse , plus ou moins abondante dans tous les poissons, et qui ne sont que les ouvertures des canaux ou vaisseaux particuliers destinés à transmettre ce suc visqueux aux différentes portions de la sur- face de l'animal. Deux nageoires nommées dorsales sont placées sur la queue; et l'extrémité de cette partie est garnie d’une na- geoire divisée , pour ainsi dire, par cette même extrémité, en deux lobes, dont le supérieur est le plus grand. La torpille est blanche par-dessous ; mais la couleur de son côté supérieur varie suivant l’âge, le sexe et le climat. Quelque- fois cette couleur est d’un brun cendré , et quelquefois elle est rougeûtre ; quelques individus présentent une seule nuance, et DT EERRER EEE TER TERRE ARS GE ETES ECTS SRRT DE CR RO EREEREENEMTE | 1 Troupille et dormilliouse , a Marseille ; poule de mer , dans plusieurs dé- partemens méridionaux ; tremoëse, a Bordeaux ; £cara , sur les côtes voisines de Saint-Jean-de-Luz ; sremorise et batte potta ,.a Gènes; ochratella et ocule- tella ,e Rome; cramp: fish, en Angleterre. + 136 HISTOIRE NATURELLE d'autres ontun très-grand nombre de taches. Le plussouvent on en voit sur le dos cinq très-grandes , rondes, disposées comme aux cinq angles d’un pentagone, ordinairement d’un bleu foncé , entourées tantôt d’un cercle noir , tantôt d’un cercle bianc, tantôt de ces deux cercles placés l’un dans l’autre, ou ne montrant ancun cercle coloré. Ces grandes taches ont assez de rapports avec celles que l'on observe sur le miralet : on les a comparées à des yeux ; elles ont fait donner à l'animal l’'épi- thète d’ærllé : et c’est leur absence , ou des variations dans leurs nuances et dans la disposition de 1 couleurs, qui ont fait penser à quelques naturalistes que l'on devoit compter quatre espèces différentes de torpille, ou du moins quatre races cons- tantes dans cette espèce de raie. L'odorat de la torpille semble être beaucoup moins parfait que celui de la plupart des raies, et de plusieurs autres poissons car- tilagineux ; aussi sa sensibilité paroît-elle beaucoup moindre : ct nage avec moins de vitesse; elle s’agite avec moins d’impé- tuosite ; elle fuit plus difficilément; elle poursuit plus foiblement ; elle Eatbt avec moins d’ardeur; et, avertie de bien moins loin de la présence de sa proie ou de celle de son ennemi, on diroit qu'elle est bien plus exposée à être prise par les pêcheurs, ou à 4 succomber à la faim, ou à périr sous la dent meurtrière de très-gros poissons. Elle ne parvient pas non plus à une grandeur aussi considé- rable que la batis et” quelques autres raies; on n’en trouve que très-rarement et qu’un bien petit nombre d’un poids supérieur à vingt-cinq kilogrammes ( cinquante livres, ou environ)’; et ses muscles paroissent bien moins forts à proportion que, ceux de la batis. k Ses dents sont très-courtes; la surface de son corps ne présente aucun piquant ni aiguillon. Petite, foible, indolente, sans armes, elle seroit donc livrée sans défense aux voraces habi- ians des mers dont elle peuple les profondeurs , ou dont elle habite les bords : mais, indépendamment du soin qu'elle a de se tenir presque toujours cachée sous le sable ou sous la vase, soit * M. Walsh, membre du parlement d'Angleterre, et de la Société de Londres, prit, dans la baie de Tor, une torpille qui avoit quatre pieds de long, deux piegs et derui de large , et quatre pouces et demi dans sa plus grande “or. Elle pesoit cinquante-trois livres. Tome 2. (RS) Page 156. oo Pretre putx ee ' : 3 7 Coignet Je. 1. La Raié ronce ...... Page 133. °F 2.La Rare torpille. ne AE ST ON dla Raiïe awle, 100 1. 149 Ha 4 4e “M no EE 0 x Puy { Hot DE LA RAIE TORPILLE. | or lorsque la belle saison l’altire vers les côtes, soit lorsque le froid l'éloïgne des rivages et la repousse dans les abîmes de la haute mer, elle a reçu de la Nature une faculté particulière bien supérieure à la force des denis, des dards, et des auires armes dont elle au- roit pu êlre pourvue ; elle possède la puissance remarquable et re- doutable de lancer , pour ainsi dire, la foudre; elle accumule dans son corps et en fait jaillir le fluide électrique avec la rapidité de l'éclair ; elle imprime une commotion soudaine et paralysante au bras le plus robuste qui s’avance pour la saisir, à l'animal le plus terrible qui veut la dévorer; elle engourdit pour des instans assez longs les poissons les plus agiles dont elle cherche à se nourrir; elle frappe quelquefois ses coups invisibles à une distance assez grande; et par cette action prompte, et qu'elle peut souvent re- nouveler, annulant les mouvemens de ceux qui l’attaquent et de ceux qui se défendent contre ses efforts , on croiroit la voir réa- liser au fond des eanx une partie de ces prodiges que la poésie et la fable ont atiribués aux fameuses enchanteresses dont elles avoient placé l'empire au milieu des flots, ou près des rivages. Mais quel est donc dans la torpille l'organe dans lequel to cette électricité particulière ? et comment s'exerce ce pouvoir que nous n'avons encore vu départi à aucun des animaux que l’on trouve sur l'échelle des êtres, lorsqu'on en descend les degrés de- puis l’homme jusqu’au genre des raies ? _ De chaque côté du crâne et des branchies, est un organe par- ticulier qui s'étend communément depuis le bout du museau ‘jusqu’à ce cartilage demi-circulaire qui fait partie du diaphragme, et qui sépare la cavité de la poitrine de celle de l'abdomen. Get organe aboutit d’ailleurs , par son côté extérieur, presque à l'ori- gine de la nageoire pectorale. Il occupe donc un espace d'autant plus grand relativement au volume de l’animal, qu'il remplit tout l'intérieur compris entre la peau de la partie supérieure de la tor pille et celle de la partie inférieure. On doit voir aisément que la plus grande épaisseur de chacun des deux organes est dans le bord qui est tourné vers le centre et vers la ligne dorsale du pois- son , et qui suit dans son contour toutes les sinuosités de la tête et des branchies, contre lesquelles il s'applique. Chaque organe est attaché aux parties qui l'environnent par une membrane cellu- _Jaire dont le tissu est serré, et par des fibres tendineuses , courtes, fortes et droites, qui vont depuis le bord extérieur jusqu'au car- tilase demi-circulaire du diaphragme. | 158 HISTOIRE NATURELLE Sous la peau qui revêt la partie supérieure de chaque organe électrique , on voit une espèce de bande étendue sur tout l’or- gane, composée de fibres prolongées dans le sens de la longueur du corps , et qui, excepté ses bords, se confond , dans presque toute sa surface supérieure , avec le tissu cellulaire de la peau. Immédiatement au-dessous de cette bande, on en découvre une seconde de même nature que la première , et dont le bord intérieur se mêle avec celui de la bande supérieure , mais dont les fibres sont situées dans le sens de la largeur de la torpille. Cette bande inférieure se continue dans l'organe proprement dit par un trés-grand nombre de prolongemens membraneux qui y forment des prismes verlicaux à plusieurs pans, ou , pour mieux dire , des tubes creux , perpendiculaires à la surface du poisson , et dont la hauteur varie et diminue à mesure qu'ils s’éloignent du centre de l'animal ou de la ligne dorsale. Ordi- nairement la hauteur des plus longs tuyaux égale six vingtièmes de la longueur totale de l'organe ; celle des plus petits en égale un vingtième; et leur diamètre, presque le même dans tous, est aussi d’un vinglième, ou à peu près. Les formes des différens tuyaux ne sont pas toutes semblables. Les uns sont hexagones, d'autres pentagones, et d’autres carrés: quelques-uns sont réguliers ; mais le plus grand nombre est d’une figure irrégulière. Les prolongations membranenses qui composent les pans de ces prismes sont très -déliées , assez transparentes , étroitement unies l’une à l’autre par un réseau lâche de fibres tendineuses qui passent obliquement et transversalement entre les tuyaux; et ces tubes sont d’ailleurs attachés ensemble par des fibres fortes et non élastiques, qui vont directement d’un prisme à l’autre. On a compté, dans chacun des deux organes d’une grande tor- pille, jusqu’à près de douze cents de ces prismes. Au reste, entre la partie inférieure de l'organe et la peau qui revêt le dessous du corps du poisson, on trouve deux bandes enlière- ment semblables à celles qui recouvrent les extrémités supé- rieures des tubes. Non-seulement la grandeur de ces tuyaux augmente avec l’âge de la lorpille, mais encore leur nombre s'accroît à mesure que animal se développe. Chacun de ces prismes creux est d’ailleurs divisé dans son intérieur en plusieurs intervalles par des espèces de cloisons ho- DE LA RAIE TORPILLE. 139 rizontales, composées d’une membrane déliée et très-transpa- rente, paroissant se réunir par leurs bords , attachées dans l'in- térieur des tubes par une membrane cellulaire très-fine, com- ‘muniquant ensemble par de petits vaisseaux sanguins, placées l'uneau-dessus de l’autre à de très-petites distances, et formant un grand nombrede petits interstices qui semblent contenir un fluide, De plus, chaque or gane est traversé par desartères , des veines et un grand nombre de nerfs qui se divisent dans toutes sortes de directions entre les tubes, et étendent de petites ramifications sur chaque cloison , où ils disparoissent *. Tel est le double instrument que la Nature a accordé à la tor- pille ; tel est le double siége de sa puissance électrique. Nous ve- nons de voir que lorsque cette raie est parvenue à un certain degré de développement, les deux organes réunis renferment près de deux mille quatre cents tubes : ce grand assemblage de tuyaux représente es batteries électriques, si bien connues des physiciens modernes, et que composent des bouteilles ful- minantes , appelées bouteilles de Leyde, disposées dans ces bat- teries de la même manière que les tubes dans les organes de la torpille, beaucoup plus grandes à la vérité, maisaussi bien moins nombreuses. Voyons maintenant quels sont les effets de ces instrumens ful- minans ; exposons de quelle manière la torpille jouit de son pouvoir électrique. Depuis très-long-temps on avoit observé, ainsi que nous l'avons dit, cette curieuse faculié; mais elle étoit encore inconnue dans sa nature et dans plusieurs de ses phéno- mènes, lorsque Redi chercha à en avoir une idée plus nette que les savans qui l’avoient précédé. Il voulut éprouver la vertu d’une torpille que lon venoit de pêcher. « À peine l’avois-je « touchée et serrée avec la main, dit cet habile observateur, « que j'éprouvai dans cette partie un picotement qui se com- « muniqua dans le bras et dans toute l'épaule, et qui fut suivi « d'un tremblement désagréable et d’une douleur accablante et « aiguë dans le coude, en sorte que je fus obligé de retirer aus- « sitôt la main, » Cet engourdissement a été aussi décrit par 3 Ceux qui désireront des détails plus étendus sur les organes que nous venons de décrire pourront ajouter aux résultats de nos observations ceux qu'ils trou- veront dans l'excellent ouvrage de J. Hunter, intitulé Observations anatomiques sur la torpille, 140 HISTOIRE NATURELLE Réaumur, qui a fait plusieurs observations sur Ja raie Rte .© Il est très-différent des engourdissemens ordinaires, a écrit «€ ce savant naturaliste; on ressent dans toute l'étendue du bras « une espèce d’éornement qu'il n’est pas possible de bien pendre, « mais lequel (autant que les sentimens peuvent se faire con- « noïtre par comparaison ) a quelque rapport avec la sensation « douloureuse que l’on éprouve dans le bras lorsqu'on s’est « frappé rudement le coude contre quelque corps dur’. » Redi, en continuant de rendre compte de ses expériences sur la raie dont nous écrivons l’histoire » ajoute : ::« La même « impression se renouveloit toutes les Le que je m'obstinois 4 « toucher de nouveau la torpille. Il est vrai que la douleur et « le tremblement diminuérent à mesure que la mort de la « torpille approchoïit. Souvent même je n'éprouvois plus au- « cune sensation semblable aux premières ; et lorsque la 1or- « pille fut décidément morte, cé qui arriva dans l’espace de « trois heures, je pouvois la manier en sûreté , et sans ressentir « aucune impression ficheuse.. D’après cette observation, je ne & suis pas surpris qu'il y ait des gens qui révoquent cet eflet « en doute, et regardent l'expérience de la torpille comme fabu- « leuse, apparemment parce qu'ils ne l'ont jamais faite que sur « une torpille morte ou près de mourir. » | Mais ce n'est pas seulement lorsque la torpille est très-affoiblie ‘et près d'expirer, qu’elle ne fait plus ressentir de commotion électrique ; il arrive assez souvent qu'elle ne donne aucun signe de sa puissance invisible, quoiqu'elle jouisse de toute la pléni- tude de ses forces. Je l'ai éprouvé à la Rochelle, en 1777, avec trois où quatre raies de ceite espèce, qui n’avoient été pêchées que depuis très-peu de temps, qui étoient pleines de vie dans de grands baquets remplis d'eau , et qui ne me firent ressentir aucun coup que près de deux heures après que J'eus commencé de les toucheretde les manier en différenssens. Réaumur rapporte même, dans les Mémoires que je viens de citer, qu'il toucha impunément et à plusieurs reprises des torpilles qui étoient en.- core dans la mer , et qu’elles ne lui firent éprouver leur vertu engourdissa nie que Jorsqu’elles furent fatiguées en quelque sorte de ses attouchemens réitérés. Mais revenons à la narration de PR NT 1 Mém. de l’Académie des Sciences , année 1714. DE LA RAIE TORPILLE. 141 Redi, et à l'exposition des premiers phénomènes relatifs à la tor= pille, et bien observés par les physiciens modernes. « Quant à l'opinion de ceux qui prétendent que la vertu « de Ha torpille agit de loin, a écrit encore KRedi, je ne puis « prononcer ni pour ni contre avec la même confiance, « Tous les pêcheurs affirment constamment que cette vertu se « communique du corps de la torpille à la main et au bras de « celui qui la pêche, par l'intermède de la corde du filet, et du « bâton auquel il est suspendu. L’un d'eux m'assura même « qu'ayant mis une torpille dans un grand vase, et étant sur le « point de remplir ce vase avec de l’eau de mer qu'il avoit mise « dans un second bassin , il s'étoit senti les mains engourdies, « quoique légèrement. Quoi qu'il en soit, je n'oserois nier le « fait; je suis même porté à le croire. Tout ce que je puis assu- « rer, Cest qu'en approchant la main de la torpille sans la tou- « cher, ou en plongeant mes mains dans l’eau où elle étoit, je « n’ai ressenti aucune impression. Îl peut se faire que la torpille « lorsqu'elle est encore pleine de vigueur dans la mer, et que « sa verlu na éprouvé aucune dissipation, produise tous les « effets rapporiés par les pêcheurs. » Redi observa , de plus , que la vertu de la torpille n'est jamais plus active que lorsque cet animal est serré fortement avec la main , et qu'il fait de grands efforts pour s'échapper. _ Indépendamment des phénomènes que nous venons d'exposer, il remarqua les deux organes particuliers situés auprès du crâne et des branchies , et que nous venons de décrire ; et 1l conjectura que ces organes devoient êlre le siége de la puissance de la tor- pille. Mais lorsqu'il voulut remonter à la cause de l’engourdis- sement produit par celte raie, il ne trouva pas dans les connois- sances physiques de son siècle les secours nécessaires pour la découvrir ; et se conformant , ainsi que Perrault et d’autres sa- vans, à la manière dont on expliquoit de son temps presque tous les phénomènes, il eut recours à une infinité de corpus- cules qui sortent continuellement, selon lui, du corps de la torpille , sont cependant plus abondans dans certaines circons- tances que dans d’autres, et engourdissent les membres dans lesquels ils s’'insinuent, soit parce qu'ils s'y précipitent en trop grande quantité, soit parce qu'ils y trouvent des routes peu assorties à Leurs figures. Quelque inadmissible que soit cette hypothèse , on verra aisé- 142 HISTOIRE NATURELLE ment, pour peu que lon soit familier avec les théories élec- triques, qu’elle n’est pas aussi éloignée de la vérité que celle de Borelli, qui eut recours à une explication plus mécanique. Ce dernier auteur distinguoit deux états dans la torpille, l'un où elle est tranquille, l'autre où elle s'agite par un violent tremblement; et il attribue la commotion que l’on éprouve en touchant le poisson , aux percussions réitérées que cette raie exerce, à l’aide de son agitation, sur les tendons et les liga- mens des articulations. Réaumur vint ensuile; mais ayant observé la torpille avec beaucoup d'attention , et ne l'ayant jamais vue agitée du mou- vement dont parle Borelli, même dans l'instant où elle alloit déployer sa puissance, il adopta une opinion différente , quoi- que rapprochée , à beaucoup d'égards, de celle de ce dernier savant. « La torpille, dit-il, n’est pas absolument plate: son dos, où « plutôt tout le dessus de son corps est un peu convexe. Je re- « marquai que pendant qu’elle ne produisoit ou ne vouloit pro: « duire aucun engourdissement dans ceux qui la touchoient; « son dos gardoit la convexité qui Jui est naturelle. Mais se « disposoit-elle à agir, insensiblement elle diminuoit la convexité « des parties de son corps qui sont du côté du dos, vis-à-vis de « la poitrine; elle aplatissoil ces parties ; quelquefois même, « de convexes qu'elles sont, elle les rendoit concaves : alors « l'instant étoit venu où l'engourdissement alloit s'emparer du « bras; le coup étoit prêt à partir , le bras se trouvoit engourdi; « les doigts qui pressoient le poisson étoient obligés de lâcher « prise; toute la partie du corps de l'animal qui s’étoit aplatie « redevenoit convexe. Mais, au lieu qu’elle s’étoit aplatie in- « sensiblement , elle devenoit convexe si subitement , qu'on « n'apercevoit pas le passage d’un état à l’autre. ... Parla con- « traction lente qui est l'effet de l’aplatissement, la torpille « bande, pour ainsi dire , tous ses ressorts ; elle rend plus courts « tous ses cylindres; elle augmente en même temps leufs bases. « La contraction s’est-elle faile jusqu’à un certain point, tous les « ressorts se débandent , les fibres longitudinales s'allongent; les « transversales, ou celles qui forment les cloisons, se raccourcis- « sent ; chaque cloison, tirée par les fibres longitudinales qui s'al- « longent, pousse en haut la matière molle qu’elle contient, à quoi « aide encore beaucoup le mouvement d’ondulation qui se fait DE LA RAIE TORPILLE. 143 & dans les fibres transversales lorsqu'elles se contractent. Si un « doigt touche alors la torpille, dans un instant il reçoit un coup, « ou plutôt il reçoit plusieurs coups successifs de chacun des cy- « lindres sur lesquels il est appliqué... Ces coups réitérés donnés « par une matière molle ébranlent les nerfs; ils suspendent ou « changent le cours des esprits animaux ou de quelque fluide « équivalent, ou, si on l'aime mieux encore, ces coups produi- « sent dans les nerfs un mouvement d’ondulation qui ne s'ac- « commode pas avec celui que nous devons leur donner pour « mouvoir le bras. De là naît l'impuissance où l’on se trouve « d’en faire usage , et le sentiment douloureux. » Après cette explication, qui, malgré les erreurs qu’elle ren- ferme relativement à la cause immédiate de l'engourdissement, ou, pour mieux dire, d’une commotion qui n’est qu’une secousse électrique, montre les mouvemens de contraction et d’extension que la torpille imprime à son double organe lorsqu'elle veut paralyser un être vivant qui la touche, Réaumur rapporte une expérience qui peut donner une idée du degré auquel s'élève le plus souvent la force de l'électricité de la raie dont nous traitons. Il mit une torpille et un canard dans un vase qui contenoit de l’eau de mer, et qui étoit recouvert d’un linge, afin que le canard ne püt pas s'envoler. L'oiseau pouvoit respirer très-librement, et néanmoins au bout de quelques heures on le trouva mort : il avoit succombé sous les coups électriques que lui avoit portés la torpille ; 1l avoit été, pour ainsi dire, foudroyé par elle. Cependant la science de l'électricité fit des progrès rapides, et fut cultivée dans tout le monde savant. Chaque jour on chercha à en étendre le domaine; on retrouva la puissance électrique dans plusieurs phénomènes dont on n’avoit encore pu donner aucune raison satisfaisante. Le docteur Bancroft soupçonna l'identité de ia vertu de la torpille, et de l’action du fluide électrique ; et enfin M. Walsh, de la Société de Londres, démontra cette identité par des expériences très- nombreuses qu’il fit au près des côtes de France, dans l’île de Ré, et qu’il répéta à la Rochelle, en présence des membres de l'Académie de cette ville. Voici les principales de ces expériences. On posa une torpille vivante sur une serviette mouillée. On suspendit au plancher, et avec des cordons de soie, deux fils de laiton : tout le monde sait que le laiton , ainsi que tous les métaux, est un très-bon conducteur d'électricité, c’est-à-dire, qu’il con- 144 HISTOIRE NATURELLE duit ou transmet facilement le fluide électrique, et que la soie est au contraire non conductrice, c’est-à-dire, qu’elle oppose un obstacle au passage de ce même fluide. Les fils de laiton employés par M. Walsh furent donc, par une suite de leur suspension avec de la soie, isolés, ou, ce qui est la même chose, séparés de toute substance perméable à l'électricité ; car l'air, au moins quand il ést sec, est aussi un lrès-mauvais conducteur électrique. Auprès de la torpille étoient huit personnes disposées ainsi que nous allons le dire, et isolées par le moyen de tabourets faits de matières non conductrices, et sur lesquels elles étoient montées. Un bout d’un des fils de laiton étoit appuyé sur la serviette mouillée qui soutenoit la torpille, et l’autre bout aboutissoit dans un premier bassin plein d’eau *. La première personne avoit un doigt d’une main dans le bassin où étoit le fil de laiton, et un doigt de l’autre main dans un second bassin également rempli d’eau ; la seconde personne tenoit un doigt d’une main dans le second bassin , et un doist de l’autre main dans un troisième; la troisième plongeoïit un doigt d’une main dans le troisième bassin , et un doigt de l’autre main dans un quatrième, et ainsi de suite, les huit personnes communiquoient lune avec l’autre par le moyen de l’eau contenue dans neuf bassins. Un bout du second fil de laiton étoit plongé dans le neuvième bassin; et M. Walsh ayant pris l'autre bout de ce second fils métallique, et l'ayant fait toucher au dos de la torpille, il est évident qu'il y eut à l'instant un cercle conducteur de plusieurs pieds de contour, et formé sans interruption par la surface inférieure de l’animal, la serviette mouillée, le premier fil de laiton, le premier bassin, les huit personnes , les huit autres bassins, le second fil de laiton, et le dos de la torpille. Aussi les huit personnes ressentirent-elles sou dain une commotion qui ne difiéroit de celle que fait éprouver une batterie électrique que par sa moindre force; et, de même que dans les expériences que l’on tente avec cette batterie, M. Walsh, qui ne faisoit pas partie du cercle déférent ou de la chaîne con- ductrice, ne reçut aucun coup, quoique beaucoup plus près de la raie que les huit personnes du cercle. Lorsque la torpille étoit isolée, elle faisoit éprouver à plusieurs pérsonnes isolées aussi quarante où cinquante secousses succes sives dans l’espace d’une minute et demie : ces secousses éloient ? Nous n’avons pas besoin d’ajouter que l’eau est un excellent conducteur. _ . DE LA RAIE TORPILLE. 145 toutes sensiblement égales; et chaque eflort que faisoit l'animal pour donner ces commotions éloit accompagné d’une dépression de ses yeux, qui, très-saillans dans leur état naturel, rentroient alors dans leurs orbites *, tandis que le reste du corps ne présen- toit presque aucun mouvement très-sensible. Si l’on ne touchoit que l’un des deux organes de la torpille, il arrivoit quelquefois qu'au lieu d’une secousse forte et soudaine on n’éprouvoit qu’une sensation plus foible , et, pour ainsi dire, plus lente : on ressentoit un engourdissement pluiôt qu’un coup; et quoique les yeux de l'annmal fussent alors aussi déprinés que dans les momens où il alloit frapper avec plus d'énergie et de rapidité, M. Walsh présumoit que l’engourdissement causé par cette raie provient d’une décharge successive des tubes très-nom- breux qui composent les deux siéges de son pouvoir, tandis que la secousse subite est due à une décharge simultanée de tous ses tuyaux. à Toutes Îes substances propres à laisser passer facilement le fluide électrique, et qu'on a nommées conductrices, transmet- toient rapidement la commotion produite par la torpille ; et tous les corps appelés non-conducteurs, parce qu’ils ne peuvent pas Lvrer un libre passage à ce même fluide, arrêtoient également la secousse donnée par la raie, et opposoient à sa puissance un obstacle insurmontable. En touchant, par exemple, l'animal avec un bâton de verre, ou de cire d'Espagne, on ne ressentoit aucun eflet; mais on étoit frappé violemment lorsqu'on mettoit à la place de la cire ou du verre une barre métallique ou un corps très-mouillé. Tels sont les principaux effets de l'électricité des torpilles, très- bien observés et très-exactement décrits par M. Walsh, et obte- nus depuis par un grand nombre de physiciens. Ils sont entiè- rement semblables aux phénomènes analogues produits par l'électricité naturelle des nuages, ou par l'électricité artificielle des bouteilles de Leyde et des autres instrumens fulminans. De z Kæmpfer a écrit que l’on pouvoit, en retenant sôn haleine , se garantir de la commotion que donne la torpille; mais M. Walsh, et plusieurs autres physi- ciens qui se sont occupés de l’électricité de cette raie , ont éprouvé que cette pré- caution ne diminuoit en aucune manière la force de la secousse produite par ce poisson électrique. Lacepède. 2. 10 146 HISTOIRE NATURELLE même que la foudre des airs, ou la foudre bien moins puissante de nos laboratoires, l'électricité de la torpille, d'autant plus forte que les deux surfaces des batteries fulminantes sont réunies par un contact plus grand et plus immédiat, parcourt un grand cercle, traverse tous les corps conducteurs, s’arrète devant les substances non conductrices, engourdit, ou agite violemment, et met à mort les êtres sensibles qui ne peuvent se soustraire à ses coups que par l'isolement, qui les garantit des effets terribles des nuages orageux. Une différence très-remarquable paroît cependant séparer cette puissance des deux autres : la torpille, par ses contractions , ses dilatations , et les frottemens qu’elles doivent produire dans les diverses parties de son double organe, charge à l'instant les mil- liers de tubes qui composent ses balteries; elle y condense subi- tement le fluide auquel elle doit son pouvoir, tandis que ce n’est que par des degrés successifs que cemmême fluide s’accumule dans les plateaux fulminans, ou dans les batteries de Leyde. D'un autre côté, on n’a pas pu jusqu'à présent faire subir à des corps légers suspendus auprès d’une torpille les mouvemens d'attraction et de répulsion que leur imprime le voismage d’une bouteille de Leyde ; et le fluide électrique lancé par cette raie n’a pas pu, en parcourant son cercle conducteur, traverser un inter- valle assez grand d’une partie de ce cercle à une autre, et être assez condensé dans cet espace pour agir sur le sens de la vue, produire la sensation de la Inmière, et paroiïtre sous la forme d’une étincelle. Mais on ne doit pas désespérer de voir de très- grandes torpilles faire naître dans des temps favorables , et avec le secours d’ingénieuses précautions, ces derniers phénomènes que l'on a obtenus d’un poisson plus électrique encore que la tor- pille , el dont nous donnerons l'histoire en traitant de la famille des gymnotes , à laquelle il appartient *. On doit s'attendre d’au- tant plus à voir ces eflets produits par un individu de l'espèce que nous examinons »qu'il est aisé de calculer que chacune des deux principales surfaces de l'organe double et électrique d’une des plus larges torpilles pêchées jusqu'à présent devoit présenter une étendue de cent décimètres (près de vingt-neuf pieds) carrés; 1 Voyez le Discours sur la nature des poissons, et l’article du gymnote électrique , vulgairement connu sous le nom d'anguille de Cayenne. ou de Surinam. DE LA RAIE AIGLE. 14+ et tous les physiciens savent quelle vertu redoutable l'électricité artificielle peut imprimer à un seul plateau fulminant de qua- torze décimètres carrés ( quatre pieds carrés , ou environ ) de sur- face. Au reste, ce n’est pas seulement dans la Méditerranée, et dans la partie de l'Océan qui baigne les côtes de l'Europe, que l’on trouve la torpille ; on rencontre aussi cette raie dans le golfe Per- sique, dans la mer Pacifique, dans celle des Indes, auprès du cap de Bonne-Espérance , et dans plusieurs autres mers. AAA AARAANARA AAA AIR ARAAN AA AAA AAA RAA ARR RAR AAA L LA RAIE AIGLE :. Cesr avec une sorte de fierté que ce grand animal agite sa large masse au milieu des eaux de la Méditerranée et des autres mers qu'il habite ; et cette habitude, jointe à la lenteur que cette raie met quelquefois dans ses mouvemens, et à l'espèce de gra- vité avec laquelle on diroit alors qu'elle les exécute, lui a fait donner l'épithète de glorieuse sur plusieurs rivages. La forme et la disposition de ses nageoires pectorales , terminées de chaque côté par un angle aigu, et peu confondues avec le corps propre- ment dit, les ont d’ailleurs fait comparer à des ailes plus parti- culièrement encore que celles des autres espèces de raies + elles en ont reçu plus souvent le nom ; et comme leur étendue est très-grande , elles ont rappelé l’idée des oïseaux à la plus grande envergure, et la raie que nous décrivons a été appelée aigle dès les premiers temps où elle a été observée. Ce qui a paru ajou- ter à la ressemblance entre l'aigle et le poisson dont nous traitons, c'est que cette raie a aussi la tête beaucoup plus distincte du corps que presque toutes les autres espèces du même genre, et que cette partie plus avancée est terminée par un museau allongé et tres-souvent peu arrondi. De plus, ses yeux sont assez gros et très-saillans ; ce qui lui donne un nouveau trait de confor- 1 Glorieuse, perce ratto, rate penade ( chauve-souris), tare franke , dans plusieurs départemens méridionaux de France ; faucon de mer, erago e fer- raza , rospo ( crapaud ) , sur la côte de Gènes; aqguïla sur d’autres côtes d'Italie. 148 HISTOIRE NATURELLE mité, ou du moins une nouvelle analogie, avec le dominateur des airs , avec l'oiseau aux yeux les plus perçans. C'est principa- lement sur les côtes de la Grèce, dans ces pays favorisés par la Nature, où une heureuse imagination ne rapprochoit les êtres que pour les embellir ou les anoblir lun par lautre, que la raie dont nous traitons a élé distinguée par le nom d’argle ; mais, sur d’autres rivages, des pêcheurs grossiers, dont les conceptions moins poeuques n'enfantoient pas des images aussi nobles n1 aussi gracieuses , n'ont vu dans cette tête plus avancée et dans ces yeux plus saillans que les yeux et la tête d’un animal dégoûtant, que L portrait du crapaud, et ils l'ont nommée crapaud de mer. Cette lête, que l’on a comparée à deux objets si différens lun de l’autre, présente au reste, par-dessus et par-dessous , au moins le plus souvent, un sillon plus ou moins étendu et plus ou moins profond. Les dents , comme celles de toutes les raies du sous- genre qui nous occupe, sont plates et disposées sur plusieurs rangs. ” On a écrit que la raie aigle n’avoit pas de nageoires ventrales, parce que celles de ses nageoires qui sont les plus voisines de anus ne sont pas doubles de chaque côté, et ne montrent pas une sorte d’échancrure qui puisse les faire considérer comme di- visées en deux parties, dont l’une seroit appelée nageoire ven- trale, et l’autre nageoire de lPanus : mais en recherchant où s’attachent les cartilages des nageoires de la raie aigle qui se rap- prochent le plus de l’origine de la queue , on s'aperçoit aisément qu’elle a de véritables nageoires ventrales, et qu’elle manque de nageoires de l'anus. La queue, souvent deux fois plus longue que la tête et le corps, est tres-mince, presque arrondie, très-mobile, et terminée , pour ainsi dire, par un fil très-délié. Quelques observateurs ont vu dans la forme , la longueur et la flexibilité de celte queue, les principaux caractères de la queue des rats ; ils se sont empressés de nommer rat de mer la raie qui est l’objet de cet article , tandis que d’autres, réunissant à cet attribut celui de nageoires sem- blables à des ailes, ont vu un rat ailé, une sauve-souris, et ont nommé la raie aigle chauve-souris marine. On connoît mainte- nant lorigine des diverses dénominations de rat, de chauve- souris , de crapaud , d’aigle , données à la raie dont nous par- lons; et comme il est impessible de confondre un poisson avec un aigle, un crapaud , un rat ou une chauve-souris, nous aurions DE LA RAIE AIGLE. 149 pu sans inconvénient conserver indifféremment l'une ow l’autre de ces quatre désignations : mais nous avons préféré celle d’ai- gle, comme rappelant la beauté, la force et le courage, comme employée par les plus anciens écrivains , et comme conservée par le plus grand nombre des naturalistes modernes. La queue de la raie aigle ne présente qu’une petite nageoire dorsale placée au-dessus de cette partie, et beaucoup plus près de son origine que de l'extrémité opposée. Entre cette nageoire et le petit bout de la queue, on voit un gros et long piquant, où plutôt un dard irès-fort, et dont la pointe est tournée vers l'ex- trémité la plus déliée de la queue. Ge dard est un peu aplati, et dentelé des deux côtés comme le fer de quelques espèces de lances : les pointes dont il est hérissé sont d'autant plus grandes qu’elles sont plus près de la racine de ce fort aiguillon ; et comme elles sont tournées vers cette même racine, elles le rendent une arme d'autant plus dangereuse qu'elle peut pénétrer facilement dans les chairs , et qu’elle ne peut en sortir qu’en tirant ces pointes à contre-sens , et en déchirant profondément les bords de la blessure. Ce dard parvient d’ailleurs à une longueur qui le rend encore plus redoutable. Plusieurs naturalistes, et notamment Gronovius , ont décrit des aiguillons d’aigle qui avoient un dé- cimètre ( quatre pouces, ou à peu près près ) de longueur. Pline a écrit que ces piquans étoient quelquefois longs de douze ou treize centimètres (cinq pouces, ou environ) ; et j'en ai mesuré de plus longs encore. Cette arme se détache du corps de la raie après un certain temps ; c'est ordinairement au bout d’un an qu'elle s'en sépare , suivant quelques observateurs : mais, avant qu'elle tombe, un nouvel aiguillon, et souvent deux, commencent à se former et paroissent comme deux piquans de remplacement auprès de la racine de l’ancien. Il arrive même quelquefois que l’un de ces nouveaux dards devient aussi long que celui qu'ils doivent rem- placer, et alors on voit la raie aigle arinée sur sa queue de deux forts aiguillons dentelés. Mais cette sorte d'accident, eelte aug- mentation du nombre des piquans, ne constitue pas même une simple variété, bien loin de pouvoir fonder une diversité d’es- pèce , ainsi que lont pensé plusieurs naturalistes , tant anciens que modernes, et particulièrement Aristote. Lorsque cette arme particulière est introduite très-avant dans la main, dans le bras, ou dans quelque autre endroit du corps 150 HISTOIRE NATURELLE de ceux qui cherchent à saisir la raie aigle ; lorsque surtout ellé y est agitée en différens sens, et qu’elle en est à la fin violemment retirée par des efforts multipliés de l'animal, elle peut blesser le périoste , les tendons, ou d’autres parties plus où moins déli- cates, de manière à produire des inflammations , des convul- sions, et d’autres symplômes alarmans. Ces terribles effets ont élé bientôt regardés comme les signes de la présence d’un venin des plus actifs ; et comme si ce n’éloit pas assez que d'attribuer à ce dangereux aiguillon dont la queue de la raie aigle est armée, les qualités redoutables, mais réelles, des poisons, on a bientôt adopté sur sa puissance délétère les faits les plus merveilleux , les contes les plus absurdes. On peut voir ce qu'ont écrit de ce ve- nin mortel Oppien, Elien, Pline ; car, relativement aux eflets funestes que nous indiquons, ces trois auteurs ont entendu par leur pastenaque ou leur raie trigone, non-seulement la paste- naque proprement dite, mais la raie aigle, qui a les plus grands rapports de conformation avec cette dernière. Non-seulement ce dard dentelé a paru aux anciens plus prompt à donner la mort que les flèches empoisonnées des peuples à demi sauvages, non- seulement ils ont cru qu’il conservoit sa vertu malfaisante long- temps après avoir été détaché du corps de la vraie; mais son simple contact tuoit l'animal le plus vigoureux, desséchoit la plante la plus vivace, faisoit périr le plus gros arbre dont il attaquoit la racine. C’éloit l'arme terrible que la fameuse Circé remettoit à ceux qu'elle vouloit rendre supérieurs à tous leurs ennemis : et quels effets plus redoutables, selon Pline, que ceux que produit cet aiguillon, qui pénètre dans tous les corps avec la force du fer el l'activité d’un poison funeste ? Cependant ce dard, devenu l’objet d’une si grande crainte, n'agit que mécaniquement sur l’homme ou sur les animaux qu'il blesse. Et sans répéter ce que nous avons dit * des prétendues qualités vénéneuses des poissons , on peut assurer que lon ne irouve auprés de la racine de ce grand aiguillon aucune glande destinée à filtrer une liqueur empoisonnée ; on ne voit aucun vais- seau qui puisse conduire un venin plus ou moins puissant jus- qu'à ce piquant dentelé; le dard ne renferme aucune cavité propre à transmettre ce poison jusque dans la blessure ; et au cune humeur particulière n’imprègne ou n’humecte celte arme, dont 3 Disconrs sur la nature des poissons. DE LA RAIE AIGLE. 151 toute la puissance provient de sa grandeur, de sa dureté, de ses dentelures , et de la force avec laquelle l'animal s'en sert pour frapper. ; Les vibrations de la queue de la raie aigle peuvent en effet être si rapides , que l’aiguillon qui y est attaché paroisse en quelque sorte lancé comme un javelot, ou décoché comme une flèche, et reçoive de cette vitesse, qui le fait pénétrer très-avant dans les corps qu'il atteint, une action des plus délétères. C'est avec ce dard ainsi agité , et avec sa queue déliée et plusieurs fois contour- née , que la raie aigle atteint, saisit, cramponne, relient et met à mort les animaux qu’elle poursuit pour en faire sa proie, on ceux qui passent auprès de son asile, lorsqu’à demi couverte de vase , elle se tient en enrbuscade au fond des eaux salées. C'est encore avec ce piquant très-dur et dentelé qu’elle se défend avec le plus d'avantage contre les attaques auxquelles elle est expo- sée ; et voila pourquoi, lorsque les pêcheurs ont pris une raie aigle, ils s'empressent de séparer de sa queue l’aiguillon qui la rend si dangereuse. Mais si sa queue présente un piquant si redouté, on n'en voit aucun sur son corps. La couleur de son dos est d'un brun plus où moins foncé, qui se change en olivâtre vers les côtés ; et le dessous de l'animal est d’un blanc plus ou moins éclatant. Sa peau est épaisse, coriace, et enduite d’une liqueur gluante. Sa chair est presque toujours dure; mis son foie, qui est très- volumineux et très-bon à manger, fournit une grande quan= tité d'huile. Au reste, on trouve les raies aigles beaucoup plus rarement dans les mers septentrionales de l'Europe que dans la Médi- terranée et d’autres mers situées dans des climats chauds ou tempérés ; et c’est particulièrement dans ces mers moins éloignées des tropiques que l’on en a pêché du poids de quinze myÿria- grammes ( plus de trois cents livres). Nous avons trouvé parmi les papiers du célèbre voyageur Com- merson un dessin dont on pourra voir la gravure dans cet ou - vrage, et qui représente une raie. Cet animal, figuré par Com- merson, est évidemment de l'espèce de la raie aigle; mais ilen diffère par des caractères assez remarquables pour former une variété très-distincte et plus où moins constante. Premièrement, la raie de Commerson , à laquelle ce naturaliste avoit donné le nom de mourine ; qui a été aussi appliqué à la 152 HISTOIRE NATURELLE raie aigle par plusieurs auteurs, a la tête beaucoup plus avancée et plus distincte des nageoires pectorales et du reste du corps que l'aigle que nous venons de décrire; secondement, la nageoire dorsale, située sur la qneue, et l’aiguillon dentelé qui laccom- pagne, sont beaucoup plus près de l’anus que sur la raie aigle; et troisièmement, le dessus du corps, au lieu de présenter des cou- leurs d’une seule nuance, est parsemé d’un grand nombre de petites taches plus ou moins blanchâtres. Cest dans la mér voisine des îles de France et de Madagascar qu’on avoit pêché cette va- riété de la raie aigle dont Commerson nous a laissé la figure. RAA AR VIS VU RA AVE VAR AAA AVR AAA AAA VA AR SAR AA VAR VAS ARR ARE AAA NAN NL LA RAÏIE PASTENAQUE :. EE | : forme et les habitudes de cette raie sont presque en tout semblables à celles de la raie aigle que nous avons décrite. Mais voici les traits principaux par lesquels la pastenaque diffère de ce dernier poisson. Son museau se termine en pointe, au heu d’être plus ou moins arrondi ; la queue est moins longue que celle de la rate aigle, à proportion de la grandeur du corps, quoique cepen- dant elle soit assez étendue en longueur, très-mince et trés-déliée ; et enfin cette même partie non-seulement ne présente point de nageoire dorsale auprès de l’aiguillon dentelé dont elle est armée, mais mème est entièrement dénuée de nageoires. La pastenaque paroît répandue dans un plus grand nombre de mers que la raie aigle, et ne semble pas craindre le froid des mers du Nord. Son piquant dentelé est souvent double et même triple, comme celui de la raie aigle; nous croyons en conséquence devoir rap- porter à cetie espèce toutes les raies qu’on n’en a séparées jusqu’à présent qu’à cause d’un aïguillon triple ou double. D'un autre côté, la nuance des couleurs, et même la présence ou l’absence * Pastinaque ; tareronde , auprès de Bordeaux ; pastenago , sur les côtes de France voisines de Montpellier; bastango et vastango , dans plusieurs dé- Partemens méridionaux de France ; bruccho, a Rome; ferraza, sur la côte de Gênes ; bastonago, en Sicile; fêre faire, en Angleterre ; tuxtur , par plusieurs auleurs, DF LA RATE PASTENAQUE. 153 de quelques taches, ne peuvent être regardées comme des carac- tères constans dans les poissons, et particulièrement dans les car- tilagineux , qu'après un très-grand nombre d'observations répé- iées en diflérens temps et en divers lieux. Nous ne considérerons donc, quant à présent, que comme des variétés plus ou moins constantes de la pastenaque , les raies qu'on a indiquées comme d’uñe espèce différente qu’à cause de la dissemblance de leurs couleurs avec celles de ce cartilagineux, Au reste, 1l nous semble important de répéter plusieurs fois dans nos ouvrages sur lhis- toire naturelle, ainsi que nous Favons dit très-souvent dans les Cours que nousavons donnés sur celte science, que, toutes les fois que nous sommes dans le doute sur l'identité de l'espèce d’un ani- mal avec celle d’un autre, nous aimons mieux regarder le pre- muer comme une variété que comme une espèce distincte de celle du second. Nous préférons de voir le temps venir, par des obser- vations nouvelles, séparer tout-à-fait ce que nous n'avions en quelque sorte distingué qu'à demi, pintôt que de le voir réunir ce que nous avions séparé; nous désirons qu'on ajoute aux lisies que nous donnons des productions naturelles, et non pas qu'on en retranche ; et nous chercherons toujours à éviter de surcharger la mémoire des naturalistes d'espèces nominales, et le tableau de la Nature de figures fantastiques. D’après toutes ces considérations, nous plaçons à la suite de la pastenaque, et nous considérons comme des variétés de ce pois- son, jusqu'à ce que de nouvelles observations nous obligent de les en écarter : Premièrement , l'altavelle, que l'on n'a distinguée de [a paste- naque qu'à cause de ses deux aiguillons dentelés ; Secondement, l’uarnak , que l’on auroit confondu avec la rate que nous décrivons, sans les taches que tout son corps présente sur un fond pour ainsi dire argenté ; Troisièmement, l'arnak, auquel on n’a donné pour caractères distinctifs, et différens de ceux de la pastenaque, que deux aiguillons dentelés, la couleur argentée du dos, et le contour du corps plus arrondi; Et quatrièmement enfin , l'ommes scherit, qui ne paroît avoir été éloigné de la pastenaque qu'à cause des taches de sa queue. Les deux dernières de ces raies se trouvent dans la mer Rouge, où elles ont été observées par Forskael. La seconde s'y trouve également, et y a élé vue par le mème naturaliste; mais on 154 HISTOIRE NATURELLE rencontre aussi dans les mers d'Europe et dans celle des Indes. Forskael a parlé de deux autres raies de la mer Rouge, que l'on ne connoît qu'’imparfaitement, et que nous ne croyons pas, d’après ceux de leurs caractères qu’on a énoncés, pouvoir placer encore comme deux espèces distinctes sur le tableau général du genre des raies, mais dont la notice nous paroît dans ce moment devoir accompagner celle des quatre variétés de la pastenaque. Ces deux raies sont la mule, dont Le dessous du corps est d'un blanc de neige , et dont la queue déliée et tachetée est armée d’un piquant dangereux; et la raie éajara, dont on a dit que le dessous du corps étoit aussi d'un blanc de neige, et la queue déliée. CARAAAAAN AU VUV VUVRAAARAAAAARAAARAUAARARANU ANA RAA RAA AAA A AAA ARR AR. LA RAIE LYMME. en Ces dans la mer Rouge que le voyageur Forskael a trouvé cette raie, qu'il a le premier fait connoître. Elle ressemble beaucoup à la raie aigle, ainsi qu’à la pastenaque; elle a les dents aplaties. comme ces deux raies et tous les cartilagimeux qui composent le même sous-genre. Mais exposons les différences qu’elle montre. Le corps proprement dit , et les nageoires peclorales, forment un ensemble presque ovale; la partie postérieure des nageoires pec- torales est terminée par un angle plus où moins ouvert; les na- geoires ventrales sont arrondies; et toute la partie supérieure du dos est d’un brun lirant sur la couleur de brique, parsemé d’une: grande quantité de taches bleues, ovales, et inégales en grandeur. La queue est un peu plus longue que le corps, et garnie, vers le milieu de sa longueur, d’un et quelquefois de deux aiguillons, longs , larges, dentelés comme ceux de la raie aigle et de la paste- naque , et revêtus à leur base d’une peau d’un brun bleuatre. Depuis son origine jusqu’à ces aiguillons, la queue est un peu aplatie, blanche par-dessous et rougeâtre dans sa parlie supé- rieure, où l’on voit régner deux petites bandes bleues et longitu- cinales; et depuis les piquans jusqu’à son extrémité, qui est blanche et très-déliée , elle est toute bleue, comprimée par les côtés, et garnie en haut et en bas d’une petite membrane frangée qui représente une nageoire, et qui est plus large au-dessous qu'au-dessus de 1 queue. DE LA RAIE LYMME. 155 La lymme n’a point de nageoire dorsale; et par là elle se ra p- proche plus de la pastenaque , qui en est dénuée, que de la raie aigle, qui en présente une. C'est à cette jolie espèce qu'il faut rapporter une raie pêchée par Commerson aux environs des îles Praslin, et à laquelle il a donné le nom de raie sans piquant, parce qu’en effet elle n’en présente aucun sur le dos, non plus que les individus observés par Forskael. Ce naturaliste a fait de cette raie sans aiguillon sur le corps.une description très-détaillée, qui fait partie des manus- crits déposés dans le Muséum d'histoire naturelle, et qui s'accorde presque dans tous les points avec celle que nous venons de don- ver d’après Forskael. La seule différence entre ces deux descrip- tions, c’est que Commerson parle d’une rangée de petits tuber- cules, qui règne sur la partie la plus élevée du dos et s'étend jusqu’à la queue, et de deux autres tubercules semblables à des verrues, et placés l’un d’un côté et l’autre de l’autre de l’ori- gine de cette dernière partie. Au reste, parmi les individus qui ont été l’objet de l'attention de Commerson, un avoit près de cinq décimètres (un pied six pouces huit lignes ) de longueur totale; et l’on pourra voir dans cet ouvrage la figure d’une lymme mâle et d’une lymme femelle, que nous avons fait graver d’après les dessins originaux apportés en France et dus à ce voyageur célèbre. Nous nous somines dé- terminés d'autant plus aisément à enrichir de ces deux figures l’histoire que nous décrivons, que l’on n’a pas encore publié de planche représentant l’espèce qui nous occupe. Au reste, nous ne croyons pas avoir besoin de dire que le mâle est distingué de la femelle par deux appendices placés auprès de l’anus, et sem- blables à ceux que nous avons fait connoître en traitant de la batis. La lymme, que quelques naturalistes ont crue confinée dans la mer Rouge , habite donc aussi une partie de la mer des Indes. On doit la trouver dans d’autres mers, surtout aux environs des tropiques ; et en eflet il vient d'arriver de Cayenne au Mu- séum d'histoire natureile une petite collection de poissons parmi lesquels j'ai reconnu un individu de l’espèce de la lymme. Ces poissons ont été envoyés par M. Leblond, voyageur naturaliste, qui nous a appris, dans des notes relatives aux animaux qu'il a fait parvenir au Muséum , que l'individu que nous avons consi- déré comme une lymme avoit été pris au moment où il venoit 156 HISTOIRE NATURELLE de sortir de l'œuf, mais où il étoit encore dans le ventre de sx mère. Les raies de la même espèce, dit M. Leblond , qui les appelle raies rouges, à cause de la couleur de la partie supérieure de leur corps, semblable par conséquent, on presque semblable à celle des lymmes d'Arabie ou des environs des îles Praslin, sont très- bonnes à manger lorsqu'elles sont jeunes, et parviennent quel- quefois au poids de dix ou quinze myriagrammes ( deux ou trois cents livres, ou environ). Au reste, le petit individu arrivé de l'Amérique méridionale avoit la queue trois fois plus longue que le corps et la tète, et par conséquent beaucoup plus longue que les lymmes d'Afrique et d'Arabie. Mais tous les autres traits de la conformation réunissant ces cartilagineux de la mer Rouge et des iles Praslin avec les raies rouges de Cayenne, on peut tout au plus regarder ces dernières comme une variété dans lespèce des raies rougeatres des îles Praslin et d'Arabie; mais on n'en doit pas moins les considérer comme appartenant à l’espèce de la lymme, qui dès-lors se trouve dans les eaux chaudes de l'Asie, de l'Afrique et de Amérique. RAR AAA AAA AAA RAA AAA AA AAA AAA AA AAA AAA AAA AVE VAR AAA AAA AAA AA AAA RAA VER LA RAIE TUBERCULÉE. a animal a les dents trés-obtuses ; il présente d’ailleurs des tubercules pointus, ou aiguillons très-forts, sur le corps et sur la queue :1] doit donc être compris dans le troisième sous-genre que nous avons établi dans le genre des raies, et dont les caractères distinctifs consistent dans la forme obtuse des dents, et dans la présence d’aiguillons plus ou moins nombreux sur la queue ou sur le corps. Le bout du museau de ce cartilagineux est pointu. L'ensemble formé par le corps proprement dit et par les nageoires pectorales présente un rhombe assez régulier. La queue est longue et déliée : elle est d’ailleurs armée d’un aiguillon très-long, dentelé de deux côtés, et dont les petites dents, semblables à celles d’une scie, sont de plus tournées vers la base de ce piquant. La tuberculée n’a aucune nageoire sur le dos; le dessus de la plus grande partie de sa queue n’en montre pas non plus: ce-- pendant, comme, dans lindividu que j'ai eu sous les yeux, DE LA RAIE ÉGLANTIER. 157 l'extrémité de cette portion de l'animal avoit été détruite par un accident, 1l se pourroit que l’espèce que nous décrivons eût une petite nageoire supérieure vers le bout de la qneue. L'animal ne présente que dix aïguillons, indépendamment de celui qui est dentelé; ces proltubérances sont des tu bercules plus ou moins pointus, assez gros, très-courts, très-durs, très-blancs, et comme émaillés. Cinq de ces tubercules sont très-rapprochés, et forment sur le dos une rangée longitudinale; les autres sont placés sur la queue, plus près du dos que du grand aiguillon dentelé, et à des distances inégales les uns des autres. Pour peu qu'on jette les yeux sur le tableau du genre des raies, que nous avons publié, on verra que celle dont nous décrivons les formes a beaucoup de rapports, par son aiguillon dentelé et par sa queue déliée , avec la raie aigle, la pastenaque, la Ilymme, et que, d’un autre côté, elle se rapproche, par ses tubercules, de la raie sephen, dont j'ai découvert que la dé- pouille étoit apportée en France sous le nom de peau de requin, pour y servir à fabriquer le plus beau ga/uchat, celui qui est à grains très-gros et très-aplatis. C’est donc entre la lÿmme et la sephen qu'il faut placer la raie que nous venons de faire con- noître ; et le caractère spécifique qui la sépare tant de laigle, de la pastenaque et de la lymme, que de la sephen et de toutes les raies inscrites dans le troisième sous-genre, est le nombre des tubercules émaillés et très-durs, dont j'ai tiré le nom que je lui ai donné. Je n'ai pu juger de la couleur de cette espèce , à cause de l'état de desséchement dans lequel étoit l'individu que j'ai vu, et qui avoit à peu près quatre décimètres de longueur. Elle vit dans les mers voisines de Cayenne; et l'individu que j'ai examiné m'a élé envoyé par M. Leblond. RAM VAANAY AAA NU VU AAA RAIN AA ARAAAANINU LA RAIE ÉGLANTIER. NV AAA MY NT. Bosc, connu depuis long-temps par la variété de ses connois- sances en histoire naturelle, par son zèle infaligable pour le progrès des sciences, el par sa manière habile et fidèle d'observer et de décrire, a eu l'attention de me faire parvenir, de l’'Amé- 158 HISTOIRE NATURELLE rique septentrionale , des dessins et des descriptions de plusieurs poissons encore inconnus des naturalistes. Il a bien voulu me faire témoigner en même temps par notre confrère commun, le pro- fesseur Alexandre Brogniard , le désir de voir ce travail publié dans l’'AÆistoire des poissons. J'ai accepté avec empressement l'offre agréable et utile de M. Bosc. Je ferai donc usage, dans le cours de cet ouvrage des descriptions qu’il m'a envoyées, ainsi que des dessins qu’il a faits lui-même , et qui ont été gravés avec soin sous mes yeux; et la raie églantier est un de ces poissons dont le public devra la connoiïssance à ce savant naturaliste. Le corps de la raie églantier présente à peu près la forme d’un rhomboïde dont toutes les parties saillantes seroieni émoussées ; il est parsemé d’épines très-courtes, souvent même peu sensibles, excepté sur le milieu du dos, où l’on voit une rangée longitudi- nale de petits aiguillons qui ont deux ou trois centimètres de Jongueur. Les yeux sont saillans ; Piris est blanc; le museau obius; la langue courte, large , lisse; la forme des dents plus ou moins arrondie ; la queue presque aussi longue que le corps, et garnie de plusieurs rangs longitudinaux d'épines recourbées. de diflé- rentes grandeurs, et dont les plus longues forment les trois ran- gées du milieu et des côtés. A l'extrémité de cette queue est une petite nageoire, auprès de laquelle on voit, sur la face supérieure de cette même partie de Janimal, une autre nageoire que l’on doit nommer dorsale, d’après tout ce que nous avons déjà dit, quoiqu'elle ne soit pas placée sur le corps proprement dit de la raie églantier. On compte cinq rayons à chaque nageoiïre ventrale. La raie que nous décrivons est d’une couleur brunätre en dessus, et blanche en dessous. Elle est assez commune dans la baie de Charlestown : elle y parvient à un demi-metre de largeur. D’après les traits de conformation que nous venons d’expo- ser, on ne sera pas étonné que, sur notre tableau méthodique, nous placions la raie églantier entre la raie tuberculée et la raie bouclée. DE LA RAIE SEPHEN. 15g PARA VA AAA AAA UV LA RAIE SEPHEN. raescmenmes Daxs cette même mer Rouge où Forskael a trouvé plusieurs Variétés de la pastenaque et de la raie lymme, ce voyageur a vu aussi la sephen. Elle a de irès-grands rapports de conformation avec la raie aigle, la pastenaque et la Jymme; mais elle diffère par des caractères assez nombreux pour qu’elle constitue une espèce distincte. Sa couleur est , sur le corps , d’un cendré brun , et par-dessous d’un blanc rougeûtre. Elle parvient à une grandeur très-considé- rable , puisqu'on a vu des individus de cette espèce dont les na- geoires pectorales et le corps réunis avoient trente-six décimètres ( onze pieds, ou à peu près) de largeur. l'extrémité postérieure des nageoires pectorales est arrondie, et, dans plusieurs des posi- tions ou des mouvemens de l'animal, cache en partie les na- geoires ventrales , qui sont très-petites à proportion du volume de la raie, Malgré la grande étendue du corps; la queue est deux fois plus longue que le corps proprement dit, comme celle de la raie aigle, et est armée de même d’un ou deux aiguillons, assez longs, forts, dentelés des deux côtés, et revêtus en partie d’une peau épaisse : mais , au lieu d’être entièrement dénuée de nageoires et de petits piquans, comme la queue de la pastenaque ; au lieu de présenter une nageoire dorsale , comme celle de l’aigle , ou de montrer, sans aucune petite pointe, une sorte de nageoire particulière composée d’une membrane longue et étroite , comme la queue dé la Iymme; elle est garnie, depuis la place des deux grands dards jusqu’à son bout le plus délié, d’une rangée longitudinale de très-petits ai- guillons qui règne sur sa partie supérieure , et d’une membrane longue, étroite et noire, qui s'étend uniquement le long de sa parlie inférieure. L'un de ses caractères véritablement distinctifs est d’avoir le dessus du corps et la partie supérieure de la quene jusqu’à la base des deux pointes dentelées, couverts de tubercules plais, au mi- lieu desquels on en distingue trois plus grands que les autres. 160 HISTOITE NATURELLE d’une forme hémisphérique, d’une couleur blanchâtre, et for- mant au milieu du dos un rang longitudinal. Presque tout le monde connoît cette peau dure, forte et tuber- culée, employée dans le commerce sous le nom de galuchat, que l’on peint communément en vert, et dont on garnit l’exié- rieur des boîtes et des étuis les plus recherchés. Cette peau a aussi reçu le nom de peau de requin; et c’est par cette dénomination qu'on a voulu la distinguer d’une peau couverte de tubercules beaucoup plus petits, beaucoup moins estimée, destinée à revêtir des étuis ou des boîtes moins précieuses , appelée peau de chien de mer, et qui appartient en effet au squale ou chien de m er dé- signé par le nom de roussette *. Ceux qui ont observé une dé- pouille de requin savent que le galuchat présente des tuberc ules plus gros et plus ronds que la peau de ce squale, et ne peut pas être cette dernière peau plus ou moins préparée. C’est do nc une fausse dénomination que celle de peau de requin donnée au galu- chat. Mais j'ai désiré de savoir à quel animal il falloit rapp orter cette production , qui forme une branche de commerce plus éten- due qu'on ne le pense, et qui nous parvient le plus souvent par la voie de l'Angleterre. J'ai examiné les prétendues peaux de requin déposées dans les magasins où vont se pourvoir les fai- seurs d’étuis et de boîtes; et quoique aucune de ces peaux ne montrât en entier le dessus du corps et des nageoires pectorales, et ne présentât qu'une portion de la partie supérieure de la queue , je me suis assuré sans peine qu'elles étoient les dépouilles de raies sephens. Elles ne consistent que dans la partie supérieure de la tête, du corps ,et du commencement de la queue; mais au- tour de ces portions tuberculées , et les seules employées par les faiseurs d’étuis, il y a assez de peau molle pour qu'on puisse être convaincu qu’elles ne peuvent provenir que d’un poisson carti- lagineux , ét même d’une raie : et d’ailleurs elles offrent la même forme, la mème grosseur, la même disposition de tubercules, que la sephen; elles présentent également les trois tubercules hémisphériques et blanchâtres du dos. À la vérité, toutes les pré- tendues peaux de requin que j'ai vues, au lieu de montrer une couleur uniforme, comme les sephens observées par Forskael, étoient parsemées d’un grand nombre de taches inégales, blan- ches, et presque rondes; mais lon doit savoir déjà que, dans. 7 Voyez l’article du squale roussetre. DE LA RATE SFPHEN. 162 presque toutes les espèces de raies , la présence d’un nombre plus ou moins grand de laches ne peut constituer tout au plus qu’une variété plus ou moins constante. Ces tubercules s'étendent non-seulement au-dessus du COrPs, mais encore au-dessus d’une grande partie de la tête. Ils s’'avan- cent presque jusqu'à l'extrémité du museau, el entourent l’en- droit des évents et des yeux, dont ils sont cependant séparés par un intervalle. On reçoit d'Angleterre de ces dépouilles de sephens, de presque toutes les grandeurs , jusqu'à la longueur de soixante-cinqg centi- mètres ( deux pieds) ou environ. La peau des sephens parvenues à un développement plus étendu ne pourroit pas être employée comme celle des petites , à cause de la grosseur trop considérable de ses tubercules. Sur une de ces dépouilles, la partie tuberculée qui couvre la tête et le corps avoit cinquante-quatre centimètres ( un pied sept pouces ) de long, et deux décimètres (sept pouces) dans sa plus grande largeur ; et celle qui revêtoil la portion du dessus de la queue , la plus voisine du dos, étoit longue de deux décimètres (sept pouces, où à peu près )*. J'ai pensé que l’on apprendroit avec plaisir dans quelle mer se trouve le poisson dont la peau, recherchée depuis long-temps par plusieurs artistes, nous a été jusqu'a présent apportée par des étrangers qui nous ont laissé ignorer la patrie de l'animal qui la fournit. Il est à présumer que l'on rencontrera la sephen dans presque toutes les mers placées sous le même climat que la mer Rouge ; et nous devons espérer que nos navigaleurs, en nous pro- curant directement sa peau tuberculée, nous délivreront bientôt d'un des tributs que nous payons à l’industrie étrangere. Voilà donc quatre raies, l'aigle, la pastenaque, la lymme et la sephen, dont la queue est armée de piquans dentelés. Ces dards , également redoutables dans ces différentes espèces de poissons carlilagineux, les ont fait regarder toutes les quatre comme venimeuses : mais les mêmes raisons qui nous ont mon- tré que l'aigle et la pastenaque ne contenoient aucun poison, doivent nous faire penser que l’arme de la sephen et de la Iÿnime ne distille aucun venin, et n'est à craindre que par ses effets mécaniques. 1 On peut voir, dans les galeries du Muséum d’histoire naturelle, une de ces dépouilles de sephen. Lacepède. 2. 11 262 HISTOIRE NATURELLE me AAA A AAA A AAA A AAA A AAA EE LA RAIE BOUCLÉE :. Cécre raie, à laquelle on a donné le nom de bouclée, ou de clouée, à cause des gros aïguillons dont elle est armée, et qu’on a comparés à des clous ou à des crochets, habite dans toutes les mers de l'Europe. Elle y parvient jusqu’à la longueur de quatre mètres ( plus de douze pieds )Elle est donc une &es plus grandes ; et comme elle est en même temps une des meilleures à manger, elle est, ainsi que la batis, très-recherchée par les pêcheurs : l’on ne voit même le plus souvent dans les marchés d'Europe que la bouclée et la batis. Elle ressemble à la batis par ses habitudes, excepté le temps de sa ponte, qui paroît plus retardé et exiger une saison plus chaude ; elle est aussi à beaucoup d’égards con- formée de mème. La couleur de la partie supérieure de son corps est ordinai- rement d'un brunâtre semé de taches blanches, mais quelque- fois blanche avec des taches noires. La tête est un peu allongée, et le museau pointu ; les dents sont petites , plates , en losange, disposées sur plusieurs rangs, et très- serrées les unes contre les autres. La queue, plus longue que le corps, et un peu aplatie par- dessous , présente, auprès de son extrémité la plus menue, deux petiles nageoires dorsales, et une véritable nageoire caudale qui la termine. Chaque nageoire ventrale, organisée comme celles de la batis, offre également deux portions plus larges l’une que l'autre , et qui paroissent représenter, l'une une nageoire ventrale propre- meni dite , et l’autre une nageoire de l'anus. Mais ce n’est qu'une fausse apparence ; et ces deux portions, dont la plus large a com- munément trois rayons cartilagineux, et l’autre six, ne forment qu'une seule nageoire. Presque toute la surface de la raie bouclée est hérissée d’ai- guillons. Le nombre de ces piquans varie cependant suivant le * Raie clouée; clavelade, dans plusieurs départemens méridionaux ; thorn- Back et rmaïds, en Angleterre. Tome 2. : Prêtre pr. O1 1.La Raïe 2. La. Raiïe 3.La Rae Sephen . p Bouclée Thouin > + : Page 190. S ù ES /), , p # ru . equevauvill 7 Mota # DE LA RAÏIE BOUCLEF. 163 sexe et les parages fréquentés par l'animal; il paroît aussi aug menter avec l’âge. Mais voici quelle est en général la disposition de ces pointes sur une raie bouclée qui a atteint un degré assez avancé de développement. Un rang d’aiguillons grands, forts et recourbés , attachés à des cartilages un peu lenticulaires, durs, et cachés en grande partie sous la peau qui les retient et affermit les piquans , règne sur le dos , et s'étend jusqu’au bout de la queue. L'on voit deux piquans semblables au-dessus et au-dessous du bout du museau. Deux autres sont placés au-devant des yeux, et trois derrière ces orga- nes; quatre autres très-grands sont situés sur le dos, de manière à représenter les quatre coins d’un carré; et une rangée d’ai- guillons moins forts garnit longitudinalement chaque côté de la queue. Ce sont toutes ces pointes plus où moins longues, dures et recourbées, que l’on a comparées à des clous, à des crochets. Mais , indépendamment de ces grands piquans , le dessus du corps, de la tête et des nageoires pectorales, présente des aiguil- Jons plus petits, de longueurs inégales, et qui, lorsqu'ils tom- bent, laissent à leur place une tache blanche comme les piquans grands et crochus; et enfin on voit, sur la partie inférieure de la raie bouclée, quelques autres pointes encore plus petites et plus clair-semées. Cette tache blanche qui marque l’endroit que les aiguillons sé- parés du corps avoient ombragé, recouvert, et privé de l’in- fluence de la lumière, cette place décolarée , n'est-elle pas une preuve de ce que nous avons exposé sur les causes des différentes couleurs que les poissons présentent, et des dispositions que ces nuances affectent :? | Le foie de la raie bouclée est divisé en trois lobés, dont celui du milieu est le moins grand, et les deux latéraux sont très- longs : 1l est très-volumineux ; il fournit une grande quantité d'huile, que les pêcheurs de Norwége recueillent particulière- iment avec beaucoup de soin. La vésicule du fiel , rougeâtre, allongée et triangulaire, est entre le lobe du milieu du foie et l'estomac. Ce dernier viscère est assez grand , allongé, et situé un peu du côté gauche de l'abdomen. Îl sé rétrécit et se recdhrbe un 1 Discours sur le nature des poissons, et plusieurs autres articles de cette histoire. 264 HISTOIRE NATURELLE peu vers le pylore, qui est très-étroit, et n’est garni d'aucun ap- pendice. Au-delà du pylore le canal intestinal s’élargit, et parvient à l'anus sans beaucoup de sinuosités. Mais pourquoi nous étendre davantage sur un poisson que l’on a si souvent entre les mains, que l’on peut si aisément connoitre, et qui a tant de rapports avec la batis, dont nous avons examiné très en détail et la forme et la manière de vivre ? Qu'il nous suffise donc d’ajouter que l’on pêche les raies bou- clées, comme les autres raies, avec des cordes flottantes ?, des folles * , des demi-folles *, et des seines * EE PE ET R EEE EE En 1 Jlya trois manières principales de pêcher avec des cordes. Premièrement, on peut se servir d’une longue corde à laquelle on attache, de distance en distance , des lignes ou empiles garnies de leurs Laëms. Cette corde principale porte le nom de maitresse corde, ou de bouffe, sur les bords de l'Océan, et celui de maitrede palangre sur les côtes de la Méditerranée, où la dénomination de palangres remplace celle de cordes, et où les pêcheurs qui em - ploient des cordes et des empiles sont appelés palangriers, au lieu de cordiers. Par empile ou pile on entend un fil de crin, de chanvre ou de laiton , auquel un haïrmn est attaché, que l’on suspend aux lignes, et qui, variant dans sa grosseur suivant la force des haims et l’espèce du poisson que l’on se propose de prendre, est simple ou double, rond ou tressé en cadenette; et par aim presque tout le monde sait que l’on désigne un crochet d'os, de bois dur, ou de métal, auquel on attache une amorce, et qui, recevant quelquefois le nom d’'hameçon, le porte surtout lorsqu'il est garni de son appät. Secondement, on pêche avec des cordes par fond, c’est-a-dire , avec des maî- tresses cordes chargées de plomb ou de cailloux, qui les assujettissent au fond des eaux. Et troisièmement, on peut employer une corde flottante. Cette dernière, moins grosse ordinairement que les cordes par fond, est soutenue par des /lottes ou c or- cerons de liége, qui la font quelquefois flotter entièrement à la surface de l’eau, On s’en sert pour prendre les poissons qui nagent très-près de la superficie des mers ou des rivières. 4 La folle est un filet à larges Hafée , que l’on tend de manière qu’il fasse des plis, tant dans le sens horizontal que dans le sens vertical, afin que les poissons 5 ’enveloppent plus facilement dans ses différentes parties. La plupart des auteurs qui ont écrit sur les instrumens employés dans les pêches ont dit que les mouve- mens irréguliers et multipliés produits par les plis de ce filet lui ont fait donner le nom de folle. Au reste. il est lesté par le bas, et légèrement flotté ou garni de liëge par le haut; et c’est communément auprès du fond des mers on de ceiui des rivières qu'il est os 3 La dergi ë-folle diffère de la folle, en ce qu’elle a moins d’étendne, et que les mailles qui la composent sont plus étroites. 4 On nomme seine, ou senne, un filet composé d’une nappe simple , et propre a arrêter les poissons que l’on veut prendre. Elle diffère de la folle, en ce qu’elle est destinée à être traînée par les pêcheurs. Elle est garnie de lest dans sa partie DE LA RAIE THOUIN. 165. Lorsque la bouclée a été prise, on la conserve pendant quel- ques jours , ainsi que presque tous les poissons du même genre, afin que sa chair acquière de la délicatesse, et perde toute odeur de marécage ou de marine. Sur plusieurs côtes, on recherche beaucoup de jeunes et très-petites raies bouclées que l’on nomme rayons , raietons , ratillons , et, dans quelques ports, papillons, dénominations dont on se sert aussi quelquefois pour désigner des morceaux détachés de grandes raies desséchées, et préparées. pour de longs voyages. RAA MAMAN EI AU LUI AU AAA UV AA LU VAL ULAAAMVE MAMA RAA IAA LAS LIU AMAAAR LA RAIE THOUIN. Ccrre belle espèce de raie, très-remarquable par sa forme, ainsi que par la disposition de ses couleurs, et dont la description n'a encore été publiée par aucun naturaliste, est un des innom- brables trophées de la valeur des armées françaises. L’individu que nous avons fait graver, fait partie de la célèbre collection d’objets d'histoire naturelle, conservée pendant long-temps à la Haye , cédée à la France par la nation hollandaise son alliée, après que la victoire a eu fait flotter le drapeau tricolor jusque sur les bords du Zuiderzée , et qui décore maintenant les galeries du Muséum d'histoire naturelle de Paris. Ces précieux objets ayant été recueillis en Hollande et transportés en France par les soins de deux de mes collègues les professeurs Thouin et Faujas Saint- Fond, que le gouvernement français avoit envoyés au milieu de nos légions conquérantes pour accroître le domaine des sciences naturelles, pendant que nos braves soldats ajouloient à notre territoire , j'ai cru devoir chercher à perpétuer les témoignages inférieure , et de flottes ou morceaux de liége d. ns sa partie supérieure. La corde qui borde et termine cette partie supérieure, et à laquelle les flottes sont atta- chées, se nomme ra/#ngue. Aux extrémités de cette ra//ngue sont des cordes plus où moins longues qu’on appelle bras, et qui servent à tendre le filet ou à le traî- ner. Lorsqu'on traîne la seine , elle forme, dans le sens horizontal, une courbure dont le creux est tourné vers le point auquel on tend; et comme il est très - rare que les poissons que lon poursuit avec ce filet soient de grandeur ou de forme à s’embarrasser et se prendre dans ses maïlles, on ne relève la seine qu’en rappro- chant et réunissant tout-à-fait les deux bouts de la ra/ingne, et en renfermant les poissons dans le contour que l’on produit par cette manœuvre. 166 "HISTOIRE NATURELLE de reconnoissance qu'ils ont reçus des naturalistes, en donnant leurs noms à deux des espèces de poissons dont on va leur devoir la connoissance et la publication *. Jai distingué en conséquence par le nom de faujas une des lophies dont nous allons donner l'histoire, et par celui de fhouin la raie dont nous nous occupons dans cet articie. La raie thouin a les dents aplaties , et disposées sur plusieurs rangs, comme celles de toutes les raies comprises dans le iroi- sième et dans le quatrième sous-genre. Son museau , beaucoup plus transparent que celui de la plu- part des autres raïes, est terminé par une prolongation souple assez étendue, et “re longue que l'intervalle qui sépare les deux yeux. | Le dessus du corps et des nageoires pectorales est d'une cou- leur noire ou très-foncée ; mais le museau est d’un blanc de neige irès-éclatant, excepté à son extrémité, où il est brun, et dans le milieu de sa longueur, où 1l présente la même couleur obs- cure. Cette raie longitudinale brune s'étend sur le devant de la tête, qui, dans tout le reste de sa partie antérieure , est d’un blanc irès-pur; et elle s'y réunit à la couleur très-foncée de l’entre- deux des yeux , de la partie postérieure de la tête, et du dessus du corps. Tout le dessous de l'animal est d’un beau blanc. Les yeux sont recouverts presque à demi par une prolongation de la peau de la tête, comme ceux de la batis; et derrière ces organes on voit de très-srands évents. L'ouverture des narines, située obliquement au-dessous du museau et au-devant de la bouche , présente la forme d’un ovale irrégulier et très-allongé, et est assez grande pour que son dia- mètre le plus long soit égal à plus de la moitié de la bouche. Cette ouverture aboutit à un organe composé de membranes plissées et frangées, dont nous avons fait graver la figure, et dont le nombre et les surfaces sont assez considérables pour le rendre très-délicat. Et comme, d’un autre côté, nous venons de voir que le museau , ce principal organe du, toucher des raies, est très- prolongé, très-mobile , et par conséquent très-sensible , dans la raie thouin , nous devons présumer que ce dernier poisson jouit d’un toncher et d’un odorat plus actifs que ceux de la plupart 3 Voyez l'artiele relatif à la nomenclature des poissons. x ) DE LA RAIE THOUIN. 167 des autres raies , et doit avoir par conséquent un sentiment plus exquis et un instinct plus étendu. La queue est à peu près de la longueur de la tête et du corps pris ensemble ; mais, au lieu d’être très-déliée comme celle de presque toutes les raies , elle présente à son origine une largeur égale à celle de la partie postérieure du corps à laquelle elle s’at- tache. Son diamètre va ensuite en diminuant par degrés insen- sibles jusqu'à l'extrémité , qui s’insère, pour ainsi dire, dans une nageoire. Cette dernière partie termine le bout de la queue, et le garnit par-dessus el par-dessous, mais en ne composant qu'un seul lobe et en formant un triangle dont le sommet est dans le bas. Indépendamment de cette nageoïire caudale, on en voit deux dorsales , à peu près de la même grandeur, un peu triangulaires et échancrées dans celle de leurs faces qui est o pposée à la tète. La première de ces deux nageoires dorsales est placée beaucoup plus près du corps que sur presque toutes les autres rates ; on la voit à peu près au tiers de la longueur de la queue, à compter de l'anus ; et la seconde nageoire est située vers les deux tiers de ceite même longueur. Le dessus de la tête et de la prolongation du museau est garni d’un très-grand nombre de petits aiguillons tournés vers la queue , ét beaucoup plus sensibles sur les portions colorées en brun que sur celles qui le sont en blanc. D'ailleurs le dessus et le dessous du corps et de la queue sont revêtus de petits tnber- cules plus rapprochés et moins saillans sur la partie inférieure de la queue et du corps. De plus, l'on voit une rangée de tuber- cules plus gros, et terminés par un aiguillon tourné vers la queue, s’étendre depuis les évents jusques à la seconde nageoire dorsale ; et l'on aperçoit encore autour des yeux quelques-uns de ces deruiers tubercules. Les nageoires pectorales sont un peu sinueuses, et arrondies dans leur contour; et les ventrales , à peu près de la même largeur dans toute leur étendue, ne peuvent pas être considé- rées comme séparées en portion ventrale et en portion anale. Les nagcoires latérales Sônt beaucoup plus difficiles à confondre que dans presque toutes les autres raies , avec le corps propre- ment dit, qui, d’un autre côté, beaucoup moins disiingué de la queue, donne à la thouin un caractère que nous n'avons re- trouvé que dans la rhinobate, où on le verra reparoîlre d’une 168 HISTOIRE NATURELLE maniere encore plus marquée. Mais, malgré cette conforma- tion , l'ensemble de l'animal est très-plat , et beaucoup plus dé- primé que celui de la rhinobate. | AA AAA AA AAA AA RAA AVR AVE VE VV VU AAA VRAI ASS AR AA AAA AA AA VE AAA LE 2 AVS LA RATE BOHKAT. Cour raie, que Forskael a vue dans Ja mer Rouge, et qu’il a le premier fail conaoître , a, comme la raie thouin, la queue garnie de trois nageoires : une, divisée en deux lobes, placée à l'extrémité de celle partie, et par conséquent véritablement caudale ; et les attres deux dorsales. De même que sur la thouin, ces deux nageoires dorsales sont beaucoup plus avancées vers la tête que sur un tres-grand nombre de raies ; elles en sont mème ‘plus rapprochées que dans la raie thouin , puisque la preuiere de ces deux nageoires est située au-dessus des na- geoires ventrales, et par conséquent de l'anus, et quelquefois prend son origine encore plus près des yeux ou des évents. Un des individus observés par Forskael avoit plus de deux mètres de longueur. La couleur de sa partie supérieure étoit d'un cendré pile, pañsemé de taches ovales et blanchâtres; et celle de sa partie anférieure, d'un blanchâtre plus ou moins clair, avec quelques raies inégales brunes et blanches au près de l'anus. Le dos s’élevoit un peu au-devant de la première na- geoire dor.ale ; les nageoires pectorales , triangulaires , et ter- minées dans leur bord extérieur par un angle obtus, étoient quatre fois plus grandes que les ventrales. On apercevoit un rang de piquans autour des yeux, trois rangées d'aiguillons sur Ja partie antérieure du dos; et une rangée de ces pointes s'é- tendoit d’une nageoiïre dorsale à l'autre. La raie bohkat est, selon Forskael , tres-bonne à manger. VAINAN AV ARANAAA AA NAN AAA RAA NARAAAAANAA RS LA RAIE CUVIER. Jz nomme ainsi celle raie, parce que j'en dois la connois- sance à mon savant confrère le professur Cuvier, membre de DE LA RAÏIE CUVIER. 168 l'Institut national. Il a bien voulu, dès le mois de mars 1792 , m'envoyer , du département de la Seine-Inférieure, le dessin et la description d'un individu de cette espèce, qu'il avoit vu desséché, La rate cuvier a beaucoup de rapport avec la thouin , etsurtout avecla bohkat, par la position de sa première nageoire dorsale. Cette nageoïre est, en eflet, très-rapprochée des yeux , comme celles de la thouin et de la bohkat. Mais ce qui sépare ce poisson des antres raies déjà connues , et forme même son caractère distinchif le plus saillant, c’est que celte même na- geoire dorsale est siluëe non-seulement au-dessus des nageoires ventrales , ou à une pelite dislance de ces nageoiress, et vers la tête, comme sur la bohkat, mais qu'elle est implantée sur le dos, vers le milieu des nageoires pectorales, et plus près des évents que de l’origine de la queue. Cette place de la première nageoire dorsale est un nouveau lien entre la raie cuvier, et par conséquent tout le genre des raies, et celui des squales , dont plusieurs espèces ont la première nageoire dorsale très- proche de la tète. Le museau de la raie que nous décrivons est pointu; les na- geoires pectorales sont très-grandes et anguleuses ; les nageoires ventrales se divisent chacune en deux portions, dont l'une re- présente une nageoire ventrale proprement dite et l'autre une nageoire de l'anus. Les appendices qui caractérisent le mâle sont très-courts, et d'un trés-petit diamètre. La queue, très- mobile, déliée, et à peu près de la longueur de la tète et du corps pris ensemble, est garnie à son extrémité d'une petite na- geoire caudale, et présente de plus, sur la partie supérieure de cette mème extrémité, deux petites nageoires contiguës l'une à l'autre , ou, pour mieux dire, une seconde nageoire dor- sale, divisée en deux lobes, et qui touche la caudale. On ne voit aucun piquant autour des yeux ; mais une rangée d'aiguillons s'étend depuis la première nageoure dorsale jusqu'à l'origine de la queue, qui est armée de trois rangées longitu- dinales de pointes aiguës. Au reste, la partie supérieure de l'animal est parsemée d'une grande quantité de taches foncées et irrégulières, La nagcoire dorsale , qui se fait remarquer sur cette raie, est un peu ovale, plus longue que large, et un peu plus etroite à sa base que vers le milieu de sa longueur, à cause de la di- vergence des rayons dont elle est composée, 170 HISTOIRE NATURELLE _ Sa place, beaucoup plus rapprochée des évents que celle des premières nageoires dorsales de la plupart des raies, avoit donné quelques soupçons à M. Cuvier sur la nature de cette nageoire : il avoit craint qu’elle ne füt le produit de quelque supercherie. ; et n’'eût été mise artificiellement sur le dos de l'individu qu'il décrivoit. « Cependant un examen attentif, m'a écrit dans le « temps cet illustre observateur *, ne montra rien d’arti- « ficiel; et le possesseur de cette raie, homme de bonne foi , « m'assura avoir préparé cet animal tel qu’on le lui avoit ap- porlé du marché. » Mais quand même il faudroit retrancher de la raie cuvier cette première nageoire dorsale, elle seroit encore une espèce distincie de toutes celles que nous connoissons. En eflet, la raie avec laquelle elle paroît avoir le plus de ressemblance est la ronce. Elle en diffère néanmoins par plusieurstraits, et par- ticulièrement par les trois caractères suivans. Premièrement, elle n’a point, comme la ronce, de gros pi- quans auprés des narines , autour des yeux, sur les côtés du dos , sur la partie inférieure du corps, ni de petits aiguillons sur ses nageoires pectorales et sur tout le reste de sa surface. Secondement, les appendices qui distinguent les mâles sont irès-petits , tandis que les appendices des raies ronces mâles sont très-longs et tres-gros, surtout vers leur extrémité. Et troisièmement, la raie ronce et la raie cuvier n’appar- tiennent pas au même sous-genre , puisque la ronce a les dents pointues et aiguës , et que la cuvier les a arrondies comme la pastenaque et la raie bouclée , suivant les expressions em- ployées par mon confrère dans la letijre qu'il ma adressée dès 1792. CS AAA AAA AAA AA AAA VAS AR AAA RAR AD NA AAA LAVE VUE AURA AA VULVEALA VEUVE RAR LEA LA RAIE RHINOBATE. Es Gus raiese rapproche de la cuvier et de la bohkat par la position de sa première nageoire dorsale ; elle a de grandes * Lettre de M. Cuvier à M. Lacepède, datée de Fiquainville, près de Valle- mont, département de la Seine-Inférieure , le 9 mars 1702. DE LA RAIE RHINOBATE. 174 ressemblances avec la thonin par cette même posision , et par’ plusieurs autres particularités de sa conformation extérieure ; et comme elle est le plus allongé de tous les poissons de son genre, elle se réunit de plus près que les autres raies , avec les squales, et surtout avec lessquale ange , qui, de son côté, présente plus de rapports que les autres squales avec la famille des raies. Les nageoires pectorales de la rhinobate sont moins étendues à proportion du volume total de l'animal, que celles des autres espèces de son genre. Cette conformation la lie encore avec l'ange; et, en tout, ce squale et cette raie offrent assez de parties semblables pour que l’on ait cru, dès le temps d’Aristote , -que l'ange s’accouploit avec les raies, que cette union étoit fé- conde, et que le produit de ce mélange étoit un animal moitié rale et moitié squale , auquel on avoit en conséquence donné le ‘nom composé de rhino-batos *. Pline a partagé cette opinion : elle a été adoptée par plusieurs auteurs bien postérieurs à Pline ; -et elle a servi à faire donner ou conserver à la rhinobate la déna- mination de squatina-raja , le squale ange ayant été appelé squaline par plusieurs naturalistes. La rhinobate est cependant une espèce existante par elle-même, et qui peut se renouveler sans altération, ainsi que toutes les autres espèces d'animaux que l’on n'a pas imaginé de regarder comme mélives. Elle est véritablement une raie, car son corps est plat par-dessous; et, ce qui forme le véritable caractère dis- tinctif par lequel les raies sont séparées des squales, les ouvertures de ses branchies ne sont pas placées sur les côtés, mais sur la partie inférieure du corps. Son museau est très-allongé et très-étroit: le bord de ses évents présente quelquefois deux espèces de petites denis; elle a deux nageoires dorsales un peu conformées comme le fer d’une faux, et placées à peu près comme celle de la bohkat. La première de ces deux nageoires est en effet située au-dessus des nageoires ven- trales, et la seconde un peu plus près de l'extrémité de la queue que la première. Une trosième nageoire, une véritable nageoire caudale , garnit le bout de la queue ; et cette dernière partie, de la même grosseur à son origine que la partie postérieure du corps, ne diminue de diamètre jusqu’à son extrémité que par des degrés insensibles. La surface de l'animal est revêtue d’une grande quan- 4 Batos, en grec, veut dire rare. 172 HISTOIRE NATURELLE tité de tubercules ; et une rangée d’autres tubercules forts et aigus, ou, pour mieux dire, de pointes , part de l’entre-deux des yeux, et s'étend jusqu’à la seconde nageoire dorsale. La partie supérieure de l'animal est d’une couleur obscure, et le dessous d’un blanc rougeatre. . Telle est la véritable rhinobate, l'espèce que nous avons fait dessiner et graver d’après un individu de plus d’un mètre de lon- gueur, conservé dans le Muséum national d’histoi re naturelle. La cour'e description que nous venons d’en faire d’après ce même individu-sufhroit pour que personne ne la confondit avec la raie thouin : cependant , afin d'éviter toute erreur, mettons en oppo- sition quelques principaux caractères de ces deux poissons carti- Jagineux ; on n'en connoilra que mieux ces deux espèces remar- quables de la famille des raies. Prennerement, la couleur du dessus du museau et du reste de la tète de la rhinobate ne présente qu’une seule teinte : le museau et le devant de la tête de la thouin offrent une nuance très- foncée et un blanc tres-éclatant, distribués avec beaucoup de ségularité, et contrasiant d’une maniere frappante. Secondement , l'angle que présente l'extrémité du museau est beaucoup plus aigu dans la rhinobate que dans la thouin, et la base de l'espèce de triangle que forme ce museau est par consé- quent beaucoup moins étendue. Troisiièmement , la surface supérieure de cette même parie et du devant de la tête n’est point hérissée de petits aiguillons sur la rhinobate , comme sur la thouin. Quatriémement, la forme des pointes qui règnent le long du dos de la raie que nous décrivons dans cet article est souvent différente de celle des piquans dont le dos de la thouïn est armé. Cinquièmement , le dessus du corps de la rhinobate est moins aplali que celui de la thouin. Sixièmement , le corps de la rhinobate ne commence à dimi- nuer de diamètre que vers les nageoires ventrales : celui de la ihouin montre celte diminulion vers le milieu des nageoires pectorales. Septièmement, les nageoires pectorales de la rhinobate ne présentent pas le même contour, et sont moins rapprochées des ventrales que celles de la thouin. Huitièmement , une membrane quelquefois frangée, qnelque- fois sans découpure, s'étend longitudinalement de chaque côté de DE LA RAIE MOBULAR. 153 la rhinobate, et marque, pour ainsi dire, la séparation de ja partie supérieure de l'animal d'avec l’inférieure : on ne voit rien de sembläble sur la raie à laquelle nous la comparons. Neuvièmement, la première nageoire dorsale de la rhinobate est située beaucoup plus près des évents que celle de la raie thouin. Et dixièmement enfin, la nageoire de la queue de la rhino- bate, au lieu d’être peu échancrée comme celle de la thouin , est divisée en deux lobes très-marqués, dont le supérieur est beau- coup plus grand que l’inférieur. Ces deux raies sont donc éloignées l’une de l’autre par dix ca- raclères distinctifs : et comment confondre ensemble deux espèces que tant de dissemblances séparent? Des variétés plus ou moins constantes de la rhinobate ou de la thouin pourront bien se pla- cer, pour ainsi dire , enire ces deux animaux, et, par quelques altérations dans la conformalion que nous venons d’exposer, ser- vir en apparence de points de communication , et même les rap- procher un peu : mais de trop grands intervalles resteront tou- jours entre ces deux espèces pour qu’on puisse les identifer. La rhinobate ayant le museau plus déliéet par conséquent plus mobile que la thouin, doit avoir le toucher pour le moins aussi exquis, et la sensibilité aussi vive que ceite dernière. Au reste, c’est à l'espèce de la rhinobate que nous rapportons, avec le professeur Gmelin, la raie halavi, décrite par Forskael dans sa Faune d'Arabie, et qui ne présente aucun trait d’après lequel on doive l'en séparer. RAA IR LIN EEE USA RAA EE VAE AAA IAA AAA AAA AAA LA RAIE MOBULAR :. ect Cor Duhamel qui a fait connoître cette énorme espèce de poisson cartilagineux, dont un individu, du poids de plus de vingt-neuf myriagrammes(six cents livres), ful pris en 1723 dans " Raïe cornue, raja squatina, raie ange de mer (à cause de la forme de ses nageoires appelées ailes); mobular, par les Caraïbes; diable de mer, aux Antilles. À 174 HISTOIRE NATURELLE la maridrague * de Montredon, près de Marseille. Cette raie, su: périeure en volume et en poids à toutes celles que nous venons de décrire, en est encore distinguée par sa forme extérieure. L'in: “dividu pêché à Montredon avoit plus de trerile-quatre décimètres (dix pieds et demi ) de longueur totale; et sa tête, dont la partie antérieure étoit terminée par une ligne presque droite, pré- séntoit, vers les deux bouts de cette ligne, un appendice ‘étendu en avant, étroit, terminé en pointe, et long de six déci- mètres (un pied onze pouces ). Chaque appendice avoit l'appa- rence d’une longue oreille extérieure, et en a reçu le nom > quoi: qu'il ne renfermât aucun organe que l’on pût supposer le siége de l’ouïe; et voilà pourquoi ona nommé la mobular raie à oreilles. D'un autre côté, comme ses deux appendices ont été comparés à des cornes, on l’a appelée raie cornue : et cependant elle n’a ni cornes ni oreilles; elle n’a reçu que des apperidices allongés. Les yeux de la raie mobular prise auprès de Marseille occu- poient les extrémités de la face antérieure de la tête : on les voyoit presque à la base et sur le côté extérieur des appendices ; ; et leur position étoit par là très-analogue à celle des yeux du squale marteau et du squale pantouflier. , L'ouverture de la gueule, située au-dessous de la tête, avoit plus de quatre décimètres (un pied trois pouces ) de large; et l'on apercevoit un peu au-delà les dix ouvertures branchiales dis- posées de la mème manière que celles des autres raies. De chaque côté du corps et de la tête pris ensemble, on voyoit une nageoire pectorale très-grande, triangulaire , et dont la face antérieure, formant un bte aigu avec ie Scion de l’appen- dice le plus voisin , se terminoit à à l'extérieur par uñ autre angle t La mandrague, ou madrague, est une espèce de grand pare composé de filets, et qui reste tendu dans la mer pendant un temps plus ou moins long. Ce parc forme une vaste enceinte distribuée par des cloisons en plusieurs chambres disposées à la suite l’une de l’autre, et qui portent différens noms, suivant le pays où la mandrague est établie. Les filets qui forment l’enceinte et Les cloisons; sont soutenus, dans la situation qu’ils doivent présenter, par des flottes de liéze, main tenus par un lest de pierres, et arrêtés de plus par une corde dont une exirémité est attachée à la tête de la mandrague, et l’autre amarrée à une ancre. On place entre l’enceinte et la côte une longue cloison de filet, nommée cache, ou chasse, que les poissons suivent, et qni les conduit dans la mandrague, où ils passent d’une chambre dans une autre jusqu’à ce qu'ils] soient parvenus dans la dernière que l’on nomme chambre de La mort. Il y a des mandragues qui ont jusqu à mulle brasses de longueur. g DE LA RAIE MOBULAR. 