PTE Von au NN Na nn na Ve LA Re R 20 Le LAS ne AT Va È on an on Lo © RE D To or me Pen LR 2 fm Vo En on Sp md ve 4. nd on Ve on. eo 2. tn, nm om eh Lu Ne or ro om mo ee, D Dh Ph D = GP 2 oo oo Vo Mn oo des à Un 2 PR To D op Poste. PR RE) on on £ Fa Er dE PUS A ÉLSTR d j Librup of tbe Museum COMPARATIVE ZOOLOGY, AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. Pounded bp private subscription, in 1861. LISA EOSA REP ETERS DR. L. De KONINCKS LIBRARY. nor ŒArE CEA Ni PA Te de CS A CCR À l. | M A CE + Pas J à du MEL , 47 N. | f L L sn) Eee PP X DONS AA LAEA UE A VA A Jr US: AIT PR ES di HISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIERE. DES MOLLÜSQUES. TOME TROISIÈME. O N S OU S C FUT À DAMIS, DurarT, Imprimeur-Libraire et éditeur, rue des Noyers, N° 22; CrrEz BERTRAND, Libraire, quai des Augustins, N° 55: À R'OU EN, Chez Vazrée , frères, Libraires , rue Beffroi , N° 22. A STRASBOURG, Chez LEevrAauzr, frères, Imprimeurs-Libraires. A LIMOGES, Chez Barcras, Libraire. A MONTPELLIER, Chez Virpaz, Libraire. Et chez les principaux Libraires de l’Europe. HISTOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE DES MOLLUSQUES, (ANIMAUX SANS VERTÈBRES ET A SANG BLANC. Ouvrace faisant suite à l'Histoire Naturelle générale et particulière, composée par LecrEerc »nE Burron, et rédigée par C. S. SonNNin1, membre de plusieurs Sociétés savantes. PAR DENYS-MONTFORT. TOME TROISIEME. Jo Le SR PA MU AURUL 6 DE L'IMPRIMERIE DE F. DUFART, PE VA M AU MR EU CNRS A AU va VHAUE A LG “ai HUE RENE 12 Pen: Monfort del LE POULPE FRAIZE J'arné aubin HISTOIRE NATURELLE DETIMOLLUSOUES. ——— SUITE DE L'HISTOIRE DES POULPES. LE POULPE FRAISÉ (r). L'ursrorre des poulpes monstrueux mous conduisit jusques à la fin du volume qui précède; quittant ces masses animées, nous rentrerons maintenant dans des formes moins étranges et bien plus rapprochées de tous les autres êtres que la Nature a placés autour de nous; car, fidèles à la marche qu’elle-même semble avoir voulu nous tra- cer, nous placerons toujours, au centre des masses qui forment l’ensemble de ses genres, les plus grands animaux de ces mêmes (1) Poulpe granuleux, ocfopus sranulatus. Octopus carpore tuberculis sparsis granulato , cotytedonibus crebris bisertalibus. Lamarck , Mem. de la soc. d’hist: nat. de Paris ,an 7, pag. 20. Polypus marinus , seu octopus karakatizsa. Jos. Theoph. Koælreuter , nov. Comin. acad. Petropol. tom. VE, pag. 327, planch: x. A 3 6 ‘HISTOIRE genres; ceux dans lesquels elle paroît avoir voulu développer toute la richesse d’une organisation, au complément de laquelle cette Nature n’arrive enfin que pas à pas et par des agrégations insensibles, pour at- teindre ensuite, par des dégradations aussi suivies, à des êtres d’auires genres et d’au- trés espèces, au milieu desquels elle refond de nouveau ses nuances et fait rejaillir avec des moyens neufs et une puissance nou- velle son immensité et sa plénitude. Il nous reste encore quelques poulpes à décrire; il paroît qu'aucun d’eux n’acquiert plus ces dimensions immenses et colossales que nous n'avons pu voir sans le plus grand étonne- ment, et qu'on seroit tenté de révoquer en doute, si leur existence n’étoit actuellement bien démontrée. Si ceux dont nous allons parler parviennent, après de longues années et l'existence la plus prolongée , à une gran- deur encore considérable, ils ne s’écartent point , autant que le poulpe colossal et le poulpe kraken, des bornes que lanimalité ne paroît jusqu'ici n'avoir franchies que pour eux seuls sur notre globe. Le poulpe fraisé est peut-être l’un des plus curieux de tous ses congénères; ses formes élancées, la petitesse de son corps, D HS} EMO'ULPIE S. 7 comparée avec l'épanouissement de la mem- brane qui joint les bras à leur base, et qui présente au moins le double de la longueur de ce corps; ses bras alongés, éminemment flexibles, lians et tortueux, se prolongeant par un effilement très-prononcé dans toute leur longueur, et plus que tout cela des appendices coriacées, musculeuses, extraor- dinaires sur le dos ei autour des yeux: Tous ces caractères concourent à faire une espèce très-particulière du poulpe fraisé, qui, lorsqu'on l’examine de près, ne peut plus être confondu avec aucun autre ani- mal de son genre. Celui que j'ai dessiné et que je présente ici aux yeux du lecteur sous deux points de vue. différens, fait partie de la magnifique colléction des objets d'histoire naturelle que renferment les ga- leries du jardin des Plantes à Paris. Déjà Lamarck en avoit fait une espèce séparée (1); (1) « Ce poulpe a de si grands rapports avec le pré- cédent (le poulpe commun), que peut-être n’en est-il qu’une variété. Il paroît néanmoins qu’il ne devient pas aussi grand ; et comme sa peau est toute chagrinée ou granuleuse , ce caractère, s’il est constant, suflit amplement pour distinguer le poulpe granuleux du poulpe commun.... » Les deux individus de ce poulpe que j’ai ebservés À 4 8 HISTOIRE mais on voit, par l’indication qu’il en donne ; qu'il s’est contenté de l’examiner de la ma- nière la plus rapide; elle l’entraîna dans des dans la collection du museum, sont plus grands que le sepia rugosa de Bosc; ils paroissent , maloré cela , appartenir à la méme espèce ; car leur conformation est à peu près la même que celle de ce sepia rugosa ; et ce sepia, de Bosc , au lieu d’être réellement ridé ; comme l’exprime son nom spécifique ; a seulement, comme mon poulpe granuleux, le corps chagriné on parsemé de grains ou de tubercules. C’est en effet ce qu’on peut voir en consultant les figures et la des- cription que Bosc a données de ce mollusque. Le carac= tère, emprunté de la considération du rapprochement des suçoirs, me paroît peu tranchant , mal circonscrit, et par conséquent de peu d’importance. Les: suçoirs néanmoins sont un peu plus rapprochés les uns..des autres dans le poulpe commun. Bosc dit que son sepia rugosa Vient des mers voisines du Sénégal , et il préc sume que ce pourroit être l’ espèce rouge et musqnée dont on dit que les chinoïs retirent l’encre de la Chine. (Lamarck, Mém. de la société d’hist. nat. de Paris, pag. 20. )» Nous rémarquerons ici que, dans cette même page, Lamarck indique pour synonymie de son poulpe granüleux le sepia rugosa de Bosc ( Act. soc. hist. nat. pag. 24, planch: Ÿ , fig. r et 2); mais nous allons prouver que le poulpe que nous décrivons, ét qui est le même que celui dont a parlé Lamarck, n’est pas du tout la sèche rugueuse de Bosc , mais forme au contraire une espèce distincte et séparée. DES: P'O UTLPES. Q erreurs que l'amour seul de la vérité peut nous engager à relever; c’est en répétant ici de nouveau que nous devons tout à ce savant célèbre, et que c’est lui qui veut bien mettre à notre disposition les objets soumis à nos observalions ; complaisance qui seule pouvoit nous permettre d'ajouter quelque chose à ce que déjà il a écrit, et parvenir à joindre quelques nouveaux faits à ceux qu'il publia, que nous nous per- mettrons de n'être pas constamment d’un même avis que le sien. | Non seulement les bras du poulpe fraisé sont infimiment plus lonss et plus effilés que ceux de tout autre poulpe, mais son corps et sa tête sont encore armés d’appendices musculaires et charnues très-remarquables : on voit sur son dos trois prolongemens dis- posés en triangle, dont l’un remonte vers le haut, et les deux autres se rabaïitent sur les flancs; j'ignore quel est l'usage auquel ils sont destinés chez cet animal ; mais toutes les observations que j'ai pu faire ne m’y ont pas fait reconnoitre de cupules, ni rien qui puisse se rapprocher des ventouses, ou en rappeler les formes. Ces prolongemens charnus , un peu aplatis, épais à leur base, Se terminent en pointe aiguë à leur som- ‘10 HISTOIRE | mel, et paroïissent susceptibles de contrac- tion et de dilatation : on pourroit croire que ce sont des membres auxiliaires, des espèces de bras qui, en se joignant aux huit bras qui font le caractère des poulpes, viennent ajouter aux moyens de préhension que ces mollusques mettent en œuvre pour se saisir de leur proie. Ces trois éminences muscu- leuses qui, dans l'individu que nous avons sous les yeux, ont un demi-pouce de lon- gueur, ne sont pas les seules particularités qui nous serviront à distinguer le poulpe fraisé de toutes les autres espèces; d’autres protubérances saillantes, alongées et char- nues nous serviront encore à caractériser ce mollusque ; celles-ci sont placées au des- sus et au dessous des yeux de l'animal; les protubérances supérieures des yeux sont irés-aiguëês, mais courtes, et celles infé- rieurés, encore plus longues que les émi- nences dorsales, se projettent.en dehors par une courbure très-prononcée : réunissant celles des yeux avec celles du dos, nous verrons que ce mollusque est armé de sept éminences ou appendices musculeuses et charnues; caractère saillant et remarquable qui, en l’isolant des autres poulpes, en cons- tue l’espèce au milieu des autres familles D ES: POUTLIPES. 11 de son genre. J’ai dû, en changeant le nom de ce poulpe, peser sur cette différence, et lui en imposer un qui fit allusion à ces traits caractéristiques, quoique intimement convaincu que le changement de nomen- clature entraîne toujours avec lui plus ou moins de doute et d’obscurité ; j’aurois donc préféré de lui conserver la dénomination que lui donna Lamarck, malgré que, dans sou acception, elle n’indique que le carac- tère de granulosité, commun à presque tous ces mollusques , si cette dénomination elle- même n’avoit été la source des erreurs qui ont conduit ce naturaliste à confondre le poulpe, dont il est ici question, avec celui que Bosc indique sous le nom de sèche gra- nuleuse (1); mais la sèche granuleuse, ou poulpe granuleux, tel que l’a dessiné Bosc, n'offre pas d’appendice ; et quand nous le décrirons, nous y remarquerons encore d’autres différences qui ne nous perfnet- tront plus de confondre ces poulpes sous une seule et même espèce. (1) Sæpia rugosa. Bosc, Actes de la société d’hist. nat. de Paris, tom.T, pag. 24, pl. v. Sèche dune. sepia granulata. Le mème, Hist. nat. des vers , tom. Ï , pag. 47. 2 HISTOIRE Le poulpe fraisé que la planche XX VIH nous représente, vu par derrière, a fait parte de la coilection du prince d'Orange; il est indiqué dans le Catalogue hollandais sous ie nom de poulpe des mers étrangères (1). Il est parfaitement conservé ; et quoique ses bras offrent encore aujourd’hui, dans leur état de contraction, plus de trois pieds d'envergure, le corps égale tout au plus la grosseur d’un œuf; mais la membrane, qui réunit les bras à leur base, est en revanche très-largement épanouie; car dans sa lon- gueur elle offre deux fois celle du corps ; cette membrane est frangée sur les bords, découpée en larges festons; elle se dessine en arête sur le dos des huit bras, sur lesquels on peut la suivre jusqu'aux plus fines extré- nntés ; ces bras sont armés sur leur plat de deux rangs de cupules, disposées dans le mème ordre que celles du poulpe commun, creusées de la niême manière et assez écartées les unes des autres; ces ventouses règnent dans toute la longueur des bras, qui, comme nous l'avons dit, sont très- effilés, et excessivement alongés. Leur base (1) Vremde zee veelvoet, n° 120, vol. XIT, F.Cata- logue manuscrit du stadhouder. DES POULPES. 15 est resserrée en entonnoir , tellement con- tractée qu'il est impossible d’apercevoir les lèvres et le bec; cette forme paroît tenir aux habitudes de l'animal. Sa tête est munie latéralement de deux yeux gros et saillans; ils sont placés dans un orbite, protégés par deux avances charnues , l’une supérieure et l’autre inférieure; une espèce de paupière blanchâtre, épaisse et presque cornée re- monte du bas en haut, recouvre le globe de l'œil, que l'animal peut fermer et rou- vrir à volonté. Indépendamment des aspérités ou tuber- cules grenus dont tout le dos et une partie de la membrane sont revêtus, on doit en- core y remarquer une espèce d’entrelassis eu tissu maillé, légèrement dessiné en écailles, qui se fait apercevoir sur toute la surface du dos, et ces mailles nous aideront tout à l’heure pour reconnoître le poulpe fraisé dans celui que Koœælreuter publia dans les nouveaux Commentaires de l’académie de Pétersbourg, et que Bancks a indiqué dans le Catalogue de sa superbe biblio- thèque : tous deux cependant le confon- dirent avec le poulpe commun. Une partie des individus que le premier de ces auteurs soumit à ses observations, étoient desséchés 14. HAS TOTR'E et bien plus racornis que celui que nous décrivons ; maïs ces appendices si remar- quables s’y faisoient encore apercevoir très- distinctement, et il eût été à desirer que le dessinateur eût eu des veux aussi observa- teurs que létoient ceux de Koœælreuter; car, dans ses figures, 1l les a parfaitement ou- bliées; dans notre poulpe elles sont très- apparentes; elles se déroulent et s'étendent sous les doigts; en les tiraillant on peut même les amener à une certaine longueur. 11 faudroit avoir vu l’ammal en vie pour écider quel est l’usage de ces protubé- rances , et quel est le parti que ce mollusque peut eu retirer ; en supposant même qu’elles ne seroient autre chose que des expansions charnues , elles n’en deviendroient pas moins smgulières, et distingueroiïient abso- lument le poulpe fraisé de tous les autres poulpes. | Ce mollusque paroïît avoir été revêtu des plus belles couleurs ; malgré son état d’affais- sement , de contraction et de décoloration, il a conservé dans l'esprit de vin quelques restes de ces anciennes teintes qui l’embel- lissoient ; il est encore mélangé de jaune, de brun et de rose ; des reflets bleus et vio- lâtres servent d’opposilion à des nuauces DES POULP:ES. 15 plus claires ; le ventre paroît avoir offert la plus belle couleur de rose qui rivalisoit avec le rouge des cupules et le carmin de l’intérieur de la membrane. Plus que tous les autres poulpes, celui que nous décrivons doit être éminemment doué de la faculté prenante : ses bras, toute proportion gardée, ont le double de longueur de ceux du poulpe commun ; plus minces, plus tor- tueux , et par conséquent plus flexibles , ils entourent par plus d’étreintes ce qu’ils vien- nent de saisir ; c’est dans un rets entortillé et inextricable qu'ils enlacent sans retour leur proie et leurs victimes. Encore plus que le poulpe commun, ce mollusque doit saisir plusieurs animaux à la fois; la largeur de sa membrane, sa disposition en cône et sa forte contraction doivent pressurer en tout sens le malheureux animal que son destin fatal a plongé dans ce gouffre toujours béant et avide de carnage ; dès qu'il y est engiouti, une pression active et non interrompue lui arrachera le dernier atome de ses fluides , tandis que ces bras étendus et dans leur plus grand développement recherchent en- core une nouvelle proie qui, bientôt vic- time d’une insatiable voracité, est destinée à subir le même sort à son tour. 16 9 Mi S T,0 LR Koelreuter «est, je crois, le premier qui a indiqué le poulpe dont il est ici question; mais il le confondit avec le poulpe commun. Lamarck le rangea avec un autre -de ces mollusques décrit. par Bosc, parce qu'un travail trop rapide l’empêcha de saisir ses différences caractéristiques ; 11 est cependant probable que déjà il avoit su’ s’attirer les regards de quelqu’autre naturaliste, et qu'il a donné matière à des observations ; car en le retirant du bocal où il baigne dans de l'esprit de vin, on voit qu'il a été fendu par devant, et que quelque anatomiste a voulu considérer ses parties intérieures; en le dessinant avec la plus grande exactitude, Jai profité de cet heureux hasard pour mettre à découvert dans ma xxvurr planche les principaux viscéres et. une partie des organes intérieurs du poulpe fraisé.. Celui que nous avons dessiné paroît être.un mâle : le sac ou manteau, qui venoit. border sur le conduit excrétoire commun, étoit. aussi attaché intérieurement , sans solution de continuité , sur le conduit intestinal, avec lequel il faisoit corps jusqu'aux trois quarts de sa hauteur ; et chez lui, comme dans tous les autres poulpes que nous avons observés , le bord supérieur du manteau n’est Pers Monfforé FL. de: à è è S Ÿ NX È ES S Ne) 2 x À à = © À el FH DES POULPES. 17 west retenu; que par des oreillettes recou- ranles ou: latérales ; sans offrir des salières ou des éartilages qui emboîtent des mame- lonsi, comme nous l'avons vu dans les sèches et dans: les calmars ; ici, tout au contraire, l'intérieur: du sac ou manteau est parfaite ment lisse. Les branchies sont: assez fortes ; mais , au lieu d’être palmées , elles se rou- lent sur.elles-mêmes en forme de cordon+ nets, et Jéur disposition pour le reste est la même que celle des autres mollusques coriacés. Le conduit intestinal est adhérent; il, vient se: rendre dans le conduit excré- toire commun, dont le bord. inférieur est un peu relevé dans la figure que nous: pu- blions, afin d’en laisser paroître l’orifice. : De tous les auteurs qui ont écrit sur les poulpes,: Koœælreuter , comme nous l’avons dit , est le seul qui ait indiqué celui. que nous décrivons , d’une manière positive et de façon à le faire reconnoiïtre. Ce savant, membre de l’académie de Pétersbourg , eut à sa disposition sept individus de notre poulpe fraisé ; cinq d’entre eux avoient été séchés à. Fair, et les parties intérieures en avoient été ‘arrachées : les. deux autres étoient conservés dans de lesprit de vin. Moll. Tous III. : Ms 18 ELLES (TO TRE Pour rendre à ceux déformés par la dessi calion une souplesse qui lui permit de les observer , l’auteur que nous citohs:les plon- gea pendant huit jours entiers dansde l’eau fraiche; par ce moyen il parvint! à ‘déve- -lopper leurs bras et 'à les étendre ‘dans toute leur longueur. Koœælreuter avoue qu'il ne croit cependant point avoir pu leur faire reprendre les dimensions qu'ils avoient pen- dant la vie de l'animal ; mais enfin il attei: gnit, en mesurant le plus long de:ces bras, à la longueur de plus de deux pieds (1); ce qui nous donneroit, dans cet élat de contraction, quatre pieds d'envergure : nous devons supposer que lanimal offroit au moins deux pieds de plus dans son état d'expansion et de:vie. Rien n’égale la pré- cision de l’auteur doit nous suivons le tra- vail , et il le porta même jusqu'aux plus minutieuses particularités; on doit Jui en savoir le plus grand gré , sur-tout quand on considère avec lui que l'histoire des ani- (i) Longitudo pedis longioris. polypi, inter istes sep- tenos maximi ; post sufficientem in aquaimemollitionem erat1 ped. 6 poil. , et a basi pedum ad extremum usque corpus 6. poil. 8 lin, Kœælreuler, nov. Comm. Pet. vol. VII, pag. 327. DÉS POULPES. 19 maux de la mer est encore peu connue (1); et que c’est peut-être un des plus vastes champs qui ait été ouvert aux observations des naturalistes : d’autres considérations éloient aussi venues le stimuler : en donnant une description minutieuse , il espéroit né laisser rien à desirer et éviter l’écueil qu'il rencontroit à chaque pas par les déscrip- tions vagues, et pour ainsi dire seulement / (1) Cum animalium marinorum historia, qualcm nunc habemus , omnium maxime manca , et multi- _tudo corum alqué diversitas tanta sit, quanta terres= érium vix esse poiest ; naturæ scrutatores hanc scientiæ naluralis partèm ullerius et accuratius perficiendi , omnern sua UÉ impendant opera , necesse est. Exiguus valde eorum est numerus , querum inter- nam perspectam habemus séructuram , paucorum ex- terna rile est descripta facies ; et quam plurimorum huc usque desideramus notitiam. Muléorum quidem exstare descriptiones , latendum , et suum cuique auc- tori tribuere fas est , verum Læ ipsæ quoad maximarn partem tam breves sunt,tamque superficiarie confectæ, utin diversum potius trahant ,quam certiores reddané, lectores. Perficiamus igitur ab aliis neglecta , et, quæ restant , incognita , omni cura describamus. | Sedula aquatilium disquisitio eo plus delectamenti et utilitatis nobis afferret , quo major hæc inter et ter- restria obtinéé dissimilitudo. Kælreuter , ubi supra, pag. 328 rats B 2 20 HISTOIRE sommaires ; QUE nous ont laissées presque tous les auteurs ;, ce qui, à tout'instant, peut produire qu'erreur et, confusion. Cependant , le Mémoire dont. nous, par- lons est bien loin de réunir tout .ce : qu'on pourroit exiger. d’un auteur qui, ayant plusieurs individus sous la: main dont il est le maître de disposer, auroit dû: nous don: ner des renseignemens plus positifs sur lor- ganisation intérieure de ces mollusques ; d'autant qu’il avoue iui-mèême qu'il en pos- sédoit deux parfaitement conservés dans de Tesprit de vin, et qu'il pouvoit disséquer avec la plus nul facilité : mais les obli- gatiïons que nous lui avons n’en sont pas moins réelles ; car il a précisé avec beau- coup d’exaciitude les formes extérieures du mollusque , à qui nous venons de donner le nom de poulpe fraisé, d’après les tuber- cules charnus où espèces de pointes avan cées proéminentes qui, disposées en che- vaux de frise, semblent fraiser la tête et le dos de ce moliusque. Ces appeudices ont été reconnues par Kœælreuter (1), et il - (1) Vidi etiam in capite omnium , quos disquisivi, polyporum , unicoian!um , et minimo quidem, excépto, gui us caruit, appendiculas tres cutules ) ANQUSLAS ÿ DES POULPES. 21. seroit possible que leur nombre varia dans quelques individus ; celui que:j'ai sous les yeux, dont j'ai dessiné les formes, ne n’en présente point autant que ceux qui furent examinés par l'académie de Pétersbourg ; car 1l nous dit que chacun des yeux de ce mollusque est garni de trois appendices cu- tanées, en forme de barbes : lune en avant de l'œil , autre au dessus, et la troisième enfin placée dans la partie inférieure : je n'ai pu y en retrouver que deux; l’une su- périeure , la seconde inférieure , et toutes deux placées un peu en arrière ; il seroit possible que Kœælzeuter eüt regardé comme une troisième protubérance l’angle ou coin supérieur que forme la paupière lorsque l'œil est fermé, et alors ma manière de voir se concihieroit avec la sienne. Mais il n’en est pas de même des appendices dorsales ; cet auteur dit positivement en avoir vu éanquam totidem barbulas, quarum una ante, alteræ suprà oculum , cantho tamen ipsius poslico proprior , quam antico , tertia denique pohe eur , erat disposita. Quæ suprà oculum . cœteris duabus duplo major erat ; absolutam vero omnium longitudinem certo determi- nare difficile est, quoniam ultra modum se extendi elongarique For sinunt, Koœlreuier, ubi suprà ; pag. 359. B 3 22 HISTOIRE constamment quatre (1) ; luné-antérieure; la seconde postérieure , et les deux autres latérales se projetant à gauche et à droite; j'avoue que l’examen le plus sévère ne m'en a fait reconnoître que trois, et que je n’ai point retrouvé la quatrième , c’est-à-dire , celle qui se rejette en arrière : cette diffé- rence pourroit cependant provenir de l’âge; il est probable qu’en vieillissant ce mol- lusque acquiert un plus grand nombre de ces appendices ou barbes. Les observations de Kœælreuter viendroient à l'appui de cette asserlion , principalement quand nous con- _ (1) {n hujus superficie superiore , seu in dorso , non nisi appendiculæ cutales sunt considerandæ , numéro guaternæ ; quarum prima ad anteriora et medium dorsi conspicitur ;in aliquali , ab hac, distantia , binæ aliæ , ex adverso sibi oppositæ , et in medio fere dors constitutæ, quarta ad posteriora et medium posita. Orines , a basi laliore in apicem assurgentes , plarum formant subtriangulare, lateribus corporis obversum , eorumque longitudo in maximo ,quod vidi, subjecto , duarum erat linearum , nec in eodem multo longiores erant barbulæ , circa oculos, excepta media,5 —6 lineas longa. In universum itaque decem sunt appendiculæ : ab elongata cute ortæ ; tres scilicet in vicinia singuls oculi , tin dorso quatuor.... Kælreuter, wub supr& À pag: 340. DES'POULPES. 23 sidérerous qu'il dit lui-mème (1), que des deux poulpes couservés dans de l'esprit de vin, et qui étoient plus pelits que les cinq autres désséchés, l’un déjà plus grand que l'autre , n’offroit de ces appendices que sur Je dos ; tandis que le second en étoit abso- lument dépourvu. Cette observation , qui paroît décisive , indique donc que ce w’est qu'avec l'âge que ces prolubérances vien- nent se montrer sur le corps de ce poulpe, et que celles du dos se manifestent avant celles qui accompagnent les yeux; il est même possible que ces appendices se mul- tiplient avec les années, et qu’augmentant en nombre ; elles puissent indiquer l’âge plus ou moins avancé de l'animal. : Plus heureux que moi, l’auteur russe a pu examiner la bouche et le bec du poulpe fraisé (2) : les lèvres en sont minces, plis- sées et divisées en plusieurs lobes bordés de franges filiformes ; le bec, forme par * (1) Easdem 14 omnibus observavi polypis , si ducs 250$ , in Spiritu vint servatos exCipiQM., quorum major iis tanéuwm , quæ in dorso sunt, Iminor omnibus plane caruit. Idem ,ibidem: : | j (2) Eunden situm sequuntur dentes bini, nigri- canies , quorum exéremilales , prominenctes, adurcuns”’ B 4 4 HISTOIRE. « deux mâchoires de couleur brune ; rappelle: la courbure en bec de perroquet qui carac- térise celui de tous ces mollusques: Si main- tenant on comparoit à celte scrupuleuse exactitude de notre auteur les figures qui accompagnent son Mémoire (1); ül serO1E presque impossible d’ y reconnoître le poulpe dont il a donné une si fidelle description des parties extérieures : si lon veut y'jeter.les yeux, ce n’est plus l'animal décrit dans le. texte, et c’est en vain que l’on y recherche-. roïit ces appendices si saillantes qui forment, peut - être le plus tranché des caractères. Cependant une grande habitude, de voir me fit d’abord envisager ce poulpei,.si mal, figuré, comme appartenant à celui que nous. venons de décrire : ses formes alongées} ses grands yeux éteints et recouverts , et. un. maillis ovoide qui se remonte sur tout le corps , ne me pernurent point de le mé-. connoître, La lecture du Mémoire est venue, \ psifacci rostrurm quodamimmodo forma referunt: Oris labia, istam apperturam cocrctantià, tenuia ; plicata., in varios lobos divisa, et ad oras fimbris linearibus. ornata sunt. Koœlreuter , ibidem, pag. 538, (1) «Nov. Comm.'acad. etape vol. VIT, tab. 1x et. 12, a D ESER O U L PIES. 35: confirmer mon.premier soupçon. ; la des- cription des appendices ne: put me laisser: aucun doute, quoiqu’elles n'existent point dans les dessms. Les couleurs et les teintes du poulpe de Kolreuter (1) sont parfaite- ment identiques ‘avec. celles que Jai pu observer moi - même; et Je saisis avec le plaisir le plus vif l’occasion de rendre hom- mage aux infatisables et laborieux nalura- listes du nord ‘qui, depuis la renaissance des lettres, n’ont pas cessé un seul instant de publier une foule de notes et de mé- Œ—=— (1) Color in prona corporis parte , scilicet in dorso , capite et pedum facie, acelabulis adverse > €X purpureo nigricans , saturatus, abdominis latera versus dilutus, juxta acetabula, seu-ad latera pedum profundior, in fota vero supina parte pallidissimus. Si corporis pro- num accuratius adspicitur , murgines apparent plu- rimi , saburatiores , plana , ut plurimum ovalia, vel oblonga, pallidiora coercentes, in medio corpore, ubi saturatior est color , Contigui , ad latera vero, medio pallidiora , distincti , quibus culis quasi squamata redditur. Præter illos , in ambitu sæpe cernunéur ma culæ subrotundæ | obscuriores ; in fundo pallidiori * disposiéæ ; purcta desuper innumera , nigricantia , out undique adspersa ‘videntur. In jurioribus modo déscriptus color pallidior est, quan in æœtate provec- tioribus ; nec illorum cutis tant relaxata rugosaque , quam lorum apparet, Kæœlreuter , ubi supr& ; p.528. 2 . CHATS D OPRE moires sur une quanlité innombrable d'ôb- jets presque encore inconnus en histoire naturelle. | | Il paroït que ce poulpe se trouve autour des îles de l’Archipel, et que sa patrie se borneroit aux mers de la Grèce; car, presque seuls aujourd'hui , les grecs modernes font encore sécher les poulpes pour s’en servir, comme nous l’avons vu, dans leurs jours de jeüne et d’abstinence. Des sept poulpes que l’auteur, dont nous venons de parler, eut en sa possession, cinq étoient préparés de cette manière, et il nous dit qu'on les avoit ainsi arrangés (1) pour servir d’aliméent: ces poulpes avoient donc été préparés par des pêcheurs grecs, qui ne l’avoient pu faire qu'après les avoir pris sur leurs côtes où ces animaux doivent régner en concur- rence avec les poulpes communs : il est probable qu’ils y acquiérent la même laille ou plutôt que leurs rets insatiables s'y (1) Quorum quinque in aëre leviter siccata , omni- busque » præter pulmones , cor , vasaque majora san- _ guinea , visceribus erant spoliata ; quem in finem sec- tione longitudinali alveum its incident piscatores , uk, a putredine defensa, jejurii tempore, gratum præbeanë atimentum.... Koælreuter, ubi supra , pag. 326. DES POULPES. 27 développent avec la même étendue, et dès- lors ces mers recélent dans les bas fonds de leurs méandres un tyran de plus. On ne peut ranger ce poulpe, comme Va fait Lamarck dans les Mémoires de la société d'histoire naturelle de Paris, avec une autre espèce de ces mollusques , décrit par Bosc, et à qui cet auteur fait habiter les mers voisines du Sénégal. Le poulpe de Bosc est absolument distinct de celui que nous venons de décrire; ses bras, infiniment _ moins alongés, sont bien plus corsés et plus trapus ; les yeux, placés sur le dos, se touchent, et au lieu d’une espèce de pau- pière, ils paroiïssent recouverts par la peau ou cuir, qui, comme dans les sèches et les calmars, revêt tout le reste du corps. Celte peau est elle-même autrement grenée; elle n'offre point d’appendices, et nous n’y re- trouvérons ni protubérances oculaires, ni proéminences dorsales : c’est ce que nous prouverons de plus en plus, en faisant du poulpe de Bosc l’objet de nos recherches pour l’article suivant. 28 HISTOIRE EXPLICATION DE LA PLANCHE XXVIL Le poulpe fraisé, vu par le dos. Ox doit y remarquer la longueur extraor- dinaire de la membrane qui réunit les bras. à leur base, ainsi que sa forme resserrée en éntonnoir. Les yeux, placés latéralement, sont ar- més dans le haut et dans le bas de deux tentacules ou prolongemens charnus et cu- tanés. | Trois proéminences fraisent le dés de ce mollusque, dont les bras eMilés sont émi- nemment flexibles et tortueux. | DES POULPES. 9 COPALIA N'OH E:} XXI VTT KE) Poulpe fraisé, vu par devant. Le manteau est ouvert dans touté sa longueur pour en laisser voir l’intérieur. On y remarque le conduit intestinal dont lorifice vient aboutir très-près du conduit excréteur; les branchies cordonnées se pro- jettent à gauche et à droite, et sous elles sont placés les deux cœurs latéraux; ie troisième se laisse apercevoir dans le bas du sac, à la partie inférieure dû corps de l'animal. | 80 HISTOIRE LE POULPE GRANULEUX (à). U ve simple notice, publiée par Bosc dans les. Actes de la société d'histoire naturelle de Paris, nous à fait connoître le poulpe que nous allons soumettre "à nos observa- tions. À cette époque, l’auteur que nous citons imposa à ce mollusque l’épithète de rugueux, ce qui, en langage Hnnéen, signifie ridé ; Lamarck crut y retrouver de lanalogie avec un autre poulpe dont nous venons de parler sous le nom de poulpe fraise, et, d'après un coup d’œil fugitif et trop rapide, le savant professeur du museum amalgama ces deux espèces, leur reconnoissant à toutes deux des granulosités ou des grains qui donnoient à leur surpeau une appa- rence chagrinée : Bosc lui-même, sans autre (1) Sepia rugosa. Bosc, Actes de la société d’hist. nat. de Paris, premier volume, pag. 24, planch. v, fig. 1 et 2. — Sepia corpore ecaudato , rusosa , tenta- culis pedunculatis nullis, cotyledonibus approximatis. Sèche granuleuse , sepia granulata. Bosc, Hist. nat. » des vers , tom. 1, pag: 47. > dJ'acnié atbrr d, TS DLOnfOTE) de fe. XXZX , dé De LPE GRANULEUX LE POU DES POULPES. 31 examen, changea sa nomenclalure, et, d’après l’opinion nouveile , il conserva , dans uh second travail, à son poulpe le nom que Lamarck venoit de lui donner. C'est ainsi que le même auteur a publié lé mèmé animal sous deux dénominations différentes, comme le prouve la synonymie que nous reconnoissons pour êlre celle du poulpe, et pour lequel, à notre tour, nous adoptons l’épithète caractéristique de ‘granuleux. .:Nous devons encore répéter que, dans ces deux ouvrages, Bosc a toujours regardé lés poulpes comme faisant corps avec les sèches, et que, d'après cette matière dé penser, il a constaminent, en suivant Lin- næus, indiqué, sous le nom générique de sèches, les sèches, les calmars et les poulpes. Le corps du poulpe granuleux' est ovale; ses yeux sont 'très-saillans , placés sur le dos et très-rapprochés lun de lautre; la membrane, qui-rejoint ies bras à leur base, n'excède pas dans sa longueur celle du corps ; elle est ouverte, frangée sur Îles bords, et très-épanouie : huit bras assez courts la couronnent ; ils sont armés sur leur plat par deux rangs de cupules très rapprochées qui, susceptibles de ‘prolonges ment, sont montées sur un pédoncule du 2 2 HAS T O 4 RE imème-calibre:que ces: ventouses: Une peau; fortement .-grenée ‘ét. chagrinée, recouvre non seulement, de corps , mais. encore {Î4 membrane tant à l’éxtérieur au’à l'inté: rieur, ainsi que les bras, 'qui sont chagrimés en dedans coimme «en dehors dans toute leus longueur, Cette peau grenée ; quirègne de toute l'habitude extérieure du corps; recouvre même. les yeux, qui. n'ont point de paupière ou de recouvrement mobile :sur le dos et sur la partie supérieure du cou, le grénelis. est plus: fort ; il diminue àlimez sure qu'il gagne les-parties inférieures, ‘etlä de simples Lachetures, ou même un picquo- tage de couleur fauve. roussâtre , tranche sur Ja monotonie d’une peau parfaitement blanche; le rose et la couleur rouge ‘do- minent pendant la vie de l'animal ;:et c’est principalement sur le dos que.se dévelop- pent les teintes les plus vives: conservé dans lesprit de vin, toutes ces nuances se changent en un rouge bruñ aui tire sur la couleur de la lie de vin; et: dans cet état il a presque entièrement perdu ce: brillant coloris, réfléchissant les. teintes ‘irisées ‘qui paroient ce.moilusque des plus riantes. cou- leurs pendant le cours de.son existence. Ce poulpe est très-coinmun sur les côtes du DES POULPES. 33 du Sénégal; Bosc, qui en avoit vu plusieurs, paroît douter qu'il parvienne à de grandes dimensions ; les plus forts qu’il ait vus avoient à peine deux pouces de long sur un de dia- mètre. Les bras s'étendoient à la vérité davantage ; mais cet auteur leur donne tout au plus un pied d'envergure ; il est vrai qu'il ajoute, « qu'on sait que ces animaux croissent toute leur vie, et deviennent quel- quefois gigantesques » : mais il est probable qu'il confond ici toutes les espèces de poulpes dans un seul et même bloc; et si, comme nous l'avons vu, de certaines espèces atleïignent ces formes gigantesques et colos- sales, nous pouvons croire qu’elles n’ont pas été données au poulpe granuleux que l’au- teur, dont nous empruntons les termes, avoit vu fréquemment, et n’excédant jamais six pouces de longueur. Ses ventouses très-rapprochées doivent cependant le rendre redoutable aux ani- maux que ses forces lui permettent de saisir , et ceux-mèêmes qui, plus robustes, ne paroîtroient point avoir à craindre de ses atteintes, doivent succomber quand, une fois enlacés, ils se trouvent retenus par autant de sucoirs et par des cupules aussi serrées les unes contre les autres, qui, sus- HMoll. Tome III. (9 SA 0 STE T'O TRE ceptibles d’après leur organisation de s'élever sur un épais pédoncule, en acquierent aussi plus de force ‘et de contraction. Comme tous les autres poulpes, c’est un animal qui ne jouit qu'au milieu de la destruction, du sang ét du carage. Quant au doute que manifesté le natura: liste parisien, en disant « qu'il est possible que ce soit ici l'espèce rouge, musquée, dont on dit que lés chinois retirent l'encre de là Chine » (1), je crois avoir prouvé que l'encre ou la liqueur des sèches proprement dites est la seule qui soit noire ; celle des calmars et des poulpes est d’ailleurs toujours d’une couleur bistre ou tannée, qui rappeilé la teinte de la terre d'ombre; et si Bosc à cru pouvoir avancer ce doute, c’est que lui- même a été induit en erreur par la déno- mination générale qu’il à adoptée, en con- fondant avec les sèches des animaux qui en sont distincts et séparés. Nous le répétons, une fausse dénomination entraîne toujours avec elle des erreurs; souvent, dès le coni- (1) « Cette espèce approche de celle qui est figurée dans Seba, vol. IT, pl. 11, n° 6 et 7. Il est possible que ce soit l’espèce rouge, musquée, dont-on dit que les chinois retirent l’encre de la Chine ». ( Bosc, Actes 19 de Ja société de Paris. ) D ES POULIPES. 35 mencement, elles offrent peu de gravité ; mais , dans la suite, d’autres erreurs vien- nent se Joindre aux premières, et alors ül devient très-difficile, presque même quel- quefois impossible de percer le voile nébu- leux dont on s’est plu à recouvrir la vérité. Quant à lespèce de monstre dont un des dessinateurs de Seba a jugé à propos de charger la planche 11 du troisième volume, au chiffre sept, et invoqué par Bosc comme synonyme de son poulpe, J'avoue de bonne fois que jamais je n’ai rien pu y comprendre, et que je regarde cette figure comme une nouvelle preuve de barbarie pittoresque , quoique le rédacteur de l'Encyclopédie ait jugé pouvoir l’employer à son tour : plus je la regarde, et plus je ne puis y conce- voir que le plus complet de tous les contre- sens ; il n’y a point jusqu'aux ventouses ou cupules que le dessinateur n'ait placées en dehors et sur le dos des bras, au lieu de les metire sur le plat et en dedans; et pour qu'à cet égard on n’aie rien à lui reprocher, il Jogea de ces ventouses jusques sur la racine et la base extérieure de ces bras, les porlant presque sur les yeux; aussi jamais naturaliste ne citera cette figure de Seba ou celle de l'Encyclopédie à l'appui de sa syÿno- C 2 56 > ATTS T'OTRE nymie. Quant à la figure 6 de la planche de Seba, citée par le même auteur pour synonymie du poulpe granuleux, conjoin- tement avec da figure 7, un examen plus altentif lui auroit prouvé que ces figures n'ont rien de commun, et que la sixième offre au contraire une autre espèce de ces mollusques dont les bras ne sont armés que d’un seul rang de cupules, au lieu de deux rangs, sans être réunis entre eux par une membrane; différences caractéristiques qui ne permettent point de jeter ce poulpe avec ceux dont les bras sont chargés de deux rangs de ventouses; caractère qui d'ailleurs a été parfaitement saisi par Lamarck, qui n'a pas hésité à le citer pour synonyme de son poulpe cirrheux (1), parce que déjà sa sagacité et la justesse de son coup d'oeil lui avolent fait reconnoître à l'instant que c’é- toit ici une de ces espèces de poulpes à un seul rang de cupules. (x) Coéyledonibus uniserialibus. Lamarck, Mém. de la soc. d’hist. nat. pag. 21. DES POULPES. 5% teen ns E X'BIEUT C AT ON DE LA PLANCHE XXI X. La planche XXIX nous offre le poulpe granuleux de Bosc, vu sur les deux faces ; il est dessiné ici de grandeur naturelle ; les yeux, conne nous l'avons vu, sont recou- verts par la peau du corps, et les ventouses. des bras, disposées sur deux rangs, sont très- rapprochées. Ea disposition de la membrane permet à ces mêmes bras de se présenter dans leur plus grand épanouissement. 38 AN STOLRE s LE POULPE AMERICAIN (). Das un ouvrage d’aussi longue haleine que celui entrepris par Seba, il dut néces- sairement employer les talens d’une multi- tude d'artistes ; indigeste par. elle-même, ceite grande compilation n’a point pu gagrer à ce changement de main et de manières de voir; aussi ces quatre volumes fourmillent- ils d'erreurs et de doubles emplois : cepen— dant Seba, au milieu de tout ce fatras, employa quelquefois de très- bons dessina- teurs: et ceux-là sont facilement reconnus à la pureté de leurs traits et à la manière fidelle avec laquelle ils ont rendu la nature sans se permettre d'y ajouter rien de ce que leurs conceptions leur inspiroient. C’est sous tous ces rapports que nous regardons, comme de notre domaine et faisant une espèce par- ticulière, le poulpe auquel, d’après sa taille, (1) Seba , tom. IIT , planch. 17, fig. 2 et 3. — Ency- clopédie , planch. zxxvr, fig. 1 et 2. — Backer, Tran- sactions philus, vol. L, partie 2 , année 1758 , p. 777. Derilofréedl. _ …. ___ DNA | LE POULPE AMERIQUAIN DE BACKER D ES: PO UL:PES. 39 son lieu natal et son ensemble, nous venons de donner la dénomination d’américain ; liberté qui doit d'autant plus nous êlre per- mise que Seba s’est contenté de le faire graver sans appuyer ses figures de Ja moindre note, et sans leur donner un nom caracté- ristique. Les couleurs sombres et brülées, sous lesquelles il nous. est peint dans les planches coloriées , prouvent qu'il éloit con- servé dans de l'esprit de vin au milieu d’une foule d’ autres objets qui décor oient, en l’en- richissant , le cabinet du naiur raliste hol- landais. Les figures d de] ARR ES qui sont CO- piées d’après celles de Seba, nous présentent ce mollusque réduit à moins de la moitié de sa grandeur première; le corps en est gros et trapu, écrasé dans sa hauteur; sa forme comme sa laille rappellent celles d’une grosse pomme ; les bras sont nerveux et courts, roulés ou-récroquevillés sur eux-mêmes par dessous, et de façon à montrer leurs nom- breuses cupules dans tout leur épanouisse- ment ; celles-ci sont placées sur deux rangs: par une particularilé tr ès-remarquable , ces bras ne sont point réunis à leur base par cette membrane que tous les pouf pes nous avoient présentés jusqu a présent comme un moyen C 4 di CHISTORRR de puissance auxiliaire , et qui, en s’'épatant largement chez ceux qui en sont munis, pré- sente la nasse ou le fond du ret mortel que débordent des bras terribles et insatiables. Ces bras, dans le poulpe américain , sont ce- pendant tout aussi redoutables que les flexi- bles et mortelles lanières dont sont armés les autres animaux qui lui ressemblent ; ; ét il paroît que la Nature ait même voulu com- penser par d’ autres avantages , dans ce mol- Jusque, ce dont elle sembloit l'avoir privé sous d’autres rapports ; chez lui ces membres sont plus nerveux et bien plus épais, leur base sur-tout est fortement charnue et solidement entée avec celle des bras voisins ; tous se prêtent un appui mutuel , tous agissent de concert ; la réunion de leurs efforts, les ma- nœuvres de leur ensemble doivent offrir une masse considérable et presque inévitable , pour leurs tristes victimes, de puissance et de force. Les yeux très-écartés sont cependant placés sur le derrière de la tête et assez près du corps; ils sont oblitérés. Telle est au moins la ma- nière dont ils se présentent dans les figures originales des deux auteurs que nous pouvons consullér ; car je crois qu'il est difficile de ne point reconnoîlre le poulpe de Seba dont DFS POUTLPES. 41 nous parlons , comme élant le même que celui qu'a publié Henry Backer (1), et qui lui avoit été envoyé par le comte de Mac- clesfield , président de la société royale de Londres. Ce savant distingué , à qui nous devons de si grandes recherches sur les polypes, qui, digne émule de Trembley et de Réaumur , ajouta tant de faits à leur histoire (2) , fit un Mémoire sur ce poulpe que les rédacteurs des Transactions philo- sophiques s'empressèrent d'insérer dans ce Recueil si précieux aux sciences et aux arts, et ils accompagnèrent-ce Mémoire d’une bonne planche gravée avec beaucoup de luxe, d’après les dessins d'Edwards, qui pré- senta , d’après nalure, ce mollusque sous plusieurs aspects différens. : Les figures de Seba sont infiniment plus grossières que celles de Backer,, et le poulpe qu’elles représentent est aussi beaucoup plus (1) An account SE the Lez polypus , by Henry Backer, philos. Transsactions. wub suprà, tab. 29; pag- 779: | : (2) An Essay upon the nat. hist. of pol. on Essai sur l’histoire naturelle du polype, par Henri Backer, de ‘la société royale de Londres , etc. traduit de l'anglais par P. Demours, médecin de Paris ; Paris, 1764. 49 » IS FT OP: grand; on pourroït, en déployant ses bras ; lui accorder dix-huit à vingt pouces de lon- gueur, en comptantcelle du corps ; chez lau- teur anglais l'individu qu'il décrivit est bien loin d'offrir ces dimensions , car en partant de la base du corps nous trouverons à peine quatre pouces jusqu’à l’extrémié. des bras, en les étendant dans leur plus grand déve- loppement. | Fi | Backer , en se livant aux recherches qui Jui devenoient nécessaires pour traiter son sujet , vit bien que ce mollusque n’étoit pas le poulpe ordinaire et commun; recherchant donc à quelle espèce il pourroit le rappor- ter, ne trouvant rien dans les auteurs qua lui donnât quelque lumière sur ce sujet, 1l se décida à visiter trés-altentivement la collec- tion d'histoire naturelle de Hans Sloane (1) (1) Under this dificulty j applied to sir Han Sloane’s most valuable Collection of natural history in british musæum where j found several species. O! this kind of polypi,and amongst the rest a small dried specimen of the same species as ours, and a much larger one in spirits, of a species that comes very near it. » This large specimen afforded the information | stood in need, of : for though here also the mount] was closed ,and the bezk drawn down into the centeï betwen the arms ; 50 as not to be seen at all; yet. ..4 D ES PO'UMLIRE S. 43 querenfermoit le museum brilannique;ileut la satisfaction d’y rencontrer , au milieu de beaucoup d’autres poulpes , un individu plus petit que celui qu’ilavoit sous les yeux, mais du reste exactement semblable; il retrouva encore dans les nombreux bocaux de cette collection un poulpe plus grand, fortement rapproché de l'espèce qu'il vouloit décrire ;, mais qui cependant lui laissa quelques doutes à cet égard. Une seule chose nous arréteroit à notre tour, sion pouvoit comptersur l’exac- titude des figures de Seba; dans ces figures les bras sont parfaitement arrondis par dessous ; dans celles de Backer ces bras: sont aplatis, carrés, chagrinés sur les côtés , et le texte, qui leur sert. d’appui , dit expressément (1) qu'ils sont carrés à leur base, et qu'ils de- viennent lriangulaires à mesure qu'ils avan- cent vers leurs exirémités pointues. Seba , J bad the satisfaction to see the mouth opened , and _ the beak in the same situation , and of the same form and substance, as in the other kinds of polypis ». (Backer, ubi suprà, pag. 760.) (1) « These arms diminish from their risc to their extremities , and end exceedingly small. Near the head they are quadrilateral , but the under-side con- tracting gradually to an edce, they become. towards the ends trilateral ». ( Backer, wdi supr& , pag 779.) bla HISTOIRE comme nous l'avons dit, n’a point accom-= pagné ses tableaux d’une description , et sous ce rapport il nous ôte tout moyen de com- paraison ; mais, si on examine les fig. 1 et 2 qu'Edwards dessina en naturaliste , on y retrouvera ce roulement des bras repliés sur eux-mêmes, qui caractérise notre poulpe ; ces bras sont étendus et développés dans toute leur longueur dans les figures 3 et 4 de la même planche , qui toutes deux nous représentent ce poulpe vu par devant. La figare 5 nous offre même une particularité très-remarquable; on y voit une espèce de vessie (2) qui sort, et que le dessinateur à _i« Out of the aforesaid slit or opening a bag issues with a very slender neck ,extending towards the tail, and enlarging gradually Lo its end : this bag is above half the length of the body , and appears like another body appendant thereto. J Should be intirely at & loss concerning this bag, did not some passages im Turberville Needham’s curious observations on ihe milt vessels of the calamary enable me to form some conjectures about its use. | | » Having dissected several calamaries on the coast of Portugal , without the least indication of milt or roc , and consequentiy without knowing which were male or female, he was much surprised (about the fiddle of the month of december) to find a new vessel forming it self in an obvious part, an repleted with à DES POULPES. 45 projelée en dehors par la courte ouverture du manteau ou sac de l’animal. Cette vessie , milky juice. This was an oval bag, in which the milt vessels formed them selves gradually , the bag im- folding as these framed an disposed them selves in bundles. Beforc that time he had observed two colla- teral tubes, which are alike in both sexes; but a resular progress in the expansion of the milt-bag and formation of the nrilt-vessels had not presented it sel£ before. 'l'hose tubes til then appeared open at one exiremity , musch ressembling the female parts of generation in a snail, but did not terminate in along oval bag extending in a parrallel with the stomach more ihan half the length of the fish, as he found them afterwards when the milt vessels that filed the whole cavity were ripe for ejection. The same ducts without the bag are found in the female also, perhaps for the deposition of the spawn». ( Vid. Ncedham’s microscopical ; Discoveries, cap. 5.) » Ît appears from this accouut that the male cala- mary (at a certain time of the year only ) has a bag wherein the milt vessels are contaiued , and that the female has no such bag. Since therefore the bag of our polypus is found in the same situation as that of the calamary ( which is also a kind of polypus),we may suppose it te be the milt bag, and that our polypus is a male , taken at a time when the miit was ready for ejection. {n the dried specimen at the british museum, and also in the other specimens , there is thesame. opening, with the pipe that rises above it towards the arms, but not the Icastappearence ofthe bag in ques- 20. - HIT OS RE de la grosseur d’une noisette, paroît comme un autre corps qui sortiroit du premier: Comme il seroit possible que cette vessie fü£ un corps susceptible d’une inflation adven- tive et d’un embonpoint momentané ; qu'on ne la rencontrât qu’à de certaines époques dans ces animaux , et qu’aloïs elle joueroit un très-grand rôle dans leur économie ani- male ; nous reproduisons ici les hypothèses de l’auteur anglais que nous citons ; son exac- titude nous est connue , celle de son dessi- nateur ne laisse aucun doute , et il est très- probable que leurs observations vont ajouter un nouveau fait à l'histoire des poulpes. Nous avons vu dans celle des calmars ét des sèches que les vaisseaux spermatiqués, et la laite des mâles se remplissoient , à une certaine époque, d’une liqueur laïteuse et de corps très-singuliers. Needham avoit été le premier qui eut observé ce phénomène; en répétant les observations de ce natura- liste, dans la note qui accompagne cette tion : they are therefore probably females; or if males, ! were caught before such bag was formed ». « Fig. 3. Presents another view of this polypus... and the body so disposed as to shew the transverse opening, the oval bag issuing therefrom.... (Backer, Ubi suprà , pag. 781 et séquentia.) D'AST POULE S 4 page et que nous tirons du Mémoire de Backer , nous ajoutons un nouveau dégré à leur justesse et à leur authenticité : l’ana- logie qui existe entre toutes les espèces de mollusques coriacés , doit nous faire croire que les mêmes habitudes sont non seule- ment communes , mais que leurs fonctions et leur organisation animale doivent aussi partager une même manière d’être, modi- fiée cependant par une multitude de com- binaisons secondaires. C’est donc conduit par cette analogie , que Backer, justement frappé à la vue de ce corps extraordinaire et que d’autres poulpes de la même espèce ne lui offrirent point, en inféra que celui-ci étoit un mâle, qui avoit été saisi à l’époque de sa plus grande puissance prolifique ; tandis qu'il étoit probable que ces autres poulpes , qui n’offroient point cette même vessie , étoient , ou des mâles épuisés, ou plus simplement encore des femelles ; opi- non qu'il dut d'autant plus adopter, dès que , comme il nous le dit expressément, il ne se livra à la dissection d’aucun des individus qu'il avoit sous la main. Le hasard nous a encore moins bien par- agé que lui, toutes nos recherches ont élé Vaines , et nous n'avons point pu rencon- RE PARUS 48 HISTOTRE) 0 | ier ce mollusque dans son état naturel: nous avons dû nous contenter des figures que Seba et Backer nous ont laissées. Celles du premier, quoique très-rémarquables , sont un peu grossières , et elles n’ont pu nous servir que d'indication : le second, beaucoup plus exact, nous a offert un type salisfaisant de ces animaux ; mais, en le prenant pour guide, nous avons le regret de ne pouvoir point, par des observations nouvelles sur ces mollusques , fortifier les faits avancés par Backer , en les appuyant par des preuves qui nous seroient person- nelles. D’accord avec Edwards, il avoit vu celte vessie dans son état de gonflement ; et l'autorité de ces deux naturalistes est si respectable , que nous devons, en nous rangeant à leur avis, croire avec eux qu'il est une certaine époque où les parties et la sénération du poulpe mâle se développent, : se distendent en se gonflant, et se mon- trent enfin, comme chez les mâles des cal- mars et des sèches, dans un état brillant de force, de puissance et de vigueur , bien différent et sous tout un autre aspect que n'offroit celui de leur calme et de leur repos. | Si nous en exceptons les auteurs que nous < D'HS:PIOIUILIPÆES. 4 nous venons de citer, aucun autre n’a fait mention, comme d’une espèce particulière, du mollusque auquel nous venons de donner l’épithète de poulpe américain ; cependant les naturalistes qui ont écrit sur ces ani- maux, avoient l’ouvrage de Seba sous les yeux , et nul d’entre eux n’a même cité les figures 2 et 3 de la planche 1x du troi- sième volume de ce compilateur, en sÿno- nymie de quelque autre espèce de poulpe : le Mémoire de Backer, quoique excellent, est resté dans le même oubli; Lamarck, lui - même , qui, peut - être le seul et en dernier lieu , vient de jeter beaucoup de jour sur une bonne division et sur le dé- veloppement des genres et des espèces de ces mollusques, ne paroît point avoir été frappé de leurs figures , ni de leurs des- criptions. Le plus mür examen me fait cependant croire que j'ai pu sans erreur indiquer ce poulpe comme une espèce dis- tincte de toutes les autres; différence re- connue par Backer, qui ne le rangea pas avec le poulpe commun, auquel il res- semble à quelques égards , et qui, pour appuyer d'autant plus son opinion, a eu le plus grand soin de nous indiquer le lieu Moll, Tours III. D 5e .: IHLSTOIRE natal de ce mollusque, en nous disant que celui-ci est originaire des Indes occiden- tales, comme lavoit indiqué M. Haviland de Bath, de qui venoit cet individu, qui Favoit envoyé à Macclesfield ; et qu’un autre poulpe semblable , qui faisoit partie du mu- seum britannique, venoit aussi des mêmes contrées (1). | | De tous les sbulpes que nous avons décrits , celui-ci est le premier dans qui nous, avons pu apercevoir l'absence de la membrane qui réunit ordinairement les bras à leur base ; il est aussi le dernier de ces mollusques à deux rangs de cupules, et nuds , que nous connoiïssons jusqu’à présent ; ceux qui nous restent encore à décrire, parmi ces poulpes nuds , et qui ne sont pas . revêtus de coquilles, n’ont plus qu’un seul rang de ventouses , et en général cette mem: brane manque chez tous; si nous en excep= tons une mauvaise figure en bois, publiée (Gi) ….. Haviland of Bath, to whom we are obliged for this, wich is a different species, thincks it came from the wést Indies.... that like it in the british museam also came from thence. (Backer , bi suprà, pag- 795.) DES POULPES. 5x par Aldrovande, et qui paroît avoir échappé aux autres naturalistes (1). Maïs dans ces poulpes dépourvus de membrane, les bras sont bien plus serrés sur eux-mêmes à leur base , et-la force de ‘leur contraction est telle , qu'il devient souvent presque impos- sible de pouvoir apercevoir la bouche et le bec, si apparens ordinairement dans les poulpes pourvus de membranes ; dans ceux- ci au contraire , les ventouses sont tellement cumulées et pressées au centre des bras, qu'il faudroit déchirer l'animal pour mettre en évidence ce bec acéré, au, entamant où brisant la proie , assouvit pour un seul moment la soif du sang toujours renaissante chez ces mollusques. | (1) Aldrovande , de Mall. pag. 14. Polypus is quo ana tantum acetabulorum series exprimitur, 5 + ŒMASTOTRE EE EXPLICATION De Lie ee CHE. XXX. L. planche XXX nous offre le poulpé auquel nous avons cru pouvoir donner l’épithète d’américain ; cette figure est tirée du Mémoire. de Baule que :nous avons cité , et nous l'avons présentée ici, de ma- nière que non seulement ses bras sont étendus dans toute leur longueur ; mais encore que deux de ces bras, en se con- tournant, laissent apercevoir les deux rangs de cupules dont ils sont armés. Dans le bas de la planche on. voit une de ces cupules ou ventouses , isolée et grossie à la loupe; elle est armée d’espèces de griffes, comme le sont celles des calmars , et c'est encore l’auteur anglais qui nous a fourni ces détails dans la belle planche dont le naturaliste Edwards s’est plu à accom- pagner le travail de son collègue et de son ami, et où il dessina ce poulpe sous diffé- rens aspects. Chez: ces auteurs , comme dans notre D, Mongort AL, CVoysaré d', 1. POULPE AMERIQUAIN DE BACKER, dont Les ras Sont roule) 2.POULPE AMERIQUAIN DE SEBA, #7 per devant. DES POULPES. 53 figure , on doit remarquer une espèce de pôche en forme de vessie, qui sort par l’ou- verture, du sac ou manteau de l'animal ; tous deux l’ont regardée comme la laite de ce poulpe, qui, en constituant le mâle ; pouvoit être arrivé, à l'instant de sa cap- ture, au plus haut point de puissance et de réplétion. Ce fait ; très-curieux en lui- même, demanderoit cependant _ nouvelles observations. | Price NT CEE KX XL Figure 1. C’est encore ici le poulpe amé- ricain de Backer , dont les bras contractés sont roulés et repliés sur eux-mêmes; cette seconde planche devenant nécessaire pour mettre ce mollusque en comparaison avec celui que nous retrouvons dans Seba ; tome IIT, planche 17, figure 2 et 3, où il est présenté sous deux aspecls ; figures qui depuis ont été copiées par Bruguières dans l'Encyclopédie. Sous le n° 2 de la planche dont nous donnons l’explication , nous avons à notre tour dessiné la figure de ce poulpe , d’après Seba , en choisissant l'aspect sous lequel il présente ces deux rangs de cupules. L’en- D 3 54 HAS T O ER‘ES € tortillement et le roulis de ses bras démon treront à nos lecteurs la grande analogie qui existe entre ces .deux mollusques co- riacés , dont l’un fut parfaitement décrit par Backer , et l’autre seulement indiqué par Seba. Quant à Bruguières , déjà nous avons dit, en attaquant ce naturaliste excellent au milieu de sa carrière, la mort est venue nous priver du texte dont ce savant auroit appuyé les figures de l'Encyclopédie qu’il fit graver avant son départ pour la Perse ; et si ces deux mollusques ne sont.pas une seule et même espèce, nous devons au moins convenir qu'ils sont extrémement rapprochés. | À) AA LL, SSÈSS SSSR D. Montfort del, ©. Voysard D. LE POULPE D'ALDROVANDE . DES POULPES. 65, LE POULPE D’ALDROVANDE (1). Di l'instant que nous jetons nos regards. sur tout ce qui nous entoure, si nous envi sageons dans tout son ensemble le déploie- nent de la Nature, à ce premier coup d'œil aussi pressé . que vaste et rapide , la foule des.êtres qw’elle procréa, semble se fondre, et offrir qu'& peine quelques nuances qui elles- mêmes. paroissent encore s'évanouir. out y est également vivant , tout y est animé et revêtæ de formes; ces. formes, les couleurs: et leurs teintes variées.; les mœurs... les habitudes et tous. les modes d'existence rentrent les. uns: dans les autres: en voulant embrasser leur universalilé, bientôt nous n’y verrons que chaos et confusion. C’est alors: que’, redoublant d'efforts. et décidés à saisir (1) Aldrovande ; de Moll. p. 14, Hb.. 1. Zgetar- wyfben ou poulpe femelle. Seba ,tom..TIT, planch. 55, fig, 4. — Een: groote wyftje polypus van boven. Pe- lypus fœmina major-prone: Seba, vol. VIT, pag. 5. — Gesner , Icon. animak Ord. 135 de moll. pag. 191 , am has de la page, vu par dessus.et. par dessous. D e L) le 56 LtHIS TOTRE enfin ces nuances qui veulent nouséchapper! c’est alors que nous recherchons avec ardeur et tenacité , et dans une étude approfondie ; quels sont les caractères qui doivent nous aider en nous éclairant dans nos recherches et nous servir pour séparer ces êtres les uns des autres; pour les classer d’après leurs facultés et leurs formes extérieures , afin de les ranger par familles qui, une fois établies, nous permettent enfin de leur adjoindre tout ce qui peut leur être congénère. Ce terme cependant n’est encore que celui auquel tout homme peut aiteindre ; une éducation libérale donne quelquefois ces connoissances premières, et souvent elle suffit à un esprit naturellement juste pour saisir et décider de grandes coupes; mais ce terme est bien loin du but où doit néces- sairement arriver le naturaliste. Les êlres existans offrent des espèces innombrables ; toutes sont constantes pour nous dans l’ap- parition momentanée que nous faisons sur la terre, parce que nos jours sont bornés, et qu'il est plus que probable que les espèces s’alternent, augmentent ordinairement et changent peut-être leurs formes intégrales avec la suite des siècles ; pour nous cependant ces espèces diffèrent souvent si: peu entre DES POULPES. 57 elles, qu'il est bien difficile de ne point les confondre ; il est une foule de nuances délicates dont la distinction n’est réservée qu'à un infatigable observateur, et qu’une longue habitude , qu’un coup d'œil aussi sûr que senti doivent lui faire saisir. Tel est toujours le fruit d’une longue et opiniâtre étude, c’est seulement alors qu’il est digne de pénétrer dans les mystères de la Nature, -€t de lui arracher des secrets qui étoient restés voilés jusqu'à lui : l'amour dela science ne quitte jamais celui dont elle s’est emparée ; sur la fin de la plus longue carrière , 1l peut encore embellir son déclin par l'étude qui toujours acquiert pour lui de nouveaux charmes, chaque jour il ajoute aux connoissances acquises ; loin de se voir abandonner par l’inspiration du génie, il marque ses derniers pas par de nouvelles découvertes. C’est ainsi qu'Aldrovande, à son seizième lustre, avoit acquis et con- servoit encore ce tact sûr et imperturbable, qui ne permet plus de confondre un individu avec un autre , et qui fait saisir un caractère certain, mais inconnu jusqu'alors , pour dé- signer les objets qu'on décrit d’une manière aussi sûre que décidée. L'étude de l'histoire naturelle, à laquelle il consacra toute sa vie, 58. HA ST O ER) A - fit de cet homme célèbre le premier natu- raliste de son tems ; nos respects et nos hommages doivent lui assigner une place , entre Aristoteet Finnæus, parce que, comme eux, il embrassa l’universalité des produc- tions de la Nature. Ces’ hommages seront d'autant plus mérités, si nous considérons que, dans le siècle où il vécut, l'histoire par- ‘ ticulière des individus étoit à peine connue ; et que c’est probablement à lui que nous devons le renouvellement de cette étude sublime , car nous devons au moins recon- noître qu’il y a puissamment contribué. C’est par une suite de cette sagacité que donnent de longues observations, que ce naturaliste ; après avoir décrit le poulpe commun à deux rangs de ventouses, a S& isoler de cette espèce un autre de ces mol- lusques , qui ne lui en avoit offert qu’un seul. Cet individu avoit été pêché près de Pile: d'Elbe , l'un de celles de la Méditerra- née (1). Sa longueur, en y comprenant les (1) Nos quidem hujus generis iconen damus. Captus: is est prope ilvam maris Mediterranei insulam. Eon- gus erat pedes duos : cirris duplici acetabulorum ordine inferna parte insignitis, albis : superna maculis ferru- gineis aspersis. Capite vario, coloribus præsertinr, D ESPOULPES. 