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HISTOIRE
NATURELLE
DES MINÉRAUX.
tome troisième.
HISTOIRE
NATURELLE
DES MINÉRAUX.
Par M. le COMTE de B U FF ON, Intendant du Jardin du Roi , de l’Académie Françoise et de celle des Sciences , &c.
TOME TROISIEME.
AUX DEUX - PONTS, Chez SA N SON & Compagnie.
M D C C. X C.
»
HISTOIRE.
NATURELLE
DES MINÉRAUX.
DU B I T U M E.
u o i Q u ê les bitumes Te préfentent fous différentes formes ou plutôt dans des états différens, tant par leur confiftance que par les couleurs, ils n’ont cependant qu’une feule & même origine primitive , mais en- fuite modifiée par des caufes fecondaires :1e naphte , le pétrole , l’afphalte , la poix de montagne, le fuccin , l’ambre gris, le jayer, le charbon de terre ; tous les bitumes , en un mot , proviennent originairement des huiles animales ou végéta'es altérées par le mélange des acides; mais, quoique le foufre provienne
6 Hifloire naturelle
aufli des fubftances organifées , on ne doit pas le mettre au nombre des bitumes , parce qu’il ne contient point d’huile, & qu’il n’eft compofé que du feu fixe de c s mêmes fubf- taxices combiné avec l’acide vitriolique.
Les matières bitumineufes font ou folides comme le fuccin & le jayet , ou liquides comme le pétrole & le naphte, ou vifqueu- fes, c’eft- à- dire , d’une confiftance moyenne entre le folide & le liquide , comme l’afphalte & la poix de montagne : les autres fubftan- ces plus dures, telles que les fchiftes bitu¬ mineux, les charbons de terre , ne font que des terres végétales ou limoneufes plus ou moins imprégnées de bitume.
Le naphte eft le bitume liquide le plus coulant, le plus léger, le plus tranfparent & le plus inflammable. Le pétrole, quoique liquide & coulant , eft ordinairement coloré & moins limpide que le naphte ; ces deux bitumes ne fe durciflent ni ne fe coagulent à l’air ; ce font les huiles les plus ténues & les plus volatiles du bitume. L’afphalte, que l’on recueille fur l’eau ou dans le fein de la terre , eft gras & vifqueux dans ce premier état; mais bientôt il prend à l’air un certain degré de confiftance & de fohdité. Il en eft de même de la poix de montagne qui ne dif¬ fère de l’afphalte qu’en ce qu’elle eft plus noire & moins tenace.
Le fuccin qu’on appelle aufli karabé , & plus communément ambre jaune , a d'abord été liquide & a pris fa confiftance à l’air, & même à la furface des eaux & dans le fein de la terre : le plus beau fuccin eft tranfpa-
des Minéraux ~j
rent & de couleur d’or; mais il y en a de plus ou moins opaque , & de routes les nuan¬ ces de couleur du blanc au jaune & jufqu’au brun noirâtre ; il renferme fouvent de petits débris de végétaux & des infeéles terreftres, dont la forme eft parfaitement confervée {a ); il eft éle&rique comme la réfme végétale » & par l’analyfe chimique, on reconnoît qu’il ne contient d’autres matières folides qu’une petite quantité de fer , & qu’il eft prefque uniquement compofé d’huile & d’acide ( b ). Et comme l’on fait d’ailleurs qu’aucune fubf- tance purement minérale ne contient d’huile, on ne peut guère douter que le fuccin ne foit un pur rèfidu des huiles animales ou végé-.
( a ) M. Keyfler dit qu’on ne voit , dans le fuccin , que des empreintes de végétaux & d’animaux terreftres , 8c jamais de poiffons. Bibliothèque rai formée , 1742. Voyage
de Keyfler . Cependant d’autres Auteurs aflurent qu’il
s’y trouve quelquefois des poiffons & des œufs de poiffons. ( Collection academique , partie étrangère. Tome IV, page 208.) On m’a préfenté cette année '778, un morceau d’environ deux pouces de diamètre, dans l’intérieur duquel il y avoit un petit poiffon d’environ un pouce de lon¬ gueur ; mais , comme la tranche de ce morceau de fuc¬ cin étoit un peu entamée, il m’a paru que c’étoit de l’ambre ramolli , dans lequel on a eu l’art de renfermer le petit poiffon fans le déformer.
( b ) De deux livres de fuccin entièrement brûlé , M. Bourdelm n’a obtenu que dix-huit grains d’une terre brune fans faveur, faline & contenant un peu de fer. Voyei les Mémoires de T Académie Royale des Sciences.
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8 Hîftoirc naturelle
taies faifies & pénétrées par les acides & c’eft peut-être à la petite quantité de fer con¬ tenue dans ces huiles, qu’il doit fa confiftance & fes couleurs plus ou moins jaunes ou brunes.
Le luccin fe trouve p'us fréquemment dans la mer que dans le fein de la terre (c), où. il n’y en a que dans quelques endroits & prefque toujours en petits morceaux ifolés ÿ. parmi ceux que la mer rejette , il y en a de différens degrés de confiflance , & même il<
( c ) On trouve du jnyet & de l’ambre jaune , dans une montagne près de Bugarag-, en Languedoc , à douze ou treize lieues de la mer, & cette montagne en ed féparée par plufieurs autres montagnes. On retrouve auffi du fuccin- dans les fentes de quelques rochers en Provence. ( Mémoires de /y Académie dés Sciences , année 1700 & 1703 ). — Il s’en trouve en Sicile le long des côtes d’Agrigente, de Gatane ; à Bologne , vers la Marche d’Ancône ; & dans. POmbrie à d’afiez grandes diftances de la mer : il en efl de même de celui que M. le marquis de Bonnac a vu tirer dans un endroit du territoire de Dantzick , féparé de la mer par de grandes hauteurs. M. Guettard , de- l’Academie des Sciences , conferve , dans fon Cabinet, un morceau de füecin qui a été trouvé dans le fein de la terre en Pologne , à plus de cent lieues de diftance de la mer Baltique , & un autre morceau trouvé à Newburg , à vingt lieues de diftance de Dantzick : il y en a dans des lieux encore plus éloignés de la mer, en Podolie, en Voihinie : le lac Lubien de Pofnanie , en rejette fou- vent, Sec. Mémoires de i’ Académie des Sciinctes > année Ij 62, pa^cs 25 i & fuiv.
Hijfoïre naturdîe
sTen trouve des morceaux affez mous; mais aucun Obfervateur ne dit en avoir vu dans l'état d’entière liquidité, & celui que l’on tire de la terre, a toujours un affez grand degré de fermeté.
L’on- ne connoît guère d’autre minière de fuccin que celle de Pïuffe, dont M. Neumann a donné une courte description, par laquelle il paroît que cette matière fe trouve à une affez petite profondeur dans une terre, dont la première couche eft de fable, la fécondé d’argile mêlée de petits cailloux , de la grof- feur d’un pouce ; la troifième de terre noire remplie de bois foffiles à demi décompofés. & bitumineux, & enfin la quatrième d’un minéral ferrugineux ; c’eft fous cette efpèce de mine de fer que fe trouve le fuccin par morceaux Séparés & quelquefois accumulés en tas.
On voit que les huiles de la couche de bois ont dû être imprégnées de l’acide con¬ tenu dans l’argille de la couche Supérieure r & qui en defcendoit par la filtration des eaux ; que ce mélange de l’acide avec l’huile du bois , a rendu bitumineufe cette couche- végétale ; qu’enfuite les parties les plus té¬ nues & les plus pures de ce bitume, font defcendues de même fur la couche du mine¬ rai ferrugineux, & qu’en la traversant elles fe font chargées de que’ques particules de fer; & qu 'enfin c’eft du réfultat de cette der¬ nière combinaison que s’eft formé le fuccin qui fe trouve au-deffous de la mine de fer..
Le jayet diffère du fuccin, en ce qu’il eft opaque. & ordinairement très noir;, mais il
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eft de même nature, quoique ce dernier air quel¬ quefois la tranfparence & le beau jaune de la topaze; car, malgré cette différence fi frap¬ pante , les propriétés de l’un & de l’autre font les mêmes; tous deux font électriques * ce qui a fait donner au jayet le nom d 'ambre noir, comme on a donné au fuccin celui d 'ambre jaune. Tous deux brûlent de même , feulement l’odeurque send alors le jayet, eft encore plus forte & fa fumée plus épaiffe que celle du fuccin; quoique folide & affezdur, le jayet eft fort léger, & on a fouvent pris pour du jayet certains bois foflïles noirs , dont la caffure eft liffe & luifante , & qui paroiffent en effet ne différer du vrai jayet, que parce qu’ils ne répandent aucune odeur bitumineufe en brûlant.
On trouve quelques minières de jayet en France ; on en connoît une dans la province de Rouffillon près de Bugarach {d ). M. de
(d) » J’allai , dit M. le Monnier, vifiter une mine de
jayet . Elle refterable de loin à un tas de charbon
de terre appliqué contre un rocher fort élevé , au bas duquel eft l’entrée d’une petite caverne , dans laquelle on voit plufieurs veines de jayet qui courent dans une terre légère , & même dans les fentes du rocher : cette matière eft dure , sèche , légère , fragile & irrégulière dans fa figure ; fi ce n’eft qu’on voit plufieurs cercles concentri¬ ques dans fes fragmens ; on en trouve auITt quelques mor¬ ceaux, mais moins beaux fur le tas qui eft à l’entrée de la mine , parmi une terre noire bitumineufe ; cette terre pourroit être regardée comme une cfpèce de jayet im-
des Minéraux'. 1 1'
Genfanne fait mention d’une autre dans le Gévaudan fur le penchant de la montagne près de Vebron (e) , & d’une autre près de Rouffiac , diocèfe de Narbonne , où l’on fai- foit dans ces derniers temps de jolis ouvra-
pur ; car, brûlée fur la pelle, elle répand la même odeur que le plus beau jayet : l’un & l’autre brûlent difficilement, pétillent un peu en s’échauffant, & la fumée qu’ils répandent ed noire , & d’une odeur de bitume fort défagréable : on travaille allez proprement cette matière à Bugarach, on en fait des colliers, des chapelets , &c. . . En donnant quelques coups de pioches fur ce tas pour dé¬ couvrir quelques morceaux de jayet , j’ai aperçu des mor¬ ceaux de véritable fuccin ; la couleur en étoit un peu foncée, mais ils en avoient parfaitement l’odeur &c l’élec¬ tricité : j’ai trouvé de même, en continuant de fouiller, des bois, pétrifiés' avec des cîrcondances très favorables,
pour appuyer la vérité de cette tranfmutation. . . Le
jayet paraît s’infinuer non-feulement dans les bois pétri¬ fiés , mais encore dans les pierres jufque dans les moin¬ dres fentes ; or fi le jayet qui , dans fa plus grande flui¬ dité, n’ed jamais qu’un bitume liquide, & peut-être une efpèce de pétrole , s’infinue fi bien entre les fibres du bois & les plus petites fentes des autres corps folides , n’en doit-on pas conclure que cette matière que nous voyons aujourd’hui dure & compafle a été autrefois très fluide, & que ce n’ed, pour ainfi dire, qu’une efpèce d’huile defféchée & durcie par la fucceffion du temps ». Observations d’HiJloirc naturelle ; Paris , 1739) PaSe zxy.
( c ) Hidoire Naturelle du Languedoc , Tome II , page
244*
l't Hifloïre naturetle
ges de cefte matière (/). On a trouvé dans Ta glaife, en creufant Ja montagne de Sainc- Germain-en-Laye , un morceau de bois fof- file, dont M. Fougeroux de Bondaroy a fait une exa&e comparaifon avec le jayet. « On « lait , dit ce favant Académicien , que la » couleur du jayet eft noire, mais que la y» fuperficie de les lames n’a point ce lui- » fant qu’offre l’intérieur du morceau dans » fa caffure ; c’eft auffi ce qti’il eft ai fé de » reconnoître dans le morceau de bois de » Saint-Germain. Dans l’intérieur d’une fente v ou d’un morceau rompu, on voit une eau- » Teur dvun noir d’ivoire bien plus brillant' » que fur la furface du morceau. Le dureté » du jayet & du morceau de bois eft à-peu- » près la même étant polis ils offrent la » même nuance de couleur; tous deux bru- » lent & donnent de la flamme fur les char- » bons; le jayet répand une odeur bitumi- » neufe ou de pétrole , certains morceaux du- » bois en queftion donnent une pareille » odeur, fur- tout lorsqu’ils ne contiennent » point de pyrites. Ce morceau de bois eft » donc changé en jayer; & il fertà confirmer » le (entiment de ceux qui croient le jayet » produit par des végétaux (g) ».
On trouve du très beau jayet en Angle-
(/") Idem. , ibidem , page 189.
(g ) Sur la montagne de Saint-Germain, par M. ron¬ ge roux de Bondaroy. Mémoires de l’Académie des Sdi.-i*- ccs , année 1769..
des Minéraux'. i j
terre dans le comté d’Yorck & en plufieurs endroits de l’Écoffe ; il y en a aulfi en Alle¬ magne & lur-tout à Virtemberg. M. Bowles en a trouvé en Efpagne près de Pernlegos , » dans une montagne où il y a, dit-il /des si veines de bois bitumineux, qui ont jufqu’à « un pied d’épailfeur . . . . On voit très bien ») que c’eft du bois, parce que l’on en trouve « des morceaux avec leur écorce & leurs » fibres ligneufes , mêlés avec le véritable »» jayet dur (h). >»
11 me fernble que ces faits fuffifent pour qu’on puiffe prononcer que le fuccin & le jayet tirent immédiatement leur origine des végétaux , & qu’ils ne font compofés que d’huiles végétales devenues bitumineufes par le mélange des acides; que ces bitumes ont d’abord été liquides , & qu’ils fe font durcis par leur fimple deffèchement , lorfqu’ils ont perdu les parties aqueufes de l’huile & des acides dont ils font compofés. Le bitume qu’on appelle afphalte nous en fournit une nouvelle preuve ; il eit d’abord fluide , enfuite mou & vifqueux , & enfin il devient dur par la feule déification.
L’afphalte des Grecs eft le même que le bitume des Latins ; on l’a nommé particuliè¬ rement bitume de Judée , parce que les eaux de la mer morte & les terreins qui l’environnent en fourntlTent une grande quantité; ilabeau-
( h ) Hiftoire Naturelle d’ Efpagne ? par M. Bowles* pages 20Ù & 207,
Ï4 Hijloire naturelle
coup de propriétés communes avec le fuccin & le jayet ; il eft de la même nature, & il paroît, ainfi que la poix de montagne , le pétrole & le naphte , ne devoir fa liquidité qu’à une diftillation des charbons de terre & des bois bitumineux , qui fe trouvant voifins de quelque feu fouterrain , laifTent échapper les parties huileufes les plus légères, de la même manière à-peu-près que ces fubltances bitumineufes donnent leurs huiles dans nos vaiffeaux de Chimie. Le naphte, le pétrole, & le fuccin paroiffent être les huiles les plus pures que fournifle cette elpèce de diffilla- tion , & le jayet, la poix de montagne & l’afphalte font les huiles plus groflières. L’Hif- toire fainte nous apprend que la mer morte ©u le lac afphaltique de Judée, étoit autrefois le territoire de deux villes criminelles qui furent englouties ; on peut donc croire qu il y a eu des feux fouterrains , qui agiffant avec violence dans ce lieu, ont été les inftrumens de cet effet; & ces feux ne font pas encore entièrement éteints (i); Us opèrent donc la
( i ) On m’a affuré que le bitume pour lequel ce lac a toujours été fameux , s’élève quelquefois du fond , en grofTes bulles ou bouteilles qui , dès qu’elles parviennent à la furface de l’eau & touchent l’air extérieur, crèvent en faifant un grand bruit , accompagné de beaucoup de fumée , comme la poudre fulminante des Cltimiftes > & fe difperfent en divers éclats; mais cela ne fe voit que fur les bords, car vers le milieu l’éruption fe manifefte par des colonnes de fumée qui s’élèvent de temps eB
des Minéraux 1 I ^
diftillation de toutes les matières végétales & bitumineufes qui les avoifinent & produi- fent cet afphalte liquide que l’on voit s’éle¬ ver continuellement à la furface du lac maudit, dont néanmoins les Arabes & les Égyptiens ont lu tirer beaucoup d’utilité, tant pour goudronner leurs bateaux que pour embaumer leurs parens & leurs oifeaux fa- crés; ils recueillent fur la furface de l’eau cette huile liquide, qui, par fa légèreté, la furmonte comme nos huiles végétales.
L’afphalte fe trouve non - feulement en Judée & en plufieurs autres provinces du Levant, mais encore en Europe & même en France ; j’ai eu occafiôn d’examiner & même d’employer l’afphalte de Neufchàtel , il eft de la même nature que celui de Judée ; en le mêlant avec une petite quantité de poix, on
temps fur le lac : c’eft peut-être à ces fortes d’éruptions qu’on doit attribuer un grand nombre de trous ou de creux qu’on trouve autour de ce lac, & qui ne reifem- blent pas mal , comme dit fort bien M. Manudrelle , à certains endroits qu’on voit en Angleterre, & qui ont fervi autrefois de fourneaux à faire de la chaux ; le bitu¬ me en montant ainfi , eft vraifemblablement accompagné de foufre , auffi trouve-t-on , l’un & l’autre pêle-mêle répandu fur les bords. Ce foufre ne diffère en rien du foufre ordinaire ; mais le bitume eft friable , plus pefant que l’eau , & il rend une mauvaife odeur lorfqu’on le frotte ou qu’on le met fur le feu; il n’efl point violent, comme l 'afphaltus de Diofcoride , mais noir & luifant comme du jayet. Voyage de M. Shaw , traduit de l'An - glois ; La Haye , 1743 , Tome II , pages 73 & 74,
î 6 Hijloire naturelle
en compofe un maftic avec lequel j’ai fait enduire il y a trente-fix ans un allez grand bdflin au jardin du Roi, qui depuis a toujours tenu l’eau. On a auffi trouvé de l’afphalte en Alface , en Languedoc fur le territoire d’Alais & dans quelques autres endroits. La deicription que nous a donnée M. l’Abbé de Sauvages de cet afphalte d’Alais , ajoute encore une preuve à ce que j’ai dit de fa formation par une diftilation , per afcenfum. « » On voit, dit-il , régner auprès de Servas , à ïj quelque diftance d’Alais , fur une colline j> d’une grande étendue , un banc de rocher j> de marbre qui pofe fur la terre & qui en î> eft couvert; il eft- naturellement blanc, u mais cette couleur eft fi fort altérée par « l’afphalte qui le pénètre, qu’il eft vers fa j> furface fupérieure d’un brun clair & enfuite « très foncé à mefure que le bitume appro- j> che du bas du rocher: le terrein du deifous » n?eft point pénétré de bitume, à la réferve » des endroits où la tranche du banc eft n expofée au foleil ; il en découle en été du j> bitume qui a la couleur & la confiftance jj de la poix noire végétale; il en fumage fur jj une fontaine voifine , dont les eaux ont jj en conféquence un goût défagréable . . .
jj Dans le fond de quelques ravines & au- j? deffous du rocher d’afphalte , je vis un ter- jj rein mêlé alternativement de lits de fable jj & de lits de charbon de pierre, tous pa- jj rallèles à l’horizon ( k ). On voit par cet
( k ) Voyez les Mémoires de l’Académie des Sciences,
iCfîCtf 1746 j pages 72O 0 7JI,
expofé
des Minéraux « T 7
ôYpofé que l’afphalte ne fe trouve pas au- de flous, mais au-deffus des couches ou veines bitumineufes de bots & de charbons fofïiles, & que par conféquenr il n’a pu s’élever au- deffus que par une diftillation produite par la chaleur d’un feu fouterrein.
Tous les bitumes liquides, c’eft - à- dire ,• Pafphalte , la poix de montagne , le pétrole & le n3phte , coulent fouvent avec l’eau des fources qui fe trouvent voifines des couches de bois & dé charbons foffiles. A Begrede , près d’Anfon en Languedoc , il y a une fontaine qui jette du bitume que l’on recueille à fleur d’eau; on en recueille de même à Gabian , diocèl'e de Béziers (/), & cette fontaine de Gabian eft fameufe par la quantité de pétrole qu’elle produit ; néan¬ moins il paroît par un Mémoire de M. Riviè¬ re , publié en 17 17 , & par un autre Mé¬ moire, fans nom d’Auteur, imprimé à Béziers en 1752, que cette fource biiumineule a été autrefois beaucoup plus abondante qu’elle ne ï’eft aujourd’hui ; car il eft dit qu’elle a donné avant 1717, pendant plus de quatre-vingts ans, trente -ffx quintaux de pétrole par an, tandis qu’en 1752 elle n’en lonnoit pius que trois ou quatre quintaux. Ce pétrole eft d’un rouge-brun foncé , fon odeur eft forte &• défagréable ; il s’enflamme très aifément , oc même la vapeur qui- s’en élève , iorlqu’on le chauffe , prend feu fi l’on approche une
(/) Hiffôire Naturelle du Languedoc, par ?.I. de Gcn- fannu tome /, piz'-s 201 & 274.
Miné. aux. Mme lil. B
1 8 Hifloïre naturelle
chandelle ou toute autre lumière, à trois pieds de hauteur au-defi'us ; l’eau n’éteint pas ce pétrole allumé , & lors même que l’on plonge dans l’eau des mèches bien imbibées de cette huile inflammable, elles continuent de brûler quoiqu’au-deffous de l’eau. Elle ne s’épaifiit ni ne le tige par la gelée, comme le font la plupart des huiles végétales , & c’eft par cette épreuve qu’on reconnoît fi le pétrole eft pur ou s’il eft mélangé avec quelqu’une de ces huiles. A Gabian , le pé¬ trole ne fort de la fource qu’avec beaucoup d’eau qu’il fumage toujours, car il eft beau¬ coup plus léger , & l’eft même plus que l’huile d’olives : « une feule goutte de ce » bitume, dit M. Rivière, verfée fur une j> eau dormante , a occupé dans peu de temps » un efpace d’une toile de diamètre tout » émaillé des plus vives couleurs , & en » s’étendant davantage , il blanchit & enfin » dilparoît ; au refte , ajoute- t- il, cette » huile de pétrole naturelle eft la même que v celle qui vient du fuccin dans la cornue » vers le milieu de la dijlillation (m). » Cependant ce pétrole de Gabian n’eft pas, comme le prétend l’Auteur du Mémoire im¬ primé à Béziers en 1752, le vrai naphte de Babylone ; à la vérité, beaucoup de gens prennent le naphte & le pétrole pour une feule & même cliofe ; mais le naphte des Grecs, qui ne porte ce nom que parce que c’eft la matière inflammable par excellence.
(m) Mémoire de M. Rivière , page 6.
des Minéraux. 1 9
eft plus pur que l’huile de Gabian ou que toute autre huile terreftre que les Latins ont appellée petroleum , comme huile fortant des rochers avec l’eau qu’elle fumage. Le vrai naphte eft beaucoup plus limpide & plus cou¬ lant ; il a moins de couleur, & prend feu plus fubitement à une diftance aiïez grande de la flamme ; fi l’on en frotte du bois ou d’autres corps combuftibles , ils continueront de brûler quoique plongés dans l’eau («); au refte le rerrein dans lequel fe trouve le pétrole de Gabian eft environné , & peut- être rempli de matières bitumineufes & de charbon de terre (0).
A une demi-lieue de diftance de Clermont en Auvergne, il y a une fource bitumineufe affez abondante & qui tarit par intervalle ; « L’eau de cette fource, dit M. le Monnier, » a une ameitume infupportable ; la furface de l’eau eft couverte d’une couche mince 3j de bitume qu’on prendroit pour de l’huile, » & qui venant à s’épaiffir par la chaleur de j> l’air , reflemble en quelque façon à de la j) poix.... En examinant la nature des terres qui environnent cette fontaine , & en par- j> courant une petite butte qui n’en eft pas 3» fort éloignée, j’ai aperçu du bitume noir 3> qui découloit d’entre les fentes des rochers, 3> il fe sèche à mefure qu’il refte à l’air, & 33 j’en ai ramafle environ une demi-livre :
( n ) Boërhaave , EUmenta Chimix Tome I , page 1*91, (o) Mémoire fur le pétrole ; Béliers , 1752-
B 2
20 < Hifloire naturelle
„ il eft fec, dur & caffant, &. s’enflamme « aifément, il exhale une tumée noire fortv » épaifîe , & l’odeur qu’il répand reflemble if à celle de Pafphalte ; je fuis perfuadé que,, 3) par la diftillation , on en retireroit du pé- v trole (p). « Ce bitume liquide de Cler¬ mont, eft, comme l’On voit, moins pur que celui de Gabian; & depuis le naphte que je' regarde comme le bitume le mieux diftillé.
( p ) Parmi les charbons de terre , il en eft qui , à l’odeur près , reffetnblent fort à l’afphalte , quant à .la pureté S: au coup-d’oeil, comme il en eft qui diffèrent peu du jryc?; comme anffi on voit du jayet qu’on pourrait confondre aifément avec l’afphalte & quelques charbons de terre : la matière bitumineufe qui fe tire dans le voifmage de Virtembcrg ,, fort-reifemblante- à du fuccrn , qui n’àuroit- pafl'é que légèrement au feu , 5c qu’on appelle fnccin , paraît tenir un milieu entre le charbon de terre 5c le jayet. Du charbon de terre & de /es mines , par M- Morand f.
page 18. . . Le charbon que les Anglois appellent
kennal cou /, eft très pur & reflemble au jayet, 5c l’on peut croire que là différence qu’il y a entre les bitumes & les charbons de terre, provient de ce que ceux-ci font mêlés de parties terreufes. qui en divifent le bitume & empêchent qu’ils ne puiffent, comme les autres bitumes, fe liquéfierait feu 5c s’allumer fi promptement ; nuis auffi le charbon de terre eft de toutes les matières de ce genre bitumineux celle qui conferve le feu plus long¬ temps 5c plus fortement.... Mais, au refte, ces matières terreufes qui altèrent le bitume des charbons de terre, ne font pas celles qui s’ÿ trouvent en plus grande quan¬ tité , idem. , ibidem, .
des Mînêrauxi ai-
pur la Nature, au pétrole, à l’afphalte, à la: poix de montagne, au fuccin , au jayet Ôi au charbon de terre, on trouve toutes les nuances & tous les degrés d’une plus ou: moins grande pureté dans ces matières quif font toutes de même nature..
” En Auvergne, dit MiGuettard, les mon*- » ticules qui contiennent le plus de bitume,. ” font ceux- du Pity-de Page ( Poix ) & du< » Puy- de-Cronelles ; celui de Pège fe divife- ” en deux têtes , dont la plus haute peur ” avoir douze ou quinze pieds, le bitume ” y coule en deux ou trois endroits.... » A côté de ce monticule fe trouve une pe- ” tite élévation d’environ trois pieds de hau« » teur fur quinze de diamètre; félon M. Ozy, n cette élévation n’eft que de bitume qui fe- « defsèche à mefure qu’il fort de la terre;. ” la fource eft au milieu de cette élévation. » Si l’on creufe en différens endroits autour ” & defius cette maffe de bitume , on ne » trouve aucune apparence de rocher. Le ” Puy-de-Cronelles , peu éloigné du précé- » dent, peut avoir trente ou quarante pieds » de hauteur, le bitume y eft folide, on ea> » voit des morceaux durs entre les crevafTes » des pierres ; il en eft de même de la partie w la plus élevée du Puy-de-Pège (q). »
( <j) Mémoire, fur la Minéralogie d’ Aùver-nt dans ceux de l’ Académie des Sciences , année 1759. . . . Les pierres bitamiccufes de l’Auvergne fe trouvent dans des endroits qui foraient uae fuite, de . monticules pofes dans le même
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Hijîoîre naturelle
En Italie, dans les duchés de Modène Parme & PlaÜance , le pétrole eft commun ; le village de Miano , fitué à douze milles de Parme , eft un des lieux d’où on le tire dans certains puits conftruits de maniéré que cette huile vienne fe raffembler dans le fond (r).
alignement ; peut-être y a-t-il ailleurs de femblables pierres ; car je fais qu’on a trouvé du bitume fur le Puy- de-Pelon , à Cbamalière près de Clermont , & au pied des monta¬ gnes à l’oueft . Dans le fond des caves des Bénédic¬
tins de Clermont, où l’on trouve du bitume, on ramaffe une terre argilleufe d’un brun foncé, & recouverte d'une pouffière jaune-foufrée : la pierre du roc où les caves font creufées eft brune , ou d’un brun-jaunâtre , ou lavée de blanc ; le bitume recouvre ces pierres en partie : il eft fec , noir & brillant ; enfin il y a encore à Machaut , hauteur qui eft à un quart de lieue de Riom , fur la route de Clermont , une fource de poix dont les payfans fe fer¬ vent pour grailfer les efiieux des voitures ; indépendamment du bitume de Pont-du-Château , le roc fur lequel eft conftruite l’éclufe de cet endroit , eft d’une pierre argi- leufe , gris-verdâtre & parfemées de taches noires & ron¬ des qui parodient bitumineufes. Idem, ibidem.
(r) >* On rencontre à Miano , dit M. Fougeronx de Bondaroy , plufieurs de ces puits anciens abandonnés ; mais on n’y compte maintenant que trois puits qui four- niflent du pétrole blanc , & à quelque diftance de ce
village , deux autres qui donnent du pétrole roux .
On creufe les puits au hafard & fans y être conduit par aucun indice , à cent quatre-vingt pieds environ de pro-
des Minéraux. 23
Les fources de naphte & de pétrole font encore plus communes dans le Levant qu’en
fondeur . L’indice le plus fûr de la préfence du
pétrole, eft l’odeur qui s’élève du fond de la fouille, & qui fe fait fentir d’autant plus vivement qu’on parvient à une plus grande profondeur , & qui , vers la fin de l’ou¬ vrage , devient fi forte, que les Ouvriers, en creufant & faifant les murs du puits , ne peuvent pas refter une demi- lieure , ou même un quart-d’heure , fans être remplacés par d’autres , & fouvent on les retire évanouis : on creufe donc le puits jufqu’à ce qu’on voie fortir le pétrole qui fe filtre à travers les terres, & qui quelquefois fort avec force & par jets ; c’eft ordinairement lorfqu’on eft parvenu à cent quatre vingt pieds ou environ de profondeur qu’on obtient le pétrole : fouvent en creufant les puits , on aperçoit quelques filets de pétrole qui fe perdent en con¬ tinuant l’onvrage . Les puits font abandonnés l’hiver
& dès la fin de l’automne ; mais au printemps , les pro¬ priétaires envoient, tous les deux ou trois jours, tirer le pétrole avec des féaux , comme l’on tire de l’eau. . . . L’un des trois puits de Miano donne le pétrole , joint avec l’eau fur laquelle il fumage ; cette eau eft claire &
limpide & un peu falée . Le pétrole, au fortir des
puits , eft un peu trouble , parce qu’il eft mêlé d’une terre légère , & il ne devient clair que lorfqu’il a dépofé cette fubftance étrangère au fond des vafes dans lefquels
on le conferve . Les environs de Miano , où l’on
tire le pétrole, ne fourniffent point de vraie pierre, k montagne voifine n’eft même compofée que d’une terre verdâtre, compare & argillenfe. . . . Cette terre, appelée dans le pays cocco , mife fur des charbons , ce donne
24 Æjloire nature lit
Italie; quelques Voyageurs adurent qu’on1 brûle plus d’huile de naphte que de chandelles’
point de flammes, elle fe cuit ait feu, & de verdâtre,' elle y devient rougeâtre : elle fe fond & s’amollit dans l'eau , & y devient maniable ; elle n’a point un goût décidé fur la langue , elle ne fleurit point à l’air ; elle fait une vive effervescence avec l ’acide nitreux «. ( Nota, Cette dernière propriété paroît indiquer que le coceo n’eft' pas une terre argileufe ,• niais plutôt une terre limoneuse mêlée de matière calcaire ). » Dans le lieu appelé Salfo- Magoiore , continue M. de Bondaroy , & aux environs,, à dix lieues de Parme , il y a des puits d’eau falée qui donnent auffidu pétrole d’une couleur ronffe très foncée. . . La terre de Salfo -Wnggiore efl femblable au cocco de- Aliano , mais d’une couleur pins plombée. . Elle devient beaucoup plus verdâtre dans les lits inférieurs , & e’eft de ces derniers lits que l’eau fort falée avec le pétrole, depuis quatre vingts jufqu’à cent cinquante brades en pro-- fondeur >». Extrait du Mémoire de M. Fougeroux de Bon¬ daroy , fur le pétrole , dans ceux- de l’ Académie des Siicn ces, année 1770. — » A doute mille de Modène , dit Bernadino Ramazir», du côté de l’Apennin, on voit un rocher' efearpé & ftérile au milieu d’un vallon , & qui donne naiflânce à plufieurs lburces d’huile de pétrole : on defeend dans ce roch.er par un efcaüer de vingt-quatre marches, an las duquel on trouve un petit baffin rempli d’une eaa blanchâtre qui fort du rocher , & fur laquelle l’huile de pétrole fumage- il fe répand à cent toiles à la ronde une odeur défagréable , ce qui leroit croire que cette fource a fubi quelqu’àitération , puifqne François Ariotle > qui i’a décrite il y. a trois uècles , la vante fur- tout pour
des Minéraux'. 5 ^
à Bagdad (/). «Sur la route de Schiras à 5> Bender Congo, à quelques milles de Be- jj naron vers l’Orient, on voit, dit Gemellt » Carreri, la montagne de Darap toute de j> pierre noire, d’où dirtille le fameux baume- jj momie qui s’épaiflîfl'ant à l’air, prend auilï jj une couleur noirâtre ; quoiqu’il y ait u beaucoup d’autres baumes en Perfe , celui- jj ci a la plus grande réputation ; la mon- jj tagne eR gardée par ordre du Roi ; tous jj les ans les Vifirs deGeaxoux, de Schiras j> & de Lar, vont enfemble ramafler la mo- jj mie qui coule & tombe dans une conque jj oit elle fe coagule; ils l’envoient au Roi jj fous leur cachet pour éviter toute trom- jj perie , parce que ce baume eft éprouvé jj & très eliimé en Arabie & en Europe , & jj qu’on n’en tire pas plus de quarante onces jj par chaque année (r). » Je ne cite ce paf- fage tout au long que pour rapporter à un
fa bonne odeur. On amalTe l'huile de pétrole deux fois par femaine fur le baffin principal, environ fix livres à chaque fois : le terrein eft rempli de feux fouterrains qui s’échappent de temps en temps avec violence; quelques jours avant ces éruptions , les beftiaux fuient les pâturage^ des environs ». Collection académique , partie étrangère » tome VI , page 477.
( s ) Voyage de Thévenot ; Paris , 1664, tome II i page 118.
(t) Voyage autour du mondé; Paris, 17x9, tome II, page 274.
Minéraux. Tome
C
î6 1 Hijloire naturelle
bitume, ce prétendu baume des momies $ nous avons au cabinet du Roi les deux boîtes d’or remplies de ce baume-momie ou rnumia, que l’Ambaffadeur de Perle apporta & pré¬ senta à Louis XIY ; ce baume n’eft que du bitume, & le préfent n’avoit de mérite que dans l’efprit de ceux qui l’ont offert («). Char¬ din parle de ce baume-momie (*), & il le reconnoît pour un bitume ; il dit qu’outre les momies ou corps defféchés qu’on trouve en Perfe dans la province de (. oraffan , il a une autre forte de mumie ou bitume pré¬ cieux qui diftille des rochers, & qu’il y a
( u ) Sa Majefté Louis XIV fit demander à l’Ambafla- deur du roi de Perfe, i°. le nom de cette drogue; 2°, à quoi elle eft propre ; 30 . fi elle guérit les maladies tant internes qu’externes ; fi c’efi une drogue fimple ou compofée : l’Ambafladeur répondit, x°. que cette drogue fe nomme en Perfan momia ; 20. qu’ellç eft fpécifique pour les frattures des os , & généralement pour toutes les blellures ; 3°. qu’elle eft employée pour les maladies internes & externes ; qu’elle guérit les ulcères internes & externes , & fait fortir le fer qui pourrait être refté dans les blellures ; 40. que cette drogue eft fimple & naturelle i qu’elle diftille d’un rocher dans la province de Dezar , qui eft une des plus méridionales de la Perfe : enfin qu’on peut s’en fervir en l’appliqyant fur les blellures, ou en la faifant fondre dans le beurre ou dans l’huile. Nota. Cette nottice étoit jointe aux deux boites qui ren¬ ferment cette drogue.
( x ) Le nom de momie ou mvmia en Perfan , vient de moum , qui lignifie cire , gomme , onguent.
des Minéraux 2.7
deux mines ou deux fources de ce bitume ; l’une dans la Caramanie déferte au pays de Lar, & que c’efl le meilleur pour les frac¬ tures, bleflures, &c. l’autre dans le pays de Coraffan. Il ajoute que ces mines font gar¬ dées & fermées ; qu’on ne les ouvre qu’une fois l’an en prélence d’Odiciers de la Pro¬ vince , & que la plus grande partie de ce bitume précieux eft envoyée au tréfor du Roi. Il me paroit plus que vraifemblable que ces propriétés fpécifiques attribuées par les Perlans à leur baume-momie , font communes à tous les bitumes de même confiftance , & particulièrement à celui que nous appelons ■poix de montagne ; & comme on vient de le voir, ce n’eft pas feulement en Perfe que l’on trouve des bitumes de cette forte, mais dans plufteurs endroits de l’Europe & même en France, & peut-être dans tous les pays du monde (y) , de la même maniéré que l’afphalte ou bitume de Judée s’eft trouvé non-feulement -fur la mer morte, mais fur d’autres lacs & dans d’autres terres très éloignées de la Judée. On voit en quelques endroits de la mer de Marmora , & particu¬ lièrement près d’Héraclée, une matière bitu- mineufe qui flotte fur l’eau en forme de filets
(_y) MM. Pering & Browal donnent la defcription d’une fubftance grade , que l’on tire d’un lac de la Fin¬ lande , Fprès de Maskoter, que ces Phyûciens n’héfitent pas à mettre dans le genre des bitumes. Mémoire de L’A¬ cadémie de Suède , tome III, année 1743.
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2,8 Hijloire naturelle
que les Nautonniers Grecs ramafîent avec loin, & que bien des gens prennent pour une forte de pétrole; cependant elle n’en a ni l’odeur ni le goût, ni la confiftance; fes filets font fermes & folides, & appro¬ chent plus en odeur & en confiftance du bif. tnme de Judée ({).
Dans la Thébaïde , du côté de l’eft, on trouve une montagne appellée GebeUl-Mo'él ou montagne de l’huile , à caufe qu’elle fournit beaucoup d’huile de pétrole (a). Olea- rius & Tavernier font mention du pétrole qui fe trouve aux environs de la mer Caf- pienne ; ce dernier Voyageur dit « qu’au « couchant de cette mer un peu au-deftus » de Chamack, il y a une roche qui s’avance « furie rivage, de laquelle diftille une huile » claire comme de l’eau , jufque-là que des j> gens s’y font trompés & ont cru d’en pou- t } voir boire; elle s’épaiflit peu-à-peu, & » au bout de neuf ou dix jours elle devient « grafle comme de l’huile d’olives, gardant » toujours fa blancheur. ... 11 v a trois ou » quatre grandes roches fort hautes allez » près de-là qui diftillent aulfi la même li- ji queur , mais elle eft plus épaifte & tire » fur le noir. On tranfporte cette derniere » huile dans plufieurs provinces de la Perfe,
(î) Dcfcription de l’Archipel , par Dapper. Amfierdam , >703 » PaSe 497-
(a) Voyage en Egypte par Granger ; Paris , 1745 » page 202,
des Minéraux I
« où le menu peuple ne brûle autre cho- fe (b). » Léon l’Africain parle de la poix qui fe trouve dans quelques rochers du mont Atlas & des fources qui font infeélées de ce bitume; il donne même la manière dont les Maures recueillent cette poix de montagne qu’ils rendent liquide par le moyen du feu (c). On trouve à Madagalcar cette même matière que Flaccour appelle de la poix de terre ou bitume judaïque (d). Enfin jufqu’au Japon les bitumes font non-feulement connus , mais très communs , & Kœmpfer allure qu’en quelques endroits de ces îles , l’on ne fe fert que d’huile bitumineufe au lieu de chan¬ delle (e).
En Amérique, ces mêmes fubftances bitu- mineufes ne font pas rares. Dampier a vu de la poix de montagne en blocs , de quatre livres pefant fur la côte de Carthagène : la mer jette ce bitume fur les grèves fablon- neufes de cette côte où il demeure à fec, il dit que cette poix fond au foleil , & ell plus noire , plus aigre au toucher & plus forte d’odeur que la poix végétale (/). Gar-
(b) Les fis Voyages de Tavernier ; Rouen, 171? , tome- II , page 307.
(c) Leon Africain , defeription ; Lugd. Batav. part. II , page 77 1.
{d) Voyage à Madagascar; Paris , 1661 , page 162.
( e ) Hitioire du Japon par Kœmpfer; la Haye, 1729, tome I, page 96.
(f) Voyage de Dampier; Rouen, 1715, tome 111 , page 39t.
30 Hîjloirc naturelle
cilaffo qui a écrit l’hiftoire du Pérou , & qui y é roi t né, rapporte qu’anciennement le» Péruviens fe fervoient de bitume pour em¬ baumer leurs morts ; ainfi , le bitume & même fes ulages ont été connus de tous les temps , & prefque de tous les Peuples policés.
Je n’ai raffemblé tous ces exemples que pour faire voir, que quoique les bitumes fe trouvent fous différentes formes dans plu- fleurs contrées , néanmoins les bitumes purs font infiniment plus rares que les matières dont ils tirent leur origine ; ce n’eft que par une fécondé opération de la Nature qu’ils peuvent s’en féparer & prendre de la liqui¬ dité ; les charbons de terre, les fchiftes bi¬ tumineux , doivent être regardés comme les grandes maffes de matières que les feux fou- terrains mettent en diftiilation pour former les bitumes liquides qui nagent fur les eaux ou coulent des rochers : comme le bitume» par fa nature on&ueufe , s’attache à toute matière & fouvent la pénètre , il faut la circonftance particulière du voiunage d’un feu fouterrain , pour qu’il fe manifeffe dans toute fa pureté ; car il me femble que ht Nature n’a pas d’autre moyen pour cet effet. Aucun bitume ne le diffout ni ne fe délaie dans l’eau; ainfi , ces eaux qui fourdifl'ent avec du bitume n’ont pu enlever par leur action propre ces particules bitumineules ; & dès-lors n’eft-il pas néceffaire d’attribuer à l’aétion du feu l’origine de ce bitume cou¬ lant , & même à l’aétion d’un vrai feu & ncn pas de la température ordinaire de l’intérieur de la terre ; car il faut une affez grande cha»*
des Minéraux. 3 I
leur pour que les bitumes fe fondent, & il en faut encore une plus grande pour qu’ils fe réfolvent en naphte & en pétrole, & tant qu’ils n’éprouvent que la température ordi¬ naire, ils relient durs * foit à l’air, foit dans la terre : ainfi, tous les bitumes coulans doi¬ vent leur liquidité à des feux fouterrains , & ils ne fe trouvent que dans les lieux ou les couches de terre bitumineufe & les veines de charbon font voifines de ces feux qui non-feulement en liquéfient le bitume , mais le diftillent & en font élever les parties les plus ténues pour former le naphte & les pé¬ troles, lefquels fe mêlant enfuite avec des matières moins pures, produifent Pafphalte & la poix de montagne, ou fe coagulent en jayet & en fuccin.
Nous avons déjà dit que le fuccin a cer¬ tainement été liquide, puisqu’on voit dans fon intérieur des infe&es dont quelques-uns y font profondément enfoncés : il faut ce¬ pendant avouer que jufqu’à préfent aucun Observateur n’a trouvé le fuccin dans cet état de liquidité, & c’eft probablement parce qu’il ne faut qu’un très petit temps pour le confolider; ces inSe&es s’y empêtrent peut- être lorSqu’il diftille des rochers & loriqu’il fumage Sur l’eau de la mer , où la chaleur de quelque feu Souterrain le Sublime en li¬ queur , comme l’huile de pétrole , l’aSphalte & les autres bitumes coulans.
Quoiqu’on trouve en Prufle & en quelques autres endroits , des mines de fuccin dans le fein de la' terre, cette matière efi néanmoins plus abondante dans certaines plages de la
C 4
,3 2 Hifloïre naturelle
mer : en Prufle & en Poméranie, la mer Bal¬ tique jette fur les côtes une grande quantité de fuccin, prefque toujours en petits mor¬ ceaux de toutes les nuances de blanc , de jaune , de brun & de différens degrés de pu¬ reté ; & à la vue encore plus qu’à l’odeur, on feroit tenté de croire que le fuccin n’eft qu’une réfine comme la copale à laquelle il reffemble ; mais le fuccin eft également im¬ pénétrable à l’eau, aux huiles & à l’efprit- de-vin, tandis que les réfines qui réfiftent à l’aétion de l’eau fe diffolvent en entier par les huiles, & fur-tout par l’efprit-de-vin : cette différence fuppofe donc dans le fuccin une autre matière que celle des réfines , ou du moins une combinaifon différente de la même matière ; or on fait que toutes les huiles végétales concrètes font , ou des gommes qui ne fe diffolvent que dans l’eau, ou des réfines qm ne fe diffolvent que dans l’efprit-de-vin, ou enfin des gommes-réfines qui ne fe diffolvent qu’imparfaitement par l’une & par l’autre; dès- lors ne pourroit-on pas préfumer, par la grande reffemblance qui îe trouve d’ailleurs entre le fuccin & les ré- fines , que ce n’eft en effet qu’une gomme- réfine dans laquelle le mélange des parties gommeufes & réfmeufes eft fi intime & en telle proportion, que ni l’eau ni l’efprit-de- vin ne peuvent l’attaquer; l’exemple des autres gommes-réfines que ces deux menf- trues n’attaquent qu’imparfaitement , femble nous l’indiquer.
En général , on ne peut pas douter que le fuccin , & tous les autres bitumes liquides
Ses Minéraux'. 3 3
©u concrets , ne doivent leur origine aux huiles animales & végétales imprégnées d’a.cide ; mais comme indépendamment des huiles, les animaux & végétaux contiennent des fubftances gélatineufes & mucilagineufes en grande quantité , il doit fe trouver des bitumes uniquement compofés d'huile , & d’autres mêlés d’huile & de matière gélati- neufe ou mucilagineufe ; des bitumes pro- duits par les feules réfines, d’autres par les gommes-réfines mêlées de plus ou moins d’acide „ & c’eft à ces diverfes combinaifons des différens réfidus des fubftances animales ou végétales , que font dues les variétés qui fe trouvent dans les qualités des bi¬ tumes.
Par exemple , l’ambre gris paroît être un bitume qui a confervé les parties les plus odorantes des réfines dont le parfum eft aro¬ matique ; il eft dans un état de mollette & de vifcoftté dans le fond de la mer auquel il eft attaché , & il a une odeur très défagréable & très forte dans cet état de mollette avant fon defféchement : l’avidité avec laquelle les oifeauflt, les poiffons & la plupart des ani¬ maux terreftres le recherchent & l’avalent, femble indiquer que ce bitume contient aufli une grande quantité de matière gélatineufe & nutritive. Il ne fe trouve pas dans le fein de la terre; c’eft dans celui de la mer, & fur-tout dans les mers méridionales qu’il eft en plus grande quantité ; il ne fe détache du fond que dans le temps des plus grandes tempêtes, & c’eft alors qu’il eft jeté fur les rivages ; il durcit en fe féchant; mais une
34 Hlftolre naturelle
chaleur médiocre le ramollit plus aifément que les autres bitumes, il fe coagule par le froid, & n’acquiert jamais autant de fermeté que le fuccin ; cependant par l’analyfe chi¬ mique , il donne les mêmes réfultats & laiffe les mêmes réfklus : enfin il ne refteroit au¬ cun doute fur la conformité de nature entre cet ambre jaune ou fuccin & l’ambre gris , ft ce dernier fe trouvoit également dans le fein de la terre & dans la mer; mais jufqu’à ce jour il n’y a qu’un feul homme (g) qui ait dit qu’on a trouvé de l’ambre gris dans la terre en Ruine : néanmoins comme l’on n’a pas d’autres exemples qui puiffent con¬ firmer ce fait, & que tout l’ambre gris que nous connoiffons a été, ou tiré de la mer, ou rejeté par fes flots, on doit préfumer que c’eft dans Ja mer feulement que l’huile & la matière gélatineufe dont il eft compofé , fe trouvent dans l’état néceffaire à fa formation. En effet, le fond de la mer doit être revêtu d’une très grande quantité de fubftance géla¬ tineufe animale, par la diflolution de tous les corps des animaux qui y vivent & périf- fent (/i) , & cette matière gélatineufe doit y
( £ ) J’ajouterai fans liéfiter , dit l’Auteur , que la for¬ mation de l’ambre gris eft la même que celle de l’ambre jaune on fuccin , parce que je fais qu’il n’y a pas long¬ temps qu’on a trouvé en Ruflie de l’ambre gris en fouil¬ lant la terre. Colleélion académique , partie étrangère , t^rne J y, page 2.97.
(h) Al. de Montbeillard a obfervé, en travaillant à
des Minéraux 3 5
être tenue dans un état de mollette & de fraîcheur ; tandis que cette même matière gélatineufe des animaux terreftres , une fois 1 enfouie dans les couches de la terre, s’eft bientôt entièrement dénaturée par le def- féchement ou le mélange qu’elle a fubi ; ainfi , ce n’eft que dans le fond de la mer que doit fe trouver cette matière dans Ion « état de fraîcheur; elle y eft mêlée avec un bitume liquide ; & comme la liquidité des bitumes n’eft produite que par la chaleur des feux fouterrains, c’eft auffi dans les mers dont le fond eft chaud, comme celles de la Chine & du Japon , qu’on trouve l’ambre gris en plus grande quantité; & il paroît encore que c’eft à la matière gélatineufe, molle dans l’eau & qui prend de la confif- tance par le defféchement, que l’ambre gris doit la mollette qu’on lui remarque tant qu’il eft dans la mer , & la propriété de fe durcir promptement en fe deffechant à l’air ; tout comme on peut croire que c’eft par l’inter¬ mède de la partie gommeufe de la gomme- réfine , que le fuccin peut avoir dans les eaux de la mer une demi- fluidité.
L’ambre gris, quoique plus précieux que l’ambre jaune, eft néanmoins plus abondant j la quantité que la Nature en produit eft très
ÎHiftoire des infectes , qu’il y a plufieurs claiTes d’animaux & infeftes marins , tels qme les polypes & autres dont la chair eft parfumée, & il eft tout naturel que; cette matière (bit entrée dans la compoûtion de l’aiubre sris.
3 6 Hljloïre naturelle
confxdérable , & on le trouve prefque tou¬ jours en morceaux bien plus gros que ceux du fuccin (i), & il feroit beaucoup moins rare s’il ne fervoit pas de pâture aux ani¬ maux. Les endroits où la mer le rejette en plus grande quantité dans l’ancien continent, font les côtes des Indes méridionales (£), &
( i ) I.e Capitaine William Keching dit que les Maîtres lui avoient appris qu’on avoit trouvé fur les côtes de Mombafla , de Madagoxa , de Lata & de Brava , de prodigieufes martes d’ambre gris dont quelques-unes pe- foient jufqu’à vingt quintaux , & fi groll'cs enfin qu’une feule pouvoit cacher plufieurs hommes- Hiftoire généra/e des Voyages, tome I, page 469. — Plufieurs Voyageurs parlent de morceaux de cinquante & de cent livres pelant. Voye\ Linfcoty les anciennes relations des Indes l’ Hiftoire d'Ethiopie par Gaétan Charpy. &c.
( k ) La mer jette à Jolo beaucoup d'ambre ; on artiire à Manille , qu’avant que les Efpagnols enflent pris poflef- fion de cetre île, les Naturels ne faifoient pas de cas de l’ambre , & que les Pêcheurs s’en fervoient pour faire des torches ou flambeaux, avec lefquels ils alloient pêcher pendant la nuit ; mais qu’eux Efpagnols , en relevèrent bientôt le prix. . . .
La mer apporte l’ambre fur les côtes de .lolo , vers la fin des vents d’oueft ou d’aval ; on y en a quelquefois trouvé de liquide comme en fuüon , lequel ayant été ramalTé & bénéficié , s’crt trouvé très fin & de bonne qualité : je ne rapporte point en détail ce que penfent les Naturels de Jolo fur la nature de l’ambre. ... Ce qui art très fingulier, c’ert la quantité qui s’en trouvent fur
des Minéraux Vf
particulièrement des îles Philippines & du Japon , & fur les côtes du Pegu & de Ben¬ gale (/) ; celles de l’Afrique, entre Mozam¬ bique ( m ) & la mer rouge , & entre le
les côtes occidentales de cette île , quoique tràs petite , puifqu’elle n’a que quatre à cinq lieues du nord au fud, pendant qu’on n’en trouve point, ou prefque point à Mindanao , qui eft une île très confidérable en comparai- fon de Jolo. On pourroit peut-être apporter de cette diffé¬ rence la raifon fuivante : Jolo fe trouve comme au milieu de toutes les autres îles de ces mers, & dans lç canal de ces violens & furieux courans qu’on y retient, & qui font occaüonnés par le refferrement des mers en ces para¬ ges ; & ce qui fembleroit appuyer ces raifons , eft que l’amb.e ne vient , fur les côtes de Jolo , que fur la fin des vents d’aval ou d’oueft. Voyagi dans les mers de l'Inde, par M. le Gentil ; Paris, 1781 , tome II, in- 4*. pages 84 & Sf.
( / ) On en recueille auffi fur les côtes du Pégu & de Bengale, &c. Voyage de Manieflo , fuite d’Oléarius, tome 11 , page 139.
(m) Quand le Gouverneur de Mozambique revient à Goa , ap bon de trois ans que fon gouvernement eft fini , il emporte environ d'ordinaire avec lui, pour trois cents mille pardos d'ambre gris , & le pardos eft de vingt fols de notre monnoie ; il s’en trouve quelquefois des morceaux d’une grolfeur confidérable. V oyagcs de Tavemier, tome IV page 73. 11 vient de l’ambre gris en abondance de Mozambique & de Sofala. Relation de Saris , Hijloirc générale des Voyages , tome II, page 185»
3 S Hïjloîre naturelle
Cap-vert (n) & le royaume de Maroc ( o ).