158 aigu dont le sommet se recourboit vers la pointe de l'appendice, Cette face antérieure avoit près de trois pieds de longueur; et étendue qu’elle donnoit à la nageoire , ainsi que la conformation qui résultoit de la position de cette face , rendoit la nageoire pec- torale beaucoup plus semblable à l'aile d’un énorme oiseau de -proie que celles des autres raies déjà connues. Le milieu du dos étoit un peu élevé, et représentoit une sorte de pyramide tres-basse, mais à quatre faces, tournées l’une vers la tête, l’autre vers la queue , et les deux autres vers les côtés. Entre la face postérieure de cetle pyramide et l’origine de la queue, on voyoit une nageoire dorsale allongée et inclinée en arrière ; et cette position de la nageoire dorsale rapprochoit l’in- dividu figuré dans l'ouvrage de Duhamel, de la raie cuvier, de la rhinobate , et de la raie thouin. Les nageoires ventrales avoient près de quatre décimètres ( un pieds deux pouces ) de long; et la queue, très-déliée, terminée en pointe, et entièrement dénuée de nageoires, étoit longue de plus de quatorze décimètres (quatre pieds six pouces }: Aucune portion de la surface de cet animal ne présentoit de tubercules ni de piquans. Au reste, la mobular habite le plus souvent dans l'Océan. On Fy trouve auprès des Açores, ainsi qu'aux environs des Antilles, ou elle a reçu le nom que nous avons cru devoir lui conserver: Duhamel, après lavoir décrite, parle d’une autre raie qu’il en rapproche, mais dont il m'a pas publié un dessin qu’il avoit reçu, et dont il s’est contenté de dire, pour montrer les différences qui ja distinguoient de la mobular, qu’elle avoit le corps plus allongé et les nageoires pectorales plus petites que ce dernier cartilagi- neux. Nous comparerons aussi la mobular avec une raie nomnte manatia; et qui, par son immense volume, ainsi que par sa conformation, a de très-grands rapports avec la mobular. Mais suivons l’ordre tracé dans le tableau que nous avons donné de l2 famille des raies, 176 HISTOIRE NATURELLE NANANANNAAAARAANNANNAATANINANNAAINNATEANAE AAA AA ARR VS LA RAÏIE SCHOUKIE. ee | LP en parlant de cette raïe, qu’il avoit vue dans la mer Rouge, s'est contenté d'indiquer pour le caractère distinctif de ce poisson les aiguillons un peu éloïgnés les uns des autres dont elle est armée : mais ce qui montre que sa peau est hérissée de tubercules plus ou moins petits et irès-serrés les uns contre Îles autres , c’est que , selon le même naturaliste ; on se sert de la peau de cette schoukie, dans la ville arabe de Suaken, pour revêtir des fourreaux de sabre, comme on revêten Europe des fourreaux d'épée ou des étuis avec des dépouilles de squales garnies de tu- bercules plus ou moins durs. Ces callosités ou tubercules de la schoukie , réunis avec ses aiguillons, ne permettent de la confondre avec aucune autre espèce de raie déjà décrite par les auteurs. Osbeck a parlé, dans son /chthyologie espagnole, d’une raie qu’il nomme machuelo, et de laquelle 1] dit qu’elle a la tête armée d’aiguillons ; le dessus du corps brun , semé de taches blanchôtres, et dénué de piquans , et la nageoire de la queue divisée en deux lobes. Mais la description qu’il donne de ce poisson n’est pas assez étendue pour que nous puissions le rapporter à une raie déjà bien connue , ou le considérer comme une espèce distincte. AA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA VRAI AAA VRAIS SAR AAA AAA AAA VAI RAA 0 LA RAÏIE CHINOISE, Le collection d’histoire naturelle que renfermoit le Muséum de la Haye, et qui, cédée à la France par la nation hollandaise , est maintenant déposée dans les galeries du Muséum de Paris, com- prend un recueil de dessins en couleurs exécutés à la Chine, et qui représentent des poissons dont les uns sont déjà tres-connus des naturalistes, mais dont les autres leur sont encore entière- ment inconnus *. Les traits des premiers sont rendus avec trop 1 Ce recueil compose une suite de dessins plus larges que hauts, réunis en semble ; et c’est l’avant-dernier numéro qui représente la raie chinoise. DE LA RAIE GRONOVIENNE, 75 de fidélité pour qu’on puisse douter de l'exactitude de ceux sous. lesquels les seconds sont dessinés; el les caractères de tous ces ani- maux sont d’ailleurs présentés à l’œil de manière qu’il est très- aisé de les décrire. J'ai donc cru devoir enrichir mon ouvrage et la science par l’expôsition des espèces figurées dans ce recueil, et qui n’ont encore été inscrites sur aucun catalogue rendu public : et parmi ces espèces. nouvelles pour les naturalistes, se trouve une raie à laquelle j'ai donné le nom de chinoise, pour indiquer le pays dans lequel son image a élé représentée pour la première fois, et sur les rivages duquel elle doit avoir été observée. L raie er est d’un brun jaunâtre par-dessus , et d’une couleur de rose foible par-dessous. L'ensemble de la tête, du corps et des nageoires pectorales , est un peu ovale ; mais le museau est avancé, en présentant cependant un contour arrondi. C'est principalement la réunion de celte forme générale, un peu rap- prochée de celle de la torpille, avec le nombre et la disposition des aiguillons dont nous allons parler, qui distingue la chinoise des autres raies décriles par les auteurs. On voit trois piquans derrière chaque oœ1l; on en compte plusieurs autres sur le dos; et d'ailleurs deux rangées d’autres pointes s'étendent le long de la queue. Cette dernière partie est terminée par une nageoire cau- dale divisée en deux lobes, dont le supérieur est un peu plus grand que l’inférieur ; et sa partie supérieure présente deux na- geoires dorsales. Le dessin n'indique point si les dents sont aplaties ou pointues ; et par conséquent nous ne pouvons encore rapporter à aucun des quatre sous-genres que nous avons établis dans la famille des raies , ce poisson chinois dont les couleurs sont très-agréables. LE RAÏE GRONOVIENNE: Ox trouve aux environs du cap de Bonne-Espérance cette raie ; que Gronou a fait connoître. Elle montre de très-grands rap- ports avec la torpille. Elle a, comme ce dernier poisson , la tête, le corps et les nageoires pectorales, conformés de manière que leur ensemble représente presque un ovale ; et d’ailleurs on ne voit de piquans sur aucune parte de sa surface, non plus que Lacepède, 2. 12 178 HISTOIRE NATURELLE sur celle de la torpille : mais l’on voit sur la queue de la torpille deux nageoires dorsales, et la partie supérieure de la queue de la gronovienne n’en présente qu'une. Le dos de la gronovienne est un peu convexe; la partie infé- rieure de son corps est au contraire très-plate. Les nageoires ventrales sont grandes; elles ont un peu la forme d’un parallélo- gramme, et n'ont aucune portion qu'on puisse appeler nageoire de l'anus. À l'extrémité de la queue est une nageoire caudale divisée en deux lobes. On n’a encore vu quedes gronoviennes d’un diamètre peu con- sidérable ; et l’on ignore si, conformée comme la torpille, la raie que nous décrivons jouit aussi, comme cette dernière, de la fa- culié de faire ressentir des commotions électriques plus ou moins fortes. AAMAAAANI AAA AAA AA AAA NAN NA RAAAAR AAA A NV AAA AE LA RAIE MANATIA. ee | Jr reçu, il y a plusieurs années, un dssein que J'ai fait graver, et une courte description en italien , d’une raie qui a beaucoup de ressemblance avec la mobular, et qui, comme ce dernier car- tülagineux, parvient à une très-grande longueur. T’individu dont on m'a envoyé dans le temps la figure avoit plus de cinq mètres ( quinze pieds huit pouces) de long , depuis la partie anté- rieure de la tête jusqu’à l’extrémité de la. queue. Le corps proprement dit, et les nageoires pectorales, consi- dérés ensemble, offroient une losange assez régulière, dont la dia- gonale, qui marquoit la plus grande largeur de l'animal, étoit Jongue de près de trois mètres ou neuf pieds. Chaque n ageoire pectorale représentoit ainsi un triangle isocèle, dont la base s'appuyoil sur le corps proprement dit, et dont le sommet très- aigu, placé à l'extérieur, répondoit au milieu du dos. À l'angle antérieur de la losange étoit la tête, d’un volume assez petit relativement à celui du corps, et terminée par-devant par une ligne presque droite. Cette ligne avoit près d’un demi-mètre ou un pied et demi de longueur, et à chacun de ses bouts on voyoit un appendice pointu, étroit, en forme d'oreille exté- DE LA RAIE MANATIA. 1:9 rieure , semblable à ceux que nous avons décrits sur la mobular, et long de dix pouces , ou près de trois décimètres, à compter du bout du museau de la manatia. Chacun de ces deux appendices s'étendoit au-dessous de la tête jusqu’à l'angle de la bouche le plus voisin; mais On ne remarquoit dans ces excroissances ni cavité, ni aucun organe qui püt les faire considérer, même au premier coup-d'œil , eomme les siéges de l’ouïe. L'ouverture de la bouche, située dans la partie inférieure de la tête, n'étoit séparée de l'extrémité du museau que par un anlervalle de quinze centimètres ( de cinq à six pouces ), et n'avoit que trois décimètres (dix pouces ou environ ) de largeur ; les narines étoient placées au-devant de cette ouverture; et les deux yeux l'étoient de chaque côté de la tête, un peu plus près du bout du museau que l'ouverture de la bouche. Derrière chaque œil, à l'endroit où le côté de la tête proprement dite se réunissoit avec la nageoire pectorale, on distinguoit un évent. On ne voyoit d’aiguillon sur aucune portion de la surface de l'animal; mais sa parlie supérieure, recouverte d’une peau épaisse, s'élevoit, au milieu du dos, en une bosse semblable à celle du chameau , suivant l’auteur de la description qui m'est parvenue. Les nageoires ventrales éloient petites et recouvertes en parte par les nageoires pectorales; et 1l n’y avoit aucune nageoire dor- sale ni sur le corps , ni sur la queue, qui étoit très-étroite dans toute son étendue, et terminée par une nageoire fourchue. Cette nageoire caudale paroit horizontale dans le dessin que j'ai fait graver ; maïs je crois que cette apparence ne vient que d’une défectuosité de ce même dessin. Il est donc bien aisé de distinguer la manatia de la mobnlar. Ces deux raies, que leur volume étendu rapproche l’une de l'autre , sont cependant séparées par quaire caractères très-remar- quables, Les appendices du devant de la tête sont beaucoup plus courts sur la manalia que sur la mobular, à proportion de la longueur totale de l'animal, puisqu'ils ne sont sur la manatia que le dix- neuvième de celte longueur totale , tandis que sur la mobular ils en sont le cinquième, ou à peu près. Les nageoires peclorales sont conformées si différemment sur la manatia et sur la mobular, que dans ce dernier cartilagineux l'angle extérieur de ces nageoires est au niveau des yeux, et dans la manatia au niveau du milieu du dos. 380 HISTOIRE NATURELLE Il y a une nageoire dorsale sur la mobular : il n’y en a point sur la manalia, Enfin la queue de la mobular n'est terminée par aucune nageoire, et l’on en voit une fourchue au bout de la queue de la manatia. La couleur de la partie supérieure de la raie que nous cher- chons à faire connoître est d’un noir plus où moins foncé; ét celle de la partie inférieure, d’un blanc assez éclatant. La forme, la mobilité et la sensibilité des appendices de la tête de la manatia, doivent faire de ces prolongations des sortes de tentacules qui, s'appliquant avec facilité à la surface des corps, augmentent la délicatesse du sens du toucher, et la vivacité de l'instinct de celte raie; et comme un sens plus exquis, et par conséquent des ressources plus multipliées pour l'attaque et pour la défense, se trouvent joints ici à un volume des plus grands el à une force tres-considérable, 1l n’est pas surprenant que sur les rivages de l'Amérique voisins de l'équateur, qu’elle fréquente, elle ait reçu le rom de manatia, presque semblable à celui de manali, imposé dans les mêmes contrées à un autre habitant des eaux, tres-remarquable aussi par l'étendue de ses dimensions ainsi que par sa puissance , au /amantin, décrit par Buflon. C'est à cause de cette force, de ce volume et de cet insüinct, qu'il faut particulièrement rapporter à la manatia ce que Barrere et d'antres voyageurs ont dit de très-grandes raies des mers américaines et équinoxiales, qui, s'élançant avec ellort à une certaine hau- teur au-dessus de la surface de l’océan , et se laissant ensuite re- tomber avec vitesse, frappent les ondes avec bruit et par une surface très-plate, très- longue et très-large, et les font rejaillir très au loin et avec vivacité. AAA AAA AE AAA ELLE AAA AAA AAA AAA AAA AAA A AAA AAA AAA AAA RS LA RAÏIE FABRONIENNE:. L, raie mobular et la raie manatia ne sont pas les seules qui parviennent à une grandeur, pour ainsi dire, gigantesque : nous connoissons maintenant deux autres raies qui présentent aussi * Raja fabroniana; raja vacca, aux environs de Livourne ; ; 7 Page 180. A « ee rmmmmsaetmsquree 3 © B ® bb ES Prétre pre. Dequevawiller Je: NULS 1 DE LA RAIE FABRÔNIENNE. 181 ce trés-grandes dimensions , et qui d’ailleurs se rapprochent de la manatia et de la mobular par plusieurs traits de leur confor- mation , et particulièrement par un.caracière dont on ne trouve pas d’analogue sur les autres cartilaginmeux du même genre. Ces deux autres raies sont la fabronienne et la banksienne. Nous allons les faire connoître successivement. Un imdividu de la pre- mière de ces deux espèces a élé pris dans la partie de la mer Méditerranée voisine de Livourne , et on le conserve maintenant dans le Muséum de Florence. Nous en devons un dessin et une courte description à l’habile naturaliste et ingénieux physicien Fabroni, l’un de ceux qui dirigent ce beau Muséum de Toscane, ainsi qu'un des savans envoyés à Paris par les gouvernemens étrangers pour y travailler, avec l’Enstitut nationat, à la fixation définitive des nouveaux poids et mesures de la république fran- aise; et voilà pourquoi nous avons cru devoir donner à cette espèce de cartilagineux le nom de raie fabronienne, qui expri- mera notre reconnoissance. L’individu qui fait partie de la col- lection de Florence a quatre mitres, on environ, d'envergure, c'est-à-dire , depuis la pointe d’une nageoire peciorale jusqu'à celle de l'autre nageoire latérale. L'espace compris entre le bout du museau et l'origine de la queue est à peu près de deux mètres. L’envergure est donc plus que double de la longueur du corps proprement dit, tandis que ces deux dimensions sont égales dans la mobular, celle de toutes les raies avec laqueile on pourroi être Le plus tenté de confondre la fabronienne. Chaque nageoiret peciorale est d'ailleurs très-étroite, et la base du triangle que présente sa surface , au lieu de s'étendre depuis k tête jusqu’au commencement de la queue, ainsi que sur la mobular, ne s'étend que Jusque vers le milieu de la longueur du corps. Le bord anté- rieur de chaque nageoire latérale est d'ailleurs convexe, et le bord postérieur concave; ee qui est différent de ce qu’on voit dans la mobular, où le bord de devant et le bord de derrière de la nageoire pectorale présentent l’un et l’autre une convexité au- près du corps, et une concavilé auprès de la pointe de la na- geoire. Lorsqu'on regarde la fabronienne:par-dessous , on aper- çoit deux nageoires ventrales et deux portions de la nageoire de anus : lorsque la mobular est également vue par-dessous, les nageoires ventrales cachent une porlion des nageoires pectorales | et on ne distingue pas de nageoires de l'anus. La, queue ayant été tronquée, par un accident particulier, 182 HISTOIRE NATURELLE dans l'individu de la collection de Toscane, nous ne pouvons rien dire sur la forme de cette partie dans la raie fabronienne, Mais ce qui mérite particulièrement l'attention des natura- listes, c’est que le devant de la tête de la fabronienne est garni, comme le devant de la tête de la mobular et de la manatia , de deux appendices longs, étroits et mobiles, qui prennent nais- sance auprès des orbites des yeux, et que l’on a comparés à des cornes. Chacun de ces appendices a quarante-cinq centimètres, ou environ , de longueur, à compter de l'orbite , et par conséquent à peu près le quart de la longueur du corps et de la tête consi- dérés ensemble ; 1l est donc beaucoup plus court, à proportion des autres parlies de l'animal, que les appendices de la mobular, lesquels ont de longueur près du tiers de celle de la tête et du corps réunis. D'après le dessin qui n'a été remis, et une note écrite sur ce même dessin , les deux appendices de la fabronienne sont deux espèces d’ailerons ou de nageoires, composés de plusieurs por- tions cartilagineuses réunies par des membranes ou d’autres par- ties molles, organisés de manière à pouvoir se déployer comme un éventail , et servant à l’animal non-seulement à tâter devant lui, mais encore à approcher sa nourriture de sa bouche. Voilà donc dans la mobular, dans la manaüa et dans la fabro- mienne, une conformation particulière que nous allons retrouver dans la banksienne , mais que nous ne connoissons dans aucune autre espèce de poisson, un organe particulier du toucher, un instrument remarquable d'appréhension, une sorte de mam propre à saisir les objets avec plus ou moins de facilité, et cette faculié extraordinaire , attribuée à ces appendices si dignes par là de l'observation des physiologisies, est une nouvelle preuve de l'instinct supérieur qui, tout égal d’ailleurs, nous a paru devoir appartenir aux raies qui offrent ces protubérances. Au reste, la grandeur de la raie que nous décrivons, la res- semblance vague des cornes des ruminans avec de grandes por- tions saillantes placées sur la tête, allongées, un peu cylindriques, et souvent contournées , ont fait donner à la fabronienne le nom de raie vache par plusieurs pêcheurs des côtes de la Toscane. DE LA RAIE BANKSIENNE. 183 AAARRAMAAN AA MARAIS VILLE LR US LV LA RAIE BANKSIENNE *. AAA AA VAS VA AAA Lr célèbre naturaliste Fabroni ayant adressé au chevalier Banks, président de la Société de*Londres , une lettre relative à la raie que nous venons de décrire, cet illustre savant lui fit parvenir, avec sa réponse , une notice et un dessin d’une autre grande raie remarquable, comme la mobular, la manatia et la fabro- nienne , par de longs appendices placés sur le devant de la tête. Fabroni a bien voulu mettre à ma disposition ce dessin et celte notice ; et en m'en servant pour le complément de lPhistoire des cartilagineux , je me suis empressé de distinguer cette raie par le nom de banksienne , afin de donner un Lémoignage public de la gratitude qu'ont inspirée à tous les amis de lhumanité les progrès que Île respectable président de la Société de Londres a fait faire aux sciences naturelles, et les marques d'estime qu’il n’a cessé de donner, dans toutes les circonstances, à ceux de mes compatriotes qui se sont dévoués comme lui au perfection nement des connoissances humaines. La banksienne n’a point de nageoire sur le dos ni au bont de la queue ; cette conformation la sépare de la mobular et de la manaltia. Elle en est aussi séparée par d’autres caractères. Cha- que nageoire pectorale, plus longue que le corps proprement dit, est plus étroite encore dans la plus grande partie de son étendue et relativement aux différentes dimensions des autres parties de l'animal, que les nageoires pectorales de la fabronienne ; elle représente un triangle isocèle, dont la base repose sur un des côlés du corps à une distance à peu près égale de la tête et de la queue, et dont le sommet est aussi à peu près également éloir- gné de la queue et de la iête. Les yeux, au lieu d'être situés sur les côtés de la tête, comme dans la fabronienne , la manalia et la mobular, sont placés sur la surface supérieure de cette partie de la raie. On voit trois taches longues, étroites, longitudinales, inégales et irrégulières, derrière les yeux ; trois autres semblables auprès de lorigine de la queue, LL EEE et ce mt nn SRn 3 Raja banksiena. 184 HISTOIRE NATUREELE et deux autres également semblables auprès de la base de chaque pageoire pectorale. Le chevalier Banks dit dans sa note manuscrite que le dessin de l'animal Ini est parvenu des Indes orientales, que les marins, donnent à cette raie le nom de diable de mer, et qu’elle parvient à un volume si considérable, qu’un individu de la même espèce, pris sur les côtes de la Barbade, n’a pu être tiré à terre que par le moyen de sept paires de bœufs. C'est la réunion d’une grandeur peu commune , d’une force analogue, et d’une tête en appa- rence cornue, qui aura fait nommer la banksienne diable de anér, aussi-bien que la mobular. Au reste, il paroït que la ma- maltia et la banksienne n’ont encore été observées que dans les mers chaudes de l'ancien ou du nouveau continent, pendant qu’on a pêché la mobular et la fabronienne près des rivages septentrio- maux de la mer Méditerranée. Dans le dessin envoyé par le chevalier Banks, on voit un bar- billon , ou très-long filament , à l'extrémité de chacun des appen- dices de la tête; on a même représenté un petit poisson embar- rassé et retenu par la raie au milieu de plusieurs contours de l’un. de ces filamens. Mais Banks pense que ces barbillons déliés n’ont jamais existé que dans la tête du dessinateur. Nous partageons d’au- tant plus l'opinionde ce savant, que le dessin qu'ila envoyé au phy- sicien Fabroni n’a pas été fait sur l'animal tiré à terre et observé avec facilrté, mais sur ce poisson nageant encore auprés de la surface de la mer; et voilà pourquoi nous avons désiré qu’on retranchât ces filamens dans la copie de ce dessin que nous avons fait faire ; voila pourquoi encore nous n'avons choisi, pour désigner cette espèce, que des caractères sur lesquels il est impossible à un oeil un peu attentif de se méprendre même au travers d'une couche d'eau assez épaisse, et suriout quand il s’agit d’un poisson en quelque sorte gigantesque. Quoï qu’il en soit, si des observations exactes infirment ce que lon doit être porté à conclure de lins- pection du dessin transmis par Banks à Fabroni, il sera trés-aisé, d’après ce que nous avons dit au sujet de la mobular, de la manatia et de la fabronienne, d'indiquer les véritables traits distinctifs de la grande raie à appendices , dont on a fait parvenirau président de la Société de Londres un dessin fait dans les Indes orientales, ou de la rapporter à la fabronienne , ou à la manatia, ou à la mobular. Passons maintenant à l'exposition du genre de cartilagineux qui ressemble le plus ajx raies que Nous VENONS de décrire. DES SQUALES. 184 SAR MAR A LU AA AAA AAA ARE LA ME A A A M M AAA, TROISIÈME GENRE. LES SQUALES. Cing, ou six, ou sept ouvertures branchiales de chaque côté du corps. PREMIER SOUS-GENRE. Une nageoire de l'anus, sans évents, ESPÈCES. CARACTÈRES. s dents triangulaires , et dentelées ER ve ss Les den angu 5 £ R'SCHAPE REQUIN des deux côtés. 4 dent i >. LE sQuALE rrès-crann. | LeS dents un peu coniques et sans dens telures. De petits points blanes sous le corps et sous la queue; la couleür de la par- tie inférieure de l'animal plus fon- cée que celle de la partie supérieure. CA LE SQUALE POINTILLÉ. Les dents aplaties de devant en arrière, à : dE ga 4. LE SQUALE GLAUQUE. triangulaires et sans dentelures ; le dessus du corps glauque; une fos- sette à l’extrémité du dos. RENTE ONE Ne ; Un pli longitudinal de chaque côté de la queue. dies ; 1 DRE lan Quelques dents arrondies ; un fort ai guillon à chaque nageoire dorsale. 7. LE SQUALE EExLON Sept ouvertures branchiales de chaque F : | L côté. SECOND SOUS-GENRE. Une nageoire de l'anus, et deux évents. ESPÈCES. CARACTÈRES. Les narines garnies d’un appendice _ vermiculaire ; les dents dentelées, et LE SQUALE ROUSSETTE. arnies , aux deux bouts de leur base, une pointe dentelée, < 186 HISTÔIRE NATURELLE ESPÈCES. CARACTÈRES. eux lobes aux narines ; les nageoires D 9. LE SQUALE ROCHIER. du dos égales l’une à l’autre. es dents presque triangulaires , échan- E x AND E. 4 : 10. LE SQUALE MILANDR crées et dentelées. 11. LE SQUALE ÉMISSOLE. Les dents petites et très-obtuses. Un appendice vermiforme aux narines; 12. LE SQUALE BARBILLON. des écailles grandes et unies sur le corps. Le tour de l’ouverture de la bouche OS P UALE BARBU. - 3 15. LE sQ garni d’appendices vermiformes. 14. LE SQUALE TIGRÉ. le corps; des barbillons auprès de Des bandes noires et transversales sur l’ouverture de la bouche. pt bandes noirâtres et longitudinales 4 , € 15. LE SQUALE GALONNÉ. : sur le corps. Une tache noire entourée d’un cercle ol À à do Eh docs blanc de chaque côté du cou. La première nageoire du dos placée 17. LE sQu : i 7: PRES D AUS au-dessus des nageoires venirales. a tête et le corps représentant en- L 18. LE SQUALE MARTEAU. semble un marteau. Li dant ÿ ER La tête festonnée par-devant, et un 2 CORRESP peu en forme de cœur. Le lobe supérieur de la nageoïire de la 20. LE SQUALE RENARD. queue de la longueur du corps. Six ouvertures branchiales de chaque ) #4 e # Ld 21. LE SQUALE GRISET côté. TROISIÈME SOUS-GENRE. Deux évents, sans nageoire de l'anus. ESPÈCES. CARACTERES. Un aisuillon à chaque nageoire du dos; 22, LE SQUALE AIGUILLAT. 5 q 8 ; le corps très-allongé. ee dessous du corps noirâtre ; les na- 23. LE SQUALE SAGRE. rines placées dans la partie antérièure | de la tête. 24. LE SQUALE HUMANTIN. Le corps un peu triangulaire. DU SQUALES REQUIN. 187 ESPÈCES. CARACTÈRES, Les deux nageoires du dos sans aiguil- lon ; la seconde plus grande que la 25. LE SQUALE LICHE. première ; les nageoires ventrales grandes, et placées irès-près de la queue. Les deux nageoires du dos sans aiguil- lon ; la première plus éloignée de 26. LE SQUALE GRONOVIEN. la tête que les nageoires ventrales ; la seconde placée très-loin de la première. Une rangée de tubercules un peu gros, s'étendant depuis les yeux jusqu’à la 97. LE SQUALE DENTELÉ. pEsrnère nageoire dorsale ; des ta- rousses et irrégulières sur la partie supérieure du corps et de la queue. ë Des tubercules gros et épineux sur tout 28. LE SQUALE BOUcC1É. I Les SES P à e corps. À Le corps revêtu d’écailles ovales et re- 29. LE SQUALE ÉCAILLEUX. | P levées par une arête. Le museau très-allongé, et garni de nn in SE VE UR dents de chaque côté. Les nageoires pectorales très-grandes, 31. LE SQUALE ANGE. et échancrées par-devant; le corps un peu aplati. RAA AAA RAI AAA AA AA AA AAA RAA RAA ASIA AAA AAA AAA AAA AA AAA AR AA RAA LA LE SQUALE REQUIN :. Pis squales * et les raies ont les plus grands rapports entre eux ; ils ne sont en quelque sorte que deux grandes divisions de la même famille. Que l'on déplace en effet les ouvertures des bran- ‘ chies des raies , que ces orifices soient transportés de la surface inférieure du corps sur les côtés de l'animal, qu'on diminue la 3 Requiem, lamia, lumie; frax, sur quelques côtes de l'Océan européen ; haj, sur quelques rivages du nord de l’Europe ; haye, en Hollande ; haafisx et hauwtkal, en Danemarck ; haakal, en Islande; white shark, en Angleterre. 2 Nous avons préféré, pour le genre dont nous allons traiter, le nom de squale, admis par un très-grand nombre de naturalistes modernes, à celui de chien de 288 HISTOIRE NATURELLE grandeur des nageoires pectorales, qu’on grossisse dans quelques-. uns de ces cartilagineux l’origine de la queue , et qu’on donne à cette origine le même diamètre qu’à la partie postérieure du corps, et les raies seront entièrement confondues avec les squales. Les espèces seront toujours distinguées les unes des autres ; mais au- cun caractère véritablement générique ne pourra les diviser en deux groupes : on comptera le même nombre de petits rameaux ; mais on ne verra plus deux grandes branches principales s'élever séparément sur leur tige commune. Quelques squales ont, comme les raies, des évents placés au- près et derrière les yeux ; quelques autres ont , indépendamment de ces évents, une véritable nageoire de l'anus, très-distincte des nageoires ventrales, et qu'aucune raie ne présente; 1l en est enfin qui sont pourvus de cette même nageoire de l'anus, et qui sont dénués d’évents. Les premiers ont évidemment plus de con- formité avec les raies que les seconds , et surtout que les iroi- sièmes. Nous n'avons pas cru cependant devoir exposer les formes et les habitudes des squales dans l’ordre que nous venons d’in- diquer, et que l’on pourroit à certains égards regarder comme Xe plus naturel : la nécessité de commencer par montrer les objets les mieux connus et de les faire servir de terme de comparaison, pour juger de ceux qui ont été moins bien et moins fréqueni- ment observés, nous a forcés de préférer un ordre inverse, et de placer les premiers, dans cette histoire, les squales qui n’ont pas d’évents et qui ont une nageoire de l'anus. | Au reste, les espèces de squales ne diffèrent dans leurs formes et dans leurs habitudes que par un petit nombre de points. Nous indiquerons ces points de séparation dans des articles particu- liers ; mais c’est en nous occupant du plus redoutable des squales que nous allons tàcher de présenter en quelque sorte l’ensemble des habitudes et des formes du genre. Le requin va être, pour ainsi dire, le type de la famille entière ; nous allons le considérer. comme le squale par excellence, comme la mesure générale à laquelle nous rapporterons les autres espèces ; et l’on verra aisé- mer, qui est composé, et qui présente une idée fausse. En effet , les squales sont bien des habitans de la mer, mais sont certainement, dans l’ordre des êtres, bien. éloignés du genre des chiens. « De Pline, dit Rondelet, sont nommés squali, quasi squalidi, laids à voir, « et rudes; çar ils sont tous couverts de peau âpre. » DU SQUALE REQUIN. 189 Ment combien cette sorte de préémmence due à la supériorité de son volume , de sa force et de sa puissance, est d’ailleurs fondée sur le grand nombre d'observations dont la curiosité et la ter- reur qu'il inspire Font rendu dans tous les temps l’objet. Ce formidable squale parvient jusqu’à ane longueur de plus de dix mètres (trente pieds ou environ ); il pèse quelquefois près de cinquante myriagrammes ( mille livres) ; et il s’en faut de beaucoup que l’on ait prouvé que l’on doit regarder comme exa- gérée l’assertion de ceux qui ont prétendu qu’on avoit pêché un requin du poids de plus de cent quatre-vingt-dix myriagrammes ( quatre mille livres ). Mais la grandeur n’est pas son seul attribut : il a reçu aussi la force, et des armes meurtrières ; et, féroce autant que vorace, impétueux dans ses mouvemens, avide de sang, et insatiable de proie , ilest véritablement le tigre de la mer. Recherchant sans erainte tout ennemi, poursuivant avec plus d’obstination , atta- quant avec plus de rage, combattant avec plus d’acharnement, que les autres habitans des eaux ; plus dangereux que plusieurs célacées, qui presque toujours sont moins puissans que lui ; ins- pirant même plus d’effroi que les baleines, qui, moins bien ar- mées , et douées d’appétits bien différens, ne provoquent presque jamais ni l’homme ni les grands animaux ; rapide dans sa course, répandu sous tous les climats, ayant envahi, pour ainsi dire, toutes les mers ; paroïssant souvent au milieu des tempêtes’; aperçu facilement par l'éclat phosphorique dont il brille , au mi- lieu des ombres des nuits les plus orageuses ; menaçant de sa gueule énorme et dévorante les infortunés navigateurs exposés aux horreurs du naufrage, leur fermant toute voie de salut, leur montrant en quelque sorte leur tombe ouverte , et plaçant sous leurs yeux le signal de la destruction , il n’est pas surprenant qu'il ait reçu le nom sinistre qu’il porte, et qui, réveillant tant d'idées lugubres, rappelle surtout la mort, dont il est le ministre. Requin est en eflet une corruption de requiem, qui désigne de- puis long-temps , en Europe, la mort et le repos éternel, et qui - a dû être souvent , pour des passagers effrayés, l'expression de leur consternation , à la vue d’un squale de plus de trente pieds de longueur, et des victimes déchirées ou englouties par ce tyran des ondes. Terrible encore lorsqu'on a pu parvenir à l’accabler de chaînes, se débattant avec violence an milieu de ses liens, eonservant une grande puissance lors même qu'il est déja tout 190 HISTOIRE NATURELLE baigné dans son sang, et pouvant d’un seul coup de sa queue répandre le ravage autour de lui, à l'instant même où il est près d’expirer, n'est-il pas le plus formidable de tous les animaux aux- quels la Nature n’a pas départi dés armes empoisonnées ? Le tigre le plus furieux au milieu des sables brûlans, le crocodile le plus fort sur les rivages équatoriaux, le serpent le plus démesuré dans les solitudes africaines , doivent-ils inspirer autant d’eflroi qu'an énorme requin au nulbieu des vagues agitées ? Mais examinons le principe de cette puissance si redoutée , et la source de cette voracité si funeste. . Le corps du requin est trés-allongé, et la peau qui le recouvre est garnie de petits tubercules très-serrés les uns contre les au- tres. Comme cette peau tuberculée est très-dure ,.on l’emploie, dans les arts, à polir différens ouvrages de bois et d'ivoire ; on s’en sert aussi pour faire des liens et des courroies, ainsi que pour couvrir des étuis et d’autres meubles : mais 1l ne faut pas la confondre avec la peau de la raie sephen *, dont on fait le galuchat , et qui n’est connue dans le commerce que sous le faux nom de peau de requin, tandis que la véritable peau de requin porte la dénomination très-vague de peau de chien de mer. La dureté de cette peau, qui la fait rechercher dans Îles arts, est aussi très-utile au requin, et a dû contribuer à aug- menter sa hardiesse et sa voracité, en le garantissant de la mor- sure de plusieurs animaux assez forts et doués de dents meur- trières. La couleur de son dos et de ses côtés est d’un cendré brun ; et celle du dessous de son corps d’un blanc sale. La tête est aplatie, el terminée par un museau un peu ar- rondi. Au-dessous de cette extrémité, et à peu près à une dis- tance égale du bout du museau et du milieu des yeux, on voit les narines organisées dans leur intérieur presque de la même manière que celles de la raie batis, et qui, étant le siége d’un odorat très-fin et très-délicat, donnent au requin la facilité de reconnoître de loin sa proie, et de la distinguer au milieu des eaux les plus agitées par les vents, ou des ombres de la nuit la plus noire, ou de l'obscurité des abîmes les plus profonds de l'Océan. Le sens de l’odorat étant dans le requin , ainsi que dans les raies et dans presque tous les poissons, celui qui règle les oo * Article de a raie sephen. DU SQUALE REQUIN. 191 courses et dirige les attaques , les objets qui répandent l'odeur la plus forte doivent être , tout égal d’ailleurs , ceux sur lesquels il se ie avec le plus de rapidité : ils sont pour le requin ce qu’une substance très-éclatante placée au milieu de Re très-peu éclairés, seroit pour un animal qui n’obéiroit qu'au sens de la vue. On ne peut donc guère se refuser à l’o- pinion de plusieurs voyageurs qui assurent que lorsque des blancs et des noirs se baignent ensemble dans les eaux de l'O- céan , les noirs, dont les émanations sont plus odorantes que celles des blancs , sont plus exposés à la féroce avidité du re- quin , et qu'immolés les premiers par cet animal vorace, ils donnent le temps aux blancs d'échapper par la fuite à ses dents acérées. Et pourquoi , à la honte de l'humanité, est-on encore plus forcé de les croire lorsqu'ils racontent que des blancs ont pu oublier les lois sacrées de la Nature, au point de ne des- cendre dans les eaux de la mer qu’en plaçant autour d’eux de malheureux nègres dont ils faisoient Îa part du requin ? L'ouverture de la bouche est en forme de demi-cercle , et placée transversalement au-dessous de la tête et derrière les na- rines. Elle est très-grande; et l’on pourra juger facilement de ses dimensions , en sachant que nous avons reconnu , d’après plusieurs comparaisons , que le contour d’un côté de la mâ- choire supérieure , mesuré depuis l'angle des deux mâchoires jusqu’au sommet de la mâchoire d’en-haut , égale à peu près le onzième de la longueur totale de l'animal. Le contour de la mâ- choire supérieure d’un requin de trente pieds (près de dix mètres) est donc environ de six pieds ou deux mètres de longueur. Quelle immense ouverture ! quel g souffre pour engloutir la proie du requin! et comme son gosier est d’un diamètre proportionné, on ne doit pas être étonné de lire dans Rondelet et dans d’autres auteurs que les grands requins peuvent avaler un homme tout entier, et que, lorsque ces squales sont morts et gisans sur le ri- vage, on voit quelquefois des chiens entrer dans leur gueule , dont quelque corps étranger retient les mâchoires écartées , et aller chercher jusque dans l'estomac les restes des alimens dé2 vorés par l'énorme poisson. Lorsque cette gueule est ouverte, on voit au-delà des lèvres , qui sont étroites et de la consistance du cuir, des dents plates, triangulaires, dentelées sur leurs bords, et blanches comme de l'ivoire. Chacun des bords de cette partie émaillée, qui sort hors 192 HISTOIRE NATURELLE des gencives, a communément cinq centimètres (près de deux pouces) de longueur dans les requins de trente pieds. Le nom- bre des dents augmente avec l'âge de l'animal. Lorsque le re- quin est encore trés-jeune , il n’en montre qu'un rang , dans lequel on n’aperçoit mème quelquefois que de bien foibles den- telures : mais à mesure qu'il se développe , il en présente un plus grand nombre de rangées ; et lorsqu'il a atteint un degré plus avancé de son accroissement et qu’il est devenu adulte, sa gueule est armée, dans le haut comme dans le bas, de six rangs de ces dents fortes , dentelées , et si propres à déchirer ses vic- times. Ces dents ne sont pas enfoncées dans des cavités solides ; leurs racines sont uniquement logées dans des cellules membra- neuses qui peuvent se prêler aux différens mouvemens que les muscles placés autour de la base de la dent tendent à leur impri- mer. Le requin , par le moyen de ces différens muscles, couche en arrière ou redresse à volonté les divers rangs de dents dont sa bouche est garnie ; il peut les mouvoir ainsi ensemble, ou sé- parément; 1l peut même, selon les besoins qu'il éprouve, re- lever une portion d’un rang , et en incliner une autre portion; et, suivant qu'il lui est possible de n’employer qu’une partie de sa puissance, ou qu'il lui est nécessaire d’avoir recours à toutes ses armes, 1l ne montre qu'un ou deux rangs de ses dents nieurtrières; ou, les mettant toutes en action, il menace et atteint sa proie de tous ses dards pointus et relevés. Les rangs intérieurs des dents du requin, étant les derniers formés , sont composés de dents plus petites que celles que l'on voit dans les rangées extérieures , lorsque le requin est encore jeune : mais, à mesure qu'il s'éloigne du temps où 1l a été adulte, les dents des différentes rangées que présente sa gueule sont à peu près de la même longueur, ainsi qu'on peut le vé- rifier en examinant, dans les collections d'histoire naturelle, de très-grandes mächoires, c'est-à-dire celles qui ont appartenu à des requins âgés , et surlout en observant les requins d’une taille un peu LORS STAAERTE e que l'on parvient à prendre. Je ne crois s en conséquence devoir adopter l'opinion de ceux qui ont regardé les dents intérieures comme destinées à remplacer celles ss devant , lorsque le requin est prive de ces dernières par une suite d” sorts violens , de résistances opiniâtres, ou d’autres accidens. Les dents intérieures sont un supplément de puissance pour le requin: elles concourent ; avec celles de devant, à DU SQUALE REQUIN. 193 saisir, à retenir, à dilacérer la proie dont 1l veut se nourrir ; mais elles ne remplacent pas les extérieures : elles agissent avec ces denis plus éloignées du fond de la bouche, et non pas uni- quement après la chute de ces dernières : et lorsque celles - ci cèdent leur place à d’autres, elles la laissent à des dents pro- duites: auprès de leur base et plus ou moins développées, à de véritables dents de remplacement, très-distinctes de celles que l’on voit dans les six grandes rangées , à des dents qui parvien- nent plus ou moins rapidement aux dimensions des dents inté- rieures , et qui cependant très-souvent sont moins grandes que ces détaiomus| lorsqu'elles sont substituées aux dents extérieures arrachées de la gueule du requin. Les: dents intérieures tombent aussi , et abandonnent, comme les extérieures, l'endroit qu’elles occupoient, à de véritables dents de remplacement formées autour de leur racine. Les dents de la mâchoire inférieure présentent ordinairement des dimensions moins grandes et une dentelure plus fine que celles de la mâchoire supérieure. La langue est courte, large, épaisse et cartilagineuse , rete- nue en dessous par un frein, libre dans ses bords, blanche et rude au toucher comme le palais. Toute la partie antérieure du museau est criblée', par-dessus et par-dessous , d’une grande quantité de pores répandus sans ordre, très- visibles, et qui, lorsqu'on comprime fortement le devant de la tête, répandent une espèce de gelée épaisse, cristal- line, et Kate , Suivant Commerson , qui, dans ses voyages , a très-bien observé et décrit le requin. Les yeux sont petits et presque ronds; la cornée est très-dure; l'iris d’uu vert foncé et doré; et la prunelle, qui est bleue, con- siste dans une fente transversale. Les ouvertures des branchies sont placées de chaque côté, plus haut que les nageoires pectorales. Ces branchies, semblables à celles des raies, sont engagées chacune dans une membrane très- mince, et toutes présentent deux rangs de filamens sur leur partie convexe, excepté la branchie la plus éloignée du museau , la- quelle n’en montre qu’une rangée. Une mucosité visqueuse, san- guinolente, et peut-être phosphorique, dit Commerson , arrose ces branchies, et les entretient dans la souplesse nécessaire aux opérations relatives à la respiration. Lacepède. 2. 13 194 HISTOIRE NATURELLE Toutes les nageoires sont fermes, roides et cartilagineuses. Les pectorales , triangulaires, et plus grandes que les autres, ‘éten- dent au loin de chaque côté, et n’ajoutent pas peu à la rapidite avec laquelle nage le requin, et dont il doit la plus grande par- tie à la force et à la mobilité de sa queue. La premiere nageoire dorsale, plus élevée et plus étendue que la seconde, placée au-delà du point auquel correspondent les na- geoires peciorales, et égalant presque ces dernières en surface , est terminée dans le. haut par un bout un peu arrondi. Plus près dela queue, et au-dessous du corps , on voit les deux nageoires ventrales , qui s’étendent jusques aux deux côtés de l'anus, et l'environnent comme celles des raies. De chaque côté de cette ouverture on aperçoit, ainsi que dans les raies, un orifice qu'une valvule ferme exactement, et qui, commupiquant avec la cavité du ventre, sert à débarrasser l'ani- mal des eaux qui, filtrées par différentes parties du corps, se ra- massent dans cet espace vide. La seconde nageoire du dos et celle de l’anus ont à peu près la même forme et les mêmes dimensions ; elles sont les plus pelites de toutes, situées presque toujours l’une au-dessus de Pautre , et très-près de celle de la queue. Au reste, les nageoires peclorales, dorsales, ventrales, et de l'anus, sont terminées en arrière par un côté plus ou moins con- cave, et ne tiennent point au corps dans toute la longueur de leur base, dont la partie postérieure est détachée et prolongée en pointe plus ou moins déliée. La nageoire de la queue se divise en deux lobes très-inégaux : le supérieur est deux fois plus long que l'autre , triangulaire, courbé , et augmenté, auprès de sa pointe, d'un petit appendice également triangulaire. | Auprès de cette nageoire se trouve souvent, sur la queue , une petite fossette faite en croissant, dont la concavité est tournée vers la tête. Au reste, le requin a des muscles si puissans dans la partie postérieure de son corps, ainsi que dans sa queue propre- ment dite, qu’un animal de cette espèce, encore très-ieune , et à peine parvenu à la longueur de deux mètres, ou d'environ six pieds, peut, d’un seul coup de sa queue , casser la jambe de homme le plus fort. Nous avons vu, dans notre Discours sur la nature des pois- sons, que les squales étoient, comme Îles raies, dénués de cette DU SQUALE REQUIN. 195 vésicule aérienne, dont la compression et la dilatation donnent a la plupart des animaux dont nous avons enlrepris d'écrire lhistoire , tant de facilité pour s’enfoncer ou s'élever au milieu des eaux; maïs ce défaut de vésicule aérienne est bien compensé dans les squales, et particulièrement dans le requin, par la vi- gueur et la vitesse avec lesquelles ils peuvent mouvoir et agiter la queue proprement dite, cet instrument principal de la nata- tion des poissons *. Nous avons vu aussi, dans ce même Discours, que presque fous les poissons avoient de chaque côté du corps une ligne lon- gitudinale saillante et plus où moins sensible, à laquelle nous avons conservé le nom de ligne latérale, et que nous avons re- gardée comme l'indice des principaux vaisseaux destinés à répan- die à la surface du corps une humeur visqueuse, nécessaire aux mouvémens et à li conservation des poissons. Cetié ligne, que l'on ne remarque pas sur les raies, est très-visible sur le requin, et elle s'y étend communément depuis les ouvertures des bran- chies jusqu'au bout de la queue, presque sans se courber, et tou- jours plus près du dos que de la partie mférieure du corps. Telles sont les formes extérieures du ERA, . Son intérieu£ t Discours sur la nature-des poissons. z Principales dimensions d’un requin. 4 a à EE RS pieds. pou. Liz, Depuis le bout du museat jusqu'à l'extrémité de la queue, ou len- PDP TOTAIES LE se de SA + 2 ele sens eue music LU See jusqu'aux narines.”. ... .% 1.2.4... » TO NE des Veux 2e 2 20 UNS RUE MT LS jusqu’au bord antérieur de la bouche. . .: .. ...:.., » jusqu'aux angles posterienrs de la bouche. ...:, ....,. » jusqu'’äu $omtmêt «le la niâchoire postérieure. . , . ... . ... » jusqu’à l'angle antérieur de la base des nageoires pectorales. . . 1 jusqu'à l'angle postérieur et rentrant de la base des mêmes na- OS ER NET 0 RE OS USE A0 ANT de SR MEN CR UE LE AR XÈL LOL jusqu’à l’arigle supérieur de ln première onverture des bran- D Or CR On sa CHICS: à à 0/0 lo 0 one ete a PS ue PAS ee SONNN D CIRCUITS tu SM mtde la Sctotdens. 2e RELPTER CAEN EL SES C0 ni gx mbdetla troisienre Vis Na RAT ROSE EEE à SES SUN = dela quatrième. & 2408 : à 503 à 4 en Tia on Je ER —/ dela cinquième. 22... ci io EE jusqu'à l’angle inférieur de la première ouverture des bran- chi QE EN EUR tte tot 50" etant dat tie its COLIN PS de la secondes. 5 « Soc ete a CT 0:90 ONE TS "dela froisièmes ns: ee à o de de ii dire TN OMR ET ENS 2 dela quatrième. . , . 5. . sed ce 0 als PR) 271€ 4 196 HISTOIRE NATURELLE LA présente aussi des particularités que nous devons faire connoître, Le cerveau est petit, gris à sa surface, blanchâtre dans son in- térieur , et d’une substance plus molle et plus flasque que le cer- velet. Le cœur n'a qu’un ventricule et une oreillette; mais cette dernière partie, dont le côté gauche reçoit la veine-cave , a une grande capacité. À la droite , le cœur se décharge dans l'aorte, dont les parois sont très-fortes. La valvule qui la ferme est composée de trois pièces presque triangulaires, cartilagineuses à leur sommet, par lequel elles se réunissent au milieu de la cavité de l'aorte ,-et mo- pieds. pou. lg. — de la Cinquième, ns nie a en bios ee AUonp if it et ER jusqu’à l’angle antérieur de la première nageoire dorsale. .. .. 1 9 » jusqu’à l’angle postérieur et rentrant de la même nageoire. . . . 2 4 » jusqu’à l’angle supérieur de la même nageoire. . . . .. ..:. 2 7 » jusqu’à l’angle antérieur des nageoires du ventre. .. . ... .. 2 9 6 jusqu’à l’angle postérieur et rentrant des mêmes nageoires. . . . 3 2 » jusqu’à l’angle extérieur des mêmes nageoires. . . . .. . . . . 3 3.2 Jun milieu de l’ouvettuüure de Panus. .. . . . "21. 4. "3"2p# jusqu'a l’angle antérieur de la base de la seconde nageoire du FRE ONE M OP ENTRE ETIpEe 1) jusqu’à l’angle postérieur et rentrant de la base de la seconde nagegise du doses." (en A ina 2 ea ele root Ait 8 » 8 6 3 jusqu’à l’angle supérieur de la seconde nageoire du Fee NC QUE : juqué la De te du dessus dela queue... : 4 dite 9 jusque a l’angle antérieur de la base de la nageoire de qe queue, . 4 jusqu’a l'ektrémité du lobe inférienr de la nageoire de la queue. 4 jusqu’à l’angle antérieur de la base de la nageoire de lanus.c 44 23 jusqu’à l’angle inférieur de la nageoire de l’anus. . . . . . . . . 3 Diamètre perpendiculaire auprès des yeux .............. D auprès de la dernière ouverture des branchies:; 4) An 2 RS auprès de la première nageoire dorsale. . . . . . . . . . .. .. » auprès de l'anus: . : . + + + 4 . ..e «eee 4 son eee ee auprès de la nageoïre de la quene. . . . . . . . . . . . . . ... » Diamètre horizontal auprés des yeux. +... ss... ... 4... D auprès de Ja dernière ouverture des branchies. . . . . ..... » auprès de la première nageoire dorsale. ee ie 7 6 an ER auprès de l'anus. . . .. .. . . .. Mie l'alre e la EN A auprès de La nageoire de la queue... ... . ........... depuis le bout d’une nageoire pectorale jusqu’au bout del’autre. 1 Graaddiamètrede l'œil... 21.4 a St Sn Re Petit dinmètre de l'ŒH.,4, ets sue ialeeielelietie ‘=. Ta Base des plus grandes dents. . . . .. . . ... +... Côtés dés plus grandes dents. .! 4... sas +. ei) tas ÿ VE M M ND GO © Ur bin © OR œ m0 y à C4 DU SQUALE REQUIN. 197 biles dans celui de leurs bords qui est attaché aux parois de ce vaisseau. En s’éloignant du cœur, et en s'avançant vers la iête, l'aorte donne naissance de chaqne côté à lrois artères qui aboutissent aux trois branchies postérieures; et parvenue à la base de la langue, elle se divise en deux branches, dont chacune se sépare en deux rameaux où artères «ui vont arroser les deux branchies antérieures. L'artere, en arrivant à la branchie, parcourt la sur- face convexe du cartilage qui en soutient les membranes, et y forme d'innombrables ramifications qui, en s'étendant sur la sur- face de ces mêmes membranes, y produisent d’autres ramifca- tions plus petites , et dont le nombre est, pour ainsi dire, infini. L'œsophase, situé à la suite d’un gosier tres-large, est très- court, et d’un diamètre égal à celui de la partie antérieure de l'estomac. Ce dernier viscère a la forme d’un sac très-dilatable dans tous les sens, trois fois plus long que large, et qui, dans son.état d’ex- tension ordinaire, a une longueur égale au quart de celle de lanimal entier Dans un requin de dix mètres, ou d’environ irenie pieds, estomac, lors même qu'il n’est que très-peu dilaté , a donc deux mètres et demi, ou un peu plus de sept pieds et demi, dans sa plus grande dimension ; et voilà comment on a pu trouver dans de très-grands requins des cadavres humains tout entiers. , La lun'que intérieure qui tapisse l'estomac est rougeâtre, mu- queuse , gluente, et inondée de suc gastrique ou digestif. Le canal intestinal ne montre que deux portions distinctes, aont l’une représente les intestins grêles , et l’autre les gros intes- tins de homme et des quadrupèdes. La première portion de ce canal est très-courle,.et n'a RME, peu plus de trois décimétres , ou un pied, de long, dans les requins qui ne sont encore parvenus qu'à une longueur de deux mètres, ou d'environ six p'eds ; el comme elle est si étroite, que sa cavité LA peut à peine, dans les individus dont nous venons de parler, laisser passer ne plume à écrire , ainsi que le ra pporte Commer- son , l’on doit penser, avec ce savant naturaliste, que le principal travail de la digestion s'opère dans l'estomac, et que les alimens doivent être déja réduits à une substance fluide , pour pouvoir pénétrer par la première partie du canal jusqu’à la seconde. Cette seconde portion du tube intestinal, beaucoup plus grosse 198 HISTOIRE NATURELLE que l'autre, est très-courte ; mais elle présente une structure très- remarquable, et dont les effets compensent ceux de sa briéveté. Au lieu de former un tuyau continu, et de représenter un simple sac, comme les intestins de presque tous les animaux , elle ne consiste que dans une espèce de toile très-grande, qui s'étend inégalement lorsqu'on la développe , et qui, repliée sur elle-même en spirale, composant ainsi un tube assez allongé, et maintenue dans cette situalion uniquement par la membrane interne du périloine, présente un grand nombre de sinuosités propres à retenir ou à absorber les produits des alimens. Gette conforma- tion , qui équivaut à de longs intestins, a été irès-bien observée et très bien décrite par Commerson. Le foie se divise en deux lobes très-allongés et inégaux : le lobe droit a communément une longueur égale au tiers de la lon- gueur lolale du requin ; le gauche est plus court à peu près d’un quart, et plus large à sa base. / La vésicule du fiel, pliée et repliée en forme d’'S, est placée entre les deux lobes du foie ; et pleine d’une bile verte et fluide. La rate, très-allongée, tient par un bout au pylore, et, par lautre Late à la fin de l’intestin giêle; et sa couleur est très- variée par le pourpre et le blanc des vaisseaux sanguins qui en parcourent la surface *. La grandeur du foie et d’autres viscères, l'abondance des li- quides qu'ils fournissent , la quantité des sucs gastriques qui inon- dent l'estomac, donnent au requin une force digestive active et rapide : elles sont les causes puissantes de ceite voracité qui le rend si t-rrible, et que les alimens les plus copieux semblent ne pouvoir pas apaiser; mais elles ne sont pas les seuls aiguillons de cette faim dévorämte. Commerson a fait à ce sujet une obser- vation curieuse que nous allons rapporter. Ce voyageur a tou- jours trouvé dans l'estomac et dans les intestins des requins, un très-grand nombre de lænia, qui non-seulement en infestoient les caviléi, mais pénétroient et se logeoient dans les tuniques intérieures de ces viscères. Il a vu plus d’une fois le fond de leur ? Commerson a observé, dans le mâle ainsi que dans la femelle du requin, un viscère particulier, situé dans Le bas-ventre, enveloppé et suspendu dans la mem brane intérieure du péritoine , semblable à la rate par sa couleur et par sa subs- tance, mais très-petit, en forme de cylindre très-étroit et très-allongé , et s’ou- Vrant par un orilice très-resserré , près de l'anus, et daus le gros intestin. DU SQUALE REQUIN. 19 “estomac gonflé et enflammé par les efforts d’une multitude de petits vers, de véritables tænia, renfermés en partie dans les cel- lules qu'ils s’étoient pratiquées entre les membranes internes, et qui , s’y retirant tout entiers lorsqu'on les fatiguoit, conservoient encore la vie quelque temps après la mort du requin. Nous n’a- vons pas besoin de montrer combien cette quantité de piqures ajoute de vivacité aux appétits du requin. Aussi avale-t-1l quel- quefois si goulument , et se presse-t-1l tant de se débarrasser d’ali- mens encore mal digérés, pour les remplacer par une nouvelle proie, que ses intestins, forcés de suivre en partie des exerémens imparfaits et chassés trop lôt, sortent par l'anus, et paroissent hors du corps de l'animal, d’une longueur assez considérable. Dans le mâle, les vaisseaux spermatiques, ou la faite, sont: divisés en deux portions, et ont une longueur égale au tiers de celle de l'animal considéré dans son entier. Le requin mâle à d'ailleurs entre chaque nageoïre de l'anus et cette dernière ouver- ture un appendice douze fois plus leng que large, égalant dans. sa plus grande dimension le douzième de là longueur totale du: squale, organisé à l’intérieur comme les appendices des mâles des raies batis, contenant cependant, ordinairement un nombre. moins grand de parties dures et solides, mais se reconrbant éga- lement par le bout, et servant de même à saisir le corps de la. femelle, et à la retenir avec force lors de l’accouplement. Chacun des deux ovaires de la femelle du requin est à peu près égal en grandeur à l'une des deux portions des vaisseaux sperma- tiques du mâle. Le temps où le mâle et la femelle se recherchent et s'unissent varie suivant les climats; mais c’est presque toujours lorsque la saison chaude de l’année a commencé de se faire sentir qu'ils éprouvent le besoin impérieux de se débarrasser, l’une des œufs qu’elle porte, et l'autre de la liqueur destinée à les féconder, Ils s'avancent alors vers les rivages; ils se rapprochent; et souvent, lorsque le mâle a soutenu contre un rival in combat dangereux et sanglant, ils s'appliquent l’un contre l’autre, de manière à faire toucher leurs anus. Maintenus dans cette position par les appendices crochus du mâle, par leurs efforts mutuels, et par une sorte de croisement de plusieurs nageoires et des extrémités de lenr queue, ils voguent dans celte situation contrainte, mais qui doit être pour eux pleine de charmes, jusqu'a ce que la hiqueur vivifiante du mâle ait animé les œufs déjà parvenus au 200 HISTOIRE NATURELLE _ degré de développement susceptible de recevoir la vie. Et telle esbt la puissance de cette flamme si active, qui s'allume même au milieu. des eaux, et dont la chaleur pénètre jusqu’au plus pro- fond des abimes de la mer, que ce mâle et cette femelle, qui dans d’autres saisons séroient si redoutables l’un pour l’autre , et ne chercheroïent qu’à se dévorer mutuellement s'ils étoient pressés par une faim violente, radoucis maintenant , et cédant à des affec- tions bien différentes d’un sentiment destructeur, mêlent sans crainte leurs armes meurlrières ,; rapprochent leurs gueules énormes et leurs queues terribles, et , bien loin de se donner la mort, s’exposeroient à la recevoir plutôt que de se séparer, et ne cesseroient de défendre avec fureur l’objet de leurs vives jouissances, Cet accouplemeut, plus où moins prolongé, est aussi répété plus ou moins fréquemment pendant le temps des chaleurs, soit ‘que le hasard ramène le même mâle auprès de la même femelle, ou qu'il les unisse avec de nouveaux individus. Dans cette espèce sangyinaire, le mouvement qui entraîne le mâle vers sa femelle n’a en effet aucune constance; 1l passe avec le besoin qui la pro- duit; et le requin, rendu bientôt à ses affreux appétits, moins susceptible encore de tendresse que le tigre le plus féroce, ne connoissant ni femelle, ni famille, ni semblable, redevenu le cépopulateur des mers, et véritable image de la tyrannie , ne vif plus que pour combattre , mettre à mort, et anéantir. Ces divers accouplemens fécondent successivement une assez grande quantité d'œufs qui éclosent à différentes époques dans le ventre de la mère ; et de ces développemens commencés après des temps inégaux, 1l résulte que, même encore vers la fin de Yété, la femelle donne le jour à des petits. On sait que ces petits sortent du ventre de leur mère, au nombre de deux ou de trois à la fois , plus fréquemment que les jeunes raies; on a même écrit aue ceux de cessquales qui venoïientensemble à la lumière étoient souvent en nombre plus grand que trois ou quatre : mais la longue durée de la saison pendant laquelle s’exécutent ces sorties succes- sives de jeunes requins, a empêché de savoir avec précision quel nombre de petits une femelle pouvoit metire au jour pendant un printemps ou un éié. Des observations assez multipliées et faites avec exactitude paroissent néanmoins prouver que ce nombre est plus considérable qu’on ne l'a pensé jusqu’à pre- sent ; et l’on ne sera pas étonné, si lon se rappelle ce que nous DU SQUALE REQUIN. 201 avons dit * de la fécondité des grandes espèces de poissons, supé- rieure en général à celle des petites, quoique un rapport contraire ait été reconnu dans les quadrupèdes à mamelles, et que plusieurs grands naturalistes aient été tentés de le généraliser. Je ne serois point éloigné de croire, d'après la comparaison de plusieurs rela- tions qui m'ont été envoyées , que ce nombre va quelquefois au - delà de trente. J’ai même reçu une lettre de M. Odiot de Saint- Léger, qui m'a assuré avoir aidé à pêcher un requin de plus de trois mètres , ou d'environ dix pieds de longueur, et dans le corps duquel il avoit irouvé une quarantaine d’œnfs on de petits squales ; et cette même lettre fait mention de lassertion d’un autre marin, qui a dit avoir vu prendre dans la rade du fort appelé alors Fort Dauphin, auprès du Cap français (île Saint- Domingue ), une femelle de requin, dans le ventre de laqueile il compta , ainsi que plusieurs autres personnes, quarante-neuf œufs , ou squales déjà sortis de leur enveloppe. Il arrive quelquefois que les femelles se débarrassent de leurs œufsavant qu'ils soient assez développés pour éclore; mais, comme celle expulsion prématurée a lien moins souvent pour les requins el les autres squales que pour les rates, on a connu la forme des œufs des premiers plus difficilement que celle des œufs des raies. Ces enveloppes, que l’on a prises pendant long-temps, ainsi que celles des jeunes raies, non pas pour de simples coques, mais pour des animaux particuliers, présentent presque entièrement la même substance, la même couleur et la même forme que les œufs des raies; mais leurs quatre angles , au lieu de montrer de courtes prolongalions, sont terminés par des filamens extrème- ment déliés, et si longs, que nous en avons mesuré de cent sept centimètres ( près de quarante pouces) de longueur, dans les coins d'une coque qui n'avoit que huit centimètres dans sa plus grande dimension *. Lorsque le requin est sorti de son œuf, et qu'il a étendu li- brement tous ses membres, il n’a encore que pres de deux dé- cimètres, ou quelques pouces, de longueur; et nous ignorons quel nombre d'années doit s'écouler avant qu'il présente celle de dix mètres, ou de plus de trente pieds. Mais à peine a-t-il 2 1 Discours sur la nature des poissons. 2 Nous avons fait graver un dessin d'œuf de roussette. L'enveloppe de ce squale est presque ep tout semblable à celle du requin. t 202 HISTOIRE NATURELLE alteint quelques degrés de cet immense développement, qu'il se montre avec loute sa voracité. Il n'arrive que lentement, et par des différences très-nombreuses , au plus haut point de sa grandeur et de sa puissance : mais il parvient, pour ainsi dire, tout d’un coup à la plus grande intensité de ses appétits véhémens; il n’a pas encore une masse très-élendue à entretenir, ni des armes bien redoutables pour exercer ses fureurs, et déjà il est avide de proie : la f:rocité esl son essence et devance sa force. Quelquelois le défaut d'alimens plus substantiels l’oblige de se contenter de sépies, de mollusques, ou d'autres vers marins : mais ce sont les plus grands animaux qu’il recherche avec le plus d’ardeur ; et par une suite de la perfection de son odorat, ainsi que de la préférence qu'elle lui donne pour les substances dont odeur est la plus exaltée , il est surtout très-empressé de courir partout ou l'aitirent des corps morts de poissons ou de qua- drupédes , et des cadavres humains. Il s'attache, par exemple, aux vaisseaux négriers, qui, malgré les lumières de la philoso- phie, la voix du véritable intérêt , etle cri plaintif de l'humanité outragée, partent encore descôles de la malheureuseAfrique. Digne compagnon de tant de cruels conducteurs de ces funestes embar- cations , 1l les escorte avec constince, 1l les suil avec acharne- ment jusque dans les ports des colonies américaines, el, se montrant sans cesse autour des batimens , s’agitant à la surface de l'eau, et, pour ainsi dire, sa gueule toujours ouverte, il y altend , pour les engloutir , les cadavres des noirs qui succombent sous le poids de l'esclavage, ou aux fatigues d'une dure traversée. On a vu un de ces cadavres de noir pendre au bout d'une: vergue élevée de plus de six mètres (vingt pieds) au-dessus de: l'eau de la mer, et un requin s’élancer à plusieurs reprises vers. cette dépouille, y atteindre enfin, et la dépecer sans crainte, imembre par membre. Quelle énergie dans les muscles de la queue et de la partie postérieure du corps ne doit-on pas supposer, pour qu'un animal aussi gros et aussi pesant puisse s'élever comme: une flèche à une aussi grande hauteur * ! Quelle preuve de la force que nous avons cru devoir lui attribuer! Comment être surpris maintenant des autres traits de l’histoire de la voracité des requins ? Et tous les navigateurs ne savent-ils pas quel dan- ger court un passager qui tombe dans la mer, auprès des en= 3 Discours sur la nature des poissons, DU SQUALE REQUIN. 203 droits les plus infestés par ces animaux ? S'il s'efforce de.se sau- ver à la nage, bientôt il se sent saisi par un de ces squales, qui l'entraîne au fond des ondes. Si l’on parvient à jeter jusqu’à lui une corde secourable , et à l’'élever au-dessus des flots , le requin s'élance et se retourne avec tant de promptitude, que , malgré la position de l'ouverture de sa bouche au-dessous de son mniseau , il arrête le malheureux qui se croyoit près de lui échapper, le déchire en lambeaux , et le dévore aux-yeux de ses compagnons effrayés. Oh! quels périls environnent donc la vie de l’homme, et sur la terre , et sur les ondes! et pourquoi faut-il que ses pas- sions aveugles ajoutent à chaque instant à ceux qui le menacent! On a vu quelquefois cependant des marins surpris par le requin au milieu de l’eau, profiter, pour s'échapper, des effets de cetie situation de la bouche de ce squale dans la partie in- férieure de sa tête , et de la nécessité de se retourner, à laquelle cet animal est condamné par cette conformation, lorsqu'il veut saisir les objets qui ne sont pas placés au-dessous de lui. C'est par une suite de cette même nécessilé que , lorsque les requins s’atlaquent mutuellement (car comment des êtres aussi atroces , comment les tigres de la mer, pourroient-ils conserver Ja paix entre eux? }), ils élèvent au-dessus de Peau ,et leur tête, et la partie antérieure de leur corps, et c'est alors que, faisant briller leurs yeux sanguinolens et enflammés de colère, ils se portent des coups si terribles, que, suivant plusieurs voyageurs, la surface des ondes en retentit au loin. Un seul requin a suffi, près du banc de Terre-Neuve, pour déranger toutes les opéralions relatives à la pêche de la morue, soit en se nourrissant d’une grande quantité de morues que lon avoit prises, et en éloignant plusieurs des autres, soit en mordant aux appâis, et en détruisant les lignes disposées par les pêcheurs Mais quel est donc le moyen que l'on peut employer pour délivrer les mers d’un squale aussi dangereux ? Il y a sur les côtes d'Afrique des nègres assez hardis pour s'a- vancer en nageant vers un requin, le harceler , prendre le mo- ment où l’animal se retourne, et lui fendre le ventre avec une arme tranchante. Mais, dans presque toutes les mers, on a re- cours à un procédé moins périlleux- pour pêcher le requin. On préfère un temps calme; et sur quelques rivages, comme, par exemple, sur ceux d'Islande, on attend les nuits les plus longues 20% HISTOIRE NATURELLE et les plus obscures. On prépare un hameçon garni ordinaire- ment d’une pièce de lard , et attaché à une chaîne de fer longue et forte. Si le requin n'est pas très-affamé , il s’approche de l’ap- pât, tourne autour, lexamine , pour ainsi dire, s'en éloigne, revient, commence de l’engloutir, et en détache sa gueule déjà ensanglantée. Si alors on feint de retirer l’appât hors de l’eau, ses appélits se réveillent, son avidité se ranime, il se jette sur l'appât, l’avale goulument , et veut se replonger dans les abimes. de l'océan. Mais comme il se sent retenu par la chaine, il la tire avec violence pour Farracher et l’'entrainer : ne pouvant vaincre la résistance qu'il éprouve, 1l s'élance , 1l bondit , il de- vient furieux ; et, suivant plusieurs relations, 1l s'eflorce de vomir tout ce qu'il a pris , et de retourner, en queique sorte, son estomac. Lorsqu'il s’est débattu pendant long-iemps, et que ses forces commencent à être épuisées , on tire assez la chaine de fer vers la côte ou le vaisseau pêcheur, pour que la tête du squale paroisse hors de l'eau; on approche des cordes avec des. nœuds coulans, dans lesquels on engage son corps, que l’on serre étroitement, surtout vers l’origine de la queue; el après l'avoir ainsi entouré de liens, on l’enlève et on le transporte sur le bà- timent ou sur le rivage, où l’on n’achève de le metire à mort qu’en prenant les plus grandes précautions contre sa terrible morsure et les coups que sa queue peut encore donner. Au reste, ce n'est que difficilement qu’on lui ôte la vie; 1l résiste sans pe- rir à de larges blessures ; et lorsqu'il a expiré, on voit encore pendant long-temps les différentes parties de son corps donner tous les signes d’une grande irritabilité. La chair du requin est dure, coriace , de mauvais goût, et difficile à digérer. Les nègres de Guinée, et particulierement ceux de la côte d'Or, s'en nourrissent cependant, et ôtent à cet aliment presque toute sa dureté en le gardant très-long-temps. On mange aussi sur plusieurs côtes de la Méditerranée les très- petits requins que l'on trouve dans le ventre de leur mère, et près de venir à la Iamière ; et l'on n’y dédaigne pas quelquefois le dessous du ventre des grands requins, auquel on fait subir diverses préparations pour lui ôter sa qualité coriace et son goût lésa gréable. Cette même chair du bas-ventre est plus recherchée dans plusieurs contrées septentrionales , telles que la Norwège et Fislande, où on la fait sécher avec soin, en la tenant suspendue à l'air pendant plus d'une année. Les Islandais font d'ailleurs € DU SQUALE REQUIN. 205 un grand usage de la graisse du requin : comme elle a Ja pro- priéié de se conserver long-lemps , et de se durcir en se séchant, ils s'en servent à la place du lard de cochon, ou la font bouillir pour en tirer de lhuile. Mais c’est surtoutle foie du requin qui leur fournit cette huile qu’ils nomment rar ,et dont un seul foie peut donner un grand nombre de litres où pintes * Ona écrit que la cervelie des requins, séchée et mise en poudre, étoil apéritive et diurétique. On a vanté les vertus des dents de ces animaux , ; également réduites en poudre ,‘pour arrêter le cours de ventre , guérir les hémorragies » pr PRE les rines, détruire Ja pierre dans la vessie ; et ce sont ces mêmes dents de requin qui, enchâssées dans des métaux plus où moins précieux, ontélé portées en amulettes, pour calmer les douleurs de dents, et préserver du plus grand des maux, de celui de la peur. Ces amulettes ont entièrement perdu leur crédit, et nous ne voyons aucune cause de différence entre les propriétés de la poudre des dents ou de la cervelle des requins, et celles de la cervelle des- "séchée on des dents broyées des autres poissons. Malgré les divers usages auxquels les arts emploient la peau du requin , ce squale seroit donc peu recherché dans les contrées où un climat tempéré, une population nombreuse, et une in- dustr'e active, produisent en abondance des alimens sains et agréables, si sa puissance n’étoit pas très-«langereuse. Lorsqu'on lui tend des piéges, lorsqu'on s’avance pour le combattre, ce n’est pas uniquement une proie ulile que lon cherche à saisir, mais un ennemi acharné que l’on veut anéantir. I a le sort de tout ce qui inspire un grand effroi : on l'attaque dès qu’on peut espérer de le’ vaïncre ; on le poursuit, parce qu'on le redoute ; il périt, parce qu'il peut donner la mort : el telle est en tout la destinée des êtres dont la force paroït en quelque sorte sans égale De petits vers, de foibles ascarides, tourmentent souvent dans son intérieur le plus énorme requin; ils déchirent ses en- trailles sansavoir rien à craindre de sa puissance D'autres animaux presque autant sans défense relativement à sa force , des poissous mal armés, tels que l’échène rémora , peuvent aussi impunément s'altacher à sa surface extérieure. Presque toujours , à la vérité, __— 1 Suivant Pontoppidan, auteur d’une Hstoire naturelle de la Norwége, le foie d’un squäle de vingt pieds de longueur fournit communément deux tonnes et demie d'huile. 206 HISTOIRE NATURELLE sa peau dure et tuberculeuse l'empêche de s’apercevoir de la présence de ces animaux : mais si quelquefois ils s’accrochent à quelque parie plus sensi ible, le requin fut de vains eflorts pour échapper à la douleur ; et le poisson qui n'a presque réçu aucun moyen de nuire est pour luiau milieu des eaux ce que laiguillon d’un seul insecte est pour le tigre le plus furieux au milieu des sables ardens de l'Afrique: Les requins de dix mètres ou d’un peu plus de trente pieds de longueur étant les plus grands des poissons qui habitent Ja mer Méditerranée, et surpassant parleurs dimensions la plupart des célacées que l’on voit dans ses eanix, c'est vraisemblablement le squale dont nous essayons de présenter les trails, qu'ont eu en vue les inventeurs des mythologies, ou les auteurs des opi- nions religieuses adoptées par les Grecs et par les autres peuples placés sur les rivages de cette même mer. 11 paroît que c'est dans le vaste estomac d’un immense requin qu'ils ont annoncé qu'un de leurs héros ou de leurs demi-dieux avoit vécu pendant trois jours el trois nuits; et ce qui doit faire croire d’aulant plus aisément qu'ils ont dans leur récit voulu parler de ce squale, et qu'ils n'ont désigné aucun des autres animaux marins qu’ils comprenoient avec ce poisson sous la dénomination générale de celte , c'est que l’on a écrit qu’un très-long requin pouvoit avoit Joœsophage et l’estomac assez étendns pour engloutir de très- gra nds animauxsans les blesser, et pour les rendre encore en vie à la lumiere. Les requins sont très-répandus dans toutes les mers. I] n'est donc pas surprenant que leurs dépouilles pétrifiées, et plus ow ioins entières , se trouvent dans un si grand nombre de mon- tagnes et d’auires endroits du globe autrefois recouverts par les eaux de l'océan. On a découvert une de.ces dépouilles , presque complète, dans l’intérieur du Monte-Bolea ; montagne volca- nique des environs de Vérone, célébre par les pétrifications de poissons qu’elle renferme, et qui, devenue depuis le dix-huitième siècle l’objet des recherches de savans Véronais, leur a fourni plusieurs collections précieuses *, el particulièrement celle que l’on a due aux soins éclairés de M. Vincent Bozza et du comte 1 Deux de ces riches collections, formées l’une par l'illustre marquis RPIPron Mafei , et l’autre par M. Jean-Jacques Spada, ont appartenu au célebre Segnier de Nîmes, et ont été davs le temps transportées dans cette dernière ville, # DU SQUALE REQUIN. er Jean-Baptiste Gazola. C’est à celte dernière collection qu’appar- tient ce requin pétrifié qui a près de sept décimètres ( vingt-cinq pouces six lignes) de longueur , et dont on peut voir la figure dans l’Zchtyolithologie véronaise, bel ouvrage que publie dans ce moment une sociélé de physiciens de Vérone. Mais il est rare de voir, dans les différentes couches du globe, des restes un peu entiers de requin; on n'en trouve ordinairement que des frag- mens; et celles des portions de cet animal qui sont répandues presque dans toutes les contrées, sont ses dents amenées à un élat de pétrification plus ou moins complet. Ces parties sont les sub- stances les plus dures de toutes celles qui composent le corps du re- quin ; ilest donc naturel qu’elles soient les plus communes dans les couches de la terre. Les premières dont les naturalistes se soient beaucoup occupés avoiént été apportées de l’île de Malte, où l'on en voit en très-grande quanlité ; el comme ces corps pélrifiés, où ces espèces de pierres d’une forme extraordinaire pour beaucoup de personnes , se sont liés, dans le temps et dans beancoup de têtes, avec l'histoire de l’arrivée de saint Paul à Malte, ainsi qu'avec la tradition de grands serpens qui infestoient celte île , et que cet apôtre.changea en pierres, on a voulu retrouver dans ces denis de requins,les langues pétrifiées de serpens métamor- phosés par saint Paul. Cette erreur, très-répandue, comme. toutes celles qui se sont mélées avec des idées religieuses , a même été assez générale pour faire donner à ces parties de requin un nom qui rappelat l'opinion que l’on avoit sur leur origine; et on les a distinguées par la dénomination de glossopètres , qui signifie langues de pierre où pétrifiées. 1] auroit été plus convenable de les appeler, avec quelques auteurs, odontopètres, c'est-à-dire dents pétrifiées, ou ichtyodontes, qui veut dire dents de pois- son , Où encore mieux, /amiodontes, dents. de lamie ou requin. Au reste, on remarque, dans quelques cabinels , de ces dents de requin, ou lamiodontes, pétrifiées, d'une grandeur très- considérable. Et comme pe on a su que ces dépouilles avoient appartenu à un requin , on leur a attribué les mêmes vertus chimériques qu'aux dents de cet animal non pétrifiées et non fos- siles, on voit pourquoi plusieurs muséums présentent de ces la- miocdontes enchâssées avec art dans de l'argent ou du cuivre, et montées de manière à pouvoir être suspendues et portées au cou en guise d’amulettes. 1 y a dans le Muséum national d'histoire naturelle une très- L 208 HISTOIRE NATURELLE grande dent ‘fossile et pétrifiée qui réunit à un émail assez bien conservé tous les caractères des dents de requin. Elle a été trou- véé aux environs de Dar, auprès des Pyrénées, et envoyée dans le temps au Muséum par M. de Borda. J'ai mesuré avec exacti- tude la partie émaillee qui , dans l'animal vivant , paroissoit hors des alvéoles. J'ai trouvé que le plus grand côté du triangle formé par cetle partie émaillée avoit cent quinze millimètres (quatre pouces trois lignes ) de longueur : la note suivante * indiquera les autres dimensions. J'ai désiré de savoir chris grandeur on pot oil supposer dans le requin auquel cette dent a appartenu : j'ai, en conséquence, pris avec exactitude la me- sure des dents d’un grand nombre de requins parvenus à diffé- rens degrés de développément ; j'ai comparé les dimensions de ces dents avec celies de ces animaux ; j'ai vu qu’elles ne crois- soient pas dans une proportion aussi grande que la longueur to- tale des requins, et que, lorsque ces squales avoient obtenu une taille un peu considérable, leurs dents étoient plus petites qu'on ne l’auroit pensé d’après celles des jeunes requis On ne pourra déterminer la loi de ces rapports que lorsqu'on aura observé plu- sieurs requins beaucoup plus près du dernier terme de leur crois- sance que ceux que j'ai examinés. Mais il me paroît déjà prouvé , par le résultat de mes recherches, que nous serons en deçà de la vérité, bien loin d’être au- -delà, en attribuant au requin dont une A dents a été découverte auprès des Pyrénées , une lon- gueur aussi supérieure à celle du plus grand côté de la partie émaillée de cette dent fossile, que la longueur totale d’un jeune requin que j'ai mesuré très-exactement Tetiponoit sur le côté analogue de ses plus 8 orandes dents. Ce côté analogue avoit dans le jeune requin cinq cillaetres de long, et l'animal en avoit mille. Le jeune requin étoit donc deux cents fois plus long que le plus grand côté de la partie émaillée de ses dents les plus SA j millim. pou. big. : Plus grande largeur de la partie émaillée de la dent. . . . . . go 3 3 Longueur de la partie émaillée, mesurée sur le côté convexe, et depuis le sommet de l’angle saillant jusqu’a celui de l’angle rentrant formé par la base de cette même PATES émaillée. .:. . 82 3°»— Longueur de la partie émaillée, mesurée sur le côté concave, et depuis le somniet de langle saillant jueqa ’a celmi de l’a ps rentrant formé par la base de cette même partie émaillée. ., . * 82 HA Je n'ai point cherché à connoître les dimensions de la portion non émailiée, parce que je ne pouvois pas êlre sûr de son intégrité. DU SQUALE REQUIN. 209 développées. On doit donc penser que le requin dont une por= tion de la dépouille a été trouvée auprès de Dax éloit au moins deux cents fois plus long que le plus grand côté de la partie émaillée de sa dent fossile. Nous venons de voir que ce côlé avoit cent quinze millimètres de loggueur : on peut doc assurer que le requin éton long au moins de vingt trois mille millimetres, où, ce qui est la même chose, de vingt-trois mètres (soixante-dix pie: s neuf pouces. } Maintenant, si nous déterminons les dimensions que sa gueule devoit présenter, d’après celles que nous a mon- trées la bouche d’un noïmbrie très-considérable de requins de différentes tailles, nous verrons que le contour de sa mâchoire supérieure devoit être au mois de treize pieds lrois pouces (quatre cent vingt-huit centimètres); et comme les parlies molles qui réunissent les deux mâchoires peuvent se prêter à “une assez grande extension , on doit dire que la circonférence totale de, l'ouverture de la bouche éloit au moins de vingt-six pieds, et que céité même ouverture avoit pres de neuf pieds de diamètre moyen. Quel abime dévorant ! quelle grandeur, quelles armes , quelle puissance préseñtoit donc ce sq uale géant qui exerCoit ses ravases au milieu de l'Océan , à cetté époque reculée au-delà des temps historiqués, où la mer couvroit encore la France, ou, pour mieux dire, là Gaule méridionale, et baignoit de ses eaux les hautes sommilés de la chaîne des Pyrénées ! Et que l’on ne dise pas que cet animal remarquable étoit de Ja famille ou du genre des squales, mais qu'il appartenoit à une espèce différente de celle des requins de nos jours : tout œil exercé à reconnoître les caractères distinctifs des animaux , et surlont ceux des poissons, verra aisément sur la dent fossile des environs de Dax, non- seulement les traits de la famille des squales, mais encore ceux des requins proprement dits ; et si, rejetant des rapports que l'on regarderoit comme trop vagues, on vouioil rapporter cette dent de Dax à un des squales dont nous allons nous occuper, on l'attribueroit à une espèce beaucoup plus petite maintenant que celle du requin, et on ne feroit qu’angmenter l'étonuement de ceux qui ne s'accoutument pas à supposer vingl-tro's mètres de longueur dans une espèce dont on ne voil aujourd'hui que des individus de dix mètres. An reste, dans ces parties de l'Océan que ne traversent pas Les Éavepede. 2. 14 210 HISTOIRE NATURELLE routes du commerce , et dont les navigateurs sont repoussés par l'âpreté du climat, ou par la violence des tempêtes , ne pourroit- on pas trouver d'immenses requins qui , ayant joui, dans ces parages écarlés, d'une tranquillité aussi parfaite, ou , pour mieux dire, d’une impuniié aussi grande, que ceux qui infestoient , il y à plusieurs milliers d'années "les bords des Pyrénées, y au- roient vécu assez long-temps pour y alteindre au véritable de- gré d’accroissement que la Nature a marqué pour leur espèce ? Quoi qu'il en soit, il n’est pas indifférent, pour l'histoire des révolutions du globe, de savoir que les anim aux marins dont on trouve la dépouille fossile aux environs de Dax étoient de véritables requins , et avoient plus de soixante-dix pieds de longueur. AA ANA VU UV AN UV AA UV NARNIA NEA VU NU VU UV UV AA VV LE SQUALE TRES-GRAND/'.* a Cr squale mérite bien le nom qu’il porte. Il parvient, en effet, à une grandeur presque aussi considérable que celle du requin. Il vogue, pour ainsi dire, son égal en volume et en puissance ; et 1l partage en quelque sorte son empire dans les froides mers qu'il habite. Plusieurs auteurs ont même écrit que ses dimensions surpassoient celles du requin : mais nous sommes persuadés que la supériorité resteroit à ce dernier, si lon pouvoit comparer le requin et le très-grand , parvenus l’un et l’autre à leur entier dé- veloppement. L'opinion contraire n’a été adoptée que parce que le très-2rand , beaucoup moins répandu dans les mers que le re- quin, ne s'éloigne guère du cercle polaire. Beaucoup moins trou- blé, poursuivi , attaqué , dans les mers glaciales et reculées qu’il 2 Principales dimensions du squale très-grand décrit dans la Zoologie britannique, vol. III, pag. 107. pieds. pou. Longueur totale. . . .. De 010 ei che de Dis 20) de lai première nageoïre-du:dos.", ue 0 , 2 7 300 des nageoires pectorates. Stot Deere SNS HO A = 4e 4 » des nageoires ventrales. . . . . . . . ANNE TU ve LR av END du Icbe supérieur de la nageoire de Ja queue. . . . 140 5 » du lobe inférieur de la même nægeoire. . . . . . . « . « . 3?» | DU SQUALE TRÉS-GRAND. 211 préfère, 1l y parvient assez fréquemment à un degré d’accroisse- ment très-avancé; et à proportion du nombre des individus de chaque espèce , il est par conséquent moins ordinaire de Fencon- trer de vieux requins que de vieux squales très-grands. D'ailleurs on a presque toujours regardé la longueur de dix mètres , ou de trente pieds, comme la limite de la grandeur pour le requin; et ce dernier poisson nous paroît, d’après tout ce que nous avons dit, pouvoir présenter même aujourd’hui, et dans des parages peu fréquentés, une dimension beaucoup plus étendue. Mais si le tres-grand ne doit être placé qu'après le requin dans Vordre des grandeurs et des forces , il précède tous les autres squa- les , et c'est vers trente pieds qu'il faut supposer l'accroissement ordinaire de cet animal. Les habitudes et la conformation de ce poisson ressemblent beaucoup à celles du requin; mais il en dif- fère par les dents, qui ne sont pas dentelées, et qui, beaucoup moins aplaties que celles de presque tous les autres squales, ont un peu la forme d’un cône. On en trouve de pétrifiées, mais beaucoup plus rarement que de celles du requin. La seconde na- geoire du des, plus petite que la première, est d’ailleurs placée plus près de la tête que la nageoire de l'anus; et enfin l’on voit de chaque côté de la queue, et près de sa nageoire, une sorte d’ap- pendice, ou de saillie longitudinale et comme carénée. Au reste, la peau est, comme celle du requin, épaisse, forte, tuberculeuse , et âpre au toucher. Nous venons de voir que le très-grand ne quitloit guère les mers glaciales et arctiques : cependant des tempêtes violentes, la poursuite active d’une proie , la fuite devant un grand nombre d’ennemis, ou d’autres accidens, le chassent quelquefois vers des mers plus tempérées. Nous citerons, entre plusieurs exemples de ces migrations , celui d’un squale très-grand dont j'ai vu la dé- pouille à Paris en 1788, et dont on y montra au public la peau préparée sous le nom de peau de baleine, jusqu’à ce que le pro- priétaire de cette dépouille m’eût demandé Le véritable nom de cet animal. Ce poisson avoit échoué sur le sable à Saint-Cast, près de Saint-Malo, en décembre 1787. Il fut remorqué jusqu’à ce dernier port, où il fut acheté,par M. Delattre, de qui je tiens ces détails. Au moment où ce son fut pris, il avoit trente- trois pieds de longueur totale, sur vingt-quatre pieds de circon- férence à l'endroit de sa plus grande grosseur. Mais la dessicca- ion et les autres préparations que l’on fut obligé de faire subir 212 HISTOIRE NATURELLE à la peau, avoient réduit cette dépouille à de plus petites dimen- sions; et lorsque je l’examinaï, elle n’avoit plus que vingt-cinq pieds de longueur. En voyant ces restes, on n'’éloit pas étonné que les squales très-grands pussent avaler de petits célacées tout entiers , ainsi que l'ont écrit plusieurs naturalistes. AAA AU VV VU UV VU AV VU ANA AAA ANA SARA AAA ARS LE SQUALE POINTILLÉ : Ces M. Leblond, voyageur naturaliste, qui nous a fait par- venir de l'Amérique méridionale un individu de cette espèce. Ce squale pointillé habite , comme la raie tuberculée, les mers voi- sines de la Guiane. Ce cartilagineux a une nageoire de anus, et n'a point d’évents. Il appartient donc au premier sous-genre des squales; et il est aisé de voir par ce que nous allons dire de sa forme extérieure , combien il diffère des espèces déjà comprises dans ce sous-genre, où il faudra le placer entre le squale très- grand et le squale glauque. Sa tête est déprimée, et très-arrondie par-devant; ses dents sont conformées comme celles du squale roussette; on voit de cha- que côté cinq ouvertures branchiales; les nageoires pectorales sont assez grandes , et la partie antérieure de leur base est presque aussiavaneée vers le museau que la troisième ouverture des bran- chies. Les nageoires ventrales sont séparées l’üne de l’autre; la première nageoire dorsale est placée au - dessus des ventrales, la seconde plus près de la tête que celle de l'anus, et le lobe inférieur de la caudale , trés-échancré. On voit un roux uniforme sur le dessus du corps et de la queue; et la partie inférieure de l'animal présente un fanve plus foncé, parsemé de petits points blancs, qui nous ont indiqué le nom que nous avons cru devoir préférer pour ce cartilagi- neux. Au reste, nous devons prévenir que de chaque côté de la tête, et auprès 4 l'endroit où un évent auroit pu avoir une ouverture, nous avons aperçu une dépression presque imperceptible, qui, mal- gré un examen attentif, ne nous a montré aucun orifice, maïs que * Jualus punctulatus. k Tome 2. Pretre pre, , ll Massard Je. 1. Le Squale requin ....Page 187. 1 2. Le Squale pontlle AR TOUS L2 3. Le Squale glaude ......... ED ES 2 DU SQUALE GLAUQUE. 213 l’on voudroit peut-être considérer comme l'extrémité d’un évent proprement dit. Nous ne croyons pas que l’on düt adopter cette opinion, dont nous ne pouvons pas dr ne démontrer le peu de fondement, parce que M. Leblond n’a envoyé au Muséum national d'histoire naturelle qu ’une simple dépouille d’un squale pointillé, Mais quand bien mème le cartilagineux que nous ve- nons de décrire auroit des évents , et qu’il fallût le transporter, si je puis m'exprimer ainsi, du premier sous-genre dans le se- cond , il n’en appar onto pas moins à une espèce encore in- connue aux naturalistes. faudroit l’inscrire après le squale isa- belle, avec lequel il auroit des rapports d'autant plus grands, que la première nageoire dorsale de lisabelle s'élève, comme celle du pointillé, au-dessus des ventrales, {1 différeroit néan- moins de ce même poisson, en ce que les ouvertures des évents de l’isabelle sont très-grandes , pendant que celles du pointillé se- rotent au moins très- petites. D'ailleurs l'isabelle a une ligne laté- rale très-sensible. I] présente sur la partie inférieure da corps et de la queue une couleur beaucoup pius claire que celle du dos, tandis que, par une disposition de nuances très-rare sur les ani- maux, et parliculièrement sur les poissons , la couleur de la par- tie inférieure de la queue et du corps du pointillé est plus foncée - que la teinte des parties supérieures de ce dernier squale. Il n’a point de petites taches sur le ventre , comme le pointillé; il en montre de plus ou moins grandes sur le dos, où la couleur du poinullé est au contraire ires-uniforme ;'et enfin on n'a vu jus- qu’à présent l’isabelle que dans quelques portions de la mer Paci- fique. ARAAAAR AA NB ARAAAAV ARARAAAANAAARANAIAAANAAV AAA LE SQUALE GLAUQUE *. C: squale présente de très-belles couleurs lorsqu'ilest en vie. Tout Je dessus de sa tête, de son corps, de sa queue , et de ses nageoires, est de ce bleu verdâtre auquel le nom de glauque a été donné , et qui est semblable à la nuance la plus ordinaire de toutes celles 1 Cagnot blanc, dans plusieurs départemens méridionanx; haa e hrand, en Norwége: bluc shark, en Angleterre. 