5q bras , éloit de deux pieds; ce qui cn sup- pose à peu près autant d'envergure : le côté aplati des bras, celui sur lequel on voit, dans le poulpe commun, deux rangs de cupules , étoit absolument blanc et seule- ment armé d’un seul rang de ces redoutables ventouses ; par dessous et sur leur côté arrondi, la couleur blanche de ces mêmes bras offroit des tachetures et un piquotage d'une couleur ocracée et ferrugineuse. La tête et le corps de ce mollusque, teintés de diverses nuances , réflétoient le rouge, le bleu et le noir ; et dans le disque de ses larges yeux on voyoit une prunelle dorée qui iranchoit fortement sur une pupille , d’une couleur sombre et obscure. Il eùt été certainement à desirer que la figure qui accompagne la description d’Aldrovande , eût été exécutée d’une manière moins gros- sière ; cependant ces traits lourds , d’une mauvaise gravure en bois, nous permettent d'y voir que les bras ont à peine le double de la longueur du corps, et que par con- rubro , cæruleo et nigro. Oculis magnis aurea iride, pupilla nigra. Hujus iconem ita expressimus , ut unica tantum acetabulorum series conspici posset. Aldrov. de Moll. lib. 1 , pag. 13. 6o HISTOIRE séquent ils sont bien plus courts que ceux du poulpe musqué (1), qui n’a non plus qu’un seul rang de cupules, dont nous pat- lerons .dans son lieu, et que Pauteur Bolo- nais s’est bien donné de garde de confondre avec celui-ci, dont il a positivement indi- qué l'espèce particulière dans le dessin d’AI- drovande. Le corps de ce mollusque paroït aussi être bien plus gros, d’après la propor- tion des bras, que celui du poulpe commun. Nous retrouvons ces caractères dans un de ces animaux que Seba publia, dans son Recueil (2), sous le nom de poulpe femelle, sans y joindre aucune description ni rien qui puisse nous faire connoître l’endroit d’où cet individu lui étoit parvenu : mais l’atten- tion qu'il eut de le désigner par l’épithète de femelle, nous prouve qu’il avoit bien examiné que les bras de ce poulpe n’étoient armés que d'un seul rang de cupules; et à l’époque où parut son livre, l’histoire natu- relle des mollusques étoit bien peu avancée, pour qu’on crût pouvoir se permeltre d’in- diquer avec la plus grande négligence et (1) Eledon , eledona ; ozolis ,ozæna ; osmylus ; boli- tena des anciens. (2) Seba, tom. IT, planch. 11, fig. 4; et pag. 5. DES POULPES. Gi d'une manière aussi vague , sous le nom de femelle, un de ces poulpes qui se séparoit par une différence aussi prononcée d'avec tous les autres. Les dimensions du poulpe de Seba nous semblent être les mêmes que celles du poulpe d’'Aldrovande , et nous devons cependant convenir qu'il est infini- ment mieux dessiné chez l'observateur hol- Jandais ; mais comme il étoit conservé chez lui dans de l'esprit de vin, sa figure nous le représente entièrement coloré en brun, teinte qui a remplacé celles qui paroïent Vanimal pendant sa vie , et qui toutes ont disparu dans la liqueur spiritueuse au milieu de laquelle ont l’avoit plongé; mais Aldrovande , qui lavoit vu en vie, nous a détaillé les belles couleurs qui ornent sa peau, lorsque; se jouant dans les eaux de la mer ;'il y cherche sa pâture. Nous devons encore observer ici que la figure en bois. d'Aldrovande, diffère en quelques rapports de celle que Seba fit graver sous le chiffre 4 de la seconde planche de son troisième volume: dans Aldrovande, les bras du poulpe dont nous parlons ‘sont aplatis sur leur face intérieure ; et dans Seba , ces mêmes bras sont parfaitement arrondis dans toute leur longueur ; chez le 62 S LEÉRISUT ON BW naturaliste hollandais , l’œil.de ce mollusque est entièrement éteint ; il paroît plombe, soit que esprit de vin l'ait décoloré:, soit qu'il ait raccourci et épaissi la membrane recouvrante cet organe qui, dans l'écrivain Bolonais, est épanoui et rayonnant, ou au moins très-remarquable et saïllant ::mais ces différences sont peu de chose, elles dis- paroîtront si nous considérons que les bras des poulpes sont non seulement flexibles et éminemment contractibles dans toute leur longueur ; mais qu’ils le sont encore dans tous les autres sens, au point que leurs angles ou arêtes peuvent être plus ou moins vifs d’après la volonté de l'animal , et perdre quelquefois ces mêmes angles dans certaiñs mouvemens , au point de les faire dispa- roître entièrement et présenter, dans ce cas, un bras carré et triangulaire, sous les appa- rences d’une lamière en forme de fouet, par- faitement arrondie. D'ailleurs ces nuances me paroissent ici peu caractéristiques, et le. | les regarde comme trop peu tranchées, pour faire de ces poulpes deux espèces différentes. Dans Seba ce ‘poulpe est absolument dé- pourvu de membranes à la base de ses bras: nous verrons qu’en général cette membranèe ‘manque à toutes les espèces dé ces mollusques DES POULPES. 63 dont les bras ne sont chargés que d’an seul rang de véntouses , et il seroit possible que, comme nous l'avons dit , la figure du poulpe d'Aldrovande fût encore plus défectueuse à cet égard que pour tout le reste ; cependant je n’ai point hésité à les regarder tous deux comme ne faisant partie que d’une seule et même espèce ; peut-être me suis-je trompé; peut-être constituent-ils deux espèces diffé- rentes ; et Javoue même que les bras du poulpe de Seba sont bien autrement roulés et contournés que ceux du poulpe pris sur les bords de lile d’'Elbe ; mais c’est au tems seul qu'il appartient de décider cette difficulté : on étudiera ces animaux, on les recherchera davantage ; et il est bien pro- bable que, dans le nombre de ceux qu’on apportera: dans nos galeries et dans nos cabinets, nous en retrouverons de nou- velles espèces , et que d’autres, en se ran- geant à côté de ceux que je décris, viendront confirmer ou infirmer ce que j'ai cru pou- voir publier d’après mes recherches et mes observations. Mais ce qui prouveroit encore en ma faveur, c’est qu'il paroît que Gesner a eu sous les yeux un individu, petit à la vérité, du mollusque dont il est ici quéstion. C4 » HIS TOR E Quoique ce petit poulpe n’eut qu’un seul rang de ventouses, cet auteur ne le rangea pas non plus avec le poulpe musqué ; et comme il ne pouvoit pas le placer avec le plus commun de tous, on le voit prendre un parti très -extraordinaire. Ne pouvant Jassimiler à aucune des espèces qu'il con- noissoit , il crut enfin avoir rencontré le poulpe habitant du nautile papiracé (1), et il le publia en le faisant graver sous celte dénomination (2); lorsque nous parlerons des poulpes testacés, nous verrons que c’est encore ici une nouvelle erreur ajoutée à beaucoup d’autres; mais, malgré l'embarras où étoit Gesner pour placer à son rang ce mollusque qui lui étoit mconnu, nous ne voyons pas que, comme les naturalistes modernes, il se soit permis de dire, pour faire tout coïncider avec le systême qu'il s’étoit formé , que le poulpe habitant du nautile papiracé n’étoit et ne pouvoit être à cet égard qu’un animal parasite, dont les ( Nautilus Aristotelis. Arsonauta argo. Lin. Syst. nat. Vermes testacea , pag. 3567. — Argonaute. La- marck, Syst. des animaux sans vertèbres, 74° genre, — Céphalés , pag. 99. (2) Gesner , Icon. anim. Loco citato , pag. 191. mœurs D ES:POULIPES. 65 mœurs semblables à celles du Bernard l’her- rite (1), le portoient à s'emparer des cons- tructions et des demeures d'autrui. Gesner se contenta de publier un animal qu’il re- garda comme encore inconnu , et en l’amal- . gamant avec le véritable be papiracé , publié par Belon, il w’altéra point la figure de celui-ci pour la faire rentrer dans. celle du poulpe qu'il crut pouvoir meltre à ses côtés. La manière dont cet auteur l’a placé ne laisse même aucun doute qu’il ne le regardât comme une espèce absolument dis- tincte, ce dont on peut s'assurer en con- sultant son ouvrage ; ce n’est qu'après avoir parlé du poulpe ordinaire à deux rangs de cupules , ce n’est qu'après avoir décrit loœzenam ou poulpe musqué , que Gesner vient nous entretenir du poulpe à un seul rang de ventouses ; Aldrovande en fit de même ; Seba le regarde aussi comme une espèce séparée , en lui donnant la qualifi- cation de femelle ; et ce n’est que d’après ces faits it et d’après touies ces auto- rités, que j'ai cru pouvoir constituer ici cette espèce sous le nom de poulpe de l'ile d'Eibe, ou poulpe d’Aldrovande. (1) Cancer bernardus. # Tome IL E 66 + (HISTOIRE Gamme mme ns ESC POLICE ON DE LA PLANCHE XXXII Le poulpe d’Aldrovande ,: ou poulpe à un seul rang de: cupules, vu de cté. Ox peut distinguer ses bras au nombre de huit au travers de l’entortillement sous lequel ils se présentent; aucune membrane ne vient réunir ces bras à leur base ; lœil est presque oblitéré, ce qui provient du séjour de cet individu dans l'esprit de vin qui a naturellement dû raccornir la peau dont cet organe est muni en recouvrement chez ces mollusques. Toute l'habitude de l'animal a dû, par la même raison , essuyer une forte contraction. La figure de Seba , qui est bonne, nous a dirigée dans notre travail. _ AS LS Ÿ x Le) | a EH e # ds (a pl CH | D © [an HA = | NN ls IS" R DES POULPES. 67 LE POULPE CIRRHEUX (1). Les mollusque coriacé qui précède n’est point le seul parmi ces animaux nuds qui nous présentera les bras garnis d’un seul rang de cupules ; il estmême très-probable que, lorsque l’histoire de ces animaux sera mieux ® (1) Lamarck, Mémoires de la soc. d’hist. nat. de Paris, an 7, pag. 21 et suiv. planch. 1, fig. 2, a, b. — Octopus corpore subrotundo læviusculo, brachiis com- pressis spiraliter convoluiis, cotyledonibus uniseria- libus. — Sèche cirrheuse, sepia cirrhosa;l,a,g. Bosc, Hist. nat. des vers, p. 47. — Wremde zee veelvoet van Bengalen, ou poulpe étranger du Bengale. Catal. du cabinet du stathouder, XII, F , aguatil. varia. Seu ; ze of zoetwater dieren. Une note très-curieuse accom= pagne en marge cette phrase caractéristique ; elle est une preuve nouvelle des transportations qui s’opèrent dans le règne animal depuis que les hommes ont su franchir les mers, et méconnoître les bornes que les élémens avoient assignées aux deux hémisphères. Ce poulpe du Bengale fat apporté en Hollande, collé à la carêne d’un vaisseau de la compagnie des Indes d’An- gleterre qui, en 1781 ou 82, vint se perdre et échouer en Hollande près de Noorwich sur mer; on l’en déta- cha grouppé avec une multitude de coquilles, et E 2 68 HISTOIRE connue, lorsqu’on en connoîtra un plus grand nombre d’espèces , que ce caractère pourra servir à établir des coupes toujours néces- saires quand les objets se multiplient, et qu'alors en divisant les poulpes en poulpes nuds eten poulpes testacés ou argonautes , on reconnoisse encore dans ces deux divi- sions naturelles d’autres séparations secon- daires ou accessoires, qui dans ces deux pre- mières nous offriront de ces mollusques à deux rangs de ventouses, et d’autres à un seul rang; car plus nous étudions ces ani- maux, et plus nous voyons leurs espèces s'étendre et se développer devant nous ; plus nombreux et mieux partagés jusqu’à présent que les sèches et les calmars réunis , une partie d’entr’eux porte encore avec elle des demeures aussi brillantes que légères, qu'ils savent se bâtir , et qui leur épargnent les. _ soucis presque toujours inévitables quand on veut se choisir un lieu de mansion et de: repos. C’est ce que nous verrons dans lhis- notamment de moules, qui s’étoient attachées aux bor- dages et à la quille de ce vaisseau , pendant son séjour sur les côtes du Bengale. « Vremde zee veelvoet van: Bengalen; van het gebleven engelsch oostendisch schip by Noordwich in 1781 et 82. Ubi suprà, n° 119. 4 DES POULPES. Go toire de ces poulpes testacés ou argonautes ; mais, avant que d'y parvenir, il nous reste encore à parler de quelques-uns de ces mol- lusques nuds à un seul rang de cupules. Lamarck nous a fait connoître un de ces poulpes (1) qui jusqu’à lui étoit resté con- fondu, et pour ainsi dire enseveli avec une (1) « Ce poulpe me paroît constitner une espèce bien distincte des deux précédentes et de celle qui suit (*). 11 est vraisemblable qu’il ne devient pas fort grand , car l’individu figuré par Seba est à peine plus grand que celui que j’ai sous les yeux; et sans doute cette espèce est peu commune, puisqu’elie a échappé aux observations de presque tous les naturalistes. Elle à à peine un décimètre de grandeur , à cause de l’enroulement en spirale de ses bras. Son corps est petit , globuleux, presque réniforme, long de deux centimètres et demi , sur une Îlargçeur de irois cenéi- mètres et même un peu plus. La tête, qui est du double plus grande , va en s’élargissant supérieure- ment comme un coin, et s’épanouit en huit bras com- primés sur les côtés, roulés en manière de vrille. Chaque bras est muni dans toute sa longueur d’une seule rangée de ventouses sessiles et pressées les unes contre les autres. Le bord da manteau est libre et détaché tout autour ; au lieu que, dans les autres (*) Le poulpe commun, octopus vulgaris; le poulpe gra- nuleux, ccfopus granulatus ; et le poulpe musqué , octopus moschatue. | A ed 70 HISTOIRE multitude d’autres objets nouveaux et cu- rieux que renfermoit le cabinet du prince d'Orange , et dont l’égoisme de son ancien directeur ou conservateur nous eût toujours privé (1); car Vosmaër , respectable à d’au- tres égards , ne s’occupoit que de la descrip- espèces , il se confond avec la peau de la tête du côté du dos. La peau de ce poulpe est presque lisse , fine- ment chagrinée, d'un gris, bleuâtre sur le des , et blanchâtre du côté du ventre. Le seul individu de cette espèce que j'ai observé , fait partie de la collec- tion du museum d'histoire AE et provient de celle du stadhouder ». (1) Ramenant avec nous dans notre patrie, après une glorieuse campagne, cette magnifique et riche collection, nous avons transporté avec elle le Cata- logue des objets qu’elle renfermoit. Ce Catalogue , en plusieurs volumes , est déposé manuscrit à la biblio- thèque du jardin des plantes; beaucoup d’articles en sont raisonnés, et presque tous sont accolés de quelque note instructive ou indicative ; le tout est écrit en Tatin ou en hollandais. Je me fais un devoir de l’indi- quer ici aux naturalistes ; et celui d’entre eux qui, possédant bien les trois langues, s’occuperoit de sa traduction , rendroit un service essentiel à tous ceux qui s’occupent de l’histoire naturelle. Si un exemple pouvoit les encourager , je ne leur citerai que le Cata- logue de Davila, dont les trois volumes se vendent irès-cher , parce que Romé de l'Isle en a fait un livre technique , dont il est impossible de se passer. DES POUL:PES. 74 tion! d’objets. très-saillans ; encore ne le fai- . soit-il que -péu à peu; du reste très-jaloux de tout ce que renfermoit ce superbe cabi- net, il avoit la malheureuse manie de vou- loir se réserver tout personnellement ; 1l sembloit craindre que l’œil de l’homme ins- truit m’eüt saisi quelques notions sur des êtres qui n’étoient. pas encore connus ni pu- bliés, et les connoissances acquises étoient presque toujours un titre d'exclusion pour entrer dans cette galerie ; que nos armes ont placée dans un: lieu digne. d'elle, parce que le plus libre accès ly a mis enfin dans _sa véritable destination. On trouvera peut- être dans ces réflexions une teinte d’amer- tume ; mais ces refus, je des ai éprouvés. En France tout est libre, tout est ouvert et rien n'égale l'accueil qui y attend le savant lors- qu'il veut bien honorer ces établissemens publics par sa présence ; dès l'instant qu'il veutbien y porter ses pas, par-tout il-trouve abandon.et, la plus entière communication. Cette conduite franche et loyale a recu. sa récompense, et je dois dire que lorsqu'un naturaliste français rencontre aujourd'hui dans ses voyages un savant étranger qui Soit venu à Paris, il peut compter dès cet instant sur laccueil le plus amical ; s’il, est conser- E 4 #5 © HISTOTRE vateur de quelque monument public , il dé- _pouillera pour lui cette espèce d'esprit de pro- priété qui lui faisoit regarder comime à lui les objets confiés à sa garde ; juste retour de l’ac- cueil , de l’amäabilité et de la confiance qui chez lui. ont jeté de profonds ressouvenirs. Conservé dans $on bocal et dans un état de contraction ; le poulpe que nous décri- vons aitira les regards du savant professeur du museum d'histoire naturelle de Faris, qui lui donna le nom de poulpe cirrheux , pro- bablement d’après la disposition de ses bras. qui sont bouclés ou frisés sur eux-mêmes Tomime des cheveux (1). Nous avons con- sérvé cette épithète, aui cependant ne sera jamais adoptée dans un langage français pur; sais j'ai considéré qu’un changement de nom entraînoit avec lui de l’obscurité et sou- vent des erreurs ; et d’un autre côté s'il est une propriété bien acquise, c’est à coup sûr le nom qu'imiposa à un objet celui qui le premier le faisant connoître en donna la des- cription. os NS bar 2 (1) Cirrus, 1. boucle de cheveux. Cirratus , a. um. qui a les cheveux bouclés ou frisés. Dict. lat. franc. de pets qui cite l’autorité de Catule et de Perse. D'EMBS'4P OU LP E,S. 79 :* Ce poulpe présente dans son plus grand épanouissement six pouces de long ; le corps arrondi en boule , un peu comprimé par dessous , en offre à peine un ; la tête est plus lougue de moitié, elle est forte et charnue, elle s’évase en montant vers les bras, et elle n’est garnie d'aucune membrane : deux petits yeux globulaires se montrent vers sa base ; ils sont placés sur le derrière, et presque oblitérés ; de forts muscles qui les surmon- tent commencent à indiquer les bras de ce point de départ; leurs cupules sont sur un seul rang; presque toutes rhomboïdes ou hexagones , elles viennent se confondre au centre de lanimal , et y sont tellement ser- rées qu'on ne peut y apercevoir la bouche; ces ventousés sont voisines les unes des au- tres. Les bras , gros et charnus à leur base, se terminent en pointe obtuse; ils sont un peu aplatis sur les côtés, et leur longueur n'excède point celle de trois pouces et demi. La peau de ce mollisque est lisse et unie ; son ton général est blanc, piquotée et cha- grince de points pourpres ; sur le dos elle prend des leintes plus foñcées , le bleu y do- mine , et de légères nuances rouges viennent 74 HISTOIRE y développer des teintes violâtres et azurées ; le derrière de la tête et le dessous des bras partagent ces couleurs. | Le conduit excrétoire commun est ar- rondi et très-saillant ; il se montre à l’or- dinaire du côté du ventre ; le manteau ou sac y est ouvert comme dans tous les autres poulpes, et sa peau est séparée du cou sur ‘le dos , comme le dit Lamarck : cet acci- dent ne me paroît devoir être imputé qu'a un état de délabrementet de lacération. Je crois que dans cette partie la peau a été dé- chirée , d'autant plus que le dessin dont Lamarck accompagna son Mémoire , a été fait par Maréchal dont nous connoïssons la scrupuleuse exactitude, et que ce dessin offre des traces de violence ; car, si on veut le consulter , on y verra qu’une des branchies, au lieu d’être adhérente au sac ou manteau, s’'avance au contraire à nud, en dehors, et _ dans un état qui n’est point naturel , elle vient se montrer à côté du conduit excré- teur et à l’extérieur , au lieu d’être cachée et collée au manteau comme ces organes le sont dans leur état ordinaire ; dès lors nous devons soupconner qu'il y a eu-du déchire- ment ,et qu'il a dù influer su: la séparation DES POULPES 75 de la peau dorsale , offrant dans le cou une solution de continuité opposée à tout ce que nous connoissons parnu les poulpes. D'un autre côté , ce naturaliste a indiqué pour synonymie de son poulpe cirrheux (1) celui que dépeignit Seba dans le troisième tome de son ouvrage, à la figure 6 de la deuxième planche ; à la vérité il hésite pour le faire , et c’est avec d’autant plus de raison que lui-même, deux pages plusbas , dans le Mémoire que nous citons, croit que ce pour- roit fort bien être le poulpe musqué , mais auquel Seba n’auroit pas donné des bras assez effilés (2). Dans cette figure de Seba , on ne peut méconnoître le poulpe musqué de La- marck , dont nous allons parler immédiate- ment après celui qui fait l’objet de cetarticle; des bras alongés et un seul rang de cupules ne laissent aucun douteet ne peuvent donner lieu à aucune équivoque ; ceux du poulpe cirrheux sont d’ailleurs trop nerveux et trop (1) An polypus. Seba , mus. 3, tab. 2, fig. 6. (2) Si on jette un coup d’œil attentif sur cette figure de Scba qui est assez bonne , et qu’on la compare avec celle du poulpe musqué de Lamarck , dans les Mé- moires de la société d'histoire naturelle ,onsera frappé, je ne dis pas de leur analogie , mais de leur identité. 76 2 LS TP ON PE courts, et au lieu d’être comprimés et apla- lis, ceux du poulpe musqué de Lamarck sont comme les bras de celui de la figure 6 de Seba, parfaitement filés et arrondis. Je crois que nous pouvons les regarder comme deux individus d’une seule et même espèce. Dans le Mémoire que nous citons , son au- teur laborieux s’est servi de noms grecs , mé- triques et systématiques, pour désigner les dimensions de lindividu qu’il décrivoit; c’est par ces dénominations syncopées, et que les grecs eussent réprouvées eux-mêmes, qu'on est parvenu à cabrer le vulgaire contre un système d’uniformité de poids et de mesures qui eût été adopté si on eût daigné le revêtir dappellations françaises et à la portée de tous: mais , comme dans tout ce qui est fait collec- tivement par quelques hommes, la raison a voulu en vain élever sa voix, loin de daigner l'écouter, les faiseurs de ces noms onttoujours «cherché à étouffer ses clameurs, des savans en corps ont décidé qu'ils n’écriroient plus de mesures qu’en langage barbare (1), etil - (1) L'Institut, qui par uryarrêté a décidé que tous ses membres se serviroient , dans leurs œuvres , de la nomenclature métrique à l’exclusion de toute autre, el que nul ouvrage ne rappelleroit les anciennes déna- DES POULPES. 77 en est résullé des ouvrages illisibles dans les- quels leurs auteurs ne se reconnoissoient plus eux-mêmes; Juste punition et bien méritée parce qu'ils ont sacrifié au mauvais goût, à l'esprit de corps et à la manie du moment, minalions sous peine d’être proscrit à l'instant, et son auteur condamné au silence. Mais'ici nous osons pré- dire que tout ce qui a été imprimé d’après cette ma- nière de voir ne sera lu que dans de nouvelles éditions, qui de jour en jour deviennent indispensables, Cet arrêté d’un corps savant nous rappelle un décret de l’empereur Joseph IT, qui, par on ne sait quelles con- sidérations commerciales , voulut aussi astreindre les savans d'Allemagne à n’écrire qu’en allemand. Ce décret fatal a infiniment nui aux sciences, car il à empêché une multilude de bons ouvrages de pénétrer dans toute l’Europe , en les concentrant dans le nord: d’autres hommes célèbres ont brisé leur plume; les uus dans leur esprit d'indépendance, les autres parce que jusqu'alors ils avoient écrit en latin, ét que l'élégance de cette langue universelle leur offroit plus de moyens pour exprimer leurs idées que le langage tudesque. Il en est de même de notre langue ; elle. est répandue par-tout , et le français de l’académie avoit presque remplacé le latin : il a tout à craindre des lambeaux de l’habit grec dont on veut le bigarrer ; et de pareils réglemens ne peuvent être tout au plus uliles qu'aux traducteurs , que déjà nous réclamons de toutes parts pour l'interprétation de quelques bons ouvrages publiés à une certaine époque. 78 HISTOIRE sans songer qu'un auteur n QE Fin de la postér ité. | Lamarck et Bosc n’ont point connu la pie trie du poulpe auquel d’un commun accord ils ont donné le nom de cirrheux ; d’après la _ citation que j'ai pu faire de la note qui regar- doit ce mollusque dans le Catalogue du cabi- net de la Haye, on a vu qu'il étoit dû au malheureux naufrage d'un vaisseau anglais, qui, parti du Bengale , étoit venu s’échouer sur les côtes de la Hollande. C’est donc a juste titre que son aspect étranger décida Lamarck à en faire une espèce parfaitement distincte de toutes les autres ; en faisant usage de cette note, j'ai rendu un nouvel hom- : mage à la perspicacité d’un savant qui étoit déjà si connu par ses ouvrages en botanique et sur-tout par sa Flore française , avant qu'il se füt occupé de l'étude des animaux sans vertèbres ; étude dans laquelle il a porté Kesprit systématique et Is ne que qu’on lui connoît. 1 DES POULPES. EXP LU C ATLON :! DE LA PLANCHE XXXIIEL. * $ Erre représente le poulpe cirrheux vu sur ses deux faces. La figure supérieure le montre par der- rière : on doit y remarquer la rondeur apla- tie de son corps, la longueur de sa tête et lenroulement de ses bras qui a servi à le caractériser. Les yeux sont petits et peu saïillans , et le cou est fortement étranglé. La seconde figure nous présente ce même mollusque , vu par devant; de manière à ce qu’on voie combien sont pressées les cupules au centre de ses bras ; serrées les unes conire les autres, elles ont adopté des figures angu- leuses , suite naturelle de leur. proximité. Les bras sont assez courts et un peu aplaïis. Ce poulpe vient du Bengale. # 80 HIS T O LR, LE POULPE MUSQUÉ. (1), Cr mollusque fut connu par les anciens naturalistes, et ils ne le confondirent point (1) Osœæna , osmylus ; eledon | bolbotion ; bolbidia , helidona , osmylia, ve moschyta ozolis , des anciens. Eledon. :. Crurum. prolixitate a ur differé, eË serie simplici acetabulorum. Arist. Hist. 4 3 Ce le — Ozæœna Plini È Hp 0, c. 50. Polypus tertia species. Rondel. pisc. 516, et D. 575, edit. gall. — Bolitæna,sive ozolis. _Bélonii eledonc: Aldrovand. de Moll. pag. 42 ef sequentia. — Polypus tertit seneris: Gesner ; de Moll. icon: arimal. pag. 191. — Octopus moschatus. Lamarck, Mém. de la société d’hist. nal. pag. 22. — Octopus corpore elliptico lœvi , brackiis loreis prælongsis, cotyledonibus er PEU — Sèche musquée, sepia moschata. L, a. g. Bosc, Histoire naturelle des vers , tome 1, pag: 48: — Po- lypus juvencula alia, minima corpore rotundo. Een polypus hecl klein een jong met een ronde lyf. Seba , vol. IIT , pl. 11, fig. 6, et pag. 5. — Zeyl polyp, oft veelvoet gehouden woordende voor de rechte visch van de dunne sekoraalde , ook doekehurft oft schip- pertje genacmt. (Cat. du stadh. vol. XIT, F. n° 25, Man. bib. du museum.) Moschiten et gopos , des grecs modernes, Wuscarolo, avec #7. XXXIV.. £ 2: 4 == LIL PE D ES :P O'UL P:ES. 81! avec les autres espèces ; cependant nous de- vons avouer qu'ils s’arrêtèrent très-peu à ses formes extérieures , et qu'ils ne firent altention qu’à la forte odeur de musc qu’il exhaloit , soit dans son élat de vie, soit des- séché après sa mort. Cette odeur forte et pé- uétrante lui est particulière , et si quelques autres poulpes en sont doués , nous n’en con- noissons aucun qui le soit dans un dégré aussi éminent que le poulpe musqué , nom par lequel il a été désigné dans tous les tems el par tous les auteurs qui nous ont laissé des notions sur cet animal. Nous avons sous les yeux un de ces poul- pes ; il est rangé parmi les animaux sans vertèbres que renferment les galeries du museum d'histoire naturelle, et autrefois il faisoit partie de la collection du prince . d'Orange ; il ne paroît pas avoir acquis toute sa taille : son corps est alongé, presqu’ovoide ; il forme un sac parfait ; la tête en est peu distincte; à peine en est-elle séparée, et elle 4 moscarolo , museardino et muguetino , en Italie. Mos- charolo à Venise; et muzaro à Gênes. Bisemer , bisem- Jing, bissemkutel, en allemand. Musky smelling, pour- contrel, en anglais. Eu arabe, becropt. En moscovite, bisemer. | Moll, Tome III. EF 32 HISTOIRE semble ne présenter qu'une même masse avec lui: l'ouverture du sac eûù manteau west point considérable ; à peine laïisse-t-elle un passage à l’'entonnoir ou conduit excré- toire commun, qui en revanche est assez #ort. Lies yeux, quoique larges, sont oblitérés, ce qui paroît provenir de ce que la peau du corps les recouvre en totalité, et obscurcit par son épaisseur l’éclat et les rayons de la prunelle. Ses bras libres, et sans être liés par une membrane, paroissent très-lonss , auoi= qu'ils n’ayent que deux fois la longueur du corps de ce mollusque ; mais ils doivent cette apparence à leur forme effilée , alon- gée en lanières ; ils sont menus comme un fil à leurs extrémités : un seul rang de ven- touses, très-serrées les unes contre les au- tres, arme leur surface intérieure, et en y comprenant la longueur de ces bras, celle de tout l'individu que nous décrivons s'élève à peine à un pied et demi. Déjà Lamarck en a publié une très-bonne figure dans la seconde planche, dont il a enrichi lexcellent Mémoire qu’il donna dans ceux de la société d'histoire naturelle de Paris ; on y retrouve la scrupuleuse exactitude et le calme rai- sonné qui accompagnent tous les dessins créés par les pinceaux de Maréchal ; cette DES POULPES. 85 perfection qui, en rendant exactement l’ob- jet, ne laisse plus rien à desirer, contrasté singulièrement avec la figure baroque de ce poulpe que publia Rondelet, laquellé ressemble plus à une grenade allumée qu'à toute autre chose , et c’est sous ces traits dif- formes que l'ont copiée Aldrovande, Belon et Gesner. Jonston, la regardant probable- ment comme l’ouvrage du caprice , ne vou- lut point les imiter ; et c’est en vain qu’on la chércheroit parmi ses figures , quoique son texte en fasse mention (1). Nous devons donc convenir qu'il seroit impossible de recon- noître le poulpe musqué de Lamarck dans ceux de ces auteurs, si leur texte et les termes qu'ils employèrent , plus précis, ne venoient à notre secours et ne levoient à cet égard toute difficulté. Seba est peut-être le seul qui ait donné une bonne figure, ou au moins reconnoissable de ce poulpe avant le natu- turaliste français, et cependant nous voyons (x) .... Tria sine conchys conspiciuntur, inter quæ levem et exiguam moderni differentiam esse putant. Eledone...... osmylos, & gravi capitis odore nomen habet. Bolytæna , quo et bolbotyne , Sculigero olentia vel potius putilia dicitur. Jonston , de Exsang. aquat. pag. 7, col. 1 , in fine. F 2 . à 1 STORE qu'il s’en est fallu de bien peu que celui-ci ne lait méconnue (1); car on le voit balan- cer,etil ne sait précisément à quelle espèce de ce mollusque il rapportera celui que figura Seba, qui cependant, après le plus mür examen, ne peut laisser aucun doute ni aucune ambiguité. _ La peau du poulpe musqué est absolu- ment lisse et unie ; il semble que la Nature ait voulu EE Copper les formes meurtrières de cet animal destructeur sous une sUL- face satinée et polie ; aucune grenure , aucun point saillant ou chagriné ne vient interrompre le doux glacis de cette peau. teintée de lis et de rose, animée par les couleurs du narcisse, qui par les plus char- mans reflets rappelle ceux de la plus fraîche et de la pius belle carnation. Les tons les plus suaves ornent les formes extérieures de ce mollusque ; ses muscles se dessinent avec rondeur ; ils présentent, dans leurs (1) « L’individu que je viens de décrire pourroit être cette espèce que Seba a figurée dans son museum, vol. IIT, planch. 11, fig. 6; mais dans cette figure Jes bras ne sont pas assez eflilés ». (Lamarck, même Mé- moire , pag. 23.) An polypus. Seba, Mus. 3, tom. IT, fig. G, au mème endroit , pag. 21. DES POULPES. 85 moëlleux contour , des nuances lilas et gris de lin, qui, en formant les ombres, repous- sent en avant les parties saillantes dont les teintes vierges, moëlleuses et pures rappel- lent involontairement celles que la Nature, la beauté et l'amour broyoient sur la palette de lAlbane. Si ces dehors trompeurs ont autant de puissance sur les sens des habi- ans des eaux qu'ils en ont. sur ceux des habitans de la terre ( 1 ); si les pièges de la (1) Chez tons les, animaux doués de l’organe de la vue, cet organe ne peut et ne doit leur servir qu'aux di Ter ens usages pour lesquels il fut destiné. Des yeux sont faits pour voir, ‘et d’accord avec les autres sens , ils ont leurs per ceptions particulières. C’est ainsi que très-souvent j’ai vu un chien, dont le maître, ordi- nairement habillé de la même manière , venoit de changer d’habit, venir à son tour s'assurer par ses yeux si c’étoit là encore ce même maître que lui annonçoit son odorat. Je pourrois citer ici une foule de preuves à l’appui de cette opinion, el certes je ne me trouverois embarrassé que par le choix; mais, saus entrer dans une discussion à ce sujet , je vais me borner à indiquer un fait publié , je crois, dans le Mercure britannique , et qui ne peut laisser aucun donte à cet égard. On y lit qu’un zèbre femelle ,ren- fermé dans un parc en Angleterre, avoit reçu à grands coups de pied, et estropié à force de ruades, tous les ânes étalons qu’on avoit voulu lui donner, F3 Fe 86 HISTOIRE. vue ont autant de pouvoir sur eux qu'ils en ont sur nous, chose qui n’est pas abso- lument impossible , alors le poulpe musqué doit être bien redoutable pour eux ; tout est riant autour de lui; une atmosphère embaumée parfume le lieu de son séjour; ses formes, aussi légères qu’élancées, sont bien loin de faire redouter son approche ; et ce n’est que lorsqu'elle est saisie dans ses bras impitoyables, que leur triste victime reconnoîl , mais trop tard, son imprudence; rien ne peut désormais l’en arracher : l'illu- sion s’évanouit , il faut périr. Linnæus ni Gmelin n'ont fait aucune mention de ce poulpe ; 1l semble que c’est par un pur oubli qu'il a échappé au natu- raliste suédois et à son continuateur ; peut- être le premier, qui n’a pu le connoître que. daus l’espérance d’en obtenir une race croisée; cet. animal indomptable en avoit même tué quelques-uns, lorsque son propriétaire s’avisa enfin de faire peindre un bandet , en le bariolant de noir et de blanc, et en. dessinant sur son poil gris les bandes alternatives qui. parent et constituent la robe du zèbre mâle : vaincue. par les yeux, cette indocile femelle se rendit aux. apparences; ses caprices et son courroux s’évanouirent: devant cette parure d'emprunt , qui avoit su fascincr. ses regards en domptant son irascible caractère. DES POULPES. 87 par les mauvaises figures des auteurs que nous avons cités, le crut-1l peu digne d’at- tention, et trop peu caractérisé pour en faire une espèce isolée et particulière (1); il faut avouer que nous partagerions ses doutes , si Eamarck , d'accord avec les an- eiens, ne nouseül point fait connoître encore: plus particulièrement ee mollusque qu'ils s’'étoient contenté de décrire: Mais ce savant naturaliste sacrifia, en faisant la description de ce poulpe , au préjugé du moment, qui ne vouloit plus admettre un poulpe voguant à son gré sur l2 surface des mers, dans la coquille de l’argonaute, habitation papiracée,. que lui-même se seroit construite (2) : s’écar- tant à.ce sujet de ce qu'avoient vuet reconnw les anciens, Lamarck, d'accord avec les na- ( 1} Linnœus , dans sa nomenclature des poulpes,. qu'il ne sépara point des sèches.et des calmars , n’in- diqua. que les espèces suivantes : Sépia octopus — un- guieulata — ce:qui ne nous présente que deux espèces: de ces mollusques, auxquelles probablement Éinnæus rapportoit toutes les autres; (2) Il paroît que c'estcetle même espèce qui très— sonvent se rencontre dans fa coquille de l’argonaute ;. où elle s’est logée à la: manière du cancer bernardus ,. sans doute après-er- avoir dévoré l'animal. Ceux. QUE y ont trouvé ce poulpe l'ont pris. mal à propos pour FE 4 88 HISTOIRE turalistes modernes , ne voulant voir, dans ce mollusque de l’argonaute , qu’un animal parasite, crut qu'il pouvoit attribuer cette invasion à son poulpe musqué, assassin et brigand de son naturel , comme tous ses congénères , et qui facilement se: laisseroit charger d’un crime de plus. Maïs ; comme tous les autres poulpes nuds, ée mollusque coriacé est un assassin de profession , qui, perpétuellement embusqué sur la voie pu- blique, vit de meurtre et de sang , ne s’in- quiétant ni de couvert, ni d'habitation. _ C’est en faisant l’histoire des poulpes testacés ou argonautes , que nous détruirons victo- rieusement ce fait, en prouvant qu'ils se bâtissent leurs coquilles ; qu'ils en agran- dissent les dimensions à mesure qu’ils pren- nent de l'accroissement, et que ces coquilles acquièrent même quelquefois un. volume très-considérable : cette erreur est encore celle de tous les modernes ; sans excep- tion, et faute d’une bonne figure , tous ont l’animal même de Ja coquille , et cette erreur s’est propagée jusques dans les ouvrages des naturalistes... et plus bas Lamarck fait tous ses efforts pour détruire ce qu’il regarde comme une erreur. (Mémoires déjà eilés, pag. 25 et suiv.) D'EHSP O'U'LP'E'S. 89 regardé comme parasite l'animal du nau- tile papiracé, quoique Belon et (1) Rum- phius assurassent, de même que les anciens, qu'ils avoient vu cet animal voguer dans une coquille qui lui appartenoit. C’est encore par suite de cette manière de voir, et en propageant cetie-erreur , que nous verrons adoptée par Bosc (2), que l'auteur hollan- daïs du Catalogue du stadhouder', trouvant dans le cabinet de ce prince le poulpe mus- qué , lindique comme le mollusque qu’il suppose être celui qui habite largonaute ou nautile paprracé ; car, si nous traduisons ses propres termes , tels que nous les avons cités dans la phrase hollandaise de la syno- nymie qui précède cet article; phrase qui indique incontestablement le même poulpe dont nous parlons , nous verrons que le bocal sous le n° 25, renferme un poulpe naviga- teur , regardé comme étant le véritable animal , et le mollusque habitant la frêle . (1) Belon, Histoire naturelle des poissons , pag. 52, chap. 25. Rumphius. Amboinsche , rariteytkamer , tab. 18, LES (2) ZL. a. g. Bosc, Histoire naturelle des coquiiles, tom. IT, pl. xxvir, fig. 6, et pag. 261. 90 HISTOTRE coquille, connue sous le nom de rautile papiracé et perlé ». D'argenville (1) , à son tour , que cependant nous ne pouvons ciler comme un auteur original, copiant à sa manière et Belon et Rumphius, aug- menta la confusion. Tant d’autorités parois- soient avoir établi le fait, et faute d’un mür examen, le tems consolidoit chaque jour celle opinion , quoique parfaitement erro- née ; et dans l'embarras même où plongeoït cette manière de voir ; on en étoit seulement arrivé à rechercher quelle espèce de poulpe seroit préférée, et auquel de ces mollusques on donneroit ces mœurs parasites et enva- hissantes , sauf à attendre du tems la découverte du véritable propriétaire du nau- tile papiracé. Mais, si on avoit daigné con- suller les anciens voyageurs , on auroit vu que le poulpe musqué acquiert quelque- fois une certaine taille, qui ne permettroit sous aucun rapport de pouvoir lenvisager comme l'animal du nautile papiracé , at- tendu que les plus grandes coquilles que nous en connoissions n’excèdent point neuf pouces de longueur sur trois doigts au plus (1) D’Argenville, Conchyliologie. Zoomorphose ; PAT “7 12: D'ESh P'O'U LPS. 7 9ù d'ouverture. Thevet (1) dit avoir vu des poulpes musqués auprès des îles Majorque et Minorque , ainsi qu'a Pouzzoles près de Naples , dont la longueur des bras à leur base , non compris l'étendue de ces mêmes bras , offroit dans leur rotondité le diamètre d’une écuelle , au centre de laquelle se montroit une bouche assez grande , dimen- sion qui ne pourroit plus se renfermer dans les plus grandes coquiiles d'argonautes, qui, par leurs formes légères et élégantes, sont aujourd’hui si connues, et forment un des plus beaux ornemens de nos cabinets et de nos collections d'histoire naturelle. Si nous consultons encore le même (1) Quand au poisson qui est en cette mer... entre les autres s’y en voit un.... fait tout ainsi que les peintres effigient une grande estoiile, nommée des an- ciens polypes , et des grecs vulgaires , moschitan ; des arabes , becropt ; el des moscovites , bizemer. De telles en ais-je veu d'autrefois près de Naples, au plaisant lieu de Pouzzoles. Ce poisson a au milieu de ses rayons unerotondité large comme une escuelle, sur laquelle cest sa bouche assez grande : et à cause que ce poisson sent ,quand vous le mangez , comme le musc, et tire un peu sur la violence , on n’en use guère ; ils l’ap- pellent estoille de mer. (Thevet , Cosmogr. universelle, tom. IT, liv. 15, pag. 502.) 2 HISTOIRE voyageur, nous apprendrons que le poulpe musqué n'appartient point exclusivement à la Méditerranée, et qu'il se rencontre encore dans d’autres mers, où il est par- faitement de la même espèce que cel des environs des îles vices et de Naples. 'hevet en avoit vu dans les mers du Sud, comme il nous l’apprend dans quelques réflexions qu’il émet-sur le sujet de Pambre gris, et où il répète encore qu’il avoit ren- contré le poulpe musqué auprès de Pouz- zoles (1 }. Ÿ | C'est cependant du milieu de cette obscu- rité et de ces contradictions que doit jaillir la vérité; si, dans toutes les parties de l’his- toire naturelle, il est une histoire difficile à débrouiller, s’il est des faits qu’on se soit plu à recouvrir de nuages et à rendre pres- que impénétrables ; ce sont à coup sûr ceux qui concernent les poulpes , où toute la sa- (2) « En la mer Méditerranée , à Pouzzoles, auprès de Naples, j'ai vu une espèce de poisson faict comme une estoille , lequel , étant manié , sentoit ne plus ne moins que le musc duquel nous usons. De même espèce en ais-je veu aussi à l’antarctique , que les sauvages du promontoire des cañnibales nomment pira affard, qui signifie autant que poisson estoillé, ou ressemblant & l’estoille....», Thevet, tom. T, liv. 4, pag. 101. | DES: POUIXIPES ‘9 gacité d’un Œdipe suffiroit à peine, comme le dit Aldrovande, pour pouvoir percer au travers de ce chaos (1). Malgré tous mes efforts pour le faire, nous devons avouer que la nudité de ce poulpe et son odeur forte et musquée sont les seuls indices qui nous ont fait croire que c’étoit ici ce mollusque que les anciens avoient connu : il est encore possible que la chose soit dif- férente; mais alors les mauvaises figures de nos anciens auteurs nous indiqueroient celui dont ils ont voulu parler sous le nom de poulpe musqué, et nous en reconnoî- trions une seconde espèce dans celui que fit dessiner Lamarck. Bosc (2), en publiant sa sèche rugeuse ; dont il changea depuis , sur les observations. de Lamarck , le nom en celui de sèche granuleuse (3), regardoit cette espèce , qui Be (1) Aliquot polyporum generis reperio nomina. Quæ quarum apud alios videre mihi licuit , etiam hic nomi- nabo, veniam a benevolo lectore postulans , si non satis ea explicavero, nam Œdipo potius quam doctore egent, cüm obscurissimè de his grammatici scripserint. Aldro- vande , de Moll. lib. r , cap. 3 , pag. 42. (2) Actes de la société d’histoire naturelle de Paris, vol. T, pag. 24, pl. v, fig. 1 et 2. (3) Histoire naturelle des vers, tom. I, pag. 47. d4 HISTOIRE vient des côtes du Sénégal, comme étant la même que cellé du poulpe musqué : changeant d'avis pour une troisième lois, cet auteur , abandonnant probablement cette hypothèse, reconnoît aussi, dans le dernier ouvrage qu'il vient de publier (1), que le poulpe musqué, dont il est ici ques- tion, forme une espèce distincte et séparée : ajoutant même au Mémoire de Lamarck, il dit positivement que ce mollusque sé trouve & dans la Méditerranée et dans l'Océan » , et cette opinion coïncide parfaï- tement avec celle qu'ont émise les anciens , et qui fut suivie par les modernes, ceux-ci ayant observé, comme eux , que ce poulpe nud se rencontroit dans ces mers. Il seroit encore possible que ce mollusque coriacé se rencontrât dans les mers de l’Inde et dans celles de la Chine, comme dans celles du Sud et de la Méditerranée. Ce qui pourroit le faire croire, est l'odeur musquée dont est empreinte l’encre formée en bâtons et en tablettes, ou diversement figurée, qu’on nous apporte de cet empire; mais, je l'ai déjà observé, l’encre seule des sèches est. noire , celle de calmars et des poulpes (1) Voyez le même ouvrage ;, pag. 48. DES POULPES. 95 offre la couleur du bistre, ou ‘brun brillant et foncé. L’odeur , qui s'exhale de l'encre de la Chine , ne seroit donc plus pour nous un indice, si je n’avois vu, depuis quelque tems, à Paris, des petits bâtons de couleur brune , figurés comme ceux de cette encre, et que les marchands de couleurs y vendent sous le nom de sepia; ces bâtons de subs- tance colorante viennent de l'Inde , et les peintres en aquarelle, ou en miniature, . s’en servent parce que cette teinte brune est chaude et brillante : son odeur musquée, son nom, sa fonte et sa dissémination par- faite dans l'eau prouvent son analogie avec l'encre de la Chine, et il est très-probable que , de même que les chinois condensent la liqueur noire des sèches, ils se sont avisés de tirer le même parti de la liqueur brune de quelques poulpes, dont un petit nombre de gouttes suflisent , comme celles des sèches, pour salir un très-grand vo- lume d’eau. Les anciens mangoient ce poulpe ; ïl paroissoit sur leurs tables avec les sèches et avec les calmars ; il paroît même qu'ils en faisoient une estime toule particulière, car leurs plus fameux médecins lui avoient reconnu la plus haute verlu carminative et _ 96 HISTOIRE stimulante ( 1 ). Les poëtes à leur tour chan- térent, ces qualités : d’un autre côté, ces poulpes faisoient les délices de la table en affectant agréablement le goût et l’odo- rat; de l’autre , la médecine paroît s’en être servie avec succès dans les mains du favori d'Esculape (2), pour prévenir ou guérir des maladies cruelles, qui sont devenues l’'écueil de l’art moderne de guérir. On a encore regardé ces mollusques des- | séchés comme un parfum délicieux et propre , renfermé dans les coffres et les armoires, pour embaumer le linge et les : habits ; les goûts sont bien changés, et le musc , qui étoit aussi précieux que les aro- mates les plus rares pour les anciens et pour nos pères, est presque entièrement banni (1) Ad venerem excitandam plus cæteris valere cre- ditur. Hippocrate, lib. 2 , de morbis mul. Polypi , sepiæ venerandæque , loligines Et quæ mare olet bolbytis. Epicharm. :n nuptus hebes. (2) Præparatur ad cibum utraque species co quo superior modo ad uterorum cancros futuros bolbydia et pisces cartilagineos, E6 si uterus ad coxam aversus Juerit, bolbydia in vino , et oleo cocta prescribitur. Et eandem similiter prœparatam , auf sepiolus ad menses de eiendos. Hippocraie, de morbis mul. Lib, 2. D TT DES POULPES. 97 de nos cassolettes , ainsi que des boutiques de nos parfumeurs : quelle qu’en soit la cause, il est entièrement abandonné ; en général, loin de nous donner encore d’agréables sen- sations et d’affecter délicieusement notre odorat, comme il affectoit celui de nos pères , il le blesse ; son action trop forte et l'irritation nerveuse qu’elle produit lont fait proscrire : j'ai vu des personnes à qui glle occasionnoiït une hémorragie fasale. Moll, Tome III, ii G 98 HISTOIRE E PE AC Al THMONN DE LA PLANCHE XXXIV. Le poulÿe musqué. | 1, ÉÈeRes d’après l'individu qui fait partie de la collection nationale, son corps est alongé ; sa tête étroite ne fait qu’une seule et même masse avec lui ; l’œil est oblitéré. Les bras, en forme de lanières arrondies, sont garnis d’un seul rang de ventouses ; ils sont très-alongés et se terminent en pointe aiguë , sans être roulés. Le conduit excrétoire commun est large et fort apparent. / L DES POULPES. 99 LE POULPE ONGUICULÉ (1). Cr mollusque, qui sera pour nous le dernier des poulpes nuds, nous est très-peu connu, et à peine savons-nous quelque chose de ce qui le concerne : Molina est le seul qui, dans son histoire naturelle du Chili, en ait fait mention ; il paroît qu'il appartient exclusi- vement aux parages de ces côtes. Se con- tentant de l'indiquer par une simple note, cet auteur ne nous en a point laissé une description détaillée : cependant ce qu’il en dit est clair et précis, en laissant beaucoup (1) La sèche onglée. Sepia corpore ecaudato , has chiis unguiculatis. Molina , Hist. nat. du Chili, trad. franç. pag. 173. Sepia unguiculata. Species 6, Lin. Syst. nat, verm. pag. 3150. — Corpore écaudato , brachiis unguiculatis "— habitat in mari Pacifico, Chilli aluente ; rarior sapidissima ; brachiis loco verrucarum unguiculis armatis in proprias vaginas retractilibus. Ibidem. — Sèche onguiculée , sepia unguiculata. Lies bras armés d’ongles rétractiles en place de suçoirs. Se trouve dans - les mers du Chili. ZL, a, g. tt , Hist. nat. des vers, tom. 1, pag. 47. . G 2 100 » di ST O ER EN à desirer. Nous devons convenir qu'on n€ peut méconnoître l'existence de ce poulpe; et quoique dessinés en peu de lignes, ces cäractères sont assez frappés par l’auteur espagnol , pour qu’on soit forcé de les adop- ter. Linnæus n’hésita point à le faire ; il lui assigna une place parmi les êtres que classa sa savante main; il y reconnut ‘une espèce particulière, et son exemple a élé suivi par un naturaliste français, dans un travail succinct à la vérité , mais qui offre les plus grands secours quant à la nomenclature. Nous marcherons ici sur leurs traces, et ce poulpe , qui diffère de tous ceux que nous avons décrits jusqu’à présent, nous présen- tera dans l’armaiure de ses bras des grilles aiguës et rentrantes, comme celles qui ar- ment les extrémités des plus terribles et des: plus carnassiers de tous les quadrupèdes. Ce nouveau mode, qui nous éloigne de tout ce que nous venons de voir, en nous conservant cependant au milieu des êtres qui font le sujet de nos observations, nous prouve de nouveau que la puissance pro- créatrice , pleine de force et de vie, se livre du sein de sa plénitude au désordre le plus sublime : c’est à l'instant que nous. croyons tenir cette nature, qu’elle nous N | DES P'OUÆLIPIES. ‘or échappe ; mais toute fugitive :qu’ellé nous paroisse , elle ne nous fuit point: sans laisser des traces qui puissent nous aider à la re- trouver dans sa marche si compliquée ; et si, attachés sur ses pas, nous nous égarons à sa suite, ce sera encore elle dont la main secourable nous tendra le fil. qui seul peut nous tirer du labyrinthe où nous nous som- mes engagés en voulant là saisir. Ce seroit en vain que nous voudrions l’enchaîner ; elle fuit toute contrainte ; elle ne reconnoît aucun lien, et elle n’en est que plus su- blime. Elle est au dessus de toutes les lois, parce que c’est elle qui les crée dans sa sagesse profonde ; ‘à cette souveraine indé- pendance, nous devons reconnoître la puis- sance motrice et régulatrice de: l'Univers. En vain lesprit, de. l’homme voudroit - il embrasser la plénitude de..ses œuvres ; auoique les bornes. qu'ellé- même assigna à cet esprit soient immenses ,.Hos concep- tions n’atteindront jamais à la majesté, à Vimmensité de son ensemble : son sein s’est ouvert pour donner naissance à tout ce qui pouvoit être; car tout ce qui pouvoit être existe : ici dans son repos, mais toujours agissante , elle projette autour d’elle une _ multitude de créatures douées de sentiment G 3 368 2 SAISIT OT | et de la vie; dans d'autres tems on la voit désunir ces dons ;:et moins généreuse , elle paroît ne’plus vouloir les accorder à la fois; là ; du miliew d’une destruction apparente , dü milieu de l’épouvante et du Ffracas ; nous voyons jaillir tout à coup la vie multipliée sous toutes les formes; et plus loin c’est de la tempête et de la guerre des élémens en courroux , que s’élancent de nouveaux êtres et de nouvelles modifications de la matière dont l’homme , malgré la flamme du génie qui l’inspire , n’est qu’une foible portion. De quel enthousiasme cette idée de puis- sance ne doit-elle pas nous pénétrer, et quelle est done l’immensé distance qui nous sépare de cette force motrice, nous qui, sur le globe qu’elle nous assigna en par- tage, nous en regardons comme les souve- rains et comme une émanation médiate de cette Divinité, dont rien ne peut nous faire embrasser le vaste ensemble. En comptant nos jours, elle-même en indiqua le terme; comme les autres êtres, nous sommes sous sa main simples véhicules de générations et de modifications futures : dans notre séjour sur la terre, nous ne pouvons com- prendre son immensité ; et s’il est donné à l’homme de la saisir un jour, ce ne peut DES POULPES. 109 êlre que lorsque , dépouillé de son enve- loppe mortelle , il sera enfin: permis au souffle divin qui l’anime , de rejoindre le centre d’incandescence et de vie, dont, pen- dant le tems de son exil, il fut séparé. Tou- Jours ces idées sublimes ont électrisé les naturalistes dans leurs travaux, et il n’en est aucun qui ne les ait émises d’après les sensations qui naissent à l'aspect du vaste ensemble que déploient à ses yeux les créa- tures ; Buffon peut-être, plus que tout autre, ressentit ces influences, et plus d’une fois elles embellirent les fortes teintes que lui fournissoit, pour peindre ses idées, sa brülante imagination : Tinnæus, Swam- merdam , Fournefort, Reaumur, et la masse entière des naturalistes ont toujours élevé la voix pour célébrer les merveilles de la Nature et de sa puissance (1). (1) Je pourrois appuyer ce que j'avance ici par des extraits sans nombre, puisés dans les ouvrages immor- tels de ces philosophes à jamais célèbres ; mais mes lecteurs, justes et impartiaux autant qu'instruils, ont pu les consulter comme moi. Je me borne dans ce mo- -ment à transcrire littéralement le commencement du discours préliminaire dont Tännæus , le plus modeste ét Je plus instruit des naturalistes, s’est plu à embellir son célèbre ouvrage, Je me servirai de la traduction G 4 104 6 HISTOIRE - Ses lois sont éternelles ; et quoique cons= tantes et générales , leur concordance suivie française qu’en a donnée Vanderstegen Deputte , an- cien échevin de la ville de Bruxelles, que nous regret- tons tous , et que la mort enleva au milieu de ses tra vaux. Confident de cette force expansive, Linnæus dit en invoquant l'empire de la Nature: « Sortant comme d’an prôfond sommeil , je lève les yeux ; ils s’ouvrent, et mes sens sont frappés d’étonnement à l’aspect de l’immensité du Dieu éternel , infini , tout puissant qui m’environne ; par-tout je Vois ses traces empreintes dans les choses qu’il a créées ; par-tout , jusques dans les objets les plus petits et presque nuls, quelle sagesse ! quelle puissance ! quelle inconcevable perfection ! J’observe les animaux entés sur les végé- taux , les végétaux sur le règne animal, celui-ci sur le globe, qui roule en sa marche invariable autour du soleil , dont il reçoit la vie. Je vois enfin ce soleil lwi- même tourner autour d’un axe avec les autres astres; et l’incompréhensible amas d’étoiles shspendues dans le vuide, dans l’espace sans bornes, soutenu par la volonté seule du premier moteur, de l’être des êtres, la cause des causes, le conservateur, le souverain de l’anivers, le seigneur et l'artisan de l'édifice du monde. Voulez-vous le nommer le Destin | vous le pouvez; c’est de lui que tout dépend. Voulez-vous le nommer la Nature, vous le pouvez encore; il est l’au- teur et le père de toutes choses. Voulez - vous le dési- gner par le nom de Providence , c’est encore lui dont” l'intelligence préside à l’univers. Il est tout sens, il est tout œil ,il est tout oreille, tout ame, tout esprit, “# DES: POULPES. 105 nous échappe quelquefois; pour les suivre dans toutes leurs sinuosités , il nous faudroit une chaîne non interrompue d'observations et de faits, qui, embrassant les choses dés leur origine , nous développeroient létat de tous les êtres, celui de leur existence antérieure à nous ; l'histoire enfin de tous les tems , de tous les lieux , de tous les tout soi ; son essence est un abîme où se perd l’enten- dement humain ; il est seul Dieu, éternel , immense, non créé ni engendré ; sans lui rien ne seroit, sa puis- sance a tout formé ; il se dérobe à nos yeux éblouis, mais il se manifeste à la pensée ; et caché à nos sens dans son impénétrable retraite, ce n’est qu’à l'esprit qu'il se découvre..... » La Nature ne compose point son ouvrage sur un seul modèle, mais elle se joue dans son inépuisable variété ; elle fait succéder l’une forme à l’autre, ne.se contente pas d’un seul type, mais se plaît à jouir immutablement de toute sa force...... __ » Cette contemplation de la Nature est nn com- mencement de la volupté céleste; l'esprit qui s’y livre se promène dans un séjour de lumière, et passe sa vie comme dans un ciel terrestre... Les hommes, laissés à leur penchant naturel, ont toujours estimé les recherches dont elle étoit l’objet ; les vrais savans ont toujours aimé de sy livrer.... elles furent toujours ennemies des gens mal instruits ct barbares». (Syst. de la Nature, traduit par Vanderstegen Deputte ; Bruxelles, 1795.) 4066 HISTOIRE phénomènes qui ont dû naturellement suc- céder de la complication successivement résultante d’une immensité de. combinaïi- sons, dont les élémens venoient se croiser aux différentes époques de leurs appari- tions : rien ne doit donc nous étonner ; et à mesure que noûs rencontrons denouveaux sujets d’admiration , nous devons reconnoître que toutes Îles formes possibles existent tant ‘au physique qu’au moral; et que sil en étoit une seuic qui ne füt pas remplie, elle donneroit de suite naissance à un nouvel être. ° Le poulpe onguiculé du Chili s’écarte done des autres poulpes, comme Ja sèche à six bras du même pays s’est éloignée des sèches. Son corps est arrondi , et il ressemble à ceux des poulpes; comme eux il a huit bras , susceptibles par leur flexibilité, de toutes les ondulations que veut leur im- primer animal. Ce ne sont plus de simples ventouses qui les arment dans toute leur longueur , mais un double rang d’ongles acérés et pointus, que ce mollusque peut retirer et cacher à volonté dans un fourréau qui leur sert de retraite (1). On sait que ces - (1) Outre la sèche usuelle., sepia octopodia , on trouve dans la mer du Chili la sèche onglée..,.. Au DES POULPES: 107 ongles, rentrans et cachés, sont le principal caractère des tigres et des autres animaux qui, comme eux, se saisissent de leurs vic- times et savourent à longs traits le sang qu'ils font couler , bien plus pour satisfaire leur soif féroce , que leurs appétits destruc- teurs : ce point de comparaison et de contact nous manquoit encore pour donner aux poulpes les mœurs les plus sanguinaires ; cette ressemblance avec les plus cruels des quadrupèdes, termine leur. caractère, et doit nous les faire regarder sous les mêmes rapports. Nous avons peint la férocité des mœurs du poulpe commun : si celui-ci acquiert sa taille, s’il atteint à neuf ou dix pieds d'envergure, il doit être un des plus terribles dévastateurs des mers ; ses ongles crochus et multipliés,, pressés et entassés les uns à côté des autres, dans toute la lon- gueur de huit bras, perpétuellement tendus pour assouvir une propension au carnage toujours renaissante ; son bec acéré et tran- lieu de suçoirs, elle a les pattes armées d’un double rang d'ongles pointus comme ceux du chat , que l’ani- mal peut retirer à volonté dans une espèce de four- reau. Cette sèche est d’un goût délicat, mais on ne la trouve que rarement dans ces mers. (Molina, Hist. pat. du Chili, trad, franç. pag. 175.) 168 ‘HIS T O'I RE À chant, quittant à peine une proie pour en lacérer uné aûtre , dont ses appétits sangui- haires et toujours insatiables ne seront pas encore satisfaits : voila les armes avec les- queiles ce poulpe attaque indifféremment tout être qui s'approche même à une certaine distance de l’antre , ou de l'angle de rocher qui lui sert de repaire ; c’est de là que; comme le tigre, il s’élance sur les nom- breuses victimes de son insatiable soif, avec une fureur constante que rien ne peut cal- mer : l'espoir du carnage contracte tous ses muscles; sa peau, qui se fronce en frémissant, rousit et pâlit tour à tour les couleurs les plus exallées viennent peindre sur sa surface lPexcès des passions qui l’agitent, et ses mem- bres, enveloppant une victime abattue, re- cherchent déjà de nouveaux êtres qu'ils puissent immoler à sa fureur. Qui ne croiroit que de pareils animaux ne dévastassent enfin les mers et leurs abîmies ? la Nature paroît y avoir mis un obstacle : ils sont rares ; et quelle que soit la cause qui s'oppose à leur propagation , l’auteur que nous citons nous apprend que leur nombre n’est pas bien considérable : les hommes leur font même une guerre qui doit encore les diminuer , car leur chair est très-recherchée ; elle fait DES POULPES. 1o un mets très-délicat, que les habitans de l'Amérique cherchent à se procurer avec beaucoup d’avidité ; et les pêcheurs, sti- mulés par le gain, se livrant à cette pêche, parviennent quelquefois à s’emparer d’un des plus sanguinaires tyrans de la mer. Il paroît que, comme les poulpes à un seul rang de ventouses, celui onguiculé est dépourvu de la membrane qui réunit les bras à leur base ; il eût été à desirer que Molina se füt un peu plus étendu à son sujet ; et qu'au lieu d’une description aussi succincte que celle qu'il a laissée , il nous eût transmis quelques notions de plus sur un animal aussi extraordinaire ; c’est encore en vain que j'ai recherché ce que pourroit avoir écrit Hernandez (1) sur ce mollusque ; ne s’'arrêtant qu'aux végétaux et à quelques animaux des plus saillans, il ne s’est pas du tout occupé des animaux sans vertèbres: à ces époques, ces animaux en général attiroient peu les regards des voyageurs et des naturalistes , et il a même fallu qu’une conformation très - particulière distingua , d’une manière saillante , le pouipe onguiculé (1) Rerum medicarum, seu T'hesaurus novæ His- paniæ. Francisci Hernandez, in-folio. Romæ, 1751, 110 HISTOIRE du poulpe commun, pour que Molina lait indiqué comme une espèce qui devoit en être séparée. On voit même que, confon- dant et réunissant sous une même dénomi= nation les sèches , les calmars et les poulpes ; il regardoit le poulpe commun , qui se trouve aussi sur les côtes du Chili, comme une espèce de sèche. Un autre regret , tout aussi vif que le premier, et qui vient encore ajouler au desir que nous aurions de mieux connoître cet animal, c’est que Molina n’a accompagné son ouvrage d'aucune figure ; elles eussent servi à débrouiller l'obscurité de son texte; et là où il est précis, elles seroient venues confirmer sans retour le peu de lignes que cet auteur a données de chaque objet dans son ouvrage , qui ést plu- tôt un simple catalogue que l'histoire natus relle de la contrée où il porta ses pas. Cette omission nous force à laisser ici uñe lacune : et à notre toür nous sommes obligés dé laisser desirér à nos lécteurs la figure du poulpe onguiculé , que Dombey paroit n'avoir point connu, et que nous n'avons pomt rencontré dans nos voyages, les re cherches que nous avons faites d’ailleurs ;, étant restées infructueuses : plus heureùux que noûs, uh autre naturaliste pourra uw DÉt#ibo ttes vi jour remplir ce vuide , et nous faire con- noître plus particulièrement le mollusque qui vient de faire l’objet de cet article. C’est probablement à ces notes trop suc- cinctes que nous devons attribuer le silence gardé par Lamarck, sur cé poulpe, dans le Mémoire qu'il destina pour débrouiller leur histoire et indiquer leurs différentes espècés ; quoïque Linnæus eùüt adopté comme espèce celle décrite par le natu- nn raliste espagnol ; lauteur français n’en fit aucune mention : Bosc a réparé cette éspèce d’oubli en adoptant, comme nous VPavons prouvé dans notre synonymie , les observations de Molina ; sentiment qu’il partasea avec Linnæus, et que noûs avons suivi nous mêmes sur l’appui de ces trois autorités. Jusqu'à ce jour , aucun naturaliste n’a réncontré ce mollusque dans les autres mers : on doit croire qu'il est indigène à célle du Chili. Jé puis assurer qu’on ne le reñcontre pas dans ceiles de l'Afrique , mi autour des Antilles ; et je ne crois pas qu’on Pait retrouvé sur les côtes du Mexique, où il ra paru qu'il étoit entièrement inconnu. Ce mollusque est pour nous le dernier des poulpes nuds ; les plus scrupuleusés 112 HISTOIRE recherches nous ont convaincus que les au teurs qui ont écrit sur ces animaux n’en ont point connu d'autres que,ceux que nous, venons de faire passer successivement sous les regards de nos lecteurs. On, nous saura. gré de ces recherches, lorsqu'on voudra bien examiner , que, pour conduire ce travail au point où nous l’avons amené, il nous à fallu consulter un nombre pro- digieux de volumes , disséminés dans plu- sieurs bibliothèques , dépôts des annales de l'esprit humain , et que la capitale pouvoit seule nous offrir aussi multipliés ; et d’un autre côté les immenses collections d’his- toire naturelle qui, toutes, nous ont été ouvertes d’une manière aussi amicale que communicative, et où nous avons pu pui- ser et consulter les objets en tous"tems, ont singulièrement ajouté aux moyens qui étoient à notre disposition. Ce travail, en lui-même , éloit pénible et laborieux ; il nous a présenté presque toujours de très- grandes difficultés ; et elles étoient telles, que nous ne pouvons pas nous flatter de les avoir toutes vaincues ; de certaines espèces éloient quelquefois tellement con- fondues , tellement enchevêtrées les unes dans les autres , qu ‘elles ne présentoient dans L] DES POULPES. 