Èn Amérique, il s’en trouve dans la baye de Honduras, dans le golfe de la Floride , fur les côtes de l’île du Maragnon au jB réfil j & tous les Voyageurs s’accordent à dire que fx les chats fauvages , les fangliers , les re¬ nards, les oifeaux , & même les poillons & les crabes n’étoient pas fort friands de cette drogue précieufe, elle feroir bien plus com¬ mune (p ) : comme elle eft d’une odeur très
( n ) On trouve quelquefois de l’ambre gris aux îles du Cap-vert , & particulièrement à l’ilej de Sal ; & l’on pré¬ tend que fi les chats fauvages, & même les tortues vertes, ne mangeoient pas cette précieufe gomme , on y en trou- vero t beaucoup davantage. Roberti , dans l’HiJloire gene¬ rale des Voyages , tome 11, page 323,
(o ) Sur le bord de l’Océan , dans la province du Sui , au royaume de Maroc, on rencontre beaucoup d’ambre gris , que ceux du pays donnent à bon marché aux Eu¬ ropéens qui y trafiquent. L’Afrique de Marmol ; Paris , 1667, tome II, page 30. — On tire des rivières de Gambie , de Catfiao & de Saint-Domingo , de très bons ambres : dans le temps que j’étois fur la mer, elle en jeta fur le rivage une pièce d’environ trente livres ; j’en achetai quatre livres , dont une partie fut vendue en Europe, au prix de huit cents florins la livre. Voyage de Vaden de Broeck , tome IV, page 30S.
(p) Voyez PHifloire générale des Voyages, tome 11 , pages 187, 363 , 367 ; tome V , page 210 ; & tome XIV, page 247. — L’ambre gris efl atïez commun fur quelques côtes de Madagafcar & de l’ile Sainte-Marie : après qu’il
des Minéraux. 39
forte au moment que la mer vient de la rejeter; les Indiens, les Nègres & les Amé¬ ricains la cherchent par l’odorat plus que parles yeux, & les oifeaux avertis de loin par cette odeur, arrivent en nombre pour s’en repaître , & fouvent indiquent aux hommes les lieux où ils doivent la cher¬ cher (.7). Cette odeur défagréable & forte s’adoucit peu-à-peu à mefure que l’ambre gris fe sèche & fe durcit à l’air ; il y en a de différens degrés de confiltance & de cou¬ leur différente; du gris, du brun, du noir & même du blanc : mais le meilleur & le plus dur , paroît être le gris-cendré. Comme les poiffons , les oifeaux & tous les animaux qui fréquentent les eaux ou les bords de la mer avalent ce bitume avec avidité, ils le rendent mêlé de la matière de leurs excré- mens , & cette matière étant d’un blanc de
y a eu une grande tourmente , on le trouve fur le rivage de la mer ; c’eft un bitume qui provient du fond de l’eau ; fe coagule par fucceffion de temps & devient ferme : les poiflfons , les oifeaux , les crabes , les cochons , l’aiment tant qu’ils le cherchent incefTamment pour le dévorer. Voyage de flaccoun , pages 29 & 150,
(ÿ ) Hiftoire des Aventuriers , &c. Paris , 16S 6, tome J , pages 307 & 308. — Le nommé Barker a trouvé & ramaffé lui-même un morceau d’ambre gris , dans la baie de Honduras, fur une grève fablonneufe qui pefoit plus de cent livres ; fa couleur droit fur le noir , & il étoit dur à peu-près comme un fromage , & de bonne odeur après qu’il fut fée hé. Voyage de Dampisr, tomç J, page 20,
40 Hifloire naturelle
craie dans les oifeaux, cet ambre blanc, qui ert le plus mauvais de tous , pourroit bien être celui qu’ils rendent avec leurs excré- mens; & de même l’ambre noir feroit celui que rendent les cétacées & les grands pos¬ ions dont les déje&ions font communément noires.
Et comme l’on a trouvé de l’ambre gris dans l’eftomac & les intertins de quelques cétacées (r) , ce feul indice a fuffi pour faire
( r ) » Kœmpfer dit qu’on le tire principalement des inteftins d’une baleine affez commune dans la mer du Japon , & nommée fiahfira -, il y eft mêlé avec les excré- mens de l’animal, qui font comme de la chaux, & pref- que aulli durs qu’une pierre ; c’eft par leur dureté qu’on juge s’il s’y trouvera de l’ambre gris ; mais ce n’elf pas de-! à qu’il tire fon origine De quelque manière qu’il croiffe au fond de la mer ou fur les côtes , il paroit qu’il fert de nourriture à ces baleines, & qu’il ne fait que fe perfectionner dans leurs entrailles ; avant qn’elles l’ait avalé , ce n’eft qu’une fnbftance alfez difforme > plate, gluante, femblable à la boufe de vache, & d’une odeur très défagréable : ceux qui le trouvent dans cet état, flottant fur l’eau ou jetté fur le rivage, le divifent en petits morceaux qu’ils preflent , pour lui donner la forme de boule ; à mefure qu’il durcit , il devient plus folide & plus pefant : d’autres le mêlent & le paîtriflènt avec de la farine de coffes de riz , qui en augmente la quantité & relève la coulenr. 11 y a d’autres manières de le falfifier ; mais fi l’on en fait briller un morceau , le mélange fe découvre auflitôt par la couleur , l’odeur & les autres qualités de la fumée : les Chinois , pour le
naître
2e s Minéraux 41
naître l’opinion que c’étoit une matière ani¬ male qui fe produifoit particulièrement dans le corps dés baleines (/) , & que peut-être c’étoit leurfperme, &c. D’autres ont imaginé que l’ambre gris étoit de la cire & du miel tombés des côtes dans les eaux de la mer, & enfuite avalés par les grands poiffons dans l’eftomac defquels ils fe convertiffoient en ambre, ou devenoient tels par le feul mé¬ lange de l’eau marine ; d’autres ont avance que c’étoit une plante comme les cham¬ pignons ou les truffes , ou bien une racine qui croifl’oit dans le terrein du fond de la mer; mais toutes ces opinions ne font fon¬ dées que fur de petits rapports ou de fauffes analogies : l’ambre gris , qui n’a pas été connu des Grecs ni des anciens Arabes, a été dans ce fiècle reconnu pour un véritable bitume par toutes fes propriétés, feulement il eft probable, comme je l’ai infinué , que ce bitume qui diffère de tous les autres par
mettre à l'épreuve , en raclent un peu dans de l’eau de thé bouillante ; s’il eft véritable , il fe dillout & fe répand avec égalité , ce que ne fera pas celui qui eft fophiftiqué. Les Japonois n’ont appris que des Chinois & des Hollan- dois, la valeur de l’ambre gris, à l’exemple de la plu¬ part des Natious orientales de l’Aüe , "ils lui préfèrent l’ambre jaune ». Hijloire générale des Voyages, tome X , page 657.
{•O Voyez les Tranfaffions philofophiques , Nos. 3S5 & 3S7 ,& la réfutation de cette opinion dans les iVo*. 453, 434 * 435-
Minéraux. Tome III , D
42 1 Hifloire naturelle
la confiflance & l’odeur, eft mêlé de quel-' ques parties gélatineufes ou mucilagineufes des animaux & des végétaux qui lui donnent cette qualité particulière; mais l’on ne peut douter que le fond & même la majeure par¬ tie de fa fubllance ne l'oit un vrai bitume. _
Il paroît que l’ambre gris mou & vif- queux tient ferme fur le fond de la mer , puifqu’il ne s’en détache que par force dans le temps de la plus grande agitation des eaux ;• la quantité jetée fur les rivages, & qui relie après la déprédation qu'en font les animaux,, démontre que c’eft une production abondante de la Nature & non pas le fperme de la ba¬ leine , ou le miel des abeilles, ou la gomme de quelqu’arbre particulier : ce bitume re¬ jeté , ballotté par la mer, remplit quelque¬ fois les fentes des rochers contre lefquels les flots viennent fe brifer. Robert Lade dé¬ crit l’efpèce de pêche qu’il en a vu faire fur les côtes des îles Lucaies ; il dit que l’ambre gris fe trouve toujours en beaucoup plus grande quantité dans la faifon où les vents régnent avec le plus de violence , & que les plus grandes richefîes en ce genre fe trou- voient entre la petite île d’Éleuthère Si celle de Harbour, & que l’on ne doutoit pas que les Bermudes n’en continffent encore plus : n Nous commençâmes, dit-il, notre re- u cherche par l’ile d’Éleuthère dans un jour » fort calme, le 14 de Mars, & nous rap- » portâmes ce même jour douze livres d’am • r> bre gris; cette pêche ne nous coûta que « la peine de plonger nos crochets de ter ■y» dans les lieux que notre Guide nous in-
des Minéraux 1 45
fi cliquoit, & nous euffions encore mieux » fait fi nous euffions eu des filets.... j> L’ambre mou fe plioit de lui-mème , & » embrafloit le crochet de fer avec lequel v il fe laiffoit tirer jufque dans la barque; >> mais, faute de filets, nous eûmes le regret r> de perdre deux des plus belles maffies » d’ambre que j’aie vues de ma vie ; leur » forme étant ovale , elles ne furent pas » plutôt détachées que glillantfur le crochet » elles fe perdirent dans la mer. .. Nous j> admirâmes avec quelle promptitude ce qui » n’étoit qu’une gomme molaffe dans le fein » de la mer, prenoit allez de confiftance » en un quart-d’heure pour réfifter à la prel- » fion de nos doigts : le lendemain notre » ambre gris étoit auffi ferme & auffi beau » que celui qu’on vante le plus dans les ma- » gafins de l’Europe .... Quinze jours que » nous employâmes à la pêche de l’ambre » gris ne nous en rapportèrent qu’environ » cent livres ; notre Guide nous reprocha » d’être venus trop tôt, U nous prefi'oit de » faire le voyage des Bermudes , affurant » qu’il y en avoit encore en plus grande » quantité.... Qu’on en avoit tiré une malle » de quatre-vingts livres pefant, ce qui cefla » de m’étonner lorfque j’appris , ditceVoya- » geur, qu’on en avoit trouvé fur les côtes » de la Jamaïque , une malle de cent quatre- » vingts livres (t). »
(1) Voyage de Robert Lnde. Paris j 1774, tome II
pages 4S , 5 1 , 71 2 j 98 , 99 & 492-
44 Hijlolre naturelle
Les Chinois , les Japonois , & plufieurs autres peuples de l’Aiie, ne font pas de l’ambre gris autant de cas que les Européens ; ils eftiment beaucoup plus l’ambre jaune ou fuccin qu’ils brûlent en quantité par magni¬ ficence , tant à caufe de la bonne odeur que fa fumée répand , que parce qu’ils croient cette vapeur très falubre, & même fpécifique pour les maux de tête & les affections ner- veufes (h).
L’appétit véhément de prefque tous les animaux pour l’ambre gris, n’eft pas le feul indice par lequel je juge qu’il contient des parties nutritives, mucilagineufes , prove¬ nant des végétaux , ou même des parties gélatineufes des animaux ; & fa propriété analogue avec le rnufc & la civette, femble confirmer mon opinion. Le mufc & la civette font, comme nous l’avons dit (x), de pures fubftances animales ; l’ambre gris ne déve¬ loppe fa bonne odeur & ne rend un excel¬ lent parfum que quand il eft mélé de mufc & de civette en dole convenable : il y a donc un rapport très voifin entre les parties odo¬ rantes des animaux & celles de l’ambre gris & peut-être toutes deux font-elles de même nature. * (*)
( u ) liiftoire du Japon par Kœmpfer , appendice , tome II, page s o.
( * ) Voyez l’article de l’animal mufc, tome XII , page 368 j & ceux de la civette & du zibet , tome IX, page 299.
des Minéraux.
45
DE LA PYRITE MARTIALE.
Je ne parlerai point ici des pyrites cuivreu¬ ses ni des pyrites arfénicales; les premières ne font qu’un minerai de cuivre, & les fé¬ condés, quoique mêlées de fer, diffèrent de la pyrite martiale en ce qu’elles rélïftent aux impreffions de l’air & de l’humidité, qu’ell es font même fufceptibles de recevoir le plus vif poli : le nom de marcajjlte , fous lequel ces pyrites arfénicales font connues, les diftingue affez pour qu’on ne puiffe les confondre avec la pyrite qu'on appelle mar¬ tiale, parce qu’elle contient une plus grande quantité de fer que de tout autre métal ou demi-métal. Cette pyrite, quoique très dure, ne peut fe polir & ne réfiite pas à l’impref- fion même légère des élémens humides ; elie s’effieurit à l’air, & bientôt fe décompofe en entier : la décompofition s’en fait par une effervefcence accompagnée de tant de cha¬ leur , que ces pyrites amoncelées, foit par la main de l’homme, fcit par celle de la Na¬ ture , prennent feu d’elles- mêmes des qu’elles font humeétées, ce qui démontre qu’il y a dans la pyrite une grande quantité de feu fixe , & comme cette matière du feu ne fe manifefte fous une forme folide que quand elle eft faifie par l’acide, il faut en conclure que la pyrite renferme également la fubf- tance du feu fixe & celle de l’acide ; mais
46 Ifijloîre naturelle
comme la pyrite elle-même n’a pas été pro¬ duite par Faction du feu, elle ne contient* point de foufre formé, & ce n’elt que par la combuftion qu’elle peut en fournir (<x); ainfi. Ton doit lé borner à dire que les py¬ rites contiennent les principes dont le foufre fe forme par le moyen du feu , & non pas affirmer qu’elles contiennent du lbufre tout formé: ces deux fubftances , l’une de feu r l’autre d’acide, font dans la pyrite intime¬ ment réunies & liées à une terre, fouvent calcaire , qui leur fert de bafe , & qui tou¬ jours contient une plus ou moins grande quantité de fer; ce font là les feules fubftan- ces dont la pyrite martiale elt compofée y elles concourent par leur mélange & leur union intime à lui donner un afléz grand degré de dureté pour étinceler contre l’acier & comme la matière du feu fixe provient des corps organilés , les molécules organiques que cette matière a confervées , tracent dans ce minéral les premiers linéamens de l’orga- nifation en lui donnant une forme régulière, laquelle, fans être déterminée à telle ou telle figure, eft néanmoins toujours achevée ré-
(a) On pourra dire que la combuftion n'eft pas tou¬ jours néceffaire pour produire du foufre , puifque les acides féparent le même foufre , tant des pyrites que des comportions artificielles dans lefquelles on a fait entrer le foufre toit formé; mais cette aftion des acides n’eft- elle pas une forte de combuftion , puifqu’ils n’agiifent que par le feu qu'ils contiennent ?
des Minéraux.
gulièrement , en fphères , en ellipfes , en1 prilmes, en pyramides, en aiguilles &c. car il y a des pyrites de toutes ces formes dif¬ férentes, félon que les molécules organiques» contenues dans la matière du feu , ou par leur mouvement, trace la figure & le plan fur lequel les particules brutes ont été for¬ cées de s'arranger.
La pyrite eft donc un minéral de figure' régulière &l de fécondé formation, & qui n’a pu exifter avant la nailfance des animaux Sc des végétaux ; c’eft un produit de leurs dé- trimens plus immédiat que le foutre qui, quoiqu’il rire fa première origine de ces mêmes détrinaens des corps organifés, a néan¬ moins pafle par l’état de pyrite, & n’eft de¬ venu foufre que par l’effervefcence ou la combuftion : or l’acide en fe mêlant avec les huiles groifières des végétaux, les convertit en bitume , & faififTant de même les parties fubtiles du feu fixe que ces huiles renfer- moient, il en compofe les pyrites en s’unif- fant à la matière terrugineule qui lui eft plus- analogue qu’aucune autre , par l’affinité qu’a¬ ie fer avec ces deux principes du foufre; auffi les pyrites fe trouvent- elles fur toute la furface de la terre jufqu’à la profondeur où font parvenus les détri mens des corps organilés, & la matière pyriteufe n’eft nulle part plus abondanre que dans les endroits qui en contiennent les détrimens , comme dans les mines de charbon de terre, dans les couches de bois foffiles , & même dans l’ar¬ gile , parce qu’elle renferme les débris des coquillages & tous les premiers detrimens
4& Hifloire naturelle
de la Nature vivante au fond des mers. On trouve de même des pyrites fous la terre végétale dans les matières calcaires, & dans toutes celles ou l’eau pluviale peut dépofer la terre limoneufe & les autres détrimens des corps organifés.
La force d’affinité qui s’exerce entre les parties conftituantes des pyrites eft fi grande, que chaque pyrite a fa fphère particulière d’attraftion ; elles fe forment ordinairement en petits morceaux féparés , & on ne les trouve que rarement en grands bancs ni en veines continues (£) ; mais feulement en petits lits , fans être réunies enfemble , quoiqu’à peu près contiguës , & à peu de diftance les unes des autres : & lorfque cette matière pyriteufe fe trouve trop mélangée , trop impure pour pouvoir fe réunir en maffe régulière, elle refte difféminée dans les ma¬ tières brutes , telles que le fchifte ou la pierre calcaire dans lefquelles elle femble exercer encore fa grande force d’attraftion ; car elle leur donne un degré de dureté qu’aucun autre mélange ne pourroit leur communiquer; les grès même qui le trou¬ vent pénétrés de la matière pyriteufe, font
( b ) Il y a dans le comté d’Alais en Languedoc , une mafle de pyrites de quelques lieues d’étendue , fur laquelle on a établi deux manufactures de vitriol : il y a auiTi près de Saint-Dizier en Champagne, un banc de pyrites mar¬ tiales dont on ne connoît pas l’étendue , & ces pyrites en nialfes continues , font pofées fur un banc de grès.
communément
/ dts Minéraux. ^
communément plus durs que les autres ; le charbon pyriteux eft auflï le plus dur de tous les charbons de terre ; mais cette dureté communiquée par la pyrite ne fubfifte qu’au- tant que ces matières durcies par Ton mé¬ lange , (ont à l'abri de l’aéïion des élémens humides; car ces pierres calcaires, ces grès & ces fchiftes fi durs, parce qu’ils font py¬ riteux, perdent à l’air, en aflez peu de temps, non -feulement leur dureté, mais même leur confiftance.
Le leu fixe, d abord contenu dans les corps organifes , a été pendant leur décompofition faift par 1 acide , & tous deux réunis à la matière ferrugineute , ont formé des pyrites martiales en très grande quantité, dès le temps de la naiflance & de la première mort des animaux & des végétaux : c’eft à cette époque prefque auflï ancienne que celle de la naifiance des coquillages, à laquelle il faut rapporter le temps de la formation des cou¬ ches de la terre végétale & du charbon de terre , & auflï les amas de pyrites qui ont fait, en s’échauffant d’elles- mêmes, Je pre¬ mier foyer des volcans ; toutes ces matières combuftibles font encore aujourd’hui l’ali¬ ment de leurs feux & la matière première du foutre qu ils exhalent. Et comme avant l’ufage que l’homme a fait du feu, rien ne dttruilcut les végétaux que leur vetufté , la quantité de matière végétale accumulée pen¬ dant ces premiers âges eft immenfe ; auflï s’eft-il formé des pyrites dans tous les lieux de la terre, fans compter les charbons qui doivent être regardés comme les reftes pré-
Mïnéraux. Tome 111, £ r
5 p Hlfloire naturelle
deux de cette ancienne matière végétale ; qui s’eft coniervée dans Ton baume ou Ton huile , devenue bitume par le mélange de l'acide.
Le bitume & la matière pyriteufe pro¬ viennent donc également des corps organi- fes , le premier en eft l’huile, & la fécondé la fubftance du feu fixe, l’un & l’autre faifis par l’acide ; la différence efl’entielle entre le bitume & la pyrite mariiale confifte en ce que la pyrite ne contient point d’huile, mais du feu fixe , de l’acide & du fer : or nous verrons que le fer a la plus grande affinité avec le feu fixe & l’acide , & nous avons déjà démontré que ce métal contenu en allez grande quantité dans tous les corps organi- fés , fe réunit en grains & fe régénère dans la terre végétale dont il fait partie conffi- tuante ; ce font donc ces mêmes parties fer- rugineufes difféminées dans la terre végé¬ tale, que la pyrite s’approprie dans fa for- matioo , en les dénaturant au point que , quoique contenant une grande quantité de fer , la pyrite ne peut être mife au nombre des mines de fer, dont les plus pauvres donnent plus de métal que les pyrites les plus riches ne peuvent en rendre , fur-tout dans les travaux en grand , parce qu’elles brûlent plus qu’elles ne fondent , & que pour en tirer le fer, il faudroit les griller pîufieurs fois, ce qui feroit auffi long que difpendieux , & ne donneroit pas encore une auffi bonne fonte que les vraies mines de fer.
La matière pyriteufe, contenue dans la
des Minéraux'. ^ x
couche unïverfelle de la f terre végétale , quelquefois divifée en parties fi ténues, t]u elle pénétré avec l’eau , non-feulement dans les joints des pierres calcaires , mais meme à travers leur maffe , & que fe raf- femblant enfuite dans quelque cavité , elle y forme des pyrites matfives. M. de Lafione en cite un exemple dans les carrières de Compiegne (c) , & je puis confirmer ce fait par plufieurs autres femblables ; j’ai vu dans les derniers bancs de plufieurs carrières de pierre & de marbre , des pyrites en petites malTes & en grand nombre , la plupart plates &£ arrondies, d autres anguleules, d’autres à peu-près fphériques, &c. 'j’ai vu qu’au défions de ce dernier banc de pierre calcaire qui étoit fi tué fous les autres, à plus de cin¬ quante pieds de profondeur , & qui portoit immédiatement fur la glaife , il s’étoit formé un petit lit de pyrites aplaties, entre la pierre & la glaife ; j’en ai vu de même dans
( C ) Les rocs de pierre qui fe -trouvent fort avant dans la terre , aux environs de Compiegne , offroient pour la plupart, des cavités dont quelques-unes avoient jufqu’à un demi - pied de diamètre & plus. Dans ces cavités , on remarquoit de petits mamelons ou protubérances adhéren¬ tes aux parois, qui s’étoient formés en manière de ftalac- tites ; mais ce qu’il y a de plus fingulier, c’eft une pyrite qui s’étoit formée dans une de ces cavités par un gurli pytiteux , filtré à travers le tilïu même du bloc de pierre. Mémoires de l’Académie des Siences , année 1771 , page 86,
tft Hijloîre naturelle
l’argile à d’aflez grandes profondeurs, & j’at fuivi dans cette argile, la trace de la terre végétale avec laquelle la matière pyriteufe étoit descendue par la filtration des eaux. L’origine des pyrites martiales, en quelque lieu qu’elles fe trouvent , me paroît donc bien conftatée ; elles proviennent dans la terre végétale des détrimens des corps orga- nifés lorfqu’ils fe rencontrent avec l’acide , & elles fe trouvent par-tout où ces détri- mens ont été tranfportés anciennement par les eaux de la mer, ou infiltrés dans des temps plus modernes par les eaux plu¬ viales (<f).
Comme les pyrites ont un poids prefqu’égal à celui d’un métal, qu’elles ont auflï le lui¬ sant métallique , qu’enfin elles fe trouvent quelquefois dans les terreins voifins des mi¬ nes de fer, on les a fouvent prifes pour de vraies mines ; cependant il eft très aifé de ne s’y pas méprendre , même à la première
( d ) Dans la chaîne des collines d’Alais , M. l’Abbé de Sauvages a obfervé une grande quantité de pyrites j » elles font, dit-il, principalement compofées d’une matière in¬ flammable , d’un acide vitriolique , & d’une terre vitrifu- ble & métallique qui leur donne une fi grande dureté, qu’on en tire des étincelles avec le fufil, lorfque la terre métallique eft ferrugineufe.
Cette matière cl! (Toute qui forme les pyrites, a fuivi dans nos rochers des routes pareilles à celles des fucs pierreux ordinaire1'.
10. Elle a pénétré intimement les pores de la pierre,
des Mlnèrduie'.
infpe&ion, car elles font toutes d’une figure décidée , quoique irrégulière & fouvent dif¬ férente ; d’ailleurs on ne les trouve guère mêlées en quantité avec la mine de fer en grains ; s’il s’en rencontre dans les mines de fer en grandes maffes, elles s’y font formées comme dans les bancs de pierre , par la filtra¬ tion des eaux : elles font aufli plus dures que les mines de fer, & lorfqu’on les mêle au fourneau, elles les dénaturent & les brûlent au lieu de les faire fondre. Elles ne font pas difpofées comme les mines de fer en amas ou en couches ; mais toujours difperlées , ou du moins féparées les unes des autres même dans les petits lits où elles font le plus contiguës.
Lorfqu’elles fe trouvent amoncelées dans le fein de la terre , & que l’humidité peut arriver à leur amas, elles produilent les feux fouterrains dont les grands effets nous font représentés par les volcans , & les moindres
& , quoiqu’on ne l’y cl i dingue pas toujours dans les endures » on ne peut pas douter de fa préfence par l’odeur que donnent les pierres qu’on a fait calciner à demi :
2°. Elle s’eft épanchée & criftallifte dans des veines qu’on prendroit pour des petits filons métalliques :
Lorfque le fuc pyriteux a été plus abondant , & qu’il a rencontré des cavités ou des fentes affez larges pour n’y point être gêné, il s’eff répandu comme les fucs pier¬ reux dans ces fentes, il s’y eft criftallifé d’une façon réeulière ». Voye\ les Mémoires de l' Académie des Sciences , année 1746, page 732 jufqu’à 740.
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14 Hijloire naturelle
effets par la chaleur des eaux thermales , & par les fources de bitume fluide que cette chaleur élève par difttllation.
La pyrite, qui paroît n’ëtre qu’une matière ingrate & même nuiftble, eft néanmoins l’un des principaux inffrumens’ dont le fert la Na¬ ture pour reproduire le plus noble de tous lès éléntens; elle a renfermé dans cette ma¬ tière vile le plus précieux de lès tréfors, ce feu fixe , ce feu facré quelle avoir départi aux êtres organifés, tant par l’émiffion de la lumière du l'oleil que par la chaleur douce dont jouit en propre le globe de la Terre.
Je renvoie aux articles luivans ce que nous avons à dire, tant au fujet des marcaf- fites , que fur les pyrites jaunes cuivreufes, les blanches arfénicaies , les galènes du plomb, & en général fur les minerais mé¬ talliques, dont la plupart ne font que des pyrites plus ou moins mêlées de métal.
des Minéraux <
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4 SSS8S8SS®:®8SSSa©8S8®©S^ *-
DES MATIERES VOLCANIQUES.
Sous le nom de matières volcaniques , je n’en¬ tends pas comprendre toutes les matières rejetées par l’explofion des volcans , mais feulement celles qui ont été produites ou dénaturées par l’attion de leurs feux : un volcan dans une grande éruption * annoncée par les mouvemens convulfifs de la ferre, foulève, détache & lance au loin les rochers, les fables , les terres , toutes les maffes en un mot qui s’oppofenr à l’exercice de fes forces : rien ne peut réfifter à l’élément ter¬ rible dont il eft animé : l’océan de feu qui lui fert de bafe* agite & fait trembler la terre avant de l’entr’ouvrir ; les réfiftances qu’on croiroit invincibles , font forcées de livrer paffage à fes flots enflammés ; ils enlèvent avec eux les bancs entiers ou en débris des pierres les plus dures, les plus pefantes , comme les couches de terre les plus légères; & projetant le tout fans ordre & fans diftinélion , chaque volcan forme au- delTus ou autour de fa montagne, des^ col¬ lines de décombres de ces mêmes matières, qui faifoient auparavant la partie la plus fo- lide & le maffif de fa bafe.
On retrouve dans ces amas immenfes de matières projetées les mêmes lortes de pierres -virreufes ou calcaires, les mêmes fables & terres dont les unes n’ayant été que dépla-
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5 6 Hijloire naturelle
cées & lancées font demeurées inta&es , & n’ont reçu aucune atteinte de l'action du feu ; d’autres qui en ont été fenfiblement altérées , & d’autres enfin qui ont fubi une fi forte impreflion du feu , & fouffert un fi grand changement, qu’elles ont, pour ainfi dire , été transformées , & femblent avoir pris une nature nouvelle & différente de celle de toutes les matières qui exiftoient auparavant.
Aufli - avons nous cru devoir diftinguer dans la matière purement brute deux états différens , & en faire deux claffes répa¬ rées (a) ; la première compofée des produits •immédiats du feu primitif, & la fécondé des produits fecondaires de ces foyers particu¬ liers de la Nature dans lefquels elle travaille en petit comme elle opéroit en grand dans le foyer général de la vitrification du Globe;
6 même fes travaux s’exercent fur un plus grand nombre de fubftances , & font plus variés dans les volcans qu’ils ne pouvoient l’être dans le feu primitif, parce que toutes les matières de fécondé formation n’exiftoient pas encore; les argiles, la pierre calcaire,' la terre végétale n’ayant été produites que poftérieurement par l’intermède de l’eau, au lieu que le feu des volcans agit fur toutes les fubftances anciennes ou nouvelles, pures ou mélangées , fur celles qui ont été pro-
( a ) Voyez le premier article du premier Volume de cette hiftoire des Minéraux,
des Minéraux,
«luîtes par le feu primitif, comme fur celles
Î[ui ont été formées par les eaux , fur les ubftances organifées & fur les maffes brutes ; en forte que les matières volcaniques fe pré- fentent fous des formes bien plus diverfifiées que celles des matières primitives.
Nous avons recueilli & raffemblé pour le Cabinet du Roi , une grande quantité de ces productions de volcans ; nous avons profité des recherches & des obfervations dé plu- fleurs Phyficiens , qui, dans ces derniers temps, ont foigneufement examiné les vol¬ cans actuellement agiiïans & les volcans éteints ; mais avec ces lumières acquifes & réunies, je ne me flatte pas de donner ici la lifte entière de toutes les matières pro¬ duites par leurs feux , & encore moins de pouvoir préfenter le tableau fidèle & com¬ plet des opérations qui s’exécutent dans ces fournaifes fouterraines , tant pour la deftruc- tion des fubftances anciennes que pour la production ou la compofition des matières nouvelles.
Je crois avoir bien compris, & j’ai tâché défaire entendre (£), comment fe fait la vitrification des laves dans les monceaux im- menfes de terres brûlées , de cendres & d’autres matières ardentes projetées par ex- plofion dans les éruptions du volcan; com¬ ment la lave jaillit en s’ouvrant des.iffues
( b ) Voyez Supplément , tome V, in- 40. & tome X, in- 12 , article des laves & des bafaltes.
ÇS Hijlàire naturelle
au bas de ces monceaux; comment elle roulé en torrens, ou fe répand comme un déluge de feu, portant par-tout la dévaftation & la mort; comment cette même lave gonflée par fon feu intérieur, éclate à la furface, & jail¬ lit de nouveau pour former des éminences élevées au-dellus de fon niveau ; comment enfin précipitant fon cours du haut des côtes dans la mer, elle forme ces colonnes de ba- falte qui, par leur renflement & leur effort réciproque , prennent une figure prifmatique, à plus ou moins de pans fuivant les diffé¬ rentes réfiftances, &c. Ces phénomènes gé¬ néraux me paroiffent clairement expliqués ; & quoique la plupart des effets plus particu¬ liers en dépendent, combien n’y a-t-il pas encore de chofes importantes à obferver fut la différente qualité de ces mêmes laves & bafaltes, fur la nature des matières dont ils font compofés, fur les propriétés de celles qui réfultent de leur décompofition ! Ces re¬ cherches fuppofent des études pénibles & fuivies, à peine font elles commencées; c’eft pour ainfi dire une carrière nouvelle trop vaffe pour qu’un feul homme puiffe la par¬ courir toute entière, mais dans laquelle on jugera que nous avons fait quelques pas, fi l’on réunit ce que j’en ai dit précédemment à ce que je vais y ajouter (c).
( c ) Voyez l’article entier des volcans, Supplément, tome IX, in- a. Epoques de la Nature; & Additions, Volume, X,
des Minéraux 1 Î9
Il étoit déjà difficile de reconnoître dans les premières matières celles qui ont été pro¬ duites parle feu primitif, & celles qui n’ont été formées que par l’intermède de l’eau ; à plus forte raifon aurons-nous peine à diftin- guer celles qui étant également des produits du feu , ne diffèrent les unes des autres qu’en ce que les premières n’ont été qu’une fois liquéfiées ou fublimées , & que les dernières ont fubi une fécondé & peut-être une troi- fième aciion du feu. En prenant donc en gé¬ néral toutes les matières rejetées par les volcans, il fe trouvera dans leur quantité un certain nombre de fubffances qui n’ont pas changé de nature; le quartz, les jafpes & les micas doivent fe rencontrer dans les laves , fous leur forme propre ou peu alté¬ rée : le feld-fpath , le fchorl , les porphyres & granits peuvent s’y trouver aufft , mais avec de plus grandes altérations, parce qu’ils font plus fuftbles : les grès & les argiles s’y préfenteront convertis en poudres & en ver¬ res ; on y verra les matières calcaires cal¬ cinées; le fer & les autres métaux fublimés en fafran , en litharge ; les acides & alkalis devenus des fels concrets ; les pyrites con¬ verties en foufres vifs ; les fubffances orga- nifées végétales ou animales réduites en cendres : Et toutes ces matières mélangées à différentes dofes ont donné des fubffances nouvelles , & qui paroiffent d’autant plus éloignées de leur première origine qu’elles ont perdu plus de traits de leur ancienne forme.
Et û nous ajoutons à ces effets de la force
6o Hljloirc naturelle
du feu qui, par lui-même confume, difperfe & dénature , ceux de la puiffance de l’eau qui conferve , rapproche & rétablit , nous trouverons encore dans les matières volca- nifées des produits de ce fécond élément: les bancs de balai te ou de laves auront leurs ftalaêlites comme les bancs calcaires ou les mafles de granits; on y trouvera de même des concrétions, des incruftarions , des crif- taux, des lpaths, &c. Un volcan eft à cet égard un périt Univers; il nous préfentera plus de variétés dans le règne minéral , que n’en offre le refte de 1* terre dont les par¬ ties folides noyant fouffert que l’attion du premier feu, & enfuite le travail des eaux, ont confervé plus de fimplicité : les carac¬ tères imprimés par ces deux élémens , quoique difficiles à démêler, fe préfentent néanmoins avec des traits mieux prononcés ; au lieu que dans les matières volcaniques, la fubftance, la forme, la confiftance, tout jufqu’aux pre¬ miers linéamens de la figure, eft enveloppé, ou mêlé, ou détruit, & de-là vient l’obfcu- rité profonde où fe trouve jufqu’à ce jour, la minéralogie des volcans.
Pour en éclaircir les points principaux, il nous paroît néceffaire de rechercher d’a¬ bord quelles font les matières qui peuvent produire & entrenir ce feu, tantôt violent, tantôt calme, & toujours fi grand, fi confiant, fi durable qu’il femble que toures les fubftan- ces combuftibles de la furface de la terre , ne fuffiroient pas pour alimenter pendant des fiècîes une feule de ces fournaifes dévoran¬ tes ; mais fi nous nous rappelons ici que tous
des Minéraux'. K I
les végétaux produits pendant plufteurs mil¬ liers d’années, oni été entraînés par les eaux & enfouis dans les profondeurs de la terre, où leurs huiles converties en bitumes , les ont confervés ; que toutes les pyrites for¬ mées en même temps à la furface de la terre, ont fuivi le même cours & ont été dépofées dans les profondeurs où les eaux ont entraîné la terre végétale ; qu’enfin la couche entière de cette terre, qui couvroit dans les premiers temps les fommets des montagnes, eft defeen- due avec ces matières combuftibles, pour remplir les cavernes qui fervent de voûtes aux éminences du Globe , on ne fera plus étonné de la quantité & du volume , ni de la force & de la durée de ces feux fouter- rains. Les pyrites hume&ées par l’eau s’en¬ flamment d’elles-mêmes; les charbons de terre dont la quantité eft encore plus grande que celle des pyrites, les limons bitumineux qui les avoifment , toutes les terres végétales anciennement enfouies , font autant de dé¬ pôts înépuifables de fubftances combuftibles dont les feux une fois allumés peuvent durer des fiècles de fiècles , puifque nous avons des exemples de veines de charbon de terre dont les vapeurs s’étant enflammées , ont communiqué leur feu à la mine entière de ces charbons qui brûlent depuis plufteurs centaines d’années , fans interruption & fans une diminution fenftble de leur maffe.
Et l’on ne peut guère douter que les an¬ ciens végétaux & toutes les productions ré- fultantes de leur décompofttion , n’aient été tran (portés & dépofés par les eaux delà mer,
Hiflolre naturelle
à des profondeurs aufîi grandes que celles ou fe trouvent les foyers des volcans , puifque nous avons des exemples de veines de char¬ bon de terre exploitées à deux mille pieds de profondeur {d) , & qu’il eft plus que pro¬ bable qu’on trouveroit des charbons de terre & des pyrites, enfouies encore plus profon¬ dément.
Or chacune de ces matières qui fervent d’aliment au feu des volcans , doit laifïer après la combuftion différens réfidus,& quel¬ quefois produire des fubftances nouvelles ; les bitumes en brûlant donneront un réfidu charbonneux , & formeront cette épaiffe fu¬ mée qui ne paroît enflammée que dans l’obf- curite : cette fumée enveloppe confiamment la tête du volcan, & fe répand fur fes flancs en brouillard ténébreux ; & lorfque les bitu¬ mes fouterrains font en trop grande abon¬ dance , ils font projetés au dehors avant d’être brûlés ; nous avons donné des exemples de ces torrens de bitume vomis par les volcans, quelquefois purs & fouvent mêlés d’eau. Les pyrites dégagées de leurs parties fixes & ter- reufes, fe fublimeront fous la forme de l'ou- fre , fubftance nouvelle , qui ne fè trouve ni dans les produits du feu primitif ni dans les matières formées par les eaux ; car le foufre qu’on dit être formé par la voie humide, ne le produit qu’au moyen d'une forte effer- vefcence dont la grande chaleur équivaut à
(</) Voyez dans le tome précédent, l’article du charbon de terre,
des Minéraux 63
l’aâion du feu : le foufre ne pouvait en effet exilter avant la décompofftion des êtres or- ganifés & la converfion de leurs détrimens en pyrites, puifque fa lubftance ne contient que l’acide &. le feu qui s’étoit fixé dans les végétaux ou animaux , & qu’elle fe forme par la combuftion de ces mêmes pyrites 3 déjà remplies du feu fixe qu’elles ont tiré des corps organifés ; le fel ammoniac fe for¬ mera & fe fublimera de même par le feu du volcan; les matières végétales ou animales contenues dans la terre limoneufe, & parti¬ culièrement dans les terreaux, les charbons de terre , les bois foffiles & les tourbes , four¬ niront cette cendre qui fert de fondant pour la vitrification des laves; les matières cal¬ caires , d’abord calcinées & réduites en pouf- fière de chaux , fortiront en tourbillons encore plus épais, & paroîtront comme des nuages maffifs en fe répandant au loin; enfin la terre limoneufe fe fondra, les argiles fe cuiront, les grès fe coaguleront, le fer & les autres métaux couleront, les granits fe liquéfieront, & des unes ou des autres de ces matières, ou du mélange de toutes , réfultera la corn- pofition des laves, qui dès-lors doivent être ayffi différentes entr’elles que le font les ma¬ tières dont elles font compofées.
Et non - feulement ces laves contiendront les matières liquéfiées , fondues , aglutinées & calcinées par le feu, mais aufli les fragmens de toutes les autres matières qu’elles auront faifies & ramaffees en coulant fur la terre, & qui ne feront que peu ou point altérées par le feu ; enfin elles renfermeront encore
$4 'fliftolre naturelle
dans leurs interftices & cavités, les nouvel¬ les fubftances que l’infiltration & la ftillation de l’eau aura produites avec le temps en les décompofant, comme elle décompoie toutes les autres matières.
La criftallifation qu’on croyoit être le ca- ra&ère le plus sûr de la formation d’une fubftance par l’intermède de l’eau , n’eft plus qu’un indice équivoque depuis qu’on fait qu'elle s’opère par le moyen du feu comme par celui de l’eau; toute matière liquéfiée par lafufion donnera , comme les autres liquides , des criftallifations; il ne leur faut pour cela que du temps , de l’efpace & du repos : les matiè¬ res volcaniques pourront donc contenir des criftaux , les uns formés par l’aélion du feu & les autres par l’infiltration des eaux; les premiers dans le temps que ces matières étoient encore en fufion , & les féconds long-temps après qu’elles ont été refroidies: le feîd-fpath elf un exemple de la criftallifation par le feu primitif, puifqu’on le trouve criftallifé dans les granits qui font de première formation. Le fer le trouve fouvent criftallifé dans les mines primordiales , qui ne font que de ro¬ chers de pierres ferrugineufes attirables à l’ai¬ mant , &l qui ont été formées comme les autres grandes mafles vitreufes par le feu primitif; ce même ferle criftallifé fous nos yeux par un feu lent & tranquille; il en eft de même des autres métaux & de tous les régules métalliques : les matières v olcaniques pourront donc renfermer ou préfenter au dehors, toutes ces fubftances criftallitèes par le fçu; ainfi, je ne vois rien dans la Nature,
de
des Minéraux. 6 j
de tout ce qui a été formé par le feu ou par l’eau qui ne puifle fe trouver dans le produit des volcans ; & je vois en même temps que leurs feux ayant combiné beaucoup plus de fubftances que le feu primitif, ils ont donné naiflance au foufre & à quelques autres mi¬ néraux qui n’exiftent qu’en vertu de cette fécondé aétion du feu. Les volcans ont formé des verres de toutes couleurs dont quelques- uns font d’un beau bleu-célefte , & reffem- blent à une fcorie ferrugineufe (e); d’autres verres aufli fufibles que le feld-l'path ; des bafaltes reflémblans aux porphyres ; des la¬ ves vitreufes prefque aufli dures que l’agate, & auxquelles on a donné , quoique très im¬ proprement , le nom à’agate noire d'Irlande; d’autres laves qui renferment des grenats
(e ) Je vis à Yenife, chez M. Morofini , l’agate noire d’Iftande ( cronfltdt minéral , §. 295 ), & un verre bleu- célefte, qui redembloit fi fort à une efpèce de fcorie de fer bleu , que je ne pouvois me perfuader que ce fût autre chofe ; mais différens ConnoiiTeurs , dignes de foi , m’afiurèrent unanimement qu’on trouvoit en abondance de ces verres bleus & noirs parmi les matières volcaniques du Véronnois , du Vicentin & d’Azulano , dans l’Etat Vénitien, heures de M. Ferler , pages 33 6* 34. — Nota . Je dois obferver que ces verres bleus, auxquels M. Ferber & M. le baron de Dietrich feinblent donner une attention particulière ne la méritent pas, car rien n’eft fi commun que des verres bleus dans les laitiers de nos fourneaux où l’on fond les mines de fer ; uinfi ces mêmes verres fe doivent trouver dans les produits des volcans.
Minéraux . Tome 111. E
£6 Hijtoïre naturelle
blancs , des fchorls & des chryfolites , &e. On trouve donc un grand nombre de lubf- tances anciennes & nouvelles , pures ou dénaturées dans les bafaltes, dans les laves, & même dans la pouzzolane & dans les cen¬ dres des volcans : « Le monte Berlco près de »> Vicence, dit M. Ferber, eft une colline » entièrement formée de cendres de volcan » d’un brun- noirâtre , dans lefquelles fe trouve » une très grande quantité de cailloux de » Calcédoine ou Opale; les uns formant des » drufes dont les parois peuvent avoir l’épaif- « l'eurd’un brin de paille ; les autresayant la li- » gure de petits cailloux elliptiques creux » intérieurement , & quelquefois remplis yf d’eau : la grandeur de ces derniers varie » depuis le diamètre d’un petit pois jufqu’à « un demi-pouce.... Ces cailloux relTeni- 3) blent allez aux calcédoines & aux opales : » les boules de calcédoine & de zéolite de » Féroé & d’illande, fe trouvent nichées dans » une terre d’un brun-noirâtre , de la même ï> manière que les cailloux dont il eft-ici » queftion (f).
Mais, quoiqu’on trouve dans les produits ou dans les éjeétions des volcans , prefqu.e toutes les matières brutes ou minérales du Globe, il ne faut pas s'imagine* que le feu volcanique les ait toutes produites à beau¬ coup près , & je crois qu’il eft toujours pof- fible de diftinguer, foit par un examen exaft.
(/) Lettres de M. Ferber fur la Minéralogie, pages 24 & aj»
des Minéraux'. 67
foit par le rapport des circorrftances , une matière produite par le feu fecondaire des volcans , de toutes les autres qui ont été précédemment formées par l’aélion du feu primitif ou par l’intermède de l’eau. De la même manière que nous pouvons imiter dans nos fourneaux toutes les pierres précieufes (g) , que nous faifons des verres de toutes couleurs , & même aufli blancs que le criflal de roche ( h ) , & prefque aufli brillans que le diamant (i); que, dans ces mêmes four¬ neaux , nous voyons fe former des criftalli- fations fur les matières fondues lorfqu’elles font en repos, & que le feu eft long-temps foutenu; nous ne pouvons douter que la Na¬ ture n’opère les mêmes effets avec bien plus de puiffance dans fes foyers immenfes, allu¬ més depuis nombre de fiècles , entretenus fans interruption & fournis fuivantles circonf- tances de toutes .les matières dont nous nous fervons pour nos comportions. Il faut donc , en examinant les matières volcaniques , que le Naturalifte faffe comme le Lapidaire , qui rejette au premier coup d’œil & fépare les Jîras & autres verres de compofition, des vrais diamans & des pierres précieufes; mais
fgO Voyez l’Ouvrage de M. de Fontanieu , de l’Aca¬ démie des Sciences , fur la maniéré d’imiter toutes Les pierres précieufes.
(h) Le verre ou criftal de Bohème , le flûpglaff , Arc.. ( i ) Les verres brillans , connus vulgairement fous le nom de Jlra s^
68 Hlflolre naturelle
le Naturalise a ici deux grands défavanta- ges; le premier, eft d’ignorer ce que peut faire & produire un feu dont la véhémence & la continuité ne peuvent être comparées avec celles de nos feux ; le fécond , eft l’em¬ barras où il fe trouve pour diftinguer dans ces mêmes matières volcaniques, celles qui, étant vraies fubftances de nature, ont néan¬ moins été plus ou moins altérées, déformées ou fondues par l’aétion du feu , fans cepen¬ dant être entièrement transformées en ver¬ res ou en matières nouvelles : cependant au moyen d’une infpeélion attentive , d’une •omparaifon exatte & de quelques expérien¬ ces faciles fur la nature de chacune de ces ma¬ tières , on peut efpérer de les reconnoître affez pour les rapporter aux fubftances natu¬ relles , ou pour les en féparer & les joindre aux comportions artificielles , produites par le feu de nos fourneaux.
Quelques Obfervateurs , émerveillés des prodigieux effets produit# par ces feux fou- terrains, ayant fous leurs yeux les gouffres & les momagnes formées par leurs érup¬ tions , trouvant dans les matières projetées des fubftances de toute efpèce, ont trop ac¬ cordé de puiffance & d’effet aux volcans ; ne voyant dans les terreins volcanifés que cen- fufion & bouleverfement , ils ont tranfporté cette idée fur le Globe entier, & ont ima¬ giné que toutes les montagnes s’étoient éle¬ vées par la violente affion & la force de ces feux mérieurs dont ils ont voulu remplir la terre jufqu’au centre : on a même attribué à un feu central réellement exiftant , la tem-
des Minéraux'. 69
pérature ou chaleur aftuelle de l’intérieur du Globe. Je crois avoir fuffifamment démontré la fauffeté de ces idées : quels Tenaient les alimens d’une telle maffe de feu ? pourroit- îl fubhfter , exifter Tans air? & Ta force ex- panTive n’auroit-elle pas fait éclater le Globe en mille pièces ? & ce feu une fois échappé apres cette explofion pourroit-il redefcendre & Te trouver encore au centre de la terre? Ton exiflence n’eft donc qu’une fuppofition qui ne porte que Tur des impolîibilnés , & dont en 1 admettant, il ne réfulteroit que des effets contraires aux phénomènes connus confiâtes. Les volcans ont a la vérité rompu , bouleverfé les premières couches de la terre en pluTieurs endroits; ils en ont couvert & brûlé la furface par leurs éjeélions enflam¬ mées ; mais ces terreins volcanifés, tant an¬ ciens que nouveaux, ne font, pour ainfi dire, que des points Tur la furface du Globe , & en comptant avec moi dans le paffé cent fois plus de volcans qu’il n’y en a d’a&uellement agiflans, ce n’efl encore rien en comparai- fon de l’étendue de la terre Tolide & des mers : tâchons donc de n’attribuer à ces feux fouterrains que ce qui leur appartient, ne regardons les volcans que comme des inftru- mens, ou fi l’on veut comme des caufes Te- eondaires , & confervons au feu primitif & à l’eau , comme caufes premières , le grand etabliffement & la difpofition primordiale de la maffe entière de la terre.
Pour achever de Te faire des idées fixes & nettes Tur ces grands objets , il faut Te rappe¬ ler ce que nous avons dit au fujet des mon-
70 H'ijlolre naturelle
.tagnes primitives, & les diftinguer en pîir- fieurs ordres; les plus anciennes , dont les noyaux & les Commets font de quartz & de jafpe , ainfi que celles des granits & porphy¬ res qui font prefque contemporaines , ont toutes été formées par les botirfoufï-ures du Globe dans le temps de fa confolida-tion; les- fécondés dans l’ordre de fa formation , font les montagnes de fchifte ou d’argile qui en¬ veloppent Couvent les noyaux des montagnes de quartz ou de granit, & qui n’ont été for¬ mées que par les premiers dépôts des eaux après la converfion des fables vitreux en argile ; les troifièmes font les montagnes cal¬ caires , qui généralement furmontent les fchiÜes ou les argiles , & quelquefois les quartz & les granits, & dont l’établilfement eit, comme l’on voir, encore pollérieur à celui des montagnes argileufes (A) ; ainfi , les pe¬ tites ou grandes éminences formées par te
( £ ) » Remarquez encore que dans mon voyage de- fitalie, par le Tirol , j’ai d’abord traverfé des montagnes calcajrés , enfuite des fcliifteufes ., & enfin de granit ; que ces dernières étoient les plus élevées ; que je fuis redes¬ cendu de la. partie la plus élevée de la province, par
des montagnes fcliifteufes & enfuite calcaires : Souvenez- vous de plus , qu’on obferve la même chofe en montant les- autres chaînes de montagnes confidérnbles de l’Europe, comme cela eft inconteftable dans les montagnes Carpa- tliiques, celles de la Saxe , du Hartz , de la Siléfie , de
la Suide . des Pyrénées , de l’Ecode & de la Lnpponie ,
&c. il paroit qu’on peut en tirer ia juite conléqueuoe ,
des Minéraux
foulèvèment ou l'effort des feux fouterrains, & les collines produites par les éjections des volcans , ne doivent être confidérées que comme des tas de décombres , provenant de ces premières matières projetées & accumu¬ lées confufément.
On fe tromperoit donc beaucoup fi l’on vouloir attribuer aux volcans les plus grands bouleverfemens qui font arrivés fur le Globe; l’eau a plus influé que le feu lur les chan- gemens qu’il a fubis depuis l’établiffement des montagnes primitives; c’eft l’eau qui a ra.- baiffé , diminué ces premières éminences , ou qui les a enveloppées & couvertes de nou¬ velles matières; c’eft Peau quia miné, percé les voûtes des cavités fouterraines qu’elle a fait écrouler , & ce n’eft qu’à l’affaiffement de ces cavernes qu’on doit atrribuer l’abaif- fement des mers & Pinclinaifon des couches de la terre, telle qu’on la voit dans plufieurs montagnes , qui fans avoir éprouvé les vio-
que le granit forme les montagnes les plus- élevées, & en même temps les plus profondes & les plus anciennes que l’on connoifië en Europe , puifque toutes les autres mon¬ tagnes font appuyées & repofent fur le granit ; que fe fehifie argileux , qu’il foir pur ou mêlé de quartz & de mica, c’ëft-àdire, que ce foit du fcliifle corné ou dti grès, a été pofé fur le granit ou à côté de lui , & que les montagnes calcaires ou autres couches de pierre ou de terre amenées par les eaux ont encore été' placées par-delfus le fcliifle ». Lettres fur la Minéralogie , par AL, F trier , & c. pages 495 & 496,. *
7 2 Hi/Iolre naturelle
lentes fecouffes du feu, fans s’être entr’ou- vertes pour lui livrer paffage, fe font néan¬ moins affailfées , rompues , & ont penché en tout ou en partie, par une caufe plus fim-
fle & bien plus générale, c’eft-à-dire, par affaiffement des cavernes dont les voûtes leur fervoient de bafe ; car lorfque ces voû¬ tes fe font enfoncées , les terres fupérieures ont été forcées de s’affaiffer , & c’eft alors que leur continuité s’eft rompue , que leurs couches horizontales fe font inclinées , &c. c’eft donc à la rupture & à la chûte des ca¬ vernes ou bourfouflures du Globe , qu’il faut rapporter tous les grands changemens qui fe font faits dans la fucceffion des temps. Les volcans n’ont produit qu’en petit quelques effets femblables (/), & feulement dans les portions de terre où fe font trouvées ramaf-
( /) «La vue des crevalTes obliques remplies d’une lave couleur de rouille , qui font dans le fehifie de Rccoaro , fournit une des preuves les plus convaincantes que le foyer des volcans exifte à la plus grande profon¬ deur dans le fehilie & même au-deflous : les Mures qu’on ▼oit ici dans le fehifte , doivent encore leur origine au .defsècliement des parties précédemment imprégnées d’eau , aux violentes commotions & tremblemens de terre , enfin aux efforts prodigieux que fait de bas en haut la matière enflammée d’un volcan ; de-là les couches calcaires , dont la pofition primitive étoit horizontale , font devenues obliques , telles que font les couches calcaires fupérieures de la Scaglia , adoffées aux côtés des monts Euganicns : de-là les Mures des roches calcaires ont été remplies de laves»
fées
des Minéraux'. 73
fées les pyrites & autres matières inflamma¬ bles & combuftibles qui peuvent fervir d’ali¬ ment à leur feu ; matières qui n’ont été pro¬ duites que long- temps après les premières puifque toutes proviennent des lubftances organifées.