5°) ) D 514 ‘ HISTOIRE NATURELLE que présentent les eaux de la mer lorsqu'elles ne sont pas agitées par les vents, ni dorées par les rayons du soleil. Ce bleu verdâtre est relevé par le blanc éclatant de la partie inférieure de l’ani- mal ; et comme les anciens mythologues, et les poëtes voisins des temps héroïques, n'auroïent pas manqué de voir dans cette dis- tribution de couleurs la représentation du manteau d’une divi- nité de l'Océan, ils auroient d'autant plus adopté la dénomina- tion de glauque, employée par les naturalistes pour désigner le squale dont nous nous occupons , qu’en indiquant la nuance qui esi propre à sa peau , elle leur auroit rappelé le nom de G/aucus, un de leurs demi-dieux marins. Maïs ce dieu de l'onde étoit pour les anciens une puissance tutélaire, en l'honneur de laquelle on sacrifioit sur le rivage lorsqu'on avoit évité la mort au milieu des tempêtes; et le squale glauque est un être funeste , aux armes meurtrières duquel on cherche à se soustraire. En effet, cesquale a non-seulement reçu la beauté, mais encore eu la grandeur en partage. [l parvient ordinairement à la longueur de quinze pieds ( près de cinq mètres ); et suivant Pontoppidan , qui a écrit l’'AZistoire naturelle de la Norwése, et qui a pu voir un très- grand nombre d'individus de cette espèce, le squale glauque a quelquefois dix brasses de longueur *. Il est d’ailleurs tréès-dan- gereux , parce que sa couleur empêche qu'on ne le distingue de loin au milieu des eaux, parce qu’il s'approche à limproviste, et qu'il Joint à la force due à sa taille toute celle qu'il peut tenir d’une grande audace. Plusieurs voyageurs, et particulièrement Plumier *, lui ont appliqué en conséquenee les dénominations que la puissance re- doutable du requin a fait donner à ce dernier , etils l'ont nommé reguiem el carcharias. Ses dents triangulaires, allongées et aiguës, ne sont pas den- telées comme celles du requin , ni un peu coniques comme celles du tres-grand : on en trouve de fossiles dans un très-grand nom- bre d'endroits ; et cela ne doit pas surprendre, puisque le glauque habite à toutes les latitudes, depuis l'ile de lAscension jusques aux mers polaires. Sa première nageoire dorsale est plus près de la tète que les nageoires ventrales ; il a une fossette sur la partie * Suivant Ascagne, lorsqu'un squale glauque a huit pieds de long, il en a quatre de circonférence, et il pèse deux cents livres. 2 Dessins sux vélin déja eités, DU SQUALE PHILIPP. 515 supérieure de l'extrémité de la queue; le lobe supérieur de la nageoi re caudale est trois fois plus long que l’inférieur , et sa peau est moins rude que celle de presque tous les autres squales. AN NI IANAA AAA AANRARANAAAIU VAN URI IAAAANNAS VV AAA UV VU UV UV LA AV MANS LR LE SQUALE LONG-NEZ. Fi longueur du museau de ce squale lui a fait donner le nom qu'il porte. Ce museau est d’ailleurs conique et criblé de pores. Lés denis sont longues et aiguës , et les yeux assez grands. La première nageoïre du dos est vers le milieu de la longueur du corps; la seconde, beaucoup plus petite, a sa base plus près de l'extrémilé de la queue que celle de l'anus, qui l'égale en éten- due ; celle de la queue se divise en deux lobes, dont le supérieur est un peu plus long que l’autre ; les pectorales occupent à peu près le milieu de la distance qui sépare les nageoires ventrales du bout du museau ; et, ce qu'il faut surtout remarquer dans cet animal, la ligne latérale, qui commence au-dessus des yeux, se termine vers la nageoire caudale par un pli longitudinal. 11 paroît que ie squale dont Duhamel a parlé en lui conservant le nom de touille-bæuf, et celui que Pennant a fait connoître, et quil a désigné par la dénomination de beaumaris , ne sont que des variétés plus ou moins constantes du long-nez, que l’on ren- conire particulièrement dans la mer qui baigne le pays de Cor- nouailles. + CAAAVE VRAI VU AAA AAA AVATAR AAA AAA AVR VAR AAA AAA AAA AA A RAA RAA AE AA LE SQUALE PHILIPP. Css pendant le voyage du capitaine Philipp à Botany-bay que lon a vu ce squale dans le port Jackson de la Nouvelle- Hollande. J'ai cru ‘en conséquence devoir donner à ce poisson un nom qui rappelat le navigateur à l'entreprise duquel on en doit la connoissance. La conformalion de cet animal est re- marquable. Auprès des yeux on voit une proéminence dont l& longueur est à peu près égale au huitième de la longueur to- 216 HISTOIRE NATURELLE tale. L'intérieur de la bouche est garni d’un très- grand nombre de dents disposées sur dix où onze rangées. Les denis les plus extérieures éloient les plus peliles dans l'individu pêché dans le port Jackson. Peut-être ces dents extérieures n'étoient- elles que des dents de remplacement, substituées depuis peu de temps à des dents plus anciennes, et qui seroient devenues plus grandes si l'animal avoit vécu plus long-lemps. Mais, quoi qu'il en soit, celte infériorité de grandeur dans les dents ex- térieures du squale philipp prouve évidemment que les inlé- rieures ne sont pas destinées à les remplacer, puisque jamais les dents de remplacement ne sont plus développées que celles auxquelles elles daivent succéder ; et ce fait ne confirme-t-il pas ce que nous avons dit sur les fonctions et la destination des différentes dents du requin ? Au reste , toutes les dents du squale philipp ne sont pas ai- gués et tranchantes ; on en voit plusieurs à la mâchoire supé- rieure, et surtout à la mâchoire inférieure, qui sont presque demi-sphériques. Au-devant de chacune des deux nageoires dor- sales , est un aiguillon très-fort et assez long. La nageoire. de l'anus est placée à une égale distance des ventrales et de celle de la queue, qui se divise en deux lobes, et dont le lobe su- périeur est plus long que linférieur. Ce squale de la mer Pacifique est brun par-dessus et blan- châtre par-dessous. L'individu décrit dans le Voyage du capitaine Philipp n'a- voit que deux pieds de long, et cinq pouces et demi dans sa plus grande largeur. AAA AAA A A A AN A AA A AN ANA AA AAANAAAAAANE LE SQUALE PERLON. C'esx mon confrère M. Broussonnet, membre de l’Institut, qui a parlé le premier de ce poisson dans le beau travail qu'il a publié sur la famille des squales. Il a donné à cet animal le nom de perlon , que nous lui avons conservé. Ce cartilagineux est, dans sa partie supérieure, d’un gris cendré, disiribué com- munément comme le bleu verdâtre du glauque , auquelil res- semble d’ailleurs par sa peau moins tuberculeuse et moins rude DU SQUALE ROUSSETTE. 217 que celle de plusieurs autres squales. Ses lignes latérales sont très-sensibles. Mais ce qui sert principalement à le faire distin- guer des poissons de son genre; c’est qu'il na qu'une nageoire dorsale , placée à peu près vers le milieu du corps , et surtout qu’au lieu de cinq ouvertures branchiales, il en présente sept de chaque côté. Les voyageurs qui pourront le voir dans les différentes circonstances de sa vie , observeront sans doute 1vec beaucoup d'intérêt quelle influence exerce sur ses habitudes cette conformation particulière de ses organes respiratoires. PARA AAA AAA AA VER VAUT VAR LR AAA VGA LAS VUS VEN LE UE AA MA VAR AMAR RAA VIA LR LA VA LE SQUALE ROUSSETTE. Occurovs-vous maintenant des squales qui ont une nageoire de l'anus comme ceux que nous venons d'examiner, mais qui ont en même temps derrière chaque œil un évent dont ces der- niers sont dénués, et dont nous avons exposé l’usage en traitant de la raie batis. Le premier animal qui se présente à notre étude , dans le sous-genre dont nous allons parler , est la rous sette. On a observé , et M. Broussonnet a particulièrement remar- qué, que dans les squales en général , ainsi que dans plusieurs autres animaux carnassiers, et surtout parmi les oiseaux de proie , la femelle est plus grande que le mâle. Nous retrouverons cette même différence de grandeur dans plusieurs autres genres ou espèces de poissons ; et peut-êlre cette supériorité de volume que les femelles des poissons ont sur leurs mâles n’a-t-elle lieu que dans les espèces. où les œufs parviennent, dans le ventre de la mère, à un accroissement très-considérable, ou sy déve- loppent en très-grand nombre. Mais, quoi qu'il en soit , c'est 1 Noms donnés au mâle et à la femelle: chat marin, dans plusieurs dépar- temens méridionanx ; pesce gatto, dans plusieurs endroits de PItalie, haay, sur plusieurs côtes des Indes orientales. Noms donnés uniquement au mâle : roussette tigrée ; rough-hound et mor- gay, en Angleterre. Noms donnés uniqnement à la femelle ; scorzone, a Rome; bounce, en An- gleterre, 119 " 218 HISTOIRE NATURELLE principalement dans l'espèce du squale roussette que se montre cette inégalité de dimensions entre le mâle et la femelle. Elle y est même assez grande pour que plusieurs auteurs anciens et plusieurs naturalistes modernes les aient considérés comme for- mant deux espèces distinctes, dont on a nommé une /e grand chat de mer, ou chien marin ( canicula vel catulus major ) et l'autre Ze petit chat de mer, ou petit chien marin ( canicula vel catulus minor ). Ces auteurs se sont d'ailleurs déterminés à établir cette sépa- ration, parce que le mâle et la femelle du squale rousetie ne se ressemblent pas dans la position de leurs nageoires ventrales, ni dans la disposition de leurs couleurs. Mais , lorsqu'on aura pris la peine d'examiner un assez grand nombre de rousseites | mâles et femelles, de peser les observations des navigateurs, et de comparer les descriptions des naturalistes ; on adoptera faci- lement avec nous l'opinion de M. Broussonnel , qui ne regarde les différences qui séparent le grand et le petit chat de mer que comme le signe de deux sexes, et non pas de deux espèces dis- tinctes. Le grand chat de mer, ou la canicule marine , est la rousselte femelle, et le petit chat marin est la roussette male. Ta roussette femelle l'emporte donc sur le mâle par l'étendue de ses dimensions. Cependant, comme les attributs caractéris- tiques de l'espèce résident toujours par excellence dans les mâles, nous allons commencer par décrire le male de la roussette. La têle est grande, le museau plus transparent que dans quel- ques autres squales *, l'iris blanc , et la prunelle noire. Les na- rines sont recouvertes , à la volonté de l'animal , par une membrane qui se termine en languette déliée et vermiculaire. Les dents sont dentelées, et garnies, aux deux bouts de la base de la partie émaillée, d’une pointe ou d’un appendice dentelé ; ce qui donne à chaque dent trois pointes principales. Elles for- ment ordinairement quatre rangées, et celles du milieu de cha- que rang sont les plus longues. Les nageoires ventrales se tou- chent de tres-près, et sont, pour ainsi dire, réunies; la place qu’elles occupent est d’ailleurs plus rapprochée de la tête que celle de la première nageoïire dorsale. La seconde nageoiïre du dos est située au-dessus de celle de l'anus; la nageoire caudale “ * Voyez, au sujet de la transparence des poissons , le Discours sur la nature de es animaux. DU SQUALE ROUSSETTE. 19 est étroite et échancrée; et la longueur de la queue surpasse celle du corps proprement dit, | La partie supérieure de l'animal est d’un gris brunâtre , mêlé de nuances rousses ou rouges, et parsemé de taches plus où moins grandes , dont les unes sont blanchâtres , el les autres d’une couleur très-fo ncée. Ce mâle a communément deux ou trois pieds de longueur. Voici maintenant les différences que présente la femelle. Premièrement, sa longueur est ordinairement de trois à quatre pieds. | Secondement, la tête est plus petite à proportion du volume du corps. Troisièmement , les nageoires ventrales ne sont pas réunies. Et quatrièmement, les couleurs de la partie supérieure du corps ne sont pas toujours distribuées comme celles du mâle : les taches que cette partie présente ressemblent quelquefois da- vantage à celles que l’on voit sur la peau d’un léopard; et ces taches sont souvent rousses ou noires , mêlées à d’autres taches cendrées. Telles sont les formes et les nuances qu'offrent le mâle et la femelle. Mais ne considérons plus que l'espèce , et indiquons ses habi- tudes. La rousselte est très-vorace : elle se nourrit principalement de poissons, et en détruit un grand nombre ; elle se jette même sur les pêcheurs et sur ceux qui se baignent dans les eaux de la mer. Mais, comme elle est moins grande et plus fotble que plusieurs autres squales , elle n’attaque pas le plus souvent ses ennemis à force ouverte ; elle a besoin de recourir à la ruse ; et elle se tient presque toujours dans la vase, où elle se cache et se met en embuscade , comme les raies , pour surprendre sa proie : aussi est-il très-rare de pècher des individus de cette es- pèce qui ne soient couverts de fange. La chair de la roussette est dure , et répand une odeur forte qui approche de celle du musc. On en mange rarement ; et lors- qu'on veut s’en nourrir, on la fait macérer pendant quelque temps dans l’eau. Mais sa peau séchée est très-répandue dans le commerce ; elle y est connue sous le nom de peau de roussette, peau de chien de mer, peau de chagrin. Les petits tubercules dont elle est revêtue la rendent très-propre à polir des corps très- 220 | HISTOIRE NATURELLE durs, du bois, de l’ivoire, et même du fer; et, comme celle du requin , elle est employée non-seulement à faire des liens, mais. encore à couvrir des malles, ét, après avoir été peinte en vert, ou en d’autres couleurs, à garnir des étuis sous le nom de galu- chat. Il ne faut cependant pas confondre ce galuchat commun avec celui que l’on obtient en préparant la peau de la raie sephen, duquel les grains ou tubercules sont plus gros, et dont nous avons parlé dans l’article de cette raie. Ge second galuchat, plus beau et plus recherché, est aussi plus rare, la sephen n'ayant été pé- chée que dans un petit nombre de mers, et le squale roussette habitant non-seulement dans la Méditerranée , mais encore dans toute l'étendue de FOcéan, depuis un cercle polaire jusqu’à l'autre, et depuis les Indes occidentales jusqu'aux grandes Indes, d'où un individu de cette espèce a été envoyé dans le temps à la Haye, sous le nom de Zaay *. On retire par la cuisson une assez grande quantité d'huile du foie de la roussette. Mais il paroît qu’il est très-dangereux de se nourrir de ce viscère, que les pêcheurs ont ordinairement le soin de rejeter avant de vendre l'animal. Le séjour de la rous- sctte dans la fange, l’infériorité de sa force, et la violence de son appétit, peuvent l’obliger à se contenter souvent d'une proie très- corrompue , d’alimens fétides , et même de mollusques ou d’au- tres vers marins plus ou moins venimeux, qui altèrent ses hu- meurs, vicient particulièrement sa bile, donnent à son foie une qualité très-malfaisante, et rendroient aussi plus ou moins fu- neste dans plusieurs circonstances l’usage intérieur d’autres par- ties de cet animal *. Mais, quoi qu’il en soit, nous croyons devoir rapporter ici les observations faites par M. Sauvages, habile mé- decin de Montpellier, sur les effets d’un foie de roussette pris intérieurement. Un savetier de Bias, auprès d'Agde, nomme Gervais, mangea d’un foie de ce squale , avec sa femme et deux enfans, dont l’un étoit âgé de quinze ans, et l’autre de dix. En moins d’une demi-heure ils tombèrent tous les quatre dans un grand assoupissement , se jetèrent sur de la paille, et ce ne fut que le troisième jour qu'ils revinrent à eux assez parfaitement pour connoître leur état. Ils furent alors plus ou moins réveillés, RD RD 2 ET 1 Cet individu desséché fait partie de la collection cédée à la France par la Hoïlande. 2 Nons ne saurions trop recommander de vider avec la plus grande attention les poissons dont on veut manger, lorsqu'ils se sont nourris d’ahimens corrompus où de vers marins, DU SQUALE ROUSSETTE. 55 suivant qu'ils avoient pris une quantilé moins grande ou plus considérable de foie. La femme, qui en avoit mangé le plus, fut cependant la premiére rétablie. Elle eut, en sortant de son som- meil , le visage tres-rouge ; et elle ressentit le lendemain une démangeaison universelle, qui ne passa que lorsque tout son épi- derme se fut séparé du Corps en lames plus ou moins grandes, excepté sur la tête, où cette exfolialion eut lieu par petites par- ties et n’entraîna pas la chute des cheveux. Son mari et ses enfans éprouvèrent les mèmes effets. La rousselte est tris-féconde ; elle s’accouple plusieurs fois; elle a plusieurs portées chaque année, et, suivant la plupart des ob- servateurs, chaque portée est de neuf à treize petits ; on a même écrit qu'il y avoit quelquefois des poriées de dix-neuf jeunes squales : mais peut-être a-t-on appliqué faussement à la roussette ce qui paroît vrai du rochier, avec lequel elle a de très-grands rapports , et auquel le nom de roussette a été aussi donné. Les œufs qui éclosent dans le ventre de la mère, au moins le plus souvent, sont semblables à ceux du requin : on les a éga- lement comparés à des sortes de coussins, de poches, de bourses ; et ces coques membraneuses sont également terminées , dans leurs quatre angles, par un filament délié et treize ou quatorze fois plus long que l'œuf proprement dit. Plusieurs auteurs anciens ent cru, d’après Aristote , que ces filamens si allongés étoient creux et formoient de pelits tuyaux ; mais dans quelque état qu'on observe ces sortes de cordons , On les trouve toujours sans aucune espèce de cavité. k Lorsque les roussettes mâles sont accouplées avec leurs femelles, elles les retiennent avec des crochets ou des appendices mobiles places aupres de l'anus, comme les mâles des autres squales et des raies se tiennent collés contre leurs femelles : mais l’orga- nisation intérieure de ces appendices est plus simple que celle des parties analogues dé la batis ; on n’y voit que trois cartilages, dont deux ont une très-grande dureté. La roussette étant répandue dans toutes les mers , sa dépouille a dû se trouver et se trouve en effet fossile dans un grand nom- bre de contrées. Ses denis sont surtout très-abondantes dans plusieurs endroits ; on en voit dans presque toutes les collec- tions ; elles y ont porté long-temps le nom de glossopètres, où de langues pétrifiées, donné à celles du requin ; et ayant une 222 HISTOIRE NATURELLE forme plus allongée que ces dernières, elles ont même dù être prises moins difficilement pour des langues converties en pierre. Parmi celles que renferme le Muséum national d'histoire natu- relle , il y en a de très-grandes. Nous avons mesuré la plus grande de toutes, et nous nous sommes assurés que l’un des deux côtés les plus longs de la portion émaillée de cette dent trian- gulaire avoit, par le moyen de ses petites sinuosités , une lon- gueur de soixante-dix -huit millimètres *. Nous avons désiré ensuite de connoitre , comme nous l’avions cherché pour le re- quin , la proportion la plus ordinaire entre le s dimensionsdes dents et celles de l'animal considéré dans son en tier : mais, quoi- que nous ayons été à même d'examiner un grand nombre de rousseties, nous en avons observé trop peu de parvenues à un grand degré de développement, pour que nous ayons pu croire avoir trouvé cette proportion, très-variable dans les très-jeunes squales, même lorsque leurs longueurs sont égales. Nous pen- sons cependant qu’en général les dents des roussettes sont plus petites que celles des requins, relativement à la grandeur totale du squale. Mais, de peur de dépasser la limite du vrai, supposons ce qu'il est dificile de contester, et admettons, pour les rous- settes et pour les requins, le même rapport entre les dimensions de l’animal et celles de ses dents. D’après la proportion que nous avons adoptée pour les requins , la roussette à laquelle a appar- tenu la dent fossile que nous avons mesurée dans le Muséum a dû être deux cents fois plus longue que l’un des plus grands côtés de la partie émaillée de cette dent , et par conséquent avoir un peu plus de quinze mètres et demi (cinquante pieds) de longueur. Cette énorme extension étonnera sans doute dans une espèce dont on ne voit plus que des individus de quelques pieds : mais la dent fossile qui nous a fait admettre cet immense déve- * Autres dimensions de la grande dent Jossile de roussette. millim, pou. lig, Pius grande largeur de la partie émaillée. . . . . . . .. se ie 70228) © Longueur de l’une des pointes ou appendices dentelés placés lun atun houtide lalbase, et l’autre a l’autrel 32200 mm 10—» À de Longueur mesurée sur la face extérieure et convexe , depuis le som- met de la dent jusqu’au sommet de l’angle rentrant formé par la baseide Mipbrtion'émarlee a" SRE ANUS eee 2 ie 421 6}: Longueur mesurée sur la face concave et intérieure, depuis le som- met de la dent jusqu’au sommet de l’angle rentrant formé par la base de la portion émaillée. , . . . .. Te MT eo + $0—1I 1e DU SQUALE ROCHIER. 2923 Toppement, a tous les caractères des dents des roussettes ; et si on vouloit la rapporter à d’autres squales qui ont aussi leurs dents garnies de trois pointes principales, dimin ueroit-on la sur- prise que peut causer cette élendue de cinquante pieds que nous proposons de reconnoître dans les anciennes roussettes ? Mais, quelle qu’ait été l'espèce du squale dont cette dent fossile est une partie de la dépouille , cette dent existe ; elle a les dimensions que nous venons de rapporter ; elle indique un squale long au moins de quinze mètres et demi; et cette conséquence , réunie avec celles que nous avons tirées de la grandeur de la dent de requin trouvée aux environs de Dax, ne sera-t-elle pas de quel- que intérêt pour ceux qui voudront écrire l’histoire des chan- gemens physiques que la terre a éprouvés ? RAR AAA NAN AAA AAA AAA VUS AAA RAA AAA IA VIRE ELA VA AR AU VAS VAR VUE LAVE LE SQUALE ROCHIER :. Cr squale a été souvent confondu avec le mâle ou la femelle de la roussette, que l’on a pris souvent aussi pour le mâle ou la ‘femelle du rochier. Cette double erreur est venue de ce que ces animaux ont plusieurs rapports les uns avec les autres, et par- ticulièrement de ce que leurs couleurs, assez peu constantes, et variant non-seulement dans la nuance, mais encore dans la gran- deur et dans la distribution des taches, ont été plusieurs fois les ‘mêmes sur Île rochier et sur le mâle ou sur la femelle de la rous- selte, Ces méprises ont donné lieu à d’autres fausses applications. Lorsque par exemple, on a eu donné le nom de roussetle mâle ou de roussette femelle à un squale rochier, on n'a pas manqué de lui attribuer en même temps les habitudes de la roussette mâle ou femelle, sans examiner si l'individu que l'en avoit sous les yeux, et que l’on revêtoit d’une fausse dénomination , présen- toit réellement les habitudes auxquelles on le disoit soumis. Pour éviter toutes ces supposilions contraires à la vérité, il ne faut pas perdre de vue la variabilité des couleurs des roussettes et du ro- chier, et 1l ne faut distinguer ces espèces que par les formes et mon pas par les nuances qu’elles montrent. Si nous recherchons oo * oussette, sur plusieurs côtes de France; catte rochiero , dans plusieurs départemens méridionaux. 22% HISTOIRE NATURELLE en conséquence les différences dans la conformation qui séparent le rochier de la roussette, et si nous rassemblons en même temps les traits qui empêchent de le confondre avec les autres squales, nous trouverons que ses narines sont fermées en partie par deux lobules , dont l'extérieur est le plus grand et chagriné ; que son museau est un peu plus allongé que celui de la roussette; et que sa queue est plus courte, à proportion de la longueur du corps, que celle de ce dernier animal. Il parviént d'ailleurs à une gran- deur ples considérable que le male et même quelquefois que la femelle de la roussette ; et voilà pourquoi Willughby et d’autres auteurs, en normant la roussette mâle le petit chat de mer, en appelant la roussette femelle, qu'ils ont prise pour une espèce particulière, grand chat de mer, ont réservé pour le rochier là dénomination de érès-crand chat marin. La première nageoire dorsale est plus près de l'extrémité de la queue que du bout du museau; la seconde, presque aussi grande que la première, et plus éloignée de celle-ci que de la nageoire de la queue, est placée, au moins le plus souvent, en partie au-dessus et en partie au-delà de la nageoïre de l’anus. Communément le rochier est d’une couleur grise ou roussâtre, avec des taches noirâtres, rondes, inégales , répandues sur tout le corps, et plus grandes que les taches qui sont semées sur le dos de la roussette mâle, on groupées sur celui de la roussette femelle. La roussette vit dans la vase et parmi les algues; elle s'approche des rivages : le rochier s’en tient presque toujours éloigné; il pré- fère la haute mer; 1l aime à habiter les rochers, où il se nourrit de mollusques, de crustacées et de poissons, et qui lui ont fait donner le nom de rochier, de chat rochier, de chat marin des rochers. Aussi tombe-t-1l moins souvent dans les piéges des pêcheurs et est-il pris moins fréquemment, quoique cette espèce soit assez nombreuse, chaque femelle, suivant M. Broussonnet, qui a très bien observé ce squale, portant dix-neuf ou vingt petits à la fois. On le recherche cependant, parce que sa peau est employée dans le commerce aux mêmes usages et sous le même nom que celle de la roussette, et que sa chair est un peu moins désagréable au goût que la chair de ce dernier animal On le pêche avec des haims, ainsi qu'avec des filets ou demi-folles* , connus dans la 1 Voyez, à l’article de /a raie bouclée, la description de la folle et de là demi-folle. Tome 2. 6 Page 224. = 3 Pretre Pire. é 1 à 1 Massard Je. 1. Le Squale rochier......Page 223. dit aa 2 Le Squale mailandires MN 5.Le Squale emissolle. .......227. { d'ou DONNER: d'LPACE dun DU SQUALE MILANDRE. 295 Méditerranée sous la dénomination de roussetières, de bretelières, ou de bretelles ; et, dans quelques parages, on les prend dans les mêmes filets que le scombre auquel le nom de fon a été donné. RARMAAIAD VAS LUNA UN AAAAAA VAR VAT RAA ANA AA AAA AAA AAA AA AAA RAA RAA LA AAA LE SQUALE MILANDRE :. eee | squale parvient à une longueur assez considérable ; et voilà pourquoi , sur plusieurs des rivages de la Méditerranée, on l’a nommé /amiola , c'est-à-dire petit requin. On n'a pas cru devoir le comparer à un animal moins grand. Le milandre a le museau aplati et allongé. Ses dents nombreuses, placées sur plusieurs rangs, et un peu inclinées vers l'angle de la gueule le plus voisin, ont une forme particulière qui seule peut faire distinguer ce car- tilagineux de tous les autres poissons de sa famille : elles sont aplaties, triangulaires et dentelées, comme celles du requin ; mais elles présentent sur un de leurs bords verticaux une profonde échancrure qui y forme un grand angle rentrant, et dont les côtés sont dentelés. Nous avons fait graver la figure d’une grande mâchoire de milandre qui fait partie de la collec- tion du Muséum national d'histoire naturelle, et dont les dimen- sions doivent faire supposer, dans le squale auquel elle a appar- tenu, au moins ure longueur de plus de quatre mètres ( douze pieds trois pouces huit lignes ). C’est doncavec raison qu’on a rap- proché ce squale du requin, sur l'échelle des grandeurs aux- quelles parviennent les différentes espèces de son genre. Le milandre a d’ailleurs la langue arrondie et assez large; les narines placées près de l'ouverture de la bouche, et en partie fermées par un lobule court; les évents très-petits et d’une forme allongée; les nageoires pectorales longues, et légèrement échan- crées à leur extrémité. La première nageoire dorsale est presque également éloignée de la base des pectorales et de celle des ventrales; et la seconde 1 Cagnot et milandre, dans plusieurs départemens méridionaux; pal, dans quelques endroits de France et d’Ltalie ; /omiola , dans d’autres contrées de l’Ita- lie; rope, en Angleterre. Na dt 5 Lacepede. 2.7: 15 226 HISTOIRE NATURELLE est située en partie au-dessus et en partie au-devant de la na- geoire de l'anus, qui est moins près de celle ouverture que de la nageoire de la queue. Cette dernière nageoire est, au reste, divisée en deux lobes inégaux, et la peau est chagrinée, ou revêtue de petits tuber- cules. M. Broussonnet, qui a décrit un individu de cette espèce dans le port de Cette, assure, d’après le lémoignage des marins, que la chair du milandre est très - dure et répand une odeur dés- agréable. On la fait cependant quelquefois sécher ; « mais l’abon- « dance et le bon marché de cet aliment, dit ce naturaliste, « peuvent seuls déterminer des pêcheurs aflamés à s'en nourrir.» D'un autre côté, le milandre doit être moins fréquemment et moins vivement recherché que plusieurs autres squales, parce qu'on ne peut le pêcher qu'avec beaucoup de précautions. Il est en effet très-fort et très-grand ; et n'étant pas très-éloigné du re- quin par sa taille, il est, commelui, très-féroce , très-sanguinaire et tres-hardi. Sa voracilé el son audace lui font même quelque- fois oublier le soin de sa sûreté, au point de s’élancer hors de l'eau jusque sur la côte, et de se jeter sur les hommes qui n'ont pas encore quitté le rivage. Nous croyons en conséquence, et avec Roncdelet , que le milandre est le squale auquel Pline donne le nom de canicula, et que cet éloquent écrivain peint avec des cou- leurs si vives, attaquant et immolant les plongeurs qu'il sur- prend occupés à la recherche du corail, des éponges, ou d’autres productions marines. Cest un combat terrible, selon Pline, que celui qu'il ivre au plongeur dont il veut faire sa proie. Il se jette particulièrement sur les parties du corps qui frappent ses yeux par leur blancheur. Le seul moyen de sauver sa vie est. d’aller avec courage au-devant de lui, de lui présenter un fer aigu, et de chercher à lui rendre la terreur qu'il inspire. L'avantage peut être égal de part et d'autre, tant qu’on se bat dans le fond des mers : mais à mesure que le plongeur gagne la surface de l'eau, son danger augmente; les efforts qu'il fait pour s'élever s’oppo- sent à ceux qu'il devroit faire pour s’avancer contre le squale, et son espoir ne peut plus être que dans ses compagnons, qui s’empressent de tirer à eux la corde qui le tient atlaché. Sa main gauche ne cesse de secouer cette corde en signe de détresse, et sa droite, armée du fer, ne cesse de combattre. Il arrive enfin auprès de la barque son unique asile; et si cependant il DU SQUALE ÉMISSOLE. + n'est remonté avec violence dans ce bâtiment, et s’il maide lui- même ce mouvement rapide en se repliant en boule avec farce et promptitude, il est englouti par le milandre, qui l’arra- che des mains mêmes de ses compagnons. En vain Pr assaiili le squale à coups redoublés de tridens ; le redoutable milandre sait échapper à leurs attaques, en plaçant son corps sous le vais- seau, el en n'avançant sa gueule que pour dévorer l’infortuné - plongeur. Le milandre exerce son pouvoir secondaire, et néanmoins très- dangereux, non-seulement dans la Méditerranée, mais encore dans l'Océan d'Europe, et dans plusieurs autres mers. Cetté'es- pèce est très-répandue sur le globe; et dés- lors la partie de sa dépouille la plus difficile à détruire, c’est-à-dire ses dents, ont dû se trouver fossiles dans plusieurs contrées de la terre, où , en effet, on les a rencontrées. RAA RAA AAA AAA ARR AA AIR AVR AVS AUS AAA AVR LR AAA AA AR AAA AAA AR VU AAN AMAR AN ANS LE SQUALE ÉMISSOLE”*. Bis forme des dents de ce poisson suffit pour le distinguer de tous ceux que nous avons compris avec ce cartilagineux Fi le second sous-genre des squales. Très- -comprimées de haut en bas et seule- ment un peu convexss, très-serrées les unes contre les autres . figurées en losange, ou en ovale, ou en cercle , ne s’élevant en pointe dans aucune de leurs parties, et disposées sur plusieurs rangs avec beaucoup d'ordre, elles paroïssent comme incrustées dans les mâchoires , forment une sorte de mosaïque très-régulière, et obligent à placer la bouche de l'animal parmi celles auxquelles on a dénné le nom de pavées. Nous avons déjà vu une confor- mation presque semblable dans plusieurs espèces de raies, et dans le squale indien que nous avons appelé Ze philipp. L’émissole a d’ailleurs de nombreux rapports de conformation avec le milandre , ainsi qu'avec plusieurs autres cartilagineux de la même famille que nous avons décrits. Et pour achever d’en donner une idée assez étendue, 11 suflit d'ajouter que sa première I A : , , a 1 E missole, dans plusieurs départemens méridionaux; pesce columbo, dans plusieurs contrées de l'Italie; smooth hound et prick!y hound, en Angleterre. 228 HISTOIRE NATURELLE nageoire dorsale est presque triangulaire, et plus avancée vers la tête que les nageoires ventrales ; que ces dernières sont une fois plus petites que les pectorales; que la seconde nageoire dorsale st une fois plus grande que celle de l'anus, qui est à peu près carrée; et enfin que la nageoire de la queue s’élargil vers son extrémit . L’estomac de l’émissole est garni de plusieurs appendices situés auprès du pylore, ce qui doit augmenter sa faculté de digérer, Ses dents pouvant d’ailleurs broyÿer et diviser les alimens plus complètement que celles de plusieurs autres squales, ce poisson a moins besoin que beaucoup d'autres animaux de son genre de sucs digestifs très-puissans. La partie supérieure de l'émissole est d’un gris cendré ou brun, et l’inférieure est blanchâtre. Mais les couleurs de cette espèce ne sont pas les mêmes dans tous les individus ; et il paroît qu'il faut regarder comme une variété de ce poisson le squale qu'on à nommé étoilé et lentillat, qui est conformé comme l’émissole , mais qui en diffère par des taches blanches répandues sur tout le corps, plus grandes et moins nombreuses sur le dos que sur les côtés, semblables, a-t-on dit, à des lentilles, ou figurées comme de petites étoiles. | Au reste, l’émissole non-seulement habite dans les mers de l'Europe , mais encore se retrouve dans la mer Pacifique. RAA AA LAS AAA AAA RAT RARE VA AAA AAA A LA LE SQUALE BARBILLON. RAA VER M. BroussoNNET a le premier fait connoître cette espèce de car- tilagineux qui se trouve dans la mer Pacifique , et que l’on voit quelquefois auprès de plusieurs rivages d'Amérique. Ce squale parvient au moins à la longueur de cinq pieds; 1l est d’une cou- leur rousse, comme la roussette ; et, quand il est jeune , il pré- sente des taches noires; il a aussi, comme la roussette, les narines garnies d’un appendice allongé et vermiforme : maïs ce qui em- pêche de le confondre avec cet animal , c’est qu'il a sur le corps des écailles grandes, plates et luisantes. Nous n'avons encore exa- miné que des poissons couverts d’écailles presque insensibles , ou de tubercules plus ou moins gros, ou d’aiguillons plus ou moins DU SQUALE BARBU. 299 forts; et c'est la première fois que nous voyons la matière qui forme ces écailles presque invisibles, ees aïguillons et ces tuber- cules, s'étendre en lames larges et plates , et produire de véritables écailles *. Le museau est court et un peu arrondi. Les dt sont nom- breuses, allongées , aiguës, et élargies à leur base. Les deux der- nières ouvertures branchiales de chaque côté sont assez rappro- chées pour qu’on ait pu croire que l'animal n’en avoit que huit au lieu de dix. On voit la première nageoire dorsale au-dessus des ventrales, et la seconde plus près de la tête que celle de l'anus. La queue est courte, et la nageoire qui la termine se divise en deux lobes. RAA ARE AMAR LAIT VULLAR VANAERARIAAAAR L LE SQUALE BARBU. RAANAA AAA AR AAA AD LP description de ce squale de la mer Pacifique, dans les eaux de laquelle il a été vu par le capitaine Cook, a été publiée pour la première fois par M. Broussonnet. Il est trs-aisé de distinguer ce cartilagineux des autres animaux de son genre, à cause des pendides vermiformes qui garnissent sa lèvre supérieure. Les plus grands de ces appendices ou barbillons ont communément de longueur le quatre-vingtième de la longueur totale. Ces pro- longations membraneuses sont d’ailleurs divisées le plus souvent en trois petits rameaux ; et on les voit ordinairement au nombre de huit. La tête est large , courte, et déprimée; les dents, en forme de fer de lance, et sans dentelures , sont disposées sur plusieurs rangs; les évents sont grands; et la première nageoire dorsale est placée plus loin de la tête que les nageoires ventrales. Le corps, recouvert de tubercules, ou, pour mieux dire, d'écailles très-petites , dures, lisses et brillantes, présente, dans sa partie supérieure , des taches noires, rondes ou anguleuses, et renfermées dans un cercle blanc. C'est à cette espece qu'il faut rapporter le squale décrit et figuré # Voyez, dans le Discours sur la nature des poissons, ce qui concerne la for mation des écaiiles. 350 HISTOIRE NATURELLE dans le 7oyage du capitaine Philipp à Botany-bay, cha- pitre XXIT, et qui avoit été pris dans la crique de Sidney, du port Jackson de la Nouvelle-Hollande, par le lieutenant Waits. En réunissant la description donnée par M. Broussonnet, avec. celle que l’on trouve dans le Woyage du capitaine Phlipp, on voit que la bouche du squale barbu est située à l'extrémité du museau , au lieu de l'être an-dessous, comme dans le plus grand nombre des animaux de sa famille. L'entre-deux des yeux est large et concave. La nageoire de l'anus touche celle de la queue; et cette derniere, composée de deux lobes, dont l’antérieur est arrondi dans son contour, et plus étroit, ainsi que beaucoup plus long que le postérieur, ne garnit que le dessous de la queue, dont le bout est comme émoussé. BAY AA AAA AAA AVE AVIAIRE AVAL RAA AAA RAA RAA AAA RAA AAA AA AAA D LE SQUALE TIGRÉ*. Cssr dans l'Océan indien qu'habite ce squale remarquable par sa grandeur et par la disposition des couleurs qu’il présente On a vu, en effet, des idividus de cette espèce parvenus à une lon- gueur de cinq mètres, ou de quinze pieds : de plus, le dessus de son corps et ses nageoires sont noirs avec quelques taches blan- ches, et avec des bandes transversales de cette dernière couleur, placées comme celles que l'on voit sur le dos du tigre; et de là vient le nom que nous lui avons conservé. D'ailleurs ce squale est épais; la tête est large et arrondie par- devant ; l'ouverture de la bouche, placée au-dessous du museau, et garnie de deux barbillons; et la lèvre supérieure proéminente. Les dents sont très-pelites, et les ouvertures des branchies au nombre de cinq : mais les deux dernières de chaque côté sont st rapprochées, qu’elles se confondent l’une dans l'autre, et que d'habiles naturalistes ont cru que le tigré n’en avoit que huit. L'on voit la première nageoire du dos au-dessus des ventrales, la seconde au-dessus de celle de l'anus, et la caudale divisée en déux lobes qui ne règnent communément que le long de la partie inférieure de la queue. R 7 Barbu, chien de mer barbu ; wannan-polica, par les Chingulais. Page 230. l | AIR PAM | AR \ 7, SR { {ill Ill | La! Et \ at | M Mass ard Jeup £ Pretre pre É : 1.Le Squale barbu ....Page 229. ë À 2. Der s quale tiore. sh Ten 230. 2 EAN Squale œalonne......251. re a. La Tete du Squale gré vue en dessous DU SQUALE GALONNÉ. 233 On a écrit que le tigré vivoit le plus souvent de cancres et de coquillages. La petitesse de ses dents rend cette assertion vraisemblable ; et ce fait curieux dans l’histoire de très-grands squales pourroit confirmer, s’il étoit bien constaté, une des ha- bitudes que l'on a attribuées à cette espèce, celle de vivre plu- sieurs individus ensemble sans chercher à se dévorer les uns les autres. Mais ne nous pressons pas d'admettre l'existence de mœurs si opposées à celles d'animaux carnivores, tourmentés par un appétit vorace, et ne pouvant l’apaiser que par une proie abondante. AAA AUTRE VU AAA TE AAA AEUVIA AAA AA AA LE SQUALE GALONNÉ. Les mers qui baignent les côtes d'Afrique, et particulièrement, celle qui avoisine le cap de Bonne-Espérance, sont l'habitation ordinaïre de ce sqnale, dont le citoyen Broussonnet est le pre- mier qui ait publié la description. Son caractère distinctif con- siste dans sept grandes bandes noirâtres , parallèles entre elles, et qui s'étendent longitudinalement sur son dos. Il est d’ailleurs revêtu de petits tubercules ou d’écailles presque carrées. Sa têle est déprimée, et un peu plus large que le corps; ses yeux sont trois fois plus grands que les évents ; et au travers de l'ouverture de sa bouche, qui est demi-circulaire, on voit dés tubércules mous sur la langue et le palais, et plusieurs ran- gées , transversales dans la mâchoire supérieure et obliques dans l'inférieure , de dents longues ER , €t comprimées de dehors en dedans. Deux lobes inégaux servent à fermer les narines. Les ouvertures des branchies sont au nombre de cinq de chaque côté, comme dans tous les squales dont nous écrivons l'histoire » excepté le perlon et le grisét. La première nageoire dorsale est au-delà du milieu de la longueur du corps ; la seconde est placée au-dessus de la par- ue postérieure de la nageoire de l'anus, et celle de la queue est arrondie. 232 HISTOIRE NATURELLE AAA AAA AAA AAA LA EE UV VE MVL LE AAA AAA IAA AAA TT LE SQUALE ŒILLÉ. a — D: chaque côté du cou de ce cartilagineux , on voit une grande tache ronde, noire, et entourée d’un cercle blanc, et qui, res- semblant à une prunelle noire placée au milieu d’un iris de cou- Jeur ires-claire, a été considérée comme l’image d’un oeil, et a fait donner le nom d’æœillé au poisson que nous décrivons. C’est encore à l'ouvrage de M. Broussonnet que nous devons la connoissance de ce squale , que l’on a trouvé dans la mer Pa- cifique, auprès de la Nouvellé-FHollande. L'ocillé est, dans sa partie supérieure, d’une couleur grise et tachetée, et, dans sa partie inférieure, d’un cendré verdâtre, qui, dans l'animal vivant, doit être plus clair que les nuances du dessus du corps. La tête est courte et sans taches. Les dents sont aiguës , com- primées de dehors en dedans, larges à leur base, mais pelites. Les narines avoisinent le bout du museau ; et, de chaque côté, les deux dernières ouvertures des branchies sont très-rapprochées. La place qu'occupent les nageoires ventrales est plus près de la tête que le milieu de la longueur du corps. Elles sont ar- rondies , noirâtres , et bordées de gris, comme les pectorales. On voit deux taches noires sur le bord antérieur de la pre- mière nageoire dorsale, qui est échancrée par derrière, et s1- tuée plus loin de la tête que celle de l'anus ; la seconde, un peu plus petite que la première, ressemble d'ailleurs à cette premiere dorsale ; et la nageoire de l’anus touche presque celle de la queue , qui est échancrée. ARAAAAN AAA AV AU AU UN AU AU UV VUU VUS UV AAA AV VA AA AAA RAA MS LE SQUALE ISABELLE. e o À PA C& poisson vit auprès des côtes de Ja Nouvelle-Zélande. C'est un de ces squales que l’on n’a rencontrés jusqu’à présent que dans la mer Pacifique, et qui paroissent en préférer le séjour à celui DU SQUALE MARTEAU. 533 de toutes les autres mers. Quel contraste cependant présentent les idées de ravage et de destruction que réveille ce grand nombre d'êtres voraces et féroces, et les images douces et riantes que font naître dans l'imagination le nom de cette mer fameuse , et tout ce que l’on raconte des îles qu’elle arrose, et où la Nature semble avoir prodigué ses plus chères faveurs ! Le nom du squale dont nous traitons vient de la couleur du dessus de son corps, qui est , en effet, isabelle, avec des taches noires ; le dessous est blanchâtre. Ces taches, ces nuances, le rapprochent de la roussette, avec laquelle les principaux détails de sa conformation lux donnent d’autres grands rapports: mais il en diffère en ce que sa tête est plus déprimée, et surtout parce que la première nageoïire dorsale est placée au-dessus des ventrales, au lieu d’être plus éloignée de la tête que ces dernières, comme sur la roussette. Le museau est arrondi ; les dents sont comprimées de devant en arrière, courtes, triangulaires , aiguës, garnies, aux deux bouts de leur base, d’un appendice ou grande pointe, et dispo- sées ordinairement sur six rangées ; la langue est courte et épaisse ; les évents sont assez grands ; les nageoires pectorales très-éten- dues, et attachées au corps auprès de la troisième ouverture des branchies; les ventrales, séparées l’une de l’autre; et les lignes la- térales suivent le contour du dos, dont elles sont voisines. RAA AA AA AAA AA AAA AAA SARA AAA MAIS AA AAA AAA AA LAS AR AAVD AR AVR ARRAAA AA RAA AAA A8 8408 LE SQUALE MARTEAU :. [F est peu de poissons aussi connus des marins et de tous ceux qui, sans oser se livrer aux hasards des tempètes, ou sans pou- voir s’abandonner à un courage qui les porteroit à les affronter, aiment à suivre par la pensée les hardis navigateurs dans leurs courses lointaines : toutès les mers sont habitées par le marteau. + Poësson juif, pesce jouziou , a Marseille (à cause de sa ressemblance avec l’ornement de tête que les Juifs portoicnt autrefois en Provence ); pesce mar- tello , dans plusieurs départemens méridionaux; pers limo , limada, toilandolo, en Espagne ; c'ambetta , a Rome; balista , dans plusieurs endroits d'Italie; ba- lance-fish , en Angleterre. . 23% HISTOIRE NATURELLE Sa conformation est frappante ; elle le fait aisément distinguer de presque tous les autres poissons ; et son souvenir est d'autant plus durable, que sa voracité l'entraîne souvent autour des bâti- mens, au milien des rades, anprés des côtes, qu'il sy montre fréquemment à la surface de l'eau, et que sa vue est toujours accompagnée du danger d’être la victime de sa férocité. Aussi n'est-il presque aucune relalion de voyage sur mer qui ne fasse mention de l'apparition de quelque marteau , qui n'indique quel- qu'une de ses habitudes redoutables, n’expose , au moins impar- faitement, sa forme , ne soit ornée d’une figure plus où moins exacte de cet animal ; et depuis long-temps ou ne voit presque aucune collection d'objets d'histoire naturelle, ni même de sub- stances pharmaceutiques , qui ne présente quelque individu de cette espèce. Cette conformation singulière du martean consiste principa- lement dans la très-srande largeur de sa tête, qui s'étend de chaque côté , de manière à représenter un marteau , dont le corps seroit le manche; et de là vient le nom que nous'avons cru de- voir lui conserver. Cette figure, considérée dans un autre sens, et vue, dans les momens où le squale a la tête en bas et lextré- mité de la queue en haut, ressemble aussi à celle d’une balance, ou à celle d'un niveau ; et voilà pourquoi les noms de riveau et de balance ont été donnés au poisson que nous décrivons. Le devant de cette tête, très-étendue à droite et à gauche, est un peu festonné , mais assez légèrement et par portions assez grandes pour que cette partie, observée d’un peu loin, paroisse ierminée par une ligne presque droite; et le milieu de ce long marteau est un peu convexe par-dessus et par-dessous. Les yeux sont placés aux bouts de ce même marteau. Ils sont gros, saillans , et présentent dans leur iris une couleur d’or, que les appétits violens de l'animal changent souvent en rouge de sang. Pour peu que l'animal s'irrite , il tourne et anime d’une manière effrayante ces veux qui s’enflamment. À Au-dessous de la tête, et près de l'endroit où le tronc com- mence , l’on voit une ouverture demi-circulaire : c’est celle de la bouche, qui est garnie, dans chaque mâchoire, de trois ou quatre rangs de dents larges , aiguës , et dentelées de deux côtés, et dans la cavité de laquelle on aperçoit une langue large, épaisse et assez semblable à la langue humaine. | Au-devant de cette ouverture, et très-près du bord antérieur DU SQUALE PANTOUFLIER. 235 de la tête, sont placées les narines, qui ont une forme allongée, et qu’une membrane recouvre. Le corps est un peu étroit, ce qui rend la largeur de la tête plns sensible. Les nageoires sont grises, noires à leur base, et un peu en croissant dans leur bord postérieur. La premiére dorsale est grande et très-près de la tête ; les ventrales sont séparées l’une de l’autre; la nageoire de la queue est longue; et les tubercules qui revêtent la peau sont moins gros que sur plusieurs autres squales. Ce cartilagineux , dont la femelle donne ordinairement le jour à dix ou douze petits à la fois, parvient communéinent à la lon- gueur de sept ou huit pieds ( plus de deux mètres et demi ), et au poids de cinq cents livres ( plus de vingt-cinq myriagram- mes ); mais il peut atteindre à une dimension et à un poids plus considérables. Sa hardiesse, sa voracité, son ardeur pour le sang, sont cependant bien au-dessus de sa taille ; et si, malgré la faim dévorante qui l'excite , et l'énergie qui l’anime, il eède en puis- sance aux grands requins, 1l les égale et peut-être les surpasse quelquelois en fureur. PAR RAA RAA AA AAA AA AAA AAA A AAA AAA AAA VAR RAA AAA AA AAA AMAR AAA À LE SOUALE PANTOUFLIER : Cr squale a de si grands rapports avec le marteau , qu’on les à très-souvent confondus ensemble, et que la plupart des auteurs qui ont voulu distinguer l’un de l'autre n’ont pas indiqué les véritables diflérences qui les séparent. Comme la coilection con- servée dans le Muséum national d'histoire naturelle renferme plusieurs individus de celte espèce, nous avons pu saisir les ca- ractères. qui lui sont propres. Nous allons les indiquer particu- liërement d'après un paniouflier envoyé très-récemment de Cayenne par M. Leblond , et dont nous avons fait graver la figure ; et pour donner une bonne description de l'espèce qui nous occupe , nous avons d'ailleurs fait usage de notes irès-dé- taillées que nous avons trouvées, au sujet:de ce squale, dans les manuscrits de Commerson. 1 Demoiselle, dans Ja Guiane francaise. 236 HISTOITE NATURELLE Le trait principal qui empêche de regarder le pantouflier- comme un marteau , est la forme de sa tête. Cette partie est beau- coup moins courle, à proportion de sa largeur, que la tête du marteau. Au lieu de représenter une sorte de traverse très-allon- gée, placée au bout du tronc de Fanimal, on peut comparer sa figure à celle d’un segment de cercle dont la corde seroit le der- rière de la tête, et dont l’arc seroit découpé en six larges festons. Il résulte de cette conformation , que le milieu du bout du mu- seau répond à la sinuosité rentrante qui sépare les trois festons d'un côté des trois festons de l’autre, et par conséquent que ce milieu n'est pas la partie la plus avancée de la tête, comme dans le marteau. Ces six festons ne sont pas tous égaux : les deux du milieu sont plus grands que ceux qui les avoisinent, mais plus petits que les deux extérieurs , qui par conséquent sont les plus larges des six. Et lorsque toute cette circonférence est bien dé- veloppée et que l’'échancrure du milieu est un peu profonde, ce qu'on voit dans quelques individus, l’ensemble de la tête, considéré surtout avec le devant du tronc, a dans sa forme quel- que ressemblance avec un cœur, ainsi que Pont écrit plusieurs naturalistes. | | On n'aperçoit aucune tache sur ce squale, dont la partie su- périeure est grise, et l’inférieure blanchâtre. Sa peau est garnie de tubercules très - petits, et qui sont placés de manière qu'on n'en sent bien la rudesse que lorsque la main qui les touche va de la queue vers la tête, Le dessus et le dessous du museau sont percés d’une quantité innombrable de pores que leur petitesse empêche de distinguer, mais qui , lorsqu'on les comprime , laissent échapper une humeur gélatineuse et visqueuse. Les narines sont placées en partie sur la circonférence du seg- ment formé par la tête; et c’est aux deux bouts de la corde de ce segment que sont situés les ÿeux, plus propres, par leur position, à regarder les objets qui sont sur les côtés de l'animal, que ceux qu'il a en face. Suivant Commerson, l'iris est blanchâtre et entouré d’un cercle blanc, et la prunelle d’un vert de mer. L'ouverture de la bouche est placée sous la tête, et à une assez grande distance du bout du museau. Les dents, un peu courbées en arrière, et non dentelées dans les jeunes pantoufliers, sont placées sur plusieurs rangs. DU SQUALE PANTOUFLIER. 237 La langue est cartilagineuse, rude, large, épaisse, courte, arrondie par-devant, attachée par-dessous, mais libre dans son contour. La ligne dorsale suit la courbure du dos, dont elle est un peu plus voisine que du dessous du ventre. La forme, la proportion et la posilion des nageoires sont à peu près les mêmes que dans le marteau *. L'extrémité du dos présente une fossette ou cavité, comme sur le requin et le squale glauque. Le cœur est très-rouge, triangulaire , et assez grand , ainsi que son oreillette ; l'estomac a une forme conique; le canal intestinal est replié deux fois; le rectum assez long; et le foie blanc, et di- visé en deux lobes allongés, dont le gauche est le moins étendu *. Les habitudes du pantouflier ressemblent beaucoup à celles du marteau : mais 1l est beaucoup moins féroce que ce dernier squale; et d’ailleurs il pourroit moins satisfaire sa voracité, ne parvenant pas à une grandeur aussi considérable. M. Leblond écrit de la Guiane française, qu'on ne voit pas d'individus de cette espèce qui aient plus d’un mètre, ou de trois pieds, de longueur. La proie de ce squale, ne devant pas être si copieuse que celle du marteau, peut être mieux choisie, et d'autant plus que l'animal est moins goulu. Aussi sa chair est-elle moins désagréable au goût que celle du marteau; elle a même quelquefois une saveur qui ne déplaît pas, et les nègres en mangent sans peine. 1 Commerson a compté de vingt-cinq à trente rayons cartilagineux dans chaque nageoire pectorale, et de quinze à dix-huit dans la première nageoire du dos. z Principales dimensions d’un pantouflier mesuré, presque dès s& sortie de la mer, par Comimerson. pieds. pou. lig. Lorgueur depuis le bout du museau jusqu’à l’angle antérieur de la bouche. . Were): Mau Te . . . . L . ee . LEE) . - . D . » aux narines. . . L © © O1 #1 % D © © © aux yeux ste" a ge aux angles postérieurs de la tête a la première ouverture des branchies. . . . à la seconde ouverture des branchies, à. la troisième ouverture des branchies. à la quatrième ouverture des branchies. . . . . à Ja cinquième ouverture des branchies à l’extrémité antérieure de la base des nageoires pectorales. » J à l'extrémité antérieure de la base de la première naseoire denale: TRUE. pales) cu gtsie e + ee U2 ÿ Le] HR ER dE © C0 00 à 1» 2e ’;s Le22 9 0% "D Tel "6 M; 157,0 n'en et 918 » ® 258 HISTOIRE NATURELLE. Les rivages de la Guiane et ceux du Brésil sont ceux que fré- quente le pantouflier. On ne la point encore observé dans les mers des Indes orientales : mais non-seulement Commerson l’a vu dans celles qui baignent l'Amérique méridionale, il la encore rencontré dès le mois de février, ou de pluviose, auprès des côtes de la Méditerranée. A ER VUE VAE VUE UE UV VE LUE AA AAA AAA UE AAA AA LUEUR AU EURE LE SQUALE RENARD :. Tous les squales ont reçu le nom de chien de mer : mais cette dénomination a été particulièrement consacrée par plusieurs au- teurs à ceux de ces poissons cartilagineux qui parviennent à la grandeur la plus considérable ; les petites espèces de squales ont été appelées chats marins, où belettes de mer. Voici un animal de la même famille, qui , présentant une queue tres-longue et très-roide, a été nommé renard marin. On le trouve non-seu- lement dans la Méditerranée , mais encore dans l'Océan , et par- ticulièrement dans la partie de cette mer qui baigne les côtes d’Ecosse , et celles d'Angleterre. Il est ordinairement long de pieds. pou. lig. a la base des nageoires ventrales.. .. 24.101441. ..11m9" » Mlanarsse ta OA Al FAN PAR ED ST QE MR RER € RE à l’origine de la nagtoire de lanus. . 4 : . . .: . .. . . » 11 9 à la base de la seconde nageoire dorsale. . . . . . . . . . 1 » 3 à l'extrémité antérieure de la base de la nageoire de la queue. 1 2 6 an bout de laquene. |... ... 4 25 0 elettete)e) Me ENSS""S Distance d'unenarine a l’autre: : à & «14 2 J'ai il) ati ah ie Ce RER 6 On œil D'autres en JS 2 2e so ete ea UN UN RS Plus grande largeur du corps. ............4......+ >» 2 Épaisseur, Diléxtremité du museau. : 25004 NN At NN EE au sommet de la mâchoire inférieure. ...... . +... » » auprès des nageoires pectorales. . . . . « . + « + e + + « . >» 1 auprès de la première nageoire dorsale. . . ... ..... » 2 auprès de l'anus. .. ... ................. 9 2 auprès de la seconde nageoire dérsale tes ie ten MO MORE auprès de la nageoire de la queue. . .. . . « . . . . . . . » 1 Poids de l'animal, une livre un quart (six hectosrammes ). s Pers spaso, dans lusieurs départemens méridionaux, où l’on a comparé sa queue à une longue épée. SUPPLÉMENT DU SQUALE RENARD. »3%9 sept à huit pieds ( deux mètres et demi) ; sa peau, revêtue de très-pelits tubercules ou écailles , est d’un gris bleuâtre sur Ja parie supérieure de l'animal, et blanchâtre sur la partie infé- rieure. _ Ila le museau pointu, la tête courte et conique, les yeux grands, les mâchoires garnies de trois ou quatre rangs de dents triangulaires , comprimées de devant en arrière, aiguës, et non dentelées. La ligne latérale est droite. La première nageoire dorsale est placée au milieu de la longueur du dos, à peu près comme sur le marteau ; les nageoires venirales son! très-rapfrochées ; et l'on voit une fosseite triangulaire vers l’origine de la queue. Cette dernière partie est très-longue; et, ce qui fait le carac- tère distinctif du squale renard , elle est garnie par - dessous d'une nageoire divisée en deux lobes, dont l’inférieur est très- court, et dont le supérieur est en forme de faux, et plus long que le corps de l'animal. Cette nageoire , très-étendue , est comme une rame puissante qui donne au squale renard une nouvelle force pour atteindre où éviter ses ennemis: etcomme , indépendamment de sa grande vitesse , il paroiït avoir l’odorat des plus sensibles, il n’est pas surprenant qu'il soit très-vorace , et que ses manœuvres au mi- lieu des eaux aient quelque ressemblance avec les ruses du véri- table renard sur terre *; ce qui a contribué à lui faire donner le nom que nous lui conservons ici. RAMRAYNNY VANAAAANV AAA AR AR ANA AAA AAA AA ARR RANAANARRANARAANI ANNE EU SUPPLÉMENT À LARTICLE. DU SQUALE RENARD. A Li É nous paroit utile, pour faire bien connoître cette espèce très-remarquable de squale , de donner ici l'extrait d'une notice que nous avons reçue de M. Noël de Rouen. Cet observaieur , dont les naturalistes estiment depuis long-temps le zèle éclairé 1 Pline a écrit que lorsque ce squale avoit mordu à l’hamecon, il savoit l’avas ler de manière à parvenir jusqu’a la ligne , qu'il coupoit aveg ses dents, 240 HISTOIRE NATURELLE et la sévère exactitude, a pu décrire, tant à l’intérieur qu’à l’ex- térieur , un très-grand individu male de cette espèce, qui avoit échoué à Dieppe sur le sable, le premier frimaire de lan 8 de l'ère française. La longueur totale de cet énorme poisson étoit de 484 centimètres, ou quinze pieds ; et sa circonférence dans l'endroit le plus gros du corps, de 162 centimètres , ou cinq pieds. Un gris nuancé de bleuâtre distinguoit la partie supérieure de l'animal de l’inférieure qui étoit blanchâtre. La têle étoit noi- râtre: la langue arrondie, grasse, ferme ; l'oeil très-mobile dans son orbite, et dénué non-seulement de membrane clignotante; mais encom de voile formé par une continuation de la peau. Deux lobes composoient la nageoire caudale : le supérieur avoit 234 centimètres de longueur, et 32 centimètres de hauteur, ainsi que 8 centinètres d'épaisseur, à l'endroit où il se séparoit du lobe de dessous. Le cœur, composé d’une oreillette et d’un ventricule, présen- toit la forme d’un triangle allongé; les cinq branchies de chaque côlé éloient longues, attachées à sept cartilages tres-forts, et d’un rouge foncé après la mort de l'animal. Un œsophage très-extensible précédoit l'estomac, sur la tuni- que intérieure duquel on voyoit de petits globules blanchätres. La figure du foie, qui offroit deux lobes, ressembloit un peu à celle d’une fourche ou d’un Y grec. Le diaphragme étoit triangulaire, et chacun des deux reins noirâtre. Les vaisseaux spermatiques régnoient le long de la région de l'épine du dos; on apercevoit les testicules dans le fond de l'ab- domen ; et des deux lobes qui formoient la laite, le droit avoit 13 décimètres de longueur, sur 3 décimètres de largeur, et pesoit 13 kilogrammes; et le gauche, qui pesoit 9 pe À , étoit long de 108 centimètres. Dimensions de plusieurs parties du squale renard, décrit par M. Noël. centimèt. Depuis le bout du museau jusqu’à l’ouverture de la bouche. . . . . . . 11 ne lei s NUE QT PSE PRE LUE SES de VOS 2 RICE Lite la partie antérieure de 1 nageoire dorsale. . . . . . . 118 jusqu'a l’une des deux pectorales. . . . . . . . . . . . . . .. 64 De la partie postérieure de l’une des pectorales, à la ventrale corres- pondante, 1% Te à RO ER OT PEU et lie ue SH 07 De la partie postérieure de l’une des ventrales , à l’origine du ob in- férieur de la première nageoire caudalei 2" sut à (PME ER SR DU SQUALE GRISET. 24L ceniimèet; Largeur de l’ouverture de la bouche: + , : ; . . . . . . . .. ‘ir éottme Diametre de l'œil. . . . « . . ER je L_ 1 4 IR SN PIRE UN RE Longueur de l’ouverture des narines, . ... + : +: « + « +... . « 19), Hauteur de la première nageoire dorsale. ane SUR | et ane) ANOUEUEe 32 Longueur de chacune des deux nageoires pectorales. . ... . . . . . . s 72 de la nageoïre de l’anus, . . . : …. 1 1 ee PRE | du lobe inférieur de la nageoire caudale. . . . . . . . . .. . V2E MAICŒUR. die ee à + à sue NON RE SE Re TU ER Largeur du cœur. . - + : . .« . . - . se AOC NN S 10 Longueur de l’œsophage. . .... . . . . . . +. .,. mn ce 27 # Mel etomaR. cn LU, ol, Largeur de l'estomac. /! .. . : . : D du grand lobe du foie. . . . si AE 1 TOR ARMES Pl ee nbie ANT EUROS A UT dr livesicale duel. L. 5. re te te 20 ROMEO AE Largeur de la vésicule du fiel. . . . : . . . « . . . . . ere NOUS Longueur de la rate. ........%,.. Paneunde.l mate dun sue diet asser vba ge Ua E ds tn RON 3 Longueur du rectum. . . . +: . «+ + à 4 4 + « + le 100 CE D DE EUR à 2 sta tata tuto ce ar ete cat 0e te VOOR Largeur de chacun des testicules , mesuté à sa base RAA AAA AAA AAA AA LU VU AAA EE MAMA MIA AAA AAA LE SQUALE GRISET. Ce cartilagineux, dont le noïn indique la couleur, à de chaque côté six ouvertures branchiales, et ce nombre d'ouvertures suffit pour le distinguer de tous les autres squales compris dans le sous- genre dont il fait partie. Le museau est arrondi; l’ouvertüiré de la bouche, grande et demi-circulaire. Les dents, dont la mâchoire DRE est hé- risséé, sont très-grandes, très-minces, presque carrées, et den- telées ; et celles qui garnissent la mâchoire supérieure sont allon- gées, aiguës, non dentelées, plus étroites, plus courtes, et plus pointues sur le devant de la gueule que sur les côtés. On voit les narines situées très-près de l’extrémilé du museau , dont cepen- dant elles sont moins voisines que les yeux. Ces derniers sont grands, ovales , et assez éloignés des évents, qui sont très-petits. Les six ouvertures branchiales de chaque côté sont très-grandes et très-rapprochées. Il n’y a qu’une nageoire dorsale; elle est pla- Lacepède, 2, à 242 _ HISTOIRE NATURELLE cée plus près de la tête que celle de l'anus, à laquelle elle ressem- ble, mais qu’elle surpasse en grandeur. 121464521442) AAA AE AAA LE SQUALE AIGUILLAT :. Nôvs allons maintenant nous occuper du troisième sous-genre compris dans le genre des squales. Cette branche particulière de cette famille remarquable et nombreuse renferme les squales qui ont des évents auprès des yeux, et qui d'ailleurs sont dé- nués de nageoire de lanus; ce qui leur donne une nouvelle conformité avec les raies. Un des squales le plus anciennement connus de ce sous-genre , est Vaiguillat , qui habite dans toutes les mers, et par ticulière- ment dans la Méditerranée , où il a été observé par un très- grand nombre de naturalistes depuis le temps d’Aristote jusqu’à nos jours. La tête de ce poisson est aplatie, façonnée en forme de coin , mince par-devant, arrondie vers lextrémité du mu- seau, et plus transparente que celle de plusieurs autres squales. Chaque narine a deux ouvertures peliles, presque rondes, et également éloignées du bout du museau et de l'ouverture de la bouche. On voit auprès des yeux huit rangs de pores destinés à laisser échapper une humeur muqueuse. Les dents, qui for- ment ordinairement trois rangées, sont allongées , aiguës et gar- nies , de chaque côté de leur base , d’une pointe assez grande ; elles ressemblent beaucoup à celles du squale roussette : mais 11 est aisé de les en distinguer, parce que celles de Ja roussette sont dentélées, et que, si celles de l’aiguillat le sont, ce n’est que légè- rement, et lorsque l'animal est déjà très-développé. La ligne latérale est droite. La première nageoire dorsale est presque aussi avancée vers la tête que les pectorales ; la seconde. lest plus vers le bout de la queue que les venirales : l’une et l'autre sont armées , dans la partie antérieure de leur base, d’un aigtillon ou premier 1ayon épineux très-dur , très-fort, blanc , * Chien de mer; aguillat, dans plusieurs départemens méridionaux ; azios, suprès de Venise ; ; aguzeo, auprès de Gènes; scazone, a Rome; EX rh 1 dog et ; hound-Jish, en EE NEA le == Le — = D —_K À À NS à MCE Mass ard J'eudp À al e | =) Prêtre Pur F œriset.... 2 La alle moeumllat. É lquale aiguillat vue-en £ el el Ni Sat d: La Zëte dr DU SQUALE AIGUILLAT. 213 et presque triangulaire. Cet aiguillon dont chaque nageoïire dor- sale est garnie , est forme dans le fœtus , de manière à être très- sensible , quoique an pen mou. Ona prétendu que ce dard étoit venimeux. Nous avons vu que l'on avoit attribué la même qua- lité vénéneuse aux piquans des raies aigle et pastenaque. L’ai- guillat , non plus que ces raies, ne contient cependant aucun poison ; mais cé sont des effets semblables à ceux qu'on éprouve lorsqu'on a élé blessé par l’arme de la raie aigle ou de la paste- naque, qui ont fait penser que celle de l'aiguillät éloit empoi- sonnée. Nous n'avons pas besoin de faire remarquer que des piquans semblables à ceux de ce dernier poisson sont placés auprès des nageoires dorsales du he philipp. Éextrémité de la queue dé l'aiguillat est comme engagée dans ane nageoire divisée en deux lobes ; dont le supérieur esl le plus jong. Au reste, toutes les nageoires sont noïrîtres. Le dessus du corps est d’un noïrâtre lirant sur le bleu, et relevé par des taches blanches, plus nombreuses dans les jeunes individus : le dessous est blanc, et les côtés sont blanchâtres avec quelques nuances de violet; et dés rides ou sillons dirigés obliquement vers la ligne latérale, les uns de haut en bas, et les autres de bas en haut, s'y réunissent de manière à y former des angles saillans tournés vers la tête. La chair de l’aiguillat est filamenteuse, dure, et pen agréable au goût; mais il est des pays du nord de l'Europe où le jaune de ses œufs est très-recherché. Sa peau est aussi employée dans les arts, ét y sert aux même: usages que celles du requin et de la roussette. C'est évidemment à cette espèce qu'il faut rapporter le squale décrit sous le nom de £o/lo et de squalus fe-nandinus, dans l'Essai sur l'histoire naturelle du Chili, par Molina *, et qui ne diffère de l'aiguillat par aucun caractère constant. Ge sont les piquans de ce squale que les habitans du Chili regardent comme un spécifique contre le mal de dents, pourvu qu'on en appuie la pointe contre la dent malade : il seroit superfiu de faire observer combien leur confiance est peu fondée. _ 3 Squale, dit 40//0 au Chili. ( Note communiquée par le célèbre vovageur Dombey, qui a péri victime de son aèle pour les progrès dés stieïîces naturelles. ) ) 244 HISTOIRE NATURELLE AAA IA AAA A AE A A AA AA AA AAA AA I AA A AA A AA AAA LE SQUALE SAGRE*. Ce poisson ressemble beaucoup à l’aiguillat, et a été souvent confondu avec ce dernier. Mais voici les caractèresqui font de ce cartilagineux une espèce distincte. Les narines sont placées pres- que à l'extrémité du museau , au lieu d’être situées à une dis- lance à peu près égale de cette extrémité et de l'ouverture de la bouche. Le dos est plus aplati que celui de l’aiguillat. La couleur générale de l'animal est très-brune ; et, ce qui paroïtra surtout remarquable à ceux qui rappelleront ce que nous avons exposé sur les couleurs et les tégumens des poissons dans notre premier Discours , la partie inférieure du corps présente des tubercules plus groset une couleur plus foncée et plus noirâtre que la partie supérieure. Nous trouverons , dans la classe entière des poissons, bien peu d'exemples de cette disposition extraordinaire et in- verse de couleur et de tubercules, qui, ainsi que nous l'avons dit , indique une distribution particulière dans les différens vais- seaux qui avoisinent la partie inférieure de l'animal, et suffit pour séparer une espèce de toutes celles qui ne montrent pas ce ca- ractère. Le sagre vit dans la Méditerranée; il habite aussi l'Océan ; même à des latitudes très-septentrionales. PAS AAA AA A AAA AAA AA AAA AR AA A AA ALARME MALTE . LE SQUALE HUMANTIN :. Le humantin , qui habite l'Océan et la Méditerranée, a, comme l'aiguillat et le sagre, un piquant trés-dur et très-fort à chacune de ses deux nageoires dorsales. Ce piquant est néanmoins incliné vers la tête dans la première nagéoire du dos, au lieu de l'être ?._Sagree, sur la côte de Genes. * Bernadet, renafd, humanthin et porc, dans plusieurs départemens méri- disBawx ; pesce porce , a Rewe, DU SQUALE LICHE. 45 dans les deux vers la queue, ainsi que sur le sagre et l’aiguillat. Mais, indépendamment de cette disposition des dards du human- tin , il est très-aisé de le distinguer de tous les autres squales par la forme générale de son-corps , qui représente un prisme trian- gulaire, dont le ventre forme une des faces. Le dos est par con- séquent élevé en carène ; et comme cette dernière partie ex- haussée dans le milieu de sa longueur, s’abaisse vers la queue, et vers la tête qui est petite et aplatie, l'animal montre encore une sorte de pyramide triangulaire, très-basse et irrégulière, à ceux qui le regardent par le côté. Le humantin est brun par-dessus , et blanchâtre par-dessous. Sa peau , qui recouvre une tunique épaisse et adipeuse, est revé- tue de tubercules gros, durs et saillans. Sa chair est si dure et si filamenteuse , qu’elle est constamment dédaignée : aussi pêche-t- on très-peu le humantin, et va-t-on d'autant moins à sa pour- suite qu'il ne fréquente guère les rivages, et qu’il aime à vivre dans la vase et dans la fange du fond des mers; ce qui lui a fait donner le nom de cochon marin. La peau sert néanmoins à polir les corps durs. Les individus de cette espèce ont un mètre et demi ( un peu plus de quatre pieds ) de longueur , lorsqu'ils paroissent avoir atteint la plus grande partie de leur développement. La mâchoire supérieure est armée de trois rangs , et l'inférieure d'un seul rang de dents aiguës. Les nageoires dorsales sont très -rappro- chées de la tête; la seconde est au-dessus des ventrales; la queue, et la nageoire qui en garnit l'extrémité, sont assez courtes à proportion de la longueur du corps. PAR LARAAR AA AAA AAA ARS AAA LAS RAR RAA TA VUE LU AA ALI LU VE LE VARIE LE SQUALE LICHE. C'ssr auprès du cap Breton, dans l’Amérique septentrionale, qu'a été vu ce poisson. Sa têle est grande, son museau court et arrondi. Ses dents sont aplaties de devant en arrière, allongées, pointues , et disposées sur plusieurs rangs : les plus grandes sont dentelées; peut-être le sont-elles toutes dans les individus plus âgés que ceux que l’on a observés, et qui n'avoient qu'un mètre, 246 HISTOIRE NATURELEE ou environ trois pieds, de longueur. L'on voit, sur les bords da bout du museau, les ouvertures des narines, qui sont assez larges, Les deux dernières ouvertures branchiales de chaque côté sont irès-rapprochées , et les éventls éloignés des yeux. Les nageoires dorsales ne présentent aucun aiguillon : la première, qui est moins grande que la seconde, est plus près de la tête que le mi- lieu de la lorgueur du corps; la seconde en est un peu plus éloi- gnée que celle de lanus. Les nageoires ventrales sont grandes et rappro-hées de la queue, qui se termine par une nageoire dont Ja forme imite celle d’un fer de lance: et iout le corps est revêtu d’écailles ou tubercules petits et anguleux. RAA AA LV LV VB UV ALI AAA RAR UV RAA AAA AAA VAR AAA BANANE IAA AAA AA RAA LE SGUALE GRONO VIEN. Ds nommons ainsi un carlilagineux dont les naturalistes doi- vent la connoissance à Gronovius C’est dans les mers de l'Inde qu'il a été pêché. Le caractère distinctif par lequel il est séparé des autres squales compris dans le même sous-genre consiste dans la position de ses deux nageoires dorsales, dont la première est plus près du bout de la queue que les ventrales, et dont la se- conde est très-éloignée dé la première vers cette même extrémité. Ces deux nageoires sont d’ailleurs petites. Le museau est arrondi ; chaque mâchoire présente sept rangs de dents aïguës : les na- geoires ventrales sont rapprochées l’une de l'autre ; celle de la queue n'a qu’un lobe ; et des taches noires relèvent la couleur grise de la tèle et du dos. SAAAANRAANANNAARARANA RAA RAA VAR AA UV AU RAA AV RAR NA RAA M VU AAA AU AU UV AA ARS LE SQUALE DENTELÉ. N ous donnons ce nom à un squale dont la description n'a pas encore élé publiée, et dont le dos , qui est très-relevé, paroit en effet dentelé à cause d’une rangée de petits tubercules, qui sé- tend presque depuis l'entre-deux des yeux jusqu'à la première DU SQUALE BOUCLE. kr nageoire dorsale, L'ind'vidu de cette espèce que nous avons ob- ‘servé fait partie de la collection cédée par la Hollande à la France, et déposée maintenant dans les galeries du Muséum d'histoire naturelle. Tout le dessus du corps et de la queue présente des ta- ches rousses, assez grandes et irrégulières , et une couleur fon- cée règne sur la partie postérieure de toutes les nageoires, ex- cepté de la caudale. _ Les dents sont triangulaires. Une membrane qui se termine en une sorte de barbillon fcrme louverture de chaque narine:. Ja lèvre supérieure est un peu échancrée dans son milieu; les. éventis sont irès-près des yeux ; on compte cinq ouvertures. branchiales de chaque côté du corps. La première nageoire dor- sale est plus éloignée de la tête que l'anus; la seconde est voisine de la première; la nageoire caudale est divisée en deux lobes, qui sont séparés l’un de l’autre à l'extrémité de la queue, et dont l'inférieur , plus grand que le supérieur, est découpé de ma- nière à êlre sous-divisé en trois pelits lobes. Nous ignorons dans quelles mers habite ce poisson. RAA AAA AAA AAA AAA RAA ARS AAA AS AAA ANR AAA AAA AAA AR AAA AAA LE SQUALE BOUCLÉ. Le caractère distinctif de cette espèce consiste dans des tuber- cules inégaux en grandeur, larges et ronds à leur base, garnis à leur sommet d’une ou deux pointes recourbées, à peu près con- formés comme ceux que lon voit sur la raie bonclée, et répan- dus sur loute la surface du squale. M. Broussonnet a publié, le premier , et dès 1780 , la description de ce poisson, qu'il avoit faite sur un individu de quatre pieds, conservé dans le Mu- séum ‘d'histoire naturelle. Le museau du bouclé est avancé et conique ; l'ouverture de la bouche n’est pas très-grande; les dents sont comprimées, pres- que carrées , déconpées sur leurs bords , et disposées sur plusieurs rangs. La première nageoire du dos est aussi éloignée de la tête que les ventrales, qui cependant sont plus rapprochées du bout de la queue que dans plusieurs autres espèces du mème genre. Ces dernières sont d’ailleurs presque aussi grandes que les pec- torales. 248 HISTOIRE NATURELLE ÉMARA AAA AAA AAA AA VE ARS VAVAAMAT VAR AU AAA RAY LE SQUALE ÉCAILLEUX. Novs avons vu les tubercules qui revêtent le corps du requin et d’autres cartilagineux de la même famille se changer en écailles plus onu moins distinctes , et plus ou moins polies et luisantes, sur le barbu, sur le barbillon , et sur quelques autres squales : maïs c’est surtout le poisson dont nous traitons dans cet article, qui présente, dansles parties dures dont sa peau est garnie, la forme véritablement écailleuse ; et de là vient le nom que nous croyons devoir lui conserver. Les écailles qu’il montre sont assez grandes, mais inégales en élendue, ovales, et relevées par une arête lon- gitudinale. Le museau est allongé et aplati de haut en bas; l'ouverture de la bouche, un peu petite et arquée; les dents sont presque carrées, découpées dans leurs bords à peu près comme celles du squale bouclé, et plus grandes dans la mâchoire inférieure que dans la supérieure. Les nageoires dorsales sont allongées, occupent une partie du dos assez étendue , et sont armées chacune d’un aiguil- lon, comme celles de l’aiguillat, du sagre, et du humantin; et la seconde de ces nageoires est moins près de la tête que les ven- trales, qui cependant en sont assez éloignées. M. Broussonnet a parlé le premier , et dès 1780 , de cette espèce, dont il a vu un individu d’un mètre, ou environ trois pieds de longueur, dans le Muséum national d'histoire naturelle. AVANT UV UV UV AU A MU MU NU AAA AAA VU AN AAA AR AVR LE SQUALE SCIE :. ° Le nom que les anciens et les modernes ont donné à cet animal indique l'arme terrible dont sa tête est pourvue, et qui seule le sépareroit de toutes les espèces de poissons connues jusqu'à pré- sent. Celte arme forte et redoutable consiste dans une prolonga- ? Espadon, épée de mer; sag-fisk , en Suède; saw-fish, en Angleterre. Page 248. TENEVANEINNUT Pie fe de. fretre punx , 7 RL E E | | 57 ; R 1 Le Squ ale écailleux..Page 248. 2.Le Squale sçie.:....-:.... 240. 5:le Squale ane. ARE ae; DU SQUALE SCIE. 249 tion du museau , qui ,au lieu d’être arrondi ou de finir en pointe, se termine par une extension très-ferme , irès-longue , très-aplatie de haut en bas, et très-étroite. Cette extension est composée d’une matière osseuse, OU , pour mieux dire , cartilagineuse, et tres- dure. On peut la comparer à la lame d’une épée; et elle est recouverte d’une peau dont la consistance est semblable à celle du cuir. Sa longueur est communément égale au tiers de la lon- gueur totale de l'animal; sa largeur augmente en allant vers la tête, auprès de laquelle elle égale ordinairement le septième de la longueur de cette même arme, pendant qu’elle n’en est qu’un douzième à l’autre extrémité. Le bout de cette prolongation du museau ne présente cependant pas de pointe aiguë , mais un contour arrondi; et les deux côtés de cette sorte de lame mon- trent un nombre plus ou moins considérable de dents , ou appen- äices dentiformes très-forts, très-durs, très-grands et très-allon- gés. Ils font partie du cartilage très-endurci qui compose cette même prolongation; ils sont de même nature que ce cartilage, dans lequel ils ne sont pas enchässés comme de véritables dents, mais dont iis dérivent comme des branches sortent d’un tronc; et, perçant le cuir qui enveloppe celte lame, ils paroissent nus à l'extérieur. La longueur de ces sortes de dents, qui sont assez séparées les unes des autres, égale souvent la moitié de la largeur de la lame, à laquelle elle donne la forme d’un long peigne garni de pointes des deux côtés , on, pour mieux dire, du râteau dont les jardiniers et les agriculteurs se servent : aussi plusieurs natu- ralistes ont-ils nommé le squale scie, réteau ou porte-râteau. Pendant que l'animal est encore renfermé dans son œuf, ou lors- qu'il n’en est sorti que depuis peu de temps, la lame cartilagi- neuse qui doit former son arme est molle , ainsi que les dents que produisent les découpures de cette lame, et qui sont, à cette époque de la vie du squale, cachées presque en entier sous le cuir. Au reste, le nombre des dents de cette scie varie dans les différens individus, et le plus souvent il y en a de vingt-cinq à trente de chaque côté. Nous allons voir l’usage que le poisson scie fait de cette longue épée; mais achevons auparavant de faire connoître les particula- rités de la conformation de ce squale. La couleur de la partie supérieure de ce cartilagineux est grise et presque noire ; celle des côtés est plus claire , et la partie infé- rieure est blanchâtre. On voit sur la peau de très-petits tuber- 250 HISTOIRE NATURELLE cules, dont l'extrémité est tournée vers la queue, et qui par conséquent ne rendent celie même peau rude au toucher que pour la main qui en parcourt la surface en allant de la queue vers. le museau. La tête et la partie antérieure du corps. sont aplaties. L’ouver- ture de la bouche est demi-circulaire , et placée dans la partie inférieure de la tète, à une plus grande distance du bout du museau que les yenx. Les mächoires sont garnies de dents apla- ties de haut en bas, où, pour mieux dire, un peu convexes, serrées les unes contre les autres, et formant une sorte de pavé. Les nageoires pectorales présentent une grande étendue; la première dorsale est située au-dessus des ventrales , et celle de la queue est lrès-courte * Les anciens naturalistes et quelques auteurs modernes ont placé Ja scie parmi les cétacées, que l’on a si souvent confond::s avee les poissons, parce qu'ils habitent les uns et les autres au milieu des eaux. Cette première erreur a fait supposer par ces mêmes auteurs, ainsi que par Pline , que la scie parvenoit à la très-grande longueur * Principales dimensions d'un squale scie mesuré par Cormmerson , au moment où cet animal venoit de mourir. pieds. pou. lig. Longueur depuis le bout du museau jusqu'aux pointes de la prolon- gation de cette partie les plus voisines de la tête propre- TER HATEs - à se le e d LE Re te fes a MAN » 7 6 , au bord antérieur des narines. ,. ..., ..... 0 0 Da DD ONE dr M et er ot à D CIS TRANS » 8 6 SRLÉTENLS.. 2 02 Cet ce ol: sein 84 HONG à la première ouverture Dial PC ST use INR à la cinquième ouverture branchiale. .......... sucte NOT D au bout antérieur de la base des nageoires pectorales. . . .. 1 » 6 à l’origine des nageotres ventrales. . . ....:. 41.4, ....1 1 97 18 Dune 20 0 à die RE Re 1 ÉMERS T NT si PT TEEN a l'origine de la première nageoïire dorsale. . . . .. ss cite RSS 2 à l’origine de la seconde nageoire dorsale. , ......... 2 3 » à l’origine de la nageoire de la queue. . 4... .. .. ... 2 6 8 au bout de la nageoire de la queue le plus éloigné de la PR du se cas PRE RS EME RENE ARRETE UT PANNE PAR RNNRRE NOR PIRE Largeur de la tête, auprès de Postes de la bouche. 2 RU NS RS du corps, auprès des nageoires pectorales, à debut à où sp elle est la plus: grande. ‘3 28 LU UR SUU ne JA & TU SSP 3 du corps, auprès de la seconde nageoire du dos.......4 » 3 L . DU SQUALE SCIE. 251 atiribnée anx baleines, et l’on a écrit et répété que, dans des mers éloignées, elle avoit Eclo0c jusqu'a deux cents coudées de Jong. Quelle distance entre cette dimension et celles que l'observa- tiona montrées dans les squales scies les plus développés ! On n'en a guère vu au-delà de cinq mètres , ou de quinze pieds, de: lon- gueur; mais, comme tous les squales ont des muscles très-forts , et que d’ailleurs une scie de quinze pieds a une arme longue ls près de deux mètres, nous ne devons pas être surpris de voir les grands individus de l'espèce que nous examinons attaquer sans crainte et combattre avec avantage des babitans de la mer des plus dangereux par leur puissance. La scie ose même se mesurer avec la PA mysticète, ou baleine franche, ou grande baleine; et, ce qui prouve quel pouvoir lui donne sa longue et dure épée , son audace va jusqu’à une sorte de haine implacable. Tous les pêcheurs qui fréquentent les mers du Nord assurent que , toutes les fois que ce squale rencontre une baleine , il lui livre un com- bat opiniâtre. La baleine tâche en vain de frapper son ennemi de sa queue, dont un seul coup sufhroit pour le mettre à mort : le squale , réunissant lagilité à la force, bondit, s’élance au-dessus de l’eau , échappe au coup, et relombant sur le cétacée, lui en- fonce dans le dos ‘a lame dentelée. La baleine, irritée de sa bles- sure, redouble ses efforts : mais souvent, les dents de la lame du squale pénétrant très-avant dans son corps, elle perd la vie avec son sang , avant d’avoir pu parvenir à frapper mortellement un ennemi qui se dérobe Lrop rapidement à sa redoutable queue. Martens a été témoin d’un combat de cette nature derrière la Hitlande , entre une autre espèce de baleine nommée nord caper et une grande scie. Il n’osa pas s'approcher du champ de ba- taille ; mais il les voyoit de loin s’agiter, s'élancer, s’'éviter, se pour- suivre, et se heurter avec tant de force, que l’eau jaillissoit autour d'eux, et relomboit en forme de pluie. Le mauvais temps l’em- pecha de savoir de quel côté demeura la victoire. Les matelots qui étoient avec ce voyageur lui dirent qu’ils avoient souvent sous les yeux de ces spectacles imposans ; qu'ils se tenoient à l'écart jus- qu'au moment où la baleine étoit vaincue par la scie, qui se con- tentoit de lui dévorer la langue, et qui abandonnoit en quelque sorte aux marins le reste du cadavre de l'immense cétacée. Mais ce n’est pas seulement dans l'Océan septentrional que la scie donne, pour ainsi dire, la chasse aux baleines ; elle habite en eflet dans les deux hémisphères , et on l'y trouve dans presque 252 HISTOIRE NATURELLE toutes les mers. On la rencontre particulièrement auprès des côtes d'Afrique , où la forme, la grandeur et la force de ses armes ont frappé Pimagination de plusieurs nations nègres, qui l’ont , pour ainsi dire, divinisée, et conservent les plus petits fragmens de son museau dentelé , comme un fétiche précieux. Quelquefois ce squale, jeté avec violence par la tempête contre la carène d’un vaisseau , ou précipité par sa rage contre le corps d’une baleine, y enfonce sa scie qui se brise ; et une portion de cette grande lame dentelée reste attachée au doublage du bâti- ment, ou au corps du cétacée, pendant que l'animal s'éloigne avec son mæseau tronqué et son arme raccourcie. L’on conserve, dans les galeries du Muséum d'histoire naturelle, un fragment consider ablé d’une très-grande lame de squale scie, qui y a été envoyé dans le temps par M. de Capellis, capitaine de vaisseau, et qui a été trouvé implanté dans le côté d’une baleine. RARE AR RAA UE AAA AAA AAA A AR LR LAS LAURE LUE LUE LA RAM LMAMMA RAA TA. LE SQUALE ANGE*:. eee am me Dr tous les squales connus, l'ange est celui qui a le plus de rap- ports avec les raies et particulièrement avec la rhinobate. Non- seulement il est, comme ces dernières, dénué de nageoiïre de Janus et pourvu d'évents, mais encore il s’en rapproche par la forme de sa queue, par l’aplatissement de son corps, et par la grande étendue des nageoires pectorales. Il s'en éloigne cepen- dant par un autre caractère tres-sensible qui le lie au contraire avec le squale barbu , par la position de l'ouverture de la bouche; qui, au lieu d’être placée au-dessous du museau, en occupe l'extrémité. Cette ouverture, qui est d’ailleurs assez grande , forme une partie de la circonférence de la tête, qui est arrondie, aplatie, et plus large que le corps. Les mâchoires sont garnies de dents pointues et recourbées , disposées sur des rangs dont le nombre augmente avec l'âge de: | * Créac de buse, auprès de Bordeaux; squaqua et squaïe , dans plusieurs pays de V’Italie; pesce angelo, à Gènes; the monk, or angel-fish, en Angle- verre. DU SQUALE ANCE., 253 animal , et est toujours plus grand dans la mâchoire inférieure que dans la supérieure. Les narines sorit situées, comme la bouche, sur le bord anté- rieur de la tête , et la membrane qui les recouvre se termine par deux barbillons. C’est sur la queue que l’on voit les deux nageoires dorsales ; les ventrales sont grandes; la caudale est un peu en demi-cercle; et les pectorales sont très-étendues et assez profondément échan- crées par-devant. Au reste, ce sont les dimensions ainsi que la fornte de ces dernières qui les ont fait comparer à des ailes, comme les pectorales des raies, et qui ont fait donner le nom d'ange au squale que nous décrivons. Ce cartilagineux ressemble d’ailleurs à plusieurs raies par les aiguillons recourbés en arrière qu’il a auprès des yeux et des na- rines , sur les nageoires pectorales et ventrales, et sur le dos et la queue. Il est gris par-dessus, et blanc par-dessous ; et les nageoires pectorales sont souvent bordées de brun par-dessous , et blanches par-dessus; ce qui leur donne de l'éclat , les fait contraster avec la nuance cendrée du dos, et n’a pas peu contribué à les faire con- sidérer comme des ailes. L'ange donne le jour à treize petits à la fois. Les grands indi- vidus de cette espèce ont communément sept ou huit pieds ( près de trois mètres) de longueur ; mais les appétils de ce squale ne doivent pas être très-violens, puisqu'il va quelquefois par troupes, et qu'il ne se nourrit guère que de pelits poissons. Il les prend souvent en se tenant en embuscade dans le fond'de la mer , en s'y couvrant de vase, et en agitant ses barbillons, qui, passant au travers du limon, paroissent comme autant de vers aux petits poissons , et les attirent, pour ainsi dire, jusque dans la gueule de l'ange. Il habite dans l'Océan septentrional, aussi-bien que dans la Méditerranée , sur plusieurs rivages de laquelle on emploie sa peau à polir des corps durs, à garnir des étuis, et à couvrir des fourreaux de sabre ou de cimeterre. 254 HISTOIRE NATURELLE AAA AAA AAA AAA AA AAA AAA AAA QUATRIÈME GENRE. AODON. Les mâchoires sans dents ; cinq ouvertures branchiales , de chaque côté du corps. ESPÈCES. CARACTÈRES. 1, AODON MASSASA. Les nageoires pectôrales tres-longues. Les nageoires pectorales courtes ; qua- 2. AODON KUMAL. tre barbillons auprès de l’ouverture de la bouche. Un long appendice au-dessous de cha- L1 N N L2 . 3. AODON CORNU duel œil. AAA AA AAA AS AS AAA AA A AS AA AR AAA AE RAP AAA AS AAA A AAA RAA AAA L’'AODON MASSASA, ET L’'AODON KUMAL. Css deux espèces de cartilagineux ont été comprises jusqu'à présent dans letgenre des squales; mais nous avons cru devoir séparer de cette famille des animaux qui en diffèrent par un caractère aussi remarquable que le défaut total de denis, mis en opposition avec la présence de dents très-grandes, tris-fortes et très-nombreuses , telles que celles des squales. Nous en avons com- posé un genre parliculier, que nous distinguons par le non: d’aodon , qui veut dire sans dents , et qui exprime léur dissem blance avec les cartilagineux parmi lesquels on les a comptés. Au reste, le massasa et le kumal , qui habitent tousles deux dans: Ja mer Rouge, ne sont encore connus que d’après de très-courtes descriptions données par Forskael ; et nous n'avons en consé- quence rien à ajouter à ce que nous venons d’en dire dans le ta- bleau méthodique du genre qu'ils forment. DÉS AODONS id AAA AAA A _L'AODON CORNU. ? Crée aussi dans le genre de l’aodon que nous ävons cru devoir placer l'animal sans dents, dont la tête a été décrite par Brun- nich dans son ÂZistoire naturelle des poissons de Marseille, et qui a éle compris parmi les squales par cet observateur, ainsi que par M Bonnaterre. On ne connoïit encore ce poisson que par Brunnich, qui n’en a vu qu'une tête desséchée dans la col- lection de l'Académie de Pise : mais les caractères que présente cette tête suilisent pour distinguer l'animal, non-seulement des autres aodons, mais encore de tous les poissons dont on a publié jusqu'à présent la description ou la figure. Elle est plate, large de trois palmes, dit Brunnich, et comme tronquée vers le mu- seau. Les deux machoires sont garnies d’une bande osseuse et large d’un pouce. Cette bande est lisse dans la mâchoire infé- rieure, et raboteuse dans la supérieure, qui est plus avancée que l'autre. Les yeux sont grands; et un peu au-dessous de chacun de ces organes on voit s'élever un appendice cutané, long d’un palme et deini , et en forme de corne un peu contournée. , 258 HISTOIRE NATURELLE COAST V VV AAA M AA NU NY A SECONDE DIVISION. Poissons cartilagineux qui ont une membrane des branchies sans opercules. SIXIÈME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU SECOND ORDRE DE LA DEUXIÈME DIVISION DES CARTILACINEUX#. Poissons jugulaires, ou qui ont des nageoires situées sous la gorge. CINQUIÈME GENRE. LES LOPHIES. Un très-grand nombre de dents aiguës; une seule ouverture branchiale de chaque côté du corps; les nageoires pectorales attachées à des prolongations en forme de bras. PREMIER SOUS-GENRE. Le corps aplati de haut en bas. ESPÈCES. CARACTÈRES, r. LOPHIE BAUDROIE. La tête très-grosse et arrondie. >. Lorie vesrerrizron. VL€ Corps tuberculeux; le museau pointu. Le cor es-déprimé , aiguillonné AI CLONE orps très-déprimé , aiguillonné , et en forme de disque. 1 On ne connoît encore aucune espèce de poisson dont on puisse former um premier ordre, ou un ordre d’apodes, dans la seconde division des cartila- gineux. DE LA LOPHIE BAUDROTE. 257 SECOND SOUS-GENR E. Le corps comprimé latéralement. ESPÈCES. CARACTÈRES. Un long filament placé au-dessus de 1a levre supérieure . ‘et terminé par : deux appendices charnu:. 4. LOPHIE HISTRION. Un lou filament placé au-dessus de la lèvre supérieure , et térm'né par une très-petite masse charnue ; le corps rouge âtre, et présentant quelques faces noires. 