113 dans leur réunion qu’un pelotonnement in- forme qui sembloit avoir conservé et retenu toute la lenacité inhérente aux bras de ces animaux pendant leur vie ; d’autres espèces étoient problématiques ; elles étoient même reléguées dans l’empire des chimères; et il seroit encore possible que nos efforts ne les en aient pas retirées pour la généralité des naturalistes , parmi lesquels il en est auel- ques - uns que d'immenses masses animées paraissent avoir effrayés. J'ai seulement cherché à établir des faits ; et sous tous les autres rapports , je leur abandonne mes opinions, car Je les émets dans l'isolement ; et plus que tout auire, je saurai faire mon profit d’une juste critique : mais tous les naturalistes conviendront que la distinction précise des espèces est peut-être ce qu’il y a de plus difficile pour l'écrivain de l’histoire maturelle (1); malgré les charmes répandus (1) « Mais, si l’on fait attention qu’il faut beaucoup de tems , et des recherches en quelque sorte infinies, pour parvenir à éclaircir l’histoire des espèces , pour les caractériser chacune d’une manière solide et tran- chée , en un mot, pour faire disparoître les doubles emplois si fréqens dans le tableau général qu’on à fait des productions de la Nature , ainsi que pour dégager dans ce tableau les espèces confondues sous Moll. Tome IIL EH 114 HISTOIRE sur son étude, cetle tâche est toujours pé- nible, souvent même irès-ingrate , et c’est le tems qui seul peut la conduire à sa perfection. Tous les poulpes, comme les sèches et les calmars , servent ‘encore de nourriture aux hommes dans de certaines contrées où ces mollusques abondent , et dans beaucoup de ces pays le bas peuple en fait une assez grande consommation. Ces animaux bor- dent les côtes, s’attachent aux rochers, ét leur prise n’exige pas autant de peine que celle de poissons bien meilleurs, mais aussi qui, moins sédentaires et se jouant dans les flots, exigent des embarcations , des filets et souvent ün très-grand altirail tou- jours dispendieux el fatigant à conduire. une même dénomination, on sentira que ces travaux importans ne peuvent être opérés, ni par un seul homme, ni dans un tems déterminé; qu'ils ne peuvent l’être que petit à petit , et par le concours en général de tous les naturalistes; et qu’en conséquence , pour les exécuter, il est convenable que chaque naturaliste s’occupe , comme en sous-œuvre , de l'examen parti- culier de quelques - uns des anneaux de l'immense chaîne que semblent former tous les êtres, ou au moins ceux qui sont doués de la vie ». (Lamarck, Mémoires de la société de Paris, pag. 2.) ” DÉS POULIPES. düi5 Aussi par=tout où les habitañs’ des côtes sont misérables, paresseux et''abrutis'; ‘si les poulpes s’y trouvent, ces malheureux les mangent ét en font uné des bases de leur nourriture (1): lorsqu’au contraire le com- merce, l’amour du travail et l’'aisance qui enest Ja suite, viennent sourire à ces inz fortunés voisins de Neptune , on les voit se livrer à des péches plus difficiles ; mais aussi bien plus lucratives ; et alors la chair des (1) « Les grands polypes de raer quoique offrant une nourriture moins agréable et moins saine que les poissons , sont néanmoins par leur abondauce une ressource de quelque valeur pour les grecs, qui, ne pouvant manger des poissons pendant la Fu de Jcurs carèmes, en font dans ces tems d’ abstinence une grande consomation. Leur mer est rem plie de sèches ct de poulpes, espèces 2 mollusques. fort mullipliéss ils en pêchent une. quantité assez grande ». INAIS qua ne “suffit pas à pre besoins, parce que la pêche, comme je l'ai déjà remarqué, est fort éloignée d’ avoir. parmi eux le dégré dactivité dont elle est susceptible. On lear apporte annuellement : des côtes de Barbarie, beaucoup de sèches et de poulpes desséchés au soleil, après avoir été coupés par le milieu de leur longueur, et ils sont oblisés ainsi d’acheter ces provisions de carêmes , qu'ili pourroient se procurer dans leur propre pays ». (ons Voyage en Grèce et en Tur- quie, tom. IT, pag.-215.) H 2 316 ARE S TO € Re EE, poulpes, naturellement indigeste , qu'on ne peut ; comme les anciens, rendre suppor- table , qu’à force d’assaisonnemens et de préparations coûteuses , est. abandonnée de nouveau. Le: seul morceau de choix ;:1la partie la plus délicate est la langue, que les femmes de lArchipel recherchent avec avidité, et mangent crue (1); plat qui eût été bien plus coûteux dans l’ancienne Romé, que il ne l’est pour elles, mais qui a échappé à la gourmandise des trois Apicius romains. Il est curieux de melire, en opposition lap- Je ————— @) « La chair de ce mollusque est dure » Coriace et indigeste ; elle contracte quelquefois une odeur de musc (*), qu’elle doit sans doute à la nature des ali- mens dont l'animal s’est nourri ; elle prend en cuisant à üne couleur rougeâtre , qu 10 communique à l’eau ét aux auires choses avec lesquelles on la fait cuire. Afin de ramollir cette substance membraneuse , dont le corps du poulpe est formé , on la bat pendant nee tems , et on la jette à RrAr reprises et avec force sur les rochers, en larrosant souvent d’eau douce. Les femmes Se chargées de cette besogne, ne manquent pas, en s’y livrant, de manger crue la ROiX , c’est-à-dire , la bouche du poulpe , et ce morceau, est pour elles une sorte de fr iandise ». (Sonpe Voyage | en Grèce et en Turquie, pag.-215.) {(*) Les grecs mangent le poulpe commun, le poulpe musqué, et encore quelques autres espèces, ainsi que nous Favons vu. DES: PO ULIPE S. * 1 prêt moderne des poulpes et la cuisine populaire actuelle , avec les préparations dis- pendieuses qu'avoient inventées les romains. Les poulpes en général paroissent pour- suivre les sèches, soit pour les dévorer, soit pour s'emparer en les éventrant de l’os dorsal et crétacé, qu’elles renferment dans le dos, et dont ils semblént très-avides. C’est au moyen de cet appt que les pêcheurs grecs prennent aujourd’hui presque tous les poulpes dont se nourrissent les habitans des îles de PArchipel (1), comme nous apprend encore Sonnini dans le voyage aussi philo= sophique qu’instructif que nous venons de ciler. Par -tout où ces terribles mollusques établissent leur repaire, tout est dévoré, ; tout est détruit, et ils ne laissent respirer chape autour d'eux, aucun être vivant. ( ) La Past Molide et presque osseuse He la sèche est pour les pêcheurs grecs l’appât dont ils garaissent communément leurslignes,avec lesquelles ils prennent le poulpe (sepia oetopus, Lin.) qu’ils appellent Étapoëi. Un plomb fixé à la ligne fait descendre au fond de a mer l’os de la sèche, auquel on attache des hamecons; le poulpe , qui se tient fortement aux rochers avec ses bras ou antennes, les quitte , et attiré par la blancheur de l'os de sèche , vient le saisir et s’accroche aux ha- mecons. ( Sonnini, même Voyage , pag. 214.) EH 3 8:28 © AMIS TOLIRE gs (MOLLUSQUES CO RIACÉS, TESTACÉS. PTE Fe EN PUS GÉNÉRIQUES. E COEPS ;. arr rondi comme ie des poulpes, est renfermé dans un sac où fourreau. ,-dé- | pourvu d ailes ; < il ne recèle ni os crétacé , ni lame cornée ; la tête est munie de huit bras, placés. circulairement autour de la PAGE ; ils. sont armés dev ventouses ; et les ei ist. M een Ces animaux se bâtissent uñe coquille qui ne leur est pas adhérente ; elle est univalve non cloisonnée, carénée en forme de vaisseau, et Jef RBITÉ rentre dans Fouverture, : us 1114 SV xxxr. Hs. nb His x ses ES D | PALIN *< dx ER D UNIVERSE ÿ% if ÿ s JRIDGE, MA DES POULPES. uo9 2 —— ————— ——— —————————" ——————— L’ARGONAUTE PAPIRACÉ (1). AR ne en ee en D les tems qui nous furent antérieurs , et lorsque l’histoire naturelle étoit moins connue, la masse des connoissances acquises -— (x) Argonauta argo. Lin. Syst. nat. pag. 5567, sp. 1. Animal sepia, aut elio. Testa univalvis spiralis invo- luta membranacea unilocularis. Carina utrinque sub- dentata. À l'abri de ces phrases caractéristiques, Linnæus confond entre elles toutes les espèces ; il ne fait aucune différence entre celle de la Méditer- ranée à côtes continues , et celle de l’Inde à côtes en grains de riz et tuberculées. — Nautilon et nauticon. Aristote, Hist. lib. 4, c. 1 et lib. 9, 57. — Nauplius. Plin. Bb. 9, cap. 29 et 50. — Nautilus. Aldrovand. de ‘testaceis , lib. 35 , cap. 35. — Nautilus græcis , nautilus vel nauficus latini. Muscarolo napolitani. Nautilum vulous neapolitanum muscardinui el muscarolum, no- minaë, Belon , de aquat. lib. 2, pag. 578 et 360. — Rondelet , première partie de l’histoire entière des poissons , lib. 18, chap. 7, pag. 574. — Nautilus. Gesner , Animal. mar. de moilibus , ord. 15 , pag. 192: Sa figure est copiée de Belon. — Jonston , Est. nat. exang, de turbinat. tab. 10, fig: 2 et 7. Copiée chez Aldrovande , et à laquelle mal à propos il a réuni un poulpe nu sous le n° 1 de laimême planche. — Bonn EH 4 120 HISTOIRES: étoit bien loin d’être parvenue au point où elle l’est de nos jours. Dans ces tems qu’on Recreat. pag. 142, et fig. 15. — Kircher, Mus. fig. 13. Ses figures sont les mêmes que celles de Bonnani- Gualteri. Test. tab. 2, fig. À, B,et tab. 12 , fig. A. Nautilus. Olearius. Mus. pag. 66 , tab 32, fig. 4. — Seba , tom. INT , fig. 5 et 7 , tab. 84. — Lister Conch. 554, 556 et 557. Cette dernière représente l’argo- naute à la voile d’après Aldrovande. — Rumphius , Amb. tab. 18, fig. À et°4. La figure 1, où l’animal est à la voile , est un nantile à grains de riz. — Le grand nautile d'Argenville, Conchiliologie , planch. v, fig. À, et Zoomorphose , planch. 1r, fig 2 , qui est encore une imitation de celle d’Aldrovande. Dans la même plan- che , Gg.3, d'Argenville a représenté le poulpe nu de Jonston comme appartenant au nautile papiracé ou argonaute ; et Linnæus cita cette détestable figure dans sa synonymie, — La galère on le grand nautile papiracé. Favannes, planch. vir, fig. À, 2 ,ct À,6. Les fisures de la Zoomorphose sont celles de d’Argenville. — Petiver, Gaz. nat. part. 1, tab. ro, fig. 1, et tab. 127, fig. 7. — Klein, l'entam. method. ostrac. tab. 1, lig. 5. Nautilus sulcatus. — Knorr, Délices de physique, tom. [, planch. Br, fig 5 , pag. 40 , 45 et 42 ,;et Délices des yeux et de l’esprit, première partie, planch. 11, fig. 1 , pag. 7 et 8. — Davila, Catalogue, tom. 1, pag. 106, art. 82 , 83 , 84. — Hill. History of anim, tom. INT, pl. vir, the paper nautilus. — Nautile papiracé,vulsairement la galère. Catalogue de Latour d'Auvergne , pag. 57, n° 245. — Argonauta argo. De Born , Index. mus. vindobon. pag. 119, À , 1 , et mns rt opt nie" site rl tte D ESP OU LP'ES. 121 peut regarder comme ayant servi aux an- ciens naturalistes pour réunir les matériaux vindobon , pag. 140 et 139. Lavigneite , où d’après l'inspection d’une plus ou moins large carêne , il con- fond avec Linnæus toutes les espèces les unes dans les autres. — Argonaute papiracé. Bruguières, Ency- clopédie , Histoire natur. des vers, tome VI, texte, pag. 120 et suivantes. — Arsonauta , testa compressa , carina utringue dentata nodosa. Nob.— Carina nau- éili elegantissima. Ephem. nat. curios. ann. #4, p.210, fig, 55. — Nautilus papyraceus. Geve , Monaltiche belust. pag. 11, tab. 2, fig. 4, 5. — Nautilus tenuis el striatus. Lesser , Testaceo. pag. 149 , fig. 6. — Argonauta argo. Schroeters Einleit. tom. I, tab. 1, fig. 1. — Cochlis plana intorta monothalamia , sive naultilus papyraceus vacuus, carina angustiore , SPin@ acute serrata, striis copiosts flexuosis interdum furcatis costatus flavescens. Martini, Conchyl. tom. [, p.237, tab. 17, fig. 157. — Nautile papiracé non chambré. Dict. de Favart d'Herbigny. — MNautile papiracé, vaisseau coquille ou voilier. — JVautilus an polypus testaceus. Manuel du naturaliste. — Nautile papiracé, nautilus papiraceus polyposus. Dictionn. de Valmont de Bomare: — Arsonauta argo. The argonaut or paper nautilus. George Shaw, naturalist miscellany , num- ber 33, notice 2.— Aryonaute, argonautier. La nau- tile papiracée commune. Eamarck, Syst. des anim. sans verlèbres , 84° genre, pag. g9. — Argonaute , argo- nauta. Cuvier , Lecons d'anatomie comparée , pre- mier volume, cinquième. tableau ; classification des mollusques, — Argonaute papiracé , argonauta argo, 122 HAS TOMRE dont aujourd'hui il nous est permis de faire usage, on n’avoit encore.pu faire que des observations générales ; ceux qui nous de- vancèrent dans cette brillante carrière, li- vrérent leurs travaux et leurs observations aux réflexions de la postérité. Enflammés par le seul desir de l'extension des connoiïs- sances humaines, on les voit presque tous, conduits par le seal ainour du vrai, avancer quelquefois des faits dont ils doutoient eux- mêmes, dans l’espérance que ceux, qui écri- roient après eux sur les mêmes matières, £L. a. g. Bosc, Histoire natur. des coquilles, tom. JET, pag. 261 ,et pi. xxvit, fig. 6. Cette figure est à peu près celle de la coquille du nautile papiracé ; mais le dessinateur l’a remplie d’un animal fantastique, et | qui n’a d'existence que dans son imagination. L'animal de cette coquille étoit méconnu; on la nommoit en français Le nautile papiracé, ou le nautile non chambré et la galère. Eu ilalien , moscarobo , et poipo moscardino. En anglais, paper nautilus ; et paper sailor huddesford , et the great sayler. En hollandais, nautilus et doekehuif. En allemand , der zegler , far- Euttel et schiffkuttel. En flamand, papure nautilus , schippertjee et den zeiler. En danois , fronjagten. En malais , roemna gorita, À Awboine, kita wawulia. En polonais,zglik. A Saint-Domingue ; galère. Quelques anciens , ainsi que d’autres, l” Hu ent aussi eh de poupe , ovum polypi. D ESHE O UE PES. 125 confirmeroient ,; après une sévére crilique et le plus mür examen, ce qui ne leur avoit été donné à connoitre que d’une ma- nière précaire et fugitive : cependant plus d’une fois leurs travaux furent méconnus, parce qu'il étoit bien plus facile de feindre d'ignorer ce qu'ils avoient laissé par écrit sür des objets encore problématiques , ou de révoquer même totalement en doute les observations uniformes qu'ils avoient faites, que de s'engager avec eux dans les pénibles chemins qu'ils avoient parcourus, en se livrant à des recherches dont nous profitons aujourd'hui , et que le seul état des sciences, dans le tems où ils vécurent, ne leur permit pas de pousser dans toute leur étendue. C’est ainsi que tour à tour on a vu adopter et repousser ce qu'ils nous ont laissé par écrit sur l'habitant de l’élégante coquille, connue .des naturalistes modernes, sous le nom de nautile papiracé : tan!ôt adoptant leurs narrations avec la plus aveugle con- fiance , et copiant textuellement ce que les anciens écrivirent sur l’argonaute , on voit une foule d'auteurs se contenter de traduire ou Aristote ou Pline , sans avoir vu par eux-mêmes l'objet de leurs descriptions , sans faire mère aucune recherche qui seroit Bu HISTOIRE venue appuyer leur opinion, et laisser , par cette molle et insouciante manière d'écrire , flotter le doute sur des objets existans , qu'avec un peu de travail ils auroient pu parfaitement caractériser : c’est par cette marche chancelante et si peu assurée qu'ils ont donné lieu, à ceux qui vinrent après eux, de ne plus croire à ce qui étoit écrit; de regarder leurs observations comme apo- cryphes, et de mettre au rang des animaux fabuleux celui que les anciens philosophes physiciens avoient assigné comme le pro- priétaire et le créateur de cette fréle et légère coquille. Presque tous les modernes, et sur-tout ceux des derniers tems, se sont accordés pour ne voir dans cet animal qu'un tre parasite; et quoiqu'ils avouent ne point connoîlre le véritable animal. de largonaute, ils n’en soutinrent pas moins que l’espèce de poulpe qu’on y retrouvoik toujours, et sans variation, n’étoit plus celui qui avoit fait la coquille ; qu'il n’en étoit devenu l'habitant qu'après en avoir dépouillé le véritable propriétaire ; et qu’une fois au pouvoir de cet intrus et dé ce spoliateur, ce léger bâtiment ne devoit même plus être - regardé pour lui que comme un objet d’'amu- sement, qui le charioit sur les ondes à son D IS P OU L'IPIES. dep -gré, et qu'il pouvoit abandonner , lorsque dans ses courses vagabondes il enavoit rompu des parois ; lorsque le dégoût, compagnon et suite inséparable de la:satiété , lui ins- piroit d’autres volontés ‘et de nouveaux desirs : en vain , de tems en tems, s’élevoit- il quelques témoignages en faveur de l’opi- mion des anciens; en vain des voyageurs se rangeant de cette opinion, allésuoient-ils de nouveaux faits en sa faveur; le parti en étoit pris, la chose étoit , disoit-on , impossible ; et plus d’une fois, dans le cours de nos recher- ches, nous verrons quelles singulières idées ont dû naître sous la plume d'hommes infini- ment respectables d’ailleurs, lorsque, partant de cette première hypothèse, et se refusant même aux témoignages de leurs veux , ils n'ont voulu voir, dans l'animal de Fargo- naute , qu'un parasile et un meurtrier qui, s’élançant du fond des mers, ne se préséntoit que paré des dépouilles acquises par le car- nage et par lusurpation. Des notions plus précises sur cet être sin- gulier. vont détruire ces inculpations ; si, en offrant à l'extérieur les formes des poulyes', il est probable qu'il en partage les mœurs féroces ; si , comme eux, il nese plditiqu'au milieu du: désordreet du meurtre; si, comme 126 2 HA 5 TE O FREE eux , il ne vit que du sang qu'il fait couler à grands flots, c’est déjà bien assez de ces couleurs odieuises pour peindre ses mœurs sanguinaires, sans y ajouter encore gratui- tement des teintes sombres , et qui ne lui appartiennent. pas : l'enveloppe testacée de ce mollusque est bien décidément son ou- vrage ; elle lui appartient, au titre le plus sacré, parce qu'il en est l'architecte et le constructeur ; et en faisant son hisioire , nous allons voir que les anciens font parfaitement connu ; qu'ils en firent toujours une espèce séparée et distincte , et que’, quoiqu'ils avouent qu'il a la plus grande analogie avec le poulpe , ils ne Pont cependant jamais con- fondu avec les espèces de ces animaux, que constamment 1ls ont retrouvés nuds: Aristote , dont les œuvres immortelles ont survécu à: la destruction et aux ravages des tems , est un: des plus anciens auteurs qui nous ait laissé des notions précises sur une foule d'objets d'histoire naturelle, dans laquelie il est notre premier guide; car nous devons, pour nous, le regarder comme le reuovateur de cette science (1) sublime. Ce ir) Est. an 14, cap. 7. Aristote, né à Slagyre, ville de Macédoine , Pan | [l D HISAP OÙ L P'ES. 127 savant philosophe est donc le premier dont nous allons invoquer le témoignage sur l'existence du mollusque coriacé , auquel nous avons conservé le nom d’argonaute, a 584 avant l’ère chrétienne , et fils da médecin Nico- maque , fut orphelin de bonne heure ; il donna lies premières années de sa vie aux armes , et les autres à l'étude dans l’école de Platon, dont.il fut le plus illustre disciple. Appelé par Philippe pour le charger de l’éducation d'Alexandre Ie Grand, cet homme aussi savant que vertueux , sut se concilier la vénération de son élève en même tems que la reconnoissance de son père. Philippe lui fit élever des statues, et fit rebâtir sa ville natale que la fureur des guerres avoient détruite. Les athéniens, chez qui il se rendit lorsque Alexandre se livra à sa passion pour Îcs conquêtes, lui assigntrent le lycée, où ce philosophe donna ses leçons : sa gloire excita l’envie ; Aristote ne pouvoit reconnoitre qu’un Etre suprême , dont l’étude de la Natute lui avoit prouvé l’existence ; les divinités secondaires n’étoient plas rien pour lui; Eurymedon, grand prêtre de Cérès, l’accusa de ne pas Y croire; avec de sourdes menéesil le fit regarder comme atlrée par la multitude. {nsirnit de ce que peut le fanatisme par la mort de Socrate , Aristote sortit d'Athènes, et se retira à Chalcis, « pour empêcher qu'on ne commit une seconde injustice contre la philosophie ». Cette fuite le mit à couvert, et il put terminer naturelle- meut sa carrière à 63 ans. Ses compatriotes enle- vèrent son corps, dressèrent des autels à sa mémoire, 128 HISTOIRE. que Tinnæus a , dans son Systême de la Nature , imposé à sa coquille. | Tout nous prouve qu'Aristote avoit eu sous les yeux ce mollusque ; car il dit posi- tivement que cet animal se rapproche, par ses formes, des poulpes parmi lesquels. il peut être. rangé; parce que , comme eux, il est muni de pieds : mais, d’un côté, ce naturaliste considérant que cette espèce de poulpe éloit constamment munie d’ une en- veloppe testacée , ne Île confondit pas avec ces mêmes poulpes ; et lorsqu'il en parle, c’est toujours sous d’autres dénominations qui ne permettent plus de le regarder comme faisant partie de la famille de ces mollusques nuds. Tantôt 1l donne à l’argonaüte le nom de nautilon, et ailleurs il le désigne sous celui de nauticon ; légère différence, qui pourroit provenir des dialectes divers, qui caractérisoient les habitans des villes mul- tipliées de la Grèce, Nous devons regretter cependant qu’'Aristote se soit contenté de et firent son apothéose en lui consacrant un jour de fête. Cet homme immortel qui, s’il n’eût pas fui, auroit été la victime d’un fanatique ignorant , et par conséquent persécuteur , avoit pour devise, « d'aimer Socrate , d'aimer Platon , mais d'aimer encore davan- tagc la vérité ». | ‘à donner D'RS) PO ULIRAIE S: 12 donner de simples indications sur cet ani- mal , et sur celui qui habite lé nautile chambré (1); tandis que ce grand génie nous a laissé desirer des faits plus précis et des détails qué, mieux que personne , il pouvoit transmettre à la postérité : le philosophé de Stagire a cru qu'il suisoit de signaler deux espèces de poulpes testacés (2); et s’il carac- térise parfaitement celui de largonaute, les deux lignes qu'il a consacrées au construc- teur du nautile chambré sont bien loin d'offrir la même clarté; elles suffisent cepen- dant pour nous prouver que de son tems on connoissoit non seulement lanimal du nautile papiracé, mais encore une autre espèce de ces mollusques testacés qui, comme lui, se bâtissoit une coquille, une (1) Nautilus pompilius: Lin. Syst. nat. verm. Lest, pag. 3569, gen. 318, sp. 1. (2) Duo alii sunt polypi testis inclusi ; is qui dicitur à nonnullis nautilus , sive nauticus , sive ovum Polypi. T'esta luijus pectinis testæ similris ; JUE Cava est , nec ita ut ei cohæreat. Sœæpius is juxta terrain pascitur , unde fit, ut in eâm à fluctibus ejiciatur, et testa excussa capiatur , vel in terra pascat. Isti parvi sunt, et facie similes bolytæni. Aléer cochleæ modo testa munilur , quam numquam deserië , sed brachia dur: taxat interdum exerit. Arist. Hist. lib. 4, cap. sr. Moll., Tome III. I 150 HISTOIRE enveloppe pierreuse, ferme et dure ,et dans laquelle il pouvoit aussi se renfermer. Pour ne laisser aucun doute à l’égard du pre- mier, ce naluraliste s’est plu à décrire, d’une manière aussi agréable qu’élégante, la na- vigation de l’argonaute ; il emploie les cou- leurs les plus riantes pour nous le représenter épanoui dans toutes ses formes, et voguant sur le sommet des vagues molles et on- doyantes , qui, dans un tems de calme, rident la surface des mers ; c’est du fond de ses gouffres, dit-il (1), que ce poulpe s'élève en présentant à la résistance des eaux le tranchant de la carène de sa barque légère, striée au dehors comme les peignes, qu'il sait relever et mettre à flot quand il est parvenu au dessus des eaux. Veut-il (1) Est nautilus quoque polypus et natura et actione mirabilis : navigaë enim per ntaris summa elatus. Ex imo gurpite effert se testa inversa , ut ascendat facilius , et inant scapha naviget. Cum vero emerserit, concham convertit. Brachia membrana congenita connexa sunt: guemadmodum palmipedum avium digiti : sed hæc crassior est et densior : illa longe tenuior aranearum telis similis : hac ut velo spirante aura ; brachiis ut gubernaculis alitur et demittit latere. Si quid metuerit, testam protinus mari replet , atque ita demergit. Axist. ubi supra , lib. 9, cap. 37. DES POULPES. 131 se replonger et regagner ses antres profonds, il la renverse , et la plus rapide immersion va le déposer de nouveau sur le fond des mers : mais, s’il reste flottant à leur surface, on le voit développer une membrane pal- mée dont ses pieds sont garnis comme le sont ceux des oiseaux palmipèdes ; et pen- dant que les uns tendent cette voile , les autres pieds font l'office de rames et de gouvernail , en secondant les zéphirs qui entlent les voiles, aussi élégantes que légères, de cet animal navigateur. À des caractères aussi pa Pet ant de sinés , nous devons reconnoître le poulpe ha- bitant de l’argonaute ; les formes extérieures, celles caractéristiques sont toutes renfermées dans le peu de mots qu'employa Aristote pour dire que cet animal étoit un poulpe, mais renfermé dans une coquille ; et sil ajoute que la première espèce , celui du nautile papiracé , ne fait point corps et n'est pas adhérent avec son enveloppe testacée , ce fait a pu induire en erreur quelques natu- ralistes modernes, et leur faire regarder ce mollusque comme lui étant étranger :, mais ce savant naturaliste n’en avoit pas moins raison ; et cette observation, en prouvant sa sagacité , nous prouve aussi d’une manière L 2 432 HISTOIRE incontestable que non seulement Aristote avoit vu voguer cet animal, mais ques l’observant encore de plus près, il avoit vé qu'aucun ligament ou attache re lioit cé poulpe ou argonaute à son habitation. Lors: que nous nous livrerons plus particulière ment à sa description , nous verrons qué ce fait est absolument exact, et qu'aucun lien musculaire ne retient cet animal dans sa coquille, où il semble maintenu par la compression et la dilatation qu'il peut im- primer aux forts muscles de son corps charnu, qu'il force à se coller intimement aux lisses parois intérieures de son élégante enveloppe. 0 Mutien , cité par Pline, et dont nous né connoissons pas les ouvrages, perdus pour nous dans la nuit de l'antiquité, mais qui paroît, d’après cette citation , avoir bien plus navigué comme voyageur que comme ob- servateur, avoit cependant remarqué, dans le canal de Constantinople , la manière dont s'y prenoit l’argonaute pour amener sa barque au dessus des eaux (1), et y (r) Navigeram similitudinem et aliam in propontide sibi visam prodidié Mutianus | concham esse acatiü modo carinatam, inflexa puppe , prora rostrata : im DES POURLPES. 15% naviguer comme pouvoient le faire:les vais- seaux et les galères. Cette coquille, disoit ee voyageur , offre la forme dun brigan- tin , la proue en étant fort avancée et la: poupe contournée est très - relevée. Jus- ques là Mutien avoit très-bien observé ; trompé: par lanalogie , il ne voulut voir dans l'animal qu’une espèce de poisson sem- blabie à:la sèche , auquel cependant it donne le nonx de nauplius ; maïs qu'il xesgardoit comme parasite, et qui ne se- mettoit dans ‘cette coquille que lorsqu'il vouloit s'amuser à voguer sur fes flots. Mutien. décrit parfaitement la manœuvre- que ce mollusque employoit alors pour faire. avancer: son. bâliment , à là rame et à la: voile. Ce qui doit prouver combien peu Îles notions de ce voyageur étoient précises . est que lon. peut voir dans le texte que: Rac condi nauplium amimal sepiæ similé , ludendi. societate solæ-: duobus hoe fièri generibus. Tranquillo: emim- vectorenr dernissis palmulis ferire ut remis; sè: vero flitus. invitent, easdénr in: usu-gubèrnacula:par-- rigi , pandique concharum. sinus auræ. Hujus volup- fatemiesse, wt feraë, ilhius. ut regat: simulque eant descendere in duo sensu carentia.:-nisi forée tristi (id emim constat) omine navigantitns. human calamitese: im causasest: Plin..Hist, nat. lib. 9, cap. 30 F4 ‘134 HISTOIRE je cite ici en note, qu’il regardoit la coquille elle-même comme un second animal , que son malheureux sort venoit de joindre avec le premier , et qui, viclime en dernière ana- lyse comme lui de ses lubies , finissoit enfin par périr et se perdre dans un naufrage ; malheur qui leur devenoit commun avec la plus grande partie des navigateurs. Ce- pendant , au milieu de toutes ces incohé- rences , nous devons considérer que: nous avons 1c1 le témoignage d’un témoin ocu- _ laire, témoignage, qui tout au iravers de la _ bonhomie de son auteur, laisse percer deux vérités incontestables : l’une que cet animal éloit une espèce de poulpe; et: l'autre, qu'enveloppé dans sa coquille, ce mollus- que éloit un poulpe navigateur. Aussi Pline n’hésita-t-1l point à ranger, parmi les choses les plus admirables et les plus dignes de remarque , les poulpes portant coquille (1), qui _étoient encore distingués des autres par. les noms de nautiles et de pompiles , -(1) « Znéer præcipua autem miraeula est , qui voca- tur nautilos | ab aliis pompilos. Supinus in summa æqguorum pervenié, ila se paulatim subrigens , uë emissa omni per fistulam aqua, velut exoneratus sen= in, facile naviget. Postea prima duo brachia retor- quens, membranam inter illa miræ tenuitatis extendit ; DES POULPES. 135 sous lesquels il paroît que les ont désignés les romains , d'accord en cela avec les grecs et suivant l'autorité d’Aristote dont Pline avoit probablement les œuvres sous les yeux, quand il se plut à répéter, d’après le philosophe grec, la manœuvre et les moyens employés par l’argonaute pour s'élever sur les eaux, y naviguer ou pour couler à fond à son gré. Quant à la queue que le natura- lisie romain donne à son poulpe testacé , et dont il prétend qu'il se sert indépendam- ment de ses bras pour les tenir au milieu, et en guise de timon et de gouvernail, c’est une nouvelle erreur ; elle pourroïit cepen- dant faire croire que ce mollusque laisse traîner peut-être ses deux derniers bras, et que ceux-ci, venant à se joindre, ont pu les faire regarder et les faire prendre ainsi réunis comme la queue de l’animal. Quelques auteurs anciens appuyèrent, par des observations et par des notions posté- rieures , ce qu’avoient avancé sur cet arimal qua velificante in aura ; cæteris subremigans brachiis, media cauda , ué gubernaculo se regit. Ita vadit alto, liburnicarum ludens imagine, et si quid pavoris inter- veniat, hausta se mergens- aqua». Plin. Hist. natur. Hb. 9, cap. 29, in fine. I 4 156 HISTOIRE si singuhier Aristote et Pline; c’est ainsi qu'Oppien (1) embellit par le rithme de ses. vers la description qu'il fit de ce mollus- que et de sa navigation , le regardant comme le plus bel ornement des mers, qui le nour- rissoient dans leur séin. Athénée (2), en tom- bant dans quelques erreurs, presque inévi- tables dans ces tems où l'esprit d'observation étoit encore si éloigné du dégré de perfection (1) Est quidam curvo tectus sub cortice piscis. Poïypodi similis, quem dicunt nomine vero. Nautilon, insignem ponto. sua gloria fecit Per freta dum cautus sub navis imagine ludit. In sabulo domus est, summa defertur in unda. -Pronus neu pontum capiat, plenusque gravetur 4 Cum nando vehitur per fluctus amphitrites, Extemplo versus tumidam per marmoris undam Eabitur, ut nandi doctus puppisque peritus. Âtque pedes geminos tendit de moro rudentum., Quos inter medios tenues membrana tumescit. Ex lenta atque pedes cogtingunt æquora subter Themoni assimiles navem , piscemque domumque . Deducunt , si forte malum supereminet ullum , Absorbet fluctus intus, lymphisque gravatus À tumidis trahitur cum pondere fluctibus undæ. À OPPIANUS interpret. Lippii. (2) Qui vero nautilus dicitur, sicut ait Aristoteles, mon esk quidem polypus, at similis quod sectat a cirros, dorsumque habet crustatum , emergitque de maris profunditale, in sese concham habens conversam, ne aquam excipiat ; atque îta conversus navigat, duos. cirros superius. exerit , inter ques membrana quædame DE’S/POULPES. 2157 que nous exigeons aujourd’hui, et sans la- quelle il ne peut. y avoir de certitude ; Athénée, en ne donnant que quatre pieds où bras à l’animal de l’argonaute, observa cependant, très - judicieusement, qu'on ne devoit pas le regarder comme étant en tout semblable au poulpe, parce qu'il s’en écartoit, ayant le corps revêtu d’une en- veloppe dure et crustacée , c’est-à-dire, d’une coquille mince et légère, extrêéme- ment fragile , et qui dans le fait se rappro- che pour le moins autant de la peau solide et ferme des écrevisses et des crabes, à la- quelle nous avons donné l’épithète de crus- tacée , qu’à l’enveloppe ou demeure plus dure et plus épaisse qui, recouvrant les tes- tacés dans toute l’acception du terme, est quelquefois très - mince, comme chez les pholades, chez les fimaçons et chez quelques autres espèces ; qui s’épaissit peu à peu en passant par tous les dégrés intermédiaires , et tenuis conspicitur , iis similis quæ digitis palmipedum aviwm inseréæ continentur , alios duos cirros pro guber- æaculis in mare demiitit : si quid vero ad se veniens videat, pedes protinus contrahit, @c concha mari repleta, quam celerrime in profundum demittitur: Athen. I. 7, cap. 52. fnterpret, natali, t Ê 1383 HISTOIRE qui enfin finit par offrir dans la faîtière (1), ou bénitier , l'épaisseur de quelques pouces d’une matière calcaire qui le dispute par sa solidité avec celle des marbres les plus durs. :Elien (2), dont Philostrate nous a laissé (1) Tridacne, tridacn2 gigas. Rumph. Amb. tab. 45, fig. B. — Encyclop, pl. ccxxxv, fig. 1. (2) « Nautilus e genere polyporum concha una pre- ditus est; is eum exima maris sede ad summam aquam effertur , invertit et mutat concham deorsum versus, ué ne hausta aqua rursus demergatur : ubi vero ad summainm œquoris pervenit, et mare ab adversæ fem- pestate conquiescit , supinam concham vertit. Hac enèm Lamquam scapha navigatione fertur : et duo bra- chia in utrumque latus demissa ,sensim atque moderate movens remigat, domesticamque et nativam navem propellit, quod si ventus flat, brachia quæ tamquam remos prius longè latèque porrigebat , gubernacula constituit at quæ ceterorum brachiorum media est membranula prætenuis , ea passa et intenta pro velo uéitur : sicque , cum esé sine metu, navigat. Sin quip- piam a valentioribus belluis metuit, se demergens con- cham aqua complet, et simul ex pondere in profundam delabens , sese occultat ; atque ita hostem effugit. Post ubi mare est tempestate vacuum , et a belluis quietum , de imo maris gurpgite se extollens , rursus per summum mare navigat , unde nomen habet». Ælian. de polypis vide. Hist, an. lib. 1, cap. 37.— Lib. 5, cap. FES — Lib. 14, cap. 26. DES POULPES. 139 un si bel éloge, qui écrivit, quoique romain ; avec toute l'élégance attique et que ses con- temporains surnommèrent bouche de miel, consacra quelques lignes , dans son Histoire des animaux , pour transmetire à la posté- rité les connnoissances qu’il avoit acquises sur l’existence du mollusque que renferme le naatile papiracé. Cet auteur est peut- être le seul de l'antiquité qui n'ait point servileinent copié Aristote ; il paroît même que des circonsiances heureuses, ou des rapports précis , car nous lisons que jamais il n'avoit monté sur mer ni quitté l'Italie , Vavoient mis à même d'acquérir des notions certaines sur cette espèce de poulpe , à qui cependant 1i ne donne que six bras, au lieu de lui en accorder huit, comme cet animal les offre en réalité. Mais en revanche, il nous dit positivement que la coquille qui le recouvre est la sienne, qu’elle lui est na- turelle , et qu’elle lui appartient parce qu'elle est née avec lui. Cet auteur étoit un homme instruit pour le tems où il vécut , et l’histoire naturelle , comme lattestent ses ouvrages, fut pour lui une source de méditations. Philosophe, ou stoïque sous bien des rap- ports, Elien sacrifia peu à la fortune; ïl nous apprend lui-même, à la fin de son à 149 HISTOIRE histoire des animaux, qu'il préféra l'avan- tage de cultiver son esprit et d'ajouter à ses: connoissances, aux honneurs et aux riches- ses qu'ii auroit pu obtenir à la cour des princes ; et qu'il aïma mieux observer la nature des añimaux, en étudier les mœurs et le caractère , en écrire Fhistoire, que de: travailler à son élévation et à sa fortune. D'après ces sentimens et cette philosophie , Elien eût été à coup sûr un des plus grands naturalistes anciens , sil m’eût pas été le grand prêtre, d'on ne sait plus quelle divi- nité : il eut sa dose de fanatisme et d'intolé- rante , par conséquent il fut ‘arrêté dans: celte carrière ; au zèle aimer ’et âpre avec: lequel il censure ceux dont la croyance lui éloit suspecté; à son intolérance religieuse , ainsi qu’au respect machinal et superstilieux qu'il témoigne par-tout pour les cultes des dieux, et pour les pratiques de dévotion éxtérieures, on ne peut méconnoitre l’homme: qui, sans cela, seseroit élevé, bien autrement qu’il ne le fit, au dessus de là tourbe vuk: gare. | 4 | Fong-lems après ces anciens auleurs . Belon (1) nous donna à son tour une des- ne — (1) Belon. de agoat. lib. 2, pag. 376 et 380. D ES: POULPES. 141 tription , accompagnée d’une assez mauvaise figure en bois, dé l’argonaute. Quant à la- mimal, cet auteur paroît avoir presque en tout copié ses devanciers; ou; sil a eu ces mollusques sous les yeux, chose dont il est difficile de douter , parce que la figure qu'il publia est la première que nous ayons de ce mollusque ; alors il s’est plu à conserver lès termes dont se servirent dans leurs des- criptions les anciens , se contentant d’ajouter que son bec rappeloit la forme de celui du perroquet, et que ses bras ondoyans, à la manière des poulpes, étoient revêtus comme les leurs de ventouses et de cuprles ; mais il s’étendit avec beaucoup plus de complai- sance sur la coquille ou enveloppe tesiacée de ce mollusque ; et dans la descriplion qu’il en fait, on voit qu’il ne veut (1) rien laisser {1) Ejus concha tribus fragmentis constare videtur (carina scilicel et lateribus : cum tdmen una et simples sit), guorum latera utrimque seu carinæ junciæ appa- rent, ea ut plurimum magnitudine , quam ambe manus amplecti possunt : latitudine autem quantum pollex cum indice comprehendat. Omnes autem non excedunt crassitudinem membranæ pergamenæ , striisque ën oblongum ductis ad oras crenis laciniatæ sunt, in for- ma rotundam abeuntes......concha...... fragilis est , lactei coloris, lucida , admodum polita, omnino 142 HISTOIRE en doute à cet égard, au point qu’il en en- treprend , pour ainsi dire, l’anatomie ; ce qui pourroit encore faire croire qu'il n’avoit plus lanimal sous les yeux, c’est qu'il lui donne un grand nombre de bras; ce nombre n'est point l’attribut de cet argonaute qui, constamment comme les poulpes ,n’°n a que huit, en y comprenant ceux palmes , et dont l’argonaute se sert en guise de voiles pour voguer sur les flots. Dans le doute où nous sommes, si Belon a décrit cet animal d’après un individu qu'il avoit sous les yeux, nous devons convenir qu'un auteur alle- mand , généralement cité sous le nom de zoographe (2), avoit donné presque dès ce navis rotundæ effigiem referens. Navigat enim per maris summa, elatus de imo gurgite , effertque se testæ inversa , ut facilius accendere possit , et inani scapha enaviget , atque ubi emerserit , tum concham invertit. Ceterum nautili brachiis interjacet membranula , qua- lis est inter palmipedum digitos , sed hæœc magis est tenuis ,in telæ araneæ modum , robusta tamen quæ etiam aura inspirante v-lificat Cirris quos uirimque mulitos habet , pro gubernaculis utitur, atque ubi metuit tum concham protinus marino humiore oppletam demergit. Cæterum psitacis rostrum habet , suisque cirris polypi modo graditur , atque eodem modo aceta- bulis sorbet. Belon. (2) Je crois avoir trouvé quel est l’auteur qui se DES POULRPES. 143 tems des notions précises sur le mollusque testacé, qui habite le nautile papiracé. Cet auteur, quel qu’il soit, a paru vers la même époque que Belon et Rondelet; et comme eux il a acquis des droits à notre reconnoissance. Îl étoit en correspondance avec les hommes célèbres et instruits de son tems; et Aldrovande nous a conservé un fait (1) qui, en prouvant ses liaisons couvrit de ce nom qui, d’après deux mots grecs , veut dire historien des animaux ; tout nous prouve que ses écrits furent adoptés, car nous voyons une infinité de naturalistes le citer avec confiance. Aldrovande, Jonston, etc. s’appuyèrent de son autorité. L'abbé Favart d'Herbigny est le premier qui ait francisé et personnalisé ce nom ; dans son Dictionnaire des tes- tacés , on voit le zoographe aussi souvent cité que Rumphius , Aldrovande , Gualtieri et Adanson. (1) « Nautili picturam Joannes Fauconerus medicus égregius ex Anglia olim ad zoographum dedit, his verbis in epistola adscriptus : mitto ad £e hic picturam cujusdam piscis ex testaccorum geriere, puéo Aristotelis nautam esse: quan mile primum ,cum in [talia essesn, Cæsar Odonus doctor medicus bononiensis exhibuié, sir ut humanissimus , ita in exteros admodum hospi- talis : postea vero hic in Anglia ipsum piscem vidi, quem pro loci ac temporis opportunitate pingendum curavi. Testam habet externa parte ex fusca ruffes- centem : internam vero partem ita niéentern , eé splen- dentem, ué cum unionibus prebiosissumis de coloris / 144 HISTOIRE épistolaires , nous donne en même tems Ia preuve qu'à cette époque l'animal de Par- gonaute n'étoit plus méconnu. On y voit que Jean Fauconerus, très-célèbre médecin de ce tems, envoya d'Angleterre au z00- graphe (1), que nous soupçonnons être Gesner, un dessin de l’animal du nautile papiracé, qu’il accompagna d’une lettre, par laquelle il lui disoit qu'il lui remettoit la peinture d’un testacé, qu’il croyoit être le nautile d’Aristote. « Déjà , lui écrit-il, amænitate certare posset. Multa quoque habet in ipsa testæ carina tabulata eodem colore nitentia. Velum constat ex pellicula tenuissima. Membræ ab utrogue latere demissæ carneæ sunt et molles , ut polyporum cirri , reliqua corporis pars confusa erat eë indiscreta , ué reliquorum testacevrum generurm , confitentern quad isnoro anglicum hujus piseis nomen». Aldrovand. de testaceis, lib. 5 , pag. 261. (1) Un passage de Gesner pourroit faire croire que ce fut lui qui pendant quelque tems crut devoir s’en- velopper sous le nom de soographe. Il dit positive ment que c’est à Jui à qui Fauconerus envoÿa le dessin du nautile. « ÆEjus picturam Joannes Fauconerus me- dicus olim ad me dedit». Gesner, Animal. mar. de Mollibus ;, pag. 193. Ou le médecin anglais envoya son dessin à plusieurs personnes, ou Gesner est ce zoo- graphe; opinion d'autant plus probable qu’il ne le cite nulle part. César D ES RP OU L'PFBIS. 145 César Odonus, médecin bolonaiïs , me l’avoit montré dans un voyage que je fis en Italie: depuis j'ai rencontré ce même poisson en Angleterre ; l’occasion et le tems me l'ayant pernus, je l’ai fait dessiner. À l'extérieur , la couleur de la coquille tire sur le roux, mais la blancheur éblouissante de l'intérieur Jui permet de disputer l'éclat avec les plus belles de l’Orient. ... Une mince pellicule lui sert de voile, et des bras pareils à ceux des poulpes , charnus et mous, se jettent en dehors des deux côtés de la coquille ». Comme l’anatomie comparée n’étoit même pas connue à cette époque, nous ne devons pas êlre étonnés que Fauconerus ait ajouté que le reste du corps de cet animal n’offroit plus que de la confusion, de même que celui de tous les autres testacés ; car ce n’est que depuis peu qu'on est parvenu à constater que, comme les autres animaux, les mollusques sont doués de tous les or- ganes et de tous les viscères propres et né- cessaires à leur mode d'existence et à leur manière de vivre; et que si tous n’offrent point ces parties nobles et saillantes, dont toujours nous voulons retrouver le type dans le corps humain, ils n’en sont pas moins bien partagés sous d’autres rapports. HMoll. Tome II. K. 146 HISTORS Tous remplissent les fonctions animales dans toute leur plénitude , mais sous des modi- fications aussi variées que celles qui ont présidé à la confection de leur être : et déjà nous avons vu qu'il en existoit qui, loin d’avoir quelque chose à desirer à cet égard , avoient au contraire été partagés de la manière la plus libérale ; et nous avons pu observer que l’homme qui, s’enorgueillit de son organisation , et qui, se regardant comme le point central , rapporte tout à elle, n’avoit reçu de la Nature qu’un cœur ; tandis que ce viscère , centre de mouvement et de vie, a été prodigué à la sèche, au point que , dans son anatomie , elle nous en a offert trois : organisation intérieure que par- tagent avec elle les calmars et les poulpes. D’après la lettre du médecin anglais, on pourroit croire que l'animal qu'il décrit avoit été pêché dans les mers d'Angleterre ; mais , quoique Gesner l'ait cru ainsi (1), ce fait me paroît cependant incroyable, et je préfère supposer que son dessin aura été pris sur un de ces mollusques conservés dans l'esprit de vin, et faisant partie de la (1) Reperitur quidem in oceano britannice. Gesner, Animal. mar. de Moll. pag. 195 , ubi supra. (1 DES POULPES. 147 collection de quelques naturalistes de ce tems-là , quoique l’auteur anglais nous laisse dans le doute à ce sujet. [1 n’en est pas moins vrai qu'il fut un des premiers qui, après les anciens, nous a laissé des observations positives sur l’animal de largonaute ; c’est à Belon ou c’est à Fauconerus que nous devons la première figure, qui, en repré- sentant de nouveau ce qu’avoient décrit les anciens, nous a prouvé que ces premiers observateurs avoient parfaitement bien vu, et que, sous plusieurs rapports, leurs écrits sont dignes de foi. Rondelet et Gesner (1) se contentèrent de marcher sur les traces de l'antiquité et de Belon : tous deux n’ajoutèrent presque rien à l’histoire de ce mollusque, et les figures qu’ils en publièrent rentrent les unes dans les autres. Aldrovande poussa un peu plus loin les rechérches, mais elles sont presque toutes critiques ou de simple Htté- rature ; et ce compilateur infatigable n’é- crivit pas une ligne qui pût faire mieux connoître le mollusque testacé dont il est (1) Rondelet , première partie de l’Hist. ent. des poissons , lib. 18 , chap. 7, pag.574. — Gesner, Anim. mar. de Moll. pag. 192. K. 2 148 HISTOIRE ici question : cependant la figure qu'il ex publia, quoique grossièrement exécutée en bois, présente à peu prés le trait de cet animal, et elle suffit pour en donner une idée ; mais tout prouve qu'il est en partie idéal, et qu'il n’a pas été dessiné d’après nature : la coquille qui le recouvre est in- contestablement celle de largonaute de la Méditerranée (1), et ses bras n’offrent qu’un seul rang de cupules serrées; tandis que ceux d’un individu de ces mêmes mollus- ques, de la Méditerranée, que j'ai sous les yeux, sont armés de deux rangs de ven- touses ; erreur que commirent avant Aldro- vande, Belon, Rondelet et Gesner, dont les figures sont même au dessous de la cri- tique. Dans celle publiée par le naturaliste de Bologne , les bras avancés, ceux qui por- tent la voile, sont mieux en position; et quoique défectueux , ils ne se terminent pas, comme chez les autres auteurs, par une pointe eflilée et aiguë, qui vient mourir sur cette large palmure : enfin, on voit qu’Aldrovande a été dans l'embarras , et qu'il n’a point voulu remplir d'imagination le centre des huit bras, en y plaçant une (1) Aldrovand. de testaceis , pag. 260. D'HPS1 PO U'LIPMENS. e%a bouche : chez lui ce centre est resté en blanc, et il offre une lacune qui, sous tous les rap- ports, est bien préférable au bec, à la tête ei aux yeux de perroquet, dont les autres auteurs ont laissé charger leurs figures. - Encore plus laconique que tous les au- tres , Jonston (1) s’est contenté de faire copier la figure de Fargonaute d’Aldrovande ; elle fut gravée chez ce premier en bois; chez le second, elle l’a été en taille-douce : mais le burin s’est trainé sur les traits qu’a- voit laissés en saillie l’échoppe du graveur en bois ; tout est rendu de la même ma- nière ; on y retrouve les mêmes erreurs et les mêmes lacunes; chez Jonston, comme dans Aldrovande , l’argonaute est sans bou- che et sans bec. Quant au texte, 1l ne vaut presque pas la peine qu’on sy arrête ; il n’ést qu’une sèche répélition d’une partie de ce qu'Aldrovande et Gesner avoient dit avant lui. Cette manière peu laborieuse d'écrire influa sur le sort du mollusque dont nous parlons; son histoire offre presque aulant de vicissitudes que celle de certains peuples, ou au moins de certains individus (1) Jonston, Hist. nat. de exanguibus aquat. p. 30, et tab. 10, fis, 2. K 3 150 HISTOIRE dont on parle beaucoup pendant un espacé de tems, et qui ensuite tombent dans un tel oubli qu’on vient à révoquer quelque- fois en doute leur existence. Dès qu’elle nanqua d’historiens , cette peuplade de na- vigateurs ne figura plus parmi toutes celles qui sont du domaine de l’histoire naturelle; et enfin elle fut tellement ignorée, que, dans ces derniers tems, on a imprimé que jamais ils n’avoient été connus ; ne se rap- pelant pas plus son origine que celle de ces peuples aborigènes et sans commencement ; _ dont la source étoit ensevelie au milieu des épaisses ténèbres dont le défaut de tradition avoil laissé envelopper leur histoire. En partant de l’époque que nous venons de ciler , et dès que noüs quittons Jonston , nous n’allons presque plus trouver que des auteurs qui, se copiant éternellement les uns les autres, et ajoutant de tems en tems quelque chose de leur crû , et d’après leur hnagination aux textes des écrivains dont ils suivoient les traces, rendirent enfin plus que problématique ce que les anciens nous avoient transnnis ; et dès ce moment les mo- dernes, ne faisant aucun cas de ce que les auteurs se transmettoient , pour ainsi dire, de main en main,ne voulurent plus: sy DES POULPES. 151 arrêter, et regardèrent leurs descriptions comme apocryphes. Il ne faut cependant point confondre dans cette foule Rumphius , ce magistrat d’Am- boine , que déjà nous avons cité avec éloges, parce qu'il les mérite, ayant consacré ses loisirs pour, après avoir vu par lui-même, nous laisser par écrit le résultat de ses ob- servations ; mais, malheureusement pour la science , cet auteur respectable écrivit de même qué François Halma, son commen- tateur (1) ,en langue hollandaise ; et comme cette belle langue du Nord est bien loin d’être générale et universellement connue, leur ouvrage, qui m'a point été traduit, et qui cependant méritoit tant de l'être, est resté inconnu au plus grand nombre des naturalistes , qui n’ont pu en consulter que les figures sans pouvoir les comparer avec le texte. Le chapitre, que Rumphius consacra à la description de l’argonaute (2}, est rempli de faits précieux et très-précis sur cet animal, que ce naturaliste avoit vu, (1) Ramphius, Amboinsche rariteytkamer. Signa- ture de lPavant-propos, édition de 1741; Amsterdam, Roman Dejonge. (2) Zbidem , iv. 2, chap. 3 , pag. 65. 152 DVADS TD RES T ‘et nous allons ici le traduire presqu’en en- tier , bien persuadé que, s’il eût été mieux connu, ces notions décisives auroient fixé lopinion des naturalistes, et qu'alors il nous auroit resté très-peu de choses à ajouter à l'histoire de ce mollusque. Dans la planche XVIIT, figure A, dont cet auteur hollandais enrichit son cabinet d’'Amboine, on voit une coquille ou nautile papiracé , dont la forme et les côtes sont parfaitement semblables à celles de la co- quille qui recouvre largonaute de la Mé- diterranée. « C’est ici, dit Rumphius , que nous devons reconnoître le véritable nau- tile que les anciens ont parfaitement connu et si bien décrit ; sa forme rappelle celle d'une galère , dont la poupe est très-relevée, la quille mince et tranchante, et les côtés ou bords formés comme les flancs d’un vais- seau. J’en connois deux espèces : Pune plus grande et l’autre plus petite (1). La prennère offre ordinairement cinq à sept pouces de (1) Je crois qu’il faut regarder ces deux espèces comme n’en faisant qu'une, d'autant plus que leurs habilans n’offrent point de différence , et que celle de leurs coquilles n'existent que dans leurs différentes grandeurs. J’ai conservé cette manière de voir en D E:$:1 POiU iIL'P ES. 153 de longueur sur quatre de hauteur; mais quelques-unes excèdent ces dimensions, et on en rencontre quelquefois d’un palme ( huit pouces ) de longueur : cette coquille est simple , mince, et son épaisseur est celle du parchemin ; elle est à demi-transparente; sa blancheur égale celle du papier ; cepen- dant elle tire quelquefois sur le jaune. La carène , ou quille, présente à peine un demi- travers de doigt, contourné en spirale ; des tubercules prononcés l’ornent dans tout son contour, et des plis où sillons, qui partent de ces tubercules, courent sur les parois de Ja coquille, et vont se rendre presque tous en arrière à la naissance de la volute qu’elle forme de ce côté ; mais comme tous ne sont pas également espacés, quelques-uns de ces plis viennent se confondre avec les autres, et meurent avant de parvenir au point central où ils tendent presque tous. La carène est teinte , dans sa partie supérieure , d’une couleur rousse , comme si on l’avoit passée examinant l’ouvrage de Seba qui , comme Rumphius, a indiqué plusieurs nautiles séparément , quoique leurs coquilles soient striées de la même manitre, qu’eltes présentent les mêmes formes, et qu’elles soient seulement plus grandes les unes que les autres. 254 HA ST OT RE à la fumée: cette teinte est indélébile et inhérente à la coquille dont les flancs s’élè- vent diagonalement , de façon à lui laisser deux ou trois doigts d'ouverture, et cette ouverture rejette ses bords en arrière, de . manière à former de chaque côté une espèce d'oreille. Le poisson qui habite le nautile papiracé a toutes les apparences et les formes extérieures des poulpes. ... sans charpente intérieure et muni de huit pieds, dont six plus courts que les deux autres sont garnis de ventouses ou cupules comme ceux de toutes les autres espèces de sèches ; quand l'animal nage, ces pieds s’'épanouissent en rose. Les deux arrière-pieds ont le double de longueur des autres : en les faisant sortie sur le derrière de sa coquille , ce mollusque les laisse traîner dans les eaux (1), en diri- + (1) I y a beaucoup d'apparence que Rumphius s’est trompé ici, et ce qui l’aura induit en erreur, sera que celui qui lui aura porté ce mollusque l’ayant peut- être retiré de la coquille, voulant l’y réintégrer, l’y aura enfourné de travers ; chose qui est déjà arrivée , comme nous le verrons plus tard , à d’autres natura- listes. L’observateur hollandais , trouvant les deux bras différens des: six autres en arrière, au lieu de les rencontrer en avant, en a fait deux rames; tandis que, dans leur véritable position, il les eût regardés D.EiS) P'O ULIPE S:,, 755 geant par ce moyen sa légère barque. Ces deux pieds sont lisses et arrondis , garni aussi de cupules sur les côtés comme les six autres, mais élargis vers le bout en façon de rame ; de façon que cette petite galère est dirigée sur la surface des flots de la même manière que ces espèces de chaloupes , dont font usage les javans, et qu'ils nomment tingang ou tinan, sont conduites au moyen de deux gouvernails….. En voguant à l’aide du vent, il tire encore le plus grand secours des bords relevés de son vaisseau , qu'il présente au souffle des zéphirs; car, lors- qu'il se iaisse mollement balancer par eux sur les flots, on le voit retirer son corps dans sa coquille fortement en arrière , gouver- , comme les voiles, que par suite de cette première erreur il a cherché alors vainement, Plus loin nous allons Le voir rectifier cette faute, qu’il paroît avoir commise involontairement ; et ayant retrouvé sur un autre individu les larges palmuares qui constituent les voiles, il écrivit que, selon toute apparence, soit que ces bras fussent ceux antérieurs ou postérieurs ; ils servoient à l’amimal pour ramer comme pour voguer. On voit que ce premier faux pas donna beaucoup de travail à Rumphius : son texte s’en est ressenti, et ceci nous prouve qu'un naturaliste ne sauroit être trop prudent lorsqu'il entreprend la description d’un objet qui lui est encore inconnu. 156 HISTOIRE nant sa barque avec deux bras qui lui ser- vent à la diriger. Si le vent, au lieu de faire sentir son influence, tombe tout à fait, et qu'il fasse un calme plat, alors ce mol- Jusque cale ses voiles, remet l'équilibre dans sa chaloupe et rame avec ses bras : s'il s'aperçoit de quelque danger, ou si quelque chose vient l’effrayer , il embarque à lins- tant tout ce qu'il venoit de projeter hors du bord , tourne la quille de son vaisseau vers le ciel, le remplit d’eau et le fait ainsi couler à fond ; de façon que pour l’atteindre et s’en emparer, il faut , si lon veut s’en saisir , arriver dessus avec le vent, ét le prendre par dessous avec quelque instru- ment, d’une manière assez subite et assez rapide pour le prévenir dans ses mouve- mens et l’empécher de couler à fond; ce qui arrive si rarement, que quand les pêcheurs peuvent y parvenir, ils regardent cette prise comme un bonheur ; et ce n’est que, dans le grand calme qui suit la tempête, qu'ils peuvent quelquefois s'en emparer. On le voit cependant flotter encore fréquemment sur la mer, s’attachant, au moyen de ses bras , aux différens morceaux de bois qui flottent sur les eaux, et à l’aide desquels il se laisse dériver sans les quitter. En l’exa- DES POULPES. 157 minant de plus près, on voit dans le creux de son petit bateau le ventre ou sac de l’ani- mal , entr’ouvert transversalement comme l'est celui des autres sèches et poulpes, sous les bras; et par cette ouverture, on voit aussi saillir un grand conduit excrétoire, qui lui sert quand il veut remonter à ex- pulser de son corps l’eau de la mer qui y étoit renfermée : sur le sac continu , qui, en formant le ventre, dessine aussi le dos , on voit un piquotage étoilé et des iache- tures d’un brun rouge , qui rappellent celles des poulpes, et qui, comme dans ceux-ci, varient de nuances. Ce mollusque est libre dans sa coquille (1), sans être attaché dans sa volute par une veine ou filet, comme l’est celui du nautile chambré ; et par con- séquent il est secoué très-aisément hors de sa coquille, qui alors vient flotter au dessus de l’eau, où par hasard les pêcheurs peuvent quelquefois s’en saisir avant qu’elle soit mise en pièces contre les rochers. Sur le fond de la mer, cet animal marche à laide de ses bras, en élevant la carène de (1) Hy ligt los in zyne schaal , hebbende geene ader in de krul vast gelyk de nautylus crassus. (Rumph. Amb. pag. 63 , à la fin.) 458 : = PES TOIRE sa coquille vers le haut ; de même qu’on le voit lorsqu'il remonte à la surface des mers, où il arrive dans cette position; mais dès l'instant qu’il y est parvenu , il y met sa coquille à flots, jetant au dehors toute l’eau qu’elle contenoit, épanouïissant ses bras, comme déjà nous lavons dit, en rondeur. On a encore vu souvent ce mollusque collé, au moyen des cupules dont ses bras sont garnis, à quelques grandes feuilles d'arbres, transportées par les flots ; et à l'abri des- quelles cet animal se laissoit dériver. Ses yeux sont saillans et très-apparens. » Ïl est très-incertain que ce mollusque puisse vivre isolé de sa coquille au fond de la mer, lorsqu'il la perdue par quelque accident (1). J’en ai eu chez moi, presque aussitôt qu'on venoit de les pêcher, et malgré les soins que je pris pour les replonger dans Jeau de mer presque à l'instant, ils n’en moururent pas moins dans le plus court espace de tems. J’ai trouvé des œufs dans le ventre de quelques-uns ; ces œufs étoient ronds et blancs , réumis ‘entre eux en masse ; (1) Of deze visch uit zyne schaal vallende op zich zelfs in zeewaler leeven kont, is onzeker. (Rumpb. Amb. pag. 64.) DES POULPES. x5q et tous étoient marqués , à leur partie supé- rieure , d’un point noir, imilant une pru- nelle : et dans le tour de la volute carénée de la coquille , j’ai encore rencontré une autre petite masse d'œufs ou frai réunis, ressemblant de forme et de couleur au frai d’autres poissons (1). Cette petite masse, ou réunion d'œufs , est contenue dans une mince pellicule ; et quand leur frêle habi- tation n’est pas encore même plus grande qu'un doigt , on y trouve cependant un ovVaire qui repose sur la quille , en forme de coussin. La bouche de ce mollusque -est garme d’un bec, qui a la forme de celui du perroquet. » Son nom est, en latin, celui de r7au- tilus tenuis et legitimus ; et celui de sa petite galère , carina nautili; en malais, il porte celui de roema gorita, ce qui signifie petite habitation d’un poulpe ; de même que les grecs , qui l’appellèrent ainsi œuf de po- (1) Op de bodem van de carina of schulp vind men een klontje eyers of kuyt van gedaente of verwe gelyk andere vischkuyt , en’t geheele klontje is om- geeven met een dun vliesje ; al is het geheele huysje niet grooter dan een vinger , zo hebben ze echter een cyerstok ; als een kussen, op de kiel legsende. (Rumph. Amb. pag. 64.) nn. 160 HS DOUME | lype. À Amboine, il porte le nom de rika wawutlia. _. » On trouve cette belle coquille si rare- ment, qu’elle est même regardée comme très-précieuse dans les Indes (1). Les habi- tans envisagent comme une marque de fortune et de bonheur , quand ils sont assez heureux pour les rencontrer ; et ils la con- servent chérement parmi leur trésor , ne lui faisant plus voir le jour que dans ceux des fêtes ou de quelque grande réjouissance. Dans ces jours solemnels les femmes les exposent à tous les regards; et lorsqu'elles dansent le branle, connu sous le nom de lego , lego , la première danseuse, celle qui conduit tout ce branle, porte cette coquille : ‘dans sa main droite , en l’élevant au dessus (1) Un beau nantile papiracé se vend à peine vingt- quatre livres à Paris ; on en trouve même à douze et à quinze francs; cette différence de prix est une suite naturelle de l’abondance qui doit nécessairement ré- sulter de l’affluence générale vers un point central et commun. Le commerce de l’histoire naturelle ou des objets qui en font partie est bien plus grand qu’on ne le penseroit dans cette capitale; et je crois qu’un natu- raliste , qui partiroit pour les Indes, pourroit faire avant son départ une pacotille de coquilles de choix, dont il se déferoit avec le plus grand avantage dans leur pays natal. 