Nous avons déjà dit que les Minéralogiftes femblent avoir oublié , dans leur émuméra- tion des matières minérales , tout ce qui a rapport à la terre végétale; ils ne font pas même mention de fa converfton en terre limoneufe ni d’aucune de fes productions minérales ; ce¬ pendant cette terre eft à nos pieds, fous nos yeux, & fes anciennes couches font enfouies dans le fein de la terre , à toutes les profon¬ deurs où fe trouvent aujourd’hui les foyers des volcans, avec toutes les autres matières qui entretiennent leur feu, c’eft-à-dire, les
qui ont même pénétré entre leurs différentes couches , 6c les ont féparées , comme il fe voit dans la vallée de PülifcUa , dans le Véronnois , & en beaucoup d’autres endroits.
» Les flots 6c les inondations ont dépofé des couch.es accidentelles ( (h-ata tertiaria ) , qui ont couvert tout le défordre caufé par les volcans ; de nouvelles éruptions font furvenues , 6c il eft facile d’entrevoir que , dans peut- être pluüeurs milliers d’années, ces événemens peuvent s’être réitérés un grand nombre de fois : cette fuccelfion de révolutions dues alternativement au feu 6c à l’eati, doit avoir occafionné une grande confufion 6c un mélange furprenant des produits de ces deux élémens ». Lettres fur la Minéralogie , par M. Fcrber , &c, pages 6j & 66,
Minéraux. Tome 111. G r
74 H'ipo'ire naturelle
amas de pyrites, les veines de charbon d$ terre, les dépôts de bitume & de toutes les fubftances combuflibles : quelques-uns de ces Observateurs ont bien remarqué que la plu¬ part des volcans fembloient avoir leur foyer dans les fchiftes (m), & que leur feu s’étoit ouvert une ifl'ue , non-feulement dans les couches de ces fchiftes, mais encore dans les bancs & les rochers calcaires qui d’ordinaire les furmontent; mais ils n’ont pas penfé que ces fchiftes & ces pierres calcaires avoient pour baie commune , des voûtes de cavernes dont la cavité étoit en tout ou en partie, rem¬ plie de terre végétale, de pyrites, de bitume, de charbon & de toutes les fubftances né- ceflaires à l’entretien du feu ; que par con- léquent, ces foyers de volcan ne peuvent pas être à de plus grandes profondeurs que celle où les eaux de mer ont entraîné & dé- pofé les matières végétales des premiers âges, & que par la même conféquence les fchiftes & pierres calcaires qui furmontent le foyer du volcan, n’ont d’autre rapport avec fon feu que de lui fervir de cheminée; que de même la plupart des fubftances, telles que les foufres, les hitumes & nombre d’autres minéraux fubli- més ou projetés par le feu du volcan, ne doi¬ vent leur origine qu’aux matières végétales & aux pyrites qui lui fervent d’aliment; qu’en- fin la terre végétale étant la vraie matrice de
(m) Lettres fur la Minéralogie , par M, Ferber. , page* yo & / uivantet ,
des Minéraux', 75
la plupart des minéraux figurés qui fe trou¬ vent à la furface & dans les premières couches du Globe , elle eft aufii la bafe de prefque tous les produits immédiats de ce feu des volcans.
Suivons ces produits en détail d’après le rapport de nos meilleurs Oblervateurs , & donnons des exemples de leur mélange avec les matières anciennes. On voir au monte Ronca & en plufieurs autres endroits du Vicentin , des couches entières d’un mélange •de laves & de marbre ou de pierre calcaire réunies en une forte de brèche, à laquelle on peut donner le nom de brèche volcanique ; on trouve un autre marbre-lave dans une grande fente perpendiculaire d’un rocher calcaire , laquelle defcend jufqu’à YAjlico, torrent im¬ pétueux, & ce marbre qui refiemble à la brèche africaine, eft compofé de lave noire & de morceaux de marbre blanc dont le grain eft très fin , & qui prend parfaitement le poli. Cette lave en brocatelle ou en brèche n’eft point rare : on en trouve de femblables dans la vallée à'Eriofredo, au-deflus de Tonne fa {n), & dans nombre d’autres endroits des terreins volcanifés de cette contrée ; ces marbres- S ives varient , tant par les couleurs de la lave , que par les matières calcaires qui font entrées dans leur compofition.
Les laves du pays de Trejlo font noires & remplies, comme prefque toutes les laves,
<n) Lettres de M. Ferber, page 67.
kG t
7 6 Hijbire naturelle
de criftallifations blanches à beaucoup de fa- cettes de la nature du Ichorl , auxquelles on pourroit donner le nom de grenats blancs ; ces petits criftaux de grenats ou fchorls blancs ne peuvent avoir été faifis que par la lave en fufion , & n’ont pas été produits dans cette lave même par criftallifation , comme femble l’infinuer M. Ferber, en difant « qu’ils font » d’une nature & d’une figure qui ne s’eft vue » jufqu’ici dans aucun terrein de notre Globe, » finon dans la lave, & que leur nombre y eft » prodigieux. On trouve, ajoute- 1- il , au » milieu de la lave, différentes efpèces de i> cailloux qui font feu avec l’acier, telles que » des pierres à fufil , des jafpes , des agates « rouges, noires , blanches , verdâtres & de » plufieurs autres couleurs; des hyacinthes, » des chryfolites, des cailloux de la nature j> des calcédoines, & des opales qui contien- » nent de l’eau (o).» Ces derniers faits con¬ firment ce que nous venons de dire au (ujet des criftaux de fçhorl qui, comme les pierres précédentes , ont été enveloppés dans la lave,
Toutes les laves font plus ou moins mê¬ lées de particules de fer; mais il eft rare d’y voir d’autres métaux, & aucun métal ne s’y
(o) Lettres de M. Ferber , pages 70, 73 & 80. — On acheté Couvent à Naples des verres artificiels, au lieu de pierres précicufes du Véfuve , qui font des variétés de fchorl de diverfes couleurs , qui fortent de ce volcan, Idem, ibidem, F^ge 146,
des Minéraux'. 77
trouve en filons réguliers & qui aient de la fuite ; cependant le plomb & le mercure en cinabre , le cuivre & même l’argent fe ren¬ contrent quelquefois en petite quantité dans certaines laves; il y en a auflî qui renferment des pyrites, de la manganèfe , de la blende, & de longues & brillantes aiguillles d’anti¬ moine (p).
Les matières fondues par le feu des vol¬ cans ont donc enveloppé des fubftances folides & des minéraux de toutes fortes; les poudres calcinées qui s’élèvent de ces gouffres ein- brafés fe durciffent avec le temps & fe con- vertiffent en une efpèce de tuffau allez folide pour fervirà bâtir. Près du Vefuve, ces cen¬ dres terreufes rejetées fe font tellement unies & endurcies par le laps de temps, qu’elles forment aujourd’hui une pierre ferme & com¬ pare dont ces collines volcaniques font entiè^ rement compofées. (<7)
( p ) Lettres fur la Minéralogie, par M. Ferber, pages 85. & 86.
(q) )* Pompeia & Herculam, ni étoient bâties de tuf & de laves ; ces villes ont été couvertes de cendres qui fe font converties en tuf : foüs les jardins de Portici on a découvert trois différens lits de laves les uns fous les autres , & on ignore le nombre des couches volcaniques qu’on trouverait encore au délions ; c’eft de ce tuf dont on fe fert encore aujourd’hui pour la conflruftion des maifons de Naples. ... Les catacombes ont été creufées par les Anciens dans ce même tuf. ... On trouve de temps en temps , dans ce tuf & dans les cendres , des
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y 8 Hijhlre naturelle
On trouve aufli dans les laves différentes cfi{» tallifations qui peuvent provenir de leur propre iubftance , &. setre formées pendant
criftaux de fchorl blanc en forme de grenats arrondis à. beaucoup de facettes ; ils font à demi-tranfparens & vitreux , ou bien ils font changés en une farine argileufe. ... Il y a même de ces criftaux dans les pierres ponces rouges », que renferme la cendre qui a enfevelf Pompeia; ... La mer détache une quantité de pierres ponces des collines de tuf contre Iefqnelles elle fe brife ; tout le rivage depuis Naples jufqu’à Pouzzole en eft couvert : les flots y dé¬ potent aufli un fable brillant ferrugineux, attirable à l’ai¬ mant, que les eaux ont arraché & lavé hors des cendres contenues dans les collines de tuf. . ..Différentes coll ncs des environs de Naples, renferment encore des cendres non endurcies & friables de diverfes couleurs , qu’on nomme pou-volant ». M. le baron de Dietrieh remarque, avec raifon, que la vraie pouzzolane n’eft pas précisément de la cendre endurcie & friable , comme le dit M. Ferber, mais plutôt de la pierre ponce réduite en très petits fragmens t & je puis obferver que la bonne pouzzolane , c’eft-à-dire celle qui, mêlée avec la chaux, fait les mor¬ tiers les plus durables & les plus impénétrables ù l’eau , n’eft ni la cendre fine ou groflière pure, ni les graviers de ponce blanche , & qu’il n’y a que la pouzzolane mé¬ langée de beaucoup de parties ferrugineufes qui foit fupé- rieure aux mortiers ordinaires :c’eft, comme nous le dirons ( à l'article des ciments de nature ), le ciment ferrugineux qui donne la dureté à prefque toutes les terres , & même à plufieurs pierres ; au refte , la meilleure pouzzolane , qui vient des environs de Pouzzole, eft grife; celle des provinces de l’Etat eccléûaftique eft jaune , éc il y en a
des Minéraux 79
îa condenfation & le refroidiffement qui a fuivi la fufion des laves; alors, comme le penfe M. Ferber (r), les molécules de ma-
de noire fur le Véfuve. M. le baron de Dîetrich ajoute que la meilleure pouzzolane des environs de Rome , fe tire d’une colline qui eft à la droite de la Via Appia , liors de la porte de Saint Sébajlien , & que les grains de Cette pouzzolane font rougeâtres. Lettres de M. Ferber, façe 181.
( r) » 11 y a de ces criftaux , dit M. Ferber , depuis la grandeur d’une tête d’épingle jufqu’à un pouce de diamè¬ tre : ils fe trouvent dans la plupart des laves des volcans anciens & modernes ; ils font ferrés les uns contre les autres; on peut, en frappant fur les laves, lès en déta¬ cher, & lorfqu’ils font tombés, il relie dans la lave une cavité qui conferve l’empreinte des crillanx , & qui eft aufli régulière que les criftaux mêmes : il y a communé¬ ment au centre un petit grain de fchorl noir . 11 fe
trouve aulîi , dans quelques laves du Véfuve, de petites colonnes de fchorl blanc tranfparent, avec ou fans pira- mides à leur fommet ; & aufli- des rayons de fchoil noir, minces & en aiguilles, ou plus épais & plus gros, arrondis en hexagones. . . .•
On trouve, dans ces mêmes laves, du mica de fchorl feuilleté noir , en feuilles plus ou moins grandes , quel¬ quefois hexagones très brillantes ; il paraît que ce ne font que de petites particules qui ont été détachées par la grande chaleur , du fchorl noir en colonnes ; peut-être ce fchorl étoit-il feuilleté dans fon origine.
On y trouve du fchorl noir difféminé par petits points dans les laves.
$0 Hijîoirt naturelle
tières homogènes fe font féparées du refte du mélange & fe font réunies en petites malfes , & quand il s’en eft trouvé une plus grande quantité, il en a réfulté des criflaux plus grands. Ce Naturalifte dit avec raifon , qu’en général les minéraux font difpofés à adopter des figures déterminées dans la fluidi¬ té de fufion par le feu, comme dans la flui¬ dité humide; & nous ne devons pas être éton* nés qu’il fe forme des criftaux dans les laves, tandis qu’il ne s’en voit aucun dans nos verres
Des criftaux de fchorl noir fort brillans, hexagones, oblongs , fi petits qu’on ne peut découvrir leur figure qu’au moyen de la loupe ; la pluie les lave hors des collines de cendres : ils font attirables par l’aimant , foit qu’ils aient eux-mêmes cette propriété , foit qu’ils la doi¬ vent au fable ferrugineux avec lequel ils font mêlés.
Du fchorl vert foncé & noirâtre ou clair , couleur de chryfolite & d’émeraude : il eft renfermé dans une lave noire compa&e ; il y en a de la grandeur d’un pouce ; il a la dureté d’un vrai fchorl , ou tout au plus celle d’un criftal de quartz coloré , avec la figure duquel il a du rapport ; néanmoins les Napolitains le qualifient de pierre précieufe , ainfi que l’efpèce fuivante.
Du fchorl hexagone jaunâtre , couleur de hyacinthe ou de topaze. ....
Qu’on examine avec la loupe la lave noire la plus ferme & la plus compafte , on n’y découvrira que de petits points ou criftaux de fchorl blanc , ce qui prouve qu’ils font une partie intégrante , & même elTentielle de la lave ». Lettres fur la Minéralogie , par AL Ferbery pages 200 jufqu’à 23Q.
des Minéraux'. r 8r
fa&ices ; car la lave coulant lentement & formant de grandes mafles très épaiffes , con- f'erve à l’intérieur Ton état de fufion allez long¬ temps pour que la crillallifation s’opère; il ne faut dans le verre, dans le fer & dans toute autre matière fondue , que du repos & du temps pour qu’elle fe criftallife, & je fuis perfuadé qu’en tenant long-temps en fonte celle de nos verres fa&ices, il pourroit s’y former des crillaux fort femblables à ceux qui peuvent fe trouver dans les laves des volcans. ( s )
(■O J’avois deviné julle , pulfque je viens de voir dans le Journal de M. l’abbé Rozier , du mois de Septembre 1779, que M. James Keir a obfervé cette crillallifation dans du verre qui s’étoit folidifié très lentement : » La forme , dit-il , la régularité & la grandeur des crillaux ont varié félon les eirconftances. .... Les échantillons , N°. i , ont été pris an fond d’un grand pot , qui avoir relié dans un fourneau de verrerie pendant qu’on larffoit éteindre lentement le feu ; la malfe de la matière chauffée étoit fi grande , que la chaleur dura long - temps fans ajouter du chauffage , & que la concrétion du verre fut très longue. Je trouvai la partie fupérieure du verre changée en une matière blanche , opaque , ou plutôt demi-opaque , dont la couleur & le tiffn reffembloient à une efpèce de verre de Mofcovie ; fous cette croûte , qui avoit un pouce d’épaiffeur ou davantage , le verre étoit tranfparent , quoi¬ que fort obfcurci, & devenu d’un gros bleu, d’un vert foncé qu’il étoit : on trouvoit fur ce verre plufieurs cris¬ taux blancs opaques, qui avoient généralement la forme d’un folide vu de ce côté . Leur furface fe termine
$2 Hijîolre naturelle
Les faves, comme les autres matières vî treufes ou calcaires, doivent avoir leurs fia-
par des lignes plutôt elliptiques que circulaires, difpofées de manière qu'une feftion tranfverrale du criftal eft un fiexagone ... On voit au milieu de chaque bafe du crif¬ tal une cavité conique. ... La grandeur des criftaux con¬ tigus ou voifins les uns- des autres , ne différoit pas beau¬ coup, quoique celle de ceux qui fe trouvoient à différentes profondeurs du même pot le fît confidérablement : leur plus grand diamètre étoit d’environ un vingtième de pouce..... Ils ne font pas tous exattemènt configurés; mais la plupart ont une régularité fi frappante, qu’on ne peut douter que la criftallifation ne foit parfaite.
Le verre marqué, N°. 2, offre une autre efpèce de criftallifation : je l’ai pris nu fond d^tln pot qui avoit été tiré du fourneau pendant que le verre étoit rouge II y a deux fortes de criftaux ; les- uns font des colonnes hautes- d’environ un huitième de pouce , larges d’un cinquième de leur hauteur , & irrégulièrement cannelées ou fillonnées de rainures les autres. ... ont leurs bafes prefque du même diamètre que les précédens ; mais leur hauteur eft' beaucoup moindre, & ne fait qu’environ un fixième de leur largeur. Leurs bafes fe terminent par des lignes qui paroiffent déchirées & irrégulières; mais plufieurs tendent à une forme hexagone dont la régularité peut avoir été troublée par le mouvement du verre fondu , qui , en tirant le pot du fourneau , aura forcé & plié ces criftaux ttès minces pendant qu’ils étoient chauds & flexibles.
Les échantillons , N°. 3 , fortent d’un pot de verrerie , for le côté duquel avoit coulé un peu de verre fondu, qui y adhéra allez long -temps pour former différentes fortes de criftaux : l’intérieur de ces échantillons eft midi'
de$ Mmèraux . 83
ladites propres & produites par l’intermède de l’eau ; mais il ne faut pas confondre ces
couvert d’un verre différemment criftallifé. Quelques crif- taux femblent des demi colonnes .... d’autres paroiffent eompofés de plufieurs demi-colonnes réunies fur un même plan, autour du centre- commun , comme les rayons d’une roue. Plufieurs de ces rayons femblent s’étrécir en appro¬ chant du centre de la roue , & reffemblent par conféquent plus à des fegmens de morceaux de cônes coupés fuivanr leur axe , qu’à des cylindres. . . .
L’échantillon de verre , N°. 4 , avoit coulé par la fenfè d’un pot, &. adhéra affez long-temps aux barres de la grille du fourneau pour criftallifer. Quelques criflaux' paroiffent oblongs comme des aiguilles, d’autres globu¬ laires ou d’une figure approchante : plufieurs de ceux qui font en aiguilles fe joignent à un centre commun ; &' quoique le trop prompt refroidiffement du verre les ait probablement empêchés de s’unir en a (fez grand nombre: pour former des criflaux globulaires complets , ils mon¬ trent allez comment ceux qui le font ont pu le devenir.
Toutes les criftalüfations que je viens de décrire ont été obfervées fur un verre à vitre d’un vert-noir qui fe Goule à Stourbridge. Il et! compofé de fable, de terre calcaire & de cendres de végétaux leffivées.
Il y a encore fouvent des crifiallifations dans le ve're; des bouteilles ordinaires, dont les matériaux font prefque les mêmes que ceux dont je viens de parler , fauf des fcories de fer qu’on y ajoute quelquefois. Je mets ici l’échantillon , N°. 5 : les criftaux n’y font pas enfouis dans un verre tranfparent non criftallifé, mais faillant à la furface de la. malle qui en ell toute opaque & cri liai li fée*
84 Hîftoire naturelle
jftala&ites avec les criftaux que le feu peut
Ils femblent une lame d’épée à deux faces , tronquée par la pointe.
Je n’ai pas vu de criftaux fi parfaits que dans ces deux fortes de verre : c’eft qu’étant plus fluides & moins tenaces que tout autre quand on les fond , les particules qui condiment les criftaux fe joignent plus aifément , ôc s’appliquent les unes aux autres avec moins de réfiftance de la part du milieu .
La criftallifation change confidérablerrlent quelques pro¬ priétés du verre ; elle détruit fa tranfparence , & lui donne une blancheur opaque ou demi-opaque : elle aug¬ mente fa denfité ; car celle d’un morceau de verre cri f- tallifé étoit à celle de l’eau , comme 2676 à 1000 ; an lieu que la denfité d’un morceau non criftallifé , pris à côté du premier , conféquemment fait des mêmes maté¬ riaux & expofé à la même chaleur & autres circonftances, étoit à celle de l’eau, comme 2662 à 1000 : la criftalli¬ fation diminue encore la fragilité du verre, car celui qui eft criftallifé ne fe fêle pas fitôt en paffant du chaud au froid.
La criftallifation eft toujours accompagnée ou précédée de l’évaporation des parties les plus légères & les plus fluides du verre : un morceau tranfparent , expofé jufqu’ù ce qu’il fût entièrement criftallifé , perdit un cinquante-huitième rie fon poids ; & d’antres expériences me donnent à croire que le verre trop chargé de flux falins , fe criftallifé plus difficilement que les autres verres plus durs jufqu’à ce
qu’il en ait perdu le fnperflu par l’évaporation . La
defcription de mes criftaux vitreux montre des criftallifa- tions fort variées dans la même efpèce de matière fou-
des Minéraux J gç
avoir formés (/) ; il en eft de même de la lave noire / conforme qui fe trouve dans la bou¬ che du Véfuve en grappes branchues comme des coraux , & que M. Ferber dit être une fta- laétire de laves , puifqu’il convient lui-même que ces prétendues ftala&ites font des por-
mife à différentes circonftances ; elles varient même fort, vent dans le même morceau de verre , comme je l’ai fait voir, quoique les circonftances n’aient pas changé ». Journal de Phyfique, Septembre 1779, pages 187 & fui - vantes ,
( t ) » Dans l’intérieur de quelques morceaux delavequ’on avoit rompue , il y avoit de petites cavités de la grandeur d’une noix , dont les parois étoient revêtues de criftaux blancs , demi-tranfparens , en rayons alongés piramidaux t pointus ou plats; quelques-uns avoient une légère teinte d’améthyfte ; c’eft juftement de la même manière que les boules d’agathes & les géodes font garnies intérieurement de criftaux de quartz : il étoit impoflible de découvrir fur toute la circonférence intérieure , la plus petite fente dans la lave. Ces criftaux étoient de la nature du fchorl , niais très durs ; je leur donnerais auffi volontiers le nom de quart\ ; il y avoit un peu de terre brune , fine 8c légère comme de la cendre , qui leur étoit attenante.
» J’ai confervé un de ces morceaux , parce qu’il me paraît une épreuve très convaincante de la poflibilité de la criftallifation produite par le feu , & je penfe que c’eft pendant le refroidiffement , que fe forme le grand nom¬ bre de criftaux de fchorl blanc en forme de grenats , qu’on voit en fi grande quantité dans les laves d’Italie ». Lettres fur la Minéralogie , par M. Ferber , pages 286 & 2S7,
:$6 Hîftolre naturelle
tions de la même matière qui ont fouffert im feu plus violent ou plus long que le refte de la lave ( u ). F.t quant aux véritables ftalaéti- tes produites dans les laves par l’infiltration de l’eau, le même M. Ferber nous en fournit des exemples dans ces criftallifations en ai¬ guilles qu’il a vues attachées à la furface in¬ térieure des cavités de la lave , & qui s’y forment comme les cryftaux de roche dans les cailloux creux. La grande dureté de ces criflallifations concourt encore à prouver qu’elles ont été produites par l’eau; car les criftaux du genre vitreux , tels que le criftal de roche , qui font formés par la voie des éîémens humides , font plus durs que ceux qui font produits par le feu.
Dans l’énumération détaillée & très nom- breufe que cet habile Minéralogifte fait de toutes les laves du Véfuve, il obierve que les micas qui fe trouvent dans quelques la¬ ves pourroient bien n’être que les exfolia¬ tions des fchorls contenus dans ces laves ; cette idée femble être d’autant plus jufte, que c’eft de cette manière & par exfoiiar-ion que fe forment tous les micas des verres artificiels & naturels; & les premiers micas ne font, comme nous l’avons dit, que lesT exfoliations en lames minces qui fe font lé- parées de la furface des verres primitifs. Il peutdonc exifter des micas volcaniques comme des micas de nature, parce qu’en effet le feu
( u ) Lettres fur la Minéralogie, par M. Ferber , page £39.
des Minéraux'. g?
des volcans a fait des verres comme le feu
firimitif. Dès lors on doit trouver parmi les aves des maffes mêlées de mica ; aullx. M, Ferber fait mention d’une lave grife compare avec quantité de lames de mica & de fchorl en petits points difperfés , qui reflemble fi fort à quelques efpèces de granits gris à pe¬ tits grains, qu’à la vue il ferpit très-facile de les confondre.
Le foufre fe fublime en flocons & s’atta¬ che en grande quantité aux cavités & aux faîtes de la bouche des volcans. La plus grande partie du foufre du Véfuve eft en forme irré¬ gulière & en petits grains. On voit auffi de l’arfenic mêlé de foufre dans les ouvertures intérieures de ce volcan , mais l’arfenic fe difperfe irrégulièrement fur la lave & en pe¬ tite quantité : il y a de même dans les cre- vafi’es & cavités de certaines laves une plus ou moins grande quantité de fel ammoniac blanc ; ce fel fe fublime quelque temps après l’écoulement de la lave, & l’on en voit beau¬ coup dans le cratère de la plupart des vol¬ cans ( x ). Dans quelques morceaux de lave
( x ) Nota. M. le baron de Dietrich obferve, avec fa fugacité ordinaire , que la formation du fel ammoniac eft une preuve de plus de la communication de la mer avec le Véfuve, & que l’acide marin qui le compofe ne pro¬ vient que du fel contenu dans les eaux de la mer qui pénètrent dans les entrailles de ce volcan. Lettres fur U Minéralogie , par M. Ferber Note de la page 247. — Nous ajouterons que la production du fel ammoniac , fuppofant
88 Hijloîre naturelle
de l’Etna il fe trouve quantité de matière char- bonneufe végétale mêlée d’une fubftance fa- line, ce qui prouve que c’eft un véritable natron , une efpèce de foude formée par les feux volcaniques, & que c’eft à la combuf- tion des végétaux que cette fubftance faline eft due (y) ; & à l’égard du vitriol, de l’alun & des autres fels qu’on rencontre auflï dans les matières volcaniques, nous ne les regar¬ derons pas comme des produits immédiats du feu , parce que leur production varie fuivant les circonftances , & que leur formation dé¬ pend plus de l’eau que du feu.
Mais, avant de terminer cette énumération des matières produites par le feu des volcans , il faut rapporter , comme nous l’avons pro¬ mis, les obfervations qui prouvent qu’il fe forme par les feux volcaniques , des fubf- tances aflez femblables au granit & au por¬ phyre , d’où réfulte une nouvelle preuve de la formation des granits & porphyres de na-
la fublimation de l’alkali volatil , eft une preuve incon- teftable de la préfence des matières animales & végétales enfouies fous les foupiraux des volcans ; & quant à la communication de la mer à leurs foyers , s’il falloit un fait de plus pour la prouver , l'éruption du Véfuve , en 1631 , nous le fourniroit, au rapport de Bracdni ; ( Aef- cri{. dell’ erutt. dtl Vefivio , page 100) , le volcan , dans cette éruption , vomit , avec fon eau , des coquilles mari¬ nes. Remarques de M. l’abbé Bexon.
( y ) Recherches fur les volcans éteints, par M. Faujas dfi Saint-Fond , in- fol, pages 70 & fuivantcs ,
cure
des Minéraux î
ture parle feu primitif: il faut feulement nous défier des noms qui font ici, comme par-tout ailleurs , plus d’embarras que les chofes. h M. Ferber a quelque raifon de dire qu’en » général il y a très- peu de différence effen- » tielle entre le fchorl , le fpath dur ( feld- » fpath), le quartz & les grenats des la- » ves (3; ) ». Cela eft vrai pour le fchorl & le feld fpath , & je fuis comme perfuadé qu’o- riginairement ces deux matières n’en font qu’une, à laquelle on pourroit encore réu¬ nir, fans fe méprendre, les criftaux volcani¬ ques en forme de grenats ; mais le quartz dif¬ fère de tous trois par fon infufibilité & par fes autres qualités primordiales , tandis que le feld- fpath, le fchorl, foit en feuilles, foit en grains ou grenats , font des verres égale¬ ment fufibles, & qui peuvent auffi avoir été produits également par le feu primitif & par celui des volcans; les exemples fuivans con¬ firmeront cette idée , que je crois bien fondée.
Les fchorls noirs en petits rayons que l’on aperçoit quelquefois dans le porphyre rouge & prefque toujours dans les porphyres verts, font de la même nature que le feld-fpath, à la couleur près.
^ Une lave noire de la Tofcane dans laquelle le fchorl eft en grandes taches blanches & parallélipipèdes a quelque reffemblance avec le porphyre appelé ferpentine noire antique : le verre de la lave remplace ici la matière du jafpe , & le fchorl celle du feld-fpath.
(l) Lettres fur la Minéralogie, page 33#. Minéraux. Tome 111, H
6a Hlftoire naturelle
La lave rouge des montagnes de BergamO' contenant des petits grenats blancs, refiem? ble au vrai porphyre rouge (a).
( a ) » On trouve le long de X'Adige , fur la chauffée de Véronne à Newmarck , grand nombre de pierres roulées, telles , i ç. que du porphyre rouge tacheté de blanc , pareil à celui que j’ai vu en morceaux détachés entre Bergame , Brefcia & Vérone , qui forme , dans le Berga- mafque , des montages entières , & qu’on y nonrnie fanes : je ne puis prendre cette pierre que pour une lave rouge qui reffembîe au porphyre ; 2.0. une efpèce de porphyre noir avec des- taches blanches oblongues , fémblable, à la couleur près, au fcrpentine verd’antico ; 30. du granit gris, granitcllo ; 40. entre San~ Michèle & Newmarck , il y a beaucoup de morceaux détachés d’un porphyre qui com- pofe les montagnes qui font au-delà de Newmarck , & que je vais décrire.
» Immédiatement après Newmarck, il y a à main dro:te, des montagnes de porphyre contiguës , qui occupent une étendue confidérable -, elles font formées , i°. de porphyre noir avec des taches blanches , , tranfpanentes , rondes, de la nature du fchorl •, 20. de porphyre avec des taches de fpath dur rougeâtre; 3e. de porphyre rouge avec des taches blanches ; il y en a d’tin rouge-clair , d’ùn rouge foncé & de couleur de foie ; 40. le rouge efl tout à fait pareil à la pierre qu’on nomme fanés dans le Bergamafqut , avec la différence feulement, que dans les morceaux déta¬ chés du farrès , les taches de fpath dur font devenues «paques & couleur de lait par l’action de l’air; tandis que dans les montagnes de porphyre ronge , ces taches font en partie du fpath dur couleur de chair , & en partie une efpèce de fchorl vitreux , tranfparent , pareil à celui
âes Minèrau 91
tes granits gris à petits grains , & qu’on Appelle granitelli , contiennent moins de feld- fpath que les granits rouges , & ce (’eld-fpath , au lieu d’y être en gros criftâux rhomboï- daux, n’y paroît ordinairement qu’en petites molécules lans forme déterminée. Néanmoins on connoît une efpèce de granit gris à gran¬ des tac-hes blanches parallélipipèdes , & la
des criftaux en forme de grenats des laves du Véfuve; mais le fcborl du porpltyre n’a point adopté de figure régulière ; même les taches tranfparentes blanches , qui font dans le porphyre -noir du N°. 1 , font un fchorl vitreux f & leur forme eft , ou- oblongue ou indéterminée ; en général, la reffemblance de ces efpèces de porphyre avec les différentes laves du Véfuve, &c. eft fr grande, que l’oeil le pus habitué ne fauroit les diflinguer, & je n’hé- fite plus d’avancer, que les montagnes de porphyre qui font derrière Newmarck, font de Vraies laves, fans cepen¬ dant vouloir tirer de-là une conclufion générale fur la formation des porphyres : une circonlfance que j’aurois prefque oubliée, m'en donne de nouvelles preuves. Toutes ces montagnes de porphyre font compofées de colonnes quadrangulaires pour la plupart rhomboidales , détachées , ou encore attenantes les unes aux autres : ce porphyre a donc la qualité d’adopter cette figure en fe- fendant & fe rompant, comme différentes laves ont la propriété de fe criRallifer en colonnes de bafalte : ces hautes montagnes de porphyre de différente couleur s’étendent jufqu’à BandroL , d’abord à main droite feulement, enfuite des deux côtés du chemin. Ce porphyre s’eft par-tout réparé en grandes ou petites colonnes généralement quadrangu- laires , .à .fonimet tronqué & uni ; les faces qui touchent
H 2
Ç)Z Hijloîre future ffe
matière de ces taches, dit M. Ferber (Æ'), tient le milieu entre le fchorl & le fpath dur ( feld- Ipath ). Il y a auffi des granits gris qui renferment au lieu de mica ordinaire du mica de fchorl.
Nous devons obferver ici , que le granit noir & blanc qui n’a que peu ou point de par¬ ticules de feld- fpath, mais de grandes taches noires oblongues de la nature du fchorl, ne feroit pas un véritable granit fi le feld fpath y manque , & fi , comme le croit M. Ferber, ces taches de fchorl noir remplacent le mica; d’autant que les rayons de fchorl noir « y font, dit- il, en telle abondance, fi grands, fi ferrés .... qu’ils paroiffent faire le fond de la pierre. » Et à l’égard du granit vert de M. Ferber, dont le fond eft blanc-verdâtre avec de grandes taches noires oblongues , 8c
d’autres colonnes font lifles ; leur figure enfin eft fi régu¬ lière & fi exafte, que perfonne ne fauroit la regarder comme accidentelle ; il faut néceflaïrement convenir que ces colonnes font dues a une criflallifation : les angles des fommets tronqués font pour la plupart inclinés , ou le diamètre des colonnes eft communément rhomboïdal ; mais quelques-unes ont la figure de vrais paralléüpipèdes reftangles , de la longueur d’un doigt jufqu’â celle d’une aune & demi de Suède , & d’un quart d’aune & plus de diamètre. Il y a beaucoup de ces grandes colonnes plan¬ tées fur la chauffée, comme la lave eu colonne ou le ha faite l’eft aux environs de Bol\ano ». Lettres de M, Ferber , pages 4S7 & fuir antes.
(£ ) Lettres fur la Minéralogie , pages 346 & 4S1,
des Minéraux'. 9 y
qu’il dît être de la même nature du fchorl; Sc des prétendus porphyres à fond vert de ia na¬ ture du trapp dont nous avons parlé d’après lui (c) r nous préfumons qu’on doit plutôt les regarder comme des productions volcani¬ ques , que comme de vrais granits ou de vrais porphyres de nature.
Les bafaltes qu’on appelle antiques , Si les bafaltes modernes ont également été produits par le feu des volcans, puifqu’on trouve dans les bafaltes Égyptiens, les mêmes criftaux de fchorl en grenats blancs & de fchorl noir en rayons & feuillets , que dans les la¬ ves ou bafaltes modernes & récens ; que de plus, le balalte noir qu’on nomme mal -à pro¬ pos bafaite oriental, eft mêlé de petites écailles blanches de la nature du fchorl , que fa fracture' eft abfolument pareille à celle de la lave du monte albano ; qu’un autre bafaite noir anti¬ que, dont on a des ftatues , eft rempli de pe¬ tits criftaux en forme de grenats , &. préfente quelques feuilles brillantes de fchorl noir ; qu’un autre bafaite noir antique eft mêlé de petites parties de quartz, de feld-fpath& de mica, & feroit par conféquent un vrai granit fi ces trois fubftances y étoient réunies comme dans le granit de nature , & non pas nichées féparéraent comme elles le font dans ce ba- falte ; qu’enfin on trouve dans un autre bafaite antique brun ou noirâtre , des bandes ou lar¬ ges raies de granit rouge à petits grains
(c) Voyez \' article du Phorphyre.
( d) » Ces bandes , dit M. Ferber , font unies à la pierre
94' lïijlo'tre naturdlé
Ainfi, le vrai bafalte antique n’eft point utt6" pierre particulière, ni différente des autres bafaltes , & tous ont été produits , comme les* laves, par le feu des volcans. Et à l’égard des* bandes de granit obfervées dans le dernier bafalte , comme elles paroiffent être de vrai granit, on doit préfumer qu’elles ont été en¬ veloppées par la lave en fufion & incruftées dans Ion épaiffeur.
Puifque le feu primitif a formé une fi grande quantité de granits, on ne-doit pas être étonné que le feu des volcans produite quelquefois- des matières qui leur reffemblent , mais comme au contraire il me paroît certain que c'eft- par la voie humide que les criflaux de roche & toutes les pierres précieufes ont été for¬ mées, je penfe qu’on doit regarder comme dey corps étrangers toutes les chryfoîites , hya¬ cinthes , topazes , calcédoines, opales, &c.
fdns aucune réparation , non comme* les cailloux dans les brèches , ni comme fi c’étoit d’anciennes fentes refermées par du granit , mais exactement comme fi le bafalte & le granit avoient été mous en même temps , & s’étoient incorporés ainfi l’un dans l’autre en s’endnrciffant. . . Ce bafalte diffère du précédent, en ce que les particules qui CÔnftititent le granit y font réunies , & que par - là elles forment uIt 'véritable granit ; au lieu que dans Pef- pècé précédente, ces parties du- granit font difperfées 6c placées chacune féparément dans le bafalte. . . . Plufieurs fa va ns Italiens font dans l’opinion que le granit même peut ’atiln être formé par le feu ». Lutrts fur La Mim'ra- ) page 35°»
2ta‘ ffl'nêrairscï-
qui lé trouvent dans les différente; matières fondues parle feu des volcans; & que tou¬ tes ces pierres ou criftaux ont été faifis Si enveloppés par les laves & bafaltes lorfqu’ils couloient en fufion fur la furface des rochers vitreux, dont ces criftaux ne font que des ftalaéfites , que l’ardeur du feu n’a pas déna¬ turées. Et quant aux autres criftal 1 i fati ons qui fe trouvent formées dans les cavités des laves, elles ont été produites par l’infiltration de l’eau après le refroidiflement de ces mêmes laves.
Aux obfervations de M! Ferber & de M. le baron de Dietrich , fur les matières volcani¬ ques & volcanifées , nous ajouterons celles de M.rs Defmareft, Faujas de Saint-Fond & de Genfanne; qui ont examiné les volcans éteints de l’Auvergne, du Vélay, du Viva- rais & du Languedoc, Si quoique j’aie déjà fait mention de la plupart de ces volcans éteints (r) , il eft bon de recueillir & de pré- fenter ici les différentes fubftances que ces Gbfervateurs ont reconnues aux environs de ces mêmes volcans, Si qu’ils ont jugé avoir été produites par leurs anciennes éruptions.
M. de Genfanne parle d’un volcan dont la bouche fe trouve au fommer de la mon¬ tagne qui eft entre Lunas Si Lodève , Si qui a du être confidérable à en juger par la quan¬ tité des laves qu’on peut obferver dans tout
(O Voyez lîifloire Naturelle. Supplément , tome V, i/i- 4°. tome AT, /'/:■! 2...
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le terrein circonvoifin (/;. Il a reconnu trois volcans dans le voifinage du fort Brefcou » fur l’un defquels M. l’Évêque d’Agde, (Sainr- Simon-Sandricourt ) a fait , en Prélat citoyen, des défrichemens & de grandes cultures en vignes qui produisent de bons vins. Ce vieux volcan ftérile jufqu’alors , eft couvert d’une fi grande épaifl'eur de laves que le fond du puits que M. l’Évêque d’Agde a fait faire dans fa vigne eft à cent quatre pieds de profon¬ deur, & entièrement taillé dans ce banc de laves , fans qu’on ait pu en trouver la der¬ nière couche (g), quoique le fond du puit9 foit à trois pieds au-defTous du niveau de la mer (h). M. de Genfanne ajoute qu’il a compté , dans le feul bas Languedoc , dix volcans éteints, dont les bouches font encore très vifibles.
M. Defmarefts prétend diftinguer deux for¬ tes de bafaltes (i) ; il dit avoir comparé le
(/) Hiftoire Naturelle du Languedoc , tome II, page 16.
{g) Hiftoire Naturelle du Languedoc, tome II, pages & 159.
( fi ) Dans nie ÿ'Yfchia , autrefois Ænaria , & Tune des anciennes Pythecufes , i! y a des laves qui ont jufqu’à deux cents pieds d’épaiffeur. Note de M, le baron de Dietricli. Lettres de Ferber , page 275.
( i ) » La première , dit-il , eft le bafalte, noir ou le fchorl en grandes malles r & compofé de petites lames que quel¬ ques Naturaliftes Italiens appellent auflifaWro; la fécondé
eft le bafalte gris & même un peu verdâtre . Allez
fouvent les blocs un peu couüdérables de ce bafalte offrent
bafalte
des Minéraux'. 97
bafalte noir dont on voit plufieurs monumens antiques à Rome , avec ce qu’il appelle le bafalte noir des environs de Tulle en Limo- ■fm ; il afîure avoir vu dans cette pierre des environs de Tulle , les mêmes lames , les mêmes taches & bandes de quartz ou de feld- Ipath & de zéolithe que dans le bafalte noir antique: néanmoins, ce prétendu bafalte de Tulle n’en eft point un ; c’eft une pierre ar- gileufe mêlée de mica noir & de fchorl , qui n’a pas à beaucoup près la dureté de la lave compare ou du bafalte , & qui ne porte d’ailleurs aucun caractère ni aucun indice d’un produit de volcan; au contraire, les ba fai¬ tes gris, noirs & verdâtres des anciens font.
des taches , & même des fortes de bandes allez fuivies, ou de quartz ou de feld - fpath rofacé , ou même de Zéolithe qui les traverfent en différens fens. ... Le bafalte noir a une grande affinité avec le granit. . . . Cette pierre eft d’une dureté fort grande, & vu fon mélange avec le granit , il eft difficile qu’on en trouve des blocs un peu
confidérables . La colle&ion des antiquités du Capitole
offre un grand nombre de ftatues de bafalte noir. . . . Elles font de la plus grande dureté , d’un beau noir foncé , 6c
la pierre rend un fon clair . Les ftatues du palais
Barberin , font de cette même matière , quoique moins pure, car on y voit des points blancs quartzeux & des taches de granit «. Nota. Ces points blancs quarzeux ne font-ils pas le fcWl en grenats blancs , qui fe trouvent dans prefque toutes les laves & bafaltes ? Voyt\ les Mé¬ moires de l’Académie des Sciences , année 1773 , page 599 6- fuiv-
Minéraux . Tome 111.
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98 Hifioire naturelle
de l’aveu même de cet Académicien , compo- iés de petits grains allez femblables à ceux, d’une lave compare & d’un tifîu ferré , & ces balaltes reffemblent entièrement au ba- falte d’Antrim en Irlande & à celui d’Auver* gne (A).
( k ) » On diftin’gue trois fubftances qui font renfermées dans les laves ; les points quartzeux ôc même les granits entiers ; le fchorl ou gabbro -, les matières calcaires ; celles qui font de la nature de la zéolithe ou de la bafe de l’alun : ces deux dernières fubftances préfentent dans les laves toutes les matières du travail de l’eau , depuis la ftala&ite fimple jufqu’à l’agate & la calcédoine. Ces fubf¬ tances étrangères exiftoient auparavant dans le terrein où la lave a coulé , elle les a entraînées & enveloppées ; car jlai obfervé que dans certains cantons , couverts de laves compactes ou d’autres productions du feu , on n’y trouve pas un feul veftige de ces criftaux de gabbro , fi les fubf¬ tances qui conipofent l’ancien fol n’en contiennent point elles-mêmes ».
JVlais nous devons obferver qu’indépendammemt de ces matières vitreufes ou calcaires , faifies dans leur état de nature , & qui font plus ou moins altérées par le feu , on trouve auiü dans les laves des matières qui , comme nous l’avons dit , s’y font introduites depuis par le travail fuceêflif des eaux : » Elles font , comme le dit M. Defma- reft , le réfultat de l’infiltration lente d'un fluide chargé de ces matières épurées , & qui a même fouvent pénétré des malles d’un tiflfu aflez ferré j elles ne s’y trouvent alors que dans un état criftallin & fpathique. . . . Elles ont pris la forme de ftalaflites en gouttes rondes ou plongées , en filets déliés , en tuyaux creux ; 6c toutes
des Minéraux. 99
M. Faujas de Saint-Fond a très bien ob- fervé toutes les matières produites par les volcans ; Tes recherches adîdues & fuivies pendant plufieurs années , & pour lefquelles ii n’a épargné ni foins , ni dépenfes , l’ont mis en état de publier un grand & bel ou-
ces formes fe retrouvent au milieu des laves compares comme dans les vides des terres cuites ». Mémoires de P Académie des Sciences , année 1773 , page 614.
A ce fait, qui ne m’a jamais paru douteux, M. Def- marelî en ajoute d’autres qui mériteraient une plus ample ■explication : » Les matériaux , dit-il , que le feu a fondus pour produire le bafalte , font les granits ». Nota. Les granits ne font pas les feuls matériaux qui entrent dans la compofvtion des bafaltes, puifqu’ils contiennent peHt-être plus de fer, ou d’autres fublîances, que de matières gra- niceufes : » Les granits , continue cet académicien , ont éprouvé par le feu différens degrés d’altération qui fe terminent au bafalte; on y voit le fpatli fufible ( feld- fpath ), qui dans quelques uns elî grisâtre, &: qui dans d’autres forme un fond noir d’un grain ferré; & au milieu de ces échantillons , on détnèle aifément le quartz qui relie en crilîaux ou intafls , ou éclatés par lames , ou réduits à une couleur d’un blanc-terne , comme le quartz, blanc rougi au feu & refroidi fubitement ». Nota. Le quartz n’eft point en crilîaux dans les granits de nature , c’elî le feld- fpatli qui fcul y elî en crilîaux rhomboïdaux ; ainft, le quartz ne peut pas refier en enflaux intacts, &c. dans les bafaltes : cette même remarque doit s’étendre fur ce qui fuit. » J’ai deux morceaux de granit , dit cet Académicien , dont une partie elî totalement fondue , pen¬ dant que l’autre n’elî que foiblement altérée . On y
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Hi flaire naturelle
vrage fur les volcans éteints, dans lequel nous puiferons le refte des faits que nous avons à rapporter, en les comparant avec les précédens.
Il a découvert, dans les volcans éteints du Vivarais, les mêmes pouzzolanes grifes, jaunes, brunes & roufsâtres qui fe trouvent au Véfuve & dans les autres terreins volca- nifés de l’Italie ; les expériences faites dans les baffins du jardin des Tuileries , & véri¬ fiées publiquement, ont confirmé l’identité de nature de ces pouzzolanes de France & d’Italie , & on peut préfumer qu’il en eft de même des pouzzolanes de tous les autres volcans.
Cet habile Naturalise a remarqué dans une lave grife , pefante & très dure , des cr if- taux aflezgros, mais confus, lefquels réduits en poudre ne faifoient aucune effervefcence avec l’acide nitreux, mais fe convertifîoient au bout de quelques heures en une gelée épaifte , ce qui annonce, dit -il, que cette
fuit des bandes alternatives & diftinftes de quartz qui eft cuit à blanc , & du fpatb fufible ( feld-fpath ) , qui eft fondu noir. L'examen des granits , fondus à moitié , donne lieu de reçonnoître que pluüeurs efpèces de pierres dures , quelques pierres de vérole , certaines ophytes , ne font que des granits dont la bafe , qui eft le f.jath fulible ( feld-fpath } , a reçu un degré de fufion allez complet , ce qui en fait le fond, & dont les taches ne font pro¬ duites que par les criftaux quartzeux du granit non altéré n. Mémoires de l’Académie des _ Sciences , année 177\, yoj jufqu’n 756,
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matière eft une efpèce de zéolithe ; mais je dois obferver que ce cara&ère par lequel on a voulu défignef la zéolithe eft équivoque j car route matièie mélangée de vitreux & de calcaire fe réduira de même en gelée. Et d’ailleurs cette rédu&ion en gelée n’eft pas un indice certain, puifqu’en augmentant la quantité de l'acide on parvient aifément à diftoudre la matière en entier.
Le même M. de Saint-Fond a obfervé que le fer eft très abondant dans toutes les laves * & que fouvent il s’y préfente dans l’état de rouille, d’ocre , ou de chaux ; on voit en effet des laves dont les furfaces font revêtues d’une couche ocreufe produite par la décom- pofition du fer qu’elles contenoient, & où d’autres couches ocreufes encore plus décom- pofées fe convertirent ultérieurement en une terre argiileufe qui happe àja langue (/)„
( /) Nota. Il m’a rends, pour fe Cabinet du Roi , une ttcs belle Colle&ion en ce genre, dans laquelle on peut voir tous les partages du bafafté noir le plus dur à l'état argi lieux. Les différent morceaux de cette colleffion pré- fentent tontes les nuances de la décomposition ; l’on y fe onnoît de la manière la plus évidente, non- feulement toutes les modifications du fer , qui en fe décompofant a produit les teintes les plus variées ; mais l’on y voit juf- qu’à des prifmcs bien conformés , entièrement convertis en fubftance argifeufe , de manière à pouvoir être coupés avec un couteau , aufli facilement que la terre à foulon , tandis que le fehor! noir , renfermé dans les prifmes , n’a éprouvé aucune altération.
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104 Hijlûire naturelle
Ce même Naturalifte rapporte , d’après M. Pazumot , qu’on a d’abord trouvé des zéolithes dans les laves d’Iflande , qu’en fui te on en a reconnu dans différens bafaltes en Auvergne, dans ceux du Vieux - Brifac ert Alface, dans les laves envoyées des Ifles de France & de Bourbon , & dans celles de l’île de Feroë. M. Pazumot eft en effet le premier qui ait écrit fur la zéolithe trouvée dans les laves, & fon opinion eft que cette fubftance n’eft pas un produit immédiat du feu , mais une reproduction formée par l’in¬ termède de l’eau & par la décorapofition de la terre volcanifée ; c’eft auffr le fentiment de M. de Saint- Fond; cependant il avoue qu’il a trouvé de la zéolithe dans l’intérieur du bafalte le plus compaCt & le plus dur. 11 n’eft donc guère poffible de fuppofer que la zéolithe fe foit formée dans ces bafaltes pa? la décompofition de leur propre fubflance , & M. de Saint-Fond penfe que ces dernières zéolithes étoient formées auparavant , & qu’elles ont feulement été faifies & envelop¬ pées par la lave lorfqu’elle étoit en fufion.
Un fait digne de la plus grande attention , c’eft que , dans certaines circonftances , les eaux s’infiltrant à travers ces laves à demi -décomposes , ont entraîné leurs molé¬ cules ferrugîneufes , & les ont dépofées & réunies fous la forme d’hématites dans les cavités adjacentes ; alors les laves terreufes , dépouillées de leur fer , ont perdu leur couleur , & ne fc préfentent plus que comme une terre argilcufe & blanche , fur laquelle l’aimant n’a plus d’àûion.
des Minéraux. 103
Mais alors comment eft-il poffible que la violence du feu ne les ait pas dénaturées, puifqu’elles font enfermées dans la plus grande épaiffeur de la lave où la chaleur étoit la plus forte? aufli notre Obfervateur convient- il qu’il y a des circonftances où le feu & l’eau ont pu produire des zéolithes (m) , & il en donne des raifons affez plaufibles.
( m) >* Il y a , dit-il , lieu de croire , i°. que la zéolidie eft une pierre mixte & de fécondé formation , produite par l’union intime de la matière calcaire avec la terre vitrifiable :
z°. Que la voie lufmide eft en général celle que la Nature emploie ordinairement pour la formation de cette pierre , & que la plupart des zéolithes qu’on trouve dans les laves Sc dans les bafaltes y font étrangères , & y ont été prifes accidentellement pendant que la matière étoit en fufion.
Que les eaux ont pu 8c peuvent encore attaquer la zéolitlie engagée dans les laves, la déplacer & la dépofer en lames , quelquefois même en petits cri ft aux dans les fifiures du b a faite :
4°. Que les feux fouterrains doivent au(lî former des combinaifons de la matière calcaire avec la terre vitrifia- b!e , ou de la terre vitrifiable avec certaines fubltances falines , propres à fervir de bafe aux zéolithes; mais qu’il faut toujours que l’eau vienne perfectionner ce que le feu n’a fait qu’ébaucher.
M. de Saint-Fond donne enfuite une très bonne défini¬ tion du bafalte dans les termes fuivans : >' J’entends, dit- il , par le mot bafalte , une fubftance volcanique noire , quelquefois grife ou un peu verdâtre , inattaquable aux
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*04 Hîjîoire naturelle
Il dit , après l’avoir éprouvé par compa¬ rai Ton , que le bafalte noir du Vivarais eft plus dur que le bafalte antique ou Egyptien(/z); il a trouvé fur le plus haut fommet de la montagne du Mézine en Velay, un bafalte gris-blanc un peu verdâtre , dur & fonore ,
acides, fufible fans addition, donnant, quand elle eft pure & non altérée , quelques étincelles lorfqu’on la frappe avec l’acier trempé , fufceptible du poli , & devenant alors une des meilleures pierres de touche. Cette fubfiance doit être regardée comme la matière, la plus homogène, la plus fondue, & en même temps la plus compacte que rejettent les volcans ». Recherches fur les volcans éteints , &c, pages 135 & 134.
( n ) U obfcrve quelques différences dans l'a pâte de ce bafalte Egyptien , d’après les belles ftatues de cette matière que M. le duc de Chaulnes a rapportées de fon voyage d’Egypte ; elles préfentent les variétés fuivantes, i°. un bafalte noir , dur & compare , dont la pâte offre un grain ferré, mais fec & âpre au toucher dans les caffures , & néanmoins fufceptible d’un beau poli; 2*. un bafalte ;d’nn grain femblable , mais d’une teinte verdâtre ; 30. un bafalte d’un gris -lavé tirant au vert Au refte , M. Faujas de Saint-Fond ne regarde pas comme un bafalte. ni même comme un produit des volcans -, la matière de quelques ftatues Egyptiennes qui , quoique d'une belle couleur noire n’eft qu’une pierre argileufe mêlée de mica & de fcliori noir en très petits grains, & cette pierre eft bien moins dure que le bafalte. Notre Obfervateur recommande enf:n de de pas confondre, avec le bafalte, la matière de quelques ftatues Egyptiennes d’un gris-noirâtre, qui n’eft qu’un granit à grain fin, ou une forte de granitclio.
des Minéraux TO Ç
qui fe raporoche par la couleur & par la grain du bafalte gris- verdâtre d’Egypte, & dans lequel on remarque quelques lames d’un feld-fpath blanc- vitreux qui a le coup-d’œil & le brillant d’une eau glacée. Ces lames font fouvent formées en parallélogrammes * & il y a des morceaux où le feld-fpath renferme lui - même de petites aiguilles de fchorl noir (o ).
Enfin il remarque auflî très bien que les dendrites qu’on voit à la fu perfide de quel¬ ques bafaltes, font produites par le fer que l’eaut diffout & dépofe en forme de ramifica¬ tions.
A l’égard de la figure prifmatique que pren¬ nent les bafaltes » notre Obfervateur m’en a remis pour le Cabinet du Roi, des triangu-
(o) >* Ce bafalte frappé avec l’acier trempé , jette beau¬ coup d’étincelles . Sa croûte fe dénature quelquefois;
& devient d’un rouge jaunâtre ; mais au lieu de fe rendre friable ou argileux, cette efpèce d’écorce femble fe tranf- muer en une autre fub (tance , & , perdant fa couleur noire elle reflemble alors à un granit rougeâtre -, on peut même dire que ce bafalte lui celfemble tellement qu’on y diftin- gue le même grain % & qu'on y voit une multitude de points de fchorl noir ; il n’y manqueroit que du mica
pour en faire du granit complet . Cette efpèce de
granit incomplet n’eft point nn vrai granit adhérent aecidemellement à la lave , mais une lave réellement changée en granit par le temps , & dont la furface s’eft décompofée «. Recherchas fur Us volcans éteints , par M, F au j as ■ de Saint-Fond ,, page 142.
