Lpiéi&-noo'i NA TURELLE , GÉNÉRALE ET PARTICULIERE* Par M. le COMTE de BUFFON* Inten¬ dant DU JARDIN DU ROI , DE L’ACADÉ- mie Françoise et de celle des Scien¬ ces , &c„ O if eaux , Terne III. Chez SANSON & Compagnie. M. DCC. LXXXV. I ' • - ’w . ' ' • t HISTOIRE NATURELLE DES OISEAUX. * L’ O U T A R D E [«]. Voye^ Planche /. de ce Volume . TT A première chofe que l’on doit fe propo- JLifer , lorfqu’on entreprend d’éclaircir l’hif- toire d’un animal , c’eft de faire une critique févere de fa nomenclature 5 de démêler exac¬ tement les différens noms qui lui ont été donnés dans toutes les langues & dans tous * Voyelles planches enluminées , nc. 445, le male. (a) Outarde ; En Grec , O’r/f ; en Latin , Avis tarda $ en Italien, Starda ; en Allemand, Trapp ; en Polonois 3 Drop ; en Anglois , Bujlard. --- Tarda. Frifçh , planche OYi , ayeç une bonne figure enluminés. — - Outarde, a3 6 Hljiolre naturelle. les temps ? & de diftinguer > autant qui! efl poflible , les efpèces différentes auxquelles les mêmes noms ont été appliqués ; c’eft le feul moyen de tirer parti des connoiffanees des anciens * & de les lier utilement aux dé¬ couvertes des modernes , & par conféquent le feul moyen de faire de véritables progrès en Hiftoire naturelle : en effet * comment , je ne dis pas un feul homme * mais une généra¬ tion entrera * mais plufieurs générations de fuite ^ pourroient - elles faire complètement î’hiftoire d’un feul animal l prefque tous les animaux craignent l’homme & le fuient : le caractère de fupériotité que la main du Très- Haut a gravé fur fon front * leur infpire plus de frayeur que de refpeét ; ils. ne foutien- nent point fes regards * ils fe défient de fes embûches , ils redoutent fes armes ; ceux même qui pourroient fe défendre par la force ou réfifter par leur maffe , fe retirent dans des dé.ferts que nous ne daignons; pas leur difpu- ter * ou fe retranchent dans des forêts impé¬ nétrables t les petits.* sûrs de nous échapper {>ar leur petiteffe * & rendus plus hardis par eur foibleffe même , vivent chez nous mal¬ gré nous * fe nourriffent à nos dépens , quel¬ quefois même de notre propre fubftance , fans Edwards, planche lxxiiî-, le mâle; ck planche Lxxivy la femelle , avec de bonnes figures enluminées. — Of- tarde * Houtarde , Bifcarde. Selon , Hiji. nat . des Oif. pa. 2.3 y, & portraits d'oifeaux , pag% ç-6 , 0.- -Otarde. Mém* pour fervir à V Hiftoire des animaux y part, //, pige ?$;■<>. L’outarde. Brifion, Ornithol, toma Y 3 pag. iS, dé £ Outarde* nous être mieux connus ; & parmi le grand nombre de claffes intermédiaires , renfermées entre ces deux claffes extrêmes , les uns le creufent des retraites fouterraines ,• les au¬ tres s’enfoncent dans la profondeur des eaux , d’autres fe perdent dans le vague des airs , & tous difparoiffent devant le tyran de la nature : comment donc pourrions-nous dans un court efpace de temps, voir tous les ani¬ maux dans toutes les fituations où il faut les avoir vus pour connoître à fond leur natu^ rel , leurs mœurs, leur inftinâ, en un mot, les principaux faits de leur hiftoire ? On a beau raffembler à grands frais des fuites nom- breufes de ces animaux , conferver avec foin leur dépouille extérieure , y joindre leurs fquelettes artiftement montés , donner à cha¬ que individu fon attitude propre &i fon air naturel , tout cela ne repréfente que la na¬ ture morte , inanimée , fuperficielie j & fi quelque Souverain avoit conçu l’idée vrai¬ ment grande de concourir à l’avancement de cette belle partie de la lcience , en formant cîe vaftes ménageries ,& réuniffanr fous les veux des obfervateurs un grand nombre a eipeces vivantes , on y prendront encore des idées imparfaites de la nature : la plupart des animaux intimidés par la préfence de l’homme , importunés par fes obfervations , tourmentés d’ailleurs par l’inquiétude infé- parable de la captivité , ne montreraient que des mœurs altérées, contraintes & peu di¬ gnes des regards d’un philofophe , pour qui ui nature libre, indépendante , & fi l’on veut fauvage , eft la feule belle nature. S Hijhîre naturelle Il faut donc , pour connoître les animaux avec quelque exactitude , les obferver dans l’état de fauvage , les fuivre jufque dans les retraites qu’ils fe font choifies eux -mêmes 9 jufque dans ces antres profonds, & fur ces rochers efcarpés où ils vivent en pleine li¬ berté ; il faut même , en les étudiant , faire en forte de n’en être point apperçus : car ici l’œil de l’obfervateur , s’il n’eft en quelque façon invifibié , agit fur le fujet obfervé , & Paltere réellement. Mais comme il eft fort peu d’animaux , furtout parmi ceux qui font ailés , qu’il foit facile d’étudier ainfi , & que les occalions de les voir agir d’après leur naturel véritable , & montrer leurs mœurs franches & pures de toute contrainte , ne fe préfentent que de loin en loin , il s’enfuit qu’il faut des fiècles & beaucoup de ha fards heureux pour amaffer tous les faits nécef- faires , une grande attention pour rapporter chaque ohfervation à fon véritable objet, & conféquemment pour éviter la confufion des noms qui de toute néceffité entraîneroit celle des chofes : fans ces précautions, l’ignorance la plus abfolue feroit préférable à une pré¬ tendue fcience , qui ne feroit au fond qu’un tiffu d’incertitudes & d’erreurs ; l’outarde nous en offre un exemple frappant. Les Grecs lui avoient donné le nom d ’otis ; Ariftote en parle en trois endroits fous ce nom (£) , & tout ce qu’il en dit convient exaâement à notre ou» (h) Hifloria Anima II uni , îib. Il, cap, XTII j lib» VI, cap, yi j &. iib, IX , cap, xxxiii. de t Outarde . y tarde ; mais les Latins , trompés apparem¬ ment par la reffemblance des mots , Font confondue avec Votas qui eft un oifeau de nuit. Pline ayant dit avec raiion que l’oifeau appellé ods par les Grecs , fe nommoit avis tarda en Efpagne , ce qui convient à l’outarde , ajoute que la chair en eft mauvaife ( c ) , ce qui convient à Votas , félon Arift ote & la vérité , mais nullement à l’outarde ; & cette méprife eft d’autant plus facile à luppofer que Pline , dans le chapitre fuivant , confond évi¬ demment Vous avec Votas [a) , c’eft - à- dire , l’outarde avec le hibou. Alexandre Myndien , dans Athénée ( e ) , tombe auffi dans la même erreur , en attri¬ buant à Votus ou à Vous , qu’il prend pour un feul & même oifeau , d’avoir les pieds de lièvre , c’eft-à-dire velus , ce qui eft vrai de Votus , hibou qui, comme la plupart des oi- feaux de nuit, a les jambes & les pieds ve¬ lus , ou plutôt couverts jufque fur les ongles de plumes eiElées, & non de Vous qui eft notre outarde , & qui a non - feulement le pied, mais encore la partie inférieure de la jambe immédiatement au-deiTus du tarfe fans plumes. Sigifmond Galenius ayant trouvé dans (c) Hifi. nat . lib. X , cap. xxîi. (d) Ods buhone minor eft , nocluis major ; auribus ptu* mets cminentibus undz nomcn WX% Hifi . nat . lib, X> cap* XXIII. (g) Hifi. nat , lib . IX» 10 Hijloirc naturelle Héfychius le nom de , dont Fappîîcs* * tien n’étoit point déterminée , l’appropria de fon bon platfir à l’outarde (/) ; & depuis Mrs* Moehring & Briffon l’ont appliqué au d-ronte 9 fans rendre compte des raifons qui les y ont engagés. Les Juifs modernes ont détourné arbitrai* rement l’ancienne acception du mot hébreu anapha , qui fignifioit une efpèce de milan , & par lequel ils dé lignent aujourd’hui l'ou¬ tarde (g). M. Briffon, après avoir donné le motOVfc comme le nom grec de l’outarde félon Se¬ lon, donne enfuite le mot O W* pour fon nom grec félon Aldrovande (h) y ne prenant pas garde que O’t/J* eft l’accufatif de O'rk , & par conféquent un feul & même nom y c’eft comme s’il eût dit que les uns l’appellent tarda , & les autres tardant. Schwenckfeld prétend que le tetrix dont parle Ariftote (i), & qui étoit Yourax des Athéniens , eft suffi notre outarde (k) : ce¬ pendant le peu que dit Ariftote du tetrix , ne convient point à l’outarde ; le tetrix niche parmi les plantes baffes , & l’outarde parmi les blés, les orges, &c. que probablement Ariftote n’a point voulu défigner par l’ex- ( f ) In Le xi co Jymphono . (g) Paul Fag-ius , apud Gefherum , de Àvibus , p. 4 ÇA) QrnitK. tom. Vt pag. iS. (*) Hifi . Animât , lib. Vî , cap. I* (k) Aviarium Sikfi&} pag. £££* de d Outarde. 1 1 preïïîon générique de plantes baffes ; en fé¬ cond lieu, voici comment s’explique ce grand philofophe : » Les oifeaux qui volent peu , » comme les perdrix & les cailles , ne font » point de nids , mais pondent à terre fur » de petits tas de feuilles qu’elles ont amon- » celées; l’alouette & le tetrix font aulft de » même ». Pour peu qu’on faffe d’attention à ce paffage ^ on voit qu’il eft d’abord quef- tion des oifeaux pefans & qui volent peu , qu’Ariftote parle enfuite de. l’alouette & du tetrix qui nichent à terre comme ces oifeaux qui volent peu , quoique apparemment ils fbient moins pefans , puifque l’alouette eil du nombre ;& que fi Aridote eût voulu parler de notre outarde fous le nom de tetrix , il l’eût rangée fans doute , comme oile.au pelant ,, avec les perdrix & les cailles , & non avec les alouettes qui , par leur vol élevé , ont mérité , félon Sehwenckfeld lui « même y le nom de celipètes (ï). Longolius [m] & Gefner [n] penfent l’un & l’autre que le tetrax du poète Nemefianus , n’éft autre choie que l’outarde ; & il faut avouer qu’il en a à-peu-près la groffeur [o] & le plumage [p] : mais ces rapports ne font (/) Avîarium Si te fia , pag. lÿt . ( m ) Dialog . de Avibus. {«) De Avibus, lib. 111 , pag (o) Tarpeix efit quJÎ’os arcis- non cor pore major. Per fini lis cincri dorfium [ collunv forte ] maculât Jaque ter g a Inficiunt p:Ul& cacao amis ( perdids } imaglns- l % Hijloire naturelle pas fuffifans pour emporter l’identité de ref- pèce , & d’autant moins fuffifans , qu’en com= parant ce que dit Nemefianus de fon tetrax 9 avec ce que nous favons de notre outarde 5 f y trouve deux différences marquées : la pre¬ mière , c’eft que le tetrax paroît familier par fhipidité 5 & qu’il va fe précipiter dans les pièges qu’il a vus qu’on dreiioit contre lui [?]> au lieu que l’outarde ne foutient pas l’afpect de l’homme , & qu’elle s’enfuit fort vite , du plus loin qu’elle l’apperçoit [r] ; en fécond lieu, le tetrax faifoit fon nid au pied du mont Apennin ; au lieu qu’Aldrovande 9 qui étoit Italien , nous affure pofitivement qu’on ne voit d’outardes en Italie que celles qui y ont été apportées par quelque coup de vent [s] : il eii vrai que Willulghby foup- çcnne qu’elles ne font point rares dans ces contrées , & cela fur ce qu’en paffant par Modène , il en vit une au marché ; mais il me femble que cette outarde unique apper- çue au marché d’une ville comme Modène , s’accorde encore mieux avec le dire d’Al- drovande , qu’avec la conje&ure de W il* lulhgby. (9) Cum pedicas mcîi fibi eontcmplaverit adfians s Immemor ipfe fui tamen in dijpendia currit. (r) Neque hominem ad fe appropinquantem fufiincnt $ fed cum cum longinquo cernunt , fiatim fugam capcjfunt » Willulghby , Omith. pag. izy (s) Italia noftra has aves ni fi forte ventontm turbine fidyeHas non habet. Aldrov* Omith . tomw IIt pag. çz* de /’ Outarde. ij M. Perrault impute à Ariftote d’avoir avancé que Yotis en Scythie f t) ne couve point les œufs comme les autres oifeaux , mais qu’elle les enveloppe dans une peau de lièvre ou de renard, & les cache au pied d’un arbre au haut duquel elle fe perche : cependant Ariftote n’attribue rien de tout cela à l’outarde , mais à un certain oifeau de Scythie , probablement un oifeau de proie 9 puifqu’il favoit écorcher les lièvres & les re¬ nards , & qui feulement étoit de la groffeur d’une outarde , ainfi que Pline [ u ] & Gaza le traduifent [*] ; d’ailleurs , pour peu qu’Arifto- te connût l’outarde , il ne pouvoit ignorer qu’elle ne fe perche . point. Le nom compofé de trapp - ganfc , que les Allemands ont appliqué à cet oifeau , a donné lieu à d’autres erreurs : trappen fignifie mar¬ cher , & l’ufage a attaché à fes dérivés une idée acceffoire de lenteur , de même qu’au gradatim des Latins , & à Yandante des Italiens ; & en cela le mot trapp peut très ni en être appliqué à l’outarde, qui, lorfqu’elle n’eft point pourfuivie , marche lentement & pefamment ; il lui conviendroit encore , quand cette idée acceffoire de lenteur n’y feroit point atta¬ chée , parce qu’en caraclérifant un oifeau par l’habitude de marcher , c’eft dire affez qu’il vole peu. (t) Mémoires pour fervir à l’Hiftoire des Animaux * partie II , pag. 104. (u) Nat . Kifi . lib, X , cap . XXXIII, f*) Hifi, Animaüum f lib, IX, cap, X&XHfg] £ 4 Bljlolre naturelle A l’égard du mot ganj\^ il eft füfceptiblê d’équivoque : ici il doit peut-être s’écrire comme je l’ai écrit , avec un Z final, & de cette maniéré il lignifie beaucoup 5 & annonce un fuperlatif, au lieu que lorfqu’on l’écrit par un S , gans 3 il fignifie une oie : quelques auteurs Payant pris dans ce dernier fens > l’ont traduit en latin par anfer trappus ; & cette erreur de nom influant fur la chofe , on n’a pas manqué de dire que l’outarde étoit un oifeau aquatique qui fe plaifoit dans les ma* récages (y) ; 6c Âldrovande lui - même qui avoit été averti de cette équivoque de noms par un médecin Holiandois, & qui penchoit à prendre le mot ganfc dans le même fens que moi (p) 5 fait cependant dire à Belon, en le traduiiant en latin , que l’outarde aime les marécages [a] , quoique Belon dife précifê- inent le contraire [£]; & cette erreur en produifant une autre , on a donné le nom c V outarde à un oifeau véritablement aquati¬ que, à une efpèce d’oie noire & blanche que l’on trouve en Canada ck dans plufieurs en» (y) Sylvaticus , apud Gcfnerum , pag, 488, ({) Ornitk. tom . II 9 pag. (æ) Ibidem , pag. 92. (b) » La nature de Foftarde efl: de vivre par les ipa» fcieufes campagnes, comme l’autruche, fuyant l’eau fuf toutes chofes . . • . Ne hanter les eaux , n’étoit de celle qui refte entre les feiiîons , après avoir plu , ou bien qu’elle hantât les marres pour en boire Belon , Nê* turc dès Q if eaux , lib. Vi cap. ui9 de t Outarde, l ç droits de TAmérique feptentrionale [c] ; c’eft fans doute par une fuite de cette méprife qu’on envoya d’Ecoffe à Gefner la figure d’un oifeau palmipède , fous le nom de guf- tarde [d] , qui eft le nom que l’on donne dans ce pays à l’outarde véritable , & que Gefner fait dériver de tarde lent , tardif, & de guff & gooff qui , en Hollandois & en Anglois , fignifie une oie [e], Voilà donc l’outarde, qui eft un oifeau tout-à-fait terreftre , traveftie en un oifeau aquatique avec lequel elle n’a cependant prefque rien de commun; & cette bizarre métamorphofe a été produite évi¬ demment par une équivoque de mots : ceux qui ont voulu juftifier ou excufer le nom d’anfer trappus ou trapp-gans s ont été réduits à dire , les uns que les outardes voloientpar troupes comme les oies [/] , les autres qu’elles étoient de la même groffenr [g] ^ comme fila groffeur, ou l’habitude de voler par troupes , pouvoient feules cara&érifer une efpèce: à ce compte, les vautours & les coqs de bruyere pourroient être rangés avec —il' n— ■■ ■ ■ iii—im ■ i m UOT— a— m ran i— ■ c— wms— O— s— — ■ — * (c) Voy&\ Hiftoire 6c Defcription de la nouvelle Fran¬ ce , par le P. Cha-levoix , tom. III , pag. 156. — Voya¬ ge du Capitaine Robert Lade , tom. II , pag. 202. — Voyage du P. Théodat , pag. 300. — Lettres édifiantes , XI e\ Recueil, pag. 310 ; & XXUIe. Recueil , page 238, Src. ( d ) Gefner, de Avibus, pag. 164 ( e ) Ibidem y pag. 142, {/) Longolius, apud Gefnwim pag. 4 85; (f) Frifch, planche cvi9 1 6 Hijîoire naturelle l’oie. Mais c’eft trop infifter fur une an fur* dite; je me hâte de terminer cette lifte d’er¬ reurs & cette critique peut-être un peu lon¬ gue , mais que j’ai cru nécelfaire. Belon a prétendu que le tetrao alter de Pline [A] étoit l’outarde [i] ; mais c’eft fans fondement , puifque Pline parle au même endroit de Y avis tarda : il eft vrai que Belon défendant fon erreur par une autre , avance que Y avis tarda des Efpagnols & Y où s des Grecs défignent le duc : mais il faudroit prou¬ ver auparavant, i°* que l’outarde fe tient far les hautes montagnes, comme Pline l’affure du tetrao alter [ gignunt eos Alpes ] [A] , ce qui eft contraire à ce qui a été dit de cet oifeau par tous les Naturaliftes , excepté M. Bar- rere [/] ; 2°* que le duc, & non l’outarde , a été en effet connu en Efpagne fous le nom d 'avis tarda , & en Grec fous celui d ’otis ;af- fertion infoutenahle & combattue par le té¬ moignage de prefque tous les écrivains. Ce qui peut avoir trompé Belon , c’eft que Pline donne fon fécond tetrao comme un des plus gros oifeaux après l’autruche ; ce qui , fui- vant Belon , ne peut convenir qu’à l’outar* (A) Nat. hift. lib. X , cap. xxi i. (/) Hiftoire naturelle des Oifeaux , lib. V, cap. iiï, (A) Plin. Nat. hift. lib. X , cap. xxii. (/) Nota . M. Ba-rrere reconnoît deux outardes d’Eit* £ope , mais il eft le feu! qui les donne pour des oifeaux des Pyrénées ; & l’on fait que cet auteur , né en Rouf- ftllon , rapportoit aux montagnes des Pyrénées tous les îuiimaux des provinces adjacentes» de ? Outarde. \ ty de r mais nous verrons dans la fuite que le grand tétras ou coq de bruyere fürpaffe quelquefois l’outarde en groffeur ; & fi Pline ajoute que la chair de cette avis tarda eft un mauvais manger ce qui convient beaucoup mieux à Votus hibou ou moyen duc , qu’a Votis outarde, Selon auroit pu foupçonner que ce Naturalifte confond ici Votis avec l’o- tus , comme je l’ai remarqué plus haut, & qu’il attribue à une feule efpèce les proprié¬ tés de deux efpèces très différentes , défi- gnées dans fes recueils par des noms prefque femblables ; mais il n’auroit pas dû conclure que Y avis tarda eft en effet un duc. Le meme Selon penchoir à croire que fort czdicnemus étoit un ojlardeau [//*] ; & en effet , cet oifeau n’a que trois doigts , & tous an¬ térieurs comme l’outarde ; mais il a le bec très différent , le tarfe plus gros , le cou plus court, & il paroît avoir plus de rapport avec le pluvier qu’avec l’outarde : c’eft ce que nous examinerons de plus près dans la fuite. Enfin il faut être averti que quelques au¬ teurs trompés apparemment par la reffem- blance des mots , ont confondu le nom de Jlarda qui , en Italien fignifie une outarde, avec le nom de (lama qui dans la même lan¬ gue fignifie perdrix (/zj. Il réfuite de toutes ces difcuffions que (m) HiÆoire naturelle des Oifeaux, 1Tb. V, cap', v. (n) Parus Aponens P atavinus feu ccnciliator apud AÙrovinà , Ornith . lib , XIII , cap% xn, < B 2 8 Btfîoîn naturdu Vais des Grecs & non Votus ? eft norre oir- tarde ; que le nom de P’atpsf lui a été appliqué au hafard, comme il l’a été enduite au dron- te ; que celui à’anavha que lui donnent les: Juifs modernes r appartenoit autrefois au mi¬ lan ; que c’efilVw tarda de Pline ? ou plutôt des Espagnols au temps de Pline: , ainfi ap¬ pelle e. à caufe de fa lenteur ^ & non r comme* le veut Nyphus ^ parce, qu’elle n’auroit été connue à Rome que fort tard ; qu’elle n’effc ni le tetrix d’Ariftote ? ni le tetrax du poëte Nemejïanus y ni cet oifeau de Scythie dont parle Ariftote dans fo n Hijloire des Animaux [o]*. ni le tetrao altzr de Pline , ni un oifeau aqua¬ tique ; & enfin que c’eil la Jîarda & non la fidrm des Italiens [p ]* , wn I I lin — » mmmrrn MBmMI III 1 TT *T1 t (d) Liba îX , cap. XXXIII, (?) Voici tous les noms fous le (quels lès difiérens ai?- ieurs en ont parlé*. Ods , Tarda , Bifiardà. Gefn. de Avibus rpag. 4^4^ je 6 ; & Icoriy, Avinm , pag. oy. Oiïs pve Tarda . Jonfion , de Avlbtis > pag. 42. Otis feu Tarda avis, Àidrovande , Ornitholcg. tom* II , pag, $5. Otis > Tarda , Eifiarda , Charîèî , Exercit, pag. §2 a5. & Otis Græds ; Tarda > Ifidoro ; Bifiarda , Alberto 3. Itzaczynski , Hifi. net. Polonia , pag. 2.8 gans » Schvenckfeld. En Suédois, Trapp . En Polonois, Drop , Trop. Rzaczynskù En Illyrien , Drofa. Gefn. En Anglois, Eifiarâ \ Gefn. — Euflarà. ’Wiüulghby, Charleton, Albin. En Ecoffoss Gujiardt* He&er > Boeth., GuftarÀ » ÀkkoYa 23 de Z9 Outarde. U eft temps de nous occuper de la chofe. Gefner seft félicité d'avoir fait le premier la remarque que l’outarde pouvoir fe rap¬ porter au genre des gallinacés (q) , & il efl: vrai qu’elle en a le bec & la pefanteur ; mais elle en diffère par fa groffeur , par les pieds à trois doigts , par la forme de la queue , par la nudité du bas de la jambe , par la grande ouverture des oreilles , par les bar¬ bes de plumes qui lui tombent fons le men¬ ton, au lieu de ces membranes charnues qu’ont les gallinacés ; fans parler des diffé¬ rences intérieures* Aldrovande n’eff pas plus heureux dans fes conieélures , lorfqu’il prend pour une outarde cette aigle frugivore , dont parle Elien (r) , à caufe de fa grandeur (s) , comme fi le ieuî attribut de la grandeur luffifoit pour faire naître l’idée d’un aigle ; il me pa¬ roi t bien plus v r ailé mb labié qu’Elien vou- loit parler du grand vautour , qui eif un oi- feau de proie comme l’aigle * & même plus puiffant que l’aigle commun , & qui devient frugivore dans les cas de néceiîité : j’ai ou- (q) Oiianquam gallinaceorum gênai o tld cm adfcriben- dam nemo adhuc monuerit , mihi tamen recte ad id referri videtur . Gefn. de Avibus , pag. 4S4. (r) Lib. IX , de nat. Animal, cap. x. C et aigle , fe- îon Elien , s’sppelloit aigle de Jupiter , êc éfoit encore plus frugivore que l’outarde , qui mange des vers de terre ; au Heu que V aigle dont il s’agit, ne mange at%- cun animal. (*) Ornithologie , tora. II, pag. 22 Hïjîotre nature lie vert un de ces oi féaux qui avoir été démon¬ té par un coup de fufil, & qui avoir paffé plusieurs jours dans des champs femés de blé ; je ne lui trouvai dans les inteftins qu’une bouillie verte , qui étoit évidemment de l’her¬ be à demi-digérée. On retrouveroitbien plutôt les caraéleres de l’outarde dans le tetrax d’ Athénée 9 plus grand que les plus gros coqs ( & l’on fait qu’il y en a de très gros en Aûe ) , n’ayant que trois doigts aux pieds , des barbes qui lui tombent de chaque côté du bec 7 le plumage émaillé ? la voix grave , & dont la chair a le goût de celle de l’autruche' avec qui l’ou¬ tarde a tant d’autres rapports (t) ;; mais ce tetrax ne peut être routarde r puifque c’eft un oifeau dont , félon Athénée , il n’eft fait au¬ cune mention dans les livres d’Ariftote ; au lieu que ce philofophe parle de l’outarde en plufieurs endroits. On pourroit encore foupçonner avec M. Perrauk (u) , que ces perdrix des Indes dont parle Strabon , qui ne font pas moins groffes que des oies , font des efpèces d’outardes: le mâle diffère de la femelle par les couleurs du plumage qu’il a autrement diftribuées , & plus vives; par ces barbes de plumes qui lui (t) Gefner , de Avibus , pag. 487. Otis avis fidipes cfi 9 tribus infifiens digltis , magnitudine gallinacù majoris , capite colon go , oculis amplis , rofiro acuto , tingaâ ojfeâ^ graciii co llo • (u) Mémoire? pour fervir a l’Hifioîre des animaux , part* II 3 pag» 102, de C Outarde. 23 tombent des deux côtés fur le cou r dont if eft furprenant que M. Perrault n’ait point parlé y & dont mal-à-propos Albin a orné la ligure de la femelle ; par fa grofîeur prefque double de celle de la femelle , ce qui eft une des plus grandes difproportions qui ait été obfervée en aucune autre efpèce , de la taille de la femelle à celle du mâle (a;). Belon(y), & quelques autres qui ne con- noiffoient ni le cafoar , ni le touyou , ni le dronte y ni peut-être le griffon ou grand vau¬ tour regardaient l’outarde comme un oifeait de la fécondé grandeur, & le plus gros après l’autruche r cependant le pélican , qui ne leu* étoit pas inconnu , eft beaucoup plus grand * félon 1VL Perrault ; mais il peut fe faire que Belon air vi| une groffe outarde &c un petit pélican , & dans ce cas tout fon tort fera, comme celui de bien d’autres , d’avoir affuré de l’efpèce , ce qui n’étoit vrai que de l’individu. AL Edwards reproche à ’W’illulghby de s’ê¬ tre trompé groflié rement * & d’avoir induit en erreur Albin , qui l’a copié * en difant que l’outarde avoit foixante pouces anglois de longueur * du bout du bec au bout de la queue : en effet* celles que j’ai mefurées n’avoient guere plus de trois pieds, ainfi que- celle de AL Brifîbn; & la plus grande qui ( x ) Edwards , nifi. nat . of BirJs , planche lxxiy» (y) Ibidem , pag. 236. {\) Ibidem , pag, ijp % 4 Hi flaire naturelle. ait été mefurée par M, Edwards, avoit troii pieds & demi dans ce fens , & trois pied^ neuf pouces & demi , du bout du bec au bout des ongles [a] U es Auteurs de la Zoo¬ logie Britannique ia fixent à près de quatre pieds aiiglois , ce qui revient à un peu moins de trois pieds neuf pouces de France [b] : l’étendue du vol varie de plus de moitié en différens fujets ; elle a été trouvée de fept pieds quatre pouces par M. Edwards , de neuf pieds par les Auteurs de la Zoologie Britan¬ nique , & de quatre pieds de France par M. Perrault, qui affure n’avoir jamais obfervé que des mâles , toujours plus gros que les femelles. Le poids de cet oifeau varie auffi confidé- rablement : les uns l’ont trouvé de dix li¬ vres [ c ] , & d’autres de vingt - fept [ d ] , ,& même de trente [e] ; mais outre ces variétés dans le poids & la grandeur, on en a auiîi remarqué dans les proportions : tous les in¬ dividus de cette efpèce ne paroilTent pas avoir été formés fur le même modèle. M. Perrault en a obfervé dont le cote étoit plus long , & d’autres dont le cou étoit plus court proportionnellement aux jambes ; d’autres ... M III II ■ ■ . - - - — 11 " T ■ —9 (a) Edvards , Hifi. nat. cfBirds , planche lxtxiii. (b) On fait que te pied de Paris eft plus long que 68- lui de Londres de près de neuf lignes. (c) Gefner , de Avibus , pag. 488. ( d ) Britifch Zoology , pag. 87.. {e) Rzaczynski > ÂuBuarium t pag. 401» dont regarde comrrtë un réferveir que l’outarde remplit d’eau pour s’en fervir au befoin , lorfqu’elle fe trouve au milieu des plaines vaftes & arides où elle fe tient par préférence : ce fingulier ré fer- voir eft propre au mâle [c] , & je foupçonne qu’il a donné lieu à une méprife d’Ariftote* Ce grand Naturalifte avance que l’œfophage de l’outarde eft large dans toute fa longueur \d] ; cependant les Modernes , & notamment Mrs. de l’Académie , ont obfervé qu’il s’é- largiffoit feulement en s’approchant du mé¬ fier [e]. Ces deux affertions qui paroifient eontradi&oires , peuvent néanmoins fe con¬ cilier 9 en fuppofant qu’Ariftote 5 ou les ob¬ servateurs chargés de recueillir les faits dont il compofoit fon Hiftoire des animaux , ont pris pour l’œfophage cette poche ou réfer- voir qui eft en effet fort ample & fort large dans toute fon étendue. Le véritable œfophage , à l’endroit où il s’épaiflit 9 eft garni de glandes régulièrement arrangées : le géfier qui vient enfuite ^ car il n’y a point de jabot ) * eft long d’environ quatre pouces , large de trois : il a la dureté de celui des poules communes; & cette du¬ reté ne vient point ? comme dans les poules 9 de Pépaiffeur de la partie charnue * qui eft (c) Edwards, nifl. nat . of El rds , planche lxxiiîo (d) Hift . Animal, llb. il , cap . ultimo . fe) Gefner, de Avibus , pag.488. — Aldrov. Omithm îom. II , pag. 92, Animaux de Perrault » partie II » pagt io60 31 r, de i Outarde. fort mince ici, mais de la membrane inter¬ ne, laquelle eft très dure, très épaiffe , & de plus godronnée , plifTée & repliffée en différens fens , ce qui groffit beaucoup le vo¬ lume du géfier. Cette membrane interne paroît n’être point continue , mais feulement contiguë & jointe bout à bout à la membrane interne de Pœfo- hage ; d’ailleurs , celle - ci eft blanche , au ieu que celle du géfier eft d’un jaune do- ré if). _ , . La longueur des intenms eft d’environ quatre pieds, non compris les cæcum :1a tu¬ nique interne de Yiicon eft plifTée félon fà longueur, & elle a quelques rides tranfver- faîes à fon extrémité [g]. Les deux cæcum fortent de Tinteftin à en¬ viron fept pouces de Y anus , fe dirigeant d’arriere en avant. Suivant Gefner, ils font inégaux félon toutes leurs dimenftons , & c’eft le plus étroit qui eft le plus long dans la raifon de fix à cinq [A]. M. Perrault dit feu¬ lement que le droit, qui a un pied plus ou moins, eft ordinairement un peu plus long que le gauche [i]. A un pouce à-peu-près de Y anus 9 l’inteftin fe rétrécit, puis fe dilatant, forme une poche capable de contenir un œuf, & dans laquelle (/) Animaux de Perrault, part, II, pag. 107. (?) Ibidem . (h) Gefner , de Avibus , pa%. 4$ 6. (') Animaux de Perrault, part. II, pag. 107. c 4 j Z Trhji'oirz nature th ^infèrent les ureteres & le canal défèrent : cette poche inteftinale , appellée boudé de Fabrice [&] r a aufïi fen cæcum long de deux pouces ? large de trois lignes ; & le trou qui communique de l’un à l’autre efl: furmonté d’un repli de. la membrane interne , lequel peut- fervir de. valvule [/].. Il réfulte de ces observations que l’outar¬ de ? bien loin d’avoir plufiéurs eftomacs & de longs inteftins.., comme les rum inans , a au contraire le tube inteftinal fort court & d’une petite capacité , & qu’il n’a qu’un feul ven¬ tricule ; en forte que l’opinion de ceux qui prétendent que cet oifeau rumine \m \ * feroit réfutée par cela feul : mais il ne faut pas non plus -fe perfuader avec Albert ? que l’outarde ibit camafliere , qu’elle fe nourriffe de ca¬ davres que même elle faffe la guerre ait petit gibier 9. & qu’elle ne mange de l’herbe & du grain que dans le cas: de grande di- fette ; il faut encore moins conclure de ces fuppohtions qu’elle a le bec & les ongles crochus .r toutes erreurs accumulées par Al¬ bert [n] , d’après un paiTage d’Ariftote mal entendu [o] , admifes par Gefner avec quel- (/:) Du nom de FaVrUliis ah' Aqu aven dente , qui le pre- anier l’a obfervée. Ibidem, (/) Animaux de Perrault, partie II , pag. 107.. (in) Athénée 3 ss gaïTage d'Ariftote : Avis. Schythica quidam . , , oj.\q de £ Outarde. JJ que s modifications [/>] , mais rejetées partout les autres Naturalises. L’outarde eft un oifeau granivore ; elle, vit d’herbes , de grains , & de toutes fortes de femences; de feuilles de choux, de dents de lion , de navets, de myfotis ou oreille de fouris , de vefee , d’ache , de daucus , &: même de foin , & de ces gros vers de terre que pendant l’été l’on voit fourmiller fur les dunes tous les matins avant' le lever du: foleil [g] ; dans le fort de l’hiver & par ks temps de neige , elle mange l’écorce des ar¬ bres (r) ; en tout temps elle avale de petites pierres , même des pièces de métal comme, l’autruche , & quelquefois en plus grande quantité. Mrs. de l’Académie ayant ouvert le ventre de l’une des fix outardes qu’ils avoient obfervées , le trouvèrent rempli en partie de pierres, dont quelques-unes étoient de la groffeur d’une noix , & en partie de doubles , au nombre de quatre - vingt - dix * tous ufés & polis dans les endroits expofès aux frotte mens , mais fans aucune apparence d'erofion ( r ). jVi difcnlé plus haut.. Voyez AJdrovande , Ornithologie tom. Il, pag. 90. Ce qu’il y a de certain , c’cft que ce n’eft pas^ d’après l’infps&ion (le l’animal qu’ Albert s’efë- forme cette idée. ( p ) Qefner , de Avthus- , pag. 485% ( pag. 1075. 34 Hiftoire naturelle Willulghfay a trouvé dans l’eftomac de ces oifeaux , au temps de la moiffon , trois ou quatre grains d'orge , avec une grande quan¬ tité de graine de ciguë (t) , ce qui indique un appétit de préférence pour cette graine , & par comequent le meilleur appât pour l’atti¬ rer dans les pièges. Le foie eft très grand; la vé fieu le du fiel* le pancréas , le nombre des canaux pancréa¬ tiques , leur imerîion , ainfi que celle des conduits hépatiques & cyltiques , font fu- jets à quelques variations dans les différens fujets {ii). Les tefticules ont la forme d’une petite amande blanche d’une fubftance aflez ferme * le canal déférent va s’inférer à la partie in¬ férieure de la poche du refhim , comme je l’ai dit plus haut, & l’on trouve au bord fi** périeur de Y anus une petite appendice qui tient lieu de verge. M. Perrault ajoute à ces obfervations ana¬ tomiques la remarque fuivante : c’eft qu’entre tant de fujets qu’avoient difféqués Mrs. de l’Académie, il ne s’étoit pas rencontré une feule femelle ; mais nous avons dit à l’arti¬ cle de l’autruche ce que nous penfions de cette remarque. Dans la faifon des amours , le mâle va piaffant autour de la femelle , & fait une ef- pèce de roue avec fa queue jVj. (t) OrràthoLogia 9 pag . 129. (u) Animaux de Perrault , pag. 105. (a) Klein, lîi fi. Avium , pag, 18 , Cefn, de Avibus , pag. 4 Sj . •• m Merula apuâ de t Outarde . 3 ) Les œufs ne font que cle la groïïeur de ceux d’une oie ; ils font d’un brun olivâtre pâle , marqués de petites taches plus foncées , en quoi leur couleur a une analogie éviden¬ te avec celle du plumage. Cet oifeau ne conftruit point de nid , mais il creufe feulement un trou en terre [y] , & y dépofe fes deux œufs qu’il couve pendant trente jours * comme font tous les gros oi¬ feau x , félon Àrifiote [{]. Lorfque cette mere inquiète fe défie des chafleurs , & qu’elle craint qu’on n’en veuille à fes œufs, elle les prend (bus fes ailes [ on ne dit pas comment ] & les tranfporte en lieu sûr [a]. Elle s’établit ordinairement dans les blés qui approchent de la maturité , pour y faire fa ponte , fui- vant en cela Pinfiinâ commun à tous les animaux , de mettre leurs petits à portée de trouver en naiffant une nourriture conve¬ nable. M. Klein prétend qu’elle préfère les avoines , comme plus balles , en forte qu’é¬ tant pofée fur fes œufs > fa tète domine fur la campagne , & qu’elle puilfe avoir l’œil fur ce qui fe paffe autour d’elle : mais ce fait avancé par M. Klein [b] , ne s’accorde ni avec le fentiment général des Naturalises , ni avec le naturel de l’outarde qui , fauvage & défiante comme elle l’eft , doit chercher (y) Britifch Zoology, pag. 88. (\) H: fi. anim. lib, VI , cap, rr» (a) Klein , uifi . avium (£) Ibidem* Eïjioire naturelle fa sûreté plutôt en fe cachant dans les grands blés , qu’en fe tenant à portée de voir les chaffeurs de loin, au rifque d’en être elle- même apperçue. Elle quitte quelquefois fes œufs pour aile? chercher fa nourriture ; mais fi pendant ces courtes abfences quelqu'un les touche ou les frappe feulement de fon haleine , on prétend qu’elle s’en apperçoit à fon retour , & qu’elle les abandonne [c]. L’outarde , quoique fort greffe f eft un ani¬ mal très craintif, & qui paroît n’avo.ir ni le fentiment de fa propre force , ni l’inftinâ de remployer relies s’affemblent quelquefois par troupes de cinquante ou foixante , & ne font pas plus raffinées par leur nombre que par leur force & leur grandeur; la moindre ap¬ parence de danger , ou plutôt la moindre nouveauté les effraye ; & elles ne pour¬ voyant guère à leur confervation que par la fuite : elles craignent furtout les chiens , & cela doit être, puifqu’on fe fert commu¬ nément des chiens pour leur donner la chaffe; mais elles doivent craindre suffi le renard , la fouine, & tout autre animal , fi petit qu’il foit , qui fera affez hardi pour les attaquer ; k plus forte raifon les animaux féroces , & même les oï féaux de proie contre lefquels elles oferoient bien moins fe défendre : leur pufrilanimité eff: telle que pour peu qu’on les bîeffe * elles meurent plutôt de la peur {c} Hvffar Boetb , agud~ Gcfnt. pcg. ^ S 8 > dt t Outarde. 37 que de leurs bleffures [*/]. M. Klein prétend néanmoins qu'elles fe mettent quelquefois en colere , & qu’alors on voit s'enfler une peau lâche qu’elles ont fous le cou. Si l’on en croit les anciens , l’outarde n’a pas moins d'amitié pour le cheval qu’elle a d’antipathie pour le chien; dès qu'elle apperçoit celui-là, elle qui craint tout , vole a fa rencontre * & fe met prefque fous fes pieds (e). En fup- pofant bien conilatée cette ûnguliere fym- pathie entre des animaux, fi différens , on pourroit , ce me femble , en rendre raifon en difant que l’outarde trouve dans la fiente du cheval des grains qui ne font qu’à demi digérés , & lui font une reffource dans la difette (/). Lorfqu’elle efl chafTée , elle court fort vite , ~ en battant des ailes , & va quelquefois plu- fleurs milles de fuite & fans s’arrêter ( g ) : mais comme elle ne prend fon vol que diffi¬ cilement & lorfqu’elle efl aidée , ou fi l’on veut , portée par un vent favorable , & que d'ailleurs elle ne fe perche ni ne peut fe per¬ cher fur les arbres , foit à caufe de fa pefan- teur , foit faute de doigt poftérieur dont elle puiiTe faifir la branche & s’y foutenir , en peut croire , fur le témoignage des anciens (^) Gefner, de Avibus , pag . 408. (f) Cppien , de Aucupio , lib, III . ( f) Otldibus amicitia cum equis quibus approplnquarA & fimum dejicere gaudent . Plutarq. de Soc , Animai , (g) Britifçh, Zoolo^y, FaS» 2 8 Hijîoire naturelle & des modernes (h) , que les lévriers & les chiens courans la peuvent forcer : on la chaf- fe auffi avec l’oifeau de proie ( i ) , ou enfin on lui tend des filets , & on l’attire où l’on veut en faifant paroître un cheval à propos , ou feulement en s’affublant de la peau d’un de ces animaux fA). Il n’eff point de piège, ü greffier qu’il foit , qui ne doive réufïir , s’il eft vrai , comme le dit Eîien , que dans le royaume de Pont, les renards viennent à bout de les attirer à eux en fe couchant contre terre & relevant leur queue à laquelle Ils donnent, autant qu’ils peuvent, l’appa¬ rence & les mouvemens du cou d’un oifeau ; les outardes qui prennent, dit-on, cet objet pour un oifeau de leur efpèce , s’approchent fans défiance , & deviennent la proie de l’a¬ nimal rufé [/] ; mais cela fuppole bien de la fubtilité dans le renard, bien de la ûupidité dans l’outarde , & peut-être encore plus de crédulité dans l’écrivain. J’ai dit que ces oifeaux alloient quelque^ fois par troupes de cinquante ou foixante ; cela arrive furtout en automne dans les plaines de la Grande-Bretagne ; ils fe répan¬ dent alors dans les terres femées de turnlpes , & y font de très grands dégâts [ m ]. En Fran- (A) Xénophon, Elien , Albin, Frifch, Ôte* (i) Aldrov. Ornith. tom. II , pag, 92. (A) Athénée, (/) Ælian , Is'at. Animal . lib, VI , cap. xx IV, (m) Britifch Zoolcgy , pag. 88* — Ncc ullam pefiim de C Outarde. 39 ce , on les voit paffer régulièrement au printemps & en automne , mais par plus pe¬ tites troupes , & elles ne fe pofent guère que fur les lieux les plus élevés. On a obfervé leur pallage en Bourgogne , en Champagne & en Lorraine. L’outarde fe trouve dans la Lybie , aux environs d’Alexandrie , félon Plutarque (n) ; dans la Syrie ( 0 ) ; dans la Grèce ( p ) ; en Efpagne ( q ) ; en France , dans les plai¬ nes du Poitou & de la Champagne pouil- leufe ( r ) ; dans les contrées ouvertes de l’eft & du fud de la Grande-Bretagne , depuis la province de Dorfet jufqu’à celle de Mer- cie & de la Lothiane en EcofTe ( s ); dans les Pays-bas; en Allemagne f t en Ukraine & en Pologne , où , félon Rzaczynski , elle o^ere magis oRtorcs , nam rapis ventrem fulcit , nec me - diocri preeda contentus ejje Jolet. Longoîius apud AU drov, Ornithol. tom. Il , pag. 93. (72) Si toutefois on n’a pas confondu Yotis avec Votas , comme on a fait fi fouvent. ( o ) Gefner, de Avibus , pag. 4S4. (?) Paufanias in Phccicis. (ÿ) Plin. îib. X , cap. xxij, — * Hifpania otides produc!: . Strabon. (r) Ornithologie de Saîerne, pag. 153. (s) Britifch Zoology , pag. 83. — Aldrov. Ornith , tom. II , pag. 92. (r) Nota. Frifch l’appelle la plus groffe de toutes ]es poules fauvages naturelles à i’ATemagne ; cela ne prou¬ ve pas que l’outarde foit une poule , mais bien qu’elle te trouve en Allemagne. 40 Hi'jloiit naïurdiè paffe quelquefois l’hiver au milieu des ïtet* ges. Les Auteurs de la Zoologie Britanni¬ que affurent que ces oifeaux ne s’éloignent guère du pays qui les a vu naître , & que leurs plus grandes excurfions ne vont pas au-delà de vingt à trente milles ( u) ; mais Aldrovande prétend que fur la fin de l’au¬ tomne ils arrivent par troupes en Hollande, & fe tiennent par préférence dans les cam¬ pagnes éloignées des villes & des lieux ha¬ bités ( x ). AL Linnæus dit qu’ils paffent en Hollande & en Angleterre. Ariftote parle auffi de leur migration ( y ); mais c’eft un point qui demande à être éclairci par des ob¬ servations plus exaétes. Aldrovande reproche à Gefner d’être tombé dans quelque contradiâion à cet égard, fur ce qu’il dit que l’outarde s’en va avec les cailles ( ^ ), ayant dit plus haut qu’elle ne quittait point La Suiffe où elle eft rare , & qu’on y en prenoit quelquefois l’hiver [ a] ; mais cela peut fe concilier , ce me femble , {?/)Britifch Zoology, pag. 3S. (a;) OrnithoLogia y pag. 92. (j) Hijî. Animal, lib. Vil h ({) Gefner , de Avibus , pag. 4S4. Qtidcm de qiid fcribo avolare puto cum cotarnicïbus , fed corporis gravi * taie impeditum , perfeverare non poffe , & in Lotis proxi - n iis remanere. (a) Otis magna , fi ea efi quam vulgb Trappum vo - cant , non avalai , nifi faLLory ex nofiris regionibus [ & fi Helvctia rara efi ] , & kieme etiam interdum capitur apud. nos , Gefner, de A\ibus , pag. 4X4* en de f Outarde. 