5. LoPHIE CHIRONECTE. Un Long filament placé au-dessus de la lèvre supérieure, et terminé par uae irès-petite masse cha:nue ; le corps varié de noir et de gris. 6. LoOPHIE POUBLE-BOSSE. Un long filament plicé au- dessus de la lèvre supérieure , et terminé par 7. LOPHIE COMMERSON. une très-petite masse charnue ; le corps noir ; un point blanc de chaque côté. TROISIÈME SOUS-GEÈNRE. Le corps de forme conique. ESPÈCE. CARACTÈRES. lee filamens situés au-dessus de la lèvre supérieure ; des protubérances 8. LOPHIE FERGUSON. | angulenses sur la partie supérieure de la tête. AAA NRA NA AURA AE NRA AV RAA VIA VUTAE LAURE LUIAVLAAAAUE VA LA UV VV LA LOPHIE BAUDROIE". Lrs poissons que nous avons décrits jusqu'à présent sont dé- nués d’opercule et de membrane particulière destinés à f-rmer, à leur volonté, les ouvertures de l'organe de la respiration. Ceux * Rana piscatrix; marino piscatore, martino piscatore, et diavolo di mare, en Italie; baudroï, pescheteau, et galanga , dans plusieurs dépar- temens méridionanx ; t0ad-fish , frog-fish , seadevil , en Angleterre. Lacepède. 2. 17 558 HISTOIRE NATURELLE qui composent la seconde division des carlilagineux, et dont nou: allons exposer les habitudes et les formes, présentent dans cet or- gane une conformation différente : ils n'ont pas, à la vérité, d’o- percule; mais ils ont reçu une membrane propre à fermer l'ou- verture des branchies. Le premier genre que nous rencontrons sur le tableau méthodique des quatre ordres qui forment cette elivision pourvue d’une membrane branchiale sans opercule, est celui des lophies. Le nom de Zophie, en latin lophius, vient d’un mot grec (aa) qui signifie nageoire et élévation , et qui désigne Ja grande quantité d’éminences, de prolongemens et de nageoires, que l'on voit en effet sur le dos de toutes les espèces comprises dans le genre que nous allons chercher à faire connoître. Nous examinerons ce caractère avec d’autant plus d'attention , que nous le voyons pour la première fois : mais les lophies en mon- irent d’autres que nous devons considérer auparavant ; et d’abord jetons les yeux sur celui qui les a fait inscrire dans le second ordre de la seconde division *, sur la manière dont sont placées les nageoires inférieures, celles que dans tous les poissons on a comparées à des pieds. Au lieu d’être trés-voisines de l'anus , comme dans les différentes espèces de raies et de squales, ces na- geoires sont siluées très - près de l'ouverture de la bouche, et, pour ainsi dire, sous la gorge : elles sont par là bien plus anté- rieures que les nageoires pectorales, qui d’ailleurs sont plus re- culées que dans plusieurs autres poissons ; et voilà ce qui a causé la méprise de plusieurs naturalistes, qui ont regardé les nageoires jugulaires comme des nageoires 24 ae et 1. nageoires de la poitrine comme des nageoires ventrales. Cependant, pour mieux faire connoître ce qui caractérise les lophies , décrivons-en l'espèce la plus remarquable, en indiquant ce qui est particulier à à ce carülagineux , auquel nous conservons le nom de baudroie, et ce qui est commun à tous les animaux qui composent sa famille. Les nageoires inférieures, placées sous la gorge, ainsi que nous venons de le dire, et de même que dans les autres lophies, sont courtes, fortes, et composées de rayons assez mobiles pour servir à la baudroie à s'attacher, et, pour ainsi dire, à s’accrocher au fond des mers. Ces rayons sont d’ailleurs au nombre de cinq et réunis par une membrane assez lâche : aussi a-t-on cru voir dans chacune de ces deux nageoires ven- 1 Articlé intitulé Nermsenclature des poissons. DE LA LOPHIE BAUDROIE. 259 frales, ou pluiôt jugulaires, une sorte de main à cinq doigts et palmée. D’un autre côté, les nageoires pectorales , au lieu de tenir immédiatement au corps de l'animal, sont situées, ainsi que celles des autres lophies , à l'extrémité d’une prolongation charnue et un peu coudée, que l’on a voulu comparer à un bras et un avant-bras, ou à une jambe et un pied : on a regardé en conséquence les rayons des nageoires pectorales comme autant de doigts d’une main ou d’un pied ; et la baudroie n’a plus paru qu’une sorte d'animal marin à deux mains et à deux pieds, ou plutôt à quatre mains. On en a fait un quadrumane; on a dit qu ’elle étoit, au milieu des eaux de la mer, le représentant des singes, des mongous, et des autres animaux terrestres auxquels le nom de ghidéramins a été aussi donné; et comme lorsque l’imagination a secoué le joug d’une saine analogie, et qu’elle a pris son essor , elle cède avec facilité au plaisir d’enfanter de faux rapports et de vaines ressemblances, on est allé ; asqu’à supposer, dans la baudroie, des traits de l'espèce humain: On à surtout métamorphosé en mains d'homme marin ses nageoires jugulaires ; et, il faut en convenir, la forme de ces nageoires, ainsi que lès attaches de celles de la poitrine, pouvoient non pas présenter à un naturaliste exact, mais rappeler à un observateur superficiel, quelque partie de l’image de homme. Quel contraste néanmoins que celui de cette image auguste avec ioutes celles que réveille en même temps la vue de la baudroiïe ! Ceite forte antipathie qu'inspire la réunion monstrueuse de l'être le plus parfait que la Nature ait créé, avec le plus hideux de ceux que sa main puis- sante a, pour ainsi dire, laissé échapper, ne doit-on pas l'éprouver en retrouvant dans la baudroie une espèce de copie, bien in- forme sans doute, mais cependant un peu reconnoissable , du plus noble des modèles , auprès d’une tête excessivement grosse , et d’une gueule énorme presque entièrement semblable à celle d’une gre- nouille, ou plutôt d’un crapaud horrible et démesuré? On croiroit que cette tête disproportionnée qui a fail donner à la baudroie le nom de grenouille de mer , placée au-devant d’un corps terminé par une queue et doué en apparence de mains où de pieds d'homme , surmontée par de longs filamens qui imitent des eornes , et tout entourée d'appendices vermiculaires, & fait de la grande lophie qui nous occupe le type de ces images ridicules de démons et de lutins par lesquels une pieuse crédulité ou une coupable fourberie ont effrayé pendant tant de siècles l'ignorance 260 HISTOIRE NATURELLE su perstitiense et craintive, et de ces représentations comiques avec lesquelles la riante poésie a su égayer même l’austère philosophie, Aussi la baudroie a-t-elle souvent fait naître une sorte de curiosité inquiète dans l'âme des observateurs peu instruits qui l'ont vue pour la première fois, surlout lorsqu'elle est parvenue à son entier développement et qu’elle a atteint une longueur de plus de deux mètres, ou de près de sept pieds. Elle a été appelée diable de mer; et sa dépouille, préparée de manière à être très-transparente , et rendue lumineuse par une lampe allumée renfermée dans son intérieur, a servi plusieurs fois à faire croire des esprits foibles à de fantastiques apparitions. L'intérieur de la bouche est garni d’un grand nombre de dents longues, crochues et aiguës, comme dans toutes les lophies. Mais on en voit non-seulement à la mâchoire supérieure , où elles forment trois rangées, et à la mâchoire inférieure, où elles sont disposées sur deux rangs, et où celles de derrière peuvent se baisser en arrière, mais encore au palais, et sur deux carti- lages très-durs et allongés placés auprès du gosier. La langue, qui est large, courte et épaisse , est hérissée de dents semblables; et l’on aperçoit d’auiant plus aisément cette multitude de dents plus ou moins recourbées, cette distribution de ces crochets sur la langue, au gosier , sur le palais et aux mâchoires, et tout cet ar- rangement qui est soumis pour la première fois à noire examen, que l'ouverture de la bouche s'étend d’un côté de la tête à l’autre, presque dans l'endroit où cette dernière partie a le plus de lar- geur, et que cette même têle est très-grande relativement au volume du corps qu’elle déborde des deux côtés. C’est cet excès de grandeur du diametre transversal de la tête sur celui du corps, qui, réuni avec le contour arrondi du devant du museau , forme le caractère spécifique de la baudroie. L'ouverture de la bouche est d’ailleurs placée dans la partie supérieure du museau ; et, par conséquent , la mâchoire infé- rieure est la plus avancée. Derrière la lèvre supérieure, on voit les narines. Elles pré- sentent dans la baudroïe une conformation particulière. Les mem- branes qui composent l'organe de l'odorat, ou l’intérieur de ces narines, sont renfermées dans une espèce de calice à ouyer- ture étroite, que soutient une sorte de pédoncule ; le nerf olfactif parcourt la partie interne de ces pédoncules pour aller se déployer sur la surface des membranes contenues dans le creux du calice;. DE LA LOPHIE BAUDROM!IE, 26% et cette coupe, un peu mobile sur sa tige, peut se tourner, à la volonté de l'animal , contre les courans odorans , et rendre plus forte Fimpression des odeurs sur l'organe de la baudroie. L'organe de l'ouïe de cette grande lophie a beaucoup plus de rapports avec celui des poissons osseux qu'avec celui des raies et des squales * ; la cavité qui le contient n’est pas séparée de celle du cerveau par une cloison cartilagineuse comme dans les squales et les raies, mais par une simple membrane. De plus, les trois canaux nommés demi-cireulaires, qui composent une des prin- cipales portions de cet organe, communiquent ensemble ; et, dans l’endroit où leur réunion s'opère, on voit un osselet parti- culier, que l’on retrouve dans le brochet , que Scarpa a découvert dans l’anguille, dans la morue, dans la truite, et qu’il soupçonne. dans lous les poissons osseux. L'ouverture branchiale est unique de chaque côté ; et ce ca- raclère , qui est commun à toutes Îés lophies, est un de ceux qui servent à distinguer le genre de ces animaux de ceux des autres poissons, ainsi qu'on à pu le voir dans le tableanr méthodique de cette famille. On a pu voir aussi, sur ce même tableau , que les lophies n’avoient pas d’opercule pour fermer leurs ouvertures branchiales, mais qu’elles étoient pourvues d’une membrane des branchies. Dans la baudroiïe , cette membrane est soutenue par six rayons qui servent à la plier ou à la déployer, pour ou- vrir où fermer l’orifice par lequel Peau de la mer peut pénétrer jusqu'à l'organe respiraloire. Get organe ne consiste de chaque côlé que dans trois branchiës engagées dans une membrane qui les fixe plus ou moins au corps de l'animal; et l’orifice en est situé très-près de la nageoire pectorale, qui, dans certaines po- sitions , empêche de le distinguer avec facilité. Les yeux sont placés sur la partie supérieure de la tête, et très- rapprochés l’un de l’autre ; ce qui donne à l'animal la faculté de reconnoîlre très-distinctement les objets qui passent au-dessus de lui. On aperçoit entre les yeux une rangée longitudinale composée de trois longs filamens, dont ordinairement le plus antérieur a plus de longueur que les autres, s'élève à une hauteur égale au moins à la moilié de la plus grande largeur de la tête , et se ter- mine par une membrane assez large et assez longue. Cette mem- 1 Discours sur la nature des poissons. 262 _ HISTOIRE NATURELLE brane se divise en deux lobes, et l’on voit une seconde mem- brane beautoup «plus petite , et un peu lriangulaire, implantée vers sa base et sur sa partie poslérieure. Les autres deux fla- mens offrent quelques fils le long de leur tige. Au-delà de ces trois filamens très-déliés, sont deux nageoires dorsales , dont la première a une membrane beaucoup plus courte que les rayons qui y sont attachés. La nageoiïre de la queue est très-arrondie, ainsi que les pectorales *. Celle de l'anus est au- dessous de la seconde dorsale. Des barhillous vermiformes garmissent les côtés du corps, de la queue , et de Ia tête , au-dessus de laquelle paroissent quelques tubercailes ou aiguillons , particulièrement entre les yeux et la premire nageoire du dos. Au resle, la baudroie est brune par-dessus, et blanche par- dessous, et la nageoïre de la queue est noire, ainsi que le bord des nageoires pectorales. Nous avons déja dit qu’elle parvenoit à la longueur de sept pieds ; Pontoppidan assure même qu'on en a pris qui avoient plus de douze pieds de long. Cependant la peau de la baudroïe est molle et flasque dans beauconp d’endroits ; ses muscles pa- ro'ssent foibles ; sa queue, qui n'est ni très-souple ni déliée, ne peut pas être agitée avec assez de vitesse pour imprimer une grande rapidité à ses mouvemens. N'ayant donc n1 armes très- défensives dans ses tégumens, ni force dans ses membres, ni cé- lérité dans sa natation, la baudroie , malgré sa grandeur, est obligée d'employer la ressource de ceux qui n’ont reçu qu’une puissance très-limitée : elle est contrainte, pour ainsi dire , d’avoir recours à la ruse, et de réduire sa chasse à des embuscades, aux- quelles d’ailleurs sa conformation la rend ires-propre. Elle s’en- fonce dans la vase , elle se couvre de plantes marines, elle se cache sous les pierres et les saillies des rochers. $e tenant avec patience dans son réduit, elle ne laisse apercevoir que ses filamens, qu’elle agite en différens sens , auxquels elle donne toutes les fluctua- tions qui peuvent les faire ressembler davantage à des vers ou à d’autres appâts, et par le moyen desquels elle attire les poissons ne Po ere A A PTT ee Re I ED A TI RE 7 Communément la première nageoire dorsale a... . . . . . . . 3 rayons j seconde z LA 'e EDR EU TRUE TNT chaque pectorale: .74:20707. 44. 4 3 MOINE celle:de Pannes.) gas ire Le 0 es RP et celle de la queue... .. ........ 8. DE LA LOPHIE VESPERTILION. 26%. qui nagent au-dessus d’elle , et que la position de ses yeux lui permet de distinguer facilement. Lorsque sa proie est descendue assez près de son énorme gueule, qu’elle laisse presque toujours ouverte, elle se jeite sur ces animaux qu’elle veut dévorer , et les engloutit dans cetle grande bouche, où une multitude de dents fortes et crochues les déchirent et les empêchent de s'échapper. Cette manière adroite et constante de se procurer les alimens dont elle a besoin , et de pècher en quelque sorte les poissons à la ligne , lui a fait donner l’épithètle de pécheuse ; et voilà pour- quoi on Ja nommée grenouille pêcheuse et martin-pécheur, en réunissant les idées que ses habitudes ont fait naître avec celles que réveille sa conformation. Cette espèce est peu féconde, et se trouve dans toutes les mers de l’Europe. VA AN ARNAANANINAN ANA AAA AA AV AU NA VAAAANAANAA AY LA LOPHIE VESPERTILION. Carre lophie diffère de la baudroie, en ce que sa têle, au lieu d'être arrondie par-devant, s’y termine par un museau très- avancé, pointu, en forme de cône, et que l’on a comparé au soc d’une charrue. D'ailleurs l'ouverture de la bouche est élroite à proportion de la grandeur de l'animal ; et bien loin d'être placée dans la partie supérieure de la tête, elle est située sous l’infé- rieure , et même très-reculée au-dessous du museau, ce qui rap- proche la vespertilion des raies et des squales. Au-devant de celte ouverture sont les narines ; et auprès de ces organes on voit s’é- lever un appendice ou filament de substance dure et comme cornée , et qui est terminé par un tubercule. Cette extension , ainsi que la pointe que le museau présente, a fait donner à la vespertilion le nom de petite licorne , de licorne marine. La tête et le corps vont en s’élargissant jusque vers l'insertion des nageoires pectorales , où la largeur du corps diminue tout d'un coup , à peu près de moitié; et ensuite la diminution de cette même largeur s'opère jusqu’au bout de la queue par des degrés insensibles , de telle sorte que l'ensemble de la vesper- ülion offre limage d’un triangle isocele , à côtés un peu curvi- 26% HISTOIRE NATURELLE lignes , et au milieu de la base duquel est attaché un long cône formé par la queue et le derrière du corps de l'animal. Les prolongations charnues auxquelles tiennent les nageoires pectorales sont assez longues, el assez coudées pour imiter, moins imparfaitement que dans plusieurs autres lophies, un bras et un avant bras, ou une jambe et un pied *. Cette dernière confor- mation, considérée en même temps que le museau pointu, que la bouche placée sous la tête, que la grande largeur des. côlés étendus comme des ailes, et que la queue conique, a ré- veillé, pour plusieurs observateurs , l'idée d’une chauve-souris , et de là vient le nom de vespertilion , que nous lui avons con- ser vé. Les dents qui garnissent les mâchoires sont petites , crochues, et disposées ordinairement sur un rang. L'ouverture ‘des branchies est un peu demi-circulaire, et placée, de chfque côté , auprès de la prolongation charnue qui soutient la nageoire pectorale. | Tout le dessus de la lophie vespertilion présente un grand nombre de tubercules faits en forme de patelles, on de petites coupes renversées, rayonnés sur leur surface supérieure, et terminés par un sommet aigu; le dessous de l'animal est hérissé de petits aiguillons; et, excepté les nageoires de la queue et de la poitrine, qui sont blanchâtres, et celles du dos et du ventre, qui sont brunes, la couleur de ja vesperüilion est rougeâtre sur presque toules les parties du corps. Cest dans la mer qui baigne l'Amérique méridionale que Von pêche le plus souvent cette lophie, qui est peu mangea- ble, qui parvient à la longueur d’un pied et demi, ou de près d’un demi-mètre, et dont les habitudes sont analogues à celles de la baudroie. 2 D 4 La nageoire du dos à communément. «eee + + 4 eee » + +1 QTAYONSX les pectorales en ont. . . . . . . . . . . : . .. . . 10 les ventrales. . . . . RAR NE PR ERA T ar 6 celle-de:l'anustenia.: iles ile denis fée AG et celle de la queue, qui est arrondie , en à. °. . AL DE LA LOPH'E FAUJAS. 265 RAA A LU RAT VUE LULU AAA AAA RAA AAA AAA AAA AA AAA LA LOPHIE FAUJAS. nee Nov avons dit, en traitant dela raie thouin, pourquoi nous avons désiré que les services rendus par notre collègue M. Faujas , aux sciences naturelles, fussent rappelés par le nom de la lophie que nous allons décrire, qui faisoit partie de la belle collection de la Haye , et qui est encore inconnue aux naturalistes. La conformation de cette lophie est très-remarquable. Son corps est très-aplati de haut en bas : il l’est plis que celui de la baudroie , et que celui de le vespertilion ; et si l'on retranchoït la queue et les nageoires pectorales , il offriroit l'imige d’un disque parfait. L'ouverture de la bouche est un peu au-dessous de la partie antérieure de la tête. Au-dessus du museau , et presque à son extrémité , paroît une pelite cavilé , au mrilieu de laquelle s'élève une protubérance arrondie. Les marines sont très-près de cette cavité; et chacun de ces organes a deux ouvertures, dont la plus antérieure est la plus étroile, et placée au bout d’un petit tube. Les yeux , très-peu gros et assez rapprochés l’un de lautre, forment presque un carré avec les deux narines. Les ouvertures des branchies sont placées sur le disque, et plus près de l'origine de la queue que sur presque toutes les autres lophies, quoique , sur ces poissons, elles soient en général très-éloignées du museau. Le canal qui va de chacune de ces ouvertures à la cavilé de la bouche, doit donc être assez long ; mais nous n'avons pas pu connoître exactement ses dimensions , parce que nous n'avons pas voulu sacrifier à des recherches ana- tomiques l'individu apporté de Hollande, et qui étoit unique et très-entier. Ta membrane branchiale présente cinq rayons. Les nageoires inférieures où jugulaires sont attachées à des prolongemens charnus, composées de cinq rayons divisés à leurs extrémités, assèz semblables à des mains, ou au moins à des pattes, maïs plus reculées que sous la baudroie et la vespertilion; elles sont situées vers le milieu de la partie inférieure du disque, 266 HISTOIRE NATURELLE et à une distance à peu près égale de l'ouverture de la bouche , ét des nageoires pectorales. Ces dernières sont en eflet très-voisines de l'anus, et par là elles sont rapprochées des ouvertures des branchies, p: que autant que dans la plupart des autres lophies. On voit au-dessous de l'animal les prolongations charnues auxquelles elles tiennent. L'anus est situé à l'endroit où la queue touche le disque , c’est- à-dire , le corps proprement dit. Cette même queue représente un cône apiati par-dessous, et dont la longueur égale à peine la moiiié du diametre du disque. Elle se termine par une nageoire arrondie *, et montre au-dessus de son origine une petite na- geoire dorsale , et une nageoire de l’anus vers le milieu de sa sur- face inférieure. Tout le dessus du corps et de la queue de la lophie faujas est seme de très-petits tubércules, et de piquans dont la racine se divise en plusieurs branches : mais , indépendamment de ces tu- bercules et de ces aiguillons, on voit , dans la circonférence de la partie inférieure du disque , deux ou trois rangs d'espèces de mamelons garnis de filamens plus sensibles dans la rangée !a plus extérieure ; et on retrouve des élévations de même nature le long de la lèvre du dessous. Nous avons cru devoir faire connoître un peu en détail cette curieuse espèce de lophie, que nous avons d’ailleurs fait repré- senter vue par-dessus et par-dessous, et dont l'individu que nous avons décrit avoit quatre pouces, ou plus d'un decimètre , de longueur. AAA AY LA AA MALE VAVAA AAA VU VV LA LOPHIE HISTRION. nes AAA AAA C E poisson , comme tous ceux que renferme le sous-genre à la tête duquel nous le trouvons , présente un corps très-com- primé par les côtés, au lieu d’ être aplati de haut en bas, ainsi que ceux de la baudroïe, de la vespertilion, et de la lophie fau- A nn ao M No M 0 ie A RS SES * On trouve dans chaque nageoire pectorale . . . . . . Li. Lie d\A2MEANONS: à la nageoïre dorsale... , (1. Au sR ee Life AA a/celle De FANS. ee sea ele ae pis sine TES et'a cellé de "ta Queue. SM SR RO ANS f Tome 2. , NS HALO Page 266. L y #4 CO) Po ; hi) LL — Fretre pur : mn | ? : : Plee filr Sc. 1. La Lophie baudroie ..Page 2b=. C CI PE Lophie vespectrihion LES. 3.La Lophie histrion.......266. “agé | | re, À y ALE | % \ { + Ca a Le à, « : CE "4 Fe FT A” Le A # LE due: # | ” 1% ve 1 #, ; RAT he + DE LA LOPHIE HISTRION. 267 jas. Sa tête est petite; sa mâchoire inférieure est plus avancée que la supérieure, et garnie, ainsi que cette dernière, de dents très-déliées. Des barbillons bordent les lèvres; et, immédiate- ment derrière l'ouverture de la bouche, on voit une prolonga- tion, ou un filament cartilagineux et élastique, qui soutient deux appendices allongés et charnus. Derrière ce filament, pa- roissent deux autres éminences charnues, élevées, un peu co- niques, parsemées de barbillons, et dont la postérieure est la plus grosse et la plus exhaussée. Vient enfin une nageoire dor- sale. Les nageoires de la poitrine et les jugulaires sont confor- mées à peu près comme dans les autres lophies ; mais les jugu- laires ont une ressemblance moins imparfaite avec une main humaine, ou plutôt avec un pied de quadrupède. On compte quatre branchies dans chacun des deux organes de la respira- tion. Le corps est hérissé, en beaucoup d’endroits , de pelits aiguillons crochus et de courts filamens; il est d'ailleurs brun par-dessons , et couleur d’or par-dessus, avec des bandes, des raies et des taches irrégulières et brunes *. Les habitudes de la lophie histrion sont semblables à celles de la baudroie. On lui a donné le nom qu’elle porte , à cause des mouvemens prompts et variés qu'elle imprime à ses nageoires el à ses filamens , et desquels on a dit qu’ils avoient beaucoup de rapport avec des gestes comiques. Elle a d’ailleurs paru mériter ce nom par l'usage fréquent qu’elle fait, lorsqu'elle nage, de la faculté qu’elle a d'étendre et de gonfler une portion considérable de la partie inférieure de son corps, d’arrondir ainsi son volume avec vitesse, et de changer rapidement sa figure. Nous nous sommes déjà occupés ,dans notre Discours sur la nature des pors- sons , de cette faculté, que nous retrouverons dans plusieurs espèces de ces animaux à un degré plus ou moins élevé, sur la- quelle nous reporterons plusieurs fois notre attention , et que nous examinerons particulièrement de nouveau en traitant du genre des tétrodons. La lophie histrion habite non-seulement dans Ja mer du Brésil, 1 I a y ordinairement à la nageoire dorsale. . . . . . . . . . .. 12 rayons; à chaque nageoire pectorale. . . . . .. RENOM NU UR T à chaque nageoire jugulaire. . . . . . RP ER AE n'la nagreire de Fanns:. . . 4 (6 07, is COUR 7 à celle de la queue, qui est arrondie. . . . . . . . . . « . 10. 268 . ‘HISTOIRE NATURELLE mais encore dans celle qui baigne les côtes de la ‘Chine; et elle y parvient à la longueur de neufou dix pouces. Nous avons trouvé, dans les manuscrits de Commerson, la des- cription-d'une lophie dont nous avons fait graver la figure d'après un des dessins de ce célébre voyageur’. Ce cartilagineux a de trop granils rapports avec l'histrion pour que nous n’ayons pas du les rapporter lun et l'autre à la même espèce. Voici en effet Ja seule diflérence qui les distingue, et qui , si elle est constante, ne peut constituer qu'une variété d'âge, ou de sexe, ou de pays. Le filiment élastique qui s'élève derrière l'ouverture de la bou- che , au lieu de jorter un appendice charnu , divisé uniquement en deux parties, en soutient un partagé en trois lobes , dont les deux extérieurs sont les plus épais *. C'est dans la mer voisine des. côtes orientales de l'Afrique que Commerson à trouvé l'individu qu'il a décrit ,et qui avoit près de cinq pouces de long, sur deux pouces , ou environ, de large. RL VES VRAI VAT VTT LRU VURAARD LULU LE LULU D LVAUUI LAVER WAE LULU LUI AAATO LA LOPHIE CHIRONECTE". ET LA LOPHIE DOUBLE-BOSSE IN réunissons dans cet article ce que nous avons à dire de deux espèces de lophies dont la description n’a point encore élé pu- bliée, et dont nous devons la connoissance à Commerson, qui en a trailé dans ses manuscrits. La première de ces deux espèces, à laquelle le voyageur que nous venons de ciler a donné le nom grec de chironecte, qui sionifie nageant avec des mains, on ayant des nageoires faites 1 Antennarins antennâ tricorni. { Commerson, manuscrits déposés dans le Huséum d'histoire naturelle.) 2 On ne distingue pas, dans la figure qui a dû être scrupuleusement copiée sur Je dessin de Commerson , les petits barbillons et les aiguillens courts et crochus que Von voit sur la tête et le corps de l’histrion; mais ces aiguillons et ces bar- bilions sont décrits dans la partie du texte de Commerson , qui concerne son chtennarius antenné tricorni. 3 Antennarius chironectes, obscurè rubens , maculis nigris raris inspersus. { Commerson, manuscrits déjà cités.) | # Antenndrius bigibbus, nigro griseo variegatus, ( Id. z4ëd.) DE LA LOPHIE COMMFRSON. 269 en forme de mains ; a le corps comprimé par les côtés conime lhistrion : mais le Sbétont qui s'élève derrière l'ouverture de la bouche, est beaucoup plus délié et plus long que sur cette der- mère lophie; et au lieu de soutenir un appendice charnu et divisé en deux ou trois lobes, 1l est surmonté d’un petit bouton ou d’une pelite masse entièrement semblable à celle que l’on voit au bout des antennes de plusieurs genres d’insectes. Les deux prolonga- tions charnues et filamenteuses qui sont placées sur lhistrion der- rière Île filament élastique sont remplacées, sur la chironecte, par deux bosses dénuées de barbillons, et dont la postérieure est la plus grande et la plus haute. La couleur générale de l'animal est d’un rouge obscur avec des taches noires très-clair-semées ? Au reste, on le trouvera représenté, d'après un dessin de Com- mérson , sur la même planche que Phistrion. La lophie double-bosse est variée de noir et de gris. Voilà la seule dissemblance avec Ja lophie chironecte, que nous avons trouvée indiquée dans les manuscrits de Comimerson, qui n’en a laissé d'ailleurs aucune figure. Mais Commerson étoit un trop habile naturaliste, et il a dit trop expressément que la double- bosse: étoit d’une espèce différente de la chironecte et des auires lophies, pour que nous n’ayons pas dü la séparer de ces derniers cartilagineux. RAR VAR AVR SAR ARR VAR AR AR RAA RAA LR RIVER VER VAR VIRUUNUL I LIVE LA LOPHIE COMMERSON *. sm Ce poisson a été vu dans les mêmes mers que les deux lophies précédentes, par le voyageur Commerson, qui l'a décrit avec beaucoup de soin , et dont nous avons cru devoir lui donner le nom. Sa couleur est d’un noir sans mélange. On remarque seule- ment, sur chacun de ses côtés, une petite tache ronde et très- ? Ala nageoire dorsale. . . . . . . . . « …. .. 07 9 vol de 1/4 rayons: à chaque nageoire pectorale... . .. .. «44... ...... 8 à chaque nageoire jugulaire. . . , . .. ......, ... 4... 5 ou 6 hcelle de l'annee URSS ETS due, à Sa E PGM à ot a AND à celle de la queue , qui est TUE 14 Le LA LA ASIE NE LEE OR à = DOUOMTAES 2 Antennarius bivertex, totus ater, puncto mediorum laterum albo. { Com- . æerson , manuscrits déjà cités. ) 70 HISTOIRÉ NATURELLE blanche ; on en voit une moins sensible sur le bord supérieur de la nageoire de la queue ; et les extrémités des rayons des nageoires jugulaires et des nageoires peclorales sont d’une nuance un peu pâle , et coloriées de manière qu'elles imitent des ongles au bout des mains ou des pieds représentés par ces nageoires de la poitrine et par les } ugulaires. La Commerson ressemble d’ailleurs beau- coup, par sa conformation , à la chironecte et à la double-bosse, quoique plus petite que la chironecte ; elle présente cependant quelques traits particuliers que nous ferons remarquer. Le corps, très-comprimé par les côtés, est, comme celui de presque toutes les lophies, et particulièrement des deux dernières dont nous venons de parler , revêtu d’une peau épaisse , grenue, et rude au toucher. L'ouverture de la bouche est située à l'extrémité et un peu dans la partie supérieure du museau ; la mâchoire d’en-baut, dont la lèvre peut s’allonger et se raccourcir à la volonté de l'animal, représente un orifice demi-circulaire ; que Commerson trouve semblable à la bouche d’un peiit four, et que la mâchoire infé- rieure vient fermer en se relevant. Ces deux mâchoires sont hérissées de dents menues et serrées ; et l’on trouve des dents sem- blables sur la langue , sur le palais, et sur deux petits corps situés auprès du gosier. Deux bosses paroissent derrière l'ouverture de la gueule. La postérieure est plus grande que l’antérieure ; comme sur la ch1- ronecte : mais la seconde est plus grosse à proportion et plus arrondie que sur cette derniere lophie ; et, quoiqu’elle soit pen- chée vers la queue , elle ne forme pas une sorte de courbure ou de crochet , comme la seconde bosse de la chironecte. Le filament très-long et très-délié qui s'élève au - devant de ces deux bosses a été appelé antenne par Commerson , qui la trouvé conformé comme les antennes d'un grand nombre de papillons diurnes : il est en eflet, comme ces dernières, et comme le filament de la chi- ronecle , terminé par une pelite masse. Les branchies sont très-petites, maintenues par une membrane! au nombre de trois de chaque côté; et c’est derrière chaque na- geoire pectorale qu'il faut chercher une des deux ouvertures rondes, et à peine visibles, par lesquelles l'eau de la mer peut parvenir à ces organes. En examunant attentivement la mem- brane destinée à fermer de chaque côté l'ouverture branchiale ; on s'aperçoit qu’elle est soutenue par cinq rayons. DE LA LOPHIÉ FERGUSON. o7i Commerson a écrit que les nageoires jugulaires , qu’il nomme ventrales , rappellent assez bien l’image des pattes de devant d'une taupe. Les derniers rayons de la nageoire dorsale sont plus courts que ceux qui les avoisinent , au lieu d’être plus longs, comme sur la chironecte *. ‘ Cette lophie a été disséquée par Commerson , qui a trouvé que l'estomac étoit très-grand , le péritoine noirâtre, et la vessie à air tres-blanche, en forme d'œuf, et adhérente au dos. AI NAR VV VU AV MARRANT AAA AN UV VU AAA AV A VRAIES LA 2 LA LOPHIE FERGUSON. M. JAMES Forguson a fait connoître cette grande espèce de lo- phie, dont un individu de quatre pieds neuf pouces, ou de plus d’un mètre et demi, de longueur , fut pris dans la rade de Bristol en 1763. Le corps de ce cartilagineux n’est point très-aplati de haut en bas, ou comprimé par les côtés, mais en quelque sorte cylindrique et terminé par une forme un peu conique. L’ouver- ture de la bouche, placée au bout du museau,#au lieu d’être située dans la partie supérieure de la tête comme sur la baudroie, fait voir trois rangées de dents pointues, Le dessus de la tête pré- sente des protubérances noirâtres et aiguës; et, derrière la lèvre supérieure, sont implantés, l’un à la suite de l’autre, deux fila- mens durs, élastiques et très-longs , mais dénués de membrane à leur extrémité. On a représenié les * rayons des nageoires jugu- laires comme finissant par un ongle; nous n'avons pas besoin d’avertir que c’est une inexactitude. La couleur générale de Ia lophie ferguson est d’un brun foncé avec des teintes noirâtres *. 1 Ïl y a à Ja nageoire dorsale. . . . . se Te ES MR 2 08 NORS s à chaque nageoire pectorale. . ... .. Vatetetaletas à'ase, s' TR a chaque jugulaire. .. . . . . .. RE RP EU SRE LS Me 6 a la nageoire de l’anus. ,. … . . .. NT ee Poe eee MAN a celle.de:la quest... x 51. sue dits + 'OLOULRR 2 Transactions philosophiques. vol. LIIT, Dane ne 13. Les nageoires jugulaires ont chacune. . . . . . . . . . . +... 5rayons: chaque pectorgle sn ati. nisvsii + £ . MR Mae 2 te De la dorsale , qui estunique, en présente. , . . . . . . . . . . «… 10 celle de l'anus. . Em ED Melos : 4... . sacs à 0 MG et celle de la queug/ Mme, à à , , « .... . à. . RE Un 272 HISTOIRE NATURELLE AAA AAA AA AA AAA AAA RAAAARAAAANANARAAAA SANT SEPTIÈME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU TROISIÈME ORDRE DE LA DEUXIÈME DIVISION DES CARTILACGINEUX. Poissons 1horacins , ou qui ont une ou deux nageoires siluées sous le corps, au-dessous ou presque au- dessous des nagevires pectorales. SIXIÈME GENRE. LES BALISTES. La téte et le corps comprimés latéralement ; huif dents au moins à chaque mâchoire; l'ouverture des branchies très-étroite; les écailles ou tlubercules qui revétent la peau , réunis par une forte membrane. PREMIER SOUS-GENRE. Plus d’un rayon à la nageoïire inférieure ou thorachique sa la première nageoire dorsale. ESPÈCES, CARACTERES. Douze rayons, ou plus, à la nageoire x. BALISTE VIEILLE. dite ventrale ; peint d’aiguillons sur les côtés de la queue. De très-petites taches semées sur Îla partie supérieure du corps ; huit ou dix rayons contenus par une mem- brane épaisse, à la nageoire dite ventrale ; point d’aiguillons sur les cotés de la queue. 2, BALISTE ÉTOILÉ. DES BALISTES. 273 ESPÈCES. CARACTÈRES. Une large bande noire, étendue obli= { quement depuis les yeux jusqu’à la nageoire de l'anus ; huit ou dix rayons 3, BALISTE ÉCHARPE. contenus par une membrane épaisse, à la nageoiïre dite ventrale ; quatre rangs d’aigwillons sur les côtés de La queue. 4. BALISTE DOUBLE- Quatre rayons à la première nageoire |. à areuvrsLoN dorsale ; deux grands rayons à la É thorachique. SECOND SOUS-GENRE. Plus d'un rayon à la nageoire thorachique ou inférieure; un seul à la première nageoire dorsale. ESPÈCES. CARACTÈRES. Douze rayons, ou plus, à la nageoire : INOÏS. « , 5 5. BALISTE CHINOIS dite ventrale. TROISIÈME SOUS-GENRE. Un seul rayon à la nageoire thorachique ow inférieure : plus d'un rayon à la premiére nageoire dorsale. ESPÈCES. CARACTÈRES. Al {Deux rayons à la première nageoire @. BALISDE VELG. 4 dorsale; trente raÿons à la seconde ; U la queue hérissée de piquans. | , Deux rayons à la première nageoire du D EMA MEERONNE. dos ; le corps garni de papilles. Deux rayons à la première nageoire du 8. BALISTE TAcHETÉ. dos ; un grand nombre de taches sur tout le corps. Deux rayons à la première nageoire du ; dos ; vingt-cinq à laseconde ; la tête très-grande; trois ou quatre _ 9. BALISTE PRASLIN. d’aiguillons sur chaque côté de la ; plusieurs raies sur le devant u corps ; une grande tache noire de chaque côté. Deux rayons à la première nageoire du dos ; le museau avancé; l’ouverture de la bouche très-petite, et garnie de barbillons ; quarante-cinq rayons au moins à la seconde nagcoire du dos et à celle de l’anus. £0. BALISTE KLEINIEN. Lacepède. 2, 18 274 HISTOIRE NATURELLE ESPÈCES. CARACTÈRES. Deux rayons à la première nageoire ” du dos; le museau arrondi; la na- geoire de la queue terminée par une ligne droite. 31. BALISTE CURASSAVIEN. Trois rayons à la première nageoire du dos ; depuis deux jusqu’à six rangs d’aiguiilons de chaque côté de la queue; le rayon de la nageoire ven- trale fort, dentelé , et placé au -devant d’une rangée d'aiguillons. 12. BALISTE ÉPINEUX. ne Trois rayons à la première nageoire dorsale ; la queue sillonnée ; la na- geoire caudale en croissant. 13. BALISTE SILLONNÉ. md Trois rayons à la première nageoire auprès du rayon de ja nageoire ven< trale ; la nageoire de la queue , ar- rondie ; les couleurs du corps bril= Jantes et variées. 14. BALISTE CAPRISQUE. A Trois rayons à la première nageoire du dos ; des taches sur la seconde; la nageoire de la queue, fourchue. 45. BALISTE QUEUE -FOUR- CHUE. mm, dos ; celle de la queue’, terminée par une ligne droite ; une tache noire en forme de croissant, entre les yeux et les nageoires pectorales. Trois rayons à la premiéré nageoire du 16. BALISTE BOURSE. dorsale ; celle de la queue , arrondie ; de grandes taches blanches sur la partie inférieure du corps. Trois rayons à la première nageoire 17. BALISTE AMÉRICAIN. dorsale , quatre rangs -d’aiguillons de chaque côté de la queue, dont la nageoire est légerement arrondie ; de très-petites taches noires sur le corps. Trois rayons à la première nageoire 18. BALISTE VERDATRE. Trois rayons à la première nageoire dorsale ; six rangs de verrues de chaque côté de la tete ; la queue sans 19. BALISTE GRANDE-TACHE.4 aiguillons ; la nageoire caudale en forme de croissant; une grande tache blanche de chaque coté du corps. dorsale ; point de grands aiguilons. DES BALISTES. 275 ESPÉCES. CARACTÈREFS. dos ; plus de trente rayons à la se- conde , et à celle de l'anus; la na- geoire caudale en forme de croissant ; oint d’aiguillons sur la queue ; tout Le corps d’une couleur noire. Trois rayons a la première nageoire du 20. BALISTE NOIR. de croissant ; point d’aiguillons sur la queue ; un anneau de couleur très- claire autour du museau : un demi- anueau de la même teinte au-dessous de Pouverture de la bouche , et une raie longitudinale de chaque côté. £ ; 21. BALISTE BRIDE. Trois rayons à la première nageoire du dos; celle de la queue un peu en forme de croissant, et bordée de blanc; six rangées d’aiguillons dé chaque côté de la queue. à Trois rayons à la première nagenire dorsale . celle de la queue en forme 23. BALISTE ARMÉ. | | {Quatre rayons à la première nageoire 23. BÂLISTE CENDRÉ. da dos; trois bandes bleues, étroites | et courbes, sur la queue Plusieurs rangs de verrues sur lecorps, 24. BALISTE ASSASI. et trois rangs de verrues sur ia queue. QUATRIÈME SOUS-GENRE. + Un seul rayon à la nazcoire inférieure ou thorachique, ef : l& prémière dorsale. . ESPÈCES. CARACTERES. Cinquante rayons, ou à peu près, à {a OCÉROS. 25: BALISTE MON $ nageoire de l'anus. Uné trentaine de rayons , au plus, à la 36. BALISTE HÉRISSÉ. 4 nagéoire de lanus; cént petits ai- | guuilons de chaque côté de la queue. 276 HISTOIRE NATURELLE AAA AAA LM BALLE LUE VEUT MUR LULU LUE AAA AAA LE BALISTE VIEILLE *. La nombreuse famille des squales et celle des raies nous ont pré- senté la grandeur , la force, des armes terribles , des mouvemens rapides, tous les attributs de la puissance. Le genre des lophies nous a montré ensuite les ressources de la ruse qui supplée au pouvoir. ‘Toutes ces finesses d’un instinct assez étendu , et ces armes redoutables d'énormes espèces, nous les avons vues égale- ment employées pour attaquer de nombreux ennemis, pour saisir une proie abondante, pour vaincre des résistances violentes. Le genre des balistes ya maintenant déployer devant nous des moyens multiphiés de défense : mais nous chercherons en vain dans cette famille tranquille celte conformation intérieure qui donne le besoin d’assaillir des adversaires dangereux , et ces formes extérieures qui assurent le succès. En répandant dans le sein des mers les lophies et les squales, la Nature ÿ a semé et des périls cachés, et des dangers évidens , souvent inévitables : on diroit que, suspendant son souffle créateur , el réagissant en quelque sorte contre elle-même, elle a eu la destruction pour but, lorsqu'elle a produit les squales et les lophies. En plaçant au contraire les balistes au-milieu de ces mêmes mers, elle paroît avoir repris plus que jamais l'exercice de sa puissance vivifiante, et ne l'avoir dirigée que vers la conservation. Ce ne sont pas des animaux impélueux qu’elle a armés pour les combats, mais des êtres paisibles qu’elle a munis pour leur sûreté. Aussi ; lorsque nous retirons nos regards de dessus les genres que nous venons d'examiner , lorsque nous cessons d'observer et leurs diverses embuscades et leurs attaques à force ouverte, lorsque surtout, nous dégageant du milieu des requins et des autres squales très- grands el très-voraces, nous ne voyons plus les flots de la mer rougis par le sang de nombreuses victimes, ou des gouffres ani- més et insatiables engloutissant à chaque instant une nouvelle proie, et que nousarrêtons notre vue sur celte funille des balistes, que la Nature a si favorablement traïtée, puisqu'elle a été des- D ts TN ER A LR 4 Bourse, à la Mertinique ; o/d wife , en anglais. | D EE ——————————————————————— DU BALISTE VIEILLE. 277 tinée à ne faire ni recevoir aucune offense , à n'inspirer ni éprou- ver aucune crainte, nous ressentons une afleclion un peu voisine du sentiment auquel se livrent avec tant d’attraits ceux qui, par- courant Fhistoire des actes de l'espèce humaine, soulagent, par la douce contemplation des époques de vertu et de bonheur, leur cœur tourmente par le spectacle des temps d’infortunes et de crimes. à Le contraste offert par les genres que nous. venons d'examiner, et par celui qui se présente à nous , est d'autant plus marqué, et Ja sensation qu'il fait maître est d'autant plus vive, que rien ne répugne n1 à l'oeil n1 à l'esprit dans la considération de cetle in- téressante famille des balistes. Si elle ne recherche pas, les com- bats, elle ne fuit pas lâchement , même devant des ennemis trés- supérieurs en force; elle se défend avec courage ; elle use de toutes ses ressourses avec adresse ; et elle a reçu la plus brillante des parures. Nous ferons voir, en décrivant les différentes espèces qui la composent, qu’elle présente les couleurs les plus vives, les plus agréables, et les mieux opposées. En observant même les balistes les mieux traités à cet égard , on diroit que la distribution, la nuance et l'opposition de leurs couleurs ont souvent servi de modèle au gout délicat, préparant pour la beauté les orne- mens les plus propres à augmenter le don de plaire. Et que l’on ne soit pas étonné de cette empreinte de la magni- ficence de la Nature, que l'on voit sur les différentes espèces de balistes : c’est dans pe climats les plus chauds qu'eiles habitent. Excepté une seule de ces espèces, que l'on trouve dans le bassin de la Méditerranée , elles n’ont été encore vues que dans ces con- trées équatoriales , où des flots de lumière et toutes les influences d'une chaleur productive pénètrent, pour ainsi dire, et l'air, et la terre, et les eaux ; où volent dans l'atmosphère les oiseaux- mouches, ceux de paradis, les colibris, les perroquets et tant d’autres oiseaux richement décorés; où bourdonnent au milieu des plus belles fleurs tant d'insectes resplendissans d’or , de vert et d'azur; où les teintes de l’arc-en-ciel se déploient avec tant d'é- clat sur les écailles luisantes’des serpens et des quadrupèdes ovi- pares, et où, jusqu’au sein de la terre, se forment ces diamans et ces pierres précieuses , que l’art sait faire briller de tant de feux di - versement colorés. Les balisies ont aussi reçu une part distinguée des dons de la chaleur et de la lumière répandues dans les mers équator:ales , aussi-bien que sur les continens dont ces mers arro- 276 HISTOIRE NATURELLE sent les bords. Ils ajoutent d'autant plus, sur ces plages échauffées par un soleil toujours voisin, à la pompe du spectacle qu'y pré- sentent les eaux et tout ce qu'elles recèlent, qu'ils forment des troupes lrés- nombreuses. Chaque espèce de baliste renfer ‘me en effet beaucoup d'individus; et le genre entier de ces beaux pois- sons contient tant d'espèces, qu’un des naturalistes les plus habiles et les plus exercés à ordonner avec convenance et à observer avec fruit des légions d'animaux, le célèbre Commerson, s'écrie dans son ouvrage *, en tirailant des balistes : Quelle vie pourroit suffire pour décrire, pour comparer, pour bien connoître tous ceux que l’on a déjà vus ? Mais sachons quelles sont les formes sur lesquelles la Nature a disposé les couleurs diver:ifiées dont nous venons de parler. Exa- minons en quoi consislent les moyens de défense dont les balistes sont pourvus. Leur corps est très-comprimé par les côtés, et se termine le plus souvent, le long du dos et sons le ventre, par un bord aigu que l’on a comparé à une carène Îl est tout couvert de pelits tu- bercules , ou d’écailles très-dures, réunis par groupes, distribués par compartimens plus ou moins réguliers, et fortement attachés à un cuir épais Ce tégument particulier revêt non-seulement le corps proprement dit des balistes, mais encore leur têle, qui paroît le plus souvent peu distincte du corps; et il cache ainsi tout Fani- mal sous une sorle de cuirasse et de casque, que des dents tres- acérées ont beaucoup de peine à percer. Mais , indépendamment de cette espèce d'armure défensive et complète , ils ont encore, pour pr otéger leur vie, des moyens puissans de faire lâcher prise aux ennemis qui les attaquent. Des aiguillons, à la vérité très-petits, mais très-durs, hérissent souvent une partie de leur queue; et comme ils sont recourbés vers la têle, ils auroient bientôt ensanglanté la gueule des gros poissons qui voudroient saisir et retenir un baliste par la queue. Les cartilagineux du genre dont nous traitons ont d’ailleurs deux nageoires dorsales; el la première de ces nageoires présente toujours un rayon très fort, très-gros, très-long, el souvent garni de pointes, qui, couché dans une fossette placée sur le dos, et se relevant avec vitesse à la volonté de l'animal, pénètre très-avant dans le palais de ceux de leurs ennemis qui les attaquent par la PRE ER REP REP PIERRE EM. ENS Este , Shea \: Manuserits deja cités. DU BALISTE VIEILLE. 27%; partie supérieure de leur corps, et les contraint bientôt à s’en- fuir, ou leur donne quelquefois la mort par une suite de bles- sures multipliées qu’il peut faire en s’abaissant et se redressant plusieurs fois * | Les nageoires inférieures , ou, ponr mieux dire, la nageoire thorachique, et improprement appelée ventrale, présente dans les balistes une conformation que l’on n’a encore observée dans aucun genre de poissons. Non-seulement les nageoires dites ven- trales sont ici rapprochées de très-près, comme sur le male du squale roussetle ; non-seulement elles sont réunies, comme nous le verrons , sur les cycloptères parmi les cartilagineux , et sur les gobies parmi les poissons osseux ; mais encore elles sont confon- dues l’une dans l’autre, réduites à une seule, et même quelquefois composées d’un seul rayon. Ce rayon , soit isolé , soit accompagne d'autres rayons plus ou moins nombreux, est presque toujours caché en grandé partie sous la peau ; et cependant 1l est assez gros, assez fort, et souvent, assez hérissé de petites aiguilles, pour faire de la nageoire thora- chique une arme presque aussi redoutable que la première na- geoire dorsale , et mettre Le dessous du corps de l'animal à cou- vert d’une dent ennemie. Cet isolement, dans certains balistes, du rayon très -allongé que l’on voit à la première nageoire dorsale et à l’inférieure, et. sa réunion avec d’autres rayons moins puissans, dans d’autres. animaux de la même famille, sont les caracteres dont nous nous sommes servis pour répandre quelque clarté dans la description des diverses espèces de ce genre, et pour en faire retenir les attri- buts avec plus de facilité. C'est par le moyen de ces caractères que nous avons établi quatre sous-genres, dans lesquels nous avons distribué les balistes connus. Nous avons placé dans le premier ceux de ces poissons qui ont plus d’un rayon à la première nageoïre du dos et à la nageoire dite venirale ; nous avons mis dañs le second les balistes qui, nayant qu'un rayon à la première nageoire du dos, en ont ce- pendant plusieurs à la thorachique ; nous avons compris dans le troisième ceux qui, zu contraire, n'ayant qu’un rayon à la °° La manière rapide dont les balistes redressent le rayon long et épineux de leux. première nageoire dorsale a été comparée à celle avec laquelle se débandoient autrefois certaines parties d’instrumens de guerre propres à lancer des dards ; et voila d’où vient le nom de ces animaux. 226 HISTOIRE NATURELLE nageoire inférieure, en ont plus d’un à la première du dos; et enfin nous avons composé le quatrième sous-genre des balistes Ge pe présentent qu'un seul rayon tant à la nageoire inférieure qu’à la première dorsale. L'ouverture des branchies est étroite, située au-dessus et très- près des nageoires pectorales , et garnie d’une membrane qui est ordinairement soutenue par deux rayons. L'ouverture de la bouche est aussi très-peu large; et l'on compte à chaque mâchoire au moins huit dents, dont les deux antérieures sont les plus longues, qui, étant larges et aplaties de devant en arrière, ne se terminant pas en pointe, ressemblent beaucoup à celles que l’on a nommées incisives dans l’homme et dans les quadrupèdes vivipares. Elles sont , pour ainsi dire, for- üfiées , au moins le plus souvent, par des dents à peu près sem- blables , placées à l’intérieur , et appliquées contre les intervalles des dents extérieures. Ces dents auxiliaires sont quelquefois au nombre de six de chaque côté ; et comme les exlérieures et les inté- rieures sont toutes d’ailleurs assez grandes et assez fortes par elles-@ mêmes , il n’est pas surprenant que les balistes s'en servent avec avantage pour briser ‘des corps très-durs, et pour écraser non- seulement les coraux dont ils recherchent les polypes, et l'enve- loppe solide qui revêt les crustacées , dont ils sont plus où moins avides , mais encore lès coquilles épaisses qui r2cèlent les animaux marins dont ils aiment à se nourrir. Des crabes, de petits mollusques, des polypes bien plus petits encore, tels sont en effet les alimens qui conviennent aux ba- Listes ; et s’il leur arrive d'employer à atiaquer une proie d’une autre nature des armes dont ils se servent pour se défendre avec courage et avec succès, ce n’est que lorsqu'une faim cruelle les presse, et que la nécessité les y contraint. Au reste, nous avons ici un exemple de ce que nous avons fait remarquer dans notre Discours sur la nature des poissons. Nous avons dit que ceux qui se nourrissent de coquillages présentent ordinairement les plus belles couleurs : les balistes , qui préfèrent les animaux des coquilles presque à tout autre aliment, n’offrent- ils pas en effet des couleurs aussi vives qu’agréables ? Il est des saisons et des rivages où ceux qui se sont nourris de balistes en ont été si gravement incommodés, que l’on a regardé ces poissons comme Ropnut un poison plus ou moins actif, Que l'on rappelle ce que nous avons dit, au sujet des animaux DU BALISTE VIEILLE. 28 venimeux, dans le discours que nous venons de citer. Il n’est pas surprenant que, dans certaines circonstances de temps ou de lieu, des balistes nourris de mollusques et de polypes dont les sucs peuvent être mortels pour l’homme et pour quelques ani- maux, aient eu dans leurs intestins quelques restes de ces vers malfaisans qu’on n’aura pas eu le soin d’en ôter, et, par le moyen de ce poison étranger, aient causé des accidens plus ou moins funestes à l’homme ou aux animaux qui en auront mangé. Il peut même se faire qu'une longue habitude de ces alimeris nuisibles ait détérioré les sucs et altéré les chairs de quelques balistes, au point de leur donner des qualités presque aussi délétères que celles que possèdent ces vers marins : mais les balistes n’en sont pas moins par eux-mêmes dénués de tout venin proprement dit ; et les effets qu'éprouvent ceux qui s’en nourrissent ne peuvent ressembler aux suites d’un poison réel que lorsque ces cartilagi- neux ont perdu la véritable nature de leur chair et de leurs sucs, ou qu’ils contiennent une substance étrangère et dangereuse. On ne doit donc manger de balistes qu'après les plus grandes précau- tions ; mais 1l ne faut pas moins relrancher le terrible pouvoir d’empoisonner , des qualités propres à ces animaux. Les balistes s'aident , en nageant, d’une vessie à air qu'ils ont auprès du dos ; ils ont cependant reçu un autre moyen d'augmen- ter la facilité avec laquelle ils peuvent s'élever ou s'abaisser au mi- lieu des eaux de la mer. Les tégumens qui recouvrent leur ventre sont susceptibles d'une grande extension ; et l'animal peut, quanil il le veut , introduire dans cette cavité une quantité de gaz assez considérable pour y produire un gonflement très - marqué. En accroissant ainsi son volume par l'admission d’un fluide plus léger que l’eau , il diminue sa pesanteur spécifique , et s'élève au sem des mers. Ïl s'enfonce dans leurs profondeurs, en faisant sortir de l’intérieur de son corps le gaz qu'il y avoit fait pénétrer; et, lorsque la crainte produite par quelque attouchement soudain , ou quelque autre circonstance, font naître dans le baliste une compression subite, le gaz qui s'échappe avec vitesse passe avec assez de rapidité et de force au travers des intestins, du gosier, de l’ouverture de la bouche , et de celle des branchies, pour faire entendre une sorte de sifflement. Nous avons déjà vu des eflets très-analogues dans les tortues; et nous en trouverons de presque semblables dans plusieurs genres de poissons osseux, tels que les zées, les trigles et les cobites. 292 HISTOIRE NATURELLE Malsré le double secours d’une vessie aérienne , et de la dilats- tion du ventre, les balistes paroissent nager avec difficulté : c’est: que la peau épaisse, dure et tuberculeuse , qui enveloppe la. queue, Ôte à celle partie la liberté de se mouvoir avec assez de rapidité pour donner à l'animal une grande force progressive ; et ceci confirme ce que nous avons déjà dit sur la véritable cause de la vitesse de la natation des poissons. Tels sont les caractères généraux qui appartiennent à tous les balistes. Chaque espèce en présente d’ailleurs de particuliers que nous allons indiquer, en commençant par celle à laquelle nous avons conservé le nom de vieille , et que nous devons faire con- noître la première. Ceite dénomination de vz'ille vient de la nature du sifflement qu'elle produit, et dans lequel on a voulu trouver des rapports. avec les sons d’une voix afloiblie par l’âge, et de la forme de ses. dents de devant que l’on a considérées comme un peu semblables à des dents décharnées. Le baliste vieille parvient quelquefois jusqu’à la longueur de. trois pieds , ou de près d’un mètre. L'ouverture des branchies est plus grande que sur la plupart des autres balistes *; trois rangs. d'aiguillons sont ordinairement placés au-devant de la nageoire thorachique , ou inférieure , qui est très-longue , et ne contribue pas peu à défendre le dessous du corps. La nageoire de la queue est en forme de croissant; les deux rayons qui en composent les pointes se prolongent en très-longs filamens. De semblables pro- longations terminent les rayons antérieurs de la seconde nageoire du dos; et le premier rayon de la première dorsale est très-fort et dentelé par-devant. Voyons maintenant la nuance et la distribution des couleurs dont est peinte le plus sonvent cette belle espèce de baliste. Le dessus du corps est d’un jaune foncé el rayé de bleu ; ce jaune s’éclaircit sur les côtés, et se change en gris dans la partie inférieure du corps. L'ivis est rouge ; et de chaque oœ1l partent, E Il y a communément à la membrane des branchies. . . . . . 2 rayons. à la première nageoire dorsale. . . . . « + . . + . 3 alaSsecanees 1.4, 00) 2 UN AN SU a ER GR ST SC) aux nageoires pectorales . . . . . . . + «+ . - . 18 à la thorachique , improprement dite ventrale. . . . 12 à: cœlle de l'anus. n'eut tas syst el SANS et a celle de faiquemé. . ‘à < 4 à is {CUIR DU BALISTE ÉTOILE. 283 comme d’un centre, sept où huit petites raies d'un beau bleu. Cette même couleur bleue borde les lèvres, les nageoires pecto- rales qui sont jaunes, celle de l'anus qui est grise, et la caudale qui est jaune, et elle s'étend sur la queue en bandes lransver- sales, dont la teinte devient plus claire à mesure qu'elles sont plus éloignées de la tête. La vieille se nourrit des animaux des coquilles. Elle est quel- quefois la proie de gros poissons, malgré sa grandeur, sa confor- malion et ses piquans : mais alors elle est presque toujours saisie par la queue, qui, dénuée d’aiguillons, est moins bien défendue que le devant du corps, el d’ailleurs est douée d'une force à pro- portion beaucoup moins considérable; ce qui s'accorde avec ce que nous venons de dire sur la lenteur des mouvemens des ba- listes. On trouve la vieille ron-seulement dans les mers de l'Inde, mais encore dans celles d'Amérique, où cette espèce, en subissant quelque changement * dans le nombre des rayons de ses nageoires et dans les teintes de ses couleurs, a produit plus d'une variété. RARAAAARAARANAAAAAARAARANAR AAA RAA AAA AAA NIAAAAAR AAAAR AA RAA AA AAA AAA AAA VE LE BALISTE ÉTOILÉ". Dm Cr cartilagineux , décrit par Commerson, et vu par luidans la mer qui entoure l'ile de France, ne présente pas des couleurs aussi variées ni aussi vives que celles de la plupart des autres ba- listes ; mais celles qu’il montre sont agréables à l'oeil , distribuées avec ordre , et d’une manière qui nous a indiqué le nom que nous Jui donnons. Il esi gris par-dessus, et blanchätre par-dessous : des raies longitudinales et d’un blanc mêlé de gris s'étendent sur la 1 On compte dans une de ces variétés, a la première nageoire du dos. .. . . . . . . . . 3 rayons. a lasecendes VAS Pere ARE Te Le 27 auxpéétorales, . . a SR AE OR bte: 0 à 14 hlathorarchique., … di OS LS Cène: a celle de l’auus. CT . . . e . . . . . . . . » 25 « L 2 ceile de la queue, 4/0 4a lé le te» feu da Ra 3 Balistes griseus, dorso maculis lenticularibus et exalbidis consperso, ventrali upicà spuriâ. { Commerson, manuscrits déjà cités.) 284 HISTOIRE NATURELLE ‘seconde nageoire du dos'et sur celle de l'anus ; et des taches pres- que pHbbes très-petiles , el semées sur la partie supérieure du corps, la font paroître étoilée. Cette parure simple , mais élégante, fait ressortir les formes qui suivent. Un sillon assez profond est creusé sur le devant de la tête; l’ou- verture de chaque narine est double ; celle des branchies est très- étroite, placée presque perpendiculairement au-dessus de l'ori- gine des nageoires pectorales, et située au-devant d’un petit assem- blage d’écailles osseuses plus grandes que les autres. On compte à la première nageoire dorsale trois rayons, dont le premier est très-long, très-fort , et dentelé par-devant *. La nageoire dite ventrale consiste dans un rayon très-gros et trés-dur, ainsi que dans huit ou dix autres beaucoup plus courts, mais très-forts, et rendus comme immobiles par la peau épaisse dans laquelle ils sont engagés. Celle de la queue est un peu échan- crée en croissant. La seconde dorsale et celle de l’anus renferment presque un égal nombre de rayons, et par conséquent paroissent presque égales. Peut-être faudroit-1l rapporter à l'étoilé un baliste que le pro- fesseur Gmelin a nommé Ze ponctué, qu'il ne paroît avoir connu que par ce qu’en a écrit le voyageur Nieuhof, et duquel il dit seu- lement qu'il habite dans les mers de l'Inde , et qu'il a le corps ponc- tué ou semé de petiles taches. AAA AAA RAA RAA RAA AAA AA AAA ARS RAA AV IAA ARE RAA ALAN AE AAA RAR LE BALISTE ÉCHARPE" Li forme de ce poisson ressemble beaucoup à celle de presque ious les autres balistes; maïs ses couleurs très-belles, très-vives, 1 L’individu observé par Gommerson avoit seize pouces, ou près d’un denn.- mètre, de longueur. \ I! y avoit à la seconde nageoire dorsale. . . . , . . . . . . 26 rayons. aéelle de lanpss "0e AE ON PR NRC E ERRENEN L'O aux pectoraless 5% 22 RO ES PR MEET et el:a la nageoire de la queue: .. "1 PORN 0 22 Tons ces rayons étoient mous, excepté le premier de la seconde dorsale, le pre- mier de la nageoire de l’anus , le premier et le dernier de celle de la queue. 2 Balistes, rostri semi-annulo cæruleo : ; genis luteis ; ; interstitio oculorum sma- xagdino çum lineis tribus nigris transvcrsis ; fascià nigrà latissimä ab oculis ad t. Le Bahste vieille... .. Page 2. Le Balste Echarpe « Le Bahste à double uguillon Page 284 . + 11, Mascard à us ‘ ANR OA HR YEN ARE LOU 4 AE CRETE US pe ur mer À Pl d UE NE NE DU BALISTE ÉCHARPE. 285 et distribuées d’une manière remarquable, le font distinguer par- mi les différentes espèces de sa nombreuse famille. L'extrémité du museau de l’écharpe est peinte d’un très-beau bleu de ciel, qui y représente comme une sorte de demi-anneau. Ja tête est d’ailleurs d’un jaune vif, qui devient plus clair sur les côtés, et qui se change, dans l’entre-deux des yeux, en un fond d’aigue - marine , sur lequel s'étendent trois raies noires et transversales. Une autre ligne bleuâtre descend depuis le devant de l'œil jusque vers ia base de la nageoire pectorale; et, au-delà da cette ligne, une bande d’un noir très-foncé part de l’œeil, et, allant obliquement et en s'élargissant jusqu’à l'anus et à la na- gcoire anale , forme sur le corps du baliste une sorte d’écharpe pi - , que les nuances voisines font ressortir avec beaucoup d’é- clat, et qui nous a indiqué le nom que nous avons cru devoir donner au cartilagineux que nous décrivons. Cette écharpe est d'autant plus facile à distinguer, que son bord postérieur présente un liséré bleuâtre, qui, vers le milieu du corps, donne naissance à une raie de la même couleur; et cette dernière raie parvient jusques aux rayons postérieurs de la se- conde nageoire du dos, en formant sur le côté de l'animal le som- met d’un angle aigu. Entre les deux branches de cet angle, on voit sur le côté de la queue un triangle noir et bordé d’un bleu verdâtre ; et un anneau dun noir très-foncé entoure la base de la nageoire caudale. Tout le reste du corps est d’un rouge brun, excepté la partie inférieure comprise entre le museau et le bout de l'écharpe : cette parue inférieure est blanche. La seconde nageoire du dos et celle de l'anus sont transpa- rentes, ainsi que les pectorales, dont la base est noire, et doni le bout est marqué d’une belle tache rouge. Voila donc toutes les couleurs de ose ciel distribuées avec agrément et régularité sur ce baliste , et leurs teintes relevées par cette espèce d'écharpe noire qui traverse Se le corps de l'animal. À l'égard des formes particulières à ce poisson , il suffira de faire remarquer que sa tête est allongée; que l’on compte dans la première nageoire du dos trois rayons, dont le premier est den- anum obliquatä ; aculeis caudæ triaugulo nigra interclusis. (Commerson, #7anus- crits déja cites.) 286 HISTOIRE NATURFLLE telé, et le troisième très-court et éloigné des deux autres; que celle dite du ventre est composée d’un rayon gros, osseux, hérissé de pointes , el de h uit ou dix petits-rayons contenus par une mem- brane épaisse *; et que sur chaque côté die la queue il y a quatre rangées d’aiguillons recourbés vers la tête. Nous avons liré ce que nous venons c'e dire des manuscrits de Commerson , qui a trouvé el décrit le baliste écharpe dans la mer voisine de l'ile de France. ANA AAA amas AA VAR AAA AAA LE BALISTE DOUBLE-AIÏIGCILLON. Lss mers de l'Inde, si féconc'es en poissons et particulièrement en balistes, nourrissent le cartilagineux sucuel nous avons con- servé le nom de double-aiguillon, d'après le savant professeur Bloch de Berlin, qui le premier l'a fait connoitre avec ex. ctitude aux naturalistes. Cet animal présente plusieurs caractères forte- ment prononcés : son museau est tres-long et termine par une sorte de gr1oin; quatre rayons composent la première nageoire dorsale; une ligne latérale très-sensible part de l'œil, suit à peu prés la courbure du dos; et s'étend jusques à la nageoiïre caudale ; qui est fourchue ; la queue est plus étroite à proportion que dans plusieurs autres balistes; et, pour représenter la nageoire dite ventrale, on voil derrière une tache noire deux rayons très-longs; très-forts, tres-dentelés, et qui, placés à côté l’un de Fautre, peu- vent être couches vers la queue, et renfermés, pour ainsi dre, chacun dans une fossette particulière. Le baliste double-aiguillon est l’ailleurs gris par-dessus, et blan- châtre par-dessous * 1 [ly a à la seconde nageoire du dos. . . . . . . . . . . . 23 rayons. aux hagéoïres pectorales. . & . . 2 + se 18 17e 33 dla thurkehiq@es 99 6 RESONANCE FUN NS AUAGIONNES hicelle de Partis veis - sys raulbn dou sctlié 1 ANS Pen et x celle de lagqueues 25. .: he PEN 1 La nageoïre de la queue est en arc de cercle, suivant le texte de Commerson, et terminée par une ligne droite, suivant lle dessin du même auteur, 2 A la première nageoire du dos. . . + + + + « +. 4 rayons, à la seconde. ve". a ta UN CN Gal RUES MENSONSRRPET ESS DES BALISTES VELÜ ET MAMELONNÉ. 287 LE BALISTE CHINOIS. C'esr dans la mer qui arrose les rivages de la Chine que l’on trouve ce baliste , que l'on voit aussi dans celle du Brésil. La première nageoire dorsale de ce poisson ne consisle que dans un rayon très-long, très-fort, garni par-derrière de deux rangs de petites dents, et que animal peut coucher et renfermer à vo- lonté dans une fossette creusée entre les deux nageoires du dos. La ligne latéralé commence derrière les yeux , se courbe en- suite vers le bas, et devient à peine sensible , au milieu de quatre rangées d’aiguillons qui hérissent chaque côté de la queue. La nageoire qui termine celte dernière partie est arrondie: celle du ventre présente tréize rayons renfermés, pour ainsi dire, dans une peau épaisse, excepté le premier. Le baliste chinois est gris par-dessus, blanchâtre par-dessons, et communément tout parsemé de petites taches couleur d'or. Sa chair est à peine mangeable *. * AAA MA AAA AAA AA RAA AAA AA RAA RAA A AA AAA AAA LE BALISTE VELU, ET LE BALISTE MAMELONNÉ. RAA AAA RRQ Nous plaçons dans le même article ce qui concerne ces deux balistes, parce qu’ils ont de irès-grands rapports l’un avec l’autre, et parce qu'ils sont séparés par un petit noinbre de différences d'avec les poissons de leur genre. aux pectorales. . à celle de l’anus. . . . a celle de la queue. « . . + Sn ee NON MES Pa ARTS RS ENS Bite ANR MOINE NS LE ED . e . « . - . L] . o . . . 12 5 À la seconde nageoire du dos. . . : ,. + .,. :e os + + 1°. 30 aux nageoires pectoraless. . . . W du à dt + Lo ANUS à la nagediré dite -ventrafe.: . :" . :", . /oe « « «= 110009 à celle de l’anus. .. se ec 2 de US NET QT Mec de’ h'quene, : 576 2 2 0 à 0. © à 60: + 7 OUR 288 | HISTOIRE NATURELLE Le baliste velu , qui se trouve dans les mers de l'Inde , a le corps assez mince : sa première nageoire dorsale ne présente que deux rayons, dont l’antérieur est court, mais fort, et garni par- derrière de deux rangées de pointes ; de petits aïguillons recour- bés sont placés sur les côtés de la queue. La couleur de l'animal est d’un brun qui se change , sur les côtés , en jaune ; ensuite en gris, el enfin en jaune plus ou moins de et qui est sou- vent varié par des taches noires et allongées * Le mamelonné n’a que deux rayons à la Hem nageoire du dos , comme le velu; mais son corps est parsemé de petites papilles ou de petits mamelons *. Il a été pêché aupres des ri- vages de la Nouvelle-Galles méridionale. Suivant le texte de la relation anglaise du Voyage à la Nouvelle-Galles méridionale par Jean White, premier chirurgien de l'expédition commandée par le capitaine Philipp, ce poisson est d’un gris blanchâtre; et suivant la figure coloriée qui accompagne ce texte ( pl. 39, fig. 2), il est d’un jaune noirätre avec la tête lilas. E VV ANAANAANAANAANAANAANAAN AN NAN AAA AN UV RAA AA ANUS LE BALISTE TACHETÉ. TANNVV Cr poisson habite dans les mers chaudes du nouveau et de l'ancien continent. Il ressemble un peu au mamelonné par les petites papilles ou verrues qui, dans plusieurs endroits de son corps, rendent sa peau rude au toucher ; mais il en diffère par le nombre des rayons de ses nageoires, et par d’autres carac- tères dont nous allons exposer quelques-uns. Il est violet dans sa partie supérieure , et d’un blanc jaunûtre dans l’inférieure ; ses nageoires pectorales sont jaunes et presque tout l'animal est couvert de taches bleues. Cet agréable assor- EEE nent RSS 1 A la seconde nageoire dorsale. . . . . . . . . . . . . . 31 rayons. aux pectofales.' . "14". «nie + sel e ere sr OI Ie Mia celle de l'abus. MTL US ee une) 27 ONE RSERS 2 A la secondé nageoire du dos. . À Jet adi ea Te eV AE Es aux nibéoires pectoralés. sed: 00 het aie tete en 8 en MN ER a celle de lañus. ee 2 eo 0 20 quite) 5e SR NAS a celle de la ‘queue. "4 Se des + e a celle de la queue. . . 1 APN LA CP EN LES QU à A RENE DU BALISTE PRASLIN. 289 timent de couleurs s'étend sur un corps assez grand. L'orifice de chaque narine est double , et les quatre ouvertures de ces or- ganes sont placées dans une petite fossette située au-devant des yeux. On aperçoit quelques aïguillons au-delà du rayon fort et hérissé de la nageoiïre dite ventrale ; celle de lanus, qui vient ensuile , est très-large; on ne voit pas de piquans sur les côtés de la queue , dont la nageoire est arrondie *. AAA AAA VA IAA LA VU AAA AA MMA ME UMA ETS LE BALISTE PRASLIN :. D: très-belles couleurs parent ce baliste. Celle de la partie supérieure de son corps est d’un vert foncé; etsa partie inférieure est d’un beau blanc. Üne tache très-srande et très-noire relève chaque côté de l'animal ; l’on voit également sur chacun des cô- tés une raie pourpre qni s'étend depuis le bout du museau jusqu’à la base de la nageoire pectorale; et cinq autres raies, dont les deux extérieures et celle du milieu sont bleuâtres, et dont les deux autres sont rougeâtres et un peu plus larges, s'élèvent de cette même base jusqu'a l'œil. Le baliste praslin est d’ailleurs remarquable par le rouge de ses nageoires pectorales, et par le jaune que l’on voit sur les bords supérieur et inférieur de la nageoire de la queue. Ce poisson , que Commerson a décrit et dont il a dit que la longueur étoit à peu pres égale à celle de la perche, a la tête assez grande pour qu’elle compose seule près du tiers de la lon- gueur totale de ce cartilagineux. Malgré l'épaisseur de la peau qui recouvre la têle aussi bien que le corps, les lèvres peuvent FAR Premiere nageoires nn dDS.. 4. ns à ceieunie 2 lAYONS. à la.seconde... 5, Mn Guess te eg gs À 24 Aneectorales. 0. US à, 2 ‘VONT 14 celte Lans... 4 si ni. attaque el SUNRPARE 21 « 2 a cellgie laiquene, + an. « . .-.NR- 0 date :}-20 40 3 Balistes pinnä dorsi primâ radiatä; triplici aculeorum ordine ad basim cau-- dæ ; lineâ purpureä à supremo rostro-ad basim pinnarum pectoralinm ductä ; LITE culà latissimä nigrâ medium utrinque latus occupante. { Commerson, manuscrits déja cités ; quatrième cahier de zoologie.) .— Lacepède. 2. 19 ; 299 HISTOIRE NATURELLE être, comme dans les autres balistes, un peu allongées et reii- rées en arrière, à la volonté de l'animal. On voit auprès de l'ouverture des branchies un petit groupe d’écailles assez grandes et très-distinctes des autres,, que l'on se- roit tenté de prendre pour des rudimens d’un opercule placé trop en arrière. Le rayon qui forme la nageoiredite ventrale est articulé, hé- rissé de pointes comme une lime, précédé d’une double rangée de tubercules très-durs , etsuivi d’un rang d’aiguillons tres-courts, qui va jusqu'à l'anus *. Chaque côlé de la queue est d’ailleurs armé de trois ou quatre rangs de petits piquans recourbés vers la tête, et dont chacun est renfermé en partie dans une sorte de gaïne noire à sa base. Ce baliste, dit Commerson , doit être compté parmi les pois- sons saxatiles : il se tient en eflet au milieu des rochers voisms des rivages de l’île Praslin ; et c’est le nom de cetie île, aupres de laquelle se trouve son habitation la plus ordinaire , que nous avons cru devoir lui faire porter. 11 mord avec force, lorsqu'on le prend sans précaution. Sa chair est agréable et saine. RAM MMA I MA EU MU UV UV A MA AU MU M AAA UV ES LE BALISTE KLEINIEN. L À longueur de la seconde nageoire du dos et de celle de l'anus, qui renferment chacune plus de quarante-cinq rayons, est un des caractères qui servent à distinguer ce baliste , dont on doit particulièrement la connoissance à Klein. Le museau de ce pois- son est d’ailleurs avancé ; l'ouverture de sa bouche, petite et garnie de barbillons ; le rayon antérieur de la première nageoire 2 A la membrane des branchies. # « + « 6 + «+ + «+ + + + + 2 rayons. à la première nageoire dorsale. : # «+ « +: + « « s 4 « . + 2 à la seconde nageoire du dos. : .- «+ + + «+ . «+ + : . . + 25 aux nageoires pectorales, salt re etat einen ta NN . à la nagcoiïre thorachique. . « . « . + + «+ + + + « i ., ; ac ‘elle de l anus: °_ . , 0 CR ° » e e CI e e :* Q CU . e 21 a celle de la queue... 70,2 CO At hs te) SNL OR Gette dernière est terminée par une EN presque Mite. DU BALISTE ÉPINEUX. si dorsale, dentelé de deux côtés ; et la nageoire de la queue ar- rondie. Ce poisson habite dans lés mers de l'Inde. RAA VAI VAS AA AAA VAR AAA AA AAA AA AARARAAA RAA AR ARAAAR LA RAA TRES LE BALISTE CURASSAVIEN. Auris de Curassao habite ce poisson, dont la nageoire de la queue est terminée par une ligne droite , et dont les côtés brillent d'une couleur d’or trés-éclatante. Cette dorure est relevée par un point noir placé au milieu de chacune des écailles sur lesquelles elle s'étend. Le dos est brun, et le museau arrondi *. PARASITES AAA VEUT À VE AAA RAA VB AAA AAA AAA AAA AA LE BALISTE ÉPINEUX :. Los balistes compris dans le second sous-genre, et que nous venons de faire connoître, n’ont que deux rayons à la pre- mière nageoire du dos. Nous allons maintenant voir un plus grand nombre de rayons à cette première nageoire dorsale. Le baliste épineux en présente trois dans cette partie de son corps. Plusieurs piquans sont placés sur son ventre à la suite du rayon garni de pointes qui compose la nageoire thorachique; et de plus on voit, de chaque côté de la queue, des aiguillons recourbés en avañt, et dont le nombre des rangées varie depuis deux jusqu’à cinq, suivant l’âge, le sexe ou le climat. Les couleurs de ce poisson sont très-belles. Les voici telles que les décrit Com- PDP PEN SEQiNe dE. «re à à eue 2 le oo + rayons, AR Eco de. en... 0.8. 3-0. detre Re ta UN ve a HÉDIDECLONMAGM" 4 PT 2 « de) SU TE ENT MORT Se LC US NT UN RO PT OP EG ii ae Me EE" a ceMeide lagueue: £ & à #5 4 à a AN Te, 2! MENg 2 Balistes fusçus ex rubro et aureo obliquè virgatus, pinnäâ dorsi primä tria- canthà , ossiculo xyphoïde scaberrimo ; pinnarum ventralium loco, aculeis aritror- sùm versis duplici ordine utrinque ad caudam, (Commerson, #2anuscrits déjà cités ; quatrième cahier de zoologie.) 299 HISTOIRE NATURELLE merson , qui a observé plusieurs fis ce baliste en vie et nageant au milieu des eaux qu'il préfère. L'animal est d’un brun foncé ; mais ,sur ce fond obscur, des raies transversales, rouges sur le devant du corps, et dorées sur {e derrière, s'étendent oblique- ment, et répandent un éclat très-vif. Les yeux, les lèvres , et la base des nageoires pectorales, sont d’ailleurs d’un rouge de vermillon dont on aperçoil des traces plus on moins fortes, et mélées avec un peu de jaune , sur les autres nageoires *, el par- ticulièrement sur celle de la queue, où les intervalles qui sé- parent les rayons sont bleuâtres. Ce baliste habite la mer Rouge et la mer de l’Inde, au milieu de laquelle Commerson Fa pêché parmi les rochers, les coraux , ei les récifs qui avoisinent l'île Praslin. Ce voyageur dit que ce poisson est trés-bon à manger. Nous croyons devoir rapporter à cetle espèce le baliste décrit per le professeur Gmelin sons le nom de verruqueux, et que Linné avoit déjà fait connoître dans lexposition des objets qui composoient la collection du prince Adolphe-Frédéric de Suède. Ce baliste verruqueux ne difitre en eflet de l'épineux qu’en ce que leraygn qui représente la nageoire dite ventrale est garni de verrues, au lieu de l'être de pointes plus aiguës. Mais si ce caractère doit être regardé comme constant, il ne peut servir à établir qu’une simple variété. ARAANANAAAAANAAN AAA AAA AA AAA AAA RAI UNE MAR RAAAAARA AAA AMV APE LE BALISTE SILLONNÉ. Loksque ce baliste est en vie, il présente une couleur d’un beau noir sur toutes les parties de son corps, excepté sur la base de sa seconde nageoire dorsale , et de celle tie l'anus. Une raie longitudi- nale blanche, et quelquefois bleue , s'étend sur ces bases. Une ran- Z À la membrane des branchies. . à la première dorsale. . . . . à la Seconde: |. nf .7 07 ne e e. 0] LI e e ° ° . L e . 2 ray On3: « e . e e e . . e . e . 3 SUR EN EN RE NNREEn aux pectopales: + ;. Li euetyet 4e Dire NPA 160, SORT RO a celle de l’anns.,. 1. 1,4 no ins réa te MERS) a celle de la queuc. e e. . . . . 02 e ] °. . . » e e « 10 Cette dernière est terminée par une ligne presque droite. DU BALISTE CAPRISQUE. 293 gée de tubercules garmit lintervaile compris entre l'anus et le rayon qui tient lieu de nageoire thorachique *. Les côtés de la queue sont comme sillonnés; chacune des écailles qui les revéient présente dans son centre un tubercule où petit aiguillon obtus tourné vers la tête ; et, par une suite de celte conformation , ces côlés sont plus rudes au toucher que la partie antérieure du corps. On trouve le sillonné dans la mer de la Chine, et dans celle qui borde les côtes orientales de l'Afrique. AAA SAS AU VV AU AU VA RAA A ANRARAAAAAAAAARARAAAAAARANNIAAPS LI LE BALISTE CAPRISQUE :. O x ne trouve pas seulement ce poisson dans les mers chaudes de l'Inde et de l'Amérique , on le rencontre aussi dans la Mé- diterranée ; et c’est à ce cartilagineux que Pline a , d’après Aris- tote , appliqué le nom de caper, et qu'il à attribué la faculté de fire entendre unesorte de bruit ou de petit sifflement, laquelle apparent en effet à tous les balistes , ainsi que nous l’avons vu. Les couleurs du caprisque sont belles et chatoyantes : 1l présente en Amérique , et d’après les dessins enluminés de Plumier , une teiute générale d’un: violet clair et chatoyant , qui donne à tout son corps les nuances variées que lon admire sur la gorge des pigeons; et l'iris de ses yeux , assez grand , d’un bleu très-vif, et bordé d’un jaune éclatant, paroît, au milieu du fond violet dont nous venons de parler, comme un beau saphir entouré d’un cercle d'or. À des latitudes plus élevées, et particulière- ment dans la Méditerranée , le caprisque est quelquefois semé de taches bleues sur le corps , et bleues ainsi que rouges sur les nageoires ;. et des nuances vertes se font remarquer sur plusieurs — — z A la première nageoire dorsale, , : P Se RER à à Le D PARENEs à la seconde. . . RO Nec NOT AR PO OL amiripeeturales. 700 + 2e ee 2 8 0e Danser à 15 Mocclleidé Pass, LR VO COCURIIN. TEE SN DU LU à-celle de la queue. ,. . +, . .. dr ete 118 NE tUtS Cette dernière est en fogme de croissant. 2 Porc, dans plusieurs départemens méridionaux ; porco , en Sicile et dans E ; ; d’autres contrées de l'Italie; caper, aper; porcus, sus et mus marinus, p:z - » Ï plusieurs auteurs anciens. 294% HISTOIRE NATURELLE parties de l'animal. 1! ne diffère d’ailleurs des poissons de sa fà- mille que par les caractères distinctifs que l’on a déjà pu voir sur le tableau de son genre , et par le nombre des rayons qui composent ses nageoires. LE BALISTE QUEUE-FOURCHUE. me sx première nageoire du dos de ce poisson est composée de trois rayons , dont l’antérieur , très-long et très-fort, représente une sorte de corne, et est hérissé, de tous les côtés, de tuber- cules et de petites dents. La seconde nageoire dorsale est d’ail- leurs remarquable par les taches qu’elle présente ; et celle de la queue est fourchue. | VV VU ANA ARAAIAT VA VV UV VAR VV RAY VU AU AY AU VA RAA AAA VV UV UV UV UV VV VU VAR VER LE BALISTE BOURSE, ET LE BALISTE AMÉRICAIN. LL faut prendre garde de confondre le premier de ces poissons avec le baliste vieille, qui , selon Plumier et d’autres voyageurs, a reçu, dans quelques colonies occidentales , et particulière- ment à la Martinique, le nom de bourse. Celui dont il est ques- tion dans cet article, non-seulement n’est pas de la même espèce que la vieille, mais encore appartient à un sous-genre différent. Ce cartilagineux présente une couleur d’un gris plus où moins foncé sur toutes ses parties, excepté sur la portion antérieure et inférieure du corps , qui est blanche; et ce blanc du dessous du corps est séparé du gris, d’une manière si tranchée, que la limite qui divise les deux nuances forme une ligne très-droite , placée obliquement depuis l'ouverture de la bouche jusqu'à la nageoire de l'anus. On voit d’ailleurs de chaque côté de l'animal une bandelette noire en forme de croissant, située entre l'œil et l2 nageoire pectorale, et quirenferme dans sa concavité une lache DES BALISTES BOURSE ET AMÉRICAIN, 293 également noire et faite en forme d'une sorte d’Y grec’. Ce poisson habite auprès de l’île de France; et c’est M. Sonnerat, lan des plus anciens correspondans du Muséum d'histoire na- turelle, qui l'a fait connoître. Malgré les rapports qui lient le baliste bourse avec le baliste américain , 1l est aisé de les distinguer l’un: de l’autre , même au premier coup d'œil, en regardant la nageoire de la queue : elle est terminée par une ligne droite sur la bourse, et on la voit arrondie sur le baliste américain. Ce dernier a de plus sur cha- que côté de la queue trois rangées de petits aiguillons recourbés que l’on ne trouve pas sur le balise bourse, et les nuances, ainsi que la distribution des couleurs, sont très-différentes sur l'un et l’autre de ces poissons, L’américain ne présente que du blanc et du noir, mais disposés d’une manière qui lui est par- ticulière. Tont son corps.est noir; et sur ce fond, un blanc très- éclatant environne l'ouverture de la bouche comme un double cercle , s'étend en petite bandelette au-devant des yeux, occupe la gorge, paroît en grandes taches irrégulières de chaque côté du baliste, et se montre sur les nageoires pectorales, sur la seconde: du dos, sur celle de l'anus , et sur la base de celle de la queue * Telle est la parure de goût que montre l'américain non-seule- ment dans les mers voisines de l'Amérique équatoriale, dans les- quelles il a été observé par plusieurs voyageurs, mais encore dans celle qui sépare l’Afrique de PAsie, et dans laquelle il a été examiné par Commerson , qui l’a décrit avec beaucoup de soin. 7 A la première nageoire dorsale. . . , , + + ai ele et .:93.F8ÿ0nS EME: FT LR RS UE LR UE are RL NT CCM Er 29. mtChaquemagedire pectorale) 44112 US URL ALQE, 14 atdelleide anus bee tt. dos D Poudte free 10 Mn ha men 22 20 à ceHedelaqueue. . :. . . « . nr : A 12 LA Je premire nascoire du des. US is hs es 2 3 I SPORE NE IN TR QU tac ere One INR PER Te | Fi aux pectorales. DE AS Vi lueMEt te «1 010 OUEN moe detame EE Mia. Hans pue La ar or 5728 à celle de la queue. . + : : . 296 HISTOIRE NATURELLE PAR AAAAA VA AAA LUIAAB VEUVE AAA AA AAA AAA AA AAA AAA AS. LE BALISTE VERDATRE*. LE BALISTE GRANDE-TACHE*, LE BALISTE NOIR ;, LE BALISTE PRIDÉ, ET LE BALISTE ARMÉ #. Nous plaçons dans le même article ce que nous avons à exposer relativement à cinq espèces de balistes que les naturalistes n’ont pas encore connues , et dont nous avons trouvé des dessins ou des descriptions plus ou moins étendues dans les manuscrits de Commerson. e Le verdâtre est un des plus grands de son genre. Nous avons iiré le nom que nous lui avons donné de la couleur qui domine le plus sur ce cartilagineux. La plus grande partie de son corps est, en eflet, d'un vert mêlé de teintes de brun et de jaune : mais on voit un point noir au cenire de presque toutes les écailles, ou; pour nueux dire, de tous les groupes que les écailles forment. Les deux côtés de la tête sont d’ailleurs d'une couleur d'or fon- cée ; le sommet en est d’un bleu noirâtre avec de petites taches presque jaunes; et un bleu plus clair règne sur la parie infé- rieure du museau, ainsi.que sur la poitrine. Une bande noire et un péu indéterminée descend des yeux jusqu'aux bases des na- geoires pectorales. Ces nageoires, la seconde du dos, celle de l’a- us, et celle de là queue, sont blanchâtres , et bordées de noir; et enfin on voit une belle couleur jaune à l'extrémité des nageoires pectorales et sur les côtés de la queue, à l'endroit où ils sont garnis de quatre rangs d’aiguillons recourbés. La membrane des branchies est soutenue par six rayons cachés T Balistes è fnsco viridescens , genis aureis, gulâ subteriüs pallidè cærules- cente: pinnis dorsi, ani, et caudæ, basi obsolete flavescentibus, extimo limbo nigris. (Commerson, manuscrits déja cités.) 2 Balistes fuscus, maculâ pectorali maximâ, postremisque pinnarum margini- bus albis, caudâ inermi longè bifurcâ, genis sextuplici verrucarum serie notatis, ( Commerson. ) 3 Balistes totus niger. ( Commerson.) # Balistes sextuplici aculeorum ordine ad caudam utrinque, candà margine sxlremo eï lateribus albâ. (Commerson.) DES BALISTES VERDATRE , etc. 297 sons une pean épaisse; on compte plusieurs aiguillons à la suite de la nageoire thorachique; celle de la quene est légèrement arron- die ; et on n’aperçoit aucune ligne latérale *. La vessie aérienne est argentée. L'individu observé par Com- merson , et qui étoit feinelle, contenoit des milliers d'œufs : et cette femelle étoit ainsi pleine au mois de janvier, dans la mer qui baigne l'ile de France , mer dont les eaux servent aussi d'ha- bitation aux quatre autres espèces dont nous allons parler dans cet article. Le baliste grande-tache, la première de ces quatre espèces , est, comme le verdâtre , un des plus grands Balistes. Sa couleur est d’un brun tirant sur le livide, et plus clair sur le ventre que sur le dos; et ce fond est relevé par une tache blanche très-étenduë que l’on voit de chaque côté du corps, et par une ligne blanche qui borde l'extrémité de presque toutes les nageoires. Il n'y a aucune pointe sur les côtés de la queue ; mais ceux de la tête présentent un caractère que nous n’avons encore fait remar- quer sur aucun baliste : ces deux faces latérales montrent six rangs de verrues disposées longitudinalement, et séparées par une peau unie. La nageoire de la queue est en forme de croissant ; les deux pointes en sont Irès-prolongées *. Occupons-nous maintenant du baliste noir. Son nom indique la couleur que ce cartilagineux présente, et qui est en eftet d’un noir plus ou moins foncé sur toutes les parties du corps, excepté le milieu du croissant formé par la nageoire caudale, qui est bordé de blanc. Indépendamment de cette teinte sombre et presque unique, ce baliste est séparé de celui que nous appe- lons la grande tache , par Fabsence de verrues disposées sur des rangs longitudinaux de chaque côté de la tête; mais 1l s’en rap- proche en ce que sa queue est dénuée d’aiguillons comme celle 7 A la membrane des branchies. . : . . . . . . . . . . . 6 rayons. a la première nageoire du dos. + . . . . . to ques 6 milano sin et LU és CR Eire 25 a chacune des pectorales. . . . . SAM NE er lee, ES avellesie l'annsss k * 24 à celle de larqueue: .” +: . : . < 12 2, stgremierprasenire du'dése … + 4, 0e) ANS" ot tale OURS ARC OM NUE UT à 1 us: Sie here SN MS DOS MECS Us 00 2 21 ee TEST RSR a celle de Fans) LU à 1 28 DCE EI Pen 2 ASC LT Ten nn SAR EE 298 HISTOIRE NATURELLE de la grande-tache , et terminée par une nageoïre qui représents un croissant à pointes très-longues *. On voit plusieurs petits pi- quans au-delà de la nageoire dite ventrale. Il nous reste à parler du bridé et de l’armé. Nous avons trouvé parmi les dessins de Commerson la figure d’an baliste dont les caractères ne peuvent convenir à aucune des espèces du même genre déjà connues des naturalisies, ni à aucune de celles dont nous traitons dans cette histoire. Les ma- nuscrits de ce savant voyageur , qui nous ont été remis, ne nous ayant présenté aucun détail relatif à cette figure, nous ne pou- vons faire connoître le baliste auquel elle appartient , que par les traits que son portrait a pu nous montrer. Le premier rayon de la nageoire du dos, qui en renferme trois, est long, très-fort, et dentelé par-devant : celui qui remplace ou représente la na- geoïre dite ventrale est articulé, c'est-à-dire , composé de plus d’une piece; et de plus il est suivi de plusieurs piquans. Il n’y a point d’aiguillons sur la queue , et la nageoiïre qui termine cette derniére partie est un peu en forme de croissant. On voit auprès de l'ouverture des branchies, et comme sur l'étoilé, un groupe d’écailles assez grandes , qui rappelle en quelque sorte l’opercule que la Nature a donné à presque tous les poissons. La couleur de l'animal est uniforme et foncée, excepté sur la tête, où, de chaque côté, une bandelette d’une couleur très-claire part d’au- près des nageoires pectorales, s'étend jusqu’au museau, qu’elle entoure, el au-dessous duquel elle se lie avec un demi-anneau d'une nuance également très-claire. Ce demi-anneau , l'anneau qui environne l'ouverture de la bouche, et les deux raies qui s'avancent vers les nageoires pectorales, forment un assemblage qui ressemble à une sorte de bride ; et de la vient le nom de bridé que nous avons donné au baliste que nous examinons. Nous appelons baliste armé une autre espèce de la même famille, dont nous avons vu , parmi les manuscrits de Commer- son, un dessin et une courte description. Lorsque ce voyageur voulut examiner un individu de cette espèce qu’on avoit pêché 2 DÉS EE * À la première nagcoire dorsale. . . . . . . «+ « . . « . 3 rayons: a la secontles 5 US fe OMS SRE CR ES a chaque péctorale. : 4 4 : . . + . . 4. : . . . 16 n'celle de Phanas, 27 590 D UNE do 12 SN DS SEE à celle de fn'quede. 4 4 à à 4 4 s D 4 4 4 4 MON Ten DU BALISTE CENDRÉ. 299 quelques heures auparavant, ce poisson avoit perdu presque toutes ses couleurs; il ne lui restoit qu’une bändeleite blanche à l'extrémité et de chaque côté de la nageoire de la queue, qui étoit un peu conformée en croissant. On voyoit sur chaque face laté- rale de cette même queue six rangs d’aiguillons recourbés ; et c'est à cause du grand nombre de ces petits dards que nous avons donné à l'animal le nom d'armé. La première nageocire du dos étoit soutenue par trois rayons, et celui de la nageoire thora- chique étoit suivi de plusieurs piquans. On s'apercevra aisément que l’armé a beaucoup de rapports avec l’épineux; mais, indé- pendamment de la distribution de ses couleurs, et d’autres diffé- rences que l’on trouvera sans peine, 1l a sur la queue un plus grand nombre de rangs de pointes recourbées, et les aiguillons qui accompagnent son rayon thorachique sont plus petits et plus courts. CRAN DA AAA AAA VAN AAA AA RAA AA AAA AAA AR AVR VAR AA LA AAA RAA AA AAA AA RS LE BALISTE CENDRÉ. se | sb mers voisines de l’ile de France sont encore l'habitation de ce poisson , dont la tête est très-grande, la couleur générale d’un gris cendré, et qu’il est aisé de distinguer de tous les balistes qui le précèdent sur le tableau du troisième sous-genre de ces cartila- gineux,, par les quatre rayons qui composent sa première na- geoire dorsale. On le sépare facilement de tous les animaux déjà connus de sa famille , en réunissant à ce caractère la présence de trois bandelettes bleues et courbes qui sont placées sur chaque côté de la queue, et celle d’une bande noire qui va de chaque œil-à la nageoire pectorale la plus voisine. Indépendamment des trois raies bleues, on voit des piquans sur les deux faces laté- rales de la queue de ce baliste, dont M. Sonnerat a publié le premier la description, et dont Commerson a dessinié la figure *. oo 1 1 A la première nageoire dorsale. . . . . . . . . . . . . . 