Iû6 Hï'lo'ire naturelle
laires, c’eft-à-dire à trois pans, qu’il dit être les plus rares, des quadrangulaires , des pen¬ tagones , des hexagones, des eptagones & des oftogones , tous en prifmes bien formés; & , après une infinité de recherches, il avoue n’avoir jamais trouvé du bafalte à neuf pans, quoique Molineux dife en avoir vu dans le comté d’Antrim.
Dans certaines laves que M. de Saint-Fond appelle bafaltes Irréguliers, il a reconnu de la zéoüthe en noyau , avec du fchorl noir. Dans un autre bafalte du Vivarais , il a vu un gros noyau de feld-fpath blanc à demi rranfparent, luifant & reflemblant à du fpath calcaire ; & ce feld-fpath renfermoit lui-même une belle aiguille prifmatique de fchorl noir. » Il y a « de ces bafaltes , dit-il , qui contiennent des v noyaux de pierre calcaire & de pierre r> vitrifïable de la nature de la pierre à rafoir, » & d’autres noyaux qui reffemblent à du » tripoli ». Il a vu dans d’autres blocs de la chryfolite verdâtre ; dans d’autres du fpath calcaire blanc, criftallifé & à demi-tranfpa- rent. D’autres morceaux font entremêlés de couches de bafaltes & de petites couches de pierre calcaire. D’autres renferment des frag* mens de granit blanc mêlés de fchorl noir ; il y en a même dont le granit eft en plaques fi intimement jointes & liées au bafalte , que , malgré le poli, la ligne de jonftion n’eft pas fenfible ; enfin , dans la cavité d’un autre morceau de bafalte , il a reconnu un dépôt ferrugineux fous la forme d’hématite qui en tapiffe tout l’intérieur, & qui eft de couleur gorge-de-pigeon, très chatoyante. On \uit
des Minéraux. 107
fur cette hématite quelques gros grains d’une efpèce de calcédoine blanche & demi trani- parente : une des faces de ce même morceau eft recouverte de dendrites ferrugineufes (p ) , & parmi les laves proprement dites, il en a remarqué plufieurs qui font tendres , friables , & prennent peu-à-peu la nature d’une terre argileul'e (q ).
( p ) Recherches fur les volcans éteints, &c. page i&é.
(tj) >i C’eft ici un des plus intéreiïans palfages des laves poreufes à l’état d’argile blanche , 6c l’on peut fuivre par l’obfervation , tous les degrés de cette décompofition : il faut pour cela que la lave fe foit dépouillée de toutes fes parues ferrugineufes. Ce fer , détaché des laves par l’impreffion des élémens humides , a été dépofé par l’eau fur les laves blanches , 6c elles ont formé des couches de plufieurs pouces d’épaiffeur adhérentes à leur fuperfi- cie ; ce fer eü tantôt en forme de véritable hématite brune '■> dure , dont la fnrfaee eft luifante ; d’autres fois il a fait des couches de fer limoneux , tendre , friable & affeflant une efpèce d’organifation allez confiante ; enfin le fer des laves s’aglutinant à la matière argileufe , a formé une multitude de géodes ferrugineufes de différentes formes 6c grolfeurs ; & fi l’on fuit tous les degrés de la décompo¬ fition des laves , on les verra fe ramollir 6c finir par fe converti en terre ferrugineufe 6c en argile».
Voici , félon le même M. de Saint-Fond , l’ordre dans lequel on obferve fes laves dans une montagne non loin du château de Polignac.
i°. Bafalte gris- noirâtre ; 2°. laves poreufes noires, dont on trouve des malfes immédiatement après, le bafalte;
10 s Hijloire naturelle
Il remarque, avec ra>fon, que la pierre ds Gallinace qu'on a nommée agate noire d’ 1 (lande , n’a aucun rapport avec les agates, & que ce n eft qu un verre demi tranfparerrt , une forte d email qui fe forme dans les volcans, & que nous pouvons même imiter en tenant de la lave à un feu violent & long-temps continué. On trouve de cette pierre de Gal-
3°. laves grîfes * jaunâtres , poreufes , tendres & friables j première altéiafton de cette lave qui perd fa couleur & fon adhefion. . . . 40. Lave très blanche , poreufe ,. légère, qui s’eft dépouillée de fon fer, & qui a pairé à l’état d argile blanche, friable & farineufe. On y voit quelques petits morceaux moins dénaturés ,■ qui ont confervé une teinte prefque imperceptible de noir; y». comme le fer qui a abandonné ces laves ne s’eft point perdu, les eaux l'ont dépofé après ces laves blanches , & en ont formé des efpèces de couches de plufieurs pouces d’épaiffeur adhérentes aux laves : ce fer eft tantôt etv forme de véritable hématite brune , dure , dont la furface eft lui— faute & globuleufe ; d’autres fois il a fait des couches de fer Hmonneux , tendre, friable, & affeftant une efpèce d’organifation allez confiante, qui imire la contexture de certains madrépores de l’efpèce des cérébritcs ; enfin le fer des laves , s’aglutinant à la matière argileufe , a formé une multitude d ’atieei ou de géodes ferrugineufes de différentes formes & groffeurs . pleines d’une fubftance ferreufe , martiale , qui réfonnent & font du bruit lors¬ qu'on les agite. Plufieurs de ces géodes ont une organifa- tion intérieure très ûngufière , qui eft l’ouvrage de l’eau ;■ 6* après ces géodes, qui font difperfécs dans les laves- déconipofées, on trouve une argile blanche, folide &
des Minéraux X q<j
îinace, non-feulement en Iflande , mais dans les montagnes volcaniques du Pérou. Les anciens Péruviens la travailloient pour en faire des miroirs qu’on a trouvés dans leurs tombeaux. Mais il ne faut pas confondre cette pierre de Gallinace avec la pierre délaças qui eft une marcaffite dont ils failoienr aufli des miroirs ( r ) On rencontre de même fur l’Etna
peu liante . formée par l’eau qui a réuni les molécules des laves poreufes décompofées ; ou c’eft peut-être ici une lave compare , totalement changée en argile ; 70. la couche qui vient après cette dernière , eft une argile verdâtre qui devient favonneiïfe &: peut fe pétrir, elle doit peut-être fa couleur aux couches d’hématite qui fe décompofent à leur tour , & viennent colorer en vert, ce dernier banc d’argile qui eft le plus conftdérable , & qui n’offre aucune régularité dans fa pofition & dans fon Ute. Recherches fur les volçans éteints , &c . pages iji (r fui vantes.
( r ) On diftingue dans les guaques ou tombeaux des Péruviens , deux fortes de miroirs de pierres; les uns de pierres d’incas , les autres d’une pierre nommée ea/linace : la première n’eft pas tranfparente , elle eft molle, de la couleur du plomb. Les miroirs de cette pierre font ordi¬ nairement ronds avec une de leurs furfaces plates , aufli liffes que le plus fin criftal ; l’autie eft ovale, ou da moins u,n peu fphérique , mais moins unie : quoiqu’ils foient de différentes grandeurs , la plupart ont trois ou quatre pouces de diamètre. M. d’Ulloa en vit un qui n’avoit pas moins d’un pied & demi , dont la principale fuperficie étpit concave , groffiffoit beaucoup les objets ,
110 Hiftoire naturelle
& furie Véfuve quelques morceaux de galü- nace , mais en petite quantité , & M. de Saint- Fond n’en a trouvé qu’en un feul endroit du Vivarais , dans les environs de Rochc- maure : ce morceau eft tout-à-fait femblable à la gallinace d’Iflande ; il eft de même très' noir &l d’une fubftance dure , donnant des étincelles avec l’acier; mais on y voit des bulles de la grofleur de la tête d’une épingle , toutes d’une rondeur exaéte ( s ) , ce qui paroîc être une démonftration de plus de la forma¬ tion par le feu.
auffi polie qu’une pierre pourroit le devenir entre les mains de nos plus habiles ouvriers. Le défaut de la pierre d’incas » cft d’avoir des veines & des paillettes qui la rendent facile à brifer, & qui gâtent la fupcrficie ; on foupçonne qu’elle ifeft qu’une compofuion : à la vérité, il fe trouve encore dans les coulées des pierres de cette efpèce ; niais rien n’empêche de croire qu’on a pu les fondre , pour en perfeftionner la figure & la qualité.
La pierre de gallinace eft extrêmement dure , mais auffi caftante que la pierre à feu : fon nom vient de fa cou¬ leur, auffi noire que celle du gaiinazo. Les miroirs de cette pierre font travaillés des deux côtés & fort bien arrondis , leur poli ne le cède en rien à celui de la pierre d’incas : entre ces derniers miroirs , il s’en troupe de plats, de concaves & de convexes , & fort bien travaillés. On connoît encore des carrières de cette pierre j mais les Efpagnols n’en font aucun cas , parce qu’avec de la tranf- parence & de la dureté , cette pierre a des pailles. Hiftoire générale des Voyages , tome XIII , pages 577 & 57S.
(s) Recherches fur les volcans éteints, &c. page 172.
III
des Minéraux.
Indépendamment de toutes les variétés dont nous venons de faire mention, il le trouve très fréquemment dans les terreins volcanilés des brèches & des poudingues que M. de Saint-Fond diltingue avec raifon (r) , par la
( t ) » Les brèches volcaniques font remaniées par le feu , & amalgamées avec des laves plus modernes qui s’en emparent pour en former un feul & même corps. . . Ces brè¬ ches imitent certains marbres , certains porphyres compofés de morceaux irréguliers de diverfes matières. . . Lorfque les fragmens de lave , encadrés dans ces brèches , ont été primitivement roulés & arrondis, ou par les eaux, ou par d’autres circondances , cette brèche doit prendre , à caiife de l’arrondi (bernent des pierres, le nom de poudingue volcanique , pour la didinguer de la véritable brèche vol¬ canique dont les fragmens font irrégulliers. Idem , ibid , page 173 ».
Ces dernières brèches fe trouvent fouvent en très gran¬ des malTes , l’Eglife cathédrale & la plupart des maifons de la ville du Puy-en-Vélay , font condruites d’une brèche volcanique, dont il y a de très grands rochers à la mon¬ tagne de Danis : cette brèche ed quelquefois en malles irrégulières ; mais , pour l’ordinaire , elle ed pofée par couches fort épailfes , qui ont été produites par les érup¬ tions de l’ancien volcan de Danis. Il y a près du château de Rochemaure , des malTes énormes d'une antre brèche volcanique formée par une multitude de très petits éclats irréguliers de bafalte noir, dur Si fain , de quelques giains de fchorl noir vitreux , le tout confondu & mêlé de fragmens d’une pierre blanchâtre , & tirant un peu fur la couleur de rofe tendre. » Cette pierre , ajoute M. de Saint Fond , a le grain fin &; ferré, & paroît avoir été
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Hijlolre naturelle
différence des matières dont il font compofés;
La pouzzolane n’eft que le détriment des matières volcaniques; vue à la loupe, elle préfente une multitude de grains irréguliers; on y voit aufli des points de fchorl noir détachés, & très fouvent de petites portions de bafalte pur ou altéré. On trouve de la pouzzolane dans prefque tous les cantons
vivement calcinée ; mais elle ne fait aucune effervefcence avec les acides ; & c’eft peut-être une pierre argileufe qui a perdu une partie de fon gluten & de fon éclat; elle eft auffi tachetée de très petits points noirs qui pour¬ voient être du fchorl altéré , ou des points ferrugineux : il y a aufli, dans ces brèches volcaniques, des zones de fpath calcaire blanc , &. même de grandes bandes qui parodient être l'ouvrage de l’eau. . . . D’autres brèches contiennent des fragmens de quartz roulés & arrondis , du jafpe un peu brûlé ; & le relie de la malfe. eft un peu cotnpofé d’éclats de bafalte de différentes grandeurs , parmi lefquels il fe trouve auffi du fpath calcaire, des points de fchorl , des agates rouges en fragmens de la nature des cornalines , des pierres calcaires , le tout aglu- tiné par une pâte jaunâtre qui relfemble à une efpèce de
matière fablonneufe . Une autre eft compofée de
fragmens de bafalte noir encadrés dans une pâte de fpath calcaire blanc & en maffe. ... Un de ces poudingues volcaniques eft compofé de morceaux de bafalte noir , durs & arrondis , & il contient de même des Cailloux de granit roulés, & des noyaux de feld fpath arrondis, le tout lié par une pâte gratineufe , compofée de feld-fpath , de mica & de quelques points de fchorl noir ». Recherches fiir les volcans éteints , &c. pages 176 & fuir.
volcan ifés ,
des Minéraux. r i ^
volcanifés, particulièrement dans les envi¬ rons des cratères; il y en a plufieurs efpèces & de différentes couleurs dans le Vivarais, & en plus grande abondance dans le Vélay {il).
Et je crois qu’on pourroit mettre encore au nombre despouzzolanes^cette matière d’un rouge ferrugineux qui fe trouve fouvent entre les couches des bafaltes , quoiqu’elle fe pré- lënte comme une terre bolaire qui happe à la langue & qui eft grafî'e au toucher. En la regardant attentivement , on y voit beaucoup de paillettes de fchorl noir , & fouvent même des portions de lave qui n’ont pas encore été dénaturées & qui confervent tous les caractères de J a lave ; mais ce qui prouve fa confor¬ mité de nature avec la pouzzolane , c’eft qu’en prenant dans cette matière rouge celle qui eft la plus liante , la plus pâteufe , on en fair un ciment avec de la chaux vive , & que, dans ce ciment, le liant de la terre s’évanouit , & qu’il prend confiftance dans l’eau comme la plus excellente pouzzolane (*).
Les pouzzolanes ne font donc pas des cen¬ dres, comme quelques Auteurs l’ont écrit, mais de vrais détrimens des laves & des autres matières volcanifées ; au refte, il me paroît que notre favant Obfervateur aflure trop généralement qu’il n’y a point de vérita¬ bles cendres dans les volcans , & qu’il n’y exifte abjolurnent que la matière de la lave cuite ,
(u) Recherches fur les volcans éteints , page 1S1. ( x ) Idem , page 180.
Minéraux. Tome 111. K
1 1 4 Hijîoïre naturelle
recuite, calcinée , réduite ou en fcories gra- veleufes , ou en poudre fine : d’abord il me femble que, dans tout le cours de fon Ouvrage, l’Auteur eft dans l’idée que la lave le forme dans le gouffre ou foyer même du volcan , & qu’elle eff projetée hors du cratère (ous fa forme liquide &t coulante ; tandis qu’au contraire la lave ne fe forme que dans les éminences ou monceaux de matières arden¬ tes rejetées & accumulées , ffoit au deflus du; cratèie (y), comme dans le Véfuve, foit à quelque diftance des bouches d’éruption ,, comme dans l’Etna r la lave ne fe forme donc que par une vitrification pofférieure à l’éjedhon, & cette vitrification ne fe fait que dans les monceaux de matières rejetées ; elle ne fort que du pied de ces éminences ou monceaux , & dès-lors cette matière vitrifiée ne contient en effet point de cendres ; mais les monceaux eux-mêmes en contenoient en très grande quantité, & ce font ces cendres qui ont fervi de fondant pour former le verre de toutes les laves. Ces cendres font lancées hors du gouffre des volcans, & proviennent des fubftances combuftibles qui fervent d’ali¬ ment à leur feu ; les pyrites , les bitumes & les chabons de terre , tous les réfidus des végétaux & animaux étantles feules matières qui puiflent entretenir le feu, il eft de toute néceflîté qu’elles fe réduifenten cendres dans le foyer
( y ) Voyez dans le volume des Epoques de la Nature ,, J'article qui a rapport aux bafaltes & aux laves.
des Minéraux. 1 1 j
même du volcan, & qu’elles fuivent le tor¬ rent de fes projetions ; auffi plufieurs Ob- fervateurs, témoins oculaires des éruptions des volcans, ont très bien reconnu les cen¬ dres projetées , & quelquefois emportées fort loin par les vents; & fi , comme le dit M. de Saint Fond , l’on ne trouve pas de cendres autour des anciens volcans éteints , c’eft uni¬ quement parce qu’elles ont changé de nature par le laps de temps , & par l’ation des élémens humides.
Nous ajouterons encore ici quelques obfer- vations de M. de Saint-Fond, au fujet de la formation des pouzzolanes. Les laves poreufes fe réduifent en fable & en poufïïère ; les matières qui ont fubi une forte calcination fans fe fondre, deviennent friables & forment une excellente pouzzolane. La couleur en efl jaunâtre , grife , noire ou rougeâire , en raifon des différentes altérations qu’a éprouvé la matière ferrugineufe qu’elles contiennent {()
(l) » L’air & l'humidité attaquent la furface des laves les plus dures ; les fumées acides , fulfureufes qui s’élèvent dans les terreins volcanifés, les pénètrent, les attendrif- fent , & changent leur couleur noire en rouge , & les
convertirent en pouzzolane ocreufe . Le bafalte luir
même le plus compare & le plus dur, fe convertit en une pcfuzzolane rouge ou grife, douce au toucher, & d’une très bonne qualité ; j’ai obfervé , dit-il, dans le \T ivarais , des bancs entiers de bafalte converti' en pouz¬ zolane rouge j ces bancs ainfi décompofés étoient recou¬ verts par d’autres bancs intacts & fains , d’un bafalte dur
K z.
*l6 Hijlbire naturelle-
& il ajoute que c’eft uniquement à la quart* tité du fer contenu dans les laves & bafaltes qu’on doit attribuer leur fufibilité : cette dernière affertion me paroît trop exclufive ; ce n’eft pas en effet au fer, du moins au fer feul , qu’on doit attribuer la fufibilité des.
& noir. . . . On trouve dans la montagne de Gîsenavafî en Vivant , le bafalte décompofé attenant encore au bafalte fain , & on peut y Cuivre la dégradation de fa décom- pofition. » Recherches fur les volcans: éteints , &c page
zc6.
A l’égard de la fubftonce même des' laves en général, M. de Saint -Fond penfe , » qu’elles- ont povir bafe une matière quartieufe ou vitrifiablè unie avec beaucoup de fer, & que leur fufibilité n’eft dûe qu’à ce même fer: jl dit que le bafalte eft de toutes les matières volcaniques, celle qui eft la plus intimement liée & combinée avec les élémens ferrugineux ; que le fer. y eft très voifin de l’état métallique,, & que c’èft à cette caufe qu’on peut attribuer la facilité qu’a le bafalte de fe fondre;, que les laves fe trouvent plus ou moins altérées-, en raifon des différentes impreffions & modifications qu’à éprouvé le principe ferrugineux.. . . Quela pouzzolane, le tnftau , les laves tendres , rouges , jaunâtres- ou de différentes cou¬ leurs , les laves poreufes, les laves ccmpa&es , font routes les mêmes quant à leur eff. nce, & ne diffèrent que par les modifications que le feu ou les vapeurs y ontocca*
Sonné . Qu’enfin la pouzzolane rouge ou d’un brun
rougeâtre, étant une des productions volcaniques , non-feu¬ lement la plus riche en fer, mais celle où ce minéral fe trouve atténué & le plus à découvert , doit former un cr¬ urent de la plus grande dureté.» Idem , page 207.-
'dés Minéraux’.
laves , c’ëft au falin contenu dans les cendres- rejetées par le volcan , qu’elles ont dû leur première vitrification ;• & c’èft au mélange des matières vitreufes , calcaires & falines autant & plus qu’aux parties ferrugineufes , qu’elles doivent la facilité de le fondre une: féconde fois. Le* laves fe fondent comme nos verres fa&ices-, & comme toute autre matière vitreufe mélangée de parties calcaires- ©u falines & en général tout mélange & toute compofirion produit ta fufibilité ; car l’on fait que plus les matières font pures plus elles font réfra&aires au feu ;-le quartz, le jafpe , l’argille & la craie pures y réfiftent également tandis que toutes les matières mixtes s’y fondent aifément cette épreuve feroit le meilleur moyen de diftinguer les fub- flances fimples des matières compolées , fi la fufibilité ne dépendait pas encore plus de la force du feu que du mélange des matières V car , félon moi , les fubftances les plus fimples- & les plus réfraéfaires neréfifteroient pas à cette aélion du feu fi l’on pouvoit l’augmenter à un degré convenable.
En comparant toutes les obfervarions que je viens de rapporter, & donnant même aux différentes opinions des Obfervateurs toute la valeur qu’elles peuvent avoir , il me paroît que le feu des volcans peut produire des ma*- tières affez femblables aux potphyres & gra¬ nits , & dans lefquelles le feld-fpath , le mica & le fchorl fe reconnoilfent fous leur forme propre : & ce fait feuf une fois conftaté fuf- firoit pour qu’on dût regarder, comme plus que vraifemblable , la formation du porphyre
n8 Hljlolre naturelle
& du granit p3r le feu primitif, & à plus forte raifon ceile des matières premières dont ils font compofés.
Mais, dira- t-on, quelque fenfiblesque foient ces rapports , quelque plaufibles que paroif- fent les conséquences que vous en tirez , n’avez-vous pas annoncé que la figuration de tous les minéraux n’eff due qu’au travail des mo'écules organiques, qui ne pouvant en pénétrer le fond, par la trop grande ré- fiftance de leurfubftance dure , ont feulement tracé fur la fuperficie , les premiers linéamens de l’organifation , c’eft-àdire les traits de la figuration \ or il n’y avoit point de corps organifés dans ce premier temps où le feu primitif a réduit le Globe en verre ; & même eft-il croyable que dans ces feux de nos fourneaux ardens où nous voyons fe former des criftaux , il y ait des molécules organiques qui concourent à la forme régulière qu’ils prennent ? ne fuffit-il pas d’admettre la puif- fance de l’attra&ion & l’exercice de fa force par les loix de l’affinité, pour concevoir que foutes les parties homogènes fe réunifiant, elles doivent prendre en conféquence des figures régulières, & fe préfenter fous dif¬ férentes formes relatives à leur différente nature, telles que nous les voyons dans ces criflaî 1 i fations ?
Ma réponfe à cette importante queftion , eft que pour produire une forme régulière dans un folide , la puifiar.ee de l’attra&ion feule ne fufiîr pas, & que l’affinité n’étant que la même puiflance d’attraefion , fes loix ne peuvent varier que parla. dive»ûté: de figure
des Minéraux'. T rtjF
de-S particules fur lefquelles elle agit pour les réunir ( a J ; fans cela toute matière ré¬ duite à l’homogénéité prendroit la forme fphérique , comme la prennent les gouttes d’eau, de mercure & de tout autre liquide-, & com ne l’ont prife la terre & les planètes dans le temps de leur liquèfaéHon. Il faut donc néceffairement que tous les corps qui ont des formes régulières avec des faces & des angles , reçoivent cette irrrpreffion de figure de quelqu’a-utre caufe que de l’affinité-;, il faut que chaque atome foit déjà figuré avant d’étre attiré & réuni par l’affinité ; & comme la figuration eft le premier trait de l’orga- nifation, & q,u 'après l’attra&ion, il n’y a d’autre puiflance aéïive dans la Nature, que celle de la chaleur & des molécules organi¬ ques qu’elle produit,. iL me femble qu’on ne peut attribuer qu’à ces mêmes élémens aélifs- le travail de la figuration.
L’exifience des molécules organiques a précédé celle des êtres organifes ; elles font auffi anciennes que l’élément du'feu ; un atome de lumière ou de chaleur, efi par lui- même une molécule aéfive , qui devient organique dès qu'elle a pénétré un autre atome de matière ; ces molécules organiques une fois- formées ne peuvent être détruites; le feu le plus violent ne fait que les difperfer fans les anéantir : nous avons prouvé que leur ellence: étoit inaltérable, leur exiltence perpétuelle.
(a) Voyez dans les Volumes précédons, l’article qui a pour titre, de la Nature fécondé, rue
ï!'<y H i (foire naturdh
leur nombre infini -, & qu’étant aufiï univer¬ sellement répandues que les atomes de la; lumière , tout concourt à démontrer qu’elles- fervent également à l’organifation des ani¬ maux-, des végétaux, & à la figuration des minéraux : puifqu’après avoir prisa la furface de la terre leur organilme tout entier, dans' S’animal & le végétal , retombant enluite dans la maffe minérale, elles réunifient tous- les ‘êtres fous la même loi , & ne font qu’un leul empire de tous les règnes de la Nature»
DU
des Minéraux',
DU SOUFRE.
Là Nature, indépendamment de fes hautes pu i fiances auxquelles nous ne pouvons attein¬ dre, & qui fe déploient par des effets uni- verfels , a de plus les facultés de nos Arts tju’elle manifefie par des effets particuliers ; comme nous, elle fait fondre & fublimer les métaux , criftailifer les Tels , tirer le vitriol & le foufre des pyrites , &c. Son mouvement , plus que perpétuel , aidé de l’éternité du temps , produit , entraîne , amène toutes les révolutions, toutes les combinaifons pofTi- bles j pour obéir aux loix établies par le fou- verain Etre , elle n’a befoin ni d’inflrumens, ni d adminicules , ni d’une main dirigée par ■l’intelligence humaine^ tout s’opère, parce qu’à force de temps tout fe rencontre, & que dans la libre étendue des efpaces & dans la fucceffion continue du mouvement , toute matière eft remuée , toute forme donnée , toute figure imprimée ; ainfi tout fe rappro¬ che ou s’éloigne, tout s’unit ou fe fuit , tout fe combine ou s’oppofe , tout fe produit ou fe détruit par des forces relatives ou con¬ traires , qui feules font confiantes , & fe balançant fans fe nuire, animent l’Univers, & en font un théârre de fcènes toujours nou¬ velles, & d’objets fans ceffe renaiffans.
Mais en ne cocfidérant la Nature que dans fes productions fecondaires , qui font les.
Minéraux, Tome 111, L
lïf Hifloire naturelle
feules auxquelles nous puiffions comparer les
Êroduits de notre Art, nous la verrons encore ien au-deflus de nous; & pour ne parler que du fujet particulier dont je vais traiter dans cet article , le foufre qu’elle produit au feu de fes volcans , eft bien plus pur , bien mieux criftallifé , que celui dont nos plus grands Chimiftes ont ingénieufement trouvé la compofition ( a ) ; c’eft bien la même fubftance ; ce foufre artificiel & celui de la Nature ne font également que la matière du feu rendue fixe par l’acide , & la démons¬ tration de cette vérité, qui ne porte que fur l’imitation par notre Art d’un procédé Secon¬ daire de la Nature, eft néanmoins le triom¬ phe de la Chimie , & le plus beau trophée qu’elle puifte placer au haut du monument de toutes fes découvertes.
L’élément du feu qui , dans fon état dç
(a) Us font allés jufqu’à déterminer la proportion dans laquelle l’acide vitriolique & le feu fixe entrent chacun dans le foufre. Stahl a trouvé » que dans la compofition du foufre , l’acide vitriolique faifoit environ quinze feizièmes du poids total , & même un peu plus , & que le phlogif- tique faifoit un peu moins d’un feizième. . . . M. Brands dit , d’après fes propres expériences ,que la proportion du principe inflammable à celle de l'acide vitriolique , eft à-peu- ppès de ; à 50 (ou d’un di^-feptième ) en poids; mais ni M, Brands ni M- Stahl n’ont pas connu l’influence de l’air dans la combinaifon de leurs expériences ; en forte que cette proportion n’eft pas certaine. » Diclicnnairt d<- Çhymit, par M. Macquer , article Soutre,
des Minéraux l 123
liberté, ne tend qu’à fuir, & divife toute matière à laquelle on l’applique , trouve fa prifon & des liens dans cet acide, qui lui- même eft formé par l’intermède des autres élémens ; c’eft par la combinaifon de l’air & du feu que l’acide primitif a été produit , & dans les acides fecondaires , les élémens de la terre & de l’eau font tellement combinés qu’aucune autre fubftance fimple ou compo- fée n’a autant d’affinité avec le feu ; aufii cet élément fe faifit de l’acide dès qu’il le trouve dans fon état de pureté nature'le & fans eau fuperflue , ‘il forme avec lui un nouvel être qui eft le foufre , uniquement compofé de l’acide & du feu.
Pour voir clairement ces rapports impor- tans , confidérons d’abord le foufre tel que la Nature nous l’offre au fommet de fes vocans ; il fe fublime , s’attache & fe criftal- life contre les parois des cavernes qui fur- montent tous les feux fouterrains : ces cha¬ piteaux des fournaifes embrafées par le feu des pyrites, font les grands récipiens de cette matière fublimée ; elle ne fe trouve nulle part en auffi grande abondance, parce que nulle part l’acide & le feu ne fe rencontrent en auffi grand volume, & n’agiffent avec autant de puiffance.
Après la chûte des eaux & la production de l’acide, la Nature a d’abord renfermé une partie de la matière du feu dans les pyrites, c’eft-à dire , dans les petites maffes ferrugi- reufes & minérales où l’acide vitriolique , fe trouvant en quantité , a faifi cet élément dq feu , & le retiendroit à perpétuité , fi l’ac-
1 24 Hijbire naturelle
tion des élémens humides (b) ne furvenoit pour le dégager & lui rendre {'a liberté; l’hu¬ midité en agiffant inr la matière terreufe , & s'unifiant en même temps à l’acide, dimi¬ nue fa force, relâche peu-à-peu les nœuds de fon union avec le feu , qui reprend fa liberté dès que les liens font brifés : dans cet incendie le feu, devenu libre, emporte avec fa flamme une portion de l’acide auquel il étoit uni dans la pyrite, & cet acide pur & féparé de la terre qui refte fixe, forme avec la fubftance de la flamme, une nouvelle matière uniquement compofée de feu fixé par l’acide, fans mélange de terre ni de fer, ni d’aucune matière.
11 y a donc une différence effentielle entre le foufre & la pyrite , quoique tous deux contiennent également la fubftance du feu faifie par l’acide , puifque le foufre n’eft com- pofé que de ces deux fubftances pures & {impies, tandis qu’elles font incorporées dans la pyrite avec une terre fixe de fer ou d’au¬ tres minéraux : le mot de foufre minéral , dont on a tant abufé, devroit être banni de la
( b ) L’eau feule ne décompofe pas les pyrites : le long des faiaifes des côtes de Normandie, les bords de la mer font jonchés de pyrites , que les pêcheurs ramaffent pour en faire du vitriol.
La rivière de Marne , dans 1? partie de la Champagne crayeufe qu’elle arrofe , eft jonchée de pyrites martiales qui retient intaftes tant qu’elles font dans Peau , mais qui s’effleuriflent dès qu’elles font exportes à l’air.
des Minéraux'.
Phyfïque , parce qu’il fait équivoque & pré- feute une faillie idée ; car ce foufre minéral n’eft pas du foufre , mais de la pyrite , & de même toutes les fubftances métalliques, qu’on dit être minéralifée.s par le foufre , ne font que des pyrites qui contiennent, à la vérité, les principes du foufre, mais dans lefquelles il n’eft pas formé. Les pyrites martiales & cui- vreufes , la galène de plomb, &c. font autant de pyrites dans lefquelles la lubftance du feu & celle de l’acide , le trouvent plus.'ou moins intimement unies aux parties fixes de ces métaux ; ainfi les pyrites ont été formées par une grande opération de la nature, après îa produéiion de l’acide & des matières com- buftibles , remplies de la fubftance du feu; & le foufre ne s’eft formé que par une opé¬ ration fecondaire , accidentelle & particulière , en fe fublimant avec l’acide par l’a&ion des feux fouterrains. Les charbons de terre & les bitumes qui , comme les pyrites , contien¬ nent de l’acide , doivent , par leur combuftion , produire de même une grande quantité de foufre ; auffi toutes les matières qui fervent d’aliment au feu des volcans & à la chaleur des eaux thermales , donnent également du foufre dès que , par les circonftances locales , l’acide , & le feu qui l’accompagne & l’enlève , peuvent être arrêtés & condenlés par le re- froidïffemenr.
On abufe donc du nom d e foufre , lorfqu’on dit que les métaux font mioéralilés par le foufre ; & comme les abus vont toujours en
_„0 _ on a auffi donné le même nom
às foufre à tout ce qui peut brûler: ces applt-
augmentant
12.6 Htftoire naturelle
cations équivoques ou faufles , viennent de ce qu’il n’y avoit, dans aucune langue, une expreffion qui pût défigner le feu dans fon état fixe ; le foufre des anciens Chimiftes re- préfentoit cette ;idée ( c ) , le phlogiftique la repréfente dans la Chimie récente , & l’on n’a rien gagné à cette fubftitution de termes, elle n’a même fait qu’augmenter la confufion des idées, parce qu’on ne s’eft pas borné à ne donner au phlogiftique que les propriétés du feu fixe; ainfi, le mot ancien de foufre , ou le mot nouveau de phlogiftique , dans la langue des Sciences , n’auroient pas fait de mal s’ils n’euffent exprimé que l’idée nette & claire du feu dans fon état fixe ; cepen-
( c ) Le foufre des Philofophes hermétiques étoît un tout autre être que le foufre commun ; ils le regardoient comme le principe de la lumière, comme celui du développement des germes & de la nutrition des corps organifés. ( Voyez Georg. Wolfang Wedel ; Ephém. d’ Allemagne , années 1778 , 1779, & la Collection académique , partie étrangère , tome IÛ, pages 415 & 416 ) ; & fous ces rapports, il paroît qu’ils confidéroient particulièrement , dans le foufre , fon feu fixe, indépendamment de l’acide dans lequel il fe trouve engagé : dans ce point de vue , ce n’eff plus du foufre qu'il s’agit, mais du feu même, en tant que fixé dans les différens corps de la Nature, il en fait Paftivité , le développement & la vie ; & , en ce fens , le foufre des Alchimiftes peut en effet être regardé comme le prin¬ cipe des phénomènes de ia chaleur, de la lumière, du développement & de la nutrition des corps organifés, Obfervation communiquée par M. Eabbé Bcxon,
des Minéraux r if
dânt feu fixe eft aufli court, auffi aifé à pro¬ noncer que phlogifiique , & feu fixe rappelle l’idée principale de l’élément du feu, & le ffeprêfente tel qu’il exifte dans les corps com- buftibles , au lieu que phlogifiique qu’on n’a jamais bien défini , qu’on a fouvent mal appli¬ qué, n’a fait que brouiller les idées , & rendre obfcures les explications des chofes les plus claires ; la réduction des chaux métalliques en eft un exemple frappant, car elle s’expli¬ que, s’entend auffi clairement que la préci¬ pitation , fans qu’il foit néceflaire d’avoir recours avec nos Chimiftes , à l’abfence ou à la préfence du phlogifiique.
Dans la Nature , & fur-tout dans la matière brute, il n’y a d’êtres réels & primitifs que les quatre élémens; chacun de ces élémens peut fe trouver en un état différent de mou¬ vement ou de repos , de liberté ou de con¬ trainte, d’aélion ou de réfiftance, &c. Il y auroit donc tout autant de raifon de faire un nouveau mot pour l’air fixe , mais heureufe- ment on s’en eft abftenu jufqu’ici; ne vaut- il pas mieux en effet défigner par une épi¬ thète l’état d’un élément , que de faire un être nouveau de cet état en lui donnant un nom particulier ? Rien n’a plus retardé le progrès des Sciences que la Logomachie, & cette création de mots nouveaux à demi-techni¬ ques , à demi-rnétaphyfiques , & qui dès-lors P.e repréfentent nettement, ni l’effet, ni la caufe: j'ai même admiré la jufteffe du difcernement des Anciens, ils ont appelé pyrites , les ma¬ tières minérales qui contiennent en abon¬ dance la fubftance du feu \ avons - nous eu
L 4
ïi8 Hifioire naturelle
raifon de fubftituer à ce nom celui de foufre , puifque les minerais ne font en effet que des pyrites ? & de même les anciens Chimiftes ont entendu, par le mot de foufre , la matière du feu contenue dans les huiles, les refînes,, les efprits ardens , & dans tous les corps des animaux & des végétaux, ainfi que dans la. fubftance des minéraux; avons-nous aujour¬ d’hui raifon de lui fubftituer celui de phlo- giftique ? le mieux eût été de n’adopter ni l’un ni l’autre; aufii n’ai-je employé, dans le cours de cet Ouvrage,, que l’exprefliort de jeu fixe (dj , au lieu de pMogifiique , comme je n’emploie ici que celle de pyrite au lieu, de foufre minéral.
Au refte, fi l’on veut diftinguer l’idée du feu fixe de celle du phlogiftique , il faudra, comme je l’ai dit (e), appeler phlogifiiqut , le feu qui d’abord étant fixé dans les corps ,. eft en même temps animé par l’air & peut en être féparé , & laifler le nom de feu fixe à la matière propre du feu fixé dans ces mêmes corps, & qui fans l’adminicule de l’air auquel il fe réunit, ne pourroit s’en dégager.
Le feu fixe eft toujours combiné avec l’air fixe, & tous deux font les principes inflanv-
( d) I.e phlogiftique & le feu fixe font la même chofe , dit très bien 1Y1. de Morveau , & le loufre n’eft conipofé que de feu St d’acide variolique. Elcmcns de Chimie, tume U , page U..
( e) Voyc\ Plntrodtiftion aux Minéraux, tome 1 , des Supplétnens de cette lliftoire Naturelle,.
des Minéraux] T29
arables de toutes les fubftances combuftibles, c’ett en raifon de la quantité de cet air & feu fixe qu’elles font plus ou moins inflam¬ mables; le foufre qui n’efl: compofé que d’acide pur & de feu fixe, brûle en entier & ne- laide aucun réfidu après fon inflammation les autres fubttances , qui font mêlées de terres ou de parties fixes , laiflenc toutes des cendres ou des réfidus charbonneux après leur combuftion,& en général toute inflam¬ mation , toute combuftion n’efl: que la mife en liberté par le concours de l’air, du feu fixe contenu dans le corps, & c’eft alors que ce feu, animé par l’air, devient phlogijîique.;: or le feu libre , l’air & l’eau , peuvent éga¬ lement rendre la liberté au feu fixe contenu dans les pyrites, & comme au moment qu’il eft libre le feu reprend fa volatilité, il em¬ porte avec lui l’acide auquel il eft uni & forme du foufre par la feule condenfation de cette vapeur.
On peut faire du foufre par la fufion ou: par la fublimation ; il faut pour cela choifir lés pyrites qu’on a nommées Julfureufcs , & qui contiennent la plus grande quantité de feu fixe & d’acide, avec la moindre quantité de fer, de cuivre, ou de toute autre matière fixe; & , félon qu’on veut extraire une grande ou petite quantité de foufre , on emploie difïerens moyens (/) , qui néanmoins fe rédui-
(/) Pour tirer le foufre des pyrites , & particulièrement des pyrites cuivreufes, on forme, à Pair libre, des tas de pyrites qui ont environ vingt pieds en carré „ ôc neuf.
130 Hifloïre naturelle
fent tous à cîonnner du foufre par fufion ou par fublimation.
Cette fubftance tirée des pyrites par fiotre Art, eft abfolument femblable à celle du
pieds de haut : on arrange ces pyrites fur un lit de b⬠ches & de fagots; on Iaifle à ces tas une ouverture qui fert d’évent, ou comme le cendrier fert à un fourneau; on enduit les parois extérieures des tas , qui forment comme des efpèces de murs , avec de la pyrite en pou¬ dre & en petites particules que l’on mouille ; alors on met le feu au bois & on le laiffe brûler pendant plufieurs mois : on forme à la partie fupérieure de ces tas ou maflïfs , des trous ou des creux qui forment comme des badins dans lefquels le foufre fondu par l’a&ion du feu Va fe rendre , & d’oîi on le pnife avec des cuillers de fer ; mais ce foufre , ainfi recueilli , n’eft point parfaite¬ ment pur ; il a befoin d’être fondu de nouveau dans des chaudières de fer ; alors les parties pierreufes & terreufes qui s’y trouvent mêlées tombent au fond de la chaudière, & le foufre pur nage à leur furface : telle eft la manière dont on fixe le foufre au hart\. . . .
Une autre manière qui eft auffi en ufage en Allema¬ gne , confifte à faire griller les pyrites ou la mine de cuivre , fous un hangard couvert d’un toit qui va en pente ; ce toit oblige la fumée qui part du tas que l’on grille, à patfer par-deffous une auge remplie d’eau froide; par ce moyen, cette fumée, qui n’eft compofée que de foufre , fe condenfe & tombe dans l’auge. . . .
En Suède , on fe fert de grandes retortes de fer qu’on remplit au tiers de pyrites, & on obtient le foufre par diftillation ; on ne met qu’un tiers de pyrites , parce que le feu les fait gonfler confidérablement : il palfe une partie
des Minéraux'. 13 1
foufre que la Nature produit par l’a&ion de fes feux fouterrains ; fa couleur eft d’un jaune citrin , fon odeur eft défagréable , & plus forte lorfqu’il eft frotté ou échauffé , il eft
du foufre qui fuinte au travers les retortes & qui eft fort pur , on le débite pour de la fleur de foufie ; quant an refte du foufre , il eft reçu dans des récipiens remplis d’eau ; on enlève ce foufre des récipiens , on le porte dans des chaudières de fer, où on le fait fondre afi» qu’il dépofe les matières étrangères dont il étoit mêlé ; ïorfque les pyrites ont été dégagées du foufre qu’elles eontenoient , on les jette dans un tas à Pair libre 5 après qu’elles orit été expofées aux injures de l’air , ces tas font fujets à s’enflammer d’eux -mêmes, après quoi le foufre en eft totalement dégagé ; mais , pour prévenir l’inflammation, on lave ces pyrites calcinées, & l’on en tire du vitriol , qu’elles ne donneroient point fi on les «voit laiffé s’embrafer ; après qu’il a été purifié on le fond de nouveau, on le prend avec des cuillers de fer, & on le verfe dans des moules qui lui donnent la forme de bâtons arrondis ; c’eft ce qu’on appelle foufre en canons...
Aux environs du mont Véfuve & dans d’autres endroits de l’Italie , où il fe trouve du foufre , on met les terres qui font imprégnées de cette fubftance dans des pots de terre , de la forme d’un pain de fucre ou d’un cône fermé par la bafe , & qui ont une ouverture au fommet : on arrange ces pots dans un grand fourneau deftiné à cet ulage, en obfervant de les coucher horizontalement; on donne un feu modéré qui fuffife pour faire fondre le foufre , qui découle par l’orifice qui eft à la pointe des pots , & qui eft reçu dans d’autres pots, dans lefquels 01 a mis de l’eau froide où le foufre fe fige.
IJ 2 Ni (foire naturelle
électrique comme l’ambre ou la réfine ; ta faveur n’eft infipide que parce que le principe aqueux de fon acide y étant abforbé par l’excès du feu , il n’a aucune affinité avec là falive , & qu’en général , il n’a pas plus d’aétion fur les matières aqueufes qu’elles en ont fur lui : fa denfité eft à-peu-près égale à celle de la pierre calcaire (g); i{ eft caftant, prefque friable, & fe pulvérile aifément , il ne s’altère pas par I’impreffiorr des élémens humides , &. même l’aélion du feu ne le décompofe pas lorfqu’il eft en vaifteaux clos, & privé de l’air nécefiaire à toute inflammation. Il fe fublime fous fa même forme, au haut du vaiffeau clos en petits criftaux auxquels on a donné le nom de fleurs de foufre ; celui qu’on obtient par la fufion fe criftallife de même en le laifTant refroidir très lentement ; ces criftaux font ordinaire-
Apres toutes ces purifications,, le foufre renferme encore fouvent des fubflances qui en rendroient l’ufage dangereux, & il faut , pour le féparer de ces fubflances , le fublimer. ' Encyclopédie, article Soufre. . . . Voyez à pen-près les înemes procèdes pour l’extraftion du foufre des pyrite* dtins le pays de Liège. Collection académique , partie écran - gère, tome II, page io ; & dans le Journal de Phyfiquef Mai 1781, page 366, quelques vues utiles fur cette ex¬ ploitation en général ; & en particulier fur celle que l’on pourroit faire en Languedoc.
(g) Le foufre volatil pèfe environ cent quarante deux livres le pied cube , & le foufre en canon cent trente- aeuf à cent quarante livres» Voye^la Table de M. Btijfw,.
des Minéraux. I ^
ment en aiguilles, & cette forme aiguillée, propre au foufre, fe voit dans les pyrites & dans prefque tous les minéraux ou le feu fixe & l’acide fe trouvent combinés en grande quantité avec le métal ; il fe criftallile auflï en o&aèdre , dans les grands foupiraux des volcans.
Le degré de chaleur néceffaire pour fon¬ dre le foufre ne futfit pas pour l’enflammer; il faut, pour qu’il s’allume , porter de la flamme à fa furface, & dès qu’il aura reçu l’inflammation , il continuera de brûler. Sa flamme eft légère & bleuâtre , & ne peut même communiquer l’inflammation aux autres matières combulbbles , que quand on donne plus d’a&ivité à la combuftion du foufre, en augmentant le degré de feu ; alors fa flamme devient plus lumineufe , plus intenfe , & peut enflammer les matières sèches & com- buftibles (A): cette flamme du foufre, quel- qu’intenfe qu’elle puifl'e être, n’en eft: pas moins pure , elle eft ardente dans toute fa fubftance , elle n’eft accompagnée d’aucune fumée, & ne produit point de fuie; mais elle répand une vapeur fuffocante qui n’eft
( h ) Si l'on ne donne au foufre que le petit degré de feu néceiraire pour commencer à le faire brûler, fa flam¬ me bletûltre ne fe voit que dans l’obfcurité, & ne peut pas allumer les corps les plus combuftibles. M. Baumé a fait ainfi brider tout le foufre qui cfl dans la poudre à tirer , fans l’enflammer. Dictionnaire de Chimie , pa{ Al» Marquer, ai tic/e Soufre,
134 Hiftoîre naturelle
que celle de l’acide encore combiné avec le feu fixe , & à laquelle on a donné le nom d 'acide Julfureux : au refte , plus lentement on fait brûler le foufre , plus la vapeur eft fuffo- cante , & plus l’acide qu’elle contient devient pénétrant; c’eft, comme l’on fait, avec cet acide fulfureux qu’on blanchit les étoffes , les plumes & les autres fubflances anima-, les (i).
L’acide que le feu libre emporte ne s’élève avec lui qu’à une certaine hauteur; car dès qu'il eft frappé par l’humidité de l’air, qui le combine avec l’acide , le feu eft forcé de fuir, il quitte l’acide & s’exhale tout feul: cet acide , dégagé dans la combuftion du foufre , eft du pur acide vitriolique : » Si l’on veut le recueillir au moment que le feu l’abandonne, il ne faut que placer un chapi¬ teau au-deffus du vafe , avec la précaution de le tenir afl.z éloigné pour permettre Fac¬ tion de l’air qui doit entretenir la combuf¬ tion, & de porter, dans l’intérieur du cha¬ piteau , une certaine humidité par la vapeur
( i ) L’acide fulfureux volatil a la propriété de détruire & de décompofer les couleurs ; il blanchit les laines & les foies ; fa vapeur s’attache fi fortement à ces fortes d’étoffes, que l’on ne peut plus leur faire prendre de couleur, à moins de les bouillir dans de l’eau de favon ou dans une dilfolution d’alkali fixe ; mais il faut prendre garde de laitier ces étoffes trop long temps expofées à la vapeur du foufre , parce qu’elle pourroit les endommager Ôc les rendre caffante?. Encyclopédie , article Soufre,
Ses Minéraux < Y 3 f
de l’eau chaude ; on trouvera dans le réci¬ pient , ajufté au bec du chapiteau , l’acide vitriolique , connu fous le nom à'efprit de vitriol, c’eft à-dire , un acide peu concentré & confidérablement affoibli par l’eau (k) ». On concentre cet acide & on le rend plus pur en le diftillant : » L’eau, comme plus volatile , s’élève la première & emporte un peu d’acide ; plus on réitère la diftillation , plus il y a de déchet, mais auffi plus l’acide <jui relie fe concentre , & ce n’eft que par ce moyen qu’on peut lui donner toute fa force & le rendre tout- à fait pur(/)». Au relie, on a imaginé depuis peu le moyen d’effeéluer, dans des vailleaux clos, la com- bullion du foufre ; il fuffit pour cela d’y joindre un peu de nitre qui fournit l’air nécelfaire à cette combuftion, & d’après ce principe , on a conllruit des appareils de vaiffeaux clos, pour tirer l’efprit de vitriol en grand , fans danger & fans perte ; c’eft ainfi qu’on y procède aéluellement dans plu- fieurs manufadures (m) , & fpécialement dans la belle fabrique de lels minéraux , établie
( k ) Elcraens de Chimie , par M. de Morveau , tome //, page 22.
( / ) Idem , ibidem.
( m ) C’eft à Rouen où l’on a commencé à faire de l’huile de vitriol en grand par le foufre; il s’en fait annuel¬ lement dans cette ville & dans les environs , quatorze cents miliers : on en fait à Lyon , fans intermède du fal- pêtre. Note communiquée par M. de Grignon.
1^6 Hîjlo'ire naturelle
à Javelle , fous le nom & les aufpices de Monfeigneur le comte d’Artois.
L’eau ne diflout point le foufre., & ne fait même aucune impreflion à fa furface; cepen¬ dant fi l’on verle du foufre en fufion dans de l’eau , elle fe mêle avec lui , & il refte mou tant qu’on ne le fait pas fécher à l’air ; il reprend fa folidité & route fa fécherefte dès que l’eau dont il s’eft humeété par force , & avec laquelle il n’a que peu ou point d’adhérence, eft enlevée par l’évaporation.
Voilà lur la compofnion de la fubftance du foufre & fur fes principales propriétés , ce que nos plus habiles Chimiftes ont reconnu & nous répréfentent comme choies incontef- tables & certaines; cependant elles ont befoin d’être modifiées, & fur-tout de n’être pas prifes dans un fens abfolu fi l’on veut s’ap¬ procher de la vérité, en fe rapprochant des faits réels de la Nature. Le foufre , quoiqu’en- tièrement compofé de feu fixe & d’acide , n’en contient pas moins les quatre élémens , puifque l’eau , la terre & l’air fe trouvent unis dans l’acide vitriolique , & que le feu même ne fe fixe que par l’intermède de l’air.
. Le phlogiftique n’eft pas, comme on l’af- fure , une fubftance fimple, identique & tou¬ jours la même dans tous les corps , puifque la matière du feu y eft toujours unie à celle de l’air , & que fans le concours de ce fé¬ cond élément, le feu fixe ne pourroit ni fe dégager ni s’enflammer : on fait que l’air fixe prend louvent la place du feu fixe en s’emparant des matières que celui-ci quitte; que l’air eft
même
des Minéraux''. 137
même le feul intermède par lequel on puiffe dégager le feu fixe , qui alors devient le pnlogiftique ; ainfi , le fourre indépendamment de l’air fixe qui eff entré dans fa compofi- tion, fe charge encore de nouvel air dans fon état de fufion : cet air fixe s’unit à l’acide , la vapeur même du foufre fixe l’air & l’ab- forbe , enfin le foufre, quoique contenant le feu fixe en plus grande quantité que toutes les autres fubfiances combuftibles , ne peut s’enflammer comme elles , & continuer à brû¬ ler que par le concours de l’air.
En comparant la combuftion du foufre à celle du phofphore , on voit que dans le fou- fre l’air fixe prend la place du feu fixe à meture qu’il fe dégage & s’exhale en flamme, & que dans le pholphore , c’eft l’air fixe qui fe dégage le premier, & laiffe le feu fixe reprendre fa liberté; cet effet s’opère fans le fecours extérieur du feu libre, & par le feul contaét de l’air; & dans toute matière où il fe trouve des acides , l’air s’unit avec eux & fe fixe encore plus aifément que le feu même dans les. fubftances les plus combufii- bles.
Dans les explications chimiques on attri¬ bue tous les effets au phlogiftique , c’eft-à- dire , au feu fixe feul , tandis qu’il n’efi ja¬ mais feul, & que l’air fixe eft très Couvent la caufe immédiate ou médiate de l’effet ; heu- reufement que, dans ces dernières années,- d’habiles Phyficiens ayant fuivi les traces du dofteur Haïes , ont fait entrer cet élément dans l’explication de plufieurs phénomènes, & ont démontré que l’air fe fixoit en s’unil- Mlnéraux . Tome llli Mi
138 Hijloire naturelle
fant à tous les acides; en forte qu’il contri¬ bue prefque auffi effentiellemenr que le feu , non-leulemenc à toute combuftion , mais même à toute calcination , foit à chaud , foit à froid.
J’ai démontré (/?) que la combuftion & la calcination font deux effets du même ordre, deux produits des mêmes caufes; & lorfque la calcination fe fait à froid , comme celle de la cerufe par l’acide de l’air, c’eft que cet acide contient lui -même une allez grande quantité de feu fixe, pour produire une pe¬ tite combuftion intérieure qui s’annonce par la calcination , de la même manière que la combuftion intérieure des pyrites humectées fe manifefte par l’inflammation.
On ne doit donc pas fuppoler avec Stahl & tous les autres Chimiftes , que le foufre n’eft compofé que de phlogiftique & d’acide, à moins qu’ils ne conviennent avec moi , que le phlogiftique n’eft pas une fubftance fim- ple, mais compofée de feu & d’air, tous deux fixes: que de plus ce phlogiftique ne peut pas être identique & toujours le même, puif- que l’air & le feu s’y trouvent combinés en différentes proportions & dans un état de fixité plus ou moins confiant; & de même on ne doit pas prononcer dans un fens abfolu , que le foufre uniquement compofé d’acide & de phlogiftique ne contient point d’eau, puif- que l’acide vitriolique en contient , & qu’il
( n ) Supplément , tome 1 , in 40. , pages yi 0 £uivt
des Minéraux. 139
a même avec cet élément afTez d’affinité pour s’en faifir avidement.
L’eau , l’air & le feu peuvent également fe fixer dans les corps, & l’on fera forcé, pour expofer au vrai leur compofition', d’ad¬ mettre une eau fixe , comme l’on a été obligé d’admettre un air fixe , après avoir admis le feu fixe; & de même on fera conduit par des réflexions fondées & par des obfervations ultérieures à ne pas regarder l’élément de la terre comme abfolument fixe, & on ne con¬ clura pas d’après l’idée que toute terre efl fixe , qu’il n’exifte point de terre dans le foufre , parce qu’il ne donne ni fuie ni réfidu après fa combuftion; cela prouve feulement que la terre du foufre eft volatile, comme celle du mercure , de l’arfenic & de plufieurs autres fubftances.
Rien ne détourne plus de la route qu’on doit fuivre dans la recherche de la vérité , que ces principes fecondaires dont on fait de petits axiomes abfolus , par lefquels on donne î’exclufion à tout ce qui n’y efl pas compris; afîurer que le foufre ne contient que le feu fixe & l’acide vitriolique , ce n’eft pas en exclure l’eau, l’air &. la terre , puifque dans la réalité ces trois élémens s’y trouvent comme celui du feu.