4 ï en admettant la migration des outardes & la refferrant dans des limites, comme lesr- Au tours de la Zoologie Britannique ^d’ailleurs * celles qui fe trouvent en Su i fie font des ou¬ tardes égarées, dépayfées, en petit nombre & dont les mœurs ne peuvent repré Tenter celles de l’efpèce : ne pourroit-on pas dire aulîi que l’on n’a point de preuves que cel¬ tes qu’on prend quelquefois à Zurich , pen¬ dant l’hiver, foient les mêmes qui y ont-' paffé l’été précédent? Ce qui paroît de plus certain, c’efl que' l’outarde ne fe trouve que rarement dan# les contrées montagneufes ou bien peuplées ^ comme la Suiffe , le Tyrol , Il taire , phi fie urs» provinces d’Efpagne , de France , d’Angle¬ terre & d’Allemagne ; & que lorfqu’elle s’y rencontre , c’eftpreique toujours en hiver [b] 1 tm ( b ) Memini ter quaterque apud nos captum , & in Rhœ - tia circci Cariant , Decembri & j'anuario merifibus , me apud nos t nec illic ct quoqüam- agnitum* Gelner , de Avi- bus'y pag. 486. . ?» L’outarde fe voit rarement dans POrléànois , &L- feulement en hiver dans les temps de neige, Salerne , Ornithologie y pag. 15 3. Un particulier'incapable d'en im- pofer , ajoute le même M. Salerne, m’a raconté qu’unf jour que la campagne étoit couverte de neige & de fri- mats , un de (es domeftiques trouva , le matin , une trentaine d’outardes à moitié gelées , qu’il amena à la nnaifon,les prenant pour des dindons qu’on aVoit laifïe coucher dehors qu’on 21e reconnut pour ce quelles étoient , que lorfqu’elles furent dégelées Ibidem. Nota . Je me fouviens moi-même d’en avoir vu deux , à différentes fois , dans une partie de la Bourgogne fertile en bled , & cependant montagaeufe ; mais- ç’a toujours été. en hiver, (k par un temps de- neige,- 42 Hifloire naturelle mais quoiqu’elle puiffe fubfifter dans les pays froids, & qu’elle foit, félon quelques Au» teurs , un oifeau de paflàge , il ne paroît pas néanmoins qu’elle ait jamais paffé en Amé¬ rique par le Nord ; car bien que les rela¬ tions des Voyageurs foient remplies d'ou¬ tardes trouvées dans ce nouveau continent, il eft aifé de reconnoitre que ces prétendues outardes font des oifeaux aquatiques , con me je l’ai déjà remarqué plus haut , & absolu¬ ment différens de la véritable outarde dont il eft ici queftion. M. Barrere parle bien d’une outarde cendrée d’Amérique , dans fon EJ] ai d3 Ornithologie [ page jj ] , qu’il dit avoir obfervée ; mais i°. il ne paroit pas l’avoir vue en Amérique , puifqu’il n’en fait aucune mention dans fa France Equinoxiale ; 2°. Il eft le feul , avec M. Klein , qui parle d’une outarde américaine : or celle de M. Klein , qui eft le macucagua de Marcgrave ,n’a point les caraéteres propres à ce genre , puifqu’elle a quatre doigts à chaque pied [ c* ] , & le bas de la jambe garni de plumes jufqu’à fou articulation avec le tarfe ; qu’elle eft fans queue , & qu’elle n’a guere d’autre rapport * avec l’outarde , que d’être un oifeau pefànt * qui ne fe perche ni ne vole prefque point [dj A l’égard de M. Barrera , fon autorité n’eft pas d’un allez grand poids en Hiftoire Na¬ turelle , pour que fon témoignage doive pré¬ valoir contre celui de tous les autres ; 30. en- (c) Klein, Ordo avium , pag. iS, { d ) Marcgrav. Hiji, nat, Brafil , pag, 213, de tGutarde . 45 fin, fon outarde cendrée d’Amérique a bien l’air d'être la femelle de l’outarde d’Afrique , laquelle eft en effet toute couleur de cen¬ dre , félon M. Linnæus [ e ]. On me demandera peut-être pourquoi un oifeau , qui , quoique pefant , a cependant des ailes, & qui s’en fert quelquefois, n’eft point paffé en Amérique par le nord , comme ont fait plusieurs quadrupèdes : je répondrai que l'outarde n’y eft point paffée , parce que , quoiqu’elle vole en effet, ce n’eft guere que lorfqu’elle eft pourfuivie ; parce qu’elle ne vole jamais bien loin , & que d’ailleurs elle évite furtout les eaux, félon la remarque de Belon : d’où il fuit qu’elle n’a pas dû fe ha farder à franchir de grandes étendues de mer ; je dis de grandes étendues, car quoi-* que celles qui féparent les deux continens du côté du nord , foient bien moindres que celles qui les féparent entre les tropiques , elles font néanmoins confidérables , par rap¬ port à l’efpace que l’outarde peut parcourir d’un feul vol. On peut donc regarder l’outarde comme un oifeau propre & naturel à l'ancien con¬ tinent, & qui dans ce continent ne paroit point attaché a un climat particulier , puif- qu’il peut vivre en Lybie , fur les côtes de la mer Baltique , & dans tous les pays in¬ termédiaires. C'eft un très-bon gibier; la chair des jeu¬ nes , un ueu gardée , eft furtout excellente ; D * (t. Bifî, nat , edit, X, pag, iff. A4 Hiffoïre nctturdïè? &- û quelques Ecrivains ont dit le corr- traire,, c’eft pour avoir confondu Yotïs avec: Votus 3.. comme }e l’ai remarqué plus haut. Jc- ne fais pourquoi Hippocrate l’interdifoit aux perfcnnes qui tomfcoient du mal caduc [/]*, Pline reconnoît dans la graiffe d’outarde la vertu de fouîager les maux de mamelles qui fur viennent aux nouvelles accouchées. On fe fert des pennes de cet oifeau comme <©n fait de celles d’oie & de cygne pour écrire ; & les pêcheurs les recherchent pour lés attacher à leurs hameçons ? parce qu’ils croient que les petites taches noires dont, elles font émaillées , paroiffent- autant de pe¬ tites mouches aux poiffons qu’elles attirent: par, cette fauffe. apparence [ g ], ( f) Vid. Âlcirovand. Ornithologla } pag-. oj, (g) Geiher* de Àyibus , pag. 4$$, ott t en ?Uite ontarc c - c! PU- ' dt la petite Outarde- LA PETITE O U TARDE T VULGAIREMENT * L A CANEPETÎERE (/)>. Voyei planche I de- ce Volume . parce qu’il eft beaucoup plus petit , & par' quelques variétés dans le plumage: il a auili cela de commun avec l’outarde , qu’on lui a * Voye\ les planches enluminées r n9 , 25 , le mâle j.' 6c n'2'. 10 , la femelle, (a) Petite Outarde ou Canepetîere. En Italien F fanella. — » Canepetîere. Befon , Jîzft. nai. des Oifeaux paçr. 2Tj. . ... Canepetîere, nommée par aucuns, Olive,- Idem ; Portraits d’oifeaux , pag. 56 , b. Petite Ou¬ tarde. Edwards , Glanurer^ planche ccli , avec une Bonne figure coloriée de ia femelle. — La petite Ou¬ tarde. Brillon >- Ornithologie , r torm. V , pag. 24, avec une figure du mâle & une de la femelle 3 planche 11. ?* Quant à l'étymologie , dît M. Salem e , kifi. nat , des Oif. pag. on le nomme [ cet oifeau ] canepetîere ou cancpetrace , i°... parce qu’il- reflfemble en quelqçie ehofe à un canard fauvage , & qu’il vole comme lui y. 2P. parce. qu’il fe plaît parmi les pierres. Il y en a qui penfent que ce* nom lui vient de ce qu’il paîtrit fon adi& ou fon repaire , d’autres- difent que c’ert parce-- 46 Hijloire naturelle donné le nom de cane & de canard [ b ] „ quoiqu’il n’ait pas plus d’affinité qu’elle avec les oiiéaux aquatiques , & qu’on ne le voie ja¬ mais autour des eaux [ c ]. Belon prétend qu’on l’a ainü nommé, parce qu’il ié tapit contre terre comme font les canes dans l’eau [ d ] ,, & M. Salerne , parce qu’il ref- femble en quelque chofe à un canard fau- vage , & qu’il vole comme lui [ e ] ; mais qu'il pète ; mais je préféré la premiers étymologie, d'au¬ tant plus que les Orléanois appellent le petit moineau de muraille , dit friquet , un petrac ou petrat u. Nota. Cette étymologie de canepetiere , parce que cet oifeau pète , dit*on , ne paroît uniquement fondée que fur l'analogie du mot : car aucun Naturalise n'a rien dit de pareil dans l'hiftoire de cet oifeau, notam¬ ment Belon , qui a été copié par prefque tous les autres. D’ailleurs, je remarque que le proyer , dont le même M. Salerne parle aux pages 291 Sc 292 , eft appelle peteux , quoiqu'il ne foit point dit dans fon hiftoire qu'il pète , mais bien qu’il fe plaît dans les prés , les fainfoins & les luzernes. Dr , la canepetiere eft aufti appellée anas praterfs, (b) Belon , dans fon hiftoire naturelle des O féaux , pag. 257 , l'appelle canepetiere. Gefner, de Avibus , pag, 795, l'appelle de même. Jonfton , anas campe/êris ; de Avibus , pag. 43, Charleton , idem in Exercït. pag. 8 3 , rA.ix. Âîdrovan de , idem in Ornithcl. tom. Il, pag. 96. Willulghby , idem , in Ornithclogia ,pag. 129. Ray , idem 9 in Synopf. meth . Avium, pag. y.? , n° il. Albin, idem , dans fon Hiftoire naturelle des O féaux y tom . ïll , pag, jj. Canard des prés, \ [c] Salerne , Hift . nat. des Cf eaux , pag. ipp, fi] Selon , Hift. nat . des O féaux , pag . zjj, D] Salerne , loco citato • v* 4 “ de la petite Outarde • 47 1 incertitude & le peu daccord de ces con- jeétures étymologiques , font voir qu’un rapport auiîi vague , & furtout un rapport unique , n’ell point une rai ion fuffifante pour appliquer à un oifeau le nom d'un autre oi- feau ; car fi un lecteur qui trouve ce nom > ne faifit point le rapport qu’on a voulu in¬ diquer, il prendra néceffairement une fauffe idée : or , il y a beaucoup à parier que ce rapport , étant unique , ne fera faiû que très rarement. La dénomination de petite outarde que j’ai préférée , n’eft point fujette à cet incon¬ vénient , car l’oifeau dont il s’agit ayant tous les principaux caraéteres de l’outarde , à l’exception de la grandeur , le nom com- pofé de petite outarde lui convient dans prefque toute la plénitude de fa fignification, & ne peut guere produire d’erreurs. Selon a foupçonné que cet oifeau étoit le tetrax ’d’Athénée , fe fondant fur un paffage de cet Auteur où il le compare pour la grandeur au fpermologus [ f ] que Selon prend pour un freux , efpèce de greffe cor¬ neille ; mais Aldrovande afiure au contraire que le fpermologus eft une efpèce de moi¬ neau , & que par conféquent le tetrax auquel Athénée le compare pour la grandeur , ne f f] Tetrax , inquit Alexander Myndius , avis ejl magni- radine fpermologi y colore figlino , fordidis auibufdam ma - cuiis lineifque maçnis variegato : fru gibus vej'citur ; & cuando peperit , quadruplicem emittit voeem , Àthénee 9 Ht. ix9 4$ ffîjioïre nanmÏÏt fauroit être la petite outarde [ g* ] ; aufiî WiHuîghby. prétend- il que cet oifeàu n’a point été nommé par les Anciens [ h ]. Le même Âldrcvande nous dit que les pêcheurs de Rome ont donné r fans qu’on fâche pourquoi y le nom de fie lia r à un oi¬ feau qu’il avoit pris d’abord pour la petite outarde , mais qu’enfaite il a jugé différent, en y regardant de plus près [ i J : cepen¬ dant , malgré un aveu' auffi formel , Ray , & d’après lui M. Salerne , difent que la cane- petiere & le fielia avis d’Aldrovande , paroif- lent être de la même efpèce [A]\, & M. B ri t fon place fans difficulté le fie lia d’AIdro- vande 9 parmi les fynonymes de la petite outarde ; il femble meme imputer à* Charie- ton & à Willulghby , d’avoir penfé de même [/] 3 quoique ces deux Auteurs ayenr été attentifs à ne point confondre ces deux fortes d’oifeaux, que félon toute apparence ils n’avoient point vus [ m ], [g] Ornlthoicgia , Itb. xiij , pag. Cl. [A] Idem y pag., / jO. Veteribus indicta videt'ur. (i) Ornlthol, Aldrov. tom. ll , pag. yS. Arbitrabar gim Bellonlanâ canepetiere eanâem ejje , Jed ex coLlatu utriufque defcriptione , diverfam ejfe judicavi. (k) Voy. Ray, Synopjis method. Avium , pag p<) , & Salerne , uifi. nat. des Qr féaux , pag. ifâ, (l) Ornithologia , pag. 2p. (m) Nota. Charlèton en fait deux efpèces differen¬ tes , dont Tune , qui eft la neuvième de fes Phytirores , D’un de la pente Outarde . 49 D'un autre coté , M. Carrere brouillant la petite outarde avec leralle, lui a impoiè le nom d ’ortygometra melina > oc lui donne un quatrième doigt à chaque pied [ n ] ; tant il eft vrai que la multiplicité des méthodes , ne fait que donner lieu à de nouvelles erreurs, fans rien ajouter aux connoiffances réelles. Cet oifeau eft une véritable outarde „ comme j’ai dit, mais conftruite fur une plus petite échelle , d’oii M. Klein a pris occa¬ sion de Pappelier outarde naine [ 0 ] ; fa lon¬ gueur, prile du bout du bec au bout des on¬ gles , eit de dix-huit pouces , c’eft-à dire , plus d’une fois moindre que la même dimen- iion prife dans la grande outarde : cette feule mefure donne toutes les autres, & il n’en faut pas conclure avec M. Ray , que la pe¬ tite outarde foit à la grande comme un eft eft la canepetiere; Sc l'autre, qui eft la dixième efpèce ] * contre ce qui fe voit le plus fouvent dans les oifeaux : mais à ces différences près , qui font allez légères, on retrouve dans la petite efpèce, tous les at¬ tributs extérieurs de la grande , & même prefque toutes les qualités intérieures , le même naturel , les mêmes mœurs , les mê- (p) Tardez perfimilis efl , fed duplo minor . Ray , Sy« nopfls meth. Avium , pag. jy. (q) Qui voudra avoir la perfpe ches ; mais , félon M. Salerne , les infeâes font leur nourriture principale ; feulement ils mangent quelquefois au printemps les feuilles les plus tendres du laitron [ x ]. La petite outarde eft moins répandue que ces faits ; ils reflembîent beaucoup à ce qu’on dit du coq de bruyere qui s’appelle tetrix ( voyez Hiftnat. des Oifeaux , pag 136 ) ; jfy. € % Kjloire naturelle III. L E CHURG E ou l’Outarde moyenne des Indes* Cette outarde efl: non-feulement plus pe¬ tite que celles d’Europe , d’Afrique & d’A¬ rabie , mais elle efl: encore plus menue à proportion , & plus haut montée qu’aucune autre outarde : elle a vingt pouces de haut , depuis le plan de pofition jufqu’au fomrnet de la tête : fon cou paroît plus court, rela¬ tivement à la longueur de fes pieds ; du refte elle a tous les caractères de l’outarde ; trois doigts feulement à chaque pied, & ces doigts ifolés ; le bas de la jambe fans plu¬ mes ; le bec un peu -courbé , mais plus alon- ge ; & je ne vois point par quelles raifons M. Briffon Ta renvoyée au genre des plu¬ viers. Le cara&ere difliinâif par lequel les plu¬ viers diffèrent des outardes, confiflie , félon lui, dans la forme du bec, que celles-ci ont en cône courbé, & ceux-là droit & renflé par le bout. Or , l’outarde des Indes dont il s’agit ici ^ a le bec plutôt courbé que droit, & ne l’a point renflé par le bout comme les pluviers ; du moins c’efl: ainfi que l’a repré- iènté M. Edwards ( g ) dans une figure que (g) Edwards , Glanurcs , planche cgl* des Olfeaux étrangers. 6$ M. Briffon avoue comme exafte ( fi) : je puis même ajouter qu’elle a le bec plus courbé & moins renflé par le bout que l’outarde d’Arabie de M. Edwards ( i ) , dont la figure a paru aufli très exaâe à M. Briffon ( A), & qu’il a rangée fans difficulté parmi les ou¬ tardes. D’ailleurs,, il ne faut que jeter les yeux fur la figure de l’outarde des Indes , & la comparer avec celle des pluviers , pour re- connoître qu’elle en diffère beaucoup par le port total , & par les proportions , ayant le cou plus long, les ailes plus courtes & la forme du corps plus développée : ajoutez à cela qu’elle eft quatre fois plus groffe que le plus gros pluvier , lequel n’a que feize pouces de long , du bout du bec au bout des oncles (Z’), au lieu qu’elle en a vingt- fix {m). Le noir, le fauve, le blanc & le gris, font les principales couleurs du plumage , comme dans l’outarde d’Europe; mais elles (A) Briffon , Ornithologie , tom. V, pag. 82. (i) Edwards , Natural Hiflory of uneemmon Eirds 9 planche, xij. ( k ) Briffon , Ornith. tom. V, pag. 30» (/) Briffon , ibidem , pag. 7 6. ( m ) Ibidem , pag. 82. Nota. Cela ne contredit pas ce que j’ai dit ci-deffus , qu’elle avoir vingt pouces de haut depuis le plan de position jufqu’au fommet de la tète , parce qu’en mefurant ainfi la hauteur , on ne tient compte ni de la longueur du bec , ni de celle des doigts. <>4 HijJoîre naturelle font diftrifcuées différemment : le noir fur îg fommet de la tête , le cou , les cuiffes & tout le deffous du corps ; le fauve , plus clair fur les côtés de la tête & autour des yeux , f>lus brun & mêlé avec du noir fur le dos , a queue, la partie des ailes la plus proche du dos 5 & au haut de la poitrine où il forme comme une large ceinture fur un fond noir ; le blanc fur les couvertures des ailes les plus éloignées du dos , le blanc mêlé de noir fur leur partie moyenne ; le gris plus foncé fur les paupières , l’extrémité des plus lon¬ gues pennes de l’aile (;z% de quelques-unes des moyennes & des plus courtes , & fur quelques-unes de leurs couvertures; enfin le gris plus clair & prefque blanchâtre fur îe bec & les pieds. Cet oifeau eft originaire de Bengale , où on l’appelle churge , & où il a été deffiné d’après nature ( o ). Il eft à remarquer que le climat de Bengale eft à-peu-près le même que celui d’Arabie, d’Abillinie & du Séné* * gai , où fe trouvent les deux outardes pré¬ cédentes : on peut appeller celle-ci cuurdc moyenne , parce qu’elle tient le milieu pour la groffeur entre les grandes & les petites efpèces* (ri) Comme â quelques outardes d’Europe. Voye q Arî- anaux de Perrault, partie II , pag. 103. (*) Edwards , G*#nures , planche ccl, tom. I , chap. xt» LE des Oifeaux etrangers. 65 IV. LE HOUBAARA % OU PETITE OUTAPvBE HUPPÉE D’AFRIQUE. Nous avons vu que parmi les grandes outardes , il y en avoit de huppées & d'au¬ tres qui ne l’étoient point , & nous allons retrouver la même différence entre les pe¬ tites outardes; car la nôtre n’a point de huppe . ni même de ces barbes de plumes qu’on voit à la grande outarde d’Europe 9 tandis que celles-ci ont non-feulement des huppes , mais encore des fraifes ; & il eff à remarquer que c’eft en Afrique que fe trou¬ vent toutes les huppées 5 foit de la grande , foit de la petite efpèce. Celle que les Barbarefques appellent hou - b aura , eff en effet huppée & fraifée : M.1 Shaw qui en donne la figure {p ) , dit pofiti- vement qu’elle a la forme & le plumage de l’outarde , mais qu’elle eff beaucoup plus pe¬ tite , n’ayant guere que la groffeur d'un cha¬ pon ; par cette raifon feule , ce Voyageur d ailleurs habile , mais qui fans doute ne connoiffoit point notre petite outarde de France, blâme Golius d’avoir traduit le mot ioubaary par outarde. C p) Travels or observations relalinp to feveral parts of B art dry and the Levant, B y Thomas Shaw , pag zj2t F' 66 Hijïoîre naturelle Elle vit , comme la nôtre , de fubft'ances, végétales & d’infeôes , & elle le tient le plus communément fur les confins du dé** fert. Quoique M. Shaw ne lui donne point de huppe dans fa defcription , il lui en donne une dans la figure qui y eft relative , & cette huppe paroît renverfée en arriéré & comme tombante ; fa fraife eft formée par de longues plumes qui naiflent du cou , & qui fe relèvent un peu & fe renflent , com^ me il arrive à notre coq domeftique lofqu’il eft en colere. C’eft, dit M. Shaw , une chofe curieufe de voir , quand elle fe fent menacée par un, oifeau de proie, de voir, dis-je, par com¬ bien d’aîlées & de venues , de tours & de détours, de marches & de contre-marches1 5 en un mot, par combien de rufes & de fou- pleffes elle cherche à échapper à fon ennemi Ce favant- voyageur ajoute qu’on regarde comme un excellent remède contre le mal des yeux & que par cette raifon l’on paye quelquefois très cher fon fiel , & une cer¬ taine matière qui fe trouve dans fon ef- tomac* des Oijeaux étrangers* 67' V. LE RH A AD, AUTRE PETITE OUTARDE HUPPÉE D’AFRIQUE* Le Rhaad eft diftingué de notre petite ou¬ tarde de France par fa huppe , & du hou - baara d’Afrique , en ce qu'il n’a pas comme lui le cou orné d’une frai fe ; du refte , il eft de la même groffeur que celui-ci; il a la tête noire , la huppe d’un bleu-foncé , ie deffus du corps & des ailes jaune , tacheté de brun , la queue d’une couleur plus claire ? rayée tranfverfalement de noir; le ventre blanc & le bec fort, ainfi que les jambes* Le petit rhaad ne diffère du grand que par fa petiteffe ( n’étant pas plus gros qu’un pou¬ let ordinaire ) , par quelques variétés dans le plumage , & parce qu’il eft fans huppe ; mais avec tout cela, il feroit poffible qu’il fût de la même efpèce que le grand , & qu’il n’en différât que par le fexe; je fonde cette conje&ure, i°. fur ce qu’habitant le même- climat, il n’a point d’autre nom; 20. fur ce que dans presque toutes les efpèces d’oi- féaux , excepté les carnaffiers , le mâle pa¬ roi t avoir une plus grande puiffance de dé¬ veloppement qui fe marque au dehors par la hauteur de la taille , par la force des mufcles , par l'excès de certaines parties , telles que les membranes charnues , les éperons , &c. par les huppes , les aigrettes & les fraifes qui font , pour ainfi dire , une F 2 68 Bijîoîrc naturdtc iurafcondance d’organifation 9 & même par la vivacité des couleurs du plumage. Quoi qu’il en foit , on a donné au grand & au petit rkaad le nom de faf-faf ; rhaad lignifie le tonnerre en langage Africain, & exprime le bruit que font tous ces oi féaux en s’élevant de terre; & faf -faf, celui qu’ils font avec leurs ailes lorlqu’ils font en plein vol {q). (ri Voyez Thomas Shaw, Travels , 6*c. pag. I / To rn.UL PUn. du Coq • 69 * L E COQ ( a ). Voyt{ planche II de ce Volume . 0>et oifeau , quoique domeftique, quoique le plus commun de tous , n’efl: peut-être pas encore allez connu; excepté le petit nom¬ bre de perfonnes qui font une étude parti¬ culière des productions de la nature , il en eft peu qui n’ayent quelque choie à apprendre fur les détails de fa forme extérieure , fur la ftructure de fes parties internes 5 fur fes ha¬ bitudes naturelles ou acquifes , fur les difte- rences qu’entraînent celles du fexe , du cli¬ mat , des aiimens ; enfin fur les variétés des races diverses qui fe font féparées plutôt ou plus tard de la fouche primitive. Mais fi le coq efi: trop peu connu de la plupart des hommes , il n’eft pas moins emharraffan * Voye\ les planches enluminées , n°. I. (a) En Grec Axhcrap ; en Latin , Gallus ; en Efpagnol & en Italien , Gallo ; en Savoyard , Coq , Gau , ceau ; en Allemand, Hahn-,çn Polonois, Kur , Kogut ; en Sué¬ dois ^ Hoens , Tape ; enAng'ois, Cok ; en vieux Fran¬ çois , Gai y Gog. Gallus gallinaceus. Gefner , Avi. pag. 394' ■■■ Coc , Coq, Gau , Geau , Gai , Gag. Belon , hift. nat. des oifeaux , pag. 242 ; & portraits d’oifeaux , pag. 5 S , a, *— Le coq Ôc la poule. BriiTon , torc. I , pag. 166 * jçp- Hïjlcïfc' naturelle pour un Naturalise à méthode , qui ne croit connoître un objet que lorsqu’il a fu lui trouver une place dans fes ciafies & dans fes genres : car, fi prenant- les caractères gé= néraux de fes divifions méthodiques dans le nombre des doigts , il le met au rang des oifeaur qui en ont quatre ; que fera-t-il de la poule à cinq doigts , qui eft certainement une poule , & même fort ancienne , puif- qu’elle remonte jufqu’au temps de Colunrelle , qui en parle comme d’une race de diftinétion (b} ? Que s’il fait du coq une claffe à part, caraétérifée par la forme Singulière de fa queue ; où placera- t-il le coq fans croupion & par conséquent’ fans queue, & qui n’en eft pas moins un coq ? Que s’il admet pour Caraétere de cette efpèce d’avoir les jambes garnies de plumes jufqu’au talon , ne fera-t- ii pas embarraffé du coq pattu qui a des plumes jufqu’à l’origine des doigts , & du coq du Japon , qui en a jufqu’aux ongles ? Enfin s’il veut ranger les gallinacés à la claffe des granivores , & que dans le nom¬ bre & la ftruéture de leurs eftomacs & de leurs inteftins , il croie voir clairement qu’ils font en effet deftinés à fe nourrir de grai¬ nes & d’autres matières végétales ; comment s’expliquera-t-il à lui-même cet appétit de préférence qu’il montre conftamment pour les vers de terre , & même pour toute chair hachée , cuite ou crue , à moins qu’il ne (b) Generojijfîmœ crcdunîur quez quinos habent digitcst Columelle , lib. YI1I , cap. n, du Coq ; 7 F fe periuade que la nature ayant fait la poule granivore par fes longs inteftins & fon dou¬ ble eftomac , l’a fait aulîl vermivore , & même carnivore par fon bec un tant foit peu crochu : ou plutôt ne conviendra- t- il pas, s’il eft de bonne-foi, que les conjectu¬ res que l’on fe permet ainfi fur les inten¬ tions de la Nature, & les efforts que l’oir tente pour renfermer l’inépuifable variété de fes ouvrages , dans les limites étroites d’une méthode particulière , ne paroiffent être faits que pour donner effor aux idées vagues & aux petites fpéculations d‘un efprît qui ne peut en concevoir de grandes , &: qui s’é¬ loigne d’autant- plus de la vraie, marche de la Nature, & de la connoiffance réelle de fes produ&ions ? Ainfi fans prétendre affu- jettir la nombreufe famille des oifeaux à une méthode rigoureufe , ni la renfermer toute entière dans cette efpèce de filet fcientifique dont, malgré toutes nos précautions, il s’err échapperoit toujours quelques - uns ; nous nous contenterons de rapprocher ceux qiu nous paroitront avoir quelque rapport en- tr’eux , & nous tâcherons de les faire con- noître par les traits les plus caractérifés de leur conformation intérieure , & furtout par les principaux faits de. leur hiftoire. : Le coq eft un oifeau pefant,. dont la dé¬ marche eft grave & lente , & qui ayant les ailes fort courtes , ne. vole que rarement , & quelquefois avec des cris qui expriment l’effort ; il chante indifféremment la nuir & le jour , mais non pas régulièrement à cer¬ taines heures; &. fon chant eft fort différent Hijiolre naturelle de celui de fa femelle, quoiqu’il y ait aufîi quelques femelles qui ont le même cri du coq , c’eft-à-dire , qui font le même effort du çofier avec un moindre effet ; car leur voix n’eft pas fi forte , & ce cri n’eft pas fi bien articulé. Il gratte la terre pour cher¬ cher fa nourriture , il avale autant de petits cailloux que de grains , & n’en digère que mieux; il boit en prenant de l’eau dans fon bec & levant la tête à chaque fois pour l’a¬ valer; il dort le plus fouvent un pied en l’air (c) & en cachant fa tête fous l’aile du même côté ; fon corps , dans fa fituation naturelle , fe foutient à - peu - près parallèle au plan de pofition , le bec de même , le cou s’élève verticalement, le front eft orné d’une crête rouge & charnue , & le deffous du bec d\me double membrane de même couleur & de même nature : ce n’eft ce¬ pendant ni de la chair ni des membranes 9 mais une fubftance particuliers , & qui ne reffemble à aucune autre. Dans les deux fexes , les narines font pla¬ cées de part & d’autre du bec fupérieur , & les oreilles de chaque côté de la tête , avec une peau blanche au-deffous de cha¬ que oreille ; les pieds ont ordinairement quatre doigts , quelquefois cinq , mais tou¬ jours trois en avant & le refte en arriéré , fc]Nota, Par une faite de cette attitude habituelle, la cniiTe qui porte ordinairement le corps , eft U plus char- rme ; &. nos gourmands favent bien la diftînguer de l’autre dans les chapons & les poulardes. les du Coq. 7 J tes plumes fortent deux à deux de chaque tuyau , caractère aflez fingulier qui n’a été faifi que par très peu de Naturaliftes; la queue eft à peu près droite , & néanmoins capable de -s'incliner du côté du cou & du côté oppofé ; cette queue , dans les races de gallinacés qui en ont une , eft compofés de quatorze grandes plumes qui fe parta¬ gent en deux plans égaux, inclinés l’un a Tautre , & qui le rencontrent par leur bord iupérieur fous un angle plus ou moins aigu. Mais ce qui diftingue le mâle , c’eft que les deux plumes du milieu de la queue font beaucoup plus longues que les autres , & fe recourbent en arc; que les plumes du cou & du croupion font longues & étroites, &r, que leurs pieds font armés d’éperons : il eft vrai qu’il fe trouve suffi des poules qui ont des éperons , mais cela eft rare ; & les pou¬ les ainfi éperonnées ont beaucoup d’autres rapports avec le mâle ; leur crête fe relève ainfi que leur queue , elles imitent le chant du coq, & cherchent à l’imiter en choies plus effentielles ( d ) ; mais on auroit tort de les regarder pour cela comme hermaphrodi¬ tes , puifqu’étant incapables des véritables fonctions du mâle , & n’ayant que du dégoût pour celles qui leur conviendraient mieux „ ce font , à vrai dire , des individus viciés ^ indécis , privés de l’ufage du fexe , & même des attributs effentiels de l’efpèce , puifqu’il* ne peuvent en perpétuer aucune. (i) Ariftot. Hift. Anim . llb . IX, cap, XL r_Y, Ci féaux y Tom . III» G Hijloirc naturelle Un bon coq eft celui qui a du feu dans les yeux , de la fierté dans la démarche , de la liberté dans fies mouvemens , &: toutes les proportions qui annoncent la force : un coq ainfi fait, n’imprimeroit pas la terreur a un lion , comme on l’a dit & écrit tant de fois , mais il infpirera de l’amour à un grand nombre de poules ; fi on veut le ménager on ne lui en lai fier a que douze ou quinze* Columelle vouloit qu’on ne lui en donnât .pas plus de cinq; mais quand il en auroit cinquante chaque jour , on prétend qu’il ne manqueroit à aucune {e} : à la vérité, per¬ sonne ne peut affurer que toutes fes appro¬ ches foient réelles , efficaces & capables de féconder les œufs de la femelle. Ses defirs ne font pas moins impétueux que fes befoins paroiiTent être fréquens. Le matin lorfqu'on lui ouvre la porte du poulailler où il a été renfermé pendant la nuit 9 le premier ufage qu’il fait de fa liberté eft de fe joindre à fes poules ; il femble que chez lui le befoin de manger ne loit que le fécond; & lorfqu’ij a été privé de poules pendant du temps , il s’adreüe à la première femelle qui fe pré¬ fente , fût-elle d’une efpèce fort éloignée ( f) ; & même il s’en fait une du premier mâle qu’il trouve en fon chemin : le premier l’ait eft cité par Ariftote , & le fécond eft (j) Alcrovande , tom. Iï , libi xïv, ( f ) Ex perdice & gallinaceo tertium generatur quoâ prcp/dente tempore fccminœ ajjimilatuy , Aiiftot, loco cïiato* * du Coq. y j attefté par robfervation de M. Edwards (g* J, & par une loi dont parle Plutarque ( h ) 9 la¬ quelle condamnoit au feu tout coq convaincu de cet excès de nature. Les poules doivent être afforties au coq fi l’on veut une race pure ; mais fi l’on cher¬ che à varier & même à perfeûionner l’efpèce., il faut croiier les races. Cette ob¬ servation n’avoit point échappé aux Anciens; Columelle dit positivement que les meilleurs poulets font ceux qui proviennent du mé¬ lange d’un coq de race étrangère avec les poules communes ; & nous voyons ' dans Athénée , que l’on avoir encore enchéri fur cette idée, en donnant un coq-faifân aux poules ordinaires ( i). Dans tous les cas , 0:1 doit choifir celles qui ont l’œil éveillé , la crête flottante & rouge , & qui n’ont point d’éperons ; les (g) Nota . Ayant renfermé trois gu quatre jeunes coqs dans un lieu où ils ne pou voient avoir de com¬ munication avec aucune poule , bientôt ils dépoferent leur animofité précédente; & au lieu de fe battre, cha¬ cun t&choit de cocher Ton camarade , quoiqu’aucun ne parût bien aife d’être coché. Voyez préface des Gla «=> nuns s tom. IL. (h) Traclatu NUM BrUTA R ATI ONE VTANTVR „ [i] De Re rvfiicâ , lih. VIII , cap il. — Nota. Lon- golius indique la façon de faire réuflir cette union du coq-faifan avec les poules communes. Gefner , de AvL- bus , pag. 445. Et l’on m’a affuré que ces poules fe mê¬ lent aufïi avec le coq-pintade, lorfau’on les a élevés de jeunefte enfemble ; mais que les mulets qui proviens nentde ce mélange font peu féconds. \ y 6 H flaire naturelle proportions de leur corps font, en général, plus légères que celles du mâle ; cependant elles ont les plumes plus larges & les jam¬ bes plus baffes : les bonnes Fermieres don¬ nent la préférence aux poules noires , com¬ me étant plus fécondes que les blanches t & pouvant échapper plus facilement à la vue perçante de l’oifeau de proie qui plane fur les baffe-cours. Le coq a beaucoup de foin & même d’inquiétude & de fouci pour fes poules : iî ne les perd guere de vue , il les conduit , les défend , les menace , va chercher celles qui s’écartent , les ramène , &. ne fe livre plaifir de manger que lorfqu’il les voit Cl 1 1 t*- n toutes manger autour de lui ; à juger par les différentes inflexions de fa voix & par les différentes expreffions de fa mine , on ne peut guere douter qu’il ne leur parle dif- férens langages : quand il les perd il donne des fignes de regrets ; quoiqu’aufïi jaloux qu’amoureux il n’en maltraite aucune , fa îaloufie ne l’irrite que contre fes concur- rens ; s’il fe préfente un autre coq , fans lui donner le temps de rien entreprendre , il accourt l’oeil en feu , les plumes hériffées , fe jette fur fon rival , & lui livre un combat opiniâtre jufqu’à ce que l’un ou l’autre fuc- combe , ou que le nouveau venu lui cède le champ de bataille ; le defir de jouir , tou¬ jours trop violent, le porte non-feulement à écarter tout rival , mais même tout obf- tacle innocent ; il bat & tue quelquefois les pouflîns , pour jouir plus à fon aile de la mere : mais ce feul defir cft-il la caufe de du Coq . *jy fa fureur jaloufe ? au milieu d’un férail nom¬ breux & avec toutes les reffources qu’il fait fe faire , comment pourroit-il craindre le befoin ou la difette ? Quelque véhémens que foient fes appétits , il femble craindre en¬ core plus le partage qu’il ne defire la jouif- lance ; & comme il peut beaucoup , fa ja- loufie eft au moins plus excufable & mieux fentie que celle des autres Sultans : d'ail¬ leurs , il a comme eux une poule favorite qu’il cherche de préférence , & à laquelle il revient prefqu’auffi fouvent qu’il va vers les autres. Et ce qui paroît prouver que fa j al ou fie ne laiiTe pas d’être une paffion réfléchie , quoiqu’elle ne perte pas contre l’objet de fes amours , c’efl que plufieurs coqs dans une baffe-cour ne ceffent de fe battre , au lieu qu’ils ne battent jamais les chapons , a moins que ceux-ci ne prennent l’habitude dé fuivre quelque poule. Les hommes , qui tirent parti de tout , pour leur amufement , ont bien fu mettre en œuvre cette antipathie invincible , que la Nature a établie entre un coq & un coq; ils ont cultivé cette haine innée avec tant d’art , que les combats de deux oifeaux de bafie-cour font devenus des fpecfacles dignes d’intéreffer la curiofité des peuples , meme des peuples polis ; & en même temps des moyens de développer ou entretenir dans les âmes cette précieufe férocité, qui eft , dit-on , le germe de l’héroïfme on a vu , on voit encore tous les jours dans plus d’une contrée > des hommes de tous états c* 3 Hijloire naturelle accourir en foule à ces grotefques tournois 5 fe divifer en deux partis ; chacun de ces partis s'échauffer pour ion combattant , join¬ dre la fureur des gageures les plus outrées 3 à l’intérêt d’un fi beau fpeôacie , & le der¬ nier coup de bec de Poifeau vainqueur 9 renverfer la fortune de plufieurs familles ; c’étoit autrefois la folie des Rhodiens , des Tangriens , de ceux de Pergame ( k ) ; c’eft aujourd’hui celle des Chinois (l)> des ha¬ bit an s des Philippines, de Java, de 1 Iflhme de l’Amérique , & de quelques autres Na¬ tions des deux continens ( m ). Au refis , les coqs ne font pas les feu! s oifeaux dent on ait ainfi abufê : les Athé¬ niens qui avoient un jour dans c.onfacré à ces combats de coqs , l’année ( n ) eniploy oient [£] Pline 3 hift. nat. lib. X, cap. xxj. [Z] Gemelli Careri , tom, V, pag. 36 , anciennes Relations des Indes & 'de îa Chine. Tradufticn de Y A» îabe » pag. 105. \jn) Navarete, Defcription de la Chine , pag, 4$, ( n ) Thémiftocle allant combattre les Perfes , & voyant que Tes foldats montroient peu d’ardeur , leur fit re¬ marquer l’acharnement avec lequel des coqs fe battoient : ?» Voyez, leur dit-il, le courage indomptable de ces animaux : cependant ils n’ont d’autre motif que le de- fir de vaincre ; & vous , qui combattez pour vos foyers, pour les tombeaux de vos peres , pour la liberté. ... Ce peu de mots ranima le courage de l’armée, 6c Thé- miftoeîe remporta la viRoire. Ce fut en mémoire de cet événement que les Athéniens inftituerent une efpè- ce de fête qui fe célébroit par des combats de coqs* Voyez Eîien , de varia hifioiiâ, ---Lib, II» du Coq * 79 suffi les cailles au même ufage ; & les Chi¬ nois élèvent encore aujourd’hui pour le combat , certains petits oifeaux refleinblans à des cailles ou à des linottes ; & par- tout la maniéré dont ces oileaux le battent eit différente , félon les diverfes écoles cù ils ont été formés , & félon la diverfité des armes oifenfives dont on les affuble : mais ce qu’il y a de remarquable , c’eft que les coqs de Rhodes , qui étoient plus grands , plus forts que les autres , & beaucoup plus ardens au combat, l’étoient au contraire beaucoup moins pour leurs femelles ; il ne leur falloit que trois poules au lieu de quinze ou vingt, foit que leur feu fe fût éteint dans la foiitude forcée où ils avoient cou¬ tume de vivre , foit que leur colere trop fbuvent excitée eût étouffé en eux des pal¬ lions plus douces , & qui cependant étoient dans l’origine le principe de leur courage 6c la fource de leurs difpofitions guerrières : les mâles de cette race étoient donc moins mâles que les autres , & les femelles , qui fouvent ne font que ce qu’on les fait , étoient moins fécondes & plus pareffeufes , foit à couver leurs œufs , foit à mener leurs poufiîns : tant l’art avoit bien réuffi à dépra¬ ver la Nature ! tanfc l’exercice des talens de la guerre eft oppofé à ceux de la pro¬ pagation ! Les poules n’ont pas befoin du coq pour produire des œufs ; il en naît fans ceffe de la grappe commune de l’ovaire , lefquels indépendamment de toute communication avec le mâle , peuvent y groffir , & en grof- So Hijtoire naturelle 'iiifant acquièrent leur maturité , fe détachent de leur calice & de leur pédicule , parcou- rent Yovidutius dans toute la longueur, che¬ min faiiant s’afîimilent par une force qui leur efi propre la lymphe dont la cavité de cet tèvidudus el l remplie , en compofent leur blanc , leurs membranes , leurs coquilles * & ne relient dans ce vifcère que juiqu’à ce que fes libres élalliques & fenilbles étant gênées , irritées par la préfence de ces corps , devenus déformais des corps étrangers, en¬ trent en contraction , & les pouffent au de¬ hors le gros bout le premier * félon AnHote* Ces œufs font tout ce que peut faire la nature prolifique de la femelle feule & aban¬ donnée à elle-même; elle produit bien un corps organisé capable d’une forte de vie * mais non un animal vivant femblable à ’ fa mere , & capable lui-même de produire d’au¬ tres animaux fembîables à lui;, il faut pour cela le concours du coq &le mélange intime des liqueurs féminales des deux fexes ; mais lorfquime fois ce mélange a eu lieu , les effets en font durables* Harvey a obfervé que l’œuf d’une poule féparée du coq de¬ puis vingt jours, n'étoit pas moins fécond que ceux qu’elle avoit pondus peu après d’accouplement ; mais l’embryon qu’il con- tenoit n’étoit pas plus avancé pour cela* & il ne falloit pas le tenir fous la poule moins de temps qu’aucun autre pour le faire éclore ; preuve certaine que la chaleur feule ne fu fiit pas pour opérer ou avancer le dé¬ veloppement du poulet , mais qu’il faut en¬ core que l’œuf foit formée ou bien qu’il fe §î trouve en lieu où il puiffe tranfpirer , pour que l'embryon qu’il renferme foit lufcepti- ble d’incubation : autrement tous les œufs qui refteroient dans l’ oviduttus vingt-un jours après avoir été fécondés, ne manqueroient pas d’y éclore , puisqu’ils auroient le temps & la chaleur néeeffaires pour cela , & les poules feroient tantôt ovipares & tantôt vi¬ vipares ( o ). Le poids moyen d’un œuf de poule ordi¬ naire eft d'environ une once fix gros ; fi on ouvre un de ces œufs avec précaution , on trouvera d’abord fous la coque une mem¬ brane commune qui en tapiffe toute la ca¬ vité , enfuite îe blanc externe qui a la forme de cette cavité; puis le blanc interne qui eft plus arrondi que le précédent, & enfin au centre de ce blanc le jaune qui eft fphé- rique : ces différentes parties font conte¬ nues chacune dans fa membrane propre ; & toutes ces membranes font attachées en- fernble à l’endroit de ces chah^jz^ ou cor¬ dons, nui forment comme les deux pôles du • • f /-* f équateur , & fixée foiidement à l’a fur- face {p ). (o) Nota. Je ne vois que !e rlo&eur Michel Lyze- rutz qui ait parlé d’une poule vivipare ; mais les exem¬ ples en feroient plus fréquens, s’il ne falioic que de la chaleur à un œuf fécondé pour éclorre. Ephé- menées d’Allemagne, Dec. Il , an. append. objerv . xxviij. ( p ) Nota, Bellini, trompé par fes expériences ou plu- 8 1 Hifloirt naturelle A Fégard de fa forme extérieure * elle eft trop connue pour qu’il foit befoin de la décrire , mais elle eil affez fou vent altérée par des accidens dont il eil facile , ce me iémble , de rendre raifon 5 d’après rhiiioire de l’œuf même & de fa formation. Il n’eft pas rare de trouver deux jaunes dans une feule coque ; cela arrive iorfque deux œufs également murs fe détachent en même temps de l’ovaire , parcourent e nie r⬠ble Vovidu&us j & formant leur blanc fans fe féparer 5 fe trouvent réunis fous la même enveloppe. * de Si par quelqu’accident facile à fuppofer un œuf détaché depuis quelque temps c l’ovaire , fe trouve arrêté dans fon acctoif- fement ? & qu’étant formé autant qu’il peut l’être , il fe rencontre dans la fphere d’ac¬ tivité d’un autre œuf qui aura toute fa force ; tôt par les conféquences qu’il en avoit tirées, croyoit & avoit fait croire à beaucoup de monde, que dans las œufs frais durcis à l'eau bouillante , la cicatricule quit- toit la furface du jaune pour fe retirer au centre j mais que dans les œufs couvés , durcis de même , la Cicatricule reftoit conftamment attachée à la furface. Les Savans de Turin, en répétant & variant les mê¬ mes expériences , fe font allurés que dans tous les œufs couvés ou non couvés , la cicatricule redoit tou¬ jours adhérente à la furface du jaune durci ; que le corps blanc que Bellini avoit vu au centre , & qu'il avoit pris pour la cicatricule , n’étoit rien moins que cela , & ne paroiffoit en effet au centre du jaune que tarfqu’il étoit ni trop ni trop peu cuit. du Coq . celui-ci l’entraînera avec lui , & ce fera un œuf dans un œuf f q ). On comprendra de même comment on y trouve quelquefois une épingle ou tout autre corps étranger qui aura pu pénétrer jufque dans Yoviduelus (r). 11 y a des pou¬ les qui donnent des œufs hardes ou lans coque , foit par le défaut de la matière propre dont fe forme la coque , foit parce qu’ils font chaffés de Yovïductus avant leur entiers maturité ; auiTi n’en voit-on jamais éclore de poulet , & cela arrive , dit-on , aux poules qui font trop graffes : des caufes directement contraires produifent les œufs à coque trop épaiffe &. même des œufs à double coque : on en a vu qui avoient confervé le pédicule par lequel ils étoient attachés à l’ovaire , d’autres qui étoient contournés en maniéré de croiffant , d’autres qui avoient la forme d’une poire ; d’autres enfin qui portoient fur leur coquille l’em¬ preinte d’un foleil , d'une comète {s ) , d’une éclipfe ou de tel autre objet dont on avoit l’imagination frappée ; on en a même vu quelques-uns de lumineux : ce qu’il y avoit de réel dans ces premiers phénomènes , c’eft-à-dire , les altérations de la forme d iS (q) Collection académique, partie françoife, tom. I, psg. 3 SS ; 6c tom. II , pag. 327 ; 6c partie étrangère , tom. IV, pag. 327. (r) Ibidem y partie françoife, tom. I, pag. 3 88 * (j) Collection académique , partie étrangers , tom, IV, pag. 16©, 8 4 Hifioire naturelle P oeuf, ou les empreintes à fa furface , ne doit s’attribuer qu’aux différentes compref- fions qu’il avoit éprouvées clans le temps que fa coque étoit encore axiez fouple pour céder à l’effort, & néanmoins axiez ferme pour en conferver l’impreiîlon : il ne feroit pas tout -à-fait fi facile de rendre raifon des œufs lumineux [t];un Doèteur Allemand en a obfervé de tels , qui étoient aéhiel- lement feus une poule blanche , fécondée , ajoute-t-il , par un coq très ardent : on ne peut honnêtement nier la polïihilité du fait y mais comme il eit unique , il eft prudent de répéter l’obfervation avant de l’expliquer. À l’égard de ces prétendus œufs de coq qui font fans jaune, & contiennent , à ce que croit le peuple , un ferpent [ u ] , ce n’eft autre chofe , dans la vérité , que le premier produit d’une poule trop jeune , ou le dernier effort d’une poule épuifée par fa fécondité même ; ou enhn ce ne font que des œufs imparfaits dont le jaune aura été crevé dans Vovidu&us. de la poule , foit par ?