4 rayons. a la seconde. + ...t. ei at VI LUE ee à BEF aux pectorales. . , « SES ie CO du VD NEC a celle de l’anus. 4 . . . RAIN DR SUR SRE RUES à celle de la queue , qui est un peu arrondie, UREMNEN ET 300 HISTOIRE NATURELLE AAAANAANAANIA AAA AAA AAA AA AA AAA AAA AAA AVE LE BALISTE ASSASI. | HER a observé sur les rivages de l’Arabie ce poisson de la mer Rouge, qui montre sur son corps un grand nombre de verrues brunes , et, sur chaque face latérale de sa queue , trois rangées de verrues noires. Get animal, dont on mange la chair, quoiqu'elle ne soit pas irès-succulente, présente d'ailleurs une disposition de couleurs assez régulière, assez variée, et très_ agréable. La partie supérieure de ce baliste est brune, l'inférieure est blanche; et sur ce double fond on voit du jaune autour des lèvres, quatre raies bleues et trois raies noires placées en travers et alternativement au-devant des yeux, une raie d’une teinte fon- cée et tirée de la bouche à chaque nageoire pectorale, chacune de ces deux raies obscures surmoniée d’une bandelette jaune, Jancéolée , et bordée de bleu, et d’une seconde bandeletie noire également lancéolée , une tache allongée et blanche sur la queue, une autre {ache noire et entourée de fauve à l'endroit de l'anus; et enfin du roussâtre sur presque toutes les nageoires. RAAAAARAAAAA AAA TARA VU LULU RAA AS LA AAA ERA AA LUE AAA AAA LAUA/R LE BALISTE MONOCÉROS. ed Nous voici parvenus au quatrième sous-genre de balistes. Nous ne trouverons maintenant qu'un seul rayon à la première na- geoire dorsale et à la thorachique. A la tête de ce sous-genre, nous avons inscrit le manocéros. Ce nom de #10nocéros, qui dé- signe la sorle de corne unique que l’on voit sur le dos du poisson, a été donné à plusieurs balistes. Nous avons déjà vu que Plumier lavoit appliqué au chinois; mais, à l'exemple de Linnéet d’un grand nombre d’autres naturalistes , nous lemployons unique- ment pour l'espèce que nous décrivons dans cet article. Le baliste monocéros , que l’on trouve dans les mers chaudes de l’Asie et du nouveau continent, parvient ordinairement à la longueur d’un pied. Il est varié de brun et de cendré ; et la cou- Tome 2. 12 2 Page 500. Le Mis : Prêtre par e AL. Massard. 272 ë 1.Le Baliste cendré....Page 290. 2.Le Baliste monoceros..…... 900. 3.Le Baliste herisse .. .. ...3ot. DU BALISTE HÉRISSÉ. 301 Jeur brune est distribuée sur la nageoire de la queue en trois bandes transversales, qui ressortent d'autant plus que le fond de celte nageoire est d’un jaune couleur d’or, comme toutes les autres nageoires de ce cartilagineux , et comme l'iris de ses yeux. L'entre-deux de ces organes de la vue est plus élevé au-dessus de l'ouverture de la bouche que sur plusieurs autres balistes. Le rayon qui représente la première nageoire dorsale est très-long, recourbé vers la queue, retenu par une petite membrane qui attache au dos la partie postérieure de sa base, et garni, des deux côtés , de piquans tournés vers cette même base. La nageoire de l’anus et la seconde du dos renferment un très- grand nombre de rayons *. Le monocéros vit de polypes et de jeunes crabes. ‘1 paroit que l'on doit rapporter à cette espèce un baliste qui a une grande ressemblance avec le monocéros, mais qui parvient jusqu’à la longueur d'un méire, ou d'environ trois pieds, qui présente des taches noires , rouges et bleues, figurées de manière à ressembler à des lettres , et qui, par une suite de cette disposi- tion de couleurs, a été nommé /e baliste écrit. On ne sera pas étonné d'apprendre que ce baliste, paré de nuances plus variées que le monocéros ordinaire, se nourrit fréquemment d'animaux a coquille , et de ceux qui construisent les coraux. Sa chair passe pour malfaisante et même vénéneuse, vraisemblablement par une sxute des efets funestes de quelques-uns des alimens qu'il préfére. RARE AR AA VAAAAA AAAA AA AAVR A RAAARRAAA AAR RAMAAAULAAAA AAAAAAAA AAMMAMAAANAA TE LE BALISTE HÉRISSÉ:. el © É 9 : . °. Le C> poisson est d’un brun presque noir sur toute sa surface , exceplé sur ses nageoires pectorales, la seconde du dos ei celle de z A la seconde nageoire du dos. Se ee et. AS TAYORR aux pectorales. . . . se Lire AUD es LT à celle de l’anus. . . . . De NDE EAU: A8 À ESPN ATOUT à celle de la queue, qui est arrondie, 2 Porté-vergette : balistes è fusco nigrescens ; capitis radio singulari, unde= quaque spinuloso ; Jateribus caudæ setis acicularibus centum circiter, scoparur more compacts. ( Commerson , manuscrits déja cités.) 302 HISTOIRE NATURELLE l'anus, qui sônt ordinairement d’un jaune très-pale. On le tfonve dans les mers de l'Inde, et particulièrement auprès de l’île de France, où il a été très-bien observé par Commerson. On le voit aussi auprès des rivages de la Caroline; et il y présente souvent sur la queue une tache noire entourée d’un cercle d’une nuance plus claire. Sa hauteur est à peu près égale à la moitié de sa lon- gueur totale. L'iris paroît d’un brun très-clair, et la prunelle bleuâtre. Le rayon de la première nageoire dorsale est énorme- ment long, épais, et garni de pointes plus nombreuses et plus courtes que sur le monocéros * ; celui qui compose la nageoire thorachique est armé de piquans plus longs et plus forts. De chaque côté de la queue et un peu avant la nageoire cau- dale, on voit une centaine de petiles pointes inclinées vers la tête , et disposées de manière que Commerson en compare l'eñ- semble à une vergette, et a donné le nom de porte-vergette au baliste que nous décrivons. Le même voyageur rapporte que le hérissé peut se servir de ces deux cents petites pointes comme d'autant de crochets, pour se tenir attaché dans les fentes des rochers au milieu desquels 1l cherche un asile. Aussi est-1l très- difficile de le prendre ; et Commerson ne dut l'individu qu’il a examiné, qu'au violent ouragan qui ravagea l'ile de France en 1772, et qui jeta ce poisson sur la côte. Ce baliste a d’ailleurs, sur la nageoire même de la queue, plu- sieurs épines plus petites encore que celles dont nous venons de pârler, et qui sont sensibles plutôt au tact qu’à la vue. On n'aperçoit pas de ligne latérale ; la nageoire caudale est un peu arrondie. » A la seconde nagcoire du dos. +. .: 1.4... +). .... (+4. 97iTaNons. HAMRECLOTAIES) «0. ee le Mae siens © 0e ee Von e, ae e T ES ndsllerde l'anus. (ut, JS NE CRE LM ER à gelle de la queue. a Gas.u@ le aires t al el Pt ne NT Ne 12 DE LA CHIMÈRE ARCTIQUE. 303 PARA AR AA AAA AA AAA AAA AAA A AAA AURA AA AAA AAA AAA HUITIÈME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU QUATRIÈME ORDRE DE LA DEUXIÈME DIVISION DES CARTILACINEUX. Poissons abdominaux, ou qui ont des nageoires situées sous le venfre. SEPTIÈME GENRE. LES CHIMÈRES. Üne seule ouverture branchiale de chaque côté du cou; la queue longue, et terminée par un long filament. ESPÈCES. CARACTÈRES. 1 LA CHIMÈRE ARCTIQUE. Des plis poreux sur Île museau. 2 LA CHIMÈRE ANTARCTIQUE. Le museau garni d’un long appendice, CRAN AAA NNIARA AAA AAAAAARAAR AAA AA AAANAI NRA ARARAANAANAAAAAAAAAANARANNNY AV AAA LA CHIMÈRE ARCTIQUE. Cssr un objet très-digne d'attention que ce grand poisson cartilagineux, dont la conformation remarquable lui a fait donner Je nom de chimère, et mème celui de chimère monstrueuse par Linné et par d’antres naturalistes, et dont les habitudes l'ont fait nommer aussi le singe de la mer. L’agilité et en même temps l'espèce de bizarrerie de ses mou- vemens, la mobilité de sa queue très -longue et très-déliée, la manière dont il montre fréquemment ses dents, et celle dont il remue inégalement les diflérentes parties de son museau souples et flexibles ;, ont , en effet, retracé aux yeux de ceux qui l'ont observé l'allure, les gestes et les contersions des singes les plus 304 HISTOIRE NATURELLE | connus. D'un autre côté, tout le monde sait que l’imagination poétique des anciens avoil donné à l'animal redoutable qu’ils ap- loient chimère une tête de lion et une queue de serpent. La longue queue du cartilagmeux que nous examinons rappelle celle d’un reptile ; et la place ainsi que la longueur des premiers rayons de la nageoiïre du dos représentent , quoique irès- -impat- faitement , une sorte de crinière, située derrière la tête qui est irès-grosse, ainsi que celle du lion , et sur laquelle s'élève dans le mâle , à l'extrémité d’un petit appendice, une petite toufle de fila- inéns déliés. D'ailleurs les différentes parties du corps de cet ani- mal ont des proportions que l'on ne rencontre pas fréquemment dans la classe cependant très-nombreuse des poissons , et qui lui donnent , au premier coup d'œil, l'apparence d’un être mons- trueux. la conformation bitituilière des parties sexuelles, tant dans le mâle que dans la femelle, et surtout l'appareil ex- térieur de ces parties, ajoutent à l’espèce de tendance que l'on 4, dans les premiers momens où l'on voit la chimère arctique, à ne Ja considérer que comme un monstre, et doivent la faire ob- server avec un intérêt encore plus soutenu. N On a assimilé en quelque sorte sa tête à celle du lion : on a voulu , en conséquence, la couronner comme celle de ce dernier et terrible quadrupède. Le lion a été nommé /e roi des animaux : on a donné aussi un empire à la chimère ; et si l’on n’a pu su pposer sa puissance établie que sur une seule espèce , on l’a fait régner sur une des plus nombreuses, et plusieurs auteurs l'ont appelée le roi des harengs , dont elle agite et poursuit les immenses co- Jonnes. On ne connoît encore dans le genre de la chimère que deux espèces ; l’arctique dont nous nous occupons, et celle à laquelle nous avons donné le nom d’antarctique. Leurs dénominations indiquent les contrées du globe qu'elles habitent ; et c'est encore un fait digne d’être observé, que ces deux espèces ; qui ont de très-grands rapports dans leurs formes et dans leurs habitudes, soient séparées sur le globe par les plus grands intervalles ; que l’une ne se trouve qu’au milieu des mers qui environnent le pôle septentrional, et qu'on ne rencontre l’autre que dans les eaux situées auprès du pôle antarctique, et particuliérement dans la partie de la mer du Sud qui avoisine ce dernier pôle. On diroit qu’elles se sont partagé les zones glaciales. Aucune de ces deux espèces ne s'approche que rarement des contrées tempérées ; elles \ DE LA CHIMÈRE ARCTIQUE. $05 e se plaisent, pour ainsi dire, qu'au milieu des montagnes de glace , et des tempêtes qui bouleversent si souvent les plages po- De et si l’antarctique s’avance, au milieu des flots de la mer du Sud, beaucoup plus près des tropiques, que la chimère arc- tique au milieu des ondes agitées de l'Océan boréal, c'est que l'hémisphère austral , plus froid que celui que nous habitons, offre une température moins chaude à une égale distance dé la ligne équatoriale , et que la chimère antarctique peut trouver dans cet hénusphère, quoiqu'à une plus grande proximité de la zone torride, le même degré de froid , la même nature ou la même abondance d’alimens , et les mêmes facilités pour la fécon- dation de ses œufs ; que dans l’hémisphère septentrional. Mais avant de parler plus au long de cette espèce antarctique , continuons de faire connoître la chimèëre qui habite dans notre hémisphère, qui de loin ressemble beaucoup à un squale , et qui parvient au moins à trois pieds de longueur. Le corps de la chimére arctique est un peu comprimé par les côtés, très-allongé ; et va en diminuant très-sensiblement de gros- seur depuis les nageoires pectorales jusqu’à l'extrémité de la queue. La peau qui la revêt est souple, lisse, et présente des écailles si petites, qu’elles échappent, pour ainsi dire, au tou- cher, et cependant si argentées , que tout le corps de la chimère brille d'un éclat assez vif. Quelquefois des taches brunes, répan- dues sur ce fond , en relèvent la blancheut. ( _ La tête est grande, et représente une sorte de pyramide, dont le bout du museau forme la pointe, et dont le sommet est presque à la même hauteur que les yeux. Le tégument mou et flexible qui la couvre est plissé dans une très- “grande étendue du côté inférieur, et percé dans cette même partie , ainsi que sur les faces latérales, d’un nombre assez considérable de pores ar- rondis , grands, et destinés à répandre une mucosité plus ou moins gluante. Les yeux sont très-5ros. À une petite distance de ces organes, on voit de chaque côté du corps une ligne latérale blanche , et quelquefois bordée de brun , qui s'étend jusque vers le milieu de la queue , ÿ descend sous la partie inférieure de l'animal, et va s'y réunir à la ligne latérale du côté opposé. Vers la tête, la ligne latérale se divise en plusieurs branches plus où moins sinueuses, dont une s'élève sur le dos, et va joindre un rameau analogue Lacépède. 2 20 806 HISTOIRE NATURELLE de la ligne latérale opposée. Deux autres branches entourent l'œil , et se rencontrent à l'extrémité du museau ; une quatrième va à la commissure de la bouche ; et une cinquième, placée au dessus de cette dernière , serpente sur la portion inférieure du museau , où elle se confond avec une branche semblable, partie du côté correspondant à celui qu’elle a parcouru. Tous ces ra- meaux forment des sillons plus ou moins profonds et plus où moins interrompus par des pores arrondis. Les nageoires pectorales sont très-srandes, un peu en forme de faux, et attachées à une prolongalion charnue. Celle du dos com- mence par un rayon triangulaire tres-allongé, tres-dur, et den- telé par derrière : sa hauteur diminue ensuite tout d’un coup; mais bientôt aprés elle se relève, et s'étend jusques assez loin au- delà de l'anus, en montrant toujours à peu près la même élé- vation. Là un intervalle très-peu sensible la sépare quelquefois d’une espèce de seconde nageoire dorsale , dont les rayons ont d’abord la même longueur que les derniers de la première, et qui s’abaisse ensuite insensiblement jusque vers l’extrémité de la queue , où elle disparoit. D'autres fois cet intervalle n'existe point ; el bien loin de pouvoir compter trois nageoires sur le dos de la chimère arctique, ainsi que plusieurs naturalistes l'ont écrit, on n’y en voit qu’une seule. Le bout de la queue est terminé par un filament très-long et tres-delié. Il y a deux nageoires de l'anus : la première, qui est très-courte et un peu en forme de faux , ne commence qu’au- delà de l'endroit ou les lignes latérales aboutissent l’une à l’autre; la seconde est très-étroite et se prolonge peu. Les nageoires ven- trales environnent l'anus, et tiennent, comme les pectorales, à un appendice charnu. La bouche est petite ; l'on voit à chaque mâchoire deux lames osseuses, à bords tranchans, et sillonnées assez profondément pour ressembler à une rangée de dents incisives , et tres-distinctes l'une de lautre; il ya de plus au palais deux dents communé- ment aplaties et triangulaires. Indépendamment de la petite houppe qui orne le bout du museau du mâle, et dont nous avons parlé, ila, au-devant des nageoires ventrales, deux espèces de petits pieds, ou plutôt d’ap- pendices, garnis d’ongles destinés à retenir la femelle dans l’ac- couplement. La chimère s'accouple donc comme les raies et les squales; les œufs sont fécondés dan: le ventre de la mère, et l’on DE LA CHIMÈRE ARCTIOBE. 30% doit penser que le plus souvent ils éclosent dans ce mème ventre comme ceux des squales el des rates : mais ce qui est plus digne de remarque, ce qui lie la classe des poissons avec celle des ser- pens , et ce qui rend Îes chimères des êtres plus extraordinaires el D singuliers , c'est que , seules parmi tous les poissons connus jusqu’à présent, elles paroissent feconder leursœufs non-senulement pendant un accouplement réel, mais encore pendant une réunion intime, et par une véritable intromission. Plusieurs auteurs ont écrit en effet que les chimères mâles avoient une sorte de verge double: el j'ai vu sur une femelle assez grande, un peu au-delà ÿ l'anus, deux parties très-rapprochées, saillantes ; arrondies, assez grandes , membraneuses, plissées, extensibles el qui présentoie n* chacune l'origine d’une cavité que j'ai suivie Jusque dans l'ovaire correspondant Ces deux a ppendices déiventêtre considéréscom me une double vulve destinée à à recevoir le double membre génital du mâle: et nous devions d'autant plus les faire connoître, que cette conformation, très-rare dans plusienrs classes ER) 4 est très-éloignée de Été que présentent le plus souvent les parties sexuelles des femelles des poissons. La chimère arctique, cet animal extraordinairé par sa forme ; vit, ainsi que nous l'avons dit au commencement de cet article, : au milieu de l'Océan septentrional. Ce n’est que râre- ment qu'il s'approche des rivages; le temps de soi accouple- ment est presque le seul pendant lequel il quiite la haute mer : il se tient présque toujours dans les profondeurs de l'Océan , où il se nourrit le plus souvent de crabes, de mollusques, et dt, ani- maux à coquille; et s il vient à la surface de l’eau , ce n’est guère que pendant la nuit , ses yeux grands et SH be ne pouvant supporter qu'avec peine l'éclat de la lum'ëre du Jour , auomerilé par la réflexion des glaces boréales. On l'a vu cependant altaquer ces lég gions innombrables de harengs dont la mer du Nord est cou- verle à certaines époques de l’année, les poursuivre, et faire sa proie de plusieurs de ces foibles animaux. Au reste , les Norwégiens, el d'autres habitans des côtes septen- trionales, vers lesquelles il s'avance quelquefois , se nourrissent de ses œuf, et de son foie, qu'ils préparént avec plus ou moins de soin. 308 HISTOIRE NATURELLE NA AA MER UML VEUVE RAA AE AAA LR LUNA EL L5/T9 LA CHIMÈRE ANTARCTIQUE:. Cire chimère, qui se trouve dans les mers de l'hémisphère méridional, et particulièrement dans celles qui baignent les rivages du Chili et les côtes de la Nouvelle-Hollande, ressemble beau- coup, non-seulement par ses habitudes , mais encore par sa con- formation , à la chimère arctique. Elle en est cependant séparée par plusieurs différences, que nous allons indiquer en la décri- vant d’après un individu apporté de l'Amérique méridionale par le célèbre voyageur Dombey. La peau qui la recouvre est , comme celle de la chimère arctique, blanche, lisse, et argentée; le corps est également très-allongé, et plus gros vers les nageoires pecto- rales que dans tout autre endroit, Mais la ligne latérale , au lieu de se réunir à celle du côté opposé , se termine à la nageoire de l'anus; le filament placé au bout de la queue est plus court que sur l’arctique ; on voit sur le dos trois nageoires très - distinctes, très-séparées l’une de l'autre, dont la dernière est très-basse, la seconde en forme da faux, ainsi que la première, et la première soutenue vers la tète par un rayon long, très-fort et très-dur. Les nageoires peclorales et venirales sont attachées à des espèces de prolongations charnues. La tête est arrondie ; elle présente plu- sieurs branches de deux lignes latérales qui serpentent sur ses côtés, entourent les yeux, aboutissent aux lèvres ou au museau, ou se réumissent les unes aux autres : mais ces rameaux ne sont pas creusés en sillons, ni disposés de la même manière que sur l'arctique ; et ce qui forme véritablement le caractere distinctif de Ja chimère antarctique, c’est que le bout de son museau , et en quelque sorte sa lèvre supérieure, se termine par un appendice cartilagineux , qui s'étend en avant et se recourbe ensuile vers la bouche. Cette extension, assimilée à une crête par certains au- teurs, a fait nommer la chimere antarctique Le poisson coq, et, comparée à une trompe par d’autres écrivains , a fait appeler la mème chimère poisson éléphant. La chair de ce cartilagineux est insipide, mais on en mange cependant quelquefois. Il parvient ordinairement à la longueur de trois pieds. EEE a + 1 Chalgua, achagual, en langue arauque. Pretre pinx : A MC ; Giuyard Se. 1. La Chimere arctique .. Page 303. TER Le 2. La Chimecre antaretique ELA OU: 5 Le Polvodon feuille" 309. Le DU POLYODON FEUILLE. 30% RAA AAA AAA VAR VA AE LA AA AE MAMA AAA TEA ETAT AR, TROISIÈME DIVISION. Poissons carlilagineux qui ont un opercule des branchies sans membrane branchiale. \ DOUXIÈME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU QUATRIÈME ORDRE DE LA TROISIÈME DIVISION DES CARTILAGINEU X. Poissons abdominaux, o4 qui ont deux nageoires situées sur le ventre. HUITIÈME GENRE. LES POLYODONS. Des dents aux mâchoires et au palais. ESPÈCE. CARACTÈRES. {Le museau presque aussi long que le d corps , et garni, de chaque côté, LE roLYODON FEUILLE, d’une bande membraneuse , dont la contexture ressemble un peu à celle des feuilles des arbres. RAA AA AAA AAARAAR RAA AAA AAA ARARAA AAA AA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA RAM AS LE POLYODON FEUILLE. Los conserve depuis long-temps, dans les galeries du Muséum d'histoire naturelle, plusieurs individus de cetle espèce, qui ont été apportés sous le nom de chiens de mer feuilles, et qui ont même élé indiqués sous ce nom dans l'Encyclopédie méthodique 310 HISTOIRE NATURELLE par M, Bonnaterre, qui ne les a vus que de loin , au travers de verres épais, et sans pour oir en donner aucune description, Ayant examiné de près ces poissons, je me suis aperçu sans peine qu'ils étoient de la sous-classe des cartilagineux, et qu'ils avoient de très- grands rapports de conformation avec les squales ou chiens de mer, mais qu'ils devoient être placés dans un genre très- chffé- rent ie celui de ces derniers animaux. En nr les squales ont, de chaque côté du corps, ay moins quatre ouvertures branchiales; et ces poissons nommés ftuilles n'en ont qu’une de chaque côté, D'ailleurs les branchies des squales et celles des poissons feuilles ne son! pas organisées de mème, ainsi qu'on va le voir; et de plus les carhlagineux dont il es! question dans cel article ont un très-grand opercule sur les ouvertures dé leurs branchies, et les squales n’en présentent aucun. J'ai donc séparé les polyodons des squales; et comme leurs ouvertures branchiales sont garnies d'un opercule, et que cependant elles n’ont pas de membrane, j'ai dû les placer dans la seconde division des cartilagineux. Les nageoires véritablement ventrales, placées sur l'abdomen de ces animaux, déterminent d’ailleurs leur position dans l'ordre des ab:lominaux de cette seconde division, etcet crdren’ ayant encore. renfermé que le genre des acipensères, ces derniers poissons sont les seuls avec lesquels on pourroit être tenté de confondre les, polyodons. Mais les acipensères n'ont pas de dents proprement dites ; et les polyodons en ont un très- grand nombre. J'ai donc. été her de rapporter à un genre particulier les poissons feuilles ;. et c'est à ce genre, que l’on n’avoit pas-encore reconnu , que Je. donne le nom de polyodon, qui désigne le grand nombre de ses dents, et le caractère qui le distingue le plus de tous les ani- maux placés dans l'ordre auquel 1 appartient. La feuille est la seule espèce de poisson déjà connue qui doive faire partie de ce genre. Elle est très-aisée à distinguer par l’ex- cessive prolongation de son museau , dont la longueur égale pres- que celle de Ha tête, du corps et de la queue. Ce museau, très- allongé, seroil aussi très-étroit, et ressembleroit beaucoup à celui du xiphias espadon, dont nous parlerons dans un des articles suivans, s’il nétoit pas élargi de chaque côté par une sorte de bande mémbraneuse. Ces deux bandes sont légèrement arrondies, de manière à donner un peu à l’ensemble du museau la forme d'une spatule : elles laissent voir, à leurs surfaces, une très-grande quantité de petits vaisseaux ramifiés, dont lassemblage peut être, DU POLYODON FEUILLE. 5tr comparé au réseau des feuilles, et voilà d’où vient le nom de Juille , que nous avons cru devoir laisser à ce polyodon. L’onverture de la bouche est arrondie par-devant , et située dans la partie inférieure de la tête. La mâchoire supérieure est garnie de deux rangs de dents fortes, serrées et crochues; la mà- choire inférieure n’en présente qu’une rangée : mais on en voit sur deux petits cartilages arrondis qui font parlie du palais, et'iè y en a d’autres très-petites sur la partie antérieure des deux pre- mières branchies de chaque côté. Les narines.sont doubles, et placées au-devantet très-près des yeux. Chacun des deux opercules est irès-grand ; il recouvre le coté de la tête, s'avance vers le bout du museau jusqu’au-delà des yeux qu'il entoure, et se termine, du côté de la queue, par une porlion triangulaire et beaucoup plus molle que le reste de cet opercule. Lorsqu'on le soulève, on aperçoit une large ouverture, et l’on voit au-delà cinq branchies cartilagineuses demi-ovales, et garnies de franges sur leurs deux bords. La frange extérieure de la quatrième est à demi engagée, et celle de la cinquième est entièrement renfermée dans une membrane qui-s’aliache à la parlie de la tête la plus voisine; mais celles des trois premières sont libres, ce qu'on ne voit pas dans les squales. Les deux ouvertures branchiales se réunissent dans la partie inférieure de la tête, et s’y terminent à une peau molle qui joint ensemble ies deux opercules. Les nageoires. pectorales sont petites. Il n’ÿ en a qu’une sur le dos ; elle est un peu en forme de faux, et le commencement de sa base est à peu près au-dessus des nageoires ventrales. La na- geoire de l'anus est assez. grande , et celle-de la queue se divise en deux lobes. Le supérieur garnit les. deux côtés de la queue pro- prement dite qui se dirige vers le haut; et l'inférieur se prolonge de manière à former , avec le premier, une sorte de grand crois- sant. On voit une ligne latérale très-marquée qui s'étend depuis l'opercule jusqu'a la nagcoire caudale ; mais la peau ne présente ni tubercules ni écailles ‘visibles. Les individus que j'ai examinés ayant été conservés dans de Valcool, je n'ai pu juger qu'imparfaitement de la couleur du polyodon feuille. Le corps ne paroïssoit avoir été varié par au- cune rai, lache, ni bande; mais les opercules étoient encore par: semés de petites. taches rondes et. assez régulières. 312 _ HISTOIRE NATURELLE L'intérieur du polyodon feuille que j'ai disséqué ne m’a montré aucun trait de conformation remarquable, excepté la présence d’une vessie aérienne assez grande, qui rapproche le genre dont nous nous occupons de celui des acipensères, et l’éloigne de ce- lui des squales. Le plus grand des polyodons feuilles que j'ai vus n'avoit guère que dix ou onze pouces ( un peu plus de trois décimètres } dé longueur; mais ils avoient tous les caractères qui appartien- nent, dans les poissons , aux individus très-jeunes. On peut done présumer que l'espèce que nous décrivons parvient à une gran- deur plus considérable que celle de ces individus. Nous ne pou- vous cependant rien conjecturer avec beaucoup de certitude re- lativement à ses habitudes, sur lesquelles nous n'avons recu aucun renseignement , non plus que sur les mers qu’elle habite : tout ce que nous pouvons dire, c’est que; par une suite de la conformation de ce polyodon, elles doivent, pour ainsi dire, tenir le milieu entre celles des squales et celles des acipensères. On seroit tenté , au premier coup d'œil, de comparer le parti que le polyodon feuille peut tirer de la forme allongée de son museau, à l’usage que le squale scie fait de la prolongation du sien. Mais , dans le squale scie, cette extension est comme osseuse et très-dure dans tous ses points, et elle est de plus armée, de chaque côté, de dents longues et fortes, au lieu que, dans le polyodon feuille , la partie correspondante n’est dure et solide que dans son milieu , et n’est composée dans ses côlés que de membranes plus ou moins souples. On pourroit plutôt juger des eflets de cette prolongation par ceux de l'arme du xiphias espa- don, avec laquelle elle auroit une très-grande ressemblance sans les bandes molles et membraneuses dont elle est bordée d’un bout _à l’autre. Au reste, pour peu qu’on rappelle ce que nous avons dit, dans le Discours sur la nature des poissons , au sujet de la natation de ces animaux, on verra aisément que cet allongement excessif de la tête du polyodon feuille doit être un obstacle assez grand à la rapidité de ses mouvemens. DE LACIPENSÈRE ESTURGEON. 315. BAAVVIAAS VITALE VAT AAA IAA VU VA AA AAA AAA LE VRR LAUTURTUR A VILLES LULAAS LRAVSE NEUVIÈME GENRE, LES ACIPENSÈRES. L'ouverture de la bouche, située dans la partie inférieure de la tête, réfractile, et sans dents; des barbillons au- devant de la bouche; le corps allongé, et garni de plusieurs rangs de plaques dures. PREMIER SOUS-GENRE. Les lèvres fendues. ESPÈCE. CARACTÈRES. Quatre barbillons plus près ou aussi 1. L’ACIPENSÈRE ESTURGEON. près de l'extrémité du museau que de l'ouverture de la bouche. SECOND SOUS-GENRE. Les lèvres non fendues. ES PÈCES. CARACTÈRES. Le museau à peu près de la longueur 2 L'ACIPENSÈRE HUSO, du grand diamètre de l'ouverture de la bouche. Le museau trois ou quatre fois plus 3. L’ACIPENSÈRE STRELET. long que le grand diamètre de l’ou- verture de la bouche. e museau un peu recourbé, élargi vers son extrémité, et cinq ou six fois plus long que le grand diamètre L 4. L’ACIPENSÈRE ÉTOILÉ. | de l’ouverture de la bouche. BARAAA AAA ARS AAA AAA AAA AA AVR AA RAA AAA AAA AAA AAA AA AAA AA AAA AAA AA AAA AAA AAA AAA AARAARANRAA AE L’ACIPENSÈRE ESTURGEON :. Lox doit compter les acipensères parmi les plus grands pois- sons. Quelques-uns de ces animaux parviennent, en effet, à une ? Estourgeon , dans plusieurs départemens méridionaux , sturium et créac, 314 HISTOIRE NATURELLE longueur de plus de vingt-cinq pieds ( près de neuf mètres). Mais s'ils atteignent aux dimensions du plus grand nombre de squales, avec lesquels leur conformation extérieure leur donne d’ailleurs. beaucoup de rapports ; s'ils voguent , au milieu des ondes, leuxs. égaux en grandeur, ils sont bien éloignés de partager leur puis- sance. Ayant reçu une chair plus délicate et des muscles moins fermes , ils ont été réduits à une force bien moindre ; et leur bouche plus petite ne présente que des cartilages plus ou imoms endurcis, au lieu d'être armée de plusieurs rangs de denis ai- guës, longues et menaçantes. Aussi ne sont-ils le plus souvent dangereux que pour les poissons mal défendus par leur taille ou par leur conformation ; et, comme ils se nourrissent assez sou- vent de vers, ils ont même des appétits peu violens, des habi- tudes douces , et des inclinations paisibles. Extrèmement féconds, ils sont répandus dans toutes les mers et dans presque tous les grands fleuves qui arrosent la surface du globe, comme autant d'agens pacifiques d’une Nature eréatrice et conservatrice, au lieu d’être, comme lés squales, les redoutables ministres de Ja des- truction. Et comment l'absence seule des dents meurtrières dont la gueule des squales est hérissée ne détermineroit-elle pas cette grande différence ? Que l’on arrache ses armes à Pespéce la plus féroce , et bientôt la nécessité aura amorti cette ardeur terrible qui la dévoroit ; obligée de renoncer à une proie qu'elle ne pourra plus vaincre, forcée d’avoir recours à denouvelles allures: condamnée à des précautious qu’elle n’avoit pas connues, con- trainte de chercher des asiles qui lui étoient inutiles, imprégnée de nouveaux sucs, nourrie de nouvelles substances, elle sera , au bout d’un petit nombre de générations, assez profondément modifiée dans lonte son organisation, pour n'offrir plus que de Ja foiblesse dans ses appétits , de la réserve dans ses habitudes , et même de la timidité dans son caractere. Parmi les différentes espèces de ces acipenséres, qui aflireni Fattention du philosophe , non-seulement par leurs formes, leurs dimensions, leurs affections, et leurs manières de vivre, mais encore par la nourriture saine , agréable, variée et abondante qu'elles fournissent à l'homme, ainsi que par les matières utiles dont elles enrichissent les arts, la mieux connue et la plus,an- RE ER Rent dans d’antres ; porcelleto, adello, adano , adeno , attilus , et sturrone, en #talie; the sturscon, en Angleterre; stent , an flimand'; store, en Danemarck; s'or, en Suede, DE L'ACIPENSÈRE ESTURGEON. 315 ciennement observée est celle de lesturgeon , qui se trouve dans presque toutes les contrées de l'ancien continent. Elle ressemble aux squales, comme les autres poïssons de sa famille, par l'allon- gement de son corps , la forme de la nageorre caacie ; qui est divisée en deux lobes inégaux, et celle du museau , dont l'extré- mité, plus ou moins prolongée en avant, est aussi plus où moins arrondie. L'ouverture de la bouche est placée, comme dans le plus grand nombre de squales, au-dessous de ce museau avancé. Des carti- ages assez durs garnissent les deux machoires et tiennent lieu de dents : la vie supérieure est, ainsi que l’mférieure, divisée au moins en deux lobes ; et l'atinal peut les avancer lutte et V autre, ou les retirer à volonté. | Entre cette ouverture de la bouche et le bout du museau, on voit quatre filamens déliés rangés sur une ligne transversale, aussi éloignés de cette ouverture que de l'extrémité de la tête, et même quelquefois plus rapprochés de cette dernière partie que de la première. Ces barbillons, très-menus, très-mobiles, et un peu semblables à de petits vers, attirent souvent de petits poissons imprudens jusqu’auprès de la gueule de Festurgeon , qui avoit caché presque toute sa tête au milieu des plantes marines ou flu- vialiles. Au-devant des yeux, sont les narines , dont l'intérieur pré- sente une organisation un peu différente de celle que nous avons vue dans le siége de l’odorat des raies et des squales, mais qui offre une assez grande étendue de surface pour donner à l'animal un grand nombre de sensations plus où moins vives. Dix-neuf membranes doubles s’y élèvent en forme de petits feuillets, et aboutissent à un centre commun, comme autant de rayons. L'ouverture des branchies est Frmiés de chaque côté par un opercule, dont la surface supérieure montre un grand nombre de stries plus ou moins droites, et réunies presque toutes dans un point commun el à peu près central. Des stries disposées de même et plus ou moins saillantes paroïs- sent Le plus souvent sur les plaques dures que l'on voit former plusieurs rangées sur le corps de lesturgeon. Ces plaques rayon nées et osseuses, que l’on a nommées de petits boucliers, sont convexes par-dessus, concaves par-dessous, un peu arrondies dans leur contour, relevées dans leur centre , et terminées, dans cetle parlie exhaussée, par une pointe recourbée et tournée vers 316 HISTOIRE NATURELLE la queue. Elles forment cinq rangs longitudinaux qui partent de la tête, et qui s'étendent jusqu'aupres de la nageoire de la queue, excepté celui du milieu , qui se termine à la nageoire dorsale. Cette rangée du milieu est placée sur la partie la plus élevée du dos, et composée des plus grandes pièces ; les deux rangées les plus voisines sont situées un peu sur les côtés de l’esturgeon, et les deux les plus extérieures bordent d’un bout à l’autre le dessous du corps de ce cartilagineux. Ges cinq séries de petits boucliers sont assez élevées pour faire paroître l’ensemble de l’ani- mal comme une sorte de prisme à cinq faces, et par conséquent à cinq arêtes. pa Le nombre de ces plaques varie dans chaque rang; il est quel- quefois de onze on douze dans la rangée du dos, et il n'est pas rare de voir la plus grande de ces pièces avec un diamètre de quatre ou cinq pouces, sur des esturgeons , déjà parvenus à la lon- gueur de dix ou onze pieds. L’épaisseur des boucliers répon- dant à leur volume, et leur dureté étant très-grande , les cinq rangées qu'ils composent seroient donc une excellente défense pour l'esturgeon , et le rendroient un des mieux cuirassés des poissons, si ces rangées n'étoient pas séparées l’une de l’autre par de grands intervalles. La nageoire dorsale commence par un rayon très-gros et {rès- fort , et est située plus loin de la tête que les nageoires ventrales ; celle de l’anus est plus éloignée encore du museau ; et le lobe in- férieur de la nageoire caudale est en forme de faux , plus long et surtout plus large que le supérieur. L'esturgeon a une conformité de plus avec les raies, par deux trous garnis chacun d’une valvule mobile à volonté , et qui, pla- cés dans le rectum, très-près de l’anus, l’un à droite et l’autre à gauche , font communiquer cet intestin avec la cavité de l'ab- domen. L'eau de la mer, ou celle des rivières, pénètre dans cette cavité par ces deux ouvertures ; elle sy mêle avec celle que les vaisseaux sanguins y déposent, ou que d’autres parties du corps peuvent y laisser filtrer, et parvient ensuite jusque dans la vessie. La couleur de l'esturgeon est hleuâtre, avec de petites taches brunes sur le dos, et noires sur la partie inférieure du corps. Sa grandeur est très-considérable , ainsi que nous l'avons déjà an- noncé ; et lorsqu'il a atteint tout son développement, ila plus de dix-huit pieds, ou de six mêtres, de longueur. DE L'ACIPENSÈRE ESTURGEON. 317 Cet énorme cartilagineux habite non-seulement dans l'Océan , mais encore dans la Méditerranée, dans la mer Rouge, dans le Pont-Euxin, dans la mer Caspienne. Mäis, au lieu de passer toute sa vie au milieu des eaux salées, comme les raies , les squales , les lophies, les balistes et les chimères, 1l recherche les eaux douces comme le pétromyzon lamproie , lorsque le p'temps arrive, qu'une chaleur nouvelle se fait sentir jusqu’au milieu des ondes, y ranime le sentiment le plus actif, et que le besoin de pondre et de féconder ses œufs le presse et l’aiguillonne. Il s'engage alors dans presque tous les grands fleuves. 11 remonte particulièrement dans le Wolga, le Tanaiïs, le Danube, le P6, la Garonne, la Loire, le Rhin , l'Elbe, l'Oder. On ne le voit même le plus sou- vent que dans les fleuves larges et profonds, soit qu’il y trouve avec plus de facilité l'aliment qu'il préfère, soit qu’il obéisse dans ce choix à d’autres causes presque aussi énergiques, et que, par exemple, ayant une assez grande force dans ses diverses parties, dans ses nageoires, et particulièrement dans sa queue, quoique cette puissance musculaire soit inférieure, ainsi que nous l'avons dit, à celle des squales, 1l se plaise à vaincre, en nageant, des courans rapides, des flots nombreux, des masses d’eau volumi- neuses, et ressente, comme tous les êtres, le besoin d'exercer de temps en temps, dans toute sa plénitude, le pouvoir qui lui a été départ. D'ailleurs l'esturgeon présente un grand volume : il lui faut donc une grande place pour se mouvoir sans obstacle et sans peine; et cette place étendue et favorable, il ne la trouve que dans les fleuves qu’il préfère. Il grandit et engraisse dans ces rivières fortes et rapides, sui- vant qu'il y rencontre la tranquillité, Ja température et les ali- mens qui lui conviennent le mieux ; et il est de ces fleuves dans lesquels il est parvenu à un poids énorme, et jusqu’à celui de mille livres , ainsi que le rapporte Pline de quelques-uns de ceux que l’on voyoit de son temps dans le PG. Lorsqu'il est encore dans la mer, ou près de Fembouchure des grandes rivières, 11 se nourrit de harengs, où de maquereaux et de gades ; et lorsqu'il est engagé dans les fleuves, il attaque les sanumons, qui les remontent à peu près dans le même temps que lui, et qui ne peuvent lui opposer qu’une foible résistance. Comme il arrive quelquefois dans les parties élevées des rivières considérables avant ces poissons, ou qu'il se mêle à leurs bandes, dont il cherche à faire sa proie, et qu'il paroît semblable à un 518 HISTOIRE NATURELLE géant au milieu de ces légions nombreuses , on l’a comparé à un chef, et on l'a nommé Xe conducteur des saumons. Lorsque le fond des meïrs ou des rivières qu'il fréquente est très-limoneux , il'préfére souvent les vers qui peuvent se trou- ver dans la vase dont le fond des eaux est recouvert, et qu'il trouve a vec d'autant plus de facilité au milieu de la terre grasse et ramollie , que le bout de son museau est dur et un peu pointu, et qu'il sait fort bien s'en servir pour fouiller dans le limon et dans les sables mous. Il dépose dans les fleuves une immense quantité d'œufs; et sa chair y présente un degré de délicatesse trés-rare, surtout dans les poissons cartilagineux. Ce goût fin et exquis est réuni dans l’esturgeon avec une sorte de compacité que l'on remarque dans ses muscles, et qui les rapproche un peu des parlies mus- culaires des autres cartilagineux : aussi sa chair a-t-elle été prise très-souvent pour celle d’un jeune veau , et a-t1l été de tous les temps très-recherché. Non-seulement on le mange frais; mais; dans tous les pays où l’on en prend un grand nombre, on em- ploie plusieurs sortes de préparations pour le conserver et pouvoir l'envoyer au loin. On le fait sécher, ou on le marine, ou on le sale. La laite du mâle est la portion de cet animal que l'on pré- fère à toutes les autres. Mais quelque prix qu'on attache aux diverses parties de l’esturgeon ; et même à sa laite, les nations modernes qui en font la plus grande consommation elle paient le plus cher, n’ont pas pour les poissons en général un goût aussi vif que plusieurs peuples anciens de l’Europe et de l'Asie , et particulièrement que les Romains enrichis des dépouilles du globe. N'étant pas d’ailleurs tombés encore dans ces inconce- vables recherches du luxe, qui ont marqué les derniers degrés de l’asservissement des habitans de Rome, elles sont bien éloi- gnées d'avoir de la bonté et de la valeur de l'esturgeon une idée aussi extraordinaire que celle qu’on en avoit dans la capitale du monde, au milieu des temps de corruption qui ont précipité sa ruine. On n'a pas encore vu , dans nos temps modernes, des esturgeons porlés en triomphe sur des tables fastueusement dé- corées, par des ministres couronnés de fleurs, et au son des instrumens, comme on l’a vu dans Rome avilie , esclave de ses empereurs , et expirant sous le poids des richesses excessives des uns, de l’affreuse misere des autres, des vices ou des crimes de lons. DE L'ACIPENSERE HUSO. 319 L'esturgeon peut être gardé hors de l’eau pendant plusieurs jours , sans cependant périr ; et l’une des causes de cette faculté qu'il a de se passer, pendant un temps assez long , d’un fluide aussi nécessaire que leau à la respiration des poissons , est la conformation de l'opercule qui ferme de chaque côté l'ouverture des branchies , el qui, étant bordé dans presque tout son con- tour d'une peau assez molle, pent s'appliquer plus facilement à la circonférence de l'ouverture, et la clore plus exactement *. Nous pensons que l'acipensère décrit sous le nom de sckypa par Guldenstaedt, et qui se trouve non-seulement dans la mer Caspienne , mais encore dans le lac Oka en Sibérie, doit être rapporté à l'esturgeon, comme une simple variété, ainsi que l’a soupçonné le professeur Gmelin *. Il a en effet les plus grands rapports avec ce dernier poisson, il en présente les principaux ca- ractères , etil ne paroît en différer que par les attributs des jeunes animaux, une taille moins allongée , et une chair plus agréable au gout. RARE SA UANAMAA AAA AR RAR VAT AA VU TA AS RAA VIA AU AA AAA VAR AE AR MA MR L'ACIPENSÈRE HUSO:. Ls huso n’est pas aussi répandu dans lés différentés mers tempérées de l’Europe et de l’Asie que l’esturgeon. On ne le trouve guère que dans la Caspienne et dans la mer Noire; et on ne le voit communément remonter que dans le Wolga , le Da- nube , et les autres grands fleuves qui portent leurs eaux dans ces deux mers. Mais les légions que cette espèce y forme sont bien plus nombreuses que celles de l'esturgeon , et elle est bien plus féconde que ce dernier acipensère. Elle parvient» d’ailleurs à des dimensions plus considérables : il y a des husos de plus de vingt-quatre pieds (huit mètres ) de longueur ; et l’on en pêche qui pèsent jusqu'à deux mille huit cents livres ( plus de cent quarante myriagrammes ). Il a cependant dans sa conformation x Discours sur la nature des poissons. 2 S, G. Gmelin, I. p. 238. 3 Copse, dans quelques parties de l’Italie; colpesce , dans d’autres parties de l’ltalie; husen, dans quelques contrées d’Allemagne; co{ano, barbota'; morona , par quelques Grecs modernes ; hbelluge, bellouga , balluga ; dans plusienrs pays du Nord; exos, par plusieurs auteurs latins. L! 520 HISTOIRE NATURELLE de très-grands rapports avec l'esturgeon ; 1l n'en diffère d’une manière remarquable que dans les proportions de son museau et dans la forme de ses lèvres. Le museau de cet animal est, en effet, plus court que le grand diamètre de l'ouverture de sa bouche, et ses lèvres ne sont pas divisées de manière à présenter chacune deux lobes. Le nombre de pièces que l’on voit dans les cinq rangées de grandes plaques disposées longitudinalement sur son corps, est très-sujet à varier; à mesure que l'animal vieillit, plusieurs de ces boucliers tombent sans être remplacés par d’autres : lors même que le huso est arrivé à un âge très-avancé, il est quel- quefois entièrement dénué de ces plaques très-dures; et voilà pourquoi Artedi, et d’autres naturalistes, ont cru devoir dis- tinguer cette espèce par le défaut de boucliers, Il est le plus souvent d’un bleu presque noir sur le dos, et d’un jaune clair sur le ventre. C’est avec les œufs que les femelles de cette espèce pondent en très-grande quantité, au commencement du retour des chaleurs, que les habitans des rives des mers Noire et Caspienne, et des grandes rivières qui s’y jettent , composent ces préparalions con- nues sous le nom de caviar, et plus ou moins estimées, suivant que les œufs , qui en sont la base, ont été plus ou moins bien choisis, nettoyés, maniés, pressés, mêlés avec du sel ou d’au- tres ingrédiens. Au reste , l’on se représentera aisément le grand nombre de ces œufs, lorsqu'on saura que le poids des deux ovaires égale presque le tiers du poids total de l'animal , et que ces ovaires ont pesé jusqu’à huit cents livres dans un huso fe- melle qui en pesoit deux mille huit cents. Ce n’est cependant pas uniquement avec les œufs du huso que l'on fait le caviar; ceux des autres acipensères servent à composer cette préparation. Outre les œufs noirs de ces carti- lagineux , on pourroit même employer dans la fabrication du caviar, selon M. Guldenstaedt, les œufs jaunes d’autres grands poissons, comme du brochet, du sandat, de la carpe, de la brème, et d’autres cyprins appelés en russe yuze, beresna , où jeregh , et virezou, dont la pèche est très-abondante dans le bas des fleuves de la Russie méridionale, lOural, le Wolga, le Terek ; le Don et le Dniéper, Mais ce n’est pas seulement pour ses œufs que le huso est re- cherché; sa chair est très-nourrissante , très-saine et très-agréable DE L'ACIPENSÈRE HUSO. Soi au goût. Aussi est-il peu de poissons qui aisnt aulant exercé Pindustrie et animé le commerce ds habitans des cd es mari ‘times ou des bords des grands fleuves, que l'acipensère dont nous nous occupons. On emploie, pour le prendre , divers pro- cédés qu'il est bon d'indiquer, el qui ont éié décrits très en détail par d’habiles observateurs Le célébre naturaliste de Russie, le prof:sseur Pallas, nous a particulièrement fit con- noître la manière dont on pêche le huso dans le Wolsa et dans le Jaïck, qui ont leurs embouchures dans la mer Caspienne. Lorsque le temps pendant lequel les acipensères remontent de la mer dans les rivières est arrivé, on construit , dans certains endroits du Wolga ou du Jaïck, une digue composée de pieux , et qui ne laisse aucun intervalle assez crand pour laisser passer le huso. Cette digue’ forme, vers son milieu, un angle opposé au courant , et par conséquent elle présente ün angie rentrant au poisson qui remonte le fleuve, et qui , cherchant une issue au travers de. l'obstacle qui l'arrête, est déterminé à s'avancer vers le sommet de cet angle. À ce sommet est une ouverture qui conduit dans une espèce de chambre où d'enceinte formée avec des filets sur la fin de l'hiver, et avec des claies d’osier pendant l'été. Au-dessus de louverture est une sorte d’échofaud sur lequel des pêcheurs s’établissent. Le fond de la chambre est, comme l'enceinte, d'osier ou de filet, suivant les saisons, et peut être levé facilement à la hauteur de la surface de l’eau. Le huso s'engage dans la chambre par l'ouverture que lui offre la digue : mais à peine y est-il entré, que les pêcheurs placés sur l'échafaud laissent tomber une porte qui lui interdit le retour vers la mer. On lève alors le fond mobile de la chambre, et l’on se saisit fa- cilement du poisson. Pendant le jour, les acipensères qui pé- nètrent dans la grande enceinte avertissent les pécheurs de leur présence par le mouvement qu'ils sont forcés de communiquer à des cordes suspendues à de petits corps flottans; et pendant la nuit ils agitent nécessairement d’autres cordes disposées dans la chambré, et les tirent assez pour faire tomber derrière eux la fermeture dont nous venons de parler. Non-seulement ik sont pris par la chute de cette porte, mais encor: cette fermeture ,en s’enfonçant , fait sonner une cloche qui avertit et peut éveiller le pêcheur resté en sentinelle sur l'échafau«. Le voyageur Gmlin, qui a parcouru différentes contrées de Lacepède. 2. 21 322 HISTOIRE NATURELLE la Russie, a décrit d’une manière trés-animée l'espèce de pèch® solennelle qui a lieu de temps en temps, et au commencement de l'hiver, pour prendre les husos retirés vers cette saison dans les cavernes et les creux des rivages voisins d’Astracan. On réunit un grand nombre de pêcheurs; on rassemble plusieurs petits bâ- timens ; on se prépare comme pour une opération militaire im- portante et bien ordonnée ; on s'approche avec concert, et par des manœuvres régulières , des asiles dans lesquels les husos sont cachés ; on interdit avec sévérité le bruit le plus foible non-seu- lement aux pêcheurs , mais encore à tous ceux qui peuvent na- viguer auprès de la flotte ; on observe le plus profond silence; et tout d’un coup , poussant de grands cris, que les échos grossissent et multiplient , on agite, on trouble, on effraie si vivement les husos , qu'ils se précipitent en tumulte hors de leurs cavernes, et vont tomber dans les filets de toute espèce tendus ou préparés pour les recevoir. Le museau des husos, comme celui de plusieurs cartilagineux, et particulièrement d’un grand nombre de squales , est très-sen- sible à toute espèce d’altouchement. Le dessous de leur corps, qui n'est revêtu que d’une peau assez molle, et qui ne présente pas de boucliers, comme leur partie supérieure, jouit aussi d’une assez grande sensibilité ; et Marsigli nous apprend, dans son Histoire du Danube, que les pêcheurs de ce fleuve se sont servis de cette sensibilité dn ventre et du museau des husos pour les prendre avec plus de facilité. En opposant à leur museau délicat des filets ou tout autre corps capable de le blesser, ils ont sou- vent forcé ces animaux à s’élancer sur le rivage; et lorsque ces acipenstres ont été à sec et élendus sar la grève, ils ont pu les contraindre, par les divers attouchemens qu'ils ont fait éprouver à leur ventre, à retourner leur longue masse, et à se prêter, malgré leur excessive grandeur , à toutes les opérations néces- saires pour les saisir et pour les attacher, Lorsque les husos sont très-grands, on est, en eflet, obligé de prendre des précautions contre les coups qu'ils peuvent donner avec leur queue : il faut avoir recours à ces précautions, lors même qu'ils sont hors de l’eau et gisans sur le sable; et on doit alors chercher d'autant plus à arrêter les mouvemens de cette queue très-longue par les liens dont on l'entoure, que leur puissance musculaire , quoique inférieure à celle des squales, ne peut qu'être dangereuse dans des individus de plus de viugt pieds de long, et DE L'ACIPENSÈRE HUSO. 323 que les plaques dures et relevées qui revêtent l'extrémité posté- rieure du corps sont trop séparées les unes des auires pour en diminuer la mobilité, et ne pas ajouter par leur nature et par leur forme à la force du coup. D'ailleurs la rapidité des monvemens n’est point ralentie dans de huso , nen plus- que dans les autres acipenséres , par les ver- tèbres cts iaencex qui composent l’épine dorsale , et dont la suite s'étend jusqu à l'extrémité de la queue. Ces verièbres se prê» tent, par leur peu de dureté et par leur conformation , aux di- verses inflexions que l'animal veut imprimer à sa queue, et à la vilesse avec laquelle 1l tend à les exécuter. Cette chaîne de vertébres cartilagineuses, qui règne depuis la tête jusqu'au bout de la queue, présente, comme dans les autres poissons du même genre, troïs pelils canaux, trois cavités lon- gitudinales. La supérieure renferme la moelle épinière, et la sé- conde contient une matière tenace, susceptible de se durcir par la cuisson , qui commence à la base du crâne, et que l’on retrouve encore auprès de la nageoire caudale. C'est au-dessous de celte épine dorsale qu'est située la vésicule aérienne , qui est simple et conique, qui a sa pointe tournée vers la queue, et qui sert à faire, sur les bords de la mer Caspienne et des fleuves qui y versent leurs eaux, cette colle de poisson si recherchée, que l’on distribne dans toute l'Europe, et que l’on y vend à un prix considérable. Les diverses opérations que l’on emploie, dans cette partie de la Russie, pour Ja préparation de cette colle si estimée, se réduisent à plonger les vésicules aérien- nes dans l’eau, à les y séparer avec soin de leur peau extérieure et du sing dont elles peuvent être salies, à les couper en long , à les renfermer dans une toile, à lés ramolln: entre les mains, à les façonner en tablettes ou en espèces de petits cylindres recourbés, à les percer pour les suspendre , et à les exposer, pour les faire sécher, à nne chaleur modérée et plus doute que celle du soleil. Cette colle, connue depuis long-ten:ps sous le nom d’icktyo- colle , ou de colle de poisson, et qui à fait donner au huso le nom d’ichtyocolle, a été souvent employée dans la médecine contre la dyssenterie, les ulcères de la gorge , ceux des poumons, .et d’au- tres maladies. On s'en sert aussi beaucoup dans les arts, et parti- culièrement pour éclaircir les liqueurs et pour lustrer les étoffes. Mèlée avec une colle plus forte, elle peut réunir les morceaux séparés de la porcelaine et d’un verre cassé; elle porte alors le nom 32% HISTOIRE NATURELLE de colle à verre et à porcelaine ; et on la nomme colle & bouche, lorsqu'on la préparée avec une substance agréable au goût et à l’odorat , laquelle permet d'en ramollir les fragmens dans la bou- che, sans aucune espèce de dégoût. Mais ce n’est pas seulement avec les vésicules aériennes du huso que ln compose , près de la mer Caspienne , cette colle si utile, que lp: connoît dans plusieurs contrées russes, sous le nom d’us- blat : on y emploie celles de tous les acrpensères que l’on y pêche. On peut très-bien imiter en Europe les procédés des Russes pour. la fabrication d’une matière qui forme une branche de commerce plus importante qu'on ne le croit ; et je puis assurer que particu- lièrement en France l’on peut parvenir aisément à s’'aflranchir du paiement de sommes considérables, auquel nous nous som- mes soumis envers l’industrie étrangère pour en recevoir cette colle si recherchée. 11 n’est ni dans nos étangs, ni dans nos ri- vières, ni dans nos mers , presque aucune espèce de poisson dont la vésicule aérienne ;,'et toutes Les parties minces et membraneuses , ne puissent fournir , après avoir été neltoyées, séparées de toute matière étrangère ,lavées, divisées, ramollies ,et séchées avec soin , une colle aussi bonne , ou du moins presque aussi bonne, que celle qu'on nous apporte de la Russie méridionale. On l’a essayé avec succès ; et je n’ai pas besoin de faire remarquer à quel bas prix et dans quelle quantité on auroïit une préparation que lon feroit avec des matières rejetées maintenant de toutes les poisson- neries et de toutes les cuisines, et dont l'emploi ne diminueroit en rien la consommation des autres parties des poissons. On au- roit donc le triple avantage d’avoir en plus grande abondance une matière nécessaire à plusieurs arts, de la payer moins cher, et de la fabriquer en France ; et on devroit surtout se presser de se la procurer , dans un moment où mon savant confrère , M. Ro- chon , membre de l'Institut national, a trouvé, et fait adopter pour la marine le moyen ingénieux de remplacer le verre, dans un grand nombre de circonstances, par des toiles tres-claires de fil de métal, enduites de colle de poisson. La graisse du huso est presque autant employée que sa vessie aérienne par les habitans des contrées méridionales de la Russie. Elle est de très-bon goût lorsqu'elle est fraîche; et l’on s’en sert alors à la place du beurre ou de lhuile. Elle peut d’autant plus remplacer cette dernière substance, que la graisse des poissons est toujours plus ou moins huileuse. DE L'ACIPENSÈRE HUSO: 325 On découpe la peau des grands husos, de manière à pouvoir la substituer au cuir de plusieurs animaux ; et celle des jeunes, bien sèche , et bien débarrassée de toutes les matières qui pour- roient en augmenter l'épaisseur et en altérer la transparence , tient lieu de vitre dans une partie de la Russie et de la Tartarie. La chair, les œufs, la vessie à air, la graisse, la peau , tout est donc utile à l'homme dans cette féconde et grande espèce d’aci- pensère *. Il n’est donc pas surprenant que, dans les contrées où elle est Le plus répandue, elle porte diflérens noms. Partout où les animaux ont été très-observés et très-recherchés , ils ont reçu différentes appellations; chaque observateur , chaque artiste , cha- que ouvrier, les ont vus sous une face particulière, et tant de rapports différens ont dû nécessairement introduire une grande variété dans les signes de ces rapports, et par conséquent dans les désignations du sujet de ces diverses relations. Comme les husos vivent à des latitudes éloignées de la ligne, et qu'ils habitent des pays exposés à des froids rigoureux, ts cher- chent à se soustraire pendant l'hiver à une température trop peu convenable à leur nature , en se renfermant plusieurs ensemble dans de grandes cavités des rivages. Ils remontent mème quelque- fois dans Les fleuves , quoique la saison de la ponte soit encore élot- gnée , afin d’y trouver, sur les bords, des asiles plus commodes. Leur grande taille les contraint à être Lrès-rapprochés les uns des autres dans ces cavernes, quelque spacieuses qu'elles soient. Ils conservent plus facilement, par ce voisinage, le peu de cha- leur qu'ils peuvent posséder ; ils ne s’y engourdissent pas ; ils n’y sont pas soumis du moins à une torpeur complète : ils y pren- nent un peu de nourriture ; mais le plus souvent ils ne font que mettre à profit les humeurs qui s'échappent de leurs corps, et ils sucent la liqueur visqueuse qui enduit la peau des poissons de leur espèce, auprès desquels 1!s se trouvent. Ils sont cependant assez avides d’alimens dans des saisons plus chaudes , et lorsqu'ils jouissent de toute leur activité ; et en ellet ils ont une masse bien étendue à entretenir. Leur estomac est, à la vérité , beaucoup moins musculeux que celui des autres acipen- sères ; mais il est d’un assez grand volume, et, suivant Pallas, il peut contenir, même dans les individus éloignés encore du dernier a , 1 On mange jusqu'a lépine cartilagineuse et dorsale du hnso et de l'esturgeon { et.on la prépare de diverses manières dans les pays du Nord, 326 HISTOIRE NATURELLE terme de leur accroissement, plusieurs animaux tout entiers et d’an volume considérable. Leurs sucs digestifs paroïssent d’ail- leurs jouir d’une grande force : aussi avalent-ils quelquefois , et indépendaniment des poissons dont ils se nourrissent, de jeunes phoques , et des canards sauvages qu'ils sarprennent sur la surface des eaux qu'ils fréquentent, et qu'ils ont l'adresse de saisir par les pattes avec leur gueule , et d'entraîner au fond des flots. Lors- qu’ils ne trouvent pas à leur portée l'aliment qui leur convient, ils sont même obligés, dans certaines circons'ances , pour rem- plir la vaste capacité de leur estomac, leslester, pour ainsi dire, et employer en quelque sorte ses sucs digestifs surabondans, d'y introduire les premiers corps qu’ils rencontrent, du jonc, des ra- cines, ou des morceaux de ces bois que l’on voit flotier sur la mer ou sur les rivières. CARAAR NAN UV RAA VAN AU VA NAN RAA RAA RAA AA RAA ARANY A NARAAARAN VV UV RAY LR L'ACIPENSÈRE STRELET. Cr acipensère présente des couleurs agréables. La partie infé- rieure de son corps est blanche, tachétée de rose; son dos est noi- ratre ; et les boucliers qui y forment des rangées longitudinales. sont d’un beau jaune. Les nageoires de la poitrine, du dos, et de la queue, sont grises ; celles du ventre et de l’anus sont rouges. Mais le strelet est particulièrement distingué des acipensères du: second sous-genre, dans lequel il est compris, par la forme de son museau , qui est trois ou quatre fois plus long que le grand diamètre de l'ouverture de sa bouche : il l’est d’ailleurs de lestur- geon et du huso par la petitesse de sa taille ; 1l ne parvient guère à la longueur de trois pieds, et ce n’est que très-rarement qu'oæ le voit atteindre à celle de quatre pieds et quelques pouces. Il a sur le dos cinq rangs de boucliers, comme l’esturgeon et le huso. La rangée du milieu est composée ordinairement de quinze pièces assez grandes ; les deux qui viennent ensuite en comprennent chacune cinquante-neuf on soixante , qui, par con- séquent, ont un diamètre très-peu étendu ; et les deux rangs qui bordent le ventre sont formés de plaques plus pelites encore; et qui, au lien d'être très-relevées dans leur centre comme celles «les trois rangées intérieures, sont presque entièrement plates. DE L'ACIPENSÈRE STRELET. 397 On trouve cet acipensère dans la mer Caspienne, ainsi que dans le Wolga et dans l'Oural, qui y ont leur embouchure ; on le voit aussi, mais rarement , dans la Baltique; et telles sont les habitations qu’il a reçues de la Nature. Mais l’art de l'homme, qui sait si bien détourner, combiner, accroître , modifier, domter même les forces de la Nature, l’a transporté dans des lacs où l’on est parvenu , avec très-peu de précautions, à le faire prospérer et multiplier : Frédéric L®, roi de Suède, l’a introduit avec suc cès dans le lac Mæler et dans d’autres lacs de la Suëde ; et ce roi de Prusse, qui, philosophe et homme de lettres sur le trône, a su créer par son géme, et les états qu'il devoit régir, et l'art de la guerre qui devoit les défendre, et l’art d’administrer, plus rare encore , qui devoit leur donner l'abondance et le bonheur, & répandu le strelet dans un très-grand nombre d’endroits de le Poméranie et de la Marche de Brandebourg. Voilà deux preuves remarquables de la facilité avec laquelle on peut donner à une contrée les espèces de poissons les plus utiles. Ces deux faits importans seront réunis à un grand nombre d'autres, dans le Discours que l’on trouvera dans cette histoire, sur les usages économiques des poissons, et sur les moyens d'en acclimater, d'en perfectionner, d'en multiplier les espèces et les individus. Et que l’on ne soit pas étonné d'apprendre les soins que se sont donnés les chefs de deux grandes nations pour procurer a leurs pays l'acipensère strelet. de espèce est très-féconde : elle ne montre jamais , à la vérité, une très-grande taille ; mais sa chair est plus tendre et plus Lam Le que celle des auires cartilagineux de sa famille. Elle est d’ailleurs facile à nourrir ; elle se contente de très-petits individus, et même d'œufs de poissons dont les espèces sont très-communes ; et elle peut n'avoir d'autre aliment que les vers qu’elle trouve dans le limon des mers, des fleuves ou des lacs au’elle fréquente. C'est vers la fin du printemps que le strelet remonte dans les grandes rivières ; et comme le temps de la ponte et de la fécon- dation de ses œufs n’est pas très-long, on voit cet acipensère descendre ces mêmes rivières avant la fin de l'été, et tendre, même avant l'automne, vers les asiles d'hiver que la mer lui pré- sente. 328 .. HISTOIRE NATURELLE. L AAA A AAA AAA SAV IARS VE LAVE LLUMUIAAAUE L’'ACIPENSÈRE ÉTOILÉ. Ne le commencement du printemps, on voit cet acipensère remonter le Danube el les autres fleuves qui se jettent dans la mer Noire où dans la mer Caspienne. Il parvient à quatre ou cinq pieds de longueur ; et par conséquent il est pour le moins aussi long que le sirelet, mais il est plus mince. Son museau , un peu recourbé , el élargi vers son extrémité, est cinq ou six fois plus long que le grand diamètre de l'ouverture de la bouche; et cette conformation du museau suffiroit seule pour séparer l'étoilé des autres acipensères : au reste, le dessus de cette partie est hé- rissé de petites raies dentelées. Les lèvres peuvent être étendues en avant beaucoup plus que dans les autres poissons du même genre. La tête, aplalie par- dessus et par les côtés, est garnie de tubercules pointus, et de petits corps durs, dentelés, et en forme d'étoiles. Le devant de la bouche présente quatre barbillons, comme dans tous les acr- pensères. On remarque , sur différentes parties du corps de l’éioilé, des rudimens crénelés d’écailles ; et l’on voit particulièrement, sur son dos, de peliles callosités blanches, rudes, étoilées, et dispo- sées sans ordre. Il a d’ailléurs cinq rangs de boucliers relevés et pointus, dont la rangée du milieu contient communément treize pièces, et dont les deux suivantes renferment chacune trente- cinq plaques plus pelites. Trois autres pièces sont placées au-delà de l'anus. La couleur de cet animal est noirâtre sur le dos, tachetée et variée de blanc sur les côtés, et d'un blanc de neige sur le ventre. Cetle espèce est très-féconde ; l'on compte plus de trois cent mille œufs dans une seule femelle. DES OSTRACIONS. 329 AAA A AAA AAA AAA A AAA AAA AAA 2 AN ae QUATRIÈME DIVISION. Poissons cartilagineux qui ont un opercule et une membrane des branchies. TREIZIÈME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU PREMIER ORDRE DE LA QUATRIÈME DIVISION DES CARTILAGINEUX., Poissons apodes, ou qui n'ont poin! de nageoires dites ventrales. DIXIÈME GENRE. LES OSTRACIONS. Le corps dans une enveloppe osseuse ; des dents incisives à chaque méchotre. PREMIER SOUS-GENRE. Point d'aiguillons auprès des yeux , ni au-dessous de la queue. ESPÈCES. . CARACTERES. Le corps triangulaire, et garni de tubercules saillans sur des plaques bombées. Le corps triangulaire, et garni de tubercules peu sensibles , mais dont la disposition imite un ouvrage à mailles. 1. L’OSTRACION TRIANGU- LAIRE. 2. L’oSTRACION MAILLÉ. | Le corps quadrangulaire ; de petits points raÿonnans , et point de figures 3. L'osTRACION POINTILLÉ.d polygones sur l'enveloppe osseuse; de petites taches blanches sur tout le corps. 330 HISTOIRE NATURELLE YSPÈCES. CARACTÈRES, Le corps quadrangulaire; quatre grands bi MT ATRE- k 5 5 A OSTRACION QU tubercules disposés en carré sur le TUBERCULES:. 4. 5. L'osrracron MusEAU- {Le corps quadrangulaire; le museau ALLONGÉ. allongé. ÉMIT'ogrRAcrIoN DEUX Le corps quadrangulaire ; deux tuber- : l cules , l’un au-dessus et l’autre au- TUBERCULES. dessous de l’ouverture de la bouche. Le corps quadrangulaire ; un grand Ton los RÉ nombre de taches noires, chargées 7° chacune d’un point blanc ou bleuä- tre. AD er Le corps quadrangulaire ; le dos re- LA e F levé en bosse. SECOND SOUS-GENRE. Des aïguillons auprès des yeux, et non au-dessous de la queue. ESPÈCE. CARACTÈRES. g. L'oSTRACION TRoIs- Le corps triangulaire ; un aiguillon sur AIGUILLONS. le dos et auprès de chaque œil. TROISIÈME SOUS-GENRE. Des aïguillons au-dessous de la queue, et non auprès des yeux. ESPÈCES. CARACTÈRES. Le corps triangulaire ; deux aiguillons cannelés au-dessous de la queue ; 18. L'OSTRACION TRIGONE. des tubercules saillans sur des pla- | ques bonmibées ; quatorze rayons à La (\ nageoire du dos. Le corps triangulaire ; deux aiguillons 11, L'OSTRACION DOUBLE- { sillonnés au-dessous de la queue ; AIGUILLON. des tubercules peu élevés ; dix rayons à la nageoire du dos. DE LOSTRACION TRIANGULAIRE. 354 QUATRIÈME SOUS-GENRE. Des aiguillons auprès des yeux et au-dessous de la queue. ESPÈCES. CARACTÈRES. Le corps triangulaire ; deux aiguillons 12. L'OSTRACION QUATRE- P 5 Hate AIGUILLONS auprès des yeux, et deux autres sous S la queue. Le corps triangulaire ; un grand aiguil- 13. L’OSTRACION LISTER. lon sur la partie de la queue qui est hors du têt. ’ Le cor uadrangulaire ; deux aiguil- 4. L'ostracron quanran- | “°°"P5 A gulaire ; deux aigui lons auprès des yeux, et deux autre GULAIRE. P TU y sous la queue. 35. L’OSTRACION promMa- [Le corps quadrangulaire ; une bosse DAIRE. garnie d’un aiguillon sur le dos. RAM VE LVIAAA AA AAA AAA BAR AAA VAS VU VAE LATE URL VAN LAN AMAR L'OSTRACION TRIANGULAIRE. Ox üiroit que la Nature, en répandant la plus grande variété parmi les êtres vivans et sensibles dont elle à peuplé le globe, n’a cependant jamais cessé d'imprimer à ses productions des traits de quelques formes remarquables , dont on retrouve des images plus au moins imparfaites dans presque toutes les classes d'animaux. Ces formes générales, vers lesquelles les lois qui régissent l’orga- nisation des êlres animés paroissent les ramener sans cesse, sont comme des modeles , dont la puissance créatrice semble avoir voulu s'écarter d'autant moins, que les résultats de ces conforma- tions principales tendent presque tous à une plus sûre conserva- tion des espèces et des individus. Le genre dont nous allons nous occuper va nous présenter un exemple frappant de cette mul- tiplication de copies plus ou moins ressemblantes d’un type pré- servateur , et de leur disséminat'on dans presque toutes les classes des êtres organisés el sensibles. Celte arme défensive , cette enve- loppe solide, cette cuirasse tutélaire, sous laquelle la Nature a mis à l'abri plusieurs animaux dont Buflon, ou nous, avons déjà donné l'histoire, nous allons la retrouver autour du corps des osiracions ; et si nous poursuivons nos recherches jusqu'au mi- 532 HISTOIRE NATURELLE lieu de ces légions innombrables d'êtres connus sous le nom d’ani- maux à sang blanc, nous la reverrons, avec des dissemblances plus ou moins grandes , sur des familles entières , et sur des ordres nombreux en familles. L’épaisse cuirasse et les bandes osseuses qui revêtent les tatous, la carapace et le plastron qui défendent les tortues, les gros tubercules et les lames très-dures qui protè- gent les crocodiles, la croûte crétacée qui environne les oursins, le tt solide qui revêt les crustacées, et enfin les coquilles pier- reuses qui cachent un si grand nombre de mollusques, sont au- tant d'empreintes d’une première forme conservatrice , sur la- quelle à été aussi modelée la couverture la plus extérieure des ostracions ; et voilà pourquoi ces derniers animaux ont reçu le mom qu'ils portent, et qui rappelle sans cesse le rapport, si digne d'attention, qui les lie avec les habitans des coquilles. Ils ont ce pendant de plus grandes ressemblances superficielles avec les oursins : leur enveloppe est, en effet, garnie d’une grande quan- tilé de petites élévations, qui la font paroître comme ciselée; et ces pelits tubercules qui la rehaussent sont disposés avec assez d'ordre et de régularité pour que leur arrangement puisse être comparé à la distribution si régulière et si bien ordonnée que l'on voit dans les petites inégalités de la croûte des oursins, lors- que ces derniers ont été privés de leurs piquans. Ea nature de ja cuirasse des ostracions n’est pas néanmoins crétacée ni pierreuse : elle est véritablement osseuse ; et les diverses portions qui la com- posent sont si bien jointes les unes aux autres, que l’ensemble de cette enveloppe qui recouvre le dessus et le dessous du corps ne paroit formé que d’un seul os , et représente une espèce de boîte où de coffre allongé, à trois ou quatre faces, dans lequel on au- rott placé le corps du poisson pour le garantir contre les atta- ques de ses ennemis, et qui, en quelque sorte, ne laisseroit à dé- couvert que les organes extérieurs du mouvement, c’est-à-dire , les nageoires, etune partie plus ou moins grande de la queue. Aussi plusieurs voyageurs, plusieurs naturalistes, et les habitans de plusieurs contrées équatoriales, ont-ils donné le nom de poisson coffre aux diflérentes espèces d’ostracions dont ils se sont occu- pés. On croiroit que cette matière dure et osseuse, que nous avons vue ramassée en boucliers relevés et pointus, et distribuée en plusieurs rangs très - séparés les uns des autres sur le corps des acipensères , rapprochée autour de celui des ostracions, y a été disposée en plaques plus minces el étroitement atiachées les unes DE I/OSTRACIONTRIANGULAIRE. 355 aux autres, et que par là une armure défensive complète a été substituée à des moyens de défense très-isolés, et par conséquent bien moins utiles. Nous venons de voir que l’espèce de coffre dans lequel le corps des ostracions est renfermée est en forme tanlôt de solide 1rian- gulaire , et tantôt de solide quadrangulaire, c’est-à-dire, que les deux faces qui revêtent les côtés se réunissent quelquefois surle dos et y produisent une arête longitudinale plus ou moins aiguë, et que d’autres fois elles vont s'attacher à une quatrième face placée horizontalement et au-dessus du corps. Maïs, indépendamment de cette différence, il en est d’autres qui nous ont servi à distin- guer plus facilement les espèces de cette famille, en les distribuant dans quatre sous-genres. Îl est de ces poissonssur lesquels la matière osseuse qui compose la cuirasse s'étend en pointes ou aiguillons assez longs, le plus souvent sillonnés ou cannelés , et auxquels le nom de cornes a été donné par plusieurs auteurs. D’autres ostracions n'ont, au contraire, aucune de ces proéminences. Parmi les pre- miers , parmi les ostracions cornus ou aïguillonnés , les uns ont de Jongnes pointes auprès des yeux; d’autres vers le bord inférieur de l'enveloppe, qui touche la queue; et d’autres enfin présentent de ces pointes non-seulement dans cette extrémité, imais encore au- près des yeux. Nous avons, en conséquence:, mis dans le premier sous-genre ceux de ces poissons qui n’ont point d’aiguillons ; nous avons placé dans le second ceux qui en ont aupres des yeux; le troisième comprend ceux qui en présentent dans la partie de leur couverture osseuse la plus voisine du dessous de la queue; et le quatrième renferme les ostracions qui sont armés d’aiguil- ons dans cetie dernière partie de l’enveloppe et auprès des yeux. Le triangulaire est le premier des cartilagineux de cette famille que nous ayons à examiner. Comme tous les poissons de son genre, le solide allongé que représente sa couverture peut être considéré comme composé de deux sortes de pyramides irrégu- lières, tronquées, et réunies par leurs bases. Au-devant de la pyramide antérieure , on voit , dans presqu tous les ostracions, l'ouverture de la bouche. Les mâchoires peu vent s'écarler d'autant plus l’une de l'autre , qu’elles sont pli indépendantes de la croûte osseuse, dont une interruption plus ou moins grande laisse passer et déborder les deux ou seulement une des deux mächoires. La partie qui déborde est revêtue d'une 334 HISTOIRE NATURELLE malière quelquefois assez dure, et presque toujours de naiuïe écailleuse. Chaque mâchoire ‘est ordinairement garnie de dix ou douze dents serrées, allongées, étroites, mousses , et assez sembla- bles aux dents incisives de plusieurs quadrupèdes vivipares. Dans le triangulaire, les Yeux sont situés à une distance à peu près égale du milieu du dos, et du bout du museau, et la place qu'ils occupent est saïllante, L'ouverture des branchies est située de chaque côté au -devant de la nageoire pectorale. Elle est très-allongée, très-étroite, et placée presque perpendiculairement à la longueur du corps. On a été pendant long-temps dans l'incertitude sur la manière dont cette ouverture peut être fermée, à la voionté de l'animal; mais diverses observations faites sur des ostracions vivans par le savant Commerson el par d'aulres voyageurs, réunies avec celles que J'ai pu faire moi-même sur un grand nombre d'individus de cette famille conservés dans diflérentes collections, ne permet- tent pas de douter qu'il n'y ait sur l'ouverture des branchies des ostracions un opercule et une membrane. L'opercule est couvert de petits tubercules disposés comme sur le reste du corps, mais moins régulièrement ; et la membrane est mince, flottante, et attachée du même côté que l'opercule. On ne trouve les ostracions que dans les mers chaudes des deux continens, dans la mer Rouge, dans celie des Indes, dans celle qui baïgne l'Amérique équinoxiale. Ils se nourrissent de crustacées , et des animaux qui vivent dans les coquilles, et dont ils peuvent briser facilement avec leurs dents l'enveloppe, lors- qu’elle n’est ni très-épaisse ni très-volumineuse. Ces poissons ont, en général, peu de chair; mais elle est de bon goût dans plusieurs espèces. Le triangulaire habite dans les deux Indes, Sur cet animal, ainsi que sur presque tous les ostracions, les tubercules qui re- couvrent l'enveloppe osseuse sont placés de manière à la faire pa- roître divisée en pièces hexagones et plus où moins régulières, mais presque toutes de la mème grandeur. . Sur letriangulaire, ces hexagones sontrelevés dans leur centre, “et les tubercules qui les composent sont très-sensibles.. Cette con- formation suffit pour distinguer le triangulaire des autres carti- lagineux compris dans le premier sous-genre des ostracions , et qui n'ont que trois faces longitudinales. DE L'OSTRACION TRIANGULAIRE 325 Le milieu du dos de l'ostracion que nous décrivons est d’ail- leurs très-relevé, de telle sorte que chacune des faces latérales de l'enveloppe de ce poisson est presque triangulaire, De plus, la orme bombée des hexagones , ét les petits tubercules dont ils sont hérissés, font paroïître la ligne dorsale, lorsqu'on la regarde par côté, non-seulement festonnée, mais-encore finement den telée. Au reste, sur tous les ostracions, et par conséquent sur le triangulaire , l'ensemble de l'enveloppe osseuseiest recouvert d’un tégument très-peu épais, d’une sorte de peau ou d'épiderme très- mince, qui s'applique très-exactement à touiesiles mégalités , et n'empêche de distinguer aucune forme. Après un commencement d’aliération ou de décomposition, on peut facilement: séparer les unes des autres, et cette peau ,et:les diverses pièces qui compo- sent la croûte osseuse. Les nageoires du triangulaire sont toutes à pen près dela même grandeur, et presque également arrondies. Celles du dos et celles de l'anus sont aussi éloignées l’une que l’autre du bout: du mu- seau *. La queue sort de l’intérieur de la croûte osseuse par une ouver- ture échancrée de chaque côté , et l'on en voit au moins les deux üers hors de l’enveloppe solide. Une plus grande partie de la queue n’est libre dans presque aucune espèce d’ostracion; et il est, au contraire, des poissons du même genre dans lesquels la yueue est encore plus engagée sous la couverture osseuse. Les ostracions sont donc bien éloignés d’avoir, dans la totalité deleur queue et dans la partie.postérieure de leur corps, cette liberté de mouvement nécessaire pour frapper l’eau avec vitesse, rejaillir avec force, et s’avancer avec facilité. On doit donc supposer que, tout égal d'ailleurs, les ostracions nagent avec bien moins de ra- pidité que plusieurs autres cartilagineux ; et il paroiîtqu’en tout als sont, comme les balistes , formés pour la défense bien plus que pour l’atlaque. Le triangulaire parvient à la longueur d’un pied et demi, ou d'un demi-mètre. Sa chair est plus recherchée que celle de pres- 4 Il y a communément à chaque uageoire pectorale. Ait URSS 12 rayons, d'eelle dt dos). oi Le A acelle ide l'anus 2 Li + CONSO à celle de la quemesr à 2 4 40 SUR RUES 336 HISTOIRE NATURELLE que tous les poissons des mers d'Amérique, dans lesquelles on le trouve. Quoiqu'il ne paroisse se p'aire que dans les contrées équatoriales, on pourroit chercher à l'acclimater dans des pays bien plus élo:gnés de la Ligne , les différences de température que les eaux peuvent présenter à différens degrés de latitude, étant moins grandes que celles que lon observe dans l'atmosphère. D'un autre côté, on sait avec quelle facilité on peut habituer à vivre au milien de l’eau douce les poissons que l’on n’avoit ce- pendant jamais trouvés que dans les eaux salées. Le goût exquis et la nature très-salubre de la chair du triangulaire devroient en- gager à faire avec constance des tentatives bien dirigées à ce sujet : on pourroii tendre à celte acclimatation , qui scroit utile à plus d’un égard , par des degrés bien ordonnés; on n’exposeroit que successivement l'espèce à une température moins chaude; on atiendroit peut-être plusieurs générations de cet animal, pour l'abandonner entièrement , sans secours étranger, au climat dans lequel on voudroit le naturaliser. On pourroit faire pour le trian- gulaire ce que l’on fait pour plusieurs végétaux : on apporteroit des individus de cette espèce, et on les soigneroit pendant quelque temps dans de l’eau que l’on conserveroit à une température pres- que semblable à celle des mers équatoriales auprès de leur sur- face; on diminueroit la chaleur artificielle des petits bassins dans lesquels serotent les triangulaires , par degrés presque insensibles, et par des variations extrêmement lentes. Dans les endroits de TEurope , ou d’autres parties du globe, éloignés des tropiques et où coulent des eaux thermales, on pourroit du moins profiter de ces eaux naturellement échauffées pour donner aux iriangu- laires la quantité de chaleur qui leur seroit absolument néces- saire , ou les amener insensiblement à supporter la température ordinaire des eaux douces ou des eaux salées de ces divers pays. Le corps et la queue du triangulaire sont bruns, avec de petites taches blanches ; les nageoires sont jaunes, Le. Jrelre pinx. 1. J'Ostracion triangulaire LA 2 p2 ÙŸ .J'Ostracion maille. .... . L'Ostracion pomntllé 28: > Le . Page 351. A UN. 1 . 2bid. G uyard Je. DE L'OSTRACION POINTILLÉ. 337 3 RAR VAR AAA AIAMRAAAAAARS LA LAVER AAA VA NAAAVAIAAAAARA VARPRAAARARANAAANAA L’'OSTRACION MAILLÉ. Ce Cie d’après un dessin trouvé dans des manuscrits de Plamier que le professeur Bloch a publié la description de ce poisson :. Son enveleppe est triangulaire, comme celle de l’ostracion que nous venons d'examiner. À l'aide d'une loupe , ou avec des yeux très- bons et très-exercés, on distingue des rangées de tubercules, placées sur des lignes blanches, formant des triangles de diffé- rentes grandeurs et de diverses formes, et se réunissant de manière à représenter un réseau , Où un ouvrage à mailles. La mâchoire supérieure est plus avancée que l'inferieure. La tête est d’un gris cendre avec des raies violettes; les facettes latérales sont d’un violet grisätre; le dessous du corps est blanc; les nageoires sont un peu rouges. RAR AMAR VIAAAAAN MAARS AUS MARS MA AAAAAA AAA ARAAAAAAA AAA L’'OSTRACION POINTILLÉ*. Le voyageur Commerson a trouvé ce cartilagineux dans les mers voisines de l'ile de France. Îl n’a vu de cette espece que des individus d’un demi-pied de longueur Ce poisson a une enve- loppe osseuse, quadrangulaïre, c’est-à-dire, composée de quatre grandes faces, dont une est placée sur le dos. Cette couverture solide présente un grand nombre de petits points un peu rayon- nans, qui la font paroïître comme ciselée; mais elle n’est pas z Il yaaux nageoires pectorales. sens SUR ce LS. EL TEYOOR n'éelle AUS AS ur ae EURE SAM EUN AE Tu a celle de l'anus. . « d, et et Var ea er ET IeT IN 0e". HS 0 TN 9 à celle de la queue, qui est arrondie, . , , , . . . . 8 3 Ostracion tetrogonus# oblongus muticus ; sentis testæ indistinctis, tota @orpore maculis lenticularibus, sub ventre majoribus , guttato, ( Commerson , manuscries déjà cités.) J'ai fait graver le dessin que ce naturaliste a laissé de ce cartilagineux. Lacepéde. 2. 22 EKe- 5) 338 HISTOIRE NATURELLE garnie de tubercules qui en divisent la surface en compartimietis polygones et plus ou moins réguliers. J'ai tiré le nom que j'ai donné à cet ostracion de cette sorte de pointillage que pré- sente sa croûte osseuse , ainsi que de la disposition de ses couleurs. On voit , en effet, sur tout l'animal , tant sur l'espèce de cuirasse qui le recouvre, que sur les parties de son corps que ce têt ne cache pas, une quantité innombrable de très-petites taches len- ticulaires et blanches, un peu moins petites sur le dos , un peu moins petites encore et réunies quelquefois plusieurs ensemble sur le ventre, et paroissant d'autant mieux, qu'elles sont dissé- minées sur un fond brun. Les deux mâchoires sont également avancées; les denis sont souvent d’une couleur foncée, et ordinairement au nombre de dix à la mâchoire d’en-haut et à celle d’en-bas. Au-dessous de chaque œil, on voit une place assez large, aplatie , déprimée même, et ciselée d’une manitre particulière. La nageoire de la queue est arrondie *. AAA AA AAA M AAA MARAIS UN AV VUV UV UUV VUV VUS RAA AAA AARAANRAR AAA L'OSTRACION QUATRE-TUBERCULES. Cer ostracion est quadrangulaire comme le pointillé ; mais il est distingué de tous les cartilagineux compris dans le premier sous-genre par quatre gros tubercules placés sur le dos, disposés en carré, et assez éloignés de la tête. On le trouve dans l'Inde. PR AAANIA AAA AAA VA AAA AAA LA AU VAR LUE EVE MMA VENUE L'OSTRACION MUSEAU-ALLONGE. Re Cr ostracion est remarquable par la forme de son museau avancé, pointu et prolongé, de manière que l'ouverture de la 3 On compte aux nageoires pectorales. . « «+ , . « + . « . 10 rayons. à 1e nageoiré dorsale. ‘. 7, "077, 47 OUR 09 à celle de l'anus, qui est un peu plus étendue que celle du dos: 2" 0h Ne A PRES NOEER ETES à celle de la quene. «4 « + + + + + + « + + «110 DE L'OSTRACION DEUX-TUBERCULES. 359 bouche est placée au-dessous de cette extension. On trouve quatorze dents à la mâchoire supérieure, et douze à Minférieure. L'iris est d’un jaune verdâtre , et la pruneile noire. La croûte osseuse présente quatre faces; elle est toute couverte de pièces figurées en losange , et réunies de six en six, de manière à offrir l'image d’une sorte de fleur épanouie en roue et à six feuilles ou pétales. Au milieu de chacune de ces espèces de fleurs paroïssent quelques tubercules rouges. On voit d’ailleurs des taches rouges sur la tête et le corps , qui sont gris; d’autres taches brunes sont répandues sur la tète et la queue, et les nageoires sont rou- geâires *. CASA AAA AAA RAA LR RAS AAA AAA PA AAAMAVR LUE LA AAA AAA AA AA RAR AAA L'OSTÉACION DEUX-TUBERCULES *. el L ENVELOPrE dure et solide qui revêt ce cartilagineux est à quatre faces. Elle est toute couverte de petites plaques hexagones ; marquées de points disposés en rayons, moins régulières sur la tête , moins distinguées l’une de l'autre sur le dos, et cependant aussi faciles à séparer que celles que lon voit sur les autres ostra= cions. Celles de ces plaques qui garnissent le dos sont noires dans leur centre. D'ailleurs la couleur générale de la croûte osseuse est d’un rouge obscur. Toutes les nageoires sont brunes ; l'extrémité de la queue, l'iris, et les intervalles des pièces situées auprès des opercules des branchies, sont d’un beau jaune, et le dessous du corps est d’un jaune sale et blanchâtre ° Le museau est comme tronqué, l'ouverture de la bouche pe- PAUL RASENITÉS PECLOrAIES. 22. MS Ua CNOYURT AT Le 10 rayons à cel du Oi EL ON EE TE CAC ENG tés En tn SORA | à ‘la 9 Serie da l’annt. sci A n ge AO On Re Pal e e «159 à célle de la queue, qui est arrondie, . « . : : + : . : + 9 ? Ostracion oblongus , quadranpularis { muticus), tuberculo cartilagineo supra et infra os ; scutis corporis hexagonis punctato-radiatis ; dorsalibus centro nigricantibus ; caudæ basi croceä. ( Commerson , manuscrits déjà cités.) 3 Aux nageoires pectorales. SENTE US ARR USERS à-celle dudos ut ot 05 tre 4e à le me LR l'a CUIR SEEN Dd'oltde l'an eut ne Ne: à je 0, « 2: UD SE NN à celle de la queue, qui est arrondie. . . . . . . . . . 10 540 HISTOIRE NATURELLE tite ; les dents sont brunes, et au nombre de dix à chaque mâ- choire : mais ce qui distingue principalement l'ostraction que nous cherchons à faire connoitre, c’est qu'il a deux tubercules cartilagineux et blanchâtres, l'un au-devant de l'ouverture de la bouche , et l'autre au-dessous. Ce dernier est le plus grand. La langue est une sorte de cartilage informe, un peu arrondi, et blanchâtre. L'ouverture des narines est étroite, et située au-devant et tres- près des yeux. Les branchies sont au nombre de quatre de chaque côte, et la partie concave des demi-cercles qui les soutiennent est fine- ment dentelée. Nous devons la connoissance de celte espèce à Commerson ; qui l’a observée dans la mer voisine de l’ile Praslin, où elle par- vient au moins à la longueur d’un pied. PAARAAAAAAAAAIAAAA AAA AAA AA AAA AA AAA AAA AAA; L'OSTRACION MOUCHETÉE :. | Cr ostracion est peint de couleurs plus belles que celles qui ornent le deux -tubercules, avec lequel il a cependant de très- grands rapports. Chacune des pièces hexagones que l'on voit sur la croûte osseuse présente une tache blanche ou d’un bleu très-clair , entourée d’un cercle noir qui la rend plus éclatante, et lui donne l'apparence d’un iris avec sa prunelle. Les nageoires pectorales, du dos et de l'anus, sont jaunâtres *. Le dessous du corps offre des taches blanches sur les petits boucliers de l'enve- loppe solide , et jaunes ou blanchâtres sur les intervalles ; et en- fin, la portion de la queue qui déborde la couverture osseuse, est brune et parsemée de points noirs. Mais ce qui différencie le plus le moucheté d'avec l'espèce précédente, c'est qu'il n’a pas cn ne OR £ Oâtracion tetragonus oblongus, muticus scutis testæ Eexagonis punctato= gcabris, ocello nigro cœrulco in singulis. ( Commerson, 72anuscrits déja, cités.) 3 "Aux nageoires pectorales. « « + «+ + + à celle du dos. +. . 47. 4 à celle de l'anus. . 4, . .« + a ia RS OS TIRE 10 rayONSs L2 L] L2 2] + e LA L] L.2 1 9 sel Va a 6 ele LASAN ST MC AMNRNTS à celle de la queue, qui est arrondie, « . . « « . . . . 10 ve DE L'OSTRACION BOSSU. 372 de tubercule cartilagineux au-dessus ni au-dessous de la bouche. D'ailleurs il n’y a ordinairement , suivant Commerson , que huit dents à la mâchoire supérieure, et six à l’inférieure. Au reste, la sorte de coffre dans lequel la plus grande partie de l'animal est renfermée est à quatre faces longitudinales, ou quadrangu- laire. Le moucheté vit dans les mers chaudes des Indes orientales, et particulièrement dans celles qui avoisinent l’île de France. Sa chair est exquise. On le nourrit avec soin en plusieurs endroits; on l’ÿy conserve dans des bassins ou dans des étangs ; et il y de- vient , selon Renard, si familier , qu’il accourt à la voix de ceux qui l’appellent, vient à la surface de Peau , et prend sans crainto sa nourriture jusque dans la main qui la lui présente. AAAMAANA RAI AA ANA AAA LS L’'OSTRACION BOSSU. LAAVMAAMANMAAAANY Cr cartilagineux quadrangulaire, ou dont la couverture solide présente quatre faces longitudinales , a pour caractère distinctif une élévation en forme de bosse, qu'offre sur le dos la croûte osseuse. Cette élévation et la conformation de son enveloppe suf- fisent , étant réunies, pour empêcher de confondre cet animal avec les autres poissons inscrits dans le premier sous-genre des. ostracions. On he le bossu dans les mers africaines. On trouve dans Knorr la figure et la description d’un cartila- gineux que l'on a pris pour un ostracion, auquel on a donné le nom d’ostracion porte-crête, et qui, n'ayant point de cornes ou grands piquans , devroit être compris dans le premier sous-genre de cette famille, comme le bossu et les autres véritables ostra- cions dont nous venons de nous occuper. Maïs si l’on examine avec atlention cette description et cette figure, on verra que Yanimal auquel elles se rapportent n’a aucun des véritables traits. distinctifs des ostracions , mais qu’il a ceux des lophies compri- mées par les côtés. Au reste, il est figuré d'une manière trop inexacte, et décrit d’une manière trop peu étendue, pour que Yon puisse facilement déterminer son espèce, qui est d’ailleurs d'autant plus diMicile à reconnoître, que le dessin et la descrip- tion paroissent avoir été faits sur un individu alléré. sh ’ Dé 542 HISTOIRE NATURELLE RAA AAA LULU MA AA ANA? L'OSTRACION TROIS-AIGUILLONS, L'OSTRACION TRIGONE, ET L'OSTRACION DEUX-AIGUILLONS. Novs plaçcons dans le même article ce que nous avons à dire de ces trois espèces, parce qu’elles ne présentent que peu de dif- férences a indiquer. Le irois-aiguillons, inscrit dans le second sous-genre, montre auprès des yeux deux longues prolongations de sa croûte osseuse, façonnées en pointes et dirigées en avant. Il a d’ailleurs un troi- sième aiguillon sur la partie supérieure du corps. Il vit dans les mers de l'Inde, ainsi que le trigone et le deux-aiguillons. Ces deux derniers ostracions ont beaucoup de traits de res- semblance l’un avec l’autre. Placés tous les deux dans le troi- sième sous-genre , ils n'ont point de piquans sur la têle ; mais leur enveloppe solide , triangulaire ou composée de trois faces longi- tudinales comme celle du trois-aiguillons, se termine, du côté de la queue, et à chacun des deux angles qu'y présente la face inférieure , par un long aiguillon dirigé en arrière. Au premier coup d'œil , on est embarrassé pour distinguer le trigone du deux-aiguillons ; voici cependant lés différences prin- cipales qui les séparent. Les boucliers ou pièces hexagones du premier de ces deux poissons sont plus bombés que ceux du se- cond ; d’ailleurs ils sont relevés par des tubercules plus saillans, que lon a comparés à des perles ; de plus , les deux piquans qui s'étendent sous la queue sont cannelés longitudinalement dans le trigone , au lieu qu’ils sont presque lisses dans le deux-aiguillons ; et enfin la nageoire dorsale comprend ordinairement quatorze rayons sur le trigone * , tandis que sur le deux-aiguillons elle n'en renferme que dix *. 