Après ces réflexions , qui ferviront de pré- fervatif contre l’extenfion qu’on pourroit donner à ce que nous avons dit, & a ce que nous dirons encore fur la nature du foufre , nous pourrons fuivre les travaux de nos fa- vans Chimiftes, & préfenter les découvertes qu’ils ont faites fur fies autres propriétés. Ils
M 2
34® H i poire naturelle
onr trouvé moyen de faire du foufre arttfir- ciel , femblable au foufre naturel , en com¬ binait'' l’acide vitriolique avec le phlogiftique ou feu fixe animé par l’air (o); ils ontobfervé-
( o ) Pour prouver que c’êft l’àcidé vitriolique qui forme le foufre avec le phlogiftique ou feu fixe ; il fuffic de mettre cet acide dans une cornue , de lui préfenter des charbons . noirs, de l’huile ou autre matière que nous favons con¬ tenir du phlogiftique, ou même de fe fervir d’ime cornue fêlée, par où il puiffe s’introduire quelque portion de la- matière de la flamme; car tous ces moyens font égale¬ ment bons; la liqueur qui paflera dans le récipient ne fera plus Amplement de l’acide, ce fera de l’acide & du feu fixe combinés, un' véritable foufre qui ne différera abfolument du foufre folide, que parce qu’il fera rendu raifcrble à l’eau par l’intermède de l’air uni à l’acide.
On produit fur le champ le même foufre volatil, en portant un charbon allumé à la fui face de l’àcide. .. Ceci n’eft encore qu’ùn foufre liquide.-... Mais on fait du foufre folide avec les mêmes élémens en prenant du tartre vitriolé qui foit d’acide vitriolique bien pur & d’àlkali fixe; on prend deux parties d’àlkali fixe 6c une partie de ponflière de charbon ; ce mélange donnera en peu de temps , dans un creufet couvert & expofé au feu , une maffe fondue que l’on pourra couler fur une pierre graiifée,
& cette malle fera rouge, caffante, exhalera une forte pdeur défagréable > . & c’eft ce que l’on nomme foie de foufre.
Le foie de foufre étant diffoluble dans l’êau de quelque manière qu’on le faflè,, fi on diflbut celui dont nous yenons de donner la préparation , & qu’on verfe dans k
dis Minéraux?. tfyï't
qne î'ë foufre qui dtffoiit toutes les matières métalliques , à l’exception de l’or & du zinc (p), n’attaque point les pierres ni les autres matières terreufes ; mais qu’étant uni à l’alkali , il devient , pour ainfi dire , le d i T— folvant général de toutes matières; l’or même.- ne lui réfifîe pas ( q ) , le zinc (éul fe refufe à toute combinaifon avec le foie de loufre.
Les acides n’ont fur le foufre guère plus d’aéhon que l’eau, mais tous les alkalis fixes.
dïflblûtion utractclé quelconque , il s’empare de Talkalî, qui éfoit partie conftituante du foie de foufre , & il fe précipite à Wnftanfune poudre jaune, qui eR un vrai foufre produit’ par l’art, que l’on peut réduire en malTe, criftallifér ou: fublimer en fleurs, tour de même que le foufre naturel». Elément de Chimie , par de Morveau , tome 11, pages 24. & fuir.
( p ) Les affinités du fonfre font, dans l’ordre fiiivant, les alkalis , le fer, le cuivre, l’étain, le plomb , l’argent, lé bifrauth , le régule d’antimoine , le mercure, l’arfenic & le cobalt. DicUonnaire de Chimie , article Soufre.
(q) Le foie de foufre drvife l’or au moyen du fel de tartre; mais il ne l’altère point. Elémens de Chimie , par M. de Morveau, tome 11. page 39. — • Selon Stahl , ce fut an moyen du foie de fonfre que Moyfe réduifit en poudre le Veau d’or, fui-vanc lès paroles de l’Exode,
Cl). 33, V. 20. Tu/.it vituluni quem fecerant', & combujjh igné , contrivitque dônec in pulverem red-egn , pofiea /parfit in fiupefitciem aquarum & potavit filios Ifiraèl. Voyez fotî Traité j intitulé ; Vi talus aureus ignç ambufitus, ,
ï4ï Hljîûlre naturelle
ou volatiles & les matières calcaires l’atta¬ quent, le diffolvent & le rendent diffoluble dans l’eau : on a donné le nom de foie defou- fre au compofé artificiel du foufre & de l’alkali (r); mais ici, comme en tout le ref- te, notre art fe trouve non feulement de¬ vancé, mais furpaffé par la Nature : le foie de foufre eft en effet l’une de cos combinai- fons générales qu’elle a produites & produit même le plus continuellement & le plus uni- verfellement; car dans tous les lieux où l’a¬ cide vitriolique fe rencontre avec les détri- mens des fubftances organifées , dont la pu¬ tréfaction développe & fournit à- la-fois l’alkali & le phlogiftique , il fe forme du foie de foufre; on en trouve dans tous les cloaques, dans les terres des cimetières & des voiries, au fond des eaux croupies, dans les terres & pierres plàtreufes, &c. & la formation de ce compofé des principes du foufre unis à l’alkali , nous offre la production du foufre même fous un nouveau point de vue.
En effet, la Nature le produit non-feule¬ ment par le moyen du feu, au fommet des volcans & des autres fournaifes fouterraines , mais elle en forme inceffamment par les ef- fervefcences particulières de toutes les ma¬ tières qui en contiennent les principes; l’hu-
(r' Le foie de foufre fe prépare ordinairement avec falkali fixe végétal ; mais il fe fait aufli avec les antres aikalis. Elcmtns Chimie , par M. de Alorveau , tome ll\ page 37.
des Minéraux'. 14 J
mîdité eft la première caufe de cette effer- vefcence ; ainfi l’eau contribue , quoique d’une manière moins apparente & plus iourde, plus que le feu peut-être, à ia produ&ion & au développement des principes du foufre; & ce foufre produit par la voie humide, eft de la même efîence que le foufre produit par le feu des volcans , parce que la caule de leurs produftions , quoique fi differente en appa¬ rence , ne laifle pas d’être au fond la même : c’eft toujours le feu qui s’unit à l’acide vitrio- lique , l'oit par l’inflammation des matières pyriteufes , foit par leur effervefcence occa- fionnée par l’humidité ; car cette effervef¬ cence n’a pour caufe que le feu renfermé dans l’acide, dont l’a&ion lente & continue équi¬ vaut ici à l’a&ion vive & brufque de la conibuftion & de l’inflammation.
Ainfi , le foufre fe produit fous nos yeux en une infinité d’endroits, ou jamais les feux fôuterrains n’ont agi fr); & non-feulement nous trouvons ce foufre tout formé par- tout où fe font décompofés les débris des fubftan- ces du règne animal & végétal , mais nous fommes forcés d’en reconnoître la préfence dans tous les lieux où fe manifefte celle du foie de foufre, c’eft-à-dire , dans une infinité
( r) On trouve en Franclie-Comté des géodes fulfureufes , qui contiennent un foufre tout formé , & produit , fui vaut toute apparence , par l’efflorefcence des pyrites , dans des lieux où elles auront en même temps éprouvé la chaleur de la putréfafticw ou de la fermentation»
'S,4‘4! ’SiJfoire naturelle
de fubftances minérales qui ne portent aucuns empreinte de l’a&ion des feux fouterrains.
Le foie de foufre répand une odeur très fétide, & par laquelle on ne peur manquer de le reconnoître; fon aftion n’eft pas moins fenfible fur une infinité de fubftances, & feul il fait autant & peut-être plus de diflblutions*. de changemens & d’altérations dans le règne minéral que tous les acides enfemble : c’etft par ce foie de foufre naturel, c’eft-à-dire par le mélange de la décompofition des pyri¬ tes & des matières alkalines que s’opère fou- vent la minéralifation des métaux ; il fe mêle auffi aux fubftances terreufes & aux pierres calcaires; plufieurs de ces fubftances annon¬ cent, par leur odeur fétide, la préfence du foie de foufre ; cependant les Chimiftes igno¬ rent encore comment il agit fur elles.
Le foie de foufre ou fa feule vapeur, noir¬ cit & abère l’argent; il précipite en noir tous les métaux blancs , il agit fur toutes les fubf¬ tances métalliques par la voie humide comme par la voie sèche , lorfqu’il eft en liqueur & qu’on y plonge des iames d’argent, il les noircit d’abord & les rend bientôt aigres & caftantes , il convertit en un inftant le mer¬ cure en éthiops (t), & la chaux de plomb
( /,) On a obfervé que cet éthiops , fait par te fore de foufre en liqueur , devient d’un allez beau rouge au bout de quelques années, & que le îoie de foirre volatil agit encore plus promptement fur le mercure; car le précipité patTe au rouge en -trois ou quatre jours, Ck fe cnilallifo
en
des Minéraux'. 14^
en galène («); il ternit fenfiblement Pétain, il rouille le ter; mais on n’a pas allez fuivi l’ordre de fes combinaifons , t'oit avec les métaux. Toit avec les terres ; on fait feule¬ ment qu’il attaque le cuivre , & l’on n’a point examiné la compofition qui réfulte de leur union : on ne connoît pas mieux l’état dans lequel il réduit le fer par la voie sèche; on ignore quelle eft fon aàion fur les demi- métaux (* *), & quels peuvent être les réful- tats de fon mélange avec les matières calcai¬ res par la voie humide, comme par la voie sèche; néanmoins ces connoilîances que la Chimie auroit dû nous donner feroient nécef- faires pour reconnoître clairement l’aétion du foie de foufre dans le tein de la terre, & fes différentes influences furies fubflances , tant métalliques que terreufes : on connoît mieux
en aiguilles comme le cinabre. Elément de Chimie, pat Aï. de Movvcau , tome II , pages 40 & 41.
( u ) Le foie de foufre s’unit au plomb par la voie sèche. ... Si l’on fait chauffer du foie de foufre en liqueur , dans lequel on ait mis une chaux de plomb , elle fe trouve convertie au bout de quelques inflans, en une forte de galène artificielle. Idem, ibidem, page 41.
(*) Le nickel fondu, avec le foie de foufre, forme une malle métallique d’un jaune-verdâtre , qui attire l’hu¬ midité de l’air ; fa diffolution filtrée laide précipiter des écailles métalliques que l’on peut réfondre ; c’efl un mé¬ lange de foufre & de nickel ; il ne détonne gas avec le nitre. Elément de Chimie, par M. de Mort eau , tome II , page 45-
Minéraux. Tome 111.
N
i46 Hifloire naturelle
fon aCtion fur les fubflances animales & vé gétales; il diffout le charbon même par la voie humide, & cette diffolution ell de cou¬ leur verte.
La Nature a de tout temps produit & pro¬ duit encore tous les jours du foie de foufre par la voie humide ; la feule chaleur de la température de l’air ou de l’intérieur de la terre fuffit pour que l’eau fe corrompe, fur- tout l’eau qui fe trouve chargée d’acide vi- triolique , & cette eau putréfiée produit du vrai foie de foufre; toute autre putréfaction , foit des animaux ou des végétaux, donnera de même du toie de foufre dès qu’elle fe trouvera combinée avec les fels vitrioliques; ainfi , le foie de foufre eft une matière pref- que aulfi commune que le foufre même ; fes effets font auffi plus fréquens , plus nom¬ breux que ceux du foufre, qui ne peut le mêler avec l’eau qu’au moyen de l’alkali , c’eft-à-dire, en devenant foie de foufre.
Au relie, cette matière fe décompote aulfi facilement qu’elle fe compofe , & tout foie de foufre fournira du foufre en le mêlant avec un acide , qui s’emparant des matières alkalines en féparera le foufre & le laiffera précipiter ; on a feulement obfervé que ce foufre précipité par les acides minéraux ell blanc, & que celui qui ell précipité par les acides végétaux , & particulièrement par l’acide du “vinaigre , ell d’un jaune prefque orangé. ,
On fépare le foufre de toutes les fubffances phalliques & de toutes les matières pyrti
des Minéraux. 147
teufes par la fimple torréfa&ion ; l’arffnic & le mercure l'ont les feuls qui étant plus vo¬ latils que le foufre , le fubliment avec lui , & ne peuvent en être réparés par cette opé¬ ration qu’il faut modifier, & faire alors* en vaiffeaux clos avec des précautions particu¬ lières.
L’huile paroît diffoudre le foufre comme l’eau diffout les Tels (y); les huiles graffes & par expreffion, agifient plus promptement & plus puiffamment que les huiles effentiel- les qui ne peuvent le diffoudre qu’avec le fecours d’une chaleur affez forte pour le fondre, & malgré cette affinité très-apparente
( y ) Il en eft à-peu-près de cette diffolution du foufre par les huiles, comme de celle de la plupart des fels dans Feau : les huiles peuvent tenir en diffolution une plus grande quantité de foufre à chaud qu’à froid ; il arrive de-là , qu’après que l’huile a été faturée de foufre à chaud , il y a une partie de ce foufre qui fe fépare de l’huile par le fcul refroidiffement , comme cela arrive à la plu¬ part des fels ; & l’analogie efl fi marquée entre ces deux effets , que , lorfque le refroidiffement des diffolutions de foufre eft lent , cet excès de foufre fe diffout à l’aide de la chaleur , fe criftallife dans l’huile , de même que les fels fe criflallifent dans l’eau en pareille circonftance. Le foufre n’efl point décompofé par l’union qu’il contrafle avec les huiles , tant qu’on ne lui fait fupporter que le degré de chaleur néceffaire à fa diffolution ; car on peut le féparer de l’huile , & on le retrouve pourvu de toutes fes propriétés. Diciionnaire de Chimie, par M. Macquer , article Soufre.
Î48 H'ijloire naturelle
du foufre avec les huiles , l’analyfe chimique a démontré qu’il n’y a point d’huile dans la fubftance du foufre , & que dans aucune huile végétale ou animale il n’y a point d’acide vi- triolique ; mais , lorlque cet acide fe mêle avec les huiles, il forme les bitumes , & comme les charbons de terre & les bitumes en général font les principaux alimens des feux fouterrains, il eft évident qu’étant dé- çompofés par l’embrafement produit par les pyrites, l’acide vitriolique des pyrites & des bitumes s’unit à la fubftance du feu, & pro¬ duit le foufre qui fe fublime , fe condenfe & s’attache au haut de ces fournaifes fouter- raines.
Nous donnerons ici une courte indication des différens lieux de la terre où l’on trouve du foufre en plus grande quantité & de plus belle qualité ( {),
( » ) Le pa(Tage fuivant de Pline , indique q«elques-uns des lieux d’où les Anciens tiroient le foufre , & prouve que dès-lors le territoire de Naples étoit tout volcanique. Mira, dit-il, fulphuris natura quo plurima domantur ; naf- citur iti infulis -Æoliis inter Siciliam & îtaliam , quas ardere diximus ; fed nobiliffimum in Mclo infulâ. In lu lia quoque invenitur , in Neapolitano , Campanoquc agro collibus qui vocantur LeuCOgxi. lbi è cuniculis effijjum perfidtur igui. Gcnera quatuor-, vivum quod Grxci apyron vocant , nafcilur folidum , hoc cft gleba . .. vivum effoditur tranf- lucctquc , & vint. Alterum genus appdlant glebani , fullo-
num tantum officiais familiarc . egulx vocatur hoc
genus. Quarto autem ad El/ychnia maxime conficicnda.
Plie, lib, XXXV, C. fQ.
des Minéraux''. 14^
L’Iflande aft peut-être la contrée de l’Uni¬ vers où il y en a le plus ( a ), parce que
(a) Anderfon aflfure que le terreîn de l’Iflande eft de foufre jufqu’à fix pouces de profondeur; cela ne peut être vrai que de quelques endroits ; mais il eft certain que le fouffre y eft généralement fort abondant ; car les tliftricls de Hufcoin & de Krifcvig en fournirent confidé- rablement, foit fur la pente des montagnes, foit en diffé- rens endroits de la plaine ; on peut charger , dans une heure de temps , quatre-vingts chr aux d’un foufre natu¬ rel , en fuppofant chaque charge de cent quatre-vingt- douze livres , ce qui fait quinze mille trois cents foixante livres. La terre qui couvre ce foufre eft ftérile , sèche & chaude ; elle eft compofée de fable , de limon & de gravier de différentes couleurs , blanc , jaune , ronge & bleu : on eonnoît les endroits où il y a du foufre par une éléva¬ tion en d’os-d’âne , qui paraît fur la terre , & qui a des crevaffes dans le milieu, d’où il fort une chaleur beaucoup plus forte que des autres endroits ; on ne fait qu’ôter la fuperficie de la terre , & on trouve , dans le milieu , le foufre en morceaux , pur , beau & affez reffemblant au fucre candi : il faut le caffer pour le détacher du fond ; on peut fouiller jufqu’à la profondeur de deux ou trois pieds ; mais la chaleur devient alors trop forte , & le travail trop pénible ; plus on s’écarte du milieu de cette veine , plus les morceaux de foufre deviennent rares & petits jufqu’à ce qu’ils ne foient plus que comme du gra¬ vier : on ramaffe ce foufre avec des pelles , & il eft d’une qualité un peu inférieure à l’autre; ce n’eft que dans les nuits claires de l’été que l’on y travaille , la cha¬ leur du foleil incommoderait trop les Ouvriers ; ils font même obligés d’envelopper leurs fouiiers de quelques gros
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“y
1 5° Htjlolre naturelle
cette isle n’eft , pour ainfi dire , qu’un faifceau de volcans. Le foufre des vol¬ cans de Kamtfchatka (£), celui du Japon,
morceaux de vieux drap , pour en garantir les femelles qui , fans cette précaution , feroient bientôt brûlées.
Depuis 172a jufqu’en 1728, on a tiré une grande quantité de foufre de ces deux endroits ; mais celui qui avoit obtenu le privilège, pour ce commerce , étant mort, perfonne ne l’a continué : d’ailleurs les lflandois ne fe livrent pas volontiers à ces travaux , qui leur ôtent le temps dont ils n’ont pas trop pour leurs pêches. Extrait des Mémoires de Horrebows fur £ J (lande , dans le Journal Etranger , mois d’ Avril 175S, & de ceux d’Andcrfon% dans la Bibliothèque raifonnée , mois de Mars 1747.
(b) Les montagnes entre lefquelles coule la rivière d Ofernajo , qui fort du lac de Kurilly, renferment des marcaffites cuivreufes, du foufre vierge tranfparent, de la
mine de foufre dans une terre crayeufe . Vers le
milieu du cours de cette rivière , font deux volcans qui étoient enflammés en 1743; & vers fa fource, ell une montagne blanchâtre coupée à pic & formée de pierres blanches, fcmblables à des canots drefles perpendiculai¬ rement à côté les uns des autres .
Le foufre vierge fe trouve autour de Cambalinos, \ Lopatka & à la montagne de Kronotzkoi , mais en plus grande quantité, & la plupart à la baye d’Olutor, où il fuinte tout tranfparent comme celui de Cafan , hors d’un rocher j les morceaux uont pas uu*dcflus de la grofleur d’un pouce : on en trouve par - tout dans les cailloux près de h mer ; en général , il y en a dans tous les endroits où il y avoit autrefois des fources chaudesi Journal de Ehyfque , mois de Juillet 17S1 , pages 40 & 41.
des Minéraux .’ 1 5 î
(c) de Ceylan (i), de Mindanao (e) , de l’isle Jerun , à l’entrée du golfe Perfique (/) ; & dans les mers occidentales celui du Pic de
(c) Le foufre vient principalement de la province de Satzuma ; on le tire d’une petite île voifine , qui en pro* duit une fi grande quantité qu’on l’appelle l 'île du foufre : il n’y a pas plus de cent ans qu’on s'eft hafardé d’y aller. . . . On n’y trouva ni enfer ni diables ( comme le peuple le eroyoit ) , mais un grand terrein plat qui étoit telle¬ ment couvert de foufre , que de quelque côté qu’on marchât , une épaifTe fumée fortoit de delfous les pieds depuis ce temps-là, cette île rapporte au prince de Satzuma environ vingt cailles d’argent par an , du foufre qu’on y tire de la terre . Le pays de Sinabarra, particulière¬
ment aux environs des bains chauds , produit aufli d’ex¬ cellent foufre ; mais les habitans n’ofent pas le tirer de la terre, de peur d’offenfer le génie tutélaire du lieu. Hijloire Naturelle & civile du Japon , par Kœmpfer ; la Haye , 1729 , tome I , page 92.
( d ) Dans l’île de Ceylan , il y a du foufre ; mais le Roi défend qu’on le tire des mines. Hijloire générale des Voyages , tome VIII , page 549.
( e ) Les volcans de Pile de Mindanao , l’une des Phi¬ lippines, donnent beaucoup de foufre, fur-tout celui dè
Sauxil. Idem , tome X , page 399.
* !" (f ) Le terrein de Vile nommée Jerun , à l’entrée dti
golfe Perfique, eft fi ftérile qu’il ne produit prefquc que du fel & du foufre. Hijloire générale des Voyages , tome I, page 90.
ï 5 2 Hiflolre naturelle
Ténériffe (g), de Saint-Domingue &c. font également connus des Voyageurs. Il le trouve auffi beaucoup de foufre au Chili (i), & encore plus dans les montagnes du Pérou , comme dans prefque toutes les montagnes à volcans. Le foufre de Quito & celui de la Guadeloupe, paffent pour être les plus purs, & l’on en voit des morceaux fi beaux & fi tranfparens qu’on les prendroit au premier coup-d’œil pour de bel ambre jaune (A ). Celui
( g ) Il fort an fud du Pic de Ténériffe, plufieurs rnif- feaux de foufre qui defcendent dans la région de la neige ; auffi paraît -elle entremêlée, dans plufieurs endroits, de Veines de foufre, Ibidem , tome II , page 250.
(h) Dans l’île de Saint-Domingue , on trouve des mi¬ nières de foufre & de pierres ponces. Idem, tome XII , page 218.
( i ) Dans le Corrégiment de Copiago , dans les Cor- dilHères du Chili, à quarante lieues du port, vers l’eft- fud eff , on trouve .des mines du plus beau foufre du monde, qui fe tire pur d’une veine d’environ deux pieds de lorg^e. Idem, tome XIII, page 414. — Dans les hautes mon¬ tagnes de la Cordillière, à quarante lieues vers l’eft, font des mines du plus beau foufre qu’on puiffe voir : on le tire tout pur d’une veine d’environ deux pieds de large , fans qu’il ait befoin d’être purifié. Fréter, Voyage à U mer du fud ; Paris , 1732, page 128.
( k ) La foufrière de la Guadeloupe eff la montagne la plus élevée de cette île ; elle a été autrefois volcan. . . . Elle efl encore embrafée dans fon intérieur ; on y trouve une fi grande quantité de foufre, qui fe fublime par la
des Minéraux 1^3'
qui fe recueille fur le Véfuve & fur l’Etna eft rarement pur; & il en eft de même du foufre que certaines eaux thermales , comme celles d’Aix-la-Chapelle & de plufieurs four- ccs en Pologne (l) , dèpofent en allez grande
chaleur fouterraine en grande abondance , que cet endroit
paroît inépnifable . Le cratère a environ vingt-cinq
toifes de diamètre , & il fort de la fumée par les fentes qui font au-deffous ; dans toute cette étendue , il y a
beaucoup de foufre dont l’odeur eft fuflocante . Il y
a dans cette foufrière différentes fortes de foufres ; il y en a qui reffemble parfaitement à des fleurs de foufre î d'autre fe trouve en maffes compares , 6c eft d’un beau jaune d’or ; enfin l’on en rencontre des morceaux qui fpnt d’un jaune tranfparent comme du fuccin. Encyclopédie » article Soufre.
( l ) Une fontaine fulfureufe qui eft auprès de Sklo ou de Jaworow , fur la droite du chemin en venant de Léopold , a fes environs d’un tuf fableux , jaunâtre , femblable à celui des montagnes que l’on paffe en venant de Warfovie à Léopold; le vrai baffin de la fontaine, dit IY1. Guettard, 6c qu’elle s’eft formé elle -même, peut avoir quatre ou cinq pieds de largeur ; l’eau fort du milieu. ... Les plantes, les feuilles, les petits morceaux de bois qui peuvent fe trouver dans le baffin ou fur fes bords , font chargés d’une matière blanche 6c fulfureufe > dont on voit auffi beaucoup de flocons qui nagent dans l’ean , 6c qui vont fe dépofer fur les bords du petit ruif-
feau qui fort du baffin _ M. Guettard s’eft affuré par
l’expérience, que cette fource eft fulfureufe. Mémoires de P Académie des Sciences, année 1762 , page Jt2, Ceft
1 54 Hijlolre naturelle
quantité; il faut purifier tous ces foufres qui font mélangés de parties hétérogènes , en les faifant fondre & fublimer pour les féparer de tout ce qu’ils ont d’impur.
Prefque tout le foufre qui eft dans le com¬ merce vient des volcans, des folfatares , & autres cavernes & grottes qui fe trouvent ou fe font trouvées au-defl'us des feux fouter- rains, & ce n’eft guère que dans ces lieux que le foufre fie préfente en abondance & tout formé; mais fies principes exiftent en
particulièrement dans l’étendue de la Pologne, qui ren¬ ferme les fontaines falées & les mines de fel gemme , que fe trouvent encore les mines de foufre & les fontaines fulfureufes. Rzaczyncski dit du moins qu’il y a des fon¬ taines fulfureufes près des falines de Bochnia & de Wielizka. M. Schober parle d’une fontaine d’une odeur fi difgra- cieufe qu’il ne put fe déterminer à en goûter : l’eau de cette fontaine fort d’une montagne appellée Zarky ou mon¬ tagne de foufre . . . Son odeur drfgracieufe lui vient pro¬ bablement des parties fulfureufes qu’elle tire de la monta¬ gne Zarky qui en eft remplie ; ce foufre eft d’un beau jaune & renfermé dans une pierre bleuâtre calcaire : on a autrefois exploité cette mine ; elle eft négligée main¬ tenant.
On t>re du foufre, fuivant Rzaczynski , des écumes que la riviere , appelée Ropa, forme fur fes bords ; cet'.e rivière traverfe Bicez , ville du Palat'nat de Cracovie. Humennc , ville qui appartient à la Hongrie , mais dont un fauxboug déperd de la Pologne, a un petit ruifieau qui donne un foufre noir que l’on rend blanchâtre au l'eu. Idem t ibidem page 3.1
des Minéraux ? J
bien d'autres endroits, & l’on peut même dire qu’ils l’ont univerfellement répandus dans la Nature , & produits par-tout où l’acide vitrio- lique rencontrant les débris des fubftances organifées, s’eft faifi Si furchargé de leur feu fixe , Si n’attend qu’une dernière aéfion de cet élément pour le dégager des malles ter- reufes ou métalliques dans lefquelles il fe trouve comme enfeveli & emprifonné : c’eft ainfi que les principes du foufre exifient dans les pyrites , & que le foufre fe forme par leur combufiion ; Si par- tout où il y a des pyrites, on peut former du foufre : mais ce n’eft que dans les contrées où les matières comburtibles , bois ou charbons de terre , font abondantes , qu’on trouve quelque bénéfice à tirer le foufre des pyrites (m); on ne fait ce travail en grand que dans quelques endroits
( m ) Pour connoître fi les pyrites dont on veut tirer le foufre en contiennent affez pour payer les frais , il faut en mertre deux quintaux dans un fcorificatoire pour les griller; après quoi on pèfera ces deux quintaux, & on verra combien il y aura eu de déchet , & cette perte eft comptée pour la quantité de loufre qu’elle contenoit.
On connoîtra cette quantité plus précifément en diftil- lant les pyrites dans une cornue ; il faut alors les brifer en petits morceaux : on ramaffe tont le foufre qui paffe à la diflillation dans l’eau qu’on tient dans le récipient ; on le fait fécher enfuite , & on le joint à celui qui demeure attaché au col de la cornue pour connoître le poids du total. Traité de la fonte des mines de Schlùtter, tome I, page 2JJ.
T $6 H'iflo’ire naturelle
de l’Allemagne & de la Suède, où les mines de cuivre fe prélentent fous la forme de py¬ rites ; on eff forcé de les griller plufieurs fois , pour en faire exhaler le foufre que l’on re¬ cueille comme le premier produit de ces mines. Le point effentiel de cette partie de l’exploi¬ tation des mines de cuivre dont on peut voir ci-deffous les procédés en détail (n), eft
( n ) Il y a des atteliers conftruits exprès à Schwart- \cmberg en Saxe , & en Bohème dans un endroit nommé Alten-Sattcl : on y retire le foufre des pyrites fulfureu- fes ; les fourneaux confiants pour cela reçoivent des tuyaux de terre dans lefquels on met ces pyrites ; & après que ces tuyaux ont été bien luttés pour que le foufre ne ne puifTe en fortir , on adapte les récipiens de fer dans lefquels on a mis un peu d’eau au bec de ces tuyaux qui fortent des fourneaux , & on les lutte enfemble ; enfuite on échauffe les fourneaux avec du bois , pour faire difliller le foufre des pyrites dans l’eau des récipiens... On carte les pyrites de la groffeur d’une petite noix ; on en fait entrer trois quintaux dans onze tuyaux , de ma¬ nière qu’il n’y en ait pas plus dans l’un que dans l’autre ; on bouche enfuite le tuyau du côté le plus ouvert avec
des couvercles de terre . Après avoir bien lutté de
l’autre côté du fourneau , ces mêmes tuyaux avec les récipiens. ... on fait du feu dans le fourneau ; mais peu- à-peu , afin que les tuyaux ne prennent de chaleur que ce qu’il en faut pour faire difliller le foufre. ... Et au bout d’environ huit heures de feu , on trouve que le foufre a
paffé dans les récipiens . L’on fait alors fortir les
pyrites ufées pour en remettre de nouvelles à la même quantité de trois quintaux ; l’on répète les mêmes ma-
des Minéraux! 1 57
d'empêcher l’inflammation du foufre en même temps qu’on détermine fon écoulement dans
«œuvres que dans la première diftillation , & on recom-' mence ui>e troifième opération.
On retire enfuite du vitriol des pyrites ufées ou brû¬ lées. Ces onze tuyaux dans lefquels on a mis , en trois fois , neuf quintaux de pyrites , rendent en douze heures , depuis cent jufqu’à cent cinquante livres de foufre cruel , & comme on pafi"e chaque femaine environ cent vingt- fix quintaux de pyrites par le fourneau , on en retire depuis quatorze jufqu’à dix-fept quintaux de foufre crud. Traité de la fonte des mines de Schlutter, tome II , pages 23s & fuiv. M. Jars, dans fes Voyages métallurgiques, tome III, page 308 , ajoute ce qui fuit au procédé décrit par Schlutter.
On mec dans ce fourneau onze tuyaux de terre que l’on a auparavant enduits avec de l’argile, & on y intro¬ duit , par leur plus grande ouverture , trente à trente-cinq livres de pyrite réduite en petits morceaux ; on les bou¬ che enfuite très exa&ement, de même que les récipiens de forme quarrée qu’on remplit d’eau, & qu’on recouvre avec leur couvercle de plomb bien lutté : après quatre heures de feu , on ôte les pyrites & on les jette dans l’eau pour en faire une lefiive que l’on fait évaporer pour en obtenir le vitriol ; on met de nouvelles pyrites concallees dans les tuyaux , & l’on répète la même opé¬ ration toutes les quatre heures , & toutes les douze heures, on ouvre les récipiens pour en retirer le foufre ; de forte que le travail d’une femaine eft d’environ cent quarante quintaux de pyrites , pour lefquels on confomme quatre cordes & demie de bois , ou quinze cents cinquaute- trois pieds cubes , y compris celui que l’on brûle pour
ï 5 8 Hîfloire naturelle
des baffins pour J’y recueillir : cependant il eft encore alors impur & mélangé, & ce n’eft
la purification du foufre , comme le dit Sclilutter. Cette opération fe fait dans un fourneau plus petit que celui que décrit cet Auteur; car il ne peut y entrer que trois cucurbites de chaque côté : elles font de fer , ayant deux pieds & demi de hauteur, dix-huit pouces dans leur plus grand diamètre , & une ouverture de fept pouces à laquelle jl y a un chapiteau de terre , dont le bec entre dans un récipient de fer , que Sclilutter nomme avant coulant.
Ces cucurbites fe remplifl'ent avec du foufre ctud que l’on a retiré des pyrites , & en contiennent enfemble fept quintaux : pour la conduite de l’opération & la ma¬ nière d’en obtenir le foufre & de le mouler, on fuit le même procédé que Sclilutter a décrit. — Dans le haut Hartz, quand le grillage de la mine de plomb tenant argent de Ramelsberg a relié an feu pendant quinze jours ou environ , le minérai & le noyau de vitriol qui eft par-delfus , deviennent très gras , c’eft-à-dire , qu’ils paroif- fent comme enduits d’une efpèce de vernis; alors il faut faire, dans le delfus du grillage, vingt ou vingt-cinq trous avec une barre de fer , au bout de laquelle il y a un globe de plomb : on unit ces trous avec du menu vitriol , & c’elf là où le foufre fe rafièmble ; on l’y puife trois fois par jour, le matin,- à midi & le foir, pour le jeter dans un feau où l’on a mis un peu d’eau : ce foufre , tel qu’il vient des grillages, fe nomme foufre crud-, on l’en¬ voie aux fabriques de foufre pour le purifier : lorfque les trous dont on vient de parler font ajuftés, on ramaire tout autour la matière du grillage , c’eft à-dire qu’on ôte le minéral du bas du grillage, d’un pied ou environ, afin que l’air puilfe pénétrer dans ce grillage , & par la chaleur
des Minéraux. j^n
que du foufre brut , qu’il faut purifier en le léparant des parties terreufes ou métalliques
du feu qui l’anime y féparer le foufre ; s’il arrive que ce foufre relie un peu en arrière , on ramafle une fécondé fois le grillage pour introduire plus d’air , ce qui fe fait jufqu’à trois fois. Pendant toute cette manoeuvre , il faut bien prendre garde que le grilllage ne fe refende, foit par-delTus , foit par les côtés ; fi cgla arrivoit, il faudroit Loucher les fentes fur le champ ; car , faute de cette précaution , il arrive fouvent que le grillage fe met en feu, que tout le foufre fe brûle & fe confume aufli-bien que la partie fupérieure du noyau de vitriol. Traité de la f^nte des mines de S ch lutter , tome II , pages 167 & 168.
Le printemps & l’automne font les faifons les plus con¬ venables pour rafTembler le foufre dans les trous dont on 'a parlé, fur-tout quand l’air ell fec : c’eü donc félon que l’air ell fec ou humide, qu’on peut puifcr peu-à-peu depuis dix jufqu’à vingt quintaux de foufre crud. Idem, ibidem , page 169.
S’il arrive que pendant un beau temps le grillage de¬ vienne extrêmement gras d’un côté ou de l’autre, que le foufre perce & traverfe le menu vitriol qui en fait la couverture ; on y fait une autre couverture avec du même métal , qu’on humefte auparavant d’un peu d’eau , & l’on choifit pour cela les côtés du grillage qui ne font pas expofés au vent d’efl , parce qu’il les sèche trop : lorfque cette ouverture ell fermée , on ouvre & l’on creufc un peu le grillage , d’abord feulement d’un pied , & l’on met des planches devant pour en entretenir la chaleur, en empêchant le vent d’y entrer; alors le foufre y dégoutte , & forme différentes figures que l’on ôte le matin & le foir, .... Mais il n’y a point de foufre à
iCo 'Hijlolre naturelle
qui lui reftent unies : on procède à cette pu¬ rification en faifant fondre ce foutre brut dans de grands vafes à un feu modéré, les parties terreufes fe précipitent & le foufre pur fur- nage (o); alors on le verfe dans des moules
efpérer pendant l’hiver , dans les fortes pluies , quand l’air eft trop chaud , & quand le vent d’eft fouffle un peu fort. Idem , ibidem , page 170.
( o ) Dans les travaux du bas Hartz , le foufre crud , tel qu’il a d’abord été tiré des pyrites , fe porte dans des
fabriques où il eft purifié . On en met d’abord deux
quintaux & demi , tel qu’il vient des grillages , dans un chaudron de fer encaftré dans un fourneau ; on le cafTe en morceaux , que l’on met l’un après l’autre dans le chaudron , où on le fond avec un feu doux de bois de fapin : il faut cinq heures pour cette première opération ; mais la fécondé n’en exige que trois ou environ. Le vitriol & la mine qui fe trouve encore dans le foufre , fe précipitent par leur poids au fond du chaudron o où on Les retire , après quoi on verfe le foufre liquide dans un vafe pour le faire refroidir ; s’il contient encore quelque impureté, aile fe dépofe pendant le refroidiffement du foufre , tant au fond que fur les parois du vafe . fi , après cette dépuration, le foufre paroit clair & jaune, on le coule dans des moules de bois, qu’on a trempés dans l’eau auparavant , afin que le foufre puilie s en détacher aifément & fe retirer des moules qui font en forme de cylindre creux ; c’eft ce qu’on nomme foufre jaune , 011 peut le vendre tel qu’il eft. . . .
Ce qui fe précipite dans le commencement de la fonte du foufre brut ne fert plus de rien ; mais ce qui fe depofe
ou
des Minéraux. l6l
ou lingotières dans lefquelles il prend la forme de canons ou de pains, fous laquelle on le connoît dans le commerce; mais ce foufre , quoique déjà féparé de la plus grande partie de fes impuretés , n’eft ni tranfparent ni aulfi
& s’attache dans le fond & contre les parois du vafe , eft du foufre gris; lorfqu’on en a une quantité fuffifante, on le remet dans un chaudron pour le refondre , de-là on le verfe dans un vafe ou ehaudron de cuivre , où le tout fe refroidit pendant que les impuretés fe dépofent , ce qui forme des pains de foufre de près de deux cents livres ; le defl'ous en eft encore gris ; mars le foufre jau¬ nâtre , qni eft par-defiùs , fe perfectionne par la diftilla- tion , & fe convertit en foufre jaune.
Il ne faut pas que le feu foit trop violent pendant la purification du foufre, parce qu’il perdrait fa belle couleur jaune & deviendrait gris.
On purifie auffi , par la diflillation , le foufre qui n^eâ que jaunâtre, pour lui donner une plus be’le couleur.
Cette diftillacion fe fait dans un fourneau où il y a huit cucurbites de fer fondu , dans lefquelles on met huit quintaux de foufre jaunâtre ; on adapte au-devant de ces cucurbites , des tuyaux qui aboutiffent à des pots de t^rrc ; ces pots font percés au fond & par- devant, afin de laitier un patfage au foufre qui doit y tomber, pour fe rendre enfuite dans un bafiin : a mefure que les badins (e rempliflent, on en retire le foufre que l’on met dans un vafe on chaudron de cuivre, où il fe refroidit, comme dans la précédente purification : enfuite on le coule dans les moules : lorfque ce vafe ou chaudron eft plein , les cucurbites ne font plus qu’à moitié pleines; on cetfe le feu pendant environ une demi-heure, pendant qne !ob Minéraux. Tome 111, Q
1 6 2 Hldoire naturelle
J
pur que celui qui fe trouve formé en crif- taux fur la plupart des volcans ; ce foufre criftallifé doit fa tranfparence & fa grande pureté à la fublimation qui s’en eft faite dans ces volcans; & par la même raifon le foufre artificiel le plus pur, ou ce que l’on appelle fleur de foufre , n’eil autre chofe que du foufre fublimé en vaiffeaux clos, & qui fe préfente en poudre ou fleur très pure , qui eft un amas de petits criftaux aiguillés & très fins , que l’œil, aidé de la loupe, y diftingue.
coule en moule le foufre déjà purifié ; enfuite on recontv mence le teu pour achever la diffillation , & répéter enfuite la même manœuvre que dans la première diftiilation : il ne faut pas faire un trop grand feu , car on rifqueroit de faire embrafer le foufre : cette diftillation dure huit lieu" res. Traité de la fonte des mines de Sehluttert tome II » pages 222. & fuiv.
des Minéraux'. 163
DES SELS.
Les matières falines font celles qui ont de la faveur ; mais d’où leur vient cette pro¬ priété qui nous eft fi fenfible , & qui affe&e les fens du goût , de l’odorat & même celui du toucher? quel eft ce principe fai in ? com¬ ment & quand a-t-il été formé? il étoit cer¬ tainement contenu & relégué dans l'atmof- phère , avec toutes les autres matières vo¬ latiles dans le temps de l’incandefcence du Globe ; mais, après la chute des eaux & la dépuration de l’armofphère , la première com- binaifon qui s’eft faite dans cette fphère en¬ core ardente , a été celle de l’union de l’air & du feu ; cette union a produit l’acide pri¬ mitif: toutes les matières aqueufes , terreufes ou métalliques avec lefquelles cet acide pri¬ mitif a pu fe combiner, font devenues des fubftances falines ; & comme cet acide s’eft formé par la feule union de l’air avec le feu , il me paroît que ce premier acide le plus fimple & le plus pur de tous , eft l’acide aérien , auquel les Chimiftes récens ont donné le nom d ’ acide méphitique , qui n’eft que de l’air fixe , c’eft-à-dire, de l’air fixé par le feu.
Cet acide primitif elf le premier principe falin ; il a produit tous les autres acides & alkalis : il n’a pu fe combiner d’abord qu’avec les verres primitifs , puifque les autres matières n’exiftoient pas encore j par fon union avec
O 2
1 64 Hifloire naturelle
cette terre vitrifiée, il a pris plus de ma fie & acquis plus de puiflance, & il eft devenu acide vitriolique , qui étant plus fixe & plus fort s’eft incorporé avec toutes les fubftances qu’il a pu pénétrer; l’acide aérien plus volatil, fe trouve univerfellement répandu, & l’acide vitriolique réfide principalement dans les ar¬ giles & autres détrimens des verres primi¬ tifs ; il s’y manifefte fous la forme d’alun : ce fécond acide a aufli faifi dans quelques lieux, les fubftances calcaires & a formé les gypfes; il a faifi la plupart des minéraux métalliques, & leur a caufé de grandes altérations ; il en a pour ainfi dire converti quelques uns dans fa propre fubftance, en leur donnant la forme du vitriol.
En fécond lieu , l’acide primitif que je défi- gnerai dorénavant par le nom d 'acide aérien , s’eft uni avec les matières métalliques qui, comme les plus pelantes, font tombées les premières fur le globe vitrifié; & en agiflant fur ces minérais métalliques , il a formé l'acide arfénical ou l’arfenic , qui , ayant encore plus de ma fie que le vitriolique , a aufli plus de force, & de tous eft le plus corrofif ; il fe préfente dans la plupart des mines dont il a jninéralifé & corrompu les fubftances.
Enfuite , mais piufieurs fiècles après , cet acide primitif, en s’unifiant à la matière cal¬ caire , a formé X acide marin , qui eft moins fixe & plus léger que l’acide vitriolique, fit qui par cette raifon, s’eft plus univerfellement Tépandu , & fe préfente fous la forme de fel gemme, dans le fein de la terre , & fous celle 4e fel marin, dans l’eau de toutes les mers;
des Minéraux t6j
cet acide marin n’a pu fe former qu’après la naiffance des coquillages, puifque la matière calcaire n’exiftoit pas auparavant.
Peu de temps après, ce même acide aérien & primitif eft entré dans la compofuion de tous les corps organifés, & fe combinant avec leurs principes, il a formé par la fermenta¬ tion , les acides animaux & végétaux , & X acide nitreux parla putréfa&ion de leurs dé- trimens; car il eft certain que cet acide aérien exifte dans toutes les fubftances animales ou végétales, puifqu’il s’y manifefte fous fa for* me primitive d’air fixe ; & comme on peut le retirer fous cette mê ne forme , tant de l’acide nitreux que des acides vitriolique & marin, & même de l’arfenic, on ne peut dou¬ ter qu’il ne faffe partie conftituante de tous ces acides qui ne font que fecondaires , & qui, comme l’on voit, ne font pas fimples, mais compofés de cet acide primitif différem¬ ment combiné, tant avec la matière brute qu’avec les fubftances organifées.
Cet acide primitif réfide dans l’atmofphère, & y réfide en grande quantité fous fa f»rme aélive; il eft le principe & la caufe de toutes les imprelfions qu’on attribue aux élémens humides ; il produit la rouille du fer, le vert- de-gris du cuivre, la cérufe du plomb, &c. par l’aéïion qu’il donne à l’humidité de l’air; mê!é avec les eaux pures , il les rend acides ou acidulés , il aigrit les liqueurs fermentées ; avec le vin il forme le vinaigre : enfin il me paroît être le feul & vrai principe, non- leulement de tous les acides, mais de tous les alkalis , tant minéraux que végétaux & animaux.
1 66 JJlJloire naturelle
On peut le retirer du natron ou alkali qu’oit appelle minéral , ainfi que de l’alkah fixe vé¬ gétal, & encore plus abondamment de l’alkali volatil , en forte qu’on doit réduire tous les acides & tous les alkalis à un feul principe falin , & ce principe eft l’acide aérien qui a été le premier formé , & qui eft le plus fim- ple , le plus pur de tous, & le plus univer¬ sellement répandu ; cela me paroît d’autant plus vrai que nous pouvons par notre art, rappeler à cet acide tous les autres acides, ou du moins les rapprocher de fa nature, en le dépouillant par des opérations appropriées, de toutes les matières étrangères avec les¬ quelles il fe trouve combiné dans ces fels ; & que de même il n’eft pas impoftible de ra¬ mener les alkalis à l’état d’acide, en les fé- parant des fubftances animales & végétales avec lefquelles tout alkali fe trouve toujours uni ; car quoique la Chimie ne foit pas encore parvenue à faire cette converfion ou ces ré¬ ductions , elle en a alfez fait pour qu’on puifle juger par analogie de leur poffibilité: le plus ingénieux des Chimiftes, le célèbre Stal , a regardé l’acide vitrioiique comme l’acide uni- verfel, & comme le feul principe falin ; c’eft la première idée d’après laquelle il a voulu établir fa théorie des fels ; il a jugé que quoi¬ que la Chimie n’ait pu jufqu'à ce jour, ramener démonftrativement les alkalis à l’acide , c’eft- à-dire , réfoudre ce que la Nature a combiné , il ne falloit s’en prendre qu’à l’impuilfance de nos moyens. Rien n’eft mieux vu : ce grand Chimifte à ici confulté la Simplicité de la Na¬ ture , il a Senti qu’il n’y ayoît qu’un principe
des M'nêrauxî 567
falin , & comme l’acide vitriolique efî le plus puifl'ant des acides, il s’eft cru fondé à le regarder comme l’acide primitif ; c ’éroit ce qu’il pouvoit penfer de mieux dans un temps où l’on n’avoit que des idées confufes de l’a¬ cide aérien, qui eft non-leulement plus fim- ple , mais plus univerfel que l’acide vitrioli- que ; mais lorfque cet habile homme a pré¬ tendu que fon acide univerfel & primitif n’eft compofé que de terre & d’eau , il n’a fait que mettre en avant une fuppofition dénuée de Pr euves & contraire à tous les phénomènes, puifque de fair, l’air & le feu entrent peut- être plus que la terre & l’eau dans la fubf- tance de tout acide , & que ces deux élé- mens conftituent f'euls l’elTence de l’acide primitif.
Des quatre élémens qui font les vrais prin¬ cipes de tous les corps, le feu feul eft aéfif, & lorfque l’air , la terre & 1 eau exercent quelque impreflîon , ils n’agiffent que par le qu’ils renferment, & qui feul peut leur don¬ ner une puifTance aâive ; l’air fur-tout dont l’effence eft plus voifine de celle du feu que celle des deux derniers élémens, eft aufli plus aétif. L’atmofphère eft le réceptacle générai de toutes les matières volatiles; c’eft aulîi le grand magafin de l’acide primitif, & d’ailleurs tout acide confidéré en lui-même, fur-tout lorfqu’U eft concentré, c’eft à- dire , lêparé autant qu’il eft poffible de l’eau & de I3 ter¬ re, nous prélente les propriétés du feu animé par l’air; la corrofion par les acides minéraux n’eft-elle pas une efpèce de brûlure ? la fa¬ veur acide , amère ou âcre de lous les fels.
1 68 Hijloire naturelle
n’eft-elle pas un indice certain de la préfencc & de l’a&ion d’un feu qui fe développe , dès qu’il peut avec l’air, le dégager de la bafe aqueufe ou terreufe à laquelle il eft uni ? & cette faveur qui n’eft que la mife en liberté de l’air & du feu , ne s’opère-t-elle pas par le contaft de l’eau & de toute matière aqueu¬ fe, telle que la falive, & même par l’humi¬ dité de la peau ? les fels ne font donc corrofifs & même fapides, que par le feu & l’air qu’ils contiennent. Cette vérité peut fe démontrer encore par la grande chaleur que produifent tous les acides minéraux, dans leur mélange avec l’eau , ainfi que par leur réfiftance à l’a&ion de la forte gelée; la préfence du feu & de l’air dans le principe falin , me paroît donc très évidemmentdémontrée par les effets, quand même on regarderoit avec Sthal, l’acide vitriolique comme l’acide primitif & le pre¬ mier principe falin; car l’air s’en dégage en même temps que le feu par l’intermède de l’eau , comme dans la pyrite , & cette aêlion de l'humidité produit non- feulement de la chaleur , mais une efpèce de flamme intérieure & de feu réellement aêfif, qui brûle en cor¬ rodant toutes les fubftances auxquelles l’acide peut s’unir, & ce n’eft que par le moyen de l’air que le feu contra&e cette union avec l’eau.
L’acide aérien altère aufiî tous les fucs ex¬ traits des végétaux , il produit le vinaigre & le tartre , il forme dans les animaux l’acide auquel on a donné le nom d' acide phofphorique ; ces acides des végétaux & des animaux , ainfi que tous ceux qu’on pourroit regarder comme
intermédiaires.
3-es M'miraux'. 1 69
ïkitermécfiaires , tels que l’acide des citrons, des grenades, de l’ofeille , & ceux des four¬ mis, de la moutarde, &c. tirent également leur origine de l’acide aérien modifié dans chacune de ces fubftances par la fermentation , ou par le mélange d’une plus ou moins gran¬ de quantité d’huile; & même les fubftances dont la faveur eft douce, telle quelefucre, le miel, le lait, &c. ne diffèrent de celles qui font aigres & piquantes, comme les ci¬ trons, le vinaigre, &c. que par la quantité & la qualité du mucilage & de l’huile qui enveloppe l’acide; car leur principe falin eft: le même, & toutes leurs faveurs , -quoique fi différentes , doivent le rapporter à l’acide primitif, & à fon union avec l’eau, l’huile & la terre mucilagineufe des fubftances ani¬ males & végétales.
On adoucit tous les acides & même l’acide vitriolique , en les mêlant aux fubftances hui- leufes, & particulièrement, à l’efprir-de-vin , i a c’eft dans cet état huileux , mucilagineux & doux, que l’acide aérien fe trouve dans plufieurs fubftances végétales , & dans les fruits dont l’acidité ou la laveur plus douce ne dépend que de la quantité d’eau, d’huile & de terre atténuée &. mucilagineufe dans lefquelles cet acide fe trouve combiné. L’acide animal appartient aux végétaux comme aux animaux ; car on le tire de la moutarde &c de plufieurs autres plantes , auffi bien que des inleéres & autres animaux ; on doit donc en inférer que les acides animaux & les acides végétaux font les mêmes , & qu’ils ne diffè¬ rent que par la quantitéou la qualité des ma-
MinéraiiXf Tome 111. P.
170 Hijbire natureuc.
tières avec lefquelles ils font mêlés; & en les examinant en particulier, on verra bien que le vinaigre, par exemple, & le tartre étant tous deux des produits du vin, leurs acides ne peuvent différer effentiellement ; la fer¬ mentation a feulement plus développé celui du vinaigre , & l’a même rendu volatil & prefque Ipiritueux : ainfi, tous les acides des animaux ou des végétaux, Si même les acer¬ bes, qui ne font que des acides mêlés d’une huile amère, tirent leur première origine de l’acide aérien.
Les acides minéraux font beaucoup plus forts que les acides animaux & végétaux : » Ces derniers acides , dit M. Macquer , » retiennent toujours de l’huile, au lieu que Les jj acides minéraux n en contiennent point du j> tout (a') jj II me femble que cette dernière affertion doit être interprétée, car il faut re- connoître que fi les acides minéraux dans leur état de pureté ne contiennent aucune huile, ils peuvent en paflant à l’état de fel , par leur union avec diverfes terres , fe charger en même temps de parties huileufes; & en effet, la matière grafle des fels dans les eaux- mères y paroît être une lubftance huileufe , puif- qu’elle fe réduit à l’état charbonneux par la combuffion (£); les fels minéraux contien¬ nent donc une huile qui paroît leur être eflèn-
(a) Dictionnaire de Chimie, par M. Macquer, um'e/j Sel.
(£) Lettres de M. Dcsmefle, tome I, page ji.
des Minéraux. vyi
lielle , & celle qui fe trouve de plus dans les acides tirés des animaux & des végétaux, ne leur eft qu’acceffoire ; c’eft probablement par l’affinité de cette matière graffe avec les huiles végétales & les grahTes animales, que l’acide minéral peut fe combiner dans les vé¬ gétaux & dans les animaux.
Les acides & les alkalis font des principes falins, mais ne font pas des fels; on ne les trouve nulle part dans leur état pur & Simple, & ce n’eft que quand ils font unis à quelque matière qui puiffie leur fervir de baie qu ils prennent la forme defel, & qu’ils doivent en porter le nom ; cependant les Chimiftes les ont appelés fels fimples , & ils ont nommé fels neutres les vrais le J s : je n’ai pas cru devoir employer cette dénomination , parce qu’elle n’eft ni néceffaire ni précife ; car li l’on appelle fel neutre tout fel dont la bafe eft une & fim- ple , il faudra donner le nom à'hépar aux fels dont la bafe n’eft pas fimple, mais compofée de deux matières différentes, & donner un troifième, quatrième, cinquième nom, &c. à ceux dont la bafe eft compofée de deux , trois , quatre , &c. matières differentes : c’eft- là le défaut de toutes les nomenclatures mé¬ thodiques ; elles font forcées de difparoître dès que l’on veut les appliquer aux objets réels de la Nature.