[uelqu’accident , foit par un vice de con¬ ormation, mais qui auront toujours con- fervé leurs cordons ou chala^Ge , que les amis du merveilleux n’auront pas manqué de prendre pour un ferpent : c’eft ce que M. de la Peyronie a mis hors de doute s [r] Ephémérides des curieux de la nature. Dec. il , an . 6 y append, obferv.xxw («) Collégien académique , partie françoife , tom. III. du Coq • 8 q par la diffe&ion d’une poule qui pondoit de ces œufs *, mais ni M. de la Peyronie , ni Thomas Bartholinqui ontdiiTequé de préten¬ dus coqs ovipares [ * ] , ne leur ont trouvé d'œufs, ni d’ovaires , ni aucune partie équiva¬ lente. Les poules pondent indifféremment pendant toute l’année , excepté pendant la mue qui dure ordinairement fix femaines ou deux mois fur la fin de l’automne & au commencement de l’hiver : cette mue n’eft autre chofe que la chute des vieilles plumes qui fe détachent comme les vieilles feuilles des arbres , Se comme les vieux bois des cerfs , étant pouf- fées par les nouvelles ; les coqs y font fujets comme les poules ; mais ce qu’il y a de remarquable , c’eft que les nouvelles plumes prennent quelquefois une couleur différente de celles des anciennes. Un de nos Obfervateurs a fait cette remarque fur une poule & fur un coq , & tout le monde la peut faire fur plufieurs autres efpèces d’oifeaux, & particuliérement fur les ben¬ galis dont le plumage varie prefque à chaque mue ; & en général, prefque tous les oifeaux ont leurs premières plumes , en naiffant , d’une couleur différente de celle dont elles doivent revenir dans la fuite. La fécondité ordinaire des poules conufte à pondre prefque tous les jours ; on dit (*) Colle&ian académique , partie étrangère , tom. !V,pag, 213, S 6 Hijîoirc naturelle qu’il y en a en Samogitie [y ], à Malaca & ailleurs , qui pondent deux fois par jour. Ariflote parle de certaines poules d’Illyrie qui pondoient jufqu’à trois fois, & il y a apparence que ce lont les mêmes que ces petites poules adriènes ou adriatiques dont il parle dans un autre endroit , & qui é.toient renommées par leur fécondité : quel¬ ques-uns ajoutent qu’il y a telle maniéré de nourrir les poules communes , qui leur donne cette fécondité extraordinaire ; la chaleur y contribue beaucoup ; on peut faire pondre les poules en 'hy ver en les tenait dans une écu¬ rie où il y a toujours du fumier chaud fur lequel elles puiffent léjourner. Dès qu’un œuf eft pondu , il commence à tranfpirer , & perd chaque jour quelques grains de fon poids par l’évaporation des parties les plus volatiles de fes fucs : à me- litre que cette évaporation fe fait, ou bien il s’épaifiit, fe durcit & fe defsèche, ou bien il contracte un mauvais goût, & il fe gâte enfin totalement au point qu’il devient in¬ capable de rien produire : l’art de lui con- ferver long-temps toutes fes qualités , fe réduit à mettre obftacle à cette tranfpiration (a) par une couche de matière graffe queî- (y) Rzaczynski , Hift, nat * Polon. pa-g. 432., (j) Bontekoe ^ Voyage aux Indes orientales , p . 234, . (a) Nota. Le Journal Economique du mois de Mars £755, fait mention de trois œufs , bons à manger , trou¬ vés , en Italie , dans l’épaiffeur d’un mur conftruit il y âxoitjoo ans : ce fait §& d'autant plus difficile à croire du Coq. 87 conque , dont on enduit exactement fa co¬ que peu de momens après qu’il a été pondu; avec cette feule précaution on gardera pen¬ dant plufieurs mois & même pendant des années des œufs bons à manger , fufceptibles d’incubation , & qui auront en un mot toutes les propriétés des œufs frais ( b ) : les habi- tans de Tonquin les confervent dans une ef- pèce de pâte faite avec de la cendre tamifée 9 & de la iâumure , d’autres Indiens dans l’huile ( c ) ; le vernis peut auffi fervir à conferver les œufs que l’on veut manger ; mais la graifie n’eft pas moins bonne pour cet ufage , & vaut mieux pour conferver les œufs que l’on veut faire couver 9 parce qu’elle s’enlève plus facilement que le vernis , & qu’il faut nétoyer de tout enduit les œufs dont on veut que l’incubation réuffiffe ; car tout ce qui nuit à la tranfpiration nuit auffi au fuc- cès de l’incubation. J’ai dit q,ue le concours du coq étoit nécefi faire pour la fécondation des œufs, & c’eft un fait acquis par une longue & confiante ou’un enduit de mortier ne feroit pas fuffifant pour conferver un oeuf, & que les murs les plus épais étant fujets à l’évaporation dans tous les points de leur épaif- feur , puifque les mortiers de l’intérieur fe fecbent à îa longue , ils ne peuvent empêcher la tranfpiration des œufs cachés dans leur épaiiTeur , ni par conféquent les conferver. ( b ) Pratique de Part de faire éclore les poulets, pag, 238. (c) Suite du Voyage de Tiavernier , tom, V , pages 225 & 22.6e 88 Hijîoîrc naturelle, expérience ; mais les détails de cet a&e fi ef» fentiel dans l’hiftoire des animaux font trop peu connus; on fait, à la vérité, que la ' verge du mâle eft double , & n’eft autre choie que les deux mamelons par lefquels fe terminent les vaiffeaux fpermatiques à l’endroit de leur infertion dans le cloaque ; on fait que la vulve de la femelle eft placée au-deffus de l’anus , & non au-defl'ous comme dans les quadrupèdes (J); on fait que le coq s’approche de la poule par une efpèce de pas oblique , accéléré , bahTant les ailes comme un coq-dinde qui fait la roue, éta¬ lant même fa queue à demi , & accompa¬ gnant fon aétion d’un certain murmure ex- preffif , d’un mouvement de trépidation & de tous les fignes du defir preffant ; on fait qu’il s’élance fur la poule qui le reçoit en pliant les jambes , fe mettant ventre à terre , & écartant les deux plans de longues plu¬ mes dont fa queue eft compofce ; on fait que le mâle faifit avec fon bec la crête ou les plumes du fommet de la tête de la femel¬ le, l'oit par maniéré de careffe, feit pour garder l’équilibre ; qu’il ramene la partie poftérieure de fon corps où eft fa double verge, & l’applique vivement fur la partie poftérieure du corps de la poule où eft" l’ori¬ fice correfpondant ; que cet accouplement dure d’autant ■■•moins qu’il eft plus fouvent (à) R edi , degli Animait viventi , &c. Collection aca¬ demique, partie étrangère , tom, IV, pag, 520; & Ré¬ gnier Graaf, pag. 243. répété du Coq . c 9 répété , & que le coq femhle s’applaudir après par un battement d’ailes & par une eipèce de chant de joie ou de viôoire; on fait que le coq a des tefticules , que fa li¬ queur féminale réfide , comme celle des qua¬ drupèdes , dans des v ai fie aux fpermatiques ; on fait , par mes obfervations , que celle de la poule réfide dans la cicatricule de chaque œuf, comme celle des femelles qua¬ drupèdes dans le corps glanduleux des tef¬ ticules ; mais on ignore fi la double verge du coq , ou feulement Tune des deux , péné¬ tré dans l’orifice de la femelle , & même s’il y a intromifiion réelle ou une compref- fion forte , ou un fimple contaéf ; on ne fait pas encore quelle doit être précifément la condition d’un œuf pour qu’il puifie être fécondé , ni jufqu’à quelle diftance l’action du mâle peut s’étendre ; en un mot , mal¬ gré le nombre infini d’expériences & d’ob- fervations que l’on a faites fur ce fujet , on ignore encore quelques-unes des principales circonftances de la fécondation. Son premier effet connu eft la dilatation de la cicatricule & la formation du poulet dans fa cavité : car, c’efi la cicatricule qui contient le véritable germe , & elle fe trouve dans les œufs fécondés ou non * même dans ces prétendus œufs de ccq dont j’ai parlé plus haut ( e ) , mais elle eft ( e ) Nota. M. de la Pe)rrorue a obfervé dans ces oeufs , une tache ronde , jaune, d’une ligne d oaètre , fans èoailfevir , fituée fur la membrane qu’on H un de c dia- Hijtolre naturelle 9© plus petite dans les œufs inféconds. Maîplghi Fayant examinée dans des œufs féconds non- veilement pondus & avant qu’ils euffent été couvés , vit au centre de la cicatricule une bulle nageant dans une liqueur , & reconnut au milieu de cette bulle , l’embryon du poulet bien formé ; au lieu que la cicatricule des œufs inféconds & produits par la poule feule , fans communication avec le mâle , ne lui préfenta qu’un petit globule informe muni d’appendices,, remplies d’un fixe épais , quoique tranfparent & environné de plufieurs cercles concentriques (/) ; on n’y apperçoit aucune ébauche d’animal ; roreanifation intime & comolète d’une ma- tiere informe , n’eft que l’effet inftantané du mélange des deux liqueurs féminales ; mais s’il ne faut qu’un moment à la Nature po'ur donne r la forme première à cette g mire traniparente , & pour la pénétrer du principe vie dans tous fes points , il lui faut de beaucoup de temps & de fecours pour perfectionner cette première ébauche ; ce font principalement les meres qu'elle femble avoir chargées du foin de ce développement ? trouve fur la coque : on peut croire que cette tache , qui devroit être blanche , n’étoit jaune ici que parce -que le jaune de l’œuf s’étoit épanché de toutes parts , comme on l’a reconnu par la difTe&ion de la poule ; ÔC fi elle étoit fituée fur la membrane qu’on trouve fous la coque , c’eft qu’après l’épanchement du jaune , îi mem¬ brane qui contenoit ce jaune , étoit reftée adhérente à celle de la coque. {/) MaTpighi , Fullus m cyo , du Coq. ‘ 9 r en leur inspirant le defir ou le befoin de couver; clans la plupart des poules, ce defir fe fait fentir aufti vivement, fe marque au dehors par des lignes auffi énergiques que celui cfe l'accouplement auquel il fuccèr'e dans l’ordre de la Nature, fars meme qu’il foit excité par la préfence d’aucun œuf ; une poule qui vient de pondre éprouve une forte de tranfport que partagent les autres poules qui n’en font que témoins, ti q Tel¬ les expriment toutes par des cris de joie répé¬ tés (g ) ; foit que la cef-'ation ftibite des dou¬ leurs de V accouchement foit toujours ac¬ compagnée d'une joie vive , foit que -cette mere prévoie dès-lors tous les plaifirs que ce premier plaifir lui prépare : quoi qu’il en foit, lorfqu’elle aura pondu vingt-cnq ou trente œufs, elle fe mettra tout de bon a les couver; fi on les lui ôte à mefure, elle pondra peut-être deux ou trois fois da¬ vantage , & s’épuifera par fa fécondité me¬ me ; mais enfin il viendra un temps ou par la force de i inflinft elle demandera a co ?ver par un giouffement particulier, & par des (g) Nota. Nous n’avons point ( in 5 notre lang e de termes propres pour orprimer les c ~N:rerrs c- $ ' e la poule , ccq , r es poulets ; les Latins , qui fe p ai- gnoie étoient beaucoup plus riches que nous , & a/oient ^es expreT ons pour rendre tou¬ tes ces riüérences. Voyez Gefner , Avibui , oage 431. Gallus cucurrit : pa//i pipiunt ; iaLLina cant r.t , çracilLat pat , fingultit ; gUciunt e en ce que tout du Coq . ç ^ îe corps fe recouvre d’une chair onfhieufe ; que le cœur eft retenu au dedans par une membrane fort mince , qui s’étend fur la ca¬ pacité de la poitrine , & que l’on voit les vaifleaux ombilicaux fortir de l’abdo¬ men (/y. Le fixième jour , la moëlle de l’épine s’é¬ tant divifée en deux parties , continue de s’avancer le long du tronc ; le foie qui étoit blanchâtre auparavant , eft devenu de couleur obicure ; le cœur bat dans fes deux ventri¬ cules ; le corps du poulet eft recouvert de la peau , & fur cette peau l’on voit déjà poindre les plumes. Le bec eft facile à diftinguer le feptième jour ; le cerveau , les ailes , les cuiffes & les pieds ont acquis leur figure parfaite ; les deux ventricules du cœur paroiffent comme deux bulles contiguës & réunies par leur partie fupérieure , avec le corps des oreil¬ lettes: on remarque deux mouvemens fuc- cefîifs dans les ventricules auffi-bien que dans les oreillettes , ce font comme deux cœurs féparés. Le poumon paroît à la fin du neuvième Jour , & fa couleur eft blanchâtre ; le dixiéme Jour les mufcles des ailes achèvent de fe former , les plumes continuent de fortir > (/) Nota . Les vatfleaux qui fe répandent dans îe jaune de l’œuf, & qui par conféquent fe trouvent hors de Yab~ domen du poulet , rentrent peu à peu dans cette cavi¬ té , félon la remarque de Stenon. Voye\ CoLic'Hio'i Académique, partie étrangère, tom, V , pag, yyz. 9 6 Hijloïrc naturelle & ce n’eft que le onzième jour qu’on voit des artères , qui auparavant étoient éloignées du cœur , s’y attacher , & que cet organe fe trouve parfaitement conformé & réuni en deux ventricules. Le refte n’eft qu’un développement plus grand des parties , qui fe fait jufqu’à ce que le poulet cafte fa coquille après avoir pi¬ pé ( m ) 5 ce qui arrive ordinairement le vingt- unièmejour , quelquefois le dix-huitième 9 d’autres fois le vingt-feptième. Toute cette fuite de phénomènes qui forme un fpeélacle fi intéreiTant pour un Obfer- vateur , efî l’effet de l'incubation opérée par une poule ; & l’induftrie humaine n’a pas trouvé qu’il fut au-deffous d’elle d’en imi¬ ter les procédés : d’abord de {impies villageois d’Egypte , enfuite des Phyficiens de nos jours , font venus about de faire éclore des œufs auffi bien que la meilleure couveufe , & d’en faire éclore un très grand nombre à la fois ; tout le fecret confrfte à tenir ces œufs dans une température qui réponde à-peu-près au degré de la chaleur de la poule , & a les garantir de toute humidité & de toute exhalaifon nuifible 9 telle que celle du charbon , de la braife , même de celle des œufs gâtés r en rempliffant ces deux conditions effentielles & en y joignant l’attention de retourner fouvent les œufs , & de faire circuler dans le four ou l’étuve les corbeilles qui les con- ( m) Hijloire naturelle , tom, III , page i-j & fui - vantes, tiendront dît Coq . y*j tiendront > en forte que non-feulement cha¬ que œuf, mais chaque partie du même œuf participe à-peu-près également à la chaleur requife * on réuifira toujours à faire éclore des milliers de poulets. Toute chaleur eft bonne pour cela; celle de la mere-poule n’a pas plus de privilège due celle de tout autre animal , fans en ex- cepter l’homme (n) -, ni celle du feu folaire ou terreftre , ni celle d’une couche de tan ou de fumier : le point effentiel eft de favoirs’en rendre maître, c’eft-à-dire, d'être toujours en état de l’augmenter & de la diminuer à fon gré : or , il fera toujours pof- fible , au moyen de bons thermomètres diftribués avec intelligence dans l’intérieur du four ou de l’étuve , de favoir le degré de chaleur de fes différentes régions ; de la conferver en étoupant les ouvertures & fer¬ mant tous les regiftres du couvercle ; de ^augmenter-, foit avec des cendres chaudes fi c'eft un four > foit en ajoutant du bois dans le poêle fi c’eft une étuve à poêle , foit en faifant des réchauds fi c’eft uns couche ; Se enfin de la diminuer en ouvrant les regift ( n ) Nota, On fait que Livie étant groffe , imagina cîe couver & faire éclore un œuf dans ton fein , vou¬ lant augurer eu fexe de fon enfant par le fexe du poulTin qui viendroit : ce pouiïin fut 6c fon enfant aulüî. Les Augures ne manquèrent pas de fe prévaloir du fait y pour montrer aux plus incrédules la vérité ce leur art : mais ce qui refte le mieux prouvé , c’eft que la chaleur humaine eft fuffifante pour 1 incubation des oeufs. Qïfeuux 3 Tome 111 , I Hijzolre naturelle £)8 ires pour donner accès à l’air extérieur , ou Bien en introduifant dans le four un ou plu¬ sieurs corps froids , &c. Au relie , quelqu’attention que l’on donne à la conduite d’un four d’incubation , il n’effc guere poffible d’y entretenir conftamment & ians interruption, le trente-deuxième degré qui eft celui de la poule; heureufement ce terme n’eft point indivifible , & l’on a vu la chaleur varier du trente-huitième au vingt- quatrième degré , fans qu’il en réfultâ.t d'in¬ convénient pour la couvée ; mais il faut re¬ marquer qu’ic; l’excès elt beaucoup plus à craindre que le défaut; & que quelques heures du trente-huitième & même du trente-fixiè- me degré , feroient plus de mal que quelques jours du vingt-quatrième ; & la preuve que cette quantité de moindre chaleur peut encore être diminuée fans inconvénient, c’efi: qu’ayant trouvé, dans une prairie qu’on fauchoit , le nid d’une perdrix , & ayant gardé & tenu à l’om¬ bre les çeufs pendant trente-fix heures , qu’on ne put trouver de poule pour les couver , ils éclorent néanmoins tous au bout de trois jours , excepté ceux qui avoient été ouverts pour voir où en étoient les perdreaux ; à la vérité ils étoient très avancés , & fans doute il faut un degré de chaleur plus fort dans les commencemens de l’incubation que fur la fin de ce même temps , où la chaleur du petit où feau fiiffit prefque feule à fon développement. A l’égard de fon humidité, comme elle eft fort contraire au fuccès de l’incubation , il faut avoir des moyens sûrs pour reçonnoître fl elle a pénétré dans le four , pour la dilîiper du Ce a. co / îorfqifelle y a pénétré, & pour empêcher JL J ê- a X < » i ^ * I 1 1 qu il n en vienne ae nouvene. L’hygromètre ie plus fmiple & le plus approprié pour juger de l’humidité de l’air de ces fortes de fours , c’eft un œuf froid qu’on y introduit & qu’on y tient pendant quelque temps , lorfque le jufte degré de chaleur y eft établi ; fi au bout d’un demi-quart d’heu¬ re au plus , cet œuf fe couvre d’un nuage léger , iemblable à celui que Thaïe ine produit fur une -glace polie , ou bien à celui qui fe forme l’été fur la iurface extérieure d’un verre où l’on verfe des liqueurs à la glace , c’eft une preuve que l’air du four eft trop humide , & il l’eft d'autant plus que ce nuage eft plus long-temps à fe diffiper ; ce qui arrive prin¬ cipalement dans les fours à tan & à fumier , que l’on a voulu renfermer en un lieu clos ; le meilleur remède à cet inconvénient eft de renouveller l’air de ces endroits fermés , en y établiffant plufieurs courans par le moyen de fenêtres oppofées , & à défaut de fenêtres en y plaçant & agitant un ventilateur pro¬ portionné à l’efpace : quelquefois la feule transpiration du grand nombre d’œufs , pro¬ duit dans le four même une humidité trop grande ; & dans ce cas , il faut tous les deux ou trois jours retirer pour quelques inftans f les corbeilles d’œufs hors du four , & l’é¬ venter fimplement avec un chapeau qu'on y agitera en différens iens. Mais ce n’eft pas allez de difliper l’humî* d:té qui s'eft accumulée dans les fours il faut encore * autant qu’il eft poffible , lui I 2 100 Hijloire naturelle interdire tout accès par dehors , en revérif¬ iant leurs parois extérieures , de plomb laminé ou de bon ciment ou de plâtre ou de goudron bien cuit , ou du moins en leur don¬ nant plufieurs couches à l’huile qu’on laif» fera bien fécher , & en collant fur leurs pa¬ rois intérieures des bandes de veflies ou de fort papier gris. C’eft à ce peu de pratiques aifées que fe réduit tout l’art de l’incubation artificielle ; & il faut y affujettir la ftruâure & les di- jnenfions des fours ou étuves , le nombre * la forme & la diftribution des corbeilles, & toutes les petites manœuvres que la circonf- tance preferit , que le moment infpire , & qui nous ont été détaillées avec une immen- iité de paroles , & que nous réduirons ici dans quelques lignes , fans cependant rien omettre (o). Le four le plus fimple eft un tonneau revêtu par dedans de papier collé , bouché par la haut d’un couvercle qui l’emboîte 9 lequel efi percé dans fon milieu d’une grande ouverture fermant à couliffe , pour regarder clans le four, & de plufieurs autres petites autour de celle-là lervant de regiftre pour le ménagement de la chaleur , & fermant aufli à couliffes : on noie ce tonneau plus qu’aux trois quarts de fa hauteur dans du fumier chaud ; on place dans fon intérieur les ( o ) Voye{ l’Art de faire [éclore les poulets > par M* de Reaumur* 2. vol. in-z2. du Coq. îd unes au * defîus des autres & à de jufles in¬ tervalles , deux, ou trois corbeilles à claire- voie , dans chacune defquelles on arrange deux couches d'œufs , en obfervant que la couche fupérieure foit moins fournie que l’in¬ férieure , afin que Ton puilfe avoir Tœil fur celle-ci ; on ménage, fi l’on veut, une ouvertu¬ re dans le centre de chaque corbeille , & dans l’efpèce de petit puits formé par la rencontre de ces ouvertures qui répondent toutes à l’axe du tonneau; on y iufpend un ther¬ momètre bien gradué , on en place d’autres en différons points de la circonférence 5 on entretient par - tout la chaleur au degré re¬ quis , & on a des poulets. On peut suffi en économifant la chaleur & tirant parti de celle qu’ ordinairement on 1 aille perdre , employer à l’incubation artifi¬ cielle , celle des fours des pâtiffiers & des boulangers , celle des forges & des verreries , celle même d’un poêle ou d’une plaque de cheminée , en fe fouvenant toujours que le fuccès de la couvée elx attaché principalement à une jufte diftribution de la chaleur, & à l’exclufion de toute humidité. Lorfque les fournées font confidérables & qu’elles vont bien, elles produifent des mil¬ liers de poulets à la fois ; & cette abondance même ne feroit pas fans inconvénient dans un climat comme le nôtre, fi Von n’eût trouvé moyen de fe palier de poule pour élever les poulets , comme on favoit s’en palier pour les faire éclore; & ces moyens fe réduifent à une mutation plus ou moins 2 02 Hijîom n&tur parfaits des procédés de la pouls , lcrfcjite les pouffins font éclos. On juge bien que cette mers qui a montré tant d'ardeur pour couver , qui a couvé avec tant d'alïïduité, qui a ïoigné avec tarit d’in¬ térêt des embryons qui n’exiftoient point en» core pour elle , ne fe refroidit pas lorfque les pouffins font écîos ; fon attachement for» tifié par la vue de ces petits êtres qui lui doivent la naiffance , s’accroît encore tous les jours par les nouveaux foins qu'exige leur foibleffe ; fans.eeffe occupée d’eux, elle ne cherche de îa nourriture que pour eux ; fi elle n’en trouve point, elle gratte la terre- avec fes ongles pour lui arracher les alimens qu'elle recèle dans fon fein,& elle s'en pri¬ ve en leur faveur ; elle les rappelle lorfqifils s'égarent , les met fous fes ailes à l’abri des intempéries & les couvé une fécondé fois ; elle fe livre à ces tendres foins avec tant d'ardeur & de fouci , que fa conft nation en eft fenfiblement altérée , & qu’il eft facile de diftinguer de toute autre poule une mere qui me ne fes petits , foit à fes plumes hérif- fées & à fes ailes traînantes , foit au fon en¬ roué de fa voix & à fes différentes inflexions, toutes expreffives , & ayant toutes une forte empreinte de follicitude & d’affection ma¬ ternelle. Mais fi elle s’oublie elle-même pour con- ferver fes petits , elle srexpofe à tout pour les défendre: par oit- il un épervier dans Pair, cette mere fi foible , fi timide , & qui en toute outre circonftançe chercherait fou falut dans du Coq . • Ï03 la fuite , devient intrépide par tendreffe* elle s’élance au-devant de la lerre redouta¬ ble , Sc par fes cris redoublés , fes battemeris d'ailes & fon audace , elle en impofe fou- vent à l’oifeau carnaiiier qui * rebuté d’une réfiftance imprévue , s’éloigne & va cher¬ cher une proie plus facile ; elle paroit avoir toutes les qualités du bon cœur : mais ce qui ne fait pas autant d’honneur au furplus de fon inftinct , c’eft que fi par hafard on lui a donné à couver des œufs de cane ou de tout autre oifeau de riviere , fon a fie 3 ion n’eft pas moindre pour ces étrangers qu’elle le feroit pour fes propres poulhns ; elle ne voit pas qu’elle n’eil que leur nourrice ou tacle finguîier de voir la furprife , les inquié¬ tudes , les tranfes de cette pauvre nourrice qui fe croit encore mere , & qui prefTée du deflr de les fuivre au milieu des eaux , mais retenue par une répugnance invincible pour cet élément , s’agite , incertaine fur le riva¬ ge 9 tremble & fe dé foie , voyant toute fa couvée dans un péril évident , fans ofer lui donner de fecours. Il feroit impoffible de fuppléer à tous les foins de la poule pour élever fes petits , fi ces foins fuppofoiènt nécefTairement un de¬ gré d’attention 6c d’affecfion égal à celui de la mere elle-même ; il fuffit , pour réufîir , de remarquer les principales circonitances de la conduite de la poule , & fes procédés à l’égard de fes petits, & de les imiter autant l©4 Hlflolre naturelle J qu’il ell poffible. Par exemple * ayant ofcfçr- vé que le principal but des foins de la mere eft de conduire fes pouffins dans' des lieux où ils pui£Tent trouver àfe nourrir de les garantir du froid & de toutes les injures de l’air: on a imaginé le moyen de leur procu¬ rer tout cela, avec encore plus d’avantage que la mere ne peut le faire ; s’ils naiiTent en hiver , on les tient pendant un mois ou. fix femaines dans une étuve échauffée au mê¬ me degré que les fours d’incubation : feule¬ ment on les en tire cinq ou fix fois par jour pour leur donner à manger au grand air , 84 iùrtout au foleil ; la chaleur de l’étuve fa- vorife leur développement , l’air extérieur les fortifie & ils profperent : de la mie de pain , des jaunes d’oeufs ^ de_ la fQupe,,du millet font leur première nourriture ; fi c’eft en été, on ne les tient dans l’étuve que trois ou quatre jours , & dans tous les temps on ne les tire de l’étuve que pour les faire: paffer dans la poujjïniere : c’eft une efpèce det cage carrée , fermée par -devant d’un gril¬ lage en fil - de «fer ^ ou d’un fimple filet, & par-defFus d’un couvercle à charnière; c’efi dans cette cage que les pouffins trouvent manger: mais lorfqu’ils ont mangé & couru, fuffifamm ent, il leur faut un abri où ils puifi- fent fe réchauffer & fe repofer , & ç’eft pour- cela que les poulets qui font menés par une mere , ont coutume de fe raffembler alors, fous fes aües.v M, de Reaumur a imaginé, pour çe même ufage une mere artificielle ; c’eff une boîte doublée de peau de mouton , dont ïa fcafe eff carrée , & le deffus incliné comme du Coq , 505 le cîeffus d'un pupitre; il place cette boite à l’un des bouts de fa pouiîiniere , de maniéré que les poulets puiffent y entrer de plein pied & en faire le tour au moins de trois côtés , & il réchauffe par-deffous au moyen d'une chaufferette qu‘on renouvelle félon le b e foin ; l’inclinaifon du couvercle de cette efpèce de pupitre offre des hauteurs diffé¬ rentes pour les poulets de différentes tailles; mais comme ils ont coutume , furtout lorf- qu'iis ont froid, de fe preffer & même de s’entafferen montant les uns fur les autres, & que dans cette foule les petits & les foi- fcles courent rifeme d’être étouffes , on tient cette boite ou mere artificielle ouverte par les deux bouts , ou plutôt on ne la ferme aux deux bouts que par un rideau que le plus petit poulet puiffe foulever facilement , afin qu’il ait toujours la facilité de fortir lorfqu’il fe fent trop preffe , après quoi il peut , en faifant le tour, revenir par l’autre bout& choifir un place moins dangereufe. M. de Reaumur t che encore de prévenir ce même inconvé¬ nient par une autre précaution, c’eft de te¬ nir le couvercle de la mere artificielle incliné affez bas pour que les poulets ne puiffent pas monter les uns fur les autres ; & à me» iiire que les poulets croiffent, il éleve le couvercle en ajoutant fur le côté de la boite des hauffes proportionnées : il renchérit en¬ core fur tout cela , en divifant fes oins gran- des v oujjlnieres en deux par une cloifon tranl- veriale , afin de pouvoir féparer les poulets de différentes grandeurs; il les fait mettre suffi fur des. XQulQtt.es pour la facilite, du iC. A •O . .a- SO 6 Hijlcire ndturtllt îranfpôrt , car il faut ahfolument les rëntref dans la chambre toutes les nuits , & même pendant le jour lorfque le temps eft rude ; & il faut que cette chambre foit échauffée en temps d’hiver; mais , au refte , il eft bon, dans les temps qui ne font ni froids ni plu¬ vieux, d’expofer les pouffinieres au grand air & su foleil , avec la feule précaution de les garantir du vent ; on peut même en te¬ nir les portes ouvertes, les poulets appren¬ dront bientôt à fortir pour aller' gratter le fumier ou becqueter l’herbe tendre , & à rentrer pour prendre leur repas ou s’échauf¬ fer fous la mere artificielle ; ft l’on ne veut pas courir le rifque de les laiffer ainfi vaguer en liberté , on ajoute au bout de la pouiTmïere une cage à poulets ordinaire qui , communi¬ quant avec la premiers , leur fournira un plus grand efpace pour s'ébattre , & une promenade clofe oii ils feront en sûreté. Mais plus on les tient en captivité , plus il faut être exact à leur fournir une nourriture qui leur convienne : outre le millet , les jaunes d’œufs, la foupe & la mie de pin, les jeunes poulets aiment suffi la na¬ vette , le chenevis , & autres menus grains de ce genre ; les pois , les fèves , les lentil¬ les , le ris , l’orge & l’avoine mondés , le turquis écrafé & le blé noir. Il convient, & c’eft même une économie , de faire crever dans l’eau bouillante la plupart de ces grai¬ nes avant de les leur donner; cette écono¬ mie va à un cinquième fur le froment, à deux cinquièmes fur l’orge , à une moitié fur le turquis j à rien fur l'avoine & le blé noir * du Coq . IO7 il y aiiroit de la perte à faire crever le feigle , mais c’eft de toutes ces araines celle que les poulets aiment le moins* Enfin, on peut leur donner , à mefire qu’ils deviennent grands , de tout ce que nous mangeons nous- mêmes, excepté les amandes ameres (p) & les grains de café (q) ; toute viande hachée , cuite ou crue leur en bonne , furtout les vers de terre; c’eft le mets dont ces ci féaux , roit fi peu carnailiers, paroiffent être cîu on c le plus friands , & peut-être ne leur manque- t-il , comme à bien d’autres , qu’un bec cro¬ chu & des ferres pour être de véritables ci- feaux de proie. Cependant il faut avouer qu’ils ne diffe¬ rent pas moins des oi féaux de proie par la façon de digérer , & par la ftructure de Pef- tomac , que par le bec & par les ongles ; i’efi- tomac de ceux-ci eft membraneux , & leur digeftion s’opéra par le moyen d’un difibl- vant qui varie dans les différentes e ipécas 9 mais dont Faction eft bien constatée (r) ; au (p) Voye 1 Eohémérides des curieux ce la Nature , Dec. 1 , an. S , obfcr. c><). (g) Beux poulets ayant été nourris, l’un avec du cané des ifies , rôti ; l’autre avec du meme café non rô‘i , de¬ vinrent tous deux étiques, & moururent, Tan le hui¬ tième jour, & l’autre le dixième , après avoir con- fommé chacun trois onces de café : les pieds & les jambes étoient fort enflés , Sc la veficule du fiel fe trou¬ va auffi groiTe que celle d’une poule d’Inde. Mémoires de P Académie Royale des Sciences , année 1746 > p. 10 1 . (r) Voyc q Mémoires ce l’Académie P^oyaie des Scien¬ ces * année 1752 > pag* z6-6* ioS Htjîoirc rtaturdh lieu que les gallinacés peuvent être regar¬ dés comme ayant trois eftomacs : favoir , i°. le jabot 9 qui eft une efpèce de poche membraneufe , cil les grains font d’abord macérés & commencent à fe ramollir; 2°. la partie la plus évafée du canal intermédiaire entre le jabot & le géfier , & la plus voifine de celui-ci ; elle eft tapiflee d’une quantité de petites glandes qui fourniffent un fue dont les alimens peuvenr auffi fe pénétrer à leur palfage ; yQ. enfin, le géfier qui fournit un fuc manifèitement acide , puifque de l’eau dans laquelle on a broyé fa membrane in¬ terne , devient une bonne préfure pour faire cailler les crèmes ; c’eft ce troifieme eftomac qui achevé , par l’action puiffante de fes muf- clés 5 la digeftion qui n’avoit été que pré¬ parée dans les deux premiers. La force de les mufcles eft plus grande qu’on ne le croi- roit ; en moins de quatre heures elle réduit en poudre impalpable une boule d’un verre alfez épais pour porter un poids d’environ quatre livres : en quarante -huit heures elle divife longitudinalement, en deux efpèces de gouttières , plufieurs tubes de verre de quatre lignes de diamètre & d’une ligne d’é- paiffeur, dont au bout de ce temps toutes les parties aiguës & tranchantes fe trouvent émouffées & le poli détruit , furtout celui de la partie convexe ; elle eft auffi capable d’aplatir des tubes de fer-blanc , & de broyer jufqu’à dix-fept noifettes dans l’efpace de vingt -quatre heures, & cela par des com¬ prenions multipliées , par une alternative de frottement dont il eft difficile de voir la du Coq . 109 mécanique. M. de Reaumur ayant fait nom¬ bre de tentatives pour la découvrir , n’a ap- perçu qu’une léule fois des mouvemens un peu fenfibles dans cette partie ; il vit dans un chapon , dont il avoit mis le géfier à dé¬ couvert, des portions de ce vifcere fe con¬ tracter , s’applatir & fe relever enfuite ; il obferva des efpèces de cordons charnus qui fe formoient à fa furface , ou plutôt qui pa- roilToient s’y former , parce qu’il fe faiioit entre-deux des enfoncemens qui les fépa- roient, & tous ces mouvemens fembloient fe propager comme par ondes & très len¬ tement. Ce qui prouve que dans les gallinacés la digeltion fe fait principalement par l’aâion des mufcles du géfier , & non par celle d’un diffolvant quelconque , c’eft que fi l’on fait avaler à l’un de ces oifeaux un petit tube de plomb ouvert par les deux bouts , mais allez épais pour n’ètre point applati par l’ef¬ fort du géfier , & dans lequel on aura intro¬ duit un grain d'orge , le tube de plomb aura perdu fenfibiement de fon poids dans l’ef- pace de deux jours ; & le grain d'orge qu'il renferme , fut-il cuit & même mondé , fe re¬ trouvera au bout de deux jours un peu ren¬ flé , mais auffi peu altéré que fi on l’eût lailfé pendant le même temps dans tout autre en¬ droit également humide ; au lieu que ce mê¬ me grain , & d’autres beaucoup plus durs , qui ne feroient pas garantis par un tube , feroient digérés en beaucoup moins de temps. Une chofe qui peut aider encore à laélion 110 Hîfl oirz naturelle. du géfier , c’eft que les oifeaux en tiennent la cavité remplie, autant qu'il eft pofîible, & par-là mettent en jeu les quatre mufcles dont il eft compoie ; à défaut de grains , ils le leftent avec de l’herbe & même avec de petits cailloux, îefquels par leur dureté & leurs inégalités , font des inftrumens propres à broyer les grains avec Iefquels ils font continuellement froiffés ; je dis par leurs iné¬ galités , car lorfqu’ils font polis , ils paffent fort vite , il n’y a que les raboteux qui ref- teht : ils abondent d’autant plus dans le gé¬ fier qu’il s’y trouve moins d’aiimens ; & ils y féjoürnent beaucoup plus de temps qu’au¬ cune autre matière digeftibie ou non digef- tibl’e. Et l’on ne fera point furpris que la merti- b ran e intérieure de cet eftomac foit allez forte , pour réftfter à la réaélion de tant de corps durs fur Iefquels elle agit fans rel⬠che , ft l’on fait attention que cette membrane eft en effet fort épaiffe & d’une fubftance analogue à celle de la corne ; d’ailleurs , ne fait - on pas que les morceaux de bois & les cuirs dont on fe fert pour frotter avec une poudre extrêmement dure , les corps aux¬ quels on veut donner le poli , réfiftent fort long-temps; on peut encore fuppoferque cette membrane dure fe fépare de la même ma¬ niéré que la peau calleufe des mains de ceux qui travaillent à des ouvrages de force. Au refte , quoique les petites pierres puif- font contribuer à la digeftion , il n’eft pas bien avéré que les oifeaux granivores ayent une intention bien décidée en les avalant* du Coq . 1 1 1 Redi ayant renfermé deux chapons avec de l’eau & de ccs petites pierres pour toute nourriture , ils burent beaucoup d’eau & mou¬ rurent, l’un au bout de vingt jours, l’autre au bout de vinat-cmatre , & tous deux fans avoir avals une feule pierre. M. Redi en trouva bien quelques-unes dans leur gêner ; mais c’étoit de celles qu'ils a voient avalées précédemment ( f )*. Les organes fervant à la refpiration , con¬ flit ent en un poumon femblable a celui des animaux terreftres , & dix cellules aériennes* dont il y en a huit dans la poitrine , qui communiquent immédiatement avec le pou¬ mon , & deux plus grandes dans le bas- ven¬ tre qui communiquent avec les huit précé¬ dentes : lorfque dans l’mfpiration le thorax cft dilaté , Pair entre par le larynx dans le poumon, palfe du poumon dans les huit cel¬ lules aériennes fupérieures , qui attirent auiîi, en fe dilatant , celui des deux cellules du bas- ventre , & celles-ci s’affaiffent à proportion ; Lorfqu’au contraire le poumon & les cellules fupérieures s’affailfant dans l’expiration , pref- fent l’air contenu dans leur cavité , cet air fort en partie par le larynx, & repaiTe en partie des huit cellules de la poitrine dans les deux cellules du bas-ventre , lefquelles fs dilatent alors par une mécanique allez ana¬ logue à celle d’un foufflet à deux âmes : mais ce n’eft point ici le lieu de développer tous (s) Redi , des animaux yivans qui fa trouvent dans ls$ an maux vivans. ï ï % Rïjïoire nafunïh les f efforts de cette mécanique; il füftira dê remarquer que dans les oifeaux qui ne vo¬ lent point, comme l’autruche, le cafoar; & ■dans ceux, qui volent pefamment- tels que les gallinacés , la quatrième cellule de cha¬ que côté efl plus petite ( t )» Toutes ces différences d’organifation en entraînent néceffairement beaucoup d’autres 5 fans parler des anches membraneufes obfer- vées dans quelques oifeaux. M. Duverney a fait voir fur un coq vivant , que la voix^ dans ces oifeaux , ne fe fornioit pas vers le larynx , comme dans les quadrupèdes, mais au bas de la trachée-artere , vers la bifur¬ cation ( u ), où M. Perrault a vu un la¬ rynx interne. Outre cela , M. Hériffant a ob- fervé dans les principales bronches du pou- mon, des membranes fémi-lunaires pofées tranfverfalement les unes au-deffus des au¬ tres , de façon qu’elles n’occupent que la moitié de la cavité de ces bronches , laiffant à Pair un libre cours par l’autre demi-cavité ; & il a jugé avec raifon, que ces membranes dévoient concourir à la formation de la voix des oifeaux, mais moins effentielîement en¬ core que la membrane de l’os de la lunette , laquelle termine une cavité allez confidéra- bîe , qui fe trouve au-deffus de la partie fu» périeure & interne de la poitrine , & qui a ^ . — i - . nu - — — - - - - rr . T (0 Mémoires pour fervir à l’Hiftoire des Animaux, partie II , pages 142 &. 