4 e D, PA" P O'U'L PS: 161 de sa têle, et elle sert long-tems à cet usage , car 1] importe peu qu’elle soit en- fumée ou percée de trous; c’est pourquoi il faut se presser de les leur arracher des mains , soit par argent ou avec de belles paroles , lorsqu'on veut les avoir intactes et en bon état. Elles sont très-chères : pour une coquille d’une grandeur moyenne et qui lient à peine quatre ou cinq petits go- belets d’eau, on paie six francs sans mar- chander ; et même depuis quelque tems, on ne peut plus en trouver à ce prix; on a même vu de ces coquilles, qui pouvoient contenir à peu près une pinte, se vendre une soixantaine de francs , parce qu’elles sont très-rares, et je n’en ai point eu sous les yeux de plus grandes ». En finissant cette description , le bon Rumphius nous donne une petite histoire qu'on seroit tenté d’abord de regarder comme un second tome et un diminutif de celle de ce poulpe qui fut enlevé dans les airs par un aigle ; mais il l'accompagne de circonstances si originales , qu'il est impos- sible de la révoquer en doute, el de ne pas croire à sa réalité : nous le traduirons encore ici, en observant que ce fait peut servir à prouver la vélocité et la rapacité de certains Mol. Tome IiL. L 202 | HIS TOLR:E oiseaux de mer, en nous faisant connoître en même tems un des ravisseurs et des eunemis de notre argonaute. « Un aigle de mer Q) ( haliætos), o oiseau de rapine, qui plane toujours sur la surface de la mer, se saïsit d’un nautile papiracé, qui voguoit sur les flots; et le tenant dans ses serres, il s’éleva avec lui dans les airs; mais comme il en vouloit plus au poisson qu’à la coquille, et qu’il en arrachoit celui-ci avec son bec, la coquille lui échappa, et tomba par le plus grand hasard sur un petit endroit sablonneux, entre les rochers. de façon qu’elle ne fut que légèrement écornée dans sa chûte. Un pêcheur , qui se trouvoit dans les environs, l'ayant à linstant ra- massée, me l’apporta. J'ai disposé depuis, en l’année 1683 , de ce nouveau palladium , qui, comme une esquisse du navire argo, m'étoit tombé du ciel, én faveur du sieur Johan Michael Fehr, philosophiæ et mede- cinæ doctor, physicus suinfurtensis ordi- narius et academiæ curiosorum naturæ per SaCrumM romanum imperium stabilitæ electus præses, dictus argonauta ; académie, con- tinue notre auteur, dont je fus reçu membre LS (Gi) Rumph. Amb. pag. 65. dr. DES POULPES. :63 la même année , sous le nom de P£nius »: Aussi dès ce jour, Rumphius n’hésila-t-il plus à prendre le titre de Pline des Indes ( Plinius indicus ), qu’on retrouve en lettres rouges à la tête de son livre. Nous devons avouer que, sous plus d’un rapport, il mé- ritoit ce titre ; et que sa description que, le premier, il nous a laissée aussi étendue, sur l’argonaute , est rémplie de faits très- positifs et concluans : d'accord avec les anciens, parfaitément en harmonie avec Aristote , il dit positivement qu'il a vu un animal presqu’en tout semblable aux poul- pes, revêtu d’une coquille à laquelle ïül : n’étoit pas adhérent, mais qui lui appar- tenoit comme à son légitime propriétaire ; et qu'à l’aide de cette légère nacelle, on le voyoit venir se jouer sur le dos de la plaine azurée : et si Rumphius a été pour cet instant induit en erreur sur la position des bras de l’argonaute , nous allons main- tenant la lui voir réparer ; d’après notre coutume , nous le laisseronsS parler lui-mêmé comme 1l le fait dans la page soixantie-six de son livre. | « En 1693, dit cet auteur, au mois de janvier , on prit un nautile à Hitoe, dont la nacelle étoit longue de sept pouces, et qui | L 2 164 HISTONRE en offroit six de hauteur. Cet animal diffé- roit un peu de celui que nous avons décrit ci-devant, principalement dans les deux arrière - bras ou bras supérieurs; car six d’entre eux portoient de douze à quatorze pouces de long, très-minces, en s’effilant vers le bout et garnis de cupules : les deux bras de derrière ou supérieurs ( regardés par quelques-uns comme étant les bras anté- rieurs ) étoient beaucoup plus forts et: plus épais que les autres (1); leur grosseur égaloit celle du doigt ; revêtus de cupules qui se succédoient alternativement (2), ces bras (1) Ces tergiversations de Rumphius peuvent anssi provenir par le déplacement de l’animal; il lui aura mis la tête en avant, comme on le feroit de tout autre poulpe ;: au lieu que l’argonaute est couché sur le dos dans sa coquille, comme nous le démontrerons , et dès lors les deux arrière-bras se projettent en avant avec leurs palmures pour servir de voiles. (2) « De twee achterste of bovenste baarden (by andere voor de twee voorste gchouden ) waaren veel dikker, achter ruÿym een vinger dick en met zuyg- wratten bezet, verwisselt tegens malkander staande; de voorste helft had een dun breed vel of lap , als een omgekeerde bezaan , te weeten achter smaller , van vooren breed, Waar in hy vant, voorgaande verschilt. Met deze lappen schynt het , dat hy zoowel roeyt als Zeyil, want met de zuygwraiten vat hy de kanten van D ESNFOULP'ES. 165 étoient garnis, à leur extrémité antérieure, d’une peau mince et large, plus étroite en arrière qu’en avant; il paroît qu'au moyen de ces palmures, il peut aller aussi bien à la rame qu’à la voile, car il saisit avec ces ventouses les bords de sa nacelle : et alors il peut ramer avec la partie la plus large, ainsi qu'avec les autres bras qui sont ainsi projetés hors. du bord : veut-il mettre son vaisseau à la voile, il lui suflit pour cela de relever en l'air ces deux larges palmures ; mais je n’ai point encore pu rencontrer chez un seul nautile que ces deux membranes (1) fussent réunies entre elles par une légère pellicule, de manièré à faire corps, sans zyÿn boot en met het breede deel roeyt hy , gelyk ook met de andere baarden die als dan buyten boord lesgen ; als hy na zeylen wil , zoo recht hy de beide lappen over eynde ». { Rumph. Amb. pag. 64.) (1) Nous verrons que ces deux membranes ne sont jamais réunies dans l’argonaute, mais que chacune d’elles garnit isolément l’extrémité des deux bras placés du côté du dos. L'animal les serre l’une contre l’autre quand il veut naviguer, et alors elles paroissent n’en faire qu'une, étant intimement collées l’une à côté de l’autre; ce qui aura induit en erreur les natu- ralistes dont Rumphius veut parler, qui se seront conténtés de voir ce mollusque en action et voguant , sans se livrer à des observations postérieures. L 5 166 HISTOIRE solution de continuité , comme quelques écrivains européens l’ont avancé ; et c’est pourquoi je resterai encore dans. mon opi- niou première, et croirai toujours que c’est avec la carène relevée de sa coquille que ce mollusque effectue sa navigation sous voile : celui dont il est ici question éloit tellement rusé, qu’il se laissa poursuivre pendant quelque tems par les pêcheurs , qui lui donnoient la chasse avec un prame (1), qu'il évitoit en se jetant tantôt à gauche, tantôt à droite, jusqu’à ce que ces pêcheurs remarquent qu’enfin il vouloit faire eau et couler bas, Fun d'eux duüt se jeter à la mer: et l'enlever à la nage... Quoique Bonnani ait dit que cette espèce de poulpe se rendoit en ftale, sur la côte, pour y paître et se nourrir avec les autres poulpes , je puis as- surer qu'on n’a jamais remarqué ce fait dans celui des Indes orientales, qu’on ne rencontre qu’en mer et toujours solitaire. Celui dont nous parlons lance encore avec: force l’eau par son conduit excréteur, eb cela quelquefois avec tant de roideur, qu'il (1) Espèce d’embarcation légère dont se servent es babitans de ces îles, comme ceux des îles de l'Amé- rique le font de leurs pirogues. DES 'P OU L PES: 167 en remplit les yeux des pêcheurs. Comme les poulpes et les sèclies , il est muni d’une vessie à l'encre, mais au lieu d’être noire ou rouge, elle offre ane liqueur dun brun bleuäire. ... Fai retrouvé dans soir estomac des fragmens ou morceaux de bras (1); ét de nouvelles observations n'ont prouvé que les œufs se trouvent hors du corps, dans le creux de la carène ou volute, mais cepen- dant attachés au corps de l’animal (2) ». Hama, dans le Commentaire qu'il'écrivit à la suite du troisième: chapitre de Rum- phius, nous apprend très-peu de-ehosés.sur- Vargonaute de la Méditerranée, dont les stries de la coquille sont unies, et qu’on rencontre aussi dans les mers des Indes, d'après les observations du naturaliste hol- (1) Quoique Rumpbhius dise positivement que ces. fragmens. étoient des morceaux de bras, et qu’on pouxroit en inférer qu'ils provenoient de quelque poulpe , et que l’argonaute dévore ses semblables’, je erois.qu'on pouxrroit plutôt les envisager comme ayant fait partie de quelque astérie ou.étoile de mer ; nous avons vu que les poulpes n’attaquoient pas leurs con- génères, quoique toujours allérés de carnage. * (2) En zyne eyers lagen buyten tlyf in’t hol van de schulp, doch aan den visch vast. ( Rumph. Amb. pag: 67.) F, 4 168 HIS T OERE landais ; cependant nous devons remarquer que ce commentateur y parle d’un nautile papiracé, qu'il avoit vu en Hollande, et dont la grandeur égaloit la mesure dun pied ; il nous apprend aussi que cette belle et extraordinaire pièce de cabinet fut achetée pour aller enrichir le museum du grand duc de Florence. Des nautiles de cette grandeur sont très-rares: nous remarquerons à notre tour qu'il en existe aussi à Paris d’assez grands, et que notamment on en voit dans les galeries d'histoire naturelle du jardin des Plantes , qui ont jusqu’à dix pouces dans. leur plus grande dimension ; ceux-là sont déjà très-rares , et de plus grands doivent être d’une rareté extrême. Ji seroit aujourd’hui bien difficile de savoir sur quel dessin a été copié le médaillon que le graveur hollandais placa au milieu de la jolie vignette dont est décoré le front de la première page de l'ouvrage de Rum- phius ; quoique ce médaillon ne soit pas plus large qu’une pièce de vingt-quatre sous , 1] renferme la meilleure figure qui ait été gravée de f'argonaute ; on y voit ce mollusque mollement balancé sur les flots, épanouir en dehors de sa coquille les six bras qui, placés trois de chaque côté, lui DES POULPES. 169 servent de rames et de gouvernail; un doux zéphir vient seconder ses efforts, et par son souffle , 1l enfle les voiles que lanimal a déployées pour les présenter aux influences de son haleine ; cette jolie figure , quoique en miniature, ne laisse presque rien à de- + sirer ; on regrette cepeudant qu’elle n'ait qu'un rang de cupules sur les bras : du reste, c’est une fideile image de la ma- nœuvre qu'emploie notre navigateur quand le calme lui permet de venir jouir, à la sur- face des mers, des influences de l’air at- mosphérique , qui paroissent être nécessaires à son existence. Quel que soit l’auteur de ce charmant dessin , tout nous prouve qu'il ne le fit que d’après nature , et ayant vu par lui-même ce mollusque voguant : malgré sa fidélité on préféra, dans les derniers tems sur-tout, n'y voir qu’un caprice ingénieux et pittoresque ; on a voulu croire que cette représentation n’étoit qu'idéale et composée | d'imagination , d'après les descriptions mul- tipliées d’un animal cn nue le nautile pa- piracé. | C’est en vain qu’on chercheroit dans l’ou- vrage de Rumphius une autre figure de l’argonaute du nautile commun et ordi- naire; cet auteur s'étant contenté de la 170 HE PVO rRS description détaillée qu’il en avoit faite dans son texte , on retrouve néanmoins, dans I& planche dont il Faccompagna , cette co- quille (1), mais elle y est représentée vuide, ét de la manière que Fauroit fait un simple conchyhologisie : quant à largonaute que nous retrouvons sur + même planche aw numéro :, c'est un autre de ces mollusques dont la coquille est bien plus rare que celle qui a les côtes lisses et unies, et nous nous réservons de ciler cette figure, que Halma ÿ fit représenter , en la tirant de la collection de Volkerstz, lorsque nous parlerons de cette espèce d’argonaute, totalement dis- tincte de celle dont nous nous occupons actuellement, comine le sont encore quel- ques autres de ces animaux que-nous passe- rons successivement en revue. Perdant absolument l’idée des mollusques: habitans et créateurs de ces frêles nacelles,. et ne s’arrêtant plus qu'aux formes exté- rieures de cette légère coquille, Gualtieri(2} (1) Rumph. Amb. tab. 18’, fig. A, . (2) Gualtieri fit graver dans. sa onième planche sons la lettre À , un grand et superbe nautile papiracé,. en l’indiquant par la phrase caractéristique de « cym-. bium. maximum ; striatum striis crassis , TOÉURES, ef raris, aliquando dichotamis., spina acuta serr&ta , DES 'POULPES. 171 en changea même le nom pour lui donner celui de cymbium ou gondole ; réservant l'antique désignation de nautile à celui nacré, et dont la coquille est chambrée ou eloi- sonnée ; Bonnani (1), tout en citant Oppien, et en avouant que la vue de cette coquille avoit pu donner aux hommes la première idée de la construction des galères et des vaisseaux , se contenta aussi d’en faire graver uniquement la coquille ; et dès-lors, c’est seu- lement de loin en loin que l’on trouve encore quelques auteurs qui, dans leurs conchy- bologies, aient parlé, mais toujours d’une manière plus ou moins obscure, et en se cujus testa est valde subtilis et folio papyraceo similis , pellucida, fragilis et lacteo candore imbuta ». On voit dans la/même planche, sous la lettre B , un autre de ces nautiles bien plus petit et à côles plus serrées, différences que je crois provenir de l’âge, et je les regarde par conséquent comme étant tous les deux d’une seule et mème espèce. ( Gualt. Index testar. Conchyl. tab. 11. } | De - (1). Univalvium non turbinatorum agmen ducat nautilus, Talis dicitur a verbo græco nautilos quo. pisers et nauta sisnificantur. Ab hujus testa navicula repræsentatur eminenéi puppe in se ipsa aliquantulum. refiexa...... ab eodem navium. fabricam , navigan- dique artem, de sumptam Oppianus affirmat, Bonnaui. Recreat. ment.et oculi, clas. 1 , pag. 88. à C°HUASTONRE copiant, de l'animal, en classant parmi les univalves, et presque toujours à leur tête, le nautile papiracé. | Lister (1), médecin de la reine Anne d'Angleterre , électrisé par les ouvrages de tous ceux qui avoient écrit avant lui sur la conchyliologie , suivit les traces de Daniel Bfayor, professeur de Kiel, le premier des modernes, qui publia un systême conchy- hologique. Ce médecin savant, qui avoit embrassé la plus honorable de toutes les professions en Angleterre , joignit à l'amour de l’art d'Esculape celui de la physique ; il aimoit à s’entourer des productions de la Nature, et sur-tout des coquillés qui ré- jouissent toujours la vue de leur possesseur par leur immense variété et par les bril- Jantes nuances dont elles sout colorées ; ses deux fifles partageoient avec ardeur les goùis de leur père; et la preuve la plus complette qu’elles nous aient laissée à cet égard, fut de graver elles-mêmes les quinze cents co- quilles où à peu près, qui nous sont repré- seniées dans cet ouvrage, devenu râre au- jourd’hui, et auquel elles ont au moins autant de part que leur père (2). Par les (r} Lister, Hist. conch. fig. 557. (2) Ce savant est un de ceux à qui les conchyliologues. DES POULPES. 173 travaux d’une vie laborieuse , les deux filles de Lister parlèrent aux yeux, et ne lais- sérent flolter aucune nuage sur la partie systématique de cet ouvrage, le meilleur de son tems ; secondé par le burin de ses filles, Lister, à cet égard, vit remplir ses intentions dans toute leur plénitude; c’est avec peine cependant qu'on retrouve dans cet ouvrage original une servile copie de largonaute à la voile d'Aldrovande , qui, comme celui- ci, n'offre rien à l’endroit où devroit être placé la bouche , place que le dessinaieur du naturaliste bolonais avoit, comme nous l'avons vu, préféré de laisser vuide , plutôt que de la remplir d’une manière fictive et idéale. _ Dessalier d’Argenville, qui nous a laissé un ouvrage assez informe, mais tel qu’on devoit l’attendre de ce tems, sur la con- chyliologie, a voulu donner aussi quelques notions sur les habitans du nautile papiracé et de celui cloisonné. Cet auteur est le premier des français qui ait écrit en notre ont le plus d'obligations; c’est lui qui le premier donna de bonnes figures de coquilles , qui seront toujours citées comme types et synonymies aussi long-tems que la science sera cultivée , et aura de charmes pour ses seclaleurs. 174 HISTOIRE | langue un Traité entièrement consacré aux coquilles. Il publia son ouvrage en 1742; et après que-cette preinière édition fut épuisée , il en fit une seconde en 1755, à laquelle il ajouta, peu de tems après, un Appendix , et ce qu'il appeloit sa Zoomor- phose ; dans la pénurie extrême où lon étoit sur la science conchyholosique en France, cette nouvelle édition fut assez rapi- .dement enlevée, et l’auteur en préparoit une troisième ; lorsque la mort le surprit en 1765. J'ai vu le volume de cet ouvrage, qui faisoit partie de sa bibliothèque , et qui est chargé de notes marginales de sa main, mais peu importantes, dans la bibliothèque de Lamarck, qui a bien voulu me le com- muniquer, avec celté générosité qui excite chez moi la plus vive reconnoissance. D’Argenville consacra , dans cette Zoo- morphose, une planche (1), pour y repré- senter les mollusques , habitans des deux genres de nautiles : mais bien loin d'y être original, et de suivre Rumphius , qu'il avoit incontestablement sous les yeux, après avoir fait graver la masse informe et contractée (i) D’Argenville, Conch. part. 2, planch. 11, fig. 1 et 2, PREND EE REC REP ST SP 7 ‘4 | DES POULPES. 276 de l'animal du nautile cloisonné , publiée par le naturaliste hollandais, il l’'abandonne, au contraire, à l'instant où il alloit lui être du plus grand secours, pour aller copier dans Jonston , et non pas comme le dit Bruguières (1) dans Rumphius, une figure que Jonsiton , comme nous lavons prouvé, avoit pillée dans Aldrovande : et pour com- bler la mesure , d'Argenville, figure 3 de la même planche, copie l’autre mauvais dessin de l'animal , que le même Jonston .a placé à côté du nautile papiracé, comme un autre argonaute (2): ne se contentant même plus de le copier rigoureusement ; tout mauvais qu'il étoit, d’Argenville ou son dessinateur chargent les huit bras aigus de ce poulpe, qui n’est autre chose que le poulpe commun, d’un seul rang de cupules, qu'ils mettent sur le dos de ces bras, et dont ils les garnissent jusques contre les yeux, . (1) « Nous citons avec regret d’Argenville , parce qu’il paroît avoir copié la figure de Ramphius, ainsi que Martini , qui l’a suivi dans la même carrière ». (Bruguières, Encycl. méthod. tom. VI, Hist.des vers, pag. 121, 2° colonne.) (2) Jonston, de Exang. aquat, tab. 10, fig. 1 et 2. — D’Argenville , Conch. part. 2, pl.xr, fig. 2 et 2, w 176 HISTOIRE ce qui finit par en faire un animal fan- tastique. C’est donc à tort que l’auteur français dit que (1) cette troisième figure est l'animal (1) « La figure seconde est celle du nautile papiracé, appelé par Rumphius nautilus minor seu tenuis , dont la vraie figure est rapportée plus fidellement par le docteur Ruysch.... La troisième figure est Je même animal sorti de sa coquille , d’une nature semblable à celle du second. C’est un vrai polype, représenté très- naturellement par le docteur Ruysch , que nous sui- vrons ici, ainsi que l’animal même que nous conservons dans la liqueur. Sa tête est assez grosse, garnie de deux yeux clairs; il a huit pieds ou jambes d’une chair molle, appelés barbes. Ils sont plus gros par le bout qui approche du corps, avec une membrane légère qui lie les uns aux autres, telle qu’on en voit aux canards. Ces barbes de couleur argentée, avec des porreaux sur les côtés, sont plates comme des rames, et lui servent à nager. Il paroît qu’il rame avec ses lambeaux et ses barbes, et qu’il conduit sa coquille comme on fait d’une chaloupe. Les six barbes _ de devant sont courtes, blanches et pleines de por- reaux , comme sont tous les chats de mer. Il les étend de même qu’une rose en nageant ; les deux autres barbes de derrière, plus longues que les autres, pendent dans la mer pour servir de gouvernail à sa coquille, qu’il élève avec les léviers de devant pour y recevoir le vent. Lorsque tout est calme ,il se met à ramer, baisse ses léviers , et fait sortir toutes ses barbes. Dans même D ES;:P O U L PES. 179 ième de l’argonaute , qu'il avoit en cé moment sous les’yeux, eb qu’il conservoit dans son cabinet; ét si lon compare main+ Le da crainte de quelque péril, il faït rentrer sa chair ec ‘et toutes ses barbés , afin que sà barque fasse eaui et zoule à fond. Souvent 1l pompe. et jette l’eau de sa coquille ; souvent'il l'abandonne ; elle vient sur l’eau, et ensuite va se briser contre je. rocher. one _ » Ce testacé retourne sa barque sans dessus dessous quand il vent, et va sar la tête quand il s'élève du fond de la mer ; mais, dès. qu il a atteint la superficie fé l’eau , il ste adroitement sa petité barque dout il vuide l’eau , et épanouissant ses barbes , ilse met à voguer. .::..1l rame plutôt qu'il ne'navigue. ré » . Les œufs. .... sont faits comme de petits g grains ronds, qui ont chacun un petit point noir comine un œil ; ils forment une masse entourée d’une pell icuté mince, qu’on appelle ovaire, placée comme un coussin sous le couf?11110% hi ik ART SL ION » Ces animaux se trouvent assez rarement avec leurs coquilles, dont ils se détachent très - aisément « il faut que les pêcheurs soient bien adroits pour les prendre ensemble : quand ils sont poursuivis, ils tournent leur nacelle tantôt à droite, tantôt à gauche; enfin , les pêcheurs, remarquant qu’ils veulent faire eau et se couler à fond , souvent‘se jetlent à da rage pour les pouvoir joindre». ( D’ D Ie , Conehyl: part. 2 ME) et30e.) (*) Zoo trekt hy al zyn yleesch binnen boord , dit l'original hollandais. Rumph. Amb. pag, 65, lig. 59, Mol. Tone IL M 105 © HISTOIRE tenant ce qu'il écrit avec la traduction que j'ai donnée du texte de Rumphius ,.on verra que c’est le naturaliste hollandais qu'il a traduit en le tronquant, presque litiéra- lement, tout en assurant que.la figure de Rumphius. n’étoit. pas fidelle , et que cet animal est représenté bien plus paturelle- ment par lé docteur Ruysch, dont il dit qu'il va suivre les erremens. Faust Quant au reste, d’Argenville donna une assez boune figure de la coquille de l’argo- naute ou: nautile papiracé (1); les côtes ou nervures .en sont seulement un peu trop tranchautes'; il lui donne le nom de grand nautile, aplati et canelé en serpentant , et si mince qu'il en a pris le nom de papiracé. «Les dentelures de sa carène devenoient noires vers le sommet de la volute, et tout le’corps de la coquille offroit un blanc de lait». Ce nom, imposé par d’Arsenville, est devenu le n6m triyial et marchand de cette coquille (2); nom que depuis elle a conser YÉ be (1) D’Argenville, Conchyl. première partie , pl. Y; PA ent use, : (2) Sous la qualification triviale de nom marchand , on entend généralement aujourd'hui celui qu’un objet d'histoire naturelle a reçu dans le commerce ; nom sous lequel il cst connu des marchands , désigné dans + } DES POULPES, 174 dans nos collections, quoique Linnæus lui ait substitué celui d’argonaute , que Bruguièrés, Lamarck, Cuvier et Bosc ont adopté, et que maintenant nous conserverons d’après d'aussi respectables autorités. - Linnæus, cet immortel naturaliste , doué d’un génie si pénétrant, el qui, saisissant avec une incroyable rapidité les rapports qui existent entre les êtres , venait les lier entre eux par une chaîne non interrompue, avoit pressenti , par sa grande sagacité, qu’on rencontreroit et qu’on trouveroit un jour, dans des coquilles et sous des enveloppes téstacées , des animaux analogues ou tres- rapprochés par leurs formes et par leur organisation des mollusques nuds; nous -Yerrons , dans le cours de cet BE a confirmation de ce qu’annonça ce grand écrivain. Si on le voit balancer un ins- tant (1) sur l'animal renfermé dans largo- naule papiracé ; s'il hésite d'en faire un les catalogues, et annoncé dans les ventes , d’où natu- rellement les noms linnéens et scientifiques sont banuis. Le naturaliste doit conserver ces noms triviaux comme un moyen de, plus de se faire entendre, et de caractériser davantage les objets qu’il décrit. (1) rgonauta animal sæpia aut clio. Lin. Syst. nat, Vermes testacea , gen. 317, pag. 3567. M 2 ñ8a , HISTOIR:F, poulpe ou un clio, c’est parce que la véras f cité dont il faisoit profession ne lui permit : pas de certifier un fait qu'il avoit point vu par lui-même, et sur lequel la manière obscure d'écrire d’un très- grand nombre, de naturalistes lui avolent laissé concevoir quelques doutes : quoiqu'il cite Rumpbhius. dans sa synonymie, il y a!apparence qu'il s'est arrêté à la figure gravée de la coquille j sans se faire expliquer le texte qui lui auroit éclairci tous ces nuages. Nous devons encore croire que, si cet excellent observateur eùE pu mettre la dernière main à un ouvrage que nous fic pouvons envisager que comme le squelette et l’échafaudage d’un bien plus grand travail , il n’eût Lo plus confondu ; en refondant ses masses , tous les nautiles paniracés, unis Où tubercuiés dans un seul bloc, et sous la dénomination commune d’argo, sans cependant donner dans l’excès où sont tombés d’autres auteurs qui, en s’'arrétant à des stries, plus ou moins ser- rées, plus ou moins éparses et relevées , à des grandeurs différentes qui ne peuvent: être impulées qu’à la différence de l’âge ont trop multiplié les espèces. En tout il est un juste milieu , souvent, à la vérité, très-difficile à conserver; mais c’est aussi le DES POULPES. 154 but auquel doit essayer d'atteindre tout écrivain, lorsqu'il veut établir des faits d’une manière didactique, se faire lire avec intérêt et satisfaire l'esprit de ses lecteurs. C’est ainsi que, pour enfler de certairis “catalogues, il a plu si souvent à leurs ré- dacteurs , d'indiquer comme ; espèces. deux individus de la même, qui offroient la plus légère ‘variété. C’est. encore de la même manière que F'avannes, ce continuateur de d'Argenville , a divisé.le grand nautile en deux espèces (1), tout en convenant de la ressemblance presque parfaite qui existoit entre eux. Cet auteur, voulant développer son sujet, recherche tout ce qui a été, dit avant lui, tant par les anciens que par les modernes sur les nautiles , et il mêle telle- ment les argonautes avec les nautiles cloi- sonnés, les “spirules Gi) qu'il nomme amo- mies et les cornes d’ammon , que la lecture, de ce qu'il a écrit sur ces. objets, devient (1) Favannes , Conchyliologie ou Histoire naturelle des coquilles , tome premier; seconde partie , pag. 707 et 700. pi (>) Nautilus spirula. me Su hat. vermes ie cea, 5571, sp. g. — Spirule. Lamarck, Syst. des auimaux sans vertèbres, pag- 102 , genre 90 ; vulgaiæ M 3 rement {e cornet de postillon. 182 CHASITOIRE EC ‘trés-laborieuse. Quant à ce qui concerne Fanimal de largonaute , il répète en partie ce qu’en a dit d'Argenville : s’il.y ajoute quelque chose de son chef, c’est pour in- firmer les notions les plus précises qui existent sur ce mollusque , et rejeter ses lecteurs dans le: doute et dans se us HIFRié (+): PRES VE | ‘Il appuie, dans son opinion ; de celle de l’auteur qui a publié des remarques sur les planches de l'Encyclopédie, qui, dans le tome VI, pag. 7, fig. 14 (2), dit ,,& qu’on soupçonne très-forl que l'animal, qui est (1) & Nous remarqnerons senlement que, malgré la quantité de uautiles papiracés qui se rencontrent, soit aux Indes orientales, soit en Amérique. on dans la Méditerranée, nous ne sommes pas encore assurés que l'animal qui construit et habite cette coquille soit un polype, ainsi que tous les anciens lont avancé. : Ce qu’il y a de certain, c’est que jusqu’à présent aucun marin ni voyageur n’a dit avoir vu l’animal attaché à’sa coquille , ce qui devrait pourtant être dans l’état naturel: On est donc fondé à présamer que ce polype qu’on lui attribue n’est point celui qui * l’habitoit originairement , et qui l’a portée au dégré de perfection où nous la trouvons ».'(Favannes, Conchyl. vol. I , part. 2, pag. 702.) (2) C’est tome VIT, planch.-rxvir, fig. 15, que Favannes a voulu dire. Cette figure de PEncyclopédié DES POULPÉES. 183 feprésenté dans cette coquille, n’est pas le vrai poisson de ce coquillage ; quoique tous les nautiles de cette espèce, que l’on voit entiers, renferment le même animal, ül n'a aucune analogie avec les poissons des coquillages que l’on connoît, et il ressemble eutièrement au poulpe : on présume donc que c’est un polype, qui probablement se retire dans les nautiles vuides, comme ber- nard l’hermite se loge dans des coquilles qui ne sont pas à lui ». Et non content de cette citation, Favannes revient encore à la charge (1), ne voulant obstinément point est celle qu’a fait dessiner Halma dans Rumphius, planch.xvirt , n° r , et qui est une esrèce d’argonaule à grains de riz , que nous allons décrire sous le nom d’argonaute à sillons brisés. :S$ (1) « Cette critique ne peut être fondée qu’antant qu’on supposeroit que le polype, jusqu'ici attribué à la coquille du nantile papiracé , lui appartiendroit véritablement , et que cet animal, loin de porter, comme tous les autres univalves , sa coquitle sur le dos , sur-tout lorsqu'il rampe et nage en pleine mer, 5 seroit au contraire porté par sa coquilie , ainsi que les anciens paroissent l’avoir imaginé. Mais, malgré les agréables descriplions qu'ils nous en ont données, il y a trop de raisons de douter d’untel fait pour l’adopter sans examen , ct en faire la base d’une opinion qui né peut subsisier qu’autant que l’observation n'aura point M 4 M ?HISTOURE admettre ce que les anciens avoient dit su cet animal, et ce qui depuis avoit été con- firmé par Rumphius, qui en parloit comme témoin oculaire. Simple conchyliologue , Favannes s’est contenté d'indiquer , comme d’Argenville :l’'avoit fait avant lui, les co- quilles les plus remarquables et les plus belles ; celles’ enfin qui pouvoient figurer avec le plus d'avantage dans un cabinet, en récréant la vue par leurs formes diverses, quelquefois bizarres, et par leurs brillantes couleurs. En suivant cette marche, il a plus que doublé dans ses planches ie nombre des coquilles que ce premier nous avoit laissées, parce qu’il y joignit les belles coquilles que les découvertes et les voyages successifs, faisoient affluer dans les cabinets d'Hollande ; d'Angleterre et de France, où le‘goùt, pour cés brillantes productions de la Nature, prenoit de jour en jour de nouveaux ac- croissemens :. souvent on le voit conserver dans son livre les dessins qui avoient été publiés par son devancier, et son nautile Ve : TR REC trs fait tomber tout Ie merveilleux dont les naturalistes, tant anciens que modernes, ont enveloppé l’histoire du nantile ». ( Favannes , Conchyl. tome I, part. 2, pag..705..). | 27 Ju : te 1 D ESP OU L:PNE IS, 188 papiracé (1) est de ce nombre. C’est encore ainsi que, dans sa Zoomorphose (2), tout en Jetant dans les intervalles de la planche un peu nue de d'Argenville quelques co- quilles découpées ou entr’ouvertes , il n’en a pas moins adopté les mauvaises figures que ce premier avoit, comme nous l’avons vu, prises dans Jonston, sans oublier les cupules sur les revers des bras, et qui, gagnant jusques sur les yeux, font de cette figure C 2. un véritable monstre que nous ne connoissons pas, et qui, à coup sûr,ua point existé dans le cabinet de son premier auteur. C’est encore ici que nous s parlerons SUC— cinctement de quelques-unes de ces .com- pilations , connues sous. le nom de Diction- naire d'Histoire naturelle , toujours farcies de simples notes , et qui n’ont coûté à leurs auteurs d'autre peine que celle de tronquer plus ou moins les auteurs originaux qu’ils dépécèrent pour les mettre en lambeaux. Ces livres, quoique très- répandus , parce qu'ils donnent des notions superficielles ie (1) Favannes, planch. vir, fig. A... 2. :..(2) Favannes, Zoomorphose, pl. zxix, fis. Cr, EN OA 6 HIS TOTEN Yon se rappelle avec facilité, doivent êtré abandonnés à ces écrivains secondaires, qui fe peuvent ou qui ne veulent point s’oc- cuper de creuser un sujet, parce qu'il est infiniment plus aisé de s'emparer du travail d'autrui , que d’être créateur par soi-même. C’est par cette raison que nous laisserons en repos, pour le moment, Favart d'Her- bigny (1), quoiqu'il ne soit pas sans un certain mérile ; et l’auteur du Manuel du paturaliste (2), qui ne pourroient nous fournir que de foibles notions plus où moins inexactes, pour nous arrêter un inslant sur Variicle concernant le naulile papiracé, ou Pargonaute, que nous trouvons dans le plus répandu de tous ces Dictionnaires, celui de “Valmont de Bomare (3). On y voit que cet auteur, prenant pour guide d'Argenville, Syncope encore tout ce que celui-ci avoit dit d’après Rumphius, qu'il estropia; et que, non content de ce premier falras, le (1) Dictionn. d’hist. nat. concernant les testacés, etc. par l'abbé Favart d’'Herbigny. (2) Manuel du naturaliste , ou Dictionn. d’hist. nat. Bruxelles. Je & {5} Dict. raisonné universel d’hist. dat, par Valmont de Bomare, 5° édition. £ « DESIPOULPES. 587 dernier embrouille tellement lès choses, que, les confondant les unes dans les autres , il ne fait plus qu’un seul et même animal de ceux, très-distincts cependant, du nau- üle cloisonné et du nautile papiracé, où de l’'argonaute, dans lequel, tout en logeant un poulpe à huit pieds, il donne encore à te même poulpe (1) une multitude d’autres pieds, posés les uns sur les autres, ainsi que des lambeaux divisés en vingt doigts, comme la main d’un petit enfarit ; pieds multipliés . (1) « L'animal qui habite cette coquille est une espèce de polype à huit pieds, polypus octipes testa- ceus ; quand il sc retire , il n’emplit pas tout à fait sa coquille. Lie derrière de son corps est creux et couvert de poireaux; le dessus est plat, cartilagineux et ridé, tirant sur une couleur sombre, mêlée de quelqnes taches noires... On voit , dit d’Argenville , à la partie de devant , une multitude de petits pieds posés lun sur l’autre, avec plusieurs lambeaux couvrant la bouche des deux côtés : ces lambeaux ressemblent à la main d’un enfant, et se divisent en vingt doigts très-pelits ; ils servent à l’animal pour sen à se retirer , saisir sa proie et la porter à la bouche...... On. fait peu d'usage dans les tables de ce testacé, parce que sa chair est fort dure; mais l’écaille, dans l'espèce qui est épaisse ct nacrée cn dedans, sert à faire des vases à boire, qu'on grave en dehors ». (Valmont de Bomare ,tom. IX , pag. 185.) La source 188 ETS TOERE | et lambeaux qui ne sont plus ceux d'un | poulpe a huit pieds, et qui au contraire | appartiennent au mollusque constructeur et propriétaire du beau nauütile cloisonné ; animal que Rumphius a parfaitement dé- | crit, comme nous le verrons 5: quan nous | ‘traiterons ce sujet. | Si done, au lieu de se traîner sur les traces des autres, et de les copier aveuglément , l’auteur de ce Dictionnaire se fût livré à des recherches , que, plus que tout autre, 11 lui étoit si facile de faire en histoire na- turelle ; ; il est hors de doute que nous lui aurions actuellement obligation de quelque DHNrAes original , qui » >) en venant ajouter à la science ,lui eùt assigné un rang distingué parmi les écrivains célèbres qui, par.leurs veilles, leurs travaux et leurs courses | ont successivement étendu les bornes des con- noissances , et bien mérité de leurs con- temporains comme de la postérité. . Ainsi, ne pouvant rien apprendre et en- DE Monter ces entéurs éet d'avoir Fee rBE seulement comme différentes espèces. deux coquilles qui pin parties de deux genres tres - éloignés l’un de l’autre! . C’est de ce premier faux pas qu’est provenu toute la confusion. | À D FSSX P OU LIPES, 1 core moins rien tirer de ces compilateurs, nous allons les abandonner pour revenir aux écrivains originaux, qui, quand ils font des fautes, savent toujours les racheter par quelque point d'instruction, qui, en faisant le contre-poids, fait toujours aussi pencher la balance en leur faveur. C’est en nous rapprochant de ceux de notre tems, que nous allons maintenant jeter les yeux sur le bel et somptueux ouvrage, que le savant (1) Ignace Deborn compose à la demande de limpératrice Marie-'l'hérèse , sa souveraine. Cette princesse, protectrice des lettres et des arts, voulut faire passer à la postérité le catalogue et la description des testacés qu’avoit réunis son époux : Deborn, qu'elle choisit à cet effet, justifia sa confiance ; et ce célèbre minéralogiste prouva qu'il n’est aucune partie qui puisse rester étrangère à un vrai savant, lorsqu’ a veut entreprendre (1 ) Testacea musæi Ceæsarei V'indobonensis. Ma disposuié et descripsié Ignatius à Born. V'indobonæ 1780 fol. Le bel exemplaire de cet ouvrage que je consulte en ce moment est celui dont l’impératrice fit présent, la même année de l’impression , à l’académie de Louvain; il est relié en maroquin rouge, doré sur tranche , supérieurement colorié , et appartenant gnjourd’hui à la bibliothèque du jardin des Plantes, \ (60 : = HS TO FRE de la traiter et d’y porter ce coup d'oeil sûr; et aussi vif que pénétrant , que donnent l'habitude de voir, l’ardeur de létude et ces réflexions müries, suite naturelle d’une sage discussion. Après avoir parfaitement décrit la co- quille (1), et s'être livré à quelques obser= Vations préliminaires sur la manière dont Finnæus a fait suivre l’argonaute immédia- tement après les pinnes marines ou jam- (1) « Connectit quasi Linnœus testas univulves QU Dub. dum pinnæ postremum inter conchas, ar go- nautæ vero primum inter cochleas locum assionat. Quemadmodum enim e valvis binis in unam prope testam coalitis componitur pinna , ila et argonautæ univalvis e tribus fere partibus , ut recta explicat Belo- nius ,in unam testam compactus est, nempe e lateribus duobus et carina, ita ut cymbüfiguram, puppe iriflexa, proraque rostrata, perfectè satis referat. Testæ huic naviculari, membranaceæ , fragili, monothalamiæ , apertura est cordata ;, spira involuta , occultata, et basis seu carina modo laïior , modo angustior, sæpis- sima dentata, nonnunrquam mutica , lateribus com= pressis, undulato plicatis. ‘» Testam, ex unanimi observatorum sententia , sepia incolit, sex molluscum prœter tentacula duo longiora pedunculata, brachiis octo, membrana na- tatoria intertexéis et cotyledonibus adspersis, donatui ; ore inter brachia terminali , corneo ; oculis infrà tenta DES POULPES. 191 bonneaux , Deborn dit que, d’après le sentiment unanime des observateurs , c’est une sèche ou mollusque qui habite cette fréle nacelle ; mais tout en citant les figures d'Aldrovande , Lister , Rumphius, d'Ar- genville et de Martini, 1l n’est plus d'accord dans son texte avec ces auteurs; car il dit de la manière la plus formelle, «que ce mol- lusque présente non seulement deux bras ou tentacules pédonculés et très-longs, indé- pendamment de huit autres bras, liés entre éux par une membrane nataloire, et par- semés de cupules ou ventouses ; semblable du reste, quant au bec et à sa position, quant aux yeux, au corps et au conduit excrétoire , aux mollusques coriacés ». Je ne sais sur quelle autorité ce naturaliste de Vienne a pu annoncer que l'argonaute étoit muni de dix bras, dont huit courts et deux autres alongés, comme le sont ceux des RER cula versus corpus positis ; corpore carnoso ; vagina pectus excipiente, cum tubo ad basin pectoris. Figuiram animalis Aldrovandus , Listerus, Rumphius, Argçen- siilius ef Martini iconibus illustraverunt». Deborn, Test. mus. cæs. pag. 158 ; de arwonauta. | a 192 1HISTOIRENS qu’il avänce ; et je puis assufér ,. de'science certaine , que l'animal de l’argonaute,, ow plutôt que les animaux des différentes es- pèces d’argonautes ; n’ont constamment que huit bras comme les poulpes, mais dont deux, à la vérilé, sont palmés:: cette pal mure , qui est au bout des deux bras ; du côté du dos, et qui les termine, aura pu; dans un examen superficiel , induire Deborn _en erreur ; et quoique cet auteur ait adnnis positivement Fexistence de cet animal , cette nouvelle tergiversation a dû contribuer à faire perdre de vue le véritable mollusque ; habitant et propriétaire de l’argonaute. Cependant, cet auteur du nord avoit in- dubitablement Rumphius sous sa main; puisqu'il le cite à plusieurs reprises ; et il ne pouvoil pas ignorer ce que cet écrivain hollandais nous a transmis sur l'animal réel du naultile papiracé. Deborn consacre le reste de sa page à la description de la na- vigation et des manœuvres qu’emploie l’ar- gonaute pour voguer sur les flots, et il se sert à cet effet des mêmes termes qu’em- ploya Pline ; parce que, dit-il, « quoique les modernes aient (1) confirmé par leurs un (1) « Celebris hæœc navisatione sua cochlea supire | observations | DES POULPES. 2:05 observations ce qu’avoit décrit cet ancien naturaliste , aucun d'eux ne la fait plus élégamment ni mieux que lui»; et si, con- tinue l’auteur que nous citons, « quelques- uns de ces modernes ont avancé que cet animal pouvoit abandonner sa coquille et se libérer de cette enveloppe testacée, pour se replonger dans l’abîime à laspect d'un danger imminent ; comme Rumphius a écrit än summo équorum pervenit,ita se paulatim subrisens, uf emissa omni per fistulaïn aqua , velut exonerata@ sentina , facile naviget ; postea tranquillem mars demissis palmulis , ué remis, Jerié, sivere flatus invi- tent , prima duo retorquens brachia merbranam Enéer illa miræ tenuitatis extendit , qu velificante in aura, ceteris subremigans brachiis, elc..,.... muluavirnus . Ranc artis nautic® , qua argonaut excellit , descrip= tionem a Plinii, quam recentiorum observata penitus confirmant , nero vero rrelius expressit. Ferd haud «së simile , quod quidam innuunt : arconautam libere testæ suæ insidere , imminente Gritem periculo 0SseaTm eutem exuere , et in «Fyssurn descendere. | » Prœterea enim , quod tes*a , non nisi ab animali eidem afliso, incrementui cepere possié, expertus etiam est Rumphius extractam e testa hanc sepiæ ape- ciem per paucum temporis spatium vivere. rs res explicamus , si tenui tendine ; qui facillime rumpitur, adhærere argonautam domumculæ suæ dicimus » Deborn , bi suprà , pag. 138 et 139. Moll. Toue IH. N 194 ‘HISTOIRE que , malgré que ce mollusque ne fut point adhérent à sa coquille , il n’en étoit pas _ moins certain qu'il ne pouvoit point exister ni continuer de vivre, pour peu qu’on len retirât ; nous devons supposer, si nous vou- lions expliquer ce fait, que ce mollusque adhère à sa coquille par des tendons ex- trémement délicats et tellement fragiles, qu'il suffit du moindre effort pour les rompre ». Cette supposition du naturaliste allemand est absolument gratuite : l’animal de l’ar- gonaute n’est point adhérent à sa coquille ; il n’y est relenu que par un état de ten-. sion, de sufflation perpétuelle qui moule ses formes dans ces parois fragiles el lisses , mais assez solides pour ne craindre que le heurt de - quelques corps étrangers, c’est ce que nous démontirerons tout à l'heure. Deborn termine son article sur l’argo- naute par une vignette en cul de lampe, où on voit un naulile papiracé ordinaire, sur- monté d’une rame et d’un mât orné de sa flamme , emblémes de la navigation et qui font allusion à celle à laquelle se livre lar- gonaule qui semble avoir donné aux hom- mes les premières lecons pour naviguer sur les mers, et se transporter plus tard, en DES POULPES. 105 Sillonnant le dos des lames mugissantes, d’un hémisphère à l’autre. Bruguières (1) adopta la nomenclature lin néene. Dans le travail qu’il commença pour l'Encyclopédie, on le voit conserver aussi le nom d’argonaute au nautile papiracé, se contentant de resserrer en deux espèces, divisées en plusieurs variétés, celles plus nombreuses qu'avoit indiquées Linnæus. Au simple aspect de cette coquille, dit ce naturaliste que nous regrettons, on voit qu’elle fut formée pour voguer sur les mers. En repoussant l'opinion de quelques écrivains qui, ne regardant l'animal du nautile papiracé que comme un étranger qui sy introduisoit après s'être défait du légitime propriétaire , soutenoient aussi que, comme le bernard lhermite (2), ül changeoit de demeure à mesure que son corps prenoit de l’accroissement ; Bruguières crut, au contraire, que l’hôte de cette coquille étoit son véritable propriétaire , et que ce mollusque ne pouvoit être qu’un (1) Encyclopédie méthodique, Hist. nat. des vers, tom. VI, pag. 120 et suiv. (2) Cancer bernardus. Lin. — Pagurus bernardus. Lamarck , Syst, des animaux sans vertèbres, N 2 396 HISTOIRE animal très-rapproché du poulpe ou sèche . à huit pieds de Linnæus (1). Ce naturaliste décrit même les formes du corps de ce imollusque avec une certaine exaclitude (1) « L'animal de l’argonaute papiracé, qui est Pespèce la plus commune, et en même tems la plus remarquable par son volume et par l'élégance de sa Forme , a les plus grands rapports avec les vers du genre de la sèche ; il a un corps charnu contenu dans un fourreau qui s'ouvre sur le devant du corps , huit bras épanouis en patte d’oie qui en terminent le som met, deux grands yeux placés dessous les bras , et une bouche située à leur origine ; ce ver seroit ue. véritable sèche , si on le Voyoit séparé de sa cogr”° le, et très - voisin de la’sèche octopode , qui difftre des autres par la privation des deux tentacules alongés , qui se font remarquer dans les autres espèces. De tous les auteurs qui ont parlé du ver de l’argonaute , le baron Deborn est le seul de notre connoissance qui ait avancé qu’il avoit les deux tentacules des sèches ; tous les autres se sont accordés sur la figure qu'ils lui ont donnée; et il résulte de leur témoignage unanime sur ce point, que ses bras ont la même con- figuration que ceux des sèches; qu’ils sont au nombre de huit, et qu’ils sont réunis près de la base par des membranes très - minces , qui sont susceptibles d’une grande extension ; qu’ils sont couverts sur toute leur longueur par un rang de sucçoirs orbiculaires , qui sont perforés au centre comme ceux des sèches », ( Bruguières , Enc. pag. 121 , colonne première. ) } DES \POULPES. 397 qui n'existe pas chez ceux qui avoient écrit avant lui sur le même sujet ; il est le premier qui ait dit que le corps charnu en étoit contenu dans un fourreau et ouvert sur le devant du corps, comme l’est celui des sèches, des calmars et des poulpes. Après avoir dit encore que la fragilité de sa coquille ne lui permet de se montrer sur les eaux que dans les tems les plus calmes, parce qu’elle seroit infailliblement brisée dans l'agitation des vagues, il décrit, d'après Aristote, Pline et Rumphius, les manœuvres ét la navigation de ce mollus- que; mais on voit que, faisant réunir les. bras à leur base par une membrane, il m'a point conmu celle qui garnit l’extré- mité de deux de ces bras; et qu’il & donné en conséquence dans lerreur commune en disant que, « lorsqu'un doux vent se fait sentir, il dresse perpendiculairement deux de ces bras, il les tient écartés dans ure situation oblique , et la membrane qui réunit leur base, présentant, à cause de l'extension qu’elle éprouve, une plus grande surface au vent, elle sert de voile au petit navigateur ». Bruguières, comme nous allons ls voir , avoit sous la main de quoi se con- vaincre par ses. propres yeux des formes et N 3 199 HISTOIRE de l’organisation extérieure de l’argonaute; car il put en examiner ün renfermé à la vérité dans sa coquille, et dont les bras étoient repliés; mais un coup d'œil trop rapide ne lui permit que d’apercevoir la fente horisontale du manteau ou sac de Fanimal, sans qu'il se douitât que les deux derniers bras étoient armés de larges pal- mures à leurs extrémités ; aussi le voyons- nous chercher à concilier ce que Pline avoit dit d’une queue de cet animal qui lui servoit de gouvernail , avec les formes du mollusque renfermé dans cette coquille; et c’est par cette seule raison qu’il se trompa de nouveau, en disant que «trois bras étendus de chaque côté servent de balancier ; tandis que le bas du corps, qui forme un crochet hors de la coquille, fait les fonctions de gouvernail ». Mais nous devons à Bruguières une ob- servation précieuse. Ce naturaliste nous apprend que, comme les sèches, calmars et poulpes, l’argonaute est ovipare (1), et que l'intérieur de sa coquille est rempli d'une prodigieuse quantité d'œufs; on le (1) « Le ver de l’argonante papiracé est ovipare; #u individu que l’on conserve au cabinet du roi pré- es DES POULPES. 199 voit ensuite douter si ce mollusque est her- maphrodite , ou plutôt androgyre ; ou bien, si les sexes sont distincts et séparés. Nous reviendrons sur cette question dont nous essayerons de donner la solution ; nous nous bornons à observer que ce naturaliste a eu parfaitement raison en regardant les argonautes comme des mollusques ovipares, parce que comme lui nous avons pu exa- iminer, au travers du bocal dans lequel il est conservé, le même individu qu’avoit vu Bruguières , et sur lequel nous donnerons d’amples renseignemens, lorsque dans un instant nous viendrons ajouter des faits po- sitifs à l’histoire de ces mollusques, qui, en ne laissant plus exister d’équivoques à leur égard, les tirera enfin de la confusion et du chaos où on les a plongés, pour les remettre à leur véritable place, les réin- tégrer dans leurs droits, et anéantir tous les doutes élevés à leur sujet. Bruguières a jeté tous les nauliles papi- racés sous une seule et même espèce, ne sente une quantité prodigieuse d'œufs qui sont placés dans l’intérieur de la coquille; maïs on ignore si ce ver est hermaphrodite, ou bien s’il jouit de sexes séparés ». ( Bruguières , Enc. pag. 121, 2° col.) N 4 50 HISTOIRE la divisant seulement qu’en trois variélés: parce que, dit-il, « quoique cette coquille présente des variétés si remarquables dans sa forme, le nombre et la diversité des sillons qui ornent sa superficie, la présence des oreilles ou leur privation, on ne doit pas être étonné si beaucoup de naturalistes les ont regardées comme autant d'espèces différentes ; cependant il faut en revenir au sentiment de Linnæus; tous ces états divers ne-sont que de simples variétés d’une même coquille ; on n’a, pour sen assurer, qu'à considérer tous les individus du cabinet du roi, on trouvera des nuances si peu mar- quées d’un individu à l’autre, pour parvenir aux trois variélés plus remarquables que nous indiquons ici, que l’on sera obligé de convenir de cette vérité, pour si difficile que cela puisse paroître à ceux qui ne possédent qu’un seul individu bien décidé de chacun d’elles». Nous ne pouvons adop- ter cetle manière de classer ces coquilles, parce que d’abord les nautiles papiracés, ou argonautes striés et ceux à grains de riz, ne: sont pas des variétés les uns des autres, mais des espèces constantes; et nous verrons, de même que celui, nommé vulgairement écope de bateler, n'a de commun avec: DES POULPES. oo:1 les autres que sa forme en bateau et sa lé- gèrelé, tandis que son grand évasement indique qu’il est construit par une autre espèce de mollusque argonaute que les deux autres que nous venons de citer , ces formes secondaires étant une suite naturelle des différences extérieures que présente l’organi- sation de ces animaux, dont actuellement nous connoissons au moins rois espèces bien déterminées, comme je le démontrerai par les figures de cet ouvrage, dont jai pu dessiner deux d’après nature, et dont j'ai tiré la troisième de Rumphius, sur la- quelle cependant il ne restera aucun doute, parce que l’analogie et les faits parleront pour elle. | En évoquant ainsi successivement tous les auteurs qui ont parlé du nautile papi- racé ou de largonante , nous avons dû voir que les anciens ont d’abord constaté l’exi- stence d’un animal à qui cetle coquille appartenoit par les droits de la propriété ; ensuite à mesure que noûs, avons marché en avant, nous avons vu cette existence tantôt admise sans réserve , et dans d’autres “momens reçue avec des restrictions ; tandis que d'un côté l’un venoit certifier de nouveau, comme témoin oculaire, ce qui 302 HISTOIRE âvoit été avancé par les anciens ; d’autres nioient les'faits, el se refusoient à l’évi- dence. Les modernes, très-embarrassés au filieu de toutes ces fluctuations, prirent un parti moyen, et tout en accordant que ce ne pouvoit être qu'un mollusque qui fût le véritable animal de l’argonaute, ils se réunirent pour croire que cet animal, quel qu’il fût, étoit encore inconnu, et que celui qu’on rencontroit dans ces coquilles étoit un poulpe spoliateur. Au moyen de cet arrangement , cette opinion prévalut bien- tôt au point d’être généralement adoptée ; elle parut d’accord avec la saine raison, et elle n’excita aucune réclamation: main- tenant, parfaitement d'accord , tous s’arrê- tant aux formes extérieures des poulpes, en tirérent leur plus fort argument, en disant qu’il étoit impossible à un animal, dont le corps étoit droit et obtus, de construire une coquille contournée, et dont la carêne se re- levoit en spire au sommet, pour former une pouppe et venir couronner, en s’arron- dissant, la large ouverture de cette frêle et légère nacelle. Lamarck est notamment le premier qui ait émis franchement cette opinion; il ne vouloit laisser planer aucune ambiguité sur sa facon de penser, et on DES POULPES. 203 le voit s’en exprimer très-clairement dans son Système des animaux sans vertèbres, et à la fin du mémoire sur les sèches, les calmars et les poulpes, qui fut inséré dans ceux de la société d'histoire naturelle de Paris, mémoire qui souvent nous a servi de guide et de boussole. Nous devons encore ici lui rendre cel hommage, d’a- vouer que c'est à lui que nous avons l’obli- gation d'avoir pu observer, avec la plus grande facilité, le premier individu qui nous permet de n'être pas de son avis et d’une opinion que déjà il a sacrifiée à la vue de la vérité, au point de démontrer dernièrement, dans ses savantes lecons, les faits que nous avions pu découvrir par sa condescendance. Nous ne nous appesan- tirons donc point sur la fin de ce mémoire, et si nous nous sommes permis de l'indiquer ici, c'est uniquement par suite de lexac- titude dont nous faisons profession, et pour prévenir des erreurs futures , toujours pos- sibles quand elles sont émanées des savans aussi distmgués que célèbres, et dont tous les écrils sont regardés avec raison comme des oracles. Cette opinion a aussi été celle du savant et laborieux Cuvier, qui, lorsqu'il éleva 204 HESTOIRE 0 son Système particulier sur les mollusques; ayant sorti celui de l’argonaute de sa co- quille, ne pouvant y apercevoir aucune adhérence , et lui voyant dans l’ensemble de la masse extérieure toutes les apparences. caractéristiques du poulpe, l'y replaça en. le regardant comme un poulpe parasite qui s'étoit emparé de-cette coquille après em avoir détruit le véritable propriétaire: par: suite de cette opinion il se contenta d’as- signer une place aux argonautes parmi ses. céphalopodes testacés dans le cinquième ta- bleau, offrant la classification des mollusques, “et qu'il placa à la suite du premier volume. de ses excellentes leçons d’anatomie com- parée. IÎl y classa ces coquilles à côté des nautiles cloisonnés, dont 1l ne connoissoit pas non plus lanimal ; conduit par l’analogie et dans l'espérance qu’un jour elles. vien- droient se remplir par des animaux qui, ‘comme il le préjugeoit, offriroient les plus. grands rapprochemens avec ces céphalopodes: | ou animaux dont la tête est couronnée par des tentacules qui servent de pieds. C’est ainsi que peu à peu les lacunes que présente. encore ce tableau finiront par se remplir, et que la connoïssance des mollusques habi- tans des fissurelles et des crépidules , des. D ES! POULPES. Gos œadrans, des acilles, des tarrières, des céri- thes et de quelques autres espèces, viendra justifier le rang que cet auteur leur a donné: et alors nous trouverons dans une nouvelle édition de cet excellent ouvrage, qui ne peut être bien éloignée, la sixième et la onzième leçon , augmentées comme la dou- zième et la treizième, et enrichies par le développement des organes du mouvement; Aa description du cerveau et des nerfs, ainsi que des organes des sens des argonautes, qui ne peuvent être que très - rapprochés de ceux des sèches, des calmars et des poulpes, seuls céphalopodes observés par cet habile anatomiste. \ Les deux auteurs que nous venons de citer ont écrit avec cette clarté et cet ordre qui leur sont naturels ; mais 1l est bien plus difficile de savoir ce qu’a voulu dire, en dernière analyse, Bosc dans les quatre pages qu’il a employées pour replonger dans le doute l’existence d’un animal propriétaire de l’argonaute (1). Cet auteur est un des derniers qui a écrit sur ce sujet, et quel- ques-unes de ses phrases indiquent même (1) Bosc , Histoire natur. des coquilles, tom. IIE, pag. 257 et suiv. 206 HISTOIRE qu’il a été à portée d'examiner et d'observer ces mollusques (1): et que l’animal que lui ou son menechme ont constamment ren- contré dans la coquille, est celui indiqué par Deborn (2), quoique presque tous les auteurs l’aient dépeint avec huit bras égaux, (1) « ...... En effet , on rencontre souvent cette coquille......... voguant sur la surface des ondes. Quelques naturalistes prétendent que la sèche qu’on y rencontre toujours alors n’est point le véritable animal, le constructeur de cette coquille; que ce dernier n’est pas encore connu, et ne sort jamais des profondeurs du grand Océan........ Cette opinion vient d’être encore confirmée dernièrement par Bosc, qui a observé beaucoup de petites coquilles d’argo- nautes sur la haute mer , entre l’Europe et l’Amé- rique ». ( Bosc, Hist. nat. des coquilles, tom. III, pag. 258.) | (2) « La plupart des auteurs ont figuré l’animal de l’argonaute comme fort voisin de la sèche octo- pode , c’est - à-dire , comme ayant huit bras égaux. Deborn est le seul qui ait avancé qu’il se rapprochoit davantage de la sèche officinale , c’est - à - dire, qu’il avoit deux bras plus grands que les autres : Bosc n’a jamais vu d’autres sèches dans ces coquilles que celle indiquée par Deborn, qu’il regarde comme une espèce nouvelle peu différente , en effet , de l’oflicinale. Ainsi il paroît constant que deux espèces de sèches fort différentes habitent la même coquille ; elles n’y sont dons que parasites ». ( Bosc , au même endroit.) DES POULPES. 207 d’où il veut inférer que, puisque deux es- pèces, à ce qu'il prétend, de sèches diffé- rentes habitent la même coquille , elles n’y sont que parasites. Je ne sais encore dans quel écrivain cet auteur a pu prendre que l’un de ces ani- maux, ceéluiqu'il dit le plus voisin du poulpe, relève, avec deux de ses tentacules, ja bourse ou le manteau, c’est-à-dire, le sac qui renferme les viscères de ce mollus- que (1), pour en former une espèce de mem- brane ou voile dirigée contre le vent. Plus je lis ces auteurs et plus je les consulte, plus aussi je vois que tous sont d'accord pour parler de pellicules et de membranes en forme de voiles qu'ils ont accordées unanimement au mollusque , sans indiquer à la vérité leur position précise ; mais jamais ils ne lui ont fait employer à cet usage l'enveloppe qui recouvre son abdomen, susceptible de la plus grande contraction , Mais qui se préteroit difficilement à un épa- nouissement et à une dilatation forcée , telle tee mm miam (1) « Eu effet , on a dit que celle voisine de l’octo- pode relevoit ; avec deux de ses tentacules, la bourse ou le manteau dans lequel son abdomen est renfermé, en formant une espèce de voile qu’elle dirigeoit contre * le vent ». Bosc, au mème endroit , pag. 299. 208 HISTOTRE qu'on peut se l’imaginer pour qu’elle pût. remplir l'office d’une voile ; que dans tous les cas cet animal n'élève et ne dirige jamais contre le vent, cherchant au contraire à lui présenter la poupe, afin qu'il puisse, enflant cette voile, le faire naviguer vent arrière, attitude qui paroi être celle favorite à ce mollusque et en même tems la seule naturelle ; car en levant les voiles contre le vent, cet nul feroit précisément comme celui qui voudroit aller à la voile droit au sud avec un vent du midi. Cette erreur seroit peu de chose et pour- roit passer comme une faute d'impression , si tout ce que Bosc a écrit sur ce mollusque ne fourmilloit d'erreurs, qui, si on ne les relevoit pas, replongeroit tôt ou tard dans le doute la vérité, qui coûte tant à rétablir quand une fois on l’a laissé obscurcir et envelopper de nuages, dont très-souvent il devient impossible de la débarrasser sans se livrer, comme je le fais en ce moment, à une longue et pénible discussion. Il sem- bleroit que plus un sujet auroit été traité, et plus il devroit se présenter avec ses formes propres et ses habitudes naturelles; mais il n'en est pas ainsi, et tous ceux pour qui l'étude a des charmes, savent, comme moi ; que DES POULPES. og Qué rien n’embrouille autant une matière que lorsqu'elle a été traitée par beaucoup d'écrivains , dont ordinairement la majeure partie, n'ayant point vu ce qu’elle décrit, copie les erreurs des autres, y en ajoute de son crû, et prépare toujours un fairas presque inextricable à celui qui, dans des recherches postérieures, veut rétablir les faits dans toute leur intégrité. C’est pour cette raison que nous devons encore observer ici le peu d'accord qui règne entre l'opinion de Bosc, ses descrip- tions et ses figures. Si on ajoutoit foi à son texte, on adopteroit une sèche ou poulpe, ou un autre mollusque congénère à six pieds (1), dont quatre seroient courts et les deux autres plus lonss; enfin, pour con- sommer toute cette fautive description, Yauteur y a joint une figure (2) qu'il a (x) « Lorsque ce mollusque vouloit descendre au fond de la mer , il abaïssoit ses grands bras, et les portoit, ainsi que les quatre autres, vers l'extrémité de sa coquille, qui devenoit par là plus pesante , et opéroit la submersion de la totalité ». (Bosc , au même endroit , pag. 260.) (2) Fig. 6, planch. xxvrr. Bosc, Hist. nat. des coquilles , tom. LIT, pag. 266. Cette planche est mal £tiquetée , l'ayant été pour le volume quatrième, Moll, Tome IIL no #4 fait exécuter par Desève, sur ses dessins; où il représente la coquille du nautile pa= piracé ordinaire, dans laquelle il loge un animal à huit pieds, au lieu de six, dont il en forge deux en forme de cuillères à pot, chargeant les six autres, égaux entré eux, de cupules ou ventouses sans ordre et sans mesure. C’est donc ici un animal de fantaisie, que son auteur n’a même point fait cadrer avec sa description , et que nous devons rejeter au rang de ces figures mau- vaises et fabuleuses qu’avoit vu naître l’en- fance de l’étude de Fhistoire naturelle : et ce n’est point d’après cette figure que l’on doit croire qu’il existe deux animaux dif- férens dans une même coquille; fait sans fondement , que Deborn hasarda le pre- mier, et que Bosc a répété en l’arrangeant à sa manière, pour infürmer des faits plus positifs qui nous ont été transmis par Aris- tote et Pline, par Belon, Rumphus et Halma, son commentateur, et que nous- mêmes avons pu vérifier, comme il peut le faire à son tour. Cependant, au travers de toutes les choses inconciliables avancées par cet auteur, nous nous empressons de saisir un. point pres- que lucide, qui nous apprend que deux DES POULPES. 