2 Aux nageoires pectorales. . 1.1.2. ++ a, eh). 12 /rayonss aucelte di dés RUE VAE oi die Ta jeta a tel aie a celle de Vanus. . CRUE DNS AL PER AS BL RUE A nd a DD à celle de la queue, quiest arrondie, . « . . “ND Aux nageoires pectorales./. 4) 20 41.10 0 2 _ she | | W, [ 04 dr Di 11/11 7 2 4 Cr (il dE Ve < \l \à — ——————_— P ; : PDE IC retreé puæx , : AUTRE: : are ee pere JC: / 1.L Ostracion 5 agumllons : - Page 542. / 2,L'Ostracon 4 agullons NU PTT LES 8. L'Ostracion quadrangulare ES / DE L'OSTRACION QUATRE-AIGUILLONS , etc. 343 Lorsqu'on veut saisir le trigone, il fait entendre , comme le baliste vieille, et vraisemblablement comme d’autres ostracions, une sorte de petit bruit produit par l'air, ou par les gaz aéri- formes qui s'échappent avec vitesse de l’intérieur de son corps qu'il comprime. On a donné le nom de grognement à ce bruisse- ment qu'il fait naître; et voilà pourquoi ce cartilagineux a été nommé cochon de mer, de même que plusieurs autres poissons. Au reste, sa chair est dure, et peu agréable au goût. AAA EUR VE TVA VUE VEUT VUE VAUT VUE VUE À LUE VU AA LA URA VU ANA VAA 4/09 L’OSTRACION QUATRE-AIGUILLONS, ET L’'OSTRACION LISTER. Crs deux cartilagineux sont compris dans le quatrième sous- genre de leur famille. Ils ontstous les deux l'enveloppe triangu- laire ; tous les deux ont quatre piquans, deux auprès des yeux, et deux au-dessous de la queue, aux angles qui y terminent la face inférieure de la croûte osseuse : mais ils diffèrent l’un de Vautre par la conformation de la queue, qui, dans le lister, pré- sente un piquant dur, pointu , et aussi long que la nageoire de Vanus , tandis que cette partie du corps n’en montre aucun dans le quatre-aiguillons. Cette pointe longue et dure est placée sur la portion de la queue du lister qui est hors de l'enveloppe, et elle y est plus rapprochée de la nageoire caudale que de lextrémité de la croûte solide. La nageoire dorsale du lister est plus près de la tête que celle de l'anus. On ne voit pas sur la queue de ce car- tilagineux d’écailles sensibles pendant la vie de l'animal ; le dos et les côtés de sa tête présentent de grandes taches ondées ; et nous avons donné à ce poisson le nom sous lequel il est inscrit dans cet ouvrage, parce que c’est au savant Lister que l’on en doit la connoissance. L'on ne sait dans quelles mers vit cet ostracion ; le quatre-aiguillons se trouve dans celles des Indes, et près des côtes de Guinée *. a celle dmidosss in 2 +0 in se eue de aa toire lie ti MAGIE Mac e dE TA RneU M URL Si a de till sr S TL POUSSE à celle dé la queue, qui estarrondie, . . . . . « . . + «10 * Il y à aux nageoires pectorales du quatre-aiguillons, . . . . 11 Ca 344% HISTOIRE NATURELLE 2AMMAW AAA AAA AA AA AAA RAA A AAA AAA AMAR AA L'OSTRACION QUADRANGULAIRE, ET L'OSTRACION DROMADAIRE. ' Crs deux ostracions ont le corps recouvert d’une enveloppe à quaire faces longitudinales : mais ces quatre côtés sont bien plus réguliers dans le premier de ces poissons que dans le second. Le quadrangulaire a d'ailleurs , comme le quatre aiguillons et comme le lister, quatre pointes ou espèces de cornes fortes et longues = deux situées au-dessous de la queue, dirigées en arrière, et atta- chées aux deux angles de la croûte osseuse; et les deux autres placées au près des veux, tournées en avant , el assez semblables en petit aux armes menaçantes d'un taureau, pour avoir fait donner au quadangulaire le nom de éaureau marin. I] habite les mers de lInde , et sa chair est dure *. Le dromadaire se trouve également dans les mers des Indes orientales ; mais il a élé aussi observé dans la mer Rouge. Au mi- lieu de la face supérieure de sa couverture solide, s'élève une bosse très-grosse, quelquefois en forme de cône; d’autres fois un peu semblable à une pyramide triangulaire ; le plus souvent très- large dans sa base, et toujours terminée par un gros a'guillon recourbé, cañnnelé, et un peu dirigé vers l'arrière. Un aiguillon plus petit, mais figuré de même, est placé verticalement au- dessus de chaque œil; et d’autres piquans cannelés , aussi 1rès- forts et recourbés, garnissent les deux côtés de la face inférieure du coffre. Ces pointes inférieures et latérales varient en nombre suivant l’âge de l’animal, et depuis trois jusqu’à cinq de chaque côté. Les tubercules semés sur la croûte osseuse y forment des figures triangulaires , lesquelles, réunies , donnent naissance à à la nageoire dorsale, , « . . . . . « + . « + . . 10 rayons. aveelie de l'anus! 4: 100000 CRE a EM AT EEE EE a celle de la queue. ee een Teen 3 Aux nageoires pectorales du quadrangulaire. . . . . « . . 10 & colle du dos. ui 0 9 né UN a ne RE RENE n celle de Panass: #00 SNA 0 0 OM TN RENE à ecile de la queue, qui est arrondie, . . . . « « . .°. . 1e DÉ L'OSTRACION QUADRANGULAIRE., etc. 345 des hexagones, comme sur presque tous les ostracions , et ces hexagones sont séparés par des intervalles un peu transparens*, Le coffre est d’un cendré jaunâtre ; les autres parties de l’ani- mal sont brunes, et l’on voit , sur plusieurs endroits du corps et de la queue , des taches brunes et rondes. Cette espèce a été nommée chameau marin; mais nous avons préféré à ce nom celui de dromada:re, l'animal n'ayant qu'une bosse sur le dos. Au reste, elle parvient à la longueur d’un pied et demi , et sa chair est coriace et désagréable au goût. Voilà donc la chair du dromadaire, du quadrangulaire , du quatre-aiguillons , du trigone, qui est dure et dénuée de saveur agréable. 11 paroïît que tous ou presque tous les ostracions armés de pointes l'ont coriace , tandis qu’elle est tendre et savoureuse dans tous les poissons de cette famille qui ne présentent aucun piquant. La différence dans la bonté de la chair est souvent un signe de la diversité de sexe. La présence de piquans, ou d’autres armes plus ou moins puissantes, peut aussi être la marque de cette même diversité. L'on n’a point encore d'observations exactes sur les variétés de forme qui peuvent être attachées à l’un ou à l'autre des deux sexes dans le genre dont nous nous occupons : peut-être , lorsque les ostracions seront mieux connus, trou- vera-t-onque ceux deces cartilagineux qui présentent des piquans sont les mâles de ceux qui n’en présentent pas; peut-être, par exemple, regardera-t-on le dromadaire comme le mâle du bossu, le quadrangulaire comme celui du moucheté, le quatre-aiguil- lons , dont la croûte n’a que trois faces longitudinales , comme le: mâle du triangulaire : mais , dans l’état actuel de nos connois- sances , nous ne pouvons que décrire comme des espèces diver- ses, des osiracions aussi diflérens les uns des autres par leur con- formation, que ceux que nous venons de considérer comme apparlenant, en effet, à des espèces distinctes. 3 Aux nageoires pectorales du dromadaire, . . . , . , . . . 10 rayons. ROSE als etai ie Ps SU ITEM à » : lo PP PET PR PPT PERS 2 re OR à celle de la queue, qui est arrondie, . . . . , . , . . . 10 546 HISTOITE NATURELLE AAA AAA AE AE LA EE EE AAA UE VUE MAUR X ONZIEME GENRE. LES TÉTRODONS. Les méchorires osseuses avancées, ef divisées chacune en deux dents. PREMIER SOUS-GENRE,. Les deux mâchoires inégalement avancées ; le corps non comprimé. ESPÈCES. CARACTERES, La mâchoire supérieure plus avancée que l’inférieure ; de très-petits pi- { quans sur le ventre. y. LE TÉTRODON PERRO- QUET. ‘La mâchoire supérieure plus avancée que l’inférieure ; de petits piquans 2. LE TÉTRODON ÉTOILÉ. sur tout le corpèe la base des piquans répandus sur les cotés et sur le ven- tre, étoilée à cinq ou six rayons. La mâchoire supérieure plus avancée que l’inférieure ; de petits piquans sur tout Île corps ; la base des piquans répandus sur les côtés et sur le ven- tre, étoilée à cinq ou six rayons; des taches noires sur le ventre ; la nageoire dorsale presque linéaire, et sans rayons distincts. , 3. LeTÉTRODON POINTILLÉ. La mâchoire supérieure plus avancée que linférieure ; de petits piquans 4. LE TÉTRODON sANs- sur tout le corps, dont toutes les TACHE. parties sont sans tache; les yeux petits et très-rapprochés du bout du museau. La mâchoire inférieure plus avancée 5. LE TÉTRODON HÉRISSÉ. que la supérieure ; tout le corps hé- Il rissé de très-petits piquans, DES TÉTRODONS. 347 ESPÉCESZ #0! 2 CARACTÈRES, {La mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure ; tout le corps hé- rissé de très-petits piquans ; des ta- ches noires sur le dos , sur la queue, et sur la nageoire caudale ; les na- geoires pectorales arrondies. G LE TÉTRODON MOUCHETÉ. La mâchoire inférieure plus avancée 7. LE TÉTRODON HONCKÉ- que la supérieure; des aiguillons sur NIEN. le ventre ; la ligne latérale treès-mar- quée. SECOND SOUS-GENRE. Les deux méchoires également avancées ; le corps non comprimé. ESPÈCES. CARACTÈRES. 8. TÉTRODON LAGOCÉ- PHALE. Le ventre garni d’aiguillons à trois racines. 9. LE TÉTRODON RAYÉ.! surmonté de deux filamens , au-de- Pa raies longitudinales ; un tubercule vant de chaque œil, 10. LE TÉTRODON CROISSANT. Une bande en croissant sur le dos. Des piquans répandus presque unique- ment sur la partie antérieure du ventre ; deux lignes latérales de cha- que côté. 31. LETÉTRODON MAL-ARMÉ. RIEN, corps. Le corps très-allongé ; deux lignes latérales très- marquées de chaque côté ; une pointe à l’opercule des branchies. 12. LE TÉTRODON SPENGLÉ- ee barbillons, et des piquans sue 15. LE TÉTRODON suoner 14. LE T ÉTRODON MUSEAU- Les màchoi rès- es. ALLONGÉ. es machoires tres-avancées Une élévation pyramidale, à quatre faces , jaune , et recourbée en ar- rière , à la place d'une première na- geoire dorsale. 15. LE TÉTRODON PLUMIER, Le tête , toutes les parties du corps , la queue, et les nageoires , brunes , et arsemées de petites taches lenticu- 16. LE TÉTRODON MÉLÉAGRIS ets et blanches. 348 HISTOIRE NATURELLE ESPÈCES. CARACTÈRES, , p Un an ne 17, LE TÉTRODON ÉLEC- grand nombre de taches rouges ; vertes, blanches, et quelquetoi < L quelqueiois. TRIQU d’autres couleurs. 18. LE TÉTRODON GROSSE RE La tête très-grosse. TROISIÈME SOUS-GENRE. Le corps très- comprimé par les côtes. ESPÈCE. CARACTÈRES. Point d’aiguillons ; les nageoires dœæ 19. LE TÉTRODON LUNE. dos, de la queue et de l'anus, réu- niés. LE VAUT. LE TÉTRODON PERROQUET. LE poissons cartilagineux que nous allons examiner ont recu. le nom de tétrodon, qui signifie quatre dents , à cause de la con- formation particulière de leurs mâchoires. Elles sont, en effet, larges, dures, osseuses , saillantes , quelquefois arrondies sur le devant, et séparées chacune, dans cette partie antérieure, par une fente verticale, en deux portions auxquelles le nom de dents a élé donné. Ces quatre dents, ou ces quatre portions de mächoires osseuses , qui débordent les lèvres, sont ordinaire- ment dentelées, et ont beaucoup de rapports avec les mâchoires dures et dentelées des tortues. Dans les espèces où leur partie antérieure se prolonge un peu en pointe, ces portions de mà- choires ressemblent un peu aux mandibules du bec d’un perro- quet ; et de là vient le nom que nous avons conservé au télro- don que: nous allons décrire dans cet article. Ces mächoires, placées hors des lèvres, fortes et crénelées , sont irès-propres à écraser les erustacées et les coquillages , dont les tétrodons se nourrissent souvent. Ces poissons ont, par la na- ture de cet appétit pour les animaux revêtus d’un têt ou d'une coquille, un rapport d'habitude avec les ostracions, auxquels is ressemblent aussi par des traits de leur conformation. Gomme DU TÉTRODON PERROQUET. 849 es ostracions , ils onftune membrane branchiale et un oper- tule : la membrane est communément dénuée de rayons; et l'o- percule, plus ou moins difficile à distinguer, surtout dans les individus desséchés ou altérés d’une autre manière, consiste ordinairement dans une petite plaque cartilagineuse. Îls n’ont pas reçu de la puissance créatrice cette enveloppe solide dans laquelle la plus grande partie du corps des ostracions est ga- rantie de la dent de plusieurs poissons assez forts et assez bien armés; la Nature ne leur à pas donné les boucliers larges et épais qu’elle a disposés sur le dos des acipensères ; elle ne lesa pas revêtus de la peau épaisse des balistes ; mais une partie plus ou moins grande de leur surface est hérissée , dans presque tou- tes les espèces de cette famille, de petits piquans dont le nombre compense la briéveté. Ces pointes blessent assez la main qui veut retenir le poisson ; on l'animal qui veut le saisir, pour contrain- dre souvent à cher prise et & cesser de poursuivre le tétrodon ; et il est à remarqigr que la seule espèce de ce genre que l’on ait vue absolument sans aiguillons a été douée, pour se défendre, de la force et de la grandeur. Mais, indépendamment de ces armes, au moins très-multi- pliées , si elles sont peu visibles, les tétrodons jouissent d’une faculté qui leur est utile dans beaucoup de circonstances , et qu'ils nossèdent à un plus haut degré que presque tous les poissons connus. Nous avons vu les balistes, et d’autres cartilagineux, gonfler une partie de leur corps à volonté et d’une manière plus ou moins sensible. Les tétrodonsenflent ainsi leur partie inférieure ; mais ils peuvent donner à cette partie une extension si considé- rable, qu'elle devient comme une grosse boule soufllée , dans la portion supérieure de laquelle disparoît, pour ainsi dire, quel- quelois, le corps proprement dit , quelque cylindrique ou quelque conique que soit sa forme. Ils usent de cette faculté, et s’arron- dissent plus où moins, suivant les différens besoins qu'ils veu Jent satisfaire: et de ces gonflemens plus ou moins consfdérables sont venues les erreurs de plusieurs observateurs qui ont rap- porté à différentes espèces des individus de la même, enflés et élendus à des degrés inégaux. Mais quelle est précisément la partie de leur corps dont les tétrodons peuvent augmenter le volume , en y introduisant ou de l'air atmosphérique, ou un gaz, ou un fluide quelconque ? Fr 550 HISTOIRE NATURELLE C'est une sorte de sac formé par une mefibrane située entre les intestins et le péritoine qui les couvre; et celte pellicule très- souple est la membrane interne de ce même péritoine. Au reste, un habile ichtyologiste * s est assuré de la communication de l'in- térieur de ce sac avec la cavité qui contient les branchies; 1l l'a, en effet, gonflé, en soulllant par l'ouverture branchiale : et ce fait ne pourroit-1l pas ètre regardé comme une espèce de confir- mation des idées que nous avons exposées * sur l'usage et les effets des branchies des poissons ? Mais, quoi qu'il en soit, les parties voisines de cette poche PAGE sa souplesse, se Det En à son gonflement, s'étendent elles-mêmes. La peau de l'animal, ordinairement assez mince et plissée, pouvant recevoir aussi un grand développement, toute la portion inférieure du corps du Fo , et même ses côtés, s’enflent et se dilatent au point de représenter un globe plus ou moins parfait, et si grand à pro- portion du volume du poisson , qme l’on croiroit, en le voyant nager dans cet état, n'avoir sous les yeux dau alias flottant entre deux eaux, ou sur la surface des miers. Cest principalement lorsque les tétrodons veulent s'élever qu'ils gonflent ainsi leur corps, le remplissent d’un fluide moins pesant que l’eau , et augmentent leur légèreté spécifique. Ils com priment, au contraire , le sac de leur péritoine, lorsqu'ils veulent descendre avec plus de facilité dans les profondeurs de locéan ; et la partie inférieure de leur corps est pour ces cartilagineux une seconde vessie natatoire, plus puissante même peut-êlre que leur véritable vessie aérienne, quoique eelte dernière soit assez étendue, relativement à la grandeur de l'animal. Les tétrodons s'enflent aussi et s’arrondissent » lorsqu'ils veulent résisier à une attaq ue ;et ils se boursouflent ainsi non-seulement pour opposer à Le ennemis un volume plus grand et plus embarrassant , mais encore parce que, dans cet état de tension des tégumens, les petits aiguillons qui garnissent la peau sont aussi saillans et aussi dressés qu'ils peuvent l'être. Le perroquet, le premier de ces tétrodons que nous ayons à examiner, a été nommé ainsi à cause de la forme de ses mà- choires , dont la supérieure est plus avancée que linférieure, et qui ont, avec le bec des oiseaux appelés perroquets, plus de à HS * Le docteur Bloch , de Berlin, * Discours sur la nature des poissons DU TÉTRODON ÉTOILE. $45 ressem blance encore que celles des autres cartilagineux de la même famille. Lorsque ce poisson n’est pas gonflé, il a le corps allongé comme presque tous les tétrodons vus dans ce même état de moindre extension. Les ÿeux sont gros; et au-devant de chacun de ces organes est une narine fermée par une membrane, aux deux bouts de laquelle on voit une ouverture que le perroquet peut clore à volonté, en étendant cette même membrane ou pellicule. L'orifice des branchies est étroit, un peu en croissant, placé verticalement , et situé, de chaque côté, au-devant de la nageoire pectorale, qui est arrondie, et souvent aussi éloignée de l’extré- mité du museau que de Ia nageoire de l'anus. Cette dernière et celle du dos sont presque au-dessus l’une de l'autre, et présentent à peu près la même surface et la même figure. La nageoïre de la queue est arrondie ; et comme aucune couverture épaisse ou solide ne gêne dans le perroquet, n1 dans les autres tétrodons , le mou- vement de la queueet de sa nageoire, et que d’ailleurs ils peuvent. s'élever avec facilité au milieu de l’eau , on peut croire que ces animaux, n'ayant besoin, en quelque sorte, d'employer leur force que pour s’avancer , jouissent de la faculté de nager avec vitesse. C'est dans l'Inde qu'habite ce cartilagineux, dont la partie supé- rieure est communément brune avec des taches blanches et de di- verses figures, et dont les côtés sont blancs avec des bandes irré- gulières, longitudinales, et de couleurs foncées. Des aiguillons revêtent la peau du ventre, et sont renfermés presque en entier dans des espèces de petits enfoncemens, qui disparoissent lorsque l'animal se gonfle et que la peau est tendue *. CAN ANA AAAANNANNARRANANN ANA AAA VAAPRARIAANAANAN MAAAANAAANAAAAANARANANAAE LE TÉTRODON ÉTOILÉ. Ne avons trouvé la description de ce cartilagineux dans les écrits de Commerson, qui l'avoit vu parmi d’autres poissons 0 On compte aux nageoires pectorales. 2" + 0 st ee 14 Tayons. ÉRIC EHE dUNIOS TE P NOR LOUE, 7 PME Hicelletderlannsse slt. 0 UE necllé de la queue, . . spears Le à 4 MES 552 HISTOIRE NATURELLE apportés au marché de l'ile Maurice , auprès de l’île de France. Ce voyageur compare la grandeur que présente le tétrodon étoilé lorsqu'il est aussi gonflé qu’il puisse l’êlre, à celle d’un ballon à jouer, dont ce carülagineux montreroit assez exactement la figure, sans sa queue, qui est plus ou moins prolongée. Cet ani- mal est grisâtre, mais d’une couleur plus sombre sur le dos, lequel est semé, ainsi que la queue, de taches petites, presque rondes et très-rapprochées. La partie inférieure du corps est d’une couleur plus claire et sans taches , excepté auprès de l’anus, où l'on voit une espèce d'anneau coloré, et d’un noir très- fonce. . L'ensemble du poisson est hérissé de piquans roides, et d’une ou deux lignes de longueur. Ceux qui sont sur le dos sont les plus courts et lournés en arriére ; les autres sont droits, au moins lorsque le ventre est enflé, et attachés par une base étoilée à cinq ou six rayons. Nous verrons une base analogue retenir les piquans de plusieurs autres poissons, et particulièrement de la plupart de ceux auxquels le nom de diodon a été donné. Au reste, ces piquans tiennent lieu , sur l'étoilé, ainsi que sur le plus grand nombre d’autres iétrodons , d’écailles proprement dites. La mâchoire supérieure est un peu plus avancée que l’infé- rieure. Les deux dents qui garnissent chacune de ces mâchoires sont blanches, larges, à bords incisifs, et attachées de très-près June à l’autre sur le devant du museau. Les yeux, séparés par un intervalle un peu déprimé, sont situés de manière à regarder avec plus de facilite en haut que par côté. On n'aperçoit pas de ligne latérale. Ta nageoire du dos , arrondie par le bout, et plus haute que Jarge, est attachée à un appendice qui la fait paroître comme pédonculée *. La caudale est arrondie; et la partie de la queue qui l’avoisine est dénuée de piquans. L’'individu observé par Commerson avoit treize pouces de lon- sueur. Il pesoit à peu près deux livres. Ed 1 Aux nageoires pectorales. , 4. . « + . + + + « +. + + + 17 raÿon$ à cellerdmdoss #0 1e 6e ee ere pe eee enr el 10 * rca de Panus. : 4 sue, +: lala ue Sel OR à celle de la queue. « . ee es + « 9 DU TÉTRODON SANS-TACIHE. 353 AR RAA AA AAA AAA AAA A ANUS AAA AAA A AAA AA AA AAA S LE TÉTRODON POINTILLÉ, eee Cox encore d’après les manuscrits de l’infatigable Commer- son que nous donnons la description de ce cartilagineux , dont un individu avoit été remis à ce naturaliste par son ami Des- champs. Ge tétrodon est conformé comme l’étoilé dans presque toutes ses parles , 1l a particuliérement sa mâchoire supérieure plus avancée que celle de dessous , et la base de ses piquans étoilée, comme le carlilagineux décrit dans Particle précédent Maïs ses couleurs ne sont pas les mêmes que celles de l'éloïlé. Il a, en efet, non-seulement de pelits points noirs semés sur la partie superieure de son corps , qui est brune, mais encore des taches plus grandes, irrégulières ; et d’un noir plus foncé, sur la partie imférieure, qui est blanchatre. Ses nageoires pectorales présen- tent, à leur base, une raie large et noire, et sont livides et sans taches sur tout le reste de leur surface. D'ailleurs la nageoire dor- sale est très-étroite, presque linéaire, ne monire aucun rayon distinct ; et ce dernier caractère suffit, ainsi que la pensé Com- merson , pour je séparer de l’étoilé *. RAA AN ARAAAANIANANAA ANA AAA AV AAARAAAAAAANANANUAAARAARAAAAAAANARNR AAA LE TÉTRODON SANS-TACHE. es — C: poisson a la mâchoire supérieure plus avancée que l'infé- tieure; et il diffère des tétrodons , qui ont également la mâà- choire d’en bas moins avancée que celle d’en hant, par la place et les dimensions de ses yenx , qui sont petits et très-rapprochés du bout du museau, et par sa couleur, qui est plus claire sur le ventre et à l’extrémité des nageoires pectorales que sur le réste * Aux nageoires pectorales. . Na dei ns VUS TOOITANENRS. a celle de La queue, qui est arrondie, he ee + GE QU LUE, ee Eu Lacepède. 2. 23 354 HISTOIRE NATURELLE du corps, mais qui ne présente absolument aucune tache. Presque toute la surface de l'animal est d’ailleurs hérissée-de petits piquans. C’est dans les dessins de Commerson que nous avons trouvé la figure de ce cartilagineux. APR AAA VAR AAA AAA AA LU ARS AR VIA AAA VAR AAA ERA AAA VIABLE LE TÉTRODON HÉRISSÉ :. Cr n'est pas seulement dans les mers de l'Inde qu’habite ce té- trodon ; 1l vit aussi dans la Méditerranée, où on le trouve parti- culièrement auprès des côtes septentrionales de l'Afrique, et où il se tient quelquefois dans l'embouchure du Nil, et des autres rivières dont les eaux descendent des montagnes plus où moins voisines de ces rivages africains. Aussi les anciens l’ont-ils connu ; et Pline en a parlé en lui donnant le nom d’orbis. Il mérite en effet cette dénomination , qui lui a été conservée par plusieurs auteurs ; il la justifie du moins par sa forme, plus que la plupart des autres tétrodons, lorsqu’en se gonflant il s'est donné toute l'extension dont il est susceptible. Dans cet état d’enflure, il res- semble d'autant plus à un globe, que la dilatation s'étend au- dessous de la queue, presque jusqu’à l’extrémité de cetie partie, et que l’on n’auroit besoin de retrancher de l'animal qu'une très- petite portion de son museau et sa nageoire caudale, pour en faire une véritable boule. Aussi Pline a-t-il dit que ce poisson étoit, en quelque sorte, composé d’une tête sans corps : mais, comme l'ont observé Rondelet et d’autres auteurs, on dérroit plutôt le croire formé d’un ventre sans tête, puisque c’est sa parlie inférieure qui, en se remplissant d'un fluide quelconque, lui donne son grand volume et son arrondissement. Sa mâchoire inférieure est plus avancée que la supérieure, et la surface de tout son corps est parsemée de tres-petits piquans. Sa couleur est foncée sur le dos, et très-claire sur les côtés, ainsi que sous le ventre. Mais ces deux nuances sont séparées l'une de l’autre par une ligne très-sinueuse, de manière que la teinte brune descend de chaque côté au milieu de la teinte blan- RE 2 2 ORDRES LEO CRE EE ? Pesce colombe, dans plusieurs endroits d'Italie, /Æascopsare , dans pli sieurs contrées du Levant. A) Tome 2, 16 > + < Page 554. £ , 2 L Tretre PUX, , Té se ; Re Plee pere Je. 1. Le Tetrodon herisse...... . Page 554%. D] 2.1.e Tetrodon honckenien-. . ...... 356. 8.1e Tetrodon lasocephale _ OO: DU TÉTRODON MOUCHETÉ. 355 châtre, par quatre bandes transversales plus ou moins larges, longnes et irrégulières. Nous avons trouvé dans les dessins de Commerson une figure du hérissé , qui a été faite d’après nature, el que nous avons fait graver. Le dessus du corps y paroït parsemé de taches trés-petites rondes, blanches, et disposées en quinconce. Nous ignorons si ces taches blanches sont le signe d'une variété d'âge, de pays, ou de sexe, ou si, dans les divers dessins et les descriptions que l’on à donnés du hérissé, on a oublié ces taches uniquement par une suite de l’altération des individus qui ont été décrits ou figurés. Les nageoires pectorales se terminent en croissant ; celles de l'anus et du dos sont très-petiles ; celle de la queuc est arrondie * Le tétrodon hérissé n'est pas bon à manger; il renferme trop de parties susceptibles d'extension , et trop peu de portions char- nues. Dans plusieurs contrées voisines des bords de la Méditer- ranée, ou des rivages des autres mers dans lesquelles habite ce car- tilagineux , on l’a souvent fait sécher avec soin dans son état de gonflement ; on l’a rempli de matières légères, pour conserver sa rondeur; on l’a suspendu autour des temples ei d’autresédifices, à ja place de girouettes : et en effet, la queue d’un hérissé ainsi pré- paré et rendu trés-mobile a dû toujours se tourner vers le point de l'horizon opposé à la direction du vent. ; Le tétrodon hérissé vivant au milieu des eaux salées de la Méditerranée , on ne sera pas étonné qu'on ait reconnu des indi- vidus de cette espèce parmi les poissons pétrifiés que l’on trouve én si grand nombre dans le mont Bolca, près de Vérone , et dont on a commencé de publier la description dans un très-bel ouvrage, déjà cité dans cette Histoire, et entrepris par le comte Gazola, ainsi que par d’autres savans physiciens de cette ville italienne, LE TÉTRODON MOUCHETÉ. D: NS les divers enfoncemens que présentent les côtes des îles Praslin , ce poisson a été observé par le voyageur Commerson, 9 Aux nageoires pectorales, nt eh M ere % em SATA 17 rayons. à celle du dos COR UOTE EN 556 HISTOIRE NATURELLE qui l’a décrit avec beaucoup de soin. Ge naturaliste a comparé ja grosseur de cet animal, dans son état de gonflement, à la tête d’un enfant qui vient de naître. Comme le hérissé , ce télrodon 4 sa surface garnie, dans presque toutes ses parties, de petites poin- tes longues d’une ligne ou deux, et sa mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure. Mais il difière du hérissé par la dis- position et les nuances de ses couleurs. Il est d’un brun sale par- dessus , et blanchâtre par-dessous. De petites taches noires sont répandues sans ordre et avec profusion sur le dos, sur les côtés, el sur la nageoire de la queue. Les nageoires pectorales sont d’un jaune rougeûtre; celle de l'anus et l'extrémité de celle du dos sont jaunâtres ; et l’on voit une teinte livide autour des yeux et de l'ouverture de la bouche. La langue est comme une masse informe, cartilagineuse , blanchâtre , et un peu arrondie. L'iris présente les couleurs de l'or et de l'argent. Les branchies ne sont de chaque côlé qu’au nombre de trois; et chacune est composée de deux rangs de filamens. Ce nombre de branchies , que l’on retrouve dans les autres tétrodons , sufli- roit pour séparer le genre de ces poissons d'avec celui des ostra- cions, quren ont quatre de chaque côté. Les nageoires pectorales sont arrondies, ainsi que celle de Ia queue , au lieu d’être en demi-cercle comme celles du hérissé *. Le moucheté fait entendre, lorsqu'on veut le saisir, un pelit bruit semblable à celui que produisent les balistes et les ostra- cions : plus on le manie , et plus il se gonfle; plus 1l cherche , en accroissant ainsi son volume , à se défendre contre la main qui le touche et qui l’inquiète. RAA AA AAA AAA AAA AAA AA AAA UV AAA VA AAA LA AAA AR AAA AAA AAA AA AAA AAA AAA AR AAA AIT LE TÉTRODON HONCKÉNIEN. C: tétrodon a la mâchoire de dessus moins avancée que celle de dessous, comme le hérissé et le moucheté; mais, au lieu d’a- voir de pelits piquans sur tout son corps, 1l n'en montre que sur D R'celle de l'anus di.) Me) 0400 20 ANS ep EN TT SE PRE OA ES a celle de la queue. se TH LA ue A CORAN MA PP TRS * Aux nageoires pectorales. : + + + «4 + + « + se) 17 DU TÉTRODON LAGOCÉPHALE. 357 son ventre et sur ses côtés. Il a d’ailleurs une ligne latérale très- marquée , l'ouverture de la bouche très-grande, le front large, et les yeux petits. On voit sur son dos des taches jaunes et d’autres bleues ; les nageoires sont brunâtres, mais celles de la poitrine sont bordées de bleu *. Ce poisson se trouve dans la mer du Japon. M. Honckeny a envoyé dans le temps un individu de cette espèce au docteur Bloch; et de là vient le nom qu'a donné à ce cartilagineux le naturaliste de Berlin , qui l’a décrit et fait graver. Nous avons vu que l’on avoit trouvé parmi les poissons pé- trifiés du mont Bolca, près de Vérone, le tétrodon hérissé, qui vit dans la Méditerranée ; il est bien plus utile pour les progrès de la géologie de savoir qu’on a découvert aussi parmi ces mo=< numens des catastrophes du globe , et des bouleversemens pro- duits par le feu et par l’eau dans la partie de l’Italie voisine des Alpes , des restes pétrifiés du tétrodon honckénien , que l’on n’a pêché jusqu'à présent que près des rivages du Japon, vers l'ex- trémité orientale de PAsie , et non loin des mers véritablement équatoriales. AMANAAANY ARARAAAV AAA ARAANARAAA ANA A RAAAARAS LE TÉTRODON LAGOCÉPHALE. Par VENUS au second sous-genre des tétrodons, nous n’avons maintenant à examiner parmi ces carlilagineux que ceux dont les deux mâchoires sont également avancées. Le lagocéphale a les côtés et le dessous du corps garnis de piquans, dont la base se divise en trois racines ou en trois rayons. Ce caractère , qui le sépare de tous les poissons renfermés dans le sous-genre dont il fait partie , le rapproche de l’étoilé, dont 1 : doellédudos, PAS CE TINTNEECAL E sm ee + | +2 AOTAYORS. a celle de L'auus. 3 22. 221 ie SE STE ENS PRET EN CRLTES a celle de la-quene:-2s 2 se Su de 10 Lt CAS NA RQUR 7 Aux nageoires pectorales, SUR era lue. Det RU NUS) PEU SISTER Aa rene CA PR MAC 6 a La Mit dr us ‘ ARE + à celle anus. Ps Tue Taies, . Oo . . . L] 7 à celle de la queue, qui est arrondie, . .… . . . . . re 358 HISTOIRE NATURELEE différe cependant par un très-grand nombre de traits, et parii- culièrement par légal avancement de ses deux mâchoires, l'ab- sence de toute espèce de pointes sur son dos, le nombre des rayons de ses nageoires , la distribution de ses couleurs, et même par les racines on rayons de ses piquans inférieurs ou latéraux, qui n'ont que trois de ces rayons ou racines, tandis qu'il yen a cnq ou six à la base des pointes de l'étoilé. Au reste, ceite divi- sion en trois, de la base des petits dards du lagocéphale , lui a fait donner , par quelques naturalistes, le nom d'étorlé , qui m'a paru convenir bien mieux au iétrodon que nous avons, en eflet, décrit sous cette dénomination, puisque , dans ce dernier , la base des aiguillons est partagée en cinq ou six prolongations, et par conséquent bien plus rayonnante, bien plus stellaire. Le lagocéphale a ses piquans éloilés disposés en rangées longi- tudinales, un peu courbées vers le bas, et ordinairement au nombre de vingt. Le dessus du corps est jaune avec des bandes brunes et trans- versales ; le ventre est blanc avec des taches rondes et brunes ? On trouve le lagocéphale non-seulement dans l'Inde et aupres des côtes de la HUE mais encore dans le Nil; ce qui doit faire présumer qu'on poarroit le pêcher dans la Méditerranée , aupres des rivages de PAfrique: DS AVAL VE VE ABLE LR RAA LE LA LA VA RAA VEUT EVALUER AAA VE UE TUNER LA SAR VER è s k - i : s° ke 5 LE TÉTRODON RAYÉ, LE TÉTRODON CROISSANT, LE TÉTRODON MAL-ARMÉ, ET LE TÉTRODON SPENCLÉRIEN. Cs quatre tétrodons se ressemblent par un trop grand nombre de traits pour que nous n’ayons pas dû présenter ensemble leurs quatre images , afin qu’on puisse les mieux comparer , et les dis- tinguer plus facilement lune de l'autre. Le rayé se trouve dans le Nil. CRD ? Aux nageoires pectorales. . . . . + + « + + . . . . »5sayons. à celledn des todo rate se Dee ts NT OP NON a celle de Fanus. 27 0 tie 0 eva FE A NS ER ES CL] LL e L e e Li e L 10 à celle de la queue. ... . . « . DU TÉTRODON RAYÉ, ete. 350 Depuis la tête jusqu’au milieu du corps, il est hérissé de piquans. extrémement courts, tournés vers la queue, et qui occasionent. des démangeaisons et d'autres accidens assez Pete à ceux que Fon éprouve lorsqu'on a touché des orties, pour qu’on ait regardé cet animal comme venimeux. Depuis le milieu du corps jusqu'à. extrémité de la queue, la partie inférieure du rayé ne présente que de petits creux qui le font paroitre pointillé. Au-devant de chaque oeil est un tubercule terminé à son sommet par deux filamans très-courts ; les deux tubeycules se touchent *. La ligne latérale passe au-dessous de l'œil, descend ensuite, se relève, et: s'étend enfin presque directement jusqu’à la nageoire candale. Le rayé est, par-dessus, d’un vert bleuâtre ; par-déssous , d’un. jaune roux ; sur les côtés, d’un bleuâtre foncé; et, sur ce fond, on voit régner longitudinalement et de chaque côté quatre raies. brunes et blanchatres, dont les deux supérieures sont courbes ;. et dont la troisième se partage en deux. Le croissant vit en Egypte comme le rayé; mais il habite aussr en Asie, et particulièrement dans les eaux de la Chine et dans. celles du Japon. Il est regardé, dans toutes les contrées où on lé pèche, comme une nourriture très-dangereuse , lorsqu'il n’a pas été vide avec un très-grand soin. La qualité funeste qu’on lui attribue vient peut-être le plus souvent de la nature des alimens qu’il préfère, et qui, salutaires pour ce poisson, sont très-mal- faisans pour d’autres animaux, et surtout pour l’homme; mais il se pourroit qu’une longue habitude de convertir en sa PCRRES substance des alimens nuisibles fit contracter à la chair même du croissant, ou aux sucs renfermés dans l’intérieur de son corps, des propriétés vénéneuses. Cette qualité délétère du croissant est reconnue depuis plusieurs siècles au Japon et en Egypte, où la superstition à fait croire pendant long-temps que l'espèce entière de ce tétrodon avoit été condamnée à renfermer ainsi un poison actif, parce que des individus de cette même espèce avoient au- trefois dévoré le coprs d’un Pharaon tombé dans le Nil. Au reste, le venin que renferme le croissant, à quelque cause qu’il faille le rapporter , est très-puissant , au moins dans le Japon , puisque ,. z Le rayé à aux nageoires pectorales, . . . % + e +: + + . 10 rayons. A COUR done ES. à Ve lettre CAT INT RER moelle dedans de as L'ADS SON 7 M ENOMRNrS à eelle de la queue, qui est arrondie, . . . « . , 42 360 HISTOIRE NATURELLE suivant Osbeck , cet animal peut y donner la mort, dans deux heures, à ceux qui s'en nourrissent *. Aussi les soldats de cette contrée orientale, et lous ceux de ses habilans sur lesquels on peut exercer une surveillance exacte , ont-ils recu une défense rigoureuse de manger du tétrodon croissant. Mais si l’on doit redouter de se nourrir de ce cartilagineux , on duit aimer à le voir, à cause de la beauté de ses couleurs. Le des- sous de son corps est blanc; ses nageoires sont jaunâtres ; sa pautie supérieure est d’un vert foncé; et sur son dos on voit une tache, elau-devant de la tache une bande transversale , large et en crois- sant, toutes les deux noires et bordées de jaune. Il n'y a de piquans que sur la partie inférieure du corps. La ligne latérale commence au-devant de l’œil, passe au-dessous de cet organe, se relève ensuite , et s'étend jusqu’à la nageoire cau- dale, en suivant à peu près la courbure du dos ?. Le mal-armé a été observé dans la Caroline, où il parvient à une grandeur assez considérable, H n'a d’aiguillons que depuis le museau jusque vers les nageoires pectorales : il est ordinairement bleuätre par - dessus, et blanc par - dessous; et ce qui sert à le distinguer des autres tétrodons, c'est principalement la double ligne latérale qu'il 4 de chaque côté *. Quant au spenglérien , qui vit dans les Indes, et anquel le docteur Bloch a donné le nom de M. Spengler de Copenhague, qui lui avoit envoyé un individu de cette espèces il se fail re- marquer par deux ou trois rangées longitudinales de filamens ou barbillous, que lon voit de chaque côté de son corps, indépen- damment des aiguillons dont son venire est hérissé. Sa partie supérieure est d'ailleurs rougeâtre , avec plusieurs taches d’un 7 Suivant Rumphius, l’antidote du poison contenu dans le tétrodon croissant est la plante à laquelle il a donné le nom de rex amoris. z Le croissant a anx nageoires pectorales. . . . . « «. . . 18 rayons. h celle du dôsi 228 M EUR SNOOPER TR arcelle: dé L'an ue MEN NS PTE SE SO ne à celle de la queue, qui est arrondie, . . . + . 8 3 Le mal-armé a aux nageoires pectorales. . . « . «+ «+ + 18 à la nageoïire dorsale. . . . . + . : « 13 à celle de l'anus re. A TOR PAS RER TAN à celle de la queue, qui est un peu festonnée, . + EX DU TÉTRODON ALLONGE, ete. 361 brun foncé ; et sa partie inférieure, d’une blancheur qui n’est communément variée par aucune autre nuance *. RAA IAA AA LA AAA LA LE VAS LUS AAA LULU AAA UUR AAA AAA AAA LA AAA AA AAA AA RAA LE TÉTRODON ALLONGÉ, ET LE TÉTRODON MUSEAU-ALLONGÉ. Cxs deux tétrodons habitent dans les Indes. Le premiera tiré son nom de la forme de son corps, qui est beaucoup plus allongé que haut, et d’ailleurs cylindrique. Ce poisson présente de plus deux lignes latérales de chaque côté. La supérieure part au -dessus de l’œil, se baisse, se contourne, se relève, et suit à peu près la courbure du dos jusqu’à la nageoire caudale. La seconde com- mence auprès de la mâchoire d’en bas, et suit assez régulièrement le contour de la partie inférieure du corps jusqu'à la nageoire de : la queue, excepté auprès de la nageoire peclorale, où elle se relève et forme un petit angle. L'ouverture des narines est double; une pointe très-sensible et triangulaire est allachée à l’opercule des branchies, et lournée vers la queue; le dessus du corps offre des bandes transversales , brunes, variables dans leur nombre ; les côtés sont argentés, les nageoires jaunâtres; et de pelits piquans hérissent presque toute la surface du poisson *. Le museau-allongé n’a de petits aiguillons que sur le dos, et sur le devant du ventre. Il est gris par-dessus, et blanc par-des- 7 Aux nageoires pectorales du tétrodon spenglérien. . . . . . 13 rayous* tcelle di dos RENAN NAS en mL nt Tétete à T8 mostle de l'annee RER pe APS EUR MER RE NS G ra, celle de la.quene, quivest Arrondie , vente rit rentre 8 2 Il y a aux nageoires pectorales de l’allongé. . .« . . . . . 16 aa haseowe/ dorsale. fr RM RER Ur R 12 smeelle de l'anus." Vie PS SES PS NO ART Dre a celle de la queue, qui est-arrondie, . . . ‘. . « . 19 3 Le museau - allongé a aux nageoires pectorales. . . . . . 16 atcélle "du dos. 17.77 SNL LR MINS) Kélle de anus’; ‘414175, MEANS à celle de la queue, qui est arrondie, . 10 362 HISTOIRE NATURELLE sous ; les nageoïres sont jaunâtres , surtout les pectorales, qui sont courtes et larges ; on voit autour des yeux des taches brunes dis- posées en rayons. Il n'y a qu’une ouverture à chaque narine; on h’aperçoit pas de ligne latérale; et les mâchoires sont en forme de petit cylindre et très-allongées. LE TÉTRODON PLUMIER. eme C E tétrodon, dont la description n'a pas encore été publiée, est représenté dans les dessins sur vélin que renferme la collection. du Muséum national d'histoire naturelle, et qui ont été faits d'après ceux du naturaliste Plumier ; et comme ce n’est qu’à ce voyageur que nous devons la connoissance de cet animal, j'ai donné à ce poisson le nom de l’habile observateur qui en a trans- mis la figure. Lorsque le tétrodon plumier n'est pas gonflé, son corps est assez allongé relativement à sa hauteur. Au-delà de sa tête, on voit une sorte d'élévation pyramidale à quatre faces, jaune , et recourbée en arrière , qui tient lieu, pour ainsi dire, d’une pre- mière nageoire du dé: Au-dessus de la nageoire de l'anus, qui est de la même cou- leur, on voit d’ailleurs une nageoire dorsale , qui est également jaune , aussi- bien que celle de la quene. Cette dernière est ar- rondie , et présente deux bandes transversales brunes. L'iris est bleu ; le dessus du corps, brun et lisse ; le dessons blanchâtre, très-extensible , et garni de très-petits piquans. Deux rangées longitudinales de taches d’un brun verdâtre règnent de chaque côté de l’animal , et ajoutent à sa beauté. ARR AAA AAA AA AA VIA LE TÉTRODON MÉLÉAGRIS. 1421445 Con a laissé dans ses manuscrits une description trés- étendue de ce poisson , qu’il a vu dans les mers de l'Asie, et au- quel il a donné le nom de méléagris ; à cause de la ressemblance DU TÉTRODON ÉLECTRIQUE. 363 des nuances et de la distribution des couleurs de ce cartilagineux, avec celles de la pintade que l’on a désignée par la même déno- minalion. Ce tétrodon est, en effet, brun , avec des taches in- nombrables, lenticulaires, blanches, et distribuées sur la tête, le dos , les côtés, le ventre, la queue , et même les nageoires. La peau est d’ailleurs hérissée de très- petites pointes un peu plus sensibles sur la tête. Chaque narine n'a qu’un orifice. Les branchies sont au nombre de trois de chaque côté ; leur ouverture est en forme de croissant ; leur membrane mince et flottante est attachée au bord antérieur de cette ouverture ; et les demi-cercles solides qui les soutiennent sont dentelés dans leur partie concave. Ce poisson fait entendre le bruissement que l’on a remarqué dans la plupart des cartilaginenx de son genre, d’une manière peut-être plus sensible que ces derniers, au moins à proportion «le son volume *. PARA AAA AAA IAA AAA RAT AAA AA NA IANAATAAA MAT AE LE TÉTRODON ÉLECTRIQUE. € Les plus belles couleurs parent ce poisson. Il est, en effet, brun sur le dos, jaune sur les côtés, vert de mer en dessous ; ses na- geoires sont rousses ou vertes; son iris est rouge; et cet agréable assortiment est relevé par des taches rouges, vertes, blanches, et quelquefois d'autres nuances très-vives. Mais il est encore plus remarquable par la propriété de faire éprouver de fortes com- motions à ceux qui veulent le saisir. Cette qualité est une faculté vérilablement électrique, que nous avons déjà vue dans la tor- pille , que nous examinerons de nouveau dans un gymnote, et que nous relrouverons encore dans un silure, et peut-être même dans d’autres poissons. Ce cartilagineux habite au milieu des bancs de corail creusés par la mer, et qui entourent l'île Saint-Jean , près de celle de { Anx nageoires pectorales . , an une Lo fat la So RSS EEE a celle du dos. . . , EL . . . . . . . . o . 0 . 10 à celle de l'anus. LL LI . LL . * L L e . LL LL L m0 à celle de la queue, qui estarrondie, . . . . . D 364 HISTOIRE NATURELLE Comorre, dans l'Océan indien. Lorsqu'il y a été pêché, l'eau étoit à la température de seize degrés du thermomètre auquel on donne le nom de Réaumur. Il parvient au moins à la longueur de sept pouces ; et c’est M. Paterson qui l'a décrit le premier. AAA LVL VAE AAA AE AAA AAA AAA AAA AR AVATAR AAA AAA AA AAA AA AAA AR L LE TÉTRODON GROSSE-TÈTE. Vo rex encore un tétrodon très-aisé à distinguer des autres es- peces de sa famille. Î en est, en effet, séparé par la grosseur de sa têle , beaucoup plus volumineuse, à proportion des dimensions du corps, que dans les autres carilagineux de son genre. Il de- vient très-grand relativement à la longueur ordinaire de presque tous les autres tétrodons; il est quelquefois long de deux pieds-et demi. J1 fait éprouver à ceux qui en mangent les mêmes acci- dens qu’un poison irès- actif. F se trouve dans les mers chaudes de l'Amérique et dans la mer Pacifique; et l'on en doit la con- noissance au voyageur Forster. AAA AAA NA A AAA AS AAA ANA AAA AA AAA ANA LE TÉTRODON LUNE:. C E poisson, un des plus remarquables par sa forme, habite non-seulement dans la Méditerranée, où on le trouve très-fré- quemment , mais encore dans l'Océan, où on le pêche à presque toutes les latitudes, depuis le cap de Bonne -Espérance jusque vers l’extrémité septentrionale de la mer du Nord. Il est très-aisé de le distinguer d’un très-grand nombre de poissons , et parlicu- lièrement de ceux de son genre, par l’aplatissement de son corps, si comprimé latéralement, et ordinairement si arrondi dansile contour vertical qu'apercoivent ceux qui regardent un de ses. côtés, qu'on a comparé son ensemble à un disque; et voilà pour- QLTOEIPONMALETIIRNN NES LISCIIES PE MPEN LE NAN RS RUSSES. 1 Molle , dans plusieurs départemens méridionaux ; meule ; bout, dans plu- sieurs contrées d’Espagne; mode bout; lune de mer; poisson d'argent; sun- Jish , en anglais. DU TÉTRODON LUNE. 365 quoi le nom de so/eil lui a été donné , ainsi que celui de Zune , _quia été cependant plus généralement adopté. Il £ d’ailleurs, sur cetle grande surface presque circulaire que chaque côté pré- sente. cet éclat blanchâtre qui distingue la lumière de la lune. En effet, si son dos est communément d’une nuance très-foncée et presque noire, ses côtés et son ventre brillent d’une couleur ergentine très-resplendissante, surtout lorsque le tétrodon est exposé aux rayons du soleil. Mais ce n’est pas seulement pen- dant le jour qu'il répand ainsi cet éclat argentin qu'il ne doit alors qu'à la réflexion d’une clarté étrangère : pendant la nuit il brille de sa propre lumière ; 1l montre, de même qu’un très-grand nombre de poissons, et plus vivement que plusieurs de ces ani- maux, une splendeur phosphorique qu'il tient de la matière kuileuse dont il est imprégné. Cette splendeur paroït d'autant plus vive que la nuit est plus obscure ; et lorsque le poisson lune est un peu éloigné de la surface de la mer , la lumière qui émane de presque toutes les parties de son corps, el qui est doucement modifiée et rendue ondulante par les couches d’eau qu’elle tra- verse , ressemble beaucoup à cette clarté tremblante dont la [une remplif l'atmosphère , lorsqu'elle est un peu voilée par des nua : ges légers. Ceux qui s’approchent, au milieu de tenèbres épaisses, des rivages de la mer auprès desquels nage le tétrodon dont nous nous occupons, éprouvent souvent un moment de surprise ei jelant les yeux sur ce disque lumineux , et en le prenant, sans y songer, pour l’image de la lune, qu'ils cherchent cependant en vain dans le ciel. Plusieurs individus de cette espèce très- phosphorique, voguant assez près les uns des autres, multi- phent celte sorte d'image; et les figures lumineuses , nombreuses et très-mobiles ,qne présentent ces poissons , composent un spec- tacle d'autant plus étendu , que ces tétrodons peuvent être vus cle très-loin. ls parviennent , en effet, à la longueur de quatre mètres, ou un peu plus de douze pieds ; et comme leur hauteur est à peu près égale à leur longueur , on peut dire qu’ils peuvent montrer de chaque côté une surface resplendissante de plus de cent pieds carrés. On assure même qu’en 1735 on prit , sur les côtes d'Irlande, un tétrodon lnne qui avoit ving-cinq pieds an- glais de longueur, et qui, par conséquent , paroissoit pendant la nuit comme un disque lumineux de plus de quatre cents pieds garrés de surface. Tout le monde sait que les objets opaques et non resplendis= 366 HISTOIRE NATURELLE sans ne disparoissent pendant lejour, et n'écha ppent à une bonne : vue, qu'à peu près à la distance de trois mille six cents fois leur diamètre. Le tétrodon lune pêché sur les côtes d'Irlande auroit donc pu être aperçu , pendant le jour, à la distance au moins de quatorze mille toises , s’il avoit été placé hors de l’eau de la ma- nière la plus favorable. Mais, pendant la nuit, dans quel éloigne- ment bien plus grand à proportion ne voit-on pas le corps lu- mineux le plus petit ! Cependant , comme l'eau , et surlout les vagues agitées de la mer, interceptent une irès-grande quantité de rayous lumineux, on ne doit voir de très-loin les plus grands tétrodons lunes, malgré toute leur phosphorescence , que lors- qu'ils sont très-près de la surface des mers, et que l'on est placé sur des côtes, ou d’autres points très-élevés, cette double posi- tion ne laissant aux rayons de lumière qui partent de l'animal et aboutissent à l'œil de l'observateur qu'un court trajet à faire au travers des couches d’eau. Lorsque le tétrodon lune est parvenu à de grandes dimen- sions, lorsqu'il a atteint la longueur de plusieurs pieds, il pèsé quelquefois jusqu’à cinq cents livres ; et on a pris, en eflel, au- près de Plymouth, il n’y a pas un très-long temps, un poissou de cette espèce , dont le poids étoit de cinq cents livres, ou pres de vingt-cinq myrlagrammes. Les tétrodons lunes peuvent donc, relativement à la grandeur, être placés à côté des cartilagineux dont les dimensions sont les plus prolongées ; et comme leurs deux surfaces latérales sont très-étendues à proportion de leur masse totale, on peut particu- lièrement les rapprocher des grandes raies, dont le corps est éga- lement comprimé de manière à présenter un déploiement très- considérable, quoique dans un sens diflérent. Mais s'ils offrent la longueur des grands squales, s'ils les surpassent même en hau- teur , ils n’en ont reçu ni la force, ni la férocité. Leurs muscles sont bien moins puissans que ceux de ces squales très-allongés ; et leur bouche, quoique garnie de quatre dents larges et fortes, montre ‘une ouverture trop petite, pour qu'ils aient jamais pu contracter l'habitude de poursuivre un ennemi redoutable, et cle livrer des combats hasardeux ?, Les nageoires peclorales sont assez éloignées de l'extrémité du cn Mo ill L'or Qi, jé i re LOUE CPE CCS 1 Le plus grand diamètre de la bouche n’étoit que d’un pouce et demi dans un individu long de trois pieds un pouce. (Note commnniquée par A. Cuvier.) DU TETRODON LUNE. 367 museau , et leur mouvement se fait de haut en bas, beaucoup plus que d'avant en arrière. Celle du dos et celle de Panus sont très-allongées, et composées de rayons très-inégaux, dont les plus antérieurs sont les plus longs. La rfageoire de la queue peut être comparée à une bande étroite placée à la partie postérieure de l'animal , que l’on seroit tenté de regarder comme tronquée ; et elle est étroitement liée avec les nageoires du dos et de l'anus par une membrane commune à ces trois organes, ce qui distingue particulièrement le tétrodon lune de tous les autres carlilagineux de son genre * La hauteur de ce poisson est presque égale à sa longueur. Il est cependant dans cette espèce une variété plusieurs fois observée , et dans laquelle la longueur est double de la hauteur. Indépen- damment de cette différence irès-notable dans les dimensions, cette variété présente une petite bosse ou saillie au-dessus de ses yeux, et à une distance plus ou moins grande de l'extrémité du museau. Âu reste , je me suis assuré, par l’observation de plu- sieurs tétrodons lunes , que des individus de l'espèce que nous examinons, présentoient différentes figures intermédiaires entre celle qui due la hauteur égale à la longueur, et celle qui pre duit une longueur double de la hauteur. Mais cette espèce ne varie pas seulement dans sa forme, elle varie aussi dans ses couleurs ; et nous avons trouvé parmi les manus- crits de Commerson le dessin d’une lune, dont la longueur est presque double de la hauteur, qui n’a pas cependant d’élévation particulière au-dessus du museau , et qui, au lieu des nuances que nous avons déjà exposées, est peinte de couleurs disposées dans un ordre remarquable, Un grand nombre de taches irrégulières, les unes presque rondes , les autres allongées, sont distribuées sur chaque face latérale de l'animal, et s’y réunissent plusieurs ensemble de manière à y former, surtout vers la tête et vers les nageoires pectorales , des bandelettes qui, serpentant dans le sens de la longueur ou dans celui de la largeur de la lune, se séparent en bandelettes plus petites , ou se rapprochent et se touchent dans plusieurs endroits, et sont presque toutes couvertes de petits points d’une couleur très-foncée. Mais, quelles que soientles cou- T Aux nageoires pectorales, em ja le, ie) deidetiectte ; RAC EQNENONR- ABLE da Se, he tes ons ruli ee due get ptit de tree BEN ONT EN D TE Lil ete nt à MU e JE RS s'celle de la quede. * . .: .,./4a. 1. FO GI + VAE ONU 368 HISTOIRE NATURELLE leurs dont la lune soit peinte, sa peau est épaisse , tenace, et re vêtue le plus souvent de tubercules assez sensibles pour donner un peu de rudesse à ce tégument. Immédiatement au-dessous de la peau proprement dite, se trouve une couche assez considérable d’une substance qui a été très-bien observée par mon confrère M. Cuvier, dans une lune qu'il a disséquée. Gette matière est d’une grande blancheur, assez semblable au lard du cochon, mais plus compacte et plus homo- gène : lorsqu'on la presse , elle laisse échapper beaucoup d’eau lim- pide ; elle se dessèche sans se fondre , quand on l'ex pose à la cha- leur ; et si on la fait bouillir dans l’eau, elle se ramollit et se dissout en partie. M. Cuvier a vu aussi dans la cavité de l'orbite de l'œil , et contre cet organe, un tissu remarquable, composé de vésicules, les- quelles sont formées de membranes molles et un peu distinctes, et sont remplies d’une substance semblable à du blanc d'œuf par la couleur et par la consistance. Ce tissu a un très-grand nombre de vaisseaux et de nerfs propres, et cède à la moindre impression. L'ouverture de la pean, au travers de laquelle on aperçoit en partie le globe de l'œil , n’a ordinairement , dans son plus grand ditmètre, que la moitié de celui de ce globe. Elle est garnie inté- rieurement d’une sorte de membrane molle et ridée Met autour de cette ouverture on découvre , immédiatement au-dessous de la peau, un anneau charnu, derrière lequel lanimal peut re- tirer son œil , qui est alors caché par la membrane ridée comme par une paupière. L'on doit encore observer, dans l'organe de la vue du tétrodon June, deux parties qui ont été très-bien décrites par M. Cuvier, ainsi que celles dont nous venons de parler. Premitrement , on peut voir une glande rougeâtre, un peu cylindrique, irréguhe- rement placée autour du nerf optique, à l'endroit où il a déjà pénétré dans le globe de l'œil , recouverte par la membrane in- iérieure de cet organe , à laquelle le nom de coroide a été donné, et tenant à la membrane plus intérieure encore de ce même organe par un tres-grand nombre de petits vaisseaux blancs, qui serpentent de manière à former une sorte de réseau. Secondement il y a une espèce de poche ou bourse conique, composée d’une membrane très-mince, d’une couleur brune, et qui va depuis le nerf optique jusqu’au cristallin, en paroissant occuper un sillon de l'humeur vitrée. DU TÉTRODON LUNE. 569 Au reste , les nerfs optiques se croisent an-dessous du cerveau ; sans se confondre : le droit passe au-dessus dn gauche pour aller jusqu’à l'oeil; et ils sont l’un et l’autre très-renflés, et comme divisés en plusieurs filets, à l'endroit du croisement. La cavité du crâne est près defix fois plus grande qu'il ne le faut pour contenir le cerveau. Elle forme un triangle isocèle dont la pointe est vers le museau, et dont les côtés sont courbés irré- guliérement. À chaque angle de la base, cette cavité s'agrandit pour renfermer l'organe de l'ouie, Le diamètre de l'estomac n’est guère plus grand que celui du reste du canal intestinal. Ses membranes, ainsi que celles du duo- dénum et du rectum , sont fortes et épaisses ; et ce canal alimen- taire renferme souvent , ainsi que celui d’un très-grand nombre de poissons, une quantité considérable de vers intestinaux de différentes espèces. Les reins sent situés dans la partie supérieure de la cavité abdo- minale; is se terminent vers la tête par deux longs prolonge- mens ; ces prolongalions sont reçues dans deux sinus de la ca- vité de l'abdomen ; ces sinus sont séparés l’un de l’autre par une vloison musculeuse , et ils s'étendent horizontalement jusqu’au- près des yeux. Le péritoine contient une grande quantité d’eau salée et lim pide, qui a beaucoup de rapports avec celle que l’on trouve dans la cavité abdominale des raies, des squales , des acipensères, et d’autres poissons cartilagmeux ou osseux , et qui doit y parve- hir au travers des membranes assez perméables des intestins et d’autres parties intérieures du tétrodon lune. Le foie est trés-grand ; il occupe presque la moitié de la cavité abdominale , et est situé dans la partie supérieure de cette cavité, au-dessous des reins. Il est d’ailleurs demi-sphérique , jaune, gras, mou, parsemé de vaisseaux sanguins; il ne paroît pas divisé en lobes ; et on le dit assez bon à manger. La chair de la lune n’est pas aussi agréable au goût que le foie de cet animal ; elle déplaît non-seulement par sa nature en quel- que sorte trop gluante et visqueuse, mais encore par l'odeur assez mauvaise que répand le tétrodon pendant sa vie, et qu'elle conserve souvent après avoir été préparée ; elle fournit par la cuisson une quantité assez considérable d'huile bonne à brüler, mais dont on ne se sert presque pas pour les alimens : aussi la Lacepède. 2. 2% 370 HISTOIRE NATURELLE lune est-elle peu recherchée. Lorsqu'on veut la saisir, elle fait en- tendre , de même que la plupart des tétrodons, et plusieurs au- tres poissons osseux et cartilagineux, un bruissement très-mar- qué ; et comme cette sorte de bruit est souvent assez grave dans le tétrodon lune, on l'a compagé au grognement du cochon; et voilà pourquoi la lune a été nommée porc, même dès le temps des anciens Grecs. PAAAANAMAAAAMMIAMAN RAARAR RSA RAA RAA AAA RARANRA RAA RAA RARARANANAAA AAA RAS DOUZIÈME GENRE. LES OVOIDES. Le corps ovoide ; les méchoires osseuses , arancées , et divisées chacune en deux dents; puint de nagvoires du dos, de la queue, ni de l’anus. ÉSPÈCE. CARACTÈRES, Des bandes blanches, étroites, transver- L'OVoiDE FASCÉ. sales, et divisées à leur extrémité, de manière à représenter un Y. AAA AA AAA AAA AL EVE ARR VE VAE ME L'OVOÏIDE FASCÉ. Nos avons cru devoir séparer de la famille des tétrodons, et inscrire dans un genre particulier, ce poisson {rès-remarquable, non- seulement par la forme de son corps, qui paroil encore semblable à un œuf lors mème que son ventre n'est pas gonflé, mais encore par le défaut absolu de nageoires de la queue, du dos et de l’anus. Il ne présente que deux nageoires pectorales, aussi petites que les ailes d’une mouche ordinaire, dans un indi- vidu d’un pouce el demi de longueur, rapprochées du sommet du museau, et composées de dix-huit rayons très-déliés. C'est dans les manuscrits de Commerson que nous avons trouvé la description de cetie espèce. Ce savant voyageur n'en avoit vu qu'un individu desséché; mais il avoit réuni à ses observations DE IOVOIDE FASCE. 57 celles que jui avoit communiquées son ami Deschamps, habile chirurgien de la marine, qui avoit observé des ovoïdes fascés dans toute leur intégrité. Le fascé examiné par Commerson étoit allongé, mais arrondi dans tous ses conlours, véritablement conformé comme un œuf, et tenant le milieu pour la grandeur entre un œuf de poule et un œuf de pigeon. Son grand et son petit diamètre étoient dans le rapport de trente-un à vingt-six. Non-seulement on ne voit pas, dans cette espèce, de nageoire caudale, mais il n'y a pas même d'apparence de queue propre- ment dite. La tête est renfermée dans l'espèce de sphéricité de l'ensemble de l'animal; le museau est à peine proéminent; et on ne voit saillir que les deux dents de chaque mâchoire, qui sont blanches comme de livoire, et semblables d’ailleurs à celles des tétrodons. Les yeux sont petits, allongés , éloignés du bout du museau, et voilés par uné membrane transparente qui n’est qu'une conti- nuation de la peau de la tête. L'on aperçoit les ouvertures des branchies au - devant des na- geoires pectorales. L’anus est, suivant Deschamps, situé à l'extré- muté du dos, mais un peu dans la partie supérieure de l'animal ; et la position de cette ouverture est par conséquent absolument sans exemple dans la classe entière des poissons. Tout l’animal est d’un brun noirâtre ; ce fond obscur relève des bandelettes blanches placées en travers sur le ventre, dispo- sées en demi-cercles irréguliers au - dessous du museau , et diviz sées vers le dos en deux branches, de manière à imiter une four- che, ou un Ÿ, La peau du fascé est d’ailleurs hérissée de très-petits piquans, blancs sur les bandelettes, et noirâtres sur les endroits foncés ; en les regardant à la loupe, on s'aperçoit que leur base est éloilée. Le poisson que nous décrivons habite dans la mer des Indes. 372 HISTOIRE NATURELLE PREMIER GENRE (bis) *. LES GASTROBRANCHES. Les ouvertures des branchies, situées sous le ventre. ESPÈCES. CARACTÈRES. 1. LE GASTROBRANCHE Une nageoire dorsale tres-basse , et AVEUGLE. réunie avec celle de la queue. 9, LE GASTROBRANCHE 7 Poi sale. En oint de nageoire dorsale L RAA RAA RAR ALIAS AAA AAA RE AVS AUS URL AAA AAA AA RAA UV AAARARR VER AAUR MA RAI LE GASTROBRANCHE AVEUGLE. Lxs gastrobranches ressemblent beaucoup aux pétromyzons par la forme cylindrique et très-allongée de leur corps, par la flexibilité des différentes portions qui le composent, par la sou- plesse et la viscosité de la peau qui le revêt, et sur laquelle on ne peut apercevoir , au moins facilement, aucune sorte d'écaille. Ils se rapprochent encore des pétromyzons par le défaut de na- geoires inférieures et même de nageoires pectorales , par la conformation de leur bouche, par la disposition et la nature de leurs dents; et ils ont surtout de très-grands rapports avec ces carlilagineux par la présence d’un évent au-dessus de la tête, et par l'organisation de leurs branchies. Ces organes res- _piratoires consistent , en eflet, ainsi que ceux des pétro- 0 PE 1 Plusieurs des matériaux nécessaires pour composer les articles relatifs aux gas- trobranches, ne m'étant parvenus qu'après l'impression d’un assez grand nombre de feuilies de cet ouvrage, je n’ai pu placer qu'ici la description de ces animaux, dont l’histoire auroit dû suivre celle des pétromyzons. Au reste, le genre des gastrobranches est inscrit à sa véritable place sur le tableau des ordres des poissons ant osseux que cartilagineux; et il le sera de même sur le tableau général de tous les genres et de toutes les espèces de poissons décrits dans cette Hissorre naturelle, tableau par lequel notre travail sera terminé. DU GASTROBRANCHE AVEUGLEÉ, 373 myzons, dans des vésicules ou poches, lesquelles d’un côté s'ouvrent à l'extérieur du corps, de l'autre communiquent avec l'intérieur de la bouche, et présentent de nombreuses rannifica- tions artérielles et veineuses. Il est donc très-aisé, au premier coup d'œil, de confondre les gastrobranches avec les pétromy- zons, ainsi que l'ont fait d’habiles naturalistes : en les exami- nant cependant avec attention , on voit facilement les différences qui les séparent de celte famille. Tous les pétromyzons ont sept branchies de chaque côté; le gastrobranche aveugle n'en a que six à droite et six à gauche, etil est à présumer que le gastro- branche dombey n’en a pas un plus grand nombre. Dans les pétromyzons , chaque branchie a une ouverture extérieure qui lui est particulière; dans le gastrobranche aveugle, il n’y a que deux ouvertures extérieures pour douze branchies. Les ouver- tures branchiales des pétromyzons sont situées sur les côtés et assez près de la tête: celles des gastrobranches sont placées sous le ventre. Les lèvres des gastrobranches sont garnies de barbillons; on n’en voit point sur celles des pétromyzons. Les yeux des pé- tromyzons sont assez grands; on n'a pas encore pu reconnoitre d'organe de la vue dans les gastrobranches , et voilà pourquoi l'espèce dont nous parlons dans cet article a reçu le nom d'a- geule. ” On remarquera sans peine que presque tous les traits qui em- pêchent de réunir les gastrobranches avec les pétromyzons con- courent, avec un grand nombre de ceux qui rapprochent ces deux familles, à faire méconnoître la véritable nature des gas- trobranches, au point de les retrancher de la elasse des pois- sons, de les placer dans celle des vers, et de les inscrire parti- culièrement parmi ceux de ces derniers animaux auxquels le nom d’intestinarx a été donné. Aussi plusieurs naturalistes, et même Linné, ont-ils regardé les gastrobranches aveugles comme formant une famille distincte, qu'ils ont appelée myxine, €t qui, placée au milieu des vers intestinaux , les repoussoil néanmoins , pour ainsi dire , ne montroit point aux yeux les plus exercés à examiner des vers les rapports nécessaires pour conserver avec convenance la place qu'on lui avoit donnée , dérangeoit en quel- que sorte les distributions méthodiques imaginées pour classer les nombreuses tribus d'animaux dénués de sang rouge, et y causoit des disparates d'autant plus frappantes, que ces mc- thodes plus récentes étoient appuyées sur un plus grand nombre “ 374 HISTOIRE NATURELLE de faits , et par conséquent plus perfectionnées *. Le célèbre ich- tyologiste , le docteur Bloch de Berlin , ayant été à même d’ob- server soigneusement l’organisation de ces gastrobranches, à bientôt vu leur véritable nature ; il les a restitués à la classe des poissons , à laquelle les attache leur organe respiratoire, ainsi que la couleur rouge de leur sang ; ila montré qu’ils apparte- noient à un genre voisin, mais distinct, de celui des pétromy- zons ; et il les a fait connoitre très en détail dans un mémoire et par une planche enluminée très-exacte, qu’il a communiqués à l’Institut national de France *. Je ne puis mieux faire que d’ex- traire de ce mémoire une grande partie de ce qu'il est encore nécessaire de dire du gastrobranche aveugle. Ce cartilaginenx est bleu sur le dos, rougeâtre sur les côtés, et blanc sur le ventre; quatre barbillons garnissent sa lèvre su- périeure , et deux autres barbillons sont placés auprès de la lèvre de dessous. Entre les quatre barbillons d'en haut, on voit un évent qui communique avec l'intérieur de la bouche, comme celui des pétromyzons; cet évent est d’ailleurs fermé , à la vo- lonté de l'animal , par une espèce de soupape. Les lèvres sont molles , extensibles, propres à se coller contre les corps auxquels aveugle veut s'attacher ; elles donnent une forme presque ronde à l'ouverture de la bouche, qui présente un double rang de dents fortes, dures, plutôt osseuses que cartilagineuses, et re- tenues, comme celles de la lamproie, dans des espèces de cap- sules membraneuses. On compte neuf dents dans le rang supé- rieur , et huit dans l'inférieur. Une dent recourbée est de plus placée au-dessus des autres, et sur la ligne que l'on pourroit tirer de l’évent au gosier , en la faisant passer par-dessus fa lèvre supérieure. On n'aperçoit pas de langue n1 de narine; mais on voit au palais, et autour de l’ouverture par laquelle Pévent commu- nique avec la cavité de la bouche, une membrane plissée, que je suis d'autant plus porlé à regarder comme l'organe de l’odorat du gastrobranche aveugle, que son organisalion est très-ana- logue à celle de l'intérieur des narines du plus grand nombre DS 2 SERRE 2 US à de RE CE AE CES 1 Nous pourrions citer parmi ces dernières méthodes le beau travail fait pay M. Cuvier sur les animaux dits à sang blanc , et celui de MT. Lamarck sur les mêmes animaux. # Le premier prairial de l’an 5, DU GASTROBRANCHE DOMBEY. 375 de cartilagineux, et que les plus fortes analogies doivent nous faire supposer dans lous les poissons un odo’at très-sensible. Le corps de l'aveugle, assez délié et cylindrique, ne parvient presque jamais à la longueur d'un pied , où d'environ trois dé- cimètres. 11 présente de chaque côté une rangée longitudinale de petites onvertures , qui laissent échapper un suc trè.-gluant; une malière semblable découle de presque tous les pores de l’a- nimal : et ces liqueurs non-seulement donnent à la peau de l’a- veugle qui en est enduite une sorte de vernis et une grande souplesse ; mais encore, suivant Gunner et d’autres natura istes , elles rendent visqueux un assez grand volume de l’eau dans laquelle ce gastrobranche est plongé. | Ce cartilagineux n’a d’autres nageoires que celle du dos , celle de la queue et celle de l'anus, qui sont réunies, très-basses , et composées de rayons mous, que l'on ne peut compter à cause: de leur pelitesse et de l'épaisseur de la peau qui les revêt. L'ouverture de l'anusest une fente très-allongée;et sur le ventre sont placées deux ouvertures , dont chacune communique à six branchies. Une artère particulière qui aboutit à la surface de chacun de-ces organes respiraloires s'y distribue , comme dans les autres poissons, en ramifications très-nombreuses , au milieu desquelles sont disséminées d’autres ramificalions qui se réunis- sent pour former une veine. Le canal intestinal est sans sinuosilés. Les petits éclosent hors du ventre de la mére; L'aveugle habite principalement dans l'Océan sep'entrional et européen : ilse cache souvent dans la vase ; il pénètre aussi quel- quelois dans le corps de grands poissons , se glisse dans leurs inteslins, en parcourt les divers replis, les déchire et les dé- vore ; et cette habitude n'avoit pas peu servi à le faire inscrire parmi les vers intestinaux , avec le tænia , et d’autres genres d’a- nimaux dénués de sang rouge. LE GASTROBRANCHE DOMBEY. Nous donnons ce nom à un cartilagineux dont la pean sèche æ été apportée au Muséum national d'histoire naturelle par le 376 HISTOIRE NATURELLE voyageur Dombey, et dont aucun naturaliste n’a encore parlé. Il est évidemment de la même famille que l’aveugle; mais il ap- partient à un autre hémisphère, et c'est dans la mer voisme du Chili, et peut-être dans celle qui baigne les rivagessdes autres conirées de l'Amérique méridionale, qu’on le trouve. Il a de très-grands rapports de conformation avec l'aveugle , mais il par- vient à une longueur et à une grosseur deux fois au moins plus considérables ; 1l en est d’ailleurs séparé par d’autres différences que nous allons indiquer en le décrivant. La tête de ce gastrobranche est arrondie et plus grosse que le corps : elle présente quatre barbillons dans sa partie supérieure; mais l'état d'altération dans lequel étoit l'individu donné par Dombey n'a pas permis de s'assurer #1l ÿ en avoit deux au- près de la lèvre inférieure , comme sur l’aveugle. Les dents sont pointues , comprimées , triangulaires, et disposées sur deux rangs circulaires : l'exlérieur est composé de vingt-deux dents, et l’intérieur de quatorze. Une dent plus longue que les autres, et recourbée, est d’ailleurs placée à la partie la plus haute de l'ouverture de la bouche, L'organe de la vue ei celui de odorat ne sont pas plus appa- rens sur le dombey que sur l’aveugle. La couleur du gastrobran- che que nous cherchons à faire connoître ‘étoit effacée, ou paroïs- soit dénaturée, dans la peau que nous avons vue. La queue, dont la longueur n'excède guère le double du diamètre du corps, est arrondie à son extrémité, et terminée par une nageoire qui se réunit à celle de l'anus. Ces deux nageoires sont les seules que présente l'animal; elles sont très-basses, très- difficiles à distin- guer, et composées de membranes au riliot desquelles on n'a pu que soupçonner des rayons sur re one desséché que nous avons examiné. DU DIODON ATINGA.' 377 ANA A AAA AAA AAA AAA AR AR AN AAA AN AAA TREIZIÈME GENRE. LES DIODONS. Les méchoires osseuses, avancées, et chacune d’une seule pièce. ESPÈCES. CARACTÈRES. Le corps allongé; des piquans très- x. LE DIODON ATINGA. rapprochés Les uns des autres ; la na- geoire de la queue , arrondie. Le corps allongé; point de piquans sur les côtés de la tête , qui est plus 2. LE DIODON PLUMIFR. grosse que la partie antérieure da corps; la nageoire de la queue, ar- rondie. Le corps allongé; des piquans très- 3. LE DIODON HOLOCANTHE. rapprochés les uns des autres ; la na- geoire de la queue , fourchue. Le corps un peu allongé ; des piquans très- rapprochés les uns {des autres , et deux ou trois fois plus longs sur le dos que sur le ventre; la nageoire de la queue, arrondie ; trois grandes taches de chaque côté du corps; une tache en forme de croissant sur la nuque. 4. LE DIODON TACHETÉ. Le corps sphérique , ou presque sphé- 5. LE DIODON ORBE. rique ; des piquans forts, courts, et . clair -semés. Trèes-c imé : l- ; m SRE Dar ar ne E ès-comprimé ; dem ovale ;' comme tronqué par-derrière. VAVAAAARANNAANAAAAANANINVENAANAANAANANANY IN RAANARAA AAA NAAAAANARIANIY VV RAY RAA AAA V8 LE DIODON ATINGA. Les diodons ont de très-grands rapports, dans leur conforma- tion et dans leurs habitudes, avec les tétrodons et les ovoïdes : mais ils en different par la forme de leurs mâchoires osseuses, dont chacune ne présente qu’une pièce; et de là vient le nom qu'on leur a donné, et qui désigne qu'ils n'ont que deux dents, 398 HISTOIRE NATURELLE l'une en haut, et l'autre en bas. Ils en diffèrent encore par Ja na- ture de leurs piquans beaucoup plus longs, beaucoup plus gros, beaucoup plus forts, que ceux des létrodons les mieux armés. Ces piquans sont d'ailleurs trés-mobiles, et répandus sur toute la surface de la plupart des d'odons. Cette dissémination, ce nombre, cette mobilité, cette grandeur, ont fait regarder, avec raison, les diodons comme les analogues des porc - épics et des hérissons, dans la classe des poissons. La diversité de couleurs que montrent fréquemment ces aiguillons a dû contribuer en- core à ce rapprochement ; et comme on a pu en faire un presque semblable entre les cartilagjneux que nous. examinons et les vers que l’on à nommés owrsins , on doit considérer la famille des dio- dons comme formant un des principaux liens qui réunissent et attachent ensemble la classe des quadrupèdes à mamelles, celle des poissons , et celle des vers. Ce genre remarquable ne renferme qu’an petit nombre d’es- pèces : mais le plus grand nombre des naturalistes en ont mal saisi Jes caractères distinctif ; et comme d’ailleurs elles sont pres- que toutes très-variables dans plusieurs points de leur conforma- tion extérieure, une grande confusion a régné dans !a détermi- nation de ces espèces, dont on a lrès-souvent trop étendu ou resserré le nombre; et le même désordre s’est trouvé dans l'appli- calion que plusieurs auteurs ont faite aux espèces qu'ils avoient admises, des noms donnés aux diodons, ou des descriptions de ces animaux déjà publiées. Ce n’est que parce que nous avons été à portée de comparer de ces cartilagineux de différens âges, de différens sexes, de différens pays, et pris à des époques de année tres-éloignées l’une de l’autre, que nous avons pu par- venir à fixer le nombre des espèces de diodons connues jusqu’à présent , à reconnoître leurs formes distinclives et invariables, et à composer la table méthodique qui précède cet article. L'atinga a le corps lrès-allongé; chaque narine n’a qu’une ou- verture placée dans une sorte de petit tube : les yeux sont assez près du museau; l'anus en est, au contraire, à une assez grande distance, el par conséquent la q'ieue proprement dite est très- courte. Les nageoires du dos et de l'anus se ressemblent beaucoup, sont petites, et placées au-dessus l’une de l’autre; celle de la queue est arrondie *. : 3 A la nagepire.du dos... .:.4: sets à mile MAS OO rRrens, DU DIODON ATINGA. 379 Les piquans mobiles dont l’atinga peut se hérisser sont très- forts, très-longs, creux vers leur racine, variés de blanc et de noir , et divisés à leur base en trois pointes qui s’écartent, s’éten- dent, et vont s'attacher au-dessous des tégumens de l'animal. Ils sont revêtus d’une membrane plus ou moins déliée, qui n’est qu’une continuation de la peau du diodon. Cette membrane s'élève autour de l’aiguillon, jusqu’au-dessus de l'extrémité de ce piquant, ou jusqu’à une distance plus ou moins grande de la pointe de ce dard , qui le plus souvent perce cette membrane et paroît à dée- couvert. L’atinga est brun ou bleuâtre sur le dos, et blanc sur le ventre; ses nageoires sont quelquefois jaunes dans le milieu de leur sur- face ; et ces mêmes nageoires, ainsi que toute la partie supérieure du poisson , sont semées de petites taches lenticulaires et noires , que lon voit fréquemment répandues aussi sur le dessous de l'atinga. Ce cartilagineux vit au milieu des mers de l'Inde et de l’'Amé- rique , voisines des tropiques, ainsi que dans les environs du cap de Ponne-Espérance. IL sy nourrit de petits poissons, de cancres, et d'animaux à coquille, dont il brise aisément l'enveloppe dure par le moyen de ses fortes mâchoires. Il ne s'éloigne guère des côtes , et quoiqu'il ne parvienne qu’à la longueur de quinze pouces ou d’un pied et demi, 1l sait si bien , lorsqu'on l'attaque, se re- tourner en différens sens , exécuter des mouvemens rapides, s'agiter, se couvrir de ses armes, en présenter la pointe, qu'ilest très-difficile et même dangereux de le prendre. Aussi le pour- suit-on d'autant moins que sa chair est dure et pêu savoureuse. C'est principalement dans les momens où l’on veut le saisir qu'il gonfle sa partie inférieure. EL a la faculté de lenfler comme les tétrodons et les ovoïdes, quoique cependant il paroisse ne pou- voir pas donner à cette portion de son corps un aussi grand degré d'extension. Il augmente ainsi son volume pour donner plus de force à sa résistance, ou pour s'élever et nager avec plus de facilité; il se grossit et se tuméfie particulièrement lorsque, après l'avoir saisi, on cherche à le tenir un moment suspendu par sa nageoire dorsale : maïs, quelque cause qui le contraigne à se boursoufler, il détend souvent tout d’un coup sa partie inférieure, et, faisant aux nageoires pectorales. . . … «+ … + + + +. 24 ou 25 rayons. celte ne A AT Ma PUMA + ETATS dE on d'OS EM ER US Se ete 380 HISTOIRE NATURELLE alors sortir avec rapidité par l'ouverture de sa bouche, par celle de ses branchies, où par son anus, le fluide contenu dans son intérieur, il produit un bruissement semblable à celui que font entendre les balistes , les ostracions et les tétrodons. La vessie nataloire de l’atinga est très-grande, ainsi que celle des tétrodons ; et, d’après la nature de la membrane qui la com- pose, il paroît que , préparée comme celle de l'acipensère huso, elle donneroit une colle supérieure par sa bonté à celle que l’on pour- roit obtenir de la vésicule aérienne d’un très- grand nombre d'auires espèces de poissons. L'estomac du diodon que nous décrivons n’est composé que d'une membrane assez mince; mais il est garni de beaucoup d'ap- pendices , qui, comme autant de petites poches où d’inteslins ou- verts uniquement par un bout, peuvent ou augmenterla quantité des sucs digestifs, ou contribuer à l'élaboration, à la perfection, à l'activité de ces sucs, ou prolonger la durée de l'action de ces li- quides sur les alimens , en retardant le passage des substances nutritives dans la partie des intestins la plus voisine de l'anus. Ces alimens, quelque dure que soit leur nature, peuvent arri- ver à lotions , d'autant plus broyés et par conséquent suscep- tibles de subir l’action des liqueurs digestives, qu'indépendam- ment des mâchoires osseuses qui tiennent lieu à l'animal de deux dents très-larges et très-fortes, l’atinga a deux véritables dents molaires très- grandes relativement à l'étendue de la cavité de la bouche, à peine convexes, et sillonnées transversalement. L'une occupe presqué tout Le palais; et l'autre, qui ne cède que très- peu en grandeur à la première, revêt la partie opposée de la gueule, dans l'endroit le plus voisin du devant de la mâchoire inférieure. Lorsqu'on a mangé de l’atinga , non-seulement on peut éprou- ver des accidens graves, si on a laissé dans l’intérieur de cet ani- mal quelques restes des alimens qu'il préfère, et qui peuvent être irès-malsains pour l’homme; mais encore, suivant Pison, la vé- sicule du fiel de ce cartilagineux contient un poison si actif, que si elle crève quand on vide l'animal, ou qu’on l’oublie dans le corps du poisson, elle produit sur ceux qui mangent de l'atinyx les effets les plus funestes : les sens s'émoussent, la langue devient immobile , les mem bres se roidissent; et à moins qu'on ne soit promptement secouru, une sueur froide ne précède la mort que de quelques instans. DU DIODON PLUMIÏER. 38t Au reste, si la vésicule du fiel , ou quelque autre portion intée- rieure du corps de l’atinga, contient un venin dangereux, il ne peut point faire perdre la vie, en parvenant jusqu'au sang des personnes blessées par ce cartilagmeux, et en y arrivant par le moyen des longs piquans dont la surface du poisson est hérissée, ainsi que quelques voyageurs l’ont redoute. Ces piquans ne sont point creux jusqu'à leur extrémité; leur cavilé ne présente à l'extérieur aucun orifice par lequel le poison pût être versé jus- que dans la plaie; et l’on ne découvre aucune communication entre l'intérieur de ces aiguillons, et quelque vésicule propre à contenir et à répandre un suc délétère. BRAND VAR AAA AREAS VITAE MATRA VAS VUE AR AR AARSTE VAR ARLES ARR VENVRUAN RG LE DIODON PLUMIER. k étoit convenable de désigner ce cartilagineux par le nom du naturaliste auquel nous devons la figure de cette belle espèce de diodon, que l’on trouve dans la zone torride, auprès des côtes orientales de l'Amérique. Ge poisson, que l’on voit aussi auprès des rivages de plusieurs iles américaines , a beaucoup de ressem- blance avec latinga ; mais il en diffère par plusieurs caractères. Premièrement il est souvent plus allongé, sa longueur totale étant presque loujours quatre fois aussi étendue que sa hauteur. Secon- dement, il présente un étranglement très-marqué à l'endroit où la tête est attachée au corps, et par conséquent entre les yeux et les nageoires pectorales. Troisièmement, il n’y a pas de piquans sur les côtés de la tête , au-dessous, ni sur le devant de cette par- üe; et au-delà de la nageoire dorsale, la queue est également dé : nuée daiguillons. Le diodon plumier est bleuâtre avec des taches blanches, pres- que rondes, assez petites, et très-nombreuses *. El AACIA mâgeoire du des, "0 TNT ee + 7 Tapas a chaque nageoire pectorale. , . er ORPI ERP nu be Ale it 08 NN à celle de l'anus. . a celle de la queue, qui est arrondie, . Se ds: sé NN ORURS 582 HISTOIRE NATURELLE AAA AAA NA RAA AR RAA AAA AAA AAA AREA VUE LE DIODON HOLOCANTHE. ee à LE trait le plus constant et le plus sensible par lequel la confor- mation extérieure de l’holocanthe diffère de celle de l’atinga , est la forme de la nageoire de la queue. Cette nageoire , au lieu d’être arrondie comme dans l’atinga, est échancrée, et par conséquent fourchue ou un peu en croissant dans l’holocanthe. L'ensemble de la tête, du corps et de la quene, est aussi, au moins le plus souvent, moins allongé dans l’holocanthe que dans Fatinga ; le dos est plus convexe, et les piquans sont quelquefois plus longs * : mais d’ailleurs toutes les formes sont presque semblables; les nuances et la distribution des couleurs ne le sont pas moins; et l'on remarque les mêmes habitudes dans les deux espèces. Comme l’aunga, l'holocanthe se livre à divers mouvemens très- violens et très-rapides lorsqu'il se sent saisi, et particulièrement lorsqu'il est pris à l'hameçon. Il se gonfle et se comprime, redresse et couche ses dards, s'élève ei s'abaisse avec vitesse, pour se de- barrasser du crochet qui le retient. Ses piquans étant quelquefois plus longs et plus forts que ceux de l’atinga, ses efforts multipliés pour s'échapper et se défendre sont plus redoutés que ceux de cet autre diodon ; et, bien loin d’oser le prendre au milieu de l’eau et lorsqu'il jouit encore de toute sa force, on n'ose approcher sa main de son corps jeté et gisant sur le rivage, qu’au moment où sa puissance afloiblie et sa vie près de s'éteindre rendent ses mou- vemens à peine sensibles, et ses armes presque nulles. Au reste, se nourrissant des mêmes animaux que l'atinga, il fréquente les côtes, ainsi que ce cartilagineux , et ainsi que la plu- part des poissons qui vivent de crabes et d’animaux à coquille. On le trouve dans les mêmes mers que celles où l’on pêche l’atinga. oo 3 On trouve souvent à la nageoïre du dos. , . « . . . . 14 rayons. aux pectorales."". 2 01 0e ae na a celle de Panus. . 750 4 SN QAR a celle de la queuc. . . . . . . . 1e Tome 2. 17 Page 382. = 9 ES NT LE DL == = k » E Plee. fils Seulp À 1.Le Diodon atimga..... Page 3-7. € F7 / 2.Le Diodon lumier eos te 381. F 3.Le Diodon holocanthe ..... 382. qui "À (An de ATEN S Magie a AT wi 14 M w ñ (a À Nua À AT ENT DAV OUL AU" EU NE LEQIeS wi Li DU DIODON TACHETÉ. 583 AAA AAA A AA AA AAA A A A A A AAA AA ve LE DIODON TACHETÉ. rEnSA F Couvenson a laissé dans ses manuscrits la description de cette espèce de cartilagineux , au sujet de laquelle aucun naturaliste n'a encore rien publié, que l’on a trouvée auprès des côtes de la Nou- velle-Cythère , et à laquelle les navigateurs qui l'ont vue ont donné le nom de crapaud marin et de hérisson de mer, À mesure qu'on s'éloigne de lalinga, en continuant cependant d'observer: les diodons dans l’ordre suivant lequel nous les avons placés, on voit l'allongement du corps diminuer dans les espèces que l'or examine, et la sphéricité presque parfaite succéder enfin à une très- grande différence entre la longueur et Les autres dimensions de l'animal. Les holocanthes sont , en effet, moins allongés en gé- néral que le tacheté; le tachelé paroit l'être moins que l'holo- canthe; des variétés de l’orbe se rapprochent encore davantage de la forme globuleuse, que l’on retrouve presque dans toute so intégrité lorsqu'on a sous les yeux d'autres individus de cette der- nière espèce. Indépendamment de sa forme moins allongée, le lacheté est séparé de l'atinga et de l'holocanthe par la disposition de ses cou- leurs. Il est brun par-dessus, et blanchätre par-dessous ; 11 pré- sente sur sa nuque une tres-grande tache en forme de croissant , un peu festonnée , et dont les pointes sont tournées vers les yeux. On en voit de chaque côté du corps une autre un peu ovale, située au-dessus de la nageoire pectorale, et deux autres trans- versales, dont la première est au-dessous de l'œil, et la seconde entre l'œil et la nagcoire pectorale; le dessous du museau est comme entouré d’une tache nuageuse; et enfin on en trouve une presque ronde au-dessus du dos, autour de la nageoire dorsale. Au reste, ces différentes taches sont d’un noir plus où moins foncé. Toutes les nageoires sont d’un jaune verdâtre. Les piquans sont blancs , et montrent leurs pointes au-dessus de gaines très- brunes. Ces mêmes aigullons, mobiles à Ja volonté de l'animal, ainsi 384% HISTOIRE NATURELLE que ceux de presque tous les autres diodons , sont très-longs sar le dos, mais deux ou trois fois plus courts sur le ventre. * Les narines, situées entre les yeux et l'extrémité du museau, ont les bords de leurs ouvertures relevés de manière à représenter une verrue. Les yeux sont voilés par une continuation transparente du té- gument le plus extérieur de l'animal ; cependant ils sont gros et très-saillans. L'ouverture branchiale à la forme d’un segment de cercle, et est placée verticalement. On ne compte de chaque côté que trois branchies. La nageoire de la queue est arrondie; ce qui rapproche un peter le tacheté de l’atinga , mais l’éloigne de lholocanthe *. AAA AAA AAA APR AA AR AN RAA AAA AA AAA AAA AA AA AAA AAA VRAI RAR AVE LE DIODON ORBE. Cx nom d'orbe désigne la forme presque entierement sphérique que présente ce cartilagineux. Îl ressemble d'autant plus à une boule, surtout lorsqu'il s’est tuméfié , que ses nageoires sont très- courtes, et que son museau étant très-peu avancé, aucune grande proéminence n’altère la rondeur dé son ensemble. Les piquans dont sa surface est hérissée sont très-forts; mais ils sont plus courts et plus clair-semés à proportion du volume du poisson, que ceux de l'atinga , de l’holocanthe , et du tacheté. Ils paroissent d’ailleurs retenus sous la peau par des racines à trois pointes, plus étendues et plus dures; ils ressemblent davantage à un cône, ou plutôt à une sorte de pyramide triangulaire, dont les faces se- roient plus ou moins marquées; ils peuvent faire des blessures plus larges; ils sont moins fragiles; 1ls donnent à l’animal des moyens de défense plus capables de résister à une longue attaque; et voilà pourquoi l’orbe a été nommé par excellence, et au milieu des autres diodons, le poisson armé. C'est sous ce nom que sa À la nageoïre du dos... .. à 1e aude te atiel RICO RREQN- aux nageoires pectorales … + . |. "421202 COMPARE à celle de l’anns. 0 . CE TE ER ER # celle'de la queue, “ re "6 FERRARI DU DIODON ORBE. 385 dépouille a été conservée pendant si long-temps, suspendue à la voûte de presque tous les muséum d'histoire naturelle , et même dans un grand nombre de cabinets de physique, de laboratoires de pharmacie, et de magasins de drogues étrangères. Comrmerson , qui a wu ce poisson en vie dans la mer voisine de Rio-Zaneïro, a très-bien décrit les couleurs de cet animal; et c'est d’après lui que nous allons les faire connoître. L’orbe est d’un gris livide sur toute sa surface; maïs ce fond est varié par des laches de formes et de nuances différentes, Premièrement, des gouttes blanchâtres sont répandues sur tout le dos ; seconde- ment, quatre taches plus grandes, noires, et presque arrondies, sont situées, une auprès de chaque nageoire pectorale, et une sur ‘chaque côté du corps; troisièmement , une cinquième tache égale- ment noire, mais très-échancrée, paroît auprès de la nageoire œudale: quatrièmement, un croissant noirâtre est au-dessous de chaque œil; et cinquièmement , la base de chacun des aiguillons placés sur le ventre est d’un jaune plus ou moins pâle. Au reste, on remarque souvent des variétés dans la forme du corps dé l’orbe, et dans celle de ses aiguillons. Ces piquans sont quelquefois, par exemple, taillés, pour ainsi dire, à pans plus sensibles, et attachés par des racines plus fortes et plus divisées. D'un autre côté, la sphéricité de l'animal se change en une sorte d’ovoïde ou de petit cône, qui le rapproche du tacheté, ou de l’holocanthe, ou de l'atinga, surtout lorsque ces derniers, ayant accidentellement leur partie inférieure très-gonilée, s'éloignent davantage de la figure allongée, et sont plus près de la rondeur d’une Bone. Mais les atingas, les holocanthes et les tachetés les plus voisins de la forme globuleuse seront toujours séparés de l’orbe dont la sphéricité sera la moins parfaite, par la conformation des piquans de ce dernier, plus courts, plus forts, plus clair- semés, mieux enracinés, et plus comprimés latéralement et sut plusieurs faces , que ceux des autres diodons *. L'orbe a, comme d’autres cartilagineux de sà famille, deux dents molaires presque plates ; très-étendues en surface, et situées &, Alanameoite du des.sx 2 juin ex NS 2h y art sd rayons, aux nageoires HÉGEN DONS". Ne ne ie USER st ct Le ST atcelle erLanUBe ss SNS Ua Me 6 ne NS SE a A + DR OR à celle de la queue, qui est arrondie, . à + « + + : . . 10 ZLacepéde. 2. 