174. (“) Anciens Mémoires de l’Académie Royale des Scien¬ ces , tom, XI , pag. 70 auflt du Coq. r 1 3 suffi quelque communication avec les cellu¬ les aériennes fupérieures : cet Anatomifts dit s’ètre afluré , par des expériences rei¬ térées, que lorfqu'e cette membrane eft per¬ cée , la voix fe perd auffi ; & que pour la faire entendre de nouveau , il faut boucher exactement l’ouverture de la membrane , & empêcher que Pair ne puiffe fortir ( * ). D’après de fi grandes différences obfervées dans l’appareil des organes de la voix , ne paroitra-t-il pas fingulier que les oifeaux 9 avec leur langue cartilagineufe & leurs lè¬ vres de cornes , ayent plus de facilité à imi¬ ter nos chants & même notre parole , que ceux d’entre les quadrupèdes qui reffemblent le plus à l’homme ! tant il eft difficile de ju¬ ger de l’ufage des parties par leur fimple ftruôure , & tant il eft vrai que la modifi¬ cation de la voix & des fons dépend pref- qu’en entier de la fenfibilité de l’ouïe 1 Le tube inteftinal eft fort long dans les gallinacés & furpaffe environ cinq fois la longueur de l’animal , prife de l’extrémité du bec jufqu’à l’anus : on y trouve deux cæcum d’environ fix pouces, qui prennent itaiffance à l’endroit où le colon fe joint à l’iléon ; le rettum s’élargit à fon extrémité & forme un réceptacle commun, qu’on a appellé cloaque 9 ou fe rendent féparément les excrémens fo¬ ndes & liquides , & d’où ils fortent à la fois fans être néanmoins entièrement mêlés : les (*) Mémoire de l'Académie année 1753 , Pa2* Rovals des Sciences*; c/ * îî4 Hij'ioire naturelle parties caraâériftiques des fexes s’y trou¬ vent auffi ; favoir 5 dans les poules la vulve ou l’orifice de Ycviduttus ; & dans les coqs, les deux verges 9 c’eft-à-dire , les mamelons des deux vaiffeaux fpermatiques ; la vulve. QÎt placée ? comme nous l’avons dit plus- haut 5 au- de ffus de l’anus , & par conféquent tout au rebours de ce qu’elle eft dans les. quadrupèdes. On làvoit dès le temps d’Ariffote , que tout oifeau mâle avoit des tefticules , & qu’ils étoient cachés dans l’intérieur du corps ; on attribuoit même à cette fituation la vé- & hémence de l’appétit du mâle pour la te ruelle 9 qui a* difoit-on , moins d’ardeur r parce que l’ovaire eft plus près du dia¬ phragme & par conféquent plus à portée, d’être rafraîchi par Pair de la refpira- tien ^ y ) : au refte , les tefticules ne font pas tellement propres au mâle > que l’on n’en, trouve auffi dans la femelle de quel- eues efpèce.s d’oi féaux , comme dans la ca- nepetiere & peut-être l’outarde ( ^ ). Quel¬ quefois les mâles n’en ont qu’un 9 mais le plus fou vent ils en ont deux ; & il s’en faut beaucoup que, la. groffeur de ces espè¬ ces, de glandes foit proportionnée à celle de Poifeau. L’aigle les a comme des pois , & lin poulet d * ? * y e, quatre mois les a aeja comme (y) Arinot. de partihhs AmmaHum > lib. IV, cap. y. f-{) Hiftoire de ^Académie. Royale àss S.ci suces inée 1756 ; pa£, 44,, du Coq. ï i 5 des olives ; en général- leur groffeur varie * non feulement d’une efpèce à l’autre , mais encore dans la meme efpèce , & n’eft jamais plus remarquable que dans le temps des amours. Au refte , quelque peu confidéra- ble qu’en foit le volume , iis jouent un grand rôle dans l’économie animale, & cela fe voit clairement par les changemens qui ar¬ rivent à la fuite de leur extirpation. Cette opération fe fait communément aux poulets qui ont trois ou quatre mois ; celui qui la fubit prend déformais plus de chair, & fa chair, qui devient plus fucculente & plus délicate , donne aux Chymiftes des produits différens que ceux qu’elle eût donnés avant la caftration f a ); il 'n’eft prefque plus fujet à la mue, de même que le cerf, qui eft dans le même cas , ne quitte plus fon bois ; il n’a plus le même chant, fa voix devient enrouée & il ne la fait entendre que rare» ment; traité durement par les coqs, avec dédain par les poules , privé de tous les ap¬ pétits qui ont rapport à la reproduction , il eft non feulement exclus de la foc i été de fs s femblahles , il eft encore , pour alnfl dire , féparé de fon efpèce ; c’eft un être ifolé , hors-d’œuvre dont toutes les facul-- (æ) L’extrait tire de la chair du poulet dégraiiie, eft- un peu moins du quatorzième du poids tGtal au lieu' qu’iî en fait un dixième dans le poulet, &• un peu plus du feptième dans le coq.: de plus, l’extrait de la chai?' du coq eft très fec , au lieu que celle du chapon eft difficile à fécher. Vayci ’ Mémoires de V Académie royale de-s Sciences } année jjjo , pag, zgi. 2' 1 6 Wijîoire naturelle tés. fe replient fur îui-mêrrre & nfont pour- but que fa confervation individuelle ; man¬ ger 9 dormir & s’engraifïer , voilà déformais, les principales fonctions & tout ce qu’on peut lui demander : cependant, avec un peu d’induftrie on peut tirer parti de fa foi- bîeffe même & de fa docilité qui en eft la fuite , en lui donnant des habitudes utiles y celle , par exemple , de conduire & d’élever les jeunes poulets ; il ne faut pour cela que le tenir pendant quelques jours dans une prifon obfcure,. ne l’en tirant qu’à des heu¬ res réglées pour lui donner à manger , & l’accoutumant peu-à-peu à la. vue. & à la compagnie de quelques poulets un peu forts ^ il prendra bientôt ces poulets en amitié, &. les conduira avec autant d’affection & d’af- fiduité. que le féroit leur mere ; il en con¬ duira même plus que la mere., parce qu'il en peut réchauffer fous fes ailes un plus grand nombre à la fois. La mere-pouîe débarraffée de ce foin, fe remettra plutôt à pondre * & de cette maniera les chapons , quoique voués à la ftérilité . contribueront encore' y indireâement à la confervation & à la mul¬ tiplication de leur cfpèce. Un fi grand changement dans les mœurs du chapon , produit par une caufe fi petite & fi peu fuffifante en apparence , e.ff un fait d’autant plus remarquable , qu’il eft confirmé par un très grand nombre d’ex pi- (b) Vôye^ Pratique faire éclort les œ.ufs., dît C'oq+ t\J rierrces que les hommes ont tentées fur d’au¬ tres efpèces , & qu'ils ont ofé étendre juf- ques fur leurs femblabks* On a fait fur les poulets un effai beau- coup moins cruel * & qui n’eft peut-être pas moins intéreffant pour la Phyfique ; c’eft après leur avoir emporté la crête [c\ , comme on fait ordinairement , d’y fubftituer un de. leurs éperons naiffans , qui ne font encore que de petits "Boutons ; ces éperons ? ainft. entés 5 prennent peu-à-peu racine dans les. chairs , en tirent de la nourriture 5. & croif- fent fou vent plus qu’ils n’euffent fait dans, le lieu de leur origine : on en a vu qui avoient deux pouces & demi de longueur* & plus de trois lignes & demie de diamètre: à la bafe ; quelquefois en croiffant ils fe recourbent comme les cornes de bélier, d’au¬ tres fois ils fe renverfent comme celles des boucs [ d ]. C’eft une efpèce de greffe animale dont le fuccès a dû paroitre fort douteux la pre¬ mière fois qu’on l’a tentée , & dont il eft Éurp tenant qu’on n’ait tiré , depuis qu’elle a (c) Nota. La raifon qui femble avoir déterminé à couper la crête aux poulets qu’on fait devenir chapons >, c’efi qu’après cette opération , qui ne l’empechs pas de croître ,-elle ceiïe de te tenir droite, elle devient pen¬ dante comme celle des poules ; & fi on la îaifîbit, elle îés incommoderoit en leur couvrant un ceiî. {d) Voyei Anciens Mémoires de l’Académie royale des Sciences , tom. XI, pag. 48» — Le Journal Econo¬ mique , Mars 1761 , pag, sa-©f. 2 i 8 ffijloire naturelle. réuffi, aucune connoi (Tance pratique. En général , les expériences deftruetives font plus cultivées, fuivies plus vivement que celles qui tendent à la confervation, parce que l’homme aime mieux jouir, & confonv mer , que faire du bien & s’inftmire. Les poulets ne naiffent point avec cette crête & ces membranes rougeâtres qui les diftinguent des autres oi féaux , ce n’eft qu'un mois après leur naiffance que ces parties commencent à fe développer ; à deux mois les jeunes mâles chantent déjà comme les coqs , & fe battent les uns contre les au¬ tres ; ils fentent qu’ils doivent fe haïr , quoique le fondement de leur haine n’exifta pas encore : ce n’eft guere qu’à cinq ou fix mois qu’ils commencent à rechercher les poules, & que celles-ci commencent à pon¬ dre : dans les deux fexes , le terme de Tac- croiffement complet efi à un an ou quinze mois ; les jeunes poules pondent plus ,- à ce qu’on dit , mais les vieilles couvent mieux ^ ce temps néceiTaire à leur accroiffement in- diqueroit que la durée de leur vie natu- 2‘elle , ne devrok être que de fept ou huit ans, fi dans les oifeaux cette durée fuivoit la même proportion que dans les animaux quadrupèdes 5 mais nous avons vu qu’elle eft beaucoup plus longue; un coq peut vi¬ vre jufqu’à vingt ans dans l’état de domef- ticité 5 & peut-être trente dans celui de li¬ berté : malheureufement pour eux, nous n’avons nul intérêt de les laiffer vivre long¬ temps ; les poulets & les chapons , qui font deilinés à paraître fur nos tables , ne paifeat du Coq* Tl f jamais l’année , & la plupart ne vivent qu’une fai Ton ; les coqs & les poules , qu’on em¬ ploie à la multiplication de Pefpèce, font épuifés affez promptement, & nous ne don¬ nons le temps à aucun de parcourir la pé¬ riode entière de celui qui leur a été affi- gné par la Nature; en forte que ce n’elî: que par" des hafards finguliers que l’on a vu des coqs mourir de vieilieffe. Les poules peuvent fubfiffer par-tout avec la proteftion de Phomme ; aufli font-elles ré¬ pandues dans tout le monde habité : les gens aifés en élèvent en Mande , ou elles pondent comme ailleurs [ e ] , & les pays chauds en font pleins : mais la Perfe eff le climat primitif des coqs , félon le doéteur Thomas Hyde [ f ] ; ces oi féaux y font en abondance & en grande confidération , fur- tout parmi certains Defvis qui les regar¬ dent comme des horloges vivantes , & l’on fait qu’une horloge eff Pâme de toute com¬ munauté de Dervis. Damoier dit qu’il a vu & tué, dans les ifles de Poulocondor , des coqs fauvages qui ne furpaffoient pas nos corneilles en gref¬ fe ur , & dont le chant, allez femblafclè à celui des coqs de nos baffe -cours , étoit feu- ( e ) Horrebous, Defcrlption de l'Islande , tom. I * psg, 399 ^ (f) rlijloria religionis veterumr Ferfarum , & c. page 163. Remarquez cependant que Part- d’engraiffer les chapons , a été porté d’Europe en Perfe par des mar=-- shands Arméniens, Fojq.Tavernier , tom» IL psg» 24;.- 1 20 Hi narre natureüt le ment plus aigu [g ] ; il ajoute ailleurs qu’il y en a dans rifle Timor & à Sanjago , Pune des ifles du Cap vert [ h ]. Gemelli Careri rapporte qu’il en avoit apperçu dans les ifles Philippines ; & Merolla prétend qu’il y a des poules fauvages au royaume de Congo , qui font plus belles & de meilleur goût que les poules domeftiques , mais que5 les Nègres eftiment peu ces fortes d’oifeaux. De leur climat naturel , quel qu’il foit r ces oifeaux fe font répandus facilement dans le vieux continent, depuis la Chine jufqu’au Cap vert, & depuis l’Océan méridional juf- qu’aux mers du Nord , ces migrations font fort anciennes & remontent au-delà de toute tradition hiftbrïque ; mais leur établiffement dans le nouveau monde, paroît être beau¬ coup plus récent. L’Hiftorien des Incas [ i ] afflue qu’il n’y en avoit point au Pérou avant la conquête , & même que les poules ont été plus de trente ans , fans pouvoir s’accou¬ tumer à couver dans la vallée de Cufco. Coréal dit pofitivement que les poules ont été apportées au Brefil par les Efpagnols , & que les Brafiliens les connoifîoient fi peu , qu’ils n’en mangeoient d’aucune forte, & qu’ils regardoient leurs œufs comme une ef- pèce de poifon : les habitans de l’ifle de Saint- a (g) Nouveau Voyage autour du monde , tome II, pag. S2. (A) I>ampier, Suite du voyage de là' nouvelle Hollande , tom. V , pag. 6t. (Q,Kiftoire des Incas > tom.lî , pag. 239. Pomingue du Coq. I 1 t Domingue n'en avoient point non plus , fé¬ lon le témoignage du P. Charlevoix ; & Oviedo donne comme un fait avéré, qu’elles ont été tranfportées d’Europe en Amérique: il eft vrai qu’Acofta avance tout le con¬ traire ; il foutient que les poules exiftoient au Pérou avant l’arrivée des Espagnols ; il en donne pour preuves , qu’elles s’appellent dans la langue du pays rualpa, & leurs œufs ponto ; & de P ancienneté du mot, il croit pouvoir conclure celle de la choie , comme s’il n’étoit pas fort fimple de penfer que des Sauvages voyant pour la première fois un oifeau étranger, auront longé d’abord à le nommer , foit d’après fa reftemblance avec quelque oifeau de leur pays , foit d’après quelqu’autre analogie: mais ce qui doit, ce femble faire préférer absolument la pre¬ mière opinion , c’eft qu’elle eft conforme à la loi du climat ; cette loi, quoiqu’elle ne p ni lie avoir lieu en général à l’égard des oi- leaux, fur-tout à l'égard de ceux qui ont l'aile forte , & à qui toutes les contrées font ouvertes, eft néanmoins fuivie néceffaire- ment par ceux qui , comme la poule , étant pefans & ennemis de l’eau, ne peuvent ni traverfer les airs comme les oifeaux qui ont le vol élevé , ni pafler les mers ou même les grands fleuves comme les quadrupèdes qui lavent nager ; & font par conféquent exclus pour jamais de tout pays féparé du leur par de grands amas d’eau , à moins que l’homme qui va par-tout ne s’avife de les tranfporter avec lui. Ainfi le coq eft encore Oifeaux } Tom, II L L î II H ïjlo irz naturel! c un animal qui appartient en propre à l’an¬ cien continent , & qu’il faut ajouter à la lilte que j’ai donnée de tous les animaux qui n’exiftoient pas dans le nouveau Monde, lorfqu’on en a fait la découverte. A mefure que les poules fe font éloignées de leur pays natal , qu’elles fe font accou¬ tumées à un autre climat , à d’autres ali- niens , elles ont dû éprouver quelqu’altéra- îion dans leur forme , ou plutôt dans celles de leurs parties qui en étoient le plus fuf- çeptibles ; & de-là fans doute ces variétés qui confcituent les différentes races dont je vais parler : variétés qui fe perpétuent cons¬ tamment dans chaque climat, foit par l’ac¬ tion continuée des mêmes caufes qui les ont produites d’abord , foit par l’attention que Ton a d’aaTortir les individus deftinés à la- propagation. Il feroit bon de dreffer pour le coq , comme je l’ai fait pour le chien , une ef- pèce d’arbre généalogique de toutes fes ra¬ ces 5 dans lequel on verroit la fouche pri¬ mitive & fes différentes branches , qui re- préfenteroient les divers ordres d’altérations & de change mens relatifs à fes différens états ; mais il faudroit avoir pour cela des mémoires plus exaéts , plus détaillés que ceux que l’on trouve dans la plupart des relations : ainfi je me contenterai de donner ici mon opinion fur la poule de notre climat , & de rechercher fon origine , après avoir fait le dénombrement des races étrangères qui ont été décrites par les Naturalises , ou feule¬ ment indiquées par les Voyageurs* du Coq ■. ï°. Lé coq commun : le coq de notre cli¬ mat [ * ]. Veye ç planche II de ce volume ). 2°. Le coq huppé ['** ] : il ne diffère du coci commun que par une touffe de plumes qui s'élève fur fa tète , & il a ordinairement la crête plus petite; vraifemblablement parce que la nourriture , au lieu d’ètre portée toute à la crête, eff en parrie employée à Paccroiffement des plumes. Quelques Voya¬ geurs aiTurent que toutes les poules du Me¬ xique font huppées : ces poules , comme tou- X XL i y tes les autres de P Amérique , y ont été transportées par les hommes 3 & viennent originairement de l’ancien continent. Au relie , la race des poules huppées eft celle que les curieux ont le plus cultivée ; & , comme il arrive à toutes les choies qu’on regarde de très près , ils y ont remarqué un grand nombre de différences , furtout dans les couleurs du plumage, d’après lefquelles ils ont formé une multitude de races diver¬ ses , qu’ils eltiment d’autant plus , que leurs couleurs font plus belles ou plus rares ; tel¬ les que les dorées & les argentées; la blan¬ che a huppe noire. & la noire à huppe blan¬ che; les agates & les chamois ; les ardoL fées ou périnettes ; celles à écailles de poiff ion & les herminées ; la poule veuve , qui a de petites larmes blanches femées fur un fond rembruni : la poule couleur de feu ; la poule pierrée , dont le plumage fond blanc * Voyei tes planches enluminées 3 nc. i • ** Ibidem , nc, 4$. L 2 1 24 Hijhirc naturelle cft marqueté de noir ou de chamois , ou d’ar- doife ou de doré., &c. Mais je doute fort que ces différences fbient affez confiantes & allez profondes pour conflituer des efpèces vrai¬ ment différentes , comme le prétendent quel¬ ques Curieux , qui affurent que plufteurs des races ci-deffus ne propagent point en- femble* 3 e. Le coq fiuvage de VAjie : c’efl fans doute celui qui approche le plus de la fouche ori¬ ginaire des coqs de ce climat; car, n’ayant jamais été gêné par l’homme , ni dans le choix de fa nourriture, ni dans fa maniéré de vi¬ vre , qu’efl-ce qui auroit pu altérer en lui la pureté de la première empreinte ? Il n’efl ni des plus grands , ni des plus petits de l’ef- pèce, mais fa taille efl moyenne entre les différentes races. Il fe trouve , comme nous l’avons dit ci-devant , en plufieurs contrées de l’Afte , en Afrique & dans les ifles du Can-vert : nous n’en avons pas de deferip» tion allez exacte pour pouvoir xe comparer à notre coq. Je dois recommander ici aux .Voyageurs qui fe trouveront à portée de voir ces coqs & poules fauvages , de tâcher de favoir fi elles font des nids , & comment elles les font. M. Lottinger, Médecin 4 Sar- rebourg, qui a fait de nombreufes & très bonnes observations fur les oifeaux , m’a af- furé que nos poules , lorfqu’elles font en pleine liberté , font des nids , & qu’elles y mettent autant de foin que les perdrix. 4°. L 'Acoho ou coq de Madagafcdr : les poules de cette efpèçe font très petites , & cepen¬ dant leurs œufs font encore plus petits à ail Coq . 125 proportion , puifqu’elles en peuvent couver jufqu’à trente à la fois ( k ). 5 u. Poule naine de Java , de la groffeur d’un pigeon ( / ) ; il y a quelqu’apparence. que la petite poule angloife pourroit bien être de la même race que cette poule de Java , dont parlent les Voyageurs; car cette poule angloife efl encore plus petite que notre poule même de France, n’étant en effet pas plus groffe qu’un pigeon de moyenne grof- îeur. On pourroit peut-être encore ajouter à cette race la petite poule du Pégu , que les Voyageurs difent n’ëtre pas plus groiTe qu’une tourterelle , & avoir les pieds ro¬ gnent , mais le plumage très beau. 6Q* Poule de Vlflhme de- D arien plus petite crue la poule commune : elle a un cercle de plumes autour des jambes , une queue fort épaiife qu’elle porte droite, & le bout des ailes noir ; elle chante avant le jour ( m ). 7S. Poules de Camboge , transportées de ce royaume aux Philippines par les Efpagnoîs : elles ont les pieds fi courts , que leurs ailes traînent à terre ; cette race reiTemble beau¬ coup à ce!k%de la poule naine de France, ou peut-être à cette poule naine qu’on nour¬ rit en Bretagne à caufe de fa fécondité , & qui marche toujours en fautant : au refie , ( k ) Hifcoire générale des Voyages, tom.VIil, pages 603 — 6c6. (/) Collection académique , partie étrangère, tom III, pag. 452. (m) Hiftoire générale des Voyages, tom.VIil, pag, 251, x i6 ma j itoire naturelle ces poules font de la groffeur des poules or* dinaires 5 ait LO tf. 23 i pion. On me montra , il y a plufieurs an¬ nées , un de ces chiens né fans queue y je crus alors que ce n’étoit qu’un individu vi¬ cié * lin monftre^ & c’efi pour cela que je n’en fis aucune mention dans Phiftoire du chien : ce n’efi que depuis ce. temps que j’ai revu ces chiens fans queue, & que je me fuis affuré qu’ils forment une race, confiante & particulière comme celle des coqs fans croupion,. Cette race de coqs a le bec & les, pieds bleus ; une crête fimple ou double , & point de huppe; le plumage efi de toutes, couleurs & le. fieur Fournier m’a affuré que Iorfqu’elle fe mêle avec la race ordi¬ naire , il en provient des métis qui n’ont: qu’un demi - croupion , & fix plumes à la queue, au lieu de douze : cela peut être,. mais j’ai de la peine à le croire. 17°. La poule à cinq doigts efi , comme nous, avons dit , une. forte, exception à la méthode dont les principaux caractères fe prennent du nombre des doigts : ceüe-ci en a cinq k chaque pied, trois en avant & deux en ar¬ riéré ; & il y a même quelques individus, dans cette race qui ont fix doigts. i8°.Les poules de Sanfevanc :: ee font celles, qui donnent ces œufs- qui fe vendent en Per¬ te trois ou quatre écus la pièce > & que les. Perfans s’amufent à choquer les uns contre les autres par maniéré de jeu : dans le même, pays il y a des coqs beaucoup plus beaux & plus grands ? & qui coûtent jufqu’à trois, cents livres (zz). î 3 1 Hijloirc naturelle 19°. Le coq de Caux ou de Padoue'.fo ri âf^ tribut diftinétif eft la groiTeur ; il a fouvent la crête double en forme de couronne , & une efpèce de huppe qui eft plus marquée dans les poules; leur voix eft beaucoup plus forte , plus grave & plus rauque , & leur poids va jufqu’à huit à dix livres : on peut rapporter à cette belle race les grands coqs de Rhodes * de Perle (x) 9 du Pégu (y) , ces greffes poules de Bahia qui ne commencent à fe couvrir de plumes que lorfqu’elles ont atteint la moitié de leur groffeur (ç) ; on fait que les pouffins de Caux pre ment leurs plu* mes plus tard que les pouffins ordinaires. Au refte , il faut remarquer qu’un grand nombre d’oifeaux dont parlent les voyageurs fous le nom de coqs ou de poules , font de toute autre efpèce : telles font les poules patourdes ou palourdes qui fe trouvent au Grand-banc , & font très friandes de foie de morue [a] ; le coq ou la poule noire de Mof- covie , qui font coqs & poules de bruyere ; la poule rouge du Pérou , qui a beaucoup de rapport avec les faifans ; cette groffe poule à huppe , de la nouvelle Guinée , dont le plumage eft bleu-célefte , qui a le bec de pi» geon , les pieds de poule commune 9 qui ni» (x) Chardin, tom. TI, pag. 24* {y) Recueil des Voyages qui ont fervi à Fetablifïe- ment de la Compagnie des Indes , tom. III , pag. 71. (l) Nouveau Voyage de Dampier , tom. III, p. 63^ (a) Recueil des Voyages du Nerd, tome III ^ p, iz* du Coq. 133 che fur les arbres [b] , & qui eft probable¬ ment le faifan de Banda ; la poule de Da- miète, qui a le bec & les pieds rouges , une petite marque fur la tète de la même cou¬ leur, & le plumage d’un bleu-violet , ce qii pourroit fe rapporter à la grande poule d’eau ; la poule du Delta , dont Thévenot vante les belles couleurs , mais qui diffère des gallina¬ cés , non-feulement par la forme du bec & de la queue , mais encore par les habitudes naturelles , puifqu’elle fe plaît dans les ma¬ récages ; la poule de Pharaon , que le même Thévenot dit ne le point céder à la gelinot¬ te ; les poules de Corée qui ont une queue de trois pieds de longueur ., &c. Dans ce grand nombre de races differentes que nous préfente l’efpèce du coq , comment pourrons-nous démêler quelle en eft la lou¬ che primitive ? Tant de circonitances ont in¬ flué fur ces variétés , tant de hafards ont con¬ couru pour les produire ! les foins & même les caprices de l’homme les ont fi fort mul¬ tipliés , qu’il paroît bien difficile de remon¬ ter à leur première origine , & de recon- noître dans nos baffe - cours la poule de la nature , ni même la poule de notre climat : les coqs fauvag.es qui fe trouvent dans les pays chauds de l’Afie , pourront être regar¬ dés comme la tige primordiale de tous les coqs de ces contrées : mais tornine il n’exifte dans nos pays tempérés aucun oifes.au fau- {b) Hiftoire générale des Voyages , tenu XI , p, 2.30, 1 1 flotte lit ti¬ lt vage qui reffemble parfaitement à nos poules domeftiques , on ne fait à laquelle des races ou des variétés l’on doit donner la primauté : car en fuppofant que le fai fan > le coq de bruyere ou la gelinotte , qui font les feuls oifeaux fauvages de ce pays qu’on puiffe rap- procher de nos poules par la comparaifon, en foient les races primitives; & en fuppo» faut encore que ces oifeaux peuvent produire avec nos poules des métis féconds * ce qui rdeil pas bien avéré , ils feront alors de la même efpèce : mais les races fe feront très anciennement féparées & toujours mainte» nues par elles-mêmes 5 fans chercher à fe réunir avec les races domelfiques dont elles diffèrent par des caraéteres conftans , tels que le défaut de crêtes 9 de membranes pen¬ dantes dans les deux fexes 5 & d’éperons dans les mâles ; & par conféquent ces races fau¬ vages ne font repréfentées par aucune de clos races domeftiques , qui ? quoique très variées & très différentes entr’elles à beau- coup d’égards 9 ont toutes néanmoins ces crè* tes 5 ces membranes & ces éperons qui man¬ quent aux faifans 5 à la gelinotte & au coq de bruyere ; d’où l’on doit conclure qu’il faut regarder le faifan 9 le coq de bruyere & la gelinotte comme des efpèces voifmes 9 & néanmoins différentes de celle de la poule * jufqu’à ce qu’on fe foit bien affuré par des expériences réitérées que ces oifeaux fauva¬ ges peuvent produire avec nos poules do- meftiques 5 non - feulement des mulets ftéri* les 5 mais des métis féconds;çar «, c’efl à cet du C a. ? •* r> 1 ) ) effet qifeft attachée l’idée d’identité d’efpèce : les races fingulieres, telles que la poule nai¬ ne , la poule frifée , la poule nègre , la poule fans croupion , viennent toutes originaire¬ ment des pays étrangers ; & quoiqu’elles fe mêlent & produifen-t avec nos poules com¬ munes , elles ne font ni de la même race ni du même climat : en ieparant donc notre poule commune de toutes les efpèces fau- vages qui peuvent fe mêler avec elle , telles que la gélinotte 5 le coq de bruyere , le fai- fan , o:c ; en la ieparant aulîi de toutes les poules étrangères avec lefquelles elle fe mêle & produit des individus féconds , nous fes diminuerons de beaucoup le nombre de variétés , & nous n’y trouverons plus que des différences allez légères ; les unes pour la grandeur du corps , les poules de Caux font prefque doubles , pour la groffeur , de nos poules ordinaires ; les autres pour la hauteur des jambes , le coq d’Angleterre 9 quoique parfaitement reffemblant à celui de France, a les jambes & les pieds bien plus longs; d’autres pour la longueur des plumes , com¬ me le coq huppé , qui ne diffère du coq com¬ mun que par la hauteur des plumes du font- met de la tête ; d’autres par le nombre des doigts , telles que les poules & coqs à cinq doigts ; d’autres enfin par la beauté & la fingularité des couleurs, comme la poule de Turquie & celle de Hambourg. Or , de ces fi k variétés auxquelles nous pouvons réduire la race de nos poules communes , trois ap¬ partiennent , comme l’on voit, à l'influence du climat de Hambourg , de la Turquie ôc de § î 3 6 Hijloire naturelle l’Angleterre , & peut-être encore la qua¬ trième & la cinquième; caria poule de Caux. vient vraifemblafclement d’Italie, puifqu’ori l’appelle auffi poule de Padoue ; & la poule à cinq doigts étcit connue en Italie dès le temps de Cbîumeile. Âinfi il ne nous reliera que le coq commun & le coq huppé , qu’on doive regarder comme les races naturelles de notre pays ; mais dans ces deux races , les poules & les coqs font également de toutes couleurs : le caraêlere confiant de la huppe paroît indiquer une elpèce perfectionnée, c’eft-à-dire , plus foignée & mieux nourrie ; & par conféquent la race commune du coq & de la poule fans huppe doit être la vraie tige de nos poules ; & fi l’on veut chercher dans cette race commune quelle eil la cou¬ leur qu’on peut attribuer à la race primiti¬ ve 5 il paroît que ç’etl la poule blanche; car en fuppofant les poules originairement blan¬ ches 5 elles auront varié du blanc au noir 5 & pris fuccefiivement toutes les couleurs in¬ termédiaires. Un rapport très éloigné , & que perfonne n’a faifi , vient directement à l’ap¬ pui de cette foppofition, & femble indiquer que la poule blanche eit en effet la première cle fon efpèce , & que c’eff d’elle que toutes les autres races font iffues : ce rapport con- fifte dans la reffemblance qui fe trouve affez généralement entre la couleur des œufs & celle du plumage ; les œufs du corbeau font d'an vert -brun taché de noir; ceux de la creffe relie font rouges ; ceux du caioar font d'un vert -noir; ceux de la corneille noire font d’un brun plus obfour encore que ceux du du Coq. 137 du corbeau ; ceux du pic-varié font de même variés & tachetés ; la pie-grièche grii'e a les œufs tachés de gris* Sl la pie-grièche rouge les a tachés de rouge ; le crapaud- volant les a marbrés de taches bleuâtres brunes , fur un fond nuageux blanchâtre ; l’œuf du moi¬ neau efk cendré,. tout couvert de taches bru¬ nes-marron , iur un fond gris ; ceux du merle font d'un bleu-noirâtre ; ceux de la poule de bruyere font blanchâtres , marquetés de jau¬ ne ; ceux des peintades font marqués comme leurs plumes , de taches blanches & rondes , &c. en forte qu’il paroît y avoir un rapport allez confiant entre la couleur du plumage des oifeaux ck la couleur de leurs œufs ; feu¬ lement on voit que les teintes en font beau¬ coup plus foibles fur les œufs , & que le blanc domine dans plufieurs , parce que dans le plumage de plufieurs oifeaux , il y a auiii plus de blanc que de toute autre couleur, furtout dans les femelles dont les- couleurs font toujours moins fortes que celles du m⬠le : or nos poules blanches f noires , grifes,. fauves , & de couleurs mêlées , produisent toutes des œufs parfaitement blancs : donc * fi toutes ces poules étoient demeurées dans leur état de nature, elles feroient blanches, ©u du moins auroient dans leur plumage beaucoup plus de bî ne que de toute autre couleur; les influences de la domefticité qui ont changé la couleur de leurs plumes , n’ont pas affez pénétré pour altérer celle de leurs œufs : ce changement de la couleur des plu¬ mes n'eft qu'un effet fuperficiel & accidentel 13 8: Hîjîblre naturdh qui ne fe trouve que dans les pigeons-, les. poules , & les autres oifeaux de nos baffe- cours ; car tous ceux qui font libres & dans, l’état de nature , confèrvent leurs couleurs fans altération , & fans autres variétés que celles de Page , du fexe ou du climat, qui font toujours plus brujqiies , moins nuancées plus aifées à reconnoitre , & beaucoup moins nombreufes que celles de la. domeX-- îi citée. âu Dindon , i 3 *> "Jv'i * L E DINDON ( a> Voyc^ planche III, de ce Volume, Si le Coq ordinaire eft l’oifeati le plus utile- de la baffe -cour ; le Dindon domeftique eft le plus remarquable , foit par la grandeur de fa taille , loif par la forme de fa tete , foit par certaines habitudes naturelles qui ne lui font communes qu’avec un petit nombre d'autres efpèces : fa tète qui eft fort petite à proportion du corps v manque de la parure ordinaire aux oifeaux pcar elle eft prefqu’en-- tiéremenr dénuée de plumes , & feulement- recouverte ^ ainfi qu’une partie du cou d’une peau bleuâtre . chargée de mamelons* Voye% les planches enluminées, n°. 97 , le màîe. (a) Nota . Comme cet' oifeau n’efl connu que depuis la découverte de l'Amérique , il n’a de nom ni en Grec ri en Latin. Les Efpagnois lui donnèrent le nom de Favon de las Indias , c’eft-à-dire , Paon des Indes occi¬ dentales ; & ce nom ne lui étoit pas mal appliqué d’a¬ bord , parce qu’il étend fa queue comme le paon , 3c qu’il n’y avoit point de paon en Amérique. Les Catalans l’ont nommé Ihdiot , Gall dllndi : les Italiens , Gallo - d'india ; ■ les Allemands , Indianifch Hahn ; les Polonois , Indik ; les Suédois , Kalkon ; les Anglois ? Turkey, — • G allô pavas . fin ^allus Indiens, Frifch , planche enlu* minée c xxu»- Al, iqo Hijloire. naturzlk rouges dans la partie antérieure du cou, & de mamelons blanchâtres- fur la partie poftè- rie ure de la tête , avec quelques petits poils noirs , clair- femés entre les marnerons , & de petites plumes plus rares au haut du cou , & qui deviennent plus fréquentes dans la par¬ tie inférieure , chofe qui n’avait pas été re¬ marquée par les Naturalifles : de la bafe du bec defcend fur le cou jufqu’à environ le tiers de fa longueur , une efpèce de barbillon charnu , rouge & flottant , qui paroît fimple aux yeux , quoiqu’il foit en effet compofé d’une double membrane, ainfi qiril eft facile de s’en affurer en le touchant ; fur la bafe du bec fupérieure s’élève une caroncule charnue , de forme conique , & fiîlonnée par des rides tranfverfales allez profondes : cette caroncule n’a guère plus d’un pouce de hau¬ teur dans fon état de contraction ou de re¬ pos , c’eft-à-dire , lorfque le dindon ne voyant autour de lui que les objets auxquels il eit accoutumé , & n’éprouvant aucune agitation intérieure , fe promene tranquillement en prenant fa pâture ; mais fi quelque objet étran¬ ger fe prélente inopinément , furtout dans la faifon des amours , c et oifeau qui n’a rien dans fon port ordinaire que d’humble & de fimple , fe rengorge tout-à-coup avec fierté ; fa tête Si fon cou fe gonflent ; la caroncule conique fe déploie , s’allonge , Sc defcend deux ou trois pouces plus bas que le bec , qu’elle recouvre entièrement ; toutes ces par¬ ties charnues fe colorent d’un rouge plus vif; en même temps les plumes du cou Si du dos fe hérifîentj & la queue fe releve en évenr du Dindon . 141 tail , tandis que les ailes s’abaiffent en fe dé¬ ployant jufqu'à traîner par terre : dans cette attitude , tantôt il va piaffant autour de fa femelle , accompagnant fen aéUon d’un bruit fourd que produit l’air de la poitrine , s’é¬ chappant par le bec , & qui eft fuivi d'un long bourdonnement ; tantôt il quitte fa fe¬ melle, comme pour menacer ceux qui vieil- nent le troubler ; dans ces deux cas , fa dé¬ marche eft grave , St s’accélère feulement dans le moment où il fait entendre ce bruit fourd dont j'ai parlé : de temps en temps il interrompt cette manœuvre pour jeter un autre cri plus perçant , que tout le monde connort,& qu'on peut lui faire répéter tant que l'on veut , foit en fmiant , fait en lui faifant entendre des fons aigus quelconques ; il recommence enfuite à faire la roue qui , fuivant qu’elle s’adreffe à fa femelle ou aux objets qui lui font ombrage , exprime tantôt fon amour & tantôt fa colere; & ces efpèces d'accès feront beaucoup plus violens li on paroit devant lui avec un habit rouge ; c’eft alors qu’il s’irrite Sc devient furieux; il s’é¬ lance , il attaque à coups de bec , £c fait tous fes efforts pour éloigner un objet dont la préfence femble lui être infuppor- table. Il eft remarquable & très fingulier que cette caroncule conique qui s’allonge & fe relâche lorfque l’animal eft agité d’une paffion vive , fe relâche de meme après fa mort. Il y a des dindons blancs , d’autres variés de noir 6e de blanc, d’autres de Hane & d’un 17 i fîo i re nu tu ; tl le jaune roufsâtre , &- d’autres d’un gris unifor¬ me , qui font les plus rares de tous ; mais le plus grand nombre a le plumage tirant fur le. noir avec un peu de blanc à l’extrémité des plumes ; celles qui couvrent le dos & le defîiis des ailes font carrées par le bout j & parmi celles du croupion , & même de la poitrine , il y en a quelques-unes de couleurs changeantes & qui ont différens reflets, fé¬ lon les différentes incidences de la lumière ; & plus ils vieilliffient , plus leurs couleurs paroifîent être changeantes & avoir des re- iyxvwiivty iVi iL aVl; U J l VA/ ww v par cette raifon que dans quelques provinces on les éleve de préférence : on en voit de nombreux troupeaux, dans le Pertois en Champagne. Les Naturaliftes ont compté vingt - huit pennes ou grandes plumes à chaque atlev&. dix-huit à la queue mais un caraftere bien plus frappant, & qui empêchera à jamais de confondre cette, efpèce avec aucune au¬ tre efpèce actuellement connue , c’eft un bouquet de crins durs & noirs , long de- cinq à fix pouces lequel , dans nos climats tem¬ pérés, fort de. la partie inférieure du cou au dindon mâle adulte , dans la fécondé année , quelquefois même dès la fin de la première ; & avant que ce bouquet paroifie, l’endroit d’où il doit fortir eft marqué par un tuber¬ cule charnu. M. Linnæus dit que ces crins ne commencent à paraître qu’à la troiffeme année dans les dindons qu’on éleve en Suède: fi ce fait eft bien- avéré, il s’enfui vroit que du D'rndbn: 2*45:. cette efpêce de production fe feroit cl autant plus tard que la température du pays eft plus rigoureufe ; & à la vérité l’un des principaux effets du froid eft de ralentir toute forte de développement. C’eft cette touffe de crins qui a valu au dindon le titre de baÆui v.peficre barbato (b) , expreflion im¬ propre à tous égards, puifque ce n’eft pas de la poitrine mais de la partie inférieure - du cou que ces crins, prennent nai fiance , oc. que d’ailleurs ce n’eft pas affez d’avoir des crins ou des poils pour avoir une barbe , ili faut encore qu’ils foient autour du men¬ ton ou de ce qui en tient lieu ^ comme dans le vautour, barbu. d’Edwards- , plan¬ che cvi. On fe feroic unc'fauffe idée de la queue' du coq d’Inde , fi Ton s'imaginait que toutes^ les plumes dont elle eft formée fuffent fuf* ceptibles de fe relever en éventail : à pro¬ prement parler , le dindon à deux queues ,, î’une fupéri eure & l’autre inférieure ; la première eft compofée de dix -huit grandes plumes implantées autour du croupion,- &. que l’animal releve lorfqu’il piaffe; là fé¬ condé ou l’inférieure confifte en d’autres, plumes moins grandes & refte toujours dans la fituation horizontale. C'eft encore un at¬ tribut propre au mâle d’avoir un éperon à chaque pied; ces éperons font plus ou moins longs, mais. ils font toujours beaucoup plus — — - - - (è) Linn, Faan, Suerica , & Sy fierai nat\ czît. x9 *44 Mtjloirè naturelle courts & plus mous que dans le coq dinaire. La poule d’Inde diffère du coq, non-feu¬ lement en ce qu’elle n’a pas d’éperons aux pieds , ni de bouquet de crins dans la partie inférieure du cou , en ce que la caroncule conique du bec fupérieur eft plus courte & incapable de s’alonger ; que cette caroncule * le barbillon de délions le bec , & la chair glanduleufe qui recouvre la tête , font d’un rouge plus pâle; mais elle en diffère encore par les attributs propres au fexe le plus foi- fele dans la plupart des efpèces : elle eft plus petite , elle a moins de caraétere dans la phy¬ sionomie , moins de r effort à l'intérieur , moins d’acrion au dehors : fon cri n’eft qu’un accent plaintif ; elle n’a de mouvement que pour chercher fa nourriture ou pour fuir le dan¬ ger ; enfin la faculté de faire la roue lui a été refufée ; ce n’eff pas qu’elle n’ait la queue double comme le male , mais* elle manque apparemment des mufeles releveurs , propres à redreffer les plus grandes plumes dont la queue fupérienre eft compofée. Dans le mâle . comme dans la femelle , les orifices des narines font dans le bec fupé- rieur; & ceux des oreilles font en arriéré des yeux , fort couverts , & comme ombragés par une multitude de petites plumes déeem- pofées qui ont différentes a ire crions* On comprend bien que le meilleur mâle fera celui qui aura plus de force , plus de vivacité , plus d’énergie dans toute ion ac¬ tion : on pourra lui donner cinq ou fix pou¬ les d’Inde ; s’il y s pr uneurs maies, ils le bat¬ tront du Dindon . 14^ tront 9 mais non pas avec l’acharnement des coqs ordinaires : ceux-ci ayant plus d’ardeur pour leurs femelles ? font auffi plus animés contre leurs rivaux , & la guerre qu’ils fe font entr’eux eft ordinairement un combat a outrance ; on en a vu même attaquer des coqs d’Inde deux fois plus gros qu'eux , c le les mettre à mort; les fujets de guerre ne manquent pas entre les coqs des deux efpè- ces ? fi , comme le dit Sperling 5 le ccq dinde privé de les femelles , s’adrefle aux poules ordinaires , ê: que les poules d’Inde dans babfence de leur mâle s’offrent au coq or¬ dinaire 9 & le follicitent même affez vive¬ ment (c\ La guerre que les coqs d’Inde fe font en- tr’eux eft beaucoup moins violente ; le vaincu ne cède pas toujours le champ de bataille , quelquefois même il eft préféré par les fe¬ melles : on a remarqué qu’un dindon blanc ayant été battu par un dindon noir , prefque tous les dindonneaux de la couvée furent blancs. L’accouplement des dindons fe fait à-peu- près de la même maniéré que celui des coqs * .mais il dure plus long-temps ; & c’eft peut- être par cette raifon qu’il faut moins de fe¬ melles au male 9 & qu’il s’ufe beaucoup plus vite. J’ai dit plus haut , fur la foi de Sper¬ ling 9 qu’ii fe mêloit quelquefois avec les poules ordinaires ; le même auteur prétend (c) Zoclcgïa phyfica% pag. $6?* Qi féaux j Tom. UL Si 146 Hiftolrc naturelle que quand il eft privé de fes femelles iî s'ac¬ couple aufti 5 non-feulement avec la femelle du paon ( ce qui peut être ) , mais encore avec les canes ( ce qui me paroît moins vrai- femblable )« La poule d'Inde n’eft pas auffi féconde que la poule ordinaire : il- faut lui donner de temps en temps du chenevis , de l’avoine , du iarrafm 9 pour l’exciter à pondre ; & avec cela elle ne fait guère qu’une feule ponte par an 9 d’environ quinze œufs : lorfqu’elie en fait deux 9 ce qui eft très rare , elle com¬ mence la première fur la fm de l’hiver, & la fécondé dans le mois d’août; ces œufs font blancs 9 avec quelques petites taches d’un jaune -rougeâtre ; & du relie 9 ils font orga¬ nisés à - peu - près comme ceux de la poule ordinaire : la poule d’Inde couve aum les juge œufs de toutes fortes d’oifeaux ; on qu’eiîe demande à couver 5 lorfqu’après avoir fait fa ponte elle relie dans le nid : pour que ce nid lui plaife 9 il faut qu’il foit en lieu à une bonne expofition félon la faifon , C V, & point trop en vue ; car fon inftinél la porte ordinairement à fe cacher avec grand loin lorfqu’elie couve. Ce font les poules de l’année précédente ? qui d’ordinaire font les meilleures couveu- fes ; elles le dévouent à cette CL vec tant d’ardeur & d’c occupation lüuite 9 qu’elles mourroient d’inanition fur leurs œufs 9 fi l’on n’avoit le foin de les lever une fois tous les jours pour leur donner à boire & à manger ; cette paillon de couver eft fi for . x n 'te tte painon ae x ü durable, qu'elles font quelquefois deux au Dindon . r <\y couvées de fuite & fans aucune interrup¬ tion; mais dans ce cas -, il faut les foutenir par une meilleure nourriture : le mâle a un inftinet bien contraire ; car s’il apperçoit fa femelle couvant , il cafte les œufs qu’il voit apparemment comme un obftacle a les plai- firs(i); & c'eft peut-être la raifon pour¬ quoi la femelle fe cache alors avec tant de loin. Le temps venu oii ces œufs doivent éclo¬ re , les dindonneaux percent avec leur bec la coquille de l’œuf qui les renferme ; mais cette coquille eft quelquefois fi dure , ou les dindonneaux fi foifales 5 qu’ils périroient fi on ne les aidoit à la brifer , ce que néan¬ moins il ne faut faire qu’avec beaucoup de circonfpection , & en fui van t autant qu’il eft polïïfale les procédés de la nature : ils péri¬ roient encore bientôt -5 pour peu que dans ces commencemens on les maniât avec ru- deiTe , qu’on leur laifsât endurer la faim 9 ou qu’on les exposât aux intempéries de l’air ; le froid 5 la pluie * & même la rofée les mor¬ fond; le grand foie il les tue prefque fubi- ternent ; quelquefois même ils font écrafés fous les pieds de leur mere : voilà bien des dangers pour un animal û délicat; & c’eft pour cette raifon , & à caufe de la moindre fécondité des poules d'Inde en Europe 5 que cette efpèce eft beaucoup moins nombreufe que celle des poules ordinaires. M Sperling , îoco citato , Hijloîre naturelle Dans les premiers temps il faut tenir les jeunes dindons dans un lieu chaud & fec , où Ton aura étendu une litiere de fumier long bien battue ; & lorique dans la fuite on voudra les faire fortir en plein air , ce ne fera que par degrés & en choififfant les plus beaux jours. L’inftinâ: des jeunes dindonneaux eft d’ai¬ mer mieux à prendre leur nourriture dans la main que de toute autre maniéré ; on juge qu’ils ont befoin d’en prendre lorfqu’on les entend piauler 9 & cela leur arrive fréquem¬ ment : il faut leur donner à manger quatre ou cinq fois par jour; leur premier aliment fera du vin & de l’eau qu’on leur fouffiera X dans le bec ; on y mêlera enfuite un peu de mie de pain; vers le quatrième jour, on leur donnera les œufs gâtés de la couvée , cuits & hachés d’abord avec de la mie de pain , & enfuite avec des orties; ces œufs gâtés, foit de dindes , foit de poules , feront pour eux une nourriture très falutaire (e) ; au bout de dix à douze jours on iupprime les œufs, & on mêle les orties hachées avec du millet 9 ou avec la farine de turquis , d’orge , de fro¬ ment ou de blé farraün , ou bien , pour épargner le grain fans faire tort aux din¬ donneaux , avec le lait caillé , la bardane , un peu de camomille puante , de graine d’or¬ tie & du fon : dans la fuite on pourra fe contenter de leur donner toute forte de fruits (e) Voyci Journal Economique * Août 1757 5 pages $9 $7 b du Dindon . 149 pourris , coupés par morceaux ( f) > & furtout des fruits de ronces ou de mûriers blancs , &c. Lorfqu’on leur verra un air langui liant , on leur mettra le bec dans du vin pour leur en faire boire un peu , & on leur fera avaler aufli un grain de poivre ; quelquefois ils paroiffent engourdis & fans mouvement , lorlqu’ils ont été furpris par une pluie froi¬ de ; & ils mourroient certainement fi on n’avoit le foin de les envelopper de linges chauds, & de leur tourner à plusieurs re- prifes un air chaud par le bec : il ne faut pas manquer de les vifiter de temps en temps, & de leur percer les petites veffies qui leur viennent fous la langue & autour du crou¬ pion , & de leur donner de l’eau de rouille; on confeille même de leur laver la tête avec cette eau , pour prévenir certaines maladies auxquelles ils font fujets (g) ; mais dans ce cas il faut donc les eifuyer oc les fécher bien exactement ; car en fait combien toute hu¬ midité eft contraire aux dindons du premier âge. La mere les mene avec la même follici- tude que la poule mene tes pouilms; elle les réchauffe fous fes ailes avec la meme affec¬ tion, elle les défend avec le même courage ; il femble que fatendreffe pour fes petits ren¬ de fa vue plus perçante ; elle découvre l’oi- feau de proie d’une diftance prodigieufe , & (f) Journal Economique , leco citato. (g) La Figere & les Ourles, félon la Maijcn rufti» qxe , tom, I , pag. uj . 