Nous donnerons donc le nom de fel à toutes les matières dans lesquelles le principe falin eft entré, & qui ont une faveur fenfible; & nous ne présenterons d’abord que les fels qui font fermés par la Nature, foit en maffes So¬ lides dans le Sein de la terre , foit en diffolu-
'fjl Hljloire naturelle
tion dans l’air & dans l’eau : on peut appeller fels Miles ceux qu’on tire de la terre ; les vitriols , l’alun , la félénite , le natron , l’alkali fixe végétal , le fel marin , le nitre , le fel ammoniac , le borax , & même le foufre & l’arfenic , font tous des fels formés par la Nature : nous tâcherons de reconnoître leur origine & d’expliquer leur formation, en nous aidant des lumières que la Chimie a répan¬ dues fur cet objet plus que fur aucun autre, & les réunifiant aux faits de l’Hiftoire Na¬ turelle qu’on ne doit jamais en féparer.
La Nature nous offre en ftalaftites , les vitriols du fer , du cuivre & du zinc ; l’alun en filets criftallifés ; la félénite en gypfe aufli criftallifé ; le natron en mafie folide & pure, ou fimplement mêlé de terre ; le fel marin en criftaux cubiques & en maffes immenfes; lé nitre en efilorefcences criftallifées ; le fel ammoniac en poudre fublimée par les feux Souterrains; le borax en eau gélatineuse, & l’arfenic en terre métallique ; elle a d’abord formé l’acide aérien par la feule & Simple combinaifon de l’air & du feu; cet acide pii- initif s’étant enfuite combiné avec toutes les matières terreufes & métalliques, a produit l’acide vitriolique avec la terre vitrifiable, l’arfenic avec les matières métalliques , l’a¬ cide marin avec les fubflances calcaires, l’acide nitreux avec les détrimens putréfiés des corps orgamfés : il a de même produit les alkalis par la végétation; l’acide du tartre & du vi¬ naigre par la fermentation; enfin il eti entre fous fa propre forme dans tous les corps organifés : l’air fixe que l'on tire des niatiè-:
des Minéraux'.
re« calcaires , celui qui s’élève par la pre¬ mière fermentation de tous les végétaux, ou qui fe forme par la refpiration des animaux > n’eft que ce même acide aérien , qui fe mani- fefte auffi par fa faveur dans le’s eaux acidu¬ lés, dans les fruits, les légumes & les her¬ bes ; il a donc produit toutes les fubftances falines, il s’eft étendu fur tous les règnes de la Nature; il eft le premier principe de toute faveur, & relativement à nous, il eft pour l’organe du goût ce que la lumière & les cou- leurs font pour le fens de la vue.
Et les odeurs qui ne font que des faveurs plus fines , & qui agiffent fur l’odorat qui n’eft qu’un fens de goût plus délicat, provien¬ nent auffi de ce premier principe faim , qui s’exhale en parfums agréables dans la plupart des végétaux , & en mauvaifes odeurs dans certaines plantes & dans prefque tous les animaux ; il s’y combine avec leurs huiles groffières ou volatiles, il s’unit à leur graille, à leurs mucilages; il s’elabore avec leur sève & leur fang , il fe transforme en acides ai¬ gres , acerbes ou doux , en alkalis fixes ou volatils , par le travail de l’organiiation au¬ quel il a grande part ; car , c’;ft après le feu , le feul agent de la Nature, puifque c’eft par ce principe falin que tous les corps acquiè¬ rent leurs propriétés actives, non- feulement fur nos fens vivans du goût & de l’odorat , mais encore fur les matières brutes & mor¬ tes , qui ne peuvent être attaquées & diftou- tes que par le feu ou par ce principe falin. C’eft le miniftre fecondaire de ce grand & premier agent qui , par fa puiflance fans bornes*
j 74 Hlfloîre naturelle
brûle, fond ou vitrifie toutes les fubftances paflives, que le principe falin , plus foible &i moins puiflant, ne peut qu’attaquer , en¬ tamer & diffoudre, & cela parce que le feu y eft tempéré par l’air auquel il eft uni , & que quand il produit de la chaleur ou d’autres effets lemblables à ceux du feu , c’eft qu’on fépare cet élément de la baie palfive dans laquelle il étoit renfermé*
Tous les Tels di flous dans l’eau fe criftallif- fent en forme afiez régulière, par une éva¬ poration lente & tranquille; mais lorf’que l’é¬ vaporation de l’eau fe fait trop promptement , ou qu’elle eft troublée par quelque mouvement extérieur, les criftaux falins ne le forment qu’imparfaitement & fe groupent confulément ; les différens fels donnent des criftaux de fi¬ gures différentes; ils fe produifent principa¬ lement à la furface du liquide , à mei'ure qu’il s’évapore , ce qui prouve que l’air contribue à leur formation > & qu’elle ne dépend pas uniquement du rapprochement des parties fa- ünes qui s'unifient à la vérité par leur attrac¬ tion mutuelle, mais qui ont befoin pour cela d’étre mifes en liberté parfaite or elles n’ob¬ tiennent cette liberté entière qu’à la furface du liquide , parce que fa réfiftance augmente avec fa denfité par l’évaporation , en forte que les parties latines fe trouvent à la véri¬ té, plus voifines par la diminution du volume du liquide ; mais elles ont en meme temps plus de peine à vaincre fa réfiftance qui aug¬ mente dans la même proportion que ce volume diminue : & c’eft par cette raifon que tou¬ tes les criftallifations des fels s’opèrent plus
des Minéraux'. 17^
efficacement & plus abondamment à la fur- face qu’à l’intérieur du liquide en évaporation.
Lorlque l’on a tiré par ce moyen tout le fel en criftaux que le liquide chargé de fel peut fournir , il en refte encore dans Veau-mère, mais ce fel y eft fi fort engagé avec la ma¬ tière grade qu’il n’eft plus fulceptible de rap¬ prochement de criftallifation ; & même fi cette matière grade eft en très grande quantité , l’eau ne peut plus en difïoudre le fel; cela prouve que la folubilité dans l’eau n’eft pas line propriété inhérente & effentielle aux fubf- tances falines.
Il en eft du caractère de la criftallifation comme de Celui de la folubilité; la propriété ué fe Cf’iftüIîifCT r/cff pas plus euentieile aux feis que celle de fe difïoudre dans l’eau, & l’un de nos plus judicieux Phyficiens, M. de Morveau , a eu raifon de dire : » Que la faveur eft le feul caractère diftinCtif des fels, & que les autres propriétés qu’on a voulu ajouter à celle-ci pour perfectionner leur dé¬ finition , n’ont fervi qu’à rendre plus incer¬ taines les limites que l’on vouloit fixer....; la folubilité par l’eau ne convenant pas plus aux fels qu’à la gomme & à d’autres matières : il en eft de même de la criftallifation , puifque tous les corps font fufceptibles de fe crif- tatlifer en paffant de l’état liquide à l’état fo- lide; & il en eft encore de même , ajoute-t-il, de la qualité qu’on fuppofe aux fels de n’être point combuftibles par eux-mêmes ; car dans ce cas le nitre ammoniacal ne l'eroit plus un fel (c). »
Elémens de Chimie, tome J, page 117.
1 76 Hïjloîre naturelle
Nos définitions qui pèchent fi fouv*nt par défaut, pèchent aufii, comme Ton voit, quel¬ quefois par excès; l’un nuit au complément, & l’autre à la précifion de l’idée qui repré¬ fente la chofe ; & les énumérations qu’on fe permet de faire en conféquence de cette ex- tenfion des définitions, nuifent encore plus à la netteté de nos vues , & s’oppofent au libre exercice de l’efprit en le furchargeant de petites idées particulières, fouvent précaires, en lui préfentant des méthodes arbitraires qui l’éloignent de l’ordre réel des chofes , & en¬ fin, en l’empêchant de s’élever au point de pouvoir génératifer les rapports que l’on doit en tirer. Quoiqu’on puilfe donc réduire tous les Tels de la Nature à un feui principe l’aiin» & que ce principe primitif foit, félon moi, l’acide aérien, la nombreufe énumération qu’on a faite des fels fous différens noms, ne pou- voit manquer de s’oppofer à cette vue géné¬ rale; on a cru jufqu’au temps de Sthal , & plufieurs Chimiftes croient encore , que les principes falins , dans l’acide nitreux & dans l’acide marin , font très différens dt celui de l'acide vitriolique , & que ces mêmes princi¬ pes font non-feulement différens , mais oppo- fés & contraires dans les acides & dans les alkalis; or n’effcce pas admettre autant de caufes qu’il y a d’effets dans un même ordre de chofes? c’eft donner la nomenclature pour la fcience , & fubftituer la méthode au génie.
De la même manière qu’on a fait & compté trois fortes d’acides relativement aux trois règnes , les acides minéraux , végétaux
des Minéraux. 1 77
animaux, on compte auft trois fortes d’alkalis, le minéral, le végétal & l’animal, & néan¬ moins ces trois alkalis doivent fe réduire à un feul , & même l’alkali peut aufli fe rame¬ ner à l’acide, quoiqu’ils paroiffent oppofés, & qu’ils agiffent violemment l’un contre l’autre.
Nous ne fuivrons donc pas , erf traitant des fels, l’énumération très nombreufe qu’on en a faite en Chimie, d’autant que chaque jour ce nombre peut augmenter, & que les combinaifons qui n’ont pas encore été ten¬ tées, pourroient donner d^e nouveaux réful- tats falins dont la formation , comme celle de la plupart des autres fels , ne feroit due qu’à notre art; nous nous contenterons de préfenter les divifions générales , en nous at¬ tachant particulièrement aux fels que nous offre la Nature, foit dans le fein & à la furface de la terre , foit au fommet de les vol-, cans ( d).
Nous venons de voir que la première di vifion des acides & des alkalis en minéraux , végétaux & animaux, eft plutôt une partition nominale qu’une divifion réelle ; puifque tous ne font au fond que la même fubflance faline , qui , feule & fans lecours, entre dans les végétaux &les animaux, &. qui attaque aulîl la plupart des matières vitrîfiables, calcaires & métalliques; ce n’eft que relativement à ce dernier effet
( d. ) Si Ton veut fe fatistaire à cet égard , on peut çonfultcr la Table ci-jointe ,que aion illuftre ami , M. de
ïy$ Hijloire naturelle
qu’on lui a donné le nom à' acide minéral ; Si comme cette diviiion en acides minéraux , végétaux & animaux a été univerfellement adoptée , je ne fais pourquoi l’on n’a pas rap¬ pelé l’acide nitreux à l’acide végétal & ani¬ mal , puifqu’il n’eft produit que par la putré¬ faction des corps organifès ; cependant on le compte parmi les acides minéraux , parce qu’il eft le plus puiffant après l’acide vitriolique
Moi-veau , vient de publier. Cette nomenclature , quoique très abrégée , paraîtra néanmoins encore allez nombreufe.
TABLEAU DE NOMENCLATURE Chimique,
Contenant les principales dénominations analogiques , & des exemples de formation des noms compofés.
RÈGNES.
DES TROIS RÈGNES. I
Minéral. . . . .
ACIDES.
Méphitique ou air
fixe .
Vitriolique .
Nitreux. .
Muriatique , ou du fel marin. . . .
R égal in .
Arfénical .
Boracin ou fel fé- datif. .
Les fels formés de ces acides pren¬ nent les nom gé¬ nériques de
Mépliites.
Vitriols.
Ni très.
Muriates.
Régnltes»
Anémiâtes*.
Boraxs.
tluorique, ou fpatli fluor. .
du
Eluors.
.. . V
des Minéraux i ijy
mais cette puiflance même & Tes autres pro¬ priétés , me femblent démontrer que c’eft toujours le même acide, c’eft-à-dire l’acide aérien , qui a paffé par les végétaux & par les animaux dans lelquels il s’eft exalté avec la matière du feu , par la fermentation putride de leurs corps, & que c’elt par ces combinai- fons multipliées qu’il a pris tous les caractères particuliers qui le diftinguent des autres acides.
Dans les végétaux, lorfque l’acide aérien fe trouve mêlé d’huile douce ou enveloppé de mucilage, fa faveur eft agréable & fucréej. l’acide des fruits, du raifin, par exemple , ne prend de l’aigreur que par la fermentation.
RÈGNES.
ACIDES.
DES TROIS RÈGNES.
Végétal
Acéteux ou vinai¬ gre. . ......
T artarcux ou du | rartre. ..... „ .
!0xalin ou de l’o-
feille . .
Saccharie ou du fu-
cre .
Citrin ou du citron. Lignique ou du bois .
Animal. .
Pliofpliorique. . .. Formicîn ou de
fourmis .
Sébacé ou du fuif. Galaftique ou du lait *- «. #. ». *. ». ».
Les fels formés de ces acides pren¬ nent Us noms gé¬ nériques de
Acètes.
' Tartres.
Oxaltes.
Sacchartes»
Citrates.
Lignites.
Phofpbates..
Formiates.
Sébates.
Gaiactes».
ï$<5 Hijloire naturelle
& néanmoins tous les fels tirés des végétaux contiennent de l’acide , & ils ne diffèrent entr’eux que par les qualités qu’ils acquièrent en fermentant , & qu’ils empruntent de l’air en fe joignant à l’acide qu’il contient; & de même que tous les acides végétaux , aigres ou doux , acerbes ou fucrés , ne prennent ces faveurs différentes que par les premiers effets de la fermentation , l’acide nitreux
j Bases ou SU B S TJ N C ES fui s'unijfcnt aux acides.
Phlogifiique . . . .
Alumine ou terre de l’argile.
Calce ou terre cal¬ caire. » .
Slagnéfie .
Barote ou terre du ■fpath pefant. . . .
Potafle ou alkali fixe
végétal .
Soude ou alkali fixe minéral .
Ammoniac ou alkali volatil .
Exemples pour la claffe des vitriols.
Soufre virriolique , ou foufre com¬ mun .
Vitriol alumineux
ou alun .
Vitriol calcaire ou Sélénite .
Vitriol magnéfien ou fel d’epfom. . Vitriol barotique ou fpath pefant. . . .
Vitriol de potafTe ou tartre vitriolé.
Vitriol de fonde ou fel de Glati- ber .
Vitriol ammonia¬ cal .
Exemples
pris de diverfes
cia JJ es .
Soufre méphitiqUe ou plombagine.
Nitre alumineux.
Murîate calcaire.
Acète de magiréfie. Tartre barotique.
Arfeniate de po-
taiïe .
Borax de fourîe ou borax commun.
Fluor ammoniacal,
Or,
Vitriol d*or.
Régalte d’or,
des Minéraux'. ï% f
n’acquiert ces qualités cauftiques & corro- fives , que par cette même fermentation portée au dernier degré, c’eft-à-dire à la putréfa&ion ; feulement nous devons obfer- ver que l’acide animal entre peut-être autant & plus que le végétal dans le nitre ; car comme cet acide fubit encore de nouvelles modifi¬ cations en paffant du végétal à l’animal & que tous deux le trouvent réunis dans les matiè-
Bases ou S V B S TAN C E S qui s’unifient aux acides.
Exemples pour la clafie des vitriols.
Exemples pris de diverfcs clafifes.
Argent
Platine
Vitriol d’argent. . . Oxalte d’argent. Vitriol de platine... Saccharte de plat?* ne .
Mercure. Cuivre .
Plomb .
Etain .
Fer .
Antimoine (au lieu de régule d’)
Vitriol de mercure. Vitriol de cuivre ou vitriol de I
Chypre . I
Vitriol de plomb... j
Vitriol d’étain. . . Vitriol de 1er ou 1 couperofe verte. Vitriol antimonial.
Citrate de mercure. Lignite de cuivre...
Phofphate de plomb.
Formiate d’étain.
Sébafte martial.
Muriate antimonial ou beurre d’anti¬ moine.
Bifmuth
Zinc. . .
Arfenic
Cobalt.
Vitriol de bifmuth. Vitriol de zinc ou couperofe blan¬ che .
Vitriol d’arfenic.... Vitriol de Cobalt...
Galaftede bifmuti». Borax de zinc.
Muriate d’arfenic. Saccharte de Co¬ balt.
ï$2 Hïfloire naturelle
res putréfiées, ils s’y raflemblent, s’exaltent enfemble , & Te combinant avec l’alkali fixe végétal , ils forment le nitre dont l'acide , malgré toutes ces transformations , n’en eft pas moins effentiellement le même que l’acide aérien.
Tous les acides tirent donc leur première origine de l’acide aérien, & il me femble qu’on ne pourra guère en douter fi l’on pèfe toutes les raifons que je viens d’expofer, & aux¬ quelles je n’ajouterai qu’une confédération qui eft encore de quelque poids. Onconferve
B A S £ S OU SUBSTANCES gui s'unifient aux acides.
Nickel .........
Manganèfe,
Exemples
pour la clafie des vitriols.
Vitriol de nickel...
Vitriol de Manga¬ nèfe,
Exemples
pris de diverfes clafies.
Formiate de nic¬ kel.
Oxalte de Manga¬ nèfe .
Efprit-de-vin. ;
Etlicr vitriolique... I Ether lignique ou éther "de Goet- 1 tling, &c. &c.
Les dix-huit acides , les ving-quatre bafes & les produits de leur union , forment ainft quatre cents foixante-quatorze dénominations claires & méthodiques, indépendamment des dépars, ou compofés à trois parties, dont les noms vien¬ nent encore dans ce fyfiême, comme hépar de fonde, hépar ammoniacal , pyrite d'argent, &c. &c. Voyez le journal de P hy figue tome XIX , Mai 1781, page 3S2.
des Minéraux'. 183
tous les acides, même les plus forts & les plus concentrés , dans des flacons ou vaifl'eaux de verre ; ils entameroient toute autre ma¬ tière; or, dans les premiers temps, le Globe entier n’étoit qu’une maffe de verre fur la¬ quelle les acides minéraux, s’ils euffent exifté, n’auroient pu faire aucune impreflion, puif- qu’ils n’en font aucune fur notre verre : l’acide aérien au contraire agit fur le verre , & peu- à-peu l’entame, l’exfolie, le décompofe & le réduit en terre ; par conféquent cet acide eft le premier & le l'eul qui ait agi fur la malle vitreufe du Globe : & comme il étoit alors aidé d’une forte chaleur, fon aéfion en étoit d’autant plus prompte & plus pénétran¬ te ; il a donc pu en fe mêlant intimement avec la terre vitrifiée, produire l’acide variolique qui n’a'plus d’aéfion fur cette même terre, parce qu’il en contient & qu’elle lui fert de bafe : dès-lors cet acide , le plus fort & le plus puiffant de tous, n’eft néanmoins ni le plus Ample de tous ni le premier formé; il ell le fécond dans l’ordre de formation, l’ar- j'énic eft le troiflème , l’acide marin le qua¬ trième, &c. parce que l’acide primitif aérien n’a d’abord pu faifir que la terre vitrifiée, enfuite la terre métallique (e), puis la terre calcaire, &c. à mefure & dans le même ordre que ces matières fe font établies fur la maffe
( e ) Nota. Les mines Apathiques & les malachites con¬ tiennent notamment une très grande quantité d’acide aérien.
'Hlfiolre naturelle
du Globe vitrifié : je dis à mefure & dans le même ordre , parce que les matières métal¬ liques font tombées les premières de l’atmof- phère où elles étoient reléguées & étendues en vapeurs; elles ont rempli les interftices & les fentes du quartz & des autres verres pri¬ mitifs , où l'acide aérien les ayant faifies a produit l’acide arfenical; enfuite après la pro- duéiion & la multiplication des coquillages, les matières calcaires , formées de leurs dé¬ bris , (e font établies , & l’acide aérien les rayant pénétrées a produit l’acide marin ; & fucceiïivement les autres acides & les alkalis après la naiflance des animaux & des végé¬ taux ; enfin la production des acides & des alkalis a néceffairemenr précédé la formation des fels , qui tous fuppofent la contbinailon de ces mêmes acides , ou alkalis avec une matière terreufe ou métallique , laquelle leur fèrt de bafe & contient toujours une certaine quantité d'eau qui entre dans la crtftallifarion de tous les fels ; en forte qu’ils font beaucoup moins {impies que les acides ou alkalis , qui feuls font les principes de leur effence faltne.
Ceci étoit écrit, ainfi que la fuite de cette Hiftoire Naturelle des fels , & j’étois fur le point de livrer cette partie de mon Ouvrage à l’imprefiion, lorfque j’ai reçu ( au mois de Juillet de cette année 178 2 ) , de la part de M. le chevalier Marjillo Landrlani , de Milan, le tro fième volume de les opufcules Pyhfico- chlmiques , dans lequel j’ai vu avec toute (a- risfaétion, que cet illurtre & lavant Phyficien a penfé comme moi lur l'acide primitif r il dit e.xprefléiiten\t » : Que l’acide univerfel , élé¬ ment taire ,
des Minéraux'. 185
n mentaîre , primitif, dans lequel peuvent fe » réfoudre tous les acides connus jufqu’à ce »> jour, eft l’acide méphitique, cet acide qui n étant combiné avec la chaux vive, l’adoucit » & la neutralife , qui mêlé avec les eaux les » rend acidulés & pétillantes; c’eft 1 ’ air fixe » de Black , le méphitique de Macquer , » Vacide athrnofpkériquc de Bergman. »
M. le chevalier Landriani prouve fon affer- tion par des expériences ingénieules (f)-T il
(/) >* *Que l’on prenne une certaine quantité d’acide variolique , qu’on y mêle une quantité donnée d’efprit-de- vin re&ifié , comme pour faire l'éther vitriolique, qu’on en recueille les produits aériformes, au moyen de l’appareil pneumatique, on obtiendra une quantité notable d’air fixe , de tout point femblable à celui qui fe- tire de la pierre calcaire , des fubftances alkalines , de celles qui font en fermentation , &c. Que l'on répète l’expérience avec d’autres acides , tels que le marin , le nitreux , avec les précautions nécefiaires pour éviter les explofions & autres accidens, il fe développera toujours, dans la diftil- ïation , une quantité notable d’air fixe.
J’ai tenté la même expérience avec le même fuccès.,. avec l’acide de l’arfenic , (*) le photyliorique , le vinaigre-
(*) La- découverte de cet acide arfénical eft due au célèbre Sclieele -, cet acide fe tire aifément en diftillant de l’acide nitreux fur de l’arfénic criftallin , qui met à découvert l’acide arfénical. Voyc ^ dans les Opu feules chci- fis de Milan, tome II, le procédé commode & sûr de Tilluftre Fabroni , pour tirer ce nouvel acide; & la diflèr- tation de Bergman , qui renferme tout ce qui eft fu fùff «et article. Note de M. de Morvtau,
Minéraux. Tome II1 1. Q
lS6 " Hljloîre naturelle
a penfé avec notre favant Académicien, Mi. Lavoifier, que l’air fixe ou l’acide méphiti¬ que , le forme par la combinaison de l’air & du feu, & il conclut par dire : » 11 me paroît » hors de doute, i°. que l’air déphlogiitiqué,, « au moment qu’il s’élève des corps capables j> de le produire, fe change en air fixe , s’il >> eft furpris par le phlogifiique dans le mo- « ment de fa formation :
v 2°. Que comme il réfulte des expériences.
radical; j’ài toujours obtenu une quantité notable d’.iir fixe , ayant les mêmes propriétés que celui que l'on obtient' par les procédés du dofteur Frieftley, & je ne doute pas que l’on n’cn tirât tout autant de l'acide fpat'iique , de • celui du fncre & du tartareux , puifque le fucre feul dé- bompofé par le feu, donne- beaucoup d’air inflammable 8c d’âir fixe , tel qu’on le tire aufli de l’acide du fucre , traité à la manière du célèbre Bergman.. ( Voye\ les Opu feules choifis de Milan , tome II). Quant à l’acide tartareux *- découvert par Bergman , fans prendre la peine de le com¬ biner avec i’èfprit-de-vin, on fait , par les expériences de M. Bertholiet, que la crème de tartre donne une prodî- gieufe quantité d’air fixe , 8c je ne doute pas que l’acide tartareux pur n’en produisît autant.
A l’extrémité d’un tube de verre ouvert des deux bouts, que l’on adapte avec de la cire d’Efpagne un gros fil-de-fer dont une portion entrera dans le tube , l’autre reftera dehors 8c fera terminée par une petite boule de métal ; que l’on rempliffe le tube de mercure, 8c que l’on y introduire une certaine quantité d’air déphlogiftiqué , tiré du précipité rouge, 8c une petite colonne d’eau de chaux, & que l’on décharge une groffe bouteille de Leyde, plu-
des Minéraux. 187
»' q'ue les acides nitreux , vitriolique , marin , n phofphorique , arlénical , unis à certaines « terres, peuvent fe changer en air déphlo- r» giftiqué, lequel de fon côté peut aiiement v Ce convertir en air fixe ; & comme d’autre » part l’acide du fucre, celui de la crème de » tartre , celui du vinaigre , celui des four- « mis , &c. peuvent auifi aifément fe conver- » tir en air fixe , par le moyen de la cha»
fieurs fois de fuite à travers la colonne d’air ; l’eau de chaux prendra de la blancheur , & dépofera fur la fuper- ficie du mercure , une quantité fenfible de poudre blanche : fi au lieu d’eau de chaux on avoit introduit dans le tube de la teinture de tournefol , elle auroit rougi par la pré¬ cipitation de l’air fixe que flair déphlogiftiqué tire du précipité rouge ; que Ton fubflitue de l’air déphlogiftiqué, tiré du turbith minéral qu’on aura bien lavé , afin de le dépouiller de tout acide furabondant , & que cet air foit phlogiftiqué par des décharges réitérées de la bouteille de Leyde, toujours il s’engendrera de l’air fixe. La même produaion d’air fixe aura lieu fi l’on emploie de l’air déphologiftïqué tiré , on du précipité couleur de brique , obtenu par la folution du fublimé corrofif décompofé avec j’alkali cauftique ; on de l’air déphlogiftiqué , tiré des fleurs de zinc, faturées d’acide arfénical ; ou du fel mercuriel acéteux , lavé dans beaucoup d’eau pour le dépouiller de tout acide furabondant, & qui n’auroit point été intime- - ment combiné-, en un mot , tout air déphlogiftiqué quel¬ conque, obtenu par un acide quelconque, eft en partie’ convertible en air fixe par les décharges réitérées de la bouteille de Leyde ». Opufcules Phyjîco- chimiques de M> le chevalier Lan Jauni ; Milan , 1781 , pages 6z &■ fuiv.-
1 88 H'tjlolre naturelle
« leur , il eft affez démontré que tous les » acides peuvent être convertis en air fixe» » & que cet air fixe eft peut-être l’acide uni- » verfel, comme étant le plus commun & fe v rencontrant le plus fréquemment dans les » diverfes productions de la Nature. »
Je fuis fur tout cela du même avis que M. le chevalier Landriani , & je n’ai d’autre mérite ici que d’avoir reconnu , d’après mon fyftème général fur la formation du Globe, que le plus pur & le plus fimple des acides avoit dû fe former le premier par la combi- naifon de l’air & du feu, & que par confé- quent on devoit le regarder comme l’acide primitif dont tous les autres ont tiré leur origine ; mais je n’étois pas en état de démon¬ trer parles faits, comme ce lavant Phyficien vient de le faire, que tous les acides de quel- qu’efpèce qu’ils foient, peuvent être conver¬ tis en cet acide primitif, ce qui confirme v'ic- torieufement mon opinion; car cette conver- fion des acides doit être réciproque & com¬ mune , en forte que tous les acides ont pu être formés par l’acide aérien, puifque tous peuvent être ramenés à la nature de cet acide.
Il me paroît donc plus certain que jamais, tant par ma théorie que par les expériences de M. Landriani, que l’acide aérien, c’eft-à- dire, l’air fixe ou fixé par le feu, eft vrai* ment l’acide primitif, & le premier principe falin dont tous les autres acides & alkalis tirent leur origine ; & cet acide uniquement compofé d’air & de feu n’a pu former les au¬ tres fubftances falines qu’en fe combinant
des Minéraux'. i
avec la terre & l’eau ; aufïï tous les autres acides contiennent de la terre & de l’eau ; & la quantité de ces deux élétnens eft plus grande dans tous les fels cpie celle de l’irir & du feu; ils prennent différentes formes félon les dofes refpeètives des quatre élé- mens, & félon la nature de la terre qui leur fert de bafe ; & comme la proportion de la quantité des quatre élémens dans les principes falins , & la qualité différente de la terre qui fert de bafe à chaque fel, peuvent toutes fe combiner les unes avec les autres, le nombre des fubftances falines eft fi grand qu’il ne fe- roit guère poffible d'en faire une exaète énu¬ mération ; d’ailleurs toutes les combinaifons falines faites par l’art de la Chimie , ne doi¬ vent pas être mifes fur le compte de la Na¬ ture; nos premières confidérations doivent donc tomber fur les fels qui fe forment natu¬ rellement, foit à la furface, foit à l’intérieur de la terre: nous les examinerons féparément, & les préfenteronsfucceffivement en comment çant par les fels vitrioliques..
Hifioire nalurtll :
JP90
ACIDE VITRIOLIQUE
ET VITRIOLS.
Cet Acide eft abfolument fans odeur & fans couleur , il reffemble à cer égard par- faitement à l’eau ; néanmoins fa (ubftance n eft pas aufli ftmple ni même, comme le dit Sthal , uniquement compofée des leuls élémens de la terre & de l’eau ; il a été formé par l’acide aérien, il en contient une grande quantité, & fa fubftance eft réellement compofée d’air & de feu unis à la terre vitrifiable , & aune très petite quantité d’eau qu’on lui enlève aifément par la concentration ; car il perd peu à-peu fa liquidité par la grande chaleur, & peut prendre une forme concrète ( a ) , par la longue application d’un feu violent ; mais, dès qu’il eft concentré , il attire puiflamment l’humidité de l’air, & par l’addition de cette eau , il acquiert plus de volume; il perd en
( a ) Quelques Chimiftes ont donné le nom d 'huile de vitriol glaciale à cet acide concentré , an point d’être fous forme concrète ; à mefure qu’en le concentre , il perd de fa fluidité , il file & paroît gras au toucher com¬ me l’huile ; on l’a par cette raifon nommé huile de vitriol , mais très improprement -, car il n’a aucun caraftère fpécifique des huiles , ni l’inflammabilité. Le toucher gras de ce liquide lemble provenir , comme celui du mercure,
des Minéraux» ïyj e
meme temps quelque chofe de fon a&ivité faline : ainfi l’eau ne réfide dans cet acide- épuré qu’en très petite quantité, & il n’y a- de terre qu’autant qu’il en faut pour fervir de bafe à l’air & au feu,. qui font fortement & intimement unis à cette terre vitrifiable.
Au refte , cet acide & les autres acides minéraux ne fe trouvent pas dans la Nature feuls & dégagés , & on ne peut les obtenir qu’en les tirant des fubftances avec lefquelles ils fe font combinés, & des corps qui les contiennent ; c’elf en décompolant les pyri¬ tes , les vitriols, le foufre , l’alun & les bi¬ tumes qu’on obtient l’acide vitriolique (à),.
du grand rapprochement de fes parties, & c’èft en effet' après le mercure , le liquide le plus denfe qui nous fort connu -, aulîi , lorfqu’il eft fournis à la violente aftion du. feu , il prend une chaleur beaucoup plus grande que l’eau & que tout autre liquide; & , comme il eft peu volatil & point inflammable , il a l’apparence d’un corps folide péné-- tré de feu & prefque en incandescence.
( ^ ) Ce n’eft pas que la Nature ne puifle faire , dans’ fes laboratoires , tout ce qui s’opère dans les nôtres ; fi la vapeur du foufre en combuftion fe trouve renfermée’ fous des voûtes de cavernes, l’acide fulfureux s’y con- denfera en acide vitriolique. M. Jôfeph Baldalfari nous offre même à ce fujet une très belle obfervation : ce: favant a trouvé dans une grotte du territoire de Sienne , au milieu d’une mafle d’incruftation , dépofée par les eaux thermales des bains de Saint- Philippe, un véritable acide vitriolique pur , naturellement concret , & fans aucun..
I C)ï Hiflolre natureüe
toutes ces matières en font plus ou moins imprégnées, toutes peuvent aufli lui fervir de baie , il forme avec elles autant de dif- férens Tels, defquels on le retire toujours fous la même forme & fans altération.
mélange de fubftances étrangères . Cette grotte eft
fituée dans une petite montagne , fur la pente d’une mon¬ tagne pins haute , qui paroît avoir été un ancien volcan.... Le fond de cette grotte & fes parois, jufqu’à la hauteur d’environ une braffe & demie , dit M. Baldafiari , font entièrement recouverts d’une belle croûte jaune de foufre en petits cridaux, & tous les corps étrangers , tranfportés par le vent ou par quelqu’autre caufe dans le fond de cette caverne, y font enduits d’une couche de foufre plus ou moins épaifTe , fufvant le temps qu’ils y ont féjourné.
Ati-dedous de cette zone de foufre , le refte des parois & la voûte de la grotte font tapiifées d’une innnombrable quantité de concrétions groupées, recouvertes d’effloref- cences qui laiflent fur la langue l’impreffion d’une faveur acide ; mars d’un acide parfaitement femblable à celui qu’on retire du vitriol par la difiillation , & n’ont rien de ce goût auftère & aftriugent des vitriols & de l’alun. . . . Le fond de la grotte exhale une vapeur chaude , qui ré¬ pand une forte odeur de foufre , & s’élève à la même hauteur que la bande foufrée, c’eft-à-dire, à une brade
& demie . Mais cette vapeur ne s’élève que par le
vent du midi .
On voit, dans la malle des incruftations , une grande fente qui a plus de trente brades de profondeur, & dont les parois , dans la partie bade , font recouvertes de foufre , & dans la hante , des mêmes efflorefccnces falines que celles dent on vient de parler .
des Minéraux. j 9 3
On a donné le nom de vitriol à trois Tels métalliques, formés par l’union de l’acide vi¬ triolique avec le fer, le cuivre & le zinc; mais on pourroit, fans abufer du nom , l 'éten¬ dre à toutes les fubftances dans lefquelles la
La vapeur du fond de la grotte eft une émanation de ce que les Chimiftes appellent acide fulfureux volatil. . . . L’odeur en eft très forte & fuffocante; aulfi trouvai -je beaucoup d’infeftes morts dans cette grotte, &l'un de mes compagnons ayant , en fe baillant , plongé fa tète dans 1 atmofphêre infette , fut obligé de la relever promptement pour éviter la fuffocation.
Cet acide fulfureux volatil détruifit les couleurs du papier bleu que je jetai par terre, il devint cendré; un mor¬ ceau de foie cramoifie fut aulfi pareillement décoloré, & tout ce que nous avions d’argent fur nous , comme bou¬ cles , & c. devint noir avec quelques taches jaunes. . . .
Cette vapeur forme un foufre fur le fond des parois de la grotte. ... Et après la formation de ce foufre , une portion de l’acide vitriolique excédante , rencontre & regagne les parois & la voûte de la grotte, e’eft à-dire, les incrufiations qui y font attachées ; l’acide s’y attache fous la forme d’efflorefcences , ou de filets qui font de véritable acide vitriolique pur , concret & exempt de toute combinaifon ».
M. Baldalfari a obfervé depuis de femblables elfioref- cences fulfureufes & vitrioliques à Saint Albino, dans le voifinage de Monte- P ulciano & aux lacs de Travale , où il a trouvé des branches d’arbres couvertes de concrétions de foufre & de vitriols. Journal de Phyfique ; Mai 1776, pages 397 & fuiv.
Minéraux . Tome 111.
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ÏJ4 Z ftjloire naturelle
préfence de l’acide vitriolique Te manifefte d’une manière fenfible : le vitriol du fer eft vert, celui du cuivre eft bleu, & celui du zinc eft blanc; tous trois fe trouvent dans le fein de la terre, mais en petite quantité, & il paroît que ce font les feules matières mé¬ talliques que la Nature ait combinées avec çet acide ; & quand même on feroit parvenu par notre art à faire d’autres vitriols métal¬ liques , nous ne devons pas les mettre au nombre des fubftances naturelles, puisqu’on n’a jamais trouvé des vitriols d’or , d’ar¬ gent , de plomb, d’étain, ni d’antimoine, de bifmuth , de cobalt , &c. dans aucun lieu , foit à la furface , foit à l’intérieur de la terre.
Le vitriol vert ou le vitriol ferrugineux; appelle vulgairementro^m»/*’, fe préfente dan9 toutes les mines de fer, où l’eau chargée d’a¬ cide vitriolique a pu pénétrer; c’eft fous les glaifes ou les plâtres que giflent ordinairement ces mines de vitriol , parce que les terres argi- leufes & plâtreufes font imprégnées de cet acide qui , fe mêlant avec l’eau des fources fouterraines , ou même avec l’eau des pluies, defcend par ftillanon fur la matière ferrugi- neufe , & fe combinant avec elle forme ce vitriol vert qui fe trouve, tantôt en malles afi'ez informes , auxquelles on donne le nom de pierres atrameptaîres (c), & tantôt en lia-
( ç ) Parce qu’elles fervent, comme le vitriol lui-même» a compofcr les diverfes fortes de teintures noires ou d’en, cre, acramentum, c’eit l’étymologie que Pline nous en
des Minéraux 1 1 9^
ladites plus ou moins opaques , & quelque¬ fois criftallifées : la forme de ces criftaux vi- trioliques eft rhomboïdale , & allez fembla- ble à celle des criftaux du fpath calcaire. C’eft donc dans les mines de fer, de fécondé & de troifième formation, abreuvées par les eaux qui découlent des matières argileufes & plâ- treufes , qu’on rencontre ce vitriol natif, dont la formation fuppofe non- feulement la dé- compofition de la matière ferrugineufe , mais encore le mélange de l’acide en allez grande quantité; toute matière ferrugineufe impré¬ gnée de cet acide donnera du vitriol ; auffi le tire-t-on des pyrites martiales en les dé- compofant par la calcination ou par l’hu¬ midité.
Cette pyrite qui n’a aucune faveur dans' fon état naturel , fe décompofe , lorfqu’elle eft expofée long-temps à l’humidité de l’air, en une poudre faline, acerbe & ftiptique; en leilivant cette poudre pyriteufe, on en retire du vitriol par l’évaporation & le refroidif- fement : lorfqu’on veut en obtenir en grande quantité, on entalfe ces pyrites les unes fur les autres , à deux ou trois pieds d’épaifleur; on les lailTe expofées aux impreffions de l’air pendant trois ou quatre ans , & jufqu’à ce qu’elles fe foient réduites en poudre ; on les remue deux lois par an pour accélérer cette décompofttion : on recueille l’eau de la pluie-
donne lui-même : diluendo, dit-il, en parlant du vitriol/ ft atramentum tingtndis coriis , unde atramenti futoril nomcrii
Liv. XXXIV, chap. xn.
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i Cj6 H'ijloire naturelle
q*ai les leflîve pendant ce temps, & on la con¬ duit dans des chaudières où l’on place des ferrailles qui s’y diffolvent en partie par l’ex¬ cès de l’acide; enfuite on fait évaporer cette eau , & le vitriol le préfente en criftaux ( d) .
(d) Dans le grand nombre des fabriques de vitriol de fer, celle de Newcaftle en Angleterre, eft remarquable par la grande pureté du vitriol qui s’y produit : nous empruntons de M. Jars la defcription de cette fabrique de Newcaftle. » Les pyrites martiales, dit-il, que l’on trouve très fréquemment dans les mines de charbon , que l’on exploite aux environs de la ville de Newcafde , joint à la propriété qu’elles ont de tomber aifémenc en elfio- refcence , ont donné lieu à l’établiilenient de plufieurs fabriques de vitriol ou couperofe.
Telles qu’elles font extraites des mines, elles font ven¬ dues à des compagnies qui les payent à raifen de huit livres fterlings les vingt tonnes ( vingt quintaux la tonne ) , rendues aux fabriques qui , pour la commodité du trans¬ port, font placées au bord d’une rivière fur le penchant de la montagne ; au-defTus , on a formé plufieurs empla- ccmens pour y recevoir la pyrite, lefquels ont, a la vé¬ rité, la même inclinaifon que la montagnes mais dont on a regagné le niveau avec des murs confonds fur lo devant & fur les côtés, de même que fi l’on eût voulu y pra¬ tiquer des réfervoirs : le fol dont la forme eft un plan incliné, eft battu avec de la bonne argile capable de retenir l’eau ; & dans les endroits où ces plans fe réunif- fcr.t il y a des canaux qui communiquent à un autre principal placé le long du mur de devant.
C’eft fur ce fol que l’on met & que l’on étend la pyritç pour y. eue décompofée , foit par l'humidité répandue
des Minéraux'. 197
On peut auflï tirer le vitriol des pyrites par le moyen du feu qui dégage fous la forme de foufre, une partie de l’acide & du feu fixe
dans l’atmofphère , foit par l’eau des pluies qui , en fil¬ trant à travers , fe charge de vitriol avant que d’arriver" dans les canaux, & de ceux-ci fe r'end dans deux grands réfervoirs , d’où on l’élève enfuite pour la mettre dans les chaudières .
Ayant mis dans le fond de la chaudière de la vieille ferraille , que l’on arrange le long des côtés latéraux, 6c jamais dans le milieu où le feu a trop d’a&ion , on la remplit avec de l’eau des réfervoirs, & partie avec des eaux-mères, ayant foin de la tenir toujours pleine pen¬ dant l’ébullition , jufqu’à ce qu’il fe forme une pellicule- La durée d’une évaporation varie fuivant le degré de force que l’eau a acquife ; trois à quatre jours fuffifent quelquefois pour concentrer celle d’une pleine' chaudière ; d’autres fois elle exige une femaine entière : après ce temps , on tranfvafe cette eau dans u»e des caiffes de criftallifation , où elle refie plus ou moins de temps » fui¬ vant le degré de chaleur de l’atmofphère. . . .
Chaque chaudière produit communément quatre tonnes,, ou quatre-vingts quinraux de vitriol , indépendamment de celui qui eft contenu dans les eaux-mères ; il fe vend aux Hollnndois à raifon de quatre livres fterlings la tonne: fi on l’établit à un fi bas prix, il faut obferver que l’on n’a eu , pour ainfi dire , que les premières dépenfes de l’éta- bliffetnent à faire , puifque cette pyrite 11’a pas befoi» d’ètre calcinée, & que les feuls frais font ceux de l’éva¬ poration , qui font d’un mince objet dans un pays où le charbon de terre eft à très bas- prix ; d’ailleurs ce vitriol
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1 98 Hlfloirt naturelle
qu’elles contiennent ( e ); on leflive enfuite la matière qui refte après cette extraction du foufre , & pour charger d’acide l’eau de ce réfldu, on la fait palier fucceflivement fur d’autres réfidus également dêfoufrés , après quoi on l’évapore dans des chaudières de plomb: la matière pyriteufe n’eft pas épuifée de vitriol par cette première opération ; on la reprend pour l’étendre à l’air , & au bout de dix-huit mois ou deux ans , elle fournit par une femblable leflive , de nouveau vitriol.
Il y a dans quelques endroits des terres qui font afîez mêlées de pyrites décomposées pour donner du vitriol par une feule leflive; au refte , on ne fe fert que de chaudières de plomb pour la fabrication du vitriol, parce que l’acide rongeroit le fer & le cuivre. Pour reconnoître fl la leflive vitriolique eft allez chargée , il faut fe fervir d’un pèfe-liqueur ; dès qud cet infiniment indiquera que la leflive contient vingt-huit onces de vitriol , on pourra la faire évaporer pour obtenir ce fel en crif-
eft de la meilleure qualité , puifqu’il n’eft compofé que du fer & de l’acide vitriolique : il n’en eft pas de même de celui que l’on fabrique communément en Allemagne & en France , avec des pyrites extraites d’un filon , qui contiennent prefqtie toujours du cuivre on du zinc , dont il eft comme impoffible de les priver entièrement , fur-tout avec bénéfice ». Voyages Métallurgiques , tome III, pages 3x6 & fuiv.
( e ) Voyez les procédés de cette extrafljon , fous l’ar¬ ticle du Soufre,
des Minéraux'. Î99
taux; il faut environ quinze jours pour opérer cette criftaliifation , & l’on a obfervé qu’elle réuffit beaucoup mieux pendant l’hiver qu’en
été (/)• V , • ,
Nous avons en France quelques mines de vitriol naturel : « On en exploite , dit M. de » Genfanne , une au lieu de la Fonds près » Saint- Julien - de- Falgogne ; le travail y eft con-
( /) Le vitriol martial d’Angleterre , eft en criftaux de couleur verte-brune, d’un goût doux, aftringent, appio- chant de celui du vitriol blanc. Le vitriol dans lequel il y a une furabondance de fer, eft d’un beau veit pur; c’eft celui dont on fe fert pour l’opération de 1 huile de vitriol : celui d’Allemagne eft en criftaux d’un vert-bleuâ- tre , allez beaux , d’un goût âcre St aftringent ; ils parti¬ cipent, non-feulement du fer, mais encore d’une portion de cuivre : cette efpèce convient fort à l’opération cIc l’eau-forte.
Le vitriol vert fe tire encore d’une autre matière que des pyrites : dans les mines de cuivre où l’on exploite le cuivre , le fond des galeries eft toujours abreuvé d’une eau provenante de la condenfation des vapeurs qui régnent dans ces mines ; quelquefois même il fort , par quelques ouvertures naturellement pratiquées dans le bas de ces mines, une liqueur minérale très bleuâtre, ou légèrement verdâtre ; c’eft le vitriolum ferreum , cupreum , acquis im~ mixtum. On adapte à l’orifice de cette iffue , un tuyau de bois qui conduit la liqueur dans une citerne remplie de vieille ferraille : la partie cuivreufe en difloiution , qui donnoit au mélange une couleur bleue, fait divorce & fe dépofe en forme d’une boue roufsâtre fur les morceaux de fer , qui ont plus d’affinité avec l’acide vitriolique ,
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200 Hijioire naturelle
» duit avec la plus grande intelligence ; le » minéral y eft riche &. en grande abondance , j> & le vitriol qu’on y fabrique eft certaine- » ment de la première qualité (g). » 11 doit fe trouver de femblables mines dans tous les endroits où la terre limoneufe & ferrugineufe fe trouve mêlée d’une grande quantité de pyrites décomposées (h).
que n’en a le cuivre; alors la liqueur, de bleuâtre qu'elfe étoit pour la plus grande partie, fe change en une belle- couleur verte , fimple & martiale ; on la décante dans une autre citerne, dont le niveau eft pratiqué à la bafe de la précédente : on y plonge de nouveau un morceau de fc-r, lequel, s’il ne rougit pas ni ne fe diffour point , fournit une preuve confiante que l’eau ne participe que d’un fer pur, & "u’çlle-çn çft fH&Vûuiwiî chargée ; aiotts on procède à l’évaporation & à la criftallifation : celle-ci fe fait en portant la liqueur chaude, Toit dans différens tonneaux de bois de chêne , ou de fapin , lefquels font garnis d’un bon nombre de branches de bois fourchues , longues de quinze pouces , & différemment entre-croifées , foit dans des foffes ou des auges garnies de planches , dar.s lefquelles on ftifpend des morceaux de bois qui reffemblent à des herfes, étant hériffés de plus de cinquante chevilles ou pointes ; c’eft ainfi qu’en multipliant les furfaces fur lefquelles le vitriol s’attache & fe criflallife, l’on accélère ' la Clilhilifation & fa régularité. Minéralogie de V aimant de Bomare, tome l , page 303.
( g ) Hiitoire Naturelle du Languedoc, tome /, pag^- 176.
(/1) Avant de quitter Cazalla ( en Lfpagnc ) , je fus
2.0 ¥
des Minéraux'.
Fl fe produit aufli du vitriol par les eaux fulfureufes qui découlent des volcans ou des folfatares : « La formation de ce vitriol , dit n M. l’abbé Mazéas, s’opère de trois façons; « la première, par les vapeurs qui s’élèvent „ .es folfatares & des ruiffeaux fulfureux ; „ ;es vapeurs en retombant fur les terres fer- » rugineufes les recouvrent peu-à-peu d’une » efflorefcence de vitriol.... La fécondé fe fait >• par la filtration des vapeurs à travers les • > terres ; ces fortes de mines fourniflent beau- coup plus de vitriol que les premières , elles fe trouvent communément fur le penchant » des montagnes qui contiennent des mines „ de fer, & qui ont des fources d’eau fulfu- » reufe : la troifième manière eft lorfque la » terre ferrugineufe contient beaucoup de » foufre ; on s’aperçoit , dès qu’il a plu , d’une H chaleur fur la furface delà terre caufée par » une fermentation inteftine.... 11 fe forme du »> vitriol en plus ou moins grande quantité » dans ces terres ( i ). »
Le vitriol bleu dont la bafe eft le cuivre, fe forme comme le vitriol de fer ; on ne le trouve que dans les mines fecondaires où le
voir une mine de vitriol qui eft à une demi-lieue, dans
le rocher d'une montagne appelée les Châtaigniers . .
La pierre eft pyriteufe & ferrugineufe, & l’on y voit des- fleurs & des taches profondes de jaune-verdâtre , & une forte de farine. BuwUs ; Hijîoire naturelle d’E/pagne.
( i ) Mémoires fur les folfatares des environs de Rome , tome V des Mémoires des Savans Etrangers , page 319.
502 Hijlo'ire naturelle
Cuivre eft déjà décompofé , & dont les terres font abreuvées d’une eau chargée d’acide vi- triolique. Ce vitriol cuivreux fe préfente aufli eh mafles ou en ftalacHtes , mais rarement criftallifées, & les criftaux font plus fouvent dodécaèdres qu’exhaèdres ou rhomboïdaux : on peut tirer ce vitriol des pyrites cuivreu- fes & des autres minérais de ce métal qui font prefque tous dans l’état pyriteux. ( k )
( k ) On ne peut tirer le vitriol bleu que de la véritable mine de cuivre , ou de la matte crue qui en provient ; plus la mime de cuivre eft pure , plus elle contient de cuivre, plus le vitriol eft d’un beau bleu* cependant il y a moins de bénéfice à convertir le cuivre en vitriol que de le convertir en métal , attendu qu’on ne le tire pas tout d’une mine par la leffive, & qu’il en coûteroit beaucoup trop pour retirer ce refte de cuivre par la fonte.
Lorfqu’on veut faire du vitriol bleu d’une mine de
cuivre , il faut la griller ou griller fa matte . On met
cette mine toute chaude dans des cuves qu’on ne remplit qu’à moitié ; ou bien fi on l’a laifl'é refroidir après îe grillage , il faut que l’eau qu’on verfe deffus foit bouillante > ce qui eft encore mieux , fur-tout dans les endroits où , comme à Goffar, il y a , dans l’attelier, une chaudière* exprès pour faire chauffer l’eau : la leffive du vitriol bleu fe fait comme celle du vitriol vert ; & fi pendant vingt- quatre-heures elle ne s’enrichit pas affez, & ne contrent pas au. moins dix onces de vitriol , on peut la laiffer féjourner pendant quarante -huit heures, ou bien verfer cette leffive fur d’autre mine calcinée , afin d’en faire une leffive double, après que la leffive a féjourné le temps
des Minéraux! 203
On peut aufli employer des débris ou ro¬ gnures de cuivre avec l’alun pour faire ce vitriol: on commence par jeter fur ces mor¬ ceaux de cuivre du foufre pulvérifé; on les met enfemble dans un four, & on les plonge enfuite dans une eau où l’on a fait diffoudre de l’alun : l’acide de l’alun ronge & détruit les morceaux -de cuivre; on tranfvafe cette eau dans des baquets de plomb lorfqu’elle eft fuffifamment chargée, & en la faifant évapo¬ rer on obtient le vitriol qui fe forme en beaux criftaux bleus (/) ; c’eft de cette ap-,
». -■ - — « - - - » — " — *- : . —
néceïïaire fur la mine, on la tranfporte dans d’autres cuves , pdiir qu’elle pu'rfTe s’y clarifier ; enfuite on tire la mine qui a été leffivée & on la grille de nouveau , ou pour la fondre, ou pour en faire une fécondé lelîîve.
Les eaux- mères qui relient après la criftallifation du vitriol , fe remettent dans la chaudière avec de la lefiive neuve , comme dans la fabrication du vitriol vert ; on verfe , dans une cuve à rafraîchir, les leffives cuites, & après qn’elles y ont dépofé leur limon , on les tranfvafe dans des cuves à criftallifer , & l’on y fufpend des rofeaux ou des échalas de bois, après lefquels le vitriol fe crif- tallife. Traité de la fonte des mines de Sêhlutter , tome 11 , pages 638 6- 639. ^
( l ) Pline a parfaitement connu cette formation des criftaux du vitriol, & même il en décrit le procédé mé¬ canique avec autant d’élégance que de clarté : fit i/t
Hifpanix puteis , dit-il , id gcnus aqux habentibus .
decoquitur & in pifcinas ligneas funditur , immobilibus
fuper has tranjlris dépendent refies ; quibns adhxrefeens
2°4 Hijîoire naturelle
parence criftalline ou vitreufe que le nom même de vitriol eft dérivé (m).
Le vitriol de zinc eft blanc , & fe trouve aufti en malTcs & en ftala&ites dans les mi¬ nières de pierre calaminaire ou dans les blen¬ des : il ne fe préfente que très rarement en criftaux à facettes , fa criftallifation la plus ordinaire dans le fein de la terre eft en filets foyeux & blancs ( »).
limus , vitreis aeînis imagincm qüantdam uvet reddit ; coloi* eœruleus perquam fpcclabill nitore , vitrumque credilur. Hif- toire Naturelle, lib. XXXIV, cliap. xïi.
(m) Les Grecs, qui apparemment connoiffoient mieux le vitriol de cuivre que celui de fer, avoient donné à ce fef un nom qui défignoit fon affinité avec ce premier métal-, c’efi la remarque de Pline : Gmd cognatiomm xris nomine fcccrunt .... appelantes chalcanthum , lib. XXXIV, cliap. XII.