29 386 HISTOIRE NATURELLE l’une au palais, et l’autre en bas vers le bout du museau. Sa chaïs est un aliment plus ou moins dangereux , au moins dans certaines circonstances , comme celle de Fatinga et d’autres diodons. C'est principalement dans lorbe que l'on avoit cru voir de véri- tables poumons en même temps que des branchies ; et c'est cette observation qui avoit particulièrement engagé Linné à séparer les cartilagineux des poissons proprement dits, et à les considérer comme appartenant à la classe que ce grand taralibé a dési- gnée par le nom d’amphibie *. EMA AVS VV AU EUR A AR AV UV EU A UV UV UV VU VV UV ER LE DIODON MOLE. C: diodon , que le savant naturaliste Pallas a fait connoître , a beaucoup de ressemblance avec le tétrodon lune par le grand aplatissement de son corps, qui est trés-comprimé par les côtés, et par la forme demi-ovale qu’il présente, lorsqu'on regarde une de ses faces latérales. Mais ces deux poissons appartiennent à deux familles différentes ; il est donc très-aisé de les distinguer l’un de l'autre : d’ailleurs le diodon mole , au lieu de parvenir aux dimen- sions très-étendues de la lune, n’a encore été vu que de la longueur de quelques pouces, et l’on n’a encore comparé la grandeur de l'espèce de disque qu'offre le corps de ce cartilagineux, qu’à celle de la paume de la main. Le sommet de la tête au mole est creusé en petit canal dont les deux bouts sont garnis d’une petite pointe; le museau est saillant ; la grande dent qui compose la partie antérieure de chaque mà- choire est plutôt cartilagineuse qu'osseuse. Le dos est armé de deux piquans et de trois tubercules; on voit aussi deux aïguillons auprès de la gorge, et d’autres piquans sur les côtés du corps on sur la carène formée par le dessous de l'animal. La partie posté- rieure du mole paroît comme tronquée. On compte quatorze rayons à chacune de ses nageoires peclorales. Ou le trouve dans les mers voisines des tropiques, ainsi que les autres espèces de diodons, qui habitent , au reste, non-seulement dans les eaux * Discours sur la nature des poissons, DU SPHÉROIDE TUBERCULÉ. 387 salées qui baignent l’ancien continent, mais dans celles qui avoi- sinent les rivages du nou veau. PARA AA AAA AAAVER AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA VAN AR AAAAE QUATORZIÈME GENRE. LES SPHÉROÏDES. Point de nageoires du dos , de la queue, ni de Panus; quatre dents au moins à la mâchoire supérieure. ESPÈCE. CARACTÈRES. 1 Un grand nombre de petits tuber- L .…. ? . LE SPHÉROÏDE TUBERCULÉ. cules sur la plus grande partie du corps. PARA AAA AAA AAA VRAI AAA AAA VA AAA AAA AAA AAA AAA VA VARAAAMAAMAAZ LE SPHÉROÏDE TUBERCULÉ. Le naturaliste Plumier a laissé parmi les dessins originaux que lon doit à son zèle éclairé , et qui sont déposés dans le cabinet des estampes de la bibliothèque nationale, la figure de ce cartilagi- neux , que Je n'ai pu inscrire , d'après sa forme extérieure , dans aucun des genres de poissons déjà connus. Il a beaucoup de ra P- ports avec l’ovoïde fascé; mais il en diffère , ainsi qu'on va le voir, par plusieurs traits essentiels. Il est presque entièrement sphérique , et voilà pourquoi le nom générique de sphéroide m'a paru lui convenir. Sa forme globuleuse n’est altérée que par deux saillies très-marquées, dans chacune desquelles un des deux yeux est placé. Les deux narines, très-rapprochées, sont situées entre les yeux et l'ouverture de la bouche, dans l'intérieur de laquelle on voit au moins quatre dents attachées à la mâchoire supérieure, et deux à la mâchoire d'en bas. Une portion assez considérable des environs de la bouche n'est recouverte que d’une peau lisse : mais tout le reste de la surface du corps est parsemé d’un très- grand nombre de petits tubercules qui m'ont suggéré le nom spécifique de ce cartilaägineux. L'animal ne présente aucun aïi- 388 HISTOIRE NATURELLE guillon ; il n’a que deux nageoires: ce sont deux nageoires peclo+ rales assez étendues, et dont chacune est soutenue par six ou sept rayons. Il est à présumer que c’est dans la mer qui baigne les côtes orientales de la partie de l'Amérique comprise entre les tro- piques , que l'on trouve ce tuberculé, dont les habitudes doivent ressembler beaucoup à celles de l'ovoide fascé. AAA AA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA QUINZIÈME GENRE. LES SYNGNATRHES. L'ouverture de la bouche très-petite , et placée à l'extrémité d'un museau très-long et presque cylindrique ; point de dents ; les ouvertures des branchies sur la nuque. PREMIER SOUS-GENRE. Une nageoire de la queue; des nageoires pectorales, ef une nageoire de l'anus. “ESPÈCES. CARACTÈRES. 1. LE SYNGNATHE TROM- EL rps à Six , SÉUDE ÎLe co ps à Six pans 2, LESYNGNATHE AIGUILLE Le corps à sept'pans, SECOND SOUS-GENRE. Une nageoire de la queue; des nageoires pectorales; point ‘ de nageoire de l'anus. ESPÈCE. CARACTÈRE. 3. LEsyNGNATHE TUYAU. Le corps à sept pans. TROISIÈME SOUS-GENRE. Une nageoire de la queue; point de nageoires pectorales , ni de nageoire de l'anus. ESPÈCE, CARACTERES. A rayons à la nageoire du dos; 4. Le SYNGNATHE PIPE. cinq à celle de la queue. DU SYNGNATHE TROMPETTE. 58g QUATRIÈME SOUS-GENRE. Point de nageoire de la queue; des nageoires pectorales ; une nageoire de l'anus. ESPÈCES. CARACTÈRES. 5. LE sYNGNATHE HiPppo- [Cinq excroissances barbues et cartila- CAMPE. - | gineuses au-dessus de la tête. 6. LE SYNGNATHE DEUx- PIQUANS. Deux piquans sur la tête. CINQUIÈME SOUS-GENRE. Point de nageoire de la queue ; des nageoires pectorales ; point de nageoire de l’anus. ESPÈCE: CARACTÈRE. 7. LE SYNGNATHE BARBE. Le corps à six pans. SIXIÈME SOUS-GENRE. Point de nageoire de la queue, de nageoires pectorales , ni nageoire de l'anus. ESPÈCE. CARACTÈRES. à 8. LEesyNonatTHE OPHI— (Le corps. très - délié; trente -quatre DION. rayons à la nageoire du dos. Li AAA AMMANNANS RAAAVY AAA: LE SYNGNATHE TROMPETTE. D: toutes les manières dont les poissons viennent au jour, ïl v’en est point de plus digne d’aitention que celle que l’on observe dans la famille des syngnathes , de ces cartilagineux très-allongés , dont les nageoires sont très-petites, et qui par ces deux traits ressemblent beaucoup aux serpens les plus déliés. En effet, non- . seulement les femelles des syngnathes ne déposent pas leurs œufs. Pres | 2 Gagnole, dans plusieurs départemens méridiouaux. 390 HISTOIRE NATURELLE comme celles du plus grand nombre de poissons , sur des bancs de sable , sur des rochers, sur des côtes plus ou moins favorables au développement des fœtus; non-seulement elles ne les aban- donnent point sur des rivages : mais on diroit que, modèles de la véritable tendresse maternelle, elles consentent à perdre la vie pour la donner aux petits êtres qui leur devront leur existence. On croiroit mème qu’elles s’exposent à périr au milieu de dou- leurs cruelles, pour sauver les jeunes produits de leur propre substance. Jamais l'imagination poétique, qui a voulu quelque- fois élever l'instinct des animaux , anamer leur sensibilité, ano- blir leurs affections, embellir leurs qualités, et les rapprocher de celles de l’homme , autant qu’une philosophie trop sévère et trop prompte dans ses jugemens a cherché à les dégrader et à les re- pousser loin d’elle, n’a pu être si facilement séduite lorsqu'elle a erré au milieu des divers groupes d'animaux dont nous avons entrepris d'écrire l’histoire, et même de tous ceux que l'on a placés, avec raison, plus près de l’homme, ce fils privilégié de la Nature , qu’elle ne l’auroil été par le tableau des soins des syn- gnathes mères , et de toutes les circonstances qui accompagnent le développement de leurs foibles embryons : jamais elle ne se seroit plue à parer de plus de charmes les résultats de l’organisation des êtres vivans et sensibles. Et combien de fois les syngnathes mères n'auroient-elles pas été célébrées dans ces ouvrages charmans, heureux fruits d’une invention brillante ét d’un sentiment tou- chant, que la sagesse reçoit des mains de la poésie pour le bon- heur du monde, si le génie qui préside aux sciences naturelles avoit plulôt révélé à celui des beaux arts le secret des phénomènes dérobés à presque tous les yeux, et par les eaux des mers dans lesquelles ils s'opèrent, et par la petitesse des êtres qui les pro- duisent! ; Mais au travers de ces voiles précieux et transparens dont l'imagination du poète les auroit enveloppés, qu’auroit vu le physicien? Que peut remarquer dans la reproduction des syn- gnathes l’observaieur le plus froid et le plus exact? Quels sont ces faits à la vue desquels la poésie auroit bientôt allumé son flambeau ? Oublions les douces images qu’elle auroit fait naître» el ne nous occupons que des devoirs d’un historien fidèle. On a pensé que les syngnathes étoient hermaphrodites : un sa- vant naturaliste, le professeur Pallas, l’a écrit ; et ses soupçons à ce sujet ont été fondés sur ce que dans tous les individus de ce DU SYNGNATHE TROMPETTE. 39? gnre qu'il a disséqués, il a trouvé des ovaires et des œufs. Peut- être dans cette famille, ainsi que dans plusieurs autres de la classe des poissons, le nombre des femelles l’em porte-t-1l de beau- coup sur celui des mâles. Mais, quoi qu'il en soit, les observa- tions d'autres habiles physiciens, et particulièrement celles d'Ar- tedi, qui a vu des syngnathes mâles, ne permettent pas de re- garder comme hermaphrodites les cartilagineux dont nous irai- tons dans cet article ; et nous sommes dispensés d'admettre une exception qui auroit été unique non-seulement parmi les pois- sons, mais même parmi tous les animaux à sang rouge. Les jeunes syngnathes sortent des œufs dans lesquels ils ont été renfermés, pendant que ces mêmes œuis'sont encore attachés au corps de la femelle. L'intérieur de ces petites enveloppes a donc dû être fécondé avant leur séparation du corps de la mère. I en est donc des syngnathes commedes raies et des squales : le mâle est obligé de chercher sa femelle , de s’en approcher, de demeu- rer auprès d'elle au moins pendant quelques momens, de faire arriver jusqu'à elle sa liqueur séminale. Il y a donc un véritable accouplement du mâle et de la femelle dans la famille que nous examinons ; et la force qui les entraîne l’un vers l’autre est d’au- tant plus remarquable, qu’elle peut faire supposer l'existence d’une sorte d'affection mutuelle, très-passagère à la vérité, mais cependant assez vive, et que ce sentiment, quelque peu durable qu'il soit, doit influer beaucoup sur les habitudes de l'animal , et par conséquent sur l'instinct qui est le résultat de ces habitudes. Lorsque la liqueur séminale du mâle est parvenue jusqu'aux œufs de la femelle, ils recoivent de ce fluide vivifiant une action analogue à celle que l'on voit dans tous les œufs fécondés , soit dans le ventre, soit hors du corps des mères , à quelque espèce d'animal qu'il faille d’ailleurs les rapporter. L’œuf , imprégné de la liqueur du mâle, s’anime, se développe, grossit; et le jeune embryon croît , prend des forces, et se nourrit de la matière ali- mentaire renfermée avec lui dans sa petite coque. Cependant le nombre des œufs que contiennent les ovaires est beaucoup plus grand , à proportion de leur volume , et de la capacité du ventre qui les renferme, dans les syngnathes , que dans les raies ou dans les squales. Lorsque ces œufs ont acquis un certain degré de dé- veloppement , ils sont trop pressés dans l'espace qu'ils occupent, ils en compriment trop les parois sensibles et élastiques , pour n'être pas repoussés hors de l’intérieur du ventre , avant le mo- 322 HISTOIRE NATURELLE ment où les fœtus doivent éclore. Mais ce n’est pas seulement alors par l'anus qu'ils s’échappent ; ils sortent par une fente longi- tudinale qui se fait dans le corps, où pour mieux dire; dans la queue de la femelle, aupres de l'anus, et entre cette ouverture et la nageoire caudale. Cette fente non-seulement sépare des parties molles de la femelle , mais encore elle désunit des pièces un peu dures et solides. Ces pièces sont plusieurs portions de l'enveloppe presque osseuse dans laquelle les syngnathes sont en- gagés en entier. Ces poissons sont, en eflet, revêtus d’une longue cuirasse qui s'étend depuis la tête jusqu’à l'extrémité de la queue. Cetle cuirasse est composée d’un très-grand nombre d’an- neaux placés à la site l’un de l’autre, et dont chacun est arti- culé avec celui qui le précède et celui qui le suit. Ces anneaux ne sont pas circulaires, mais à plusieurs côtés ; et comme les faces analogues de ces anneaux se correspondent d’un bout à l’autre de l'animal, Fensemble de la cuirasse, ou, pour mieux dire, du res long étui qu'ils forment , ressemble à un prisme à plusieurs pans. Le nombre de ces pans varie suivant les espèces , ainsi que gelui des anneaux qui recouvrent le corps et la queue propre- ment dile. En même temps que la sorte de gaîne qui renferme le poissom présente plusieurs faces disposées dans le sens de la longueur dw syngnathe, elle doit offrir aussi , aux endroits où ces pans se tou- chent, des arêles, ou lignes saillanteset longitudinales, en nombre: égal à celui des côtés longitudinaux de cet étui prismatique. Une de ces arêtes est placée, au moins le plus souvent, au milieu de Ja partie inférieure du corps et de la queue, dont elle parcourt la longueur. C'est une porlion de cette arête qui, au-delà de Fanus , se change en fente allongée , pour laisser passer les œufs ; cette fente se prolonge plus ou moins suivant les individus , et suivant l'effort occasioné par le nombre des œufs, soit vers le bout de la queue, soit vers l’autre extrémité du syngnathe. Cependant les deux pans les plus inférieurs du fourreau pris- matique non-seulement se séparent à l'endroit de cette fente, wais ils s'enfoncent , vers l’intérieur: du corps de l'animal, dans le bord longitudinal qui touche la fénte, et se relèvent dans l’au- ire, de manière qu'au lieu d’une arête saillante , on voit un petit canal qui s'étend souvent vers la tête et vers le bout de la queue. du syngnathe , bien au-delà de la place où la division a lieu. En effet , une dépression semblable à celle que nous ex posons. s'opère: DU SYNGNATHE TROMPETTE. 393 alors au-delà de la fente, tant vers le bout de la queue que vers la tête, quoique les deux pans longitudinaux les plus inférieurs n’y soient pas détachés l’un de l’autre, et qu'ils s'inclinent uni- quement l’un sur l’autre d’une manière très-diflérente de celle qu'ils présentoient avant la production de la séparation. Lorsqu'une arête saillante ne règne pas longitudinalement dans le milieu de la partie inférieure de l'animal , le pan qui occupe cette partie inférieure se partage en deux , et les deux lames al- longées qui résultent de cette fracture, ainsi que les pans colla- téraux, s’inclinent de manière à produire un canal analogue à celui que nous venons de décrire. C'est dans ce canal, dont la longueur varie suivant les es- pèces , et même suivant les individus , que se placent les œufs à mesure qu'ils sortent du ventre de la mère : ils y sont déposés sur des rangs plus où moins nombreux selon leur grosseur et la largeur du canal; et ils y sont revêtus d’une peau mince, que les jeunes syngnathes déchirent facilement lorsqu'ils ont été assez développés pour percer la coque qui les contenoit. La femelle porte ainsi ses pelits encore renfermés dans leurs œufs , pendant un temps dont la longueur varie suivant Îles di- verses circonstances qui peuvent influer sur l'accroissement des embryons ; elle nage ainsi chargée d’un poids qu’elle conserve avec soin , et qui lui donne d'assez grands rapports avec plu- sieurs cancres dont les œufs sont également attachés pendant lorg-temps au-dessous de la queue de la mère. Peut-être n'est-ce qu'au moment où les œufs des syngnathes sont parvenus dans le petit canal qui se creuse au-dessous du corps de la femelle , que le mâle s'approche, s'accouple , et les arrose de sa liqueur séminale , laquelle peut pénétrer aisément au travers de la membrane très-peu épaisse qui les maintient. Mais, quoi qu’il en soit, il paroît que, dans la même saison , il peut y avoir plusieurs accouplemens entre le même mâle et la même femelle, et que plusieurs fécondations successives ont lieu comme dans les raies et dans les squales ; les premiers œufs qui sont um peu développés ‘et vivifiés par la liqueur séminale du mâle pas- sent dans le petit canal , qu’ils remplissent, et dans lequel ils sont ensuite remplacés par d’autres œufs dont l'accroissement moins précoce avoit relardé la fécondation , en les retenant plus long- temps dans le fond de la cavité des ovaires. Au reste, le phénomène que nous venons de décrire est une 304 HISTOIRE NATURELLE nouvelle preuve de l'étendue des blessures , des déchiremens et des autres altérations que les poissons peuvent éprouver dans certaines parties de leur corps, non-seulement sans en périr, mais même sans ressentir de graves accidens. La tête de tous les syngnathes, et particulièrement de la trom- petite , dont nous traitons dans cet article, est très-petite ; le mu- seau est très-allongé, presque cylindrique , un peu relevé par le bout ; et c'est à cette extrémité qu'est placée l'ouverture de la bouche, qui est très-étroite , el se ferme par le moyen de la mà- choire inférieure proprement dite, que l'on a prise à tort pour un opercule , et qui, en se relevant, va s'appliquer contre celle d'en haut. Le long tuyau formé par la partie antérieure de la tête a été regardé comme composé de deux mâchoires réunies lune contre l’autre dans la plus grande partie de leur étendue ; et de là vient le nom de syngnathe que porte la famille des carti- lagineux dont nous nous occupons. La trompette, non plus que les autres syngnathes , n'a point de langue, ni mème de dents. Ce défaut de dents, la petitesse de lonverture de sa bouche, et le peu de largeur du long canal que forme la prolongation du museau , forcent la trompette à ne se nourrir que de vers, de larves , de fragmens d’insectes, d'œufs de poissons. La membrane des branchies des syngnathes, que deux rayons soutiennent, s'étend jusque vers la gorge : l'opercule de cet or- gane est grand et couvert de stries disposées en rayons ; mais cet opercule et cette membrane sont attachés à la tête et au corps proprement dit, dans une si grande partie de leur contour, qu'il ne reste pour le passage de l’eau qu’un orifice placé sur la nuque. On voit donc, sur le derrière de la tête, deux petits trous que lon prendroit pour des évents analogues à ceux des raies et des squales , mais qui ne sont que les véritables ouvertures des bran- chies. Ces branchies sont au nombre de quatre de chaque coté. Ges organes, un peu diflérens dans leur conformation des branchies du plus grand nombre de poissons , ressemblent , selon Artedi et plusieurs autres naturalistes qui l'ont copié, à une sorte de vis- cosité pulmonaire d’un rouge obscur : mais je me suis assuré, en examinant plusieurs individus et même plusieurs espèces de la famille que nous décrivons, qu'ils étoient composés , à peu près, comine dans la plupart des poissons, excepté que chacune des DU SYNGNATHE TROMPETTE. 305 branchies est quelquefois un peu épaisse à proportion de sa lon- gueur , et que les quatre de chaque côté sont réunies ensemble par une membrane très-mince , laquelle, ne s'appliquant qu’à leur côté extérieur , forme, entre ces quatre parties , trois petits ca- naux ou cellules, qui ont pu suggérer à Artedi l'expression qu'il a employée. Au reste, cette couleur rougeâtre qu’il a très-bien vue indique les vaissaux sanguins très -ramifiés et disséminés sur ces branchies. Les yeux des syngnathes sont voilés par une membrane très- mince, qui est une continuation du tégument le plus extérieur de l'animal. Le canal intestinal de la trompette est court et presque sans sinuosités. | ; La série de vertèbres cartilagineuses qui s'étend depuis la tête jusqu'a l'extrémité de la queue ne presente aucune espèce de côte : mais les vertèbres qui sont renfermées dans le corps pro- prement dit offrent des apophyses latérales assez longues , qui ont quelque ressemblance avec des côtes ; et elles montrent ainsi une conformation intermédiaire entre celle des vertèbres des raies et des squales , sur lesquelles on ne voit pas de ces apophyses, et celle des vertèbres des poissons osseux, qui sont garnies de véri- tables côtes. L’étui dans lequel elle est enveloppée présente six pans, tant sur le corps que sur la queue , autour de laquelle cependant ce fourreau n'offre quelquefois que quatre pans longitudinaux. Le nombre des anneaux qui composent cette cuirasse est or- dinairement de dix-huit autour du corps, et de trente-six autour de la queue. La trompette a une nageoire dorsale comme tous les syÿngna- thes : mais elle a de plus des nageoires pectorales, une nageoire de l'anus , et une nageoire caudale * ; organes dont les trois, ou du moins un ou deux, manquent à quelques espèces de ces ani- maux, ainsi qu'on peut le voir sur le tableau méthodique des cartilagineux de cette famille. TA la naseoire du dos 2... «2... %,] 4 + «à. *- 1STARNnS AUX PCCLOPA TER ie nette de x el 09/3) iue de Je) NUE BCE ODA ee Vs T aan EN M ME 7 5 à ESS a celle de la queue, qui est un peu arrondie, . . . . . . . 10 Un individu de l’espèce de la trompette, observé par Commerson, différoit assez des autres individus de cette même espèce par le nombre des rayons de ses 396 HISTOIRE NATURELLE. Elle n’a guère plus d’un pieû ou d’un pied et demi de Jon gueur : sa couleur générale est jaune et variée de brun; les na- geoires sont grises et très-petites. On la trouve non-seulement dans l'Océan , mais encore dans la Méditerranée, où elle a été assez anciennement et assez biem observée, pour qu’Aristote et Pline aient connu une partie de ses habitudes et notamment la manière dont elle vient au jour. Sa chair est si peu abondante, que ce poisson est à peine re- cherché pour la-nourriture de l'homme ; mais comme :ïl perd difficilement la vie, qu'il ressemble à un ver, et que, malgré sa: cuirasse, qui se prête à plusieurs mouvemens, il peut s’'agiter et se contourner en diflérens sens, on le pêche pour nee amorcer des hameçons. LE SYNGNATHE AIGUIÏILLE, LE SYNGNATHE TUYAU, ET LE SYNGNATHE PIPE, LAAUW A'icuere habite, comme la trompette, dans l'Océan septen- trional ; elle présente la même conformation , exceplé dans le nombre des fices de sa cuirasse, qui offre sept pans longitudi- naux autour de son corps proprement dit, tandis qu'on n’en. compte que six sur le fourreau analogue de la trompette. Elle parvient d’ailleurs à une grandeur plus considérable ; elle a quel- quefois trois pieds de long; et l’on voit, sur presque toute sa surface, des taches et des bandes transversales alternativement brunes et rougeâtres. Son anus est un peu plus rapproché de la tête que celui de la trompette, et l’on a écrit que la femelle don noit le jour à soixante-dix petits *. pageoires, pour qu’on pâût le considérer comme formant une variété distincte. IE avoit, en cHet, à Ta nageoire dorsale. . J . . 7. :/.1. +: 45rayonse à chacune des nageoires pectorales. . . . . . . . 24 mcelle de l'anus. eh Le ON M RE PERTE aicelle de la: queue, 4... ete Le 5.185 etai et 6e # À la membrant des branchies du syngnathe aiguille. . . . . . 2: à chaque nageoïire pectorale. « . . « + . . . . . . . opt noce dudes, 00 0 US ONE 0 le ete CRE US à celle. de Panus., 2 AR SH ET ARTE NS IS SERRES à celle de la queue. CT € CCE: SN o. me. e é at ae AAA ER ET 1Q « [ae Tome 2 pi on ee Lo à Vie = SE Æ és = = OL = Re = = << 3: Fu &) ES —$ - = do a 2 D 23e | qe ie Fe ile Ne | ha A\KEXI| LUE QE Ha FE Fe ‘à û Rae t \\ ) L & ne aol na) Ds ju \ all. na je Fi is De # Fe ne M je ; f ie e Le | . “ é 1) ) D hi Que (. s je hu “ 00 en 2. e i L se Page 396 CR Prétre prix £ 1.Le Sphéroide tuberculé.*.Page 587. Le] ‘ 2.Le Syngnathe trompette... v 2 - 389. 8.Le Syngnathe aiguille........i 306 Le — 2 « Pl file Seul | SUPPLÉMENT DU SYNGNATRE TUYAU. 397 Le syngnathe tuyau a autour de son corps une longue enve- loppe à sept pans, comme laiguille ; mais il s'éloigne de la trom- pette plus que ce dernier poisson : il n’a point de nageoire de ‘anus *.On le trouve dans des mers bien éloignées l’une de l'autre: on le voit en eflet dans la mer Caspienne, dans celle qui baigne les rivages de la Caroline, etdans celle dont les flots agités par les tempêtes battent si fréquemment le cap de Bonne-Espérance et les côtes africaines voisines de ce cap. On l’observe souvent au milieu des fucus ; il est d’un jaune foncé, plus clair sur les nageoires du dos et de la queue, et relevé par de petites bandes transversales brunes. La forme de la trompette se dégrade encore plus dans le syn- gnathe pipe que dans les deux autres cartilagineux de la même famille, décrits dans cet article. La pipe n’est pas seulement dé- nuée de nageoire de l’anus ; elle n’a pas mème de nageoires pec- torales * SUPPLÉMENT À L'ARTICLE DU SYNGNATHE TÜYAU. Nes avons vu que le syngnathe tuyau habitoit dans des mers très-éloignées l’une de l’autre, et particulièrement dans la Cas- pienne , auprès des rivages de la Caroline ; et dans les environs du cap de Bonne-Espérance. Nous avons reçu de M. Noël de Rouen plusieurs individus de cette même espèce de syngnathe, qui avoient été pêchés auprès de l'embouchure de la Seine.« Les « tuyaux, nous écrit cet estimable observateur , sont pêchés sur « les fonds du Tot, de Quillebeuf, de Berville, de Grestain. » 4 Ilya à la nageoire du dos du syngnathe tuyau. . . . . . 31 rayons. aux nagceires pectorales. sise) éd nets tes : 14 à celle de la quene. . . . . + + « +, + « «+ + « 10 a la cuirasse qui recouvre le corps. . . «+ . « .« .« : 18 anneaut. a celle qui revêt la queue. FRE a ‘ 32 LA paroît qu’on a compté vingt-cinq anneaux dois une variélé se cette espèce, yue auprès de la Caroline. & À la nageoire dorsale du syngnathe pipe. . . .« . . . . . . 30 rayons. à, celle de la queue, .. . + . + + + + + +. + + + « 5 393 HISTOIRE NATURELLE On les prend avec des guideaux, sorte de filet dont nous parie- rons à l'article du gade colin. M. Noël les a nommés aiguillettes, ou petites aiguilles , parce qu'ils ne parviennent guère ; près des côtes de la Manche, qu'à la longueur de deux décimètres. Le corps de ces poissons représente une sorte de prisme à sept faces ; mais les trois pans supérieurs se réunissent auprès de la nageoire dorsale, et les deux inférieurs auprès de l'anus , de manière que la queue proprement dite n'offre que quatre faces longitudi- nales. La couleur de ces cartilagineux est d’un gris pâle, ver- dâtre dans leur partie supérieure , et d’un blanc sale dans leur partie inférieure. M. Noël a vu dans l'œsophage d'un de ces animaux une petite chevrette qui, malgré son peu de volume, en remplissoit toute la capacité , et n’avoit pu être introduite par l'ouverture de la bouche qu'après de grands eflorts. Il a trouvé aussi dans chacune de deux femelles qu'il a disséquées une quarantaine d'œufs assez gros , relativement aux dimensions de l'animal]. AAA AAA AAA AA AAA AA AAA AAA AAA AA AA AS AAA AAA AVR AAA AAA RAR NV LE SYNGNATHE HYPPOCAMPE ET LE SYNGNATHE DEUX-PIQUANS. Qu. contraste que celui des deux images rappelées par ce mot Aippocampe , qui désigne en même temps et un cheval et une cheniile ! Quel éloignement dans l’ensemble des êtres vivans et sensibles sépare ces deux animaux, dont on a voulu voir les traits réunis dans l’hippocampe , et dont on s’est efforcé de com - biner ensemble les deux idées pour en former l’idée composée du syngnathe que nous décrivons! L’imagination qui, au lieu de calculer gvec patience les véritables rapports des objets, se plait tant à se laisser séduire par de vaines apparences , et à se laisser entraîner vers les rapprochemens les plus bizarres, les ressemblances les plus trompeuses et les résultats les plus mer- veilleux, a dû d'autant plus jouir en s’abandonnant pleinement au sens de ce mot kippocampe, que, par l'adoption la plus en- D nr de tn 1 Cavallo marino , en Italie. DU SYNGNATHE HIPPOCAMPE, etc. 393 tière de cette expression, elle a exercé ; pour ainsi dise, en même temps, une triple puissance. Reconnoître, en quelque manicre, un cheval dans un petit cartilagineux, voir dans le même mo- ment üne chenille dans un poisson, et lier ensemble et dans un même être une chenille et un cheval , ont été trois opérations simultanées, trois espèces de petits miracles compris dans un seul acte, trois signes de pouvoir devenus inséparables, dans lesquels l'imagination s'est complue sans réserve , parce qu'elle ne trouve de véritable attrait que dans ce qui lui permet de s'attribuer une sorte de force créatrice : et voilà pourquoi cette dénomination d’ippocampe a été très-anciennement adoptée ; et voilà pourquoi , lors même qu’elle n’a rappelé qu’une erreur bien reconnue, elle a conservé assez de charmes secrets pour être généralement maintenue par les naturalistes. Quelles sont cependant ces légères apparences qui ont introduit ce mot Aip- pocampe, et d'abord quels sont les traits de la conformation extérieure du syngnathe dont nous nous occupons, qui ont ré- veille l’idée du cheval à l'instant où l’on a vu ce cartilagineux ? Une tête un peu grosse; la partie antérieure du corps, plus étroite que la tête et le corps proprement dit ; ce même corps plus gros que la queue, qui se recourbe; une nageoire dorsale dans laquelle on a trouvé de la ressemblance avec une selle ; et de petits filamens qui, garnissant l'extrémité de tubercules pla- cés sur la tête et le devant du corps , ont paru former une petite crimière : tels sont les rapports éloignés qui ont fait penser au -cheval ceux qui ont examiné un hippocampe, pendant que ces mêmes filamens , ainsi que les anneaux qui revêlent ce cartila- gineux, comme ils recouvrent les autres syngnathes, l'ont fuit rapporter aux chenilles à anneaux hérissés de bouquets de poil. Mais , en écartant ces deux idées trop étrangères de chenille et de cheval , déterminons ce qui différencie l’hippocampe d'avec les autres poissons de sa famille. IL parvient ordinairement à la longueur de trois ou quatre décimètres , ou d'environ un pied. Ses yeux sont gros , argentés et brillans. Les anneaux qui l’enveloppent sont à szpt pans sur le corps, et à quatre pans sur la queue : chacun de ces pans, qui quelquefois sont très-peu sensibles , est ordinairement indi- qué par un tubercule garni le plus souvent d’une petite houppe de filamens déliés. Ces tubercules sont communément plus gros au-dessus de la tête, et l’on en voit particulièrementcinq d'assez 400 HISTOIRE NATURELLE grands au-dessus des yeux. On co mpte treize anneaux à l'étui ‘qui enveloppe le corps, et de trente-cinq à trente-huit à celui qui renferme la queue , laquelle est armée, de chaque côté , de trois aiguillons, de deux en haut et d’un en bas. Au réste, ce nombre d’anneaux varie beaucoup , au moins suivant les mers dans lesquelles on trouve l’hippocampe. Les couleurs de ce poisson sont aussi très-sujettes à varier » suivant les individus. I est ou d’un livide plombé , ou brun, ou noirâtre, ou verdâtre; et, quelque nuance qu'il présente , il est quelquelois orné de petites raies ou de petits points blancs ou noirs *. Les branchies de l’hippocampe ont été mal vues par un grand nombre de naturalistes ; et leur petitesse peut avoir aisément in- duit en erreur sur leur forme. Mais je me suis assuré, par plu sieurs observations, qu'elles étoient frangées sur deux bords, et semblables , à très-peu près , à celles que nous avons examinées dans plusieurs autres syngnathes, et que nous avons décrites dans l'article de la trompette. La vésicule aérienne est assez grande; le canal intastiel est presque sanssinuosités. La bouche de l’hippocampe étant d’ailleurs conformée comme celle des autres cartilagineux de son genre, il vit, ainsi que ces derniers, de petits vers marins, de larves, d'insectes aquatiques , d’œufs de poissons peu développés. On le trouve dans presque toutes les mers, dans l'Océan , dans la Mé- diterranée , dans la mer des Indes. Pendant qu'il est en vie, son corps est allongé comme celui des autres syngnathes : mais lors= qu'il est mort , et surtout lorsqu'il commence à se dessécher , sa queue se replie en plusieurs sens, sa tête et la partie antérieure de son corps se recourbent; et c’est dans cet état de déformation qu’on le voit dans les cabinets, et qu'il a été le plus comparé au cheval. On a attribué à l'hippocampe un grand nombre de propriétés médicinales , et d’autres facultés utiles ou funestes, combinées # Il ya à la membrane des branchies. . . . , . . . . . . . 2 rayons. a chacune des nageoires pectorales, . . . . . . . . . 9 (On en a compté 18, parce que chaque rayon se divise en deux, presque dès son origine.) h:celle de larquene. 24 44. ou 'utinet TOSOERNe nie dé l'anus. 600 Re un PRE 4 ne dns dti DU SYNGNATHE BARBE, etc. Zoi d'une maniere plus ou moins absurde : et comment n’auroit-on pas cherché à douer des vertus les plus merveilleuses et des qua- lités les plus bizarres un être dans lequel on s’est obstiné, pen- dant tant de temps, à réunir par la pensée un poisson, un cheval et une chenille? Le syngnathe deux-piquans habite dans la mer des Indes. Il est varié de jaune et de brun. Les anneaux qui composent sa longue cuirasse ne présentent chacun que quatre pans ; et au- dessus des yeux on voit deux aigwllons courbés en arrière *. RAA ANA AAA AA AAA AAA AAA AA AAA AA ARAA RAA AAA AAA RAA NAAAAA VE LE SYNGNATHE BARBE, ET LE SYNGNATHE OPHIDIONK. = D Now-seulement le barbe n’a point de nageoire caudale , mais encore il n’a pas de nageoire de l’anus. Aussi le voit-on placé dans un cinquième sous-genre sur le tableau méthodique de la famille que nous décrivons. Son corps est d’ailleurs à six pans longitudinaux *. L’ophidion est encore plus dénué de nageoires : il n'en a pasde pectorales; il n’en montre qu’une qui est située sur le dos”, et qui est assez élevée. De tous les syngnathes 11 est celui qui ressemble le plus à un serpent, et voilà pourquoi le nom d'ophidion lui a été donné, le mot grec c@us désignant un serpent. Nous avons cru d'autant plus devoirlui conserver cette dénomination, que son x: À la membrane des branchies. . , "4 . +. . : . .®% 2 rayons. a chaque nageaïire peclôrale. : + +» "x, « + + . -l 4. 21 à celle du dos. 3 ST Tr 4 Der ss cqutarst ae. |. 34 D'ÉERE de Lans nu + rule se lat se el ete el, 4 sur lé corps. .,. ++ + ee © + » + sig v ee «is + + 17 anneaux. sur la qéeué. . . . « + 6. + 0 0 A 45 à À chaque nageoire pectorale du Barbe. 6 ue fe ee dote 22 Ty En de ne nn à no ve 0 SN aus PORT où se VIS 3 A la membrane des branchies de l’ophidion. . . . . . .« . . 2 a la nageoire dorsale. . L] ° . L . . . > , . . . 0] . . 3/4 Luacepede. 2. 26 402 HISTOIRE NATURELLE corps est plus menuet plus délié à proportion que celui des autres cartilagineux deson genre. Il parvient quelquefois à la longueur de deux pieds , ou de plus de sept décimètres. Son museau est moins allongé que celui de la trompette. Cet animal est verdâtre avec des bandes transversales et quatre raies longitudinales , plus ou moins interrompues, d’un très-beau bleu. Îl habite dans l'Océan septentrional. AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA RAA RAA AURA AA ANA QUINZIÈME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU TROISIÈME ORDRE DE LA QUATRIÈME DIVISION DES CARTILACGINEUX. Poissons thoracins , ox qui ont une ou deux nageoires situées sous le corps, au-dessous ou presque au- dessous des nageoires pectorales. SEIZIÈME GENRE. LES CYCLOPTEÈRES. Des dents aigues aux mâchoires ; les nageoïres pectorales simples ; les nageoires inférieures réunies en forme de disque. PREMIER SOUS-GENRE. Les nageoires du dos, de la queue, et de l'anus, séparées l'une de l’autre. ESPÈCES. CARACTÈRES. Le corps garni de plusieurs rangs de £. LE CYCLOPTÈRE LOMPE. « F 5 tubercules très-durs. DU CYCLOPTÈRE LOMPE. 403 ESPÈCES. CARACTÈRES. De petites épines sur le corps ; des 2. LECYCLOPTÈRE ÉPINEUX. rayons distincts à la première na- geoire du dos. 3. LE cycLOPTÈRE MENU. À Trois tubercules sur le museau. » . 4. LE cycLOPTÈRE DOUBLE- { Le derrière de la tête garni , de chaque ÉPINE. côté , d’une épine. . É Les nageoires pectorales tres-larces : 5. LE CYCLOPTÈRE GÉLATI- D ee D Oo l’ouverture de la bouche, tournée NEUX. vers le haut. L'ouverture de la bouche, presque égale à la largeur de la tête ; les dents 6. LE CYCLOPTÈRE DENTÉ. fortes , coniques, et distribuées en nombre très-inégal, des deux côtés des deux mächoires. à e L { l ns , 9 7. « LE cyccorrÈère vénrru. | Le Ventre très-gonflé par une double / el tres-grande vessie urinaire. 3 b i re itué FR DES APR es nageoires pectorales situées vers le pe derrière de la tête ; une tache noire sur chaque côté du corps. 9. LECYCLOPTÈRE sPATULE. Le museau en forme de spatule. . SECOND SOUS-GENRE. Les nageoires du dos, de la queue, et de l'anus, réunies. ESPÈCES. CARACTÈRES. : Sept rayons : mbrane des bran- 10. LE CYCLOPTÈRE LIPARIS, pie ons à la membrane des Fe : Un seul ravon à la mbrane de 11. LE CYCLOPTÈRE RAYÉ. Eee SAM des branchies ; des raies longitudinales. AAA AA VAAAAA AAA AAA AAA AR AAAAAAA AR AAAARAAA AAA LL AAA LE CYCLOPTÈRE LOMPE:. Ov ceux dont la douce sensibilité recherche avec tant d’inté- rêt , et trouve avec tant de plaisir, les images d’affections tou- 4 T Lièvre de mer; lump ou sea-wol, en Angleterre ; cock-padd, en Ecosse ; haff-podde , en Irlande ; snottolff, dans la Belgique ; stenbeir , enDanemarck ; sjurygg-fisk , en Suède ; ronghiegse , en Noxwége. 46% “HISTOIRE NATURELLE chantes que présentent quelques êtres heureux au milieu de l'immense ensemble des produits de la création, sur lesquels Ta Nature a si inégalement répandu le souffle de la vie et le feu du sentiment , écoutent un instant ce que plusieurs naturalistes ont raconté du poisson dont nous écrivons l'histoire. Qu'ils sachent que, parmi ces innombrables habitans des mers, quine cédent qu’à un besoin du moment , qu'à un appétit grossier, qu'à une Jouis- sance aussi peu partagée que fugilive, qui ne connoissent ni mère, ni compagne, ni petits, on à écrit qu'il se trouvoit un animal favorisé, qui, par un penchant irrésistible , préféroit une femelle à toutes les autres, s’attachoit à elle, la suivoit dans ses courses, Yaidoit dans ses recherches, la secouroit dans ses dangers, en recevoit des soins aussi empressés que ceux qu'il lui donnoit, facilitoit sa ponte par une sorte de jeux amoureux et de frotte- mens ménagés ; ne perdoit pas sa tendresse avec la laite destinée à féconder les œufs, mais étendoit le sentiment durable qui l’ani- moit jusqu'aux petits êtres prêts à éclore ; gardoit avec celle qu'il avoit choisie les fruits de leur union; les défendoit avec un cou- rage que la mère éprouvoit aussi, et déployoit même avec plus de succès , comme plus grande et plus forte ; et, après les avoir préservés de la dent cruelle de leurs ennemis jusqu'au temps où , déjà un peu développés, ils pouvoient au moins se dérober à la mort par la fuite, atitendoit, toujours constant et toujours attentif, auprès de sa compagne, qu’un nouveau printemps leur redonnûât de nouveaux plaisirs. Que ce tableau fasse goûler'au moins un moment de bonheur aux âmes pures et tendres. Mais pourquoi cette satisfaction , toujours si rare, doit-elle être pour eux aussi courte que le récit qui laura fait naître? Pourquoi l’austere vérité ordonne-t-elle à l'historien de ne pas laisser subsister une illusion heureuse ? Amour sans partage, tendresse toujours vive, fidélité conjugale, dévouement sans bornes aux objets de son affection , pourquoi la peinture attendrissante des doux effets que vous produisez n’a-t-elle été placée au milieu des mers que par un cœur aimant et une imagination riante? Pourquoi faut-il réduire ces habitudes durables que l’on s’est plu à voir dans l'és- pèce entière du lompe, et qui servient pour l'homme une leçon sans cesse renouvelée de vertus et de félicité, à quelques faits isolés, à quelques qualités individuelles et passagères, aux pro- duits d’un instinct un peu plus étendu , combinés avec les résul- tats de circonstances locales , ou d’autres causes fortuites ? DU CYCLOPTERE LOMPF: 405 Mais, après que la rigoureuse exactitude du naturaliste aura éloigné du lompe des attributs que lui avoit accordés une erreux honorable pour ses auteurs, le nom de ce cartilagineux rappel- lera néanmoins encore une supposition toujours chère à ceux qui ne sont pas insensibles; il aura une sorte de charme secret qui naïîtra de ce souvenir, et n’atlirera pas peu l'attention de l’es- prit même le plus désabusé. Voyons donc quelles sont les formes et les habitudes réelles du Iompe. ) Sa tête est courte, mais son front est large. On newyoit qu'un orifice à chaque narine, et ce trou est placé très-p > louver- ture de sa bouche, qui est très-grande. La langue a beaucoup d'épaisseur et assez de mobilité ; le gosier est garni, ainsi que les mâchoires , d’un grand nombre de dents aiguës. Le long du corps et de la tête règnent ordinairement sept rangs de gros tubercules, disposés de manière que l’on en compte trois sur chaque côté, et qu'un septième occupe l'espèce de carène Jongitudinale formée par la partie la plus élevée du corps et de la queue. Ces tubercules varient non-seulement dans le nombre de rangées qu'ils composent, mais encore dans leur conformation, les uns étant aplatis, d’autres arrondis, d'autres terminés par un aiguillon, et ces différentes figures élant mème quelquefois placées sur le même individu. Les deux nageoires inférieures sont arrondies dans leur con- tour , et réunies de manière à représenter , lorsqu'elles sont bien déployées , une sorte de bouclier, ou, pour mieux dire, de dis- que ; et c'est celte réunion , ainsi que cette forme, qui, se retrou- vant dans toutes les espèces de la mêine famille, et consutuant un des principaux caractères distinctifs de ce genre, ont fait adopter ce nom de cycloptère, qui désigne cette disposition de nageoires en cercle, ou plutôt en disque plus ou moins régulier. Le lompe a deux nageoires dorsales : mais la plus antérieure n’est soutenue par aucun rayon; et étant principalement com- posée de membranes, de tissu cellulaire , et d’une sorte de grasse, elle a reçu le nom d’adipeuse. Ses cartilages sont verdâtres. Son organe de l’ouïe a paru plus parfait que celui d'un gran:l nombre d’autres. poissons, et plus propre à faire éprouver des sensations délicates; on a vu, dans le fond de ses yeux , des rami- fications de nerfs plus distinctes; ses nagcoires inférieures. réu- kc6 . HISTOIRE NATURELLE nies en disque, ont élé considérées comme un siége particulier du toucher, et une sorte de maïn assez étendue; sa peau n’est revêtue que d’écailles peu sensibles ; et enfin nous venons de voir que sa langue présente une surface assez grande et assez molle, et qu’elle est assez mobile pour s'appliquer facilement et par plu- sieurs points à plusieurs corps savoureux. Voilà donc bien des raisons pour que l'instinct du lompe soit plus élevé que celui de plusieurs autres cartilagineux , ainsi qu’on l'a observé; et cette petite supériorité des résultats de l’organisa- tion du 35° a dû servir à propager l'erreur qui l’a supposé atiaché aSäemelle par un sentiment aussi constant que tendre. Il est très-rare qu'il parvienne à une longueur d’un mètre, ou d'environ trois pieds; mais son corps est, à proportion de cette dimension , et très-large et très-haut. Sa couleur varie avec son âge; le plus souvent il est noïrâtre sur le dos, blanchâtre sur les côtés, orangé sur le ventre : les rayons de presque toutes les nageoires sont d’un jaune qui tire sur le rouge ; celle de l'anus et la seconde du dos sont d’ailleurs grises avec des taches presque noires. On rencontre ce poisson dans un grand nombre de mers ; c’est néanmoins dans l'Océan septentrional qu’on le voit le plus fré- quemment. Îl y est très-fécond , et sa femelle y dépose ses œufs à peu près vers le temps où l'été y commence. Il s'y tient souvent attaché au fond de la mer, et aux rochers, sous les saillies desquels il se place pour éviter plus facilement ses ennemis, pour trouver une plus grande quantité de vers marins qu'il recherche , ou pour surprendre avec plus d'avantage les petits poissons dont il se nourrit. C'est par le moyen de ses nageoires inférieures, réunies en forme de disque , qu'il se cram- porne , pour ainsi dire , contre les rocs , les bancs, et le fond des mers; et 1l s’y colle en quelque sorte d'autant plus fortement , que son corps est enduit beaucoup plus que celui de plusieurs autres cartilagineux , d’une humeur visqueuse, assez abondante surtout auprés des lèvres, et que quelques auteurs ont en conséquence comparée à de la bave. Cette liqueur gluante éiant répandue sur tous les cycloptères, et tous ces animaux ayant Œailleurs leurs nageoires inférieures conformées et rapprochées comme celles du lompe , ils présentent une habitude analogue à celle que nous remarquons dans le poisson que nous décrivons. On doit avoir observé plusieurs fois deux lompes placés ainsi DU CYCLOPTÈRE MENU. &or trés-près l’un de l’autre , et long-temps immobiles sur les rochers ou le sable des mers. On les aura supposés mâle et femelle ; on aura pris leur voisinage et leur repos pour l'effet d’une affection mutuelle; et on ne se sera pas cru foiblement autorisé à leur accorder cette longue fidélité et ces attentions durables que l’on s’est plu à représenter sous des couleurs si gracieuses. Au reste, le suc huileux qui s’épanche sur la surface du lompe pénètre aussi très-profondément dans l’intérieur de ce poisson ; et voilà pourquoi sa chair, quoique mangeable, est muqueuse , molle , et peu agréable. RAA AAA MA VAR AA RAA UT AAA ARABE AAA UE LA AAA AR AR VAL AVR AA AAA RAA LU T LE CYCLOPTÈRE ÉPINEUX. Cr poisson diffère du lompe , en ce qu’il a le dos et les côtés re- couverts d’écailles inégales en grandeur, disposées sans ordre, et dont chacune est garnie, dans son milieu, d’un piquant assez long. La première nageoire du dos est die soutenue par six rayons *. L’épineux est noirâtre par-dessus , et blanc par-dessous. On voit à son palais deux tubercules dentelés. On le trouve dans les mers du Nord. » RAA AAA AAA AAA AA AAA VA RAA AAA ARR AA AAA RAA LA AAA AAA AUS LE CYCLOPTÈRE MENU. Los tubercules sont placés sur le museau de ct animal. Un long aigsuillon tient lieu de première nageoire dorsale *. L'on P 8 24: la sccondemagenice duidoss) 21/00 +: STI US A TNANL D. 2: LE rayons. a chaque nageoire pectorale. a chaque nageoire inférieure. . . 7 + CPL TR ES er PE ee «5 AE 9 CÉSRMNES ARE 2 QG AC TERARTSN ASTRA EL ARRET OR EN PR TT a celle de la quene. 2 TRE SNL EE TOR LE IP PRESS 7 2 A la membrane des branchies. . . . . . . re 4 à la première nageoire dorsale. . . . . . . . . + . . . « 1 Pr AS 9 D ocre AR ANNE MP RSR" Exit eee: . 8 à chaque nageoire pectorale. . . . . « . «+ . . : . . . . 16 à chaque nageoïire inférieure, . . te 7 à celle de la queue, quicest arrondie, ,. . . . . . + « . . 10 405 HISTOIRE NATURELLE voit de plus, auprès de l'ouverture de chaque branchie, deux tubercules blanes , dont le premier est armé de deux épines, et dont le second est moins saillant et hérissé d’aspérités. Les lèvres sont doubles ; le contour du palais est garni, ainsi que les mà- choires, de très-petites dents. L’Océan atlantique est l'habitation ordinaire de cette espèce de cycloptère, dont un individu observé par le professeur Pallas n’avoit qu'un pouce de longueur. NRAAAARNAR VV RANARNON RAY RAR. CUAANAAARAAR/V VU LE CYCLOPTÈRE DOUBLE-ÉPINE. Le individus de cette espèce, qui paroît réduite à des dimen- sions presque aussi petites qué celles du cycloptère menu , ne pré- sentent pas de tubercules sur leur surface; mais le derrière de leur tête est armé, de chaque côté, d’un double aiguillon. Les. nageoires inférieures du cyclopière double-épine ont d'ailleurs une forme particulière à ce cartilagineux. Elles sont réunies : mais chacune de ces nageoires offre deux portions assez dis- tinctes; la portion antérieure est soutenue par quatre rayons , et l'autre en contient un nombre extrêmement considérable *. Ce cycloptèfe vit dans les Indes. CRE URA EU B LAVAL AA NRA AREA AURAS AAA AAA RAA AAA AAA RAA AAA PUS AAA APR RAA RAA RAA RAD. LE CYCLOPTÈRE GÉLATINEUX, LE CYCLOPTÈRE DENTÉ, ET LE CYCLOPTÈRE VENTRU. nee Cor au professeur Pallas que nous devons la première descrip- ton de ces trois cycloptères. Le premier ne pouvoit pas être mieux désigné que par le nom de gélatineux, que nous lui avons conservé, En effet, sa peau est molle, dénuée d’écailles facilement * À la membrane des branchies. . . . , , 1... 14,1, 4 21140 lt tayons. a la cedire dorsale, : |. 0 ANS ea Net ol oi SOON à chäque nageaire pectorale, .… . .. 4. lg une ot a chaque nageoire inférieure. . . . . . ‘late autos it due a cellerde la queue. 2 .. 2 . tuiles it Ki DIR AUS el ee DU CYCLOPTÈRE GÉLATINEUX, etc. 40 visibles , gluante , et abondamment enduite d’une humeur vis- queuse, qui découle particulièrement par vingt-quatre orifices ; dont deux sont placés entre chaque narine et l’ouverture de la bouche, et dont dix autres règnent depuis chaque commissure des lèvres jusque vers l’opercule branchial qui correspond à cette commissure ; les lèvres sont doubles, épaisses, charnues, et l'in- térieure est aisément étendue en avant et retirée en arriére par l'animal; les opercules des branchies sont mollasses ; les nageoires peciorales qui sont très-larges, les inférieures qui sont très-petites, la dorsale et celle de l'anus qui sont très-longues et vont jusqu’à celle de la queue, sont flasques et soutenues par des rayons très- mous; l’ensemble du corps du poissontest pénétré d’une si grande quantité de matière huileuse, qu’il présente une assez grande transparence ; et tous ses muscles sont d’ailleurs si peu fermes, que, même dans l’état du plus grand repos du cycloptere, et quelque temps après sa mort, ils sont soumis à cette sorte de tremblement que tout le monde connoîït, et qui appartient à la gelée animale récente. Aussi la chair de ce cartilagineux est-elle très-mauvaise à manger ; et dans les pays voisins du Kamtschatka;, auprès desquels on pêche ce cycloptère, et où on est accoutumé à ne nourrir les chiens que de restes de poisson, ces animaux même, quoique affamés, ont-ils le dégoût le plus insurmontabie pour toutes les portions du gélatineux. Ce cyclopière parvient ordinairement à la longueur d'un demi- mètre, ou d'environ un pied et demi; son corps est un peu allongé, et va en diminuaut de grosseur vers la queue; l'ouver- ture de sa bouche est tournée vers le haut ; sa langue est si petite, qu'on peut à peine la distinguer. Un blanc mêlé de rose compose sa couleur générale ; les opercules sont d’un pourpre foncé ; et les nageoires du dos et de l'anus, d’un violet presque noir *. Le denté ést ainsi nommé à cause de la force de ses dents, de leur forme, et de leur distribution irrégulière et remarquable. Elles sont coniques et inégales : on en compte à la mâchoire supé- rieure quatre à droite, et trois à gauche; et la mâchoire inférieure en présente sept à gauche, trois à droite, et dix dans le milieu. ee 1 À chaque membrane branchiale du cycloptère gélatineux.. . . 7 rayons. à laagebire doitale.#. * 4,248. 0% 5 Or OMAN ATEN, Fate 0 51 à chaque nageoïre pectorale. . . . . . . .'. . « . . . . 50 S ceRede abus ES US A UMTS NUE DR 7 MOOREMRONTERES GANULC ESC re 410 HISTOIRE NATURELLE | La peau qui le revêt est un peu dure, maigre, sans aiguillons , tubercules ni écailles aisément visibles, rougeâtre sur la partis supérieure du corps, et blanchâtre sur l'inférieure. La tête est aplatie par-dessus et par-dessous, très-crande, beaucoup plus large que le corps; et cependant le diamètre transversal de l’ou- verture de la bouche en égale la largeur. Les lèvres sont épaisses , doubles, et garnies , sur leur surface intérieure , de caroncules charnues et très-molles. Les opercules des branchies sont durs et -étendus *. On voit enfin auprès de l'anus du mâle une prolon- gation charnue , creuse, percée par le bout, que nous remarque- rons dans plusieurs autres espèces de poissons, et qui sert à ré- pandre sur ies œufs la liqueur destinée à les féconder. Le denté a le ventre assez gros; mais le cycloptère ventru a cette parle bien plus étendue encore. Elle est, dans ce dernier carti- lagineux , très-proéminente , ainsi que son nom l'indique; et elle est maintenue dans cet état de très-grand gonflement par une vessie urinaire double et tres-volaumineuse. L'ouverture de la bouche , qui est très-large et placée à la partie supérieure de la tête, laisse voir à chaque mâchoire un grand nombre de petites dents recourbées, inégales en longueur, et distribuées sans ordre: Les opercules des branchies * sont attachés, dans presque tout leur contour, aux bords de l'ouverture qu’ils doivent fermer. La peau dont l'animal est revêtu est d’ailleurs enduite d’une muco- sité épaisse ; toutes les portions de ce cycloptère sont un peu flas- ques; et une couleur olivâtre règne sur presque tout le dessus de ce poisson. Le ventru vit, ainsi que le gélatineux , dont il partage jusqu’à un certain point la mollesse, dans la mer qui sépare du Kamts- 2 A la membrane des branchies du denté, . . . . . . , . . 2 rayons. aMamanenire dorsalest. 41 1 Lit. cotesflerne Loti eh QUE BP chaque daseoire pectorale, |... /4%. ei tite 12 à chaque nageoire inférieure. . . . . .« + . De «AR EN) a celle de l'anus. SPRL ace UE UE RE ANEEN ALORS ERA 6 a celle de la queue, qui est arrondie,. . . . « . , . . . . 10 2 À la membrane des branchies du ventre. 1e 171. LR. NY a la, napedire dorsale... este . RUN à chaque nageoire pectorale. . 4. 1. « 4 + « ++ 6.20 a chaque nageoiïre inférieure. 221. 272 19 01.10 TR CH «celle de Fanus. 1 le US Lee Le RS ES a celle de la queue re OR ME rem Ent NN LEE UC Cette dernière est Lermimée par une ligne rue dr oite. F2 DU CYCLOPTÈRE SPATULE. a chatka le nord de l'Amérique : on n’y a pas encore observé le denté; on n'a encore vu ce dernier animal que dans les eaux salées qui baignent les rivages de l'Amérique méridionale. Au reste, le denté est quelquefois long de près d’un mètre, tandis que le veniru ne parvient guère qu’à la longueur de trois décunètres, ou d’en- viron un pied. ARABIE VA AAA AAA AT A AVIAIRE AAA AA AAA MAS AAAAAAA AAA AAA LE CYCLOPTÈRE BIMACULÉ. Ox rencontre auprès des côtes d'Angleterre ce cartilagineux , sur lequel on n'aperçoit aucun tubercule n1 aucune écaille, non plus que sur les trois cycloptères que nous venons de décrire dans l'article précédent. La tête de ce poisson , qui n’a présenté jusqu’à présent que de petites dimensions , est aplatie par-dessus et plus large qe le corps. Les nageoires pectorales sont attachées presque sur la nuque ; et au-delà de chacune de ces nageoiïres on voit sur le côté une tache noire et arrondie. La tête et le dos sont d’ailleurs d’un rouge tendre, relevé par la couleur des nageoires, qui sont d’un très-beau blanc. Pennant a la premier fait con- noiître ce Joli cycloptière , dont la nageoire caudale est terminée par une ligne droite. RAA VA AAA VIA AAA AT AAA AAA AAA BAISE LA AAA AAA AA VU I LE CYCLOPTÈRE SPATULE. \ Cr poisson est dénué d'écailles facilement visibles, ainsi que presque tous les cartilagineux de sa famille. Sa couleur est d’un rouge foncé ; et ce qui le distingue des autres cycloptères , c'est . ?. \ 1 f A | LA ee, que son museau aplati, très-long et élargi à son extrémilé, a la forme d’une spatule. \ 43 HISTOIRE NATURELLE 11 AAA AV A A AU A UV AU AU M UV UE EU AA UT RAA AAA AAA DRE LE CYCLOPTERE LIPARIS, ET LE CYCLOPTÈRE RAYÉ. Les deux cycloptères ont beaucoup de rapports l’un avec lautre. Tous les deux se rencontrent dans ces mers septentrionales quë paroissent être l’habitation de ehoïx de presque toutes les espèces. de leur genre connues jusqu’à présent. Ils semblent mênie aflec- tionner tous les deux les portions de ces mers les plus voisines du pôle et les plus exposées à la rigueur du froid. On vo le liparis auprès de presque toutes les côtes de la mer Glaciale Jusque vers le Kamtschatka, et souvent dans les embouchures des fleuves qui y roulent leurs glaces et leurs eaux; et c'est particulièrement dans la mer Blanche que l'on a observé le rayé. Ces deux cartilagineux ont la nageoire du dos et celle de Fanus Jlonsçues. et réunies avec celle de la queue; et leur surface née aucune écaille que l’on puisse facilement apercevoir. D'ailleurs le liparis, qui a ordinairement un demi-mètre, ou environ ui pied et demi, de longueur, montre une ligne latérale très-sen- sible et placée vers le milieu de la hauteur du corps. Son museau est un peu arrondi, sa tête large et aplatie, l'ouverture de s& : bouche assez grande, sa lèvre d'en haut garnie de deux courts barbillons, sa mâchoire supérieure un peu plus avancée que l’in- férieure, et hérissée, comme cette dernière , de dents petites et aiguës, sa chair grasse et muqueuse, sa peau lâche et enduite d’une viscosité épaisse *. Brun sur le dos, jaune sur les côtés et sur la tête, blanc par-dessous, et quelquefois varié par de petites raies et par des points bruns, il a les nageoires brunes, excepté les inférieures, qui sont bleuâtres. H se nourrit d'insectes aquatiques, de vers marins, de jeunes poissons, et répand ou féconde ses œufs sur la fin de l'hiver ou au commencement du printemps. RS PRE ni el à téobunste Léu AE tete ME LEE EEE * À la membrane des branchies du liparis. “1. .510 2H NA UNIT sans à la nardire dorsale. 4550 000. Le ME Sete UE RS A a chaque nasegiré pectorales : 2 1. 4 457 DEA 34 a chaque nagedgire inférieure, 29. 2000 4 DE MIANENTENERES 6 à celle de l'anus. tal s Melle aie le s: Lette sue Lette) relie 33 a celle de la queue, qui est arrondie, , + 4 » . . à . « + 10 Mas Ed ns ‘ Prêtre pinx ; à 1L Massard Sculp { jf : Cet ycloptère Spatule Pace 411. F 2.Le C5 cloptère Liparis the 3.Le Lepadogastère Gouan... “AID. DU LÉPADOGASTÈRE GOUAN. 413 Te rayé est couleur de marron avec des bandes longitudinales Dlanchâtres, dont les unes sont droites, et les autres ondées ; ses lèvres sont recouvertes d’une peau épaisse, garnie de papilles du côté de l’intérieur de la bouche; son dos est comme relevé en bosses et l’espèce de bouclier formé par les nageoires inférieures au cune des qualités qui, augmentant ou diminuant l’analogie de ? Tout égal d’ailleurs , un fluide recoit et perd la chaleur avec d’autant plus de facilité que sa densité est moindre. * Le savant et habile physicien baron de Humboltz a trouvé que l’eau de la mera, sur tous les bas-fonds, une température plus froide de deux, trois ou quatre degrés, qu’au-dessus des profondeurs voisines. Cette observation est consi- gnée dans une lettre adressée par ce célèbre voyageur, de Caraccas en Amérique, à mon confrère Lalande, et que cet astronome a bien voulu me communiquer. DISCOURS SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. 467 te fluide avec les organes de la respiration >; le rendent plus où moins propre à FRE aux sucs nourriciers le mouvement vi- vifiant et réparateur *. Lorsque la Nature fixe le séjour d’une espèce auprès d’un ali- ment particulier , la quantité que les individus en consomment n’est déterminée que par les besoins qu'ils éprouvent. L'art, en altérant les individus par la nourriture, contraint leur appétit, lessoumet à des privations , ou les force à s’assimiler une trop grande quantité de substances alimentaires, La Nature ne commande que la qualité de ces mêmes alimens ; l'art en or- donne jusqu’à la masse. Ce n’est qu’à des époques incertaines et éloignées , et par l'effet de circonstances que le hasard seul paroît réunir , que la Nature rapproche des êtres qui, remarquables par un commencement d’altération dans leur couleur, dans leurs formes où dans leurs qualités , se perpétuent par des générations, dans la suite desz quelles ces traits particuliers, que de nouveaux hasards main= iiennent , fortifient et accroissent , peuvent constituer une espèce nouvelle. La réunion des individus dans lesquels on aperçoit les premiers linéamens de la nouvelle espèce que l’on désire de voir paroître, leur reproduction forcée , et le rapprochement des produits de leur mélange, qui offrent le plus neitement les caractères de cette même espèce, sont au contraire un moyen puissant, prompt et assuré, que l’art emploie fréquemment pour altérer les es- péces, et par conséquent pour en diminuer la durée. t Nous avons déja montré , dans le premier Discours et dans plusieurs articles particuliers de cette Histoire, comment un fluide très-chaud, très-sec, ou com- posé de tel ou tel principe, pouvoit donner la mort aux animaux forcés de le respirer par un organe peu apptoprié, et par conséquent comment, lorsque l'action de ce fluide m’étoit pas encore aussi funeste, elle pouvoit cependant altérer les facultés, diminuer les forces , vicier les formes des individus , modifier l’espèce, en changer les caractères, en abréger la durée. Au reste , nous sommes bien aises de faire remarquer que l’opinion que nous avons émise en appliquant ces principes à la mort des poissons retenus hors de l’eau , est conforme aux idées de physique adoptées dans la Grèce et dans l’Asie mineure dès Je temps d’Homère, et recueillies dans l’un des deux immortels oùvrages de ce beau génie. Ce père de la poésie européenne compare en effet, dans le vingt-deuxième livre de sem Odyssée , les poursuivans de Pénélope, défaits par Ulysse, à des poissons entassès sur un sable aride , regrettant les ondes qu’ils viennent de quitter, et palpitant par l'effet de Ia oliur et de la sécheresse de l'air, qui bientôt lenr ôtent la vie; 468 HISTOIRE NATURELLE. La Nature change ou détruitles espèces en multiphant au-delà des premières proportions d’autres espèces prépondérantes, en propageant , par exemple, l'espèce humaine , qui donne la mort aux êtres qu’elle redoute et ne peutasservir, etrelègue du moins dans le fond des déserts , dans les profondeurs des forêts ou dans les abîmes des mers, les animaux dangereux qu’elle ne peut ni enchainer ni immoler. L'art seconde sans doute cet acte terrible de la Nature en ar- mant la main de l’homme de traits plus meurtriers ou de rets plus inévitables : mais d’ailleurs il attire, au lieu de repousser ; il séduit, au lieu d’effrayer; 1l trompe, au lieu de combattre; il hâte par la ruse les eflets d’une force qui n’acquerroit toute sa supériorité que par une longue suite de générations trop lentes à son gré ; il s'adresse aux besoins des espèces sur lesquelles il veut régner ; il achète leur indépendance en satisfaisant leurs appétits; il affecte leur sensibilité ; il en fait des voisins constans, ou des cohabitans assidus , ou des serviteurs affectionnés et volontaires, ou des esclaves contraints et retenus par des fers; et dans lous les degrés de son empire , il modifie avec promptitude les formes par l'aliment, et les qualités par limitation, par l'attachement ou par la crainte. Mais pour mieux juger de tous les objets que nous venons d'exposer , pour mieux déterminer les changemens dans les qua- lités qui entraînent des modifications dans les habitudes, pour mieux reconnoître les variétés successives que peuvent présenter les formes, pour mieux voir la dépendance mutuelle des formes, des qualités et des mœurs , il faut considérer avec soin la nature de l'influence des diverses conformations. Premièrement, il faut rechercher si la nouvelle conformation que l’on reconnoït peut accroître ou diminuer d’une manière un peu remarquable les facultés de Fanimal, si elle peut modifier sensiblement ses instrumens, ses armes, sa vitesse, ses vaisseaux, ses sucs digestifs, ses alimens, sa respiration , sa sensibilité , etc. Par exemple, un de nos plus habiles anatomistes modernes, mon confrère M. Cuvier, a démontré qu'il existoit entre les éléphans d'Asie, ceux d'Afrique, et ceux dont les ossemens fossiles ont été entassés en tant d’endroits de l’Asie ou de l'Europe boréale, des différences de conformation assez grandes pour qu'ils doivent être considérés comme appartenant à trois espèces distinctes ; et cepen- dant des naturalistes ne pourroient pas se servir de cette belle DISCOURS SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. 469 observation pour contester à des géologues la ressemblance des habitudes et des besoins de l'éléphant d'Asie avec ceux que devoit offrir l'éléphant de Sibérie, puisque ce mème éléphant d'Asie et l'éléphant d'Afrique présentent les mêmes facultés et les mêmes mœurs , quoique leurs formes soient pour le moins aussi dissem- blables que celles des éléphans asiatiques et des éléphans sibé- riens. Secondement , une forme partieulière qui donne à un être une faculté nouvelle doit être soigneusement distinguée d’une forme qui retrancheroit au contraire une ancienne faculté. La première peut n'interrompre aucune habitude ; la seconde alière nécessai- rement la manière de vivre de l'animal. On sera convaincu de cetle vérité , si l’on réfléchit que, par exemple, la conformation qui doueroit une espèce du pouvoir de nager ne la confineroit pas au milieu des eaux, tandis que celle qui la priveroit de cette faculté lui interdiroit un grand nombre de ses actes antérieurs. Ajoutons à cette considération importante, que la mème confor- mation qui accroît une qualité essentielle dans certaines circons- tances peut laffoiblir dans d’autres; et pour préférer de citer les faits les plus analogues à l’objet général de cet ouvrage, ne verroit- on pasaisément que les especes aquatiques peuvent recevoir d’une tête allongée, d’un museau pointu, d’un appendice antérieur très- délié, en un mot d’un avant de très-peu de résistance, une na- tation plus rapide, lorsque l'animal ne s’en sert qu’au milieu de lacs paisibles, de fleuves peu impétueux, de mers peu agitées; mais que cette même conformation , en surchargeant leur partie antérieure, en gênant leurs mouvemens, en éloignant du centre deJeurs forces le bout du levier qui doit contre-balancer l'action des flots, peut diminuer beaucoup la célérité de leur poursuite, ainsi que la promptitude de leurs évolutions, au milieu de l'océan bouleversé par la tempête ? Tâchons maintenant d’'éclaircir ce que nous venons de dire, en parücularisant nos idées, en appliquant quelques-uns des prin- cipes que nous avons posés, en réalisant quelques-unes des vues que nous avons proposées. L'espèce humaine, ce grand et premier objet des recherches les plus importantes, ne doit cependant pâs être dans ce mo- ment celui de notre examen particulier. L'homme a créé l’art par son intelligence, et bravant avec succès, par le secours de son industrie, presque toutes les attaques « #5 HISTOIRE E NATURELLE. de la Nature , contre-balançant sa puissance , combattant avea avantage le froid, le chaud, l'humidité, la sécheresse, tous ses agens les plus puissans, parvenu à se garantir des impressions physiques, en même temps qu’il s’est livré aux sensations morales, ila gagné autant de stabilité dans les attributs des êtres vivans et animés’, que de mobilité dans ceux qui font naïtre le sentiment, l'imagination et la pensée. D'ailleurs, que savons-nous de l’histoire de cette espèce privi- légriée? A vors-nous découvert dans le sein dela terre quelques restes échappés aux ravages des siècles reculés , et qui puissent nous Enr de son état primitif? La Nature nous a-t-elle laissé quel- ques monumens qui nous révèlent les formes et les qualités qui distinguoient cette espèce supérieure dans les temps voisins de son origiue ? A-t-elle transmis elle-même quelques documens de ces âges antiques témoins de sa première existence ? À -t-elle pu élever quelque colonne milliaire sur la route du temps, avant que plusieurs siècles n’eussent déjà donné à son intelligence tout son développement, à ses attributs toute leur su pér iorité ; à son pouvoir toute sa prééminence ? ” Si nous jetons les yeux sur l’une ou l'autre des trois races prin- HE que nous avons cru devoir admettre dans lespèce hu- maine *, que dirons-nous d’abord des modifications SUCCESSIVES de la race nègre, de cette race africaine dont nous connoissons à peine les traits “sue , les facultés, le génie, les habitudes, le séjour ? Parlerons-nous de cette race FACE qui occupe, depuis le commencement des temps historiques, la plus belle et la plus étendue partie de l’Asie, mais qui, depuis des milliers d'années, constante dans ses affections, persévérante dans ses idées, im- muable dans ses lois, dans son culte, dans ses sciences, dans ses arts, dans ses mœurs, ne nous montre l'espece humaime que romime stationnaire, et, ne nous présentant ancun changement actuel, ne nous Lie soupçonner aucune modification passée ? Si nous considérions enfin la race arabe ou européenne, celle que nous pouvons le mieux connoître, parce qu’elle a le plus T Consultez particulièrement à ce sujet un Mémoire très-judicieux et très- important que le savant Fortis vient de publier dans le Journal de physique de floréal an 8. 2 J'ai exposé mes idées sur le nombre et les caractères distinctifs des différentes races et variétés de l'espèce humaime, dans le Discours d'ouverture du cours de z0elogie que j’ai donné en l’an 6. Ce Discours a été imprimé chez M. Plassan. DISCOURS SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. 492 exercé ses facultés, cultivé son talent, développé son génie, en- trepris de travaux, transmis de pensées, tracé de récits, effacé les distances des temps et des lieux par l'emploi des signes de la parole ou de l'expression du sentiment, parce qu’elle nous en- toure de tous les côtés, parce que nous en faisons partie, quelle différence spécifique trouvons-nous , par exemple, entre les Grecs des siècles héroïques et les Européens modernes ? L'homme d'aujourd'hui possède plus de connoissances que l’homme de ces siècles fameux : mais 1l raisonne comme celui des premiers jours de la Grèce; mais il sent comme l’homme du temps d’Homère; et voilà pourquoi aucun poëte ne surpassera jamais Homère, et voilà pourquoi aucun slatuaire ne l’emportera sur l’auteur de l’Apollon Pythien, pendant que, le trésor des sciences recevant à chaque inslant des faits nouveaux, il n’est point de savant du jour qui ne puisse être plus instruit que le Newton de la veille, et voilà pourquoi encore les progrès des arts pouvant être ren- fermés dans des limites déterminées comme les combinaisons des sentimens ?, les chefs-d’œuvre qu'ils produisent peuvent par- venir à la postérité avec la gloire de leurs auteurs, pendant que, les progrès des sciences devant être sans limites, comme les com- binaisons des faits et des pensées, les découvertes sont 1m périssa- “bles, ainsi que la renommée des hommes de génie auxquels on les doit : mais les ouvrages mêmes de ces hommes fameux passent presque tous, et sont remplacés par d’autres, à moins que le - style qui les a tracés, et qui appartient à l'art, ne les sauve de celte destinée et ne leur donne l'immortalité. Les animaux qui ressemblent le plus à l’homme, les mammi- fères, les oiseaux, les quadrupèdes ovipares et Les serpens, ne seront pas non plus les sujets des réflexions par lesquelles nous 3 Il faut faire une exception relativement aux arts, tels que la peinture, la musique, etc., dont les procédés, en se perfectionnant chaque jour , mul tiplient les moyens d’exécation , et par conséquent le nombre des créations possibles. Il est d’ailleurs évident que cette détermination de limites n’a point lieu pour les arts, lorsqu’en appliquant leur puissance à de nouveaux objets , en combinant leurs produits, et en leur donnant , pour ainsi dire , par ces opérations , la nature des sciences , le génie les rend propres à exprimer un plus grand nombre de sen- timens , à peindre des sujets plus variés ou plus nombreux , à présenter de plus ‘vastes tableaux, à toucher par conséquent avec plus de force, et à faire naître des impressions plus durables. Voyez ce que nous avons dit, à cet égard , dans la Poctique de la musique , imprimée en 1785. 7e HISTOIRE NATURELLE. terminerons ce Discours : nous préférerons d’appliquer les idées que nous venons d'émettre à ceux qui, dans la progression de simplicité des êtres , suivent ces animaux, lesquels, de même que l'homme, respirent par des poumons. En nous arrêtant aux poissons pour les considérations qu’il nous reste à présenter, nous attacherons notre attention à des animaux dont non-seulement cet ouvrage est destiné à faire connoître l’histoire, mais encore qui vivent dans un fluide particulier , Où ils sont exposés à moins de circonstances perturbatrices, de variations subites et funestes , d’accidens extraordinaires, et qui d'ailleurs, par une suite de la nature de leur séjour, de la date de leur origine , de la contex- ture solide et résistante du plus grand nombre de leurs parties, et de la propriété qu'ont ces mêmes portions de se conserver dans le sein de la terre au moins pendant un temps assez long pour y former une empreinte durable, ont dû laisser, et ont laissé en eflet, des monumens de leur existence passée, bien plus nom- breux et bien plus faciles à reconnoître , que presque toutes les autres classes des êtres vivans et sensibles. Nous avons compté douze modifications principales par les- quelles une espèce peut passer de dégradation eh dégradation , jusqu’à la perte totale deses caractères distinctifs , de son essence, et par conséquent de l'existence proprement dite. Parcourons ces modifications. Nous avons chaque jour sous les yeux des exemples d'espèces de poissons qui, transportées dans des eaux plus troubles ou plus claires, plus lentes ou plus rapides , plus chaudes ou plus froides, non-seulement se montrent avec des couleurs nouvelles, mais, . éprouvant encore des changemens plus marqués dans leurs tégu-" mens, baignées ,atlaqnées et pénétrées par un fluide différent de celui qui les arrosoit, présentent des écailles , des verrues, des tu- bercules, des aiguillons très-peu semblables par leur figure, leur dureté, leur nombre ou leur position, à ceux dont ils étoient revêtus. Il est évident que ces modifications produites dans le même lemps et daps un lieu diflérent ont pu et dû naïtre dans un temps différent et dans le même lieu, et contribuer par con- séquent , dans la suite des siècles, à diminuer la durée de l'espèce, aussi-bien qu’à restreindre les limites de son habitation lors d’une époque déterminée. Si l’on rappelle ce que nous avons dit dans les articles parti- culiers du requin et du squale rousseite, sur la grandeur de ces DISCOURS SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. 473 éspèces à une époque un peu reculée, on les verra nous offrir deux exemples bien frappans de la cinquième modification qu’une espèce peut subir, c’est-à-dire, de la diminution de grandeur qu’elle peut éprouver. En eflet, on doit en conclure que les re- quins dont on a conservé des restes, et dont nous avons mesuré des dents trouvées dans le sein de la terre, lemportoient sur les requins actuels par leur grandeur proprement dite, c’est-à-dire, par leur masse , par l’ensemble de leurs dimensions , dans le rap- port de 343 à 27. Leur grandeur a donc été réduite au douzième au moins de son état primitif. Une réduction plus frappante en- core a été opérée dans l'espèce de la roussetle , puisque nous avons donné les moyens de voir que des dents de ce squale, décou- vertes dans des couches plus ou moins profondes du globe, de- voient avoir appartenu à des individus d’un volume dix-neuf cent cinquante-trois fois plus grand que celui des roussettes qui infestent maintenant les rivages de l'Europe. Et relativement à ces deux exemples des altérations dans les dimensions que pen- vent offrir les espèces d’animaux , nous avons deux considérations à proposer. Premièrement , la diminution subie par la roussette a été à proportion cent soixante-six fois plus grande que celle du requin, et cependant, au point où cette dégradation a commencé, le volume du requin n’étoit pas trois fois plus considérable que celui de la roussette. Il est à présumer que si, à cette époque, il avoit été six ou huit fois supérieur , la modification imposée à Ja roussette auroit été plus grande encore, proportionnellement à celle du requin. En général, on ne sauroit faire trop d'attention à un principe très-important, que nous ne cesserons de rappeler : les forces de la Nature elles qui détruisent comme celles qui produisent , celles qui troublent comme celles qui maintien- nent, agissent très - souvent, et tout égal d’ailleurs, en raison des surfaces, soit extérieures , soit intérieures, des corps qu’elles allaquent ou régissent ; mais tout lé monde sait que plus les corps sont pelits, et plus à proportion leurs surfaces sont étendues. Il ne faut donc pas être étonné de voir les grands volumes opposer une résistance bien plus longue proportion- nellement que celle des petits, aux causes qui tendent à res- treindre leurs dimensions dans des limites plus rapprochées. Se- condement, 1l est curieux d'observer que les deux espèces qui ont perdu , lune les onze douzièmes, et l'autre une portion bien plus étonnante encore de ses dimensions primitives , sont des es- A4 HISTOIRE NATURELLE. pèces marines, el par conséquent ont du être exposées À un nombre de causes altérantes d'autant moins grand, que la tem- pérature et la nature des eaux des fleuves sont bien plus varia- bles que celles de l'océan, et que, s'il faut admettre les conjectures les plus généralement adoptées, toutes les espèces de poissons ayant commencé par appartenir à la mer, les fluviatiles ont été exposées à une sorte de crise assez forte et à des changemens très= marqués, lorsqu'elles ont abandonné les eaux salées pour aller séjourner au milieu des eaux douces. Les exemples des proportions changées et des formes altérées, soustraites ou introduites dans une espèce, à mesure qu'elle se dégrade et s’avance vers le terme de sa durée, peurent être saisis avec facilité dans les diverses empreinies qu'ont laissées des indi- vidus de différens genres , enfouis par des catastrophes subites. I] n’en est pas de même de la sixième et de la septième modi- fication générale : des hasards très-rares peuvent seuls conserver des individus dans un tel état d’intégrité, ou de destruction com mencée et de dissection naturelle, qu'on puisse reconnoitre la forme de leurs organes intérieurs, et celle des parties de leur corps dans lesquelles résidoient les sens dont ils avoient été. doués. Il est encore plus difficile de remonter à la connoissance des, qualités, de la force , des habitudes, des mœurs, qui distinguoient une espèce à une époqne plus ou moins enfoncée dans les âges. écoulés. Ces propriétés ne sont que des résultats dont l'exis- tence peut sans doute être l’objet de conjectures plus ou moins vraisemblables , inspirées par l'inspection des formes qui les ont produits, mais sur la nature desquels pous n'avons cependant de nolions précises que lorsque des observateurs habiles ont recueilli ces nolions et les ont transmises avec fidélité. La détermination des endroits dans lesquels habitoit une es- pèce dans les temps anciens est au contraire plus facile que celle de toutes les modifications dont nous venons de parler. Les tra- ces que des individus laissent de leur existence doivent être distinctes jusqu'à un certain degré, pour qu'on puisse, en les. examinant, reconnoître dans leurs détails les dimensions el les formes de ces individus ; mais un très-foible vestige sufhit pour constater la place où ils ont péri, et par conséquent celle où ils avoient vécu. » Cette douzième modification des espèces , cette limitation de DISCOURS SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. 495 leur séjour à telle ou telle portion de la surface de la terre, peut élre liée avec une ou plusieurs des antres altérations dont nous avons tâché d'exposer l’ordre ; et elle peut en ètre indépendante. Îl en résulte’, premièrement, des espèces altérées dans leurs qua- lités , dans leurs formes ou dans leurs dimensions, et reléguées dans telle ou telle contrée ; secondement, des espèces modifiées trop peu profondément dans leur conformation pour que leurs propriétés aient éprouvé un changement sensible ; non altérées même: dans leurs formes ou dans leurs dimensions, et cependant confinées sous tel ou tel climat; et troisièmement, des espèces dégradées dans leurs qualités, ou seulement dans leurs formes, mais habitant encore dans les mêmes parties du globe qu'avant je temps où leur métamorphose n’avoit pas commencé. Nous avons assez parlé de ces dernières. Quant aux autres espèces, combien ne pourrions-nous pas ez citer ! Ici les exemples nous environnent. Le seul mont volca- nique de Bolca , auprès de Vérone, a déja montré sur ses cou- ches entrouvertes des fragmens tres-bien conservés et très-re= connoissables d’une ou deux raies, de deux gobies, et de plu- sieurs autres poissons qui ne vivent aujourd'hui que dans les mers de l'Asie, de l'Afrique , ou de l'Amérique méridionale, dont plusieurs traits sont altérés, et qui cependant offrent les carac- tères qui constituoient leur espèce , lorsque, réunis en troupes nombreuses vers le fond de la mer Adriatique, une grande ca- tastrophe les surprit au milieu de leurs courses, de leurs pour- suites, de leurs combats, et, leur donnant la mori la plus prompte, les ensevelit au-dessous de produits volcaniques, de substances préservatrices, et de matières propres à les garantir des effets de l'humidité ou de tout autre principe corrupteur *. De plus, parmi les espèces qui n’ont subi, au moins en appa- rence, aucune modification dans leurs formes, n1 dans leurs z Nous avons dit plus d’une fois que M. le comte de Gazola a commencé de donner au public un grand ouvrage sur les poissons pétrifiés , conservés ou em- preints dans les couches du mont Bolca. Si ce savant recommandable, auquel je suis heureux de pouvoir témoigner souvent mon estime , ne termine pas son im- portante entreprise, je tâcherai d’arranger mes travaux de manière à le suppléer en partie, en publiant la figure, la description et la comparaison des poissons fossiles, ou des empreintes de poissons , trouvés dans ce même mont Bolca, re- cueillis a Vérone avec un soin très-éclairé, apportés au Muséum d’histoire natu- relle de Paris, et formant aujourd’hui une des parties les plus précieuses de l’im- mense et riche collection de la France. 476 HISTOITE NATURELLE. proportions, ni dans leur grandeur, ni dans leurs tégumens, nous comptons une fistulaire du Japon ou de l'Amérique équa- toriale, enfouie sous des couches schisteuses du centre de l’'Eu- rope, un pégase de l'Inde , deux ou trois chétodons de l'Inde où du Brésil, et des individus de plus de trente autres espèces de l'Asie , de l'Afrique, ou des rivages les plus chauds de l’'Améri- que , saisis entre les lits solidifiés de ce même mont Bolca , si digne d'attirer notre attention. Nous venons de porter rapidement nos regards, premièrement , sur les espèces altérées dans leurs organes , et repoussées loin du séjour qu’elles avoient autrefois préféré ; secondement, sur les espèces non altérées , mais reléguées ; troisièmement , sur les es- pèces altérées, et non confinées dans une portion du globe diffé- rente de celle qu’elles avoient occupée : il nous reste à consi- dérer un instant celles qui n’ont été ni dégradées , ni chassées de leur ancienne patrie, dont nous trouvons des individus, ou des fragmens, ou des empreintes très-reconnoissables, au-dessous des mêmes couches terrestres que l’une des dernières catastrophes du globe a étendues au-dessus des espèces que nous avons déjà indi- quées, et qui, par conséquent, ont résisté, avec plus de facilité que ces dernières, aux diverses causes qui modifent les espèces et en précipitent la durée. Contentons-nous cependant, pour ne pas entrer dans des dis- cussions particulières que les bornes de ce Discours nous inter- disent ; et sur lesquelles nous reviendrons un jour, de jeter les yeux sur deux de ces endroits remarquables du globe qui ont fourni à l'étude du naturaliste les empreintes les plus nettes ou les restes les mienx conservés d’un grand nombre d'espèces de poissons. Ne citons que les environs du Bolca Véronais, et ceux d’Æningen auprès du lac de Constance *. Nous trouvons dans les carrières d’Æningen ou de Bolca le pélromyzon pricka, le squale requin, la murène anguille, le scombre thon, le caranx trachure, le cotte chabot , la trigle ma- L * Voyez ce que le célèbre Saussure a écrit au sujet de la carrière d’Æningen ; et des poissons dont l’intérieur de cette carrière renferme les restes ou les images , on trouvera la description qu’en donne cet habile naturaliste, au paragraphe 1533 du tome [I de son Foyage dans les Alpes. Le nom de ce grand géologue rappelle a mon âme affligée les travaux, la gloire et les malheurs de son illustre ami, de Son savant émule, mon collègue Dolomieu , qui, depuis dix-huit mois, lutte avec DISCOURS SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. 499 larmat , la trigle milan, le pleuronecte carrelet, le cobite loche, le cobite barbotte , le salmone fario, l’ésoce brochet, l’ésoce bé- lone , la clupée alose , la clupée hareng, le cyprin carpe, le cyprin goujon , le cyprin tanche, et douze autres cyprins, l'hamburge, le céphale, le vaudois, la dobule, le grislagine , le spirlin , le bouvier, l’able, la brème , le véron , le roux et le nez. Tous ces poissons vivent encore dans les diverses mers euro- péennes qui entourent, pour ainsi dire , et le lac de Constance et le territoire vénitien ; et la comparaison la plus exacte ne fe- roit remarquer entre les individus que l’on pêcheroïit dans ces mers européennes , el ceux qui sont encore gisans sous les cou- ches d’Æningen ou du Bolca , aucune différence plus grande que celles qui séparent souvent des produits de la même ponte. La limite de toutes les altérations que nous venons de décrire est l’anéantissement de l'espèce. Pendant que nous avons sous les yeux un si grand nombre de poissons qui ont résisié aux causes perturbatrices de leurs for- mes, de leurs qualités et de leurs habitudes, n’avons-nous pas aussi à considérer des exemples de leurs extrêmes, c’est-à-dire, d'espèces qui, par une suite de dégradations, se sont entièrement éteintes ? Il paroït qu'on peut citer quelques-unes de ces espèces per- dués. Les voyageurs, les naturalistes, les pêcheurs, ne retrou- vent, du moins dans aucune mer, ni dans aucune rivière, ni dans aucun lac, quelques poissons dont le corps presque tout en- tier a frappé les regards des observateurs qui ont examiné avec attention les pierres extraites des environs du Bolca , ou d’autres contrées du globe. Il semble qu’on doit particulièrement indi- quer deux espèces décrites par le savant Gazola , dans le bel ou- vrage qu'il a commencé de publier sur les poissons pétrifiés du Vérônais , et dont nous avons déjà eu occasion de faire mention. Ces deux espèces sont, premièrement, celle qu'il nomme zra- noscope rateau (uranoscopus rastrum ), et secondement, celle une constance héroïque contre une affreuse captivité, que n’ont pu faire cesser encore les pressantes réclamations de notre patrie qu’il honore , de notre gouver- nement qui l’estime, de plusieurs puissances étrangères qui partagent pour lui l'intérêt des Français, du roi d'Espagne , qui manifeste ses sentimens à cet égard de la manière la plus digne de la nation qu’il gouverne, et d’un si grand nombre de ceux qui , en Europe , chérissent et font vénérer l’antique loyauté , les vertus et les grands talens. 478 HISTOIRE NATURELLE. qu’il désigne par la dénomination de £urte porte-voile (kurtus velifer ). Après les avoir examinées avec beaucoup de soin , j'ai même cru qu'elles différoient assez des espèces connues et actuelle- ment vivantes, pour qu'on ne dût les rapporter à aucun de leurs genres ; et en conséquence ce raleau et ce porle-voile ne sont à mes yeux ni un véritable wranoscope , ni un véritable £urte. Je ne balanceroiïs pas non plus à regarder comme espèce éteinte celle de quelques autres animaux conservés dans l’intérieur des pièces de la collection ichtyolithologique de Vérone qui ont été adressées au Muséum d'histoire naturelle de France, et notam- ment un chétodon ( à filament dorsal, double et très-long ) dont j'ai vu plusieurs exemplaires conservés d’une maniere très- curieuse. Cependant ce n’est qu'avec une grande réserve que nous de- vons dire qu’une espèce a terminé sa durée : nous ne connoissons pas assez la surface du globe , n1 les mers qui l'environnent , pour prononcer formellement qu'on ne trouvera dans aucune eau douce, ni dans aucun parage, des analogues très-ressemblans des individus fossiles que nous n'avons pu encore inscrire dans au- cune espèce décrite et vivante. En eflet, il nous reste à découvrir d'immenses contrées situées à des distances plus ou moins grandes de la ligne, dans l’un et J'autre hémisphère , et notamment l'intérieur de la Nouvelle-Hol- lande et de la terre de Diémen, celui de la Nouvelle-Guinée et de la Louisiade, le vaste plateau du milieu de l'Afrique, com- pris entre le tropique du capricorne et le dixième degré de lati- tude boréale, et cette longue bande qui s'étend dans la partie occi- dentale de l'Amérique septentrionale , au nord du Nouveau- Mexique, commence près du quarantième degré de latitude, s'avance pendant un grand nombre de degrés vers le nord, et règne sur une largeur de plus de soixante-dix myriamètres entre Ja lisière encore très-peu connue qui touche le rivage de la mer, et cette chaîne de montagnes très-élevées, nommées maintenant stony mountains , dont nous avions conjecturé l’existence , la position , la direction et la hauteur *, et qui vont depuis Cattana z, Dars un Mémoire sur les parties du globe encore inconnues , que je lus dans la séance publique de la société philotechnique, le 20 floréal de la même année , et que mon céièbre collègue, M. Fourcroy, voulut bieu lire quelques jours après dans la séançe publique du Lycée de Paris. DISCOURS SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. 459 Howes , où le voyageur anglais M. Fidler est parvenu en 1792 jusqu’au bord occidental de embouchure dans l'Océan glacial arctique , de la rivière vue par M. Kensie le 12 juillet 1789 : Mais n’avons-nous pas encore à reconnoître presque toute la côte occidentale et une partie de la côte du nord de la Nouvelle- Hollande, plusieurs rivages du nord-est de l'Asie et des iles qui en sont voisines, presque tous les points de la côte orientale et de la côte occidentale de l'Afrique, depuis une distance assez petile du cap de Bonne-Espérance jusqu'’auprès de la ligne équi- noxiale , et par conséquent dans une one de plus de sept cents bre * ? Combien de fleuves , combien de lacs, combien de parages in- connus! Combien ces habiliations qui se sont jusqu’à présent dé- robées à nos recherches, peuvent renfermer d’espèces plus ou moins analogues à celles dont les individus vivans, ou des restes fossiles , ont été l’objet de nos descriptions! Cependant élevons-nous encore plus haut au-dessus des objets que nous venons de contempler. Avons-nous quelque moyen de juger de lancienneté de ces modifications dont nous venons d'examiner les caractères et d’in- diquer la succession? Ne pouvons-nous pas du moins déter- miner quelques époques pendant lesquelles subsistoient encore ou existoient déjà une ou plusieurs de ces modifications? L'espèce humaine, trop récente sur le globe, n’a pas pu observer les durées des diverses nuances de ces altéralions , et compter pendant le cours de ces durées le nombre des périodes lunaires ou solaires qui se sont succédé. Mais la Nature n’a-t-elle pas gravé sur le globe quelques ères auxquelles nous pourrions au moins rap- porter une parlie de ces manières d’êlre des espèces ? Nous ne mesurerons pas le temps par le retour d’un corps céleste au même point du ciel, mais par ces bouleversements ter- ribles qui ont agi sur noire planète plus ou moins profonde- ment. Nousn appliquerons pas l'existence des dégradations des espèces à des temps réguliers et déterminés comme les années ou les siècles ; mais nous verrons leur concordance avec des événemens 7 Consultez une carte tres-intéressante d’une grande partie de l'Aruérique septentrionale , présentée à la compagnie anglaise d'Hudson par M. Arrowsmith et dont la guerre nous a empêchés d'avoir connoçissance avant l’annke dernière. 480 HISTOIRE NATURELLE. dont on reconnoît déjà les relations des époques, en attendant u’on ait dévoilé leur ancienneté absolue. Tci je flambeau de la géologie nous aide à répandre quelque clarté au milieu de la nuït des temps. Elle nous montre comment, en pénétrant dans les couches du globe, et en examinant l'essence ainsi que le gisement des miné- raux qui les composent, nous pouvons savoir si nous avons sous les yeux des monumens de l’une ou de l’autre des trois époques que l'on doit distinguer dans la suite des catastrophes les moins anciennes de notre terre, les seules qu'il nous soit permis de reconnoître de loin. La moins récente de ces révolutions est le dernier bouleverse- ment général que notre globe a éprouvé, et qui a laissé de pro- fondes empreintes sur l’universalité de la surface de la terre. A près cette catastrophe universelle, il faut placer dans l’ordre des temps les bouleversemens moins étendus, qui n'ont répandu leurs ravages que sur une grande partie du globe. L'on ne peut pas, dans l'état actuel des connoïssances hu- maines , déterminer les rapports des dates de ces événemens par- ticuliers : on ne peut que les attacher tous à la seconde époque, sans leur assigner à chacun une place fixée avec précision sur la route du temps. | À Ja troisième époque, nous mettons les bouleversemens cir- conscrits comme les seconds , et qui de plus présentent les carac- ières distinctifs de l’action terrible et destructive des volcans, des feux souterrains, des foudres et.des ébranlemens électriques de l'intérieur du globe. Maintenant si nous voulons appliquer un moment ces prin- cipes, nous reconnoilrons que nous ne pouvons encore rapporter à une de ces époques qu’un petit nombre des modifications par lesquelles les espèces tombent, de dégradation en dégradation, jusqu’à la non-existence. Nous pouvons dire que le temps où, par exemple, le genre des squales présentoit une grandeur si supérieure à ‘celle des squales observés de nos jours, et où le volume de l’une de leurs espèces l’emportoit près de deux mille fois sur le volume qu’elle offre maintenant, appartient à la seconde des époques que nous venons d'indiquer, et a touché celui où le globe a éprouvé le der- nier des bouleversemens non universels et non volcaniques qui aient altéré sa surface auprès de la chaîne des Pyrénées, dont les DISCOURS SUR LA DURÉE DES ESPÈCES. 