3*0 B-iMolre naturelle Icrfqu’il eft encore invifible à tous les air* très yeux ; des qu’elle, l’a apperçu 5 elle jette un cri d’effroi qui répand la conffernation dans toute la couvée ; chaque dindonneau le réfugie dans les buiffons , ou fe tapit dans l’herbe , & la mere les y retient en répétant le même cri d’effroi autant de temps que l’ennemi eft à portée : mais le voit-elle pren¬ dre l'on vol d’un autre côté elle les en avertit auffi-tot par un autre cri bien diffé¬ rent du premier 9 & qui eft pour tous le lignât de fortir du lieu où ils le font cachés ? & de. fe raffembler autour d’elle. Lorfque les jeunes dindons viennent d'é¬ clore 5 ils ont la tète arnie d’une efpèce de •51 ( P» duvet 9 & n’ont encore ni chair glanduleux ni barbillons ; ce n’eft qu’à fix femaines eu deux mois que ces parties fe développent, & , comme on le dit vulgairement , que les dindons commencent à pouffer le rouge : le temps de ce développement eft un temps, critique pour eux , comme celui de la den¬ tition pour les enfans , & c’eft alors furtout qu’il faut mêler du vin à leur nourriture pour les fortifier; quelque temps avant de pouffer le rouge , ils commencent déjà à fe percher. Il eft rare que l’on foumette les dindon¬ neaux à la caftration comme les poulets ; ils engraiffent fort bien fans cela, & leur chair n’en eft pas moins bonne ; nouvelle preuve qu’ils font d’un tempérament, moins chaud que les coqs ordinaires. Lorfqu’ils font devenus forts , ils quittent le du Dindon. ponte ou une feconcle couvée ; plus les din¬ donneaux étoient foibles & délicats dans le premier âge , plus ils deviennent avec le temps robmtes & capables de foittenir toutes les injures du temps : ils aiment à fe percher en plein air , & palfent ainfi les nuits les plus froides de l'hiver, tantôt fe foutenant fur un feul pied , & retirant l’au¬ tre dans les plumes de leur ventre comme pour le réchauffer ; tantôt , au contraire , s’accroupiffant fur leur bâton , & s’y tenant en équilibre : ils fe mettent la tète ions Paile pour dormir , & pendant leur fommeil ils ont le mouvement de la refpiration fenfible & très marqué. La meilleure façon de conduire les din¬ dons devenus forts , c’elt de les mener pai- tre par la campagne , dans les lieux où abon¬ dent les orties & autres plantes de leur goût, dans les vergers lorxque les fruits commen¬ cent à tomber, &c. Mais il faut éviter foi- gneufement les pâturages où croiflent les plantes qui leur font contraires , telles que la grande digitale à fleurs rouges; cette plan¬ te eft un véritable poifon pour les dindons ; ceux qui en ont mangé éprouvent une forte d’ivreife , des vertiges , des convulnons ; & lorfque la dofe a été un peu forte , ils fi- niffent par mourir éthiques: on ne peut donc apporter trop de foin à détruire cette plante nuifible dans les lieux où Pon éleve des din¬ dons (K). (A) Voyzi^ Hiftoire de l’Académie ces de Paris, année I742>pag. $4. Royale des Scisiv» N 4 I yz Hiftoire naturelle On doit aufïi avoir attention , furtout dans les commencemens , de ne les faire fortir le matin qu’après que le foleil a commencé de lécher la rofée , de les faire rentrer avant îa chute du ferein , & de les mettre à l’abri pendant la plus grande chaleur des jours d’été : tous les foirs , Iorfqu’ils reviennent , on leur donne la pâtée , du grain, ou quel¬ que autre nourriture 3 excepté feulement au temps des moifïbns ou ils trouvent fuffifâ'm- xnent à manger par la campagne ; comme ils font fort craintifs, ils fe laiflént aiférnent conduire , il ne faut que l’ombre d’une ba¬ guette pour en mener des troupeaux même très confidérabies , & fouvent ils prendront la fuite devant un animal beaucoup plus pe¬ tit & plus foible qu’eux : cependant il eft des occasions oii ils montrent du courage 9 furtout lorfqu’il s’agit de fe défendre contre X les fouines & autres ennemis de la volaille ; on en a vu même quelquefois entourer en troupe un lièvre au gîte , & chercher à le tuer à coups de bec (i). Ils ont cfifférens tons , différentes inflexions de voix , félon l’âge , le fexe , & fuivant les pallions qu’ils veulent exprimer ; leur dé¬ marche eft lente & leur vol pédant ; ils boi¬ vent , mangent , avalent de petits cailloux , & digèrent à-peu-près , comme les coqs ; & comme eux, ils ont double eftomac , c’eft- à-dire , un jabot & un gêner: mais comme ils (i) Ornithologie de Salerne , psg. 13.2. du Dindon . 1 53 font plus gros, les mufcles de leur -géfier ont aiuîi plus de force. La longueur du tube inteifinal eft à-peu- près quadruple de la longueur de l’animal , prife depuis la pointe du bec jufqu’à l’extré¬ mité du croupion ; ils ont deux cæcum , diri¬ gés l’un & l'autre d’arriere en avant , mais moins dur rvt rl v*nr\ c R.r -CCr\t~i c ( ^ 1 v-j i ViiAVtV V V V4 JL L V VXA. V J. J. U-* L i. V A V > J enfin il fort du nerf optique , entre la ré tira & la choroïde 9 une membrane noire de fi¬ gure rhomboïde & campofêe de fibres pa¬ rallèles , laquelle traverfe l’humeur vitrée , & va s’attacher quelquefois immédiatement par fon angle antérieur 9 quelquefois par un filet qui part de cet angle , à la cap fuie du criftallin ; c’eft à cette membrane fubtil le a (k) Mémoires de l’Académie Royale des Sciences ïné? 1726 , pag. S?. (£) Ibidem s année 1730 ». paga io-. du Dindon . *55 tranfparente que Mrs. les Anatomiftes de l’Académie des Sciences ont donné le nom de bourfe , quoiqu’elle n’en ait gutre la fi¬ gure dans le dindon , non plus que dans la poule, l’oie, le canard, le pigeon, &c. Son ufage eft , félon M. Petit , d’abforber les rayons de lumière qui partent des objets qui font à côté de la tête & qui entrent directe¬ ment dans les yeux {ni) : mais, quoi qu’il en foit de cette idée , il eft certain que l’organe de la vue eft plus compofé dans les oifeaux crue dans les quadrupèdes ; & comme nous avons prouvé ailleurs que les oi féaux l’em- portoient par ce iens fur les autres ani¬ maux {ri) , & que nous avons meme eu oc- cafion de remarquer plus haut combien la poule d'Inde avoir la vue perçante , on ne peut guere fe refluer à cette conjecture ft naturelle , que la fupériorité de l’organe de la vue dans les oifeaux , eft dûe à la diffé¬ rence de la ftruCture de leurs yeux, & à l’artifice particulier de leur organisation ; conjecture très vraifemblabïe , mais de la- de l’anatomie comparée & de la mécanique animale. Si l’on compare les témoignages des voya¬ geurs , on ne peut s’empêcher de reconnoitre (m) Mémoires de l’Académie Royale des Sciences * année 1733 , pag. 123. (”N Voyez Difiours fur la Natux& des oifeaux » tom% ^ page Hifloire naturelle j r* 156 que les dindons font originaires d’Amériqu .& des ides adjacentes ; & qu’avant la décou¬ verte de ce nouveau continent ils n’exiftoient point dans l’ancien. Le P. du Tertre remarque qu’ils font dans les Antilles comme dans leur pays naturel , & que pourvu qu’on en ait un peu de foin , ils couvent trois à quatre fois l’année ( 0) : or 9 c'eil: une règle générale pour tous les multiplient plus dans le animaux qu’ils climat qui leur eft propre que par-tout ail¬ leurs ; ils y deviennent aufîi plus grands &l plus forts j & c’ert précifément ce que Von cbferve dans les dindons d’Amérique. On en trouve une multitude prodigieuie chez les Illinois , difent les Millionnaires Jéfuites ; ils 3 r y vont par troupes cie cent , queiqueiois même de deux cents ; ils font beaucoup plus gros que ceux que l’on voit en France , 6i pefent jufqu’à trente-fix livres (^p) ; Joffelin dit jufqu’à foixante livres (q) : ils ne fe trou¬ vent pas en moindre quantité dans le Cana¬ da, ( où, félon ic P. Theodat, Récoilet , les Sauvages les appelloient Ondettoutaques ) dans le Mexique , dans la Nouvelle Angleterre , dans cette vaite contrée qu’arrofe le Miffif- fipi , & chez les Brafiliens où ils font con¬ nus fous le nom de Arignàn-oujJbu (/). Le doc- (o) Hiftoire générale des Antilles , tom. II , p. z66é (p) Lettres Edifiantes > XXlIIe. Rec. pag. 237. (q) Raretés de la Nouvelle Angleterre. (r) Voyage au Brefil, recueilli par de Lery , p. ijï* du D bidon, ï)7 teur Hans Sloane en a vu à la Jamaïque: il eft à remarquer que dans prefque tous ces pays les dindons ionî dans l’état de fauva- ges , & qu’ils y fourmillent par-tout , à quel¬ que diitance néanmoins des habitations , comme s’ils ne cédoient le terrein que pied à pied aux colons Européens. Mais h la plupart des voyageurs & té- moins oculaires s’accordent à regarder cet oifeau comme naturel , appartenant en pro¬ pre au continent de l’Amérique , furtout de l’Amérique feptentrionale , iis ne s’accor¬ dent pas moins à dépofer qu’il ne s’en trouve point ou que très peu dans toute l’Afie. Gemelli Careri nous apprend eue non- feulement il n’y en a point aux Philippines , mais que ceux même que les Espagnols y avoient apportés de la Nouvelle Efpagne n’avoient pu y profpérer (j). Le P. du Halde affure qu’on ne trouve à la Chine que ceux qui y ont été tranfportés d’ailleurs : il eft vrai que dans le même en¬ droit ce Jéfuite fuppofe qu’ils font fort com¬ muns dans les Indes orientales; mais il pa- roît que ce n’eft en effet qu’une fuppofi- tion fondée fur des ouï - dire_^ au lieu qu’il étoit témoin oculaire de ce qu’il dit de la Chine {t). Le P. de Bourzes, autre Jéfuite, raconte (s) Voyages, tom. V, pag. 271 & 272. (f) Hiftoire géftérale des Voyages, tom. VI % y? Hljhirc natunlh «qu’il n’y en a point dans le royaume de Ma* duré 5 fitué en la prefqu’ifle en-deçà du Gan* ge ; d'où il conclut avec raifon que ce font apparemment les Indes occidentales qui ont donné leur nom à cet oifeau(zf). Dampier n’en a point vu non plus à Min* danao (x) ; Chardin (y) & Tavernier qui ont parcouru l’Afie ^ ^ difent pofitivement qu’il n’y a point de dindons dans tout ce vafte jyays: félon le dernier de ces voyageurs, ce font les Arméniens qui les ont portés en Perfe 5 où ils ont mal réufli , comme ce font les Hollandais qui les ont portés à Batavia , où ils ont beaucoup mieux profpéré. Enfin Bofman & quelques autres voya¬ geurs nous difent que fi l’on voit des din- dons au pays de Congo 5 à la Côte-d’or , au Sénégal , & autres lieux de l’Afrique , ce n’eft que dans les comptoirs & chez les étran¬ gers , les naturels du pays en faifant peu d’ufage : félon les mêmes voyageurs , il effe vifible que ces dindons font provenus de ceux que les Portugais & autres Européens avoient apportés dans les commencemens avec la volaille ordinaire (^). Je ne diffinmierai pas que Âldrovande 9 (u) Lettre du 21 Septembre 1713 , parmi les Lettres Édifiantes, (x) Nouveau Voyage , tom. I, pag. 406. (y) Voyages de Chardin, tom. II, pag. 29. (?) Voyages de Tavernier , tom. II , pag. 22a G) Voyages de Bofman, pag, 242» du Dindon . l)9 Gefncr, Belon & Ray ont prétendu que les dindons étoient origin^res d’Afrique ou des Indes orientales ; ck quoique leur fentiment ioit peu fuivi aujourd’hui , je crois devoir a de ü grands noms de ne point le rejeter fans quelque diicuiïïon. Aldrovande a voulu prouver fort au long que les dindons étoient les véritables tnéléa- grides des anciens , autrement les poules d’Afrique ou de Numidie , dont le plumage eft couvert de taches rondes en forme de gouttes ( gallinœ Numidicœ. guttatæ ) ; mais il eft évident , & tout le monde convient au¬ jourd’hui que ces poules Africaines ne font autre choie que nos peintades 5 qui en effet nous viennent d’Afrique 5 & font très diffé¬ rentes des dindons; ainfi il feroit inutile de cucuter plus en détail cette opinion d’Àl- crovande qui porte avec elle fa réfutation , ce que néanmoins M. Linnæus femble avoir \ oulu perpétuer ou renouvelier en appliquant au dindon le nom de mekiigris. Ray. qui fait venir les dindons d’Afrique ou des Indes orientales , femble s 'être lailTé tromper par les noms : celui d’oifeau de Nu¬ midie qu'il adopte, fiippoie une origine Afri¬ caine 5 & ceux de Tiirkcy & d’oifeau de Ca- lécut , une origine Afiatique ; mais un nom rfeft pas toujours une preuve , iurtout un rom populaire appliqué par des gens peu iailruits, & même un nom Scientifique ap¬ pliqué par des Savons qui ne font pas tou¬ jours exempts de préjugés : d’ailleurs Ray lui-même avoue d'après Hans Sloane , que ces cifeaux le plaiïent beaucoup dans les 160 - Hifloire naturelle pays chauds de l’Amérique , & qu’ils y mul¬ tiplient prodigieufemcftit (b). A l’égard de G.efner , il dit, à la vérité , que La plupart des .anciens , & entr 'autres Arif- tote & Pline , n’ont pas connu les dindons ; mais il prétend que JElien les a eu en vue dans le paffage fui vaut : In India gallinacei naf- cunturmaxlmi ; non rubram habent criflam , ut no fri s fed ita variam & fioridam velutï coroham floribus contextam ; caudct pennas non infiexas habent , ne- que revelu tas in orbem ^ fed latas ; quas cum non erfrunt 5 ut p avoues trahunt : eornm p cnn ai fmaragdi coïorem ferunt . « Les Indes produisent de très gros coqs dont la crête n’efi: peint rouge , comme celle des nôtres 5 mais de couleurs 5> variées , comme feroit une couleur de fleurs ; leur queue n’a pas non plus de plu- 3) mes recourbées en arc; lorfqu’ils ne la re- ?? lèvent pas , ils la portent comme des paons s? ( c’efl-à-dire , horizontalement ) , leurs s? pennes font de la couleur de l’émeraude » : mais je ne vois pas que ce partage foit ap~ pliquable aux. dindons : i°. La grolfeur de ces coqs ne prouve point que ce foit des dindons ; car on fait qu’il y a en effet dans l’Afie , & notamment en Perfe & au u , de véritables coqs qui font très gros. 2°. Cette crête, de couleurs variées, fur- firoit feule pour exclure les dindons qui n’eu¬ rent jamais de crête ; car il s’agit ici , non dune aigrette de plumes , mais d’une crête véritable m S y no p fis avîum , appendix , pag. iSz . du Dindon . 1 6t véritable , analogue à celle du coq, quoique de couleur differente. 3°. Le port de la queue, femblable. à ce¬ lui du paon , ne prouve rien non plus , parce qu’Elien dit poûtivement que Poifeau dont H s’agit , porte fa queue comme le paon , lorfqu d ne la relève point ; 5-1 s'il l’eût relevée comme le paon en faifant la roue , Elien n’auroit pu oublier de faire mention d’un ca¬ ractère aufîi Singulier , 6e d’un trait de ref- femblance fi marqué avec le paon , auquel il le comparoit dans ce moment môme. 4°. Enfin les pennes couleur d’émeraude, ne font rien moins que fiiftilantes pour dé¬ terminer ici l’efpèce des dindons , bien que quelques-unes de leurs plumes ayent des re¬ flets imaragdins ; car on fait que le plumage de plu fieurs autres oifeaux. a la même cou¬ leur & les mêmes reflets. Selon ne me paroi t pas mieux fondé que Gefner , à retrouver les dindons dans les ou¬ vrages des Anciens : Columelle avoit dit dans fon livre de Re Rustica ^ c ) ; Afri- cana eft meleagridi fzrnilis , ni fi quod rutilant g⬠te am & crïÇtam capite gerit , quce u traque in melea- gride ceruka. « La poule d’Afrique reffemble r à la méléagride , excepté qu’elle a la crête n £c le calque rouge , rutila, au lieu que ces 3? mêmes parties font bleues dans la méléa- v gride Selon a pris cette poule africaine pour la peintade , & la méléagride pour le dindon ; mais il efi évident par le paffage (c) Lib. VIII , cap. u , O i6i I^ijloîrz naturelle même y que Columelle parle ici de deux, va¬ riétés de la même efpèce , puifque les deux: oifeaux dont il s’agit fe refiembient de tout point j excepté par la couleur , laquelle eîl en effet fujette à varier dans la même ef¬ pèce, & notamment dans celle de la pein- tade, où les mâles ont les appendices mem- braneufes qui leur pendent aux deux cotés des joues, de couleur bleue , tandis que les femelles ont ces mêmes appendices de cou¬ leur rouge : d’ailleurs , comment fuppofer que Columelle ayant à défigner deux efpè- ces auffi différentes que celles de la pein- tade & du dindon, fe fût contenté de les diltinguer par une variété auffi fuperficieJle que celle de la couleur d’une petite partie ^ au lieu d’employer des carafferes tranchés qui lui fautoient aux yeux 1 C’eft donc mal-à-propos que Belon a cm pouvoir s’appuyer de l’autorité, de Colu¬ melle , pour donner aux dindons une origine- africaine ; & ce n’eff pas avec plus de fuc- cès qu’il a cherché à fe prévaloir du paffage fuivant de Ptolomée, pour leur donner une origine afiatiqus : Triglyphon Regia in quâ gallïnacd barbait ejje dicuntur ( d ). Cette Tri- glyphe eff en effet lituée dans la prefqu’ifis au-delà du Gange ; mais on rfa aucune raifort de croire que ces coqs barbus fbient des din¬ dons : car , i°. il n’y a pas jufqu’à l’exiftence de ces coqs qui ne foit incertaine , puifqu’elle; a’eft alléguée que fur la foi d’un on dit { di~ (. d ) Géograpkia , lib , VIH , cap, il , Tabula VI, Ad,z> du Dindon . 163 cunnir ) ; 2Q. on ne peut donner aux: dindons le mot de coqs barbus , comme je l’ai dit plus haut ; ce nom de barbe appliqué a un oiieau ne pouvant lignifier qu’une touffe de plumes ou de poils placés fous le bec , & non ce bouquet de crins durs que les din¬ dons ont au bas du cou; 30. Ptolomée étoit Aftronome & Géographe , mais point du tout Naturalise ; & il eff vifible qu'il cherchoit à jeter quelqu’intérét dans fes Tables géogra¬ phiques, en y mêlant fans beaucoup de cri¬ tique les fingularités de chaque pays : dans la même page où il fait mention de ces coqs barbus , il parle de trois ifles des Satyres , dont les habita ns avoient des queues , & de certaines ifles Manioles au nombre de dix* fituées à-peu-près dans le même climat, ou l’aimant abonde au point que l’on n’ofs y employer le fer , dans la conflruction des navires , de peur qu’ils ne foient attirés & retenus par la force magnétique ; mais ces queues humaines , quoiqu’atteftées par des Voyageurs & par les Millionnaires Jéiuites, félon Gemelli Careri ( e V font au moins fort douteufes ; ces montagnes d’aimant ou plutôt leurs effets fur la ferrure des vaif- féaux ne le font pas moins , & l’on ne peut guere compter fur des faits mêlés avec de pareilles incertitudes ; 4°. enfin Ptolomée , à l’endroit cité , parle pofitivement des coqs ordinaires ( galli g. aiïmacei ) qui ne peuvent être confondus avec les coqs d’Inde , ni 00 Voyage , tom. Vypag. 6S. mage , ni peur le c liant , ni pour jlôs habi¬ tudes naturelles 3 ni pour la couleur des œufs , ni pour le temps de l’incubation , &c« Il efi vrai que o eaiig er, tout en avouant que la méiéagride d’Athénée ou plutôt de Clytus cité par Athénée , étdit un oifeau d’Etolie , aimant les lieux aquatiques , peu attaché à fa couvée, & dont la chair len¬ to! t le marécage , tous caraéïeres qui ne con¬ viennent point au dindon , qui ne le trouve point en Etoile, fuit les lieux aquatiques, a le plus grand attachement pour fes petits , & la chair de bon goût , il n’en prétend pas moins que la mél éagride efi un dindon (/) ; mais les Anatomiftes de l’Académie des Sciences , qui , d’abord étoient du même avis lorfqu’ils firent la defçription du coq Indien, ayant examiné les chofes de plus près , ont reconnu & prouvé ailleurs que la peintade étoit la vraie méiéagride des An¬ ciens ; en forte qu’il doit demeurer pour confiant , qu*Athénée ou Clytus , Elien , Co- lumelle & Ptolomée , n’ont pas plus parlé des dindons , qu’Âriftote & Pline , & que ces oifeaux ont été inconnus aux Anciens. Nous ne voyons pas même qu’il en fcit fait mention dans aucun Ouvrage moderne, écrit avant la découverte de l’Amérique : une tradition populaire fixe dans le feizieme fiècle , fous François I , l’époque de leur première apparition en France ; car c’eft {/) In Cardanum cxircit. z]St du Dindon. 1^5 dans ce temps que vivoit l’amiral Chabot ; Les Auteurs de la Zoclo^.e Britannique avan¬ cent, comme un fait notoire , qu’ils ont été apportés en Angleterre fous le règne de Henri VIII , contemporain de François I ( §) , ce qui s'accorde très bien avec notre fenti- ment; car l’Amérique ayant été découverte par Chrifiophe Colomb, fur la du du quinziè¬ me fiècle , &les rois François I & Henri VIII étant montés ur le trône au commencement du feizieme fiècle , il eft tout naturel que ces o i féaux apportés d'Amérique , ayent été introduits comme nouveautés , foit en France , foit en Angleterre , fous le règne de ces Prin¬ ces ; & cela eft confirmé par le témoignage précis de J. Sperling, qui écrivoit avant 1660, & qui aiTure expreiTément qu’ils a voient été tranfportés des Nouvelles Indes e:i Europe , plus d'un fiècle auparavant (h). Tout concourt donc a prouver que l’Amé¬ rique eft le pays natal des dindons ; Se comme ces fortes cToiié aux font pefans, qu'ils n’ont pas le vol élevé & qu’ils ne nagent point, ils n’ont pu en aucune maniéré traverfer l’ef- pace qui lepare ies deux continens , pour aborder en Afrique , en Europe ou en Afîe : ils le trouvent donc dans le cas des quadru¬ pèdes , qui n’ayant pu fans le fe cours de l’homme palier d'un continent à l'autre , ap¬ partiennent exclufivement à Lun des deux; (e) Briîifcn, Zoology, paz. $7. (b Zoohgla phyjlca > pag. 366* 1 66 Hi flaire naturelle & cette confidération donne une nouvelle force au témoignage de tant de Voyageurs T qui affurent n’avoir jamais vu de dindons- fauvages , foit en A fie 5, foit en Afrique , & n’y en avoir vu de domeftiques que ceux qui y avoient été apportés d’ailleurs. Cette détermination du pays naturel des dindons , influe beaucoup fur la folution d’une autre q-ueftion, qui, au premier coup- d’œil , ne femble pas y avoir du rapport : J. Sper- ling , dans fa Zoalogîa Phyfica , pag. 369 s pré¬ tend que le dindon eff un monftre ( il au- roit dû dire un mulet ^ , provenant du mé¬ lange de deux efpèces , celle du paon & du eoq ordinaire ; mais s’il eft bien prouvé , comme je le crois , que les dindons foient d’origine américaine, il n’eft pas pofljble qu’ils ayent été produits par le mélange de deux efpèces asiatiques, telles que le coq & le paon ; & ce qui achève de démontrer qu’en effet cela n’eft pas , c’eft que dans toute l’Afie on ne trouve point de dindons fauvages , tandis qu’ils fourmillent en Amé¬ rique. Mais ? dira-t-on , que fi guide donc ce nom de g.illo-pavus ( coq- paon ) , fi ancien¬ nement appliqué au dindon ! rien de plus fimple; le dindon étoit un oifeau étranger , qui n’avoit point de nom dans nos langues Européennes comme on lui a trouvé des rapportts aflez marqués avec le coq & le paon , en a voulu indiquer ces rapports par le nom compofé de gallo-pavus ; d’après le¬ quel Sperüng & quelques autres auront cru que le dindon étoit réellement le produit du mélange de Fefpèce du paon avec celle du j du Dindon* iSy Coq, tandis qu’il n’y avoir que les noms de mêlés ; tant il eft dangereux, de conclure du mot à la chofe 1 tant il eft important de ne point appliquer aux animaux de ces noms compofés qui font prefque toujours fufcepti- blés d’équivoque ! M. Edwards parle d\in autre mulet qu’il dit être le mélange de l’efpèce du dindon avec celle du faifan; l’individu fur lequel il a fait fa defcription ( i) 9 avoit été tué d’un coup de fufil, dans les bois voifins de Han- fera, dans la province de Dorfet, où il fut apperçu au mois a’o&obre 1759, avec deux ou trois autres oifeaux de la même efpèce r il étoit en effet d’une grofeur moyenne entre le faifan & le dindon, ayant trente- deux pouces de vol ; une petite aigrette de plumes noires aftez longues, s’élevoit fur la bafe du bec fùpérieur; la tête rfétoit point nue comme celle du dindon, mais couverte de petites plumes fort courtes ; les yeux étoient entourés d’un cercle de peau rouge, mais moins large que dans le faifan : on ne dit peint fi cet oifeau relevoit les grandes plumes de la queue pour faire la roue ; il paroît feulement par la ligure , qu’il la por- toit ordinairement comme la porte le dindon lorfqu’il eif tranquille : au refte , il eft à re¬ marquer qu’il n’avoit la queue compofée que de feize plumes , comme celle du coq de bruyere ; tandis que celle des dindons & des faifans en a dix-huit: d’ailleurs chaque plume (i) Glanuns , penche CCCXXXyn. 1 68 Hlfîolre naturelle J du corps étoit double fur une même racine i l’une terme & plus grande, l'autre petite & duvetée , c-ara&ere qui ne convient ni au faifan ni au dindon , mais bien au coq de bruyere & au coq commun : fi cependant l’oifeau dont il s'agit, droit fon origine du mélange du faifan avec le dindon , il femble qu’on auroit dû retrouver en lui comme dans les autres mulets , premièrement , les caraéteres communs aux deux efpèces pri¬ mitives ; en fécond lieu , des qualités moyen¬ nes entre leurs qualités cppofées , ce qui n’a point lieu ici , pudique le prétendu mu¬ let de M. Edwards avoit des caraâeres qui œanquoïent abfolument aux deux efpèces primitives f les plumes doubles ) , ck qu’il manquoit d’autres caraderes qui fe trou- voient dans ces deux efpèces ( les dix-huit plumes de la queue ) ; & fi l’on vouloit ab¬ folument une efpèce métive , il y auroit plus de fondement à croire qu’elle dérive du mé¬ lange du coq de bruyere & du dindon, qui, comme je l’ai remarqué, n'a que feize pen¬ nes à la queue , & qui a les plumes doubles comme notre prétendu mulet. Les dindons fauvages ne diffèrent des do- meftiques , qu’en ce qu’ils font beaucoup plup gros & plus noirs : du refie ils ont les mêmes mœurs , les mêmes habitudes natu¬ relles , la même ftupidité ; ils fe perchent dans les bois fur les branches sèches ; & lorfqu’on en fait tomber quelqu’un d’un coup d’arme à feu , les autres relient tou¬ jours perchés, & pas un feul ne s’envole. Selon Fernande s 5 leur chair, quoique bonne. dît Dindon . ' eft plus dure & moins agréable que celle des dindons domeftiques; mais ils font deux fois plus gros : hucxolotl eft le nom Mexi¬ cain du male , & cihuatotolin le nom de la fe- Bîelle (rc). Albin nous apprend qu’un grand nombre de Seigneurs Anglois fe plailent à élever des dindons fauvages & que ces oi- featix réuffiffent allez bien par-tout oii il y a de petits bois , des parcs ou autres en¬ dos ( l ). - Le dindon huppé n5eft qu’une variété du dindon commun, femblable à celle du coq huppé dans l’efpèce du coq ordinaire; la huppe eft quelquefois noire & d’autres fois blanche , telle que celle du dindon décrit par Albin ( m ) : il étoit de la grofteur des dindons ordinaires; il avoit les pieds cou¬ leur de chair; la partie ftipérieure du corps, d’un brun foncé ; la poitrine , le ventre , les cuiffes & la queue blanches, ainfi que les plumes qui formoient fou aigrette ; du refte il reflembloit exaftement à nos dindons com¬ muns , & par la chair fpongieufe & glandu¬ leuse qui recoHvroit la tête & la partie fti¬ périeure du cou, & par le bouquet de crins durs naiftant (en apparence) de la poitrine , & par les éperons courts qu’il avoit à chaque pied , & par fon antipathie finguliere pour le rouge , &c. (k) Fr. Ferrancès , Jîifloria. avium noya Hifpani&3 vap* 27 . (/) Albin , Iiv. IX, n°. XXXIII, (m) Ibidem. O if eaux y T om. J IL f* Hijloire naturelle H7O » L A P E I N T A D E (*). Voy e{ planche III de ce Volume , Il ne faut pas confondre la Peintade avec le Pintado , comme a fait M. Ray , du moins avec le Pintado dont parle Dampier ( b ) 1 e- quel eftun oifeau de mer, de la gro fleur d’un canard , ayant les ailes fort longues , & qui rafe la furface de l’eau en volant ; tous ca- raâeres fort étrangers à la peintade , qui eft un oifeau terreftre , à ailes courtes 5 & dont le vol eft fort pefant. * Voyei les planches enluminées , n^. 108. (ii) La Peintade, en Grec & en Latin Mclcagris ; en Italien , GaLlina di Numidia ; en Allemand , Perl-huhn ^ en Angîois , Pintado ou Guinea-kca ; à Congo, Quettlc „ --- Meleagris y vcl ^allus numidicus , aut mauritanus fil~ yefiris. Gefner, Avi , pag, 480. Poule delà Guinée. Belon , ni fl. des Gif. pag. 24 6. —Peintade. Mémoires pour fervir à l’Hiftoire des Animaux partie II, pag. 79, planche xlvii , avec une bonne figure. — Oalli • na Africana. Frifch , planche cxxvi , avec une figure coloriée. — La Peintade. Briffon , tom. I , pag. 176 , avec une bonne figure , planche vin, (b) Voyez fon Voyage aux Terres Auftrales , toma IV de fon Nouveau Voyage autour du Monde , pag, 23 9 édition de Rouen » Pklll \ de la Peint a de* \7i Celle-ci a été connue & très bien déffonée par les Anciens. Ariitote n’en parle qu’une iéule fois dans tous lés Ouvrages fur les animaux; il la. nomme mzlLigride , & dit que fes œufs font marquetés de petites ta¬ ches ( c ). Varron en fait mention fous le nom de poule d’Afrique : c'eft , félon lui , un oifeau de grande taille , à plumage varié , dont le dos eft rond , & qui étoit fort rare à Rome ( d ). Pline dit les mêmes c ho fes que Varron , & femble n’avoir fait que le copier ( e ) ; à moins qu’on ne veuille attribuer la reilem- blance des defcriptions à l’identité de l’objet décrit : il répète suffi ce qu'Ariftote avoir dit de la couleur des œufs ( f ) ; & il ajoute que les peintades de Numidie étoient les plus eftimées ( g ^ , d’où on a donné à l’ef- pèce , le nom de poule Numidique par ex¬ cellence. Columelle en reconnoiffoit de deux fortes qui fe reffembloient en tout point , excepté que l’une avoit les barbillons bleus , & que (c) Voyez Hijtoria Anlmaüum , II*. VI , cap. u. ( d ) Grandes y varia , gibberec , a nas meleagrides appcllani Gracia Varro, de Re rujiicd , lib. III , cap. ix . (e) Africa gai lin arum gérais , gibberum , y aride fpafufrz flumis . Hift . nat. lib. X , cap . xxvj. (f) Ibidem, cap. LU. (g) Ibidem y cap. XLVîïl 9 quirn pleriqtie SuTddlcz&z dUunt, Columelle. P 2 17 2 HifiOire naturelle l’autre îes avoit rouges ; & cette différence avoir paru affez confidérable aux Anciens pour constituer deux eipèces ou races dési¬ gnées par deux noms diftin&s : ils appel- loient méléavride , la poule aux barbillons rou- ges , & poule africaine 3 celle aux barbillons bleus ( h n’ayant pas obfervé ces oifeaux d’affez près pour s’appercevoir que la pre¬ mière étoit la femelle , & la fécondé le mâle d’une feule & même efpèce, comme l’ont remarqué Mrs. de l’Académie { i \ Quoi qu’il en foit , il paroît que la pein- tade , élevée autrefois à Rome avec tant de foin ? s’étoit perdue en Europe , puifqu’on n’en retrouve plus aucune trace chez les Ecrivains du moyen âge , & qu’on n’a re¬ commencé à en parler que depuis que -les Européens ont fréquenté les cotes occiden¬ tales de l’Afrique , en allant aux Indes par le cap de Bonne-efpéra nce ( k ); non feule¬ ment ils l’ont répandue en Europe , mais ils Eont encore tranfportée en Amérique : & cet oifeaii ayant éprouvé diverfes altéra- t* . ■ i— ■i».' r« 111 ,«n i ■ tm ( h ) À fric an a gallina efi meleagridi fimilis , nifi qnod rutilam paleam & crijîam capite gtrii 3 qwz utraque funt in meleagride cœrulea. Voyez Columeile 3 de Re ruftiçâ 9 lib. Xliî , cap. il. (i) Voye^ Mémoires pour fervir à FHiftoire naturelle des animaux , drelîés par M. Perrault s deuxieme partie 9 pag. Si, ( k ) >»Toutain£ comme la Guinée elt un pays dont îes Marchands ont commencé à apporter pluGeurs mar¬ chand if es qui étoient auparavant inconnues à nos François à au® , fans leurs Navigations , les poules de de la Peintade . 173 tions dans fes qualités extérieures par le9 influences des divers climats , il ne faut pas s’étonner fi les Modernes , foit Naturalises * foit Voyageurs, en ont encore plus multi** plié les races que les Anciens. Frifch diftingue , comme Columelle , la peintade à barbillons rouges de celle à bar¬ billons bleus ( l ) ; mais il reconnoît en-* tr’edes plufieurs autres différences : félon lui, cette derniere qui ne fe trouve guere qu’en Italie, n’eft point bonne à manger; elle eft plus petite , elle fe tient volontiers dans les endroits marécageux, & prend peu de foin de fes petits : ces deux derniers traits fe retrouvent dans la méléagride de Clytus de Milet ; « on les tient , dit-il , 5? dans un lieu aquatique , & elles montrent » fi peu d’attachement pour leurs petits * que les Prêtres commis à leur garde * font obligés de prendre foin de la cou*1 v vée » ; mais il ajoute que leur groffeur eft celle d’une poule de belle race ( m ) : il paroît aufli par un paffage de Pline , que ce pays-là étoîent inconnues , n’eût été qu’ils leur ont fait palier la mer, qui maintenant font jà G fréquentes ès maifons des grands Seigneurs en nos contrées , qu’elles nous en font communes ». Voyez Belon , ïlift, n ai. des Gif. pag. 246. (/) Voyez le Difcours relatif à la planche cxxvï de Frifch. (rn) Locus uhi aluntur , palu fris cft ; pullos fuos nutlo ameris ajfeciu ktzc aies profequiîur , & teneros adhuc ne-* gligit y quare à S acerdotibus curam eorunt geri opoTUi, Voyez Aliénée, lib, XIV , cap,xxvr. *74 oirt naîurtlic ce Naturalise regardoit ia méléagride comme il n oifeau aquatique f n ) / celle à barbillons rouges eft au contraire, félon M. Frifch , plus greffe qu’un faifan, fe plaît dans les lieux lecs, élève foigneufemeut les petits, &c» Dampier affure que dans î’ifte de May, l’une de celles du Cap-vert , il y a des peintades dont la chair eft extraordinaire¬ ment bianc h e ^ d’autres dont la chair eft noire , & que toutes l’ont tendre & déli¬ cate ( o ) s le P. Labat en dit autant ( /? ) ; cette différence , fi elle eft vraie , me pa¬ raît d’autant plus confidérable qu’elle ne pourroit être attribuée au changement de climat, puifque dans cette ifle qui avoifme l’ Afrique , les peintades font comme dans leur pays natal ; à moins qu’on ne veuille dire que les mêmes caufes particulières qui teignent en noir la peau & le périoite de la plupart des oifeaux des ifles de San-Jago* voifmes de l’ifle de May , noirciffent auffi dans cette demiere la chair des peintades. Le P. Charlevoix prétend qu’il y en a nne efpèce à Saint-Domingue , plus petite \ occiput font plus rares , & telles apparemment qu’elles paroiffent dans la planche c x x v i de Frifch. Enfin , MM. de l’Académie ont trouvé dans quelques individus , ces foies ou filets de Y occiput élevés d’un pouce , en forte qu’ils formoient comme une petite huppe derrière la tète ( i \ Il feroit difficile de démêler parmi toutes ces variétés celles qui font allez profondes , & pour ainfi dire affez fixes , pour continuer des races diftin&es ; & comme on ne peut douter qu’elles ne foient toutes fort récentes , il feroit peut-être plus raifonnable de les regarder comme des effets qui s’opèrent en¬ core journellement par la domefticité , par le changement ce climat , par la nature des alimens , &c. & de ne les employer dans la defeription 5 que pour afiigner les limites des variations auxquelles font fujettes certaines qualités de la peintade ; & pour remonter autant qu’il ell poffible aux caufes qui les ont produites jufqu’à ce que ces variétés ayant fubi l’épreuve du temps, & ayant pris Ja confiftance dont elles font fufeepti- bles , puiffent fervir de carafteres à des races réellement diftinftes. La peintade a un trait marqué de reffem- blance avec le dindon, c’eft de n’avoir point de plumes à la tête ni à la partie fupérieure du cou ; & cela a donné lieu à plufieurs Ornithologifies , tels que Belon ( k) , Gelner (i) Voyez Mémoires far les Animaux , part. II , p. So* Voyez HiÛQire naturelle des Qiieaux,pag. 24S, 1 8 O , Hïjîoin naturelle . ( l) , Aldrovande (m) & Klein [nj, de prendre le dindon pour la méléagride des Anciens ; mais outre les différences nom- breufes & tranchées # qui fe trouvent, foit entre ces deux efpèces , foit entre ce que Ton voit dans le dindon & ce que les Anciens ont dit de la méléagride ( o ) ; il fuffit peur mettre en évidence la fauffeté de cette con- jefture , de fe rappeler les preuves par les¬ quelles j’ai établi à l’article du dindon , que cet oifeau eft propre & particulier à l’Amé¬ rique , qu’il vole pefamment , ne nage point du tout , & que par conféquent il n’a pu fran¬ chir la vafte étendue de mers qui iépare l’Amérique de notre continent; d’où ii fuit cju’avant la découverte de l’Amérique, il etoit entièrement inconnu dans notre conti> mm — — -nui» ■■—'—■■■ mmmmmmrn* / (/) Voyez de Avibus , pag. 480 & fuiv. (ni) Voyez Ornithologie , lib. XIII , pag. 3 6, (n) Prodrotfius Hifiori Un oifeau qui appartient proprement au Cap , dit ce Voyageur , eft le Knor-hahn ou le Coq- knor , c’eft la fentineîle des autres oife 247. u de la Peintade. 1 S ÿ la contre-épreuve du bonnet ducal du Doge de Venife, ou, fi l’on veut, à ce bonnet mis fens - devant - derrière ( i ) ; fa couleur va¬ rie dans les différens fujets du blanc au rougeâtre , en paffant par le jaune le brun ( k ) ; fa fubftance intérieure eft comme celle d’une chair endurcie & calleufe ; ce noyau eft recouvert d’une peau sèche & ridée qui s’étend fur Y occiput & fur les côtés de la tête * mais qui eft échanerée à l’endroit des yeux (/ ). Les Phyficiens à caufes finales, n’ont pas manqué de dire que cette cailofité étoit un cafque véritable , une arme défenfive- donnée aux peintades r pour les munir con¬ tre leurs atteintes réciproques , attendu que ce font des oifeaux querelleurs , qui ont le bec très fort & le crâne très foible ( m V Les yeux font grands & couverts , la pau¬ pière fupérieure a de longs poils noirs re¬ levés en haut, & le criftallin eft plus con¬ vexe en dedans quen dehors M. Perrault affure que le bec eft femblabl& (/) C’eü à caufe de ce tubercule que M. Linnæus a nommé la peintade tantôt gallus vertlce cornco. Syft> Hat. edi t. VI, tantôt phajzanus veniez callofo , eriit, X. (k) Iî eft blanchâtre dans la planche ex xyi de Fri feh i couleur de cire , fuivant Selon, pag. 24”; brun, félon Marcgrave ; faure-brun, félon AL Perrault j rougeâtre-, «lans notre planche. (/) Mémoire» fur les Animaux, partie II, pag. S2. (m) Voyez -MiJJ. Aldrovand. Omithologia , tom . II j, 37- (n) Mémoires fur les Animaux, part. II. pag- $7,. IÎ6 Hijtoîre naturelle à celui de la poule ; le Jéfuite Margat le fait trois fois plus gros , très dur & très pointu ; les ongles font auffi plus aigus 5 félon le P. Labat ; mais tous s’accordent , Anciens & Modernes , à dire que les pieds n’ont point d’éperons. Une différence confidérabîe qui fe trouve entre la poule commune & la peintade* c’eft que le tube inteftinal eft beaucoup plus court à proportion dans cette derniere, n’ayant que trois pieds * félon MM. de l’A¬ cadémie , fans compter les cæcum qui ont cha¬ cun fix pouces , vont en s’élargiffant depuis leur origine, & reçoivent des vaiffeaux du méfentère comme les autres inteftins : le plus gros de tous eft le duodcmim , qui a plus de huit lignes de diamètre ; le géfier eft: comme celui de la poule ; on y trouve atiffi beaucoup de petits graviers , quelquefois même rien autre choie, apparemment Jonque l’animal étant mort de langueur , a paifé les derniers temps de fa vie fans manger; la membrane interne du géfier eft très ridée , peu adhérente à la tunique nerveufe , & d’une fubftance analogue à celle de la corne. Le jabot iorfqu’ü eft fou -Ré , eft* de la groffeur d’une balle de paume; le canal in¬ termédiaire entre le jabot & le géfier, eft d’une fubftance plus dure & plus blanche que la partie du conduit inteftinal qui pré¬ cède le jabot, & ne préfente pas à beau¬ coup près un fi grand nombre de vaiffeaux apparens. " Ûeefcphage defeend le long du cou > à de la P tinta de. 1 2 J droite de la trachée-artère ( o ); fans cloute parce que le cou qui , comme je l'ai dit , eft fort long , fe pliant plus fouvent en avant que fur les côtés , l’œfophage prefie par la trachée-artère dont les anneaux font entièrement offeux ici , comme dans la plupart des oifeaux , a été pouffé du côté ou il y avoit le moins de refiftance. Ces oifeaux font fujets à avoir dans le foie , & même dans la rate , des concrétions fquirreufes; on en a vu qui n’avoient point: de véficule du fiel ; mais dans ce cas le ra¬ meau hépatique étoit fort gros ; on en a vu c^u très qui n’avoient qu’un feul tefticule (p) : en général il paroît que les parties inter¬ nes nefont pas moins fufceptibles de varié¬ tés que les parties extérieures & fuperficielles. Le cœur eff plus pointu qu’il ne l’eft com¬ munément dans les oifeaux ( q ) : les pGu- mons font à l’ordinaire ; mais on a remar¬ qué dans quelques fujets, qu’en foufflant dans la trachée-artère pour mettre en mouve¬ ment les poumons & les cellules à air; on a remarqué, dis -je, que le péricarde qui paroiffoit plus lâche qu’à l’ordinaire , le gonfloit comme les poumons ( r ). J’ajouterai encore une observation ana- (o) Voye \ les Mémoires pour fervir à l’Hiftoire na¬ turelle des Animaux, part. Il, pag. 84 , (r) Voyez Idem , ibidem , pag. $4, (q) Ibidem, pag. 86. ( r ) Hiftoire do l’Académie des Sciences , tome 1 3 page 15* î 8 8 Hijioîre naturdfe tomique , qui peut avoir quelque rapport avec l’habitude de crier , & à la force de la voix, de la peintade \ creft que la trachée- artère reçoit dans la cavité du thorax , deux Itetits cordons mufculeux r longs d’un pouce , arges de deux tiers- de ligne lefquels s’y implantent de chaque côté ( s )» La peintade eft en effet un oifeau très criard , & ce n’efl pas fans raifon que Bro~ v/ne l’a appelée gallus damofus { fon cri eft aigre Sc perçant ^ & à la longue il de« vient tellement incommode , que quoique la chair de la peintade foit un excellent man¬ ger & bien fupérieur à la volaille ordinaire * la plupart des colons d’Amérique ont renoncé, à en élever {u } ; les- Grecs avoient un mot particulier pour exprimer ce cri (x ) E.lien 2it que la méléagride prononce à-pe.u-prés fon nom (y); le Docteur Cai, que fon cri approche de celui delà perdrix, fans être néan¬ moins auffi éclatant ( ^ ) ; Belon qu’il ejl quafi comme celui des petits poujjlns nouvellement dclos ; mais il affure pofitivement qu’il eil dif- femblable à celui des poules communes ( a ) * (s) Mémoires pour fervk à PHiftcrre des Animaux* Iocq citato*. (r) N aturai’ hifiofi of famaïc.pag. 4J0'. tu) Lettres édifiantes, Recueil XX, loco citato, (x) Kxyxu'Otv , félon Pollux. Voye £ Gefner, de AyU his , pag. 479. r (y) De Naturâ Animalium t\\b. IV , cap. XLII* CO Voyez Gefner, de Avibus , pag. 1 * CO Hifioire des Oifesux , pag. 24s, de la Peintade. Zl je ne fais pourquoi Aldroyande (b ) & M. Salerne ( c ) lui font dire le con¬ traire. C’eft un oifeau -vif-, inquiet & turbulent 9 qui n’aime, point à fe tenir, en place * & qui fait fe rendre maître dans la baffe-cour ; il fe fait craindre des dindons même , & quoi¬ que beaucoup plus petit , il leur en impofe par fa pétulance ; » la peintade , dit le P, v Margat,,a plutôt fait dix tours & donné *> vingt coups de bec r que ces gros oifeaux *> n’ont penié à fe mettre en défenfe « ces poules de Numidie femblent avoir la meme ijaçon de combattre , que l’Hiftorien Sallufte attribue aux cavaliers Numides : 3? leur « charge r dit-il , eft brufque & irrégulière; » trouvent-ils de la réftftance , ils tournent le v dos, & un mftant après ils font fur Pen- v nemi (d) 'r a on pourroit_à cet exemple en joindre beaucoup d’autres qui atteftenî l’iniluence du climat fur le naturel des ani¬ maux , ai-nfi que fur le génie national des habitons : l’éléphant joint à. beaucoup de force & d’induftrie une difpofition à l’eiciavage ; le chameau eft laborieux , patient & fobre y le dogue ne démord point. Elien raconte , que dans une certaine Isîe * la Méléagride eft refpeélée des oifeaux do ( b } OrnitkoZcgla , tom. II , pag. 3 38. (c) Hiftoire naturelle des Oifeaux, pag, 134. (^) Voyez Lettres édifiantes > XXms, Recueil , fccê fitat&o 1 9D Hijlolre naturelle proie ( e) ; mais je crois que dans tous les pays du monde , les oi féaux de proie attaque¬ ront par préférence toute autre volaille qui aura le bec moins fort , point de cafque fur la tête, & qui ne faura pas fi bien fe dé¬ fendre. La peintade eft du nombre des oifeaux pulvérateurs , qui cherchent dans lapoufiïere où ils fe vautrent , un remède contre L'incom¬ modité des infectes ; elle gratte aulli la terre comme nos poules communes , & va par troupes très nombreuses : on en voit à l’isle de May des volées de deux ou trois cents ; les ïnfuîaires les chafient au chien courant , fans autres armes que des bâtons ( f ) ; comme elles ont les ailes fort courtes , elles volent pefamnient ; mais elles courent très vite, & félon Belon, en tenant la tête éle¬ vée comme îa girafFe ( g-) ; elles fe perchent la nuit pour dormir , & quelquefois ia jour¬ née , fur les murs de dorure , fur les haies & même fur les toits des maifons & fur les arbres; elles font foigneufes , dit encore Belon , en pourchaffant leur vivre (A); & (e) Voyez Hi florin Anhnalium , lib. V, cap xxv:i. (/) V°ye\ Dampier, Nouveau Voyage autour du monde , tom. ÎV , pag. 23; ÔC le voyage de Brue dans ia nouvelle relation de l’Afrique occidentale, par Labat, (g) Hifloire des Oifeaux , pag. 248. (Ji) Nota. M. de Sève a obfervé en jetant du pain à des peintadcs » que lorfqu’une d’entr’eiles prenoit un morceau de pain plus gros qu’elle ne pouvoit l’avaler tout de fuite, elle remportent en fuyant les paons & de la Pelntade . 