( n ) La bafe du vitriol blanc eft le zinc; on l’a fouvent nommé vitriol' de Goflard , parce qu’on le tire des mines de plomb & d’argent de Rammelsberg près de Goslard; on leur fait fubir un premier grillage par lequel on retire dn foufre; &, pour obtenir le vitriol blanc _ on fait les. mêmes opérations que pour le vitriol vert. Ce vitriol blanc fe fabrique toujours en été ; il faut que la ieffive foit chargée de quinze ou dix-fept onces de vitriol avant de la mettre dans des cuves où elle doit dépofer fon limon jaune ; car s’il en reftoit dans la Ieffive lorfqu’on la verfe dans la chaudière pour la faire bouillir, le vitriol, an lieu d’être blanc, fe criftalliferoit rougeùtre. . . L’ébulli¬ tion de la Ieffive du vitriol blanc, doit être continuée
des Minéraux'. 2.0^
On peut ajouter à ces trois vitriols métal¬ liques , qui tous trois fe trouvent dans l’in¬ térieur de la terre , une fubftance gratte à laquelle on a donné le nom de beurre foffile , & qui fuinte des fchiües alumineux ; c’eft une vraie ftalaélite vitriolique ferrugineufe , qui contient plus d’acide qu’aucun des autres vitriols métalliques , & par cette raifon M. le baron de Dierrich a cru pouvoir avancer que ce beurre foiïile n’eft que de l’acide vi¬ triolique concret ( o ) ; mais fi l’on fait atten-
plus long -temps que celle du vitriol vert _ Lorfque la
lefTive eft fuffîfamment évaporée , on la tranfvafe dans la cuve à rafraîchir , & de là dans des cuviers de criftalli- fation où l’on arrange des lattes & des rofeaux ; elle y relie quinze jours , après quoi on retire le vitriol blanc pour le mettre dans la caiffe à égoutter , puis on le cal¬ cine & on l’enferme dans des barils. Traité de la fonte des mines de S cl: inter, tome II , page 639. Nota. Wallerius , fui- vant la remarque de M. Valmont de Bomare ( Minéralogie , tome I, page 307 ), obferve que le vitriol de zinc, indé¬ pendamment de ce demi-métal, paroît contenir aulîi du fer, du cuivre, & même du plomb: cela peut être en le confidérant dans un état d’impureté & de mélange, mais il n’en eft pas moins vrai que le zinc efl fa bafe.
( o ) M. le baron de Dietrich , dit ( Note 34 ) , que ce minéral eft décrit par M. Pallas , fous le nom de kameneja m.iflo ; en Allemand , Jlein butter , c’eft-à-dire , leure foffîle : » Ce n’eft , dit M. de Dtetrich , autre chofe qu’un acide vitriolique chargé de quelques parties ferrugineufes & de beaucoup de matières terreufes & gralfes. ... On en tire d’un lcliifts alumineux fort dur & brun à Willifchtan , fur
îc6 ’HiJloire naturelle
tion que cet acide ne prend une forme con¬ crète qu’après une très forte concentration & par la continuité d’un feu violent, & qu’au contraire ce heure vitriolique fe forme , comme les autres ftala&ites , par l’intermède de 1 ’eau , il me femble qu’on ne doit pas héfiter à le rapporter aux vitriols que la Nature produit par la voie humide.
Après ces vitriols à bafe métallique , on doit placer les vitriols à bafe terreufe qui , pris généralement , peuvent 1e réduire à deux ; le premier eft l’alun dont la terre eft argileufe ou vitreufe , & le fécond eft le gypfe que les Chimiftes ont appelé fèlénïte , & dont la bafe
la rive droite de l’Aï ; il fuinte des fentes des rochers & des grottes formées dans ces fchiftcs , fous la forme d’une matière grade d'un blanc-jaunâtre, qui fe durcit un peu en la faifant fécher. Lorfqu’on examine avec attention les endroits les plus propres de ces grottes, on le découvre fous la forme d’aiguilles fines ; c’eft félon toute apparence de l’acide vitriolique concret natif , comme celui qui a été découvert par le dofteur Balthafar en Tofcane : dès que le temps eft humide, cette matière fuinte avec bien plus d’abondance hors des rochers.
Il y a un fchifte argilleux vitriolique fur la rivière de Tomsk , près de la ville de ce nom, dont on extrait du vitriol impur jaune , qu’on vend mal-à-propos à Tomsk. pour du beurre follile. C'eft à Krafnojark qu’on trouve le véritable beurre loflile en grande abondance & à bon marché ; on l’y apporte des bords du fleuve Jenifeï & de ceux du fleuve Mann , où on le trouve dans les crevalfes & cavités d’un fchifte alumineux noir , à la furface duquel
2e s Mincrdtx',
Çft une tefre calcaire. Toutes les argiles font imprégnées d’acide vitriolique , & les terres qu’on appelle alumineufes ne diffèrent des ar¬ giles communes , qu’en ce qu’elles contiennent une plus grande quantité de cet acide; l’alun y eft toujours en particules éparfes , & c’eft très rarement qu’il fe préfente en filets crif- tallifés : on le retire aifément de toutes les terres & pierres argileufes en les failant cal¬ ciner & enfuite leifiver à l’eau.
Le gvpfe qu’on peut regarder comme un vitriol calcaire, fe préfente en ftala&ites 8* en grands morceaux criftallifés dans toutes les carrières de plâtre.
fl eft attaché fous la forme d’une croûte épaiffe & rabo- teufe ; il y en a auffi en aiguilles : il y eft en général très blanc , léger ; & Iorfqu’on le brûle à la flamme qui le liquéfie facilement , & qu’on le fait bouillir , il s’en élève des vapeurs vitrio’iques rouges , & le réfidu eft: terre légère très blanche & favonneufe. On trouve la même matière dans un fcbifte alumineux brun , fur le rivage de Chilok , près du village de Parkina ; le peuple fe fort de cette matière en guife de remède pour arrêter les diarrhées & diffenteries , les pertes des femmes en couches les fleurs blanches & autres écoulemens impurs: on le donne pour vomitif aux enfans , afin de les débar-- rafler des glaires qu’ils ont fur la poitrine; enfin on s’en fcrt encore en cas de néceflité, au lieu de vitriol pour teindre le cuir en noir; & l'on prétend que les forgerons en font ufage pour faire de l’acier : ce dernier fait auroit mérité d’être conftaté ». Voyage de M. P allas , tome II » pages 88, 6i6, 697 ; & tome 111, page 15S.
io8 H i flaire naturelle
Mais lorfque la quantité de terre contenue dans l’argile & dans le plâtre, eft très grande en comparaifon de celle de l’acide , il perd en quelque forte fa propriété la plus dift inc— tive, il n’eft plus corrofif, il n’eit pas même Rapide, car l’argile Si le plâtre n’affeftent pas plus nos organes que toute autre matière ; Si fous ce point de vue , on doit rejeter du nombre des fubflances falines ces deux matières, quoiqu’elles contiennent de l’acide.
Nous devons par la même raifon , ne pas compter au nombre des vitriols ou fubflances vraiment falines , toutes les matières où l’acide en petite quantité fe trouve non- feu¬ lement mêlé avec l’une ou l’autre terre ar- gileufe ou calcaire, mais avec toutes deux, comme dans les marnes Si dans quelques au¬ tres terres Si pierres mélangées de parties vi- treufes, calcaires, limoneufes Si métalliques: ces fels à double bafe forment un fécondé or¬ dre de matières falines , auxquelles on peut donner le nom à'hcpar ; mais toute matière fimple, mixte ou compofée de plufieurs fubf- tances différentes, dans laquelle l’acide eft engagé ou faturé , de manière à n’être pas fenti rii reconnu par la faveur, ne doit ni ne peut être comptée parmi les fels fans abufer du nom; car alors prefque toutes les matières du Globe feroient des fels , puifque prefque toutes contiennent une certaine quantité d'a¬ cide aérien. Nous devons ici fixer nos idées par notre fenfation; toutes les matières infi- pides ne font pas des fels, toutes celles au contraire dont la faveur oftenfe , irrite ou flatte le fens du goût, feront des fels , de quel¬ que
des Minéraux 2.C9
«£|üe nature que foi t leur bafe , & en quel¬ que nombre ou quantité qu’elles puiffentétre mélangées; cette propriété eft générale, ef- fenridle , & même la feule qui puifle carac- térifer les fubftances falines & les féparer de toutes les autres matières : je dis le feul carac¬ tère diftin&if des fels; car, l’autre propriété par laquelle on a voulu les diftinguer, c’eft- à-dire, la folubilité dans l’eau, ne leur ap¬ partient pas exclufivement ni généralement, puifque les gommes & même les terres fe diffolvent également dans toutes liqueurs aqueufes , & que d’ailleurs . on connoîr des fels que l’eau ne difîout point (p), tels que le loufre qui eft vraiment falin , puisqu’il contient l’acide vitriolique en grande quantité.
Suivons donc l’ordre des matières dtns lef- quelles la faveur fa-line eft fenfible ; & ne confidérant d’abord que les compofés de l’a- eide vitriolique, nous aurons dans les miné¬ raux , les vitriols de fer , de cuivre & de zinc- auxquels on doit ajouter l’alun , parce que tous font non- feulement fapides, mais même corrofifs.
L’acide vitriolique qui , par lui-même eft' fixe, devient volatil en s’uniffant à la matière du feu libre fur laquelle il a une action très marquée, put fqu’il la faifit pour former le foufre, & qu’il devient volatil avec lui dans fa combufiion; cet acide fulftireux volatil ne diffère de l’acide vitriolique fixe, que par fon
(/>) Lettres de M. Defmefte , tome 1 , page 44. Minéraux. Tome 11 /. S
aïo
H i flaire naturelle
union avec la vapeur fulfureufe dont il ré¬ pand l’odeur; & le mélange de cette vapeur a l’acide vitriolique, au lieu d’augmenter (a force, la diminue beaucoup ; car cet acide devenu volatil & fulfureux a beaucoup moins de puiffance pour diffoudre; fon affinité avec les autres fubftances eft plus foible ; tous les autres acides peuvent le décompofer , & de lui-même, il le décompofe par la feule éva¬ poration : la fixité n’eft donc point une qua¬ lité effentielle à l’acide vitriolique ; il peut fe convertir en acide aérien, puifqu’Ll devient volatil & fe laiffe emporter en vapeurs fulfu- reufes.
L’acide fulfureux fait feulement plus d’effet que l’acide vitriolique fur les couleurs tirées des végétaux & des animaux ; il les altère , & même les fait difparoître avec le temps, au lieu que l’acide vitriolique fait reparoître quel¬ ques-unes de ces mêmes couleurs , & en par¬ ticulier celle des rofes; l’acide fulfureux les détruit toutes, & c’eft d’après cet effet qu’on l’emploie pour donner aux étoffes la plus grande blancheur & le plus beau luftre.
L’acide fulfureux me paroît être l’une des nuances que la Nature a miles entre l’acide vitriolique & l’acide nitreux; car toutes les propriétés de cet acide fulfureux le rappro¬ chent évidemment de l’acide nitreux, & tous deux ne font au fond que le même acide aérien qui , ayant paffé par l’état d’acide vitriolique, eft devenu volatil dans l'acide fulfureux , & a fubi encore plus d’altération avant d’être de¬ venu acide nitreux par la putréfaéhon des corps organifés ; ce qui fait la principale dif-
des Minéraux ait
férence de l’acide fulfureux & de l’acide ni¬ treux, c’eft que le premier eft beaucoup plus chargé d’eau que le fécond, & que par con- féquent il n’eft pas aufli fortement uni avec la matière du feu.
Après les vitriols métalliques, nous devons confidérer les fels que l’acide vitriolique a formés avec les matières terreufes , & par¬ ticulièrement avec la terre argileufe qui fert de bafe à l’alun, nous verrons que cette terre eft la même que celle du quartz, & nous en tirerons une nouvelle démonftration de la converfion réelle du verre primitif en argile.
212 H/Jloire naturelle.
LIQUEUR DES CAILLOUX.
J’ai dit & répété plus d’une fois dans le cours de mes Ouvrages , que l’argile tiroit fon origine de la décomposition des grès & des autres débris du quartz réduits en pou¬ dre , & atténués par l’a&ion des acides &: l’impreffion de l’eau ; je l’ai même démontré- par des expériences faciles à répéter , & par- iefquelles on peut convertir en allez peu de temps la poudre de grès en argile , par la fim- ple a&ion de l’acide aérien & de l’eau : j’ai rapporté de femblables épreuves fur le verre pulvérifé ; j’ai cité les oblervations réitérées & confiantes qui nous ont également prouvé que les laves les plus folides des volcans le convertilTent en terre argileufe , en forte qu’in— dépendamment des recherches chimiques & des preuves qu’elles peuvent fournir, la con- verfion des fables vitreux en argile m’étoit bien démontrée : mais une vérité, tirée des analogies générales , fait peu d’effet fur les elprits accoutumés à ne juger que par les réfultats de leur méthode particulière ; aufii la plupart des Chimiftes doutent encore de cette converfion, & néanmoins les réfultats bien entendus de leur propre méthode me femblent confirmer cette même vérité aufli pleinement qu’ils peuvent le deftrer ; car, après avoir féparè dans l’argile l’acide de fa bafe terreufe , ils ont reconnu que cette bafe
des Minéraux’'. ai *£■
é’toit une terre vitrifiable ; ils ont enfuite- combiné par le moyen du feu le quartz pul- vérifé avec l’alkali difious dans l’eau, & ils ont vu que cette matière précipitée devient" foluble comme la terre de l’alun par l’acide vitriolique ; enfin ils en ont formé un compofé fluide qu’ils ont nommé liqueur des cailloux : « Une « demi-partie d’alkali & une partie de quartz » pulvérifé , fondues enfemble , dit M. de j> Morveau , forment un beau verre tranfpa- j> rent, qui conferve fa folidité : fi on change 3> les proportions & que l’on mette , par exem- » pie, quatre parties d’alkali pour une partie » de terre quartzeufe , la malle fondue par- » ticipeva d’autant plus des propriétés falines ; » elle fera foluble par l’eau , ou même fe ré- »> fondra fpontanément en liqueur par l’humi- n dité de l’air ; c’eft ce que l’on nomme » liqueur des cailloux : le quartz y eft tenu en J» diflblution par l’alkali , au point de paffer par s» le filtre.
3» Tous les acides, & même l’eau chargée 33 d’air fixe, précipitent cette liqueur des cail- 33 loux , parce qu’en s’unifiant à l’alkali , ils 33 le forcent d’abandonner la terre ; quand les 33 deux liqueurs font concentrées , il fe fait 33 une efpèce de miracle chimique, c’efl-à-dire 33 que le mélange devient folide.... On peut 33 conclure de toutes les expériences faites à 33 ce fujer, i°. que la terre quartzeufe éprouve 3> pendant fia combinaifon avec l’alkali , par 33 la fufion, une altération qui la rapproche s» de l’état de l’argile, & la rend fuficeprible 33 de former de l’alun avec l’acide vitrioli- 3> que ; z°. que la terre argileuie & la terre
ii4 Hiflolre naturelle
n quartzeufe , altérées par la vitrification i ont « une affinité marquée , même par la voie » humide, avec l’alkali privé d’air, &c. ... j> Auffi l’argile & l’alun font bien réellement » des fels vitrioliques à bafe de terre vitri- » fiable ....
» L’argile eft un fel avec excès de terre...; » & il eft certain qu’elle contient de l’acide » vitriolique , puifqu’elle décompofe le nitre » & le lèl marin à la diftillation ; on démon- » tre que fa bafe eft alumineufe, en faturant » d’acide vitriolique l’argile diftoute dans » l’eau & formant ainfi un véritable alun ; » on fait pafler enfin l’alun à l’état d’argile, » en lui faifant prendre une nouvelle por- » tion de terre alumineufe , précipitée & édul- « corée : il faut l’employer tandis qu’elle eft « encore en bouillie, car elle devient beau- » coup moins foluble en féchant , & cette s> circonftance établit une nouvelle analogie » entr’elle & la terre précipitée de la liqueur v des cailloux, (a)
Cette terre qui fert de bafe à l’alun eft ar- gileufe : elle prend au feu , comme l’argile , toutes fortes de couleurs ; elle y devient rou¬ geâtre , jaune , brune , grife , verdâtre , bleu⬠tre & même noire, & fi l’on précipite la terre vitrifiable de la liqueur des cailloux , cette terre précipitée a toutes les propriétés de la terre de l’alun; car en l’unifiant à l’acide vi¬ triolique on en fait de l’alun , ce qui prouvé
(a) Elémens de Chimie, par M. de Morveau, iwx
11 y pages 59, 70 & 71-
des Minéraux; ni $
que l’argile eft de la même effence que la terre vitrifiable ou quartzeufe.
Ainfi, les recherches chimiques, bien loin de s’oppofer au fait réel de la converfion des verres primitifs en argile , le démontrent en¬ core par leurs réfultats, & il eft certain que l’argile ne diffère du quartz ou du grès réduits en poudre , que par l’atténuation des molé¬ cules de cette poudre quartzeule fur laquelle l’acide aérien combiné avec l’eau , agit affez long-temps pour les pénétrer, & enfin les réduire en terre : l’acide vitriolique ne pro¬ duisit pas cet effet, car il n’a point d’aCtion fur le quartz ni fur les autres matières vitreufes ; c’eft donc à l’acide aérien qu’on doit l’attribuer : fon union d’une part avec l’eau, & d’autre part le mélange des pouffières al- kalines avec les poudres vitreufes, lui donnent prife fur cette même matière quartzeufe ; ceci me paroît affez clair, même en rigoureufe chi¬ mie, pour efpérer qu’on ne doutera plus de cette converfion des verres primitifs en ar¬ gile, puifque toutes les argiles font mélangées des débris de coquilles & d’autres productions du même genre , qui toutes peuvent fournir à l’acide aérien l’intermède alkalin, néceffaire à fa prompte aétion fur la marière vitrifiable: d’ailleurs l’acide aérien, feul & fans mélange d’alkali , attaque avec le temps toutes les matières vitreufes; car le quartz, le criftal de roche & tous les autres verres produits par la Nature, fe termffent, s’irifent & fe décom- pofent à la furface par la feule impreffion de l’air l’humide ,& par conféquent la converfion du quartz en argile a pu s’opérer par la feule
s Cl S Hifloire naturelle
combinaifon de l’acide aérien & de l’eau ; aînlTi les expériences chimiques prouvent ce que les obfervations en Hifloire Naturelle m’âvoient indiqné; favoir, que l’argile efl de la même effence que le quartz, & qu’elle n’en diffère- que par l’atténuation de les molécules réduites en terre par l’impreffion de l’acide primitif 6c de l’eau.
Et ce même acide aérien en agiffant dès les premiers temps fur la matière quartzeufe, y a pris une bafe qui l’a fixé, & en a fait l’acide le plus puiffant de tous , l’acide vitriolique qui, dans le fond , ne diffère de l’acide pri¬ mitif que par fa fixité , & par la maffe & la force que lui donne la fubftance vitrifiable qui lui fert de bafe; mais l’acide aérien étant répandu dans toute l’étendue de l’air , de la terre & des eaux, & le Globe entier n’étant dans le premier temps qu’une mafTe vitrifiée, cet acide primitif a pénétré toutes les pou¬ dres vitreufes , & les ayant atténuées , ramol¬ lies & humeélées par fon union avec l’eau , les a peu-à-peu décompofées, & enfin converties en terres argileul'es.
ALUN;-
* des Minéraux.
*
217
ALUN.
Ij’acidf. aérien s’étant d’abord combiné avec les poudres du quartz & des autres verres primitifs, a produit l’acide vitriolique par fon union avec cette terre vitrifiée , laquelle s’é¬ tant enfuite convertie & réduite en argile par cette aéfion même de l’acide & de l’eau, cet acide vitriolique s’y eft confervé & s’y manifefte fous la forme d’alun , & l’on ne peut douter que ce fel ne foit compofé d'acide vitriolique &. de terre argileufe; mais cette terre de l’alun eft-elle de l’argile pure comme M. Bergman , & d’après lui la plupart des Chimiftes récens le prétendent ? il me fem- ble qu’il y a plufieurs raifons d’en douter, & qu’on peut croire avec fondement, que cette argile qui fert de bâte à l’alun n’ei't pas pure, mais mélangée d’une certaine quantité de terre limoneufe & calcaire , qui toutes deux contiennent de l’alkali.
iQ. Deux de nos plus favans Chimiftes , M.rs Macqtier & Baumé , ont reconnu des indices de lubftances alkalines dans cette terre : « Quoiqu’effentieilement argileufe , v dit M. Macquer , la terre de i’alun parott v cependant exiger un certain degré de cai- v cination , & même le concours des fels alkalis , v pour former facilement & abondamment de »> l’alun avec de l’acide vitriolique; & M. j> Baumé cft parvenu à réduire l’alun en une Minéraux. Tome 111. X
uS Hlftoïre naturelle
v efpèce de félénite, en combinant avec ce v fel la plus grande quantité polîible de fa » propre terre. ^ a ) » Cela me paroît indiquer allez clairement , que cette terre qui fert de bafe à l’alun n’eft pas une argile pure, mais une terre vitreufe mélangée de fubftances alkalines & calcaires.
2q. M. Fougeroux de Bondaroy, l’un de nos favans Académiciens, quia fait une très bonne defcription (6) de la carrière dont on tire l’alun de Rome , dit expreffément ; « Je >, regarde cette pierre d’alun comme calcaire, j» puifqu’elle fe calcine au feu.... La chaux „ que l’on fait de cette pierre a la propriété „ de fe durcir fans aucun mélange de fable 37 ou d’autres terres , lorfqu’après avoir été hu- 3> meétée on la laifl'e fécher. » Cette obfer- vation de M. Bondaroy, femble démontrer que les pierres de cette carrière de la Tolfa , dont on tire l’alun de Rome, feroient de la même nature que nos pierres à plâtre, fi la matière calcaire n’y étoit pas mêlée d’une plus grande quantité d’argile ; ce font à mon avis des marnes plus argileufes que calcaires, qui ont été pénétrées de l’acide vitriolique, & qui par conféquent peuvent fournir éga¬ lement de l’alun & de la félénite :
3°. L’alun ne fe tire pas de l’argile blanche
( a ) Di£tionnaire de Chimie , tome 1 V , pages p fi-
filtrantes.
( b ) Mémoires de l’Académie des Sciences , année 1766 , pages I & fuir.
des Minéraux. 219
& pure qui eft de première formation ; mais des glaifes ou argiles impures qui font de fécondé formation, & qui toutes contiennent des corps marins, & font par conféquent mé¬ langées de lubftance calcaire, & fouventaulîi de terre limoneule :
4°- Comme l’alun fe tire aufîi des pyrites, & même en grande quantité, & que les pyri¬ tes contiennent de la terre ferrugineufe & limoneule, il me (emble qu on peut en infé¬ rer que la terre qui fert de baie à l’alun eft a u fît mélangée de terre îimoneufe, & je ne fais fi le grand bourfoufHement que ce fel prend au feu ne doit être attribué qu’à la raréfac¬ tion de fon eau de criftallilation , & fi cet effet ne provient pas, du moins en partie, de la nature de la terre Iimoneufe qui , comme je l’ai dit, fe bourfoufHe au feu, tandis que l’ar¬ gile pure y prend de la retraite :
50. Et ce qui me paroît encore plus décifif , c eft que 1 acicie vitriolique , même le plus concentré, n a aucune aéfion lurla terre vi tri fiable pure , & qu’il ne l 'attaque qu’autant qu’elle eft mélangée de parties aikalines; il n’a donc pu former l’alun avec la terre vitri- fiable ftmple ou avec l’argile pure, puifqu’Ü n’auroir pu les faifir pour' en faire la baie de ce fel, & qu’en effet, il n’a faifi l’argile qu’à caulè des fubftances calcaires ou limoneufes, dont cette terre vitrifiable s’eft trouvée mé¬ langée.
Quoi qu’il en foit, il eft certain que toutes les matières dont on tire l’alun, ne font ni pin entent vitreules ni purement calcaires ou limoneufes , & que les pyrites , les pierres
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210
H'ifloire naturelle
d’alun & les terres alumineufes , contiennent non-feulement de la terre vitrifiable ou de l’argile en grande quantité, mais auffi de la terre calcaire ou limoneufe en petite quan* tité ;ce n’eft que quand cette terre de l’alun a été travaillée par des opérations qui en ont léparé les terres calcaires & limoneufes, qu’elle a pu devenir une argile pure fous la main de nos Chimiftes. Cependant M. le baron de Dietrich prétend (c ) , « que la pierre qui fournit l’alun » & que l’on tire à laTolfa, eft une vérita- j> ble argile qui ne contient point ou très peu j> de parties calcaires ; que la petite quantité » de félénite qui fe forme pendant la mani- » pulation, ne prouve pas qu’il y ait de la 5» terre calcaire dans la pierre d’alun.... & j> que la chaux qui produit la félénite peut très bien provenir des eaux avec lefquelles » on arrofe la pierre après l’avoir calcinée.» Mais quelque confiance que puiffent mériter les obi'ervations de cet habile Minéralogifte , nous ne pouvons nous empêcher de croire que la terre dont on retire l’alun, ne foit compofée d’une grande quantité d’argile , & d’une certaine portion de terre limoneufe & de terre calcaire ; nous ne croyons pas qu’il foit nécelfaire d’infifier fur les railons que nous venons d’expofer, & qui me femblent déci- fives : l’impuiffance de l’acide vitriolique fur les matières vttrifiables , fu fl I c feule pour dé¬ montrer qu’il n’a pu former l’alun avec l’argile
Ce) Lettres fur la minéralogie, par M. Tcrber , Note pc M. U baron de Dietrich , pages 315 & 316,
des Minéraux'. îît
pure ; ainfi , l’acide vitriolique a exifté long¬ temps avant l’alun, qui n’a pu être produit qu’après la naifl'ance des coquillages & des végétaux, puifque leurs détrimens font entrés dans fa compofition.
La Nature ne nous offre que très rarement & en bien petite quantité de l’alun tout formé ; on a donné à cet alun natif le nom à' alun de plume , parce qu’il eft criftallifé en filets qui font arrangés comme les barbes d’une plume (d)\ ce fel fe préfente plus fouvent en effîoref- cence de formes différentes fur la furface de quelques minéraux pyriteux ; fa faveur etl acerbe & ftiptique , & fon aftion très aftrin- gente : ces effets qui proviennent de l’acide vitriolique démontrent qu’il eft plus libre Si
[d) Les rochers qui entourent l’ile de Melo , font d’une nature de pierre légère , fpongieufe , qui femble porter l’empreinte de la deftruftion. La pierre des ancien¬ nes carrières que je vifitai , offre les mêmes caraftères j tous les parois de ces galeries fouterraines font couverts d’alun qui s’y forme continuellement -, on y trouve le fuperbe '& véritable alun de plume, qu’il ne faut pas confondre avec l’amianthe , quoiqu’à la première infpec- tion il foit fouvent facile de s’y tromper. L’alun de Melo étoit fort eftimé des Anciens; Pline en parle & paroît même déligner cet alun de plume dans le paffage fuivant : Concrète aluminis unum genus fchijlon appelant Grxci, in capillamenta quœdam canefcentia dehifeens ; unie quidam trichitin potiùs appellavere , lib. XXXV, Cap. XV. Voyage piltorefque de la Grèce , par M. le comie de Choifeul !• Goujfier, in-folio, page il.
iî2 'Wfiolre naturelle
moins faturê dans l’alun que dans la félénite qui n'a point de faveur fenfible , & en géné¬ ral , le plus ou moins d’a&ion de toute ma¬ tière faline dépend de cette différence ; fi l’a¬ cide eft pleinement faturé par la matière qu’il a faifie , comme dans l’argile & le gypfe , il n’a plus de faveur, & moins il eft faturé, comme dans l’alun & les vitriols métalliques , plus il eft corrôfif; cependant la qualité de la bafe dans chaque fel influe auflï fur fa fa¬ veur & fon aétion ; car plus la matière de ces bafes eft denfe & pelante, plus elle acquiert de maffe & de puifï'ance par fon union avec l’acide , & plus la faveur du fel qui en réfulte a de force.
11 n’y a point de mines d’alun proprement dites, puifqu’on ne trouve nulle part ce fel en grandes maffes comme le fel marin , ni même en petites maffes comme le vitriol ; /nais on le tire aifément des argiles qui por¬ tent le nom de terres alumineujes , parce qu’elles font plus chargées d’acide, & peut-être plus mélangées de terre limoneufe ou calcaire que les autres argiles : il en eft de même de ces pierres d’alun dont nous venons de parler , & qui font argilo- calcaires ; on le retire aufli des pyrites dans lefquelles l’acide vitriolique le trouve combiné avec la terre ferrugineufe & limoneufe : la fimple leiïive à l’eau chaude fuffit pour extraire ce fel des terres alumi- neufes; mais il faut laiffer effleurir les pyri¬ tes à l’air, ainfi que ces pierrres d’alun, ou les calciner au feu & les réduire en poudre avant de les lefîîver pour en obtenir l’alun.
L’eau bouillante diffour ce fel plus prompte-;
des Minéraux'. 223
ment & en bien plus grande quantité que l’eau froide, il fe criftallife par l’évaporation &i le refroidiffemement ; la figure de fes criftaux vârie comme celle de tous les autres fels. M. Bergman aflure néanmoins que quand la crif- tallifation de l’alun n’eft pas troublée , il forme des oélaèdres parfaits {e) , tranfparens & (ans couleur comme l’eau. Cet habile & laborieux Chimifte prétend auffi s’ètre alluré que ces criftaux contiennent trente-neuf parties d’a¬ cide vitriolique, feize parties & demie d’ar¬ gile pure, & quarante-cinq parties & demie d’eau (/) ; mais je foupçonne que dans fon eau , & peut-être même dans fon acide vitriolique, il eft refté de la terre calcaire ou limoneufe, car il eft certain que la bafe de l’alun en con¬ tient : l’acide, quoiqu’en fi grande quantité, relativement à celle de la terre qui lui fe r t de bafe , eft néanmoins fi fortement uni avec cette terre qu’on ne peut l’en féparer par le feu le plus violent; il n’y a d’autre moyen de les defunir qu’en offrant à cet acide des alkalis,ou quelque matière inflammable avec lefquelles il ait encore plus d’affinité qu’avec
( e ) M. Defmefïe dit , avec pim de fondement , ce me femble , » que ce fel fe criftallife en effet en oftaèdres rectangles lorfqu’il eft avec excès d’acide , mais que la forme de ces o&aèdres varie beaucoup ; que leurs côtés & leurs angles font fouvent tronqués , & que d’ailleurs il a vu des criftaux d’alun parfaitement cubiques, & d’au¬ tres reflangles ». Lettres , tome II , p/tge 220,
if) Opufcules chimiques, tome I , pages 309(2- 3?o,
T 4
4*4 Hiftoîre naturelle
fa tsrre; on retire par ce moyen l’acide vt- triolique de l’alun calciné , on en forme du foufre artificiel , & du pyrophore qui a la pro¬ priété de s’enflammer par le feul contaél de l’air (^).
L’alun qui fe tire des matières pyriteufes s’appelle dans le commerce alun de glace ou alun de roche ; il eft rarement pur, parce qu’il retient prefque toujours quelques parties mé¬ talliques, & qu’il eft mêlé de vitriol de fer. L’alun connu lous le nom d 'alun de Rome (A),
(g) Di&ionnaire de Chimie, par M. Macquer, aràck Alun.
(A) La carrière de la Tolfa qui fournit Y alun de Rome... forme , dit M. de Bondaroy , une montagne haute de cent cinquante ou cent foixante pieds ... les pierres dont elle efl formée ne font point arrangées par lits , comme la plupart des pierres calcaires . . . mais par malfes & par blocs. . .
La pierre d’alun tient un peu à la langue. . . . & , félon les Ouvriers, elle fe déconipofe lorfqu’on la laiffe long¬ temps expofée à l’air _ Four faire calciner cette pierre „
on l’arrange fur la voûte de plufieurs fourneaux qui font conftruits fous terre , de manière que chaque pierre laiffe entr’elie un petit intervalle pour laiffer parvenir le feu jufqu’au haut du fourneau... . & on ne retire ces pierres qu’nprès qu’elles ont fubi l’a&ion du feu pendant douze
ou quatorze heures . lorfqu’elles font bien calcinées,
elles fe rompent aifément , s’attachent fortement fur la langue, & y laiffent le goût flyptique de l’alun... . Mais une calcination trop vive gûteroit ces pierres, & il vaut mieux qu’elles foient moins calcinées , parce qu’il eft ailé
des Minéraux.
eft plus épuré & fans mélange fenfible de vitriol de fer, quoiqu’il foit un peu rouge;
de remédier à ce dernier inconvénient en les remettant au feu. . . .
Ces pierres calcinées font enfuite arrangées en forme de muraille difpofée en talus , pour recevoir l’eau dont on les arrofe de temps à autre pendant l’efpace de quarante jours; mais s’il furvient des pluies continuelles, elles font entièrement perdues, parce que l’eau, en les décompofant plus qu’il ne faudroit , fe charge des fels 8c les entraîne avec elle _ Lorfque les pierres font par¬
venues à un jufle degré de décompofition , c’eft-à-dtre , lorfque leurs parties font entièrement défunies, on peut en former une pête blanche pétrifiable. ... On les porte alors dans les chaudières que l’on a remplies d’eau, 8c dont le fond eft de plomb... tandis que cette eau des chaudières eft en ébullition, on remue ta matière avec une pelle, on la débarralTe des écumes qui nagent fur fa furface, & enfuite on fair évaporer l’eau qui a dtffous les fels d’alun . . . 8c lorfqu’on juge qu’elle eft allez chargée de fel , on la fait paffer dans un cuvier , enfuite dans des cuves de bois de chêne , dont la forme eft carrée ; 8c c eft clins ces dernières cuves qu’on la laifle criftallifer. . ■ • Au bout d’environ quinze jours , on voit l’alun fe criftallifer le long de l’intérieur des cuves , en criftaux fort irrégu¬ liers ; mais quelquefois à l’ouverture de la déchargé des cuves , l’altm fe forme en beaux criftaux 8c d’une forme très régulière .
Les pierres ne donnent peut-être pas en fel d’alun la cinquantième partie de leur poids... elles font très peu attaquables par les acides . . . n’étincellent que foiblement avec le briquet , 8c les Ouvriers prétendent que les meil-
iiS Hïjloïre naturelle
on le tire en Italie des pierres aluminèufeS de la carrière de la Tolfa : il y a de fembla*
leures n’étincellent point du tout .... elles ont le grain fin , & font aifées à enfler. ... La terre qui relie après la calcination & la criftallifation du fel , tient beaucoup de la nature d’une argile lavée.
Je regarde cette pierre comme calcaire, puif qu'elle fe calcine au feu. .... cependant les expériences faites par d’habiles Chimiftes , ont démontré que la terre qui fait
la bafe de l’alun eft vitrifiable . La chaux que l’on
fait de cette pierre , a la propriété de fe durcir fans aucun mélange de fable ou d’autres terres , lorfqu' après avoir été humectée , on la laiffe fécher. Dans toute Chaux , il fe trouve de la craie , dans celle-ci , il femble qu’on trouve du fable ou une vraie terre glaife : la pierre d’alun non calcinée & broyée en poudre fine , prend une confiflance approchante de celle d’une terre grade lorfqu’on l’a humec¬ tée d’eau . La meilleure eft jaunâtre , un peu grife:
Mémoires de l’Académie des Sciences , année 1766 , pages » & fuiv. . . Nota. M. l’abbé Guénée prétend néanmoins que la meilleure terre d’alun eft blanche comme de la craie , & le fentiment des Ouvriers s’accorde en cela avec le fien ; ils rejettent les pierres grumeleufes qui s’égrènent facilement entre les doigts & celles qui font rougeâtres. Lettres de M. Ferber. Note , page 316.
Les montagnes alumineufes de la Tolfa, difpofées en rochers blancs, comme de la craie, font, dit M. Ferber» féparées par un vallon qui a plufieurs petites iflues fur les cotes, & qui ne doit fon origine qu’à l’immenfité de pierres alumineufes qu’on en a tirées. . . . Les mineurs , fontenus par des cordes fur les bords efearpés. des rochers auxquels ils font adoffés , font , dans cette fituation , des
des Minéraux'. ‘217
blés carrières de pierre d’alun enAngleterre(t),
trous qu’ils chargent de poudre . . . enfuite on y met le feu , après quoi on détache les pierres que la poudre a fait éclater. . . . L’argile alumineufe eft d’un gris-blanc ou blanche comme de la craie ; elle elf compare & allez dure; en la raclant avec un couteau, on en obtient une poudre argileufe qui ne fait point effervefcence avec les acides; elle eft déjà pénétrée de l’acide vitriolique , & fa
bafe eff une terre argilleufe . 11 y a dans la même
carrière une argile molle , blanche comme de la craie , & une autre d’un gris-bleuâtre , que l’acide a commencé à tacher de blanc. ... La pierre d’alun de la Tolfa eft donc une argile durcie, pénétrée & blanchie par l’acide vitrio lique ; cette pierre renferme quelques petites parties cal¬ caires qui fe forment en félénite pendant la fabrication de l’alun ; elles s’attachent aux vaiiTeaux : cette argile ou pierre d’alun compare , fans être fchifteufe , eft dif- pofée en maffes & non par couches.
Les maffes d’argile blanche de la Tolfa , font traver¬ sées de haut en bas par diverfes petites veines de quartz gris-blanc , prefque perpendiculaires , de trois à quatre pou¬ ces d’épaifléur. 11 y a de la pierre d’alun blanche à taches rougeâtres , qui reliemble à un favon marbré rouge & blanc. Lettres fur la Minéralogie , pages 315 & fuv.
( i ) Il y a , dit Daniel Calwal ( Tranfaclions Philofo- phiques, année 1.678 ), des mines de pierres qui four¬ nirent de l’alun dans la plupart des montagnes fituées entre Scarboroug & la rivière de Tées , dans le comté d’Yorck , & encore près de Prefton , dans le Lancashire ; cette pierre eft d’une couleur bleuâtre , & a quelque reffemblance avec l’ ardoife*
12.8 Htjloire naturelle
particulièrement à Whitby, dans le comté d’Yorck , ainfi qu’en Saxe, en Suède , en
Les meilleure$\ mines font celles qui fe trouvent Ie$ plus profondes en terre , & qui font arrofées de quelques fources ; les mines sèches ne valent rien ; mais auiTi , lorfque l’humidité eft trop grande, elle gûte les pierres & les rend nitreufes.
11 fe rencontre dans ces mines des veines d’une autre pierre de même couleur , mais qui n’eft pas fi bonne ; ces mines font quelquefois à foixante pieds de profondeur. La pierre expofée à l’air, avant d’être calcinée, fe brife d’elle-même & fe met en fragmens , qui , macérés dans l’eau, donnent du vitriol ou de la couperofe , au lieu qu’elle donne de l’alun lorfqu’clle a été calcinée aupara¬ vant ; cette pierre conferve fa dureté tant qu’elle relie dans la terre ou fous l’eau : quelquefois il fort de l’en¬ droit, d’où l’on tire la mine, un ruiffeau dont les eaux, étant évaporées par la chaleur du (oleil , donnent de l’alun natif ; on calcine cette mine avec le fraifil ou charbon à demi-confumé de Newcaffle , avec du bois & du genêt. Cette calcination fe fait fur plufieurs bûchers que l’on charge jufqu’à environ huit à dix verges d’épaif- feur ; & à mefure que le feu gagne le delïùs , on recharge de nouvelle mine quelquefois à la hauteur de foixante pieds fucceffivement , & cette hauteur n’empêche pas que le feu ne gagne toujours le defîus , c’eft-à dire le fom- met , fans qu’on lui fournilfe de nouvel aliment ; il eft même plus ardent fur la fin , & dure tant qu’il relie de matières fulfureufes unies à la pierre. Collcclion académi¬ que , partit étrangère , tome VI, page 193.
des Minéraux'.
Norvège (&), & dans les pays de
1219
Heffe
( k ) M. Jars nous donne une notice de ces différentes mines d’alun : » Au fud & au nord de la ville de Wliitby, dit-il , le long des côtes de la mer , le terreiri a été tellement lavé par les eaux , que le rocher d’alun y eft entièrement à découvert , fur une étendue de plus de douze milles , où il eft exploité fur une hauteur perpen¬ diculaire de cent pieds ay-deflus de fon niveau ; ce rocher s’étend auih fort avant dans les terres. . . . Il fe délite par lames comme le fchifte , il eft de couleur d’ardoife , mais beaucoup plus friable qu’elle, fe décompofe aifément à l’air , & y perd de même entièrement fa qualité alumineufe s’il eft lavé par les pluies. On trouve très fouvent, entre fes lames ou feuillets , de petits grains de pyrites , des bélemnites, mais fur-tout une très grande quantité de cornes d’Ammon , enveloppées d’un rocher plus dur & de forme arrondie : on prétend que les lits de ce rocher vont jufqu’à profondeur que l’on ne peut déterminer au' deffous du niveau de la mer, mais qu’il y eft de moindre
qualité ; d’ailleurs on a pour plufteurs üècles à exploiter
de celui qui eft à découvert. . . .
La mine d’alun de Schwemfal , en Saxe , eft fituée au
bord de la rivière de la MoLda, dans une plaine dont le
terrein eft très fablonneux : le minérai y eft uar couches, dont on en diftingue deux qui s’étendent fur une lieue d’arrondiffement , & très faciles à exploiter, puifqu’elles fe trouvent près de la furface de la terre , & qu elles
font prefque horizontales . Le minérai n’eft point en
roc' comme celui de Wliitby ; il conftfte en une terre durcie , mais très friable , dont les morceaux fe détachent en furfaces quarrées , comme la plupart des charbons de terre : ces furfaces font très noires j mais fi l’on brifc
*3° Htflolre naturtîlt
& de Liège, de même que dans quelques pro3
ces morceaux , on voit que l’intérieur eit compofé de petites couches très minces d’une terre brune fchifteufe i le mînérai d’ailleurs contient beaucoup de bitume, peu de foufre, & tombe facilement en efflorefcence , c’eft pour¬ quoi on ne le fait pas griller ; il n’eft befoin que de l’expofer à l’air pour en développer l’alun. ... Le minerai refie expofé à l’air pendant deux ans avant que d’être leflivé , alors il efl en majeure partie décompofé , & tombe prefque en pouflière.
Il arrive très fouvent que le minerai éprouve une fer¬ mentation fi confidérable qu’il s’enflamme ; 8c , comme il feroit dangereux de perdre beaucoup d’alun , on y remé¬ die aulîitôt que l’on s’en aperçoit , en ouvrant le tas dans l’endroit où fe forme l’embrafement ; le feu! contait de J’airfuffit pour l’arrêter ou l’éteindre, fans qu’il l'oit befoin d’y jeter de l’eau : Iorfque le mînérai a été deux ans en efflorelfence , il prend dans fon intérieur une couleur jau¬ nâtre , qui efl due fans doute à une terre martiale ; on y voit entre fes couches de l’alun tout formé , & fur toute la longueur de la furface extérieure du tas, des lignes d’une matière blanche, qui n’efî autre chofe quç ce fel tout pur,
A Chriftineoff, en Suède, le rocher alumineux eft une efpèce d’ardoife noire qui fe délite aifément, & qui con¬ tient très fouvent , entre fes lits , des rognons de pyrite martiale de différentes g ro fleurs , mais dont la forme eft prefque toujours celle d’une fphère applatie ; on y trouve encore des couches d’un rocher noir, à grandes & petites facettes d’un pied d’épailfeur , qui , par la mauvaife odeur qu’il doqne ep le frottant , peut être njis dans la dalfe
des Minéraux ? 55 1
'VÎriCes d'Efpagne (/) : on extrait l’alun dans
des pierres de porc : on y voit aufli des petites veines per¬ pendiculaires d’un gypfe très blanc.
Ces couches de minerai ont une très grande étendue, on prétend même avoir reconnu qu’elles avoient une continuité à plus d’une 'lieue , mais ce qu’il y a de cer¬ tain , c’efl qu’on ignore encore leur profondeur.
Sur le penchant d’une petite montagne oppofée à la ville de Chriftiana, en Norvège, & prefque au niveau de la mer , on exploite une mine d’alun qui a donné lieu à un étabMement affez confidérable - L’efpèce de miné¬
ral que l’on a à traiter eft proprement une ardoife , qui contient entre fes lits quantité de rognons de pyrites mar¬ tiales; on l’exploite de la même manière qu’en Suède, à tranchée ouverte & à peu de frais.
Sur la route de Groiïalmrode à Cafiel , on trouve plu- fieurs mines d’alun qui font exploitées par des particuliers... Le minérai d’alun forme une couche d’une très grande érendue , fur huit à neuf toifes d’épailTeur , & dont la couleur & la texture le rapprochent beaucoup de l’efpèce de celui de Schwemfal que l’on exploite en Saxe , mais fur-tout dans la partie inférieure de la couche ; il eft de même tendre & friable , & tombe facilement en effloref- cencc ; mais fouvent il eft mêlé de bois foJile très bitu¬ mineux , & quelquefois aufli de ce bois pétrifié ». Voyages Minéralogiques , tome 111 , page* iSS , 293 , 297 , 303 & 305.
( l ) Les Efpagnols prétendent que l’alun d’Arragon eft encore meilleur que celui de Rome :» Ce fel, dit M. Bowles, fe trouve formé dans la terre comme le falpêtre & le fel commun ; il ne faut pour le raffiner qu’une fini-
2} 2 Htjloire naturelle
ces différentes mines, à- peu- près par les mêmes procédés qui confiftent à faire efffeu- rir à l’air pendant un temps fuffifant, la terre ou pierre alumineufe , à la lelliver enfuite, & à faire criftallifer l’alun par l’évaporation de l’eau (m); l’alun de Rome eft celui qui eft le plus eftimé & qu’on affure être le plus pur: tous les aluns font, comme l'on voit, des productions de notre art; & le feul lel de cette efpèce que la Nature nous offre tout formé, eft l’alun de plume qui ne fe trouve que dans les cavités (/z) où fuintent & s’évaporent les
pie leflive qui le filtre & lui ôte toute l’impureté de la
terre . Après cette leflive , on le fait évaporer au
feu , enfuite on verfe la liqueur dans d’autres vaiffeaux où on laide l’alun fe criftallifer au fond ». Hifioire Naturelle c’Efpagne , pages 390 & fuir.
( m ) Nota. Dans quelques-unes de ces exploitations, on fait griller le minérai ; mais , comme le remarque très bien M. Jars, cette opération n’eft bonne que pour celles de ces mines qui font très pyriteufes , & feroit pernicieufe dans les autres où la combuflion détruirait une portion de l’alun, & qu’il fuffit de laiffer effieurir à l’air où elles s'échauffent d’elles-mêines.
(n) Dans l’une des mines du territoire de Latera , on trouve contre les parois de la voûte , le plus bd alun de plume criflailifé en petites aiguilles, blanc- argenté , tantôt très pur , tantôt combiné avec du foufre ; on y trouve aufli une pierre argileufe bleuâtre , crevaffée , au milieu de laquelle l’alun s’eft fait jour pour fe criilallifer en efflo- refccnce : cette mine eft fuuée dans un tuf volcanique ,
eaux
des Minéraux'. zjj
‘eaux chargées de ce Tel en diffolution. Cet alun eft très pur, mais nulle part il n’eft en afl'ez grande quantité pour faire un objet de commerce , & encore moins pour fournir à la confommation que l’on fait de l’alun dans plufieurs arts & métiers.
Ce fel a en effet des propriétés utiles , tant pour la Médecine que pour les Arts, & fur- tout pour la teinture & la peinture ; la plu¬ part des paftels ne font que des terres d’alun teintes de différentes couleurs ; il fert à la
©ù l'on trouve du foufre en malfes errantes & difféminées... Il fe trouve au fond de ees mines une eau vitriolique qui découle de la voûte ; cette eau , en filtrant à travers les couclies qui furmontent la voûte , y forme une croûte & dépofe cet alun natif que l’on trouve aufli criffallifé de
même dans plufieurs pierres . .. Il y a auffi de l’alun
criffallifé & en efflorefcence fur les parois des voûtes à Put^ola , comme à Mulino , près de Latera. ... Il y a deux fources auprès des mines del Mulino , dont l’eau eft chargée d’une terre alumineufe, blanchâtre , qui lui
donne un goût très ftiptique . Le limon que l’eau-
abandonne, ainfi que les petites branches & herbes qui y furnagent ou qui refient à fec , fe revêtirent d’une croûte alumineufe qui s’en détache aifément, & qui eft fans mélange de terre : les grenouilles que l’on met dans cette eau ne peuvent y vivre , & cependant on y voit une très grande quantité de petits vermiûéaux qui y multi¬ plient; mais il n’y croit point de végétaux, & ces deux fources exhalent une odeur de foie de foufre très défa— gréable. M. Cafifini , fils ; Mémoires de l’Académie des Sciences , année 1777, pages 580 & fuivr
Minéraux. Tome 111 ,
V
*3 4 ' Hijloire naturelle
teinture en ce qu’il a la propriété d’ouvrir les pores , & d’entamer la furface des laines & des foies qu’on veut teindre, & de fixer les couleurs julque dans leur fubftance : il fert auifi à la préparation des cuirs, à liffer le papier, à argenter le cuivre, à blanchir l’argent, &c. Mis enfuffifante quantité fur la poudre à canon , il la préferve de l’humidité & même de l’inflammation ; il s’oppole auflt à l’a&ion du feu fur le bois & fur les autres matières combuftibles , & les empêche de brûler fi elles en font fortement imprégnées ; on le mêle avec le fuit pour rendre les chandelles plus fermes : on frotte d’alun calciné les formes qui fervent à imprimer les toiles & papiers pour y faire adhérer les couleurs ; on en trotte de même les balles d’imprimerie pour leur faire prendre l’en¬ cre , Sic.
Les Afiatiques ont, avant les Européens, fait ufage de l’alun ; les plus anciennes fabri¬ ques de ce fel étoient en Syrie & aux en¬ virons de Conftantinople & de Smyrne, dans le temps des Califes , & ce n’eft que vers le milieu du quinzième fiècle que les Italiens trànfportèrent l’art de fabriquer l’alun dans leur pays, & que l’on découvrit les mines alumineufes d’Ifchia , de Viterbe, &c. Les Es¬ pagnols établirent enfuite , dans le feizième fiècle, une manufacture d’alun près de Car- thagène , à Alma^aran , & cet établiflement fubfifte encore ; depuis ce temps, on a fabri¬ qué de l’alun en Angleterre, en Bohème & dans d’autres provinces de l’Allemagne , & aujourd’hui on en connoîr fept manufactures
des Minéraux. 2.3 $
tn Suède, dont la plus confidérable eft celle de Garphyttau dans la Noricie ( 0 ).
Il y a en France affez de mines pyrîteufes , & même affez de terres alumineufes pour qu’on pût y faire tout l’alun dont on a befoin i'ans l’acheter de l’étranger, & néanmoins je n’en connois qu’une feule petite manufatture en Rouffillon , près des Pyrénées ; cependant on en pourroit fabriquer de même en Fran¬ che-Comté, où il y a une grande quantité de terres alumineufes à quelque diftance de Norteau ( p ). M. de Genfanne, qui a reconnu ces terres , en a auffi trouvé en V'ivarais » près de la Gorce : » Plufieurs veines de cette » terre alumineufe, font , dit-il, parfemées j> de charbon jayet, & l’on y trouve par in- » tervalles de l’alun natif (ÿ') ». Il y a auffi près de Soyon , des mines de couperofe & d’alun ( /• ) ; on voit encore beaucoup de terres alumineufes aux environs de Roque- fort & de Cafcajlel (.r); d’autres près de Cornlllon (rj, dans le diocèfe d’Uzès , dans
( o ) Opufcr.les chimiques de M. Bergman , tome I , pages 304 & fuiv.
( p ) M. de Genfanne , Mémoires des Savans Etrangers , tome IV.
( q ) Hiüoire Naturelle du Languedoc , tome III , page 177-
(r) Hiftoire Naturelle du Languedoc, tome III , page 201.
(,) Idem, ibidem., page 177.
(t) Les couches des terres alumineufes y font féparées
Va
Hijlolre naturelle
lefqueîles l’alun Te forme naturellement; maïs combien n’avons-nous pas d’autres richefies que nous foulons aux pieds, non par dédain ni par défaut d’induftrie, mais par les obfta- cles qu’on met , ou le peu d’encouragement que l’on donne à toute entreprife nouvelle?-
par d’aurres couches d’une terre à foulon très précieufe r cette terre efl de la plus grande finefl'e & d’une blancheur éclatante; elle efl de la nature des kaolins, & très propre à la fabrique des porcelaines, parce que le feu n’altère- point fa blancheur, & qu’elle efl très liante : on en fait des pipes à tabac a’une beauté furprenante. Au-deflfous de toutes ces couches , on trouve un autre banc d’une terre également fine, & qui ne diffère de la précédente que par la couleur qui efl d’un jaune de citron, allez fembîable à la terre que nous appelons jaune de Naples r mais plus fine : fa couleur efl permanente & réfifle à l’aflion du feu ; elle efl par conféquent propre à colorer la faïance , en la mêlant avec le feld fpaih. Idem,, tome: 1, pages 158 & 159.
des Minéraux. $37
AUTRES COMBINAISONS
DE L’ACIDE VITRIOLIQUE.
ous venons de voir que cet acide , le plu» fort & le plus paillant de tous , a faift les terres argileufès & calcaires , dans lefquelles il fe manifelle fous la forme d’alun & de félénite que l’argile & le plârre , quoiqu’im- prégnés de cet acide , n’ont néanmoins aucune faveur faline , parce qu’il y a excès de terre fur la quantité d’acide, & qu’il y ell pleine¬ ment faturé; que l’alun, au contraire, dont la bafe n’efl que de la terre argi 1 leu fe mêlée d’une petite portion de terre alkaline , a une faveur rtiptique & des effets aftrmgens , parce que l’acide n’y eft pas faturé; qu’il, en eft de même de tous les vitriols métalliques dont la bafe, étant d’une matière plus denfe que la terre vitreufe ou calcaire, a donné à ces fels plus de malfe & de puiffance : nous avons vu que les terres aiumineuies ne font que des argiles mélangées , & plus fortement imprégnées que les autres d’acide vitriolique; que l’alun, qu’on peut regarder comme un vitriol à bafe terreufe, retient dans fes crif- taux une quantité d’eau plus qu’égale à 1r moitié de fon poids, & que cette eau n’eft pas edentielle à la fubftance faline , puifqu’ü la perd aifément au feu fans fe décompofer ; qu’il s’y bourloulîle comme la terre limon.-
23 S Hlftolre naturelle
neufe, & qu’en même temps qu'il fe IaifTe dépouiller de fon eau, il retient très fixement l’acide vitriolique , & devient, après la cal¬ cination , prefque auilï corrofif que cet acide même.
Maintenant, fi nous examinons les autres matières avec lefquelles cet acide fe trouve combiné , nous reconnoîtrons que l’alkali minéral ou marin , qui eft le feul fel alkali naturel , & qui eft univeriellement répandu, eft aufli le feul avec lequel l’acide vitrioli¬ que fe foit naturellement combiné fous la forme d’un fel criftallifé auquel on a donné le nom du Chimifte dauber. On trouve ce fel dans l’eau de la mer , & généralement dans toutes les eaux qui tiennent du fel gemme ou marin en diffolution ; mais la Nature n’en a formé qu’une très petite quantité en comparaifon de celle du fel gemme ou marin, qui diffère de ce fel de Glauber, en ce que ce n’eft pas l’acide vitriolique, mais l’acide marin qui eft uni avec l’alkali dans le fel marin , qui, de tous les fels naturels, eft le plus abondant.