211 bras de ce mollusque sont garnis d’une très- Jarge membrane (1), bien plus étendue que le rebord qui entoure les massues des sèches ordinaires ; membrane qui sert essentielle- ment de voile, comme le dit Bosc, à ce mollusque quand il veut naviguer. Si cet écrivain avoit en tout aussi bien examiné que dans ce seul cas, nous aurions eu une bonne hisioire de l'animal habitant et pro- priétaire du nautile papiracé; elle n’eut laissé aucun doute de son existence, et il ne nous auroit point laissé prendre l'initia- live à cet égard; mais tout ce qu'il dit à ce sujet est tellement embrouillé et mé- langé, qu'il faut être animé de lesprit de justice et d’équilé, qui doit être le partage de tout auteur, pour dépouiller ce passage de la bourre qui l'enveloppe. Dans l'habitude que nous nous sommes faite de voir.le plus qu’il est possible par _ (r) « Il ne lui a pas paru que le manteau Fit l'office de voile ; c’étoit d’abord, comme dit Braguières, la membrane qui réunit la base des bras qui étoit dans une situation presque perpendiculaire ; ensuile celle qui entouroit les suçoirs des longs tentacnles , z2em- brane qui lui a paru plus large dans l’espèce observée que dans l’officinale ». ( Bosc, volume cilé , pag. 260.) O a dis | HISTOtrES nous-mêmes, ce n’est qu'après avoir poussé nos recherches aussi loin que nous l'avons pu, que nous nous livrons enfin à la des- cription d’un objet. On vient de le voir, ces recherches sont souvent très- pénibles ; et, dans un travail aussi aride, on est en- core quelquefois trop heureux lorsqu'on ne voit point se rompre le fil qui insensible- ment conduit enfin et pas à pas sur l’objet qu'on a craint à chaque instant de perdre de vue. Comme un autre j'ai voyagé, et, comme d’autres voyageurs, j'ai VU très-sou- vent des argonautes voguer sur la surface des mers; j'ai toujours pu, de loin, obser- ver leurs manœuvres; mais malgré tout le desir que j'avois de m'en saisir, malgré mes efforts, et quoique non content de me jeter pour cela à la nage, je les faïisois encore poursuivre par les plus habiles nageurs, jamais je n’ai pu, dans ces tems, m'en pro- curer un seul pour le soumetire à mes observations. J’ai donc expérimenté ce qu’a dit avec raison Rumphius, qu'il est très- difficile de se saisir de cet animal, et que ce n’est qu'au hasard qu’on doit le peu d’indi- vidus qui soient tombés vivans au pouvoir de l’homme. Si en nageant on veut aborder l’ar- gonaute, quelque soit le côté par lequel on DÉS POULPES. 15 Vattaque , que ce soit par l’un ou l’autre flanc, par devant comme par derrière, à trente pas de distance l’animal se contracte avec la plus grande rapidité : il coule à fond; c’ést en vain qu'on veut plonger après lui. Livré à son propre poids, la force centripèté l'emporte, par la gradation accélérée, avec la vélocité de l'éclair au fond de l’abîme, en trompant lespoir de celui qui sétoit flatté de pouvoir s’en saisir. | Mais ce que je n’ai point pu obtenir dans mes voyages, l'a été par d’autres, à cet égard bien plus heureux que moi. C’est probablement par suite de queique sem- blable hasard qu’on voit aujourd’hui, dans les galeries d'histoire naturelle du jardin des Plantes, deux argonautes renfermés dans leurs coquilles; l’un d'eux, argonaute papi- racé, et qui est une femelle, y est depuis long-tems, sans qu’on sache d’où il vient, puisque Bruguières en fait mention dans l'Encyclopédie , comme nôus l'avons indi- qué en citant cet auteur : l’autre argonaute provient du cabinet du prince d'Orange, dont il étoit un des objets les plus remar- quables; il est des Indes; et sa nacelle est de lespèce de celle à grains de x17. Lamarck, qui m’honore de son amitié ; O 3 214 HISTOIRE me permit de sortir cet argonaute du bocal dans lequel il est conservé, pour examiner de près, dans le dessein où j'élois de le peindre d’après nature, tout en me préve- nant qu'il regardoit cet animal comme un poulpe parasite qui s’étoit emparé de cette coquille postérieurement après sa construc- tion; d'autant plus que Cuvier lavoit déjà eu entre les mains, et qu'il partageoit le même avis. Mais, comme je pensois diffé- rennment, et que pour avoir entrevu Je me roidissois contre celte opinion si générale- ment reçue, je me résolus d'éclaircr la chose. Dés que j'eus le bocal à ma dispo- sition, J'en sortis l’argonaute, je le tirai de sa coquille avec la plus grande précaution et tous les soins possibles pour ne point endommager un objet aussi rare et aussi curieux dans nos cabinets d'histoire natu- relle: F'ayant mis dans un plat, je vis au pretuier aspect que, quoique cet animal “offrii les huit bras qui’ caractérisent un poulpe, de qui il se rapprochoit encore par $es autres formes, cependant il existoit ‘entre eux quelques differences , qui étoient plus faciles à saisir qu'à décrire, et que me faisoit apercevoir le coup d'œil exercé que donne là grande habitude d’avoir beau- DEIS'-P OU LP E S:,:,:818 coup vu. Mais, quand j'en vins aux détails et que j'examinai les bras de plus près, j'éprouvai un instant de plaisir, en voyant que deux de ces huit bras, ceux qui sortent du derrière de la tête, étoient terminés par de minces pellicules bien roulées, bien en- tortillées, qui, en les développant, attendu l’état de contraction qu’elles avoient éprou- vée dans lesprit de vin, m'offrirent les larges et remarquables palmures que je soupçonnois être le partage de l'animal, propriétaire légitime de la coquille , connue sous le nom de nautile papiracé. Sûr main- tenant de ce fait, je dessinai ce moilusque; el l'ayant religieusement replacé dans sa coquille, et celle-ci dans son bocal, je re- tournai dans mon cabinet, content de ma journée et parfaitement satisfait. Le lecteur voudra bien jeter pour le moment les yeux sur les planches XX XVII et XXXVIIL, de ce volume ; 5l y verra l'animal de l’ar- sonaute mis à nu et dépouilié de sa co- quille, vu par derrière et par devant, offrant ses formes et ses développements extérieurs; il y verra les larges palmures si remarquables, qui, en garnissant deux de ses bras, servent de voiles au mollusque pour cingier en haute mer, et se livrer avec d'autant plus O 4 L # 216 HISTOIRE de confiance au souffle des vents, que le naufrage ne devient pour lui qu'un nou- veau mode d'existence , lorsque la tempête le force de se faire couler à fond (1). Nous nous livrerons à des détails plus circons- tanciés quand nous parlerons de cet argo- naute à grains de riz, ne devant nous occu- per dans ce moment que de celui papi- racé, que nous avons représenté dans la planche XXXV qui précède cet article; élevé au dessus des flots, à la voile, et con- servant l'équilibre et son à-plomb au moyen des six autres bras, qui lui servent tour à tour de rames et de gouvernail. Cet argo- naute est celui de la Méditerranée ; et comme il ne diffère de celui à grains de riz que par ses six courts bras plus arrondis, et dont les cupules sont plus plates, ainsi que par le lisse des stries de sa coquille, nous renverrons toujours, en décrivant l’ar- gonaute papiracé, aux autres formes exté- rieures et intérieures du second, parce que (1) Dans nos dessins planch. xxxvir et xxxvsIr, on ne voit que sept bras entiers et sains à cet argonaute; le huitième est tronqué , parce que ce mollusque l’avoit perdu dans quelque combat ou par quelque autre acci- dent, mais, comme on peut le voir, ce bras étoit sicatrisé et repoussoit à l'extrémité tronquée. DES POULPES au nous avons pu examiner celui-là avec plus. de facilité; et que, pour ne point mulli- plier mal à propos les figures, nous avons représenté l’argonaute papiracé à la voile dans une de nos planches, et coulant à fond dans une autre; tandis qu'on verra celui à grains de riz nu et sous deux aspects, en même tems que nous avons figuré sa co- quille vuide dans une troisième planche. On voit donc à la tête de cet article ar- gonaute papiracé , mollement couché au fond de sa nacelle , qu'il vient d’élever sur la surface des mers pour y cingler à pleines voiles, et s’y livrer à l’action des vents et : à l'impulsion des courans et des flots ; libre et sans inquiétude, bien certain de pouvoir conjurer l'orage et braver la tempête , si l'un ou l’autre venoient l’assaillir, ce mol- lusque repose au fond de sa barque légère, étendu et couché sur le dos ; après avoir projeté en l'air les deux bras du derrière de la tête, après les avoir intimement réunis par leur côté intérieur , il a donné à la : membrane, dont ils sont revêtus, toute lextension dont elle est susceptible : le souffle du zéphir, qui dans cet instant ride à peine la surface de la mer, vient se jouer dans les plis de cette voile membraneuse, 218 HISTOIRE teintée de pourpre et d'azur; ce souffle léger suffit pour faire avancer le plus frêle et le plus élégant de tous les bâtimens qui na- viguent sur les eaux ; bâtiment dont le pro- priétaire est le pilote et le guide, comme il en constitue l’équipage et la charge. Habile timonier, ce navigateur prudent vient en- core de jeter aux deux flancs de son vais- seau ses six autres bras, dont il en dispose trois de chaque côté pour lui servir de rames et de gonvernail: c’est par leur moyen qu'il se soulient dans un parfait équihbre, et qu'il se dirige sur le dos de la plaine liquide, dans une route qui ne paroît avoir d'autre but pour lui que la jouissance et le bonheur. Plus blanche que l’ivoire, aussi diaphane que légère , sa coquille lui permet , par sa transparence, d’apercevoir tout ce qui sé passe autour de lui; car, non moins bien partagé du côté des organes des sens, que les sèches et les poulpes, la vue de largo- naute est très-perçante; et dans la position qu'il occupe, ses yeux, placés à fleur d’eau, dans le has et sur chaque flanc de sa coquille, lui font apercevoir de très-loin tout ce qui peut menacer son existence et sa sûreté : il est même plus que probable que ce mol- Jusque est doué d’une sensibilité extrême, D ES'POULPIES. 219 dans les organes du tact, ou plutôt dans toute Phabitude du corps; car il paroît qu’une simple. compression de lair suffit pour l’avertir du danger (1); et il est très- (1) Quoique le tact paroisse résider principalement et chez certains animaux aux extrémités, que dans l'homine les mains semblent en être l’instrament essen- tiel , il n’en est pas moins constant qu’il est très-pro- bable que ces perceptions, locales et presque exclusives chez lui dans ces membres, y sont concentrées par l’ha- bitude, et bien plus encore par la manière de se vèlir qu'il a adoptée par-tout où il vit dans l’état de civilisa- tion. Dans tous les animaux dont la peau est nue et dé- garnie de poils, cette peau est extrêmement sensible, et elle ressent la moindre impression des fluides am- bians ; l’homme lui - mêine a été doué par la Nature de ce tact répandu sur toute l'habitude de son être, et les peuples sauvages , moins éloignés de l’état de nature que ceux policés, ont presque tous conservé cette sensibilité extérieure du toucher. Nous voyons même, dans la socicté, des hommes revenir quelquefois vers cet état primitif, sur - tout quand la privation d’un des sens vient leur faire une loi d'appeler les autres à leur secours, pour relrouver en partie ce qu'ils ont perdu dans cette privation. C’est ainsi que j'ai vu des aveugles reprendre cette sensibilité univer- selle de tact , et restituer à ce sens , s’il m'est permis de me servir de ces expressions , toutes les parties de leur corps. Je les ai vus, par la simple impression de Vair ambiant sur leur visage, juger dans le calme ct 220 HISTOIRE rare que l'oiseau de proie mariñ puisse s’en emparer ; il sait fuir les serres et le bec acéré de ces rapaces voleurs , comme il sait éviter la tempête et se mettre à l'abri de la furie de l’orage : quel que soit le danger qui se présente , quel que soit celui qu’il pressent , on voit l’argonaute, par des mouvemens spontanés et aussi prompts que la pensée, replier ses voiles, dans toute leur étendue, sur chacun des côtés de sa petite galère, embarquer à l'instant ses bras secondaires et latéraux ; dans cette manoeuvre , aussi subite que rapide, son vaisseau prend la bande , se tourne sans dessus dessous, et le silence de la nuit s'ils étoient dans un grand che- min , un carrefour , une rue ou ün cul de sac, mar- cher sans bâton et ne point se heurter contre des corps solides , des murs ou d’autres obstacles qu’ils rencon- roient devant eux, et de la présence desquels ils éloient avertis, parce que l'air ne circuloit plus en aussi grande masse entre eux et ces corps , que quand ces mêmes obstacles n’existoient pas. Je pourrois appuyer cette opinion par une foule de faits, trop nombreux pour être révoqués en doute , mais à eux seuls ils formeroient un ouvrage ; celui que je viens de citer suflit pour le moment ; il est la preuve que l’homme en société, que celui éminemment civilisé, ne doit point juger rigoureusement les perceptions des autres êtres par Les siennes. DES POULPES. 22 sombre , avec une rapidité que la vue ne peut plus même suivre au travers de la profondeur de la mer, au fond de laquelle l’argonaute vient de se précipiter comme dans un port assuré , qui ne lui laisse plus rien à craindre du côté des vents ou des flots en furie, ou de la part d’ennemis ; habitans d’un autre élément que le sien (1). On doit aussi présumer qu'indépendam- ment des moyens mécaniques dont Far- gonaute peut disposer , et que nous venons de décrire, 1l en existe encore d’autres éga- lement à son pouvoir, qu'il emploie pour se lever ou se replonger dans les eaux : l'analogie de ces mouvemens avec ceux (1) « — Quem dicunt nomine vero Nautilon, insignem ponto sua gloria fecit. Per freta dum cautus sub navis imagine ludit. In sabulo domus est , summa defertur in unda, Pronus neu pontum capiat, plenusque gravetur , Cum nando vehitur per fluctus amphitrites, Ex templo versus tumidam per marmoris undam Labitur , ut nandi doctus puppisque peritus. Atque pedes geminos tendit de more rudentum, Quos inter medios tenues membrana tumescit. Extenta atque pedes contingunt æquoxra subter Themoni assimiles navem, piscemque, domumque Beducunt, si forte malum'supereminet ullum, Absorbet fluctus intus , lymphisque gravatus, À tumidis trahitur cum pondere fluctibus undæ, OPr. ex versione Lippii. 222 HN S TOTRS des poissons, qui montent et descendent de même à leur gré, peut nous faire croire que l’argonaute a comme eux un moyen quelconque d'emprisonner dans son corps une portion d'air, qu’il dilate ou comprime à son gré; il est même probable que c’est par la bouche que ce mollusque fut cette provision d'air pour la mettre en réserve dans quelque viscère ou poche intérieure ; car nous avons vu, dans Rumphius , que la capacité de son ventre est remplie d’eau, que cet animai rejette même quelquefois irès-loin par le conduit ou canal excrétoire commun, dont il est muni, comme le sont les autres mollusques coriacés que nous avons décrits jusqu'à présent... Comme celui du peulpe, le corps de l'ar- gonaute est renférmé dans un sac ou man- teau , qui ne présen'e n1 ailes ni appendices sur les côtés ; mais la fornie en est un peu plus alonsée, et le dos courbé est lésérement arqué ; ce qui provient de ce.que celui de l'argonaute est renfermé dans une, coquiile ou enveloppe tesiacée , qui $é dessine en spirale : cet animal n’est point adhérent à sa coquille, il y est seulement couché sur le dos; et dans cetie siluation , la partie postérieure de son corps remonte vers la + DEÉBSIPOULPES 933 poupe ou spire , en volute de celle coquille, qu'il ne remplit point, mais qu’il tient exac- tement fermée par la pression de la base de son corps ; principalement chez les femelles, où nous verrons que celle portion, vuide de la volute, sert de dépôt et de magasin pour y placer leurs œufs. Par suite de cette attitude toujours cour- bée , le ventre mférieur se projette aussi un peu plus en devant, formant dans cette partie une proéminence lisse et parfaitement arrondie. Le sac où manteau se ferme sur le conduit excrétoire, à la manière de celui des poulpes, et par le moyen de tuber- cules charnus , qui en prennent le rebord de chaque côté, sans que ces attaches offrent les salières des sèches, ni les forces carti- lagineuses des calmars. Le conduit ou canal excrétoire commun est plus grand à pro- portion chez les argonautes que chez les poulpes ; il est aussi plus ouvert et muni intérieurement , à son extrémité, de deux lèvres charnues où valvules, qui servent à Vanimal pour en fermer hermétiquement louverture. La naissance du manteau est aussi apparente chez ces mollusques que dans les calmars; comme chez eux elle prend, dans les argonautes, derrière la LA 204 HISTOIRE nuque , presque à la hauteur des yeux, lais- sant la tête libre et un peu dégagée. Cette tête est assez grosse, ronde, garnie de deux yeux saiilans, mais revêtus comme ceux des sèches par la continuation de la peau du corps, qui s’amincit extrêmement en venant les recoüvrir , de manière à n’arrêter l'effet d'aucun rayon visuel, laissant ces organes dans toute leur perspicacité ; car déjà nous avons remarqué que la vue des argonautes est très - perçante et si subtile, qu’elle s'étend au loin sans être arrêtée ni par la peau qui recouvre les yeux, ni par le double obstacle que sembleroit offrir de son côté la coquille, quoique très-diaphane , sur-tout dans l'eau. La têle est couronnée par huit bras, dont six aigus sont égaux en longueur, parfai- tement arrondis, armés de deux rangs de cupules, disposées alternativement dans toute la longueur de leur surface intérieure, irès-remarquable par leur disposition, et parce qu’elle est infiniment moins colorée que le dos de ces mênies bras. Ces cupules ou ventouses sont peu saïllantes et aplaties; quand nous parlerons de la formation de la coquille, nous verrons combien elles influent, par leur aplatissement el par leur disposition intérieure ; D ES: P O U L PES: 225$ intérieure, aux formes lisses que nous pré- sentent les sillons ou côtes de l’enveloppe testacée de l’argonaute papiracé. Les deux autres bras, ceux du derrière de la tête, qui par conséquent regardent le dos de l'animal, sont très-différens des bras que ,hous venons de décrire ; au lieu d’être ronds, ceux-ci sont triangulaires , formant une arête sur leur dos; et leurs cupules, au lieu d’être disposées en deux rangs, sur le plat ou à l’intérieur, le sont sur les côtés, dans une position alterne ; ils sont aussi très- saillans : mais le fait le plus remarquable, celui qui constitue le genre de l’argonaute, et qui en fait un animal séparé des sèches, des calmars et des poulpes, est d’avoir ces deux bras garnis, vers leurs extrémités, d’une large membrane ou palmure , qui n’est armée d'aucune ventouse ou cupule: almure qui, dans les grands argonautes, excède la largeur de la main. Chez l’argo- naute papiracé, ces deux bras palmés sur- passent les six autres en longueur; ils sont moins longs daus quelques autres espèces. J'ai balancé pendant quelque tems pour faire de ces animaux un genre nouveau ; car j'avois résolu de les ranger parmi les poulpes , avec qui ils ont le plus grand rap- Moll. Tome IL 226 HISTOIRE. port, et de les regarder comme des poulpes testacés, ainsi que je l’avois indiqué en cir- conscrivant le caractère des poulpes ; mais Lamarck n'en a dissuadé, et je mai pu me refuser à me rendre au sentiment de ce savant instruit et judicieux , sur-tout lorsqu'il m’observa que les mollusques, dont il est ici. question, paroïssent former une classe assez nombreuse, et dont tous les individus ont, de plus que les poulpes, les palmures qui leur servent de voiles, et l’en- veloppe testacée ou coquille qui, en leur donnant de nouveaux moyens , leur don- nent en même tems de nouvelles habitudes, comme celle de voguer à sec sur les eaux, qui ne peuvent point être le partage des poulpes : jai donc dû faire un genre nou- veau de ces mollusques ; mais naturellement ennemi des nouveaux noms, sur lesquels on ne sauroit être trop sobre, si on ne veut à chaque instant rendre la science plus diffi- cile, au lieu d’en faciliter l'étude, et jeter le dégoût parmi ceux qui la cultivent, par Jembarras d’une synonymie toujours rebu- “%ante, et d’une nombreuse nomenclature qui trop souvent ne permet plus de se ‘reconnoître au milieu d’une foule de noms, indiquant tous le même individu et les DES POULPES. 9227 mêmes êtres sous des acceptions différentes : considérant d’ailleurs que, de jour en jour, la lecture des meilleurs ouvrages devient de plus en plus laborieuse et difficile par cette inextricable complication , au point que beaucoup de bons écrivains se conten- tent maintenant de citer pour synonymie deux ou trois auteurs, ne voulant plus s’en- foncer dans le dédale où les plonge à coup sûr la grande variété de noms que porte le même individu dans les livres divers qui traitent de l'histoire naturelle ; j'ai préféré m'approprier celui que j'ai cru le plus simple de tous; celui qui m'a paru pouvoir rappeler, sans amphibologie et d’une manière aussi claire que précise, un mollusque que les anciens avolent connu, que Rumphius avoit décrit, dont tous les conchyliologistes ont indiqué la dépouille testacée ; mollusque que Linnæus, Lamarck, Cuvier ont soup- conné. J’ai donc adopté, pour nom géné- rique , celui d’argonaute , par lequel Linnæus indiqua le premier ces coquilles fragiles et faites en bateau, en y joignant, pour les- pèce de ces mollusques dont il est ici ques- tion , l'épithète de papiracé; épithète sous laquelle son enveloppe testacée est connue Fa 228 HISTOIRE de tous ceux pour qui l'histoïr re naturelle a des charmes. Nous avons dit que presque sous tous: les rapports, les argonautes se rapprochoient infiniment des poulpes ; il en est ainsi pour la bouche qui, comme chez ces mollusques, est garnie ici d’un bec fort et crochu, fait en forme de bec de perroquet ; des lèvres charnues et circulaires l'entourent à sa base, et peuvent même le recouvrir au besoin: Quant à l’intérieur du corps, je n’ai point pu, vu la rareté des individus, me livrer à des observations suivies sur toute son or- ganisation ; mais je puis assurer que J'en ai assez vu au travers de la fente du manteau, pour assurer qu'il est adhérent, comme celui des poulpes en avant, dans les deux tiers de sa longueur ; : que l'entonnoir recouvre aussi de mème une partie des principaux viscères; que les brancliies ou organes de la respiration sont cordonnées de même et placées latéralement chacune sur son côté ; et que, d’après toutes les ap- parences , l’organisation intérieure des ar- gonautes se rapproche, comme l’extérieure , de très-près de celle des poulpes. Celui de ces mollusques, que j'ai pu examiner ainsi avec quelque détail , est, comme je l'ai déjà À D J'laubtr mn, LL. xxx. 2 2 O7U fi F L'ARGONAUTE PAPIRACE Cox à < 2), DIONG/0TÉ del e DES POULPES. eq dit, un argonaute à grains de riz, tout me porte à croire que c’est un mâle : mais il en existe encore un autre femelle, de la Méditerranée, dans les galeries d'anatomie comparée du jardin des Plantes; c’est celui indiqué par Bruguières , que Cuvier m'a permis de voir au travers du bocal qui lé renferme, et dans lequel il est conservé, comme je le représente planche XX XVI de ce volume, où on le voit les bras repliés dans sa coquille, et coulant à fond, après avoir abaïssé ses palmures sur les flancs de sa gondole. Une cassure très-heureuse , et que j'ai conservée dans mon dessin , laisse voir à découvert, dans la révolution de Ia spire où poupe, la position de la parte poslérieure du corps, qui y tient renfermée et aculée une poche extrêmement fine et remplie d'œufs, qui indiquent incontesta- blement le sexe de cet argonaute. Comme je n'ai point eu l’animal entre les mains, je ne puis point encore savoir si ceite poche es isolée, ou bien si elle est continue à quelque ovaire intérieur, sortant du corps de l’ani- mal, soit par le tuyau excréteur, soit par l'ouverture du manteau; c’est ce que le tems nous apprendra. Mais si, en attendant, je puis émettre une opinion, je pencheraï RAGE 230 HISTOIRE à croire que cette poche remplie d'œufs a été pondue tout d’un coup et isolée par animal, comme la sèche pond ses grappes, et le calmar ses larges houppes; et que lar- sonaute femelle , après s'être délivré de cet amas d'œufs, le renferme dans le sommet de sa carène ; dès que ce précieux dépôt a été fécondé par l’arrosement de la liqueur séminale du mâle ; car de fortes inductions me portent à penser que les sexes sont sé- parés dans ces animaux , et que l’argonaute mâle feconde les œufs de sa femelle, de la même manière que le font les mâles des autres mollusques coriacés. Ce qui pourroit encore me confirmer dans cette opimon, est une observation faite par Rumphius, qui nous dit qu'il a trouvé en même tems des œufs ainsi renfermés dans une poche ou pellule, et foulés dans le haut de la carène de l’argonaute papiracé ; et d’autres œufs rénfermés dans un ovaire, dans le ventre de l’animal ; nous savons par expé- rience que la sèche femelle, que les femelles des calmars et des poulpes jettent ainsi une multitude d'œufs au dehors , tandis que leurs ovaires en renferment encore d’autres. Ces œufs, renfermés dans la poupe de l’argonaute , sont jaunes, de la grosseur DES POULPES 23: d'une graine de navet ; et chacun d’eux renferme un petit embryon déjà revêtu de sa coquille. Tout nous porte à croire que ces œufs ainsi renfermés , et fécondés par la liqueur séminale du mâle , prennent de l'accroissement dans le lieu du dépôt, où ils sont, pour ainsi dire, couvés par le contact immédiat du corps de leur mère; et que les embryons qu’ils renferment ar- rivent tous en même tems à la vie, comme faisant tous partie d’une seule et même ponte; car ils sont tous de la même gran- deur, comme le sont aussi les œufs dans lesquels ils sont recelés. Indépendamment de ia vue de ces œufs, la même planche nous donne une image de la manière dont l’argonaute arrange ses bras dans sa coquille , lorsqu'il est dans lPétat de repos. On y voit que la bouche occupe le centre , et que les bras serrés les uns contre les autres, présentent au dehors une partie de leur base; par une autre cassure que j'ai imaginée au corps de la coquille, pour démontrer ce qui se passe dans l’intérieur, on peut se faire une idée de la façon dont l’argonaute dispose les larges palmures de ses bras contre les parois de son enveloppé testacée ; ce mollusque P 4 232 HISTOIRE les y étend, en tapissant l’intérieur par I4 manière dont il replie les bras qui en sont garnis ; les six autres bras, qui, dans leur ordre naturel, se sont placés trois de chaque côlé , ont replié de même la presque tota-. lité de leur longueur contre ces palmures et dans leur intérieur ; comme ils sont par- faitement ronds , ils dessinent des espèces de cordes contre elles ; et c’est de celte dis- position toute simple que proviennent les sillons ou stries, qui courent sur toute Îa surface de la coquille de largonaute : dans celui papiracé, ces stries sont unies, parce que les bras, qui se couchent contre lesflancs, sont arrondis par eux-mêmes , et armés de tupules non saillantes, qui par conséquent ne peuvent donner lieu à aucun tubercule ou grain ; et nous verrons au contraire les bras de l’argonaute , à grains de riz, for- tenient aplatis et armés de cupules saïllantes et latérales , en laisser les impressions sur sa coquille, et y former ces tubercules élevés qui caractérisent celte rare coquille des Indes. C'est encore ainsi que nous allons expli- pliquer, de la manière la plus satisfaisante, comment se forment les nombreux tuber- cules , plus ou moins aigus, qui ornent dans DES POULPES. 933 tout leur contour les belles enveloppes tes- tacées des différentes espèces d’argonaules. Nous avons vu que les deux bras, du côté du dos, sont non seulement garnis de larges palmures , mais sont encore triart- gulaires et armés, sur les côtés, de cupules ou ventouses, très-saillantes : quand l’argo- naute est renfermé dans sa coquille, il y est couché sur le dos , et les tiges de ces bras viennent se ranger par derrière , justement à l’endroit de la carène de cette coquille. D’après leur forme triangulaire, et l’arête résultante de cette forme qui caractérise le dos de ces bras, et comme ils sont serrés l’un à côté de l’autre , ils se joignent dans ce resserrement de manière que l’arête de chacun de ces bras se joint intimement conire l’autre, au point de cacher leurs cupules intérieures, et de ne plus laisser en dehors que les ventouses d’un seul côté, qui par cette position restent à découvert ; elles présentent, dans leur état de contrac- tion et dans leurs pointes saillantes , les formes sur lesquelles viennent se mouler les protubérances de la carène, à mesure que l’argonaute augmente , en croissant , le volume de sa coquille par des exsudations calcaires, 234 : HISTOIRE Je dis calcaires, car cette coquille, comme celle des autres testacés, donne par l’ana- lyse chimique une grande quantité de matière calcaire, plus une portion de ma- tière animale : et si l’on adopte lexplication que je viens de donner de la manière dont Fargonaute , caché dans son enveloppe testacée , y renferme ses palmures et ses bras , on doit encore convenir que les seules parties de cet animal, qui fournissent com- munément cette matière calcaire et cette exsudation , sont ces palmures et les deux tiges qui constituent les deux seuls bras qui en sont pourvus. Car, si on examine avec attention la coquille de largonaute, on y verra des stries demi-circulaires, aussi fines que légères , plus apparentes à l’intérieur qu'à l’extérieur, qui règnent même dans la carène ; preuve manifeste des augmen- tations accressives de cette enveloppe tes- tacée ; et comme ces stries ne sont pas obli- térées ni effacées en dedans par un enduit calcaire secondaire , comme le sont presque toutes les autres coquilles, nous devons en inférer que le corps et les six autres bras de l’argonauie ne laissent transuder, au travers des pores de la peau qui les revêt, aucune matière calcaire ; ou plutôt que ces DES POULPES. 235 parties sont totalement dépourvues des filtres ou pores excréteurs de malière calcaire dont sont munis le manteau, le collier et souvent le corps tout entier de presque tous les autres mollusques testacés. Le corps de l’'argonaute ne vient donc point vernisser l’intérieur de sa coquille, et il n’y ajoute point ces nouvelles couches lisses et polies, souvent nacrées, mais secondaires, qui ta- pissent l’intérieur d’un très-grand nombre de coquilles : si cette preuve, toute con- cluante qu’elle l’est, ne suffisoit pas pour justifier notre opinion , nous pourrions encore l’appuyer d’un fait observé par Favannes (1), qui a très-bien remarqué que dans la révolution de la spire, qui se recourbe au dessus de l'ouverture de l’ar- sonaute , les tubercules de la carène sont (1) « Nous avons déjà remarqué , relativement aux nautiles papiracés, que le sommet, placé à la partie postérieure de la coquille , se replioit légèrement en dessous, pour former intérieurement un tour ou deux de spirale. Dans ceux où il n’y a qu’un tour de spi- rale , elle est terminée par un bouton rond ou obtus; c’est ce que l’on voit sur-tout aux nautiles à large carène , tels que le nautile à grains de riz, le nautile à oreilles , l’écope de batelier et le nautile uni ». ( Fa- vannes, tom. I, seconde partie , pag. 684.) #56 HISTOIRE effacés et tellement lisses, qu'il a pris cette révolution pour un bouton ; mais, si ces tubercules s’effacent ainsi, et si cette earène recourbée devient aussi lisse dans Pintérieur, ce poli est dû au frottement de la partie postérieure de l'animal , qui la presse habi- tuellement , sur-tout chez les femelles, où le creux de cette espèce de poupe sert de Heu de dépôt aux œufs fécondés par le mâle. Si le corps de largonaute émettoit une exsudation calcaire, cette partie de la coquille , en contact avec lui, présenteroit plus d'épaisseur , parce que des couches calcaires successives seroïient venues sy coller; mais, au contraire, cette coquille est plus mince dans cet endroit que dans les autres; elle y a perdu même son épais- seur primitive, au point que les tubercules de la carène y ont disparu par le frot- tement. Réaumur (1), académicien célèbre, et l’un des savans qui ont le plus fait aimer J’étude de lhistoire naturelle , parce que, dans un langage aussi pur qu'élégant , il sut peindre le premier des détails infiniment (1) De la formation et de l’accroissement des co- quilles. (Mém. de l’acad. des sciences , année 1709.) DES POULPES 937 minutieux , qu’il rendit aimables quoique sortant de la plume d’un excellent obser- - vateur; et dans lesquels , aämiré des savans, il se faisoit lire par toutes les classes de la société, qu'il parvint à intéresser à l’histoire d'animaux et d'insectes, qui, à tout autre qu'à lui, n’auroient offert que le sujet d’une stérile et sèche nomencla- ture : Réaumur qui, dans son genre, n’eut d'imitateur et de successeur que dans le judicieux et infatigable Lyonnet, dont le volume entier, i7-4°, sur la chenille du saule, ne renferme , comme le dit un de nos anatomistes modernes, pas un seul mot de trop (1), nous a laissé quelques obser- vations sur l’accroissement et la construction des enveloppes testacées, dans lesquelles sont renfermés une multitude de mollusques. Bruguières (2), en répétant les expériences (1) « Lyonnet , qui a donné sur la seule chenille du bois de saule un gros volume in - 4°, où il n’y a pourtant pas un mot d’inutile, et dont les planches sont sans contredit le chef - d'œuvre de l’anatomie et de la gravure ». (Cuvier, Mém: sur la nutrition dans. les insectes , inséré dans cenx de la société d’histoire naturelle de Paris , pag. 58.) (2) Encyclopédie méthodique. list. nat. des vers, tom. VI, art. conchyliologie , pag. bo8 et 548. For= mation des çoquilles. 258 HISTOIRE indiquées par Réaumur , en fit quelques nouvelles qui lui sont personnelles, et qui, dans ses mains, ont confirmé celles du membre de l'académie des sciences. J’en ai fait aussi quelques-unes, en suivant les traces de ces deux hommes célèbres, qui ne me permettoient plus de m’égarer ; et jusqu’à ce que nous sachions ce qu'est en première analyse la matière calcaire , et de quelle manière les animaux la créent, nous ne pouvons qu’indiquer comment et par quels moyens elle vient leur servir denveloppe ou de soulien, et former sur-tout ces belles coquilles et ces rameaux pierreux , que se bâtissent les mollusques et les animaux gélatineux, qui édifient les coraux et les madrépores. Nous ne parlerons pas ici de la manière, aussi subite qu'instantanée, dont les œufs se recouvrent de leur coque calcaire, dans le moment où ils traversent le réservoir qui recèle cette matière chez les oïseaux. Il n'entre point non plus dans notre plan de traiter comment et indépendamment de leur volonté, les os s’accroissent en s'étendant par chaque extrémité , chez tous les animaux que la Nature doua d’une charpente osseuse, divisant leur colonne vertébrale en'articu- DES POULPES. 2% latious ;: notre lot est de parler de ceux qui n’ont point de vertèbres , et dont la majeure partie cependant est recouverte par une matière calcaire, dont ils furent en grande partie les créateurs, qu'ils for- ment encore tous les jours; matiére qui constitue presque toutes les couches du globe que nous habitons ; chaque instant semble laccroître , car celle qu'ont fournie les dé- pouilles , abandonnées par ces animaux, existe encore sous diverses modifications ; et chaque jour paroît ajouter à sa masse au lieu de la diminuer. Plus tard nous pourrons revenir sur ces grandes idées philosophiques, qui ramènent à la théorie de notre globe, et peut-être à celles de quelques autres planètes : exa- muinons, pour le moment, comment et de quelle manière les mollusques testacés créent la matière calcaire. Tous ces mollusques revêtus de coquilles, et qu’on est convenu de désigner généra- lement sous le nom de mollusques testacés, forment ces enveloppes dures et pierreuses, par une exsudation calcaire, qui filtre au travers de pores excréteurs, dont dans les uns toute la surface de leurs corps est garnie; dans d’autres , quelques parties en sont 210 HIS TOERRE seulement pourvues. C’est ainsi que , dans les argonautes , nous venons de voir que ces parties transudantes se bornent simplement aux tiges de deux bras et aux larges pal- mures, dont ils sont garnis à leurs extré- mités ; dans les mollusques Lentaculés testacés rampans , comme dans les lepas et dans les limacons , non seulement ce qu’on appelle chez eux le collier , mais encore toute la partie postérieure du corps , sont doués à un très-haut dégré de cette propriété ; il en est de même chez les mollusques éjaculateurs testacés, dont l’organisation présente ordi- nairement deux grands lobes, qui, dans leur ampleur , recouvrent toutes les parties intérieures du corps et filtrent au travers de leurs franges et de leurs parois la matière calcaire qui constitue les valves solides, dans lesquelles un grand nombre d’entre eux sont renfermés. Les mollusques annelés testacés présentent les mêmes phénomènes ; leur collier est non seulement transudateur , mais toute. la partie postérieure de leurs corps remplit les mêmes fonctions, chez eux, cette partie vient fortifier aussi, par de nouvelles couches intérieures, un premier travail que l'animal ne sembloit qu'avoir ébauché. C'est ainsi que nous verrons encore des mollusques gélatineux, DESNPOUL PES 24,71 gélatineux , ceux cuirassés, les hydres , les polypes et même les derniers dégrés des classes des animaux sans vertèbres, se re- couvrir, dans un grand nombre d’espèces , d’une enveloppe testacée et calcaire, plus ou moins transparente, plus ou moins solide , plus ou moins colorée et brillante, d’après les facultés qui ont été accordées à chacun de ces animaux, pris isolément dans leurs espèces. | Nous n’agiterons pas ici ces questions de juxtaposition ou d’intussusception qui suc- cessivement eurent leurs partisans, et qui vinrent diviser d'opinion de célèbres natura- listes. Ces questions aujourd’hui sont jugées. Le parti qui tenoit pour la juxtaposition comptoit dans ses rangs Leuwenhoeck, Lis- ter, Marsigli, Rumphius, Swammerdam, Réaumur, Adanson et Bonnet, qui l’aban- donna depuis (1), pour se ranger sous les drapeaux opposés, en quittant le parti de (1) « J’avois donc commis une erreur sur les coquil- lages, ef cette erreur , je l’avois commise d’après feu mon illustre ami, de Réaumur; des expériences équivoques l’avoient trompé , la coquille ne croit point par apposition ou par transudation ». (Bonnet, : Paling. philos. tom. 1, pag. 405.) ! Mol. Tous III. Q 249 HIS FOLERE la raison, pour suivre le sentiment de lin- tussusception, avancé par Klein, soutenu par les expériences trompeuses d'Hérissant ; expériences plus ingénieuses que solides , qui séduisirent Bonnet et le rendirent un des plus ardens défenseurs de ce système déci- dément absurde. - En abandonnant donc à elles-mêmes toutes ces questions oiseuses, nous .nous présenterons ici forts de nos observations et appelant en témoignage les seuls faits, parce qu'eux seuls, en nous dirigeant , nous empêcheront de nous égarer ; si quelques- uns des hommes” célèbres que nous venons de citer ne se fussent point livrés à ce que leur dictoit leur imagination , ils ne se seroient jamais écartés de la vérité, ils ne seroïient jamais sortis de l’étroit sentier où les auroient maintenus l'observation et les faits que toujours elle vient développer: la vue de l’argonaute qui n’a aucune adhérence avec la coquille que cependant il se con- struit, eût suffi pour anéantir sans retour l'opinion de ces partisans de l’intussuscep- ton, qui prétendoient , d’après Klein, que les coquilles faisoient parties inlégrantes de l’organisation des mollusques testacés, et qu’elles ne devoient leur accroissement suc- DES POULPES. 245 cessif, que parce que l'animal restoit attaché et adhérent à ces enveloppes calcaires taniôt par des fibres ou par des muscles, et dans d'autres individus par la partie postérieure, souvent filiforme, du corps de l’animal, qui se joignoit en adhérent à la dernière extrémité de la spire de ces coquilles pour ne former avec elle qu’un seul corps sans solution de continuité, et voiturer, au moyen de ce contact et par des ramificalions épa- nouies dans tous les contours de ces coquilles, les molécules accressives par lesquelles elles opérent leurs développemens et augmentent leur volume. Ils auroïent donc vu que rien de tout ceci ne peut avoir lieu dans les coquilles construites par les argonautes; dès lors leur système eût été infirmé, et celte seule preuve eüt peut-être pu leur dessiller les yeux et les ramener à l'opinion que fit triompher Réaumur, en prouvant que les mollusques testacés construisent leurs coquilles par juxtaposition , c’est-à-dire, en ajoutant continuellement de nouvelles cou- ches calcaires aux anciennes, au moyen des organes secréteurs dont leurs corps ou quelques parties de leurs corps sont munis, fortifiant et augmentant ainsi continueile- ment par des crues successives l'enveloppe Q' bn. © AASTOITME iestacée qui les met à couvert, sans qu'il soit nécessaire qu'il y ait une adhérence intime et parfaite entre l’animal renfermé et son enveloppe recouvrante. C’est ainsi que nous voyons les imaçons(1) n’adhérer par aucun point à leurs coquilles ; ils ne s’y maintiennent par aucune fibre, ni par aucun muscle , mais seulement par la contraction spirale du derrière de leur corps qui dans ses révolutions avance à la vérité peu à peu en raison de laccroïssement de l'animal, mais ne quitte jamais les spires intérieures d’une demeure dans laquelle il ne pourroit rentrer s'il venoit un seul instant à l’abandonner. Si maintenant nous observons la ma- nœuvre de ces limacons dans la confection de leur coquille et les moyens qu'ils em- ployent pour les créer, nous verrons qu'a mesure que l’animal grossit, en croissant avec l’âge, toutes les parties de son corps partagent cet accroissement en acquéranb de plus fortes dimensions ; plus il croît avec rapidité , et plusil doit fréquemment être à (1) Felix pomatia , helix aspersa, helix pisana,, helix pellis serpentis , helix caracolla , helix algira, ainsi qu'une irès-grande quantité d’autres limaçons. x RÉ és ue éd D ESP OULPES. 2/5 la gêne dans une demeure devénue, trop étroite et qui ne peut plus le contenir, ni protéger tout:son individu quand il veut s’y renfermer ; alors il est forcé de porter tout son corps eu avant, et on le voit joindre de nouvelles crues à la bouche de sa coquillé par une exsudation: plus animale que: cal: caire , et souvent colorée, qu'il laisse transu- der au travers des pores de son coïlier: nous ‘pourrions nous livrer ici à de plus grands détails, et dire que le limaçon égalise ces crues avec le derrière de sa têle, en repassant plusieurs fois sur-leurs bords, comme le far uni'maçon habile, quand'il veut avec sa truelle égaliser le plâtre où le plafond qu'il: vient de: poser; mais nous renvoyons ces faits à l'histoire particulière de ces animaux , pour observer seulement ici que, dès que ces mollusques ont ainsi accru leur coquille par un accroissement quelconqué , ‘ils viennent fortifier ce pre- imer bêtis extérieur par des couches succes- sives, secondaires et intérieures, qui donnent bientôt de la consistance à! cette première pellicule colorée qui fléchissoit sous lim- pression du doigt. Ces enduits intérieurs ne sont point colorés dans le limaçon des vignes, ni dans celui des jardins; ils sont au Q 3 226 HISTOLRE contraire blanchâtres, comme dans.quelques autres encore, qui présentent, au dehors des nuances bien plus colorées; mais tou- jours ces enduits différent des: accrues ex- térieures par d’autres couleurs, et par une texture plus lisse et bien plus serrée, qui indique de Ja manière la: plus formelle qu'ils sont le produit d'une exsudation du reste du corps qui est muni à son tour de pores excréteurs, filtrant une matière bien plus chargée de parties calcaires que celles filtrées par les pores du coïfier. Dans ces accrois- semens successifs , le corps avance toujours un peu en avant ; le bout postérieur quitte le fond de la dernière spire de la coquille, avec laquelle 1l n’a aucune adhérence , et dans les dernières années de la vie de l’ani- mal , cette partie est même très-éloignée de l'endroit de son séjour primitif. Dans quel- ques espèces alongées (1), où le sommet de la spire est resté très-mince et sans sou- tien, cette extrémité se casse ; l'animal est alors forcé de boucher cette brêche , et on voil qu'il sait la fermer par une nouvellé (1) Comme dans le bulime consolidé , le bulime décoilé de Bruguières, et dans beancoup d’autres coquilles, DES POULPES. 247 exsudation calcaire qu’il laisse transuder de la partie postérieure de son corps, qui s’étoit portée en avant d’après l'impulsion des parlies antérieures, et qui par consé- quent avoit laissé vuide et sans soutien le sommet de cette spire qu’elle avoit aban- donnée. | Dans d'autres mollusques testacés on voit le bout de la spire devenir solide et ne présenter plus qu’une masse remplie d’une matière calcaire, mais spathique et lamel- leuse, qui quelquefois offre la dureté du marbre blanc ; c’est ce que je puis prouver par une multitude de coquillages que j'ai cassés ou fait scier, en les sacrifiant aux recherches aue j'ai faites sur la manière dont les mollusques forment leurs coquilles ; ces sacrifices m'ont découvert beaucoup de choses , et je ne dois pas regretter ce qu’il m'en a coûté pour apprendre la vérité; c’est ainsi que , dans beaucoup de ces enve- Jloppes testacées, on peut voir, sans le se- cours d’une loupe et à l’œil nud , la tranche des couches successives et des enduits cal- caires ou spathiques intérieurs que leurs mollusques y ont ajoutés pour les rendre plus épais et plus solides par la iransu- dation des pores dg leurs corps: c’est sur- Q 4 248 HISTOIRE tout lorsqu'on a fait scier ces coquilles en deux dans toute leur hauteur, ‘qu'on s'aperçoit très - distinctement de tout ce mécanisme. J’en posséde dans ma collec- tion de très-remarquables à cet égard; c’est ainsi que j'ai maintenant sous les yeux ‘un superbe sabot en cul-de-lampe (1), dont plus de six tours du sommet de la spire sont massifs et plein d’une matière calcaire aussi belle que le plus beau marbre de Carrare, que l’animal à qui cette coquille a appartenu, avoit ainsi rempli à mesure que l'extrémité de son corps abandonnoit celte partie de son enveloppe testacée. Je puis encore démontrer le même fait, de la. manière la plus remarquable, sur un autre sabot, que d'Argenville nomma (2) de bouton chinois, ainsi que sur une très- grande alène de sayetier (3), dont le haut (1) Trochus niloticus. Tin. Syst. nat. verm. test. pag. 5565, gen. 326, sp. 1. (2) D’Argenville , Conch. p. 216 et pl. vrur, fig. C; mal à propos indiqué par Linnæus pour synonymie du érochus niloticus. Voyez encore Favannes, pl. xt1, fig. B. 2, qui est celle de d’Argenville , un peu retouchée, (5) Buccinum maculatum Lin. ibidem , pag. 3499. Tirebra maculata de Bruguières et de Lamarck. DES POULPES. 4 de dla spire est consoïidée de même par une transudation qui égale le plus beau marbre blanc. D’autres coquilles présentent de nouveaux phénomènes. La trompette de triton (1) a non seulement le sommet de sa longue spire consolidé, mais à mesure que lani- mal qui l’habite avance en âge, les pas qu’il fait, en abandonnant l’extrémité de sa spire, deviennent plus grands ; et alors, au lieu d'en remplir tout le sommet de ma- tière calcaire, il se contente de la fermer par d’épaisses cloisons, qu'il construit suc- cessivement aux endroits où repose l’extré- mité de son corps à mesure que, par de grands ressauts, il le porte en avant dans ses accroissemens. Ces cloisons très-singulières , formées par la transudation calcaire de l’extrémité in- férieure du corps du mollusque construc- teur de la trompette du triton ; ces cloisons qu'on ne s’altendroit guère à retrouver dans cette grande coquille, nous rappellent celles qui partagent en plusieurs concamé- rations l’extrémilé supérieure d’une quan- me | (1) Murex tritonis. Lin. verm, test. pag. 5549, sp. 80. S 2bo : HISTOIRE tité (x) de tuyaux ou vermiculaires qui appartiennent à des vers ou mollusques annelés : aussi, quand nous ferons leur his- toire, ne regarderons-nous point les co- quilles de ces vers comme polythalames (2) où chambrées proprement dites, ne con- sidérañt comme telles que celles dont les cloisons sont perforées par un tube, soit central , soit placé sur un des côtés : carac- tères qui n’avoient point échappé au célébre Einnæus. | Des brocanteurs de coquilles, ceux qui (1) « Serpula.... testa univalvis , tubulosa , adhe- rens ( sæpe isthinis integris passim intercepta). Lin. SysL. nat. vermes testacea , pag. 3739, genus 333. _ (2) Les anciens auteurs qui ont écrit sur les fossiles avoient adopté ce mot formé de deux autres mots grecs, pour indiquer les coquilles dont l’intérieur offroit plusieurs concamérations ou chambres formées par des cloisons tantôt plus rares et tantôt plus multi- pliées : on les voit presque par-tout employer cette dénomination lorsqu'ils parlent de coquilles et de tuyaux testacés , chambrés ; et c’est ainsi qu’ils indi- quoient en général Les nautiles cloisonnés , les ammo- nites, les orthocérates, ainsi qu’une foule d’autres coquillages qui, comme ceux - ci, étoient cloisonnés dans leur intérieur, soit que ces cloisons fussent per- forées par un siphon, soit qu’elles n’ofrissent aucune ouverture dans leur disposition entre elles. N DES'POULPES, : 25x s’occupent de les dépouiller et de les polir, pour chercher dans leurs couches intermé- diaires des nuances et des reflets que ne présente point leur robe extérieure, vien- hent encore ici au secours du naturaliste ; parce que dans la recherche de ces nuances ils arrachent avec violence la parure vir- ginale des coquilles, et les mettent dans un état de nudité qu’on peut regarder comme faisant partie de leur anatomie. Les moyens violens qu'ils employent en arrachant au burgau (1) sa robe ondoyante de verd et marbrée de brun , couleurs extérieures qui Jui sont naturelles, mettent au jour la nacre refiétante , dont les exsudations du corps postérieures à celles du collier avoienit dou- blé cette première parure, et dans les vieux burgaus le sommet de la spire est aussi rempli intérieurement d’un dépôt spathi- que blanc que le dépouillement fait res- sortir en le rendant plus apparent. A l’aide de la meule, de la lime et de la pierre ponce, l’élégante bouche d'argent (2) voit — —— (1) Turbo olearius , seu marmoratus. An. verm. test. pag. 3595, sp. 17, an. 15; et Rumph. amb. tab. 10, fig. A. B. (2) Turbo argirostomus Lin. sp. 41: “ ÿ, 252 HISTOTR. E mettre à nud le joli bouton couleur de rose, qui: couronne en mamelon ses spires arrondies et. nacrées que ne sillonnent plus des côtes. élévées, de la nature du marbre, teintées rarement de roux, maïs presque toujours de verd: la bouche d’or (x) dans leurs mains perd sa robe: comme l'ont perdue ses compagnes; le haut de sa spire en mamelon est d’un blanc de lait et rem- ph, dans quelques-unes de ses révolutions, mais après coup, d’une matière adventive; tout ce qu'ils peuvent saisir est trailé de même et mis à nud; les :priñcésses (2) se voient arracher leur robe flambée comme le plumage des perdrix, leurs. appas les plus secrets sont devoilés, en dépit des voiles épais dont ils étoient enveloppés : la gaze transparente des jolies cantarides (3), (x) Turbo chrisostomus. Lin. sp: 10: (2) Je ne croisipas que cette espèce soit décrite, les auteurs l’ayanit regardée comme une variété, de. la bouche d'argent. cependant ses tours de spire sont plus marqués, et sa couleur est différente. Nos mar- chands de Paris ne la confondent pas, et la vendent beaucoup plus cher que la bouche d’argent. J’en don- nerai la description: dans l’histoire des coquilles, dont bientôt je livrerai les premiers volumes-à l'impression. (3) Turbo smaragdus. Lin. spee. 112. Il paroît que D ES! POULPES. 255 cette gaze si finement chinée qui, en lais- sant deviner toutes les formes qu’elle re- couvre , en reflète encore les couleurs et les nuances , n'a pu sorlir de-leurs mains, sans essuyer leurs violences ; sa parure première, celle lilas, bleue et rosacée, a disparu pour ne plus offrir à nos yeux que les livrées de l’opulence ; prostituée par ces marchands, sa surface est éclatante d’émeraudes, d’or et d'azur. Enfin, il n’est point jusqu’au toit chinois (1) qui n’y perde ses tuiles et ces profondes ramures sur lesquelles elles sont attachées pour laisser à découvert un faîte solidement rempli par un dépôt de matiére calcaire : un müûr examen nous prouveroit qu'il est bien peu de coquilles à spires éle- vées dont leurs habitans n’aient renforcé le sommet, sous peine de le voir se briser, Martin, que cet auteur cite dans sa synonymie, n’avoit vu cette coquille que dans son état de dépouil- lement. Du reste, Linnæus a fait un double emploi du même nom; il indique encore sous l’épithète de smaragdus un autre sabot de la nouvelle Zélande, spec. 30, qui est tont une autre espèce de coquille, (Gi) Turbo pagodus. Län. sp. 12. I cite la figure de d’Arsenville, planch. vi, fig. À , qui n’est pas le toit chinois ou la pagode ordinaire, maïs une coquillé bien plus rare. , 254 HISTOIRE: avec une exsudation calcaire qu’au besoin ils savent faire sortir en grande quantité de la partie postérieure de leur corps; el si jusqu’à présent on avoit regardé ce luxe des cabinets, cetle manie de dépouiller les coquilles, d’en faire ressortir des nuances intérieures et cachées, comme un jeu fait seulement pour plaire par le coup d'œil et peu digne du naturaliste, on voit cependant que celui-ci doit avoir , lorsqu'il écrit, ces mêmes individus dans leur état de dépouil- lement et de violation, parce que, comme elles sont mises à nud, il peut saisir quel- ques parties de leur organisation intérieure qui lui étoient cachées par leur première écorce. : Parmi ces mollusques univalves testacés, il existe plusieurs modes d'application des diverses couches calcaires ; celui des porce- laines, des olives, des voluies, et des autres de ces mollusques dont la coquille est tou- jours lisse et polie à leur surface extérieure, n’est plus celui des sabois, des cônes, des toupies, et de beaucoup d’autres de ces ani- maux dont les coquilles sont plus ou moins sâlées ou salies dans leurs couleurs exté- rieures par des madrépores, des lithophytes et des corallines, ainsi que par quelques RS CS DES POULPES. 59 vers rongeurs dont l’animal de ces coquilles ne peut, faute de membres extérieurs et appropriés, se garantir. Mais, comme nous n'indiquons ici que des vues générales, nous renvoyons à l’histoire particulière de ces animaux tout ce qui peut les concerner individuellement : cependant , comme nous avons jeté un coup d'œil sur les univalves, nous devons en agir de même avec les bivalves, dans lesquels rentrent les multi- valves, et dire ici quelque chose de leurs organes secrétoires, de la matière calcaire, et de quelle manière ïls s’y prennent en général pour construire les valves testacées dans lesquelles ils se renferment. Chez ceux- ci le collier des univalves est remplacé par des franges ou des appendices qui bordent les lobes charnus, recouvrant dans beau- coup d'espèces les parties intérieures du corps et les viscères de l'animal. Ces lobes seront suffisamment dépeints dans les espèces qui en sont pourvues, pour que nous ne nous y arrêtions pas ici ; mais nous devons observer que ces lobes s'étendent dans toute leur dimension à mesure que l’animal prend de l’accroissement, et que dans cette ex- tension corünuelle ils poussent en de- hors et en tout sens les franges ou appen- 6 ?iMRS TOME dices dont ils sont bordés. Ces parties, que j'oserois presque appeler extérieures dans les mollusques testacés bivalves, parce qu’on les aperçoit toujours légèrement sorties sur les bords des valves de la coquille, même dans l’état de repos, sont éminemment pour- vues de 2landes secrétantes ; elles remplacent chez les bivalves le collier des umivalves, et ajoutent circulairement aux valves des zones de matière calcaire et animale, pres- que toujours colorée, quelquefois simple- ment animale (1), que viennent fortifier et soutenir ensuite des couches calcaires in- térieures presque toujours blanches et mar- breuses, exsudées par les deux lobes charnus et membraneux qui recouvrent le corps de lanimal. Ces lobes sont susceptibles d’une (1) Non seulement quelques bivalves sont revêtus d’un drap marin , mais encore d’une espèce de barbe ou de mousse semblable à du velours, qui revêt l’exté- rieur de leurs valves, comme dans le pétoncle du nord , arca pilosa Län. sp. 56; alors ce revêtement extérieur est entièrement animal , car si on le brüle on sent à l’instant une odeur de corne brülée , qui ne laisse aucun doute sur son origine, et qui de plus ne produit aucun résidu calcaire, Cette mousse ou barbe est produite par l’extrémité des franges du mollusque qui construit cette coquille bivalve. foule foule dé modifications, et la Nature se joue dans leur forme, dans leur présence comme dans leur absence , comme elle le fait dans tous les êtres et dans toutes les formes qu’elle a procréées ; chez quelques espèces ces lobes sont très-amples, comme dans l’anodonte des étangs (1) et dans les moules de mer (2); el après avoir passé par tous les dégrés in- termédiaires, ces lobes s’effacent peu à pen, au point de ne plus laisser paroître que de simples franges, qui, comme dans les huî- tres (3), commencent les projections et les accroissemens des valves, que le corps est chargé de consolider lui-même plus tard par des exsudaiions calcaires, dont il paroît doué à un très-éminent dégré. C’est donc en vain qu'on voudroit particulariser les moyens que la Nature emploie pour at- teindre à un but; quel que soit ce but, nous voyons qu’elle y arrive toujours par une infinité de chemins que nous ne pourrions (1) Mytilus cygneus. Lin. p. 5555 ,sp. 15; la moule des étangs. (2) Myiilus edulis ; mytilus viridis ; mytilus Ha mytilus smaragdinus , etc. de Linnæus. (3) Dans presque toutes les osiræa de Linnæus, quoiqu'il ait réuni à ce genre Jes huîtres , les peignes, les limes, les marteaux , les pernes, etc. Moll. Tome II. R 258 HA5T O TRSM même soupconner si nous n’en avions de continuelles preuves sous les yeux; plus on s'enfonce dans l’étude de cette Nature, et plus on voit s'étendre sa plénitude, dont les bornes ne sont plus même celles de la pensée ; elle renferme tout dans son sein, tout est à sa disposition; rien ne peut lanéantir, parce que tout est pour elle ma- lière de nouvelles combinaisons ; et si elle m'est point immuable dans ses formes, saisis de vénération , prosternés à son aspect, le physicien comme le naturaliste doivent tou- jours s’écrier: qu’elle est immortelle. ‘out ce qui nous entoure prouve son immensité , et quel que soit l'être que nous soumetlions à nos observations, l'histoire de cet être nous développe toujours cette srande puissance de moyens. Quand nous parlerons des cornes d’ammon et des autres corps pétrifiés, dont les familles et les gé- nérations entassées forment des montagnes, nous verrons s'ouvrir encore devant nous de nouvelles routes qui nous conduiront vers l’enfance des âges de notre planète, et peut-être à ses premiers rudimens : ici, sans nous élever pour le moment vers ces grands objets, continuons l'examen des faits qui, plus tard, nous serviront de preuves quand DES POULPES. 259 nous poserons en fait que notre globe est presque entièrement l’ouvrage des mollus- ques testacés. Nous venons de prouver que ces mol- Jusques formoient leurs coquilles, et qu’il paroît qu'ils ont encore la puissance et les moyens de créer dans l’occasion la matière calcaire qui leur est nécessaire pour obvier aux accidens, remplir des creux, el fer- mer des brèches que les chocs ou les cir- constances peuvent occasionner au dehors comme .au dedans de leurs enveloppes tes- tacées. Nous n’avons pas pour cela évoqué les observations de Réaumur, répétées par Bruguières, et que cependant nous avons voulu encore répéter par nous-mêmes, qui prouvent que, lorsqu'on casse une partie de la coquille des testacés, lorsqu'on y fait une ouverture entre la brèche et le reste de la spire , cette ouverture se ferme par exsu- dation de la partie du corps qui y répond; mais que cette clôture, toujours décolorée, n'offre plus les couleurs propres et exté- rieures à la coquille, parce que les couleurs sont produites par les filtres du collier, et que ces fermetures au contraire le sont par une transudation des pores ou filtres de la partie du corps de l'animal correspondanlie kR 2 260 HISTOIRE au trou fait à sa coquille : en mettant dans nos observations toute la suite et la ténacité dont nous les avons cru susceptibles, nous avons pu, en citant des faits nouveaux, réa- liser en partie le vœu de Bruguières (1), lorsqu'il dit qu’il restoit encore de grandes &L = (1) « Ïl est très - prouvé que la partie postérieure du corps du ver, que l’on peut nommer sa queue, se détache du sommet de sa coquille , et que ce dépla- cement a lieu non seulement dans toutes les coquilles terrestres et marines qui perdent les anciens tours de leur spire, et par conséquent ceux du sommet , comme dans le bulime consolidé et dans le bulime dé- collé, mais encore dans nombre d’autres coquilles de mer, que nous désignerons à leur article:..,..,., Ce déplacement , soit qu’il ait lieu tout à la fois, ou qu'il ne s'opère que successivement , n’est pas encore au rang des vérités les mieux démontrées 9 eela vient sans doute des grandes diflicultés que LE sente cette observation, ou de ce que peu de personnes ont eu la curiosité de faire scier.des coquilles perpen- diculairement à leur axe. Si on avoit pris celte voie, on auroit reconnu que le déplacement de la queue de J’animal, dans l’intérieur de sa coquille , est un phénomène assez commun, qu’il a principalement lieu dans les espèces qui ont la spire très - alongée et composée d’un grand nombre de tours , et même quel- quefois dans celles dont les tours de la spire sont peu nombreux. Je l’ai observé , comme Mullér, sur les hélices dont la spire est transparente , et j'ai vu, DES POULPES. 