19 c en effet elles doivent conlommer beaucoup > &: avoir plus de befoins que les poules domeftiques , vu le peu de longueur de leurs inteftins. Il paroit par le témoignage des Anciens ( 1 ) & des Modernes ( k ) , & par les demi- membranes qui uniffent les doigts des pieds 9 que la peintade eft un oifeau demi - aquati¬ que ; auiîi celles de Guinée qui ont recouvré leur libetré à Saint-Domingue , ne fuivant plus que l’impulfion du naturel , cherchent de préférence les lieux aquatiques & maré¬ cageux ( / ). Si on les éleve de jeuneffe , elles s’ap- privoifent très bien. Brue raconte qu’étant iur la côte du Sénégal , il reçut en préfent d’une PrincefTe du pays , deux peintades l’une male & l’autre femelle , toutes deux fi familières qu’elles venoient manger fur fon aiïïette ; & qu’ayant la liberté de voler au rivage , elles fe rendoient régulièrement les autres volailles, qui ne vouîoient pas la quitter; & que , pour s’en débarraiTer , elle cachoit le mor¬ ceau de pain dans du fumier ou dans de la terre , où elle venoit le chercher 6c le manger quelque temps après. (i) Pline , Hlfloria naturaiis , lib XXXVTI , cap. il, Ciitus de Milet dans Athénée , lib. XIV , cap, XXVI. (£) Gefner, de Avibus , pag. 47$. — Frifch , plan¬ che cxxvi. -*■ Lettres édifiantes , Recueil XX , 5cc. (/) Lettres édifiantes , ibidem. J’entrai dans un petit bofq uet 3 auprès d’un marais , qui attiroit des compa¬ gnes de peintades, dit M. Adanfon , pag, 76 de fon voyage au Sénégal, i lyl ÎHjîoîre nature fit \ fur la barque au fon de la cloche qui nonçoit le dîné & le foupé m ) ; Moore qu’elles font suffi farouches que le font les* faifans en Angleterre (/z^; mais je doute qu’on ait vu des faifans suffi privés que les deux peintades de Brue; & ce qui prouve que les peintades ne font pas fort farouches r c’eft qu’elles reçoivent la nourriture qu’on leur préfente au moment même où elles vien¬ nent d’être prifes (o). Tout bien confédéré*, fl me femble que leur naturel approche beau¬ coup plus de celui de la perdrix que de~ ce¬ lui du faifan. La poule peintade pond & couve à-peu-' près comme la poule commune ; mais il pa^ roît que fa fécondité, n’eft pas la. même en différens climats , au du moins qu’elle eft beaucoup plus grande dans fêtât de domef- ticité oir elle regorge de nourriture, que dans l’état de fauvage où , étant nourrie moins largement , elle abonde moins en molécules, organiques fuperflues. On m’a affuré qu’elle eft fauvage à Plsîe de France ,, & qu’elle y pond huit , dix douze œufs à terre dans les bois; au lieu que celles qui font domeibiques à Saint-Do¬ mingue , & qui cherchent auffi le plus épais des haies & des broufiailles pour y dépofer leurs œufs en pondent jufqu’à cent & cent { m ) Trornsme voyage de Brue, publié par LaBat* (n) Voyez Hiftoire générale des Voyages, tom. ÏIX> pa£. 310, ^ o ) Longolius apud Gêfnçrum : pzg, cinquante de La Peintade • i ç> 3 cinquante , pourvu qu’il en refie toujours quelqu’un dans le nid ( p ). Ces œufs font plus petits à proportion , que ceux de la poule ordinaire; &ils ont auffi la coquille beaucoup plus dure : mais il y a une différence remarquable entre ceux de la peintade domeflique & ceux de la peintade îauvage; ceux-ci ont de petites taches ron¬ des comme celles du plumage , & qui n'a- voient point échappé à Arillote ( q ) ; au lieu que ceux de la peintade domeftique , font d’a¬ bord d’un rouge affez vif, qui devient enfuite plus fombre ; & enfin couleur de rofe sèche , en fe refroidiffant ; fi ce fait eft vrai , comme me l’a afluré M. Fournier qui en a beaucoup élevé, il faudroit en conclure que les in¬ fluences de la domefticité font ici affez pro¬ fondes , pour altérer non-feulement les cou¬ leurs du plumage , comme nous l’avons vu ci- de ffus , mais encore celle de la matière dont fe forme la coquille des œufs ; & comme cela n’arrive pas dans les autres efpèces , c’eft encore une raifon de plus pour regar¬ der la nature de la peintade , comme moins fixe & plus fujette à varier que celle des autres oifeaux. La peintade a - 1 - elle foin ou non de fa couvée ? c’efi un problème qui n’efl pas en¬ core réfolu; Belon dit oui, fans reftri&ioît (p) Lettres édifiantes , Recueil XX. {<7) Hift. Arum&lïum , lib , VI , cap, Il . Oifeaux , Tome III, R 1 n A Ht (loin naturelle (r); Frifch eft auffi pour l’affirmative à l’é¬ gard de fa grande efpèce qui aime les lieux iecs , & il affure que le contraire eft vrai de la petite efpèce qui fe plaît dans les ma¬ récages; mais le plus grand nombre des témoignages lui attribue de l’indifférence fur cet article ; & le Jéfuite Margat nous ap¬ prend qu’à Saint-Domingue , on ne lui permet pas de couver elle-même fes œufs , par la raifon qu’elle ne s’y attache point , & qu’elle abandonne fouvent fes petits ; on préféré , dit-il, de les faire couver par des poules d’Inde 5 ou par des poules communes ( s ). Je ne trouve rien fur la durée de l’incu¬ bation ; mais à juger par la groffeur de Poifeau , & par ce que l’on fait des efpèces auxquelles il a le plus de rapport 5 on peut la fuppofer de trois fe main es 9 plus ou moins , félon la chaleur de la fai ion ou du climat , J’affidiuté de la couveufe , &c. Au commencement les jeunes peintadeaux n’ont encore ni barbillons , ni fans doute de cafque ; ils reiiemblent alors par le plumage , par la couleur des pieds & du bec , à des perdreaux rouges ; & il n’eft pas aifé de diftinguer les jeunes mâles des vieilles fe¬ melles ( t ) ; car c’eft dans toutes les efpèces (r) m Sont moult fécondes & foîgneufes de bien nour¬ ri? leurs petits Hifi . des cif, pag 248. (s) Lettres édifiantes. Recueil XX , loco citato. (t) Ceci nous a été affûté parle fieurFournier , que nous avons cité ci-devant. de Ici Peîntadeo 195 que îa maturité des femelles refiemble à renfonce des mâles. Les peintadeaux font fort délicats & très difficiles à élever dans nos pays feptentrio- naux , comme étant originaires des climats brûlons de Y Afrique ; iis fe nourriflent-, ainfi que les vieux à Saint-Domingue , avec du millet , félon le P. Margot (u) ; dans l’isle de May , avec des cigales & des vers qu'ils trouvent eux-mêmes , en grattant la terre avec leurs ongles ( x ) ; & félon Frifch , ils vivent de toutes fortes de graines & d’in- feétes (y). Le coq peintade produit auiîi avec îa poule domeflique ; mais c’eft une efpèce de génération artificielle qui demande des pré¬ cautions ; la principale efi: de les élever enfembie de jeuneffe ; & les oi féaux métis qui réfültent de ce mélange , forment une race bâtarde , imparfaite , défavouée pour ainfi dire de la Nature , & qui, ne pondant guère que des œufs clairs, n’a pu jufqu’ici iè perpétuer régulièrement^ { ). Les peintadeaux des bane-cours font d’un fort bon goût , 6c nullement inférieurs aux perdreaux \ mais les fauvages ou marrons de (u) Lettres édifiantes , Recueil XX , loco citato. (x) Nouveau voyage autour du monde, deDampier, tom. IV, pag. 22. — Labat, tom. II, pag. 32 6‘, & tenu III, pag. 139. (y) Frifch, planche cxxvT. (t) Selon M; Fournier. R 2 1 9 6 HiJIoîre naturelle Saint-Domingue , font un mets exquis & ait* de fuis du faifan. Les œufs de peintade font aufïi fort bons à manger. Nous avons vu que cet oifeau étoit d’ori¬ gine africaine , & de-là tous les noms qui lui ont été donnés de poule africaine , numidi- que , étrangère ; de poule de Barbarie , de Tunis, de Mauritanie , de Lybie, de Guinée ( d’où s’eft formé le nom de Guinette ) : d’Egyte, de Pharaon ,& même de Jérufalem : quelques Mahométans s’étant avifés de les annoncer fous le nom de poules de Jérufalem , les vendirent aux Chrétiens tout ce qu’ils voulurent (a) ; mais ceux-ci s’étant apperçus de la fraude, les revendirent à profita de bons Mufulmans , fous le nom de poules de la Mecque. On en trouve à l’isle de France & à l’isle de Bourbon f b ) 9 où elles ont été trans¬ plantées affez récemment , & où elles fe font fort bien multipliées ( c ) ; elles font con¬ nues à Madagascar fous le nom d 'acanques {d) au Congo fous celui d q quetèle ( e) ; elles font fort communes dans la Guinée (d) Lengclius apud Gs/herum-r^^ Avibus , pjg. qjy, (b) M. Aublet. (s) Voyage autour du monde , de la Barbinais-îe- Gentil , tom. XI , pag. 608. (d) François Gauche, Relation de Madagascar , page ■T5Î. (?) Marcgrave, Hlfit nat- Braf. pagt tÿu de la Peinta.de. Î97 (f), à la Côte d’or, où il ne s'en nourrit de privées que dans le canton d’Acra (g), à Sierra-Liona ( h ) , au Sénégal i ) , dans l’isle de Gorée , dans celles du Cap-vert ( k ) , en Barbarie , en Egypte , en Arabie ( l ) & en Syrie ( m ) ; on ne dit point s’il y en a dans les isles Canaries , ni dans celles de Madère. Le Gentil rapporte qu’il a vu a Java, des poules peintades {n) ; mais on ignore fi elles étoient domeftiques ou Sau¬ vages : je croirois plus volontiers qu’elles étoient domeitiques , & qu’elles avoient été tranfportées d’Afrique en Afie, de même qu’on en a tranfporté en Amérique & en Europe ; mais comme ces oifeaux étoient accoutumés à un climat très chaud, ils n’ont pu s’habi¬ tuer dans les pays glacés qui bordent la mer Baltique ; aufli n’en eft-il pas queftion dans la Fauna Suède a de M. Linnæus. M. Klein paroît n’en parler que fur le rapport d’autrui ; & nous voyons meme , qu'au com- (/) Margat , Lettres édifiantes , loco cltzto. (s) Voyage deBarbot, pag. 217. (A) Marcgrave , Hift. nat, Erafil, loco cltato, (i) Voyage au Sénégal , de M. Adanfon , pag. 7. (A) Dampier, Voyage autour du monde , tom. IV, pag- a3* (/) Strabon , liv. XVI. { m ) MeUagridcs fert ultima S y riez regio. Diodor ficul. ( n ) Nouveau voyage autour du monde , tom. III , Pag- 74% IC)S Nijloin naturelle mencement du fiècle ils ètoient encore fort rares en Angleterre (a). Yarron nous apprend que de fon temps les poules africaines (c’eft ainfi qu’il appelle les peintades ) , fe vendoient fort cher à Rome à caufe de leur rareté (j> ) ; elles étoient beaucoup plus communes en Grèce du temps de Paufanias ? puifque cet Auteur «dit pofiîivement que la méléagride étoit ^avec. l’oie commune , l’offrande ordinaire des per- formes peu aifées dans les myfteres folem- xieîs d’ifis {q ) : malgré cela , on ne doit point fe perûiader que les peintades fnffent naturelles à la Grèce , puifque , félon Athé¬ née , les Etoliens paffoient pour être les premiers des Grecs qui euffent eu de ces ci féaux dans leur pays : d’un autre côté * j’apperçois quelque trace de migration ré¬ gulière dans les combats que ces oifeaux vendent fe livrer tous les ans en Béctie * fur le tombeau de Méléagre ( r ) , & qui ne font pas moins cités par les Naturaliftes que par les Mythologiftes ; ç’e.ft de-là que leur (o) Vo) 6z Glanures d'Edwards , troifième partie pag« 2 6$o ( p) De Re ru flic a , lib, III 9 cap . rx, (ç) Vid. Gefherum, de Avibus , pag. 479, quorum te* nuior eft rts familiaris in celebribus Ifidis conventibus ? an fer es atque aves meleagrides immolant . (r) Simili modo [nempe ut memnonides aves] , pugnan^- mdeagrides in JBœotin, Piin, Hift, nat, lib , X s cap de la P tint a de. 199 eft venu le nom de méléagrides (s ) , comme celui de peintades leur a été donné moins à carne de la beauté que de l’agréable diftri- bution des couleurs dont leur plumage efl peint. (s) Nota, La Fable dit que les foeurs de Méléagre* défefpérées de la mort de leur frere , furent changées en ces oifeaux , qui portent encore leurs larmes fe- *r«êe$ fur leurs plumages. R 4 200 Hijîoïre naturelle; *LE TETRAS o u LE GRAND COQ DE BRUYERE («). Voye £ planche IV de ce Volume • Si Ton ne jugeoit des chofes que par îes noms , on pourrait prendre cet oiïeau ou pour un coq fauvage , ou pour un faifan \ car on lui donne en plufieurs pays , & fur* tout en Italie, le nom de Coq fauvage, gallo alpejlre {b ) , felvatïco ; tandis qu’en d’au* * Voye i les planches enluminées , n?. 73 6c 74. {a) En Grec TirpiÇ ; en Latin , Tetrao [ Magnus ] ; en Latin moderne 5 Urogallus ; en Italien , G allô Ccdrone% en Allemand, Or-hahn , Aver-hahn ; en Polonois Gluf- \ec ; en Suédois , Kjaeder ou Tjaeder ; en Norvège , Lieure ; en Anglois , Mountain Cock ; dans quelques provinces de France, coq de Limoges , coq de bois , fai- fan bruyant. •« Tetrao . Bel. Obferv. pag. //. — £7ro- gallus feu Tetrao. Aldrov. ^4yi. tom . 77, 77. -- Te- r/vzo _/iy£ Urogallus . frifeh, Tab. iqj. Maf. — Coq 6c poule noire des montagnes de Mcfcovie. Albin , toms II , pag. 22, planche xxix ,1e male; planche xxx, la femelle. Nota. La planche de Frifch eft bien coloriée * 6c celles d’Albin le font fort mal. (b) Albin décrit îe mâle 6c la femelle fous le nom de 2.0 2 du Tétras . très pays on lui donne celui de Faifan bruyant & de Fail'an lauvage ; cependant il diffère du faifan par fa queue qui eft une fois plus courte à proportion , & d’une toute autre forme ; par le nombre des grandes plumes qui la compofent, par l’étendue de fon vol, relativement à fes autres dimenfions , par fes pieds pattus & dénués d’éperons , &c. D’ailleurs , quoique ces deux efpèces d'oi- feaux fe plaifent également dans les bois, on ne les rencontre prefque jamais dans les mêmes lieux , parce que le faifan qui craint le froid , fe tient dans les bois en plaines , au lieu que le coq de bruyère cherche le froid & habite les bois qui couronnent le fommet des hautes montagnes , d’où, lui font venus les noms de coq de montagnes & de coq de bois. Ceux qui , à l’exemple de Gefner de quelques autres , voudroient le regarder comme un coq fauvage , pourroient , à la vérité , fe fonder fur quelques analogies ; car il y a en effet plufieurs traits de reffem- blance avec le coq ordinaire , foit dans la forme totale du corps , foit dans la configu¬ ration particulière du bec , foit par cette peau rouge plus ou moins {aillante dont les yeux font furmontés , foit par la finguiarité de fes plumes , qui font prefque toutes dou¬ bles , & fortent deux de chaque tuyau , ce qui, fuivant Belon, eft propre au coq de Coq St de Poule noire des montagnes de Mojcovic • : plu» fieurs auteurs l’appellent galius filveftris , 101 Hîjloirt naturelle nos baffe-cours ( c ) : enfin ces oi féaux ont aufîi des habitudes communes: dans les deux efpèces, il faut plufieurs femelles au mâle ; les femelles ne font point de nid , elles cou¬ vent leurs œufs avec beaucoup d’affiduité* & montrent une grande affeftion pour leurs petits quand ils font éclos : mais fi l’on fait attention que le coq de bruyère n’a point de membranes fous le bec & point d’éperons aux pieds ; que fes pieds font couverts de plumes 5 & fes doigs bordés d’une efpèce de dentelure ; qu’il a dans la queue deux pennes de plus que le coq ; que cette queue ne fe divife point en deux plans comme celle du coq , mais qu’il la relève en éventail comme îe dindon ; que la grandeur totale de cet oi- feau eft quadruple de celle des coqs ordinai¬ res ( à ) ; qu’il fe plaît dans les pays froids, tandis que les coqs profperent beaucoup mieux dans les pays tempérés; qu’il n’y a point d’exemple avéré du mélange de ces deux efpèces ; que leurs œufs ne font pas de la même couleur : enfin , fi l’on fe fou- vient des preuves par îefquelles je crois avoir établi que l’efpèce du coq eft origi¬ naire des contrées tempérées de l’Afte , où les Voyageurs n’ont prefque jamais vu de coqs de bruyère; on ne pourra guere fe perfuader que ceux-ci foient la fauche, de ceux-là, & Ton reviendra bientôt d’une er- (ri Belon s Nature des Oîfeaux 3 pag. {d) Àldrov. Ornkk » tom, U, pag. 61* * du Tétras : 03 rc ur occafionnée , comme tant d’autres , par une faillie dénomination. Pour moi, afin d’éviter toute équivoque, je donnerai dans cet article au coq de bruyère , le nom de tétras , formé de celui de tetrao , qui me paroît être fon plus an¬ cien nom latin , & qu’il conferve encore au¬ jourd’hui dans la Sclavonie , où il s’appelle tet~e{ ; on pourroit auffi lui donner celui de cedron tiré de cedrone , nom fous lequel il eit connu en plufieurs contrées d’Italie : les Criions l’appellent (lolro , du mot allemand floll , qui fignifie quelque choie de fuperbe ou d’impoiant , & qui eft applicable au coq de de bruyère , à caufe de fa grandeur & fa beauté ; par la même raifon , les habitans des Pyrénées lui donnent le nom de Paon fau- vage } celui dur opalins , fous lequel il eft fou» vent défigné par les Modernes qui ont écrit en latin , vient de ur , our , urus qui veut dire fauvage , & dont s’eft formé en allemand îe mot auer-hahn ou ourh-hahn , lequel, félon Frifch , défigne un oifeau qui fe tient dans les lieux peu fréquentés & de difficile accès ; il fignifie auffi un oifeau de marais ( e ) , & c’eft de-là que lui eft venu le nom riet-hahn * coq de marais qu’on lui donne dans la Souabe , & meme en Ecoffe ( f). Ariftote ne dit que deux mots d’un oifeau qu’il appelle tetrix , &. que les Athéniens ap- (e) Aue déngne, félon Frifch, une grande place hn<=» grâce & baiTe. (f) Gefner, de Avibus , pages 231 ôc 477-. . , 204 Hijiôîre naturelle pelloient ourax ; cet oifeau, dit-il , ne niche point fur les arbres ni fur la terre ; mais parmi les plantes baffes & rampantes. Tetrix quant Athenienfes vocant , nec arbori > nec terree riidum fuum commuât , fed fruticl g ). Sur quoi il eft à propos de remarquer que l’ex- preflion grecque n’a pas été fidèlement ren¬ due par Gaza; car, i°* Ariftote ne parle point ici d’arbriffeau ( frutici ) , mais feule¬ ment de plantes baffes ( h ) , ce qui reffemble plus au gramen & à la moufle qu’à des ar- briffeaux; 2°. Ariffote ne dit point que le tetrix fa fie de nid fur ces plantes baffes, il dit feulement qu’il y niche, ce qui peut paroître la même choie à un Littérateur , mais non à un Naturalifte , vu qu’un oifeau peut nicher , c’eft-à-dire , pondre & couver fes œufs, faits faire de nid; & c’eft précifément le cas du tetrix , félon Ariftote lui-même , qui dit quel¬ ques lignes plus haut, que l’ail ouette & le tetrix ne dépofent point leurs œufs dans des nids ; mais qu’ils pondent fur la terre, ainfi que tous les oifeaux pefans , & qu’ils cachent leurs œufs dans l’herbe drue ^ ï ). Or ce qu’a dit Ariftote du tetrix dans ces deux naffages , ainfi rectifiés l’un par l’autre , préfente plufieurs indications qui convien- (g) Hiftoria Animalium , lib. VI, cap. I. (/i) Ev roïc x>£tJu&iÇ>i\o 7f CpUTûïç ; in humilibus plantis, (i) O’ux ?v vîorlslxiç* ...... ct\\ 9 h r îT yîT l'ffWkvycdQfAt v« u\rv : non in nudis . . . Jed in terra obumbrantes plantis , Gefner dit précifément : nidum ejus congeftum potins quant conjlrucîum vidimus . De Avïbus , lib « III } p » du Tétras . 10 Ç nent à notre tétras , dont la femelle ne fait point de nid , mais dépofe les œufs fur la moufle , & les couvre de feuilles avec grand foin iorfqw’elle eft obligée de les quitter ; d’ailleurs le nom latin tetrao , par lequel Pline defigne le coq de bruyère , a un rapport évi¬ dent avec le nom grec tetrix , fans compter l’analogie qui fe trouve entfe le nom athé¬ nien ourax & le nom compofé ourh-hahn , que les Allemands appliquent au même oifeau 9 analogie qui probablement n’eft qu’un effet du haiàrd. Mais ce qui pourroit jeter quelques doutes fur l’identité du tetrix d’Ariftote avec le tetrao de Pline ; ç’eft que ce dernier , parlant de fon tetrao avec quelque détail , ne cite point ce qu’Ariftote avoit dit du tetrix , ce que vrai- femblablement il n’eût pas manqué de faire félon fa coutume , s’il eût regardé fon tetrao comme étant le même oifeau que le tetrix d’Ariftote , à moins qu’on ne veuille dire qu’Ariftote ayant parlé fort fuperficiellement du tetrix , Pline n’a pas dû faire grande at-, tention au peu qu’il en avoit dit. A régard du grand tetrax dont parle Athénée ( lib. IX ^ , ce n’eft certainement pas notre tétras , puifqu’il a des efpèces de barbillons charnus & femblables à ceux du coq , lefquels prennent naiflance auprès des oreilles & defcendent au-defîous du bec , caractère abfolument étranger au tétras , & qui défigne bien plutôt la méléagride ou poule de Numidie qui eft notre peintade. Le petit tetrax , dont parle le même Auteur i rfeft , félon lui , qu’un très petit oifeau , &par lo 6 Bijloïn naturdh fa petiteffe même , exclus de toute ecm* paraifon avec notre taras , qui eft un oifeau de la première grandeur. A l’égard du tetrax du poëte Nemefianus qui in dite fur fa ftupidité 5 Gefner le regarde comme une eipèce d’outarde; mais je lui trouve encore un trait caractétifé de ref- femblance avec la méléagride ; ce font les couleurs de ion plumage, dont le fond eft gris-cendré , femé de taches en forme de gouttes (&); c’eft bien-là le plumage de la j>eintade , appelles par quelques-uns gallina guttata (l ). Mais , quoi qu’il en foit de toutes ces conjectures 9 il eft hors de doute que les deux eipèces de tetrao de Pline font de vrais tétras ou coqs de bruyère (m) : le beau âoir luftré de leur plumage , leurs fourcils (k) Fragmenta lihrorum de Aucupio , attribués par quelques-uns au poëte Nemefianus, qui vivoit dans le troifième fiècle. (/) Et picta, perdix Numidic&que guttatœ , Martial. C’eft très exactement le plumage de ces deux pou¬ les du Duc de Ferrare , dont Gefner parle à l’article de ïa peintade , totas cinereo colore coque albicante p cum nigris rotundifquc maculis . De Aribus , pag . 48t. (ni) Decet tetraonas fuus nitor abfolutaque nigritiat in .fuperciliis oocci rubor .... gignunt eos Alpes & Septen¬ trion ali s regia. Pline , lib. X , cap. xxri. Le tetrao des hautes montagnes de Crète ? vu par Beîon , reiTemble fort à celui de Pline : il a , dit robfervateur François P une tache rouge de chaque coté joignant les yeux; ôc de force quJil eft: noir devant l’eftomac , fes plumes Un reluifent. Obfervations de plujieurs Jbigularitis , &çé pag% i • ’ du Tctras. ioy couleur de feu , qui repréfentent des efpèces de flammes dont leurs yeux font furmontés; leur féjour dans les pays froids & fur les hautes montagnes , la délicateffe de leur chair , font autant de propriétés qui fe ren¬ contrent dans le grand & le petit tétras , & qui ne fe trouvent réunies dans aucun autre oifeau : ncus apercevons meme dans la defcription de Pline , les traces d’une fin- gularité qui n’a été connue que par très peu de Modernes : morïuntur contumaciâ dit cet Auteur , fpiritu revocato ( n ) : ce qui fe rap¬ porte à une obfervation remarquable , que Frifch a inférée dans l’hiftoire de cet oifeau ( o ^ ; ce Naturalise n’ayant point trouvé de langue dans le bec d’un coq de bruyère mort , & lui ayant ouvert le gofier , y re¬ trouva la langue qui s’y étoit retirée avec toutes fes dépendances ; & il faut que cela arrive le plus ordinairement, puifque c’eft une opinion commune parmi les Chaneurs 9 que les coqs de bruyère n’ont point de langue; peut-être en eft-il de même de cet aigle noir dont Pline fait mention (v ) , & de cet oifeau du Brefil dont parle ocaliger (q)9 lequel paffoit aufii pour n’avoir point de langue , fans doute fur le rapport de quelques Voyageurs crédules, ou de Chaf- (rc) Capti animum défi? on dent , dit Longolius. (o) Frifch , Diftribution méthodique des O if eaux ^ &c9 f*. crm . (p) Plin , îib. X , cap. ni. (q) J. G, Scaliger , in Cardanum Exerclt. tz§* aoS Hijloîre naturelle feurs peu attentifs , qui ne voient prefque jamais les animaux que morts ou mourans, & fur tout , parce qu’aucun Obfervateur ne leur avoit regardé dans le gofier. L’autre efpèce de tetrao , dont Pline parle au même endroit yeft beaucoup plus grande, puifqu’elle furpaffe l’outarde & même le. vau¬ tour dont elle a le plumage, & qu’elle ne îe cède qu’à l’autruche ; du refte c’eft un eileau fi pefant qu’il fe laifTe quelquefois prendre à la main [r]. Belon prétend que cette efpèce de tetrao n’eft point connue des Modernes , qui , félon lui , n’ont jamais vu de tétras ou coqs de bruyère plus grands que l’outarde : d’ailleurs , on pourroit douter que î’oifeau defigné dans ce palfage de Pline , par les noms d'ods & d ' avis- tarda y fût notre outarde , dont la chair eft d’un fort bon goût , au lieu que V avis -tarda de Pline étoit un mauvais manger : damnatas in cibis ; mais on ne doit pas conclure pour cela avec Belon, que le grand tétras n’eft autre chofe que V avis -tarda , puifque Pline dans ce même paf- fage nomme le tétras & Y avis -tarda ^ & qu’il les compare comme des oifeaux d’elpèces différentes. Pour moi , après avoir tout bien pele , j’aimerois mieux dire i°. que le premier tetrao dont parle Pline , eft le tétras de la petite efpèce , à qui tout ce qu’il dit en cet endroit eft encore plus applicable qu’au grand : (r) Cela eft vrai à la lettre, du petit tétras, comme on le verra dans l’article fuivant. aQ. Que du Tétras . 209 a. 3. Que fon grand tetrao eft notre grand tétras, 6c qu’il n’en exagere pas la groffeur en dilant qu’il furpaffe l’outarde ; car j’ai pefé moi-même une grande outarde qui avoir trois pieds trois pouces de l’extrémité du bec à celle des ongles, fix pieds 6c demi de vol , & qui s’eft trouvée du poids de douze livres ; or l’on fait , & l’on verra bientôt que parmi les tétras de la grande efpèce , il y en a qui pefent davantage. Le tétras ou grand coq de bruyère a près de quatre pieds de vol ; fon poids eft com¬ munément de douze à quinze livres : Aldro- vande dit qu’il en avoit vu un qui pefoit vingt- trois livres , mais ce font des livres de Bo¬ logne , qui font feulement de dix onces ; en forte que les vingt-trois ne font pas quinze livres de feize onces. Le coq noir des mon¬ tagnes de Mofcovie décrit par Albin , &c qui n’eft autre chofe qu’un tétras de la grande efpèce , pefoit dix livres fans plumes & tout vidé ; &c le même Auteur dit que les Heures de Norwège , qui font de vrais tétras, font de la grandeur d’une outarde (f). Cet oifeau gratte la terre comme tous les. frugivores ; il a le bec fort & tranchant ( t) , la langue pointue, 6c dans le palais un (s) Albin , tom. I , pag. 21. Çr) Nota . Je ne fais ce que dit Longolius , en avan¬ çant que cet oifeau a des barbillons. Voye^ Gefner, pag. 4S7. Y auroit-il parmi les grands tétras une race ou une efpèce qui auroit des barbillons , comme cela a ireu à l’égard der petits serras ? ou bien Longolitfs 2 10 Hijlolrc naturelle enfoncement proportionné au volume de îæ langue ; les pieds font auffi très forts & gar¬ nis de plumes par-devant; le jabot eft excef- fivement grand ; mais du refte fait , ainü que le géfier , à - peu - près comme dans le coq domeftique ( u ) : la peau du géfier eft ve¬ loutée à l’endroit de l’adhérence des mufcles* Le tétras vit de feuilles ou de fommités de fapin, de genevrier , de cèdre {x), de faille , de bouleau , de peuplier blanc , de coudrier, de mirtille, de ronce, de chardons, de pomme de pin , des feuilles & des fleurs du blé farrafm , de la geffe , du mille-feuille , du pifo fenlit , du trefle , de la veffe & de Torobe ? principalement lorfque ces plantes font en¬ core tendres ; car lorfque les graines com¬ mencent à fe former , il ne touche plus aux fleurs , & il fe contente des feuilles ; il mange auffi 3 furtout la première année , des mûres fauvages , de la faîne , des œufs de fourmis , &c. On a remarqué au contraire que plu fieurs autres plantes ne convenoient point à cet oifeau , entr’autres la livêche * réclaire , Phiehle ^ l’extramoine , le mu¬ guet , le froment, l’ortie , &c. ^ y ). ne veut-il parler que d’une certaine difpofrtion de pîu» mes représentant imparfaitement des barbi’lons , comme il a fait à l’article de la gelinotte } Voyez Gefner de Jivibiis ïpœg. zzy. (u) Selon Nature des Oifeaux,pag, 252, ( x ) Idem y ibidem. (y) Journal economique. Mai 27 65* du Tétras. lit On a obfervé dans le gêner des tétras que l’on a ouverts , de petits cailloux fem- blables à ceux que l’on voit dans le géfier de la volaille ordinaire , preuve certaine qu’ils ne fe contentent point des feuilles & des fleurs qu’ils prennent fur les arbres ; mais qu’ils vivent encore des grains qu’ils trouvent en grattant la terre. Lorfqu’ils man¬ gent trop de baies de genievre , leur chair * qui eft excellente contracte un mauvais goût ; & fuivant la remarque de Pline , elle ne conferve pas long-temps fa bonne qua¬ lité , dans les cages & les volières où l'on veut quelquefois les nourrir par curipfité ( ç )i La femelle ne diffère du mâle que par la taille & par le plumage , étant plus petite 8c moins noire ; au reile elle l’emporte fur le mâle par l’agréable variété des couleurs ? ce qui n’eft point l’ordinaire dans les oi- féaux , ni même dans les autres animaux comme nous l’avons remarqué en fai Tant l’hiftoire des quadrupèdes ; oc félon Wil- lulghby , c’eft faute* d’avoir connu cette ex¬ ception, que Gefner a fait de la femelle une autre efpèce de tétras fous le nom de grygallus major ( a ) , formé de l’allemand grugeldiakn ; de même qu'il a fait suffi une efpèce de la femelle du petit tétras , à la- (?) In aviariis faporem perdura. Plin , la. X r cap xxij* (a) Nota. Gefner trouve que le grand franco’ in des Alpes conviendroit aiTez au 'gryçaltus major , vu q u’:l r.e différé du franco’ in que par ia taille , étant trois fois plus gros 495. an Hijt oire naturelle quelle il a donné le nom de grygallud fnl~ nor ( b ) ; cependant Gefner prétend n’avoir établi les efpèces , qu’après avoir obfervé avec grand foin tous les individus , excepté le grygallus minor , & s’être alluré qu’ils avoient des différences bien caraéïériiées ( c ) : d’un autre côté , Schwenckfeld , qui étoit à portée des montagnes , & qui avoit examiné iouvent & avec beaucoup d’attention le gtygallus * affure que c’eft la femelle du té¬ tras ( d ) ; mais il faut avouer que dans cette efpèce , & peut-être dans beaucoup d’autres , les couleurs du plumage font fu- jettes à de grandes variétés, félon le fexe, l’àge , le climat & les diverfes autres cir- conftances : celui que nous avons fait delfi- ner eft un peu huppé. M. Briffon ne parie point de huppe dans fa defcription ; & dès deux figures données par Aldrovande , l’une eft huppée & l’autre ne l’eft point. Quel- (b) Nota. En effet , Gefner dît pofitîvement que parmi tous les animaux, il n’eft pas une feule efpèce où les mâ'es ne l’emportent fur la femelle par la beauté des couleurs, à quoi Aldrovande oppofe avec beaucoup de raifon , l’exemple des oifeaux de proie, & furtout des éperviers Ôc des faucons , parmi lefquels les femel¬ les non - feulement ont le plumage plus beau que les males , mais encore furpaffent ceux-ci en force & en groffeur^ comme il a été remarqué ci-deffus , dans î’hiftoire de ces Oifeaux. Voyez Aldrovande, de Ayi • lus , tom. Il , pag. 72, (c) Gefner , de Avibus , lib. III , pag, 493. (d) Schwençkfeldj Avimum Sitefa , pag. 371, du Titras. 213 ques-uns prétendent que le tétras, iorfqu’ii eft jeune r a beaucoup de blanc dans fon plumage (?),,& que ce blanc le perd à me¬ sure qu’il vieillit , au point que c’eft un moyen de connoitre l’àge de l’oifeau (/); il femble même que le nombre des pennes de la queue ne foit pas toujours égal , car Linnæus le fixe à dix -huit dans la F aima Suecica 3 & M, Brifion à feize, dans fon 0r~ nitholope ; & ce qu’il y a de pliis fingulier y Schwenckfeld , qui avoit vu & examiné beau¬ coup de ces oifeaux , prétend que , foit dans la grande , foit dans la petite efpèce , les femelles ont dix-huit pennes à la queue , & les mâles douze feulement ; d’où il fuit que toute méthode qui prendra pour cara&eres fpécifiques des différences auffi variables que le font les couleurs des plumes & même leur nombre , fera fujette au grand inconvé¬ nient de multiplier les efpèces , je veux dire les efpèces nominales , ou plutôt les nouvelles phrafes ; de furcharger la mémoire des commençans , de leur donner de fauffes idées des chofes , & par conféquent de ren¬ dre l’étude de la Nature plus difficile. Il n’eft pas vrai , comme l’a dit Encelius , que le tétras mâle étant perché fur un arbre jette fa femence par le bec , que fes femel- (e) Le blanc qui eft dans la queue , forme avec celui des ailes & du dos , lorfque l’oifeau fait la roue , un cercle de cette couleur. Journal économique. Avril I753* (/)Schvenckfeld , Aviarium Silefîct , pap 371, 2 ! 4 Bîfioire naturdh j les qu’il appelle à grands cris, viennent Iz recueillir, l’avaler , la rejeter enfuite, & que leurs œufs foient ainfi fécondés ; il n’eft pas plus vrai que de la partie de cette fe- inence qui n’eft point recueillie par les pou¬ les , il fe forme des ferpens , des pierres précieufes , des efpèces de perles ; il eft hu¬ miliant pour l’efprit humain qu’il fe pré¬ fente de pareilles erreurs à réfuter. Le té¬ tras s’accouple comme les autres oifeaux ; & ce qu’il y a de plus fingulier, c’eft qu’En- eelius lui-même , qui raconte cette étrange fécondation par le bec , n’ignoroit pas que le coq couvroit enfuite fes poules * & que celles qu’il n’avoit point couvertes pon- doient des œufs inféconds : il favoit cela, & n’en perfifta pas moins dans font opinion ; il difoit pour la défendre , que cet accouple¬ ment n’étoit qu’un jeu , un badinage , qui mettoit bien le fceau à la fécondation, mais qui ne l’opéroit point, vu qu’elle étoit l’ef¬ fet immédiat de la déglutition de la fe¬ ra en ce .... En vérité c’eft s’arrêter trop long-temps fur de telles abfurdités. Les tétras mâles commencent à entrer en chaleur dans les premiers jours de février ; cette chaleur eft dans toute fa force vers les derniers jours de mars , & continue juf- qu’à la poulie des feuilles. Chaque coq pen¬ dant fa chaleur fe tient dans un certain can¬ ton d’oii il ne s’éloigne pas; on le voit alors foir & matin fe promenant fur le tronc cFun gros pin ou d’un autre arbre, ayant la queue étalée en rond, les ailes traînantes , .le cou porté en avant, la tète du Titras. 21 ç enflée , fans doute par le redrefTement do fes plumes , & prenant toutes fortes de pof- tures extraordinaires , tant il eft tourmenté par le befoin de répandre fes molécules or¬ ganiques fuperflues : il a un cri particulier pour appeller fes femelles qui lui répondent & accourent fous l’arbre où il fe tient, & d’où il defcend bientôt pour les cocher & les féconder ; c’eft probablement à caufe do ce cri fmgulier , qui eft très fort & fe fait entendre de loin , qu’on lui a donné le nom de faifan bruyant : ce cri commence par une efpèce d’explofton fuïvie d’une voix aigre & perçante , femblable au bruit d’une faux qu’on éguïfe; cette voix ceffe & recom¬ mence alternativement ; & après avoir ainfi continué à plufieurs reprifes pendant une heure environ , elle finit par une expîofion femblable à la première ( g Le tétras, qui, dans tout autre temps eft fort difficile à approcher , fe laine furpreiv dre très aifément lorfqu’il ell en amour , & fur-tout tandis qu’il fait entendre fon cri de rappel ; il eft alors fi étourdi du bruit qu’il fait lui-même , ou ft l’on veut tellement enivré, que ni la vue d’un homme, ni même les coups de fnfil ne le déterminent à pren¬ dre fa volée; il femble qu’il ne voie ni n’entende , & qu’il foit dans une efpèce cTextafe (A ) ; c'eft pour cela que l’on dit (g) Journal économique , Avril 175J. {&) In tantum ai: cia tu in, terra auoqiu immolai s pre° %iê Hijlôîrc natunlU communément , & que Ton a même écrit que le tétras eft alors foura & aveugle ; cependant il ne l’eft guere que comme le font en pareille circonftance prefque tous les animaux , fans en excepter l’homme j tous éprouvent plus ou moins cette extafe d’amour, mais apparemment qu’elle eft plus marquée dans le tétras ; car en Allemagne on donne le nom à'auer-hahn, aux amoureux qui paroilTent avoir oublié tout autre foin , f>our s’occuper uniquement de l’objet de eur paffion ( ï ) , & même à toute perfonne qui montre une infenftbilité ftupide pour fes plus grands intérêts. On juge bien que c’eft cette faifon où les tétras font en amour , que l’on choifit pour leur donner la chalfe ou pour leur ten¬ dre des pièges. Je donnerai, en parlant de la petite eîpèce à queue fourchue , quelques détails fur cette chaffe i furtout ceux qui feront les plus propres à faire connoître les. mœurs & le naturel de ces oifeaux : je me bornerai à dire ici que l’on fait très bien , même pour favorifer laf multiplication de l’efpèce , de détruire les vieux coqs, parce qu’ils ne fouffrent point d’autres coqs fur leurs plaifirs , & cela dans une étendue de terrain affez confidérable ; en forte que ne hcndatur . Nota . Ce que Pline attribue ici à la groffeur du tétras, n’eft peut-être qu’un effet de fa chaleur ôc de l’efpèce d’ivreffe qui l’accompagne. (i) J. L. Frifch , fus les oifeaux , difcours relatif à h figure cvn. pouvant du Terras. 2 1 7 pouvant fervir à toutes les poules de leur diffriâ , plufieurs d’entr elles font privées de mâles & ne produifent que des œufs in¬ féconds. Quelques Oifeleurs prétendent qu’avant de s’accoupler , ces animaux fe préparent une place bien nette & bien unie ( k ) , & je ne doute pas qu’en effet on n’ait vu des places; mais je doute fort que les tétras ayent eu la prévoyance de les préparer ; il cil bien plus fimple de penfer que ces places font les endroits du rendez-vous habituel du coq avec fes poules 5 lefquels endroits doi¬ vent être, au bout d’un mois ou deux de fré¬ quentation journalière 5 certainement plus battus que le refte du terrain. La femelle du tétras pond ordinairement cinq ou lix œufs au moins , & huit ou neuf au plus; Schwenckfeld prétend que la pre¬ mière ponte eft de huit , & les fuivantes de douze , quatorze 6 1 jufqu’à feize ( / ) : ces œufs font blancs , marquetés de jaune , & , fé¬ lon le même Schwenckfeld 5 plus gros que ceux des poules ordinaires ; elle les dépofe fur la moufle en un lieu fec, où elle les couve feule & fans être aidée par le mâle ( m)g 1[k) Gefner , dt Avibus , pag. 492. . (/) Aviarium Silcfiœ , pag. 572. Nota. Cette grada¬ tion eft conforme à tobfervation d’Ariftote : ex primo coitiL aves eva -edun't pauciora. Hifl. Animal, lib V , cap. xiv. Il me paroît feulement que le nombre des œufs C'a trop grand. (m) Nota. Je crois avoir lu quelque part , qu’eli© O < je aux ^ T Gin . Il L T 1 î S Hljloîrc naturelle lorfqu’elle eft obligée de les quitter , pour aller chercher fa nourriture , elle les cache fous les feuilles avec grand foin ; & quoi¬ qu’elle foit d’un naturel très fauvage, fi on l’approche tandis qu’elle efl fur fes œufs * elle relie & ne les abandonne que très dif¬ ficilement , l’amour de la couvée l’emportant en cette occafion fur la crainte du danger. Dès que les petits font éclos, ils le met¬ tent à courir avec beaucoup de légèreté; ils courent même avant qu’ils foient tout-à-fait éclos , puifqu’on en voit qui vont & vien¬ nent ayant encore une partie de leur co¬ quille adhérente à leur corps : la mere les conduit avec beaucoup de follicitude & d’af- feétion; elle les promène dans les bois où ils fe nourriffent d’œufs de fourmis , de mû¬ res fauvages , &c. La famille demeure unie tout le relie de l’année , & jufqu’à ce que la faifon de l’amour leur donnant de nouveaux befoins & de nouveaux intérêts , les dif- perfe , & flirtout les mâles qui aiment à vi¬ vre féparément; car,, comme nous l’avons vu , ils ne fe fouffrent pas les uns les autres 9 & ils ne vivent guere avec leurs femelles , que lorfque le befoin les leur rend nécef- iâires. Les tétras, comme je l’ai dit, fe plaifent fur les hautes montagnes ; mais cela n’eft vrai que pour les climats tempérés ; car dans les pays très froids , comme à la baie d’Hud- couvoit pendant environ vingt-huit jours; ce qui eufc a fie z probable , vu la groifeur de l’oifeatu du Tétras. 119 fort, ils préfèrent la plaine & les lieux bas, où ils trouvent apparemment la même tem¬ pérature que fur nos plus hautes monta¬ gnes ( n \ Il y en a dans les Alpes, dans les Pyrénées , fur les montagnes d’Auver¬ gne , de Savoie, de Suiffe , de Weftphalie, de Souabe , de Mofcovie , d’Ecoffe , fur cel¬ les de Grèce &: d'Italie, en Norvège & même au nord de l’Amérique ; on croit que la race s’en eft perdue en Irlande ( 0 ), où elle exiftoit autrefois. O11 dit que les oi féaux de proie en détrui- fent beaucoup, foit qu’ils choififfent pour les attaquer le temps où l’ivreiTe de l’amour les rend û faciles à furprendre , foit que trouvant leur chair de meilleur goût , ils leur donnent la chalfe par préférence. ( n ) Hiftoire générale des Voyages 9 tona. XIV * pag< 66 (a) Zoologie britannique , pag. S4. £20 Hifloirc naturelle LE PETIT TETRAS o u COQ DE BRUYERE A QUEUE FOURCHUE/ Voye. i planche IV de ce Volume , *\^"oici encore un coq & un faifsn, qui n’eft ni coq ni faifan; on l’a appellé petit coq fauvage 3 coq de bruyère , coq de bouleau , &C* f aï fan noir s faifan de montagne ; on lui a même donné le nom de perdrix 5 de gelinotte ; mais dans le vrai c’eft le petit tétras , c’eft le pre? mier tetrao de Pline 5 c’eft le tetraq ou Vurq - gallus-minor de la plupart des Modernes t quelques Naturaliftes? tels que Rzaczynskiÿ l’ont pris pour le tetrax du poète Nemefia- nus ; mais c’eft fans doute faute d avoir re¬ marqué que la groffeur de ce tetrax eft, fé¬ lon Nemefianus même , égale à celle de foie & de la grue ( a ); au lieu que félon * Vcye\les planches enluminées , nQ. 172, îe mâle 1 & n°. 173 , la femelle. (jl) Tatpcitz efl euftos areis non corpore major Nçc qui te volucres do cuit , P alamede , figuras. Vies de M. Aurelii Qlympii Nemefiani fragments. e 2.