Lorfque l’on combine l’acide vitriolique avec l 'alkali végétal, il en réfulte un fel crif- talli fable , d’une faveur amère & falée , auquel on a donné plufieurs noms difFérens, &. ftn- gulièrement celui de tartre vitriolé : ce fel qui eft dur & qui décrépite au feu , ne fe difïout que difficilement dans l’eau, & ne fe trouve pas criftallifé par la Nature, quoique tous les fels formés par l’acide vitriolique puiffent fe cnftallifer.
L’acide vitriolique qui fe combine dans les
des Minéraux'. 239
ferres vitreufes , calcaires & métalliques , & fe préfente fous la forme d’alun , de félènite & de vitriol, fe trouve encore combiné dans le fel d’Epfom avec la magnifie , qui eft une terre particulière différente de l’argile, & qui paroît auiît avoir quelques propriétés qui la mftinguent de la terre calcaire : en la fuppofant mixte & compofée des deux, elle approche beaucoup plus de la craie que de l’argile. Cette terre magnifie ne fe trouve
f>oint en grandes maflès comme les argiles, es craies, les plâtres, &c. néanmoins elle eft mêlée dans plufieurs matières vitreufes & calcaires ; on l’a reconnue par l’analyfe chi¬ mique dans les fchiftes bitumineux, dans les terres plâtreufes, dans les marnes, dans les pierres appelées ferpentines , dans Yampelite , & l’on a obfervé qu’elle forme à la furface & dans les interfiices de ces matières , un fel amer fort abondant; l’acide vitriolique eft combiné dans ce fel jufqu’à faturation ; & lorfqu’on l’en retire, en lui offrant un alkaH, la magné fie , qui lui fervoit de bafe , fe pré¬ fente fous la forme d’une terre blanche, légère, fans faveur, & prefque fans duétilitè lorfqu’on la mêle avec l’eau : ces propriétés lui font communes avec les terres calcaires imprégnées d’acide vitriolique , dont- fans doute la magnéfie retient encore quelques parties après avoir été précipitée de la diffo- lution de fon fel ; elle fe rapproche encore plus de la nature de la terre calcaire, en ce qu’elle fait une grande effervefcence avec tous les acides, & qu’elle fournit de rnên^e
24° Hiftoire naturette
une rrès grande quantité d’air fixe ou d’acide aérien, & qu’après avoir perdu cet air parla calcination , elle le dillout comme la chaux, dans tous les acides : feulement cette ma- gnéfie calcinée n’a pas la caufticité de la chaux , & ne fe diffout pas de même lorfqu’on- la mêle avec l’eau, ce qui la rapproche de la nature du plâtre ; cette différence de la chaux vive & de la magnéfie calcinée, feni- ble provenir de la plus grande puiflance avec laquelle la chaux retient l’acide aérien que la calcination n’enlève qu’en partie à la terre calcaire , & qu’elle enlève en plus grande quantité à la magnéfie ; cette terre n’eff donc au fond qu’une terre calcaire, qui, d’abord imprégnée, comme le plâtre, d’acide vitrio- lique , fe trouve encore plus abondamment fournie d’acide aérien que la pierre calcaire ou le plâtre,- & ce dernier acide eft la feule caufe de la différence des propriétés de la magnéfie & des qualités particulières de fon fel : il fe forme en grande quantité , à la furface des matières qui contiennent de la magnéfie ; l’eau des pluies ou des fources le diffout & l’emporte dans les eaux dont on le tire par l'évaporation; & ce fel, formé de l’acide vitriolique à bafe de magnéfie, a pris fon nom de la fontaine d'epfom en Angleterre , de l’eau de laquelle on le tire en grande quantité. M. Brownrgg affure avoir trouvé du fel d’epfom criftallilè dans les mines de charbon de Withaven; il étoit en petites maffes folides, tranfparentes & en filamens blancs argentins, tantôt réunis, tantôt ifolés,
dont
Ses Minéraux. 241
dont quelques-uns avoient jufqu'à trois pouces de longueur (<z).
La laveur de ce fel n’eft pas piquante , elle eft même fraîche , mais fuivie d’un ar¬ rière-goût amer; fa qualité n’eft point aftrin- gente ; il eft donc en tout très différent de l’alun , & comme il diffère aulfi de la (élénite par fa faveur & par fa folubiiité dans Peau , on a jugé que la magnéfie , qui lui fert de bafe , étoit une terre entièrement différente de l’argile & de la craie ; d’autant que cette même magnéfie combinée avec d’autres aci¬ des, tels que l’acide nitreux ou celui du vi¬ naigre , donne encore des fels différens de ceux que l’argile ou la terre calcaire donne en les combinant avec ces memes acides : mais fi l’on compare ces différences avec les rapports -& les reffemblances que nous venons d’indiquer entre la terre calcaire & la magné¬ fie , on ne pourra douter , ce me femble , qu’elle ne foit au fond une vraie terre cal¬ caire, d’abord pénétrée d’acide vitriolique , & enfuite modifiée par l’acide aérien , & peut-être aulfi par l’alkali végétal dont elle paroît avoir plufieurs propriétés.
La feule chofe qui pourroit faire penfer que cette terre magnéfie eft mêlée d’une petite quantité d’argile, c’eft que, dans les matières argileufes, elle eft fi fortement unie à la terre alumineufe qu’on a de la peine à l’en féparer ; mais cet effet prouve feulement
( a ) Voyez les Elémens de Chimie , par I\l. de Morveau , tome 1, page IJ2.
Minéraux. Tome 111.] X
24* Hlflolre n4turelle
que la terre de l’alun n’eft pas une argile pure, & qu’elle contient une certaine quan¬ tité de terre alkaline : ainfi , tout confidéré, je regarde la magnéfie comme une forte dç plâtre : ces deux matières font également imprégnées décide vitriolique, elles ont les mêmes propriétés eftentielles , & quoique la magnéfie ne fe préfente pas en grandes maffes comme le plâtre , elle eft peut être en auffî grande quantité fur la terre & dans l’eau ; car on en retire des cendres de tous les végétaux, &. plus abondamment des eauxr mères du nitre & du fel marin, autre preuve que ce n’eft au fond qu’une terre calcaire modifiée par la végétation & la putréfac¬ tion.
L’acide vitriolique , en fe combinant aveç les huiles végétales, a formé les bitumes (/>), & s’eft pleinement fatpré ; car il n’a plus aucune aélion fur le bitume qui n’a pas plus de faveur fenüble que l’argile &. le plâtre dans
( b ) L’acide vitriolique verfé fur les huiles d’amandes t d’.olive, de navette, & même fur les huiles eflèntielies , les noircit fur-le-champ , & les rend plus folides ; le mélange acquiert, avec le temps, une confiftance & des propriétés qui le rapprochent fenfiblement du bitume , quand l’huile eft plus terreufe , & de la réfine quand l'huile eft plus jégère & plus volatile. ... On n’a point examiné l’aftion de l’acide vitriolique fur les réfines , les gommes & les fucs gommoréfineux. . . . Avec l’acide vitriolique & l’efprit* de-vin on produit l’éther. Elément de Chimie , par A/* de Morceau, tome 111 , pages 121 6- I2J,
des Minéraux'. 243
lefquels cet acide eft de même pleinement faturé.
Si l’on expofe à l’a&ion de l’acide vitrio- Tique les fubftances végétales & animales dans leur état naturel » Il agit à-peu près comme »> le feu ; s’il eft bien concentré , il les def- » sèche , les crifpe & les réduit prefque 1» à l’état charbonneux , & de-là on peut » juger qu’il en altère fouvent les principes » en même temps qu’il les fépare ( c ) ». Ceci prouve bien que cet acide n’eft pas uniquement compofé des principes aqueux &. terreux , comme Sthal & fes difciples l’ont prétendu , mais qu’il contient aufli une grande quantité d’air adif & de feu réel. Je crois devoir infifter ici fur ce que j’ai déjà dit à ce fujet, parce que le plus grand nombre des Chimiftes penfent que l’acide vitriolique eft l’acide primitif, & que, pour le prouver, ils ont tâché d’y ramener ou d’en rapprocher tous les autres acides : or leur grand maître en Chimie a voulu établir fa théorie des fels fur deux idées , dont l’une eft générale , l’autre particulière; la première, que V acide vitriola - que e(l l'acide univerfel & le feul principe fallu qu il y ait dans la Nature , & que toutes les autres Jubfances falines , acides ou alkalines , ne font que des modifications de cet acide altéré , enveloppé , dètpuifé par des fubflances accejfoires : nous n’a- vons pas adopté cette idée, qui néanmoins a le mérite de fe rapprocher de la fimplicité de
(c) Elémens de Chimie , par de M. Morveau, tome ///, page 123.
244 m oire naturelle.
la Nature. L’acide vitriolique fera, fi l’on veuf, le fepond acide ; niais l’acide aérien eft le premier, non-feulement dans l’ordre de leur formation , mais encore parce qu’il eft le plus pur & le plus fimple de tous , n’étant com- pofé que d’air & de feu, tandis que l’acide vitriolique & tous les autres acides font mêlés de terre & d’eau : nous nous croyons donc fondés à regarder l’article aérien comme l’acide primitif, & nous penfons qu’il faut fubftituer cette idée à celle de ce grand Chimifte , qui le premier a fenti qu’on devoit ramener tous les acides à un feul acide pri¬ mitif & univerfel ; mais fa fécondé fuppoft- tion , que cet acide univerfel nef compofé que de terre & d'eau , ne peut fe foutenir, non-ieule- ment parce que les effets ne s’accordent point avec la csufe fuppolée , mais encore parce que certe idée particulière & fecon- daire me paroîc oppofée, & même contraire à toute théorie , puifqu’alors l’air & le feu , les deux principaux agens de la Nature, feroient exclus de toute Tubftance efl'entielle- ment falin.e & réellement aétive , attendu que toutes ne contiendroient que ce même prin¬ cipe ialin, uniquement compofé de terre & d’eau.
Dans la réalité, l’acide eft, après le feu, l’agent le plus aêfif c!e la Nature , & c’eft par le feu & par i’air contenus dans fa fubftance qu’il eft aéhf ,& qu’il le devient encore plus lorfqu’il eft aidé de la chaleur, ou lorlqu'il fe trouve combiné avec des fubftances qui contiennent elles - mêmes beaucoup d’air ôc de feu , comme dans le nitre ; il devient pu
des Minéraux'. 245
contraire d’autant plus foible qu’il eft mêle d'une plus grande quantité d’eau , comme dans les criftaux d’alun , la crème de tartre, les Tels ou les lues des plantes fermentées ou non fermentées, &c. f
Les Chimiftes ont , avec ration , distingué les fubftances falines par elles -mêmes, des matières qui ne font falines que par le mé¬ lange des principes 1 al in s avec d’autres fubl- tances : >» Tous les acides & alkalis minéraux, végétaux & animaux, tant fixes que volatils, fii/ors ou concrets , doivent , dit M. Macquer , être regardés comme des fubftances faline.» par elles- mêmes ; il y a même quelques autres fubftances qui n’ont point de propriétés acides ou alkalines décidées , mais qui ayant celles des fels en général, & pouvant conununiquer les propriétés falines aux compolés dans les¬ quels elles entrent, peuvent, par cette rai- fon , être regardées comme des fubftances effenrieliement falines, tels font larfenic &
Je fel fédatif. . Toutes ces fubftances ,
quoiqu’eft’entiellement falines, diffèrent beau¬ coup entr’elles , fur tout par les degrés de- force & d’aétiviré , & par leur attraaion plus ou moins grande avec les matières dans lefquelles elles peuvent fe combiner ; com¬ parez , par exemple , la. force de l’acide v-itrio- üque avec la foiblefîe de 1 acide du tartre.... Les acides minéraux font plus forts que les acides tirés des végétaux & des animaux , & parmi les acides minéraux, l’acide vitrio- lique eft le plus- fort, le plus inaltérable ,• & par conféquent le plus pur , le plus fimple, ïe plus fenfiblement 6c effentiellement feL...»
246 Hi flaire naturels
Parmi les autres fubftances falines, celles qui paroiflènt les plus attives , les plus fimples» tels que les autres acides minéraux, nitreux <S* marins , font en même temps celles dont les propriétés fe rapprochent le plus de celles de l'acide, variolique. On peut faire prendre à l’acide vitriolique plufieurs des propriétés cara&é- riftiques de l’acide nitreux , en le combinant d’une certaine manière avec le principe in¬ flammable , comme on le voir par l’exemple de l'acide fulfureux volatil : les acides hui¬ leux végétaux deviennent d’autant plus forts & plus femblables à l'acide vitriolique, qu’on les dépouille plus exactement de leurs prin¬ cipes huileux; & peut-être parviendroit-on à les réduire en acide vitriolique pur en multipliant les opérations ; & réciproquement l’acide vi¬ triolique & le nnreux , affoiblis par l’eau & traités avec une grande quantité de matières huileufes, & encore mieux, avec l’efprit- de-vin, prennent des caractères d’acides vé¬ gétaux . Les propriétés des aikalis fixes
femblent, à la vérité, s’éloigner beaucoup de celles des acides en général , & par con¬ séquent de l’acide vitriolique ; cependant comme H entre dans la compofition des alka- lis fixes une grande quantité de terre ; qu’on peut féparer beaucoup de cette terre par des diftillations & calcinations réitérées , & qu’à mefure qu’on dépouille ces fubftances falines de leur principe terreux , elles deviennent d’autant moins fixes & d’autant plus délique- icentes , en un mot qu’elles le rapprochent d'autant plus de l'acide vitriolique à cet égard ,, il ne reparoîtra pas hors de vraifemblance
des Minèràuîcl i.yj
Cfue les alkalts ne pu'iffent devoir leurs propriétés fulines à un principe falin de la nature de l'acide vitriülique , mais beaucoup déguifé par la quan¬ tité de terre , & vraifemblablement des prin¬ cipes inflammables auxquels il eft joint dans ces combinaifons ; & les alkalis volatils font des matières falines effentiellement de même' nature que l’alkali fixe, & qui ne doivent leur volatilité qu’à une différente proportion: & combinaifon de leurs* principes pro¬ chains ( d ) ».
J’ai cru devoir rapporter tous ces faits , avoués par les Chimifles, & tels qu’ils font Confignés dans les Ouvrages d’un des plus favans & des plus circonfpe&s d’entr’eux ,■ pour qu’on ne puiffe plus douter de l’unité du principe falin : qu’on ceffe de voir les acides nitreux & marin, & les acides végé¬ taux & animaux comme efTentiellement dif- férens de l’acide vitriolique, & qu’enfin on s’habitue à ne pas regarder les alkalis comme des fubflances falines d’une nature oppofée & même contraire à celle des acides ; c’étoir l’opinion dominante depuis plus d’un fiècle * parce qu’on ne jugeoit de l’acide & de l’alkali qu’en les oppolànt l’un à l’autre ,& qu’au Heu de chercher ce qu’ils ont de commun & de femblable , on ne s’attachoit qu’à la dif¬ férence que préfentent leurs effets, fans faire attention que ces mêmes effets dépendent moins de leurs propriétés falines , que de la qualité des fubflances acceffoires dont ils font?
X 4
(d) Dictionnaire dé Chimie, article Sd.
24& Hiflû'ire naturelle
mélangés, & dans lefqueües le principe falirî. ne peut fe manifefter, fous la même forme,, ni s’exercer avec la même force & de la même manière que dans l’acide, où. il n’eft ni con¬ traint ni mafqué.
Et cette converfion des acides & des alkalis qui, dans l’opinion de Sthal, peuvent tous fe ramener à l’acide vitriolique , eft fuppofèe réciproque, en forte que cet acide peut de¬ venir lui -même un alkali ou un autre acide;, mais tous, fous quelque forme qu’ils fe pré- fentent , proviennent originairement de l’acide aérien.
Reprenant donc le principe falin dans fort- eflence & fous fa forme la plus pure, c’eft- à - dire , fous celle de l’acide aérien , & le fui- vant dans fe s combinaifons , nous trouverons qu’en fe. mêlant avec l’eau , il en a formé des liqueurs fpiritueufes ; toutes les eaux acidulés &. rruiuffeufes., le vin ,Je cidre, la bière ne doivent leurs qualités qu’au mélange dè cet' acide aérien qu’ils contiennent fous la forme d’air fixe; nous verrons qu’étant enfuite ab* forbé par ces mêmes matières, il leur donne- l’aigreur du vinaigre , du tartre , &c. qu’étant entré dans la fubftance des végétaux & des animaux, il a formé l’acide animal & tous les alkalis par le travail de l’organifation : cet acide primitif s’étant d’abord combiné avec la terre vitrifiée, a formé l’acide vitriolique,. lequel a produit avec les fubftances métalli¬ ques, les vitriols de fer, de cuivre & de zinc; avec l’argile & la terre calcaire, l’alun & la félénite ; le fel de Glauber avec l’alkali mi¬ néral , & le fel d 'epfom ou de Jcdlit{ avec lat magnéfie.
des Minéraux. ï4£k
Ce font-là les principales combinaifons fous îefq.uelles fe prefente l’acide vitriolique, par mille part on ne le trouve dans Ion état de pureté & fous fa forme liquide , & cela par la raifon qu’ayant une très grande tendance à s’unir avec le feu libre, avec l’eau & avec la plupart des fubftances terreufes & métalli¬ ques , il s’en faifit par-tout, & ne demeure nulle part fous certe forme liquide, que nous lui connoiffons lorfqu’il eft léparé par notre art, de toutes les fubftances auxquelles il eft naturellement uni : cet acide bien dtflegmé & concentré, pèfe fpécifiquement plus du dou¬ ble de l’eau, & par conféquent beaucoup plus- que la terre commune; & comme fa fluidité' diminue à mefure qu’on le concentre, on doit croire que fi l’on pouvoit l’amener à un état concret & folide , il auroit plus de denfité que les pierres calcaires. & les grès (<r); mais comme il a une très grande affinité avec l’eau & que même il attire l’humidité de l’air, il; n’eft pas étonnant que ne pouvant être con- denfè que par une forte chaleur , il ne fe. trouve jamais fous une forme sèche & folide dans le fein de la terre.
Dans les eaux qui découlent des collines calcaires , & qui fe rafTemblent fur la glaife qui leur fert de bafe, l’acide variolique de
(c) En fuppofànt que l’eau diflrllée pèfe- dix mille, le grès des tail!eurs-de-pierre ne pèfe que vingt mille huit- cents cinquante cinq; ainfi l’acide vitriolique bien concentré pcfant-plus du. double de l’eau., pèfe au moins autant que.- îè. grès.
5. 50 Hijloire naturelle
la glaiTe fe trouve combiné avec la ferre cal¬ caire ; ces eaux contiennent donc de la félé- nire en plus cru moins grande quantité, &c’eft de là que vient la crudité de prelque toutes les eaux de puits; la félénite dont elles font imprégnées leur donne une forte de féche- reffe dure qui les empêche de fe mêler au fa- von, & de pénétrer les pois & autres graines que l’on veut faire cuire : fi l’eau a filtré pro¬ fondément dans l’épaiffeur de la glaife , la faveur de l’acide vitriolique y devient plus fenfible, & dans les lieux qui recèlent des feux fouterrains , ces eaux deviennent fulfu- reufes par leur mélange avec l’acide fulfureux: volatil, &c.
L’acide aérien & primitif en fe combinant avec la terre calcaire, a produit l’acide marin qui eft moins fixe & moins puiflant que le vitriolique, & auquel cet acide aérien a com¬ muniqué une partie de fa volatilité : nous ex- poferons les propriétés particulières de cet acide dans les articles fuivans.
des Minéraux.
*5*
acide des végétaux
Et DES ANIMAUX.
T j a Formation des acides végétaux animaux par l’acide aérien eft encore plus immédiate & plus directe que celle des acides minéraux, parce que cet acide primitif a pénétré tous les corps organilés , & qu’il y réfide lous fa forme propre & en grande quantité.
Si l’on vouloit compter les acides végé¬ taux par la différence de leur faveur , il y en auroir autant que de plantes & de fruits , dont le goût agréable ou répugnant eft varié prei- que à l’infini ; ces végétaux plus ou moins fermentés préfenteroient encore d’autres aci¬ des plus développés & plus afiifs que les pre¬ miers; mais tous proviennent également de l’acide aerien.
Les acides végétaux que les C himiftes ont le mieux examinés, font ceux du vinaigre & du tartre, & ils n’ont fait que peu d’attention' aux acides des végétaux non fermentés. Touî les vins, & en particulier celui du raifin , fe font par une première fermentation de la li¬ queur des fruits, & cette première fermenta¬ tion leur ôte la faveur fucrée qu’ils ont natu¬ rellement; ces liqueurs vineufes expofées à l’air, c’eft-à-dire à l’a&ion de l'acide aérien» Fabforbent & s’aigriffent : l’acide primitif efi donc également lacaufe de- ses deux ferment
2^2 Hifloire naturelle
rations, il fe dégage dans la première, & fe laiffe ablorber dans la fécondé. Le vinaigre n’eft formé que par l’union de cet acide aérien avec le vin , & il conferve feulement une petite quantité d’huile inflammable ou d’efprit-de- vin qui le rend fpiritueux; auffi s’évapore- 1- il à l’air , & il n’en attire pas l’humidité comme les acides minéraux : d’ailleurs il eft mêlé, comme le vin , de beaucoup d’eau, & le moyen le plus lûr & le plus facile de concentrer le vinaigre, eft de l’expofer à une forte gelée; l’eau qu’il contient fe glace, & ce qui relie eft un vinaigre rrès fort, dans lequel l’acide eft concentré ; mais il faut s’attendre à rie tirer que cinq pour cent d’un vinaigre qu’on fait ainfi geler, & ce vinaigre cencentré par la gelée eft plus fujet à s’altérer que l’autre, parce que le froid qui lui a enlevé toute fon eau ne lui a rien fait perdre de fon huile ; il faut donc l’en dégager par la diftillation pour l’obtenir & le conserver dans fon état- dé pureté & de plus grande force : cependant la pureté de cet acide n’eft jamais abfolue quelque épuré qu’il foit, il retient toujours une certaine quantité d’huile éthérée qui ne peut que l’affoiblir; il n’a aucune aûion di- reéte fur les matières vitreufes ,& cependant îl agit comme l’acide aérien fur les fubftances calcaires & métalliques : il convertit le fer en rouille,, le cuivre en vert-de-gris , &c. il dif- fout avec effervescence les terres calcaires, & forme avec elles un fel très amer , qui; s’effleurit à l’air ; il agit de même fur les al- kalts : c’eft par fon union avec l’alkali végé¬ tal, que fe fait la terre foliée de tartre qui eft-
des Minéraux. 2^3
employée en médecine , comme un puiffant apéritif j on diftingue dans la faveur de cette terre le goût du vinaigre & celui de l’alkali ■fixe dont elle eft chargée, & elle attire comme l’alkali , l’humidité de l’air : on peut aifément en dégager l’acide du vinaigre , en offrant à fon alkali un acide plus puiffant.
Le vinaigre diffout avec effervefcence l’alkali fixe minéral & l’alkali volatil ; cet acide forme avec le premier, un fel dont les criftaux & les qualités font à-peu-près les mêmes que celles de la terre foliée du tartre, & il produit avec l’alkali volatil, un fel ammoniacal qui attire puiffamment l’humidité de l’air : enfin l’acide du vinai¬ gre peut diffoudre toutes les fubftances ahimales & végétales. M. Gellert affure que cet acide, aidé d’une chaleur long -temps continuée , réduit en bouillie les bois les plus durs , ainfi que les cornes & les os des animaux.
Les fubftances qui font fufceptibles de fer¬ mentation contiennent du tartre tout formé, avant même d’avoir fermenté ( <z); il fe trouve
( a ) M. Wiegleb dit que l’acide oxalin ou fel effentiel de l’ofeille appartient naturellement aux fels tartareux , 8c forme un acide particulier uni à un alkali fixe, qui en eft future avec excès : il fe diftingue des autres fels tarta¬ reux , tant par un goût acide fupérieur que par la figure de fes criftaux ; & de plus , par les qualités toutes parti¬ culières des parties conftituantes de l’acide qui lui eft propre : on le prépare en grande quantité dans différentes
1 5 4 flijloire naturelle
en grande quantité dans tous les fucsduraifin & des autres fruits fucrés ; ainfi, l’oa doit regarder le tartre comme un produit immé¬ diat de la végétation , qui ne fouflre point ^d’altération par la fermentation , puifqu’il fe préfente fous fa même forme dans les réfidus du vin & du vinaigre après la diftillation.
Le tartre eft donc un dépôt falin qui fe fépare peu-à-peu des liqueurs vineufes, &. prend une forme concrète & prefque pierreufey dans laquelle on diilingue néanmoins quelques parties criftallifées : la faveur du tartre * quoi- qu’acide , eft encore fenfiblement vineufe -, \es Chimiftes ont donné le nom de crème de tartre au fel criftallifé que l’on en tire , & ce fel n’eft pas fimple; il eft combiné avec l’alkali végétal. L’acide contenu dans ce fel de tartre , fe fépare de fa bafe par la feule action du feu, il s’élève en grande quantité, & fous la
contrées avec ,1e fuc de l’ofeille , comme en SuifTe , e» Souabe, au Hartz & dans les forêts de Tliuringe ; mais celui qui fe lait en Suiffe a l’avantage d’être parfaitement blanc, en criftaux allez gros 6c très beaux.
Par les expériences de M. Wiegleb fur le fel oxalin , ilparoît que ce fel eft exactement un pur acide végétal, & que cet acide a une très grande affinité avec la terre calcaire. Le même Auteur s’eft convaincu que Tacide du fel d’ofeille pouvoit décompofer le nitre & le fel marin ; ôc que néanmoins cet acide n’eft proprement, ni de l’acide nitreux , ni de l’acide marin , ni de l’acide vitriolique. Extrait du Journal de Phyfiquc , Supplément au mois de Juillet 178Z.
des Minéraux'.
forme propre d’acide aérien, & la matière qui refte après cette réparation , eft une terre alkaline qui a les mêmes propriétés que l’ai— kali fixe végétal : la preuve évidente que l’a¬ cide aérien eft le principe falin de l’acide du tarrre, c’eft qu’en effayant de le recueillir, il tait explofion & brife les vaitTeaux.
Le Tel de tartre n’attaque pas les matières vitreufes, & néanmoins il iè combine & forme un fel avec la terre de l’alun, autre preuve que cette terre qui fert de bafe à l’alun, n’eft pas une terre vitreufe pure , mais mélangée de parties alkalines, calcaires ou limoneuies; car l’acide du tartre agit avec une grande puif- fance fur les fubftances calcaires , & il s’unit avec effervefcence à Palkali fixe végétal; ils forment enfemble un fel auquel les Chimiftes ont donné le nom de fel végétal, il s’unit de même & fait effervefcence avec l’alkali mi¬ néral, & ils donnent enfemble un autre fel connu fous je nom de fel de feignette ; ces deux fels font au fond de la même effence, & ng diffèrent pas plus l’un de l’autre que l’alkali végétal diffère de l’alkali minéral , qui , comme nous l’avons dit , font eflentiellement les mêmes. Nous ne fuivrons pas plus loin les Combinaifons de la crème de tartre , & nous obferverons feulement qu’elle n’agif point du tout fur les huiles.
Au refte , le fel du tartre eft l’un des moins folubles dans l’eau, il faut qu’elle foir bouil¬ lante , & en quantité vingt fois plus grande que celle du fel pour qu’elle puiffe le dif- foudre.
Les vins rougçs donnent du tartre plus ou
5. 5 ^ Hijloire naturellt
moins rouge , & les vins blancs du tartre grisâtre, & plus ou moins blanc; leur faveur eft à-peu-près la même & d’un goût aigrelet plutôt qu’acide.
Le fucre dont la faveur eft f: agréable , eft néanmoins un fel efientiel que l’on peut tirer en plus ou moins grande quantité de plufieurs végétaux; il eft l’un des plus difi'olubles dans l’eau, & l’orfqu’on le fait criftallifer avec précaution , il donne de beaux criftaux ; e’cft ce fucre purifié que nous appelons fucre candi. Le principe acide de ce fel, eft encore évi¬ demment l’acide aérien ; car le fucre étant diffous dans l’eau pure , fermente , & cet acide s’en dégage en partie par une évapora¬ tion fpiritueufe ; le refte demeure fortement uni avec l’huile & la terre mucilagineufe , qui donnent à ce fel fa faveur douce & agréa¬ ble. M. Bergman a obtenu un acide très puif- lant en contenant le fucre avec une grande quantité d’acide nitreux; mais cet acide corn- pofé ne doit point être regardé comme l’acide principe du lucre, puifqu’il eft formé parle moyen d’un autre acide qui en eft très diffé¬ rent ; & quoique les propriétés de l’acide ni* treux & de cet acide faccharin ne fotent pas les mêmes, on ne doit pas en conclure avec ce favant Chimifte , que ce même acide fac¬ charin n’ait rien emprunté de l’acide nitreux qu’on eft obligé d’employer pour le former.
Les propriétés les mieux conftatées & les plus évidentes des acides animaux , font les mêmes que celles des végétaux , & démontrent fuffifamment que le principe falin eft le même dans les uns & les autres , c’eft également
l'acide
des Minéraux. 2.57
Pàcide aérien différemment modifié par la vé¬ gétation ou par l’organifation animale, d’au- tànt que l’on retire cet acide de plufieurs plan¬ tes aufli-bien que des animaux : les fourmis & la moutarde fourniffent le même acide & en grande quantité ; cet acide eft certainement aérien , car il eft très volatil , & fi l’on met en diftillation une maffc de fourmis fraîches & qui n’aura pas eu le temps de fermenter, une grande partie de l’acide animal, s’en dé¬ gage & fe volatilife fous fa propre forme d’air fixe ou d’acide aérien ; & cet acide recueilli & féparé de l’eau avec laquelle il a paffédans la diftillation , a les' mêmes propriétés à-peu- près que l’acide du vinaigre : il le combine de même avec les alkalis fixes; & forme des fels qui, par l’odeur urineufe , décèlent leur ori¬ gine animale.
Les Chimiftes récens ont donné le nom d 'acide phofphcrique à l’acide qu’ils ont tiré , non-feulement de l’urine & des excrémens , mais même des os & des autres parties fo¬ ndes des animaux; mais il en eft à-peu-près- de cet acide pholphorique des os, comme de Lacide du fuere, parce qu’on ne peut obtenir le premier' que par le moyen de l’acide vi- triolique , & le fécond par celui dé l’acide nitreux , ce qui produit des acides compofés , qui ne font plus les vrais acides du fucre & des os; lefquels conftdérés en eux-mêmes & dans leur fimplicité fe réduiront également à la forme d’acide aérien; &, s’il eft vrai, comme le dit M, Prouft (f>), qu’on ait trouvé dé l’acide
«■“ - — — ■ - -
(b) Journal de Pliyfique , Février 17S 1 , pagos 145 &■ fuiv . Minéraux . Tome J JL Y-
258 Hijl'oire naturelle
phofphorique dans des mines de plomb blàrt^ ches , on ne pourra guère douter qu’il ne puiffe: tirer en partie Ton origine de l’acide vitrio- Il que.
Un de nos habiles Chimiftes (c) s’eft atta¬ ché à prouver par plufieurs expériences , con¬ tre les alertions d’un autre habile Chimirte », que l’acide phofphorique eit tout formé dan?.
(c) M. Brongniard, démonflrateur en Chimie anx éco~ lés du jardin du Roi. Il a fait fur ce fujèt un grand nom* bre d'expériences par lefquelles il a reconnu que l’acide- phofphorifique eR produit par une modification de l’acidè aérien , qui s’en dégage en quantité confidérable , dans la décompofition de l’acit’e. phofphorique, & même dans fa concentration : fi on fait brûler du phofphore en vaif- fcaux c’os, on obtient une très-grande quantité d’air fixe ou acide aérien, & en même temps l’acide phofphorique coule le long des parois des récipiens ;.ce même acide» fournis enfuite à l’a&ion du .feu dans une cornue de verre , donne des vapeurs abondantes & pxefque incoërcibles; (i au lieu de faire brûler ainfi le phofphore , on l’expofe feulement à l’aflion de l’dir dans une atmofphère tempérée & humide, le phofphore fe décompofe en brûlant pref- que infenfifelement, il donne une. flamme très légère, & laiife échapper une très grande quantité d’dir fixe ; on peut s’en convaincre en imbibant un linge d’une folution alkaline caufi ique ; au bout d'un certain laps de temps, ralkali efl faturé d’acide aérien & criflallifé très .parfaite¬ ment : ces expériences prouvent d’une manière convain¬ cante , que l’ack'ephofphoriqne eft le réfultat d’une modi¬ fication particulière de l’acide aérien , qui ne peut avoir lieu qu’au moyen de- la végétation & de l’animalifation.
des Minéraux : 259
Iîs animaux, & qu’il n’eft point le produit du feu ou de la fermentation ( d ); cela fe peut & je ferois même très porté à le croire pourvu que l’on convienne que cet acide phofphori- que, tout formé dans les animaux ou dans les' excrémens, n’eft pas abfolument le meme que celui qu’on en tire en employant l’acide vitriolique, dont la combinailon ne peut que l’altérer & l'éloigner d’autant plus de fa forme originelle d’acide aérien , que le travail de l’organifation fuffit pour le convertir en acide phofphorique , tel qu’on le retire de l’urine, fans le fecours de l’acide vitriolique ni d’aucun autre acide.
(d) Journal de Fliyfique, Mars 1781 , pages 2^4 G» Juivantts,
Hifloire naturelle
a6o
A L K A L I S
ET LEURS COMBINAISONS;.
D E la même manière qu’on doit réduire- tous les acides au feul acide aérien* on peut suffi lui ramener les alkalis, en les réduifant tous à l'alkali minéral ou marin; c’eft même le feul fel que la Nature nous préfente dansv un état libre &. non neutrallfé ; on connoît cet alkali fous le nom de natron, il fe forme con¬ tre les murs des- édifices , ou fur la terre les eaux dans les climats chauds ; on m’en a envoyé de Sue^y. des morceaux aflez gros & allez purs; cependant il eft ordinairement mêlé de terre calcaire ..(a) :.ce. fel auquel on a»
(a) Le natron qui nous vient d’Egypte fe tire de deux\ lacs, l’un voilin du Caire, & l’autre à quelque diftance d’Alexandrie; ces lacs font fecs pendant .neuf mois de l’année, & fe remplillent en hiver d’une eau qui découle des éminences voifines ; cette eau faline n’eft pas limpide, mais trouble & rougeâtre; les premières chaleurs du prin¬ temps la font évaporer, & le natron fe forme fur le fol du lac d’où on le tire en morceaux folides & grisâtres » qui deviennent plus blancs en les expofant à l’air pour les laiffer s’égouter : on a donné le nom de fel mural au natron qui fe forme contre les vieux murs ; il efi ordr nairement mêlé d’une grande quantité defubftance calcaire, h dans cet état, il.eft neutraùfé.,.
des Minéraux ; iS'r
’dbnné le nom d 'alkali minéral , pourroir ,, comme le nitre , être placé . dans le règne vé¬ gétal puilqu’il eft de la- même nature que l’alkali qu’on tire de plufteurs plantes qui croiffent dans les terres voifmes de la. mer;, & que d’ailleurs il paroît fe former par le con¬ cours de l’acide aérien , & à- peu- près comme le falpêtre ; mais celui-ci ne fe préfente nulle part en maiTe ni même en morceaux folides, au lieu que le natron, foit qu’il fe forme fur la terre ou fur l’eau , devient compaèt & même, allez folide ( b ).
Les Anciens ont parlé du natron fous le nom de nitre fur quoi le P,. Hardouin fe
(b ) Granger, dans fon Voyage en- Egypte , parle de plaines fablonneufes & d’ùn lac ou- fe -forme le natron : >*• Le fel du lac , dit-il , étoit congelé fur. la furface des eaux, & aile?, épais pour y palier avec- nos chameaux. . . Le lac s'emplit des eaux des pluies qui commencent en Décembre & Unifient en Février ; . ces eaux y dépofent les fels dont elles fe font chargées fur les montagnes & dans - les plaines fablonneufes, après quor elles fe filtrent à tra¬ vers une terre grade Sc argilleufe , vont par des canaux fo'uterrains aboutir à plufieurs puits dont l’eau efl bonne «à boire-: on voit aux environs de ce; lac des bceufs fauvages , des gazelles, & c.
Outre le natron qu’on tire fond dé ce lac , en mor¬ ceaux de douze & quinze livres , avec une barre de fer , on y trouve de cinq autres efpèccs^dé fel ; tous ces fels font bientôt' remplacés par de nouveaux fels que les pluies y apportent : on jette, dans les creux d’où on le tire, des plantes sèches * des os, des guenilles, , ce qui. a donné
l6î Hifloire naturelle
trompe, lorfqu’il dit (c), que le n'urum de Pline eft exactement la même chofe que notrt falpêtre : car il eft clair que Pline , fous le nom de riitre, parle du natron , qui Ce forme, dit- il, dans l’eau de certains lacs d’Égypte , vers Memphis & Naucrads , & qui a le propriété qu’il lui attribue de conferver les corps; à fa caufticité , augmentée par la tarification qu’en faifoient dès-lors les Égyptiens en y mêlant de la chaux (d)-, on le reconnoît évidemment pour l’alkali minéral ou natron, bien différent du vrai nitre ou falpêtre.
On emploie le natron dans le Levant aux mêmes uiages que nous employons la foude & ces deux alkalis font en effet de même na¬ ture ; nous tirions autrefois du natron d’A'-- lexandrie , où s’en fait le commerce (e); &
lieu de croire à plufienrs- 'personnes que ces fortes de chofas étoicnt changées en fel par la vertu des eaux du lacq mais cela n’eft pas vrai.
Le natron appartient au Grand-Seigneur ; le Pacha du Caire le donne à ferme , &: c’eft ordinairement le pl'K* pui fiant des Beys qui le prerrd , & qui en donne quinze mille quintaux au- Grand-Seigneur ; il n’y a que les habi¬ tant de la dépendance de Terrauée, qui foient employés à pêcher & à tranfporter le natron , qui eft gardé par dix foldats- & vingt Arabes affidés ». Voyagea- en Egypte
£,aris ; 1745 » Paies i67 & Juiv‘
( c ) Quarunte-fixième fcâion , cliap. x du trente- unième
livre.
(rf) Voye\ Pline à l’endroit cité.
(£] A deux journées du Caire eft le lac de natron; Itv
dès Minéraux. 26 f
frce fel aTkalin étoit moins cher que le fel de1 foude auquel il peut fuppléer, & que nous rirons airliï de l’Étranger, il ne faudroit pas abandonner ce commerce qui parole languir..
vaiiïeaux du Havre & des Sablés-d’Olonne , en' viennent charger à Alexandrie pour Rouen parce qu’on s’en fert en Normandie pour blanchir les toiles , ce qui les- brûle : les Egyptiens s’en fervent au lieu de levain , c’efl pour¬ quoi ils ont tous les bourfes grades fans être incommo¬ dés ; bûcreté , on plutôt la qualité mordante de cette pierre eR fi grande , que fi l’on en met dans un pot ou il y ait dë la viande, elle la- fait cuire & la rend tendre;- fi l’on jette dans ce lac un animal mort, & même un arbre, il devient nntron & fe pttfi-Ee ; ce qui a été fort bien décrit par Ovide-, & peu entendu de ceux qui n’ont point vu ces merveilles de la Nature , lorfqu’il a dit que quelques corps ont été changés en pierres par les Dieux qui en ont eu.compafEbn. Voyages de la Eoulaye le Gouti Paris 1657 , page 3C3_ . . . ^ » Le: lac du natron ,, éloigné de dix lieues du. monaRère Dir Syadet , ou de Notre- Dame, paraît comme un grand étang. glacé, fur la glace duquel il ferait tombé un* peu de neige. Ce lac elf divifé en deux, le plus feptentrional fe fait par une eau qui fourdit de delTous terre fans qu’ôn remarque le lieu, & le méridional fe_ fait par une grade fource qui bouil¬ lonne ; il y a bien de l’eau de la hauteur du genou qui fort de la terre , & qui auffitôt fe- congèle. . . Et géné¬ ralement le natron fe fait & parfait en un an par cette eau qui eR- rougeâtre 7 an deffus il y a un fel rouge de Eépaifleur de fix doigts, puis un natron noir dont on fe fert pour la leflive, & enfin eR le natron qui eR p: efcjue comme le premier fel , mais plus folide ; an-deffus il y_ a
2^4 Hijto'ire naturelle
La plupart des propriétés de cet alkali mi^ néral , (ont les mêmes que celle de l’alkali fixe végétal & iis ne diffèrent entr’eux que-’ par quelques effets- (/) , qu’-on peut attribuer
une fontaine douce. ... De ce lac on va à un autre lac,, où fe voit, vers le temps de la Pentecôte, du fel qui fe forme en pyramides, & qu’on appelle pour cela fd pyra~ midal ». Voyages de Thévcnof, Paris, 1664, tome J • P&ges 487 & fuiv.
( f ) L’alkali fixe minéral qu’on fuppofe ici dans fon pins' grand degré de pureté , . diffère de l’aikali fixe végétal , i°. en ce quil attire moins l’humidité de l’air, & qu’il ne fe réfoiu point en liqueur , comme le fa:t l’alkali fixe végétal :
20. Lorfqu’il eft' diffous dans l’eau , fi l’on traite cette diffolution par évaporation & refroidiffemenr , i’alkali mr- néral fe coagule en critlaux , précifément comme le font lés fcls neutres ; en quoi il diffère du fel alkali fixe ordinaire ou végétal, qui, lorfqu’il eft bien calciné, eft très dé‘Ii~- quefcent, & ne fe criftallifc que lorfqu’il eft uni avec beaucoup de ga{ méphitique :
3°. L’alkali fixe minéral diffous par la fufion, convertir en verre toutes les terres comme l’alkali végétal j mais on a obfervé que toutes chofes égales d’ailleurs , il vitrifie mieux , & qu’il forme des verres plus folides & plus durables ....
4°. Avec l’acidé vitriolique, l’alkali minéral forme un fel neutre criftallifé , nommé /cl de Glaubcr ; mais ce fel diffère beaucoup -du tartre vitriolé, parla figure de fes cri (faux , qui font d’ailleurs beaucoup plus gros ; par la quantité d'eau beaucoup plus grande qu’il retient dans
à
des Minéraux*
t l’union plus intime de la bafe terreufe dans l’alkali minéral que dans l’alkali végétal, mais tous deux l'ont eflentiellement de la même nature.
C’eft de la cendre des plantes qui contien¬ nent du fel marin que l’on obtient l’alkili fixe végétal en grande quantité; & quoique tiré des végétaux , il eft le même que l’alkali minéral ou marin; la différence de leurs effets n'ell bien fenfibie que fur les acides végétaux & fur les huiles dont ils font des fels de dif¬ férentes lottes, (Si des favons plus ou moins fermes.
On obtient donc par la combuftion & l’inci¬ nération des plantes qui croifîent près de la mer, & qui par conléquent font imprégnées
fa criftallifation , par fa didblubilité dans l’eau qui eft beaucoup plus confidérable ; enfin par le peu d’adhérence qu’il a avec l’eau de fa criftallifation : cette propriété eft telle que le fel de Glauber , expofé à l’air , y perd l’eau de fa criftallifation , ainfi que fa tranfparence & fa forme , & s’y change en une pouflière blanche comme l’alkaii minéral. Comme l'acide eft le même dans le tartre vitriolé & dans le fel de Glauber , il eft clair que les différences qui fe Trouvent entre ces deux fels, ne peuvent venir que de la nature de leurs bafes alkalines : toutes les propriétés qui diftinguent le fel de Glauber du tartre vitriolé , doi¬ vent donc être regardées comme des différences entre 1 alkali végétal & le minéral ; il en eft de même de toutes les combinaifons de ce dernier acide avec les autres acides :
Minéraux . Tome IJ J,
Z
'xC6 Hiftaire naturelle
de fel marin ; on obtient, dis-je; eh grande quantité l’alkali minéral ou marin, qui porte le nom de foude , & qu’on emploie dans plu- fieurs arts & métiers.
On diftingue dans le commerce deux fortes de loudes : la première qui provient de la com- buftion des alkalis & autres plantes terreftres qui croifTent dans les climats chauds & dans les terres voifines de la mer; la fécondé qu’on fe procure de même par la combuftion & la réduétion en cendres des fucus , des algues & des autres plantes qui croiflent dans la mer même , & néanmoins la première foude con¬ tient beaucoup plus d’alkali marin que la fé¬ condé , & ce lel alkali ell , comme nous l’a¬ vons dit , le même que le natron : ainfi , la
5°. Avec l’acide nitreux , I’alkali minéral forme une efpèce particulière de nitre , fufceptible de détonation & de criftallifation ; mais il diffère du nitre ordinaire ou à bafe d’alkali végétal , par la figure de fes criftaux , qui au lieu d’être en longues aiguilles, font formés en foüdes à ftx faces rhomboïdales , c’eff-à-dire , dont deux angles, font aigus & deux obtus ; cette figure qui approche de la cubique , a fait donner à ce fel le nom de nitre cubique OU de nitre quadrangulaire ; elle eft due à l’alkali marin.
6°. Avec l’acide marin , l’alkali minéral forme le fel commun qui fe criftallife en cubes parfaits , & qui diffère du fel neutre .formé par le même acide uni à l’alkali végétal , fingulièrement par fa faveur qui eff infiniment plus agréable. Dia onnatre de Chimie, par M. Macquei* article Alkali minéral.
des Minéraux . ■Q.6j
Nature fait former ce fel encore mieux que l'art ; car nos foudes ne font jamais pures, elles font toujours mêlées de plufieurs autres fels, & fur-tout de fel marin; fouvent elles % contiennent auffi des parties ferrugineufes & des autres matières terreufes qui ne font point falines.
C’eft par fon alkali fixe que la foude produit tous fes effets; ce fel fert de fondant dans les verreries & de détergent dans les blanchiffe- ries; avec les huiles il forme les (avons, &c. Aurefte, on peut employer la foude telle qu’elle eft, fans en tirer le fel, fi l’on ne veut faire que du verre commun; mais il la faut épurer pour faire des verres blancs & des glaces. Le fel marin dont l’alkali de la foude eft prefque toujours mêlé , ne nuit point à la vitrification , parce qu’il eft très fufible , & qu’il ne peut que faciliter la fufion des fables vitreux, & entraîner les impuretés dont fis peuvent être fouillés ; le fiel du verre qui s’é¬ lève au-deffus du verre fondu, n’eft qu’un mélange de ces impuretés & des fels.
L’alkali fixe végétal ou minéral doit éga¬ lement fa formation au travail de la Nature dans la végétation, car on le peut tirer éga¬ lement de tous les végétaux dans lefquels il eft feulement en plus ou moins grande quan¬ tité. Ce fel végétal, lorfqu’il eft pur, fe pré¬ fente fous la forme d’une poudre blanche , mais non criftallifée; fa faveur eft fi violente & fi cauftique, qu’il brûleroit & cautëriferoit la langue fi on le goûtoit fans le délayer au¬ paravant dans une grande quantité d’eau; U
i68 WJiolre naturelle
attire l’humidité de l’air en fi grande abon¬ dance qu’il fe refont en eau : cet al ka Li qu’on appelle fixe , He l’eft néanmoins qu’à un feu très modéré, car il fe volatilife à un feu vio¬ lent , & cela prouve afîez que la chaleur peut le convertir en alkali volatil , & que tous deux font au fond de la même effence ; l’alkali fixe a plus de puiflànce que les autres fels pour vitrifier les fubftances terreules ou métalli¬ ques, il les fait fondre & les convertit pref- que toutes en verre folide &i tranfparent.
Les cendres de nos foyers contiennent de l’alkali fixe végétal, & c’eft par ce fel qu’elles nettoyent & détergent le linge par la leflive; cet alkali que fournilient les cendres des vé¬ gétaux eft fort impur, cependant on en fait beaucoup dans les pays où le bois eft abon¬ dant; on le connoît dans les arts , fous le nom de potajfe , & quoiqu’impur il eft d’un grand ufage dans les verreries, dans la tein¬ ture & dans la fabrication du falpétre.
C’eft fans fondement qu’un de nos Chimiftes a prétendu que le tartre ne contient point d’alkali (g) , cette opinion a été bien réfu¬ tée par M. Bernard; l’alkali fixe fe trouve tout formé dans les végétaux , & le tartre, qui n’eft qu’un de leurs réfidus , ne peut manquer d’en contenir; & d’ailleurs la lie de vin brû¬ lée & réduite en cendres, fournit une grande
(g) Voye\ le Journal de Pliyfique, Mars 1781 » Me- moire fur l’alkuli fue.
des Mincrau&l 2
quantité d’Iakali auffibon, & même plus pur que celui de la foude. .
C’eft par la combinaifon de l’acide marin avec l’alkali minéral , que s’eft formé le fel marin ou fel commun dont nous faifons un fi grand ufage;il fe trouve nort-feulement dtf- fous dans l’eau de toutes les mers & de plu- fieurs fontaines , mais il fe préfente encore en maffes folides & en très grands amas dans le fein de la terre ; & quoique l’acide de ce fel , c’eft-à-dire , l’acide marin , provienne originairement de l’acide aérien , comme tous les autres acides, il a des propriétés parti¬ culières qui l’en diftinguent ; il eft plus foible que les acides Yitrioliques & nitreux , on l’a regardé comme le troisième dans 1 ordre des acides minéraux; cette diftin&ion eft fon- dée fur la différence de leurs effets ; 1 acide marin eft moins puiffant , moins adlif que les deux premiers, parce qu’il contient moins d’air & de feu , & d’ailleurs , il acquiert des propriétés particulières par fon union avec l’alkali ; & s’il étoit poffible de le dépouiller & de le féparer en entier de cette bafe alka- line , peut-être reprendroit - il les qualités de l’acide vitriolique ou de l’acide aérien » qui, comme nous l’avons dit, elt 1 acide primitif dont la forme ne varie que par les différentes combinaifons qu’il fubit ou qu’il a fubies en s’uniffant à d’autres fubl-
L’acide marin diffère de 1 acide vitriolique en ce qu’il eft plus léger, plus volatil , qu’il a de l’odeur , de la couleur , & qu’il produit ' l 3
2^0 Hijloire naturelle
des vapeurs ; toutes ces qualités femblent in¬ diquer qu’il contient une bonne quantité d’a¬ cide aérien provenant du détriment des corps organifés; il diffère de l’acide nitreux par fa couleur, qui eft d’un jaune mêlé de rouge, par fes vapeurs qui font blanches, par l'on odeur qui tire fur celle du fafran , & parce qu’il a moins d’affinité avec les terres abfor- bantes & les fels alkalis ; enfin cet acide marin n’eft pas fufceptible d’un auffi grand degré de concentration que les acides vitriolique & nitreux, à caufe de fa volatilité qui efl beau¬ coup plus grande (h).
Au relie , comme i’alkali minéral ou marin & l’alkali fixe végétal font de la même na¬ ture, & qu’ils lont prefque univerfeilement répan lus , on ne peut guère douter que l’al¬ kali ne fe f®it formé dès les premiers temps, après la nailfance des végétaux , par la com- binaifon de l’acide primitif aérien avec les détrimens des fubftances animales ôt végé¬ tales : il en efl de meme de l’acide marin , qui fe trouve combiné dans des matières de toute efpèce; car indépendamment du fel commun dont il fait l’eflènce avec l’alkali minéral , il fe combine auffi avec les alkalis végétaux & animaux fixes ou volatils , & il fe trouve dan* les fubftances calcaires, dans les ma¬ tières nitreufes , & même dans quelques fubf-.
( h ) Dictionnaire de Chimie , par M. Macquer , article Acide marin.
des Minéraux'. 'lüjx
tances métalliques , comme dans la mine à' argent cornée ; enfin il forme le fel ammoniac loriqu’il s’unit avec l’alkali volatil par fubli- xnarion dans le feu des volcans.
L’alkali minéral & l’alkali végétal, qui font au fond les mêmes , font auffi tous deux fixes ; le premier fe trouve prelque pur dans le na- tron, & le fécond le tire plus abondamment des cendres du tartre que de toute autre ma¬ tière végétale; on leur donne la dénomination d 'alkalis caufliques , lorfqu’ils prennent en effet une plus grande caufticité par l’addition de l’acide aérien contenu dans les chaux terreufes ou métalliques; par cette union ces alkalis commencent à le rapprocher de la nature de l’acide : l’alkali volatil appartient plus aux animaux qu’aux végétaux, & lorlqu’il eft de même imprégné de l’acide aérien, il ne peut plus fe criftallifer, ni même prendre une forme folide, & dans eet état on l’a nommé alkali fluor.
L’acide phofphorique paroît être l’acide le plus aéfif qu’on puiffe tirer des animaux ; fi l’on combine cet acide des animaux avec l’al¬ kali volatil , qui eft auffi leur alkali le plus exalté, il en réfulte un fel auquel les Chimif- tes récens ont donné le nom de fel microcof- mique , & dont M. Bergman a cru devoir faire ufage dans prefque toutes fes analyfes chimiques :ce fel eft en même temps ammonia¬ cal & phofphorique , & lorsque l’acide du phof- phore le trouve combiné avec une fubftance ca caire , comme dans les os des animaux , il lemble que les piopriétés falines dilparoif-.
Vji, Hijloire naturelle , &<K
fent; car ce Tel phofphorique à bafe calcaire n’a plus aucune laveur fenfible : la fubftance calcaire des es fait fur l’acide phofphorique le même effet que la craie fur l’acide vario¬ lique ; cet acide animal , & l’acide végétal acéteux ou tartureux , contiennent fenfiblement beaucoup de cet air fixe ouacide aérien, duquel ils tirent leur origine.
Fin du tro'iji'eme Volume.
H6rt«.i9î5
OOOOOÛOOOOOOOO^OOOO TABLE DES TITRES
Contenus dans ce "Volume.
Du Bitume. |
Page 5 |
De la Pyrite martiale. |
45 |
Des Matières volcaniques. |
55 |
Du Soufre. |
121 |
Des Sels. |
163 |
Acide vitriolique & Vitriols. |
I90 |
Liqueur des cailloux . |
212 |
Alun, |
217 |
Autres Combinaifons de l’acide vitrioliqi |
te. 237 |
Acide des Végétaux & des Animaux. |
251 |
Alkalis & leurs Combinaifons. |
16c |
Fin de la Table.
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