261 difficultés: à surmonter sur cet objet. Nous venons de prouver , d'accord avec lui, que le déplacement du corps des mollusques uni- valves avoit lieu dans beaucoup d’époques. de leur vie; mais le corps des bivalves ne bouge point, 1l prend seulement plus de volume , les valves qui le recouvrent par- tagent cet accroissement en prenant tantôt de la rondeur , et dans d’autres cas se dila- d’après l'indication de ce savant observateur, que l’on. pouvoit conserver des planorbes vivans, quoique le sommet de leur spire eût été brisé ; d’où il résulte que l’assertion de Klein est dénuée de fondement, et . que les conséquences qu’il avoit voulu en déduire sont fausses, puisque c’est de cette attache de animal à sa coquille qu’il faisoit dépendre son accroissement par intussusception. Mais bien plus, il est faux que dans aucun cas cette adhérence de l’animal avec sa. coquille ait lieu vers le point du sommet , comme Klein l’a avancé ; elle existe effectivement dans les jeunes coquilles qui ne font que d’éclore de l’œuf dans une partie du premier tour de Ja spire, mais lorsque la coquille a grossi, l’animal n’y est adhée- rent que dans le second ou même Île troisième tour; et il est aussi des coquilles spirales, telles que les nérites, dont l’attache, qui est marquée par une impulsion assez profonde, est située aw dessous de la lèvre gauclie de leur ouverture , et jamais ailleurs ». ({ Bruguières, Enc. méth.vol. VI, pag. 554.) pe KR 5 262 HISTOIRE tant en ampleur. Si nous laissons ici quel- que chose à desirer à ce sujet, c’est que nous le renvoyons pour en traiter particulière- inent à chaque espèce , parce que chaque espèce offre, pour ainsi dire, de nouvelles modifications, que nous pourrons déve- lopper en observant les individus ; et il résultera de cette masse d'observations un faisceau de faits qui jettera sa lumière sur ces questions, qui peuvent encore paroître obscures en ce moment. Mais, comme il est aussi quelques questions générales que nous n'avons fait qu'aborder , nous allons rechercher maintenant quelles peuvent être les causes de la diversité des couleurs que nous présentent à l’extérieur les robes aussi variées que brillantes d’une multitude des coquilles. Nous avons avancé que la partie du corps de beaucoup de mollusques univalves, qu’on nomme le collier, présentoit des pores plus ou moins nombreux, par lesquels exsudoit une matière plutôt animale que calcaire, qui venoit se coller sur les bords déjà existans de la bouche de leurs coquilles ; ce collier, que nous ferons plus particulièrement con- noïtre dans la description du limaçon, borde ordinairement cette bouche dans tout son DES POULPFES. 263 contour , mais principalement sur la partie supérieure. Ces pores filtrans et exsudateurs n'ont point ious la même forme dans les diverses espèces, et tous ces pores n’adoptent point la même disposition dans tous les indi- vidus ; dans: une espèce ils seront ronds, mais par intervalle 1 y en aura de plus grands; dans une autre , ils seront triangulaires et inégaux ; ailleurs enfin leur ouverture sera carrée, où aflectera d’autres figures, et peut: être même seront-ils tous égaux entre eux; de là doivent naître des différences, et telle est la source de la variélé des couleurs que nous présentent les coquilles qui ornent nos cabinets ; car, grace à la philosophie, nous savons aujourd'hui que les couleurs sont dues à la manière dont les objets reflètent ou réfractent la lumière ; sans elle les cou- leurs n’existeroïient pas, et ce n’est qu’en décomposant , ex désunissant un rayon lumi- neux, que nous pouvons faire paroîlre aux yeux ces teintes si variées qui embellissent si bien tous les corps qui nous envi- ronnent. Sf nous trailions celte question philosophiquement, nous rencontrerions ici, eomme sur une foule d’autres sujets, des. opinions diverses qui toutes viendroient se Hi 264 HISTOIRE heurter dans leur dissidence (1). Les anciens comme les modernes, les écoles de la Grèce comme celles de nos jours, ne purent point se réunir pour l'acception d’une seule et même doctrine. Aristote, ce grand génie , qu’on fit régner en tyran dans nos anciennes écoles, au point de proscrire tous ceux qui ne pensoient pas comme lui , avoit laissé par écrit que les couleurs résultoient. unique- ment des corps , qu’elles en faisoient partie intégrante , parce qu’elles leur étoient ho- mogènes, et qu'en conséquence elles ne devoient pas leur existence à la lumière. Un systéme aussi défectueux fut cependant adopté par nos pères; ils n’en voulurent point d'autre, et dans des tems denn-barbares , ils proscrivirent sans pitié les hommes qui ne voulurent pas se livrer à ce torrent, parce que, plus instruits, ils pressentoient la vérité. Alors, comme presque de nos, jours, les voûtes scholastiques retentissoient des ana- thèmes lancés par la sottise, l'ignorance et Pimpitoyable fanatisme, maîtres du terrain, mais aux prises avec la raison‘et ja philo- sophie, dans celle lutte, l’une et l’autre prirent le dessus, comme elles le font tou- {1) EE mundum tradidit disputationibus eorum. DES POULP:ES. 265 jours; un philosophe français, Descartes, ouvrit la carrière , et sans être intimidé par les hurlemens des docteurs, il avança que les: couleurs étoient une suite nécessaire de linterposition de la lumière-entre les corps et nos organes. Des disciples vinrent appuyer leur maître , et ceux-ci renfermèrent sa doc- trine en deux mots, en observant aux oppo-. sans que, « dans lobscurité:et au sein des ombres de la nuit aucun corps est coloré». . Electrisés: par cette :étincelle’, d’autres physiciens émirent des opinions qui se rap- prochoïent de celte première:hypothèse , et Barrou voulut que les couleurs:prissent leur naissance dans le plus ou moins d'extension de la lumière, et dans le mouvement plus ou moins actif qui lui étoit imprimé. C’étoit à Newton qu'il étoit réservé d'éclairer son siècle en décomposant la lumière , et en prouvant , comme il la fait, que:c’est elle qui crée les couleurs et les teintes diverses qui résultent de leurs mélanges. Cet immortel physicien sut, par des ex- périences aussi certaines et posilives que multipliées, créer une théorie de Ja lumière et des couleurs qu’elle fait naître, en don- nant l’explication de tous leurs phénomènes: il vint à bout de prouver qu'un rayon lu- 26 HISTOIRE. mineux , loin d’être simple est lui-même composé de sept couleurs ou nuances , dans lesquelles viennent se fondre toutes les tentes possibles: ces couleurs où nuances prunitives se montrent perpendiculairement , ayant le rouge à leur sommet, suivi par l’orangé ; produit par le mélange du jaune, qui oc- cupe à peu près le centre de cette échelle; ce jaune est suivi à son tour par le verd, couleur secondaire due au bleu “gwelle précède. Newton crut devoir distinguer, après le bleu , lindigo ; et cette dégradation est terminée par le violet, dernière nuance de cette décomposilion du rayon lumineux. Ces couleurs sont celles qui paroissent les plus tranchantes ; et on peut ramener toutes: les nuances et les teintes possibles à cette anatomie de la lumière, qu’on est convenw de nommer spectre solaire, parce que, dans: les intervalles qui existent entre ces couleurs tranchées, toutes celles intermédiaires peu- vent venir se placer avec leurs dégradations à FPinfini. Pour parvenir à produire cet effet, et pour obtenir la décomposition du rayon: lumineux , Newton se renferma dans une chambre qu'il avoit rendue parfaitement obscure , mais à un volet de laquelle il avoit réservé une ouverture ronde, qu'il pouvoit DES POULPES 9:67 ouvrir ou fermer à son gré. Cette ouverture lui permettoit de laisser pénétrer dans cette chambre un rayon de soleil , très - brillant, et d'autant plus apparent qu’isolé, il entroit dans une chambre parfaitement obscure : il reçut alors ce rayon lumineux sur un prisme de verre, posé horisontalement et auquel l'expérience lui apprit de donner un angle de soixante à soixante-cinq dégrés ; par ce moyen la lumière, forcée de se réfracter, alloit se porter sur un carton blanc, placé de facon à la recevoir après sa réfraction ; c’est sur ce carton que Newton vit le pre- mier un spectacle qui dut le ravir et exciter en lui la plus vive admiration , lorsqu'il y aperçut une image à peu prés cinq fois plus longue que large, qui lui révéloit, par ses diverses couleurs , un des plus beaux secrets de la Nature; la composition mécanique du blanc , c’est-à-dire, de la lumière produite par le mélange de toutés les couleurs : c’est ainsi que, dans la réfraction opérée par le prisme , il sut rompre et diviser le rayon lumineux , et détacher les unes des autres, malgré leur ünion intime, les couleurs inté- grantes dont il est composé. Par cetle sublime expérience, le philosophe anglais prouva, sans réplique, que la lumière qui nous est / 268 HISTOHR:E: envoyée par le soleil est un fluide très- composé , et le résultat du mélange d’une infinité de rayons, diversement colorés, ou plutét colorés par les trois couleurs princi- pales, le rouge, le jaune et le bleu, qui, dans leurs mélanges, donnent lPorangé, le: verd, lindigo et le violet; résultats de leurs. combinaisons, comme le sont toutes [es au- tres. teintes, secondaires. | | L'image du. spectre solaire .est: roltoneues et ceci nous mène à conclure naturellement que: si toules les particules de la lumière. étoient semblables et homogènes, on n’y verroit sur le carton qu’une image d’un seul et mêine lon; mais 101 la réfraction nous. présente une divergence considérable , le rayon rouge frappant le haut du spectre , si le rayon violet frappe le bas, alors ce second rayon a dùû se réfracter infiniment davan- tage , et parcourir un bien plus long chemin que l’autre, pour arriver au bas de l’image : on peut en inférer que la couleur rouge. est formée par le rayon le. plus intense, le plus droit, le plus roide ; c’est.en effet le rouge. qui est la couleur la plus vive, moins réfrangible, et tout prouve que la réflexion du rayon rouge est parfaite : les autres couleurs sont plus réfransgibles et DES POU LP'ES. 260 plus foibles, en raison de ce qu’elles s’éloi- gnent davantage de ce point primitif; le violet est la dernière de ces couleurs ; et l’image , au lieu d’être ronde comme l'est le trou du volet, donnant un ovale extré- mement alongé , il en résulte que les molé- cules constituantes de la lumière sont donc plus ou moins détournées de la ligne droite, en passant au travers du prisme ; dès-lors elles doivent avoir des formes différentes les unes des autres; celles du rouge doivent différer de celles du bleu ; les unes plus roides marchent et arrivent droit au but: les autres plus souples, plus flexibles , plus ou moins foibles, dévient et s’écartent de cette ligne droite. D’après ce principe, si la couleur rouge , celle qui décrit la ligne la plus courte, est celle qui a le plus d'é- nergie ; la couleur violette, qui termine l’image , doit être celle qui en a le moins. Les molécules de la lumière sont donc composées de parties qui différent entre elles, les unes plus denses, les autres plus fortes , et d’autres bien plus disparates encore ; et actuellemént que nous conce- vons son mode d’être , de combien de mo- difications un rayon lumineux , composé de sept couleurs primitives et de quatre 270 HISTOIRE secondaires, dont les molécules différent en construction et en texture, n'est-il pas sus- ceptible ? et combien ne doit-il pas résulter de teintes et de nuances de leurs mélanges et de leurs dégradations ? Si maintenant nous considérons que tous les corps qui existent sont composés de petites lames minces et transparentes, qui, lorsqu'elles sont disposées parallèlement, de façon à n’offrir aucun empêchement au passage de la lumière , et que leurs pores libres ne la reflètent ni ne la réfractent pas, donnent aux corps la transparence : mais, Si ces interstices sont remplis de matières hétérogènes et étran- gères aux lames qui constituent le corps, si les lames sont différemment disposées entre elles, et se combattent dans leur position, dans ces cas la lumière ne passe plus avec autant de liberté; elle est arrêtée en tout ou en partie, reflétée et réfractée ; des pores admettent le bleu et repoussent le rouge ou le jaune : les corps deviennent opaques; par suite de cetie opacité, ils se colorent. Les couleurs sont donc le produit de trois modes d’être distincts de la lumière ; la réflexion , la réfraction et linflexion. La première est causée par l’opacité des corps DES POULPES. 271 qui reçoivent l’action de la lumière : ne pouvant les traverser dans son intégrité , elle est forcée de retourner réfléchie vers nos yeux, en tout ou en partie ; dès-lors l’espace qui est entre eux et ces corps se colore, et les couleurs ne sont pas plus sur les objets que- l'harmonie d’un concert n’est dans l'air : la réflexion parfaite produit le blanc. Le second mode d’être de la lumière, quant à nous, est la réfraction; c’est le moyen créateur le plus puissant que la Nature emploie pour former les couleurs : les moindres pores des corps sont des espaces : immenses où abondent , où se précipitent et où sont réfléchis des torrens de lumière : de ses rayons diversement colorés , les uns passent ou se réfractent , le reste reflété nous fait voir et nous offre toutes les nuances colorées : le noir est le résultat d’une ré- fraction complette. L’inflexion est la troi- sième modification de la lumière quant aux couleurs ; ici ce sont Îes rayons lumineux qui, renvoyés par une réflexion première, glissent et se rompent en passant sur les surfaces des corps environnans, et les tein- tent de reflets aussi mobiles que variés. Si nous voulions une image palpable de ce que nous venons d'établir, nous mettrions en * 272 HAS T O CRIE: action un rayon lumineux , composé de gerbes et de globules, qui ont la plus grande tension à s’isoler les uns des autres, et ve- nant frapper en l’éclairant un eorps ou une surface quelconque. Si les lames de ce corps ne renferment point dans leurs interstices de matière hétérogène , alors il livre passage à la lumière, et le corps étant parfaitement transparent , le rayon lumineux passe au travers sans subir d’altération, et poursuit sa route ; c’est ce qui arrive dans le verre blanc et dans le cristal de roche : si au contraire le corps , frappé par la lumière, ne lui présente que des molécules serrées, comme le feroit une rame de papier, qui ne lui permet aucun passage ; alors le rayon ré- fléchi , dans toute son intégrité , imprime la sensation du blanc sur notre rétine. Lorsque les lames de ce corps renferment des molécules étrangères, et qui, comme le feroit une masse d’or, absorbent ou laissent passer tous les rayons colorés, ex- cepié le jaune, alors ce rayon, renvoyé dans l'isolement, offre à l’œil cette couleur, et nous supposerons ces molécules Iumi- neuses jaunes, plus serrées par ce renvoi, et plus tourmentées que dans leur état de liberté. La couleur orangée qui suit nous présente DES POULPES. 73 présente des molécules plus serrées encore, dues au mélange du jaune avec le rouge ; nuance intermédiaire qui nous conduit na- turellement au rouge, couleur âpre et dont nous pouvons regarder le rayon qui la pro- duit, comme toujours tendu , roide et serré, au point de blesser les yeux. Le violet, évidemment né du rouge et du bleu, ne paroît à son tour que parce que le rayon jaune est entièrement absorbé, et que le corps réfléchissant repousse les rayons rouges et les rayons bleus. Si au contraire, comme dans le marbre turquin , le rouge est ab- sorbé avec le jaune , la seule couleur bleue est celle qui rejaillit de sa surface : et ïl en est de même du verd , qui est le produit de la réunion du jaune avec le bleu. Quant au noir , il est la livrée des corps qui absor- bent tous les rayons sans en réfléter ni réfracter aucun , et par conséquent nous ne pouvons le regarder que comme produit par l'absence de toutes les couleurs ; et cela _est si vrai, que si nous faisons, par exemple, un trou à une muraille , et qu’à côté de ce trou nous placçons un morceau d’étoffe noire, de la même dimension, il est impossible, à une certaine distance, de les distinguer l'un de l’autre, et de ne point regarder ce Moll. Tous II. 5 274 HISTOIRE trou comme un morceau d’étoffe noire , et l'étoffe noire elle-même comme un trou. Si donc nous aitribuons les couleurs à Vobjet ou au corps qui frappe nos regards, c'est une illusion de l’enfance et une erreur de Flancienne philosophie d’Aristote; car en parlant ainsi, nous donnons aux corps ce qui appartient à la lumière ou à ses _parties constitutives, réflétées et interposées entre eux et nos organes ; si nous Voyons un corps rouge, c’est qu'il réflète lé rayon rouge , et qu'il laisse passer ou qu’il réfracte les, autres rayons; la couleur des corps ne leur est donc point adhérente ; elle n’est due qu’à la manière dont ils réfléchissent, modifient et renvoient à nos yeux les rayons de la lumière: c’est en les réflétant , les réfractant , les infiectant, qu'ils la décom- posent, et lui font subir des combinaisons variées à l'infini : les corps ne paroissent colorés que parce qu’ils renvoient les rayons lumineux dans un autre état que celui où ils étoient avant que de les avoir heurlés. Nous devons donc regarder les pores ex- créteurs de malière animale et calcaire dont sont pourvus Îles mollusques, comme la source d’où partent ces couleurs, souvent si belles, si vives et si brillantes, dont les DES POULPES. 275 coquilles sont parées à nos yeux. La forme diversifiée de ces pores doit amener une grande différence dans les formes des mo- lécules ou lames , que l’animal superpose les unes aux autres, dans la formation de son enveloppe testacée ; les diverses formes de ces molécules doivent encore influer sur la position respective dés unes à l'égard des autres; et lorsque la lumière vient les frapper, ces interstices , dans leur diversité, admettent tantôt un rayon en repoussant les autres, tantôt elles en laissent passer plusieurs pour n’en réfléter qu'un seul ; dans d’autres individus et souvent dans d’autres endroits de la même coquille, elles livrent le passage à deux ou trois rayons pour en réfléter un pareil nombre: de là, ces nuances irisées et réflétantes, qui, en tapissant l’intérieur de toutes celles qui sont nacrées , rappellent la vivacité et la fraicheur des teintes de l'iris ; de là, la couleur rouge et vermeille des coraux, ainsi que la teinte brune et uniforme qui caractérise la cor- delière (1); de là ces stries ou bandes colorées si élégantes, qui ornent à l'extérieur tant (1) Murex morio. Lin. Syst. nat, verm. testac. pag. 3544 , sp. 62, S 2 on 976 HISTOIRE de belles et rares coquilles, parce que le collier de leurs mollusqués est garni dé pores dissemblables , qui filtrent la matière calcaire sous d’autres modifications que les pores qui leur sont voisins , et qui, en su- perposant cette matière calcaire aux tours déjà existans de ces coquilles, l’appliquent de facon à réfléter la lumière sous tous les modes que nous venons de démontrer. Si les pores excréteurs des mollusques sont tous égaux, et que dans leur ensemble ils ne présentent entre eux aucune différence, alors, tantôt les molécules homogènes et serrées ne livrent aucun passage à la lu- mière , la coquille réflète sur sa superficie ses rayons dans toute leur intégrité, et la blancheur devient son partage, comme elle. est celui de la coquille papiracée de l’argo- naulé; dans d’autres cas, leur texture peu serrée laisse pénétrer le rayon lumineux dans sa totalité, et alors la robe de la co- quille est noire comme dans la jolie veuve du cap de Bonne - Espérance (1) et dans quelques mélanies (2). (1) Trochus sinensis! Lin. Syst. nat. verm. test.. pag. 5583 ; sp. 103. (2) Lamarck a donné le nom de mélunie à un genre D'MSAROUËLPES. 2 Les observations que nous venons de faire appartiennent en général aux coquilles dont sont revêtus tous les mollusques les- tacés ; il nous reste ici à parler d’un fait qui concerne les argonaules à qui nous avons vu construire leur enveloppe cal- caire par l’exsudation de leurs bras palmés, sans employer à cet effet aucune auire partie de leur corps, attendu qu’ils n’ont point le collier qu’on retrouve chez pres- - BRIE EN SEEE Q EEE TE dans lequel il a renfermé un certain nombre de co- quiltes , toutes faites en vis et alongées , mais dont la bouche est entière, sans canal et sans plis à la coln- melle ou lèvre PRRÉrieune ( Lamarck , Syst:.des ani- maux sans vertèbres, pag. . 91 , genre 67.) Il cite comme objet de comparaison l’Aelix amarula de Lin. Syst. nat. ver. test. p. 3656 ,.sp. 226, et pour synonymie celle de Rumph. Amb. t4b35/; fe. EF Deborn , tab. 16, fig. 21, et Chemnitz, 9 , tab. 134, fig. 1218 et 1219 ; c’est la thiare fiuviatile. Presque toutes les coquilles de ce genre sont revê- iues d’une surpeau ou drap noir qui,.en les caracté- risant,, leur a fait donner je nom de mélanie , for mé _ de melas , mot grec qui signifie noir; on reirouve ces coquilles mon beaucoup d'auteurs, tantôt parmi Îles vis, et tantôt parmi les cérithes. Ce genre n’est cépendant pas encore généralement adopté, car Bose n’en a fait aucune mention dans son Hlistôire natu= relle des coquilles, 3 s 3 278 HISTOIRE que tous les univalves , ni les lobes qui se montrent de même dans la plus grande quantité des bivalves et des multivalves : on a prétendu, et avec raison, que dans tous ces mollusques la coquille se mouloit sur les formes de leur corps, que dans les uns elle étoit contournée en spire, parce que le corps chez eux étoit contourné de même, et que dans les autres ces mêmes coquilles étoient aplaties en raison de lapla- iissement de leurs habitans. Comme cette loi paroïît générale, ces considérations in- fluèrent plus que toute autre cause dans l'opinion qui fut adoptée pendant quelque tems, que l’argonaute, dont le corps, comme celui des poulpes, étoit droit et globuleux, n’avoit point pu servir de moule à la spire roulée sur elle-même de la coquilie, dans laquelle on retrouvoit constamment cet ami- mal. La construction particulière à cette coquille auroit cependant dû faire recher- cher à quel singulier animal elle pouvoit appartenir, car sa spire n’est point alongée comme celle des vis ; elle n’est point con- tournée comme celle des limacçons ; elle n’est pas roulée perpendiculairement sur elle-même comme celle des olives et des cônes, eë ses tours de spire ne sont pas DES POULPES. 279 non plus collés latéralement comme le sont ceux des planorbes; en faisant ces remar- ques, on en auroit pu inférer que le corps du mollusque constructeur des argonautes difléroit essentiellement par ses formes ex- térieures de celles des autres mollusques qui se construisent toutes les espèces de coquilles que nous venons d'indiquer. On ne s’atten- doit guère , à la vérité, de voir un animal si rapproché des poulpes, doué d’organes ex- créteurs totalement différens de ces organes dans les autres mollusques, et faire ici, au moyen de ses bras, ce que font les autres par lintermède de leurs corps, de leurs colliers , de leurs franges et de leurs man- teaux. Nous avons vu que, quoiqu’encore renfermés dans l'œuf, les argonautes y étoient déjà revêtus de leurs coquilles; celte observation avoit échappé à Bruguières, lors- qu’il cita l’argonaute que nous avons dessiné depuis, pl. XX XVI de ce volume; mais Réaumur et lui (1) avoient déjà reconnu (1) « J'ai comparé plusieurs fois des coquilles de limaçons qui ne faisoient qu’éclore , et même que j'avois tirées de leurs œufs avant qu’ils fussent éclos, avec d’autres coquilles des plus gros limaçons de la même espèce, et auxquelles je ne laissois que le même S 4 280 HISTOIRE que les mollusques testacés étoient de même revêlus dans l’œuf de leur coquille, long- tems avant que d’éclore, et si ce fait eüt été aussi bien constaté à l'égard de lar- nombre de tours de spirale qu’avoient ces petites coquilles, et alors elles paroissoient égales........ Tout ce que nous avons dit jusqu'ici de l’accrois- sement des coquilles , nous exempte d’entrer dans le détail de leur première formation, car on counoît aisément que, lorsque le corps d’un petit embryon, qui doit un jour remplir une grosse coquille, est par- venu à un certain état , dans lequel les diverses peaux qui l’enveloppent ont assez de consistance pour laisser échapper par leurs pores la seule liqueur propre à former la coquille ; on conçoit, dis-je, que cette liqueur va se placer sur les peaux, qu’elle s’y épaissit, qu’elle s’y fixe ; en un mot, qu’elle y commence la formation de la coquille de la même manière qu’elle continue son accroissement. Les limaçons ne sortent point de leurs œufs, sans être déjà revêtus de cette coquille , qui a alors un tour de spire et un peu plus ». (Réaumur , Mém. sur la formation des coquilles, pag. 578 et 379.) « Les vers testacés diffèrent beaucoup entre eux, non seulement dans leur forme extérieure , mais encore dans la manière de faire leurs petits. Les uns sont vivipares , comme la plupart des coquillages bivalves, multivalves ,et quelques-uns de ceux dont la coquille est tournée en spirale , et les autres en très - grand nombre sont ovipares; ils conviennent tous cependant DES" R'OU'E PES! 261 gonaute , conime il l’a été pour les autres mollusques testacés , cette observation déci- sive et sans réplique n’eût plus laissé aucun doute sur ce point d'histoire naturelle: en entre eux, malgré cette première différence ,'en ce que, lorsque le petit coquillage sort de son œuf ou de l’utérus de sa mère , la coquille est déjà formée sur le corps , et qu’elle Fe proportionnée à son volume ». (Bruguières , Encyc. méth. vers, tom. VI, pag: 549 » première colonne.) « Quand les œufs des coquilles viennent à éclore, l’animal en sort avec sa coquille déjà formée ; elle a, comme Réaumur la dit , un tour de spire complet, et quelquefois davantage; mais elle n’a encore qu’une très - légère épaisseur. Il est vraisemblabie que la coquille n’a été formée dans l’intérieur de l’œuf que postérieurement aux principaux organes de l’animal, comme les os le sont dans les fœtus des animaux quadrupèdes après le cerveau et le cœur , sans qu’on doive cependant confondre , comme je l'ai déja dit, les coquilles avec les os des animaux , leur organi- sation étant très-différente , comme on le verra dans la suite. à » ..... Quelle que soit la D cle époque de la formation de la coquilie, c’est un fait démontré que les coquillages , en sortant de l'œuf, y sont déjà enveloppés. Lecawenhoeck l’avoit reconnu le premier sur les huîtres ; après lut, Lister fit la même obser- Vation, qu'il étendit sur d’autres coquillages, soit terrestres, soit fluviatiles ; Marsigu , Ramphius , 282 HISTOIRE | saisissant l'embryon de largonaute déjà renfermé dans sa coquille, quoiqu’encore recelé dans son œuf, on auroit pu le suivre à l'instant qu’il seroit venu à éclore, et il n’eüt point fallu un grand effort d’imagi- nation pour se faire une idée de la manière dont ce mollusque sy prenoit pour ajouter des augmentations successives au premier rudiment de sa coquille, à mesure que, livrée à lui-même au sein des mers, il y prenoit de l’accroissement. Les formes sin- gulières de cette coquille proviennent de l’arrangement que l’argonaute donne à ses bras et aux larges palmures dont deux sont revètus ; elles proviennent encore de la manière constante dont ce mollusque se maintient dans son enveloppe testacée, que, par sa position habituelle, il conserve dans un parfait équilibre , jetant de chaque côté ses membres exsudateurs ; et restant tou- Swammerdam , Réaumur et Adanson confirmèrent dans la suite cette déconverte , et il résulte des observations de ce dernier naturaliste, que, quoiqu'il existe un grand nombre de coquillages marins vivi- pares , 1ls s'accordent avec ceux qui sont ovipares, en ce qu'ils sont revêtus de leurs coquilles en sor- tant , et même bien avant de sortir du ventre de leur mère ». (Bruguières , au même endroit , p. 550.) D ES: PO UL'P'E S.., 20% Jours parfaitement dans le milieu ; si par des crues successives il la contourne en spirale , d’après l'équilibre qu’il conserve, cette spirale doit venir se recourber juste au milieu comme elle le fait constamment : la forme contournée de la coquille est due à une légère courbure qu'affecte le corps de ce mollusque , dont le dos est voûté, et le ventre, ainsi que la tête, un peu pro- jeté en avant. D’après toutes ces considé- rations 1l est facile de concevoir comment, . à mesure quil grandit, cet animal ajoute de nouvelles crues à sa coquille, et com- ment cette coquille doit affecter la forme spirale qui est la seule qui puisse résulier de la position centrale , arrondie ef courbée , que cet animal conserve constamment à mesure qu'il grandit, et il paroït que ses accroissemens sont rapides : son corps se porte un. peu en avant ; ses palmures, qui deviennent plus larges, transudent dans leur état de repos de nouvelles accrues cal- caires; la coquille augmente de volume, et chaque tour de spire est au moins dix fois plus large dans toutes ses dimensions que celui qui l’a précédé. | i Lorsque , par quelques accidehs, la coquille de l’argonaute vient à se casser, 28% HISTOIRE. lorsque par quelque choc ou quelque heurt ; cette frêle nacelle essuie des fentes ou des déchirures , l’argonaute sait. très-bien les réparer : j'en ai Vu qui avoient ainsi resoudé leurs coquilles qui présentoient des fentes de plus de six doigts de long, et j'en possède une de huit pouces et demi de. longueur , qui a été ainsi cassée dans sa poupe, où partie relevée de sa. carène, avec déperdition d’une parte du têt ; voie d’eau que l’argo- naute qui l’habitoit a su boucher avec autant d'habileté que le meilleur calfateur ou char- pentier , en faisant transuder au dedans une nouvelle couche de matière calcaire, assez solide, pour souder les côtés de ce bris qui _a élé considérable, et assez ferme. pour consolider de nouveau son enveloppe tes- tacée. J’ignore jusqu'où l’argonaute peut pousser cette faculté réparatrice ; mais ce qui me paroît digne d'attention , c’est qu’à l'inspection de cette cassure, on voit qu’elle a eu lieu lorsque l'animal étoit parvenu à un âge déjà assez avancé, el à une époque où la partie postérieure de son corps ne remplissoit plus cette poupe relevée que nous avons vue chez les femelles servir de leu de dépôt aux œufs ; cependant cette brèche, où. il manque dans quelques en- DEBiPOUKLiPES de droits jusqu’à deux lignes de largeur de l’ancienne coquille, est solidement réparée par le dedans, avec une nouvelle excrétion calcaire , qui ne peut y avoir été apposée que par la filtration des pores de quelque partie renfermé dans cet endroit de la co- quille : on voit même qu’à l’époque où cette brêche s’est faite, les palmures et les bras avoient quitté aussi cet endroit, parce que cette réparation est unie , et qu’elle ne pré- sente pas les cordons ou marques des bras qui sillonnent le reste de la coquille. On pourroit croire que, dans certains cas , et que par de grands efforts, quelques autres parties que les palmures et leurs tiges peu- vent acquérir jusqu'à un certain point la faculté transudative, et alors nous pourrions croire que cette coquille appartenoit à -un argonaute femelle , qui a pu la raccommoder dans cet endroit avec une exsudalion cal- Caire , fournie par la poche où membrane qui renfermoit ses œufs ; et dans cette hypo- thèse , malheur à largonaute mâie à qui pareil désastre arriveroït au même endroit; pour lui cet accident seroit irréparable, et sans espoir de pouvoir se remettre à flot, notre infortuné navigateur iroit, par son naufrage, grossir le nombre de victimes 286 HISTOIRE que de malheureuses navigations précipitenit dans les goufifres de Neptune , sans espoir de retour. | cd Dans son état de force et de santé, l’ar- gonaute se sert de ses bras pour se traîner au fond des mers: on le rencontre plus fréquemment-dans les hautes mers et dans de grandes profondeurs d’eau que vers le voisinage des côtes ; 1l préfère aussi les fonds sablonneux à ceux qui sont remplis de ro- chers , parce qu'il a tout à craindre de ceux- ci, et qu’en les abordant sa perte est cer- taine ; aussi n’en rencontre-t-on point sur les côtes des îles qui, comme la Martinique, n’offrent que des roches dans leurs fonds volcaniques, et qui en sont. tellement hé- rissés , que l’ancrage n’y est point sûr, parce que les plus forts cables s'y coupent en très-peu de tems; mais on retrouve l'argo- naute papiracé au dessus des plages sablon- neuses et dans les eaux profondes des mers de l’Inde, dans celles de l'Amérique, prin- cipalement en haute mer, sous le tropique , et dans la partie du nord de Saint - Do- mingue, d’où le général Bougainville a rap- porté les plus grands poulpes connus, dont il a fait hommage à la riche collection du jardin des Planies; et dans la Méditerranée, dans DES POULPES. 287 le golfe Adriatique et autour des îles de Corse, de Majorque et Minorque, de Sar- daigne et de Sicile. Ce mollusque testacé paroît donc commun à toutes les rmers ; et quoiqu'il construise sa coquille dans diffé- rentes parties du globe, elles se ressemblent toutes, au point de ne ps permettre, au conchyliologue le plus exercé, d’en faire la différence et de les séparer en espèces ; car nous ne regardons pas ici les stries plus ou moins fines, plus ou moins serrées comme des caractères consians qu’on puisse saisir pour indiquer positivement celles qui vien- nent des mers d'Europe, d ‘Amérique ou de celles des Indes. La coquille de largonaute papiracé est une des plus élégantes et des plus beiles de toutes celles qui enrichissent nos cabinets ; son têt mince, léger , presque papiracé , est si fragile qu’on ne doit la manier qu'avec de grandes précautions ; souvent même elle s’y fend d'elle-même par la sécheresse, et alors elle se brise avec la plus grande fa- cilité. Sa forme et sa légèreté fui ont fait donner le nom de nautile papiracé, parce qu'elle est construite en forme de vaisseau antique , dont la poupe étoit fort relevée ; elle est carénée dans son contour extérieur, = . 288 HISTOIRE et sa carène est ornée de deux rangs de tubercules , assez pointus, régulièrement espacés les uns des autres; dans le haut de la poupe ou spire, ils sont tachés ordinai- rement de fauve ou de brun: toute la co- quille est aplatie ou comprimée également sur ses deux flancs, qui sont sillonnés par des cordons unis ou striés, très-prononcés , : qui sont quelquefois doubles et fourchus jusques vers le milieu de leur longueur; ces cordons très - lisses partent de chaque tu- bercule de la carène pour aller se rendre à une espèce de bourrelet qui borde lé- chancrure, ou oreille en demi-cercle, qui s'évase en arrière, de chaque côté du rebord extérieur de la spire , et dont les extrémuiés remontent ‘souvent au dessus dû sommet contourné en spire de celte coquille ; ce bourrelet est arrondi par le frottement des bras qui servent de rames à l’argonaute; parce qué ceux-ci, dans leur fréquent re- foulement, font déborder la matière cal- caire que l'extrémité des palmures porte en ces endroits , dans lesquels largonaute place constamment ses six bras égaux, quand il les tient développés ; on aperçoit très- visiblement, sur toute la superficie de cette coquille , les crues successives, mais extré- mement DES POULPES. 28 mement fines et serrées, dont ce mollusque a laissé des traces en raison de son accrois- sement progressif et presque journalier. L'ouverture ou bouche est presque trois fois plus longue que large; elle présente une espèce de triangle alongé en forme d’écus- son que surmonteroit un casque. Toute la coquille est d’un blanc de lait; on en voit de toute grandeur, c’est-à-dire, depuis celle d’une graine de chou jusqu'à dix ou onze pouces de diamètre; mais ceux qui ont acquis ces dimensions sont très-rares, Ces coquilles sont toujours propres et exiré- mement lisses, parce que les bras de l’ar- gonaute balayent, en ramant, leur surface extérieure, et empêchent par conséquent. qu'aucun corps parasite ne viennent sy attacher. Quoique certains auteurs, et notamment Favannes, aient voulu faire (1) plusieurs _ (r) « Le grand nautile à cannelures rameuses, quoique papiracé , a cependant un peu plus d’épais- seur que le précédent, dont il est une variété ; ses crues sont aussi plus sensibles , et sa carène étroite et aplatie a tout au plus cinq à six lignes dans sa plus grande largeur. Ce nautile , parfaitement sem- blable au précédent par sa forme, n’en diffère que Moi, Tome 111. Æ 290 HISTOIRE | espèces de ces argonautes papiracés, en s’ars rêtant à de légères différences, nous préfé- rons suivre l’opinion de Bruguières, qui nous par ses cannelures, qui, au lieu d’être simples, sont rameuses , c’est-à-dire , que chacune d'elles se par- tage vers le milieu des deux faces en trois, quatre et quelquefois cinq branches ou rides onduleuses et saillantes. Chaque subdivision répond à un des tuber- cules pointus de la carène, qui , dans cette variété, sont aussi fort nombreux. Sa couleur , tant au dehors qu’au dedans , est blanc de lait ou légèrement sa- franée : la volute est assez généralement de la même couleur ; mais dans quelques-uns elle est d’un brun roussâtre , ainsi que les pointes de la partie posté- rieure de la carène. Ce nautile rare vient, dit-on, des îles Moluques et de Batavia : il porte depuis trois pouces jusqu’à neuf à dix pouces de longueur, sur cinq à six de hauteur: son ouverture offre à peu près les dimensions que celle du nantile précédent ». Favannes , Conch, tom. I, part, 2, pag. 709, où cet auteur, pag. 710, donne pour synonymie de cette variété d’argonaute, celui figuré par Gualtieri , /ndex testar, Conch. tab. 11, lettre A, qui est positivement la coquiile de l’argonante papiracé ordinaire , mais ._ d’une grande taille ; citant “encore à l’appui de son opinion la figure donnée par Seba , tom. III , tab. 84, fig. 5, pag. 176, de laquelle on peut porter le même jugement. Quant à la variété du Bryésil, indiquée encore par Favannes, nous la placerons dans la même cathégorie que l’autre , en la regardant comme gne coquille d’argonaute dans son jeune âge, DES POULPES. 9 semble plus d'accord avec les faits : peu d'auteurs avoient eu autant de coquilles d’argonautes entre leurs mains que lui, et ce n'est qu'après en avoir observé une im- mense quantité qu'il vit que tous ceux dont nous parlons ici rentroient les uns dans les autres. Nous regarderons donc les deux pre- miers argonautes de F'avannes comme ne constituant qu’une seule et même espèce, dont les côtes sont plus ou moins rameuses dans quelques individus , d'autant plus que Favannes ne les regardoit lui - même que comme une variété. L’argonaute partage les couleurs du poulpe comme il en partage les mœurs ; toute la superficie de son corps, teintée de rouge et de bleu , est tigrée ou pointillée de brun ; points fortement colorés qu’on retrouve sur les palmurescet sur le dos des bras : comme les poulpes ;‘il saisit sa proie au moyen des cupules qui arment ces bras, et quoiqu'il n’excède jamais certaines dimensions, comme lui, il est un animal exterminaieur. Non content de ramper au fond des mers et d’ÿ juguler ses victimes , ses appétits voraces le portent peut-être plus que toute autre cause à la surface des flots dans les tems calmes, alors que d’autres animaux des mers viennent La 292 HISTOIRE s’y jouer sous les douces influences d’un ciel pur et serein ; d’après la soif du sang que nous connoissons à ces animaux , ce n’est point l'envie de jouir paisiblement de ce calme, qui les amène sur ces flots devenus tranquilles ; il est probable qu’ils n’y arrivent que dans l'espoir de faire quelque capture avec laquelle ces rusés corsaires puissent se replonger rapidement au fond pour l'y dé- vorer à leur aise; mais, comme tout se balance dans la Nature, il paroît que leur enveloppe testacée ne les met point à lPabri de toutes les attaques qu'ils essuient de la part d’autres animaux, tout. aussi voraces qu'eux. Rumphius (1) prétend qu'ils de- viennent la proie non seulement de quelques poissons , mais encore d'oiseaux de proie marins, qui savent s’en saisir avec beaucoup de dextérité : quand dans les instans de danger l’argenaute en est quitte pour quel- que bras, ce membre repousse comme ceux des autres mollusques coriacés que nous avons décrits ; cette reproduction est encore chez lui une preuve d’analogie de plus avec les sèches, les calmars et les poulpes. (a) Rumph. Amb. pag. 64 , déjà cité pour le même fait. DPSNPOULPES. Pe L’'argonaute peut encore, tout en se ren- fermant dans sa coquille , s’acharner sur sa proie , au moyen des cupules qui arment la base de ses bras, bases que nous voyons à découvert , pl XX XVI , et qui semblent placées en avant dans l’attente de la proie, ou pour repousser les attaques de l'ennemi en. protégeant non seulement le corps, mais encore les extrémités de ses membres exté- rieurs. Dans cette disposition, nous pouvons voir que ce mollusque peut, au moyen de ses ventouses encore libres , s'attacher inti- mement sur le corps de grands poissons , sur-tout dans la haute mer, où il ne craint point qu'en allant se heurter aux rochers. pour se débarrasser d’un fardeau si incom- mode, ces poissons ne fracassent sa coquille: par le frottement ; c'est alors que, coilé sur leurs corps, couvert par son enveloppe tes- tacée comme par une nouvelle égide, ïl fait usage de ses armes cruelles pour les enfon- cer dans la chair de ces poissons , et la dé- chirer avec son bec crochu; absorbant avec la plus grande avidité les fluides et le sang qui étoient destinés par la Nature pour porter l'existence et la vie jusqu'aux der- nières extrémités de leur corps ; ce fé- roce et insatiable mollusque ne les aban- T3 294 HISTOIRE donne enfin que lorsqw’il est gorgé de ces fluides , et qu'il ne lui est plus possible d'en ajouter une seule goutte à celles dont il est rempli. Jusqu'à ce moment, c’est en vain que ces malheureux habitans des mers cherchent à se débarrasser d’un ennemi aussi tenace ; leur fuite rapide au travers de la+ masse des ondes, le rebroussement de l’eau et les mouvemens les plus violens ne peuvent les mettre à l'abri des déchirantes morsures que leur porte un animal qui ne respire que la destruction , et qui, non content de les torturer, finiroit par les anéantir, si le grand volume de leur corpset leur masse n’étoient pas ün trop vaste champ pour son appétit. En terminant ceite histoire de largonaute, il vient de me tomber sous la main un Jour- nal (1) d'histoire naturelle publié en Angle- terre , rédigé par George Shaw , médecin et membre de la société royale de Londres, dont les figures sont dessinées par Fred. Nodder , peintre de botanique du roi d’An- gleterre. La guerre , qui a rompu les com- munications entre les deux nations, nous a privé de ce Journal et de beaucoup d’autres (x) Naturalist miscellany, to be continued monthly; London, by George Shaw. M. D. et F. R.S. DES POULPES. 205 ouvrages qui nous eussent mis au courant des nouveaux êtres que les anglais ont dé- couverts dans leurs courses lointaines durant tout le cours de l’époque pendant laquelle ils s’étoient emparés du trident de Neptune. On trouve, dans le n° 53 du Journal de Shaw, un argonaute de la Méditerranée, dont les huit bras sont sortis de la coquille; deux d’entre eux se présentant avec de larges palhnures, nous forcent à reconnoiître dans ‘cet individu l'animal que nous décrivons ; ce mollusque est foiblement ei assez mal dessiné dans la pl. 101 du n° de ce Jour- nal que nous citons ; les bras y sont sans mouvement, les deux palmures représentées en feuille de mirthe ne donnent aucune idée de l’ampieur de ces parties caractéris- tiques ; et quoique les cupules soient bien placées et alternativement sur les six autres bras, celles des deux bras palmés sont mal indiquées , n'étant point disposées sur leurs côtés , mais bien sur le plat et pareilles aux autres , au lieu d’être saillantes. D'ailleurs ce mollusque avoit été reliré de sa coquille, et il est assez singulier qu’on l’y ait replace à rebours, c'est-à-dire , les bras palmés du côté de la poupe ou spire , et les six autres en avant; situation qui n’est plus celle affec- T4 206 HISTOIRE iée à l’argonaute , dont au contraire les six bras pointus sont déployés trois de chaque côté dans les échancrures ou oreilles qui sont restées vuides dans le dessin de Nodder. Shaw a cependant reconnu que c’étoit ici le véritable animal de l’argonaute (1) soup- çonné par Linnæus et décrit par Rumphius; dans une courte notice en latin et en anglais, qui accompagne cette ügure, le docteur Shaw reconnoît que , quoique les ani- maux dont les familles se rapprochent, aient de la ressemblance les uns avec les autres (2), soit dans leurs formes générales, (1) Argonauta argo. Character genericus animal sepia. T'esta univalvis , spiralis, involuta, membra- nacea ,unilocularis. Lin. Syst. nat. p. 1161. — Cha- racter specificus. Argonauta carina utrinque subden- tata. Gmel. Syst. nat. pag. 5367. — Nautilus sulcatus. Klein , Ostra. t. [, fig. 3. — Nautilus tenuis. Rumph. Mus. t. XVIII, fig. 5, 4. À , B. — Animal extremely resembling a sepia. — The paper nautilus. Nautile papiracé. Argenv. t. V. — Shaw , Natur. miscel. numb, 33, tab. 1or. | (2) « Ut nunqguam inter animalia ejusdem familiæ eadem fere sit formæ partiumque similitudo , pauca tamen proférri possunt exempla , in quibus a norma@ sua insisniter aberrare solet natura ; præcipue vero in classe lestacea. Testarum enim univalvium ( ut dicun- ur) incolæ, generi limacis simillimi sunt ; bivalvium D'ÉS''E OU'E PES, ‘s07 soit dans quelques-unes de leurs parties ; ils. s’écartent cependant les uns des autres, principalement dans les testacés. (Les habi- tans des coquilles univalves, dit cet auteur, contra generibus tethyos et ascidiæ. Formæ hujus ano- malæ nullum notabilius argumentum possit selegi guam in gencre arsonautæ , vel nautili qui papyraceus dicitur : ab omnibus enim aliis ejusdem divisionis adeo discrepat animal hanc testam inhabitans , ut illius verum esse et genuinum incolam non mirum sil SÈ æœgre credatur. Linnœus igitur de hac re scribit, domunculam alienam, quemadmodum cancer Diogenes seu Bernardus, intrasse sepiam , cum non connexa sit testæ , sibi adeo alienæ , qui non credereé , nisi tof &estes nobis obstrinserent , qui propriis oculis viderunt argonautam vellificantem ? » Extra testam visus aroonautæ habitator sepiæ speciem , sepiam præcipue octopodiam admodum refert: nec sane ab ea forma generali differt , nisi quod ad extremitates brachiorum duorum membranas ovatas habeat, quas cum super mare pacatum navigat, erigis, reliquis sex brachiis remigans. Fieri non potuit uk miranda res hominum oculos effugeret : ideoque a variis auctoribus descriptam legimus ; nullis elegantius quam 'ORITe delete de! » Cavendum est hance testam , quæ verus est argo- nauta , cum nautilo communiter dicéo, seu nautila concamerato confundamus , qui generis es omnino distincti. Crescit argonauta argo ab una uncia ad sex vel etiam octo. Mare Mediterraneum nec non indi- eum incolit». George Shaw , ubi supra. 298 HTSTOERE sont du genre des limacçons , et ceux des bivalves se partagent en thetys et en asci- dies. Mais, dans aucun de leurs genres, ces formes ne s’écartent autant de celles géné- rales que dans celui de l’argonaute , qui est connu sous le nom de rautle papiracé; et cet animal s'éloigne tellement par ses formes de tout ce qui est connu dans ces espèces , qu'il n’est pas étonnant qu’on croiïe si difii- cilemeut qu’il soit le véritable propriétaire de cette coquille : et que Linnævws ait écrit qu'on ne pourroit se refuser à penser que ce poulpe ne füt, comme un autre bernard l’hermite , un hôte parasite à cette coquille avec laquelle il n’a aucune adhérence , si une multitude de témoins ne certifioient pas qu'ils ont vu de leurs yeux l’argonaute fai- sant voile. » Lorsqu'on tire hors de sa coquille, con- ünue l’auteur anglais, l’animal de l’argo- naute, on voit qu'il a la plus grande analogie avec un poulpe à huit pieds, et il n’en diffère que parce qu'il porte à l’extrémité de deux de ses bras des membranes ovales pour voguer sur la mer, ramant avec les six autres bras. Un fait aussi admirable n’a point pu rester caché aux regards des hommes ; aussi cette manœuvre de largonaute a été décrite par DES POULPES. 599 plusieurs auteurs, mais aucun d’entre eux ne l'a fait avec autant d'élégance que Pline. Cette coquille, qui est celle du véritable argonaute , ne doit plus être confondue avec le nautile ordinaire ou chambré, qui est une enveloppe testacée d’un genre tout différent. On voit des argonautes depuis un pouce jusqu’à huit de longueur , et on les trouve dans la Méditerranée et dans les mers des Indes ». Nous devons regretter que Shaw, qui a incontestablement connu l’animal de l’argo- naute , ait terminé ici sa notice, sans entrer dans de plus grands détails , et sans nous donner quelques indications particulières sur la manière dont ce mollusque étoit parvenu en sa disposition , de même que sur la loca- lité dont il pouvoit avoir été tiré ; d'autant plus qu’il est le premier , depuis Rumphius, qui ait indiqué d’une manière positive quelles _étoient les différences par lesquelles les argo- nautes se séparoient des poulpes, et qui le premier a publié leurs membranes palmées dans une certaine extension. L’argonaute étoit un animal sacré chez les anciens , et leurs matelots le regardoient comme un heureux messager , qui, par son apparition sur les eaux, venoit leur annon- 56e … N'AISTOTRE cer la durée du beau tems ; ils Penvisageoient encore comme l'animal qui avoit donné aux homimes Îes premières leçons de la naviga- tion, et la foime la plus propre aux vais- seaux pour fendre les flats, par celle que ce moliusque savoit donner à sa frèle na- celle. Beaucoup d'auteurs anciens se ser- virent de lui dans leurs comparaisons, et dès les tems héroïques, ce navigateur per- pétuel avoit excité l'attention et ladmiration des hommes, qui ne tardèrent pas à vouloir Pimiter. Les poëtes buteur de même (: ) que Farsonaute avoit appris aux hommes à na- viguer à la voile comme à la rame, et Athénée nous a conservé une épigramme très-singulière de Callimaque à son sujet, qui nous apprend que ce mollusque étoit consacré à Vénus. Une tradition populaire, conservée dans cette même épigramme , rapportoit que celte coquille étoit plus an- cienne que la lune; une opinion aussi singu- (1) « Plaustra maris naves qmi primus reperif : ille- Sive Deus seu mortali de semine natus Audax auravit fluctus trañnare marinos. Navigium spectans piscis: dum robura nectit, Fecit opus simile. Hinc et vent's vela tetendit Funibus, aperuit retro de hinc frena carinæ ». Orpranus citatus a Lio Gregorio Gyralde. DÉS. P OU TL PES, Goi Bière, et qui pourroit paroître absurde, tenoit encore à d’autres traditions qui s'étoient transmises chez les grecs de peuple à peuple, et nous en retrouvons des traces dans Ovide lorsqu'il nous dit (1) que les lucaniens se pré- tendoient un peuple antélunaire, c’est-à-dire, qu'ils regardoient leur existence en peuplade comme antérieure à l’arrivée de ia lune dans notre système ; de mûres réflexions pour- roient nous induire à croire que la chose (i) Si nous consultons les traditions atitiques , nous y verrons que les arcs liens se prétendoient le peuple le plus ancien de la terre. Ils disoient que leurs an- cêtres avoient habité le globe avant que la lune fût devenue son satellite , el tourna autour de lui. Pau- sanias , Lucien , Ovide sur-tout nous ont transmis, je ne dirai pas ces traditions populaires , mais natio- males : les grecs ne les contestèrent jamais : chez eux Îles arcadiens portoient le nom d’anté-lunaires ; c’est à quoi Ovide fait allusion dans ces deux vers: « Orta prior luna, de se si credatur 1psi, À magnus tellus, arcade nomen habet », Æt dans le deuxième livre des Fastes , en rapportant l'origine des Jluperçales, et pourquoi les prêtres du Dieu couroient nus dans cette solemnité , en frappant toutes les femmes qui venoient se soumettre à leurs coups, ce poëte dit encore : « Ante Jovem genitum terra habuisse feruntur Arcades , et lunagens prior illa fuit ». 302 HISTOIRE n’est pas impossible, et que c’est le heurt de cette planète qui a pu jeter notre globe hors de son à-plomb , et l’incliner sur son axe de vingt-deux dégrés et demi. Un jour peut- être nous pourrons revenir sur ces hypo- thèses : pour le moment nous remarque- rons que nous avons vu dans l’ouvrage de Rumphius la coquille de l’argonaute servir à un usage presque religieux, et portée en triomphe à la tête des danses des habitans d’Amboine, qui partagent encore à son égard aujourd’hui la vénération que les an- ciens , sur-tout les grecs , lui avoient vouée. k | D'É\SiPOlDILUMIE.S. 60 EXPLICATION DE LA PLANCHE XXX WV. L’argonaute papiracé. Ox y voit cet argonaute, qui est celui de la Méditerranée, légèrement balancé sur les flots de la mer dans sa coquille , où il est couché sur le dos et retiré dans le fond, après avoir Jelé en dehors les six bras qui lui servent de rames , et qui se développent trois de chaque côté en sortant par les oreilles où échancrures latérales et forte- ment caractérisées qui appartiennent à cette coquille. Les deux autres bras, garnis de larges palmures, caractère qui distingue largo- naute des poulpes , sont élevés en l'air ; ces palmures sont disposées en façon de voiles; le vent vient de les enfler ; ici cet argonaute navigue à la rame et à la voile, employant tous les moyens qui sont en son pouvoir pour faire avancer sa barquesur la paisible surface des flois. 304 HISTOIRE On doit encore remarquer dans cette planche les cupules ou ventouses saiïllantes et latérales des deux bras qui portent la voile ; c'est de leur saillie que résultent les tubercules qui ornent la carène de l’enve- loppe testacée de l’argonaute. Les cupules des autres bras sont aplatis de manière à faire peu de saillie, et ne point laisser de traces sur les côtes ou sillons très - lisses de la coquille dans cette espèce d’argonaute. On peut encore apercevoir sur la coquille les crues successives, fines et très-rapprochées qui indiquent les accroissemens successifs que lui donne l’animal par la transudation cal- caire de ses palmures, à mesure que son corps augmente de volume. EXPLICATION + ÿ DES POULPES. 55 Be P'EUIPOG ASE E ON DE LA PLANCHE XXX VI. L’'argonaute papiracé coulant à fond. C’rsr encore ici largonaute de la Médi- terranée ; ses bras sont repliés ; ses rames, ses voiles sont embarquées , et sa coquille est déjà engagée à moitié sous les eaux, où il va sombrer tout à coup pour se précipiter au fond des mers. Sur le flanc le plus relevé on voit le rebord d’une de ses palmures qui tapissent l’intérieur de la coquille dans leur état de repos ; et j'ai feint une cassure dans le côté qui se présente en plein pour indi- quer plus précisément encore la disposition de cette palmure sur son flanc ; elle y est sillonnée par l'impression des bras. Au som- met de ja carène, on aperçoit encore une autre brèche; celle-ci laisse à découvert les œufs qui sont renfermés dans une poche, dans leur état naturel; on peut encore y remarquer la partie postérieure et arrondie du corps qui les tient resserrés dans cette Moll. Toue IIL He 506 HISTOIRE . espèce de magasin jusqu’au moment où ils viennent à éclore. Lies embryons y sont déjà revêtus de léurs coquillés avec lesquelles ils viennent au jour , comme le font encore les petits limaçons et quelques autrés mol- lusques testacés, tant univalves que bivalves qui, même chez les vivipares, sont déjà recouverts de leurs coquilles bn le ventre de leurs mères. à HEIN D ——— o Dent aubrn d’, «de JL ” QT Le TE Z L'ARGONAU Donbort del. D, DES POULPES. 3o7 L’'ARGONAUTE A GRAINS DE RIZ .() Cr argonaule est celui que j'ai pu -exa- miner avec le plus de détails ; aussi me suis- je plu à le dessiner hors de sa coquille, et (1) Nautilus sulcatus , verrucosus in Striis rectis et elatis, carinæ angulis profunde serratis. Klein, Ostrac. pag.3, n° 4. — Cymbium profunde striatum ; striis latis et bullatis, spina lata et serrata, candidum. Gualtieri , Index. test. pag. 12 , tab. 12, litl. B. — Nautilus tenus qui a grumo oryzæ coctæ eognominatur rystembry hoorn. Seba,Thes. tom. IT, pl. rxxxrv, fig. 4. — Cochlis plana intorta monothalamia , sive nautilus papyraceus vacuus , carina latiore obtuse serrata, lateribus costis flexuosis et fuberculosis dis- tinctis. Martini , Conchyl. tom. T, pag. 220 , tab. 17, fig. 156 ,et tab. 18, fig. 160. — Nautile de moyenne grandeur , à stries chargées de grains de riz, sans oreilles , et par là plus rare. Davila, Catal. pag. 109, n° 88. — Le nautile à grains de riz, à bourrelet en doucine et sans écartement. Favannés, Conch. tom. 1, seconde partie , pag. 714 , et planch. vir, fig. À, 9. — Nautile à carène lurge et côtes tuberculées. Bruguières, Encycl. méthod. vol. VI, pag. 123 ; première colonne, # V 2 308 HISTOIRE vu sous deux aspects , afin de ne laisser rien à desirer quant à ses formes extérieures; ces deux figures réunies aux deux autres qui les précèdent, nous représentent ces mollusques dans leur état d'activité, voguant élevés au dessus des eaux, et se reprécipitant dans le fond ; ainsi que dans un état d'analyse et de développement vu par le dos et vu par devant , ayant destiné la trente-neuvième planche pour y représenter deux espèces ou deux variétés de la coquille de l’argonaute à grains de riz. var. B. — Nautile à grains de riz, à ouverture évasée. Latour d'Auvergne, Catal. pag. 57 , n° 248, le second. | — Nautile papiracé sans oreillons, et à stries à grains de riz. — Nautilus papyraceus , inauritus, admodum convexus , striis granulatis, carina lævi mediocriter daté aculeis brevioribus et obtusis munita , et apertura maxime expansa insignis. Favart d’'Herbigny , Dict. tom. IT, pag. 426. — En français , nautile papiracé à tubercules. N'autile à grains de riz. — Rystenbry nau- tilus , en allemand.—Ryséenbry hoorn , en hollandais. Nautilus oft zeylvisch Naulile ou poisson voi- ën des zelfs schulp van de lier dans sa propre co- caap de Goede Hoop. Cat. quille , du cap de Bonne- manuscrit , du cabinet du Espérance. stathonder , à la bibliot. du jardin des Plantes, vol. XII, F. n°78. D ES) POOU L'P:ES. &og J'ai pu, comme je l'ai dit, dessiner ce mollusque qui, renfermé encore dans sa coquille , fait aujourd'hui partie des objets d'histoire naturelle qui garnissent les galeries du jardin des Plantes , dont il est un des plus beaux ornemens. Cet argonaute est conservé dans un bocal rempli d'esprit de vin, au milieu duquel il est suspendu, couché sur le dos dans sa coquille, mais ridé et dans un état de contraction dû à la liqueur dans laquelle il a été plongé au moment de sa capture ; il m’a été permis de le retirer de cette coquille , et je garantis lexactitude des dessins dont j’accompagne ici mon texte, parce que j'ai mis les plus grands soins pour rendre ce que je voyois, et pour ne rien rendre de plus. L’argonaute à grains de riz a sept pouces de longueur depuis la partie postérieure du corps jusqu’à l'extrémité des bras ; le corps a deux pouces de long sur quatre pouces de circonférence ; la tête a neuf lignes de hauteur , les bras ont quatre pouces et quelques lignes, et nous devons supposer les palmures plus larges dans leur état naturel d’épanouissement. Ces bras sont au nombre de huit, comme ceux des autres argonautes , mais les deux postérieurs pré- sentent les palmures caractéristiques ; tous V 3 310 HISTOIRE ces bras, au lieu d’être ronds, sont aplatis , et les cupules sont disposées en alternant sur leurs côtés. Les deux bras palmés triangu- laires offrent une carène sur leur dos, formé qui provient de la compression qu’ils éprou- vent quand Fanimal loge leurs tiges dans la carène encore assez étroile de sa coquille. Toutes ces ventouses sont fort distantes les unes des autres et très-saillantes. Sa bouche est disposée au centre des bras comme dans les poulpes ; ses lèvres sont circulaires ; elle est aussi garnie d’un bec corné, fait comme celui des perroquets, et'commun à tous ces mollusques. Le sac ou manteau, ouvert en travers comme celui des poulpes, s'attache aussi comme le leur par des tenons charnus qui le retiennent sur l’entonnoir ; mais, dans cet argonaute , il prend sa naissance par der- rière, plus près des yeux, qui sont très-appa- rens quoique recouverts par la continuation de la peau du corps de l’animal. Le conduit excrétoire commun est très - grand et fort ample , et le ventre bombe en avant, suite naturelle de la position courbée que largo- naute garde constamment dans sa coquille. En examinant les bras, on leur voit à tous une rainure sur leur plat , et une espèce de carène sur le dos, qui pourroit faire croire È RSR 7 À Wu D, DOG OTt del : J'aint aubrn SJ vu par devant . Ze 2 grand de rt [a \ ARGONAUTE x DAS ' POULPES. if. que lorsque l’argonaute à grains de riz les replie dans sa coquille , et les y renferme au milieu de ses palmures , il les y replie aussi sur eux - mêmes en deux dans toute leur longueur. La peau de cet argonaute est teintée des plus aimables couleurs , réflétantes alterna- tivement en rose, en violâtre et en bleu ; ces nuances sont générales et répandues sur toute l’habitude du corps; des points pourpres viennent se montrer en broderie sur cette première parure, car ceux du corps et de la tête sont disposés circulairement et de ma- nière que chaque cercle de petits points en renferme un plus fort qui semble lui servir de centre ; cette disposition se répète sur le ventre , où cependant les cercles sont plus rapprochés , plus serrés et bien plus petits que sur le dos : les bras, irrégulièrement pointillés sur leur partie extérieure , le sont encore légèrement sur les côtés de leur partie intérieure, Les palmures n'offrent aucun pointillage ; elles paroissent seulement nerveuses dans toute leur étendue. Autant qu'il nous a été possible, nous avons essayé de nous convaincre de la dispo- sition des parties intérieures , entr’ouvrant pour cet effet le sac ou manteau dans son V 4 33 . HISTOIRE ouverture naturelle; et nous pouvons assu- rer que ce sac est attaché au corps comme celui des poulpes dans les deux tiers de sa longueur , n’ayant de libre que sa partie supérieure ; les branchies ou organes de la respiration sont aussi cordonnés comme les leurs , divisées en deux corps, et placées de chaque côté de:la même manière. Le reste de l’organisation intérieure nous est inconnu, parce que nous avons dû respecter un objet aussi rare, et qui jusqu à présent est unique dans nos cabinets d’hisioire naturelle; lacune qui se réparera un jour. | L'individu que nous décrivons avoit essuyé quelque désastre , et il en étoit résulté pour lui une perte , car il n'offre plus que sept bras entiers ; le huitième a été tranché par quelque accident ou par un ennemi naturel de ces mollusques, ce qui en reste est cica- trisé , et le bout consolidé commençoit à repousser, comme ceux qu’un pareil acci- dent a pu tronquer chez les sèches, les .cal- mars et les poulpes, lorsqu'un hasard encore plus fatal pour cet animal, puisqu'il y perdit la vie, est venu le mettre au pouvoir de l’homme dont ses pareils paroissent craindre peu les atteintes. Ce fait, que j'ai conservé dans mon dessin, nous apprend. que. les DES POULPES. 