^,6 pcktk/kérziA . Tbm.HI. — TU!. l f ; du petit Tétras < Ht Gefner f Schwenckfeld, Aldrovande Sc quel¬ ques autres Observateurs qui ont vu par eux-mêmes , le petit tétras n’eft guere plus gros qu'un coq ordinaire , mais Seulement d'une forme un peu plus alongée, oc que la femelle, Selon M. Ray , n’eft pas tout-à-fait aufii grolïe que notre poule commune. Turner, en parlant de Sa poule morefque, ainSi appellee , dit-il , non pas à caufe de Son plumage qui reffemble à celui de la perdrix , mais à caufe de la couleur du mâle qui eft noir , lui donne une crête rouge & char¬ nue , & deux eSpèces de barbillons de même fubflance & de même couleur ( b) ; en quoi Willulghby prétend qu’il Se trompe ; mais cela eft d’autant plus difficile à croire, que Turner parle d’un oiSeau de Son pays ( apud nos ejî & qu'il s’agit d’un caraétere trop frappant pour que l’on puilSe s~y mépren¬ dre : or en fuppofant que Turner ne s’eft point trompé en effet Sur cette crête & fur ces barbillons , &. d’autre part , confidérant qu’il ne dit point que Sa poule morefque ait la queue fourchue, je ferois porté à la re¬ garder comme une autre efpèce ,• ou fi l’on veut, comme une autre race de petit tétras. Semblable à la première par la groffeur, par le différent plumage du mâle & de la fe¬ melle, par les mœurs, le naturelle goût des mêmes nourritures, &c„ mais qui s’en distingue par fes barbillons charnus Scpar Sa queue non fourchue : & ce qui me confirmé « Voyei Gefner >de Aylbus , pag. 477. t y 222 Hïjîolre naturelle dans cette idée, c’efl que je trouve dans Gefner un oifeau fous le nom de gallus fyl- vejlris ( c )j lequel a auffi des barbillons & la queue non fourchue , du refte fart reffem- blant au petit tétras; en forte qu’on peut* & qu’on doit , ce me fembîe le regarder comme un individu de la même efpèce que la poule- xnorefque de Turner , d’autant plus que dans cette efpèce le mâle porte en Ecofie ( d’où l’on avoit envoyé à Gefner la figure de î’oifeau ) le nom de coq noir, & la fe¬ melle celui de poule grife , ce qui indique pré- cifément la différence de plumage , qui dans les efpèces de tétras fe trouve entre les deux fexes. Le petit tétras , dont il s’agit ici , n’efi: pe¬ tit que parce qu’on le compare avec ‘ le grand tétras; il pèfe trois à quatre livres, & il eft encore après celui-là le plus grand de tous les oifeaux qu’on appelle coq de bols (d)* Il a beaucoup de chofes communes avec le grand tétras , fourcils rouges , pieds pat¬ ios & fans éperons , doigts dentelés , tache, blanche à l’aile , &c. mais il en diffère par deux caraéieres très appareils : il eft beau¬ coup moins gros * & il a la queue fourchue non feulement parce que les pennes ou grandes plumes du milieu font plus courtes, que les extérieures; mais encore parce que. celles-ci fe recourbent en dehors r de plus* le mâle de cette petite efpèce a plus: de (c) Idem , ibidem . (i) Gefner, âç Avihus , pa». 423* du petit Tétras . 223 noir 5 & un noir plus décidé que le mâle de la grande efpèce : il a de plus grands four- cils j’appelle ainfi cette peau rouge & glanduleulë qu'il a au-deffus des yeux ; mais la grandeur de ces fourcils eft fujette à quelque variation dans les mêmes individus en différens temps, comme nous le verrons plus bas. La femelle eft une fois plus petite que le mâle ( e ) , elle a la queue moins fourchue , &l les couleurs de fon plumage font fi diffé¬ rentes , que Gefner s'eft cru en droit d’en former une efpèce féparée qu’il a déngnée par le nom de grygallus miner 3 comme je l’ai remarqué ci-deîius dans l’hiftoire du grand tétras : au refte , cette différence de plumage entre les deux fexes ne fe décide qu’au bout d’un certain temps ; les jeunes males iont d’abord de la couleur de leur mere , & con- fervent cette couleur jufqu’à la première au¬ tomne ; fur la fin de cette faifon & pendant l’hiver, ils prennent des nuances de plus en plus foncées jufqu’à ce qu’ils foient d’un noir bleuâtre, & ils retiennent cette ciermere couleur toute leur vie dernier* fans autres c hanse - i°Tils mens que ceux que je vais maïquer ; prennent plus de bleu à mefure qu’ils avan¬ cent en âge ; 20. à trois ans & non plutôt * ils prennent une tache blanche fous le bec ; 30. lorfqu’ils font très vieux, il paroit une autre tache d’un noir varié fous la queue , où auparavant les plumes étoient toutes (d Bricifch ^oolcgy. 224 Hijlaire namrdlt blanches ( / ) : Charleton & quelques autres ajoutent qu’il y a d’autant moins de taches blanches à la queue que Poifeau efl: plus vieux; en forte que le nombre plus ou moins grand de ces taches efl un indice pour reconnaître fon âge ^ g ). Les Naturalises , qui ont compté affex unanimement vingt-fix pennes dans Paile du petit tétras , ne s’accordent point entr’eux far le nombre des pennes de la queue , Si Von retrouve ici à-peu-près les mêmes va¬ riations dont j’ai parlé au fujet du grand té¬ tras. 8chw enckfeld , qui donne dix-huit pen¬ nes à la femelle, n’en accorde que douze au mâle. Willulghby , Albin , M. Briffon , en an* Lignent fejze aux mâles comme aux femel¬ les ; les deux mâles que nous confervons au Cabinet du Roi , en ont tous deux dix-huit * favoir , fept grandes de chaque côté , & qua¬ tre dans le milieu beaucoup plus courtes t ces différences vîendroient- elles de ce que le nombre de ces grandes plumes eil fujet â varier réellement ? ou de ce que ceux qui les ont comptées ont négligé de s’affurer aupa¬ ravant s’il n %en manquoît aucune dans les fujets fournis à leur obfervation ? Au refte , le tétras a les ailes courtes, & par conféquent le vol pefant, & on ne le voit jamais s’éle¬ ver bien haut ni aller bien loin. Les mâles & les femelles ont l’ouverture des oreilles fort grande * les doigts unis paît (/) A&es de Breflaw. Novembre ivsy y} Chaileton , Rx&rcitationes , pag. 8z*. du petit Tarte. 22*} une membrane jufqu’à la première articula¬ tion & bordés de dentelures ( h ) , la chaîr blanche & de facile digeftion , la langue molle un peu hériffée de petites pointes &; non divifée ; fous la langue une fubftance glanduleufe , dans le palais une cavité qui répond exa&ement aux dimenfions de la langue, le jabot très grand, le tube intefti- nal long de cinquante-un pouces , & les ap¬ pendices ou cæcum de vingt-quatre ; ces ap¬ pendices font fillonnées de fix ffries ou can¬ nelures (, i }. La différence qui fe trouve entre les fe¬ melles & les mâles , ne fe borne pas à la fu- perficie , elle pénètre jufqu’à Forganifation intérieure. Le docteur Waygand a obfervé que l’os du flernum dans les mâles étant re¬ gardé à la lumière , paroiffoit femé d’un nombre prodigieux de petites ramifications de couleur rouge, lefquelles fe croifant & recroifant en mille maniérés & dans toutes fortes de dire&ions , formoient un réfeait très curieux & très fmgulier ; au lieu que dans les femelles le même os n’a que peu ou .M"» '■ 1 —T ‘ — ♦ (À) Nota . Unguis medii digiti ex parte ïnteriore in a-ciem ienuatus , expreffion un peu louche de Willuîghby ; car (i cela fignifte que l’ongle du doigt du milieu eft tran¬ chant du côté intérieur , nous avons vérifié fur Poi- feau même * que le côté extérieur & le côté intérieur de cet ongle» font également tranebans ôc de plus , cet ongle ne diffère que très peu même point du tout des autres par ce caraflere tranchant ; aînfi cette obfer* vationde Wilîulghby nous paroît mal fondée. (i) Wilîulghby, pag i^.Schwenckfdd , pag. 375» 2 %6 Hiftolre naturelle point de ces ramifications ; il efl auffi plus petit & d’une couleur blanchâtre ^ k ). Cet oifeau vole le plus fou vent en troupe, & fe perche far les arbres à-peu-près comme le faifan ( / ) : il mue en été , & il fe cache alors dans les lieux fourrés ou dans des en-' droits marécageux ( m ); il fe nourrit prin¬ cipalement de feuilles & de boutons de bou¬ leau, & de . baies de bruyere , d’où lui efl venu fon nom françois coq de bruyere , & fon nom allemand birk-hahn , qui fignifie coq de bouleau ; il vit auffi de chatons de coudrier 5 de bled & d’autres graines : l’automne il fe rabat fur les glands , les mures de ronces , les boutons d’aune , les pommes de pin , les baies de myrtille f vins idæa ) 9 de fufain .ou bonnet de prêtre : enfin l’hiver il fe réfugie dans les grands bois , où il efl réduit aux baies de genievre , ou à chercher fous la neige celle de Yoxicoccum ou canneberge . appelles vulgairement coujjinet de marais ( n quel¬ quefois même il ne mange rien du tout pen¬ dant les deux ou trois mois du plus grand hiver ; car on prétend qifen Norvège , il palTe cette faifon rigoureufe fous la neige , engourdi , fans mouvement & fans prendre ( k ) Voye^ A (fie s de Breslaw , mois de Novembre 17 25* (/) Britifch Zoology. (m) Aftes de Breslaw, loco eitato. ( n ) Voyez ScWenckfeld , Aviarlum Sih'fiz , page 375. — Rzaczynskî, Auctuarium Polon. pag. 422. — - Wiliulghby , pag. 13.5 — - Britifch Zoology , pag» S5» du petit Tétras , 2 2 7 aucune nourriture ( 0 ) , comme font dans nos pays plus tempérés les chauve- fouris , les loirs, les lérots,les mufeardins, les hé- rifîons &. les marmottes, & ( fi le fait eft vrai ) fans doute à-peu-près pour les mêmes caufes ( p ). On trouve de ces oifeaux au nord de l’An» gîeterre & de PEcofTe dans les parties mon* tueufes , en Norwège & dans les provinces feptentrionales de la Suède, aux environs de Cologne , dans les Alpes Suiffes , dans le (0) Linnæus, Syjl. nat. édit. X, pag. typ.- - Gefner^ de Âvibus , pag. 43p. Nota . Les Auteurs de la Zoo¬ logie Britannique avoient remarqué que les perdrix blanches qui paffent l’hiver (fans la neige, avoient les pieds mieux garnis de plumes que les deux efpèces de tétras qui favent fe mettre à l'abri dans les forêts épaif- fes : mais fi les tétras paiTent auiîi l’hiver fous la nei¬ ge , que devient cette belle caufe finale , ou plutôt eue deviennent tous les raifonnemens de ce çenre lorfqu’on les examine avec les yeux de la Pliiio- fophie } ( p ) Voy. l’Hift. nat. gén. & particulière tome VIII, p, 342 de l’édit, en treize vol. où j’indique la vraie caufe de l’engcurdiiTement de ces animaux. Celui du tétras pendant l’hiver, me rappelle ce que l’on trouve dans le livre de Mirabilibus , attribué à ÀrHlote , au fujet de certains oifeaux du royaume de Pont , qui étoient en hiver dans un tel état de torpeur , qu’on pouvoir les plumer , les drefTer , & même les mettre à la broche fans qu’ils le fentifïent , £< qu’on ne pouvoit les ré¬ veiller qu’en les faifant rôfir .* en retranchant de ce fait ce qu’on y a ajouté de ridicule pour le rendre merveilleux j il fe réduit à un engourdiiiement fembla~ ble a celui des tétras & des marmottes, qui fufpend toutes les fondions des fens externes, & ne ceffe que par i’a&ion de la chaleur. 22% Hijloire naturelle Bugey ou ils s’appellent grianots, félon M, Hé¬ bert ; en Podolie , en Lithuanie , en Samogi*** îie , & furtout en Volhinie & dans l’Ukrame', qui comprend les Palatinats de Kiovie & de Brailaw, où un noble Polonais en prit un jour cent trente paires d’un feul coup de filet , dit Rzaczynski , près du village de Kufmince ( q ), Nous verrons plus bas la maniéré dont la chaffe du tétras fe fait en Courlande : ces oifeaux ne s’accoutument pas facilement à un autre climat , ni à l’état de do me fiieité ; prefque tous ceux que M. le Maréchal de Saxe avoit fait venir de Suède dans fa ménagerie de Chambor , y font morts de langueur & fans fe perpétuer ( r \ Le tétras entre en amour dans le temp^s où les faules commencent à pouffer, c’eff-a- dire fur la fin de l’hiver, ce que les chaf- chaque jour les mâles fe raffembier dès le matin au nombre de cent ou plus dans quel¬ que lieu élevé , tranquille , environné de marais , couvert de bruyère , &c. qu’ils ont ehoifi pour le lieu de leur rendez-vous habituel r là ils s’attaquent, ils s’entrebattent avec fureur, jufqu’à ce que les plus foibles ayent été mis en fuite ; après quoi les vain¬ queurs fe promènent fur un tronc d’arbre , ou fur l’endroit le plus élevé du terrein , V œff ( - — - - - - - mm (. t ) Frifch, planche cix. — Britifch Zooîogy 9 pag, $5* (. :t ) Ornithologie de Salerne , loco citato . (#) F rifeh , ibidem. ( y ) À&es de Breslaw. Novembre 1725. (l) Britifch Zoologie , pag. 85. Sçhwenckfeld , Aviarium Silejhx 9 pag. tfgl 2}0 Uijloire naturelle (b)} les œufs font moins gros que ceux des poules domeiliques & un peu plus longuets. M. Linnæus allure que ces poules de bruyère perdent leur fumet dans le temps de l’incu¬ bation ( c ). Schwenckfeld femble infinuer que le temps de leur ponte eit dérangé de- fïuis que ces oifeaux ont été tourmentés par es chaffeurs , & effrayés par les coups de fufil ; & il attribue aux mêmes c auies la perte qu’a fait l’Allemagne de plufieurs au» îres belles efpèces d’oifeaux. Dès que les petits ont douze ou quinze jours 9 ils commencent déjà à battre des ai¬ les & à s’effayer à voltiger; mais ce n’eft qu’au bout de cinq ou fix femaines qu’ils font en état de prendre leur effor , & d’aller fe percher fur les arbres avec leurs meres : c’efl alors qu’on les attire avec un appeau {d) , foit pour les prendre au filet , foit pour les tuer à coups de fufil ; la mere prenant le fon contrefait de cet appeau pour le piau¬ lement de quelqu’un de fes petits qui s’eft égaré, accourt & le rappelle par un cri particulier qu’elle répété feuvent , comme font en pareil cas nos poules domeftiques , & elle amène à fa fuite le refte de la cou¬ vée qu’elle livre ainfi à la merci des chaffeurs* . . — ■ — - ■"■■■■ - — — — - - --- - « (b) A&es de Bresîaw, ibidem . (c) Syft. nat.edit. X, pag 159. ( d ) Cet appeau fe fait avec un os de l’aile de l'au¬ tour qu’on remplit en partie de cire, en ménageant des ouvertures propres à rendre le (on demandé. Koyez Acles de Bresîaw. Novembre 1725. du petit Tétras» 231 Quand les jeunes tétras font un peu plus grands & qu’ils commencent à prendre du noir dans leur plumage , ils ne fe Jaiffent pas amorcer fi aiféinent de cette maniéré ; mais alors jufqu'a ce qu’ils ayent pris la moitié de leur accroiffement , on les chaffe avec l’oifeau de proie. Le vrai temps de cette chaffe eft l’arriere-faifon , lorfque les arbres ont quitté leurs feuilles; dans ce temps les vieux mâles choififfent un certain en¬ droit où ils fe rendent tous les matins , au lever du foleil , en rappeliant par un certain cri ( furtout quand il doit geler ou faire beau temps ) tous les autres oifeaux de leur efpèce, jeunes & vieux, mâles & femelles: lorfqu’ils font raffemblés ils volent en trou¬ pes furies bouleaux, ou bien, s’il n’y a point de neige fur la terre , ils fe répandent clans les champs qui ont porté l'été précé¬ dent du feigle , de l’avoine ou d’autres grains de ce genre ; & c’eft alors que les oifeaux de proie dreffés pour cela ont beau jeu. On a en Courlande , en Livonie & en Li¬ thuanie , une autre maniéré de faire cette chaffe ; on fe fert d’un tétras empaillé , ou bien 011 fait un tétras artificiel avec de l’étoffe de couleur convenable , bourrée de foin ou d’étoupe , ce qui s’appelle dans le pays une b ah une :• on attache cette balvane au bout d’un bâton, & l’on fixe ce bâton fur un bouleau , à portée du lieu que ces oifeaux ont choifi pour leur rendez-vous d’amour, car c'eff le mois d’avril , c’eft-à- dire , le temps où ils font en amour que l'on prend pour faire cette chaffe; dès qu'ila 2.32- Tîijloirc naturelle apperçoivent la bahane , ils fe raffembîent autour d’elle, s’attaquent & fe défendent d’abord comme par jeu ; mais bientôt ils s'a¬ niment & s’entrebattent réellement , & avec tant de fureur qu’ils ne voient ni n’enten¬ dent plus rien, & que le Chaffeur qui eft caché près de-là dans fa hutte , peut aiiément les prendre , même fans coup férir ; ceux qu’il a pris ainfi , il les apprivoife dans l’ef- pace de cinq ou fix jours, au point de venir manger dans la main ( c ) : l’année fuivante au Printemps , on fe fert de ces animaux apprivoifés , au lieu de halvanes , pour attirer les tétras fauvages qui viennent les attaquer , & fe battent avec eux , avec tant d’acharnement qu’ils ne s’éloignent point {jour un coup de fufil : ils reviennent tous es jours de très grand matin au lieu du rendez-vous , ils y relient jufqu’au lever du foleil, après quoi ils s’envolent & fe dif- perfent dans les bois & les bruyères pour chercher leur nourriture ; fur les trois heu¬ res après midi ils reviennent au même lieu , & y relient jufqu’au foir affez tard : ils fe raffembîent ainfi tous les jours , furtout lorfqu’ii fait beau , tant que dure la faifon de l’amour, c’eft-à-dire, environ trois ou quatre femaines ; mais lorfqu’il fait mauvais temps , ils font un peu plus retirés. (e) Nota. Le naturel des petits tétras digère beau¬ coup en ce point de celui des grands tétras, qui , loin de s’apprivoifer lcrfqu’ils font pris , refufent même de prendre de la nourriture , & s'étouffent quelquefois eu avalant leur langue, comme on Ta vu dans leur hiftoire. Les du petit Taras » 2 33 Les jeunes tétras ont aufïi leur aiTeiriblce particulière & leur rendez-vous féparé , où ils fe raiTemblent par troupes de quarante ou cinquante , & où ils s’exercent à-peu- près comme les vieux; feulement ils ont la voix plus grêle , plus enrouée , & le fon en eft plus coupé; ils paroifFent auiîi fauter avec moins de liberté : le temps de leur af- femblée ne dure guere que huit jours , après quoi ils vont rejoindre les vieux. Lorfque la fai fon de l’amour eft paffée 9 comme ils s’affemblent moins régulièrement, il faut une nouvelle imduftrie pour les di¬ riger du côté de la hutte du tireur de ces balvanes. Plufieurs chaiTeurs à cheval for¬ ment une enceinte plus ou moins étendue, dont cette hutte eft le centre, & en fe rap- prochant infenfiblement , & faifant claquer leur fouet à propos , ils font lever les té¬ tras , & les pouffent d’arbre en arbre du coté du tireur, qu’ils avertiffent par des coups de voix , s’ils font loin , ou par un coup de fifflet s’ils font plus près : mais on conçoit bien que cette chaffe ne peut réuffir qu’ autant que le> tireur a difpofé toutes chofes , d’après la connoiflance des mœurs & des habitudes de ces oifeaux : les tétras, en volant d’un arbre fur un autre , choififlént d’un coup- d’œil prompt & sûr, les bran¬ ches allez fortes pour les porter, fans même en excepter les branches verticales qu’ils font plier par le poids de leur corps, & ramènent en fe pofant deffus à une fituation à-peu- près horizontale ; en forte qu’ils peuvent très bien s'y foutenir ? quelques mobiles qu’el» 2^4 Hîjioirt naturelle les foient : 1 or (qu’ils font pofés , leur sûreté eft leur premier foin ; ils regardent de tous côtés, prêtant l’oreille, alongeant le cou pour reconnaître s’il n’y a point d’ennemis ; & lorsqu’ils fe croient bien à l’abri des oifeaux de proie & des chaffeurs , ils fe met¬ tent à manger les boutons des arbres r d’après cela un tireur intelligent a foin de placer fes balvanes fur des rameaux flexibles , aux¬ quels il attache un cordon qu’il tire de temps en temps , pour faire imiter aux balvanes les mouvemens & les ofciliations du tétras fur fa branche. De plus y il a appris par Inexpérience que lorfqu’Il fait un vent violent, on peut di¬ riger la tête de ces balvanes contre le vent r, mais que par un temps calme , ou doit ,1e s mettre les unes vis-à-vis des autres ; lorf- que les tétras pouffés par les chaffeurs de la maniéré que j’ai dit , viennent droit à ïa hutte du tireur , celui-ci peut juger par une obfervation facile , s’ils s’y poferont ou non à portée de lui ; fi leur vol eft iné¬ gal , s’ils s’approchent & s’éloignent alter¬ nativement en battant des ailes , il peut compter que , fmon toute la troupe , au moins quelques-uns , s’abattront près de lui ; fi au contraire , en prenant leur effor non loin de fa hutte, ils partent d’un, vol rapide & foutenu , il peut conclure qu’ils iront en avant fans s’arrêter. Lorfque les tétras fe font pofés à portée du tireur , il en eft averti par leurs cris réi¬ térés jufqu’à trois fois ou même davantage; alors il fe gardera bien de les tirer trop du petit Tétras , 23^ brufquement ; an contraire , il fe tiendra im¬ mobile & fans faire le moindre bruit dans fa hutte, pour leur donner le temps de faire toutes leurs obfervations & la reconnoiffance du terrein; après quoi , lorfqu’ils fe feront établis fur leurs branches , & qu’ils com¬ menceront à manger , il les tirera & les choifira à fon aife , mais quelque nombreufe que foit la troupe , fut-elle de cinquante , & même de cent , on ne peut guere efpérer d’en tuer plus d’un ou deux, d’un feul coup ; car ces oifeaux fe féparent en fe perchant , & chacun choifit ordinairement fon arbre pour fe pofer ; les arbres ifolés font plus avantageux qu’une forêt pleine ; & cette chaffe eff beaucoup plus facile lorfqu’ils fe perchent que lorfqu’ils fe tiennent à terre ; cependant * quand il n’y a point de neige , on établit quelque fois les balvanes & la hutte , dans les champs qui ont porté la même année de l’avoine , du feigle , du blé farrafin ; ou on couvre la hutte de paille , & on fait d’affez bonnes chaffe s , pourvu toutefois que le temps foit au beau ; car le mauvais temps aifperfe ces oifeaux , les oblige â fe cacher & en rend la chaffe im¬ posable ; mais le premier beau jour qui lue- cède , la rend d’autant plus facile , 6c un tireur bien poflé les raffemble aifément avec fes feuls appeaux , & fans qu’il foit befoin de Chaffeurs pour les pouffer du coté de la hutte. On prétend que lorfque ces oifeaux volent 23 .6 H'floln naturelle leur fait éviter tous les pièges des Cha& feurs ; en forte qu'il eft fort difficile, dans ce cas ,, de les pouffer vers la balvane , & que l’on n’a d’autres reffources que de dé¬ tourner quelques traîneurs^ L’heure de cette chafîe efl: chaque jour depuis le foleil levant jufqu’à dix heures ; & l’après-midi, depuis une heure jufqifà quatre : mais en automne , iorfque le temps eii calme & couvert, la chaiTe dure toute la journée fans interruption , parce que dans ce cas les tétras ne changent guere de lieu : on peut les chaffer de cette maniéré , c’eff- à-dire , en les pouffant d’arbre en arbre , juf- qu’aux environs du folftîee d’hy ver ; mais après ce temps ils deviennent plus fauvages , plus défîans 5 plus rufés ; ils changent même leur demeure, accoutumée, à moins qu’ils n’y foient retenus par îa rigueur du froid, ou par l’abondance des neiges. On prétend avoir remarqué que Iorfque les tétras fe pofent> fur la cime, des arbres & liir- leurs nouvelles pouffes , c’eff: ligne de beau temps ; mais que lorfqu’on les- voit fe rabattre fur les branches inférieures & s’y tapir , c’eff: un ligne. de mauvais temps : je ne ferois pas mention de ces remarques des Chaffeurs, fi elles ne s’accordoient avec Je naturel de ces oifeaux , qui , félon ce que nous avons vu çi-delïiis , paroiffent fort fufçeptibîes des influences du beau & du mauvais temps , & dont la grande fenfibilité à cet égard ,_ pourroit être fuppofée , fans bleiTer la vraifemblance , au degré néceffaire J pour leur faire prefientir la température du lendemain,. du pan far as, 13.7 Dans les temps de grande pluie , ils fe retirent dans les forêts les plus touffues peur y chercher un abri ; & comme ils font alors fort pefans & qu’ils volent difficilement, on peut les chaffer avec des chiens courans , qui les forcent fouvent & les prennent même à la courfe ( f). Dans d’autres pays on prend les tétras au lacet, félon Aldrovande (g*); on les prend auffi au filet, comme nous l’avons vu ci- deffus ; mais il feroit curieux de lavoir quelle étoit la forme , l’étendue & la difpofition de ce filet fous lequel le noble Polonois dont parle Rzaczynski, en prit un jour deux cent foixante à la fois* (/) A£les de Bresîav#, Novembre 172^ , pag. $27 & fuivantes ; Sc pag. 5 3 S & fuivant es. Nota. Cette pesan¬ teur des tétras a été remarquée par Pline j il eft vrai qu’il paroit l’attribuer à la grande efpèce , & je ne doute pas qu'elle ne lui convienne autïî-bien qu'à la petit©, (g) Âîdrov, de Avibus, tom, II, pag, 6 9, 23 Hijîoire naturdk LE PETIT TETRAS* A QUEUE PLEIN Ey &C. J’ai expofé à l’article précédent, les raifons que j’avois de faire de ce petit tétras une efpèce ou plutôt une race réparée : Gefher en parle fous le nom de coq de bols ( salins j'ylveflris ) ( a ) , comme d’un oifeau qui a des- barbillons rouges , & une queue pleine & non fourchue ; il ajoute que le mâle s’ap¬ pelle coq noir en EcolTe , & la femelle poule grife ( greyhen ) . Il eft vrai que cet Auteur prévenu de l’idée que le mâle & la femelle ne dévoient pas différer y à un certain point* par la couleur des plumes , traduit ici le greyhen par gallina fu fca , poule rembrunie* afin de rapprocher de fon mieux 3a couleur des plumages ; & qif enfuite il le prévaut de fa verfion infidèle pour établir que cette efpéce eft toute autre que celle de la poule morefque de Turner ( b ) , par la raifon que le plumage de cette poule morefque diffère tellement de celui du mâle , qu’une perfonne peu au fait pourrait s’y méprendre , & re¬ garder ce mâle & cette femelle comme ap- [a] Gefner , de Avibus , pag, 477, [b] .Idem , loco citato* du petit Tétras » 239 partenans à deux efpèces differentes. En effet, le mâle eft preique tout noir, & la femelle de la même couleur à-peu-près que la perdrix grife ; mais au fond c’eft un nou¬ veau trait de conformité qui rend plus com¬ plète la reffemhlance de cette efpèce avec celle du coq noir d'Ecoffe , car Geiher prétend en effet que ces deux efpèces fe ref- femblent dans tout le refte. Pour moi , la feule différence que j’y trouve , c’eft que le coq noir d’Ecoffe a de petites taches rouges fur la poitrine r les ailes & les cuif- fes ; mais nous avons vu dans l’hiftoire du petit tétras à queue fourchue , que dans les fix premiers mois les jeunes mâles qui doi¬ vent devenir tout noirs dans la fuite y ont le plumage de leurs meres c’eft-à-dire, de la femelle ; & il pourroit fe faire que les petites taches rouges dontparie Geffner, ne iuflent qu’un refte de cette première livrée avant qu’elle fe fût changée entièrement en un noir pur & fans mélange. Je ne fais pourquoi M. Briffon confond cette race ou variété, comme il l’appelle ? avec le tetrao pointillé de blanc de M. Lin- næus ( c ) ; puifqu’un des caraéleres de ce tetrao , nommé en Suédois racklehane , eft: d’avoir la queue fourchue ; & que d’ailleurs M. Linnæus ne lui attribue point de barbil¬ lons , tandis que le tétras dont il s’agit ici a la queue pleine , félon la figure donnée £c] Linnæus , Fauna Suçcica 3 n9. 167» a 4P Si flaire naturelle par Gefner ; & que félon fa defcription * il a des barbillons rouges à côté du bec.- Je ne vois pas norï plus pourquoi M. Briffon ,- confondant ces deux races en une feule 9 n’en fait qu’une variété du petit tétras à queue fourchue , pu i fquurt dé p'e n da m- ment des deux différences que je viens d'indi¬ quer , M, Linnæus dit pofitivement , que fon tétras pointillé de blanc eft plus* rare, plus fauvage , & qu’il a un cri tout autre ; ce qui fuppofe , ce me femfole , des diffé¬ rences plus caraâérifées plus profondes que celles qui d’ordinaire ccnffituent une fimple variété. Il me paroîtroit plus raïfonnable5 de fé- parer ces deux races ou efpèces de petit tétras , dont Tune caradlérifée par la queue pleine & les barbillons rouges, comprend le coq noir d’Ecoffe & la poule morefque de Turner ; & l’autre ayant pour attributs fes petites taches blanches fur la poitrine', & fon cri diffèrent , ferait formée du ràcklehatie des Suédois* Ainfi l’on doit compter , ce me fëmble , quatre efpèces différentes dans le genre des tétras ou coqs de bruyère; i5*. le grand tétras ou grand coq de bruyère 2°. le petit tétras ou coq de bruyère à queue fourchue ; 3^. le racklan ou rackleham de Suède\. indiqué par M. Linnæus; 4 A la poule morefque de Turner ou coq. noir d’Ecoffe , avec des bar¬ billons charnus des deux côtés*du bec , & la queue pleine. Et ces quatre efpèces font toutes origi- ginaires du petit Tétras. 141 naires &. naturelles aux climats du Nord , b>i habitent également dans les forêts de pins & de bouleaux; il n’y a que la troi¬ sième , c’eft-à-dire le rcicklchane de Suède , qu’on pourroit regarder comme une variété du petit tétras , fi M. Linnæus n’afluroit pas qu’il jette im cri tout différent. LE PETIT TETRAS A PLUMAGE VARIABLE, JLjES grands tétras font communs en Lap- ponie , furtout lorfque la difette des fruits dont ils fe nourriflènt , ou bien l’exceiîîve multiplication de l’efpèce les oblige de quitter les forêts de la Suède & de la Scan¬ dinavie , pour fe réfugier vers le Nord [ a ] : cependant on n’a jamais dit qu’on eût vu dans ces climats glacés de grands tétras blancs ; les couleurs de leur plumage font , par leur fixité & leur confilfance , à l’é¬ preuve de la rigueur du froid; il en eft de même des petits tétras noirs , qui font auffi communs en Courlande & dans le nord de la Pologne , que les grands le font en Lapponie; mais le doéteur W eigandt (£)* [a] Klein, Hifl, Avium , pag. 173. [b] Weigandt, Actes de Breslaw , mois de Novembre frnnie 1725. Qlfeaux Tom . X Hi flaire naturelle le jéfuite Pvzaczynski (c) & M. Klein (d)ï affurent qu’il y a en Courlande une autre efpèce de petit tétras, qu’ils appellent tétras hlanc , quoiqu’il ne foit blanc qu’en hiver, & dont le plumage devient tous les ans en été d’un brun rougeâtre, félon le docteur Weigandî ( e & d’un gris bleuâtre , félon Rzaczynski (/) : ces variations ont lieu pour les mâles comme pour les femelles ; en forte que dans tous les temps les individus des deux fexes ont exaâement les mêmes couleurs; ils ne fe perchent point fur les arbres com¬ me les autres terras , & ils fe plaifent fur- tout dans les taillis épais & les bruyères * où ils ont coutume de choifir chaque année im certain efpace de terrein, où ils saffem- fclent ordinairement ; s’ils ont été difperfés par les ChalTeurs , ou par l’oifeau de proie , ou par un orage , c’efklà qu’ils fe réuniffent bientôt après , en fe rappellant les uns les autres. Si on leur donne la chaffe ,il faut, la première fois qu’on les fait partir , remar¬ quer foigneufement la rçmife ; car ce fera à coup fur le lieu de leur rendez-vous de l’année , & ils ne partiront pas fi facilement une fe’çonde fois , furtout s’ils apperçoivent les Chalfeurs ; au contraire , ils le tapiront .con¬ tre terre , & fe cacheront de leur mieux ; [c] Rzaczynski , À u chiarium 8 Hift. nat , Pûlcn, page 2 2. [d] Klein, Hift . Avium prodromus y pag. ij*. le] Weigandt , Icco citato . [/] Rzaczynski 3 loeo çitatç* du petit Tétras. 2,43 tuais c'eft alors qu’il eft facile de les tirer. On voit qu’ils diffèrent des tétras noirs , non- feulement par la couleur , & par Puni - formité de plumage du mâle & de la fe- nielle; mais encore par leurs habitudes > puis¬ qu'ils ne fe perchent point; iis diffèrent aulîi des lagopèdes , vulgairement perdrix blan¬ ches , en ce qu’ils fe tiennent non fur les hautes montagnes , mais dans les bois & les bruyères ; d’ailleurs , on ne dit point qu’ils ayent les pieds velus jufque fous les doigts , comme les lagopèdes; & j’avoue que je les aurois rangés plus volontiers parmi les fran- colins ou attagas , que parmi les tétras , fi je n’avois cru devoir fou mettre mes con- jeélures à l’autorité de trois Ecrivains inf* truits 5 & parlans d’un oifeau de leur pays. c/Na M4 Hijlolre naturelle * L A GELINOTTE [ prend lui-même que l’oifeau qu’il a nommé perdrix de Damas , eft une efpèce différente de celle que les Auteurs ont appellée fyreper- dix 3 laquelle a le plumage noir & le bec rouge (c) ; 2°* en écrivant ce nom fyroperdix en caractères grecs, M. Briffon paroît vou¬ loir lui donner une origine grecque ; & ce¬ pendant Belon dit expreliément que c’eft un nom latin (d} : enfin il efi: difficile de com¬ prendre les raifons qui ont porté M. Briffon à regarder l’œnas d’Arifiote comme étant de la même efpèce que la gélinotte des Pyré¬ nées ; car Ariftote met Ion ornas > qui eif le yinago de Gaza , au nombre des pigeons , des tourterelles , des ramiers ( en quoi il a été fuivi par tous les Arabes ) ; & il affure pofi- tivement qu’elle ne pond , comme ces oi- feaux , que deux œufs à la fois ( Animait lib, VIII , cap. ur, Y 'N - â 5 S Hijloirc naturelle par cette railon on appelle dans le pays des v mettes. Il fuit de ce que Je viens de dire que le fyroperdix de Belon Sz. Varias d'Ariftote ne font point des gangas ou gelinottes-, des Py¬ rénées , non plus que Valchata > 1 ’ al fu achat y la filacotona 3 qui paroiiTcnt être autant de noms arabes de l’œnas 9 & qui certaine¬ ment défignent un. oifean du genre des pi¬ geons (A).. Au contraire Foifeau de Syrie que ML Edwards appelle petit coq de bruyère > ayant deux filets à la queue (i) & que les Turcs nomment cata s eft exactement le même que la gélinotte des Pyrénées : cet auteur dit que M. Shaw rappelle kittavïak & qu’il ne lui donne que trois doigts à chaque pied ; mais il exeufe cette erreur en ajoutant que le doigt poftérieur avoit pu échapper à M; Shaw , à caufe des plumes qui couvrent les jambes ; cependant il venait de dire plus haut dans fa deicription ? & on voit par fa figure 5 que c’eft le devant des jambes feule¬ ment qui eft couvert de plumes blanches » femblables à du poil : or «, il eft difficile de comprendre comment le doigt de derrière auroiî pu fe perdre dans ces plumes de de¬ vant ; il étoit plus naturel de dire qu’il s’é- toit dérobé à M. Shaw par fa petiteffe ; car il n’a pas en effet plus de deux lignes de (h) Voyez Gefner, de Naturâ Avïum pages 307 & V* 1- ( i ) Edwards 3 dentures , planche xux». / du Gang*. 2)9 longueur : les deux doigts latéraux font auffi fort courts , relativement au doigt du milieu ? & tous font bordés de petites dentelures comme dans le tétras. Le ganga ou la géli- notte des Pyrénées paroît avoir un naturel tour différent de celui de la vraie gelinotte ; car, i°* il a les ailes beaucoup plus longues, relativement à les autres dimenfions : il doit donc avoir le vol ou rapide ou léger , & eonfequemment avoir d’autres habitudes s d’autres mœurs qu'un oifeau pelant ; car l'on fait combien les mœurs & le naturel d’un animal dépendent de les facultés ; -2Q* nous- voyons par les obfervafions du doûeur Rouflel , citées dans la defcription de M, Edwards, que cet oifeau qui vole par trou¬ pes , fe tient la plus grande partie de l’année dans les déferts de la Syrie , & ne fe rap¬ proche de la ville d’Alep que dans les mois de mai & de juin * & lorfqu'il eft contraint par la foif de chercher les lieux où il y a de l’eau : or , nous avons vu dans l'hiftoire de la gelinotte que c’eft un oifeau fort peu¬ reux , Sc qui ne fe croit en sûreté contre la ferre de l’autour , que lorfqu’il eft dans les bois les plus épais ; autre différence qui n'eff peut-être qu'une fuite de la première , & qui jointe à plufieurs autres différences de dé¬ tail faciles à faifir par la comparai fon des ffgures & des defcriptions , pourroit faire douter avec fondement fi l’on a eu raifon de rapporter à un même genre des natures aufli diverfes, Le gungu que les Catalans appellent i6o H 1 flaire naturelle, suffi fer dix de Garrzra ( k ) , efl à- peu-prè$ de la groffieur d’une perdrix grife ; elle a le tour des yeux noir , &. point de flammes ou four- cils rouges au~deffus des yeux ; le bec pref* que droit, l’ouverture des narines à la bafe du bec fupérieur & joignant les plumes du front, le devant des pieds couvert de plu¬ mes jufqu’à l’origine des doigts , les ailes a fiez longues , la tige des grandes plumes des ailes noire ; les deux pennes du milieu de la queue une fois plus longues que les autres , & fort étroites dans la partie excé¬ dante ; les pennes latérales vont toujours en s’ac cour ciffant de part & d’autre jufqu’à la derniere (/). Il efl à remarquer que de tous ces traits qui caraélérifent cette prétendue gélinotte des Pyrénées, il n’y en a peut-être pas un feul qui convienne exactement a la gélinotte proprement dite. La femelle efl de la même groffieur que le mâle ; mais elle en diffère par fon plumage , dont les couleurs font moins belles , & par les filets de fa queue qui font moins longs: il paroît que le mâle a une tache noire fous la gorge , & que la femelle , au lieu de cette tache , a trois bandes de la même couleur qui lui embraffent le cou en forme de col¬ lier. Je n’entre pas dans le détail des couleurs du plumage 3 la figure enluminée les préfente (A) Barrere, Ornith. claffe IV , genre xv, efpèce 5, (/) Voyez les defcriptions de MM. Edwards & Brif- fgn -, tant p$ar ce qui précède que pour ce qui fuit» du Gan*a> zèz avec exaâitude ; elles fe rapportent ailes avec celles de l’oifeau connu à Montpellier fous le nom d ’angel, les terreins incultes- & ftériles ; la cou- leur de fon corps eft un brun-bleuâtre ta- r> cheté de noir ; il a le ventre noirâtre & un v croiffant jaune fous la gorge ; chaque plu- v me de la queue a une. tache blanche à fon extrémité , & celles du milieu font longues n & pointues comme dans le merops ou guef- 33 pier : du reffe fa chair eft rouge fur la poi= v trine ; mais celle des cuiffes eft blanche ; 3? elle eft bonne à manger & de facile digef* 33 tien \ lé 4 fjfi (loin naturelle L’AIT A G À S {a). (>et oifeau eft le francolin de Belon., qu'il ne faut pas confondre , comme ont fait quel¬ ques Ornithologiffes , avec le francolin qu’a décrit Olina (b) ; ce font deux oifeaux très- différens , foit par la forme du corps , foit par les habitudes naturelles ; le dernier fe tient dans les plaines & les lieux bas : il n’a point ces beaux fourcils couleur de feu , qui donnent à l’autre une phyfionomie fi diftin- guée ; il a le cou plus court , le corps plus ramaffê , les pieds rougeâtres garnis d’épe¬ rons & fans plumes , comme les doigts fans dentelures 9 c’eft - à - dire 5 qu’il n’a prefque rien de commun avec le francolin dont il s’agit ici , & auquel , pour prévenir toute équivoque 5 je conferverai le nom d ’Attagas, qui lui a été donné ? dit-011 , par onomatopée , & d’après fon propre cri. Les anciens ont beaucoup parlé de Vatta* 1 . WMIWW.1I ■ni 11 1 — ■'■■■ I»* (a) En Grec , ; en Latin Attagas ou Atta - gen j en Anglois , Redgame. Attagcn , Gefner , Avi , pag. 22f. - =» Francolin. Belon , Hi.fi, nat « des Oifeaux , pag. 241 . Coq de marais. Albin , tom. I , planche XXIII, le mâle ; & planche xxi-v, la femelle. Attagen , Frifch , planche exil , avec une figure bien coloriée de la femelle. • » La gélinotte huppée. Brillon , tom. I 9 pag. 209. (b) Oüna , Uccèllaria , pag . 33, de l'Attapas. U &is ou attagen ( car ils emploient indifférem¬ ment ces deux noms ). Alexandre Myndien nous apprend dans Athénée i^c) qu’il étoit un peu plus gros qu’une perdrix , & que fon plumage , dont le fond tiroit au rougeâtre , étoit émaillé de plufieurs couleurs. Arifto- phane ayoit dit à-peu-près la même chofe ; mais Ariftote , félon fon excellente coutume de faire connoître un objet ignoré , par fa comparaison avec des objets communs, com¬ pare le plumage de l’attagen avec celui de La fcécaffe ( ) (i). Alexandre Myndien ajoute qu’il a les ailes courtes & le vol pe¬ lant ; & Théophraite obferve qu’il a la pro¬ priété qu’ont tous les oifeaux pefans , tels que la perdrix , le coq , le faifan , &c. de naître avec des plumes , & d’être en état de courir au moment qu'il vient d’éclore : de plus , en fa même qualité d’oifeau pefant , il eft encore pulvérateur & frugivore ( e ) , vi¬ vant de baies & de grains qu’il trouve , tan¬ tôt fur les plantes mêmes , tantôt en grattant la terre avec fes ongles^/) ; & comme il (c) Athénée , Iib, IX. (d) Ariftote, Hifi. Animal. Iib. IX , cap. xxvî. ( e ) Nota. Les Anciens ont appelle pulveratrices , îe oifeaux qui ont Tinftincl de gratter la terre, d’élever 1 j&oufftere avec leurs ailes; 6c en fe poudrant, pour air. dire , avec cette pouftiere , de fe délivrer de la piqûre des infectes qwi les tourmentent; de même que les oi¬ feaux aquatiques s’en délivrent en arrofant leurs plù« mes avec de l’eau. (/) Ariftote , Hijl. Animal. Iib, IX , cap. XLlXo Qi féaux , Tam. II J , Z> p z66 Hlflolre naturelle court plus qu'il ne vole , on s’eft avixè de le c halle r au chien courant , & on y a réuffi {2: j. Pline , Élien & quelques autres difent que ces oifeaux perdent la voix en perdant la liberté j & que la même roideur de naturel qui les rend muets dans l’état de captivité * les rend auflî très difficiles à apprivoiser (A). Varron donne cependant la maniéré de les élever, & qui eit à-peu-près la même que celle dont on élevoit les paons , les fai- fans , les - poules de Numidie , les perdrix * Pline affure que cet oife.au , qui avoit été fort rare , étpit devenu plus commun de fou temps ; qu’on en trouvoit en Efpagne , dans la Gaule , & fur les Alpes ; mais que ceux d’Ionie étoient les plus effimésfÆ; : il dit ailleurs qu’il n’y en avoit point dant l’isl& de Crète [Z], Ariftophane parle de ceux qui fe trou voient aux environs de Mégare , dans PAchaïe [m], Clément d’Alexandrie nous ap¬ prend que ceux d’Egypte étoient ceux dont les gourmands faifoient le plus de cas : il y (g) Oppien , in Ixer.tlsis. Cet auteur ajoute qu’ils ai¬ ment les cerfs , & qu’ils ont au contraire de l’antipa¬ thie pour les coqs. (h) Pline, HiJL nat . lib. X , cap. xlviiî. Socrate Elien, dans Athénée. (i) Varron, Geopon, Grac. à l'article du Falfan t (A) Pline , Hifi. nat. lib, X , cap. XUX. (/} Lhm , lib. XIII , cap. lyiii. (m) Ariftophane * in Acharncnjlbus^ de f Attagas, z&y en avoit auffi en Phrygie , félon Aulugelîe 5 qui dit que c’eft un oifeau afiatique. Apicius donne la maniéré d’apprêter le francolin , qu'ii joint à la perdrix [n] ; & St. Jérôme en parle dans fes lettres comme d’un morceau tort recherché ( tcm. I 22, (y) Ibidem , pag, 21, (?)Jondon, Charleton , Sec, (a) Britifçh Zoology, pag. 85. 70 Hijîoire naturelle âéniiêe de ces plumes noires pcintillées de blanc 9 qui forment au rnâle une huppe fur 3a tête, & fous le bec une efpèce de bar¬ be [ b ], Le mâle & la femelle ont la cmeue à-peu- nre comme ia perdrix , mais un peu plus *ongue; elle eft compofée de (eize pennes, & les deux du milieu font variées des mê¬ mes couleurs que celles du dos , tandis que toutes les latérales font noires; les ailes font fort courtes , elles ont chacune vingt-quatre >enne s ; Se c’eft la troifieme à compter clu bout de l’aile qui eft la plus longue de tou¬ tes : les pieds font revêtus de plumes juf- qu’aiix doigts, félon M. Brillon; & jufqu’aux ongles , félon Willulghby : ces ongles font noirâtres, ainfi que le bec; les doigts grisT >c bruns, & bordés d’une bande membraneuse étroite & dentelée. Belon affure avoir vu dans le même temps à Venife des franc clins [c’eft ainfi qu’il nomme nos attagas ] dont le plumage étoit tel qu’il vient d‘être dit; & d’autres qui croient tout blancs , & que les Italiens appelloient du même nom de franco - lins . Ceux-ci reffembloient exaâement aux premiers , à l’exception de la couleur ; & d’un autre côté iis a voient tant de rapport avec la perdrix blanche de Savoie , que Be¬ lon les regarde comme appartenans à Pef- pèee que Pline a défignée fous le nom de h go- pus altéra [c] : félon cette opinion qui me farcit Ç?) Atdrovande , de Avilies, tora. II , pag, 7 6, (c) Belon, Nature des 0 if eaux , pag, 242, de tJtragas. 