4ÿ1 environs nous ont montré les restes de ces grandes espèces ma- rines, si réduites maintenant dans leurs dimensions. Nous pouvons assurer également que, lors des convulsions de la terre , des éruptions volcaniques, des vastes incendies et des orages souterrains , dont les effets redoutables se montrent encore si facilement à des yeux exercés et attentifs , auprès de Venise et de l'extrémité de la mer Adriatique, plusieurs espèces, dont les flancs du mont Bolca rectlent les empreintes ou la dépouille, n'avoient pas éprouvé les dégradations dont nous pouvons compter toutes les nuances , ou n’avoient pas encore été reléguées dans les mers chaudes de l'Asie, de l'Afrique ou de l'Amérique méridio- nale , on se montroient déjà avec tous les traits qu’elles présen- tent, ainsi que dans les contrées qu’elles habitent aujourd’hui; et enfin, que celles que l’on seroit tenté de considérer comme éteintes, et que du moins on n'a encore retrouvées dans aucun fleuve, dans aucun lac, dans aucune mer, figuroient encore dans l’ensemble des êtres sortis des mains de la puissance créatrice. Lorsque la science aura étendu son domaine, que de nouveaux observateurs auront parcouru dans tous les sens les terres et les mers , que le génie aura conquis le monde, qu'il aura découvert, compté, décrit et comparé et Îles êtres qui vivent et les fragmens de ceux dont il ne reste que des dépouilles, qu’il connoîtra et ce qui est et une partie de ce qui a été, qu’au milieu des monts es- carpés , sur les rivages de l'Océan, dans le fond des mines et des cavernes souterraines , il interrogera la Nature au nom du Temps, et le Temps au nom de la Nature, quelles comparaisons fécondes ne naîtront pas de toutes parts! quels admirables résultats ! quelles vérités sublimes! quels immenses tableaux ! quel nouveau jour se lèvera sur l’élat primitif des espèces, sur les rapports qui les lioient dans ces âges si éloignés du nôtre, sur leur nombre plus petit à cetle époque antique, sur leurs grandeurs plus rapprochées, sur leurs trails plus différens, sur leurs habitudes plus dissemblables, sur leurs alliances plus difficiles, sur leurs durées plus longues ! O heureuse postérité! à combien de jouissances n'es-tu pas réser- vée, si les passions funestes, l'ambition délirante, la vile cupi- dité, le dédain de la gloire, l'ignorance présomptueuse , et la fausse science, plus redoutable encore, n’enchaînent les nobles des- tinées | | Lacepède. 2. 3x 482 HISTOIRE NATURELLE AAA AAA A A A A A A VINGT-CINQUIÈME GENRE. LES TRICHIURES. Point de nageoire caudale; le corps et la queue très-allongés, très-comprimés, et en forme de lame ; les opercules des branchies placés très-près des yeux. ESPÈCES. CARACTÈRES. Len Cond u La mâchoire inférieure plus avancée , que la supérieure. ! Les deux mâchoires égal È 2 LETRICHIURE ivecrnique. | ae OICES FER CAR AAA AAA AAA AA AAA AA VAUT LA LR AAA AVE LV AA AAA AAA UE RAA AURA NE LE TRICHIURE LEPTURE":. Es trichiures sont encore de ces poissons apodes qui ne pré- sentent aucune nageoire à l'extrémité de la queue. On les sépare cepen dant très-aisément de ces osseux qui n'ont pas de véritable nageoire caudale. En effet, leur corps très-allongé et très -com- primé ressemble à une lame} d'épée, ou, si on le veut, à un ru- ban ; et voilà pourquoi le lepture, qui réunit à cette confor- mation la couleur et l’éclat de l'argent , a été nommé ceinture d’argent ou ceinture argentée. D'ailleurs les opercules des bran- chies sont placés beaucoup plus près des yeux sur les trichiures que sur les autres poissons avec lesquels on pourroit les con- fondre. À ces traits généraux réunissons les traits particuliers du lep- ture , et voyons, si je puis employer cette expression , cette bande argentine et vivante se dérouler , pour ainsi dire, s’agiter, se plier , s'étendre, se raccourcir, s’avancer en diflérens sens , dé- crire avec rapidité mille courbes enlacées les unes dans les autres, * Trichiuruws lcpturus ; paille-en -cul, par plusieurs voyageurs et natu- ralistes. DU TRICHIURE LEPTURE. 483 monter, descendre, s’élancer et s'échapper enfin avec la vitesse d’une flèche , ou plutôt, en quelque sorte , avec celle de l'éclair. La tête du lepture est étroite, allongée , et comprimée comme son corps el sa queue. L'ouverture de sa bouche est grande. Ses dents sont mobiles, au moins en très-srand nombre; et ce ca- ractère que nous avons vu dans les squales , et par conséquent dans les plus féroces des cartilagimeux, observons d'avance que nous le remarquerons dans la plupart des osseux qui se font _ distinguer par leur voracité. Indépendamment de cette mobilité qui donne à l'animal la faculté de présenter ses crochets sous l'angle le plus convenable, et de retenir sa proie avec plus de facilité , plusieurs des dents des mâchoires du lepture, et parti- culièrement celles qui avoisinent le bout du museau, sont longues el recourbées vers leur pointe; les autres sont courtes et aiguës. On n’en voit pas sur la langue, ni sur le palais ; mais on en aperçoit de très-petites sur deux os placés vers le gosier. . Les yeux sont grands , très-rapprochés du sommet de la iète, et remarquables par un iris doré et bordé de blanc autour de la prunelle. L'opercule , composé d’une seule lame, et membraneux dans une partie de son contour, ferme une large ouverture bran- chiale *, Une Egne latérale couleur d'or s'étend sans sinuosités depuis cet ope recule jusqu’à l'extrémité de la queue. L’anus est assez pres de la tête. Les nageoires pectorales sont très-petites et ne renferment que onze rayons; mais la nageoïire dorsale en comprend ordinaire ment cent dix-sept, et règne depuis la nuque jusqu’à une très- petite distance du bout de la queue. On ne voit pas de véritable nageoire de l'anus: à la place qu'occuperoit cette nageoire, on trouve seulement de cent à cent vingt, et le plus souvent cent dix aiguillons très-courts, assez éloignés les uns des autres, dont la première moitié, ou à peu près , est recourbée vers la queue, et dont la seconde moitié est fléchie vers la tête. La queue dulepture, presque toujours très-déliée et terminée par une sorte de prolongation assez semblable à un fil ou à un cheveu , a fait donner à ce poisson le nom de lepture , qui si- NE RETOUR SRE DRE D TALONS A OC TTRRRE RE T EEEE DER DDECR LEE er ee ce UN PS * On compte sept rayons à la membrane des branchies, 484 | HISTOIRE NATURELLE onifie petite queue, ainsi que celui de érichiure ; qui veut dire queue en cheveu, et que l'on a étendu, comme nom générique, à toute la petite famille dont nous nous occupons. Cependant, comme cette queue irès-longue est en même Lem ps assez COM-—- primée pour avoir élé comparée à une lame, comme le corps et la tele présentent une conformation semblable , et que tous les muscles de l’animal paroissent doués d’une énergie tres-sou- tenue, on supposera sans peine dans le lepture une mobilité rare, une nalalon irès-rapide, une grande souplesse dans les mou- vemens, pour peu que l’on rappelle ce que nous avons déja expo- sé plus d’une fois sur la cause de la natalion célère des poissons *. Et en éflet, les voyageurs s'accordent à attribuer au lepture une agilité smgulière et une vélocité extraordinaire. S'agitant presque sans cesse par de nombreuses sinuosités , ondulant en différens sens, serpenlant aussi facilement que tout autre habitant des eaux, il s'élève, s'abaisse, arrive et disparoït avec une promp- titude dont à peine oh peut se former une idée. Frappant vio- lemment l'eau par ses deux grandes surfaces latérales , il peut se donner assez de force pour s’élancer au-dessus de la surface des fleuves et des lacs ; et comme il est couvert partout de très-petites écailles blanches et éclatantes, et, si je puis parler ainsi, d’une sorte de poussière d'argent que relève l'or de ses iris et de ses lignes latérales, il brille et dans le sein des ondes et au milieu de air, particulièrement lorsque, cédant à sa vo- racilé, qui est très-grande, animé par une affection puissante, ajoutant par lellet de ses mouvemens à la vivacité de ses cou- leurs, et déployant sa riche parure sous un ciel enflammé, il jaillit de dessus les eaux, et, poursuivant sa proie avec plus d’ar- deur que de précautions, saute jusque dans les barques et au milieu des pêcheurs. Cette bande d'argent si décorée, si élastique, ,* La collection du Muséum renferme une variété de lepture, qu l'est aisé de dingue: par la forme du bout de la queue. Cette partie , au lieu de se terminer par une prolongation filamenteuse, paroît comme tronquée assez loin de sa véri- table extrémité; elle présente, à l'endroit où elle finit, une ligne droite et verli- cale. Et quoique nous ayons vu deux individus avec cette conformation partis culière ,nous ne savons pas si, au lieu d’une variété plus ou moins constante, nous n'avons pas eu uniquement sous les yeux deux prodnits d’accidens semblables ou analogues, deux résultats d’une sorte d’amputation extracrdinaire, dont on trouve plusicurs exemples parmi les animaux à sang froid, qu’ils peuvent subir sans ea périr, el qui, pour les deux individus dont nous parlons, auroit emporté la portion la plus déliée de leur queue, DU TRICHIURE ÉLECTRIQUE. 485 si vive, Si agile , a quelquefois plus d’un mètre de longueur. Le lepture vit au milieu de l’eau douce. On le trouve, comme plusieurs gymnotes, dans l'Amérique méridionale. Il n'est pas étranger néanmoins aux contrées orientales de l’ancien conti- nent : il se trouve dans la Chine; et nous avons vu une image irès-fidéele de ce poisson dans un recueil de peintures chinoises données par la république batave à la république française , dé- posées maintenant dans le Muséum d'histoire naturelle, et dont nous avons déjà parlé dans cet ouvrage. Au reste, la beauté et la vivacité du lepture sont si propres à plaire aux yeux , à parer une retraite, à charmer des loisirs , qu'il n’est pas surprenant que les Chinois l’aient remarqué , observé, dessiné ; et vraisemblablement ce peuple, qui a su tirer un si grand parti des poissons pour ses plaisirs, pour son commerce, pour sa nourriture, ne se sera pas contenté de mul- tiplier les portraits de cette espèce ; il aura voulu aussi en ré- pandre les individus dans ses nombreuses eaux, dans ses larges rivières , dans ses lacs enchanteurs. AAA AN VV AAA AAA AR VU VV AAA AN VARAN LE TRICHIURE ÉLECTRIQUE :. “ O2 rétonnu dans ce trichiure une Hculté analogue à celle de Ja torpille et du gymnote torporifique, Mais comme, en décou- vrant ses effets, on n’a observé aucun phénomène particulier propre à jeter un nouveau jour sur cette puissance que nous avons long-temps considérée en traitant du gymnote engourdis- sant et de la torpille,nous croyons devoir nous contenter de dire que le trichiureélectrique est séparé du lepture, non-seulement par Ja conformation de ses mâchoires , qui sont toutes les denx également avancées, mais encore par la forme de ses dents, toutes extrémemént petites. D'ailleurs le bout de la queue n'est pas aussi aigu que dans le lepture. De plus, au lieu de présenter l'or et l'argent qui décorent ce dernier poisson, il n'offre que des couleurs ternes; 1l est brun et tacheté. S'il a été doué de la puis- sance , il est donc bien éloigné d’avoir recu l'éclat de la beauté. ? Paiile-en-cul, pax quelques naturalistes et voyagours, 486 HISTOIRE NATURELLE C'est dans les mers de l'Inde qu'il exerce le pouvoir qui lui a été départi. PAS VRAI ARLES MAVEAAVE MA LA R RL VV ARR UV ELU LEA AAA ALARME AE VANAAA RAR AAA VINCGL-SIX XIÈME GENRE. LES NOTOPTÉÈRES. Des nageoires pectorales ; de l’anus et du dos ; point de nageoïire caudale ; le corps très-court. HSPROES: AN CARACTÈRES. 1. LE NOTOPTÈRE KAPIRAT. La nageoire du dos très-courte. La nageoire du dos très- longue; le 2 LENOTOPTERE ÉCAILLEUX.{ corps couvert de petites écailles ar- rondies. PARAAAVIAAA RAVR LAAAAA VAIAAR VAAVIE LA VU LA RAA AAA AA AAA RAR RAR RAA AAA RAR VAARARAMAQI LE NOTOPTÈRE KAPIRAT. nn Les deux poissons dont nous allons donner la description ont été Jusqu'à présent confondus avec les gymnotes : mais la préci- sion que nous croyons devoir introduire dans la distribution des objets de notre étude , et les principes sur lesquels la classification des animaux nous a paru devoir être fondée, ne nous ont pas permis de laisser réunis des poissons dont les uns n’ont reçu le nom de 2ymnotes que parce que leur dos est entièrement dénué de nageoire , el d'autres osseux qui au contraire ont une na- geoire dorsale plus ou moins étendue. Nous avons donné à l'en- semble de ces derniers le nom générique de notoptère, dont plu- sieurs naturalistes se sont servis jusqu’à présent pour désigner le kapirat, la première espèce de ce groupe, et qui venant de deux mots grecs dont l’un signifie dos, et l’autre aile ou nageoire, indique la présence d'une nageoire dorsale. Les noms de ces deux genres très-voisins annoncent donc la véritable différence qui les sépare; on pourroit même, à la rigueur, dire la seule diffé- rence générique bien sensible et bien constante qui les écarte l'un de l'autre. Le kapiral surtout seroit aisément assimilé en tout , ou DU NOTOPTÈRE ÉCAILLEU X. 487 presque en tout, à un gymnote, si on le privoit de la nageoire qu'il a sur le dos, Ce poisson qui fait le sujet de cet article se trouve dans la mer voisine d'Amboine. Il ne parvient ordinairement qu’à la longueur de deux ou trois décimètres. Son museau est court et arrondi; on aperçoit une petite ouverture, ou un pore très- sensible , au-dessus de ses yeux qui sont grands. La mâchoire supérieure est garnie de dents égales et très-peu serrées ; la mâ- choire inférieure en présente sur son bord extérieur de plus grandes et de plus éloignées encore les unes des autres ; et de plus on voit sur le bord intérieur de cette même mâchoire d’en-bas , ainsi que sur celui du palais, une série de dents très- petites. L'opercule des branchies est garni d’écailles et membra- neux dans son contour. La gorge et l'anus sont très-rapprochés. L’étendue de la nageoire de Fanus *, et la forme très-allongée de la queue, sont assez remarquables pour avoir fait donner au kapirat, par Bontius, le nom d'Aippuris, qui veut dire queue de cheval. Et enfin ce notopière brille des couleurs de l'or et de l'argent qui sont répandues sur les très-petites écailles dont sa peau est revêtue. AAA AAA AAA AAA RAA RAA AA AA ME LE NOTOPTÈRE ÉCAILLEU X. Covve nous n'avons pas VU Ce Poisson, nous ne pouvons que présumer qu'il ne présente pas de véritable nageoire caudale. Si le bout de sa queue étoit cependant garni d’une nageoire distincte et véritablement propre à cette extrémité, 1l faudroit le séparer des notopières , et le comprendre dans un genre par- “iculier. Maïs stau contraire , et comme nous le pensons, 1l n’a point de nageoire que l’on doive appeler caudale , il offre tous les caractères que nous avons assignéSau genre des notoptères , etil doit être inscrit à la suite du kapirat. Il diffère néanmoins de ce dernier animal, non-seulement parce que sa nageoire dor- 24Alaimembrane des branchiess à +, 41h «© es at a 06 rayons. ia due LE a de us Abe ete is CUVT a chacune des nageoires pectorales. :. . 4 4, . + ". + 13 a la nageoire de l’anus. , . . Te L'eau RTE 488 HISTOIRE NATURELLE sale , au lieu d’être courte et de ne renfermer que sept rayons, en comprend un très-grand nombre , et s'étend presque depuis Ja nuque jusqu’à la queue, mais encore parce qu'il est revêtu, même sur la tête, d’écailles assez grandes et presque toujours ar- rondies, qui nous ont suggéré son nom spécifique. On voit au-devant de chacune de ses narines un pelit bar- billon qui paroît comme tronqué. Il y a sur la iète plusieurs pores très-visibles, et cinq très-petits enfoncemens. Les dents sont acérées; et l'entre-deux des branches de la mâchoire supé- rieure en est garni. La ligne latérale est droite , exceplé au-dessus de l'anus ,où elle se fléchit vers le bas. La couleur de lécailleux est obscure , avec des bandes transversales brunes. Il devient ordi- nairement un peu plus grand quele kapirat , et it habite, comme ce dernier poisson, dans les mers de l'Asie *. Tous les vrais gymnotes connus jusqu'à présent vivent donc dans les eaux de l'Amérique méridionale ou de l'Afrique occi- dentale, excepté le fierasfer, que l’on a pêché dans la Méditer- ranée , pendant qu'on ne irouve que dans les mers de l’Asie les notoptères déjà découverts. RAA AAA AVI AIRE VU AR VAE VINGT-SEPTIÈME GÊNRE. LES OPHISUR ES. Point de nageoire caudale; le corps et la queue cylindriques et très-allongés relativement à leur diamètre ; la tête petite ; les narines tubulées ; la nageoire dorsale et celle de l'anus, tres-longues et très-basses. ESPÈCES. CARACTÈRES, ” 7. L’OPHISURE oPHIS. # De grandes taches rondes ou ovales. Point de taches, ou de très- petites », L'OPHISURE SERPENT, taches. EEE CRE ENEPN À la membrane des branchies , 5 rayons. DE L'OPHISURE OPHIS. 489 AAA AAA AAA VA AAA MURAL NAARARAAAVENAAAN AS AAA TARA L'OPHISURE OPHIS. : Czux qui auront un peu réfléchi aux différens principes qui nous dirigent dans nos distributions méthodiques ne seront pas surpris que nous séparions les deux espèces suivantes du genre des murènes, dans lequel elles ont été inscrites jusqu’à présent. En eflet, elles en diffèrent par l'absence d'une nageoïire caudale. On leur a depuis long-temps donné le nom de serpens marins : et comme un des grands rapports qui les lient avec les véritables serpens consiste dans la forme déliée du bout de la queue, dé- nué de nageoire *, ainsi que l’extrémité de la queue des vrais reptiles, nous avons cru devoir donner au groupe qu’elles vont composer le nom d’ophisure, qui veut dire queue de serpent. La première de ces deux espèces est celle à laquelle j'ai con- servé le nom particulier d’ophis , qui, en grec, signifie serpent. Son ensemble a beaucoup de conformité avec celui des véritables reptiles ; et sa manière de se mouvoir sinueuse , vive et rapide, rapproche ses habitudes de celles de ces derniers animaux. Il se contourne d’ailleurs avec facilité; 1l se roule et déroule ; et ces évolutions sont d'autant plus agréables à voir , que ses propor- tions sont très-sveltes, et ses couleurs gracieuses. Le plus souvent son diamètre le plus grand n’est que la trentième ou même la quarantième partie de sa longueur totale , qui s'étend quelquefois au-delà de plus d'un mètre ; et sa petite tête, son corps, sa queue , ainsi que sa longue et très-basse nageoire dorsale, pré- sentent sur un fond blanc, ou blanchâtre, plusieurs rangs lon- giludinaux de taches rondes ou ovales qui, par leur nuance foncée et leur demi-régularité, contrastent très-bien avec la teinte du fond. On voit des dents recourbées, non-seulement le long des ma- choires, mais encore au palais. L’ophis habite dans les mers euro- péennes. 2 Atlaambrane des branchies. 7%}, A ,:, . ae + ls 40 rayons a chacune des nageoires pectorales. . . . A AA NE OU S'IRRRIPORIont MMUESRUELSS. & S TS Dot 0 Joe a ca He a anus RPM SNRUEENT ET QE EN AT. ROSE & jo HISTOIRE NATURELLE RAA AAA AAA AA AAA AAA AAA AAA APS AAA AR AAA AAA AAA VU RAA AAA AAA VAR AAA AAA AA AD + L'OPHISURE SERPENT. Carr seconde espèce d’ophisure est plus grande que la pre- mière : elle parvient fréquemment à la longueur de près de deux mètres. Elle habite non-seulement dans les eaux salées voisines de la Campagne de Rome, mais encore dans plusieurs autres parties de la mer Méditerranée. Elle y a été nommée plus sou- vent que presque tous les autres poissons, serpent marin, et elle « y a été connue d’Aristote, qui la distinguoit par le même nom de serpent marin, de serpent de mer. Ses habitudes ressemblent beaucoup à celles de l’ophis : ses mouvemens sont aussi agiles, ses inflexions aussi muluüpliées, ses circonvolutions aussi faciles, sa nalaUon aussi rapide , el ses courses ou ses jeux plus propres en- core à charmer les yeux de ceux qui sont à portée de l’observer, parce qu'elle offre des dimensions plus grandes, sans cesser d’avoir des proportions aussi sveltes. On ne voit pas sur son corps les taches rondes ou ovales qui distinguent l’ophis. Elle est jaunâtre sur le dos, blanchâtre sur sa partie inférieure; et sa nagcoire dorsale, ainsi que celle de l'anus, sont Hisérées de noir. On compte dix rayons à la membrane des branchies, et seize à chacune des nageoires pectorales. RE DEVENUE AVE SALUT AURAVE AR VA LA AAA AAA AA AAA UMA VAT AAA VINGT-HUITIÈME GENRE. LES TRIURES. É { La nageoïre de la queue très-courte; celle du dos & celle de l'anus étendues jusqu'au-dessus et au-dessous de celle de la Lé queue; le museau avancé en forme de tube ; une seule dent à chaque mâchoire. ESPÈCE. CARACTÈRES. Une valvule en forme de croissant, et fermant, à la volonté de l’animal, la partie de l'ouverture des branchies laissée libre par la membrane bran- chiale qui est attachée à la tête ou au corps dans presque tout son contour. LE TRIURE BOUGAINVILLIEN. DU TRIURE BOUGAINVILLIEN. 4qi AAA. AAA AR AV LU VUE VU VU LU UV VV AA AN AV AU VV VU NU VV VU LU AAA AAA RAA VU LE TRIURE BOUGAINVILLIE N. Novs venons d'écrire l'histoire des poissons apodes renfermés dans la première division des osseux , et qui sont dénués de na- geoire caudale : examinons maintenant ceux du même ordre qui en sont pourvus; et commençons par ceux qui, n’en ayant qu’une ‘assez courte, lient, par une nuance intermédiaire, les premiers avec les seconds. Plaçons ici, en conséquence, ce que nous avons : à dire d’un poisson du premier ordre des osseux, dont les manus- crits du savant Commerson nous ont présenté la description, qui n’a été encore observé par aucun autre naturaliste, et que nous avons dû inscrire dans un genre parliculier. Nous avons déjà donné le nom de Commerson à une lophie; donnons au poisson que nous allons décrire le nom de notre fameux navigateur et mon respectable confrère Bougainville, avec lequel Commerson voyageoit dans la mer du Sud, lorsqu'il eut occasion d'examiner le triure dont nous allons parler. Ce fut entre le 26 et le 27°. degré de latitude australe, et prés du 103 ou du 104°. degré de longitude , qu’un hasard mit Com- merson à même de voir cette espèce, très-digne d'attention par ses formes extérieures. On venoit de prendre plusieurs poissons du genre des scombres. Commerson les ayant promptement dissé- qués, trouva dans l'estomac d’un seul de ces animaux cinq triures irès-entiers, et que la force digestive du scombre n’avoit encore allérés en aucune manière. Leur forme extraordinaire frappa, dit Commerson, les gens de l'équipage, qui s’écrièrent tous qu'ils n’avoient jamais vu de semblables poissons. Quant à lui, il crut bienlôt après avoir reliré ces cinq triures de l'estomac du scom- bre, en voir plusieurs de la même espèce se jouer sur la surface de la mer. Il étoit alors dans le mois de février de 1768. Quoi qu'il en soit, voici quels sont les traits de cette espèce d'osseux apode, dont les individus examinés par le très-exact et très-éclairé Commerson, avoient à peu près la grandeur et l’aspect d’un ha- reng ordinaire. La couleur du trinre bougainvillien est d’un brun rougeûtre qui se change en argenté sous la tête, et en incarnat , ou plutôt 493 HISTOIRE NATURELLE ce en vineux blanchâtre, sur les côtés, ainsi que sur la partie infé- rieure du corps et de la queue, et qui est relevé par une iacte d’un blanc très-éclatant derriére la base des nageoires pectorales. L'ensemble du corps et de la queue est comprimé, et allongé de manière que la longueur totale de l'animal, sa plus grande hauteur et sa plus grande largeur, sont dans le même rappost que 71, 18et 10. Ce même ensemble est d’ailleurs entièrement dé- nué de piquans, et revêtu d’écailles si petites et si enfoncées, pour ainsi dire, dans la peau à laquelle elles sont attachées, qu’à la premicre inspeclion on pourroit croire Fanimal entièrement sans écailles. La tête, qui est comprimée comme Île corps, et qui de plus est un peu aplatie par-dessus , se termine par un museau tres-pro- longé, fait en forme de tube assez étroit, et dont l'extrémité pré- sente pour toute ouverture de la bouche un orifice rond, et que l'animal ne peut pas fermer. Dans le fond de cette sorte de tuyau sont les deux mâchoires osseuses, composées chacune d’une seule dent incisive et trian- gulaire. On n’aperçoit pas d’autres dents ni sur le palais, ni sur la langue, qui est très-courte, cartilagineuse, et cependant un peu charnue dans son bout antérieur, lequel est arrondi. Les ouvertures des narines sont très-petites et placées plus près des orbites que de l'extrémité du museau. Les yeux sont assez grands , peu convexes, dépourvus de ce voile membraneux que nous avons fait remarquer sur ceux des gymnotes, des ophi- sures, el d’autres poissons ; et l'iris brille des couleurs de l'or et de l'argent. C'est au-dessous de la peau qu'est placé chaque opercule bran- chial, qui d’ailleurs est composé d’une lame osseuse, longue, et en forme de faux. La membrane branchiale renferme cinq rayons un peu aplatis et courbés, qu'on ne peut cependant apercevoir qu'à l’aide de la dissection. Cetie membrane est attachée à la tête ou au corps dans presque tout son contour, de manière qu'ele ne laisse pour toute ouverture des branchies qu’un très-petit ori- fice situé dans le point le plus éloigné du museau. Nous avorrs vu une conformation analogue en traitant des syngnathes; nous la retrouverons sur les callionymes et sur quelques autres pois- sons : mais ce qui la rend surtout très-remarquable dans le triure que nous faisons connoître, c'est qu'elle offre un trait de plus dont nous ne connoïiss ons pas d'exemple dans la classe entiere des DU TRIURE BOUGAINVILLIEN. 493 poissons ; et voilà pourquoi nous en avons liré le caractère dis- tinctif du bougainvillien. Celte particularité consiste dans une valvule en forme de croissant, charnne, mollasse, et qui, atta- chée au bord antérieur de l'orifice branchial, le ferme à la vo- Ionté de l'animal, en se rabattant sur le côté postérieur Le triure bougainvillien est donc de ious les poissons connus celui qui à reçu l'appareil le plus compliqué pour empêcher l'eau d'entrer dans la cavité branchaale , ou de sortir de cette cavité en passant par l'ouverture des branchies ; il a un opercule, une membrane et une valvule; et la réunion, dans cet animal’, de ces trois moyens d'arrêter l'entrée ou la sortie de l’eau , est d’autant plus | Le congre a beaucoup de rapports avec l'anguille : mais fl en difière par les proportions de ses diverses parties; par la plus grande longueur des petits appendices cylindriques placés sur le museau , et que l’on a nommés barbillons ; par le diamètre de ses yeux, qui sont plus gros; par la nuance noire que présente pres- que toujours le bord supérieur de sa nageoire dorsale; par la place de celte nageoïre, ordinairement plus rapprochée de la tête, par la manière dont se montre aux yeux la ligne latérale composée d’une longue série de points blancs; par sa couleur, qui sur sa partie supérieure est blanche, ou cendrée, ou noir&, suivant les plages qu’il fréquente, qui sur sa partie inférieure est blanche , et qui d’ailleurs offre fréquemment des teintes vertes sur la tête, des teintes bleues sur le dos, et des teintes jaunes sous le corps ainsi que sous la queue; par ses dimensions supérieures à celles de l’anguille , puisqu'il n’est pas très-rare de lui voir de trente à quarante décimètres de longueur , avec une circonfé- t Anguille de mer ; filat, auprès des côtes méridionales de la France; eonger cel, eu Angleterre ; érouco, dans plusieurs contrées de Italie, 528 HISTOIRE NATURELLE rence de près de cinq décimètres, et que, suivant Gesner, il peut parvenir à une longueur de près de six mètres; et enfin par la nature de son habitation, qu'il choisit presque toujours au mi- lieu des eaux salées. On le trouve dans toutes les grandes mers de l’ancien et du nouveau continent ; il est très-répandu sur- tout dans l'Océan d'Europe, sur les côtes d'Angleterre et de : France, dans la Méditerranée , où 1l a été très-recherché des an- ciens, et dans la Propontide, où il l’a été dans des temps moins reculés. Ses œufs sont enveloppés d’une matière graisseuse très- abondante. Il est très-vorace; et comme il est grand et fort, il peut se procurer aisément l'aliment qui lui est nécessaire. La recherche à laquelle le besoin et la faim le réduisent est d’ailleurs d'autant moins pénible , qu’il vit presque toujours au- près de l'embouchure des grands fleuves, où il se tient comme en embuscade pour faire sa proie et des poissons qui descendent des rivières dans la mer, et de ceux qui remontent de la mer dans les rivières. Il se jette avec vitesse sur ces animaux; il les empêche des’échapper, en s'entortillant autour d'eux, comme un serpent autour de sa victime ; il les renferme, pour ainsi dire, dans un filet, et c’est de là que vient le nom de ji/at (filet) qu’on lui a,donné dans plusieurs départemens méridionaux de France. C’est aussi de ceite manière qu'il attaque et retient dans ses con- tours sinueux les poulpes ou sépies, ainsi que les crabes qu'il rencontre dépouillés de leur têt. Mais s'il est dangereux pour un grand nombre d’habitans de la mer, 1l est exposé à beaucoup d’ennemis : l’homme le poursuit avec ardeur dans les pays où sa chair est estimée ; les très-grands poissons le dévorent ; la lan- gouste le combat avec avantage ; et les murénophis, qui sont les murènes des anciens , le pressent avec une force supérieure. En vain , lorsqu'il se défend contre ces derniers animaux , emploie-t-il la faculté qu'il a reçue de s'attacher fortement avec sa queue qu'il replie; en vain oppose-t-1l par là une plus grande résistance à la murénophis qui veut l’entraîner : ses eflorts sont bientôt sur- montés ; et cette partie de son corps, dont il voudroit le plus se servir pour diminuer son infériorité dans une lutte trop inégale, est d’ailleurs dévorée, souvent dès la première approche , par la murénophis. On a pris souvent des congres ainsi mutilés, et portant l'empreinte des dents acérées de leur ennemie. Au reste, on assure que Ja queue du congre se reproduit quelquefois ; ce DES AMMODYTES. 529 . qui seroit une nouvelle preuve de ce que nous avons dit de la vitalité des poissons dans noire premier Discours. Redi a trouvé dans plusieurs parties de l'intérieur des congres qu'il a disséqués , et, par exemple, sur la tunique externe de l’es- tomac, le foie, les muscles du ventre, la tunique extérieure des ovaires, et entre les deux tuniques de la vessie urinaire, des hy- datides à vessie blanche , de la grosseur d’une plume de coq et de la longueur de vingt-cinq à trente centimètres *. Sur plusieurs côtes de l'Océan européen , on prend les congres par le moyen de plusieurs lignes longues chacune de cent trente ou cent quarante mètres, chargées, à une de leurs eftrémités, d’un plomb assez pesant pour n'être pas soulevé par l’action de l'eau sur la Hgne, et garnies de vingt-cinq ou trente piles ou cordes , au bout de chacune desquelles sont un haim et un appt. Lorsqu'on veut faire sécher des congres pour les envoyer à des distances assez grandes des rivages sur lesquels on les pêche, on les ouvre par-dessous, depuis la tête jusque vers l'extrémité de la queue ; on fait des entailles dans les chairs trop épaisses ; on les tient ouverts par le moyen d’un bâton qui va d’une extré- mité à l’autre de lanimal; on les suspend à l'air ; et lorsqu'ils sont bien secs , on les rassemble ordinairement par paquets dont cha- cun pèse dix myriagrammes , Ou environ. CAAAAANANANVE AA TRENTE-TROISIÈME GENRE. LES AMMODYTES. Une nageoire de l'anus ; celle de la queue séparée de la nageotre de l'anus et de celle du dos ; la tête comprimée et plus étroite que le corps ; la lèvre supérieure double; la mâchoire inférieure étroite et pointue ; le corps très-allongé. ESPÈCE. CARÂÀCTÈRE, La nageoire de la queue, fourchue: À om) L'AMMODYTE APPAT, * À la membrane des branchies. a chacune des nageoires pectorales. APR - aux trois nageoires réunies du dos, de la queue et plus de, . «ie. fe 10 rayons. ? 19 de l’anus 2 . L2 L . L a . . L L L] L2 LJ . L . . 300 , \ L Lacépede. 2. 34 530 HISTOIRE NATURELLE L L’'AMMODYTE APPAT :. O, n’a encoreinscrit que cette espèce dans le genre de l’ammo- dyte : elle a beaucoup de rapports avec l’anguille , ainsi qu'on a pu en juger par la seule énonciation des caractères distinctifs de son genre ; et comme elle a d’ailleurs l'habitude de s’enfoncer dans le sable des mers, elle a été appelée anguille de sable en Suède , en Danemarck, en Angleterre,en Allemagne, en France, et a reçu le nom générique d’ammodyte , lequel désigne un ani- mal qui plonge, pour ainsi dire , dans le sable. Sa tête com- primée, plus étroite que le corps, et pointue par-devant, est l'instrument qu’elle emploie pour creuser la vase molle, et pé- nétrer dans le sable des rivages jusqu à la profondeur de deux décimètres ou environ. Elle s’enterre ainsi par une habitude semblable à l’une de celles que nous avons remarquées dans lan- guille , à laquelle nous venons de dire qu’elle ressemble par tant de traits; et deux causes la portent à se cacher dans cet asile souterrain : non-seulement elle cherche dans le sable les dra- gonneaux et les autres vers dont elle aime à se nourrir, mais encore elle tâche de se dérober dans cette retraite à la dent de plusieurs poissons voraces , et particulièrement des scombres , qui la préfèrent à toute autre proie. De petits cétacées même en font souvent leur aliment de choix ; et on a vu des dauphins poursuivre l’'ammodyte jusque dans le limon du rivage, re- tourner le sable avec leur museau, et y fouiller assez avant pour déterrer et saisir le foible poisson. Ge goût très-marqué des scon:- bres et d’autres grands osseux pour cet ammodyte, le fait em- ployer comme appât dans plusieurs pêches ; et voilà d’où vient le nom spécifique que nous lui avons conservé. C’est vers le printemps que la femelle dépose ses œufs très-près de la côte. Mais nous avons assez parlé des habitudes de cette espèce : voyons rapidement ses principales formes. r Sül, en Norwége; sandspiring en Allemagne ; sand-eel, launce, em Angleterre; grig, dans son jeune âge, en Angleterre ; nat sur plusieurs côtes de France : tobis, en Snède et en Danemarck. ,+ le + Plee fil 0 = . Page 5 Pretre pinx . 1.La Murene congre .. / — A . VOD. L' Ammodyte a pPPat- "7 #2 FL Le 3. L'Ophidie DATODUE EE . 299. HAL DE LAMMODYTE A PPAT. 551 Sa mâchoire inférieure est plus avancée que la supérieure ; deux os hérissés de petites dents sont placés auprès du gosier : la langue est allongée , libre en grande partie, et lisse ; l'orifice de chaque narine est double ; les yeux ne sont pas voilés par une peau demi-transparente, comme ceux de l’anguille. La mem- brane des branchies-est soutenue par sept rayons * ; l'ouverture qu’elle ferme est très-grande; et les deux branchies antérieures sont garnies, dans leur concavité , d’un seul rang d'apophyses , tandis que les deux autres en untent deux rangées. On voit de chaque côté du corps trois lignes latérales ; mais au moins une de ces trois lignes paroît n’indiquer que la séparation des muscles. Les écailles qui recouvrent l’ammodyte appât , sonttirès- petites ; la nageoire dorsale est assez haute, et s'étend presque depuis la tête jusqu’à une très- -petite de de l'extrémité de la queue, dont l'ouverture de l’anus est plus près que de la tête. Le foie ne paroît pas divisé en lobes; un cocum ou grand ap- pendice est placé auprès du pylore; le.canal intestinal est grêle, long et contourné, et la surface du péritoine parsemée de points noirs. On compte ordinairement soixante-trois vertèbres avec les- quelles les côtes sont légèrement articulées ; ce qui donne à l’a- nimal la facilité de se plier en différens sens, etmême de se rouler en spirale, comme une couleuvre. Les intervalles des muscles présentent de pelites arêtes qui sont un peu appuyées contre lépine du dos. La chair est peu délicate. La couleur générale de lammodyte appât est d’un bleu argen- ün , plus clair sur la partie inférieure du poisson que sur la supé- rieure. On voit des raies blanches et bleuâtres placées alternati- vement sur l'abdomen ; et une tache brune se fait remarquer auprès de l'anus. Z À la nageoire du dos. . . à chaque nageoïre pectorale. . , à la nageoire de l’anus. . a celle de la queue. . . . DU ASE DREAM ES MOST ct Lel tie se nie a à 12 STARTER Ce LT tel: SRE A CES (° . . ° . e > ° . 532 HISTOIRE NATURELLE RAA VAE VRAI T I UAVE VE LAAMAMUUEUVTAAAA AAA TRENTE-QUATRIÈME GENRE, LES OPHIDIES. La iète couverte de grandes pièces écailleuses ; le corps et la queue comprimés en forme de lame, et garnie de petites écailles ; la membrane des branchies très-large ; les nageoires du dos, de la queue et de l’anus réunies. PREMIER SOUS-GENRE. Des barbillons aux mâchoires. ESPÉCE. CARACTÈRES, 1. L'OPHIDIE BARBU- rieure ; la mâchoire supérieure plus {rien barbillons à la mâchoire infé- avancée que l’inférieure. SECOND SOUS-GENRE, Point de barbillons 'aux mächoires. ESPÉCES. CARACTÈRES. a nageoire de la queue un peu ar< , L 2. L'OPHIDIE IMBERBE. Une ou plusieurs cannelures longitu- dinales au- dessus du museau ; la na 3. L’OPHIDIE UNERNAK. geoire de la queue pointue ; la mà- choire inférieureun peu plusayancée A que la supérieure, DE L'OPHIDIE BARBU, ct. . 533 RAAANAAARI AANAIS AAAAAANANIAANAN NN ANAAANANIY NAS L'OPHIDIE BARBU *, L’OPHIDIE IMBERBE, ET L’'OPHIDIE UNERNAK. C'rsr au milieu des eaux salées qu'on rencontre les ophidies. Le barbu habite particulièrement dans la mer Rouge et dans la Méditerranée, dont il fréquente même les rivages septentrionaux. Jl a beaucoup de ressemblance, ainsi que les autres espèces de son genre, avec les murènes et les ammodytes : mais la réunion des nageoires du dos, de la queue et de l'anus, sufhiroit poux qu'on ne confondit pas les ophidies avec les ammodytes ; et les traits génériques que nous venons d'exposer à la tête du tableau méthodique du genre que nous décrivons, séparent ce même genre de celui des murènes. Pour achever dedonneruneidéenetts de la conformation du barbu, nous pouvonsnous contenter d’a- jouter aux caractères génériques , sous-génériques et spécifiques, que nous avons tracés dans cette table méthodique des ophidies , que le barbu a les yeux voilés par une membrane demi-trans- parente, comme les gymnotes , les murènes ,et d’autres poissons ; que sa lèvre supérieure est double et épaisse; que l’on voit de petites dents à ses mâchoires, sur son palais , auprès de son go- sier ; que sa langue est étroite, courte et lisse ; quesa membrane branchiale présente sept rayons * ; que sa ligne latérale est droite, et que Panus est plus près de la tête que du bout de la queue. Quant à ses couleurs, en voici l'ordre et les nuances. Le corps et la queue sont d’un argenté mêlé de teintes couleur de chair , relevé sur le dos par du bleuâtre , et varié par un grand nombre de petites taches. La ligne latérale est brune ; les nageoires pec- torales sont également étiues , Mais avec un liséré gris ; et celles du dos , de l’anus et de la queue, sont ordinairement blanches et batdé de noir. 3 Doncelle, sur les côtes francaises de la Méditerranée. 2 A la nageoire du dos du barbu. . . s aitis Della UGC 2 TEMPO à chacune des pectorales. . . . . . . . Monte act HER ES A COPA Anal ERP DST re ei 7er SU a ONE ONE 534 HISTOIRE NATURELLE Cet ophidion a la chair délicate , aussi-bien que limberbe. Ce dernier, qui n’a pas de barbillons , ainsi qu'on peut le voir sur le tableau méthodique de son genre , et comme son nom lindi- que, est d’une couleur jaune. On le trouve non-seulement dans la Méditerranée, où on le pèche particulièrement auprès des côtes méridionales de France , mais encore dans l'Océan d'Europe, et même auprès de rivages très-septentrionaux * C'est vers ces mêmes plages boréales , et jusque dans la mer du Groenland, qu'habite l’unernak dont on doit la connoissance au naturaliste Othon Fabricius. Sa couleur n’est ni argentée comme celle du barbu , ni jaune comme celle de limberbe , mais d’un beau vert que l’on voit régner sur toutes les parties de son corps , excepté sur les nageoires du dos, de l'anus , de la queue, et le dessous du ventre, qui sont blancs. Ses mâchoires sont sans barbillons , comme celles de l’imberbe : sa tête est large; ses yeux sont gros ; l'ouverture de sa bouche est trèes-grande *. IL est très- bon à manger comme les autres ophidies : mais comme il passe une grande partie de sa vie dans la haute mer , on le rencorre plus rarement. Il parvient aux dimensions de plusieurs gades, avec lesquels on l'a souvent comparé , et par conséquent devient plus grand que le barbu , dont la longueur n’est ordinairement que de trois a quatre décimètres. RÉ een En QE QU 3 A la nageoire du dos de l’imberbe.. . . . . . . . . . . . 70 rayons. Aichaeune decpeetoralés. 22 SPORE CR TE a ce de lants.t seen der: pi 8 NT LP PEN INNTÉEE a celle dé la queues. ny. 1.12" 20. AL Ur M Et * À ohacune des nagecires pectorales de l'unernak , 10 ou 11 rayons. DU MACROGNATHE AIGUILLONNE. 535 RAA VER LEUR LAB LAURE VAR AAA AAA AAA AAA AAA AAA AAA RAS TRENTE-CINQUIÈME GENRE. LES MACROGNATEHES. La mâchoire supérieure très-avancée et en Jorme de troripe : le corps et la queue comprimés comme une lame ; les nageoires du dos et de l’anus distinctes de celle de l& queue. ESPÈCES. | CARACTÈRES. 1. LE MACROGNATHE Quatorze aiguillons au-devant de la AIGUILONNE. nageoïire du dos. rente-trois ai guillons au-devant de la i à 2. LE MACROGNATHE ARMÉ. à : nageoire du dos. AAA AA AAA AAA AAA VAN AAA AAA RAI AA RAS RAR AA AA RAR AAA AR AAA AAA AAA AA RAA AAAAES LE MACROGNATHE AIGUILLONNÉ. Cr nom générique de macrognathe, qui signifie longue mû- choire, désigne le irès-grand allongement de la mâchoire supé- rieure de l'espèce que nous allons décrire , et que nous avons cru devoir séparer des ophidies , non-seulement à cause de sa confor- mation qui est très-différente de celle de ces derniers osseux, maïs encore à cause de ses habitudes. En effet, les ophidies se tiennent au milieu des eaux salées, et l’aiguillonné habite dans les eaux douces ; il y vit des petits vers et des débris de corps organisés qu'il trouve dans la vase du fond des lacs ou des rivières. Sa mächoire supérieure lui donne beaucoup de facilité pour fouiller dans la terre hnmectée, et y chercher sa nourriture : elle est un peu pointue, et extrémement prolongée; aussi a-t-elle élé comparée à une . sorte de trompe. Le docteur Bloch, qui a examiné et décrit avec beaucoup de soin un individu de celte espèce, n’a vu de dents ni à cette mà- choire supérieure, ni à l’inférieure , ni au palais, ni au gosier ; ce qui s'accorde avec la nature molle des petits animaux sans de- fense, on des parcelles végétales ou animales que recherche lai- 536 HISTOIRE NATUREELE guillonné. L’opercule des branchies n'est composé que d’une lame. Au-devant de la nageoire du dos, on voit une rangée longitu- dinale de quatorze aiguillons recourbés , et séparés l’un de l’autre; et deux autres aiguillons semblables sont placés enire la nage oire de l'anus et l'ouverture du même nom, qui est plus loin de la tête que du bout de la queue *. D'ailleurs les couleurs de l'animal sont agréables ; sa partie supérieure est rougeûtre, et l’inférieure argentée. Les nageoires pectorales sont brunes à leur base, et violettes dans le reste de leur surface. Celle du dos est rougeâtre variée de brun, et remar- quable par deux taches rondes, noires, bordées de blanchâtre, et semblables à une prunelle entourée de son iris. La nageoire de l’anus est rougeatre avec un liséré noir; et un bleu nuancé de noir règne sur la nageoire de la queue , qui est un peu arrondie. La chair de l’aiguillonné est très-bonne à manger. On le pêche dans les grandes Indes. Il parvient ordinairement à la longueur de seize à vin gt-un centimètres. AAA A AAA IAA MAS AA VAR AAA MUR LU AAA AM AAMANAAA AAA MA AAAASRAAMA AARAMIAN RAS. LE MACROGNATHE ARMÉ. Nous avons trouvé un individu de cette espèce encore inconnue aux naturalistes dans une collection de poissons desséchés cédée par la Hollande à la France avec un grand nombre d’autres objets précieux d'histoire naturelle. Elle diffère de l'aiguilloné par plu- sieurs traits de sa conformation et par sa grandeur : individu que nous avons décrit étoit long de près de trente-six centimètres , tandis que l’aiguillonné n’en à communément qu’une vingtaine de longueur totale. La mâchoire supérieure est façonnée en trompe : mais elle n’est pas aussi prolongée que dans l’aiguii- lonné ; elle ne dépasse l’inférieure que de la moitié de sa longueur. Les deux mächoires sont garnies de plusieurs rangs de très- petites dents , et l'aiguillonné n’en n'a ni aux mâchoires, ni au z A la membrane des branchies. . . . . . . +. + . . . . 16 rayons. a In naseüiré du dos. 427.27. es es SNA" S 1e 51 à chacune des nageoires pectorales. . . « . +.. « « « . . 16 acelle dé Panus: is cie ns QU SNS RL le Tec UeR a celle de Ja queue: +. » te fete tra 19 a « ° m'en ts 0 o ee. « KA DES XIPHIAS. 537 gosier , ni au palais. On voit un piquant auprès de chaque œil de l'armé , et trois piquans à chacun de ses opercules. Au lieu de quatorze rayons recourbés, on en compte trente-trois au-devant de la nageoire du dos, et chacun de ces aïguillons disposés en série longitudinale est renfermé en partie dans une sorte de gaine. Les nageoires du dos et de l’anus ne’sont pas séparées par un grand intervalle de celle de la queue , comme dans l’aiguillonné; mais elles la touchent immédiatement, et n’en sont distinguées que par une pelite échancrure dans leur membrane. L'état dans lequel éloit l'individu que nous avons examiné he nous a pas permis de compier exactement le nombre des rayons de ses na- geoires : mais nous en avons trouvé plus de soixante-dix dans celle du dos, et plus de vingt dans chaque pectorale ; et cepen- dant le docteur Bloch n’en a vu que seize dans chacune des pec- torales de l’aiguillonné, et cinquante-un dans la nageoire dor- sale de ce dernier macrognathe. Au reste, l’'armé a, comme l'espèce décrite par le docteur Bloch , deux aiguillons recourbés au-devant de la nageoire de l'anus. Nous ignorons dans quel pays vit le macrognathe armé. RAAANA VAANA NA TRENTE-SIXIÈME GENRE. LES XIPHIAS. La mâchoire supérieure prolongée en forme de lame ow d'épée, et d'une longueur au moins égale au tiers de la longueur totale de l'animal. ESPÈCES. CARACTÈRES. La prolongation du museau, plate, 1. LE XIPHIAS ESPADON. sillonnée par-dessus et par-dessous , et tranchante sur ses bords. 2. LE X1PHIAS ÉPÉE. par-dessus, non sillonnée , et émous- di prolongation du museau, convexe sée sur ses bords. y . QG (s *] HISTOIRE NATURELLE + 4 . LE XIPHIAS ESPADON :. | me Vorcr un de ces géans de la mer, de ces émules de plusieurs cétacées dont ils ont reçu le nom, de ces dominateurs de l'Océan qui réunissent une grande force à des dimensions très-étendues. Au premier aspect , le xiphias espadon nous rappelle les grands acipensères, ou plutôt les énormes squales et même le terrible requin. Il est l’analogue de ces derniers ; il tient parmi les osseux une place semblable à celle que les squales occupent parmi les carlilagineux ; 1l a reçu comme eux une grande taille, des mus- cles vigoureux , un corps agile, une arme redoutable, un cou- rage intrépide, tous les attributs de la puissance; et cependant tels sont les résultats de la différence de ses armes à celles du requin et des autres squales, qu'abusant bien moins de son pou- voir, il ne porte pas sans cesse autour de lui, comme ces derniers, le carnage et la dévastation. Lorsqu'il mesure ses forces contre les grands habitans des eaux, ce sont plutôt des ennemis dangereux pour lui qu’il repousse, que des victimes qu’il poursuit. Il se contente souvent, pour sa nourriture , d'algues et d’autres plantes marines ; et bien loin d'attaquer et de chercher à dévorer les animaux de son espèce, il se plait avec eux ; il aime surtout à suivre sa femelle, lors mème qu'il n’obéit pas à ce besoin passager, mais impérieux , que ne peut vaincre la plus horrible férocité. Il paroit donc avoir et des habitudes douces et des affections vives. On peut lui sup- poser une assez grande sensibilité ; et si l'on doit comparer le requin au tigre , le xiphias peut être considéré comme l’analogue du lion. Mais les effets de son organisation ne sont pas seuls remarqua- bles ; sa forme est aussi tres-digne d'attention. Sa tête surtout frappe par sa conformation singulière. Les deux os de la mâchoire supérieure se prolongent en avant, se réunissent , et s'étendent de 1 Sward fisk, en Sutde; sword fish ,en Angleterre ; pesce spado , empera- dor, en las: Li Tome 2. 2Â Page 008. É 2 , 1 ji) AUTANT TT dE 5 — ERP 7. Pretre pinx 3 : ; Plee fit Je / 1.Le Macrognathe agullonn CL Pace 535. : 2 7 2 Tebahias espadon 4.12: 4:26... 638. D: L'Anarhique loup LRU CEE M RE 544. ee — As” or | re DU XIPHIAS ESPADON. 53a maniere que leur longueur égale à peu près le tiers de la lon- gueur totale de l'animal. Dans cette prolongation , leur matière s'organise de manière à présenter un grand nombre de petits cy- lindres, ou plutôt de petits tubes longitudinaux ; ils forment une Jame ét'oïte et plate, qui s’aminoit et se rétrécit de plus en plus jusqu’à son extrémité, et dont les bords sont tranchans comme ceux d’un espadon ou d’un sabre antique. Trois sillons longitu- dinaux règnent sur la surface supérieure de cette longue lame, au bout de laquelle parvient celui du milieu ; et l’on aperçoit un sillon semblable sur la face inférieure de cette même prolon- galion. Une extension de l'os frontal triangulaire, pointue et très-allongée, concourt à la formation de la face supérieure de la lame, en s'étendant entre les deux os maxillaires, au moins vers le tiers de la longueur de cette arme ; et sur la face infé- rieure de cette lame osseuse, on voit une extension analogue et également triangulaire des os palatins s'avancer entre les deux os maxillaires, mais moins loin que l'extension pointue de l'os frontal. Ce sabre à deux tranchans est d’ailleurs revêtu d’une peau légèrement chagrinée. La mâchoire inférieure est pointue par-devant ; et sa longueur égalant le tiers de la longueur de la lame tubulée, c'est-à-dire, le neuvième de la longueur | 4 del’animal , il n’est pas surprenant que l'ouverture de la botêhe soit grande; ses deux bords sont garnis d’un nombre considérable de petits tubercules très-durs, ou plutôt de petites dents tournées vers le gosier, auprès duquel sont quelques os hérissés de pointes. La langue est forte et libre dans ses mouvemens. Les yeux soni saillans, et l'iris est verdâtre. L’espadon a d’ailleurs le corps et la queue 1rès-allongés. L'ori- fice des branchies est grand , et son opercule composé de deux pièces ; sept ou huit rayons soutiennent la membrane branchiale. Les nageoires sont en forme de faux , excepté celle de la queue, qui est en croissant ‘. Une membrane adipeuse placée au-dessous d’une peau mince couvre tout le poisson. La ligne latérale est pointillée de noir : cette même couleur règne sur le dos de l'animal, dont la partie inférieure est blanche. RC RENE MO ete nd M en de lie Le Ve An de ete NTI à chacune des pectorales. . Den CRI EI PAST FETE AE a celle de l’anus.. . site satire as HO RC 'EUER Role uen SA Sn SN LE a 540 HISTOIRE NATURELLE Les nageoires pectorales sont jaunâtres ; celle du dos est brune; et toutes les autres présentent un gris cendré. L’espadon habite dans un grand nombre de mers. On le trouve dans l'Océan d'Europe, dans la Méditerranée, et jusque dans les mers australes. On le rencontre aussi entre l'Afrique et l'A mé- rique : mais, dans ces derniers parages , sa nageoire du dos pa- roît êlre constamment plus grande et tachetée ; et c’est aux espa- dons, qui, par les dimensions et les couleurs de leur nageoire dorsale, composent une variété plus où moins durable, que lon doit, ce me semble, rapporter le nom brasilien de guebucu. Les xiphias espadons ont des muscles très-puissans : leur inté- rieur renferme de plus une grande vessie natatoire ; ils nagent avec vitesse ; ils peuvent atteindre avec facilité de très-grands habitans de la mer. Parvenus quelquefcis à la longueur de plus de sept mètres, frappant leurs ennemis avec un glaive pointu et tranchant de plus de deux mètres, ils mettent en fuite, ou combattent avec avantage, les jeunes et les petits cétacées , dont les tégumens sont aisément traversés par leur arme osseuse; qu’ils poussent avec violence, qu’ils précipitent avec rapidité, et dont ils accroissent la puissance de toute celle de leur masse et de leur vitesse. On a écrit que dans les mers dont les côtes sont peu- plées d'énormes crocodiles , 1ls savoi e placer avec agilité au- dessous de ces animaux euirassés , et leur percer le ventre avec adresse à l'endroit où les écailles sont le moins épaisses et le moins fortement attachées. On pourroit même, à la rigueur, croire, avec Pline, que lorsque leur ardeur est exaltée, que leur instinct est troublé, où qu’ils sont le jouet de vagues furieuses qui les roulent et les lancent, ils se jettent avec tant de force contre les bords des embarcations , que leur arme se brise, et que la pointé de leur glaive pénètre dans l'épaisseur du bord, et y demeure attachée , comme on y a vu quelquefois également implantés des fragmens de Parme dentelée du squale scie , ou de la dure défense du narval. Malgré cette vitesse, cette vigueur, cette adresse , cette agilité, ces armes, ce pouvoir, l’espadon se contente souvent , ainsi que uous venons de le dire, d’une nourriture purement végétale. II n’a pas de grandes dents incisives ni laniaires ; et les rapports de l'abondance et de la nature de ses sucs digestifs avec la longueur et la forme de son canal intestinal sont tels qu’il préfère fré- quemment aux poissons qu'il pourroit saisir, des algues et d'au- DU XIPHIAS ESPADON. 541 tres plantes marines : aussi sa chair est-elle assez communément bonne à manger, et même très-agréable au goût ; aussi , lorsque la présence d’un ennemi dangereux ne le contraint pas à faire “usage de sa puissance, a-t-il des habitudes assez douces. On ne le rencontre presque jamais seul : lorsqu'il voyage, c'est quelque- fois avec un compagnon, et presque toujours avec une compa- gne; et cette association par paires prouve d'autant plus que les espadons sont susceptibles d'affection les uns pour les autres, qu'on ne doit pas supposer qu’ils sont réunis pour atteindre la même proie ou éviter le même ennemi, aimsi qu'on peut le croire de l'assemblage désordonné d’un très-grand nombre d’ani- maux. Un sentiment différent de la faim ou de la crainte peut seul, en produisant une sorte de choix, faire naître et conserver cet arrangement deux à deux ; et de plus leur sensibilité doit être considérée comme assez vive, puisque la femelle ne donne pas le jour à des petits tout formés, que par conséquent il n’y a pas d’accouplement dans cette espèce, que cette même femelle ne va déposer ses œufs vers les rivages de l'Océan que lors de la fin du printemps où au commencement de l'été, et que cependant le mâle suit fidèlement sa compagne dans toutes les saisons de l'année. La saveur agréable et la qualité trés-nourrissante de la chair de l’espadon font que dans plusieurs contrées on le pêche avec som. Souvent la recherche qu’on fait de cet animal est d'autant plus infructueuse , qu’avec son long sabre il déchire et met en mille pièces les filets par le moyen desquels on a voulu le saisir. Mais d’autres fois , et dans certains temps de l’année , des insectes aqualiques s'atlachent à sa peau au-dessous de ses nageoires pec- torales , ou dans d’autres endroits d’où il ne peut les faire tom- ber, malgré tous ses eflerts; et quoiqu'il se frotte contre les al- gues , le sable ou les rochers , ils se cramponnent avec obstination, et le font souffrir si vivement, qu’agité, furieux, en délire comme le lion et les autres grands animaux terrestres sur lesquels se précipite la mouche du désert, il va au-devant du plus grand des dangers, se jette au milieu des filets, s’élance sur le rivage, ou s'élève au-dessus de la surface de l'egu, et retombe jusque dans les barques des pêcheurs. 52 HISTOIRE NATURELLE VU VV AAA MU AU AAA AV A AN NU NV VU NU NV A NU VUE VV AN UV UV US AAA U LE XIPHIAS ÉPÉE. ER Ex description de cette espèce n’a encore été publiée par aucun naturaliste. Nous n'avons vu de ce poisson que la partie anté- rieure de la tête : mais comme c’est dans cette portion du corps que sont placés les caractères distinctifs des xiphias, nous avons pu rapporter l'épée à ce genre; el comme d’ailleurs cette même partie antérieure ne nous a pas seulement présenté les formes particulières à la famille dont nous nous occupons, mais nous à montré de plus des traits remarquables et très-diflérens de ceux de l’espadon, nous avons dû séparer de cette dernière espèce l'animal auquel avoit appartenu cette portion , et nous avons donné le nom d'épée à ce xiphias encore inconnu. Voici les grandes différences qui distinguent l'épée de l'espa- don , et qui sufliroient seules pour empêcher de les réunir, quand bien même le corps et la queue de l'épée seroient entièrement semblables à la queue et au corps de l’espadon. Dans ce dernier animal, la prolongation est plate : elle est convexe dans l'épée. L'arme de l’espadon est aiguë sur ses bords comme un sabre à deux tranchans : celle de l'épée est très-arrondie le long de ses côtés , et par conséquent n’est point propre à tailler ou couper. La lame de l’espadon est très-mince : la défense de l'épée est presque aussi épaisse, ou, ce qui est 1c1 la même chose, presque aussi haute que large. On voit trois sillons longitudinaux sur la face supérieure du sabre de l’espadon , et un sillon également longitudinal sur la face inférieure de ce même sabre : on n’aperçoit de sillon sur aucune des surfaces de la prolongation osseuse de lépée. Une extension de l'os frontal, pointue et triangulaire, s’'avance au milieu des os maxillaires supérieurs de l’espadon, jusqu'au - delà de sa mâchoire inférieure; une extension analogue n'est presque pas sensible dans l'épée. : Une seconde extension pointue et triangulaire, appartenant aux os intermaxillaires, se prolonge dans l’espadon sur la face inférieure de l'arme, mais ne va pas jusqu’au-dessus du bout de DES ANARHIQUES. 543 la mâchoire inférieure : dans l'épée, elle dépasse de beaucoup cette dernière extrémité. La peau qui couvre la lame de lespadon est légèrement cha- grinée : celle qui revêt, la défense de l'épée présente des grains bien plus gros; et sous les os maxillaires , à l'endroit qui ré- pond à la mâchoire inférieure , les tubercules de cette peau se changent, pour ainsi dire, en petites denis recourbées vers le gosier. Voilà donc sept différences qui ne permettent pas de rapporter à la même espèce l’espadon et l'épée. Il peut d’ailleurs résulter de cette diversité dans la forme des armes, une variété assez grande dans les habitudes, une espèce ayant reçu un glaive qui tranche et coupe, et l’autre espèce une épée qui perce et déchire. Au reste, la portion de la tête d’un xiphias épée, qui nous a montré la conformation que nous venons d'exposer, fait partie de la collection du Muséum d'histoire naturelle. TRENTE-SEPTIÈME GENRE. LES ANARHIQUES. Le museau arrondi; plus de cinq dents coniques à chaque mâchoire ; des dents molaires en haut et en bas; une longue nageotre dorsale. ESPÈCES. CARACTÈRES. choire; les dents osseuses et très- dures. Quatre os maxillaires à chaque m£- 1 L'ANARHIQUE LOUP. Huit dents cartilagineusesettrès-aiguës 2 L’ANARHIQUE KARRAK. à la partie antérieure de chaque mè- choire. Les lèvres doubles; la nageoire de la queue un peu lancéolée ; des taches rondes ‘et brunes sur le corps et ià queue. | 3 L’ANARHIQUE PANTHÉRIN. 54% HISTOIRE NATURELLE LA RAA AAAAAAAAARAAIAIAA AA AAA AAA UV RARAARAAAMAENUAA AN AR L’ANARHIQUE LOU P :. C E poisson peut figurer avec avantage à côté du xiphias , et par sa force, et par sa grandeur. Il parvient quelquefois, au moins dans les mers très-profondes, jusqu’à la longueur de cinq mè- tres; et s’il n’est point armé d’un glaive comme l’espadon et l'épée , s’il ne paroit pas se mouvoir au milieu des ondes avec autant d’agilité que ces derniers animaux , 1l a reçu des dents redoutables , et par leur nombre , et par leur forme , et par leur dureté ; il présente même des moyens plus puissans de destruc- tion que le xiphias, et il nage avec assez de vitesse pour atteindre facilement sa proie. Son organisation intérieure lui donne d’ail- leurs une très-grande voracité. Féroce comme les squales, ter- rible pour la plupart des habitans des mers , vrai loup de l'Océan, il porte le ravage parmi le plus grand nombre de poissons, comme la bête sauvage dont il a reçu le nom , parmi les troupeaux sans défense ; et bien loin d'offrir ces marques d’une affection douce, cette durée dans l'attachement , ces traits d’une sorte de sociabi- lité’, que nous avons vus dans le xiphias, 1l montre, par l'usage constant qu'il fait de ses armes , tous les signes de la cruauté , et justifie le nom de ravisseur qui lui a été donné dans presque tou- tes les contrées et par divers observateurs. Son corps et sa queue sont allongés et comprimés : aussi nage-t-il en serpentant comme les trichiures, ou plutôt comme les murènes et le plus grand nombre de poissons de l’ordre que nous examinons ; et c’est vrai- semblablement parce que les diverses ondulations de son corps et de sa queue lui permettent quelquefois, et pendant quelques momens, de ramper comme l’anguille , et de s’avancer le long des rivages, qu'il a été appelé grimpeur par quelques naturalistes. Sa peau est forte , épaisse , gluante , ainsi que celle de languille; ce qui lui donne la facilité de s'échapper comme cette murène, lorsqu'on veut le saisir; et les petites écailles dont ce tégument est revêtu sont attachées à cette peau visqueuse, ou cachées sous " Sea-wolf, en Angleterre. DE L’'ANARHIQUE LOUP. 335 l'épiderme , de manière qu’on ne peut pas aisément les distin- guer. La tête de l'anarhique que nous décrivons est grosse , le mu- seau arrondi, le front un peu élevé, l'ouverture de la bouche très-grande; les lèvres sont membraneuses , mais fortes, et les mâchoires d'autant plus puissantes, que chacune de ces deux parties de la tête est composée, de chaque côté, de deux os bien distincts , grands, durs, solides , réunis par des cartilages , et s’arc- boutant mutuellement. C’est au-devant de ces doubles mâchoires qu'on voit, tant en haut qu’en bas, au moins six dents coniques propres à couper ou plutôt à déchirer, divergentes, et cepen- dant ressemblant un peu, par leur forme, leur volume et leur position, à celles du loup et de plusieurs autres quadrupèdes car- nassiers. On voit d’ailleurs cinq rangs de dents molaires su pé- rieures , plus ou moins irrégulières, plus ou moins convexes, et trois rangs de molaires inférieures semblables. La langue est courte, lisse, et un peu arrondie à son extrémité. Les yeux sont ovales. Il résulte donc de l’ensemble de toutes ces formes que présente la tête de l’anarhique loup, que, lorsque la gueule est ouverte , cette même tête a beaucoup de rapports avec celle de quelques qua- drupèdes , et particulièrement de plusieurs phoques; et voilà donc cet anarhique rapproché des mammifères carnassiers, non-seu- lement par ses habitudes, mais encore par la nature de ses armes et par ses organes extérieurs les plus remarquables. Au reste, comment le loup ne seroit-il pas compris parmi les dévastateurs de l'Océan ? Il montre ces dents terribles avec les- quelles une proie est si facilement saisie, retenue, déchirée ou écrasée : et de plus, ses intestins étant très-courts, ne doit-il pas avoir des sucs digestifs d’une grande activité, et qui, par l’action qu'ils exercent sur ce canal intestinal , ainsi que sur son estomac, dans les momens où ils ne contiennent pas une nourriture co- pieuse, lui font éprouver vivement le tourment de la faim , et le forcent à poursuivre a vec ardeur , et souvent à immoler avec une sorte de rage, de nombreuses victimes? Quelques dents de moins, ou plutôt quelques décimètres de plus dans la longueur du canal intestinal, auroient rendu ses habitudes assez douces. Mais les animaux n'ont pas, comme l'homme, cette raison céleste, cette intelligence supérieure qui rappelle, embrasse où Lacepède. 2. 35 5a6 HISTOIRE NATURELLE prévoit tous les instans et lous les lieux, qui combat avec succés ja puissance de la Nature par la force +1 génie, et, compensant Île moral par le physique, et le physique par le moral, accroit ou diminue à son gré l'influence de l'habitude , et donne à la volonté l'indépendance et l'empire. L’anarhique loup , condamné donc, par sa conformation et par la qualité de ses habitudes, à rechercher presque sans cesse un nouvel aliment , est non-seulement féroce , mais très-vorace : il se jette goulument sur ce qui peut apaiser ses appétits violens. Il dévore non-seulement des poissons, mais des crabes et des co- quillages ; il les avale même avec tant de précipitation, que sou- vent de gros fragmens de dépouilles d'animaux testacées , et des coquilles entières, parviennent jusque dans son estomac, quoi- qu'il eût pu les concasser et les broyer avec ses nombreuses mo- laires. Ces coquilles entières et ces fragmens ne sont cependant pas digérés ou dissous par ses sucs digestifs, quelque actives que soient ces humeurs, pendant le peu de séjour qu'ils font dans un canal intestinal très-court, et dont le loup est pressé de les chasser, pour les remplacer par des substances nouvelles, propres à apaiser sa faim sans cesse renaissante. D'ailleurs l'estomac de cet anarhique n’a pas la force nécessaire pour les réduire, par la tituration , en très-pelites parties : mais ce poisson s’en débar- rasse presque toujours avec beaucoup de facilité, parce que l’ou- verture de son anus est très - considérable et susceptible d’une assez grande extension. C’est dans l'Océan septent fional que se trouve le loup. On ne le voit ordinairement en Europe qu’à des latitudes un peu élevées; on l’a reconnu à Botany-bay sur la côte orientale de la Nouvelle- Hollande : mais 1l se tient communément, pendant une grande partie de l’année, à des distances considérables de toute terre et dans les profondeurs des mers ; il ne se montre pas pendant lhiver près des rivages septentrionaux de l’Europe et de l'Amérique, et c'est à la fin du printemps que sa femelle dépose ordinairement ses œufs sur les plantes marines qui croissent aupres des côtes. Il s'élance avec impétuosité ; et, malgré cette rapidité au moins momentanée, plusieurs naturalistes ont écrit que sa natation paroît lente quand on la compare à celle des xiphias : sa force est néanmoins très-grande, et ses dimensions sont favorables à des mouvemens rapides. Ne pourroit-on pas dire que les muscles de sa Lête, quiserre, déchire ou écrase avec tant de facilité, sont beau- Le PPT UE ET | DE L'ANARHIQUE LOUP. . 5% coup plus énergiques que ceux de sa queue, tandis que, dans les xiphias , les muscles de la queue sont plus puissans que ceux de le tête, armée sans doute d’un glaive redoutable, mais dénuée de dents , et qui ne concasse ni ne brise ? Nous LL. d'autant plus le présumer , que la natation, dont les vrais principes accéléra- teurs sont dans la queue, n’est ordinairement soumise à aucune cause retardatrice très-marquée, qui ne réside dans une partie antérieure de l’animal trop pesante ou trop éteridue en avant, N’avons-nous pas vu que la prolongation de la tête des xiphias égale en longueur le tiers de l’ensemble du poisson ? et de quel pouvoir ne doivent par être doués les muscles caudaux de ces animaux, pour leur imprimer, malgré la résistance de leur partie antérieure , la vitesse dont on les voit jouir ? Ne pourroit-on pas d’ailleurs ajouter que quand bien même la nature, la forme, le volume et la position des muscles caudaux leur donneroïent à proportion la même force dans le loup et dans les xiphias , cet anarhique devroit s’avancer, tout égal d’ailleurs, avec moins de rapidité que ces derniers, parce que sa tête assez grosse, arrondie et relevée ; doit End l'eau de la mer avec moins de facilité que le giaive mince et étroit des xiphias ? Quoi qu’il en soit de la force de la queue du loup, celle de sa tête est si considérable, et ses dents sont si puissantes , qu’on ne le pêche dans beaucoup d'endroits qu'avec des précautions par- ticulières. Dans la mer d'Okotsk, auprès du Kamtschatka, vers le cinquante-troisième degré de latitude, on cherche à prendre le loup avec des seines ou filets faits de lanicres de cuir, et par conséquent plus propres à résister à ses efforts. Dans ce même Kamtschatka, le célèbre voyageur Steller a vu un individu de celte espèce que l’on venoit de pêcher , irrité de ses blessures et de sa captivité, saisir avec fureur et briser comme un verre une sorte de coutelas avec lequel on vouloit achever de le tuer, et mordre avec rage des bätons et des morceaux de bois dont on se servoit pour le frapper. Au reste, on va avec d'autant plus de constance à la poursuite du loup, qu'il peut fournir une grande quantité d’aliment, et que sa chair , suivant Ascagne, est, dans certaines circonstances, aussi bonne que celle de l’'angaille. Les habitans du Groenland le pêchent aussi pour sa peau, qui leur sert à faire des bourses et quelques autres ustensiles. Le loup a éténommé crapaudine , parce qu'on a regardé comme 548 . HISTOIRE NATURELLE provenant de cet animal, de petits corps fossiles , connus depuis long-temps sous le nom de bzfonites ou de crapaudines. Ces bu- fonites ont recu la dénomination qu'on leur a donnée dès les premiers momens où l’on s’en est occupé, à cause de l’origine qu’on leur a dès-lors attribuée. On a supposé que ces pelits corps étoient des pierres sorties de la tête d’un crapaud , en latin bufo. Ils sont d’une forme plus où moins convexe d’un côté, plane ou concave de l’autre, d’une figure quelquefois régulière et quel- quefois irrégulière, et communément gris, où bruns, ou roux, ou d'un rouge noirâtre. Par une suite de la fausse opinion qu'on avoit adoptée sur leurnature, on les a considérés pendant quelque temps comme des pierres fines du second ordre ; mais lorsque l'histoire naturelle a eu fait de plus grands progrès, on s'est bientôt aperçu que ces prétendues pierres fines n'étoient que des dents de poisson pétrifiées, et presque toujours des molaires. Les uns les ont regardées comme des dents d’anarhique , d’autres comme des dents du spare dorade, d'autres comme des denis de poissons osseux diflérens de la dorade et de l'anarhique. Ils ont tous eu raison , en ce sens qu'on doit rapporter ces fossiles à plusieurs espèces de poissons , très-peu semblables l’une à l’au- tre; et telle a été opinion de Wallérius. La plus grande partie de ces dents nous ont paru néanmoins avoir appartenu à des dorades ou à des anarhiques. Au reste, il est Lrès-aisé de séparer parmi ces fossiles les dents molaires du loup d’avec celles du spare dorade : les dernières ont une régularité et une convexité que l'on ne voit pas dans les premières. Mais pour être de quelque utilité aux géologues , et leur donner des bases certaines d’après lesquelles ils puissent lire sur les corps pétrifiés et fossiles quelques points de l’histoire des anciennes révolutions du globe, nous tâcherons de montrer, dans notre Discours sur les parties so- lides des poissons , les véritables caractères des dents d’un assez grand nombre d'espèces de ces animaux. Le loup * est d’un noir cendré par-dessus, et d’un blanc plus T A la membrane des branchies du lonp. . . . . . . . . . . 6 rayons. à la nageoire dorsale. . . . a PE A NT A RQ à chacune des nageoires pectorales. . . . . VEUT a celle de l’anus. .. . s'VA6 a celle de lñ quene. « 4 +100.) tement uematenente On à compté à chacune des pectorales de l’anarhique strié. . STE et à calle de la queue du même animal, . . . , . . 13 L o L e. LL e LI . ° LI . . e . L DE L’'ANARHIQUE KARRAK, etc. 54ù ou moins pur par-dessous ; ce qui lui donne un nouveau rapport extérieur avec plusieurs célacées. Mais peut-être ne doit-on re- garder que comme une variété de cette espèce l’anarhique que l'on a désigné par le nom de strié, qui présente en effet des stries irrégulières , presque transversales et brunes, et qui a été pêché aupres des rivages de la Grande-Bretagne. RURAAA AAA A WA AA AMAR MAS AAA VUAAA AAA VARAAA RAR AAA RAA AAA AAA AAA AAA MA AAA L’ANARHIQUE KARRAK, ET L'ANARHIQUE PANTHÉRHIN :. Crs deux espèces habitent dans l'Océan septentrional ; la pre- mière dans la mer du Groenland, et la seconde dans la mer Glacrale. Elles ont d’ailleurs beaucoup de rapports l’une avec l'autre. Le karrak a les yeux très-gros et rapprochés du sommet de la têle , qui a , dit-on, quelque ressemblance vague avec celle d’un chien. L'ouverture de sa bouche est grande; les deux mâächoires présentent de chaque côté trois dents aiguës et inégales; et dans l'intervalle qui sépare par-devant ces deux triolets, on compte deux autres dents plus petites. La nageoire dorsale s'étend depuis le cou jusqu’à une très- petite distance de la nageoire de la queue *. Le karrak est ordinairement d’un gris noïrâtre , et ne parvient pas à des dimensions aussi considérables que le loup. Peut-être le panthérin est-il communément encore moins grand que le karrak : peut-être a-t-on eu raison d'écrire que sa longueur ordinaire n’est que d'environ un mètre. On lui a donné le nom que j'ai cru devoir lui conserver, parce que sur un fond plus ou moins jaunâtre, et par conséquent d’une teinte assez semblable à la couleur de la panthère , 1l présente, sur presque toute sa surface, des taches rondes et brunes. Dana : Kusatschka , en Russie. z À la nageoire dorsale du karrak, .. . . . . . . . .« . . . 70 rayons. a chacune des pectoraless . . . . . 4 à + « + + + + * 20 wenile de l'anus us Le Le ter gb indien menti ti 2 celle de la queuc. dose rar atere ère" ce" à Fe" d''e 21 550 HISTOIRE NATURELLE Sa tête est un peu sphérique ; ses lèvres sont doubles. Au tra- vers de la large ouverture de sa gueule, on aperçoit aisément, de chaque côté de la mâchoire supérieure, deux rangs de dents coniques et plus ou moins recourbées, et deux rangées de dents molaires. Entre les quatre rangs de dents coniques, on voit quatre autres dents placées longitudinalement; et entre les quatre ran- gées de denis molaires , paroît sur le palais une série longitudi- nale de sept dents irès-fortes, et dont les deux premières sont ordinairement séparées des autres. La mâchoire inférieure est armée, de chaque côté, de deux rangs de denis molaires, et de deux ou trois rangées de dents coniques *. Les yeux sont grands et assez éloignés l’un de l'autre. La na- geoire du dos, qui ne commence qu’à une cerlaine distance de la nuque, touche celle de la queue; et ces deux derniers carac- tères suffiroient pour séparer le panthérin du karrak, dont la na- geoire caudale est un peu éloignée de celle du dos, et dont les yeux sont rapprochés sur le sommet de la tête. Deux lames com- posent chaque opercule branchial; on ne voit pas de ligne laté- rale. Les nageoires pectorales sont arrondies comme celles du loup; la nageoire de la queue est un peu lancéolée. Au resle, suivant l’auteur russe Zoview, quia fait connoître le panthérin, pn ne mange guère en Russie de cet anarhique, quoiqu'on y vante la bonté de sa chair. AAAAAN AR ARR AAA AAA AA AAA TRENTE-HUITIÈME GENRE. LES COMÉPHORES. Le corps allongé et comprimé; la téte et l'ouverture de la bouche très-grandes; le museau large et déprimé; les dents trés-petites ; deux nageoires dorsales ; plusieurs rayons de le seconde, garnis de longs filamens. ESPÈCE. CARACTÈRE. RSR ue Les nageoires pectorales, de la lon- | ‘ PAU gueur de la moitié du corps. * À la membrane branchiole dn panthérin. . RES + 7 rayons. à la nageoire dsl} 2 RUE ce 0018 07007 DU COMÉPHORE BAIKAÏ. 551 RAA TU AA LA AAA A MAMMA , AAA AAA At 2 LE COMÉPHORE BAIKAL. GC: poisson a déja été décrit sous le nom de callionyme ; mais it manque de nageoires inférieures placées au - devant de l'anus. Dès-lors il ne peut être inscrit ni dans le genre ni même dans l'ordre des vrais callionymes , qui sont des jugulaires; il doit êlre compris par mi les apodes ; et les caractères remarquables qui le distinguent exigent qu’on le place | parmi ces derniers, dans un genre particulier. Le célèbre professeur Pallas l'a fait connoitre. Il Fa découvert dans le Baïkal, ce lac fameux de l’Asie russe , el si voisine du ter- ritoire chinois. Le coméphore que nous décrivons se tient pen- dant l’hiver dans les endroits de ce lac où les eaux sont le plus profondes ; et ce n’est que pendant l'été qu’il s'approche des ri- vages en troupes nombreuses. Comme plusieurs autres apodes de la première division des osseux , 1l a le corps allongé, comprimé, et enduit d’une matière huileuse très-abondante. La tête est grande, aplatie par-dessus et par les côtés, garnie de deux tuber- cules auprès des tempes ; le museau large ; la bouche très-ouverte ; la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure , et hérissée conime cette dernière, excepté à son somme!, de dents tres-pe- tites, crochues et aiguës; la membrane branchiale très-lâche, et soutenue par des rayons très-éloignés l’un de l’autre; et la ligne laiérale assez rapprochée du dos. La première nageoire dorsale est peu étendue : mais quinze rayons au moins de la seconde sont terminés par de longs filamens semblables à des cheveux ; et cette conformation nous a suggéré le nom générique de porte-cheveux (coméphore) , que nous avons donné au baïkal. Les nageoires pectorales sont si prolongées, qu’elles égalent en longueur la moitié de l'animal; pour peu qu'elles eussent plus de surface, qu’elles fussent plus facilement extensibles, et que le baïkal püt les agiter avec plus de vitesse, Aehaonnetdespectaralen us Ken be où «a eus 2180 monlle.dé Lannsu sminidue:) ee ro aan enoreteiènhe 4 Soi SE h.celle de laqueue. «+ no ne «à « ne + « de et a 552 HISTOIRE NATURELLE ce poisson pourroit non-seulement nager avec rapidilé, mais s'élever et parcourir un arc de cercle considérable au-dessus dé la surface des eaux comme quelques pégases, les trigles, les exo- cets, ec." La nageoire de la queue est fourchue ?. + TRENTE-NEUVIÈME GENRE. LES STROMATÉES. Le corps très-comprimé et ovale. ESPÈCES. CARACTÈRES. Des dents au palais; deux lignes la- y. LE STROMATÉE FIATOLE. térales de chaque côté ; plusieurs bandes transversales. {Point de dents au palais; une seule 2, LE STROMATÉE PARU. ligne latérale de chaque côté ; point | de bandes transversales. RAA AAA RAI AVI AAA AA AA A AAA AR AAA SAS AA AR AAA AAA AAA VA AA AAA AAA AA AAA AVE 6/99 LE STROMATÉE FIATOLE *. Tous les apodes de la première division des osseux que nous avons déjà examinés ont le corps plus ou moins allongé, cylin- drique et serpentiforme. Dans les stromalées, les proportions gé- atrales sont bien différentes : l'animal est très-comprimé par les * Discours sur la nature des poissons. 3, À Ja membrane des brapchies..; .; . .., 1. ter, t6 rarbns, 4 la prémierenasaoire du do. te à à ei ee et 7 0 R'IASECONAE MS A vo eee DOTE TM UP CNT 0 à chacune des nageoires pectorales. ! , . ,1. . 14 0, 13 a colledelanns ed Ro A 2 h'ocerde Itquents. MILAN Sc 7 $ Lisette, sur quelques rivages de la mer Adriatique; lampuga, dans quelques dontrées de lTtalie, | DU STROMATÉE PARU. 553 côtés, et les deux surfaces latérales que produit cette compression sont assez hautes , relativement à leur longueur, pour représenter un ovale plus ou moins régulier. Cette conformation unique par- mi les apodes que nous décrivons suffit pour empêcher de con- fondre les stromatées avec les autres genres de son ordre. Parmi ces stromatées, l'espèce la plus anciennement connue est celle que l’on nomme fatole, et que l’on trouve dans la mer Méditerranée ainsi que dans la mer Rouge. Ses couleurs sont agréables et brillantes ; et leur éclat frappe d'autant plus les yeux, qu’elles sont répandues sur les larges surfaces latérales dont nous venons de parler. Ordinairement ce beau poisson est bleu dans sa partie supérieure , et blanc dans sa partie inférieure, avec du rouge autour des lèvres; et ces trois couleurs , que leurs nuances et leurs reflets marient et fondent les unes dans les autres, plai- sent d'autant plus sur la fiatole qu’elles sont relevées par des raies transversales étroites, mais nombrenses , et communément dorées , qui s'étendent en zigzag sur chacun des côtés de l'animal, La bouche est petite; les mâchoires et Le palais sont garnis de dents ; la langue est large et lisse; chaque côté du corps présente deux lignes latérales, l’une courbe, et l'autre presque droite; la nageoire de la queue est très-fourchue *; et si l’on cherche, par le moyen de la dissection, à connoître les formes intérieures de la fiatole, on trouve un estomac rendu en quelque sorte double par un étranglement, et un très-grand nombre d’appendices ou de petits tubes intestinaux ouverts seulement par un bout et placés auprès du pylore. RAA AAA AAA AAA AAA MMA AAA AAA VB AUS LAAAR A AE 8 * LE STROMATÉE PARU. eee Csrre espèce n’est pas peinte de couleurs aussi variées que la fiatole, mais elle resplendit de l'éclat de l'or et de l'argent; l'or brille sur sa partie supérieure, et le dessous de ce poisson réflé- chit une teinte argentée très-vive. Elle habite dans l'Amérique a chacune des nageoires pectorales. Sue ERP De SE LL RP EU L FAIRE dE ET ET es s à «+ VÉONNE 25 a celle de l’anus. L2 L Ê] L] ° . . . LA . . Se 554 HISTOITE NATURÉLLE méridionale et dans les grandes Indes, particulièrement auprès.de Tranquebar ; et sa chair est blanche, tendre et exquise. Sa langue est large, lisse, et assez libre dans ses mouvemens; ses mâchoires sont hérissées de dents petites et aiguës : mais on n’en voit pas sur le palais, comme dans la fiatole, et quelques os- selets arrondis paroissent aux environs du gosier. L'oùverture des branchies est très-grande ; l’opercule composé d’une seule lame bordée d’une. membrane. Une seule ligne laté- rale assez large et argentée règne de chaque côté de l'animal. Les écailles du paru sont petites , minces, et tombent facilement. Cet osseux ne présente jamais que de petites dimensions , non plus que la fialole : aussi ne se nourrit -il que de vers marins, et de poissons très-jeunes et tres-foibles *. On trouve dans les eaux du Chili un stromatée décrit par Mo- lina, dont le dos, au lieu d’être doré, est d’un bleu céleste, et qui ne parvient guère qu'à la longueur de deux ou trois déci- meêtres. Nous pensons, avec le professeur Gmelin, que ce stro- matée , qui ne paroît différer du paru que par la couleur du dos, m'est peut-être qu'une variété de cette dernière espèce. AAA AAA AAA A AAA AA AA AAA AAA RAAA AU AAARAAIAAAIAAAAAAAAAAA AA AN ARR QUARANTIÈME GENRE. LES RHOMBES. Le corps irès-comprimé et assez court ; chaque côté de l'anima? représentant une sorte de rhombe; des aiguillons ‘ou rayons non articulés aux nageoires du dos ou de l'anus. ESPÈCE, CARACTÈRES. Le corps dénué d’écailles facilement LE RHOMBE ALÉPIDOTE. visibles ; les nageoires du dos et de l'anus en forme de faux. *. À la membrane des branchies. ., . . . . . . . . . . . . 2 rayons. 4 la nageotre du dos: ne SE DR ON NT A AMETNe: SEA et 190 a chacune des pectorales.: 4. 44e JEU O7 04 acelle de L'annsx - 2: . 1 sn ER à celle de la queue, qui est très-fourchne, . . « . . «< . . 18 DU RHOMBÉ ALÉPIDOTE. 555 — RAARAAAAAAA AAA RAA VE AA EU AAA AAA AA AAA AE ME LE RHOMBE ALÉPIDOTE. Cx poisson, que le docieur Garden avoit envoyé de la Caroline à Linné, et que l’illustre naturaliste de Suède a fait connoître aux amis des sciences, a été inscrit jusqu’à présent dans le genre des chétodons : mais, indépendamment de plusieurs autres traits qui le séparent de ces derniers osseux, l'absence de nageoires infé- rieures placées au - devant de l'anus, non - seulement l’écarte du genre desichétodons , mais oblige à ne pas le placer dans le même ordre que ces thoracins , et à le comprendre dans celui des apodes dont nous nous occupons. Nous l’y avons mis à la suite des stro- matées, avec lesquels la très-grande compression, la hauteur et la briéveté de l’ensemble formé par son corps et par sa queue, lui donnent beaucoup de rapports. Il en diffère cependant par plusieurs caractères , et notamment par la figure rhomboïdale des faces latérales, qui sont ovales dans les stromatées , et par la na- ture de plusieurs rayons de la nageoiïre du dos ou de celle de l'anus, dans lesquels on ne remarque aucune articulation, et qui sont de véritables aiguillons. La peau de l'alépidote ne présente d’ailleurs aucune écaille facilement visible ; et cette sorte de nudité qui lui a fait attribuer le nom de nud, ainsi que celui que j'ai cru devoir lui conserver , empèécheroit seule de le confondre avec les stromatées, et lui donne une nouvelle ressemblance avec les cécilies, les gymnotes, les murènes, et plusieurs autres apodes de la première division des osseux. Ses mâchoires ne présentent qu’un seul rang de dents ; on voit sur chaque côté de l'animal deux lignes latérales, dont la supé- rieure suit le contour du dos, et dont l’inférieure est droite, et paroît indiquer les intervalles des muscles. Les nageoires du dos et de l’anus sont placées au - dessus l’une de l’autre, et offrent la forme d’une faux ; celle de la queue est fourchue *. RS 1 6 rayons à la membrane branchiale. 3 aiguillous et 48 rayons articulés à la nageoire dorsale. 24 rayons à chaque nageoire pectorale. 3 aiguillons et 44 rayons articulés à la nagcoire de l’anus, 23 rayons à la nageoire de la queue. 556 HISTOIRE NATURELLE Le rhombe alépidote est bleuätre dans sa partie supérieure. Nous ignorons si on le trouve dans quelque autre contrée que la Caroline. RE "| ENCRES EUR RER ET DIX-HUITIÈME ORDRE DE LA CLASSE ENTIÈRE DES POISSONS, OU PREMIER ORDRE DE LA PREMIÈRE DIVISION DES OSSEUX. Poissons jugulaires, ou qui ont des nageotres situées sous la gorge. QUARANTE-UNIÈME GENRE. LES MURÉNOIDES. Un seul rayon à chacune des nageoires jugulaires ; trois rayons à la membrane des branchies ; le corps allongé, comprimé et en forme de lame. ESPÈCE. CARACTÈRE. LE MURÉNOÏDE SUJEF, Les màchoires également avancées. DU MURÉNOIDE SUJEF. 557 AAA AA AA AAA AAA AA VAT QU AAA AMAR AR LU LAS AR VE LU LA LU LR VA 49 LE MURÉNOIDE SUJEF. Cx poisson a été inscrit parmi les blennies : maïs il nous a paru en ètre séparé par de grandes différences. De plus , ses caractères ne permettent de le placer dans aucun autre genre des jugulaires. Nous nous sommes donc vus obligés de le comprendre dans un genre particulier ; et comme les deux nageoires qu'il a sous la gorge sont ires-petites, composées d’un seul rayon , et quelquefois difficiles à apercevoir, nous l’avons mis à la tête des jugulaires, qu’il lie avec les apodes par cette forme de nageoires inférieures. Il a d’ailleurs des rapports très-nombreux avec les murènes et les trichiures. Son corps est allongé, aplati latéralement, et fait en forme de lame d'épée, ainsi que celui des trichiures ; et les écailles qui le revêtent sont aussi difficiles à distinguer que celles des murènes et particulièrement de languille. Un double rang de dents garnit les deux mâchoires. La tête présente quelquefois de petits tubercules : le dessus de cette partie est triangulaire et un peu convexe. Trois rayous soutiennent seuls la membrane des branchies. L'ouverture de l'anus est située à peu près vers le milieu de la longueur du corps. La couleur de l’animal est d’un gris cendré qui s’éclaircit et se change en blanchâtre sur la tête et sur le ventre. Ce murénoïde est ordinairement long de deux décimètres, et nous lui avons donné le nom de sujef, afin de consacrer la reconnoissance que l'on doit au savant qui l’a fait connoître. FIN DU TOME PREMIER DES POISSONS 5 ÿ rs #3 we res | Las 19 *g: j* ‘ AE, he Ÿ dép 25: " A 2 08. LU ê tai d D 45 2% PT k, kr PRO NTU see To D D AU RE RE de rue 1a74 4 Lee aol ri 4 d. Le it. « JL â IN À Hoi y Ÿ 4 NT 2 Jun st 4 Li # mn Pr à ux BL VE e AVOL CRE UP ti RPG TE #1 AMOR 4 HI a fi «où x > ‘ Ÿ. ‘* FIN Hu Lee ss à HE: 1 k % PAPA AAA AAA AA AAA A AAA AAA AA AAA AAA MA A ÈE TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. D 1SCOURS sur la nature des Pois- sons. pag. 1 Nomenclature et Table métho- dique des Poissons. Le Pétromyzon lamproie. lamproyon. planer. rouge. sucet. La Raie bats. JTE oxyrinque. miralet. chardon. ronce. chagrinée. torpille. aigle. pastenäque. limme. tuberculée. églantier. sephen. bouclée. thouin. bohkat. cuvier. rhinobate. mobular. schoukie. chinoise. gronovienne. manatia. fabronienne, banksienne. Lacepède. 2 85 89 IOI 102 10 cb. 109 150 1352 133 ib. 134 155 147 152 124 156 197 159 162 165 168 ib. 170 173 176 ib. 177 178 180 185 Le Squale LTELTTI TEE Supplément à l’article du Squale renard, requin. très-grand. pointillé. glauque. long-nez. philipp. perlon. roussette. rochier. milandre. émissole. barbillonr. barbu. tigré. | œillé. isabelle. marteau pantouflier. renard. : Le Squale griset. | L’Aodon massa et l’Aodon kumal. aiguillat. sagre. humantin. hche. gronovien. dentelé. bouclé. écailleux. scie. ange. cornu. 36 pag. 187 210 212 213 215 Bb 216 227 223 225 227 228 229 231 252 cb. 233 235 258 239 24€ 242 244 8. 245 246 ib. 247 248 cb. 252 254 255 M | 560 TABLE. La Lophie baudroie. pag. 257 L'Ostraciontrois-aiguillons, deux- vespertilion. 263 aiguillons, et le trigone. pag. 34% faujas. 265 quatre-aiguillous , et le histrion. 266 Lister. 343 chironecte. 268 quadrangulaire, et le commerson. 269 dromadaire. 544 ferguson. 27: Le Tétrodon perroquet. 348 Le Baliste vicille. 276 qe Moi. 283 pointillé. 355 sans taclie. ib. D. — charge! 4 hérissé. 354 oc. double-aiguillon. A0 NN ee te 35B ——— chinois. ; UN. CRU honckénien. 356 ——— velu ,etle Baliste ma- ——— lagocéphale. 357 melonné. | iB. rayé, le Tétrodon crois- tacheté. 288 sant, le ‘Tétrodon mal-armé, praslin. 289 etle Tétrodon spenglérien. 358 klenien. 7 allongé , et le Tétrodon MO TR ASS OTAERe 291 museau-allongé. 361 a épineux. cb. plumier. 362 ———— sillonné. 292 —— méléagris. ib. ma RC DTISQUE. 207 en électrique. 363 ———— queue-fourchue. | 294 grosse-tête. 364. bourse , £t le Balhste lune: ib. américain. D. T’Ovoïide fascé. 371 verdâtre. 206 Le Gastrobranche aveugle. 372 D | cendré. 299 dombey. 375 1 POS) 900 Le Diodon antiga. 377 - — herissé. JOI plumier. 58t La Chimère arctique. 305 . holocanthe. 38> antartique. 908 __ tacheté. 583 Le Polyodon feuille. 309 vrbe. 584 L’Acipensère esturgeon. 513 mole. 386 huso. 319 Le Sphéroïde tuberculé. 387 — sirelet. 326 Le Syngnathe trompette. 389 étoilé. 328 tuyau: 596 L'Ostracion triangulaire. 331 hyppocampe ,etleSyn- maïillé. 557 gnathe deux-piquans. 398 pointillé. cb. barbe , et le Syngnathe quatre-tubercules. 338 ophidiou. 407 museau-allongé. i5. Le Cycloptère lompe. 403 lu moucheté, 340 épineux. 407 Loic. Br —— double-épine. 408 | Lagl771 "a à) | TABLE. sé: Le Cycloptère gélatineux , leCy- Le Trichiure électrique. pag. 485 cloptère denté , et le ventru.p. 408 Le Notoptère kapirat. 486 bimaculé. 411 écailleux. 4387 spatule. ib. L’Ophisure ophis. 489 liparis, et le Cycloptère serpent. 490 rayé. 412 Le Triure bougainvillien. 49x Le Lépadogastère gouan. 413 L’Aptéronote passan. 495 Le Macrorhinque argenté. 415 Le Régalec glesne. 498 Le Pégase dragon. 416 lancéolé. 500 volant. 418 L’Odontognathe aiguillonné. 5or spatule. 420 La Murène anguille. 5e4 Le Centrisque cuirsssé. 42x tachetée , et la Murëne sumpit. 424 myre. 516 bécasse. 425 congre. 527 POISSONS OSSEUX. 426 n TRONYIeApher 550 La Cécilie brandérienne. Le Monoptère javanais. 451 432 Le Leptoeéphale morisien. 434 Le gymnote électrique 437 putaol. 453 blanc. 454 carape,leGymnote fier- asfer, et le Gymnote long-mu- seau. cb. Discours sur la durée des es- pèces. 457 Le Trichiure lepture. 482 FIN DE LA L’Ophidie barbu, lOphidie im- berbe , et l'Ophidie urernak. 533 Le Macrognathe aiguillonné. 5335 armé. 356 Le Xiphias espadon. 538 épée. 542 L'Anarhique loup. 544 karrak , et l’Anarhique panthérin. 549 Le Coméphore baïkal. Box Le Stromatée fiatole. 552 paru. 553 Le Rhomhe alépidate. 555 Le Murénoide sujef, 573 TABLE. " LA Er! + _, ” cphsoh. = “ 4 C > DE 1 sh É «1 TE } rs |A & ne x ie M IBRARIES (LUS