315 argonautes ont la faculté de régénérer leurs extrémités tronquées, comme les autres mol- lusques coriacés; faculté qu’ils partagent avec une. très - grande quantité d’autres mollus- ques, dont quelques-uns, comme nous le verrons dans l’histoire des étoiles de mer et des polypes, sont doués de la même faculié, mais dans une bien plus grande latitude. Dans tout ce que nous venons de voir de largonaute , et plus nous examinons ses formes extérieures, plus nous devons y re- trouver de l’analogie avec celles des poulpes; 1l est probable que, par suite de cette dispo- sition , l’organisation intérieure doit se res- sentir presque sous tous les rapports de celle dont les apparences viennent frapper nos regards, et nous pouvons en inférer que les argonautes sont doués d’un cerveau , centre commun de sensations, et que ne dans son étui en boîte cartilagineuse , il Droite de là ses ramifications nerveuses jusqu'aux extrémités du corps.de ces mollusques. Chez eux l'organe de la vue paroît disposé de la même manière ; mais leur différence carac- téristique existe dans ces larges. palmures transudatrices de matière calcaire, dont deux bras de ce mollusque sont garnis, transu- 314 e HTSTOTRE* ES dation qui enveloppe son corps du un tèt coquillier aussi léser qu ‘élégant: La coquille de l’argonaute à grains de ” (planch. XXXIX , fig. 1) est un peu plus frêle et plus mince que celle de l’argonaute papiracé , exactement contournée en bateau comme cette première ; sa carène est un peu plus large , ét armée comme elle de deux rangs de tubercules , maïs Bien plus larges, plus obtus, et sé fondant presque les uns dans les autres. Au lieu d’être aplatie, la coquille de l’argonaute à grains de riz est bien plus bombée et plüs ventrue que la première ; et sès cordes ou stries, au lieu d’être lisses, sont boutonnées ou cordonnées par des nœuds très - rapprochés, auxquels on à cru trouver quelqué ressémblance avéc des grains de riz; ces stries courent dans-lé même sens que celles de l'argonaute papi= racé, et comme chez lui, elles sont aussi atélduetéis en fourche où rameuses, et dans d’autres cas ellés se‘ séparent et se sous- divisent de imémé. Lés ôreïlles ou échan crures latérales sont presque droites’ dans cetté espèce , sans se rejeter au dehors comine le font celles de quélques autres ; elles sont bordées d’un bourrélet plus épais D. PRES D | } VAL Al y) D. Monfort 4 é A; J'Faubin À. 1. COQUILLE DE L'ARGONAUTE, 2 yran de rt , 2.AUTRE COQUILLE, z oreslles evasees, DES POULPES. 315 que le reste de la coquille , lisse , très - poli, et dont la couleur est celle d’un blanc jau- nâtre. On peut suivre de l’œil, comme dans la première espèce, les crues successives par lesquelles l’animal a augmenté son enve- loppe testacée, dont il se sert de même pour naviguer sur les mers; le haut de sa volute est souvent enfumé : elle acquiert quelquefois j jusqu’à neuf pouces de longueur, et dans ce cas, sa hauteur est de six pouces sur quatre d'ouverture dans sa partie la plus large. Seba en possédoit une de ce volume; il regardoit déjà cette espèce comme irès- rare , et il considéroit celle qu’il fit graver comme la plus grande qui fût connue , l’in- diquant comme une dés coquilles les plus rares de son cabinet (1). Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit sur la construction de cette co- quille en parlant de celle que se construit largonaute papiracé ; nous nous contente- rons de rappeler la manière dont ce mol- lusque bâtit sa carène ; d’après la forme et la saillie des cupules ‘de la base des bras palmés , pour indiquer actuellement la cause (1) Séba , Thes. tom. IT, pag. 176 , pl. LXXXIV, Be. 4, sans indication de lieu. 316 HESTOTREC des perlures ou grains de riz qui chargent les stries de ces coquilles de l’argonaute dont nous parlons. Ces stries sont lisses et unies dans le premier , parce que les cupules des six bras rameurs ne sont point saillantes , mais bien aplaties ; dans celui-ci, au con- traire , elles sont très - proéminentes, elles pressent en conséquence et font saillie contre les palmures qui tapissent les parois dans l'état de repos, et laissent sur la coquille l'empreinte de leurs protubérances , parfai- tement et régulièrement EPA entre elles en quinconce. h Ho Cette explication Cathe nn nous paroît devoir suffire pour expliquer la formation des tubercules qui séparent ces. argonautés des autres , et elle rend. raison d’une ma- nière au moins plausible des modifications que déjà nous retrouvons dans léurs co- quilles, en venant confirmer nos premières assertions : d'autant plus que ses grains, rele- vés à l’extérieur, se répètent en. creux dans l'intérieur, de cette. enveloppe testacée. Les anciens n’ont point connu cette espèce d’argonaute ; sa coquille ne paroïit même s'être introduite dans nos cabinets que fort tard, et elle y est aussi encore: très- rare. Cependant cette espèce ne l’est.pas, autant DES POULPES. 17 que celle dont les oreilles sont évasées et se projettent en dehors, qui l’est encore moins qu'une troisième dont les grains de riz coulent les uns dans les autres , et que Halma a fait graver dans l’ouvrage de Rum- phius avec son animal, qui a été confondu avec l’argonaute à grains de riz, dont nous le séparons, et dont nous parlerons en son lieu, parce qu'il en diffère, fait que déjà quelques naturalistes avoient pressenti. Favannes nous apprend que l’argonaute à grains de riz vient de l’île d'Amboime (1). Bruguières, dans l'Encyclopédie, dit à son tour qu’on le trouve dans les mers des grandes Indes ; ces belles coquilles d’argo- naute viennent effectivement de ces mers, où on ne s’en empare que très-difficilement, parce que largonaute qui les habite vient beaucoup plus rarement à la surface des eaux que l’argonaute papiracé , qui d’ailleurs se trouve en beaucoup d’autres mers, puis- qu'il les habite presque toutes. Favannes a donné de cette coquille d’argonaute uné (1) « Le nautile à grains de riz, l’un des plus grands et des plus minces des papiracés , vient de l’ile d’Am- boine. ( Favannes, Conchyl. volume I, partie 2, pag. 714.) 318 HISTOIRE petite figure (1) de remplissage qui la rend. presque méconnoïssable ; la meilleure est celle qu’a publiée Seba ; après la sienne on peul consulter celle de Gualtieri , que nous avons citée dans la synonymie qui précède cet article. Bruguières ne distingue point les argonautes à grains de riz entre eux , il les confondit tous sous une même dénomina- tion , et il ne les regarda que comme cons- ütuans une seule et même espèce. Rumphius n’a point connu l’argonaute à grains de riz; pas un seul mot du texte hollandais de son ouvrage n'indique l’exis- tence de celte coquille ; cette assertion pa- roîtra d'autant plus surprenante de ma part, que la planche xvr1r de son ouvrage porte en tête une espèce d’argonaute que je dé- crirai tout à l'heure , et dont la coquille est tuberculée sur les flancs ; mais l’étonnement cessera lorsque je dirai que cet argonaute y a été placé par Halma (2), comme le prouve (1) Favannes, Conch. pl. vir, fig. À 9, où il n’a figuré qu’un avorton. (2) « Le défant M. Volkertsz, l’un des plus grands connoisseurs et amateurs de son tems , a fait dessiner d’après nature un de ces animaux , qu’il fit graver, avec une foule d’autres rares coquilles, par Savry. Ces planches sont actuellement dans le cabinet du DES POULPES. 319 le Commentaire qu'il a joint à la fin du troisième chapitre de Rüumphius, et où il dit expressément que ce dessin , fait par Savry, lui a été communiqué par Volkertsz, qui le lui avoit fait dessiner d’après nature; et que les planches gravées d’après les dessins de Savry , renfermant les figures de beau- coup d’autres coquilles très-rares , se trou- voient de son tems dans le beau cabinet de Lafaille, grand bailli de la ville de Delft. Ceci nous prouve de plus en plus la rareté du nautile à grains de riz, puisque Rum- phius ne l’a point connue, et nous pouvons en inférer que tous les auteurs qui ont cité Rumphius dans leur synonymie , ont été induits en erreur par la figure que Halma inséra dans cet ouvrage, lui-même n’indi- quant point quel étoit le lieu natal de cet argonaute, plus rare que celui à grains de riz, ni comment ou de quelle manière il étoit parvenu à Volkertsz. Un autre fait presque aussi singulier, c’est qu’on ne renconire pas cette rare et pré- sieur Lafaille, grand bailli de la ville de Delft. J’en ai une gravure que je publie ici sous le n° 1 ». (Halma, Commentaire sur le troisième chapitre de Rumpbius, que je traduis ici.) 520 HISTOIRE cieuse coquille dans le somptueux Recuel que Regenfuss publia des plus belles eo- quilles qui étoient conhues de son tems (1); ce graveur du roi de Danemarck n’en parle point. Deborn qui, comme lui, a publié aux frais du souverain un très-bel ouvrage qui contient la description des coquilles d’un cabinet royal, n’en fait pas non plus la moindre mention. Cette coquille devoit donc être encore extraordinairement rare de leur tems , et concentrée dans les seuls cabinets de Hollande, où elle a été incontestablement connue dans toute sa beauté dans celui de Seba. is | Il seroit donc possible que cette belle coquille ne fût point originaire des mers de l'Inde, et que nous la dussions au con- traire à celles d'Afrique, mais sur-tout à celles qui sont situées pour nous au delà du cap de Bonne - Espérance. Nous avons établi que Rumphius ne l’a point connue ; lui qui vivoit à Amboine , et qui, revêtu de la puissance, bon naturaliste et suivant (1) Auserlesne schnecken muscheln und andre schaalthiere; ou choix de coquillages et de crustacés} par François - Michel Regenfuss, graveur du roi à Copenhague , grand in-folio. les DES POULPES. 321 ses goûts innés, recherchoit avec ardeur tout ce qui pouvoit venir embellir son magnifique coquillier : et si nous avions à invoquer en faveur de notre opinion quelques faits pro- pres à en indiquer la solidité , nous dirions qu'aucun auteur original n’a désigné cet argonaute comme venant de la mer des Indes, et que le Catalogue hollandais du cabinet du prince d'Orange, dont j'ai traduit l’article , nous dit au contraire positivement que cette enveloppe testacée, qui renferme éncore son amimal, vient du cap de Bonne- Espérance, le plus avancé en mer de tous ceux de l'Afrique. , On pourroit encore regretter de ne, pas trouver dans le petit ouvrage de Bosc, dont nous parlons si souvent, parce qu’il est le plus moderne qu’on ait publié sur les co- quilles , une distinction sinon complette, au moins indicative des diverses espèces des coquilles d’argonautes que nous possédons maintenant dans nos cabinets; mais plus laconique encore que Bruguières, ce dernier auteur les met toutes en un bloc; quoiqu'il semble vouloir désigner les espèces , il fait un salmigondis des figures de Lister, de Gualtieri, de Rumphius, de Martini, en y mêlant les nombreuses figures de Favannes, - Moll, Tour III. X 529 HISTOIRE et invoquant la Zoomorphie (1) de d’Arsen: ville, il renvoie à la mauvaise figure qu'il joignit à l’obscurité de son texte ; ses deux genres de l’argonaute casque et de celui cornu étant formés de coquilles qui n’ont point de rapport avec celles dont nous par- lons sous les noms d’argonaute papiracé et d’argonaute à grains de riz. (1) Les caractères généraux donnés par cet auteur sont aussi fautifs que la synonymie qu’il entasse dans an seul bloc; toutes les coquilles d’argonautes ne sont point comprimées; il y en a au contraire de très- élargies » et quelques espèces, au lien d’un double rang de tubercules coniques , en offrent un bien plus grand nombre sur leurs flancs ; d’autres encore ont une carène ondulée et non tuberculeuse. ( Voyez L: à. g. Bosc , Hist. natur. des coquilles, vol. III, pag: 261.) EM PE DC L'LEOPN DES PLANCHES XXX VII MOUV IIL er XX XX. Praxonr XXX VIT. Argonaute à grains de riz, sorti hors de son enveloppe testacée , et vu par le dos; sept de ses bras se dé- ploient dans toute leur intégrité ; l’un d'eux, tronqué dans quelque combat, s’est cicatrisé ; il repoussoit au moment de la prise de la- nimal. Les palmures des deux bras qui en sont garmis devroient s'épanouir avec plus d’étendue ; mais comme cet individu, con- servé dans lesprit de vin, s’y étoit contracté, en ne dessinant ici que ce qu'il nous offroit, nous observerons qu’on voit ces palmures bien plus grandes, quand, dans un tems calme, on peut observer en mer ce mol- lusque voguant à pleines voiles. Ses bras aplatis , les cupules ou ventouses latérales dont ils sont armés, sa coquille tuberculiée sur les flancs, le distinguent de l’argonaute papiracé qui précède; et toutes ces diffé- rences uous ont autorisé à le regarder comme X 2 524 HISTOIRE _ formant une espèce particulière déjà indiquée par tous les conchyliologistes. bd La planche XX XVIII nous présente le même argonaute vu par devant; si nous avons dessiné sous ces deux aspects, c’est pour faire connoître, autant qu’il nous a été possible , un mollusque méconnu, et ne laisser plus aucun doute sur ses formes ex- térieures. On retrouve dans cette figure le bras tronqué ; on peut encore y voir la rai- nure ou ph intérieur, qui règne dans toute la longueur des bras pliés sur eux-mêmes, quand Panimal est retiré dans sa coquille. On doit encore y reconnoître l’ouverture du manteau et les attaches mamelonnées, le tuyau ou conduit excréteur , et le bec en forme de celui de perroquet, qui mettent tant d’analogie entre les poulpes et les ar- gonautes. Dans cette figure le bas-ventré est saillant , et 1l se projette en avant avec rondeur ; suite naturelle de la position de ce mollusque, dans son enveloppe testacée. Dans la planche XXXIX , nous avons représenté deux espèces de coquilles , ap- partenant à des argonautes à grains de riz; lune, figure première , est celle de celui que nous venons de décrire ; elle fut apportée, avec son animal , du cap de Bonne-Espé- DES POULPES. 325: rance. On ne la voit ici que moitié de sæ grandeur naturelle; elle est très-évasée ; ses oreilles sont droites et parallèles à la volute ou poupe qui est brune et enfumée ; tout le reste de la coquille, qui est presque dia- phane, est blanc ; sa carène est assez large, tuberculée; et les tubercules de ses flancs, formés en grains de riz, sont distincts et séparés les uns des autres. L'autre coquille d’argonaute, figure 2 de la même planche , ressemble beaucoup à celle qui précède ; elle est cependant plus. épaisse, plus évasée, et des oreilles très- remarquables. se projettent sur les côtés très-fortement en dehors; ce qui suppose une nouvelle disposition dans les six bras rameurs de cet argonaute, sur lequel nous allons donner quelques notions. # CA 326 HISTOIRE ——————— ARGONAUTE A OREILLES (1). Biex plus rare que la précédente, cette coquille, d’un argonaute que nous ne con- noissons point encore, se trouve cependant (1) D’Argenville , Conchyliol. planch. v, fig. C. — Favannes, planch.wir , fig. À , 7. Nautile à oreilles ou cornu. — Gualtieri , Index. test. conch. tab. 12 é litt. B. — Cymbium profundi striatum, striis latis cé bullatis, spina lata et serrata, candidum. — The auriculated paper nautilus. Hill. Hist. of anim. t. II, pl. vir, pag. 122. — Davila , Catal. tom. I, pag. 108 et 109 , art. 85 et 86. — Favannes , Catal. de Latour d'Auvergne. — Un superbe nautile papiracé , dit le nautile à oreilles et à grains de riz, de six pouces une ligne de long, sur quatre pouces dix lignes de hauteur , pag. 57, art. 247. — Nautile papiracé à stries tuberculeuses , à oreillons et à large carène. , Nautilus papyraceus , auritus, admodum convexus , sériis latis ,tuberosis vel potius verrucosis , carina lævi, lata et ex utraque parte , mucronibus obtusis, subni- gris instructa distinctus. Favart d’'Herbigny , Dict. des testacés, tom. IT, pag. 425. — Dom Pernetty, Voyage aux îles Malouines, tom. I , pag. 514. Nautile à oreilles ou oreillons. Nautile cornu des français. En anglais , auriculated paper nautilus. En flamand , den gehoorende zeyler. D ES POUTLIMES 32 dans quelques cabinets, où, dès son appa- rition , on a toujours su la distinguer de celle de l’argonaute à grains de riz, quoi- qu’elle lui ressemble sous plusieurs rapports ; dans sa description , nous ne nous arrêterons point à des différences peu caractéristiques ; car, en décrivant la première de ces enve- loppes testacées, nous avons parlé de tout ce qui pouvoit être commun à toutes deux. Nous avons vu que celle-ci est cependant plus large et plus évasée encore que la co- quille de l’argonaute à grains de riz; mais ce qui l’en distingue particulièrement, et ce qui ne permet pas de les regarder comme appartenantes à une seule et même espèce, est que celle-ci est garnie en arrière de son ouverture et à l’endroit de léchancrure à bourrelet, qui donne le passage aux bras rameurs , de deux oreiiles en saillie (1), très-prolongées, et qui s’avancent de chaque côté horisontalement , en se projetant au (1) « Ce qui distingue particulièrement ce nautile, ce sont deux oreilles ou avances latérales très - pro- longées et recourbées en façon de cornes, lesquelles sont produites par l’écartement du rebord en bourrelet de part et d’autre du sommet ». ( Favannes , Conch. tom. Ï, part. 2, pag. 716.) X 4 328 HISTOIRE dehors quelquefois de près d’un pouce. Creusées en gouttière , elles se terminent en pointe, légèrement recourbée en dessous. Cette coquille n’a point été connue an- ciennement ; Gualtieri est le premier qui Fait indiquée en la figurant, et il paroît qu’elle ne se rencontre point dans les pos- sessions hollandaïises, parce qu’on ne la re- trouve point dans les anciens cabinels de cette nation industrieuse, qui, en secouant le joug de l’oppression , eut le talent de s'emparer du commerce du globe. Nous ne voyons paroiître cette rare coquille que dans les collections modernes, où elle est même extraordinairement rare. Hill et Favart d'Herbigny l’ont connue , puisque leurs descriptions ne laissent aucun doute à cet égard : le dernier eut tort de la confondre avec le nautile ou argonaute d’Halma ; mais il ne lui en consacra pas moins un article distinct dans son Dictionnaire, et en lisant la description qu'il en donne , on ne peut douter qu'il ne l’eût vu. D’Argenville put aussi la dessiner d’après nature ; on la re- trouve dans l’ouvrage de son continuateur ; et comme nous l’avons dit, elle est encore indiquée dans les Catalogues de Davila et DES POULPES. 52% de Latour d'Auvergne ; riches cabinets dont les propriétaires possédoient de beaux in- dividus de cette rare coquille, qu'on ne retrouve même point dans beaucoup de col- lections de souverains. Celle même qui fut mise en vente, d’après le Catalogue du comte de Latour d'Auvergne, offroit un volume considérable, car il excédoit six pouces en longueur ; je crois qu’elle est passée en Angleterre. On a regardé, comme une variété de cette coquille d’argonaute , une autre coquille plus petite , et dont le haut de la carène n'étoit pas rembruni : peut-être a-t-on eu torl; quant à nous, nous ne verrons 1Ci que de légères différences de taille, résul- tantes de l’âge qu’avoit lanimal au moment où sa coquille est parvenue au pouvoir de lhomme , car toutes se ressemblent par- faiiement quant à la forme et à leurs oreilles projetées en dehors. Ces oreilles si saillantes indiquent, dans les bras rameurs de cet arsonaute , une disposition qui ne doit plus être positivement la même que celle de ces mêmes bras dans l’argonaute papiracé et dans celui à grains de riz ; en examinant attentivement cette coquille , nous pouvons 830 HISTOIRE croire que deux de ces bras sont plus gros et plus forts que les autres, peut-être même plus courts, et que ces bras se logent dans ces espèces d'oreilles , présomption assez vraisemblable , d’après la forme qui leur est imprimée : et comme les bords de la coquille sont plus lisses, plus forts, et les crues successives bien plus marquées que dans l’argonaute à grains de riz, nous pour- rions croire que les quatre autres de ces bras rament, disposés deux sur chaque flanc, en se promenant sur presque toute la lon- sueur des bords supérieurs de cette large nacelle. | Cet argonaute vit peu éloigné des côtes de Mozambique , dans les environs des îles de France, de Bourbon et de Madagascar. On le voit encore au Brésil et sur-tout près de Rio-Janéiro : Pernetty, dans son voyage aux îles Malouines, en a rencontré sur les côtes de l’île Maldonat; mais, malgré toutes ces indications, cette coquille d’argonaute est encore aujourd’hui très - rare, et bien peu de collections en sont enrichies , malgré les desirs, les soins et la dépense de leurs propriétaires. C’est aux voyages modernes. qu'il est réservé de la rendre moins rare; DES POULPES. 35: et nous devons tout espérer des connois- sances et du goût de l'instruction , très- étendue aujourd’hui, et qui à même gagné chez les individus qui paroissoient jusqu’à présent ne s'être occupés que du commerce et de la navigation. 33». . HIS TO KRE: e a £ L’A RGO NAU TE A'SILLONS BRISÉS (x J’ax cru devoir séparer cet argonaule de ceux à grains de riz, parmi lesquels tous les auteurs l’ont confondu, et pouvoir lui assigner un rang particulier entre ces mol- lusques coriacés testacés , non seulement parce que sa coquille offre des différences très-remarquables qui len séparent, mais encore parce que les bras de cet animal ne: sont armés que d’un seul rang de cupules ; cet individu est, je crois, l’unique qui ait été dépeint, mais il ne fut pas décrit. D’après: un examen superficiel, Halima regardant sa coquille, comme celle de Fargonaute. à grains de riz, qui dans son tems étoit infiniment rare dans les cabinets de la Hol- (1) Halma, Commentaire sur le troisième chapitre de Rumphius, pag. 67, et planch. xvrr1 , fig. 1, copiée dans l'Encyclopédie, recueil des planches , tom. VI, planch. zxvir, fig. 15. Beaucoup d’auteurs l’ont cité dans la synonymie de l’argonaute à grains de riz. mi (y l 2 | nl | Il | D ll Li [ L DES POULPES. 333 ande , le fit graver dans une des planches de Rumphius, quoique, comme déjà nous l’ävons observé, le naturaliste d’Amboine ne fasse aucune mention de l’argonaute à grains de riz, qu'il n’a point même connu. Halma fit graver cetle figure comme un témoignage authentique que Rumphius avoit bien vu en écrivant, que l'animal du nautile papiracé voguoit sur leseaux, et avoit deux de ses bras garnis de membranes ou palinures ; et comme Rumphius w’avoit point dessiné ce moillusque, son commen- tateur crut devoir ajouter à son texte le complément qui lui manquoit, en y joignant de son chef une figure authentique d’un argonaute voguant avec sa coquille. Il nous apprend que celui-ci avoit été dessiné en Hollande, par les soins de Vol- kéertsz , possesseur d’une des plus riches collections qui fût dans les sept Provinces réunies , sur un individu faisant partie de son cabinet, et qui avoit passé depuis, avec les dessins d’une grande quantité d’autres rares coquilles dans le cabinet de Lafaille, grand bailli de la ville de Delft. Si, main- tenant, nous examinons cette figure avec altention , nous ne pouvons iméconnoitre qu'elle Wait été exécutée d’après un individu 334 HISTOIRE bien réel, un argonaute bien caractérisé , mais contracté et à demi-desséché. C’est à cet état de déformation que nous pouvons attribuer les disparates que présente cette : gravure, et qui en partie auront été char- gées par le dessinateur qui, moins prudent que celui d’Aldrovande, a voulu trouver au centre de son animal un bec de perroquet qu'il ie manque pas, comme celui de Belon, de joindre à une tête un peu vague; mais rentrant dans les formes de celle de cet oiseau (1), ce bec est accompagné d’yeux et garni à sa base de narines; il en est de même des bras palmés qui sont fort mal représentés; mais du reste cette figure est bonne ; elle nous donne les six bras rameurs, armés d’un seul rang de cupules; les pal- mures qui servent au mollusque pour prendre le vent, et la coquille, qui, quant à elle, comme objet principal pour lors, est parfaitement dessinée. Ces bras sont aplatis et s’effilent vers leurs extrémités où ils se. terminent en pointe aiguë : ils sont assez longs et armés à l’in- térieur d’un seul rang de cupules ou ven- touses, très-serrées, les. unes à côlé des (1) Rumphius, Amb. planch. xviu , n° 1 D ESPOULPES. 535 autres, et qui, par leur forme et par leur disposition, rappellent celles du poulpe mus- qué que nous avons dessiné pl XX XIV de ce volume. Comme les poulpes, les argonautes comp- tent donc dans leurs rangs des individus à deux rangs de ventouses, et d’autres dont les bras ne sont armés que d’un seul rang de ces armes attractives et traîtresses; c’est ainsi qu'à chaque pas nous voyons se renouer les fils de l’analogie et les tenons d’en- chaînement qui se lient et se propagent d'être à être, d'individu à individu , sans rupture, sans ressauis , et qui nous con- duisent de l’un à l’autre par des dégradations trés-variées, par conséquent plus ou moins insensibles ; souvent même si! fugitives , qu'elles échappent à nos regards et à nos observations. J'ai donné à cet argonaute une épithète tirée de la disposition des sillons de sa co- quille , brisés par de longs tubercules qui ne sont plus ceux à grains de riz; et j'avoue qu’il eût été possible de le caractériser d’une manière plus : précise ; d’autres seront plus heureux que moi; il me suffit dans cet ins- tant d'avoir retiré ce mollusque du milieu des espèces avec lesquelles on Pa toujours 336 HISTOIRE confondu. On auroit cependant dû remar- quer que sa coquille dessine un orbe plus parfait, et n’est pas autant alongée en spirale que celle des autres argonautes, qui dans leur ensemble forment une espèce d’ellipse; les tubercules de la carène , bien plus grands, sont rangés en dents de scie, se touchant à leur base ; disposition qui n’est pas la même que dans les autres argonautes, où ces tubercules de la carène sont plus où moins éloignés les uns des autres. Une espèce d’ombilic laisse aussi apercevoir davantage les tours de spire, qui sont plus multipliés; et les tubercules des flancs, loin d’être dis- posés en quinconce , se dirigent en brisures dans le sens des sillons ou côtes relevées qu'ils constituent ; à peine sont-ils séparés les uns des autres, leur aspect annonce évi- demment qu'ils ne doivent ces formes parti culières qu'à la disposition des cupules des bras qui, serrées et réunies deux à deux ou trois à trois, forment, dans leur pression contre les palmures , le moule sur lequel vient se consolider la matière calcaire qui transude des pores excréteurs dont ces pal- mures sont tapissées dans toute leur étendue. Le dessin de Savry , qui nous a été transmis par Halma , nous donne incontestablement un D ISE POULRES. 957 un troisième argonaute : le tems viendra encore joindre d’autres mollusques congé- nères à ceux que je publie ; ils augmenteront successivement leurs familles ; la navigation de celui-ci, ses bras ondoyans, ses cupules et son bec crochu ne nous permettent pas de lui assigner d’autres mœurs que celles des animaux qui lui ressemblent de si près; comme eux il se rend redoutable aux habi- tans des mers ; comme eux il vit de sang et de carnage; son approche est redoutable, parce que, comme eux, 1l est dans un état de guerre perpétuelle, et qu'il ne fonde son existence que sur le mal qu'il peut faire, et dont lhabitude paroît inhérente à sa conformation , et aux mœurs sanguinaires qui lui furent départies par la Nature. Comme c’est ici le dernier des habitans des argonautes que nous ayons pu décou- vrir , il nous reste à examiner une question qui naît d'elle-même du sujet que nous traitons. L'argonaute n’est point adhérent à sa coquille; peut-il la quitter à son gré, s'en passer au besoin ? ou la reconstruire , quand il l’a perdue par quelque choc vio- lent ou par quelqu’autre accident ? Aristote a prétendu que l’argonaute quit- Moll. Tome III. Y 358 HISTOIRE toit sa coquille (1), et que, débarrassé de sa demeure, il venoit à terre chercher sa nourriture sur les bords de la mer et sur la plage. Cette opinion, qui n’est qu’une erreur , fut émise par ce philosophe, parce qu’il regardoit les argonautes comme des poulpes, et qu’il les confondoit en partie avec eux ; Comme ceux-Ci Venolent à terre, et que les grands même , comme nous l'avons vu dans l’histoire du poulpe commun, y marquoient leur apparition par des ravages, Aristote a pu croire que les argonautes y venoient de même pour chercher leur pâ- ture. Mais rien dans ce cas n’auroit forcé les mollusques dont nous parlons , d’aban- donner leur coquille, puisque alors qu’ils marchent ou rampent au fond des mers, ils savent les trainer avec eux; ce qu'ils feroient tout aussi bien à terre, rien ne pouvant les en empêcher; au contraire, nous voyons que c’est toujours dans une grande profondeur d’eau qu'on rencontre ces ani- maux à leur surface, et que mème jamais ils ne grimpent aux rochers qui s'élèvent (i) Sepius is juxta terram pascitur , unde fit, ué in eam «a fluctibus ejiciatur , et testa excussa capiatur , vel in terra pereat, Arist. Hist, lib. 4, cap. 1. : DES POULPES. 3% au dessus des flots ; d’où nous devons inférer que largonaute fuit ces mêmes rochers, dont labord leur seroit funesle, pourroit mettre en pièces leur nacelle et les replonger au fond des eaux, sans espérer jamais de se relever à leur surface, où il semble qu’ils soient forcés de revenir de tems en tems pour respirer l'air atmosphérique , qui a bien plus de ressort que celui qu'ils peuvent s'approprier au fond des eaux. Si donc la coquille est absolument nécessaire à l’argo- naute pour remonter à la surface des flots, cet animal ne la quitte point à son gré: d'autant plus que, dans tous les cas, il ne la retrouveroit pas, et que celle perte ne pourroit jamais se réparer dans loute son intégrité. Je dis son intégrité , parce qu'un vieil argonaute ne pourroit plus reconstruire le sommet de la spire des coquilles, fruit des travaux de son jeune âge, et qu’il commença à former quelque tems avant sa naissance ; nous avons même vu avec quel soin , avec quelle peine il réparoit soigneusement les moindres brèches qui survenoient à cette frêle enveloppe ; quelle étoit sa sollicitude lorsqu'elle étoit endommagée; et pourrions- nous soupconner qu’il abandonne ainsi iout “2 340 : HAS TOIRE à coup une demeure qui lui coûte tant à édifier , et à laquelle il ajoute une pierre chaque jour de sa vie? S'il abandonnoït ainsi ses travaux, ne trouverions-nous pas une multitude de coquilles d’argonautes, plus ou moins entières , défectueuses ou défor- mées, qui attesteroient cet amour du chan- sement , et cette inconstance peu naturelle , qu'on ne peut supposer pour un édifice créé à grands frais par des travaux per- pétuels , journaliers, et indubitablement aux dépens d’une partie de l'existence ? D'après ces premières réflexions, 1l nous sera facile de résoudre la seconde demande: Vargonaute reconstruiroit - il sa demeure après l’avoir perdue ? Certes, ce malheureux animal, doit alors faire tous ses efforts pour recouvrer une habitation aussi élégante que légère, qui est pour lui d’un besoin aussi urgent que celui de la nourriture , lorsque son estomac a plus rien à digérer, ni les sucs gastriques rien à dissoudre ; alors il se reconstruit uné coquille , et Je crois pouvoir en offrir une preuve. | ‘On voit dans Rumphius (1) une espèce de coquille informe rangée parmi les argo- (1) Raumph. Amb.planch, xvarr, fig. v. DES POULPES. 341 nautes : c’est encore ici une insertion de Halma , comme on peut s’en convaincre en lisant le texte de Rumphius, qui ne dit pas un seul mot qui ait rapport à cette figure. Ce n’est au contraire que dans le commentaire, que nous citons toujours, et qui est à la fin du chapitre troisième du cabinet d’Amboine ; que nous lisons ce que Je vais traduire. Nous faisons suivre 1ci une autre espèce, que je possède seul au- tant que je puis le croire, et que j'ai fait graver dans cette planche sous le numéro 5. Sa figure est celle du chapeau d’une pay- sanne du pays de Waterlandt ( water- landsche boerinne kap ); cette espèce est large d'ouverture, plissée à plat, légère- ment carénée , avec des sillons contournés et tuberculés, et ses côtés ne sont pas égaux comme ceux des autres coquilles de son espèce ; ce qui me feroit croire.que c’est ici la coquille d’un argonaute avorté » (1). En regardant cette: coquiile informe , comme celle d’un argonaute mal conformé; Halma (1) « Hier volst nu noch een ander voort, alleen ( voort 200 veel ik weet) onder my maër berustende. Zie :hem afgebeeldt op de zelve plaat met n° 5 ,hy hceft de gedaante van een waterlandsche boerinne V3 342 HISTOIRE nous paroît s'être rapproché très-près de la vérité ; cependant ne pourrions-nous pas à notre tour lenvisager comme le dernier eflort qu’auroit fait un malheureux argo- naute pour réparer la perte de son en- veloppe testacée qui aura été brisée par quelque accident dont lui-même se sera ressenti au point qu'il en füt resté difforme et estropié. Cette coquille, comme nous Favons vu, est irrégulière, c’est-à-dire, que ses côtés sout inégaux; on s'aperçoit qu’elle n’a point été faite peu à peu et graduelle- ment ; au lieu d’être striée par derrière sur la poupe, celle-ci est au contraire unie, non contournée comme celle des autres argonaules , et elle présente positivement la forme de la partie postérieure du corps d’un de ces mollusques ; partie sur laquelle elle se seroit moulée, dans notre hypothèse ; d’au- tant plus que, par des faits déjà rapportés, nous pouvons croire qu'il est certaines c1r- | constances où, par un grand effort, toutes les parties du corps de ces animaux sont kap, Is heel wyd, plat gekruynt ,eenigzyns gckieldt... en is niet gelyk zydig als de andere, t’wclk my doct selooven , dat ket een misgcborte van den naütilus ïs ». ( Halm. Comment. in. 3. cap. Rumph. pag. 67.) DES POULPES. 343 douées de la faculté transudatrice : en avant, cette coquille est toute aussi difflorme et chiffonnée ; cependant elle nous rappelle la disposition des palures, ainsi qu’une partie de leurs plis, qui ne sont à la vérité point chargés de tubercules ou grains ; ce qui pourroit nous faire croire de plus en plus que c’est ici le dernier effort qu’un argo- naute à cupules non saillantes , comme celui papiracé, aura fait pour se reconstruire une nouvelle demeure. On trouve des exemples fréquens de ces espèces de difformités parmi les nombreuses coquilles qui enrichissent nos cabinets , et ces coquilles à accidens sont même très-recherchées par les amateurs : c’est ainsi que j'ai vu, dans celui de Richard, une belle bécasse épineuse dont lanimal blessé ne lavoit cependant pas été à mort; car il s’étoit guéri en restant estropié au point qu’à demi-arraché de sa coquille , il y joignit encore de nouvelles crues de ma- tières calcaires , y refit une nouvelle bouche, mais singulière et difforme en raison de celle de son corps , et mit, à côté de l’ancienne gouttière longue et droite de sa base, un second canal tout aussi long, mais recourbé en arrière en facon de crochet. Je possède moi-même quelques coquilles qui offrent Y 4 344 HISTOIRE de semblables phénomènes ; j'ai particulière- ment une oreille de la Chine qui est double, et qui ressemble presque à une coquille à deux valves ; ce qui ne peut être que le résultat de quelque choc violent qui, en blessant l’animal, lui aura contourné le corps de manière à ce qu'il n’ait point pu le re- placer depuis dans sa position naturelle, et danis cet état de dislocation, de nouveaux sucs calcaires , transudés par leurs pores, sont venus se mouler sur cette difformité. Ces deux faits pourront suflire pour ap- puyer ce que nous avançons, d'autant plus qu’il nous seroit facile d'y en joindre une infinité d’autres ; mais nous nous bornerons à ceux-ci, parce qu'il n’est point d’ama- teurs qui, lorsque leur collection devient un peu considérable , ne possèdent de ces coquilles contournées, mal conformées , ou bizarrement resoudées par leurs animaux à la suite de quelques accidens : cependant Favannes a cru devoir considérer celui-ci comme une Variété du grand ou du petit nautile vitré ; et il cite la figure qu’on trouve dans l’ouvrage de Rumphius, tout en avouant qu'il est assez difficile d’en déterminer la vraie forme , d’après cette figure, qui est très-confuse ; quant au passage de l’auteur DES POULPES. 345 hollandais qu’il cite à l'appui , c’est le même que celui que je viens de traduire ; mais Favannes l’a arrangé un peu à sa manière, en conservant cependant le fond des obser- vations du commentateur de Rumphius (1). Nous ne pouvons adopter cette opinion ; avec d'autant plus de raison que l’auteur hollandais nous annonce lui-même qu’il penchoit à croire que cette coquille n’étoit autre chose qu’un nautile avorté , ou mal conformé. (1) « Nous ne savons si l’on doit regarder comme une variété de cette espèce ou de la suivante, un nau- tile rare et des plus singuliers, dont Rumphius a donné la figure : il est en effet assez difficile d’en déterminer la vraie forme. D’après cette figure qui est très-confuse , nous rapporterons seulement ici le passage suivant , tiré de l’édition hollandaise de Rum- phius : « Le nautile dont on voit la figure sous le n° 5 de la même planche, est une autre sorte qui, à ce que je crois , n’est connue que dans mon cabinet. Je l'ai nommé saterlandsche boerinne kap, à cause de sa ressemblance avec la coiffure de nos paysannes du Waterlandt. Il est fort large , et sa carène plate imite assez la quille d’un navire; ses tuberculés et ses stries irréguliers me portent à croire que c’est un nautile mal conformé ». ( Favannes, Conch. tom. I], part.2 , pag. 729.) 346 HISTOIRE Ca EXPLICATION DE LA PLANCHE XL. L'argonaute à sillons brisés. Ox y voit cet argonaute à la voile, d’après le dessin de Savry , publié par Halma dans louvrage de Rumphius. Les bras rameurs, étendus en lanières, sont très-alongés et armés intérieurement d’un seul rang de cupules, serrées et rapprochées les unes des aulres. La simple partie supérieure des pal- mures y est en évidence ; au centre des bras s'élève un bec très-fort et crochu comme tous ceux de ces animaux. La coquille n’est point en ellipse ; elle est au contraire ar- rondie en orbe ; les tubercules de la carène sont gros, forts et saïllans , et les nervures ou sillons des flancs de la coquille sont brisés, parce que leurs tubercules sont inégaux, alongés , et que, se prolongeant sur la ner- vure , ils ne sont pas disposés en quinconce, comme ceux des argonautes à grains de ris. DES POULPES. 347 a DE quelques Coquilles d'Argonautes dont les animaux ne sont pas encore CONNUS. Come toutes les autres familles de mol- lusques , celles des argonautes s’étendront sous la plume de lobservateur, à mesure que les individus viendront se joindre suc- cessivement les uns à côté des autres au milieu des voyages qu’entreprennent ious les jours des hommes infatigables et in- struits ; dans la douce espérance de pou- voir , dans leurs travaux, ajouter par leurs découvertes quelque nouveau bienfait pour lhumanité, ou quelque nouvelle observa- tion qui puisse donner encore de l'extension aux connoissances humaines: il nous est donc permis d'espérer que tôt où tard nous con- noîtrons enfin une foule d'êtres dont nous ne possédons jusqu'à ce jour que les enve- loppes testacées ; parce que celles-ci, plus solides que le corps de ces animaux, tou- jours mous et souvent gélatineux , ont été transportées sans altération ; tandis qu'un transport devenoit impossible pour les ani- 548 HISTOIRE maux eux-mêmes, qui se déforment et se contractent au momént de leur capture. Ce ne sera donc point par des. voyageurs or- dinaires , ou par des marins uniquement livrés à leur état, que nous acquerrons ces notions qui depuis si long-tems se font de- sirer ; ceux-là ne peuvent nous donner que de simples indications, qui à la verité nous mettent toujours sur la voie : il faut donc que de heureux hasards remettent les mêmes espèces sous les yeux et sous la main d’un naturaliste éclairé , patient et bon dessina- teur, propre enfin à saisir dans un instant et à fixer par ses crayons des formes extrê- mement fugitives : 1l faut encore que cet homme instruit soit délivré de tout préjugé, parce que souvent le préjugé fait voir ce qui n'existe point, et que dans tous les:cas il -altère toujours la véracité des traits par lesquels on a voulu nous transmettre les objets : et cependant il faut que ce natura- lisie ait assez de sagacité pour appliquer des connoissances acquises à ce qu'il lui est permis de voir dans un instant souvent si fugitif ; il faut que le raisonnement, et lanalogie qui, dirigée par la sagesse et la prudence, n’est pas toujours trompeuse, viennent l'éclairer et lui permettent de saisir DES POULPES. 5% des faits et des formes qui ne peuvent être reconnus que par le coup d'œil le plus exercé. Les seuls. naturalistes observateurs sauront apprécier ce que je viens d'avancer, parce que la longue expérience qu’ils ont acquise dans les travaux les plus assidus, est le fruit de courses, de veilles, de réflexions et de fatigues extrêmes. Maïs aussi, lors- qu'ils ont obtenu ce coup d'œil aussi sûr que rapide, fondé: sur l’expérience , et dont la décision est presque toujours sans appel; ces mêmes travaux ne sont plus pour eux que de nouvelles jouissances qui, chaque jour et à chaque instant , les transportent hors de la sphère qu’ils habitent dans d’autres sphères d’un bonheur aussi pur qu'inalté- rable , source de ce calme intérieur que peut-être il n’a été donné qu'à eux seuls de connoître. L'étude de la Nature est sublime jasques dans ses moindres détails ; c’est sou- vent dans ceux-ci qu’on retrouve toute la sublimité des moyens de la Nature ; elle récompense toujours de la manière la plus libérale celui qui, de bonne foi, cherche à pénétrer dans ses secrets les plus cachés. Si donc l’histoire dela connoissance de la Nature n’a point fait chez les hommes tous les progrès qu’on auroit dû naturellement attëndre de 350 HISTOIRE cet amour de savoir inné chez les hommes; et dont nous pouvons saisir la chaîne depuis ÂÀristote jusqu’à nos Jours , nous devons l’im- puier à la fatalité des circonstances : mais aujourd'hui que l'horison de la science est enfin débarrassé des sombres et noirs nuages qui sembloient s'être conjurés pour l’anéan- ür , espérons de notre tems. Une foule d’ob- servateurs de toutes nations , électrisés par le desir de pénétrer et d'arriver. à la source des choses, parcourt dans ce moment les quatre parties du monde ; à leur retour tous enrichiront le domaine de la science par de nouvelles découvertes, et nous pourrons puiser dans leurs travaux le complément des faits dont nous donnons en ce moment le recueil. C’est ainsi qu'à la faveur des intercalations et des supplémens, le code de lhistoire naturelle a pu acquérir entre les mains de Buffon et de ses successeurs l'état de certitude et de stabilité où nous le voyons maintenant ; à l’aide de ces grands travaux , les hommes ont pu jouir de tous les êtres qui les entouroient , parce qu'ils ont acquis des connoissances intimes sur leurs mœurs et sur leurs habitudes, et que, plus d’une fois, des animaux ou des êtres inconnus se sont monirés aux yeux des DES POULPES. 5Bi hommes sous la plume de leurs historiens: aussi cette étude sublime a-t-elle toujours été celle des philosophes et des sages; ceux- ci dans leurs écrits l’ont présentée sous des formes aimables , et maintenant il est bien peu d'individus chez les peuples policés pour qui lhistoire naturelle n’ait des charmes : l’homme le plus grossier rencontre très-fré- quemment lui-même des objets qui excitent son admiration , en faisant les plus vives impressions sur ses sens presque tous encore endormis , et en l’arrachant à une stupidité qui devroit, plus que le sien, être le seul partage de la brute. La connoissance de l’histoire naturelle et l'échange des productions de la Nature que la navigation a établi entre les quatre parties du globe , est un des beaux résultats de cette navigation qui, au milieu d’une multitude de maux dont elle est la cause, console ainsi quelquefois l’humanité des désastres dont elle lafflige. Les guerres et les incéndies, les malheurs et les naufrages , les pertes comme les dangers courus, tout s’efface lorsque le navigateur, de retour d’un voyage de long cours , enrichit un pays par l’acqui- sition d’une plante ou d’un animal utile, et prépare de nouveaux moyens d'existence 352 HISTOIRE aux générations futures. C’est ainsi que lhomme qui, presque de notre items, ap- porta en Europe les pommes de terre, fit à ses peuples un don inestimable, et cependant le nom de ce bienfaiteur de l'humanité est inconnu ; tandis que la reconnoissance eût dû lui élever des autels à côté de ceux qu’un sentiment universel de bonheur éleva à Céres et à Triptolème : des statues, comme celles que la Hollande érigea à la mémoire de Beuckelinks , et qu'érigérent d’autres na- tions encore: à des hommes immortels dont s’honorent les fastes de l’humanité. Un gouvernement doit donc propager, autant qu'il lui est possible, l'amour de la science, et stimuler autant qu'il est en lui le goût pour la découverte des choses utiles. L'étude et les connoissances adoucissent les mœurs des nations ; elles rendent les hom- mes moins féroces, plus paisibles et plus amis du bien; elles couvrent de splendeur les peuples qui les cultivent ; et celui qui les porte au dégré le plus éminent devient le peuple législateur de l’univers , parce qu'il en est le plus éclairé. Les hommes qui cul- tivent les sciences sont bons en général , parce que de douces occupations ne peuvent jamais exaspérer leurs passions, et qu’elles les DES POULPES. 353 les calment au contraire dans ces momens d’effervescences politiques qui , comme des torrens dévastateurs , entraînent tout avec eux, et disloquent l’ordre social. La plus épou- vantable de ces révolutions , celle qui vient de se passer sous nos yeux, nous a donné des preuves incontestables de cette vérité; au milieu des massacres et des scènes de désola- tion de toute espèce, on a vu les naturalistes victimés de toutes parts, sans vouloir même se défendre d’une manière active, en se ré- fugiant dans les rangs de leurs oppresseurs ; si, dans ces époques malheureuses , le cri public en força quelques-uns de siéger au dessus de leurs concitoyens, ils n’en furent jamais les tyrans : et ceux-là, anges de paix sur la terre, adoucirent autant qu'ils le purent les malheurs qui étoient venusnous assaillir ; par-tout ils empêcherent le mal. Si quelques hommes instruits dans d’autres parties des sciences paroïssent s'être écartés de cette route, s'ils se sont massacrés entre eux au lieu de ne former qu’une seule et même phalange sacrée , c’est à l’histoire qu’il appartient de les juger et non pas à nous, parce que nous sommes trop près de leur tems; et Pimpartiale postérité saura encore séparer leurs ouvrages de leurs actions; leur Moll. Toue Iil. Z 354 HISTOIRE carrière politique d’avec celle si honorable qu'ils avoient parcourue dans les arts, les lettres ou les sciences. Mais une nouvelle impulsion est donnée, et un gouvernement protecteur nous permet enfin de nous livrer à l'espoir d’un bien qui semble nous sourire de nouveau, celui d’une liberté basée sur les rapports sociaux que les homines ont contiractés les uns envers les autres dans leur état de réunion ; tous ceux pour qui l'étude a des charmes peuvent s’y livrer de nouveau avec sécurité, sous l'influence et à l’abui de lois protectrices, qui sans grandes secousses rétabliront enfin le véritabie ordre social, que tousnous avions cru ébranlé jusques dans ses derniers fonde- mens. Le cabinet du naturaliste est rede- venu un asyle sacré dans Île sein duquel il peut se livrer encore à ses méditations et à ses travaux : une expédition autour du monde (1), ordonnée au milieu de la pénurie et des orages par un chef qui, sous tant de rapports , a su consoler l’humanité éplorée, (1) Celle qui est commandée par le capitaine Baudin. Cette expédition , entreprise pour le bonheur commun , est un des premiers actes de Bonaparte, alors que, vainqueur par-iout où il avoit porté ses D ESuUP OU L P'ES. 355 nous promet de nouvelles moissons en his- toire naturelle, que le commandant de cette expédition, pour qui nous faisons des vœux, plus heureux que linfortuné la Pérouse, aura recueillies par lui-même et par les tra- vaux des naturalistes qui furent embarqués avec lui. Un tel voyage doit nous rapporter une foule de faits nouveaux, dont nous pourrons jouir en rendant hommage à ceux qui en auront fait la découverte au travers des périls et des dangers. Re Jusqu'à présent nous ne pouvons donc qu’in- diquer les enveloppes testacées des mollusques congénères aux argonautes, et d’autres en- core qu'on a cru rapprochés de ceux-ci (1), armes, il revint d'Egypte pour le salut et la tranquil- lité de la France, ainsi que pour donner la paix à notre globe , paix inespérée, et qui seule sufñiroit pour rendre son uom immortel. (r) Telle que la chère et précieuse coquille connue dans nos collections sous la dénomination de nautile vitré , sur l’animal duquel nous avons de trop légères notions pour décider à quel genre il appartient. Le capitaine Baudin a rencontré ces mollusques dans la haute mer , comme nous le savons par une lettre de Bonnet , l’un des naturalistes de l’expédition. Cette lettre a été insérée dans les journaux ; nous tâcherons d’en tirer parti, lorsqu’au quataième volume nous don- nerons quelques remarques à ce sujel. Z 2 556 HISTOIRE parce que jusqu’à présent nous ne cônnois- sons pas leurs animaux. Nous observerons cependant ici que nous ne donnerons pas à ce genre autant de latitude que lui en ont assigné presque tous les auteurs; les uns, comme Linnæus et Bruguières, en mêlant ensemble toutes les coquilles de ces argo- nautes papiracés, ont cependant réuni à ce genre d’autres coquilles qui, comme le nau- tile vitré (1), ne nous semblent point devoir en faire partie, quoique les autres écrivains, ainsi que d'Argenville, Favannes, les aient aussi regardées de même, en développant cependant davantage et en conchyliologisies, les différentes espèces d’argonautes papiraces, ceux à grains de riz, et enfin d’autres co- quilles dont nous allons parler. Favannes est un de ceux qui a donné le plus de déve- loppement aux espèces. Nous ne pouvons cependant point ioutes les admettre, car, d’après les lois sévères. que nous nous sommes 1mposées, nous devons nous circons- crire , autant qu'il est possible, rigoureuse- ment dans les caractères génériques que (1) Argonauta vitreus. Lin. Syst. nat. verm. test. sp. 2, pag. 5560. Carinaire de Lamarck , Syst. des anim. $ans vert. pag, 98 , genre 83. DES POULPES. 357 nous traçons à la tête de chaque genre , et qui nous guident dans la détermination des espèces. En conséquence, comme nous avons dit, lorsque nous avons voulu caractériser les coquilles des argonautes , que «ces coquilles ne leur étoient point adhérentes, qu’elles étoient carénées en forme de vaisseaux, et que la spire rentroit dans l’ouverture» , nous n’admelitrons dans leurs rangs que ceux de ces mollusques dont les enveloppes testacées présentent toutes ces dispositions. Déjà sous ce point de vue nous avons fait Phistoire particulière de l’argonaute papi- racé, de celui à grains de riz, et d’un troi- sième à qui nous avons donné le nom d’argonaute à sillons brisés, parce que nous avons pu observer ces mollusques, ou re- cueillir des notions précises sur leur exis- tence et sur lès formes qui leur étoient spécialement affectées : ce sont là les trois seuls animaux que nous connoïssons parmi ces mollusques testacés ; mais 1l existe d’au- tres coquilies qui appartiennent incontesta- blement à quelques espèces encore inconnues d’argonautes ; toutes sont rares, et on ne les rencontre point très-fréquemment dans nos cabinets. N o3 358 HISTOIRE —— L’ARGONAUTE PAPIER BROUILLAR D. La première est celle qui porte en fran- çais l’épithète de papier brouillard, que nous lui avons conservée (1); quoique papiracée, celte coquille est un peu plus épaisse que celles des autres argonautes, et dans son ensemble elle est plus alongée qu’elle n’offre (1) Rumphius, Amb. tab. 18, fig. B. — Seba,Thes. tom, IIT, tab. 84, fig. 8,9, 10, r1 et 12, pag. 176.— Lister, Hist. conch. tab. 555. Nautilus minor auritus, magnis et eminentibus striis donatus. — Petiver , Gaz. nat. part. 1 , tab. 10 , fig. 5. — Knorr. Del. des yeux, part. 1, pl. 11, fig. 2, pag. 8 , et part. 4, pl. xt, Bg. 1, pag. 20. — Davila, Catal. tom. 1, pag. 109, art. 87.) — Gualtieri, Ind. test. conchyl. tab. 12, : litt. c,c. Cymbium striatum striis.... crassioribus, spina satis lata et serrata, fragilissimüm , pellucidum , subalbido colore splendens. — D’Argenville , Conch, planch. v , fig. B. — Favannes, Conch. planch. vir, fig. À , 6. — Favannes, Catal. de Latour d'Auvergne, pag. 57 , n°” 248 et 249. — Breed gekielde nautilus, des hollandais. The course brittle saylor , des anglais. D ES" POUTL'PES. 55q de hauteur; le haut de la spire est fortement contourné , il se renfonce dans l’ouverture par plusieurs révolutions sur lui-même ; et, s’il offroit un ombilic au centre de sa spire, ses formes extérieures rentreroient dans celles de certaines espèces d’ammonites, qui n'en diffèrent que parce qu'ils sont cloi- sonnés, et parce qu’on ne les retrouve que dans l’état de pétrification. Ta carène est large ; ses tubercules peu saillans sont fort éloignés les uns des autres, ondulés et don- nant naissance à des côtes très- régulières , un peu courbes et trés-distantes, qui toutes vont se rendre vers le nulieu de la spire, où elles se terminent au bourrelet des oreilles ou échancrures, qui ne s'écartent que de très-peu en dehors; ces côtes ou cannelures sont ordinairement simples, mais quelque- fois aussi on en voit qui se fourchent comme celles que nous avons déja observées dans largonaute papiracé ; quelquefois encore, sur-tout dans le jeune âge et dans les pre- miers tours de spire, ces stries s'arrêtent en mourant à moitié du chemin et entre deux cannelures qui suivent au contraire jeur direction jusqu’au bout, en partant de la carène pour se rendre aux bourrelets ; les accroissemens successifs sont très - apparens Z à 866 + HISTOIRE dans l’argonaute papier brouillard, dont quelques coquilles ont trois pouces de long sur deux pouces de haut ; dimensions qu’elles semblent ne pouvoir pas excéder, parce que nous en avons vu plusieurs en dessous de cette grandeur , mais jamais au dessus; l’ou- verture ou la bouche est presque carré-long, et dans les plus grands elle a deux pouces de long sur un de large : quoique presque diaphane , cette coquille est colorée tantôt par une couleur de corne, et tantôt nuancée par un gris cendré ; mais sa teinte la plus ordinaire est celle d'un gris ferrugineux et fauve, se rapprochant de la couleur du papier brouillard , qui a servi aux mar- chands d'objet de comparaison pour lui en imposer le nom; vers le centre de la co- quille , cette couleur prend de l'intensité, et elle y devient plus rembrunie. Favannes (1) a indiqué, comme variété de cette enveloppe testacée d’argonaute , une de ces coquilles qui étoit venue des côtes du Mexique ; comme il n’en a point donné la figure , nous ne pouvons nous arrêter qu'à la description qu'il en a publiée , en citant (1) Favannes, Couch. volume IT, partie 2, page 712. DES POULPES, 361 pour-synonymie celle de Gualtieri (1); mais les figures de cet auteur nous paroissent devoir nous indiquer une jeune coquille de l’argonaute papier brouillard , que Gualtieri fit dessiner sous trois aspects , et qu’il regar- doit lui - même comme étant de la même espèce que celle que Rumphius a publiée sans description dans la plauche xvt11, lett. B , que nous avons citée dans la syno- nymie placée à la tête de cet article. Ainsi, quoique la bouche de cèt argonaute soit plus large (2), quoique sa taille soit plus petite, que ses couleurs soient plus pâles , et que des stries intermédiaires et courtes en EE CU (1) Gualt. tab. 12 , fig. CC. (2) « Les côtes du Mexique produisent une variété hon moins rare de ce nautile..... . elle est d’abord d’un moindre volume..... mais les cannelures , tou- jours simples sont à peine sensibles vers leur origine: elles sont alternes , avec d’autres encore plus courtes, qui ne parviennent ni à la carène ni à l’œil de la volute. Ce nautile n’a guère plus d’un tour et demi de spirale , mais l’écartement du bourrelet , de part et d’antre du sommet produit une ouverture fort évasée, _ d'un pouce de largeur , sur quinze lignes de longueur. Toute la coquille est d’un brun sale et grisâtre , à l'exception de l’œi! de la volute, dont la couleur rem- brunie s'étend un peu entre les cannelures...... La +. CHIPS FOMRE se montrent entre les deux autres plus en- tières, nous regarderons touies ces lésères différences comme dues à âge , ne séparant point des coquilles qui ont entre elles autant d’analogie que celles-ci paroissent en avoir : et quoique F'avannes ait persisté dans son opinion , puisque nous voyons dans le Cata- logue du cabinet du comte de Latour d'Au- vergne deux articles où il est encore question d’un petit argonaute papier brouillard , et d’un autre petit papier bronillard à ouver- ture évasée, ce seul évasement nous paroït peu caractéristique, pour faire de ces petites coquilles une variété ou une espèce pari culière de la première. L’argonaute papier brouillard vit sur les côtes du Mexique , comme nous l’apprend Favannes, maisles hollandais en ont rapporté de très-belles coquilles des îles Moluques , et principalement de celles de Burro et de Manippo; nous regretions que Rumphius n’en ait point laissé de description ; car à coup sûr il nous auroit appris quelques par- carène est blanchâtre ; mais deux raies d’un brun peu foncé , qui naissent de la volute , s’étendent jusqu’à la moitié de sa longueur ». ( Favannes, Conch. vol. I, part. 2, pag. 712 et 713.) DES POULPES. 363 ticularités sur l’animal ; tout pouvant nous faire penser que ce n’est point ici une inter- calation du commentateur , qui garde le plus profond silence à son sujet : nous par- lant au contraire d’une autre espèce figurée dans la même planche , probablement d’a- près Rumphius, et dont il se retrouvoit quelques individus dans plusieurs cabinets de Hollande. Et comme nous ne lui connois- sons point de nom, nous allons lui donner celui d’argonaute chiffonné.. 564 HISTOIRE ——— tt L’ARGONAUTE CHIFFONNÉ (1). Cerre coquille paroît être l’une des plus rares de toutes celles des argonautes , car Rumphius est le seul auteur qui lait publiée; et si elle n’éloit point parfaitement dessinée, si Halma ne nous eût pas (2) assuré qu’elle existoit dans plusieurs cabinets de Hollande, ce dessin unique nous eût laissé douter de son existence , car la description de Rum- phius ne nous est point parvenue ; et il est constant, par plusieurs passages de son ou- vrage, qu'une partie s’en est égarée, soit dans la traversée des Indes en Europe, soit dans les Heux où il aura été déposé avant d’avoir été remis entre les mains de l’imprimeur. Halma est même très-laconique au sujet de cet argonaute ; il nous apprend seulement {1} Ramphius , Amb. Rariteyt-kamer, pl. xvint , Ég. 4. ; (2) Deze getekent met n° 4 , is in verscheyde kabi- netten te sien; hy is veel fynder dan de voorgäande, brecder né: kiel , wyder van buyck , witter van stof, en op zyn striemen geknobbelt. ( Halma , Comment, sur Romph. chap. 3, pag.67.} DES POULPES. 3065 que ceux qu'il a vus sont bien plus minces que tous ceux qui précèdent ; que la carène en est plus large , le ventre bien plus renflé; qu'ils sont aussi plus blancs de teinte et légèrement cordonnés sur leurs plis ou cor- dons. Si nous joignons à ce témoignage de Halma celui de nos yeux, nous verrons que cette coquille d’argonaute a deux pouces et demi de long, sur un pouce et demi de hau- teur ; sa carène est creuse el large , assez fortement tuberculée, et ces tubercules mousses y sont très-rapprochés les uns des autres ; des stries plissées et plus ou moins chiffonnées , courent sur les flancs de la coquille ; elles se fondent les unes dans les autres à mesure qu'elles s’avancent vers la spire qui, roulée sur elle-même , est petite en comparaison du reste de la coquille, dont l’ouverture ou la bouche est très-large et fort évasée, mais sans aucune espèce d'oreilles ; le bourrelet en est même fort peu apparent. On doit encore distinguer cette coquille d’argonaute de toutes les autres, parce qu’elle est fortement bombée et très- renflée en partant même de la carère, comme on peut le voir par dessous dans la figure très - bien gravée qui fait le sujet de nos observations. Je ne connois ce bel argo- 366 HISTOIRE naule dans aucun cabinet de France ; il pa= roît concentré dans ceux de la Hollande ; mais on peut le regarder comme étant ori- gnaire des Moluques ou &Amboine , lieux où Rumphius fit sa collection ; ce qui est d'autant plus probable , que sa rareté et sa fragilité n’ont pas encore permis de le trans- porter dans les collections de France, où nous le verrions s’il venoit d'Amérique ou . d'Afrique, parties du globe dont les français habitèrent quelques endroits d’une manière aussi exclusive que les hollandais les Mo- luques, dont presque seuls ils ont. encore aujourd'hui les plus rares coquilles dans leurs cabinets , sans que la guerre, les ventes ou le commerce aient pu les transporter jusqu’à présent. Cette espèce est d'autant plus rare que, quoiqu'elle semble offrir une variété (1), nous ne la connoissons pas davantage que l'espèce elle-même. « Cette variété, dit (1) Noch cen anfgler soort is’er , die deze heel wel gelyckt , doch is smalder van kiel, en fynder geknob- beldt , zonder striemen ; waer van cenige te zien zyn in de uitmuntende cabinetten van de heeren d’Acquet, Feytemais ; en wel de grooste en beste die bekend is, by juffrauw Oortman’s groot liefhebster van dierge- jyke fraeyigheden. (Halma, wbé supra. D EiS4 P OU LIPES. : [567 Halma , ressemble beaucoup à la coquille que nous venons de décrire ; mais sa carène est plus étroite , ses flancs sont boutonnés d’une manière très - fine, et ne présentent point de côtes ou stries; on la voit dans les magni- fiques et superbes cabinets de Mr d’Aquet et Feytemaas , et la plus grande de toutes ces coquilles connues est dans la collection de la dame Oortman’s, qui possède des choses parfaites en ce genre ». Le luxe actuel des collections françaises nous fait espérer qu’en- fin nous pourrons un Jour ÿ rencontrer ces belles coquilles, dont les hollandaïs paroissent avoir fait un si grand cas dans des tems où la richesse à cet égard étoit poussée chez eux à son comble ; car bien des souverains n’ont pas encore pu réunir dans leurs galeries, probablement faute d'occasions, ce qu’un riche négociant et amaieur hollandais a su quelquefois rassembler dans la sienne ; quand nous les aurons sous les yeux, peut-être verrons-nous aussi que ce que Halima indique ici comme une variété, constitue probable- ment une espèce; nous ne donnons pas ici une figure de cet argonaute, pour ne point trop les multiplier, renvoyant à celle de Rumphius qui est fort bonne; nous pourrons la faire graver dans les supplémens dont avec 4 368 HISTOIRE le tems et au besoin nous completterons successivement les parties de l’histoire natu- relle que nous traitons, si cette coquille se présente à nous dans la suite avec son ani- mal : si non et pour ne rien laisser à desirer, nous la ferons graver dans une Conchylio- logie, ou Histoire des coquilles proprement dites, que nous préparons. Comme nous, Favannes examina cette co- quille d’argonauie de Rumphius , et comme nous il la trouva digne de son attention ; mais il ne voulut y voir qu'une variété de Vargonaute à grains de riz, très-rare cepen- dant , et rapproché de celui de la côte de Mozambique (1). Quoique Favannes ait eu en sa possession, et eu l’occasion d'examiner une mullitude de coquilles , celle-ci est tel- lement rare qu'il ne l’a point non plus ren- contrée ; nous avons observé que ses canne- (1) « Le nautile à grains de riz...... La côte de: Mozambique en produit une variété peu commune... Ses flancs sont à peine convexes , et ses cannelures peu tuberculeuses....... On voit dans Rumphius un naulile à cannelures onduleuses et serrées, pl. xvux7, fig. 4 (c’est notre argonaute chiffonné) , lequel, quoi- qu’un peu plus grand , approche néanmoins beaucoup de cette variété ». ( Favannes, Conch. vol. I, part. 2, pag. 714 et 719.) lures , DES POULPES. 