272 fondée, Yattagen de Pline feroit notre attagas à plumage varié ; & la fécondé efpèce de la- gopus feroit notre attagas blanc , qui diffère de l’autre attagas par la blancheur de fon plu¬ mage , & de la première efpèce de lagopus appellée vulgairement perdrix blanche , foit par fa grandeur 9 foit par fes pieds qui ne font pas velus en deffous. Tous ces oifeaux , félon Belon , vivent de grains & d’infeâes; la Zoologie Britan¬ nique ajoute les fommités de bruyere [d\ & les baies des plantes qui croiffent fur les montagnes. L’attagas eff en effet un oifeau de mon¬ tagne ; Willulghby affure qu’il defcend ra¬ rement dans les plaines , & même fur le pen¬ chant ces coteaux [ e ] , & qu’il ne fe plaît que fur les fommets les plus élevés ; on le trouve fur les Pyrénées , les Alpes , les mon¬ tagnes d’Auvergne , de Dauphiné , de Suiffe 9 du pays de Foix, d’Efpagne , d’Angleterre, de Sicile , du pays de Vicenfe , dans la Lap- ponie [/] ; enfin fur l’Olympe en Phrygie 9 où les Grecs modernes l’appellent en langue vulgaire taginari [g] , mot évidemment formé de rxy puàtpiog que Fon trouve dans Suidas , & qui vient lui-même d’attagen ou attagas , lequel le nom primitif. (d) Britifch Zoclogy , pag. (e) Willulghby, Ornithologia , pag. 12$. (f) Voyez Klein , Jtiji. avitcm , pag. Y75, {§) Belon, Nature du Oifeaux, pag. 242. Z 4 Hifioîrc naturelle ke Quoique cet oifeau foit d’un naturel très fauvage , on a trouvé dans Pifie de Chypre , comme autrefois à Rome , le fecret de le nourrir dans des volières [A] , fi toutefois l’oifeau dont parle Alexander Benedictus eft notre attagas ; ce qui m’en feroit douter c’efl que le francolin repréfenté , plan ccxlvi d’Edwards , & qui venoit certaine¬ ment de Pille de Chypre, a beaucoup moins de rapport au nôtre qu’à celui d’Olina , & que nous (avons d’ailleurs que celui - ci pouvoit s’élever & le nourrir dans les vo¬ lières [i]. Ces attagas domefliques peuvent être plus crue les fauvage s ; mais ceux-ci font tou- gros jours préférés pour le bon goût de leur chair j on les met aii-defius de la perdrix : à Rome , un franeolïno s’appelle par excellence un mor¬ ceau de Cardinal [k] ; au relie , c’eft une viande qui fe corrompt très promptement , & qu’il eft difficile d’envoyer au loin ; auffi les chaffeurs ne manquent-ils pas dès qu’ils les ont tués , de les vider & de leur remplir dit la are le ventre de bruyere verte (/). Pli même chofe du lagopus (m) ; & il faut avoue que tous ces elle aux ont beaucoup de rap port les uns avec les autres. (h) Gefner , de Naturel avium , pag. 2-27, (i) Olina, Uccellaria , pag. 33» { k ) Gefner, pag. 22$. (/) Willuîghby , pag. 128. (ni) Pline , lib. X , cap xlviii. de l' Attagas • 273 Les attagas fe recherchent & s’accouplent au printemps : la femelle pond fur la terre comme tous les oifeaux pefans ; fa ponte eft de huit ou dix œufs , aigus par l’un des bouts, longs de dix -huit ou vingt lignes, pointillés de rouge-brun , excepté en une ou deux places aux environs du petit bout : le temps de l’incubation eft d’une vingtaine de jours ; la couvée refte attachée à la mere , & la fuit tout l’été ; l’hiver , les petits ayant pris la plus grande partie de leur accroiïie- ment, fe forment en troupes de quarante ou cinquante , & deviennent ftnguliérement fa ri¬ vages : tant qu’ils font jeunes , ils font fort fujets à avoir les inteftins farcis de vers ou loinbrils ; quelquefois on les voit voltiger ayant de ces fortes de vers qui leur pendent de l’anus de la longueur d’un pied \n\. Préfentement fi l’on compare ce que les Modernes ont dit de notre attagas , avec ce que les Anciens en avaient remarqué, en s’appercevra que les premiers ont été plus exacts à tout dire ; mais en même temps on reconnoîtra que les principaux caractères avoient été très bien indiqués par les an¬ ciens ; & l’on conclura de la conformité de. ces caraâeres , que Y attagen des anciens & notre attagas font un feul & même oi- feau. (n) Willulghby , à ly endroit cité ; o t Britifch Zeologv, pag. 86. Mais ne feroit-ce pas la verge de ces oi eaux qu’on auroit prife pour un ver , comme j’ai vu des pou* lets s’y méprendre à l’égard de la verge des canards. 274 Hîftoîre natunth Au relie , quelque peine que faye prife pour démêler les propriétés qui ont été at¬ tribuées pèle - mêle aux différentes efpèces d’oi beaux auxquelles on a donné le nom de francolin ; & pour ne donner à notre attagas que celles qui lui convenaient réellement, je dois avouer que je ne fuis pas sûr d’a¬ voir toujours également réuffi à débrouiller ce chaos ; & mon incertitude à cet égard ne vient que de la licence que fe font donnée plusieurs Naturalises , d’appliquer un même nom à des efpèces différentes, & plufieurs noms à la même efpèce ; licence tout -à-fait déraifonnafcle , & contre laquelle on ne peut trop s’élever , puifqu’elle ne tend qu’à obf- curcir les matières , & à préparer des tor¬ tures infinies à quiconque voudra lier fes propres connoiffances & celles de ion fié- cle , avec fes découvertes des fiècles gré fédens* Je £ Attagas blanc. 37 j L’ATTAGAS BLANC c ETcifeau fe trouve furies montagnes de Suilfe & fur celles qui font autour de Vicen- fe : je n’ai rien à ajouter à ce que j’en ai dit dans l’iiilloire de l’attagas ordinaire , ftnon eue Poifeau dont Geiher a fait la fécondé efpèce de lazovus , me fenibîe être un d ces attagas Lianes , quoique dans ion piumag le blanc ne foit pur que fur le ventre oc iur les ailes , & qu’il foit mêlé plus ou moins de brun & de noir fur le relie du corps ; mais nous avons vu ci - defius que , parmi les attagas, les mâles avGientmoins de blanc que les femelles ; de plus , on fait que la couleur des jeunes oifeaux , & furtout des oifeaux de ce genre , ne prend guere fo confiltance qu’après la première année ; & comme d’ailleurs tout le refie de la deicrip- tion de Gefner femble fait pour caraâérifer un attagas , fourcils rouges, nus 5 arrondis & faillans ; pieds velus jufqu’aux ongles , mais non par-deffbus ; bec court & noir; queue courte aufli habitation fur les montagnes de Suiffe , Sx. je penfe que Poifeau décrit* par Gefner é toi t un attagas blanc r & que (a) Gefner * Altcrum Lzgov&dis gains ; de avlbus * pa g, m * 2j6 Hijioire naturelle c’étoit un mâle encore jeune , qui n’avoit pas pris tout fon accroiffement , d’autant qu’il ne pefoit que quatorze onces , au lieu de dix-neuf, qui eft le poids des attagas ordi¬ naires. J’en dis autant, & pour les mêmes râl¬ ions , de la troifieme efpèce de lagopus de Gefner [b] . & qui paroît être le même oifeau que celui dont le Jéfuite Rzaczynski parle fous le nom Polonois de Parowa [c~\. Ils ont tous deux une partie des ailes & le ventre blancs , le dos & le refte du corps de cou¬ leur variée ; tous deux ont les pieds velus , le vol oeiant , la chair excellente , & font de la groffeur d'une jeune poule. Rzaczynski en reconnoît deux efpèce s : l’une plus petite , que j’ai ici en vue ; l’autre plus greffe , & qui pourroit bien être une efpèce de géli- linotte : cet auteur ajoute qu’on trouve de ces oi féaux parfaitement blancs dans le Pa- latinat de Novogrod. Je ne range pas ces oi- feaux parmi les lagopèdes , comme a fait M. Bnffon de la fécondé & de la troifieme ef- pèce de lagopus de Gefner, parce qu’ils ne font pas en effet lagopèdes , c’eft - à - dire , qu’ils n’ont point les pieds velus par- de f- fous , & que ce caraftere efl d autant plus décifif qu’il efl plus anciennement reconnu , & que par conséquent il paroît avoir plus de confiftance. * (£)Gefner, Alterum Lagcpoâis genus : de avibus , pag. J79> [c] Rzaczynski ^Auüuarium Volonuz^pag, 4/06* 41 du Lagopède. 2.7 7 * LE L A G O P È D E (a) Voye^ planche VI de ce Volume > n^% i , avec fon plumage d'hiver & nQ . 2 5 avec fort plumage d'été, (_>it oifeau eft celui auquel on a donné le nom de Perdrix blanche , mais très impropre¬ ment 5 puifque ce n’eft point une perdrix , & qu'il n’eft blanc que pendant l’hiver ^ & à caufe du grand froid auquel il eft expoié pen¬ dant cette faiion fur lés hautes montagnes des pays qu Nord , ou il fe tient ordinaire¬ ment. Àriftote , qui ne connoiffoit point le lagopède , favoit que les perdrix 9 les cailles 9 les hirondelles , les moineaux , les corbeaux & même les lièvres , les cerfs & les ours * éprouvent 5 dans les mêmes circonftances 9 le même changement de couleur (£). Scali- * Voye i les planches enluminées 3 n°. 129, avec fort plumage d’hiver ; 5c nQ. 494 , avec fon plumage d'été, (a) Le Lagopède. Lagopus , Gefner , Avi. page 576. Perdix alha five lagopus. Aldrovande , Avi. tom , 11 , pag. 143. — Perdrix blanche. Belon , Hifi. nat. des Oifeauxy pag. 2f). — Lagopus , Frifch , planches ex êc exi , avec des figures coloriées. --- La gelinotte blanche. Brifton , Ornithologia , tom. /, pag. 216. ( b ) Ariftote , de Colofibus, cap, VI ; & Hijî . Animi Isb » III j Cap, X I ! a e% Hifloîrc naturdL .Æ ger y ajoute les aigles, les vautours, les éperviers , les milans , les tourterelles , les renards [c] ; &. il feroit facile allonger cette lifte du nom de plufteurs oifeaux &i quadru¬ pèdes , fur lefquels le froid produit ou pour- roit produire de femblables effets ; d'où il fuit que la couleur blanche eft ici un attri¬ but variable , & qui ne doit pas être em¬ ployé comme un caractère diftinélif de l’ef- pèce dont il s'agit ; 61 d’autant moins que plufleurs efpèces du même genre, telles que celles du petit tétras blanc ? félon le dofteur Weigandt [a] & Rzaczynski [y] , & de l’atta- -gas blanc , félon Selon [/J 5 lont fujettes aux mêmes variations dans la couleur de leur plumage; & il eft étonnant que Frifch ait ignore que fon francolin blanc de montagne s .qui eft notre lagopède , y fût suffi fujet ; où que l'ayant fu 9 il n'en ait point parlé : il dit feulement qu’on lui avoit rapporté qu’on ne vcyoit point en été des francoiins blancs ; & plus bas il ajoute qu’on en avoit quelque¬ fois tiré | fans doute en été ] qui avoient les ailes & le dos bruns , mais qu’il n’en avoit jamais vu ; c’étoit bien le lieu de 4iire que ces oifeaux n’étoient blancs que l’hiver * &c. [g] (c) Scaîiger , Exzrciiaîioms in Cardan urn , fil. SS & S). ( à) Voyc\ A clés de sresîaw , Novembre 1755 , claHe IV , art. vil , pag. 30 ol Cu i v . ft) Rzaczynskv , jaidhiarium Polonia , pag. j\ztt (f) B don , N at un des Oifeaux ? pag. z^z. {g) Léonard Frifch , planches ex &. cxr* du Lagopède» Ijÿ JVi dit qu'Ariftote- ne connoifToit pas no¬ tre lagopède ;& quoique ce foit un fait né¬ gatif , j’en ai la preuve pofitive dans ce paflage de fon hiiloire des animaux. , cil il allure que le lièvre ell le feul animal qui ait # du poil fous les pieds ( h ) ; certainement s’il eut connu un oifeau qui eût eu aulli du poil fous les pieds , il n’auroit pas manqué d’en faire mention dans cet endroit , ou il s’occupoit en général, félon fa maniéré, de ia comparaifon des parties correi pondantes dans les animaux , & par conféquent des plumes des oi féaux , ainii que des poils des quadrupèdes. Le nom de lagopède , que je donne à cet oifeau , n’efl rien moins qu’un nouveau nom ; c’eflau contraire celui que Pline & les Anciens lui ont donné (i ) , qu’on a mal - à - propos appliqué à quelques oifeaux de nuit , lefquels ont le deflus & non le de flous des pieds 9 garni de plumes ( k ) ; mais qui doit être confervé excluüvement à l’efpèce dont il s’agit ici , avec d’autant plus de raifort qu'il exprime un attribut unique parmi les oi- féaux , qui eft d’avoir , comme le lièvre 9 le deflbus des pieds velus ^Z). (h) Âriûote, Irb. III, cap. xir. (i) Pline, Hifi. nat, Lib.X, cap, XLVllï. fk) Si mens durit u gau a et lagope faccns, Martial. Ü v i Cible eue ie pcete entend parler du duc dans CQ palTage ; mais îe dàuc n'a pas le pied velu par-deilous, (Z) Voyez Selon , Nature des G 'féaux , pag. 259 ; Wiîlulghby , pag. 127 j Ôt Klsift , Frudrom , hifi. a u9 '73* l3o Hi /voire naturelle J Pline ajoute à ce caraâere diftinâif du Idiopus ou lagopède , fa groffeur , qui eft celle d’un pigeon ? la couleur qui eft blanche , la qualité de la chair qui eft excellente , fon féjour de préférence qui eft le femmet des Alpes y enfin 9 fa nature qui eft d’être très ^auvage & peu fufceptible d'être apprivoifé; il finit par dire que fa chair fe corrompt fort promptement. L’exaâitude laborieufe des Modernes a complété cette description à l’antique , qui ne préfente que les maflès principales ; le pre¬ mier que les malles principales ; le pr< 'ait qu’ils ont ajouté au tableau, & qui n’eut point échappé à Pline S’il eut vu l’oifeau par lui-même,, c’eft cette peau glan- duleufe qui lui forme au - deflus des yeux des efpèces de fourcils rouges , mais d’un rouge plus vif dans le mâle que dans la femelle ; celle-ci eft aufli plus petite , & n a point fur la tête les deux traits noirs qui » dans le mâle, vont de la bafe du bec aux yeux , & même au-delà des yeux en fe dirigeant vers les oreilles: à cela près , le mâle & la femelle fe reffemhlent dans tout le refte , quant à la forme extérieure ; & tout ce que j’en dirai dans la fuite fera commun à l’un & à l’autre. La blancheur des lagopèdes n’eft pas uni- verfelle & fans aucun mélange dans le temps même où ils font le plus blancs , c’eft-à- dire , au milieu de l’hiver ; la principale ex¬ ception eft dans les pennes de la queue , dont la plupart font noires avec un peu de blanc à la pointe ; mais il paroît par les descrip¬ tions , que ce ne font pas c enflamment les mêmes du Lagopède, 28 £ Thèmes pennes qui faut de cette couleur. Linnæus , dans fa Fauna Suecïca , dit que ce font les pennes du milieu qui font noires ( m) ; & dans fon Syjîema Nature z , il dit (ri) , avec M. Briffon & Willulghby ( 0 ) , que ces mêmes pennes font blanches & les la¬ térales noires. Tous ces Naturaliftes n'y ont pas regardé d’aflez près : dans le fujet que nous avons fait deiHner 5 & dans d’autres que nous avons examinés , nous avons trouvé la queue compofée de deux rangs de plumes l’un fur l’autre ; celui de defîus blanc en entier , & celui de de flou s noir , ayant chacun quatorze plumes (y). Klein parle d’un oifeau de cette efpèce qu’il avoit. reçu de Pruffe , le 20 janvier 1747, & qui étoit entièrement blanc , excepté le bec , la partie inférieure de la queue & la tige de flx pennes de l’aile. Le Pafteur Lappon Samuel Rhéen , qu'il cite , allure que fa poule de neige , qui efl: notre lagopède , n'avoit pas une feule plume noire * excepté la femelle qui en avoit une ( m ) Tctrao reclriclbus albis albis. Faun . Suce. n° . 160 . intzrmzâiLS mgns , apte s (n) Tetrao pedibus lanatls , rem: gibus a Ibis , te Fric ' - bus ni z~is , api ce albis , intermediis totis albis, Syfi . nai . edit. X , pag. îpo , nQ . )\ , art. iv, (o) Willulghby , pag, izj , nq. y. (p) Nota, On ne peut compter exactement îe nombre de ces plumes qiren déplumant , comme nous l'avons fait , le deffus 6c le de (Tous du croupion de ces oifeaux ; 6c c'eft ainfe-que nous nous femmes affure qu’il y en a quatorze blanches en deffus 6c quatorze noires sa deffeus. A a %61 de cette ififtoire naîunlh couleur a chui que aile ( q) ; & Ï2 perdrix blanche dont parle Gefner (/g) , étoit en effet toute blanche , excepté autour des- c/reilles , ou elle avoir quelques marques noires ; les couvertures de la queue qui lont blanches & s’étendent par toute fa longueur* & recouvrent les plumes noires , ont donné lieu à la plupart de ces méprifes. M. Briffon compte dix-huit pennes dans la queue, tandis que Willulghby & la plupart des autres Ornithologiftes n’en comptent que feize , & qu’il n’y en a réellement que quatorze : iï iemble que le plumage de cet oifeau * tout variable qu’il eft , eft fujet à moins de va¬ riétés que l’on n’en trouve dans les def- (Triplions des Naturalises [ ^ ]* Les ailes ont (q) Klein, psg ï7j> (r) Gefner, pag. 577, (s) Nota. Ï1 n?eft pas étonnant qtrs tes Auteurs dn£* fèrent du blanc au noir fur la couleur des plumes la-» téraîes de la queue de cet oifeau ; car en déployant étendant cette queue avec la main , on eft abfolument le maître de terminer les côtés par des plumes noires ou par des plumes blanches , parce qu'on peut les- étendre 5 1 les placer également de coté, M. d’Àubenton- le jeune , a très bien remarqué quhi y auroit encore nne autre maniéré de fe décider ici fur la contradiction- «les Auteurs, & de reconnoitre évidemment que la queue Ji’eft compofée que de quatorze plumes toutes noires 9 à l’exception de ia plus extérieure qui eft bordée de blanc près de fon origine, 5c de la pointe qui ed blanche dans toutes, parce que les tuyaux de ces qua¬ torze plumes noires font plus gros du double que les tuyaux des quatorze plumes blanches , qu’ils font ïmoins avancés , ne recouvrant pas même%en entier les lujatix plumes noires $ en forts qu’ojvpeut çrokt du Lagopède, 2^3 vingt-quatre pennes, dont la troifiéme, à comp¬ ter de la plus extérieure , eft la plus lon¬ gue ; & ces trois pennes , ainfi cpae les trois Suivantes de chaque coteront la tige noire lors même qu’elles font blanches (* *) ; le duvet qui environne les pieds & les doigts jufqu’aux ongles , eft fort doux & fort épais , & Ton n’a pas manqué de dire que c’étoit des efpèces de gands fourrés que la Nature avoit accordés à ces oifeaux , pour les ga¬ rantir des grands froids auxquels ils font ex- polés ; leurs ongles font fort longs , même celui du petit doigt de derrière ; celui du doigt du milieu eft creufé par - défions , fé¬ lon fa longueur , & les bords en font tran- chans , ce qui lui donne de la facilité pour fe creufer des trous dans la neige. Le lagopède eft au moins de la groffeur d’un pigeon privé , félon Willulghby ; il a quatorze à quinze pouces de long, vingt- un à vingt- deux pouces de vol, &pèfe qua¬ torze onces \ le nôtre eft un peu moins gros : mais M. Linnæus a remarqué qu’il y en avoit de différentes grandeurs , & que le plus petit cle tous étoit celui des Alpes u) ; il eft vrai qu’il ajoute au même endroit, que eue ces plumes blanches ne fervent que de couvertures, que' que les quatre du milieu foient aufli grandes que les no-res, lelqueues font a très peu pies tou-tes egaie- ment longues. O * Voye\ us planches enlumine zs , nQ. 129* (?) Linnæus, Fauna 'Sueçïca , pttg. 169. Aa 3 ;S4 HiJIoire naturdh cet oifeau fe trouve dans les forêts des pro¬ vinces du Nord, & furtout de la Lapponie, ce qui me feroit douter que ce fût la même cfpè.ce que notre lagopède des Alpes , qui a des habitudes toutes différentes , puifqu’il ne fe plaît que fur les plus hautes montagnes ; à moins qu’on ne veuille dire que la tempéra¬ ture qui rèpne fur la cîine de nos Alpes , eft à-peu-pres la même que celle des vallées & des forêts de Lapponie ; mais ce qui achève de me perfuader qu’il y a ici confufion d’efpèces, c’efl le peu d’accord des Ecrivains fur le cri du lagopède. Belon dit qu’il chante comme la perdrix (// ) ; Gefner, que fa voix a quelque chofe de celle du cerf [ x ] : Linnæus compare ion ramage à un caquet babillard & à un rire moqueur. Enfin, Willulghby parle des plu¬ mes des pieds comme d’un duvet doux [ plu- mulis moüïbus ] , & Frifch les compare à des foies de cochon (y). Or, comment rappor¬ ter a la même efpèce , des oifeaux qui dif¬ fèrent par la grandeur , par les habitudes na¬ turelles , par la voix , parla qualité de leurs plumes; je pourrois encore ajouter parleurs couleurs : car nous avons vu que celle des pennes de la queue n’eft rien moins que confiante ; mais ici les couleurs du plumage font fi variables dans le même individu , ciu’il ne feroit pas raifonnable d'en faire le caracfere (u) Belon, Nature des Oifeaux , pag< 2j), (x) Gefner , pag. 57S. ( y) Frifch^ Nature des Oifeaux , planche CV, du Lagopède* 28 de Pefpèce : je me crois donc fondé à répa¬ rer le lagopède des Alpes , des Pyrénées & . autres montagnes labiés , d'avec les oi- feaux de meme genre qui fe trouvent dans les forêts & même dans les plaines des pays feptentrionaux , 6: qui paroifîent être plutôt des terras , des gelinottes ou des attagas ; 6e en cela je ne fais que me rapprocher de l'opinion de Pline , qui parle de fon Lippus comme d’un oifeau propre aux Alpes. Nous avons vuei-deffus, que le blanc étoit fa livrée d’hiver; celle d’été confifte en des taches brunes femées fans ordre fur un fond blanc : on peut dire néanmoins qu’il n’y a point d’été pour lui , & qu’il eft déterminé par fa finguliere organifation à ne fe plaire que dans une température glaciale : car à mefure que la neige fond fur le penchant des montagnes , il monte & va chercher fur les fommets les plus élevés , celle qui ne fond jamais ; non- feulement il s’en approche , mais il s’y c ren¬ ie des trous , des efpèces de clapiers , où il fe met a l’abri des rayons du foleil qui pa- roiflent l’offufquer ou l’incommoder ( 7 ) : il feroit curieux d’obferver de près cet oifeau , d’êtudier fa conformation intérieure , la ftruc- ture de fes organes , de démêler pourquoi le froid lui eftfi néceiïaire, pourquoi il évite le foleil avec tant de foin , tandis que prefqtie tous les êtres animés le défirent, le cherchent, le faluent comme le pere de la Nature, & re¬ çoivent avec délices les douces influences de Cl) Selon, psg. a 55». iS?S Hljtolre natnfdle fa chaleur féconde & bicnfaifante ; feroit- CC par les mêmes caufes qui obligent les ci (eaux, de nuit à fuir la lumière ? ou les lagopèdes feraient - ils les chacrelas de la famille des oi féaux ? Quoi qu'il en foït ? on comprend bien qu’im oifeau de cette nature eft dkhcile à apprivoi- fer ; & Pline le dit expreffément , comme nous Pavons vu : cependant Redi parle de deux lagopèdes qu’il nomme perdrix blanches des Py~ renées . & qu’on a voit nourries dans la voîiere du jardin de B aboli , appartenant au grand Duc [a]. Les lagopèdes volent par troupes , & ne volent jamais bien haut, car ce font des ci- féaux pefans : lorfquTls voient un homme 3 ils reftent immobiles fur la neige pour n’être point aperçus ; mais ils font fouvent trahis par leur blancheur qui a plus d’éclat que la neige même. Au refte, foit ftupidité, foit in¬ expérience , ils fe famiïiarifent allez ai fé ment avec l’homme; fouvent pour les prendre il ne faut que leur préfenter du pain , ou même faire tourner un chapeau devant eux , & fai- fir le moment où iis s’occupent de ce nouvel objet pour leur palier un lacet dans le coisi,, ou pour les tuer par-derriere à coups de per¬ ches {b) ; on dit même qu’ils noieront jamais franchir une rangée de pierres alignées grof- fierement , comme pour faire la première ai- (a) Voye ^ Collégien Acad, paille étrangère , îor&> I? pag. 520. [b) Gefnç r , psg. $7 $> du Lagopkfe. 2%*? ftie d\me muraille , & qu’ils i ron t conff arriment tout le long de cette humble barrière , juf- qu’aux pièges que les chaffeurs leur ont pré- parés. Ils vivent des chatons des feuilles &: cîes jeunes pouffes de pin, de bouleau, de bruyere^ de myrtille , & d’autres plantes qui croiffent ordinairement fur les montagnes fc] ; & c’ait fans doute à la qualité de leur nourriture qu’on doit imputer cette légère amertume qu’on reproche à leur chair {d) , laquelle eff d’ail¬ leurs un bon manger : on la regarde comme viande noire , & c’efc un gibier très commun ^ tant fur le mont Cenis que dans toutes les villes &l villages à portée des montagnes de Savoie (e) ; j’en ai mangé ? & je lui trouve beaucoup de reffemblance pour le goût avec la chair du lièvre. Les femelles pondent & couvent leurs œufs à terre, ou plutôt fur les rochers (/) ^ e’eft tout ce qu’on fait de leur façon de fe multiplier : il faudroit avoir des ailes pour étu¬ dier à fond les mœurs &les habitudes des oi- féaux , & furtout de ceux qui ne veulent point fe plier au joug de la doniefticité , Se qui ne fe plaifent que dans des lieux inhabi¬ tables. Le lagopède a un très gros jabot , un gé- (c) Wiliuîghby ♦ pag. 127; Klein * pag. 1x6, (a) Gefner , pag. 578, (e) Belon , pag. 259. (/) Gefner , pag. 5:7$ , Rzaczynskî,. psg. 41 î> o> V 2,83 Hijîolre naturelle fier mufciileux , ou l’on trouve de petites pierres mêlées avec les alimens ; les inteftins longs de trente-fix à trente-fept pouces ; d gros cæcum cannelés & fort longs , mais de longueur inégale , félon Redi , & qui font fouvent pleins de très petits vers [g] ; les tu¬ niques de linteftin grêle , préfentent un 1 é- feau très curieux , formé par une multitude de petits vaiffeaux , ou plutôt de petites rides difpofées avec ordre & fymétrie \K\ : on a re¬ marqué qu’il avoir le cœur un peu plus petit, & la rate beaucoup plus petite que l’at- tagas [ij ; & que le canal cynique & le con¬ duit hépatique ailoient fe rendre dans les in¬ teftins féparément , & même aune affez gran¬ de diftance l’un de l’autre (Pp Je ne puis finir cet article fans remarquer 9 avec Àldrovande 5 que parmi les noms divers qui ont été donnés au lagopède , Gefner pla¬ ce celui (Turblan comme un mot italien en tifage dans la Lombardie ; mais que ce mot eft tout-à-fait étranger & à la Lombardie & à toute oreille italienne : il pourroit bien en être de même de rhoncas & de herbey , autres noms que , félon le même Geiiier , les Gri- (g) ColîêcHon Académique, partie étrangère ,tom.ï , pag. 52c., (h) Voyez Klein , pag. 117 ; & Wiiulghby , pag* Ï27 , n°. v. (i) Roberg, apud Kldnum , llifl, avi,pag. irj • ( k ) Pvedi , ColleRion Académique , partie étrangère , tom. I , pag. 467» fons n * :gcpedtt fons qui parlent Italien , donnent aux lago¬ pèdes. Dans la partie de la Savoie qui avoi- îine le Valais , on les nomme arbenne , & ce mot différemment altéré par différens patois , moitié Suilie , moitié Griions , aura pu pro¬ duire quelques-uns de ceux dont je viens de parler. O i féaux y Torn* llit B h I ffijloirc naturelle LE LAGOPEDE DE LA BAIE b’HuBSON (a), TT JÜes Auteurs de îa Zoologie Britanni- que ( b ) font à M. Briffon un jufte reproche de ce qu’il joint * dans une même lifte (c) 9 le ptarmigon avec la perdrix blanche de M. Edwards , planche lxxii , comme ne faifant qu’un feul & même oifeau , tandis que ce font en effet deux efpèces différentes , car la perdrix blanche de M. Edwards eft plus de deux fois plus grofle que le ptarmigonv & les couleurs de leur plumage d’été fonc auffi fort différentes ; celle-là ayant de larges taches de blanc & d’orangé-foncé , & le ptar¬ migon ayant des mouchetures d’un brun- obfcur fur un brun - clair : du refte , ces mêmes Auteurs avouent que la livrée d’hi¬ ver de ces oifeaux 9 eft la même , c’eft-à- dire ? prefque entièrement blanche. M. Ed- (a) Perdrix. Anderfon , Hift. d'Islande & de Groën *» îand , rom. /, pag. 77 ; & tom . II , pag. 49. — Per¬ drix blanche. Voyage de la baie d'Hudfon , tom I , pag. 41, avec une figure. --- Perdrix blanche. Edwards, Hift . nat. des oifeaux , tom. II , planche LXXII , avec une figure bien coloriée. (b) Britifch, Zoology, pag. S6. (c) .Briffon , Qrnïth% tom. I , pag. 216 & 217# du Lagoplde. 2 c, t Vards dit que les pennes latérales de la queue font noires , même en hiver , avec du blanc au bout ; & cependant il ajou¬ te plus bas, qu’un de ces oifeaux qui avoit été tué en hiver , & apporté de la baie d’Huclfoii par M. Light , étoit parfaitement blanc, ce qui prouve de plus en plus combien dans cette eipèce les couleurs du plumage font variables. La perdrix blanche dont il s’agit ici , eft de grolfeur moyenne entre la perdrix & le faifan ; & elle auroit affez la forme de la perdrix , fi elle n’avoit pas la queue un peu longue. Le fujêt repréfenté dans la planche lxxii d’Edwards , eft un coq , tel qu’il effc au printemps lorfqu’il commence à prendre fa livrée d’été ; & lorfqu’éprouvant les in¬ fluences de cette faifon d’amour il a fes fourcils membraneux plus rouges & plus faillans , plus élevés, tels , en un mot , que ceux de l’atta- gas ; il a en outre de petites plumes blanches autour des yeux,, & d’autres à la bafe du bec , lefquelles recouvrent les orifices des narines ; es deux pennes du milieu font variées comme celles du cou , les deux fuivanteâ font blan¬ ches , & toutes les autres noirâtres avec du blanc à la pointe , en été comme en hiver. La livrée d’été ne s’étend que fur la par¬ tie fupérieure du corps ; le ventre refte toujours blanc ; les pieds & les doigts font entièrement couverts de plumes , ou plutôt de poils blancs; les ongles font moins cour¬ bés qu’ils ne le font ordinairement dans les Bb 2 2.92 Hijloirc naturelle oi féaux (J). Cette perdrix blanche fe tient toute l’année à la baie d’Hudfon , elle y paffe les nuits dans des trous qu’elle fait fe creu- fer fous la neige . dont la confiftance en ces contrées eft comme celle d’un fable très fin : le matin elle prend fon eflor & s’élève droit en haut en fecouant la neige de delïus fes ailes ; elle mange le matin & le foir 5 & ne paroît pas craindre le foleil comme notre lagopède des Alpes , puifqu’elle fe tient tous les jours expofée à l’aftion de fes rayons ? dans le temps de la journée où ils ont le plus de force. M. Edwards a reçu ce même oifeau de Norwège , qui me paroît faire la nuance entre le lagopède dont il a les pieds , & l’attagas dont il a les grands fourcils rouges. ( d ) Nous avons vu deux oîfeaux envoyés de Sibé« rie, fous le nom de lagopèdes , qui font vraifemblable- ment de la même efpèee que le lagopède de la baie d’Hudfon , 6c qui ont en effet les ongles d plats , qu’ils reffemblent plutôt à des ongles de finges qu’à des grifc» fes d’oifeaux. OISEAUX ÉTRANGERS Qui ont rapport aux Coqs de bruyere * aux Gelinottes y aux Attagas , &c. I. • » LA GELINOTTE DU CANADA Ça): Ïl me paroît que M. Briffon a fait un dou¬ ble emploi en donnant la gelinotte de Canada qu'il a vue , pour uneefpèce différente de la gelinotte de la baie d’Hudion , qu’à la vérité il n’avoit pas vue ; mais il fuffifoit de com¬ parer la gelinotte de Canada 9 en nature ^ avec les planches enluminées d’Edwards de lagélinotte de la baie d’Hudfon, pour recon- noî-tre que c’étoit le même oifeau ; & nos Lec¬ teurs le verront aifément en comparant les * Voye\ les -planches enluminées , n?8 131 , le male 3 6c n°. 132, la femelle. (a) Gelinotte de Canada. Coq de bruyere brun Si tacheté. Voyage de la baie d’Hudfon , tom.I, pag, 50 , avec une figure. — Francolini brun tacheté. Ed¬ wards , planche cxviii, le mâle ; 6c planche lxxi , la femelle. — Gelinotte de Canada. Briffon , ton. 1 5 pag. 203. Gelinotte de U baie d’Hudfon. Idem , ibidem 7 294 Hîjloîre naturelle planches enluminés , nos. 13 1 & 1^2, avec cel¬ les de M. Edwards , nos. 1 18 & 71 : voilà donc une efpèce nominale de moins , & l’on doit attribuer à la gelinotte de Canada , tout ce que MM. Ellis & Edwards difent de la gélinotte de la baie d’Hudfon. Elle abonde toute l’année dans les terres voifines de la baie d’Hudfon : elle y habite par préférence les plaines & les lieux bas ; au lieu que fous un autre ciel, la même ef¬ pèce , dit M., Ellis , ne fe trouve que dans des terres fort élevées , & même au fommet des montagnes : en Canada elle porte le nom de perdrix. Le mâle eft plus petit que la gélinotte ordinaire , il a les fourcils rouges , les narines couvertes de petites plumes noires , les ailes courtes, les pieds velus jufqu’au.bas dutar- fe , les doigts & les ongles gris , le bec noir * en général il eft d’une couleur fort rembru¬ nie , & qui n’eft égayée que par quelques taches blanches autour des yeux , fur les flancs & en quelques autres endroits. La femelle eft plus petite que le mâle , & elle a les- couleurs de fon plumage moins fombres & plus variées ; elle lui reffemble dans tout le refte. L’un & l’autre mangent des pignons de pin , des baies de genevrier , &c. on les troi>* ve dans le nord de l’Amérique en très grande quantité , & on en fait des proviftons aux ap¬ proches de l’hiver, la gelée les fai ut & les conferve ; & à mefure qu’on en veut manger* on les fait dégeler dans l’eau froide. des Olfeaux etrangers. 295 IL ? LE COQ DE BRUYERE A FRAISE , O V la grosse Gelinotte »e Canada {d). Je foupçonne ici encore un double emploi, & je fuis bien tenté de croire que cette grof- fe gelinotte de Canada, que M. Briffon don¬ ne comme une efpèce nouvelle & différen¬ te de fa gélinotte huppée de Penfylvanie , eft néanmoins la même, c’eft-à-dire , la même que celle du coq de bruyere à fraife , de M. Edwards : il eft vrai qu’en comparant cet oifeau en nature ou même notre planche enluminée, n°. 104 , avec celle de M. Edwards , nQ. 248 , il paroitra au premier coup-d’œil des diffé¬ rences très confidérables entre ces deux oi- féaux ; mais fi l’on fait attention aux ref- femblances , & en même temps aux différentes vues des Deffinateurs, dont Lun, M. Edwards , a voulu repréfenter les plumes au - deffus des ailes & de la tête , relevées , comme fi Pot* feau étoit non-feulement vivant , mais en ac¬ tion d’amour ; & dont l’autre, M. Martinet , n’a, deffiné cet oifeau que mort & fans plumes , * Voye\ Les planches enluminées , nQ. 104. (4) 3riflbn , tom. I , pag. 20 n ... La gélinotte hup¬ pée de Penfylvanie. Idem , ibidem » pag. 214. — Coq de bruyere à fraife. Edward-s, Glanui'es , pl. çcxlvüi. a Q 6 Hi flaire naturelle s érigées ou redrelTées * ; îa difconvenance des definis fe réduira à peu de çhofe , ou plutôt s'évanouira tout-à-fait par une préfomption bien fondée 9 c’eft que notre oifeau eft la fe¬ melle de celui d’Edwards : d’ailleurs , cet ha- bile Naturalise dit pofitivement qu’il ne fait que fuppofer la huppe à fon oifeau , parce qu’ayant les plumes du fommet de la tête plus longues que les autres , il préfume qu’il peut les re dre fier à fa volonté , comme cel¬ les qui font au-deffus de fes ailes : & du refis, la grandeur , la figure , les mœurs & le climat étant ici les mêmes 5je penfe être fondé à préfumer que la greffe gélinotte du Canada , la gélinotte hupée de Pénfylvanie de M, Briffbn , & le coq de bruyere à fraife , de M. Edwards , ne font qu’une feule & même ef~ pèce , à laquelle on doit encore rapporter le1 coq de bois d’Amérique , décrit & repréfenté par Catesby (b). Elle efi un peu plus greffe que la gélinotte ordinaire , & lui reffemble par fes ailes cour¬ tes , & en ce que les plumes qui couvrent les pieds ne defeendent pas jufqu’aux doigts ; niais elle n’a ni fourciîs rouges ni cercles de cette couleur autour des yeux ; ce qui la ca- raciérife 5 ce font deux touffes de plumes plus longues que les autres & recourbées en bas , qu’elle a au haut de la poitrine , une de cha¬ que côté: les plumes de ces touffes font d’un beau noir 5 ayant fur leurs bords des reflets ^ Voyez, les planches enluminées } 4 2 y, (h) Catesby , Appenàix } jig% î\ des 0 if eaux etrangers. 197 brîllans qui jouent entre la couleur d’or & le vert; l-’oifeau peut relever quand il veut ces efpèces de fauffes ailes , qui , lorfqu’elles font pliées , tombent de part & d’autre , fur la partie fupérieure des ailes véritables; le bec5 les doigts, les ongles font d’un brun-rougeâtre. Cet oifeau , félon M. Edwards , eu fort commun dans le Maryland & la Penfylvanie , où on lui donne le nom de faîfari : cepen¬ dant il a , par fon naturel & fes habitudes , beaucoup plus d’affinité avec le tétras ou coq de bruyere : il tient le milieu pour la groffeur entre le faifan & la perdrix ; fes pieds font garnis de plumes , & fes doigts dentelés fur les bords comme ceux des tétras ; fon bec eft femblable à celui du coq ordinaire ; l’ouverture des narines eft recou¬ verte par de petites plumes qui naiffent de la baie du bec , & fe dirigent en avant ; tout le deiTus du corps , compris la tête 9 la queue & les ailes , eft émaillé de différen¬ tes couleurs brunes , plus ou moins claires , d’orangé & de noir ; la gorge eft d’un orangé brillant , quoiqu’un peu foncé ; l’ef- tomac , le ventre & les cuiffes ont des taches noires en forme de croiffant , diftri- buées avec régularité , fur un fond blanc ; il a fur la tête & autour du cou , de longues plumes, dont il peut en les redreffant à fon gré , fe former une huppe & une forte de fraife , ce qu’il fait principalement lorfqu’il eft en amour ; il relève en même temps les plumes de fa queue en faifant la roue , gon¬ flant fon jabot, traînant les ailes , Sr accom¬ pagnant fon aérien d’un bruit fourd £k d’un 6. V- • 2.ç8 Hijlotre naturelle bourdonnement femblable à celui du coq d’Inde ; & il a de plus pour rappeller fa fe¬ melle , un battement d’ailes très fingulier , & affez fort pour fe faire entendre à un demi- mille de diftance par un temps calme ; il fe plaît à cet exercice au Printemps & en automne , qui font le temps de fa chaleur , & il le répété tous les jours à des heures réglées ; favoir à neuf heures du matin & fur les quatre heures du foir ; mais toujours étant pofé fur un tronc fec : lorlqu’il com¬ mence 9 il met d’abord un intervalle d’en* viron deux fécondés entre chaque battement, puis accélérant la vîteffe par degrés , les coups fe fuccèdent à la fin avec tant de rapi¬ dité, qu’ils ne font plus qu’un petit bruit continu , femblable à celui d’un tambour , d’autres difent d’un tonnerre éloigné : cq bruit dure environ une minute , & recom¬ mence par les mêmes gradations après fept ou huit minutes de repos ; tout ce bruit n’eft qu’une invitation d’amour que le mâle adreifé à fes femelles , que celles - ci entendent de loin, & qui devient l’annonce dune géné¬ ration nouvelle , mais qui ne devient auiii que trop fou vent un fignal de deftru&ion ; car les chaffeurs avertis par ce bruit , qui n’eft point pour eux , s’approchent de l’oi- feau lans être apperçus , & faififfent le mo¬ ment de cette efpèce de convulfion pour le ti¬ rer à coup sûr : je. dis fans en être apper¬ çus ; car dès que cet oifeau voit un hom¬ me , il s’arrête auffi-tôt , fût-il dans la plus grande violence de fon mouvement , il s’envole à trois ou quatre cents pas i ce des Oifeaux etrangers. *99 font bien - là les habitudes de nos tétras d’Europe & leurs mœurs , quoiqu’un peu outrées. La nourriture ordinaire de ceux de Pen- fylvanie , font les grains , les fruits , les raifms , & furtout les baies de lierre , ce qui eft remarquable , parce que ces baies font un poiion pour plufieurs animaux. Ils ne couvent que deux fois l’année , apparemment au Printemps & en automne , qui font les deux faifons où le mâle bat des ailes : ils font leurs nids à terre avec des feuilles , ou à côté d’un tronc lec couché par terre , ou au pied d’un arbre debout, ce qui dénote un oifeau pefant : ils pondent de douze à feize œufs , & les couvent environ trois femaines; la mere a fort à cœur la confervation de fes petits ; elle s’expofe à tout pour les défendre , & cherche à attirer fur elle-même les dangers qui les menacent; fes petits de leur côté favent fe cacher très finement dans les feuilles ; mais tout cela n’empêche pas que les oifeaux de proie n’en détruifent beaucoup : la couvée forme une compagnie qui ne le divife qu’au Printemps de Tannée fuivante. Ces oifeaux font fort fauvages, & rien ne peut les apprivoifer ; fi on en fait couver par des poules ordinaires , ils s’échapperont & s’enfuiront dans les bois prefque auiïi-tôt qu'ils feront éclos. Leur chair eft blanche & très bonne à manger; feroit-ce par cette raifon que les oifeaux de proie leur donnent la chaffe avec tant d’acharnement? Nous avons eu déjà ce 5 00 Hijlolrc naturelle fempçonà Poccafion des tétras d’Europe; s’il était confirmé par un nombre fuffifant d’ob- iervations , il s’enfuivroit non-feulement que ïa voracité n’exclut pas toujours un appétit de préférence, mais que l’oifeau de proie eft: à-peu-près de même goût que l’homme ; & ce feroit une analogie de plus entre les deux efpèces* III. L’oiseau d’Amérique qu’on peut appeler gelinotte à longue queue , defliné & décrit par M. Edwards , fous le nom de heath cock ou grous * coq de bruyere de la baie d’Hud- fort , & qui me paroît être plus voifin des gelinottes que des coqs de bruyere , ou des faifans dont on lui a auffi donné le nom : cette gélinotte à longue queue , repréfentée clans la planche c x v i i de M, Edwards % eft une femelle ; elle a la groffeur , la cou» leur & la longue queue du faifan le plu¬ mage du mâle eft plus rembruni ? plus luftré » & il a des reflets à l’endroit du cou : ce mâle fe tient auffi très droit . & il a la démarche fière ; différences qui fe retrouvent conftamment entre le mâle & la femelle dans toutes les • efpèces qui appartiennent à ce genre d’oifeau. M. Edwards n’a pas oie don¬ ner des fourcils rouges à cette femelle , parce qu’il n’a vu que l’oifeau empaillé , fur lequel ce caractère n’éroit point affez ap¬ parent ; les pieds étoient pattus , les doigts dentelés fur les bords 5 le doigt poftérieur fort court. / des Oifeaux étrangers. 301 A la baie d'Hudfon, on donne à ces geli¬ nottes le nom de fai fan ; en effet , ils font , par leur longue queue , la nuance entre les gelinottes & les failans ; les deux pennes du milieu de cette queue , excèdent d’en-» yiron deux pouces les deux fuivantes de part & d’autre , & ainfi de fuite : ces ci- féaux fe trouvent aufïi en Virginie, dans les bois & lieux inhabités. Fin du troifiemc Volume des Oifeuux* TABLE De ce qui eil contenu dans ce Volume, r _ _ i OUTARDE» Pâg. f La petite Outarde , vulgairement la Canepeûere. 4$ Oî féaux étrangers qui ont rapport aux Outardes . I. Le Lohong ou V Outarde huppée d'Arabie, 37 II. L'Outarde d'Afrique . III. Le Charge ou l'Outarde moyenne des Indes . *'v ^ <52 IV. Le Hcubara ou petite Outarde huppée d’A- frique. cl y. Le Rhaad s autre petite Outarde huppée d*A- frique. 67 Le Coq . 6? Le Dindon . *39 La Pemtade. 170 Le Tétras ou grand Coq de bruyere. 200 Le petit Tétras ou le Coq de bruyere à queue four - chue . 220 Le petit Tétras à queue pleine , &c. Le petit Tétras à plumage variable . 238 240 La Gelinotte. 244 La Gelinotte d’Eco (Te . JL J *53 Le Ganga 7 vulgairement la Gelinotte des P innées. 260 L ’ Attagas . 264 L'Attagas blanc . 270 Le Lagopède. 277 Le Lagopède de la baie d'Hudfgn * 29® T A B L E. 333 Oifeaux etrangers qui ont rapport aux coqs de de bruyere , aux Gelinottes , aux Attagas , I. La Gelinotte du Canada , 293 II. Le Coq de bruyere à fraife , ou la grojje Ge¬ linotte du Canada . 299 III Gelinotte à longue queue . 309 Fin de la Table du Ille, Vol. des O i féaux. I V