509 Jures, quoique chiffonnées, sont lisses, et par conséquent elle ne peut point être rangée parmi les argonaules à grains de x1z ; jus= qu'à ce qu’ellé soit mieux déterminée , nous la laisserons où nous venons de la placer. C’est encore ici que vient se ranger , tou jours pour la même raison, une autre rare coquille d’argonaute que Seba fit graver le premier (1), et que Favannes publia après lui , mais tellement réduite qu'il est difficile de la reconnoitre (2) ; ce dernier auteur lui donna le nom de nautile uni, quoiqu’elle présente des stries à la vérité informes et peu saiïllantes ; mais tel est aussi le caractère de celle de Rumphius que nous citons, et comme elle, celle-ci a de même une carène (1) Seba , Thes. 3, tab. 84, fig. 2, pag. 176. (2) « Le nautile uni (planch. vir, lett. À. 10), ainsi nommé de ses cannelures ou rides informes ou peu prononcées , est extrêmement mince, et du nombre de ceux à carène large....... Les tubercules nom- breux qui bordent la carène sont larges, peu saïllans, et par leur aplatissement imitent des festons en vive arête..... il vient , dit-on, de l’ile de Borneo ». (Favannes, Conch. vol. 1, part. 2, pag. 713.) Si donc cet argonaute a des rides informes , quoique peu pro- noncées, il ne peut point être désigné comme un argo- naute uni. Moll, Tome IIL À a 850 HISTOIRE assez large et profonde , bordée sur les deux côtés de tubercules saillans, mais un peu mousses , très - rapprochés ; sa couleur est jaunâtre , et Favannes prétend qu’elle vient de l’île de Borneo. Seba, qui en publia le premier la figure, lui a donné près de trois pouces de long sur deux pouces de hauteur, et son ouverture fort évasée a deux pouces et demi de long sur un pouce et demi de large ; caractères qui tous la rapprochent de notre argonaute chiffonné. DES POULPES. 31 rein L’ARGONAUTE CROISSANT (1). Lisrenr est le premier et le seul jusqu’à Favannes qui ait publié cette coquille d’ar- gonaute , assez singulière cependant dans sa petite taille, et qu'on ne peut confondre avec aucune autre par sa forme plus alon- gée et par sa singulière carène. Ce médecin anglais nous en a laissé desirer la description, Favannes , presque tout aussi succinct que lui , nous donne peu de choses à son sujet; mais , comme il l’avoit vue , sa figure est meilleure que celle publiée par Lister , et il nous apprend que la couleur de cette co- quille est cendrée , qu’elle est rare , proba- blement orientale , portant un pouce et demi de long sur neuf lignes de hauteur. Cet écrivain français lui donna le nom de croissant que nous avons conservé, comme nous le faisons toujours quand ces dénomi- nations imposées par les auteurs qui les (1) Taster , Hist. conch. tab. 555. — Favannes, Conchyl. vol. I, part. 2, pag. 715, et planch. vi, lettre À, 1. Aa 2 By2 C‘HISTOÏIRF premiers ont traité un sujet , ne lui ont pas donné un nom impropre ou parfaitement eh: opposition avec le sèns commun. L’argonaute croissant de Favannes est une jolie et rare coquille qu’on rencontre dans peu dé cabinets: mais plus en France qu'en Hollande ; ses stries où cannelures sont peu nombreuses, ‘et au héü d’être: saillantes elles rentrént en dedans , Hüssant entre elles au lieu de creux des saillies en bourrelet, ce qui est exaètement le contraire de la. coquille de l’argonaute papièr brouillard. La carène est plutôt ondée et festonnée:que dentelée ou chargée. de tubercules, et dans son milieu on trouve un sillon qui se prononce au dehors en saillie, et qui déssine le, contour du dos de toute la coquilie ,se prolongeant toujours dans le milieu jusqu’à l’extrémité de la:spire, Le dernier tour. dela coquille se projette en avant , et:à l'endroit des oreilles on re- trouve. à la vérité leur bourrelet ; mais ici ce n’est plus une échancrure qui se rejette de chaque côté.en, arrière, mais bien plutôt un enfoncement très - remarquable , où les six bras rameurs sont logés plus auf large que dans tes autres argonautes , ét manœu- viént par conséquent avec plus de facilité. La forme prolong ée de cette coquille en x DES: POUL PS. 575 croissant ,, celte disposition, singulière. du Fe des. échancrures., et plus que : tou cela encore, la grande différence qui existe entre l'accroissement du dernier tour de la spire ou poupe, peuvent mous faire croire que le petit argonaute, propriétaire de cette coquille, étoit parvenu à son dernier. point de ,croissance ,,à, ce point.où les Jlimaçons forment leurs bourrelets, et les strombes leurs ailes, et qu’il ne lui étoit plus possible d'ajouter de nouvelles crues à sa coquille. En admettant cette opinion, nous pourrions regarder comme très - rapproché de cette espèce un autre argonaute que Favannes fit graver sous le nom de petit nautile à grosses côtes (1), qu’il regardoit aussi comme extrêmement rare, qu'il a fait graver le pre- mier, et qu'il indique comme provenant du détroit de Manille. Ainsi que l’argonaute croissant , celui-ci est déjà courbé en faux ; la disposition de sa carène , de ses côtes est la même, et si les bourrelets du collet sont encore peu éloignés de la poupe ou spire ; s'ils sont peu marquans, ne pourroit-on point croire que c’est un argonaute croissant plus (1) Favannes , Conch. tom. I, part. 2 , pag. 717 et 719, planch. vir, lett. A, 5. Aa 3 574 HISTOIRE jeune, à qui il manque quelques crues et de nouveaux dépôts calcaires qu'il ne peut obtenir qu'avec l’âge ? Il nous suffit d’indi- quer 1ci cet argonaute ; et 1l est possible encore qu’au lieu d’être de la même espèce que l’autre, il en soit au contraire une va- riété constante, ou une espèce distincte et déterminée, comme l’a cru l’auteur que nous citons. | D ES PO U:L PIES. 375 L'ARGONAUTE. ÉCOPE DE BATELIER (à). Gas espèce est constante, et c’est ici une des plus jolies coquilles d'argonaute que nous connoissions ; elle est si légère, que le moindre souffle suffit pour la porter au loin; et sous les doigts ses bords fléchissent comme le feroit un taffetas gommé ; elle est encore une des plus rares de toutes; diaphane, presque nacrée , sa couleur tire cependant sur le blanc , tandis que les tubercules de la carène sont bruns et foncés. Jamais je n’en ai vu au dessus de dix-huit lignes de long sur six lignes de hauteur, et son ou- verture ou bouche très-évasée en arrière , resserrée en avant et presque triangulaire, a un pouce de largeur de même qu'en lon- (1) Seba, Thes. 3, planch. Lxxx1v, n° 8, pag. 176. — Favannes, Conch. tom. I, part. 2, pag. 716, et planch. vir, lett. A,3.— Favannes, Catal. de Latour d'Auvergne, pag. 57 , art. 249 , indiquant la pl. vaux, de Favannes , au lieu de la vu°. A a & 376 HIS TOI RE: gueur. La carène est assez large, armée de tubercules aigus , assez rapprochés, d’où partent, pour se rendre aux bourrelets des oreilles , des stries aussi fines que légères. Ces bourrelets se rejettent én arrière, dis- posés sur la crête de ces oreilles qui sont évasées, presqu’en angle droit avec les bords des A et courbées à peu près de la même manière que le sont celles de l’ar- gonaute à grains de riz et à oreilles, dont nous avons donné la figure pl XX XIX de ce volume. 5a ressemblance avec une de ces pelles à court manche, dont les bateliers se servent pour vuider l’eau qui entre dans leurs bateaux , et qu’ils nomment écope , est la cause que les marchands d’his- toire naturelle ont assigné le même nom à cette jolie et fréle coquille ; Fayannes à conservé celte dénomination , et nous avons imité son exemple, d'autant plus qu'au- jourd’hui elle ne porte point d'autre nom dans nos collections. Seba a possédé le premier cette coquille dans son cabinet ; et la regardant, avec Juste raison, comme une espèce particuhère, il la fit graver dans son bel ouvrage, très - bon pour le tems où il le publia ; mais Seba n'indiqua point son lieu natal, 'se contentant \ D EE Si POUMLIRES. 67 d'observer qu’elle étoit extrêmement rare et très-remarquable par les épines ou oreilles qu'elle portoit sur les flancs de sa poupe ou spire relevée, pointes aigués qu’on ne retrouvoit à aucune des autres coquilles d’argonauies (1). | Dans la synonymie de cet argonaute , nous avons cité le Catalogue du comte de Latour d'Auvergne, que Favannes avoit rédigé. Sous le numéro que nous avons indiqué, on voit deux argonautes , écopes de -baïelier, sous le même lol: c’est probablement alors que s’est vendu-un autre pelit argonaute de la même famille, dont les pointes de la ca- rène et les cannelures, étoient plus saïllantes, dont l’ouverture étoit moins évasée, et qui, quoique petit, -étoit cependant plus élevé de bord (2). C’est en raison de ces bords plus relevés que cette écope de batelier étoit plus étroite, et nous ne pouvons ici la re- garder que comme un individu de la même me a rm os (1) « Deze is heel kleïn,, doch is aenmerkelik, dat zy op de rug een dorn heeft , daer die anders noytaen deze hoorns sevonden worden, der halven is deze bysonder vremd ». ( Seba , Thes. 5 , pag. 176.) (2) « On voit à Paris , dans le cabinet du comte de Latour d'Auvergne , un petit nautile papiracé qui 378 | AEULS TO TRE espèce , qui offroit de légères différences dans sa constitution ; ce qui doit arriver aux mol- lusques comme aux autres animaux, parce que, comme eux, ils sont susceptibles d’une multitude de variations secondaires de taille ou d’embonpoint , relatives à l’abondance ou à la pénurie des alimens qu'ils auront pu trouver , aux sites divers où ils auront demeurés, ou enfin à tous les autres acci- dens qu’ils auront pu éprouver dans le cours de leur existence. | Nous terminerons ici la liste des grandes coquilles vivantes que nous rapportons au genre des argonautes, parce qu’il nous sem- bie que, parmi toutes celles connues jusqu’à présent, il n’en ‘est plus d’autres que nous puissions ranger parmi elles : nous ne pou- vons partager lopinion des auteurs qui, comme d'Argenville, Linnæus et Favannes, ont fait un argonaute ou nautüile vitré d’une coquille qui s'éloigne au contraire infiniment £ resseinble beaucoup à l’écope de batelier; il est seu- Yement un peu plus élevé , quoique d’un plus petit volume : son ouverture est un peu moins évasée , et les pointes de sa carène, ainsi que ses cannelures , sont plus saillantes». (Favannes, Conchyl. fe FR vol. 1, pag. 717.) DÉS POULPES. 3% des argonautes par les délails de ses formes; il en est de même d’une petite coquille pu- bliée de grandeur naturelle, et grossie à la loupe , par Gualtieri (1), Favannes et Martini, indiquée depuis par Bruguières et Bosc sous la dénomination d’argonaute casque ; car nous croyons qu'elle doit venir se ranger à côté du nautile vitré de Linnæus, dont enfin Lamarck a fait le type d’un genre, sous le nom de carinaire. Si ces coquilles sont rapprochées , à quelques égards, de celles des argonautes , elles s’en éloignent beaucoup aussi, et peuvent venir former un genre intermédiaire, lorsque leurs ami- maux seront enfin connus; peut-être même, par suite de cette connoissance , verrons- nous les carinaires se jeter parmi des mol- lusques d’un tout autre genre, comme je le soupçonne d’après le plus mür examen de leurs coquilles; nous devons renvoyer au commencement du quatrième volume ce que nous savons actuellement sur cet article, pour nous occuper des coquilles d’ar- gonautes que l’on trouve pétrifiées dans les couches de la terre. : (1) Guali. planch. x1r , fig. D. 380 > HÉRILS AT © ERAFE Le L’ARGONAUT E DE RIMINI (1). MER T. Nous trouvons . l'ouvrage que Plancus publia sur quelques espèces de coquilles peu connues , une figure très - bien faite, d’une coquille que cet homme savant et laborieux avoit regardée comme lopereule de quel- ques autres espèces de coquillages (2), parce qu ‘elle étoit extrêmement aplatie, ei que, par ses stries, elle ressembioit principalement (a) Voyez ans XLL fig. 5, :où. nous avons repré- senté cet argonaulie fossile. (2) « Onerculum minimum litéoris ariminensis dur- rissimum depressum , Cornu hammonis quodammodo Teferens. .. referre huic libet hoc (corpus) quod inter quisquilias à nostro mari rejeclas frequens reperitur , et variæ molis cernitur , quia varèis cochleis twrbéni- busque , operimento est, aquodaue insuper adeo 1com- que, op » 4 q planatum est et convolutum , ut hammonis cornu quo -ad externam faciem referat:: Hæc omnia in, figure prima tabulæ 5, sub litéeris À BC, cernere licet. Dixi, opercula ista variis cochleis et turbinibus operi- mento esse, quod observaverim cochleas varias , va-. riosque turbines , sed cumipriniis meritulas et surbines virsaitos , ut inferius dicemus , hoc operculo cechleate Ré Se SE D ES POULPES. 8581 aux opercules de quelques nérites : cepen- dant à la fin du chapitre , dans lequel il en parle , et où il la joint avec un autre corps qui paroit un véritable opercule, il semblé douter de la véracité de sa première opinion; et on le voit dire avec bonne foi qu'il ne veut point affirmer si tous deux sont de simples opercules , ou des coquilles parfaites et particulières. D’après ce que dit cetauteur, 1] paroît que la mer rejette sur les sables de la plage de Rimini une très-grande quantité de ces corps marins, qu’il avoit regardés, en hésitant cependant , comme des opercules. Le hasard m'a aussi bien servi que lui, mais dans un autre genre; sil a vu ces corps marins encore coquilliers, quoique jetés à la côte et dépourvus de leurs animaux, je les ai rencontres aussi par myriades, mais fossiles , et à l’état de demi-pétrification. C’est encore ici un analogue de plus qui vient se placer à eôté de tous ceux She les conchyliologues ont reconnus jusqu'à ce jour. J'avois fait peu d'attention à ce prétendu striatoque , licet minimo donari.........cujus nam, conchylii operculum, sint, an vero sint testæ peculiares non ausim affirmare ». Janis Planci. de Conch. min, not. pag. 18, cap. 11, et tab, 3, fig. 1, À. B. C. 382 HISTOIRE opercule de Plancus, et déjà j’avois placé le fossile parmi les argonautites, comme on peut le voir dans la planche XLI de ce volume, que le lecteur peut consulter, lorsque , en l’examinant de plus près, l’iden- tité me frappa ; et coinmme cet écrivain en a donné le premier une bonne figure, je lui ai donné le nom d’argonaute de Rimunt. C’est en parcourant, il y a quelques années, les landes désertes, qui existent entre An- vers , Breda et Bois-le-Duc, que j'y ren- contrai, loin de la mer, des sables absolument coquilliers ; en sortant de la première de ces villes , par la porte de Borgerhout, et à une demi-lieue du faubourg de ce nom , j'y ai trouvé des arpens entiers, formés jusqu'à une profondeur , que je ne puis déterminer, de cet argonaute de Rimini ; cette petite coquille , qui fait la base de ces anciens bancs, y est mêlée avec des limaçons à cul de lampe (1), des venus cedo nulli(2), des dentales et une foule de belles coquilles, d'Amérique, qui, quoique très-épaisses et naturellement solides , sont en partie brisées , (1) Trochus niloticus. Lin. (2) ’enus erycina. Lin. Syst. nat. sp. 13, verm. test. pag. 3271. DES POULIRES. 333 sans que notre argonaute se soit ressenti du terrible broiement que ces coquilles pa- roissent avoir subi ; aussi Plancus avoit-il déjà remarqué qu'ils étoient très-solides et d’une dureté extrême, ce qui put d’au- tant plus linduire en erreur et les lui faire regarder comme des opercules. Dès le pre- mier moment que nous les vimes , nous les regardâmesau contraire comme de véritables argonautes; et c’est parce que nous en avons encore quelques mille dans notre collec- tion , que nous pouvons assurer que nous ne nous sommes point trompés à cet égard. Cet argonaute est très-aplati, épais comme une pièce de six sous; il en atteint presque la grandeur : sa spire est très-régulière; elle est exactement la même des deux côtés de la coquille , faite en lentille, et dont la poupe relevée prend le tiers de la longueur. La bouche a quatre lignes de, long ; elle est ouverte dans toute sa longueur, et on peut y faire entrer une flèche de papier ; sa ca- rène est aplatie, mais lisse, et des stries multipliées partent régulièrement sur les deux flancs de ses bords, pour se rendre au centre : il est probable que celles du rivage de Rimini étoient blanchies et décolorées par le soleil ; car Plancus ne nous dit point 58% - MIS TOIRE qu'elles lui‘aient offert quelques couleurs : les fossiles, qui furent abardonnés en fa- mille par laïmer et enterrés dans le sable; ont encore conservé leurs teintes ; elles sont flambées de rouge sur un fond blanc jau- nâtre ; leur cassure est spathique. En histoire naturelle, la connoissance d’un fait mène toujours à celle d’un autre fait, et il suffit de bien connoître un objet pour’ acquérir presque toujours des notions ‘précises sur tous ceux qui lavoisinent, et pour tirer les inductions qui résultent d’elles-mêmes, à mesure que noùus développons davantage les réflexions qui naissent de la présence des individus ; c'est ainsi que nous pouvons croire que l’argonaute de Rimini m’appar- tient point exclusivement aux rivages de cette ville dé la Romagne, que les Césars se plurent à embellir, autrefois port de mer, mais que les flots abandonnent aujourd’hui : nous venons de voir que cette’ coquille se trouve encore fossile dans les landes du Brabant ; qw'elle y est mêlée et confondue avec des coquilles d'Amérique; preuve in- contestable que ces landes furent autrefois baignées par des mers d’une chaude tem- pérature ; il est plus que probable qu'on retrouvera l’argonaute de Runini sur d’autres plages D,E'S : À OÙ L P'E Sr 685 plages lointaines, où on peut croire qu’il multiplie avec la même abondance, comme il le fait dans cette partie de la Méditer- ranée , et ainsi qu'il le fit en des tems reculés dans les eaux de l'Océan , au point de se montrer maintenant dans son état fossile, recouvrant la masse entière d’une grande étendue de pays. Cet argonaute est aussi le seul jusqu’à présent dont nous trou- vons l’analogue fossile, dans les argonautites que nous publierons ; on verra qu’il n’en est aucun qui appartienne à un argonaute vivant, parmi ceux que nous connoissons dans le sein de la terre, où, quoique très- rares, on en voit cependant quelques espè- ces , parmi celles beaucoup plus nombreuses des nautilites et des cornes d’ammon. La pétrification de l’argonaute est peut- être une des plus rares que nous connois- sions ; il en est de cette coquille comme de quelques autres que l’on trouve bien rare- ment à Pétat de pétrification, et on pour- voit croire que , comme pour les lepas (1) et (1) Patellæ. Lin. Syst. nat. gen. 351, pag. 5697, verm. test. Cyprææ , idem. — Gen. 520, pag. 3597; ibidem. Moll. Tome III. Bb 386 HISTOIRE les porcelaines , il fut une époque dans les âges où les argonautes étoient en fort petit nombre, parce que cette époque fut celle de leur créalion, bien postérieure dans ce cas à la totalité de presque toutes les autres coquilles qui avoient déjà acquis un volume considérable, dans le tems où. l’argonaute put construire sa coquille papiracée. Malgré des recherches immenses, je n’ai trouvé dans aucun auteur une seule pétrification que je puisse rapporter à la coquille de lar- gonaule argo; et les cinq, que je donne ici dans la pl. XLT , ont été recueillies par moi dans mes voyages lithologiques. Je n’en ai pas trouvé de grands, malgré les peines et les fatigues que je me suis données pour cela, et je les ai cependant rencontrés au milieu des débris et des restes d’animalité, entassés par les siècles au milieu de nauti- lites et de cornes d’ammon énormes, dont quelques-unes avoient plus de trois pieds de diamètre; tandis que les argonautites n’excé- _doient jamais celui de deux pouces et demi, mais offrant toutes les dimensions au dessous de celle-ci. | Dans tout cet ouvrage, je donnerois la terminaison en ite à tous les corps pétrifiés, que je meltrai constamment à la suite des D'FS:P OULMES. 58 genres auxquels is appartiennent , parce que ces pétrifications forment le complé- ment , et j'ose le dire, la partie la plus in- téressante et la plus philosophique de leur histoire ; c’est ainsi qu'après avoir parlé des argonautes , jy joins les argonautites, ou coquilles d’argonautes pétrifiées ; on verra de mème les nautiles suivis des nautilites : lammon précédera les ammonites : et ce canevas une fois tracé nous servira pour tous les autres genres. S1 celte terminaison étrangère , mais déjà adoptée, se montre au premier abord à la suite du nom séné- rique , alors nous saurons qu'il ne sera ques- tion dans ce genre que de corps fossiles et pétrifiés, dont nous ne connoissons pas encore les analogues vivans. Dans le qua- trième volume, nous trouverons plusieurs exemples de ces fossiles, qui jadis furent incontestablement des coquilles habitées par leurs animaux ; et qui aujourd hui ne sont plus connues dans Fétat vivant et naturel, soit qu’elles habitent encore maintenant les grandes profondeurs des mers, où il est impossible à l’homme de pénétrer, et qu’elles ne remontent jamais à leur surface; soit que, dans la révolution, la mutation perpétuelle et la non stabilité des choses, BD 2 5885 \HMISTOIRE elles aient changé de formes en perdant leur aspect primitif, pour en revêtir suc- cessivement de nouvelles qui les rendirent enfin méconnoissables à nos yeux. Ces réflexions, susceptibles des plus grands développemens, se représenteront à noûs très-fréquemment ; dans ces occasions , nous pourrons les agiter avec plus d'avantage , parce qu’elles naïîtront toujours du fond de notre sujet, et que ce sera dans l’analyse des faits que successivement nous pourrons acquérir de nouvelles lumières ; plus tard nous pourrons réunir tous ces faits en une seule masse, pour en former un faisceau d'observations solides et de faits avérés , qui jetteront quelque jour sur la théorie de la terre et sur d’autres grandes questions qui tiennent de si près à sa formation, lorsque nous étudions celle des animaux créateurs de la matière calcaire. Chaque jour nous voyons cette matière se former encore sous nos yeux ; elle se crée chaque jour à l’aide des animaux dans une énorme quantité. Tous ceux qui la produisent ne le font point de la même manière, et parmi eux il en est qui n’ont dû le faire que long-tems après les autres, parce qu'il est mathématiquement et phy- DES POULPES 5% siquement impossible qu’ils soient venus tous à la fois ; ils n’ont pu multiplier que lorsqu'une masse quelconque leur offrit enfin un point de repos; ils n’ont pu étendre leurs genres que lorsqu'une surface solide leur permit de se disséminer sur sa superficie, et d'aller au loin, peut-être même sur un autre élément , former de nouvelles combi- naisons et de nouveaux modes d'existence. Si donc le globe entier de la terre n’est que le résultat de l’animalité, si nous re- trouvons encore dans ses couches entassées les restes des générations d'animaux qui nous ont précédés, nous devons regarder ces restes comme des documens authentiques qui nous permettent de lire dans la nuit des siècles, et de reconnoître qu’à des époques incommensurables et indéterminées, il a existé des animaux dont nous retrouvons les dépouilles solides : de ces animaux, les uns exislent encore aujourd’hui ; nous les voyons agir sous nos yeux; leur existence actuelle est incontestable , et leur existence antique est tout aussi bien prouvée : ils ha- bitent donc sur le globe depuis des iems incalculables ; leurs races s’y sont conservées; elles sont arrivées jusqu'à nous dans leur intégrité. Bb 3 590 HISTOIRE Mais, parmi ces dépouilles des âges , on en trouve , comme nous lavons observé, une grande quantité dont les animaux pa- roissent encore nous être cachés dans la profondeur des mers, ou dans le fond des déserts de l'Afrique, peut-être même au sein des forêts de l'Amérique ; forêts an- tiques et immenses où l’homme n’a point encore pu entièrement pénétrer: de ces dépouilles mêmes, il en est peut-être quel- ques-unes qui ont appartenu à des animaux dont les races se sont perdues et n'ont point pu parvenir jusqu'à nous, soit par les ré volutions que le globe a éprouvéés, soit dans de grands cataclismes, soit enfin par des modificaiions secondaires dont tout ce qui existe est susceptible , et. qui nous les font méconnoitre aujourd’hui, parce que, dans ces derniers, ils seroient devenus étrangers à leur propre origine, dont ils n’auroïent même point conservé le type primitif: s} nous adimettons ces faits en tout ou en partie, nous devons dans tous les cas ac- corder à ces animaux inconnus, mais dont nous retrouvons les restes, une antiquité bien supérieure à celle de ces autres ani-. maux moins antiques, puisque, malgré que nous retrouvions les resles enlassés de D E*S P'O'U'L P'E S. ‘Sur leurs anciennes générations, leurs races n’en sont pas moins arrivées Jusqu'à nous ; et le tems, qui détruit tout, n’a peut-être point encore fait passer assez de siècles sur elles pour les modifier ou pour les anéantir. Si nous réfléchissons sur cette marche des âges, nous voyons que successivement des êtres sont devenus les habitans du globe a des époques distinctes et séparées ; déjà nous venons de prouver qu'il y a eu des animaux qui ont préexisté à d’autres ; ïl nous reste à mettre cette vérité dans tout son jour en recherchant, autant que nous le pourrons , parmi les corps qui aujourd'hui sont pétrifiés au sein de la terre, ceux qui y sont infiniment rares et qui paroiïssent n'y étre arrivés qu'à des époques bien pos- térieures à l’advention des premiers : el si nous admettons que les coquilles, les madré- pores, les os et toutes les parties solides des animaux doivent se retrouver, les unes à côté des autres, à mesure qu'ils payèrent le tribut que doit à la Nature tout être vivant, quelles doivent donc être les réflexions qui résultent de ce qu’au milieu de recherches assidues, qui ont attesté l'existence antique d'une foule d'animaux, on n’a rien retrouvé qui ait appartenu aux oiseaux, n2 à homme: Bb 4 592 HISTOIRE Cette absence de preuves d’une existence antique nous annonce qu’il fut une époque où les oiseaux , où l’homme n’existoient pas sur la terre, et nous pouvons regarder leur apparition comme la date d’une quatrième époque dans l’arrivée successive des animaux sur le globe, dont ils couvrent la surface en ajoutant chaque jour à sa masse : plus tard on trouvera enfin de ces pétrificalions d'oiseaux , et on en rencontrera qui auront appartenu à l'espèce humaine, sur - tout dans les fonds actuels des mers , lorsque des- séchés par le tems, ou abandonnés par leurs eaux, elles laisseront à sec leurs lits pour porter ailleurs leurs ravages ; alors on y re- trouvera les ossemens pétrifiés de ces marins qui, en affrontant les tempêtes, y devinrent les victimes de nombreux et funestes nau- frages , leurs charpentes osseuses s’y seront ensevelies dans la vase et dans le limon, au milieu des bancs de coquilles et de leurs débris calcaires ; dans cet état de repos, imprégnés de sucs lapidifiques , ces osse- mens se remontreront un jour à l’état de pétrification, mais ce jour peut encore être très-éloigné , et cependant jusqu'à lui nous ne pouvons point espérer de voir des pé- trifications qui aient apparlenu à la race hu- DES POULPES. 303 maine. Mais des réflexions aussi profondes nous conduiroient maintenant trop loin ; nous allons retourner sur nos pas en nous reportant à une époque moins moderne ; elle paroît être celle où de nouvelles co- quilles vinrent ajouter leurs familles à celles qui existoient déjà , soit vivantes, soit à l’état de pétrification , et qui à la fin du terme d’une existence plus ou moins prolongée, ajoutèrent enfin à leur tour leur dépouille calcaire à la masse de celles qui avoient déjà payé le même tribut. Nous rangerons parmi elles celles de quelques argonautites, que j'ai enfin rencontrées pétrifiées après des peines infinies , et que je crois publier le premier. 69 E2UHMISTOIRE Ÿ Jr 4m | . + 4 47:19 —— LE vif L'ARGONAUTIT E. PLISSÉ FT GENE EEE D'ESEO SE ES LION TESTER CONFTEE Jar fait graver, planche XLE, figure 1,; le plus grand, argonautite :dé mon cab net ; j'en possède: plusieurs de cette ‘espèce; mais tous sont, plus pétits:;° il, est tiotale- ment pétrifié, ayant passé à l’état calcaire et argileux., cat il:répand , lorsqu'on l'hu- mecte, une forle ‘odeur :argileuses, ülkest solide , étant entièrement rempli. de vase pétrifiée d'une: couleur grisé ét jaunâtre!; mails on peut encore remarquer. le ték:de la coquille . qui étoit papiracée et extrème- ment mince, presqu'autant que celle de lécope de batelier. Sa carène n’est point armée de tubercules: elle est seulement un peu plus lisse et plus unie que les flancs de la coquille qui sont chargés de sillons ou stries trés-rapprochés, sinueux el on- dulans, courant les uns dans les autres, et tenant le milieu par leur disposition entre les stries de l’argonaule chiffonné et celles de largonaute papiracé, du côté de la ca- rène des plis intermédiaires, mais courts, \ 2 \\| ] à " DZ 107 W : ‘ D Anfert de. ©. Veydard J : 1.2.5.4.5. ARGONAULITES G. 7- ORBULITES . 8. AUTRE ORBULITE . DES POULPES. 595 viennent sintercaler régulièrement :entre les autres; l'ouverture ou bouche de cette coquille est alongée ; elle à le double en longueur du resté:'de la spire ou ‘poupe; qui se roule en spirale dans cette ouverture beaucoup moins que celle d'aucune espèce d’argonautile. Ceite bouche a souffert; elle est fruste, et il seroit difficile d’assigner la véritable position des oreilles, qui cepen- dant ont existé; mais comine les coquilles d’argonautes sont extrêmement fragiles , je doute qu’on puisse retrouver leurs pétrif- cations dans toute leur intégrité , d'autant plus que dans celles que j'ai,les bords de la bouche sont toujours cassés. Cet argo- nautite a deux pouces et demi de long sur vingt lignes de haut, et la bouche a pres de deux pouces de long sur six lignes de large; on voit une légère spire au centre de la coquille, qui étoit en partie cachée par les oreilles lors de la vie de l'individu à qui elle a appartenu. Jai trouvé cette espèce dans deux endroits différens de la Normandie : les petites, dans les escarpe- mens supérieurs des falaises des vaches noires, à une lieué et demie du bourg de Dives ; c’est en me faisant descendre du haut de ces falaises , avec une corde, que j ai pæ 396 HISTOIRE les arracher de ces rochers, où ils sont peu abondans, et confondus avec une multitude de gryphites et d’ostracites, et de cornes d’ammon bien plus nombreuses , dont il y en a de plus d’un pied de diamètre , et qui renferment entre leurs cloisons des cristal- lisations calcaires et quartzeuses. Mais le plus grand ‘de ces argonautites, celui de la fig. 1, provient des carrières de Caumont, près Bouille, petite ville à quatre lieues de Rouen; ces carrières sont fort remarquables, en ce qu’elles offrent des traces d’une an- cienne exploitation très - considérable ; la plus singulière de toutes porte actuellement le nom de Jacqueline, et ses stalactites peu- vent la faire comparer aux fameuses grottes d'Arcy, en Bourgogne. L'entrée de celle de Caumont est très-large , mais basse , et il faut marcher très-courbé pendant une cin- quantaine de pas pour y arriver; alors le terrain se relève, et on peut se tenir debout; tout le sol de ces grottes est encombré d'é- clats de pierres calcaires, brisés et amon- celés les uns sur les autres, ce qui rend le chemin difficile et raboteux; c'est dans ces éclats que j'ai retrouvé les argonautites des vaches noires; mais on est bien dédommagé de cetle première fatigue , lorsqu’en avan- DES POULPES. 597 çant on se trouve dans la première grotte, qui a près de treize pieds de haut sur vingt de largeur , et qui est entièrement tapissée sur les côtés de très-belles stalactites d’al- bâtre, dont les unes imitent des colonnes et des pilastres, les autres des jeux d’orgues, entremêlés de tables et de consoles : du haut de la voüte pendent des rinceaux mamelonnés en fruits , en grappes de rai- sins, des girandoles, des pyramides ren- versées en cul de lampe, qui, comme autant de lustres , reflètent la lumière des torches ou flambeaux , et la renvoient aux yeux sous les couleurs les plus ravissantes ; les plus beaux de ces reflets proviennent des nombreuses gouttes d’eau qui terminent toujours le bout de ces stalactites ; ces eaux, chargées de malière calcaire dans leur in- filtration , au travers des couches de terre et de pierre, augmentent continuellement la masse de ces stalactites par de nouvelles superpositions de couches ; et quand elles tombent sur le sol par leur poids, elles y déposent en stalagmites ou mamelons ce qu’elles tenoient encore en dissolution de malère calcaire, et soudent ainsi entre eux, de la manière la plus solide, les éclats de pierres et les rocailles dont nous avons 898 > MIS OU PE parlé. En quittant cette première grotte , on enire , après une trentaine de pas, dans une ‘seconde , moins grande que la précédente , parce que les stalactites qui partoient de la voûte ont pris presque toutes leur direc- tion dans le milieu, de manière à former une espèce de mur en colonnade continue , qui la sépare dans toute sa longueur; avec le tems ces stalactiles ont joint leurs: sta- lagmites, ei ce mur descend aujourd’hui sur le sol ou plancher de cette caverne: Par cette double allée on pénètre dans une troisième grotte, dont le plafond est fort élevé, mais hérissé de diverses stalactites blanches cristallisées sur leur surface éblouis- sante, par la manière dont elles reflètent et brisent la lumière ; quoique un peu étroite, cette grotte est encore tapissée sur ses parois d’infiltrations : par leurs ondula- tions et par le suintement des eaux elles ressemblent à des nappes de lait qui des- cendroient de la voûte; plus on avance et plus ces nappes deviennent blanches , de même que les stalactites , au point qu'il semble , vers la fin de cette partie calcaire de ces souterrains , qu’on marche dans un conduit qui seroit creusé dans la neige: en la quittant on entre brusquement dans l’ar- D EiSi PO UILIPE S. 399 ge, sur laquelle ces couches calcaires sont adossées et déposées ; il paroît que les an- ciens ouvriers, qui ont ouvert ces travaux, en ont excavé une certaine quantité, car celte dernière grotte argileuse esk assez con- sidérable ; on, voit même qu'ils ont voulu pousser plus loin leurs travaux , parce qu'il part de ce dernier salon un commencement de galerie qu'on peut suivre pendant plus de trente pieds; mais elle est sans issue, et on ne peul aller plus loin; en, partant du fond decette galerie, pour revenir au jour, on compte: un peu plus de eing.cents pieds de longueur. 1l est indubitable que ces grottes de Caumont se fermeront avec le tems, comme toutes celles qui se remplis- sent par dés stalactites et par des infilurations calcaires ; ces infiltrations apporteront per- pétuellement de nouvelles molécules avec elles, etalors on pourra y exploiter l’albâire plus ou moins coloré , que les dépôts suc- cessifs y auront abandonné. Fournefort, qui avoit observé ces accroissemens gra duels dans les belles grottes d’Antiparos, en avoit, comme botaniste ; tiré la con- séquence , que les pierres augmentoient de volume, et qu’elles croissoient d'elles-meines comme lés. plantes ; un .peu de réflexion 400 HL:5 € O FRE auroit prouvé à cet homme illustre que, si les stalactites augmentoient de volume, tout en se mamelonnant, elles n’augmentent ainsi que parce que de nouvelles infiltrations aqueuses , qui dans les grottes calcaires s’in- filtrent de toutes parts, venoient couler perpétuellement sur leurs superficies , et y laissoient en dépôt de nouvelles molécules _ calcaires, qu’elles charioient , et dont elles s'étoient chargées en traversant les couches dont les montagnes qui recèlent ces autres sont composées. Dans les grottes de Cau- mont, comme dans celles d’Antiparos et de la Bourgogne , le peuple ne manque pas de voir tantôt des femmes et d’autres fois des fées, dont les unes filent au rouet, et dont les autres se livrent à quelque sem- blable occupation ; ces figures multiformes sont produites par la stillation de la pointe des stalactites, et l'imagination finit toujours par leur accorder ce qui pourroit leur man- quer, pour qu’elles représentent les objets qu'on veut absolument y voir ; elles sont la source des plus étranges contes populaires, qui se transmettent par la tradition; et tel, voisin de ces grolles, vous assurera qu'il y existe une fée, un démon, ou tout autre prodige , parce qu’un de ses. aïeux, qui s'imaginoit DES POULPEÉS.: Zor simaginoit avoir vu tout cela , le racontx ainsi à ses petits-fils ; ceux-ci le rendirent de même au hâbleur qui vous le répète, et qui croit à tout cela encore plus qu'à la foi de ses pères, quoique depuis long-tems les objets aient changé d’aspects par de nouvelles additions de matière calcaire. Je faillis même à me faire lapider dans ces grottes , parce que, voulant emporter un échantillon de ce spath calcaire, qui y: est fort beau et fort pur , je fis sauter, d’un coup de marteau, la tête d’un enfant de pierre , qui croissoit à côté de sa mère; j’eus beaucoup de peine, et il me fallut employer toute ma réthorique pour persuader à ces gens que cette tête ne tarderoit pas à re- venir, non pas en repoussant par le bas, mais par de nouvelles adjonctions qui tom- beroient de la voûte, et qui, s'ils n’y veil- loient eux-mêmes, finiroient par joindre cet enfant à son père , qui n’étoit autre que la stalactite suspendue au dessus de lui; en leur démontrant qu'il ne s’en falloit plus que d’un pied que la femme ne rejoignit de même son mari: cette explication parut les calmer , et je pus sain et sauf me retirer de leurs mains; mais je n’en fus pas moins Mol. Tous IIL Ce ho2 ER D'SEVONX REP regardé de mauvais œil dans le pays, sur- tout par l’hôtesse du cabaret, qui ameutoit ses voisines , en leur disant que j'avois cassé la tête à l'Enfant-Jésus. Cette aventure co- mique, qui eût pu dégénérer en tragédie, me fit quitter l'endroit plutôt que je ne leus voulu: car j'avois le plus grand desir de joindre à une collection déjà faite quel- ques autres argonautites, que ceux que j'avois trouvés me faisoient espérer de ren- contrer ericore. D: EESN P'O'U LPE S.. 409 L’'ARGONAUTITE ÉTOILÉ (1) J ‘ai trouvé celui-ci près de Rouen sur le mont aux Malades dans un banc immense d’échinites (2) et de pointes rondes d’oursins ou pierres judaïques (3), d’ostracites et de lithuites, entremélés de quelques anomies également pétrifiées ; leur substance est cal- caire et argileuse, comme celle de l’argo- nautite plissé, mais moins grise, et d’une teinte plus jaune. On le retrouve encore, mais bien plus rarement, sur les côteaux du mont Renard, qui regardent celui des Malades, et 1l y est un peu plus jaune en- core : sur ces deux monts J'ai pu ramasser une douzaine de ces pétrifications , mais toutes sont parfaitement de la même gran- deur. Ce nautile a un pouce et demi de long, sur moins d’un pouce de haut, et il est très- adhérent dars les couches de pierre de ces montagnes ; sa carène est aiguë , armée d’un (1) Planch. XLT, fig. 2. (2) Oursin pétrifié. (5) Pointe d’oursin ronde et globuleuse pétrifiée, Ce 2 44 ‘HISTOIRE seul rang de tubercules, justement placés au milieu, et qui font tout le contour de la coquille ; ils marquent de dedans en de- hors , et ont été visiblement moulés sur les formes de l’animal ; des stries ou sillons très- fins partent de ces tubercules très-serrés entre eux, et faits en dents de scie; mais ces stries, toutes égales, s'arrêtent à mi- chemin des flancs, et ne vont pas se rendre aux bourrelets des oreilles : d’où descendent au contraire de grosses côles, peu saillantes, disposées en forme d’étoile, d’après laquelle jai donné l’épithète d’étoilé à ce nautilité dont la bouche a quatre lignes de large sur huit lignes de longueur : ses tours de spiré sont un peu marqués à son centre. Cette coquille devoit être extrêmement papira- cée, comme on peut le voir dans sa pétrifi- cation ; elle est cristallisée en spath calcaire dans son intérieur. Ses oreilles et leurs bourrelets sont bien plus apparens que ceux de l'argonaute plissé. DES POULPES. 4ob L’ARGONAUTITE CARÉNÉ (1). C& charmant argonaute pétrifié est de la plus belle conservation ; je lai dessiné de grandeur naturelle, et je n’ai pu en ren- contrer qu'un seul individu. On le voit dans la planche XLI, fig. 3. Je le trouvai dans des débris à l’entrée d’une des car- rières de la montagne Sainte - Catherine , aux portes de Rouen, dans une grande masse demi-crayeuse, demi-argileuse, et respirant fortement l'argile , comme le font toutes les pierres que l’on sort de ce groupe de montagnes qui dominent au sud-ouest cette ville commercçante. Malgré tout l’acharnement que je sus mettre aux recherches que je fis pendant huit jours pour recueillir encore d’autres échantillons de cette coquille , je ne pus par- venir à m'en procurer davantage ; j'avois rencontré celle - ci dans un bloc de petits Re Ru a tnt (1) Planch., XII, fig. 3. Ce 3 Aoû HISTOIRE nautilites , de turrilites (1), d’ammonites et d’autres pétrifications provenant toutes de coquilles nommées pélagiennes par les con- chyliologistes, parce qu’ils supposent qu’elles n’habitent que dans les hautes mers; mes recherches ne furent pas infructueuses à d’autres égards ; elles me procurèrent même des choses lrès-curieuses , mais elles ne rem- plirent pas tous mes desirs : je décris donc ici le seul individu que je connoisse , sans savoir si cette coquille devient plus grande ou si elle s'arrête aux dimensions de celle qui fait partie de ma collection. Je lui aï donné le nom d’argonautite caréné , parce que sa carène rappelle celles des argonautes, principalement de largonaute croissant ; comme celle de ce second, elle porte dans son milieu un sillon prononcé qui en dessine tout le contour ; elle est encore armée de deux rangs de larges tubercules, assez écartés les uns des autres, mais aigus et saillans ; les (1) Lamarck a donné ce nom à un genre de coquilles fossiles que j’avois indiqué le premier sous celui de cornes d'ammon turbinées ; comme il a été adopté depuis par d’autres auteurs, je crois devoir en faire autant à mon tour. C’est en vain qu’on chercheroit une désignation exacte de ces fossiles chez les anciens - oryctologues. DES POULPES. 4o7 flancs de la coquille sont plutôt aplatis que renflés ; ils sont chargés de stries très-écartées les unes des autres; elles se serrent davantage du côté du bourrelet par la raison qu’elles y ont moins d'espace que dans le contour de la carène, qui est bien plus large ; la bouche est étroite, presque carrée ; la poupe en est fort relevée , et laisse apercevoir ses tours de spire. Cet argonautite est extrè- mement papiracé , et sa coquille remplie de craie n’est point plus épaisse qu’une feuille sortie des mains du batteur d’or; elle a encore conservé quelques restes de son ancienne couleur , qui paroît avoir été celle isabelle. Le port de cet argonautite et l’aspect de son ensemble rappellent parfaitement les formes _des argonautes vivans, dont il est celui fos- sile qui s’en rapproche le plus. 45 HISTOIRE L’'ARGONAUTITE LISSE (1). | Gore est exactement fait en gondole ; à carène pointue et tranchante en avant, renflée sur les flancs ; il est de la grandeur d’une pièce de douze sous; c’est le seul échantillon que j'aie pu rencontrer ; sa spire est peu visible , mais sa poupe relevée se roule sur elle-même, comme celle de tous les argonautes ; ses oreilles sont très-sail- lantes , elles se projettent fortement en ar- rière. Je dois cependant avouer que je ne donne ici cette description que sur un moule intérieur , tel que je l'ai dessiné , mais j'ai cru pouvoir faire l’un et l’autre avec sécurité, en considérant que les formes extérieures des argonautes se répétent à l’intérieur fort exactement ; et que, si on remplissoit une de ces coquilles d’une matière liquide , qui püt en se figeant retenir une certaine co- hérence, on auroit une parfaite copie sem- blable en tout aux formes extérieures de (1) Planch, XLI, fig. 4. DES POULPES. 409 largonaute qu’on auroit ainsi moulé en lui- même ; et comme celui-ci ne nous offre aucune strie, ni aucun sillon , nous pouvons assurer que l’argonaute, dans lequel il se moula , n’en avoit point non plus. J'ai rencontré cet argonautite sur le grand chemin entre Rouen et le port Saint-Ouin, parmi les débris de marne et de pierres dont le chemin est bordé ; il est jaunâtre , caleaire , très- peu argileux ; il diffère de ceux que nous avons déjà décrits, et je me serois contenté de l'indiquer si je ne regardois pas les argonautites comme des fossiles d’une extrême rareté. Nous sommes forcés de renvoyer au com- mencement du tome suivant tout ce que nous aurions à dire ici sur les argonautes microscopiques et sur quelques autres es- pèces, qui restent toujours petites. Nous par- lerons en mème tems de quelques autres pétrifications , mais extrêmement rares, qu’on pourroit rapporter au genre des mol- lusques que nous venons de décrire sous le nom d’argonautes. 410 L'EST OERE E XP. LLC AT ON DE LA PLANCHERES Frcure à. Argonautite plissé ou argonaute pétrifié de Caumont , près Bouille ; pew d'auteurs ont parlé d’argonaules pétrifés ; ces fossiles sont très-rares ;- celui-ci est le plus grand de ceux que je possède. Sa cou- leur est grise. be Fig. 2. Argonautite étoilé du mont aux Malades et du mont Renard près de Rouén:; il est très-remarquable par létoile qui en forme le centre. Ceux que j'ai vus sont tous de la même taille ; leur couleur tire sur le jaune. Fig. 3. Argonautite caréné a la mon- tagne Sainte-Catherine près de Rouen. Ce charmant fossile est très-rare, je n’en ai vu qu’un seul jusqu'à présent; il est le plus rapproché des argonautes que nous connois- sons par ses formes et par sa large carène, armée de deux rangs de tubercules. Sa cou- leur est blanche. Fig. 4 Argonautite lisse des rochers qui DES: 'POULPES. 411 bordent le chemin entre Rouen et Saint- Ouin, où cependant il est rare. Sa couleur tire sur le jaune. | Fig. 5: Argonautite de oc il repa- roîtra encore au commencement du qua- trième volume, à la tête :des argonautes microscopiques : on le trouve par lits entiers dans les landes d'Anvers qui conduisent au Brabant hollandais, principalement à trois quarts de lieues de cette ville , en avant du fauxbourg de Borgerhout, où il est fossile : tandis qu'on le trouve vivant et en très- grande quantité sur le rivage de Rimini. Malgré-son état de pétriñcalion, il a con- servé ses couleurs : le fond en est jaune , flambé de rouge. | Fig. 6 et 7. Deux orbulites de Lamarck, trouvés dans les sables de la Méditerranée par Soldani, et confondus par ce savant, comme par tous les oryctographes, parmi les ammonites : elles sont diaphanes , trans- parentes , et, d’après nos observations , comme ce sont des coquilles vivantes, nous aurions dû leur donner le nom d’orbules, si nous adoptions la formation d’un genre individuel aux espèces de ces coquilles , que nous indiquons ici seulement pour objet de comparaison et comme un passage des 412 HISTOIRE; etc!! argonautes aux nautiles et aux cornes d’am* “mon. Pour nous, comme pour Soldani , ce seront des nautiles. Fig. 8. On voit sous ce chiffre une autre espèce d’orbule très-singulière , trouvée par Soldani, maïs rarement dans les sables et dans les éponges de Tivourne. Je l'ai de même rencontrée sur la coraline de Corse, où elle est aussi assez rare. Son dernier repli avancé, qui forme sa bouche et se dessine en bateau , nous donne un intermédiaire bien plus marquant que les deux autres pour passer aux genres qui vont suivre : celle-ci doit cependant se ranger avec elles; cette coquille est diaphane et perlucide, un peu nacrée : toutes trois sont fortement grossies au microscope. Fin du troisième Volume. din De à Des matières contenues dans ce troisième Volume. L z Poulpe fraisé vu par le dos,pl. XX VII, page 5 Il existe un individu, conservé dans l'esprit de vin, parmi les Poulpes qui sont dans les galeries du museum © histoire naturelle, 7 Description de ce Poulpe , 9 Provient de la collection du Prince d Orange , 12 Il a déjà été publié par Kælreuter dans les nouveaux Commentaires de l’académie de Pétersbourg, 13 Voracité de ce Poulpe, qui partage les habitudes de tous les Mollusques de ce genre , 15 Le poulpe fraisé ouvert et vu par devant, pl. XX VIIT, 16 Ses branchies ne sont pas palmées comme le sont celles des autres Poulpes, | 17 Il a au moins quatre pieds d’envergure , 18 L'histoire des Animaux de la mer est bien loin d’être connue , 19 Le bec du Poulpe fraisé est comme celui des autres Poulpes, crochu, fort et corné, 0 Hommage rendu aux infatigables et laborieux Savans du Nord, 25. Ce Poulpe us des mers de la GiŸce, 26 Explication des planches XX VII eé XX VIIT, 28 Le Poulpe granuleux , 30 Figure du Poulpe granuleux vu par nhière et par devant , pl. XXIX., 3x pé TABLE Sa description, 32 Quoique petit de Paille , ce Poulpe est nn parce que ses ventouses sont très - CRE Ke Are pédonculées , 33 Comme tous ces mollusques c’est un animal destruc- teur, | 34 : Erreurs qui résultent du changement de noms, qui au lieu d’éclairerobscurcissent l’histoire naturelle , ibid Seba et l'Encyclopédie ont donné ” mauvaises figures de Poulpes, Lay 35 Explication de la D XXIX, É 37 Le Poulpe américain , pt. XKXX., AS TE 58 Description de ce Mollusque , | 39. Backer , naturaliste anglais , a donné une bonne des- cription de ce Poulpe, k 4x V'essie ou laite très-remarqguable dans un de ces Poulpes, qui étoit probablement un mâle, + 44 Note de Needham , adoptée par Backer , sur la laite des calmars , et qui peut concerner les Poulpes, 45 Quoique Seba et Backer aient figuré ce Mollusque ; AU- … cun auteur nouveau. n'en & parlé, 49 Il est le premier dont les bras ne sont pas réunis à leur base par une membrane, 5o £: xplication de la planche XXX, 52 Planche XKXKI1, 53 Explication de cette. bts NUE ibid Le Poulpe d Aldrosande, pl. XX XII, 55 Ce Mollusque vient de l'ile d'Elbe, dans la Méditer- ranée , | 58 Sa description ; 59 Publié aussi par Seba , | | 60 EE peut-être par Gesner , | 63 TABLE. &5 Explication de la planche XXXIT, 66 Le Poulpe cirrheux, pl. XX XIII, 67 Synonymie de ce Poulpe, ibid Sa description , 73 Du Bengale , 78 Explication de la planche XXXIH , 79 Le Poulpe musqué ,pl. XX XIV, 80 S'ynonymie de ce Mollusque , ibid TL est fortement imprégné d’une odeur de musc qui lui est particulière , 8x Vient du cabinet de lu Haye ; sa description, ibid Il est déja publié par Lamarck , et dessiné par Maré- chal, 82 Mal représenté chez les anciens auteurs, 83 Observ, sur l’orsyane de la vue chez les Animaux, 85 Ce Poulpe n’a point été désigné par Linnœæus ni par Gmelin , 86 Préjugé , qui faisoit de ce Mollusque un Poulpe en- vahisseur, combattu, 88 Ce Poulpe se rencontre dans la Méditerranée et dans les mers Antarctiques, ot Variations de Bosc à son sujet, | 03 Peut-être rencontre-t-on encore ce Mollusque dans les mers de l’Inde , de la Chine et du Sud, 94 Encre rousse en bâtons , connue sous le nom de sepia , 95 Les anciens mangeoient ce Poulpe. Les médecins l’es- timoient beaucoup dans la curation des maladies de la matrice, | 96 T1 leur servoit aussi desséché de parfum , ibid Le parfum du muse n’est plus autant estüné qu'il l’étoit autrefois , : 1bid 416 TABLE. I! donne des affections vaporeuses, | 97 Explication de la planche XXXIV, 96 Le Poulpe onguiculé et sa synonymie, 99 La Nature se joue de tous nos systémes ; elle est conti- nuellement en labeur, 101 Profession de foi de Linnœus ; elle est celle de tous les vrais naturalistes , 103 Description du Poulpe Ds 106 Molina est le seul qui l’ait fait connoîïtre , 109 C’est le dernier 2e poulpes nus que nous CONNOISSONS » 111 Difficultés que présentent les synonymies pu à 113 Les Grecs, opprimés par les Turcs, consomment une immense quantité de Poulpes ; Sonnini cité à ce sujet , «uwar35 Leurs femmes en dévorent la langue crue quand elles les fendent pour les faire sécher, 116 L'os de la Sèche sert d’appât pour prendre les Poulpes, 117 Mollusques coriacés testacés ; Argonautes leurs carac- tères, | 118 L’ Argonaute papiracé à la voile , pl XXXV, ibid Synonymie de l’argonaute papiracé ;. | 119 Les modernes n’ont poiné voulu reconnottre ce mollus- que, 123 11 a été connu par Aristote ; note sur ce grand natura- liste de l'antiquité, 126 Cependant ce grand génie a laissé peu de choses sur ce Poulpe, F 129 Il décrit sa manière de naviguer, | 130 Mutien, cité par Pline, avoit vu ce mollusque à la voile Are le canal de Contatitnane ; 132 Pline, TA B L E. 417 Pline à son tour décrivit l Argonaute , 134 Oppien en a fait une brillante description en vers, 136 Athénée écrivit qu'on ne devoit pas le confondre avee les Poulpes ordinaires, 197 ÆElien est celui de tous les auteurs anciens qui a le mieux décrit |’ Argonaute , après Aristote , 158 Belon est le premier des modernes qui ait écrit sur ce sujet, 141 IL fut suivi depuis par Rondelet et par Gesner, 142 C’est mal à propos que ce dernier écrivit qu’on le trou- voit aussi dans les mers d'Angleterre , 146 Les recherches d’Aldrovande sur l’Argonaute sont presque toutes critiques ou de simple lütérature, 147 Jonston copia la figure de ce Mollusque chez Aldra- vande, en répétant ses lacunes et ses erreurs, 148 Rumphius est celui qui nous à développé l’histoire de l’'Argonaute, qu’il avoit vu assez fréquemment à Amboine , 151 Traductien de l’article qui les concerne dans Rum- phius; cet auteur n’a jamais été traduit en français, 152 1 est assez rare , méme dans les mers d’ Amboine ; on porte en bip fe: dans les Moluques, cette coquille dans des fétes et à la tête des danses, 160 Cherté des coquilles d’ Argonautes dans les Indes et aux Moluques , co 4 | 161 Les Argonautes en quelquefois la proie d’Oi- seaux de rapine, _162 Seconde description de ce Mollusque par Rumphius, 164 a ses qu’il emploiepour fuir la poursuite des pécheurs, 166 Moll, Tone III. D d 218 TABLE 17 lance de l’eau contre ses ennemis , et il est muni d’une liqueur d’un brun bleuâtre, 167 Coquille d’Arsonaute d'un pied de long, 168 Joli médaillon dont ee a décoré le frontispice de son ouvrage, ibid C’est la seule figure qu'il ait publiée de ce Mollusge, | 169 Gualtieri best les noms de nautile papiracé et d’ar- gonaute en celui de cymbium, : | 171 Lister a copié l’ Argonaute d’ Aldrovande , 172 D’Argenville confond l’animal du N able avec celui de l’Argonaute , Eée 175 Linnœus'est le premier qui nomma ces ne Argo- nautes , 179 Favannes a mélé ensemble les Argonautes, les Nau- tiles , les Spirules et les Cornes d’ Ammon , 18E Plus que tout autre ; il ne voulut voir dans cet Animal qu’un Poulpe parasite, | 183 Quelques réflexions sur les Dictionnaires et autres eom- pilations d'histoire naturelle , 185 Deborn adopte l’ Animal de DR pour un Mol- * Jusque particulier, 189 Bruguières a cru aussiquel’hôte de cette audi étoit ( son véritable propriétaire sit 195 Lamarck n’a point partagé cette opinion , 202 Son sentiment fut en partie adopté par Cuvier, 204 Bosc, au lieu d’un Animal'parasite., en oges deux dans l’Argonaute , 205 Plus un sujet a été traité, et plus ortiaotetiont il est embrouillé , 208 Difficultés presque insurmontables. pour se saisir des ‘LArgonautes , | 212 TYASBILA FE) 419 Il en existe cependant deux dans les galeries nationales du museum d'histoire naturelle de Paris , 213 J'aipu examiner de‘très - près celui à grains de riz qui vient de l’Inde, 214 Etdévelopper ses larges palmures , 215 Description de la navigation de lArgonaute , 217 Note sur entité, du tact chez les Animaux, 219 Fuite de P Argonaute , et comment il fait sombrer son _petié vaisseau , 220 Navigation del’ Argonaute par Oppien, ONSFADIE TZ est probable que ce Mollusque peut receler une por- tion d'air , comme le font d’autres habitans des mers, : 222 Attaches de son manteau, 223 Description de d’ Argonaute de la Méditerranée, 224 Palmures des deux bras de derrière qui servent de voile à ces Mollusquies , | 225 Ils constituent un genre particulier sous le nonr d’Argo- - nautes, ut 226 L'organisation intérieure des Argonautes est encore . plus rapprochée des Pouèpes que leurs ‘formes exté- rieures , | 229 Gnerour de la a eera de coulant & fond, SpPhXKEXVEL ss nv 229 Œufs que la femelle de l’Argonaute recelle dans le vuide de sa' poupe, . : TANT 0 Disposition des MF rEEs lorsque # rgonauée se replie : dans sa coquille, \ ‘ ‘23H Ce sont ces palmures qui, par une transudation cal- caire , forment ces coquilles ; et cause pour laquelle Les unes sont striées , et Les autres tuberculées, : 252 Formation des tubercules de la carène, 23% Dd 2 Lo] 420 TABLE. Le corps de nt put ne transude pas de matière calcaire, eue 165 Réaumur et Lyonnet cités comme des modèles d’exacti- tude et de bon goût, #37 Les Animaux créent la matière calcaire, 2838 La masse. der cette matière calcaire augmente tous\les jours’, À -239 Questions de juxtaposition ou d’intussusceplion jugées aujourd’hui , Me “241 Beaucoup de Klollusques testacés r’adhèrent pas à leurs coquilles , | $ “244 La coquille est produite par le “di de l'animal, et renforcée par les exsudations calcaires de son corps , 245 Mollusques chu lesquels l'extrémité de la coquille se casse , 0° PE 2: 245 D'autres renforcent successivement le sommet de leur spire, par des transudations spathiques de l'extrémité de leurs corps, 247 Le Cul de-laripe, le Bouton chinois, l’Alène de save- tier cités en preuve de ce fait, 248 D'autres cloisonnent le sommet de leur spire, comme . de fait la Trompette de Triton, + 249 Différence entre les coquilles vraiment 'chambrées ; et celles seulentent cloisonnées, om 0 65, 2600 Les marchands qui polissent les coquillés ; mettent à découvert une partie de leur anatômie , “254 Lobes ou manteaux des bivalves , 255 Tinmensité et immortalité de la Nature , 258 Les Mollusques éestacés rebouchent de mots quise font : à. leurs coquilles , | | 259 Causes de la coloration des coquilles , 263 TAB LE. . Mo Opinions diverses sur les couleurs , 264 Théorie de la lumière, 265 Spectre solaire, 267 féflexion , réfraction, inflexion, sources des couleurs, hic | | 270 Si nous attribuons les couleurs aux objets , c’est par 0: une illusion de l'enfance, | 274 Couleur des coquilles, 275 Mode particulier de la construction de la coquille de - l'Argonäute, | 278 Comme Les autres téstacés, l’Argonaute est revétu de sa coquille avant sa sortie de l'œuf, 279 Comment se font les accroissemens successifs de l’enve- loppe testacée de l’Argonaute,. | 282 Ce Mollusque ressoudée et Faccommode sa coquille, 284 Ce Mollusque coriacé testacé fuit. Les 2 remplis de Fochers , 286 Mers où l’on rencontre ces Mollusques ; 287 Description de law coquille de l’Arsonaute , 288 Quelques auteurs ont regardé corne variétés des co- quilles inégales en grandeur ; cequi pènt provenir de liâge, ”. 299 Mœurs de PArgonaute, "re “297 Ses bras repoussent ils sont etronqués par quelque * accident, « RSA 202 George dr a publié l il de’ l Argonante ef Angleterre, +152. NOMXEE "294 L’ Argonaute étoit sacré chez les anciens, 209 Lucaniens | peuple de la Grèce At se disoit antélu- naires , | ; 3o1 Explication dé la dde XXXV , qui représente l’Argonaute papiräcé à la voile, | 303 422 TABLE. Explication de la planche XXXVI, où d'Argonaaute : coule à fond , | - 305 L’Argonaute à grains de riz , pl. XXXVII, sorti de _…sacoquille , vu par le dos, : asrasitx 0 607 Synonymie de cet al ra à | ibid Description de ce Mollusque , honte: 101008) Représenté vu par devant , pl. XXXVIIL, 310 Il a les plus grands rapports avec les Feu parson organisation intérieure, ii à 312 Ses bras repoussent après avoir été tongs vo Spid Coquille de cet Argonaute , pl XXXIX,, iv Cause des grains ou perlures. qui sont.suwr. cette is, 515 pu anciens ne Pont pris connue ;\ °\, soon 316 On a cru qu’elle venoit des mers des Indes, 317 Seba a publié la plus: belle de, ces coquilles que Fee | EORNOËSSONS , dés: o03r8 Fx'y a pas long-tems que nous possédons:cétfé espèce , .. Rumphiusn'en eut aucune RES ibid Regenfuss n’en parla point, ve 320 Il est très - probable.qu’elle vient pe rners d'A (frique , ibid Explication des RE XXXVIL, XXX VIIL & L° ee à aie ; : sbis3826 Cette coquille est.très-rare ;\ w 328 Argonaute à sillons brisés > pl. XL, DE 332 Description de.cet, Argonaute,..:. Vu 35% L’ Argonaute peut. il quitter sa coquille à so gré ; et _ sen reconstruire une auure , D Aristote a prétendu qu’il pouvoit la quitter; ‘358 Manifestation d’un sentiment opposé, : 339 TABLE 1, 404 Preuves à l’appui de ce sentiment , 340 Coguille difforme d’Argonaute , publiée par Rumphius _ et citée, 341 Difformités et accidens que présentent nié les coquilles, 3543 Explication de la planche XL; l’Argonaute à sillons brisés, 346 Autres coquilles d'A rgonautes dont les animaux ne -\soré pas connus, 347 *-jup d'œil prompt et sûr que doit essayer d’acquérir le himaturaliste , 349 L'histoire naturelle est généralement cultivée , 552. Hommage rendu aux naturalistes voyageurs, 3552 L'étude de l’histoire naturelle aide aux progrès de la . civilisation , ibid Expédition de Baudin , 354 Notes sur lu carinaire ou Argonaute vitré, 355 HArgonaute papier brouillard, | 355$ Synonymie de cet Argonaute, 1bid. Sa description, 559 Variété de cet Argonaute one par D 360 Il est probable qu’elle ne soit due qu’à l’âge, 36: Patrie de l’ Argonaute papier brouillard, 362 L’ Argonaute se , synony mie de cet Argonaute , 564 Nous devons regretter une partie du texte de Rumphius, ibid Description de lArgonaute chiffonné , 365 Halma , commentateur de Rumphius, en indique en- core une variété , 366 Cette coquille n’est pas encore connue en France, 53568 N'autile uni de Favannes, 369 424 TABRE: L’Argonaute croissant et sa synonymie, | 577 Description de cette coquille , 15 + are ÆArgonaute à grosses côtes de Favannes, 373 Argonaute écope de batelier, synonymie de cette co= “quille, | 575 Argonaute de Rimini et sa synonymie , 380 Se érouve JS ossile en masses dans les landes du Brabant, . C’est le seul des Argonautes dont on rencontre l’éma- * dogue fossile, : 5 «8h Les Argonautes pétrifiés sont rares , “rébil - Les coquilles pétrifiées forment le complément philosoà phique de l’histoire des Mollusques, 387 Le globe entier n’est que le résultat de l’animalité, 58y Races moins antiques que d’autres, | 391 JL Argonautite plissé ,pl. XEW, fig. +, 394 Vient des Vaches Noires dans la Normandie, 596 Et de Caumont, même province, ibid Carrières et grottes de Caumont sebmiparilh à celles d’Arcy en Bourgogne, ibid Stalactites et stalagmites , croissance des pierres , 399 L’ Argonautite étoilé, sas 403 L’ Argonautite caréné , 405 L’ Argonautite lisse, 408 Explication de la planche XE, 410 Fin de la Table. cp 194 (ep) Fn BOUND PONS. 2e KA OREE . : = PE a Be ed D Sn - ë Pal nn Le .. CS . ” " 7 mn 2 — . 7 + 3 = ; ds , L = - ; sd = RL es net Le { Ÿ Rd A - ; em LA e 6 se die s. 2 : ess + = . Le = A - R - a . ; ce Cr = j : 2 è LS + * — d - h _ 'œ or me DE At gl à ; A Lac % a « °h, EE 4 1, pus «el À. * RU + 1 | LRO ni W "al pr ST ds MOT j! At t LEE #1 st 4 Û ms. PC fl. } L + ” Le «n Ÿ u =, L : = | RÉ +. = q ee = Ésse r L 7 : 27 s+ . x | | E ; > nf À CA : * r- + +. .. .« = ht ET 2 — RE, — ES a + er PL = Te n J r 4 L | = - = ; = . | : Le À - 2 : & = = ” | ES — l 2 s | ? HE RER es Te _ TL Reese me 2 Te a ee D NES Las re È er ÉRLARRRAa re: RNETE LR à